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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-14 19:05:55 -0700 |
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LXII.--N° 1598<br> + +SAMEDI 11 OCTOBRE 1873</p> + + + + <p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p> + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1" + style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 33%;"> +DIRECTION, RÉDACTION, ADMINISTRATION<br> +22, RUE DE VERNEUIL, PARIS. + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 34%;"> +31e Année.VOL. LXII. N° 1598<br> +<span class="large_ss">SAMEDI 11 OCTOBRE 1873</span> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 33%;"> +SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br> +60, RUE DE RICHELIEU, PARIS. + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1" + style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> +<b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br> La collection mensuelle, 3 fr.; le vol. +semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr. + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> +Abonnements Paris et départements: 3 mois, 9 fr.; 6 mois, 18 fr.; un +an, 36 fr.;<br>Étranger, le port en sus. + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>LE PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Le Grand-Trianon.</b></p> +<br><br> + + <h3>SOMMAIRE</h3> + + <p><i>Texte</i>: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert +Audebrand.--Les Théâtres.--Les Domestiques modernes, par M. Hippolyte +Lucas.--L'esprit de Parti (suite).--Nos gravures.--Les Mystères de la +Bourse (fin).--Bulletin bibliographique.--Revue financière.--Appareils +Savalle pour la distillation.</p> + + <p><i>Gravures</i>: Le procès du maréchal Bazaine: le Grand-Trianon.--La pêche +des huîtres (5 gravures).--Procès du maréchal Bazaine; une séance du +Conseil de guerre siégeant à Trianon.--Nuka-Hiva: la reine Vaékéhu;--La +reine Vaékéhu et ses fils.--Le déjeuner, d'après le tableau de M. +Garaud.--Exposition universelle de Vienne: les appareils distillatoires +de M. Saville.--Rébus.</p> + +<br><br> + + <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3> + + <h4>FRANCE</h4> + + <p>Depuis la semaine dernière, un certain désarroi semble s'être mis de +nouveau dans les affaires de la fusion qui paraissaient cette fois +définitivement arrangées, ou à peu près. Tous les journaux du parti +triomphaient. C'était trop tôt, paraît-il, ou peut-être prenaient-ils +leurs désirs pour la réalité. Peut-être, aussi jugeaient-ils qu'ils +avaient intérêt à ne pas dire toute la vérité. Dans ce cas, ils avaient +tort; car s'il est un devoir qui s'impose aux journaux dans les +circonstances actuelles, c'est celui de ne pas tromper le public. Or, +c'était le tromper que de proclamer à son de trompe que le centre droit +se trouvait en pleine conformité d'opinion et d'action avec la droite, +quand, en réalité, chacun maintient ses positions, et qu'on n'est pas +plus avancé qu'au premier jour; c'était le tromper que d'affirmer que la +question du drapeau ne soulevait plus de difficultés, quand il est vrai +que, sur ce point, l'<i>Union</i> le dit et doit être bien informée, +«l'accord n'est pas fait». Non-seulement on est divisé encore sur la +question du drapeau, mais on ne s'entend même pas sur les principes +fondamentaux de la monarchie à restaurer.</p> + + <p>Un événement important est venu ajouter à ce désarroi. C'est la +publication d'une lettre adressée par M. Thiers à M. Bernard, maire de +Nancy. Voici cette lettre datée du 29 septembre, dans laquelle l'ancien +Président de la république décline l'invitation qui lui avait été faite +de se rendre à Nancy. M. Thiers redoute l'agitation à laquelle pourrait +donner lieu son voyage dans une ville qui l'appelle et qui se préparait +à lui faire un sympathique accueil. «Sans doute, écrit M. Thiers, il est +des calomnies qu'il faut savoir mépriser; sans doute aussi, au sein d'un +pays qui serait fait aux mœurs de la liberté, l'agitation serait +permise dans un moment où sans consulter la France, on prétend décider +de ses destinées.» On voit que le chef de l'opposition n'est point la +dupe des phrases toutes faites ni des hypocrites conseils par lesquels +on voudrait enchaîner la protestation légitime de la moitié des +représentants de la nation. S'il s'abstient d'aller soulever et +recueillir à travers la France les ovations qui l'attendent et qui dans +sa personne salueraient la république conservatrice, c'est parce qu'il +le juge utile à la cause même de cette république. Les adversaires des +«institutions existantes» auraient donc tort de compter sur le silence +et la neutralité de M. Thiers; M. Thiers parlera, il agira! «Bientôt, +écrit-il, nous aurons à défendre non-seulement la république qui, pour +moi, reste le seul gouvernement capable de rallier, au nom de l'intérêt +commun, les partis si profondément divisés, et qui seule peut parler à +la démocratie avec une autorité suffisante... Nous aurons à défendre +tous les droits de la France, ses libertés civiles, politiques et +religieuses, son état social, ses principes qui, proclamés en 1789, sont +devenus ceux du monde, entier.»</p> + + <p>Il n'en faut donc plus douter; un combat, une bataille solennelle et +décisive se prépare. Dans cette bataille, tous les fils de la Révolution +combattront sous le même drapeau,--le drapeau tricolore, accepté sans +réserve, ni restrictions d'aucune sorte, ni «mensonge», pour employer +l'expression énergique de M. Thiers; ils combattront enfin sous les +auspices et sous la conduite du libérateur du territoire. Ce n'est pas +la première fois qu'en face de l'ancien régime, M. Thiers aura levé +courageusement l'étendard de la Révolution de 1789; ce n'est pas la +première fois qu'il aura pris les initiatives hardies et généreuses, et +que la nation aura répondu à son appel. «La parole est à la France», +écrivait naguère M. le comte de Chambord. Il ne restait plus qu'à savoir +ce que disait et voulait la France: nous allons bientôt le connaître.</p> + + <p>Avec cette, lettre, presque aussitôt suivie des déclarations +républicaines des membres les plus considérables et les plus considérés +du centre gauche, l'événement de la semaine a été l'ouverture, au +Grand-Trianon, du procès du maréchal Bazaine, sous la présidence de M. +le duc d'Aumale.</p> + + <p>La loi veut que tout chef de corps qui capitule soit appelé à rendre +compte de sa conduite au même titre qu'un commandant de vaisseau est +appelé à rendre compte de la perte du bâtiment qui lui était confié.</p> + + <p>Ce n'est pas seulement le maréchal Bazaine, mais ce sont tous les +commandants des places de l'Est ayant capitulé dans la dernière guerre +qui ont été soumis à cette loi et qui ont rendu compte de leur conduite +devant un conseil d'enquête que présidait le maréchal +Baraguey-d'Hilliers, assisté de quatre officiers généraux.</p> + + <p>On peut se rappeler ce qu'ont été les avis émis par ce conseil +d'enquête, car ces avis ont, en vertu d'une loi spéciale, été livrés à +la publicité. Ces avis ont été sévères, à des degrés différents, pour +presque tous les commandants de place, sauf pour l'officier qui +commandait la petite place de Bitche.</p> + + <p>Pour le maréchal Bazaine le blâme a été énergique, et surtout motivé de +telle façon que l'Assemblée nationale comprit la nécessité d'exercer +dans toute leur étendue les droits sévères qui lui étaient conférés en +décrétant, dans sa séance du 16 mai 1872, la mise en jugement du +maréchal Bazaine.</p> + + <p>C'est en conséquence de cette décision que le ministre de la guerre +délivra un ordre d'informer.</p> + + <p>Le général Rivière, chargé de l'instruction, a entendu plus de 500 +témoins. Son avis a été, après de longs mois de travail, que le maréchal +devait être renvoyé devant la justice militaire pour y être jugé.</p> + + <p>L'avis du général Rivière a ensuite été soumis au ministre de la guerre +avec toutes les pièces à l'appui. C'est donc en conformité de cet avis, +rendu après celui du conseil d'enquête, que le ministre de la guerre +s'est décidé à convoquer le conseil qui vient de se réunir pour juger le +maréchal Bazaine.</p> + + <p>Les deux articles visés dans le rapport sont les articles 209 et 210 du +Code militaire, ainsi conçus;</p> + + <p>«Art. 409.--Est puni de mort avec dégradation militaire tout gouverneur +ou commandant qui, mis en jugement après avis d'un conseil d'enquête, +est reconnu coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, et rendu la place +qui lui était confiée sans avoir épuisé tous les moyens de défense et +sans avoir fait tout ce que prescrivaient le devoir et l'honneur.»</p> + + <p>«Art. 210.--Tout général, tout commandant d'une troupe armée qui +capitule en rase campagne est puni 1º de la peine de mort avec +dégradation militaire si la capitulation a eu pour but de faire poser +les armes à sa troupe, ou si, avant de traiter verbalement ou par écrit, +il n'a pas fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l'honneur; 2º +de la destitution dans tous les autres cas.»</p> + + <p>Rien n'est modifié dans le nombre de voix nécessaires pour la +condamnation. Il y a sept juges, il faut cinq voix pour la condamnation. +Si l'accusé n'a que deux voix pour lui sur sept, il est condamné; s'il +en a trois, il est acquitté.</p> + + <p>Aucune récusation n'est permise à l'accusé. II n'a que le recours en +révision.</p> + + <p>Le conseil de guerre a déjà tenu trois audiences au moment où nous +traçons ces lignes, et ces trois audiences ont été presque exclusivement +consacrées à la lecture, qui n'est pas encore terminée, du rapport du +général Rivière. Ce rapport très-net et très-bien fait, est, disons-le, +accablant pour le maréchal. On n'attend pas de nous que nous le +reproduisions, même en substance, vu sa longueur. Ce serait un travail +long, difficile, et qui resterait, malgré tout, incomplet! De tels +documents d'ailleurs demandent à être lus <i>in extenso.</i> Nous renvoyons +donc nos lecteurs aux journaux quotidiens.</p> + + <h4>ESPAGNE</h4> + + <p>Les cortès se sont prorogées le 20 septembre jusqu'au 2 janvier +prochain, laissant le chef du pouvoir exécutif, M. Emilio Castelar, +investi d'une dictature sans limites.</p> + + <p>Les efforts du gouvernement, qui semble entretenir l'espoir d'une +reddition volontaire des insurgés de Carthagène, se concentrent +principalement sur le renforcement des différents corps d'armée tenus en +échec par les carlistes dans les provinces septentrionales. Déjà le +général Moriones a pris le commandement provisoire de l'armée du Nord, +dont le commandant définitif doit être, dit-on, le maréchal Serrano; le +général Turon est allé se mettre à la tête des troupes de la Catalogne.</p> + + <p>Bilbao est toujours cerné par les carlistes, qui, par contre, auraient +abandonné l'attaque de Tolosa pour se replier dans les montagnes de la +Navarre, à l'approche des renforts amenés par le général Moriones.</p> + + <p>Les insurgés de Carthagène ont mis à exécution la menace dont +l'intervention des amiraux étrangers avait jusqu'à présent fait retarder +l'accomplissement; il ont bombardé Alicante, sous les yeux même des +navires anglais, français et allemands, présents dans les eaux du port. +Le 27 septembre au matin, les frégates insurgées <i>Mendez-Nunez</i> et +<i>Numancia</i> ouvraient le feu sur le fort en ruines qui domine une partie +de la ville et sur les fortifications qu'on avait élevées à la hâte. Les +frégates portaient le drapeau rouge. Le <i>Fernando-el-Catolica</i>, qui les +avait accompagnées d'abord, était allé faire à Villajoyosa, au nord +d'Alicante, une expédition semblable à celle de las Aguilas; le <i>Tetuan</i> +n'avait pu sortir de Carthagène, sa machine ayant refusé le service.</p> + + <p>Le feu des frégates, mal dirigé, ne causa que peu de dommages; il y fut +vigoureusement répondu par l'artillerie républicaine, commandée par ses +anciens officiers. Près de cinq cents projectiles ont été lancés; +plusieurs édifices, entre autres le palais du gouverneur civil, ont été +atteints; onze personnes ont été tuées. A une heure, après une tentative +pour s'approcher du quai, tentative que la batterie établie sur ce point +arrêta, les frégates se retiraient, non sans avoir reçu des avaries +notables, l'une d'elles à la remorque de l'autre.</p> + + <h4>ITALIE</h4> + + <p>L'anniversaire du plébiscite qui a consacré la chute du pouvoir temporel +du pape, a été célébré jeudi 4 octobre, à Rome, au milieu de la joie +«générale», avec force transparents représentant le roi Victor-Emmanuel, +l'empereur Guillaume et l'empereur François-Joseph les mains +entrelacées, force vivats en l'honneur de l'Autriche, mais surtout de la +Prusse, et plusieurs douzaines d'orchestres faisant retentir les places +publiques de l'air national prussien.</p> + + <p>M. Minghetti paraît désireux de hâter le plus possible la convocation du +Parlement. La nouvelle a été donnée que, dans un récent conseil des +ministres, le gouvernement aurait décidé de clore la session actuelle de +la Chambre et de fixer aux premiers jours de novembre l'ouverture du +prochain Parlement. On dément aujourd'hui, à Rome, le bruit que le +ministère ait l'intention de présenter un projet d'appendice à la loi +sur les garanties pour régler les rapports de l'Église avec l'État.</p> + + <p>Toutefois on maintient que M. Vigliani, étudie en ce moment un projet de +loi qui, tout en respectant la liberté du clergé, marquerait le point où +cette liberté se changerait en licence et se transformerait en délit +commun.