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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 19:05:55 -0700
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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 47477 ***
+
+L'ILLUSTRATION
+JOURNAL UNIVERSEL
+
+31e Année.--VOL. LXII.--N° 1598
+SAMEDI 11 OCTOBRE 1873
+
+[Illustration.]
+
+Prix du numéro: 75 centimes
+La collection mensuelle, 3 fr.; le vol. semestriel,
+broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
+
+Abonnements
+Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois,
+18 fr.;--un an, 36 fr.; Étranger, le port en sus.
+
+[Illustration: LE PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Le Grand-Trianon.]
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+_Texte_: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
+Audebrand.--Les Théâtres.--Les Domestiques modernes, par M. Hippolyte
+Lucas.--L'esprit de Parti (suite).--Nos gravures.--Les Mystères de la
+Bourse (fin).--Bulletin bibliographique.--Revue financière.--Appareils
+Savalle pour la distillation.
+
+_Gravures_: Le procès du maréchal Bazaine: le Grand-Trianon.--La pêche
+des huîtres (5 gravures).--Procès du maréchal Bazaine; une séance du
+Conseil de guerre siégeant à Trianon.--Nuka-Hiva: la reine Vaékéhu;--La
+reine Vaékéhu et ses fils.--Le déjeuner, d'après le tableau de M.
+Garaud.--Exposition universelle de Vienne: les appareils distillatoires
+de M. Saville.--Rébus.
+
+
+
+HISTOIRE DE LA SEMAINE
+
+FRANCE
+
+Depuis la semaine dernière, un certain désarroi semble s'être mis de
+nouveau dans les affaires de la fusion qui paraissaient cette fois
+définitivement arrangées, ou à peu près. Tous les journaux du parti
+triomphaient. C'était trop tôt, paraît-il, ou peut-être prenaient-ils
+leurs désirs pour la réalité. Peut-être, aussi jugeaient-ils qu'ils
+avaient intérêt à ne pas dire toute la vérité. Dans ce cas, ils avaient
+tort; car s'il est un devoir qui s'impose aux journaux dans les
+circonstances actuelles, c'est celui de ne pas tromper le public. Or,
+c'était le tromper que de proclamer à son de trompe que le centre droit
+se trouvait en pleine conformité d'opinion et d'action avec la droite,
+quand, en réalité, chacun maintient ses positions, et qu'on n'est pas
+plus avancé qu'au premier jour; c'était le tromper que d'affirmer que la
+question du drapeau ne soulevait plus de difficultés, quand il est vrai
+que, sur ce point, l'_Union_ le dit et doit être bien informée,
+«l'accord n'est pas fait». Non-seulement on est divisé encore sur la
+question du drapeau, mais on ne s'entend même pas sur les principes
+fondamentaux de la monarchie à restaurer.
+
+Un événement important est venu ajouter à ce désarroi. C'est la
+publication d'une lettre adressée par M. Thiers à M. Bernard, maire de
+Nancy. Voici cette lettre datée du 29 septembre, dans laquelle l'ancien
+Président de la république décline l'invitation qui lui avait été faite
+de se rendre à Nancy. M. Thiers redoute l'agitation à laquelle pourrait
+donner lieu son voyage dans une ville qui l'appelle et qui se préparait
+à lui faire un sympathique accueil. «Sans doute, écrit M. Thiers, il est
+des calomnies qu'il faut savoir mépriser; sans doute aussi, au sein d'un
+pays qui serait fait aux moeurs de la liberté, l'agitation serait
+permise dans un moment où sans consulter la France, on prétend décider
+de ses destinées.» On voit que le chef de l'opposition n'est point la
+dupe des phrases toutes faites ni des hypocrites conseils par lesquels
+on voudrait enchaîner la protestation légitime de la moitié des
+représentants de la nation. S'il s'abstient d'aller soulever et
+recueillir à travers la France les ovations qui l'attendent et qui dans
+sa personne salueraient la république conservatrice, c'est parce qu'il
+le juge utile à la cause même de cette république. Les adversaires des
+«institutions existantes» auraient donc tort de compter sur le silence
+et la neutralité de M. Thiers; M. Thiers parlera, il agira! «Bientôt,
+écrit-il, nous aurons à défendre non-seulement la république qui, pour
+moi, reste le seul gouvernement capable de rallier, au nom de l'intérêt
+commun, les partis si profondément divisés, et qui seule peut parler à
+la démocratie avec une autorité suffisante... Nous aurons à défendre
+tous les droits de la France, ses libertés civiles, politiques et
+religieuses, son état social, ses principes qui, proclamés en 1789, sont
+devenus ceux du monde, entier.»
+
+Il n'en faut donc plus douter; un combat, une bataille solennelle et
+décisive se prépare. Dans cette bataille, tous les fils de la Révolution
+combattront sous le même drapeau,--le drapeau tricolore, accepté sans
+réserve, ni restrictions d'aucune sorte, ni «mensonge», pour employer
+l'expression énergique de M. Thiers; ils combattront enfin sous les
+auspices et sous la conduite du libérateur du territoire. Ce n'est pas
+la première fois qu'en face de l'ancien régime, M. Thiers aura levé
+courageusement l'étendard de la Révolution de 1789; ce n'est pas la
+première fois qu'il aura pris les initiatives hardies et généreuses, et
+que la nation aura répondu à son appel. «La parole est à la France»,
+écrivait naguère M. le comte de Chambord. Il ne restait plus qu'à savoir
+ce que disait et voulait la France: nous allons bientôt le connaître.
+
+Avec cette, lettre, presque aussitôt suivie des déclarations
+républicaines des membres les plus considérables et les plus considérés
+du centre gauche, l'événement de la semaine a été l'ouverture, au
+Grand-Trianon, du procès du maréchal Bazaine, sous la présidence de M.
+le duc d'Aumale.
+
+La loi veut que tout chef de corps qui capitule soit appelé à rendre
+compte de sa conduite au même titre qu'un commandant de vaisseau est
+appelé à rendre compte de la perte du bâtiment qui lui était confié.
+
+Ce n'est pas seulement le maréchal Bazaine, mais ce sont tous les
+commandants des places de l'Est ayant capitulé dans la dernière guerre
+qui ont été soumis à cette loi et qui ont rendu compte de leur conduite
+devant un conseil d'enquête que présidait le maréchal
+Baraguey-d'Hilliers, assisté de quatre officiers généraux.
+
+On peut se rappeler ce qu'ont été les avis émis par ce conseil
+d'enquête, car ces avis ont, en vertu d'une loi spéciale, été livrés à
+la publicité. Ces avis ont été sévères, à des degrés différents, pour
+presque tous les commandants de place, sauf pour l'officier qui
+commandait la petite place de Bitche.
+
+Pour le maréchal Bazaine le blâme a été énergique, et surtout motivé de
+telle façon que l'Assemblée nationale comprit la nécessité d'exercer
+dans toute leur étendue les droits sévères qui lui étaient conférés en
+décrétant, dans sa séance du 16 mai 1872, la mise en jugement du
+maréchal Bazaine.
+
+C'est en conséquence de cette décision que le ministre de la guerre
+délivra un ordre d'informer.
+
+Le général Rivière, chargé de l'instruction, a entendu plus de 500
+témoins. Son avis a été, après de longs mois de travail, que le maréchal
+devait être renvoyé devant la justice militaire pour y être jugé.
+
+L'avis du général Rivière a ensuite été soumis au ministre de la guerre
+avec toutes les pièces à l'appui. C'est donc en conformité de cet avis,
+rendu après celui du conseil d'enquête, que le ministre de la guerre
+s'est décidé à convoquer le conseil qui vient de se réunir pour juger le
+maréchal Bazaine.
+
+Les deux articles visés dans le rapport sont les articles 209 et 210 du
+Code militaire, ainsi conçus;
+
+«Art. 409.--Est puni de mort avec dégradation militaire tout gouverneur
+ou commandant qui, mis en jugement après avis d'un conseil d'enquête,
+est reconnu coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, et rendu la place
+qui lui était confiée sans avoir épuisé tous les moyens de défense et
+sans avoir fait tout ce que prescrivaient le devoir et l'honneur.»
+
+«Art. 210.--Tout général, tout commandant d'une troupe armée qui
+capitule en rase campagne est puni 1º de la peine de mort avec
+dégradation militaire si la capitulation a eu pour but de faire poser
+les armes à sa troupe, ou si, avant de traiter verbalement ou par écrit,
+il n'a pas fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l'honneur; 2º
+de la destitution dans tous les autres cas.»
+
+Rien n'est modifié dans le nombre de voix nécessaires pour la
+condamnation. Il y a sept juges, il faut cinq voix pour la condamnation.
+Si l'accusé n'a que deux voix pour lui sur sept, il est condamné; s'il
+en a trois, il est acquitté.
+
+Aucune récusation n'est permise à l'accusé. II n'a que le recours en
+révision.
+
+Le conseil de guerre a déjà tenu trois audiences au moment où nous
+traçons ces lignes, et ces trois audiences ont été presque exclusivement
+consacrées à la lecture, qui n'est pas encore terminée, du rapport du
+général Rivière. Ce rapport très-net et très-bien fait, est, disons-le,
+accablant pour le maréchal. On n'attend pas de nous que nous le
+reproduisions, même en substance, vu sa longueur. Ce serait un travail
+long, difficile, et qui resterait, malgré tout, incomplet! De tels
+documents d'ailleurs demandent à être lus _in extenso._ Nous renvoyons
+donc nos lecteurs aux journaux quotidiens.
+
+
+ESPAGNE
+
+Les cortès se sont prorogées le 20 septembre jusqu'au 2 janvier
+prochain, laissant le chef du pouvoir exécutif, M. Emilio Castelar,
+investi d'une dictature sans limites.
+
+Les efforts du gouvernement, qui semble entretenir l'espoir d'une
+reddition volontaire des insurgés de Carthagène, se concentrent
+principalement sur le renforcement des différents corps d'armée tenus en
+échec par les carlistes dans les provinces septentrionales. Déjà le
+général Moriones a pris le commandement provisoire de l'armée du Nord,
+dont le commandant définitif doit être, dit-on, le maréchal Serrano; le
+général Turon est allé se mettre à la tête des troupes de la Catalogne.
+
+Bilbao est toujours cerné par les carlistes, qui, par contre, auraient
+abandonné l'attaque de Tolosa pour se replier dans les montagnes de la
+Navarre, à l'approche des renforts amenés par le général Moriones.
+
+Les insurgés de Carthagène ont mis à exécution la menace dont
+l'intervention des amiraux étrangers avait jusqu'à présent fait retarder
+l'accomplissement; il ont bombardé Alicante, sous les yeux même des
+navires anglais, français et allemands, présents dans les eaux du port.
+Le 27 septembre au matin, les frégates insurgées _Mendez-Nunez_ et
+_Numancia_ ouvraient le feu sur le fort en ruines qui domine une partie
+de la ville et sur les fortifications qu'on avait élevées à la hâte. Les
+frégates portaient le drapeau rouge. Le _Fernando-el-Catolica_, qui les
+avait accompagnées d'abord, était allé faire à Villajoyosa, au nord
+d'Alicante, une expédition semblable à celle de las Aguilas; le _Tetuan_
+n'avait pu sortir de Carthagène, sa machine ayant refusé le service.
+
+Le feu des frégates, mal dirigé, ne causa que peu de dommages; il y fut
+vigoureusement répondu par l'artillerie républicaine, commandée par ses
+anciens officiers. Près de cinq cents projectiles ont été lancés;
+plusieurs édifices, entre autres le palais du gouverneur civil, ont été
+atteints; onze personnes ont été tuées. A une heure, après une tentative
+pour s'approcher du quai, tentative que la batterie établie sur ce point
+arrêta, les frégates se retiraient, non sans avoir reçu des avaries
+notables, l'une d'elles à la remorque de l'autre.
+
+
+ITALIE
+
+L'anniversaire du plébiscite qui a consacré la chute du pouvoir temporel
+du pape, a été célébré jeudi 4 octobre, à Rome, au milieu de la joie
+«générale», avec force transparents représentant le roi Victor-Emmanuel,
+l'empereur Guillaume et l'empereur François-Joseph les mains
+entrelacées, force vivats en l'honneur de l'Autriche, mais surtout de la
+Prusse, et plusieurs douzaines d'orchestres faisant retentir les places
+publiques de l'air national prussien.
+
+M. Minghetti paraît désireux de hâter le plus possible la convocation du
+Parlement. La nouvelle a été donnée que, dans un récent conseil des
+ministres, le gouvernement aurait décidé de clore la session actuelle de
+la Chambre et de fixer aux premiers jours de novembre l'ouverture du
+prochain Parlement. On dément aujourd'hui, à Rome, le bruit que le
+ministère ait l'intention de présenter un projet d'appendice à la loi
+sur les garanties pour régler les rapports de l'Église avec l'État.
+
+Toutefois on maintient que M. Vigliani, étudie en ce moment un projet de
+loi qui, tout en respectant la liberté du clergé, marquerait le point où
+cette liberté se changerait en licence et se transformerait en délit
+commun.
+
+
+
+Courrier de Paris
+
+Mme Marie Rattazzi est de retour; elle a repris ses réceptions. D'autres
+hésitent ou attendent. Quant à elle, à peine revenue, elle s'est
+empressée de donner à souper à ses amis. Ceux qui sont venus sont les
+mêmes qu'on voyait autour d'elle pendant le dernier hiver. On pourra
+dire que c'est un monde un peu bigarré, d'accord; il n'en faudra pas
+moins reconnaître que c'est l'amalgame le plus joyeux qu'on puisse voir.
+D'anciens dignitaires s'y montrent, d'abord comme le dessus du panier,
+des diplomates d'autrefois, un ex-chambellan, des naufragés de la
+politique, deux ou trois académiciens; au milieu de tout cela, des
+peintres, des journalistes, des musiciens, ce qu'Horace appelle
+_ambubaja rum collegiæ._ A la musique de l'hôtesse se marie la bonne
+chère; à la causerie la danse. Quand la neige poudre nos toits à
+frimais, il ne faut pas que l'hôtel soit trop morose. On improvise alors
+un petit théâtre, où la maîtresse conserve le privilège de jouer les
+premiers rôles. Au milieu de Paris, tel qu'il est en ce moment, rien de
+plus curieux qu'un tel train de vie où chaque jour se change en fête. La
+résidence de la Petite Princesse, comme on l'appelle encore, ressemble à
+une découpure du joli tableau sur lequel Watteau a jeté, il y a cent
+ans, les groupes de la Comédie italienne.
+
+Ce qu'il y a de plus remarquable là-dedans, c'est que rien n'arrête
+jamais la marche de ces loisirs. Notez qu'il y a tantôt quinze ans que
+cela dure. En 1858, c'était tantôt à Aix-les-Bains, tantôt à Annecy.
+Eugène Sue est mort, par là, un jour, subitement ou à peu près; la
+Petite Princesse, qui était un peu son élève, a-t-elle pleuré? Oui,
+dit-on, mais la musique, le théâtre, les bons moments n'ont pas chômé
+pour si peu. On est revenu à Paris, on s'y est installé; on a appelé
+autour de soi des personnalités graves et l'on est parvenu à en faire
+des personnalités folâtres, Sainte-Beuve y venait, Sainte-Beuve qui
+toussait pour rire quand il faisait _Joseph Delorme_; le père Viennet y
+récitait ses fables; M. Dupin aîné y jouait au whist; on y coudoyait
+aussi le dieu Ponsard. Toutes ces étoiles ont disparu; avec elles,
+l'empire est tombé, les cousins sont partis, probablement pour toujours;
+eh bien! n'importe, la jolie vie a continué, et il y a mieux, le veuvage
+s'est présenté pour la seconde fois, la jolie vie poursuit son cours, et
+elle sera un désagréments de cet hiver.
+
+La politique est partout avec ses fureurs, ses appétits, ses nuits
+blanches, ses rêves et ses déceptions. Dans les deux faubourgs, cette
+grande dame consacre son énergie à accoupler des chiffres qui se sont
+fait cinquante ans la guerre; telle autre use ses yeux et son aiguille à
+broder des cocardes. La Petite Princesse n'en est plus là, Dieu merci.
+Elle sait la fable du chien qui jette la proie pour l'ombre. Elle ne
+veut plus d'illusions. Elle s'en tient philosophiquement au plaisir qui
+se présente aujourd'hui sans s'embarrasser de ce que pourra être demain.
+«Cueille l'heure présente.» _Carpe diem._ Elle s'amuse, elle demande
+qu'on s'amuse chez elle et autour d'elle, et n'admet rien de ce qui
+serait étranger à l'action de s'amuser. A sa première soirée, on a
+beaucoup admiré son buste nouveau par Clésinger, trop décolleté,
+paraît-il, mais tout le monde sait bien aussi que c'est le genre du
+sculpteur qui a fait la _Femme à l'aspic._ Il y avait aussi un portrait
+de la même par un peintre italien.
+
+A propos de princes, un de nos confrères en chronique vient de nous
+apprendre de quelle façon comique le gardien du château d'Amboise a été
+récemment congédié. On doit se rappeler que ce vieux nid de vautour,
+bâti sur le haut d'un roc, théâtre de tant de drames, de fêtes et de
+crimes, appartient aujourd'hui à la famille d'Orléans. C'est pour cette
+raison que Louis-Philippe avait fait de ces murs de granit la prison
+d'Abd-el-Kader et de toute sa smalah. En décret de Napoléon III avait
+bien confisqué Amboise, mais l'Assemblée nationale a biffé la
+disposition qui concerne ce domaine. Or, il y a quelque temps, un jeune
+couple s'abattait au milieu des galeries en ruines. Mari et femme, ils
+avaient tout visité, la merveilleuse chapelle dans laquelle Charles XIII
+s'est marié, le parc au milieu duquel on voit le tombeau de Léonard de
+Vinci, l'incomparable voie souterraine qu'on parcourait en carrosse avec
+des flambeaux. Il ne restait plus à voir que le balcon, où la tradition
+dit que La Renaudie et ses compagnons ont été pendus. Voulant d'ailleurs
+jouir du point de vue qu'on a de là sur la Loire, le jeune étranger
+ouvrit brusquement une des fenêtres.
+
+--Eh! là-bas, s'écria le gardien en s'avançant, dites donc, vous, fermez
+donc cette fenêtre, que vous venez d'ouvrir sans ma permission.
+
+--Mon brave homme, répondit le jeune monsieur, je suis ici chez moi; je
+m'appelle le comte de Paris.
+
+Il se peut que le fait soit vrai, mais si le gardien a été congédié, c'a
+été pour avoir dit autre chose.
+
+Pas plus tard que l'an dernier, le hasard m'ayant poussé par là, ce même
+gardien, le cicérone le plus discret qu'on ait jamais vu, nous exposait
+à un officier d'artillerie et à moi tout ce qui s'était passé de
+mystères dans cet endroit terrible. Il nous disait les visites soudaines
+de Louis XI, escorté de Tristan l'Hermite, son compère; il nous
+racontait l'arrivée soudaine d'Henri III amenant lui-même ses
+prisonniers après avoir assassiné les Guises à Blois. Tout à coup il
+nous fit entrer dans la partie du château qui est demeurée la plus
+habitable.
+
+--Ah! quant à ça, reprit-il, ça n'est plus du moyen âge, c'est du
+moderne. Ces magnifiques galeries, vous le voyez, ont été découpées en
+une multitude de petits cabinets à la parisienne, des cages à poulets.
+Ainsi l'a voulu, sur la fin du règne de Louis XVI, un certain prince de
+Penthièvre, le propriétaire du temps. Le pauvre homme! la pauvre
+cervelle! Ses petites bâtisses ont masqué les salamandres, les fleurs de
+lis, les grandes moulures. C'était un bourgeois, ce Penthièvre et, par
+dessus le marché, il avait le désagrément d'être le beau-père d'un assez
+mauvais garnement appelé, je crois, Philippe-Égalité. Pour ne parler que
+d'architecture, il n'y entendait goutte. Tenez, quand Napoléon III a
+passé par ici, je lui ai montré tout ça, le chef-d'oeuvre du Penthièvre.
+Il en riait comme moi. Je vous laisse à penser si l'empereur et moi nous
+nous sommes fait alors une pinte de bon sang.
+
+Il n'y aurait rien de risqué à supposer que notre susdit gardien qui
+faisait ce boniment à tous ceux qui visitaient le château, l'a répété au
+comte et à la comtesse de Paris. On conçoit dès lors le dénoûment
+annoncé par notre confrère en chronique, c'est-à dire la destitution de
+l'homme qui a la langue trop bien pendue.
+
+Un peintre de talent vient de disparaître; Edwin Landseer vient de
+mourir à l'âge de soixante-six ans; c'est une perte pour l'Angleterre
+qui ne donne pas souvent naissance à des artistes de cette trempe. Peu
+d'_animaliers_ auront produit autant de sensation. Edwin Landseer ne
+manquait pas de défauts sans doute; il voyait les choses trop en joli.
+Toutes les scènes qu'il décrivait étaient d'une propreté irréprochable;
+ses basses-cours avaient l'air d'un boudoir; chacune de ses écuries peut
+lutter d'élégance avec le salon d'une lady. Et ses chevaux! et ses
+chiens! quelles bêtes toujours soigneusement brossées, lustrées, cirées,
+époussetées! Cinq ou six de ses tableaux, reproduits par la gravure,
+sont répandus à profusion dans les deux mondes. Tels sont _Les chiens du
+mont Saint-Gothard (1829), La chasse aux faucons (1832), Les animaux à
+la forge (1835), Sauvé!_ (une très-belle scène d'inondation qui date de
+1856).
+
+Celle de ses toiles qui a obtenu le plus de succès est une page
+familière de la vie de l'auteur d'Ivanohé. Qui n'a vu _Sir Walter Scott
+et ses chiens?_ Le laird d'Abbotsford, sa belle tête carrée, si
+puissante et si calme, son oeil si vif, tout cela s'harmonisant à
+merveille au milieu de ces beaux peintres d'Écosse dont le grand
+romancier avait voulu faire ses meilleurs amis. Assurément le jour où
+Landseer a composé cette scène, il a fait un tableau d'histoire. Nous
+n'aimons plus les parallèles; nous ne sommes plus à l'époque des
+pendants, mais combien on aurait aimé à voir, en regard de sir Walter
+Scott et ses chiens, lord Byron et son ours à Newstead-Abbey! Mais
+lorsque le fou sublime qui devait écrire _Don Juan_ menait la vie
+romantique dans son château, Edwin Landseer n'était encore qu'un enfant
+et s'exerçait à peine à tailler ses crayons.
+
+Nos voisins d'outre-Manche ont une qualité dont on ne saurait trop faire
+l'éloge. Une fois le talent admis par eux, consacré par la Renommée et
+ses trompettes, ils lui jettent l'or à pleines mains. Edwin Landseer a
+pu voir quelle différence il y avait entre la réputation dans la
+Grande-Bretagne et la réputation en France. Chez nous, ce n'est le plus
+souvent qu'un vain bruit, sauf annexe, sans couronnement d'aucune sorte;
+chez les Anglais, c'est la conquête de toutes les jouissances sociales,
+une maison, une famille, la vie intime s'appuyant sur la richesse, ou,
+pour le moins, sur l'abondance. Ce peintre qui faisait si bien les
+chiens et les chevaux pouvait s'acheter, à son tour, une résidence,
+mieux qu'un cottage, un beau toit d'ardoises au milieu des prés, une
+écurie, un chenil, des poules, un étang, des bois dont l'ombre et le
+murmure lui appartenaient. Tous ces _boni_ de la gloire ne le mettaient
+pas, il est vrai, à l'abri des malignités de la critique; mais quel est
+l'heureux du monde que l'épigramme des contemporains a jamais épargné?
+
+«Votre Landseer, écrivait un jour une feuille satirique, il a du talent,
+du talent sans aucun doute, mais toujours, toujours le même talent. Il
+fait des chiens et des chevaux, rien que des chevaux et des chiens. On
+prétend qu'il a fait une fois un cerf; ce devait être pendant l'année de
+la comète. Ça ne s'est pas renouvelé. En certain jour, lord Devons.... a
+voulu lui faire faire le portrait d'un très-joli cochon blanc et rose
+dont il est l'inventeur; Landseer s'est mis à l'oeuvre, et, au bout du
+compte, son cochon, était un chien. N'est-ce pas à donner envie de le
+mordre?»
+
+Puisque tout change sans cesse autour de nous, il faut bien admettre
+qu'il y a aussi une mobilité raisonnable dans ce que Talleyrand
+appelait: _Le grand art de la gueule_. On ne mangeait plus du temps de
+Scarron comme on avait mangé à l'époque de Rabelais. On ne dînait déjà
+pas avec Brillat-Savarin, sous la Restauration, comme on avait dîné avec
+Barras, sous le Directoire. Tout cela pour vous dire qu'on s'occupe en
+ce moment même de codifier la table, ses frontières, ses lois et sa
+pénalité. Le dernier _Code gourmand_, qui est d'Horace Raisson, le
+premier collaborateur d'H. de Balzac, date de 1827, c'est-à-dire qu'il
+est âgé d'un demi-siècle. Evidemment c'est un code à mettre à la
+réforme.
+
+Avant que ce livre typique ne soit remplacé par celui qu'on prépare, il
+est tout simple qu'on jette sur son contenu un dernier coup d'oeil, une
+sorte d'adieu. En trois cents pages il résumait toute la science éparse
+dans les admirables préceptes de l'École de Salerne, dans Berchoux, dans
+Henrion de Pansev, dans Brillat-Savarin, déjà nommé, dans Carême, dans
+les cinquante tomes qui forment les Annales du Caveau, et, en un mot,
+dans les oeuvres succulentes de tous ceux qui se sont religieusement
+occupés de faire de la table,--ce qu'elle doit être,--le pivot de la
+civilisation moderne. Que de choses curieuses dans ce vieux livre! mais
+aussi que de choses que nous ne comprenons déjà plus! Ainsi, sous forme
+d'annotation, le _Code gourmand_ cite deux vers du Don Juan de Byron:
+
+«Rien de plus délicieux dans la vie que le coin du feu, une salade de
+homards, du champagne et la causette.»
+
+Du champagne, même du Moël, en même temps que la salade de homards, cela
+serait considéré de nos jours tout à la fois comme une hérésie et comme
+un barbarisme.--Mais voyez la contradiction! Byron est le même qui
+écrivait de Venise à Thomas Moore: «Ah! mon ami, pourquoi faut-il qu'on
+mange? Manger, boire; boire, manger, c'est travail de bête! Le bruit de
+la mastication et de la trituration est celui qui m'afflige le plus. Je
+ne puis surtout me décider à voir manger les femmes. Si la belle mâchait
+un os de poulet à côté de moi, je serais capable de la poignarder avec
+ma fourchette!»--Voilà encore une chose que le temps a bien changé.
+Aujourd'hui la mode est que les femmes mangent beaucoup.--Que l'ombre du
+grand poète vienne faire un tour à Paris un de ces soirs, à l'heure où
+les cabarets allument les bougies, et elle en verra de drôles sous ce
+rapport!--Non-seulement les femmes mangent grandement, mais elles
+commencent à boire avec une certaine bravoure. Il y a mieux, c'est une
+fort jolie femme, une actrice qui a déterré dans une lettre de Voltaire
+à d'Alembert ce tronçon de prose: «Je ne connais de sérieux ici-bas que
+la culture de la vigne.»
+
+Pour en finir avec le _Code gourmand_ en train de trépasser, je
+signalerai encore une proposition surannée de cet ouvrage. A la page 180
+on lit ce qui suit; «Quand vous verrez un poète boire de l'eau pendant
+tout le dîner, pariez hardiment que c'est un poète didactique.» Or, les
+contemporains ont pu être témoins de plusieurs faits qui battaient cette
+manière d'aphorisme en brèche: 1º Béranger buvait de l'eau; M. Ernest
+Rendu le lui a même amèrement reproché: «Il chantait le vin et buvait de
+l'eau; il chantait aussi le Dieu des bonnes gens et il avait la
+simplicité de croire à ce dieu-là»; 2º Alexandre Dumas père aussi était
+un buveur d'eau (et il n'était guère didactique); 3° Par contre,
+Sainte-Beuve buvait du Chambertin, et c'était l'homme enseignant,
+l'homme des compas, des règles et des mesures.--Mais le _Code gourmand_
+de 1827 n'est plus; le _Code gourmand_ de 1873 va venir en même temps
+que les vraies truffes et les bécasses. Disons comme Alceste: «Nous
+verrons bien.»
+
+Philibert Audebrand.
+
+
+
+[Illustration: PÊCHE A LA DRAGUE, A L'AVIRON, RIVIÈRE DU TRIEUX.]
+
+[Illustration: Drague de rivière pour petites embarcations.]
+
+[Illustration: Drague des bateaux Cancalais et Granvillais.]
+
+
+
+LA PÊCHE DES HUÎTRES
+
+[Illustration: Bateaux dragueurs d'huîtres de la côte anglaise de
+Dungeness.]
+
+[Illustration: Cutters pêcheurs d'huîtres de la côte de Plymouth.]
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+L'Opéra.--_La Mélodie_, études complémentaires vocales et dramatiques de
+l'art du chant, par G. Duprez.
+
+Depuis quelque temps le théâtre de l'Opéra, toujours en cherche de
+premiers sujets, nous a fait entendre des débutantes. Si nous n'avons
+pas parlé de ces tentatives de notre Académie de musique, c'est qu'elles
+n'ont pas été heureuses. Les étoiles nouvelles découvertes par M.
+Halanzier ont fait une apparition de quelques soirées au ciel de l'Opéra
+et se sont éclipsées. Ces exhibitions de talents d'une soirée n'ont pas
+eu de lendemain et les grands rôles de femme attendent toujours leur
+interprète. Mlle Ferrucci, que nous avons entendue hier dans les
+_Huguenots_, nous semble devoir être plus heureuse que ses devancières,
+et il pourrait bien se faire que l'Opéra gardât cette pensionnaire, qui,
+croyons-nous, peut lui rendre quelques services.
+
+Mlle Ferrucci est une fort belle personne à laquelle l'émotion, dans
+cette première soirée, enlevait sans doute ses moyens de tragédienne
+lyrique, car elle a joué avec un embarras extrême ce grand rôle de
+Valentine; mais la débutante, dont l'organe est bien faible et bien
+insuffisant dans le registre grave, a une voix des plus heureuses et des
+mieux timbrées à l'octave supérieur. La note est claire, vibrante,
+chaleureuse; le clavier roule, résonne avec une grande égalité. Mais
+tout cela est bien loin encore de constituer un réel talent, et la
+cantatrice tant cherchée est encore à trouver.
+
+Quelle cause a donc rendu si rare ce phénomène si fréquent autrefois?
+Voici M. Strakosch, l'homme à coup sur des grandes découvertes en ce
+genre; grâce à lui nous allons voir renaître ce malheureux
+Théâtre-Italien, mort faute de sujets. Eh bien, M. Strakosch lui-même
+cherche, à l'heure qu'il est, une virtuose; il nous promet de nous faire
+entendre une série de jeunes talents. A voir la liste de ses
+pensionnaires, vous diriez tout le personnel d'un Conservatoire: belles
+promesses; mais des promesses pour l'avenir. Rien qui s'impose encore
+par le talent reconnu. Les impresarii de l'autre côté des Alpes ne sont
+pas plus heureux que M. Strakosch et M. Halanzier. Un de mes amis qui
+vient de parcourir toute l'Italie n'a pas rencontré une seule chanteuse
+sur les théâtres de Milan, de Venise, de Florence et de Naples. Il ne
+faut pas s'y tromper, l'art du chant se perd de jour en jour. Et
+pourquoi? C'est que les artistes qui ne peuvent ni ne veulent attendre,
+se précipitent trop rapidement sur la scène. C'est qu'ils ébauchent à
+peine quelques études pour entrer immédiatement en jouissance des moyens
+vocaux que la nature leur a donnés. Malgré les théories nouvelles,
+l'éducation sérieuse est indispensable pour un tel art.
+
+C'était l'opinion du fameux Lagingeole, de l'_Ours et le Pacha._--Mais
+c'est merveilleux! disait Schahabaham; comment avez-vous pu rendre cet
+ours musicien?--En lui apprenant la musique. Contrairement à cette
+méthode, ce que les chanteurs apprennent le moins à l'heure qu'il est,
+c'est la musique. D'ailleurs, il ne faut pas s'y tromper, l'enseignement
+fait défaut partout. De toutes parts on le néglige. Les maîtres
+eux-mêmes semblent avoir abandonné ce travail excellent qui répandait la
+saine et robuste instruction musicale par les solfèges et les vocalises.
+Cette pédagogie de l'artiste a été délaissée. Et pourtant que d'ouvrages
+précieux elle avait produits: et les _Exercices et Vocalises_, par
+Crescentini, et les _Exercices_, de Garcia. Les variations vocales sur
+une phrase, et l'excellente _Méthode d'artiste_, de Mme Conti-Damoreau,
+et les _Gorgheggi e solfeggi_, de Rossini, les _Vocalises élégantes_, de
+Guillot de Sainbris, et enfin ce précieux _Recueil de Vocalises_, de
+Bordogni, ces morceaux d'un goût exquis, d'une science parfaite, dans
+lesquels se résumaient tout l'enseignement vocal de l'école italienne.
+
+Le goût change; si parfaite que soit cette petite bibliothèque classique
+du chanteur, il faut la renouveler; aussi avons-nous ouvert avec le plus
+grand intérêt ce volume qui a pour titre: _La Mélodie_, et qui complète
+le _Traité de l'art du chant_ publié par M. Duprez en 1845. M. Duprez
+est peut-être à l'heure qu'il est la seule gloire qui existe encore de
+ce grand passé qui compta tant d'illustres chanteurs. Son passage au
+théâtre a été lumineux, éclatant. Lorsque l'admirable chanteur se retira
+de la scène, son enseignement devint des plus féconds; nous lui devons
+des talents hors ligne; son école se maintint dans les doctrines les
+plus nobles et les plus pures. Elle se répandit dans le public à l'aide
+de cet art du chant que nous venons de citer; aujourd'hui il se complète
+par ces études vocales et dramatiques. Ce n'est pas seulement pour le
+clavier vocal que le maître a écrit ces exercices; si le développement
+de la voix gagne à ces études savamment dirigées, le goût du chanteur,
+dans les passions et les sentiments à exprimer, y bénéficie plus encore.
+L'enseignement s'élève au style et dans les morceaux de chant, et dans
+les études dramatiques, et dans les grands airs que M. Duprez a tirés de
+ses propres oeuvres. Il y a là de fort belles pages; mais ce qui me
+frappe le plus, c'est l'habileté apportée dans cette progression
+d'études.
+
+Pour donner plus d'autorité encore à cet important ouvrage, M. Duprez a
+fait un choix dans les classiques du chant. Il a cherché, en les
+transcrivant, les plus beaux morceaux des siècles passés, les plus
+grandes inspirations de ces maîtres qui ont nom: Carissimi, Cesti,
+Campra, Léo, Porpora, Pergolèse, Gluck, Sacchini, Cimarosa, Mozart,
+Méhul, et qui dans ces chefs-d'oeuvre portèrent l'art du chant à sa plus
+haute et sa plus puissante expression dramatique. Cette seconde partie
+de l'ouvrage de M. Duprez forme mieux encore qu'un curieux recueil; en
+s'ouvrant à l'année 1500, pour finir avec le commencement de ce siècle,
+elle donne dans ces pages savamment choisies une sorte d'histoire de
+l'art qui se traduit elle-même par les oeuvres de ses maîtres immortels.
+
+M. Savigny.
+
+_P.-S._--A voir mardi dans la salle Ventadour restaurée avec goût ce
+monde élégant d'étrangers et de Parisiens, on se serait cru aux beaux
+jours du Théâtre-Italien. La nouvelle direction de M. Strakosch
+s'annonce donc sous les auspices les plus favorables, puisque le public
+a répondu avec empressement à son appel. C'est à elle à répondre
+maintenant à la sympathie du public pour ce théâtre. M. Strakosch nous
+fait les plus belles promesses, et il est homme à les tenir. Si nous
+parlons de cette première soirée, c'est pour signaler l'ouverture de la
+salle Ventadour, et pour annoncer la rentrée de deux excellents
+artistes, MM. Zucchini et Delle-Sedie dans _Don Pasquale_, qu'on a fort
+applaudis l'un et l'autre. Une jeune artiste, Mlle Belval, a débuté dans
+le rôle de Norine. Mlle Belval a une voix agréable, mais bien mince.
+Elle chante avec goût; mais elle compromet un peu son succès par des
+façons un peu brusques, pour ne pas dire cavalières.
+
+M. S.
+
+
+
+LES DOMESTIQUES MODERNES
+
+Le duc de R...., ex-ambassadeur, ex-pair de France, ex-sénateur; et,
+plus heureusement pour lui, grand propriétaire foncier, était assis
+après son déjeuner dans son cabinet de travail, devant son bureau, les
+yeux plongés dans la lecture d'un rapport d'une des entreprises
+industrielles auxquelles il prête son concours, pour utiliser ses
+loisirs. Le duc de R... est un homme très-fin, très-expérimenté,
+très-rompu aux affaires, dont on recherche les judicieux conseils.
+C'est, en outre, un homme du plus bienveillant esprit, et d'une
+courtoisie à toute épreuve, surtout vis-à-vis de ses inférieurs. Justin,
+son valet de chambre, entra et déposa quelques brochures devant lui.
+
+Le duc, au bout de quelques instants n'entendant pas Justin s'en aller,
+releva la tête, et le vit tourner sa casquette entre ses doigts comme un
+domestique embarrassé qui désirait évidemment avoir une conversation
+importante avec son maître, et qui ne savait trop par où commencer.
+
+--Vous avez quelque chose à me dire, Justin?
+
+--Oui, monsieur le duc, si c'est un effet de votre bonté!
+
+--Parlez, quoique je sois très-occupé en ce moment.
+
+Justin continuait à tourner sa casquette et se taisait.
+
+--Est-ce de votre prochain mariage avec Justine, la femme de chambre de
+la duchesse, que vous voulez m'entretenir?
+
+--Ce n'est pas précisément du mariage qu'il s'agit, mais c'est un peu à
+propos de ce mariage que je me décide à faire à M. le duc une
+communication.
+
+--Une communication! cela annonce quelque chose de grave.
+
+--Assez grave en effet!
+
+Le duc le regarda Fixement et, habitué à lire dans la pensée des autres,
+lui dit;
+
+--Vous venez me demander une augmentation de gages!
+
+--C'est cela même, répondit Justin, soulagé d'avoir été deviné.
+
+--Je vous ai pris tout enfant sur ma terre de R... Je vous ai fait
+élever; je vous ai amené un peu gauche à Paris, mais vous vous êtes
+formé vite au service, vous êtes intelligent. Je ne suis pas mécontent
+de vous. Vous avez eu douze cents francs d'abord, vous en avez dix-huit
+aujourd'hui; je porterai vos gages à deux mille francs; voyez si la
+duchesse veut faire pour Justine ce que je fais pour vous. La duchesse a
+sa fortune personnelle.
+
+--Beaucoup plus considérable même que celle de M. le duc, ajouta Justin.
+
+--C'est vrai, dit le duc, avec un léger mouvement de surprise.
+
+--Justine est entrée chez la duchesse pour lui faire sa réclamation,
+mais nous sommes loin de compte, monsieur le duc.
+
+--Comment, loin de compte? s'écria le duc avec un étonnement plus
+prononcé.
+
+--Oh! oui, les gages que vous m'offrez ne sont pas en rapport avec la
+fortune de M. le duc, ni avec les règlements de l'_Union._
+
+--Ma fortune, l'_Union!_... Qu'est-ce que cela veut dire?
+Qu'entendez-vous par l'_Union._
+
+--L'Association générale des domestiques... M. le duc n'en a donc pas
+entendu parler. Nous avons eu déjà plusieurs assemblées... Nous avons
+fait venir de Londres un guide, un leader, un homme très-habile, un
+orateur qui s'exprime en très-bon français, et qui nous a enseigné nos
+droits...
+
+--Et vos devoirs, sans doute, dit le duc à moitié étourdi par cette
+révélation inattendue.
+
+--Et nos devoirs aussi. Nous devons à l'_Union_ un schelling, 1 fr. 25.
+par semaine, comme en Angleterre, pour les frais généraux, et pour le
+cas où une grève serait nécessaire.
+
+--Ah! c'est différent, dit le duc, qui avait repris tout son sang-froid,
+je faisais naïvement allusion à vos devoirs envers vos anciens maîtres:
+la reconnaissance, par exemple, qui a toujours passé pour une vertu.
+
+--La reconnaissance abaisse la fierté de l'homme, monsieur le duc, tout
+doit se passer raisonnablement à notre époque, et si j'osais employer
+une expression toute récente, contractuellement.
+
+--Et quel est le contrat que vous avez à me proposer.
+
+--Ce n'est pas moi qui en ai déterminé les conditions, monsieur le duc,
+l'_Union_ ne permettra pas désormais un mode de rétribution _ad
+libitum._
+
+--Je m'aperçois que vous êtes devenu très-instruit, M. Justin.
+L'anglais, le latin, ne sont plus pour vous des langues étrangères.
+
+--M. le duc doit être fier de ce progrès qu'il veut bien remarquer,
+puisque c'est lui qui m'a fait apprendre à lire, à écrire.
+
+--Et à compter. Vous avez vraiment profité de l'éducation. Mais je suis
+curieux de savoir quel est au juste ce mode de rétribution.
+
+--Ah! Il est bien simple. Un salaire proportionnel tout bonnement: cinq
+pour cent sur la fortune du maître dans les grandes maisons. Or M. le
+duc ayant cent mille francs de revenus, en bons biens au soleil, comme
+son notaire peut en témoigner, et madame la duchesse en ayant deux cent
+mille de son chef!...
+
+--Cela fait que vous me demandez cinq mille francs de gages par an, et
+que Justine se hasarde à en demander dix mille à la duchesse.
+
+--Voilà tout. N'est-il pas temps que, sans bouleverser la société de
+fond en comble, comme le veulent des gens avancés, l'inégalité des
+conditions humaines soit justement adoucie.
+
+--Je vois avec plaisir que vous n'êtes pas encore de ceux qui demandent
+à retourner du haut en bas l'échelle sociale, et que vous n'exigez pas
+que je devienne votre valet de chambre...
+
+Justin ne prit pas garde au ton railleur du duc, et crut qu'il adressait
+des compliments sincères à l'_Union_ dont il était membre.
+
+--Oh! nous respectons, s'écria-t-il, les faits accomplis, les positions
+acquises, tout en essayant d'améliorer notre industrie.
+
+--Ne vous servez pas de ce mot d'industrie, M. Justin, on le prend
+quelquefois en mauvaise part; on en a fait un ordre, et, comme vous avez
+l'esprit très-progressif, vous pourriez être tenté d'y prendre un grade.
+
+--Je voulais dire, pour améliorer nos moyens, d'existence, reprit Justin
+un peu déconcerté; mais, après tout et entre nous, M. le due, ne
+pourriez-vous pas convenir que vos aïeux ont abusé des miens...
+
+--Vos aïeux, M. Justin, répondit le duc quelque peu froissé, étaient de
+bons et loyaux fermiers que mes aïeux, à moi, ont nourri dans leurs
+terres durant des siècles, et qui seraient bien étonnés de votre
+langage...
+
+--Que voulez-vous! C'est le langage du jour. Les temps de sacrifice et
+d'abnégation sont passés. Chacun ne doit avoir en vue que son bien-être
+ici-bas. Si vous entendiez notre leader...
+
+--Je me priverai de cette distraction.
+
+Le duc avait de la peine à se contenir, mais il ne se départait pas de
+sa politesse habituelle.
+
+--Finissons, dit-il en se levant, je réfléchirai.
+
+Justin allait se retirer sur le geste de son maître, lorsque la
+duchesse, moins patiente que son mari, entra avec impétuosité dans le
+cabinet du duc, suivie de Justine, dont le bonnet était hardiment posé
+sur l'oreille.
+
+--Croiriez-vous bien, M. le duc, dit la duchesse à demi suffoquée, que
+cette effrontée de Justine est venue me proposer d'élever ses gages à
+dix mille francs par an...
+
+--Et qu'avez-vous répondu, chère amie? repartit froidement le duc.
+
+--Je l'ai _chassée_.
+
+--Monsieur Justin, reprit le duc en se tournant vers son valet de
+chambre d'une façon significative, les femmes mettent les points sur les
+i.
+
+--Vous me chassez aussi? dit Justin.
+
+--Vous savez que je n'aime pas les gros mots. Mais vous pouvez suivre
+Justine, bien digne d'être votre compagne...
+
+Justine s'approcha de Justin et lui dit à l'oreille.
+
+--Préviens le cocher, je vais prévenir la cuisinière, la grève va
+commencer par nous.
+
+--Ils se retirèrent à reculons d'un air insolent et, sur le seuil du
+cabinet, Justin dit brusquement:
+
+--On fait ce qu'on peut, pour prévenir les révolutions et voilà comment
+on est reçu!...
+
+--C'est trop fort, s'écria le duc en cherchant sa canne... La duchesse
+l'arrêta.
+
+Après la sortie de Justine et de Justin, le duc et la duchesse se
+regardèrent les larmes presque aux yeux; ils s'assirent et causèrent
+longtemps des jours de leur enfance, où les serviteurs de leurs nobles
+parents faisaient presque partie de la famille... Que les temps étaient
+changés!...
+
+La journée s'avançait. Vers l'heure du dîner, la duchesse sonna
+machinalement, personne ne vint de la maison à son appel, si ce n'est le
+concierge resté à son poste, et qui lui apprit que la maison avait été
+désertée par tous les gens.
+
+--Comment allons-nous dîner, s'écria la duchesse...
+
+--Prends mon bras, lui dit galamment le duc, nous irons dîner en
+tête-à-tête dans quelque restaurant du boulevard; il faut s'accommoder à
+tout.
+
+--Mais ce soir, reprit la duchesse un moment abattue, comment me passer
+des soins de ma femme de chambre...
+
+--Je vous demanderai la permission de la remplacer, reprit le duc, et il
+lui serra affectueusement la main; ils sortirent à pied, et je les
+rencontrai chez Brébant. C'est ce qui fait que j'ai su cette histoire un
+des premiers.
+
+_Hippolyte Lucas._
+
+
+
+L'ESPRIT DE PARTI
+
+LE CHARIVARI
+
+1832
+
+On a tort de prétendre que la Restauration ne protégeait pas
+l'industrie. Elle était trop dévote pour ne pas encourager les
+fabriques.
+
+Il y a, prétend Odry, cette différence entre les moutons et les valets
+du ministère qu'on marque les premiers quand ils sont à vendre et les
+seconds quand ils sont vendus.
+
+Monsieur le président de la Chambre a dit avant-hier: «Je mets aux voix
+le chiffre le plus élevé.» Une faute typographique lui fait dire dans un
+journal ministériel: «Je mets les voix au chiffre le plus élevé.»
+
+On suspend les pièces qui déplaisent; on suspend les journaux qui
+gênent. La censure est décidément commuée en suspension.
+
+Si le peuple, disait hier un député, s'avisait à son tour de suspendre
+tout ce qui le froisse, le budget pourrait bien être suspendu.--«Dieu
+nous en préserve, répondit M. de Corcelles, il est déjà bien assez
+élevé.»
+
+Un inventeur de nouvelles lampes dit dans son prospectus, pour les faire
+valoir, qu'elles servent à l'éclairage du bureau de la Chambre des
+députés. C'est une triste recommandation.
+
+Un journal ministériel dit ce matin que la monarchie est le seul remède
+qui puisse guérir les maux de la France. Il n'y a pourtant que les
+imbéciles qui croient encore à la médecine _Leroi._
+
+S. M. Louis-Philippe vient de donner son..... nom à une nouvelle rue.
+
+1833
+
+On assure qu'il a été question au parquet de saisir le _Journal du
+Commerce_, à cause d'une annonce qui commence ainsi: «Tous les fruits
+verts et notamment la poire, ne seront pas de conserve cette année.»
+
+On nous dit que la République pâlit. C'est probablement qu'elle n'a pas
+à rougir comme certaines gens.
+
+Nous jouissons d'une _immense_ liberté...
+
+N. B.--Ce _carillon_ est de M. de Broglie.
+
+M. Thiers a dit: «J'ai une foi absolue dans la durée du système que j'ai
+l'honneur de servir.»--Il faut que M. Thiers soit bien crédule.
+
+Nous n'avons jamais été moins libres que depuis que nous vivons sous la
+meilleure des républiques. On a bien raison de dire que le mieux est
+l'ennemi du bien.
+
+Le juste milieu est gardé à Paris par l'amour des citoyens et par six
+régiments d'infanterie, quatre de cavalerie et deux d'artillerie.
+
+Un journal ministériel dit ce matin qu'en fait de République la
+meilleure ne vaut rien. C'est ce que nous répétons tous les jours à ceux
+qui prétendent que nous vivons sous la meilleure des républiques.
+
+Eh bien! que dites-vous de la mère de votre roi? demandait dernièrement
+M. de Schossen à M. Berryer.--Et vous, répliqua celui-ci, que dites-vous
+du père du vôtre?... (_Historique._)
+
+A propos des bruits qui courent sur l'intention qu'aurait le juste
+milieu d'employer quelque jour contre le peuple les nouvelles
+fortifications de Paris, le _Journal des Débats_ s'écrie:
+«S'imagine-t-on donc avoir à faire à un _despote imbécile?_» A un
+despote non.
+
+On assure que l'on va abolir le bureau des longitudes pour le remplacer
+par un autre beaucoup plus convenable sous l'ordre de chose actuel,
+c'est-à-dire par un bureau des _platitudes._
+
+Désormais le juste milieu nous parlera par la bouche.... des canons.
+
+Les forts autour de Paris seront _détachés._ C'est comme les cours.
+
+Voici comment les choses se passeront dans l'affaire des fortifications
+de Paris: d'abord le corps de la place, puis un épaulement, puis un
+rempart, puis un fossé, et au bout du fossé...
+
+Avant-hier la monarchie citoyenne a reçu la visite de M. Vitet,
+l'inspecteur des ruines.
+
+Il n y a rien de tel qu'une _clef d'or_ pour ouvrir et fermer une
+chambre à volonté.
+
+Un journal ministériel s'étonne qu'il se rencontre des gens qui osent se
+moquer de la majorité; car jamais, ajoute-t-il, on ne vit de Chambre
+plus _imposante_. C'est précisément ce dont se plaignent les
+contribuables.
+
+La Gaîté nous annonce une prétendue première représentation de _la Fête
+du voleur_. Il nous semble que nous avons déjà vu quelque chose dans ce
+genre (1).
+
+ [Note 1: Ce carillon est du 5 mai. Quatre jours par conséquent
+ après la fête du roi.]
+
+Sur toutes les scènes à présent, le beau rôle est pour les voleurs. On
+sait que le théâtre a la prétention d'être le miroir de l'époque.
+
+Sa Majesté doit, dit-on, partir pour les départements le 20 mai. Les
+préfets ont déjà reçu l'ordre de préparer l'enthousiasme et d'organiser
+l'ivresse.
+
+Il a fallu à Lyon mettre en réquisition l'artillerie et les baïonnettes
+pour empêcher la République d'héberger ses amis. On ne sera jamais
+obligé, pour un pareil motif, d'en venir à ces extrémités à l'égard de
+la royauté citoyenne.
+
+Le grand Turc vient d'accorder une amnistie pleine et entière à tous les
+prévenus des délits politiques. Ceci est une nouvelle preuve que
+l'influence du gouvernement français est nulle à Constantinople.
+
+On sait que le savetier de La Fontaine ne chanta plus dès qu'il fût
+devenu riche. Si l'accumulation des écus produit cet effet, il ne faut
+pas s'étonner que certain gros et gras personnage ait cessé ses refrains
+patriotiques.
+
+Le _Constitutionnel_ signale l'existence d'un nouveau _banc d'huîtres._
+Il veut sans doute parler d'une banquette qui vient d'être ajoutée au
+centre de l'enceinte législative au Palais-Bourbon.
+
+L'autre jour un amateur, arrêté devant les carreaux d'Aubert, ayant vu
+un certain personnage appuyé sur un énorme coq, s'écria en poussant son
+voisin:--«Voilà un fameux coq, hein?»
+
+La saisie de la _Tribune_ nous a beaucoup étonnés; nous ne pensions plus
+qu'il était possible d'exciter à la haine et au mépris du gouvernement
+du roi.
+
+On a bien tort de dire que l'ordre de choses n'a pas de tendresse pour
+Paris. C'est, au contraire, pour lui qu'il réserve tous ses feux.
+
+On est étonné qu'un gouvernement qui absorbe tant de millions ait si peu
+de valeur.
+
+On disait autrefois: «Pour faire la guerre, il faut de l'argent, de
+l'argent, et encore de l'argent.»--L'ordre de choses emploie la même
+recette pour la paix.
+
+Le jour de l'inauguration de la statue de Napoléon sur la place Vendôme
+bien des gens n'étaient pas de l'avis du bon Lafontaine quand il dit:
+Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré.
+
+La France ne songe qu'à recouvrer ses frontières. L'ordre de choses
+pense à recouvrer ses écus.
+
+Le juste-milieu ressemble à ces poltrons qui se sont fait de mauvaises
+affaires et que la pour force à garder la _chambre._
+
+M. Thiers soutient qu'en fait d'impôts il ne faut pas négliger les
+petites tailles.
+
+Jules Rohaut.
+
+(A suivre.)
+
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE UNE SÉANCE DU
+CONSEIL DE GUERRE SIÉGEANT A TRIANON.]
+
+
+
+NOS GRAVURES
+
+Trianon
+
+Le 6 octobre, il y avait à Versailles un mouvement inusité. Depuis les
+vacances de l'Assemblée nationale, jamais le chemin de fer n'avait
+déposé à la gare de cette ville un pareil nombre de visiteurs, bien que
+ce nombre fut relativement restreint.
+
+Mais le flot ne faisait que passer.
+
+A peine arrivé, il repartait dans la direction du château, envahissait
+le parc peuplé de déesses de marbre et de bronze, traversait les grandes
+prairies plantées d'arbres superbes, et s'écoulait finalement le long du
+bras septentrional du grand canal pour venir enfin s'arrêter devant le
+Grand-Trianon, ce charmant château, élevé sous Louis XIV par Mansard, au
+milieu des massifs de verdure et des pelouses.
+
+Le Grand-Trianon, un beau jour, on ne sait pourquoi, avait pris la place
+de la _maison de porcelaine_, une bonbonnière bâtie vingt ans auparavant
+pour Mme de Montespan. Mais alors Mme de Montespan avait perdu l'oreille
+et le coeur du roi; et, de même que Mlle de La Vallière battant en
+retraite devant elle, s'était retirée aux Carmélites, ainsi elle-même
+avait déjà cédé le pas à Mme de Maintenon et gagné de son pied qui
+n'était plus léger la communauté de Saint-Joseph. Le roi d'ailleurs
+avait vieilli, pas assez toutefois pour que le nouveau château ne
+retentit pas encore du bruit des fêtes. Mais cela ne devait pas durer.
+Bientôt, il se lit autour du joli pied-à-terre un silence que
+troublèrent à peine, vers le milieu du XVIIIe siècle, les éclats de rire
+de Louis XV folâtrant en traîneau à travers les allées de son parterre.
+Louis XVI, Napoléon, Louis XVIII, Charles X, s'y montrèrent de loin en
+loin seulement. Le Grand-Trianon avait décidément perdu toute faveur. Ce
+ne fut que sous Louis-Philippe qu'il cessa d'être délaissé et sortit de
+l'oubli. Ce roi l'aima, l'habita, et lui fit subir de notables et
+heureuses modifications. On montre aux visiteurs les appartements qu'il
+y occupa, sa chambre à coucher modestement meublée, son cabinet de
+travail où l'on remarque une table d'acajou fort simple qui lui servait
+de bureau. Mais Louis-Philippe était un roi bourgeois. Il vivait en bon
+père de famille, et n'avait jamais figuré dans le moindre ballet. Aussi
+passa-t-il au Grand-Trianon sans bruit, et depuis lors, de cette
+résidence princière, personne n'avait plus entendu parler. D'où vient
+donc que sortant de son sommeil de Belle au bois dormant, tout à coup
+voilà qu'elle ouvre ses portes à deux battants; que devant sa belle
+façade à toit plat, aux fenêtres en portiques, les voitures s'arrêtent;
+que, dans sa cour d'honneur, circulent des groupes d'officiers; qu'enfin
+dans un coin, à quelques pas de sa grille, se trouve, champignon en une
+nuit poussé, une guinguette pleine de bruit?
+
+Vous le savez, et je n'ai pas besoin de vous le dire, car c'est le
+bruit, sinon de la cour, au moins de la ville. De ce nid bâti pour les
+amours on a fait une salle de justice. C'est Théines qui y règne
+maintenant, tenant une épée nue d'une main et de l'autre une balance.
+Métamorphose au moins singulière! Comment on en a eu l'idée, je
+l'ignore; mais ci-dessous on vous dira comment elle s'est effectuée.
