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-Project Gutenberg's L'Illustration, No. 0052, 24 Février 1844, by Various
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
-almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
-re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
-with this eBook or online at www.gutenberg.org
-
-
-Title: L'Illustration, No. 0052, 24 Février 1844
-
-Author: Various
-
-Release Date: August 10, 2013 [EBook #43436]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 0052, 24 ***
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-
-Produced by Rénald Lévesque
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- L'ILLUSTRATION,
- JOURNAL UNIVERSEL
-
-[Illustration]
-
-Ab. pour Paris.--3 mois, 8 fr.--6 mois, 16 fr.--Un an, 30 fr. Prx de
-chaque Nº, 75 c.--La collection mensuelle br., 2 fr. 75.
-
-Ab. pour les Dép.--3 mois, 9 fr.--6 mois. 17 fr.--Un an, 32 fr. pour
-l'Étranger. - 10 - 20 - 40
-
-Nº 52. VOL. II.-SAMEDI 24 FEVRIER 1844. Bureaux, rue de Seine, 33.
-
-
-SOMMAIRE. Histoire de la Semaine. _Portrait de Marie-Christine_.--De la
-Question de l'Enseignement.--Le Vésuve. _Maison de l'Ermitage du Vésuve;
-Coupe du Cratère du Vésuve._--Algérie. Escadron de dromadaires.
-_Manoeuvres de Dromadaires; Bride et Selle du Dromadaire._--Paris
-souterrain. _Une rue souterraine._--Don Graviel l'Alférez. Fantaisie
-maritime par M. de la Landelle. (Suite),--Courrier de Paris. _Descente
-de la Courtille; un Sergent de Ville le mercredi des cendres; l'Ami
-Carême, fils du Mardi Gras; Mort et Enterrement du Mardi
-Gras._--Théâtres. Opéra-Comique, Cagliostro. _Une Scène de
-Magnétisme_.--Fragments d'un Voyage en Afrique (Suite.)--Musique. Entre
-Pise et Florence. Paroles de M. Philippe Busoni, Musique de M. Gustave
-Hequet.--Bulletin bibliographique.--Modes.
-_Travestissements_.--Amusements des Sciences. _Une Gravure_.--Rébus.
-
-
-Histoire de la Semaine.
-
-La discussion de la loi sur la chasse a encore occupé les trois premiers
-jours de la semaine parlementaire. Cette loi a ouvert ses articles et
-ses paragraphes à une foule d'amendements qui ne la rendront à coup sûr
-pas bonne, qui lui auraient ôté surtout l'esprit d'ensemble, si elle en
-avait eu, mais qui lui ont valu en définitive d'être adoptée à une assez
-forte majorité.
-
-Il était peu de membres de la Chambre qui n'eussent fait admettre, dans
-le cours de cette interminable discussion, leur amendement ou leur
-sous-amendement: chacun était donc poussé par une sorte d'amour-propre
-d'auteur à donner une boule blanche à cette fille de ses oeuvres. Son
-sort à cependant été un instant douteux. Dans la séance de lundi, un
-amendement abrogeant par le fait la législation spéciale aux forêts du
-domaine, de 1790, a fait ranger celles-ci dans la catégorie des forêts
-particulières et a soumis le prince qui en a la jouissance et les siens
-aux mêmes et sévères règles qu'elle impose aux citoyens.
-
-Cette disposition, que le ministère absent ou distrait n'a pas su faire
-rejeter, a, sans aucun doute, attiré d'un côte à la loi des antipathies,
-tandis qu'elle lui assurait quelques suffrages de l'autre. Mais en
-définitive elle aura été la cause de son adoption, car les suffrages
-conquis lui sont restés et les antipathies se sont tues dans l'espoir
-que la Chambre des Pairs n'admettrait pas cet amendement, et qu'une fois
-supprimé, la Chambre des Députés ne le rétablirait pas.
-
-Est venue ensuite la discussion sur la prise en considération de la
-proposition de M. de Rémusat, relative aux incompatibilités. Il était
-difficile de penser que ce débat, qui tant de fois déjà s'est engagé
-devant la Chambre, verrait se produire aujourd'hui de nouveaux motifs.
-Mais les questions personnelles sont venues l'animer et le rajeunir. En
-effet, c'est peut-être le seul qui les comporte ou plutôt les nécessite.
-Pour les partisans de la proposition, là où ils voient un abus ils
-doivent voir nécessairement un argument, et la situation d'un
-fonctionnaire menacée parce qu'il a voté, dans tel ou tel sens comme
-député, ou le vote d'un autre représentant passant du blanc au noir par
-la force de motifs secrets qu'ils ont la curiosité de connaître, tout
-cela trouve naturellement place dans leurs discours. Quelques faits
-récents avaient fourni des arguments de ce genre; il en a été fait usage
-pour la plus grande satisfaction des spectateurs avides d'agitation,
-plutôt que pour l'édification de ceux qui croient à la bonté du
-gouvernement représentatif, honnêtement et sincèrement pratiqué, et qui
-seraient profondément désolés qu'on arrivât à l'user sans s'en être
-servi. MM. Barrot, Thiers et Guizot, sont successivement montés à la
-tribune, qu'ont aussi occupée MM. Dugabé et de Salvandy. La prise en
-considération a été repoussée par une majorité que quelques de membres
-regardent comme douteuse.
-
-[Illustration: Marie-Christine, ex-reine d'Espagne.--Voir à la page
-suivante.]
-
-La loi sur le roulage n'a pas été beaucoup plus heureuse à la Chambre
-des Pairs que la loi sur la chasse à la Chambre des Députés. Ce que l'on
-avait fait il y a deux ans au palais du Luxembourg, il y a un an au
-palais Bourbon, on l'a défait cette année en grande partie. Dans les
-précédentes discussions, on avait paru très-frappé du résultat des
-expériences faites par M. Morin, par ordre du gouvernement, et de la
-nécessité d'imposer, dans l'intérêt des routes et de leur conservation,
-des conditions sévères et d'établir des distinctions tranchées pour la
-largeur des jantes des voitures, selon qu'elles étaient à deux ou quatre
-roues. Cette année on a paru croire beaucoup moins aux résultats des
-expériences de M. Morin, sur lesquels était fondé le projet de loi, et
-beaucoup plus à l'utilité de la liberté en matière de roulage, sinon
-complète encore et illimitée, du moins beaucoup moins restreinte que par
-le passé et que ne l'établissait le projet. Ainsi, sur la proposition
-de M. le comte Daru, cette distinction a disparu pour le minimum des
-jantes des voitures à quatre et des voitures à deux roues; il sera pour
-les unes comme pour les autres indistinctement de 6 centimètres, et le
-maximum de 17. Du reste, et par contre, si l'industrie a été bien
-traitée par ce changement, l'agriculture a vu restreindre les facilités
-que la Chambre des Députés avait voulu lui accorder l'an passé, en
-adoptant un amendement de M. Darblay par lequel les voitures de
-l'agriculture étaient affranchies dans tous les cas, c'est-à-dire
-qu'elles allassent au marché ou qu'elles en revinssent, qu'elles
-transportassent des matériaux pour les constructions de la ferme,
-qu'elles allassent de la ferme aux champs ou des champs à la ferme, des
-règles relatives à la largeur des bandes et à la limitation du poids. La
-Chambre des Pairs a cru devoir restreindre cette exemption au cas
-seulement où les véhicules agricoles vont de la ferme aux champs ou en
-reviennent. Cet amendement oblige, on le voit, les fermiers et les
-agriculteurs à avoir des voitures de plusieurs sortes. Cette loi doit
-revenir de nouveau à la Chambre des Députés.
-
-Nous déplorions dans notre dernier bulletin la vivacité que la
-discussion avait prise dans un des bureaux de cette Chambre, à
-l'occasion de l'admission à la lecture de la proposition de M. de
-Rémusat. Mais ce que nous avons vu ici n'est qu'une gentillesse en
-comparaison de ce qui se passait presque en même temps à la Chambre des
-Représentants des États-Unis et à la Chambre des Lords d'Angleterre. A
-tout seigneur tout honneur: nous commençons par la Chambre anglaise.
-Dans la dernière discussion, à l'occasion des affaires d'Irlande, lord
-Campbell a dit en répondant à lord Brougham:
-
-«Le discours de mon noble et savant ami est parfaitement irrégulier:
-cela ne m'étonne pas, car tout ce qu'il fait dans cette Chambre est
-irrégulier. J'ai demandé hier l'ajournement, parce que je croyais qu'il
-parlerait, et que je voulais lui répondre. J'étais bien pardonnable de
-croire cela, car voilà bien, autant que je m'en souviens, le premier
-débat de quelque importance dans lequel il n'ait parlé, et parlé au
-moins sept fois... Toutes les fois qu'il prêchera les principes qu'il
-condamnait autrefois, je ne me gênerai pas pour le lui rappeler, et pour
-lui remettre devant les yeux ceux qu'il défendait avec moi et qu'il
-abandonne aujourd'hui.» Lord Brougham lui a répondu avec le ton de la
-plus violente colère: «Mylords, on dit que j'ai commis une irrégularité.
-Jamais je n'ai vu dire une aussi grosse absurdité, même par mon noble et
-savant ami. Je ne me laisserai pas faire la leçon par d'ignorants
-nouveaux venus, qui ne connaissent pas l'A B C du règlement, et qui
-montrent une ignorance si _crasse_ que je n'aurais jamais cru personne
-capable d'en montrer une semblable sur quoi que ce soit. Je serai
-heureux qu'on me donne l'occasion de repousser en face cette fausse,
-vile et calomnieuse accusation que l'on me fait, d'avoir abandonné mes
-principes. Je défie qu'on me le prouve, et je jette ce défi avec
-l'assurance que je saurai le justifier.»
-
-En Amérique on est infiniment moins parlementaire encore. M. Stewart,
-membre de la Chambre des Représentants des États-Unis, avait été, il y
-a quelque temps, en butte à une attaque très-vive d'un de ses collègues,
-M. Waller. Un neveu de M. Stewart, M. Schriver, correspondant du
-_Baltimore-Patriot_, et ayant, à ce titre, une place réservée dans
-l'enceinte de la Chambre, avait rendu compte de cette sortie en termes
-qui avaient blessé M. Waller. Celui-ci, rencontrant M. Schriver à la
-Chambre, l'apostropha, et, après l'échange de quelques mots, le frappa.
-Aussitôt ils se prirent au corps. Dans la lutte, les deux combattants
-tombèrent dans une croisée et la défoncèrent. Plusieurs membres de la
-chambre accoururent et essayèrent de les séparer, tandis que d'autres
-criaient: «_Laissez-les se battre comme il faut._» Un membre démocrate
-dit même, en s'adressant au banc des whigs: «S'il y a quelqu'un qui
-veuille prendre part au combat, je pourrai bien m'en mêler un peu.»
-Enfin, après que quelques horions eurent encore été échangés, un membre
-se hasarda à séparer définitivement les deux champions. Plainte fut
-portée par M. Schriver, et caution fournie par M. Waller.
-
-D'importantes nouvelles sont arrivées de Taïti, et quoique depuis
-plusieurs jours le gouvernement ait gardé un silence diversement, mais
-en général peu favorablement interprété, il est impossible de ne pas
-accorder toute confiance aux détails très-concordants qu'ont donnés
-plusieurs correspondances particulières sur les événements dont la
-nouvelle Cythère a été le théâtre. La reine Pomaré, cédant aux
-suggestions de M. Pritchard, missionnaire, négociant et consul anglais,
-se refusait obstinément à exécuter le traité du 9 septembre, après
-l'avoir ratifié, et affectait le plus grand mépris pour le gouvernement
-provisoire institué par l'amiral Dupetit-Thouars, en vertu du
-protectorat de la France, accepté puis méconnu par la reine. Notre
-pavillon avait été amené et remplacé par un chiffon bizarre qu'elle
-avait déclaré être le pavillon taïtien. Cette résistance avait été, nous
-ne dirons pas provoquée, mais très-ostensiblement appuyée par le
-commandant de la frégate anglaise la _Vindictive_, lequel menaça même de
-recourir à la force pour faire prévaloir les nouvelles façons d'agir de
-la reine. Nous n'avions en ce moment que deux corvettes dans ces
-parages; mais leurs officiers et leurs équipages n'hésitèrent pas un
-seul instant, malgré l'inégalité des forces, à prendre l'attitude qui
-convenait à la marine française, en réponse à cet insolent langage. Les
-menaces demeurèrent alors sans effet, et l'amiral anglais Thomas, pour
-éviter un conflit que rendait imminent la présence du commodore
-Nicholas, qui montait _la Vindictive_, la remplaça par la frégate _le
-Dublin_, qui se borna à demeurer spectatrice de nos démêlés avec la
-reine Pomaré. Instruit de cette situation et des faits qui l'avaient
-précédée, l'amiral Dupetit-Thouars se présenta, le 4 novembre dernier,
-devant Papeiti avec les trois frégates _la Reine-Blanche, l'Uranie, la
-Danaé_, dans la pensée que ce déploiement de forces épargnerait une
-lutte déplorable pour l'humanité et enlèverait même à la reine, on
-plutôt à ses imprudents conseillers, toute idée de résistance. Le calcul
-de l'amiral n'était pas complètement exact. Il accorda un premier délai
-qu'on laissa s'écouler sans rentrer dans l'ordre. Alors il en fixa un
-définitif, expirant le 6 à midi, et au terme duquel le traité devait
-avoir été exécuté sous peine de déchéance de la reine. Le capitaine de
-la frégate anglaise, oubliant un moment les recommandations de
-modération et de neutralité que son amiral lui avait faites, se laissa
-aller à déclarer à l'amiral Dupetit-Thouars, sur le pont même de _la
-Reine-Blanche_, qu'il allait faire venir à son bord la reine Pomaré,
-hisser le pavillon taïtien et le saluer de vingt et un coups de canon.
-Justement blessé de cette intervention injustifiable et hautaine, M.
-Dupetit-Thouars répondit au commodore: «A votre aise, monsieur; menez,
-tant qu'il vous plaira cette femme à votre bord, mais gardez-vous de
-hisser le pavillon taïtien; et, si vous le saluez de vingt et un coups
-de canon, vous assumerez sur vous toutes les conséquences qui pourront
-en résulter. Maintenant que vous êtes prévenu, agissez comme il vous
-plaira.» On comprend que la matinée du 6 ait tenu l'escadre française
-dans une attente pleine d'émotions. Mais l'heure dite arriva sans que la
-reine eût arboré le pavillon tricolore; l'ordre du débarquement fut
-aussitôt exécuté que donné, et Pomaré a cessé de régner. Un gouvernement
-a été installé par l'amiral, dont la conduite a été digne de son nom et
-des couleurs sous lesquelles il sert.
-
-La situation de l'Espagne, c'est-à-dire la lutte entre un gouvernement
-qui s'est mis en dehors de toutes les règles constitutionnelles et une
-insurrection qui n'offre pas beaucoup plus de garanties aux hommes qui
-appellent de leurs voeux un gouvernement régulier, cette situation se
-prolonge, et l'on se demande si le retour de la reine Christine en
-Espagne (voir la page, précédente) y mettra fin. Bien des yeux, de
-l'autre côté des Pyrénées, sont tournés vers cette princesse.
-Désavouera-t-elle franchement les actes dictatoriaux du général Narvaez?
-les désapprouvera-t-elle seulement pour la forme, ou enfin le
-suivra-t-elle ouvertement dans cette voie? Voilà les questions que les
-Espagnols s'adressent, et que beaucoup, dans leurs préventions ou dans
-leur confiance, résolvent dans le sens qui justifie ou les unes ou
-l'autre.
-
-Mais la fièvre de l'insurrection et celle des mesures extraordinaires de
-gouvernement ont passé la frontière d'Espagne, et travaillent à leur
-tour et de nouveau le royaume de dona Maria. Une conspiration militaire
-a éclaté en Portugal. Un général considéré, ancien ministre de la
-guerre, le comte de Boulin, est à la tête de ce mouvement, qui fait
-valoir comme griefs les violations qu'on a fait subir au principe de la
-souveraineté nationale, en faisant revivre, sans la faire réviser par
-une Chambre constitutionnelle, la Charte que don Pedro avait octroyée.
-Là, connue en Espagne, les Chambres ont été fermes, la liberté de la
-presse, la liberté individuelle suspendues, et le royaume entier mis en
-état de siège. C'est bien mal commencer; attendons la fin.
-
-Les feuilles françaises et étrangères ont vu cette semaine leurs
-colonnes attristées par le récit de nombreux et déplorables malheurs. Le
-_Standard_ du 17 annonce qu'un terrible accident est arrivé la veille
-dans la houillère de Landshipping. Des mineurs, au nombre de
-cinquante-huit, travaillaient dans l'une des galeries qui passent sous
-la rivière, lorsque tout à coup l'eau fit irruption dans la mine avec
-une telle violence que dix-huit de ces ouvriers seulement eurent le
-temps de se sauver. Les quarante autres ont été noyés.--A Granville,
-dans la nuit du 14 au 15, par un temps fort calme, un canot monté par
-dix hommes ayant chaviré à une brasse ou deux tout au plus du bord du
-quai, sept de ces matelots allèrent au fond, où ils restèrent engagés
-dans des vases molles qui se sont accumulées dans cet endroit.--
-
-Quel douloureux spectacle s'offrit le matin aux regards lorsque la mer
-se fut retirée. Les cadavres de ces sept malheureux gisaient pêle-mêle,
-dans un espace de quelques mètres, les uns retenus par les pieds,
-d'autres engagés jusqu'aux épaules dans la boue noire et fétide du port.
-Pour ceux-ci, l'asphyxie a dû être instantanée, et la position de l'un
-d'eux, qui avait les mains dans les poches ne son paletot, le prouvait
-assez. Six de ces hommes sont pères de famille et le laissent,
-assure-t-on, sans aucune ressource plus de vingt orphelins.--Un des plus
-anciens et des plus justement célèbres de nos généraux, le
-lieutenant-général Pajol, a fait, dans le grand escalier du château des
-Tuileries, une chute affreuse, qui a causé la fracture de la cuisse au
-col du fémur, et donne de vives inquiétudes.--Le savant M. Gay-Lussac,
-qui a la simplicité de faire encore son cours, et qui ne croit pas que
-le rôle d'un professeur doive consister uniquement à se choisir un
-suppléant, a pensé être victime de l'explosion d'un flacon dont le
-contenu s'est enflammé par le contact subit de l'air, au moment où il
-préparait une expérience de laboratoire du Jardin-des-Plantes.
-L'illustre professeur et son jeune préparateur ont été blessés, le
-premier grièvement, le second plus légèrement. L'état de M. Gay-Lussac
-est aujourd'hui complètement rassurant.--On a annoncé, cette semaine, la
-mort d'un homme excellent, d'un homme dont la vie a été vouée aux
-oeuvres utiles, de M. Cassin, agent général des sociétés savantes et de
-bienfaisance.--Un des plus éminents publicistes de la Suisse, le docteur
-Charles Schnell, rédacteur du _Volksfreund_, depuis longtemps en proie à
-une profonde mélancolie, par suite d'un état obstiné de souffrances
-physiques, a mis fin à ses jours. C'était un des plus formidables
-antagonistes de l'aristocratie suisse et de l'aristocratie bernoise en
-particulier.--Le 15 février est mort à White-Lodge (Richmond-Barker),
-dans sa quatre-vingt-septième année, Henry Addington, vicomte de
-Sydmouth. Il avait été président de la Chambre des Communes de 1789 à
-1801, premier lord de la trésorerie et chancelier de l'Échiquier de 1801
-à 1804, lord président du conseil en 1805, lord du sceau privé en 1806,
-secrétaire d'État de l'intérieur de 1812 à 1822.--Les nouvelles de
-Stockholm peignent l'état du roi de Suède comme s'aggravant de jour en
-jour, et nous devons craindre que la notice biographique que nous lui
-avons consacrée ne devienne bientôt une notice nécrologique.
-
-
-
-De la Question de l'Enseignement.
-
-_L'Illustration_ ne saurait se proposer d'entrer dans toutes les
-discussions qui s'engagent chaque jour sur les questions d'organisation
-que le législateur a encore à résoudre. Mais elle regarde comme un
-devoir, auquel elle ne manquera pas, d'exposer l'état de chacune de ces
-questions au fur et à mesure qu'elles arriveront à l'examen des
-Chambres. L'abbé Sieyès a laissé en mourant un manuscrit volumineux
-ayant pour titre cette proposition, à la démonstration de laquelle
-l'ouvrage entier est consacré; _Il n'y a point de questions insolubles,
-il n'y a que des questions mal posées_. Nous pourrons donc croire avoir
-contribué pour notre part à la solution de celles qui seront agitées
-quand nous aurons clairement fait connaître la difficulté qu'il faut
-trancher ou les différents intérêts qu'il s'agit de mettre d'accord.
-
-En remontant dans notre histoire, aux premiers temps où le règne des
-lois régulières commença à s'établir, même au temps où la science était
-presque uniquement cléricale, aux premières années du quatorzième siècle
-(1312), sous Philippe le Bel, on trouve déjà admis et en vigueur le
-principe que l'instruction publique dépend de l'État. Celui-ci eut sans
-aucun doute à défendre son droit contre plus d'une tentative
-empiètement; mais, d'une part, les édits, les ordonnances, etc., de
-l'autre l'action de la magistrature, fixèrent et maintinrent son
-influence. Ainsi, en 1446, une ordonnance de Charles VII vint donner
-juridiction aux Parlements sur les Universités, qui prétendaient ne
-relever que du pouvoir royal et du pape. En même temps, de leur côté,
-les Parlements établissaient par des arrêts le droit d'autorisation et
-d'inspection des Universités sur les écoles particulières, et
-l'obligation pour les maîtres d'être gradués dans les le lettres qu'ils
-enseignaient.--La collation des grades et leur indispensabilité furent
-encore l'objet de prescriptions nouvelles dans l'édit de Blois de mai
-1579.--Elles furent confirmées par l'édit réglementaire de Henri IV sur
-l'Université de Paris, de septembre 1598, édit marquant davantage la
-sécularisation commencée de l'enseignement public.--Une ordonnance
-royale de janvier 1629 dispose également que «nul ne sera reçu aux
-degrés qu'il n'ait étudié l'espace de trois ans en l'Université où
-seront conférés lesdits degrés, ou en une autre pour partie dudit temps,
-et en ladite Université pour le surplus, dont il rapportera certificat
-suffisant; mais elle va plus loin encore, et, ne se contentant pas
-d'imposer des conditions aux hommes qui se vouaient à l'enseignement ou
-aux jeunes gens qui voulaient entrer dans certaines carrières, elle
-subroge en quelque sorte l'État à tous les droits des pères de famille:
-«Nous défendons, y est-il dit, à tous nos sujets, de quelque état et
-condition qu'ils soient, d'envoyer leurs enfants étudier hors de notre
-royaume, pays et terres de notre obéissance, sans notre permission et
-congé.»