</p> + +<br><br> + + <h2>Courrier de Paris</h2> + + <p>Mme Marie Rattazzi est de retour; elle a repris ses réceptions. D'autres +hésitent ou attendent. Quant à elle, à peine revenue, elle s'est +empressée de donner à souper à ses amis. Ceux qui sont venus sont les +mêmes qu'on voyait autour d'elle pendant le dernier hiver. On pourra +dire que c'est un monde un peu bigarré, d'accord; il n'en faudra pas +moins reconnaître que c'est l'amalgame le plus joyeux qu'on puisse voir. +D'anciens dignitaires s'y montrent, d'abord comme le dessus du panier, +des diplomates d'autrefois, un ex-chambellan, des naufragés de la +politique, deux ou trois académiciens; au milieu de tout cela, des +peintres, des journalistes, des musiciens, ce qu'Horace appelle +<i>ambubaja rum collegiæ.</i> A la musique de l'hôtesse se marie la bonne +chère; à la causerie la danse. Quand la neige poudre nos toits à +frimais, il ne faut pas que l'hôtel soit trop morose. On improvise alors +un petit théâtre, où la maîtresse conserve le privilège de jouer les +premiers rôles. Au milieu de Paris, tel qu'il est en ce moment, rien de +plus curieux qu'un tel train de vie où chaque jour se change en fête. La +résidence de la Petite Princesse, comme on l'appelle encore, ressemble à +une découpure du joli tableau sur lequel Watteau a jeté, il y a cent +ans, les groupes de la Comédie italienne.</p> + + <p>Ce qu'il y a de plus remarquable là-dedans, c'est que rien n'arrête +jamais la marche de ces loisirs. Notez qu'il y a tantôt quinze ans que +cela dure. En 1858, c'était tantôt à Aix-les-Bains, tantôt à Annecy. +Eugène Sue est mort, par là, un jour, subitement ou à peu près; la +Petite Princesse, qui était un peu son élève, a-t-elle pleuré? Oui, +dit-on, mais la musique, le théâtre, les bons moments n'ont pas chômé +pour si peu. On est revenu à Paris, on s'y est installé; on a appelé +autour de soi des personnalités graves et l'on est parvenu à en faire +des personnalités folâtres, Sainte-Beuve y venait, Sainte-Beuve qui +toussait pour rire quand il faisait <i>Joseph Delorme</i>; le père Viennet y +récitait ses fables; M. Dupin aîné y jouait au whist; on y coudoyait +aussi le dieu Ponsard. Toutes ces étoiles ont disparu; avec elles, +l'empire est tombé, les cousins sont partis, probablement pour toujours; +eh bien! n'importe, la jolie vie a continué, et il y a mieux, le veuvage +s'est présenté pour la seconde fois, la jolie vie poursuit son cours, et +elle sera un désagréments de cet hiver.</p> + + <p>La politique est partout avec ses fureurs, ses appétits, ses nuits +blanches, ses rêves et ses déceptions. Dans les deux faubourgs, cette +grande dame consacre son énergie à accoupler des chiffres qui se sont +fait cinquante ans la guerre; telle autre use ses yeux et son aiguille à +broder des cocardes. La Petite Princesse n'en est plus là, Dieu merci. +Elle sait la fable du chien qui jette la proie pour l'ombre. Elle ne +veut plus d'illusions. Elle s'en tient philosophiquement au plaisir qui +se présente aujourd'hui sans s'embarrasser de ce que pourra être demain. +«Cueille l'heure présente.» <i>Carpe diem.</i> Elle s'amuse, elle demande +qu'on s'amuse chez elle et autour d'elle, et n'admet rien de ce qui +serait étranger à l'action de s'amuser. A sa première soirée, on a +beaucoup admiré son buste nouveau par Clésinger, trop décolleté, +paraît-il, mais tout le monde sait bien aussi que c'est le genre du +sculpteur qui a fait la <i>Femme à l'aspic.</i> Il y avait aussi un portrait +de la même par un peintre italien.</p> + + <p>A propos de princes, un de nos confrères en chronique vient de nous +apprendre de quelle façon comique le gardien du château d'Amboise a été +récemment congédié. On doit se rappeler que ce vieux nid de vautour, +bâti sur le haut d'un roc, théâtre de tant de drames, de fêtes et de +crimes, appartient aujourd'hui à la famille d'Orléans. C'est pour cette +raison que Louis-Philippe avait fait de ces murs de granit la prison +d'Abd-el-Kader et de toute sa smalah. En décret de Napoléon III avait +bien confisqué Amboise, mais l'Assemblée nationale a biffé la +disposition qui concerne ce domaine. Or, il y a quelque temps, un jeune +couple s'abattait au milieu des galeries en ruines. Mari et femme, ils +avaient tout visité, la merveilleuse chapelle dans laquelle Charles XIII +s'est marié, le parc au milieu duquel on voit le tombeau de Léonard de +Vinci, l'incomparable voie souterraine qu'on parcourait en carrosse avec +des flambeaux. Il ne restait plus à voir que le balcon, où la tradition +dit que La Renaudie et ses compagnons ont été pendus. Voulant d'ailleurs +jouir du point de vue qu'on a de là sur la Loire, le jeune étranger +ouvrit brusquement une des fenêtres.</p> + + <p>--Eh! là-bas, s'écria le gardien en s'avançant, dites donc, vous, fermez +donc cette fenêtre, que vous venez d'ouvrir sans ma permission.</p> + + <p>--Mon brave homme, répondit le jeune monsieur, je suis ici chez moi; je +m'appelle le comte de Paris.</p> + + <p>Il se peut que le fait soit vrai, mais si le gardien a été congédié, c'a +été pour avoir dit autre chose.</p> + + <p>Pas plus tard que l'an dernier, le hasard m'ayant poussé par là, ce même +gardien, le cicérone le plus discret qu'on ait jamais vu, nous exposait +à un officier d'artillerie et à moi tout ce qui s'était passé de +mystères dans cet endroit terrible. Il nous disait les visites soudaines +de Louis XI, escorté de Tristan l'Hermite, son compère; il nous +racontait l'arrivée soudaine d'Henri III amenant lui-même ses +prisonniers après avoir assassiné les Guises à Blois. Tout à coup il +nous fit entrer dans la partie du château qui est demeurée la plus +habitable.</p> + + <p>--Ah! quant à ça, reprit-il, ça n'est plus du moyen âge, c'est du +moderne. Ces magnifiques galeries, vous le voyez, ont été découpées en +une multitude de petits cabinets à la parisienne, des cages à poulets. +Ainsi l'a voulu, sur la fin du règne de Louis XVI, un certain prince de +Penthièvre, le propriétaire du temps. Le pauvre homme! la pauvre +cervelle! Ses petites bâtisses ont masqué les salamandres, les fleurs de +lis, les grandes moulures. C'était un bourgeois, ce Penthièvre et, par +dessus le marché, il avait le désagrément d'être le beau-père d'un assez +mauvais garnement appelé, je crois, Philippe-Égalité. Pour ne parler que +d'architecture, il n'y entendait goutte. Tenez, quand Napoléon III a +passé par ici, je lui ai montré tout ça, le chef-d'œuvre du Penthièvre. +Il en riait comme moi. Je vous laisse à penser si l'empereur et moi nous +nous sommes fait alors une pinte de bon sang.</p> + + <p>Il n'y aurait rien de risqué à supposer que notre susdit gardien qui +faisait ce boniment à tous ceux qui visitaient le château, l'a répété au +comte et à la comtesse de Paris. On conçoit dès lors le dénoûment +annoncé par notre confrère en chronique, c'est-à dire la destitution de +l'homme qui a la langue trop bien pendue.</p> + + <p>Un peintre de talent vient de disparaître; Edwin Landseer vient de +mourir à l'âge de soixante-six ans; c'est une perte pour l'Angleterre +qui ne donne pas souvent naissance à des artistes de cette trempe. Peu +d'<i>animaliers</i> auront produit autant de sensation. Edwin Landseer ne +manquait pas de défauts sans doute; il voyait les choses trop en joli. +Toutes les scènes qu'il décrivait étaient d'une propreté irréprochable; +ses basses-cours avaient l'air d'un boudoir; chacune de ses écuries peut +lutter d'élégance avec le salon d'une lady. Et ses chevaux! et ses +chiens! quelles bêtes toujours soigneusement brossées, lustrées, cirées, +époussetées! Cinq ou six de ses tableaux, reproduits par la gravure, +sont répandus à profusion dans les deux mondes. Tels sont <i>Les chiens du +mont Saint-Gothard (1829), La chasse aux faucons (1832), Les animaux à +la forge (1835), Sauvé!</i> (une très-belle scène d'inondation qui date de +1856).</p> + + <p>Celle de ses toiles qui a obtenu le plus de succès est une page +familière de la vie de l'auteur d'Ivanohé. Qui n'a vu <i>Sir Walter Scott +et ses chiens?</i> Le laird d'Abbotsford, sa belle tête carrée, si +puissante et si calme, son œil si vif, tout cela s'harmonisant à +merveille au milieu de ces beaux peintres d'Écosse dont le grand +romancier avait voulu faire ses meilleurs amis. Assurément le jour où +Landseer a composé cette scène, il a fait un tableau d'histoire. Nous +n'aimons plus les parallèles; nous ne sommes plus à l'époque des +pendants, mais combien on aurait aimé à voir, en regard de sir Walter +Scott et ses chiens, lord Byron et son ours à Newstead-Abbey! Mais +lorsque le fou sublime qui devait écrire <i>Don Juan</i> menait la vie +romantique dans son château, Edwin Landseer n'était encore qu'un enfant +et s'exerçait à peine à tailler ses crayons.</p> + + <p>Nos voisins d'outre-Manche ont une qualité dont on ne saurait trop faire +l'éloge. Une fois le talent admis par eux, consacré par la Renommée et +ses trompettes, ils lui jettent l'or à pleines mains. Edwin Landseer a +pu voir quelle différence il y avait entre la réputation dans la +Grande-Bretagne et la réputation en France. Chez nous, ce n'est le plus +souvent qu'un vain bruit, sauf annexe, sans couronnement d'aucune sorte; +chez les Anglais, c'est la conquête de toutes les jouissances sociales, +une maison, une famille, la vie intime s'appuyant sur la richesse, ou, +pour le moins, sur l'abondance. Ce peintre qui faisait si bien les +chiens et les chevaux pouvait s'acheter, à son tour, une résidence, +mieux qu'un cottage, un beau toit d'ardoises au milieu des prés, une +écurie, un chenil, des poules, un étang, des bois dont l'ombre et le +murmure lui appartenaient. Tous ces <i>boni</i> de la gloire ne le mettaient +pas, il est vrai, à l'abri des malignités de la critique; mais quel est +l'heureux du monde que l'épigramme des contemporains a jamais épargné?</p> + + <p>«Votre Landseer, écrivait un jour une feuille satirique, il a du talent, +du talent sans aucun doute, mais toujours, toujours le même talent. Il +fait des chiens et des chevaux, rien que des chevaux et des chiens. On +prétend qu'il a fait une fois un cerf; ce devait être pendant l'année de +la comète. Ça ne s'est pas renouvelé. En certain jour, lord Devons.... a +voulu lui faire faire le portrait d'un très-joli cochon blanc et rose +dont il est l'inventeur; Landseer s'est mis à l'œuvre, et, au bout du +compte, son cochon, était un chien. N'est-ce pas à donner envie de le +mordre?»</p> + + <p>Puisque tout change sans cesse autour de nous, il faut bien admettre +qu'il y a aussi une mobilité raisonnable dans ce que Talleyrand +appelait: <i>Le grand art de la gueule</i>. On ne mangeait plus du temps de +Scarron comme on avait mangé à l'époque de Rabelais. On ne dînait déjà +pas avec Brillat-Savarin, sous la Restauration, comme on avait dîné avec +Barras, sous le Directoire. Tout cela pour vous dire qu'on s'occupe en +ce moment même de codifier la table, ses frontières, ses lois et sa +pénalité. Le dernier <i>Code gourmand</i>, qui est d'Horace Raisson, le +premier collaborateur d'H. de Balzac, date de 1827, c'est-à-dire qu'il +est âgé d'un demi-siècle. Evidemment c'est un code à mettre à la +réforme.</p> + + <p>Avant que ce livre typique ne soit remplacé par celui qu'on prépare, il +est tout simple qu'on jette sur son contenu un dernier coup d'œil, une +sorte d'adieu. En trois cents pages il résumait toute la science éparse +dans les admirables préceptes de l'École de Salerne, dans Berchoux, dans +Henrion de Pansev, dans Brillat-Savarin, déjà nommé, dans Carême, dans +les cinquante tomes qui forment les Annales du Caveau, et, en un mot, +dans les œuvres succulentes de tous ceux qui se sont religieusement +occupés de faire de la table,--ce qu'elle doit être,--le pivot de la +civilisation moderne. Que de choses curieuses dans ce vieux livre! mais +aussi que de choses que nous ne comprenons déjà plus! Ainsi, sous forme +d'annotation, le <i>Code gourmand</i> cite deux vers du Don Juan de Byron:</p> + + <p>«Rien de plus délicieux dans la vie que le coin du feu, une salade de +homards, du champagne et la causette.»</p> + + <p>Du champagne, même du Moël, en même temps que la salade de homards, cela +serait considéré de nos jours tout à la fois comme une hérésie et comme +un barbarisme.--Mais voyez la contradiction! Byron est le même qui +écrivait de Venise à Thomas Moore: «Ah! mon ami, pourquoi faut-il qu'on +mange? Manger, boire; boire, manger, c'est travail de bête! Le bruit de +la mastication et de la trituration est celui qui m'afflige le plus. Je +ne puis surtout me décider à voir manger les femmes. Si la belle mâchait +un os de poulet à côté de moi, je serais capable de la poignarder avec +ma fourchette!»--Voilà encore une chose que le temps a bien changé. +Aujourd'hui la mode est que les femmes mangent beaucoup.--Que l'ombre du +grand poète vienne faire un tour à Paris un de ces soirs, à l'heure où +les cabarets allument les bougies, et elle en verra de drôles sous ce +rapport!--Non-seulement les femmes mangent grandement, mais elles +commencent à boire avec une certaine bravoure. Il y a mieux, c'est une +fort jolie femme, une actrice qui a déterré dans une lettre de Voltaire +à d'Alembert ce tronçon de prose: «Je ne connais de sérieux ici-bas que +la culture de la vigne.»</p> + + <p>Pour en finir avec le <i>Code gourmand</i> en train de trépasser, je +signalerai encore une proposition surannée de cet ouvrage. A la page 180 +on lit ce qui suit; «Quand vous verrez un poète boire de l'eau pendant +tout le dîner, pariez hardiment que c'est un poète didactique.» Or, les +contemporains ont pu être témoins de plusieurs faits qui battaient cette +manière d'aphorisme en brèche: 1º Béranger buvait de l'eau; M. Ernest +Rendu le lui a même amèrement reproché: «Il chantait le vin et buvait de +l'eau; il chantait aussi le Dieu des bonnes gens et il avait la +simplicité de croire à ce dieu-là»; 2º Alexandre Dumas père aussi était +un buveur d'eau (et il n'était guère didactique); 3° Par contre, +Sainte-Beuve buvait du Chambertin, et c'était l'homme enseignant, +l'homme des compas, des règles et des mesures.