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-The Project Gutenberg eBook, Recherches sur les substances radioactives,
-by Marie Curie
-
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
-almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
-re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
-with this eBook or online at www.gutenberg.org
-
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-
-Title: Recherches sur les substances radioactives
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-
-Author: Marie Curie
-
-
-
-Release Date: July 16, 2013 [eBook #43233]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-
-***START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES
-RADIOACTIVES***
-
-
-E-text prepared by Claudine Corbasson and the Online Distributed
-Proofreading Team (http://www.pgdp.net) from page images generously made
-available by Internet Archive (http://archive.org)
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-Note: Project Gutenberg also has an HTML version of this
- file which includes the original illustrations.
- See 43233-h.htm or 43233-h.zip:
- (http://www.gutenberg.org/files/43233/43233-h/43233-h.htm)
- or
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-
- Images of the original pages are available through
- Internet Archive. See
- http://archive.org/details/recherchessurles00curi
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-
-Au lecteur
-
- Les mots en gras dans l'original sont entourés par des = et
- les lettres grecques sont entourées par des #.
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-
-RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
-
-THÈSE PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS
-POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES PHYSIQUES;
-
-PAR
-
-Mme SKLODOWSKA CURIE.
-
-DEUXIÈME ÉDITION, REVUE ET CORRIGÉE.
-
-
-
-
-
-
-
-[Illustration]
-
-PARIS,
-GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE
-DU BUREAU DES LONGITUDES, DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE,
-Quai des Grands-Augustins, 55.
-1904
-
-PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,
-35119 Quai des Grands-Augustins, 55.
-
-
-
-
-RECHERCHES
-SUR LES
-SUBSTANCES RADIOACTIVES.
-
-
-
-
-INTRODUCTION.
-
-
-Le présent travail a pour but d'exposer les recherches que je poursuis
-depuis plus de 4 ans sur les substances radioactives. J'ai commencé ces
-recherches par une étude du rayonnement uranique qui a été découvert par
-M. Becquerel. Les résultats auxquels ce travail me conduisit parurent
-ouvrir une voie si intéressante, qu'abandonnant ses travaux en train,
-M. Curie se joignit à moi, et nous réunîmes nos efforts en vue d'aboutir
-à l'extraction des substances radioactives nouvelles et de poursuivre
-leur étude.
-
-Dès le début de nos recherches nous avons cru devoir prêter des
-échantillons des substances découvertes et préparées par nous à quelques
-physiciens, en premier lieu à M. Becquerel, à qui est due la découverte
-des rayons uraniques. Nous avons ainsi nous-mêmes facilité les
-recherches faites par d'autres que nous sur les substances radioactives
-nouvelles. A la suite de nos premières publications, M. Giesel en
-Allemagne se mit d'ailleurs aussi à préparer de ces substances et en
-prêta des échantillons à plusieurs savants allemands. Ensuite ces
-substances furent mises en vente en France et en Allemagne, et le sujet
-prenant de plus en plus d'importance donna lieu à un mouvement
-scientifique, de sorte que de nombreux Mémoires ont paru et paraissent
-constamment sur les corps radioactifs, principalement à l'étranger. Les
-résultats des divers travaux français et étrangers sont nécessairement
-enchevêtrés, comme pour tout sujet d'études nouveau et en voie de
-formation. L'aspect de la question se modifie, pour ainsi dire, de jour
-en jour.
-
-Cependant, au point de vue chimique, un point est définitivement établi;
-_c'est l'existence d'un élément nouveau fortement radioactif: le
-radium_. La préparation du chlorure de radium pur et la détermination du
-poids atomique du radium constituent la partie la plus importante de mon
-travail personnel. En même temps que ce travail ajoute aux corps simples
-actuellement connus avec certitude un nouveau corps simple de propriétés
-très curieuses, une nouvelle méthode de recherches chimiques se trouve
-établie et justifiée. Cette méthode, basée sur la radioactivité,
-considérée comme une propriété atomique de la matière, est précisément
-celle qui nous a permis, à M. Curie et moi, de découvrir l'existence du
-radium.
-
-Si, au point de vue chimique, la question que nous nous sommes
-primitivement posée peut être considérée comme résolue, l'étude des
-propriétés physiques des substances radioactives est en pleine
-évolution. Certains points importants ont été établis, mais un grand
-nombre de conclusions portent encore le caractère du provisoire. Cela
-n'a rien d'étonnant, si l'on considère la complexité des phénomènes
-auxquels donne lieu la radioactivité et les différences qui existent
-entre les diverses substances radioactives. Les recherches des divers
-physiciens qui étudient ces substances viennent constamment se
-rencontrer et se croiser. Tout en cherchant à me conformer au but précis
-de ce travail et à exposer surtout mes propres recherches, j'ai été
-obligée d'exposer en même temps les résultats d'autres travaux dont la
-connaissance est indispensable.
-
-J'ai d'ailleurs désiré faire de ce travail un Mémoire d'ensemble sur
-l'état actuel de la question.
-
-J'ai exécuté ce Travail dans les laboratoires de l'École de Physique et
-de Chimie industrielles de la Ville de Paris avec l'autorisation de
-Schützenberger, le regretté Directeur de cette École, et de M. Lauth, le
-Directeur actuel. Je tiens à exprimer ici toute ma reconnaissance pour
-l'hospitalité bienveillante que j'ai reçue dans cette École.
-
-
-HISTORIQUE.
-
-La découverte des phénomènes de la radioactivité se rattache aux
-recherches poursuivies depuis la découverte des rayons Röntgen sur les
-effets photographiques des substances phosphorescentes et fluorescentes.
-
-Les premiers tubes producteurs de rayons Röntgen étaient ces tubes sans
-anticathode métallique. La source de rayons Röntgen se trouvait sur la
-paroi de verre frappée par les rayons cathodiques; en même temps cette
-paroi était vivement fluorescente. On pouvait alors se demander si
-l'émission de rayons Röntgen n'accompagnait pas nécessairement la
-production de la fluorescence, quelle que fût la cause de cette
-dernière. Cette idée a été énoncée tout d'abord par M. Henri
-Poincaré[1].
