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Notre VUE PANORAMIQUE DE METZ ET DE +SES ENVIRONS permettra de suivre, pour ainsi dire comme sur le terrain +même, toutes les opérations stratégiques dont l'examen va se poursuivre +devant le conseil de guerre chargé de juger le maréchal Bazaine.--Nous +avons tenu à publier dès la veille de l'ouverture des débats cet +important document, qui donnera une idée de la manière dont +l'_Illustration_ enregistrera toutes les péripéties de ce procès +mémorable. + +[Illustration: LA CHAMBRE DU MARÉCHAL BAZAINE, A TRIANON.] + + + +SOMMAIRE + +_Texte_: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert +Audebrand.--Un drame dans le désert.--Les Théâtres.--L'esprit de Parti +(suite).--Nos gravures.--Bulletin bibliographique. + +_Gravures_: La chambre du maréchal Bazaine, à Trianon.--Bazaine.--Voyage +de Victor-Emmanuel en Allemagne: promenade de Leurs Majestés le roi +d'Italie et l'empereur d'Autriche sur le lac de Laxenburg.--Exposition +des prix et envois de Rome à l'École des Beaux-Arts (2 gravures),--Vue +panoramique de Metz.--Souvenirs de captivité: l'évasion.--Nuka-Hiva: le +chef de la baie de Thehetchagor;--La rivière, de la baie de +Thehetchagor.--Exposition universelle de Vienne: vue des quatre façades +de l'exposition de MM. Christofle et Comp. (côté sud).--Evénements +d'Espagne: entrée des carlistes à Tortella.--Rébus. + + + +HISTOIRE DE LA SEMAINE + + +FRANCE + +Ou est toujours sans renseignements précis sur l'état des négociations +fusionnistes. La mission de MM. de Suguy et Merveilleux-Duvignaux à +Froshdorf ne paraît pas avoir eu tous les résultats que la dépêche du +_Times_, mentionnée dans notre dernier bulletin, pouvait lui faire +attribuer, ou du moins rien de positif n'a transpiré sur les résolutions +prises par le comité légitimiste dont font partie les deux honorables +députés. + +Plusieurs journaux bien placés pour être exactement renseignés assurent +même que MM. de Suguy et Duvignaux n'avaient reçu aucune délégation et +n'étaient porteurs d'aucun programme, qu'ils n'ont été faire à Froshdorf +qu'un échange d'impressions et d'opinions. Faut-il attribuer toute cette +obscurité à un parti pris de discrétion jusqu'au jour décisif de +l'action ou bien à un embarras inavoué venant de ce qu'en réalité les +difficultés pendantes ne sont pas encore résolues? En attendant +l'explication de ce mystère, un journal de Montpellier, l'_Union +nationale_, a livré à la publicité une lettre écrite par M. le comte de +Chambord à M. le vicomte de Rodez-Bénévent, député de l'Hérault, et qui +est ainsi conçue: + +«Froshdorf, le 19 septembre 1873. + +«Le sentiment qu'on éprouve, mon cher vicomte, en lisant les détails que +vous me donnez sur la propagande révolutionnaire dans votre province, +est un sentiment de tristesse; on ne saurait descendre plus bas pour +trouver des armes contre nous, et rien n'est moins digne de l'esprit +français. + +«En être réduit en 1873 à évoquer le fantôme de la dîme, des droits +féodaux, de l'intolérance religieuse, de la persécution contre nos +frères séparés; que vous dirais-je encore? de la guerre follement +entreprise dans des conditions impossibles, du gouvernement des prêtres, +de la prédominance de classes privilégiées! Vous avouerez qu'on ne peut +pas répondre sérieusement à des choses si peu sérieuses. A quels +mensonges la mauvaise foi n'a-t-elle pas recours lorsqu'il s'agit +d'exploiter la crédulité publique? Je sais bien qu'il n'est pas toujours +facile, en face de ces indignes manoeuvres, de conserver son sang-froid; +mais comptez sur le bon sens de vos intelligentes populations pour faire +justice de pareilles sottises. Appliquez-vous surtout à faire appel au +dévouement de tous les honnêtes gens sur le terrain de la reconstitution +sociale. Vous savez que je ne suis point un parti, et que je ne veux pas +revenir pour régner par un parti: j'ai besoin du concours de tous, et +tous ont besoin de moi. + +«Quant à la réconciliation si loyalement accomplie dans la maison de +France, dites à ceux qui cherchent à dénaturer ce grand acte que tout ce +qui s'est fait le 5 août a été bien fait, dans l'unique but de rendre à +la France son rang, et dans les plus chers intérêts de sa prospérité, de +sa gloire et de sa grandeur. + +«Comptez, mon cher Rodez, sur toute ma gratitude et ma constante +affection. + +«Henri.» + +Cette lettre ne contient, on le voit, que des réponses assez vagues aux +griefs les plus exagérés et les moins sérieux dont les tentatives de +restauration monarchique puissent être l'objet; elle ne contient aucune +déclaration précise sur les véritables difficultés de la situation, +telles que la question du drapeau et celle du pacte constitutionnel. +Quoi qu'il en soit, il y a un curieux rapprochement à faire entre sa +teneur et le texte du discours prononcé il y a quelques jours par M. le +duc de Broglie au comice agricole, de Bernay: voici comment s'exprimait +l'honorable vice-président du Conseil dans une péroraison où il +s'attache, à son tour, à répondre aux insinuations que signale la lettre +qu'on vient de lire: + +«Enfin, même à l'intérieur, et dans nos discordes civiles, le +cultivateur français est le vrai soldat de l'ordre public. Ce modeste +cultivateur, maître le plus souvent de son domaine restreint, ne +reconnaissant dans l'usage de la propriété, qu'il a payée de ses sueurs, +d'autre supérieur que Dieu et la loi, intéressé ainsi plus que personne +au maintien de la paix sociale, en est le défenseur né et naturel. + +«Je n'ai pas hésité à dire, l'an dernier, dans l'occasion que je +rappelais tout à l'heure, que, pour la bonne défense de la société +contre les passions qui la menacent dans l'Europe entière, je préférais +cette armée de soldats de l'ordre répandue ainsi sur tout le territoire, +même à ces grands propriétaires, comme on en voit dans des pays voisins, +qui, détenant le sol presque à eux seuls, demeurent isolés au milieu +d'une multitude indifférente à la conservation de biens dont elle n'a +pas sa part. + +«Ce que j'ai dit, je le répète encore; mais laissez-moi y joindre un +avis que permettront à une vieille amitié les représentants éclairés de +cette classe agricole qui m'entendent. + +«Tout cela n'est vrai qu'à une condition: c'est qu'ils sauront résister +aux conseils perfides des factions qui s'efforcent de les alarmer sur le +maintien de ces droits désormais acquis et inébranlables; c'est qu'ils +ne croient pas, comme on s'efforce dans l'ombre de le leur souffler à +l'oreille, qu'il y ait quelqu'un en France assez insensé pour rêver de +les priver du libre usage de ces droits qu'ils tiennent du labeur de +leurs pères et de toute la suite de notre histoire. + +«Cela n'est pas, cela ne sera jamais: ces chimères ridicules et ces +craintes sans fondement ne sont pas dignes d'arrêter un instant le bon +sens pratique et sur de nos cultivateurs normands. + +«Ils savent, ils sentent que l'état social de la France moderne, oeuvre +des siècles, est aussi indestructible que les fondements du sol qui les +porte, et qu'on ne peut pas plus s'y attaquer avec succès qu'on ne peut +altérer la qualité de l'air que nous respirons. Aucun homme, aucun parti +n'y pourrait songer. + +«C'est dans l'enceinte, si j'ose ainsi parler, dans les limites de cet +état social, dont personne ne peut sortir, que vont se débattre toutes +les questions politiques que nous avons à résoudre. Nos populations le +savent, et elles attendent avec confiance, sous l'égide du loyal soldat +qui nous gouverne, les institutions que leur donnera la décision +souveraine de l'Assemblée nationale.» + +Quant à la question de savoir comment se posera devant l'Assemblée le +projet de restauration et combien de voix il réunirait, on en est plus +que jamais réduit aux conjectures, malgré les affirmations des +enthousiastes, qui assurent que la majorité est sûre d'elle-même. +L'_Indépendance belge_ publiait récemment une statistique des députés +disposés à voter en faveur de la monarchie ou de la république et +classait, dans ce tableau, parmi les _incertains_, M. E. Féray, député +de Seine-et-Oise. M. E. Féray a tout aussitôt protesté avec énergie en +déclarant que son vote restait acquis au maintien de la république +conservatrice, comme le seul gouvernement capable, selon lui, de donner +à la France la sécurité à l'intérieur, sans inquiéter les puissances +étrangères. D'autre part, la communauté d'attitude entre les +républicains et le bonapartisme, parait assurée, bien qu'elle ait failli +être compromise par une démarche imprudente dont l'éclat à visiblement +embarrassé les organes de ce dernier parti. Nous voulons parler de la +lettre écrite par le prince Napoléon au rédacteur en chef d'un journal +radical, l'_Avenir national_, en réponse à une sorte de manifeste publié +par ce journal et tendant à réunir en un seul faisceau, sous le drapeau +tricolore, tous les partis ayant pris leur origine dans la Révolution +française, dans le but de s'opposer de concert aux tentatives des +royalistes. Le manifeste concluait en offrant au prince Napoléon la +direction de cette ligue et était suivi de l'acceptation du prince, +formulée en ces termes: + +«Paris, le 26 septembre 1873. + +«Messieurs, + +«La franchise, l'imprévu de votre démarche me forcent à une réponse +brève; elle m'est dictée par les opinions de toute ma vie. + +«En face de la gravité, de la publicité de votre lettre, je ne dois pas +garder le silence. + +«Le devoir de tout citoyen, à l'heure grave où nous sommes, est de ne +pas sortir de la cité en péril comme les neutres de l'antiquité. Non, je +ne suis pas neutre et je ne déserterai pas la lutte. + +«Je ne puis parler qu'en mon nom; mais comment croire que ceux dont les +coeurs vibrent au nom de Napoléon me désapprouvent!! + +«L'alliance de la démocratie populaire et des Napoléons a été le but que +j'ai poursuivi dans tous les actes de ma vie politique. Soutenons notre +drapeau en face des menaces du drapeau blanc, étranger à notre France +moderne et que le prétendant ne saurait abandonner que par un compromis +et un sacrifice fait aux habiles de son parti.--Que vaudrait d'ailleurs +cette concession de la dernière heure? Le règne des Bourbons ne saurait +être que le triomphe d'une politique réactionnaire, cléricale et +antipopulaire. Le drapeau de la Révolution abrite seul depuis près d'un +siècle le génie, la gloire et les douleurs de la France; c'est lui qui +doit nous guider vers un avenir vraiment démocratique. + +«Entre tous les défenseurs de la souveraineté du peuple, beaucoup +diffèrent sur les moyens de l'appliquer; mais une entente commune, à +l'heure actuelle, sur le principe même de cette souveraineté, est +nécessaire et patriotique. Nous tous, citoyens de la société moderne, +nous devons chercher à établir, par le suffrage universel, la vraie +liberté basée sur les réformes qui sont la condition du salut de la +France. + +«Oui, il faut oublier les dissentiments, les attaques, les luttes, les +souffrances réciproques, les insultes même, pour affirmer le principe de +la souveraineté nationale, en dehors duquel il n'y a que dangers, +discorde et nouveaux désastres. Soyons unis pour déjouer des tentatives +funestes, et formons ainsi la Sainte-Alliance des patriotes. + +«Napoléon (Jérôme).» + +Désavoué avec énergie, dès le lendemain de sa publication, par les +journaux républicains de toutes les nuances, le programme de l'_Avenir +national_ n'a pas été mieux accueilli par les feuilles bonapartistes. +Toutefois, ces dernières se sont donné le temps de la réflexion, et +c'est le surlendemain seulement qu'elles ont déclaré que le prince +Napoléon devait seul être rendu responsable du «très-regrettable +scandale» causé par lui, et que si la force des circonstances obligeait +les partisans de l'appel au peuple à se séparer de la majorité du 24 +mai, ce serait peut-être pour suivre une marche parallèle à celle des +républicains, mais non pour conclure avec eux une alliance qu'ils +repoussent avec horreur. + + + +COURRIER DE PARIS + +Théophile Gautier se plaignait de ce qu'on fabriquât trop de +paysagistes. «Si ça continue, disait-il, on en verra autant que de +bacheliers.» Il montrait du doigt un des travers du temps, mais sans +espérer qu'on se corrigerait. En France, on sait tout faire, excepté un +effort d'esprit poussant à contrecarrer la mode. Or, le vent est au +paysage, rien qu'à ça. Le tableau d'histoire, la marine, le portrait, le +tableau de genre, autant de spécialités qui s'envolent à tire-d'ailes. +La chose est tellement visible qu'elle n'aurait pas besoin de +démonstration. + +Pour aider encore à ce mouvement, Troyon, avant de mourir, où sa vieille +bonne femme de mère, depuis sa mort, je ne sais lequel, a songé à +laisser par testament un prix de douze cents francs pour un concours +annuel, une manière d'élever des paysagistes à la brochette. Aux termes +de l'acte, les concurrents doivent être âgés de moins de trente ans. +Excellente clause. Prenez-les au moment où ils viennent de rompre leurs +lisières; qu'ils soient donc jeunes le plus possible, ce sera pour le +mieux. Il n'y a rien de tel que des yeux de vingt ans pour étudier la +nature dans l'éclosion de son éternelle jeunesse. Mais pourquoi avoir +voulu que le programme du concours fût expressément réglé par +l'Institut. Est-ce que l'Institut voit clair? + +«Un étang, dans une vallée boisée, après l'orage. Animaux au choix.» Tel +est le programme Troyon pour 1873. Ces drôles de maîtres du quai Gonti +ont voulu mettre de tout dans cette petite affaire; c'est une malignité +de vieillards. Un bouquet d'arbres et un ciel du matin ou du soir +auraient suffi. Non, il a fallu une espèce d'assiette assortie, une +mosaïque des champs, une julienne. Mais ils ont été compris tout de +même. Vingt-neuf élèves ont donc envoyé au palais des Beaux-Arts chacun +un étang, une vallée, un bois et un orage. Ceux-là ont ajouté des +moutons, ceux-là des boeufs couchés dans l'herbe. Une chose étonne, +c'est qu'il n'y en ait eu que vingt-neuf et pas cent et même cent +cinquante. + +Il va sans dire que plus d'une de ces pages donne des promesses de +talent. Toutefois disons que la formule de l'Institut: _Animaux au +choix_, a quelque peu égaré l'imagination des concurrents. Ainsi il en +est un que je ne veux pas indiquer autrement qui, s'étant proposé de +faire une flottille de canards barbotant dans l'eau, nous montre trois +de ces volatiles portant des lunettes bleues. Un de nos confrères en +chronique, se trouvant là , nous disait: «Comment ces messieurs de +l'Institut n'ont-ils pas pris cela pour une personnalité?» + +Samedi dernier, à l'hôtel des Commissaires-Priseurs, on a mis en vente +ce qui restait du mobilier d'Henri Rochefort. Si effacée que soit +aujourd'hui la personnalité naguère encore si bruyante de l'auteur de la +_Lanterne_, on se rappelle pourtant qu'il a été un des plus intrépides +amateurs du bric-à -brac. Tout l'or qui sortait de son écritoire s'en +allait en fantaisies d'art ou en antiquailles. C'est ce qui explique +comment il ne lui est presque rien resté des grosses sommes que lui a +rapportées le débit de son pamphlet. Le triste drame de la Commune fini +de la manière que vous savez, lui parti pour Nouméa, il a fallu se +défaire des bibelots que cet autre Masaniello avait accumulés chez lui. +Une première journée, tambourinée avec soin à travers la ville, suivant +l'usage, a amené les acheteurs par centaines. Pour la vente de samedi, +ça été autre chose. On n'avait fait la dépense d'aucune affiche. C'était +tout ce qu'il vous plaira d'imaginer d'étouffé: une vente à huis clos ou +encore un feu d'artifice tiré au fond d'une cave. + +Il en est résulté qu'il ne se trouvait devant le bâton du +commissaire-priseur que peu d'acheteurs, des pingres, un groupe de ces +Auvergnats aux doigts crochus qui font métier de s'enrichir avec les +épaves du monde élégant ou des artistes. Ils étaient donc là une +trentaine au plus, hommes et femmes, tous crasseux, tous pelotonnés près +du butin. Pendant la vente, ils échangeaient entre eux l'argot de la rue +de Lappe, une grammaire qui sent les vieux chiffons et la vieille +ferraille. En fin de compte, ils se sont partagé à vil prix ce restant +du luxe d'un jour, car, il faut le répéter, par suite du silence des +affiches ou parce que le vrai monde de la rue Drouot est encore hors des +murs, on ne voyait par là pas un seul amateur. + +Les amis d'Henri Rochefort lui connaissaient une terre cuite d'un style +fort original, le _Don Quichotte_ de Lepère. Ce morceau a été adjugé 63 +francs. Tout près de cette figurine, on voyait un chef-d'oeuvre en +bronze, une _Diane de Poitiers_, de Pradier, étude historique qui vaudra +100,000 francs dans vingt ans. Adjugée pour 62 francs, la _Diane_ de +Pradier! + +--Choichante-deux francs, cha n'est pas trop cher_, disait l'acquéreur +avec un gros rire, _mais par chuite de la guerre, on a doublé les +droits, chongez-y!_ + +Est venu le tour d'une jolie commode Louis XV, vrai meuble de petite +maîtresse ou de gommeuse à la mode, si vous voulez. En raison de sa +naissance et de ses fréquentations, Henri Rochefort avait des goûts +d'aristocrate. Ces hommes et ces femmes de la Charabie pétrée qui +guettaient leur proie aimaient bien mieux pousser les enchères pour la +commode que pour les statuettes. Le meuble a fait 300 francs. Il valait +mille francs, au bas mot, vu les jours de rigidité Spartiate où nous +sommes; en d'autres temps, quinze cents francs ne l'eussent pas payé +trop cher. + +La même observation peut être faite pour un bahut en bois de rose, 200 +francs, d'abord; puis pour quatre chaises en tapisserie ancienne et pour +un fauteuil, 288 francs.--Ce fauteuil, nos gracieux Auvergnats +l'essayaient; ils s'asseyaient entre ses bras les uns après les autres; +ils le touchaient; ils avaient l'air de l'ausculter.--Ce lot, à une +époque, avait coûté douze cents francs.--Tout cela n'était encore qu'une +sorte de préface. Ce qui passait pour avoir le plus de prix, c'était le +lit du transporté, une merveille, en effet. Ce lit, en bois de fer, +style François 1er, et qui avait coûté deux mille francs, n'a pu se +vendre que 461 francs, et 500 francs avec les rideaux de soie rouge. +Bref, le produit n'a pas dépassé la somme de cinq mille francs. Bonne +journée pour les Auvergnats. + +Une lettre encadrée de noir nous a appris, il y a quelques jours, la +mort fort inattendue d'une jeune personne de vingt ans; Mlle Stéphanie +Proudhon a succombé, à Passy, à une maladie de poitrine. Trois cents +amis du publiciste ont entouré ce cercueil, le jour des obsèques, et +j'ai eu le regret très-vif de ne pouvoir me mêler à eux.--P. L. Proudhon +a eu quatre filles; trois ont cessé de vivre. Une seule demeure, +très-vive, à la vérité, ayant toutes les apparences de la santé. J'ai +nommé Mlle Catherine Proudhon, celle qui, étant enfant, servait déjà de +secrétaire intime à son père. + +Peut-être se rappelle-t-on que, pendant la maladie qui l'a emporté, +Sainte-Beuve a préparé un volume, très-remarquable, sur le brillant et +terrible auteur des _Confessions d'un Révolutionnaire_. Pour faire un +pendant à ces révélations sur son père, Mlle Catherine Proudhon, aidée +de sa mère et de quelques amis, rassemble à grand'peine les lettres si +nombreuses et si originales qui composeront la Correspondance de +l'ancien imprimeur de Besançon. Nul ne se sera autant prodigué que cet +homme dont on a tant parlé et qu'on connaît si peu. J'ai voulu donner +moi-même une preuve de sa facilité à écrire des lettres en publiant une +petite plaquette sous ce titre: _P. J. Proudhon et l'Écuyère de +l'Hippodrome_. Il existe assurément, à travers le monde, mille ou douze +cents lettres de cet écrivain, toujours clair comme Voltaire, toujours +paradoxal comme Denis Diderot, toujours instructif comme H. de Balzac. + +Parmi ceux auxquels P. J. Proudhon a le plus écrit, on cite plus d'un +personnage. Il y a d'abord eu Napoléon III, à qui l'auteur de _La +Révolution démontrée par le 2 décembre_ a dû s'adresser deux fois pour +faire lever la prohibition qui pesait sur son livre. Il a aussi écrit +plusieurs fois au prince Napoléon Jérôme. Les intimes tels que MM. +Darimon, Charles-Edmond, Georges Duchêne et le colonel Langlois ont, de +même que les frères Garnier, de quoi faire un volume; le pauvre Gustave +Chaudey, le même qui a été assassiné par les hommes de la Commune, +n'avait pas moins de cent cinquante lettres. Il y en a aussi de fort +remarquables entre les mains de M. Charles Beslay, ce vieillard, +aujourd'hui proscrit, qui après la révolution du 18 mars, a préservé de +l'incendie la Banque de France, ses titres et ses trésors. + +Les plus intéressantes, les plus familières, celles dans lesquelles le +paysan de la Franche-Comté exprime peut-être le plus et le mieux ce +qu'il veut dire, ont été écrites à M. Auguste-Abraham Rolland, ancien +représentant de Saône-et-Loire, le spirituel traducteur de la +correspondance de la princesse Palatine. Il m'a été donné de prendre +connaissance de ces confidences; ce sont de véritables _Mémoires +intimes_, comparables, par exemple, aux lettres de Diderot à Mlle +Roland. Dans ces épîtres, écrites sans aucun apprêt, P. J. Proudhon fait +défiler à peu près tous les contemporains sous ses yeux. Dieu sait tout +ce qu'il y a de malice et de vérité dans les mille et un petits +portraits à main courante qu'il trace là -dedans! + +Parmi ces lettres, il en est une, fort étendue, qui produit plus +d'impression encore que les autres. Elle a trait à un fait qui s'est +passé dans la famille même de l'auteur. La chose est doublement curieuse +par les contrastes et par les rapprochements qu'elle fournit. Ce qui se +passe en ce moment même lui donne, ce me semble, un très-grand attrait +d'actualité. En 1850, par suite de la publication d'un article de +journal, P. J. Proudhon était enfermé à Sainte-Pélagie. Il épousa alors +dans sa prison Mlle Piégard, fille d'un ancien héraut d'armes de la cour +du roi Charles X. Ce dernier, fort excellent homme, légitimiste sincère, +mais s'occupant peu de politique, recevait une modique pension de +l'ancienne liste civile (je parle, bien entendu, de la liste civile des +Bourbons de la branche aînée). Un moment vint où les ressources de ce +réservoir manquant, ce vétéran du palais des Tuileries dut avoir recours +à la cassette du comte de Chambord pour vivre. En une telle extrémité, +il pria son gendre de lui servir de secrétaire, et, en effet, P. J. +Proudhon rédigea pour lui la supplique, qui fut envoyée à Froshdorf. Un +peu plus tard, le brouillon de cette pièce, de la main de P. J. +Proudhon, fut trouvé, et républicains et royalistes à l'envi accusèrent +le publiciste d'entretenir des intelligences avec Henri V. C'est pour +repousser cette supposition que le publiciste a écrit la lettre si +éloquente à laquelle je fais allusion et dont voici un fragment: + +«Cher ami, mon beau-père a été, pendant quarante années, le serviteur +des Bourbons. + +«Vieux, infirme, n'ayant pas de pain, il a cru devoir s'adresser au +prince dont il a servi les aïeux. N'est-ce pas une règle d'agir ainsi? + +Mais, au moment de faire sa demande, le vieux Piégard a vu que sa main +débile, presque paralysée, n'avait plus la force de tenir une plume, et +il a naturellement demandé à moi, son gendre, de rédiger sa demande. Il +a dicté, j'ai écrit. Il envoyait un placet au comte de Chambord. +Ecrivant pour lui, j'ai fait le travail graphique. Voilà tout mon +crime.» + +Ce n'est là , je le répète, qu'un démembrement fort décousu et incolore. +Toute cette protestation est d'un beau mouvement et d'un grand +style.--On espère que ce morceau et mille autres feront partie de la +_Correspondance_ dont s'occupe la dernière des Filles de l'auteur, +_Correspondance_ à laquelle, je le répète, le livre posthume de +Sainte-Beuve a si bien servi de prélude. + +Nous sommes en pleine chasse tout le long du pays. + +A ce sujet, il court beaucoup de racontars. + +En voici un que nous avons entendu débiter par un Nemrod qui arrive de +Normandie. + +Du côté de Bayeux, un villageois avait promis à son curé de lui envoyer +un lièvre, le jour même de l'ouverture de la chasse. + +A une semaine de là , le bon curé rencontre le rustre: + +--Eh bien, mon garçon, lui dit-il, et ce lièvre? + +--Comment, moussieu le curai, est-ce que vo ne l'avais poin encore? + +--Non. + +--Ah! mais, je n'en reviens point. + +--Comment cela? + +--Pardine, aussitôt que j'l'ai vu pas bien loin de nout' farme, j'y ai +dit: «Va-t-en vite chez moussieu l'curai.» Et i n'y a point étai, +l'grigou? C'est point bien d'sa part, savais-vous! + +Le narrateur ajoutait: + +--Le bon curé rit encore aux larmes en racontant cette pyramidale +naïveté de son paroissien. + +Quant à nous, nous pensons que le narrateur et le curé sont encore bons +enfants s'ils croient que les paysans d'aujourd'hui ont cette +naïveté-là . + +Il n'y a pas eu de prix pour le concours Troyon.--Tout le monde s'y +attendait bien. + +<sc>Philibert Audebrand.</sc> + + + +[Illustration: BAZAINE. D'après la photographie de M. Maunoury.] + +[Illustration: VOYAGE DE VICTOR-EMMANUEL EN ALLEMAGNE.--Promenade de +Leurs Majestés le roi d'Italie et l'empereur d'Autriche sur le lac de +Laxenburg.] + + + +UN DRAME DANS LE DÉSERT + +Vous ne connaissez pas l'Amérique! Voilà ce que ne cessent de nous +répéter sur tous les tous les Américains que nous fait rencontrer le +hasard de l'existence parisienne. Vainement prouvons-nous que nous avons +lu avec fruit les livres de Tocqueville et d'Ampère. Le premier est +vieux, et n'était pas absolument vrai, même quand il a paru. Quant au +second, utile au voyageur qui veut se borner à parcourir certaines +villes privilégiées, en formation ou en décadence, il n'apprend rien sur +la vie générale telle qu'on la comprend et qu'on la pratique, sur les +moeurs, le caractère, et ce qui peut constituer le présent et l'avenir +de la sociabilité d'un peuple. + +On ne sort pas de là . Si vous insistez, vous ne tarderez pas à être +écrasé sous une avalanche d'anecdotes et de faits particuliers qui +démoliront pièce à pièce toutes les notions que vous aviez péniblement +classées dans votre esprit. C'est ce qui m'est arrivé, et voilà pourquoi +j'avertis le lecteur au moment de conter un drame américain. + +Les tribus indiennes, si bien décrites par Chateaubriand, subsistent +encore sur quelques points de l'immense territoire que peuplent et +civilisent les continuateurs de Washington. Mais chaque jour voit +diminuer leur importance. De beaucoup, il ne reste plus que le nom. +Quelques autres sont réduites à un tel petit nombre d'individus qu'ils +ne valent même pas la peine d'être domptés. Le wisky en a eu raison bien +mieux encore que la poudre de guerre. C'est en vain que certains chefs +intrépides protestent contre cette destruction qui s'attaque à l'homme +adulte et par conséquent s'oppose à la reproduction et à la propagation +de l'espèce. Tout au plus parviennent-ils à se montrer dignes de leurs +ancêtres et à nous faire voir ce qu'étaient les Indiens d'autrefois. + +Tel était Maha, un des plus illustres des Chérokées, au moment où l'on +conçut l'idée de relier par un chemin de fer New-York à San-Francisco et +à l'Océan Pacifique. Les exploits de guerre et de chasse de Maha étaient +célèbres dans toutes les prairies, et on ne prononçait qu'avec respect +le nom de l'Oiseau-Moqueur, ainsi que l'avaient surnommé ses +compatriotes. Il ne vit pas d'un bon oeil l'entreprise nouvelle. On +l'entendit souvent proférer des menaces contre ces empiètements qui +venaient troubler la tranquillité des solitudes et rendre plus pénible +encore l'existence précaire des Indiens. Quand ils n'étaient pas en +nombre, les travailleurs étaient, souvent interrompus par une irruption +soudaine et une attaque à main armée. On ne saura jamais le nombre exact +de ceux qui ont payé de leur vie ce rôle de pionniers de la civilisation +que nous admirons de loin. On a pu dire sans exagération que, dans +certaines solitudes, chaque traverse avait été arrosée du sang d'un +homme. La civilisation qui veut marcher à grandes guides ne s'arrête pas +pour si peu. + +Maha n'en vit pas moins s'établir le chemin de fer du Pacifique, et les +wagons roulèrent de New-York à San-Francisco, et réciproquement, +emportant marchandises et voyageurs. Il en conçut un ressentiment +profond. Il ne comprenait rien à cet ouragan de feu qui bravait son +intrépidité. Mais il lui avait voué une haine farouche, une de ces +haines de sauvage qui est à peine satisfaite par la mort. Il fallait que +Maha eut raison de son ennemi ou qu'il périt. + +Il résulta de cette résolution prise, une série d'embuscades plus ou +moins ingénieuses et des accidents de toute sorte dans le détail +desquels nous n'entrerons point. Les déraillements ne comptent guère +dans l'existence américaine. Toutes les routes en ce pays sc ressentent +plus ou moins de la précipitation avec laquelle elles sont construites. +Pourvu qu'elles conduisent au but, peu importe si elles n'offrant pas au +voyageur toutes les garanties qu'on rencontre sur nos belles et grandes +routes d'Europe. Sous ce rapport, le chemin du Pacifique ne pouvait +faire exception à la règle nationale. Les accidents préparés et imaginés +par Maha et les Peaux-Rouges qu'il commandait ne produisirent pas plus +d'effet qu'ils n'en auraient produit dans les environs de Baltimore et +de Boston. On fut même quelques mois à ne pas soupçonner les Indiens +d'être pour quelque chose dans les rails coupés et les traverses +enlevées. Quand on s'en aperçut, Maha reconnaissait déjà l'inutilité de +ses ruses et de ses efforts et changeait de tactique. + +Avec la patience de l'Indien qui surveille toutes les habitudes de la +proie qu'il guette, Maha se mit à observer la marche des trains. Il +voulait en étudier et en surprendre le mécanisme. Car il était trop +intelligent pour n'avoir pas compris tout de suite que le monstre de feu +obéissait à une direction savante. Il devina le rôle important que +jouaient le mécanicien et le chauffeur. Et dès lors son plan fut arrêté, +un plan qui exigeait une hardiesse, une agilité, une vigueur dont les +sauvages seuls sont capables. Mais, sous ce rapport, Maha était en +fonds, il n'avait pas son pareil dans les Prairies de l'ouest. + +Il ne mit personne dans sa confidence, ni parmi les anciens de sa tribu, +ni parmi ses jeunes compagnons d'aventures. Car il n'avait besoin +d'aucun secours pour mener à bien l'audacieux projet qu'il avait conçu +et profondément mûri. + +Par une belle journée de juin, au moment où le soleil à son zénith +couvrait de ses feux ardents toute la plaine, Maha, que les Chérokées +appelaient l'Oiseau-Moqueur, s'embusqua donc le long des rails, dans +l'endroit le plus désert, et attendit le passage du train. Le souffle +puissant de la locomotive et les sifflets stridents ne tardèrent pas à +se faire entendre. Le convoi de San-Francisco arrivait à toute vapeur. +Pas d'autre bruit dans l'immense solitude. Le calme universel avait une +solennité qu'on n'oublie jamais quand on a été une fois dans sa vie +témoin de ce spectacle grandiose. Les animaux sauvages eux-mêmes se +reposaient dans les hautes herbes, et attendaient que le soleil eut +tempéré ses ardeurs. + +Maha veillait avec confiance. Il avait examiné ses armes. Il était +certain de tenir sa vengeance. + +Les premiers wagons le frôlèrent dans son embuscade. Il les laissa +passer pour mieux calculer son élan. Puis, avec une adresse qui ne +surprendra pas ceux qui ont étudié les sauvages et savent de quels tours +d'agilité ils sont capables, il sauta et se maintint sur le marchepied. +Dans les wagons, on vit passer comme un fantôme le visage richement +tatoué du chef Chérokée qui se glissait le long du convoi et arrivait +jusqu'à la locomotive. Seuls, le chauffeur et le mécanicien n'avaient +rien vu et continuaient à diriger la marche de la vapeur avec une +entière sécurité. Ils étaient en péril de mort. + +L'intrépide Indien a sauté sur la machine. D'un coup de tomahawk; il +abat le chauffeur à ses pieds; d'un coup de couteau, il tue le +mécanicien. La main vengeresse est aussi rapide que l'éclair. En un clin +d'oeil les cadavres sont scalpés, et l'Oiseau-Moqueur s'élance et se +tient debout sur le tender comme un triomphateur. Il tient à la main et +brandit comme un trophée les chevelures de ses ennemis et hurle un chant +de guerre sauvage. Tous les voyageurs ont reconnu cette voix. Dans +toutes les veines court un frisson de terreur. Un marche à une mort +imminente, certaine; car le train n'a pas ralenti sa vitesse. Au +contraire, la vapeur n'étant plus contenue et dirigée déploie toute sa +vigueur. Tant que le charbon et l'eau ne feront pas défaut, on +poursuivra cette course vertigineuse. + +Les stations intermédiaires sont brûlées. Pleins d'épouvante, les +aiguilleurs et les cantonniers voient passer ce train lancé avec une +vitesse insensée et ce singulier mécanicien. Chacun comprend le péril et +devine en gros ce qui est arrivé. Mais impossible de porter le moindre +secours. Il n'y faut même pas songer. On doit rester sourd aux cris de +détresse des voyageurs, dont les terribles lamentations réveillent tous +les échos des solitudes. L'Oiseau-Moqueur les entend, et il jouit de son +oeuvre. Il est heureux des larmes qu'il fait couler. Dans son coeur, il +est le plus grand des hommes, des guerriers de sa tribu. En un seul +jour; il a vengé les Peaux-Rouges de toutes les vexations, de toutes les +injustices séculaires que leur font subir les Américains. + +Le drame cependant n'était pas fini. Si la situation était +singulièrement aigüe, elle allait encore le devenir davantage, par la +seule péripétie qui n'avait pu entrer dans la tête et dans les +prévoyances de l'Oiseau-Moqueur. + +Comme dans tous les convois à long parcours, la société est fort mêlée +dans les wagons. Il y avait beaucoup de femmes et d'enfants. Certains +compartiments étaient même occupés par des familles entières. Quelles +tendresses déchirantes furent échangées dans ces moments suprêmes, nous +ne le dirons pas. On les devine aisément. C'est principalement devant la +mort imminente que toutes les affections du coeur se donnent libre +carrière, et l'homme civilisé est le même sous toutes les latitudes. + +Parmi les passagers se trouvait un officier de la marine des États-Unis, +M. Henry Pierre, qui voyageait avec sa femme et ses deux jeunes enfants. +Ce groupe se faisait remarquer entre tous. On n'y entendait ni cris +déchirants ni malédictions. Mais les yeux laissaient échapper des larmes +silencieuses, et les mains restaient étroitement unies. Ensemble on +avait vécu; on avait été heureux, ensemble on voulait mourir. L'homme et +la femme n'avaient pas d'autre pensée. Quant aux enfants, jamais ils +n'avaient paru plus beaux, plus affectionnés à leurs parents. C'était, +réellement une famille modèle, et comme on en voit rarement en Amérique. + +Le marin cependant, habitué aux luttes des grandes navigations, +cherchait dans sa tête un moyen de sortir du péril. Une étreinte plus +expressive à la main de sa femme indiqua qu'il avait trouvé. Avec une +résolution formidable, il prit un solide poignard dans son bagage +portatif, déposa un long baiser sur le front de chacun des êtres adorés, +et ouvrit la portière du wagon. + +Sur le marchepied, il envoya un dernier regard à sa femme et à ses +enfants. + +--C'est pour eux! dit-il simplement. + +Et on le vit se glisser le long du train jusqu'à la machine. Les cris et +les lamentations avaient soudainement cessé. On avait compris qu'un +secours inespéré arrivait, qu'un homme se dévouait pour tenter le salut +de tous. Seul, sur le tender, le grand chef Chérokée n'avait pas +interrompu son chant de triomphe. Il agitait toujours les scalp du +chauffeur et du mécanicien. + +Henry Pierce, son poignard à la main, a sauté sur la machine. L'Indien +l'aperçoit. Devant ce nouvel ennemi, il pousse son cri de guerre et +brandit son tomahawk. Ce n'est plus une surprise; c'est un combat corps +à corps qui s'engage, et la robuste vigueur et l'agilité de l'Américain +sont de taille à se mesurer avec celles de l'Indien. Tous les voyageurs, +penchés aux portières, essayent, de voir, et leur anxiété est facile à +comprendre. Dans les périls extrêmes, on s'accroche avec l'énergie du +désespoir à tout ce qui peut paraître une branche de salut. + +L'étroit espace sur lequel se livrait la bataille n'était cependant pas +aussi favorable à l'Américain qu'à l'Oiseau-Moqueur. Les pieds du marin +avaient rencontré les cadavres du chauffeur et du mécanicien et +glissaient dans le sang. Avec son poignard, il ne pouvait atteindre son +ennemi que de très-près. L'Indien au contraire avait conservé tous ses +avantages, et son tomahawk s'abattit sur Pierce, qui tomba grièvement +blessé. En un clin d'oeil, l'Oiseau-Moqueur le scalpa, et une troisième +chevelure vint s'ajouter à celles qu'il agitait en poussant des cris +féroces de triomphe. Pour l'Indien, l'ennemi abattu était un ennemi +mort. + +Il n'en était point ainsi de Pierce, heureusement. Malgré ses blessures +il vivait encore, et malgré d'atroces souffrances il conservait une +indomptable énergie. Pendant que l'Indien exhalait en vociférations +sauvages le délire de sa joie, le marin rassembla les forces qui lui +restaient, se releva brusquement, bondit, et plongea son couteau dans la +poitrine de l'Oiseau-Moqueur. Il le retourna même dans la plaie pour que +la blessure fût bien mortelle. Le cadavre du chef Chérokée tomba sur la +voie. + +La mort de Maha n'était que le commencement de la délivrance. Le danger +était loin d'avoir disparu. Car le train filait toujours avec une +vitesse infernale. Aucun homme n'avait eu le courage d'imiter l'exemple +donné par Henry Pierce et de s'aventurer le long du convoi jusqu'à la +machine, il s'en fallut donc de bien peu que tout ce beau dévouement ne +fût complètement inutile. Avec une énergie qu'on ne saurait assez +admirer, Henry Pierce se traîna péniblement jusqu'à la manivelle et +renversa la vapeur. + +Il était à bout de forces. A son tour il tomba sur les cadavres du +chauffeur et du mécanicien. Mais le train s'arrêta. La femme et les +enfants du brave officier de marine étaient sauvés. Les autres voyageurs +bénéficièrent du sauvetage par surcroît. + +Seulement on les vit accourir avec empressement dès que toute espèce de +danger eut disparu, dès qu'on put descendre des wagons avec sécurité. +Ceux qui avaient montre l'égoïsme le plus couard ne furent pas les moins +prompts à vouloir porter des secours; il y en eut même qui avouèrent +qu'ils se hâtaient pour bien savoir ce qui s'était passé et connaître +tous les détails du drame. + +Le brave Henry Pierce respirait encore; mais il n'en valait guère mieux. +C'était un homme voué à une mort certaine. Aucun secours, aucun prodige +de la thérapeutique n'aurait pu détourner ce dénouement fatal. Une +consolation suprême était pourtant réservée au grand coeur qui battait +dans cette poitrine affreusement mutilée. Pierce entendit et reconnut la +voix de ceux qu'il aimait. Il sentit leurs douces étreintes encore une +fois. Il put prendre et garder dans les siennes la main de sa femme, la +main de ses jeunes enfants. La douleur de cette famille était d'autant +plus navrante à voir qu'elle ne se trahissait pas au dehors par des cris +et des manifestations bruyantes. La mère et les enfants semblaient +craindre, par l'explosion de leurs sentiments intimes, de troubler les +derniers moments de celui qu'ils allaient perdre. Eux seuls étaient les +victimes vivantes de cette catastrophe qui a laissé une trace profonde +dans les annales du chemin de fer du Pacifique. Et eux seuls se +montrèrent dignes de cet homme courageux qui s'était volontairement +sacrifié pour le salut de tous. Henry Pierce expira deux heures après +l'arrêt du train. + +Ces événements s'accomplissaient l'été dernier. Aujourd'hui c'est à +peine si, dans le vaste désert du territoire indien, on peut indiquer +avec précision le théâtre du drame. + +<sc>Georges Bell.</sc> + + + +LES THÉÂTRES + + +Théâtre de la Porte-Saint-Martin.--Marie Tudor. + +Il existe au musée de Madrid un admirable portrait de Marie Tudor, par +Antonio Moro. Sous le bonnet, ou plutôt sous le chapeau de velours noir +relevé sur les tempes s'encadre la figure amaigrie de la reine, avec les +lèvres fines, les yeux ardents sous la paupière rougie, les pommettes +saillantes, le teint pâle de l'hydropisie, et toute la sévérité de +l'ascétisme religieux. Elle se détache froide, terrible de son cadre, +cette figure de Marie la Sanguinaire, _the bloody Mary_, comme elle se +détache de l'histoire, au milieu de ses persécutions religieuses, dans +ce fanatisme qui effraya Philippe II lui-même, son royal époux. + +Pourtant c'est à cette reine, vivant d'une sorte d'exaltation pieuse +dans un Escurial anglais, qu'il a plu à l'auteur de donner un amant. A +son aise. Il me semble pourtant que s'il convient au poète de rompre en +visière avec toutes les idées reçues, il faut au moins que son oeuvre +s'empare des esprits par sa puissance, de telle sorte qu'on lui fasse +crédit de ses erreurs et qu'il ne vienne pas en pensée de les relever. +Eh bien! Marie Tudor est à coup sûr un des drames les moins heureux du +poète. Je ne m'inquiète pas de sa portée politique, je ne me demande pas +où tendent ces visées de l'auteur, qui de parti-pris traîne une reine +devant le mépris public, en lui faisant proclamer impudemment devant une +cour Fabiano Fabiani pour son amant, qui prend toute l'Angleterre à +témoin de cette honte, en lui demandant de s'associer à sa vengeance. +Qu'importe que reine elle se déshonore publiquement, que femme elle +livre à tous l'aveu de ses lâchetés, que chrétienne elle se parjure, la +main étendue sur la couronne royale et sur les saints évangiles, qu'elle +mente aux serments faits à la mémoire de son père; c'est une tête +couronnée qu'on jette au mépris de la foule, comme le poète lui a jeté +et Charles-Quint, et François Ier, et Louis XIII, et Richelieu, c'est un +système, je n'ai pas à m'en préoccuper. L'affaire est entre le public et +Victor Hugo. Moyennant quelques galanteries du poète à son peuple, ils +s'entendront bien ensemble. Mais ce qui est plus important pour moi, +simple spectateur d'une action dramatique, c'est que la pièce ne +m'intéresse pas. + +Chose étrange! Le drame est rempli de terreurs par les nuits sombres aux +bords de la Tamise, par les colères terribles d'une reine, par la +présence du bourreau, par l'appareil funèbre des chapelles ardentes, des +tentures des tombeaux; il est assombri par les coups de canon, éclairé +par l'incendie des villes, et pourtant l'âme reste froide devant cet +immense déploiement de terreurs. Elle voit passer ce spectacle sans +s'émouvoir, sans se passionner. Une curiosité pourtant s'empare de vous +au milieu de tout ce récit lugubre: Comment ce puissant esprit +viendra-t-il à bout d'une telle oeuvre! car Victor Hugo est un maître +par la force et par l'audace; comment s'achèvera un tel édifice? +L'esprit est donc en éveil; quant à l'âme, je le répète, elle est bien à +son aise; cela ne la regarde pas. La raison en est simple: c'est que +Victor Hugo est théâtral et n'est pas dramatique. Il y a un grand +souffle dans le poète qui anime de sa puissante parole une action mise +en scène, qui agite au gré de son lyrisme tous les personnages; toujours +brillant, toujours sonore, avec l'appareil extérieur du génie. +Shakespeare si vous voulez, mais sans passions, le Shakespeare de la +phrase. + +J'écoutais l'autre soir cette Marie Tudor; un acte tout entier se passe +à mettre en dehors la violence de la reine. Un homme aimé l'a trahie, sa +vengeance sera terrible. Il lui faut le grand jour pour l'éclairer, la +multitude pour témoin, il lui faut la menace à pleins poumons, l'insulte +sans réserve, l'insulte jusqu'à la grossièreté, le reproche avec tous +les mépris, l'humiliation, l'abaissement de l'amant, dût la dignité de +la reine tomber avec la tête du favori: «Tu te dis allié à la famille +espagnole de Pénalvar, mais ce n'est pas vrai, tu n'es qu'un mauvais +Italien, rien! moins que rien! fils d'un chaussetier du village de +Larino!--Oui, messieurs, fils d'un chaussetier! Je le savais et je ne le +disais pas, et je le cachais, et je faisais semblant de croire cet homme +quand il me parlait de sa noblesse!» Ce n'est pas assez de toutes ces +invectives, il faut que cet homme tombe à genoux devant tous, qu'on le +déshonore aux pieds du trône, que la reine le voie face à face avec le +bourreau. Et quand l'effet de cet acte sera perdu par son exagération +même, la reine se reprendra d'amour pour Fabiano Fabiani. C'est le coeur +de la femme. Racine l'avait dit tout entier dans un seul vers +d'_Hermione_: + +«S'il ne meurt aujourd'hui, je puis l'aimer demain.» + +Mais Victor Hugo n'a pas le génie sobre et puissant de Racine, il se +perd dans la déclamation, il frappe fort, il ne frappe pas juste, si +bien que ce personnage de _Marie Tudor_, renouvelé d'_Hermione_, nous +laisse absolument froids, par cela seul qu'en l'exagérant le poète l'a +rendu faux dans le vrai. + +Voilà pourquoi ce drame de _Marie Tudor_ a eu si peu de succès à son +début et pourquoi le public d'aujourd'hui ne me semble pas disposé à +casser le jugement du passé. A défaut de Marie Tudor, les personnages +qui gravitent autour de la reine ont-ils du moins un intérêt? Aucun, ce +n'est pas à coup sûr Fabiano Fabiani qui m'attache. Ce que la reine en +dit me dégoûterait complètement de ce gentilhomme, fils d'un chaussetier +du village de Larino. Jane est une fille perdue que son repentir et son +amour tardif pour Gilbert ne rachète guère; quant à Gilbert, cet homme +qui ment pour la reine quand elle en a besoin, le droit de sa vengeance +ne le justifie pas de toutes ces lâchetés. Tout cela compose donc un +ensemble de gredins peu sympathiques, et je ne m'étonne donc plus de +l'accueil que le public fit, il y a quelque quarante ans, à _Marie +Tudor._ + +La pièce devait être merveilleusement jouée en cette année 1833, où elle +parut pour la première fois. Je vois sur la liste des acteurs les noms +de Mlle Georges, de Lockroy, de Chilly, de Provost. Il y a là de grands +souvenirs; mais il ne faut pas que ce passé nous rende injustes, et j'ai +applaudi pour ma part, et très-chaleureusement, aux interprètes +d'aujourd'hui. J'ai trouvé dans Mme Marie Laurent une voix pleine de +passion et d'éclat, une grande puissance dramatique. Elle a eu des +accents véritablement beaux. Simon Renard est fort bien joué par +Taillade. Dumaine rend en acteur intelligent le rôle de Gilbert. Mlle +Dica Petit a eu le plus chaleureux succès dans la dernière scène du +quatrième acte, et Frederick Lemaitre a joué le personnage du juif avec +cette perfection qui caractérise ce maître comédien. La voix s'est +affaiblie, c'est vrai; l'âge, le grand âge est venu, mais le talent est +toujours là . Comme cela est dit, phrasé, mis en scène, et quels accents +encore dans cette voix qui s'éteint! + +Le théâtre des Variétés a pris _la Vie parisienne_ au répertoire du +Palais-Royal. Il m'a semblé que le public trouvait quelques rides à +cette gaieté qui nous fit si gais il y a quelques années. Vraiment, il +fallait s'y attendre. Si la pièce a vieilli c'est que nous avons vieilli +nous-mêmes; ce n'est pas à nous qu'il faut demander notre opinion sur +elle, nous serions injustes, c'est à la génération qui a pris nos +stalles au théâtre. Elle s'amuse encore de ce qui nous amusait. Tout est +bien; et voilà _la Vie parisienne_ lancée comme autrefois dans un succès +rajeuni. + +<sc>M. Savigny.</sc> + + +Fureur: _Lèvres de Feu!!_ valse; _Peau de satin_, polka de Klein. + + + +L'ESPRIT DE PARTI + + +LE CHARIVARI + +_Caricature_ fondée par Ch. Philippon en 1830, obtenait, depuis deux +ans, un immense succès. N'était-ce pas, au reste, le premier mariage +célébré, dans le journalisme, entre la plume et le crayon!--Aussi les +quatre pages de la petite feuille hebdomadaire ne suffirent bientôt plus +à repaître les curiosités nouvelles qu'elle avait éveillées. De là , dans +l'esprit de Ch. Philippon, l'idée d'une seconde «Caricature»,--mais +quotidienne, celle-là ,--sous ce titre: _le Charivari._ + +Lisez le prospectus. C'est une franche déclaration de guerre au pouvoir: +«... La lutte sera loyale toujours, et si nos coups sont vifs, +instantanés comme le fait qui les aura provoqués, peut-être nous +sera-t-il possible d'en proportionner la rudesse au plus ou moins de +gravité des circonstances; comme encore de les porter moins acérés, par +cela même qu'ils seront plus pressés. On peut frapper moins fort quand +on frappe sans cesse....» + +Le premier numéro porte la date du 1er décembre 1832. Or c'est bien le +moins que nous saluions, au passage, le berceau d'un confrère qui, +malgré ses perpétuelles campagnes et ses innombrables blessures, +accomplit actuellement, et d'une façon si gaillarde, sa +quarante-et-unième année.