--Mais le <i>Code gourmand</i> +de 1827 n'est plus; le <i>Code gourmand</i> de 1873 va venir en même temps +que les vraies truffes et les bécasses. Disons comme Alceste: «Nous +verrons bien.»</p> + + <p><span class="sc">Philibert Audebrand.</span></p> + + <br><br> + + <h3>LA PÊCHE DES HUÎTRES</h3> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>PÊCHE A LA DRAGUE, A L'AVIRON, RIVIÈRE DU TRIEUX.</b></p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b> + Drague de rivière pour petites embarcations. + + Drague des bateaux Cancalais et Granvillais.</b></p> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/003a.png"><br><b>Bateaux dragueurs d'huîtres de la côte anglaise de +Dungeness.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>Cutters pêcheurs d'huîtres de la côte de Plymouth.</b></p> + +<br><br> + + <h3>LES THÉÂTRES</h3> + + <p><span class="sc">L'Opéra.</span>--<i>La Mélodie</i>, études complémentaires vocales et dramatiques de +l'art du chant, par G. Duprez.</p> + + <p>Depuis quelque temps le théâtre de l'Opéra, toujours en cherche de +premiers sujets, nous a fait entendre des débutantes. Si nous n'avons +pas parlé de ces tentatives de notre Académie de musique, c'est qu'elles +n'ont pas été heureuses. Les étoiles nouvelles découvertes par M. +Halanzier ont fait une apparition de quelques soirées au ciel de l'Opéra +et se sont éclipsées. Ces exhibitions de talents d'une soirée n'ont pas +eu de lendemain et les grands rôles de femme attendent toujours leur +interprète. Mlle Ferrucci, que nous avons entendue hier dans les +<i>Huguenots</i>, nous semble devoir être plus heureuse que ses devancières, +et il pourrait bien se faire que l'Opéra gardât cette pensionnaire, qui, +croyons-nous, peut lui rendre quelques services.</p> + + <p>Mlle Ferrucci est une fort belle personne à laquelle l'émotion, dans +cette première soirée, enlevait sans doute ses moyens de tragédienne +lyrique, car elle a joué avec un embarras extrême ce grand rôle de +Valentine; mais la débutante, dont l'organe est bien faible et bien +insuffisant dans le registre grave, a une voix des plus heureuses et des +mieux timbrées à l'octave supérieur. La note est claire, vibrante, +chaleureuse; le clavier roule, résonne avec une grande égalité. Mais +tout cela est bien loin encore de constituer un réel talent, et la +cantatrice tant cherchée est encore à trouver.</p> + + <p>Quelle cause a donc rendu si rare ce phénomène si fréquent autrefois? +Voici M. Strakosch, l'homme à coup sur des grandes découvertes en ce +genre; grâce à lui nous allons voir renaître ce malheureux +Théâtre-Italien, mort faute de sujets. Eh bien, M. Strakosch lui-même +cherche, à l'heure qu'il est, une virtuose; il nous promet de nous faire +entendre une série de jeunes talents. A voir la liste de ses +pensionnaires, vous diriez tout le personnel d'un Conservatoire: belles +promesses; mais des promesses pour l'avenir. Rien qui s'impose encore +par le talent reconnu. Les impresarii de l'autre côté des Alpes ne sont +pas plus heureux que M. Strakosch et M. Halanzier. Un de mes amis qui +vient de parcourir toute l'Italie n'a pas rencontré une seule chanteuse +sur les théâtres de Milan, de Venise, de Florence et de Naples. Il ne +faut pas s'y tromper, l'art du chant se perd de jour en jour. Et +pourquoi? C'est que les artistes qui ne peuvent ni ne veulent attendre, +se précipitent trop rapidement sur la scène. C'est qu'ils ébauchent à +peine quelques études pour entrer immédiatement en jouissance des moyens +vocaux que la nature leur a donnés. Malgré les théories nouvelles, +l'éducation sérieuse est indispensable pour un tel art.</p> + + <p>C'était l'opinion du fameux Lagingeole, de l'<i>Ours et le Pacha.</i>--Mais +c'est merveilleux! disait Schahabaham; comment avez-vous pu rendre cet +ours musicien?--En lui apprenant la musique. Contrairement à cette +méthode, ce que les chanteurs apprennent le moins à l'heure qu'il est, +c'est la musique. D'ailleurs, il ne faut pas s'y tromper, l'enseignement +fait défaut partout. De toutes parts on le néglige. Les maîtres +eux-mêmes semblent avoir abandonné ce travail excellent qui répandait la +saine et robuste instruction musicale par les solfèges et les vocalises. +Cette pédagogie de l'artiste a été délaissée. Et pourtant que d'ouvrages +précieux elle avait produits: et les <i>Exercices et Vocalises</i>, par +Crescentini, et les <i>Exercices</i>, de Garcia. Les variations vocales sur +une phrase, et l'excellente <i>Méthode d'artiste</i>, de Mme Conti-Damoreau, +et les <i>Gorgheggi e solfeggi</i>, de Rossini, les <i>Vocalises élégantes</i>, de +Guillot de Sainbris, et enfin ce précieux <i>Recueil de Vocalises</i>, de +Bordogni, ces morceaux d'un goût exquis, d'une science parfaite, dans +lesquels se résumaient tout l'enseignement vocal de l'école italienne.</p> + + <p>Le goût change; si parfaite que soit cette petite bibliothèque classique +du chanteur, il faut la renouveler; aussi avons-nous ouvert avec le plus +grand intérêt ce volume qui a pour titre: <i>La Mélodie</i>, et qui complète +le <i>Traité de l'art du chant</i> publié par M. Duprez en 1845. M. Duprez +est peut-être à l'heure qu'il est la seule gloire qui existe encore de +ce grand passé qui compta tant d'illustres chanteurs. Son passage au +théâtre a été lumineux, éclatant. Lorsque l'admirable chanteur se retira +de la scène, son enseignement devint des plus féconds; nous lui devons +des talents hors ligne; son école se maintint dans les doctrines les +plus nobles et les plus pures. Elle se répandit dans le public à l'aide +de cet art du chant que nous venons de citer; aujourd'hui il se complète +par ces études vocales et dramatiques. Ce n'est pas seulement pour le +clavier vocal que le maître a écrit ces exercices; si le développement +de la voix gagne à ces études savamment dirigées, le goût du chanteur, +dans les passions et les sentiments à exprimer, y bénéficie plus encore. +L'enseignement s'élève au style et dans les morceaux de chant, et dans +les études dramatiques, et dans les grands airs que M. Duprez a tirés de +ses propres œuvres. Il y a là de fort belles pages; mais ce qui me +frappe le plus, c'est l'habileté apportée dans cette progression +d'études.</p> + + <p>Pour donner plus d'autorité encore à cet important ouvrage, M. Duprez a +fait un choix dans les classiques du chant. Il a cherché, en les +transcrivant, les plus beaux morceaux des siècles passés, les plus +grandes inspirations de ces maîtres qui ont nom: Carissimi, Cesti, +Campra, Léo, Porpora, Pergolèse, Gluck, Sacchini, Cimarosa, Mozart, +Méhul, et qui dans ces chefs-d'œuvre portèrent l'art du chant à sa plus +haute et sa plus puissante expression dramatique. Cette seconde partie +de l'ouvrage de M. Duprez forme mieux encore qu'un curieux recueil; en +s'ouvrant à l'année 1500, pour finir avec le commencement de ce siècle, +elle donne dans ces pages savamment choisies une sorte d'histoire de +l'art qui se traduit elle-même par les œuvres de ses maîtres immortels.</p> + + <p><span class="sc">M. Savigny.</span></p> + + <p><i>P.-S.</i>--A voir mardi dans la salle Ventadour restaurée avec goût ce +monde élégant d'étrangers et de Parisiens, on se serait cru aux beaux +jours du Théâtre-Italien. La nouvelle direction de M. Strakosch +s'annonce donc sous les auspices les plus favorables, puisque le public +a répondu avec empressement à son appel. C'est à elle à répondre +maintenant à la sympathie du public pour ce théâtre. M. Strakosch nous +fait les plus belles promesses, et il est homme à les tenir. Si nous +parlons de cette première soirée, c'est pour signaler l'ouverture de la +salle Ventadour, et pour annoncer la rentrée de deux excellents +artistes, MM. Zucchini et Delle-Sedie dans <i>Don Pasquale</i>, qu'on a fort +applaudis l'un et l'autre. Une jeune artiste, Mlle Belval, a débuté dans +le rôle de Norine. Mlle Belval a une voix agréable, mais bien mince. +Elle chante avec goût; mais elle compromet un peu son succès par des +façons un peu brusques, pour ne pas dire cavalières.</p> + + <p>M. S.</p> + + <br><br> + + <h3>LES DOMESTIQUES MODERNES</h3> + + <p>Le duc de R...., ex-ambassadeur, ex-pair de France, ex-sénateur; et, +plus heureusement pour lui, grand propriétaire foncier, était assis +après son déjeuner dans son cabinet de travail, devant son bureau, les +yeux plongés dans la lecture d'un rapport d'une des entreprises +industrielles auxquelles il prête son concours, pour utiliser ses +loisirs. Le duc de R... est un homme très-fin, très-expérimenté, +très-rompu aux affaires, dont on recherche les judicieux conseils. +C'est, en outre, un homme du plus bienveillant esprit, et d'une +courtoisie à toute épreuve, surtout vis-à-vis de ses inférieurs. Justin, +son valet de chambre, entra et déposa quelques brochures devant lui.</p> + + <p>Le duc, au bout de quelques instants n'entendant pas Justin s'en aller, +releva la tête, et le vit tourner sa casquette entre ses doigts comme un +domestique embarrassé qui désirait évidemment avoir une conversation +importante avec son maître, et qui ne savait trop par où commencer.</p> + + <p>--Vous avez quelque chose à me dire, Justin?</p> + + <p>--Oui, monsieur le duc, si c'est un effet de votre bonté!</p> + + <p>--Parlez, quoique je sois très-occupé en ce moment.</p> + + <p>Justin continuait à tourner sa casquette et se taisait.</p> + + <p>--Est-ce de votre prochain mariage avec Justine, la femme de chambre de +la duchesse, que vous voulez m'entretenir?</p> + + <p>--Ce n'est pas précisément du mariage qu'il s'agit, mais c'est un peu à +propos de ce mariage que je me décide à faire à M. le duc une +communication.</p> + + <p>--Une communication! cela annonce quelque chose de grave.</p> + + <p>--Assez grave en effet!</p> + + <p>Le duc le regarda Fixement et, habitué à lire dans la pensée des autres, +lui dit;</p> + + <p>--Vous venez me demander une augmentation de gages!</p> + + <p>--C'est cela même, répondit Justin, soulagé d'avoir été deviné.</p> + + <p>--Je vous ai pris tout enfant sur ma terre de R... Je vous ai fait +élever; je vous ai amené un peu gauche à Paris, mais vous vous êtes +formé vite au service, vous êtes intelligent. Je ne suis pas mécontent +de vous. Vous avez eu douze cents francs d'abord, vous en avez dix-huit +aujourd'hui; je porterai vos gages à deux mille francs; voyez si la +duchesse veut faire pour Justine ce que je fais pour vous. La duchesse a +sa fortune personnelle.</p> + + <p>--Beaucoup plus considérable même que celle de M. le duc, ajouta Justin.</p> + + <p>--C'est vrai, dit le duc, avec un léger mouvement de surprise.</p> + + <p>--Justine est entrée chez la duchesse pour lui faire sa réclamation, +mais nous sommes loin de compte, monsieur le duc.</p> + + <p>--Comment, loin de compte? s'écria le duc avec un étonnement plus +prononcé.</p> + + <p>--Oh! oui, les gages que vous m'offrez ne sont pas en rapport avec la +fortune de M. le duc, ni avec les règlements de l'<i>Union.</i></p> + + <p>--Ma fortune, l'<i>Union!</i>... Qu'est-ce que cela veut dire? +Qu'entendez-vous par l'<i>Union.</i></p> + + <p>--L'Association générale des domestiques... M. le duc n'en a donc pas +entendu parler. Nous avons eu déjà plusieurs assemblées... Nous avons +fait venir de Londres un guide, un leader, un homme très-habile, un +orateur qui s'exprime en très-bon français, et qui nous a enseigné nos +droits...</p> + + <p>--Et vos devoirs, sans doute, dit le duc à moitié étourdi par cette +révélation inattendue.</p> + + <p>--Et nos devoirs aussi. Nous devons à l'<i>Union</i> un schelling, 1 fr. 25. +par semaine, comme en Angleterre, pour les frais généraux, et pour le +cas où une grève serait nécessaire.</p> + + <p>--Ah! c'est différent, dit le duc, qui avait repris tout son sang-froid, +je faisais naïvement allusion à vos devoirs envers vos anciens maîtres: +la reconnaissance, par exemple, qui a toujours passé pour une vertu.</p> + + <p>--La reconnaissance abaisse la fierté de l'homme, monsieur le duc, tout +doit se passer raisonnablement à notre époque, et si j'osais employer +une expression toute récente, contractuellement.</p> + + <p>--Et quel est le contrat que vous avez à me proposer.</p> + + <p>--Ce n'est pas moi qui en ai déterminé les conditions, monsieur le duc, +l'<i>Union</i> ne permettra pas désormais un mode de rétribution <i>ad +libitum.</i></p> + + <p>--Je m'aperçois que vous êtes devenu très-instruit, M. Justin. +L'anglais, le latin, ne sont plus pour vous des langues étrangères.</p> + + <p>--M. le duc doit être fier de ce progrès qu'il veut bien remarquer, +puisque c'est lui qui m'a fait apprendre à lire, à écrire.</p> + + <p>--Et à compter. Vous avez vraiment profité de l'éducation. Mais je suis +curieux de savoir quel est au juste ce mode de rétribution.</p> + + <p>--Ah! Il est bien simple. Un salaire proportionnel tout bonnement: cinq +pour cent sur la fortune du maître dans les grandes maisons. Or M. le +duc ayant cent mille francs de revenus, en bons biens au soleil, comme +son notaire peut en témoigner, et madame la duchesse en ayant deux cent +mille de son chef!...</p> + + <p>--Cela fait que vous me demandez cinq mille francs de gages par an, et +que Justine se hasarde à en demander dix mille à la duchesse.</p> + + <p>--Voilà tout. N'est-il pas temps que, sans bouleverser la société de +fond en comble, comme le veulent des gens avancés, l'inégalité des +conditions humaines soit justement adoucie.