-
- [1] _Revue générale des Sciences_, 30 janvier 1896.
-
-Peu de temps après, M. Henry annonça qu'il avait obtenu des impressions
-photographiques au travers du papier noir à l'aide du sulfure de zinc
-phosphorescent[2]. M. Niewenglowski obtint le même phénomène avec du
-sulfure de calcium exposé à la lumière[3]. Enfin, M. Troost obtint de
-fortes impressions photographiques avec de la blende hexagonale
-artificielle phosphorescente agissant au travers du papier noir et un
-gros carton[4].
-
- [2] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 312.
-
- [3] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 386.
-
- [4] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 564.
-
-Les expériences qui viennent d'être citées n'ont pu être reproduites
-malgré les nombreux essais faits dans ce but. On ne peut donc nullement
-considérer comme prouvé que le sulfure de zinc et le sulfure de calcium
-soient capables d'émettre, sous l'action de la lumière, des radiations
-invisibles qui traversent le papier noir et agissent sur les plaques
-photographiques.
-
-M. Becquerel a fait des expériences analogues sur les sels d'uranium
-dont quelques-uns sont fluorescents[5]. Il obtint des impressions
-photographiques au travers du papier noir avec le sulfate double
-d'uranyle et de potassium.
-
- [5] BECQUEREL, _Comptes rendus_, 1896 (plusieurs Notes).
-
-M. Becquerel crut d'abord que ce sel, qui est fluorescent, se comportait
-comme le sulfure de zinc et le sulfure de calcium dans les expériences
-de MM. Henry, Niewenglowski et Troost. Mais la suite de ses expériences
-montra que le phénomène observé n'était nullement relié à la
-fluorescence. Il n'est pas nécessaire que le sel soit éclairé; de plus,
-l'uranium et tous ses composés, fluorescents ou non, agissent de même,
-et l'uranium métallique est le plus actif. M. Becquerel trouva ensuite
-qu'en plaçant les composés d'urane dans l'obscurité complète, ils
-continuent à impressionner les plaques photographiques au travers du
-papier noir pendant des années. M. Becquerel admit que l'uranium et ses
-composés émettent des rayons particuliers: _rayons uraniques_. Il prouva
-que ces rayons peuvent traverser des écrans métalliques minces et qu'ils
-déchargent les corps électrisés. Il fit aussi des expériences d'après
-lesquelles il conclut que les rayons uraniques éprouvent la réflexion,
-la réfraction et la polarisation.
-
-Les travaux d'autres physiciens (Elster et Geitel, lord Kelwin, Schmidt,
-Rutherford, Beattie et Smoluchowski) sont venus confirmer et étendre les
-résultats des recherches de M. Becquerel, sauf en ce qui concerne la
-réflexion, la réfraction et la polarisation des rayons uraniques,
-lesquels, à ce point de vue, se comportent comme les rayons Röntgen,
-comme cela a été reconnu par M. Rutherford d'abord et ensuite par M.
-Becquerel lui-même.
-
-
-
-
-CHAPITRE I.
-
-RADIOACTIVITÉ DE L'URANIUM ET DU THORIUM.
-MINÉRAUX RADIOACTIFS.
-
-
-_Rayons de Becquerel._--Les _rayons uraniques_, découverts par M.
-Becquerel, impressionnent les plaques photographiques à l'abri de la
-lumière; ils peuvent traverser toutes les substances solides, liquides
-et gazeuses, à condition que l'épaisseur en soit suffisamment faible; en
-traversant les gaz, ils les rendent faiblement conducteurs de
-l'électricité[6].
-
- [6] BECQUEREL, _Comptes rendus_, 1896 (plusieurs Notes).
-
-Ces propriétés des composés d'urane ne sont dues à aucune cause
-excitatrice connue. Le rayonnement semble spontané; il ne diminue point
-d'intensité quand on conserve les composés d'urane dans l'obscurité
-complète pendant des années; il ne s'agit donc pas là d'une
-phosphorescence particulière produite par la lumière.
-
-La spontanéité et la constance du rayonnement uranique se présentaient
-comme un phénomène physique tout à fait extraordinaire. M. Becquerel a
-conservé un morceau d'uranium pendant plusieurs années dans l'obscurité
-et il a constaté qu'au bout de ce temps l'action sur la plaque
-photographique n'avait pas varié sensiblement. MM. Elster et Geitel ont
-fait une expérience analogue et ont trouvé également que l'action était
-constante[7].
-
- [7] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXVIII, p. 771.--ELSTER et
- GEITEL, _Beibl._, t. XXI, p. 455.
-
-J'ai mesuré l'intensité du rayonnement de l'uranium en utilisant
-l'action de ce rayonnement sur la conductibilité de l'air. La méthode de
-mesures sera exposée plus loin. J'ai ainsi obtenu des nombres qui
-prouvent la constance du rayonnement dans les limites de précision des
-expériences, c'est-à-dire à 2 pour 100 ou 3 pour 100 près[8].
-
- [8] Mme CURIE, _Revue générale des Sciences_, janvier 1899.
-
-On utilisait pour ces mesures un plateau métallique recouvert d'une
-couche d'uranium en poudre; ce plateau n'était d'ailleurs pas conservé
-dans l'obscurité, cette condition s'étant montrée sans importance
-d'après les observateurs cités précédemment. Le nombre des mesures
-effectuées avec ce plateau est très grand, et actuellement ces mesures
-portent sur un intervalle de temps de 5 années.
-
-Des recherches furent faites pour reconnaître si d'autres substances
-peuvent agir comme les composés d'urane. M. Schmidt publia le premier
-que le thorium et ses composés possèdent également cette faculté[9]. Un
-travail analogue fait en même temps m'a donné le même résultat. J'ai
-publié ce travail, n'ayant pas encore eu connaissance de la publication
-de M. Schmidt[10].
-
- [9] SCHMIDT, _Wied. Ann._, t. LXV, p. 141.
-
- [10] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
-
-Nous dirons que l'uranium, le thorium et leurs composés émettent des
-_rayons de Becquerel_. J'ai appelé _radioactives_ les substances qui
-donnent lieu à une émission de ce genre[11]. Ce nom a été depuis
-généralement adopté.