--Notre cadre, par malheur, nous interdit la +moindre monographie: une fortune pour un libraire intelligent! C'est +pourquoi nous ne dirons rien de ces fameux dessins qui se vantaient si +fièrement de tout dire: «... Nous délions tous les arrêts, nous délions +toutes les cours et nous échapperions à toutes les lois, si nous en +étions réduits à redouter d'injustes condamnations, et à éluder des lois +antilibérales. Le crayon, qui est notre plume, à nous, sait rendre +toutes nos pensées et tout est de son domaine... (Nº du 27 mars 1833).» +Nous ne nous arrêterons pas davantage à ces articles de fond où les +trois hommes d'État tympanisaient l'Ordre-de-chose avec une verve chaque +jour plus féconde, plus implacable et plus âcre. + +Notre lot est le simple droit de fourrage dans cette partie humoristique +qui semble,--sous la rubrique de _Carillons_,--une pépinière de +«légendes pour dessins» non utilisées et à l'état de rudiment. +Collection que, de nos jours encore, les Hippolyte Briollet et les Paul +Girard, ont continuée, sous l'habile direction de M. P. Véron, avec +moins d'audace peut-être, mais autant d'esprit que leurs devanciers. + +1832 + +Le ministère a beau se démener; il ne peut obtenir un mouvement de +hausse. La baisse fait des progrès à mesure que la majorité se dessine. +C'est que la Bourse a peur du _Thiers_ consolidé. + +La France nouvelle prétend que l'impression du discours du trône a été +généralement bonne. Le pays n'a pourtant vu jusqu'ici que de tristes +épreuves. + +Un journal ministériel nous dit que M. Thiers a un grand fonds +d'éloquence; malheureusement M. le ministre de l'intérieur est forcé, +par état, de tenir ses fonds secrets. + +Entre le coup d'État populaire du 29 juillet et le coup d'État +monarchique du 7 juin, il y a cette différence que le premier fut une +cause sans effet, tandis que le second fut un effet sans cause. + +Il ne faut pas s'étonner que ces messieurs soient parvenus à soustraire +l'état de siège au verdict du pays. Ces messieurs ont toujours été +très-forts sur la soustraction. + +Une arme à feu! quel moyen absurde pour abattre une _poire_! Aussi la +gaule réclame. + +Le _Journal de Paris_ prétend qu'en juin les insurgés voulaient frapper +le juste-milieu _au coeur_. En ce cas, on a bien raison de dire qu'ils +tentaient l'impossible. + +On dit que la nouvelle chambre a un écho. Ce n'est assurément pas dans +le public. + +Que de gens peuvent dire, comme le Christ:--«Je porte ma croix, +Seigneur, sans l'avoir méritée!» + +On a remarqué avec surprise que le projet de loi sur l'état de Siège, se +termine par le protocole ordinaire: Donné, etc.--Joli cadeau qu'on nous +fait là ! + +<sc>Jules Rohaut.</sc> + +(_A suivre._) + + + +EXPOSITION DES PRIX ET ENVOIS DE ROME A L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS. + +[Illustration: Les juifs pleurant leur captivité à Babylone.--Tableau de +M. Morot, premier grand prix de peinture.] + +[Illustration: Gloria victis.--_Sculpture._--Envoi de M. Mercié] + + +SUPPLÉMENT AU NUMÉRO 1597 du 4 OCTOBRE 1873 +PROCÈS DU MARÉCHAL + + +[Illustration: VUE PANORAMIQUE DE METZ ET DES ENVIRONS POUR SUIVRE LA +CAMPAGNE DE 1870-1871.] + + +[Illustration: SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ.--L'évasion.] + + + +NOS GRAVURES + + +Le maréchal Bazaine + +L'_Illustration_ publie aujourd'hui un beau portrait du maréchal +Bazaine. A cette occasion, on m'a demandé une notice sur le haut +dignitaire de l'armée française, dont le monde entier s'est tant occupé +depuis trois ans, et qui va très-prochainement être appelé devant un +conseil de guerre pour y rendre compte de sa conduite, du 12 août au 28 +octobre 1870, période pendant laquelle il a exercé le commandement en +chef de la vaillante et malheureuse armée du Rhin. + +La tâche qui m'incombe n'est pas facile pour un ancien officier qui a +servi sous les ordres et très-près du maréchal, dont la situation +actuelle d'accusé commande impérieusement la plus scrupuleuse +impartialité. Pour ne pas manquer au respect dû au malheur, même quand +il est mérité, il me faut refouler au plus profond de mon coeur la +sympathie que peut m'inspirer le glorieux soldat d'Afrique, d'Espagne, +de Crimée, d'Italie et du Mexique, le héros de maint combat, le +vainqueur de Kinburn, du fort San-Xavier, de San-Lorenzo et d'Oajaca, +ainsi que le sentiment en sens contraire que j'ai pu éprouver en +étudiant avec un soin minutieux les terribles événements qui se sont +accomplis autour de Metz, entre la bataille de Spickere et la +capitulation du grand boulevard de la France. + +Si le maréchal Bazaine a réellement commis les crimes dont l'accusent +ses adversaires, on doit reconnaître que le masque de son visage est +bien trompeur, car il est difficile de trouver une figure respirant plus +de bonhomie. Avec ses cheveux coupés court, son impériale et sa +moustache sans prétention, ses rudiments de favoris, ses bonnes grosses +joues, son teint clair, ses yeux gris et vifs, son regard franc, son +sourire plein de bienveillance, le maréchal a plutôt l'air d'un gros +négociant, ex-officier supérieur de la garde nationale sédentaire que +d'un vieux militaire qui compte autant de campagnes que d'années de +service. On eût dit qu'il cherchait à exagérer encore l'apparence +débonnaire que lui donnait sa forte carrure et sa vigoureuse charpente à +demi-noyée sous un léger embonpoint, indice d'une belle santé, en +s'habillant sans prétention et tout à fait bourgeoisement. Loin de se +coiffer en casseur d'assiettes, l'ancien général en chef du Mexique +affectionne les coiffures trop larges: képis et chapeaux lui tombent sur +les oreilles sans incliner jamais ni à droite ni à gauche, et son corps +trapu sans obésité paraît se complaire dans de vastes tuniques, des +vestons courts ou des redingotes à la propriétaire. + +Ennemi du faste, peu soucieux du confortable, d'un abord facile et d'une +grande bienveillance, naturelle qui n'a d'égale que sa prodigieuse +bravoure, Bazaine a été un des officiers les plus estimés et les plus +populaires de l'armée jusqu'au 5 septembre 1864, date de son élévation à +la dignité de maréchal. Relativement jeune, il n'avait que +cinquante-neuf ans en 1870, d'une constitution athlétique qu'aucune +émotion, aucune fatigue n'a encore pu entamer, le maréchal inspirait +encore une grande confiance lorsque, le 12 août, la pression de +l'opinion publique obligea l'Empereur à se dessaisir en sa faveur du +commandement suprême de l'armée la plus belle et la plus nombreuse que +la France ait possédée depuis la funeste campagne de 1812. Par son +origine plébéienne ou bourgeoise, il flattait les instincts +démocratiques, très-enracinés dans l'immense majorité de l'armée +française, et le soldat était satisfait d'être commandé par un homme +sorti du rang, et qui avait, comme lui, sérieusement porté le sac. + +Quelle qu'ait été la conduite du commandant en chef de l'armée du Rhin, +la notice biographique qui va suivre prouvera qu'il avait bien gagné ses +grades, et que les personnes qui ont contribué à lui faire acquérir +honneurs et dignités ne sauraient être accusées d'avoir soutenu un homme +sans valeur et sans services. Arrivé au faîte, il a succombé sous le +poids d'une responsabilité écrasante; le même accident s'est reproduit +pour d'autres généraux en chef dont le public n'était pas moins entiché. +Tout cela prouve qu'il est difficile, sinon impossible, de discerner à +l'avance les officiers capables de commander en chef; et, à mon avis, +les généraux français qui ont été battus dans la dernière guerre sont +surtout les victimes d'une éducation militaire incomplète ou mal dirigée +et les boucs émissaires des fautes ou des défaillances de la France tout +entière. N'osant assumer en masse la responsabilité de leurs revers, les +Français commettent en ce moment la faute, impardonnable de personnifier +leurs désastres dans quelques généraux; je ne m'aventurerai pas à dire +que ce soit là un symptôme de décadence; mais ce n'est pas davantage un +signe de grandeur et encore moins de générosité. + +Sauf de légères variantes, toutes nos armées ont ou allaient éprouver un +sort identique. Les armées de Metz, de Sedan, de Paris et de l'Est ont +été anéanties, enlevées ou réduites à l'impuissance; les armées du Nord +et de la Loire, après les défaites de Saint-Quentin et du Mans, auraient +eu la même fin, si l'armistice n'était heureusement survenu. Notre +devoir est de faire notre examen de conscience, et je doute que les deux +juges du conseil qui ont capitulé à Paris et celui qui a été battu à +Arthenay ne soient pas disposés à l'indulgence envers un frère d'armes +malheureux. + + * + * * + +La famille du maréchal Bazaine appartient à ce qu'on appelle la haute +bourgeoisie. Son père, ingénieur distingué, a rempli pendant de longues +années les fonctions de directeur-général des ponts-et-chaussées de +l'empire russe, avec rang de lieutenant-général; son frère, sorti de +l'École polytechnique, compte depuis longtemps parmi nos ingénieurs et +constructeurs de chemin de fer les plus remarquables; enfin sa soeur a +épousé le célèbre ingénieur Clapeyron. Bazaine (François-Achille), né à +Versailles le 18 février 1811, suivait les cours de la Faculté de droit +de Paris en 1831, époque à laquelle la France était menacée d'une +coalition européenne, quand il s'engagea comme simple soldat au 37e de +ligne. La campagne d'Anvers ayant été suivie d'un désarmement général, +le sergent Bazaine, désireux de faire campagne, obtint de passer avec +son grade à la légion étrangère, alors en voie d'organisation et qui ne +pouvait, conformément aux termes formels de la loi du 9 mars 1831, «être +employée que hors du territoire continental du royaume». Rappelons que +cette prescription avait surtout pour but d'empêcher le rétablissement +de la garde suisse. + +Aussitôt organisée, la légion étrangère passa en Algérie. En novembre. +1833, à l'âge de vingt-deux ans, Bazaine reçut l'épaulette de +sous-lieutenant, et vingt mois après, il était fait chevalier de la +Légion d'honneur à la suite du glorieux, mais malheureux combat de la +Maeta, livré le 28 juin 1835, par le générai Trézel aux contingents +arabes réunis dans la province d'Oran sous le commandement de l'émir +Abd-el-Kader. Quelques semaines plus tard, le roi Louis-Philippe mit la +légion étrangère au service de la régente Christine, mère de la reine +Isabelle II; Bazaine suivit son corps en Espagne, où il conquit +rapidement les grades au titre espagnol de capitaine et de chef de +bataillon. + +A Pons, en Catalogue, avec sa seule compagnie, il lutta pendant trois +jours consécutifs contre une colonne de quinze cents carlistes, et +parvint à leur échapper par une marche de nuit des plus audacieuses, +après avoir surpris leurs postes avancés. Sa bravoure et son +intelligence l'avaient signalé à l'attention de l'habile et intrépide +Conrad, colonel d'état-major français et commandant en chef la légion +étrangère, avec le titre de brigadier. Bazaine fut désigné pour remplir +les fonctions de chef d'état-major; il assista en cette qualité aux +sanglantes batailles de Huesca, en Aragon, et de Tolosa, en Catalogne. +Après la mort du glorieux brigadier Conrad, il sut diriger avec talent +et sang-froid une retraite difficile devant un ennemi victorieux et +entreprenant. + +Rentré en France en juillet 1838, Bazaine fut nommé, l'année suivante, +capitaine au titre français et compris, en 1840, dans la formation des +dix bataillons de chasseurs à pied réunis à Saint-Omer, sous le +commandement du duc d'Orléans qui leur donna son nom. Le capitaine +Bazaine, très-adroit à tous les exercices du corps, obtint le prix de +tir décerné aux officiers par le prince royal. + +A la levée du camp, son bataillon fut dirigé sur l'Algérie, où il +devint, en 1844, chef de bataillon et chef des affaires arabes de la +subdivision de Tlemcen. Toujours en route, il prit part à de nombreuses +expéditions pendant lesquelles il se signala par des coups de main +remarquables, surtout lors de la terrible insurrection de 1845, célèbre +par le massacre de Sidi-Brahim, où le lieutenant-colonel de Montagnac et +le commandant de chasseurs à pied Froment-Coste périrent avec presque +tous leurs soldats. Bazaine reçut la croix d'officier pour sa belle +conduite au combat de Sidi-Haffis. Plus lard, en 1847, il contribua +efficacement à la reddition d'Abd-el-Kader. + +Après la révolution de février, le commandant Bazaine était promu +lieutenant-colonel et directeur des affaires arabes de la province +d'Oran; en 1850, il était déjà colonel du 55e de ligne, et l'année +suivante il rentrait dans son corps de prédilection comme colonel du 1er +régiment étranger, investi en même temps du commandement de la +subdivision de Sidi-bel-Abbès, commandement dans lequel il se distingua +par une administration sage et féconde en résultats. + +En 1854, la brigade de la légion étrangère fut envoyée à Gallipoli où +son chef, le général Carbuccia, fut de suite enlevé par le choléra, en +même temps que son collègue, le général duc d'Elchingen. Le colonel +Bazaine le remplaça dans ce beau commandement et fut embarqué pour la +Crimée, avec ses deux régiments, peu de temps après la bataille de +l'Alma. Toute l'armée sait la part brillante que prit la brigade +étrangère aux combats devant Sébastopol où, de même que les 35e et 42e +de ligne pendant le siège de Paris, elle fit le fond de toutes les +attaques exécutées à la gauche de la place. Son jeune général se +distingua tout particulièrement le 2 mai, à l'enlèvement de l'ouvrage +dit du Cimetière; son collègue de la Motterouge, partagea avec lui les +honneurs de cette glorieuse et sanglante nuit. + +Le 10 septembre 1855, le surlendemain de la prise de Sébastopol, le +maréchal Pélissier confiait à Bazaine le commandement supérieur de la +forteresse russe, et le 14 du même mois les étoiles de divisionnaire +venaient le récompenser de sa belle conduite pendant ce siège de onze +mois. Pélissier, très-difficile, dans le choix de ses lieutenants, avait +la plus grande estime pour les talents militaires du nouveau général de +division, et en donna une preuve éclatante en lui confiant, le 7 +octobre, le commandement en chef de l'expédition de Kinburn, fort situé +dans le _liman_ du Dniéper, sur les communications de l'armée russe avec +Nikolaïeff. (On donne le nom de _liman_ aux lagunes de la mer Noire.) + +Le corps expéditionnaire se composait d'une brigade française de 4,000 +hommes, commandés par le général de Wimpffen, et de 4,200 Anglais sous +les ordres du généra! Spencer. Le 14, les flottes combinées parurent +devant la forteresse; le 17 octobre, Bazaine ouvrait la tranchée et +s'emparait de Kinburn après un bombardement de cinq heures exécuté +simultanément par les batteries de terre et celles des vaisseaux. En +récompense de ce beau fait d'armes, l'empereur lui envoya la croix de +commandeur. + +En 1859, on retrouve Bazaine à l'armée d'Italie, où il commandait la +troisième division du premier corps, Baraguey d'Hilliers. Le 8 juin, il +gagne la plaque de grand officier au sanglant combat de Melegnano, et se +distingue encore le 24 juin à l'attaque du cimetière et de la tour de +Solférino. Après cette dernière bataille, Bazaine était un homme posé, +le chef de l'État n'attendait plus qu'une occasion pour lui confier un +commandement en chef. + +En 1862, quand le premier échec éprouvé par le général de Lorencez, sous +les murs de Puebla, décida l'empereur à envoyer une véritable armée dans +ce pays lointain, il jeta les yeux sur les deux divisionnaires désignés +pour le maréchalat. Korey gagna son bâton avec la prise de cette ville, +prise à laquelle Bazaine contribua puissamment, d'abord en enlevant le +Pénitencier ou fort San-Xavier, puis en remportant, avec 1,800 hommes, +la brillante victoire de San-Lorenzo, sur l'armée de secours commandée +par l'ex-président, Comonfort, et forte de plus de 10,000 combattants. +Il fut nommé grand'croix à cette occasion. + +Peu de temps après, Bazaine succédait à Forey dans le commandement en +chef et, le 5 septembre 1804, il était élevé à la dignité de maréchal de +France. Trois mois auparavant, l'empereur Maximilien était venu prendre +possession du trône mexicain. Ses rapports avec Bazaine manquèrent +toujours de cordialité, on eût dit que chacun de ces deux grands +personnages se refusât à faire les premières avances. + +A partir de cette époque, on peut dire que la belle réputation du soldat +parvenu à sa suprême dignité militaire a été en déclinant. Au +commencement de 1865, il eut encore l'occasion de faire preuve de coup +d'oeil et de résolution en enlevant, dans la forte ville d'Oajaca, toute +l'armée de Porfirio Diaz. Mais ce fut la fin; après avoir étendu son +action sur une surface deux fois plus grande que la France, l'armée fut +rappelée et son commandant en chef eut alors le tort grave de tolérer à +ses côtés un simple général de brigade, M. de Castelnau, aide de camp de +l'empereur en mission, dont la singulière attitude était celle d'un +homme qui a le droit de contrôle sur les actes de son supérieur. + +À sa rentrée en France, on lui fit un sanglant affront en défendant au +préfet maritime de Toulon de lui rendre les honneurs dus aux grands +dignitaires de l'armée. Dès ce jour, l'opposition eut l'oeil sur un +homme qu'elle considérait comme un mécontent. + +Cette disgrâce éclatante dura deux ans, puis on donna à Bazaine le grand +commandement de Nancy. En 1809, il commandait la première série du camp +de Châlons lorsque l'empereur s'y rendit avec le maréchal Niel. Que se +passa-t-il? + +Ce qu'il y a de certain c'est que Napoléon III rendit à Bazaine toute sa +faveur, lui promit la succession du maréchal Régnault d'Angely à la +garde impériale, et que l'impératrice Eugénie reçut avec distinction la +belle et séduisante madame Bazaine, qu'elle avait jusqu'alors tenue à +l'écart. Un brillant punch fut organisé à l'instigation de l'empereur +par le général Forey, et les journaux officieux furent invités à se +montrer favorables à l'ancien commandant en chef du corps +expéditionnaire du Mexique. + +En 1870, quinze mois à peine après cette quasi réhabilitation, nous +avons eu à quelques jours d'intervalle le glorieux Bazaine et le traître +Bazaine. Nous croyons qu'il ne méritait ni cet excès d'honneur ni cette +indignité. Comme l'a si justement dit le général Changarnier à la +tribune de l'Assemblée nationale: le commandement en chef d'une armée de +170,000 hommes était trop lourd pour Bazaine; son intelligence, pourtant +très-nette s'est obscurcie en présence de l'écrasante responsabilité qui +lui incombait. Le 12 août 1870, il héritait d'une situation presque +désespérée; il n'a pas eu le courage d'en envisager les difficultés en +face, il a tenté de les tourner, comme aujourd'hui encore il n'ose pas +attaquer le taureau par les cornes. + +Après le 4 septembre, quand Bazaine eut reçu communication de la liste +des gouvernants de l'Hôtel-de-Ville, il comprit que jamais le haut +état-major de son année n'accepterait la domination de ces hommes sans +mandat et sans consistance. De plus, il pensait avec tous les militaires +que Paris ne tiendrait pas huit jours et que la paix serait signée avant +la fin du mois. Son unique préoccupation fut alors de conserver intacte +la seule véritable armée qui restât debout après la catastrophe de +Sedan. Son tort est d'avoir échoué dans son entreprise et peut-être +employé des moyens peu corrects pour la faire réussir. C'est ce que le +conseil de guerre nous apprendra sous peu. + +En tout cas, je suis convaincu que telle était la pensée du commandant +en chef de l'année de Metz, et cette pensée, il ferait bien de +l'exprimer franchement devant ses juges. Cela vaudrait mieux que +d'épiloguer sur des dépêches et des protocoles. Pour terminer cette +notice, j'émettrai humblement cet avis que, si le maréchal Bazaine est +coupable du crime dont on l'accuse, il compte à coup sur de nombreux et +illustres coopérateurs. + +<sc>A. Wachter.</sc> + + +La chambre du maréchal Bazaine, à Trianon. + +Nous n'avons pas à apprendre à nos lecteurs que le procès du maréchal +Bazaine va se dérouler dans le vestibule de ce château qui fut si cher +au roi Louis-Philippe, le Grand-Trianon. Déjà toutes les dispositions +sont prises en conséquence, et le grand vestibule a été aménagé de façon +à répondre à toutes les exigences de sa nouvelle et passagère +destination. + +En dehors de ce prétoire improvisé, dont nous donnerons en temps utile +une vue à nos lecteurs, diverses pièces ont été affectées: au greffe, +aux témoins à charge et à décharge, aux officiers de gendarmerie chargés +du service militaire, aux délibérations du conseil et au logement des +personnages que leurs fonctions doivent retenir au Grand-Trianon pendant +la durée du procès. Ainsi les témoins à charge occuperont la salle des +huissiers, située à gauche du vestibule et donnant sur le jardin, et les +témoins à décharge la bibliothèque. Le général Pourcet habitera le +pavillon de Madame, composé de cinq pièces. Le pavillon de l'aile +droite, placé en face du pavillon de Madame, dans la cour d'honneur, est +destiné au duc d'Aumale, qui présidera, comme on sait, le conseil de +guerre. Enfin la salle des délibérations sera placée dans le salon de la +reine d'Angleterre, et la salle des pas perdus dans le salon rond des +huissiers, qui lui fait suite, et qui se trouve à droite du vestibule +transformé en prétoire. + +Reste le logement du maréchal Bazaine, qui a été extrait la semaine +dernière de la maison de l'avenue de Picardie, où il était détenu depuis +le 14 mai 1872, époque à laquelle il s'y était constitué prisonnier. Le +maréchal a été logé dans l'annexe du château, donnant sur +Trianon-sous-Bois. C'est dans l'angle de cette annexe que se trouve sa +chambre, dont les fenêtres ouvrent sur le parc. Cette chambre, dont nous +donnons une vue dessinée sur place, est carrée et revêtue d'une boiserie +peinte en blanc. Le mobilier est des plus modestes. Il se compose d'un +lit en acajou plaqué, sans rideaux, d'une armoire placée à la tête du +lit, d'une toilette-commode posée entre les deux fenêtres, de quelques +chaises d'un âge mûr et d'un guéridon. Une petite pendule en marbre +posée sur la cheminée, ainsi que deux chandeliers et deux candélabres à +deux branches, complètent l'ameublement. + +Deux pièces font suite à cette chambre et sont occupées par les +officiers supérieurs chargés de veiller sur la personne du maréchal, qui +à Trianon-sous-Bois, comme dans la maison de l'avenue de Picardie, est +gardé par un piquet de cinquante hommes de ligne, ayant un poste à +proximité de la chambre du prisonnier. + +Quant au service du conseil de guerre, au Grand-Trianon, il est fait par +la gendarmerie mobile. + +L. G. + + +Victor-Emmanuel à Vienne + +PROMENADE SUR LE LAC DE LAXENBURG + +Parmi les sites curieux et intéressants qui entourent Vienne, au moins +sur la droite du Danube, il faut signaler tout particulièrement le bourg +et le château de Laxenburg, une des résidences d'été de la cour +d'Autriche, dont Schoenbrünn, est comme on sait, durant la belle saison, +la résidence favorite. + +Laxenburg est situé à seize kilomètres au sud de Vienne. On s'y rend de +cette ville par le chemin de fer de Trieste, que l'on quitte à Moedling +pour prendre l'embranchement qui conduit au bourg. Laxenburg doit sa +réputation comme son origine à son château, ou plutôt à ses châteaux, +car il en possède deux en un; le premier datant de la fin du XIVe siècle +et rappelant les temps de l'ancienne chevalerie; le second, bâti par +Marie-Thérèse, et auquel on a donné le nom qu'il ne justifie pas tout à +fait de château des Caprices, que mériterait mieux le magnifique parc +qui l'entoure. + +En effet, on marche dans ce parc de surprise en surprise. Les accidents +de terrain, les constructions de toutes sortes, temples, maisons +rustiques, cabinets de verdure, pavillons; les cascades, les statues, +les pièces d'eau, les rochers y ont été prodigués. On y trouve jusqu'à +un monument funèbre, la _Rittergruft_, ou tombe du chevalier, où l'on +voit des tableaux de Lucas Cranach et des peintures sur verre tirées de +l'église de Steyer. + +Parmi les pièces d'eau, la plus remarquable est un lac semé de plusieurs +îles, entre autres l'île Marianne, sur laquelle on a construit un +élégant Lusthaus; et parmi les constructions, on admire surtout une +forteresse moyen âge, le _Franzensburg_, dont on a fait un musée +d'antiquités. Cette forteresse est entièrement entourée d'eau. Un bateau +y stationne, à la disposition des visiteurs, qui peuvent moyennant dix +kreutzers y prendre place. + +Durant son séjour à Vienne, le roi Victor-Emmanuel ne pouvait manquer de +venir visiter le château et le parc de Laxenburg. Il s'y est rendu dans +l'après-midi du 20 septembre, de Schoenbrünn, avec l'empereur +François-Joseph, et s'y est promené avec lui sur le grand lac, tandis +qu'une foule de canots montés par des curieux circulaient autour de la +barque impériale et qu'une musique établie d'avance dans l'île Marianne +faisait retentir l'air de ses morceaux les plus brillants. Cette +promenade fait le sujet du dessin que nous publions dans ce numéro. + +En se rendant à Laxenburg, le roi d'Italie s'était arrêté à Moedling qui +est, comme je l'ai dit, la tête de l'embranchement qui conduit à la +résidence impériale. Il voulait voir la magnifique vallée de la Brühl et +ses curiosités, entre autres le _Husaren-tempel_, élevé par le prince de +Liechtenstein à la mémoire des hussards qui l'avaient sauvé à la +bataille d'Aspern; les ruines du château de Moedling et le vieux château +Liechtenstein. + +L. G. + + +Prix et envois de Rome + +Les règlements de l'Académie de France imposent aux pensionnaires un +certain nombre d'obligations, au nombre desquelles la plus importante +consiste dans l'envoi annuel d'un ou de plusieurs ouvrages de peinture, +de sculpture, de gravure ou d'architecture. Une exposition solennelle de +tous ces ouvrages a lieu d'abord sous les portiques de la villa Médici, +où toute la Rome artiste vient pendant quelques jours étudier les +travaux de nos jeunes compatriotes; ils sont ensuite envoyés à Paris, et +exposés publiquement, dans les salles de l'École des beaux-arts; un +heureux usage veut qu'on joigne à cette exposition les oeuvres qui +viennent de remporter les grands prix aux concours de l'année. + +Des retards survenus dans l'expédition des caisses qui contenaient les +envois de 1873, ont obligé l'administration de l'École des beaux-arts à +ajourner l'ouverture de l'exposition jusqu'au moment où la fin des +vacances aurait ramené à Paris maîtres et élèves, un peu dispersés +depuis deux mois, et ce n'est guère que dans le courant de la semaine +prochaine que le public sera admis à juger des progrès de nos +pensionnaires. + +On retrouvera, entre autres morceaux intéressants, le beau tableau de M. +Morot, qui vient de remporter le grand prix de peinture, et dont +l'_Illustration_ donne aujourd'hui une reproduction; nous croyons aussi +pouvoir signaler à l'avance, en nous reportant aux souvenirs que nous a +laissés l'exposition de la villa Médici, l'envoi de M. Blanchard _Hylas +et les Nymphes_, celui de M. Toudouze, _Eros et Aphrodite_, et de M. +Merson, une curieuse esquisse peinte, _Saint François et le loup +d'Aggubbio_; parmi les sculpteurs, le groupe de M. Noël, _Roméo et +Juliette_, la _Tentation d'Ève_, de M. Allais, un bas-relief de M. +Marqueste, _Jacob et l'Ange_, et enfin le magnifique groupe de M. +Mercié, reproduit ci-contre, intitulé _Gloria victis_, oeuvre +patriotique, digne de la réputation et des succès de l'auteur du +_David._ + + +L'évasion + +Ils avaient été faits prisonniers à Sedan. + +La capitulation du 2 septembre leur avait ouvert les portes de cet enfer +anticipé, la presqu'île d'Iges, où les avait parqués un impitoyable +ennemi. Là , comme leurs nombreux compagnons d'infortune, ils avaient +supporté la faim, la soif, le froid, toutes les misères, à peine vêtus, +couchant dans la boue, la pluie sur le dos, dévorés par la fièvre. + +Des tortures non moins grandes les attendaient en Allemagne. + +Enfermés dans une forteresse des bords du Rhin, peu nourris, +déguenillés, logés dans d'immondes casemates, accablés des pires +traitements, ils n'eurent bientôt plus qu'une pensée: s'évader. S'évader +ou mourir. Mais que leur importait! La mort, ne la voyaient-ils pas +chaque jour approcher d'un pas lent mais sûr? Mieux encore valait-il la +braver, immédiate, foudroyante. C'était au moins une chance de lui +échapper. Ils risquèrent l'évasion. Par la ville, il n'y fallait pas +songer; trop bonne garde était faite de ce côté. Mais le fleuve était +là , baignant de ses flots le pied moussu de leur prison. Ayant longtemps +mûri leur projet, ils croyaient avoir pris toutes leurs précautions. +Furent-ils trahis, ou la fortune les abandonna-t-elle à la dernière +minute? Qui pourrait le dire? Ce qu'il y a de certain c'est qu'au moment +où, suspendus dans le vide au bout d'une corde, ils allaient atteindre +le fleuve, une barque apparut, montée par des soldats, ils étaient +découverts; étaient-ils perdus? C'était vraisemblable. Toutefois, ils +n'hésitèrent pas. Ils lâchèrent la corde et le fleuve les engloutit. Ils +espéraient encore pouvoir se dissimuler, gagner furtivement la terre et +s'échapper. Un d'eux y réussit, et, à travers mille dangers, parvint à +rentrer en France. L'autre fut pris, malgré ses efforts, et, dans un +précédent numéro, nous avons dit sa fin. + +Fusillé, il le fut, et bien d'autres après lui, pour le même crime. +Autant de Français de moins, quelle joie pour nos féroces vainqueurs! +Aussi, par le fer ou par la faim, que de prisonniers ils firent périr! +C'est par dizaines de mille qu'on les compte, tant il est vrai que, même +après la victoire, les Prussiens, comme l'a dit M. Delaunay, +continuèrent à combattre et à détruire des hommes désarmés, vaincus, +dignes de respect, si quelque chose eût pu inspirer le respect aux +bandits qui, à la face du monde civilisé, en profanant le nom de Dieu, +avaient prémédité et tentèrent d'accomplir l'assassinat d'une nation +généreuse, jadis leur ennemie loyale et chevaleresque, naguère leur +bienfaitrice, la patronne de leurs lettrés, de leurs artistes, de leurs +trafiquants. + +L. C. + + +Nuka-Hiva + +Taïohaé occupe le centre d'une baie profonde, encaissée dans de hautes +et abruptes montagnes aux formes capricieusement tourmentées; une +épaisse verdure est jetée sur tout ce pays comme un manteau splendide; +c'est dans toute l'île un même fouillis d'arbres, d'essences utiles ou +précieuses; et des milliers de cocotiers, haut perchés sur leurs tiges +flexibles, balancent perpétuellement leurs têtes au-dessus de ces +forêts. + +Les cases sont peu nombreuses dans la capitale, et passablement +disséminées le long de l'avenue ombragée qui suit les contours de la +plage. + +Derrière cette route charmante, mais unique, quelques sentiers boisés +conduisent à la montagne; l'intérieur de l'île, cependant, est tellement +enchevêtré de forêts et de rochers, que rarement on va voir ce qui s'y +passe,--et les communications entre les différentes baies se font par +mer, dans les embarcations des indigènes. + +C'est dans la montagne que sont perchés les vieux cimetières kanaques, +objet d'effroi pour les Indiens, et résidence des terribles +Toupapahous... + +Il y a peu de passants dans la rue de Taïohaé; les agitations +incessantes de notre existence européenne sont tout à fait inconnues à +Nuka-Hiva. Les indigènes passent une partie du jour accroupis devant +leurs cases, dans une immobilité de sphinx. + +[Illustration: NUKA-HIVA.--Le chef de la baie de Thehetchagor.] + +Les années s'écoulent pour eux dans une oisiveté complète et une +rêvasserie perpétuelle,--et ces grands enfants ne se doutent pas que +dans notre belle France, tant de pauvres gens s'épuisent à gagner le +pain du jour. Les forêts de Nuka-Hiva produisent d'elles-mêmes tout ce +qu'il faut pour nourrir toutes ces créatures insouciantes; le fruit de +l'arbre à pain et les bananes sauvages croissent pour tout le monde et +suffisent à chacun. + +Si de temps à autre, quelques Kanaques s'en vont encore pêcher par +gourmandise, la plupart préfèrent ne pas se donner cette peine. + +La popoï, un de leurs mets raffinés, est un barbare mélange de fruits, +de poissons et de crabes fermentés en terre. Le fumet de cet aliment est +inqualifiable. + +L'anthropophagie, qui règne encore dans une île voisine, Hivaoa (ou la +Dominique), est oubliée à Nuka-Hiva depuis plusieurs années. Les efforts +des missionnaires ont amené cette heureuse modification des coutumes +nationales; à tout autre point de vue cependant, le christianisme +superficiel des indigènes est resté sans action sur leur manière de +vivre, et la dissolution de leurs moeurs dépasse toute idée. + +[Illustration: NUKA-HIVA.--La rivière de Thehetchagor.] + +Le caractère des Nuka-Hiviens est un peu celui des petits enfants; ils +sont capricieux, fantasques, boudeurs tout à coup sans motif. Le +sentiment contemplatif est extraordinairement développé chez eux; ils +sont sensibles aux aspects gais ou tristes de la nature, accessibles à +toutes les rêveries de l'imagination. + +La solitude des forêts, les ténèbres, les épouvantent, et ils les +peuplent sans cesse de fantômes et d'esprits. + +Les bains nocturnes sont en honneur à Taïohaé; au clair de lune des +bandes de jeunes filles s'en vont, dans les bois, se plonger dans des +bassins naturels d'une délicieuse fraîcheur. C'est alors que ce simple +mot: Toupapahou! jeté au milieu des baigneuses, les met en fuite comme +des folles. + +Toupapahou est le nom de ces fantômes tatoués qui sont la terreur de +tous les Polynésiens. Mot effrayant en lui-même, et intraduisible... + +On trouve encore entre les mains des indigènes plusieurs images de leur +ancien dieu. + +Ce dieu est un personnage à figure hideuse, semblable à un jeune embryon +humain. + +La reine a quatre de ces horreurs sculptées sur le manche de son +éventail. + +On n'entend aucun chant d'oiseaux dans les bois de Nuka-Hiva; les +oreilles des Kanaques ignorent cette musique naïve qui, dans d'autres +climats, remplit les bois de gaieté et de vie. Sous cette ombre épaisse, +dans les lianes et les grandes fougères, rien ne vole, rien ne bouge; +c'est toujours ce même silence étrange qui semble s'être communiqué à +l'imagination mélancolique des naturels. + +On voit planer seulement dans les gorges, à d'effrayantes hauteurs, le +phaéton, un petit oiseau blanc qui porte à la queue une longue plume +blanche ou rose. + +Les chefs attachent à leurs coiffures une touffe de ces plumes; aussi +leur faut-il beaucoup de temps et de persévérance pour composer cet +ornement aristocratique. + +<sc>Julien V....</sc> + + +[Illustration: EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.--Vue d'une des quatre +façades de l'Exposition de MM. Christofle et Cie (côté sud).] + +Exposition de Vienne + +ORFÈVRERIE, CLOISONNÉS, BRONZES INCRUSTÉS. + +Il était fort à craindre qu'au lendemain des épreuves qu'elle venait de +traverser, la France ne fût peu en état de figurer dignement dans la +grande solennité industrielle et artistique de Vienne. Cette +appréhension que, sans pécher contre le patriotisme, certains esprits +ont pu avoir, n'a pas été justifiée par l'événement. La plupart de nos +exposants ont triomphé des obstacles qu'un bouleversement extrême dans +leur matériel, dans leur personnel, dans leurs ressources financières +avait opposés au développement ou même à la conservation de leur +renommée; ils se sont montrés à Vienne ou égaux ou supérieurs à ce +qu'ils avaient été en 1807. + +Au premier rang de celles de nos industries sur lesquelles les trois +dernières années ont glissé sans les atteindre, il faut placer +l'orfèvrerie, et au premier rang de nos orfèvres, MM. Christofle et Cie. + +Leur exposition, si variée dans la nature des produits qui la composent, +a obtenu un éclatant, un légitime succès, non-seulement auprès du public +cosmopolite, mais auprès des amateurs, des critiques, des spécialistes +et du jury international. + +Elle comprend, comme d'habitude, de l'orfèvrerie simplement argentée et +dorée, de l'orfèvrerie de luxe, des émaux cloisonnés, des bronzes +incrustés d'or et d'argent, de la galvanoplastie massive et en +ronde-bosse de toute grandeur, enfin des objets d'art divers. + +Nous n'avons pas à insister ici sur l'importance d'un établissement +célèbre dans les deux mondes. Tout le monde sait que MM. Christofle et +Cie emploient plus de quatorze cents ouvriers, en faveur de qui ils ont +créé des institutions modèles; que le chiffre de leurs affaires s'élève +à plus de 10 millions par an; que Charles Christofle a importé en France +les procédés de dorure et d'argenture électro-chimiques et a été ainsi +le créateur de l'orfèvrerie galvanique; qu'il a obtenu la grande +médaille d'honneur à l'exposition universelle de 1855 et la croix +d'officier de la légion d'honneur à la suite de celle de 1862; enfin que +M. Paul Christofle, son fils, et M. Henri Douillet, son gendre, +s'inspirant de ses traditions, ont enrichi le pays de nouveaux progrès +et en quelque sorte d'industries nouvelles. + +Ce qu'il importe surtout de dire, et nous regrettons vivement de ne +pouvoir le faire qu'en peu de mots, c'est que, tout en tenant le premier +rang dans l'orfèvrerie de grand luxe, ils sont aussi les premiers pour +l'orfèvrerie à bon marché, qu'ils ont popularisée; il y a plus, celle-ci +a bénéficié de leur goût pour le grand art, et la moindre pièce sortie +de chez eux est aussi remarquable de style qu'un chef-d'oeuvre de dix +mille francs. + +En ce qui concerne leurs émaux cloisonnés et leurs incrustations sur +bronze, il est d'un intérêt essentiel de remarquer qu'ils n'ont pas +voulu imiter les procédés des Chinois et des Japonais, mais seulement +faire aussi bien qu'eux en employant les moyens que la science moderne +met à leur disposition. C'est ainsi qu'au lieu de marteler l'arabesque +d'argent dans le bronze, il l'y ont introduite à l'aide de la +galvanoplastie. Et c'est ainsi que leurs bronzes incrustés ressemblent +heureusement à ceux des Japonais, tout en gardant un caractère propre, +un certain air de nationalité: y est le sentiment décoratif oriental +allié au style français. + +Nous étudierons prochainement en particulier quelques-unes des pièces de +cette exposition, qui, à en juger par les comptes rendus de la presse +anglaise, a causé à nos voisins une émotion profonde, les a fait +trembler de nouveau pour le sort de leur orfèvrerie, et leur a fait +pousser un véritable cri d'alarme. + +F. A. + + + +Correspondance d'Espagne + +Tortosa, 27 septembre 1873. + +Je suis contrarié que ma lettre de la fin d'août ne vous soit pas +parvenue; mais en ce temps de chemins de fer coupés et de bandes de +partisans sillonnant la montagne, il n'y a pas lieu d'en être beaucoup +surpris. + +Cette lettre contenait un croquis de l'affaire de Tortella, qui a eu +deux phases distinctes et complètement différentes. Dans la première, +les carlistes ont remporté un facile triomphe, qu'ils ont payé dans la +seconde par une déroute complète. A tout hasard, je reconstitue mon +croquis, et je vous l'envoie. Ce sera, si vous l'utilisez, de l'histoire +rétrospective, et elle a bien son intérêt. + +Tortella est un village de Catalogne, situé dans la province de Gerona. + +Mon croquis vous le peindra mieux que ne le saurait faire ma plume. Il +faut connaître la montagne et l'avoir parcourue pour s'imaginer quelque +chose de semblable. Figurez-vous des maisons accrochées et comme +suspendues en l'air, et, pour les mettre en communication, des chemins +coupés d'escaliers, ressemblant à des échelles; au milieu de tout cela, +une petite église au clocher pointu, se détachant gris sur la roche +grise, voilà le tableau, tel est Tortella, que Tristany, à la tête de +quinze cents carlistes et de trois canons, cernait et attaquait avec +fureur le 22 août. Non que la place eut la moindre importance; c'était +simple affaire de réquisition, en passant. Il faut bien vivre. + +Les habitants, comme ceux de tous les villages de la montagne, se +sentant à la merci des bandes qui battent le pays, auraient volontiers +cédé; mais il se trouvait en ce moment à Tortella quelques volontaires +républicains qui ne le leur permirent pas. De là la colère des +carlistes, qui se mirent aussitôt à canonner ce malheureux village, dont +un certain nombre de maisons ne tardèrent pas à prendre feu. Ils +l'enlevèrent naturellement, mais tous leurs efforts vinrent se briser +devant la résistance des volontaires, qui avaient fait de l'église une +citadelle et avaient couvert ses abords de barricades. + +Mieux encore, ils avaient trouvé moyen d'envoyer, avant l'attaque, un +des leurs prévenir à Figueras de ce qui se passait à Tortella. Leur +courageuse résistance était donc soutenue par l'espérance d'un prompt +secours. Et, en effet, ils furent secourus. Au moment où les carlistes, +maîtres du village, s'y attendaient le moins et faisaient main basse sur +tout ce qui était à leur convenance, le colonel Udueta, parti de +Figueras avec trois colonnes, survint, les cerna, les surprit et leur +fit subir une complète déroute. Affolés, ils s'éparpillèrent comme ils +purent, et s'enfuirent dans la direction de San Lorenzo de la Maga, +bourg situé au milieu de montagnes formidables. Ils avaient perdu 200 +hommes, tant tués que blessés, et Tristany comptait au nombre de ces +derniers. La perte des républicains s'est élevée à 61 hommes, dont 11 +morts. + +Je vous disais que Tristany a été blessé. Le bruit court ici qu'il a +quitté l'armée carliste, ainsi que Muret, et qu'un caprice de don Carlos +a privé Saballs de son commandement. Je ne sais ce qu'il y a de vrai +dans ces racontars; ce qu'il y a de certain, c'est que depuis l'affaire +de Tolosa, un certain désarroi semble exister dans le camp carliste. +L'arrivée du général Moriones à Tolosa et le ravitaillement de Berga, à +la suite du combat heureux de Gironella, a dû y mettre le comble. Est-ce +le commencement de la fin? + +X... + +[Illustration: ÉVÉNEMENTS D'ESPAGNE.--Entrée des Carlistes à Tortella.] + + + +RÉBUS + +[Illustration.] + + +EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS: + +La politesse d'à présent ne vaut pas celle d'autrefois. + + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1597, 4 octobre +1873, by Various + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 47414 *** diff --git a/47414-h/47414-h.htm b/47414-h/47414-h.htm new file mode 100644 index 0000000..2a3874f --- /dev/null +++ b/47414-h/47414-h.htm @@ -0,0 +1,1838 @@ +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN"> +<html> +<head> + <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=UTF-8"> + <title>The Project Gutenberg eBook of L'illustration, No. 1596, 27 Septembre 1873, by Various</title> + +<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg"> + +<style type="text/css"> + + +body {margin-left: 10%; margin-right: 10%} + +h1,h2,h3,h4,h5,h6 {text-align: center;} +p {text-align: justify; font-size: 12pt} +blockquote {text-align: justify} + +hr {width: 50%; text-align: center} +hr.full {width: 100%} +hr.short {width: 10%; text-align: center} + +.note {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.footnote {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.side {padding-left: 10px; font-weight: bold; font-size: 75%; + float: right; margin-left: 10px; border-left: thin dashed; + width: 80px; text-indent: 0px; font-style: italic; text-align: left} + +.sc {font-variant: small-caps} +.lef {float: left} +.mid {text-align: center} +.rig {float: right} +.sml {font-size: 10pt} +.large_ss {font: 15pt arial, sans-serif;} +.overl {font-size: 10pt; text-decoration: overline; text-align: center} +.cont {width: 650px} +.somm {float: left; width: 300px; font-size: 10pt; padding: 1em} +.suppl {color: #5A5047; background-color: #EEE2CA } + + +span.pagenum {font-size: 70%; left: 91%; right: 1%; position: absolute} +span.linenum {font-size: 70%; right: 91%; left: 1%; position: absolute} + +.poem {margin-bottom: 1em; margin-left: 10%; margin-right: 10%; + text-align: left} +.poem .stanza {margin: 1em 0em} +.poem .stanza.i {margin: 1em 0em; font-style: italic;} +.poem p {padding-left: 3em; margin: 0px; text-indent: -3em} +.poem p.i2 {margin-left: 1em} +.poem p.i4 {margin-left: 2em} +.poem p.i6 {margin-left: 3em} +.poem p.i8 {margin-left: 4em} +.poem p.i10 {margin-left: 5em} +.poem p.i12 {margin-left: 6em} +.poem p.i14 {margin-left: 7em} +.poem p.i16 {margin-left: 8em} +.poem p.i18 {margin-left: 9em} +.poem p.i20 {margin-left: 10em} +.poem p.i30 {margin-left: 15em} + + + +</style> +</head> +<body> +<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 47414 ***</div> + +<br><br> + +<div class="cont"> + + + + + <p>L'ILLUSTRATION<br> + + JOURNAL UNIVERSEL</p> + + <p>31e Année.--VOL. LXII.--N° 1597<br> + +SAMEDI 4 OCTOBRE 1873</p> + + + + <p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p> + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1" + style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 33%;"> +DIRECTION, RÉDACTION, ADMINISTRATION<br> +22, RUE DE VERNEUIL, PARIS. + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 34%;"> +31e Année.VOL. LXII. N° 1597<br> +<span class="large_ss">SAMEDI 4 OCTOBRE 1873</span> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 33%;"> +SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br> +60, RUE DE RICHELIEU, PARIS. + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1" + style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> +<b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br> La collection mensuelle, 3 fr.; le vol. +semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr. + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> +Abonnements Paris et départements: 3 mois, 9 fr.; 6 mois, 18 fr.; un +an, 36 fr.;<br>Étranger, le port en sus. + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + + <p>Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur le magnifique <i>Supplément</i> +qui accompagne le présent numéro. Notre VUE PANORAMIQUE DE METZ ET DE +SES ENVIRONS permettra de suivre, pour ainsi dire comme sur le terrain +même, toutes les opérations stratégiques dont l'examen va se poursuivre +devant le conseil de guerre chargé de juger le maréchal Bazaine.--Nous +avons tenu à publier dès la veille de l'ouverture des débats cet +important document, qui donnera une idée de la manière dont +l'<i>Illustration</i> enregistrera toutes les péripéties de ce procès +mémorable.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>CHAMBRE DU MARÉCHAL BAZAINE, A TRIANON.</b></p> +<br><br> + <h3>SOMMAIRE</h3> + + <p><i>Texte</i>: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert +Audebrand.--Un drame dans le désert.--Les Théâtres.--L'esprit de Parti +(suite).--Nos gravures.--Bulletin bibliographique.</p> + + <p><i>Gravures</i>: La chambre du maréchal Bazaine, à Trianon.--Bazaine.--Voyage +de Victor-Emmanuel en Allemagne: promenade de Leurs Majestés le roi +d'Italie et l'empereur d'Autriche sur le lac de Laxenburg.--Exposition +des prix et envois de Rome à l'École des Beaux-Arts (2 gravures),--Vue +panoramique de Metz.--Souvenirs de captivité: l'évasion.--Nuka-Hiva: le +chef de la baie de Thehetchagor;--La rivière, de la baie de +Thehetchagor.--Exposition universelle de Vienne: vue des quatre façades +de l'exposition de MM. Christofle et Comp. (côté sud).--Evénements +d'Espagne: entrée des carlistes à Tortella.--Rébus.</p> +<br><br> + + <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3> + + <h4>FRANCE</h4> + + <p>Ou est toujours sans renseignements précis sur l'état des négociations +fusionnistes. La mission de MM. de Suguy et Merveilleux-Duvignaux à +Froshdorf ne paraît pas avoir eu tous les résultats que la dépêche du +<i>Times</i>, mentionnée dans notre dernier bulletin, pouvait lui faire +attribuer, ou du moins rien de positif n'a transpiré sur les résolutions +prises par le comité légitimiste dont font partie les deux honorables +députés.