-
-Nous pourrions montrer également la constante surveillance de l'État sur
-les Universités; sa vigilance à ne laisser établir aucun collège, qu'il
-fût fondé par une dotation particulière, ou entretenu par une ville, ou
-même doté sur des biens ecclésiastiques, sans une autorisation spéciale
-et l'intervention d'une ordonnance du roi. Nous pourrions rappeler
-comment, à diverses reprises, furent refoulés les empiètements des
-jésuites et montrer comment, dès 1708, fut imposée l'obligation de
-fréquenter les collèges aux élèves de tout établissement particulier
-d'instruction; mais l'historique de l'instruction publique en France et
-la préexistence presque immémoriale de toutes les prescriptions dont
-Napoléon, en les coordonnant, a fait le code de Université, sont trop
-clairement et trop complètement déduits et démontrés dans l'exposé des
-motifs du projet de loi que M. Villemain vient de présenter à la Chambre
-des Pairs, pour que nous n'y renvoyions pas ceux de nos lecteurs qui
-voudraient, à ce sujet plus de preuves et de détails que l'espace ne
-nous permet d'en donner ici.
-
-Si la liberté de l'enseignement n'exista jamais au profit des
-particuliers sous l'ancienne monarchie; et le clergé lui-même, malgré
-ses immenses privilèges, vit continuellement dans cette matière la
-législation et la jurisprudence lui dicter des règles et lui imposer des
-obligations, cette liberté n'exista pas davantage de fait après 1789 et
-sous la République elle-même. L'Assemblée constituante en prononça le
-nom, mais ne la constitua point. La Convention la proclama, mais y mit
-d'abord des conditions qui assuraient qu'il n'en serait point usé sans
-l'agrément de l'autorité; et si la constitution de l'an III ne semblait
-pas imposer les mêmes limites, dès l'année suivante elles furent en
-quelque sorte tracées par le décret du 3 brumaire, et, un peu plus tard,
-la loi du 1er mai 1802 statua positivement que «il ne pourrait être
-établi d'école secondaire sans l'autorisation du gouvernement.»
-
-Enfin vint l'Empire, qui, par la loi du 10 mai 1806 et les décrets du 17
-mars 1809 et du 15 novembre 1811, codifia avec ensemble tout ce que les
-ordonnances des rois et les arrêts des Parlements avaient accumulé de
-précautions et de garanties, les compléta, et faisant des anciennes
-universités autant d'académies, les relia toutes à une seule et puissante
-Université, dépendante de l'État, qui, selon l'expression de M.
-Boyer-Collard, n'était autre chose que le gouvernement appliqué à la
-direction universelle de l'instruction publique, et qui avait le
-monopole de l'éducation à peu près comme les tribunaux ont le monopole
-de la justice, et l'armée celui de la force publique.
-
-Cette organisation puissante fut maintenue par la Restauration, qui ne
-consentit de dérogation à cette règle générale qu'en faveur des écoles
-secondaires ecclésiastiques ou petits séminaires. Dès 1802, les besoins
-du service religieux avaient fait créer par plusieurs évêques, avec des
-secours particuliers, quelques écoles préparatoires à l'enseignement des
-séminaires métropolitains ou diocésains, reconnus par un article du
-Concordat, et, plus tard, organisés par la loi du 14 mars 1804. Un
-décret du 9 avril 1809 mentionna pour la première fois ces écoles
-préparatoires. Un titre spécial du décret du 15 novembre 1811, les
-assimila tout à fait aux écoles ordinaires, leur interdisant de plus de
-s'établir autre part que dans les localités où se trouvait placé un
-collège communal ou un lycée, dont leurs élèves étaient tenus de suivre
-les cours. Un ordonnance royale du 5 octobre 1814 vint dispenser ces
-établissements de ces obligations et autorisa l'augmentation de leur
-nombre. Ces facilités amenèrent un état de choses auquel on crut devoir
-porter remède en 1828. L'exemption de toute obligation de grades quant
-aux maîtres, la dispense de toute rétribution envers l'État quant aux
-élevés, favorisaient les petits séminaires au détriment des collèges et
-des institutions universitaires, et mettant ces derniers établissements
-dans l'impossibilité de soutenir une lutte rendue trop inégale.
-
-C'est alors que, sur la proposition de M. le comte Portalis, ministre de
-la justice, fut instituée, pour constater les faits et proposer les
-mesures à prendre, une commission composée de neuf membres, qui
-choisirent pour rapporteur M. de Quéleu, archevêque de Paris. Son
-travail remarquable constate que, outre le nombre des écoles secondaires
-ecclésiastiques porté à 126, 53 autres établissements s'étaient formés
-comme succursales ou écoles cléricales; que plusieurs étaient dirigées,
-non par des prêtres, mais par des membres de corporations religieuses
-non autorisées par les lois; qu'enfin le but de l'institution des petits
-séminaires était tout a fait dépassé. Il conclut à ce que nulle nouvelle
-école secondaire ecclésiastique ne fût établie sans une autorisation
-spéciale; à ce qu'on ne fît dans ces écoles que des études compatibles
-avec l'état ecclésiastique; que l'habit y fût pris par les élèves ayant
-deux ans d'études; qu'il leur fût interdit de recevoir des externes, et
-enfin à ce que tous les élèves qui auraient abandonné l'état
-ecclésiastique après leurs cours d'études, fussent tenus, pour obtenir
-le diplôme de bachelier ès-lettres, _de se soumettre de nouveau aux
-études et aux examens, selon les règlements de l'Université._
-
-Les ordonnances du 16 juin 1828 ne furent que la mise en pratique et en
-vigueur de ces principes et de ces conclusions. Elles furent présentées
-à la signature de Charles X par M. Feutrier, évêque de Beauvais,
-ministre des affaires ecclésiastiques, à la suite d'un rapport au roi où
-ce prélat faisait ressortir la nécessité de conserver aux écoles
-ecclésiastiques un caractère tout spécial, de le maintenir par la
-condition relative, au baccalauréat, par l'obligation de porter le
-vêtement ecclésiastique; et où il établissait, par des calculs bien
-déduits, que le nombre de vingt mille élèves était largement suffisant
-pour répondre à tous les besoins à venir du culte, et devait être fixé
-comme une limite légale.
-
-Ces ordonnances furent exécutées immédiatement; mais vint la révolution
-de 1830, qui, dans un des articles de sa Charte nouvelle, consacra le
-principe de la liberté de l'enseignement, et promit la présentation d'un
-projet de loi pour réglementer l'exercice de cette liberté En 1836, en
-1841, deux projets furent portés aux Chambres; mais, à l'une comme à
-l'autre de ces époques, beaucoup de personnes voulurent voir dans la
-démarche ministérielle plutôt un acte conservatoire pour empêcher la
-prescription de la promesse de la Constitution que la pensée bien
-sérieuse de fixer immédiatement et définitivement la législation. On ne
-fit rien pour démentir ces suppositions, car ni l'un ni l'autre de ces
-projets n'arriva à la sanction royale, et il allèrent reposer dans les
-archives des Chambres. L'hésitation à résoudre une question difficile, à
-prononcer entre des prétentions aminées était explicable; mais ce qui
-devait être d'une évidence non moins grande, c'est qu'il ne pouvait être
-sans de nombreux inconvénients de prolonger la situation dans laquelle
-on se trouvait: car les lois dont la Charte de 1830 avait promis la
-révision d'après un principe qui n'était pas celui qui avait inspiré
-leur rédaction, ces lois avaient inévitablement, par cette promesse
-même, perdu de leur empire; les parties intéressées mettaient de
-l'empressement à s'y soustraire comme à une législation caduque, et
-l'administration incitait peut-être trop de faiblesse à faire exécuter
-leurs plus importantes prescriptions; car, enfin, bien que condamnées à
-une refonte, à ses yeux, elles devaient former encore le code de
-l'enseignement jusqu'à la promulgation d'un code nouveau. En
-législation, un interrègne c'est l'anarchie.
-
-De cette situation prolongée il est résulté que, tandis que l'Université
-se bornait à élever quelques collèges communaux au titre de collège
-royal, il s'est formé à côté d'elle une sorte d'Université
-ecclésiastique, jouissant du privilège de ne pas payer le droit
-universitaire, auquel les élèves des collèges, internes et externes,
-sont tous tenus, et multipliant ses établissements grâce à cet avantage
-et à son activité. Il n'y a aujourd'hui, en France, que 46 collèges
-royaux et 312 collèges communaux, tandis que l'on compte 1,137
-établissements particuliers et séminaires indépendants de l'Université.
-Les établissements de l'Université ne sont fréquentés que par 45,581
-élèves, sur lesquels 25,000 sont externes, et soumis pour l'éducation
-morale à toute l'influence de la famille. Les établissements
-particuliers, au contraire, comptent 63,000 élèves.
-
-On comprend que si la liberté de l'enseignement eût été réglementée en
-1830, aussitôt que le principe fut proclamé, l'enseignement
-ecclésiastique, qui était à cette époque renfermé dans les limites
-tracées par les ordonnances de 1828, se fût montré de facile composition
-pour un état de choses qui serait venu rendre plus favorable sa
-situation. Mais quatorze années se sont passées depuis lors, quatorze
-aimées durant lesquelles la liberté promise par la Charte a été à peu
-près accordée dans le fait à cette nature d'établissements, et accordée
-par l'État, gardant pour les siens toute la charge dont il exemptait ses
-rivaux; le point de départ n'est plus le même, et les exigences ont
-changé comme lui.
-
-Les prétentions aujourd'hui sont celles-ci:
-
-Une partie du clergé, en demandant pour les établissements qu'il a
-fondés, et pour ceux qu'il serait maître de fonder encore, une complète
-liberté, semble vouloir se réserver une sorte de censure sur les
-établissements universitaires, en en retirant ou en y laissant à son gré
-les aumôniers.
-
-Une autre partie se borne à réclamer la liberté, mais la liberté
-entière, c'est-à-dire le droit d'élever non-seulement les jeunes gens
-qui se destinent au culte, mais tous ceux qu'elle amènerait les parents
-à lui confier, et sans que ces jeunes gens, pour être reçus bacheliers
-ès-lettres, fussent tenus, comme le prescrivent les ordonnances de 1828,
-de se soumettre aux études et aux examens selon les règlements de
-l'Université.
-
-L'opinion la plus générale demande au gouvernement de fixer les
-conditions auxquelles toute personne les remplissant pourra ouvrir un
-établissement d'éducation, mais de traiter chacun également, de
-n'accorder de privilège particulier et d'exemption de faveur à personne.
-De ce côté on est tout disposé à reconnaître l'action supérieure et la
-surveillance constante de l'État; on ne prétend point qu'elle ne doive
-s'exercer sur les maisons d'éducation que comme celle de la police
-s'exerce sur les lieux publics; on reconnaît qu'il est du droit, du
-devoir du gouvernement d'exiger des garanties particulières des
-établissements où se forment de jeunes citoyens, les intérêts de l'État
-et ceux des pères de famille ne sauraient, aux yeux des hommes éclairés
-et de bonne foi, être des intérêts opposés. On ne demande pas qu'on
-soumette les écoles ecclésiastiques à la rétribution universitaire, mais
-qu'on exempte toutes les institutions de cet impôt fort malentendu, fort
-lourd, et arbitrairement assis. On ne demande pas que les grades ne
-soient pas délivrés par l'État, et qu'il ne soit pas appelé à juger, par
-l'intervention de ses fonctionnaires, de la capacité de ceux qui se
-présentent pour les obtenir, mais que ce soit lui, désintéressé dans la
-question d'amour-propre, et non des hommes que leur situation de
-rivalité rend juges et parties, qui reconnaisse et proclame la capacité;
-en un mot, que le grand-maître de l'Université et le ministre de
-l'instruction publique soient deux fonctionnaires distincts, l'un
-dirigeant, sous les ordres de ce dernier, les établissements dont l'État
-aura pris le patronage spécial, et où il placera ses boursiers; l'autre
-surveillant et gouvernant tous les établissements, qu'ils dépendent de
-l'Université ou qu'ils soient dirigés par les hommes qui les auront
-ouverts à leur compte, après avoir rempli les formalités voulues et
-satisfait aux conditions imposées.
-
-Voilà les exigences, les prétentions et les demandes en présence
-desquelles se trouve M. Villemain. Comment y a-t-il répondu, et quelle
-transaction a-t-il su trouver? C'est ce qui demandera de notre part ou
-de celle de l'historien de la Semaine un examen à part, et quelques
-développements nouveaux, quand le projet présenté arrivera à la
-discussion définitive, car nous ne sommes pas de ceux qui pensent que ce
-projet n'a été porté d'abord à Chambre des Pairs que pour qu'il ne
-revint pas, en temps utile, à la Chambre de Députés, et pour qu'une
-solution, difficile sans doute, se trouvât encore une fois différé.
-Mais, aujourd'hui, nous ne nous sommes proposé que d'exposer la
-question. Une autre fois nous examinerons de quelle façon on entreprend
-de la trancher.
-
-
-
-Le Vésuve.
-
-Nous empruntons à un ouvrage qui paraîtra prochainement quelques détails
-curieux sur le Vésuve. Quoique le sujet ait fourni la matière de
-beaucoup de volumes, chaque nouveau récit présente encore de l'intérêt,
-surtout quand il contient, comme les extraits suivants, les impressions
-et les expériences de deux savants tels que les docteurs Magendie et
-Constantin James, auxquels nous devons cette communication.
-
-«Depuis le bas de la montagne jusqu'à l'Ermitage, les substances qui
-proviennent de la décomposition des cendres vomies par le cratère
-recouvrent la lave d'un terreau extrêmement fertile. C'est là qu'on
-récolte le fameux vin de Lacryma-Christi. Triste fécondité cependant que
-celle qui est achetée au prix d'incessantes alarmes!
-
-«Il était une heure quand j'arrivai à l'Ermitage. Je m'attendais à
-rencontrer là quelqu'un de ces vénérables religieux qui inspirent à la
-fois l'admiration et le respect. Je fus bien désappointé. L'ermite du
-Vésuve est tout bonnement un cabaretier qui a pris à ferme l'Ermitage,
-et vend fort cher de très-mauvais vin. Il n'a d'un ermite que la robe de
-bure, le capuchon et un gros trousseau de clefs, auxquelles il manque
-des serrures à ouvrir.
-
-«A partir de l'Ermitage, le chemin cesse bientôt d'être praticable pour
-nos montures. Nous nous trouvons au milieu d'une nature aride, désolée,
-morte, sans trace aucune de végétation. Le sol, bouleversé affreusement,
-est partout hérissé de masses volcaniques d'un gris plombé, miroitantes,
-jetées pêle-mêle les unes à côté des autres, et unies entre elles par un
-ciment de lave. Il nous faut marcher sur les aspérités des roches, et
-souvent sauter par-dessus de larges crevasses. A notre gauche est le
-cratère à demi écroulé de l'ancien volcan, aujourd'hui éteint et appelé
-_Monte di summa_, le même qui a enseveli Pompéi, Herculanum et Stabia
-(1). Sur la droite, l'épaisse coulée de lave de la dernière éruption,
-celle de 1839. En face de nous, le cône de cendre qui nous reste à
-gravir.
-
- [Note 1: L'an 79 de notre ère. Parti du cap Visene pour aller
- étudier de plus près le phénomène de l'éruption, Pline fut étouffé
- à Herculanum sous les cendres vomies par le volcan. Voir
- l'admirable lettre de Pline le jeune à Tacite, dans laquelle il
- raconte la mort de son oncle, et les détails de la catastrophe.]
-
-«Mon thermomètre indique 19 degrés. On aperçoit de distance en distance
-des fumaroles, et on commence à entendre les détonations du volcan.
-
-«Notre marche devient de plus en plus pénible. La cendre superposée par
-couches molles et fines constitue un plancher mouvant qui s'affaisse
-sous les pas, et dans lequel on peut craindre à chaque instant de rester
-embourbé. Nous enfoncions quelquefois jusqu'au-dessus du genou. A mesure
-qu'on s'approche de la cime du cône, cette cendre s'échauffe et fume.
-J'ai vu le thermomètre, que j'y plongeais, s'élever jusqu'à 55 degrés.
-
-«Enfin, nous voici au sommet du volcan, dont la hauteur totale est de
-1,207 mètres. Il est trois heures. Mon oeil plonge dans le cratère. Quel
-imposant spectacle!
-
-«Représentez-vous un large gouffre, profond de plus de cent pieds,
-irrégulièrement circulaire, d'où s'échappe un nuage de fumée suffocante
-et roussâtre. Enveloppé de ténèbres, il s'illumine par intervalle de
-jets de lumière, accompagnés d'explosions, qui sont immédiatement
-suivies d'une chute de pierres sur des surfaces retentissantes. On
-dirait souvent d'un bouquet d'artifices. Ainsi, au fond de l'abîme,
-l'éclair a brillé; une fusée s'élance, s'irradie à une certaine hauteur,
-retombe verticalement, et ruisselle en filons étincelants sur les
-facettes sonores d'une pyramide. La base de cette pyramide repose au
-milieu d'une nappe de feu semée de fissures en zigzag, qui reflètent
-inégalement la lueur de l'incendie. Cependant le sol que nous foulons
-est brûlant. Dans certains endroits, la chaleur est si forte qu'elle
-pénétré la chaussure, l'attaque, et oblige de changer de place
-fréquemment.
-
-«Ce gouffre, ces vapeurs, l'horreur des ténèbres, ces conflagrations
-constituent un panorama dont aucune expression ne pourrait traduire la
-terrible harmonie. Aussi le premier sentiment que j'éprouvai fut-il un
-sentiment de stupeur mêlée de crainte. J'osais à peine circuler autour
-du cratère; je sentais la poussière crépiter sous mes pas, et il me
-fallait prendre garde aux inégalités du terrain.
-
-«Le jour paraît. Il éclaire peu à peu l'intérieur du volcan; les objets
-se dessinent; les scènes de la nuit s'expliquent et diminuent le
-prestige.
-
-«Le cratère a la forme d'un immense entonnoir, dont l'orifice évasé
-couronne la crête de la montagne, et se continue insensiblement avec les
-parois de l'infundibulum. Des parois aboutissent à un étroite enceinte,
-qu'elles circonscrivent.
-
-Au centre est la bouche du cratère. Celle-ci n'occupe pas la partie la
-plus déclive de l'excavation, mais au contraire le sommet tronqué d'un
-cône qui se dresse comme une île au milieu de la lave, et dont la
-formation est facile à comprendre.
-
-«Supposons une surface plane percée d'un trou. Des pierres sortent de ce
-trou par jets alternatifs et retombent les unes dans le trou, les autres
-autour. Ces dernières, s'entassant graduellement, finissent par figurer
-un cône ou pyramide, dont le conduit central se continue avec le trou
-d'émission. Vous diriez presque d'un tuyau de cheminée. Telle est, sur
-une plus grande échelle, la manière dont se forme et s'accroît la
-pyramide du volcan.
-
-«En effet, le sommet de cette pyramide vomit des matières
-incandescentes. Des matières retombent les unes perpendiculairement dans
-la bombe du cratère, les autres sur son pourtour, d'autres enfin roulent
-jusqu'à la base ou bondissent, en se brisant sur les arêtes de la
-pyramide. A mesure qu'elles se refroidissent, elles passent par diverses
-nuances de coloration, dont on n'apprécie bien la teinte que pendant la
-nuit.
-
-«Ces éruptions se succèdent toutes les huit ou dix secondes. Elles sont
-précédées d'un murmure profond, et la bouche du volcan paraît embrassée.
-Puis on entend une explosion pareille à un coup de pistolet, à un coup
-de canon ou même au roulement de la foudre. C'est la lave qui jaillit.
-La hauteur du jet dépasse rarement trente ou quarante pieds. Court
-moment de silence; puis un pétillement sec, à grains nombreux et gros,
-indique que la lave retombe en pluie sur la pyramide.
-
-«La quantité et le volume des matières lancées ainsi par chaque éruption
-sont très-variables. Tantôt il n'y a que quelques scories de la grosseur
-du poing; d'autres fois, des fragments de roches fondues en nombre
-considérable.
-
-«Je ne suis encore qu'à la moitié de mes explorations. Il s'agit
-maintenant de descendre dans le cratère.
-
-«Il n'y a pas de chemin tracé. Les parois du cratère me rappelaient
-assez ces grandes falaises qui bordent le rivage de certaines côtes,
-excepte qu'au lieu d'être taillées à pic, elles représentent un plan
-incliné dont la surface est inégalement onduleuse. La pente est trop
-rapide pour qu'on puisse, suivre une ligne directe. Je marchais donc en
-biaisant, tantôt à droite, tantôt à gauche, revenant souvent sur mes
-pas, en un mot obéissant à tous les caprices du terrain. Le guide allait
-devant moi, sondant avec son bâton les endroits suspects. On ne peut pas
-se traîner sur les genoux, ni se cramponner avec les mains, car le sol
-n'est formé que de cendres et de roches brûlantes. Des roches sont de
-nature sulfureuse. Elles offrent, suivant leur degré plus ou moins
-avancé de combustion, toutes les nuances possibles de couleur, depuis le
-jaune safrané jusqu'au jaune paille.