+
+L. C.
+
+
+
+Procès du maréchal Bazaine
+
+PREMIÈRE SEANCE DU CONSEIL DE GUERRE
+
+Dans notre précédent numéro nous avons dit, et nos lecteurs savent que
+c'est dans la galerie servant de vestibule au château du Grand-Trianon,
+qu'a été établie la salle des séances du conseil de guerre chargé de
+juger le maréchal Bazaine.
+
+Notre grand dessin représente cette salle et donne la physionomie exacte
+de la première séance du conseil.
+
+Transformer ce magnifique péristyle en salle d'audience n'était pas
+chose facile. On y est cependant parvenu, grâce à l'habileté des
+dispositions prises. La salle offre l'aspect d'un long parallélogramme,
+dont une partie a été surélevée par des travaux de charpente. Dans cette
+partie se trouvent: au fond, un large bureau en forme d'hémicycle pour
+les juges militaires; puis à gauche, pour l'accusé, un fauteuil et une
+table recouverte d'un tapis vert, et la barre de la défense; à droite,
+le bureau réservé au commissaire du gouvernement, et la tribune des
+journalistes, élevée derrière les colonnes de marbre de la galerie.
+Cette tribune est disposée en gradins et peut contenir soixante-dix
+personnes environ. Enfin, au milieu, devant le bureau du conseil, est
+établi le greffier. Une légère balustrade recouverte de velours rouge
+sépare cette première partie de la salle de la seconde, à laquelle on
+arrive en descendant une marche.
+
+Cette seconde partie est coupée par une enceinte réservée au publie muni
+de cartes et aux témoins. Derrière est un espace assez étroit pour le
+commun des martyrs qui ne craindront pas de demeurer cinq heures debout,
+chaque jour, après avoir fait queue, s'ils veulent suivre les débats de
+ce procès, qui sera long.
+
+La décoration de cette salle est des plus simples. Les murs sont en
+granit rouge veiné de blanc et orné de distance en distance de fausses
+colonnes blanches, à chapiteaux contournés. Les tentures sont en reps
+vert. Quatorze grosses colonnes en granit rouge séparent la salle en
+deux dans toute sa longueur, gênant beaucoup la vue de la tribune de la
+presse. Derrière les fauteuils des juges et au-dessus de la porte
+d'entrée de la chambre du conseil, on voit un grand Christ en croix.
+Puis, pour parer au froid, qui est imminent, quatre poêles sont alignés
+de distance en distance. Cependant la température n'a pas cessé d'être
+douce, et à travers les fenêtres largement ouvertes sur la cour d'entrée
+du château, on aperçoit les grands arbres du parc, à la verdure encore
+vigoureuse.
+
+Mais il est temps de pénétrer dans la salle du conseil de guerre. A midi
+un quart, on annonce l'entrée des juges militaires. La séance est
+ouverte. Les membres du conseil sont: MM. le duc d'Aumale, président,
+tournure militaire, moustaches et barbiche blondes, voix forte et
+sonore, habituée au commandement; de Chabaud-Latour, officier général du
+génie, soixante-dix ans environ, un peu fatigué; de la Motterouge, plus
+âgé que le précédent, mais portant plus gaillardement son âge; Tripier,
+vieux et un peu cassé, appartenant au génie, blessé à l'Alma, porte
+lunettes; Guyot, artillerie, petit et gros, mais vif et alerte;
+Lallemant, très-grand, air grave et réfléchi, serait le plus jeune ou le
+moins âgé du conseil si le général de cavalerie Princeteau n'en faisait
+pas partie; de Malroy, regard doux, air décidé, chauve, soixante ans;
+Ressayre, figure d'anachorète, a commandé une division à la bataille de
+Coulmiers, où il fut blessé grièvement; enfin le général Pourcet, petit,
+maigre, impatient, coiffé à la Titus. Très-savant, m'a-t-on dit, il
+représente, comme on sait, le ministère public.
+
+Quelques minutes après l'entrée en séance du conseil, ordre est donné
+par le président d'introduire le maréchal. Mouvement de curiosité
+très-marqué. L'accusé entre d'un pas lourd et avec un certain embarras.
+Il porte le costume de maréchal, petite tenue, et la grand'croix de la
+Légion d'honneur. Il a de l'embonpoint; ses yeux sont petits, son visage
+est gras, son crâne absolument chauve. Deux sourcils très-fins, deux
+petites moustaches brunes se dessinent seuls dans cet ensemble de
+rondeurs grasses. Il est d'ailleurs un peu pâle: on le serait à moins.
+Calme en apparence, sa préoccupation ne se trahit que par certains
+gestes. Ainsi il porte fréquemment sa main à ses lèvres ou à son front,
+ou bien il joue machinalement avec une bague qui brille à l'un de ses
+doigts.
+
+Avec l'entrée du maréchal, le défilé des témoins a été l'intérêt de
+cette première audience. Ces témoins, fort nombreux, peuvent se diviser
+en trois catégories: les militaires, maréchaux, généraux, officiers
+supérieurs ayant fait partie de l'armée du Rhin; les témoins politiques,
+tels que MM. Jules Favre, Gambetta, de Kératry, et les témoins qui
+n'entrent ni dans l'une ni dans l'autre de ces catégories, tels que
+douaniers, employés de chemins de fer, ingénieurs. Le premier témoin
+appelé a été le maréchal Canrobert, et le second le maréchal Leboeuf,
+sur lequel tous les yeux se sont fixés avec une attention particulière.
+Le général Changarnier a aussi beaucoup attiré les regards, avec son
+pantalon gris-perle et sa redingote bleu clair élégamment boutonnée.
+Mais celui qui a excité la curiosité la plus vive est encore le fameux
+M. Régnier, cet envoyé mystérieux qui alla trouver le maréchal au
+travers des lignes prussiennes, ouvertes pour lui, et amena en
+Angleterre le général Bourbaki.
+
+L'appel des témoins terminé, la séance a été suspendue pendant dix
+minutes. A la reprise de l'audience, il a été donné lecture des états de
+service du maréchal Bazaine et de la première partie du rapport du
+général Rivière, rapport net, clair, précis, et du plus haut intérêt.
+Mais arrêtons-nous. Ce serait sortir du cadre de cet article que
+d'entrer ici dans des détails qui ne sont point de notre compétence et
+que d'ailleurs tout le monde connaît.
+
+L. G.
+
+
+La pêche des huîtres
+
+L'humeur médisante qui caractérise notre espèce s'est exercée aux dépens
+de cet aimable mollusque, la fleur et la joie des soupers fins. Sous
+prétexte qu'il consacre à bâiller une bonne part de son existence, nous
+en avons fait le type de l'engourdissement intellectuel, et «bête comme
+une huître» est devenu un de nos dictons les plus familiers. Si Dieu
+daignait un jour lui accorder la parole, le bivalve nous répondrai,
+probablement que si l'esprit ne court pas ses bancs comme il est entendu
+qu'il court nos rues, en revanche on n'a jamais rencontré une huître
+plus sotte que ses soeurs les autres huîtres, ce qui est bien un
+avantage. J'ai connu un huîtrier forcené qu'indignait cette injustice.
+Tous les soirs, quand il achevait sa quatrième douzaine, ses yeux
+s'humectaient, deux larmes descendaient sur ses joues et venaient se
+confondre avec l'eau salée dont ruisselait sa barbe, et la bouche pleine
+il s'écriait:--Les ingrats! en d'autres temps ou lui eut dressé des
+autels. Sans s'élever à cet enthousiasme, on peut prétendre que ses
+mérites comestibles auraient dû nous rendre beaucoup plus indulgents
+pour sa pauvreté en matière d'idéal.
+
+J'affiche quelque désintéressement en embrassant sa défense, car je ne
+vous dissimulerai pas que je nourris contre elle un fort gros grief, que
+probablement vous partagez avec moi. Ce grief se fonde sur les prix
+exagérés que cette belle des mers a mis depuis quelques années, à ses
+faveurs. Au bon vieux temps, qui n'est pas si loin de nous que vous le
+supposez peut-être, pour douze sols,--vieux style aussi,--on vous en
+servait une douzaine toutes frémissantes dans leurs écailles nacrées.
+Que dis-je? A cette heureuse époque, à l'instar de la Déesse à la voix
+rauque de Barbier, l'huître ne dédaignait pas la populace. La charrette
+de l'écaillère nomade la débitait,--un peu défraîchie sans doute,--à
+raison de trente centimes et moins encore, dans les rues, dans les
+carrefours. Tout cela est bien loin de nous; tandis que le monde se
+démocratisait au-dessus d'elle, elle s'aristocratisait à nos dépens; la
+voilà devenue un mets de luxe, peu accessible à la médiocrité, même
+dorée; elle coûte juste le triple de ce qu'elle valait autrefois.
+
+Ce renchérissement progressif et excessif de ces mollusques a des
+raisons multiples. Il tient à la fois à la facilité des transports par
+voie ferrée et à la spéculation, qui s'est mêlée de ce commerce. En même
+temps, et ne le regrettons pas, les pêcheurs mieux renseignés sont
+devenus plus exigeants. Et puis on avait quelque peu abusé des bancs, il
+y a quelques années. Enfin, des causes complètement indépendantes de
+l'action humaine ont leur influence sur la production huîtrière. La
+température agit énergiquement sur la croissance de l'huître, beaucoup
+plus lente dans les eaux froides du large, que sur certaines parties de
+la côte; il est constant que la multiplication a singulièrement souffert
+du manque de naissain dans la dernière période.
+
+Heureusement notre malchance n'est pas sans appel et cet état de choses
+peut se modifier. Il y a lieu d'espérer que nos bancs se relèveront de
+l'état de marasme que nous signalons. On leur rendrait plus rapidement
+leur prospérité première en établissant des réserves où l'on déposerait
+le naissain lorsqu'il serait abondant.
+
+Les annales de l'huître ne sont pas sans gloire; elle a inspiré de
+luxueuses folies aux maîtres fous de la gastronomie, les Romains; mais
+le cadre purement pittoresque et industriel de cette étude ne nous
+permet pas un retour dans le passé du coquillage qui nous occupe, si
+flatteur qu'il puisse être pour lui.
+
+Sa description, je rougirais de l'entreprendre; je vous l'assure, vous
+vous renseignerez beaucoup plus agréablement sur ce point chez
+l'écaillère du coin, qu'en ayant recours à tous les traités d'histoire
+naturelle. Prodigue de tout ce qui est bon, la nature l'a largement
+distribuée dans les mers de toutes les latitudes; ses espèces sont
+nombreuses; nous ne nous occuperons que de celles qui se trouvent sur
+notre littoral. Ce sont:
+
+1° L'huître pied de cheval, diamètre 12 centimètres; les amateurs de
+grosses bouchées, les gourmands seuls en font quelque cas. On la pêche
+sur tous les fonds rocailleux.
+
+2º L'huître normande ou cancalière, huître blanche dont la dimension est
+de 7 à 8 centimètres, l'écaille épaisse et la qualité supérieure, bien
+qu'elle reste au-dessous de sa voisine l'armoricaine.
+
+3° L'huître bretonne, petite de taille, 4 à 5 centimètres de dimension;
+à coquille mince et narrée, d'un goût exquis, pouvant rivaliser avec
+celui de l'huître anglaise, qui est d'un vert foncé à écailles rondes et
+de dimensions moindres encore.
+
+4° L'huître de Marennes, qui se rapproche de la précédente par ses
+qualités, s'en distingue par la nuance verdâtre, qu'elle affecte et
+qu'elle doit aux fonds vaseux sur lesquels elle a vécu.
+
+Nous aurons plus tard à nous occuper des moeurs, des habitudes de
+l'huître,--en dépit du préjugé elle en a,--de sa reproduction, des
+tentatives d'éducation huîtrière, du parcage, etc.; mais avant d'aborder
+ces questions, il faut savoir comment on la pêche.
+
+La drague est l'instrument le plus en usage pour aller la chercher au
+fond des mers. Cette drague consiste en une sorte de sac à mailles de
+fil de fer ou de corde. Il est muni à son ouverture d'une forte armature
+de fer figurant un trapèze très-allongé. L'appareil est maintenu par
+trois tringles du même métal dont deux partent de ses extrémités, une de
+son milieu, pour se réunir à un anneau de traction sur lequel est frappé
+un cordage amarré lui-même à l'arrière du bateau. Cette disposition
+maintenant l'engin horizontal lui permet de racler les fonds et de
+détacher les huîtres, qui tombent alors dans le filet.
+
+La drague, on le comprend, doit souvent rencontrer des obstacles:
+pierres, roches, débris de navires qui, non-seulement peuvent l'arrêter,
+mais briser son armature. On pare à ces accidents en frappant à l'une de
+ses extrémités un petit orin muni d'une bouée qui permet de la
+retrouver. Une autre méthode très-ingénieuse consiste à étalinguer
+l'amarre de traction fixée à un des angles de l'armature par un faible
+filin; en cas d'arrêt sérieux, ce filin se brise, l'appareil se
+renverse, et, ne formant plus râteau, il est aisément dégagé.
+
+La largeur de la drague varie en raison des difficultés que présentent
+les fonds à explorer. Un des meilleurs types, la drague cancalaise,
+mesure de 1m50 jusqu'à 2m50 de lame. La grandeur de la maille est
+réglementée administrativement suivant la taille des coquillages. Son
+minimum est fixé à 5 centimètres carrés.
+
+Dans nos pêcheries en rivière de la Seurre, de Pont-l'Abbé, du Sucidy et
+même dans la baie d'Arcachon, on emploie pour pêcher l'huître de simples
+canots ou _tillotes_ à deux ou quatre avirons, munis d'une drague légère
+qu'un seul homme placé à l'arrière peut manoeuvrer. Les bancs du large
+sont exploités à l'aide d'embarcations pontées et d'un tonnage moyen de
+sept tonneaux, qui marchent à la voile et peuvent avoir plusieurs
+dragues à la traîne. A Cancale, chaque bateau en possède trois; dans le
+passage de la Déroute, j'ai vu des embarcations anglaises en mettre
+jusqu'à sept à la mer..
+
+Les bateaux destinés à cette pêche doivent réunir deux qualités
+essentielles: la solidité et la vitesse. La rapidité de la marche donne
+de grands avantages aux pêcheurs, non-seulement sur les bancs, mais dans
+le transport du chargement aux parcs, claies et dépôts de la côte. Les
+cutters anglais de Jersey, Liverpool, Ry, etc., auxquels leur
+construction à clins procure cette rapidité en même temps qu'elle leur
+donne une grande élégance, sont de parfaits modèles du bateau pêcheur
+d'huîtres.
+
+Par un bon temps et une jolie brise, rien n'est beau connue le tableau
+d'une flottille de pêcheurs en action. Les carènes noires des bateaux
+ruisselantes sous les caresses de la vague étincellent au soleil; avec
+leurs voiles blanches effilées, ils ressemblent à une nuée d'oiseaux
+éparpillés sur la mer, et malgré le poids des dragues qu'ils traînent à
+leur suite, comme l'oiseau, ils semblent voler en laissant une légère
+traînée d'écume sur sa surface.
+
+À bord, quelle fiévreuse activité! Il faut voir la prestesse avec
+laquelle, quand l'huîtrière est riche, l'appareil est vidé et rejeté à
+la mer.
+
+Quelquefois, lorsque la scène se passe sur un banc interdit, elle se
+complique. Un de ces avisos de l'État qui jouent sur ces plaines
+liquides le rôle des gardes champêtres dans nos campagnes surgit tout à
+coup de quelque coin de l'horizon, tombe comme la foudre sur les
+délinquants, amariné les plus maladroits et gâte un peu le plaisir de la
+fête. Celles des embarcations qui ont eu la chance de lui échapper,
+quelquefois en sacrifiant leurs engins de pêche, se couvrent de toile,
+font force de voiles et s'éparpillent dans toutes les directions.
+
+Le départ et l'arrivée de la caravane, c'est ainsi que l'on appelle à
+Cancale la drague annuelle des huîtres, est encore un spectacle auquel
+le plus indifférent ne saurait assister sans éprouver une certaine
+émotion. Il donne la mesure de l'importance de la récolte du coquillage
+pour ces populations. Aussitôt que les bateaux sont signalés, tout le
+littoral est en mouvement; les falaises, les grèves se couvrent de
+monde; une fourmilière humaine s'y presse, s'y amoncelle. Femmes,
+enfants, vieillards sont accourus pour assister au triage du précieux
+mollusque et constater les résultats de cette campagne, qui apportera
+l'aisance dans chaque foyer, qui peut-être aussi les laissera dans la
+gêne. Les premières, les poings sur les hanches, le teint allumé, l'oeil
+fiévreux, comptant les paniers qui se vident avec cette âpre cupidité
+que l'on a si peu le droit de reprocher aux pauvres gens; les petits,
+les yeux écarquillés, s'émerveillant devant ces trésors avec la naïveté
+de leur âge; les vieux y trouvant un prétexte pour revivre les jours du
+passé, et constater sa supériorité sur le présent: les huîtres étaient
+bien plus grosses de leur temps, on en cueillait aussi bien davantage.
+Si la pêche est plus faible, c'est que les équipages sont moins
+vaillants; et tout fier de l'avoir constaté, redressant son buste voûté,
+le bonhomme reprend sa chique, qu'il avait pieusement déposée dans un
+coin de son béret pour pérorer plus à son aise.
+
+Nous parlions tout à l'heure de la pêche sur les bancs prohibés; les
+Anglais sont nos maîtres dans ce genre de maraude; mais malheureusement
+ce n'est pas seulement en fait de pêche illicite que s'affirme la
+supériorité de leurs pêcheurs. Leur caractère froid et calculateur, un
+instinct plus raisonné de leurs intérêts leur ont permis de former entre
+eux des _guilds_ ou corporations où se réunissent les capitaux et qui
+répartissent équitablement entre les intéressés les produits de la
+commune industrie.
+
+Si, hors de chez eux, ils cèdent un peu trop aisément à l'attrait du
+fruit défendu, en revanche ils respectent strictement, rigoureusement
+les prohibitions de leur littoral, et notamment celles des baies de
+Portland, Falmouth, Swansea pendant la période de fermeture. On les voit
+aussi se donner la peine de débarrasser les fonds de pêche pendant l'été
+des herbes, des plantes marines qui nuisent singulièrement à la
+production du _brood_ ou naissain. Chez nous, au contraire, et si
+avantageux que soit le traînage du chalut sur les bancs, pour les
+approprier, la crainte que les pêcheurs n'abusent de cette opération
+conservatrice pour capturer des huîtres hors saison fait qu'elle est
+très-peu pratiquée.
+
+On voit que nous avons encore bien à faire pour égaler nos voisins.
+L'envasement a fait disparaître les huîtres des bancs des Maronnes, des
+Flamands, Mérignac, Lamouroux, Dugnas, Martin-Gêne, La Tremblade; mais
+la grande décroissance que nous avons signalée dans notre production
+huîtrière revient aussi pour une bonne part à l'imprévoyance, nous
+devrions dire à l'imprévoyante cupidité des exploitants. La fable de la
+poule aux oeufs d'or restera une éternelle vérité.
+
+L'administration de la marine s'est vivement préoccupée de cette
+situation, et grâce à elle, si toutes nos huîtrières ne sont pas encore
+relevées, du moins celles d'Arcachon, de Cancale, donnent-elles
+aujourd'hui d'excellents résultats; elles sont parvenues à alimenter,
+concurremment avec un certain nombre d'achats effectués en Angleterre,
+les parcs de Loc-Tudy, Cancale, Saint-Waast, Courseuilles, où l'huître
+acquiert toute sa finesse et son embonpoint avant d'être livrée à la
+consommation.
+
+Si satisfaisant que soit le progrès, nous devons souhaiter mieux encore;
+avec l'étendue de côtes que nous possédons, avec un peu de sagesse, nous
+cesserions rapidement d'être sous ce rapport les tributaires de
+l'étranger.
+
+Le nombre des bateaux pêcheurs d'huîtres est;
+
+ à Arcachon, de 620
+ Cancale 100
+ Granville 30
+ Tréguier }
+ Lézardrieux } 700
+ Pont-l'Abbé }
+ En total... 1,450
+
+embarcations, sans compter celles de la haute Normandie, qui draguent
+l'huître au moins par intervalles.
+
+En supposant cinq hommes d'équipage pour chacun de ces bateaux, on
+obtient le chiffre respectable de 7,250 pêcheurs. Si l'on veut bien
+observer que sur toute cette partie de nos côtes, 12,000 individus au
+moins trouvent encore un certain salaire en ramassant les huîtres à la
+main à la marée basse, on en conclura que le précieux coquillage peut à
+bon droit être considéré comme la manne de ces populations du littoral.
+
+Les prix des huîtres sont:
+
+ A Arcachon 20 à 25 fr. le mille.
+ Marennes. 30 à 35 »
+ Pont-l'Abbé, le Tudy 60 à 70 »
+ Cancale 60 à 70 »
+ Lézardrieux 50 à 60 »
+ Saint-Waast 60 à 65 »
+ Dunkerque (huîtres angl.) 90 à 100 »
+ Ostende 100 à 110 »
+
+L. Faudacq.
+
+
+Nuka-Hiva
+
+En suivant vers la gauche la rue de Taïohaé, on arrive, près d'un
+ruisseau limpide, aux quartiers de la reine. Un figuier des Banians,
+développé dans des proportions gigantesques, étend son ombre triste sur
+la case royale. Dans les replis de ses racines, contournées comme des
+reptiles, on trouve des femmes assises, vêtues le plus souvent de
+tuniques d'une couleur jaune d'or qui donne à leur teint l'aspect du
+cuivre. Leur figure est d'une dureté farouche; elles vous regardent
+venir avec une expression de sauvage ironie.
+
+Tout le jour assises, dans un demi-sommeil, elles sont immobiles et
+silencieuses comme des idoles. C'est la cour de Nuka-Hiva, la reine
+Vaékéhu et ses suivantes.
+
+Sous cette apparence peu engageante, ces femmes sont douces et
+hospitalières; elles sont charmées qu'un étranger prenne place près
+d'elles, et vous offrent toujours des cocos ou des oranges.
+
+Elisabeth et Atéria, deux suivantes qui parlent français, vous adressent
+alors, de la part de la reine, quelques questions saugrenues au sujet de
+la dernière guerre d'Allemagne. Elles parlent fort, mais lentement, et
+accentuent chaque mot d'une manière originale. Les batailles où plus de
+mille hommes sont engagés excitent leur sourire incrédule; la grandeur
+de nos armées dépasse leurs conceptions.
+
+L'entretien pourtant languit bientôt; quelques phrases échangées leur
+suffisent, leur curiosité est satisfaite et la réception terminée; la
+cour se momifie de nouveau, et, quoi que vous fassiez pour réveiller
+l'attention, on ne prend plus garde à vous.
+
+La demeure royale, élevée par les soins du gouvernement français, est
+située dans un recoin solitaire, entourée de cocotiers et de tamaris.
+
+Mais, au bord de la mer, à côté de cette habitation modeste, une autre
+case, case d'apparat, construite avec tout le luxe indigène, révèle
+encore l'élégance de cette architecture primitive.
+
+Sur une estrade de larges galets noirs, de lourdes pièces de magnifique
+bois des îles soutiennent la charpente. La voûte et les murailles de
+l'édifice sont formées de branches de citronniers, choisies entre mille,
+droites et polies comme des joncs; tous ces bois sont liés entre eux par
+des amarrages de cordes de diverses couleurs, disposés de manière à
+former des dessins réguliers et compliqués.
+
+Là encore, la cour, la reine et ses fils passent de longues heures
+d'immobilité et de repos, en regardant sécher leurs filets à l'ardent
+soleil.
+
+Les pensées qui contractent le visage étrange de la reine restent un
+mystère pour tous, et le secret de ses éternelles rêveries est
+impénétrable. Est-ce tristesse, ou abrutissement? Songe-t-elle à quelque
+chose, ou bien à rien? Regrette-t-elle son indépendance et la sauvagerie
+qui s'en va, et son peuple qui dégénère et lui échappe?...
+
+Atéria, qui est son ombre et son chien, serait en position de le savoir;
+peut-être cette inévitable fille nous rapprendrait-elle. Mais tout porte
+à croire qu'elle l'ignore, et il est possible même qu'elle ne se le soit
+jamais demandé.
+
+Vaékéhu consentit avec une bonne grâce parfaite à poser pour plusieurs
+éditions de son portrait; jamais modèle plus calme ne se laissa examiner
+plus à loisir.
+
+Cette reine déchue, avec ses grands cheveux en crinière et son fier
+silence, conserve encore une certaine grandeur.
+
+Un soir, au clair de lune, comme je passais seul dans un sentier boisé
+qui mène à la montagne, les suivantes m'appelèrent.
+
+Depuis longtemps malade, leur souveraine, disaient-elles, s'en allait
+mourir.
+
+Elle avait reçu l'extrême-onction de l'évêque missionnaire.
+
+Vaékéhu était étendue à terre et tordait ses bras tatoués avec toutes
+les marques de la plus vive souffrance; ses femmes, accroupies autour
+d'elle, avec leurs grands cheveux ébouriffés, poussaient des
+gémissements et menaient deuil (suivant l'expression biblique qui
+exprime parfaitement leur façon particulière de se lamenter).
+
+On voit rarement dans notre monde civilisé des scènes aussi
+saisissantes; dans cette case nue, ignorante de tout l'appareil lugubre
+qui ajoute en Europe aux horreurs de la mort, l'agonie de cette femme
+révélait une poésie inconnue, pleine d'une amère tristesse.
+
+Le lendemain de grand matin, je quittai Nuka-Hiva pour n'y plus revenir,
+et sans savoir si la souveraine était allée rejoindre les vieux rois
+tatoués ses ancêtres.
+
+Vaékéhu est la dernière des reines de Nuka-Hiva; autrefois païenne et
+quelque peu cannibale, elle s'était convertie au christianisme et
+l'approche de la mort ne lui causait aucune terreur.
+
+Julien V...
+
+
+NUKA-HIVA
+
+[Illustration: La reine Vaékéhu.]
+
+[Illustration: La Reine Vaékéhu et ses fils.--D'après les croquis de M.
+Julien V.]
+
+
+[Illustration: LE DÉJEUNER.--D'après le tableau de M. Caraud.]
+
+Le déjeuner
+
+Près d'une table toute servie une jeune fille est debout.
+
+Sa taille est fine et souple, son air à la fois malin et candide, son
+front pur. Bon pied, bon oeil, bon coeur et bon appétit.
+
+Elle tient à la main une assiette dans laquelle fume le potage qu'elle
+s'apprête à manger. Elle y a plongé une première fois la cuiller qu'elle
+a approchée de sa bouche. Mais le potage, brûlant, a trompé son attente.
+Vite, soufflons. Donc elle souffle, en attendant mieux. Elle ne semble
+pas d'ailleurs pressée outre mesure. Elle a là, sous les yeux, un
+spectacle qui la réjouit, et semble captiver son attention. La table est
+posée près de la fenêtre, la fenêtre est ouverte et par cette fenêtre,
+une bande d'aimables parasites, les hôtes du pigeonnier, à tout coup
+fait irruption dans la chambre. Elle a pris possession de la table, et
+comme en pays conquis elle en use ou plutôt en abuse.
+
+Ce n'est rien, comme vous voyez, ce sujet de tableau, choisi par M.
+Caraud; et cependant, de ce rien, il a fait une chose charmante, devant
+laquelle, au Salon de cette année, on s'oubliait volontiers. Toile
+très-gracieuse et très-délicate, oeuvre d'un artiste du talent le plus
+fin.
+
+L. C.
+
+
+LES MYSTÈRES DE LA BOURSE
+
+Ce qu'il faut faire pour moraliser la bourse
+
+Que de choses nous aurions encore à mettre en lumière pour bien faire
+comprendre les envahissements du Jeu de la Bourse et les ravages qu'il a
+produits dans les familles depuis un demi-siècle! Mais il nous suffira
+de nous arrêter à deux considérations dernières.
+
+ *
+ * *
+
+Non-seulement tout le monde est attiré par un irrésistible penchant vers
+le tourbillon de la Bourse, mais ce tourbillon va si bien s'élargissant
+qu'il ne fait plus de tout l'occident de l'Europe qu'un seul et unique
+marché.
+
+Dès qu'un premier cours a été coté par la Coulisse sous le péristyle de
+la Bourse, on voit s'établir un va-et-vient du télégraphe à la Bourse et
+de la Bourse au télégraphe. C'est un feu roulant de dépêches pour les
+départements, pour Londres, Bruxelles, Amsterdam, Vienne, Berlin. Agents
+de change, coulissiers, banquiers, sociétés de crédit, changeurs, font
+parvenir toutes les variations à leurs correspondants, de manière à
+profiter, si c'est possible, d'une place à l'autre, des moindres
+fluctuations de la rente. Tout mouvement de nos fonds publics se
+répercute ainsi sur toutes les bourses par une gerbe de dépêches qui se
+croisent à travers l'Europe et qui donne au marché des proportions
+infinies. Ce n'est plus un marché, c'est un monde en ébullition.
+
+Songez enfin que, bien souvent, quand les cours, sauf l'imprévu, sont au
+calme plat, les acheteurs savent, par la multiplicité de leurs
+opérations, compenser l'atonie des affaires. On vend et l'on achète
+alors par brassées. Ainsi nous nous rappelons avoir assisté à ce
+gigantesque coup de crayon.
+
+La rente, suffoquée de chaleur, haletait à 71 fr. 20 c.
+
+--A vingt-deux et demie, envoyez! glapit un agent acheteur.
+
+--Oui, cria un autre agent vendeur.
+
+--Combien? quinze mille?
+
+--Oui.
+
+--Trente mille?
+
+--Oui.
+
+--Soixante mille?
+
+--Oui.
+
+--Cent vingt mille?
+
+--Oui.
+
+--Trois cent mille?
+
+--Oui.
+
+--Six cent mille?
+
+--Oui.
+
+--Neuf cent mille?
+
+--Oui.
+
+--Douze cent mille?
+
+--Oui.
+
+Et les deux agents de la Coulisse inscrivirent d'un seul coup de crayon,
+sur leurs carnets, l'un un achat de DOUZE CENT MILLE FRANCS DE RENTE
+TROIS POUR CENT, l'autre une vente de la même somme. Vingt mille francs
+de courtage!
+
+Avec un franc de hausse ou de baisse, c'était pour l'acheteur ou le
+vendeur une perte de 400,000 fr.! Étonnez-vous donc auprès cela de voir
+arriver des fuites, des culbutes et des suicides! Qui aime le danger y
+périt, et l'on récolte toujours ce qu'on a semé.
+
+ *
+ * *
+
+Étant donné cet exposé sincère du marché de la Bourse, la première
+pensée qui surgit dans l'esprit de l'observateur est celle-ci:--Que
+faudrait-il faire pour moraliser le marché de la Bourse?
+
+Ce qu'il faudrait faire? Bien peu de chose, un tout petit article de loi
+que nous allons vous faire connaître et qui ferait de la Bourse un
+marché semblable à tous les autres.
+
+C'est là, en effet, la question mère auprès de laquelle disparaissent
+toutes les autres. Qu'importe que la Bourse fasse danser sur les
+raquettes de la hausse et de la baisse des millions et des milliards, si
+ce marché ne doit éternellement rappeler que la rue Quincampoix, et si
+foutes ces opérations ne doivent représenter que le jeu.
+
+Que disons-nous, le jeu? C'est la friponnerie qu'il faut dire, et nous
+appelons sur ce point toute l'attention de nos lecteurs, car c'est avec
+le vif désir de voir disparaître le jeu et les duperies de la Bourse que
+nous avons publié cette étude.
+
+Le jeu de la Bourse n'est en réalité qu'une duperie. Et pourquoi? Est-ce
+parce que ces opérations ne reposent que sur la spéculation? Nullement.
+On spécule sur les alcools, on spécule sur les farines, on spécule sur
+les cotons, et ces spéculations qui ruinent et enrichissent aussi bien
+que la hausse et la baisse de la rente, n'ont jamais donné lieu au
+reproche de friponnerie. La spéculation est le grand moteur des
+affaires.
+
+Pourquoi donc la Bourse est-elle seule à soulever à bon droit les
+colères de l'opinion et la réprobation de la conscience publique?
+
+Parce que la loi n'admet que le marché au comptant, et permet au
+spéculateur de faire du marché à terme, un pari non reconnu par le Code.
+Or tant que ce marché à terme sera ainsi livré à la merci de la mauvaise
+foi, tant qu'un fripon pourra recevoir ses bénéfices quand il aura
+gagné, et refuser de payer, la loi à la main, quand il aura perdu, la
+Bourse souffrira du triste renom qui s'attache aux maisons de jeu, et la
+fortune mobilière de la France n'aura pas pour son marché l'autorité
+morale que donne la sanction invariable de la loi.
+
+Voici, en effet, ce qui se passe tous les jours. Un spéculateur se
+présente. Il opère à terme, et avant que le compte soit réglé à la
+liquidation, il est impossible de savoir si l'opération est fictive ou
+sérieuse! Bien mieux: plus l'opération est forte, c'est-à-dire plus elle
+engage le client, l'agent de change et le marché, plus aussi cette
+opération présentera de risques, car l'importance de la vente ou de
+l'achat est précisément l'argument favori, presque toujours mis en
+avant, pour établir l'opération comme un pari et pour refuser le
+payement.
+
+Et voilà plus d'un demi-siècle que la Bourse ouvre ainsi ses portes à la
+malhonnêteté! Voilà plus d'un demi-siècle que le crédit de l'État roule
+sur une pareille énormité, et que la friponnerie a ses coudées franches
+sur un marché qui remue journellement des milliards! Un pari? A la
+Bourse? Quand il s'agit de la rente? Un pari, quand il s'agit d'actions
+et d'obligations? La conscience se révolte devant un tel scandale et
+devant les méfaits sans nombre qu'il peut engendrer.
+
+Voyez jusqu'où peut aller la duperie. Un spéculateur achète 100,000 fr.
+de rente à terme chez un agent. Mais qui peut savoir si, au moment où il
+achète ces 100,000 fr. de rente, il ne fait pas la contre-partie chez un
+autre agent? Et cette double opération commandée en vue de la fraude,
+qui peut savoir si elle ne se reproduit pas deux fois, trois fois chez
+d'autres agents?
+
+Vous voyez le résultat, et que de fois n'a-t-on pas eu à le constater?
+L'opération qui donne un compte créditeur voit arriver le client qui
+reçoit son argent, tandis que l'opération qui donne un compte débiteur
+n'obtient de lui qu'un refus, et aux sommations réitérées de l'agent de
+change, à l'assignation qui le fait paraître devant un tribunal, il
+invoque la loi et répond tranquillement: J'ai joué! Et le tribunal
+résilie le marché!
+
+Étonnez-vous donc que l'opinion reste hostile à la Bourse?
+
+ *
+ * *
+
+Un pareil état de choses est-il tolérable? Pourquoi donc le marché à
+terme, qui est l'âme du commerce dans le monde entier, ne serait-il pas
+admis à la Bourse? Pourquoi donc la rente qui est le titre de l'État,
+qui donne la mesure du crédit public, serait-elle réservée au rôle
+indigne des spéculations immorales?
+
+Il n'y a pas deux poids et deux mesures. A la Bourse, comme ailleurs,
+acheter et vendre, soit au comptant, soit à terme, sont deux actes
+légaux, sérieux, indéniables, parfaitement déterminés et qui doivent
+produire pour la rente les mêmes effets que pour toute autre propriété.
+Le droit commun, voilà la règle, et en dehors d'elle, il n'y a point
+d'autre solution.
+
+Le marché à terme a été la plaie de la Bourse, il faut que cette plaie
+disparaisse; il a causé de graves désordres, il faut que l'ordre les
+fasse oublier; il a souffert de l'ambiguïté de la loi, il faut que la
+loi, dépouillée de ses ambages, lui rende l'estime, la faveur et la
+confiance du publie.
+
+Une loi est donc nécessaire, et cette loi que nous invoquons est facile
+à faire. Une phrase peut la résumer tout entière, et cette phrase la
+voici:
+
+«La loi reconnaît, sans aucune distinction, toutes les opérations faites
+à la Bourse.» Cette solution est la seule pratique, la seule juste, la
+seule vraie, la seule conforme aux principes du droit et aux progrès des
+temps. Le marché au comptant est le marché des peuples primitifs, le
+marché à terme est le marché des peuples civilisés qui font plus
+d'affaires par le crédit que par les capitaux.
+
+Devant un texte aussi précis, la fraude n'aura plus rien à tenter, et la
+suspicion ne troublera pas de ses nuages malsains les opérations à
+ternie. La loi étant précise, les actes deviendront également précis.
+Tout ordre donné sera un engagement ferme. Chacun saura à quoi il
+s'engage, et quand le spéculateur saura qu'à chacune de ses opérations,
+il suspend sa fortune, son honneur et le repos de sa famille, il fera de
+mûres réflexions avant d'engager inconsidérément, dans une vente ou dans
+un achat, ce qu'il a de plus précieux au monde!
+
+Léon Creil.
+
+
+
+BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
+
+_Itinéraire descriptif_, historique et archéologique de l'Orient, par M.
+Emile Isambert. Première partie, Grèce et Turquie d'Europe, 2e édition.
+Paris, Hachette, 1873.--Si le principal mérite d'un livre doit être de
+satisfaire pleinement aux besoins et aux goûts de ceux auxquels il est
+destiné, on peut dire, sans s'exposer à aucune contradiction, que
+l'ouvrage composé par M. Emile Isambert est, sous tous les points,
+excellent. Celui qui voyagera en Grèce et dans la Turquie d'Europe,
+ayant à la main ce guide fidèle, verra sans aucun doute, beaucoup plus
+de choses que s'il marchait à l'aventure, et surtout il les verra mieux.
+
+La première partie de cet itinéraire de l'Orient embrasse la Grèce et la
+Turquie d'Europe. Elle est naturellement divisée en deux sections
+précédées, l'une et l'autre, d'un abrégé substantiel où sont résumées la
+géographie et les conditions climatériques des diverses localités, les
+évolutions historiques des Grecs anciens et modernes, l'invasion des
+Turcs, la situation réelle qu'ils ont en Orient, leur religion, leurs
+usages, le caractère de leur architecture, etc. les notions
+préliminaires, indispensables à ceux qui ne sont pas très-familiers avec
+le monde oriental, seront utiles aux érudits eux-mêmes qui rencontreront
+là, condensé en quelques pages, ce qu'il faudrait chercher parmi plus de
+cent volumes.
+
+Faisons d'abord observer que la Grèce proprement dite et la Turquie
+d'Europe ont une physionomie différente et ne produisent pas le même
+genre d'impression. Le voyage de Grèce est surtout archéologique.
+L'homme y joue le premier rôle, on en voit la grandeur et la faiblesse
+dans ce peuple qui a élevé de si belles oeuvres aujourd'hui en ruines.
+C'est presque exclusivement le passé qui nous attire lorsque l'on se
+rend en Grèce, et le présent humble ou misérable fait encore ressortir
+davantage quelle devait être l'élévation de ce qui n'est plus.
+
+Le voyage de la Turquie d'Europe est au moins aussi pittoresque
+qu'historique. L'homme des temps anciens s'efface devant la nature; la
+nature se montre là à la fois charmante et grandiose, prête à prodiguer
+d'inépuisables richesses au travail qui daignerait la solliciter.
+
+L'itinéraire général est partagé en un grand nombre d'itinéraires
+particuliers; le livre fait connaître les distances à parcourir, les
+moyens de transport et de dépense: chaque route est très-minutieusement
+détaillée; l'aspect changeant des paysages, la succession des vallées et
+des collines, les montagnes et les rochers, les rivières, les sources,
+les lacs; les constructions pélasgiques, les temples grecs, les
+tombeaux, les châteaux francs, vestiges de la conquête latine du XIIIe
+siècle, les églises et les monastères, les traces de campement militaire
+et les lieux célèbres par quelque grande bataille, rien, en un mot, n'a
+été oublié.
+
+Pour la partie archéologique, M. Emile Isambert a consulté les mémoires
+si remarquables des élèves de notre école d'Athènes et les travaux des
+plus savants explorateurs modernes de la Grèce. Dans la partie
+topographique et pittoresque, il se plaît à citer plusieurs célèbres
+écrivains voyageurs, Lamartine, Chateaubriand, Théophile Gautier. Ces
+emprunts habilement intercalés par l'auteur dans son propre texte, lui
+permettent d'échapper à la sécheresse d'une nomenclature géographique.
+Quoi de plus poétique, pour ne citer qu'un exemple, que le tableau si
+animé des deux rives du Bosphore! Les descriptions des villes, toutes
+précédées d'une notice historique, sont quelquefois assez étendues,
+comme celles d'Athènes et de Constantinople; celui qui suivra
+scrupuleusement toutes les indications du livre, pourra s'éloigner
+d'Orient avec la certitude, presque absolue d'avoir vu tout ce qui était
+digne d'intérêt.
+
+Tel est l'ouvrage de M. Emile Isambert. C'est un immense et très-sérieux
+travail qui a exigé les plus longues et les plus patientes recherches.
+De pareils livres sont très-propres à répandre parmi tous le goût des
+voyages en les rendant plus faciles et plus agréables. On dit que les
+Français devraient sortir de chez eux pour étudier les autres peuples.
+Or, nous pensons qu'une fréquentation de la Grèce nous serait
+profitable. Nous y verrions qu'un peuple, après avoir fait de grandes
+choses, doit inévitablement, quoique doué de qualités supérieures, s'il
+manque d'esprit politique et se consume en divisions stériles, perdre la
+vitalité première de sa nationalité; nous verrions qu'en suivant cette
+voie, toute nation marche infailliblement à la dégradation et à la
+servitude.
+
+Richard Cortambert.
+
+
+M. Jouaust, qui a achevé ses deux ouvrages exquis, les _Contes_ de
+Boccace et ceux de Marguerite de Navarre (deux raretés déjà, deux
+chefs-d'oeuvre), va publier tantôt un _La Fontaine_ étonnant, avec des
+dessins de Gérôme et de Detaille, une oeuvre d'art à propos d'une
+inimitable oeuvre littéraire.
+
+_Almanach lorrain de Pont-à-Mousson_ (Première année).--Il faut signaler
+à l'Alsace et à la Lorraine tout ce que la France essaie de faire pour
+entretenir dans ces provinces l'amour de ta mère patrie. En éditeur de
+Pont-à-Mousson,--la frontière de France aujourd'hui,--M. Ory, publie
+ainsi la première année d'un almanach lorrain qui, répandu dans les
+campagnes autour de Metz, pourra apprendre à bien des gens qu'ici ou ne
+les oublie pas. M. Georges Perrot a donné à cet almanach une page
+excellente sur le siège de Paris et j'y ai trouvé, signés L. F., des
+souvenirs d'une intensité d'émotion et de vérité tout à fait
+remarquables, des souvenirs d'un soldat du 94e de ligne (2e armée de la
+Loire). M. Gérardin a écrit aussi de bien curieuses recherches sur
+l'histoire de Pont-à-Mousson pendant le règne de Louis XVI et la
+Révolution française, et M. Claude, député de Meurthe-et-Moselle, y
+conte éloquemment la légende de Jacques Bonhomme.
+
+OEuvre utile entre toutes, cet almanach est un lien populaire entre la
+France française et ce qu'on pourrait appeler, hélas, la _France
+allemande!...._
+
+
+_Rêves et devoirs_, par M. Théodore Froment (I vol., A.
+Lemerre).--Chaque poète prend ses inspirations où il les trouve. M.
+Froment est professeur et son horizon d'habitude c'est la classe avec
+ses murs nus, son tableau noir, ses pupitres luisants. Il a logé sa Muse
+dans une étude de collège et il a caractérisé ses vers par ces deux
+mots: _Rêves et devoirs._ Les rêves sont simples et honnêtes, les
+devoirs sont de tous les jours. M. Froment a dédié ses vers à ses
+élèves, à ceux qu'il enseigne et guide:
+
+ Ainsi donc à vous cet ouvrage:
+ Si peu qu'il soit, c'est votre bien.
+ Amis, je vous en fais hommage
+ Et mets à la première page
+ Votre nom à côté du mien.
+
+Ces vers intimes, sincères, profondément sentis, manquent de variété
+sans doute. Le devoir universitaire est un peu uniforme. Pourtant M.
+Froment a su dégager une poésie vraie et souvent touchante de sa pensée
+et de ses occupations quotidiennes.
+
+
+_Le Roman de l'histoire_, par M. Jules d'Argis (1 vol., Société des gens
+de lettres).--C'est un gros volume compact où le roman et l'histoire,
+comme le promet le titre, s'entremêlent. On y trouve de tout un peu,
+comme dans les oeuvres complètes; des nouvelles, des chroniques, des
+voyages et de la critique. _Les Fiançailles de mademoiselle de
+Bourgogne, le Dernier sourire de Charles II et François 1er à Madrid_,
+sont des chapitres intéressants. A propos du premier Empire, de M.
+Thiers et de M. Lanfrey, M. Jules d'Argis a trouvé le moyen de dire des
+choses intéressantes et nouvelles. C'est ce qu'il voulait, lorsqu'il
+donnait à son livre cette épigraphe tirée de Buffon:
+
+«L'art de dire de petites choses devient peut-être plus difficile que
+l'art d'en dire de grandes.»
+
+
+_La Ligue d'Alsace_, première série, 1871-1872 (1 vol. in-18).--«Depuis
+la conquête prussienne, une puissante société secrète, la Ligue
+d'Alsace, s'est fondée en Alsace-Lorraine et y imprime une feuille
+clandestine, qu'elle fait largement distribuer par ses adhérents avec la
+complicité unanime du pays. «Cette feuille, qui s'imprime on ne sait où,
+qui est glissée sous les portes on ne sait par qui, est petite,
+typographiée sur deux colonnes, en français d'un côté, en allemand de
+l'autre. Jamais la police prussienne n'a pu saisir les distributeurs de
+ces patriotiques feuilles volantes. L'éditeur Lemerre a eu l'idée de
+publier les numéros de cette gazette clandestine parus depuis le 1er
+mars 1871 jusqu'au 1er janvier 1872. C'est la chronique même des efforts
+de l'Alsace-Lorraine, de ses protestations et de ses luttes contre les
+conquérants. _La Ligue d'Alsace_ stimule le patriotisme, flétrit les
+désertions, ravive les souvenirs de la patrie. Cette sorte de
+_charbonnerie_ organisée, riche, intrépide, tient en échec l'empire
+d'Allemagne et ne regarde point comme accomplie l'oeuvre de M. de
+Bismarck. Elle a ses presses, ses armées de distributeurs et de
+contrebandiers, ses dépôts, ses réunions régulières, et la police
+allemande sent autour d'elle l'influence de cette _Ligue_ insaisissable.
+
+Tout le monde, tout ce qui est français, voudra connaître les numéros de
+_la Ligue d'Alsace_ ainsi réunis en volume. Le livre se vend au profil
+de l'oeuvre d'Alsace-Lorraine. Ce n'est pas une oeuvre de littérature,
+c'est mieux que cela, c'est une oeuvre de combat et de patriotisme.
+
+
+_Le Travail, base de la synthèse de l'histoire_, par Auguste Deschamps
+(1 broc. in-18).--«Le travail, c'est la vie», a dit Mirabeau. M. Auguste
+Deschamps, l'auteur d'une biographie estimée, _Eugène Cavaignac_, et de
+l'_Histoire de la chute du second Empire_, a développé cette parole de
+Mirabeau dans une conférence faite à l'hôtel de ville de Melun, au mois
+d'avril dernier, et qu'il réunit aujourd'hui en brochure. Ce travail est
+fort savant et animé d'une noble idée. M. Deschamps ne voit de progrès
+possible que par le travail. «Ce progrès, dit-il, c'est le travail,
+toujours le travail qui le produira, le travail pratiqué par tous,
+respecté et honoré de tous.» On ne saurait mieux dire. Toute la brochure
+est animée de ce même esprit sage et libre.
+
+Jules Claretie.
+
+
+
+REVUE FINANCIÈRE
+
+LE NOUVEL EMPRUNT OTTOMAN
+
+La Bourse a commencé le mois en pleine hausse, et le 5 p. 100 se cote
+triomphalement au-dessus de 93 fr. 50 c., après avoir franchi un instant
+le cours de 94 fr. Les sociétés financières ont beaucoup de capitaux
+disponibles, et tout démontre que notre épargne nationale ne demande
+qu'à entreprendre une grande et fructueuse campagne d'affaires.
+
+Le nouvel Emprunt ottoman que vient d'émettre le Crédit mobilier se
+présente donc aux souscripteurs dans les meilleures conditions
+possibles. A cet égard, on a tant médit chez nous de la Turquie et de
+l'homme malade, qu'il importe, au point de vue de l'exactitude des
+faits, de redresser les préjugés et les faux calculs qui se glissent
+injustement dans l'opinion.
+
+Il suffît d'ailleurs de rappeler le résultat des emprunts antérieurs
+pour éclairer les capitalistes sur ce qu'on doit attendre de l'émission
+nouvelle. Si nous nous demandons ce qu'ont produit les emprunts
+antérieurs de la Turquie, nous resterons convaincus que l'Empire
+ottoman, la France et les souscripteurs n'ont eu qu'à s'en féliciter.
+
+Pour la Turquie,--comment ne pas s'apercevoir que, depuis vingt ans que
+la Turquie a commencé ses emprunts, le revenu de la Sublime-Porte a
+presque triplé, et il est encore aujourd'hui en pleine marche
+ascendante. Ces emprunts ont donc été une semence qui a surabondamment
+fructifié, et la Turquie, nous devons le dire, n'a fait que toucher
+encore aux immenses richesses qu'elle veut aujourd'hui mettre en valeur.
+
+Pour la France,--on peut dire, sans doute, qu'elle a beaucoup perdu dans
+les valeurs étrangères; mais il n'est que juste de reconnaître que
+l'Empire ottoman ne lui a rien fait perdre, et ses placements en Turquie
+sont au nombre de ceux qui ont facilité, dans ces deux dernières années,
+le paiement de l'indemnité de guerre. C'est en vendant ses valeurs
+étrangères que la France a pu conserver une bonne partie de son
+numéraire.
+
+Pour le public,--la Turquie est un des pays qui ont compensé pour notre
+épargne les pertes qu'elle a subies. Les valeurs turques rapportent 10
+p. 100, et les Obligations que le Crédit mobilier vient d'émettre
+rapporteront, en comptant toutes leurs bonifications, 12 p. 100. C'est
+là, on le comprendra, un motif suffisant pour expliquer l'empressement
+des souscripteurs.
+
+Léon Creil.
+
+
+
+[Illustration: EXPOSITION DE VIENNE.--Les appareils distillatoires de M.
+Savalle.]
+
+APPAREILS SAVALLE POUR LA DISTILLATION
+
+De nombreux appareils de distillation ont été envoyés à l'Exposition de
+Vienne: mais là encore, la France remporte un succès incontestable, par
+l'exposition de la maison D. Savalle fils et Cie, de Paris.
+
+Le jury des récompenses a décerné à cette maison une médaille de
+progrès, et certes elle était bien méritée; nous dirons même que le jury
+eut pu faire quelque chose de plus, en considération des services rendus
+et des nombreux perfectionnements réalisés par M. Désiré Savalle depuis
+1867.
+
+Pour donner une idée de l'importance des travaux exécutés par la maison
+Savalle, nous citerons la puissance du travail des nombreuses usines
+installées par elle dans les diverses contrées du globe. Cette puissance
+représentait en 1872 une production journalière de un million et demi de
+litres d'alcool: dans ce chiffre, la production du 3/6 de mélasses entre
+pour 555,111 litres, et celle du 3/6 de betteraves pour 572,800 litres.
+Le surplus représente la production des alcools de pommes de terre, des
+alcools de grains, de vins, et la production des rhums par les appareils
+Savalle.
+
+Pendant l'Exposition de Vienne, vingt-huit appareils de grande dimension
+ont déjà été vendus; ils représentent une valeur de plus de huit cent
+mille francs.
+
+Ces appareils sont destinés aux contrées ci-après, pour:
+
+ L'Égypte (pour les usines du khédive). 5 appareils.
+ La Russie. 4 --
+ La Hollande 1 --
+ Le Portugal 2 --
+ L'Autriche 2 --
+ La France 7 --
+ Rio-Janeiro 1 --
+ L'Angleterre 1 --
+ L'Allemagne 1 --
+ La Bavière rhénane 2 --
+ L'Espagne 1 --
+ Total des appareils vendus pendant
+ l'Exposition 27
+
+C'est la maison Savalle qui, la première, a importé la distillation de
+la betterave en Autriche et y a installé les distilleries de ce genre
+qui existent aujourd'hui.
+
+Les personnes intéressées à la question distillerie feront bien de se
+procurer chez M. Georges Masson, éditeur, 17, place de
+l'École-de-Médecine, à Paris, la brochure de M. Désiré Savalle,
+intitulée: _Progrès récents de la distillation_; elles y trouveront des
+renseignements précieux sur la distillation de toutes les matières
+alcoolisables, et sur de nouveaux appareils appliqués à la fabrication
+de couleurs d'aniline et à l'épuration des méthylènes.
+
+
+
+Rébus
+
+[Illustration.]
+
+
+EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:
+
+Avant dîner et après un grand chagrin, l'appétit est coupé.
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1598, 11 octobre
+1873, by Various
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 47477 ***
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+ <title>The Project Gutenberg eBook of L'illustration, No. 1598, 11 Octobre 1873, by Various</title>
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+<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 47477 ***</div>
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+
+
+ <p>L'ILLUSTRATION<br>
+
+JOURNAL UNIVERSEL</p>
+
+ <p>31e Année.--VOL. LXII.--N° 1598<br>
+
+SAMEDI 11 OCTOBRE 1873</p>
+
+
+
+ <p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+DIRECTION, RÉDACTION, ADMINISTRATION<br>
+22, RUE DE VERNEUIL, PARIS.
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%;">
+31e Année.VOL. LXII. N° 1598<br>
+<span class="large_ss">SAMEDI 11 OCTOBRE 1873</span>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br>
+60, RUE DE RICHELIEU, PARIS.
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+<b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br> La collection mensuelle, 3 fr.; le vol.
+semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+Abonnements Paris et départements: 3 mois, 9 fr.; 6 mois, 18 fr.; un
+an, 36 fr.;<br>Étranger, le port en sus.
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>LE PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Le Grand-Trianon.</b></p>
+<br><br>
+
+ <h3>SOMMAIRE</h3>
+
+ <p><i>Texte</i>: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
+Audebrand.--Les Théâtres.--Les Domestiques modernes, par M. Hippolyte
+Lucas.--L'esprit de Parti (suite).--Nos gravures.--Les Mystères de la
+Bourse (fin).--Bulletin bibliographique.--Revue financière.--Appareils
+Savalle pour la distillation.</p>
+
+ <p><i>Gravures</i>: Le procès du maréchal Bazaine: le Grand-Trianon.--La pêche
+des huîtres (5 gravures).--Procès du maréchal Bazaine; une séance du
+Conseil de guerre siégeant à Trianon.--Nuka-Hiva: la reine Vaékéhu;--La
+reine Vaékéhu et ses fils.--Le déjeuner, d'après le tableau de M.