</p> + + <p>--Je vois avec plaisir que vous n'êtes pas encore de ceux qui demandent +à retourner du haut en bas l'échelle sociale, et que vous n'exigez pas +que je devienne votre valet de chambre...</p> + + <p>Justin ne prit pas garde au ton railleur du duc, et crut qu'il adressait +des compliments sincères à l'<i>Union</i> dont il était membre.</p> + + <p>--Oh! nous respectons, s'écria-t-il, les faits accomplis, les positions +acquises, tout en essayant d'améliorer notre industrie.</p> + + <p>--Ne vous servez pas de ce mot d'industrie, M. Justin, on le prend +quelquefois en mauvaise part; on en a fait un ordre, et, comme vous avez +l'esprit très-progressif, vous pourriez être tenté d'y prendre un grade.</p> + + <p>--Je voulais dire, pour améliorer nos moyens, d'existence, reprit Justin +un peu déconcerté; mais, après tout et entre nous, M. le due, ne +pourriez-vous pas convenir que vos aïeux ont abusé des miens...</p> + + <p>--Vos aïeux, M. Justin, répondit le duc quelque peu froissé, étaient de +bons et loyaux fermiers que mes aïeux, à moi, ont nourri dans leurs +terres durant des siècles, et qui seraient bien étonnés de votre +langage...</p> + + <p>--Que voulez-vous! C'est le langage du jour. Les temps de sacrifice et +d'abnégation sont passés. Chacun ne doit avoir en vue que son bien-être +ici-bas. Si vous entendiez notre leader...</p> + + <p>--Je me priverai de cette distraction.</p> + + <p>Le duc avait de la peine à se contenir, mais il ne se départait pas de +sa politesse habituelle.</p> + + <p>--Finissons, dit-il en se levant, je réfléchirai.</p> + + <p>Justin allait se retirer sur le geste de son maître, lorsque la +duchesse, moins patiente que son mari, entra avec impétuosité dans le +cabinet du duc, suivie de Justine, dont le bonnet était hardiment posé +sur l'oreille.</p> + + <p>--Croiriez-vous bien, M. le duc, dit la duchesse à demi suffoquée, que +cette effrontée de Justine est venue me proposer d'élever ses gages à +dix mille francs par an...</p> + + <p>--Et qu'avez-vous répondu, chère amie? repartit froidement le duc.</p> + + <p>--Je l'ai <i>chassée</i>.</p> + + <p>--Monsieur Justin, reprit le duc en se tournant vers son valet de +chambre d'une façon significative, les femmes mettent les points sur les +i.</p> + + <p>--Vous me chassez aussi? dit Justin.</p> + + <p>--Vous savez que je n'aime pas les gros mots. Mais vous pouvez suivre +Justine, bien digne d'être votre compagne...</p> + + <p>Justine s'approcha de Justin et lui dit à l'oreille.</p> + + <p>--Préviens le cocher, je vais prévenir la cuisinière, la grève va +commencer par nous.</p> + + <p>--Ils se retirèrent à reculons d'un air insolent et, sur le seuil du +cabinet, Justin dit brusquement:</p> + + <p>--On fait ce qu'on peut, pour prévenir les révolutions et voilà comment +on est reçu!...</p> + + <p>--C'est trop fort, s'écria le duc en cherchant sa canne... La duchesse +l'arrêta.</p> + + <p>Après la sortie de Justine et de Justin, le duc et la duchesse se +regardèrent les larmes presque aux yeux; ils s'assirent et causèrent +longtemps des jours de leur enfance, où les serviteurs de leurs nobles +parents faisaient presque partie de la famille... Que les temps étaient +changés!...</p> + + <p>La journée s'avançait. Vers l'heure du dîner, la duchesse sonna +machinalement, personne ne vint de la maison à son appel, si ce n'est le +concierge resté à son poste, et qui lui apprit que la maison avait été +désertée par tous les gens.</p> + + <p>--Comment allons-nous dîner, s'écria la duchesse...</p> + + <p>--Prends mon bras, lui dit galamment le duc, nous irons dîner en +tête-à-tête dans quelque restaurant du boulevard; il faut s'accommoder à +tout.</p> + + <p>--Mais ce soir, reprit la duchesse un moment abattue, comment me passer +des soins de ma femme de chambre...</p> + + <p>--Je vous demanderai la permission de la remplacer, reprit le duc, et il +lui serra affectueusement la main; ils sortirent à pied, et je les +rencontrai chez Brébant. C'est ce qui fait que j'ai su cette histoire un +des premiers.</p> + + <span class="sc">Hippolyte Lucas.</span> + + <br><br> + + <h3>L'ESPRIT DE PARTI</h3> + + <h4>LE CHARIVARI</h4> + + <h4>1832</h4> + + <p>On a tort de prétendre que la Restauration ne protégeait pas +l'industrie. Elle était trop dévote pour ne pas encourager les +fabriques.</p> + + <p>Il y a, prétend Odry, cette différence entre les moutons et les valets +du ministère qu'on marque les premiers quand ils sont à vendre et les +seconds quand ils sont vendus.</p> + + <p>Monsieur le président de la Chambre a dit avant-hier: «Je mets aux voix +le chiffre le plus élevé.» Une faute typographique lui fait dire dans un +journal ministériel: «Je mets les voix au chiffre le plus élevé.»</p> + + <p>On suspend les pièces qui déplaisent; on suspend les journaux qui +gênent. La censure est décidément commuée en suspension.</p> + + <p>Si le peuple, disait hier un député, s'avisait à son tour de suspendre +tout ce qui le froisse, le budget pourrait bien être suspendu.--«Dieu +nous en préserve, répondit M. de Corcelles, il est déjà bien assez +élevé.»</p> + + <p>Un inventeur de nouvelles lampes dit dans son prospectus, pour les faire +valoir, qu'elles servent à l'éclairage du bureau de la Chambre des +députés. C'est une triste recommandation.</p> + + <p>Un journal ministériel dit ce matin que la monarchie est le seul remède +qui puisse guérir les maux de la France. Il n'y a pourtant que les +imbéciles qui croient encore à la médecine <i>Leroi.</i></p> + + <p>S. M. Louis-Philippe vient de donner son..... nom à une nouvelle rue.</p> + + <h4>1833</h4> + + <p>On assure qu'il a été question au parquet de saisir le <i>Journal du +Commerce</i>, à cause d'une annonce qui commence ainsi: «Tous les fruits +verts et notamment la poire, ne seront pas de conserve cette année.»</p> + + <p>On nous dit que la République pâlit. C'est probablement qu'elle n'a pas +à rougir comme certaines gens.</p> + + <p>Nous jouissons d'une <i>immense</i> liberté...</p> + + <p>N. B.--Ce <i>carillon</i> est de M. de Broglie.</p> + + <p>M. Thiers a dit: «J'ai une foi absolue dans la durée du système que j'ai +l'honneur de servir.»--Il faut que M. Thiers soit bien crédule.</p> + + <p>Nous n'avons jamais été moins libres que depuis que nous vivons sous la +meilleure des républiques. On a bien raison de dire que le mieux est +l'ennemi du bien.</p> + + <p>Le juste milieu est gardé à Paris par l'amour des citoyens et par six +régiments d'infanterie, quatre de cavalerie et deux d'artillerie.</p> + + <p>Un journal ministériel dit ce matin qu'en fait de République la +meilleure ne vaut rien. C'est ce que nous répétons tous les jours à ceux +qui prétendent que nous vivons sous la meilleure des républiques.</p> + + <p>Eh bien! que dites-vous de la mère de votre roi? demandait dernièrement +M. de Schossen à M. Berryer.--Et vous, répliqua celui-ci, que dites-vous +du père du vôtre?... (<i>Historique.</i>)</p> + + <p>A propos des bruits qui courent sur l'intention qu'aurait le juste +milieu d'employer quelque jour contre le peuple les nouvelles +fortifications de Paris, le <i>Journal des Débats</i> s'écrie: +«S'imagine-t-on donc avoir à faire à un <i>despote imbécile?</i>» A un +despote non.</p> + + <p>On assure que l'on va abolir le bureau des longitudes pour le remplacer +par un autre beaucoup plus convenable sous l'ordre de chose actuel, +c'est-à-dire par un bureau des <i>platitudes.</i></p> + + <p>Désormais le juste milieu nous parlera par la bouche.... des canons.</p> + + <p>Les forts autour de Paris seront <i>détachés.</i> C'est comme les cours.</p> + + <p>Voici comment les choses se passeront dans l'affaire des fortifications +de Paris: d'abord le corps de la place, puis un épaulement, puis un +rempart, puis un fossé, et au bout du fossé...</p> + + <p>Avant-hier la monarchie citoyenne a reçu la visite de M. Vitet, +l'inspecteur des ruines.</p> + + <p>Il n y a rien de tel qu'une <i>clef d'or</i> pour ouvrir et fermer une +chambre à volonté.</p> + + <p>Un journal ministériel s'étonne qu'il se rencontre des gens qui osent se +moquer de la majorité; car jamais, ajoute-t-il, on ne vit de Chambre +plus <i>imposante</i>. C'est précisément ce dont se plaignent les +contribuables.</p> + + <p>La Gaîté nous annonce une prétendue première représentation de <i>la Fête +du voleur</i>. Il nous semble que nous avons déjà vu quelque chose dans ce +genre (1).</p> + + <blockquote><b>Note 1:</b> Ce carillon est du 5 mai. Quatre jours par conséquent après la fête du roi.</blockquote> + + <p>Sur toutes les scènes à présent, le beau rôle est pour les voleurs. On +sait que le théâtre a la prétention d'être le miroir de l'époque.</p> + + <p>Sa Majesté doit, dit-on, partir pour les départements le 20 mai. Les +préfets ont déjà reçu l'ordre de préparer l'enthousiasme et d'organiser +l'ivresse.</p> + + <p>Il a fallu à Lyon mettre en réquisition l'artillerie et les baïonnettes +pour empêcher la République d'héberger ses amis. On ne sera jamais +obligé, pour un pareil motif, d'en venir à ces extrémités à l'égard de +la royauté citoyenne.</p> + + <p>Le grand Turc vient d'accorder une amnistie pleine et entière à tous les +prévenus des délits politiques. Ceci est une nouvelle preuve que +l'influence du gouvernement français est nulle à Constantinople.</p> + + <p>On sait que le savetier de La Fontaine ne chanta plus dès qu'il fût +devenu riche. Si l'accumulation des écus produit cet effet, il ne faut +pas s'étonner que certain gros et gras personnage ait cessé ses refrains +patriotiques.</p> + + <p>Le <i>Constitutionnel</i> signale l'existence d'un nouveau <i>banc d'huîtres.</i> +Il veut sans doute parler d'une banquette qui vient d'être ajoutée au +centre de l'enceinte législative au Palais-Bourbon.</p> + + <p>L'autre jour un amateur, arrêté devant les carreaux d'Aubert, ayant vu +un certain personnage appuyé sur un énorme coq, s'écria en poussant son +voisin:--«Voilà un fameux coq, hein?»</p> + + <p>La saisie de la <i>Tribune</i> nous a beaucoup étonnés; nous ne pensions plus +qu'il était possible d'exciter à la haine et au mépris du gouvernement +du roi.</p> + + <p>On a bien tort de dire que l'ordre de choses n'a pas de tendresse pour +Paris. C'est, au contraire, pour lui qu'il réserve tous ses feux.</p> + + <p>On est étonné qu'un gouvernement qui absorbe tant de millions ait si peu +de valeur.</p> + + <p>On disait autrefois: «Pour faire la guerre, il faut de l'argent, de +l'argent, et encore de l'argent.»--L'ordre de choses emploie la même +recette pour la paix.</p> + + <p>Le jour de l'inauguration de la statue de Napoléon sur la place Vendôme +bien des gens n'étaient pas de l'avis du bon Lafontaine quand il dit: +Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré.</p> + + <p>La France ne songe qu'à recouvrer ses frontières. L'ordre de choses +pense à recouvrer ses écus.</p> + + <p>Le juste-milieu ressemble à ces poltrons qui se sont fait de mauvaises +affaires et que la pour force à garder la <i>chambre.</i></p> + + <p>M. Thiers soutient qu'en fait d'impôts il ne faut pas négliger les +petites tailles.</p> + + <span class="sc">Jules Rohaut.</span> + + <p>(A suivre.)</p> + + <br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE UNE SÉANCE DU CONSEIL DE +GUERRE SIÉGEANT A TRIANON.</b></p> + +<br><br> + + <h3>NOS GRAVURES</h3> + + <h4>Trianon</h4> + + <p>Le 6 octobre, il y avait à Versailles un mouvement inusité. Depuis les +vacances de l'Assemblée nationale, jamais le chemin de fer n'avait +déposé à la gare de cette ville un pareil nombre de visiteurs, bien que +ce nombre fut relativement restreint.</p> + + <p>Mais le flot ne faisait que passer.</p> + + <p>A peine arrivé, il repartait dans la direction du château, envahissait +le parc peuplé de déesses de marbre et de bronze, traversait les grandes +prairies plantées d'arbres superbes, et s'écoulait finalement le long du +bras septentrional du grand canal pour venir enfin s'arrêter devant le +Grand-Trianon, ce charmant château, élevé sous Louis XIV par Mansard, au +milieu des massifs de verdure et des pelouses.</p> + + <p>Le Grand-Trianon, un beau jour, on ne sait pourquoi, avait pris la place +de la <i>maison de porcelaine</i>, une bonbonnière bâtie vingt ans auparavant +pour Mme de Montespan. Mais alors Mme de Montespan avait perdu l'oreille +et le cœur du roi; et, de même que Mlle de La Vallière battant en +retraite devant elle, s'était retirée aux Carmélites, ainsi elle-même +avait déjà cédé le pas à Mme de Maintenon et gagné de son pied qui +n'était plus léger la communauté de Saint-Joseph. Le roi d'ailleurs +avait vieilli, pas assez toutefois pour que le nouveau château ne +retentit pas encore du bruit des fêtes. Mais cela ne devait pas durer. +Bientôt, il se lit autour du joli pied-à-terre un silence que +troublèrent à peine, vers le milieu du XVIIIe siècle, les éclats de rire +de Louis XV folâtrant en traîneau à travers les allées de son parterre. +Louis XVI, Napoléon, Louis XVIII, Charles X, s'y montrèrent de loin en +loin seulement. Le Grand-Trianon avait décidément perdu toute faveur. Ce +ne fut que sous Louis-Philippe qu'il cessa d'être délaissé et sortit de +l'oubli. Ce roi l'aima, l'habita, et lui fit subir de notables et +heureuses modifications. On montre aux visiteurs les appartements qu'il +y occupa, sa chambre à coucher modestement meublée, son cabinet de +travail où l'on remarque une table d'acajou fort simple qui lui servait +de bureau. Mais Louis-Philippe était un roi bourgeois. Il vivait en bon +père de famille, et n'avait jamais figuré dans le moindre ballet. Aussi +passa-t-il au Grand-Trianon sans bruit, et depuis lors, de cette +résidence princière, personne n'avait plus entendu parler. D'où vient +donc que sortant de son sommeil de Belle au bois dormant, tout à coup +voilà qu'elle ouvre ses portes à deux battants; que devant sa belle +façade à toit plat, aux fenêtres en portiques, les voitures s'arrêtent; +que, dans sa cour d'honneur, circulent des groupes d'officiers; qu'enfin +dans un coin, à quelques pas de sa grille, se trouve, champignon en une +nuit poussé, une guinguette pleine de bruit?