</p> + + <p>Plusieurs journaux bien placés pour être exactement renseignés assurent +même que MM. de Suguy et Duvignaux n'avaient reçu aucune délégation et +n'étaient porteurs d'aucun programme, qu'ils n'ont été faire à Froshdorf +qu'un échange d'impressions et d'opinions. Faut-il attribuer toute cette +obscurité à un parti pris de discrétion jusqu'au jour décisif de +l'action ou bien à un embarras inavoué venant de ce qu'en réalité les +difficultés pendantes ne sont pas encore résolues? En attendant +l'explication de ce mystère, un journal de Montpellier, l'<i>Union +nationale</i>, a livré à la publicité une lettre écrite par M. le comte de +Chambord à M. le vicomte de Rodez-Bénévent, député de l'Hérault, et qui +est ainsi conçue:</p> + + <p>«Froshdorf, le 19 septembre 1873.</p> + + <p>«Le sentiment qu'on éprouve, mon cher vicomte, en lisant les détails que +vous me donnez sur la propagande révolutionnaire dans votre province, +est un sentiment de tristesse; on ne saurait descendre plus bas pour +trouver des armes contre nous, et rien n'est moins digne de l'esprit +français.</p> + + <p>«En être réduit en 1873 à évoquer le fantôme de la dîme, des droits +féodaux, de l'intolérance religieuse, de la persécution contre nos +frères séparés; que vous dirais-je encore? de la guerre follement +entreprise dans des conditions impossibles, du gouvernement des prêtres, +de la prédominance de classes privilégiées! Vous avouerez qu'on ne peut +pas répondre sérieusement à des choses si peu sérieuses. A quels +mensonges la mauvaise foi n'a-t-elle pas recours lorsqu'il s'agit +d'exploiter la crédulité publique? Je sais bien qu'il n'est pas toujours +facile, en face de ces indignes manoeuvres, de conserver son sang-froid; +mais comptez sur le bon sens de vos intelligentes populations pour faire +justice de pareilles sottises. Appliquez-vous surtout à faire appel au +dévouement de tous les honnêtes gens sur le terrain de la reconstitution +sociale. Vous savez que je ne suis point un parti, et que je ne veux pas +revenir pour régner par un parti: j'ai besoin du concours de tous, et +tous ont besoin de moi.</p> + + <p>«Quant à la réconciliation si loyalement accomplie dans la maison de +France, dites à ceux qui cherchent à dénaturer ce grand acte que tout ce +qui s'est fait le 5 août a été bien fait, dans l'unique but de rendre à +la France son rang, et dans les plus chers intérêts de sa prospérité, de +sa gloire et de sa grandeur.</p> + + <p>«Comptez, mon cher Rodez, sur toute ma gratitude et ma constante +affection.</p> + + <p>«Henri.»</p> + + <p>Cette lettre ne contient, on le voit, que des réponses assez vagues aux +griefs les plus exagérés et les moins sérieux dont les tentatives de +restauration monarchique puissent être l'objet; elle ne contient aucune +déclaration précise sur les véritables difficultés de la situation, +telles que la question du drapeau et celle du pacte constitutionnel. +Quoi qu'il en soit, il y a un curieux rapprochement à faire entre sa +teneur et le texte du discours prononcé il y a quelques jours par M. le +duc de Broglie au comice agricole, de Bernay: voici comment s'exprimait +l'honorable vice-président du Conseil dans une péroraison où il +s'attache, à son tour, à répondre aux insinuations que signale la lettre +qu'on vient de lire:</p> + + <p>«Enfin, même à l'intérieur, et dans nos discordes civiles, le +cultivateur français est le vrai soldat de l'ordre public. Ce modeste +cultivateur, maître le plus souvent de son domaine restreint, ne +reconnaissant dans l'usage de la propriété, qu'il a payée de ses sueurs, +d'autre supérieur que Dieu et la loi, intéressé ainsi plus que personne +au maintien de la paix sociale, en est le défenseur né et naturel.</p> + + <p>«Je n'ai pas hésité à dire, l'an dernier, dans l'occasion que je +rappelais tout à l'heure, que, pour la bonne défense de la société +contre les passions qui la menacent dans l'Europe entière, je préférais +cette armée de soldats de l'ordre répandue ainsi sur tout le territoire, +même à ces grands propriétaires, comme on en voit dans des pays voisins, +qui, détenant le sol presque à eux seuls, demeurent isolés au milieu +d'une multitude indifférente à la conservation de biens dont elle n'a +pas sa part.</p> + + <p>«Ce que j'ai dit, je le répète encore; mais laissez-moi y joindre un +avis que permettront à une vieille amitié les représentants éclairés de +cette classe agricole qui m'entendent.</p> + + <p>«Tout cela n'est vrai qu'à une condition: c'est qu'ils sauront résister +aux conseils perfides des factions qui s'efforcent de les alarmer sur le +maintien de ces droits désormais acquis et inébranlables; c'est qu'ils +ne croient pas, comme on s'efforce dans l'ombre de le leur souffler à +l'oreille, qu'il y ait quelqu'un en France assez insensé pour rêver de +les priver du libre usage de ces droits qu'ils tiennent du labeur de +leurs pères et de toute la suite de notre histoire.</p> + + <p>«Cela n'est pas, cela ne sera jamais: ces chimères ridicules et ces +craintes sans fondement ne sont pas dignes d'arrêter un instant le bon +sens pratique et sur de nos cultivateurs normands.</p> + + <p>«Ils savent, ils sentent que l'état social de la France moderne, œuvre +des siècles, est aussi indestructible que les fondements du sol qui les +porte, et qu'on ne peut pas plus s'y attaquer avec succès qu'on ne peut +altérer la qualité de l'air que nous respirons. Aucun homme, aucun parti +n'y pourrait songer.</p> + + <p>«C'est dans l'enceinte, si j'ose ainsi parler, dans les limites de cet +état social, dont personne ne peut sortir, que vont se débattre toutes +les questions politiques que nous avons à résoudre. Nos populations le +savent, et elles attendent avec confiance, sous l'égide du loyal soldat +qui nous gouverne, les institutions que leur donnera la décision +souveraine de l'Assemblée nationale.»</p> + + <p>Quant à la question de savoir comment se posera devant l'Assemblée le +projet de restauration et combien de voix il réunirait, on en est plus +que jamais réduit aux conjectures, malgré les affirmations des +enthousiastes, qui assurent que la majorité est sûre d'elle-même. +L'<i>Indépendance belge</i> publiait récemment une statistique des députés +disposés à voter en faveur de la monarchie ou de la république et +classait, dans ce tableau, parmi les <i>incertains</i>, M. E. Féray, député +de Seine-et-Oise. M. E. Féray a tout aussitôt protesté avec énergie en +déclarant que son vote restait acquis au maintien de la république +conservatrice, comme le seul gouvernement capable, selon lui, de donner +à la France la sécurité à l'intérieur, sans inquiéter les puissances +étrangères. D'autre part, la communauté d'attitude entre les +républicains et le bonapartisme, parait assurée, bien qu'elle ait failli +être compromise par une démarche imprudente dont l'éclat à visiblement +embarrassé les organes de ce dernier parti. Nous voulons parler de la +lettre écrite par le prince Napoléon au rédacteur en chef d'un journal +radical, l'<i>Avenir national</i>, en réponse à une sorte de manifeste publié +par ce journal et tendant à réunir en un seul faisceau, sous le drapeau +tricolore, tous les partis ayant pris leur origine dans la Révolution +française, dans le but de s'opposer de concert aux tentatives des +royalistes. Le manifeste concluait en offrant au prince Napoléon la +direction de cette ligue et était suivi de l'acceptation du prince, +formulée en ces termes:</p> + + <p>«Paris, le 26 septembre 1873.</p> + + <p>«Messieurs,</p> + + <p>«La franchise, l'imprévu de votre démarche me forcent à une réponse +brève; elle m'est dictée par les opinions de toute ma vie.</p> + + <p>«En face de la gravité, de la publicité de votre lettre, je ne dois pas +garder le silence.</p> + + <p>«Le devoir de tout citoyen, à l'heure grave où nous sommes, est de ne +pas sortir de la cité en péril comme les neutres de l'antiquité. Non, je +ne suis pas neutre et je ne déserterai pas la lutte.</p> + + <p>«Je ne puis parler qu'en mon nom; mais comment croire que ceux dont les +cœurs vibrent au nom de Napoléon me désapprouvent!!</p> + + <p>«L'alliance de la démocratie populaire et des Napoléons a été le but que +j'ai poursuivi dans tous les actes de ma vie politique. Soutenons notre +drapeau en face des menaces du drapeau blanc, étranger à notre France +moderne et que le prétendant ne saurait abandonner que par un compromis +et un sacrifice fait aux habiles de son parti.--Que vaudrait d'ailleurs +cette concession de la dernière heure? Le règne des Bourbons ne saurait +être que le triomphe d'une politique réactionnaire, cléricale et +antipopulaire. Le drapeau de la Révolution abrite seul depuis près d'un +siècle le génie, la gloire et les douleurs de la France; c'est lui qui +doit nous guider vers un avenir vraiment démocratique.</p> + + <p>«Entre tous les défenseurs de la souveraineté du peuple, beaucoup +diffèrent sur les moyens de l'appliquer; mais une entente commune, à +l'heure actuelle, sur le principe même de cette souveraineté, est +nécessaire et patriotique. Nous tous, citoyens de la société moderne, +nous devons chercher à établir, par le suffrage universel, la vraie +liberté basée sur les réformes qui sont la condition du salut de la +France.</p> + + <p>«Oui, il faut oublier les dissentiments, les attaques, les luttes, les +souffrances réciproques, les insultes même, pour affirmer le principe de +la souveraineté nationale, en dehors duquel il n'y a que dangers, +discorde et nouveaux désastres. Soyons unis pour déjouer des tentatives +funestes, et formons ainsi la Sainte-Alliance des patriotes.</p> + + <p>«Napoléon (Jérôme).»</p> + + <p>Désavoué avec énergie, dès le lendemain de sa publication, par les +journaux républicains de toutes les nuances, le programme de l'<i>Avenir +national</i> n'a pas été mieux accueilli par les feuilles bonapartistes. +Toutefois, ces dernières se sont donné le temps de la réflexion, et +c'est le surlendemain seulement qu'elles ont déclaré que le prince +Napoléon devait seul être rendu responsable du «très-regrettable +scandale» causé par lui, et que si la force des circonstances obligeait +les partisans de l'appel au peuple à se séparer de la majorité du 24 +mai, ce serait peut-être pour suivre une marche parallèle à celle des +républicains, mais non pour conclure avec eux une alliance qu'ils +repoussent avec horreur.</p> + +<br><br> + + <h3>COURRIER DE PARIS</h3> + + <p>Théophile Gautier se plaignait de ce qu'on fabriquât trop de +paysagistes. «Si ça continue, disait-il, on en verra autant que de +bacheliers.» Il montrait du doigt un des travers du temps, mais sans +espérer qu'on se corrigerait. En France, on sait tout faire, excepté un +effort d'esprit poussant à contrecarrer la mode. Or, le vent est au +paysage, rien qu'à ça. Le tableau d'histoire, la marine, le portrait, le +tableau de genre, autant de spécialités qui s'envolent à tire-d'ailes. +La chose est tellement visible qu'elle n'aurait pas besoin de +démonstration.</p> + + <p>Pour aider encore à ce mouvement, Troyon, avant de mourir, où sa vieille +bonne femme de mère, depuis sa mort, je ne sais lequel, a songé à +laisser par testament un prix de douze cents francs pour un concours +annuel, une manière d'élever des paysagistes à la brochette. Aux termes +de l'acte, les concurrents doivent être âgés de moins de trente ans. +Excellente clause. Prenez-les au moment où ils viennent de rompre leurs +lisières; qu'ils soient donc jeunes le plus possible, ce sera pour le +mieux. Il n'y a rien de tel que des yeux de vingt ans pour étudier la +nature dans l'éclosion de son éternelle jeunesse. Mais pourquoi avoir +voulu que le programme du concours fût expressément réglé par +l'Institut. Est-ce que l'Institut voit clair?</p> + + <p>«Un étang, dans une vallée boisée, après l'orage. Animaux au choix.» Tel +est le programme Troyon pour 1873. Ces drôles de maîtres du quai Gonti +ont voulu mettre de tout dans cette petite affaire; c'est une malignité +de vieillards. Un bouquet d'arbres et un ciel du matin ou du soir +auraient suffi. Non, il a fallu une espèce d'assiette assortie, une +mosaïque des champs, une julienne. Mais ils ont été compris tout de +même. Vingt-neuf élèves ont donc envoyé au palais des Beaux-Arts chacun +un étang, une vallée, un bois et un orage. Ceux-là ont ajouté des +moutons, ceux-là des bœufs couchés dans l'herbe. Une chose étonne, +c'est qu'il n'y en ait eu que vingt-neuf et pas cent et même cent +cinquante.</p> + + <p>Il va sans dire que plus d'une de ces pages donne des promesses de +talent. Toutefois disons que la formule de l'Institut: <i>Animaux au +choix</i>, a quelque peu égaré l'imagination des concurrents. Ainsi il en +est un que je ne veux pas indiquer autrement qui, s'étant proposé de +faire une flottille de canards barbotant dans l'eau, nous montre trois +de ces volatiles portant des lunettes bleues. Un de nos confrères en +chronique, se trouvant là , nous disait: «Comment ces messieurs de +l'Institut n'ont-ils pas pris cela pour une personnalité?»</p> + + <p>Samedi dernier, à l'hôtel des Commissaires-Priseurs, on a mis en vente +ce qui restait du mobilier d'Henri Rochefort. Si effacée que soit +aujourd'hui la personnalité naguère encore si bruyante de l'auteur de la +<i>Lanterne</i>, on se rappelle pourtant qu'il a été un des plus intrépides +amateurs du bric-à -brac. Tout l'or qui sortait de son écritoire s'en +allait en fantaisies d'art ou en antiquailles. C'est ce qui explique +comment il ne lui est presque rien resté des grosses sommes que lui a +rapportées le débit de son pamphlet. Le triste drame de la Commune fini +de la manière que vous savez, lui parti pour Nouméa, il a fallu se +défaire des bibelots que cet autre Masaniello avait accumulés chez lui. +Une première journée, tambourinée avec soin à travers la ville, suivant +l'usage, a amené les acheteurs par centaines. Pour la vente de samedi, +ça été autre chose. On n'avait fait la dépense d'aucune affiche. C'était +tout ce qu'il vous plaira d'imaginer d'étouffé: une vente à huis clos ou +encore un feu d'artifice tiré au fond d'une cave.</p> + + <p>Il en est résulté qu'il ne se trouvait devant le bâton du +commissaire-priseur que peu d'acheteurs, des pingres, un groupe de ces +Auvergnats aux doigts crochus qui font métier de s'enrichir avec les +épaves du monde élégant ou des artistes. Ils étaient donc là une +trentaine au plus, hommes et femmes, tous crasseux, tous pelotonnés près +du butin. Pendant la vente, ils échangeaient entre eux l'argot de la rue +de Lappe, une grammaire qui sent les vieux chiffons et la vieille +ferraille. En fin de compte, ils se sont partagé à vil prix ce restant +du luxe d'un jour, car, il faut le répéter, par suite du silence des +affiches ou parce que le vrai monde de la rue Drouot est encore hors des +murs, on ne voyait par là pas un seul amateur.</p> + + <p>Les amis d'Henri Rochefort lui connaissaient une terre cuite d'un style +fort original, le <i>Don Quichotte</i> de Lepère. Ce morceau a été adjugé 63 +francs. Tout près de cette figurine, on voyait un chef-d'œuvre en +bronze, une <i>Diane de Poitiers</i>, de Pradier, étude historique qui vaudra +100,000 francs dans vingt ans. Adjugée pour 62 francs, la <i>Diane</i> de +Pradier!</p> + + <p>--<i>Choichante-deux francs, cha n'est pas trop cher</i>, disait l'acquéreur +avec un gros rire, <i>mais par chuite de la guerre, on a doublé les +droits, chongez-y!</i></p> + + <p>Est venu le tour d'une jolie commode Louis XV, vrai meuble de petite +maîtresse ou de gommeuse à la mode, si vous voulez. En raison de sa +naissance et de ses fréquentations, Henri Rochefort avait des goûts +d'aristocrate. Ces hommes et ces femmes de la Charabie pétrée qui +guettaient leur proie aimaient bien mieux pousser les enchères pour la +commode que pour les statuettes. Le meuble a fait 300 francs. Il valait +mille francs, au bas mot, vu les jours de rigidité Spartiate où nous +sommes; en d'autres temps, quinze cents francs ne l'eussent pas payé +trop cher.</p> + + <p>La même observation peut être faite pour un bahut en bois de rose, 200 +francs, d'abord; puis pour quatre chaises en tapisserie ancienne et pour +un fauteuil, 288 francs.--Ce fauteuil, nos gracieux Auvergnats +l'essayaient; ils s'asseyaient entre ses bras les uns après les autres; +ils le touchaient; ils avaient l'air de l'ausculter.--Ce lot, à une +époque, avait coûté douze cents francs.--Tout cela n'était encore qu'une +sorte de préface. Ce qui passait pour avoir le plus de prix, c'était le +lit du transporté, une merveille, en effet. Ce lit, en bois de fer, +style François 1er, et qui avait coûté deux mille francs, n'a pu se +vendre que 461 francs, et 500 francs avec les rideaux de soie rouge. +Bref, le produit n'a pas dépassé la somme de cinq mille francs. Bonne +journée pour les Auvergnats.</p> + + <p>Une lettre encadrée de noir nous a appris, il y a quelques jours, la +mort fort inattendue d'une jeune personne de vingt ans; Mlle Stéphanie +Proudhon a succombé, à Passy, à une maladie de poitrine. Trois cents +amis du publiciste ont entouré ce cercueil, le jour des obsèques, et +j'ai eu le regret très-vif de ne pouvoir me mêler à eux.--P. L. Proudhon +a eu quatre filles; trois ont cessé de vivre. Une seule demeure, +très-vive, à la vérité, ayant toutes les apparences de la santé. J'ai +nommé Mlle Catherine Proudhon, celle qui, étant enfant, servait déjà de +secrétaire intime à son père.</p> + + <p>Peut-être se rappelle-t-on que, pendant la maladie qui l'a emporté, +Sainte-Beuve a préparé un volume, très-remarquable, sur le brillant et +terrible auteur des <i>Confessions d'un Révolutionnaire</i>. Pour faire un +pendant à ces révélations sur son père, Mlle Catherine Proudhon, aidée +de sa mère et de quelques amis, rassemble à grand'peine les lettres si +nombreuses et si originales qui composeront la Correspondance de +l'ancien imprimeur de Besançon. Nul ne se sera autant prodigué que cet +homme dont on a tant parlé et qu'on connaît si peu. J'ai voulu donner +moi-même une preuve de sa facilité à écrire des lettres en publiant une +petite plaquette sous ce titre: <i>P. J. Proudhon et l'Écuyère de +l'Hippodrome</i>. Il existe assurément, à travers le monde, mille ou douze +cents lettres de cet écrivain, toujours clair comme Voltaire, toujours +paradoxal comme Denis Diderot, toujours instructif comme H. de Balzac.</p> + + <p>Parmi ceux auxquels P. J. Proudhon a le plus écrit, on cite plus d'un +personnage. Il y a d'abord eu Napoléon III, à qui l'auteur de <i>La +Révolution démontrée par le 2 décembre</i> a dû s'adresser deux fois pour +faire lever la prohibition qui pesait sur son livre. Il a aussi écrit +plusieurs fois au prince Napoléon Jérôme. Les intimes tels que MM. +Darimon, Charles-Edmond, Georges Duchêne et le colonel Langlois ont, de +même que les frères Garnier, de quoi faire un volume; le pauvre Gustave +Chaudey, le même qui a été assassiné par les hommes de la Commune, +n'avait pas moins de cent cinquante lettres. Il y en a aussi de fort +remarquables entre les mains de M. Charles Beslay, ce vieillard, +aujourd'hui proscrit, qui après la révolution du 18 mars, a préservé de +l'incendie la Banque de France, ses titres et ses trésors.</p> + + <p>Les plus intéressantes, les plus familières, celles dans lesquelles le +paysan de la Franche-Comté exprime peut-être le plus et le mieux ce +qu'il veut dire, ont été écrites à M. Auguste-Abraham Rolland, ancien +représentant de Saône-et-Loire, le spirituel traducteur de la +correspondance de la princesse Palatine. Il m'a été donné de prendre +connaissance de ces confidences; ce sont de véritables <i>Mémoires +intimes</i>, comparables, par exemple, aux lettres de Diderot à Mlle +Roland. Dans ces épîtres, écrites sans aucun apprêt, P. J. Proudhon fait +défiler à peu près tous les contemporains sous ses yeux. Dieu sait tout +ce qu'il y a de malice et de vérité dans les mille et un petits +portraits à main courante qu'il trace là -dedans!</p> + + <p>Parmi ces lettres, il en est une, fort étendue, qui produit plus +d'impression encore que les autres. Elle a trait à un fait qui s'est +passé dans la famille même de l'auteur. La chose est doublement curieuse +par les contrastes et par les rapprochements qu'elle fournit. Ce qui se +passe en ce moment même lui donne, ce me semble, un très-grand attrait +d'actualité. En 1850, par suite de la publication d'un article de +journal, P. J. Proudhon était enfermé à Sainte-Pélagie. Il épousa alors +dans sa prison Mlle Piégard, fille d'un ancien héraut d'armes de la cour +du roi Charles X. Ce dernier, fort excellent homme, légitimiste sincère, +mais s'occupant peu de politique, recevait une modique pension de +l'ancienne liste civile (je parle, bien entendu, de la liste civile des +Bourbons de la branche aînée). Un moment vint où les ressources de ce +réservoir manquant, ce vétéran du palais des Tuileries dut avoir recours +à la cassette du comte de Chambord pour vivre. En une telle extrémité, +il pria son gendre de lui servir de secrétaire, et, en effet, P. J. +Proudhon rédigea pour lui la supplique, qui fut envoyée à Froshdorf. Un +peu plus tard, le brouillon de cette pièce, de la main de P. J. +Proudhon, fut trouvé, et républicains et royalistes à l'envi accusèrent +le publiciste d'entretenir des intelligences avec Henri V. C'est pour +repousser cette supposition que le publiciste a écrit la lettre si +éloquente à laquelle je fais allusion et dont voici un fragment:</p> + + <p>«Cher ami, mon beau-père a été, pendant quarante années, le serviteur +des Bourbons.</p> + + <p>«Vieux, infirme, n'ayant pas de pain, il a cru devoir s'adresser au +prince dont il a servi les aïeux. N'est-ce pas une règle d'agir ainsi?</p> + + <p>Mais, au moment de faire sa demande, le vieux Piégard a vu que sa main +débile, presque paralysée, n'avait plus la force de tenir une plume, et +il a naturellement demandé à moi, son gendre, de rédiger sa demande. Il +a dicté, j'ai écrit. Il envoyait un placet au comte de Chambord. +Ecrivant pour lui, j'ai fait le travail graphique. Voilà tout mon +crime.»</p> + + <p>Ce n'est là , je le répète, qu'un démembrement fort décousu et incolore. +Toute cette protestation est d'un beau mouvement et d'un grand +style.--On espère que ce morceau et mille autres feront partie de la +<i>Correspondance</i> dont s'occupe la dernière des Filles de l'auteur, +<i>Correspondance</i> à laquelle, je le répète, le livre posthume de +Sainte-Beuve a si bien servi de prélude.</p> + + <p>Nous sommes en pleine chasse tout le long du pays.</p> + + <p>A ce sujet, il court beaucoup de racontars.</p> + + <p>En voici un que nous avons entendu débiter par un Nemrod qui arrive de +Normandie.</p> + + <p>Du côté de Bayeux, un villageois avait promis à son curé de lui envoyer +un lièvre, le jour même de l'ouverture de la chasse.</p> + + <p>A une semaine de là , le bon curé rencontre le rustre:</p> + + <p>--Eh bien, mon garçon, lui dit-il, et ce lièvre?</p> + + <p>--Comment, moussieu le curai, est-ce que vo ne l'avais poin encore?</p> + + <p>--Non.</p> + + <p>--Ah! mais, je n'en reviens point.</p> + + <p>--Comment cela?</p> + + <p>--Pardine, aussitôt que j'l'ai vu pas bien loin de nout' farme, j'y ai +dit: «Va-t-en vite chez moussieu l'curai.» Et i n'y a point étai, +l'grigou? C'est point bien d'sa part, savais-vous!</p> + + <p>Le narrateur ajoutait:</p> + + <p>--Le bon curé rit encore aux larmes en racontant cette pyramidale +naïveté de son paroissien.</p> + + <p>Quant à nous, nous pensons que le narrateur et le curé sont encore bons +enfants s'ils croient que les paysans d'aujourd'hui ont cette +naïveté-là .</p> + + <p>Il n'y a pas eu de prix pour le concours Troyon.--Tout le monde s'y +attendait bien.</p> + + <p><span class="sc">Philibert Audebrand.</span></p> + + <br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002.png"><br><b>BAZAINE. D'après la photographie de M. Maunoury.</b></p> + +<br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br><b>VOYAGE DE VICTOR-EMMANUEL EN ALLEMAGNE.--Promenade de<br> +Leurs Majestés le roi d'Italie et l'empereur d'Autriche sur le lac de +Laxenburg.</b></p> + +<br><br> + + <h3>UN DRAME DANS LE DÉSERT</h3> + + <p>Vous ne connaissez pas l'Amérique! Voilà ce que ne cessent de nous +répéter sur tous les tous les Américains que nous fait rencontrer le +hasard de l'existence parisienne. Vainement prouvons-nous que nous avons +lu avec fruit les livres de Tocqueville et d'Ampère. Le premier est +vieux, et n'était pas absolument vrai, même quand il a paru. Quant au +second, utile au voyageur qui veut se borner à parcourir certaines +villes privilégiées, en formation ou en décadence, il n'apprend rien sur +la vie générale telle qu'on la comprend et qu'on la pratique, sur les +mœurs, le caractère, et ce qui peut constituer le présent et l'avenir +de la sociabilité d'un peuple.</p> + + <p>On ne sort pas de là . Si vous insistez, vous ne tarderez pas à être +écrasé sous une avalanche d'anecdotes et de faits particuliers qui +démoliront pièce à pièce toutes les notions que vous aviez péniblement +classées dans votre esprit. C'est ce qui m'est arrivé, et voilà pourquoi +j'avertis le lecteur au moment de conter un drame américain.</p> + + <p>Les tribus indiennes, si bien décrites par Chateaubriand, subsistent +encore sur quelques points de l'immense territoire que peuplent et +civilisent les continuateurs de Washington. Mais chaque jour voit +diminuer leur importance. De beaucoup, il ne reste plus que le nom. +Quelques autres sont réduites à un tel petit nombre d'individus qu'ils +ne valent même pas la peine d'être domptés. Le wisky en a eu raison bien +mieux encore que la poudre de guerre. C'est en vain que certains chefs +intrépides protestent contre cette destruction qui s'attaque à l'homme +adulte et par conséquent s'oppose à la reproduction et à la propagation +de l'espèce. Tout au plus parviennent-ils à se montrer dignes de leurs +ancêtres et à nous faire voir ce qu'étaient les Indiens d'autrefois.</p> + + <p>Tel était Maha, un des plus illustres des Chérokées, au moment où l'on +conçut l'idée de relier par un chemin de fer New-York à San-Francisco et +à l'Océan Pacifique. Les exploits de guerre et de chasse de Maha étaient +célèbres dans toutes les prairies, et on ne prononçait qu'avec respect +le nom de l'Oiseau-Moqueur, ainsi que l'avaient surnommé ses +compatriotes. Il ne vit pas d'un bon œil l'entreprise nouvelle. On +l'entendit souvent proférer des menaces contre ces empiètements qui +venaient troubler la tranquillité des solitudes et rendre plus pénible +encore l'existence précaire des Indiens. Quand ils n'étaient pas en +nombre, les travailleurs étaient, souvent interrompus par une irruption +soudaine et une attaque à main armée. On ne saura jamais le nombre exact +de ceux qui ont payé de leur vie ce rôle de pionniers de la civilisation +que nous admirons de loin. On a pu dire sans exagération que, dans +certaines solitudes, chaque traverse avait été arrosée du sang d'un +homme. La civilisation qui veut marcher à grandes guides ne s'arrête pas +pour si peu.</p> + + <p>Maha n'en vit pas moins s'établir le chemin de fer du Pacifique, et les +wagons roulèrent de New-York à San-Francisco, et réciproquement, +emportant marchandises et voyageurs. Il en conçut un ressentiment +profond. Il ne comprenait rien à cet ouragan de feu qui bravait son +intrépidité. Mais il lui avait voué une haine farouche, une de ces +haines de sauvage qui est à peine satisfaite par la mort. Il fallait que +Maha eut raison de son ennemi ou qu'il périt.</p> + + <p>Il résulta de cette résolution prise, une série d'embuscades plus ou +moins ingénieuses et des accidents de toute sorte dans le détail +desquels nous n'entrerons point. Les déraillements ne comptent guère +dans l'existence américaine. Toutes les routes en ce pays sc ressentent +plus ou moins de la précipitation avec laquelle elles sont construites. +Pourvu qu'elles conduisent au but, peu importe si elles n'offrant pas au +voyageur toutes les garanties qu'on rencontre sur nos belles et grandes +routes d'Europe. Sous ce rapport, le chemin du Pacifique ne pouvait +faire exception à la règle nationale. Les accidents préparés et imaginés +par Maha et les Peaux-Rouges qu'il commandait ne produisirent pas plus +d'effet qu'ils n'en auraient produit dans les environs de Baltimore et +de Boston. On fut même quelques mois à ne pas soupçonner les Indiens +d'être pour quelque chose dans les rails coupés et les traverses +enlevées. Quand on s'en aperçut, Maha reconnaissait déjà l'inutilité de +ses ruses et de ses efforts et changeait de tactique.</p> + + <p>Avec la patience de l'Indien qui surveille toutes les habitudes de la +proie qu'il guette, Maha se mit à observer la marche des trains. Il +voulait en étudier et en surprendre le mécanisme. Car il était trop +intelligent pour n'avoir pas compris tout de suite que le monstre de feu +obéissait à une direction savante. Il devina le rôle important que +jouaient le mécanicien et le chauffeur. Et dès lors son plan fut arrêté, +un plan qui exigeait une hardiesse, une agilité, une vigueur dont les +sauvages seuls sont capables. Mais, sous ce rapport, Maha était en +fonds, il n'avait pas son pareil dans les Prairies de l'ouest.</p> + + <p>Il ne mit personne dans sa confidence, ni parmi les anciens de sa tribu, +ni parmi ses jeunes compagnons d'aventures. Car il n'avait besoin +d'aucun secours pour mener à bien l'audacieux projet qu'il avait conçu +et profondément mûri.</p> + + <p>Par une belle journée de juin, au moment où le soleil à son zénith +couvrait de ses feux ardents toute la plaine, Maha, que les Chérokées +appelaient l'Oiseau-Moqueur, s'embusqua donc le long des rails, dans +l'endroit le plus désert, et attendit le passage du train. Le souffle +puissant de la locomotive et les sifflets stridents ne tardèrent pas à +se faire entendre. Le convoi de San-Francisco arrivait à toute vapeur. +Pas d'autre bruit dans l'immense solitude. Le calme universel avait une +solennité qu'on n'oublie jamais quand on a été une fois dans sa vie +témoin de ce spectacle grandiose. Les animaux sauvages eux-mêmes se +reposaient dans les hautes herbes, et attendaient que le soleil eut +tempéré ses ardeurs.</p> + + <p>Maha veillait avec confiance. Il avait examiné ses armes. Il était +certain de tenir sa vengeance.</p> + + <p>Les premiers wagons le frôlèrent dans son embuscade. Il les laissa +passer pour mieux calculer son élan. Puis, avec une adresse qui ne +surprendra pas ceux qui ont étudié les sauvages et savent de quels tours +d'agilité ils sont capables, il sauta et se maintint sur le marchepied. +Dans les wagons, on vit passer comme un fantôme le visage richement +tatoué du chef Chérokée qui se glissait le long du convoi et arrivait +jusqu'à la locomotive. Seuls, le chauffeur et le mécanicien n'avaient +rien vu et continuaient à diriger la marche de la vapeur avec une +entière sécurité. Ils étaient en péril de mort.</p> + + <p>L'intrépide Indien a sauté sur la machine. D'un coup de tomahawk; il +abat le chauffeur à ses pieds; d'un coup de couteau, il tue le +mécanicien. La main vengeresse est aussi rapide que l'éclair. En un clin +d'œil les cadavres sont scalpés, et l'Oiseau-Moqueur s'élance et se +tient debout sur le tender comme un triomphateur. Il tient à la main et +brandit comme un trophée les chevelures de ses ennemis et hurle un chant +de guerre sauvage. Tous les voyageurs ont reconnu cette voix. Dans +toutes les veines court un frisson de terreur. Un marche à une mort +imminente, certaine; car le train n'a pas ralenti sa vitesse. Au +contraire, la vapeur n'étant plus contenue et dirigée déploie toute sa +vigueur. Tant que le charbon et l'eau ne feront pas défaut, on +poursuivra cette course vertigineuse.</p> + + <p>Les stations intermédiaires sont brûlées. Pleins d'épouvante, les +aiguilleurs et les cantonniers voient passer ce train lancé avec une +vitesse insensée et ce singulier mécanicien. Chacun comprend le péril et +devine en gros ce qui est arrivé. Mais impossible de porter le moindre +secours. Il n'y faut même pas songer. On doit rester sourd aux cris de +détresse des voyageurs, dont les terribles lamentations réveillent tous +les échos des solitudes. L'Oiseau-Moqueur les entend, et il jouit de son +œuvre. Il est heureux des larmes qu'il fait couler. Dans son cœur, il +est le plus grand des hommes, des guerriers de sa tribu. En un seul +jour; il a vengé les Peaux-Rouges de toutes les vexations, de toutes les +injustices séculaires que leur font subir les Américains.</p> + + <p>Le drame cependant n'était pas fini. Si la situation était +singulièrement aigüe, elle allait encore le devenir davantage, par la +seule péripétie qui n'avait pu entrer dans la tête et dans les +prévoyances de l'Oiseau-Moqueur.</p> + + <p>Comme dans tous les convois à long parcours, la société est fort mêlée +dans les wagons. Il y avait beaucoup de femmes et d'enfants. Certains +compartiments étaient même occupés par des familles entières. Quelles +tendresses déchirantes furent échangées dans ces moments suprêmes, nous +ne le dirons pas. On les devine aisément. C'est principalement devant la +mort imminente que toutes les affections du cœur se donnent libre +carrière, et l'homme civilisé est le même sous toutes les latitudes.</p> + + <p>Parmi les passagers se trouvait un officier de la marine des États-Unis, +M. Henry Pierre, qui voyageait avec sa femme et ses deux jeunes enfants. +Ce groupe se faisait remarquer entre tous. On n'y entendait ni cris +déchirants ni malédictions. Mais les yeux laissaient échapper des larmes +silencieuses, et les mains restaient étroitement unies. Ensemble on +avait vécu; on avait été heureux, ensemble on voulait mourir. L'homme et +la femme n'avaient pas d'autre pensée. Quant aux enfants, jamais ils +n'avaient paru plus beaux, plus affectionnés à leurs parents. C'était, +réellement une famille modèle, et comme on en voit rarement en Amérique.</p> + + <p>Le marin cependant, habitué aux luttes des grandes navigations, +cherchait dans sa tête un moyen de sortir du péril. Une étreinte plus +expressive à la main de sa femme indiqua qu'il avait trouvé. Avec une +résolution formidable, il prit un solide poignard dans son bagage +portatif, déposa un long baiser sur le front de chacun des êtres adorés, +et ouvrit la portière du wagon.</p> + + <p>Sur le marchepied, il envoya un dernier regard à sa femme et à ses +enfants.</p> + + <p>--C'est pour eux! dit-il simplement.</p> + + <p>Et on le vit se glisser le long du train jusqu'à la machine. Les cris et +les lamentations avaient soudainement cessé. On avait compris qu'un +secours inespéré arrivait, qu'un homme se dévouait pour tenter le salut +de tous. Seul, sur le tender, le grand chef Chérokée n'avait pas +interrompu son chant de triomphe. Il agitait toujours les scalp du +chauffeur et du mécanicien.</p> + + <p>Henry Pierce, son poignard à la main, a sauté sur la machine. L'Indien +l'aperçoit. Devant ce nouvel ennemi, il pousse son cri de guerre et +brandit son tomahawk. Ce n'est plus une surprise; c'est un combat corps +à corps qui s'engage, et la robuste vigueur et l'agilité de l'Américain +sont de taille à se mesurer avec celles de l'Indien. Tous les voyageurs, +penchés aux portières, essayent, de voir, et leur anxiété est facile à +comprendre. Dans les périls extrêmes, on s'accroche avec l'énergie du +désespoir à tout ce qui peut paraître une branche de salut.</p> + + <p>L'étroit espace sur lequel se livrait la bataille n'était cependant pas +aussi favorable à l'Américain qu'à l'Oiseau-Moqueur. Les pieds du marin +avaient rencontré les cadavres du chauffeur et du mécanicien et +glissaient dans le sang. Avec son poignard, il ne pouvait atteindre son +ennemi que de très-près. L'Indien au contraire avait conservé tous ses +avantages, et son tomahawk s'abattit sur Pierce, qui tomba grièvement +blessé. En un clin d'œil, l'Oiseau-Moqueur le scalpa, et une troisième +chevelure vint s'ajouter à celles qu'il agitait en poussant des cris +féroces de triomphe. Pour l'Indien, l'ennemi abattu était un ennemi +mort.</p> + + <p>Il n'en était point ainsi de Pierce, heureusement. Malgré ses blessures +il vivait encore, et malgré d'atroces souffrances il conservait une +indomptable énergie. Pendant que l'Indien exhalait en vociférations +sauvages le délire de sa joie, le marin rassembla les forces qui lui +restaient, se releva brusquement, bondit, et plongea son couteau dans la +poitrine de l'Oiseau-Moqueur. Il le retourna même dans la plaie pour que +la blessure fût bien mortelle. Le cadavre du chef Chérokée tomba sur la +voie.</p> + + <p>La mort de Maha n'était que le commencement de la délivrance. Le danger +était loin d'avoir disparu. Car le train filait toujours avec une +vitesse infernale. Aucun homme n'avait eu le courage d'imiter l'exemple +donné par Henry Pierce et de s'aventurer le long du convoi jusqu'à la +machine, il s'en fallut donc de bien peu que tout ce beau dévouement ne +fût complètement inutile. Avec une énergie qu'on ne saurait assez +admirer, Henry Pierce se traîna péniblement jusqu'à la manivelle et +renversa la vapeur.</p> + + <p>Il était à bout de forces. A son tour il tomba sur les cadavres du +chauffeur et du mécanicien. Mais le train s'arrêta. La femme et les +enfants du brave officier de marine étaient sauvés. Les autres voyageurs +bénéficièrent du sauvetage par surcroît.</p> + + <p>Seulement on les vit accourir avec empressement dès que toute espèce de +danger eut disparu, dès qu'on put descendre des wagons avec sécurité. +Ceux qui avaient montre l'égoïsme le plus couard ne furent pas les moins +prompts à vouloir porter des secours; il y en eut même qui avouèrent +qu'ils se hâtaient pour bien savoir ce qui s'était passé et connaître +tous les détails du drame.</p> + + <p>Le brave Henry Pierce respirait encore; mais il n'en valait guère mieux. +C'était un homme voué à une mort certaine. Aucun secours, aucun prodige +de la thérapeutique n'aurait pu détourner ce dénouement fatal. Une +consolation suprême était pourtant réservée au grand cœur qui battait +dans cette poitrine affreusement mutilée. Pierce entendit et reconnut la +voix de ceux qu'il aimait. Il sentit leurs douces étreintes encore une +fois. Il put prendre et garder dans les siennes la main de sa femme, la +main de ses jeunes enfants. La douleur de cette famille était d'autant +plus navrante à voir qu'elle ne se trahissait pas au dehors par des cris +et des manifestations bruyantes. La mère et les enfants semblaient +craindre, par l'explosion de leurs sentiments intimes, de troubler les +derniers moments de celui qu'ils allaient perdre. Eux seuls étaient les +victimes vivantes de cette catastrophe qui a laissé une trace profonde +dans les annales du chemin de fer du Pacifique. Et eux seuls se +montrèrent dignes de cet homme courageux qui s'était volontairement +sacrifié pour le salut de tous. Henry Pierce expira deux heures après +l'arrêt du train.</p> + + <p>Ces événements s'accomplissaient l'été dernier. Aujourd'hui c'est à +peine si, dans le vaste désert du territoire indien, on peut indiquer +avec précision le théâtre du drame.</p> + + <p><span class="sc">Georges Bell.</span></p> + + <br><br> + + <h3>LES THÉÂTRES</h3> + + <h4>Théâtre de la Porte-Saint-Martin.--Marie Tudor.</h4> + + <p>Il existe au musée de Madrid un admirable portrait de Marie Tudor, par +Antonio Moro. Sous le bonnet, ou plutôt sous le chapeau de velours noir +relevé sur les tempes s'encadre la figure amaigrie de la reine, avec les +lèvres fines, les yeux ardents sous la paupière rougie, les pommettes +saillantes, le teint pâle de l'hydropisie, et toute la sévérité de +l'ascétisme religieux. Elle se détache froide, terrible de son cadre, +cette figure de Marie la Sanguinaire, <i>the bloody Mary</i>, comme elle se +détache de l'histoire, au milieu de ses persécutions religieuses, dans +ce fanatisme qui effraya Philippe II lui-même, son royal époux.</p> + + <p>Pourtant c'est à cette reine, vivant d'une sorte d'exaltation pieuse +dans un Escurial anglais, qu'il a plu à l'auteur de donner un amant. A +son aise. Il me semble pourtant que s'il convient au poète de rompre en +visière avec toutes les idées reçues, il faut au moins que son œuvre +s'empare des esprits par sa puissance, de telle sorte qu'on lui fasse +crédit de ses erreurs et qu'il ne vienne pas en pensée de les relever. +Eh bien! Marie Tudor est à coup sûr un des drames les moins heureux du +poète. Je ne m'inquiète pas de sa portée politique, je ne me demande pas +où tendent ces visées de l'auteur, qui de parti-pris traîne une reine +devant le mépris public, en lui faisant proclamer impudemment devant une +cour Fabiano Fabiani pour son amant, qui prend toute l'Angleterre à +témoin de cette honte, en lui demandant de s'associer à sa vengeance. +Qu'importe que reine elle se déshonore publiquement, que femme elle +livre à tous l'aveu de ses lâchetés, que chrétienne elle se parjure, la +main étendue sur la couronne royale et sur les saints évangiles, qu'elle +mente aux serments faits à la mémoire de son père; c'est une tête +couronnée qu'on jette au mépris de la foule, comme le poète lui a jeté +et Charles-Quint, et François Ier, et Louis XIII, et Richelieu, c'est un +système, je n'ai pas à m'en préoccuper. L'affaire est entre le public et +Victor Hugo. Moyennant quelques galanteries du poète à son peuple, ils +s'entendront bien ensemble. Mais ce qui est plus important pour moi, +simple spectateur d'une action dramatique, c'est que la pièce ne +m'intéresse pas.</p> + + <p>Chose étrange! Le drame est rempli de terreurs par les nuits sombres aux +bords de la Tamise, par les colères terribles d'une reine, par la +présence du bourreau, par l'appareil funèbre des chapelles ardentes, des +tentures des tombeaux; il est assombri par les coups de canon, éclairé +par l'incendie des villes, et pourtant l'âme reste froide devant cet +immense déploiement de terreurs. Elle voit passer ce spectacle sans +s'émouvoir, sans se passionner. Une curiosité pourtant s'empare de vous +au milieu de tout ce récit lugubre: Comment ce puissant esprit +viendra-t-il à bout d'une telle œuvre! car Victor Hugo est un maître +par la force et par l'audace; comment s'achèvera un tel édifice? +L'esprit est donc en éveil; quant à l'âme, je le répète, elle est bien à +son aise; cela ne la regarde pas. La raison en est simple: c'est que +Victor Hugo est théâtral et n'est pas dramatique. Il y a un grand +souffle dans le poète qui anime de sa puissante parole une action mise +en scène, qui agite au gré de son lyrisme tous les personnages; toujours +brillant, toujours sonore, avec l'appareil extérieur du génie. +Shakespeare si vous voulez, mais sans passions, le Shakespeare de la +phrase.</p> + + <p>J'écoutais l'autre soir cette Marie Tudor; un acte tout entier se passe +à mettre en dehors la violence de la reine. Un homme aimé l'a trahie, sa +vengeance sera terrible. Il lui faut le grand jour pour l'éclairer, la +multitude pour témoin, il lui faut la menace à pleins poumons, l'insulte +sans réserve, l'insulte jusqu'à la grossièreté, le reproche avec tous +les mépris, l'humiliation, l'abaissement de l'amant, dût la dignité de +la reine tomber avec la tête du favori: «Tu te dis allié à la famille +espagnole de Pénalvar, mais ce n'est pas vrai, tu n'es qu'un mauvais +Italien, rien! moins que rien! fils d'un chaussetier du village de +Larino!--Oui, messieurs, fils d'un chaussetier! Je le savais et je ne le +disais pas, et je le cachais, et je faisais semblant de croire cet homme +quand il me parlait de sa noblesse!» Ce n'est pas assez de toutes ces +invectives, il faut que cet homme tombe à genoux devant tous, qu'on le +déshonore aux pieds du trône, que la reine le voie face à face avec le +bourreau. Et quand l'effet de cet acte sera perdu par son exagération +même, la reine se reprendra d'amour pour Fabiano Fabiani. C'est le cœur +de la femme. Racine l'avait dit tout entier dans un seul vers +d'<i>Hermione</i>:</p> + + <p>«S'il ne meurt aujourd'hui, je puis l'aimer demain.»</p> + + <p>Mais Victor Hugo n'a pas le génie sobre et puissant de Racine, il se +perd dans la déclamation, il frappe fort, il ne frappe pas juste, si +bien que ce personnage de <i>Marie Tudor</i>, renouvelé d'<i>Hermione</i>, nous +laisse absolument froids, par cela seul qu'en l'exagérant le poète l'a +rendu faux dans le vrai.</p> + + <p>Voilà pourquoi ce drame de <i>Marie Tudor</i> a eu si peu de succès à son +début et pourquoi le public d'aujourd'hui ne me semble pas disposé à +casser le jugement du passé. A défaut de Marie Tudor, les personnages +qui gravitent autour de la reine ont-ils du moins un intérêt? Aucun, ce +n'est pas à coup sûr Fabiano Fabiani qui m'attache. Ce que la reine en +dit me dégoûterait complètement de ce gentilhomme, fils d'un chaussetier +du village de Larino. Jane est une fille perdue que son repentir et son +amour tardif pour Gilbert ne rachète guère; quant à Gilbert, cet homme +qui ment pour la reine quand elle en a besoin, le droit de sa vengeance +ne le justifie pas de toutes ces lâchetés. Tout cela compose donc un +ensemble de gredins peu sympathiques, et je ne m'étonne donc plus de +l'accueil que le public fit, il y a quelque quarante ans, à <i>Marie +Tudor.</i></p> + + <p>La pièce devait être merveilleusement jouée en cette année 1833, où elle +parut pour la première fois. Je vois sur la liste des acteurs les noms +de Mlle Georges, de Lockroy, de Chilly, de Provost. Il y a là de grands +souvenirs; mais il ne faut pas que ce passé nous rende injustes, et j'ai +applaudi pour ma part, et très-chaleureusement, aux interprètes +d'aujourd'hui. J'ai trouvé dans Mme Marie Laurent une voix pleine de +passion et d'éclat, une grande puissance dramatique. Elle a eu des +accents véritablement beaux. Simon Renard est fort bien joué par +Taillade. Dumaine rend en acteur intelligent le rôle de Gilbert. Mlle +Dica Petit a eu le plus chaleureux succès dans la dernière scène du +quatrième acte, et Frederick Lemaitre a joué le personnage du juif avec +cette perfection qui caractérise ce maître comédien. La voix s'est +affaiblie, c'est vrai; l'âge, le grand âge est venu, mais le talent est +toujours là . Comme cela est dit, phrasé, mis en scène, et quels accents +encore dans cette voix qui s'éteint!</p> + + <p>Le théâtre des Variétés a pris <i>la Vie parisienne</i> au répertoire du +Palais-Royal. Il m'a semblé que le public trouvait quelques rides à +cette gaieté qui nous fit si gais il y a quelques années. Vraiment, il +fallait s'y attendre. Si la pièce a vieilli c'est que nous avons vieilli +nous-mêmes; ce n'est pas à nous qu'il faut demander notre opinion sur +elle, nous serions injustes, c'est à la génération qui a pris nos +stalles au théâtre. Elle s'amuse encore de ce qui nous amusait. Tout est +bien; et voilà <i>la Vie parisienne</i> lancée comme autrefois dans un succès +rajeuni.</p> + + <p><span class="sc">M. Savigny.</span></p> + + <br><br> + + <p class="mid">Fureur: <i>Lèvres de Feu!!</i> valse; <i>Peau de satin</i>, polka de Klein.</p> + + <br><br> + + <h3>L'ESPRIT DE PARTI</h3> + + <h4>LE CHARIVARI</h4> + + <p><i>Caricature</i> fondée par Ch. Philippon en 1830, obtenait, depuis deux +ans, un immense succès. N'était-ce pas, au reste, le premier mariage +célébré, dans le journalisme, entre la plume et le crayon!--Aussi les +quatre pages de la petite feuille hebdomadaire ne suffirent bientôt plus +à repaître les curiosités nouvelles qu'elle avait éveillées. De là , dans +l'esprit de Ch. Philippon, l'idée d'une seconde «Caricature»,--mais +quotidienne, celle-là ,--sous ce titre: <i>le Charivari.</i></p> + + <p>Lisez le prospectus. C'est une franche déclaration de guerre au pouvoir: +«... La lutte sera loyale toujours, et si nos coups sont vifs, +instantanés comme le fait qui les aura provoqués, peut-être nous +sera-t-il possible d'en proportionner la rudesse au plus ou moins de +gravité des circonstances; comme encore de les porter moins acérés, par +cela même qu'ils seront plus pressés. On peut frapper moins fort quand +on frappe sans cesse....»</p> + + <p>Le premier numéro porte la date du 1er décembre 1832. Or c'est bien le +moins que nous saluions, au passage, le berceau d'un confrère qui, +malgré ses perpétuelles campagnes et ses innombrables blessures, +accomplit actuellement, et d'une façon si gaillarde, sa +quarante-et-unième année.--Notre cadre, par malheur, nous interdit la +moindre monographie: une fortune pour un libraire intelligent! C'est +pourquoi nous ne dirons rien de ces fameux dessins qui se vantaient si +fièrement de tout dire: «... Nous délions tous les arrêts, nous délions +toutes les cours et nous échapperions à toutes les lois, si nous en +étions réduits à redouter d'injustes condamnations, et à éluder des lois +antilibérales. Le crayon, qui est notre plume, à nous, sait rendre +toutes nos pensées et tout est de son domaine... (Nº du 27 mars 1833).» +Nous ne nous arrêterons pas davantage à ces articles de fond où les +trois hommes d'État tympanisaient l'Ordre-de-chose avec une verve chaque +jour plus féconde, plus implacable et plus âcre.