+Garaud.--Exposition universelle de Vienne: les appareils distillatoires
+de M. Saville.--Rébus.</p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3>
+
+ <h4>FRANCE</h4>
+
+ <p>Depuis la semaine dernière, un certain désarroi semble s'être mis de
+nouveau dans les affaires de la fusion qui paraissaient cette fois
+définitivement arrangées, ou à peu près. Tous les journaux du parti
+triomphaient. C'était trop tôt, paraît-il, ou peut-être prenaient-ils
+leurs désirs pour la réalité. Peut-être, aussi jugeaient-ils qu'ils
+avaient intérêt à ne pas dire toute la vérité. Dans ce cas, ils avaient
+tort; car s'il est un devoir qui s'impose aux journaux dans les
+circonstances actuelles, c'est celui de ne pas tromper le public. Or,
+c'était le tromper que de proclamer à son de trompe que le centre droit
+se trouvait en pleine conformité d'opinion et d'action avec la droite,
+quand, en réalité, chacun maintient ses positions, et qu'on n'est pas
+plus avancé qu'au premier jour; c'était le tromper que d'affirmer que la
+question du drapeau ne soulevait plus de difficultés, quand il est vrai
+que, sur ce point, l'<i>Union</i> le dit et doit être bien informée,
+«l'accord n'est pas fait». Non-seulement on est divisé encore sur la
+question du drapeau, mais on ne s'entend même pas sur les principes
+fondamentaux de la monarchie à restaurer.</p>
+
+ <p>Un événement important est venu ajouter à ce désarroi. C'est la
+publication d'une lettre adressée par M. Thiers à M. Bernard, maire de
+Nancy. Voici cette lettre datée du 29 septembre, dans laquelle l'ancien
+Président de la république décline l'invitation qui lui avait été faite
+de se rendre à Nancy. M. Thiers redoute l'agitation à laquelle pourrait
+donner lieu son voyage dans une ville qui l'appelle et qui se préparait
+à lui faire un sympathique accueil. «Sans doute, écrit M. Thiers, il est
+des calomnies qu'il faut savoir mépriser; sans doute aussi, au sein d'un
+pays qui serait fait aux m&oelig;urs de la liberté, l'agitation serait
+permise dans un moment où sans consulter la France, on prétend décider
+de ses destinées.» On voit que le chef de l'opposition n'est point la
+dupe des phrases toutes faites ni des hypocrites conseils par lesquels
+on voudrait enchaîner la protestation légitime de la moitié des
+représentants de la nation. S'il s'abstient d'aller soulever et
+recueillir à travers la France les ovations qui l'attendent et qui dans
+sa personne salueraient la république conservatrice, c'est parce qu'il
+le juge utile à la cause même de cette république. Les adversaires des
+«institutions existantes» auraient donc tort de compter sur le silence
+et la neutralité de M. Thiers; M. Thiers parlera, il agira! «Bientôt,
+écrit-il, nous aurons à défendre non-seulement la république qui, pour
+moi, reste le seul gouvernement capable de rallier, au nom de l'intérêt
+commun, les partis si profondément divisés, et qui seule peut parler à
+la démocratie avec une autorité suffisante... Nous aurons à défendre
+tous les droits de la France, ses libertés civiles, politiques et
+religieuses, son état social, ses principes qui, proclamés en 1789, sont
+devenus ceux du monde, entier.»</p>
+
+ <p>Il n'en faut donc plus douter; un combat, une bataille solennelle et
+décisive se prépare. Dans cette bataille, tous les fils de la Révolution
+combattront sous le même drapeau,--le drapeau tricolore, accepté sans
+réserve, ni restrictions d'aucune sorte, ni «mensonge», pour employer
+l'expression énergique de M. Thiers; ils combattront enfin sous les
+auspices et sous la conduite du libérateur du territoire. Ce n'est pas
+la première fois qu'en face de l'ancien régime, M. Thiers aura levé
+courageusement l'étendard de la Révolution de 1789; ce n'est pas la
+première fois qu'il aura pris les initiatives hardies et généreuses, et
+que la nation aura répondu à son appel. «La parole est à la France»,
+écrivait naguère M. le comte de Chambord. Il ne restait plus qu'à savoir
+ce que disait et voulait la France: nous allons bientôt le connaître.</p>
+
+ <p>Avec cette, lettre, presque aussitôt suivie des déclarations
+républicaines des membres les plus considérables et les plus considérés
+du centre gauche, l'événement de la semaine a été l'ouverture, au
+Grand-Trianon, du procès du maréchal Bazaine, sous la présidence de M.
+le duc d'Aumale.</p>
+
+ <p>La loi veut que tout chef de corps qui capitule soit appelé à rendre
+compte de sa conduite au même titre qu'un commandant de vaisseau est
+appelé à rendre compte de la perte du bâtiment qui lui était confié.</p>
+
+ <p>Ce n'est pas seulement le maréchal Bazaine, mais ce sont tous les
+commandants des places de l'Est ayant capitulé dans la dernière guerre
+qui ont été soumis à cette loi et qui ont rendu compte de leur conduite
+devant un conseil d'enquête que présidait le maréchal
+Baraguey-d'Hilliers, assisté de quatre officiers généraux.</p>
+
+ <p>On peut se rappeler ce qu'ont été les avis émis par ce conseil
+d'enquête, car ces avis ont, en vertu d'une loi spéciale, été livrés à
+la publicité. Ces avis ont été sévères, à des degrés différents, pour
+presque tous les commandants de place, sauf pour l'officier qui
+commandait la petite place de Bitche.</p>
+
+ <p>Pour le maréchal Bazaine le blâme a été énergique, et surtout motivé de
+telle façon que l'Assemblée nationale comprit la nécessité d'exercer
+dans toute leur étendue les droits sévères qui lui étaient conférés en
+décrétant, dans sa séance du 16 mai 1872, la mise en jugement du
+maréchal Bazaine.</p>
+
+ <p>C'est en conséquence de cette décision que le ministre de la guerre
+délivra un ordre d'informer.</p>
+
+ <p>Le général Rivière, chargé de l'instruction, a entendu plus de 500
+témoins. Son avis a été, après de longs mois de travail, que le maréchal
+devait être renvoyé devant la justice militaire pour y être jugé.</p>
+
+ <p>L'avis du général Rivière a ensuite été soumis au ministre de la guerre
+avec toutes les pièces à l'appui. C'est donc en conformité de cet avis,
+rendu après celui du conseil d'enquête, que le ministre de la guerre
+s'est décidé à convoquer le conseil qui vient de se réunir pour juger le
+maréchal Bazaine.</p>
+
+ <p>Les deux articles visés dans le rapport sont les articles 209 et 210 du
+Code militaire, ainsi conçus;</p>
+
+ <p>«Art. 409.--Est puni de mort avec dégradation militaire tout gouverneur
+ou commandant qui, mis en jugement après avis d'un conseil d'enquête,
+est reconnu coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, et rendu la place
+qui lui était confiée sans avoir épuisé tous les moyens de défense et
+sans avoir fait tout ce que prescrivaient le devoir et l'honneur.»</p>
+
+ <p>«Art. 210.--Tout général, tout commandant d'une troupe armée qui
+capitule en rase campagne est puni 1º de la peine de mort avec
+dégradation militaire si la capitulation a eu pour but de faire poser
+les armes à sa troupe, ou si, avant de traiter verbalement ou par écrit,
+il n'a pas fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l'honneur; 2º
+de la destitution dans tous les autres cas.»</p>
+
+ <p>Rien n'est modifié dans le nombre de voix nécessaires pour la
+condamnation. Il y a sept juges, il faut cinq voix pour la condamnation.
+Si l'accusé n'a que deux voix pour lui sur sept, il est condamné; s'il
+en a trois, il est acquitté.</p>
+
+ <p>Aucune récusation n'est permise à l'accusé. II n'a que le recours en
+révision.</p>
+
+ <p>Le conseil de guerre a déjà tenu trois audiences au moment où nous
+traçons ces lignes, et ces trois audiences ont été presque exclusivement
+consacrées à la lecture, qui n'est pas encore terminée, du rapport du
+général Rivière. Ce rapport très-net et très-bien fait, est, disons-le,
+accablant pour le maréchal. On n'attend pas de nous que nous le
+reproduisions, même en substance, vu sa longueur. Ce serait un travail
+long, difficile, et qui resterait, malgré tout, incomplet! De tels
+documents d'ailleurs demandent à être lus <i>in extenso.</i> Nous renvoyons
+donc nos lecteurs aux journaux quotidiens.</p>
+
+ <h4>ESPAGNE</h4>
+
+ <p>Les cortès se sont prorogées le 20 septembre jusqu'au 2 janvier
+prochain, laissant le chef du pouvoir exécutif, M. Emilio Castelar,
+investi d'une dictature sans limites.</p>
+
+ <p>Les efforts du gouvernement, qui semble entretenir l'espoir d'une
+reddition volontaire des insurgés de Carthagène, se concentrent
+principalement sur le renforcement des différents corps d'armée tenus en
+échec par les carlistes dans les provinces septentrionales. Déjà le
+général Moriones a pris le commandement provisoire de l'armée du Nord,
+dont le commandant définitif doit être, dit-on, le maréchal Serrano; le
+général Turon est allé se mettre à la tête des troupes de la Catalogne.</p>
+
+ <p>Bilbao est toujours cerné par les carlistes, qui, par contre, auraient
+abandonné l'attaque de Tolosa pour se replier dans les montagnes de la
+Navarre, à l'approche des renforts amenés par le général Moriones.</p>
+
+ <p>Les insurgés de Carthagène ont mis à exécution la menace dont
+l'intervention des amiraux étrangers avait jusqu'à présent fait retarder
+l'accomplissement; il ont bombardé Alicante, sous les yeux même des
+navires anglais, français et allemands, présents dans les eaux du port.
+Le 27 septembre au matin, les frégates insurgées <i>Mendez-Nunez</i> et
+<i>Numancia</i> ouvraient le feu sur le fort en ruines qui domine une partie
+de la ville et sur les fortifications qu'on avait élevées à la hâte. Les
+frégates portaient le drapeau rouge. Le <i>Fernando-el-Catolica</i>, qui les
+avait accompagnées d'abord, était allé faire à Villajoyosa, au nord
+d'Alicante, une expédition semblable à celle de las Aguilas; le <i>Tetuan</i>
+n'avait pu sortir de Carthagène, sa machine ayant refusé le service.</p>
+
+ <p>Le feu des frégates, mal dirigé, ne causa que peu de dommages; il y fut
+vigoureusement répondu par l'artillerie républicaine, commandée par ses
+anciens officiers. Près de cinq cents projectiles ont été lancés;
+plusieurs édifices, entre autres le palais du gouverneur civil, ont été
+atteints; onze personnes ont été tuées. A une heure, après une tentative
+pour s'approcher du quai, tentative que la batterie établie sur ce point
+arrêta, les frégates se retiraient, non sans avoir reçu des avaries
+notables, l'une d'elles à la remorque de l'autre.</p>
+
+ <h4>ITALIE</h4>
+
+ <p>L'anniversaire du plébiscite qui a consacré la chute du pouvoir temporel
+du pape, a été célébré jeudi 4 octobre, à Rome, au milieu de la joie
+«générale», avec force transparents représentant le roi Victor-Emmanuel,
+l'empereur Guillaume et l'empereur François-Joseph les mains
+entrelacées, force vivats en l'honneur de l'Autriche, mais surtout de la
+Prusse, et plusieurs douzaines d'orchestres faisant retentir les places
+publiques de l'air national prussien.</p>
+
+ <p>M. Minghetti paraît désireux de hâter le plus possible la convocation du
+Parlement. La nouvelle a été donnée que, dans un récent conseil des
+ministres, le gouvernement aurait décidé de clore la session actuelle de
+la Chambre et de fixer aux premiers jours de novembre l'ouverture du
+prochain Parlement. On dément aujourd'hui, à Rome, le bruit que le
+ministère ait l'intention de présenter un projet d'appendice à la loi
+sur les garanties pour régler les rapports de l'Église avec l'État.</p>
+
+ <p>Toutefois on maintient que M. Vigliani, étudie en ce moment un projet de
+loi qui, tout en respectant la liberté du clergé, marquerait le point où
+cette liberté se changerait en licence et se transformerait en délit
+commun.</p>
+
+<br><br>
+
+ <h2>Courrier de Paris</h2>
+
+ <p>Mme Marie Rattazzi est de retour; elle a repris ses réceptions. D'autres
+hésitent ou attendent. Quant à elle, à peine revenue, elle s'est
+empressée de donner à souper à ses amis. Ceux qui sont venus sont les
+mêmes qu'on voyait autour d'elle pendant le dernier hiver. On pourra
+dire que c'est un monde un peu bigarré, d'accord; il n'en faudra pas
+moins reconnaître que c'est l'amalgame le plus joyeux qu'on puisse voir.
+D'anciens dignitaires s'y montrent, d'abord comme le dessus du panier,
+des diplomates d'autrefois, un ex-chambellan, des naufragés de la
+politique, deux ou trois académiciens; au milieu de tout cela, des
+peintres, des journalistes, des musiciens, ce qu'Horace appelle
+<i>ambubaja rum collegiæ.</i> A la musique de l'hôtesse se marie la bonne
+chère; à la causerie la danse. Quand la neige poudre nos toits à
+frimais, il ne faut pas que l'hôtel soit trop morose. On improvise alors
+un petit théâtre, où la maîtresse conserve le privilège de jouer les
+premiers rôles. Au milieu de Paris, tel qu'il est en ce moment, rien de
+plus curieux qu'un tel train de vie où chaque jour se change en fête. La
+résidence de la Petite Princesse, comme on l'appelle encore, ressemble à
+une découpure du joli tableau sur lequel Watteau a jeté, il y a cent
+ans, les groupes de la Comédie italienne.</p>
+
+ <p>Ce qu'il y a de plus remarquable là-dedans, c'est que rien n'arrête
+jamais la marche de ces loisirs. Notez qu'il y a tantôt quinze ans que
+cela dure. En 1858, c'était tantôt à Aix-les-Bains, tantôt à Annecy.
+Eugène Sue est mort, par là, un jour, subitement ou à peu près; la
+Petite Princesse, qui était un peu son élève, a-t-elle pleuré? Oui,
+dit-on, mais la musique, le théâtre, les bons moments n'ont pas chômé
+pour si peu. On est revenu à Paris, on s'y est installé; on a appelé
+autour de soi des personnalités graves et l'on est parvenu à en faire
+des personnalités folâtres, Sainte-Beuve y venait, Sainte-Beuve qui
+toussait pour rire quand il faisait <i>Joseph Delorme</i>; le père Viennet y
+récitait ses fables; M. Dupin aîné y jouait au whist; on y coudoyait
+aussi le dieu Ponsard. Toutes ces étoiles ont disparu; avec elles,
+l'empire est tombé, les cousins sont partis, probablement pour toujours;
+eh bien! n'importe, la jolie vie a continué, et il y a mieux, le veuvage
+s'est présenté pour la seconde fois, la jolie vie poursuit son cours, et
+elle sera un désagréments de cet hiver.</p>
+
+ <p>La politique est partout avec ses fureurs, ses appétits, ses nuits
+blanches, ses rêves et ses déceptions. Dans les deux faubourgs, cette
+grande dame consacre son énergie à accoupler des chiffres qui se sont
+fait cinquante ans la guerre; telle autre use ses yeux et son aiguille à
+broder des cocardes. La Petite Princesse n'en est plus là, Dieu merci.
+Elle sait la fable du chien qui jette la proie pour l'ombre. Elle ne
+veut plus d'illusions. Elle s'en tient philosophiquement au plaisir qui
+se présente aujourd'hui sans s'embarrasser de ce que pourra être demain.
+«Cueille l'heure présente.» <i>Carpe diem.</i> Elle s'amuse, elle demande
+qu'on s'amuse chez elle et autour d'elle, et n'admet rien de ce qui
+serait étranger à l'action de s'amuser. A sa première soirée, on a
+beaucoup admiré son buste nouveau par Clésinger, trop décolleté,
+paraît-il, mais tout le monde sait bien aussi que c'est le genre du
+sculpteur qui a fait la <i>Femme à l'aspic.</i> Il y avait aussi un portrait
+de la même par un peintre italien.</p>
+
+ <p>A propos de princes, un de nos confrères en chronique vient de nous
+apprendre de quelle façon comique le gardien du château d'Amboise a été
+récemment congédié. On doit se rappeler que ce vieux nid de vautour,
+bâti sur le haut d'un roc, théâtre de tant de drames, de fêtes et de
+crimes, appartient aujourd'hui à la famille d'Orléans. C'est pour cette
+raison que Louis-Philippe avait fait de ces murs de granit la prison
+d'Abd-el-Kader et de toute sa smalah. En décret de Napoléon III avait
+bien confisqué Amboise, mais l'Assemblée nationale a biffé la
+disposition qui concerne ce domaine. Or, il y a quelque temps, un jeune
+couple s'abattait au milieu des galeries en ruines. Mari et femme, ils
+avaient tout visité, la merveilleuse chapelle dans laquelle Charles XIII
+s'est marié, le parc au milieu duquel on voit le tombeau de Léonard de
+Vinci, l'incomparable voie souterraine qu'on parcourait en carrosse avec
+des flambeaux. Il ne restait plus à voir que le balcon, où la tradition
+dit que La Renaudie et ses compagnons ont été pendus. Voulant d'ailleurs
+jouir du point de vue qu'on a de là sur la Loire, le jeune étranger
+ouvrit brusquement une des fenêtres.</p>
+
+ <p>--Eh! là-bas, s'écria le gardien en s'avançant, dites donc, vous, fermez
+donc cette fenêtre, que vous venez d'ouvrir sans ma permission.</p>
+
+ <p>--Mon brave homme, répondit le jeune monsieur, je suis ici chez moi; je
+m'appelle le comte de Paris.</p>
+
+ <p>Il se peut que le fait soit vrai, mais si le gardien a été congédié, c'a
+été pour avoir dit autre chose.</p>
+
+ <p>Pas plus tard que l'an dernier, le hasard m'ayant poussé par là, ce même
+gardien, le cicérone le plus discret qu'on ait jamais vu, nous exposait
+à un officier d'artillerie et à moi tout ce qui s'était passé de
+mystères dans cet endroit terrible. Il nous disait les visites soudaines
+de Louis XI, escorté de Tristan l'Hermite, son compère; il nous
+racontait l'arrivée soudaine d'Henri III amenant lui-même ses
+prisonniers après avoir assassiné les Guises à Blois. Tout à coup il
+nous fit entrer dans la partie du château qui est demeurée la plus
+habitable.</p>
+
+ <p>--Ah! quant à ça, reprit-il, ça n'est plus du moyen âge, c'est du
+moderne. Ces magnifiques galeries, vous le voyez, ont été découpées en
+une multitude de petits cabinets à la parisienne, des cages à poulets.
+Ainsi l'a voulu, sur la fin du règne de Louis XVI, un certain prince de
+Penthièvre, le propriétaire du temps. Le pauvre homme! la pauvre
+cervelle! Ses petites bâtisses ont masqué les salamandres, les fleurs de
+lis, les grandes moulures. C'était un bourgeois, ce Penthièvre et, par
+dessus le marché, il avait le désagrément d'être le beau-père d'un assez
+mauvais garnement appelé, je crois, Philippe-Égalité. Pour ne parler que
+d'architecture, il n'y entendait goutte. Tenez, quand Napoléon III a
+passé par ici, je lui ai montré tout ça, le chef-d'&oelig;uvre du Penthièvre.
+Il en riait comme moi. Je vous laisse à penser si l'empereur et moi nous
+nous sommes fait alors une pinte de bon sang.</p>
+
+ <p>Il n'y aurait rien de risqué à supposer que notre susdit gardien qui
+faisait ce boniment à tous ceux qui visitaient le château, l'a répété au
+comte et à la comtesse de Paris. On conçoit dès lors le dénoûment
+annoncé par notre confrère en chronique, c'est-à dire la destitution de
+l'homme qui a la langue trop bien pendue.</p>
+
+ <p>Un peintre de talent vient de disparaître; Edwin Landseer vient de
+mourir à l'âge de soixante-six ans; c'est une perte pour l'Angleterre
+qui ne donne pas souvent naissance à des artistes de cette trempe. Peu
+d'<i>animaliers</i> auront produit autant de sensation. Edwin Landseer ne
+manquait pas de défauts sans doute; il voyait les choses trop en joli.
+Toutes les scènes qu'il décrivait étaient d'une propreté irréprochable;
+ses basses-cours avaient l'air d'un boudoir; chacune de ses écuries peut
+lutter d'élégance avec le salon d'une lady. Et ses chevaux! et ses
+chiens! quelles bêtes toujours soigneusement brossées, lustrées, cirées,
+époussetées! Cinq ou six de ses tableaux, reproduits par la gravure,
+sont répandus à profusion dans les deux mondes. Tels sont <i>Les chiens du
+mont Saint-Gothard (1829), La chasse aux faucons (1832), Les animaux à
+la forge (1835), Sauvé!</i> (une très-belle scène d'inondation qui date de
+1856).</p>
+
+ <p>Celle de ses toiles qui a obtenu le plus de succès est une page
+familière de la vie de l'auteur d'Ivanohé. Qui n'a vu <i>Sir Walter Scott
+et ses chiens?</i> Le laird d'Abbotsford, sa belle tête carrée, si
+puissante et si calme, son &oelig;il si vif, tout cela s'harmonisant à
+merveille au milieu de ces beaux peintres d'Écosse dont le grand
+romancier avait voulu faire ses meilleurs amis. Assurément le jour où
+Landseer a composé cette scène, il a fait un tableau d'histoire. Nous
+n'aimons plus les parallèles; nous ne sommes plus à l'époque des
+pendants, mais combien on aurait aimé à voir, en regard de sir Walter
+Scott et ses chiens, lord Byron et son ours à Newstead-Abbey! Mais
+lorsque le fou sublime qui devait écrire <i>Don Juan</i> menait la vie
+romantique dans son château, Edwin Landseer n'était encore qu'un enfant
+et s'exerçait à peine à tailler ses crayons.</p>
+
+ <p>Nos voisins d'outre-Manche ont une qualité dont on ne saurait trop faire
+l'éloge. Une fois le talent admis par eux, consacré par la Renommée et
+ses trompettes, ils lui jettent l'or à pleines mains. Edwin Landseer a
+pu voir quelle différence il y avait entre la réputation dans la
+Grande-Bretagne et la réputation en France. Chez nous, ce n'est le plus
+souvent qu'un vain bruit, sauf annexe, sans couronnement d'aucune sorte;
+chez les Anglais, c'est la conquête de toutes les jouissances sociales,
+une maison, une famille, la vie intime s'appuyant sur la richesse, ou,
+pour le moins, sur l'abondance. Ce peintre qui faisait si bien les
+chiens et les chevaux pouvait s'acheter, à son tour, une résidence,
+mieux qu'un cottage, un beau toit d'ardoises au milieu des prés, une
+écurie, un chenil, des poules, un étang, des bois dont l'ombre et le
+murmure lui appartenaient. Tous ces <i>boni</i> de la gloire ne le mettaient
+pas, il est vrai, à l'abri des malignités de la critique; mais quel est
+l'heureux du monde que l'épigramme des contemporains a jamais épargné?</p>
+
+ <p>«Votre Landseer, écrivait un jour une feuille satirique, il a du talent,
+du talent sans aucun doute, mais toujours, toujours le même talent. Il
+fait des chiens et des chevaux, rien que des chevaux et des chiens. On
+prétend qu'il a fait une fois un cerf; ce devait être pendant l'année de
+la comète. Ça ne s'est pas renouvelé. En certain jour, lord Devons.... a
+voulu lui faire faire le portrait d'un très-joli cochon blanc et rose
+dont il est l'inventeur; Landseer s'est mis à l'&oelig;uvre, et, au bout du
+compte, son cochon, était un chien. N'est-ce pas à donner envie de le
+mordre?»</p>
+
+ <p>Puisque tout change sans cesse autour de nous, il faut bien admettre
+qu'il y a aussi une mobilité raisonnable dans ce que Talleyrand
+appelait: <i>Le grand art de la gueule</i>. On ne mangeait plus du temps de
+Scarron comme on avait mangé à l'époque de Rabelais. On ne dînait déjà
+pas avec Brillat-Savarin, sous la Restauration, comme on avait dîné avec
+Barras, sous le Directoire. Tout cela pour vous dire qu'on s'occupe en
+ce moment même de codifier la table, ses frontières, ses lois et sa
+pénalité. Le dernier <i>Code gourmand</i>, qui est d'Horace Raisson, le
+premier collaborateur d'H. de Balzac, date de 1827, c'est-à-dire qu'il
+est âgé d'un demi-siècle. Evidemment c'est un code à mettre à la
+réforme.</p>
+
+ <p>Avant que ce livre typique ne soit remplacé par celui qu'on prépare, il
+est tout simple qu'on jette sur son contenu un dernier coup d'&oelig;il, une
+sorte d'adieu. En trois cents pages il résumait toute la science éparse
+dans les admirables préceptes de l'École de Salerne, dans Berchoux, dans
+Henrion de Pansev, dans Brillat-Savarin, déjà nommé, dans Carême, dans
+les cinquante tomes qui forment les Annales du Caveau, et, en un mot,
+dans les &oelig;uvres succulentes de tous ceux qui se sont religieusement
+occupés de faire de la table,--ce qu'elle doit être,--le pivot de la
+civilisation moderne. Que de choses curieuses dans ce vieux livre! mais
+aussi que de choses que nous ne comprenons déjà plus! Ainsi, sous forme
+d'annotation, le <i>Code gourmand</i> cite deux vers du Don Juan de Byron:</p>
+
+ <p>«Rien de plus délicieux dans la vie que le coin du feu, une salade de
+homards, du champagne et la causette.»</p>
+
+ <p>Du champagne, même du Moël, en même temps que la salade de homards, cela
+serait considéré de nos jours tout à la fois comme une hérésie et comme
+un barbarisme.--Mais voyez la contradiction! Byron est le même qui
+écrivait de Venise à Thomas Moore: «Ah! mon ami, pourquoi faut-il qu'on
+mange? Manger, boire; boire, manger, c'est travail de bête! Le bruit de
+la mastication et de la trituration est celui qui m'afflige le plus. Je
+ne puis surtout me décider à voir manger les femmes. Si la belle mâchait
+un os de poulet à côté de moi, je serais capable de la poignarder avec
+ma fourchette!»--Voilà encore une chose que le temps a bien changé.
+Aujourd'hui la mode est que les femmes mangent beaucoup.--Que l'ombre du
+grand poète vienne faire un tour à Paris un de ces soirs, à l'heure où
+les cabarets allument les bougies, et elle en verra de drôles sous ce
+rapport!--Non-seulement les femmes mangent grandement, mais elles
+commencent à boire avec une certaine bravoure. Il y a mieux, c'est une
+fort jolie femme, une actrice qui a déterré dans une lettre de Voltaire
+à d'Alembert ce tronçon de prose: «Je ne connais de sérieux ici-bas que
+la culture de la vigne.»</p>
+
+ <p>Pour en finir avec le <i>Code gourmand</i> en train de trépasser, je
+signalerai encore une proposition surannée de cet ouvrage. A la page 180
+on lit ce qui suit; «Quand vous verrez un poète boire de l'eau pendant
+tout le dîner, pariez hardiment que c'est un poète didactique.» Or, les
+contemporains ont pu être témoins de plusieurs faits qui battaient cette
+manière d'aphorisme en brèche: 1º Béranger buvait de l'eau; M. Ernest
+Rendu le lui a même amèrement reproché: «Il chantait le vin et buvait de
+l'eau; il chantait aussi le Dieu des bonnes gens et il avait la
+simplicité de croire à ce dieu-là»; 2º Alexandre Dumas père aussi était
+un buveur d'eau (et il n'était guère didactique); 3° Par contre,
+Sainte-Beuve buvait du Chambertin, et c'était l'homme enseignant,
+l'homme des compas, des règles et des mesures.--Mais le <i>Code gourmand</i>
+de 1827 n'est plus; le <i>Code gourmand</i> de 1873 va venir en même temps
+que les vraies truffes et les bécasses. Disons comme Alceste: «Nous
+verrons bien.»</p>
+
+ <p><span class="sc">Philibert Audebrand.</span></p>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>LA PÊCHE DES HUÎTRES</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>PÊCHE A LA DRAGUE, A L'AVIRON, RIVIÈRE DU TRIEUX.</b></p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;Drague de rivière pour petites embarcations.
+
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Drague des bateaux Cancalais et Granvillais.</b></p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003a.png"><br><b>Bateaux dragueurs d'huîtres de la côte anglaise de
+Dungeness.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>Cutters pêcheurs d'huîtres de la côte de Plymouth.</b></p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>LES THÉÂTRES</h3>
+
+ <p><span class="sc">L'Opéra.</span>--<i>La Mélodie</i>, études complémentaires vocales et dramatiques de
+l'art du chant, par G. Duprez.</p>
+
+ <p>Depuis quelque temps le théâtre de l'Opéra, toujours en cherche de
+premiers sujets, nous a fait entendre des débutantes. Si nous n'avons
+pas parlé de ces tentatives de notre Académie de musique, c'est qu'elles
+n'ont pas été heureuses. Les étoiles nouvelles découvertes par M.
+Halanzier ont fait une apparition de quelques soirées au ciel de l'Opéra
+et se sont éclipsées. Ces exhibitions de talents d'une soirée n'ont pas
+eu de lendemain et les grands rôles de femme attendent toujours leur
+interprète. Mlle Ferrucci, que nous avons entendue hier dans les
+<i>Huguenots</i>, nous semble devoir être plus heureuse que ses devancières,
+et il pourrait bien se faire que l'Opéra gardât cette pensionnaire, qui,
+croyons-nous, peut lui rendre quelques services.</p>
+
+ <p>Mlle Ferrucci est une fort belle personne à laquelle l'émotion, dans
+cette première soirée, enlevait sans doute ses moyens de tragédienne
+lyrique, car elle a joué avec un embarras extrême ce grand rôle de
+Valentine; mais la débutante, dont l'organe est bien faible et bien
+insuffisant dans le registre grave, a une voix des plus heureuses et des
+mieux timbrées à l'octave supérieur. La note est claire, vibrante,
+chaleureuse; le clavier roule, résonne avec une grande égalité. Mais
+tout cela est bien loin encore de constituer un réel talent, et la
+cantatrice tant cherchée est encore à trouver.</p>
+
+ <p>Quelle cause a donc rendu si rare ce phénomène si fréquent autrefois?
+Voici M. Strakosch, l'homme à coup sur des grandes découvertes en ce
+genre; grâce à lui nous allons voir renaître ce malheureux
+Théâtre-Italien, mort faute de sujets. Eh bien, M. Strakosch lui-même
+cherche, à l'heure qu'il est, une virtuose; il nous promet de nous faire
+entendre une série de jeunes talents. A voir la liste de ses
+pensionnaires, vous diriez tout le personnel d'un Conservatoire: belles
+promesses; mais des promesses pour l'avenir. Rien qui s'impose encore
+par le talent reconnu. Les impresarii de l'autre côté des Alpes ne sont
+pas plus heureux que M. Strakosch et M. Halanzier. Un de mes amis qui
+vient de parcourir toute l'Italie n'a pas rencontré une seule chanteuse
+sur les théâtres de Milan, de Venise, de Florence et de Naples. Il ne
+faut pas s'y tromper, l'art du chant se perd de jour en jour. Et
+pourquoi? C'est que les artistes qui ne peuvent ni ne veulent attendre,
+se précipitent trop rapidement sur la scène. C'est qu'ils ébauchent à
+peine quelques études pour entrer immédiatement en jouissance des moyens
+vocaux que la nature leur a donnés. Malgré les théories nouvelles,
+l'éducation sérieuse est indispensable pour un tel art.</p>
+
+ <p>C'était l'opinion du fameux Lagingeole, de l'<i>Ours et le Pacha.</i>--Mais
+c'est merveilleux! disait Schahabaham; comment avez-vous pu rendre cet
+ours musicien?--En lui apprenant la musique. Contrairement à cette
+méthode, ce que les chanteurs apprennent le moins à l'heure qu'il est,
+c'est la musique. D'ailleurs, il ne faut pas s'y tromper, l'enseignement
+fait défaut partout. De toutes parts on le néglige. Les maîtres
+eux-mêmes semblent avoir abandonné ce travail excellent qui répandait la
+saine et robuste instruction musicale par les solfèges et les vocalises.
+Cette pédagogie de l'artiste a été délaissée. Et pourtant que d'ouvrages
+précieux elle avait produits: et les <i>Exercices et Vocalises</i>, par
+Crescentini, et les <i>Exercices</i>, de Garcia. Les variations vocales sur
+une phrase, et l'excellente <i>Méthode d'artiste</i>, de Mme Conti-Damoreau,
+et les <i>Gorgheggi e solfeggi</i>, de Rossini, les <i>Vocalises élégantes</i>, de
+Guillot de Sainbris, et enfin ce précieux <i>Recueil de Vocalises</i>, de
+Bordogni, ces morceaux d'un goût exquis, d'une science parfaite, dans
+lesquels se résumaient tout l'enseignement vocal de l'école italienne.</p>
+
+ <p>Le goût change; si parfaite que soit cette petite bibliothèque classique
+du chanteur, il faut la renouveler; aussi avons-nous ouvert avec le plus
+grand intérêt ce volume qui a pour titre: <i>La Mélodie</i>, et qui complète
+le <i>Traité de l'art du chant</i> publié par M. Duprez en 1845. M. Duprez
+est peut-être à l'heure qu'il est la seule gloire qui existe encore de
+ce grand passé qui compta tant d'illustres chanteurs. Son passage au
+théâtre a été lumineux, éclatant. Lorsque l'admirable chanteur se retira
+de la scène, son enseignement devint des plus féconds; nous lui devons
+des talents hors ligne; son école se maintint dans les doctrines les
+plus nobles et les plus pures. Elle se répandit dans le public à l'aide
+de cet art du chant que nous venons de citer; aujourd'hui il se complète
+par ces études vocales et dramatiques. Ce n'est pas seulement pour le
+clavier vocal que le maître a écrit ces exercices; si le développement
+de la voix gagne à ces études savamment dirigées, le goût du chanteur,
+dans les passions et les sentiments à exprimer, y bénéficie plus encore.
+L'enseignement s'élève au style et dans les morceaux de chant, et dans
+les études dramatiques, et dans les grands airs que M. Duprez a tirés de
+ses propres &oelig;uvres. Il y a là de fort belles pages; mais ce qui me
+frappe le plus, c'est l'habileté apportée dans cette progression
+d'études.</p>
+
+ <p>Pour donner plus d'autorité encore à cet important ouvrage, M. Duprez a
+fait un choix dans les classiques du chant. Il a cherché, en les
+transcrivant, les plus beaux morceaux des siècles passés, les plus
+grandes inspirations de ces maîtres qui ont nom: Carissimi, Cesti,
+Campra, Léo, Porpora, Pergolèse, Gluck, Sacchini, Cimarosa, Mozart,
+Méhul, et qui dans ces chefs-d'&oelig;uvre portèrent l'art du chant à sa plus
+haute et sa plus puissante expression dramatique. Cette seconde partie
+de l'ouvrage de M. Duprez forme mieux encore qu'un curieux recueil; en
+s'ouvrant à l'année 1500, pour finir avec le commencement de ce siècle,
+elle donne dans ces pages savamment choisies une sorte d'histoire de
+l'art qui se traduit elle-même par les &oelig;uvres de ses maîtres immortels.</p>
+
+ <p><span class="sc">M. Savigny.</span></p>
+
+ <p><i>P.-S.</i>--A voir mardi dans la salle Ventadour restaurée avec goût ce
+monde élégant d'étrangers et de Parisiens, on se serait cru aux beaux
+jours du Théâtre-Italien. La nouvelle direction de M. Strakosch
+s'annonce donc sous les auspices les plus favorables, puisque le public
+a répondu avec empressement à son appel. C'est à elle à répondre
+maintenant à la sympathie du public pour ce théâtre. M. Strakosch nous
+fait les plus belles promesses, et il est homme à les tenir. Si nous
+parlons de cette première soirée, c'est pour signaler l'ouverture de la
+salle Ventadour, et pour annoncer la rentrée de deux excellents
+artistes, MM. Zucchini et Delle-Sedie dans <i>Don Pasquale</i>, qu'on a fort
+applaudis l'un et l'autre. Une jeune artiste, Mlle Belval, a débuté dans
+le rôle de Norine. Mlle Belval a une voix agréable, mais bien mince.
+Elle chante avec goût; mais elle compromet un peu son succès par des
+façons un peu brusques, pour ne pas dire cavalières.</p>
+
+ <p>M. S.</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>LES DOMESTIQUES MODERNES</h3>
+
+ <p>Le duc de R...., ex-ambassadeur, ex-pair de France, ex-sénateur; et,
+plus heureusement pour lui, grand propriétaire foncier, était assis
+après son déjeuner dans son cabinet de travail, devant son bureau, les
+yeux plongés dans la lecture d'un rapport d'une des entreprises
+industrielles auxquelles il prête son concours, pour utiliser ses
+loisirs. Le duc de R... est un homme très-fin, très-expérimenté,
+très-rompu aux affaires, dont on recherche les judicieux conseils.
+C'est, en outre, un homme du plus bienveillant esprit, et d'une
+courtoisie à toute épreuve, surtout vis-à-vis de ses inférieurs. Justin,
+son valet de chambre, entra et déposa quelques brochures devant lui.</p>
+
+ <p>Le duc, au bout de quelques instants n'entendant pas Justin s'en aller,
+releva la tête, et le vit tourner sa casquette entre ses doigts comme un
+domestique embarrassé qui désirait évidemment avoir une conversation
+importante avec son maître, et qui ne savait trop par où commencer.</p>
+
+ <p>--Vous avez quelque chose à me dire, Justin?</p>
+
+ <p>--Oui, monsieur le duc, si c'est un effet de votre bonté!</p>
+
+ <p>--Parlez, quoique je sois très-occupé en ce moment.</p>
+
+ <p>Justin continuait à tourner sa casquette et se taisait.</p>
+
+ <p>--Est-ce de votre prochain mariage avec Justine, la femme de chambre de
+la duchesse, que vous voulez m'entretenir?</p>
+
+ <p>--Ce n'est pas précisément du mariage qu'il s'agit, mais c'est un peu à
+propos de ce mariage que je me décide à faire à M. le duc une
+communication.</p>
+
+ <p>--Une communication! cela annonce quelque chose de grave.</p>
+
+ <p>--Assez grave en effet!</p>
+
+ <p>Le duc le regarda Fixement et, habitué à lire dans la pensée des autres,
+lui dit;</p>
+
+ <p>--Vous venez me demander une augmentation de gages!</p>
+
+ <p>--C'est cela même, répondit Justin, soulagé d'avoir été deviné.</p>
+
+ <p>--Je vous ai pris tout enfant sur ma terre de R... Je vous ai fait
+élever; je vous ai amené un peu gauche à Paris, mais vous vous êtes
+formé vite au service, vous êtes intelligent. Je ne suis pas mécontent
+de vous. Vous avez eu douze cents francs d'abord, vous en avez dix-huit
+aujourd'hui; je porterai vos gages à deux mille francs; voyez si la
+duchesse veut faire pour Justine ce que je fais pour vous. La duchesse a
+sa fortune personnelle.</p>
+
+ <p>--Beaucoup plus considérable même que celle de M. le duc, ajouta Justin.</p>
+
+ <p>--C'est vrai, dit le duc, avec un léger mouvement de surprise.</p>
+
+ <p>--Justine est entrée chez la duchesse pour lui faire sa réclamation,
+mais nous sommes loin de compte, monsieur le duc.</p>
+
+ <p>--Comment, loin de compte? s'écria le duc avec un étonnement plus
+prononcé.</p>
+
+ <p>--Oh! oui, les gages que vous m'offrez ne sont pas en rapport avec la
+fortune de M. le duc, ni avec les règlements de l'<i>Union.</i></p>
+
+ <p>--Ma fortune, l'<i>Union!</i>... Qu'est-ce que cela veut dire?
+Qu'entendez-vous par l'<i>Union.</i></p>
+
+ <p>--L'Association générale des domestiques... M. le duc n'en a donc pas
+entendu parler. Nous avons eu déjà plusieurs assemblées... Nous avons
+fait venir de Londres un guide, un leader, un homme très-habile, un
+orateur qui s'exprime en très-bon français, et qui nous a enseigné nos
+droits...</p>
+
+ <p>--Et vos devoirs, sans doute, dit le duc à moitié étourdi par cette
+révélation inattendue.</p>
+
+ <p>--Et nos devoirs aussi. Nous devons à l'<i>Union</i> un schelling, 1 fr. 25.
+par semaine, comme en Angleterre, pour les frais généraux, et pour le
+cas où une grève serait nécessaire.</p>
+
+ <p>--Ah! c'est différent, dit le duc, qui avait repris tout son sang-froid,
+je faisais naïvement allusion à vos devoirs envers vos anciens maîtres:
+la reconnaissance, par exemple, qui a toujours passé pour une vertu.</p>
+
+ <p>--La reconnaissance abaisse la fierté de l'homme, monsieur le duc, tout
+doit se passer raisonnablement à notre époque, et si j'osais employer
+une expression toute récente, contractuellement.</p>
+
+ <p>--Et quel est le contrat que vous avez à me proposer.</p>
+
+ <p>--Ce n'est pas moi qui en ai déterminé les conditions, monsieur le duc,
+l'<i>Union</i> ne permettra pas désormais un mode de rétribution <i>ad
+libitum.</i></p>
+
+ <p>--Je m'aperçois que vous êtes devenu très-instruit, M. Justin.
+L'anglais, le latin, ne sont plus pour vous des langues étrangères.</p>
+
+ <p>--M. le duc doit être fier de ce progrès qu'il veut bien remarquer,
+puisque c'est lui qui m'a fait apprendre à lire, à écrire.</p>
+
+ <p>--Et à compter. Vous avez vraiment profité de l'éducation. Mais je suis
+curieux de savoir quel est au juste ce mode de rétribution.</p>
+
+ <p>--Ah! Il est bien simple. Un salaire proportionnel tout bonnement: cinq
+pour cent sur la fortune du maître dans les grandes maisons. Or M. le
+duc ayant cent mille francs de revenus, en bons biens au soleil, comme
+son notaire peut en témoigner, et madame la duchesse en ayant deux cent
+mille de son chef!...</p>
+
+ <p>--Cela fait que vous me demandez cinq mille francs de gages par an, et
+que Justine se hasarde à en demander dix mille à la duchesse.</p>
+
+ <p>--Voilà tout. N'est-il pas temps que, sans bouleverser la société de
+fond en comble, comme le veulent des gens avancés, l'inégalité des
+conditions humaines soit justement adoucie.</p>
+
+ <p>--Je vois avec plaisir que vous n'êtes pas encore de ceux qui demandent
+à retourner du haut en bas l'échelle sociale, et que vous n'exigez pas
+que je devienne votre valet de chambre...</p>
+
+ <p>Justin ne prit pas garde au ton railleur du duc, et crut qu'il adressait
+des compliments sincères à l'<i>Union</i> dont il était membre.</p>
+
+ <p>--Oh! nous respectons, s'écria-t-il, les faits accomplis, les positions
+acquises, tout en essayant d'améliorer notre industrie.</p>
+
+ <p>--Ne vous servez pas de ce mot d'industrie, M. Justin, on le prend
+quelquefois en mauvaise part; on en a fait un ordre, et, comme vous avez
+l'esprit très-progressif, vous pourriez être tenté d'y prendre un grade.</p>
+
+ <p>--Je voulais dire, pour améliorer nos moyens, d'existence, reprit Justin
+un peu déconcerté; mais, après tout et entre nous, M. le due, ne
+pourriez-vous pas convenir que vos aïeux ont abusé des miens...</p>
+
+ <p>--Vos aïeux, M. Justin, répondit le duc quelque peu froissé, étaient de
+bons et loyaux fermiers que mes aïeux, à moi, ont nourri dans leurs
+terres durant des siècles, et qui seraient bien étonnés de votre
+langage...</p>
+
+ <p>--Que voulez-vous! C'est le langage du jour. Les temps de sacrifice et
+d'abnégation sont passés. Chacun ne doit avoir en vue que son bien-être
+ici-bas. Si vous entendiez notre leader...</p>
+
+ <p>--Je me priverai de cette distraction.</p>
+
+ <p>Le duc avait de la peine à se contenir, mais il ne se départait pas de
+sa politesse habituelle.</p>
+
+ <p>--Finissons, dit-il en se levant, je réfléchirai.</p>
+
+ <p>Justin allait se retirer sur le geste de son maître, lorsque la
+duchesse, moins patiente que son mari, entra avec impétuosité dans le
+cabinet du duc, suivie de Justine, dont le bonnet était hardiment posé
+sur l'oreille.</p>
+
+ <p>--Croiriez-vous bien, M. le duc, dit la duchesse à demi suffoquée, que
+cette effrontée de Justine est venue me proposer d'élever ses gages à
+dix mille francs par an...</p>
+
+ <p>--Et qu'avez-vous répondu, chère amie? repartit froidement le duc.</p>
+
+ <p>--Je l'ai <i>chassée</i>.</p>
+
+ <p>--Monsieur Justin, reprit le duc en se tournant vers son valet de
+chambre d'une façon significative, les femmes mettent les points sur les
+i.</p>
+
+ <p>--Vous me chassez aussi? dit Justin.</p>
+
+ <p>--Vous savez que je n'aime pas les gros mots. Mais vous pouvez suivre
+Justine, bien digne d'être votre compagne...</p>
+
+ <p>Justine s'approcha de Justin et lui dit à l'oreille.</p>
+
+ <p>--Préviens le cocher, je vais prévenir la cuisinière, la grève va
+commencer par nous.</p>
+
+ <p>--Ils se retirèrent à reculons d'un air insolent et, sur le seuil du
+cabinet, Justin dit brusquement:</p>
+
+ <p>--On fait ce qu'on peut, pour prévenir les révolutions et voilà comment
+on est reçu!...</p>
+
+ <p>--C'est trop fort, s'écria le duc en cherchant sa canne... La duchesse
+l'arrêta.</p>
+
+ <p>Après la sortie de Justine et de Justin, le duc et la duchesse se
+regardèrent les larmes presque aux yeux; ils s'assirent et causèrent
+longtemps des jours de leur enfance, où les serviteurs de leurs nobles
+parents faisaient presque partie de la famille... Que les temps étaient
+changés!...</p>
+
+ <p>La journée s'avançait. Vers l'heure du dîner, la duchesse sonna
+machinalement, personne ne vint de la maison à son appel, si ce n'est le
+concierge resté à son poste, et qui lui apprit que la maison avait été
+désertée par tous les gens.</p>
+
+ <p>--Comment allons-nous dîner, s'écria la duchesse...</p>
+
+ <p>--Prends mon bras, lui dit galamment le duc, nous irons dîner en
+tête-à-tête dans quelque restaurant du boulevard; il faut s'accommoder à
+tout.</p>
+
+ <p>--Mais ce soir, reprit la duchesse un moment abattue, comment me passer
+des soins de ma femme de chambre...</p>
+
+ <p>--Je vous demanderai la permission de la remplacer, reprit le duc, et il
+lui serra affectueusement la main; ils sortirent à pied, et je les
+rencontrai chez Brébant. C'est ce qui fait que j'ai su cette histoire un
+des premiers.</p>
+
+ <span class="sc">Hippolyte Lucas.</span>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>L'ESPRIT DE PARTI</h3>
+
+ <h4>LE CHARIVARI</h4>
+
+ <h4>1832</h4>
+
+ <p>On a tort de prétendre que la Restauration ne protégeait pas
+l'industrie. Elle était trop dévote pour ne pas encourager les
+fabriques.</p>
+
+ <p>Il y a, prétend Odry, cette différence entre les moutons et les valets
+du ministère qu'on marque les premiers quand ils sont à vendre et les
+seconds quand ils sont vendus.</p>
+
+ <p>Monsieur le président de la Chambre a dit avant-hier: «Je mets aux voix
+le chiffre le plus élevé.» Une faute typographique lui fait dire dans un
+journal ministériel: «Je mets les voix au chiffre le plus élevé.»</p>
+
+ <p>On suspend les pièces qui déplaisent; on suspend les journaux qui
+gênent. La censure est décidément commuée en suspension.</p>
+
+ <p>Si le peuple, disait hier un député, s'avisait à son tour de suspendre
+tout ce qui le froisse, le budget pourrait bien être suspendu.--«Dieu
+nous en préserve, répondit M. de Corcelles, il est déjà bien assez
+élevé.»</p>
+
+ <p>Un inventeur de nouvelles lampes dit dans son prospectus, pour les faire
+valoir, qu'elles servent à l'éclairage du bureau de la Chambre des
+députés. C'est une triste recommandation.</p>
+
+ <p>Un journal ministériel dit ce matin que la monarchie est le seul remède
+qui puisse guérir les maux de la France. Il n'y a pourtant que les
+imbéciles qui croient encore à la médecine <i>Leroi.</i></p>
+
+ <p>S. M. Louis-Philippe vient de donner son..... nom à une nouvelle rue.</p>
+
+ <h4>1833</h4>
+
+ <p>On assure qu'il a été question au parquet de saisir le <i>Journal du
+Commerce</i>, à cause d'une annonce qui commence ainsi: «Tous les fruits
+verts et notamment la poire, ne seront pas de conserve cette année.»</p>
+
+ <p>On nous dit que la République pâlit. C'est probablement qu'elle n'a pas
+à rougir comme certaines gens.</p>
+
+ <p>Nous jouissons d'une <i>immense</i> liberté...</p>
+
+ <p>N. B.--Ce <i>carillon</i> est de M. de Broglie.</p>
+
+ <p>M. Thiers a dit: «J'ai une foi absolue dans la durée du système que j'ai
+l'honneur de servir.»--Il faut que M. Thiers soit bien crédule.</p>
+
+ <p>Nous n'avons jamais été moins libres que depuis que nous vivons sous la
+meilleure des républiques. On a bien raison de dire que le mieux est
+l'ennemi du bien.</p>
+
+ <p>Le juste milieu est gardé à Paris par l'amour des citoyens et par six
+régiments d'infanterie, quatre de cavalerie et deux d'artillerie.</p>
+
+ <p>Un journal ministériel dit ce matin qu'en fait de République la
+meilleure ne vaut rien. C'est ce que nous répétons tous les jours à ceux
+qui prétendent que nous vivons sous la meilleure des républiques.</p>
+
+ <p>Eh bien! que dites-vous de la mère de votre roi? demandait dernièrement
+M. de Schossen à M. Berryer.--Et vous, répliqua celui-ci, que dites-vous
+du père du vôtre?... (<i>Historique.</i>)</p>
+
+ <p>A propos des bruits qui courent sur l'intention qu'aurait le juste
+milieu d'employer quelque jour contre le peuple les nouvelles
+fortifications de Paris, le <i>Journal des Débats</i> s'écrie:
+«S'imagine-t-on donc avoir à faire à un <i>despote imbécile?</i>» A un
+despote non.</p>
+
+ <p>On assure que l'on va abolir le bureau des longitudes pour le remplacer
+par un autre beaucoup plus convenable sous l'ordre de chose actuel,
+c'est-à-dire par un bureau des <i>platitudes.</i></p>
+
+ <p>Désormais le juste milieu nous parlera par la bouche.... des canons.</p>
+
+ <p>Les forts autour de Paris seront <i>détachés.</i> C'est comme les cours.</p>
+
+ <p>Voici comment les choses se passeront dans l'affaire des fortifications
+de Paris: d'abord le corps de la place, puis un épaulement, puis un
+rempart, puis un fossé, et au bout du fossé...</p>
+
+ <p>Avant-hier la monarchie citoyenne a reçu la visite de M. Vitet,
+l'inspecteur des ruines.</p>
+
+ <p>Il n y a rien de tel qu'une <i>clef d'or</i> pour ouvrir et fermer une
+chambre à volonté.</p>
+
+ <p>Un journal ministériel s'étonne qu'il se rencontre des gens qui osent se
+moquer de la majorité; car jamais, ajoute-t-il, on ne vit de Chambre
+plus <i>imposante</i>. C'est précisément ce dont se plaignent les
+contribuables.</p>
+
+ <p>La Gaîté nous annonce une prétendue première représentation de <i>la Fête
+du voleur</i>. Il nous semble que nous avons déjà vu quelque chose dans ce
+genre (1).</p>
+
+ <blockquote><b>Note 1:</b> Ce carillon est du 5 mai. Quatre jours par conséquent après la fête du roi.</blockquote>
+
+ <p>Sur toutes les scènes à présent, le beau rôle est pour les voleurs. On
+sait que le théâtre a la prétention d'être le miroir de l'époque.</p>
+
+ <p>Sa Majesté doit, dit-on, partir pour les départements le 20 mai. Les
+préfets ont déjà reçu l'ordre de préparer l'enthousiasme et d'organiser
+l'ivresse.</p>
+
+ <p>Il a fallu à Lyon mettre en réquisition l'artillerie et les baïonnettes
+pour empêcher la République d'héberger ses amis. On ne sera jamais
+obligé, pour un pareil motif, d'en venir à ces extrémités à l'égard de
+la royauté citoyenne.</p>
+
+ <p>Le grand Turc vient d'accorder une amnistie pleine et entière à tous les
+prévenus des délits politiques. Ceci est une nouvelle preuve que
+l'influence du gouvernement français est nulle à Constantinople.</p>
+
+ <p>On sait que le savetier de La Fontaine ne chanta plus dès qu'il fût
+devenu riche. Si l'accumulation des écus produit cet effet, il ne faut
+pas s'étonner que certain gros et gras personnage ait cessé ses refrains
+patriotiques.</p>
+
+ <p>Le <i>Constitutionnel</i> signale l'existence d'un nouveau <i>banc d'huîtres.</i>
+Il veut sans doute parler d'une banquette qui vient d'être ajoutée au
+centre de l'enceinte législative au Palais-Bourbon.</p>
+
+ <p>L'autre jour un amateur, arrêté devant les carreaux d'Aubert, ayant vu
+un certain personnage appuyé sur un énorme coq, s'écria en poussant son
+voisin:--«Voilà un fameux coq, hein?»</p>
+
+ <p>La saisie de la <i>Tribune</i> nous a beaucoup étonnés; nous ne pensions plus
+qu'il était possible d'exciter à la haine et au mépris du gouvernement
+du roi.</p>
+
+ <p>On a bien tort de dire que l'ordre de choses n'a pas de tendresse pour
+Paris. C'est, au contraire, pour lui qu'il réserve tous ses feux.</p>
+
+ <p>On est étonné qu'un gouvernement qui absorbe tant de millions ait si peu
+de valeur.</p>
+
+ <p>On disait autrefois: «Pour faire la guerre, il faut de l'argent, de
+l'argent, et encore de l'argent.»--L'ordre de choses emploie la même
+recette pour la paix.</p>
+
+ <p>Le jour de l'inauguration de la statue de Napoléon sur la place Vendôme
+bien des gens n'étaient pas de l'avis du bon Lafontaine quand il dit:
+Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré.</p>
+
+ <p>La France ne songe qu'à recouvrer ses frontières. L'ordre de choses
+pense à recouvrer ses écus.</p>
+
+ <p>Le juste-milieu ressemble à ces poltrons qui se sont fait de mauvaises
+affaires et que la pour force à garder la <i>chambre.</i></p>
+
+ <p>M. Thiers soutient qu'en fait d'impôts il ne faut pas négliger les
+petites tailles.</p>
+
+ <span class="sc">Jules Rohaut.</span>
+
+ <p>(A suivre.)</p>
+
+ <br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE UNE SÉANCE DU CONSEIL DE
+GUERRE SIÉGEANT A TRIANON.</b></p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>NOS GRAVURES</h3>
+
+ <h4>Trianon</h4>
+
+ <p>Le 6 octobre, il y avait à Versailles un mouvement inusité. Depuis les
+vacances de l'Assemblée nationale, jamais le chemin de fer n'avait
+déposé à la gare de cette ville un pareil nombre de visiteurs, bien que
+ce nombre fut relativement restreint.</p>
+
+ <p>Mais le flot ne faisait que passer.</p>
+
+ <p>A peine arrivé, il repartait dans la direction du château, envahissait
+le parc peuplé de déesses de marbre et de bronze, traversait les grandes
+prairies plantées d'arbres superbes, et s'écoulait finalement le long du
+bras septentrional du grand canal pour venir enfin s'arrêter devant le
+Grand-Trianon, ce charmant château, élevé sous Louis XIV par Mansard, au
+milieu des massifs de verdure et des pelouses.</p>
+
+ <p>Le Grand-Trianon, un beau jour, on ne sait pourquoi, avait pris la place
+de la <i>maison de porcelaine</i>, une bonbonnière bâtie vingt ans auparavant
+pour Mme de Montespan. Mais alors Mme de Montespan avait perdu l'oreille
+et le c&oelig;ur du roi; et, de même que Mlle de La Vallière battant en
+retraite devant elle, s'était retirée aux Carmélites, ainsi elle-même
+avait déjà cédé le pas à Mme de Maintenon et gagné de son pied qui
+n'était plus léger la communauté de Saint-Joseph. Le roi d'ailleurs
+avait vieilli, pas assez toutefois pour que le nouveau château ne
+retentit pas encore du bruit des fêtes. Mais cela ne devait pas durer.
+Bientôt, il se lit autour du joli pied-à-terre un silence que
+troublèrent à peine, vers le milieu du XVIIIe siècle, les éclats de rire
+de Louis XV folâtrant en traîneau à travers les allées de son parterre.
+Louis XVI, Napoléon, Louis XVIII, Charles X, s'y montrèrent de loin en
+loin seulement. Le Grand-Trianon avait décidément perdu toute faveur. Ce
+ne fut que sous Louis-Philippe qu'il cessa d'être délaissé et sortit de
+l'oubli. Ce roi l'aima, l'habita, et lui fit subir de notables et
+heureuses modifications. On montre aux visiteurs les appartements qu'il
+y occupa, sa chambre à coucher modestement meublée, son cabinet de
+travail où l'on remarque une table d'acajou fort simple qui lui servait
+de bureau. Mais Louis-Philippe était un roi bourgeois. Il vivait en bon
+père de famille, et n'avait jamais figuré dans le moindre ballet. Aussi
+passa-t-il au Grand-Trianon sans bruit, et depuis lors, de cette
+résidence princière, personne n'avait plus entendu parler. D'où vient
+donc que sortant de son sommeil de Belle au bois dormant, tout à coup
+voilà qu'elle ouvre ses portes à deux battants; que devant sa belle
+façade à toit plat, aux fenêtres en portiques, les voitures s'arrêtent;
+que, dans sa cour d'honneur, circulent des groupes d'officiers; qu'enfin
+dans un coin, à quelques pas de sa grille, se trouve, champignon en une
+nuit poussé, une guinguette pleine de bruit?</p>
+
+ <p>Vous le savez, et je n'ai pas besoin de vous le dire, car c'est le
+bruit, sinon de la cour, au moins de la ville. De ce nid bâti pour les
+amours on a fait une salle de justice. C'est Théines qui y règne
+maintenant, tenant une épée nue d'une main et de l'autre une balance.