</p> + + <p>Vous le savez, et je n'ai pas besoin de vous le dire, car c'est le +bruit, sinon de la cour, au moins de la ville. De ce nid bâti pour les +amours on a fait une salle de justice. C'est Théines qui y règne +maintenant, tenant une épée nue d'une main et de l'autre une balance. +Métamorphose au moins singulière! Comment on en a eu l'idée, je +l'ignore; mais ci-dessous on vous dira comment elle s'est effectuée.</p> + + <p>L. C.</p> + <br> + + <h3>Procès du maréchal Bazaine</h3> + + <h4>PREMIÈRE SEANCE DU CONSEIL DE GUERRE</h4> + + <p>Dans notre précédent numéro nous avons dit, et nos lecteurs savent que +c'est dans la galerie servant de vestibule au château du Grand-Trianon, +qu'a été établie la salle des séances du conseil de guerre chargé de +juger le maréchal Bazaine.</p> + + <p>Notre grand dessin représente cette salle et donne la physionomie exacte +de la première séance du conseil.</p> + + <p>Transformer ce magnifique péristyle en salle d'audience n'était pas +chose facile. On y est cependant parvenu, grâce à l'habileté des +dispositions prises. La salle offre l'aspect d'un long parallélogramme, +dont une partie a été surélevée par des travaux de charpente. Dans cette +partie se trouvent: au fond, un large bureau en forme d'hémicycle pour +les juges militaires; puis à gauche, pour l'accusé, un fauteuil et une +table recouverte d'un tapis vert, et la barre de la défense; à droite, +le bureau réservé au commissaire du gouvernement, et la tribune des +journalistes, élevée derrière les colonnes de marbre de la galerie. +Cette tribune est disposée en gradins et peut contenir soixante-dix +personnes environ. Enfin, au milieu, devant le bureau du conseil, est +établi le greffier. Une légère balustrade recouverte de velours rouge +sépare cette première partie de la salle de la seconde, à laquelle on +arrive en descendant une marche.</p> + + <p>Cette seconde partie est coupée par une enceinte réservée au publie muni +de cartes et aux témoins. Derrière est un espace assez étroit pour le +commun des martyrs qui ne craindront pas de demeurer cinq heures debout, +chaque jour, après avoir fait queue, s'ils veulent suivre les débats de +ce procès, qui sera long.</p> + + <p>La décoration de cette salle est des plus simples. Les murs sont en +granit rouge veiné de blanc et orné de distance en distance de fausses +colonnes blanches, à chapiteaux contournés. Les tentures sont en reps +vert. Quatorze grosses colonnes en granit rouge séparent la salle en +deux dans toute sa longueur, gênant beaucoup la vue de la tribune de la +presse. Derrière les fauteuils des juges et au-dessus de la porte +d'entrée de la chambre du conseil, on voit un grand Christ en croix. +Puis, pour parer au froid, qui est imminent, quatre poêles sont alignés +de distance en distance. Cependant la température n'a pas cessé d'être +douce, et à travers les fenêtres largement ouvertes sur la cour d'entrée +du château, on aperçoit les grands arbres du parc, à la verdure encore +vigoureuse.</p> + + <p>Mais il est temps de pénétrer dans la salle du conseil de guerre. A midi +un quart, on annonce l'entrée des juges militaires. La séance est +ouverte. Les membres du conseil sont: MM. le duc d'Aumale, président, +tournure militaire, moustaches et barbiche blondes, voix forte et +sonore, habituée au commandement; de Chabaud-Latour, officier général du +génie, soixante-dix ans environ, un peu fatigué; de la Motterouge, plus +âgé que le précédent, mais portant plus gaillardement son âge; Tripier, +vieux et un peu cassé, appartenant au génie, blessé à l'Alma, porte +lunettes; Guyot, artillerie, petit et gros, mais vif et alerte; +Lallemant, très-grand, air grave et réfléchi, serait le plus jeune ou le +moins âgé du conseil si le général de cavalerie Princeteau n'en faisait +pas partie; de Malroy, regard doux, air décidé, chauve, soixante ans; +Ressayre, figure d'anachorète, a commandé une division à la bataille de +Coulmiers, où il fut blessé grièvement; enfin le général Pourcet, petit, +maigre, impatient, coiffé à la Titus. Très-savant, m'a-t-on dit, il +représente, comme on sait, le ministère public.</p> + + <p>Quelques minutes après l'entrée en séance du conseil, ordre est donné +par le président d'introduire le maréchal. Mouvement de curiosité +très-marqué. L'accusé entre d'un pas lourd et avec un certain embarras. +Il porte le costume de maréchal, petite tenue, et la grand'croix de la +Légion d'honneur. Il a de l'embonpoint; ses yeux sont petits, son visage +est gras, son crâne absolument chauve. Deux sourcils très-fins, deux +petites moustaches brunes se dessinent seuls dans cet ensemble de +rondeurs grasses. Il est d'ailleurs un peu pâle: on le serait à moins. +Calme en apparence, sa préoccupation ne se trahit que par certains +gestes. Ainsi il porte fréquemment sa main à ses lèvres ou à son front, +ou bien il joue machinalement avec une bague qui brille à l'un de ses +doigts.</p> + + <p>Avec l'entrée du maréchal, le défilé des témoins a été l'intérêt de +cette première audience. Ces témoins, fort nombreux, peuvent se diviser +en trois catégories: les militaires, maréchaux, généraux, officiers +supérieurs ayant fait partie de l'armée du Rhin; les témoins politiques, +tels que MM. Jules Favre, Gambetta, de Kératry, et les témoins qui +n'entrent ni dans l'une ni dans l'autre de ces catégories, tels que +douaniers, employés de chemins de fer, ingénieurs. Le premier témoin +appelé a été le maréchal Canrobert, et le second le maréchal Lebœuf, +sur lequel tous les yeux se sont fixés avec une attention particulière. +Le général Changarnier a aussi beaucoup attiré les regards, avec son +pantalon gris-perle et sa redingote bleu clair élégamment boutonnée. +Mais celui qui a excité la curiosité la plus vive est encore le fameux +M. Régnier, cet envoyé mystérieux qui alla trouver le maréchal au +travers des lignes prussiennes, ouvertes pour lui, et amena en +Angleterre le général Bourbaki.</p> + + <p>L'appel des témoins terminé, la séance a été suspendue pendant dix +minutes. A la reprise de l'audience, il a été donné lecture des états de +service du maréchal Bazaine et de la première partie du rapport du +général Rivière, rapport net, clair, précis, et du plus haut intérêt. +Mais arrêtons-nous. Ce serait sortir du cadre de cet article que +d'entrer ici dans des détails qui ne sont point de notre compétence et +que d'ailleurs tout le monde connaît.</p> + + <p>L. G.</p> + <br> + + <h4>La pêche des huîtres</h4> + + <p>L'humeur médisante qui caractérise notre espèce s'est exercée aux dépens +de cet aimable mollusque, la fleur et la joie des soupers fins. Sous +prétexte qu'il consacre à bâiller une bonne part de son existence, nous +en avons fait le type de l'engourdissement intellectuel, et «bête comme +une huître» est devenu un de nos dictons les plus familiers. Si Dieu +daignait un jour lui accorder la parole, le bivalve nous répondrai, +probablement que si l'esprit ne court pas ses bancs comme il est entendu +qu'il court nos rues, en revanche on n'a jamais rencontré une huître +plus sotte que ses sœurs les autres huîtres, ce qui est bien un +avantage. J'ai connu un huîtrier forcené qu'indignait cette injustice. +Tous les soirs, quand il achevait sa quatrième douzaine, ses yeux +s'humectaient, deux larmes descendaient sur ses joues et venaient se +confondre avec l'eau salée dont ruisselait sa barbe, et la bouche pleine +il s'écriait:--Les ingrats! en d'autres temps ou lui eut dressé des +autels. Sans s'élever à cet enthousiasme, on peut prétendre que ses +mérites comestibles auraient dû nous rendre beaucoup plus indulgents +pour sa pauvreté en matière d'idéal.</p> + + <p>J'affiche quelque désintéressement en embrassant sa défense, car je ne +vous dissimulerai pas que je nourris contre elle un fort gros grief, que +probablement vous partagez avec moi. Ce grief se fonde sur les prix +exagérés que cette belle des mers a mis depuis quelques années, à ses +faveurs. Au bon vieux temps, qui n'est pas si loin de nous que vous le +supposez peut-être, pour douze sols,--vieux style aussi,--on vous en +servait une douzaine toutes frémissantes dans leurs écailles nacrées. +Que dis-je? A cette heureuse époque, à l'instar de la Déesse à la voix +rauque de Barbier, l'huître ne dédaignait pas la populace. La charrette +de l'écaillère nomade la débitait,--un peu défraîchie sans doute,--à +raison de trente centimes et moins encore, dans les rues, dans les +carrefours. Tout cela est bien loin de nous; tandis que le monde se +démocratisait au-dessus d'elle, elle s'aristocratisait à nos dépens; la +voilà devenue un mets de luxe, peu accessible à la médiocrité, même +dorée; elle coûte juste le triple de ce qu'elle valait autrefois.</p> + + <p>Ce renchérissement progressif et excessif de ces mollusques a des +raisons multiples. Il tient à la fois à la facilité des transports par +voie ferrée et à la spéculation, qui s'est mêlée de ce commerce. En même +temps, et ne le regrettons pas, les pêcheurs mieux renseignés sont +devenus plus exigeants. Et puis on avait quelque peu abusé des bancs, il +y a quelques années. Enfin, des causes complètement indépendantes de +l'action humaine ont leur influence sur la production huîtrière. La +température agit énergiquement sur la croissance de l'huître, beaucoup +plus lente dans les eaux froides du large, que sur certaines parties de +la côte; il est constant que la multiplication a singulièrement souffert +du manque de naissain dans la dernière période.</p> + + <p>Heureusement notre malchance n'est pas sans appel et cet état de choses +peut se modifier. Il y a lieu d'espérer que nos bancs se relèveront de +l'état de marasme que nous signalons. On leur rendrait plus rapidement +leur prospérité première en établissant des réserves où l'on déposerait +le naissain lorsqu'il serait abondant.</p> + + <p>Les annales de l'huître ne sont pas sans gloire; elle a inspiré de +luxueuses folies aux maîtres fous de la gastronomie, les Romains; mais +le cadre purement pittoresque et industriel de cette étude ne nous +permet pas un retour dans le passé du coquillage qui nous occupe, si +flatteur qu'il puisse être pour lui.</p> + + <p>Sa description, je rougirais de l'entreprendre; je vous l'assure, vous +vous renseignerez beaucoup plus agréablement sur ce point chez +l'écaillère du coin, qu'en ayant recours à tous les traités d'histoire +naturelle. Prodigue de tout ce qui est bon, la nature l'a largement +distribuée dans les mers de toutes les latitudes; ses espèces sont +nombreuses; nous ne nous occuperons que de celles qui se trouvent sur +notre littoral. Ce sont:</p> + + <p>1° L'huître pied de cheval, diamètre 12 centimètres; les amateurs de +grosses bouchées, les gourmands seuls en font quelque cas. On la pêche +sur tous les fonds rocailleux.</p> + + <p>2º L'huître normande ou cancalière, huître blanche dont la dimension est +de 7 à 8 centimètres, l'écaille épaisse et la qualité supérieure, bien +qu'elle reste au-dessous de sa voisine l'armoricaine.</p> + + <p>3° L'huître bretonne, petite de taille, 4 à 5 centimètres de dimension; +à coquille mince et narrée, d'un goût exquis, pouvant rivaliser avec +celui de l'huître anglaise, qui est d'un vert foncé à écailles rondes et +de dimensions moindres encore.</p> + + <p>4° L'huître de Marennes, qui se rapproche de la précédente par ses +qualités, s'en distingue par la nuance verdâtre, qu'elle affecte et +qu'elle doit aux fonds vaseux sur lesquels elle a vécu.</p> + + <p>Nous aurons plus tard à nous occuper des mœurs, des habitudes de +l'huître,--en dépit du préjugé elle en a,--de sa reproduction, des +tentatives d'éducation huîtrière, du parcage, etc.; mais avant d'aborder +ces questions, il faut savoir comment on la pêche.</p> + + <p>La drague est l'instrument le plus en usage pour aller la chercher au +fond des mers. Cette drague consiste en une sorte de sac à mailles de +fil de fer ou de corde. Il est muni à son ouverture d'une forte armature +de fer figurant un trapèze très-allongé. L'appareil est maintenu par +trois tringles du même métal dont deux partent de ses extrémités, une de +son milieu, pour se réunir à un anneau de traction sur lequel est frappé +un cordage amarré lui-même à l'arrière du bateau. Cette disposition +maintenant l'engin horizontal lui permet de racler les fonds et de +détacher les huîtres, qui tombent alors dans le filet.</p> + + <p>La drague, on le comprend, doit souvent rencontrer des obstacles: +pierres, roches, débris de navires qui, non-seulement peuvent l'arrêter, +mais briser son armature. On pare à ces accidents en frappant à l'une de +ses extrémités un petit orin muni d'une bouée qui permet de la +retrouver. Une autre méthode très-ingénieuse consiste à étalinguer +l'amarre de traction fixée à un des angles de l'armature par un faible +filin; en cas d'arrêt sérieux, ce filin se brise, l'appareil se +renverse, et, ne formant plus râteau, il est aisément dégagé.</p> + + <p>La largeur de la drague varie en raison des difficultés que présentent +les fonds à explorer. Un des meilleurs types, la drague cancalaise, +mesure de 1m50 jusqu'à 2m50 de lame. La grandeur de la maille est +réglementée administrativement suivant la taille des coquillages. Son +minimum est fixé à 5 centimètres carrés.