</p> + + <p>Notre lot est le simple droit de fourrage dans cette partie humoristique +qui semble,--sous la rubrique de <i>Carillons</i>,--une pépinière de +«légendes pour dessins» non utilisées et à l'état de rudiment. +Collection que, de nos jours encore, les Hippolyte Briollet et les Paul +Girard, ont continuée, sous l'habile direction de M. P. Véron, avec +moins d'audace peut-être, mais autant d'esprit que leurs devanciers.</p> + + <h4>1832</h4> + + <p>Le ministère a beau se démener; il ne peut obtenir un mouvement de +hausse. La baisse fait des progrès à mesure que la majorité se dessine. +C'est que la Bourse a peur du <i>Thiers</i> consolidé.</p> + + <p>La France nouvelle prétend que l'impression du discours du trône a été +généralement bonne. Le pays n'a pourtant vu jusqu'ici que de tristes +épreuves.</p> + + <p>Un journal ministériel nous dit que M. Thiers a un grand fonds +d'éloquence; malheureusement M. le ministre de l'intérieur est forcé, +par état, de tenir ses fonds secrets.</p> + + <p>Entre le coup d'État populaire du 29 juillet et le coup d'État +monarchique du 7 juin, il y a cette différence que le premier fut une +cause sans effet, tandis que le second fut un effet sans cause.</p> + + <p>Il ne faut pas s'étonner que ces messieurs soient parvenus à soustraire +l'état de siège au verdict du pays. Ces messieurs ont toujours été +très-forts sur la soustraction.</p> + + <p>Une arme à feu! quel moyen absurde pour abattre une <i>poire</i>! Aussi la +gaule réclame.</p> + + <p>Le <i>Journal de Paris</i> prétend qu'en juin les insurgés voulaient frapper +le juste-milieu <i>au cœur</i>. En ce cas, on a bien raison de dire qu'ils +tentaient l'impossible.</p> + + <p>On dit que la nouvelle chambre a un écho. Ce n'est assurément pas dans +le public.</p> + + <p>Que de gens peuvent dire, comme le Christ:--«Je porte ma croix, +Seigneur, sans l'avoir méritée!»</p> + + <p>On a remarqué avec surprise que le projet de loi sur l'état de Siège, se +termine par le protocole ordinaire: Donné, etc.--Joli cadeau qu'on nous +fait là !</p> + + <p><span class="sc">Jules Rohaut.</span></p> + + <p>(<i>A suivre.</i>)</p> + + <br><br> + + <h3>EXPOSITION DES PRIX ET ENVOIS DE ROME A L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.</h3> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"></p> + +<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0" + style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 60%;"> +<b>Les juifs pleurant leur captivité à Babylone.--Tableau de +M. Morot, premier grand prix de peinture.</b> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 40%;"> +<b>Gloria victis.--<i>Sculpture.</i>--Envoi de M. Mercié</b> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + + + + + + <br><br> + + <h3>SUPPLÉMENT AU NUMÉRO 1597 du 4 OCTOBRE 1873</h3> + + <h2>PROCÈS DU MARÉCHAL</h2> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>VUE PANORAMIQUE DE METZ ET DES ENVIRONS POUR SUIVRE LA<br> +CAMPAGNE DE 1870-1871.</b></p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ.--L'évasion.</b></p> + + <br><br> + + <h3>NOS GRAVURES</h3> + + <h4>Le maréchal Bazaine</h4> + + <p>L'<i>Illustration</i> publie aujourd'hui un beau portrait du maréchal +Bazaine. A cette occasion, on m'a demandé une notice sur le haut +dignitaire de l'armée française, dont le monde entier s'est tant occupé +depuis trois ans, et qui va très-prochainement être appelé devant un +conseil de guerre pour y rendre compte de sa conduite, du 12 août au 28 +octobre 1870, période pendant laquelle il a exercé le commandement en +chef de la vaillante et malheureuse armée du Rhin.</p> + + <p>La tâche qui m'incombe n'est pas facile pour un ancien officier qui a +servi sous les ordres et très-près du maréchal, dont la situation +actuelle d'accusé commande impérieusement la plus scrupuleuse +impartialité. Pour ne pas manquer au respect dû au malheur, même quand +il est mérité, il me faut refouler au plus profond de mon cœur la +sympathie que peut m'inspirer le glorieux soldat d'Afrique, d'Espagne, +de Crimée, d'Italie et du Mexique, le héros de maint combat, le +vainqueur de Kinburn, du fort San-Xavier, de San-Lorenzo et d'Oajaca, +ainsi que le sentiment en sens contraire que j'ai pu éprouver en +étudiant avec un soin minutieux les terribles événements qui se sont +accomplis autour de Metz, entre la bataille de Spickere et la +capitulation du grand boulevard de la France.</p> + + <p>Si le maréchal Bazaine a réellement commis les crimes dont l'accusent +ses adversaires, on doit reconnaître que le masque de son visage est +bien trompeur, car il est difficile de trouver une figure respirant plus +de bonhomie. Avec ses cheveux coupés court, son impériale et sa +moustache sans prétention, ses rudiments de favoris, ses bonnes grosses +joues, son teint clair, ses yeux gris et vifs, son regard franc, son +sourire plein de bienveillance, le maréchal a plutôt l'air d'un gros +négociant, ex-officier supérieur de la garde nationale sédentaire que +d'un vieux militaire qui compte autant de campagnes que d'années de +service. On eût dit qu'il cherchait à exagérer encore l'apparence +débonnaire que lui donnait sa forte carrure et sa vigoureuse charpente à +demi-noyée sous un léger embonpoint, indice d'une belle santé, en +s'habillant sans prétention et tout à fait bourgeoisement. Loin de se +coiffer en casseur d'assiettes, l'ancien général en chef du Mexique +affectionne les coiffures trop larges: képis et chapeaux lui tombent sur +les oreilles sans incliner jamais ni à droite ni à gauche, et son corps +trapu sans obésité paraît se complaire dans de vastes tuniques, des +vestons courts ou des redingotes à la propriétaire.</p> + + <p>Ennemi du faste, peu soucieux du confortable, d'un abord facile et d'une +grande bienveillance, naturelle qui n'a d'égale que sa prodigieuse +bravoure, Bazaine a été un des officiers les plus estimés et les plus +populaires de l'armée jusqu'au 5 septembre 1864, date de son élévation à +la dignité de maréchal. Relativement jeune, il n'avait que +cinquante-neuf ans en 1870, d'une constitution athlétique qu'aucune +émotion, aucune fatigue n'a encore pu entamer, le maréchal inspirait +encore une grande confiance lorsque, le 12 août, la pression de +l'opinion publique obligea l'Empereur à se dessaisir en sa faveur du +commandement suprême de l'armée la plus belle et la plus nombreuse que +la France ait possédée depuis la funeste campagne de 1812. Par son +origine plébéienne ou bourgeoise, il flattait les instincts +démocratiques, très-enracinés dans l'immense majorité de l'armée +française, et le soldat était satisfait d'être commandé par un homme +sorti du rang, et qui avait, comme lui, sérieusement porté le sac.</p> + + <p>Quelle qu'ait été la conduite du commandant en chef de l'armée du Rhin, +la notice biographique qui va suivre prouvera qu'il avait bien gagné ses +grades, et que les personnes qui ont contribué à lui faire acquérir +honneurs et dignités ne sauraient être accusées d'avoir soutenu un homme +sans valeur et sans services. Arrivé au faîte, il a succombé sous le +poids d'une responsabilité écrasante; le même accident s'est reproduit +pour d'autres généraux en chef dont le public n'était pas moins entiché. +Tout cela prouve qu'il est difficile, sinon impossible, de discerner à +l'avance les officiers capables de commander en chef; et, à mon avis, +les généraux français qui ont été battus dans la dernière guerre sont +surtout les victimes d'une éducation militaire incomplète ou mal dirigée +et les boucs émissaires des fautes ou des défaillances de la France tout +entière. N'osant assumer en masse la responsabilité de leurs revers, les +Français commettent en ce moment la faute, impardonnable de personnifier +leurs désastres dans quelques généraux; je ne m'aventurerai pas à dire +que ce soit là un symptôme de décadence; mais ce n'est pas davantage un +signe de grandeur et encore moins de générosité.</p> + + <p>Sauf de légères variantes, toutes nos armées ont ou allaient éprouver un +sort identique. Les armées de Metz, de Sedan, de Paris et de l'Est ont +été anéanties, enlevées ou réduites à l'impuissance; les armées du Nord +et de la Loire, après les défaites de Saint-Quentin et du Mans, auraient +eu la même fin, si l'armistice n'était heureusement survenu. Notre +devoir est de faire notre examen de conscience, et je doute que les deux +juges du conseil qui ont capitulé à Paris et celui qui a été battu à +Arthenay ne soient pas disposés à l'indulgence envers un frère d'armes +malheureux.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + + <p>La famille du maréchal Bazaine appartient à ce qu'on appelle la haute +bourgeoisie. Son père, ingénieur distingué, a rempli pendant de longues +années les fonctions de directeur-général des ponts-et-chaussées de +l'empire russe, avec rang de lieutenant-général; son frère, sorti de +l'École polytechnique, compte depuis longtemps parmi nos ingénieurs et +constructeurs de chemin de fer les plus remarquables; enfin sa sœur a +épousé le célèbre ingénieur Clapeyron. Bazaine (François-Achille), né à +Versailles le 18 février 1811, suivait les cours de la Faculté de droit +de Paris en 1831, époque à laquelle la France était menacée d'une +coalition européenne, quand il s'engagea comme simple soldat au 37e de +ligne. La campagne d'Anvers ayant été suivie d'un désarmement général, +le sergent Bazaine, désireux de faire campagne, obtint de passer avec +son grade à la légion étrangère, alors en voie d'organisation et qui ne +pouvait, conformément aux termes formels de la loi du 9 mars 1831, «être +employée que hors du territoire continental du royaume». Rappelons que +cette prescription avait surtout pour but d'empêcher le rétablissement +de la garde suisse.</p> + + <p>Aussitôt organisée, la légion étrangère passa en Algérie. En novembre. +1833, à l'âge de vingt-deux ans, Bazaine reçut l'épaulette de +sous-lieutenant, et vingt mois après, il était fait chevalier de la +Légion d'honneur à la suite du glorieux, mais malheureux combat de la +Maeta, livré le 28 juin 1835, par le générai Trézel aux contingents +arabes réunis dans la province d'Oran sous le commandement de l'émir +Abd-el-Kader. Quelques semaines plus tard, le roi Louis-Philippe mit la +légion étrangère au service de la régente Christine, mère de la reine +Isabelle II; Bazaine suivit son corps en Espagne, où il conquit +rapidement les grades au titre espagnol de capitaine et de chef de +bataillon.</p> + + <p>A Pons, en Catalogue, avec sa seule compagnie, il lutta pendant trois +jours consécutifs contre une colonne de quinze cents carlistes, et +parvint à leur échapper par une marche de nuit des plus audacieuses, +après avoir surpris leurs postes avancés. Sa bravoure et son +intelligence l'avaient signalé à l'attention de l'habile et intrépide +Conrad, colonel d'état-major français et commandant en chef la légion +étrangère, avec le titre de brigadier. Bazaine fut désigné pour remplir +les fonctions de chef d'état-major; il assista en cette qualité aux +sanglantes batailles de Huesca, en Aragon, et de Tolosa, en Catalogne. +Après la mort du glorieux brigadier Conrad, il sut diriger avec talent +et sang-froid une retraite difficile devant un ennemi victorieux et +entreprenant.</p> + + <p>Rentré en France en juillet 1838, Bazaine fut nommé, l'année suivante, +capitaine au titre français et compris, en 1840, dans la formation des +dix bataillons de chasseurs à pied réunis à Saint-Omer, sous le +commandement du duc d'Orléans qui leur donna son nom. Le capitaine +Bazaine, très-adroit à tous les exercices du corps, obtint le prix de +tir décerné aux officiers par le prince royal.</p> + + <p>A la levée du camp, son bataillon fut dirigé sur l'Algérie, où il +devint, en 1844, chef de bataillon et chef des affaires arabes de la +subdivision de Tlemcen. Toujours en route, il prit part à de nombreuses +expéditions pendant lesquelles il se signala par des coups de main +remarquables, surtout lors de la terrible insurrection de 1845, célèbre +par le massacre de Sidi-Brahim, où le lieutenant-colonel de Montagnac et +le commandant de chasseurs à pied Froment-Coste périrent avec presque +tous leurs soldats. Bazaine reçut la croix d'officier pour sa belle +conduite au combat de Sidi-Haffis. Plus lard, en 1847, il contribua +efficacement à la reddition d'Abd-el-Kader.</p> + + <p>Après la révolution de février, le commandant Bazaine était promu +lieutenant-colonel et directeur des affaires arabes de la province +d'Oran; en 1850, il était déjà colonel du 55e de ligne, et l'année +suivante il rentrait dans son corps de prédilection comme colonel du 1er +régiment étranger, investi en même temps du commandement de la +subdivision de Sidi-bel-Abbès, commandement dans lequel il se distingua +par une administration sage et féconde en résultats.</p> + + <p>En 1854, la brigade de la légion étrangère fut envoyée à Gallipoli où +son chef, le général Carbuccia, fut de suite enlevé par le choléra, en +même temps que son collègue, le général duc d'Elchingen. Le colonel +Bazaine le remplaça dans ce beau commandement et fut embarqué pour la +Crimée, avec ses deux régiments, peu de temps après la bataille de +l'Alma. Toute l'armée sait la part brillante que prit la brigade +étrangère aux combats devant Sébastopol où, de même que les 35e et 42e +de ligne pendant le siège de Paris, elle fit le fond de toutes les +attaques exécutées à la gauche de la place. Son jeune général se +distingua tout particulièrement le 2 mai, à l'enlèvement de l'ouvrage +dit du Cimetière; son collègue de la Motterouge, partagea avec lui les +honneurs de cette glorieuse et sanglante nuit.</p> + + <p>Le 10 septembre 1855, le surlendemain de la prise de Sébastopol, le +maréchal Pélissier confiait à Bazaine le commandement supérieur de la +forteresse russe, et le 14 du même mois les étoiles de divisionnaire +venaient le récompenser de sa belle conduite pendant ce siège de onze +mois. Pélissier, très-difficile, dans le choix de ses lieutenants, avait +la plus grande estime pour les talents militaires du nouveau général de +division, et en donna une preuve éclatante en lui confiant, le 7 +octobre, le commandement en chef de l'expédition de Kinburn, fort situé +dans le <i>liman</i> du Dniéper, sur les communications de l'armée russe avec +Nikolaïeff. (On donne le nom de <i>liman</i> aux lagunes de la mer Noire.)</p> + + <p>Le corps expéditionnaire se composait d'une brigade française de 4,000 +hommes, commandés par le général de Wimpffen, et de 4,200 Anglais sous +les ordres du généra! Spencer. Le 14, les flottes combinées parurent +devant la forteresse; le 17 octobre, Bazaine ouvrait la tranchée et +s'emparait de Kinburn après un bombardement de cinq heures exécuté +simultanément par les batteries de terre et celles des vaisseaux. En +récompense de ce beau fait d'armes, l'empereur lui envoya la croix de +commandeur.</p> + + <p>En 1859, on retrouve Bazaine à l'armée d'Italie, où il commandait la +troisième division du premier corps, Baraguey d'Hilliers. Le 8 juin, il +gagne la plaque de grand officier au sanglant combat de Melegnano, et se +distingue encore le 24 juin à l'attaque du cimetière et de la tour de +Solférino. Après cette dernière bataille, Bazaine était un homme posé, +le chef de l'État n'attendait plus qu'une occasion pour lui confier un +commandement en chef.</p> + + <p>En 1862, quand le premier échec éprouvé par le général de Lorencez, sous +les murs de Puebla, décida l'empereur à envoyer une véritable armée dans +ce pays lointain, il jeta les yeux sur les deux divisionnaires désignés +pour le maréchalat. Korey gagna son bâton avec la prise de cette ville, +prise à laquelle Bazaine contribua puissamment, d'abord en enlevant le +Pénitencier ou fort San-Xavier, puis en remportant, avec 1,800 hommes, +la brillante victoire de San-Lorenzo, sur l'armée de secours commandée +par l'ex-président, Comonfort, et forte de plus de 10,000 combattants. +Il fut nommé grand'croix à cette occasion.</p> + + <p>Peu de temps après, Bazaine succédait à Forey dans le commandement en +chef et, le 5 septembre 1804, il était élevé à la dignité de maréchal de +France. Trois mois auparavant, l'empereur Maximilien était venu prendre +possession du trône mexicain. Ses rapports avec Bazaine manquèrent +toujours de cordialité, on eût dit que chacun de ces deux grands +personnages se refusât à faire les premières avances.</p> + + <p>A partir de cette époque, on peut dire que la belle réputation du soldat +parvenu à sa suprême dignité militaire a été en déclinant. Au +commencement de 1865, il eut encore l'occasion de faire preuve de coup +d'œil et de résolution en enlevant, dans la forte ville d'Oajaca, toute +l'armée de Porfirio Diaz. Mais ce fut la fin; après avoir étendu son +action sur une surface deux fois plus grande que la France, l'armée fut +rappelée et son commandant en chef eut alors le tort grave de tolérer à +ses côtés un simple général de brigade, M. de Castelnau, aide de camp de +l'empereur en mission, dont la singulière attitude était celle d'un +homme qui a le droit de contrôle sur les actes de son supérieur.</p> + + <p>À sa rentrée en France, on lui fit un sanglant affront en défendant au +préfet maritime de Toulon de lui rendre les honneurs dus aux grands +dignitaires de l'armée. Dès ce jour, l'opposition eut l'œil sur un +homme qu'elle considérait comme un mécontent.</p> + + <p>Cette disgrâce éclatante dura deux ans, puis on donna à Bazaine le grand +commandement de Nancy. En 1809, il commandait la première série du camp +de Châlons lorsque l'empereur s'y rendit avec le maréchal Niel. Que se +passa-t-il?</p> + + <p>Ce qu'il y a de certain c'est que Napoléon III rendit à Bazaine toute sa +faveur, lui promit la succession du maréchal Régnault d'Angely à la +garde impériale, et que l'impératrice Eugénie reçut avec distinction la +belle et séduisante madame Bazaine, qu'elle avait jusqu'alors tenue à +l'écart. Un brillant punch fut organisé à l'instigation de l'empereur +par le général Forey, et les journaux officieux furent invités à se +montrer favorables à l'ancien commandant en chef du corps +expéditionnaire du Mexique.</p> + + <p>En 1870, quinze mois à peine après cette quasi réhabilitation, nous +avons eu à quelques jours d'intervalle le glorieux Bazaine et le traître +Bazaine. Nous croyons qu'il ne méritait ni cet excès d'honneur ni cette +indignité. Comme l'a si justement dit le général Changarnier à la +tribune de l'Assemblée nationale: le commandement en chef d'une armée de +170,000 hommes était trop lourd pour Bazaine; son intelligence, pourtant +très-nette s'est obscurcie en présence de l'écrasante responsabilité qui +lui incombait. Le 12 août 1870, il héritait d'une situation presque +désespérée; il n'a pas eu le courage d'en envisager les difficultés en +face, il a tenté de les tourner, comme aujourd'hui encore il n'ose pas +attaquer le taureau par les cornes.</p> + + <p>Après le 4 septembre, quand Bazaine eut reçu communication de la liste +des gouvernants de l'Hôtel-de-Ville, il comprit que jamais le haut +état-major de son année n'accepterait la domination de ces hommes sans +mandat et sans consistance. De plus, il pensait avec tous les militaires +que Paris ne tiendrait pas huit jours et que la paix serait signée avant +la fin du mois. Son unique préoccupation fut alors de conserver intacte +la seule véritable armée qui restât debout après la catastrophe de +Sedan. Son tort est d'avoir échoué dans son entreprise et peut-être +employé des moyens peu corrects pour la faire réussir. C'est ce que le +conseil de guerre nous apprendra sous peu.</p> + + <p>En tout cas, je suis convaincu que telle était la pensée du commandant +en chef de l'année de Metz, et cette pensée, il ferait bien de +l'exprimer franchement devant ses juges. Cela vaudrait mieux que +d'épiloguer sur des dépêches et des protocoles. Pour terminer cette +notice, j'émettrai humblement cet avis que, si le maréchal Bazaine est +coupable du crime dont on l'accuse, il compte à coup sur de nombreux et +illustres coopérateurs.</p> + + <p><span class="sc">A. Wachter.</span></p> + + <h4>La chambre su maréchal Bazaine, à Trianon.</h4> + + <p>Nous n'avons pas à apprendre à nos lecteurs que le procès du maréchal +Bazaine va se dérouler dans le vestibule de ce château qui fut si cher +au roi Louis-Philippe, le Grand-Trianon. Déjà toutes les dispositions +sont prises en conséquence, et le grand vestibule a été aménagé de façon +à répondre à toutes les exigences de sa nouvelle et passagère +destination.</p> + + <p>En dehors de ce prétoire improvisé, dont nous donnerons en temps utile +une vue à nos lecteurs, diverses pièces ont été affectées: au greffe, +aux témoins à charge et à décharge, aux officiers de gendarmerie chargés +du service militaire, aux délibérations du conseil et au logement des +personnages que leurs fonctions doivent retenir au Grand-Trianon pendant +la durée du procès. Ainsi les témoins à charge occuperont la salle des +huissiers, située à gauche du vestibule et donnant sur le jardin, et les +témoins à décharge la bibliothèque. Le général Pourcet habitera le +pavillon de Madame, composé de cinq pièces. Le pavillon de l'aile +droite, placé en face du pavillon de Madame, dans la cour d'honneur, est +destiné au duc d'Aumale, qui présidera, comme on sait, le conseil de +guerre. Enfin la salle des délibérations sera placée dans le salon de la +reine d'Angleterre, et la salle des pas perdus dans le salon rond des +huissiers, qui lui fait suite, et qui se trouve à droite du vestibule +transformé en prétoire.</p> + + <p>Reste le logement du maréchal Bazaine, qui a été extrait la semaine +dernière de la maison de l'avenue de Picardie, où il était détenu depuis +le 14 mai 1872, époque à laquelle il s'y était constitué prisonnier. Le +maréchal a été logé dans l'annexe du château, donnant sur +Trianon-sous-Bois. C'est dans l'angle de cette annexe que se trouve sa +chambre, dont les fenêtres ouvrent sur le parc. Cette chambre, dont nous +donnons une vue dessinée sur place, est carrée et revêtue d'une boiserie +peinte en blanc. Le mobilier est des plus modestes. Il se compose d'un +lit en acajou plaqué, sans rideaux, d'une armoire placée à la tête du +lit, d'une toilette-commode posée entre les deux fenêtres, de quelques +chaises d'un âge mûr et d'un guéridon. Une petite pendule en marbre +posée sur la cheminée, ainsi que deux chandeliers et deux candélabres à +deux branches, complètent l'ameublement.</p> + + <p>Deux pièces font suite à cette chambre et sont occupées par les +officiers supérieurs chargés de veiller sur la personne du maréchal, qui +à Trianon-sous-Bois, comme dans la maison de l'avenue de Picardie, est +gardé par un piquet de cinquante hommes de ligne, ayant un poste à +proximité de la chambre du prisonnier.</p> + + <p>Quant au service du conseil de guerre, au Grand-Trianon, il est fait par +la gendarmerie mobile.</p> + + <p>L. G.</p> + + <h4>Victor-Emmanuel à Vienne</h4> + + <h4>PROMENADE SUR LE LAC DE LAXENBURG</h4> + + <p>Parmi les sites curieux et intéressants qui entourent Vienne, au moins +sur la droite du Danube, il faut signaler tout particulièrement le bourg +et le château de Laxenburg, une des résidences d'été de la cour +d'Autriche, dont Schœnbrünn, est comme on sait, durant la belle saison, +la résidence favorite.</p> + + <p>Laxenburg est situé à seize kilomètres au sud de Vienne. On s'y rend de +cette ville par le chemin de fer de Trieste, que l'on quitte à Mœdling +pour prendre l'embranchement qui conduit au bourg. Laxenburg doit sa +réputation comme son origine à son château, ou plutôt à ses châteaux, +car il en possède deux en un; le premier datant de la fin du XIVe siècle +et rappelant les temps de l'ancienne chevalerie; le second, bâti par +Marie-Thérèse, et auquel on a donné le nom qu'il ne justifie pas tout à +fait de château des Caprices, que mériterait mieux le magnifique parc +qui l'entoure.</p> + + <p>En effet, on marche dans ce parc de surprise en surprise. Les accidents +de terrain, les constructions de toutes sortes, temples, maisons +rustiques, cabinets de verdure, pavillons; les cascades, les statues, +les pièces d'eau, les rochers y ont été prodigués. On y trouve jusqu'à +un monument funèbre, la <i>Rittergruft</i>, ou tombe du chevalier, où l'on +voit des tableaux de Lucas Cranach et des peintures sur verre tirées de +l'église de Steyer.</p> + + <p>Parmi les pièces d'eau, la plus remarquable est un lac semé de plusieurs +îles, entre autres l'île Marianne, sur laquelle on a construit un +élégant Lusthaus; et parmi les constructions, on admire surtout une +forteresse moyen âge, le <i>Franzensburg</i>, dont on a fait un musée +d'antiquités. Cette forteresse est entièrement entourée d'eau. Un bateau +y stationne, à la disposition des visiteurs, qui peuvent moyennant dix +kreutzers y prendre place.</p> + + <p>Durant son séjour à Vienne, le roi Victor-Emmanuel ne pouvait manquer de +venir visiter le château et le parc de Laxenburg. Il s'y est rendu dans +l'après-midi du 20 septembre, de Schœnbrünn, avec l'empereur +François-Joseph, et s'y est promené avec lui sur le grand lac, tandis +qu'une foule de canots montés par des curieux circulaient autour de la +barque impériale et qu'une musique établie d'avance dans l'île Marianne +faisait retentir l'air de ses morceaux les plus brillants. Cette +promenade fait le sujet du dessin que nous publions dans ce numéro.</p> + + <p>En se rendant à Laxenburg, le roi d'Italie s'était arrêté à Mœdling qui +est, comme je l'ai dit, la tête de l'embranchement qui conduit à la +résidence impériale. Il voulait voir la magnifique vallée de la Brühl et +ses curiosités, entre autres le <i>Husaren-tempel</i>, élevé par le prince de +Liechtenstein à la mémoire des hussards qui l'avaient sauvé à la +bataille d'Aspern; les ruines du château de Mœdling et le vieux château +Liechtenstein.</p> + + <p>L. G.</p> + + <h4>Prix et envois de Rome</h4> + + <p>Les règlements de l'Académie de France imposent aux pensionnaires un +certain nombre d'obligations, au nombre desquelles la plus importante +consiste dans l'envoi annuel d'un ou de plusieurs ouvrages de peinture, +de sculpture, de gravure ou d'architecture. Une exposition solennelle de +tous ces ouvrages a lieu d'abord sous les portiques de la villa Médici, +où toute la Rome artiste vient pendant quelques jours étudier les +travaux de nos jeunes compatriotes; ils sont ensuite envoyés à Paris, et +exposés publiquement, dans les salles de l'École des beaux-arts; un +heureux usage veut qu'on joigne à cette exposition les œuvres qui +viennent de remporter les grands prix aux concours de l'année.</p> + + <p>Des retards survenus dans l'expédition des caisses qui contenaient les +envois de 1873, ont obligé l'administration de l'École des beaux-arts à +ajourner l'ouverture de l'exposition jusqu'au moment où la fin des +vacances aurait ramené à Paris maîtres et élèves, un peu dispersés +depuis deux mois, et ce n'est guère que dans le courant de la semaine +prochaine que le public sera admis à juger des progrès de nos +pensionnaires.</p> + + <p>On retrouvera, entre autres morceaux intéressants, le beau tableau de M. +Morot, qui vient de remporter le grand prix de peinture, et dont +l'<i>Illustration</i> donne aujourd'hui une reproduction; nous croyons aussi +pouvoir signaler à l'avance, en nous reportant aux souvenirs que nous a +laissés l'exposition de la villa Médici, l'envoi de M. Blanchard <i>Hylas +et les Nymphes</i>, celui de M. Toudouze, <i>Eros et Aphrodite</i>, et de M. +Merson, une curieuse esquisse peinte, <i>Saint François et le loup +d'Aggubbio</i>; parmi les sculpteurs, le groupe de M. Noël, <i>Roméo et +Juliette</i>, la <i>Tentation d'Ève</i>, de M. Allais, un bas-relief de M. +Marqueste, <i>Jacob et l'Ange</i>, et enfin le magnifique groupe de M. +Mercié, reproduit ci-contre, intitulé <i>Gloria victis</i>, œuvre +patriotique, digne de la réputation et des succès de l'auteur du +<i>David.</i></p> + + <h4>L'évasion</h4> + + <p>Ils avaient été faits prisonniers à Sedan.</p> + + <p>La capitulation du 2 septembre leur avait ouvert les portes de cet enfer +anticipé, la presqu'île d'Iges, où les avait parqués un impitoyable +ennemi. Là , comme leurs nombreux compagnons d'infortune, ils avaient +supporté la faim, la soif, le froid, toutes les misères, à peine vêtus, +couchant dans la boue, la pluie sur le dos, dévorés par la fièvre.</p> + + <p>Des tortures non moins grandes les attendaient en Allemagne.</p> + + <p>Enfermés dans une forteresse des bords du Rhin, peu nourris, +déguenillés, logés dans d'immondes casemates, accablés des pires +traitements, ils n'eurent bientôt plus qu'une pensée: s'évader. S'évader +ou mourir. Mais que leur importait! La mort, ne la voyaient-ils pas +chaque jour approcher d'un pas lent mais sûr? Mieux encore valait-il la +braver, immédiate, foudroyante. C'était au moins une chance de lui +échapper. Ils risquèrent l'évasion. Par la ville, il n'y fallait pas +songer; trop bonne garde était faite de ce côté. Mais le fleuve était +là , baignant de ses flots le pied moussu de leur prison. Ayant longtemps +mûri leur projet, ils croyaient avoir pris toutes leurs précautions. +Furent-ils trahis, ou la fortune les abandonna-t-elle à la dernière +minute? Qui pourrait le dire? Ce qu'il y a de certain c'est qu'au moment +où, suspendus dans le vide au bout d'une corde, ils allaient atteindre +le fleuve, une barque apparut, montée par des soldats, ils étaient +découverts; étaient-ils perdus? C'était vraisemblable. Toutefois, ils +n'hésitèrent pas. Ils lâchèrent la corde et le fleuve les engloutit. Ils +espéraient encore pouvoir se dissimuler, gagner furtivement la terre et +s'échapper. Un d'eux y réussit, et, à travers mille dangers, parvint à +rentrer en France. L'autre fut pris, malgré ses efforts, et, dans un +précédent numéro, nous avons dit sa fin.</p> + + <p>Fusillé, il le fut, et bien d'autres après lui, pour le même crime. +Autant de Français de moins, quelle joie pour nos féroces vainqueurs! +Aussi, par le fer ou par la faim, que de prisonniers ils firent périr! +C'est par dizaines de mille qu'on les compte, tant il est vrai que, même +après la victoire, les Prussiens, comme l'a dit M. Delaunay, +continuèrent à combattre et à détruire des hommes désarmés, vaincus, +dignes de respect, si quelque chose eût pu inspirer le respect aux +bandits qui, à la face du monde civilisé, en profanant le nom de Dieu, +avaient prémédité et tentèrent d'accomplir l'assassinat d'une nation +généreuse, jadis leur ennemie loyale et chevaleresque, naguère leur +bienfaitrice, la patronne de leurs lettrés, de leurs artistes, de leurs +trafiquants.</p> + + <p>L. C.</p> + + <h4>Nuka-Hiva</h4> + + <p>Taïohaé occupe le centre d'une baie profonde, encaissée dans de hautes +et abruptes montagnes aux formes capricieusement tourmentées; une +épaisse verdure est jetée sur tout ce pays comme un manteau splendide; +c'est dans toute l'île un même fouillis d'arbres, d'essences utiles ou +précieuses; et des milliers de cocotiers, haut perchés sur leurs tiges +flexibles, balancent perpétuellement leurs têtes au-dessus de ces +forêts.</p> + + <p>Les cases sont peu nombreuses dans la capitale, et passablement +disséminées le long de l'avenue ombragée qui suit les contours de la +plage.</p> + + <p>Derrière cette route charmante, mais unique, quelques sentiers boisés +conduisent à la montagne; l'intérieur de l'île, cependant, est tellement +enchevêtré de forêts et de rochers, que rarement on va voir ce qui s'y +passe,--et les communications entre les différentes baies se font par +mer, dans les embarcations des indigènes.</p> + + <p>C'est dans la montagne que sont perchés les vieux cimetières kanaques, +objet d'effroi pour les Indiens, et résidence des terribles +Toupapahous...</p> + + <p>Il y a peu de passants dans la rue de Taïohaé; les agitations +incessantes de notre existence européenne sont tout à fait inconnues à +Nuka-Hiva. Les indigènes passent une partie du jour accroupis devant +leurs cases, dans une immobilité de sphinx.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>NUKA-HIVA.--Le chef de la baie de Thehetchagor.</b></p> + + <p>Les années s'écoulent pour eux dans une oisiveté complète et une +rêvasserie perpétuelle,--et ces grands enfants ne se doutent pas que +dans notre belle France, tant de pauvres gens s'épuisent à gagner le +pain du jour. Les forêts de Nuka-Hiva produisent d'elles-mêmes tout ce +qu'il faut pour nourrir toutes ces créatures insouciantes; le fruit de +l'arbre à pain et les bananes sauvages croissent pour tout le monde et +suffisent à chacun.</p> + + <p>Si de temps à autre, quelques Kanaques s'en vont encore pêcher par +gourmandise, la plupart préfèrent ne pas se donner cette peine.</p> + + <p>La popoï, un de leurs mets raffinés, est un barbare mélange de fruits, +de poissons et de crabes fermentés en terre. Le fumet de cet aliment est +inqualifiable.</p> + + <p>L'anthropophagie, qui règne encore dans une île voisine, Hivaoa (ou la +Dominique), est oubliée à Nuka-Hiva depuis plusieurs années. Les efforts +des missionnaires ont amené cette heureuse modification des coutumes +nationales; à tout autre point de vue cependant, le christianisme +superficiel des indigènes est resté sans action sur leur manière de +vivre, et la dissolution de leurs mœurs dépasse toute idée.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>NUKA-HIVA.--La rivière de Thehetchagor.</b></p> + + <p>Le caractère des Nuka-Hiviens est un peu celui des petits enfants; ils +sont capricieux, fantasques, boudeurs tout à coup sans motif. Le +sentiment contemplatif est extraordinairement développé chez eux; ils +sont sensibles aux aspects gais ou tristes de la nature, accessibles à +toutes les rêveries de l'imagination.</p> + + <p>La solitude des forêts, les ténèbres, les épouvantent, et ils les +peuplent sans cesse de fantômes et d'esprits.</p> + + <p>Les bains nocturnes sont en honneur à Taïohaé; au clair de lune des +bandes de jeunes filles s'en vont, dans les bois, se plonger dans des +bassins naturels d'une délicieuse fraîcheur. C'est alors que ce simple +mot: Toupapahou! jeté au milieu des baigneuses, les met en fuite comme +des folles.</p> + + <p>Toupapahou est le nom de ces fantômes tatoués qui sont la terreur de +tous les Polynésiens. Mot effrayant en lui-même, et intraduisible...</p> + + <p>On trouve encore entre les mains des indigènes plusieurs images de leur +ancien dieu.</p> + + <p>Ce dieu est un personnage à figure hideuse, semblable à un jeune embryon +humain.</p> + + <p>La reine a quatre de ces horreurs sculptées sur le manche de son +éventail.</p> + + <p>On n'entend aucun chant d'oiseaux dans les bois de Nuka-Hiva; les +oreilles des Kanaques ignorent cette musique naïve qui, dans d'autres +climats, remplit les bois de gaieté et de vie. Sous cette ombre épaisse, +dans les lianes et les grandes fougères, rien ne vole, rien ne bouge; +c'est toujours ce même silence étrange qui semble s'être communiqué à +l'imagination mélancolique des naturels.</p> + + <p>On voit planer seulement dans les gorges, à d'effrayantes hauteurs, le +phaéton, un petit oiseau blanc qui porte à la queue une longue plume +blanche ou rose.</p> + + <p>Les chefs attachent à leurs coiffures une touffe de ces plumes; aussi +leur faut-il beaucoup de temps et de persévérance pour composer cet +ornement aristocratique.</p> + + <p><span class="sc">Julien V....</span></p> + + <br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.--Vue d'une des quatre<br> +façades de l'Exposition de MM. Christofle et Cie (côté sud).</b> + <h4>Exposition de Vienne</h4> + + <h4>ORFÈVRERIE, CLOISONNÉS, BRONZES INCRUSTÉS.</h4> + + <p>Il était fort à craindre qu'au lendemain des épreuves qu'elle venait de +traverser, la France ne fût peu en état de figurer dignement dans la +grande solennité industrielle et artistique de Vienne. Cette +appréhension que, sans pécher contre le patriotisme, certains esprits +ont pu avoir, n'a pas été justifiée par l'événement. La plupart de nos +exposants ont triomphé des obstacles qu'un bouleversement extrême dans +leur matériel, dans leur personnel, dans leurs ressources financières +avait opposés au développement ou même à la conservation de leur +renommée; ils se sont montrés à Vienne ou égaux ou supérieurs à ce +qu'ils avaient été en 1807.</p> + + <p>Au premier rang de celles de nos industries sur lesquelles les trois +dernières années ont glissé sans les atteindre, il faut placer +l'orfèvrerie, et au premier rang de nos orfèvres, MM. Christofle et Cie.</p> + + <p>Leur exposition, si variée dans la nature des produits qui la composent, +a obtenu un éclatant, un légitime succès, non-seulement auprès du public +cosmopolite, mais auprès des amateurs, des critiques, des spécialistes +et du jury international.</p> + + <p>Elle comprend, comme d'habitude, de l'orfèvrerie simplement argentée et +dorée, de l'orfèvrerie de luxe, des émaux cloisonnés, des bronzes +incrustés d'or et d'argent, de la galvanoplastie massive et en +ronde-bosse de toute grandeur, enfin des objets d'art divers.</p> + + <p>Nous n'avons pas à insister ici sur l'importance d'un établissement +célèbre dans les deux mondes. Tout le monde sait que MM. Christofle et +Cie emploient plus de quatorze cents ouvriers, en faveur de qui ils ont +créé des institutions modèles; que le chiffre de leurs affaires s'élève +à plus de 10 millions par an; que Charles Christofle a importé en France +les procédés de dorure et d'argenture électro-chimiques et a été ainsi +le créateur de l'orfèvrerie galvanique; qu'il a obtenu la grande +médaille d'honneur à l'exposition universelle de 1855 et la croix +d'officier de la légion d'honneur à la suite de celle de 1862; enfin que +M. Paul Christofle, son fils, et M. Henri Douillet, son gendre, +s'inspirant de ses traditions, ont enrichi le pays de nouveaux progrès +et en quelque sorte d'industries nouvelles.</p> + + <p>Ce qu'il importe surtout de dire, et nous regrettons vivement de ne +pouvoir le faire qu'en peu de mots, c'est que, tout en tenant le premier +rang dans l'orfèvrerie de grand luxe, ils sont aussi les premiers pour +l'orfèvrerie à bon marché, qu'ils ont popularisée; il y a plus, celle-ci +a bénéficié de leur goût pour le grand art, et la moindre pièce sortie +de chez eux est aussi remarquable de style qu'un chef-d'œuvre de dix +mille francs.</p> + + <p>En ce qui concerne leurs émaux cloisonnés et leurs incrustations sur +bronze, il est d'un intérêt essentiel de remarquer qu'ils n'ont pas +voulu imiter les procédés des Chinois et des Japonais, mais seulement +faire aussi bien qu'eux en employant les moyens que la science moderne +met à leur disposition. C'est ainsi qu'au lieu de marteler l'arabesque +d'argent dans le bronze, il l'y ont introduite à l'aide de la +galvanoplastie. Et c'est ainsi que leurs bronzes incrustés ressemblent +heureusement à ceux des Japonais, tout en gardant un caractère propre, +un certain air de nationalité: y est le sentiment décoratif oriental +allié au style français.</p> + + <p>Nous étudierons prochainement en particulier quelques-unes des pièces de +cette exposition, qui, à en juger par les comptes rendus de la presse +anglaise, a causé à nos voisins une émotion profonde, les a fait +trembler de nouveau pour le sort de leur orfèvrerie, et leur a fait +pousser un véritable cri d'alarme.</p> + + <p>F. A.</p> + + <h4>Correspondance d'Espagne</h4> + + <p>Tortosa, 27 septembre 1873.</p> + + <p>Je suis contrarié que ma lettre de la fin d'août ne vous soit pas +parvenue; mais en ce temps de chemins de fer coupés et de bandes de +partisans sillonnant la montagne, il n'y a pas lieu d'en être beaucoup +surpris.</p> + + <p>Cette lettre contenait un croquis de l'affaire de Tortella, qui a eu +deux phases distinctes et complètement différentes. Dans la première, +les carlistes ont remporté un facile triomphe, qu'ils ont payé dans la +seconde par une déroute complète. A tout hasard, je reconstitue mon +croquis, et je vous l'envoie. Ce sera, si vous l'utilisez, de l'histoire +rétrospective, et elle a bien son intérêt.</p> + + <p>Tortella est un village de Catalogne, situé dans la province de Gerona.</p> + + <p>Mon croquis vous le peindra mieux que ne le saurait faire ma plume. Il +faut connaître la montagne et l'avoir parcourue pour s'imaginer quelque +chose de semblable. Figurez-vous des maisons accrochées et comme +suspendues en l'air, et, pour les mettre en communication, des chemins +coupés d'escaliers, ressemblant à des échelles; au milieu de tout cela, +une petite église au clocher pointu, se détachant gris sur la roche +grise, voilà le tableau, tel est Tortella, que Tristany, à la tête de +quinze cents carlistes et de trois canons, cernait et attaquait avec +fureur le 22 août. Non que la place eut la moindre importance; c'était +simple affaire de réquisition, en passant. Il faut bien vivre.</p> + + <p>Les habitants, comme ceux de tous les villages de la montagne, se +sentant à la merci des bandes qui battent le pays, auraient volontiers +cédé; mais il se trouvait en ce moment à Tortella quelques volontaires +républicains qui ne le leur permirent pas. De là la colère des +carlistes, qui se mirent aussitôt à canonner ce malheureux village, dont +un certain nombre de maisons ne tardèrent pas à prendre feu. Ils +l'enlevèrent naturellement, mais tous leurs efforts vinrent se briser +devant la résistance des volontaires, qui avaient fait de l'église une +citadelle et avaient couvert ses abords de barricades.</p> + + <p>Mieux encore, ils avaient trouvé moyen d'envoyer, avant l'attaque, un +des leurs prévenir à Figueras de ce qui se passait à Tortella. Leur +courageuse résistance était donc soutenue par l'espérance d'un prompt +secours. Et, en effet, ils furent secourus. Au moment où les carlistes, +maîtres du village, s'y attendaient le moins et faisaient main basse sur +tout ce qui était à leur convenance, le colonel Udueta, parti de +Figueras avec trois colonnes, survint, les cerna, les surprit et leur +fit subir une complète déroute. Affolés, ils s'éparpillèrent comme ils +purent, et s'enfuirent dans la direction de San Lorenzo de la Maga, +bourg situé au milieu de montagnes formidables. Ils avaient perdu 200 +hommes, tant tués que blessés, et Tristany comptait au nombre de ces +derniers. La perte des républicains s'est élevée à 61 hommes, dont 11 +morts.</p> + + <p>Je vous disais que Tristany a été blessé. Le bruit court ici qu'il a +quitté l'armée carliste, ainsi que Muret, et qu'un caprice de don Carlos +a privé Saballs de son commandement. Je ne sais ce qu'il y a de vrai +dans ces racontars; ce qu'il y a de certain, c'est que depuis l'affaire +de Tolosa, un certain désarroi semble exister dans le camp carliste. +L'arrivée du général Moriones à Tolosa et le ravitaillement de Berga, à +la suite du combat heureux de Gironella, a dû y mettre le comble. Est-ce +le commencement de la fin?</p> + + <p>X...</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/009a.png"><br><b>ÉVÉNEMENTS D'ESPAGNE.--Entrée des Carlistes à Tortella.</b></p> + + <br><br> + + <h3>RÉBUS</h3> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/009b.png"><br></p> +<br> + <p class="mid">EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</p> + + <p class="mid">La politesse d'à présent ne vaut pas celle d'autrefois.</p> + + + + +<br><br> +</div> + +<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 47414 ***</div> +</body> +</html> + + diff --git a/47414/47414-h/images/001.png b/47414-h/images/001.png Binary files differindex 01140ec..01140ec 100644 --- a/47414/47414-h/images/001.png +++ b/47414-h/images/001.png diff --git a/47414/47414-h/images/001a.png b/47414-h/images/001a.png Binary files differindex 5f78725..5f78725 100644 --- a/47414/47414-h/images/001a.png +++ b/47414-h/images/001a.png diff --git a/47414/47414-h/images/002.png b/47414-h/images/002.png Binary files differindex e458ce0..e458ce0 100644 --- a/47414/47414-h/images/002.png +++ b/47414-h/images/002.png diff --git a/47414/47414-h/images/003.png b/47414-h/images/003.png Binary files differindex 0fd883c..0fd883c 100644 --- a/47414/47414-h/images/003.png +++ b/47414-h/images/003.png diff --git a/47414/47414-h/images/004.png b/47414-h/images/004.png Binary files differindex a90a274..a90a274 100644 --- a/47414/47414-h/images/004.png +++ b/47414-h/images/004.png diff --git a/47414/47414-h/images/005.png b/47414-h/images/005.png Binary files differindex be1dcaa..be1dcaa 100644 --- a/47414/47414-h/images/005.png +++ b/47414-h/images/005.png diff --git a/47414/47414-h/images/006.png b/47414-h/images/006.png Binary files differindex 3883adb..3883adb 100644 --- a/47414/47414-h/images/006.png +++ b/47414-h/images/006.png diff --git a/47414/47414-h/images/007a.png b/47414-h/images/007a.png Binary files differindex ffac857..ffac857 100644 --- a/47414/47414-h/images/007a.png +++ b/47414-h/images/007a.png diff --git a/47414/47414-h/images/007b.png b/47414-h/images/007b.png Binary files differindex b1db6c1..b1db6c1 100644 --- a/47414/47414-h/images/007b.png +++ b/47414-h/images/007b.png diff --git a/47414/47414-h/images/008.png b/47414-h/images/008.png Binary files differindex 15ad7f9..15ad7f9 100644 --- a/47414/47414-h/images/008.png +++ b/47414-h/images/008.png diff --git a/47414/47414-h/images/009a.png b/47414-h/images/009a.png Binary files differindex 8a4a2da..8a4a2da 100644 --- a/47414/47414-h/images/009a.png +++ b/47414-h/images/009a.png diff --git a/47414/47414-h/images/009b.png b/47414-h/images/009b.png Binary files differindex 9eccbe8..9eccbe8 100644 --- a/47414/47414-h/images/009b.png +++ b/47414-h/images/009b.png diff --git a/47414/47414-h/images/cover.jpg b/47414-h/images/cover.jpg Binary files differindex ab44f23..ab44f23 100644 --- a/47414/47414-h/images/cover.jpg +++ b/47414-h/images/cover.jpg diff --git a/47414/47414-8.txt b/47414/47414-8.txt deleted file mode 100644 index a01f2a8..0000000 --- a/47414/47414-8.txt +++ /dev/null @@ -1,2118 +0,0 @@ -Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1597, 4 octobre 1873, by Various
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-
-Title: L'Illustration, No. 1597, 4 octobre 1873
-
-Author: Various
-
-Release Date: November 21, 2014 [EBook #47414]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1597, 4 ***
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-
-Produced by Rénald Lévesque
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-L'ILLUSTRATION
-JOURNAL UNIVERSEL
-
-31e Année.--VOL. LXII.--N° 1597
-SAMEDI 4 OCTOBRE 1873
-
-[Illustration.]
-
-Prix du numéro: 75 centimes
-La collection mensuelle, 3 fr.; le vol. semestriel,
-broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
-
-Abonnements
-Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois,
-18 fr.;--un an, 36 fr.; Étranger, le port en sus.
-
-Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur le magnifique _Supplément_
-qui accompagne le présent numéro. Notre VUE PANORAMIQUE DE METZ ET DE
-SES ENVIRONS permettra de suivre, pour ainsi dire comme sur le terrain
-même, toutes les opérations stratégiques dont l'examen va se poursuivre
-devant le conseil de guerre chargé de juger le maréchal Bazaine.--Nous
-avons tenu à publier dès la veille de l'ouverture des débats cet
-important document, qui donnera une idée de la manière dont
-l'_Illustration_ enregistrera toutes les péripéties de ce procès
-mémorable.
-
-[Illustration: LA CHAMBRE DU MARÉCHAL BAZAINE, A TRIANON.]
-
-
-
-SOMMAIRE
-
-_Texte_: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
-Audebrand.--Un drame dans le désert.--Les Théâtres.--L'esprit de Parti
-(suite).--Nos gravures.--Bulletin bibliographique.
-
-_Gravures_: La chambre du maréchal Bazaine, à Trianon.--Bazaine.--Voyage
-de Victor-Emmanuel en Allemagne: promenade de Leurs Majestés le roi
-d'Italie et l'empereur d'Autriche sur le lac de Laxenburg.--Exposition
-des prix et envois de Rome à l'École des Beaux-Arts (2 gravures),--Vue
-panoramique de Metz.--Souvenirs de captivité: l'évasion.--Nuka-Hiva: le
-chef de la baie de Thehetchagor;--La rivière, de la baie de
-Thehetchagor.--Exposition universelle de Vienne: vue des quatre façades
-de l'exposition de MM. Christofle et Comp. (côté sud).--Evénements
-d'Espagne: entrée des carlistes à Tortella.--Rébus.