-
- [11] P. CURIE et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 18 juillet 1898.
-
-Par leurs effets photographiques et électriques les rayons de Becquerel
-se rapprochent des rayons de Röntgen. Ils ont aussi, comme ces derniers,
-la faculté de traverser toute matière. Mais leur pouvoir de pénétration
-est extrêmement différent: les rayons de l'uranium et du thorium sont
-arrêtés par quelques millimètres de matière solide et ne peuvent
-franchir dans l'air une distance supérieure à quelques centimètres;
-tout au moins en est-il ainsi pour la grosse partie du rayonnement.
-
-Les travaux de divers physiciens, et, en premier lieu, de M. Rutherford,
-ont montré que les rayons de Becquerel n'éprouvent ni réflexion
-régulière, ni réfraction, ni polarisation[12].
-
- [12] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1899.
-
-Le faible pouvoir pénétrant des rayons uraniques et thoriques conduirait
-à les assimiler aux rayons secondaires qui sont produits par les rayons
-Röntgen, et dont l'étude a été faite par M. Sagnac[13], plutôt qu'aux
-rayons Röntgen eux-mêmes.
-
- [13] SAGNAC, _Comptes rendus_, 1897, 1898, 1899 (plusieurs Notes).
-
-D'autre part, on peut chercher à rapprocher les rayons de Becquerel de
-rayons cathodiques se propageant dans l'air (rayons de Lenard). On sait
-aujourd'hui que ces divers rapprochements sont tous légitimes.
-
-
-_Mesure de l'intensité du rayonnement._--La méthode employée consiste
-à mesurer la conductibilité acquise par l'air sous l'action des
-substances radioactives; cette méthode a l'avantage d'être rapide et de
-fournir des nombres qu'on peut comparer entre eux. L'appareil que j'ai
-employé à cet effet se compose essentiellement d'un condensateur à
-plateaux AB (_fig._ 1). La substance active finement pulvérisée est
-étalée sur le plateau B; elle rend conducteur l'air entre les plateaux.
-Pour mesurer cette conductibilité, on porte le plateau B à un potentiel
-élevé, en le reliant à l'un des pôles d'une batterie de petits
-accumulateurs P, dont l'autre pôle est à la terre. Le plateau A étant
-maintenu au potentiel du sol par le fil CD, un courant électrique
-s'établit entre les deux plateaux. Le potentiel du plateau A est indiqué
-par un électromètre E. Si l'on interrompt en C la communication avec le
-sol, le plateau A se charge, et cette charge fait dévier l'électromètre.
-La vitesse de la déviation est proportionnelle à l'intensité du courant
-et peut servir à la mesurer.
-
-[Illustration: Fig. 1.]
-
-Mais il est préférable de faire cette mesure en compensant la charge que
-prend le plateau A, de manière à maintenir l'électromètre au zéro. Les
-charges, dont il est question ici, sont extrêmement faibles; elles
-peuvent être compensées au moyen d'un quartz piézo-électrique Q, dont
-une armature est reliée au plateau A, et l'autre armature est à terre.
-On soumet la lame de quartz à une traction connue produite par des poids
-placés dans un plateau #p#; cette traction est établie progressivement
-et a pour effet de dégager progressivement une quantité d'électricité
-connue pendant un temps qu'on mesure. L'opération peut être réglée de
-telle manière, qu'il y ait à chaque instant compensation entre la
-quantité d'électricité qui traverse le condensateur et celle de signe
-contraire que fournit le quartz[14]. On peut ainsi mesurer _en valeur
-absolue_ la quantité d'électricité qui traverse le condensateur pendant
-un temps donné, c'est-à-dire l'_intensité du courant_. La mesure est
-indépendante de la sensibilité de l'électromètre.
-
- [14] On arrive très facilement à ce résultat en soutenant le poids à
- la main et en ne le laissant peser que progressivement sur le plateau
- #p#, et cela de manière à maintenir l'image de l'électromètre au zéro.
- Avec un peu d'habitude on prend très exactement le tour de main
- nécessaire pour réussir cette opération. Cette méthode de mesure des
- faibles courants a été décrite par M. J. Curie dans sa thèse.
-
-En effectuant un certain nombre de mesures de ce genre, on voit que la
-radioactivité est un phénomène susceptible d'être mesuré avec une
-certaine précision. Elle varie peu avec la température, elle est à peine
-influencée par les oscillations de la température ambiante; elle n'est
-pas influencée par l'éclairement de la substance active. L'intensité du
-courant qui traverse le condensateur augmente avec la surface des
-plateaux. Pour un condensateur donné et une substance donnée le courant
-augmente avec la différence de potentiel qui existe entre les plateaux,
-avec la pression du gaz qui remplit le condensateur et avec la distance
-des plateaux (pourvu que cette distance ne soit pas trop grande par
-rapport au diamètre). Toutefois, pour de fortes différences de
-potentiel, le courant tend vers une valeur limite qui est pratiquement
-constante. C'est le _courant de saturation_ ou _courant limite_. De même
-pour une certaine distance des plateaux assez grande, le courant ne
-varie plus guère avec cette distance. C'est le courant obtenu dans ces
-conditions qui a été pris comme mesure de radioactivité dans mes
-recherches, le condensateur étant placé dans l'air à la pression
-atmosphérique.
-
-Voici, à titre d'exemple, des courbes qui représentent l'intensité du
-courant en fonction du champ moyen établi entre les plateaux pour deux
-distances des plateaux différentes. Le plateau B était recouvert d'une
-couche mince d'uranium métallique pulvérisé; le plateau A, réuni à
-l'électromètre, était muni d'un anneau de garde.
-
-La figure 2 montre que l'intensité du courant devient constante pour les
-fortes différences de potentiel entre les plateaux. La figure 3
-représente les mêmes courbes à une autre échelle, et comprend seulement
-les résultats relatifs aux faibles différences de potentiel. Au début,
-la courbe est rectiligne; le quotient de l'intensité du courant par la
-différence de potentiel est constant pour les tensions faibles, et
-représente la conductance initiale entre les plateaux.