+Métamorphose au moins singulière! Comment on en a eu l'idée, je
+l'ignore; mais ci-dessous on vous dira comment elle s'est effectuée.</p>
+
+ <p>L. C.</p>
+ <br>
+
+ <h3>Procès du maréchal Bazaine</h3>
+
+ <h4>PREMIÈRE SEANCE DU CONSEIL DE GUERRE</h4>
+
+ <p>Dans notre précédent numéro nous avons dit, et nos lecteurs savent que
+c'est dans la galerie servant de vestibule au château du Grand-Trianon,
+qu'a été établie la salle des séances du conseil de guerre chargé de
+juger le maréchal Bazaine.</p>
+
+ <p>Notre grand dessin représente cette salle et donne la physionomie exacte
+de la première séance du conseil.</p>
+
+ <p>Transformer ce magnifique péristyle en salle d'audience n'était pas
+chose facile. On y est cependant parvenu, grâce à l'habileté des
+dispositions prises. La salle offre l'aspect d'un long parallélogramme,
+dont une partie a été surélevée par des travaux de charpente. Dans cette
+partie se trouvent: au fond, un large bureau en forme d'hémicycle pour
+les juges militaires; puis à gauche, pour l'accusé, un fauteuil et une
+table recouverte d'un tapis vert, et la barre de la défense; à droite,
+le bureau réservé au commissaire du gouvernement, et la tribune des
+journalistes, élevée derrière les colonnes de marbre de la galerie.
+Cette tribune est disposée en gradins et peut contenir soixante-dix
+personnes environ. Enfin, au milieu, devant le bureau du conseil, est
+établi le greffier. Une légère balustrade recouverte de velours rouge
+sépare cette première partie de la salle de la seconde, à laquelle on
+arrive en descendant une marche.</p>
+
+ <p>Cette seconde partie est coupée par une enceinte réservée au publie muni
+de cartes et aux témoins. Derrière est un espace assez étroit pour le
+commun des martyrs qui ne craindront pas de demeurer cinq heures debout,
+chaque jour, après avoir fait queue, s'ils veulent suivre les débats de
+ce procès, qui sera long.</p>
+
+ <p>La décoration de cette salle est des plus simples. Les murs sont en
+granit rouge veiné de blanc et orné de distance en distance de fausses
+colonnes blanches, à chapiteaux contournés. Les tentures sont en reps
+vert. Quatorze grosses colonnes en granit rouge séparent la salle en
+deux dans toute sa longueur, gênant beaucoup la vue de la tribune de la
+presse. Derrière les fauteuils des juges et au-dessus de la porte
+d'entrée de la chambre du conseil, on voit un grand Christ en croix.
+Puis, pour parer au froid, qui est imminent, quatre poêles sont alignés
+de distance en distance. Cependant la température n'a pas cessé d'être
+douce, et à travers les fenêtres largement ouvertes sur la cour d'entrée
+du château, on aperçoit les grands arbres du parc, à la verdure encore
+vigoureuse.</p>
+
+ <p>Mais il est temps de pénétrer dans la salle du conseil de guerre. A midi
+un quart, on annonce l'entrée des juges militaires. La séance est
+ouverte. Les membres du conseil sont: MM. le duc d'Aumale, président,
+tournure militaire, moustaches et barbiche blondes, voix forte et
+sonore, habituée au commandement; de Chabaud-Latour, officier général du
+génie, soixante-dix ans environ, un peu fatigué; de la Motterouge, plus
+âgé que le précédent, mais portant plus gaillardement son âge; Tripier,
+vieux et un peu cassé, appartenant au génie, blessé à l'Alma, porte
+lunettes; Guyot, artillerie, petit et gros, mais vif et alerte;
+Lallemant, très-grand, air grave et réfléchi, serait le plus jeune ou le
+moins âgé du conseil si le général de cavalerie Princeteau n'en faisait
+pas partie; de Malroy, regard doux, air décidé, chauve, soixante ans;
+Ressayre, figure d'anachorète, a commandé une division à la bataille de
+Coulmiers, où il fut blessé grièvement; enfin le général Pourcet, petit,
+maigre, impatient, coiffé à la Titus. Très-savant, m'a-t-on dit, il
+représente, comme on sait, le ministère public.</p>
+
+ <p>Quelques minutes après l'entrée en séance du conseil, ordre est donné
+par le président d'introduire le maréchal. Mouvement de curiosité
+très-marqué. L'accusé entre d'un pas lourd et avec un certain embarras.
+Il porte le costume de maréchal, petite tenue, et la grand'croix de la
+Légion d'honneur. Il a de l'embonpoint; ses yeux sont petits, son visage
+est gras, son crâne absolument chauve. Deux sourcils très-fins, deux
+petites moustaches brunes se dessinent seuls dans cet ensemble de
+rondeurs grasses. Il est d'ailleurs un peu pâle: on le serait à moins.
+Calme en apparence, sa préoccupation ne se trahit que par certains
+gestes. Ainsi il porte fréquemment sa main à ses lèvres ou à son front,
+ou bien il joue machinalement avec une bague qui brille à l'un de ses
+doigts.</p>
+
+ <p>Avec l'entrée du maréchal, le défilé des témoins a été l'intérêt de
+cette première audience. Ces témoins, fort nombreux, peuvent se diviser
+en trois catégories: les militaires, maréchaux, généraux, officiers
+supérieurs ayant fait partie de l'armée du Rhin; les témoins politiques,
+tels que MM. Jules Favre, Gambetta, de Kératry, et les témoins qui
+n'entrent ni dans l'une ni dans l'autre de ces catégories, tels que
+douaniers, employés de chemins de fer, ingénieurs. Le premier témoin
+appelé a été le maréchal Canrobert, et le second le maréchal Leb&oelig;uf,
+sur lequel tous les yeux se sont fixés avec une attention particulière.
+Le général Changarnier a aussi beaucoup attiré les regards, avec son
+pantalon gris-perle et sa redingote bleu clair élégamment boutonnée.
+Mais celui qui a excité la curiosité la plus vive est encore le fameux
+M. Régnier, cet envoyé mystérieux qui alla trouver le maréchal au
+travers des lignes prussiennes, ouvertes pour lui, et amena en
+Angleterre le général Bourbaki.</p>
+
+ <p>L'appel des témoins terminé, la séance a été suspendue pendant dix
+minutes. A la reprise de l'audience, il a été donné lecture des états de
+service du maréchal Bazaine et de la première partie du rapport du
+général Rivière, rapport net, clair, précis, et du plus haut intérêt.
+Mais arrêtons-nous. Ce serait sortir du cadre de cet article que
+d'entrer ici dans des détails qui ne sont point de notre compétence et
+que d'ailleurs tout le monde connaît.</p>
+
+ <p>L. G.</p>
+ <br>
+
+ <h4>La pêche des huîtres</h4>
+
+ <p>L'humeur médisante qui caractérise notre espèce s'est exercée aux dépens
+de cet aimable mollusque, la fleur et la joie des soupers fins. Sous
+prétexte qu'il consacre à bâiller une bonne part de son existence, nous
+en avons fait le type de l'engourdissement intellectuel, et «bête comme
+une huître» est devenu un de nos dictons les plus familiers. Si Dieu
+daignait un jour lui accorder la parole, le bivalve nous répondrai,
+probablement que si l'esprit ne court pas ses bancs comme il est entendu
+qu'il court nos rues, en revanche on n'a jamais rencontré une huître
+plus sotte que ses s&oelig;urs les autres huîtres, ce qui est bien un
+avantage. J'ai connu un huîtrier forcené qu'indignait cette injustice.
+Tous les soirs, quand il achevait sa quatrième douzaine, ses yeux
+s'humectaient, deux larmes descendaient sur ses joues et venaient se
+confondre avec l'eau salée dont ruisselait sa barbe, et la bouche pleine
+il s'écriait:--Les ingrats! en d'autres temps ou lui eut dressé des
+autels. Sans s'élever à cet enthousiasme, on peut prétendre que ses
+mérites comestibles auraient dû nous rendre beaucoup plus indulgents
+pour sa pauvreté en matière d'idéal.</p>
+
+ <p>J'affiche quelque désintéressement en embrassant sa défense, car je ne
+vous dissimulerai pas que je nourris contre elle un fort gros grief, que
+probablement vous partagez avec moi. Ce grief se fonde sur les prix
+exagérés que cette belle des mers a mis depuis quelques années, à ses
+faveurs. Au bon vieux temps, qui n'est pas si loin de nous que vous le
+supposez peut-être, pour douze sols,--vieux style aussi,--on vous en
+servait une douzaine toutes frémissantes dans leurs écailles nacrées.
+Que dis-je? A cette heureuse époque, à l'instar de la Déesse à la voix
+rauque de Barbier, l'huître ne dédaignait pas la populace. La charrette
+de l'écaillère nomade la débitait,--un peu défraîchie sans doute,--à
+raison de trente centimes et moins encore, dans les rues, dans les
+carrefours. Tout cela est bien loin de nous; tandis que le monde se
+démocratisait au-dessus d'elle, elle s'aristocratisait à nos dépens; la
+voilà devenue un mets de luxe, peu accessible à la médiocrité, même
+dorée; elle coûte juste le triple de ce qu'elle valait autrefois.</p>
+
+ <p>Ce renchérissement progressif et excessif de ces mollusques a des
+raisons multiples. Il tient à la fois à la facilité des transports par
+voie ferrée et à la spéculation, qui s'est mêlée de ce commerce. En même
+temps, et ne le regrettons pas, les pêcheurs mieux renseignés sont
+devenus plus exigeants. Et puis on avait quelque peu abusé des bancs, il
+y a quelques années. Enfin, des causes complètement indépendantes de
+l'action humaine ont leur influence sur la production huîtrière. La
+température agit énergiquement sur la croissance de l'huître, beaucoup
+plus lente dans les eaux froides du large, que sur certaines parties de
+la côte; il est constant que la multiplication a singulièrement souffert
+du manque de naissain dans la dernière période.</p>
+
+ <p>Heureusement notre malchance n'est pas sans appel et cet état de choses
+peut se modifier. Il y a lieu d'espérer que nos bancs se relèveront de
+l'état de marasme que nous signalons. On leur rendrait plus rapidement
+leur prospérité première en établissant des réserves où l'on déposerait
+le naissain lorsqu'il serait abondant.</p>
+
+ <p>Les annales de l'huître ne sont pas sans gloire; elle a inspiré de
+luxueuses folies aux maîtres fous de la gastronomie, les Romains; mais
+le cadre purement pittoresque et industriel de cette étude ne nous
+permet pas un retour dans le passé du coquillage qui nous occupe, si
+flatteur qu'il puisse être pour lui.</p>
+
+ <p>Sa description, je rougirais de l'entreprendre; je vous l'assure, vous
+vous renseignerez beaucoup plus agréablement sur ce point chez
+l'écaillère du coin, qu'en ayant recours à tous les traités d'histoire
+naturelle. Prodigue de tout ce qui est bon, la nature l'a largement
+distribuée dans les mers de toutes les latitudes; ses espèces sont
+nombreuses; nous ne nous occuperons que de celles qui se trouvent sur
+notre littoral. Ce sont:</p>
+
+ <p>1° L'huître pied de cheval, diamètre 12 centimètres; les amateurs de
+grosses bouchées, les gourmands seuls en font quelque cas. On la pêche
+sur tous les fonds rocailleux.</p>
+
+ <p>2º L'huître normande ou cancalière, huître blanche dont la dimension est
+de 7 à 8 centimètres, l'écaille épaisse et la qualité supérieure, bien
+qu'elle reste au-dessous de sa voisine l'armoricaine.</p>
+
+ <p>3° L'huître bretonne, petite de taille, 4 à 5 centimètres de dimension;
+à coquille mince et narrée, d'un goût exquis, pouvant rivaliser avec
+celui de l'huître anglaise, qui est d'un vert foncé à écailles rondes et
+de dimensions moindres encore.</p>
+
+ <p>4° L'huître de Marennes, qui se rapproche de la précédente par ses
+qualités, s'en distingue par la nuance verdâtre, qu'elle affecte et
+qu'elle doit aux fonds vaseux sur lesquels elle a vécu.</p>
+
+ <p>Nous aurons plus tard à nous occuper des m&oelig;urs, des habitudes de
+l'huître,--en dépit du préjugé elle en a,--de sa reproduction, des
+tentatives d'éducation huîtrière, du parcage, etc.; mais avant d'aborder
+ces questions, il faut savoir comment on la pêche.</p>
+
+ <p>La drague est l'instrument le plus en usage pour aller la chercher au
+fond des mers. Cette drague consiste en une sorte de sac à mailles de
+fil de fer ou de corde. Il est muni à son ouverture d'une forte armature
+de fer figurant un trapèze très-allongé. L'appareil est maintenu par
+trois tringles du même métal dont deux partent de ses extrémités, une de
+son milieu, pour se réunir à un anneau de traction sur lequel est frappé
+un cordage amarré lui-même à l'arrière du bateau. Cette disposition
+maintenant l'engin horizontal lui permet de racler les fonds et de
+détacher les huîtres, qui tombent alors dans le filet.</p>
+
+ <p>La drague, on le comprend, doit souvent rencontrer des obstacles:
+pierres, roches, débris de navires qui, non-seulement peuvent l'arrêter,
+mais briser son armature. On pare à ces accidents en frappant à l'une de
+ses extrémités un petit orin muni d'une bouée qui permet de la
+retrouver. Une autre méthode très-ingénieuse consiste à étalinguer
+l'amarre de traction fixée à un des angles de l'armature par un faible
+filin; en cas d'arrêt sérieux, ce filin se brise, l'appareil se
+renverse, et, ne formant plus râteau, il est aisément dégagé.</p>
+
+ <p>La largeur de la drague varie en raison des difficultés que présentent
+les fonds à explorer. Un des meilleurs types, la drague cancalaise,
+mesure de 1m50 jusqu'à 2m50 de lame. La grandeur de la maille est
+réglementée administrativement suivant la taille des coquillages. Son
+minimum est fixé à 5 centimètres carrés.</p>
+
+ <p>Dans nos pêcheries en rivière de la Seurre, de Pont-l'Abbé, du Sucidy et
+même dans la baie d'Arcachon, on emploie pour pêcher l'huître de simples
+canots ou <i>tillotes</i> à deux ou quatre avirons, munis d'une drague légère
+qu'un seul homme placé à l'arrière peut man&oelig;uvrer. Les bancs du large
+sont exploités à l'aide d'embarcations pontées et d'un tonnage moyen de
+sept tonneaux, qui marchent à la voile et peuvent avoir plusieurs
+dragues à la traîne. A Cancale, chaque bateau en possède trois; dans le
+passage de la Déroute, j'ai vu des embarcations anglaises en mettre
+jusqu'à sept à la mer..</p>
+
+ <p>Les bateaux destinés à cette pêche doivent réunir deux qualités
+essentielles: la solidité et la vitesse. La rapidité de la marche donne
+de grands avantages aux pêcheurs, non-seulement sur les bancs, mais dans
+le transport du chargement aux parcs, claies et dépôts de la côte. Les
+cutters anglais de Jersey, Liverpool, Ry, etc., auxquels leur
+construction à clins procure cette rapidité en même temps qu'elle leur
+donne une grande élégance, sont de parfaits modèles du bateau pêcheur
+d'huîtres.</p>
+
+ <p>Par un bon temps et une jolie brise, rien n'est beau connue le tableau
+d'une flottille de pêcheurs en action. Les carènes noires des bateaux
+ruisselantes sous les caresses de la vague étincellent au soleil; avec
+leurs voiles blanches effilées, ils ressemblent à une nuée d'oiseaux
+éparpillés sur la mer, et malgré le poids des dragues qu'ils traînent à
+leur suite, comme l'oiseau, ils semblent voler en laissant une légère
+traînée d'écume sur sa surface.</p>
+
+ <p>À bord, quelle fiévreuse activité! Il faut voir la prestesse avec
+laquelle, quand l'huîtrière est riche, l'appareil est vidé et rejeté à
+la mer.</p>
+
+ <p>Quelquefois, lorsque la scène se passe sur un banc interdit, elle se
+complique. Un de ces avisos de l'État qui jouent sur ces plaines
+liquides le rôle des gardes champêtres dans nos campagnes surgit tout à
+coup de quelque coin de l'horizon, tombe comme la foudre sur les
+délinquants, amariné les plus maladroits et gâte un peu le plaisir de la
+fête. Celles des embarcations qui ont eu la chance de lui échapper,
+quelquefois en sacrifiant leurs engins de pêche, se couvrent de toile,
+font force de voiles et s'éparpillent dans toutes les directions.</p>
+
+ <p>Le départ et l'arrivée de la caravane, c'est ainsi que l'on appelle à
+Cancale la drague annuelle des huîtres, est encore un spectacle auquel
+le plus indifférent ne saurait assister sans éprouver une certaine
+émotion. Il donne la mesure de l'importance de la récolte du coquillage
+pour ces populations. Aussitôt que les bateaux sont signalés, tout le
+littoral est en mouvement; les falaises, les grèves se couvrent de
+monde; une fourmilière humaine s'y presse, s'y amoncelle. Femmes,
+enfants, vieillards sont accourus pour assister au triage du précieux
+mollusque et constater les résultats de cette campagne, qui apportera
+l'aisance dans chaque foyer, qui peut-être aussi les laissera dans la
+gêne. Les premières, les poings sur les hanches, le teint allumé, l'&oelig;il
+fiévreux, comptant les paniers qui se vident avec cette âpre cupidité
+que l'on a si peu le droit de reprocher aux pauvres gens; les petits,
+les yeux écarquillés, s'émerveillant devant ces trésors avec la naïveté
+de leur âge; les vieux y trouvant un prétexte pour revivre les jours du
+passé, et constater sa supériorité sur le présent: les huîtres étaient
+bien plus grosses de leur temps, on en cueillait aussi bien davantage.
+Si la pêche est plus faible, c'est que les équipages sont moins
+vaillants; et tout fier de l'avoir constaté, redressant son buste voûté,
+le bonhomme reprend sa chique, qu'il avait pieusement déposée dans un
+coin de son béret pour pérorer plus à son aise.</p>
+
+ <p>Nous parlions tout à l'heure de la pêche sur les bancs prohibés; les
+Anglais sont nos maîtres dans ce genre de maraude; mais malheureusement
+ce n'est pas seulement en fait de pêche illicite que s'affirme la
+supériorité de leurs pêcheurs. Leur caractère froid et calculateur, un
+instinct plus raisonné de leurs intérêts leur ont permis de former entre
+eux des <i>guilds</i> ou corporations où se réunissent les capitaux et qui
+répartissent équitablement entre les intéressés les produits de la
+commune industrie.</p>
+
+ <p>Si, hors de chez eux, ils cèdent un peu trop aisément à l'attrait du
+fruit défendu, en revanche ils respectent strictement, rigoureusement
+les prohibitions de leur littoral, et notamment celles des baies de
+Portland, Falmouth, Swansea pendant la période de fermeture. On les voit
+aussi se donner la peine de débarrasser les fonds de pêche pendant l'été
+des herbes, des plantes marines qui nuisent singulièrement à la
+production du <i>brood</i> ou naissain. Chez nous, au contraire, et si
+avantageux que soit le traînage du chalut sur les bancs, pour les
+approprier, la crainte que les pêcheurs n'abusent de cette opération
+conservatrice pour capturer des huîtres hors saison fait qu'elle est
+très-peu pratiquée.</p>
+
+ <p>On voit que nous avons encore bien à faire pour égaler nos voisins.
+L'envasement a fait disparaître les huîtres des bancs des Maronnes, des
+Flamands, Mérignac, Lamouroux, Dugnas, Martin-Gêne, La Tremblade; mais
+la grande décroissance que nous avons signalée dans notre production
+huîtrière revient aussi pour une bonne part à l'imprévoyance, nous
+devrions dire à l'imprévoyante cupidité des exploitants. La fable de la
+poule aux &oelig;ufs d'or restera une éternelle vérité.</p>
+
+ <p>L'administration de la marine s'est vivement préoccupée de cette
+situation, et grâce à elle, si toutes nos huîtrières ne sont pas encore
+relevées, du moins celles d'Arcachon, de Cancale, donnent-elles
+aujourd'hui d'excellents résultats; elles sont parvenues à alimenter,
+concurremment avec un certain nombre d'achats effectués en Angleterre,
+les parcs de Loc-Tudy, Cancale, Saint-Waast, Courseuilles, où l'huître
+acquiert toute sa finesse et son embonpoint avant d'être livrée à la
+consommation.</p>
+
+ <p>Si satisfaisant que soit le progrès, nous devons souhaiter mieux encore;
+avec l'étendue de côtes que nous possédons, avec un peu de sagesse, nous
+cesserions rapidement d'être sous ce rapport les tributaires de
+l'étranger.</p>
+
+ <p>Le nombre des bateaux pêcheurs d'huîtres est;</p>
+
+ <pre>
+ à Arcachon, de 620
+ Cancale 100
+ Granville 30
+ Tréguier }
+ Lézardrieux } 700
+ Pont-l'Abbé }
+ En total... 1,450
+</pre>
+
+ <p>embarcations, sans compter celles de la haute Normandie, qui draguent
+l'huître au moins par intervalles.</p>
+
+ <p>En supposant cinq hommes d'équipage pour chacun de ces bateaux, on
+obtient le chiffre respectable de 7,250 pêcheurs. Si l'on veut bien
+observer que sur toute cette partie de nos côtes, 12,000 individus au
+moins trouvent encore un certain salaire en ramassant les huîtres à la
+main à la marée basse, on en conclura que le précieux coquillage peut à
+bon droit être considéré comme la manne de ces populations du littoral.</p>
+
+ <p>Les prix des huîtres sont:</p>
+
+ <pre>
+ A Arcachon 20 à 25 fr. le mille.
+ Marennes. 30 à 35 »
+ Pont-l'Abbé, le Tudy 60 à 70 »
+ Cancale 60 à 70 »
+ Lézardrieux 50 à 60 »
+ Saint-Waast 60 à 65 »
+ Dunkerque (huîtres angl.) 90 à 100 »
+ Ostende 100 à 110 »
+</pre>
+
+ <span class="sc">L. Faudacq.</span>
+ <br>
+
+ <h3>Nuka-Hiva</h3>
+
+ <p>En suivant vers la gauche la rue de Taïohaé, on arrive, près d'un
+ruisseau limpide, aux quartiers de la reine. Un figuier des Banians,
+développé dans des proportions gigantesques, étend son ombre triste sur
+la case royale. Dans les replis de ses racines, contournées comme des
+reptiles, on trouve des femmes assises, vêtues le plus souvent de
+tuniques d'une couleur jaune d'or qui donne à leur teint l'aspect du
+cuivre. Leur figure est d'une dureté farouche; elles vous regardent
+venir avec une expression de sauvage ironie.</p>
+
+ <p>Tout le jour assises, dans un demi-sommeil, elles sont immobiles et
+silencieuses comme des idoles. C'est la cour de Nuka-Hiva, la reine
+Vaékéhu et ses suivantes.</p>
+
+ <p>Sous cette apparence peu engageante, ces femmes sont douces et
+hospitalières; elles sont charmées qu'un étranger prenne place près
+d'elles, et vous offrent toujours des cocos ou des oranges.</p>
+
+ <p>Elisabeth et Atéria, deux suivantes qui parlent français, vous adressent
+alors, de la part de la reine, quelques questions saugrenues au sujet de
+la dernière guerre d'Allemagne. Elles parlent fort, mais lentement, et
+accentuent chaque mot d'une manière originale. Les batailles où plus de
+mille hommes sont engagés excitent leur sourire incrédule; la grandeur
+de nos armées dépasse leurs conceptions.</p>
+
+ <p>L'entretien pourtant languit bientôt; quelques phrases échangées leur
+suffisent, leur curiosité est satisfaite et la réception terminée; la
+cour se momifie de nouveau, et, quoi que vous fassiez pour réveiller
+l'attention, on ne prend plus garde à vous.</p>
+
+ <p>La demeure royale, élevée par les soins du gouvernement français, est
+située dans un recoin solitaire, entourée de cocotiers et de tamaris.</p>
+
+ <p>Mais, au bord de la mer, à côté de cette habitation modeste, une autre
+case, case d'apparat, construite avec tout le luxe indigène, révèle
+encore l'élégance de cette architecture primitive.</p>
+
+ <p>Sur une estrade de larges galets noirs, de lourdes pièces de magnifique
+bois des îles soutiennent la charpente. La voûte et les murailles de
+l'édifice sont formées de branches de citronniers, choisies entre mille,
+droites et polies comme des joncs; tous ces bois sont liés entre eux par
+des amarrages de cordes de diverses couleurs, disposés de manière à
+former des dessins réguliers et compliqués.</p>
+
+ <p>Là encore, la cour, la reine et ses fils passent de longues heures
+d'immobilité et de repos, en regardant sécher leurs filets à l'ardent
+soleil.</p>
+
+ <p>Les pensées qui contractent le visage étrange de la reine restent un
+mystère pour tous, et le secret de ses éternelles rêveries est
+impénétrable. Est-ce tristesse, ou abrutissement? Songe-t-elle à quelque
+chose, ou bien à rien? Regrette-t-elle son indépendance et la sauvagerie
+qui s'en va, et son peuple qui dégénère et lui échappe?...</p>
+
+ <p>Atéria, qui est son ombre et son chien, serait en position de le savoir;
+peut-être cette inévitable fille nous rapprendrait-elle. Mais tout porte
+à croire qu'elle l'ignore, et il est possible même qu'elle ne se le soit
+jamais demandé.</p>
+
+ <p>Vaékéhu consentit avec une bonne grâce parfaite à poser pour plusieurs
+éditions de son portrait; jamais modèle plus calme ne se laissa examiner
+plus à loisir.</p>
+
+ <p>Cette reine déchue, avec ses grands cheveux en crinière et son fier
+silence, conserve encore une certaine grandeur.</p>
+
+ <p>Un soir, au clair de lune, comme je passais seul dans un sentier boisé
+qui mène à la montagne, les suivantes m'appelèrent.</p>
+
+ <p>Depuis longtemps malade, leur souveraine, disaient-elles, s'en allait
+mourir.</p>
+
+ <p>Elle avait reçu l'extrême-onction de l'évêque missionnaire.</p>
+
+ <p>Vaékéhu était étendue à terre et tordait ses bras tatoués avec toutes
+les marques de la plus vive souffrance; ses femmes, accroupies autour
+d'elle, avec leurs grands cheveux ébouriffés, poussaient des
+gémissements et menaient deuil (suivant l'expression biblique qui
+exprime parfaitement leur façon particulière de se lamenter).</p>
+
+ <p>On voit rarement dans notre monde civilisé des scènes aussi
+saisissantes; dans cette case nue, ignorante de tout l'appareil lugubre
+qui ajoute en Europe aux horreurs de la mort, l'agonie de cette femme
+révélait une poésie inconnue, pleine d'une amère tristesse.</p>
+
+ <p>Le lendemain de grand matin, je quittai Nuka-Hiva pour n'y plus revenir,
+et sans savoir si la souveraine était allée rejoindre les vieux rois
+tatoués ses ancêtres.</p>
+
+ <p>Vaékéhu est la dernière des reines de Nuka-Hiva; autrefois païenne et
+quelque peu cannibale, elle s'était convertie au christianisme et
+l'approche de la mort ne lui causait aucune terreur.</p>
+
+ <p>Julien V...</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>NUKA-HIVA</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>La reine Vaékéhu.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>La Reine Vaékéhu et ses fils.--D'après les croquis de M.
+Julien V.</b></p>
+<br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LE DÉJEUNER.--D'après le tableau de M. Caraud.</b></p>
+
+ <h3>Le déjeuner</h3>
+
+ <p>Près d'une table toute servie une jeune fille est debout.</p>
+
+ <p>Sa taille est fine et souple, son air à la fois malin et candide, son
+front pur. Bon pied, bon &oelig;il, bon c&oelig;ur et bon appétit.</p>
+
+ <p>Elle tient à la main une assiette dans laquelle fume le potage qu'elle
+s'apprête à manger. Elle y a plongé une première fois la cuiller qu'elle
+a approchée de sa bouche. Mais le potage, brûlant, a trompé son attente.
+Vite, soufflons. Donc elle souffle, en attendant mieux. Elle ne semble
+pas d'ailleurs pressée outre mesure. Elle a là, sous les yeux, un
+spectacle qui la réjouit, et semble captiver son attention. La table est
+posée près de la fenêtre, la fenêtre est ouverte et par cette fenêtre,
+une bande d'aimables parasites, les hôtes du pigeonnier, à tout coup
+fait irruption dans la chambre. Elle a pris possession de la table, et
+comme en pays conquis elle en use ou plutôt en abuse.</p>
+
+ <p>Ce n'est rien, comme vous voyez, ce sujet de tableau, choisi par M.
+Caraud; et cependant, de ce rien, il a fait une chose charmante, devant
+laquelle, au Salon de cette année, on s'oubliait volontiers. Toile
+très-gracieuse et très-délicate, &oelig;uvre d'un artiste du talent le plus
+fin.</p>
+
+ <p>L. C.</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>LES MYSTÈRES DE LA BOURSE</h3>
+
+ <p>Ce qu'il faut faire pour moraliser la bourse</p>
+
+ <p>Que de choses nous aurions encore à mettre en lumière pour bien faire
+comprendre les envahissements du Jeu de la Bourse et les ravages qu'il a
+produits dans les familles depuis un demi-siècle! Mais il nous suffira
+de nous arrêter à deux considérations dernières.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+ <p>Non-seulement tout le monde est attiré par un irrésistible penchant vers
+le tourbillon de la Bourse, mais ce tourbillon va si bien s'élargissant
+qu'il ne fait plus de tout l'occident de l'Europe qu'un seul et unique
+marché.</p>
+
+ <p>Dès qu'un premier cours a été coté par la Coulisse sous le péristyle de
+la Bourse, on voit s'établir un va-et-vient du télégraphe à la Bourse et
+de la Bourse au télégraphe. C'est un feu roulant de dépêches pour les
+départements, pour Londres, Bruxelles, Amsterdam, Vienne, Berlin. Agents
+de change, coulissiers, banquiers, sociétés de crédit, changeurs, font
+parvenir toutes les variations à leurs correspondants, de manière à
+profiter, si c'est possible, d'une place à l'autre, des moindres
+fluctuations de la rente. Tout mouvement de nos fonds publics se
+répercute ainsi sur toutes les bourses par une gerbe de dépêches qui se
+croisent à travers l'Europe et qui donne au marché des proportions
+infinies. Ce n'est plus un marché, c'est un monde en ébullition.</p>
+
+ <p>Songez enfin que, bien souvent, quand les cours, sauf l'imprévu, sont au
+calme plat, les acheteurs savent, par la multiplicité de leurs
+opérations, compenser l'atonie des affaires. On vend et l'on achète
+alors par brassées. Ainsi nous nous rappelons avoir assisté à ce
+gigantesque coup de crayon.</p>
+
+ <p>La rente, suffoquée de chaleur, haletait à 71 fr. 20 c.</p>
+
+ <p>--A vingt-deux et demie, envoyez! glapit un agent acheteur.</p>
+
+ <p>--Oui, cria un autre agent vendeur.</p>
+
+ <p>--Combien? quinze mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Trente mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Soixante mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Cent vingt mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Trois cent mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Six cent mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Neuf cent mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Douze cent mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>Et les deux agents de la Coulisse inscrivirent d'un seul coup de crayon,
+sur leurs carnets, l'un un achat de DOUZE CENT MILLE FRANCS DE RENTE
+TROIS POUR CENT, l'autre une vente de la même somme. Vingt mille francs
+de courtage!</p>
+
+ <p>Avec un franc de hausse ou de baisse, c'était pour l'acheteur ou le
+vendeur une perte de 400,000 fr.! Étonnez-vous donc auprès cela de voir
+arriver des fuites, des culbutes et des suicides! Qui aime le danger y
+périt, et l'on récolte toujours ce qu'on a semé.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+ <p>Étant donné cet exposé sincère du marché de la Bourse, la première
+pensée qui surgit dans l'esprit de l'observateur est celle-ci:--Que
+faudrait-il faire pour moraliser le marché de la Bourse?</p>
+
+ <p>Ce qu'il faudrait faire? Bien peu de chose, un tout petit article de loi
+que nous allons vous faire connaître et qui ferait de la Bourse un
+marché semblable à tous les autres.</p>
+
+ <p>C'est là, en effet, la question mère auprès de laquelle disparaissent
+toutes les autres. Qu'importe que la Bourse fasse danser sur les
+raquettes de la hausse et de la baisse des millions et des milliards, si
+ce marché ne doit éternellement rappeler que la rue Quincampoix, et si
+foutes ces opérations ne doivent représenter que le jeu.</p>
+
+ <p>Que disons-nous, le jeu? C'est la friponnerie qu'il faut dire, et nous
+appelons sur ce point toute l'attention de nos lecteurs, car c'est avec
+le vif désir de voir disparaître le jeu et les duperies de la Bourse que
+nous avons publié cette étude.</p>
+
+ <p>Le jeu de la Bourse n'est en réalité qu'une duperie. Et pourquoi? Est-ce
+parce que ces opérations ne reposent que sur la spéculation? Nullement.
+On spécule sur les alcools, on spécule sur les farines, on spécule sur
+les cotons, et ces spéculations qui ruinent et enrichissent aussi bien
+que la hausse et la baisse de la rente, n'ont jamais donné lieu au
+reproche de friponnerie. La spéculation est le grand moteur des
+affaires.</p>
+
+ <p>Pourquoi donc la Bourse est-elle seule à soulever à bon droit les
+colères de l'opinion et la réprobation de la conscience publique?</p>
+
+ <p>Parce que la loi n'admet que le marché au comptant, et permet au
+spéculateur de faire du marché à terme, un pari non reconnu par le Code.
+Or tant que ce marché à terme sera ainsi livré à la merci de la mauvaise
+foi, tant qu'un fripon pourra recevoir ses bénéfices quand il aura
+gagné, et refuser de payer, la loi à la main, quand il aura perdu, la
+Bourse souffrira du triste renom qui s'attache aux maisons de jeu, et la
+fortune mobilière de la France n'aura pas pour son marché l'autorité
+morale que donne la sanction invariable de la loi.</p>
+
+ <p>Voici, en effet, ce qui se passe tous les jours. Un spéculateur se
+présente. Il opère à terme, et avant que le compte soit réglé à la
+liquidation, il est impossible de savoir si l'opération est fictive ou
+sérieuse! Bien mieux: plus l'opération est forte, c'est-à-dire plus elle
+engage le client, l'agent de change et le marché, plus aussi cette
+opération présentera de risques, car l'importance de la vente ou de
+l'achat est précisément l'argument favori, presque toujours mis en
+avant, pour établir l'opération comme un pari et pour refuser le
+payement.</p>
+
+ <p>Et voilà plus d'un demi-siècle que la Bourse ouvre ainsi ses portes à la
+malhonnêteté! Voilà plus d'un demi-siècle que le crédit de l'État roule
+sur une pareille énormité, et que la friponnerie a ses coudées franches
+sur un marché qui remue journellement des milliards! Un pari? A la
+Bourse? Quand il s'agit de la rente? Un pari, quand il s'agit d'actions
+et d'obligations? La conscience se révolte devant un tel scandale et
+devant les méfaits sans nombre qu'il peut engendrer.</p>
+
+ <p>Voyez jusqu'où peut aller la duperie. Un spéculateur achète 100,000 fr.
+de rente à terme chez un agent. Mais qui peut savoir si, au moment où il
+achète ces 100,000 fr. de rente, il ne fait pas la contre-partie chez un
+autre agent? Et cette double opération commandée en vue de la fraude,
+qui peut savoir si elle ne se reproduit pas deux fois, trois fois chez
+d'autres agents?</p>
+
+ <p>Vous voyez le résultat, et que de fois n'a-t-on pas eu à le constater?
+L'opération qui donne un compte créditeur voit arriver le client qui
+reçoit son argent, tandis que l'opération qui donne un compte débiteur
+n'obtient de lui qu'un refus, et aux sommations réitérées de l'agent de
+change, à l'assignation qui le fait paraître devant un tribunal, il
+invoque la loi et répond tranquillement: J'ai joué! Et le tribunal
+résilie le marché!</p>
+
+ <p>Étonnez-vous donc que l'opinion reste hostile à la Bourse?</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+ <p>Un pareil état de choses est-il tolérable? Pourquoi donc le marché à
+terme, qui est l'âme du commerce dans le monde entier, ne serait-il pas
+admis à la Bourse? Pourquoi donc la rente qui est le titre de l'État,
+qui donne la mesure du crédit public, serait-elle réservée au rôle
+indigne des spéculations immorales?</p>
+
+ <p>Il n'y a pas deux poids et deux mesures. A la Bourse, comme ailleurs,
+acheter et vendre, soit au comptant, soit à terme, sont deux actes
+légaux, sérieux, indéniables, parfaitement déterminés et qui doivent
+produire pour la rente les mêmes effets que pour toute autre propriété.
+Le droit commun, voilà la règle, et en dehors d'elle, il n'y a point
+d'autre solution.</p>
+
+ <p>Le marché à terme a été la plaie de la Bourse, il faut que cette plaie
+disparaisse; il a causé de graves désordres, il faut que l'ordre les
+fasse oublier; il a souffert de l'ambiguïté de la loi, il faut que la
+loi, dépouillée de ses ambages, lui rende l'estime, la faveur et la
+confiance du publie.</p>
+
+ <p>Une loi est donc nécessaire, et cette loi que nous invoquons est facile
+à faire. Une phrase peut la résumer tout entière, et cette phrase la
+voici:</p>
+
+ <p>«La loi reconnaît, sans aucune distinction, toutes les opérations faites
+à la Bourse.» Cette solution est la seule pratique, la seule juste, la
+seule vraie, la seule conforme aux principes du droit et aux progrès des
+temps. Le marché au comptant est le marché des peuples primitifs, le
+marché à terme est le marché des peuples civilisés qui font plus
+d'affaires par le crédit que par les capitaux.</p>
+
+ <p>Devant un texte aussi précis, la fraude n'aura plus rien à tenter, et la
+suspicion ne troublera pas de ses nuages malsains les opérations à
+ternie. La loi étant précise, les actes deviendront également précis.
+Tout ordre donné sera un engagement ferme. Chacun saura à quoi il
+s'engage, et quand le spéculateur saura qu'à chacune de ses opérations,
+il suspend sa fortune, son honneur et le repos de sa famille, il fera de
+mûres réflexions avant d'engager inconsidérément, dans une vente ou dans
+un achat, ce qu'il a de plus précieux au monde!</p>
+
+ <span class="sc">Léon Creil.</span>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE</h3>
+
+ <p><i>Itinéraire descriptif</i>, historique et archéologique de l'Orient, par M.
+Emile Isambert. Première partie, Grèce et Turquie d'Europe, 2e édition.
+Paris, Hachette, 1873.--Si le principal mérite d'un livre doit être de
+satisfaire pleinement aux besoins et aux goûts de ceux auxquels il est
+destiné, on peut dire, sans s'exposer à aucune contradiction, que
+l'ouvrage composé par M. Emile Isambert est, sous tous les points,
+excellent. Celui qui voyagera en Grèce et dans la Turquie d'Europe,
+ayant à la main ce guide fidèle, verra sans aucun doute, beaucoup plus
+de choses que s'il marchait à l'aventure, et surtout il les verra mieux.</p>
+
+ <p>La première partie de cet itinéraire de l'Orient embrasse la Grèce et la
+Turquie d'Europe. Elle est naturellement divisée en deux sections
+précédées, l'une et l'autre, d'un abrégé substantiel où sont résumées la
+géographie et les conditions climatériques des diverses localités, les
+évolutions historiques des Grecs anciens et modernes, l'invasion des
+Turcs, la situation réelle qu'ils ont en Orient, leur religion, leurs
+usages, le caractère de leur architecture, etc. les notions
+préliminaires, indispensables à ceux qui ne sont pas très-familiers avec
+le monde oriental, seront utiles aux érudits eux-mêmes qui rencontreront
+là, condensé en quelques pages, ce qu'il faudrait chercher parmi plus de
+cent volumes.</p>
+
+ <p>Faisons d'abord observer que la Grèce proprement dite et la Turquie
+d'Europe ont une physionomie différente et ne produisent pas le même
+genre d'impression. Le voyage de Grèce est surtout archéologique.
+L'homme y joue le premier rôle, on en voit la grandeur et la faiblesse
+dans ce peuple qui a élevé de si belles &oelig;uvres aujourd'hui en ruines.
+C'est presque exclusivement le passé qui nous attire lorsque l'on se
+rend en Grèce, et le présent humble ou misérable fait encore ressortir
+davantage quelle devait être l'élévation de ce qui n'est plus.</p>
+
+ <p>Le voyage de la Turquie d'Europe est au moins aussi pittoresque
+qu'historique. L'homme des temps anciens s'efface devant la nature; la
+nature se montre là à la fois charmante et grandiose, prête à prodiguer
+d'inépuisables richesses au travail qui daignerait la solliciter.</p>
+
+ <p>L'itinéraire général est partagé en un grand nombre d'itinéraires
+particuliers; le livre fait connaître les distances à parcourir, les
+moyens de transport et de dépense: chaque route est très-minutieusement
+détaillée; l'aspect changeant des paysages, la succession des vallées et
+des collines, les montagnes et les rochers, les rivières, les sources,
+les lacs; les constructions pélasgiques, les temples grecs, les
+tombeaux, les châteaux francs, vestiges de la conquête latine du XIIIe
+siècle, les églises et les monastères, les traces de campement militaire
+et les lieux célèbres par quelque grande bataille, rien, en un mot, n'a
+été oublié.</p>
+
+ <p>Pour la partie archéologique, M. Emile Isambert a consulté les mémoires
+si remarquables des élèves de notre école d'Athènes et les travaux des
+plus savants explorateurs modernes de la Grèce. Dans la partie
+topographique et pittoresque, il se plaît à citer plusieurs célèbres
+écrivains voyageurs, Lamartine, Chateaubriand, Théophile Gautier. Ces
+emprunts habilement intercalés par l'auteur dans son propre texte, lui
+permettent d'échapper à la sécheresse d'une nomenclature géographique.
+Quoi de plus poétique, pour ne citer qu'un exemple, que le tableau si
+animé des deux rives du Bosphore! Les descriptions des villes, toutes
+précédées d'une notice historique, sont quelquefois assez étendues,
+comme celles d'Athènes et de Constantinople; celui qui suivra
+scrupuleusement toutes les indications du livre, pourra s'éloigner
+d'Orient avec la certitude, presque absolue d'avoir vu tout ce qui était
+digne d'intérêt.</p>
+
+ <p>Tel est l'ouvrage de M. Emile Isambert. C'est un immense et très-sérieux
+travail qui a exigé les plus longues et les plus patientes recherches.
+De pareils livres sont très-propres à répandre parmi tous le goût des
+voyages en les rendant plus faciles et plus agréables. On dit que les
+Français devraient sortir de chez eux pour étudier les autres peuples.
+Or, nous pensons qu'une fréquentation de la Grèce nous serait
+profitable. Nous y verrions qu'un peuple, après avoir fait de grandes
+choses, doit inévitablement, quoique doué de qualités supérieures, s'il
+manque d'esprit politique et se consume en divisions stériles, perdre la
+vitalité première de sa nationalité; nous verrions qu'en suivant cette
+voie, toute nation marche infailliblement à la dégradation et à la
+servitude.</p>
+
+ <p><span class="sc">Richard Cortambert.</span></p>
+<br>
+ <p>M. Jouaust, qui a achevé ses deux ouvrages exquis, les <i>Contes</i> de
+Boccace et ceux de Marguerite de Navarre (deux raretés déjà, deux
+chefs-d'&oelig;uvre), va publier tantôt un <i>La Fontaine</i> étonnant, avec des
+dessins de Gérôme et de Detaille, une &oelig;uvre d'art à propos d'une
+inimitable &oelig;uvre littéraire.</p>
+<br>
+ <p><i>Almanach lorrain de Pont-à-Mousson</i> (Première année).--Il faut signaler
+à l'Alsace et à la Lorraine tout ce que la France essaie de faire pour
+entretenir dans ces provinces l'amour de ta mère patrie. En éditeur de
+Pont-à-Mousson,--la frontière de France aujourd'hui,--M. Ory, publie
+ainsi la première année d'un almanach lorrain qui, répandu dans les
+campagnes autour de Metz, pourra apprendre à bien des gens qu'ici ou ne
+les oublie pas. M. Georges Perrot a donné à cet almanach une page
+excellente sur le siège de Paris et j'y ai trouvé, signés L. F., des
+souvenirs d'une intensité d'émotion et de vérité tout à fait
+remarquables, des souvenirs d'un soldat du 94e de ligne (2e armée de la
+Loire). M. Gérardin a écrit aussi de bien curieuses recherches sur
+l'histoire de Pont-à-Mousson pendant le règne de Louis XVI et la
+Révolution française, et M. Claude, député de Meurthe-et-Moselle, y
+conte éloquemment la légende de Jacques Bonhomme.</p>
+
+ <p>&OElig;uvre utile entre toutes, cet almanach est un lien populaire entre la
+France française et ce qu'on pourrait appeler, hélas, la <i>France
+allemande!....</i></p>
+<br>
+ <p><i>Rêves et devoirs</i>, par M. Théodore Froment (I vol., A.
+Lemerre).--Chaque poète prend ses inspirations où il les trouve. M.
+Froment est professeur et son horizon d'habitude c'est la classe avec
+ses murs nus, son tableau noir, ses pupitres luisants. Il a logé sa Muse
+dans une étude de collège et il a caractérisé ses vers par ces deux
+mots: <i>Rêves et devoirs.</i> Les rêves sont simples et honnêtes, les
+devoirs sont de tous les jours. M. Froment a dédié ses vers à ses
+élèves, à ceux qu'il enseigne et guide:</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"> Ainsi donc à vous cet ouvrage:</p>
+<p class="i20"> Si peu qu'il soit, c'est votre bien.</p>
+<p class="i20"> Amis, je vous en fais hommage</p>
+<p class="i20"> Et mets à la première page</p>
+<p class="i20"> Votre nom à côté du mien.</p>
+</div></div>
+
+ <p>Ces vers intimes, sincères, profondément sentis, manquent de variété
+sans doute. Le devoir universitaire est un peu uniforme. Pourtant M.
+Froment a su dégager une poésie vraie et souvent touchante de sa pensée
+et de ses occupations quotidiennes.</p>
+<br>
+ <p><i>Le Roman de l'histoire</i>, par M. Jules d'Argis (1 vol., Société des gens
+de lettres).--C'est un gros volume compact où le roman et l'histoire,
+comme le promet le titre, s'entremêlent. On y trouve de tout un peu,
+comme dans les &oelig;uvres complètes; des nouvelles, des chroniques, des
+voyages et de la critique. <i>Les Fiançailles de mademoiselle de
+Bourgogne, le Dernier sourire de Charles II et François 1er à Madrid</i>,
+sont des chapitres intéressants. A propos du premier Empire, de M.
+Thiers et de M. Lanfrey, M. Jules d'Argis a trouvé le moyen de dire des
+choses intéressantes et nouvelles. C'est ce qu'il voulait, lorsqu'il
+donnait à son livre cette épigraphe tirée de Buffon:</p>
+
+ <p>«L'art de dire de petites choses devient peut-être plus difficile que
+l'art d'en dire de grandes.»</p>
+<br>
+ <p><i>La Ligue d'Alsace</i>, première série, 1871-1872 (1 vol. in-18).--«Depuis
+la conquête prussienne, une puissante société secrète, la Ligue
+d'Alsace, s'est fondée en Alsace-Lorraine et y imprime une feuille
+clandestine, qu'elle fait largement distribuer par ses adhérents avec la
+complicité unanime du pays. «Cette feuille, qui s'imprime on ne sait où,
+qui est glissée sous les portes on ne sait par qui, est petite,
+typographiée sur deux colonnes, en français d'un côté, en allemand de
+l'autre. Jamais la police prussienne n'a pu saisir les distributeurs de
+ces patriotiques feuilles volantes. L'éditeur Lemerre a eu l'idée de
+publier les numéros de cette gazette clandestine parus depuis le 1er
+mars 1871 jusqu'au 1er janvier 1872. C'est la chronique même des efforts
+de l'Alsace-Lorraine, de ses protestations et de ses luttes contre les
+conquérants. <i>La Ligue d'Alsace</i> stimule le patriotisme, flétrit les
+désertions, ravive les souvenirs de la patrie. Cette sorte de
+<i>charbonnerie</i> organisée, riche, intrépide, tient en échec l'empire
+d'Allemagne et ne regarde point comme accomplie l'&oelig;uvre de M. de
+Bismarck. Elle a ses presses, ses armées de distributeurs et de
+contrebandiers, ses dépôts, ses réunions régulières, et la police
+allemande sent autour d'elle l'influence de cette <i>Ligue</i> insaisissable.</p>
+
+ <p>Tout le monde, tout ce qui est français, voudra connaître les numéros de
+<i>la Ligue d'Alsace</i> ainsi réunis en volume. Le livre se vend au profil
+de l'&oelig;uvre d'Alsace-Lorraine. Ce n'est pas une &oelig;uvre de littérature,
+c'est mieux que cela, c'est une &oelig;uvre de combat et de patriotisme.</p>
+<br>
+ <p><i>Le Travail, base de la synthèse de l'histoire</i>, par Auguste Deschamps
+(1 broc. in-18).--«Le travail, c'est la vie», a dit Mirabeau. M. Auguste
+Deschamps, l'auteur d'une biographie estimée, <i>Eugène Cavaignac</i>, et de
+l'<i>Histoire de la chute du second Empire</i>, a développé cette parole de
+Mirabeau dans une conférence faite à l'hôtel de ville de Melun, au mois
+d'avril dernier, et qu'il réunit aujourd'hui en brochure. Ce travail est
+fort savant et animé d'une noble idée. M. Deschamps ne voit de progrès
+possible que par le travail. «Ce progrès, dit-il, c'est le travail,
+toujours le travail qui le produira, le travail pratiqué par tous,
+respecté et honoré de tous.» On ne saurait mieux dire. Toute la brochure
+est animée de ce même esprit sage et libre.</p>
+
+ <p><span class="sc">Jules Claretie.</span></p>
+<br><br>
+ <h3>REVUE FINANCIÈRE</h3>
+
+ <h4>LE NOUVEL EMPRUNT OTTOMAN</h4>
+
+ <p>La Bourse a commencé le mois en pleine hausse, et le 5 p. 100 se cote
+triomphalement au-dessus de 93 fr. 50 c., après avoir franchi un instant
+le cours de 94 fr. Les sociétés financières ont beaucoup de capitaux
+disponibles, et tout démontre que notre épargne nationale ne demande
+qu'à entreprendre une grande et fructueuse campagne d'affaires.</p>
+
+ <p>Le nouvel Emprunt ottoman que vient d'émettre le Crédit mobilier se
+présente donc aux souscripteurs dans les meilleures conditions
+possibles. A cet égard, on a tant médit chez nous de la Turquie et de
+l'homme malade, qu'il importe, au point de vue de l'exactitude des
+faits, de redresser les préjugés et les faux calculs qui se glissent
+injustement dans l'opinion.</p>
+
+ <p>Il suffît d'ailleurs de rappeler le résultat des emprunts antérieurs
+pour éclairer les capitalistes sur ce qu'on doit attendre de l'émission
+nouvelle. Si nous nous demandons ce qu'ont produit les emprunts
+antérieurs de la Turquie, nous resterons convaincus que l'Empire
+ottoman, la France et les souscripteurs n'ont eu qu'à s'en féliciter.</p>
+
+ <p>Pour la Turquie,--comment ne pas s'apercevoir que, depuis vingt ans que
+la Turquie a commencé ses emprunts, le revenu de la Sublime-Porte a
+presque triplé, et il est encore aujourd'hui en pleine marche
+ascendante. Ces emprunts ont donc été une semence qui a surabondamment
+fructifié, et la Turquie, nous devons le dire, n'a fait que toucher
+encore aux immenses richesses qu'elle veut aujourd'hui mettre en valeur.</p>
+
+ <p>Pour la France,--on peut dire, sans doute, qu'elle a beaucoup perdu dans
+les valeurs étrangères; mais il n'est que juste de reconnaître que
+l'Empire ottoman ne lui a rien fait perdre, et ses placements en Turquie
+sont au nombre de ceux qui ont facilité, dans ces deux dernières années,
+le paiement de l'indemnité de guerre. C'est en vendant ses valeurs
+étrangères que la France a pu conserver une bonne partie de son
+numéraire.</p>
+
+ <p>Pour le public,--la Turquie est un des pays qui ont compensé pour notre
+épargne les pertes qu'elle a subies. Les valeurs turques rapportent 10
+p. 100, et les Obligations que le Crédit mobilier vient d'émettre
+rapporteront, en comptant toutes leurs bonifications, 12 p. 100. C'est
+là, on le comprendra, un motif suffisant pour expliquer l'empressement
+des souscripteurs.</p>
+
+ <p><span class="sc">Léon Creil.</span></p>
+<br><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>EXPOSITION DE VIENNE.--Les appareils distillatoires de M.
+Savalle.</b></p>
+
+ <h3>APPAREILS SAVALLE POUR LA DISTILLATION</h3>
+
+ <p>De nombreux appareils de distillation ont été envoyés à l'Exposition de
+Vienne: mais là encore, la France remporte un succès incontestable, par
+l'exposition de la maison D. Savalle fils et Cie, de Paris.</p>
+
+ <p>Le jury des récompenses a décerné à cette maison une médaille de
+progrès, et certes elle était bien méritée; nous dirons même que le jury
+eut pu faire quelque chose de plus, en considération des services rendus
+et des nombreux perfectionnements réalisés par M. Désiré Savalle depuis
+1867.</p>
+
+ <p>Pour donner une idée de l'importance des travaux exécutés par la maison
+Savalle, nous citerons la puissance du travail des nombreuses usines
+installées par elle dans les diverses contrées du globe. Cette puissance
+représentait en 1872 une production journalière de un million et demi de
+litres d'alcool: dans ce chiffre, la production du 3/6 de mélasses entre
+pour 555,111 litres, et celle du 3/6 de betteraves pour 572,800 litres.
+Le surplus représente la production des alcools de pommes de terre, des
+alcools de grains, de vins, et la production des rhums par les appareils
+Savalle.</p>
+
+ <p>Pendant l'Exposition de Vienne, vingt-huit appareils de grande dimension
+ont déjà été vendus; ils représentent une valeur de plus de huit cent
+mille francs.</p>
+
+ <p>Ces appareils sont destinés aux contrées ci-après, pour:</p>
+
+ <pre>
+L'Égypte (pour les usines du khédive). 5 appareils.
+La Russie. 4 --
+La Hollande 1 --
+Le Portugal 2 --
+L'Autriche 2 --
+La France 7 --
+Rio-Janeiro 1 --
+L'Angleterre 1 --
+L'Allemagne 1 --
+La Bavière rhénane 2 --
+L'Espagne 1 --
+Total des appareils vendus pendant
+l'Exposition 27
+</pre>
+
+ <p>C'est la maison Savalle qui, la première, a importé la distillation de
+la betterave en Autriche et y a installé les distilleries de ce genre
+qui existent aujourd'hui.</p>
+
+ <p>Les personnes intéressées à la question distillerie feront bien de se
+procurer chez M. Georges Masson, éditeur, 17, place de
+l'École-de-Médecine, à Paris, la brochure de M. Désiré Savalle,
+intitulée: <i>Progrès récents de la distillation</i>; elles y trouveront des
+renseignements précieux sur la distillation de toutes les matières
+alcoolisables, et sur de nouveaux appareils appliqués à la fabrication
+de couleurs d'aniline et à l'épuration des méthylènes.</p>
+<br><br>
+
+ <h2>Rébus</h2>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"></p>
+<br>
+ <p class="mid">EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</p>
+
+ <p class="mid">Avant dîner et après un grand chagrin, l'appétit est coupé.</p>
+
+
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 47477 ***</div>
+</body>
+</html>
+
+
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1598, 11 octobre 1873, by Various
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+This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
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+whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
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+
+Title: L'Illustration, No. 1598, 11 octobre 1873
+
+Author: Various
+
+Release Date: November 27, 2014 [EBook #47477]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, 11 OCTOBRE 1873 ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+
+
+L'ILLUSTRATION
+JOURNAL UNIVERSEL
+
+31e Année.--VOL. LXII.--N° 1598
+SAMEDI 11 OCTOBRE 1873
+
+[Illustration.]
