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You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org - - - - - -Title: Recherches sur les substances radioactives - - -Author: Marie Curie - - - -Release Date: July 16, 2013 [eBook #43233] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - - -***START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES -RADIOACTIVES*** - - -E-text prepared by Claudine Corbasson and the Online Distributed -Proofreading Team (http://www.pgdp.net) from page images generously made -available by Internet Archive (http://archive.org) - - - -Note: Project Gutenberg also has an HTML version of this - file which includes the original illustrations. - See 43233-h.htm or 43233-h.zip: - (http://www.gutenberg.org/files/43233/43233-h/43233-h.htm) - or - (http://www.gutenberg.org/files/43233/43233-h.zip) - - - Images of the original pages are available through - Internet Archive. See - http://archive.org/details/recherchessurles00curi - - -Au lecteur - - Les mots en gras dans l'original sont entourés par des = et - les lettres grecques sont entourées par des #. - - - - - -RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES RADIOACTIVES. - -THÈSE PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS -POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES PHYSIQUES; - -PAR - -Mme SKLODOWSKA CURIE. - -DEUXIÈME ÉDITION, REVUE ET CORRIGÉE. - - - - - - - -[Illustration] - -PARIS, -GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE -DU BUREAU DES LONGITUDES, DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE, -Quai des Grands-Augustins, 55. -1904 - -PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS, -35119 Quai des Grands-Augustins, 55. - - - - -RECHERCHES -SUR LES -SUBSTANCES RADIOACTIVES. - - - - -INTRODUCTION. - - -Le présent travail a pour but d'exposer les recherches que je poursuis -depuis plus de 4 ans sur les substances radioactives. J'ai commencé ces -recherches par une étude du rayonnement uranique qui a été découvert par -M. Becquerel. Les résultats auxquels ce travail me conduisit parurent -ouvrir une voie si intéressante, qu'abandonnant ses travaux en train, -M. Curie se joignit à moi, et nous réunîmes nos efforts en vue d'aboutir -à l'extraction des substances radioactives nouvelles et de poursuivre -leur étude. - -Dès le début de nos recherches nous avons cru devoir prêter des -échantillons des substances découvertes et préparées par nous à quelques -physiciens, en premier lieu à M. Becquerel, à qui est due la découverte -des rayons uraniques. Nous avons ainsi nous-mêmes facilité les -recherches faites par d'autres que nous sur les substances radioactives -nouvelles. A la suite de nos premières publications, M. Giesel en -Allemagne se mit d'ailleurs aussi à préparer de ces substances et en -prêta des échantillons à plusieurs savants allemands. Ensuite ces -substances furent mises en vente en France et en Allemagne, et le sujet -prenant de plus en plus d'importance donna lieu à un mouvement -scientifique, de sorte que de nombreux Mémoires ont paru et paraissent -constamment sur les corps radioactifs, principalement à l'étranger. Les -résultats des divers travaux français et étrangers sont nécessairement -enchevêtrés, comme pour tout sujet d'études nouveau et en voie de -formation. L'aspect de la question se modifie, pour ainsi dire, de jour -en jour. - -Cependant, au point de vue chimique, un point est définitivement établi; -_c'est l'existence d'un élément nouveau fortement radioactif: le -radium_. La préparation du chlorure de radium pur et la détermination du -poids atomique du radium constituent la partie la plus importante de mon -travail personnel. En même temps que ce travail ajoute aux corps simples -actuellement connus avec certitude un nouveau corps simple de propriétés -très curieuses, une nouvelle méthode de recherches chimiques se trouve -établie et justifiée. Cette méthode, basée sur la radioactivité, -considérée comme une propriété atomique de la matière, est précisément -celle qui nous a permis, à M. Curie et moi, de découvrir l'existence du -radium. - -Si, au point de vue chimique, la question que nous nous sommes -primitivement posée peut être considérée comme résolue, l'étude des -propriétés physiques des substances radioactives est en pleine -évolution. Certains points importants ont été établis, mais un grand -nombre de conclusions portent encore le caractère du provisoire. Cela -n'a rien d'étonnant, si l'on considère la complexité des phénomènes -auxquels donne lieu la radioactivité et les différences qui existent -entre les diverses substances radioactives. Les recherches des divers -physiciens qui étudient ces substances viennent constamment se -rencontrer et se croiser. Tout en cherchant à me conformer au but précis -de ce travail et à exposer surtout mes propres recherches, j'ai été -obligée d'exposer en même temps les résultats d'autres travaux dont la -connaissance est indispensable. - -J'ai d'ailleurs désiré faire de ce travail un Mémoire d'ensemble sur -l'état actuel de la question. - -J'ai exécuté ce Travail dans les laboratoires de l'École de Physique et -de Chimie industrielles de la Ville de Paris avec l'autorisation de -Schützenberger, le regretté Directeur de cette École, et de M. Lauth, le -Directeur actuel. Je tiens à exprimer ici toute ma reconnaissance pour -l'hospitalité bienveillante que j'ai reçue dans cette École. - - -HISTORIQUE. - -La découverte des phénomènes de la radioactivité se rattache aux -recherches poursuivies depuis la découverte des rayons Röntgen sur les -effets photographiques des substances phosphorescentes et fluorescentes. - -Les premiers tubes producteurs de rayons Röntgen étaient ces tubes sans -anticathode métallique. La source de rayons Röntgen se trouvait sur la -paroi de verre frappée par les rayons cathodiques; en même temps cette -paroi était vivement fluorescente. On pouvait alors se demander si -l'émission de rayons Röntgen n'accompagnait pas nécessairement la -production de la fluorescence, quelle que fût la cause de cette -dernière. Cette idée a été énoncée tout d'abord par M. Henri -Poincaré[1]. - - [1] _Revue générale des Sciences_, 30 janvier 1896. - -Peu de temps après, M. Henry annonça qu'il avait obtenu des impressions -photographiques au travers du papier noir à l'aide du sulfure de zinc -phosphorescent[2]. M. Niewenglowski obtint le même phénomène avec du -sulfure de calcium exposé à la lumière[3]. Enfin, M. Troost obtint de -fortes impressions photographiques avec de la blende hexagonale -artificielle phosphorescente agissant au travers du papier noir et un -gros carton[4]. - - [2] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 312. - - [3] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 386. - - [4] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 564. - -Les expériences qui viennent d'être citées n'ont pu être reproduites -malgré les nombreux essais faits dans ce but. On ne peut donc nullement -considérer comme prouvé que le sulfure de zinc et le sulfure de calcium -soient capables d'émettre, sous l'action de la lumière, des radiations -invisibles qui traversent le papier noir et agissent sur les plaques -photographiques. - -M. Becquerel a fait des expériences analogues sur les sels d'uranium -dont quelques-uns sont fluorescents[5]. Il obtint des impressions -photographiques au travers du papier noir avec le sulfate double -d'uranyle et de potassium. - - [5] BECQUEREL, _Comptes rendus_, 1896 (plusieurs Notes). - -M. Becquerel crut d'abord que ce sel, qui est fluorescent, se comportait -comme le sulfure de zinc et le sulfure de calcium dans les expériences -de MM. Henry, Niewenglowski et Troost. Mais la suite de ses expériences -montra que le phénomène observé n'était nullement relié à la -fluorescence. Il n'est pas nécessaire que le sel soit éclairé; de plus, -l'uranium et tous ses composés, fluorescents ou non, agissent de même, -et l'uranium métallique est le plus actif. M. Becquerel trouva ensuite -qu'en plaçant les composés d'urane dans l'obscurité complète, ils -continuent à impressionner les plaques photographiques au travers du -papier noir pendant des années. M. Becquerel admit que l'uranium et ses -composés émettent des rayons particuliers: _rayons uraniques_. Il prouva -que ces rayons peuvent traverser des écrans métalliques minces et qu'ils -déchargent les corps électrisés. Il fit aussi des expériences d'après -lesquelles il conclut que les rayons uraniques éprouvent la réflexion, -la réfraction et la polarisation. - -Les travaux d'autres physiciens (Elster et Geitel, lord Kelwin, Schmidt, -Rutherford, Beattie et Smoluchowski) sont venus confirmer et étendre les -résultats des recherches de M. Becquerel, sauf en ce qui concerne la -réflexion, la réfraction et la polarisation des rayons uraniques, -lesquels, à ce point de vue, se comportent comme les rayons Röntgen, -comme cela a été reconnu par M. Rutherford d'abord et ensuite par M. -Becquerel lui-même. - - - - -CHAPITRE I. - -RADIOACTIVITÉ DE L'URANIUM ET DU THORIUM. -MINÉRAUX RADIOACTIFS. - - -_Rayons de Becquerel._--Les _rayons uraniques_, découverts par M. -Becquerel, impressionnent les plaques photographiques à l'abri de la -lumière; ils peuvent traverser toutes les substances solides, liquides -et gazeuses, à condition que l'épaisseur en soit suffisamment faible; en -traversant les gaz, ils les rendent faiblement conducteurs de -l'électricité[6]. - - [6] BECQUEREL, _Comptes rendus_, 1896 (plusieurs Notes). - -Ces propriétés des composés d'urane ne sont dues à aucune cause -excitatrice connue. Le rayonnement semble spontané; il ne diminue point -d'intensité quand on conserve les composés d'urane dans l'obscurité -complète pendant des années; il ne s'agit donc pas là d'une -phosphorescence particulière produite par la lumière. - -La spontanéité et la constance du rayonnement uranique se présentaient -comme un phénomène physique tout à fait extraordinaire. M. Becquerel a -conservé un morceau d'uranium pendant plusieurs années dans l'obscurité -et il a constaté qu'au bout de ce temps l'action sur la plaque -photographique n'avait pas varié sensiblement. MM. Elster et Geitel ont -fait une expérience analogue et ont trouvé également que l'action était -constante[7]. - - [7] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXVIII, p. 771.--ELSTER et - GEITEL, _Beibl._, t. XXI, p. 455. - -J'ai mesuré l'intensité du rayonnement de l'uranium en utilisant -l'action de ce rayonnement sur la conductibilité de l'air. La méthode de -mesures sera exposée plus loin. J'ai ainsi obtenu des nombres qui -prouvent la constance du rayonnement dans les limites de précision des -expériences, c'est-à-dire à 2 pour 100 ou 3 pour 100 près[8]. - - [8] Mme CURIE, _Revue générale des Sciences_, janvier 1899. - -On utilisait pour ces mesures un plateau métallique recouvert d'une -couche d'uranium en poudre; ce plateau n'était d'ailleurs pas conservé -dans l'obscurité, cette condition s'étant montrée sans importance -d'après les observateurs cités précédemment. Le nombre des mesures -effectuées avec ce plateau est très grand, et actuellement ces mesures -portent sur un intervalle de temps de 5 années. - -Des recherches furent faites pour reconnaître si d'autres substances -peuvent agir comme les composés d'urane. M. Schmidt publia le premier -que le thorium et ses composés possèdent également cette faculté[9]. Un -travail analogue fait en même temps m'a donné le même résultat. J'ai -publié ce travail, n'ayant pas encore eu connaissance de la publication -de M. Schmidt[10]. - - [9] SCHMIDT, _Wied. Ann._, t. LXV, p. 141. - - [10] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898. - -Nous dirons que l'uranium, le thorium et leurs composés émettent des -_rayons de Becquerel_. J'ai appelé _radioactives_ les substances qui -donnent lieu à une émission de ce genre[11]. Ce nom a été depuis -généralement adopté. - - [11] P. CURIE et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 18 juillet 1898. - -Par leurs effets photographiques et électriques les rayons de Becquerel -se rapprochent des rayons de Röntgen. Ils ont aussi, comme ces derniers, -la faculté de traverser toute matière. Mais leur pouvoir de pénétration -est extrêmement différent: les rayons de l'uranium et du thorium sont -arrêtés par quelques millimètres de matière solide et ne peuvent -franchir dans l'air une distance supérieure à quelques centimètres; -tout au moins en est-il ainsi pour la grosse partie du rayonnement. - -Les travaux de divers physiciens, et, en premier lieu, de M. Rutherford, -ont montré que les rayons de Becquerel n'éprouvent ni réflexion -régulière, ni réfraction, ni polarisation[12]. - - [12] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1899. - -Le faible pouvoir pénétrant des rayons uraniques et thoriques conduirait -à les assimiler aux rayons secondaires qui sont produits par les rayons -Röntgen, et dont l'étude a été faite par M. Sagnac[13], plutôt qu'aux -rayons Röntgen eux-mêmes. - - [13] SAGNAC, _Comptes rendus_, 1897, 1898, 1899 (plusieurs Notes). - -D'autre part, on peut chercher à rapprocher les rayons de Becquerel de -rayons cathodiques se propageant dans l'air (rayons de Lenard). On sait -aujourd'hui que ces divers rapprochements sont tous légitimes. - - -_Mesure de l'intensité du rayonnement._--La méthode employée consiste -à mesurer la conductibilité acquise par l'air sous l'action des -substances radioactives; cette méthode a l'avantage d'être rapide et de -fournir des nombres qu'on peut comparer entre eux. L'appareil que j'ai -employé à cet effet se compose essentiellement d'un condensateur à -plateaux AB (_fig._ 1). La substance active finement pulvérisée est -étalée sur le plateau B; elle rend conducteur l'air entre les plateaux. -Pour mesurer cette conductibilité, on porte le plateau B à un potentiel -élevé, en le reliant à l'un des pôles d'une batterie de petits -accumulateurs P, dont l'autre pôle est à la terre. Le plateau A étant -maintenu au potentiel du sol par le fil CD, un courant électrique -s'établit entre les deux plateaux. Le potentiel du plateau A est indiqué -par un électromètre E. Si l'on interrompt en C la communication avec le -sol, le plateau A se charge, et cette charge fait dévier l'électromètre. -La vitesse de la déviation est proportionnelle à l'intensité du courant -et peut servir à la mesurer. - -[Illustration: Fig. 1.] - -Mais il est préférable de faire cette mesure en compensant la charge que -prend le plateau A, de manière à maintenir l'électromètre au zéro. Les -charges, dont il est question ici, sont extrêmement faibles; elles -peuvent être compensées au moyen d'un quartz piézo-électrique Q, dont -une armature est reliée au plateau A, et l'autre armature est à terre. -On soumet la lame de quartz à une traction connue produite par des poids -placés dans un plateau #p#; cette traction est établie progressivement -et a pour effet de dégager progressivement une quantité d'électricité -connue pendant un temps qu'on mesure. L'opération peut être réglée de -telle manière, qu'il y ait à chaque instant compensation entre la -quantité d'électricité qui traverse le condensateur et celle de signe -contraire que fournit le quartz[14]. On peut ainsi mesurer _en valeur -absolue_ la quantité d'électricité qui traverse le condensateur pendant -un temps donné, c'est-à-dire l'_intensité du courant_. La mesure est -indépendante de la sensibilité de l'électromètre. - - [14] On arrive très facilement à ce résultat en soutenant le poids à - la main et en ne le laissant peser que progressivement sur le plateau - #p#, et cela de manière à maintenir l'image de l'électromètre au zéro. - Avec un peu d'habitude on prend très exactement le tour de main - nécessaire pour réussir cette opération. Cette méthode de mesure des - faibles courants a été décrite par M. J. Curie dans sa thèse. - -En effectuant un certain nombre de mesures de ce genre, on voit que la -radioactivité est un phénomène susceptible d'être mesuré avec une -certaine précision. Elle varie peu avec la température, elle est à peine -influencée par les oscillations de la température ambiante; elle n'est -pas influencée par l'éclairement de la substance active. L'intensité du -courant qui traverse le condensateur augmente avec la surface des -plateaux. Pour un condensateur donné et une substance donnée le courant -augmente avec la différence de potentiel qui existe entre les plateaux, -avec la pression du gaz qui remplit le condensateur et avec la distance -des plateaux (pourvu que cette distance ne soit pas trop grande par -rapport au diamètre). Toutefois, pour de fortes différences de -potentiel, le courant tend vers une valeur limite qui est pratiquement -constante. C'est le _courant de saturation_ ou _courant limite_. De même -pour une certaine distance des plateaux assez grande, le courant ne -varie plus guère avec cette distance. C'est le courant obtenu dans ces -conditions qui a été pris comme mesure de radioactivité dans mes -recherches, le condensateur étant placé dans l'air à la pression -atmosphérique. - -Voici, à titre d'exemple, des courbes qui représentent l'intensité du -courant en fonction du champ moyen établi entre les plateaux pour deux -distances des plateaux différentes. Le plateau B était recouvert d'une -couche mince d'uranium métallique pulvérisé; le plateau A, réuni à -l'électromètre, était muni d'un anneau de garde. - -La figure 2 montre que l'intensité du courant devient constante pour les -fortes différences de potentiel entre les plateaux. La figure 3 -représente les mêmes courbes à une autre échelle, et comprend seulement -les résultats relatifs aux faibles différences de potentiel. Au début, -la courbe est rectiligne; le quotient de l'intensité du courant par la -différence de potentiel est constant pour les tensions faibles, et -représente la conductance initiale entre les plateaux. - -[Illustration: Fig. 2.] - -[Illustration: Fig. 3.] - -On peut donc distinguer deux constantes importantes caractéristiques du -phénomène observé: 1º la _conductance initiale_ pour différences de -potentiel faibles; 2º le _courant limite_ pour différences de potentiel -fortes. C'est le courant limite qui a été adopté comme mesure de la -radioactivité. - -En plus de la différence de potentiel que l'on établit entre les -plateaux, il existe entre ces derniers une force électromotrice de -contact, et ces deux causes de courant ajoutent leurs effets; c'est -pourquoi la valeur absolue de l'intensité du courant change avec le -signe de la différence de potentiel extérieure. Toutefois, pour des -différences de potentiel notables, l'effet de la force électromotrice de -contact est négligeable, et l'intensité du courant est alors la même, -quel que soit le sens du champ entre les plateaux. - -L'étude de la conductibilité de l'air et d'autres gaz soumis à l'action -des rayons de Becquerel a été faite par plusieurs physiciens[15]. Une -étude très complète du sujet a été publiée par M. Rutherford[16]. - - [15] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXIV, p. 800, 1897.--KELWIN, - BEATTIE et SMOLAN, _Nature_, t. LVI, 1897.--BEATTIE et SMOLUCHOWSKI, - _Phil. Mag._, t. XLIII, p. 418. - - [16] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier, 1899. - -Les lois de la conductibilité produite dans les gaz par les rayons de -Becquerel sont les mêmes que celles trouvées avec les rayons Röntgen. Le -mécanisme du phénomène paraît être le même dans les deux cas. La théorie -de l'ionisation des gaz par l'effet des rayons Röntgen ou Becquerel rend -très bien compte des faits observés. Cette théorie ne sera pas exposée -ici. Je rappellerai seulement les résultats auxquels elle conduit: - -1º Le nombre d'ions produits par seconde dans le gaz est considéré comme -proportionnel à l'énergie du rayonnement absorbé par le gaz; - -2º Pour obtenir le courant limite relatif à un rayonnement donné, il -faut, d'une part, faire absorber intégralement ce rayonnement par le -gaz, en employant une masse absorbante suffisante; d'autre part, il faut -utiliser pour la production du courant tous les ions créés, en -établissant un champ électrique assez fort pour que le nombre des ions -qui se recombinent devienne une fraction insignifiante du nombre total -des ions produits dans le même temps, qui sont presque tous entraînés -par le courant et amenés aux électrodes. Le champ électrique moyen -nécessaire pour obtenir ce résultat est d'autant plus élevé que -l'ionisation est plus forte. - -D'après des recherches récentes de M. Townsend, le phénomène est plus -complexe quand la pression du gaz est faible. Le courant semble d'abord -tendre vers une valeur limite constante quand la différence de potentiel -augmente; mais, à partir d'une certaine différence de potentiel, le -courant recommence à croître avec le champ, et cela avec une rapidité -très grande. M. Townsend admet que cet accroissement est dû à une -ionisation nouvelle produite par les ions eux-mêmes quand ceux-ci, sous -l'action du champ électrique, prennent une vitesse suffisante pour -qu'une molécule du gaz, rencontrée par un de ces projectiles, se trouve -brisée et divisée en ses ions constituants. Un champ électrique intense -et une pression faible favorisent cette ionisation par les ions déjà -présents, et, aussitôt que celle-ci commence à se produire, l'intensité -du courant croît constamment avec le champ moyen entre les plateaux[17]. -Le courant limite ne saurait donc être obtenu qu'avec des causes -ionisantes, dont l'intensité ne dépasse pas une certaine valeur, de -telle façon que la saturation corresponde à des champs pour lesquels -l'ionisation par choc des ions ne peut encore avoir lieu. Cette -condition se trouvait réalisée dans mes expériences. - - [17] TOWNSEND, _Phil. Mag._, 1901, 6e série, t. I, p. 198. - -L'ordre de grandeur des courants de saturation que l'on obtient avec les -composés d'urane est de 10^{-11} ampères pour un condensateur dont les -plateaux ont 8cm de diamètre et sont distants de 3cm. Les composés de -thorium donnent lieu à des courants du même ordre de grandeur, et -l'activité des oxydes d'uranium et de thorium est très analogue. - - -_Radioactivité des composés d'uranium et de thorium._--Voici les nombres -que j'ai obtenus avec divers composés d'urane; je désigne par _i_ -l'intensité du courant en ampères: - - _i_ × 10^{11}. - - Uranium métallique (contenant un peu - de carbone) 2,3 - Oxyde d'urane noir U_2 O_5 2,6 - Oxyde d'urane vert U_3 O_4 1,8 - Acide uranique hydraté 0,6 - Uranate de sodium 1,2 - Uranate de potassium 1,2 - Uranate d'ammonium 1,3 - Sulfate uraneux 0,7 - Sulfate d'uranyle et de potassium 0,7 - Azotate d'uranyle 0,7 - Phosphate de cuivre et d'uranyle 0,9 - Oxysulfure d'urane 1,2 - -L'épaisseur de la couche du composé d'urane employé a peu d'influence, -pourvu que la couche soit continue. Voici quelques expériences à ce -sujet: - - Épaisseur - de la couche. _i_ × 10^{11}. - mm - Oxyde d'urane 0,5 2,7 - » 3,0 3,0 - Uranate d'ammonium 0,5 1,3 - » 3,0 1,4 - -On peut conclure de là, que l'absorption des rayons uraniques par la -matière qui les émet est très forte, puisque les rayons venant des -couches profondes ne peuvent pas produire d'effet notable. - -Les nombres que j'ai obtenus avec les composés de thorium[18] m'ont -permis de constater: - -1º Que l'épaisseur de la couche employée a une action considérable, -surtout avec l'oxyde; - -2º Que le phénomène n'est régulier que si l'on emploie une couche active -mince (0mm,25 par exemple). Au contraire, quand on emploie une couche de -matière épaisse (6mm), on obtient des nombres oscillant entre des -limites étendues, surtout dans le cas de l'oxyde: - - Épaisseur - de la couche. _i_ × 10^{11}. - mm - Oxyde de thorium 0,25 2,2 - » 0,5 2,5 - » 2,5 4,7 - » 3,0 5,5 en moyenne - » 6,0 5,5 » - Sulfate de thorium 0,25 0,8 - -Il y a dans la nature du phénomène une cause d'irrégularités qui -n'existe pas dans le cas des composés d'urane. Les nombres obtenus pour -une couche d'oxyde de 6mm d'épaisseur variaient entre 3,7 et 7,3. - - [18] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898. - -Les expériences que j'ai faites sur l'absorption des rayons uraniques et -thoriques ont montré que les rayons thoriques sont plus pénétrants que -les rayons uraniques et que les rayons émis par l'oxyde de thorium en -couche épaisse sont plus pénétrants que ceux qu'il émet en couche mince. -Voici, par exemple, les nombres qui indiquent la fraction du -rayonnement que transmet une lame d'aluminium dont l'épaisseur est -0mm,01: - - Fraction - du rayonnement - transmise - Substance rayonnante. par la lame. - Uranium 0,18 - Oxyde d'urane U_2 O_5 0,20 - Uranate d'ammonium 0,20 - Phosphate d'urane et de cuivre 0,21 - mm - Oxyde de thorium sous épaisseur. 0,25 0,38 - » » 0,5 0,47 - » » 3,0 0,70 - » » 6,0 0,70 - Sulfate de thorium 0,25 0,38 - -Avec les composés d'urane, l'absorption est la même quel que soit le -composé employé, ce qui porte à croire que les rayons émis par les -divers composés sont de même nature. - -Les particularités de la radiation thorique ont été l'objet de -publications très complètes. M. Owens[19] a montré que la constance du -courant n'est obtenue qu'au bout d'un temps assez long en appareil clos, -et que l'intensité du courant est fortement réduite par l'action d'un -courant d'air (ce qui n'a pas lieu pour les composés d'uranium). M. -Rutherford a fait des expériences analogues et les a interprétées en -admettant que le thorium et ses composés émettent non seulement des -rayons de Becquerel, mais encore une _émanation,_ constituée par des -particules extrêmement ténues, qui restent radioactives pendant quelque -temps après leur émission et peuvent être entraînées par un courant -d'air[20]. - - [19] OWENS, _Phil. Mag._, octobre 1899. - - [20] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1900. - -Les caractères de la radiation thorique qui sont relatifs à l'influence -de l'épaisseur de la couche employée et à l'action des courants d'air -ont une liaison étroite avec le phénomène de la _radioactivité induite -et de sa propagation de proche en proche_. Ce phénomène a été observé -pour la première fois avec le radium et sera décrit plus loin. - -La radioactivité des composés d'uranium et de thorium se présente comme -une _propriété atomique_. M. Becquerel avait déjà observé que tous les -composés d'uranium sont actifs et avait conclu que leur activité était -due à la présence de l'élément uranium; il a montré également que -l'uranium était plus actif que ses sels[21]. J'ai étudié à ce point de -vue les composés de l'uranium et du thorium et j'ai fait un grand nombre -de mesures de leur activité dans diverses conditions. Il résulte de -l'ensemble de ces mesures que la radioactivité de ces substances est -bien effectivement une propriété atomique. Elle semble ici liée à la -présence des atomes des deux éléments considérés et n'est détruite ni -par les changements d'état physique ni par les transformations -chimiques. Les combinaisons chimiques et les mélanges contenant de -l'uranium ou du thorium sont d'autant plus actifs qu'ils contiennent une -plus forte proportion de ces métaux, toute matière inactive agissant à -la fois comme matière inerte et matière absorbant le rayonnement. - - [21] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 1086. - - -_La radioactivité atomique est-elle un phénomène général?_--Comme il a -été dit plus haut, j'ai cherché si d'autres substances que les composés -d'uranium et de thorium étaient radioactives. J'ai entrepris cette -recherche dans l'idée qu'il était fort peu probable que la -radioactivité, considérée comme propriété atomique, appartînt à une -certaine espèce de matière, à l'exclusion de toute autre. Les mesures -que j'ai faites me permettent de dire que pour les éléments chimiques -actuellement considérés comme tels, y compris les plus rares et les plus -hypothétiques, les composés étudiés par moi ont été toujours au moins -100 fois moins actifs dans mon appareil que l'uranium métallique. Dans -le cas des éléments répandus, j'ai étudié plusieurs composés; dans le -cas des corps rares, j'ai étudié les composés que j'ai pu me procurer. - -Voici la liste des substances qui ont fait partie de mon étude sous -forme d'élément ou de combinaison: - -1º Tous les métaux ou métalloïdes que l'on trouve facilement et -quelques-uns, plus rares, produits purs, provenant de la collection de -M. Etard, à l'École de Physique et de Chimie industrielles de la Ville -de Paris; - -2º Les corps rares suivants: gallium, germanium, néodyme, praséodyme, -niobium, scandium, gadolinium, erbium, samarium et rubidium -(échantillons prêtés par M. Demarçay); yttrium, ytterbium avec nouvel -erbium [échantillons prêtés par M. Urbain[22]]; - - [22] Je suis très reconnaissante aux savants cités plus haut, auxquels - je dois des échantillons qui ont servi pour mon étude. Je remercie - également M. Moissan qui a bien voulu donner pour cette étude de - l'uranium métallique. - -3º Un grand nombre de roches et de minéraux. - -Dans les limites de sensibilité de mon appareil je n'ai pas trouvé de -substance simple autre que l'uranium et le thorium, qui soit douée de -radioactivité atomique. Il convient toutefois de dire quelques mots sur -ce qui est relatif au phosphore. Le phosphore blanc humide, placé entre -les plateaux du condensateur, rend conducteur l'air entre les -plateaux[23]. Toutefois, je ne considère pas ce corps comme radioactif à -la façon de l'uranium et du thorium. Le phosphore, en effet, dans ces -conditions, s'oxyde et émet des rayons lumineux, tandis que les composés -d'uranium et de thorium sont radioactifs sans éprouver aucune -modification chimique appréciable par les moyens connus. De plus, le -phosphore n'est actif ni à l'état de phosphore rouge, ni à l'état de -combinaison. - - [23] ELSTER et GEITEL, _Wied. Ann._, 1890. - -Dans un travail récent, M. Bloch vient de montrer que le phosphore, en -s'oxydant en présence de l'air, donne naissance à des ions très peu -mobiles qui rendent l'air conducteur et provoquent la condensation de la -vapeur d'eau[24]. - - [24] BLOCH, _Société de Physique_, 6 février 1903. - -Certains travaux récents conduiraient à admettre que la radioactivité -appartient à toutes les substances à un degré extrêmement faible[25]. -L'identité de ces phénomènes très faibles avec les phénomènes de la -radioactivité atomique ne peut encore être considérée comme établie. - - [25] MAC LENNAN et BURTON, _Phil. Mag._, juin 1903.--STRUTT, _Phil. - Mag._, juin 1903.--LESTER COOKE, _Phil. Mag._, octobre 1903. - -L'uranium et le thorium sont les deux éléments qui possèdent les plus -forts poids atomiques (240 et 232); ils se rencontrent fréquemment dans -les mêmes minéraux. - - -_Minéraux radioactifs._--J'ai examiné dans mon appareil plusieurs -minéraux[26]; certains d'entre eux se sont montrés actifs, entre autres -la pechblende, la chalcolite, l'autunite, la monazite, la thorite, -l'orangite, la fergusonite, la clévéite, etc. Voici un Tableau qui donne -en ampères l'intensité _i_ du courant obtenu avec l'uranium métallique -et avec divers minéraux. - - _i_ × 10^{11}. - Uranium 2,3 - Pechblende de Johanngeorgenstadt 8,3 - » de Joachimsthal 7,0 - Pechblende de Pzibran 6,5 - » de Cornwallis 1,6 - Clévéite 1,4 - Chalcolite 5,2 - Autunite 2,7 - { 0,1 - { 0,3 - Thorites diverses { 0,7 - { 1,3 - { 1,4 - Orangite 2,0 - Monazite 0,5 - Xenotime 0,03 - Aeschynite 0,7 - Fergusonite, 2 échantillons { 0,4 - { 0,1 - Samarskite 1,1 - Niobite, 2 échantillons { 0,1 - { 0,3 - Tantalite 0,02 - Carnotite[27] 6,2 - - [26] Plusieurs échantillons de minéraux de la collection du Muséum ont - été obligeamment mis à ma disposition par M. Lacroix. - - [27] La carnotite est un minerai de vanadate d'urane récemment - découvert par Friedel et Cumenge. - -Le courant obtenu avec l'orangite (minerai d'oxyde de thorium) variait -beaucoup avec l'épaisseur de la couche employée. En augmentant cette -épaisseur depuis 0mm,25 à 6mm, on faisait croître le courant de 1,8 à -2,3. - -Tous les minéraux qui se montrent radioactifs contiennent de l'uranium -ou du thorium; leur activité n'a donc rien d'étonnant, mais l'intensité -du phénomène pour certains minéraux est inattendue. Ainsi, on trouve des -pechblendes (minerais d'oxyde d'urane) qui sont 4 fois plus actives que -l'uranium métallique. La chalcolite (phosphate de cuivre et d'urane -cristallisé) est 2 fois plus active que l'uranium. L'autunite (phosphate -d'urane et de chaux) est aussi active que l'uranium. Ces faits étaient -en désaccord avec les considérations précédentes, d'après lesquelles -aucun minéral n'aurait dû se montrer plus actif que l'uranium ou le -thorium. - -Pour éclaircir ce point, j'ai préparé de la chalcolite artificielle par -le procédé de Debray, en partant de produits purs. Ce procédé consiste à -mélanger une dissolution d'azotate d'uranyle avec une dissolution de -phosphate de cuivre dans l'acide phosphorique, et à chauffer vers 50° ou -60°. Au bout de quelque temps, des cristaux de chalcolite se forment -dans la liqueur[28]. La chalcolite ainsi obtenue possède une activité -tout à fait normale, étant donnée sa composition; elle est deux fois et -demie moins active que l'uranium. - - [28] DEBRAY, _Ann. de Chim. et de Phys._, 3e série, t. LXI, p. 445 - -Il devenait dès lors très probable que si la pechblende, la chalcolite, -l'autunite ont une activité si forte, c'est que ces substances -renferment en petite quantité une matière fortement radioactive, -différente de l'uranium, du thorium et des corps simples actuellement -connus. J'ai pensé que, s'il en était effectivement ainsi, je pouvais -espérer extraire cette substance du minerai par les procédés ordinaires -de l'analyse chimique. - - - - -CHAPITRE II. - -LES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES. - - -_Méthode de recherches._--Les résultats de l'étude des minéraux -radioactifs, énoncés dans le Chapitre précédent, nous ont engagés, M. -Curie et moi, à chercher à extraire de la pechblende une nouvelle -substance radioactive. Notre méthode de recherches ne pouvait être basée -que sur la radioactivité, puisque nous ne connaissions aucun autre -caractère de la substance hypothétique. Voici comment on peut se servir -de la radioactivité pour une recherche de ce genre. On mesure la -radioactivité d'un produit, on effectue sur ce produit une séparation -chimique; on mesure la radioactivité de tous les produits obtenus, et -l'on se rend compte si la substance radioactive est restée intégralement -avec l'un d'eux, ou bien si elle s'est partagée entre eux et dans quelle -proportion. On a ainsi une indication qui peut être comparée, en une -certaine mesure, à celle que pourrait fournir l'analyse spectrale. Pour -avoir des nombres comparables, il faut mesurer l'activité des substances -à l'état solide et bien desséchées. - - -_Polonium, radium, actinium._--L'analyse de la pechblende, avec le -concours de la méthode qui vient d'être exposée, nous a conduits à -établir l'existence, dans ce minéral, de deux substances fortement -radioactives, chimiquement différentes: le _polonium_, trouvé par nous, -et le _radium_, que nous avons découvert en collaboration avec M. -Bémont[29]. - - [29] P. CURIE et Mme CURIE, _Comptes rendus_, juillet 1898.