-
-[Illustration: Fig. 2.]
-
-[Illustration: Fig. 3.]
-
-On peut donc distinguer deux constantes importantes caractéristiques du
-phénomène observé: 1º la _conductance initiale_ pour différences de
-potentiel faibles; 2º le _courant limite_ pour différences de potentiel
-fortes. C'est le courant limite qui a été adopté comme mesure de la
-radioactivité.
-
-En plus de la différence de potentiel que l'on établit entre les
-plateaux, il existe entre ces derniers une force électromotrice de
-contact, et ces deux causes de courant ajoutent leurs effets; c'est
-pourquoi la valeur absolue de l'intensité du courant change avec le
-signe de la différence de potentiel extérieure. Toutefois, pour des
-différences de potentiel notables, l'effet de la force électromotrice de
-contact est négligeable, et l'intensité du courant est alors la même,
-quel que soit le sens du champ entre les plateaux.
-
-L'étude de la conductibilité de l'air et d'autres gaz soumis à l'action
-des rayons de Becquerel a été faite par plusieurs physiciens[15]. Une
-étude très complète du sujet a été publiée par M. Rutherford[16].
-
- [15] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXIV, p. 800, 1897.--KELWIN,
- BEATTIE et SMOLAN, _Nature_, t. LVI, 1897.--BEATTIE et SMOLUCHOWSKI,
- _Phil. Mag._, t. XLIII, p. 418.
-
- [16] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier, 1899.
-
-Les lois de la conductibilité produite dans les gaz par les rayons de
-Becquerel sont les mêmes que celles trouvées avec les rayons Röntgen. Le
-mécanisme du phénomène paraît être le même dans les deux cas. La théorie
-de l'ionisation des gaz par l'effet des rayons Röntgen ou Becquerel rend
-très bien compte des faits observés. Cette théorie ne sera pas exposée
-ici. Je rappellerai seulement les résultats auxquels elle conduit:
-
-1º Le nombre d'ions produits par seconde dans le gaz est considéré comme
-proportionnel à l'énergie du rayonnement absorbé par le gaz;
-
-2º Pour obtenir le courant limite relatif à un rayonnement donné, il
-faut, d'une part, faire absorber intégralement ce rayonnement par le
-gaz, en employant une masse absorbante suffisante; d'autre part, il faut
-utiliser pour la production du courant tous les ions créés, en
-établissant un champ électrique assez fort pour que le nombre des ions
-qui se recombinent devienne une fraction insignifiante du nombre total
-des ions produits dans le même temps, qui sont presque tous entraînés
-par le courant et amenés aux électrodes. Le champ électrique moyen
-nécessaire pour obtenir ce résultat est d'autant plus élevé que
-l'ionisation est plus forte.
-
-D'après des recherches récentes de M. Townsend, le phénomène est plus
-complexe quand la pression du gaz est faible. Le courant semble d'abord
-tendre vers une valeur limite constante quand la différence de potentiel
-augmente; mais, à partir d'une certaine différence de potentiel, le
-courant recommence à croître avec le champ, et cela avec une rapidité
-très grande. M. Townsend admet que cet accroissement est dû à une
-ionisation nouvelle produite par les ions eux-mêmes quand ceux-ci, sous
-l'action du champ électrique, prennent une vitesse suffisante pour
-qu'une molécule du gaz, rencontrée par un de ces projectiles, se trouve
-brisée et divisée en ses ions constituants. Un champ électrique intense
-et une pression faible favorisent cette ionisation par les ions déjà
-présents, et, aussitôt que celle-ci commence à se produire, l'intensité
-du courant croît constamment avec le champ moyen entre les plateaux[17].
-Le courant limite ne saurait donc être obtenu qu'avec des causes
-ionisantes, dont l'intensité ne dépasse pas une certaine valeur, de
-telle façon que la saturation corresponde à des champs pour lesquels
-l'ionisation par choc des ions ne peut encore avoir lieu. Cette
-condition se trouvait réalisée dans mes expériences.
-
- [17] TOWNSEND, _Phil. Mag._, 1901, 6e série, t. I, p. 198.
-
-L'ordre de grandeur des courants de saturation que l'on obtient avec les
-composés d'urane est de 10^{-11} ampères pour un condensateur dont les
-plateaux ont 8cm de diamètre et sont distants de 3cm. Les composés de
-thorium donnent lieu à des courants du même ordre de grandeur, et
-l'activité des oxydes d'uranium et de thorium est très analogue.
-
-
-_Radioactivité des composés d'uranium et de thorium._--Voici les nombres
-que j'ai obtenus avec divers composés d'urane; je désigne par _i_
-l'intensité du courant en ampères:
-
- _i_ × 10^{11}.
-
- Uranium métallique (contenant un peu
- de carbone) 2,3
- Oxyde d'urane noir U_2 O_5 2,6
- Oxyde d'urane vert U_3 O_4 1,8
- Acide uranique hydraté 0,6
- Uranate de sodium 1,2
- Uranate de potassium 1,2
- Uranate d'ammonium 1,3
- Sulfate uraneux 0,7
- Sulfate d'uranyle et de potassium 0,7
- Azotate d'uranyle 0,7
- Phosphate de cuivre et d'uranyle 0,9
- Oxysulfure d'urane 1,2
-
-L'épaisseur de la couche du composé d'urane employé a peu d'influence,
-pourvu que la couche soit continue. Voici quelques expériences à ce
-sujet:
-
- Épaisseur
- de la couche. _i_ × 10^{11}.
- mm
- Oxyde d'urane 0,5 2,7
- » 3,0 3,0
- Uranate d'ammonium 0,5 1,3
- » 3,0 1,4
-
-On peut conclure de là, que l'absorption des rayons uraniques par la
-matière qui les émet est très forte, puisque les rayons venant des
-couches profondes ne peuvent pas produire d'effet notable.
-
-Les nombres que j'ai obtenus avec les composés de thorium[18] m'ont
-permis de constater:
-
-1º Que l'épaisseur de la couche employée a une action considérable,
-surtout avec l'oxyde;
-
-2º Que le phénomène n'est régulier que si l'on emploie une couche active
-mince (0mm,25 par exemple). Au contraire, quand on emploie une couche de
-matière épaisse (6mm), on obtient des nombres oscillant entre des
-limites étendues, surtout dans le cas de l'oxyde:
-
- Épaisseur
- de la couche. _i_ × 10^{11}.