-
-«On rencontre à chaque pas des fumaroles. Ce sont autant de bouches de
-vapeur dont les émanations, semblables à celles du soufre qui brûle,
-provoquent la toux et oppressent. La température de ces fumaroles est
-d'environ 60 degrés. Quand on plonge le thermomètre dans les points d'où
-la fumée s'échappe, le mercure monte rapidement jusqu'à 90 et 95 degrés.
-Il faut retirer l'instrument, de peur que le tube n'éclate.
-
-«J'arrive ainsi non sans peine, jusqu'au fond du cratère. Il est six
-heures. Nous avions mis près de quarante minutes à descendre.
-
-«Pour bien comprendre l'endroit où je pose actuellement le pied, qu'on
-se figure un cirque, et au milieu de l'arène une pyramide. Il règne un
-espace libre entre la base de la pyramide et les premiers gradins du
-cirque. Or, c'est dans cet espace que me voici parvenu. La cheminée, du
-cratère représente la pyramide de l'arène, et le pourtour des parois les
-gradins du cirque.
-
-«La largeur de cet espace est d'environ trois mètres. Son plancher,
-qu'on me pardonne l'expression, est uni et légèrement granuleux comme
-l'asphalte d'un trottoir. Et, en effet, ce n'est autre chose qu'une
-couche de lave refroidie. Cette lave a la solidité de la dalle.
-Frappez-la avec le talon de la chaussure ou l'extrémité ferrée d'un
-bâton, vous ne réussirez pas à l'entamer.
-
-«Peut-on circuler autour de la cheminée du cratère? Oui, mais seulement
-dans un tiers de sa circonférence, car dans les deux autres tiers la
-lave est en pleine ébullition.
-
-«Maintenant que nous nous sommes occupés de ce qui est à nos pieds,
-levons les yeux vers la pyramide du cratère (2).
-
- [Note 2: Il y a quelques années un Français gravit cette pyramide,
- et se précipita volontairement dans la bouche du cratère. Il fut
- rejeté quelques instants après entièrement calciné.]
-
-«Cette pyramide ressemble à un énorme tas de coke, seulement sa couleur
-est d'un gris plus foncé. Ce n'est pourtant pas tout à fait celle du
-charbon de terre, ni surtout son reflet luisant. Les détritus
-volcaniques qui la composent sont entassés grossièrement les uns
-au-dessus des autres, de manière à laisser des creux où l'air pénètre.
-C'est à cette disposition que la pyramide doit sa sonorité, alors que
-les matières lancées par le cratère pleuvait à sa surface.
-
-«Des matières arrivaient quelquefois en roulant jusqu'à nous. On les
-évite aisément; car, arrêtées en chemin à tout instant par leur
-viscosité, elles laissent derrière elles une traînée de feu qui en
-diminue et ralentis la masse. Jamais elles ne sont venues d'emblée de
-notre côté. Pour franchir d'un seul bond la pyramide, il eût fallu
-qu'elles décrivissent dans l'air une parabole, que leur projection
-verticale rendait impossible.
-
-«La lave lancée par le volcan est plus liquide et a une température plus
-élevée que celle qui baigne la base de la pyramide. En voici la preuve.
-
-«Je m'étais amusé à détacher du fond des crevasses des fragments de lave
-liquéfiée dans lesquels j'enfonçais avec mon bâton de petites pièces en
-argent. Je rapprochais ensuite l'orifice du trajet, de manière à n'y
-laisser qu'un simple pertuis. La lave, en se refroidissant, acquérait
-bientôt la dureté de la pierre. Quant à la pièce, elle restait
-emprisonnée sans pouvoir ressortir, puisque son diamètre se trouvait
-devenu plus large que celui du trou qui lui avait livré passage.
-
-«Je veux répéter la même expérience sur un morceau de lave que venait de
-lancer le cratère. La pièce y pénètre par son propre poids, mais à
-l'instant même elle fond, brûle et disparaît. Il me fallut, pour
-prévenir la fusion du métal, laisser s'écouler près d'une demi-minute
-avant d'introduire d'autres pièces dans la lave.
-
-«Ces deux laves, quand elles sont refroidies, ont la même teinte, la
-même consistance, le même poids. J'en ai rapporté plusieurs
-échantillons, que j'ai fait examiner par des personnes très-compétentes.
-On leur a trouvé une composition parfaitement identique. Elles sont en
-très-grande partie formées par du granit fondu, ce qui explique pourquoi
-leur pesanteur est si considérable.
-
-«Chaque éruption du volcan faisait vibrer notre plancher, de lave. Au
-moment des plus fortes détonations, je sentais des oscillations
-véritables. Ces phénomènes étaient produits par l'ébranlement de l'air
-et la conductivité du sol.
-
-[Illustration: Maison de l'Ermitage du Vésuve.]
-
-«Il me sembla aussi plusieurs fois, même en l'absence de l'éruption,
-entendre une suite de mugissement souterrain. Ayant recouvert de mon
-mouchoir un endroit refroidi de la lave, j'y appliquai l'oreille.
-D'abord, il me fut impossible de rien distinguer. J'étais comme assourdi
-par le frétillement des couches voisines en ébullition. Mais bientôt,
-concentrant toute mon attention, j'entendis par intervalle, dans la
-profondeur du volcan, une sorte de clapotement humide, de gargouillement
-tumultueux, qui indiquait des déplacements de gaz et de matières
-liquides.»
-
-[Illustration: Coupe du Cratère du Vésuve.]
-
-
-
-Algérie.--Escadron de Dromadaires.
-
-L'excessive mobilité des tribus arabes et la rapidité avec laquelle
-leurs cavaliers franchissent de grandes distances ont été jusqu'ici de
-sérieux obstacles à l'affermissement de notre domination en Algérie.
-Comment, en effet, triompher d'un ennemi presque insaisissable, et
-imposer une obéissance durable à des populations fugitives? Dès 1843,
-cependant, on avait eu recours, pour les atteindre, à lui expédient
-couronné de succès. Un corps expéditionnaire fut organisé sous les
-ordres du colonel Jusuf, et composé de quelques escadrons de spahis avec
-environ deux mille fantassins montés sur des mulets. Ce corps se mit à
-la poursuite des tribus réfugiées dans le petit Désert, où elles se
-croyaient à l'abri de nos coups. Il ne tarda pas à les rejoindre, et les
-força à rentrer dans le Tell, pour y rester soumises à l'autorité de la
-France.
-
-Dans le courant de la même année, un autre essai fut tenté afin de
-remplacer les mulets par des dromadaires. Un mulet, en filet, revient en
-Afrique à 850 fr.; il coûte 1 fr. 50 c. par jour de nourriture, et ne
-peut servir, terme moyen, que dix-huit mois; taudis qu'un dromadaire ne
-coûte que 200 fr., vit avec ce qu'il trouve, porte le triple du fardeau
-d'un mulet, peut servir vingt ans, parcourt de grands espaces, sans
-éprouver les besoins des autres bêtes de somme, et supporte pendant
-plusieurs jours les privations de boisson et d'aliments. Sous tous les
-rapports, l'usage du dromadaire est donc plus économique et plus
-avantageux que celui du mulet.
-
-[Illustration: Bride du Dromadaire.]
-
-Il existe deux variétés de dromadaires; les uns, très-grands, très-gros,
-très-forts à la marche pesante, sont destinés exclusivement au transport
-des marchandises; les autres, moins grands, de forme moins épaisse,
-sveltes et élancés, sont extrêmement agiles et servent spécialement de
-monture. Ils sont, à l'égard des premiers, comme des chevaux de selle
-auprès des chevaux de trait. Les dromadaires de la grosse espèce portent
-des poids énormes et jusqu'à cinq ou six cents kilogrammes. Comme ils
-sont très-hauts, ils sont dressés à s'accroupir pour recevoir les
-charges énormes que l'on met sur leur dos. Ce sont ceux que l'on a
-appelés avec raison les vaisseaux du désert, et qui le traversent avec
-les caravanes où on les compte souvent par centaines. Les seconds ne
-portent que les hommes; ils sont également dressés à s'accroupir sur les
-genoux, lorsqu'on veut les monter; le cavalier se place alors sur une
-espèce de bât creusé vers le milieu, et garni à chacun des arçons d'un
-morceau de bois arrondi, planté verticalement, qu'il saisit fortement
-avec les mains pour se tenir.
-
-Les dromadaires ne sont pas conduits par le mors. Dans les villes, on
-leur passe aux narines, partie chez eux fort sensible, un anneau auquel
-on attache un bridon. Dans le désert, on se contente de les retenir par
-un licou, et on les frappe avec un kourbach (fouet) du côté où on veut
-les faire avancer. Leur plus grand mérite est d'avoir un trot allongé et
-doux. Leur allure pourtant, très-fatigante pour ceux qui n'y sont pas
-accoutumés, produit sur le cavalier l'effet du roulis.
-
-[Manoeuvres de Dromadaires]
-
-Déjà, dans la célèbre expédition d'Égypte, les dromadaires furent
-enrégimentés avec succès. Les Arabes bédouins inquiétaient les derrières
-de l'armée, venaient jusque dans les faubourgs du Caire commettre des
-vols et des assassinats, et parvenaient presque toujours, grâce à la
-vitesse supérieure de leurs chevaux, à échapper aux poursuites de la
-cavalerie française. Le général Bonaparte, voulant mettre un terme à ces
-incursions, ordonna, par un arrêté du 9 janvier 1799, la formation d'un
-régiment de dromadaires, composé de deux escadrons à quatre compagnies
-de soixante hommes. Chaque dromadaire portait des vivres et de l'eau
-pour cinq ou six jours; il était monté par deux hommes places dos à dos
-et armés d'un fusil de dragon avec baïonnette et d'un sabre de hussard.
-Les officiers avaient des pistolets, et ils étaient munis de boussoles
-pour se diriger dans le désert. L'uniforme, dessiné par Kléber dans le
-goût oriental, était très-brillant. Lorsque, dans les engagements qui
-avaient lieu autour du Caire, une tribu arabe était parvenue à échapper
-à la cavalerie européenne, on dirigeait sur ses traces un détachement du
-corps des dromadaires, et il était rare qu'il ne parvint pas à
-l'atteindre. Les chameaux fléchissant alors le genou, les cavaliers
-descendaient avec leurs armes, entravaient leurs moulures, les
-pelotonnaient toutes ensemble, en laissant au milieu un espace vide
-pour placer quelques hommes chargés de les défendre; puis le reste,
-manoeuvrant en dehors de ce groupe, engageait l'action avec les Arabes,
-déjà découragés par cette attaque inattendue, et ne tardant pas à les
-vaincre.
-
-Au mois d'août 1843, M. le chef de bataillon Carluccia, du 33e de ligne,
-a obtenu, sur sa demande, du gouverneur-général, l'autorisation
-d'organiser à la Maison-Carrée un escadron de cent dromadaires, avec
-deux ceins hommes d'élite du 33e de ligne et du 6e bataillon de
-chasseurs d'Orléans. Il y a ainsi deux hommes pour un dromadaire: un
-seul monte, un autre conduit; ils se relayent à chaque halte; tous deux
-peuvent monter au besoin. C'est sur l'arriére du bât que le cavalier est
-assis; le devant est occupé par les deux sacs des soldats, par deux
-outres contenant de quatre à cinq litres d'eau chaque, ainsi que par un
-grand sac en toile renfermant pour un mois de vivres des deux soldats en
-biscuit, sel, sucre, café et riz.
-
-Le bât se maintient au moyen d'une corde fortement sanglée. A
-l'extrémité d'une des traverses du bât, à laquelle s'attachent les
-bagages ci-dessus mentionnés, vient s'enrouler une double corde que
-traversent deux étriers en bois. Le cavalier est, de cette manière,
-libre de mettre ses pieds à la position qui lui convient le mieux, et de
-se servir des étriers pour monter et descendre.
-
-Le licol est à la fois simple et ingénieux. Au moyen de deux anneaux
-fixés en dessus et en dessous du museau, on fait passer en sens
-contraire une double corde attachée à l'anneau supérieur. A l'aide de
-ces brides, on maîtrise le dromadaire le plus méchant et le plus rétif.
-
-Le soldat monte habituellement sur le dromadaire en faisant agenouiller
-sa monture et en lui mettant le pied sur une des jambes de devant; pour
-descendre, il passe les deux jambes du même côté, et se laisse glisser
-au commandement _à terre!_
-
-Le dimanche 28 janvier 1811, le maréchal gouverneur-général passait en
-revue la gendarmerie, l'artillerie et le génie sur le champ de
-manoeuvres de Mustapha, près d'Alger, quand tout à coup des cris
-sauvages se firent entendre. Aussitôt on vit déboucher par le chemin de
-la Maison-Carrée, en une masse noire et compacte, un groupe de cavaliers
-d'une espèce toute nouvelle, élevant dans les airs, du haut de leurs
-montures africaines, leurs fusils reluisant au soleil; c'était
-l'escadron de dromadaires. La première vue de cette cavalerie provoqua
-un mouvement d'hilarité, que le gouverneur-général réprima en s'écriant:
-«Ne riez pas; la chose est plus sérieuse que vous ne pensez.» En effet,
-l'escadron de dromadaires exécuta sur-le-champ diverses manoeuvres avec
-une extrême précision, marchant tantôt en colonne, tantôt en bataille,
-se formant sur la droite, sur la gauche et en avant en bataille, tantôt
-au pas, tantôt au trot. Bientôt, à un commandement, les hommes sautèrent
-lestement à terre et se portèrent en avant, exécutant des feux de
-tirailleurs, tandis qu'un quart d'entre, eux suivaient le mouvement
-offensif, chaque homme conduisant quatre dromadaires par les rênes.
-
-La promptitude de toutes ces évolutions, la facilité avec laquelle nos
-braves et intelligents fantassins ont appris à manier leurs dromadaires,
-ont vivement frappé toute l'assistance. Aux plaisanteries a succédé
-l'admiration, et chacun a compris tout l'avantage qu'il sera possible de
-retirer de cette institution. Grâce aux escadrons de dromadaires, aucune
-population arabe ne saurait plus désormais trouver dans l'émigration un
-asile où elles soient assurées d'échapper à l'atteinte de nos colonnes
-expéditionnaires.
-
-
-
-Paris souterrain.
-
-[Illustration: Une rue souterraine de Paris.]
-
-I.
-
-Du temps de nos bons aïeux, lorsqu'on croyait encore aux esprits,--car
-nous sommes aujourd'hui trop raisonnables pour y croire,--on avait
-divisé notre momie en trois parties habitées par des êtres de nature
-diverse. L'air et les nuées étaient le domaine des sylphes, esprits
-légers, toujours beaux, toujours jeunes, nés pour la poésie et le
-plaisir, habitant des palais brillants formés de nuages dorés par le
-soleil, étincelants comme l'arc-en-ciel.--Au-dessous d'eux, à la surface
-de la terre, c'était la race humaine, notre domaine à nous, tel que nous
-l'habitons.--et puis, au-dessous encore, dans les entrailles de la
-terre, se trouvait un troisième monde, celui des gnomes, esprits
-souterrains, relégués au dernier degré de l'univers. Ceux-ci, on le
-conçoit, étaient encore moins connus. Des hommes doués de bons yeux, et
-surtout d'une bonne dose de crédulité, pouvaient bien avoir entrevu, par
-intervalles, dans les nuages, les palais fantastiques et les armées
-légères des sylphes rangées en bataille dans le ciel; de graves
-historiens en rapportent mille témoignages. Mais nul regard, si
-complaisant qu'il fût, ne pouvait percer jusqu'aux cavernes
-inaccessibles des gnomes. L'imagination, qui ne fait jamais défaut, y
-suppléait; tantôt, selon le caprice du rêveur, on peignait ces pauvres
-gnomes comme des démons malfaisants, difformes, rabougris, accaparant
-les trésors de la terre, et les enfouissant avec eux par une insatiable
-avarice; tantôt, au contraire, on trouve des palais d'or, de pierres
-précieuses, qui s'ouvrent dans les longues galeries souterraines à la
-lueur étincelante des escarboucles et des ruisseaux de phosphore; pays
-merveilleux où règnent des esprits irrésistibles, vifs et séduisants,
-mais capricieux et fugitifs comme ces feux errants qui scintillent dans
-l'obscurité des cavernes.
-
-Sans doute nos lecteurs ne sont pas sans avoir entendu quelquefois, et
-même avec plaisir, ces récits fantastiques. Eh bien! sans rouvrir les
-vieux contes de la _Bibliothèque bleue_, ou les graves entretiens du
-comte de Gabalis sur les êtres élémentaires, nous allons faire aussi des
-histoires de l'autre monde. Nous allons décrire des régions
-souterraines; nous allons nous promener à vingt pieds, à cent pieds, à
-cent cinquante pieds sous terre, avec les habitants de ces domaines,
-dans le royaume des gnomes et des farfadets; tout cela, sans dire autre
-chose que ce qui est, que ce que nous avons vu et touché,--et sans
-sortir, qui plus est, de l'enceinte de Paris et de sa banlieue.
-
-Nous allons conduire nos lecteurs dans le Paris souterrain. Nous leur
-ferons faire, j'en suis presque certain, d'inévitables découvertes dans
-ce monde nouveau et presque inconnu. Cela ne doit pas surprendre, car la
-superficie du pavé de Paris est souvent assez boueuse pour qu'on ne soit
-guère tenté de regarder dessous. Cependant, à chaque pas, de nombreux
-témoignages viennent révéler l'existence de cette seconde ville enfouie
-sous les pieds de la première. Chacun a sans doute remarqué ces épaisses
-et larges plaques de fonte ciselée, éparpillées çà et là au milieu des
-chaussées, tremblant et résonnant sous les roues des voitures; ce sont
-les portes et les fenêtres des rues souterraines. Il n'est personne qui
-n'ait rencontré, de temps en temps, un escadron de ces hommes armés
-d'échelles, de cordes, de râteaux, et chaussés de ces redoutables bottes
-qui broient le pavé; ou bien encore, ceux que l'on entend et que l'on
-voit le soir, courant sur les trottoirs, fouillant à l'angle des murs et
-des soupiraux, et faisant retentir par intervalles, d'un son stridont et
-cadencé, la barre de fer poli dont ils sont armés?--Ce sont les
-habitants, ou les ambassadeurs de la ville invisible que vous foulez aux
-pieds.
-
-On a décrit, on a peint souvent avec talent l'aspect du Paris à vol
-d'oiseau; nous allons faire le contraire, et donner l'aspect de Paris à
-course de taupe. Au lieu de nous élever, nous descendrons; au lieu de
-voir Paris au-dessus des toits, nous le verrons au-dessous des caves. Ce
-sera peut-être moins facile, moins lumineux; mais ce sera peut-être
-aussi intéressant, et sans doute ce sera plus neuf.
-
-Avant de nous engager dans les détails de ce voyage, prenons d'abord une
-idée générale du pays; et, en voyageurs érudits, prenons-en la
-configuration générale, la disposition et les limites.
-
-De même que ces villes édifiées au pied des volcans et construites sur
-d'autres villes enfouies qui leur servent de base, le Paris souterrain
-compte plusieurs étages de régions souterraines, superposées les unes
-aux autres et descendant ainsi de degré en degré depuis la surface du
-pavé jusqu'à d'immenses profondeurs. Chaque étage caverneux, bien
-distinct de celui qui le précède et de celui qui s'enfonce au-dessous de
-lui, a sa physionomie particulière et ses habitants qui lui
-appartiennent. Aussi, pour procéder par ordre, nous commencerons notre
-voyage par la région la plus.--rapprochée de nous pour descendre ensuite
-de plus en plus. Et, placé d'abord en simple piéton sur le pavé de la
-rue, nous allons, tout à coup, changer de place, et, glissant plus bas,
-regarder dessous...--Voici le premier étage de Paris souterrain.--Que
-vous en semble?
-
-Depuis quelque temps on a beaucoup parlé de travaux d'assainissement, de
-distribution d'eau, d'éclairage public; et on sait bien vaguement que
-toutes ces dispositions exigent des constructions souterraines. Mais,
-malgré tout ce qu'on peut avoir su et entendu, sans doute on ne se
-figure pas ce dédale de cavernes obscure, ce tissu croisé et recroisé de
-tuyaux, de conduites enchevêtrées les unes dans les autres, et les unes
-sur les autres; il est facile de comprendre à cet aspect tout ce
-qu'exige de combinaisons et de travaux le placement, l'entretien et le
-renouvellement d'un semblable appareil.
-
-Il faut penser qu'il existe sous le sol de Paris environ cent vingt
-kilomètres d'égouts, qui représentent par conséquent trente lieues de
-rues souterraines, et environ autant de lieues de conduites d'eau. Quant
-aux conduites de gaz, elles sont encore bien plus étendues. Nous ne
-comptons pas, en outre, tous les embranchements particuliers qui coupent
-les conduites maîtresses pour distribuer droite et à gauche l'eau et le
-gaz dans les maisons ou sur la voie publique.
-
-Nous avons cherché à présenter dans cet aspect du sol de la rue un
-aperçu des principales dispositions adoptées pour l'agencement et le
-service de ces conduites. En voici rapidement l'indication et
-l'explication.
-
-A est la coupe d'un égout. Les balayeurs-égoutiers y descendent à l'aide
-d'une échelle par le tampon de regard B.--C'est une bouche sous
-trottoir, qui absorbe les eaux du ruisseau; et D est un tuyau de chute,
-par lequel les eaux ménagères et pluviales de la maison voisine tombent
-directement dans l'égout. L'administration accorde en effet aux
-propriétaires qui le demandent, l'autorisation de se débarrasser ainsi
-de leurs eaux, moyennant l'apposition de grilles convenablement
-établies, et certaines dispositions qu'exigent la prudence et la sûreté
-publique.--De distance en distance, des trappes de regard sont ouvertes
-sous la voûte de l'égout, afin de pouvoir en opérer la ventilation au
-besoin, et y faire parvenir les ouvriers.