--P. CURIE, - Mme CURIE et G. BÉMONT, _Comptes rendus_, décembre 1898. - -Le _polonium_ est une substance voisine du bismuth au point de vue -analytique et l'accompagnant dans les séparations. On obtient du bismuth -de plus en plus riche en polonium par l'un des procédés de -fractionnement suivants: - -1º Sublimation des sulfures dans le vide; le sulfure actif est beaucoup -plus volatil que le sulfure de bismuth. - -2º Précipitation des solutions azotiques par l'eau; le sous-nitrate -précipité est beaucoup plus actif que le sel qui reste dissous. - -3º Précipitation par l'hydrogène sulfuré d'une solution chlorhydrique -extrêmement acide; les sulfures précipités sont considérablement plus -actifs que le sel qui reste dissous. - -Le _radium_ est une substance qui accompagne le baryum retiré de la -pechblende; il suit le baryum dans ses réactions et s'en sépare par -différence de solubilité des chlorures dans l'eau, l'eau alcoolisée ou -l'eau additionnée d'acide chlorhydrique. Nous effectuons la séparation -des chlorures de baryum et de radium, en soumettant leur mélange à une -cristallisation fractionnée, le chlorure de radium étant moins soluble -que celui de baryum. - -Une troisième substance fortement radioactive a été caractérisée dans la -pechblende par M. Debierne, qui lui a donné le nom d'_actinium_[30]. -L'actinium accompagne certains corps du groupe du fer contenus dans la -pechblende; il semble surtout voisin du thorium dont il n'a pu encore -être séparé. L'extraction de l'actinium de la pechblende est une -opération très pénible, les séparations étant généralement incomplètes. - - [30] DEBIERNE, _Comptes rendus_, octobre 1899 et avril 1900. - -Toutes les trois substances radioactives nouvelles se trouvent dans la -pechblende en quantité absolument infinitésimale. Pour les obtenir à -l'état concentré, nous avons été obligés d'entreprendre le traitement de -plusieurs tonnes de résidus de minerai d'urane. Le gros traitement se -fait dans une usine; il est suivi de tout un travail de purification et -de concentration. Nous arrivons ainsi à extraire de ces milliers de -kilogrammes de matière première quelques décigrammes de produits qui -sont prodigieusement actifs par rapport au minerai dont ils proviennent. -Il est bien évident que l'ensemble de ce travail est long, pénible et -coûteux[31]. - - [31] Nous avons de nombreuses obligations envers tous ceux qui nous - sont venus en aide dans ce travail. Nous remercions bien sincèrement - MM. Mascart et Michel Lévy pour leur appui bienveillant. Grâce à - l'intervention bienveillante de M. le professeur Suess, le - gouvernement autrichien a mis gracieusement à notre disposition la - première tonne de résidu traitée (provenant de l'usine de l'État, à - Joachimsthal, en Bohème). L'Académie des Sciences de Paris, la Société - d'Encouragement pour l'Industrie nationale, un donateur anonyme, nous - ont fourni le moyen de traiter une certaine quantité de produit. Notre - ami, M. Debierne, a organisé le traitement du minerai, qui a été - effectué dans l'usine de la Société centrale de Produits chimiques. - Cette Société a consenti à effectuer le traitement sans y chercher de - bénéfice. A tous nous adressons nos remerciments bien sincères. - - Plus récemment, l'Institut de France a mis à notre disposition une - somme de 20000fr pour l'extraction des matières radioactives. Grâce à - cette somme, nous avons pu mettre en train le traitement de 5t de - minerai. - -D'autres substances radioactives nouvelles ont encore été signalées à la -suite de notre travail. M. Giesel, d'une part, MM. Hoffmann et Strauss, -d'autre part, ont annoncé l'existence probable d'une substance -radioactive voisine du plomb par ses propriétés chimiques. On ne possède -encore que peu de renseignements sur cette substance[32]. - - [32] GIESEL, _Ber. deutsch. chem. Gesell._, t. XXXIV, 1901, p. - 3775.--HOFFMANN et STRAUSS, _Ber. deutsch. chem. Gesell._, t. XXXIII, - 1900, p. 3126. - -De toutes les substances radioactives nouvelles, le radium est, jusqu'à -présent, la seule qui ait été isolée à l'état de sel pur. - - -_Spectre du radium._--Il était de première importance de contrôler, par -tous les moyens possibles, l'hypothèse, faite dans ce travail, de -l'existence d'éléments nouveaux radioactifs. L'analyse spectrale est -venue, dans le cas du radium, confirmer d'une façon complète cette -hypothèse. - -M. Demarçay a bien voulu se charger de l'examen des substances -radioactives nouvelles, par les procédés rigoureux qu'il emploie dans -l'étude des spectres d'étincelle photographiés. - -Le concours d'un savant aussi compétent a été pour nous un grand -bienfait, et nous lui gardons une reconnaissance profonde d'avoir -consenti à faire ce travail. Les résultats de l'analyse spectrale sont -venus nous apporter la certitude, alors que nous étions encore dans le -doute sur l'interprétation des résultats de nos recherches[33]. - - [33] Tout récemment, nous avons eu la douleur de voir mourir ce savant - si distingué, alors qu'il poursuivait ses belles recherches sur les - terres rares et sur la spectroscopie, par des méthodes dont on ne - saurait trop admirer la perfection et la précision. Nous conservons un - souvenir ému de la parfaite obligeance avec laquelle il avait consenti - à prendre part à notre travail. - -Les premiers échantillons de chlorure de baryum radifère médiocrement -actif, examinés par Demarçay, lui montrèrent, en même temps que les -raies du baryum, une raie nouvelle d'intensité notable et de longueur -d'onde #l# = 381^{#mm#},47 dans le spectre ultra-violet. Avec des -produits plus actifs, préparés ensuite, Demarçay vit la raie -381^{#mm#},47 se renforcer; en même temps d'autres raies nouvelles -apparurent, et dans le spectre les raies nouvelles et les raies du -baryum avaient des intensités comparables. Une nouvelle concentration a -fourni un produit, pour lequel le nouveau spectre domine, et les trois -plus fortes raies du baryum, seules visibles, indiquent seulement la -présence de ce métal à l'état d'impureté. Ce produit peut être considéré -comme du chlorure de radium à peu près pur. Enfin j'ai pu, par une -nouvelle purification, obtenir un chlorure extrêmement pur, dans le -spectre duquel les deux raies dominantes du baryum sont à peine -visibles. - -Voici, d'après Demarçay[34], la liste des raies principales du radium -pour la portion du spectre comprise entre #l# = 500,0 et #l# = 350,0 -millièmes de micron (#mm#). L'intensité de chaque raie est indiquée par -un nombre, la plus forte raie étant marquée 16. - - #l#. Intensité. #l#. Intensité. - 482,63 10 453,35 9 - 472,69 5 443,61 8 - 469,98 3 434,06 12 - 469,21 7 381,47 16 - 468,30 14 364,96 12 - 464,19 4 - - [34] DEMARÇAY, _Comptes rendus_, décembre 1898, novembre 1899 et - juillet 1900. - -Toutes les raies sont nettes et étroites, les trois raies 381,47, 468,30 -et 434,06 sont fortes; elles atteignent l'égalité avec les raies les -plus intenses actuellement connues. On aperçoit également dans le -spectre deux bandes nébuleuses fortes. La première, symétrique, s'étend -de 463,10 à 462,19 avec maximum à 462,75. La deuxième, plus forte, est -dégradée vers l'ultra-violet; elle commence brusquement à 446,37, passe -par un maximum à 445,52; la région du maximum s'étend jusqu'à 445,34, -puis une bande nébuleuse, graduellement dégradée, s'étend jusque vers -439. - -Dans la partie la moins réfrangible non photographiée du spectre -d'étincelle, la seule raie notable est la raie 566,5 (environ), bien -plus faible cependant que 482,63. - -L'aspect général du spectre est celui des métaux alcalino-terreux; on -sait que ces métaux ont des spectres de raies fortes avec quelques -bandes nébuleuses. - -D'après Demarçay, le radium peut figurer parmi les corps ayant la -réaction spectrale la plus sensible. J'ai, d'ailleurs, pu conclure, -d'après mon travail de concentration, que, dans le premier échantillon -examiné qui montrait nettement la raie 381,47, la proportion de radium -devait être très faible (peut-être de 0,02 pour 100). Cependant, il faut -une activité 50 fois plus grande que celle de l'uranium métallique pour -apercevoir nettement la raie principale du radium dans les spectres -photographiés. Avec un électromètre sensible, on peut déceler la -radioactivité d'un produit quand elle n'est que 1/100 de celle de -l'uranium métallique. On voit que, pour déceler la présence du radium, -la radioactivité est un caractère plusieurs milliers de fois plus -sensible que la réaction spectrale. - -Le bismuth à polonium très actif et le thorium à actinium très actif, -examinés par Demarçay, n'ont encore respectivement donné que les raies -du bismuth et du thorium. - -Dans une publication récente, M. Giesel[35], qui s'est occupé de la -préparation du radium, annonce que le bromure de radium donne lieu à une -coloration carmin de la flamme. Le spectre de flamme du radium contient -deux belles bandes rouges, une raie dans le bleu vert et deux lignes -faibles dans le violet. - - [35] GIESEL, _Phys. Zeitschrift_, 15 septembre 1902. - - -_Extraction des substances radioactives nouvelles._--La première partie -de l'opération consiste à extraire des minerais d'urane le baryum -radifère, le bismuth polonifère et les terres rares contenant -l'actinium. Ces trois premiers produits ayant été obtenus, on cherche, -pour chacun d'eux, à isoler la substance radioactive nouvelle. Cette -deuxième partie du traitement se fait par une méthode de fractionnement. -On sait qu'il est difficile de trouver un moyen de séparation très -parfait entre des éléments très voisins; les méthodes de fractionnement -sont donc tout indiquées. D'ailleurs, quand un élément se trouve mélangé -à un autre à l'état de trace, on ne peut appliquer au mélange une -méthode de séparation parfaite, même en admettant que l'on en connaisse -une; on risquerait, en effet, de perdre la trace de matière qui aurait -pu être séparée dans l'opération. - -Je me suis occupée spécialement du travail ayant pour but l'isolement du -radium et du polonium. Après un travail de quelques années, je n'ai -encore réussi que pour le premier de ces corps. - -La pechblende étant un minerai coûteux, nous avons renoncé à en traiter -de grandes quantités. En Europe, l'extraction de ce minerai se fait dans -la mine de Joachimsthal, en Bohême. Le minerai broyé est grillé avec du -carbonate de soude, et la matière résultant de ce traitement est -lessivée d'abord à l'eau chaude, puis à l'acide sulfurique étendu. La -solution contient l'uranium qui donne à la pechblende sa valeur. Le -résidu insoluble est rejeté. - -Ce résidu contient des substances radioactives; son activité est 4 fois -et demie plus grande que celle de l'uranium métallique. Le gouvernement -autrichien, auquel appartient la mine, nous a gracieusement donné une -tonne de ce résidu pour nos recherches, et a autorisé la mine à nous -fournir plusieurs autres tonnes de cette matière. - -Il n'était guère facile de faire le premier traitement du résidu à -l'usine par les mêmes procédés qu'au laboratoire. M. Debierne a bien -voulu étudier cette question et organiser le traitement dans l'usine. Le -point le plus important de la méthode qu'il a indiquée consiste à -obtenir la transformation des sulfates en carbonates par l'ébullition de -la matière avec une dissolution concentrée de carbonate de soude. Ce -procédé permet d'éviter la fusion avec le carbonate de soude. - -Le résidu contient principalement des sulfates de plomb et de chaux, de -la silice, de l'alumine et de l'oxyde de fer. On y trouve, en outre, en -quantité plus ou moins grande, presque tous les métaux (cuivre, bismuth, -zinc, cobalt, manganèse, nickel, vanadium, antimoine, thallium, terres -rares, niobium, tantale, arsenic, baryum, etc.). Le radium se trouve, -dans ce mélange, à l'état de sulfate et en constitue le sulfate le moins -soluble. Pour le mettre en dissolution, il faut éliminer autant que -possible l'acide sulfurique. Pour cela, on commence par traiter le -résidu par une solution concentrée et bouillante de soude ordinaire. -L'acide sulfurique combiné au plomb, à l'alumine, à la chaux, passe, en -grande partie, en dissolution à l'état de sulfate de soude que l'on -enlève par des lavages à l'eau. La dissolution alcaline enlève en même -temps du plomb, de la silice, de l'alumine. La portion insoluble lavée à -l'eau est attaquée par l'acide chlorhydrique ordinaire. Cette opération -désagrège complètement la matière et en dissout une grande partie. De -cette dissolution on peut retirer le polonium et l'actinium: le premier -est précipité par l'hydrogène sulfuré, le second se trouve dans les -hydrates précipités par l'ammoniaque dans la dissolution séparée des -sulfures et peroxydée. Quant au radium, il reste dans la portion -insoluble. Cette portion est lavée à l'eau, puis traitée par une -dissolution concentrée et bouillante de carbonate de soude. S'il ne -restait plus que peu de sulfates non attaqués, cette opération a pour -effet de transformer complètement les sulfates de baryum et de radium en -carbonates. On lave alors la matière très complètement à l'eau, puis on -l'attaque par l'acide chlorhydrique étendu exempt d'acide sulfurique. La -dissolution contient le radium, ainsi que du polonium et de l'actinium. -On la filtre et on la précipite par l'acide sulfurique. On obtient ainsi -des sulfates bruts de baryum radifère contenant aussi de la chaux, du -plomb, du fer et ayant aussi entraîné un peu d'actinium. La dissolution -contient encore un peu d'actinium et de polonium qui peuvent en être -retirés comme de la première dissolution chlorhydrique. - -On retire d'une tonne de résidu 10kg à 20kg de sulfates bruts, dont -l'activité est de 30 à 60 fois plus grande que celle de l'uranium -métallique. On procède à leur purification. Pour cela, on les fait -bouillir avec du carbonate de soude et on les transforme en chlorures. -La dissolution est traitée par l'hydrogène sulfuré, ce qui donne une -petite quantité de sulfures actifs contenant du polonium. On filtre la -dissolution, on la peroxyde par l'action du chlore et on la précipite -par de l'ammoniaque pure. - -Les oxydes et hydrates précipités sont très actifs, et l'activité est -due à l'actinium. La dissolution filtrée est précipitée par le carbonate -de soude. Les carbonates alcalino-terreux précipités sont lavés et -transformés en chlorures. - -Ces chlorures sont évaporés à sec et lavés avec de l'acide chlorhydrique -concentré pur. Le chlorure de calcium se dissout presque entièrement, -alors que le chlorure de baryum radifère reste insoluble. On obtient -ainsi, par tonne de matière première, 8kg environ de chlorure de baryum -radifère, dont l'activité est environ 60 fois plus grande que celle de -l'uranium métallique. Ce chlorure est prêt pour le fractionnement. - - -_Polonium._--Comme il a été dit plus haut, en faisant passer l'hydrogène -sulfuré dans les diverses dissolutions chlorhydriques obtenues au cours -du traitement, on précipite des sulfures actifs dont l'activité est due -au polonium. - -Ces sulfures contiennent principalement du bismuth, un peu de cuivre et -de plomb; ce dernier métal ne s'y trouve pas en forte proportion, parce -qu'il a été en grande partie enlevé par la dissolution sodique, et parce -que son chlorure est peu soluble. L'antimoine et l'arsenic ne se -trouvent dans les oxydes qu'en quantité minime, leurs oxydes ayant été -dissous par la soude. Pour avoir de suite des sulfures très actifs, on -employait le procédé suivant: les dissolutions chlorhydriques très -acides étaient précipitées par l'hydrogène sulfuré: les sulfures qui se -précipitent dans ces conditions sont très actifs, on les emploie pour la -préparation du polonium; dans la dissolution il reste des substances -dont la précipitation est incomplète en présence d'un excès d'acide -chlorhydrique (bismuth, plomb, antimoine). Pour achever la -précipitation, on étend la dissolution d'eau, on la traite à nouveau par -l'hydrogène sulfuré et l'on obtient une seconde portion de sulfures -beaucoup moins actifs que les premiers, et qui, généralement, ont été -rejetés. Pour la purification ultérieure des sulfures, on les lave au -sulfure d'ammonium, ce qui enlève les traces restantes d'antimoine et -d'arsenic. Puis on les lave à l'eau additionnée d'azotate d'ammonium et -on les traite par l'acide azotique étendu. - -La dissolution n'est jamais complète; on obtient toujours un résidu -insoluble plus ou moins important que l'on traite à nouveau si on le -juge utile. La dissolution est réduite à un petit volume et précipitée -soit par l'ammoniaque, soit par beaucoup d'eau. Dans les deux cas le -plomb et le cuivre restent en dissolution; dans le second cas un peu de -bismuth à peine actif reste dissous également. - -Le précipité d'oxydes ou de sous-azotates est soumis à un fractionnement -de la manière suivante: on dissout le précipité dans l'acide azotique, -on ajoute de l'eau à la dissolution, jusqu'à formation d'une quantité -suffisante de précipité; pour cette opération il faut tenir compte de ce -que le précipité ne se forme, quelquefois, qu'au bout d'un certain -temps. On sépare le précipité du liquide surnageant, on le redissout -dans l'acide azotique; sur les deux portions liquides ainsi obtenues on -refait une précipitation par l'eau, et ainsi de suite. On réunit les -diverses portions en se basant sur leur activité, et l'on tâche de -pousser la concentration aussi loin que possible. On obtient ainsi une -très petite quantité de matière dont l'activité est énorme, mais qui, -néanmoins, n'a encore donné au spectroscope que les raies du bismuth. - -On a malheureusement peu de chances d'aboutir à l'isolement du polonium -par cette voie. La méthode de fractionnement qui vient d'être décrite -présente de grandes difficultés, et il en est de même pour d'autres -procédés de fractionnement par voie humide. Quel que soit le procédé -employé, il se forme avec la plus grande facilité des composés -absolument insolubles dans les acides étendus ou concentrés. Ces -composés ne peuvent être redissous qu'en les ramenant préalablement à -l'état métallique, par la fusion avec le cyanure de potassium, par -exemple. - -Étant donné le nombre considérable des opérations à effectuer, cette -circonstance constitue une difficulté énorme pour le progrès du -fractionnement. Cet inconvénient est d'autant plus grave que le polonium -est une substance qui, une fois retirée de la pechblende, diminue -d'activité. - -Cette baisse d'activité est d'ailleurs lente; c'est ainsi qu'un -échantillon de nitrate de bismuth à polonium a perdu la moitié de son -activité en onze mois. - -Aucune difficulté analogue ne se présente pour le radium. La -radioactivité reste un guide fidèle pour la concentration: cette -concentration elle-même ne présente aucune difficulté, et les progrès du -travail ont pu, depuis le début, être constamment contrôlés par -l'analyse spectrale. - -Quand les phénomènes de la radioactivité induite, dont il sera question -plus loin, ont été connus, il a paru naturel d'admettre que le polonium, -qui ne donne que les raies du bismuth et dont l'activité diminue avec le -temps, n'est pas un élément nouveau, mais du bismuth activé par le -voisinage du radium dans la pechblende. Je ne suis pas convaincue que -cette manière de voir soit exacte. Au cours de mon travail prolongé sur -le polonium, j'ai constaté des effets chimiques que je n'ai jamais -observés ni avec le bismuth ordinaire, ni avec le bismuth activé par le -radium. Ces effets chimiques sont, en premier lieu, la formation -extrêmement facile des composés insolubles dont j'ai parlé plus haut -(spécialement sous-nitrates), en deuxième lieu, la couleur et l'aspect -des précipités obtenus en ajoutant de l'eau à la solution azotique du -bismuth polonifère. Ces précipités sont parfois blancs, mais plus -généralement d'un jaune plus ou moins vif, allant au rouge foncé. - -L'absence de raies, autres que celles du bismuth, ne prouve pas -péremptoirement que la substance ne contient que du bismuth, car il -existe des corps dont la réaction spectrale est peu sensible. - -Il serait nécessaire de préparer une petite quantité de bismuth -polonifère à l'état de concentration aussi avancé que possible, et d'en -faire l'étude chimique, en premier lieu, la détermination du poids -atomique du métal. Cette recherche n'a encore pu être faite à cause des -difficultés de travail chimique signalées plus haut. - -S'il était démontré que le polonium est un élément nouveau, il n'en -serait pas moins vrai que cet élément ne peut exister indéfiniment à -l'état fortement radioactif, tout au moins quand il est retiré du -minerai. On peut alors envisager la question de deux manières -différentes: 1º ou bien toute l'activité du polonium est de la -radioactivité induite par le voisinage de substances radioactives par -elles-mêmes; le polonium aurait alors la faculté de s'activer -atomiquement d'une façon durable, faculté qui ne semble pas appartenir à -une substance quelconque; 2º ou bien l'activité du polonium est une -activité propre qui se détruit spontanément dans certaines conditions et -peut persister dans certaines autres conditions qui se trouvent -réalisées dans le minerai. Le phénomène de l'activation atomique au -contact est encore si mal connu, que l'on manque de base pour se former -une opinion cohérente sur ce qui touche à cette question. - - Tout récemment a paru un travail de M. Marckwald, sur le polonium[36]. - M. Marckwald plonge une baguette de bismuth pur dans une solution - chlorhydrique du bismuth extrait du résidu du traitement de la - pechblende. Au bout de quelque temps la baguette se recouvre d'un - dépôt très actif, et la solution ne contient plus que du bismuth - inactif. M. Marckwald obtient aussi un dépôt très actif en ajoutant du - chlorure d'étain à une solution chlorhydrique de bismuth radioactif. - M. Marckwald conclut de là que l'élément actif est analogue au tellure - et lui donne le nom de _radiotellure_. La matière active de M. - Marckwald semble identique au polonium, par sa provenance et par les - rayons très absorbables qu'elle émet. Le choix d'un nom nouveau pour - cette matière est certainement inutile dans l'état actuel de la - question. - - [36] _Berichte d. deutsch. chem. Gesell._, juin 1902 et décembre 1902. - - -_Préparation du chlorure de radium pur._--Le procédé que j'ai adopté -pour extraire le chlorure de radium pur du chlorure de baryum radifère -consiste à soumettre le mélange des chlorures à une cristallisation -fractionnée dans l'eau pure d'abord, dans l'eau additionnée d'acide -chlorhydrique pur ensuite. On utilise ainsi la différence des -solubilités des deux chlorures, celui de radium étant moins soluble que -celui de baryum. - -Au début du fractionnement on emploie l'eau pure distillée. On dissout -le chlorure et l'on amène la dissolution à être saturée à la température -de l'ébullition, puis on laisse cristalliser par refroidissement dans -une capsule couverte. Il se forme alors au fond de beaux cristaux -adhérents, et la dissolution saturée, surnageante, peut être facilement -décantée. Si l'on évapore à sec un échantillon de cette dissolution, on -trouve que le chlorure obtenu est environ cinq fois moins actif que -celui qui a cristallisé. On a ainsi partagé le chlorure en deux -portions: A et B, la portion A étant beaucoup plus active que la portion -B. On recommence sur chacun des chlorures A et B la même opération, et -l'on obtient, avec chacun d'eux, deux portions nouvelles. Quand la -cristallisation est terminée, on réunit ensemble la fraction la moins -active du chlorure A et la fraction la plus active du chlorure B, ces -deux matières ayant sensiblement la même activité. On se trouve alors -avoir trois portions que l'on soumet à nouveau au même traitement. - -On ne laisse pas augmenter constamment le nombre des portions. A mesure -que ce nombre augmente, l'activité de la portion la plus soluble va en -diminuant. Quand cette portion n'a plus qu'une activité insignifiante, -on l'élimine du fractionnement. Quand on a obtenu le nombre de portions -que l'on désire, on cesse aussi de fractionner la portion la moins -soluble (la plus riche en radium), et on l'élimine du fractionnement. - -On opère avec un nombre constant de portions. Après chaque série -d'opérations, la solution saturée provenant d'une portion est versée sur -les cristaux provenant de la portion suivante; mais si, après l'une des -séries, on a éliminé la fraction la plus soluble, après la série -suivante on fera, au contraire, une nouvelle portion avec la fraction la -plus soluble, et l'on éliminera les cristaux qui constituent la portion -la plus active. Par la succession alternative de ces deux modes -opératoires on obtient un mécanisme de fractionnement très régulier, -dans lequel le nombre des portions et l'activité de chacune d'elles -restent constants, chaque portion étant environ cinq fois plus active -que la suivante, et dans lequel on élimine d'un côté (à la queue) un -produit à peu près inactif, tandis que l'on recueille de l'autre côté (à -la tête) un chlorure enrichi en radium. La quantité de matière contenue -dans les portions va, d'ailleurs, nécessairement en diminuant, et les -portions diverses contiennent d'autant moins de matière qu'elles sont -plus actives. - -On opérait au début avec six portions, et l'activité du chlorure éliminé -à la queue n'était que 0,1 de celle de l'uranium. - -Quand on a ainsi éliminé en grande partie la matière inactive et que les -portions sont devenues petites, on n'a plus intérêt à éliminer à une -activité aussi faible; on supprime alors une portion à la queue du -fractionnement et l'on ajoute à la tête une portion formée avec le -chlorure actif précédemment recueilli. On recueillera donc maintenant un -chlorure plus riche en radium que précédemment. On continue à appliquer -ce système jusqu'à ce que les cristaux de tête représentent du chlorure -de radium pur. Si le fractionnement a été fait d'une façon très -complète, il reste à peine de très petites quantités de tous les -produits intermédiaires. - -Quand le fractionnement est avancé et que la quantité de matière est -devenue faible dans chaque portion, la séparation par cristallisation -est moins efficace, le refroidissement étant trop rapide et le volume de -solution à décanter trop petit. On a alors intérêt à additionner l'eau -d'une proportion déterminée d'acide chlorhydrique; cette proportion -devra aller en croissant à mesure que le fractionnement avance. - -L'avantage de cette addition consiste à augmenter la quantité de la -dissolution, la solubilité des chlorures étant moindre dans l'eau -chlorhydrique que dans l'eau pure. De plus, le fractionnement est alors -très efficace; la différence entre les deux fractions provenant d'un -même produit est considérable; en employant de l'eau avec beaucoup -d'acide, on a d'excellentes séparations, et l'on peut opérer avec trois -ou quatre portions seulement. On a tout avantage à employer ce procédé -aussitôt que la quantité de matière est devenue assez faible pour que -l'on puisse opérer ainsi sans inconvénients. - -Les cristaux, qui se déposent en solution très acide, ont la forme -d'aiguilles très allongées, qui ont absolument le même aspect pour le -chlorure de baryum et pour le chlorure de radium. Les uns et les autres -sont biréfringents. Les cristaux de chlorure de baryum radifère se -déposent incolores, mais, quand la proportion de radium devient -suffisante, ils prennent au bout de quelques heures une coloration -jaune, allant à l'orangé, quelquefois une belle coloration rose. Cette -coloration disparaît par la dissolution. Les cristaux de chlorure de -radium pur ne se colorent pas, ou tout au moins pas aussi rapidement, de -sorte que la coloration paraît due à la présence simultanée du baryum et -du radium. Le maximum de coloration est obtenu pour une certaine -concentration en radium, et l'on peut, en se basant sur cette propriété, -contrôler les progrès du fractionnement. Tant que la portion la plus -active se colore, elle contient une quantité notable de baryum; quand -elle ne se colore plus, et que les portions suivantes se colorent, c'est -que la première est sensiblement du chlorure de radium pur. - -J'ai remarqué parfois la formation d'un dépôt composé de cristaux dont -une partie restait incolore, alors que l'autre partie se colorait. Il -semblait possible de séparer les cristaux incolores par triage, ce qui -n'a pas été essayé. - -A la fin du fractionnement, le rapport des activités des portions -successives n'est ni le même, ni aussi régulier qu'au début; toutefois -il ne se produit aucun trouble sérieux dans la marche du fractionnement. - -La précipitation fractionnée d'une solution aqueuse de chlorure de -baryum radifère par l'alcool conduit aussi à l'isolement du chlorure de -radium qui se précipite en premier. Cette méthode que j'employais au -début a été ensuite abandonnée pour celle qui vient d'être exposée et -qui offre plus de régularité. Cependant, j'ai encore quelquefois employé -la précipitation par l'alcool pour purifier le chlorure de radium qui -contient une petite quantité de chlorure de baryum. Ce dernier reste -dans la dissolution alcoolique légèrement aqueuse et peut ainsi être -enlevé. - -M. Giesel, qui, dès la publication de nos premières recherches, s'est -occupé de la préparation des corps radioactifs, recommande la séparation -du baryum et du radium par la cristallisation fractionnée dans l'eau du -mélange des bromures. J'ai pu constater que ce procédé est en effet très -avantageux, surtout au début du fractionnement. - -Quel que soit le procédé de fractionnement dont on se sert, il est utile -de le contrôler par des mesures d'activité. - -Il est nécessaire de remarquer qu'un composé de radium qui était -dissous, et que l'on vient de ramener à l'état solide, soit par -précipitation, soit par cristallisation, possède au début une activité -d'autant moins grande qu'il est resté plus longtemps en dissolution. -L'activité augmente ensuite pendant plusieurs mois pour atteindre une -certaine limite, toujours la même. L'activité finale est cinq ou six -fois plus élevée que l'activité initiale. Ces variations, sur lesquelles -je reviendrai plus loin, doivent être prises en considération pour la -mesure de l'activité. Bien que l'activité finale soit mieux définie, il -est plus pratique, au cours d'un traitement chimique, de mesurer -l'activité initiale du produit solide. - -L'activité des substances fortement radioactives est d'un tout autre -ordre de grandeur que celle du minerai dont elles proviennent (elle est -10^6 fois plus grande). Quand on mesure cette radioactivité par la -méthode