- mm
- Oxyde de thorium 0,25 2,2
- » 0,5 2,5
- » 2,5 4,7
- » 3,0 5,5 en moyenne
- » 6,0 5,5 »
- Sulfate de thorium 0,25 0,8
-
-Il y a dans la nature du phénomène une cause d'irrégularités qui
-n'existe pas dans le cas des composés d'urane. Les nombres obtenus pour
-une couche d'oxyde de 6mm d'épaisseur variaient entre 3,7 et 7,3.
-
- [18] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
-
-Les expériences que j'ai faites sur l'absorption des rayons uraniques et
-thoriques ont montré que les rayons thoriques sont plus pénétrants que
-les rayons uraniques et que les rayons émis par l'oxyde de thorium en
-couche épaisse sont plus pénétrants que ceux qu'il émet en couche mince.
-Voici, par exemple, les nombres qui indiquent la fraction du
-rayonnement que transmet une lame d'aluminium dont l'épaisseur est
-0mm,01:
-
- Fraction
- du rayonnement
- transmise
- Substance rayonnante. par la lame.
- Uranium 0,18
- Oxyde d'urane U_2 O_5 0,20
- Uranate d'ammonium 0,20
- Phosphate d'urane et de cuivre 0,21
- mm
- Oxyde de thorium sous épaisseur. 0,25 0,38
- » » 0,5 0,47
- » » 3,0 0,70
- » » 6,0 0,70
- Sulfate de thorium 0,25 0,38
-
-Avec les composés d'urane, l'absorption est la même quel que soit le
-composé employé, ce qui porte à croire que les rayons émis par les
-divers composés sont de même nature.
-
-Les particularités de la radiation thorique ont été l'objet de
-publications très complètes. M. Owens[19] a montré que la constance du
-courant n'est obtenue qu'au bout d'un temps assez long en appareil clos,
-et que l'intensité du courant est fortement réduite par l'action d'un
-courant d'air (ce qui n'a pas lieu pour les composés d'uranium). M.
-Rutherford a fait des expériences analogues et les a interprétées en
-admettant que le thorium et ses composés émettent non seulement des
-rayons de Becquerel, mais encore une _émanation,_ constituée par des
-particules extrêmement ténues, qui restent radioactives pendant quelque
-temps après leur émission et peuvent être entraînées par un courant
-d'air[20].
-
- [19] OWENS, _Phil. Mag._, octobre 1899.
-
- [20] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1900.
-
-Les caractères de la radiation thorique qui sont relatifs à l'influence
-de l'épaisseur de la couche employée et à l'action des courants d'air
-ont une liaison étroite avec le phénomène de la _radioactivité induite
-et de sa propagation de proche en proche_. Ce phénomène a été observé
-pour la première fois avec le radium et sera décrit plus loin.
-
-La radioactivité des composés d'uranium et de thorium se présente comme
-une _propriété atomique_. M. Becquerel avait déjà observé que tous les
-composés d'uranium sont actifs et avait conclu que leur activité était
-due à la présence de l'élément uranium; il a montré également que
-l'uranium était plus actif que ses sels[21]. J'ai étudié à ce point de
-vue les composés de l'uranium et du thorium et j'ai fait un grand nombre
-de mesures de leur activité dans diverses conditions. Il résulte de
-l'ensemble de ces mesures que la radioactivité de ces substances est
-bien effectivement une propriété atomique. Elle semble ici liée à la
-présence des atomes des deux éléments considérés et n'est détruite ni
-par les changements d'état physique ni par les transformations
-chimiques. Les combinaisons chimiques et les mélanges contenant de
-l'uranium ou du thorium sont d'autant plus actifs qu'ils contiennent une
-plus forte proportion de ces métaux, toute matière inactive agissant à
-la fois comme matière inerte et matière absorbant le rayonnement.
-
- [21] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 1086.
-
-
-_La radioactivité atomique est-elle un phénomène général?_--Comme il a
-été dit plus haut, j'ai cherché si d'autres substances que les composés
-d'uranium et de thorium étaient radioactives. J'ai entrepris cette
-recherche dans l'idée qu'il était fort peu probable que la
-radioactivité, considérée comme propriété atomique, appartînt à une
-certaine espèce de matière, à l'exclusion de toute autre. Les mesures
-que j'ai faites me permettent de dire que pour les éléments chimiques
-actuellement considérés comme tels, y compris les plus rares et les plus
-hypothétiques, les composés étudiés par moi ont été toujours au moins
-100 fois moins actifs dans mon appareil que l'uranium métallique. Dans
-le cas des éléments répandus, j'ai étudié plusieurs composés; dans le
-cas des corps rares, j'ai étudié les composés que j'ai pu me procurer.
-
-Voici la liste des substances qui ont fait partie de mon étude sous
-forme d'élément ou de combinaison:
-
-1º Tous les métaux ou métalloïdes que l'on trouve facilement et
-quelques-uns, plus rares, produits purs, provenant de la collection de
-M. Etard, à l'École de Physique et de Chimie industrielles de la Ville
-de Paris;
-
-2º Les corps rares suivants: gallium, germanium, néodyme, praséodyme,
-niobium, scandium, gadolinium, erbium, samarium et rubidium
-(échantillons prêtés par M. Demarçay); yttrium, ytterbium avec nouvel
-erbium [échantillons prêtés par M. Urbain[22]];
-
- [22] Je suis très reconnaissante aux savants cités plus haut, auxquels
- je dois des échantillons qui ont servi pour mon étude. Je remercie
- également M. Moissan qui a bien voulu donner pour cette étude de
- l'uranium métallique.
-
-3º Un grand nombre de roches et de minéraux.