-
-
-
-HISTOIRE DE LA SEMAINE
-
-
-FRANCE
-
-Ou est toujours sans renseignements précis sur l'état des négociations
-fusionnistes. La mission de MM. de Suguy et Merveilleux-Duvignaux à
-Froshdorf ne paraît pas avoir eu tous les résultats que la dépêche du
-_Times_, mentionnée dans notre dernier bulletin, pouvait lui faire
-attribuer, ou du moins rien de positif n'a transpiré sur les résolutions
-prises par le comité légitimiste dont font partie les deux honorables
-députés.
-
-Plusieurs journaux bien placés pour être exactement renseignés assurent
-même que MM. de Suguy et Duvignaux n'avaient reçu aucune délégation et
-n'étaient porteurs d'aucun programme, qu'ils n'ont été faire à Froshdorf
-qu'un échange d'impressions et d'opinions. Faut-il attribuer toute cette
-obscurité à un parti pris de discrétion jusqu'au jour décisif de
-l'action ou bien à un embarras inavoué venant de ce qu'en réalité les
-difficultés pendantes ne sont pas encore résolues? En attendant
-l'explication de ce mystère, un journal de Montpellier, l'_Union
-nationale_, a livré à la publicité une lettre écrite par M. le comte de
-Chambord à M. le vicomte de Rodez-Bénévent, député de l'Hérault, et qui
-est ainsi conçue:
-
-«Froshdorf, le 19 septembre 1873.
-
-«Le sentiment qu'on éprouve, mon cher vicomte, en lisant les détails que
-vous me donnez sur la propagande révolutionnaire dans votre province,
-est un sentiment de tristesse; on ne saurait descendre plus bas pour
-trouver des armes contre nous, et rien n'est moins digne de l'esprit
-français.
-
-«En être réduit en 1873 à évoquer le fantôme de la dîme, des droits
-féodaux, de l'intolérance religieuse, de la persécution contre nos
-frères séparés; que vous dirais-je encore? de la guerre follement
-entreprise dans des conditions impossibles, du gouvernement des prêtres,
-de la prédominance de classes privilégiées! Vous avouerez qu'on ne peut
-pas répondre sérieusement à des choses si peu sérieuses. A quels
-mensonges la mauvaise foi n'a-t-elle pas recours lorsqu'il s'agit
-d'exploiter la crédulité publique? Je sais bien qu'il n'est pas toujours
-facile, en face de ces indignes manoeuvres, de conserver son sang-froid;
-mais comptez sur le bon sens de vos intelligentes populations pour faire
-justice de pareilles sottises. Appliquez-vous surtout à faire appel au
-dévouement de tous les honnêtes gens sur le terrain de la reconstitution
-sociale. Vous savez que je ne suis point un parti, et que je ne veux pas
-revenir pour régner par un parti: j'ai besoin du concours de tous, et
-tous ont besoin de moi.
-
-«Quant à la réconciliation si loyalement accomplie dans la maison de
-France, dites à ceux qui cherchent à dénaturer ce grand acte que tout ce
-qui s'est fait le 5 août a été bien fait, dans l'unique but de rendre à
-la France son rang, et dans les plus chers intérêts de sa prospérité, de
-sa gloire et de sa grandeur.
-
-«Comptez, mon cher Rodez, sur toute ma gratitude et ma constante
-affection.
-
-«Henri.»
-
-Cette lettre ne contient, on le voit, que des réponses assez vagues aux
-griefs les plus exagérés et les moins sérieux dont les tentatives de
-restauration monarchique puissent être l'objet; elle ne contient aucune
-déclaration précise sur les véritables difficultés de la situation,
-telles que la question du drapeau et celle du pacte constitutionnel.
-Quoi qu'il en soit, il y a un curieux rapprochement à faire entre sa
-teneur et le texte du discours prononcé il y a quelques jours par M. le
-duc de Broglie au comice agricole, de Bernay: voici comment s'exprimait
-l'honorable vice-président du Conseil dans une péroraison où il
-s'attache, à son tour, à répondre aux insinuations que signale la lettre
-qu'on vient de lire:
-
-«Enfin, même à l'intérieur, et dans nos discordes civiles, le
-cultivateur français est le vrai soldat de l'ordre public. Ce modeste
-cultivateur, maître le plus souvent de son domaine restreint, ne
-reconnaissant dans l'usage de la propriété, qu'il a payée de ses sueurs,
-d'autre supérieur que Dieu et la loi, intéressé ainsi plus que personne
-au maintien de la paix sociale, en est le défenseur né et naturel.
-
-«Je n'ai pas hésité à dire, l'an dernier, dans l'occasion que je
-rappelais tout à l'heure, que, pour la bonne défense de la société
-contre les passions qui la menacent dans l'Europe entière, je préférais
-cette armée de soldats de l'ordre répandue ainsi sur tout le territoire,
-même à ces grands propriétaires, comme on en voit dans des pays voisins,
-qui, détenant le sol presque à eux seuls, demeurent isolés au milieu
-d'une multitude indifférente à la conservation de biens dont elle n'a
-pas sa part.
-
-«Ce que j'ai dit, je le répète encore; mais laissez-moi y joindre un
-avis que permettront à une vieille amitié les représentants éclairés de
-cette classe agricole qui m'entendent.
-
-«Tout cela n'est vrai qu'à une condition: c'est qu'ils sauront résister
-aux conseils perfides des factions qui s'efforcent de les alarmer sur le
-maintien de ces droits désormais acquis et inébranlables; c'est qu'ils
-ne croient pas, comme on s'efforce dans l'ombre de le leur souffler à
-l'oreille, qu'il y ait quelqu'un en France assez insensé pour rêver de
-les priver du libre usage de ces droits qu'ils tiennent du labeur de
-leurs pères et de toute la suite de notre histoire.
-
-«Cela n'est pas, cela ne sera jamais: ces chimères ridicules et ces
-craintes sans fondement ne sont pas dignes d'arrêter un instant le bon
-sens pratique et sur de nos cultivateurs normands.
-
-«Ils savent, ils sentent que l'état social de la France moderne, oeuvre
-des siècles, est aussi indestructible que les fondements du sol qui les
-porte, et qu'on ne peut pas plus s'y attaquer avec succès qu'on ne peut
-altérer la qualité de l'air que nous respirons. Aucun homme, aucun parti
-n'y pourrait songer.
-
-«C'est dans l'enceinte, si j'ose ainsi parler, dans les limites de cet
-état social, dont personne ne peut sortir, que vont se débattre toutes
-les questions politiques que nous avons à résoudre. Nos populations le
-savent, et elles attendent avec confiance, sous l'égide du loyal soldat
-qui nous gouverne, les institutions que leur donnera la décision
-souveraine de l'Assemblée nationale.»
-
-Quant à la question de savoir comment se posera devant l'Assemblée le
-projet de restauration et combien de voix il réunirait, on en est plus
-que jamais réduit aux conjectures, malgré les affirmations des
-enthousiastes, qui assurent que la majorité est sûre d'elle-même.
-L'_Indépendance belge_ publiait récemment une statistique des députés
-disposés à voter en faveur de la monarchie ou de la république et
-classait, dans ce tableau, parmi les _incertains_, M. E. Féray, député
-de Seine-et-Oise. M. E. Féray a tout aussitôt protesté avec énergie en
-déclarant que son vote restait acquis au maintien de la république
-conservatrice, comme le seul gouvernement capable, selon lui, de donner
-à la France la sécurité à l'intérieur, sans inquiéter les puissances
-étrangères. D'autre part, la communauté d'attitude entre les
-républicains et le bonapartisme, parait assurée, bien qu'elle ait failli
-être compromise par une démarche imprudente dont l'éclat à visiblement
-embarrassé les organes de ce dernier parti. Nous voulons parler de la
-lettre écrite par le prince Napoléon au rédacteur en chef d'un journal
-radical, l'_Avenir national_, en réponse à une sorte de manifeste publié
-par ce journal et tendant à réunir en un seul faisceau, sous le drapeau
-tricolore, tous les partis ayant pris leur origine dans la Révolution
-française, dans le but de s'opposer de concert aux tentatives des
-royalistes. Le manifeste concluait en offrant au prince Napoléon la
-direction de cette ligue et était suivi de l'acceptation du prince,
-formulée en ces termes:
-
-«Paris, le 26 septembre 1873.
-
-«Messieurs,
-
-«La franchise, l'imprévu de votre démarche me forcent à une réponse
-brève; elle m'est dictée par les opinions de toute ma vie.
-
-«En face de la gravité, de la publicité de votre lettre, je ne dois pas
-garder le silence.
-
-«Le devoir de tout citoyen, à l'heure grave où nous sommes, est de ne
-pas sortir de la cité en péril comme les neutres de l'antiquité. Non, je
-ne suis pas neutre et je ne déserterai pas la lutte.
-
-«Je ne puis parler qu'en mon nom; mais comment croire que ceux dont les
-coeurs vibrent au nom de Napoléon me désapprouvent!!
-
-«L'alliance de la démocratie populaire et des Napoléons a été le but que
-j'ai poursuivi dans tous les actes de ma vie politique. Soutenons notre
-drapeau en face des menaces du drapeau blanc, étranger à notre France
-moderne et que le prétendant ne saurait abandonner que par un compromis
-et un sacrifice fait aux habiles de son parti.--Que vaudrait d'ailleurs
-cette concession de la dernière heure? Le règne des Bourbons ne saurait
-être que le triomphe d'une politique réactionnaire, cléricale et
-antipopulaire. Le drapeau de la Révolution abrite seul depuis près d'un
-siècle le génie, la gloire et les douleurs de la France; c'est lui qui
-doit nous guider vers un avenir vraiment démocratique.
-
-«Entre tous les défenseurs de la souveraineté du peuple, beaucoup
-diffèrent sur les moyens de l'appliquer; mais une entente commune, à
-l'heure actuelle, sur le principe même de cette souveraineté, est
-nécessaire et patriotique. Nous tous, citoyens de la société moderne,
-nous devons chercher à établir, par le suffrage universel, la vraie
-liberté basée sur les réformes qui sont la condition du salut de la
-France.
-
-«Oui, il faut oublier les dissentiments, les attaques, les luttes, les
-souffrances réciproques, les insultes même, pour affirmer le principe de
-la souveraineté nationale, en dehors duquel il n'y a que dangers,
-discorde et nouveaux désastres. Soyons unis pour déjouer des tentatives
-funestes, et formons ainsi la Sainte-Alliance des patriotes.
-
-«Napoléon (Jérôme).»
-
-Désavoué avec énergie, dès le lendemain de sa publication, par les
-journaux républicains de toutes les nuances, le programme de l'_Avenir
-national_ n'a pas été mieux accueilli par les feuilles bonapartistes.
-Toutefois, ces dernières se sont donné le temps de la réflexion, et
-c'est le surlendemain seulement qu'elles ont déclaré que le prince
-Napoléon devait seul être rendu responsable du «très-regrettable
-scandale» causé par lui, et que si la force des circonstances obligeait
-les partisans de l'appel au peuple à se séparer de la majorité du 24
-mai, ce serait peut-être pour suivre une marche parallèle à celle des
-républicains, mais non pour conclure avec eux une alliance qu'ils
-repoussent avec horreur.
-
-
-
-COURRIER DE PARIS
-
-Théophile Gautier se plaignait de ce qu'on fabriquât trop de
-paysagistes. «Si ça continue, disait-il, on en verra autant que de
-bacheliers.» Il montrait du doigt un des travers du temps, mais sans
-espérer qu'on se corrigerait. En France, on sait tout faire, excepté un
-effort d'esprit poussant à contrecarrer la mode. Or, le vent est au
-paysage, rien qu'à ça. Le tableau d'histoire, la marine, le portrait, le
-tableau de genre, autant de spécialités qui s'envolent à tire-d'ailes.
-La chose est tellement visible qu'elle n'aurait pas besoin de
-démonstration.
-
-Pour aider encore à ce mouvement, Troyon, avant de mourir, où sa vieille
-bonne femme de mère, depuis sa mort, je ne sais lequel, a songé à
-laisser par testament un prix de douze cents francs pour un concours
-annuel, une manière d'élever des paysagistes à la brochette. Aux termes
-de l'acte, les concurrents doivent être âgés de moins de trente ans.
-Excellente clause. Prenez-les au moment où ils viennent de rompre leurs
-lisières; qu'ils soient donc jeunes le plus possible, ce sera pour le
-mieux. Il n'y a rien de tel que des yeux de vingt ans pour étudier la
-nature dans l'éclosion de son éternelle jeunesse. Mais pourquoi avoir
-voulu que le programme du concours fût expressément réglé par
-l'Institut. Est-ce que l'Institut voit clair?
-
-«Un étang, dans une vallée boisée, après l'orage. Animaux au choix.» Tel
-est le programme Troyon pour 1873. Ces drôles de maîtres du quai Gonti
-ont voulu mettre de tout dans cette petite affaire; c'est une malignité
-de vieillards. Un bouquet d'arbres et un ciel du matin ou du soir
-auraient suffi. Non, il a fallu une espèce d'assiette assortie, une
-mosaïque des champs, une julienne. Mais ils ont été compris tout de
-même. Vingt-neuf élèves ont donc envoyé au palais des Beaux-Arts chacun
-un étang, une vallée, un bois et un orage. Ceux-là ont ajouté des
-moutons, ceux-là des boeufs couchés dans l'herbe. Une chose étonne,
-c'est qu'il n'y en ait eu que vingt-neuf et pas cent et même cent
-cinquante.
-
-Il va sans dire que plus d'une de ces pages donne des promesses de
-talent. Toutefois disons que la formule de l'Institut: _Animaux au
-choix_, a quelque peu égaré l'imagination des concurrents. Ainsi il en
-est un que je ne veux pas indiquer autrement qui, s'étant proposé de
-faire une flottille de canards barbotant dans l'eau, nous montre trois
-de ces volatiles portant des lunettes bleues. Un de nos confrères en
-chronique, se trouvant là, nous disait: «Comment ces messieurs de
-l'Institut n'ont-ils pas pris cela pour une personnalité?»
-
-Samedi dernier, à l'hôtel des Commissaires-Priseurs, on a mis en vente
-ce qui restait du mobilier d'Henri Rochefort. Si effacée que soit
-aujourd'hui la personnalité naguère encore si bruyante de l'auteur de la
-_Lanterne_, on se rappelle pourtant qu'il a été un des plus intrépides
-amateurs du bric-à-brac. Tout l'or qui sortait de son écritoire s'en
-allait en fantaisies d'art ou en antiquailles. C'est ce qui explique
-comment il ne lui est presque rien resté des grosses sommes que lui a
-rapportées le débit de son pamphlet. Le triste drame de la Commune fini
-de la manière que vous savez, lui parti pour Nouméa, il a fallu se
-défaire des bibelots que cet autre Masaniello avait accumulés chez lui.
-Une première journée, tambourinée avec soin à travers la ville, suivant
-l'usage, a amené les acheteurs par centaines. Pour la vente de samedi,
-ça été autre chose. On n'avait fait la dépense d'aucune affiche. C'était
-tout ce qu'il vous plaira d'imaginer d'étouffé: une vente à huis clos ou
-encore un feu d'artifice tiré au fond d'une cave.
-
-Il en est résulté qu'il ne se trouvait devant le bâton du
-commissaire-priseur que peu d'acheteurs, des pingres, un groupe de ces
-Auvergnats aux doigts crochus qui font métier de s'enrichir avec les
-épaves du monde élégant ou des artistes. Ils étaient donc là une
-trentaine au plus, hommes et femmes, tous crasseux, tous pelotonnés près
-du butin. Pendant la vente, ils échangeaient entre eux l'argot de la rue
-de Lappe, une grammaire qui sent les vieux chiffons et la vieille
-ferraille. En fin de compte, ils se sont partagé à vil prix ce restant
-du luxe d'un jour, car, il faut le répéter, par suite du silence des
-affiches ou parce que le vrai monde de la rue Drouot est encore hors des
-murs, on ne voyait par là pas un seul amateur.
-
-Les amis d'Henri Rochefort lui connaissaient une terre cuite d'un style
-fort original, le _Don Quichotte_ de Lepère. Ce morceau a été adjugé 63
-francs. Tout près de cette figurine, on voyait un chef-d'oeuvre en
-bronze, une _Diane de Poitiers_, de Pradier, étude historique qui vaudra
-100,000 francs dans vingt ans. Adjugée pour 62 francs, la _Diane_ de
-Pradier!
-
---Choichante-deux francs, cha n'est pas trop cher_, disait l'acquéreur
-avec un gros rire, _mais par chuite de la guerre, on a doublé les
-droits, chongez-y!_
-
-Est venu le tour d'une jolie commode Louis XV, vrai meuble de petite
-maîtresse ou de gommeuse à la mode, si vous voulez. En raison de sa
-naissance et de ses fréquentations, Henri Rochefort avait des goûts
-d'aristocrate. Ces hommes et ces femmes de la Charabie pétrée qui
-guettaient leur proie aimaient bien mieux pousser les enchères pour la
-commode que pour les statuettes. Le meuble a fait 300 francs. Il valait
-mille francs, au bas mot, vu les jours de rigidité Spartiate où nous
-sommes; en d'autres temps, quinze cents francs ne l'eussent pas payé
-trop cher.
-
-La même observation peut être faite pour un bahut en bois de rose, 200
-francs, d'abord; puis pour quatre chaises en tapisserie ancienne et pour
-un fauteuil, 288 francs.--Ce fauteuil, nos gracieux Auvergnats
-l'essayaient; ils s'asseyaient entre ses bras les uns après les autres;
-ils le touchaient; ils avaient l'air de l'ausculter.--Ce lot, à une
-époque, avait coûté douze cents francs.--Tout cela n'était encore qu'une
-sorte de préface. Ce qui passait pour avoir le plus de prix, c'était le
-lit du transporté, une merveille, en effet. Ce lit, en bois de fer,
-style François 1er, et qui avait coûté deux mille francs, n'a pu se
-vendre que 461 francs, et 500 francs avec les rideaux de soie rouge.
-Bref, le produit n'a pas dépassé la somme de cinq mille francs. Bonne
-journée pour les Auvergnats.
-
-Une lettre encadrée de noir nous a appris, il y a quelques jours, la
-mort fort inattendue d'une jeune personne de vingt ans; Mlle Stéphanie
-Proudhon a succombé, à Passy, à une maladie de poitrine. Trois cents
-amis du publiciste ont entouré ce cercueil, le jour des obsèques, et
-j'ai eu le regret très-vif de ne pouvoir me mêler à eux.--P. L. Proudhon
-a eu quatre filles; trois ont cessé de vivre. Une seule demeure,
-très-vive, à la vérité, ayant toutes les apparences de la santé. J'ai
-nommé Mlle Catherine Proudhon, celle qui, étant enfant, servait déjà de
-secrétaire intime à son père.
-
-Peut-être se rappelle-t-on que, pendant la maladie qui l'a emporté,
-Sainte-Beuve a préparé un volume, très-remarquable, sur le brillant et
-terrible auteur des _Confessions d'un Révolutionnaire_. Pour faire un
-pendant à ces révélations sur son père, Mlle Catherine Proudhon, aidée
-de sa mère et de quelques amis, rassemble à grand'peine les lettres si
-nombreuses et si originales qui composeront la Correspondance de
-l'ancien imprimeur de Besançon. Nul ne se sera autant prodigué que cet
-homme dont on a tant parlé et qu'on connaît si peu. J'ai voulu donner
-moi-même une preuve de sa facilité à écrire des lettres en publiant une
-petite plaquette sous ce titre: _P. J. Proudhon et l'Écuyère de
-l'Hippodrome_. Il existe assurément, à travers le monde, mille ou douze
-cents lettres de cet écrivain, toujours clair comme Voltaire, toujours
-paradoxal comme Denis Diderot, toujours instructif comme H. de Balzac.
-
-Parmi ceux auxquels P. J. Proudhon a le plus écrit, on cite plus d'un
-personnage. Il y a d'abord eu Napoléon III, à qui l'auteur de _La
-Révolution démontrée par le 2 décembre_ a dû s'adresser deux fois pour
-faire lever la prohibition qui pesait sur son livre. Il a aussi écrit
-plusieurs fois au prince Napoléon Jérôme. Les intimes tels que MM.
-Darimon, Charles-Edmond, Georges Duchêne et le colonel Langlois ont, de
-même que les frères Garnier, de quoi faire un volume; le pauvre Gustave
-Chaudey, le même qui a été assassiné par les hommes de la Commune,
-n'avait pas moins de cent cinquante lettres. Il y en a aussi de fort
-remarquables entre les mains de M. Charles Beslay, ce vieillard,
-aujourd'hui proscrit, qui après la révolution du 18 mars, a préservé de
-l'incendie la Banque de France, ses titres et ses trésors.
-
-Les plus intéressantes, les plus familières, celles dans lesquelles le
-paysan de la Franche-Comté exprime peut-être le plus et le mieux ce
-qu'il veut dire, ont été écrites à M. Auguste-Abraham Rolland, ancien
-représentant de Saône-et-Loire, le spirituel traducteur de la
-correspondance de la princesse Palatine. Il m'a été donné de prendre
-connaissance de ces confidences; ce sont de véritables _Mémoires
-intimes_, comparables, par exemple, aux lettres de Diderot à Mlle
-Roland. Dans ces épîtres, écrites sans aucun apprêt, P. J. Proudhon fait
-défiler à peu près tous les contemporains sous ses yeux. Dieu sait tout
-ce qu'il y a de malice et de vérité dans les mille et un petits
-portraits à main courante qu'il trace là-dedans!
-
-Parmi ces lettres, il en est une, fort étendue, qui produit plus
-d'impression encore que les autres. Elle a trait à un fait qui s'est
-passé dans la famille même de l'auteur. La chose est doublement curieuse
-par les contrastes et par les rapprochements qu'elle fournit. Ce qui se
-passe en ce moment même lui donne, ce me semble, un très-grand attrait
-d'actualité. En 1850, par suite de la publication d'un article de
-journal, P. J. Proudhon était enfermé à Sainte-Pélagie. Il épousa alors
-dans sa prison Mlle Piégard, fille d'un ancien héraut d'armes de la cour
-du roi Charles X. Ce dernier, fort excellent homme, légitimiste sincère,
-mais s'occupant peu de politique, recevait une modique pension de
-l'ancienne liste civile (je parle, bien entendu, de la liste civile des
-Bourbons de la branche aînée). Un moment vint où les ressources de ce
-réservoir manquant, ce vétéran du palais des Tuileries dut avoir recours
-à la cassette du comte de Chambord pour vivre. En une telle extrémité,
-il pria son gendre de lui servir de secrétaire, et, en effet, P. J.
-Proudhon rédigea pour lui la supplique, qui fut envoyée à Froshdorf. Un
-peu plus tard, le brouillon de cette pièce, de la main de P. J.
-Proudhon, fut trouvé, et républicains et royalistes à l'envi accusèrent
-le publiciste d'entretenir des intelligences avec Henri V. C'est pour
-repousser cette supposition que le publiciste a écrit la lettre si
-éloquente à laquelle je fais allusion et dont voici un fragment:
-
-«Cher ami, mon beau-père a été, pendant quarante années, le serviteur
-des Bourbons.
-
-«Vieux, infirme, n'ayant pas de pain, il a cru devoir s'adresser au
-prince dont il a servi les aïeux. N'est-ce pas une règle d'agir ainsi?
-
-Mais, au moment de faire sa demande, le vieux Piégard a vu que sa main
-débile, presque paralysée, n'avait plus la force de tenir une plume, et
-il a naturellement demandé à moi, son gendre, de rédiger sa demande. Il
-a dicté, j'ai écrit. Il envoyait un placet au comte de Chambord.
-Ecrivant pour lui, j'ai fait le travail graphique. Voilà tout mon
-crime.»
-
-Ce n'est là, je le répète, qu'un démembrement fort décousu et incolore.
-Toute cette protestation est d'un beau mouvement et d'un grand
-style.--On espère que ce morceau et mille autres feront partie de la
-_Correspondance_ dont s'occupe la dernière des Filles de l'auteur,
-_Correspondance_ à laquelle, je le répète, le livre posthume de
-Sainte-Beuve a si bien servi de prélude.
-
-Nous sommes en pleine chasse tout le long du pays.
-
-A ce sujet, il court beaucoup de racontars.
-
-En voici un que nous avons entendu débiter par un Nemrod qui arrive de
-Normandie.
-
-Du côté de Bayeux, un villageois avait promis à son curé de lui envoyer
-un lièvre, le jour même de l'ouverture de la chasse.
-
-A une semaine de là, le bon curé rencontre le rustre:
-
---Eh bien, mon garçon, lui dit-il, et ce lièvre?
-
---Comment, moussieu le curai, est-ce que vo ne l'avais poin encore?
-
---Non.
-
---Ah! mais, je n'en reviens point.
-
---Comment cela?
-
---Pardine, aussitôt que j'l'ai vu pas bien loin de nout' farme, j'y ai
-dit: «Va-t-en vite chez moussieu l'curai.» Et i n'y a point étai,
-l'grigou? C'est point bien d'sa part, savais-vous!
-
-Le narrateur ajoutait:
-
---Le bon curé rit encore aux larmes en racontant cette pyramidale
-naïveté de son paroissien.
-
-Quant à nous, nous pensons que le narrateur et le curé sont encore bons
-enfants s'ils croient que les paysans d'aujourd'hui ont cette
-naïveté-là.
-
-Il n'y a pas eu de prix pour le concours Troyon.--Tout le monde s'y
-attendait bien.
-
-<sc>Philibert Audebrand.</sc>
-
-
-
-[Illustration: BAZAINE. D'après la photographie de M. Maunoury.]
-
-[Illustration: VOYAGE DE VICTOR-EMMANUEL EN ALLEMAGNE.--Promenade de
-Leurs Majestés le roi d'Italie et l'empereur d'Autriche sur le lac de
-Laxenburg.]
-
-
-
-UN DRAME DANS LE DÉSERT
-
-Vous ne connaissez pas l'Amérique! Voilà ce que ne cessent de nous
-répéter sur tous les tous les Américains que nous fait rencontrer le
-hasard de l'existence parisienne. Vainement prouvons-nous que nous avons
-lu avec fruit les livres de Tocqueville et d'Ampère. Le premier est
-vieux, et n'était pas absolument vrai, même quand il a paru. Quant au
-second, utile au voyageur qui veut se borner à parcourir certaines
-villes privilégiées, en formation ou en décadence, il n'apprend rien sur
-la vie générale telle qu'on la comprend et qu'on la pratique, sur les
-moeurs, le caractère, et ce qui peut constituer le présent et l'avenir
-de la sociabilité d'un peuple.
-
-On ne sort pas de là. Si vous insistez, vous ne tarderez pas à être
-écrasé sous une avalanche d'anecdotes et de faits particuliers qui
-démoliront pièce à pièce toutes les notions que vous aviez péniblement
-classées dans votre esprit. C'est ce qui m'est arrivé, et voilà pourquoi
-j'avertis le lecteur au moment de conter un drame américain.
-
-Les tribus indiennes, si bien décrites par Chateaubriand, subsistent
-encore sur quelques points de l'immense territoire que peuplent et
-civilisent les continuateurs de Washington. Mais chaque jour voit
-diminuer leur importance. De beaucoup, il ne reste plus que le nom.
-Quelques autres sont réduites à un tel petit nombre d'individus qu'ils
-ne valent même pas la peine d'être domptés. Le wisky en a eu raison bien
-mieux encore que la poudre de guerre. C'est en vain que certains chefs
-intrépides protestent contre cette destruction qui s'attaque à l'homme
-adulte et par conséquent s'oppose à la reproduction et à la propagation
-de l'espèce. Tout au plus parviennent-ils à se montrer dignes de leurs
-ancêtres et à nous faire voir ce qu'étaient les Indiens d'autrefois.
-
-Tel était Maha, un des plus illustres des Chérokées, au moment où l'on
-conçut l'idée de relier par un chemin de fer New-York à San-Francisco et
-à l'Océan Pacifique. Les exploits de guerre et de chasse de Maha étaient
-célèbres dans toutes les prairies, et on ne prononçait qu'avec respect
-le nom de l'Oiseau-Moqueur, ainsi que l'avaient surnommé ses
-compatriotes. Il ne vit pas d'un bon oeil l'entreprise nouvelle. On
-l'entendit souvent proférer des menaces contre ces empiètements qui
-venaient troubler la tranquillité des solitudes et rendre plus pénible
-encore l'existence précaire des Indiens. Quand ils n'étaient pas en
-nombre, les travailleurs étaient, souvent interrompus par une irruption
-soudaine et une attaque à main armée. On ne saura jamais le nombre exact
-de ceux qui ont payé de leur vie ce rôle de pionniers de la civilisation
-que nous admirons de loin. On a pu dire sans exagération que, dans
-certaines solitudes, chaque traverse avait été arrosée du sang d'un
-homme. La civilisation qui veut marcher à grandes guides ne s'arrête pas
-pour si peu.
-
-Maha n'en vit pas moins s'établir le chemin de fer du Pacifique, et les
-wagons roulèrent de New-York à San-Francisco, et réciproquement,
-emportant marchandises et voyageurs. Il en conçut un ressentiment
-profond. Il ne comprenait rien à cet ouragan de feu qui bravait son
-intrépidité. Mais il lui avait voué une haine farouche, une de ces
-haines de sauvage qui est à peine satisfaite par la mort. Il fallait que
-Maha eut raison de son ennemi ou qu'il périt.
-
-Il résulta de cette résolution prise, une série d'embuscades plus ou
-moins ingénieuses et des accidents de toute sorte dans le détail
-desquels nous n'entrerons point. Les déraillements ne comptent guère
-dans l'existence américaine. Toutes les routes en ce pays sc ressentent
-plus ou moins de la précipitation avec laquelle elles sont construites.
-Pourvu qu'elles conduisent au but, peu importe si elles n'offrant pas au
-voyageur toutes les garanties qu'on rencontre sur nos belles et grandes
-routes d'Europe. Sous ce rapport, le chemin du Pacifique ne pouvait
-faire exception à la règle nationale. Les accidents préparés et imaginés
-par Maha et les Peaux-Rouges qu'il commandait ne produisirent pas plus
-d'effet qu'ils n'en auraient produit dans les environs de Baltimore et
-de Boston. On fut même quelques mois à ne pas soupçonner les Indiens
-d'être pour quelque chose dans les rails coupés et les traverses
-enlevées. Quand on s'en aperçut, Maha reconnaissait déjà l'inutilité de
-ses ruses et de ses efforts et changeait de tactique.
-
-Avec la patience de l'Indien qui surveille toutes les habitudes de la
-proie qu'il guette, Maha se mit à observer la marche des trains. Il
-voulait en étudier et en surprendre le mécanisme. Car il était trop
-intelligent pour n'avoir pas compris tout de suite que le monstre de feu
-obéissait à une direction savante. Il devina le rôle important que
-jouaient le mécanicien et le chauffeur. Et dès lors son plan fut arrêté,
-un plan qui exigeait une hardiesse, une agilité, une vigueur dont les
-sauvages seuls sont capables. Mais, sous ce rapport, Maha était en
-fonds, il n'avait pas son pareil dans les Prairies de l'ouest.
-
-Il ne mit personne dans sa confidence, ni parmi les anciens de sa tribu,
-ni parmi ses jeunes compagnons d'aventures. Car il n'avait besoin
-d'aucun secours pour mener à bien l'audacieux projet qu'il avait conçu
-et profondément mûri.
-
-Par une belle journée de juin, au moment où le soleil à son zénith
-couvrait de ses feux ardents toute la plaine, Maha, que les Chérokées
-appelaient l'Oiseau-Moqueur, s'embusqua donc le long des rails, dans
-l'endroit le plus désert, et attendit le passage du train. Le souffle
-puissant de la locomotive et les sifflets stridents ne tardèrent pas à
-se faire entendre. Le convoi de San-Francisco arrivait à toute vapeur.
-Pas d'autre bruit dans l'immense solitude. Le calme universel avait une
-solennité qu'on n'oublie jamais quand on a été une fois dans sa vie
-témoin de ce spectacle grandiose. Les animaux sauvages eux-mêmes se
-reposaient dans les hautes herbes, et attendaient que le soleil eut
-tempéré ses ardeurs.
-
-Maha veillait avec confiance. Il avait examiné ses armes. Il était
-certain de tenir sa vengeance.
-
-Les premiers wagons le frôlèrent dans son embuscade. Il les laissa
-passer pour mieux calculer son élan. Puis, avec une adresse qui ne
-surprendra pas ceux qui ont étudié les sauvages et savent de quels tours
-d'agilité ils sont capables, il sauta et se maintint sur le marchepied.
-Dans les wagons, on vit passer comme un fantôme le visage richement
-tatoué du chef Chérokée qui se glissait le long du convoi et arrivait
-jusqu'à la locomotive. Seuls, le chauffeur et le mécanicien n'avaient
-rien vu et continuaient à diriger la marche de la vapeur avec une
-entière sécurité. Ils étaient en péril de mort.
-
-L'intrépide Indien a sauté sur la machine. D'un coup de tomahawk; il
-abat le chauffeur à ses pieds; d'un coup de couteau, il tue le
-mécanicien. La main vengeresse est aussi rapide que l'éclair. En un clin
-d'oeil les cadavres sont scalpés, et l'Oiseau-Moqueur s'élance et se
-tient debout sur le tender comme un triomphateur. Il tient à la main et
-brandit comme un trophée les chevelures de ses ennemis et hurle un chant
-de guerre sauvage. Tous les voyageurs ont reconnu cette voix. Dans
-toutes les veines court un frisson de terreur. Un marche à une mort
-imminente, certaine; car le train n'a pas ralenti sa vitesse. Au
-contraire, la vapeur n'étant plus contenue et dirigée déploie toute sa
-vigueur. Tant que le charbon et l'eau ne feront pas défaut, on
-poursuivra cette course vertigineuse.
-
-Les stations intermédiaires sont brûlées. Pleins d'épouvante, les
-aiguilleurs et les cantonniers voient passer ce train lancé avec une
-vitesse insensée et ce singulier mécanicien. Chacun comprend le péril et
-devine en gros ce qui est arrivé. Mais impossible de porter le moindre
-secours. Il n'y faut même pas songer. On doit rester sourd aux cris de
-détresse des voyageurs, dont les terribles lamentations réveillent tous
-les échos des solitudes. L'Oiseau-Moqueur les entend, et il jouit de son
-oeuvre. Il est heureux des larmes qu'il fait couler. Dans son coeur, il
-est le plus grand des hommes, des guerriers de sa tribu. En un seul
-jour; il a vengé les Peaux-Rouges de toutes les vexations, de toutes les
-injustices séculaires que leur font subir les Américains.
-
-Le drame cependant n'était pas fini. Si la situation était
-singulièrement aigüe, elle allait encore le devenir davantage, par la
-seule péripétie qui n'avait pu entrer dans la tête et dans les
-prévoyances de l'Oiseau-Moqueur.
-
-Comme dans tous les convois à long parcours, la société est fort mêlée
-dans les wagons. Il y avait beaucoup de femmes et d'enfants. Certains
-compartiments étaient même occupés par des familles entières. Quelles
-tendresses déchirantes furent échangées dans ces moments suprêmes, nous
-ne le dirons pas. On les devine aisément. C'est principalement devant la
-mort imminente que toutes les affections du coeur se donnent libre
-carrière, et l'homme civilisé est le même sous toutes les latitudes.
-
-Parmi les passagers se trouvait un officier de la marine des États-Unis,
-M. Henry Pierre, qui voyageait avec sa femme et ses deux jeunes enfants.
-Ce groupe se faisait remarquer entre tous. On n'y entendait ni cris
-déchirants ni malédictions. Mais les yeux laissaient échapper des larmes
-silencieuses, et les mains restaient étroitement unies. Ensemble on
-avait vécu; on avait été heureux, ensemble on voulait mourir. L'homme et
-la femme n'avaient pas d'autre pensée. Quant aux enfants, jamais ils
-n'avaient paru plus beaux, plus affectionnés à leurs parents. C'était,
-réellement une famille modèle, et comme on en voit rarement en Amérique.
-
-Le marin cependant, habitué aux luttes des grandes navigations,
-cherchait dans sa tête un moyen de sortir du péril. Une étreinte plus
-expressive à la main de sa femme indiqua qu'il avait trouvé. Avec une
-résolution formidable, il prit un solide poignard dans son bagage
-portatif, déposa un long baiser sur le front de chacun des êtres adorés,
-et ouvrit la portière du wagon.
-
-Sur le marchepied, il envoya un dernier regard à sa femme et à ses
-enfants.
-
---C'est pour eux! dit-il simplement.
-
-Et on le vit se glisser le long du train jusqu'à la machine. Les cris et
-les lamentations avaient soudainement cessé. On avait compris qu'un
-secours inespéré arrivait, qu'un homme se dévouait pour tenter le salut
-de tous. Seul, sur le tender, le grand chef Chérokée n'avait pas
-interrompu son chant de triomphe. Il agitait toujours les scalp du
-chauffeur et du mécanicien.
-
-Henry Pierce, son poignard à la main, a sauté sur la machine. L'Indien
-l'aperçoit. Devant ce nouvel ennemi, il pousse son cri de guerre et
-brandit son tomahawk. Ce n'est plus une surprise; c'est un combat corps
-à corps qui s'engage, et la robuste vigueur et l'agilité de l'Américain
-sont de taille à se mesurer avec celles de l'Indien. Tous les voyageurs,
-penchés aux portières, essayent, de voir, et leur anxiété est facile à
-comprendre. Dans les périls extrêmes, on s'accroche avec l'énergie du
-désespoir à tout ce qui peut paraître une branche de salut.
-
-L'étroit espace sur lequel se livrait la bataille n'était cependant pas
-aussi favorable à l'Américain qu'à l'Oiseau-Moqueur. Les pieds du marin
-avaient rencontré les cadavres du chauffeur et du mécanicien et
-glissaient dans le sang. Avec son poignard, il ne pouvait atteindre son
-ennemi que de très-près. L'Indien au contraire avait conservé tous ses
-avantages, et son tomahawk s'abattit sur Pierce, qui tomba grièvement
-blessé. En un clin d'oeil, l'Oiseau-Moqueur le scalpa, et une troisième
-chevelure vint s'ajouter à celles qu'il agitait en poussant des cris
-féroces de triomphe. Pour l'Indien, l'ennemi abattu était un ennemi
-mort.
-
-Il n'en était point ainsi de Pierce, heureusement. Malgré ses blessures
-il vivait encore, et malgré d'atroces souffrances il conservait une
-indomptable énergie. Pendant que l'Indien exhalait en vociférations
-sauvages le délire de sa joie, le marin rassembla les forces qui lui
-restaient, se releva brusquement, bondit, et plongea son couteau dans la
-poitrine de l'Oiseau-Moqueur. Il le retourna même dans la plaie pour que
-la blessure fût bien mortelle. Le cadavre du chef Chérokée tomba sur la
-voie.
-
-La mort de Maha n'était que le commencement de la délivrance. Le danger
-était loin d'avoir disparu. Car le train filait toujours avec une
-vitesse infernale. Aucun homme n'avait eu le courage d'imiter l'exemple
-donné par Henry Pierce et de s'aventurer le long du convoi jusqu'à la
-machine, il s'en fallut donc de bien peu que tout ce beau dévouement ne
-fût complètement inutile. Avec une énergie qu'on ne saurait assez
-admirer, Henry Pierce se traîna péniblement jusqu'à la manivelle et
-renversa la vapeur.
-
-Il était à bout de forces. A son tour il tomba sur les cadavres du
-chauffeur et du mécanicien. Mais le train s'arrêta. La femme et les
-enfants du brave officier de marine étaient sauvés. Les autres voyageurs
-bénéficièrent du sauvetage par surcroît.
-
-Seulement on les vit accourir avec empressement dès que toute espèce de
-danger eut disparu, dès qu'on put descendre des wagons avec sécurité.
-Ceux qui avaient montre l'égoïsme le plus couard ne furent pas les moins
-prompts à vouloir porter des secours; il y en eut même qui avouèrent
-qu'ils se hâtaient pour bien savoir ce qui s'était passé et connaître
-tous les détails du drame.
-
-Le brave Henry Pierce respirait encore; mais il n'en valait guère mieux.
-C'était un homme voué à une mort certaine. Aucun secours, aucun prodige
-de la thérapeutique n'aurait pu détourner ce dénouement fatal. Une
-consolation suprême était pourtant réservée au grand coeur qui battait
-dans cette poitrine affreusement mutilée. Pierce entendit et reconnut la
-voix de ceux qu'il aimait. Il sentit leurs douces étreintes encore une
-fois. Il put prendre et garder dans les siennes la main de sa femme, la
-main de ses jeunes enfants. La douleur de cette famille était d'autant
-plus navrante à voir qu'elle ne se trahissait pas au dehors par des cris
-et des manifestations bruyantes. La mère et les enfants semblaient
-craindre, par l'explosion de leurs sentiments intimes, de troubler les
-derniers moments de celui qu'ils allaient perdre. Eux seuls étaient les
-victimes vivantes de cette catastrophe qui a laissé une trace profonde
-dans les annales du chemin de fer du Pacifique. Et eux seuls se
-montrèrent dignes de cet homme courageux qui s'était volontairement
-sacrifié pour le salut de tous. Henry Pierce expira deux heures après
-l'arrêt du train.
-
-Ces événements s'accomplissaient l'été dernier. Aujourd'hui c'est à
-peine si, dans le vaste désert du territoire indien, on peut indiquer
-avec précision le théâtre du drame.
-
-<sc>Georges Bell.</sc>
-
-
-
-LES THÉÂTRES
-
-
-Théâtre de la Porte-Saint-Martin.--Marie Tudor.
-
-Il existe au musée de Madrid un admirable portrait de Marie Tudor, par
-Antonio Moro. Sous le bonnet, ou plutôt sous le chapeau de velours noir
-relevé sur les tempes s'encadre la figure amaigrie de la reine, avec les
-lèvres fines, les yeux ardents sous la paupière rougie, les pommettes
-saillantes, le teint pâle de l'hydropisie, et toute la sévérité de
-l'ascétisme religieux. Elle se détache froide, terrible de son cadre,
-cette figure de Marie la Sanguinaire, _the bloody Mary_, comme elle se
-détache de l'histoire, au milieu de ses persécutions religieuses, dans
-ce fanatisme qui effraya Philippe II lui-même, son royal époux.
-
-Pourtant c'est à cette reine, vivant d'une sorte d'exaltation pieuse
-dans un Escurial anglais, qu'il a plu à l'auteur de donner un amant. A
-son aise. Il me semble pourtant que s'il convient au poète de rompre en
-visière avec toutes les idées reçues, il faut au moins que son oeuvre
-s'empare des esprits par sa puissance, de telle sorte qu'on lui fasse
-crédit de ses erreurs et qu'il ne vienne pas en pensée de les relever.
-Eh bien! Marie Tudor est à coup sûr un des drames les moins heureux du
-poète. Je ne m'inquiète pas de sa portée politique, je ne me demande pas
-où tendent ces visées de l'auteur, qui de parti-pris traîne une reine
-devant le mépris public, en lui faisant proclamer impudemment devant une
-cour Fabiano Fabiani pour son amant, qui prend toute l'Angleterre à
-témoin de cette honte, en lui demandant de s'associer à sa vengeance.
-Qu'importe que reine elle se déshonore publiquement, que femme elle
-livre à tous l'aveu de ses lâchetés, que chrétienne elle se parjure, la
-main étendue sur la couronne royale et sur les saints évangiles, qu'elle
-mente aux serments faits à la mémoire de son père; c'est une tête
-couronnée qu'on jette au mépris de la foule, comme le poète lui a jeté
-et Charles-Quint, et François Ier, et Louis XIII, et Richelieu, c'est un
-système, je n'ai pas à m'en préoccuper. L'affaire est entre le public et
-Victor Hugo. Moyennant quelques galanteries du poète à son peuple, ils
-s'entendront bien ensemble. Mais ce qui est plus important pour moi,
-simple spectateur d'une action dramatique, c'est que la pièce ne
-m'intéresse pas.
-
-Chose étrange! Le drame est rempli de terreurs par les nuits sombres aux
-bords de la Tamise, par les colères terribles d'une reine, par la
-présence du bourreau, par l'appareil funèbre des chapelles ardentes, des
-tentures des tombeaux; il est assombri par les coups de canon, éclairé
-par l'incendie des villes, et pourtant l'âme reste froide devant cet
-immense déploiement de terreurs. Elle voit passer ce spectacle sans
-s'émouvoir, sans se passionner. Une curiosité pourtant s'empare de vous
-au milieu de tout ce récit lugubre: Comment ce puissant esprit
-viendra-t-il à bout d'une telle oeuvre! car Victor Hugo est un maître
-par la force et par l'audace; comment s'achèvera un tel édifice?
-L'esprit est donc en éveil; quant à l'âme, je le répète, elle est bien à
-son aise; cela ne la regarde pas. La raison en est simple: c'est que
-Victor Hugo est théâtral et n'est pas dramatique. Il y a un grand
-souffle dans le poète qui anime de sa puissante parole une action mise
-en scène, qui agite au gré de son lyrisme tous les personnages; toujours
-brillant, toujours sonore, avec l'appareil extérieur du génie.
-Shakespeare si vous voulez, mais sans passions, le Shakespeare de la
-phrase.
-
-J'écoutais l'autre soir cette Marie Tudor; un acte tout entier se passe
-à mettre en dehors la violence de la reine. Un homme aimé l'a trahie, sa
-vengeance sera terrible. Il lui faut le grand jour pour l'éclairer, la
-multitude pour témoin, il lui faut la menace à pleins poumons, l'insulte
-sans réserve, l'insulte jusqu'à la grossièreté, le reproche avec tous
-les mépris, l'humiliation, l'abaissement de l'amant, dût la dignité de
-la reine tomber avec la tête du favori: «Tu te dis allié à la famille
-espagnole de Pénalvar, mais ce n'est pas vrai, tu n'es qu'un mauvais
-Italien, rien! moins que rien! fils d'un chaussetier du village de
-Larino!--Oui, messieurs, fils d'un chaussetier! Je le savais et je ne le
-disais pas, et je le cachais, et je faisais semblant de croire cet homme
-quand il me parlait de sa noblesse!» Ce n'est pas assez de toutes ces
-invectives, il faut que cet homme tombe à genoux devant tous, qu'on le
-déshonore aux pieds du trône, que la reine le voie face à face avec le
-bourreau. Et quand l'effet de cet acte sera perdu par son exagération
-même, la reine se reprendra d'amour pour Fabiano Fabiani. C'est le coeur
-de la femme. Racine l'avait dit tout entier dans un seul vers
-d'_Hermione_:
-
-«S'il ne meurt aujourd'hui, je puis l'aimer demain.»
-
-Mais Victor Hugo n'a pas le génie sobre et puissant de Racine, il se
-perd dans la déclamation, il frappe fort, il ne frappe pas juste, si
-bien que ce personnage de _Marie Tudor_, renouvelé d'_Hermione_, nous
-laisse absolument froids, par cela seul qu'en l'exagérant le poète l'a
-rendu faux dans le vrai.
-
-Voilà pourquoi ce drame de _Marie Tudor_ a eu si peu de succès à son
-début et pourquoi le public d'aujourd'hui ne me semble pas disposé à
-casser le jugement du passé. A défaut de Marie Tudor, les personnages
-qui gravitent autour de la reine ont-ils du moins un intérêt? Aucun, ce
-n'est pas à coup sûr Fabiano Fabiani qui m'attache. Ce que la reine en
-dit me dégoûterait complètement de ce gentilhomme, fils d'un chaussetier
-du village de Larino. Jane est une fille perdue que son repentir et son
-amour tardif pour Gilbert ne rachète guère; quant à Gilbert, cet homme
-qui ment pour la reine quand elle en a besoin, le droit de sa vengeance
-ne le justifie pas de toutes ces lâchetés. Tout cela compose donc un
-ensemble de gredins peu sympathiques, et je ne m'étonne donc plus de
-l'accueil que le public fit, il y a quelque quarante ans, à _Marie
-Tudor._
-
-La pièce devait être merveilleusement jouée en cette année 1833, où elle
-parut pour la première fois. Je vois sur la liste des acteurs les noms
-de Mlle Georges, de Lockroy, de Chilly, de Provost. Il y a là de grands
-souvenirs; mais il ne faut pas que ce passé nous rende injustes, et j'ai
-applaudi pour ma part, et très-chaleureusement, aux interprètes
-d'aujourd'hui. J'ai trouvé dans Mme Marie Laurent une voix pleine de
-passion et d'éclat, une grande puissance dramatique. Elle a eu des
-accents véritablement beaux. Simon Renard est fort bien joué par
-Taillade. Dumaine rend en acteur intelligent le rôle de Gilbert. Mlle
-Dica Petit a eu le plus chaleureux succès dans la dernière scène du
-quatrième acte, et Frederick Lemaitre a joué le personnage du juif avec
-cette perfection qui caractérise ce maître comédien. La voix s'est
-affaiblie, c'est vrai; l'âge, le grand âge est venu, mais le talent est
-toujours là. Comme cela est dit, phrasé, mis en scène, et quels accents
-encore dans cette voix qui s'éteint!
-
-Le théâtre des Variétés a pris _la Vie parisienne_ au répertoire du
-Palais-Royal. Il m'a semblé que le public trouvait quelques rides à
-cette gaieté qui nous fit si gais il y a quelques années. Vraiment, il
-fallait s'y attendre. Si la pièce a vieilli c'est que nous avons vieilli
-nous-mêmes; ce n'est pas à nous qu'il faut demander notre opinion sur
-elle, nous serions injustes, c'est à la génération qui a pris nos
-stalles au théâtre. Elle s'amuse encore de ce qui nous amusait. Tout est
-bien; et voilà _la Vie parisienne_ lancée comme autrefois dans un succès
-rajeuni.
-
-<sc>M. Savigny.</sc>
-
-
-Fureur: _Lèvres de Feu!!_ valse; _Peau de satin_, polka de Klein.