-
-C'est la conduite d'eau qui dessert la rue à main droite; au point F
-elle porte une concession particulière servie au moyen d'une bourbe à
-clef, dont la manoeuvre peut avoir lieu à travers le madrier perforé G,
-à l'affleurement du pavé. Cette conduite d'embranchement E a sa prise
-d'eau sur la conduite maîtresse H, qui dessert la rue à main gauche et
-fournit la borne-fontaine I; comme elle est placée au niveau de l'égout,
-elle rencontre sur sa route les reins de la voûte, et la traverse sur
-une espèce de chevalet en fonte qui la soutient dans ce passage.
-
-La prise d'eau d'embranchement a lieu dans le regard par un double
-système, de manière à pouvoir arrêter l'eau de la maîtresse conduite en
-amont ou en aval sans arrêter le service de l'embranchement. Le regard
-en maçonnerie y est ainsi établi, afin que les agents des eaux de Paris
-puissent faire la manoeuvre des robinets d'écoulement et d'arrêt.
-
-Les conduites E et H ont été posées dans de simples tranchées, et ne
-sont à découvert que dans le regard. Il n'en est pas de même de celles
-qui sont figurées aux lettres K. L. Celles-ci sont posées sur
-encorbellement dans des galeries. Ce système, qui permet de s'assurer à
-chaque instant de l'état des conduites, et de les réparer sans
-intercepter la circulation et remuer le pavage, peut être adopté pour
-les conduites d'eau. Mais cette méthode ne pourrait être employée pour
-les tuyaux de gaz, à cause des dangers qui en résulteraient.
-
-Notre, gravure représente la mise en communication de deux conduites, de
-diamètre différent par le tuyau circulaire M, garni de ses robinets
-d'écoulement et de vanne.
-
-Nous n'entrerons pas dans les détails explicatifs sur la forme et la
-manoeuvre de ces robinets; ils seraient longs et exigeraient des
-développements techniques qui n'intéresseraient qu'un petit nombre de
-nos lecteurs. Nous dirons seulement que cette mise en communication des
-tuyaux a lieu pour remédier aux irrégularités du service. On tient ainsi
-les conduites en charge l'une par l'autre, on supplée au besoin aux eaux
-de l'Ourcq, lorsqu'elles font défaut, par les eaux de la Seine, et
-réciproquement. Lors d'un accident, la seule manoeuvre d'un robinet
-suffit pour procurer l'eau à tout un quartier, que sans cela pourrait en
-rester privé fort longtemps.
-
-Après les conduites d'eau viennent les conduites de gaz. Les tuyaux N.
-O. desservent la rue à droite, et les tuyaux P. R. la rue à gauche. Dans
-les rues dont la largeur est assez considérable, et qui surtout sont
-divisées dans le milieu par un égout, il est d'usage de placer une
-conduite de gaz de chaque côté, afin d'éviter les inconvénients qui
-résulteraient pour les branchements particuliers des deux côtés de la
-rue, s'il fallait à chaque fois traverser toute la largeur de la
-chaussée et la maçonnerie de l'égout. Notre gravure ne présente donc que
-les conduites nécessaires; les petits tuyaux S sont ceux qui desservent
-la borne-fontaine, l'éclairage public, et quelques concessions
-particulières d'eau, de gaz, etc.
-
-Quelquefois le nombre de ces tuyaux est plus considérable. La grosseur
-en varie aussi beaucoup, il y en a dont l'énorme diamètre est de 0,50 à
-0,60 c. sont de véritables tonneaux; la maîtresse conduite des eaux de
-Chaillot est de ce nombre. D'autres, au contraire, n'ont que 0,08 c. Les
-petits tuyaux en plomb sont aussi exigus qu'on le désire.
-
-Les égouts varient également de largeur; ils sont de petite ou de grande
-section, pour se servir du terme administratif, selon l'importance et la
-longueur de leur parcours, selon le volume des eaux qu'ils sont appelés
-à recevoir. Les égouts-galeries sont ceux qui reçoivent en outre une
-conduite supportée par encorbellement.
-
-Voilà donc l'aperçu rapide de ce que l'on trouve sous le pavé, de ce qui
-constitue le premier étage de Paris souterrain. Quant au peuple qui
-anime et gouverne cette cité suburbaine, sans doute il vaut mieux
-n'avoir pas de fréquents rapports avec ses râteaux mal odorants, ses
-lampes fumeuses et ses grosses bottes; mais cette existence d'un travail
-pénible et rebutant mérite bien aussi quelque intérêt. Passer les jours
-entiers dans ces étroites et humides cavernes, sans lumière, sans
-soleil, et sans autre air que les émanations fétides des immondices,
-gagner sa vie à remuer la fange produite par un million d'individus qui
-s'agitent sur leurs tête, certes le salaire de ceux qui se dévouent à
-une semblable profession est rudement gagné. D'ailleurs cette existence,
-triste toujours, n'est souvent pas sans péril. Ces dédales obscurs ont
-vu de sanglantes catastrophes, de terribles agonies, et la funeste
-histoire de la galerie des Martyrs n'est pas la seule que les égouts de
-Paris aient à déplorer.
-
-Pour achever cette rapide description du premier plan de la ville
-souterraine, nous devons dire qu'elle possède deux fleuves: l'un au
-nord, sur la rive droite; l'autre, au sud, sur la rive gauche de la
-Seine.--Le premier, que l'on appelle l'aqueduc de ceinture, est une
-large galerie voûtée qui reçoit les eaux du canal à la Vilette, et les
-mène jusqu'au faubourg du Roule. C'est une rivière claire, limpide et
-tranquille.--L'autre..., hélas! elle fut jadis célèbre, et, non contente
-de traverser la grande cité aux rayons du soleil, elle la menaçait sans
-cesse de sa puissance et de ses colériques débordements. En 1579, la
-nuit du 1er avril, elle inonda Paris, et ses eaux montèrent jusqu'au
-deuxième étage des maisons. O gloire! ô vanité des puissances déchues!
-depuis, la Bièvre n'a menacé que d'empester, par l'infection de sa vase,
-les quartiers qu'elle inondait autrefois. On l'a emprisonnée, murée,
-voûtée..., et elle n'est plus qu'un égout obscur!
-
-Mais ce premier étage souterrain est bien près encore de la surface. En
-suivant les conduites, en traversant les galeries, nous avons pu heurter
-le sol des caves, et mettre la tête aux soupiraux pour demander et
-recevoir des nouvelles du monde supérieur. Toutefois, en descendant plus
-bas par intervalles, nous avons pu ouïr quelques bruits étranges,
-quelques signes précurseurs de demeures plus profondes encore. Nous
-avons pu voir que quelques-unes de ces trappes, mystérieuses ouvertures
-placées à la superficie du pavé comme les fenêtres de ces habitations
-obscures, ne s'étaient pas ouvertes à notre approche. Elles
-appartiennent à nue autre cité enfouie. C'est de ce côté que nous allons
-diriger notre voyage.
-
-_(La suite à un prochain numéro.)_
-
-
-
- Don Graviel l'Alférez.
-
- FANTAISIE MARITIME.
-
-(Suite.--Voir page 39.)
-
-II.
-
-La veille de Noël, tous les officiers de la frégate voulurent aller
-passer la nuit à terre, car, après la messe, le gouverneur devait donner
-à toutes les autorités civiles et militaires un réveillon suivi d'un
-grand bal, qui se prolongerait jusqu'au jour. Don Graviel et son ami
-Fernando se chargèrent seuls du service à bord de _la Santa-Fé_.
-
-Vers minuit, toutes les cloches de la ville commencèrent à carillonner à
-qui mieux mieux; les rues, sillonnées par des milliers de torches,
-semblaient embrasées; l'obscurité n'en était que plus épaisse dans la
-baie de la Havane. Les trois chefs de complot se tenaient à l'arrière de
-la frégate.
-
-«Les armes sont-elles dans la chaloupe? demanda don Graviel au
-contre-maître Brombollio.
-
---Oui, capitaine.
-
---Eh bien! fais embarquer tous nos gens sans bruit; combien sont-ils en
-tout?
-
---Cinquante; je n'ai pas pu en prendre un de moins, tous des amis, des
-matelots achevés, des enragés premier choix.
-
---C'est dix de trop; mais allons toujours.»
-
-Don Graviel avait eu soin d'expédier tous les canots en corvée pour la
-nuit entière; il ne restait plus que la chaloupe et une légère yole
-réservées aux déserteurs. Fernando et quarante marins, armés jusqu'aux
-dents, partirent avec la première; elle déborda mystérieusement, longea
-les quais non sans motif, et se perdit ensuite au milieu des bâtiments
-de commerce. La yole fut montée par don Graviel, maître Brombollio et
-les dix plus robustes matelots. Un poignard en ceinture, un pistolet
-caché sous leurs vêtements, des biscaïens estropés au bout de longs
-bâtons en manière de fléaux, tel était l'équipement de la bande d'élite.
-Ils abandonnèrent la frégate à la garde de Dieu et sans canots. Puis ils
-nagèrent droit au rivage, où l'on accosta dans un étroit canal situé
-entre deux hautes tes maisons. La petite embarcation, cachée par
-l'obscurité la plus profonde touchait cependant le bord; deux hommes y
-restèrent; en cas de malheur, ils avaient ordre de s'enfuir, et de
-prévenir au plus vite leurs camarades de la chaloupe.
-
---Eh bien! Brombollio, le dé est en l'air, disait l'enseigne.
-
---La peste étouffe les filles! répondit le maître; cette terre me brûle
-les pieds!»
-
-L'église n'était pas éloignée; les marins y pénétrèrent à la suite de don
-Graviel, travesti en matelot; ils se confondirent dans la foule sans
-perdre leur officier de vue.
-
-Du côté des femmes, Dona Juana occupait la place d'honneur. Dans le
-choeur étaient groupés don Antonio Barzon, ses aides de camp, le
-commandant de _la Santa-Fé_, les officiers de la rade, ceux de la
-garnison, l'intendant colonial et tous les dignitaires de la cité.
-
-«Par quelle porte sortira-t-elle?» se demandait don Graviel avec anxiété,
-tandis que maître Brombollio continuait à maugréer tout bas contre les
-filles et les amoureux.
-
-Dona Juana priait dévotement; et, certes, les gais propos du dernier bal
-étaient loin de sa mémoire.
-
-Si elle eut une distraction, ce fut quand elle remarqua, bien malgré
-elle, que don Graviel n'était pas venu à la messe avec son commandant;
-elle ne conclut qu'il était de service à bord. La fête de la
-_Media-noche_ devait suivre l'office, elle regretta peut-être l'absence
-du téméraire alférez; mais, hâtons-nous d'ajouter que ces pensées
-mondaines n'effleurèrent qu'à peine l'esprit de la jeune fille; encore
-se les reprocha-t-elle en faisant son examen de conscience.
-
-Enfin, la foule s'écoula lentement; don Antonio Barzon sortit du choeur,
-s'avança vers sa fille, lui offrit le bras et se dirigea vers la porte
-latérale. Un carrosse attendait dehors. Les officiers se pressaient en
-foule à la suite du gouverneur; l'issue allait être obstruée. Don
-Graviel fit un signe, s'ouvrit passage de vive force à travers les
-autorités galonnées, et fut imité par ses compagnons. Une certaine
-confusion s'ensuivit. Les dignitaires coloniaux s'indignaient de
-l'insolence des rustres qui les coudoyaient, mais les rustres gagnaient
-du terrain.
-
-Déjà le marquis de las Hermaduras présentait la main à sa fille pour la
-faire, monter en voiture quand le bouillant alférez le poussa rudement
-en arriéré, enleva Juana à bras le corps, et se prit à courir en criant
-«Noël!» C'était le mot de ralliement.
-
-«Au secours! aux armes! soldats et citoyens, à moi!» hurlait avec fureur
-don Antonio Barzon. Les officiers tirèrent leurs épées, la garde du
-gouverneur croisa la baïonnette.
-
-«Noël! Noël! en avant les biscaïens!» répondirent les matelots.
-
-Brombollio et ses huit camarades couvraient la retraite de l'enseigne,
-le terrible moulinet de leurs fléaux enferrés tenait en respect la
-multitude effrayée. Dona Juana, éperdue, se débattait inutilement entre
-les bras de son ravisseur, qui la déposa bientôt dans la yole, s'y jeta
-ainsi que ses gens, et poussa au large.
-
-Tout cela dura moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.
-
-Mille clameurs partaient du rivage, où régnait un désordre inexprimable.
-Cent torches éclairèrent bientôt l'étroite ruelle par laquelle les
-marins s'étaient enfuis; les soldats avaient chargé leurs armes, mais
-comment tirer? on aurait pu blesser la fille du gouverneur. La yole
-d'ailleurs filait plus vite qu'un trait, elle ne tarda pas à s'effacer
-dans l'ombre.
-
-«Des canots! des canots! mort de ma vie! ou je vous fais tous pendre à
-l'instant! Des canots! sang et tonnerre!» répétait d'une voix
-étourdissante l'illustrissime don Antonio Barzon.
-
-Les officiers de marine, ceux de _la Santa-Fé_ entre autres,
-parcouraient les quais en cherchant des canots partout: mais la
-chaloupe, en passant, avait entraîné les uns, engravé les autres, jeté
-les avivons à la mer, démonté les gouvernails; et grâce aux précautions
-de don Graviel, la frégate, à qui l'on fit en vain des signaux de nuit,
-ne put expédier le moindre batelet à terre.
-
-Pendant que le gouverneur et tous les siens se trouvaient ainsi cloués
-au rivage, la yole rejoignait la chaloupe entre deux pontons abandonnés,
-lieu convenu de rendez-vous.
-
-On doit rendre cette justice à l'entreprenant alférez, que son plan
-était habilement combiné. L'amour, par exception à l'adage du fabuliste,
-n'a point exclu toute prudence, bien que maître Brombollio, qui murmure,
-soit loin de partager notre opinion.
-
-Dona Juana, effrayée, n'avait pas encore reconnu son audacieux
-adorateur, qui crut devoir laisser au contre-maître le soin de la
-réduire au silence. La mantille de soie de la jeune fille fut galamment
-convertie en bâillon: un petit mal pour un grand bien; don Graviel avait
-permis cette violence assez peu chevaleresque. Du reste, il gouvernait
-et n'ouvrit la bouche que quand il s'agit de donner le mot de passe à
-son complice Fernando, et même eut-il la précaution de contrefaire sa
-voix. Puis les deux embarcations voguèrent de conserve; les aventuriers
-visitèrent leurs amorces de pistolet, et l'on se dirigea, toujours à la
-muette, vers le _Caprichoso_ dont on connaît suffisamment la physionomie
-extérieure, mais sur lequel de nouveaux détails deviennent nécessaires.
-
-_Le Caprichoso_ n'était pas navire de guerre; seulement, il portait sur
-pivot une longue pièce de 24 en bronze; par son travers grimaçaient dans
-la ligne rouge une dizaine de canons en fonte d'un moindre calibre: de
-distance en distance, à l'arrière, à l'avant, jusque dans la hune,
-s'épanouissaient, comme les fleurs dorées d'un parterre, bon nombre
-d'espingoles et de petters de deux à six livres de balles. Le tout était
-merveilleusement fourbi et reluisait de la façon la plus appétissante.
-
-_Le Caprichoso_ n'était pas non plus un navire marchand; seulement, il
-était en rapports suivis, avec les gros négociants de la Havane, on
-l'avait vu livrer commercialement superbes cargaisons de nègres qui,
-disait-on, n'avaient pas dû lui coûter cher. On assurait que son
-excellence don Antonio Barzon s'intéressait paternellement aux
-opérations de cet estimable spéculateur, dont quarante gaillards de
-mauvaise mine composaient l'équipage. Un certain Bertuzzi, assez mal
-famé dans ta colonie, quoique fort bien reçu chez le gouverneur, le
-commandait.
-
-«Ho! de la chaloupe!» héla d'une voix éclatante un homme qui se dressa
-sur le couronnement; et pourquoi ne dirions-nous pas tout de suite que
-cet homme était simplement le capitaine Bertuzzi?
-
-«Ronde d'officier!» répondit militairement Fernando en longeant le
-brick-goélette illuminé de bout en bout, car les négriers aussi
-faisaient réveillon. Ils buvaient, dansaient, hurlaient et riaient aux
-éclats. Le talia coulait à flots, et le poète de la bande,--où n'y
-a-t-il point un poète?--improvisait une chanson de circonstance sur la
-capture de quelques traitants dont on avait, le mois dernier, pris les
-noirs et brûlé les navires.
-
-A la réponse rassurante du garde-marine, le capitaine Bertuzzi se
-recoucha nonchalamment à plat-pont. Tout en fumant le cigare, et
-attendait, le digne homme, que ses jurons en fussent aux coups de
-couteau pour mettre le holà et les envoyer dans leurs hamacs. Mais, il
-n'avait pas eu le temps de fumer trois bouffées, que son bord fut tout à
-coup envahi par les cinquante déserteurs de _la Santa-Fé_, et que lui
-personnellement se trouvait aux prises avec quatre vigoureux matelots
-dont le dogmatique Fernando dirigeait les mouvements.
-
-«Capitaine Bertuzzi, pas de colère, je vous en prie, disait posément le
-garde-marine; voyez, ce pistolet, si vous faites le méchant, il vous
-cassera la tête.»
-
-Pris au piège où tant de fois il avait fait tomber ses confrères, le
-négrier-pirate fut artistement garrotté, bâillonné et déposé dans la
-chaloupe. Inutile d'ajouter que les marins de la frégate n'avaient pas
-laissé à ceux du brick le temps de courir aux armes. Leurs arguments,
-aussi simples que celui de Fernando, eurent un égal succès. Sur ces
-entrefaites, par les soins de don Graviel, dona Juana, qui maintenant
-pleurait à chaudes larmes, avait été enfermée dans la cabine du
-capitaine; enfin, lorsqu'une bonne moitié des négriers eurent été
-rangés, pieds et poings liés, à côté du capitaine Bertuzzi, l'enseigne,
-dépouillant sa cape de matelot, fit briller son uniforme et s'adressa
-aux autres en ces termes:
-
-«Gens du _Caprichoso_». nous sommes les plus forts et les plus nombreux;
-le premier de vous qui témoignera le moindre mécontentement sera jeté à
-la mer avec un boulet aux pieds. Soyez donc sages et mignons comme des
-brebis. Secondement, si l'un de vous s'avise de toucher une arme, sans
-ma permission, il aura le droit d'être immédiatement hissé au bout de la
-grand'vergue. D'ailleurs, vous faisiez la course avec Bertuzzi, vous la
-ferez avec moi, voilà toute la différence. _Range à larguer les voiles!_
-
---Bien parlé!» dit maître Brombollio en disposant son monde pour
-l'appareillage.
-
-La chaloupe, pleine des hommes dont les capteurs avaient jugé prudent de
-se débarrasser, fut abandonnée en dérive, sans avirons. On leva l'ancre,
-on établit les voiles, et à l'aide d'une légère bris on navigua sur
-l'entrée du port.
-
-Durant ces diverses opérations, l'alarme allait croissant dans la ville,
-l'on y battait la générale, la garnison prenait les armes, le gouverneur
-avait enfin des canots à ses ordres, les officiers de terre et de mer se
-multipliaient, les forts se mettaient sur la défensive, des coups de
-canon de signaux retentissaient sur l'une et l'autre rive du port.
-
-«Maudite donzelle! murmurait maître Brombollio. Sans elle pourtant
-personne ne se douterait de rien, nous filerions notre petit noeud au
-large, et, au point du jour, on pourrait nous courir après.
-
---Ne me parlez pas des femmes!» répétait dogmatiquement Fernando
-Ribalosa.
-
-Don Graviel était trop occupé de la manoeuvre pour descendre dans la
-cabine où l'infortunée Juanita ne cessait de se lamenter, toujours sans
-rien comprendre de ce qui lui arrivait. L'entrevue promettait d'être
-délicate; elle exigeait du calme, du sang-froid, du temps surtout. D'un
-autre côté, la brise de terre mollissait. Le canon de la frégate se fit
-entendre à son tour, preuve certaine que le commandant de _la Santa-Fé_
-soit enfin parvenu à rejoindre son bord. La position devenait critique.
-
-«Il serait dommage de manquer l'affaire après avoir si bien commencé,
-murmura l'enseigne.
-
---D'autant plus que nous serions inévitablement mis au croc, répondit
-maître Brombollio.
-
---Comme des goujons au bout d'une ligne, ajouta le garde-marine.
-
---Armez les avirons de galère, mes petits coeurs! commanda don Graviel,
-et si vous tenez à votre peau, nagez, ventre bleu! nagez, les caïmans,
-enlevez-moi çà connue des tigres!»
-
-Le brick-goélette ne tarda pas à glisser sur la mer unie, à l'aide de
-ses longues rames.
-
-Fernando, sans perdre de temps, faisait charger à double projectile,
-boulet et mitraille, toutes les pièces d'artillerie du _Caprichoso_. Les
-négriers, voyant qu'on ne leur faisait aucun mal, se prêtèrent à tout de
-fort bonne grâce.
-
-Cependant les embrasures du fort du Morro, sous lequel il faut
-nécessairement passer pour sortir, s'illuminaient peu à peu. On voyait
-les canonniers apprêter leurs pièces; les murailles du fort de la Puota,
-qui défend également l'entrée du port, se garnissaient aussi de soldats.
-La frégate _la Santa-Fé_ sembla faire des mouvements: les déserteurs
-crurent reconnaître le son de ses trompettes appelant l'équipage aux
-postes de combat; bientôt après elle largua ses voiles. Tous les
-bâtiments légers de la station, canonnières, goélettes, pataches,
-tartanes, se mettaient en route. Les commandements marins résonnaient
-d'un bout à l'autre du port, et, chose plus douloureuse encore, le bruit
-cadencé des avirons de la flottille de chasse devenait plus distinct de
-minute en minute. On avait, à bâbord, le fort du Morro; à tribord,
-devant et derrière, des ennemis flottants.