-
-Dans les limites de sensibilité de mon appareil je n'ai pas trouvé de
-substance simple autre que l'uranium et le thorium, qui soit douée de
-radioactivité atomique. Il convient toutefois de dire quelques mots sur
-ce qui est relatif au phosphore. Le phosphore blanc humide, placé entre
-les plateaux du condensateur, rend conducteur l'air entre les
-plateaux[23]. Toutefois, je ne considère pas ce corps comme radioactif à
-la façon de l'uranium et du thorium. Le phosphore, en effet, dans ces
-conditions, s'oxyde et émet des rayons lumineux, tandis que les composés
-d'uranium et de thorium sont radioactifs sans éprouver aucune
-modification chimique appréciable par les moyens connus. De plus, le
-phosphore n'est actif ni à l'état de phosphore rouge, ni à l'état de
-combinaison.
-
- [23] ELSTER et GEITEL, _Wied. Ann._, 1890.
-
-Dans un travail récent, M. Bloch vient de montrer que le phosphore, en
-s'oxydant en présence de l'air, donne naissance à des ions très peu
-mobiles qui rendent l'air conducteur et provoquent la condensation de la
-vapeur d'eau[24].
-
- [24] BLOCH, _Société de Physique_, 6 février 1903.
-
-Certains travaux récents conduiraient à admettre que la radioactivité
-appartient à toutes les substances à un degré extrêmement faible[25].
-L'identité de ces phénomènes très faibles avec les phénomènes de la
-radioactivité atomique ne peut encore être considérée comme établie.
-
- [25] MAC LENNAN et BURTON, _Phil. Mag._, juin 1903.--STRUTT, _Phil.
- Mag._, juin 1903.--LESTER COOKE, _Phil. Mag._, octobre 1903.
-
-L'uranium et le thorium sont les deux éléments qui possèdent les plus
-forts poids atomiques (240 et 232); ils se rencontrent fréquemment dans
-les mêmes minéraux.
-
-
-_Minéraux radioactifs._--J'ai examiné dans mon appareil plusieurs
-minéraux[26]; certains d'entre eux se sont montrés actifs, entre autres
-la pechblende, la chalcolite, l'autunite, la monazite, la thorite,
-l'orangite, la fergusonite, la clévéite, etc. Voici un Tableau qui donne
-en ampères l'intensité _i_ du courant obtenu avec l'uranium métallique
-et avec divers minéraux.
-
- _i_ × 10^{11}.
- Uranium 2,3
- Pechblende de Johanngeorgenstadt 8,3
- » de Joachimsthal 7,0
- Pechblende de Pzibran 6,5
- » de Cornwallis 1,6
- Clévéite 1,4
- Chalcolite 5,2
- Autunite 2,7
- { 0,1
- { 0,3
- Thorites diverses { 0,7
- { 1,3
- { 1,4
- Orangite 2,0
- Monazite 0,5
- Xenotime 0,03
- Aeschynite 0,7
- Fergusonite, 2 échantillons { 0,4
- { 0,1
- Samarskite 1,1
- Niobite, 2 échantillons { 0,1
- { 0,3
- Tantalite 0,02
- Carnotite[27] 6,2
-
- [26] Plusieurs échantillons de minéraux de la collection du Muséum ont
- été obligeamment mis à ma disposition par M. Lacroix.
-
- [27] La carnotite est un minerai de vanadate d'urane récemment
- découvert par Friedel et Cumenge.
-
-Le courant obtenu avec l'orangite (minerai d'oxyde de thorium) variait
-beaucoup avec l'épaisseur de la couche employée. En augmentant cette
-épaisseur depuis 0mm,25 à 6mm, on faisait croître le courant de 1,8 à
-2,3.
-
-Tous les minéraux qui se montrent radioactifs contiennent de l'uranium
-ou du thorium; leur activité n'a donc rien d'étonnant, mais l'intensité
-du phénomène pour certains minéraux est inattendue. Ainsi, on trouve des
-pechblendes (minerais d'oxyde d'urane) qui sont 4 fois plus actives que
-l'uranium métallique. La chalcolite (phosphate de cuivre et d'urane
-cristallisé) est 2 fois plus active que l'uranium. L'autunite (phosphate
-d'urane et de chaux) est aussi active que l'uranium. Ces faits étaient
-en désaccord avec les considérations précédentes, d'après lesquelles
-aucun minéral n'aurait dû se montrer plus actif que l'uranium ou le
-thorium.
-
-Pour éclaircir ce point, j'ai préparé de la chalcolite artificielle par
-le procédé de Debray, en partant de produits purs. Ce procédé consiste à
-mélanger une dissolution d'azotate d'uranyle avec une dissolution de
-phosphate de cuivre dans l'acide phosphorique, et à chauffer vers 50° ou
-60°. Au bout de quelque temps, des cristaux de chalcolite se forment
-dans la liqueur[28]. La chalcolite ainsi obtenue possède une activité
-tout à fait normale, étant donnée sa composition; elle est deux fois et
-demie moins active que l'uranium.
-
- [28] DEBRAY, _Ann. de Chim. et de Phys._, 3e série, t. LXI, p. 445
-
-Il devenait dès lors très probable que si la pechblende, la chalcolite,
-l'autunite ont une activité si forte, c'est que ces substances
-renferment en petite quantité une matière fortement radioactive,
-différente de l'uranium, du thorium et des corps simples actuellement
-connus. J'ai pensé que, s'il en était effectivement ainsi, je pouvais
-espérer extraire cette substance du minerai par les procédés ordinaires
-de l'analyse chimique.
-
-
-
-
-CHAPITRE II.
-
-LES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
-
-
-_Méthode de recherches._--Les résultats de l'étude des minéraux
-radioactifs, énoncés dans le Chapitre précédent, nous ont engagés, M.
-Curie et moi, à chercher à extraire de la pechblende une nouvelle
-substance radioactive. Notre méthode de recherches ne pouvait être basée
-que sur la radioactivité, puisque nous ne connaissions aucun autre
-caractère de la substance hypothétique. Voici comment on peut se servir
-de la radioactivité pour une recherche de ce genre. On mesure la
-radioactivité d'un produit, on effectue sur ce produit une séparation
-chimique; on mesure la radioactivité de tous les produits obtenus, et
-l'on se rend compte si la substance radioactive est restée intégralement
-avec l'un d'eux, ou bien si elle s'est partagée entre eux et dans quelle
-proportion. On a ainsi une indication qui peut être comparée, en une
-certaine mesure, à celle que pourrait fournir l'analyse spectrale. Pour
-avoir des nombres comparables, il faut mesurer l'activité des substances
-à l'état solide et bien desséchées.