-
-
-
-L'ESPRIT DE PARTI
-
-
-LE CHARIVARI
-
-_Caricature_ fondée par Ch. Philippon en 1830, obtenait, depuis deux
-ans, un immense succès. N'était-ce pas, au reste, le premier mariage
-célébré, dans le journalisme, entre la plume et le crayon!--Aussi les
-quatre pages de la petite feuille hebdomadaire ne suffirent bientôt plus
-à repaître les curiosités nouvelles qu'elle avait éveillées. De là, dans
-l'esprit de Ch. Philippon, l'idée d'une seconde «Caricature»,--mais
-quotidienne, celle-là,--sous ce titre: _le Charivari._
-
-Lisez le prospectus. C'est une franche déclaration de guerre au pouvoir:
-«... La lutte sera loyale toujours, et si nos coups sont vifs,
-instantanés comme le fait qui les aura provoqués, peut-être nous
-sera-t-il possible d'en proportionner la rudesse au plus ou moins de
-gravité des circonstances; comme encore de les porter moins acérés, par
-cela même qu'ils seront plus pressés. On peut frapper moins fort quand
-on frappe sans cesse....»
-
-Le premier numéro porte la date du 1er décembre 1832. Or c'est bien le
-moins que nous saluions, au passage, le berceau d'un confrère qui,
-malgré ses perpétuelles campagnes et ses innombrables blessures,
-accomplit actuellement, et d'une façon si gaillarde, sa
-quarante-et-unième année.--Notre cadre, par malheur, nous interdit la
-moindre monographie: une fortune pour un libraire intelligent! C'est
-pourquoi nous ne dirons rien de ces fameux dessins qui se vantaient si
-fièrement de tout dire: «... Nous délions tous les arrêts, nous délions
-toutes les cours et nous échapperions à toutes les lois, si nous en
-étions réduits à redouter d'injustes condamnations, et à éluder des lois
-antilibérales. Le crayon, qui est notre plume, à nous, sait rendre
-toutes nos pensées et tout est de son domaine... (Nº du 27 mars 1833).»
-Nous ne nous arrêterons pas davantage à ces articles de fond où les
-trois hommes d'État tympanisaient l'Ordre-de-chose avec une verve chaque
-jour plus féconde, plus implacable et plus âcre.
-
-Notre lot est le simple droit de fourrage dans cette partie humoristique
-qui semble,--sous la rubrique de _Carillons_,--une pépinière de
-«légendes pour dessins» non utilisées et à l'état de rudiment.
-Collection que, de nos jours encore, les Hippolyte Briollet et les Paul
-Girard, ont continuée, sous l'habile direction de M. P. Véron, avec
-moins d'audace peut-être, mais autant d'esprit que leurs devanciers.
-
-1832
-
-Le ministère a beau se démener; il ne peut obtenir un mouvement de
-hausse. La baisse fait des progrès à mesure que la majorité se dessine.
-C'est que la Bourse a peur du _Thiers_ consolidé.
-
-La France nouvelle prétend que l'impression du discours du trône a été
-généralement bonne. Le pays n'a pourtant vu jusqu'ici que de tristes
-épreuves.
-
-Un journal ministériel nous dit que M. Thiers a un grand fonds
-d'éloquence; malheureusement M. le ministre de l'intérieur est forcé,
-par état, de tenir ses fonds secrets.
-
-Entre le coup d'État populaire du 29 juillet et le coup d'État
-monarchique du 7 juin, il y a cette différence que le premier fut une
-cause sans effet, tandis que le second fut un effet sans cause.
-
-Il ne faut pas s'étonner que ces messieurs soient parvenus à soustraire
-l'état de siège au verdict du pays. Ces messieurs ont toujours été
-très-forts sur la soustraction.
-
-Une arme à feu! quel moyen absurde pour abattre une _poire_! Aussi la
-gaule réclame.
-
-Le _Journal de Paris_ prétend qu'en juin les insurgés voulaient frapper
-le juste-milieu _au coeur_. En ce cas, on a bien raison de dire qu'ils
-tentaient l'impossible.
-
-On dit que la nouvelle chambre a un écho. Ce n'est assurément pas dans
-le public.
-
-Que de gens peuvent dire, comme le Christ:--«Je porte ma croix,
-Seigneur, sans l'avoir méritée!»
-
-On a remarqué avec surprise que le projet de loi sur l'état de Siège, se
-termine par le protocole ordinaire: Donné, etc.--Joli cadeau qu'on nous
-fait là!
-
-<sc>Jules Rohaut.</sc>
-
-(_A suivre._)
-
-
-
-EXPOSITION DES PRIX ET ENVOIS DE ROME A L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.
-
-[Illustration: Les juifs pleurant leur captivité à Babylone.--Tableau de
-M. Morot, premier grand prix de peinture.]
-
-[Illustration: Gloria victis.--_Sculpture._--Envoi de M. Mercié]
-
-
-SUPPLÉMENT AU NUMÉRO 1597 du 4 OCTOBRE 1873
-PROCÈS DU MARÉCHAL
-
-
-[Illustration: VUE PANORAMIQUE DE METZ ET DES ENVIRONS POUR SUIVRE LA
-CAMPAGNE DE 1870-1871.]
-
-
-[Illustration: SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ.--L'évasion.]
-
-
-
-NOS GRAVURES
-
-
-Le maréchal Bazaine
-
-L'_Illustration_ publie aujourd'hui un beau portrait du maréchal
-Bazaine. A cette occasion, on m'a demandé une notice sur le haut
-dignitaire de l'armée française, dont le monde entier s'est tant occupé
-depuis trois ans, et qui va très-prochainement être appelé devant un
-conseil de guerre pour y rendre compte de sa conduite, du 12 août au 28
-octobre 1870, période pendant laquelle il a exercé le commandement en
-chef de la vaillante et malheureuse armée du Rhin.
-
-La tâche qui m'incombe n'est pas facile pour un ancien officier qui a
-servi sous les ordres et très-près du maréchal, dont la situation
-actuelle d'accusé commande impérieusement la plus scrupuleuse
-impartialité. Pour ne pas manquer au respect dû au malheur, même quand
-il est mérité, il me faut refouler au plus profond de mon coeur la
-sympathie que peut m'inspirer le glorieux soldat d'Afrique, d'Espagne,
-de Crimée, d'Italie et du Mexique, le héros de maint combat, le
-vainqueur de Kinburn, du fort San-Xavier, de San-Lorenzo et d'Oajaca,
-ainsi que le sentiment en sens contraire que j'ai pu éprouver en
-étudiant avec un soin minutieux les terribles événements qui se sont
-accomplis autour de Metz, entre la bataille de Spickere et la
-capitulation du grand boulevard de la France.
-
-Si le maréchal Bazaine a réellement commis les crimes dont l'accusent
-ses adversaires, on doit reconnaître que le masque de son visage est
-bien trompeur, car il est difficile de trouver une figure respirant plus
-de bonhomie. Avec ses cheveux coupés court, son impériale et sa
-moustache sans prétention, ses rudiments de favoris, ses bonnes grosses
-joues, son teint clair, ses yeux gris et vifs, son regard franc, son
-sourire plein de bienveillance, le maréchal a plutôt l'air d'un gros
-négociant, ex-officier supérieur de la garde nationale sédentaire que
-d'un vieux militaire qui compte autant de campagnes que d'années de
-service. On eût dit qu'il cherchait à exagérer encore l'apparence
-débonnaire que lui donnait sa forte carrure et sa vigoureuse charpente à
-demi-noyée sous un léger embonpoint, indice d'une belle santé, en
-s'habillant sans prétention et tout à fait bourgeoisement. Loin de se
-coiffer en casseur d'assiettes, l'ancien général en chef du Mexique
-affectionne les coiffures trop larges: képis et chapeaux lui tombent sur
-les oreilles sans incliner jamais ni à droite ni à gauche, et son corps
-trapu sans obésité paraît se complaire dans de vastes tuniques, des
-vestons courts ou des redingotes à la propriétaire.
-
-Ennemi du faste, peu soucieux du confortable, d'un abord facile et d'une
-grande bienveillance, naturelle qui n'a d'égale que sa prodigieuse
-bravoure, Bazaine a été un des officiers les plus estimés et les plus
-populaires de l'armée jusqu'au 5 septembre 1864, date de son élévation à
-la dignité de maréchal. Relativement jeune, il n'avait que
-cinquante-neuf ans en 1870, d'une constitution athlétique qu'aucune
-émotion, aucune fatigue n'a encore pu entamer, le maréchal inspirait
-encore une grande confiance lorsque, le 12 août, la pression de
-l'opinion publique obligea l'Empereur à se dessaisir en sa faveur du
-commandement suprême de l'armée la plus belle et la plus nombreuse que
-la France ait possédée depuis la funeste campagne de 1812. Par son
-origine plébéienne ou bourgeoise, il flattait les instincts
-démocratiques, très-enracinés dans l'immense majorité de l'armée
-française, et le soldat était satisfait d'être commandé par un homme
-sorti du rang, et qui avait, comme lui, sérieusement porté le sac.
-
-Quelle qu'ait été la conduite du commandant en chef de l'armée du Rhin,
-la notice biographique qui va suivre prouvera qu'il avait bien gagné ses
-grades, et que les personnes qui ont contribué à lui faire acquérir
-honneurs et dignités ne sauraient être accusées d'avoir soutenu un homme
-sans valeur et sans services. Arrivé au faîte, il a succombé sous le
-poids d'une responsabilité écrasante; le même accident s'est reproduit
-pour d'autres généraux en chef dont le public n'était pas moins entiché.
-Tout cela prouve qu'il est difficile, sinon impossible, de discerner à
-l'avance les officiers capables de commander en chef; et, à mon avis,
-les généraux français qui ont été battus dans la dernière guerre sont
-surtout les victimes d'une éducation militaire incomplète ou mal dirigée
-et les boucs émissaires des fautes ou des défaillances de la France tout
-entière. N'osant assumer en masse la responsabilité de leurs revers, les
-Français commettent en ce moment la faute, impardonnable de personnifier
-leurs désastres dans quelques généraux; je ne m'aventurerai pas à dire
-que ce soit là un symptôme de décadence; mais ce n'est pas davantage un
-signe de grandeur et encore moins de générosité.
-
-Sauf de légères variantes, toutes nos armées ont ou allaient éprouver un
-sort identique. Les armées de Metz, de Sedan, de Paris et de l'Est ont
-été anéanties, enlevées ou réduites à l'impuissance; les armées du Nord
-et de la Loire, après les défaites de Saint-Quentin et du Mans, auraient
-eu la même fin, si l'armistice n'était heureusement survenu. Notre
-devoir est de faire notre examen de conscience, et je doute que les deux
-juges du conseil qui ont capitulé à Paris et celui qui a été battu à
-Arthenay ne soient pas disposés à l'indulgence envers un frère d'armes
-malheureux.
-
- *
- * *
-
-La famille du maréchal Bazaine appartient à ce qu'on appelle la haute
-bourgeoisie. Son père, ingénieur distingué, a rempli pendant de longues
-années les fonctions de directeur-général des ponts-et-chaussées de
-l'empire russe, avec rang de lieutenant-général; son frère, sorti de
-l'École polytechnique, compte depuis longtemps parmi nos ingénieurs et
-constructeurs de chemin de fer les plus remarquables; enfin sa soeur a
-épousé le célèbre ingénieur Clapeyron. Bazaine (François-Achille), né à
-Versailles le 18 février 1811, suivait les cours de la Faculté de droit
-de Paris en 1831, époque à laquelle la France était menacée d'une
-coalition européenne, quand il s'engagea comme simple soldat au 37e de
-ligne. La campagne d'Anvers ayant été suivie d'un désarmement général,
-le sergent Bazaine, désireux de faire campagne, obtint de passer avec
-son grade à la légion étrangère, alors en voie d'organisation et qui ne
-pouvait, conformément aux termes formels de la loi du 9 mars 1831, «être
-employée que hors du territoire continental du royaume». Rappelons que
-cette prescription avait surtout pour but d'empêcher le rétablissement
-de la garde suisse.
-
-Aussitôt organisée, la légion étrangère passa en Algérie. En novembre.
-1833, à l'âge de vingt-deux ans, Bazaine reçut l'épaulette de
-sous-lieutenant, et vingt mois après, il était fait chevalier de la
-Légion d'honneur à la suite du glorieux, mais malheureux combat de la
-Maeta, livré le 28 juin 1835, par le générai Trézel aux contingents
-arabes réunis dans la province d'Oran sous le commandement de l'émir
-Abd-el-Kader. Quelques semaines plus tard, le roi Louis-Philippe mit la
-légion étrangère au service de la régente Christine, mère de la reine
-Isabelle II; Bazaine suivit son corps en Espagne, où il conquit
-rapidement les grades au titre espagnol de capitaine et de chef de
-bataillon.
-
-A Pons, en Catalogue, avec sa seule compagnie, il lutta pendant trois
-jours consécutifs contre une colonne de quinze cents carlistes, et
-parvint à leur échapper par une marche de nuit des plus audacieuses,
-après avoir surpris leurs postes avancés. Sa bravoure et son
-intelligence l'avaient signalé à l'attention de l'habile et intrépide
-Conrad, colonel d'état-major français et commandant en chef la légion
-étrangère, avec le titre de brigadier. Bazaine fut désigné pour remplir
-les fonctions de chef d'état-major; il assista en cette qualité aux
-sanglantes batailles de Huesca, en Aragon, et de Tolosa, en Catalogne.
-Après la mort du glorieux brigadier Conrad, il sut diriger avec talent
-et sang-froid une retraite difficile devant un ennemi victorieux et
-entreprenant.
-
-Rentré en France en juillet 1838, Bazaine fut nommé, l'année suivante,
-capitaine au titre français et compris, en 1840, dans la formation des
-dix bataillons de chasseurs à pied réunis à Saint-Omer, sous le
-commandement du duc d'Orléans qui leur donna son nom. Le capitaine
-Bazaine, très-adroit à tous les exercices du corps, obtint le prix de
-tir décerné aux officiers par le prince royal.
-
-A la levée du camp, son bataillon fut dirigé sur l'Algérie, où il
-devint, en 1844, chef de bataillon et chef des affaires arabes de la
-subdivision de Tlemcen. Toujours en route, il prit part à de nombreuses
-expéditions pendant lesquelles il se signala par des coups de main
-remarquables, surtout lors de la terrible insurrection de 1845, célèbre
-par le massacre de Sidi-Brahim, où le lieutenant-colonel de Montagnac et
-le commandant de chasseurs à pied Froment-Coste périrent avec presque
-tous leurs soldats. Bazaine reçut la croix d'officier pour sa belle
-conduite au combat de Sidi-Haffis. Plus lard, en 1847, il contribua
-efficacement à la reddition d'Abd-el-Kader.
-
-Après la révolution de février, le commandant Bazaine était promu
-lieutenant-colonel et directeur des affaires arabes de la province
-d'Oran; en 1850, il était déjà colonel du 55e de ligne, et l'année
-suivante il rentrait dans son corps de prédilection comme colonel du 1er
-régiment étranger, investi en même temps du commandement de la
-subdivision de Sidi-bel-Abbès, commandement dans lequel il se distingua
-par une administration sage et féconde en résultats.
-
-En 1854, la brigade de la légion étrangère fut envoyée à Gallipoli où
-son chef, le général Carbuccia, fut de suite enlevé par le choléra, en
-même temps que son collègue, le général duc d'Elchingen. Le colonel
-Bazaine le remplaça dans ce beau commandement et fut embarqué pour la
-Crimée, avec ses deux régiments, peu de temps après la bataille de
-l'Alma. Toute l'armée sait la part brillante que prit la brigade
-étrangère aux combats devant Sébastopol où, de même que les 35e et 42e
-de ligne pendant le siège de Paris, elle fit le fond de toutes les
-attaques exécutées à la gauche de la place. Son jeune général se
-distingua tout particulièrement le 2 mai, à l'enlèvement de l'ouvrage
-dit du Cimetière; son collègue de la Motterouge, partagea avec lui les
-honneurs de cette glorieuse et sanglante nuit.
-
-Le 10 septembre 1855, le surlendemain de la prise de Sébastopol, le
-maréchal Pélissier confiait à Bazaine le commandement supérieur de la
-forteresse russe, et le 14 du même mois les étoiles de divisionnaire
-venaient le récompenser de sa belle conduite pendant ce siège de onze
-mois. Pélissier, très-difficile, dans le choix de ses lieutenants, avait
-la plus grande estime pour les talents militaires du nouveau général de
-division, et en donna une preuve éclatante en lui confiant, le 7
-octobre, le commandement en chef de l'expédition de Kinburn, fort situé
-dans le _liman_ du Dniéper, sur les communications de l'armée russe avec
-Nikolaïeff. (On donne le nom de _liman_ aux lagunes de la mer Noire.)
-
-Le corps expéditionnaire se composait d'une brigade française de 4,000
-hommes, commandés par le général de Wimpffen, et de 4,200 Anglais sous
-les ordres du généra! Spencer. Le 14, les flottes combinées parurent
-devant la forteresse; le 17 octobre, Bazaine ouvrait la tranchée et
-s'emparait de Kinburn après un bombardement de cinq heures exécuté
-simultanément par les batteries de terre et celles des vaisseaux. En
-récompense de ce beau fait d'armes, l'empereur lui envoya la croix de
-commandeur.
-
-En 1859, on retrouve Bazaine à l'armée d'Italie, où il commandait la
-troisième division du premier corps, Baraguey d'Hilliers. Le 8 juin, il
-gagne la plaque de grand officier au sanglant combat de Melegnano, et se
-distingue encore le 24 juin à l'attaque du cimetière et de la tour de
-Solférino. Après cette dernière bataille, Bazaine était un homme posé,
-le chef de l'État n'attendait plus qu'une occasion pour lui confier un
-commandement en chef.
-
-En 1862, quand le premier échec éprouvé par le général de Lorencez, sous
-les murs de Puebla, décida l'empereur à envoyer une véritable armée dans
-ce pays lointain, il jeta les yeux sur les deux divisionnaires désignés
-pour le maréchalat. Korey gagna son bâton avec la prise de cette ville,
-prise à laquelle Bazaine contribua puissamment, d'abord en enlevant le
-Pénitencier ou fort San-Xavier, puis en remportant, avec 1,800 hommes,
-la brillante victoire de San-Lorenzo, sur l'armée de secours commandée
-par l'ex-président, Comonfort, et forte de plus de 10,000 combattants.
-Il fut nommé grand'croix à cette occasion.
-
-Peu de temps après, Bazaine succédait à Forey dans le commandement en
-chef et, le 5 septembre 1804, il était élevé à la dignité de maréchal de
-France. Trois mois auparavant, l'empereur Maximilien était venu prendre
-possession du trône mexicain. Ses rapports avec Bazaine manquèrent
-toujours de cordialité, on eût dit que chacun de ces deux grands
-personnages se refusât à faire les premières avances.
-
-A partir de cette époque, on peut dire que la belle réputation du soldat
-parvenu à sa suprême dignité militaire a été en déclinant. Au
-commencement de 1865, il eut encore l'occasion de faire preuve de coup
-d'oeil et de résolution en enlevant, dans la forte ville d'Oajaca, toute
-l'armée de Porfirio Diaz. Mais ce fut la fin; après avoir étendu son
-action sur une surface deux fois plus grande que la France, l'armée fut
-rappelée et son commandant en chef eut alors le tort grave de tolérer à
-ses côtés un simple général de brigade, M. de Castelnau, aide de camp de
-l'empereur en mission, dont la singulière attitude était celle d'un
-homme qui a le droit de contrôle sur les actes de son supérieur.
-
-À sa rentrée en France, on lui fit un sanglant affront en défendant au
-préfet maritime de Toulon de lui rendre les honneurs dus aux grands
-dignitaires de l'armée. Dès ce jour, l'opposition eut l'oeil sur un
-homme qu'elle considérait comme un mécontent.
-
-Cette disgrâce éclatante dura deux ans, puis on donna à Bazaine le grand
-commandement de Nancy. En 1809, il commandait la première série du camp
-de Châlons lorsque l'empereur s'y rendit avec le maréchal Niel. Que se
-passa-t-il?
-
-Ce qu'il y a de certain c'est que Napoléon III rendit à Bazaine toute sa
-faveur, lui promit la succession du maréchal Régnault d'Angely à la
-garde impériale, et que l'impératrice Eugénie reçut avec distinction la
-belle et séduisante madame Bazaine, qu'elle avait jusqu'alors tenue à
-l'écart. Un brillant punch fut organisé à l'instigation de l'empereur
-par le général Forey, et les journaux officieux furent invités à se
-montrer favorables à l'ancien commandant en chef du corps
-expéditionnaire du Mexique.
-
-En 1870, quinze mois à peine après cette quasi réhabilitation, nous
-avons eu à quelques jours d'intervalle le glorieux Bazaine et le traître
-Bazaine. Nous croyons qu'il ne méritait ni cet excès d'honneur ni cette
-indignité. Comme l'a si justement dit le général Changarnier à la
-tribune de l'Assemblée nationale: le commandement en chef d'une armée de
-170,000 hommes était trop lourd pour Bazaine; son intelligence, pourtant
-très-nette s'est obscurcie en présence de l'écrasante responsabilité qui
-lui incombait. Le 12 août 1870, il héritait d'une situation presque
-désespérée; il n'a pas eu le courage d'en envisager les difficultés en
-face, il a tenté de les tourner, comme aujourd'hui encore il n'ose pas
-attaquer le taureau par les cornes.
-
-Après le 4 septembre, quand Bazaine eut reçu communication de la liste
-des gouvernants de l'Hôtel-de-Ville, il comprit que jamais le haut
-état-major de son année n'accepterait la domination de ces hommes sans
-mandat et sans consistance. De plus, il pensait avec tous les militaires
-que Paris ne tiendrait pas huit jours et que la paix serait signée avant
-la fin du mois. Son unique préoccupation fut alors de conserver intacte
-la seule véritable armée qui restât debout après la catastrophe de
-Sedan. Son tort est d'avoir échoué dans son entreprise et peut-être
-employé des moyens peu corrects pour la faire réussir. C'est ce que le
-conseil de guerre nous apprendra sous peu.
-
-En tout cas, je suis convaincu que telle était la pensée du commandant
-en chef de l'année de Metz, et cette pensée, il ferait bien de
-l'exprimer franchement devant ses juges. Cela vaudrait mieux que
-d'épiloguer sur des dépêches et des protocoles. Pour terminer cette
-notice, j'émettrai humblement cet avis que, si le maréchal Bazaine est
-coupable du crime dont on l'accuse, il compte à coup sur de nombreux et
-illustres coopérateurs.
-
-<sc>A. Wachter.</sc>
-
-
-La chambre du maréchal Bazaine, à Trianon.
-
-Nous n'avons pas à apprendre à nos lecteurs que le procès du maréchal
-Bazaine va se dérouler dans le vestibule de ce château qui fut si cher
-au roi Louis-Philippe, le Grand-Trianon. Déjà toutes les dispositions
-sont prises en conséquence, et le grand vestibule a été aménagé de façon
-à répondre à toutes les exigences de sa nouvelle et passagère
-destination.
-
-En dehors de ce prétoire improvisé, dont nous donnerons en temps utile
-une vue à nos lecteurs, diverses pièces ont été affectées: au greffe,
-aux témoins à charge et à décharge, aux officiers de gendarmerie chargés
-du service militaire, aux délibérations du conseil et au logement des
-personnages que leurs fonctions doivent retenir au Grand-Trianon pendant
-la durée du procès. Ainsi les témoins à charge occuperont la salle des
-huissiers, située à gauche du vestibule et donnant sur le jardin, et les
-témoins à décharge la bibliothèque. Le général Pourcet habitera le
-pavillon de Madame, composé de cinq pièces. Le pavillon de l'aile
-droite, placé en face du pavillon de Madame, dans la cour d'honneur, est
-destiné au duc d'Aumale, qui présidera, comme on sait, le conseil de
-guerre. Enfin la salle des délibérations sera placée dans le salon de la
-reine d'Angleterre, et la salle des pas perdus dans le salon rond des
-huissiers, qui lui fait suite, et qui se trouve à droite du vestibule
-transformé en prétoire.
-
-Reste le logement du maréchal Bazaine, qui a été extrait la semaine
-dernière de la maison de l'avenue de Picardie, où il était détenu depuis
-le 14 mai 1872, époque à laquelle il s'y était constitué prisonnier. Le
-maréchal a été logé dans l'annexe du château, donnant sur
-Trianon-sous-Bois. C'est dans l'angle de cette annexe que se trouve sa
-chambre, dont les fenêtres ouvrent sur le parc. Cette chambre, dont nous
-donnons une vue dessinée sur place, est carrée et revêtue d'une boiserie
-peinte en blanc. Le mobilier est des plus modestes. Il se compose d'un
-lit en acajou plaqué, sans rideaux, d'une armoire placée à la tête du
-lit, d'une toilette-commode posée entre les deux fenêtres, de quelques
-chaises d'un âge mûr et d'un guéridon. Une petite pendule en marbre
-posée sur la cheminée, ainsi que deux chandeliers et deux candélabres à
-deux branches, complètent l'ameublement.
-
-Deux pièces font suite à cette chambre et sont occupées par les
-officiers supérieurs chargés de veiller sur la personne du maréchal, qui
-à Trianon-sous-Bois, comme dans la maison de l'avenue de Picardie, est
-gardé par un piquet de cinquante hommes de ligne, ayant un poste à
-proximité de la chambre du prisonnier.
-
-Quant au service du conseil de guerre, au Grand-Trianon, il est fait par
-la gendarmerie mobile.
-
-L. G.
-
-
-Victor-Emmanuel à Vienne
-
-PROMENADE SUR LE LAC DE LAXENBURG
-
-Parmi les sites curieux et intéressants qui entourent Vienne, au moins
-sur la droite du Danube, il faut signaler tout particulièrement le bourg
-et le château de Laxenburg, une des résidences d'été de la cour
-d'Autriche, dont Schoenbrünn, est comme on sait, durant la belle saison,
-la résidence favorite.
-
-Laxenburg est situé à seize kilomètres au sud de Vienne. On s'y rend de
-cette ville par le chemin de fer de Trieste, que l'on quitte à Moedling
-pour prendre l'embranchement qui conduit au bourg. Laxenburg doit sa
-réputation comme son origine à son château, ou plutôt à ses châteaux,
-car il en possède deux en un; le premier datant de la fin du XIVe siècle
-et rappelant les temps de l'ancienne chevalerie; le second, bâti par
-Marie-Thérèse, et auquel on a donné le nom qu'il ne justifie pas tout à
-fait de château des Caprices, que mériterait mieux le magnifique parc
-qui l'entoure.
-
-En effet, on marche dans ce parc de surprise en surprise. Les accidents
-de terrain, les constructions de toutes sortes, temples, maisons
-rustiques, cabinets de verdure, pavillons; les cascades, les statues,
-les pièces d'eau, les rochers y ont été prodigués. On y trouve jusqu'à
-un monument funèbre, la _Rittergruft_, ou tombe du chevalier, où l'on
-voit des tableaux de Lucas Cranach et des peintures sur verre tirées de
-l'église de Steyer.
-
-Parmi les pièces d'eau, la plus remarquable est un lac semé de plusieurs
-îles, entre autres l'île Marianne, sur laquelle on a construit un
-élégant Lusthaus; et parmi les constructions, on admire surtout une
-forteresse moyen âge, le _Franzensburg_, dont on a fait un musée
-d'antiquités. Cette forteresse est entièrement entourée d'eau. Un bateau
-y stationne, à la disposition des visiteurs, qui peuvent moyennant dix
-kreutzers y prendre place.
-
-Durant son séjour à Vienne, le roi Victor-Emmanuel ne pouvait manquer de
-venir visiter le château et le parc de Laxenburg. Il s'y est rendu dans
-l'après-midi du 20 septembre, de Schoenbrünn, avec l'empereur
-François-Joseph, et s'y est promené avec lui sur le grand lac, tandis
-qu'une foule de canots montés par des curieux circulaient autour de la
-barque impériale et qu'une musique établie d'avance dans l'île Marianne
-faisait retentir l'air de ses morceaux les plus brillants. Cette
-promenade fait le sujet du dessin que nous publions dans ce numéro.
-
-En se rendant à Laxenburg, le roi d'Italie s'était arrêté à Moedling qui
-est, comme je l'ai dit, la tête de l'embranchement qui conduit à la
-résidence impériale. Il voulait voir la magnifique vallée de la Brühl et
-ses curiosités, entre autres le _Husaren-tempel_, élevé par le prince de
-Liechtenstein à la mémoire des hussards qui l'avaient sauvé à la
-bataille d'Aspern; les ruines du château de Moedling et le vieux château
-Liechtenstein.
-
-L. G.
-
-
-Prix et envois de Rome
-
-Les règlements de l'Académie de France imposent aux pensionnaires un
-certain nombre d'obligations, au nombre desquelles la plus importante
-consiste dans l'envoi annuel d'un ou de plusieurs ouvrages de peinture,
-de sculpture, de gravure ou d'architecture. Une exposition solennelle de
-tous ces ouvrages a lieu d'abord sous les portiques de la villa Médici,
-où toute la Rome artiste vient pendant quelques jours étudier les
-travaux de nos jeunes compatriotes; ils sont ensuite envoyés à Paris, et
-exposés publiquement, dans les salles de l'École des beaux-arts; un
-heureux usage veut qu'on joigne à cette exposition les oeuvres qui
-viennent de remporter les grands prix aux concours de l'année.
-
-Des retards survenus dans l'expédition des caisses qui contenaient les
-envois de 1873, ont obligé l'administration de l'École des beaux-arts à
-ajourner l'ouverture de l'exposition jusqu'au moment où la fin des
-vacances aurait ramené à Paris maîtres et élèves, un peu dispersés
-depuis deux mois, et ce n'est guère que dans le courant de la semaine
-prochaine que le public sera admis à juger des progrès de nos
-pensionnaires.
-
-On retrouvera, entre autres morceaux intéressants, le beau tableau de M.
-Morot, qui vient de remporter le grand prix de peinture, et dont
-l'_Illustration_ donne aujourd'hui une reproduction; nous croyons aussi
-pouvoir signaler à l'avance, en nous reportant aux souvenirs que nous a
-laissés l'exposition de la villa Médici, l'envoi de M. Blanchard _Hylas
-et les Nymphes_, celui de M. Toudouze, _Eros et Aphrodite_, et de M.
-Merson, une curieuse esquisse peinte, _Saint François et le loup
-d'Aggubbio_; parmi les sculpteurs, le groupe de M. Noël, _Roméo et
-Juliette_, la _Tentation d'Ève_, de M. Allais, un bas-relief de M.
-Marqueste, _Jacob et l'Ange_, et enfin le magnifique groupe de M.
-Mercié, reproduit ci-contre, intitulé _Gloria victis_, oeuvre
-patriotique, digne de la réputation et des succès de l'auteur du
-_David._
-
-
-L'évasion
-
-Ils avaient été faits prisonniers à Sedan.
-
-La capitulation du 2 septembre leur avait ouvert les portes de cet enfer
-anticipé, la presqu'île d'Iges, où les avait parqués un impitoyable
-ennemi. Là, comme leurs nombreux compagnons d'infortune, ils avaient
-supporté la faim, la soif, le froid, toutes les misères, à peine vêtus,
-couchant dans la boue, la pluie sur le dos, dévorés par la fièvre.
-
-Des tortures non moins grandes les attendaient en Allemagne.
-
-Enfermés dans une forteresse des bords du Rhin, peu nourris,
-déguenillés, logés dans d'immondes casemates, accablés des pires
-traitements, ils n'eurent bientôt plus qu'une pensée: s'évader. S'évader
-ou mourir. Mais que leur importait! La mort, ne la voyaient-ils pas
-chaque jour approcher d'un pas lent mais sûr? Mieux encore valait-il la
-braver, immédiate, foudroyante. C'était au moins une chance de lui
-échapper. Ils risquèrent l'évasion. Par la ville, il n'y fallait pas
-songer; trop bonne garde était faite de ce côté. Mais le fleuve était
-là, baignant de ses flots le pied moussu de leur prison. Ayant longtemps
-mûri leur projet, ils croyaient avoir pris toutes leurs précautions.
-Furent-ils trahis, ou la fortune les abandonna-t-elle à la dernière
-minute? Qui pourrait le dire? Ce qu'il y a de certain c'est qu'au moment
-où, suspendus dans le vide au bout d'une corde, ils allaient atteindre
-le fleuve, une barque apparut, montée par des soldats, ils étaient
-découverts; étaient-ils perdus? C'était vraisemblable. Toutefois, ils
-n'hésitèrent pas. Ils lâchèrent la corde et le fleuve les engloutit. Ils
-espéraient encore pouvoir se dissimuler, gagner furtivement la terre et
-s'échapper. Un d'eux y réussit, et, à travers mille dangers, parvint à
-rentrer en France. L'autre fut pris, malgré ses efforts, et, dans un
-précédent numéro, nous avons dit sa fin.
-
-Fusillé, il le fut, et bien d'autres après lui, pour le même crime.
-Autant de Français de moins, quelle joie pour nos féroces vainqueurs!
-Aussi, par le fer ou par la faim, que de prisonniers ils firent périr!
-C'est par dizaines de mille qu'on les compte, tant il est vrai que, même
-après la victoire, les Prussiens, comme l'a dit M. Delaunay,
-continuèrent à combattre et à détruire des hommes désarmés, vaincus,
-dignes de respect, si quelque chose eût pu inspirer le respect aux
-bandits qui, à la face du monde civilisé, en profanant le nom de Dieu,
-avaient prémédité et tentèrent d'accomplir l'assassinat d'une nation
-généreuse, jadis leur ennemie loyale et chevaleresque, naguère leur
-bienfaitrice, la patronne de leurs lettrés, de leurs artistes, de leurs
-trafiquants.
-
-L. C.
-
-
-Nuka-Hiva
-
-Taïohaé occupe le centre d'une baie profonde, encaissée dans de hautes
-et abruptes montagnes aux formes capricieusement tourmentées; une
-épaisse verdure est jetée sur tout ce pays comme un manteau splendide;
-c'est dans toute l'île un même fouillis d'arbres, d'essences utiles ou
-précieuses; et des milliers de cocotiers, haut perchés sur leurs tiges
-flexibles, balancent perpétuellement leurs têtes au-dessus de ces
-forêts.
-
-Les cases sont peu nombreuses dans la capitale, et passablement
-disséminées le long de l'avenue ombragée qui suit les contours de la
-plage.
-
-Derrière cette route charmante, mais unique, quelques sentiers boisés
-conduisent à la montagne; l'intérieur de l'île, cependant, est tellement
-enchevêtré de forêts et de rochers, que rarement on va voir ce qui s'y
-passe,--et les communications entre les différentes baies se font par
-mer, dans les embarcations des indigènes.
-
-C'est dans la montagne que sont perchés les vieux cimetières kanaques,
-objet d'effroi pour les Indiens, et résidence des terribles
-Toupapahous...
-
-Il y a peu de passants dans la rue de Taïohaé; les agitations
-incessantes de notre existence européenne sont tout à fait inconnues à
-Nuka-Hiva. Les indigènes passent une partie du jour accroupis devant
-leurs cases, dans une immobilité de sphinx.
-
-[Illustration: NUKA-HIVA.--Le chef de la baie de Thehetchagor.]
-
-Les années s'écoulent pour eux dans une oisiveté complète et une
-rêvasserie perpétuelle,--et ces grands enfants ne se doutent pas que
-dans notre belle France, tant de pauvres gens s'épuisent à gagner le
-pain du jour. Les forêts de Nuka-Hiva produisent d'elles-mêmes tout ce
-qu'il faut pour nourrir toutes ces créatures insouciantes; le fruit de
-l'arbre à pain et les bananes sauvages croissent pour tout le monde et
-suffisent à chacun.
-
-Si de temps à autre, quelques Kanaques s'en vont encore pêcher par
-gourmandise, la plupart préfèrent ne pas se donner cette peine.
-
-La popoï, un de leurs mets raffinés, est un barbare mélange de fruits,
-de poissons et de crabes fermentés en terre. Le fumet de cet aliment est
-inqualifiable.
-
-L'anthropophagie, qui règne encore dans une île voisine, Hivaoa (ou la
-Dominique), est oubliée à Nuka-Hiva depuis plusieurs années. Les efforts
-des missionnaires ont amené cette heureuse modification des coutumes
-nationales; à tout autre point de vue cependant, le christianisme
-superficiel des indigènes est resté sans action sur leur manière de
-vivre, et la dissolution de leurs moeurs dépasse toute idée.
-
-[Illustration: NUKA-HIVA.--La rivière de Thehetchagor.]
-
-Le caractère des Nuka-Hiviens est un peu celui des petits enfants; ils
-sont capricieux, fantasques, boudeurs tout à coup sans motif. Le
-sentiment contemplatif est extraordinairement développé chez eux; ils
-sont sensibles aux aspects gais ou tristes de la nature, accessibles à
-toutes les rêveries de l'imagination.
-
-La solitude des forêts, les ténèbres, les épouvantent, et ils les
-peuplent sans cesse de fantômes et d'esprits.
-
-Les bains nocturnes sont en honneur à Taïohaé; au clair de lune des
-bandes de jeunes filles s'en vont, dans les bois, se plonger dans des
-bassins naturels d'une délicieuse fraîcheur. C'est alors que ce simple
-mot: Toupapahou! jeté au milieu des baigneuses, les met en fuite comme
-des folles.
-
-Toupapahou est le nom de ces fantômes tatoués qui sont la terreur de
-tous les Polynésiens. Mot effrayant en lui-même, et intraduisible...
-
-On trouve encore entre les mains des indigènes plusieurs images de leur
-ancien dieu.
-
-Ce dieu est un personnage à figure hideuse, semblable à un jeune embryon
-humain.
-
-La reine a quatre de ces horreurs sculptées sur le manche de son
-éventail.
-
-On n'entend aucun chant d'oiseaux dans les bois de Nuka-Hiva; les
-oreilles des Kanaques ignorent cette musique naïve qui, dans d'autres
-climats, remplit les bois de gaieté et de vie. Sous cette ombre épaisse,
-dans les lianes et les grandes fougères, rien ne vole, rien ne bouge;
-c'est toujours ce même silence étrange qui semble s'être communiqué à
-l'imagination mélancolique des naturels.
-
-On voit planer seulement dans les gorges, à d'effrayantes hauteurs, le
-phaéton, un petit oiseau blanc qui porte à la queue une longue plume
-blanche ou rose.
-
-Les chefs attachent à leurs coiffures une touffe de ces plumes; aussi
-leur faut-il beaucoup de temps et de persévérance pour composer cet
-ornement aristocratique.
-
-<sc>Julien V....</sc>
-
-
-[Illustration: EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.--Vue d'une des quatre
-façades de l'Exposition de MM. Christofle et Cie (côté sud).]
-
-Exposition de Vienne
-
-ORFÈVRERIE, CLOISONNÉS, BRONZES INCRUSTÉS.
-
-Il était fort à craindre qu'au lendemain des épreuves qu'elle venait de
-traverser, la France ne fût peu en état de figurer dignement dans la
-grande solennité industrielle et artistique de Vienne. Cette
-appréhension que, sans pécher contre le patriotisme, certains esprits
-ont pu avoir, n'a pas été justifiée par l'événement. La plupart de nos
-exposants ont triomphé des obstacles qu'un bouleversement extrême dans
-leur matériel, dans leur personnel, dans leurs ressources financières
-avait opposés au développement ou même à la conservation de leur
-renommée; ils se sont montrés à Vienne ou égaux ou supérieurs à ce
-qu'ils avaient été en 1807.
-
-Au premier rang de celles de nos industries sur lesquelles les trois
-dernières années ont glissé sans les atteindre, il faut placer
-l'orfèvrerie, et au premier rang de nos orfèvres, MM. Christofle et Cie.
-
-Leur exposition, si variée dans la nature des produits qui la composent,
-a obtenu un éclatant, un légitime succès, non-seulement auprès du public
-cosmopolite, mais auprès des amateurs, des critiques, des spécialistes
-et du jury international.
-
-Elle comprend, comme d'habitude, de l'orfèvrerie simplement argentée et
-dorée, de l'orfèvrerie de luxe, des émaux cloisonnés, des bronzes
-incrustés d'or et d'argent, de la galvanoplastie massive et en
-ronde-bosse de toute grandeur, enfin des objets d'art divers.
-
-Nous n'avons pas à insister ici sur l'importance d'un établissement
-célèbre dans les deux mondes. Tout le monde sait que MM. Christofle et
-Cie emploient plus de quatorze cents ouvriers, en faveur de qui ils ont
-créé des institutions modèles; que le chiffre de leurs affaires s'élève
-à plus de 10 millions par an; que Charles Christofle a importé en France
-les procédés de dorure et d'argenture électro-chimiques et a été ainsi
-le créateur de l'orfèvrerie galvanique; qu'il a obtenu la grande
-médaille d'honneur à l'exposition universelle de 1855 et la croix
-d'officier de la légion d'honneur à la suite de celle de 1862; enfin que
-M. Paul Christofle, son fils, et M. Henri Douillet, son gendre,
-s'inspirant de ses traditions, ont enrichi le pays de nouveaux progrès
-et en quelque sorte d'industries nouvelles.
-
-Ce qu'il importe surtout de dire, et nous regrettons vivement de ne
-pouvoir le faire qu'en peu de mots, c'est que, tout en tenant le premier
-rang dans l'orfèvrerie de grand luxe, ils sont aussi les premiers pour
-l'orfèvrerie à bon marché, qu'ils ont popularisée; il y a plus, celle-ci
-a bénéficié de leur goût pour le grand art, et la moindre pièce sortie
-de chez eux est aussi remarquable de style qu'un chef-d'oeuvre de dix
-mille francs.
-
-En ce qui concerne leurs émaux cloisonnés et leurs incrustations sur
-bronze, il est d'un intérêt essentiel de remarquer qu'ils n'ont pas
-voulu imiter les procédés des Chinois et des Japonais, mais seulement
-faire aussi bien qu'eux en employant les moyens que la science moderne
-met à leur disposition. C'est ainsi qu'au lieu de marteler l'arabesque
-d'argent dans le bronze, il l'y ont introduite à l'aide de la
-galvanoplastie. Et c'est ainsi que leurs bronzes incrustés ressemblent
-heureusement à ceux des Japonais, tout en gardant un caractère propre,
-un certain air de nationalité: y est le sentiment décoratif oriental
-allié au style français.
-
-Nous étudierons prochainement en particulier quelques-unes des pièces de
-cette exposition, qui, à en juger par les comptes rendus de la presse
-anglaise, a causé à nos voisins une émotion profonde, les a fait
-trembler de nouveau pour le sort de leur orfèvrerie, et leur a fait
-pousser un véritable cri d'alarme.
-
-F. A.
-
-
-
-Correspondance d'Espagne
-
-Tortosa, 27 septembre 1873.
-
-Je suis contrarié que ma lettre de la fin d'août ne vous soit pas
-parvenue; mais en ce temps de chemins de fer coupés et de bandes de
-partisans sillonnant la montagne, il n'y a pas lieu d'en être beaucoup
-surpris.
-
-Cette lettre contenait un croquis de l'affaire de Tortella, qui a eu
-deux phases distinctes et complètement différentes. Dans la première,
-les carlistes ont remporté un facile triomphe, qu'ils ont payé dans la
-seconde par une déroute complète. A tout hasard, je reconstitue mon
-croquis, et je vous l'envoie. Ce sera, si vous l'utilisez, de l'histoire
-rétrospective, et elle a bien son intérêt.
-
-Tortella est un village de Catalogne, situé dans la province de Gerona.
-
-Mon croquis vous le peindra mieux que ne le saurait faire ma plume. Il
-faut connaître la montagne et l'avoir parcourue pour s'imaginer quelque
-chose de semblable. Figurez-vous des maisons accrochées et comme
-suspendues en l'air, et, pour les mettre en communication, des chemins
-coupés d'escaliers, ressemblant à des échelles; au milieu de tout cela,
-une petite église au clocher pointu, se détachant gris sur la roche
-grise, voilà le tableau, tel est Tortella, que Tristany, à la tête de
-quinze cents carlistes et de trois canons, cernait et attaquait avec
-fureur le 22 août. Non que la place eut la moindre importance; c'était
-simple affaire de réquisition, en passant. Il faut bien vivre.
-
-Les habitants, comme ceux de tous les villages de la montagne, se
-sentant à la merci des bandes qui battent le pays, auraient volontiers
-cédé; mais il se trouvait en ce moment à Tortella quelques volontaires
-républicains qui ne le leur permirent pas. De là la colère des
-carlistes, qui se mirent aussitôt à canonner ce malheureux village, dont
-un certain nombre de maisons ne tardèrent pas à prendre feu. Ils
-l'enlevèrent naturellement, mais tous leurs efforts vinrent se briser
-devant la résistance des volontaires, qui avaient fait de l'église une
-citadelle et avaient couvert ses abords de barricades.
-
-Mieux encore, ils avaient trouvé moyen d'envoyer, avant l'attaque, un
-des leurs prévenir à Figueras de ce qui se passait à Tortella. Leur
-courageuse résistance était donc soutenue par l'espérance d'un prompt
-secours. Et, en effet, ils furent secourus. Au moment où les carlistes,
-maîtres du village, s'y attendaient le moins et faisaient main basse sur
-tout ce qui était à leur convenance, le colonel Udueta, parti de
-Figueras avec trois colonnes, survint, les cerna, les surprit et leur
-fit subir une complète déroute. Affolés, ils s'éparpillèrent comme ils
-purent, et s'enfuirent dans la direction de San Lorenzo de la Maga,
-bourg situé au milieu de montagnes formidables. Ils avaient perdu 200
-hommes, tant tués que blessés, et Tristany comptait au nombre de ces
-derniers. La perte des républicains s'est élevée à 61 hommes, dont 11
-morts.
-
-Je vous disais que Tristany a été blessé. Le bruit court ici qu'il a
-quitté l'armée carliste, ainsi que Muret, et qu'un caprice de don Carlos
-a privé Saballs de son commandement. Je ne sais ce qu'il y a de vrai
-dans ces racontars; ce qu'il y a de certain, c'est que depuis l'affaire
-de Tolosa, un certain désarroi semble exister dans le camp carliste.
-L'arrivée du général Moriones à Tolosa et le ravitaillement de Berga, à
-la suite du combat heureux de Gironella, a dû y mettre le comble. Est-ce
-le commencement de la fin?
-
-X...
-
-[Illustration: ÉVÉNEMENTS D'ESPAGNE.--Entrée des Carlistes à Tortella.]
-
-
-
-RÉBUS
-
-[Illustration.]
-
-
-EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:
-
-La politesse d'à présent ne vaut pas celle d'autrefois.
-
-
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1597, 4 octobre
-1873, by Various
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1597, 4 ***
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-Foundation
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-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
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-<html>
-<head>
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- <title>The Project Gutenberg eBook of L'illustration, No. 1596, 27 Septembre 1873, by Various</title>
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-<body>
-
-
-<pre>
-
-Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1597, 4 octobre 1873, by Various
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-
-
-Title: L'Illustration, No. 1597, 4 octobre 1873
-
-Author: Various
-
-Release Date: November 21, 2014 [EBook #47414]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1597, 4 ***
-
-
-
-
-Produced by Rénald Lévesque
-
-
-
-
-
-</pre>
-
-
-
-
-<br><br>
-
-<div class="cont">
-
-
-
-
- <p>L'ILLUSTRATION<br>
-
- JOURNAL UNIVERSEL</p>
-
- <p>31e Année.--VOL. LXII.--N° 1597<br>
-
-SAMEDI 4 OCTOBRE 1873</p>
-
-
-
- <p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
-
-<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
- style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil">
- <tbody>
- <tr>
- <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
-DIRECTION, RÉDACTION, ADMINISTRATION<br>
-22, RUE DE VERNEUIL, PARIS.
- </td>
- <td style="vertical-align: top; width: 34%;">
-31e Année.VOL. LXII. N° 1597<br>
-<span class="large_ss">SAMEDI 4 OCTOBRE 1873</span>
- </td>
- <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
-SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br>
-60, RUE DE RICHELIEU, PARIS.
- </td>
- </tr>
- </tbody>
-</table>
-
-<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
- style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil">
- <tbody>
- <tr>
- <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
-<b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br> La collection mensuelle, 3 fr.; le vol.
-semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
- </td>
- <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
-Abonnements Paris et départements: 3 mois, 9 fr.; 6 mois, 18 fr.; un
-an, 36 fr.;<br>Étranger, le port en sus.