</p> + + <p>Dans nos pêcheries en rivière de la Seurre, de Pont-l'Abbé, du Sucidy et +même dans la baie d'Arcachon, on emploie pour pêcher l'huître de simples +canots ou <i>tillotes</i> à deux ou quatre avirons, munis d'une drague légère +qu'un seul homme placé à l'arrière peut manœuvrer. Les bancs du large +sont exploités à l'aide d'embarcations pontées et d'un tonnage moyen de +sept tonneaux, qui marchent à la voile et peuvent avoir plusieurs +dragues à la traîne. A Cancale, chaque bateau en possède trois; dans le +passage de la Déroute, j'ai vu des embarcations anglaises en mettre +jusqu'à sept à la mer..</p> + + <p>Les bateaux destinés à cette pêche doivent réunir deux qualités +essentielles: la solidité et la vitesse. La rapidité de la marche donne +de grands avantages aux pêcheurs, non-seulement sur les bancs, mais dans +le transport du chargement aux parcs, claies et dépôts de la côte. Les +cutters anglais de Jersey, Liverpool, Ry, etc., auxquels leur +construction à clins procure cette rapidité en même temps qu'elle leur +donne une grande élégance, sont de parfaits modèles du bateau pêcheur +d'huîtres.</p> + + <p>Par un bon temps et une jolie brise, rien n'est beau connue le tableau +d'une flottille de pêcheurs en action. Les carènes noires des bateaux +ruisselantes sous les caresses de la vague étincellent au soleil; avec +leurs voiles blanches effilées, ils ressemblent à une nuée d'oiseaux +éparpillés sur la mer, et malgré le poids des dragues qu'ils traînent à +leur suite, comme l'oiseau, ils semblent voler en laissant une légère +traînée d'écume sur sa surface.</p> + + <p>À bord, quelle fiévreuse activité! Il faut voir la prestesse avec +laquelle, quand l'huîtrière est riche, l'appareil est vidé et rejeté à +la mer.</p> + + <p>Quelquefois, lorsque la scène se passe sur un banc interdit, elle se +complique. Un de ces avisos de l'État qui jouent sur ces plaines +liquides le rôle des gardes champêtres dans nos campagnes surgit tout à +coup de quelque coin de l'horizon, tombe comme la foudre sur les +délinquants, amariné les plus maladroits et gâte un peu le plaisir de la +fête. Celles des embarcations qui ont eu la chance de lui échapper, +quelquefois en sacrifiant leurs engins de pêche, se couvrent de toile, +font force de voiles et s'éparpillent dans toutes les directions.</p> + + <p>Le départ et l'arrivée de la caravane, c'est ainsi que l'on appelle à +Cancale la drague annuelle des huîtres, est encore un spectacle auquel +le plus indifférent ne saurait assister sans éprouver une certaine +émotion. Il donne la mesure de l'importance de la récolte du coquillage +pour ces populations. Aussitôt que les bateaux sont signalés, tout le +littoral est en mouvement; les falaises, les grèves se couvrent de +monde; une fourmilière humaine s'y presse, s'y amoncelle. Femmes, +enfants, vieillards sont accourus pour assister au triage du précieux +mollusque et constater les résultats de cette campagne, qui apportera +l'aisance dans chaque foyer, qui peut-être aussi les laissera dans la +gêne. Les premières, les poings sur les hanches, le teint allumé, l'œil +fiévreux, comptant les paniers qui se vident avec cette âpre cupidité +que l'on a si peu le droit de reprocher aux pauvres gens; les petits, +les yeux écarquillés, s'émerveillant devant ces trésors avec la naïveté +de leur âge; les vieux y trouvant un prétexte pour revivre les jours du +passé, et constater sa supériorité sur le présent: les huîtres étaient +bien plus grosses de leur temps, on en cueillait aussi bien davantage. +Si la pêche est plus faible, c'est que les équipages sont moins +vaillants; et tout fier de l'avoir constaté, redressant son buste voûté, +le bonhomme reprend sa chique, qu'il avait pieusement déposée dans un +coin de son béret pour pérorer plus à son aise.</p> + + <p>Nous parlions tout à l'heure de la pêche sur les bancs prohibés; les +Anglais sont nos maîtres dans ce genre de maraude; mais malheureusement +ce n'est pas seulement en fait de pêche illicite que s'affirme la +supériorité de leurs pêcheurs. Leur caractère froid et calculateur, un +instinct plus raisonné de leurs intérêts leur ont permis de former entre +eux des <i>guilds</i> ou corporations où se réunissent les capitaux et qui +répartissent équitablement entre les intéressés les produits de la +commune industrie.</p> + + <p>Si, hors de chez eux, ils cèdent un peu trop aisément à l'attrait du +fruit défendu, en revanche ils respectent strictement, rigoureusement +les prohibitions de leur littoral, et notamment celles des baies de +Portland, Falmouth, Swansea pendant la période de fermeture. On les voit +aussi se donner la peine de débarrasser les fonds de pêche pendant l'été +des herbes, des plantes marines qui nuisent singulièrement à la +production du <i>brood</i> ou naissain. Chez nous, au contraire, et si +avantageux que soit le traînage du chalut sur les bancs, pour les +approprier, la crainte que les pêcheurs n'abusent de cette opération +conservatrice pour capturer des huîtres hors saison fait qu'elle est +très-peu pratiquée.</p> + + <p>On voit que nous avons encore bien à faire pour égaler nos voisins. +L'envasement a fait disparaître les huîtres des bancs des Maronnes, des +Flamands, Mérignac, Lamouroux, Dugnas, Martin-Gêne, La Tremblade; mais +la grande décroissance que nous avons signalée dans notre production +huîtrière revient aussi pour une bonne part à l'imprévoyance, nous +devrions dire à l'imprévoyante cupidité des exploitants. La fable de la +poule aux œufs d'or restera une éternelle vérité.</p> + + <p>L'administration de la marine s'est vivement préoccupée de cette +situation, et grâce à elle, si toutes nos huîtrières ne sont pas encore +relevées, du moins celles d'Arcachon, de Cancale, donnent-elles +aujourd'hui d'excellents résultats; elles sont parvenues à alimenter, +concurremment avec un certain nombre d'achats effectués en Angleterre, +les parcs de Loc-Tudy, Cancale, Saint-Waast, Courseuilles, où l'huître +acquiert toute sa finesse et son embonpoint avant d'être livrée à la +consommation.</p> + + <p>Si satisfaisant que soit le progrès, nous devons souhaiter mieux encore; +avec l'étendue de côtes que nous possédons, avec un peu de sagesse, nous +cesserions rapidement d'être sous ce rapport les tributaires de +l'étranger.</p> + + <p>Le nombre des bateaux pêcheurs d'huîtres est;</p> + + <pre> + à Arcachon, de 620 + Cancale 100 + Granville 30 + Tréguier } + Lézardrieux } 700 + Pont-l'Abbé } + En total... 1,450 +</pre> + + <p>embarcations, sans compter celles de la haute Normandie, qui draguent +l'huître au moins par intervalles.</p> + + <p>En supposant cinq hommes d'équipage pour chacun de ces bateaux, on +obtient le chiffre respectable de 7,250 pêcheurs. Si l'on veut bien +observer que sur toute cette partie de nos côtes, 12,000 individus au +moins trouvent encore un certain salaire en ramassant les huîtres à la +main à la marée basse, on en conclura que le précieux coquillage peut à +bon droit être considéré comme la manne de ces populations du littoral.</p> + + <p>Les prix des huîtres sont:</p> + + <pre> + A Arcachon 20 à 25 fr. le mille. + Marennes. 30 à 35 » + Pont-l'Abbé, le Tudy 60 à 70 » + Cancale 60 à 70 » + Lézardrieux 50 à 60 » + Saint-Waast 60 à 65 » + Dunkerque (huîtres angl.) 90 à 100 » + Ostende 100 à 110 » +</pre> + + <span class="sc">L. Faudacq.</span> + <br> + + <h3>Nuka-Hiva</h3> + + <p>En suivant vers la gauche la rue de Taïohaé, on arrive, près d'un +ruisseau limpide, aux quartiers de la reine. Un figuier des Banians, +développé dans des proportions gigantesques, étend son ombre triste sur +la case royale. Dans les replis de ses racines, contournées comme des +reptiles, on trouve des femmes assises, vêtues le plus souvent de +tuniques d'une couleur jaune d'or qui donne à leur teint l'aspect du +cuivre. Leur figure est d'une dureté farouche; elles vous regardent +venir avec une expression de sauvage ironie.</p> + + <p>Tout le jour assises, dans un demi-sommeil, elles sont immobiles et +silencieuses comme des idoles. C'est la cour de Nuka-Hiva, la reine +Vaékéhu et ses suivantes.</p> + + <p>Sous cette apparence peu engageante, ces femmes sont douces et +hospitalières; elles sont charmées qu'un étranger prenne place près +d'elles, et vous offrent toujours des cocos ou des oranges.</p> + + <p>Elisabeth et Atéria, deux suivantes qui parlent français, vous adressent +alors, de la part de la reine, quelques questions saugrenues au sujet de +la dernière guerre d'Allemagne. Elles parlent fort, mais lentement, et +accentuent chaque mot d'une manière originale. Les batailles où plus de +mille hommes sont engagés excitent leur sourire incrédule; la grandeur +de nos armées dépasse leurs conceptions.</p> + + <p>L'entretien pourtant languit bientôt; quelques phrases échangées leur +suffisent, leur curiosité est satisfaite et la réception terminée; la +cour se momifie de nouveau, et, quoi que vous fassiez pour réveiller +l'attention, on ne prend plus garde à vous.</p> + + <p>La demeure royale, élevée par les soins du gouvernement français, est +située dans un recoin solitaire, entourée de cocotiers et de tamaris.</p> + + <p>Mais, au bord de la mer, à côté de cette habitation modeste, une autre +case, case d'apparat, construite avec tout le luxe indigène, révèle +encore l'élégance de cette architecture primitive.</p> + + <p>Sur une estrade de larges galets noirs, de lourdes pièces de magnifique +bois des îles soutiennent la charpente. La voûte et les murailles de +l'édifice sont formées de branches de citronniers, choisies entre mille, +droites et polies comme des joncs; tous ces bois sont liés entre eux par +des amarrages de cordes de diverses couleurs, disposés de manière à +former des dessins réguliers et compliqués.</p> + + <p>Là encore, la cour, la reine et ses fils passent de longues heures +d'immobilité et de repos, en regardant sécher leurs filets à l'ardent +soleil.</p> + + <p>Les pensées qui contractent le visage étrange de la reine restent un +mystère pour tous, et le secret de ses éternelles rêveries est +impénétrable. Est-ce tristesse, ou abrutissement? Songe-t-elle à quelque +chose, ou bien à rien? Regrette-t-elle son indépendance et la sauvagerie +qui s'en va, et son peuple qui dégénère et lui échappe?...</p> + + <p>Atéria, qui est son ombre et son chien, serait en position de le savoir; +peut-être cette inévitable fille nous rapprendrait-elle. Mais tout porte +à croire qu'elle l'ignore, et il est possible même qu'elle ne se le soit +jamais demandé.</p> + + <p>Vaékéhu consentit avec une bonne grâce parfaite à poser pour plusieurs +éditions de son portrait; jamais modèle plus calme ne se laissa examiner +plus à loisir.</p> + + <p>Cette reine déchue, avec ses grands cheveux en crinière et son fier +silence, conserve encore une certaine grandeur.</p> + + <p>Un soir, au clair de lune, comme je passais seul dans un sentier boisé +qui mène à la montagne, les suivantes m'appelèrent.</p> + + <p>Depuis longtemps malade, leur souveraine, disaient-elles, s'en allait +mourir.</p> + + <p>Elle avait reçu l'extrême-onction de l'évêque missionnaire.</p> + + <p>Vaékéhu était étendue à terre et tordait ses bras tatoués avec toutes +les marques de la plus vive souffrance; ses femmes, accroupies autour +d'elle, avec leurs grands cheveux ébouriffés, poussaient des +gémissements et menaient deuil (suivant l'expression biblique qui +exprime parfaitement leur façon particulière de se lamenter).</p> + + <p>On voit rarement dans notre monde civilisé des scènes aussi +saisissantes; dans cette case nue, ignorante de tout l'appareil lugubre +qui ajoute en Europe aux horreurs de la mort, l'agonie de cette femme +révélait une poésie inconnue, pleine d'une amère tristesse.</p> + + <p>Le lendemain de grand matin, je quittai Nuka-Hiva pour n'y plus revenir, +et sans savoir si la souveraine était allée rejoindre les vieux rois +tatoués ses ancêtres.</p> + + <p>Vaékéhu est la dernière des reines de Nuka-Hiva; autrefois païenne et +quelque peu cannibale, elle s'était convertie au christianisme et +l'approche de la mort ne lui causait aucune terreur.</p> + + <p>Julien V...</p> + + <br><br> + + <h3>NUKA-HIVA</h3> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>La reine Vaékéhu.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>La Reine Vaékéhu et ses fils.--D'après les croquis de M. +Julien V.</b></p> +<br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LE DÉJEUNER.--D'après le tableau de M. Caraud.</b></p> + + <h3>Le déjeuner</h3> + + <p>Près d'une table toute servie une jeune fille est debout.</p> + + <p>Sa taille est fine et souple, son air à la fois malin et candide, son +front pur. Bon pied, bon œil, bon cœur et bon appétit.</p> + + <p>Elle tient à la main une assiette dans laquelle fume le potage qu'elle +s'apprête à manger. Elle y a plongé une première fois la cuiller qu'elle +a approchée de sa bouche. Mais le potage, brûlant, a trompé son attente. +Vite, soufflons. Donc elle souffle, en attendant mieux. Elle ne semble +pas d'ailleurs pressée outre mesure. Elle a là, sous les yeux, un +spectacle qui la réjouit, et semble captiver son attention. La table est +posée près de la fenêtre, la fenêtre est ouverte et par cette fenêtre, +une bande d'aimables parasites, les hôtes du pigeonnier, à tout coup +fait irruption dans la chambre. Elle a pris possession de la table, et +comme en pays conquis elle en use ou plutôt en abuse.</p> + + <p>Ce n'est rien, comme vous voyez, ce sujet de tableau, choisi par M. +Caraud; et cependant, de ce rien, il a fait une chose charmante, devant +laquelle, au Salon de cette année, on s'oubliait volontiers. Toile +très-gracieuse et très-délicate, œuvre d'un artiste du talent le plus +fin.</p> + + <p>L. C.