-
-
-_Polonium, radium, actinium._--L'analyse de la pechblende, avec le
-concours de la méthode qui vient d'être exposée, nous a conduits à
-établir l'existence, dans ce minéral, de deux substances fortement
-radioactives, chimiquement différentes: le _polonium_, trouvé par nous,
-et le _radium_, que nous avons découvert en collaboration avec M.
-Bémont[29].
-
- [29] P. CURIE et Mme CURIE, _Comptes rendus_, juillet 1898.--P. CURIE,
- Mme CURIE et G. BÉMONT, _Comptes rendus_, décembre 1898.
-
-Le _polonium_ est une substance voisine du bismuth au point de vue
-analytique et l'accompagnant dans les séparations. On obtient du bismuth
-de plus en plus riche en polonium par l'un des procédés de
-fractionnement suivants:
-
-1º Sublimation des sulfures dans le vide; le sulfure actif est beaucoup
-plus volatil que le sulfure de bismuth.
-
-2º Précipitation des solutions azotiques par l'eau; le sous-nitrate
-précipité est beaucoup plus actif que le sel qui reste dissous.
-
-3º Précipitation par l'hydrogène sulfuré d'une solution chlorhydrique
-extrêmement acide; les sulfures précipités sont considérablement plus
-actifs que le sel qui reste dissous.
-
-Le _radium_ est une substance qui accompagne le baryum retiré de la
-pechblende; il suit le baryum dans ses réactions et s'en sépare par
-différence de solubilité des chlorures dans l'eau, l'eau alcoolisée ou
-l'eau additionnée d'acide chlorhydrique. Nous effectuons la séparation
-des chlorures de baryum et de radium, en soumettant leur mélange à une
-cristallisation fractionnée, le chlorure de radium étant moins soluble
-que celui de baryum.
-
-Une troisième substance fortement radioactive a été caractérisée dans la
-pechblende par M. Debierne, qui lui a donné le nom d'_actinium_[30].
-L'actinium accompagne certains corps du groupe du fer contenus dans la
-pechblende; il semble surtout voisin du thorium dont il n'a pu encore
-être séparé. L'extraction de l'actinium de la pechblende est une
-opération très pénible, les séparations étant généralement incomplètes.
-
- [30] DEBIERNE, _Comptes rendus_, octobre 1899 et avril 1900.
-
-Toutes les trois substances radioactives nouvelles se trouvent dans la
-pechblende en quantité absolument infinitésimale. Pour les obtenir à
-l'état concentré, nous avons été obligés d'entreprendre le traitement de
-plusieurs tonnes de résidus de minerai d'urane. Le gros traitement se
-fait dans une usine; il est suivi de tout un travail de purification et
-de concentration. Nous arrivons ainsi à extraire de ces milliers de
-kilogrammes de matière première quelques décigrammes de produits qui
-sont prodigieusement actifs par rapport au minerai dont ils proviennent.
-Il est bien évident que l'ensemble de ce travail est long, pénible et
-coûteux[31].
-
- [31] Nous avons de nombreuses obligations envers tous ceux qui nous
- sont venus en aide dans ce travail. Nous remercions bien sincèrement
- MM. Mascart et Michel Lévy pour leur appui bienveillant. Grâce à
- l'intervention bienveillante de M. le professeur Suess, le
- gouvernement autrichien a mis gracieusement à notre disposition la
- première tonne de résidu traitée (provenant de l'usine de l'État, à
- Joachimsthal, en Bohème). L'Académie des Sciences de Paris, la Société
- d'Encouragement pour l'Industrie nationale, un donateur anonyme, nous
- ont fourni le moyen de traiter une certaine quantité de produit. Notre
- ami, M. Debierne, a organisé le traitement du minerai, qui a été
- effectué dans l'usine de la Société centrale de Produits chimiques.
- Cette Société a consenti à effectuer le traitement sans y chercher de
- bénéfice. A tous nous adressons nos remerciments bien sincères.
-
- Plus récemment, l'Institut de France a mis à notre disposition une
- somme de 20000fr pour l'extraction des matières radioactives. Grâce à
- cette somme, nous avons pu mettre en train le traitement de 5t de
- minerai.
-
-D'autres substances radioactives nouvelles ont encore été signalées à la
-suite de notre travail. M. Giesel, d'une part, MM. Hoffmann et Strauss,
-d'autre part, ont annoncé l'existence probable d'une substance
-radioactive voisine du plomb par ses propriétés chimiques. On ne possède
-encore que peu de renseignements sur cette substance[32].
-
- [32] GIESEL, _Ber. deutsch. chem. Gesell._, t. XXXIV, 1901, p.
- 3775.--HOFFMANN et STRAUSS, _Ber. deutsch. chem. Gesell._, t. XXXIII,
- 1900, p. 3126.
-
-De toutes les substances radioactives nouvelles, le radium est, jusqu'à
-présent, la seule qui ait été isolée à l'état de sel pur.
-
-
-_Spectre du radium._--Il était de première importance de contrôler, par
-tous les moyens possibles, l'hypothèse, faite dans ce travail, de
-l'existence d'éléments nouveaux radioactifs. L'analyse spectrale est
-venue, dans le cas du radium, confirmer d'une façon complète cette
-hypothèse.
-
-M. Demarçay a bien voulu se charger de l'examen des substances
-radioactives nouvelles, par les procédés rigoureux qu'il emploie dans
-l'étude des spectres d'étincelle photographiés.
-
-Le concours d'un savant aussi compétent a été pour nous un grand
-bienfait, et nous lui gardons une reconnaissance profonde d'avoir
-consenti à faire ce travail. Les résultats de l'analyse spectrale sont
-venus nous apporter la certitude, alors que nous étions encore dans le
-doute sur l'interprétation des résultats de nos recherches[33].