+
+Prix du numéro: 75 centimes
+La collection mensuelle, 3 fr.; le vol. semestriel,
+broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
+
+Abonnements
+Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois,
+18 fr.;--un an, 36 fr.; Étranger, le port en sus.
+
+[Illustration: LE PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Le Grand-Trianon.]
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+_Texte_: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
+Audebrand.--Les Théâtres.--Les Domestiques modernes, par M. Hippolyte
+Lucas.--L'esprit de Parti (suite).--Nos gravures.--Les Mystères de la
+Bourse (fin).--Bulletin bibliographique.--Revue financière.--Appareils
+Savalle pour la distillation.
+
+_Gravures_: Le procès du maréchal Bazaine: le Grand-Trianon.--La pêche
+des huîtres (5 gravures).--Procès du maréchal Bazaine; une séance du
+Conseil de guerre siégeant à Trianon.--Nuka-Hiva: la reine Vaékéhu;--La
+reine Vaékéhu et ses fils.--Le déjeuner, d'après le tableau de M.
+Garaud.--Exposition universelle de Vienne: les appareils distillatoires
+de M. Saville.--Rébus.
+
+
+
+HISTOIRE DE LA SEMAINE
+
+FRANCE
+
+Depuis la semaine dernière, un certain désarroi semble s'être mis de
+nouveau dans les affaires de la fusion qui paraissaient cette fois
+définitivement arrangées, ou à peu près. Tous les journaux du parti
+triomphaient. C'était trop tôt, paraît-il, ou peut-être prenaient-ils
+leurs désirs pour la réalité. Peut-être, aussi jugeaient-ils qu'ils
+avaient intérêt à ne pas dire toute la vérité. Dans ce cas, ils avaient
+tort; car s'il est un devoir qui s'impose aux journaux dans les
+circonstances actuelles, c'est celui de ne pas tromper le public. Or,
+c'était le tromper que de proclamer à son de trompe que le centre droit
+se trouvait en pleine conformité d'opinion et d'action avec la droite,
+quand, en réalité, chacun maintient ses positions, et qu'on n'est pas
+plus avancé qu'au premier jour; c'était le tromper que d'affirmer que la
+question du drapeau ne soulevait plus de difficultés, quand il est vrai
+que, sur ce point, l'_Union_ le dit et doit être bien informée,
+«l'accord n'est pas fait». Non-seulement on est divisé encore sur la
+question du drapeau, mais on ne s'entend même pas sur les principes
+fondamentaux de la monarchie à restaurer.
+
+Un événement important est venu ajouter à ce désarroi. C'est la
+publication d'une lettre adressée par M. Thiers à M. Bernard, maire de
+Nancy. Voici cette lettre datée du 29 septembre, dans laquelle l'ancien
+Président de la république décline l'invitation qui lui avait été faite
+de se rendre à Nancy. M. Thiers redoute l'agitation à laquelle pourrait
+donner lieu son voyage dans une ville qui l'appelle et qui se préparait
+à lui faire un sympathique accueil. «Sans doute, écrit M. Thiers, il est
+des calomnies qu'il faut savoir mépriser; sans doute aussi, au sein d'un
+pays qui serait fait aux moeurs de la liberté, l'agitation serait
+permise dans un moment où sans consulter la France, on prétend décider
+de ses destinées.» On voit que le chef de l'opposition n'est point la
+dupe des phrases toutes faites ni des hypocrites conseils par lesquels
+on voudrait enchaîner la protestation légitime de la moitié des
+représentants de la nation. S'il s'abstient d'aller soulever et
+recueillir à travers la France les ovations qui l'attendent et qui dans
+sa personne salueraient la république conservatrice, c'est parce qu'il
+le juge utile à la cause même de cette république. Les adversaires des
+«institutions existantes» auraient donc tort de compter sur le silence
+et la neutralité de M. Thiers; M. Thiers parlera, il agira! «Bientôt,
+écrit-il, nous aurons à défendre non-seulement la république qui, pour
+moi, reste le seul gouvernement capable de rallier, au nom de l'intérêt
+commun, les partis si profondément divisés, et qui seule peut parler à
+la démocratie avec une autorité suffisante... Nous aurons à défendre
+tous les droits de la France, ses libertés civiles, politiques et
+religieuses, son état social, ses principes qui, proclamés en 1789, sont
+devenus ceux du monde, entier.»
+
+Il n'en faut donc plus douter; un combat, une bataille solennelle et
+décisive se prépare. Dans cette bataille, tous les fils de la Révolution
+combattront sous le même drapeau,--le drapeau tricolore, accepté sans
+réserve, ni restrictions d'aucune sorte, ni «mensonge», pour employer
+l'expression énergique de M. Thiers; ils combattront enfin sous les
+auspices et sous la conduite du libérateur du territoire. Ce n'est pas
+la première fois qu'en face de l'ancien régime, M. Thiers aura levé
+courageusement l'étendard de la Révolution de 1789; ce n'est pas la
+première fois qu'il aura pris les initiatives hardies et généreuses, et
+que la nation aura répondu à son appel. «La parole est à la France»,
+écrivait naguère M. le comte de Chambord. Il ne restait plus qu'à savoir
+ce que disait et voulait la France: nous allons bientôt le connaître.
+
+Avec cette, lettre, presque aussitôt suivie des déclarations
+républicaines des membres les plus considérables et les plus considérés
+du centre gauche, l'événement de la semaine a été l'ouverture, au
+Grand-Trianon, du procès du maréchal Bazaine, sous la présidence de M.
+le duc d'Aumale.
+
+La loi veut que tout chef de corps qui capitule soit appelé à rendre
+compte de sa conduite au même titre qu'un commandant de vaisseau est
+appelé à rendre compte de la perte du bâtiment qui lui était confié.
+
+Ce n'est pas seulement le maréchal Bazaine, mais ce sont tous les
+commandants des places de l'Est ayant capitulé dans la dernière guerre
+qui ont été soumis à cette loi et qui ont rendu compte de leur conduite
+devant un conseil d'enquête que présidait le maréchal
+Baraguey-d'Hilliers, assisté de quatre officiers généraux.
+
+On peut se rappeler ce qu'ont été les avis émis par ce conseil
+d'enquête, car ces avis ont, en vertu d'une loi spéciale, été livrés à
+la publicité. Ces avis ont été sévères, à des degrés différents, pour
+presque tous les commandants de place, sauf pour l'officier qui
+commandait la petite place de Bitche.
+
+Pour le maréchal Bazaine le blâme a été énergique, et surtout motivé de
+telle façon que l'Assemblée nationale comprit la nécessité d'exercer
+dans toute leur étendue les droits sévères qui lui étaient conférés en
+décrétant, dans sa séance du 16 mai 1872, la mise en jugement du
+maréchal Bazaine.
+
+C'est en conséquence de cette décision que le ministre de la guerre
+délivra un ordre d'informer.
+
+Le général Rivière, chargé de l'instruction, a entendu plus de 500
+témoins. Son avis a été, après de longs mois de travail, que le maréchal
+devait être renvoyé devant la justice militaire pour y être jugé.
+
+L'avis du général Rivière a ensuite été soumis au ministre de la guerre
+avec toutes les pièces à l'appui. C'est donc en conformité de cet avis,
+rendu après celui du conseil d'enquête, que le ministre de la guerre
+s'est décidé à convoquer le conseil qui vient de se réunir pour juger le
+maréchal Bazaine.
+
+Les deux articles visés dans le rapport sont les articles 209 et 210 du
+Code militaire, ainsi conçus;
+
+«Art. 409.--Est puni de mort avec dégradation militaire tout gouverneur
+ou commandant qui, mis en jugement après avis d'un conseil d'enquête,
+est reconnu coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, et rendu la place
+qui lui était confiée sans avoir épuisé tous les moyens de défense et
+sans avoir fait tout ce que prescrivaient le devoir et l'honneur.»
+
+«Art. 210.--Tout général, tout commandant d'une troupe armée qui
+capitule en rase campagne est puni 1º de la peine de mort avec
+dégradation militaire si la capitulation a eu pour but de faire poser
+les armes à sa troupe, ou si, avant de traiter verbalement ou par écrit,
+il n'a pas fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l'honneur; 2º
+de la destitution dans tous les autres cas.»
+
+Rien n'est modifié dans le nombre de voix nécessaires pour la
+condamnation. Il y a sept juges, il faut cinq voix pour la condamnation.
+Si l'accusé n'a que deux voix pour lui sur sept, il est condamné; s'il
+en a trois, il est acquitté.
+
+Aucune récusation n'est permise à l'accusé. II n'a que le recours en
+révision.
+
+Le conseil de guerre a déjà tenu trois audiences au moment où nous
+traçons ces lignes, et ces trois audiences ont été presque exclusivement
+consacrées à la lecture, qui n'est pas encore terminée, du rapport du
+général Rivière. Ce rapport très-net et très-bien fait, est, disons-le,
+accablant pour le maréchal. On n'attend pas de nous que nous le
+reproduisions, même en substance, vu sa longueur. Ce serait un travail
+long, difficile, et qui resterait, malgré tout, incomplet! De tels
+documents d'ailleurs demandent à être lus _in extenso._ Nous renvoyons
+donc nos lecteurs aux journaux quotidiens.
+
+
+ESPAGNE
+
+Les cortès se sont prorogées le 20 septembre jusqu'au 2 janvier
+prochain, laissant le chef du pouvoir exécutif, M. Emilio Castelar,
+investi d'une dictature sans limites.
+
+Les efforts du gouvernement, qui semble entretenir l'espoir d'une
+reddition volontaire des insurgés de Carthagène, se concentrent
+principalement sur le renforcement des différents corps d'armée tenus en
+échec par les carlistes dans les provinces septentrionales. Déjà le
+général Moriones a pris le commandement provisoire de l'armée du Nord,
+dont le commandant définitif doit être, dit-on, le maréchal Serrano; le
+général Turon est allé se mettre à la tête des troupes de la Catalogne.
+
+Bilbao est toujours cerné par les carlistes, qui, par contre, auraient
+abandonné l'attaque de Tolosa pour se replier dans les montagnes de la
+Navarre, à l'approche des renforts amenés par le général Moriones.
+
+Les insurgés de Carthagène ont mis à exécution la menace dont
+l'intervention des amiraux étrangers avait jusqu'à présent fait retarder
+l'accomplissement; il ont bombardé Alicante, sous les yeux même des
+navires anglais, français et allemands, présents dans les eaux du port.
+Le 27 septembre au matin, les frégates insurgées _Mendez-Nunez_ et
+_Numancia_ ouvraient le feu sur le fort en ruines qui domine une partie
+de la ville et sur les fortifications qu'on avait élevées à la hâte. Les
+frégates portaient le drapeau rouge. Le _Fernando-el-Catolica_, qui les
+avait accompagnées d'abord, était allé faire à Villajoyosa, au nord
+d'Alicante, une expédition semblable à celle de las Aguilas; le _Tetuan_
+n'avait pu sortir de Carthagène, sa machine ayant refusé le service.
+
+Le feu des frégates, mal dirigé, ne causa que peu de dommages; il y fut
+vigoureusement répondu par l'artillerie républicaine, commandée par ses
+anciens officiers. Près de cinq cents projectiles ont été lancés;
+plusieurs édifices, entre autres le palais du gouverneur civil, ont été
+atteints; onze personnes ont été tuées. A une heure, après une tentative
+pour s'approcher du quai, tentative que la batterie établie sur ce point
+arrêta, les frégates se retiraient, non sans avoir reçu des avaries
+notables, l'une d'elles à la remorque de l'autre.
+
+
+ITALIE
+
+L'anniversaire du plébiscite qui a consacré la chute du pouvoir temporel
+du pape, a été célébré jeudi 4 octobre, à Rome, au milieu de la joie
+«générale», avec force transparents représentant le roi Victor-Emmanuel,
+l'empereur Guillaume et l'empereur François-Joseph les mains
+entrelacées, force vivats en l'honneur de l'Autriche, mais surtout de la
+Prusse, et plusieurs douzaines d'orchestres faisant retentir les places
+publiques de l'air national prussien.
+
+M. Minghetti paraît désireux de hâter le plus possible la convocation du
+Parlement. La nouvelle a été donnée que, dans un récent conseil des
+ministres, le gouvernement aurait décidé de clore la session actuelle de
+la Chambre et de fixer aux premiers jours de novembre l'ouverture du
+prochain Parlement. On dément aujourd'hui, à Rome, le bruit que le
+ministère ait l'intention de présenter un projet d'appendice à la loi
+sur les garanties pour régler les rapports de l'Église avec l'État.
+
+Toutefois on maintient que M. Vigliani, étudie en ce moment un projet de
+loi qui, tout en respectant la liberté du clergé, marquerait le point où
+cette liberté se changerait en licence et se transformerait en délit
+commun.
+
+
+
+Courrier de Paris
+
+Mme Marie Rattazzi est de retour; elle a repris ses réceptions. D'autres
+hésitent ou attendent. Quant à elle, à peine revenue, elle s'est
+empressée de donner à souper à ses amis. Ceux qui sont venus sont les
+mêmes qu'on voyait autour d'elle pendant le dernier hiver. On pourra
+dire que c'est un monde un peu bigarré, d'accord; il n'en faudra pas
+moins reconnaître que c'est l'amalgame le plus joyeux qu'on puisse voir.
+D'anciens dignitaires s'y montrent, d'abord comme le dessus du panier,
+des diplomates d'autrefois, un ex-chambellan, des naufragés de la
+politique, deux ou trois académiciens; au milieu de tout cela, des
+peintres, des journalistes, des musiciens, ce qu'Horace appelle
+_ambubaja rum collegiæ._ A la musique de l'hôtesse se marie la bonne
+chère; à la causerie la danse. Quand la neige poudre nos toits à
+frimais, il ne faut pas que l'hôtel soit trop morose. On improvise alors
+un petit théâtre, où la maîtresse conserve le privilège de jouer les
+premiers rôles. Au milieu de Paris, tel qu'il est en ce moment, rien de
+plus curieux qu'un tel train de vie où chaque jour se change en fête. La
+résidence de la Petite Princesse, comme on l'appelle encore, ressemble à
+une découpure du joli tableau sur lequel Watteau a jeté, il y a cent
+ans, les groupes de la Comédie italienne.
+
+Ce qu'il y a de plus remarquable là-dedans, c'est que rien n'arrête
+jamais la marche de ces loisirs. Notez qu'il y a tantôt quinze ans que
+cela dure. En 1858, c'était tantôt à Aix-les-Bains, tantôt à Annecy.
+Eugène Sue est mort, par là, un jour, subitement ou à peu près; la
+Petite Princesse, qui était un peu son élève, a-t-elle pleuré? Oui,
+dit-on, mais la musique, le théâtre, les bons moments n'ont pas chômé
+pour si peu. On est revenu à Paris, on s'y est installé; on a appelé
+autour de soi des personnalités graves et l'on est parvenu à en faire
+des personnalités folâtres, Sainte-Beuve y venait, Sainte-Beuve qui
+toussait pour rire quand il faisait _Joseph Delorme_; le père Viennet y
+récitait ses fables; M. Dupin aîné y jouait au whist; on y coudoyait
+aussi le dieu Ponsard. Toutes ces étoiles ont disparu; avec elles,
+l'empire est tombé, les cousins sont partis, probablement pour toujours;
+eh bien! n'importe, la jolie vie a continué, et il y a mieux, le veuvage
+s'est présenté pour la seconde fois, la jolie vie poursuit son cours, et
+elle sera un désagréments de cet hiver.
+
+La politique est partout avec ses fureurs, ses appétits, ses nuits
+blanches, ses rêves et ses déceptions. Dans les deux faubourgs, cette
+grande dame consacre son énergie à accoupler des chiffres qui se sont
+fait cinquante ans la guerre; telle autre use ses yeux et son aiguille à
+broder des cocardes. La Petite Princesse n'en est plus là, Dieu merci.
+Elle sait la fable du chien qui jette la proie pour l'ombre. Elle ne
+veut plus d'illusions. Elle s'en tient philosophiquement au plaisir qui
+se présente aujourd'hui sans s'embarrasser de ce que pourra être demain.
+«Cueille l'heure présente.» _Carpe diem._ Elle s'amuse, elle demande
+qu'on s'amuse chez elle et autour d'elle, et n'admet rien de ce qui
+serait étranger à l'action de s'amuser. A sa première soirée, on a
+beaucoup admiré son buste nouveau par Clésinger, trop décolleté,
+paraît-il, mais tout le monde sait bien aussi que c'est le genre du
+sculpteur qui a fait la _Femme à l'aspic._ Il y avait aussi un portrait
+de la même par un peintre italien.
+
+A propos de princes, un de nos confrères en chronique vient de nous
+apprendre de quelle façon comique le gardien du château d'Amboise a été
+récemment congédié. On doit se rappeler que ce vieux nid de vautour,
+bâti sur le haut d'un roc, théâtre de tant de drames, de fêtes et de
+crimes, appartient aujourd'hui à la famille d'Orléans. C'est pour cette
+raison que Louis-Philippe avait fait de ces murs de granit la prison
+d'Abd-el-Kader et de toute sa smalah. En décret de Napoléon III avait
+bien confisqué Amboise, mais l'Assemblée nationale a biffé la
+disposition qui concerne ce domaine. Or, il y a quelque temps, un jeune
+couple s'abattait au milieu des galeries en ruines. Mari et femme, ils
+avaient tout visité, la merveilleuse chapelle dans laquelle Charles XIII
+s'est marié, le parc au milieu duquel on voit le tombeau de Léonard de
+Vinci, l'incomparable voie souterraine qu'on parcourait en carrosse avec
+des flambeaux. Il ne restait plus à voir que le balcon, où la tradition
+dit que La Renaudie et ses compagnons ont été pendus. Voulant d'ailleurs
+jouir du point de vue qu'on a de là sur la Loire, le jeune étranger
+ouvrit brusquement une des fenêtres.
+
+--Eh! là-bas, s'écria le gardien en s'avançant, dites donc, vous, fermez
+donc cette fenêtre, que vous venez d'ouvrir sans ma permission.
+
+--Mon brave homme, répondit le jeune monsieur, je suis ici chez moi; je
+m'appelle le comte de Paris.
+
+Il se peut que le fait soit vrai, mais si le gardien a été congédié, c'a
+été pour avoir dit autre chose.
+
+Pas plus tard que l'an dernier, le hasard m'ayant poussé par là, ce même
+gardien, le cicérone le plus discret qu'on ait jamais vu, nous exposait
+à un officier d'artillerie et à moi tout ce qui s'était passé de
+mystères dans cet endroit terrible. Il nous disait les visites soudaines
+de Louis XI, escorté de Tristan l'Hermite, son compère; il nous
+racontait l'arrivée soudaine d'Henri III amenant lui-même ses
+prisonniers après avoir assassiné les Guises à Blois. Tout à coup il
+nous fit entrer dans la partie du château qui est demeurée la plus
+habitable.
+
+--Ah! quant à ça, reprit-il, ça n'est plus du moyen âge, c'est du
+moderne. Ces magnifiques galeries, vous le voyez, ont été découpées en
+une multitude de petits cabinets à la parisienne, des cages à poulets.
+Ainsi l'a voulu, sur la fin du règne de Louis XVI, un certain prince de
+Penthièvre, le propriétaire du temps. Le pauvre homme! la pauvre
+cervelle! Ses petites bâtisses ont masqué les salamandres, les fleurs de
+lis, les grandes moulures. C'était un bourgeois, ce Penthièvre et, par
+dessus le marché, il avait le désagrément d'être le beau-père d'un assez
+mauvais garnement appelé, je crois, Philippe-Égalité. Pour ne parler que
+d'architecture, il n'y entendait goutte. Tenez, quand Napoléon III a
+passé par ici, je lui ai montré tout ça, le chef-d'oeuvre du Penthièvre.
+Il en riait comme moi. Je vous laisse à penser si l'empereur et moi nous
+nous sommes fait alors une pinte de bon sang.
+
+Il n'y aurait rien de risqué à supposer que notre susdit gardien qui
+faisait ce boniment à tous ceux qui visitaient le château, l'a répété au
+comte et à la comtesse de Paris. On conçoit dès lors le dénoûment
+annoncé par notre confrère en chronique, c'est-à dire la destitution de
+l'homme qui a la langue trop bien pendue.
+
+Un peintre de talent vient de disparaître; Edwin Landseer vient de
+mourir à l'âge de soixante-six ans; c'est une perte pour l'Angleterre
+qui ne donne pas souvent naissance à des artistes de cette trempe. Peu
+d'_animaliers_ auront produit autant de sensation. Edwin Landseer ne
+manquait pas de défauts sans doute; il voyait les choses trop en joli.
+Toutes les scènes qu'il décrivait étaient d'une propreté irréprochable;
+ses basses-cours avaient l'air d'un boudoir; chacune de ses écuries peut
+lutter d'élégance avec le salon d'une lady. Et ses chevaux! et ses
+chiens! quelles bêtes toujours soigneusement brossées, lustrées, cirées,
+époussetées! Cinq ou six de ses tableaux, reproduits par la gravure,
+sont répandus à profusion dans les deux mondes. Tels sont _Les chiens du
+mont Saint-Gothard (1829), La chasse aux faucons (1832), Les animaux à
+la forge (1835), Sauvé!_ (une très-belle scène d'inondation qui date de
+1856).
+
+Celle de ses toiles qui a obtenu le plus de succès est une page
+familière de la vie de l'auteur d'Ivanohé. Qui n'a vu _Sir Walter Scott
+et ses chiens?_ Le laird d'Abbotsford, sa belle tête carrée, si
+puissante et si calme, son oeil si vif, tout cela s'harmonisant à
+merveille au milieu de ces beaux peintres d'Écosse dont le grand
+romancier avait voulu faire ses meilleurs amis. Assurément le jour où
+Landseer a composé cette scène, il a fait un tableau d'histoire. Nous
+n'aimons plus les parallèles; nous ne sommes plus à l'époque des
+pendants, mais combien on aurait aimé à voir, en regard de sir Walter
+Scott et ses chiens, lord Byron et son ours à Newstead-Abbey! Mais
+lorsque le fou sublime qui devait écrire _Don Juan_ menait la vie
+romantique dans son château, Edwin Landseer n'était encore qu'un enfant
+et s'exerçait à peine à tailler ses crayons.
+
+Nos voisins d'outre-Manche ont une qualité dont on ne saurait trop faire
+l'éloge. Une fois le talent admis par eux, consacré par la Renommée et
+ses trompettes, ils lui jettent l'or à pleines mains. Edwin Landseer a
+pu voir quelle différence il y avait entre la réputation dans la
+Grande-Bretagne et la réputation en France. Chez nous, ce n'est le plus
+souvent qu'un vain bruit, sauf annexe, sans couronnement d'aucune sorte;
+chez les Anglais, c'est la conquête de toutes les jouissances sociales,
+une maison, une famille, la vie intime s'appuyant sur la richesse, ou,
+pour le moins, sur l'abondance. Ce peintre qui faisait si bien les
+chiens et les chevaux pouvait s'acheter, à son tour, une résidence,
+mieux qu'un cottage, un beau toit d'ardoises au milieu des prés, une
+écurie, un chenil, des poules, un étang, des bois dont l'ombre et le
+murmure lui appartenaient. Tous ces _boni_ de la gloire ne le mettaient
+pas, il est vrai, à l'abri des malignités de la critique; mais quel est
+l'heureux du monde que l'épigramme des contemporains a jamais épargné?
+
+«Votre Landseer, écrivait un jour une feuille satirique, il a du talent,
+du talent sans aucun doute, mais toujours, toujours le même talent. Il
+fait des chiens et des chevaux, rien que des chevaux et des chiens. On
+prétend qu'il a fait une fois un cerf; ce devait être pendant l'année de
+la comète. Ça ne s'est pas renouvelé. En certain jour, lord Devons.... a
+voulu lui faire faire le portrait d'un très-joli cochon blanc et rose
+dont il est l'inventeur; Landseer s'est mis à l'oeuvre, et, au bout du
+compte, son cochon, était un chien. N'est-ce pas à donner envie de le
+mordre?»
+
+Puisque tout change sans cesse autour de nous, il faut bien admettre
+qu'il y a aussi une mobilité raisonnable dans ce que Talleyrand
+appelait: _Le grand art de la gueule_. On ne mangeait plus du temps de
+Scarron comme on avait mangé à l'époque de Rabelais. On ne dînait déjà
+pas avec Brillat-Savarin, sous la Restauration, comme on avait dîné avec
+Barras, sous le Directoire. Tout cela pour vous dire qu'on s'occupe en
+ce moment même de codifier la table, ses frontières, ses lois et sa
+pénalité. Le dernier _Code gourmand_, qui est d'Horace Raisson, le
+premier collaborateur d'H. de Balzac, date de 1827, c'est-à-dire qu'il
+est âgé d'un demi-siècle. Evidemment c'est un code à mettre à la
+réforme.
+
+Avant que ce livre typique ne soit remplacé par celui qu'on prépare, il
+est tout simple qu'on jette sur son contenu un dernier coup d'oeil, une
+sorte d'adieu. En trois cents pages il résumait toute la science éparse
+dans les admirables préceptes de l'École de Salerne, dans Berchoux, dans
+Henrion de Pansev, dans Brillat-Savarin, déjà nommé, dans Carême, dans
+les cinquante tomes qui forment les Annales du Caveau, et, en un mot,
+dans les oeuvres succulentes de tous ceux qui se sont religieusement
+occupés de faire de la table,--ce qu'elle doit être,--le pivot de la
+civilisation moderne. Que de choses curieuses dans ce vieux livre! mais
+aussi que de choses que nous ne comprenons déjà plus! Ainsi, sous forme
+d'annotation, le _Code gourmand_ cite deux vers du Don Juan de Byron:
+
+«Rien de plus délicieux dans la vie que le coin du feu, une salade de
+homards, du champagne et la causette.»
+
+Du champagne, même du Moël, en même temps que la salade de homards, cela
+serait considéré de nos jours tout à la fois comme une hérésie et comme
+un barbarisme.--Mais voyez la contradiction! Byron est le même qui
+écrivait de Venise à Thomas Moore: «Ah! mon ami, pourquoi faut-il qu'on
+mange? Manger, boire; boire, manger, c'est travail de bête! Le bruit de
+la mastication et de la trituration est celui qui m'afflige le plus. Je
+ne puis surtout me décider à voir manger les femmes. Si la belle mâchait
+un os de poulet à côté de moi, je serais capable de la poignarder avec
+ma fourchette!»--Voilà encore une chose que le temps a bien changé.
+Aujourd'hui la mode est que les femmes mangent beaucoup.--Que l'ombre du
+grand poète vienne faire un tour à Paris un de ces soirs, à l'heure où
+les cabarets allument les bougies, et elle en verra de drôles sous ce
+rapport!--Non-seulement les femmes mangent grandement, mais elles
+commencent à boire avec une certaine bravoure. Il y a mieux, c'est une
+fort jolie femme, une actrice qui a déterré dans une lettre de Voltaire
+à d'Alembert ce tronçon de prose: «Je ne connais de sérieux ici-bas que
+la culture de la vigne.»
+
+Pour en finir avec le _Code gourmand_ en train de trépasser, je
+signalerai encore une proposition surannée de cet ouvrage. A la page 180
+on lit ce qui suit; «Quand vous verrez un poète boire de l'eau pendant
+tout le dîner, pariez hardiment que c'est un poète didactique.» Or, les
+contemporains ont pu être témoins de plusieurs faits qui battaient cette
+manière d'aphorisme en brèche: 1º Béranger buvait de l'eau; M. Ernest
+Rendu le lui a même amèrement reproché: «Il chantait le vin et buvait de
+l'eau; il chantait aussi le Dieu des bonnes gens et il avait la
+simplicité de croire à ce dieu-là»; 2º Alexandre Dumas père aussi était
+un buveur d'eau (et il n'était guère didactique); 3° Par contre,
+Sainte-Beuve buvait du Chambertin, et c'était l'homme enseignant,
+l'homme des compas, des règles et des mesures.--Mais le _Code gourmand_
+de 1827 n'est plus; le _Code gourmand_ de 1873 va venir en même temps
+que les vraies truffes et les bécasses. Disons comme Alceste: «Nous
+verrons bien.»
+
+Philibert Audebrand.
+
+
+
+[Illustration: PÊCHE A LA DRAGUE, A L'AVIRON, RIVIÈRE DU TRIEUX.]
+
+[Illustration: Drague de rivière pour petites embarcations.]
+
+[Illustration: Drague des bateaux Cancalais et Granvillais.]
+
+
+
+LA PÊCHE DES HUÎTRES
+
+[Illustration: Bateaux dragueurs d'huîtres de la côte anglaise de
+Dungeness.]
+
+[Illustration: Cutters pêcheurs d'huîtres de la côte de Plymouth.]
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+L'Opéra.--_La Mélodie_, études complémentaires vocales et dramatiques de
+l'art du chant, par G. Duprez.
+
+Depuis quelque temps le théâtre de l'Opéra, toujours en cherche de
+premiers sujets, nous a fait entendre des débutantes. Si nous n'avons
+pas parlé de ces tentatives de notre Académie de musique, c'est qu'elles
+n'ont pas été heureuses. Les étoiles nouvelles découvertes par M.
+Halanzier ont fait une apparition de quelques soirées au ciel de l'Opéra
+et se sont éclipsées. Ces exhibitions de talents d'une soirée n'ont pas
+eu de lendemain et les grands rôles de femme attendent toujours leur
+interprète. Mlle Ferrucci, que nous avons entendue hier dans les
+_Huguenots_, nous semble devoir être plus heureuse que ses devancières,
+et il pourrait bien se faire que l'Opéra gardât cette pensionnaire, qui,
+croyons-nous, peut lui rendre quelques services.
+
+Mlle Ferrucci est une fort belle personne à laquelle l'émotion, dans
+cette première soirée, enlevait sans doute ses moyens de tragédienne
+lyrique, car elle a joué avec un embarras extrême ce grand rôle de
+Valentine; mais la débutante, dont l'organe est bien faible et bien
+insuffisant dans le registre grave, a une voix des plus heureuses et des
+mieux timbrées à l'octave supérieur. La note est claire, vibrante,
+chaleureuse; le clavier roule, résonne avec une grande égalité. Mais
+tout cela est bien loin encore de constituer un réel talent, et la
+cantatrice tant cherchée est encore à trouver.
+
+Quelle cause a donc rendu si rare ce phénomène si fréquent autrefois?
+Voici M. Strakosch, l'homme à coup sur des grandes découvertes en ce
+genre; grâce à lui nous allons voir renaître ce malheureux
+Théâtre-Italien, mort faute de sujets. Eh bien, M. Strakosch lui-même
+cherche, à l'heure qu'il est, une virtuose; il nous promet de nous faire
+entendre une série de jeunes talents. A voir la liste de ses
+pensionnaires, vous diriez tout le personnel d'un Conservatoire: belles
+promesses; mais des promesses pour l'avenir. Rien qui s'impose encore
+par le talent reconnu. Les impresarii de l'autre côté des Alpes ne sont
+pas plus heureux que M. Strakosch et M. Halanzier. Un de mes amis qui
+vient de parcourir toute l'Italie n'a pas rencontré une seule chanteuse
+sur les théâtres de Milan, de Venise, de Florence et de Naples. Il ne
+faut pas s'y tromper, l'art du chant se perd de jour en jour. Et
+pourquoi? C'est que les artistes qui ne peuvent ni ne veulent attendre,
+se précipitent trop rapidement sur la scène. C'est qu'ils ébauchent à
+peine quelques études pour entrer immédiatement en jouissance des moyens
+vocaux que la nature leur a donnés. Malgré les théories nouvelles,
+l'éducation sérieuse est indispensable pour un tel art.
+
+C'était l'opinion du fameux Lagingeole, de l'_Ours et le Pacha._--Mais
+c'est merveilleux! disait Schahabaham; comment avez-vous pu rendre cet
+ours musicien?--En lui apprenant la musique. Contrairement à cette
+méthode, ce que les chanteurs apprennent le moins à l'heure qu'il est,
+c'est la musique. D'ailleurs, il ne faut pas s'y tromper, l'enseignement
+fait défaut partout. De toutes parts on le néglige. Les maîtres
+eux-mêmes semblent avoir abandonné ce travail excellent qui répandait la
+saine et robuste instruction musicale par les solfèges et les vocalises.
+Cette pédagogie de l'artiste a été délaissée. Et pourtant que d'ouvrages
+précieux elle avait produits: et les _Exercices et Vocalises_, par
+Crescentini, et les _Exercices_, de Garcia. Les variations vocales sur
+une phrase, et l'excellente _Méthode d'artiste_, de Mme Conti-Damoreau,
+et les _Gorgheggi e solfeggi_, de Rossini, les _Vocalises élégantes_, de
+Guillot de Sainbris, et enfin ce précieux _Recueil de Vocalises_, de
+Bordogni, ces morceaux d'un goût exquis, d'une science parfaite, dans
+lesquels se résumaient tout l'enseignement vocal de l'école italienne.
+
+Le goût change; si parfaite que soit cette petite bibliothèque classique
+du chanteur, il faut la renouveler; aussi avons-nous ouvert avec le plus
+grand intérêt ce volume qui a pour titre: _La Mélodie_, et qui complète
+le _Traité de l'art du chant_ publié par M. Duprez en 1845. M. Duprez
+est peut-être à l'heure qu'il est la seule gloire qui existe encore de
+ce grand passé qui compta tant d'illustres chanteurs. Son passage au
+théâtre a été lumineux, éclatant. Lorsque l'admirable chanteur se retira
+de la scène, son enseignement devint des plus féconds; nous lui devons
+des talents hors ligne; son école se maintint dans les doctrines les
+plus nobles et les plus pures. Elle se répandit dans le public à l'aide
+de cet art du chant que nous venons de citer; aujourd'hui il se complète
+par ces études vocales et dramatiques. Ce n'est pas seulement pour le
+clavier vocal que le maître a écrit ces exercices; si le développement
+de la voix gagne à ces études savamment dirigées, le goût du chanteur,
+dans les passions et les sentiments à exprimer, y bénéficie plus encore.
+L'enseignement s'élève au style et dans les morceaux de chant, et dans
+les études dramatiques, et dans les grands airs que M. Duprez a tirés de
+ses propres oeuvres. Il y a là de fort belles pages; mais ce qui me
+frappe le plus, c'est l'habileté apportée dans cette progression
+d'études.
+
+Pour donner plus d'autorité encore à cet important ouvrage, M. Duprez a
+fait un choix dans les classiques du chant. Il a cherché, en les
+transcrivant, les plus beaux morceaux des siècles passés, les plus
+grandes inspirations de ces maîtres qui ont nom: Carissimi, Cesti,
+Campra, Léo, Porpora, Pergolèse, Gluck, Sacchini, Cimarosa, Mozart,
+Méhul, et qui dans ces chefs-d'oeuvre portèrent l'art du chant à sa plus
+haute et sa plus puissante expression dramatique. Cette seconde partie
+de l'ouvrage de M. Duprez forme mieux encore qu'un curieux recueil; en
+s'ouvrant à l'année 1500, pour finir avec le commencement de ce siècle,
+elle donne dans ces pages savamment choisies une sorte d'histoire de
+l'art qui se traduit elle-même par les oeuvres de ses maîtres immortels.
+
+M. Savigny.
+
+_P.-S._--A voir mardi dans la salle Ventadour restaurée avec goût ce
+monde élégant d'étrangers et de Parisiens, on se serait cru aux beaux
+jours du Théâtre-Italien. La nouvelle direction de M. Strakosch
+s'annonce donc sous les auspices les plus favorables, puisque le public
+a répondu avec empressement à son appel. C'est à elle à répondre
+maintenant à la sympathie du public pour ce théâtre. M. Strakosch nous
+fait les plus belles promesses, et il est homme à les tenir. Si nous
+parlons de cette première soirée, c'est pour signaler l'ouverture de la
+salle Ventadour, et pour annoncer la rentrée de deux excellents
+artistes, MM. Zucchini et Delle-Sedie dans _Don Pasquale_, qu'on a fort
+applaudis l'un et l'autre. Une jeune artiste, Mlle Belval, a débuté dans
+le rôle de Norine. Mlle Belval a une voix agréable, mais bien mince.
+Elle chante avec goût; mais elle compromet un peu son succès par des
+façons un peu brusques, pour ne pas dire cavalières.
+
+M. S.
+
+
+
+LES DOMESTIQUES MODERNES
+
+Le duc de R...., ex-ambassadeur, ex-pair de France, ex-sénateur; et,
+plus heureusement pour lui, grand propriétaire foncier, était assis
+après son déjeuner dans son cabinet de travail, devant son bureau, les
+yeux plongés dans la lecture d'un rapport d'une des entreprises
+industrielles auxquelles il prête son concours, pour utiliser ses
+loisirs. Le duc de R... est un homme très-fin, très-expérimenté,
+très-rompu aux affaires, dont on recherche les judicieux conseils.
+C'est, en outre, un homme du plus bienveillant esprit, et d'une
+courtoisie à toute épreuve, surtout vis-à-vis de ses inférieurs. Justin,
+son valet de chambre, entra et déposa quelques brochures devant lui.
+
+Le duc, au bout de quelques instants n'entendant pas Justin s'en aller,
+releva la tête, et le vit tourner sa casquette entre ses doigts comme un
+domestique embarrassé qui désirait évidemment avoir une conversation
+importante avec son maître, et qui ne savait trop par où commencer.
+
+--Vous avez quelque chose à me dire, Justin?
+
+--Oui, monsieur le duc, si c'est un effet de votre bonté!
+
+--Parlez, quoique je sois très-occupé en ce moment.
+
+Justin continuait à tourner sa casquette et se taisait.
+
+--Est-ce de votre prochain mariage avec Justine, la femme de chambre de
+la duchesse, que vous voulez m'entretenir?
+
+--Ce n'est pas précisément du mariage qu'il s'agit, mais c'est un peu à
+propos de ce mariage que je me décide à faire à M. le duc une
+communication.
+
+--Une communication! cela annonce quelque chose de grave.
+
+--Assez grave en effet!
+
+Le duc le regarda Fixement et, habitué à lire dans la pensée des autres,
+lui dit;
+
+--Vous venez me demander une augmentation de gages!
+
+--C'est cela même, répondit Justin, soulagé d'avoir été deviné.
+
+--Je vous ai pris tout enfant sur ma terre de R... Je vous ai fait
+élever; je vous ai amené un peu gauche à Paris, mais vous vous êtes
+formé vite au service, vous êtes intelligent. Je ne suis pas mécontent
+de vous. Vous avez eu douze cents francs d'abord, vous en avez dix-huit
+aujourd'hui; je porterai vos gages à deux mille francs; voyez si la
+duchesse veut faire pour Justine ce que je fais pour vous. La duchesse a
+sa fortune personnelle.
+
+--Beaucoup plus considérable même que celle de M. le duc, ajouta Justin.
+
+--C'est vrai, dit le duc, avec un léger mouvement de surprise.
+
+--Justine est entrée chez la duchesse pour lui faire sa réclamation,
+mais nous sommes loin de compte, monsieur le duc.
+
+--Comment, loin de compte? s'écria le duc avec un étonnement plus
+prononcé.
+
+--Oh! oui, les gages que vous m'offrez ne sont pas en rapport avec la
+fortune de M. le duc, ni avec les règlements de l'_Union._
+
+--Ma fortune, l'_Union!_... Qu'est-ce que cela veut dire?
+Qu'entendez-vous par l'_Union._
+
+--L'Association générale des domestiques... M. le duc n'en a donc pas
+entendu parler. Nous avons eu déjà plusieurs assemblées... Nous avons
+fait venir de Londres un guide, un leader, un homme très-habile, un
+orateur qui s'exprime en très-bon français, et qui nous a enseigné nos
+droits...
+
+--Et vos devoirs, sans doute, dit le duc à moitié étourdi par cette
+révélation inattendue.
+
+--Et nos devoirs aussi. Nous devons à l'_Union_ un schelling, 1 fr. 25.
+par semaine, comme en Angleterre, pour les frais généraux, et pour le
+cas où une grève serait nécessaire.
+
+--Ah! c'est différent, dit le duc, qui avait repris tout son sang-froid,
+je faisais naïvement allusion à vos devoirs envers vos anciens maîtres:
+la reconnaissance, par exemple, qui a toujours passé pour une vertu.
+
+--La reconnaissance abaisse la fierté de l'homme, monsieur le duc, tout
+doit se passer raisonnablement à notre époque, et si j'osais employer
+une expression toute récente, contractuellement.
+
+--Et quel est le contrat que vous avez à me proposer.
+
+--Ce n'est pas moi qui en ai déterminé les conditions, monsieur le duc,
+l'_Union_ ne permettra pas désormais un mode de rétribution _ad
+libitum._
+
+--Je m'aperçois que vous êtes devenu très-instruit, M. Justin.
+L'anglais, le latin, ne sont plus pour vous des langues étrangères.
+
+--M. le duc doit être fier de ce progrès qu'il veut bien remarquer,
+puisque c'est lui qui m'a fait apprendre à lire, à écrire.
+
+--Et à compter. Vous avez vraiment profité de l'éducation. Mais je suis
+curieux de savoir quel est au juste ce mode de rétribution.
+
+--Ah! Il est bien simple. Un salaire proportionnel tout bonnement: cinq
+pour cent sur la fortune du maître dans les grandes maisons. Or M. le
+duc ayant cent mille francs de revenus, en bons biens au soleil, comme
+son notaire peut en témoigner, et madame la duchesse en ayant deux cent
+mille de son chef!...
+
+--Cela fait que vous me demandez cinq mille francs de gages par an, et
+que Justine se hasarde à en demander dix mille à la duchesse.
+
+--Voilà tout. N'est-il pas temps que, sans bouleverser la société de
+fond en comble, comme le veulent des gens avancés, l'inégalité des
+conditions humaines soit justement adoucie.
+
+--Je vois avec plaisir que vous n'êtes pas encore de ceux qui demandent
+à retourner du haut en bas l'échelle sociale, et que vous n'exigez pas
+que je devienne votre valet de chambre...
+
+Justin ne prit pas garde au ton railleur du duc, et crut qu'il adressait
+des compliments sincères à l'_Union_ dont il était membre.
+
+--Oh! nous respectons, s'écria-t-il, les faits accomplis, les positions
+acquises, tout en essayant d'améliorer notre industrie.
+
+--Ne vous servez pas de ce mot d'industrie, M. Justin, on le prend
+quelquefois en mauvaise part; on en a fait un ordre, et, comme vous avez
+l'esprit très-progressif, vous pourriez être tenté d'y prendre un grade.
+
+--Je voulais dire, pour améliorer nos moyens, d'existence, reprit Justin
+un peu déconcerté; mais, après tout et entre nous, M. le due, ne
+pourriez-vous pas convenir que vos aïeux ont abusé des miens...
+
+--Vos aïeux, M. Justin, répondit le duc quelque peu froissé, étaient de
+bons et loyaux fermiers que mes aïeux, à moi, ont nourri dans leurs
+terres durant des siècles, et qui seraient bien étonnés de votre
+langage...
+
+--Que voulez-vous! C'est le langage du jour. Les temps de sacrifice et
+d'abnégation sont passés. Chacun ne doit avoir en vue que son bien-être
+ici-bas. Si vous entendiez notre leader...
+
+--Je me priverai de cette distraction.
+
+Le duc avait de la peine à se contenir, mais il ne se départait pas de
+sa politesse habituelle.
+
+--Finissons, dit-il en se levant, je réfléchirai.
+
+Justin allait se retirer sur le geste de son maître, lorsque la
+duchesse, moins patiente que son mari, entra avec impétuosité dans le
+cabinet du duc, suivie de Justine, dont le bonnet était hardiment posé
+sur l'oreille.
+
+--Croiriez-vous bien, M. le duc, dit la duchesse à demi suffoquée, que
+cette effrontée de Justine est venue me proposer d'élever ses gages à
+dix mille francs par an...
+
+--Et qu'avez-vous répondu, chère amie? repartit froidement le duc.
+
+--Je l'ai _chassée_.
+
+--Monsieur Justin, reprit le duc en se tournant vers son valet de
+chambre d'une façon significative, les femmes mettent les points sur les
+i.
+
+--Vous me chassez aussi? dit Justin.
+
+--Vous savez que je n'aime pas les gros mots. Mais vous pouvez suivre
+Justine, bien digne d'être votre compagne...
+
+Justine s'approcha de Justin et lui dit à l'oreille.
+
+--Préviens le cocher, je vais prévenir la cuisinière, la grève va
+commencer par nous.
+
+--Ils se retirèrent à reculons d'un air insolent et, sur le seuil du
+cabinet, Justin dit brusquement:
+
+--On fait ce qu'on peut, pour prévenir les révolutions et voilà comment
+on est reçu!...
+
+--C'est trop fort, s'écria le duc en cherchant sa canne... La duchesse
+l'arrêta.
+
+Après la sortie de Justine et de Justin, le duc et la duchesse se
+regardèrent les larmes presque aux yeux; ils s'assirent et causèrent
+longtemps des jours de leur enfance, où les serviteurs de leurs nobles
+parents faisaient presque partie de la famille... Que les temps étaient
+changés!...
+
+La journée s'avançait. Vers l'heure du dîner, la duchesse sonna
+machinalement, personne ne vint de la maison à son appel, si ce n'est le
+concierge resté à son poste, et qui lui apprit que la maison avait été
+désertée par tous les gens.
+
+--Comment allons-nous dîner, s'écria la duchesse...
+
+--Prends mon bras, lui dit galamment le duc, nous irons dîner en
+tête-à-tête dans quelque restaurant du boulevard; il faut s'accommoder à
+tout.
+
+--Mais ce soir, reprit la duchesse un moment abattue, comment me passer
+des soins de ma femme de chambre...
+
+--Je vous demanderai la permission de la remplacer, reprit le duc, et il
+lui serra affectueusement la main; ils sortirent à pied, et je les
+rencontrai chez Brébant. C'est ce qui fait que j'ai su cette histoire un
+des premiers.
+
+_Hippolyte Lucas._
+
+
+
+L'ESPRIT DE PARTI
+
+LE CHARIVARI
+
+1832
+
+On a tort de prétendre que la Restauration ne protégeait pas
+l'industrie. Elle était trop dévote pour ne pas encourager les
+fabriques.
+
+Il y a, prétend Odry, cette différence entre les moutons et les valets
+du ministère qu'on marque les premiers quand ils sont à vendre et les
+seconds quand ils sont vendus.
+
+Monsieur le président de la Chambre a dit avant-hier: «Je mets aux voix
+le chiffre le plus élevé.» Une faute typographique lui fait dire dans un
+journal ministériel: «Je mets les voix au chiffre le plus élevé.»
+
+On suspend les pièces qui déplaisent; on suspend les journaux qui
+gênent. La censure est décidément commuée en suspension.
+
+Si le peuple, disait hier un député, s'avisait à son tour de suspendre
+tout ce qui le froisse, le budget pourrait bien être suspendu.--«Dieu
+nous en préserve, répondit M. de Corcelles, il est déjà bien assez
+élevé.»
+
+Un inventeur de nouvelles lampes dit dans son prospectus, pour les faire
+valoir, qu'elles servent à l'éclairage du bureau de la Chambre des
+députés. C'est une triste recommandation.
+
+Un journal ministériel dit ce matin que la monarchie est le seul remède
+qui puisse guérir les maux de la France. Il n'y a pourtant que les
+imbéciles qui croient encore à la médecine _Leroi._
+
+S. M. Louis-Philippe vient de donner son..... nom à une nouvelle rue.
+
+1833
+
+On assure qu'il a été question au parquet de saisir le _Journal du
+Commerce_, à cause d'une annonce qui commence ainsi: «Tous les fruits
+verts et notamment la poire, ne seront pas de conserve cette année.»
+
+On nous dit que la République pâlit. C'est probablement qu'elle n'a pas
+à rougir comme certaines gens.
+
+Nous jouissons d'une _immense_ liberté...
+
+N. B.--Ce _carillon_ est de M. de Broglie.
+
+M. Thiers a dit: «J'ai une foi absolue dans la durée du système que j'ai
+l'honneur de servir.»--Il faut que M. Thiers soit bien crédule.
+
+Nous n'avons jamais été moins libres que depuis que nous vivons sous la
+meilleure des républiques. On a bien raison de dire que le mieux est
+l'ennemi du bien.
+
+Le juste milieu est gardé à Paris par l'amour des citoyens et par six
+régiments d'infanterie, quatre de cavalerie et deux d'artillerie.
+
+Un journal ministériel dit ce matin qu'en fait de République la
+meilleure ne vaut rien. C'est ce que nous répétons tous les jours à ceux
+qui prétendent que nous vivons sous la meilleure des républiques.
+
+Eh bien! que dites-vous de la mère de votre roi? demandait dernièrement
+M. de Schossen à M. Berryer.--Et vous, répliqua celui-ci, que dites-vous
+du père du vôtre?... (_Historique._)
+
+A propos des bruits qui courent sur l'intention qu'aurait le juste
+milieu d'employer quelque jour contre le peuple les nouvelles
+fortifications de Paris, le _Journal des Débats_ s'écrie:
+«S'imagine-t-on donc avoir à faire à un _despote imbécile?_» A un
+despote non.
+
+On assure que l'on va abolir le bureau des longitudes pour le remplacer
+par un autre beaucoup plus convenable sous l'ordre de chose actuel,
+c'est-à-dire par un bureau des _platitudes._
+
+Désormais le juste milieu nous parlera par la bouche.... des canons.
+
+Les forts autour de Paris seront _détachés._ C'est comme les cours.
+
+Voici comment les choses se passeront dans l'affaire des fortifications
+de Paris: d'abord le corps de la place, puis un épaulement, puis un
+rempart, puis un fossé, et au bout du fossé...
+
+Avant-hier la monarchie citoyenne a reçu la visite de M. Vitet,
+l'inspecteur des ruines.
+
+Il n y a rien de tel qu'une _clef d'or_ pour ouvrir et fermer une
+chambre à volonté.
+
+Un journal ministériel s'étonne qu'il se rencontre des gens qui osent se
+moquer de la majorité; car jamais, ajoute-t-il, on ne vit de Chambre
+plus _imposante_. C'est précisément ce dont se plaignent les
+contribuables.
+
+La Gaîté nous annonce une prétendue première représentation de _la Fête
+du voleur_. Il nous semble que nous avons déjà vu quelque chose dans ce
+genre (1).
+
+ [Note 1: Ce carillon est du 5 mai. Quatre jours par conséquent
+ après la fête du roi.]
+
+Sur toutes les scènes à présent, le beau rôle est pour les voleurs. On
+sait que le théâtre a la prétention d'être le miroir de l'époque.
+
+Sa Majesté doit, dit-on, partir pour les départements le 20 mai. Les
+préfets ont déjà reçu l'ordre de préparer l'enthousiasme et d'organiser
+l'ivresse.
+
+Il a fallu à Lyon mettre en réquisition l'artillerie et les baïonnettes
+pour empêcher la République d'héberger ses amis. On ne sera jamais
+obligé, pour un pareil motif, d'en venir à ces extrémités à l'égard de
+la royauté citoyenne.
+
+Le grand Turc vient d'accorder une amnistie pleine et entière à tous les
+prévenus des délits politiques. Ceci est une nouvelle preuve que
+l'influence du gouvernement français est nulle à Constantinople.
+
+On sait que le savetier de La Fontaine ne chanta plus dès qu'il fût
+devenu riche. Si l'accumulation des écus produit cet effet, il ne faut
+pas s'étonner que certain gros et gras personnage ait cessé ses refrains
+patriotiques.
+
+Le _Constitutionnel_ signale l'existence d'un nouveau _banc d'huîtres._
+Il veut sans doute parler d'une banquette qui vient d'être ajoutée au
+centre de l'enceinte législative au Palais-Bourbon.
+
+L'autre jour un amateur, arrêté devant les carreaux d'Aubert, ayant vu
+un certain personnage appuyé sur un énorme coq, s'écria en poussant son
+voisin:--«Voilà un fameux coq, hein?»
+
+La saisie de la _Tribune_ nous a beaucoup étonnés; nous ne pensions plus
+qu'il était possible d'exciter à la haine et au mépris du gouvernement
+du roi.
+
+On a bien tort de dire que l'ordre de choses n'a pas de tendresse pour
+Paris. C'est, au contraire, pour lui qu'il réserve tous ses feux.
+
+On est étonné qu'un gouvernement qui absorbe tant de millions ait si peu
+de valeur.
+
+On disait autrefois: «Pour faire la guerre, il faut de l'argent, de
+l'argent, et encore de l'argent.»--L'ordre de choses emploie la même
+recette pour la paix.
+
+Le jour de l'inauguration de la statue de Napoléon sur la place Vendôme
+bien des gens n'étaient pas de l'avis du bon Lafontaine quand il dit:
+Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré.
+
+La France ne songe qu'à recouvrer ses frontières. L'ordre de choses
+pense à recouvrer ses écus.
+
+Le juste-milieu ressemble à ces poltrons qui se sont fait de mauvaises
+affaires et que la pour force à garder la _chambre._
+
+M. Thiers soutient qu'en fait d'impôts il ne faut pas négliger les
+petites tailles.
+
+Jules Rohaut.
+
+(A suivre.)
+
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE UNE SÉANCE DU
+CONSEIL DE GUERRE SIÉGEANT A TRIANON.]
+
+
+
+NOS GRAVURES
+
+Trianon
+
+Le 6 octobre, il y avait à Versailles un mouvement inusité. Depuis les
+vacances de l'Assemblée nationale, jamais le chemin de fer n'avait
+déposé à la gare de cette ville un pareil nombre de visiteurs, bien que
+ce nombre fut relativement restreint.
+
+Mais le flot ne faisait que passer.
+
+A peine arrivé, il repartait dans la direction du château, envahissait
+le parc peuplé de déesses de marbre et de bronze, traversait les grandes
+prairies plantées d'arbres superbes, et s'écoulait finalement le long du
+bras septentrional du grand canal pour venir enfin s'arrêter devant le
+Grand-Trianon, ce charmant château, élevé sous Louis XIV par Mansard, au
+milieu des massifs de verdure et des pelouses.
+
+Le Grand-Trianon, un beau jour, on ne sait pourquoi, avait pris la place
+de la _maison de porcelaine_, une bonbonnière bâtie vingt ans auparavant
+pour Mme de Montespan. Mais alors Mme de Montespan avait perdu l'oreille
+et le coeur du roi; et, de même que Mlle de La Vallière battant en
+retraite devant elle, s'était retirée aux Carmélites, ainsi elle-même
+avait déjà cédé le pas à Mme de Maintenon et gagné de son pied qui
+n'était plus léger la communauté de Saint-Joseph. Le roi d'ailleurs
+avait vieilli, pas assez toutefois pour que le nouveau château ne
+retentit pas encore du bruit des fêtes. Mais cela ne devait pas durer.
+Bientôt, il se lit autour du joli pied-à-terre un silence que
+troublèrent à peine, vers le milieu du XVIIIe siècle, les éclats de rire
+de Louis XV folâtrant en traîneau à travers les allées de son parterre.
+Louis XVI, Napoléon, Louis XVIII, Charles X, s'y montrèrent de loin en
+loin seulement. Le Grand-Trianon avait décidément perdu toute faveur. Ce
+ne fut que sous Louis-Philippe qu'il cessa d'être délaissé et sortit de
+l'oubli. Ce roi l'aima, l'habita, et lui fit subir de notables et
+heureuses modifications. On montre aux visiteurs les appartements qu'il
+y occupa, sa chambre à coucher modestement meublée, son cabinet de
+travail où l'on remarque une table d'acajou fort simple qui lui servait
+de bureau. Mais Louis-Philippe était un roi bourgeois. Il vivait en bon
+père de famille, et n'avait jamais figuré dans le moindre ballet. Aussi
+passa-t-il au Grand-Trianon sans bruit, et depuis lors, de cette
+résidence princière, personne n'avait plus entendu parler. D'où vient
+donc que sortant de son sommeil de Belle au bois dormant, tout à coup
+voilà qu'elle ouvre ses portes à deux battants; que devant sa belle
+façade à toit plat, aux fenêtres en portiques, les voitures s'arrêtent;
+que, dans sa cour d'honneur, circulent des groupes d'officiers; qu'enfin
+dans un coin, à quelques pas de sa grille, se trouve, champignon en une
+nuit poussé, une guinguette pleine de bruit?
+
+Vous le savez, et je n'ai pas besoin de vous le dire, car c'est le
+bruit, sinon de la cour, au moins de la ville. De ce nid bâti pour les
+amours on a fait une salle de justice. C'est Théines qui y règne
+maintenant, tenant une épée nue d'une main et de l'autre une balance.
+Métamorphose au moins singulière! Comment on en a eu l'idée, je
+l'ignore; mais ci-dessous on vous dira comment elle s'est effectuée.
+
+L. C.
+
+
+
+Procès du maréchal Bazaine
+
+PREMIÈRE SEANCE DU CONSEIL DE GUERRE
+
+Dans notre précédent numéro nous avons dit, et nos lecteurs savent que
+c'est dans la galerie servant de vestibule au château du Grand-Trianon,
+qu'a été établie la salle des séances du conseil de guerre chargé de
+juger le maréchal Bazaine.