qui a été exposée au début de ce travail (appareil _fig._ 1), on -ne peut pas augmenter, au delà d'une certaine limite, la charge que l'on -met dans le plateau du quartz. Cette charge, dans nos expériences, était -de 4000g au maximum, correspondant à une quantité d'électricité dégagée -égale à 25 unités électrostatiques. Nous pouvons mesurer des activités -qui varient, dans le rapport de 1 à 4000, en employant toujours la même -surface pour la substance active. Pour étendre les limites des mesures, -nous faisons varier cette surface dans un rapport connu. La substance -active occupe alors sur le plateau B une zone circulaire centrale de -rayon connu. L'activité n'étant pas, dans ces conditions, exactement -proportionnelle à la surface, on détermine expérimentalement des -coefficients qui permettent de comparer les activités à surface active -inégale. - -Quand cette ressource elle-même est épuisée, on est obligé d'avoir -recours à l'emploi d'écrans absorbants et à d'autres procédés -équivalents sur lesquels je n'insisterai pas ici. Tous ces procédés, -plus ou moins imparfaits, suffisent cependant pour guider les -recherches. - -Nous avons aussi mesuré le courant qui traverse le condensateur quand il -est mis en circuit avec une batterie de petits accumulateurs et un -galvanomètre sensible. La nécessité de vérifier fréquemment la -sensibilité du galvanomètre nous a empêchés d'employer cette méthode -pour les mesures courantes. - - -_Détermination du poids atomique du radium[37]._--Au cours de mon -travail, j'ai, à plusieurs reprises, déterminé le poids atomique du -métal contenu dans des échantillons de chlorure de baryum radifère. -Chaque fois qu'à la suite d'un nouveau traitement j'avais une nouvelle -provision de chlorure de baryum radifère à traiter, je poussais la -concentration aussi loin que possible, de façon à obtenir de 0g,1 à 0g,5 -de matière contenant presque toute l'activité du mélange. De cette -petite quantité de matière je précipitais par l'alcool ou l'acide -chlorhydrique quelques milligrammes de chlorure qui étaient destinés à -l'analyse spectrale. - - [37] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 13 novembre 1899, août 1900 et 21 - juillet 1902. - -Grâce à son excellente méthode, Demarçay n'avait besoin que de cette -quantité minime de matière pour obtenir la photographie du spectre de -l'étincelle. Sur le produit qui me restait je faisais une détermination -de poids atomique. - -J'ai employé la méthode classique qui consiste à doser, à l'état de -chlorure d'argent, le chlore contenu dans un poids connu de chlorure -anhydre. Comme expérience de contrôle, j'ai déterminé le poids atomique -du baryum par la même méthode, dans les mêmes conditions et avec la même -quantité de matière, 0g,5 d'abord, 0g,1 seulement ensuite. Les nombres -trouvés étaient toujours compris entre 137 et 138. J'ai vu ainsi que -cette méthode donne des résultats satisfaisants, même avec une aussi -faible quantité de matière. - -Les deux premières déterminations ont été faites avec des chlorures, -dont l'un était 230 fois et l'autre 600 fois plus actif que l'uranium. -Ces deux expériences ont donné, à la précision des mesures près, le même -nombre que l'expérience faite avec le chlorure de baryum pur. On ne -pouvait donc espérer de trouver une différence qu'en employant un -produit beaucoup plus actif. L'expérience suivante a été faite avec un -chlorure dont l'activité était environ 3500 fois plus grande que celle -de l'uranium; cette expérience permit, pour la première fois, -d'apercevoir une différence petite, mais certaine; je trouvais, pour le -poids atomique moyen du métal contenu dans ce chlorure, le nombre 140, -qui indiquait que le poids atomique du radium devait être plus élevé que -celui du baryum. En employant des produits de plus en plus actifs et -présentant le spectre du radium avec une intensité croissante, je -constatais que les nombres obtenus allaient aussi en croissant, comme on -peut le voir dans le Tableau suivant (A indique l'activité du chlorure, -celle de l'uranium étant prise comme unité; M le poids atomique trouvé): - - A. M. - 3500 140 le spectre du radium est très faible - 4700 141 - - 7500 145,8 { le spectre du radium est fort, mais celui du - { baryum domine de beaucoup - Ordre } 173,8 { les deux spectres ont une importance à - de } { peu près égale - grandeur, } 225 { le baryum n'est présent qu'à l'état de - 10^6. } { trace. - -Les nombres de la colonne A ne doivent être considérés que comme une -indication grossière. L'appréciation de l'activité des corps fortement -radioactifs est, en effet, difficile, pour diverses raisons dont il sera -question plus loin. - -A la suite des traitements décrits plus haut, j'ai obtenu, en mars 1902, -0g,12 d'un chlorure de radium, dont Demarçay a bien voulu faire -l'analyse spectrale. Ce chlorure de radium, d'après l'opinion de -Demarçay, était sensiblement pur; cependant son spectre présentait -encore les trois raies principales du baryum avec une intensité notable. - -J'ai fait avec ce chlorure quatre déterminations successives dont voici -les résultats: - - Chlorure - de radium Chlorure - anhydre. d'argent. M. - - I 0,1150 0,1130 220,7 - II 0,1148 0,1119 223,0 - III 0,11135 0,1086 222,8 - IV 0,10925 0,10645 223,1 - -J'ai entrepris alors une nouvelle purification de ce chlorure, et je -suis arrivée à obtenir une matière beaucoup plus pure encore, dans le -spectre de laquelle les deux raies les plus fortes du baryum sont très -faibles. Étant donnée la sensibilité de la réaction spectrale du baryum, -Demarçay estime que ce chlorure purifié ne contient que «des traces -minimes de baryum incapables d'influencer d'une façon appréciable le -poids atomique». J'ai fait trois déterminations avec ce chlorure de -radium parfaitement pur. Voici les résultats: - - Chlorure - de radium Chlorure - anhydre. d'argent. M. - - I 0,09192 0,08890 225,3 - II 0,08936 0,08627 225,8 - III 0,08839 0,08589 224,0 - -Ces nombres donnent une moyenne de 225. Ils ont été calculés, de même -que les précédents, en considérant le radium comme un élément bivalent, -dont le chlorure a la formule RaCl_{2}, et en adoptant pour l'argent et -le chlore les nombres Ag = 107,8; Cl = 35,4. - -Il résulte de ces expériences que le poids atomique du radium est -Ra=225. Je considère ce nombre comme exact à une unité près. - -Les pesées étaient faites avec une balance apériodique Curie, -parfaitement réglée, précise au vingtième de milligramme. Cette balance, -à lecture directe, permet de faire des pesées très rapides, ce qui est -une condition essentielle pour la pesée des chlorures anhydres de radium -et de baryum, qui absorbent lentement de l'eau, malgré la présence de -corps desséchants dans la balance. Les matières à peser étaient placées -dans un creuset de platine; ce creuset était en usage depuis longtemps, -et j'ai vérifié que son poids ne variait pas d'un dixième de milligramme -au cours d'une opération. - -Le chlorure hydraté obtenu par cristallisation était introduit dans le -creuset et chauffé à l'étuve pour être transformé en chlorure anhydre. -L'expérience montre que, lorsque le chlorure a été maintenu quelques -heures à 100°, son poids ne varie plus, même lorsqu'on fait monter la -température à 200° et qu'on l'y maintient pendant quelques heures. Le -chlorure anhydre ainsi obtenu constitue donc un corps parfaitement -défini. - -Voici une série de mesures relatives à ce sujet: le chlorure (1dg) -est séché à l'étuve à 55° et placé dans un exsiccateur sur de l'acide -phosphorique anhydre; il perd alors du poids très lentement, ce qui -prouve qu'il contient encore de l'eau; pendant 12 heures, la perte a été -de 3mg. On reporte le chlorure dans l'étuve et on laisse la température -monter à 100°. Pendant cette opération, le chlorure perd 6mg,3. Laissé -dans l'étuve pendant 3 heures 15 minutes, il perd encore 2mg,5. On -maintient la température pendant 45 minutes entre 100° et 120°, ce qui -entraîne une perte de poids de 0mg,1. Laissé ensuite 30 minutes à 125°, -le chlorure ne perd rien. Maintenu ensuite pendant 30 minutes à 150°, il -perd 0mg,1. Enfin, chauffé pendant 4 heures à 200°, il éprouve une perte -de poids de 0mg,15. Pendant toutes ces opérations, le creuset a varié -de 0mg,05. - -Après chaque détermination de poids atomique, le radium était ramené à -l'état de chlorure de la manière suivante: la liqueur contenant après le -dosage l'azotate de radium et l'azotate d'argent en excès était -additionnée d'acide chlorhydrique pur, on séparait le chlorure d'argent -par filtration; la liqueur était évaporée à sec plusieurs fois avec un -excès d'acide chlorhydrique pur. L'expérience montre qu'on peut ainsi -éliminer complètement l'acide azotique. - -Le chlorure d'argent du dosage était toujours radioactif et lumineux. Je -me suis assurée qu'il n'avait pas entraîné de quantité pondérable de -radium, en déterminant la quantité d'argent qui y était contenue. A cet -effet, le chlorure d'argent fondu contenu dans le creuset était réduit -par l'hydrogène résultant de la décomposition de l'acide chlorhydrique -étendu par le zinc; après lavage, le creuset était pesé avec l'argent -métallique qui y était contenu. - -J'ai constaté également, dans une expérience, que le poids du chlorure -de radium régénéré était retrouvé le même qu'avant l'opération. Dans -d'autres expériences, je n'attendais pas, pour commencer une nouvelle -opération, que toutes les eaux de lavage fussent évaporées. - -Ces vérifications ne comportent pas la même précision que les -expériences directes; elles ont permis toutefois de s'assurer qu'aucune -erreur notable n'a été commise. - -D'après ses propriétés chimiques, le radium est un élément de la série -des alcalino-terreux. Il est dans cette série l'homologue supérieur du -baryum. - -D'après son poids atomique, le radium vient se placer également, dans le -Tableau de Mendeleeff, à la suite du baryum dans la colonne des métaux -alcalino-terreux et sur la rangée qui contient déjà l'uranium et le -thorium. - - -_Caractères des sels de radium._--Les sels de radium: chlorure, azotate, -carbonate, sulfate, ont le même aspect que ceux de baryum, quand ils -viennent d'être préparés à l'état solide, mais tous les sels de radium -se colorent avec le temps. - -Les sels de radium sont tous lumineux dans l'obscurité. - -Par leurs propriétés chimiques, les sels de radium sont absolument -analogues aux sels correspondants de baryum. Cependant le chlorure de -radium est moins soluble que celui de baryum; la solubilité des azotates -dans l'eau semble être sensiblement la même. - -Les sels de radium sont le siège d'un dégagement de chaleur spontané et -continu. - -Le chlorure de radium pur est paramagnétique. Son coefficient -d'aimantation spécifique K (rapport du moment magnétique de l'unité de -masse à l'intensité du champ) a été mesuré par MM. P. Curie et C. -Chéneveau au moyen d'un appareil établi par ces deux physiciens[38]. Ce -coefficient a été mesuré par comparaison avec celui de l'eau et corrigé -de l'action du magnétisme de l'air. On a trouvé ainsi - - K = 1,05 × 10^{-6}. - -Le chlorure de baryum pur est diamagnétique, son coefficient -d'aimantation spécifique est - - K = - 0,40 × 10^{-6}. - - [38] _Société de Physique_, 3 avril 1903. - -On trouve d'ailleurs, conformément aux résultats précédents, qu'un -chlorure de baryum radifère contenant environ 17 pour 100 de chlorure de -radium est diamagnétique et possède un coefficient spécifique - - K = - 0,20 × 10^{-6}[39]. - - [39] En 1899, M. St. Meyer a annoncé que le carbonate de baryum - radifère était paramagnétique (_Wied. Ann._, t. LXVIII). Cependant M. - Meyer avait opéré avec un produit très peu riche en radium, et ne - contenant probablement que 1/1000 de sel de radium. Ce produit aurait - dû se montrer diamagnétique. Il est probable que ce corps contenait - une petite impureté ferrifère. - - -_Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire._--Nous avons cherché à -nous assurer si le chlorure de baryum du commerce ne contenait pas de -petites quantités de chlorure de radium inappréciables à notre appareil -de mesures. Pour cela, nous avons entrepris le fractionnement d'une -grande quantité de chlorure de baryum du commerce, espérant concentrer -par ce procédé la trace de chlorure de radium si elle s'y trouvait. - -50kg de chlorure de baryum du commerce ont été dissous dans l'eau; la -dissolution a été précipitée par de l'acide chlorhydrique exempt d'acide -sulfurique, ce qui a fourni 20kg de chlorure précipité. Celui-ci a été -dissous dans l'eau et précipité partiellement par l'acide chlorhydrique, -ce qui a donné 8kg,5 de chlorure précipité. Ce chlorure a été soumis à -la méthode de fractionnement employée pour le chlorure de baryum -radifère, et l'on a éliminé à la tête du fractionnement 10g de chlorure -correspondant à la portion la moins soluble. Ce chlorure ne montrait -aucune radioactivité dans notre appareil de mesures; il ne contenait -donc pas de radium; ce corps est, par suite, absent des minerais qui -fournissent le baryum. - - - - -CHAPITRE III. - -RAYONNEMENT DES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES. - - -_Procédés d'étude du rayonnement._--Pour étudier le rayonnement émis par -les substances radioactives, on peut se servir de l'une quelconque des -propriétés de ce rayonnement. On peut donc utiliser soit l'action des -rayons sur les plaques photographiques, soit leur propriété d'ioniser -l'air et de le rendre conducteur, soit encore leur faculté de provoquer -la fluorescence de certaines substances. En parlant dorénavant de ces -diverses manières d'opérer, j'emploierai, pour abréger, les expressions: -méthode radiographique, méthode électrique, méthode fluoroscopique. - -Les deux premières ont été employées dès le début pour l'étude des -rayons uraniques; la méthode fluoroscopique ne peut s'appliquer qu'aux -substances nouvelles, fortement radioactives, car les substances -faiblement radioactives telles que l'uranium et le thorium ne produisent -pas de fluorescence appréciable. La méthode électrique est la seule qui -comporte des mesures d'intensité précises; les deux autres sont surtout -propres à donner à ce point de vue des résultats qualitatifs et ne -peuvent fournir que des mesures d'intensité grossières. Les résultats -obtenus avec les trois méthodes considérées ne sont jamais que très -grossièrement comparables entre eux et peuvent ne pas être comparables -du tout. La plaque sensible, le gaz qui s'ionise, l'écran fluorescent -sont autant de récepteurs auxquels on demande d'absorber l'énergie du -rayonnement et de la transformer en un autre mode d'énergie: énergie -chimique, énergie ionique ou énergie lumineuse. Chaque récepteur absorbe -une fraction du rayonnement qui dépend essentiellement de sa nature. On -verra d'ailleurs plus loin que le rayonnement est complexe; les portions -du rayonnement absorbées par les différents récepteurs peuvent différer -entre elles quantitativement et qualitativement. Enfin, il n'est ni -évident, ni même probable, que l'énergie absorbée soit entièrement -transformée par le récepteur en la forme que nous désirons observer; une -partie de cette énergie peut se trouver transformée en chaleur, en -émission de rayonnements secondaires qui, suivant le cas, seront ou ne -seront pas utilisés pour la production du phénomène observé, en action -chimique différente de celle que l'on observe, etc., et, là encore, -l'effet utile du récepteur, pour le but que nous nous proposons, dépend -essentiellement de la nature de ce récepteur. - -Comparons deux échantillons radioactifs dont l'un contient du radium et -l'autre du polonium, et qui sont également actifs dans l'appareil à -plateaux de la figure 1. Si l'on recouvre chacun d'eux d'une feuille -mince d'aluminium, le second paraîtra considérablement moins actif que -le premier, et il en sera de même si on les place sous le même écran -fluorescent, quand ce dernier est assez épais, ou qu'il est placé à une -certaine distance des deux substances radioactives. - - -_Énergie du rayonnement._--Quelle que soit la méthode de recherches -employée, on trouve toujours que l'énergie du rayonnement des substances -radioactives nouvelles est considérablement plus grande que celle de -l'uranium et du thorium. C'est ainsi que, à petite distance, une plaque -photographique est impressionnée, pour ainsi dire, instantanément, alors -qu'une pose de 24 heures est nécessaire quand on opère avec l'uranium -et le thorium. Un écran fluorescent est vivement illuminé au contact des -substances radioactives nouvelles, alors qu'aucune trace de luminosité -ne se voit avec l'uranium et le thorium. Enfin, l'action ionisante sur -l'air est aussi considérablement plus intense, dans le rapport de 10^6 -environ. Mais il n'est, à vrai dire, plus possible d'évaluer -l'_intensité totale du rayonnement_, comme pour l'uranium, par la -méthode électrique décrite au début (_fig._ 1). En effet, dans le cas de -l'uranium, par exemple, le rayonnement est très approximativement -absorbé dans la couche d'air qui sépare les plateaux, et le courant -limite est atteint pour une tension de 100 volts. Mais il n'en est plus -de même pour les substances fortement radioactives. Une partie du -rayonnement du radium est constituée par des rayons très pénétrants qui -traversent le condensateur et les plateaux métalliques, et ne sont -nullement utilisés à ioniser l'air entre les plateaux. De plus le -courant limite ne peut pas toujours être obtenu pour les tensions dont -on dispose; c'est ainsi que, pour le polonium très actif, le courant est -encore proportionnel à la tension entre 100 et 500 volts. Les conditions -expérimentales qui donnent à la mesure une signification simple ne sont -donc pas réalisées, et, par suite, les nombres obtenus ne peuvent être -considérés comme donnant la mesure du rayonnement total; ils ne -constituent, à ce point de vue, qu'une approximation grossière. - - -_Nature complexe du rayonnement._--Les travaux de divers physiciens (MM. -Becquerel, Meyer et von Schweidler, Giesel, Villard, Rutherford, M. et -Mme Curie) ont montré que le rayonnement des substances radioactives est -un rayonnement très complexe. Il convient de distinguer trois espèces de -rayons que je désignerai, suivant la notation adoptée par M. Rutherford, -par les lettres #a#, #b# et #g#. - -1º Les rayons #a# sont des rayons très peu pénétrants qui semblent -constituer la plus grosse partie de rayonnement. Ces rayons sont -caractérisés par les lois suivant lesquelles ils sont absorbés par la -matière. Le champ magnétique agit très faiblement sur ces rayons, et on -les a considérés tout d'abord comme insensibles à l'action de ce champ. -Cependant, dans un champ magnétique intense, les rayons #a# sont -légèrement déviés; la déviation se produit de la même manière que dans -le cas des rayons cathodiques, mais le sens de la déviation est -renversé; il est le même que pour les rayons canaux des tubes de -Crookes. - -2º Les rayons #b# sont des rayons moins absorbables dans leur ensemble -que les précédents. Ils sont déviés par un champ magnétique de la même -manière et dans le même sens que les rayons cathodiques. - -3º Les rayons #g# sont des rayons pénétrants insensibles à l'action du -champ magnétique et comparables aux rayons de Röntgen. - -Les rayons d'un même groupe peuvent avoir un pouvoir de pénétration qui -varie dans des limites très étendues, comme cela a été prouvé pour les -rayons #b#. - -Imaginons l'expérience suivante: le radium R est placé au fond d'une -petite cavité profonde creusée dans un bloc de plomb P (_fig._ 4). Un -faisceau de rayons rectiligne et peu épanoui s'échappe de la cuve. -Supposons que, dans la région qui entoure la cuve, on établisse un champ -magnétique uniforme, très intense, normal au plan de la figure et dirigé -vers l'arrière de ce plan. Les trois groupes de rayons #a#, #b#, #g# se -trouveront séparés. Les rayons #g# peu intenses continuent leur trajet -rectiligne sans trace de déviation. Les rayons #b# sont déviés à la -façon de rayons cathodiques et décrivent dans le plan de la figure des -trajectoires circulaires dont le rayon varie dans des limites étendues. -Si la cuve est placée sur une plaque photographique AC, la portion BC -de la plaque qui reçoit les rayons #b# est impressionnée. Enfin, les -rayons #a# forment un faisceau très intense qui est dévié légèrement et -qui est assez rapidement absorbé par l'air. Ces rayons décrivent, dans -le plan de la figure, une trajectoire dont le rayon de courbure est très -grand, le sens de la déviation étant l'inverse de celui qui a lieu pour -les rayons #b#. - -[Illustration: Fig. 4.] - -Si l'on recouvre la cuve d'un écran mince en aluminium, (0mm,1 -d'épaisseur), les rayons #a# sont en très grande partie supprimés, les -rayons #b# le sont bien moins et les rayons #g# ne semblent pas absorbés -notablement. - -L'expérience que je viens de décrire n'a pas été réalisée sous cette -forme, et l'on verra dans la suite quelles sont les expériences qui -montrent l'action du champ magnétique sur les divers groupes de rayons. - - -_Action du champ magnétique._--On a vu que les rayons émis par les -substances radioactives ont un grand nombre de propriétés communes aux -rayons cathodiques et aux rayons Röntgen. Aussi bien les rayons -cathodiques que les rayons Röntgen ionisent l'air, agissent sur les -plaques photographiques, excitent la fluorescence, n'éprouvent pas de -réflexion régulière. Mais les rayons cathodiques diffèrent des rayons -Röntgen en ce qu'ils sont déviés de leur trajet rectiligne par l'action -du champ magnétique et en ce qu'ils transportent des charges -d'électricité négative. - -Le fait que le champ magnétique agit sur les rayons émis par les -substances radioactives a été découvert presque simultanément par MM. -Giesel, Meyer et von Schweidler et Becquerel[40]. Ces physiciens ont -reconnu que les rayons des substances radioactives sont déviés par le -champ magnétique de la même façon et dans le même sens que les rayons -cathodiques; leurs observations se rapportaient aux rayons #b#. - - [40] GIESEL, _Wied. Ann._, 2 novembre 1899.--MEYER et VON SCHWEIDLER, - _Acad. Anzeiger Wien_, 3 et 9 novembre 1899.--BECQUEREL, _Comptes - rendus_, 11 décembre 1899. - -M. Curie a montré que le rayonnement du radium comporte deux groupes de -rayons bien distincts, dont l'un est facilement dévié par le champ -magnétique (rayons #b#) alors que l'autre reste insensible à l'action de -ce champ (rayons #a# et #g# dont l'ensemble était désigné par le nom de -rayons non déviables)[41]. - - [41] P. CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900. - -M. Becquerel n'a pas observé d'émission de rayons genre cathodique par -les échantillons de polonium préparés par nous. C'est, au contraire, sur -un échantillon de polonium, préparé par lui, que M. Giesel a observé -pour la première fois l'effet du champ magnétique. De tous les -échantillons de polonium, préparés par nous, aucun n'a jamais donné lieu -à une émission de rayons genre cathodique. - -Le polonium de M. Giesel n'émet des rayons genre cathodique que quand il -est récemment préparé, et il est probable que l'émission est due au -phénomène de radioactivité induite dont il sera question plus loin. - -Voici les expériences qui prouvent qu'une partie du rayonnement du -radium et une partie seulement est constituée par des rayons facilement -déviables (rayons #b#). Ces expériences ont été faites par la méthode -électrique[42]. - - [42] P. CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900. - -[Illustration: Fig. 5.] - -Le corps radioactif (_fig._ 5) envoie des radiations suivant la -direction AD entre les plateaux P et P'. Le plateau P est maintenu au -potentiel de 500 volts, le plateau P' est relié à un électromètre et à -un quartz piézoélectrique. On mesure l'intensité du courant qui passe -dans l'air sous l'influence des radiations. On peut à volonté établir le -champ magnétique d'un électro-aimant normalement au plan de la figure -dans toute la région EEEE. Si les rayons sont déviés, même faiblement, -ils ne pénètrent plus entre les plateaux, et le courant est supprimé. -La région où passent les rayons est entourée par les masses de plomb B, -B', B" et par les armatures de l'électro-aimant; quand les rayons sont -déviés, ils sont absorbés par les masses de plomb B et B'. - -Les résultats obtenus dépendent essentiellement de la distance AD du -corps radiant A à l'entrée du condensateur en D. Si la distance AD est -assez grande (supérieure à 7cm), la plus grande partie (90 pour 100 -environ) des rayons du radium qui arrivent au condensateur sont déviés -et supprimés pour un champ de 2500 unités. Ces rayons sont des rayons -#b#. Si la distance AD est plus faible que 65mm, une partie moins -importante des rayons est déviée par l'action du champ; cette partie est -d'ailleurs déjà complètement déviée par un champ de 2500 unités, et la -proportion de rayons supprimés n'augmente pas quand on fait croître le -champ de 2500 à 7000 unités. - -La proportion des rayons non supprimés par le champ est d'autant plus -grande que la distance AD entre le corps radiant et le condensateur est -plus petite. Pour les distances faibles les rayons qui peuvent être -déviés facilement ne constituent plus qu'une très faible fraction du -rayonnement total. - -Les rayons pénétrants sont donc, en majeure partie, des rayons déviables -genre cathodique (rayons #b#). - -Avec le dispositif expérimental qui vient d'être décrit, l'action du -champ magnétique sur les rayons #a# ne pouvait guère être observée pour -les champs employés. Le rayonnement très important, en apparence non -déviable, observé à petite distance de la source radiante, était -constitué par les rayons #a#; le rayonnement non déviable observé à -grande distance était constitué par les rayons #g#. - -Lorsque l'on tamise le faisceau au travers d'une lame absorbante -(aluminium ou papier noir), les rayons qui passent sont presque tous -déviés par le champ, de telle sorte qu'à l'aide de l'écran et du champ -magnétique presque tout le rayonnement est supprimé dans le -condensateur, ce qui reste n'étant alors dû qu'aux rayons #g#, dont la -proportion est faible. Quant aux rayons #a#, ils sont absorbés par -l'écran. - -Une lame d'aluminium de 1/100 de millimètre d'épaisseur suffit pour -supprimer presque tous les rayons difficilement déviables, quand la -substance est assez loin du condensateur; pour des distances plus -petites (34mm et 51mm), deux feuilles d'aluminium au 1/100 sont -nécessaires pour obtenir ce résultat. - -On a fait des mesures semblables sur quatre substances radifères -(chlorures ou carbonates) d'activité très différente; les résultats -obtenus ont été très analogues. - -On peut remarquer que, pour tous les échantillons, les rayons pénétrants -déviables à l'aimant (rayons #b#) ne sont qu'une faible partie du -rayonnement total; ils n'interviennent que pour une faible part dans les -mesures où l'on utilise le rayonnement intégral pour produire la -conductibilité de l'air. - -On peut étudier la radiation émise par le polonium par la méthode -électrique. Quand on fait varier la distance AD du polonium au -condensateur, on n'observe d'abord aucun courant tant que la distance -est assez grande; quand on rapproche le polonium, on observe que, pour -une certaine distance qui était de 4cm pour l'échantillon étudié, le -rayonnement se fait très brusquement sentir avec une assez grande -intensité; le courant augmente ensuite régulièrement si l'on continue à -rapprocher le polonium, mais le champ magnétique ne produit pas d'effet -appréciable dans ces conditions. Il semble que le rayonnement du -polonium soit délimité dans l'espace et dépasse à peine dans l'air une -sorte de gaine entourant la substance sur l'épaisseur de quelques -centimètres. - -Il convient de faire des réserves générales importantes sur la -signification des expériences que je viens de décrire. Quand j'indique -la proportion des rayons déviés par l'aimant, il s'agit seulement des -radiations susceptibles d'actionner un courant dans le condensateur. En -employant comme réactif des rayons de Becquerel la fluorescence ou -l'action sur les plaques photographiques, la proportion serait -probablement différente, une mesure d'intensité n'ayant généralement un -sens que pour la méthode de mesures employée. - -Les rayons du polonium sont des rayons du genre #a#. Dans les -expériences que je viens de décrire, on n'a observé aucun effet du champ -magnétique sur ces rayons, mais le dispositif expérimental était tel -qu'une faible déviation passait inaperçue. - -Des expériences faites par la méthode radiographique ont confirmé les -résultats de celles qui précèdent. En employant le radium comme source -radiante, et en recevant l'impression sur une plaque parallèle au -faisceau primitif et normale au champ, on obtient la trace très nette de -deux faisceaux séparés par l'action du champ, l'un dévié, l'autre non -dévié. Les rayons #b# constituent le faisceau dévié; les rayons #a# -étant peu déviés se confondent sensiblement avec le faisceau non dévié -des rayons #g#. - - -_Rayons déviables #b#_.