-
-«Oh! les femmes, les filles, les mantilles, les basquines et les jupons
-de malheur! je les voudrais à tous les cinq cent mille diables. Race de
-femelles damnées! perdition des hommes! engeance maudite! répétait à
-chaque coup de rame maître Brombollio, qui donnait l'exemple de nager
-vigoureusement. Il mêlait à ses malédictions des encouragements non
-moins énergiques. «Nagez donc, les agneaux! disait-il; souquez! hardi!
-ferme, mille millions de tonnerres! ne dormons pas. Voilà une satanée
-canonnière qui veut nous couper la route!»
-
-Fernando, sa longue-vue de nuit en main, examinait la baie, et toussait
-à intervalles égaux; c'était sa méthode pour témoigner de l'inquiétude.
-Le grave garde-marine s'était spécialement chargé de la pièce à pivot,
-qu'il pointait sur la canonnière la plus rapprochée.
-
-Quant à don Graviel, il commençait à craindre de perdre la partie.
-
-G. DE LA LANDELLE.
-
-_(La suite à un prochain numéro.)_
-
-
-
-Courrier de Paris.
-
-La semaine n'a produit que des oeuvres dramatiques médiocrement
-récréatives, et qui méritent à peine une rapide mention; _le Vieux
-Consul_ aurait mieux fait, par exemple, d'attendre le carême; il est
-d'un intérêt assez maigre pour qu'on regrette qu'il n'ait point patienté
-jusqu'à cette époque si conforme à son tempérament. Ce vieux consul
-n'est rien moins que Marius le proscripteur; or, je vous demande si les
-proscriptions conviennent à la saison des bals masqués; quelques beaux
-vers, une ou deux scènes énergiques, ont pu difficilement préserver
-Marius du péril résultant de son apparition en plein carnaval; il a eu
-affaire à un parterre d'étudiants encore tout émus du galop de la veille
-et qui riaient aux éclats et jouaient, peu s'en faut, des scènes de
-débardeurs aux moments les plus pathétiques; pour rien au monde, nos
-étourdis ne voulaient de tragédie ce jour-là. Le mercredi des cendres,
-le _Marius_ de M. Ponroy aurait peut-être monté aux nues! Il n'y a rien
-de tel que de choisir son temps: arriver à propos est un grand art.
-
-Vous parlerai-je des vaudevilles venus au monde à la même époque,
-pauvres créatures chétives, qui n'ont ni jeunesse ni gaieté et sont
-peut-être déjà mortes, pour la plupart, au moment où je parle; _les
-Oppressions de voyage_ enterrées en une soirée, sous les sifflets; _les
-Comédiens ambulants_ reproduisant pour la centième fois, sans beaucoup
-d'adresse ni d'esprit, le roman comique de Scarron; _le Nouveau
-Rodolphe_, parodie des _Mystères de Paris_, que le parterre a sifflé
-sans mystère? Non, vraiment, je n'abuserai ni de mon temps ni du vôtre
-pour vous entretenir de ces fadaises; un seul vaudeville a survécu à
-cette mortalité universelle: c'est _le Major Cravachon_. Ce brave major
-ne manque ni de franchise ni de gaieté, il a servi sous Napoléon; on
-s'en aperçoit à son ton vainqueur et à ses redoutables moustaches; et,
-bien qu'il ait déposé son glaive, Cravachon n'en a pas moins l'humeur
-terriblement belliqueuse; si vous n'avez pas pourfendu au moins trois ou
-quatre chrétiens, vous n'êtes pas son homme; imaginez, d'après cet
-échantillon, ce que Cravachon exigerait de celui qui s'aviserait
-d'aspirer à l'honneur d'être son gendre; à moins d'être un foudre de
-guerre, ne vous y frottez pas; or, les Césars et les Cravachons sont
-rares, et notre vaillant major en est réduit à éconduire, l'un après
-l'autre, une quantité de soupirants qui prétendent à la main de sa
-fille. Quoi donc? faudra-t-il que la pauvre petite sèche et dessèche
-dans les ennuis du célibat? Ne trouverons-nous pas, à la fin, un
-fier-à-bras pour conclure ses noces? Cravachon commence à désespérer; le
-monde n'est plus rempli que de lièvres, pense-t-il; enfin, un lion lui
-arrive; celui-là a le poignet fort, le coeur vaillant, le jarret
-intrépide; il donne à Cravachon un grand coup d'épée pour premier
-certificat. Cravachon ne se sent pas d'aise, lui tend les bras, le
-caresse, l'embrasse et lui dit; «Touchez là, vous avez ma fille!»--Cette
-recette pour le mariage n'est pas encore très-répandue, et fort peu de
-beaux-pères s'accommoderaient de recevoir le coup d'épée reçu par
-Cravachon, au risque de rester comme lui six mois au lit à se faire
-panser; mais ne sommes-nous pas dans un siècle original? Patience donc!
-le goût en viendra peut-être, et ces demoiselles ne se marieront plus
-autrement.--Les auteurs de cette petite pièce comique sont MM. Lefranc
-et Labiche.
-
-La semaine du moins a été particulièrement remarquable par l'apparition
-d'un important personnage; pendant deux jours il a visité les quartiers
-les plus fréquentés et les rues les plus fameuses, excitant partout une
-curiosité immense, et recevant des honneurs magnifiques: des hérauts
-d'armes, des gardes à pied, des cavaliers le casque en tête, lui
-servaient de cortège, au roulement du tambour, au bruit d'une musique
-militaire; son état-major se composait de Grecs, de Romains, de
-chevaliers armés de pied en cap, de gentilshommes ressuscités de la cour
-de Louis XIII et de Louis XIV. C'est peu encore; les dieux et demi-dieux
-s'étaient mis à sa suite; Hercule, Hébé, Vénus, Mars, Cupidon, Bacchus,
-Junon, Minerve, Apollon, Jupiter lui même, le terrible Jupiter, lui
-faisaient escorte; et le vieux Saturne n'avait pas dédaigné de monter
-sur un char et d'en tenir les rênes.
-
-Un autre aurait pu tirer vanité de ces honneurs inouïs, et attendre que
-des gens qui désiraient le visiter et le voir fissent auprès de lui les
-premières démonstrations; mais le personnage en question a montré qu'il
-n'était ni difficile ni exigeant sur l'affaire de l'étiquette; il a
-tranché la difficulté en faisant, de sa propre personne, des visites
-empressées aux notables habitants de la ville. C'est ainsi qu'il est
-allé saluer successivement M. le ministre des finances, M. Sauzet,
-président de la Chambre des Députés, M. le maréchal Soult, M.
-l'ambassadeur d'Autriche, M. le président de la Chambre des Pairs, M.
-Crinin-Gridame et M. Duchatel; mais son hommage le plus solennel a été
-pour le château des Tuileries: c'est là qu'il s'est efforcé surtout
-d'être agréable et de réussir.
-
-De quoi s'agit-il? dites-vous.--Mais d'un personnage de poids, du poids
-de 1,370 kilogrammes.--Vous l'appelez?--Le boeuf gras, roi du carnaval;
-son règne a duré trois jours: commencé et inauguré dimanche à dix heures
-du matin, il s'achevait mardi soir aux abattoirs Montmartre. Les
-courtisans et les grands-officiers de carnaval, qui l'avaient servi et
-flatté pendant sa puissance, l'ont mangé en beefteack après sa chute; ô
-fragilité des grosseurs humaines!
-
-Le boeuf gras mort, tout est dit, le carnaval est enterré. Un soleil
-charmant, un ciel d'azur, ont éclairé son dernier jour; il est
-impossible de finir plus gaiement, et surtout d'avoir pour cortège, et
-pour témoins de sa journée suprême, des amis plus nombreux et plus
-empressés.--Dès midi, une moitié de Paris s'était mise à ses fenêtres
-pour voir passer le carnaval; l'autre moitié se répandait dans les rues;
-de la Madeleine à la bastille, le boulevard était couvert d'une
-population immense, qui s'agitait tumultueusement et se pressait sur les
-dalles des contre-allées, tandis qu'une double haie de voitures occupait
-les bas-côtés, s'allongeant à perte de vue; c'était l'image de l'égalité
-parfaite; l'équipage armorié était rangé sur la même ligne que le
-fiacre plébéien; l'élégante calèche et l'humble vinaigrette marchaient
-du même pas monotone et lent; quant au carnaval, il était difficile de
-l'apercevoir. Les curieux ne manquaient pas; ils arrivaient par
-milliers, à pied, à cheval, en voiture, pour assister aux exercices du
-dieu burlesque; mais le dieu daignait à peine se manifester çà et là,
-sous la forme de quelques débardeurs crottés, trottant pédestrement à
-travers la foule, qui les saluait de ses huées; et à peine deux ou trois
-calèches chargées de masques venaient-elles, de loin en loin, témoigner
-qu'en effet Paris était en plein mardi-gras.
-
-Le carnaval est encore une de ces vieilles institutions que le temps a
-modifiées, sinon complètement détruites; autrefois, messire carnaval
-s'éveillait dès le matin, s'affublait de son costume bigarré, couvrait
-son visage du masque joyeux ou grotesque, et s'en allait par toute la
-ville agitant ses grelots et amusant les passants, les scandalisant
-quelquefois de ses lazzi et de ses propos effrontés; le carnaval
-agissait en plein jour et à la face de tout le monde; ses desservants
-innombrables, répandus de tous côtés, transformaient Paris, pendant deux
-ou trois journées, en un immense magasin de masques en plein vent.
-
-Le carnaval d'aujourd'hui a d'autres fantaisies et d'autres habitudes;
-il trônait autrefois dans la rue; il envahissait les carrefours, les
-boulevards, les places publiques; on le rencontrait à chaque pas;
-c'était lui, toujours lui; il était maître de la cité et de ses
-faubourgs. Maintenant la lumière lui déplaît; la vie publique n'est plus
-son affaire; d'année en aimée il s'est retiré de la rue, et on peut
-prédire que dans peu de temps il en aura complètement disparu; il ne
-restera du carnaval en plein air que cette population ambulante et
-curieuse,--qui viendra encore le chercher à travers la ville, longtemps
-après qu'il n'y sera plus.
-
-Il ne faut pas conclure de ce qui précède que le carnaval est défunt; il
-n'a jamais eu, au contraire, une vie plus agitée et plus furieuse; il ne
-s'est jamais livré à sa folle passion avec moins de modération et de
-retenue: mais, au lieu du jour, c'est la nuit qu'il recherche; le
-carnaval est devenu noctambule. Honnêtes curieux désappointés, qui avez
-passé toute votre journée à courir vainement après le carnaval en
-soufflant dans vos doigts, si le soir, minuit venu, vous étiez entrés
-dans la salle de l'Opéra-Comique ou de l'Opéra, si vous vous étiez
-glissés au Prado et dans tous les lieux nocturnes où le bal trouve
-asile, c'est pour le coup que le carnaval vous aurait apparu dans toute
-sa force et sa souveraineté.--Oui, le voilà! c'est bien le carnaval, on
-le reconnaît à ses cris, à son agitation, à ses traits convulsifs, à son
-effronterie, à sa fureur pour le plaisir; c'est lui qui a revêtu de ses
-oripeaux cette multitude diaprée; c'est lui qui la précipite dans cette
-joie violente, dans cette danse à tous crins, dans cete valse à tous
-bras!--Tout s'explique; le carnaval se calme et se repose pendant le
-jour, afin d'avoir assez de force pour soutenir le choc de ses nuits
-terribles. Il fait comme ces gastronomes et ces débauchés prudents qui
-se préparent, par un peu de diète et d'abstinence aux excès d'un énorme
-repas et d'une orgie.
-
-Quant à su mort et à sa sépulture, le carnaval n'a rien changé aux
-usages passés; c'est toujours le lendemain du mardi gras qu'il expire;
-c'est toujours à la Courtille que se célèbre, la cérémonie funèbre, et
-que les adorateurs du carnaval viennent l'escorter en grande pompe et
-assister à son dernier soupir.
-
-Le carnaval de 1844 a été inhumé avec un cérémonial inaccoutumé et une
-si grande affluence de fidèles que nous sommes obligés, en conscience,
-d'en faire part aux abonnés du _l'Illustration_, et de leur mettre sous
-les yeux les traits principaux de cette fin mémorable.
-
-Il est six heures du matin; les réverbères mêlent au jour naissant leurs
-dernières lueurs blafardes. Cette rue qui s'allonge devant vous se nomme
-la rue du Faubourg-du-Temple. Il est aisé de la reconnaître à l'enseigne
-qui se fait voir à gauche avec ces mots; _Vendanges de Bourgogne._--Les
-bals viennent de cesser; les danseurs, pâles, haletants, les yeux caves,
-harassés des joies de la nuit, se sont jetés pêle-mêle, ceux-ci dans le
-fiacre, ceux-là dans le cabriolet, d'autres dans la calèche béante; ils
-s'en vont tous à la Courtille user de leur dernière heure et saluer de
-leurs derniers cris d'amour le carnaval qui finit, à la barbe du
-mercredi des cendres.--Vous les voyez qui vont et viennent, montent et
-descendent; la rue est encombrée de voitures et de mascarades. En voici
-une qui s'arrête. Quels gestes! Quelles attitudes! D'où vient cette
-halte? Pourquoi cette pantomime énergique et cet air agressif? Eh! ne
-faut-il pas que ces vaillants masques se défendent? Se laisseront-ils
-impunément railler par cette commère à l'éloquence hasardée, qui leur
-montre le poing et leur lance à bout portant des fragments de dialogue
-qui n'ont rien d'attique? Ce n'est pas à cette heure, et dans la rue du
-Temple, qu'il faut compter sur des voix mélodieuses comme la voix de
-Cinti-Damoreau ou de Persiani; ce n'est pas à la descente de la
-Courtille qu'on enseigne les belles manières et la modestie; ce n'est
-pas entre débardeurs qu'on tient école de marivaudage. Cependant un
-sergent de ville, las de cette rude campagne du carnaval, s'endort à ce
-terrible vacarme, comme Tytire au doux murmure d'une source limpide.
-Mais que vois-je près de lui? Un enfant tout nu! c'est l'ami Carême,
-fils posthume du Carnaval.
-
-[Illustration: Descente de la Courtille.]
-
-[Illustration: Un Sergent de Ville le mercredi des cendres.]
-
-Puisque Carême vient de naître, il est clair que Carnaval est trépassé.
-Le père n'a jamais pu vivre avec le fils. Et, en effet, Carnaval n'est
-plus, voici qu'on le fait porter en terre, non pas comme feu M. de
-Marlborough, «par quatre-z-officiers,» mais accompagné d'un cortège
-digne du défunt, et tout à fait de circonstance.
-
-Le Mardi gras est couché sur le dos, comme il convient à un mort; on a
-eu soin de le revêtir de tous ses insignes, ordres de toute espèce et
-décorations. Tandis que le pauvre hère, tout à l'heure si tapageur et si
-bon vivant, garde cette position immobile, on voit à droite le Mercredi
-_descendre_ de son échelle; Mercredi ne se décide pas à cet exercice
-sans quelque hésitation; il a peur du Mardi gras, tout mort qu'il paraît
-être; tels les héritiers du grand Alexandre ne pouvaient approcher de
-ses restes sans pâlir. Le Temps, qui n'entend pas raison sur cette
-question et veut que ses affaires marchent, le Temps pousse
-très-positivement Mercredi par derrière pour lui donner de l'audace et
-l'obliger à sauter le pas.
-
-Mercredi mène à sa suite le cortège ordinaire et la cour de sa très-pâle
-et très-étique majesté Carême: poissons de mer et d'eau douce, oeufs
-frais, panais, carottes, choux, salades, oignons, épinards, chicorées,
-toute l'insipide nation des légumes. Un peu plus loin, le dieu Mars
-survient absolument comme mars en carême.
-
-L'apparition du Mercredi des cendres et la mort du Mardi gras produisent
-des émotions diverses: chacun, selon ses intérêts, fête l'avènement de
-l'un ou regrette le trépas de l'autre. Les sergents de ville, ces
-martyrs du carnaval, saluent avec joie l'arrivée de Mercredi, comme le
-signal du repos et de la délivrance; cependant au son de la cloche que
-Mercredi fait résonner dans ses mains, les débardeurs, effrayés, sentant
-leur fin prochaine, se dispersent avec effroi; c'est pour eux le
-tintement du jugement dernier. Quelques intrépides s'efforcent de faire
-bonne contenance et de défendre pied à pied l'empire du Mardi gras; ils
-forment un bataillon sacré et luttent jusqu'à la dernière extrémité,
-menaçant Mercredi du geste et de la parole. Vain courage! héroïsme
-inutile! qui peut arrêter le Temps? Mardi n'est plus; Mercredi s'empare
-invariablement de son domaine et règne à sa place, en attendant que
-Jeudi le détrône à son tour, et ainsi de suite jusqu'à la fin du monde
-et des calendriers.
-
-[Illustration: l'Ami Carême, fils posthume de Mardi Gras]
-
-[Illustration: Enterrement du Carnaval.]
-
-Ce personnage qui pleure à chaudes larmes sent bien que le mal est
-irrémédiable; c'est un garçon de café-restaurant: il est plus
-particulièrement frappé que d'autres par la mort du Mardi gras. Que de
-petits soupers il y perd, et que de pourboires! aussi voyez ses yeux se
-fondre en eau; est-il une plus belle oraison funèbre? et que ce Mardi
-gras est heureux d'ètre si tendrement regretté!--_De profundis!_ de la
-part du petit Carême, fils de Mardi gras, qu'on élève secrètement au
-champagne-Darbo pour le fortifier et en faire le Mardi gras de l'année
-1845.
-
-Adieu, cher lecteur, et au revoir; j'espère que tu vas passer ton carême
-honnêtement et que tu rachèteras tes péchés petits ou gros du carnaval
-dernier.
-
-
-
-Théâtre royal de l'Opéra-Comique.
-
-CAGLIOSTRO, OPÉRA-COMIQUE EN TROIS ACTES, PAROLES DE MM. SCRIBE ET DE
-SAINT-GEORGES, MUSIQUE DE M. ADOLPHE ADAM.
-
-On connaît l'histoire du grand Cagliostro, soi-disant fils d'un grand
-maître de Malte, élevé secrètement en Arabie par le sage _Althotas_,
-initié aux sciences occultes dans les pyramides d'Égypte, lequel
-prédisait l'avenir, guérissait toutes les maladies, prolongeait la vie
-indéfiniment et évoquait les morts. Le plus merveilleux n'est pas qu'un
-homme ait imaginé toutes ces absurdités, c'est qu'il soit parvenu à les
-faire croire, et cela à Paris, au dix-huitième siècle, vingt-cinq ans
-après la publication de l'Encyclopédie, huit ans après la mort de
-Voltaire, quatre ans avant la convocation des États-Généraux, qui furent
-l'Assemblée nationale. Et qui avait-il pour adeptes? des couturières,
-des blanchisseuses? Non pas, s'il vous plaît, mais de belles dames et de
-grands seigneurs, et à leur tête un archevêque, prince de l'Église, et
-longtemps ambassadeur du roi Très-Chrétien, le cardinal de Rohan!
-
-Ce héros singulier vient d'avoir son tour auprès de la muse de M.
-Scribe, muse, comme on sait, d'humeur facile, et incapable de rebuter
-qui que ce soit.
-
-M. Scribe a mis sur le théâtre le personnage, mais non son histoire, ou
-du moins aucun acte qui nous soit positivement connu. Mais si Cagliostro
-n'a pas fait ce que M. Scribe lui prête, du moins il a pu le faire. Que
-peut-on exiger de plus du drame en général et de l'opéra-comique en
-particulier?
-
-[Illustration: Opéra-Comique: _Cagliostro_ 3e acte, scène du
-magnétisme.--Madame Anna Thillon, Corilla; madame Boulanger, la marquise
-Pottier, Cecilli; M. Chollet, Cagliostro; M. Henri, Caracoli; M. Mocker,
-le chevalier.]
-
-Au moment où commence la pièce, toutes les imaginations sont frappées
-des prodiges accomplis par Cagliostro, Paris et Versailles ont à la fois
-les yeux sur lui, et les journaux sont pleins de récits merveilleux dont
-il est le héros.
-
-Parmi les personnes qui croient Cagliostro sur parole, il faut mettre en
-première ligne un prince bavarois tout récemment débarqué à Paris, et
-une certaine marquise de Volmérange, femme jadis à la mode, qui doit
-avoir été charmante du temps du cardinal de Fleury, et qui, j'en suis
-sûr, n'était pas encore trop mal en point sous le règne de madame la
-marquise de Pompadour. Elle a vu longtemps à ses pieds,--c'est elle qui
-le dit,--le roi Louis XV et toute sa cour; mais tout est bien changé
-depuis le nouveau règne. Ses beaux jours sont passés, ses honneurs sont
-détruits. Comment les faire renaître? comment remonter le cours des
-années? comment effacer les fâcheuses traces que cet insolent vieillard
-qu'on nomme le Temps a imprimées sur son visage? Assurément il faut
-toute la science et tout le pouvoir d'un Cagliostro pour cela.
-
-Le Bavarois n'est guère moins embarrassé: il est amoureux, cet infortuné
-prince, amoureux d'une cantatrice appelée Corilla, artiste célèbre, qui,
-depuis trois ans, occupe tous les _dilettanti_ et tous les badauds de
-l'Italie. Mais il a eu beau lui peindre sa passion dans les termes les
-plus pathétiques, et joindre à l'offre de sa fortune celle de sa main,
-il n'a pu rien obtenir, Corilla lui rit au nez toutes les fois qu'il
-entame le chapitre de son amour.--C'est donc une étrange bégueule,
-dites-vous, que cette Corilla?--Point du tout, lecteur; attendez la fin
-de mon récit, et ne faites pas de jugement téméraire.
-
-«Monsieur le comte, dit le prince au charlatan, ne pourriez-vous me
-donner quelque secret, quelque philtre pour me faire aimer d'une
-cruelle?» Cagliostro, qui a vu jouer _le Philtre_ à l'Académie royale de
-Musique, et qui sait son Scribe par coeur, répond sans hésiter:
-
---Dans notre état, nous en tenons beaucoup.