+
+Notre grand dessin représente cette salle et donne la physionomie exacte
+de la première séance du conseil.
+
+Transformer ce magnifique péristyle en salle d'audience n'était pas
+chose facile. On y est cependant parvenu, grâce à l'habileté des
+dispositions prises. La salle offre l'aspect d'un long parallélogramme,
+dont une partie a été surélevée par des travaux de charpente. Dans cette
+partie se trouvent: au fond, un large bureau en forme d'hémicycle pour
+les juges militaires; puis à gauche, pour l'accusé, un fauteuil et une
+table recouverte d'un tapis vert, et la barre de la défense; à droite,
+le bureau réservé au commissaire du gouvernement, et la tribune des
+journalistes, élevée derrière les colonnes de marbre de la galerie.
+Cette tribune est disposée en gradins et peut contenir soixante-dix
+personnes environ. Enfin, au milieu, devant le bureau du conseil, est
+établi le greffier. Une légère balustrade recouverte de velours rouge
+sépare cette première partie de la salle de la seconde, à laquelle on
+arrive en descendant une marche.
+
+Cette seconde partie est coupée par une enceinte réservée au publie muni
+de cartes et aux témoins. Derrière est un espace assez étroit pour le
+commun des martyrs qui ne craindront pas de demeurer cinq heures debout,
+chaque jour, après avoir fait queue, s'ils veulent suivre les débats de
+ce procès, qui sera long.
+
+La décoration de cette salle est des plus simples. Les murs sont en
+granit rouge veiné de blanc et orné de distance en distance de fausses
+colonnes blanches, à chapiteaux contournés. Les tentures sont en reps
+vert. Quatorze grosses colonnes en granit rouge séparent la salle en
+deux dans toute sa longueur, gênant beaucoup la vue de la tribune de la
+presse. Derrière les fauteuils des juges et au-dessus de la porte
+d'entrée de la chambre du conseil, on voit un grand Christ en croix.
+Puis, pour parer au froid, qui est imminent, quatre poêles sont alignés
+de distance en distance. Cependant la température n'a pas cessé d'être
+douce, et à travers les fenêtres largement ouvertes sur la cour d'entrée
+du château, on aperçoit les grands arbres du parc, à la verdure encore
+vigoureuse.
+
+Mais il est temps de pénétrer dans la salle du conseil de guerre. A midi
+un quart, on annonce l'entrée des juges militaires. La séance est
+ouverte. Les membres du conseil sont: MM. le duc d'Aumale, président,
+tournure militaire, moustaches et barbiche blondes, voix forte et
+sonore, habituée au commandement; de Chabaud-Latour, officier général du
+génie, soixante-dix ans environ, un peu fatigué; de la Motterouge, plus
+âgé que le précédent, mais portant plus gaillardement son âge; Tripier,
+vieux et un peu cassé, appartenant au génie, blessé à l'Alma, porte
+lunettes; Guyot, artillerie, petit et gros, mais vif et alerte;
+Lallemant, très-grand, air grave et réfléchi, serait le plus jeune ou le
+moins âgé du conseil si le général de cavalerie Princeteau n'en faisait
+pas partie; de Malroy, regard doux, air décidé, chauve, soixante ans;
+Ressayre, figure d'anachorète, a commandé une division à la bataille de
+Coulmiers, où il fut blessé grièvement; enfin le général Pourcet, petit,
+maigre, impatient, coiffé à la Titus. Très-savant, m'a-t-on dit, il
+représente, comme on sait, le ministère public.
+
+Quelques minutes après l'entrée en séance du conseil, ordre est donné
+par le président d'introduire le maréchal. Mouvement de curiosité
+très-marqué. L'accusé entre d'un pas lourd et avec un certain embarras.
+Il porte le costume de maréchal, petite tenue, et la grand'croix de la
+Légion d'honneur. Il a de l'embonpoint; ses yeux sont petits, son visage
+est gras, son crâne absolument chauve. Deux sourcils très-fins, deux
+petites moustaches brunes se dessinent seuls dans cet ensemble de
+rondeurs grasses. Il est d'ailleurs un peu pâle: on le serait à moins.
+Calme en apparence, sa préoccupation ne se trahit que par certains
+gestes. Ainsi il porte fréquemment sa main à ses lèvres ou à son front,
+ou bien il joue machinalement avec une bague qui brille à l'un de ses
+doigts.
+
+Avec l'entrée du maréchal, le défilé des témoins a été l'intérêt de
+cette première audience. Ces témoins, fort nombreux, peuvent se diviser
+en trois catégories: les militaires, maréchaux, généraux, officiers
+supérieurs ayant fait partie de l'armée du Rhin; les témoins politiques,
+tels que MM. Jules Favre, Gambetta, de Kératry, et les témoins qui
+n'entrent ni dans l'une ni dans l'autre de ces catégories, tels que
+douaniers, employés de chemins de fer, ingénieurs. Le premier témoin
+appelé a été le maréchal Canrobert, et le second le maréchal Leboeuf,
+sur lequel tous les yeux se sont fixés avec une attention particulière.
+Le général Changarnier a aussi beaucoup attiré les regards, avec son
+pantalon gris-perle et sa redingote bleu clair élégamment boutonnée.
+Mais celui qui a excité la curiosité la plus vive est encore le fameux
+M. Régnier, cet envoyé mystérieux qui alla trouver le maréchal au
+travers des lignes prussiennes, ouvertes pour lui, et amena en
+Angleterre le général Bourbaki.
+
+L'appel des témoins terminé, la séance a été suspendue pendant dix
+minutes. A la reprise de l'audience, il a été donné lecture des états de
+service du maréchal Bazaine et de la première partie du rapport du
+général Rivière, rapport net, clair, précis, et du plus haut intérêt.
+Mais arrêtons-nous. Ce serait sortir du cadre de cet article que
+d'entrer ici dans des détails qui ne sont point de notre compétence et
+que d'ailleurs tout le monde connaît.
+
+L. G.
+
+
+La pêche des huîtres
+
+L'humeur médisante qui caractérise notre espèce s'est exercée aux dépens
+de cet aimable mollusque, la fleur et la joie des soupers fins. Sous
+prétexte qu'il consacre à bâiller une bonne part de son existence, nous
+en avons fait le type de l'engourdissement intellectuel, et «bête comme
+une huître» est devenu un de nos dictons les plus familiers. Si Dieu
+daignait un jour lui accorder la parole, le bivalve nous répondrai,
+probablement que si l'esprit ne court pas ses bancs comme il est entendu
+qu'il court nos rues, en revanche on n'a jamais rencontré une huître
+plus sotte que ses soeurs les autres huîtres, ce qui est bien un
+avantage. J'ai connu un huîtrier forcené qu'indignait cette injustice.
+Tous les soirs, quand il achevait sa quatrième douzaine, ses yeux
+s'humectaient, deux larmes descendaient sur ses joues et venaient se
+confondre avec l'eau salée dont ruisselait sa barbe, et la bouche pleine
+il s'écriait:--Les ingrats! en d'autres temps ou lui eut dressé des
+autels. Sans s'élever à cet enthousiasme, on peut prétendre que ses
+mérites comestibles auraient dû nous rendre beaucoup plus indulgents
+pour sa pauvreté en matière d'idéal.
+
+J'affiche quelque désintéressement en embrassant sa défense, car je ne
+vous dissimulerai pas que je nourris contre elle un fort gros grief, que
+probablement vous partagez avec moi. Ce grief se fonde sur les prix
+exagérés que cette belle des mers a mis depuis quelques années, à ses
+faveurs. Au bon vieux temps, qui n'est pas si loin de nous que vous le
+supposez peut-être, pour douze sols,--vieux style aussi,--on vous en
+servait une douzaine toutes frémissantes dans leurs écailles nacrées.
+Que dis-je? A cette heureuse époque, à l'instar de la Déesse à la voix
+rauque de Barbier, l'huître ne dédaignait pas la populace. La charrette
+de l'écaillère nomade la débitait,--un peu défraîchie sans doute,--à
+raison de trente centimes et moins encore, dans les rues, dans les
+carrefours. Tout cela est bien loin de nous; tandis que le monde se
+démocratisait au-dessus d'elle, elle s'aristocratisait à nos dépens; la
+voilà devenue un mets de luxe, peu accessible à la médiocrité, même
+dorée; elle coûte juste le triple de ce qu'elle valait autrefois.
+
+Ce renchérissement progressif et excessif de ces mollusques a des
+raisons multiples. Il tient à la fois à la facilité des transports par
+voie ferrée et à la spéculation, qui s'est mêlée de ce commerce. En même
+temps, et ne le regrettons pas, les pêcheurs mieux renseignés sont
+devenus plus exigeants. Et puis on avait quelque peu abusé des bancs, il
+y a quelques années. Enfin, des causes complètement indépendantes de
+l'action humaine ont leur influence sur la production huîtrière. La
+température agit énergiquement sur la croissance de l'huître, beaucoup
+plus lente dans les eaux froides du large, que sur certaines parties de
+la côte; il est constant que la multiplication a singulièrement souffert
+du manque de naissain dans la dernière période.
+
+Heureusement notre malchance n'est pas sans appel et cet état de choses
+peut se modifier. Il y a lieu d'espérer que nos bancs se relèveront de
+l'état de marasme que nous signalons. On leur rendrait plus rapidement
+leur prospérité première en établissant des réserves où l'on déposerait
+le naissain lorsqu'il serait abondant.
+
+Les annales de l'huître ne sont pas sans gloire; elle a inspiré de
+luxueuses folies aux maîtres fous de la gastronomie, les Romains; mais
+le cadre purement pittoresque et industriel de cette étude ne nous
+permet pas un retour dans le passé du coquillage qui nous occupe, si
+flatteur qu'il puisse être pour lui.
+
+Sa description, je rougirais de l'entreprendre; je vous l'assure, vous
+vous renseignerez beaucoup plus agréablement sur ce point chez
+l'écaillère du coin, qu'en ayant recours à tous les traités d'histoire
+naturelle. Prodigue de tout ce qui est bon, la nature l'a largement
+distribuée dans les mers de toutes les latitudes; ses espèces sont
+nombreuses; nous ne nous occuperons que de celles qui se trouvent sur
+notre littoral. Ce sont:
+
+1° L'huître pied de cheval, diamètre 12 centimètres; les amateurs de
+grosses bouchées, les gourmands seuls en font quelque cas. On la pêche
+sur tous les fonds rocailleux.
+
+2º L'huître normande ou cancalière, huître blanche dont la dimension est
+de 7 à 8 centimètres, l'écaille épaisse et la qualité supérieure, bien
+qu'elle reste au-dessous de sa voisine l'armoricaine.
+
+3° L'huître bretonne, petite de taille, 4 à 5 centimètres de dimension;
+à coquille mince et narrée, d'un goût exquis, pouvant rivaliser avec
+celui de l'huître anglaise, qui est d'un vert foncé à écailles rondes et
+de dimensions moindres encore.
+
+4° L'huître de Marennes, qui se rapproche de la précédente par ses
+qualités, s'en distingue par la nuance verdâtre, qu'elle affecte et
+qu'elle doit aux fonds vaseux sur lesquels elle a vécu.
+
+Nous aurons plus tard à nous occuper des moeurs, des habitudes de
+l'huître,--en dépit du préjugé elle en a,--de sa reproduction, des
+tentatives d'éducation huîtrière, du parcage, etc.; mais avant d'aborder
+ces questions, il faut savoir comment on la pêche.
+
+La drague est l'instrument le plus en usage pour aller la chercher au
+fond des mers. Cette drague consiste en une sorte de sac à mailles de
+fil de fer ou de corde. Il est muni à son ouverture d'une forte armature
+de fer figurant un trapèze très-allongé. L'appareil est maintenu par
+trois tringles du même métal dont deux partent de ses extrémités, une de
+son milieu, pour se réunir à un anneau de traction sur lequel est frappé
+un cordage amarré lui-même à l'arrière du bateau. Cette disposition
+maintenant l'engin horizontal lui permet de racler les fonds et de
+détacher les huîtres, qui tombent alors dans le filet.
+
+La drague, on le comprend, doit souvent rencontrer des obstacles:
+pierres, roches, débris de navires qui, non-seulement peuvent l'arrêter,
+mais briser son armature. On pare à ces accidents en frappant à l'une de
+ses extrémités un petit orin muni d'une bouée qui permet de la
+retrouver. Une autre méthode très-ingénieuse consiste à étalinguer
+l'amarre de traction fixée à un des angles de l'armature par un faible
+filin; en cas d'arrêt sérieux, ce filin se brise, l'appareil se
+renverse, et, ne formant plus râteau, il est aisément dégagé.
+
+La largeur de la drague varie en raison des difficultés que présentent
+les fonds à explorer. Un des meilleurs types, la drague cancalaise,
+mesure de 1m50 jusqu'à 2m50 de lame. La grandeur de la maille est
+réglementée administrativement suivant la taille des coquillages. Son
+minimum est fixé à 5 centimètres carrés.
+
+Dans nos pêcheries en rivière de la Seurre, de Pont-l'Abbé, du Sucidy et
+même dans la baie d'Arcachon, on emploie pour pêcher l'huître de simples
+canots ou _tillotes_ à deux ou quatre avirons, munis d'une drague légère
+qu'un seul homme placé à l'arrière peut manoeuvrer. Les bancs du large
+sont exploités à l'aide d'embarcations pontées et d'un tonnage moyen de
+sept tonneaux, qui marchent à la voile et peuvent avoir plusieurs
+dragues à la traîne. A Cancale, chaque bateau en possède trois; dans le
+passage de la Déroute, j'ai vu des embarcations anglaises en mettre
+jusqu'à sept à la mer..
+
+Les bateaux destinés à cette pêche doivent réunir deux qualités
+essentielles: la solidité et la vitesse. La rapidité de la marche donne
+de grands avantages aux pêcheurs, non-seulement sur les bancs, mais dans
+le transport du chargement aux parcs, claies et dépôts de la côte. Les
+cutters anglais de Jersey, Liverpool, Ry, etc., auxquels leur
+construction à clins procure cette rapidité en même temps qu'elle leur
+donne une grande élégance, sont de parfaits modèles du bateau pêcheur
+d'huîtres.
+
+Par un bon temps et une jolie brise, rien n'est beau connue le tableau
+d'une flottille de pêcheurs en action. Les carènes noires des bateaux
+ruisselantes sous les caresses de la vague étincellent au soleil; avec
+leurs voiles blanches effilées, ils ressemblent à une nuée d'oiseaux
+éparpillés sur la mer, et malgré le poids des dragues qu'ils traînent à
+leur suite, comme l'oiseau, ils semblent voler en laissant une légère
+traînée d'écume sur sa surface.
+
+À bord, quelle fiévreuse activité! Il faut voir la prestesse avec
+laquelle, quand l'huîtrière est riche, l'appareil est vidé et rejeté à
+la mer.
+
+Quelquefois, lorsque la scène se passe sur un banc interdit, elle se
+complique. Un de ces avisos de l'État qui jouent sur ces plaines
+liquides le rôle des gardes champêtres dans nos campagnes surgit tout à
+coup de quelque coin de l'horizon, tombe comme la foudre sur les
+délinquants, amariné les plus maladroits et gâte un peu le plaisir de la
+fête. Celles des embarcations qui ont eu la chance de lui échapper,
+quelquefois en sacrifiant leurs engins de pêche, se couvrent de toile,
+font force de voiles et s'éparpillent dans toutes les directions.
+
+Le départ et l'arrivée de la caravane, c'est ainsi que l'on appelle à
+Cancale la drague annuelle des huîtres, est encore un spectacle auquel
+le plus indifférent ne saurait assister sans éprouver une certaine
+émotion. Il donne la mesure de l'importance de la récolte du coquillage
+pour ces populations. Aussitôt que les bateaux sont signalés, tout le
+littoral est en mouvement; les falaises, les grèves se couvrent de
+monde; une fourmilière humaine s'y presse, s'y amoncelle. Femmes,
+enfants, vieillards sont accourus pour assister au triage du précieux
+mollusque et constater les résultats de cette campagne, qui apportera
+l'aisance dans chaque foyer, qui peut-être aussi les laissera dans la
+gêne. Les premières, les poings sur les hanches, le teint allumé, l'oeil
+fiévreux, comptant les paniers qui se vident avec cette âpre cupidité
+que l'on a si peu le droit de reprocher aux pauvres gens; les petits,
+les yeux écarquillés, s'émerveillant devant ces trésors avec la naïveté
+de leur âge; les vieux y trouvant un prétexte pour revivre les jours du
+passé, et constater sa supériorité sur le présent: les huîtres étaient
+bien plus grosses de leur temps, on en cueillait aussi bien davantage.
+Si la pêche est plus faible, c'est que les équipages sont moins
+vaillants; et tout fier de l'avoir constaté, redressant son buste voûté,
+le bonhomme reprend sa chique, qu'il avait pieusement déposée dans un
+coin de son béret pour pérorer plus à son aise.
+
+Nous parlions tout à l'heure de la pêche sur les bancs prohibés; les
+Anglais sont nos maîtres dans ce genre de maraude; mais malheureusement
+ce n'est pas seulement en fait de pêche illicite que s'affirme la
+supériorité de leurs pêcheurs. Leur caractère froid et calculateur, un
+instinct plus raisonné de leurs intérêts leur ont permis de former entre
+eux des _guilds_ ou corporations où se réunissent les capitaux et qui
+répartissent équitablement entre les intéressés les produits de la
+commune industrie.
+
+Si, hors de chez eux, ils cèdent un peu trop aisément à l'attrait du
+fruit défendu, en revanche ils respectent strictement, rigoureusement
+les prohibitions de leur littoral, et notamment celles des baies de
+Portland, Falmouth, Swansea pendant la période de fermeture. On les voit
+aussi se donner la peine de débarrasser les fonds de pêche pendant l'été
+des herbes, des plantes marines qui nuisent singulièrement à la
+production du _brood_ ou naissain. Chez nous, au contraire, et si
+avantageux que soit le traînage du chalut sur les bancs, pour les
+approprier, la crainte que les pêcheurs n'abusent de cette opération
+conservatrice pour capturer des huîtres hors saison fait qu'elle est
+très-peu pratiquée.
+
+On voit que nous avons encore bien à faire pour égaler nos voisins.
+L'envasement a fait disparaître les huîtres des bancs des Maronnes, des
+Flamands, Mérignac, Lamouroux, Dugnas, Martin-Gêne, La Tremblade; mais
+la grande décroissance que nous avons signalée dans notre production
+huîtrière revient aussi pour une bonne part à l'imprévoyance, nous
+devrions dire à l'imprévoyante cupidité des exploitants. La fable de la
+poule aux oeufs d'or restera une éternelle vérité.
+
+L'administration de la marine s'est vivement préoccupée de cette
+situation, et grâce à elle, si toutes nos huîtrières ne sont pas encore
+relevées, du moins celles d'Arcachon, de Cancale, donnent-elles
+aujourd'hui d'excellents résultats; elles sont parvenues à alimenter,
+concurremment avec un certain nombre d'achats effectués en Angleterre,
+les parcs de Loc-Tudy, Cancale, Saint-Waast, Courseuilles, où l'huître
+acquiert toute sa finesse et son embonpoint avant d'être livrée à la
+consommation.
+
+Si satisfaisant que soit le progrès, nous devons souhaiter mieux encore;
+avec l'étendue de côtes que nous possédons, avec un peu de sagesse, nous
+cesserions rapidement d'être sous ce rapport les tributaires de
+l'étranger.
+
+Le nombre des bateaux pêcheurs d'huîtres est;
+
+ à Arcachon, de 620
+ Cancale 100
+ Granville 30
+ Tréguier }
+ Lézardrieux } 700
+ Pont-l'Abbé }
+ En total... 1,450
+
+embarcations, sans compter celles de la haute Normandie, qui draguent
+l'huître au moins par intervalles.
+
+En supposant cinq hommes d'équipage pour chacun de ces bateaux, on
+obtient le chiffre respectable de 7,250 pêcheurs. Si l'on veut bien
+observer que sur toute cette partie de nos côtes, 12,000 individus au
+moins trouvent encore un certain salaire en ramassant les huîtres à la
+main à la marée basse, on en conclura que le précieux coquillage peut à
+bon droit être considéré comme la manne de ces populations du littoral.
+
+Les prix des huîtres sont:
+
+ A Arcachon 20 à 25 fr. le mille.
+ Marennes. 30 à 35 »
+ Pont-l'Abbé, le Tudy 60 à 70 »
+ Cancale 60 à 70 »
+ Lézardrieux 50 à 60 »
+ Saint-Waast 60 à 65 »
+ Dunkerque (huîtres angl.) 90 à 100 »
+ Ostende 100 à 110 »
+
+L. Faudacq.
+
+
+Nuka-Hiva
+
+En suivant vers la gauche la rue de Taïohaé, on arrive, près d'un
+ruisseau limpide, aux quartiers de la reine. Un figuier des Banians,
+développé dans des proportions gigantesques, étend son ombre triste sur
+la case royale. Dans les replis de ses racines, contournées comme des
+reptiles, on trouve des femmes assises, vêtues le plus souvent de
+tuniques d'une couleur jaune d'or qui donne à leur teint l'aspect du
+cuivre. Leur figure est d'une dureté farouche; elles vous regardent
+venir avec une expression de sauvage ironie.
+
+Tout le jour assises, dans un demi-sommeil, elles sont immobiles et
+silencieuses comme des idoles. C'est la cour de Nuka-Hiva, la reine
+Vaékéhu et ses suivantes.
+
+Sous cette apparence peu engageante, ces femmes sont douces et
+hospitalières; elles sont charmées qu'un étranger prenne place près
+d'elles, et vous offrent toujours des cocos ou des oranges.
+
+Elisabeth et Atéria, deux suivantes qui parlent français, vous adressent
+alors, de la part de la reine, quelques questions saugrenues au sujet de
+la dernière guerre d'Allemagne. Elles parlent fort, mais lentement, et
+accentuent chaque mot d'une manière originale. Les batailles où plus de
+mille hommes sont engagés excitent leur sourire incrédule; la grandeur
+de nos armées dépasse leurs conceptions.
+
+L'entretien pourtant languit bientôt; quelques phrases échangées leur
+suffisent, leur curiosité est satisfaite et la réception terminée; la
+cour se momifie de nouveau, et, quoi que vous fassiez pour réveiller
+l'attention, on ne prend plus garde à vous.
+
+La demeure royale, élevée par les soins du gouvernement français, est
+située dans un recoin solitaire, entourée de cocotiers et de tamaris.
+
+Mais, au bord de la mer, à côté de cette habitation modeste, une autre
+case, case d'apparat, construite avec tout le luxe indigène, révèle
+encore l'élégance de cette architecture primitive.
+
+Sur une estrade de larges galets noirs, de lourdes pièces de magnifique
+bois des îles soutiennent la charpente. La voûte et les murailles de
+l'édifice sont formées de branches de citronniers, choisies entre mille,
+droites et polies comme des joncs; tous ces bois sont liés entre eux par
+des amarrages de cordes de diverses couleurs, disposés de manière à
+former des dessins réguliers et compliqués.
+
+Là encore, la cour, la reine et ses fils passent de longues heures
+d'immobilité et de repos, en regardant sécher leurs filets à l'ardent
+soleil.
+
+Les pensées qui contractent le visage étrange de la reine restent un
+mystère pour tous, et le secret de ses éternelles rêveries est
+impénétrable. Est-ce tristesse, ou abrutissement? Songe-t-elle à quelque
+chose, ou bien à rien? Regrette-t-elle son indépendance et la sauvagerie
+qui s'en va, et son peuple qui dégénère et lui échappe?...
+
+Atéria, qui est son ombre et son chien, serait en position de le savoir;
+peut-être cette inévitable fille nous rapprendrait-elle. Mais tout porte
+à croire qu'elle l'ignore, et il est possible même qu'elle ne se le soit
+jamais demandé.
+
+Vaékéhu consentit avec une bonne grâce parfaite à poser pour plusieurs
+éditions de son portrait; jamais modèle plus calme ne se laissa examiner
+plus à loisir.
+
+Cette reine déchue, avec ses grands cheveux en crinière et son fier
+silence, conserve encore une certaine grandeur.
+
+Un soir, au clair de lune, comme je passais seul dans un sentier boisé
+qui mène à la montagne, les suivantes m'appelèrent.
+
+Depuis longtemps malade, leur souveraine, disaient-elles, s'en allait
+mourir.
+
+Elle avait reçu l'extrême-onction de l'évêque missionnaire.
+
+Vaékéhu était étendue à terre et tordait ses bras tatoués avec toutes
+les marques de la plus vive souffrance; ses femmes, accroupies autour
+d'elle, avec leurs grands cheveux ébouriffés, poussaient des
+gémissements et menaient deuil (suivant l'expression biblique qui
+exprime parfaitement leur façon particulière de se lamenter).
+
+On voit rarement dans notre monde civilisé des scènes aussi
+saisissantes; dans cette case nue, ignorante de tout l'appareil lugubre
+qui ajoute en Europe aux horreurs de la mort, l'agonie de cette femme
+révélait une poésie inconnue, pleine d'une amère tristesse.
+
+Le lendemain de grand matin, je quittai Nuka-Hiva pour n'y plus revenir,
+et sans savoir si la souveraine était allée rejoindre les vieux rois
+tatoués ses ancêtres.
+
+Vaékéhu est la dernière des reines de Nuka-Hiva; autrefois païenne et
+quelque peu cannibale, elle s'était convertie au christianisme et
+l'approche de la mort ne lui causait aucune terreur.
+
+Julien V...
+
+
+NUKA-HIVA
+
+[Illustration: La reine Vaékéhu.]
+
+[Illustration: La Reine Vaékéhu et ses fils.--D'après les croquis de M.
+Julien V.]
+
+
+[Illustration: LE DÉJEUNER.--D'après le tableau de M. Caraud.]
+
+Le déjeuner
+
+Près d'une table toute servie une jeune fille est debout.
+
+Sa taille est fine et souple, son air à la fois malin et candide, son
+front pur. Bon pied, bon oeil, bon coeur et bon appétit.
+
+Elle tient à la main une assiette dans laquelle fume le potage qu'elle
+s'apprête à manger. Elle y a plongé une première fois la cuiller qu'elle
+a approchée de sa bouche. Mais le potage, brûlant, a trompé son attente.
+Vite, soufflons. Donc elle souffle, en attendant mieux. Elle ne semble
+pas d'ailleurs pressée outre mesure. Elle a là, sous les yeux, un
+spectacle qui la réjouit, et semble captiver son attention. La table est
+posée près de la fenêtre, la fenêtre est ouverte et par cette fenêtre,
+une bande d'aimables parasites, les hôtes du pigeonnier, à tout coup
+fait irruption dans la chambre. Elle a pris possession de la table, et
+comme en pays conquis elle en use ou plutôt en abuse.
+
+Ce n'est rien, comme vous voyez, ce sujet de tableau, choisi par M.
+Caraud; et cependant, de ce rien, il a fait une chose charmante, devant
+laquelle, au Salon de cette année, on s'oubliait volontiers. Toile
+très-gracieuse et très-délicate, oeuvre d'un artiste du talent le plus
+fin.
+
+L. C.
+
+
+LES MYSTÈRES DE LA BOURSE
+
+Ce qu'il faut faire pour moraliser la bourse
+
+Que de choses nous aurions encore à mettre en lumière pour bien faire
+comprendre les envahissements du Jeu de la Bourse et les ravages qu'il a
+produits dans les familles depuis un demi-siècle! Mais il nous suffira
+de nous arrêter à deux considérations dernières.
+
+ *
+ * *
+
+Non-seulement tout le monde est attiré par un irrésistible penchant vers
+le tourbillon de la Bourse, mais ce tourbillon va si bien s'élargissant
+qu'il ne fait plus de tout l'occident de l'Europe qu'un seul et unique
+marché.
+
+Dès qu'un premier cours a été coté par la Coulisse sous le péristyle de
+la Bourse, on voit s'établir un va-et-vient du télégraphe à la Bourse et
+de la Bourse au télégraphe. C'est un feu roulant de dépêches pour les
+départements, pour Londres, Bruxelles, Amsterdam, Vienne, Berlin. Agents
+de change, coulissiers, banquiers, sociétés de crédit, changeurs, font
+parvenir toutes les variations à leurs correspondants, de manière à
+profiter, si c'est possible, d'une place à l'autre, des moindres
+fluctuations de la rente. Tout mouvement de nos fonds publics se
+répercute ainsi sur toutes les bourses par une gerbe de dépêches qui se
+croisent à travers l'Europe et qui donne au marché des proportions
+infinies. Ce n'est plus un marché, c'est un monde en ébullition.
+
+Songez enfin que, bien souvent, quand les cours, sauf l'imprévu, sont au
+calme plat, les acheteurs savent, par la multiplicité de leurs
+opérations, compenser l'atonie des affaires. On vend et l'on achète
+alors par brassées. Ainsi nous nous rappelons avoir assisté à ce
+gigantesque coup de crayon.
+
+La rente, suffoquée de chaleur, haletait à 71 fr. 20 c.
+
+--A vingt-deux et demie, envoyez! glapit un agent acheteur.
+
+--Oui, cria un autre agent vendeur.
+
+--Combien? quinze mille?
+
+--Oui.
+
+--Trente mille?
+
+--Oui.
+
+--Soixante mille?
+
+--Oui.
+
+--Cent vingt mille?
+
+--Oui.
+
+--Trois cent mille?
+
+--Oui.
+
+--Six cent mille?
+
+--Oui.
+
+--Neuf cent mille?
+
+--Oui.
+
+--Douze cent mille?
+
+--Oui.
+
+Et les deux agents de la Coulisse inscrivirent d'un seul coup de crayon,
+sur leurs carnets, l'un un achat de DOUZE CENT MILLE FRANCS DE RENTE
+TROIS POUR CENT, l'autre une vente de la même somme. Vingt mille francs
+de courtage!
+
+Avec un franc de hausse ou de baisse, c'était pour l'acheteur ou le
+vendeur une perte de 400,000 fr.! Étonnez-vous donc auprès cela de voir
+arriver des fuites, des culbutes et des suicides! Qui aime le danger y
+périt, et l'on récolte toujours ce qu'on a semé.
+
+ *
+ * *
+
+Étant donné cet exposé sincère du marché de la Bourse, la première
+pensée qui surgit dans l'esprit de l'observateur est celle-ci:--Que
+faudrait-il faire pour moraliser le marché de la Bourse?
+
+Ce qu'il faudrait faire? Bien peu de chose, un tout petit article de loi
+que nous allons vous faire connaître et qui ferait de la Bourse un
+marché semblable à tous les autres.
+
+C'est là, en effet, la question mère auprès de laquelle disparaissent
+toutes les autres. Qu'importe que la Bourse fasse danser sur les
+raquettes de la hausse et de la baisse des millions et des milliards, si
+ce marché ne doit éternellement rappeler que la rue Quincampoix, et si
+foutes ces opérations ne doivent représenter que le jeu.
+
+Que disons-nous, le jeu? C'est la friponnerie qu'il faut dire, et nous
+appelons sur ce point toute l'attention de nos lecteurs, car c'est avec
+le vif désir de voir disparaître le jeu et les duperies de la Bourse que
+nous avons publié cette étude.
+
+Le jeu de la Bourse n'est en réalité qu'une duperie. Et pourquoi? Est-ce
+parce que ces opérations ne reposent que sur la spéculation? Nullement.
+On spécule sur les alcools, on spécule sur les farines, on spécule sur
+les cotons, et ces spéculations qui ruinent et enrichissent aussi bien
+que la hausse et la baisse de la rente, n'ont jamais donné lieu au
+reproche de friponnerie. La spéculation est le grand moteur des
+affaires.
+
+Pourquoi donc la Bourse est-elle seule à soulever à bon droit les
+colères de l'opinion et la réprobation de la conscience publique?
+
+Parce que la loi n'admet que le marché au comptant, et permet au
+spéculateur de faire du marché à terme, un pari non reconnu par le Code.
+Or tant que ce marché à terme sera ainsi livré à la merci de la mauvaise
+foi, tant qu'un fripon pourra recevoir ses bénéfices quand il aura
+gagné, et refuser de payer, la loi à la main, quand il aura perdu, la
+Bourse souffrira du triste renom qui s'attache aux maisons de jeu, et la
+fortune mobilière de la France n'aura pas pour son marché l'autorité
+morale que donne la sanction invariable de la loi.
+
+Voici, en effet, ce qui se passe tous les jours. Un spéculateur se
+présente. Il opère à terme, et avant que le compte soit réglé à la
+liquidation, il est impossible de savoir si l'opération est fictive ou
+sérieuse! Bien mieux: plus l'opération est forte, c'est-à-dire plus elle
+engage le client, l'agent de change et le marché, plus aussi cette
+opération présentera de risques, car l'importance de la vente ou de
+l'achat est précisément l'argument favori, presque toujours mis en
+avant, pour établir l'opération comme un pari et pour refuser le
+payement.
+
+Et voilà plus d'un demi-siècle que la Bourse ouvre ainsi ses portes à la
+malhonnêteté! Voilà plus d'un demi-siècle que le crédit de l'État roule
+sur une pareille énormité, et que la friponnerie a ses coudées franches
+sur un marché qui remue journellement des milliards! Un pari? A la
+Bourse? Quand il s'agit de la rente? Un pari, quand il s'agit d'actions
+et d'obligations? La conscience se révolte devant un tel scandale et
+devant les méfaits sans nombre qu'il peut engendrer.
+
+Voyez jusqu'où peut aller la duperie. Un spéculateur achète 100,000 fr.
+de rente à terme chez un agent. Mais qui peut savoir si, au moment où il
+achète ces 100,000 fr. de rente, il ne fait pas la contre-partie chez un
+autre agent? Et cette double opération commandée en vue de la fraude,
+qui peut savoir si elle ne se reproduit pas deux fois, trois fois chez
+d'autres agents?
+
+Vous voyez le résultat, et que de fois n'a-t-on pas eu à le constater?
+L'opération qui donne un compte créditeur voit arriver le client qui
+reçoit son argent, tandis que l'opération qui donne un compte débiteur
+n'obtient de lui qu'un refus, et aux sommations réitérées de l'agent de
+change, à l'assignation qui le fait paraître devant un tribunal, il
+invoque la loi et répond tranquillement: J'ai joué! Et le tribunal
+résilie le marché!
+
+Étonnez-vous donc que l'opinion reste hostile à la Bourse?
+
+ *
+ * *
+
+Un pareil état de choses est-il tolérable? Pourquoi donc le marché à
+terme, qui est l'âme du commerce dans le monde entier, ne serait-il pas
+admis à la Bourse? Pourquoi donc la rente qui est le titre de l'État,
+qui donne la mesure du crédit public, serait-elle réservée au rôle
+indigne des spéculations immorales?
+
+Il n'y a pas deux poids et deux mesures. A la Bourse, comme ailleurs,
+acheter et vendre, soit au comptant, soit à terme, sont deux actes
+légaux, sérieux, indéniables, parfaitement déterminés et qui doivent
+produire pour la rente les mêmes effets que pour toute autre propriété.
+Le droit commun, voilà la règle, et en dehors d'elle, il n'y a point
+d'autre solution.
+
+Le marché à terme a été la plaie de la Bourse, il faut que cette plaie
+disparaisse; il a causé de graves désordres, il faut que l'ordre les
+fasse oublier; il a souffert de l'ambiguïté de la loi, il faut que la
+loi, dépouillée de ses ambages, lui rende l'estime, la faveur et la
+confiance du publie.
+
+Une loi est donc nécessaire, et cette loi que nous invoquons est facile
+à faire. Une phrase peut la résumer tout entière, et cette phrase la
+voici:
+
+«La loi reconnaît, sans aucune distinction, toutes les opérations faites
+à la Bourse.» Cette solution est la seule pratique, la seule juste, la
+seule vraie, la seule conforme aux principes du droit et aux progrès des
+temps. Le marché au comptant est le marché des peuples primitifs, le
+marché à terme est le marché des peuples civilisés qui font plus
+d'affaires par le crédit que par les capitaux.
+
+Devant un texte aussi précis, la fraude n'aura plus rien à tenter, et la
+suspicion ne troublera pas de ses nuages malsains les opérations à
+ternie. La loi étant précise, les actes deviendront également précis.
+Tout ordre donné sera un engagement ferme. Chacun saura à quoi il
+s'engage, et quand le spéculateur saura qu'à chacune de ses opérations,
+il suspend sa fortune, son honneur et le repos de sa famille, il fera de
+mûres réflexions avant d'engager inconsidérément, dans une vente ou dans
+un achat, ce qu'il a de plus précieux au monde!
+
+Léon Creil.
+
+
+
+BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
+
+_Itinéraire descriptif_, historique et archéologique de l'Orient, par M.
+Emile Isambert. Première partie, Grèce et Turquie d'Europe, 2e édition.
+Paris, Hachette, 1873.--Si le principal mérite d'un livre doit être de
+satisfaire pleinement aux besoins et aux goûts de ceux auxquels il est
+destiné, on peut dire, sans s'exposer à aucune contradiction, que
+l'ouvrage composé par M. Emile Isambert est, sous tous les points,
+excellent. Celui qui voyagera en Grèce et dans la Turquie d'Europe,
+ayant à la main ce guide fidèle, verra sans aucun doute, beaucoup plus
+de choses que s'il marchait à l'aventure, et surtout il les verra mieux.
+
+La première partie de cet itinéraire de l'Orient embrasse la Grèce et la
+Turquie d'Europe. Elle est naturellement divisée en deux sections
+précédées, l'une et l'autre, d'un abrégé substantiel où sont résumées la
+géographie et les conditions climatériques des diverses localités, les
+évolutions historiques des Grecs anciens et modernes, l'invasion des
+Turcs, la situation réelle qu'ils ont en Orient, leur religion, leurs
+usages, le caractère de leur architecture, etc. les notions
+préliminaires, indispensables à ceux qui ne sont pas très-familiers avec
+le monde oriental, seront utiles aux érudits eux-mêmes qui rencontreront
+là, condensé en quelques pages, ce qu'il faudrait chercher parmi plus de
+cent volumes.
+
+Faisons d'abord observer que la Grèce proprement dite et la Turquie
+d'Europe ont une physionomie différente et ne produisent pas le même
+genre d'impression. Le voyage de Grèce est surtout archéologique.
+L'homme y joue le premier rôle, on en voit la grandeur et la faiblesse
+dans ce peuple qui a élevé de si belles oeuvres aujourd'hui en ruines.
+C'est presque exclusivement le passé qui nous attire lorsque l'on se
+rend en Grèce, et le présent humble ou misérable fait encore ressortir
+davantage quelle devait être l'élévation de ce qui n'est plus.
+
+Le voyage de la Turquie d'Europe est au moins aussi pittoresque
+qu'historique. L'homme des temps anciens s'efface devant la nature; la
+nature se montre là à la fois charmante et grandiose, prête à prodiguer
+d'inépuisables richesses au travail qui daignerait la solliciter.
+
+L'itinéraire général est partagé en un grand nombre d'itinéraires
+particuliers; le livre fait connaître les distances à parcourir, les
+moyens de transport et de dépense: chaque route est très-minutieusement
+détaillée; l'aspect changeant des paysages, la succession des vallées et
+des collines, les montagnes et les rochers, les rivières, les sources,
+les lacs; les constructions pélasgiques, les temples grecs, les
+tombeaux, les châteaux francs, vestiges de la conquête latine du XIIIe
+siècle, les églises et les monastères, les traces de campement militaire
+et les lieux célèbres par quelque grande bataille, rien, en un mot, n'a
+été oublié.
+
+Pour la partie archéologique, M. Emile Isambert a consulté les mémoires
+si remarquables des élèves de notre école d'Athènes et les travaux des
+plus savants explorateurs modernes de la Grèce. Dans la partie
+topographique et pittoresque, il se plaît à citer plusieurs célèbres
+écrivains voyageurs, Lamartine, Chateaubriand, Théophile Gautier. Ces
+emprunts habilement intercalés par l'auteur dans son propre texte, lui
+permettent d'échapper à la sécheresse d'une nomenclature géographique.
+Quoi de plus poétique, pour ne citer qu'un exemple, que le tableau si
+animé des deux rives du Bosphore! Les descriptions des villes, toutes
+précédées d'une notice historique, sont quelquefois assez étendues,
+comme celles d'Athènes et de Constantinople; celui qui suivra
+scrupuleusement toutes les indications du livre, pourra s'éloigner
+d'Orient avec la certitude, presque absolue d'avoir vu tout ce qui était
+digne d'intérêt.
+
+Tel est l'ouvrage de M. Emile Isambert. C'est un immense et très-sérieux
+travail qui a exigé les plus longues et les plus patientes recherches.
+De pareils livres sont très-propres à répandre parmi tous le goût des
+voyages en les rendant plus faciles et plus agréables. On dit que les
+Français devraient sortir de chez eux pour étudier les autres peuples.
+Or, nous pensons qu'une fréquentation de la Grèce nous serait
+profitable. Nous y verrions qu'un peuple, après avoir fait de grandes
+choses, doit inévitablement, quoique doué de qualités supérieures, s'il
+manque d'esprit politique et se consume en divisions stériles, perdre la
+vitalité première de sa nationalité; nous verrions qu'en suivant cette
+voie, toute nation marche infailliblement à la dégradation et à la
+servitude.
+
+Richard Cortambert.
+
+
+M. Jouaust, qui a achevé ses deux ouvrages exquis, les _Contes_ de
+Boccace et ceux de Marguerite de Navarre (deux raretés déjà, deux
+chefs-d'oeuvre), va publier tantôt un _La Fontaine_ étonnant, avec des
+dessins de Gérôme et de Detaille, une oeuvre d'art à propos d'une
+inimitable oeuvre littéraire.
+
+_Almanach lorrain de Pont-à-Mousson_ (Première année).--Il faut signaler
+à l'Alsace et à la Lorraine tout ce que la France essaie de faire pour
+entretenir dans ces provinces l'amour de ta mère patrie. En éditeur de
+Pont-à-Mousson,--la frontière de France aujourd'hui,--M. Ory, publie
+ainsi la première année d'un almanach lorrain qui, répandu dans les
+campagnes autour de Metz, pourra apprendre à bien des gens qu'ici ou ne
+les oublie pas. M. Georges Perrot a donné à cet almanach une page
+excellente sur le siège de Paris et j'y ai trouvé, signés L. F., des
+souvenirs d'une intensité d'émotion et de vérité tout à fait
+remarquables, des souvenirs d'un soldat du 94e de ligne (2e armée de la
+Loire). M. Gérardin a écrit aussi de bien curieuses recherches sur
+l'histoire de Pont-à-Mousson pendant le règne de Louis XVI et la
+Révolution française, et M. Claude, député de Meurthe-et-Moselle, y
+conte éloquemment la légende de Jacques Bonhomme.
+
+OEuvre utile entre toutes, cet almanach est un lien populaire entre la
+France française et ce qu'on pourrait appeler, hélas, la _France
+allemande!...._
+
+
+_Rêves et devoirs_, par M. Théodore Froment (I vol., A.
+Lemerre).--Chaque poète prend ses inspirations où il les trouve. M.
+Froment est professeur et son horizon d'habitude c'est la classe avec
+ses murs nus, son tableau noir, ses pupitres luisants. Il a logé sa Muse
+dans une étude de collège et il a caractérisé ses vers par ces deux
+mots: _Rêves et devoirs._ Les rêves sont simples et honnêtes, les
+devoirs sont de tous les jours. M. Froment a dédié ses vers à ses
+élèves, à ceux qu'il enseigne et guide:
+
+ Ainsi donc à vous cet ouvrage:
+ Si peu qu'il soit, c'est votre bien.
+ Amis, je vous en fais hommage
+ Et mets à la première page
+ Votre nom à côté du mien.
+
+Ces vers intimes, sincères, profondément sentis, manquent de variété
+sans doute. Le devoir universitaire est un peu uniforme. Pourtant M.
+Froment a su dégager une poésie vraie et souvent touchante de sa pensée
+et de ses occupations quotidiennes.
+
+
+_Le Roman de l'histoire_, par M. Jules d'Argis (1 vol., Société des gens
+de lettres).--C'est un gros volume compact où le roman et l'histoire,
+comme le promet le titre, s'entremêlent. On y trouve de tout un peu,
+comme dans les oeuvres complètes; des nouvelles, des chroniques, des
+voyages et de la critique. _Les Fiançailles de mademoiselle de
+Bourgogne, le Dernier sourire de Charles II et François 1er à Madrid_,
+sont des chapitres intéressants. A propos du premier Empire, de M.
+Thiers et de M. Lanfrey, M. Jules d'Argis a trouvé le moyen de dire des
+choses intéressantes et nouvelles. C'est ce qu'il voulait, lorsqu'il
+donnait à son livre cette épigraphe tirée de Buffon:
+
+«L'art de dire de petites choses devient peut-être plus difficile que
+l'art d'en dire de grandes.»
+
+
+_La Ligue d'Alsace_, première série, 1871-1872 (1 vol. in-18).--«Depuis
+la conquête prussienne, une puissante société secrète, la Ligue
+d'Alsace, s'est fondée en Alsace-Lorraine et y imprime une feuille
+clandestine, qu'elle fait largement distribuer par ses adhérents avec la
+complicité unanime du pays. «Cette feuille, qui s'imprime on ne sait où,
+qui est glissée sous les portes on ne sait par qui, est petite,
+typographiée sur deux colonnes, en français d'un côté, en allemand de
+l'autre. Jamais la police prussienne n'a pu saisir les distributeurs de
+ces patriotiques feuilles volantes. L'éditeur Lemerre a eu l'idée de
+publier les numéros de cette gazette clandestine parus depuis le 1er
+mars 1871 jusqu'au 1er janvier 1872. C'est la chronique même des efforts
+de l'Alsace-Lorraine, de ses protestations et de ses luttes contre les
+conquérants. _La Ligue d'Alsace_ stimule le patriotisme, flétrit les
+désertions, ravive les souvenirs de la patrie. Cette sorte de
+_charbonnerie_ organisée, riche, intrépide, tient en échec l'empire
+d'Allemagne et ne regarde point comme accomplie l'oeuvre de M. de
+Bismarck. Elle a ses presses, ses armées de distributeurs et de
+contrebandiers, ses dépôts, ses réunions régulières, et la police
+allemande sent autour d'elle l'influence de cette _Ligue_ insaisissable.
+
+Tout le monde, tout ce qui est français, voudra connaître les numéros de
+_la Ligue d'Alsace_ ainsi réunis en volume. Le livre se vend au profil
+de l'oeuvre d'Alsace-Lorraine. Ce n'est pas une oeuvre de littérature,
+c'est mieux que cela, c'est une oeuvre de combat et de patriotisme.
+
+
+_Le Travail, base de la synthèse de l'histoire_, par Auguste Deschamps
+(1 broc. in-18).--«Le travail, c'est la vie», a dit Mirabeau. M. Auguste
+Deschamps, l'auteur d'une biographie estimée, _Eugène Cavaignac_, et de
+l'_Histoire de la chute du second Empire_, a développé cette parole de
+Mirabeau dans une conférence faite à l'hôtel de ville de Melun, au mois
+d'avril dernier, et qu'il réunit aujourd'hui en brochure. Ce travail est
+fort savant et animé d'une noble idée. M. Deschamps ne voit de progrès
+possible que par le travail. «Ce progrès, dit-il, c'est le travail,
+toujours le travail qui le produira, le travail pratiqué par tous,
+respecté et honoré de tous.» On ne saurait mieux dire. Toute la brochure
+est animée de ce même esprit sage et libre.
+
+Jules Claretie.
+
+
+
+REVUE FINANCIÈRE
+
+LE NOUVEL EMPRUNT OTTOMAN
+
+La Bourse a commencé le mois en pleine hausse, et le 5 p. 100 se cote
+triomphalement au-dessus de 93 fr. 50 c., après avoir franchi un instant
+le cours de 94 fr. Les sociétés financières ont beaucoup de capitaux
+disponibles, et tout démontre que notre épargne nationale ne demande
+qu'à entreprendre une grande et fructueuse campagne d'affaires.
+
+Le nouvel Emprunt ottoman que vient d'émettre le Crédit mobilier se
+présente donc aux souscripteurs dans les meilleures conditions
+possibles. A cet égard, on a tant médit chez nous de la Turquie et de
+l'homme malade, qu'il importe, au point de vue de l'exactitude des
+faits, de redresser les préjugés et les faux calculs qui se glissent
+injustement dans l'opinion.
+
+Il suffît d'ailleurs de rappeler le résultat des emprunts antérieurs
+pour éclairer les capitalistes sur ce qu'on doit attendre de l'émission
+nouvelle. Si nous nous demandons ce qu'ont produit les emprunts
+antérieurs de la Turquie, nous resterons convaincus que l'Empire
+ottoman, la France et les souscripteurs n'ont eu qu'à s'en féliciter.
+
+Pour la Turquie,--comment ne pas s'apercevoir que, depuis vingt ans que
+la Turquie a commencé ses emprunts, le revenu de la Sublime-Porte a
+presque triplé, et il est encore aujourd'hui en pleine marche
+ascendante. Ces emprunts ont donc été une semence qui a surabondamment
+fructifié, et la Turquie, nous devons le dire, n'a fait que toucher
+encore aux immenses richesses qu'elle veut aujourd'hui mettre en valeur.
+
+Pour la France,--on peut dire, sans doute, qu'elle a beaucoup perdu dans
+les valeurs étrangères; mais il n'est que juste de reconnaître que
+l'Empire ottoman ne lui a rien fait perdre, et ses placements en Turquie
+sont au nombre de ceux qui ont facilité, dans ces deux dernières années,
+le paiement de l'indemnité de guerre. C'est en vendant ses valeurs
+étrangères que la France a pu conserver une bonne partie de son
+numéraire.
+
+Pour le public,--la Turquie est un des pays qui ont compensé pour notre
+épargne les pertes qu'elle a subies. Les valeurs turques rapportent 10
+p. 100, et les Obligations que le Crédit mobilier vient d'émettre
+rapporteront, en comptant toutes leurs bonifications, 12 p. 100. C'est
+là, on le comprendra, un motif suffisant pour expliquer l'empressement
+des souscripteurs.
+
+Léon Creil.
+
+
+
+[Illustration: EXPOSITION DE VIENNE.--Les appareils distillatoires de M.
+Savalle.]
+
+APPAREILS SAVALLE POUR LA DISTILLATION
+
+De nombreux appareils de distillation ont été envoyés à l'Exposition de
+Vienne: mais là encore, la France remporte un succès incontestable, par
+l'exposition de la maison D. Savalle fils et Cie, de Paris.
+
+Le jury des récompenses a décerné à cette maison une médaille de
+progrès, et certes elle était bien méritée; nous dirons même que le jury
+eut pu faire quelque chose de plus, en considération des services rendus
+et des nombreux perfectionnements réalisés par M. Désiré Savalle depuis
+1867.
+
+Pour donner une idée de l'importance des travaux exécutés par la maison
+Savalle, nous citerons la puissance du travail des nombreuses usines
+installées par elle dans les diverses contrées du globe. Cette puissance
+représentait en 1872 une production journalière de un million et demi de
+litres d'alcool: dans ce chiffre, la production du 3/6 de mélasses entre
+pour 555,111 litres, et celle du 3/6 de betteraves pour 572,800 litres.
+Le surplus représente la production des alcools de pommes de terre, des
+alcools de grains, de vins, et la production des rhums par les appareils
+Savalle.
+
+Pendant l'Exposition de Vienne, vingt-huit appareils de grande dimension
+ont déjà été vendus; ils représentent une valeur de plus de huit cent
+mille francs.
+
+Ces appareils sont destinés aux contrées ci-après, pour:
+
+ L'Égypte (pour les usines du khédive). 5 appareils.
+ La Russie. 4 --
+ La Hollande 1 --
+ Le Portugal 2 --
+ L'Autriche 2 --
+ La France 7 --
+ Rio-Janeiro 1 --
+ L'Angleterre 1 --
+ L'Allemagne 1 --
+ La Bavière rhénane 2 --
+ L'Espagne 1 --
+ Total des appareils vendus pendant
+ l'Exposition 27
+
+C'est la maison Savalle qui, la première, a importé la distillation de
+la betterave en Autriche et y a installé les distilleries de ce genre
+qui existent aujourd'hui.
+
+Les personnes intéressées à la question distillerie feront bien de se
+procurer chez M. Georges Masson, éditeur, 17, place de
+l'École-de-Médecine, à Paris, la brochure de M. Désiré Savalle,
+intitulée: _Progrès récents de la distillation_; elles y trouveront des
+renseignements précieux sur la distillation de toutes les matières
+alcoolisables, et sur de nouveaux appareils appliqués à la fabrication
+de couleurs d'aniline et à l'épuration des méthylènes.
+
+
+
+Rébus
+
+[Illustration.]
+
+
+EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:
+
+Avant dîner et après un grand chagrin, l'appétit est coupé.
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1598, 11 octobre
+1873, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, 11 OCTOBRE 1873 ***
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+1.E.8.
+
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+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this
+agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm
+electronic works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the
+Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
+of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual
+works in the collection are in the public domain in the United
+States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
+United States and you are located in the United States, we do not
+claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
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+Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1598, 11 octobre 1873, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
+other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
+whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
+the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
+www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
+to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
+
+Title: L'Illustration, No. 1598, 11 octobre 1873
+
+Author: Various
+
+Release Date: November 27, 2014 [EBook #47477]
+
+Language: French
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+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, 11 OCTOBRE 1873 ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+
+
+ <p>L'ILLUSTRATION<br>
+
+JOURNAL UNIVERSEL</p>
+
+ <p>31e Année.--VOL. LXII.--N° 1598<br>
+
+SAMEDI 11 OCTOBRE 1873</p>
+
+
+
+ <p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+DIRECTION, RÉDACTION, ADMINISTRATION<br>
+22, RUE DE VERNEUIL, PARIS.
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%;">
+31e Année.VOL. LXII. N° 1598<br>
+<span class="large_ss">SAMEDI 11 OCTOBRE 1873</span>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br>
+60, RUE DE RICHELIEU, PARIS.
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+<b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br> La collection mensuelle, 3 fr.; le vol.
+semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+Abonnements Paris et départements: 3 mois, 9 fr.; 6 mois, 18 fr.; un
+an, 36 fr.;<br>Étranger, le port en sus.
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>LE PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Le Grand-Trianon.</b></p>
+<br><br>
+
+ <h3>SOMMAIRE</h3>
+
+ <p><i>Texte</i>: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
+Audebrand.--Les Théâtres.--Les Domestiques modernes, par M. Hippolyte
+Lucas.--L'esprit de Parti (suite).--Nos gravures.--Les Mystères de la
+Bourse (fin).--Bulletin bibliographique.--Revue financière.--Appareils
+Savalle pour la distillation.</p>
+
+ <p><i>Gravures</i>: Le procès du maréchal Bazaine: le Grand-Trianon.--La pêche
+des huîtres (5 gravures).--Procès du maréchal Bazaine; une séance du
+Conseil de guerre siégeant à Trianon.--Nuka-Hiva: la reine Vaékéhu;--La
+reine Vaékéhu et ses fils.--Le déjeuner, d'après le tableau de M.