--Il résultait des expériences de MM. Giesel -et de MM. Meyer et von Schweidler que le rayonnement des corps -radioactifs est au moins en partie dévié par un champ magnétique, -et que la déviation se fait comme pour les rayons cathodiques. M. -Becquerel a étudié l'action du champ sur les rayons par la méthode -radiographique[43]. Le dispositif expérimental employé était celui de la -figure 4. Le radium était placé dans la cuve en plomb P, et cette cuve -était posée sur la face sensible d'une plaque photographique AC -enveloppée de papier noir. Le tout était placé entre les pôles d'un -électro-aimant, le champ magnétique étant normal au plan de la figure. - - [43] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 206, 372, 810. - -Si le champ est dirigé vers l'arrière de ce plan, la partie BC de la -plaque se trouve impressionnée par des rayons qui, ayant décrit des -trajectoires circulaires, sont rabattus sur la plaque et viennent la -couper à angle droit. Ces rayons sont des rayons #b#. - -M. Becquerel a montré que l'impression constitue une large bande -diffuse, véritable spectre continu, montrant que le faisceau de rayons -déviables émis par la source est constitué par une infinité de -radiations inégalement déviables. Si l'on recouvre la gélatine de la -plaque de divers écrans absorbants (papier, verre, métaux), une portion -du spectre se trouve supprimée, et l'on constate que les rayons les plus -déviés par le champ magnétique, autrement dit ceux qui donnent la plus -petite valeur du rayon de la trajectoire circulaire, sont le plus -fortement absorbés. Pour chaque écran l'impression sur la plaque ne -commence qu'à une certaine distance de la source radiante, cette -distance étant d'autant plus grande que l'écran est plus absorbant. - - -_Charge des rayons déviables._--Les rayons cathodiques sont, comme l'a -montré M. Perrin, chargés d'électricité négative[44]. De plus ils -peuvent, d'après les expériences de M. Perrin et de M. Lenard[45], -transporter leur charge à travers des enveloppes métalliques réunies à -la terre et à travers des lames isolantes. En tout point, où les rayons -cathodiques sont absorbés, se fait un dégagement continu d'électricité -négative. Nous avons constaté qu'il en est de même pour les rayons -déviables #b# du radium. _Les rayons déviables_ #b# _du radium sont -chargés d'électricité négative_[46]. - - [44] _Comptes rendus_, t. CXXI, p. 1130. _Annales de Chimie et de - Physique_, t. II, 1897. - - [45] LENARD, _Wied. Ann._, t. LXIV, p. 279. - - [46] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 5 mars 1900. - - Étalons la substance radioactive sur l'un des plateaux d'un - condensateur, ce plateau étant relié métalliquement à la terre; le - second plateau est relié à un électromètre, il reçoit et absorbe les - rayons émis par la substance. Si les rayons sont chargés, on doit - observer une arrivée continue d'électricité à l'électromètre. Cette - expérience, réalisée dans l'air, ne nous a pas permis de déceler une - charge des rayons, mais l'expérience ainsi faite n'est pas sensible. - L'air entre les plateaux étant rendu conducteur par les rayons, - l'électromètre n'est plus isolé et ne peut accuser que des charges - assez fortes. - - Pour que les rayons #a# ne puissent apporter de trouble dans - l'expérience, on peut les supprimer en recouvrant la source radiante - d'un écran métallique mince; le résultat de l'expérience n'est pas - modifié[47]. - - [47] A vrai dire, dans ces expériences, on observe toujours une - déviation à l'électromètre, mais il est facile de se rendre compte que - ce déplacement est un effet de la force électromotrice de contact qui - existe entre le plateau relié à l'électromètre et les conducteurs - voisins; cette force électromotrice fait dévier l'électromètre, grâce - à la conductibilité de l'air soumis au rayonnement du radium. - -Nous avons sans plus de succès répété cette expérience dans l'air en -faisant pénétrer les rayons dans l'intérieur d'un cylindre de Faraday en -relation avec l'électromètre[48]. - - [48] Le dispositif du cylindre de Faraday n'est pas nécessaire, mais - il pourrait présenter quelques avantages dans le cas où il se - produirait une forte diffusion des rayons par les parois frappées. On - pourrait espérer ainsi recueillir et utiliser ces rayons diffusés, - s'il y en a. - -On pouvait déjà se rendre compte, d'après les expériences qui précèdent, -que la charge des rayons du produit radiant employé était faible. - -Pour constater un faible dégagement d'électricité sur le conducteur qui -absorbe les rayons, il faut que ce conducteur soit bien isolé -électriquement; pour obtenir ce résultat, il est nécessaire de le mettre -à l'abri de l'air, soit en le plaçant dans un tube avec un vide très -parfait, soit en l'entourant d'un bon diélectrique solide. C'est ce -dernier dispositif que nous avons employé. - -Un disque conducteur MM (_fig._ 6) est relié par la tige métallique _t_ -à l'électromètre; disque et tige sont complètement entourés de matière -isolante _iiii_; le tout est recouvert d'une enveloppe métallique EEEE -qui est en communication électrique avec la terre. Sur l'une des faces -du disque, l'isolant _pp_ et l'enveloppe métallique sont très minces. -C'est cette face qui est exposée au rayonnement du sel de baryum -radifère R, placé à l'extérieur dans une auge en plomb[49]. Les rayons -émis par le radium traversent l'enveloppe métallique et la lame isolante -_pp_, et sont absorbés par le disque métallique MM. Celui-ci est alors -le siège d'un dégagement continu et constant d'électricité négative que -l'on constate à l'électromètre et que l'on mesure à l'aide du quartz -piézoélectrique. - - [49] L'enveloppe isolante doit être parfaitement continue. Toute - fissure remplie d'air allant du conducteur intérieur jusqu'à - l'enveloppe métallique est une cause de courant dû aux forces - électromotrices de contact utilisant la conductibilité de l'air sous - l'action du radium. - -[Illustration: Fig. 6.] - -Le courant ainsi créé est très faible. Avec du chlorure de baryum -radifère très actif formant une couche de 2cm2,5 de surface et de -0cm,2 d'épaisseur, on obtient un courant de l'ordre de grandeur de -10^{-11} ampère, les rayons utilisés ayant traversé, avant d'être -absorbés par le disque MM, une épaisseur d'aluminium de 0mm,01 et une -épaisseur d'ébonite de 0mm,3. - -Nous avons employé successivement du plomb, du cuivre et du zinc pour le -disque MM, de l'ébonite et de la paraffine pour l'isolant; les résultats -obtenus ont été les mêmes. - -Le courant diminue quand on éloigne la source radiante R, ou quand on -emploie un produit moins actif. - -Nous avons encore obtenu les mêmes résultats en remplaçant le disque MM -par un cylindre de Faraday rempli d'air, mais enveloppé extérieurement -par une matière isolante. L'ouverture du cylindre, fermée par la plaque -isolante mince _pp_, était alors en face de la source radiante. - -Enfin nous avons fait l'expérience inverse, qui consiste à placer l'auge -de plomb avec le radium au milieu de la matière isolante et en relation -avec l'électromètre (_fig._ 7), le tout étant enveloppé par l'enceinte -métallique reliée à la terre. - -[Illustration: Fig. 7.] - -Dans ces conditions, on observe à l'électromètre que le radium prend une -charge positive et égale en grandeur à la charge négative de la première -expérience. Les rayons du radium traversent la plaque diélectrique mince -_pp_ et quittent le conducteur intérieur en emportant de l'électricité -négative. - -Les rayons #a# du radium n'interviennent pas dans ces expériences, étant -absorbés presque totalement par une épaisseur extrêmement faible de -matière. La méthode qui vient d'être décrite ne convient pas non plus -pour l'étude de la charge des rayons du polonium, ces rayons étant -également très peu pénétrants. Nous n'avons observé aucun indice de -charge avec du polonium, qui émet seulement des rayons #a#; mais, pour -la raison qui précède, on ne peut tirer de cette expérience aucune -conclusion. - -Ainsi, dans le cas des rayons déviables #b# du radium, comme dans le cas -des rayons cathodiques, les rayons transportent de l'électricité. Or, -jusqu'ici on n'a jamais reconnu l'existence de charges électriques non -liées à la matière. On est donc amené à se servir, dans l'étude de -l'émission des rayons déviables #b# du radium, de la même théorie que -celle actuellement en usage pour l'étude des rayons cathodiques. Dans -cette théorie balistique, qui a été formulée par Sir W. Crookes, puis -développée et complétée par M. J.-J. Thompson, les rayons cathodiques -sont constitués par des particules extrêmement ténues qui sont lancées à -partir de la cathode avec une très grande vitesse, et qui sont chargées -d'électricité négative. On peut de même concevoir que le radium envoie -dans l'espace des particules chargées négativement. - -Un échantillon de radium renfermé dans une enveloppe solide, mince, -parfaitement isolante, doit se charger spontanément à un potentiel très -élevé. Dans l'hypothèse balistique le potentiel augmenterait, jusqu'à ce -que la différence de potentiel avec les conducteurs environnants devînt -suffisante pour empêcher l'éloignement des particules électrisées émises -et amener leur retour à la source radiante. - -Nous avons réalisé par hasard l'expérience dont il est question ici. Un -échantillon de radium très actif était enfermé depuis longtemps dans une -ampoule de verre. Pour ouvrir l'ampoule, nous avons fait avec un couteau -à verre un trait sur le verre. A ce moment nous avons entendu nettement -le bruit d'une étincelle, et en observant ensuite l'ampoule à la loupe, -nous avons aperçu que le verre avait été perforé par une étincelle à -l'endroit où il s'était trouvé aminci par le trait. Le phénomène qui -s'est produit là est exactement comparable à la rupture du verre d'une -bouteille de Leyde trop chargée. - -Le même phénomène s'est reproduit avec une autre ampoule. De plus, au -moment où l'étincelle a éclaté, M. Curie qui tenait l'ampoule ressentit -dans les doigts la secousse électrique due à la décharge. - -Certains verres ont de bonnes propriétés isolantes. Si l'on enferme le -radium dans une ampoule de verre scellée et bien isolante, on peut -s'attendre à ce que cette ampoule à un moment donné se perce -spontanément. - -_Le radium est le premier exemple d'un corps qui se charge spontanément -d'électricité._ - - -_Action du champ électrique sur les rayons déviables_ #b# _du -radium_.--Les rayons déviables #b# du radium étant assimilés à des -rayons cathodiques doivent être déviés par un champ électrique de la -même façon que ces derniers, c'est-à-dire comme le serait une particule -matérielle chargée négativement et lancée dans l'espace avec une grande -vitesse. L'existence de cette déviation a été montrée, d'une part, par -M. Dorn[50], d'autre part, par M. Becquerel[51]. - - [50] DORN, _Abh. Halle_, mars 1900. - - [51] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 819. - -Considérons un rayon qui traverse l'espace situé entre les deux plateaux -d'un condensateur. Supposons la direction du rayon parallèle aux -plateaux. Quand on établit entre ces derniers un champ électrique, le -rayon est soumis à l'action de ce champ uniforme sur toute la longueur -du trajet dans le condensateur, soit _l_. En vertu de cette action le -rayon est dévié vers le plateau positif et décrit un arc de parabole; en -sortant du champ il continue son chemin en ligne droite suivant la -tangente à l'arc de parabole au point de sortie. On peut recevoir le -rayon sur une plaque photographique normale à sa direction primitive. On -observe l'impression produite sur la plaque quand le champ est nul et -quand le champ a une valeur connue, et l'on déduit de là la valeur de la -déviation #d#, qui est la distance des points, où la nouvelle direction -du rayon et sa direction primitive rencontrent un même plan normal à la -direction primitive. Si _h_ est la distance de ce plan au condensateur, -c'est-à-dire à la limite du champ, on a, par un calcul simple, - - _e_F_l_(_l_/2 + _h_) - #d# = ---------------------, - _mv_^2 - -_m_ étant la masse de la particule en mouvement, _e_ sa charge, _v_ sa -vitesse et F la valeur du champ. - -Les expériences de M. Becquerel lui ont permis de donner une valeur -approchée de #d#. - - -_Rapport de la charge à la masse pour une particule, chargée -négativement, émise par le radium._--Quand une particule matérielle, -ayant la masse _m_ et la charge négative _e_, est lancée avec une -vitesse _v_ dans un champ magnétique uniforme normal à sa vitesse -initiale, cette particule décrit dans un plan normal au champ et passant -par sa vitesse initiale un arc de cercle de rayon #r# tel que, H étant -la valeur du champ, on a la relation - - _m_ - H#r# = ----- _v_. - _e_ - -Si l'on a mesuré pour un même rayon la déviation électrique #d# et le -rayon de courbure #r# dans un champ magnétique, on pourra, de ces deux -expériences, tirer les valeurs du rapport _e_/_m_ de la vitesse _v_. - -Les expériences de M. Becquerel ont fourni une première indication à ce -sujet. Elles ont donné pour le rapport _e_/_m_ une valeur approchée -égale à 10^7 unités électromagnétiques absolues, et pour _v_ une -grandeur égale à 1,6 × 10^{10}. Ces valeurs sont du même ordre de -grandeur que pour les rayons cathodiques. - -Des expériences précises ont été faites sur le même sujet par M. -Kaufmann[52]. Ce physicien a soumis un faisceau très étroit de rayons du -radium à l'action simultanée d'un champ électrique et d'un champ -magnétique, les deux champs étant uniformes et ayant une même direction, -normale à la direction primitive du faisceau. L'impression produite sur -une plaque normale au faisceau primitif et placée au-dessus des limites -du champ par rapport à la source prend la forme d'une courbe, dont -chaque point correspond à l'un des rayons du faisceau primitif -hétérogène. Les rayons les plus pénétrants et les moins déviables sont -d'ailleurs ceux dont la vitesse est la plus grande. - -[52] KAUFMANN, _Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu Goettingen_, 1901, -Heft 2. - -Il résulte des expériences de M. Kaufmann que pour les rayons du radium, -dont la vitesse est notablement supérieure à celle des rayons -cathodiques, le rapport _e_/_m_ va en diminuant quand la vitesse -augmente. - -D'après les travaux de J.-J. Thomson et de Townsend[53] nous devons -admettre que la particule en mouvement, qui constitue le rayon, possède -une charge _e_ égale à celle transportée par un atome d'hydrogène dans -l'électrolyse, cette charge étant la même pour tous les rayons. On est -donc conduit à conclure que la masse de la particule _m_ va en -augmentant quand la vitesse augmente. - - [53] THOMSON, _Phil. Mag._, t. XLVI, 1898.--TOWNSEND, _Phil. Trans._, - t. CXCV, 1901. - -Or, des considérations théoriques conduisent à concevoir que l'inertie -de la particule est précisément due à son état de charge en mouvement, -la vitesse d'une charge électrique en mouvement ne pouvant être modifiée -sans dépense d'énergie. Autrement dit, l'inertie de la particule est -d'origine électromagnétique, et la masse de la particule est au moins en -partie une masse apparente ou masse électromagnétique. M. Abraham[54] va -plus loin et suppose que la masse de la particule est entièrement une -masse électromagnétique. Si dans cette hypothèse on calcule la valeur de -cette masse _m_ pour une vitesse connue _v_, on trouve que _m_ tend vers -l'infini quand _v_ tend vers la vitesse de la lumière, et que _m_ tend -vers une valeur constante quand la vitesse _v_ est très inférieure à -celle de la lumière. Les expériences de M. Kaufmann sont en accord avec -les résultats de cette théorie dont l'importance est grande, puisqu'elle -permet de prévoir la possibilité d'établir les bases de la mécanique sur -la dynamique de petits centres matériels chargés en état de -mouvement[55]. - -[54] ABRAHAM, _Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu Goettingen_, 1902, -Heft 1. - - [55] Quelques développements sur cette question ainsi qu'une étude - très complète des centres matériels chargés (électrons ou corpuscules) - et les références des travaux relatifs se trouvent dans la Thèse de M. - Langevin. - -Voici les nombres obtenus par M. Kaufmann pour _e_/_m_ et _v_: - - _e_ - ------- - _m_ - unités cm - électromagnétiques. _v_ ----. - sec - - 1,865 × 10^7 0,7 × 10^10 { pour les rayons - { cathodiques. - 1,31 × 10^7 2,36 × 10^10 } - 1,17 » 2,48 » } pour les rayons du - 0,97 » 2,59 » } radium (Kaufmann). - 0,77 » 2,72 » } - 0,63 » 2,83 » } - -M. Kaufmann conclut de la comparaison de ses expériences avec la -théorie, que la valeur limite du rapport _e_/_m_ pour les rayons du -radium de vitesse relativement faible serait la même que la valeur de -_e_/_m_ pour les rayons cathodiques. - -Les expériences les plus complètes de M. Kaufmann ont été faites avec un -grain minuscule de chlorure de radium pur, que nous avons mis à sa -disposition. - -D'après les expériences de M. Kaufmann certains rayons #b# du radium -possèdent une vitesse très voisine de celle de la lumière. On comprend -que ces rayons si rapides puissent jouir d'un pouvoir pénétrant très -grand vis-à-vis de la matière. - - -_Action du champ magnétique sur les rayons #a#._--Dans un travail -récent, M. Rutherford a annoncé[56] que, dans un champ magnétique ou -électrique puissant, les rayons #a# du radium sont légèrement déviés à -la façon de particules électrisées positivement et animées d'une grande -vitesse. M. Rutherford conclut de ses expériences que la vitesse des -rayons #a# est de l'ordre de grandeur 2,5 × 10^9 cm/sec et que le -rapport _e_/_m_ pour ces rayons est de l'ordre de grandeur 6 × 10^3, -soit 10^4 fois plus grand que pour les rayons déviables #b#. On verra -plus loin que ces conclusions de M. Rutherford sont en accord avec les -propriétés antérieurement connues du rayonnement #a#, et qu'elles -rendent compte, au moins en partie, de la loi d'absorption de ce -rayonnement. - - [56] RUTHERFORD, _Physik. Zeitschrift_, 15 janvier 1903. - -Les expériences de M. Rutherford ont été confirmées par M. Becquerel. M. -Becquerel a montré, de plus, que les rayons du polonium se comportent -dans un champ magnétique comme les rayons #a# du radium et qu'ils -semblent prendre, à champ égal, la même courbure que ces derniers. Il -résulte aussi des expériences de M. Becquerel que les rayons #a# ne -semblent pas former de spectre magnétique, mais se comportent plutôt -comme un rayonnement homogène, tous les rayons étant également -déviés[57]. - - [57] BECQUEREL, _Comptes rendus_ des 26 janvier et 16 février 1903. - -M. Des Coudres a fait une mesure de la déviation électrique et de la -déviation magnétique des rayons #a# du radium dans le vide. Il a trouvé -pour la vitesse de ces rayons _v_ = 1,65 × 10^9 cm/sec et pour le -rapport de la charge à la masse _e_/_m_ = 6400 en unités -électromagnétiques[58]. La vitesse des rayons #a# est donc environ 20 -fois plus faible que celle de la lumière. Le rapport _e_/_m_ est du même -ordre de grandeur que celui que l'on trouve pour l'hydrogène dans -l'électrolyse: _e_/_m_ = 9650. Si donc on admet que la charge de chaque -projectile est la même que celle d'un atome d'hydrogène dans -l'électrolyse, on en conclut que la masse de ce projectile est du même -ordre de grandeur que celle d'un atome d'hydrogène. - - [58] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift._, 1er juin 1903. - -Or nous venons de voir que, pour les rayons cathodiques et pour les -rayons #b# du radium les plus lents, le rapport _e_/_m_ est égal à -1,865 × 10^7; ce rapport est donc environ 2000 fois plus grand que -celui obtenu dans l'électrolyse. La charge de la particule chargée -négativement étant supposée la même que celle d'un atome d'hydrogène, sa -masse limite pour les vitesses relativement faibles serait donc environ -2000 fois plus petite que celle d'un atome d'hydrogène. - -Les projectiles qui constituent les rayons #b# sont donc à la fois -beaucoup plus petits et animés d'une vitesse plus grande que ceux qui -constituent les rayons #a#. On comprend alors facilement que les -premiers possèdent un pouvoir pénétrant bien plus grand que les seconds. - - -_Action du champ magnétique sur les rayons des autres substances -radioactives._--On vient de voir que le radium émet des rayons #a# -assimilables aux rayons canaux, des rayons #b# assimilables aux rayons -cathodiques et des rayons pénétrants et non déviables #g#. Le polonium -n'émet que des rayons #a#. Parmi les autres substances radioactives, -l'actinium semble se comporter comme le radium, mais l'étude du -rayonnement de ce corps n'est pas encore aussi avancée que celle du -rayonnement du radium. Quant aux substances faiblement radioactives, on -sait aujourd'hui que l'uranium et le thorium émettent aussi bien des -rayons #a# que des rayons déviables #b# (Becquerel, Rutherford). - - -_Proportion des rayons déviables_ #b# _dans le rayonnement du -radium_.--Comme je l'ai déjà dit, la proportion des rayons #b# va en -augmentant, à mesure qu'on s'éloigne de la source radiante. Toutefois, -ces rayons ne se montrent jamais seuls, et pour les grandes distances -on observe aussi toujours la présence de rayons #g#. La présence de -rayons non déviables très pénétrants dans le rayonnement du radium a -été, pour la première fois, observée par M. Villard[59]. Ces rayons ne -constituent qu'une faible partie du rayonnement mesuré par la méthode -électrique, et leur présence nous avait échappé dans nos premières -expériences, de sorte que nous croyions alors à tort que le rayonnement -à grande distance ne contenait que des rayons déviables. - - [59] VILLARD, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 1010. - -Voici les résultats numériques obtenus dans des expériences faites par -la méthode électrique avec un appareil analogue à celui de la figure 5. -Le radium n'était séparé du condensateur que par l'air ambiant. Je -désigne par _d_ la distance de la source radiante au condensateur. En -supposant égal à 100 le courant obtenu sans champ magnétique pour chaque -distance, les nombres de la deuxième ligne indiquent le courant qui -subsiste quand le champ agit. Ces nombres peuvent être considérés comme -donnant le pourcentage de l'ensemble des rayons #a# et #g#, la déviation -des rayons #a# n'ayant guère pu être observée avec le dispositif -employé. - -Aux grandes distances on n'a plus de rayons #a#, et le rayonnement non -dévié est alors du genre #g# seulement. - -Expériences faites à petite distance: - - _d_ en centimètres. 3,4 5,1 6,0 6,5 - Pour 100 de rayons non déviés. 74 56 33 11 - -Expériences faites aux grandes distances, avec un produit -considérablement plus actif que celui qui avait servi pour la série -précédente: - - _d_ en centimètres. 14 30 53 80 98 124 157 - Pour 100 de rayons déviés. 12 14 17 14 16 14 11 - -On voit, qu'à partir d'une certaine distance, la proportion des rayons -non déviés dans le rayonnement est approximativement constante. Ces -rayons appartiennent probablement tous à l'espèce #g#. Il n'y a pas à -tenir compte outre mesure des irrégularités dans les nombres de la -seconde ligne, si l'on envisage que l'intensité totale du courant dans -les deux expériences extrêmes était dans le rapport de 660 à 10. Les -mesures ont pu être poursuivies jusqu'à une distance de 1m,57 de la -source radiante, et nous pourrions aller encore plus loin actuellement. - -Voici une autre série d'expériences, dans lesquelles le radium était -enfermé dans un tube de verre très étroit, placé au-dessous du -condensateur et parallèlement aux plateaux. Les rayons émis traversaient -une certaine épaisseur de verre et d'air, avant d'entrer dans le -condensateur. - - _d_ en centimètres. 2,5 3,3 4,1 5,9 7,5 9,6 11,3 13,9 17,2 - Pour 100 de rayons - non dévies. 33 33 21 16 14 10 9 9 10 - -Comme dans les expériences précédentes, les nombres de la seconde ligne -tendent vers une valeur constante quand la distance _d_ croît, mais la -limite est sensiblement atteinte pour des distances plus petites que -dans les séries précédentes, parce que les rayons #a# ont été plus -fortement absorbés par le verre que les rayons #b# et #g#. - -Voici une autre expérience qui montre qu'une lame d'aluminium mince -(épaisseur 0mm,01) absorbe principalement les rayons #a#. Le produit -étant placé à 5cm du condensateur, on trouve en faisant agir le champ -magnétique que la proportion des rayons autres que #b# est de 71 pour -100. Le même produit étant recouvert de la lame d'aluminium, et la -distance restant la même, on trouve que le rayonnement transmis est -presque totalement dévié par le champ magnétique, les rayons #a# ayant -été absorbés par la lame. On obtient le même résultat en employant le -papier comme écran absorbant. - -La plus grosse partie du rayonnement du radium est formée par des rayons -#a# qui sont probablement émis surtout par la couche superficielle de la -matière radiante. Quand on fait varier l'épaisseur de la couche de la -matière radiante, l'intensité du courant augmente avec cette épaisseur; -l'augmentation n'est pas proportionnelle à l'accroissement d'épaisseur -pour la totalité du rayonnement; elle est d'ailleurs plus notable sur -les rayons #b# que sur les rayons #a#, de sorte que la proportion de -rayons #b# va en croissant avec l'épaisseur de la couche active. La -source radiante étant placée à une distance de 5cm du condensateur, on -trouve que, pour une épaisseur égale à 0mm,4 de la couche active, le -rayonnement total est donné par le nombre 28 et la proportion des rayons -#b# est de 29 pour 100. En donnant à la couche active l'épaisseur de -2mm, soit 5 fois plus grande, on obtient un rayonnement total égal à 102 -et une proportion de rayons déviables #b# égale à 45 pour 100. Le -rayonnement total qui subsiste à cette distance a donc été augmenté dans -le rapport 3,6 et le rayonnement déviable #b# est devenu environ 5 fois -plus fort. - -Les expériences précédentes ont été faites par la méthode électrique. -Quand on opère par la méthode radiographique, certains résultats -semblent, en apparence, être en contradiction avec ce qui précède. Dans -les expériences de M. Villard, un faisceau de rayons du radium soumis à -l'action d'un champ magnétique était reçu sur une pile de plaques -photographiques. Le faisceau non déviable et pénétrant #g# traversait -toutes les plaques et marquait sa trace sur chacune d'elles. Le faisceau -dévié #b# produisait une impression sur la première plaque seulement. Ce -faisceau paraissait donc ne point contenir de rayons de grande -pénétration. - -Au contraire, dans nos expériences, un faisceau qui se propage dans -l'air contient aux plus grandes distances accessibles à l'observation -9/10 environ de rayons déviables #b#, et il en est encore de même, quand -la source radiante est enfermée dans une petite ampoule de verre -scellée. Dans les expériences de M. Villard, ces rayons déviables et -pénétrants #b# n'impressionnent pas les plaques photographiques placées -au delà de la première, parce qu'ils sont en grande partie diffusés dans -tous les sens par le premier obstacle solide rencontré et cessent de -former un faisceau. Dans nos expériences, les rayons émis par le radium -et transmis par le verre de l'ampoule étaient probablement aussi -diffusés par le verre, mais l'ampoule étant très petite, fonctionnait -alors elle-même comme une source de rayons déviables #b# partant de sa -surface, et nous avons pu observer ces derniers jusqu'à une grande -distance de l'ampoule. - -Les rayons cathodiques des tubes de Crookes ne peuvent traverser que des -écrans très minces (écrans d'aluminium jusqu'à 0mm,01 d'épaisseur). Un -faisceau de rayons qui arrive normalement sur l'écran est diffusé dans -tous les sens; mais la diffusion est d'autant moins importante que -l'écran est plus mince, et pour des écrans très minces il existe un -faisceau sortant qui est sensiblement le prolongement du faisceau -incident[60]. - - [60] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift_, novembre 1902. - -Les rayons déviables #b# du radium se comportent d'une manière analogue, -mais le faisceau déviable transmis éprouve, à épaisseur d'écran égale, -une modification beaucoup moins profonde. D'après les expériences de M. -Becquerel, les rayons #b# très fortement déviables du radium (ceux dont -la vitesse est relativement faible) sont fortement diffusés par un écran -d'aluminium de 0mm,1 d'épaisseur; mais les rayons pénétrants et peu -déviables (rayons genre cathodique de grande vitesse) traversent ce -même écran sans aucune diffusion sensible, et sans que le faisceau -qu'ils constituent soit déformé, et cela quelle que soit l'inclinaison -de l'écran par rapport au faisceau. Les rayons #b# de grande vitesse -traversent sans diffusion une épaisseur bien plus grande de paraffine -(quelques centimètres), et l'on peut suivre dans celle-ci la courbure du -faisceau produite par le champ magnétique. Plus l'écran est épais et -plus sa matière est absorbante, plus le faisceau déviable primitif est -altéré, parce que, à mesure que l'épaisseur de l'écran croît, la -diffusion commence à se faire sentir sur de nouveaux groupes de rayons -de plus en plus pénétrants. - -L'air produit sur les rayons #b# du radium qui le traversent une -diffusion, qui est très sensible pour les rayons fortement déviables, -mais qui est cependant bien moins importante que celle qui est due à des -épaisseurs égales de matières solides traversées. C'est pourquoi les -rayons déviables #b# du radium se propagent dans l'air à de grandes -distances. - - -_Pouvoir pénétrant du rayonnement des corps radioactifs._--Dès le début -des recherches sur les corps radioactifs, on s'est préoccupé de -l'absorption produite par divers écrans sur les rayons émis par ces -substances. J'ai donné dans une première Note relative à ce sujet[61] -plusieurs nombres cités au début de ce travail indiquant la pénétration -relative des rayons uraniques et thoriques. M. Rutherford a étudié plus -spécialement la radiation uranique[62] et prouvé qu'elle était -hétérogène. M. Owens a conclu de même pour les rayons thoriques[63]. -Quand vint ensuite la découverte des substances fortement radioactives, -le pouvoir pénétrant de leurs rayons fut aussitôt étudié par divers -physiciens (Becquerel, Meyer et von Schweidler, Curie, Rutherford). Les -premières observations mirent en évidence l'hétérogénéité du rayonnement -qui semble être un phénomène général et commun aux substances -radioactives[64]. On se trouve là en présence de sources, qui émettent -un ensemble de radiations, dont chacune a un pouvoir pénétrant qui lui -est propre. La question se complique encore par ce fait, qu'il y a lieu -de rechercher en quelle mesure la nature de la radiation peut se trouver -modifiée par le passage à travers les substances matérielles et que, par -conséquent, chaque ensemble de mesures n'a une signification précise que -pour le dispositif expérimental employé. - - [61] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898. - - [62] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1899. - - [63] OWENS, _Phil. Mag._, octobre 1899. - - [64] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.--MEYER et von - SCHWEIDLER, _Comptes rendus de l'Acad. de Vienne_, mars 1900 (_Physik. - Zeitschrift_, t. I, p. 209). - -Ces réserves étant faites, on peut chercher à coordonner les diverses -expériences et à exposer l'ensemble des résultats acquis. - -Les corps radioactifs émettent des rayons qui se propagent dans l'air et -dans le vide. La propagation est rectiligne; ce fait est prouvé par la -netteté et la forme des ombres fournies par l'interposition de corps, -opaques au rayonnement, entre la source et la plaque sensible ou l'écran -fluorescent qui sert de récepteur, la source ayant des dimensions -petites par rapport à sa distance au récepteur. Diverses expériences qui -prouvent la propagation rectiligne des rayons émis par l'uranium, le -radium et le polonium ont été faites par M. Becquerel[65]. - - [65] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 979 et 1154. - -La distance à laquelle les rayons peuvent se propager dans l'air à -partir de la source est intéressante à connaître. Nous avons constaté -que le radium émet des rayons qui peuvent être observés dans l'air à -plusieurs mètres de distance. Dans certaines de nos mesures électriques, -l'action de la source sur l'air du condensateur s'exerçait à une -distance comprise entre 2m et 3m. Nous avons également obtenu des effets -de fluorescence et des impressions radiographiques à des distances du -même ordre de grandeur. Ces expériences ne peuvent être faites -facilement qu'avec des sources radioactives très intenses, parce que, -indépendamment de l'absorption exercée par l'air, l'action sur un -récepteur donné varie en raison inverse du carré de la distance à une -source de petites dimensions. Ce rayonnement, qui se propage à grande -distance du radium, comprend aussi bien des rayons genre cathodique que -des rayons non déviables; cependant, les rayons déviables dominent de -beaucoup, d'après les expériences que j'ai citées plus haut. Quant à la -grosse masse du rayonnement (rayons #a#), elle est, au contraire, -limitée dans l'air à une distance de 7cm environ de la source. - -J'ai fait quelques expériences avec du radium enfermé dans une petite -ampoule de verre. Les rayons qui sortaient de cette ampoule -franchissaient un certain espace d'air et étaient reçus dans un -condensateur, qui servait à mesurer leur pouvoir ionisant par la méthode -électrique ordinaire. On faisait varier la distance _d_ de la source au -condensateur et l'on mesurait le courant de saturation _i_ obtenu dans -le condensateur. Voici les résultats d'une des séries de mesures: - - _d cm._ _i._ (_i_ × _d_^2) × 10^{-3}. - - 10 127 13 - 20 38 15 - 30 17,4 16 - 40 10,5 17 - 50 6,9 17 - 60 4,7 17 - 70 3,8 19 - 100 1,65 17 - -A partir d'une certaine distance, l'intensité du rayonnement varie -sensiblement en raison inverse du carré de la distance au condensateur. - -Le rayonnement du polonium ne se propage dans l'air qu'à une distance de -quelques centimètres (4cm à 6cm) de la source radiante. - -Si l'on considère l'absorption des radiations par les écrans solides, on -constate là encore une différence fondamentale entre le radium et le -polonium. Le radium émet des rayons capables de traverser une grande -épaisseur de matière solide, par exemple quelques centimètres de plomb -ou de verre[66]. Les rayons qui ont traversé une grande épaisseur d'un -corps solide sont extrêmement pénétrants, et, pratiquement, on n'arrive -plus, pour ainsi dire, à les faire absorber intégralement par quoi que -ce soit. Mais ces rayons ne constituent qu'une faible fraction du -rayonnement total, dont la grosse masse est, au contraire, absorbée par -une faible épaisseur de matière solide. - - [66] M. et Mme CURIE, _Rapports au Congrès_ 1900. - -Le polonium émet des rayons extrêmement absorbables qui ne peuvent -traverser que des écrans solides très minces. - -Voici, à titre d'exemple, quelques nombres relatifs à l'absorption -produite par une lame d'aluminium d'épaisseur égale à 0mm,01. Cette lame -était placée au-dessus et presque au contact de la substance. Le -rayonnement direct et celui transmis par la lame étaient mesurés par la -méthode électrique (appareil _fig._ 1); le courant de saturation était -sensiblement atteint dans tous les cas. Je désigne par _a_ l'activité de -la substance radiante, celle de l'uranium étant prise comme unité. - - Fraction - du rayonnement - transmise - _a._ par la lame. - - Chlorure de baryum radifère 57 0,32 - Bromure » 43 0,30 - Chlorure » 1200 0,30 - Sulfate » 5000 0,29 - Sulfate » 10000 0,32 - Bismuth à polonium métallique 0,22 - Composés d'urane 0,20 - Composés de thorium en couche mince 0,38 - -On voit que des composés radifères de nature et d'activité différentes -donnent des résultats très analogues, ainsi que je l'ai indiqué déjà -pour les composés d'urane et de thorium au début de ce travail. On voit -aussi que si l'on considère toute la masse du rayonnement, et pour la -lame absorbante considérée, les diverses substances radiantes viennent -se ranger dans l'ordre suivant de pénétration décroissante de leurs -rayons: thorium, radium, polonium, uranium. - -Ces résultats sont analogues à ceux qui ont été publiés par M. -Rutherford dans un Mémoire relatif à cette question[67]. - - [67] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, juillet 1902. - -M. Rutherford trouve, d'ailleurs, que l'ordre est le même quand la -substance absorbante est constituée par l'air. Mais il est probable que -cet ordre n'a rien d'absolu et ne se maintiendrait pas indépendamment de -la nature et de l'épaisseur de l'écran considéré. L'expérience montre, -en