-
---Il serait vrai?
-
---Chaque jour j'en compose, car on en demande partout.
-
---Et vous en vendez?
-
---Oui.
-
---Et combien?
-
---Peu de chose.
-
-«Dix mille livres le flacon, pour ne point vous faire marchander.--Ah!
-c'est pour rien, en vérité, et je vous devrai la vie.»
-
-La consultation de la marquise, est bien plus importante encore.
-«Monsieur le comte, ne pourriez-vous me rendre mes beaux jours
-d'autrefois, l'éclat dont brillaient jadis les roses qui
-s'épanouissaient sur mon visage, et le timbre argentin de ma voix, qui
-chevrote si misérablement aujourd'hui?--Oui, madame.--Oh! donnez,
-donnez, et toute ma fortune...--Doucement! il faut du temps pour
-composer ce breuvage; il se fait avec le suc de plantes qu'on ne peut
-cueillir que sur les plus hautes montagnes du globe. Un de mes amis en a
-consommé, il y a quelques jours, le dernier flacon; il n'en a rien
-laissé. Ah! si fait! il en reste deux ou trois gouttes.--Ah!
-donnez-les-moi, monsieur le comte!-Hélas! madame la marquise, il y a à
-peine dix minutes de jeunesse au fond de cette petite bouteille.--Eh
-bien! ce seront dix minutes pendant lesquelles j'oublierai mon
-chagrin.--Au fait, dit tout bas Cagliostro en regardant autour de lui,
-il n'y a pas de glaces dans ce salon, et quant à ce miroir, je puis m'en
-défaire.» II jette le miroir par la fenêtre, et donne le précieux
-flacon.
-
-La marquise boit, puis cherche partout son miroir, mais en vain. Quel
-désespoir! Être jeune, et ne pouvoir pas jouir de sa jeunesse, même par
-la vue! ne pouvoir pas s'assurer de sa métamorphose! L'idée ne lui vient
-pas, à cette pauvre marquise, qui n'a pas de glaces dans son salon,
-d'aller consulter au moins sa toilette dans sa chambre à coucher, ou de
-s'assurer avec ses deux mains si sa taille est redevenue fine et svelte
-comme autrefois; elle ne sait que crier à tue-tête: «Mon miroir! où est
-donc mon miroir?» Quand soudain le marquis de Caracoli se présente,
-s'incline devant elle, et dit d'un air étonné: «Quelle est donc cette
-jeune fille?» Ah! pauvre marquise! quelle vieille, ne fut-elle qu'une
-petite bourgeoise, ne se pâmerait d'aise en entendant faire une pareille
-question?
-
-Ce Caracoli, vous l'avez, deviné sans doute, clairvoyant lecteur, n'est
-autre qu'un adroit compère, introduit dans la maison par Cagliostro,
-pour l'aider à ses tours de passe-passe. Il a fort bien débuté, en
-tombant de voiture tout exprès pour se faire guérir des suites de ce
-terrible accident. «Ah! monsieur le comte, s'écrie la vieille, un flacon
-de votre eau de Jouvence, et je n'aurai rien à vous refuser. Vous
-n'aurez, qu'à dire.--Madame, dit l'élève d'Althotas, vous savez que ce
-n'est jamais l'intérêt qui me guide. Il n'y a qu'une récompense à
-laquelle j'aspire; c'est la main de votre charmante nièce.»
-
-La charmante nièce a un million de dot.
-
-Malheureusement, elle est peu disposée à jouer ce rôle de lettre de
-change, car elle aime de tout son coeur son cousin le chevalier de
-Saint-Luc, qui le lui rend de son mieux. Mais Cagliostro a des moyens à
-lui pour vaincre toutes les difficultés, comme il a des remèdes pour
-guérir toutes les maladies.
-
-Le compère Caracoli, très-subtil espion, je vous le jure, a surpris une
-conversation fort intéressante entre le chevalier et une jeune étrangère
-qui est venue lui rappeler d'anciennes amours et d'anciens serments.
-L'étrangère est justement cette Corilla dont je vous ai déjà parlé, et
-vous comprenez, maintenant, pourquoi le prince a toujours perdu auprès
-d'elle son temps et son... bavarois. Caracoli va chez elle, lui apprend
-la trahison du chevalier, et l'amène en secret dans un cabinet voisin du
-laboratoire de son maître. Là elle acquerra des preuves palpables de
-l'infidélité de son muant. Bientôt, en effet, le prince, la marquise, et
-sa nièce Cécile, arrivent dans ce laboratoire. Cagliostro débute par
-faire de l'or en leur présence. C'est une des merveilles dont ils sont
-le plus curieux.--«Je donnerais mille louis, dit la marquise, pour voir
-faire devant moi un grain d'or.»--A ce prix-là, on comprend que
-l'opération ne serait pas difficile; et, de fait il n'en coûte pas tant
-à Cagliostro. Il lui suffit de glisser adroitement dans le creuset
-embrasé le lorgnon du compère Caracoli, lequel est cruellement mystifié
-par ce tour de physique amusante. Le pauvre homme tenait beaucoup à son
-lorgnon. Il faut vous dire que ce Caracoli, si spirituel et si fin au
-premier acte, n'est plus, au deuxième, qu'un sot et qu'un poltron. Si
-cette métamorphose était l'ouvrage de Cagliostro, ce serait la preuve la
-plus incontestable qu'il pût donner de son savoir-faire.
-
-Le _grand oeuvre_ accompli, Cagliostro parle mariage, et la marquise se
-montre fort bien disposée en sa faveur, mais non le chevalier, et encore
-moins Cécile, qui déclare aimer passionnément son cousin.--«Bah! dit
-Cagliostro, vous ne l'aimerez longtemps; passez, seulement cinq minutes
-toute seule dans ce cabinet.» Cécile y entre; elle y trouve Corilla, et
-reparaît bientôt pâle et agitée.--«Mon cousin, tout est fini entre
-nous!... Monsieur, voici ma main.»
-
-Qui est étonné? Le chevalier; mais bientôt Corilla se montre, et tout
-s'explique.--«Oui, traître! oui, ingrat! c'est moi qui ai tout fait; je
-lui ai révélé notre amour; je lui ai montré ton portrait, les lettres et
-le poignard que tu m'as donné pour le percer le coeur, si jamais ce
-coeur devenait infidèle...--«Ma foi, répond tranquillement le chevalier,
-je vous avoue, ma bonne, que vous n'en trouverez jamais une meilleure
-occasion. Je ne vous aime plus du tout, parole d'honneur! mais, en
-revanche, j'aime ma cousine comme je ne vous ai jamais aimée.»
-
-La déclaration est tout à fait galante!
-
-Là-dessus vous croyez, que Corilla arrache les deux yeux au butor, ou
-qu'au moins elle se trouve mal. Tant s'en faut! «A la bonne heure,
-monsieur. J'aime cette franchise; mon amour n'était qu'un pur
-enfantillage, n'en parlons plus. Pst!... le voilà parti, et je ne veux
-plus m'occuper que du vôtre.»
-
-Voilà un bel exemple, madame, et je vous conseille, dans l'occasion, de
-ne pas manquer n'imiter Corilla.
-
-A eux deux ils viennent bientôt à bout du Caracoli, qui craint la
-potence, et qui, pour se mettre en sûreté, vend, moyennant cinq cents
-louis, tous les secrets de son maître. Ces secrets sont écrits de la
-propre main du charlatan sur un gros cahier de papier. Ces habiles de
-comédie sont toujours prêts à faire, quand l'auteur en a besoin, les
-plus grosses maladresses et les plus insignes bévues.
-
-Armé de ces terribles papiers, le chevalier aborde Cagliostro d'un air
-triomphant. «Vous allez, écrire ici même, tout de suite, et sous ma
-dictée, votre renonciation à la main de Cécile.--Volontiers,» dit
-Cagliostro, et il écrit. Puis, s'interrompant d'un air indifférent et
-lui présentant sa tabatière: «En usez-vous?--Volontiers,» dit le
-chevalier, lequel devient à son tour un sot, pour ménager à M. de
-Saint-Georges nue péripétie. Ce tabac, comme il devrait bien s'en
-douter, n'est pas du tabac, mais de la belladone. Il ne tarde pus à
-s'endormir, et Cagliostro reprend ses papiers. Puis il pousse un
-ressort, et le trop confiant chevalier descend par une trappe... où il
-vous plaira.
-
-Voilà Cagliostro à Versailles, chez la marquise, où le mariage doit
-avoir lieu. Avant la noce, madame de Volmérange a promis aux conviés de
-les régaler d'une scène de magnétisme. Cagliostro a chargé Caracoli de
-lui amener une somnambule lucide, dont il a d'avance mis par écrit les
-réponses. Il vaudrait mieux sans doute qu'il fit ses affaires lui-même;
-mais les grands hommes sont toujours si occupés!
-
-La harpe résonne; la porte retentit. Une femme voilée s'avance et
-s'assied sur le fauteuil préparé pour elle au milieu de la brillante
-assemblée. Cagliostro s'approche et exécute autour de la tête du sujet
-toutes les passes usitées en pareil cas. Puis il écarte le voile... O
-surprise! ô terreur!... C'est sa femme qu'il croyait bien loin et qu'il
-retrouve à ce moment fatal. Et qui est cette femme qui revient si mal à
-propos? Corilla en personne, qui l'avait quitté jadis, exaspérée par ses
-mauvais traitements, et n'avait fait qu'un saut du toit conjugal sur le
-théâtre! Or, la polygamie est un cas pendable: force est donc au grand
-Cagliostro de se désister de ses hautes prétentions. Mais du moins il se
-vengera sur sa femme... Vain espoir! Corilla lui présente un bref du
-pape qui casse son mariage. Puis elle unit de sa main Cécile au
-chevalier, et couronne enfin la constance du Bavarois, lequel ne manque
-pas d'attribuer ce dénoûment inespéré au philtre qu'il a bu dans la
-matinée.
-
-Tout cela forme un drame très-compliqué, mais cependant très-clair. On
-reconnaît toute l'habileté de M. Scribe à l'aisance avec laquelle il
-dispose ces faits et amène les innombrables péripéties au milieu
-desquelles tout autre que lui se serait vingt fois perdu. Mais tout son
-savoir-faire n'a pu réussir à intéresser le spectateur à cette
-collection de sots, de fripons, ou de gens froidement honnêtes, et
-dépourvus de sentiments énergiques et de passions sincères. Ces
-messieurs et ces dames ont souvent de l'esprit, mais ils n'ont presque
-jamais du coeur.
-
-Quelle est cependant la mission de la musique, si ce n'est de traduire
-en un langage harmonieux les mouvements du coeur?
-
-Il n'est donc pas étonnant que M. Ad. Adam, chargé d'ajuster de la
-musique à ce drame, ait senti plus d'une fois son imagination défaillir
-et sa verve lui faire défaut. Dans tout le cours du ces trois actes, il
-n'a presque jamais à mettre en musique que de froides plaisanteries.
-Tantôt ce sont des couplets où le bavarois dresse l'inventaire des
-prodiges accomplis par Cagliostro, tantôt c'est un air où Cagliostro se
-moque, à part lui, de la crédulité parisienne. Quand Corilla vient de
-recevoir à bout portant la gracieuse déclaration que je vous ai
-racontée, restée seule, elle se met à chanter _victoire! victoire!_ En
-vérité il n'y a pas de quoi. Cécile et le chevalier n'échangent pas, de
-l'exposition au dénouement, une seule note qui ait pour objet de peindre
-leurs froides amours. Le prince bavarois lui-même, dont la passion est
-ridicule, mais sincère, ne chante pas une seule mesure qui ait quelque
-rapport à l'état de son âme.
-
-Il ne faut donc pas reprocher trop rudement à M. Adam d'avoir produit
-une partition froide, monotone et décolorée. C'était la conséquence
-nécessaire de la position où il s'était mis. La passion sérieuse était
-d'avance exclue de sa partition. Il y restait à la vérité la passion
-_bouffe_, et, sous ce rapport, il avait quelques scènes assez heureuses
-à traiter, par exemple, celle où la marquise boit la prétendue eau de
-Jouvence, et se croit rajeunie; celle où Cagliostro fait de l'or;
-d'autres encore. Mais la gaieté vive et la verve bouffonne ne sont pas
-le caractère du talent de M. Adam; et, bien qu'il ait mis dans ces
-scènes-là, comme dans tout le reste, une habileté de détails
-incontestable, il me semble qu'il est presque toujours resté un peu
-au-dessous des situations qu'il avait à peindre. Son ouvrage atteste, en
-général, du soin et un travail assez consciencieux; le style en est
-correct, l'instrumentation habile; chaque morceau pris en particulier
-est très-bien fait, mais presque tous manquent d'inspiration, de chaleur
-et de vie.
-
-
-Fragments d'un Voyage en Afrique(3).
-
-(Suite.--Voir t. II, p. 354, 371 et 390.)
-
- [Note 3: La reproduction de ces fragments est interdite.]
-
-Tandis que j'habitais Tekedempt, je fus souvent appelé auprès du l'émir,
-soit pour lui servir d'interprète, soit pour l'entretenir de divers
-projets. Sa confiance en moi était extrême; aussi étions-nous fort bien
-ensemble. Il a la parole familière et rapide, le geste expressif; sa
-voix n'a rien de mâle; il saisit facilement et se montre toujours avide
-d'instruction; il ne s'exprime qu'en arabe et se croirait damné s'il
-parlait la langue des chrétiens; cependant il connaît un peu de français
-et prononce _chassurs_ lorsqu'il veut désigner les chasseurs d'Afrique.
-Son caractère est ferme dans toutes les circonstances; il est doux,
-affable, charitable, mais d'une excessive sévérité. Quand il a prononcé
-une sentence, il faut qu'elle s'exécute. Vers la fin de 1839, il fit
-publier que quiconque serait pris se rendant dans nos possessions ou
-convaincu d'avoir assisté à nos marchés, aurait la tête tranchée. Deux
-Arabes enfreignirent cet ordre: ils étaient allés vendre des boeufs à
-Bouffarick. A leur retour, ils furent mis à mort, et leurs corps
-demeurèrent exposés pendant trois jours au marché de Médéah. En juillet
-1840, étant au camp du Chélif, je vis arriver dix-sept Arabes pris en
-flagrant délit de commerce avec les français. L'émir les condamna au
-supplice, parmi eux était un jeune homme de quatorze ans qui avait suivi
-son père; son jeune âge toucha plusieurs kalifats, qui demandèrent grâce
-pour lui. L'émir fut insensible à leurs prières; on alla même jusqu'à
-proposer 1.000 piastres fortes d'Espagne pour la rançon du jeune homme.
-Peine inutile! «Citez-moi, dit Abd-el-Kader à ses lieutenants un seul
-exemple où j'ai révoqué un ordre, et je pardonne.» Cinq minutes après,
-le yatagan d'un cavalier envoyait le fils rejoindre son père!
-
-Abd-el-Kader est né dans la province d'El-Beris, à l'est de Mascara, de
-Sidi-Hadji-Muhydin, marabout très-vénéré dans le pays. Il pousse l'amour
-de l'islamisme jusqu'au fanatisme. Depuis son retour de la Mecque, où il
-se rendit à l'âge de vingt et un ans, il passe une grande partie des
-nuits à lire le koran; il jeûne presque tous les jours, ce qui ruine sa
-santé. Son état est maladif, et pourtant son activité ne se ralentit
-point. En voyage, il est toujours prêt à marcher; je l'ai vu aller de
-Tlemcem à Tekedempt en trois jours, tandis que ses courriers en mettent
-huit. L'orgueil et l'ambition dirigent son coeur et sa tête; il
-n'hésiterait pas, s'il le pouvait, à mettre un pied dans la régence de
-Tunis et l'autre dans l'empire de Maroc. Parlez-lui d'innovations, de
-grands projets, d'entreprises hardies, et vous voyez, ses traits
-s'animer et ses yeux lancer des éclairs. J'ai parlé plus haut de son
-costume; il est d'une simplicité dont rien n'approche. Une culotte de
-toile à voile ou de laine, une chemise d'escamile, une autre en laine,
-un gilet et une veste de la même étoffe, un haick grossier et deux ou
-trois burnous, voilà toute sa garde-robe: sa tête est serrée par une
-corde en poil de chameau, son gilet est retenu par une ceinture rouge à
-laquelle est suspendu un mauvais mouchoir. Ses habits, parfumés au musc
-du reste, forment un singulier contraste avec l'or et l'argent qui
-brillent sur ceux des grands dignitaires.
-
-Le marabout Hadji-Mahydin avait deviné la haute fortune de son fils. Il
-jouissait parmi les Arabes d'une grande influence qu'il devait à la
-sainteté de son caractère. Ses trois fils, Tidi-Saïd, Abd-el-Kader et
-Sidi-Mustapha, élevés dans la crainte du Prophète, se partageaient avec
-lui l'admiration des Arabes. Après la perte d'Alger, d'Oran, etc, les
-habitants de ces villes qui s'étalent réfugiés dans l'intérieur allèrent
-demander un chef au vieux Mahydin; ils désignèrent même son fils aîné
-Tidi-Saïd. Le marabout, après avoir réfléchi quelques instants, leur
-dit, en leur montrant son second fils: «Voici votre chef; il est seul
-capable de prendre les rênes d'un gouvernement naissant. «L'événement a
-justifié sa prédilection. Abd-el-Kader avait vingt-six ans à l'époque où
-on le salua du titre de Sultan. Son orgueil dut s'accroître
-naturellement lorsqu'il se vit, si jeune, appelé à régénérer l'Afrique,
-l'énergie de son caractère et son désir de renommée le rendirent propre
-à de grandes choses. Il rechercha toutes les occasions de mettre en
-évidence les qualités qui le distinguaient de ses frères. Les
-commencements lui furent très-pénibles. Il avait à combattre les
-Français d'un côté, et de l'autre les tribus révoltées. Sans armée, sans
-argent, il fallait qu'iI ne compromît point ses mandataires et qu'il
-répondît à leur confiance. Alors il fit appel aux hommes de bonne
-volonté, et contracta des emprunts considérables à Mascara. Avec
-l'argent qu'il obtint, il acheta des armes et des munitions. Son étoile
-fit le reste. Il eut bientôt réuni quatre mille réguliers volontaires et
-six mille auxiliaires. Cette armée envahit le territoire des tribus
-insoumises et les mit à contribution. Il paya ses créanciers et organisa
-sa cour. Son nom devint un épouvantail pour les Arabes; on se soumit et
-on admira cet homme, qui venait de créer un empire sans autre ressource
-que son génie. Pendant quelque temps il put se reposer sur sa gloire;
-mais les Français l'inquiétaient au dehors. Il les attaqua, et leur fit
-éprouver d'abord quelques pertes. Son triomphe ne fut pas de longue
-durée; car, peu de temps après, au moment où il s'y attendait le moins,
-nos troupes fondirent sur son camp, et massacrèrent la moitié de son
-armée. Il ne dut la vie qu'à l'agilité de son cheval. Le danger qu'il
-courut alors parut si imminent aux Arabes, qu'ils pensent tous que leur
-chef est muni d'un talisman qui le met à l'abri des balles. Ce revers,
-loin d'abattre son courage, ne fit que l'augmenter. Il attaqua les
-Français pendant l'expédition de Mascara. Vaincu pour la seconde fois,
-il se replia sur Tlemcem, qu'il quitta bientôt, à l'approche de l'armée
-française, emportant avec lui ce que la ville contenait de plus
-précieux. Menacé dans la dernière retraite qu'il s'était ménagée à
-Tekedempt, il n'eut d'autre moyen de relever sa fortune que de faire la
-paix. Des négociations s'ouvrirent aussitôt: le traité de la Tafna en
-fut la suite. Nos troupes abandonnèrent Mascara et Médéah; Tlemcem fut
-rendue à l'émir. Celui-ci devait, en retour, fournir à nos troupes des
-boeufs, de l'orge et du blé, tandis qu'il en recevrait deux cents fusils
-et mille quintaux de poudre. Pendant qu'il traitait avec la France, les
-tribus de l'intérieur se soulevèrent de nouveau contre son autorité: il
-profita de la trêve pour les faire rentrer sous le joug. Sa gloire ne
-fit que grandir dans toutes ces campagnes qu'il termina à son avantage.
-Il a soumis les Oueuseris, les Ziben, les Ghronat, et beaucoup d'autres
-tribus contre lesquelles avaient échoué les efforts réunis de plusieurs
-beys. Il a bloqué pendant huit mois son redoutable rival Tedjini (le
-lion du désert) dans son inaccessible tanière d'Ain-Mahdin, que trois
-beys ont vainement assiégée. Il s'en empara en sacrifiant à cette
-conquête stérile ses trésors et ses sujets. Son armée fut réduite de
-moitié par les périls du siège, et la perte lui fut d'autant plus
-sensible, qu'il comptait dans ses rangs un grand nombre de déserteurs
-français.
-
-On lui doit la justice de dire qu'il est digne de commander aux Arabes.
-Il a tout ce qui constitue le chef de gouvernement: la fermeté, la
-prudence, la bravoure, l'intelligence, l'activité. Son intérieur répond
-à son costume. Toutes ses habitudes trahissent une indifférence profonde
-à l'endroit des biens de la terre. Il habite rarement la ville. Son
-douair est à quelques milles de Tekedempt. Lui et sa famille campent
-sous une tente assez vaste et d'une élégante simplicité. C'est là qu'il
-donne audience et réunit son conseil. Tout ce qui touche à
-l'administration passe par ses mains, et il n'appose son sceau sur
-aucune lettre avant de l'avoir lue. Rien n'échappe à sa vigilance; mais
-il ne traite les affaires sérieuses qu'après avoir consulté ses
-ministres. Voici l'emploi ordinaire de sa journée: il sort de son
-habitation vers neuf heures, pour se rendre à la tente d'audience. Après
-une courte prière, il s'entretient avec ses conseillers, puis il
-explique le Koran au peuple jusqu'au _dhoour_ (une heure d'après-midi);
-il fait alors une nouvelle prière à haute voix, à laquelle s'associent
-les assistants; puis il rentré sous la tente, où il se livre, jusqu'au
-coucher du soleil, aux soins administratifs. Après le _meraoub_ (coucher
-du soleil), il tient conseil, fait sa correspondance, médite le livre
-saint, et enfin se couche. Il est à remarquer que, depuis le matin, il
-reste immobile sous sa tente, assis à l'orientale, les jambes croisées.