- </td>
- </tr>
- </tbody>
-</table>
-
- <p>Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur le magnifique <i>Supplément</i>
-qui accompagne le présent numéro. Notre VUE PANORAMIQUE DE METZ ET DE
-SES ENVIRONS permettra de suivre, pour ainsi dire comme sur le terrain
-même, toutes les opérations stratégiques dont l'examen va se poursuivre
-devant le conseil de guerre chargé de juger le maréchal Bazaine.--Nous
-avons tenu à publier dès la veille de l'ouverture des débats cet
-important document, qui donnera une idée de la manière dont
-l'<i>Illustration</i> enregistrera toutes les péripéties de ce procès
-mémorable.</p>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>CHAMBRE DU MARÉCHAL BAZAINE, A TRIANON.</b></p>
-<br><br>
- <h3>SOMMAIRE</h3>
-
- <p><i>Texte</i>: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
-Audebrand.--Un drame dans le désert.--Les Théâtres.--L'esprit de Parti
-(suite).--Nos gravures.--Bulletin bibliographique.</p>
-
- <p><i>Gravures</i>: La chambre du maréchal Bazaine, à Trianon.--Bazaine.--Voyage
-de Victor-Emmanuel en Allemagne: promenade de Leurs Majestés le roi
-d'Italie et l'empereur d'Autriche sur le lac de Laxenburg.--Exposition
-des prix et envois de Rome à l'École des Beaux-Arts (2 gravures),--Vue
-panoramique de Metz.--Souvenirs de captivité: l'évasion.--Nuka-Hiva: le
-chef de la baie de Thehetchagor;--La rivière, de la baie de
-Thehetchagor.--Exposition universelle de Vienne: vue des quatre façades
-de l'exposition de MM. Christofle et Comp. (côté sud).--Evénements
-d'Espagne: entrée des carlistes à Tortella.--Rébus.</p>
-<br><br>
-
- <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3>
-
- <h4>FRANCE</h4>
-
- <p>Ou est toujours sans renseignements précis sur l'état des négociations
-fusionnistes. La mission de MM. de Suguy et Merveilleux-Duvignaux à
-Froshdorf ne paraît pas avoir eu tous les résultats que la dépêche du
-<i>Times</i>, mentionnée dans notre dernier bulletin, pouvait lui faire
-attribuer, ou du moins rien de positif n'a transpiré sur les résolutions
-prises par le comité légitimiste dont font partie les deux honorables
-députés.</p>
-
- <p>Plusieurs journaux bien placés pour être exactement renseignés assurent
-même que MM. de Suguy et Duvignaux n'avaient reçu aucune délégation et
-n'étaient porteurs d'aucun programme, qu'ils n'ont été faire à Froshdorf
-qu'un échange d'impressions et d'opinions. Faut-il attribuer toute cette
-obscurité à un parti pris de discrétion jusqu'au jour décisif de
-l'action ou bien à un embarras inavoué venant de ce qu'en réalité les
-difficultés pendantes ne sont pas encore résolues? En attendant
-l'explication de ce mystère, un journal de Montpellier, l'<i>Union
-nationale</i>, a livré à la publicité une lettre écrite par M. le comte de
-Chambord à M. le vicomte de Rodez-Bénévent, député de l'Hérault, et qui
-est ainsi conçue:</p>
-
- <p>«Froshdorf, le 19 septembre 1873.</p>
-
- <p>«Le sentiment qu'on éprouve, mon cher vicomte, en lisant les détails que
-vous me donnez sur la propagande révolutionnaire dans votre province,
-est un sentiment de tristesse; on ne saurait descendre plus bas pour
-trouver des armes contre nous, et rien n'est moins digne de l'esprit
-français.</p>
-
- <p>«En être réduit en 1873 à évoquer le fantôme de la dîme, des droits
-féodaux, de l'intolérance religieuse, de la persécution contre nos
-frères séparés; que vous dirais-je encore? de la guerre follement
-entreprise dans des conditions impossibles, du gouvernement des prêtres,
-de la prédominance de classes privilégiées! Vous avouerez qu'on ne peut
-pas répondre sérieusement à des choses si peu sérieuses. A quels
-mensonges la mauvaise foi n'a-t-elle pas recours lorsqu'il s'agit
-d'exploiter la crédulité publique? Je sais bien qu'il n'est pas toujours
-facile, en face de ces indignes manoeuvres, de conserver son sang-froid;
-mais comptez sur le bon sens de vos intelligentes populations pour faire
-justice de pareilles sottises. Appliquez-vous surtout à faire appel au
-dévouement de tous les honnêtes gens sur le terrain de la reconstitution
-sociale. Vous savez que je ne suis point un parti, et que je ne veux pas
-revenir pour régner par un parti: j'ai besoin du concours de tous, et
-tous ont besoin de moi.</p>
-
- <p>«Quant à la réconciliation si loyalement accomplie dans la maison de
-France, dites à ceux qui cherchent à dénaturer ce grand acte que tout ce
-qui s'est fait le 5 août a été bien fait, dans l'unique but de rendre à
-la France son rang, et dans les plus chers intérêts de sa prospérité, de
-sa gloire et de sa grandeur.</p>
-
- <p>«Comptez, mon cher Rodez, sur toute ma gratitude et ma constante
-affection.</p>
-
- <p>«Henri.»</p>
-
- <p>Cette lettre ne contient, on le voit, que des réponses assez vagues aux
-griefs les plus exagérés et les moins sérieux dont les tentatives de
-restauration monarchique puissent être l'objet; elle ne contient aucune
-déclaration précise sur les véritables difficultés de la situation,
-telles que la question du drapeau et celle du pacte constitutionnel.
-Quoi qu'il en soit, il y a un curieux rapprochement à faire entre sa
-teneur et le texte du discours prononcé il y a quelques jours par M. le
-duc de Broglie au comice agricole, de Bernay: voici comment s'exprimait
-l'honorable vice-président du Conseil dans une péroraison où il
-s'attache, à son tour, à répondre aux insinuations que signale la lettre
-qu'on vient de lire:</p>
-
- <p>«Enfin, même à l'intérieur, et dans nos discordes civiles, le
-cultivateur français est le vrai soldat de l'ordre public. Ce modeste
-cultivateur, maître le plus souvent de son domaine restreint, ne
-reconnaissant dans l'usage de la propriété, qu'il a payée de ses sueurs,
-d'autre supérieur que Dieu et la loi, intéressé ainsi plus que personne
-au maintien de la paix sociale, en est le défenseur né et naturel.</p>
-
- <p>«Je n'ai pas hésité à dire, l'an dernier, dans l'occasion que je
-rappelais tout à l'heure, que, pour la bonne défense de la société
-contre les passions qui la menacent dans l'Europe entière, je préférais
-cette armée de soldats de l'ordre répandue ainsi sur tout le territoire,
-même à ces grands propriétaires, comme on en voit dans des pays voisins,
-qui, détenant le sol presque à eux seuls, demeurent isolés au milieu
-d'une multitude indifférente à la conservation de biens dont elle n'a
-pas sa part.</p>
-
- <p>«Ce que j'ai dit, je le répète encore; mais laissez-moi y joindre un
-avis que permettront à une vieille amitié les représentants éclairés de
-cette classe agricole qui m'entendent.</p>
-
- <p>«Tout cela n'est vrai qu'à une condition: c'est qu'ils sauront résister
-aux conseils perfides des factions qui s'efforcent de les alarmer sur le
-maintien de ces droits désormais acquis et inébranlables; c'est qu'ils
-ne croient pas, comme on s'efforce dans l'ombre de le leur souffler à
-l'oreille, qu'il y ait quelqu'un en France assez insensé pour rêver de
-les priver du libre usage de ces droits qu'ils tiennent du labeur de
-leurs pères et de toute la suite de notre histoire.</p>
-
- <p>«Cela n'est pas, cela ne sera jamais: ces chimères ridicules et ces
-craintes sans fondement ne sont pas dignes d'arrêter un instant le bon
-sens pratique et sur de nos cultivateurs normands.</p>
-
- <p>«Ils savent, ils sentent que l'état social de la France moderne, œuvre
-des siècles, est aussi indestructible que les fondements du sol qui les
-porte, et qu'on ne peut pas plus s'y attaquer avec succès qu'on ne peut
-altérer la qualité de l'air que nous respirons. Aucun homme, aucun parti
-n'y pourrait songer.</p>
-
- <p>«C'est dans l'enceinte, si j'ose ainsi parler, dans les limites de cet
-état social, dont personne ne peut sortir, que vont se débattre toutes
-les questions politiques que nous avons à résoudre. Nos populations le
-savent, et elles attendent avec confiance, sous l'égide du loyal soldat
-qui nous gouverne, les institutions que leur donnera la décision
-souveraine de l'Assemblée nationale.»</p>
-
- <p>Quant à la question de savoir comment se posera devant l'Assemblée le
-projet de restauration et combien de voix il réunirait, on en est plus
-que jamais réduit aux conjectures, malgré les affirmations des
-enthousiastes, qui assurent que la majorité est sûre d'elle-même.
-L'<i>Indépendance belge</i> publiait récemment une statistique des députés
-disposés à voter en faveur de la monarchie ou de la république et
-classait, dans ce tableau, parmi les <i>incertains</i>, M. E. Féray, député
-de Seine-et-Oise. M. E. Féray a tout aussitôt protesté avec énergie en
-déclarant que son vote restait acquis au maintien de la république
-conservatrice, comme le seul gouvernement capable, selon lui, de donner
-à la France la sécurité à l'intérieur, sans inquiéter les puissances
-étrangères. D'autre part, la communauté d'attitude entre les
-républicains et le bonapartisme, parait assurée, bien qu'elle ait failli
-être compromise par une démarche imprudente dont l'éclat à visiblement
-embarrassé les organes de ce dernier parti. Nous voulons parler de la
-lettre écrite par le prince Napoléon au rédacteur en chef d'un journal
-radical, l'<i>Avenir national</i>, en réponse à une sorte de manifeste publié
-par ce journal et tendant à réunir en un seul faisceau, sous le drapeau
-tricolore, tous les partis ayant pris leur origine dans la Révolution
-française, dans le but de s'opposer de concert aux tentatives des
-royalistes. Le manifeste concluait en offrant au prince Napoléon la
-direction de cette ligue et était suivi de l'acceptation du prince,
-formulée en ces termes:</p>
-
- <p>«Paris, le 26 septembre 1873.</p>
-
- <p>«Messieurs,</p>
-
- <p>«La franchise, l'imprévu de votre démarche me forcent à une réponse
-brève; elle m'est dictée par les opinions de toute ma vie.</p>
-
- <p>«En face de la gravité, de la publicité de votre lettre, je ne dois pas
-garder le silence.</p>
-
- <p>«Le devoir de tout citoyen, à l'heure grave où nous sommes, est de ne
-pas sortir de la cité en péril comme les neutres de l'antiquité. Non, je
-ne suis pas neutre et je ne déserterai pas la lutte.</p>
-
- <p>«Je ne puis parler qu'en mon nom; mais comment croire que ceux dont les
-cœurs vibrent au nom de Napoléon me désapprouvent!!</p>
-
- <p>«L'alliance de la démocratie populaire et des Napoléons a été le but que
-j'ai poursuivi dans tous les actes de ma vie politique. Soutenons notre
-drapeau en face des menaces du drapeau blanc, étranger à notre France
-moderne et que le prétendant ne saurait abandonner que par un compromis
-et un sacrifice fait aux habiles de son parti.--Que vaudrait d'ailleurs
-cette concession de la dernière heure? Le règne des Bourbons ne saurait
-être que le triomphe d'une politique réactionnaire, cléricale et
-antipopulaire. Le drapeau de la Révolution abrite seul depuis près d'un
-siècle le génie, la gloire et les douleurs de la France; c'est lui qui
-doit nous guider vers un avenir vraiment démocratique.</p>
-
- <p>«Entre tous les défenseurs de la souveraineté du peuple, beaucoup
-diffèrent sur les moyens de l'appliquer; mais une entente commune, à
-l'heure actuelle, sur le principe même de cette souveraineté, est
-nécessaire et patriotique. Nous tous, citoyens de la société moderne,
-nous devons chercher à établir, par le suffrage universel, la vraie
-liberté basée sur les réformes qui sont la condition du salut de la
-France.</p>
-
- <p>«Oui, il faut oublier les dissentiments, les attaques, les luttes, les
-souffrances réciproques, les insultes même, pour affirmer le principe de
-la souveraineté nationale, en dehors duquel il n'y a que dangers,
-discorde et nouveaux désastres. Soyons unis pour déjouer des tentatives
-funestes, et formons ainsi la Sainte-Alliance des patriotes.</p>
-
- <p>«Napoléon (Jérôme).»</p>
-
- <p>Désavoué avec énergie, dès le lendemain de sa publication, par les
-journaux républicains de toutes les nuances, le programme de l'<i>Avenir
-national</i> n'a pas été mieux accueilli par les feuilles bonapartistes.
-Toutefois, ces dernières se sont donné le temps de la réflexion, et
-c'est le surlendemain seulement qu'elles ont déclaré que le prince
-Napoléon devait seul être rendu responsable du «très-regrettable
-scandale» causé par lui, et que si la force des circonstances obligeait
-les partisans de l'appel au peuple à se séparer de la majorité du 24
-mai, ce serait peut-être pour suivre une marche parallèle à celle des
-républicains, mais non pour conclure avec eux une alliance qu'ils
-repoussent avec horreur.</p>
-
-<br><br>
-
- <h3>COURRIER DE PARIS</h3>
-
- <p>Théophile Gautier se plaignait de ce qu'on fabriquât trop de
-paysagistes. «Si ça continue, disait-il, on en verra autant que de
-bacheliers.» Il montrait du doigt un des travers du temps, mais sans
-espérer qu'on se corrigerait. En France, on sait tout faire, excepté un
-effort d'esprit poussant à contrecarrer la mode. Or, le vent est au
-paysage, rien qu'à ça. Le tableau d'histoire, la marine, le portrait, le
-tableau de genre, autant de spécialités qui s'envolent à tire-d'ailes.
-La chose est tellement visible qu'elle n'aurait pas besoin de
-démonstration.</p>
-
- <p>Pour aider encore à ce mouvement, Troyon, avant de mourir, où sa vieille
-bonne femme de mère, depuis sa mort, je ne sais lequel, a songé à
-laisser par testament un prix de douze cents francs pour un concours
-annuel, une manière d'élever des paysagistes à la brochette. Aux termes
-de l'acte, les concurrents doivent être âgés de moins de trente ans.
-Excellente clause. Prenez-les au moment où ils viennent de rompre leurs
-lisières; qu'ils soient donc jeunes le plus possible, ce sera pour le
-mieux. Il n'y a rien de tel que des yeux de vingt ans pour étudier la
-nature dans l'éclosion de son éternelle jeunesse. Mais pourquoi avoir
-voulu que le programme du concours fût expressément réglé par
-l'Institut. Est-ce que l'Institut voit clair?</p>
-
- <p>«Un étang, dans une vallée boisée, après l'orage. Animaux au choix.» Tel
-est le programme Troyon pour 1873. Ces drôles de maîtres du quai Gonti
-ont voulu mettre de tout dans cette petite affaire; c'est une malignité
-de vieillards. Un bouquet d'arbres et un ciel du matin ou du soir
-auraient suffi. Non, il a fallu une espèce d'assiette assortie, une
-mosaïque des champs, une julienne. Mais ils ont été compris tout de
-même. Vingt-neuf élèves ont donc envoyé au palais des Beaux-Arts chacun
-un étang, une vallée, un bois et un orage. Ceux-là ont ajouté des
-moutons, ceux-là des bœufs couchés dans l'herbe. Une chose étonne,
-c'est qu'il n'y en ait eu que vingt-neuf et pas cent et même cent
-cinquante.</p>
-
- <p>Il va sans dire que plus d'une de ces pages donne des promesses de
-talent. Toutefois disons que la formule de l'Institut: <i>Animaux au
-choix</i>, a quelque peu égaré l'imagination des concurrents. Ainsi il en
-est un que je ne veux pas indiquer autrement qui, s'étant proposé de
-faire une flottille de canards barbotant dans l'eau, nous montre trois
-de ces volatiles portant des lunettes bleues. Un de nos confrères en
-chronique, se trouvant là, nous disait: «Comment ces messieurs de
-l'Institut n'ont-ils pas pris cela pour une personnalité?»</p>
-
- <p>Samedi dernier, à l'hôtel des Commissaires-Priseurs, on a mis en vente
-ce qui restait du mobilier d'Henri Rochefort. Si effacée que soit
-aujourd'hui la personnalité naguère encore si bruyante de l'auteur de la
-<i>Lanterne</i>, on se rappelle pourtant qu'il a été un des plus intrépides
-amateurs du bric-à-brac. Tout l'or qui sortait de son écritoire s'en
-allait en fantaisies d'art ou en antiquailles. C'est ce qui explique
-comment il ne lui est presque rien resté des grosses sommes que lui a
-rapportées le débit de son pamphlet. Le triste drame de la Commune fini
-de la manière que vous savez, lui parti pour Nouméa, il a fallu se
-défaire des bibelots que cet autre Masaniello avait accumulés chez lui.
-Une première journée, tambourinée avec soin à travers la ville, suivant
-l'usage, a amené les acheteurs par centaines. Pour la vente de samedi,
-ça été autre chose. On n'avait fait la dépense d'aucune affiche. C'était
-tout ce qu'il vous plaira d'imaginer d'étouffé: une vente à huis clos ou
-encore un feu d'artifice tiré au fond d'une cave.</p>
-
- <p>Il en est résulté qu'il ne se trouvait devant le bâton du
-commissaire-priseur que peu d'acheteurs, des pingres, un groupe de ces
-Auvergnats aux doigts crochus qui font métier de s'enrichir avec les
-épaves du monde élégant ou des artistes. Ils étaient donc là une
-trentaine au plus, hommes et femmes, tous crasseux, tous pelotonnés près
-du butin. Pendant la vente, ils échangeaient entre eux l'argot de la rue
-de Lappe, une grammaire qui sent les vieux chiffons et la vieille
-ferraille. En fin de compte, ils se sont partagé à vil prix ce restant
-du luxe d'un jour, car, il faut le répéter, par suite du silence des
-affiches ou parce que le vrai monde de la rue Drouot est encore hors des
-murs, on ne voyait par là pas un seul amateur.</p>
-
- <p>Les amis d'Henri Rochefort lui connaissaient une terre cuite d'un style
-fort original, le <i>Don Quichotte</i> de Lepère. Ce morceau a été adjugé 63
-francs. Tout près de cette figurine, on voyait un chef-d'œuvre en
-bronze, une <i>Diane de Poitiers</i>, de Pradier, étude historique qui vaudra
-100,000 francs dans vingt ans. Adjugée pour 62 francs, la <i>Diane</i> de
-Pradier!</p>
-
- <p>--<i>Choichante-deux francs, cha n'est pas trop cher</i>, disait l'acquéreur
-avec un gros rire, <i>mais par chuite de la guerre, on a doublé les
-droits, chongez-y!</i></p>
-
- <p>Est venu le tour d'une jolie commode Louis XV, vrai meuble de petite
-maîtresse ou de gommeuse à la mode, si vous voulez. En raison de sa
-naissance et de ses fréquentations, Henri Rochefort avait des goûts
-d'aristocrate. Ces hommes et ces femmes de la Charabie pétrée qui
-guettaient leur proie aimaient bien mieux pousser les enchères pour la
-commode que pour les statuettes. Le meuble a fait 300 francs. Il valait
-mille francs, au bas mot, vu les jours de rigidité Spartiate où nous
-sommes; en d'autres temps, quinze cents francs ne l'eussent pas payé
-trop cher.</p>
-
- <p>La même observation peut être faite pour un bahut en bois de rose, 200
-francs, d'abord; puis pour quatre chaises en tapisserie ancienne et pour
-un fauteuil, 288 francs.--Ce fauteuil, nos gracieux Auvergnats
-l'essayaient; ils s'asseyaient entre ses bras les uns après les autres;
-ils le touchaient; ils avaient l'air de l'ausculter.--Ce lot, à une
-époque, avait coûté douze cents francs.--Tout cela n'était encore qu'une
-sorte de préface. Ce qui passait pour avoir le plus de prix, c'était le
-lit du transporté, une merveille, en effet. Ce lit, en bois de fer,
-style François 1er, et qui avait coûté deux mille francs, n'a pu se
-vendre que 461 francs, et 500 francs avec les rideaux de soie rouge.
-Bref, le produit n'a pas dépassé la somme de cinq mille francs. Bonne
-journée pour les Auvergnats.</p>
-
- <p>Une lettre encadrée de noir nous a appris, il y a quelques jours, la
-mort fort inattendue d'une jeune personne de vingt ans; Mlle Stéphanie
-Proudhon a succombé, à Passy, à une maladie de poitrine. Trois cents
-amis du publiciste ont entouré ce cercueil, le jour des obsèques, et
-j'ai eu le regret très-vif de ne pouvoir me mêler à eux.--P. L. Proudhon
-a eu quatre filles; trois ont cessé de vivre. Une seule demeure,
-très-vive, à la vérité, ayant toutes les apparences de la santé. J'ai
-nommé Mlle Catherine Proudhon, celle qui, étant enfant, servait déjà de
-secrétaire intime à son père.</p>
-
- <p>Peut-être se rappelle-t-on que, pendant la maladie qui l'a emporté,
-Sainte-Beuve a préparé un volume, très-remarquable, sur le brillant et
-terrible auteur des <i>Confessions d'un Révolutionnaire</i>. Pour faire un
-pendant à ces révélations sur son père, Mlle Catherine Proudhon, aidée
-de sa mère et de quelques amis, rassemble à grand'peine les lettres si
-nombreuses et si originales qui composeront la Correspondance de
-l'ancien imprimeur de Besançon. Nul ne se sera autant prodigué que cet
-homme dont on a tant parlé et qu'on connaît si peu. J'ai voulu donner
-moi-même une preuve de sa facilité à écrire des lettres en publiant une
-petite plaquette sous ce titre: <i>P. J. Proudhon et l'Écuyère de
-l'Hippodrome</i>. Il existe assurément, à travers le monde, mille ou douze
-cents lettres de cet écrivain, toujours clair comme Voltaire, toujours
-paradoxal comme Denis Diderot, toujours instructif comme H. de Balzac.</p>
-
- <p>Parmi ceux auxquels P. J. Proudhon a le plus écrit, on cite plus d'un
-personnage. Il y a d'abord eu Napoléon III, à qui l'auteur de <i>La
-Révolution démontrée par le 2 décembre</i> a dû s'adresser deux fois pour
-faire lever la prohibition qui pesait sur son livre. Il a aussi écrit
-plusieurs fois au prince Napoléon Jérôme. Les intimes tels que MM.
-Darimon, Charles-Edmond, Georges Duchêne et le colonel Langlois ont, de
-même que les frères Garnier, de quoi faire un volume; le pauvre Gustave
-Chaudey, le même qui a été assassiné par les hommes de la Commune,
-n'avait pas moins de cent cinquante lettres. Il y en a aussi de fort
-remarquables entre les mains de M. Charles Beslay, ce vieillard,
-aujourd'hui proscrit, qui après la révolution du 18 mars, a préservé de
-l'incendie la Banque de France, ses titres et ses trésors.</p>
-
- <p>Les plus intéressantes, les plus familières, celles dans lesquelles le
-paysan de la Franche-Comté exprime peut-être le plus et le mieux ce
-qu'il veut dire, ont été écrites à M. Auguste-Abraham Rolland, ancien
-représentant de Saône-et-Loire, le spirituel traducteur de la
-correspondance de la princesse Palatine. Il m'a été donné de prendre
-connaissance de ces confidences; ce sont de véritables <i>Mémoires
-intimes</i>, comparables, par exemple, aux lettres de Diderot à Mlle
-Roland. Dans ces épîtres, écrites sans aucun apprêt, P. J. Proudhon fait
-défiler à peu près tous les contemporains sous ses yeux. Dieu sait tout
-ce qu'il y a de malice et de vérité dans les mille et un petits
-portraits à main courante qu'il trace là-dedans!</p>
-
- <p>Parmi ces lettres, il en est une, fort étendue, qui produit plus
-d'impression encore que les autres. Elle a trait à un fait qui s'est
-passé dans la famille même de l'auteur. La chose est doublement curieuse
-par les contrastes et par les rapprochements qu'elle fournit. Ce qui se
-passe en ce moment même lui donne, ce me semble, un très-grand attrait
-d'actualité. En 1850, par suite de la publication d'un article de
-journal, P. J. Proudhon était enfermé à Sainte-Pélagie. Il épousa alors
-dans sa prison Mlle Piégard, fille d'un ancien héraut d'armes de la cour
-du roi Charles X. Ce dernier, fort excellent homme, légitimiste sincère,
-mais s'occupant peu de politique, recevait une modique pension de
-l'ancienne liste civile (je parle, bien entendu, de la liste civile des
-Bourbons de la branche aînée). Un moment vint où les ressources de ce
-réservoir manquant, ce vétéran du palais des Tuileries dut avoir recours
-à la cassette du comte de Chambord pour vivre. En une telle extrémité,
-il pria son gendre de lui servir de secrétaire, et, en effet, P. J.
-Proudhon rédigea pour lui la supplique, qui fut envoyée à Froshdorf. Un
-peu plus tard, le brouillon de cette pièce, de la main de P. J.
-Proudhon, fut trouvé, et républicains et royalistes à l'envi accusèrent
-le publiciste d'entretenir des intelligences avec Henri V. C'est pour
-repousser cette supposition que le publiciste a écrit la lettre si
-éloquente à laquelle je fais allusion et dont voici un fragment:</p>
-
- <p>«Cher ami, mon beau-père a été, pendant quarante années, le serviteur
-des Bourbons.</p>
-
- <p>«Vieux, infirme, n'ayant pas de pain, il a cru devoir s'adresser au
-prince dont il a servi les aïeux. N'est-ce pas une règle d'agir ainsi?</p>
-
- <p>Mais, au moment de faire sa demande, le vieux Piégard a vu que sa main
-débile, presque paralysée, n'avait plus la force de tenir une plume, et
-il a naturellement demandé à moi, son gendre, de rédiger sa demande. Il
-a dicté, j'ai écrit. Il envoyait un placet au comte de Chambord.
-Ecrivant pour lui, j'ai fait le travail graphique. Voilà tout mon
-crime.»</p>
-
- <p>Ce n'est là, je le répète, qu'un démembrement fort décousu et incolore.
-Toute cette protestation est d'un beau mouvement et d'un grand
-style.--On espère que ce morceau et mille autres feront partie de la
-<i>Correspondance</i> dont s'occupe la dernière des Filles de l'auteur,
-<i>Correspondance</i> à laquelle, je le répète, le livre posthume de
-Sainte-Beuve a si bien servi de prélude.</p>
-
- <p>Nous sommes en pleine chasse tout le long du pays.</p>
-
- <p>A ce sujet, il court beaucoup de racontars.</p>
-
- <p>En voici un que nous avons entendu débiter par un Nemrod qui arrive de
-Normandie.</p>
-
- <p>Du côté de Bayeux, un villageois avait promis à son curé de lui envoyer
-un lièvre, le jour même de l'ouverture de la chasse.</p>
-
- <p>A une semaine de là, le bon curé rencontre le rustre:</p>
-
- <p>--Eh bien, mon garçon, lui dit-il, et ce lièvre?</p>
-
- <p>--Comment, moussieu le curai, est-ce que vo ne l'avais poin encore?</p>
-
- <p>--Non.</p>
-
- <p>--Ah! mais, je n'en reviens point.</p>
-
- <p>--Comment cela?</p>
-
- <p>--Pardine, aussitôt que j'l'ai vu pas bien loin de nout' farme, j'y ai
-dit: «Va-t-en vite chez moussieu l'curai.» Et i n'y a point étai,
-l'grigou? C'est point bien d'sa part, savais-vous!</p>
-
- <p>Le narrateur ajoutait:</p>
-
- <p>--Le bon curé rit encore aux larmes en racontant cette pyramidale
-naïveté de son paroissien.</p>
-
- <p>Quant à nous, nous pensons que le narrateur et le curé sont encore bons
-enfants s'ils croient que les paysans d'aujourd'hui ont cette
-naïveté-là.</p>
-
- <p>Il n'y a pas eu de prix pour le concours Troyon.--Tout le monde s'y
-attendait bien.</p>
-
- <p><span class="sc">Philibert Audebrand.</span></p>
-
- <br><br>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/002.png"><br><b>BAZAINE. D'après la photographie de M. Maunoury.</b></p>
-
-<br>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br><b>VOYAGE DE VICTOR-EMMANUEL EN ALLEMAGNE.--Promenade de<br>
-Leurs Majestés le roi d'Italie et l'empereur d'Autriche sur le lac de
-Laxenburg.</b></p>
-
-<br><br>
-
- <h3>UN DRAME DANS LE DÉSERT</h3>
-
- <p>Vous ne connaissez pas l'Amérique! Voilà ce que ne cessent de nous
-répéter sur tous les tous les Américains que nous fait rencontrer le
-hasard de l'existence parisienne. Vainement prouvons-nous que nous avons
-lu avec fruit les livres de Tocqueville et d'Ampère. Le premier est
-vieux, et n'était pas absolument vrai, même quand il a paru. Quant au
-second, utile au voyageur qui veut se borner à parcourir certaines
-villes privilégiées, en formation ou en décadence, il n'apprend rien sur
-la vie générale telle qu'on la comprend et qu'on la pratique, sur les
-mœurs, le caractère, et ce qui peut constituer le présent et l'avenir
-de la sociabilité d'un peuple.</p>
-
- <p>On ne sort pas de là. Si vous insistez, vous ne tarderez pas à être
-écrasé sous une avalanche d'anecdotes et de faits particuliers qui
-démoliront pièce à pièce toutes les notions que vous aviez péniblement
-classées dans votre esprit. C'est ce qui m'est arrivé, et voilà pourquoi
-j'avertis le lecteur au moment de conter un drame américain.</p>
-
- <p>Les tribus indiennes, si bien décrites par Chateaubriand, subsistent
-encore sur quelques points de l'immense territoire que peuplent et
-civilisent les continuateurs de Washington. Mais chaque jour voit
-diminuer leur importance. De beaucoup, il ne reste plus que le nom.
-Quelques autres sont réduites à un tel petit nombre d'individus qu'ils
-ne valent même pas la peine d'être domptés. Le wisky en a eu raison bien
-mieux encore que la poudre de guerre. C'est en vain que certains chefs
-intrépides protestent contre cette destruction qui s'attaque à l'homme
-adulte et par conséquent s'oppose à la reproduction et à la propagation
-de l'espèce. Tout au plus parviennent-ils à se montrer dignes de leurs
-ancêtres et à nous faire voir ce qu'étaient les Indiens d'autrefois.</p>
-
- <p>Tel était Maha, un des plus illustres des Chérokées, au moment où l'on
-conçut l'idée de relier par un chemin de fer New-York à San-Francisco et
-à l'Océan Pacifique. Les exploits de guerre et de chasse de Maha étaient
-célèbres dans toutes les prairies, et on ne prononçait qu'avec respect
-le nom de l'Oiseau-Moqueur, ainsi que l'avaient surnommé ses
-compatriotes. Il ne vit pas d'un bon œil l'entreprise nouvelle. On
-l'entendit souvent proférer des menaces contre ces empiètements qui
-venaient troubler la tranquillité des solitudes et rendre plus pénible
-encore l'existence précaire des Indiens. Quand ils n'étaient pas en
-nombre, les travailleurs étaient, souvent interrompus par une irruption
-soudaine et une attaque à main armée. On ne saura jamais le nombre exact
-de ceux qui ont payé de leur vie ce rôle de pionniers de la civilisation
-que nous admirons de loin. On a pu dire sans exagération que, dans
-certaines solitudes, chaque traverse avait été arrosée du sang d'un
-homme. La civilisation qui veut marcher à grandes guides ne s'arrête pas
-pour si peu.</p>
-
- <p>Maha n'en vit pas moins s'établir le chemin de fer du Pacifique, et les
-wagons roulèrent de New-York à San-Francisco, et réciproquement,
-emportant marchandises et voyageurs. Il en conçut un ressentiment
-profond. Il ne comprenait rien à cet ouragan de feu qui bravait son
-intrépidité. Mais il lui avait voué une haine farouche, une de ces
-haines de sauvage qui est à peine satisfaite par la mort. Il fallait que
-Maha eut raison de son ennemi ou qu'il périt.</p>
-
- <p>Il résulta de cette résolution prise, une série d'embuscades plus ou
-moins ingénieuses et des accidents de toute sorte dans le détail
-desquels nous n'entrerons point. Les déraillements ne comptent guère
-dans l'existence américaine. Toutes les routes en ce pays sc ressentent
-plus ou moins de la précipitation avec laquelle elles sont construites.
-Pourvu qu'elles conduisent au but, peu importe si elles n'offrant pas au
-voyageur toutes les garanties qu'on rencontre sur nos belles et grandes
-routes d'Europe. Sous ce rapport, le chemin du Pacifique ne pouvait
-faire exception à la règle nationale. Les accidents préparés et imaginés
-par Maha et les Peaux-Rouges qu'il commandait ne produisirent pas plus
-d'effet qu'ils n'en auraient produit dans les environs de Baltimore et
-de Boston. On fut même quelques mois à ne pas soupçonner les Indiens
-d'être pour quelque chose dans les rails coupés et les traverses
-enlevées. Quand on s'en aperçut, Maha reconnaissait déjà l'inutilité de
-ses ruses et de ses efforts et changeait de tactique.</p>
-
- <p>Avec la patience de l'Indien qui surveille toutes les habitudes de la
-proie qu'il guette, Maha se mit à observer la marche des trains. Il
-voulait en étudier et en surprendre le mécanisme. Car il était trop
-intelligent pour n'avoir pas compris tout de suite que le monstre de feu
-obéissait à une direction savante. Il devina le rôle important que
-jouaient le mécanicien et le chauffeur. Et dès lors son plan fut arrêté,
-un plan qui exigeait une hardiesse, une agilité, une vigueur dont les
-sauvages seuls sont capables. Mais, sous ce rapport, Maha était en
-fonds, il n'avait pas son pareil dans les Prairies de l'ouest.</p>
-
- <p>Il ne mit personne dans sa confidence, ni parmi les anciens de sa tribu,
-ni parmi ses jeunes compagnons d'aventures. Car il n'avait besoin
-d'aucun secours pour mener à bien l'audacieux projet qu'il avait conçu
-et profondément mûri.</p>
-
- <p>Par une belle journée de juin, au moment où le soleil à son zénith
-couvrait de ses feux ardents toute la plaine, Maha, que les Chérokées
-appelaient l'Oiseau-Moqueur, s'embusqua donc le long des rails, dans
-l'endroit le plus désert, et attendit le passage du train. Le souffle
-puissant de la locomotive et les sifflets stridents ne tardèrent pas à
-se faire entendre. Le convoi de San-Francisco arrivait à toute vapeur.
-Pas d'autre bruit dans l'immense solitude. Le calme universel avait une
-solennité qu'on n'oublie jamais quand on a été une fois dans sa vie
-témoin de ce spectacle grandiose. Les animaux sauvages eux-mêmes se
-reposaient dans les hautes herbes, et attendaient que le soleil eut
-tempéré ses ardeurs.</p>
-
- <p>Maha veillait avec confiance. Il avait examiné ses armes. Il était
-certain de tenir sa vengeance.</p>
-
- <p>Les premiers wagons le frôlèrent dans son embuscade. Il les laissa
-passer pour mieux calculer son élan. Puis, avec une adresse qui ne
-surprendra pas ceux qui ont étudié les sauvages et savent de quels tours
-d'agilité ils sont capables, il sauta et se maintint sur le marchepied.
-Dans les wagons, on vit passer comme un fantôme le visage richement
-tatoué du chef Chérokée qui se glissait le long du convoi et arrivait
-jusqu'à la locomotive. Seuls, le chauffeur et le mécanicien n'avaient
-rien vu et continuaient à diriger la marche de la vapeur avec une
-entière sécurité. Ils étaient en péril de mort.</p>
-
- <p>L'intrépide Indien a sauté sur la machine. D'un coup de tomahawk; il
-abat le chauffeur à ses pieds; d'un coup de couteau, il tue le
-mécanicien. La main vengeresse est aussi rapide que l'éclair. En un clin
-d'œil les cadavres sont scalpés, et l'Oiseau-Moqueur s'élance et se
-tient debout sur le tender comme un triomphateur. Il tient à la main et
-brandit comme un trophée les chevelures de ses ennemis et hurle un chant
-de guerre sauvage. Tous les voyageurs ont reconnu cette voix. Dans
-toutes les veines court un frisson de terreur. Un marche à une mort
-imminente, certaine; car le train n'a pas ralenti sa vitesse. Au
-contraire, la vapeur n'étant plus contenue et dirigée déploie toute sa
-vigueur. Tant que le charbon et l'eau ne feront pas défaut, on
-poursuivra cette course vertigineuse.</p>
-
- <p>Les stations intermédiaires sont brûlées. Pleins d'épouvante, les
-aiguilleurs et les cantonniers voient passer ce train lancé avec une
-vitesse insensée et ce singulier mécanicien. Chacun comprend le péril et
-devine en gros ce qui est arrivé. Mais impossible de porter le moindre
-secours. Il n'y faut même pas songer. On doit rester sourd aux cris de
-détresse des voyageurs, dont les terribles lamentations réveillent tous
-les échos des solitudes. L'Oiseau-Moqueur les entend, et il jouit de son
-œuvre. Il est heureux des larmes qu'il fait couler. Dans son cœur, il
-est le plus grand des hommes, des guerriers de sa tribu. En un seul
-jour; il a vengé les Peaux-Rouges de toutes les vexations, de toutes les
-injustices séculaires que leur font subir les Américains.</p>
-
- <p>Le drame cependant n'était pas fini. Si la situation était
-singulièrement aigüe, elle allait encore le devenir davantage, par la
-seule péripétie qui n'avait pu entrer dans la tête et dans les
-prévoyances de l'Oiseau-Moqueur.</p>
-
- <p>Comme dans tous les convois à long parcours, la société est fort mêlée
-dans les wagons. Il y avait beaucoup de femmes et d'enfants. Certains
-compartiments étaient même occupés par des familles entières. Quelles
-tendresses déchirantes furent échangées dans ces moments suprêmes, nous
-ne le dirons pas. On les devine aisément. C'est principalement devant la
-mort imminente que toutes les affections du cœur se donnent libre
-carrière, et l'homme civilisé est le même sous toutes les latitudes.</p>
-
- <p>Parmi les passagers se trouvait un officier de la marine des États-Unis,
-M. Henry Pierre, qui voyageait avec sa femme et ses deux jeunes enfants.
-Ce groupe se faisait remarquer entre tous. On n'y entendait ni cris
-déchirants ni malédictions. Mais les yeux laissaient échapper des larmes
-silencieuses, et les mains restaient étroitement unies. Ensemble on
-avait vécu; on avait été heureux, ensemble on voulait mourir. L'homme et
-la femme n'avaient pas d'autre pensée. Quant aux enfants, jamais ils
-n'avaient paru plus beaux, plus affectionnés à leurs parents. C'était,
-réellement une famille modèle, et comme on en voit rarement en Amérique.</p>
-
- <p>Le marin cependant, habitué aux luttes des grandes navigations,
-cherchait dans sa tête un moyen de sortir du péril. Une étreinte plus
-expressive à la main de sa femme indiqua qu'il avait trouvé. Avec une
-résolution formidable, il prit un solide poignard dans son bagage
-portatif, déposa un long baiser sur le front de chacun des êtres adorés,
-et ouvrit la portière du wagon.</p>
-
- <p>Sur le marchepied, il envoya un dernier regard à sa femme et à ses
-enfants.</p>
-
- <p>--C'est pour eux! dit-il simplement.</p>
-
- <p>Et on le vit se glisser le long du train jusqu'à la machine. Les cris et
-les lamentations avaient soudainement cessé. On avait compris qu'un
-secours inespéré arrivait, qu'un homme se dévouait pour tenter le salut
-de tous. Seul, sur le tender, le grand chef Chérokée n'avait pas
-interrompu son chant de triomphe. Il agitait toujours les scalp du
-chauffeur et du mécanicien.</p>
-
- <p>Henry Pierce, son poignard à la main, a sauté sur la machine. L'Indien
-l'aperçoit. Devant ce nouvel ennemi, il pousse son cri de guerre et
-brandit son tomahawk. Ce n'est plus une surprise; c'est un combat corps
-à corps qui s'engage, et la robuste vigueur et l'agilité de l'Américain
-sont de taille à se mesurer avec celles de l'Indien. Tous les voyageurs,
-penchés aux portières, essayent, de voir, et leur anxiété est facile à
-comprendre. Dans les périls extrêmes, on s'accroche avec l'énergie du
-désespoir à tout ce qui peut paraître une branche de salut.</p>
-
- <p>L'étroit espace sur lequel se livrait la bataille n'était cependant pas
-aussi favorable à l'Américain qu'à l'Oiseau-Moqueur. Les pieds du marin
-avaient rencontré les cadavres du chauffeur et du mécanicien et
-glissaient dans le sang. Avec son poignard, il ne pouvait atteindre son
-ennemi que de très-près. L'Indien au contraire avait conservé tous ses
-avantages, et son tomahawk s'abattit sur Pierce, qui tomba grièvement
-blessé. En un clin d'œil, l'Oiseau-Moqueur le scalpa, et une troisième
-chevelure vint s'ajouter à celles qu'il agitait en poussant des cris
-féroces de triomphe. Pour l'Indien, l'ennemi abattu était un ennemi
-mort.</p>
-
- <p>Il n'en était point ainsi de Pierce, heureusement. Malgré ses blessures
-il vivait encore, et malgré d'atroces souffrances il conservait une
-indomptable énergie. Pendant que l'Indien exhalait en vociférations
-sauvages le délire de sa joie, le marin rassembla les forces qui lui
-restaient, se releva brusquement, bondit, et plongea son couteau dans la
-poitrine de l'Oiseau-Moqueur. Il le retourna même dans la plaie pour que
-la blessure fût bien mortelle. Le cadavre du chef Chérokée tomba sur la
-voie.</p>
-
- <p>La mort de Maha n'était que le commencement de la délivrance. Le danger
-était loin d'avoir disparu. Car le train filait toujours avec une
-vitesse infernale. Aucun homme n'avait eu le courage d'imiter l'exemple
-donné par Henry Pierce et de s'aventurer le long du convoi jusqu'à la
-machine, il s'en fallut donc de bien peu que tout ce beau dévouement ne
-fût complètement inutile. Avec une énergie qu'on ne saurait assez
-admirer, Henry Pierce se traîna péniblement jusqu'à la manivelle et
-renversa la vapeur.</p>
-
- <p>Il était à bout de forces. A son tour il tomba sur les cadavres du
-chauffeur et du mécanicien. Mais le train s'arrêta. La femme et les
-enfants du brave officier de marine étaient sauvés. Les autres voyageurs
-bénéficièrent du sauvetage par surcroît.</p>
-
- <p>Seulement on les vit accourir avec empressement dès que toute espèce de
-danger eut disparu, dès qu'on put descendre des wagons avec sécurité.
-Ceux qui avaient montre l'égoïsme le plus couard ne furent pas les moins
-prompts à vouloir porter des secours; il y en eut même qui avouèrent
-qu'ils se hâtaient pour bien savoir ce qui s'était passé et connaître
-tous les détails du drame.</p>
-
- <p>Le brave Henry Pierce respirait encore; mais il n'en valait guère mieux.
-C'était un homme voué à une mort certaine. Aucun secours, aucun prodige
-de la thérapeutique n'aurait pu détourner ce dénouement fatal. Une
-consolation suprême était pourtant réservée au grand cœur qui battait
-dans cette poitrine affreusement mutilée. Pierce entendit et reconnut la
-voix de ceux qu'il aimait. Il sentit leurs douces étreintes encore une
-fois. Il put prendre et garder dans les siennes la main de sa femme, la
-main de ses jeunes enfants. La douleur de cette famille était d'autant
-plus navrante à voir qu'elle ne se trahissait pas au dehors par des cris
-et des manifestations bruyantes. La mère et les enfants semblaient
-craindre, par l'explosion de leurs sentiments intimes, de troubler les
-derniers moments de celui qu'ils allaient perdre. Eux seuls étaient les
-victimes vivantes de cette catastrophe qui a laissé une trace profonde
-dans les annales du chemin de fer du Pacifique. Et eux seuls se
-montrèrent dignes de cet homme courageux qui s'était volontairement
-sacrifié pour le salut de tous. Henry Pierce expira deux heures après
-l'arrêt du train.</p>
-
- <p>Ces événements s'accomplissaient l'été dernier. Aujourd'hui c'est à
-peine si, dans le vaste désert du territoire indien, on peut indiquer
-avec précision le théâtre du drame.</p>
-
- <p><span class="sc">Georges Bell.</span></p>
-
- <br><br>
-
- <h3>LES THÉÂTRES</h3>
-
- <h4>Théâtre de la Porte-Saint-Martin.--Marie Tudor.</h4>
-
- <p>Il existe au musée de Madrid un admirable portrait de Marie Tudor, par
-Antonio Moro. Sous le bonnet, ou plutôt sous le chapeau de velours noir
-relevé sur les tempes s'encadre la figure amaigrie de la reine, avec les
-lèvres fines, les yeux ardents sous la paupière rougie, les pommettes
-saillantes, le teint pâle de l'hydropisie, et toute la sévérité de
-l'ascétisme religieux. Elle se détache froide, terrible de son cadre,
-cette figure de Marie la Sanguinaire, <i>the bloody Mary</i>, comme elle se
-détache de l'histoire, au milieu de ses persécutions religieuses, dans
-ce fanatisme qui effraya Philippe II lui-même, son royal époux.</p>
-
- <p>Pourtant c'est à cette reine, vivant d'une sorte d'exaltation pieuse
-dans un Escurial anglais, qu'il a plu à l'auteur de donner un amant. A
-son aise. Il me semble pourtant que s'il convient au poète de rompre en
-visière avec toutes les idées reçues, il faut au moins que son œuvre
-s'empare des esprits par sa puissance, de telle sorte qu'on lui fasse
-crédit de ses erreurs et qu'il ne vienne pas en pensée de les relever.
-Eh bien! Marie Tudor est à coup sûr un des drames les moins heureux du
-poète. Je ne m'inquiète pas de sa portée politique, je ne me demande pas
-où tendent ces visées de l'auteur, qui de parti-pris traîne une reine
-devant le mépris public, en lui faisant proclamer impudemment devant une
-cour Fabiano Fabiani pour son amant, qui prend toute l'Angleterre à
-témoin de cette honte, en lui demandant de s'associer à sa vengeance.
-Qu'importe que reine elle se déshonore publiquement, que femme elle
-livre à tous l'aveu de ses lâchetés, que chrétienne elle se parjure, la
-main étendue sur la couronne royale et sur les saints évangiles, qu'elle
-mente aux serments faits à la mémoire de son père; c'est une tête
-couronnée qu'on jette au mépris de la foule, comme le poète lui a jeté
-et Charles-Quint, et François Ier, et Louis XIII, et Richelieu, c'est un
-système, je n'ai pas à m'en préoccuper. L'affaire est entre le public et
-Victor Hugo. Moyennant quelques galanteries du poète à son peuple, ils
-s'entendront bien ensemble. Mais ce qui est plus important pour moi,
-simple spectateur d'une action dramatique, c'est que la pièce ne
-m'intéresse pas.</p>
-
- <p>Chose étrange! Le drame est rempli de terreurs par les nuits sombres aux
-bords de la Tamise, par les colères terribles d'une reine, par la
-présence du bourreau, par l'appareil funèbre des chapelles ardentes, des
-tentures des tombeaux; il est assombri par les coups de canon, éclairé
-par l'incendie des villes, et pourtant l'âme reste froide devant cet
-immense déploiement de terreurs. Elle voit passer ce spectacle sans
-s'émouvoir, sans se passionner. Une curiosité pourtant s'empare de vous
-au milieu de tout ce récit lugubre: Comment ce puissant esprit
-viendra-t-il à bout d'une telle œuvre! car Victor Hugo est un maître
-par la force et par l'audace; comment s'achèvera un tel édifice?
-L'esprit est donc en éveil; quant à l'âme, je le répète, elle est bien à
-son aise; cela ne la regarde pas. La raison en est simple: c'est que
-Victor Hugo est théâtral et n'est pas dramatique. Il y a un grand
-souffle dans le poète qui anime de sa puissante parole une action mise
-en scène, qui agite au gré de son lyrisme tous les personnages; toujours
-brillant, toujours sonore, avec l'appareil extérieur du génie.
-Shakespeare si vous voulez, mais sans passions, le Shakespeare de la
-phrase.</p>
-
- <p>J'écoutais l'autre soir cette Marie Tudor; un acte tout entier se passe
-à mettre en dehors la violence de la reine. Un homme aimé l'a trahie, sa
-vengeance sera terrible. Il lui faut le grand jour pour l'éclairer, la
-multitude pour témoin, il lui faut la menace à pleins poumons, l'insulte
-sans réserve, l'insulte jusqu'à la grossièreté, le reproche avec tous
-les mépris, l'humiliation, l'abaissement de l'amant, dût la dignité de
-la reine tomber avec la tête du favori: «Tu te dis allié à la famille
-espagnole de Pénalvar, mais ce n'est pas vrai, tu n'es qu'un mauvais
-Italien, rien! moins que rien! fils d'un chaussetier du village de
-Larino!--Oui, messieurs, fils d'un chaussetier! Je le savais et je ne le
-disais pas, et je le cachais, et je faisais semblant de croire cet homme
-quand il me parlait de sa noblesse!» Ce n'est pas assez de toutes ces
-invectives, il faut que cet homme tombe à genoux devant tous, qu'on le
-déshonore aux pieds du trône, que la reine le voie face à face avec le
-bourreau. Et quand l'effet de cet acte sera perdu par son exagération
-même, la reine se reprendra d'amour pour Fabiano Fabiani. C'est le cœur
-de la femme. Racine l'avait dit tout entier dans un seul vers
-d'<i>Hermione</i>:</p>
-
- <p>«S'il ne meurt aujourd'hui, je puis l'aimer demain.»</p>
-
- <p>Mais Victor Hugo n'a pas le génie sobre et puissant de Racine, il se
-perd dans la déclamation, il frappe fort, il ne frappe pas juste, si
-bien que ce personnage de <i>Marie Tudor</i>, renouvelé d'<i>Hermione</i>, nous
-laisse absolument froids, par cela seul qu'en l'exagérant le poète l'a
-rendu faux dans le vrai.</p>
-
- <p>Voilà pourquoi ce drame de <i>Marie Tudor</i> a eu si peu de succès à son
-début et pourquoi le public d'aujourd'hui ne me semble pas disposé à
-casser le jugement du passé. A défaut de Marie Tudor, les personnages
-qui gravitent autour de la reine ont-ils du moins un intérêt? Aucun, ce
-n'est pas à coup sûr Fabiano Fabiani qui m'attache. Ce que la reine en
-dit me dégoûterait complètement de ce gentilhomme, fils d'un chaussetier
-du village de Larino. Jane est une fille perdue que son repentir et son
-amour tardif pour Gilbert ne rachète guère; quant à Gilbert, cet homme
-qui ment pour la reine quand elle en a besoin, le droit de sa vengeance
-ne le justifie pas de toutes ces lâchetés. Tout cela compose donc un
-ensemble de gredins peu sympathiques, et je ne m'étonne donc plus de
-l'accueil que le public fit, il y a quelque quarante ans, à <i>Marie
-Tudor.</i></p>
-
- <p>La pièce devait être merveilleusement jouée en cette année 1833, où elle
-parut pour la première fois. Je vois sur la liste des acteurs les noms
-de Mlle Georges, de Lockroy, de Chilly, de Provost. Il y a là de grands
-souvenirs; mais il ne faut pas que ce passé nous rende injustes, et j'ai
-applaudi pour ma part, et très-chaleureusement, aux interprètes
-d'aujourd'hui. J'ai trouvé dans Mme Marie Laurent une voix pleine de
-passion et d'éclat, une grande puissance dramatique. Elle a eu des
-accents véritablement beaux. Simon Renard est fort bien joué par
-Taillade. Dumaine rend en acteur intelligent le rôle de Gilbert. Mlle
-Dica Petit a eu le plus chaleureux succès dans la dernière scène du
-quatrième acte, et Frederick Lemaitre a joué le personnage du juif avec
-cette perfection qui caractérise ce maître comédien. La voix s'est
-affaiblie, c'est vrai; l'âge, le grand âge est venu, mais le talent est
-toujours là. Comme cela est dit, phrasé, mis en scène, et quels accents
-encore dans cette voix qui s'éteint!</p>
-
- <p>Le théâtre des Variétés a pris <i>la Vie parisienne</i> au répertoire du
-Palais-Royal. Il m'a semblé que le public trouvait quelques rides à
-cette gaieté qui nous fit si gais il y a quelques années. Vraiment, il
-fallait s'y attendre. Si la pièce a vieilli c'est que nous avons vieilli
-nous-mêmes; ce n'est pas à nous qu'il faut demander notre opinion sur
-elle, nous serions injustes, c'est à la génération qui a pris nos
-stalles au théâtre. Elle s'amuse encore de ce qui nous amusait. Tout est
-bien; et voilà <i>la Vie parisienne</i> lancée comme autrefois dans un succès
-rajeuni.</p>
-
- <p><span class="sc">M. Savigny.</span></p>
-
- <br><br>
-
- <p class="mid">Fureur: <i>Lèvres de Feu!!</i> valse; <i>Peau de satin</i>, polka de Klein.</p>
-
- <br><br>
-
- <h3>L'ESPRIT DE PARTI</h3>
-
- <h4>LE CHARIVARI</h4>
-
- <p><i>Caricature</i> fondée par Ch. Philippon en 1830, obtenait, depuis deux
-ans, un immense succès. N'était-ce pas, au reste, le premier mariage
-célébré, dans le journalisme, entre la plume et le crayon!--Aussi les
-quatre pages de la petite feuille hebdomadaire ne suffirent bientôt plus
-à repaître les curiosités nouvelles qu'elle avait éveillées. De là, dans
-l'esprit de Ch. Philippon, l'idée d'une seconde «Caricature»,--mais
-quotidienne, celle-là,--sous ce titre: <i>le Charivari.</i></p>
-
- <p>Lisez le prospectus. C'est une franche déclaration de guerre au pouvoir:
-«... La lutte sera loyale toujours, et si nos coups sont vifs,
-instantanés comme le fait qui les aura provoqués, peut-être nous
-sera-t-il possible d'en proportionner la rudesse au plus ou moins de
-gravité des circonstances; comme encore de les porter moins acérés, par
-cela même qu'ils seront plus pressés. On peut frapper moins fort quand
-on frappe sans cesse....»</p>
-
- <p>Le premier numéro porte la date du 1er décembre 1832. Or c'est bien le
-moins que nous saluions, au passage, le berceau d'un confrère qui,
-malgré ses perpétuelles campagnes et ses innombrables blessures,
-accomplit actuellement, et d'une façon si gaillarde, sa
-quarante-et-unième année.--Notre cadre, par malheur, nous interdit la
-moindre monographie: une fortune pour un libraire intelligent! C'est
-pourquoi nous ne dirons rien de ces fameux dessins qui se vantaient si
-fièrement de tout dire: «... Nous délions tous les arrêts, nous délions
-toutes les cours et nous échapperions à toutes les lois, si nous en
-étions réduits à redouter d'injustes condamnations, et à éluder des lois
-antilibérales. Le crayon, qui est notre plume, à nous, sait rendre
-toutes nos pensées et tout est de son domaine... (Nº du 27 mars 1833).»