effet, que la loi d'absorption est très différente pour le polonium -et le radium et que, pour ce dernier, il y a lieu de considérer -séparément l'absorption des rayons de chacun des trois groupes. - -Le polonium se prête particulièrement à l'étude des rayons #a#, puisque -les échantillons que nous possédons n'émettent point d'autres rayons. -J'ai fait une première série d'expériences avec des échantillons de -polonium extrêmement actifs et récemment préparés. J'ai trouvé que les -rayons du polonium sont d'autant plus absorbables, que l'épaisseur de -matière qu'ils ont déjà traversée est plus grande[68]. Cette loi -d'absorption singulière est contraire à celle que l'on connaît pour les -autres rayonnements. - - [68] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900. - -J'ai employé pour cette étude notre appareil de mesures de la -conductibilité électrique avec le dispositif suivant: - - Les deux plateaux d'un condensateur PP et P'P' (_fig._ 8) sont - horizontaux et abrités dans une boîte métallique BBBB en relation avec - la terre. Le corps actif A, situé dans une boîte métallique épaisse - CCCC faisant corps avec le plateau P'P', agit sur l'air du - condensateur au travers d'une toile métallique T; les rayons qui - traversent la toile sont seuls utilisés pour la production du courant, - le champ électrique s'arrêtant à la toile. On peut faire varier la - distance AT du corps actif à la toile. Le champ entre les plateaux est - établi au moyen d'une pile; la mesure - du courant se fait au moyen d'un électromètre et d'un quartz - piézoélectrique. - - [Illustration: Fig. 8] - - En plaçant en A sur le corps actif divers écrans et en modifiant la - distance AT, on peut mesurer l'absorption des rayons qui font dans - l'air des chemins plus ou moins grands. - -Voici les résultats obtenus avec le polonium: - -Pour une certaine valeur de la distance AT (4cm et au-dessus), aucun -courant ne passe: les rayons ne pénètrent pas dans le condensateur. -Quand on diminue la distance AT, l'apparition des rayons dans le -condensateur se fait d'une manière assez brusque, de telle sorte que, -pour une petite diminution de la distance, on passe d'un courant très -faible à un courant très notable; ensuite le courant s'accroît -régulièrement quand on continue à rapprocher le corps radiant de la -toile T. - -Quand on recouvre la substance radiante d'une lame d'aluminium laminé de -1/100 de millimètre d'épaisseur, l'absorption produite par la lame est -d'autant plus forte que la distance AT est plus grande. - -Si l'on place sur la première lame d'aluminium une deuxième lame -pareille, chaque lame absorbe une fraction du rayonnement qu'elle -reçoit, et cette fraction est plus grande pour la deuxième lame que pour -la première, de telle façon que c'est la deuxième lame qui semble plus -absorbante. - - Dans le Tableau qui suit, j'ai fait figurer: dans la première ligne, - les distances en centimètres entre le polonium et la toile T; dans la - deuxième ligne, la proportion de rayons pour 100 transmise par une - lame d'aluminium; dans la troisième ligne, la proportion de rayons - pour 100 transmise par deux lames du même aluminium. - - Distance AT 3,5 2,5 1,9 1,45 0,5 - - Pour 100 de rayons transmis par - une lame 0 0 5 10 25 - - Pour 100 de rayons transmis par - deux lames 0 0 0 5 0,7 - -Dans ces expériences, la distance des plateaux P et P' était de 3cm. On -voit que l'interposition de la lame d'aluminium diminue l'intensité du -rayonnement en plus forte proportion dans les régions éloignées que dans -les régions rapprochées. - -Cet effet est encore plus marqué que ne l'indiquent les nombres qui -précèdent. Ainsi, la pénétration de 25 pour 100, pour la distance 0cm,5, -représente la moyenne de pénétration pour tous les rayons qui dépassent -cette distance, ceux extrêmes ayant une pénétration très faible. Si l'on -ne recueillait que les rayons compris entre 0cm,5 et 1cm, par exemple, -on aurait une pénétration plus grande encore. Et, en effet, si l'on -rapproche le plateau P à une distance 0cm,5 de P', la fraction du -rayonnement transmise par la lame d'aluminium (pour AT = 0cm,5) est de -47 pour 100 et, à travers deux lames, elle est de 5 pour 100 du -rayonnement primitif. - -J'ai fait récemment une deuxième série d'expériences avec ces mêmes -échantillons de polonium dont l'activité était considérablement -diminuée, l'intervalle de temps qui sépare les deux séries d'expériences -étant de 3 ans. - -Dans les expériences anciennes, le polonium était à l'état de -sous-nitrate; dans celles récentes il était à l'état de grains -métalliques, obtenus par fusion du sous-nitrate avec le cyanure de -potassium. - -J'ai constaté que le rayonnement du polonium avait conservé les mêmes -caractères essentiels, et j'ai trouvé quelques résultats nouveaux. -Voici, pour diverses valeurs de la distance AT, la fraction du -rayonnement transmise par un écran formé par 4 feuilles très minces -d'aluminium battu superposées: - - Distance AT en centimètres 0 1,5 2,6 - Pour 100 de rayons transmis par l'écran 76 66 39 - -J'ai constaté de même que la fraction du rayonnement absorbée par un -écran donné croît avec l'épaisseur de matière qui a déjà été traversée -par le rayonnement, mais cela a lieu seulement à partir d'une certaine -valeur de la distance AT. Quand cette distance est nulle (le polonium -étant tout contre la toile, en dehors ou en dedans du condensateur), on -observe que, de plusieurs écrans identiques superposés, chacun absorbe -la même fraction du rayonnement qu'il reçoit, autrement dit, l'intensité -du rayonnement diminue alors suivant une loi exponentielle en fonction -de l'épaisseur de matière traversée, comme cela aurait lieu pour un -rayonnement homogène et transmis par la lame sans changement de nature. - -Voici quelques résultats numériques relatifs à ces expériences: - -Pour une distance AT égale à 1cm,5, un écran en aluminium mince transmet -la fraction 0,51 du rayonnement qu'il reçoit quand il agit seul, et la -fraction 0,34 seulement du rayonnement qu'il reçoit quand il est précédé -par un autre écran pareil à lui. - -Au contraire, pour une distance AT égale à 0, ce même écran transmet -dans les deux cas considérés la même fraction du rayonnement qu'il -reçoit et cette fraction est égale à 0,71; elle est donc plus grande que -dans le cas précédent. - -Voici, pour une distance AT égale à 0 et pour une succession d'écrans -très minces superposés, des nombres qui indiquent pour chaque écran le -rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu: - - Série Série - de 9 feuilles de cuivre de 7 feuilles d'aluminium - très minces. très minces. - 0,72 0,69 - 0,78 0,94 - 0,75 0,95 - 0,77 0,91 - 0,70 0,92 - - Série Série - de 9 feuilles de cuivre de 7 feuilles d'aluminium - très minces. très minces. - 0,77 0,93 - 0,69 0,91 - 0,79 - 0,68 - -Étant données les difficultés d'emploi d'écrans très minces et de la -superposition d'écrans au contact, les nombres de chaque colonne peuvent -être considérés comme constants; seul, le premier nombre de la colonne -relative à l'aluminium indique une absorption plus forte que celle -indiquée par les nombres suivants. - -Les rayons #a# du radium se comportent comme les rayons du polonium. On -peut étudier ces rayons à peu près seuls en renvoyant les rayons bien -plus déviables #b# de côté par l'emploi d'un champ magnétique; les -rayons #g# semblent, en effet, peu importants par rapport aux rayons -#a#. Toutefois, on ne peut opérer ainsi qu'à partir d'une certaine -distance de la source radiante. Voici les résultats d'une expérience de -ce genre. On mesurait la fraction du rayonnement transmise par une lame -d'aluminium de 0mm,1 d'épaisseur; cette lame était placée toujours au -même endroit, au-dessus et à petite distance de la source radiante. On -observait, au moyen de l'appareil de la figure 5, le courant produit -dans le condensateur pour diverses valeurs de la distance AD, en -présence et en absence de la lame. - - Distance AD 6,0 5,1 3,4 - Pour 100 de rayons transmis par l'aluminium 3 7 24 - -Ce sont encore les rayons qui allaient le plus loin dans l'air qui sont -le plus absorbés par l'aluminium. Il y a donc une grande analogie entre -la partie absorbable #a# du rayonnement du radium et les rayons du -polonium. - -Les rayons déviables #b# et les rayons non déviables pénétrants #g# -sont, au contraire, de nature différente. Les expériences de divers -physiciens, notamment de MM. Meyer et von Schweidler[69], montrent -clairement que, si l'on considère l'ensemble du rayonnement du radium, -le pouvoir pénétrant de ce rayonnement augmente avec l'épaisseur de -matière traversée, comme cela a lieu pour les rayons de Röntgen. Dans -ces expériences, les rayons #a# interviennent à peine, parce que ces -rayons sont pratiquement supprimés par des écrans absorbants très -minces. Ce qui traverse, ce sont, d'une part, les rayons #b# plus ou -moins diffusés, d'autre part, les rayons #g#, qui semblent analogues aux -rayons de Röntgen. - - [69] MEYER et von SCHWEIDLER, _Physik. Zeitschrift_, t. I, p. 209. - -Voici les résultats de quelques-unes de mes expériences à ce sujet: - -Le radium est enfermé dans une ampoule de verre. Les rayons qui sortent -de l'ampoule traversent 30cm d'air et sont reçus sur une série de -plaques de verre d'épaisseur de 1mm,3 chacune; la première plaque -transmet 49 pour 100 du rayonnement qu'elle reçoit, la deuxième transmet -84 pour 100 du rayonnement qu'elle reçoit, la troisième transmet 85 pour -100 du rayonnement qu'elle reçoit. - -Dans une autre série d'expériences, le radium était enfermé dans une -ampoule de verre placée à 10cm du condensateur qui recevait les rayons. -On plaçait sur l'ampoule une série d'écrans de plomb identiques dont -chacun avait une épaisseur de 0mm,115. - -Le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu est donné pour -chacune des lames successives par la série des nombres suivants: - - 0,40 0,60 0,72 0,79 0,89 0,92 0,94 0,94 0,97 - -Pour une série de 4 écrans en plomb dont chacun avait 1mm,5 -d'épaisseur, le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu -était donné pour les lames successives par les nombres suivants: - - 0,09 0,78 0,84 0,82 - -De ces expériences il résulte que, quand l'épaisseur de plomb traversée -croît de 0mm,1 à 6mm, le pouvoir pénétrant du rayonnement va en -augmentant. - -J'ai constaté que, dans les conditions expérimentales indiquées, un -écran de plomb de 1cm,8 d'épaisseur transmet 2 pour 100 du rayonnement -qu'il reçoit; un écran de plomb de 5cm,3 d'épaisseur transmet encore 0,4 -pour 100 du rayonnement qu'il reçoit. J'ai constaté également que le -rayonnement transmis par une épaisseur de plomb égale à 1mm,5 comprend -une forte proportion de rayons déviables (genre cathodique). Ces -derniers sont donc capables de traverser non seulement de grandes -distances dans l'air, mais aussi des épaisseurs notables de substances -solides très absorbantes telles que le plomb. - -Quand on étudie avec l'appareil de la figure 2 l'absorption exercée par -une lame d'aluminium de 0mm,01 d'épaisseur sur l'ensemble du rayonnement -du radium, la lame étant toujours placée à la même distance de la -substance radiante, et le condensateur étant placé à une distance -variable AD, les résultats obtenus sont la superposition de ce qui est -dû aux trois groupes du rayonnement. Si l'on observe à grande distance, -les rayons pénétrants dominent et l'absorption est faible; si l'on -observe à petite distance, les rayons #a# dominent et l'absorption est -d'autant plus faible qu'on se rapproche plus de la substance; pour une -distance intermédiaire, l'absorption passe par un maximum et la -pénétration par un minimum. - - Distance AD 7,1 6,5 6,0 5,1 3,4 - Pour 100 de rayons transmis par - l'aluminium 91 82 58 41 48 - -Toutefois, certaines expériences relatives à l'absorption mettent en -évidence une certaine analogie entre les rayons #a# et les rayons -déviables #b#. C'est ainsi que M. Becquerel a trouvé que l'action -absorbante d'un écran solide sur les rayons #b# augmente avec la -distance de l'écran à la source, de sorte que, si les rayons sont soumis -à un champ magnétique comme dans la figure 4, un écran placé contre la -source radiante laisse subsister une portion plus grande du spectre -magnétique que le même écran placé sur la plaque photographique. Cette -variation de l'effet absorbant de l'écran avec la distance de cet écran -à la source est analogue à ce qui a lieu pour les rayons #a#; elle a été -vérifiée par MM. Meyer et von Schweidler, qui opéraient par la méthode -fluoroscopique; M. Curie et moi nous avons observé le même fait en nous -servant de la méthode électrique. Les conditions de production de ce -phénomène n'ont pas encore été étudiées. Cependant, quand le radium est -enfermé dans un tube de verre et placé à assez grande distance d'un -condensateur qui est lui-même enfermé dans une boîte d'aluminium mince, -il est indifférent de placer l'écran contre la source ou contre le -condensateur; le courant obtenu est alors le même dans les deux cas. - -L'étude des rayons #a# m'avait amenée à considérer que ces rayons se -comportent comme des projectiles lancés avec une certaine vitesse et qui -perdent de leur force vive en franchissant des obstacles[70]. Ces rayons -jouissent pourtant de la propagation rectiligne comme l'a montré M. -Becquerel dans l'expérience suivante. Le polonium émettant les rayons -était placé dans une cavité linéaire très étroite, creusée dans une -feuille de carton. On avait ainsi une source linéaire de rayons. Un fil -de cuivre de 1mm,5 de diamètre était placé parallèlement en face de la -source à une distance de 4mm,9. Une plaque photographique était placée -parallèlement à une distance de 8mm,65 au delà. Après une pose de 10 -minutes, l'ombre géométrique du fil était reproduite d'une façon -parfaite, avec les dimensions prévues et une pénombre très étroite de -chaque côté correspondant bien à la largeur de la source. La même -expérience réussit également bien en plaçant contre le fil une double -feuille d'aluminium battu que les rayons sont obligés de traverser. - - [70] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900. - -Il s'agit donc bien de rayons capables de donner des ombres géométriques -parfaites. L'expérience avec l'aluminium montre que ces rayons ne sont -pas diffusés en traversant la lame, et que cette lame n'émet pas, tout -au moins en quantité importante, des rayons secondaires analogues aux -rayons secondaires des rayons de Röntgen. - -Les rayons #a# sont ceux qui semblent actifs dans la très belle -expérience réalisée dans le _spinthariscope_ de M. Crookes[71]. Cet -appareil se compose essentiellement d'un grain de sel de radium maintenu -à l'extrémité d'un fil métallique en face d'un écran au sulfure de zinc -phosphorescent. Le grain de radium est à une très petite distance de -l'écran (0mm,5, par exemple), et l'on regarde au moyen d'une loupe la -face de l'écran tournée vers le radium. Dans ces conditions l'oeil -aperçoit sur l'écran une véritable pluie de points lumineux qui -apparaissent et disparaissent continuellement. L'écran présente l'aspect -d'un ciel étoilé. Les points brillants sont plus rapprochés dans les -régions de l'écran voisines du radium, et dans le voisinage immédiat de -celui-ci la lueur paraît continue. Le phénomène ne semble pas altéré par -les courants d'air; il se produit dans le vide; un écran même très mince -placé entre le radium et l'écran phosphorescent le supprime; il semble -donc bien que le phénomène soit dû à l'action des rayons #a# les plus -absorbables du radium. - - [71] _Chem. News_, 3 avril 1903. - -On peut imaginer que l'apparition d'un des points lumineux sur l'écran -phosphorescent est provoquée par le choc d'un projectile isolé. Dans -cette manière de voir, on aurait affaire, pour la première fois, à un -phénomène permettant de distinguer l'action individuelle d'une particule -dont les dimensions sont du même ordre de grandeur que celles d'un -atome. - -L'aspect des points lumineux est le même que celui des étoiles ou des -objets ultra-microscopiques fortement éclairés qui ne produisent pas sur -la rétine des images nettes, mais des taches de diffraction; et ceci est -bien en accord avec la conception que chaque point lumineux extrêmement -petit est produit par le choc d'un seul atome. - -Les rayons pénétrants non déviables #g# semblent être de tout autre -nature et semblent analogues aux rayons Röntgen. Rien ne prouve, -d'ailleurs, que des rayons peu pénétrants de même nature ne puissent -exister dans le rayonnement du radium, car ils pourraient être masqués -par le rayonnement corpusculaire. - -On vient de voir combien le rayonnement des corps radioactifs est un -phénomène complexe. Les difficultés de son étude viennent s'augmenter -par cette circonstance, qu'il y a lieu de rechercher si ce rayonnement -éprouve de la part de la matière une absorption sélective seulement, ou -bien aussi une transformation plus ou moins profonde. - -On ne sait encore que peu de choses relativement à cette question. -Toutefois, si l'on admet que le rayonnement du radium comporte à la fois -des rayons genre cathodique et des rayons genre Röntgen, on peut -s'attendre à ce que ce rayonnement éprouve des transformations en -traversant les écrans. On sait, en effet: 1º que les rayons cathodiques -qui sortent du tube de Crookes à travers une fenêtre d'aluminium -(expérience de Lenard) sont fortement diffusés par l'aluminium, et que, -de plus, la traversée de l'écran entraîne une diminution de la vitesse -des rayons; c'est ainsi que des rayons cathodiques d'une vitesse égale à -1,4 × 10^{10} centimètres perdent 10 pour 100 de leur vitesse en -traversant 0mm,01 d'aluminium[72]; 2º les rayons cathodiques, en -frappant un obstacle, donnent lieu à la production de rayons Röntgen; 3º -les rayons Röntgen, en frappant un obstacle solide, donnent lieu à une -production de _rayons secondaires_, qui sont en partie des rayons -cathodiques[73]. - - [72] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift_, novembre 1902. - - [73] SAGNAC, _Thèse de doctorat_.--CURIE et SAGNAC, _Comptes rendus_, - avril 1900. - -On peut donc, par analogie, prévoir l'existence de tous les phénomènes -précédents pour les rayons des substances radioactives. - -En étudiant la transmission des rayons du polonium à travers un écran -d'aluminium, M. Becquerel n'a observé ni production de rayons -secondaires ni transformation en rayons genre cathodique[74]. - - [74] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900. - -J'ai cherché à mettre en évidence une transformation des rayons du -polonium, en employant la méthode de l'interversion des écrans: deux -écrans superposés E_{1} et E_{2} étant traversés par les rayons, l'ordre -dans lequel ils sont traversés doit être indifférent, si le passage au -travers des écrans ne transforme pas les rayons; si, au contraire, -chaque écran transforme les rayons en les transmettant, l'ordre des -écrans n'est pas indifférent. Si, par exemple, les rayons se -transforment en rayons plus absorbables en traversant du plomb, et que -l'aluminium ne produise pas un effet du même genre avec la même -importance, alors le système plomb-aluminium paraîtra plus opaque que le -système aluminium-plomb; c'est ce qui a lieu pour les rayons Röntgen. - -Mes expériences indiquent que ce phénomène se produit avec les rayons du -polonium. L'appareil employé était celui de la figure 8. Le polonium -était placé dans la boîte CCCC et les écrans absorbants, nécessairement -très minces, étaient placés sur la toile métallique T. - - Courant - Écrans employés. Épaisseur. observé. - mm - - Aluminium 0,01 } 17,9 - Laiton 0,005 } - Laiton 0,005 } 6,7 - Aluminium 0,01 } - Aluminium 0,01 } 150 - Étain 0,005 } - Étain 0,005 } 125 - Aluminium 0,01 } - Étain 0,005 } 13,9 - Laiton 0,005 } - Laiton 0,005 } 4,4 - Étain 0,005 } - -Les résultats obtenus prouvent que le rayonnement est modifié en -traversant un écran solide. Cette conclusion est d'accord avec les -expériences dans lesquelles, de deux lames métalliques identiques et -superposées, la première se montre moins absorbante que la suivante. Il -est probable, d'après cela, que l'action transformatrice d'un écran est -d'autant plus grande que cet écran est plus loin de la source. Ce point -n'a pas été vérifié, et la nature de la transformation n'a pas encore -été étudiée en détail. - -J'ai répété les mêmes expériences avec un sel de radium très actif. Le -résultat a été négatif. Je n'ai observé que des variations -insignifiantes dans l'intensité de la radiation transmise lors de -l'interversion de l'ordre des écrans. Les systèmes d'écrans essayés ont -été les suivants: - - mm mm - - Aluminium, épaisseur 0,55 Platine, épaisseur 0,01 - » » 0,55 Plomb » 0,1 - » » 0,55 Étain, épaisseur 0,005 - » » 1,07 Cuivre » 0,05 - » » 0,55 Laiton » 0,005 - » » 1,07 Laiton » 0,005 - » » 0,15 Platine » 0,01 - » » 0,15 Zinc » 0,05 - » » 0,15 Plomb » 0,1 - -Le système plomb-aluminium s'est montré légèrement plus opaque que celui -aluminium-plomb, mais la différence n'est pas grande. - -Je n'ai pu mettre ainsi en évidence une transformation notable des -rayons du radium. Cependant, dans diverses expériences radiographiques, -M. Becquerel a observé des effets très intenses dus aux rayons diffusés -ou secondaires, émis par les écrans solides qui recevaient les rayons du -radium. La substance la plus active, au point de vue de ces émissions -secondaires, semble être le plomb. - - -_Action ionisante des rayons du radium sur les liquides isolants._ ---M. Curie a montré que les rayons du radium et les rayons de Röntgen -agissent sur les diélectriques liquides comme sur l'air, en leur -communiquant une certaine conductibilité électrique[75]. Voici comment -était disposée l'expérience (_fig._ 9). - -[Illustration: Fig. 9.] - - [75] P. CURIE, _Comptes rendus de l'Académie des Sciences_, 17 février - 1902. - -Le liquide à expérimenter est placé dans un vase métallique CDEF, dans -lequel plonge un tube de cuivre mince AB; ces deux pièces métalliques -servent d'électrodes. Le vase est maintenu à un potentiel connu, au -moyen d'une batterie de petits accumulateurs, dont un pôle est à terre. -Le tube AB est en relation avec l'électromètre. Lorsqu'un courant -traverse le liquide, on maintient l'électromètre au zéro à l'aide d'un -quartz piézoélectrique qui donne la mesure du courant. Le tube de -cuivre MNM'N', relié au sol, sert de tube de garde pour empêcher le -passage du courant à travers l'air. Une ampoule contenant le sel de -baryum radifère peut être placée au fond du tube AB; les rayons agissent -sur le liquide après avoir traversé le verre de l'ampoule et les parois -du tube métallique. On peut encore faire agir le radium en plaçant -l'ampoule en dessous de la paroi DE. - -Pour agir avec les rayons de Röntgen, on fait arriver ces rayons au -travers de la paroi DE. - -L'accroissement de conductibilité par l'action des rayons du radium ou -des rayons de Röntgen semble se produire pour tous les diélectriques -liquides; mais, pour constater cet accroissement, il est nécessaire que -la conductibilité propre du liquide soit assez faible pour ne pas -masquer l'effet des rayons. - -En opérant avec le radium et les rayons de Röntgen, M. Curie a obtenu -des effets du même ordre de grandeur. - -Quand on étudie avec le même dispositif la conductibilité de l'air ou -d'un autre gaz sous l'action des rayons de Becquerel, on trouve que -l'intensité du courant obtenu est proportionnelle à la différence de -potentiel entre les électrodes, tant que celle-ci ne dépasse pas -quelques volts; mais pour des tensions plus élevées, l'intensité du -courant croît de moins en moins vite, et le courant de saturation est -sensiblement atteint pour une tension de 100 volts. - -Les liquides étudiés avec le même appareil et avec le même produit -radiant très actif se comportent différemment; l'intensité du courant -est proportionnelle à la tension quand celle-ci varie entre 0 et 450 -volts, et cela même quand la distance des électrodes ne dépasse pas 6mm. -On peut alors considérer la _conductivité_ provoquée dans divers -liquides par le rayonnement d'un sel de radium agissant dans les mêmes -conditions. - -Les nombres du Tableau suivant multiplié par 10^{-14} donnent la -conductivité en mhos (inverse d'ohm) pour 1cm3: - - Sulfure de carbone 20 - Éther de pétrole 15 - Amylène 14 - Chlorure de carbone 8 - Benzine 4 - Air liquide 1,3 - Huile de vaseline 1,6 - -On peut cependant supposer que les liquides et les gaz se comportent -d'une façon analogue, mais que, pour les liquides, le courant reste -proportionnel à la tension jusqu'à une limite bien plus élevée que pour -les gaz. On pouvait, par analogie avec ce qui a lieu pour les gaz, -chercher à abaisser la limite de proportionnalité en employant un -rayonnement beaucoup plus faible. L'expérience a vérifié cette -prévision; le produit radiant employé était 150 fois moins actif que -celui qui avait servi pour les premières expériences. Pour des tensions -de 50, 100, 200, 400 volts, les intensités du courant étaient -représentées respectivement par les nombres 109, 185, 255, 335. La -proportionnalité ne se maintient plus, mais le courant varie encore -fortement quand on double la différence de potentiel. - -Quelques-uns des liquides examinés sont des isolants à peu près -parfaits, quand ils sont maintenus à température constante, et qu'ils -sont à l'abri de l'action des rayons. Tels sont: l'air liquide, l'éther -de pétrole, l'huile de vaseline, l'amylène. Il est alors très facile -d'étudier l'effet des rayons. L'huile de vaseline est beaucoup moins -sensible à l'action des rayons que l'éther de pétrole. Il convient -peut-être de rapprocher ce fait de la différence de volatilité qui -existe entre ces deux hydrocarbures. L'air liquide qui a bouilli pendant -quelque temps dans le vase d'expérience est plus sensible à l'action des -rayons que celui que l'on vient d'y verser; la conductivité produite par -les rayons est de 1/4 plus grande dans le premier cas. M. Curie a étudié -sur l'amylène et sur l'éther de pétrole l'action des rayons aux -températures de +10° et de -17°. La conductivité due au rayonnement -diminue de 1/10 seulement de sa valeur, quand on passe de 10° à -17°. - -Dans les expériences où l'on fait varier la température du liquide on -peut soit maintenir le radium à la température ambiante, soit le porter -à la même température que le liquide; on obtient le même résultat dans -les deux cas. Cela tient à ce que le rayonnement du radium ne varie pas -avec la température, et conserve encore la même valeur même à la -température de l'air liquide. Ce fait a été vérifié directement par des -mesures. - - -_Divers effets et applications de l'action ionisante des rayons émis par -les substances radioactives._--Les rayons des nouvelles substances -radioactives ionisent l'air fortement. On peut, par l'action du radium, -provoquer facilement _la condensation de la vapeur d'eau sursaturée_, -absolument comme cela a lieu par l'action des rayons cathodiques et des -rayons Röntgen. - -Sous l'influence des rayons émis par les substances radioactives -nouvelles, la _distance explosive entre deux conducteurs métalliques -pour une différence de potentiel donnée se trouve augmentée_; autrement -dit, le passage de l'étincelle est facilité par l'action des rayons. Ce -phénomène est dû à l'action des rayons les plus pénétrants. Si, en -effet, on entoure le radium d'une enveloppe en plomb de 2cm, l'action du -radium sur l'étincelle n'est pas considérablement affaiblie, alors que -le rayonnement qui traverse n'est qu'une très faible fraction du -rayonnement total. - -En rendant conducteur, par l'action des substances radioactives, l'air -au voisinage de deux conducteurs métalliques, dont l'un est relié au sol -et l'autre à un électromètre bien isolé, on voit l'électromètre prendre -une déviation permanente, qui permet de mesurer la force électromotrice -de la pile formée par l'air et les deux métaux (force électromotrice de -contact des deux métaux, quand ils sont séparés par l'air). Cette -méthode de mesures a été employée par lord Kelwin et ses élèves, la -substance radiante étant l'uranium[76]; une méthode analogue avait été -antérieurement employée par M. Perrin qui utilisait l'action ionisante -des rayons Röntgen[77]. - - [76] LORD KELWIN, BEATTIE et SMOLAN, _Nature_, 1897. - - [77] PERRIN, _Thèse de doctorat_. - -On peut se servir des substances radioactives dans l'étude de -l'électricité atmosphérique. La substance active est enfermée dans une -petite boîte en aluminium mince, fixée à l'extrémité d'une tige -métallique en relation avec l'électromètre. L'air est rendu conducteur -au voisinage de l'extrémité de la tige, et celle-ci prend le potentiel -de l'air qui l'entoure. Le radium remplace ainsi avec avantage les -flammes ou les appareils à écoulement d'eau de lord Kelwin, généralement -employés jusqu'à présent dans l'étude de l'électricité atmosphérique[78]. - - [78] PAULSEN, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.--WITKOWSKI, - _Bulletin de l'Académie des Sciences de Cracovie_, janvier 1902. - -_Effets de fluorescence, effets lumineux._--Les rayons émis par les -nouvelles substances radioactives provoquent la fluorescence de certains -corps. M. Curie et moi, nous avons tout d'abord découvert ce phénomène -en faisant agir le polonium au travers d'une feuille d'aluminium sur une -couche de platinocyanure de baryum. La même expérience réussit encore -plus facilement avec du baryum radifère suffisamment actif. Quand la -substance est fortement radioactive, la fluorescence produite est très -belle. - -Un grand nombre de substances sont susceptibles de devenir -phosphorescentes ou fluorescentes par l'action des rayons de Becquerel. -M. Becquerel a étudié l'action sur les sels d'urane, le diamant, la -blende, etc. M. Bary a montré que les sels des métaux alcalins et -alcalino-terreux, qui sont tous fluorescents sous l'action des rayons -lumineux et des rayons Röntgen, sont également fluorescents sous -l'action des rayons du radium[79]. On peut également observer la -fluorescence du papier, du coton, du verre, etc., au voisinage du -radium. Parmi les différentes espèces de verre, le verre de Thuringe est -particulièrement lumineux. Les métaux ne semblent pas devenir lumineux. - - [79] BARY, _Comptes rendus_, t. CXXX, 1900, p. 776. - -Le platinocyanure de baryum convient le mieux quand on veut étudier le -rayonnement des corps radioactifs par la méthode fluoroscopique. On peut -suivre l'effet des rayons du radium à des distances supérieures à 2m. -Le sulfure de zinc phosphorescent est rendu extrêmement lumineux, mais -ce corps a l'inconvénient de conserver la luminosité pendant quelque -temps, après que l'action des rayons a été supprimée. - -On peut observer la fluorescence produite par le radium quand l'écran -fluorescent est séparé du radium par des écrans absorbants. Nous avons -pu observer l'éclairement d'un écran au platinocyanure de baryum à -travers le corps humain. Cependant, l'action est incomparablement plus -intense, quand l'écran est placé tout contre le radium et qu'il n'en est -séparé par aucun écran solide. Tous les groupes de rayons semblent -capables de produire la fluorescence. - -Pour observer l'action du polonium il est nécessaire de mettre la -substance tout près de l'écran fluorescent sans interposition d'écran -solide, ou tout au moins avec interposition d'un écran très mince -seulement. - -La luminosité des substances fluorescentes exposées à l'action des -substances radioactives baisse avec le temps. En même temps la substance -fluorescente subit une transformation. En voici quelques exemples: - -Les rayons du radium transforment le platinocyanure de baryum en une -variété brune moins lumineuse (action analogue à celle produite par les -rayons Röntgen et décrite par M. Villard). Ils altèrent également le -sulfate d'uranyle et de potassium en le faisant jaunir. Le -platinocyanure de baryum transformé est régénéré partiellement par -l'action de la lumière. Plaçons le radium au-dessous d'une couche de -platinocyanure de baryum étalée sur du papier, le platinocyanure devient -lumineux; si l'on maintient le système dans l'obscurité, le -platinocyanure s'altère, et sa luminosité baisse considérablement. Mais, -exposons le tout à la lumière; le platinocyanure est partiellement -régénéré, et si l'on reporte le tout dans l'obscurité, la luminosité -reparaît assez forte. On a donc, au moyen d'un corps fluorescent et d'un -corps radioactif, réalisé un système qui fonctionne comme un corps -phosphorescent à longue durée de phosphorescence. - -Le verre, qui est rendu fluorescent par l'action du radium, se colore en -brun ou en violet. En même temps, il devient moins fluorescent. Si l'on -chauffe ce verre ainsi altéré, il se décolore et, en même temps que la -décoloration se produit, le verre émet de la lumière. Après cela le -verre a repris la propriété d'être fluorescent au même degré qu'avant la -transformation. - -Le sulfure de zinc qui a été exposé à l'action du radium pendant un -temps suffisant s'épuise peu à peu et perd la faculté d'être -phosphorescent, soit sous l'action du radium, soit sous celle de la -lumière. - -Le diamant est rendu phosphorescent par l'action du radium et peut être -distingué ainsi des imitations en strass, dont la luminosité est très -faible. - -Tous les composés de baryum radifère _sont spontanément lumineux_[80]. -Les sels haloïdes, anhydres et secs, émettent une lumière -particulièrement intense. Cette luminosité ne peut être vue à la grande -lumière du jour, mais on la voit facilement dans la demi-obscurité ou -dans une pièce éclairée à la lumière du gaz. La lumière émise peut être -assez forte pour que l'on puisse lire en s'éclairant avec un peu de -produit dans l'obscurité. La lumière émise émane de toute la masse du -produit, tandis que, pour un corps phosphorescent ordinaire, la lumière -émane surtout de la partie de la surface qui a été éclairée. A l'air -humide les produits radifères perdent en grande partie leur luminosité, -mais ils la reprennent par desséchement (Giesel). La luminosité semble -se conserver. Au bout de plusieurs années aucune modification sensible -ne semble s'être produite dans la luminosité de produits faiblement -actifs, gardés en tubes scellés à l'obscurité. Avec du chlorure de -baryum radifère, très actif et très lumineux, la lumière change de -teinte au bout de quelques mois; elle devient plus violacée et -s'affaiblit beaucoup; en même temps le produit subit certaines -transformations; en redissolvant le sel dans l'eau et en le séchant à -nouveau, on obtient la luminosité primitive. - - [80] CURIE, _Soc. de Physique_, 3 mars 1899.