-Il ne prend aucune nourriture pendant tout ce temps, quoiqu'il ne cesse
-point de parler, de crier et de lire. Ses repas se composent
-ordinairement de couscoussou. Abd-el-Kader se couche ordinairement à
-minuit pour se lever à quatre heures. A moins qu'il ne voyage ou ne
-fasse la guerre, il ne change rien à l'emploi de sa journée. Quand les
-affaire de son gouvernement l'exigent, il se retire à une heure avancée
-de la nuit, car il ne lève jamais la séance sans terminer les affaires
-qui lui sont présentées; dans ce cas il consacre à la prière et à la
-lecture une partie de ses heures de repos.
-
-Il fuit l'éclat et le luxe extérieurs. Le service de sa maison est fait
-par douze esclaves, qu'il a achetés avec sa propre bourse. Il ne
-détourne jamais rien à son profit des fonds affectés aux services
-publics; il s'en considère comme l'administrateur, et non comme le
-propriétaire. Ses dépenses sont prélevées sur les revenus de terres
-qu'il fait cultiver dans l'intérieur. Le patrimoine de son père suffit à
-ses besoins domestiques. L'émir manque quelquefois d'argent, et je l'ai
-vu vendre une de ses négresses pour couvrir les dépenses de sa famille.
-
-Abd-el-Kader est souvent visité par des musulmans, qui le consultent sur
-leurs intérêts et paient ses conseils. Il reçoit tout ce qu'on lui
-offre; mais cet argent passe presque aussitôt entre les mains des
-indigents qui assiègent sa tente. Un jour il leur donna son burnous et
-une de ses chemises. Chaque fois qu'il sort, une foule innombrable se
-précipite sur ses pas, le presse et baise tour à tour ses mains, ses
-épaules et ses habits: on l'empêche même d'avancer; alors les _tchiaoux_
-(espèce de gardes du corps) s'arment de bâtons et ouvrent un passage à
-leur souverain en chassant le peuple devant eux. «Que faites-vous?
-s'écrie l'émir; qui vous a ordonné de battre ces croyants? Sont-ce des
-chrétiens? Laissez-les, puisque je ne me plains pas.»
-
-Tous les cadeaux que le gouvernement français offrit, dans le temps, au
-sultan, et qui consistaient en tapis, sabres, pistolets, fusils,
-services de porcelaines, etc., etc., sont restés peu de temps chez lui;
-il les a envoyés à l'empereur de Maroc en échange de quelques quintaux
-de poudre. Son intérieur est moins soigné que celui des Arabes aisés. Le
-douair ne se compose que de deux grandes tentes en poil de chèvre noir
-et de six autres plus petites. Une palissade de branches sèches et un
-petit mur en pierres font le tour du douair. La famille de l'émir se
-compose de sa mère, de sa femme, de sa fille et des esclaves. Il aime
-beaucoup sa femme, à qui il n'a pas voulu donner de rivale,
-contrairement à la coutume des Arabes, qui ont quelquefois jusqu'à
-quatre femmes légitimes. Sa vénération pour si mère est inexprimable; il
-n'est pas de soins qu'il ne lui prodigue. C'est une femme de
-soixante-dix ans à peu près, et d'un naturel maladif. Elle est fille
-d'Alonet, de la province d'Elzeris. Elle est venue retrouver son fils à
-la mort de son époux Mahydin, qui fut empoisonné il y a quelques années.
-Abd-el-Kader avait un fils qui mourut à l'âge de cinq ans, lors de la
-signature du traité de Tafna. La mort de l'héritier de sa puissance
-l'attriste beaucoup, et il y pense sans cesse. Depuis, il a reporté
-toute son affection sur sa tille, qui compte à peine une douzaine de
-printemps.
-
-La femme de l'émir est née dans la province de Mascara, d'un négociant
-nommé Sidi-Kratir. A l'époque dont je parle, elle pouvait avoir de
-vingt-sept à vingt-huit ans; sa peau est d'une blancheur éblouissante;
-ses yeux sont grands et expressifs; elle a la taille élancée, le pied
-petit, les traits assez jolis; son caractère est doux et affectueux. Je
-suis sûr que les prisonnières qui sont attachées à sa personne doivent
-être bien traitées. Elle est très-curieuse des coutumes françaises. Son
-costume est modeste comme celui des musulmanes d'Alger: elle emploie
-rarement le velours et la soie; soit modestie, soit condescendance pour
-son mari, elle leur préfère la percale et la laine. Ses bras sont ornés
-le plus souvent de deux bracelets en argent, et elle porte aux pieds des
-anneaux de ce métal. Ses oreilles sont encadrées dans de lourds pendants
-en or; elle ceint quelquefois sa tête d'un foulard de soie, mais elle ne
-porte point de diadème comme le veut la mode d'Afrique. Une ceinture de
-laine complète sa toilette.
-
-Cet homme, qui vit sous la tente avec sa famille comme un patriarche de
-l'antiquité, qui semble faire consister sa gloire à fuir l'éclat et la
-représentation, est le chef d'un immense empire. Abd-el-Kader, que nous
-appelons le sultan des Arabes, et qui reçoit de ces derniers le titre
-d'émir des croyants, étend son administration de l'est à l'ouest, depuis
-le Ziben jusqu'à la Tafna, qui sépare Tlemcem du royaume de Fez. Du nord
-au sud, depuis nos limites jusque dans le désert, au Ghronat, il a six
-kalifats qui administrent en son nom une population de quatre à cinq
-cents mille individus. Ses revenus ne s'élèvent guère qu'à 4,000,000 de
-francs. Il lève encore quelques impôts dans les tribus qui ne
-reconnaissent pas son autorité.
-
-En développant, autant qu'il m'a été permis de le faire, le caractère de
-l'émir, j'ai parlé, je crois, de sa fidélité à sa parole. Que ses
-intérêts soient compromis ou lésés, il tient toutes ses promesses.
-«J'aurais du le prévoir, dit-il, et ne pas m'engager follement.» Mais
-lorsqu'il s'agit des chrétiens, c'est bien différent: il signe des
-traités auxquels il manque sans scrupule. Il s'appuie sur ce précepte du
-Koran: Employez tous les moyens en votre pouvoir, mettez en jeu toutes
-vos ressources pour détruire les infidèles. Le traité de la Tafna est la
-preuve éclatante de ce qu'il fera plus tard s'il arrive à la France de
-pactiser encore avec lui. Son inimitié pour les Français durera autant
-que sa vie. Voici ce qu'il me dit avoir écrit autrefois au commandant de
-la division, après la prise de Chercheh: «Mande à ton sultan qu'il
-cherche vainement à m'atteindre; il n'y parviendra jamais. Je n'ai point
-de ville où siège ma puissance; je n'ai pas de trésor; mon gouvernement
-est à dos de chameau. Quand tu marcheras vers un lieu où je serai,
-j'irai plus loin; quand tu me poursuivras, j'irai plus loin encore, et
-toujours, jusqu'au désert. De là, je défierai toutes les armées de la
-terre, mais je ne le perdrai pas de vue; je serai toujours à tes
-trousses, et je ne déposerai pas mes armes, quand j'en serais réduit à
-combattre seul.» A cette constance dans sa haine, Abd-el-Kader joint
-aussi la ruse instinctive de l'Arabe. Il a toujours refusé les secours
-de ses voisins: l'empereur de Maroc lui a souvent proposé d'envoyer à
-son aide son fils aîné avec dix mille hommes; il lui a fait répondre
-qu'avec l'aide de Dieu et du Prophète, il se tirerait d'affaire sans le
-secours de personne; mais il accepte toutes les munitions qu'on lui
-envoie. J'ai vu arriver à Tekedempt plusieurs convois de poudre:
-l'empereur n'était alors que le commissionnaire de l'émir; celui-ci
-payait les caravanes, et ne faisait de nouvelles demandes que lorsqu'il
-avait réuni les fonds nécessaires. Les deux milles fusils jetés à
-Milianah en 1838 avaient été débarqués à Titouan. L'émir est aussi en
-relation avec des Européens qui le visitent _incognito_, et vont faire,
-pour son compte, des achats d'armes et de munitions; ces objets sont
-déposés à Gibraltar, et de là on les dirige sur divers points du Maroc.
-
-En campagne, l'émir emploie la ruse lorsqu'il voit l'ardeur des Arabes
-se ralentir. Ainsi il fit, dans le temps, courir le bruit que la France
-était en guerre avec l'Angleterre, que nous ne pouvions nous maintenir
-en Afrique, et que le moment était venu de fondre sur nous. Ce sont des
-insinuations de ce genre qui ont provoqué l'attaque de Mazagran.
-
-Les populations sont, en général, lasses de la guerre; il est arrivé
-souvent que des récoltes entières ont été détruites, soit par les
-colonnes françaises, soit par les cavaliers arabes. La misère est à son
-comble dans les parties dévastées, et l'émir ne sait quelquefois où
-donner de la tête: il vit au jour le jour, et ne parvient à satisfaire
-ses besoins les plus urgents qu'en faisant irruption à main armée dans
-les tribus, sous le prétexte le plus frivole. Les troupes régulières ne
-touchent pas exactement leur solde, dans ces cas-là; et les volontaires,
-ou du moins ceux qu'on force de marcher sous cette dénomination,
-appauvris par les exactions des kalifats et par les ravages de l'ennemi,
-désespérés d'abandonner leurs foyers et leurs femmes pour suivre l'émir
-dans ses courses ne marchent qu'avec dégoût à la guerre. Notre tactique
-les éblouit, du reste; ils redoutent surtout les chasseurs d'Afrique et
-l'artillerie: un escadron de cavalerie et une pièce de canon feraient
-fuir des nuées de bédouins, qui viendraient peut-être tomber sans pâlir
-sous le feu d'un bataillon carré.
-
-Les kalifats ne sont pas tous entièrement attachés à l'émir: El-Berkam
-kalifat de Médéah ne paie jamais de sa personne, et n'inspire pas une
-grande confiance à son maître; celui de Mascara,
-Hadji-Mustapha-Ben-Thamy, est mou et paresseux comme un Turc;
-Bou-Hamidy, kalifat de Tlemcem, et Ben-Allel (4), kalifat de Milianah,
-sont les seuls homme» sur lesquels Abd-el-Kader puisse compter. Le
-premier, intrépide guerrier et le meilleur cavalier de la régence,
-gouverne brutalement ses tribus; comme Tarquin, il fait tomber les plus
-hautes têtes, et la terreur qu'il inspire est égale à la haine qu'il
-nous porte. Le second emploie à peu près les mêmes moyens, mais il
-éprouve une grande résistance dans la tribu des Ouenseris, qui,
-retranchée sur sa montagne inaccessible, défie de là ses sanglantes
-fureurs.
-
- [Note 4: Ben-Allel est le même qui a trouvé la mort dans le combat
- livré récemment par la division du général Tempoure.]
-
-Observateur comme tous les Arabes, Abd-el-Kader dépeint lui-même en
-quelques mots le caractère de ses lieutenants:
-
-«Berkany, dit-il, me craint, mais ne craint pas Dieu;
-
-«Ben-Allel craint Dieu et me craint;
-
-«Ben-Thamy craint Dieu, mais ne me craint pas;
-
-«Bou-Hamidy ne me craint pas plus que Dieu.»
-
-Entre, autres bonnes fortunes, je fus invité un jour par le premier
-ministre, Sidi-el-Kraroubi, à un grand dîner que l'émir donnait aux
-chefs de son armée. Les hostilités étant près de commencer, Abd-el-Kader
-voulut inaugurer la campagne par une revue générale des troupes; il les
-avait rassemblées à Tekedempt, dans le but de les diriger ensuite vers
-les lieux qu'il avait à défendre. Le repas était le prélude de la
-solennité militaire. Dès que j'arrivai dans sa tente, l'émir porta la
-main à son coeur et à sa tête; je m'inclinai, suivant l'usage, en lui
-disant: «Tu es aussi bon pour moi que grand pour tes sujets.» Mon
-compliment le fit sourire; il m'indiqua du doigt la salle, où nous
-trouvâmes la table préparée: quand je dis la table, c'est par habitude,
-car les plats étaient étalés sur le sol; nous prîmes place tout autour
-en assez grand nombre. L'émir seul reposait sur un coussin; quant à
-nous, nous fîmes ce que font nos soldats en campagne; la terre nous
-servit de siège, et nous dévorâmes le dîner avec un appétit qui enchanta
-Abd-el-Kader.
-
-Comme il n'est pas ordinaire de prendre part au repas d'un Arabe, et
-encore moins à un festin d'apparat donné par le sultan, j'observai
-attentivement les plats qui nous furent offerts, et la manière dont le
-service s'exécutait. Autour du cercle que nous formions, se tenaient
-debout plusieurs Bédouins à l'air rébarbatif, dont les fonctions
-consistaient à enlever les débris des mets à mesure que les convives
-paraissaient y renoncer. Le service se composait d'un boeuf coupé en
-deux parties égales, et placées à chaque bout de la table, de deux
-agneaux et de deux béliers rôtis tout entiers, et qu'on avait
-symétriquement arrangés sur le sol. Le couscoussou, quelques crêpes
-faites avec de l'huile et de la farine, du lait et du miel, qui, par
-parenthèse, étaient excellents, formaient l'accompagnement obligé de ces
-immenses édifices de viande encore saignante. Au dessert, nous eûmes
-quelques figues de Barbarie d'une fadeur rebutante, puis on nous versa
-du café bien noir dans de mauvaises écuelles de bois. Du reste, pas de
-serviettes, pas de fourchettes, par de cuillers! c'est un luxe auquel
-les Arabes ne sont pas encore faits. Les yatagans servaient à dépecer,
-et nous déchirions avec nos ongles les morceaux de chair mal coupés.
-C'est à peine s'ils connaissent les assiettes, et encore les petits
-morceaux de bois à peine polis sur lesquels nous étendîmes le miel ne
-méritent guère ce nom, quoique servant au même usage.
-
-Tel était le menu de ce magnifique festin, qui fut servi au son des
-instruments. Je ne manquai pas de remarquer qu'il était loin de valoir
-le plus mauvais dîner dans la plus mauvaise gargote du plus mauvais
-village de France; que la viande des animaux était brûlée à l'extérieur
-et à peine cuite à l'intérieur; que le cuisinier de l'émir n'était pas
-plus fort en cuisine que ses artistes en musique; mais, comme la faim
-criait haut et ferme, je n'hésitai pas à la satisfaire; elle me fit même
-trouver le dîner moins détestable qu'il ne l'était réellement, tant il
-est vrai que l'appétit assaisonne tout! Abd-el-Kader prit sans doute ma
-_razzia gastronomique_ pour un hommage rendu à son office, tandis que
-tout l'honneur en revenait à mon appétit. J'avais enduré dans la même
-journée les deux plus grands supplices qui puissent être infligés à un
-homme raisonnable, savoir; un concert d'amateurs et un repas à la
-fortune du pot.
-
-Dieu vous garde, ami lecteur, de pareil repas et de pareil concert!
-
-Quand tout le monde eut bien dîné, l'émir se leva, et chacun suivit son
-exemple. On amena des chevaux à l'entrée de la tente, et nous allâmes
-voir évoluer les troupes.
-
-_(La suite à un prochain numéro.)_
-
-
- [Partition musicale.]
-
- ENTRE PISE
- ET FLORENCE.
-
- Paroles de M. Philippe BISONI.
- Musique de Gustave RIQUET.
-
- Entre Pise et Florence
- Aux vergers d'Empoli
- Vois la nuit qui s'avance
- Car le jour a pâli.
-
- Étranger quelle belle
- Languis-tu? Languis-tu de revoir?
- Entre sous ma tonnelle
- Si riante le soir.
-
- Écoute rien n'égale
- Mon raisin del Bosco
- Mes pommes de finale
- Mon Aléatico.
-
- Mais à la fille étrusque
- Qui rougissant sourit
- L'ingrat jette un mot brusque
- par Satan même écrit.
-
- Ah voyageur prends garde
- Prends garde voyageur
- La Madone regarde
- Elle a vu ma rougeur.
-
- Adieu la nuit s'avance
- Adieu la nuit s'avance
- Te voilà sous sa main
- Te voilà sous sa main.
-
- Et long est le chemin
- Entre Pise et Florence
- Long est le chemin
- Entre Pise et Florence.
-
-
-
-Bulletin bibliographique.
-
-_Histoire de France_, Louis XI et Charles le Téméraire, par M. MICHELET.
-Tome VI, 1 vol. in-8 de 500 pages.--Paris, 1844. _Hachette_. 7 fr. 50.
-
-M. Michelet, trop longtemps méconnu, commence enfin à être apprécié à sa
-juste valeur, en France, les nombreux admirateurs de son beau talent,
-qui ne peuvent pas trouver place dans l'amphithéâtre trop petit du
-collège de France, attendent avec la plus vive impatience la publication
-de ses leçons. A chaque nouveau volume de l'_Histoire de France_, le
-succès, d'abord faible et incertain, se consolide et grandit. De Paris,
-où elle a pris naissance, la réputation de l'éloquent professeur s'est
-répandue dans les départements, puis elle a franchi le Rhin, traverse
-les Alpes, passe le détroit; l'Allemagne, l'Italie et l'Angleterre
-étudient et admirent M. Michelet, autant et plus peut-être que la
-France. Deux des revues trimestrielles de la Grande-Bretagne, la
-_Foreign and British Review_ et l' _Edinburgh Review_, viennent de lui
-consacrer (faveur bien rare), dans leurs derniers numéros, deux longs
-articles. Les critiques anglais, de même que les critiques allemands,
-déclarent et prouvent en même temps que M. Michelet mérite d'être placé
-au premier rang parmi les historiens contemporains.
-
-Ce grand et légitime succès tient à plusieurs causes. M. Michelet réunit
-en effet de nombreuses qualités qui, séparées, suffiraient encore pur
-faire la fortune d'un historien. Savant et poète tout à la fois, il a
-l'érudition patiente d'un bénédictin et l'imagination vive et hardie
-d'un artiste. De plus, il est philosophe; en d'autres termes, il ne se
-contente pas d'essayer de nous représenter la vie du passé telle qu'elle
-fut réellement, il cherche à la comprendre, il veut nous en révéler le
-véritable sens. Enfin, et ce n'est pas son moindre mérite, il
-n'appartient pas à cette catégorie d'écrivains qui fabriquent des
-ouvrages historiques à la douzaine, soit pour s'enrichir aux dépens du
-public trompé, soit pour faire acheter par des ministres corrupteurs
-leur plume vénale. L'histoire, tel a été, tel sera le noble but de sa
-vie entière. En vain on lui offrirait l'autorité et les honneurs dont
-tant d'autres hommes distingués sont si avides, il les refuserait.
-Servir son pays, en lui apprenant à connaître le passé et en lui
-montrant les grands enseignements qu'il contient, voilà toute son
-ambition, et cette ambition, heureusement pour la France et pour lui, il
-a eu la gloire de la satisfaire.
-
-M. Michelet a, qu'on nous permette cette expression, les défauts de ses
-qualités: il est parfois trop savant, trop poète et trop philosophe.
-Ici, il donne une importance exagérée à des détails qu'il devrait, sinon
-ignorer, du moins négliger; là, son esprit aventureux l'emporte hors des
-bornes de la raison et du bon goût; plus loin, il se laisse entraîner,
-par son désir de tout expliquer, dans d'incompréhensibles rêveries. Du
-reste, si bizarres que soient ses pensées, quelque forme étrange qu'elle
-revêtent, il ne cesse jamais de tenir son lecteur sous le charme
-fascinateur de son génie. On critique, mais on admire ces écarts
-extraordinaires qui dénotent un esprit vigoureux, doué des plus
-éminentes facultés. L'éloge suit toujours le blâme, et, la lecture
-achevée, le sentiment qu'elle ne peut manquer de faire naître est une
-admiration passionnée.
-
-Le volume que vient de publier M. Michelet,--Louis XI et Charles le
-Téméraire,--le tome sixième de cette grande histoire de France en douze
-volumes qu'il a entreprise et qu'il terminera bientôt, nous semble
-d'ailleurs supérieur encore à ceux qui l'ont précédé. Parvenu à une
-époque mieux connue, M. Michelet ne peut plus se livrer aussi souvent à
-sa malheureuse passion pour les symboles; force lui est de croire à des
-faits dont l'authenticité ne saurait être sérieusement révoquée en
-doute. Le poète le plus hardi n'osera jamais métamorphoser en mythes
-Louis XI et Charles le Téméraire. Le style est aussi plus grave, plus
-égal, moins saccadé. Bien que certains chapitres y occupent peut-être
-une trop grande place, l'ensemble de ce volume paraît plus complet et
-mieux proportionné.
-
-Cette lutte terrible de la royauté et de la féodalité, représentée,
-l'une par Louis XI, et l'autre par Charles le Téméraire, M. Michelet l'a
-admirablement comprise et racontée. On la lit, depuis l'avènement de
-Louis XI jusqu'à sa mort, avec tout l'intérêt d'un des plus beaux
-chefs-d'oeuvre de Walter Scott. Que de péripéties imprévues et
-sanglantes viennent chaque année en retarder le dénoûment fatal! D'abord
-la Ligue du Bien public. Cette contre-révolution Féodale qui s'oppose à
-la révolution royale; puis la guerre des Roses, le sac de Dinant,
-l'entrevue de Péronne, la destruction de Liège, les exécutions de
-Jacques d'Armagnac, de Saint-Pol et de Nemours, l'empoisonnement du duc
-de Guienne, les sièges de Beauvais et «de Neuss, la descente anglaise,
-les batailles de Granson, de Morat et de Nancy, le mariage de Marie de
-Bourgogne et de Maximilien d'Autriche... M. Michelet résume, ainsi le
-dénoûment de ce grand drame:
-
-«Tout allait bien pour Louis XI, il était comblé de la fortune;
-seulement il mourait. Il le voyait, et il semble qu'il se soit inquiété
-du jugement de l'avenir. Il se fit apporter les chroniques de
-Saint-Denis, les voulut lire, et sans doute y trouva peu de chose. Le
-moine chroniqueur pouvait encore moins que le roi, distinguer, parmi
-tant d'événements, les résultats du règne, ce qui en resterait.