</p> + + <br><br> + + <h3>LES MYSTÈRES DE LA BOURSE</h3> + + <p>Ce qu'il faut faire pour moraliser la bourse</p> + + <p>Que de choses nous aurions encore à mettre en lumière pour bien faire +comprendre les envahissements du Jeu de la Bourse et les ravages qu'il a +produits dans les familles depuis un demi-siècle! Mais il nous suffira +de nous arrêter à deux considérations dernières.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + + <p>Non-seulement tout le monde est attiré par un irrésistible penchant vers +le tourbillon de la Bourse, mais ce tourbillon va si bien s'élargissant +qu'il ne fait plus de tout l'occident de l'Europe qu'un seul et unique +marché.</p> + + <p>Dès qu'un premier cours a été coté par la Coulisse sous le péristyle de +la Bourse, on voit s'établir un va-et-vient du télégraphe à la Bourse et +de la Bourse au télégraphe. C'est un feu roulant de dépêches pour les +départements, pour Londres, Bruxelles, Amsterdam, Vienne, Berlin. Agents +de change, coulissiers, banquiers, sociétés de crédit, changeurs, font +parvenir toutes les variations à leurs correspondants, de manière à +profiter, si c'est possible, d'une place à l'autre, des moindres +fluctuations de la rente. Tout mouvement de nos fonds publics se +répercute ainsi sur toutes les bourses par une gerbe de dépêches qui se +croisent à travers l'Europe et qui donne au marché des proportions +infinies. Ce n'est plus un marché, c'est un monde en ébullition.</p> + + <p>Songez enfin que, bien souvent, quand les cours, sauf l'imprévu, sont au +calme plat, les acheteurs savent, par la multiplicité de leurs +opérations, compenser l'atonie des affaires. On vend et l'on achète +alors par brassées. Ainsi nous nous rappelons avoir assisté à ce +gigantesque coup de crayon.</p> + + <p>La rente, suffoquée de chaleur, haletait à 71 fr. 20 c.</p> + + <p>--A vingt-deux et demie, envoyez! glapit un agent acheteur.</p> + + <p>--Oui, cria un autre agent vendeur.</p> + + <p>--Combien? quinze mille?</p> + + <p>--Oui.</p> + + <p>--Trente mille?</p> + + <p>--Oui.</p> + + <p>--Soixante mille?</p> + + <p>--Oui.</p> + + <p>--Cent vingt mille?</p> + + <p>--Oui.</p> + + <p>--Trois cent mille?</p> + + <p>--Oui.</p> + + <p>--Six cent mille?</p> + + <p>--Oui.</p> + + <p>--Neuf cent mille?</p> + + <p>--Oui.</p> + + <p>--Douze cent mille?</p> + + <p>--Oui.</p> + + <p>Et les deux agents de la Coulisse inscrivirent d'un seul coup de crayon, +sur leurs carnets, l'un un achat de DOUZE CENT MILLE FRANCS DE RENTE +TROIS POUR CENT, l'autre une vente de la même somme. Vingt mille francs +de courtage!</p> + + <p>Avec un franc de hausse ou de baisse, c'était pour l'acheteur ou le +vendeur une perte de 400,000 fr.! Étonnez-vous donc auprès cela de voir +arriver des fuites, des culbutes et des suicides! Qui aime le danger y +périt, et l'on récolte toujours ce qu'on a semé.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + + <p>Étant donné cet exposé sincère du marché de la Bourse, la première +pensée qui surgit dans l'esprit de l'observateur est celle-ci:--Que +faudrait-il faire pour moraliser le marché de la Bourse?</p> + + <p>Ce qu'il faudrait faire? Bien peu de chose, un tout petit article de loi +que nous allons vous faire connaître et qui ferait de la Bourse un +marché semblable à tous les autres.</p> + + <p>C'est là, en effet, la question mère auprès de laquelle disparaissent +toutes les autres. Qu'importe que la Bourse fasse danser sur les +raquettes de la hausse et de la baisse des millions et des milliards, si +ce marché ne doit éternellement rappeler que la rue Quincampoix, et si +foutes ces opérations ne doivent représenter que le jeu.</p> + + <p>Que disons-nous, le jeu? C'est la friponnerie qu'il faut dire, et nous +appelons sur ce point toute l'attention de nos lecteurs, car c'est avec +le vif désir de voir disparaître le jeu et les duperies de la Bourse que +nous avons publié cette étude.</p> + + <p>Le jeu de la Bourse n'est en réalité qu'une duperie. Et pourquoi? Est-ce +parce que ces opérations ne reposent que sur la spéculation? Nullement. +On spécule sur les alcools, on spécule sur les farines, on spécule sur +les cotons, et ces spéculations qui ruinent et enrichissent aussi bien +que la hausse et la baisse de la rente, n'ont jamais donné lieu au +reproche de friponnerie. La spéculation est le grand moteur des +affaires.</p> + + <p>Pourquoi donc la Bourse est-elle seule à soulever à bon droit les +colères de l'opinion et la réprobation de la conscience publique?</p> + + <p>Parce que la loi n'admet que le marché au comptant, et permet au +spéculateur de faire du marché à terme, un pari non reconnu par le Code. +Or tant que ce marché à terme sera ainsi livré à la merci de la mauvaise +foi, tant qu'un fripon pourra recevoir ses bénéfices quand il aura +gagné, et refuser de payer, la loi à la main, quand il aura perdu, la +Bourse souffrira du triste renom qui s'attache aux maisons de jeu, et la +fortune mobilière de la France n'aura pas pour son marché l'autorité +morale que donne la sanction invariable de la loi.</p> + + <p>Voici, en effet, ce qui se passe tous les jours. Un spéculateur se +présente. Il opère à terme, et avant que le compte soit réglé à la +liquidation, il est impossible de savoir si l'opération est fictive ou +sérieuse! Bien mieux: plus l'opération est forte, c'est-à-dire plus elle +engage le client, l'agent de change et le marché, plus aussi cette +opération présentera de risques, car l'importance de la vente ou de +l'achat est précisément l'argument favori, presque toujours mis en +avant, pour établir l'opération comme un pari et pour refuser le +payement.</p> + + <p>Et voilà plus d'un demi-siècle que la Bourse ouvre ainsi ses portes à la +malhonnêteté! Voilà plus d'un demi-siècle que le crédit de l'État roule +sur une pareille énormité, et que la friponnerie a ses coudées franches +sur un marché qui remue journellement des milliards! Un pari? A la +Bourse? Quand il s'agit de la rente? Un pari, quand il s'agit d'actions +et d'obligations? La conscience se révolte devant un tel scandale et +devant les méfaits sans nombre qu'il peut engendrer.</p> + + <p>Voyez jusqu'où peut aller la duperie. Un spéculateur achète 100,000 fr. +de rente à terme chez un agent. Mais qui peut savoir si, au moment où il +achète ces 100,000 fr. de rente, il ne fait pas la contre-partie chez un +autre agent? Et cette double opération commandée en vue de la fraude, +qui peut savoir si elle ne se reproduit pas deux fois, trois fois chez +d'autres agents?</p> + + <p>Vous voyez le résultat, et que de fois n'a-t-on pas eu à le constater? +L'opération qui donne un compte créditeur voit arriver le client qui +reçoit son argent, tandis que l'opération qui donne un compte débiteur +n'obtient de lui qu'un refus, et aux sommations réitérées de l'agent de +change, à l'assignation qui le fait paraître devant un tribunal, il +invoque la loi et répond tranquillement: J'ai joué! Et le tribunal +résilie le marché!</p> + + <p>Étonnez-vous donc que l'opinion reste hostile à la Bourse?</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + + <p>Un pareil état de choses est-il tolérable? Pourquoi donc le marché à +terme, qui est l'âme du commerce dans le monde entier, ne serait-il pas +admis à la Bourse? Pourquoi donc la rente qui est le titre de l'État, +qui donne la mesure du crédit public, serait-elle réservée au rôle +indigne des spéculations immorales?</p> + + <p>Il n'y a pas deux poids et deux mesures. A la Bourse, comme ailleurs, +acheter et vendre, soit au comptant, soit à terme, sont deux actes +légaux, sérieux, indéniables, parfaitement déterminés et qui doivent +produire pour la rente les mêmes effets que pour toute autre propriété. +Le droit commun, voilà la règle, et en dehors d'elle, il n'y a point +d'autre solution.</p> + + <p>Le marché à terme a été la plaie de la Bourse, il faut que cette plaie +disparaisse; il a causé de graves désordres, il faut que l'ordre les +fasse oublier; il a souffert de l'ambiguïté de la loi, il faut que la +loi, dépouillée de ses ambages, lui rende l'estime, la faveur et la +confiance du publie.</p> + + <p>Une loi est donc nécessaire, et cette loi que nous invoquons est facile +à faire. Une phrase peut la résumer tout entière, et cette phrase la +voici:</p> + + <p>«La loi reconnaît, sans aucune distinction, toutes les opérations faites +à la Bourse.» Cette solution est la seule pratique, la seule juste, la +seule vraie, la seule conforme aux principes du droit et aux progrès des +temps. Le marché au comptant est le marché des peuples primitifs, le +marché à terme est le marché des peuples civilisés qui font plus +d'affaires par le crédit que par les capitaux.</p> + + <p>Devant un texte aussi précis, la fraude n'aura plus rien à tenter, et la +suspicion ne troublera pas de ses nuages malsains les opérations à +ternie. La loi étant précise, les actes deviendront également précis. +Tout ordre donné sera un engagement ferme. Chacun saura à quoi il +s'engage, et quand le spéculateur saura qu'à chacune de ses opérations, +il suspend sa fortune, son honneur et le repos de sa famille, il fera de +mûres réflexions avant d'engager inconsidérément, dans une vente ou dans +un achat, ce qu'il a de plus précieux au monde!</p> + + <span class="sc">Léon Creil.</span> + + <br><br> + + <h3>BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE</h3> + + <p><i>Itinéraire descriptif</i>, historique et archéologique de l'Orient, par M. +Emile Isambert. Première partie, Grèce et Turquie d'Europe, 2e édition. +Paris, Hachette, 1873.--Si le principal mérite d'un livre doit être de +satisfaire pleinement aux besoins et aux goûts de ceux auxquels il est +destiné, on peut dire, sans s'exposer à aucune contradiction, que +l'ouvrage composé par M. Emile Isambert est, sous tous les points, +excellent. Celui qui voyagera en Grèce et dans la Turquie d'Europe, +ayant à la main ce guide fidèle, verra sans aucun doute, beaucoup plus +de choses que s'il marchait à l'aventure, et surtout il les verra mieux.</p> + + <p>La première partie de cet itinéraire de l'Orient embrasse la Grèce et la +Turquie d'Europe. Elle est naturellement divisée en deux sections +précédées, l'une et l'autre, d'un abrégé substantiel où sont résumées la +géographie et les conditions climatériques des diverses localités, les +évolutions historiques des Grecs anciens et modernes, l'invasion des +Turcs, la situation réelle qu'ils ont en Orient, leur religion, leurs +usages, le caractère de leur architecture, etc. les notions +préliminaires, indispensables à ceux qui ne sont pas très-familiers avec +le monde oriental, seront utiles aux érudits eux-mêmes qui rencontreront +là, condensé en quelques pages, ce qu'il faudrait chercher parmi plus de +cent volumes.</p> + + <p>Faisons d'abord observer que la Grèce proprement dite et la Turquie +d'Europe ont une physionomie différente et ne produisent pas le même +genre d'impression. Le voyage de Grèce est surtout archéologique. +L'homme y joue le premier rôle, on en voit la grandeur et la faiblesse +dans ce peuple qui a élevé de si belles œuvres aujourd'hui en ruines. +C'est presque exclusivement le passé qui nous attire lorsque l'on se +rend en Grèce, et le présent humble ou misérable fait encore ressortir +davantage quelle devait être l'élévation de ce qui n'est plus.</p> + + <p>Le voyage de la Turquie d'Europe est au moins aussi pittoresque +qu'historique. L'homme des temps anciens s'efface devant la nature; la +nature se montre là à la fois charmante et grandiose, prête à prodiguer +d'inépuisables richesses au travail qui daignerait la solliciter.</p> + + <p>L'itinéraire général est partagé en un grand nombre d'itinéraires +particuliers; le livre fait connaître les distances à parcourir, les +moyens de transport et de dépense: chaque route est très-minutieusement +détaillée; l'aspect changeant des paysages, la succession des vallées et +des collines, les montagnes et les rochers, les rivières, les sources, +les lacs; les constructions pélasgiques, les temples grecs, les +tombeaux, les châteaux francs, vestiges de la conquête latine du XIIIe +siècle, les églises et les monastères, les traces de campement militaire +et les lieux célèbres par quelque grande bataille, rien, en un mot, n'a +été oublié.</p> + + <p>Pour la partie archéologique, M. Emile Isambert a consulté les mémoires +si remarquables des élèves de notre école d'Athènes et les travaux des +plus savants explorateurs modernes de la Grèce. Dans la partie +topographique et pittoresque, il se plaît à citer plusieurs célèbres +écrivains voyageurs, Lamartine, Chateaubriand, Théophile Gautier. Ces +emprunts habilement intercalés par l'auteur dans son propre texte, lui +permettent d'échapper à la sécheresse d'une nomenclature géographique. +Quoi de plus poétique, pour ne citer qu'un exemple, que le tableau si +animé des deux rives du Bosphore! Les descriptions des villes, toutes +précédées d'une notice historique, sont quelquefois assez étendues, +comme celles d'Athènes et de Constantinople; celui qui suivra +scrupuleusement toutes les indications du livre, pourra s'éloigner +d'Orient avec la certitude, presque absolue d'avoir vu tout ce qui était +digne d'intérêt.</p> + + <p>Tel est l'ouvrage de M. Emile Isambert. C'est un immense et très-sérieux +travail qui a exigé les plus longues et les plus patientes recherches. +De pareils livres sont très-propres à répandre parmi tous le goût des +voyages en les rendant plus faciles et plus agréables. On dit que les +Français devraient sortir de chez eux pour étudier les autres peuples. +Or, nous pensons qu'une fréquentation de la Grèce nous serait +profitable. Nous y verrions qu'un peuple, après avoir fait de grandes +choses, doit inévitablement, quoique doué de qualités supérieures, s'il +manque d'esprit politique et se consume en divisions stériles, perdre la +vitalité première de sa nationalité; nous verrions qu'en suivant cette +voie, toute nation marche infailliblement à la dégradation et à la +servitude.