--GIESEL, _Wied. Ann._, t. - LXIX, p. 91. - -Les solutions de sels de baryum radifères, qui contiennent une forte -proportion de radium, sont également lumineuses; on peut observer ce -fait en plaçant la solution dans une capsule de platine qui, n'étant pas -lumineuse elle-même, permet d'apercevoir la luminosité faible de la -solution. - -Quand une solution de sel de baryum radifère contient des cristaux qui -s'y sont déposés, ces cristaux sont lumineux au sein de la solution, et -ils le sont bien plus que la solution elle-même, de sorte que, dans ces -conditions, ils semblent seuls lumineux. - -M. Giesel a préparé du platinocyanure de baryum radifère. Quand ce sel -vient de cristalliser, il a l'aspect du platinocyanure de baryum -ordinaire, et il est très lumineux. Mais peu à peu le sel se colore -spontanément et prend une teinte brune, en même temps que les cristaux -deviennent dichroïques. A cet état, le sel est bien moins lumineux, -quoique sa radioactivité ait augmenté[81]. Le platinocyanure de radium, -préparé par M. Giesel, s'altère encore bien plus rapidement. - - [81] GIESEL, _Wied. Ann._, t. LXIX, p. 91. - -Les composés de radium constituent le premier exemple de substances -spontanément lumineuses. - - -_Dégagement de chaleur par les sels de radium._--Tout récemment MM. -Curie et Laborde ont trouvé que _les sels de radium sont le siège d'un -dégagement de_ _chaleur spontané et continu_[82]. Ce dégagement de -chaleur a pour effet de maintenir les sels de radium à une température -plus élevée que la température ambiante; l'excès de température dépend -d'ailleurs de l'isolement thermique de la substance. Cet excès de -température peut être mis en évidence par une expérience grossière faite -au moyen de deux thermomètres à mercure ordinaires. On utilise deux -vases isolateurs thermiques à vide, identiques entre eux. Dans l'un des -vases on place une ampoule de verre contenant 7dg de bromure de -radium pur; dans le deuxième vase on place une autre ampoule de verre -toute pareille qui contient une substance inactive quelconque, par -exemple du chlorure de baryum. La température de chaque enceinte est -indiquée par un thermomètre dont le réservoir est placé au voisinage -immédiat de l'ampoule. L'ouverture des isolateurs est fermée par du -coton. Quand l'équilibre de température est établi, le thermomètre qui -se trouve dans le même vase que le radium indique constamment une -température supérieure à celle indiquée par l'autre thermomètre; l'excès -de température observé était de 3°. - - [82] CURIE et LABORDE, _Comptes rendus_, 16 mars 1903. - -On peut évaluer la quantité de chaleur dégagée par le radium à l'aide du -calorimètre à glace de Bunsen. En plaçant dans ce calorimètre une -ampoule de verre qui contient le sel de radium, on constate un apport -continu de chaleur qui s'arrête dès qu'on éloigne le radium. La mesure -faite avec un sel de radium préparé depuis longtemps indique que chaque -gramme de radium dégage environ 80 petites calories pendant chaque -heure. Le radium dégage donc pendant une heure une quantité de chaleur -suffisante pour fondre son poids de glace, et un atome gramme (225g) de -radium dégagerait en une heure 18000cal, soit une quantité de chaleur -comparable à celle qui est produite par la combustion d'un atome gramme -(1g) d'hydrogène. Un débit de chaleur aussi considérable ne saurait -être expliqué par aucune réaction chimique ordinaire, et cela d'autant -plus que l'état du radium semble rester le même pendant des années. On -pourrait penser que le dégagement de chaleur est dû à une transformation -de l'atome de radium lui-même, transformation nécessairement très lente. -S'il en était ainsi, on serait amené à conclure que les quantités -d'énergie mises en jeu dans la formation et dans la transformation des -atomes sont considérables et dépassent tout ce qui nous est connu. - -On peut encore évaluer la chaleur dégagée par le radium à diverses -températures en l'utilisant pour faire bouillir un gaz liquéfié et en -mesurant le volume du gaz qui se dégage. On peut faire cette expérience -avec du chlorure de méthyle (à -21°). L'expérience a été faite par MM. -Dewar et Curie avec l'oxygène liquide (à -180°) et avec l'hydrogène -liquide (à -252°). Ce dernier corps convient particulièrement bien pour -réaliser l'expérience. Une éprouvette A, entourée d'un isolateur -thermique à vide, contient de l'hydrogène liquide H (_fig._ 10); elle -est munie d'un tube de dégagement _t_ qui permet de recueillir le gaz -dans une éprouvette graduée E remplie d'eau. L'éprouvette A et son -isolateur plongent dans un bain d'hydrogène liquide H'. Dans ces -conditions aucun dégagement gazeux ne se produit dans l'éprouvette A. -Lorsque l'on introduit, dans l'hydrogène liquide contenu dans cette -éprouvette, une ampoule qui contient 7dg de bromure de radium, il se -fait un dégagement continu de gaz, et l'on recueille 73cm3 de gaz -par minute. - -[Illustration: Fig. 10.] - -Un sel de radium solide qui vient d'être préparé dégage une quantité de -chaleur relativement faible; mais ce débit de chaleur augmente -continuellement et tend vers une valeur déterminée qui n'est pas encore -tout à fait atteinte au bout d'un mois. Quand on dissout dans l'eau un -sel de radium et qu'on enferme la solution en tube scellé, la quantité -de chaleur dégagée par la solution est d'abord faible; elle augmente -ensuite et tend à devenir constante au bout d'un mois; le débit de -chaleur est alors le même que celui dû au même sel à l'état solide. - -Quand on a mesuré à l'aide du calorimètre Bunsen la chaleur dégagée par -un sel de radium contenu dans une ampoule de verre, certains rayons -pénétrants du radium traversent l'ampoule et le calorimètre sans y être -absorbés. Pour voir si ces rayons emportent une quantité d'énergie -appréciable, on peut refaire une mesure en entourant l'ampoule d'une -feuille de plomb de 2mm d'épaisseur; on trouve que, dans ces conditions, -le dégagement de chaleur est augmenté de 4 pour 100 environ de sa -valeur; l'énergie émise par le radium sous forme de rayons pénétrants -n'est donc nullement négligeable. - - -_Effets chimiques produits par les nouvelles substances radioactives. -Colorations._--Les radiations émises par les substances fortement -radioactives sont susceptibles de provoquer certaines transformations, -certaines réactions chimiques. Les rayons émis par les produits -radifères exercent des actions colorantes sur le verre et la -porcelaine[83]. - - [83] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, t. CXXIX, novembre 1899, p. - 823. - -La coloration du verre, généralement brune ou violette, est très -intense; elle se produit dans la masse même du verre, elle persiste -après l'éloignement du radium. Tous les verres se colorent en un temps -plus ou moins long, et la présence du plomb n'est pas nécessaire. Il -convient de rapprocher ce fait de celui, observé récemment, de la -coloration des verres des tubes à vide producteurs des rayons de Röntgen -après un long usage. - -M. Giesel a montré que les sels haloïdes cristallisés des métaux -alcalins (sel gemme, sylvine) se colorent sous l'influence du radium, -comme sous l'action des rayons cathodiques. M. Giesel montre que l'on -obtient des colorations du même genre en faisant séjourner les sels -alcalins dans la vapeur de sodium[84]. - - [84] GIESEL, _Soc. de Phys. allemande_, janvier 1900. - -J'ai étudié la coloration d'une collection de verres de composition -connue, qui m'a été obligeamment prêtée à cet effet par M. Le Chatelier. -Je n'ai pas observé de grande variété dans la coloration. Elle est -généralement violette, jaune, brune ou grise. Elle semble liée à la -présence des métaux alcalins. - -Avec les sels alcalins purs cristallisés on obtient des colorations plus -variées et plus vives; le sel, primitivement blanc, devient bleu, vert, -jaune brun, etc. - -M. Becquerel a montré que le phosphore blanc est transformé en phosphore -rouge par l'action du radium. - -Le papier est altéré et coloré par l'action du radium. Il devient -fragile, s'effrite et ressemble enfin à une passoire criblée de trous. - -Dans certaines circonstances il y a production d'ozone dans le voisinage -de composés très actifs. Les rayons qui sortent d'une ampoule scellée, -renfermant du radium, ne produisent pas d'ozone dans l'air qu'ils -traversent. Au contraire, une forte odeur d'ozone se dégage quand on -ouvre l'ampoule. D'une manière générale l'ozone se produit dans l'air, -quand il y a communication directe entre celui-ci et le radium. La -communication par un conduit même extrêmement étroit est suffisante; il -semble que la production d'ozone soit liée à la propagation de la -radioactivité induite, dont il sera question plus loin. - -Les composés radifères semblent s'altérer avec le temps, sans doute sous -l'action de leur propre radiation. On a vu plus haut que les cristaux de -chlorure de baryum radifères qui sont incolores au moment du dépôt -prennent peu à peu une coloration tantôt jaune ou orangée, tantôt rose; -cette coloration disparaît par la dissolution. Le chlorure de baryum -radifère dégage des composés oxygénés du chlore: le bromure dégage du -brome. Ces transformations lentes s'affirment généralement quelque temps -après la préparation du produit solide, lequel, en même temps, change -d'aspect et de couleur, en prenant une teinte jaune ou violacée. La -lumière émise devient aussi plus violacée. - -Les sels de radium purs semblent éprouver les mêmes transformations que -ceux qui contiennent du baryum. Toutefois les cristaux de chlorure, -déposés en solution acide, ne se colorent pas sensiblement pendant un -temps qui est suffisant, pour que les cristaux de chlorure de baryum -radifères, riches en radium, prennent une coloration intense. - - -_Dégagement de gaz en présence des sels de radium._--Une solution de -bromure de radium dégage des gaz d'une manière continue[85]. Ces gaz -sont principalement de l'hydrogène et de l'oxygène, et la composition du -mélange est voisine de celle de l'eau; on peut admettre qu'il y a -décomposition de l'eau en présence du sel de radium. - - [85] GIESEL, _Ber._, 1903, p. 347.--RAMSAY et SODDY, _Phys. - Zeitschr._, 15 septembre 1903. - -Les sels solides de radium (chlorure, bromure) donnent aussi lieu à un -dégagement continu de gaz. Ces gaz remplissent les pores du sel solide -et se dégagent assez abondamment quand on dissout le sel. On trouve dans -le mélange gazeux de l'hydrogène, de l'oxygène, de l'acide carbonique, -de l'hélium; le spectre des gaz présente aussi quelques raies -inconnues[86]. - - [86] RAMSAY et SODDY, _loc. cit._ - -On peut attribuer à des dégagements gazeux deux accidents qui se sont -produits dans les expériences de M. Curie. Une ampoule de verre mince -scellée, remplie presque complètement par du bromure de radium solide et -sec, a fait explosion deux mois après la fermeture sous l'effet d'un -faible échauffement; l'explosion était probablement due à la pression du -gaz intérieur. Dans une autre expérience une ampoule contenant du -chlorure de radium préparé depuis longtemps communiquait avec un -réservoir d'assez grand volume dans lequel on maintenait un vide très -parfait. L'ampoule ayant été soumise à un échauffement assez rapide vers -300°, le sel fit explosion; l'ampoule fut brisée, et le sel fut projeté -à distance; il ne pouvait y avoir de pression notable dans l'ampoule au -moment de l'explosion. L'appareil avait d'ailleurs été soumis à un essai -de chauffage dans les mêmes conditions en l'absence du sel de radium, et -aucun accident ne s'était produit. - -Ces expériences montrent qu'il y a danger à chauffer du sel de radium -préparé depuis longtemps et qu'il y a aussi danger à conserver pendant -longtemps du radium en tube scellé. - - -_Production de thermoluminescence._--Certains corps, tels que la -fluorine, deviennent lumineux quand on les chauffe; ils sont -thermoluminescents; leur luminosité s'épuise au bout de quelque temps; -mais la faculté de devenir de nouveau lumineux par la chaleur est -restituée à ces corps par l'action d'une étincelle et aussi par l'action -du radium. Le radium peut donc restituer à ces corps leurs propriétés -thermoluminescentes[87]. Lors de la chauffe la fluorine éprouve une -transformation qui est accompagnée d'une émission de lumière. Quand la -fluorine est ensuite soumise à l'action du radium, une transformation se -refait en sens inverse, et elle est encore accompagnée d'une émission de -lumière. - - [87] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900. - -Un phénomène absolument analogue se produit pour le verre exposé aux -rayons du radium. Là aussi une transformation se produit dans le verre, -pendant qu'il est lumineux sous l'action des rayons du radium; cette -transformation est mise en évidence par la coloration qui apparaît et -augmente progressivement. Quand on chauffe ensuite le verre ainsi -modifié, la transformation inverse se produit, la coloration disparaît, -et ce phénomène est accompagné de production de lumière. Il paraît fort -probable qu'il y a là une modification de nature chimique, et la -production de lumière est liée à cette modification. Ce phénomène -pourrait être général. Il pourrait se faire que la production de -fluorescence par l'action du radium et la luminosité des substances -radifères fussent nécessairement liées à un phénomène de transformation -chimique ou physique de la substance qui émet la lumière. - - -_Radiographies._--L'action radiographique des nouvelles substances -radioactives est très intense. Toutefois la manière d'opérer doit être -très différente avec le polonium et le radium. Le polonium n'agit qu'à -très petite distance, et son action est considérablement affaiblie par -des écrans solides; il est facile de la supprimer pratiquement au moyen -d'un écran peu épais (1mm de verre). Le radium agit à des distances -considérablement plus grandes. L'action radiographique des rayons du -radium s'observe à plus de 2m de distance dans l'air, et cela même quand -le produit radiant est enfermé dans une ampoule de verre. Les rayons qui -agissent dans ces conditions appartiennent aux groupes #b# et #g#. -Grâce aux différences qui existent entre la transparence de diverses -matières pour les rayons, on peut, comme avec les rayons Röntgen, -obtenir des radiographies de divers objets. Les métaux sont, en général, -opaques, sauf l'aluminium qui est très transparent. Il n'existe pas de -différence de transparence notable entre les chairs et les os. On peut -opérer à grande distance et avec des sources de très petites dimensions; -on a alors des radiographies très fines. Il est très avantageux, pour la -beauté des radiographies, de renvoyer les rayons #b# de côté, au moyen -d'un champ magnétique, et de n'utiliser que les rayons #g#. Les rayons -#b#, en traversant l'objet à radiographier, éprouvent, en effet, une -certaine diffusion et occasionnent un certain flou. En les supprimant, -on est obligé d'employer des temps de pose plus grands, mais les -résultats sont meilleurs. La radiographie d'un objet, tel qu'un -porte-monnaie, demande un jour avec une source radiante constituée par -quelques centigrammes de sel de radium, enfermé dans une ampoule de -verre et placé à 1m de la plaque sensible, devant laquelle se trouve -l'objet. Si la source est à 20cm de distance de la plaque, le même -résultat est obtenu en une heure. Au voisinage immédiat de la source -radiante, une plaque sensible est instantanément impressionnée. - -[Illustration: Fig. 11. - -Radiographie obtenue avec les rayons du radium.] - - -_Effets physiologiques._--Les rayons du radium exercent une action sur -l'épiderme. Cette action a été observée par M. Walkhoff et confirmée par -M. Giesel, puis par MM. Becquerel et Curie[88]. - - [88] WALKHOFF, _Phot. Rundschau_, octobre 1900.--GIESEL, _Berichte - d. deutsch. chem. Gesell._, t. XXIII.--BECQUEREL et CURIE, _Comptes - rendus_, t. CXXXII, p. 1289. - -Si l'on place sur la peau une capsule en celluloïd ou en caoutchouc -mince renfermant un sel de radium très actif et qu'on l'y laisse -pendant quelque temps, une rougeur se produit sur la peau, soit de -suite, soit au bout d'un temps qui est d'autant plus long que l'action a -été plus faible et moins prolongée; cette tache rouge apparaît à -l'endroit qui a été exposé à l'action; l'altération locale de la peau se -manifeste et évolue comme une brûlure. Dans certains cas il se forme une -ampoule. Si l'exposition a été prolongée, il se produit une ulcération -très longue à guérir. Dans une expérience, M. Curie a fait agir sur son -bras un produit radiant relativement peu actif pendant 10 heures. La -rougeur se manifesta de suite, et il se forma plus tard une plaie qui -mit 4 mois à guérir. L'épiderme a été détruit localement, et n'a pu se -reconstituer à l'état sain que lentement et péniblement avec formation -d'une cicatrice très marquée. Une brûlure au radium avec exposition -d'une demi-heure apparut au bout de 15 jours, forma une ampoule et -guérit en 15 jours. Une autre brûlure, faite avec une exposition de 8 -minutes seulement, occasionna une tache rouge qui apparut au bout de 2 -mois seulement et son effet fut insignifiant. - -L'action du radium sur la peau peut se produire à travers les métaux, -mais elle est affaiblie. Pour se garantir de l'action, il faut éviter de -garder longtemps le radium sur soi autrement qu'enveloppé dans une -feuille de plomb. - -L'action du radium sur la peau a été étudiée par M. le Dr Danlos, à -l'hôpital Saint-Louis, comme procédé de traitement de certaines maladies -de la peau, procédé comparable au traitement par les rayons Röntgen ou -la lumière ultra-violette. Le radium donne à ce point de vue des -résultats encourageants; l'épiderme partiellement détruit par l'action -du radium se reforme à l'état sain. L'action du radium est plus profonde -que celle de la lumière, et son emploi est plus facile que celui de la -lumière ou des rayons Röntgen. L'étude des conditions de l'application -est nécessairement un peu longue, parce qu'on ne peut se rendre compte -immédiatement de l'effet de l'application. - -M. Giesel a remarqué l'action du radium sur les feuilles des plantes. -Les feuilles soumises à l'action jaunissent et s'effritent. - -M. Giesel a également découvert l'action des rayons du radium sur -l'oeil[89]. Quand on place dans l'obscurité un produit radiant au -voisinage de la paupière fermée ou de la tempe, on a la sensation d'une -lumière qui remplit l'oeil. Ce phénomène a été étudié par MM. Himstedt -et Nagel[90]. Ces physiciens ont montré que tous les milieux de l'oeil -deviennent fluorescents par l'action du radium, et c'est ce qui explique -la sensation de lumière perçue. Les aveugles chez lesquels la rétine est -intacte, sont sensibles à l'action du radium, tandis que ceux dont la -rétine est malade n'éprouvent pas la sensation lumineuse due aux rayons. - - [89] GIESEL, _Naturforscherrersammlung_, München, 1899. - - [90] HIMSTEDT et NAGEL, _Ann. der Physik_, t. IV, 1901. - -Les rayons du radium empêchent ou entravent le développement des -colonies microbiennes, mais cette action n'est pas très intense[91]. - - [91] ASCHKINASS et CASPARI, _Ann. der Physik_, t. VI, 1901, p. 570. - -Récemment, M. Danysz a montré que les rayons du radium agissent -énergiquement sur la moelle et sur le cerveau. Après une action d'une -heure, des paralysies se produisent chez les animaux soumis aux -expériences, et ceux-ci meurent généralement au bout de quelques -jours[92]. - - [92] DANYSZ, _Comptes rendus_, 16 février 1903. - - -_Action de la température sur le rayonnement._--On n'a encore que peu de -renseignements sur la manière dont varie l'émission des corps -radioactifs avec la température. Nous savons cependant que l'émission -subsiste aux basses températures. M. Curie a placé dans l'air liquide -un tube de verre qui contenait du chlorure de baryum radifère[93]. La -luminosité du produit radiant persiste dans ces conditions. Au moment où -l'on retire le tube de l'enceinte froide, il paraît même plus lumineux -qu'à la température ambiante. A la température de l'air liquide, le -radium continue à exciter la fluorescence du sulfate d'uranyle et de -potassium. M. Curie a vérifié par des mesures électriques que le -rayonnement, mesuré à une certaine distance de la source radiante, -possède la même intensité quand le radium est à la température ambiante, -ou quand il est dans une enceinte à la température de l'air liquide. -Dans ces expériences, le radium était placé au fond d'un tube fermé à un -bout. Les rayons sortaient du tube par le bout ouvert, traversaient un -certain espace d'air et étaient recueillis dans un condensateur. On -mesurait l'action des rayons sur l'air du condensateur, soit en laissant -le tube dans l'air, soit en l'entourant d'air liquide jusqu'à une -certaine hauteur. Le résultat obtenu était le même dans les deux cas. - - [93] CURIE, _Société de Physique_, 2 mars 1900. - -Quand on porte le radium à une température élevée, sa radioactivité -subsiste. Le chlorure de baryum radifère qui vient d'être fondu (vers -800°) est radioactif et lumineux. Toutefois, une chauffe prolongée à -température élevée a pour effet d'abaisser temporairement la -radioactivité du produit. La baisse est très importante, elle peut -constituer 75 pour 100 du rayonnement total. La baisse proportionnelle -est moins grande sur les rayons absorbables que sur les rayons -pénétrants, qui sont sensiblement supprimés par la chauffe. Avec le -temps, le rayonnement du produit reprend l'intensité et la composition -qu'il avait avant la chauffe; ce résultat est atteint au bout de 2 mois -environ à partir de la chauffe. - - - - -CHAPITRE IV. - -LA RADIOACTIVITÉ INDUITE. - - -_Communication de la radioactivité à des substances primitivement -inactives._--Au cours de nos recherches sur les substances radioactives, -nous avons remarqué, M. Curie et moi, que toute substance qui séjourne -pendant quelque temps au voisinage d'un sel radifère devient elle-même -radioactive[94]. Dans notre première publication à ce sujet, nous nous -sommes attachés à prouver que la radioactivité, ainsi acquise par des -substances primitivement inactives, n'est pas due à un transport de -poussières radioactives qui seraient venues se poser à la surface de ces -substances. Ce fait, actuellement certain, est prouvé en toute évidence -par l'ensemble des expériences qui seront décrites ici, et notamment par -les lois suivant lesquelles la radioactivité provoquée dans les -substances naturellement inactives disparaît quand on soustrait ces -substances à l'action du radium. - - [94] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 6 novembre 1899. - -Nous avons donné au phénomène nouveau ainsi découvert le nom de -_radioactivité induite_. - -Dans la même publication, nous avons indiqué les caractères essentiels -de la radioactivité induite. Nous avons activé des lames de substances -diverses, en les plaçant au voisinage de sels radifères solides et nous -avons étudié la radioactivité de ces lames par la méthode électrique. -Nous avons observé ainsi les faits suivants: - -1º L'activité d'une lame exposée à l'action du radium augmente avec le -temps de l'exposition en se rapprochant d'une certaine limite, suivant -une loi asymptotique. - -2º L'activité d'une lame qui a été activée par l'action du radium et qui -a été ensuite soustraite à cette action disparaît en quelques jours. -Cette activité induite tend vers zéro en fonction du temps, suivant une -loi asymptotique. - -3º Toutes conditions égales d'ailleurs, la radioactivité induite par un -même produit radifère sur diverses lames est indépendante de la nature -de la lame. Le verre, le papier, les métaux s'activent avec la même -intensité. - -4º La radioactivité induite sur une même lame par divers produits -radifères a une valeur limite d'autant plus élevée que le produit est -plus actif. - -Peu de temps après, M. Rutherford publia un travail, duquel il résulte -que les composés du thorium sont capables de produire le phénomène de la -radioactivité induite[95]. M. Rutherford trouva pour ce phénomène les -mêmes lois que celles qui viennent d'être exposées, et il découvrit en -plus ce fait important, que les corps chargés d'électricité négative -s'activent plus énergiquement que les autres. M. Rutherford observa -d'ailleurs que l'air qui a passé sur de l'oxyde de thorium conserve -pendant 10 minutes environ une conductibilité notable. L'air qui est -dans cet état communique la radioactivité induite à des substances -inactives, surtout à celles chargées négativement. M. Rutherford -interprète ses expériences en admettant que les composés du thorium, et -surtout l'oxyde, émettent une _émanation radioactive_ particulière, -susceptible d'être entraînée par les courants d'air et chargée -d'électricité positive. Cette émanation serait la cause de la -radioactivité induite. M. Dorn a reproduit, avec les sels de baryum -radifères, les expériences que M. Rutherford avait faites avec de -l'oxyde de thorium[96]. - - [95] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier et février 1900. - - [96] DORN, _Abh. Naturforsch. Gesell. Halle_, juin 1900. - -M. Debierne a montré que l'actinium provoque, d'une façon extrêmement -intense, l'activité induite des corps placés dans son voisinage. De même -que pour le thorium, il se produit un entraînement considérable de -l'activité par les courants d'air[97]. - - [97] DEBIERNE, _Comptes rendus_, 30 juillet 1900; 16 février 1903. - -La radioactivité induite se présente sous des aspects très variés, et -quand on produit l'activation d'une substance au voisinage du radium à -l'air libre, on obtient des résultats irréguliers. MM. Curie et Debierne -ont remarqué que le phénomène est, au contraire, très régulier quand on -opère en vase clos; ils ont donc étudié l'activation en enceinte -fermée[98]. - - [98] CURIE et DEBIERNE, _Comptes rendus_, 4 mars 1901. - - -_Activation en enceinte fermée._--La radioactivité induite est à la fois -plus intense et plus régulière quand on opère en vase clos. La matière -active est placée dans une petite ampoule en verre _a_ ouverte en _o_ -(_fig._ 11) au milieu d'une enceinte close. Diverses plaques A, B, C, D, -E placées dans l'enceinte deviennent radioactives au bout d'un jour -d'exposition. L'activité est la même, quelle que soit la nature de la -plaque, à dimensions égales plomb, cuivre, aluminium, verre, ébonite, -cire, carton, paraffine. L'activité d'une face de l'une des lames est -d'autant plus grande, que l'espace libre en regard de cette face est -plus grand. - -Si l'on répète l'expérience précédente avec l'ampoule _a_ complètement -fermée, on n'obtient aucune activité induite. - -Le rayonnement du radium n'intervient pas directement dans la -production de la radioactivité induite. C'est ainsi que, dans -l'expérience précédente, la lame D, protégée du rayonnement par l'écran -en plomb épais PP, est activée autant que B et E. - -[Illustration: Fig. 12.] - -La radioactivité se transmet par l'air de proche en proche depuis la -matière radiante jusqu'au corps à activer. Elle peut même se transmettre -au loin par des tubes capillaires très étroits. - -La radioactivité induite est à la fois plus intense et plus régulière, -si l'on remplace le sel radifère activant solide par sa dissolution -aqueuse. - -Les liquides sont susceptibles d'acquérir la radioactivité induite. On -peut, par exemple, rendre radioactive l'eau pure, en la plaçant dans un -vase à l'intérieur d'une enceinte close qui renferme également une -solution d'un sel radifère. - -Certaines substances deviennent lumineuses, quand on les place dans une -enceinte activante (corps phosphorescents et fluorescents, verre, -papier, coton, eau, solutions salines). Le sulfure de zinc -phosphorescent est particulièrement brillant dans ces conditions. La -radioactivité de ces corps lumineux est cependant la même que celle d'un -morceau de métal ou autre corps qui s'active dans les mêmes conditions -sans devenir lumineux. - -Quelle que soit la substance que l'on active en vase clos, cette -substance prend une activité qui augmente avec le temps et finit par -atteindre _une valeur limite_, toujours la même, quand on opère avec la -même matière activante et le même dispositif expérimental. - -_La radioactivité induite limite est indépendante de la nature et de la -pression du gaz qui se trouve dans l'enceinte activante_ (air, -hydrogène, acide carbonique). - -_La radioactivité induite limite dans une même enceinte dépend seulement -de la quantité de radium qui s'y trouve_ à l'état de solution, et semble -lui être proportionnelle. - - -_Rôle des gaz dans les phénomènes de radioactivité induite. -Émanation._--Les gaz présents dans une enceinte qui renferme un sel -solide ou une solution de sel de radium sont radioactifs. Cette -radioactivité persiste si l'on aspire les gaz avec une trompe et qu'on -les recueille dans une éprouvette. Les parois de l'éprouvette deviennent -alors elles-mêmes radioactives, et le verre de l'éprouvette est lumineux -dans l'obscurité. L'activité et la luminosité de l'éprouvette -disparaissent ensuite complètement, mais fort lentement, et l'on peut au -bout d'un mois constater encore la radioactivité. - -Dès le début de nos recherches, nous avons, M. Curie et moi, extrait en -chauffant la pechblende un gaz fortement radioactif, mais, comme dans -l'expérience précédente, l'activité de ce gaz avait fini par disparaître -complètement[99]. - - [99] P. CURIE et Mme CURIE, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900. - -Ainsi, pour le thorium, le radium, l'actinium, la radioactivité induite -se propage de proche en proche à travers les gaz, depuis le corps actif -jusqu'aux parois de l'enceinte qui le renferme, et la propriété -activante est entraînée avec le gaz lui-même, quand on extrait celui-ci -de l'enceinte. - -Quand on mesure la radioactivité de matières radifères par la méthode -électrique au moyen de l'appareil (_fig._ 1) l'air entre les plateaux -devient également radioactif; cependant, en envoyant un courant d'air -entre les plateaux, on n'observe pas de baisse notable dans l'intensité -du courant, ce qui prouve que la radioactivité répandue dans l'espace -entre les plateaux est peu importante par rapport à celle du radium -lui-même à l'état solide. - -Il en est tout autrement dans le cas du thorium. Les irrégularités que -j'avais observées en mesurant la radioactivité des composés du thorium -provenaient du fait qu'à cette époque je travaillais avec un -condensateur ouvert à l'air; or le moindre courant d'air produit un -changement considérable dans l'intensité du courant, parce que la -radioactivité répandue dans l'espace au voisinage du thorium est -importante par rapport à la radioactivité de la substance. - -Cet effet est encore bien plus marqué pour l'actinium. Un composé très -actif d'actinium paraît beaucoup moins actif quand on envoie un courant -d'air sur la substance. - -L'énergie radioactive est donc renfermée dans les gaz sous une forme -spéciale. M. Rutherford suppose que certains corps radioactifs dégagent -constamment un gaz matériel radioactif qu'il appelle _émanation_. C'est -ce gaz qui aurait la propriété de