-Nous ne nous arrêterons pas davantage à ces articles de fond où les
-trois hommes d'État tympanisaient l'Ordre-de-chose avec une verve chaque
-jour plus féconde, plus implacable et plus âcre.</p>
-
- <p>Notre lot est le simple droit de fourrage dans cette partie humoristique
-qui semble,--sous la rubrique de <i>Carillons</i>,--une pépinière de
-«légendes pour dessins» non utilisées et à l'état de rudiment.
-Collection que, de nos jours encore, les Hippolyte Briollet et les Paul
-Girard, ont continuée, sous l'habile direction de M. P. Véron, avec
-moins d'audace peut-être, mais autant d'esprit que leurs devanciers.</p>
-
- <h4>1832</h4>
-
- <p>Le ministère a beau se démener; il ne peut obtenir un mouvement de
-hausse. La baisse fait des progrès à mesure que la majorité se dessine.
-C'est que la Bourse a peur du <i>Thiers</i> consolidé.</p>
-
- <p>La France nouvelle prétend que l'impression du discours du trône a été
-généralement bonne. Le pays n'a pourtant vu jusqu'ici que de tristes
-épreuves.</p>
-
- <p>Un journal ministériel nous dit que M. Thiers a un grand fonds
-d'éloquence; malheureusement M. le ministre de l'intérieur est forcé,
-par état, de tenir ses fonds secrets.</p>
-
- <p>Entre le coup d'État populaire du 29 juillet et le coup d'État
-monarchique du 7 juin, il y a cette différence que le premier fut une
-cause sans effet, tandis que le second fut un effet sans cause.</p>
-
- <p>Il ne faut pas s'étonner que ces messieurs soient parvenus à soustraire
-l'état de siège au verdict du pays. Ces messieurs ont toujours été
-très-forts sur la soustraction.</p>
-
- <p>Une arme à feu! quel moyen absurde pour abattre une <i>poire</i>! Aussi la
-gaule réclame.</p>
-
- <p>Le <i>Journal de Paris</i> prétend qu'en juin les insurgés voulaient frapper
-le juste-milieu <i>au cœur</i>. En ce cas, on a bien raison de dire qu'ils
-tentaient l'impossible.</p>
-
- <p>On dit que la nouvelle chambre a un écho. Ce n'est assurément pas dans
-le public.</p>
-
- <p>Que de gens peuvent dire, comme le Christ:--«Je porte ma croix,
-Seigneur, sans l'avoir méritée!»</p>
-
- <p>On a remarqué avec surprise que le projet de loi sur l'état de Siège, se
-termine par le protocole ordinaire: Donné, etc.--Joli cadeau qu'on nous
-fait là!</p>
-
- <p><span class="sc">Jules Rohaut.</span></p>
-
- <p>(<i>A suivre.</i>)</p>
-
- <br><br>
-
- <h3>EXPOSITION DES PRIX ET ENVOIS DE ROME A L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.</h3>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"></p>
-
-<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0"
- style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
- <tbody>
- <tr>
- <td style="vertical-align: top; width: 60%;">
-<b>Les juifs pleurant leur captivité à Babylone.--Tableau de
-M. Morot, premier grand prix de peinture.</b>
- </td>
- <td style="vertical-align: top; width: 40%;">
-<b>Gloria victis.--<i>Sculpture.</i>--Envoi de M. Mercié</b>
- </td>
- </tr>
- </tbody>
-</table>
-
-
-
-
-
- <br><br>
-
- <h3>SUPPLÉMENT AU NUMÉRO 1597 du 4 OCTOBRE 1873</h3>
-
- <h2>PROCÈS DU MARÉCHAL</h2>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>VUE PANORAMIQUE DE METZ ET DES ENVIRONS POUR SUIVRE LA<br>
-CAMPAGNE DE 1870-1871.</b></p>
-
-<br><br>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ.--L'évasion.</b></p>
-
- <br><br>
-
- <h3>NOS GRAVURES</h3>
-
- <h4>Le maréchal Bazaine</h4>
-
- <p>L'<i>Illustration</i> publie aujourd'hui un beau portrait du maréchal
-Bazaine. A cette occasion, on m'a demandé une notice sur le haut
-dignitaire de l'armée française, dont le monde entier s'est tant occupé
-depuis trois ans, et qui va très-prochainement être appelé devant un
-conseil de guerre pour y rendre compte de sa conduite, du 12 août au 28
-octobre 1870, période pendant laquelle il a exercé le commandement en
-chef de la vaillante et malheureuse armée du Rhin.</p>
-
- <p>La tâche qui m'incombe n'est pas facile pour un ancien officier qui a
-servi sous les ordres et très-près du maréchal, dont la situation
-actuelle d'accusé commande impérieusement la plus scrupuleuse
-impartialité. Pour ne pas manquer au respect dû au malheur, même quand
-il est mérité, il me faut refouler au plus profond de mon cœur la
-sympathie que peut m'inspirer le glorieux soldat d'Afrique, d'Espagne,
-de Crimée, d'Italie et du Mexique, le héros de maint combat, le
-vainqueur de Kinburn, du fort San-Xavier, de San-Lorenzo et d'Oajaca,
-ainsi que le sentiment en sens contraire que j'ai pu éprouver en
-étudiant avec un soin minutieux les terribles événements qui se sont
-accomplis autour de Metz, entre la bataille de Spickere et la
-capitulation du grand boulevard de la France.</p>
-
- <p>Si le maréchal Bazaine a réellement commis les crimes dont l'accusent
-ses adversaires, on doit reconnaître que le masque de son visage est
-bien trompeur, car il est difficile de trouver une figure respirant plus
-de bonhomie. Avec ses cheveux coupés court, son impériale et sa
-moustache sans prétention, ses rudiments de favoris, ses bonnes grosses
-joues, son teint clair, ses yeux gris et vifs, son regard franc, son
-sourire plein de bienveillance, le maréchal a plutôt l'air d'un gros
-négociant, ex-officier supérieur de la garde nationale sédentaire que
-d'un vieux militaire qui compte autant de campagnes que d'années de
-service. On eût dit qu'il cherchait à exagérer encore l'apparence
-débonnaire que lui donnait sa forte carrure et sa vigoureuse charpente à
-demi-noyée sous un léger embonpoint, indice d'une belle santé, en
-s'habillant sans prétention et tout à fait bourgeoisement. Loin de se
-coiffer en casseur d'assiettes, l'ancien général en chef du Mexique
-affectionne les coiffures trop larges: képis et chapeaux lui tombent sur
-les oreilles sans incliner jamais ni à droite ni à gauche, et son corps
-trapu sans obésité paraît se complaire dans de vastes tuniques, des
-vestons courts ou des redingotes à la propriétaire.</p>
-
- <p>Ennemi du faste, peu soucieux du confortable, d'un abord facile et d'une
-grande bienveillance, naturelle qui n'a d'égale que sa prodigieuse
-bravoure, Bazaine a été un des officiers les plus estimés et les plus
-populaires de l'armée jusqu'au 5 septembre 1864, date de son élévation à
-la dignité de maréchal. Relativement jeune, il n'avait que
-cinquante-neuf ans en 1870, d'une constitution athlétique qu'aucune
-émotion, aucune fatigue n'a encore pu entamer, le maréchal inspirait
-encore une grande confiance lorsque, le 12 août, la pression de
-l'opinion publique obligea l'Empereur à se dessaisir en sa faveur du
-commandement suprême de l'armée la plus belle et la plus nombreuse que
-la France ait possédée depuis la funeste campagne de 1812. Par son
-origine plébéienne ou bourgeoise, il flattait les instincts
-démocratiques, très-enracinés dans l'immense majorité de l'armée
-française, et le soldat était satisfait d'être commandé par un homme
-sorti du rang, et qui avait, comme lui, sérieusement porté le sac.</p>
-
- <p>Quelle qu'ait été la conduite du commandant en chef de l'armée du Rhin,
-la notice biographique qui va suivre prouvera qu'il avait bien gagné ses
-grades, et que les personnes qui ont contribué à lui faire acquérir
-honneurs et dignités ne sauraient être accusées d'avoir soutenu un homme
-sans valeur et sans services. Arrivé au faîte, il a succombé sous le
-poids d'une responsabilité écrasante; le même accident s'est reproduit
-pour d'autres généraux en chef dont le public n'était pas moins entiché.
-Tout cela prouve qu'il est difficile, sinon impossible, de discerner à
-l'avance les officiers capables de commander en chef; et, à mon avis,
-les généraux français qui ont été battus dans la dernière guerre sont
-surtout les victimes d'une éducation militaire incomplète ou mal dirigée
-et les boucs émissaires des fautes ou des défaillances de la France tout
-entière. N'osant assumer en masse la responsabilité de leurs revers, les
-Français commettent en ce moment la faute, impardonnable de personnifier
-leurs désastres dans quelques généraux; je ne m'aventurerai pas à dire
-que ce soit là un symptôme de décadence; mais ce n'est pas davantage un
-signe de grandeur et encore moins de générosité.</p>
-
- <p>Sauf de légères variantes, toutes nos armées ont ou allaient éprouver un
-sort identique. Les armées de Metz, de Sedan, de Paris et de l'Est ont
-été anéanties, enlevées ou réduites à l'impuissance; les armées du Nord
-et de la Loire, après les défaites de Saint-Quentin et du Mans, auraient
-eu la même fin, si l'armistice n'était heureusement survenu. Notre
-devoir est de faire notre examen de conscience, et je doute que les deux
-juges du conseil qui ont capitulé à Paris et celui qui a été battu à
-Arthenay ne soient pas disposés à l'indulgence envers un frère d'armes
-malheureux.</p>
-
-<p class="mid">*<br>* *</p>
-
- <p>La famille du maréchal Bazaine appartient à ce qu'on appelle la haute
-bourgeoisie. Son père, ingénieur distingué, a rempli pendant de longues
-années les fonctions de directeur-général des ponts-et-chaussées de
-l'empire russe, avec rang de lieutenant-général; son frère, sorti de
-l'École polytechnique, compte depuis longtemps parmi nos ingénieurs et
-constructeurs de chemin de fer les plus remarquables; enfin sa sœur a
-épousé le célèbre ingénieur Clapeyron. Bazaine (François-Achille), né à
-Versailles le 18 février 1811, suivait les cours de la Faculté de droit
-de Paris en 1831, époque à laquelle la France était menacée d'une
-coalition européenne, quand il s'engagea comme simple soldat au 37e de
-ligne. La campagne d'Anvers ayant été suivie d'un désarmement général,
-le sergent Bazaine, désireux de faire campagne, obtint de passer avec
-son grade à la légion étrangère, alors en voie d'organisation et qui ne
-pouvait, conformément aux termes formels de la loi du 9 mars 1831, «être
-employée que hors du territoire continental du royaume». Rappelons que
-cette prescription avait surtout pour but d'empêcher le rétablissement
-de la garde suisse.</p>
-
- <p>Aussitôt organisée, la légion étrangère passa en Algérie. En novembre.
-1833, à l'âge de vingt-deux ans, Bazaine reçut l'épaulette de
-sous-lieutenant, et vingt mois après, il était fait chevalier de la
-Légion d'honneur à la suite du glorieux, mais malheureux combat de la
-Maeta, livré le 28 juin 1835, par le générai Trézel aux contingents
-arabes réunis dans la province d'Oran sous le commandement de l'émir
-Abd-el-Kader. Quelques semaines plus tard, le roi Louis-Philippe mit la
-légion étrangère au service de la régente Christine, mère de la reine
-Isabelle II; Bazaine suivit son corps en Espagne, où il conquit
-rapidement les grades au titre espagnol de capitaine et de chef de
-bataillon.</p>
-
- <p>A Pons, en Catalogue, avec sa seule compagnie, il lutta pendant trois
-jours consécutifs contre une colonne de quinze cents carlistes, et
-parvint à leur échapper par une marche de nuit des plus audacieuses,
-après avoir surpris leurs postes avancés. Sa bravoure et son
-intelligence l'avaient signalé à l'attention de l'habile et intrépide
-Conrad, colonel d'état-major français et commandant en chef la légion
-étrangère, avec le titre de brigadier. Bazaine fut désigné pour remplir
-les fonctions de chef d'état-major; il assista en cette qualité aux
-sanglantes batailles de Huesca, en Aragon, et de Tolosa, en Catalogne.
-Après la mort du glorieux brigadier Conrad, il sut diriger avec talent
-et sang-froid une retraite difficile devant un ennemi victorieux et
-entreprenant.</p>
-
- <p>Rentré en France en juillet 1838, Bazaine fut nommé, l'année suivante,
-capitaine au titre français et compris, en 1840, dans la formation des
-dix bataillons de chasseurs à pied réunis à Saint-Omer, sous le
-commandement du duc d'Orléans qui leur donna son nom. Le capitaine
-Bazaine, très-adroit à tous les exercices du corps, obtint le prix de
-tir décerné aux officiers par le prince royal.</p>
-
- <p>A la levée du camp, son bataillon fut dirigé sur l'Algérie, où il
-devint, en 1844, chef de bataillon et chef des affaires arabes de la
-subdivision de Tlemcen. Toujours en route, il prit part à de nombreuses
-expéditions pendant lesquelles il se signala par des coups de main
-remarquables, surtout lors de la terrible insurrection de 1845, célèbre
-par le massacre de Sidi-Brahim, où le lieutenant-colonel de Montagnac et
-le commandant de chasseurs à pied Froment-Coste périrent avec presque
-tous leurs soldats. Bazaine reçut la croix d'officier pour sa belle
-conduite au combat de Sidi-Haffis. Plus lard, en 1847, il contribua
-efficacement à la reddition d'Abd-el-Kader.</p>
-
- <p>Après la révolution de février, le commandant Bazaine était promu
-lieutenant-colonel et directeur des affaires arabes de la province
-d'Oran; en 1850, il était déjà colonel du 55e de ligne, et l'année
-suivante il rentrait dans son corps de prédilection comme colonel du 1er
-régiment étranger, investi en même temps du commandement de la
-subdivision de Sidi-bel-Abbès, commandement dans lequel il se distingua
-par une administration sage et féconde en résultats.</p>
-
- <p>En 1854, la brigade de la légion étrangère fut envoyée à Gallipoli où
-son chef, le général Carbuccia, fut de suite enlevé par le choléra, en
-même temps que son collègue, le général duc d'Elchingen. Le colonel
-Bazaine le remplaça dans ce beau commandement et fut embarqué pour la
-Crimée, avec ses deux régiments, peu de temps après la bataille de
-l'Alma. Toute l'armée sait la part brillante que prit la brigade
-étrangère aux combats devant Sébastopol où, de même que les 35e et 42e
-de ligne pendant le siège de Paris, elle fit le fond de toutes les
-attaques exécutées à la gauche de la place. Son jeune général se
-distingua tout particulièrement le 2 mai, à l'enlèvement de l'ouvrage
-dit du Cimetière; son collègue de la Motterouge, partagea avec lui les
-honneurs de cette glorieuse et sanglante nuit.</p>
-
- <p>Le 10 septembre 1855, le surlendemain de la prise de Sébastopol, le
-maréchal Pélissier confiait à Bazaine le commandement supérieur de la
-forteresse russe, et le 14 du même mois les étoiles de divisionnaire
-venaient le récompenser de sa belle conduite pendant ce siège de onze
-mois. Pélissier, très-difficile, dans le choix de ses lieutenants, avait
-la plus grande estime pour les talents militaires du nouveau général de
-division, et en donna une preuve éclatante en lui confiant, le 7
-octobre, le commandement en chef de l'expédition de Kinburn, fort situé
-dans le <i>liman</i> du Dniéper, sur les communications de l'armée russe avec
-Nikolaïeff. (On donne le nom de <i>liman</i> aux lagunes de la mer Noire.)</p>
-
- <p>Le corps expéditionnaire se composait d'une brigade française de 4,000
-hommes, commandés par le général de Wimpffen, et de 4,200 Anglais sous
-les ordres du généra! Spencer. Le 14, les flottes combinées parurent
-devant la forteresse; le 17 octobre, Bazaine ouvrait la tranchée et
-s'emparait de Kinburn après un bombardement de cinq heures exécuté
-simultanément par les batteries de terre et celles des vaisseaux. En
-récompense de ce beau fait d'armes, l'empereur lui envoya la croix de
-commandeur.</p>
-
- <p>En 1859, on retrouve Bazaine à l'armée d'Italie, où il commandait la
-troisième division du premier corps, Baraguey d'Hilliers. Le 8 juin, il
-gagne la plaque de grand officier au sanglant combat de Melegnano, et se
-distingue encore le 24 juin à l'attaque du cimetière et de la tour de
-Solférino. Après cette dernière bataille, Bazaine était un homme posé,
-le chef de l'État n'attendait plus qu'une occasion pour lui confier un
-commandement en chef.</p>
-
- <p>En 1862, quand le premier échec éprouvé par le général de Lorencez, sous
-les murs de Puebla, décida l'empereur à envoyer une véritable armée dans
-ce pays lointain, il jeta les yeux sur les deux divisionnaires désignés
-pour le maréchalat. Korey gagna son bâton avec la prise de cette ville,
-prise à laquelle Bazaine contribua puissamment, d'abord en enlevant le
-Pénitencier ou fort San-Xavier, puis en remportant, avec 1,800 hommes,
-la brillante victoire de San-Lorenzo, sur l'armée de secours commandée
-par l'ex-président, Comonfort, et forte de plus de 10,000 combattants.
-Il fut nommé grand'croix à cette occasion.</p>
-
- <p>Peu de temps après, Bazaine succédait à Forey dans le commandement en
-chef et, le 5 septembre 1804, il était élevé à la dignité de maréchal de
-France. Trois mois auparavant, l'empereur Maximilien était venu prendre
-possession du trône mexicain. Ses rapports avec Bazaine manquèrent
-toujours de cordialité, on eût dit que chacun de ces deux grands
-personnages se refusât à faire les premières avances.</p>
-
- <p>A partir de cette époque, on peut dire que la belle réputation du soldat
-parvenu à sa suprême dignité militaire a été en déclinant. Au
-commencement de 1865, il eut encore l'occasion de faire preuve de coup
-d'œil et de résolution en enlevant, dans la forte ville d'Oajaca, toute
-l'armée de Porfirio Diaz. Mais ce fut la fin; après avoir étendu son
-action sur une surface deux fois plus grande que la France, l'armée fut
-rappelée et son commandant en chef eut alors le tort grave de tolérer à
-ses côtés un simple général de brigade, M. de Castelnau, aide de camp de
-l'empereur en mission, dont la singulière attitude était celle d'un
-homme qui a le droit de contrôle sur les actes de son supérieur.</p>
-
- <p>À sa rentrée en France, on lui fit un sanglant affront en défendant au
-préfet maritime de Toulon de lui rendre les honneurs dus aux grands
-dignitaires de l'armée. Dès ce jour, l'opposition eut l'œil sur un
-homme qu'elle considérait comme un mécontent.</p>
-
- <p>Cette disgrâce éclatante dura deux ans, puis on donna à Bazaine le grand
-commandement de Nancy. En 1809, il commandait la première série du camp
-de Châlons lorsque l'empereur s'y rendit avec le maréchal Niel. Que se
-passa-t-il?</p>
-
- <p>Ce qu'il y a de certain c'est que Napoléon III rendit à Bazaine toute sa
-faveur, lui promit la succession du maréchal Régnault d'Angely à la
-garde impériale, et que l'impératrice Eugénie reçut avec distinction la
-belle et séduisante madame Bazaine, qu'elle avait jusqu'alors tenue à
-l'écart. Un brillant punch fut organisé à l'instigation de l'empereur
-par le général Forey, et les journaux officieux furent invités à se
-montrer favorables à l'ancien commandant en chef du corps
-expéditionnaire du Mexique.</p>
-
- <p>En 1870, quinze mois à peine après cette quasi réhabilitation, nous
-avons eu à quelques jours d'intervalle le glorieux Bazaine et le traître
-Bazaine. Nous croyons qu'il ne méritait ni cet excès d'honneur ni cette
-indignité. Comme l'a si justement dit le général Changarnier à la
-tribune de l'Assemblée nationale: le commandement en chef d'une armée de
-170,000 hommes était trop lourd pour Bazaine; son intelligence, pourtant
-très-nette s'est obscurcie en présence de l'écrasante responsabilité qui
-lui incombait. Le 12 août 1870, il héritait d'une situation presque
-désespérée; il n'a pas eu le courage d'en envisager les difficultés en
-face, il a tenté de les tourner, comme aujourd'hui encore il n'ose pas
-attaquer le taureau par les cornes.</p>
-
- <p>Après le 4 septembre, quand Bazaine eut reçu communication de la liste
-des gouvernants de l'Hôtel-de-Ville, il comprit que jamais le haut
-état-major de son année n'accepterait la domination de ces hommes sans
-mandat et sans consistance. De plus, il pensait avec tous les militaires
-que Paris ne tiendrait pas huit jours et que la paix serait signée avant
-la fin du mois. Son unique préoccupation fut alors de conserver intacte
-la seule véritable armée qui restât debout après la catastrophe de
-Sedan. Son tort est d'avoir échoué dans son entreprise et peut-être
-employé des moyens peu corrects pour la faire réussir. C'est ce que le
-conseil de guerre nous apprendra sous peu.</p>
-
- <p>En tout cas, je suis convaincu que telle était la pensée du commandant
-en chef de l'année de Metz, et cette pensée, il ferait bien de
-l'exprimer franchement devant ses juges. Cela vaudrait mieux que
-d'épiloguer sur des dépêches et des protocoles. Pour terminer cette
-notice, j'émettrai humblement cet avis que, si le maréchal Bazaine est
-coupable du crime dont on l'accuse, il compte à coup sur de nombreux et
-illustres coopérateurs.</p>
-
- <p><span class="sc">A. Wachter.</span></p>
-
- <h4>La chambre su maréchal Bazaine, à Trianon.</h4>
-
- <p>Nous n'avons pas à apprendre à nos lecteurs que le procès du maréchal
-Bazaine va se dérouler dans le vestibule de ce château qui fut si cher
-au roi Louis-Philippe, le Grand-Trianon. Déjà toutes les dispositions
-sont prises en conséquence, et le grand vestibule a été aménagé de façon
-à répondre à toutes les exigences de sa nouvelle et passagère
-destination.</p>
-
- <p>En dehors de ce prétoire improvisé, dont nous donnerons en temps utile
-une vue à nos lecteurs, diverses pièces ont été affectées: au greffe,
-aux témoins à charge et à décharge, aux officiers de gendarmerie chargés
-du service militaire, aux délibérations du conseil et au logement des
-personnages que leurs fonctions doivent retenir au Grand-Trianon pendant
-la durée du procès. Ainsi les témoins à charge occuperont la salle des
-huissiers, située à gauche du vestibule et donnant sur le jardin, et les
-témoins à décharge la bibliothèque. Le général Pourcet habitera le
-pavillon de Madame, composé de cinq pièces. Le pavillon de l'aile
-droite, placé en face du pavillon de Madame, dans la cour d'honneur, est
-destiné au duc d'Aumale, qui présidera, comme on sait, le conseil de
-guerre. Enfin la salle des délibérations sera placée dans le salon de la
-reine d'Angleterre, et la salle des pas perdus dans le salon rond des
-huissiers, qui lui fait suite, et qui se trouve à droite du vestibule
-transformé en prétoire.</p>
-
- <p>Reste le logement du maréchal Bazaine, qui a été extrait la semaine
-dernière de la maison de l'avenue de Picardie, où il était détenu depuis
-le 14 mai 1872, époque à laquelle il s'y était constitué prisonnier. Le
-maréchal a été logé dans l'annexe du château, donnant sur
-Trianon-sous-Bois. C'est dans l'angle de cette annexe que se trouve sa
-chambre, dont les fenêtres ouvrent sur le parc. Cette chambre, dont nous
-donnons une vue dessinée sur place, est carrée et revêtue d'une boiserie
-peinte en blanc. Le mobilier est des plus modestes. Il se compose d'un
-lit en acajou plaqué, sans rideaux, d'une armoire placée à la tête du
-lit, d'une toilette-commode posée entre les deux fenêtres, de quelques
-chaises d'un âge mûr et d'un guéridon. Une petite pendule en marbre
-posée sur la cheminée, ainsi que deux chandeliers et deux candélabres à
-deux branches, complètent l'ameublement.</p>
-
- <p>Deux pièces font suite à cette chambre et sont occupées par les
-officiers supérieurs chargés de veiller sur la personne du maréchal, qui
-à Trianon-sous-Bois, comme dans la maison de l'avenue de Picardie, est
-gardé par un piquet de cinquante hommes de ligne, ayant un poste à
-proximité de la chambre du prisonnier.</p>
-
- <p>Quant au service du conseil de guerre, au Grand-Trianon, il est fait par
-la gendarmerie mobile.</p>
-
- <p>L. G.</p>
-
- <h4>Victor-Emmanuel à Vienne</h4>
-
- <h4>PROMENADE SUR LE LAC DE LAXENBURG</h4>
-
- <p>Parmi les sites curieux et intéressants qui entourent Vienne, au moins
-sur la droite du Danube, il faut signaler tout particulièrement le bourg
-et le château de Laxenburg, une des résidences d'été de la cour
-d'Autriche, dont Schœnbrünn, est comme on sait, durant la belle saison,
-la résidence favorite.</p>
-
- <p>Laxenburg est situé à seize kilomètres au sud de Vienne. On s'y rend de
-cette ville par le chemin de fer de Trieste, que l'on quitte à Mœdling
-pour prendre l'embranchement qui conduit au bourg. Laxenburg doit sa
-réputation comme son origine à son château, ou plutôt à ses châteaux,
-car il en possède deux en un; le premier datant de la fin du XIVe siècle
-et rappelant les temps de l'ancienne chevalerie; le second, bâti par
-Marie-Thérèse, et auquel on a donné le nom qu'il ne justifie pas tout à
-fait de château des Caprices, que mériterait mieux le magnifique parc
-qui l'entoure.</p>
-
- <p>En effet, on marche dans ce parc de surprise en surprise. Les accidents
-de terrain, les constructions de toutes sortes, temples, maisons
-rustiques, cabinets de verdure, pavillons; les cascades, les statues,
-les pièces d'eau, les rochers y ont été prodigués. On y trouve jusqu'à
-un monument funèbre, la <i>Rittergruft</i>, ou tombe du chevalier, où l'on
-voit des tableaux de Lucas Cranach et des peintures sur verre tirées de
-l'église de Steyer.</p>
-
- <p>Parmi les pièces d'eau, la plus remarquable est un lac semé de plusieurs
-îles, entre autres l'île Marianne, sur laquelle on a construit un
-élégant Lusthaus; et parmi les constructions, on admire surtout une
-forteresse moyen âge, le <i>Franzensburg</i>, dont on a fait un musée
-d'antiquités. Cette forteresse est entièrement entourée d'eau. Un bateau
-y stationne, à la disposition des visiteurs, qui peuvent moyennant dix
-kreutzers y prendre place.</p>
-
- <p>Durant son séjour à Vienne, le roi Victor-Emmanuel ne pouvait manquer de
-venir visiter le château et le parc de Laxenburg. Il s'y est rendu dans
-l'après-midi du 20 septembre, de Schœnbrünn, avec l'empereur
-François-Joseph, et s'y est promené avec lui sur le grand lac, tandis
-qu'une foule de canots montés par des curieux circulaient autour de la
-barque impériale et qu'une musique établie d'avance dans l'île Marianne
-faisait retentir l'air de ses morceaux les plus brillants. Cette
-promenade fait le sujet du dessin que nous publions dans ce numéro.</p>
-
- <p>En se rendant à Laxenburg, le roi d'Italie s'était arrêté à Mœdling qui
-est, comme je l'ai dit, la tête de l'embranchement qui conduit à la
-résidence impériale. Il voulait voir la magnifique vallée de la Brühl et
-ses curiosités, entre autres le <i>Husaren-tempel</i>, élevé par le prince de
-Liechtenstein à la mémoire des hussards qui l'avaient sauvé à la
-bataille d'Aspern; les ruines du château de Mœdling et le vieux château
-Liechtenstein.</p>
-
- <p>L. G.</p>
-
- <h4>Prix et envois de Rome</h4>
-
- <p>Les règlements de l'Académie de France imposent aux pensionnaires un
-certain nombre d'obligations, au nombre desquelles la plus importante
-consiste dans l'envoi annuel d'un ou de plusieurs ouvrages de peinture,
-de sculpture, de gravure ou d'architecture. Une exposition solennelle de
-tous ces ouvrages a lieu d'abord sous les portiques de la villa Médici,
-où toute la Rome artiste vient pendant quelques jours étudier les
-travaux de nos jeunes compatriotes; ils sont ensuite envoyés à Paris, et
-exposés publiquement, dans les salles de l'École des beaux-arts; un
-heureux usage veut qu'on joigne à cette exposition les œuvres qui
-viennent de remporter les grands prix aux concours de l'année.</p>
-
- <p>Des retards survenus dans l'expédition des caisses qui contenaient les
-envois de 1873, ont obligé l'administration de l'École des beaux-arts à
-ajourner l'ouverture de l'exposition jusqu'au moment où la fin des
-vacances aurait ramené à Paris maîtres et élèves, un peu dispersés
-depuis deux mois, et ce n'est guère que dans le courant de la semaine
-prochaine que le public sera admis à juger des progrès de nos
-pensionnaires.</p>
-
- <p>On retrouvera, entre autres morceaux intéressants, le beau tableau de M.
-Morot, qui vient de remporter le grand prix de peinture, et dont
-l'<i>Illustration</i> donne aujourd'hui une reproduction; nous croyons aussi
-pouvoir signaler à l'avance, en nous reportant aux souvenirs que nous a
-laissés l'exposition de la villa Médici, l'envoi de M. Blanchard <i>Hylas
-et les Nymphes</i>, celui de M. Toudouze, <i>Eros et Aphrodite</i>, et de M.
-Merson, une curieuse esquisse peinte, <i>Saint François et le loup
-d'Aggubbio</i>; parmi les sculpteurs, le groupe de M. Noël, <i>Roméo et
-Juliette</i>, la <i>Tentation d'Ève</i>, de M. Allais, un bas-relief de M.
-Marqueste, <i>Jacob et l'Ange</i>, et enfin le magnifique groupe de M.
-Mercié, reproduit ci-contre, intitulé <i>Gloria victis</i>, œuvre
-patriotique, digne de la réputation et des succès de l'auteur du
-<i>David.</i></p>
-
- <h4>L'évasion</h4>
-
- <p>Ils avaient été faits prisonniers à Sedan.</p>
-
- <p>La capitulation du 2 septembre leur avait ouvert les portes de cet enfer
-anticipé, la presqu'île d'Iges, où les avait parqués un impitoyable
-ennemi. Là, comme leurs nombreux compagnons d'infortune, ils avaient
-supporté la faim, la soif, le froid, toutes les misères, à peine vêtus,
-couchant dans la boue, la pluie sur le dos, dévorés par la fièvre.</p>
-
- <p>Des tortures non moins grandes les attendaient en Allemagne.</p>
-
- <p>Enfermés dans une forteresse des bords du Rhin, peu nourris,
-déguenillés, logés dans d'immondes casemates, accablés des pires
-traitements, ils n'eurent bientôt plus qu'une pensée: s'évader. S'évader
-ou mourir. Mais que leur importait! La mort, ne la voyaient-ils pas
-chaque jour approcher d'un pas lent mais sûr? Mieux encore valait-il la
-braver, immédiate, foudroyante. C'était au moins une chance de lui
-échapper. Ils risquèrent l'évasion. Par la ville, il n'y fallait pas
-songer; trop bonne garde était faite de ce côté. Mais le fleuve était
-là, baignant de ses flots le pied moussu de leur prison. Ayant longtemps
-mûri leur projet, ils croyaient avoir pris toutes leurs précautions.
-Furent-ils trahis, ou la fortune les abandonna-t-elle à la dernière
-minute? Qui pourrait le dire? Ce qu'il y a de certain c'est qu'au moment
-où, suspendus dans le vide au bout d'une corde, ils allaient atteindre
-le fleuve, une barque apparut, montée par des soldats, ils étaient
-découverts; étaient-ils perdus? C'était vraisemblable. Toutefois, ils
-n'hésitèrent pas. Ils lâchèrent la corde et le fleuve les engloutit. Ils
-espéraient encore pouvoir se dissimuler, gagner furtivement la terre et
-s'échapper. Un d'eux y réussit, et, à travers mille dangers, parvint à
-rentrer en France. L'autre fut pris, malgré ses efforts, et, dans un
-précédent numéro, nous avons dit sa fin.</p>
-
- <p>Fusillé, il le fut, et bien d'autres après lui, pour le même crime.
-Autant de Français de moins, quelle joie pour nos féroces vainqueurs!
-Aussi, par le fer ou par la faim, que de prisonniers ils firent périr!
-C'est par dizaines de mille qu'on les compte, tant il est vrai que, même
-après la victoire, les Prussiens, comme l'a dit M. Delaunay,
-continuèrent à combattre et à détruire des hommes désarmés, vaincus,
-dignes de respect, si quelque chose eût pu inspirer le respect aux
-bandits qui, à la face du monde civilisé, en profanant le nom de Dieu,
-avaient prémédité et tentèrent d'accomplir l'assassinat d'une nation
-généreuse, jadis leur ennemie loyale et chevaleresque, naguère leur
-bienfaitrice, la patronne de leurs lettrés, de leurs artistes, de leurs
-trafiquants.</p>
-
- <p>L. C.</p>
-
- <h4>Nuka-Hiva</h4>
-
- <p>Taïohaé occupe le centre d'une baie profonde, encaissée dans de hautes
-et abruptes montagnes aux formes capricieusement tourmentées; une
-épaisse verdure est jetée sur tout ce pays comme un manteau splendide;
-c'est dans toute l'île un même fouillis d'arbres, d'essences utiles ou
-précieuses; et des milliers de cocotiers, haut perchés sur leurs tiges
-flexibles, balancent perpétuellement leurs têtes au-dessus de ces
-forêts.</p>
-
- <p>Les cases sont peu nombreuses dans la capitale, et passablement
-disséminées le long de l'avenue ombragée qui suit les contours de la
-plage.</p>
-
- <p>Derrière cette route charmante, mais unique, quelques sentiers boisés
-conduisent à la montagne; l'intérieur de l'île, cependant, est tellement
-enchevêtré de forêts et de rochers, que rarement on va voir ce qui s'y
-passe,--et les communications entre les différentes baies se font par
-mer, dans les embarcations des indigènes.</p>
-
- <p>C'est dans la montagne que sont perchés les vieux cimetières kanaques,
-objet d'effroi pour les Indiens, et résidence des terribles
-Toupapahous...</p>
-
- <p>Il y a peu de passants dans la rue de Taïohaé; les agitations
-incessantes de notre existence européenne sont tout à fait inconnues à
-Nuka-Hiva. Les indigènes passent une partie du jour accroupis devant
-leurs cases, dans une immobilité de sphinx.</p>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>NUKA-HIVA.--Le chef de la baie de Thehetchagor.</b></p>
-
- <p>Les années s'écoulent pour eux dans une oisiveté complète et une
-rêvasserie perpétuelle,--et ces grands enfants ne se doutent pas que
-dans notre belle France, tant de pauvres gens s'épuisent à gagner le
-pain du jour. Les forêts de Nuka-Hiva produisent d'elles-mêmes tout ce
-qu'il faut pour nourrir toutes ces créatures insouciantes; le fruit de
-l'arbre à pain et les bananes sauvages croissent pour tout le monde et
-suffisent à chacun.</p>
-
- <p>Si de temps à autre, quelques Kanaques s'en vont encore pêcher par
-gourmandise, la plupart préfèrent ne pas se donner cette peine.</p>
-
- <p>La popoï, un de leurs mets raffinés, est un barbare mélange de fruits,
-de poissons et de crabes fermentés en terre. Le fumet de cet aliment est
-inqualifiable.</p>
-
- <p>L'anthropophagie, qui règne encore dans une île voisine, Hivaoa (ou la
-Dominique), est oubliée à Nuka-Hiva depuis plusieurs années. Les efforts
-des missionnaires ont amené cette heureuse modification des coutumes
-nationales; à tout autre point de vue cependant, le christianisme
-superficiel des indigènes est resté sans action sur leur manière de
-vivre, et la dissolution de leurs mœurs dépasse toute idée.</p>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>NUKA-HIVA.--La rivière de Thehetchagor.</b></p>
-
- <p>Le caractère des Nuka-Hiviens est un peu celui des petits enfants; ils
-sont capricieux, fantasques, boudeurs tout à coup sans motif. Le
-sentiment contemplatif est extraordinairement développé chez eux; ils
-sont sensibles aux aspects gais ou tristes de la nature, accessibles à
-toutes les rêveries de l'imagination.</p>
-
- <p>La solitude des forêts, les ténèbres, les épouvantent, et ils les
-peuplent sans cesse de fantômes et d'esprits.</p>
-
- <p>Les bains nocturnes sont en honneur à Taïohaé; au clair de lune des
-bandes de jeunes filles s'en vont, dans les bois, se plonger dans des
-bassins naturels d'une délicieuse fraîcheur. C'est alors que ce simple
-mot: Toupapahou! jeté au milieu des baigneuses, les met en fuite comme
-des folles.</p>
-
- <p>Toupapahou est le nom de ces fantômes tatoués qui sont la terreur de
-tous les Polynésiens. Mot effrayant en lui-même, et intraduisible...</p>
-
- <p>On trouve encore entre les mains des indigènes plusieurs images de leur
-ancien dieu.</p>
-
- <p>Ce dieu est un personnage à figure hideuse, semblable à un jeune embryon
-humain.</p>
-
- <p>La reine a quatre de ces horreurs sculptées sur le manche de son
-éventail.</p>
-
- <p>On n'entend aucun chant d'oiseaux dans les bois de Nuka-Hiva; les
-oreilles des Kanaques ignorent cette musique naïve qui, dans d'autres
-climats, remplit les bois de gaieté et de vie. Sous cette ombre épaisse,
-dans les lianes et les grandes fougères, rien ne vole, rien ne bouge;
-c'est toujours ce même silence étrange qui semble s'être communiqué à
-l'imagination mélancolique des naturels.</p>
-
- <p>On voit planer seulement dans les gorges, à d'effrayantes hauteurs, le
-phaéton, un petit oiseau blanc qui porte à la queue une longue plume
-blanche ou rose.</p>
-
- <p>Les chefs attachent à leurs coiffures une touffe de ces plumes; aussi
-leur faut-il beaucoup de temps et de persévérance pour composer cet
-ornement aristocratique.</p>
-
- <p><span class="sc">Julien V....</span></p>
-
- <br>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE.--Vue d'une des quatre<br>
-façades de l'Exposition de MM. Christofle et Cie (côté sud).</b>
- <h4>Exposition de Vienne</h4>
-
- <h4>ORFÈVRERIE, CLOISONNÉS, BRONZES INCRUSTÉS.</h4>
-
- <p>Il était fort à craindre qu'au lendemain des épreuves qu'elle venait de
-traverser, la France ne fût peu en état de figurer dignement dans la
-grande solennité industrielle et artistique de Vienne. Cette
-appréhension que, sans pécher contre le patriotisme, certains esprits
-ont pu avoir, n'a pas été justifiée par l'événement. La plupart de nos
-exposants ont triomphé des obstacles qu'un bouleversement extrême dans
-leur matériel, dans leur personnel, dans leurs ressources financières
-avait opposés au développement ou même à la conservation de leur
-renommée; ils se sont montrés à Vienne ou égaux ou supérieurs à ce
-qu'ils avaient été en 1807.</p>
-
- <p>Au premier rang de celles de nos industries sur lesquelles les trois
-dernières années ont glissé sans les atteindre, il faut placer
-l'orfèvrerie, et au premier rang de nos orfèvres, MM. Christofle et Cie.</p>
-
- <p>Leur exposition, si variée dans la nature des produits qui la composent,
-a obtenu un éclatant, un légitime succès, non-seulement auprès du public
-cosmopolite, mais auprès des amateurs, des critiques, des spécialistes
-et du jury international.</p>
-
- <p>Elle comprend, comme d'habitude, de l'orfèvrerie simplement argentée et
-dorée, de l'orfèvrerie de luxe, des émaux cloisonnés, des bronzes
-incrustés d'or et d'argent, de la galvanoplastie massive et en
-ronde-bosse de toute grandeur, enfin des objets d'art divers.</p>
-
- <p>Nous n'avons pas à insister ici sur l'importance d'un établissement
-célèbre dans les deux mondes. Tout le monde sait que MM. Christofle et
-Cie emploient plus de quatorze cents ouvriers, en faveur de qui ils ont
-créé des institutions modèles; que le chiffre de leurs affaires s'élève
-à plus de 10 millions par an; que Charles Christofle a importé en France
-les procédés de dorure et d'argenture électro-chimiques et a été ainsi
-le créateur de l'orfèvrerie galvanique; qu'il a obtenu la grande
-médaille d'honneur à l'exposition universelle de 1855 et la croix
-d'officier de la légion d'honneur à la suite de celle de 1862; enfin que
-M. Paul Christofle, son fils, et M. Henri Douillet, son gendre,
-s'inspirant de ses traditions, ont enrichi le pays de nouveaux progrès
-et en quelque sorte d'industries nouvelles.</p>
-
- <p>Ce qu'il importe surtout de dire, et nous regrettons vivement de ne
-pouvoir le faire qu'en peu de mots, c'est que, tout en tenant le premier
-rang dans l'orfèvrerie de grand luxe, ils sont aussi les premiers pour
-l'orfèvrerie à bon marché, qu'ils ont popularisée; il y a plus, celle-ci
-a bénéficié de leur goût pour le grand art, et la moindre pièce sortie
-de chez eux est aussi remarquable de style qu'un chef-d'œuvre de dix
-mille francs.</p>
-
- <p>En ce qui concerne leurs émaux cloisonnés et leurs incrustations sur
-bronze, il est d'un intérêt essentiel de remarquer qu'ils n'ont pas
-voulu imiter les procédés des Chinois et des Japonais, mais seulement
-faire aussi bien qu'eux en employant les moyens que la science moderne
-met à leur disposition. C'est ainsi qu'au lieu de marteler l'arabesque
-d'argent dans le bronze, il l'y ont introduite à l'aide de la
-galvanoplastie. Et c'est ainsi que leurs bronzes incrustés ressemblent
-heureusement à ceux des Japonais, tout en gardant un caractère propre,
-un certain air de nationalité: y est le sentiment décoratif oriental
-allié au style français.</p>
-
- <p>Nous étudierons prochainement en particulier quelques-unes des pièces de
-cette exposition, qui, à en juger par les comptes rendus de la presse
-anglaise, a causé à nos voisins une émotion profonde, les a fait
-trembler de nouveau pour le sort de leur orfèvrerie, et leur a fait
-pousser un véritable cri d'alarme.</p>
-
- <p>F. A.</p>
-
- <h4>Correspondance d'Espagne</h4>
-
- <p>Tortosa, 27 septembre 1873.</p>
-
- <p>Je suis contrarié que ma lettre de la fin d'août ne vous soit pas
-parvenue; mais en ce temps de chemins de fer coupés et de bandes de
-partisans sillonnant la montagne, il n'y a pas lieu d'en être beaucoup
-surpris.</p>
-
- <p>Cette lettre contenait un croquis de l'affaire de Tortella, qui a eu
-deux phases distinctes et complètement différentes. Dans la première,
-les carlistes ont remporté un facile triomphe, qu'ils ont payé dans la
-seconde par une déroute complète. A tout hasard, je reconstitue mon
-croquis, et je vous l'envoie. Ce sera, si vous l'utilisez, de l'histoire
-rétrospective, et elle a bien son intérêt.</p>
-
- <p>Tortella est un village de Catalogne, situé dans la province de Gerona.</p>
-
- <p>Mon croquis vous le peindra mieux que ne le saurait faire ma plume. Il
-faut connaître la montagne et l'avoir parcourue pour s'imaginer quelque
-chose de semblable. Figurez-vous des maisons accrochées et comme
-suspendues en l'air, et, pour les mettre en communication, des chemins
-coupés d'escaliers, ressemblant à des échelles; au milieu de tout cela,
-une petite église au clocher pointu, se détachant gris sur la roche
-grise, voilà le tableau, tel est Tortella, que Tristany, à la tête de
-quinze cents carlistes et de trois canons, cernait et attaquait avec
-fureur le 22 août. Non que la place eut la moindre importance; c'était
-simple affaire de réquisition, en passant. Il faut bien vivre.</p>
-
- <p>Les habitants, comme ceux de tous les villages de la montagne, se
-sentant à la merci des bandes qui battent le pays, auraient volontiers
-cédé; mais il se trouvait en ce moment à Tortella quelques volontaires
-républicains qui ne le leur permirent pas. De là la colère des
-carlistes, qui se mirent aussitôt à canonner ce malheureux village, dont
-un certain nombre de maisons ne tardèrent pas à prendre feu. Ils
-l'enlevèrent naturellement, mais tous leurs efforts vinrent se briser
-devant la résistance des volontaires, qui avaient fait de l'église une
-citadelle et avaient couvert ses abords de barricades.</p>
-
- <p>Mieux encore, ils avaient trouvé moyen d'envoyer, avant l'attaque, un
-des leurs prévenir à Figueras de ce qui se passait à Tortella. Leur
-courageuse résistance était donc soutenue par l'espérance d'un prompt
-secours. Et, en effet, ils furent secourus. Au moment où les carlistes,
-maîtres du village, s'y attendaient le moins et faisaient main basse sur
-tout ce qui était à leur convenance, le colonel Udueta, parti de
-Figueras avec trois colonnes, survint, les cerna, les surprit et leur
-fit subir une complète déroute. Affolés, ils s'éparpillèrent comme ils
-purent, et s'enfuirent dans la direction de San Lorenzo de la Maga,
-bourg situé au milieu de montagnes formidables. Ils avaient perdu 200
-hommes, tant tués que blessés, et Tristany comptait au nombre de ces
-derniers. La perte des républicains s'est élevée à 61 hommes, dont 11
-morts.</p>
-
- <p>Je vous disais que Tristany a été blessé. Le bruit court ici qu'il a
-quitté l'armée carliste, ainsi que Muret, et qu'un caprice de don Carlos
-a privé Saballs de son commandement. Je ne sais ce qu'il y a de vrai
-dans ces racontars; ce qu'il y a de certain, c'est que depuis l'affaire
-de Tolosa, un certain désarroi semble exister dans le camp carliste.
-L'arrivée du général Moriones à Tolosa et le ravitaillement de Berga, à
-la suite du combat heureux de Gironella, a dû y mettre le comble. Est-ce
-le commencement de la fin?</p>
-
- <p>X...</p>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/009a.png"><br><b>ÉVÉNEMENTS D'ESPAGNE.--Entrée des Carlistes à Tortella.</b></p>
-
- <br><br>
-
- <h3>RÉBUS</h3>
-
-<p class="mid"><img alt="" src="images/009b.png"><br></p>
-<br>
- <p class="mid">EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</p>
-
- <p class="mid">La politesse d'à présent ne vaut pas celle d'autrefois.</p>
-
-
-
-
-<br><br>
-</div>
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-<pre>
-
-
-
-
-
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-To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
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-works.
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-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
-concept of a library of electronic works that could be freely shared
-with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
-Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
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-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
-unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
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