+Garaud.--Exposition universelle de Vienne: les appareils distillatoires
+de M. Saville.--Rébus.</p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3>
+
+ <h4>FRANCE</h4>
+
+ <p>Depuis la semaine dernière, un certain désarroi semble s'être mis de
+nouveau dans les affaires de la fusion qui paraissaient cette fois
+définitivement arrangées, ou à peu près. Tous les journaux du parti
+triomphaient. C'était trop tôt, paraît-il, ou peut-être prenaient-ils
+leurs désirs pour la réalité. Peut-être, aussi jugeaient-ils qu'ils
+avaient intérêt à ne pas dire toute la vérité. Dans ce cas, ils avaient
+tort; car s'il est un devoir qui s'impose aux journaux dans les
+circonstances actuelles, c'est celui de ne pas tromper le public. Or,
+c'était le tromper que de proclamer à son de trompe que le centre droit
+se trouvait en pleine conformité d'opinion et d'action avec la droite,
+quand, en réalité, chacun maintient ses positions, et qu'on n'est pas
+plus avancé qu'au premier jour; c'était le tromper que d'affirmer que la
+question du drapeau ne soulevait plus de difficultés, quand il est vrai
+que, sur ce point, l'<i>Union</i> le dit et doit être bien informée,
+«l'accord n'est pas fait». Non-seulement on est divisé encore sur la
+question du drapeau, mais on ne s'entend même pas sur les principes
+fondamentaux de la monarchie à restaurer.</p>
+
+ <p>Un événement important est venu ajouter à ce désarroi. C'est la
+publication d'une lettre adressée par M. Thiers à M. Bernard, maire de
+Nancy. Voici cette lettre datée du 29 septembre, dans laquelle l'ancien
+Président de la république décline l'invitation qui lui avait été faite
+de se rendre à Nancy. M. Thiers redoute l'agitation à laquelle pourrait
+donner lieu son voyage dans une ville qui l'appelle et qui se préparait
+à lui faire un sympathique accueil. «Sans doute, écrit M. Thiers, il est
+des calomnies qu'il faut savoir mépriser; sans doute aussi, au sein d'un
+pays qui serait fait aux m&oelig;urs de la liberté, l'agitation serait
+permise dans un moment où sans consulter la France, on prétend décider
+de ses destinées.» On voit que le chef de l'opposition n'est point la
+dupe des phrases toutes faites ni des hypocrites conseils par lesquels
+on voudrait enchaîner la protestation légitime de la moitié des
+représentants de la nation. S'il s'abstient d'aller soulever et
+recueillir à travers la France les ovations qui l'attendent et qui dans
+sa personne salueraient la république conservatrice, c'est parce qu'il
+le juge utile à la cause même de cette république. Les adversaires des
+«institutions existantes» auraient donc tort de compter sur le silence
+et la neutralité de M. Thiers; M. Thiers parlera, il agira! «Bientôt,
+écrit-il, nous aurons à défendre non-seulement la république qui, pour
+moi, reste le seul gouvernement capable de rallier, au nom de l'intérêt
+commun, les partis si profondément divisés, et qui seule peut parler à
+la démocratie avec une autorité suffisante... Nous aurons à défendre
+tous les droits de la France, ses libertés civiles, politiques et
+religieuses, son état social, ses principes qui, proclamés en 1789, sont
+devenus ceux du monde, entier.»</p>
+
+ <p>Il n'en faut donc plus douter; un combat, une bataille solennelle et
+décisive se prépare. Dans cette bataille, tous les fils de la Révolution
+combattront sous le même drapeau,--le drapeau tricolore, accepté sans
+réserve, ni restrictions d'aucune sorte, ni «mensonge», pour employer
+l'expression énergique de M. Thiers; ils combattront enfin sous les
+auspices et sous la conduite du libérateur du territoire. Ce n'est pas
+la première fois qu'en face de l'ancien régime, M. Thiers aura levé
+courageusement l'étendard de la Révolution de 1789; ce n'est pas la
+première fois qu'il aura pris les initiatives hardies et généreuses, et
+que la nation aura répondu à son appel. «La parole est à la France»,
+écrivait naguère M. le comte de Chambord. Il ne restait plus qu'à savoir
+ce que disait et voulait la France: nous allons bientôt le connaître.</p>
+
+ <p>Avec cette, lettre, presque aussitôt suivie des déclarations
+républicaines des membres les plus considérables et les plus considérés
+du centre gauche, l'événement de la semaine a été l'ouverture, au
+Grand-Trianon, du procès du maréchal Bazaine, sous la présidence de M.
+le duc d'Aumale.</p>
+
+ <p>La loi veut que tout chef de corps qui capitule soit appelé à rendre
+compte de sa conduite au même titre qu'un commandant de vaisseau est
+appelé à rendre compte de la perte du bâtiment qui lui était confié.</p>
+
+ <p>Ce n'est pas seulement le maréchal Bazaine, mais ce sont tous les
+commandants des places de l'Est ayant capitulé dans la dernière guerre
+qui ont été soumis à cette loi et qui ont rendu compte de leur conduite
+devant un conseil d'enquête que présidait le maréchal
+Baraguey-d'Hilliers, assisté de quatre officiers généraux.</p>
+
+ <p>On peut se rappeler ce qu'ont été les avis émis par ce conseil
+d'enquête, car ces avis ont, en vertu d'une loi spéciale, été livrés à
+la publicité. Ces avis ont été sévères, à des degrés différents, pour
+presque tous les commandants de place, sauf pour l'officier qui
+commandait la petite place de Bitche.</p>
+
+ <p>Pour le maréchal Bazaine le blâme a été énergique, et surtout motivé de
+telle façon que l'Assemblée nationale comprit la nécessité d'exercer
+dans toute leur étendue les droits sévères qui lui étaient conférés en
+décrétant, dans sa séance du 16 mai 1872, la mise en jugement du
+maréchal Bazaine.</p>
+
+ <p>C'est en conséquence de cette décision que le ministre de la guerre
+délivra un ordre d'informer.</p>
+
+ <p>Le général Rivière, chargé de l'instruction, a entendu plus de 500
+témoins. Son avis a été, après de longs mois de travail, que le maréchal
+devait être renvoyé devant la justice militaire pour y être jugé.</p>
+
+ <p>L'avis du général Rivière a ensuite été soumis au ministre de la guerre
+avec toutes les pièces à l'appui. C'est donc en conformité de cet avis,
+rendu après celui du conseil d'enquête, que le ministre de la guerre
+s'est décidé à convoquer le conseil qui vient de se réunir pour juger le
+maréchal Bazaine.</p>
+
+ <p>Les deux articles visés dans le rapport sont les articles 209 et 210 du
+Code militaire, ainsi conçus;</p>
+
+ <p>«Art. 409.--Est puni de mort avec dégradation militaire tout gouverneur
+ou commandant qui, mis en jugement après avis d'un conseil d'enquête,
+est reconnu coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, et rendu la place
+qui lui était confiée sans avoir épuisé tous les moyens de défense et
+sans avoir fait tout ce que prescrivaient le devoir et l'honneur.»</p>
+
+ <p>«Art. 210.--Tout général, tout commandant d'une troupe armée qui
+capitule en rase campagne est puni 1º de la peine de mort avec
+dégradation militaire si la capitulation a eu pour but de faire poser
+les armes à sa troupe, ou si, avant de traiter verbalement ou par écrit,
+il n'a pas fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l'honneur; 2º
+de la destitution dans tous les autres cas.»</p>
+
+ <p>Rien n'est modifié dans le nombre de voix nécessaires pour la
+condamnation. Il y a sept juges, il faut cinq voix pour la condamnation.
+Si l'accusé n'a que deux voix pour lui sur sept, il est condamné; s'il
+en a trois, il est acquitté.</p>
+
+ <p>Aucune récusation n'est permise à l'accusé. II n'a que le recours en
+révision.</p>
+
+ <p>Le conseil de guerre a déjà tenu trois audiences au moment où nous
+traçons ces lignes, et ces trois audiences ont été presque exclusivement
+consacrées à la lecture, qui n'est pas encore terminée, du rapport du
+général Rivière. Ce rapport très-net et très-bien fait, est, disons-le,
+accablant pour le maréchal. On n'attend pas de nous que nous le
+reproduisions, même en substance, vu sa longueur. Ce serait un travail
+long, difficile, et qui resterait, malgré tout, incomplet! De tels
+documents d'ailleurs demandent à être lus <i>in extenso.</i> Nous renvoyons
+donc nos lecteurs aux journaux quotidiens.</p>
+
+ <h4>ESPAGNE</h4>
+
+ <p>Les cortès se sont prorogées le 20 septembre jusqu'au 2 janvier
+prochain, laissant le chef du pouvoir exécutif, M. Emilio Castelar,
+investi d'une dictature sans limites.</p>
+
+ <p>Les efforts du gouvernement, qui semble entretenir l'espoir d'une
+reddition volontaire des insurgés de Carthagène, se concentrent
+principalement sur le renforcement des différents corps d'armée tenus en
+échec par les carlistes dans les provinces septentrionales. Déjà le
+général Moriones a pris le commandement provisoire de l'armée du Nord,
+dont le commandant définitif doit être, dit-on, le maréchal Serrano; le
+général Turon est allé se mettre à la tête des troupes de la Catalogne.</p>
+
+ <p>Bilbao est toujours cerné par les carlistes, qui, par contre, auraient
+abandonné l'attaque de Tolosa pour se replier dans les montagnes de la
+Navarre, à l'approche des renforts amenés par le général Moriones.</p>
+
+ <p>Les insurgés de Carthagène ont mis à exécution la menace dont
+l'intervention des amiraux étrangers avait jusqu'à présent fait retarder
+l'accomplissement; il ont bombardé Alicante, sous les yeux même des
+navires anglais, français et allemands, présents dans les eaux du port.
+Le 27 septembre au matin, les frégates insurgées <i>Mendez-Nunez</i> et
+<i>Numancia</i> ouvraient le feu sur le fort en ruines qui domine une partie
+de la ville et sur les fortifications qu'on avait élevées à la hâte. Les
+frégates portaient le drapeau rouge. Le <i>Fernando-el-Catolica</i>, qui les
+avait accompagnées d'abord, était allé faire à Villajoyosa, au nord
+d'Alicante, une expédition semblable à celle de las Aguilas; le <i>Tetuan</i>
+n'avait pu sortir de Carthagène, sa machine ayant refusé le service.</p>
+
+ <p>Le feu des frégates, mal dirigé, ne causa que peu de dommages; il y fut
+vigoureusement répondu par l'artillerie républicaine, commandée par ses
+anciens officiers. Près de cinq cents projectiles ont été lancés;
+plusieurs édifices, entre autres le palais du gouverneur civil, ont été
+atteints; onze personnes ont été tuées. A une heure, après une tentative
+pour s'approcher du quai, tentative que la batterie établie sur ce point
+arrêta, les frégates se retiraient, non sans avoir reçu des avaries
+notables, l'une d'elles à la remorque de l'autre.</p>
+
+ <h4>ITALIE</h4>
+
+ <p>L'anniversaire du plébiscite qui a consacré la chute du pouvoir temporel
+du pape, a été célébré jeudi 4 octobre, à Rome, au milieu de la joie
+«générale», avec force transparents représentant le roi Victor-Emmanuel,
+l'empereur Guillaume et l'empereur François-Joseph les mains
+entrelacées, force vivats en l'honneur de l'Autriche, mais surtout de la
+Prusse, et plusieurs douzaines d'orchestres faisant retentir les places
+publiques de l'air national prussien.</p>
+
+ <p>M. Minghetti paraît désireux de hâter le plus possible la convocation du
+Parlement. La nouvelle a été donnée que, dans un récent conseil des
+ministres, le gouvernement aurait décidé de clore la session actuelle de
+la Chambre et de fixer aux premiers jours de novembre l'ouverture du
+prochain Parlement. On dément aujourd'hui, à Rome, le bruit que le
+ministère ait l'intention de présenter un projet d'appendice à la loi
+sur les garanties pour régler les rapports de l'Église avec l'État.</p>
+
+ <p>Toutefois on maintient que M. Vigliani, étudie en ce moment un projet de
+loi qui, tout en respectant la liberté du clergé, marquerait le point où
+cette liberté se changerait en licence et se transformerait en délit
+commun.</p>
+
+<br><br>
+
+ <h2>Courrier de Paris</h2>
+
+ <p>Mme Marie Rattazzi est de retour; elle a repris ses réceptions. D'autres
+hésitent ou attendent. Quant à elle, à peine revenue, elle s'est
+empressée de donner à souper à ses amis. Ceux qui sont venus sont les
+mêmes qu'on voyait autour d'elle pendant le dernier hiver. On pourra
+dire que c'est un monde un peu bigarré, d'accord; il n'en faudra pas
+moins reconnaître que c'est l'amalgame le plus joyeux qu'on puisse voir.
+D'anciens dignitaires s'y montrent, d'abord comme le dessus du panier,
+des diplomates d'autrefois, un ex-chambellan, des naufragés de la
+politique, deux ou trois académiciens; au milieu de tout cela, des
+peintres, des journalistes, des musiciens, ce qu'Horace appelle
+<i>ambubaja rum collegiæ.</i> A la musique de l'hôtesse se marie la bonne
+chère; à la causerie la danse. Quand la neige poudre nos toits à
+frimais, il ne faut pas que l'hôtel soit trop morose. On improvise alors
+un petit théâtre, où la maîtresse conserve le privilège de jouer les
+premiers rôles. Au milieu de Paris, tel qu'il est en ce moment, rien de
+plus curieux qu'un tel train de vie où chaque jour se change en fête. La
+résidence de la Petite Princesse, comme on l'appelle encore, ressemble à
+une découpure du joli tableau sur lequel Watteau a jeté, il y a cent
+ans, les groupes de la Comédie italienne.</p>
+
+ <p>Ce qu'il y a de plus remarquable là-dedans, c'est que rien n'arrête
+jamais la marche de ces loisirs. Notez qu'il y a tantôt quinze ans que
+cela dure. En 1858, c'était tantôt à Aix-les-Bains, tantôt à Annecy.
+Eugène Sue est mort, par là, un jour, subitement ou à peu près; la
+Petite Princesse, qui était un peu son élève, a-t-elle pleuré? Oui,
+dit-on, mais la musique, le théâtre, les bons moments n'ont pas chômé
+pour si peu. On est revenu à Paris, on s'y est installé; on a appelé
+autour de soi des personnalités graves et l'on est parvenu à en faire
+des personnalités folâtres, Sainte-Beuve y venait, Sainte-Beuve qui
+toussait pour rire quand il faisait <i>Joseph Delorme</i>; le père Viennet y
+récitait ses fables; M. Dupin aîné y jouait au whist; on y coudoyait
+aussi le dieu Ponsard. Toutes ces étoiles ont disparu; avec elles,
+l'empire est tombé, les cousins sont partis, probablement pour toujours;
+eh bien! n'importe, la jolie vie a continué, et il y a mieux, le veuvage
+s'est présenté pour la seconde fois, la jolie vie poursuit son cours, et
+elle sera un désagréments de cet hiver.</p>
+
+ <p>La politique est partout avec ses fureurs, ses appétits, ses nuits
+blanches, ses rêves et ses déceptions. Dans les deux faubourgs, cette
+grande dame consacre son énergie à accoupler des chiffres qui se sont
+fait cinquante ans la guerre; telle autre use ses yeux et son aiguille à
+broder des cocardes. La Petite Princesse n'en est plus là, Dieu merci.
+Elle sait la fable du chien qui jette la proie pour l'ombre. Elle ne
+veut plus d'illusions. Elle s'en tient philosophiquement au plaisir qui
+se présente aujourd'hui sans s'embarrasser de ce que pourra être demain.
+«Cueille l'heure présente.» <i>Carpe diem.</i> Elle s'amuse, elle demande
+qu'on s'amuse chez elle et autour d'elle, et n'admet rien de ce qui
+serait étranger à l'action de s'amuser. A sa première soirée, on a
+beaucoup admiré son buste nouveau par Clésinger, trop décolleté,
+paraît-il, mais tout le monde sait bien aussi que c'est le genre du
+sculpteur qui a fait la <i>Femme à l'aspic.</i> Il y avait aussi un portrait
+de la même par un peintre italien.</p>
+
+ <p>A propos de princes, un de nos confrères en chronique vient de nous
+apprendre de quelle façon comique le gardien du château d'Amboise a été
+récemment congédié. On doit se rappeler que ce vieux nid de vautour,
+bâti sur le haut d'un roc, théâtre de tant de drames, de fêtes et de
+crimes, appartient aujourd'hui à la famille d'Orléans. C'est pour cette
+raison que Louis-Philippe avait fait de ces murs de granit la prison
+d'Abd-el-Kader et de toute sa smalah. En décret de Napoléon III avait
+bien confisqué Amboise, mais l'Assemblée nationale a biffé la
+disposition qui concerne ce domaine. Or, il y a quelque temps, un jeune
+couple s'abattait au milieu des galeries en ruines. Mari et femme, ils
+avaient tout visité, la merveilleuse chapelle dans laquelle Charles XIII
+s'est marié, le parc au milieu duquel on voit le tombeau de Léonard de
+Vinci, l'incomparable voie souterraine qu'on parcourait en carrosse avec
+des flambeaux. Il ne restait plus à voir que le balcon, où la tradition
+dit que La Renaudie et ses compagnons ont été pendus. Voulant d'ailleurs
+jouir du point de vue qu'on a de là sur la Loire, le jeune étranger
+ouvrit brusquement une des fenêtres.</p>
+
+ <p>--Eh! là-bas, s'écria le gardien en s'avançant, dites donc, vous, fermez
+donc cette fenêtre, que vous venez d'ouvrir sans ma permission.</p>
+
+ <p>--Mon brave homme, répondit le jeune monsieur, je suis ici chez moi; je
+m'appelle le comte de Paris.</p>
+
+ <p>Il se peut que le fait soit vrai, mais si le gardien a été congédié, c'a
+été pour avoir dit autre chose.</p>
+
+ <p>Pas plus tard que l'an dernier, le hasard m'ayant poussé par là, ce même
+gardien, le cicérone le plus discret qu'on ait jamais vu, nous exposait
+à un officier d'artillerie et à moi tout ce qui s'était passé de
+mystères dans cet endroit terrible. Il nous disait les visites soudaines
+de Louis XI, escorté de Tristan l'Hermite, son compère; il nous
+racontait l'arrivée soudaine d'Henri III amenant lui-même ses
+prisonniers après avoir assassiné les Guises à Blois. Tout à coup il
+nous fit entrer dans la partie du château qui est demeurée la plus
+habitable.</p>
+
+ <p>--Ah! quant à ça, reprit-il, ça n'est plus du moyen âge, c'est du
+moderne. Ces magnifiques galeries, vous le voyez, ont été découpées en
+une multitude de petits cabinets à la parisienne, des cages à poulets.
+Ainsi l'a voulu, sur la fin du règne de Louis XVI, un certain prince de
+Penthièvre, le propriétaire du temps. Le pauvre homme! la pauvre
+cervelle! Ses petites bâtisses ont masqué les salamandres, les fleurs de
+lis, les grandes moulures. C'était un bourgeois, ce Penthièvre et, par
+dessus le marché, il avait le désagrément d'être le beau-père d'un assez
+mauvais garnement appelé, je crois, Philippe-Égalité. Pour ne parler que
+d'architecture, il n'y entendait goutte. Tenez, quand Napoléon III a
+passé par ici, je lui ai montré tout ça, le chef-d'&oelig;uvre du Penthièvre.
+Il en riait comme moi. Je vous laisse à penser si l'empereur et moi nous
+nous sommes fait alors une pinte de bon sang.</p>
+
+ <p>Il n'y aurait rien de risqué à supposer que notre susdit gardien qui
+faisait ce boniment à tous ceux qui visitaient le château, l'a répété au
+comte et à la comtesse de Paris. On conçoit dès lors le dénoûment
+annoncé par notre confrère en chronique, c'est-à dire la destitution de
+l'homme qui a la langue trop bien pendue.</p>
+
+ <p>Un peintre de talent vient de disparaître; Edwin Landseer vient de
+mourir à l'âge de soixante-six ans; c'est une perte pour l'Angleterre
+qui ne donne pas souvent naissance à des artistes de cette trempe. Peu
+d'<i>animaliers</i> auront produit autant de sensation. Edwin Landseer ne
+manquait pas de défauts sans doute; il voyait les choses trop en joli.
+Toutes les scènes qu'il décrivait étaient d'une propreté irréprochable;
+ses basses-cours avaient l'air d'un boudoir; chacune de ses écuries peut
+lutter d'élégance avec le salon d'une lady. Et ses chevaux! et ses
+chiens! quelles bêtes toujours soigneusement brossées, lustrées, cirées,
+époussetées! Cinq ou six de ses tableaux, reproduits par la gravure,
+sont répandus à profusion dans les deux mondes. Tels sont <i>Les chiens du
+mont Saint-Gothard (1829), La chasse aux faucons (1832), Les animaux à
+la forge (1835), Sauvé!</i> (une très-belle scène d'inondation qui date de
+1856).</p>
+
+ <p>Celle de ses toiles qui a obtenu le plus de succès est une page
+familière de la vie de l'auteur d'Ivanohé. Qui n'a vu <i>Sir Walter Scott
+et ses chiens?</i> Le laird d'Abbotsford, sa belle tête carrée, si
+puissante et si calme, son &oelig;il si vif, tout cela s'harmonisant à
+merveille au milieu de ces beaux peintres d'Écosse dont le grand
+romancier avait voulu faire ses meilleurs amis. Assurément le jour où
+Landseer a composé cette scène, il a fait un tableau d'histoire. Nous
+n'aimons plus les parallèles; nous ne sommes plus à l'époque des
+pendants, mais combien on aurait aimé à voir, en regard de sir Walter
+Scott et ses chiens, lord Byron et son ours à Newstead-Abbey! Mais
+lorsque le fou sublime qui devait écrire <i>Don Juan</i> menait la vie
+romantique dans son château, Edwin Landseer n'était encore qu'un enfant
+et s'exerçait à peine à tailler ses crayons.</p>
+
+ <p>Nos voisins d'outre-Manche ont une qualité dont on ne saurait trop faire
+l'éloge. Une fois le talent admis par eux, consacré par la Renommée et
+ses trompettes, ils lui jettent l'or à pleines mains. Edwin Landseer a
+pu voir quelle différence il y avait entre la réputation dans la
+Grande-Bretagne et la réputation en France. Chez nous, ce n'est le plus
+souvent qu'un vain bruit, sauf annexe, sans couronnement d'aucune sorte;
+chez les Anglais, c'est la conquête de toutes les jouissances sociales,
+une maison, une famille, la vie intime s'appuyant sur la richesse, ou,
+pour le moins, sur l'abondance. Ce peintre qui faisait si bien les
+chiens et les chevaux pouvait s'acheter, à son tour, une résidence,
+mieux qu'un cottage, un beau toit d'ardoises au milieu des prés, une
+écurie, un chenil, des poules, un étang, des bois dont l'ombre et le
+murmure lui appartenaient. Tous ces <i>boni</i> de la gloire ne le mettaient
+pas, il est vrai, à l'abri des malignités de la critique; mais quel est
+l'heureux du monde que l'épigramme des contemporains a jamais épargné?</p>
+
+ <p>«Votre Landseer, écrivait un jour une feuille satirique, il a du talent,
+du talent sans aucun doute, mais toujours, toujours le même talent. Il
+fait des chiens et des chevaux, rien que des chevaux et des chiens. On
+prétend qu'il a fait une fois un cerf; ce devait être pendant l'année de
+la comète. Ça ne s'est pas renouvelé. En certain jour, lord Devons.... a
+voulu lui faire faire le portrait d'un très-joli cochon blanc et rose
+dont il est l'inventeur; Landseer s'est mis à l'&oelig;uvre, et, au bout du
+compte, son cochon, était un chien. N'est-ce pas à donner envie de le
+mordre?»</p>
+
+ <p>Puisque tout change sans cesse autour de nous, il faut bien admettre
+qu'il y a aussi une mobilité raisonnable dans ce que Talleyrand
+appelait: <i>Le grand art de la gueule</i>. On ne mangeait plus du temps de
+Scarron comme on avait mangé à l'époque de Rabelais. On ne dînait déjà
+pas avec Brillat-Savarin, sous la Restauration, comme on avait dîné avec
+Barras, sous le Directoire. Tout cela pour vous dire qu'on s'occupe en
+ce moment même de codifier la table, ses frontières, ses lois et sa
+pénalité. Le dernier <i>Code gourmand</i>, qui est d'Horace Raisson, le
+premier collaborateur d'H. de Balzac, date de 1827, c'est-à-dire qu'il
+est âgé d'un demi-siècle. Evidemment c'est un code à mettre à la
+réforme.</p>
+
+ <p>Avant que ce livre typique ne soit remplacé par celui qu'on prépare, il
+est tout simple qu'on jette sur son contenu un dernier coup d'&oelig;il, une
+sorte d'adieu. En trois cents pages il résumait toute la science éparse
+dans les admirables préceptes de l'École de Salerne, dans Berchoux, dans
+Henrion de Pansev, dans Brillat-Savarin, déjà nommé, dans Carême, dans
+les cinquante tomes qui forment les Annales du Caveau, et, en un mot,
+dans les &oelig;uvres succulentes de tous ceux qui se sont religieusement
+occupés de faire de la table,--ce qu'elle doit être,--le pivot de la
+civilisation moderne. Que de choses curieuses dans ce vieux livre! mais
+aussi que de choses que nous ne comprenons déjà plus! Ainsi, sous forme
+d'annotation, le <i>Code gourmand</i> cite deux vers du Don Juan de Byron:</p>
+
+ <p>«Rien de plus délicieux dans la vie que le coin du feu, une salade de
+homards, du champagne et la causette.»</p>
+
+ <p>Du champagne, même du Moël, en même temps que la salade de homards, cela
+serait considéré de nos jours tout à la fois comme une hérésie et comme
+un barbarisme.--Mais voyez la contradiction! Byron est le même qui
+écrivait de Venise à Thomas Moore: «Ah! mon ami, pourquoi faut-il qu'on
+mange? Manger, boire; boire, manger, c'est travail de bête! Le bruit de
+la mastication et de la trituration est celui qui m'afflige le plus. Je
+ne puis surtout me décider à voir manger les femmes. Si la belle mâchait
+un os de poulet à côté de moi, je serais capable de la poignarder avec
+ma fourchette!»--Voilà encore une chose que le temps a bien changé.
+Aujourd'hui la mode est que les femmes mangent beaucoup.--Que l'ombre du
+grand poète vienne faire un tour à Paris un de ces soirs, à l'heure où
+les cabarets allument les bougies, et elle en verra de drôles sous ce
+rapport!--Non-seulement les femmes mangent grandement, mais elles
+commencent à boire avec une certaine bravoure. Il y a mieux, c'est une
+fort jolie femme, une actrice qui a déterré dans une lettre de Voltaire
+à d'Alembert ce tronçon de prose: «Je ne connais de sérieux ici-bas que
+la culture de la vigne.»</p>
+
+ <p>Pour en finir avec le <i>Code gourmand</i> en train de trépasser, je
+signalerai encore une proposition surannée de cet ouvrage. A la page 180
+on lit ce qui suit; «Quand vous verrez un poète boire de l'eau pendant
+tout le dîner, pariez hardiment que c'est un poète didactique.» Or, les
+contemporains ont pu être témoins de plusieurs faits qui battaient cette
+manière d'aphorisme en brèche: 1º Béranger buvait de l'eau; M. Ernest
+Rendu le lui a même amèrement reproché: «Il chantait le vin et buvait de
+l'eau; il chantait aussi le Dieu des bonnes gens et il avait la
+simplicité de croire à ce dieu-là»; 2º Alexandre Dumas père aussi était
+un buveur d'eau (et il n'était guère didactique); 3° Par contre,
+Sainte-Beuve buvait du Chambertin, et c'était l'homme enseignant,
+l'homme des compas, des règles et des mesures.--Mais le <i>Code gourmand</i>
+de 1827 n'est plus; le <i>Code gourmand</i> de 1873 va venir en même temps
+que les vraies truffes et les bécasses. Disons comme Alceste: «Nous
+verrons bien.»</p>
+
+ <p><span class="sc">Philibert Audebrand.</span></p>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>LA PÊCHE DES HUÎTRES</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>PÊCHE A LA DRAGUE, A L'AVIRON, RIVIÈRE DU TRIEUX.</b></p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;Drague de rivière pour petites embarcations.
+
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Drague des bateaux Cancalais et Granvillais.</b></p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003a.png"><br><b>Bateaux dragueurs d'huîtres de la côte anglaise de
+Dungeness.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>Cutters pêcheurs d'huîtres de la côte de Plymouth.</b></p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>LES THÉÂTRES</h3>
+
+ <p><span class="sc">L'Opéra.</span>--<i>La Mélodie</i>, études complémentaires vocales et dramatiques de
+l'art du chant, par G. Duprez.</p>
+
+ <p>Depuis quelque temps le théâtre de l'Opéra, toujours en cherche de
+premiers sujets, nous a fait entendre des débutantes. Si nous n'avons
+pas parlé de ces tentatives de notre Académie de musique, c'est qu'elles
+n'ont pas été heureuses. Les étoiles nouvelles découvertes par M.
+Halanzier ont fait une apparition de quelques soirées au ciel de l'Opéra
+et se sont éclipsées. Ces exhibitions de talents d'une soirée n'ont pas
+eu de lendemain et les grands rôles de femme attendent toujours leur
+interprète. Mlle Ferrucci, que nous avons entendue hier dans les
+<i>Huguenots</i>, nous semble devoir être plus heureuse que ses devancières,
+et il pourrait bien se faire que l'Opéra gardât cette pensionnaire, qui,
+croyons-nous, peut lui rendre quelques services.</p>
+
+ <p>Mlle Ferrucci est une fort belle personne à laquelle l'émotion, dans
+cette première soirée, enlevait sans doute ses moyens de tragédienne
+lyrique, car elle a joué avec un embarras extrême ce grand rôle de
+Valentine; mais la débutante, dont l'organe est bien faible et bien
+insuffisant dans le registre grave, a une voix des plus heureuses et des
+mieux timbrées à l'octave supérieur. La note est claire, vibrante,
+chaleureuse; le clavier roule, résonne avec une grande égalité. Mais
+tout cela est bien loin encore de constituer un réel talent, et la
+cantatrice tant cherchée est encore à trouver.</p>
+
+ <p>Quelle cause a donc rendu si rare ce phénomène si fréquent autrefois?
+Voici M. Strakosch, l'homme à coup sur des grandes découvertes en ce
+genre; grâce à lui nous allons voir renaître ce malheureux
+Théâtre-Italien, mort faute de sujets. Eh bien, M. Strakosch lui-même
+cherche, à l'heure qu'il est, une virtuose; il nous promet de nous faire
+entendre une série de jeunes talents. A voir la liste de ses
+pensionnaires, vous diriez tout le personnel d'un Conservatoire: belles
+promesses; mais des promesses pour l'avenir. Rien qui s'impose encore
+par le talent reconnu. Les impresarii de l'autre côté des Alpes ne sont
+pas plus heureux que M. Strakosch et M. Halanzier. Un de mes amis qui
+vient de parcourir toute l'Italie n'a pas rencontré une seule chanteuse
+sur les théâtres de Milan, de Venise, de Florence et de Naples. Il ne
+faut pas s'y tromper, l'art du chant se perd de jour en jour. Et
+pourquoi? C'est que les artistes qui ne peuvent ni ne veulent attendre,
+se précipitent trop rapidement sur la scène. C'est qu'ils ébauchent à
+peine quelques études pour entrer immédiatement en jouissance des moyens
+vocaux que la nature leur a donnés. Malgré les théories nouvelles,
+l'éducation sérieuse est indispensable pour un tel art.</p>
+
+ <p>C'était l'opinion du fameux Lagingeole, de l'<i>Ours et le Pacha.</i>--Mais
+c'est merveilleux! disait Schahabaham; comment avez-vous pu rendre cet
+ours musicien?--En lui apprenant la musique. Contrairement à cette
+méthode, ce que les chanteurs apprennent le moins à l'heure qu'il est,
+c'est la musique. D'ailleurs, il ne faut pas s'y tromper, l'enseignement
+fait défaut partout. De toutes parts on le néglige. Les maîtres
+eux-mêmes semblent avoir abandonné ce travail excellent qui répandait la
+saine et robuste instruction musicale par les solfèges et les vocalises.
+Cette pédagogie de l'artiste a été délaissée. Et pourtant que d'ouvrages
+précieux elle avait produits: et les <i>Exercices et Vocalises</i>, par
+Crescentini, et les <i>Exercices</i>, de Garcia. Les variations vocales sur
+une phrase, et l'excellente <i>Méthode d'artiste</i>, de Mme Conti-Damoreau,
+et les <i>Gorgheggi e solfeggi</i>, de Rossini, les <i>Vocalises élégantes</i>, de
+Guillot de Sainbris, et enfin ce précieux <i>Recueil de Vocalises</i>, de
+Bordogni, ces morceaux d'un goût exquis, d'une science parfaite, dans
+lesquels se résumaient tout l'enseignement vocal de l'école italienne.</p>
+
+ <p>Le goût change; si parfaite que soit cette petite bibliothèque classique
+du chanteur, il faut la renouveler; aussi avons-nous ouvert avec le plus
+grand intérêt ce volume qui a pour titre: <i>La Mélodie</i>, et qui complète
+le <i>Traité de l'art du chant</i> publié par M. Duprez en 1845. M. Duprez
+est peut-être à l'heure qu'il est la seule gloire qui existe encore de
+ce grand passé qui compta tant d'illustres chanteurs. Son passage au
+théâtre a été lumineux, éclatant. Lorsque l'admirable chanteur se retira
+de la scène, son enseignement devint des plus féconds; nous lui devons
+des talents hors ligne; son école se maintint dans les doctrines les
+plus nobles et les plus pures. Elle se répandit dans le public à l'aide
+de cet art du chant que nous venons de citer; aujourd'hui il se complète
+par ces études vocales et dramatiques. Ce n'est pas seulement pour le
+clavier vocal que le maître a écrit ces exercices; si le développement
+de la voix gagne à ces études savamment dirigées, le goût du chanteur,
+dans les passions et les sentiments à exprimer, y bénéficie plus encore.
+L'enseignement s'élève au style et dans les morceaux de chant, et dans
+les études dramatiques, et dans les grands airs que M. Duprez a tirés de
+ses propres &oelig;uvres. Il y a là de fort belles pages; mais ce qui me
+frappe le plus, c'est l'habileté apportée dans cette progression
+d'études.</p>
+
+ <p>Pour donner plus d'autorité encore à cet important ouvrage, M. Duprez a
+fait un choix dans les classiques du chant. Il a cherché, en les
+transcrivant, les plus beaux morceaux des siècles passés, les plus
+grandes inspirations de ces maîtres qui ont nom: Carissimi, Cesti,
+Campra, Léo, Porpora, Pergolèse, Gluck, Sacchini, Cimarosa, Mozart,
+Méhul, et qui dans ces chefs-d'&oelig;uvre portèrent l'art du chant à sa plus
+haute et sa plus puissante expression dramatique. Cette seconde partie
+de l'ouvrage de M. Duprez forme mieux encore qu'un curieux recueil; en
+s'ouvrant à l'année 1500, pour finir avec le commencement de ce siècle,
+elle donne dans ces pages savamment choisies une sorte d'histoire de
+l'art qui se traduit elle-même par les &oelig;uvres de ses maîtres immortels.</p>
+
+ <p><span class="sc">M. Savigny.</span></p>
+
+ <p><i>P.-S.</i>--A voir mardi dans la salle Ventadour restaurée avec goût ce
+monde élégant d'étrangers et de Parisiens, on se serait cru aux beaux
+jours du Théâtre-Italien. La nouvelle direction de M. Strakosch
+s'annonce donc sous les auspices les plus favorables, puisque le public
+a répondu avec empressement à son appel. C'est à elle à répondre
+maintenant à la sympathie du public pour ce théâtre. M. Strakosch nous
+fait les plus belles promesses, et il est homme à les tenir. Si nous
+parlons de cette première soirée, c'est pour signaler l'ouverture de la
+salle Ventadour, et pour annoncer la rentrée de deux excellents
+artistes, MM. Zucchini et Delle-Sedie dans <i>Don Pasquale</i>, qu'on a fort
+applaudis l'un et l'autre. Une jeune artiste, Mlle Belval, a débuté dans
+le rôle de Norine. Mlle Belval a une voix agréable, mais bien mince.
+Elle chante avec goût; mais elle compromet un peu son succès par des
+façons un peu brusques, pour ne pas dire cavalières.</p>
+
+ <p>M. S.</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>LES DOMESTIQUES MODERNES</h3>
+
+ <p>Le duc de R...., ex-ambassadeur, ex-pair de France, ex-sénateur; et,
+plus heureusement pour lui, grand propriétaire foncier, était assis
+après son déjeuner dans son cabinet de travail, devant son bureau, les
+yeux plongés dans la lecture d'un rapport d'une des entreprises
+industrielles auxquelles il prête son concours, pour utiliser ses
+loisirs. Le duc de R... est un homme très-fin, très-expérimenté,
+très-rompu aux affaires, dont on recherche les judicieux conseils.
+C'est, en outre, un homme du plus bienveillant esprit, et d'une
+courtoisie à toute épreuve, surtout vis-à-vis de ses inférieurs. Justin,
+son valet de chambre, entra et déposa quelques brochures devant lui.</p>
+
+ <p>Le duc, au bout de quelques instants n'entendant pas Justin s'en aller,
+releva la tête, et le vit tourner sa casquette entre ses doigts comme un
+domestique embarrassé qui désirait évidemment avoir une conversation
+importante avec son maître, et qui ne savait trop par où commencer.</p>
+
+ <p>--Vous avez quelque chose à me dire, Justin?</p>
+
+ <p>--Oui, monsieur le duc, si c'est un effet de votre bonté!</p>
+
+ <p>--Parlez, quoique je sois très-occupé en ce moment.</p>
+
+ <p>Justin continuait à tourner sa casquette et se taisait.</p>
+
+ <p>--Est-ce de votre prochain mariage avec Justine, la femme de chambre de
+la duchesse, que vous voulez m'entretenir?</p>
+
+ <p>--Ce n'est pas précisément du mariage qu'il s'agit, mais c'est un peu à
+propos de ce mariage que je me décide à faire à M. le duc une
+communication.</p>
+
+ <p>--Une communication! cela annonce quelque chose de grave.</p>
+
+ <p>--Assez grave en effet!</p>
+
+ <p>Le duc le regarda Fixement et, habitué à lire dans la pensée des autres,
+lui dit;</p>
+
+ <p>--Vous venez me demander une augmentation de gages!</p>
+
+ <p>--C'est cela même, répondit Justin, soulagé d'avoir été deviné.</p>
+
+ <p>--Je vous ai pris tout enfant sur ma terre de R... Je vous ai fait
+élever; je vous ai amené un peu gauche à Paris, mais vous vous êtes
+formé vite au service, vous êtes intelligent. Je ne suis pas mécontent
+de vous. Vous avez eu douze cents francs d'abord, vous en avez dix-huit
+aujourd'hui; je porterai vos gages à deux mille francs; voyez si la
+duchesse veut faire pour Justine ce que je fais pour vous. La duchesse a
+sa fortune personnelle.</p>
+
+ <p>--Beaucoup plus considérable même que celle de M. le duc, ajouta Justin.</p>
+
+ <p>--C'est vrai, dit le duc, avec un léger mouvement de surprise.</p>
+
+ <p>--Justine est entrée chez la duchesse pour lui faire sa réclamation,
+mais nous sommes loin de compte, monsieur le duc.</p>
+
+ <p>--Comment, loin de compte? s'écria le duc avec un étonnement plus
+prononcé.</p>
+
+ <p>--Oh! oui, les gages que vous m'offrez ne sont pas en rapport avec la
+fortune de M. le duc, ni avec les règlements de l'<i>Union.</i></p>
+
+ <p>--Ma fortune, l'<i>Union!</i>... Qu'est-ce que cela veut dire?
+Qu'entendez-vous par l'<i>Union.</i></p>
+
+ <p>--L'Association générale des domestiques... M. le duc n'en a donc pas
+entendu parler. Nous avons eu déjà plusieurs assemblées... Nous avons
+fait venir de Londres un guide, un leader, un homme très-habile, un
+orateur qui s'exprime en très-bon français, et qui nous a enseigné nos
+droits...</p>
+
+ <p>--Et vos devoirs, sans doute, dit le duc à moitié étourdi par cette
+révélation inattendue.</p>
+
+ <p>--Et nos devoirs aussi. Nous devons à l'<i>Union</i> un schelling, 1 fr. 25.
+par semaine, comme en Angleterre, pour les frais généraux, et pour le
+cas où une grève serait nécessaire.</p>
+
+ <p>--Ah! c'est différent, dit le duc, qui avait repris tout son sang-froid,
+je faisais naïvement allusion à vos devoirs envers vos anciens maîtres:
+la reconnaissance, par exemple, qui a toujours passé pour une vertu.</p>
+
+ <p>--La reconnaissance abaisse la fierté de l'homme, monsieur le duc, tout
+doit se passer raisonnablement à notre époque, et si j'osais employer
+une expression toute récente, contractuellement.</p>
+
+ <p>--Et quel est le contrat que vous avez à me proposer.</p>
+
+ <p>--Ce n'est pas moi qui en ai déterminé les conditions, monsieur le duc,
+l'<i>Union</i> ne permettra pas désormais un mode de rétribution <i>ad
+libitum.</i></p>
+
+ <p>--Je m'aperçois que vous êtes devenu très-instruit, M. Justin.
+L'anglais, le latin, ne sont plus pour vous des langues étrangères.</p>
+
+ <p>--M. le duc doit être fier de ce progrès qu'il veut bien remarquer,
+puisque c'est lui qui m'a fait apprendre à lire, à écrire.</p>
+
+ <p>--Et à compter. Vous avez vraiment profité de l'éducation. Mais je suis
+curieux de savoir quel est au juste ce mode de rétribution.</p>
+
+ <p>--Ah! Il est bien simple. Un salaire proportionnel tout bonnement: cinq
+pour cent sur la fortune du maître dans les grandes maisons. Or M. le
+duc ayant cent mille francs de revenus, en bons biens au soleil, comme
+son notaire peut en témoigner, et madame la duchesse en ayant deux cent
+mille de son chef!...</p>
+
+ <p>--Cela fait que vous me demandez cinq mille francs de gages par an, et
+que Justine se hasarde à en demander dix mille à la duchesse.</p>
+
+ <p>--Voilà tout. N'est-il pas temps que, sans bouleverser la société de
+fond en comble, comme le veulent des gens avancés, l'inégalité des
+conditions humaines soit justement adoucie.</p>
+
+ <p>--Je vois avec plaisir que vous n'êtes pas encore de ceux qui demandent
+à retourner du haut en bas l'échelle sociale, et que vous n'exigez pas
+que je devienne votre valet de chambre...</p>
+
+ <p>Justin ne prit pas garde au ton railleur du duc, et crut qu'il adressait
+des compliments sincères à l'<i>Union</i> dont il était membre.</p>
+
+ <p>--Oh! nous respectons, s'écria-t-il, les faits accomplis, les positions
+acquises, tout en essayant d'améliorer notre industrie.</p>
+
+ <p>--Ne vous servez pas de ce mot d'industrie, M. Justin, on le prend
+quelquefois en mauvaise part; on en a fait un ordre, et, comme vous avez
+l'esprit très-progressif, vous pourriez être tenté d'y prendre un grade.</p>
+
+ <p>--Je voulais dire, pour améliorer nos moyens, d'existence, reprit Justin
+un peu déconcerté; mais, après tout et entre nous, M. le due, ne
+pourriez-vous pas convenir que vos aïeux ont abusé des miens...</p>
+
+ <p>--Vos aïeux, M. Justin, répondit le duc quelque peu froissé, étaient de
+bons et loyaux fermiers que mes aïeux, à moi, ont nourri dans leurs
+terres durant des siècles, et qui seraient bien étonnés de votre
+langage...</p>
+
+ <p>--Que voulez-vous! C'est le langage du jour. Les temps de sacrifice et
+d'abnégation sont passés. Chacun ne doit avoir en vue que son bien-être
+ici-bas. Si vous entendiez notre leader...</p>
+
+ <p>--Je me priverai de cette distraction.</p>
+
+ <p>Le duc avait de la peine à se contenir, mais il ne se départait pas de
+sa politesse habituelle.</p>
+
+ <p>--Finissons, dit-il en se levant, je réfléchirai.</p>
+
+ <p>Justin allait se retirer sur le geste de son maître, lorsque la
+duchesse, moins patiente que son mari, entra avec impétuosité dans le
+cabinet du duc, suivie de Justine, dont le bonnet était hardiment posé
+sur l'oreille.</p>
+
+ <p>--Croiriez-vous bien, M. le duc, dit la duchesse à demi suffoquée, que
+cette effrontée de Justine est venue me proposer d'élever ses gages à
+dix mille francs par an...</p>
+
+ <p>--Et qu'avez-vous répondu, chère amie? repartit froidement le duc.</p>
+
+ <p>--Je l'ai <i>chassée</i>.</p>
+
+ <p>--Monsieur Justin, reprit le duc en se tournant vers son valet de
+chambre d'une façon significative, les femmes mettent les points sur les
+i.</p>
+
+ <p>--Vous me chassez aussi? dit Justin.</p>
+
+ <p>--Vous savez que je n'aime pas les gros mots. Mais vous pouvez suivre
+Justine, bien digne d'être votre compagne...</p>
+
+ <p>Justine s'approcha de Justin et lui dit à l'oreille.</p>
+
+ <p>--Préviens le cocher, je vais prévenir la cuisinière, la grève va
+commencer par nous.</p>
+
+ <p>--Ils se retirèrent à reculons d'un air insolent et, sur le seuil du
+cabinet, Justin dit brusquement:</p>
+
+ <p>--On fait ce qu'on peut, pour prévenir les révolutions et voilà comment
+on est reçu!...</p>
+
+ <p>--C'est trop fort, s'écria le duc en cherchant sa canne... La duchesse
+l'arrêta.</p>
+
+ <p>Après la sortie de Justine et de Justin, le duc et la duchesse se
+regardèrent les larmes presque aux yeux; ils s'assirent et causèrent
+longtemps des jours de leur enfance, où les serviteurs de leurs nobles
+parents faisaient presque partie de la famille... Que les temps étaient
+changés!...</p>
+
+ <p>La journée s'avançait. Vers l'heure du dîner, la duchesse sonna
+machinalement, personne ne vint de la maison à son appel, si ce n'est le
+concierge resté à son poste, et qui lui apprit que la maison avait été
+désertée par tous les gens.</p>
+
+ <p>--Comment allons-nous dîner, s'écria la duchesse...</p>
+
+ <p>--Prends mon bras, lui dit galamment le duc, nous irons dîner en
+tête-à-tête dans quelque restaurant du boulevard; il faut s'accommoder à
+tout.</p>
+
+ <p>--Mais ce soir, reprit la duchesse un moment abattue, comment me passer
+des soins de ma femme de chambre...</p>
+
+ <p>--Je vous demanderai la permission de la remplacer, reprit le duc, et il
+lui serra affectueusement la main; ils sortirent à pied, et je les
+rencontrai chez Brébant. C'est ce qui fait que j'ai su cette histoire un
+des premiers.</p>
+
+ <span class="sc">Hippolyte Lucas.</span>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>L'ESPRIT DE PARTI</h3>
+
+ <h4>LE CHARIVARI</h4>
+
+ <h4>1832</h4>
+
+ <p>On a tort de prétendre que la Restauration ne protégeait pas
+l'industrie. Elle était trop dévote pour ne pas encourager les
+fabriques.</p>
+
+ <p>Il y a, prétend Odry, cette différence entre les moutons et les valets
+du ministère qu'on marque les premiers quand ils sont à vendre et les
+seconds quand ils sont vendus.</p>
+
+ <p>Monsieur le président de la Chambre a dit avant-hier: «Je mets aux voix
+le chiffre le plus élevé.» Une faute typographique lui fait dire dans un
+journal ministériel: «Je mets les voix au chiffre le plus élevé.»</p>
+
+ <p>On suspend les pièces qui déplaisent; on suspend les journaux qui
+gênent. La censure est décidément commuée en suspension.</p>
+
+ <p>Si le peuple, disait hier un député, s'avisait à son tour de suspendre
+tout ce qui le froisse, le budget pourrait bien être suspendu.--«Dieu
+nous en préserve, répondit M. de Corcelles, il est déjà bien assez
+élevé.»</p>
+
+ <p>Un inventeur de nouvelles lampes dit dans son prospectus, pour les faire
+valoir, qu'elles servent à l'éclairage du bureau de la Chambre des
+députés. C'est une triste recommandation.</p>
+
+ <p>Un journal ministériel dit ce matin que la monarchie est le seul remède
+qui puisse guérir les maux de la France. Il n'y a pourtant que les
+imbéciles qui croient encore à la médecine <i>Leroi.</i></p>
+
+ <p>S. M. Louis-Philippe vient de donner son..... nom à une nouvelle rue.</p>
+
+ <h4>1833</h4>
+
+ <p>On assure qu'il a été question au parquet de saisir le <i>Journal du
+Commerce</i>, à cause d'une annonce qui commence ainsi: «Tous les fruits
+verts et notamment la poire, ne seront pas de conserve cette année.»</p>
+
+ <p>On nous dit que la République pâlit. C'est probablement qu'elle n'a pas
+à rougir comme certaines gens.</p>
+
+ <p>Nous jouissons d'une <i>immense</i> liberté...</p>
+
+ <p>N. B.--Ce <i>carillon</i> est de M. de Broglie.</p>
+
+ <p>M. Thiers a dit: «J'ai une foi absolue dans la durée du système que j'ai
+l'honneur de servir.»--Il faut que M. Thiers soit bien crédule.</p>
+
+ <p>Nous n'avons jamais été moins libres que depuis que nous vivons sous la
+meilleure des républiques. On a bien raison de dire que le mieux est
+l'ennemi du bien.</p>
+
+ <p>Le juste milieu est gardé à Paris par l'amour des citoyens et par six
+régiments d'infanterie, quatre de cavalerie et deux d'artillerie.</p>
+
+ <p>Un journal ministériel dit ce matin qu'en fait de République la
+meilleure ne vaut rien. C'est ce que nous répétons tous les jours à ceux
+qui prétendent que nous vivons sous la meilleure des républiques.</p>
+
+ <p>Eh bien! que dites-vous de la mère de votre roi? demandait dernièrement
+M. de Schossen à M. Berryer.--Et vous, répliqua celui-ci, que dites-vous
+du père du vôtre?... (<i>Historique.</i>)</p>
+
+ <p>A propos des bruits qui courent sur l'intention qu'aurait le juste
+milieu d'employer quelque jour contre le peuple les nouvelles
+fortifications de Paris, le <i>Journal des Débats</i> s'écrie:
+«S'imagine-t-on donc avoir à faire à un <i>despote imbécile?</i>» A un
+despote non.</p>
+
+ <p>On assure que l'on va abolir le bureau des longitudes pour le remplacer
+par un autre beaucoup plus convenable sous l'ordre de chose actuel,
+c'est-à-dire par un bureau des <i>platitudes.</i></p>
+
+ <p>Désormais le juste milieu nous parlera par la bouche.... des canons.</p>
+
+ <p>Les forts autour de Paris seront <i>détachés.</i> C'est comme les cours.</p>
+
+ <p>Voici comment les choses se passeront dans l'affaire des fortifications
+de Paris: d'abord le corps de la place, puis un épaulement, puis un
+rempart, puis un fossé, et au bout du fossé...</p>
+
+ <p>Avant-hier la monarchie citoyenne a reçu la visite de M. Vitet,
+l'inspecteur des ruines.</p>
+
+ <p>Il n y a rien de tel qu'une <i>clef d'or</i> pour ouvrir et fermer une
+chambre à volonté.</p>
+
+ <p>Un journal ministériel s'étonne qu'il se rencontre des gens qui osent se
+moquer de la majorité; car jamais, ajoute-t-il, on ne vit de Chambre
+plus <i>imposante</i>. C'est précisément ce dont se plaignent les
+contribuables.</p>
+
+ <p>La Gaîté nous annonce une prétendue première représentation de <i>la Fête
+du voleur</i>. Il nous semble que nous avons déjà vu quelque chose dans ce
+genre (1).</p>
+
+ <blockquote><b>Note 1:</b> Ce carillon est du 5 mai. Quatre jours par conséquent après la fête du roi.</blockquote>
+
+ <p>Sur toutes les scènes à présent, le beau rôle est pour les voleurs. On
+sait que le théâtre a la prétention d'être le miroir de l'époque.</p>
+
+ <p>Sa Majesté doit, dit-on, partir pour les départements le 20 mai. Les
+préfets ont déjà reçu l'ordre de préparer l'enthousiasme et d'organiser
+l'ivresse.</p>
+
+ <p>Il a fallu à Lyon mettre en réquisition l'artillerie et les baïonnettes
+pour empêcher la République d'héberger ses amis. On ne sera jamais
+obligé, pour un pareil motif, d'en venir à ces extrémités à l'égard de
+la royauté citoyenne.</p>
+
+ <p>Le grand Turc vient d'accorder une amnistie pleine et entière à tous les
+prévenus des délits politiques. Ceci est une nouvelle preuve que
+l'influence du gouvernement français est nulle à Constantinople.</p>
+
+ <p>On sait que le savetier de La Fontaine ne chanta plus dès qu'il fût
+devenu riche. Si l'accumulation des écus produit cet effet, il ne faut
+pas s'étonner que certain gros et gras personnage ait cessé ses refrains
+patriotiques.</p>
+
+ <p>Le <i>Constitutionnel</i> signale l'existence d'un nouveau <i>banc d'huîtres.</i>
+Il veut sans doute parler d'une banquette qui vient d'être ajoutée au
+centre de l'enceinte législative au Palais-Bourbon.</p>
+
+ <p>L'autre jour un amateur, arrêté devant les carreaux d'Aubert, ayant vu
+un certain personnage appuyé sur un énorme coq, s'écria en poussant son
+voisin:--«Voilà un fameux coq, hein?»</p>
+
+ <p>La saisie de la <i>Tribune</i> nous a beaucoup étonnés; nous ne pensions plus
+qu'il était possible d'exciter à la haine et au mépris du gouvernement
+du roi.</p>
+
+ <p>On a bien tort de dire que l'ordre de choses n'a pas de tendresse pour
+Paris. C'est, au contraire, pour lui qu'il réserve tous ses feux.</p>
+
+ <p>On est étonné qu'un gouvernement qui absorbe tant de millions ait si peu
+de valeur.</p>
+
+ <p>On disait autrefois: «Pour faire la guerre, il faut de l'argent, de
+l'argent, et encore de l'argent.»--L'ordre de choses emploie la même
+recette pour la paix.</p>
+
+ <p>Le jour de l'inauguration de la statue de Napoléon sur la place Vendôme
+bien des gens n'étaient pas de l'avis du bon Lafontaine quand il dit:
+Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré.</p>
+
+ <p>La France ne songe qu'à recouvrer ses frontières. L'ordre de choses
+pense à recouvrer ses écus.</p>
+
+ <p>Le juste-milieu ressemble à ces poltrons qui se sont fait de mauvaises
+affaires et que la pour force à garder la <i>chambre.</i></p>
+
+ <p>M. Thiers soutient qu'en fait d'impôts il ne faut pas négliger les
+petites tailles.</p>
+
+ <span class="sc">Jules Rohaut.</span>
+
+ <p>(A suivre.)</p>
+
+ <br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE UNE SÉANCE DU CONSEIL DE
+GUERRE SIÉGEANT A TRIANON.</b></p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>NOS GRAVURES</h3>
+
+ <h4>Trianon</h4>
+
+ <p>Le 6 octobre, il y avait à Versailles un mouvement inusité. Depuis les
+vacances de l'Assemblée nationale, jamais le chemin de fer n'avait
+déposé à la gare de cette ville un pareil nombre de visiteurs, bien que
+ce nombre fut relativement restreint.</p>
+
+ <p>Mais le flot ne faisait que passer.</p>
+
+ <p>A peine arrivé, il repartait dans la direction du château, envahissait
+le parc peuplé de déesses de marbre et de bronze, traversait les grandes
+prairies plantées d'arbres superbes, et s'écoulait finalement le long du
+bras septentrional du grand canal pour venir enfin s'arrêter devant le
+Grand-Trianon, ce charmant château, élevé sous Louis XIV par Mansard, au
+milieu des massifs de verdure et des pelouses.</p>
+
+ <p>Le Grand-Trianon, un beau jour, on ne sait pourquoi, avait pris la place
+de la <i>maison de porcelaine</i>, une bonbonnière bâtie vingt ans auparavant
+pour Mme de Montespan. Mais alors Mme de Montespan avait perdu l'oreille
+et le c&oelig;ur du roi; et, de même que Mlle de La Vallière battant en
+retraite devant elle, s'était retirée aux Carmélites, ainsi elle-même
+avait déjà cédé le pas à Mme de Maintenon et gagné de son pied qui
+n'était plus léger la communauté de Saint-Joseph. Le roi d'ailleurs
+avait vieilli, pas assez toutefois pour que le nouveau château ne
+retentit pas encore du bruit des fêtes. Mais cela ne devait pas durer.
+Bientôt, il se lit autour du joli pied-à-terre un silence que
+troublèrent à peine, vers le milieu du XVIIIe siècle, les éclats de rire
+de Louis XV folâtrant en traîneau à travers les allées de son parterre.
+Louis XVI, Napoléon, Louis XVIII, Charles X, s'y montrèrent de loin en
+loin seulement. Le Grand-Trianon avait décidément perdu toute faveur. Ce
+ne fut que sous Louis-Philippe qu'il cessa d'être délaissé et sortit de
+l'oubli. Ce roi l'aima, l'habita, et lui fit subir de notables et
+heureuses modifications. On montre aux visiteurs les appartements qu'il
+y occupa, sa chambre à coucher modestement meublée, son cabinet de
+travail où l'on remarque une table d'acajou fort simple qui lui servait
+de bureau. Mais Louis-Philippe était un roi bourgeois. Il vivait en bon
+père de famille, et n'avait jamais figuré dans le moindre ballet. Aussi
+passa-t-il au Grand-Trianon sans bruit, et depuis lors, de cette
+résidence princière, personne n'avait plus entendu parler. D'où vient
+donc que sortant de son sommeil de Belle au bois dormant, tout à coup
+voilà qu'elle ouvre ses portes à deux battants; que devant sa belle
+façade à toit plat, aux fenêtres en portiques, les voitures s'arrêtent;
+que, dans sa cour d'honneur, circulent des groupes d'officiers; qu'enfin
+dans un coin, à quelques pas de sa grille, se trouve, champignon en une
+nuit poussé, une guinguette pleine de bruit?</p>
+
+ <p>Vous le savez, et je n'ai pas besoin de vous le dire, car c'est le
+bruit, sinon de la cour, au moins de la ville. De ce nid bâti pour les
+amours on a fait une salle de justice. C'est Théines qui y règne
+maintenant, tenant une épée nue d'une main et de l'autre une balance.