rendre radioactifs les corps qui se -trouvent dans l'espace où il est répandu. Les corps qui émettent de -l'émanation sont le radium, le thorium et l'actinium. - - -_Désactivation à l'air libre des corps solides activés._--Un corps -solide, qui a été activé par le radium dans une enceinte activante -pendant un temps suffisant, et qui a été ensuite retiré de l'enceinte, -se désactive à l'air libre suivant une loi d'allure exponentielle qui -est la même pour tous les corps et qui est représentée par la formule -suivante[100]: - - I = I_0 ( _a e_^{-t/#Th#_1} - (_a_ - 1) _e_^{-t/#Th_2}), - -I_{0} étant l'intensité initiale du rayonnement au moment où l'on retire -la lame de l'enceinte, I l'intensité au temps _t_; _a_ est un -coefficient numérique _a_ = 4.20; #Th#_{1} et #Th#_{2} sont des -constantes de temps: #Th#_{1} = 2420 secondes, #Th#_{2} = 1860 secondes. -Au bout de 2 ou 3 heures cette loi se réduit sensiblement à une -exponentielle simple: l'influence de la seconde exponentielle sur la -valeur de I ne se fait plus sentir. La loi de désactivation est alors -telle que l'intensité du rayonnement baisse de la moitié de sa valeur en -28 minutes. Cette loi finale peut être considérée comme caractéristique -de la désactivation à l'air libre des corps solides activés par le -radium. - - [100] CURIE et DANNE, _Comptes rendus_, 9 février 1903. - -Les corps solides activés par l'actinium se désactivent à l'air libre -suivant une loi exponentielle voisine de la précédente. Mais cependant -la désactivation est un peu plus lente[101]. - - [101] DEBIERNE, _Comptes rendus_, 16 février 1903. - -Les corps solides activés par le thorium se désactivent beaucoup plus -lentement; l'intensité du rayonnement baisse de moitié en 11 -heures[102]. - - [102] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, février 1900. - -_Désactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de -l'émanation[103]._--Une enceinte fermée activée par le radium et -soustraite ensuite à son action, se désactive suivant une loi beaucoup -moins rapide que celle de la désactivation à l'air libre. On peut, par -exemple, faire l'expérience avec un tube en verre que l'on active -intérieurement, en le mettant pendant un certain temps en communication -avec une solution d'un sel de radium. On scelle ensuite le tube à la -lampe, et l'on mesure l'intensité du rayonnement émis à l'extérieur par -les parois du tube, pendant que la désactivation se produit. - - [103] P. CURIE, _Comptes rendus_, 17 novembre 1902. - -La loi de désactivation est une loi exponentielle. Elle est donnée avec -une grande exactitude par la formule - - I = I_0 _e_^{-t/#Th#} - -I_{0} intensité du rayonnement initial; - -I, intensité du rayonnement au temps _t_; - -#Th#, une constante de temps #Th# = 4.970 × 10^5 secondes. - -L'intensité du rayonnement diminue de moitié en 4 jours. - -Cette loi de désactivation est absolument invariable, quelles que soient -les conditions de l'expérience (dimensions de l'enceinte, nature des -parois, nature du gaz dans l'enceinte, durée de l'activation, etc.). La -loi de désactivation reste la même, quelle que soit la température entre --180° et +450°. Cette loi de désactivation est donc tout à fait -caractéristique et pourrait servir à définir un _étalon de temps_ -absolument indépendant. - -Dans ces expériences, c'est l'énergie radioactive accumulée dans le gaz -qui entretient l'activité des parois. Si, en effet, on supprime le gaz -en faisant le vide dans l'enceinte, on constate que les parois se -désactivent ensuite suivant le mode rapide de désactivation, l'intensité -du rayonnement diminuant de moitié en 28 minutes. Ce même résultat est -obtenu en substituant dans l'enceinte de l'air ordinaire à l'air activé. - -La loi de désactivation avec baisse de moitié en 4 jours est donc -caractéristique de la disparition de l'énergie radioactive accumulée -dans le gaz. Si l'on se sert de l'expression adoptée par M. Rutherford, -on peut dire que l'émanation du radium disparaît spontanément en -fonction du temps avec baisse de moitié en 4 jours. - -L'émanation du thorium est d'une autre nature et disparaît beaucoup plus -rapidement. Le pouvoir d'activation diminue de moitié en 1 minute 10 -secondes environ. - -L'émanation de l'actinium disparaît encore plus rapidement; la baisse de -moitié a lieu en quelques secondes. - -MM. Elster et Geitel ont montré qu'il existe toujours dans l'air -atmosphérique, en très faible proportion, une émanation radioactive -analogue à celles émises par les corps radioactifs. Des fils métalliques -tendus dans l'air et maintenus à un potentiel négatif s'activent sous -l'influence de cette émanation. L'air que l'on aspire au moyen d'un tube -enfoncé dans le sol est particulièrement chargé d'émanation[104]. -L'origine de cette émanation est encore inconnue. - - [104] ELSTER et GEITEL, _Physik. Zeitschrift_, 15 septembre 1902. - -L'air extrait de certaines eaux minérales contient de l'émanation tandis -que l'air contenu dans l'eau de la mer et des rivières en est à peu près -exempt. - - -_Nature des émanations._--Suivant M. Rutherford l'émanation d'un corps -radioactif est un gaz matériel radioactif qui s'échappe de ce corps. En -effet, à bien des points de vue, l'émanation du radium se comporte comme -un gaz ordinaire. - -Quand on met en communication deux réservoirs en verre dont l'un -contient de l'émanation tandis que l'autre n'en contient pas, -l'émanation passe en se diffusant dans le deuxième réservoir, et quand -l'équilibre est établi, on constate que l'émanation s'est partagée entre -les deux réservoirs comme le ferait un gaz ordinaire: si les deux -réservoirs sont à la même température, l'émanation se partage entre eux -dans le rapport de leurs volumes; s'ils sont à des températures -différentes, elle se partage entre eux comme un gaz parfait obéissant -aux lois de Mariotte et de Gay-Lussac. Pour établir ce résultat il -suffit de mesurer le rayonnement du premier réservoir avant et après le -partage; ce rayonnement est proportionnel à la quantité d'émanation -contenue dans le réservoir. Mais, comme la diffusion de l'émanation -demande un certain temps jusqu'à ce que l'équilibre soit établi, il est -nécessaire, pour l'exactitude du calcul relatif à l'expérience, de tenir -compte de la destruction spontanée de l'émanation avec le temps[105]. - - [105] P. CURIE et J. DANNE, _Comptes rendus_, 2 juin 1903. - -L'émanation du radium se diffuse le long d'un tube étroit suivant les -lois de la diffusion des gaz, et son coefficient de diffusion est -comparable à celui de l'acide carbonique[106]. - - [106] P. CURIE et J. DANNE, _Comptes rendus_, 2 juin 1903. - -MM. Rutherford et Soddy ont montré que les émanations du radium et du -thorium se condensent à la température de l'air liquide, comme le -feraient des gaz qui seraient liquéfiables à cette température. Un -courant d'air chargé d'émanation perd ses propriétés radioactives en -traversant un serpentin qui plonge dans l'air liquide; l'émanation reste -condensée dans le serpentin, et elle se retrouve à l'état gazeux quand -on réchauffe celui-ci. L'émanation du radium se condense à -150°, celle -du thorium à une température comprise entre -100° et -150°[107]. On peut -faire l'expérience suivante: deux réservoirs de verre fermés, l'un -grand, l'autre petit, communiquent ensemble par un tube court muni d'un -robinet; ils sont remplis de gaz activé par le radium et sont par suite -tous les deux lumineux. On plonge le petit réservoir dans l'air liquide, -toute l'émanation s'y condense; au bout d'un certain temps on sépare -les deux réservoirs l'un de l'autre en fermant le robinet, et l'on -retire ensuite le petit réservoir de l'air liquide. On constate que -c'est le petit réservoir qui contient toute l'activité. Pour s'en -assurer il suffit d'observer la phosphorescence du verre des deux -réservoirs. Le grand réservoir n'est plus lumineux, tandis que le petit -est plus lumineux qu'au début de l'expérience. L'expérience est -particulièrement brillante si l'on a eu soin d'enduire les parois des -deux réservoirs de sulfure de zinc phosphorescent. - - [107] RUTHERFORD et SODDY, _Phil. Mag._, mai 1903. - -Toutefois, si l'émanation du radium est tout à fait comparable à un gaz -liquéfiable, la température de condensation par refroidissement devrait -être fonction de la quantité d'émanation contenue dans un certain volume -d'air; ce qui n'a pas été signalé. - -On doit aussi faire remarquer que l'émanation passe avec une grande -facilité à travers les trous ou les fissures les plus ténues des corps -solides, dans des conditions où les gaz matériels ordinaires ne peuvent -circuler qu'avec une lenteur extrême. - -Enfin, l'émanation du radium se distingue d'un gaz matériel ordinaire en -ce qu'elle se détruit spontanément quand elle est enfermée en tube de -verre scellé; tout au moins observe-t-on, dans ces conditions, la -disparition de la propriété radioactive. Cette propriété radioactive est -d'ailleurs encore actuellement la seule qui caractérise l'émanation à -notre connaissance, car jusqu'à présent on n'a encore établi avec -certitude ni l'existence d'un spectre caractéristique de l'émanation, ni -une pression due à l'émanation. - -Toutefois tout récemment MM. Ramsay et Soddy ont observé, dans le -spectre des gaz extraits du radium, des raies nouvelles qui pourraient, -à leur avis, appartenir à l'émanation du radium. Ils ont aussi constaté -que les gaz extraits du radium contiennent de l'hélium, et que ce -dernier gaz se forme spontanément en présence de l'émanation du -radium[108]. Si ces résultats, dont l'importance est considérable, se -confirment, on pourra être amené à considérer l'émanation comme un gaz -matériel instable, et l'hélium serait peut-être un des produits de la -désagrégation de ce gaz. - - [108] RAMSAY et SODDY, _Physikalische Zeitschrift_, 15 septembre 1903. - -Les émanations du radium et du thorium ne semblent pas être altérées par -divers agents chimiques très énergiques, et pour cette raison MM. -Rutherford et Soddy les assimilent à des gaz de la famille de -l'argon[109]. - - [109] _Phil. Mag._, 1902, p. 580; 1903, p. 457. - - -_Variation d'activité des liquides activés et des solutions -radifères._--Un liquide quelconque devient radioactif lorsqu'il est -placé dans un vase dans une enceinte activante. Si l'on retire le -liquide de l'enceinte et qu'on le laisse à l'air libre, il se désactive -rapidement en transmettant son activité aux gaz et aux corps solides qui -l'entourent. Si l'on enferme un liquide activé dans un flacon fermé, il -se désactive bien plus lentement et l'activité baisse alors de moitié en -4 jours, comme cela arriverait pour un gaz activé enfermé dans un vase -clos. On peut expliquer ce fait en admettant que l'énergie radioactive -est emmagasinée dans les liquides sous une forme identique à celle sous -laquelle elle est emmagasinée dans un gaz (sous forme d'émanation). - -Une dissolution d'un sel radifère se comporte en partie d'une façon -analogue. Tout d'abord, il est fort remarquable que la solution d'un sel -de radium, qui est placée depuis quelque temps dans une enceinte close, -n'est pas plus active que de l'eau pure placée dans un vase contenu dans -la même enceinte, lorsque l'équilibre d'activité s'est établi. Si l'on -retire de l'enceinte la solution radifère et qu'on la laisse à l'air -dans un vase largement ouvert, l'activité se répand dans l'espace, et la -solution devient à peu près inactive, bien qu'elle contienne toujours le -radium. Si alors on enferme cette solution désactivée dans un flacon -fermé, elle reprend peu à peu, en une quinzaine de jours, une activité -limite qui peut être considérable. Au contraire, un liquide activé qui -ne renferme pas de radium et qui a été désactivé à l'air libre, ne -reprend pas son activité quand on le met dans un flacon fermé. - - -_Théorie de la radioactivité._--Voici, d'après MM. Curie et Debierne, -une théorie très générale qui permet de coordonner les résultats de -l'étude de la radioactivité induite, résultats que je viens d'exposer et -qui constituent des faits indépendants de toute hypothèse[110]. - - [110] CURIE et DEBIERNE, _Comptes rendus_, 29 juillet 1901. - -On peut admettre que chaque atome de radium fonctionne comme une source -continue et constante d'énergie, sans qu'il soit, d'ailleurs, nécessaire -de préciser d'où vient cette énergie. L'énergie radioactive qui -s'accumule dans le radium tend à se dissiper de deux façons différentes: -1º par rayonnement (rayons chargés et non chargés d'électricité); 2º par -conduction, c'est-à-dire par transmission de proche en proche aux corps -environnants, par l'intermédiaire des gaz et des liquides (dégagement -d'émanation et transformation en radioactivité induite). - -La perte d'énergie radioactive, tant par rayonnement que par conduction, -croît avec la quantité d'énergie accumulée dans le corps radioactif. Un -équilibre de régime doit s'établir nécessairement quand, la double -perte, dont je viens de parler, compense l'apport continu fait par le -radium. Cette manière de voir est analogue à celle qui est en usage dans -les phénomènes calorifiques. Si, dans l'intérieur d'un corps, il se -fait, pour une raison quelconque, un dégagement continu et constant de -chaleur, la chaleur s'accumule dans le corps, et la température s'élève, -jusqu'à ce que la perte de chaleur par rayonnement et par conduction -fasse équilibre à l'apport continu de chaleur. - -En général, sauf dans certaines conditions spéciales, l'activité ne se -transmet pas de proche en proche à travers les corps solides. Lorsqu'on -conserve une dissolution en tube scellé, la perte par rayonnement -subsiste seule, et l'activité radiante de la dissolution prend une -valeur élevée. - -Si, au contraire, la dissolution se trouve dans un vase ouvert, la perte -d'activité de proche en proche, par conduction, devient considérable, -et, lorsque l'état de régime est atteint, l'activité radiante de la -dissolution est très faible. - -L'activité radiante d'un sel radifère solide, laissé à l'air libre, ne -diminue pas sensiblement, parce que, la propagation de la radioactivité -par conduction ne se faisant pas à travers les corps solides, c'est -seulement une couche superficielle très mince qui produit la -radioactivité induite. On constate, en effet, que la dissolution du même -sel produit des phénomènes de radioactivité induite beaucoup plus -intenses. Avec un sel solide l'énergie radioactive s'accumule dans le -sel et se dissipe surtout par rayonnement. Au contraire, lorsque le sel -est en dissolution dans l'eau depuis quelques jours, l'énergie -radioactive est répartie entre l'eau et le sel, et si on les sépare par -distillation, l'eau entraîne une grande partie de l'activité, et le sel -solide est beaucoup moins actif (10 ou 15 fois) qu'avant dissolution. -Ensuite le sel solide reprend peu à peu son activité primitive. - -On peut chercher à préciser encore davantage la théorie qui précède, en -imaginant que la radioactivité du radium lui-même se produit au moins -en grande partie par l'intermédiaire de l'énergie radioactive émise sous -forme d'émanation. - -On peut admettre que chaque atome de radium est une source continue et -constante d'émanation. En même temps que cette forme d'énergie se -produit, elle éprouve progressivement une transformation en énergie -radioactive de rayonnement Becquerel; la vitesse de cette transformation -est proportionnelle à la quantité d'émanation accumulée. - -Quand une solution radifère est enfermée dans une enceinte, l'émanation -peut se répandre dans l'enceinte et sur les parois. C'est donc là -qu'elle est transformée en rayonnement, tandis que la solution n'émet -que peu de rayons Becquerel,--le rayonnement est, en quelque sorte, -_extériorisé_. Au contraire, dans le radium solide, l'émanation, ne -pouvant s'échapper facilement, s'accumule et se transforme sur place en -rayonnement Becquerel; ce rayonnement atteint donc une valeur -élevée[111]. - - [111] CURIE, _Comptes rendus_, 26 janvier 1903. - -Si cette théorie de la radioactivité était générale, il faudrait -admettre que tous les corps radioactifs émettent de l'émanation. Or, -cette émission a été constatée pour le radium, le thorium et l'actinium; -ce dernier corps en émet énormément même à l'état solide. L'uranium et -le polonium ne semblent pas émettre d'émanation, bien qu'ils émettent -des rayons Becquerel. Ces corps ne produisent pas la radioactivité -induite en vase clos comme les corps radioactifs cités précédemment. Ce -fait n'est pas en contradiction absolue avec la théorie qui précède. Si, -en effet, l'uranium et le polonium émettaient des émanations qui se -détruisent avec une très grande rapidité, il serait très difficile -d'observer l'entraînement de ces émanations par l'air et les effets de -radioactivité induite produits par elles sur les corps voisins. Une -telle hypothèse n'est nullement invraisemblable, puisque les temps -pendant lesquels les quantités d'émanation du radium et du thorium -diminuent de moitié sont entre eux comme 5000 est à 1. On verra -d'ailleurs que dans certaines conditions l'uranium peut provoquer la -radioactivité induite. - - -_Autre forme de la radioactivité induite._--D'après la loi de -désactivation à l'air libre des corps solides activés par le radium, -l'activité radiante au bout d'une journée est à peu près insensible. - -Certains corps cependant font exception: tels sont le celluloïd, la -paraffine, le caoutchouc, etc. Quand ces corps ont été activés assez -longtemps, ils se désactivent plus lentement que ne le veut la loi, et -il faut souvent quinze ou vingt jours pour que l'activité devienne -insensible. Il semble que ces corps aient la propriété de s'imprégner de -l'énergie radioactive sous forme d'émanation; ils la perdent ensuite peu -à peu en produisant la radioactivité induite dans leur voisinage. - - -_Radioactivité induite à évolution lente._--On observe encore une tout -autre forme de radioactivité induite, qui semble se produire sur tous -les corps, quand ils ont séjourné pendant des mois dans une enceinte -activante. Quand ces corps sont retirés de l'enceinte, leur activité -diminue d'abord jusqu'à une valeur très faible suivant la loi ordinaire -(diminution de moitié en une demi-heure); mais, quand l'activité est -tombée à 1/20000 environ de la valeur initiale, elle ne diminue plus ou -du moins elle évolue avec une lenteur extrême, quelquefois même elle va -en augmentant. Nous avons des lames de cuivre, d'aluminium, de verre qui -conservent ainsi une activité résiduelle depuis plus de six mois. - -Ces phénomènes d'activité induite semblent être d'une tout autre nature -que ceux ordinaires, et ils offrent une évolution beaucoup plus lente. - -Un temps considérable est nécessaire aussi bien pour la production que -pour la disparition de cette forme de radioactivité induite. - - -_Radioactivité induite sur des substances qui séjournent en dissolution -avec le radium._--Quand on traite un minerai radioactif contenant du -radium, pour en extraire ce corps, et tant que le travail n'est pas -avancé, on réalise des séparations chimiques, après lesquelles la -radioactivité se trouve entièrement avec l'un des produits de la -réaction, l'autre produit étant entièrement inactif. On sépare ainsi -d'un côté des produits radiants qui peuvent être plusieurs centaines de -fois plus actifs que l'uranium, de l'autre côté du cuivre, de -l'antimoine, de l'arsenic, etc., absolument inactifs. Certains autres -corps (le fer, le plomb) n'étaient jamais séparés à l'état complètement -inactif. A mesure que les corps radiants se concentrent, il n'en est -plus de même; aucune séparation chimique ne fournit plus de produits -absolument inactifs; toutes les portions résultant d'une séparation sont -toujours actives à des degrés variables. - -Après la découverte de la radioactivité induite, M. Giesel essaya le -premier d'activer le bismuth inactif ordinaire en le maintenant en -solution avec du radium très actif. Il obtint ainsi du bismuth -radioactif[112], et il en conclut que le polonium extrait de la -pechblende était probablement du bismuth activé par le voisinage du -radium contenu dans la pechblende. - - [112] GIESEL, _Société de Physique de Berlin_, janvier 1900. - -J'ai également préparé du bismuth activé en maintenant le bismuth en -dissolution avec un sel radifère très actif. - -Les difficultés de cette expérience consistent dans les soins extrêmes -qu'il faut prendre pour éliminer le radium de la dissolution. Si l'on -songe à la quantité infinitésimale de radium qui suffit pour produire -dans un gramme de matière une radioactivité très notable, on ne croit -jamais avoir assez lavé et purifié le produit activé. Or, chaque -purification entraîne une baisse d'activité du produit activé, soit que -réellement on en retire des traces de radium, soit que la radioactivité -induite dans ces conditions ne résiste pas aux transformations -chimiques. - -Les résultats que j'obtiens semblent cependant établir avec certitude -que l'activation se produit et persiste après que l'on a séparé le -radium. C'est ainsi qu'en fractionnant le nitrate de mon bismuth activé -par précipitation de la solution azotique par l'eau, je trouve que, -après purification très soigneuse, il se fractionne comme le polonium, -la partie la plus active étant précipitée en premier. - -Si la purification est insuffisante, c'est le contraire qui se produit, -indiquant que des traces de radium se trouvaient encore avec le bismuth -activé. J'ai obtenu ainsi du bismuth activé pour lequel le sens du -fractionnement indiquait une grande pureté et qui était 2000 fois plus -actif que l'uranium. Ce bismuth diminue d'activité avec le temps. Mais -une autre partie du même produit, préparée avec les mêmes précautions et -se fractionnant dans le même sens, conserve son activité sans diminution -sensible depuis un temps qui est actuellement de trois ans environ. - -Cette activité est 150 fois plus grande que celle de l'uranium. - -J'ai activé également du plomb et de l'argent en les laissant en -dissolution avec le radium. Le plus souvent la radioactivité induite -ainsi obtenue ne diminue guère avec le temps, mais elle ne résiste -généralement pas à plusieurs transformations chimiques successives du -corps activé. - -M. Debierne[113] a activé du baryum en le laissant en solution avec -l'actinium. Ce baryum activé reste actif après diverses transformations -chimiques, son activité est donc une propriété atomique assez stable. Le -chlorure de baryum activé se fractionne comme le chlorure de baryum -radifère, les parties les plus actives étant les moins solubles dans -l'eau et l'acide chlorhydrique étendu. Le chlorure sec est spontanément -lumineux; son rayonnement Becquerel est analogue à celui du chlorure de -baryum radifère. M. Debierne a obtenu du chlorure de baryum activé 1000 -fois plus actif que l'uranium. Ce baryum n'avait cependant pas acquis -tous les caractères du radium, car il ne montrait au spectroscope aucune -des raies les plus fortes du radium. De plus son activité diminua avec -le temps, et au bout de trois semaines elle était devenue trois fois -plus faible qu'au début. - - [113] DEBIERNE, _Comptes rendus_, juillet 1900. - -Il y a toute une étude à faire sur l'activation des substances en -dissolution avec les corps radioactifs. Il semble que, suivant les -conditions de l'expérience, on puisse obtenir des formes de -radioactivité induite atomique plus ou moins stables. La radioactivité -induite dans ces conditions est peut-être la même que la forme à -évolution lente que l'on obtient par activation prolongée à distance -dans une enceinte activante. Il y a lieu de se demander jusqu'à quel -degré la radioactivité induite atomique affecte la nature chimique de -l'atome, et si elle peut modifier les propriétés chimiques de celui-ci, -soit d'une façon passagère, soit d'une façon stable. - -L'étude chimique des corps activés à distance est rendue difficile par -ce fait que l'activation est limitée à une couche superficielle très -mince, et que, par suite, la proportion de matière qui a pu être -atteinte par la transformation est extrêmement faible. - -La radioactivité induite peut aussi être obtenue en laissant certaines -substances en dissolution avec l'uranium. L'expérience réussit avec le -baryum. Si, comme l'a fait M. Debierne, on ajoute de l'acide sulfurique -à une solution qui contient de l'uranium et du baryum, le sulfate de -baryum précipité entraîne de l'activité; en même temps le sel d'uranium -perd une partie de la sienne. M. Becquerel a trouvé qu'en répétant cette -opération plusieurs fois, on obtient de l'uranium à peine actif. On -pourrait croire, d'après cela, que dans cette opération on a réussi à -séparer de l'uranium un corps radioactif différent de ce métal, et dont -la présence produisait la radioactivité de l'uranium. Cependant il n'en -est rien, car au bout de quelques mois l'uranium reprend son activité -primitive; au contraire, le sulfate de baryum précipité perd celle qu'il -avait acquise. - -Un phénomène analogue se produit avec le thorium. M. Rutherford -précipite une solution de sel de thorium par l'ammoniaque; il sépare la -solution et l'évapore à sec. Il obtient ainsi un petit résidu très -actif, et le thorium précipité se montre moins actif qu'auparavant. Ce -résidu actif, auquel M. Rutherford donne le nom de _thorium x_, perd son -activité avec le temps, tandis que le thorium reprend son activité -primitive[114]. - - [114] RUTHERFORD et SODDY, _Zeitschr. für physik. Chemie._, t. XLII, - 1902, p. 81. - -Il semble qu'en ce qui concerne la radioactivité induite en dissolution, -les divers corps ne se comportent pas tous de la même façon, et que -certains d'entre eux sont bien plus susceptibles de s'activer que les -autres. - - -_Dissémination des poussières radioactives et radioactivité induite du -laboratoire._--Lorsqu'on fait des études sur les substances fortement -radioactives, il faut prendre des précautions particulières si l'on veut -pouvoir continuer à faire des mesures délicates. Les divers objets -employés dans le laboratoire de chimie, et ceux qui servent pour les -expériences de physique, ne tardent pas à être tous radioactifs et à -agir sur les plaques photographiques au travers du papier noir. Les -poussières, l'air de la pièce, les vêtements sont radioactifs. L'air de -la pièce est conducteur. Dans le laboratoire, où nous travaillons, le -mal est arrivé à l'état aigu, et nous ne pouvons plus avoir un appareil -bien isolé. - -Il y a donc lieu de prendre des précautions particulières pour éviter -autant que possible la dissémination des poussières actives, et pour -éviter aussi les phénomènes d'activité induite. - -Les objets employés en chimie ne doivent jamais être emportés dans la -salle d'études physiques, et il faut autant que possible éviter de -laisser séjourner inutilement dans cette salle les substances actives. -Avant de commencer ces études nous avions coutume, dans les travaux -d'électricité statique, d'établir la communication entre les divers -appareils par des fils métalliques isolés protégés par des cylindres -métalliques en relation avec le sol, qui préservaient les fils contre -toute influence électrique extérieure. Dans les études sur les corps -radioactifs, cette disposition est absolument défectueuse; l'air étant -conducteur, l'isolement entre le fil et le cylindre est mauvais, et la -force électromotrice de contact inévitable entre le fil et le cylindre -tend à produire un courant à travers l'air et à faire dévier -l'électromètre. Nous mettons maintenant tous les fils de communication à -l'abri de l'air en les plaçant, par exemple, au milieu de cylindres -remplis de paraffine ou d'une autre matière isolante. Il y aurait aussi -avantage à faire usage, dans ces études, d'électromètres -_rigoureusement_ clos. - - -_Activation en dehors de l'action des substances radioactives._--Des -essais ont été faits en vue de produire la radioactivité induite en -dehors de l'action des substances radioactives. - -M. Villard[115] a soumis à l'action des rayons cathodiques un morceau de -bismuth placé comme anticathode dans un tube de Crookes; ce bismuth a -été ainsi rendu actif, à vrai dire, d'une façon extrêmement faible, car -il fallait 8 jours de pose pour obtenir une impression photographique. - - [115] VILLARD, _Société de Physique_, juillet 1900. - -M. Mac Lennan expose divers sels à l'action des rayons cathodiques et -les chauffe ensuite légèrement. Ces sels acquièrent alors la propriété -de décharger les corps chargés positivement[116]. - - [116] MAC LENNAN, _Phil. Mag._, février 1902. - -Les études de ce genre offrent un grand intérêt. Si, en se servant -d'agents physiques connus, il était possible de créer dans des corps -primitivement inactifs une radioactivité notable, nous pourrions espérer -de trouver ainsi la cause de la radioactivité spontanée de certaines -matières. - - -_Variations d'activité des corps radioactifs. Effets de -dissolution._--Le polonium, comme je l'ai dit plus haut, diminue -d'activité avec le temps. Cette baisse est lente, elle ne semble pas se -faire avec la même vitesse pour tous les échantillons. Un échantillon de -nitrate de bismuth à polonium a perdu la moitié de son activité en 11 -mois et 95 pour 100 de son activité en 33 mois. D'autres échantillons -ont éprouvé des baisses analogues. - -Un échantillon de bismuth à polonium métallique fut préparé avec un -sous-nitrate, lequel, après sa préparation, était 100000 fois plus actif -que l'uranium. Ce métal n'est plus maintenant qu'un corps moyennement -radioactif 2000 fois plus actif que l'uranium. Sa radioactivité est -mesurée de temps en temps. Pendant 6 mois ce métal a perdu 67 pour 100 -de son activité. - -La perte d'activité ne semble pas être facilitée par les réactions -chimiques. Dans des opérations chimiques rapides on ne constate -généralement pas de perte considérable d'activité. - -Contrairement à ce qui se passe pour le polonium, les sels radifères -possèdent une radioactivité permanente qui ne présente pas de baisse -appréciable au bout de quelques années. - -Quand on vient de préparer un sel de radium à l'état solide, ce sel n'a -pas tout d'abord une activité constante. Son activité va en augmentant à -partir de la préparation et atteint une valeur limite sensiblement -invariable au bout d'un mois environ. Le contraire a lieu pour la -solution. Quand on vient de la préparer, elle est d'abord très active, -mais laissée à l'air libre elle se désactive rapidement, et prend -finalement une activité limite qui peut être considérablement plus -faible que la valeur initiale. Ces variations d'activité ont été tout -d'abord observées par M. Giesel[117]. Elles s'expliquent fort bien en se -plaçant au point de vue de l'émanation. La diminution de l'activité de -la solution correspond à la perte de l'émanation qui s'échappe dans -l'espace; cette baisse est bien moindre si la dissolution est en tube -scellé. Une solution désactivée à l'air libre reprend une activité plus -grande quand on l'enferme en tube scellé. La période de l'accroissement -de l'activité du sel qui, après dissolution, vient d'être ramené à -l'état solide, est celle pendant laquelle l'émanation s'emmagasine à -nouveau dans le radium solide. - - [117] GIESEL, _Wied. Ann._, t. LXIX, p. 91. - -Voici quelques expériences à ce sujet: - -Une solution de chlorure de baryum radifère laissée à l'air libre -pendant 2 jours devient 300 fois moins active. - -Une solution est enfermée en vase clos; on ouvre le vase, on verse la -solution dans une cuve et l'on mesure l'activité: - - Activité mesurée immédiatement 67 - » au bout de 2 heures 20 - » » 2 jours 0,25 - -Une solution de chlorure de baryum radifère qui est restée à l'air libre -est enfermée dans un tube de verre scellé, et l'on mesure le rayonnement -de ce tube. On trouve les résultats suivants: - - Activité mesurée immédiatement 27 - » après 2 jours 61 - » » 3 jours 70 - » » 4 jours 81 - » » 7 jours 100 - » » 11 jours 100 - -L'activité initiale d'un sel solide après sa préparation est d'autant -plus faible que le temps de dissolution a été plus long. Une plus forte -proportion de l'activité est alors transmise au dissolvant. Voici les -activités initiales obtenues avec un chlorure dont l'activité limite est -800 et que l'on maintenait en dissolution pendant un temps donné; puis -on séchait le sel et l'on mesurait son activité immédiatement: - - Activité limite 800 - Activité initiale après dissolution et dessiccation immédiate 440 - Activité initiale après que le sel est resté dissous 5 jours 120 - » » 18 jours 130 - » » 32 jours 114 - -Dans cette expérience le sel dissous se trouvait dans un vase simplement -couvert d'un verre de montre. - -J'ai fait avec le même sel deux dissolutions que j'ai conservées en tube -scellé pendant 13 mois; l'une de ces dissolutions était 8 fois plus -concentrée que l'autre: - - Activité initiale du sel de la solution concentrée - après dessiccation 200 - - Activité initiale du sel de la solution étendue - après dessiccation 100 - -La désactivation du sel est donc d'autant plus grande que la proportion -du dissolvant est plus grande, l'énergie radioactive transmise au -liquide ayant alors un plus grand volume de liquide à saturer et un plus -grand espace à remplir. Les deux échantillons du même sel, qui avaient -ainsi une activité initiale différente, ont d'ailleurs augmenté -d'activité avec une vitesse très différente au début; au bout d'un jour -ils avaient la même activité, et l'accroissement d'activité se continua -exactement de la même façon pour tous les deux jusqu'à la limite. - -Quand la dissolution est étendue, la désactivation du sel est très -rapide; c'est ce que montrent les expériences suivantes: trois portions -égales d'un même sel radifère sont dissoutes dans des quantités égales -d'eau. La première dissolution _a_ est laissée à l'air libre pendant une -heure, puis séchée. La deuxième dissolution _b_ est traversée pendant -une heure par un courant d'air, puis séchée. La troisième dissolution -_c_ est laissée pendant 13 jours à l'air libre, puis séchée. Les -activités initiales des trois sels sont: - - Pour la portion _a_ 145,2 - » _b_ 141,6 - » _c_ 102,6 - -L'activité limite du même sel est environ 470. On voit donc qu'au bout -d'une heure la plus grande partie de l'effet était produite. De plus, le -courant d'air qui a barboté pendant une heure dans la dissolution _b_ -n'a produit que peu d'effet. La proportion du sel dans la dissolution -était d'environ 0,5 pour 100. - -L'énergie radioactive sous forme d'émanation se propage difficilement du -radium solide dans l'air; elle éprouve de même une résistance au passage -du radium solide dans un liquide. Quand on agite du sulfate radifère -avec de l'eau pendant une journée entière, son activité après celle -opération est sensiblement la même que celle d'une portion du même -sulfate laissée à l'air libre. - -En faisant le vide sur du sel radifère on retire toute l'émanation -disponible. Toutefois la radioactivité d'un chlorure radifère sur lequel -nous avions fait le vide pendant 6 jours ne fut pas sensiblement -modifiée par cette opération. Cette expérience montre que la -radioactivité du sel est due principalement à l'énergie radioactive -utilisée dans l'intérieur des grains, laquelle ne peut être enlevée en -faisant le vide. - -La perte d'activité que le radium éprouve quand on le fait passer par -l'état dissous est relativement plus grande pour les rayons pénétrants -que pour les rayons absorbables. Voici quelques exemples: - -Un chlorure radifère, qui avait atteint son activité limite 470 est -dissous et reste en dissolution pendant une heure; on le sèche ensuite -et l'on mesure sa radioactivité initiale par la méthode électrique. On -trouve que le rayonnement initial total est égal à la fraction 0,3 du -rayonnement total limite. Si l'on fait la mesure de l'intensité du -rayonnement en recouvrant la substance active d'un écran d'aluminium de -0mm,01 d'épaisseur, on trouve que le rayonnement initial qui traverse -cet écran n'est que la fraction 0,17 du rayonnement limite traversant le -même écran. - -Quand le sel est resté en dissolution pendant 13 jours, on trouve pour -le rayonnement initial total la fraction 0,22 du rayonnement limite -total et pour le rayonnement qui traverse 0mm,01 d'aluminium la fraction -0,13 du rayonnement limite. - -Dans les deux cas le rapport du rayonnement initial après dissolution au -rayonnement limite est de 1,7 fois plus grand pour le rayonnement total -que pour le rayonnement qui traverse 0mm,01 d'aluminium. - -Il faut d'ailleurs remarquer que, en séchant le produit après -dissolution, on ne peut éviter une période de temps pendant laquelle le -produit se trouve à un état mal défini, ni entièrement solide, ni -entièrement liquide. On ne peut non plus éviter de chauffer le produit -pour enlever l'eau rapidement. - -Pour ces deux raisons il n'est guère possible de déterminer la vraie -activité initiale du produit qui passe de l'état dissous à l'état -solide. Dans les expériences qui viennent d'être citées des quantités -égales de substances radiantes étaient dissoutes dans la même quantité -d'eau, et ensuite les dissolutions étaient évaporées à sec dans des -conditions aussi identiques que possible et sans chauffer au-dessus de -120° ou 130°. - -[Illustration: Fig. 13.] - -J'ai étudié la loi suivant laquelle augmente l'activité d'un sel -radifère solide, à partir du moment où ce sel est séché après -dissolution, jusqu'au moment où il atteint son activité limite. Dans -les Tableaux qui suivent j'indique l'intensité du rayonnement I en -fonction du temps, l'intensité limite étant supposée égale à 100, et le -temps étant compté à partir du moment où le produit a été séché. Le -Tableau I (_fig._ 13, courbe I) est relatif au rayonnement total. Le -Tableau II (_fig._ 13, courbe II) est relatif seulement aux rayons -pénétrants (rayons qui ont traversé 3cm d'air et 0mm,01 d'aluminium). - - TABLEAU I. TABLEAU II. - - Temps. I. Temps. I. - 0 » 21 0 » 1,3 - 1 jour 25 1 jour 19 - 3 » 44 3 » 43 - 5 » 60 6 » 60 - 10 » 78 15 » 70 - 19 » 93 23 » 86 - 33 » 100 46 » 94 - 67 » 100 - -J'ai fait plusieurs autres séries de mesures du même genre, mais elle ne -sont pas absolument en accord les unes avec les autres, bien que le -caractère général des courbes obtenues reste le même. Il est difficile -d'obtenir des résultats bien réguliers. On peut cependant remarquer que -la reprise d'activité met plus d'un mois à se produire, et que les -rayons les plus pénétrants sont ceux qui sont le plus profondément -atteints par l'effet de la dissolution. - -L'intensité initiale du rayonnement qui peut traverser 3cm d'air et -0mm,01 d'aluminium n'est que 1 pour 100 de l'intensité limite, alors que -l'intensité initiale du rayonnement total est 21 pour 100 du rayonnement -total limite. - -Un sel radifère, qui a été dissous et qui vient d'être séché, possède le -même pouvoir pour provoquer l'activité induite (et, par conséquent, -laisse échapper au dehors autant d'émanation) qu'un échantillon du même -sel qui, après avoir été préparé à l'état solide est resté dans cet état -un temps suffisant pour atteindre la radioactivité limite. L'activité -radiante de ces deux produits est pourtant extrêmement différente; le -premier est, par exemple, 5 fois moins actif que le second. - - -_Variations d'activité des sels de radium par la chauffe._--Quand on -chauffe un composé radifère, ce composé dégage de l'émanation et perd de -l'activité. La perte d'activité est d'autant plus grande que la chauffe -est à la fois plus intense et plus prolongée. C'est ainsi qu'en -chauffant un sel radifère pendant 1 heure à 130° on lui fait perdre 10 -pour 100 de son rayonnement total: au contraire, une chauffe de 10 -minutes à 400° ne produit pas d'effet sensible. Une chauffe au rouge de -quelques heures de durée détruit 77 pour 100 du rayonnement total. - -La perte d'activité par la chauffe est plus importante pour les rayons -pénétrants que pour les rayons absorbables. C'est ainsi qu'une chauffe -de quelques heures de durée détruit environ 77 pour 100 du rayonnement -total, mais la même chauffe détruit la presque totalité (99 pour 100) du -rayonnement qui est capable de traverser 3cm d'air et 0mm,1 d'aluminium. -En maintenant le chlorure de baryum radifère en fusion pendant quelques -heures (vers 800°), on détruit 98 pour 100 du rayonnement capable de -traverser 0mm,3 d'aluminium. On peut dire que les rayons pénétrants -n'existent sensiblement pas après une chauffe forte et prolongée. - -Quand un sel radifère a perdu une partie de son activité par la chauffe, -cette baisse d'activité ne persiste pas: l'activité du sel se régénère -spontanément à la température ordinaire et tend vers une certaine valeur -limite. J'ai observé le fait fort curieux que cette limite est plus -élevée que l'activité limite du sel avant la chauffe, du moins en est-il -ainsi pour le chlorure. En voici des exemples: un échantillon de -chlorure de baryum radifère qui, après avoir été préparé à l'état -solide, a atteint depuis longtemps son activité limite, possède un -rayonnement total représenté par le nombre 470, et un rayonnement -capable de traverser 0mm,01 d'aluminium, représenté par le nombre 157. -Cet échantillon est soumis à une chauffe au rouge pendant quelques -heures. Deux mois après la chauffe, il atteint une activité limite avec -un rayonnement total égal à 690, et un rayonnement à travers 0mm,01 -d'aluminium égal à 227. Le rayonnement total et le rayonnement qui -traverse l'aluminium sont donc augmentés respectivement dans le rapport -690/470 et 227/156. Ces deux rapports sont sensiblement égaux entre eux -et égaux à 1,45. - -[Illustration: Fig. 14.] - -Un échantillon de chlorure de baryum radifère qui, après avoir été -préparé à l'état solide, a atteint une activité limite égale à 62, est -maintenu en fusion pendant quelques heures; puis le produit fondu est -pulvérisé. Ce produit reprend une nouvelle activité limite égale à 140, -soit plus de 2 fois plus grande que celle qu'il pouvait atteindre, quand -il avait été préparé à l'état solide sans avoir été notablement chauffé -pendant la dessiccation. - -J'ai étudié la loi de l'augmentation de l'activité des composés -radifères après la chauffe. Voici, à titre d'exemple, les résultats de -deux séries de mesures. Les nombres des Tableaux I et II indiquent -l'intensité du rayonnement I en fonction du temps, l'intensité limite -étant supposée égale à 100, et le temps étant compté à partir de la fin -de la chauffe. Le Tableau I (_fig._ 14, courbe I) est relatif au -rayonnement total d'un échantillon de chlorure de baryum radifère. Le -Tableau II (_fig._ 3, courbe II) est relatif au rayonnement pénétrant -d'un échantillon de sulfate de baryum radifère, car on mesurait -l'intensité du rayonnement qui traversait 3cm d'air et 0mm,01 -d'aluminium. Les deux produits ont subi une chauffe au rouge cerise -pendant 7 heures. - - TABLEAU I. TABLEAU II. - - Temps. I. Temps. I. - 0 16,2 0 0,8 - 0,6 jour 25,4 0,7 jour 13 - 1 » 27,4 1 » 18 - 2 » 38 1,9 » 26,4 - 3 » 46,3 6 » 46,2 - 4 » 54 10 » 55,5 - 6 » 67,5 14 » 64 - 10 » 84 18 » 71,8 - 24 » 95 27 » 81 - 57 » 100 36 » 91 - 50 » 95,5 - 57 » 99 - 84 » 100 - -J'ai fait encore plusieurs autres séries de déterminations, mais, de -même que pour la reprise d'activité après dissolution, les résultats -des diverses séries ne sont pas bien concordants. - -L'effet de la chauffe ne persiste pas quand on dissout la substance -radifère chauffée. De deux échantillons d'une même substance radifère -d'activité 1800, l'un a été fortement chauffé, et son activité a été -réduite par la chauffe à 670. Les deux échantillons ayant été à ce -moment dissous et laissés en dissolution pendant 20 heures, leurs -activités initiales à l'état solide ont été 460 pour le produit non -chauffé et 420 pour celui chauffé; il n'y avait donc pas de différence -considérable entre l'activité de ces deux produits. Mais, si les deux -produits ne restent pas en dissolution un temps suffisant, si, par -exemple, on les sèche immédiatement après les avoir dissous, le produit -non chauffé est beaucoup plus actif que le produit chauffé; un certain -temps est nécessaire pour que l'état de dissolution fasse disparaître -l'effet de la chauffe. Un produit d'activité 3200 a été chauffé et -n'avait plus après la chauffe qu'une activité de 1030. Ce produit a été -dissous en même temps qu'une portion du même produit non chauffée, et -les deux portions ont été séchées immédiatement. L'activité initiale -était de 1450 pour le produit non chauffé et de 760 pour celui chauffé. - -Pour les sels radifères solides, le pouvoir de provoquer la -radioactivité induite est fortement influencé par la chauffe. Pendant -que l'on chauffe les composés radifères, ils dégagent plus d'émanation -qu'à la température ordinaire; mais, quand ils sont ensuite ramenés à la -température ordinaire, non seulement leur radioactivité est bien -inférieure à celle qu'ils avaient avant la chauffe, mais aussi leur -pouvoir activant est considérablement diminué. Pendant le temps qui suit -la chauffe, la radioactivité du produit va en augmentant et peut même -dépasser la valeur primitive. Le pouvoir activant se rétablit aussi -partiellement; cependant, après une chauffe prolongée au rouge, la -presque totalité du pouvoir activant se trouve supprimée, sans être -susceptible de reparaître spontanément avec le temps. On peut restituer -au sel radifère son pouvoir activant primitif en le dissolvant dans -l'eau et en le séchant à l'étuve à une température de 120°. Il semble -donc que la calcination ait pour effet de mettre le sel dans un état -physique particulier, dans lequel l'émanation se dégage bien plus -difficilement que cela n'a lieu pour le même produit solide qui n'a pas -été chauffé à température élevée, et il en résulte tout naturellement -que le sel atteint une radioactivité limite plus élevée que celle qu'il -avait avant la chauffe. Pour remettre le sel dans l'état physique qu'il -avait avant la chauffe, il suffit de le dissoudre et de le sécher, sans -le chauffer, au-dessus de 150°. - -Voici quelques exemples numériques à ce sujet: - -Je désigne par _a_ l'activité induite limite provoquée en vase clos sur -une lame de cuivre par un échantillon de carbonate de baryum radifère -d'activité 1600. - -Posons pour le produit non chauffé: - - _a_ = 100. - -On trouve: - - 1 jour après la chauffe _a_ = 3,3 - 4 » » _a_ = 7,1 - 10 » » _a_ = 15 - 20 » » _a_ = 15 - 37 » » _a_ = 15 - -La radioactivité du produit avait diminué de 90 pour 100 par la chauffe, -mais, au bout d'un mois, elle avait déjà repris la valeur primitive. - -Voici une expérience du même genre faite avec un chlorure de baryum -radifère d'activité 3000. Le pouvoir activant est déterminé de la même -façon que dans l'expérience précédente. - -Pouvoir activant du produit non chauffé: - - _a_ = 100. - -Pouvoir activant du produit après une chauffe au rouge de trois heures: - - 2 jours après chauffe 2,3 - 5 » » 7,0 - 11 » » 8,2 - 18 » » 8,2 - - Pouvoir activant du produit non chauffé qui - a été dissous, puis séché à 150° 92 - - Pouvoir activant du produit chauffé qui a - été dissous, puis séché à 150° 105 - - -_Interprétation théorique des causes des variations d'activité des sels -radifères, après dissolution et après chauffe._--Les faits qui viennent -d'être exposés peuvent être, en partie, expliqués par la théorie d'après -laquelle le radium produit l'énergie sous forme d'émanation, cette -dernière se transformant ensuite en énergie de rayonnement. Quand on -dissout un sel de radium, l'émanation qu'il produit se répand au dehors -de la solution et provoque la radioactivité en dehors de la source dont -elle provient; lorsqu'on évapore la dissolution, le sel solide obtenu -est peu actif, car il ne contient que peu d'émanation. Peu à peu -l'émanation s'accumule dans le sel, dont l'activité augmente jusqu'à une -valeur limite, qui est obtenue quand la production d'émanation par le -radium compense la perte qui se fait par débit extérieur et par -transformation sur place en rayons de Becquerel. - -Lorsqu'on chauffe un sel de radium, le débit d'émanation en dehors du -sel est fortement augmenté, et les phénomènes de radioactivité induite -sont plus intenses que quand le sel est à la température ordinaire. Mais -quand le sel revient à la température ordinaire, il est épuisé, comme -dans le cas où on l'avait dissous, il ne contient que peu d'émanation, -l'activité est devenue très faible. Peu à peu l'émanation s'accumule de -nouveau dans le sel solide et le rayonnement va en augmentant. - -On peut admettre que le radium donne lieu à un débit constant -d'émanation, dont une partie s'échappe à l'extérieur, tandis que la -partie restante est transformée, dans le radium lui-même, en rayons de -Becquerel. Lorsque le radium a été chauffé au rouge, il perd la plus -grande partie de son pouvoir d'activation; autrement dit, le débit -d'émanation à l'extérieur est diminué. Par suite, la proportion -d'émanation utilisée dans le radium lui-même doit être plus forte, et le -produit atteint une radioactivité limite plus élevée. - -On peut se proposer d'établir théoriquement la loi de l'augmentation de -l'activité d'un sel radifère solide qui a été dissous ou qui a été -chauffé. Nous admettrons que l'intensité du rayonnement du radium est, à -chaque instant, proportionnelle à la quantité d'émanation _q_ présente -dans le radium. Nous savons que l'émanation se détruit spontanément -suivant une loi telle que l'on ait, à chaque instant, - - (1) _q_ = _q__0 _e_^{-t/#th#} - -_q_0 étant la quantité d'émanation à l'origine du temps, et #th# la -constante de temps égale à 4,97 × 10^5 sec. - -Soit, d'autre part, #D# le débit d'émanation fourni par le radium, -quantité que je supposerai constante. Voyons ce qui se passerait, s'il -ne s'échappait pas d'émanation dans l'espace ambiant. L'émanation -produite serait alors entièrement utilisée dans le radium pour y -produire le rayonnement. On a d'ailleurs, d'après la formule (1), - - _dq_/_dt_ = - _q_0/#th# _e_^{-t/#th#} = - _q_/#th#, - -et, par suite, à l'état d'équilibre, le radium contiendrait une -certaine quantité d'émanation Q telle que l'on ait - - (2) #D# = Q/#th#, - -et le rayonnement du radium serait alors proportionnel à Q. - -Supposons qu'on mette le radium dans des conditions où il perd de -l'émanation au dehors; c'est ce que l'on peut obtenir en dissolvant le -composé radifère ou en le chauffant. L'équilibre sera troublé et -l'activité du radium diminuera. Mais aussitôt que la cause de la perte -d'émanation a été supprimée (le corps est revenu à l'état solide, ou -bien on a cessé de chauffer), l'émanation s'accumule à nouveau dans le -radium, et nous avons une période, pendant laquelle le débit #D# -l'emporte sur la vitesse de destruction _q_/#th#. On a alors - - _dq_/_dt_ = #D# - _q_/#th# = (Q - _q_)/#th#, - -d'où - - _d_/_dt_ (Q - _q_) = (Q - _q_)/#th#, - - (3) Q - _q_ = (Q - _q_0) _e_^{- _t_/#th#}, - -_q_0 étant la quantité d'émanation présente dans le radium au temps -_t_ = 0. - -D'après la formule (3) l'excès de la quantité d'émanation Q que le -radium contient à l'état d'équilibre sur la quantité _q_ qu'il contient -à un moment donné, décroît en fonction du temps suivant une loi -exponentielle qui est la loi même de la disparition spontanée de -l'émanation. Le rayonnement du radium étant d'ailleurs proportionnel à -la quantité d'émanation, l'excès de l'intensité du rayonnement limite -sur l'intensité actuelle doit décroître en fonction du temps suivant -cette même loi; cet excès doit donc diminuer de moitié en 4 jours -environ. - -La théorie qui précède est incomplète, puisqu'on a négligé la perte -d'émanation par débit à l'extérieur. Il est, d'ailleurs, difficile de -savoir comment celle-ci intervient en fonction du temps. En comparant -les résultats de l'expérience à ceux de cette théorie incomplète, on ne -trouve pas un accord satisfaisant; on retire cependant la conviction que -la théorie en question contient une part de vérité. La loi d'après -laquelle l'excès de l'activité limite sur l'activité actuelle diminue de -moitié en 4 jours représente, avec une certaine approximation, la marche -de la reprise d'activité après chauffe pendant une dizaine de jours. -Dans le cas de la reprise d'activité après dissolution cette même loi -semble convenir à peu près pendant une certaine période de temps, qui -commence deux ou trois jours après la dessiccation du produit et se -poursuit pendant 10 à 15 jours. Les phénomènes sont d'ailleurs -complexes; la théorie indiquée n'explique pas pourquoi les rayons -pénétrants sont supprimés en plus forte proportion que les rayons -absorbables. - - -NATURE ET CAUSE DES PHÉNOMÈNES DE RADIOACTIVITÉ. - -Dès le début des recherches sur les corps radioactifs, et alors que les -propriétés de ces corps étaient encore à peine connues, la spontanéité -de leur rayonnement s'est posée comme un problème, ayant pour les -physiciens le plus grand intérêt. Aujourd'hui, nous sommes plus avancés -au point de vue de la connaissance des corps radioactifs, et nous savons -isoler un corps radioactif d'une très grande puissance, le radium. -L'utilisation des propriétés remarquables du radium a permis de faire -une étude approfondie des rayons émis par les corps radioactifs; les -divers groupes de rayons qui ont été étudiés jusqu'ici présentent des -analogies avec les groupes de rayons qui existent dans les tubes de -Crookes: rayons cathodiques, rayons Röntgen, rayons canaux. Ce sont -encore les mêmes groupes de rayons que l'on retrouve dans le rayonnement -secondaire produit par les rayons Röntgen[118], et dans le rayonnement -des corps qui ont acquis la radioactivité induite. - - [118] SAGNAC, _Thèse de doctorat_.--CURIE et SAGNAC, _Comptes rendus_, - avril 1900. - -Mais si la nature du rayonnement est actuellement mieux connue, la cause -de la radioactivité spontanée reste mystérieuse et ce phénomène est -toujours pour nous une énigme et un sujet d'étonnement profond. - -Les corps spontanément radioactifs, en premier lieu le radium, -constituent des sources d'énergie. Le débit d'énergie auquel ils donnent -lieu nous est révélé par le rayonnement de Becquerel, par les effets -chimiques et lumineux et par le dégagement continu de chaleur. - -On s'est souvent demandé si l'énergie est créée dans les corps -radioactifs eux-mêmes ou bien si elle est empruntée par ces corps à des -sources extérieures. Aucune des nombreuses hypothèses, qui résultent de -ces deux manières de voir, n'a encore reçu de confirmation -expérimentale. - -On peut supposer que l'énergie radioactive a été emmagasinée -antérieurement et qu'elle s'épuise peu à peu comme cela arrive pour une -phosphorescence de très longue durée. On peut imaginer que le dégagement -d'énergie radioactive correspond à une transformation de la nature même -de l'atome du corps radiant qui serait en voie d'évolution; le fait que -le radium dégage de la chaleur d'une manière continue plaide en faveur -de cette hypothèse. On peut supposer que la transformation est -accompagnée d'une perte de poids et d'une émission de particules -matérielles qui constitue le rayonnement. La source d'énergie peut -encore être cherchée dans l'énergie de gravitation. Enfin, on peut -imaginer que l'espace est constamment traversé par des rayonnements -encore inconnus qui sont arrêtés à leur passage au travers des corps -radioactifs et transformés en énergie radioactive. - -Bien des raisons sont à invoquer pour et contre ces diverses manières de -voir, et le plus souvent les essais de vérification expérimentale des -conséquences de ces hypothèses ont donné des résultats négatifs. -L'énergie radioactive de l'uranium et du radium ne semble pas jusqu'ici -s'épuiser ni même éprouver une variation appréciable avec le temps. -Demarçay a examiné au spectroscope un échantillon de chlorure de radium -pur à 5 mois d'intervalle; il n'a observé aucun changement dans le -spectre au bout de ces 5 mois. La raie principale du baryum qui se -voyait dans le spectre et indiquait la présence du baryum à l'état de -trace, ne s'était pas renforcée pendant l'intervalle de temps considéré; -le radium ne s'était donc pas transformé en baryum d'une manière -sensible. - -Les variations de poids signalées par M. Heydweiller pour les composés -du radium[119] ne peuvent pas encore être considérées comme un fait -établi. - - [119] HEYDWEILLER, _Physik. Zeitschr._, octobre 1902. - -MM. Elster et Geitel ont trouvé que la radioactivité de l'uranium n'est -pas changée au fond d'un puits de mine de 850m de profondeur; une -couche de terre de cette épaisseur ne modifierait donc pas le -rayonnement primaire hypothétique qui provoquerait la radioactivité de -l'uranium. - -Nous avons mesuré la radioactivité de l'uranium à midi et à minuit, -pensant que si le rayonnement primaire hypothétique avait sa source -dans le soleil, il pourrait être en partie absorbé en traversant la -terre. L'expérience n'a donné aucune différence pour les deux mesures. - -Les recherches les plus récentes sont favorables à l'hypothèse d'une -transformation atomique du radium. Cette hypothèse a été mise dès le -début des recherches sur la radioactivité[120]; elle a été franchement -adoptée par M. Rutherford qui a admis que l'émanation du radium est un -gaz matériel qui est un des produits de la désagrégation de l'atome du -radium[121]. Les expériences récentes de MM. Ramsay et Soddy tendent à -prouver que l'émanation est un gaz instable qui se détruit en donnant -lieu à une production d'hélium. D'autre part, le débit continu de -chaleur fourni par le radium ne saurait s'expliquer par une réaction -chimique ordinaire, mais pourrait peut-être avoir son origine dans une -transformation de l'atome. - - [120] Mme CURIE, _Revue générale des Sciences_, 30 janvier 1899. - - [121] RUTHERFORD et SODDY, _Phil. Mag._, mai 1903. - -Rappelons enfin que les substances radioactives nouvelles se trouvent -toujours dans les minerais d'urane; nous avons vainement cherché du -radium dans le baryum du commerce (_voir_ page 46). La présence du -radium semble donc liée à celle de l'uranium. Les minerais d'urane -contiennent d'ailleurs de l'argon et de l'hélium, et cette coïncidence -n'est probablement pas non plus due au hasard. La présence simultanée de -ces divers corps dans les mêmes minerais fait songer que la présence des -uns est peut-être nécessaire pour la formation des autres. - -Il est toutefois nécessaire de remarquer que les faits qui viennent à -l'appui de l'idée d'une transformation atomique du radium peuvent aussi -recevoir une interprétation différente. Au lieu d'admettre que l'atome -de radium se transforme, on pourrait admettre que cet atome est lui-même -stable, mais qu'il agit sur le milieu qui l'entoure (atomes matériels -voisins ou éther du vide) de manière à donner lieu à des transformations -atomiques. Cette hypothèse conduit tout aussi bien à admettre la -possibilité de la transformation des éléments, mais le radium lui-même -ne serait plus alors un élément en voie de destruction. - - -FIN. - - - - - TABLE DES MATIÈRES. - - - Pages. - - INTRODUCTION 1 - - Historique 3 - - I.--_Radioactivité de l'uranium et du thorium. Minéraux - radioactifs._ - - Rayons de Becquerel 6 - - Mesure de l'intensité du rayonnement 8 - - Radioactivité des composés d'uranium et de thorium 14 - - La radioactivité atomique est-elle un phénomène général? 17 - - Minéraux radioactifs 19 - - - II.--_Les nouvelles substances radioactives._ - - Méthode de recherches 22 - - Polonium, radium, actinium 22 - - Spectre du radium 25 - - Extraction des substances radioactives nouvelles 27 - - Polonium 31 - - Préparation du chlorure de radium pur 34 - - Détermination du poids atomique du radium 40 - - Caractères des sels de radium 45 - - Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire 46 - - - III.--_Rayonnement des nouvelles substances radioactives._ - - Procédés d'étude du rayonnement 47 - - Energie du rayonnement 48 - - Nature complexe du rayonnement 49 - - Action du champ magnétique 51 - - Rayons déviables #b# 56 - - Charge des rayons déviables #b# 57 - - Action du champ électrique sur les rayons #b# du radium 62 - - Rapport de la charge à la masse pour une particule chargée 63 - négativement, émise par le radium - - Action du champ magnétique sur les rayons #a# 66 - - Action du champ magnétique sur les rayons des autres 68 - substances radioactives - - Proportion des rayons déviables #b# dans le rayonnement 68 - du radium - - Pouvoir pénétrant du rayonnement des corps radioactifs 73 - - Action ionisante des rayons du radium sur les liquides 90 - isolants - - Divers effets et applications de l'action ionisante des 93 - rayons émis par les substances radioactives - - Effets de fluorescence, effets lumineux 95 - - Dégagement de chaleur par les sels de radium 98 - - Effets chimiques produits par les nouvelles substances - radioactives. Colorations 102 - - Dégagement de gaz en présence des sels de radium 104 - - Production de thermoluminescence 105 - - Radiographies 106 - - Effets physiologiques 107 - - Action de la température sur le rayonnement 109 - - - IV.--_La radioactivité induite._ - - Communication de la radioactivité à des substances - primitivement inactives 111 - - Activation en enceinte fermée 113 - - Rôle des gaz dans les phénomènes de radioactivité induite. 115 - Emanation - - Désactivation à l'air libre des corps solides activés 116 - - Désactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de 117 - l'émanation - - Nature des émanations 119 - - Variations d'activité des liquides activés et des solutions 122 - radifères - - Théorie de la radioactivité 123 - - Autre forme de la radioactivité induite 126 - - Radioactivité induite à évolution lente 126 - - Radioactivité induite sur des substances qui séjournent en - dissolution avec le radium 127 - - Dissémination des poussières radioactives et radioactivité - induite du laboratoire 130 - - Activation en dehors de l'action des substances radioactives 131 - - Variations d'activité des corps radioactifs. Effets de 132 - dissolution - - Variations d'activité des sels de radium par la chauffe 139 - - Interprétation théorique des causes de variation d'activité 144 - des sels radifères après dissolution et après chauffe - - _Nature et cause des phénomènes de radioactivité_ 147 - - - FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. - - - PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS, - 35119 Quai des Grands-Augustins, 55. - - - LIBRAIRIE GAUTHIER-VILLARS, - QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 55, A PARIS (6e). - - - =BLONDLOT= (=R.=), Correspondant de l'Institut, Professeur - à l'Université de Nancy.--=Rayons «N».= _Recueil des - Communications faites à l'Académie des Sciences_, avec des - NOTES COMPLÉMENTAIRES et une INSTRUCTION POUR LA - CONSTRUCTION DES ÉCRANS PHOSPHORESCENTS. In-16 (19 × 12) - de VI-75 pages, avec 3 figures, 2 planches et un écran - phosphorescent; 1904 2 fr. - - =BERTHELOT= (=M.=), Sénateur, Secrétaire perpétuel de - l'Académie des Sciences, Professeur au Collège de - France.--=Les carbures d'hydrogène= (=1851-1901=). - _Recherches expérimentales._ Trois volumes grand in-8; - 1901, se vendant ensemble 45 fr. - - TOME I: _L'Acétylène: synthèse totale des carbures - d'hydrogène._ Volume de X-414 pages. - - TOME II: _Les Carbures pyrogénés.--Séries diverses._ - Volume de IV-558 pages. - - TOME III: _Combinaison des carbures d'hydrogène avec - l'hydrogène, l'oxygène, les éléments de l'eau._ Volume de - IV-459 pages. - - =GUILLAUME= (=Ch.-Ed.=), Docteur ès Sciences, Adjoint au - Bureau international des Poids et Mesures.--=Les - Radiations nouvelles.=--=Les Rayons X et la Photographie à - travers les corps opaques.= 2e édition. In-8, avec 22 - figures et 8 planches; 1897 3 fr. - - =HALLER= (=Albin=), Membre de l'Institut, Professeur à la - Faculté des Sciences de Paris, Rapporteur du Jury de la - Classe 87 à l'Exposition universelle de 1900.--=Les - industries chimiques et pharmaceutiques.= Deux vol. gr. - in-8 de XC-405 et 445 pages avec 108 fig; 1903 20 fr. - - =LONDE= (=A.=), Directeur du Service photographique et - radiographique à la Salpêtrière (Clinique des maladies du - système nerveux), Lauréat de l'Académie de Médecine, de la - Faculté de Médecine de Paris.--=Traité pratique de - Radiographie et de Radioscopie.= _Technique et - applications médicales._ Grand in-8, avec 113 fig; 1898 7 fr. - - =MOISSONNIER= (=P.=), Pharmacien principal de l'Armée, - Chef des laboratoires des usines de Billancourt et du - Service de l'Intendance du Gouvernement militaire de - Paris, ex-Secrétaire de la Commission de l'aluminium au - Ministère de la Guerre.--=L'aluminium. Ses propriétés. - Ses applications.= _Historique. Minerais. Fabrication. - Propriétés. Applications générales._ Grand in-8, avec - 2 figures et un titre tiré sur aluminium; 1903 7 fr. 50 c. - -35119 Paris.--Imprimerie GAUTHIER-VILLARS, quai des Grands-Augustins, 55. - - - - - * * * * * * - - - - -Au lecteur - - Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version - originale. - - L'orthographe a été conservée. Seules les erreurs de typographie - manifestes ont été corrigées. - - La ponctuation n'a pas été modifiée hormis quelques corrections - mineures. - - - -***END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES -RADIOACTIVES*** - - -******* This file should be named 43233-8.txt or 43233-8.zip ******* - - -This and all associated files of various formats will be found in: -http://www.gutenberg.org/dirs/4/3/2/3/43233 - - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. Special rules, -set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to -copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to -protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. 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