-
-«Une chose restait d'abord, et fort mauvaise, c'est que Louis VI, sans
-être pire que la plupart des rois de cette triste époque, _avait porté
-une plus grave atteinte à la moralité du temps_. Pourquoi? il réussit.
-On oublia ses longues humiliations, on se souvint des succès qui
-finirent; on confondit l'astuce et la sagesse. Il en resta pour
-longtemps l'admiration de la ruse et la religion du succès.
-
-«Un autre mal très-grave, et qui faussa l'histoire, c'est que la
-féodalité, périssant sous une telle main, eut l'air de périr victime
-d'un guet-apens. Le dernier de chaque maison resta le bon duc, le bon
-Comte. La féodalité, ce Vieux tyran caduc, gagna fort à mourir de la
-main d'un tyran.
-
-«Sous ce règne, il faut le dire, le royaume, jusque-là tout ouvert,
-acquit ses indispensables barrières, sa ceinture de Picardie, Bourgogne
-et Roussillon, Maine et Anjou. Il se ferma pour la première fois, et la
-paix perpétuelle fut fondée pour les provinces du centre.»
-
-En mettant en vente ce sixième volume, l'éditeur des ouvrages de M.
-annonce que les tome VII et VI sont sous presse et qu'ils paraîtront
-prochainement.
-
-M. J.
-
-
-_Encyclopédie des Chemins de Fer et des machines à vapeur_, à l'usage
-des praticiens et des gens du monde; par Félix TOURNEUX, ingénieur,
-ancien élève de l'École Polytechnique. I vol--1844. _Jules Renouard_.
-
-Le titre d'encyclopédie, dans le sens académique du mot, est trop
-général pour l'ouvrage de M Félix Tourneux; aussi l'a-t-il restreint en
-indiquant qu'il ne traitait que des chemins de fer et des machines à
-vapeur. Acceptons-le donc dans ses limites, et voyons comment M.
-Tourneux s'est tiré de la tache immense s'était imposée. On n'attend pas
-de nous une analyse de cet ouvrage. En effet, si quelque chose se refuse
-à l'analyse, c'est un livre de cette forme, un dictionnaire où l'on peut
-aller chercher l'explication du terme qui embarrasse, du phénomène dont
-on ne s'explique pas les causes.
-
-Les deux plus grandes inventions industrielles des temps modernes sont
-sans contredit la machine à vapeur comme agent, et la locomotion rapide
-comme effet. De la première datent les grands progrès dans toutes les
-branches manufacturières, dans l'exploitation des mines, dans
-l'alimentation et l'assainissement des villes. Les chemins de fer, qui
-ne sont encore qu'à leur aurore, ont déjà réalisé des merveilles, et
-l'esprit se perd à suivre jusque dans leurs dernières conséquences les
-résultats probables de leur emploi. Il était donc important de fixer dès
-à présent l'état de la science, de poser pour ainsi dire un jalon qui
-pût, par la suite, servir de terme de comparaison pour constater le
-progrès et l'amélioration. D'ailleurs, dans notre temps de paix, la
-langue industrielle, la langue des travaux publics doit être à la portée
-de tous, et rien ne pouvait être plus utile, pour la vulgariser, qu'un
-livre qui en donnât les éléments, et permît à chacun et à tous
-d'employer les termes propres en connaissance de cause. Vous dire si
-l'ouvrage est complet nous paraît impossible: l'auteur doit le savoir
-mieux que nous, et probablement il prépare déjà les matériaux d'une
-édition plus complète, si tant est qu'il ait omis quelque chose. Ce que
-nous pouvons dire, c'est que nous nous sommes imposé la tache de trouver
-l'auteur en défaut, que nous avons cherché tous les mots de la langue
-des travaux publics qui nous sont venus à l'esprit et toujours nous
-avons trouvé le mot cherché, et, avec ce mot, une explication claire,
-succincte et complète; une explication telle qu'aux praticiens elle
-rappelle en quelques lignes les notions qui peuvent les intéresser, et
-qu'aux gens du monde elle donne la définition limpide d'un terme
-technique trop souvent inintelligible pour eux, et la solution qu'ils
-auraient en vain cherchée ailleurs.
-
-Vous ne pouvons mieux terminer qu'en transcrivant ce que dit l'auteur
-lui-même de l'esprit qui l'a guidé dans la rédaction de son livre:
-«L'auteur est du nombre de ceux qui pensent que jamais, et sur quoi que
-ce soit, l'humanité ne donnera son dernier mot. Peut-être la machine à
-vapeur et les chemins de fer ont-ils tracé à l'industrie une voie dans
-laquelle elle demeurera longtemps. Peut-être, au contraire, doivent-ils
-céder la place à d'autres agents de production et de mouvements plus
-énergiques encore inconnus à cette heure. Quel que soit leur avenir, ils
-auront contribué pour une forte part au progrès de la puissance morale
-et matérielle de l'homme dans la génération présente; ils auront été une
-manifestation nouvelle de la faculté que Dieu a mise en nous de
-développer et d'étendre à notre profit les oeuvres, immortelles de sa
-création.»
-
-P. T.
-
-
-_La France statistique_; par M. Alfred LEGOYT, sous-chef du bureau de
-statistique au ministère de l'intérieur.--I vol. in-8. _Guillaumin_.
-
-L'ouvrage qui fait l'objet de cet article se recommande principalement
-par son utilité pratique. «Les documents officiels, s'est dit l'auteur,
-ne reçoivent qu'une publicité très-restreinte, et souvent même ne
-sortent pas de l'administration qui les a recueillis. D'un autre côté,
-on ne saurait les étudier avec succès, sans avoir sur les matières
-qu'ils embrassent des connaissances préliminaires assez étendues;
-quelquefois ils laissent à désirer pour l'ordre et la clarté; enfin, ils
-ne se relient point entre eux, parce qu'ils ne sont pas le fruit d'une
-pensée commune et unitaire. Un livre qui présenterait une analyse
-suffisamment détaillée de ces documents, qui les disposerait
-méthodiquement et! les développerait par un texte explicatif et
-supplétif, ce livre rendrait certainement un service signalé à
-l'économiste, au publiciste, à l'homme politique et à l'administrateur.»
-
-Tel est le but que s'est proposé M. Legoyt.
-
-Son livre est divise en deux parties: les _tableaux_ et le _texte_. Les
-tableaux, au nombre de vingt environ, embrassent tous les documents qui
-composent la statistique générale du royaume. Voici l'analyse succincte
-des plus importants:
-
-1° _Population du royaume d'après le recensement de 1811_. Ce tableau
-comprend le chiffre des habitants par département, leur subdivision par
-sexe et par état civil et leur répartition en agglomérés et non
-agglomérés. Ces deux derniers renseignements sont complètement inédits.
-Tout en se référant au dénombrement de 1811, comme le plus récent, M.
-Legoyt émet des doutes qui nous paraissent fondés sur la sincérité des
-résultats qu'il a produits. On se rappelle, en effet, que cette
-importante mesure partagea la défaveur dont fut frappé, à tort ou à
-raison, le recensement prescrit par le ministère des finances. Il est
-certain, en effet, que l'augmentation de population constatée em 1811
-est inférieure à celle qui a été constatée en 1826, 1834, 1836; et rien
-ne saurait justifier, dans l'état de paix et de prospérité où se trouve
-le pays, ce temps d'arrêt dans le mouvement de sa population, même en
-tenant compte des émigrations pour l'Algérie et l'Amérique du Sud,
-pertes largement compensées par de nombreuses immigrations d'étrangers
-venant apporter leurs capitaux, leurs bras et leur industrie en France.
-
-2º _Mouvement de la population_. Naissances, décès, mariages.
-_Naissances_.--Sous ce titre. M. Legoyt donne le nombre moyen annuel des
-naissances légitimes, naturelles, la proportion de ces deux catégories
-de naissances pour 1,000 habitants, le rapport des sexes, et le chiffre
-des enfants trouvés et abandonnés. Ses calculs ont été faits sur la
-période décennale de 1831 à 1840.
-
-_Décès_. Les subdivisions de l'auteur, relativement aux décès, ne sont
-pas moins nombreuses: elles embrassent l'ensemble des renseignements
-curieux ou utiles à connaître sur la mortalité en France; nous citerons
-surtout celui qui est intitulé: _Tableau des enfants morts-nés ou
-décédés avant la déclaration de naissance._. M. Legoyt s'est livré à un
-travail fort important sur cette nature de décès. Il est parvenu à
-démontrer ce fait remarquable et qui nous paraît devoir exercer une
-certaine influence sur la question des enfants-trouvés, c'est que
-partout où les tours ont été supprimées et les déplacements effectués,
-le nombre des enfants morts-nés a augmenté dans les proportions les plus
-considérables; nous renvoyons le lecteur aux développements dans
-lesquels l'auteur est entré à ce sujet et à la suite desquels il conclut
-que cette augmentation doit être attribuée à des infanticides non
-constatés.
-
-_Mariages_. Le tableau consacré à ce document indique leur nombre moyen
-annuel total et leur nombre pour mille habitants, l'âge moyen des
-contractants pour les deux sexes et le chiffre moyen des enfants pour
-chaque mariage. M. Legoyt a complété ses recherches sur la population
-par une nouvelle loi de la mortalité en France, qui nous a paru
-s'éloigner beaucoup des résultats de la table de Duvillard, et se
-rapprocher, au contraire, de celle de Price, et surtout de celle de M.
-de Montferrand. D'après les calculs de M. Legoyt, la durée de la vie
-moyenne, en France, serait considérablement accrue depuis un siècle,
-puisqu'elle serait aussi longue aujourd'hui pour la population générale
-qu'elle l'était du temps de Price, pour des têtes choisies. Mais
-l'auteur a soin de nous avertir que les documents officiels sur l'âge
-par rapport aux décès ne sont pas assez exacts pour donner à une table
-de mortalité un caractère d'authenticité.
-
-_3º France intellectuelle_--Ce tableau résume les plus récentes
-publications des ministères de l'instruction publique et de la guerre,
-instruction des conscrits, sur l'état actuel de l'instruction primaire.
-Nous aurions désiré que l'auteur eût justifié plus complètement son
-titre par une statistique de l'instruction secondaire et supérieure;
-mais peut-être son livre était-il écrit avant que la publication de M.
-Villemain sur les collèges eût paru; dans ce cas, il serait possible que
-les documents lui eussent manqué.
-
-_4º France morale_.--C'est le bilan de la moralité officielle du pays;
-on y voit figurer le nombre annuel des crimes et délits, les modes de
-perpétration, l'âge', le degré d'instruction des accusés, des récidives,
-le rapport des condamnés aux accusés, des accusés aux crimes commis, la
-nature et le chiffre des peines prononcées, rapport des crimes ou délits
-poursuivis aux crimes ou délits constatés; enfin l'influence sur le
-chiffre des condamnations de l'application des circonstances
-atténuantes. L'auteur apprécie encore la moralité de chaque département
-sur le nombre annuel des naissances naturelles, des suicides et des
-séparation de corps. Ces faits divers, quoique d'une valeur inégale, ont
-généralement un grave intérêt. Ils se complètent d'ailleurs l'un par
-l'autre.
-
-_5º France financière et industrielle._--Ce tableau se divise en deux
-parties: dans l'une on trouve le chiffre des contributions de toute
-nature que paie chaque département; dans l'autre, une appréciation de
-l'état industriel et du paupérisme en France. Il est à regretter que,
-pour cette seconde partie, l'auteur n'ait pu disposer que de documents
-remontant déjà à une époque éloignée.
-
-_6° France judiciaire._--C'est le classement des départements par le
-nombre annuel des affaires civiles et commerciales. Les éléments de
-cette statistique ont moins d'intérêt qu'on devrait s'y attendre. Ils
-n'établissent pas nettement, en effet, ce qu'on y cherche tout d'abord,
-si le nombre des affaires est en rapport avec la population et le
-chiffre des contributions. On aurait, en outre, besoin de connaître, non
-pas seulement le nombre, mais encore l'importance des affaires. Une
-pareille recherche présente sans doute de graves difficultés car il y a
-des procès où l'évaluation en argent des intérêts qui y sont engagés ne
-peut être que très-hypothétiquement établie. Nous ne croyons pas
-toutefois cet obstacle insurmontable, et avec un peu de résolution et de
-constance, l'administration pourra enrichir de ce document ses
-statistiques judiciaires.
-
-_7º France politique_--Nous n'avons trouvé nulle part encore une
-statistique électorale de la France; la _France statistique_ nous la
-donne aussi complète que possible. Ce tableau, emprunté aux sources
-officielles, indique le chiffre des électeurs politiques départementaux
-et communaux; il contient en outre, des renseignements détaillés sur le
-_maximum_, le _minimum_, et la moyenne des divers cens électoraux.
-
-_8º France militaire:_--M. Legoyt a donné ce titre à une série de
-documents sur les ressources que le contingent annuel, les réserves,
-l'effectif de l'armée, et la garde-nationale pourraient offrir au pays,
-en cas de conflit extérieur. Parmi ces documents, il en est un que nous
-croyons inédit et qui a une véritable importance. C'est le nombre total
-des gardes nationaux mobilisables, d'après le recensement prescrit par
-le gouvernement, après la signature du traité du 13 juillet.
-
-_9º France physique._--Les éléments de ce tableau sont puisés, comme
-ceux du précédent, dans les excellentes publications du ministère de la
-guerre; les départements y sont classés d'après le nombre des soldats
-valides qu'ils fournissent au recrutement, par rapport au chiffre
-demandé. Rien de plus curieux et de plus instructif à la fois que
-l'énumération des diverses maladies et infirmités qui, dans chaque
-département, ont été des causes d'exemption. Il y aurait un sujet
-d'études d'une haute portée dans le rapprochement l'état _pathologique_
-des diverses localités avec leur situation topographique, les causes
-d'insalubrité et l'état du paupérisme.
-
-_10º France territoriale et agricole._--Il était difficile de présenter,
-sous une meilleure forme et dans un cadre plus habilement disposé, les
-volumineuses publications du ministère du commerce sur l'agriculture en
-France. Étendue du domaine arable, constitution du sol, nature, qualité,
-prix des produits de toute espèce, rapport des produits aux semences,
-importance moyenne annuelle des récoltes, animaux domestiques destinés à
-l'agriculture ou à la consommation, etc., M. Legoyt n'a rien oublié de
-ce qui peut faire apprécier jusque dans ses moindres détails cette
-première branche de la richesse nationale.
-
-_11° Consommation annuelle par individu_--Ce tableau, qui clôt la
-première partie de l'ouvrage, n'est pas moins digne d'attention que les
-précédents. Comme le titre l'annonce, il assigne pour chaque individu et
-par département, la mesure de sa consommation en blé, viandes et
-poissons.
-
- [Note du transcripteur: Le reste de cette colonne, soit environ 20
- lignes, est illisible dans le document qui nous a été fourni.]
-
-
-
-Modes.--Travestissements.
-
-[Illustration.]
-
-
-
-SOLUTION DES QUESTIONS PROPOSÉES DANS LE DERNIER NUMÉRO.
-
-I. Supposons que ces trois objets soient un anneau, un étui et un gant.
-Affectez mentalement la lettre A au premier objet, la lettre E au
-second, la lettre I au troisième.
-
-Donnez aussi par la pensée des numéros aux trois personnes: l'une
-portera le n° 1, une autre le nº 2, la troisième le nº 5.
-
-Prenez 24 jetons et donnez 1 jeton à la première personne, 2 à la
-seconde, 5 à la troisième; puis, laissant les 18 autres jetons à la
-disposition de ces personnes, retirez-vous à l'écart en les invitant à
-prendre chacune un des trois objets et une partie des jetons que vous
-avez laisses, de manière que celle qui aura l'anneau prenne autant de
-jetons que vous lui en avez donné d'abord; que celle qui a l'étui prenne
-le double du nombre de jetons qu'elle a reçus; enfin, que celle qui a le
-gant prenne, sur le reste des jetons, quatre fois autant de jetons
-qu'elle en a reçu de vous.
-
-Cela fait, regardez le nombre des jetons qui restent sur la table; ce
-nombre ne peut être que l'un des six suivants:
-
- 1 2 3 5 6 7
-
-au devant desquels vous mettrez, par la pensée les mots suivants:
-
-pAh-fEr cEsAr jAdIs dEvInt sI grAnd prIncE
-
-dont voici l'usage:
-
-Les deux voyelles A et E, que nous avons mises en capitales dans les
-deux mots pAh-fEr, correspondant au chiffre 1, indiquent que lorsqu'il
-ne reste qu'un jeton sur la table, c'est la première personne qui a pris
-l'anneau (A) et la seconde qui a pris l'étui (E); de sorte que la
-troisième a nécessairement le gant.
-
-On verrait de même que les deux lettres E, A suivant l'ordre où elles se
-présentent dans le mot cEsAr, qui correspond à un reste de deux jetons,
-indiquent que la première personne a pris l'étui et la seconde l'anneau,
-et ainsi de suite.
-
-II. On sait que l'usage de tenir la pointe du pied en dehors n'a pas
-toujours été de rigueur. Il paraît que, dans l'ancienne Rome, on
-marchait avec la pointe du pied en avant, sans l'incliner en dehors plus
-qu'en dedans. Parmi les Orientaux, au contraire, la dignité de la
-démarche exige une position de jambe qui passerait pour ridicule
-aujourd'hui chez les nations civilisées.--On peut en dire à peu près
-autant de la démarche des grands personnages du dix-septième et du
-dix-huitième siècle, telle que nous la représentent les dessins de
-l'époque.
-
-Cependant on ne peut disconvenir que l'équilibre du corps ne devienne
-plus stable dans la marche ordinaire ou dans la station, lorsque la
-pointe du pied est tournée modérément en dehors. C'est un fait
-d'expérience journalière que chacun peut vérifier à chaque instant.
-Montuela, géomètre distingué du siècle dernier, raconte avec une
-bonhomie pleine de sens qu'il a cherché à confirmer ce fait par le
-calcul, et à justifier par les lois de la mécanique l'idée de grâce que
-nous attachons à l'usage de nous tenir avec les pieds en dehors. Voici
-comment il a résolu le problème: Il pose dans le cinquantième numéro de
-notre journal.
-
-L'équilibre du corps sera d'autant plus stable que la base comprise
-entre les points d'appui que nos pieds lui offrent sur le sol sera plus
-considérable, car la verticale qui passe par notre centre de gravite
-tombera plus difficilement en dehors de cette hase. Il s'agit donc,
-étant donnée la position des talons, de chercher l'inclinaison la plus
-avantageuse de la ligne médiane des pieds, pour que la surface de la
-base qu'ils déterminent soit la plus grande possible. Or, ceci devient
-un problème de géométrie dont l'énoncé serait le suivant: _Deux lignes
-AD, BC, égales et mobiles sur les points A et B comme centres étant
-données, déterminer leur position lorsque le quadrilatère ou trapèze
-ABCD sera le plus grand possible._ Ce problème se résout avec la plus
-grande facilité par les méthodes connues des géomètres pour les
-problèmes de ce genre, et l'on déduit de cette solution la construction
-suivante.
-
-[Illustration.]
-
-Sur la ligne Ad, égale à AD ou BC, faites le triangle isocèle HI;
-ensuite, avant pris AI égal à AG ou un quart de AB, tirez la ligne KI et
-prenez IE égale IK; puis sur GE élevez une perpendiculaire indéfinie qui
-coupe en D le cercle décrit de A, comme centre, avec le rayon Ad:
-l'angle DAE sera l'angle cherché.
-
-Si la ligne AB, et conséquemment AG ou AI, est nulle, on trouvera que AE
-sera égal à AH, et que l'angle DAE sera demi-droit. Ainsi, lorsqu'on a
-les talons absolument appliqués l'un contre l'autre, l'angle que doivent
-faire ensemble les lignes longitudinales de la plante des pieds est
-demi-droit ou bien approchant du demi-droit, à cause de la petite
-distance qu'il y a alors entre les deux points de rotation qui sont au
-milieu des talons.
-
-[Illustration.]
-
-Supposons maintenant que la distance AB est égale à AD, on trouverait,
-par le calcul, que l'angle DAE devrait être de 60 degrés.
-
-En supposant AH égal à deux AD, ce calcul donnera l'angle DAE de 70
-degrés à très-peu près. En faisant AB égal à trois fois la ligne AD,
-l'angle DAE se trouvera à bien peu près de 74° 30'.
-
-Le calcul confirme donc ce fait d'expérience, que les pieds doivent
-tendre vers le parallélisme à mesure qu'ils s'écartent davantage, ainsi
-que l'habitude reçue de les tourner légèrement en dehors pour un
-écartement ordinaire.
-
-
-NOUVELLES QUESTIONS A RÉSOUDRE.
-
-I. Plusieurs nombres pris suivant leur suite naturelle étant disposés en
-rond, deviner celui que quelqu'un aura pensé.
-
-II. Donner un moyen sûr, au jeu de billard, pour amener la bille de son
-adversaire dans une blouse en frappant obliquement cette blouse.
-
-
-
-Rébus.
-
-EXPLICATION DES DERNIERS RÉBUS:
-
-I.
-
-Tout ou rien.
-
-II.
-
-Tout passe avec le temps.
-
-III.
-
-Un grand homme appartient à l'univers.
-
-
-[Illustration: nouveau rébus.]
-
-
-
-
-
-
-
-
-
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-1844, by Various
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