+Métamorphose au moins singulière! Comment on en a eu l'idée, je
+l'ignore; mais ci-dessous on vous dira comment elle s'est effectuée.</p>
+
+ <p>L. C.</p>
+ <br>
+
+ <h3>Procès du maréchal Bazaine</h3>
+
+ <h4>PREMIÈRE SEANCE DU CONSEIL DE GUERRE</h4>
+
+ <p>Dans notre précédent numéro nous avons dit, et nos lecteurs savent que
+c'est dans la galerie servant de vestibule au château du Grand-Trianon,
+qu'a été établie la salle des séances du conseil de guerre chargé de
+juger le maréchal Bazaine.</p>
+
+ <p>Notre grand dessin représente cette salle et donne la physionomie exacte
+de la première séance du conseil.</p>
+
+ <p>Transformer ce magnifique péristyle en salle d'audience n'était pas
+chose facile. On y est cependant parvenu, grâce à l'habileté des
+dispositions prises. La salle offre l'aspect d'un long parallélogramme,
+dont une partie a été surélevée par des travaux de charpente. Dans cette
+partie se trouvent: au fond, un large bureau en forme d'hémicycle pour
+les juges militaires; puis à gauche, pour l'accusé, un fauteuil et une
+table recouverte d'un tapis vert, et la barre de la défense; à droite,
+le bureau réservé au commissaire du gouvernement, et la tribune des
+journalistes, élevée derrière les colonnes de marbre de la galerie.
+Cette tribune est disposée en gradins et peut contenir soixante-dix
+personnes environ. Enfin, au milieu, devant le bureau du conseil, est
+établi le greffier. Une légère balustrade recouverte de velours rouge
+sépare cette première partie de la salle de la seconde, à laquelle on
+arrive en descendant une marche.</p>
+
+ <p>Cette seconde partie est coupée par une enceinte réservée au publie muni
+de cartes et aux témoins. Derrière est un espace assez étroit pour le
+commun des martyrs qui ne craindront pas de demeurer cinq heures debout,
+chaque jour, après avoir fait queue, s'ils veulent suivre les débats de
+ce procès, qui sera long.</p>
+
+ <p>La décoration de cette salle est des plus simples. Les murs sont en
+granit rouge veiné de blanc et orné de distance en distance de fausses
+colonnes blanches, à chapiteaux contournés. Les tentures sont en reps
+vert. Quatorze grosses colonnes en granit rouge séparent la salle en
+deux dans toute sa longueur, gênant beaucoup la vue de la tribune de la
+presse. Derrière les fauteuils des juges et au-dessus de la porte
+d'entrée de la chambre du conseil, on voit un grand Christ en croix.
+Puis, pour parer au froid, qui est imminent, quatre poêles sont alignés
+de distance en distance. Cependant la température n'a pas cessé d'être
+douce, et à travers les fenêtres largement ouvertes sur la cour d'entrée
+du château, on aperçoit les grands arbres du parc, à la verdure encore
+vigoureuse.</p>
+
+ <p>Mais il est temps de pénétrer dans la salle du conseil de guerre. A midi
+un quart, on annonce l'entrée des juges militaires. La séance est
+ouverte. Les membres du conseil sont: MM. le duc d'Aumale, président,
+tournure militaire, moustaches et barbiche blondes, voix forte et
+sonore, habituée au commandement; de Chabaud-Latour, officier général du
+génie, soixante-dix ans environ, un peu fatigué; de la Motterouge, plus
+âgé que le précédent, mais portant plus gaillardement son âge; Tripier,
+vieux et un peu cassé, appartenant au génie, blessé à l'Alma, porte
+lunettes; Guyot, artillerie, petit et gros, mais vif et alerte;
+Lallemant, très-grand, air grave et réfléchi, serait le plus jeune ou le
+moins âgé du conseil si le général de cavalerie Princeteau n'en faisait
+pas partie; de Malroy, regard doux, air décidé, chauve, soixante ans;
+Ressayre, figure d'anachorète, a commandé une division à la bataille de
+Coulmiers, où il fut blessé grièvement; enfin le général Pourcet, petit,
+maigre, impatient, coiffé à la Titus. Très-savant, m'a-t-on dit, il
+représente, comme on sait, le ministère public.</p>
+
+ <p>Quelques minutes après l'entrée en séance du conseil, ordre est donné
+par le président d'introduire le maréchal. Mouvement de curiosité
+très-marqué. L'accusé entre d'un pas lourd et avec un certain embarras.
+Il porte le costume de maréchal, petite tenue, et la grand'croix de la
+Légion d'honneur. Il a de l'embonpoint; ses yeux sont petits, son visage
+est gras, son crâne absolument chauve. Deux sourcils très-fins, deux
+petites moustaches brunes se dessinent seuls dans cet ensemble de
+rondeurs grasses. Il est d'ailleurs un peu pâle: on le serait à moins.
+Calme en apparence, sa préoccupation ne se trahit que par certains
+gestes. Ainsi il porte fréquemment sa main à ses lèvres ou à son front,
+ou bien il joue machinalement avec une bague qui brille à l'un de ses
+doigts.</p>
+
+ <p>Avec l'entrée du maréchal, le défilé des témoins a été l'intérêt de
+cette première audience. Ces témoins, fort nombreux, peuvent se diviser
+en trois catégories: les militaires, maréchaux, généraux, officiers
+supérieurs ayant fait partie de l'armée du Rhin; les témoins politiques,
+tels que MM. Jules Favre, Gambetta, de Kératry, et les témoins qui
+n'entrent ni dans l'une ni dans l'autre de ces catégories, tels que
+douaniers, employés de chemins de fer, ingénieurs. Le premier témoin
+appelé a été le maréchal Canrobert, et le second le maréchal Leb&oelig;uf,
+sur lequel tous les yeux se sont fixés avec une attention particulière.
+Le général Changarnier a aussi beaucoup attiré les regards, avec son
+pantalon gris-perle et sa redingote bleu clair élégamment boutonnée.
+Mais celui qui a excité la curiosité la plus vive est encore le fameux
+M. Régnier, cet envoyé mystérieux qui alla trouver le maréchal au
+travers des lignes prussiennes, ouvertes pour lui, et amena en
+Angleterre le général Bourbaki.</p>
+
+ <p>L'appel des témoins terminé, la séance a été suspendue pendant dix
+minutes. A la reprise de l'audience, il a été donné lecture des états de
+service du maréchal Bazaine et de la première partie du rapport du
+général Rivière, rapport net, clair, précis, et du plus haut intérêt.
+Mais arrêtons-nous. Ce serait sortir du cadre de cet article que
+d'entrer ici dans des détails qui ne sont point de notre compétence et
+que d'ailleurs tout le monde connaît.</p>
+
+ <p>L. G.</p>
+ <br>
+
+ <h4>La pêche des huîtres</h4>
+
+ <p>L'humeur médisante qui caractérise notre espèce s'est exercée aux dépens
+de cet aimable mollusque, la fleur et la joie des soupers fins. Sous
+prétexte qu'il consacre à bâiller une bonne part de son existence, nous
+en avons fait le type de l'engourdissement intellectuel, et «bête comme
+une huître» est devenu un de nos dictons les plus familiers. Si Dieu
+daignait un jour lui accorder la parole, le bivalve nous répondrai,
+probablement que si l'esprit ne court pas ses bancs comme il est entendu
+qu'il court nos rues, en revanche on n'a jamais rencontré une huître
+plus sotte que ses s&oelig;urs les autres huîtres, ce qui est bien un
+avantage. J'ai connu un huîtrier forcené qu'indignait cette injustice.
+Tous les soirs, quand il achevait sa quatrième douzaine, ses yeux
+s'humectaient, deux larmes descendaient sur ses joues et venaient se
+confondre avec l'eau salée dont ruisselait sa barbe, et la bouche pleine
+il s'écriait:--Les ingrats! en d'autres temps ou lui eut dressé des
+autels. Sans s'élever à cet enthousiasme, on peut prétendre que ses
+mérites comestibles auraient dû nous rendre beaucoup plus indulgents
+pour sa pauvreté en matière d'idéal.</p>
+
+ <p>J'affiche quelque désintéressement en embrassant sa défense, car je ne
+vous dissimulerai pas que je nourris contre elle un fort gros grief, que
+probablement vous partagez avec moi. Ce grief se fonde sur les prix
+exagérés que cette belle des mers a mis depuis quelques années, à ses
+faveurs. Au bon vieux temps, qui n'est pas si loin de nous que vous le
+supposez peut-être, pour douze sols,--vieux style aussi,--on vous en
+servait une douzaine toutes frémissantes dans leurs écailles nacrées.
+Que dis-je? A cette heureuse époque, à l'instar de la Déesse à la voix
+rauque de Barbier, l'huître ne dédaignait pas la populace. La charrette
+de l'écaillère nomade la débitait,--un peu défraîchie sans doute,--à
+raison de trente centimes et moins encore, dans les rues, dans les
+carrefours. Tout cela est bien loin de nous; tandis que le monde se
+démocratisait au-dessus d'elle, elle s'aristocratisait à nos dépens; la
+voilà devenue un mets de luxe, peu accessible à la médiocrité, même
+dorée; elle coûte juste le triple de ce qu'elle valait autrefois.</p>
+
+ <p>Ce renchérissement progressif et excessif de ces mollusques a des
+raisons multiples. Il tient à la fois à la facilité des transports par
+voie ferrée et à la spéculation, qui s'est mêlée de ce commerce. En même
+temps, et ne le regrettons pas, les pêcheurs mieux renseignés sont
+devenus plus exigeants. Et puis on avait quelque peu abusé des bancs, il
+y a quelques années. Enfin, des causes complètement indépendantes de
+l'action humaine ont leur influence sur la production huîtrière. La
+température agit énergiquement sur la croissance de l'huître, beaucoup
+plus lente dans les eaux froides du large, que sur certaines parties de
+la côte; il est constant que la multiplication a singulièrement souffert
+du manque de naissain dans la dernière période.</p>
+
+ <p>Heureusement notre malchance n'est pas sans appel et cet état de choses
+peut se modifier. Il y a lieu d'espérer que nos bancs se relèveront de
+l'état de marasme que nous signalons. On leur rendrait plus rapidement
+leur prospérité première en établissant des réserves où l'on déposerait
+le naissain lorsqu'il serait abondant.</p>
+
+ <p>Les annales de l'huître ne sont pas sans gloire; elle a inspiré de
+luxueuses folies aux maîtres fous de la gastronomie, les Romains; mais
+le cadre purement pittoresque et industriel de cette étude ne nous
+permet pas un retour dans le passé du coquillage qui nous occupe, si
+flatteur qu'il puisse être pour lui.</p>
+
+ <p>Sa description, je rougirais de l'entreprendre; je vous l'assure, vous
+vous renseignerez beaucoup plus agréablement sur ce point chez
+l'écaillère du coin, qu'en ayant recours à tous les traités d'histoire
+naturelle. Prodigue de tout ce qui est bon, la nature l'a largement
+distribuée dans les mers de toutes les latitudes; ses espèces sont
+nombreuses; nous ne nous occuperons que de celles qui se trouvent sur
+notre littoral. Ce sont:</p>
+
+ <p>1° L'huître pied de cheval, diamètre 12 centimètres; les amateurs de
+grosses bouchées, les gourmands seuls en font quelque cas. On la pêche
+sur tous les fonds rocailleux.</p>
+
+ <p>2º L'huître normande ou cancalière, huître blanche dont la dimension est
+de 7 à 8 centimètres, l'écaille épaisse et la qualité supérieure, bien
+qu'elle reste au-dessous de sa voisine l'armoricaine.</p>
+
+ <p>3° L'huître bretonne, petite de taille, 4 à 5 centimètres de dimension;
+à coquille mince et narrée, d'un goût exquis, pouvant rivaliser avec
+celui de l'huître anglaise, qui est d'un vert foncé à écailles rondes et
+de dimensions moindres encore.</p>
+
+ <p>4° L'huître de Marennes, qui se rapproche de la précédente par ses
+qualités, s'en distingue par la nuance verdâtre, qu'elle affecte et
+qu'elle doit aux fonds vaseux sur lesquels elle a vécu.</p>
+
+ <p>Nous aurons plus tard à nous occuper des m&oelig;urs, des habitudes de
+l'huître,--en dépit du préjugé elle en a,--de sa reproduction, des
+tentatives d'éducation huîtrière, du parcage, etc.; mais avant d'aborder
+ces questions, il faut savoir comment on la pêche.</p>
+
+ <p>La drague est l'instrument le plus en usage pour aller la chercher au
+fond des mers. Cette drague consiste en une sorte de sac à mailles de
+fil de fer ou de corde. Il est muni à son ouverture d'une forte armature
+de fer figurant un trapèze très-allongé. L'appareil est maintenu par
+trois tringles du même métal dont deux partent de ses extrémités, une de
+son milieu, pour se réunir à un anneau de traction sur lequel est frappé
+un cordage amarré lui-même à l'arrière du bateau. Cette disposition
+maintenant l'engin horizontal lui permet de racler les fonds et de
+détacher les huîtres, qui tombent alors dans le filet.</p>
+
+ <p>La drague, on le comprend, doit souvent rencontrer des obstacles:
+pierres, roches, débris de navires qui, non-seulement peuvent l'arrêter,
+mais briser son armature. On pare à ces accidents en frappant à l'une de
+ses extrémités un petit orin muni d'une bouée qui permet de la
+retrouver. Une autre méthode très-ingénieuse consiste à étalinguer
+l'amarre de traction fixée à un des angles de l'armature par un faible
+filin; en cas d'arrêt sérieux, ce filin se brise, l'appareil se
+renverse, et, ne formant plus râteau, il est aisément dégagé.</p>
+
+ <p>La largeur de la drague varie en raison des difficultés que présentent
+les fonds à explorer. Un des meilleurs types, la drague cancalaise,
+mesure de 1m50 jusqu'à 2m50 de lame. La grandeur de la maille est
+réglementée administrativement suivant la taille des coquillages. Son
+minimum est fixé à 5 centimètres carrés.</p>
+
+ <p>Dans nos pêcheries en rivière de la Seurre, de Pont-l'Abbé, du Sucidy et
+même dans la baie d'Arcachon, on emploie pour pêcher l'huître de simples
+canots ou <i>tillotes</i> à deux ou quatre avirons, munis d'une drague légère
+qu'un seul homme placé à l'arrière peut man&oelig;uvrer. Les bancs du large
+sont exploités à l'aide d'embarcations pontées et d'un tonnage moyen de
+sept tonneaux, qui marchent à la voile et peuvent avoir plusieurs
+dragues à la traîne. A Cancale, chaque bateau en possède trois; dans le
+passage de la Déroute, j'ai vu des embarcations anglaises en mettre
+jusqu'à sept à la mer..</p>
+
+ <p>Les bateaux destinés à cette pêche doivent réunir deux qualités
+essentielles: la solidité et la vitesse. La rapidité de la marche donne
+de grands avantages aux pêcheurs, non-seulement sur les bancs, mais dans
+le transport du chargement aux parcs, claies et dépôts de la côte. Les
+cutters anglais de Jersey, Liverpool, Ry, etc., auxquels leur
+construction à clins procure cette rapidité en même temps qu'elle leur
+donne une grande élégance, sont de parfaits modèles du bateau pêcheur
+d'huîtres.</p>
+
+ <p>Par un bon temps et une jolie brise, rien n'est beau connue le tableau
+d'une flottille de pêcheurs en action. Les carènes noires des bateaux
+ruisselantes sous les caresses de la vague étincellent au soleil; avec
+leurs voiles blanches effilées, ils ressemblent à une nuée d'oiseaux
+éparpillés sur la mer, et malgré le poids des dragues qu'ils traînent à
+leur suite, comme l'oiseau, ils semblent voler en laissant une légère
+traînée d'écume sur sa surface.</p>
+
+ <p>À bord, quelle fiévreuse activité! Il faut voir la prestesse avec
+laquelle, quand l'huîtrière est riche, l'appareil est vidé et rejeté à
+la mer.</p>
+
+ <p>Quelquefois, lorsque la scène se passe sur un banc interdit, elle se
+complique. Un de ces avisos de l'État qui jouent sur ces plaines
+liquides le rôle des gardes champêtres dans nos campagnes surgit tout à
+coup de quelque coin de l'horizon, tombe comme la foudre sur les
+délinquants, amariné les plus maladroits et gâte un peu le plaisir de la
+fête. Celles des embarcations qui ont eu la chance de lui échapper,
+quelquefois en sacrifiant leurs engins de pêche, se couvrent de toile,
+font force de voiles et s'éparpillent dans toutes les directions.</p>
+
+ <p>Le départ et l'arrivée de la caravane, c'est ainsi que l'on appelle à
+Cancale la drague annuelle des huîtres, est encore un spectacle auquel
+le plus indifférent ne saurait assister sans éprouver une certaine
+émotion. Il donne la mesure de l'importance de la récolte du coquillage
+pour ces populations. Aussitôt que les bateaux sont signalés, tout le
+littoral est en mouvement; les falaises, les grèves se couvrent de
+monde; une fourmilière humaine s'y presse, s'y amoncelle. Femmes,
+enfants, vieillards sont accourus pour assister au triage du précieux
+mollusque et constater les résultats de cette campagne, qui apportera
+l'aisance dans chaque foyer, qui peut-être aussi les laissera dans la
+gêne. Les premières, les poings sur les hanches, le teint allumé, l'&oelig;il
+fiévreux, comptant les paniers qui se vident avec cette âpre cupidité
+que l'on a si peu le droit de reprocher aux pauvres gens; les petits,
+les yeux écarquillés, s'émerveillant devant ces trésors avec la naïveté
+de leur âge; les vieux y trouvant un prétexte pour revivre les jours du
+passé, et constater sa supériorité sur le présent: les huîtres étaient
+bien plus grosses de leur temps, on en cueillait aussi bien davantage.
+Si la pêche est plus faible, c'est que les équipages sont moins
+vaillants; et tout fier de l'avoir constaté, redressant son buste voûté,
+le bonhomme reprend sa chique, qu'il avait pieusement déposée dans un
+coin de son béret pour pérorer plus à son aise.</p>
+
+ <p>Nous parlions tout à l'heure de la pêche sur les bancs prohibés; les
+Anglais sont nos maîtres dans ce genre de maraude; mais malheureusement
+ce n'est pas seulement en fait de pêche illicite que s'affirme la
+supériorité de leurs pêcheurs. Leur caractère froid et calculateur, un
+instinct plus raisonné de leurs intérêts leur ont permis de former entre
+eux des <i>guilds</i> ou corporations où se réunissent les capitaux et qui
+répartissent équitablement entre les intéressés les produits de la
+commune industrie.</p>
+
+ <p>Si, hors de chez eux, ils cèdent un peu trop aisément à l'attrait du
+fruit défendu, en revanche ils respectent strictement, rigoureusement
+les prohibitions de leur littoral, et notamment celles des baies de
+Portland, Falmouth, Swansea pendant la période de fermeture. On les voit
+aussi se donner la peine de débarrasser les fonds de pêche pendant l'été
+des herbes, des plantes marines qui nuisent singulièrement à la
+production du <i>brood</i> ou naissain. Chez nous, au contraire, et si
+avantageux que soit le traînage du chalut sur les bancs, pour les
+approprier, la crainte que les pêcheurs n'abusent de cette opération
+conservatrice pour capturer des huîtres hors saison fait qu'elle est
+très-peu pratiquée.</p>
+
+ <p>On voit que nous avons encore bien à faire pour égaler nos voisins.
+L'envasement a fait disparaître les huîtres des bancs des Maronnes, des
+Flamands, Mérignac, Lamouroux, Dugnas, Martin-Gêne, La Tremblade; mais
+la grande décroissance que nous avons signalée dans notre production
+huîtrière revient aussi pour une bonne part à l'imprévoyance, nous
+devrions dire à l'imprévoyante cupidité des exploitants. La fable de la
+poule aux &oelig;ufs d'or restera une éternelle vérité.</p>
+
+ <p>L'administration de la marine s'est vivement préoccupée de cette
+situation, et grâce à elle, si toutes nos huîtrières ne sont pas encore
+relevées, du moins celles d'Arcachon, de Cancale, donnent-elles
+aujourd'hui d'excellents résultats; elles sont parvenues à alimenter,
+concurremment avec un certain nombre d'achats effectués en Angleterre,
+les parcs de Loc-Tudy, Cancale, Saint-Waast, Courseuilles, où l'huître
+acquiert toute sa finesse et son embonpoint avant d'être livrée à la
+consommation.</p>
+
+ <p>Si satisfaisant que soit le progrès, nous devons souhaiter mieux encore;
+avec l'étendue de côtes que nous possédons, avec un peu de sagesse, nous
+cesserions rapidement d'être sous ce rapport les tributaires de
+l'étranger.</p>
+
+ <p>Le nombre des bateaux pêcheurs d'huîtres est;</p>
+
+ <pre>
+ à Arcachon, de 620
+ Cancale 100
+ Granville 30
+ Tréguier }
+ Lézardrieux } 700
+ Pont-l'Abbé }
+ En total... 1,450
+</pre>
+
+ <p>embarcations, sans compter celles de la haute Normandie, qui draguent
+l'huître au moins par intervalles.</p>
+
+ <p>En supposant cinq hommes d'équipage pour chacun de ces bateaux, on
+obtient le chiffre respectable de 7,250 pêcheurs. Si l'on veut bien
+observer que sur toute cette partie de nos côtes, 12,000 individus au
+moins trouvent encore un certain salaire en ramassant les huîtres à la
+main à la marée basse, on en conclura que le précieux coquillage peut à
+bon droit être considéré comme la manne de ces populations du littoral.</p>
+
+ <p>Les prix des huîtres sont:</p>
+
+ <pre>
+ A Arcachon 20 à 25 fr. le mille.
+ Marennes. 30 à 35 »
+ Pont-l'Abbé, le Tudy 60 à 70 »
+ Cancale 60 à 70 »
+ Lézardrieux 50 à 60 »
+ Saint-Waast 60 à 65 »
+ Dunkerque (huîtres angl.) 90 à 100 »
+ Ostende 100 à 110 »
+</pre>
+
+ <span class="sc">L. Faudacq.</span>
+ <br>
+
+ <h3>Nuka-Hiva</h3>
+
+ <p>En suivant vers la gauche la rue de Taïohaé, on arrive, près d'un
+ruisseau limpide, aux quartiers de la reine. Un figuier des Banians,
+développé dans des proportions gigantesques, étend son ombre triste sur
+la case royale. Dans les replis de ses racines, contournées comme des
+reptiles, on trouve des femmes assises, vêtues le plus souvent de
+tuniques d'une couleur jaune d'or qui donne à leur teint l'aspect du
+cuivre. Leur figure est d'une dureté farouche; elles vous regardent
+venir avec une expression de sauvage ironie.</p>
+
+ <p>Tout le jour assises, dans un demi-sommeil, elles sont immobiles et
+silencieuses comme des idoles. C'est la cour de Nuka-Hiva, la reine
+Vaékéhu et ses suivantes.</p>
+
+ <p>Sous cette apparence peu engageante, ces femmes sont douces et
+hospitalières; elles sont charmées qu'un étranger prenne place près
+d'elles, et vous offrent toujours des cocos ou des oranges.</p>
+
+ <p>Elisabeth et Atéria, deux suivantes qui parlent français, vous adressent
+alors, de la part de la reine, quelques questions saugrenues au sujet de
+la dernière guerre d'Allemagne. Elles parlent fort, mais lentement, et
+accentuent chaque mot d'une manière originale. Les batailles où plus de
+mille hommes sont engagés excitent leur sourire incrédule; la grandeur
+de nos armées dépasse leurs conceptions.</p>
+
+ <p>L'entretien pourtant languit bientôt; quelques phrases échangées leur
+suffisent, leur curiosité est satisfaite et la réception terminée; la
+cour se momifie de nouveau, et, quoi que vous fassiez pour réveiller
+l'attention, on ne prend plus garde à vous.</p>
+
+ <p>La demeure royale, élevée par les soins du gouvernement français, est
+située dans un recoin solitaire, entourée de cocotiers et de tamaris.</p>
+
+ <p>Mais, au bord de la mer, à côté de cette habitation modeste, une autre
+case, case d'apparat, construite avec tout le luxe indigène, révèle
+encore l'élégance de cette architecture primitive.</p>
+
+ <p>Sur une estrade de larges galets noirs, de lourdes pièces de magnifique
+bois des îles soutiennent la charpente. La voûte et les murailles de
+l'édifice sont formées de branches de citronniers, choisies entre mille,
+droites et polies comme des joncs; tous ces bois sont liés entre eux par
+des amarrages de cordes de diverses couleurs, disposés de manière à
+former des dessins réguliers et compliqués.</p>
+
+ <p>Là encore, la cour, la reine et ses fils passent de longues heures
+d'immobilité et de repos, en regardant sécher leurs filets à l'ardent
+soleil.</p>
+
+ <p>Les pensées qui contractent le visage étrange de la reine restent un
+mystère pour tous, et le secret de ses éternelles rêveries est
+impénétrable. Est-ce tristesse, ou abrutissement? Songe-t-elle à quelque
+chose, ou bien à rien? Regrette-t-elle son indépendance et la sauvagerie
+qui s'en va, et son peuple qui dégénère et lui échappe?...</p>
+
+ <p>Atéria, qui est son ombre et son chien, serait en position de le savoir;
+peut-être cette inévitable fille nous rapprendrait-elle. Mais tout porte
+à croire qu'elle l'ignore, et il est possible même qu'elle ne se le soit
+jamais demandé.</p>
+
+ <p>Vaékéhu consentit avec une bonne grâce parfaite à poser pour plusieurs
+éditions de son portrait; jamais modèle plus calme ne se laissa examiner
+plus à loisir.</p>
+
+ <p>Cette reine déchue, avec ses grands cheveux en crinière et son fier
+silence, conserve encore une certaine grandeur.</p>
+
+ <p>Un soir, au clair de lune, comme je passais seul dans un sentier boisé
+qui mène à la montagne, les suivantes m'appelèrent.</p>
+
+ <p>Depuis longtemps malade, leur souveraine, disaient-elles, s'en allait
+mourir.</p>
+
+ <p>Elle avait reçu l'extrême-onction de l'évêque missionnaire.</p>
+
+ <p>Vaékéhu était étendue à terre et tordait ses bras tatoués avec toutes
+les marques de la plus vive souffrance; ses femmes, accroupies autour
+d'elle, avec leurs grands cheveux ébouriffés, poussaient des
+gémissements et menaient deuil (suivant l'expression biblique qui
+exprime parfaitement leur façon particulière de se lamenter).</p>
+
+ <p>On voit rarement dans notre monde civilisé des scènes aussi
+saisissantes; dans cette case nue, ignorante de tout l'appareil lugubre
+qui ajoute en Europe aux horreurs de la mort, l'agonie de cette femme
+révélait une poésie inconnue, pleine d'une amère tristesse.</p>
+
+ <p>Le lendemain de grand matin, je quittai Nuka-Hiva pour n'y plus revenir,
+et sans savoir si la souveraine était allée rejoindre les vieux rois
+tatoués ses ancêtres.</p>
+
+ <p>Vaékéhu est la dernière des reines de Nuka-Hiva; autrefois païenne et
+quelque peu cannibale, elle s'était convertie au christianisme et
+l'approche de la mort ne lui causait aucune terreur.</p>
+
+ <p>Julien V...</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>NUKA-HIVA</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>La reine Vaékéhu.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>La Reine Vaékéhu et ses fils.--D'après les croquis de M.
+Julien V.</b></p>
+<br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LE DÉJEUNER.--D'après le tableau de M. Caraud.</b></p>
+
+ <h3>Le déjeuner</h3>
+
+ <p>Près d'une table toute servie une jeune fille est debout.</p>
+
+ <p>Sa taille est fine et souple, son air à la fois malin et candide, son
+front pur. Bon pied, bon &oelig;il, bon c&oelig;ur et bon appétit.</p>
+
+ <p>Elle tient à la main une assiette dans laquelle fume le potage qu'elle
+s'apprête à manger. Elle y a plongé une première fois la cuiller qu'elle
+a approchée de sa bouche. Mais le potage, brûlant, a trompé son attente.
+Vite, soufflons. Donc elle souffle, en attendant mieux. Elle ne semble
+pas d'ailleurs pressée outre mesure. Elle a là, sous les yeux, un
+spectacle qui la réjouit, et semble captiver son attention. La table est
+posée près de la fenêtre, la fenêtre est ouverte et par cette fenêtre,
+une bande d'aimables parasites, les hôtes du pigeonnier, à tout coup
+fait irruption dans la chambre. Elle a pris possession de la table, et
+comme en pays conquis elle en use ou plutôt en abuse.</p>
+
+ <p>Ce n'est rien, comme vous voyez, ce sujet de tableau, choisi par M.
+Caraud; et cependant, de ce rien, il a fait une chose charmante, devant
+laquelle, au Salon de cette année, on s'oubliait volontiers. Toile
+très-gracieuse et très-délicate, &oelig;uvre d'un artiste du talent le plus
+fin.</p>
+
+ <p>L. C.</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>LES MYSTÈRES DE LA BOURSE</h3>
+
+ <p>Ce qu'il faut faire pour moraliser la bourse</p>
+
+ <p>Que de choses nous aurions encore à mettre en lumière pour bien faire
+comprendre les envahissements du Jeu de la Bourse et les ravages qu'il a
+produits dans les familles depuis un demi-siècle! Mais il nous suffira
+de nous arrêter à deux considérations dernières.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+ <p>Non-seulement tout le monde est attiré par un irrésistible penchant vers
+le tourbillon de la Bourse, mais ce tourbillon va si bien s'élargissant
+qu'il ne fait plus de tout l'occident de l'Europe qu'un seul et unique
+marché.</p>
+
+ <p>Dès qu'un premier cours a été coté par la Coulisse sous le péristyle de
+la Bourse, on voit s'établir un va-et-vient du télégraphe à la Bourse et
+de la Bourse au télégraphe. C'est un feu roulant de dépêches pour les
+départements, pour Londres, Bruxelles, Amsterdam, Vienne, Berlin. Agents
+de change, coulissiers, banquiers, sociétés de crédit, changeurs, font
+parvenir toutes les variations à leurs correspondants, de manière à
+profiter, si c'est possible, d'une place à l'autre, des moindres
+fluctuations de la rente. Tout mouvement de nos fonds publics se
+répercute ainsi sur toutes les bourses par une gerbe de dépêches qui se
+croisent à travers l'Europe et qui donne au marché des proportions
+infinies. Ce n'est plus un marché, c'est un monde en ébullition.</p>
+
+ <p>Songez enfin que, bien souvent, quand les cours, sauf l'imprévu, sont au
+calme plat, les acheteurs savent, par la multiplicité de leurs
+opérations, compenser l'atonie des affaires. On vend et l'on achète
+alors par brassées. Ainsi nous nous rappelons avoir assisté à ce
+gigantesque coup de crayon.</p>
+
+ <p>La rente, suffoquée de chaleur, haletait à 71 fr. 20 c.</p>
+
+ <p>--A vingt-deux et demie, envoyez! glapit un agent acheteur.</p>
+
+ <p>--Oui, cria un autre agent vendeur.</p>
+
+ <p>--Combien? quinze mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Trente mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Soixante mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Cent vingt mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Trois cent mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Six cent mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Neuf cent mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>--Douze cent mille?</p>
+
+ <p>--Oui.</p>
+
+ <p>Et les deux agents de la Coulisse inscrivirent d'un seul coup de crayon,
+sur leurs carnets, l'un un achat de DOUZE CENT MILLE FRANCS DE RENTE
+TROIS POUR CENT, l'autre une vente de la même somme. Vingt mille francs
+de courtage!</p>
+
+ <p>Avec un franc de hausse ou de baisse, c'était pour l'acheteur ou le
+vendeur une perte de 400,000 fr.! Étonnez-vous donc auprès cela de voir
+arriver des fuites, des culbutes et des suicides! Qui aime le danger y
+périt, et l'on récolte toujours ce qu'on a semé.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+ <p>Étant donné cet exposé sincère du marché de la Bourse, la première
+pensée qui surgit dans l'esprit de l'observateur est celle-ci:--Que
+faudrait-il faire pour moraliser le marché de la Bourse?</p>
+
+ <p>Ce qu'il faudrait faire? Bien peu de chose, un tout petit article de loi
+que nous allons vous faire connaître et qui ferait de la Bourse un
+marché semblable à tous les autres.</p>
+
+ <p>C'est là, en effet, la question mère auprès de laquelle disparaissent
+toutes les autres. Qu'importe que la Bourse fasse danser sur les
+raquettes de la hausse et de la baisse des millions et des milliards, si
+ce marché ne doit éternellement rappeler que la rue Quincampoix, et si
+foutes ces opérations ne doivent représenter que le jeu.</p>
+
+ <p>Que disons-nous, le jeu? C'est la friponnerie qu'il faut dire, et nous
+appelons sur ce point toute l'attention de nos lecteurs, car c'est avec
+le vif désir de voir disparaître le jeu et les duperies de la Bourse que
+nous avons publié cette étude.</p>
+
+ <p>Le jeu de la Bourse n'est en réalité qu'une duperie. Et pourquoi? Est-ce
+parce que ces opérations ne reposent que sur la spéculation? Nullement.
+On spécule sur les alcools, on spécule sur les farines, on spécule sur
+les cotons, et ces spéculations qui ruinent et enrichissent aussi bien
+que la hausse et la baisse de la rente, n'ont jamais donné lieu au
+reproche de friponnerie. La spéculation est le grand moteur des
+affaires.</p>
+
+ <p>Pourquoi donc la Bourse est-elle seule à soulever à bon droit les
+colères de l'opinion et la réprobation de la conscience publique?</p>
+
+ <p>Parce que la loi n'admet que le marché au comptant, et permet au
+spéculateur de faire du marché à terme, un pari non reconnu par le Code.
+Or tant que ce marché à terme sera ainsi livré à la merci de la mauvaise
+foi, tant qu'un fripon pourra recevoir ses bénéfices quand il aura
+gagné, et refuser de payer, la loi à la main, quand il aura perdu, la
+Bourse souffrira du triste renom qui s'attache aux maisons de jeu, et la
+fortune mobilière de la France n'aura pas pour son marché l'autorité
+morale que donne la sanction invariable de la loi.</p>
+
+ <p>Voici, en effet, ce qui se passe tous les jours. Un spéculateur se
+présente. Il opère à terme, et avant que le compte soit réglé à la
+liquidation, il est impossible de savoir si l'opération est fictive ou
+sérieuse! Bien mieux: plus l'opération est forte, c'est-à-dire plus elle
+engage le client, l'agent de change et le marché, plus aussi cette
+opération présentera de risques, car l'importance de la vente ou de
+l'achat est précisément l'argument favori, presque toujours mis en
+avant, pour établir l'opération comme un pari et pour refuser le
+payement.</p>
+
+ <p>Et voilà plus d'un demi-siècle que la Bourse ouvre ainsi ses portes à la
+malhonnêteté! Voilà plus d'un demi-siècle que le crédit de l'État roule
+sur une pareille énormité, et que la friponnerie a ses coudées franches
+sur un marché qui remue journellement des milliards! Un pari? A la
+Bourse? Quand il s'agit de la rente? Un pari, quand il s'agit d'actions
+et d'obligations? La conscience se révolte devant un tel scandale et
+devant les méfaits sans nombre qu'il peut engendrer.</p>
+
+ <p>Voyez jusqu'où peut aller la duperie. Un spéculateur achète 100,000 fr.
+de rente à terme chez un agent. Mais qui peut savoir si, au moment où il
+achète ces 100,000 fr. de rente, il ne fait pas la contre-partie chez un
+autre agent? Et cette double opération commandée en vue de la fraude,
+qui peut savoir si elle ne se reproduit pas deux fois, trois fois chez
+d'autres agents?</p>
+
+ <p>Vous voyez le résultat, et que de fois n'a-t-on pas eu à le constater?
+L'opération qui donne un compte créditeur voit arriver le client qui
+reçoit son argent, tandis que l'opération qui donne un compte débiteur
+n'obtient de lui qu'un refus, et aux sommations réitérées de l'agent de
+change, à l'assignation qui le fait paraître devant un tribunal, il
+invoque la loi et répond tranquillement: J'ai joué! Et le tribunal
+résilie le marché!</p>
+
+ <p>Étonnez-vous donc que l'opinion reste hostile à la Bourse?</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+ <p>Un pareil état de choses est-il tolérable? Pourquoi donc le marché à
+terme, qui est l'âme du commerce dans le monde entier, ne serait-il pas
+admis à la Bourse? Pourquoi donc la rente qui est le titre de l'État,
+qui donne la mesure du crédit public, serait-elle réservée au rôle
+indigne des spéculations immorales?</p>
+
+ <p>Il n'y a pas deux poids et deux mesures. A la Bourse, comme ailleurs,
+acheter et vendre, soit au comptant, soit à terme, sont deux actes
+légaux, sérieux, indéniables, parfaitement déterminés et qui doivent
+produire pour la rente les mêmes effets que pour toute autre propriété.
+Le droit commun, voilà la règle, et en dehors d'elle, il n'y a point
+d'autre solution.</p>
+
+ <p>Le marché à terme a été la plaie de la Bourse, il faut que cette plaie
+disparaisse; il a causé de graves désordres, il faut que l'ordre les
+fasse oublier; il a souffert de l'ambiguïté de la loi, il faut que la
+loi, dépouillée de ses ambages, lui rende l'estime, la faveur et la
+confiance du publie.</p>
+
+ <p>Une loi est donc nécessaire, et cette loi que nous invoquons est facile
+à faire. Une phrase peut la résumer tout entière, et cette phrase la
+voici:</p>
+
+ <p>«La loi reconnaît, sans aucune distinction, toutes les opérations faites
+à la Bourse.» Cette solution est la seule pratique, la seule juste, la
+seule vraie, la seule conforme aux principes du droit et aux progrès des
+temps. Le marché au comptant est le marché des peuples primitifs, le
+marché à terme est le marché des peuples civilisés qui font plus
+d'affaires par le crédit que par les capitaux.</p>
+
+ <p>Devant un texte aussi précis, la fraude n'aura plus rien à tenter, et la
+suspicion ne troublera pas de ses nuages malsains les opérations à
+ternie. La loi étant précise, les actes deviendront également précis.
+Tout ordre donné sera un engagement ferme. Chacun saura à quoi il
+s'engage, et quand le spéculateur saura qu'à chacune de ses opérations,
+il suspend sa fortune, son honneur et le repos de sa famille, il fera de
+mûres réflexions avant d'engager inconsidérément, dans une vente ou dans
+un achat, ce qu'il a de plus précieux au monde!</p>
+
+ <span class="sc">Léon Creil.</span>
+
+ <br><br>
+
+ <h3>BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE</h3>
+
+ <p><i>Itinéraire descriptif</i>, historique et archéologique de l'Orient, par M.
+Emile Isambert. Première partie, Grèce et Turquie d'Europe, 2e édition.
+Paris, Hachette, 1873.--Si le principal mérite d'un livre doit être de
+satisfaire pleinement aux besoins et aux goûts de ceux auxquels il est
+destiné, on peut dire, sans s'exposer à aucune contradiction, que
+l'ouvrage composé par M. Emile Isambert est, sous tous les points,
+excellent. Celui qui voyagera en Grèce et dans la Turquie d'Europe,
+ayant à la main ce guide fidèle, verra sans aucun doute, beaucoup plus
+de choses que s'il marchait à l'aventure, et surtout il les verra mieux.</p>
+
+ <p>La première partie de cet itinéraire de l'Orient embrasse la Grèce et la
+Turquie d'Europe. Elle est naturellement divisée en deux sections
+précédées, l'une et l'autre, d'un abrégé substantiel où sont résumées la
+géographie et les conditions climatériques des diverses localités, les
+évolutions historiques des Grecs anciens et modernes, l'invasion des
+Turcs, la situation réelle qu'ils ont en Orient, leur religion, leurs
+usages, le caractère de leur architecture, etc. les notions
+préliminaires, indispensables à ceux qui ne sont pas très-familiers avec
+le monde oriental, seront utiles aux érudits eux-mêmes qui rencontreront
+là, condensé en quelques pages, ce qu'il faudrait chercher parmi plus de
+cent volumes.</p>
+
+ <p>Faisons d'abord observer que la Grèce proprement dite et la Turquie
+d'Europe ont une physionomie différente et ne produisent pas le même
+genre d'impression. Le voyage de Grèce est surtout archéologique.
+L'homme y joue le premier rôle, on en voit la grandeur et la faiblesse
+dans ce peuple qui a élevé de si belles &oelig;uvres aujourd'hui en ruines.
+C'est presque exclusivement le passé qui nous attire lorsque l'on se
+rend en Grèce, et le présent humble ou misérable fait encore ressortir
+davantage quelle devait être l'élévation de ce qui n'est plus.</p>
+
+ <p>Le voyage de la Turquie d'Europe est au moins aussi pittoresque
+qu'historique. L'homme des temps anciens s'efface devant la nature; la
+nature se montre là à la fois charmante et grandiose, prête à prodiguer
+d'inépuisables richesses au travail qui daignerait la solliciter.</p>
+
+ <p>L'itinéraire général est partagé en un grand nombre d'itinéraires
+particuliers; le livre fait connaître les distances à parcourir, les
+moyens de transport et de dépense: chaque route est très-minutieusement
+détaillée; l'aspect changeant des paysages, la succession des vallées et
+des collines, les montagnes et les rochers, les rivières, les sources,
+les lacs; les constructions pélasgiques, les temples grecs, les
+tombeaux, les châteaux francs, vestiges de la conquête latine du XIIIe
+siècle, les églises et les monastères, les traces de campement militaire
+et les lieux célèbres par quelque grande bataille, rien, en un mot, n'a
+été oublié.</p>
+
+ <p>Pour la partie archéologique, M. Emile Isambert a consulté les mémoires
+si remarquables des élèves de notre école d'Athènes et les travaux des
+plus savants explorateurs modernes de la Grèce. Dans la partie
+topographique et pittoresque, il se plaît à citer plusieurs célèbres
+écrivains voyageurs, Lamartine, Chateaubriand, Théophile Gautier. Ces
+emprunts habilement intercalés par l'auteur dans son propre texte, lui
+permettent d'échapper à la sécheresse d'une nomenclature géographique.
+Quoi de plus poétique, pour ne citer qu'un exemple, que le tableau si
+animé des deux rives du Bosphore! Les descriptions des villes, toutes
+précédées d'une notice historique, sont quelquefois assez étendues,
+comme celles d'Athènes et de Constantinople; celui qui suivra
+scrupuleusement toutes les indications du livre, pourra s'éloigner
+d'Orient avec la certitude, presque absolue d'avoir vu tout ce qui était
+digne d'intérêt.</p>
+
+ <p>Tel est l'ouvrage de M. Emile Isambert. C'est un immense et très-sérieux
+travail qui a exigé les plus longues et les plus patientes recherches.
+De pareils livres sont très-propres à répandre parmi tous le goût des
+voyages en les rendant plus faciles et plus agréables. On dit que les
+Français devraient sortir de chez eux pour étudier les autres peuples.
+Or, nous pensons qu'une fréquentation de la Grèce nous serait
+profitable. Nous y verrions qu'un peuple, après avoir fait de grandes
+choses, doit inévitablement, quoique doué de qualités supérieures, s'il
+manque d'esprit politique et se consume en divisions stériles, perdre la
+vitalité première de sa nationalité; nous verrions qu'en suivant cette
+voie, toute nation marche infailliblement à la dégradation et à la
+servitude.</p>
+
+ <p><span class="sc">Richard Cortambert.</span></p>
+<br>
+ <p>M. Jouaust, qui a achevé ses deux ouvrages exquis, les <i>Contes</i> de
+Boccace et ceux de Marguerite de Navarre (deux raretés déjà, deux
+chefs-d'&oelig;uvre), va publier tantôt un <i>La Fontaine</i> étonnant, avec des
+dessins de Gérôme et de Detaille, une &oelig;uvre d'art à propos d'une
+inimitable &oelig;uvre littéraire.</p>
+<br>
+ <p><i>Almanach lorrain de Pont-à-Mousson</i> (Première année).--Il faut signaler
+à l'Alsace et à la Lorraine tout ce que la France essaie de faire pour
+entretenir dans ces provinces l'amour de ta mère patrie. En éditeur de
+Pont-à-Mousson,--la frontière de France aujourd'hui,--M. Ory, publie
+ainsi la première année d'un almanach lorrain qui, répandu dans les
+campagnes autour de Metz, pourra apprendre à bien des gens qu'ici ou ne
+les oublie pas. M. Georges Perrot a donné à cet almanach une page
+excellente sur le siège de Paris et j'y ai trouvé, signés L. F., des
+souvenirs d'une intensité d'émotion et de vérité tout à fait
+remarquables, des souvenirs d'un soldat du 94e de ligne (2e armée de la
+Loire). M. Gérardin a écrit aussi de bien curieuses recherches sur
+l'histoire de Pont-à-Mousson pendant le règne de Louis XVI et la
+Révolution française, et M. Claude, député de Meurthe-et-Moselle, y
+conte éloquemment la légende de Jacques Bonhomme.</p>
+
+ <p>&OElig;uvre utile entre toutes, cet almanach est un lien populaire entre la
+France française et ce qu'on pourrait appeler, hélas, la <i>France
+allemande!....</i></p>
+<br>
+ <p><i>Rêves et devoirs</i>, par M. Théodore Froment (I vol., A.
+Lemerre).--Chaque poète prend ses inspirations où il les trouve. M.
+Froment est professeur et son horizon d'habitude c'est la classe avec
+ses murs nus, son tableau noir, ses pupitres luisants. Il a logé sa Muse
+dans une étude de collège et il a caractérisé ses vers par ces deux
+mots: <i>Rêves et devoirs.</i> Les rêves sont simples et honnêtes, les
+devoirs sont de tous les jours. M. Froment a dédié ses vers à ses
+élèves, à ceux qu'il enseigne et guide:</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"> Ainsi donc à vous cet ouvrage:</p>
+<p class="i20"> Si peu qu'il soit, c'est votre bien.</p>
+<p class="i20"> Amis, je vous en fais hommage</p>
+<p class="i20"> Et mets à la première page</p>
+<p class="i20"> Votre nom à côté du mien.</p>
+</div></div>
+
+ <p>Ces vers intimes, sincères, profondément sentis, manquent de variété
+sans doute. Le devoir universitaire est un peu uniforme. Pourtant M.
+Froment a su dégager une poésie vraie et souvent touchante de sa pensée
+et de ses occupations quotidiennes.</p>
+<br>
+ <p><i>Le Roman de l'histoire</i>, par M. Jules d'Argis (1 vol., Société des gens
+de lettres).--C'est un gros volume compact où le roman et l'histoire,
+comme le promet le titre, s'entremêlent. On y trouve de tout un peu,
+comme dans les &oelig;uvres complètes; des nouvelles, des chroniques, des
+voyages et de la critique. <i>Les Fiançailles de mademoiselle de
+Bourgogne, le Dernier sourire de Charles II et François 1er à Madrid</i>,
+sont des chapitres intéressants. A propos du premier Empire, de M.
+Thiers et de M. Lanfrey, M. Jules d'Argis a trouvé le moyen de dire des
+choses intéressantes et nouvelles. C'est ce qu'il voulait, lorsqu'il
+donnait à son livre cette épigraphe tirée de Buffon:</p>
+
+ <p>«L'art de dire de petites choses devient peut-être plus difficile que
+l'art d'en dire de grandes.»</p>
+<br>
+ <p><i>La Ligue d'Alsace</i>, première série, 1871-1872 (1 vol. in-18).--«Depuis
+la conquête prussienne, une puissante société secrète, la Ligue
+d'Alsace, s'est fondée en Alsace-Lorraine et y imprime une feuille
+clandestine, qu'elle fait largement distribuer par ses adhérents avec la
+complicité unanime du pays. «Cette feuille, qui s'imprime on ne sait où,
+qui est glissée sous les portes on ne sait par qui, est petite,
+typographiée sur deux colonnes, en français d'un côté, en allemand de
+l'autre. Jamais la police prussienne n'a pu saisir les distributeurs de
+ces patriotiques feuilles volantes. L'éditeur Lemerre a eu l'idée de
+publier les numéros de cette gazette clandestine parus depuis le 1er
+mars 1871 jusqu'au 1er janvier 1872. C'est la chronique même des efforts
+de l'Alsace-Lorraine, de ses protestations et de ses luttes contre les
+conquérants. <i>La Ligue d'Alsace</i> stimule le patriotisme, flétrit les
+désertions, ravive les souvenirs de la patrie. Cette sorte de
+<i>charbonnerie</i> organisée, riche, intrépide, tient en échec l'empire
+d'Allemagne et ne regarde point comme accomplie l'&oelig;uvre de M. de
+Bismarck. Elle a ses presses, ses armées de distributeurs et de
+contrebandiers, ses dépôts, ses réunions régulières, et la police
+allemande sent autour d'elle l'influence de cette <i>Ligue</i> insaisissable.</p>
+
+ <p>Tout le monde, tout ce qui est français, voudra connaître les numéros de
+<i>la Ligue d'Alsace</i> ainsi réunis en volume. Le livre se vend au profil
+de l'&oelig;uvre d'Alsace-Lorraine. Ce n'est pas une &oelig;uvre de littérature,
+c'est mieux que cela, c'est une &oelig;uvre de combat et de patriotisme.</p>
+<br>
+ <p><i>Le Travail, base de la synthèse de l'histoire</i>, par Auguste Deschamps
+(1 broc. in-18).--«Le travail, c'est la vie», a dit Mirabeau. M. Auguste
+Deschamps, l'auteur d'une biographie estimée, <i>Eugène Cavaignac</i>, et de
+l'<i>Histoire de la chute du second Empire</i>, a développé cette parole de
+Mirabeau dans une conférence faite à l'hôtel de ville de Melun, au mois
+d'avril dernier, et qu'il réunit aujourd'hui en brochure. Ce travail est
+fort savant et animé d'une noble idée. M. Deschamps ne voit de progrès
+possible que par le travail. «Ce progrès, dit-il, c'est le travail,
+toujours le travail qui le produira, le travail pratiqué par tous,
+respecté et honoré de tous.» On ne saurait mieux dire. Toute la brochure
+est animée de ce même esprit sage et libre.</p>
+
+ <p><span class="sc">Jules Claretie.</span></p>
+<br><br>
+ <h3>REVUE FINANCIÈRE</h3>
+
+ <h4>LE NOUVEL EMPRUNT OTTOMAN</h4>
+
+ <p>La Bourse a commencé le mois en pleine hausse, et le 5 p. 100 se cote
+triomphalement au-dessus de 93 fr. 50 c., après avoir franchi un instant
+le cours de 94 fr. Les sociétés financières ont beaucoup de capitaux
+disponibles, et tout démontre que notre épargne nationale ne demande
+qu'à entreprendre une grande et fructueuse campagne d'affaires.</p>
+
+ <p>Le nouvel Emprunt ottoman que vient d'émettre le Crédit mobilier se
+présente donc aux souscripteurs dans les meilleures conditions
+possibles. A cet égard, on a tant médit chez nous de la Turquie et de
+l'homme malade, qu'il importe, au point de vue de l'exactitude des
+faits, de redresser les préjugés et les faux calculs qui se glissent
+injustement dans l'opinion.</p>
+
+ <p>Il suffît d'ailleurs de rappeler le résultat des emprunts antérieurs
+pour éclairer les capitalistes sur ce qu'on doit attendre de l'émission
+nouvelle. Si nous nous demandons ce qu'ont produit les emprunts
+antérieurs de la Turquie, nous resterons convaincus que l'Empire
+ottoman, la France et les souscripteurs n'ont eu qu'à s'en féliciter.</p>
+
+ <p>Pour la Turquie,--comment ne pas s'apercevoir que, depuis vingt ans que
+la Turquie a commencé ses emprunts, le revenu de la Sublime-Porte a
+presque triplé, et il est encore aujourd'hui en pleine marche
+ascendante. Ces emprunts ont donc été une semence qui a surabondamment
+fructifié, et la Turquie, nous devons le dire, n'a fait que toucher
+encore aux immenses richesses qu'elle veut aujourd'hui mettre en valeur.</p>
+
+ <p>Pour la France,--on peut dire, sans doute, qu'elle a beaucoup perdu dans
+les valeurs étrangères; mais il n'est que juste de reconnaître que
+l'Empire ottoman ne lui a rien fait perdre, et ses placements en Turquie
+sont au nombre de ceux qui ont facilité, dans ces deux dernières années,
+le paiement de l'indemnité de guerre. C'est en vendant ses valeurs
+étrangères que la France a pu conserver une bonne partie de son
+numéraire.</p>
+
+ <p>Pour le public,--la Turquie est un des pays qui ont compensé pour notre
+épargne les pertes qu'elle a subies. Les valeurs turques rapportent 10
+p. 100, et les Obligations que le Crédit mobilier vient d'émettre
+rapporteront, en comptant toutes leurs bonifications, 12 p. 100. C'est
+là, on le comprendra, un motif suffisant pour expliquer l'empressement
+des souscripteurs.</p>
+
+ <p><span class="sc">Léon Creil.</span></p>
+<br><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>EXPOSITION DE VIENNE.--Les appareils distillatoires de M.
+Savalle.</b></p>
+
+ <h3>APPAREILS SAVALLE POUR LA DISTILLATION</h3>
+
+ <p>De nombreux appareils de distillation ont été envoyés à l'Exposition de
+Vienne: mais là encore, la France remporte un succès incontestable, par
+l'exposition de la maison D. Savalle fils et Cie, de Paris.</p>
+
+ <p>Le jury des récompenses a décerné à cette maison une médaille de
+progrès, et certes elle était bien méritée; nous dirons même que le jury
+eut pu faire quelque chose de plus, en considération des services rendus
+et des nombreux perfectionnements réalisés par M. Désiré Savalle depuis
+1867.</p>
+
+ <p>Pour donner une idée de l'importance des travaux exécutés par la maison
+Savalle, nous citerons la puissance du travail des nombreuses usines
+installées par elle dans les diverses contrées du globe. Cette puissance
+représentait en 1872 une production journalière de un million et demi de
+litres d'alcool: dans ce chiffre, la production du 3/6 de mélasses entre
+pour 555,111 litres, et celle du 3/6 de betteraves pour 572,800 litres.
+Le surplus représente la production des alcools de pommes de terre, des
+alcools de grains, de vins, et la production des rhums par les appareils
+Savalle.</p>
+
+ <p>Pendant l'Exposition de Vienne, vingt-huit appareils de grande dimension
+ont déjà été vendus; ils représentent une valeur de plus de huit cent
+mille francs.</p>
+
+ <p>Ces appareils sont destinés aux contrées ci-après, pour:</p>
+
+ <pre>
+L'Égypte (pour les usines du khédive). 5 appareils.
+La Russie. 4 --
+La Hollande 1 --
+Le Portugal 2 --
+L'Autriche 2 --
+La France 7 --
+Rio-Janeiro 1 --
+L'Angleterre 1 --
+L'Allemagne 1 --
+La Bavière rhénane 2 --
+L'Espagne 1 --
+Total des appareils vendus pendant
+l'Exposition 27
+</pre>
+
+ <p>C'est la maison Savalle qui, la première, a importé la distillation de
+la betterave en Autriche et y a installé les distilleries de ce genre
+qui existent aujourd'hui.</p>
+
+ <p>Les personnes intéressées à la question distillerie feront bien de se
+procurer chez M. Georges Masson, éditeur, 17, place de
+l'École-de-Médecine, à Paris, la brochure de M. Désiré Savalle,
+intitulée: <i>Progrès récents de la distillation</i>; elles y trouveront des
+renseignements précieux sur la distillation de toutes les matières
+alcoolisables, et sur de nouveaux appareils appliqués à la fabrication
+de couleurs d'aniline et à l'épuration des méthylènes.</p>
+<br><br>
+
+ <h2>Rébus</h2>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"></p>
+<br>
+ <p class="mid">EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</p>
+
+ <p class="mid">Avant dîner et après un grand chagrin, l'appétit est coupé.</p>
+
+
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1598, 11 octobre
+1873, by Various
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+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, 11 OCTOBRE 1873 ***
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+electronic works. See paragraph 1.E below.
+
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+generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
+Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
+www.gutenberg.org
+
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
+U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the
+mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its
+volunteers and employees are scattered throughout numerous
+locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt
+Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to
+date contact information can be found at the Foundation's web site and
+official page at www.gutenberg.org/contact
+
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+Literary Archive Foundation
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+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
+Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
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+
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+editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
+the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
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+edition.
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+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
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