</p> + + <p><span class="sc">Richard Cortambert.</span></p> +<br> + <p>M. Jouaust, qui a achevé ses deux ouvrages exquis, les <i>Contes</i> de +Boccace et ceux de Marguerite de Navarre (deux raretés déjà, deux +chefs-d'œuvre), va publier tantôt un <i>La Fontaine</i> étonnant, avec des +dessins de Gérôme et de Detaille, une œuvre d'art à propos d'une +inimitable œuvre littéraire.</p> +<br> + <p><i>Almanach lorrain de Pont-à-Mousson</i> (Première année).--Il faut signaler +à l'Alsace et à la Lorraine tout ce que la France essaie de faire pour +entretenir dans ces provinces l'amour de ta mère patrie. En éditeur de +Pont-à-Mousson,--la frontière de France aujourd'hui,--M. Ory, publie +ainsi la première année d'un almanach lorrain qui, répandu dans les +campagnes autour de Metz, pourra apprendre à bien des gens qu'ici ou ne +les oublie pas. M. Georges Perrot a donné à cet almanach une page +excellente sur le siège de Paris et j'y ai trouvé, signés L. F., des +souvenirs d'une intensité d'émotion et de vérité tout à fait +remarquables, des souvenirs d'un soldat du 94e de ligne (2e armée de la +Loire). M. Gérardin a écrit aussi de bien curieuses recherches sur +l'histoire de Pont-à-Mousson pendant le règne de Louis XVI et la +Révolution française, et M. Claude, député de Meurthe-et-Moselle, y +conte éloquemment la légende de Jacques Bonhomme.</p> + + <p>Œuvre utile entre toutes, cet almanach est un lien populaire entre la +France française et ce qu'on pourrait appeler, hélas, la <i>France +allemande!....</i></p> +<br> + <p><i>Rêves et devoirs</i>, par M. Théodore Froment (I vol., A. +Lemerre).--Chaque poète prend ses inspirations où il les trouve. M. +Froment est professeur et son horizon d'habitude c'est la classe avec +ses murs nus, son tableau noir, ses pupitres luisants. Il a logé sa Muse +dans une étude de collège et il a caractérisé ses vers par ces deux +mots: <i>Rêves et devoirs.</i> Les rêves sont simples et honnêtes, les +devoirs sont de tous les jours. M. Froment a dédié ses vers à ses +élèves, à ceux qu'il enseigne et guide:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Ainsi donc à vous cet ouvrage:</p> +<p class="i20"> Si peu qu'il soit, c'est votre bien.</p> +<p class="i20"> Amis, je vous en fais hommage</p> +<p class="i20"> Et mets à la première page</p> +<p class="i20"> Votre nom à côté du mien.</p> +</div></div> + + <p>Ces vers intimes, sincères, profondément sentis, manquent de variété +sans doute. Le devoir universitaire est un peu uniforme. Pourtant M. +Froment a su dégager une poésie vraie et souvent touchante de sa pensée +et de ses occupations quotidiennes.</p> +<br> + <p><i>Le Roman de l'histoire</i>, par M. Jules d'Argis (1 vol., Société des gens +de lettres).--C'est un gros volume compact où le roman et l'histoire, +comme le promet le titre, s'entremêlent. On y trouve de tout un peu, +comme dans les œuvres complètes; des nouvelles, des chroniques, des +voyages et de la critique. <i>Les Fiançailles de mademoiselle de +Bourgogne, le Dernier sourire de Charles II et François 1er à Madrid</i>, +sont des chapitres intéressants. A propos du premier Empire, de M. +Thiers et de M. Lanfrey, M. Jules d'Argis a trouvé le moyen de dire des +choses intéressantes et nouvelles. C'est ce qu'il voulait, lorsqu'il +donnait à son livre cette épigraphe tirée de Buffon:</p> + + <p>«L'art de dire de petites choses devient peut-être plus difficile que +l'art d'en dire de grandes.»</p> +<br> + <p><i>La Ligue d'Alsace</i>, première série, 1871-1872 (1 vol. in-18).--«Depuis +la conquête prussienne, une puissante société secrète, la Ligue +d'Alsace, s'est fondée en Alsace-Lorraine et y imprime une feuille +clandestine, qu'elle fait largement distribuer par ses adhérents avec la +complicité unanime du pays. «Cette feuille, qui s'imprime on ne sait où, +qui est glissée sous les portes on ne sait par qui, est petite, +typographiée sur deux colonnes, en français d'un côté, en allemand de +l'autre. Jamais la police prussienne n'a pu saisir les distributeurs de +ces patriotiques feuilles volantes. L'éditeur Lemerre a eu l'idée de +publier les numéros de cette gazette clandestine parus depuis le 1er +mars 1871 jusqu'au 1er janvier 1872. C'est la chronique même des efforts +de l'Alsace-Lorraine, de ses protestations et de ses luttes contre les +conquérants. <i>La Ligue d'Alsace</i> stimule le patriotisme, flétrit les +désertions, ravive les souvenirs de la patrie. Cette sorte de +<i>charbonnerie</i> organisée, riche, intrépide, tient en échec l'empire +d'Allemagne et ne regarde point comme accomplie l'œuvre de M. de +Bismarck. Elle a ses presses, ses armées de distributeurs et de +contrebandiers, ses dépôts, ses réunions régulières, et la police +allemande sent autour d'elle l'influence de cette <i>Ligue</i> insaisissable.</p> + + <p>Tout le monde, tout ce qui est français, voudra connaître les numéros de +<i>la Ligue d'Alsace</i> ainsi réunis en volume. Le livre se vend au profil +de l'œuvre d'Alsace-Lorraine. Ce n'est pas une œuvre de littérature, +c'est mieux que cela, c'est une œuvre de combat et de patriotisme.</p> +<br> + <p><i>Le Travail, base de la synthèse de l'histoire</i>, par Auguste Deschamps +(1 broc. in-18).--«Le travail, c'est la vie», a dit Mirabeau. M. Auguste +Deschamps, l'auteur d'une biographie estimée, <i>Eugène Cavaignac</i>, et de +l'<i>Histoire de la chute du second Empire</i>, a développé cette parole de +Mirabeau dans une conférence faite à l'hôtel de ville de Melun, au mois +d'avril dernier, et qu'il réunit aujourd'hui en brochure. Ce travail est +fort savant et animé d'une noble idée. M. Deschamps ne voit de progrès +possible que par le travail. «Ce progrès, dit-il, c'est le travail, +toujours le travail qui le produira, le travail pratiqué par tous, +respecté et honoré de tous.» On ne saurait mieux dire. Toute la brochure +est animée de ce même esprit sage et libre.</p> + + <p><span class="sc">Jules Claretie.</span></p> +<br><br> + <h3>REVUE FINANCIÈRE</h3> + + <h4>LE NOUVEL EMPRUNT OTTOMAN</h4> + + <p>La Bourse a commencé le mois en pleine hausse, et le 5 p. 100 se cote +triomphalement au-dessus de 93 fr. 50 c., après avoir franchi un instant +le cours de 94 fr. Les sociétés financières ont beaucoup de capitaux +disponibles, et tout démontre que notre épargne nationale ne demande +qu'à entreprendre une grande et fructueuse campagne d'affaires.</p> + + <p>Le nouvel Emprunt ottoman que vient d'émettre le Crédit mobilier se +présente donc aux souscripteurs dans les meilleures conditions +possibles. A cet égard, on a tant médit chez nous de la Turquie et de +l'homme malade, qu'il importe, au point de vue de l'exactitude des +faits, de redresser les préjugés et les faux calculs qui se glissent +injustement dans l'opinion.</p> + + <p>Il suffît d'ailleurs de rappeler le résultat des emprunts antérieurs +pour éclairer les capitalistes sur ce qu'on doit attendre de l'émission +nouvelle. Si nous nous demandons ce qu'ont produit les emprunts +antérieurs de la Turquie, nous resterons convaincus que l'Empire +ottoman, la France et les souscripteurs n'ont eu qu'à s'en féliciter.</p> + + <p>Pour la Turquie,--comment ne pas s'apercevoir que, depuis vingt ans que +la Turquie a commencé ses emprunts, le revenu de la Sublime-Porte a +presque triplé, et il est encore aujourd'hui en pleine marche +ascendante. Ces emprunts ont donc été une semence qui a surabondamment +fructifié, et la Turquie, nous devons le dire, n'a fait que toucher +encore aux immenses richesses qu'elle veut aujourd'hui mettre en valeur.</p> + + <p>Pour la France,--on peut dire, sans doute, qu'elle a beaucoup perdu dans +les valeurs étrangères; mais il n'est que juste de reconnaître que +l'Empire ottoman ne lui a rien fait perdre, et ses placements en Turquie +sont au nombre de ceux qui ont facilité, dans ces deux dernières années, +le paiement de l'indemnité de guerre. C'est en vendant ses valeurs +étrangères que la France a pu conserver une bonne partie de son +numéraire.</p> + + <p>Pour le public,--la Turquie est un des pays qui ont compensé pour notre +épargne les pertes qu'elle a subies. Les valeurs turques rapportent 10 +p. 100, et les Obligations que le Crédit mobilier vient d'émettre +rapporteront, en comptant toutes leurs bonifications, 12 p. 100. C'est +là, on le comprendra, un motif suffisant pour expliquer l'empressement +des souscripteurs.</p> + + <p><span class="sc">Léon Creil.</span></p> +<br><br> +<p class="mid"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>EXPOSITION DE VIENNE.--Les appareils distillatoires de M. +Savalle.</b></p> + + <h3>APPAREILS SAVALLE POUR LA DISTILLATION</h3> + + <p>De nombreux appareils de distillation ont été envoyés à l'Exposition de +Vienne: mais là encore, la France remporte un succès incontestable, par +l'exposition de la maison D. Savalle fils et Cie, de Paris.</p> + + <p>Le jury des récompenses a décerné à cette maison une médaille de +progrès, et certes elle était bien méritée; nous dirons même que le jury +eut pu faire quelque chose de plus, en considération des services rendus +et des nombreux perfectionnements réalisés par M. Désiré Savalle depuis +1867.</p> + + <p>Pour donner une idée de l'importance des travaux exécutés par la maison +Savalle, nous citerons la puissance du travail des nombreuses usines +installées par elle dans les diverses contrées du globe. Cette puissance +représentait en 1872 une production journalière de un million et demi de +litres d'alcool: dans ce chiffre, la production du 3/6 de mélasses entre +pour 555,111 litres, et celle du 3/6 de betteraves pour 572,800 litres. +Le surplus représente la production des alcools de pommes de terre, des +alcools de grains, de vins, et la production des rhums par les appareils +Savalle.</p> + + <p>Pendant l'Exposition de Vienne, vingt-huit appareils de grande dimension +ont déjà été vendus; ils représentent une valeur de plus de huit cent +mille francs.</p> + + <p>Ces appareils sont destinés aux contrées ci-après, pour:</p> + + <pre> +L'Égypte (pour les usines du khédive). 5 appareils. +La Russie. 4 -- +La Hollande 1 -- +Le Portugal 2 -- +L'Autriche 2 -- +La France 7 -- +Rio-Janeiro 1 -- +L'Angleterre 1 -- +L'Allemagne 1 -- +La Bavière rhénane 2 -- +L'Espagne 1 -- +Total des appareils vendus pendant +l'Exposition 27 +</pre> + + <p>C'est la maison Savalle qui, la première, a importé la distillation de +la betterave en Autriche et y a installé les distilleries de ce genre +qui existent aujourd'hui.</p> + + <p>Les personnes intéressées à la question distillerie feront bien de se +procurer chez M. Georges Masson, éditeur, 17, place de +l'École-de-Médecine, à Paris, la brochure de M. Désiré Savalle, +intitulée: <i>Progrès récents de la distillation</i>; elles y trouveront des +renseignements précieux sur la distillation de toutes les matières +alcoolisables, et sur de nouveaux appareils appliqués à la fabrication +de couleurs d'aniline et à l'épuration des méthylènes.</p> +<br><br> + + <h2>Rébus</h2> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"></p> +<br> + <p class="mid">EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</p> + + <p class="mid">Avant dîner et après un grand chagrin, l'appétit est coupé.</p> + + + + +<br><br> +</div> + +<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 47477 ***</div> +</body> +</html> + + diff --git a/47477-h/images/001.png b/47477-h/images/001.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..78245fe --- /dev/null +++ b/47477-h/images/001.png diff --git a/47477-h/images/001a.png b/47477-h/images/001a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..d04825b --- /dev/null +++ b/47477-h/images/001a.png diff --git a/47477-h/images/002a.png b/47477-h/images/002a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..19083e6 --- /dev/null +++ b/47477-h/images/002a.png diff --git a/47477-h/images/002b.png b/47477-h/images/002b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..925dec5 --- /dev/null +++ b/47477-h/images/002b.png diff --git a/47477-h/images/003a.png b/47477-h/images/003a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..320311a --- /dev/null +++ b/47477-h/images/003a.png diff --git a/47477-h/images/003b.png b/47477-h/images/003b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..1e8050d --- /dev/null +++ b/47477-h/images/003b.png diff --git a/47477-h/images/004.png b/47477-h/images/004.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..de2835e --- /dev/null +++ b/47477-h/images/004.png diff --git a/47477-h/images/005a.png b/47477-h/images/005a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..c54c254 --- /dev/null +++ b/47477-h/images/005a.png diff --git a/47477-h/images/005b.png b/47477-h/images/005b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..5870b6a --- /dev/null +++ b/47477-h/images/005b.png diff --git a/47477-h/images/006.png b/47477-h/images/006.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..c3c58f2 --- /dev/null +++ b/47477-h/images/006.png diff --git a/47477-h/images/007a.png b/47477-h/images/007a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..acc567d --- /dev/null +++ b/47477-h/images/007a.png diff --git a/47477-h/images/007b.png b/47477-h/images/007b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..a278f29 --- /dev/null +++ b/47477-h/images/007b.png diff --git a/47477-h/images/cover.jpg b/47477-h/images/cover.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..5445706 --- /dev/null +++ b/47477-h/images/cover.jpg |