-
- [33] Tout récemment, nous avons eu la douleur de voir mourir ce savant
- si distingué, alors qu'il poursuivait ses belles recherches sur les
- terres rares et sur la spectroscopie, par des méthodes dont on ne
- saurait trop admirer la perfection et la précision. Nous conservons un
- souvenir ému de la parfaite obligeance avec laquelle il avait consenti
- à prendre part à notre travail.
-
-Les premiers échantillons de chlorure de baryum radifère médiocrement
-actif, examinés par Demarçay, lui montrèrent, en même temps que les
-raies du baryum, une raie nouvelle d'intensité notable et de longueur
-d'onde #l# = 381^{#mm#},47 dans le spectre ultra-violet. Avec des
-produits plus actifs, préparés ensuite, Demarçay vit la raie
-381^{#mm#},47 se renforcer; en même temps d'autres raies nouvelles
-apparurent, et dans le spectre les raies nouvelles et les raies du
-baryum avaient des intensités comparables. Une nouvelle concentration a
-fourni un produit, pour lequel le nouveau spectre domine, et les trois
-plus fortes raies du baryum, seules visibles, indiquent seulement la
-présence de ce métal à l'état d'impureté. Ce produit peut être considéré
-comme du chlorure de radium à peu près pur. Enfin j'ai pu, par une
-nouvelle purification, obtenir un chlorure extrêmement pur, dans le
-spectre duquel les deux raies dominantes du baryum sont à peine
-visibles.
-
-Voici, d'après Demarçay[34], la liste des raies principales du radium
-pour la portion du spectre comprise entre #l# = 500,0 et #l# = 350,0
-millièmes de micron (#mm#). L'intensité de chaque raie est indiquée par
-un nombre, la plus forte raie étant marquée 16.
-
- #l#. Intensité. #l#. Intensité.
- 482,63 10 453,35 9
- 472,69 5 443,61 8
- 469,98 3 434,06 12
- 469,21 7 381,47 16
- 468,30 14 364,96 12
- 464,19 4
-
- [34] DEMARÇAY, _Comptes rendus_, décembre 1898, novembre 1899 et
- juillet 1900.
-
-Toutes les raies sont nettes et étroites, les trois raies 381,47, 468,30
-et 434,06 sont fortes; elles atteignent l'égalité avec les raies les
-plus intenses actuellement connues. On aperçoit également dans le
-spectre deux bandes nébuleuses fortes. La première, symétrique, s'étend
-de 463,10 à 462,19 avec maximum à 462,75. La deuxième, plus forte, est
-dégradée vers l'ultra-violet; elle commence brusquement à 446,37, passe
-par un maximum à 445,52; la région du maximum s'étend jusqu'à 445,34,
-puis une bande nébuleuse, graduellement dégradée, s'étend jusque vers
-439.
-
-Dans la partie la moins réfrangible non photographiée du spectre
-d'étincelle, la seule raie notable est la raie 566,5 (environ), bien
-plus faible cependant que 482,63.
-
-L'aspect général du spectre est celui des métaux alcalino-terreux; on
-sait que ces métaux ont des spectres de raies fortes avec quelques
-bandes nébuleuses.
-
-D'après Demarçay, le radium peut figurer parmi les corps ayant la
-réaction spectrale la plus sensible. J'ai, d'ailleurs, pu conclure,
-d'après mon travail de concentration, que, dans le premier échantillon
-examiné qui montrait nettement la raie 381,47, la proportion de radium
-devait être très faible (peut-être de 0,02 pour 100). Cependant, il faut
-une activité 50 fois plus grande que celle de l'uranium métallique pour
-apercevoir nettement la raie principale du radium dans les spectres
-photographiés. Avec un électromètre sensible, on peut déceler la
-radioactivité d'un produit quand elle n'est que 1/100 de celle de
-l'uranium métallique. On voit que, pour déceler la présence du radium,
-la radioactivité est un caractère plusieurs milliers de fois plus
-sensible que la réaction spectrale.
-
-Le bismuth à polonium très actif et le thorium à actinium très actif,
-examinés par Demarçay, n'ont encore respectivement donné que les raies
-du bismuth et du thorium.
-
-Dans une publication récente, M. Giesel[35], qui s'est occupé de la
-préparation du radium, annonce que le bromure de radium donne lieu à une
-coloration carmin de la flamme. Le spectre de flamme du radium contient
-deux belles bandes rouges, une raie dans le bleu vert et deux lignes
-faibles dans le violet.
-
- [35] GIESEL, _Phys. Zeitschrift_, 15 septembre 1902.
-
-
-_Extraction des substances radioactives nouvelles._--La première partie
-de l'opération consiste à extraire des minerais d'urane le baryum
-radifère, le bismuth polonifère et les terres rares contenant
-l'actinium. Ces trois premiers produits ayant été obtenus, on cherche,
-pour chacun d'eux, à isoler la substance radioactive nouvelle. Cette
-deuxième partie du traitement se fait par une méthode de fractionnement.
-On sait qu'il est difficile de trouver un moyen de séparation très
-parfait entre des éléments très voisins; les méthodes de fractionnement
-sont donc tout indiquées. D'ailleurs, quand un élément se trouve mélangé
-à un autre à l'état de trace, on ne peut appliquer au mélange une
-méthode de séparation parfaite, même en admettant que l'on en connaisse
-une; on risquerait, en effet, de perdre la trace de matière qui aurait
-pu être séparée dans l'opération.
-
-Je me suis occupée spécialement du travail ayant pour but l'isolement du
-radium et du polonium. Après un travail de quelques années, je n'ai
-encore réussi que pour le premier de ces corps.
-
-La pechblende étant un minerai coûteux, nous avons renoncé à en traiter
-de grandes quantités. En Europe, l'extraction de ce minerai se fait dans
-la mine de Joachimsthal, en Bohême. Le minerai broyé est grillé avec du
-carbonate de soude, et la matière résultant de ce traitement est
-lessivée d'abord à l'eau chaude, puis à l'acide sulfurique étendu. La
-solution contient l'uranium qui donne à la pechblende sa valeur. Le
-résidu insoluble est rejeté.
-
-Ce résidu contient des substances radioactives; son activité est 4 fois
-et demie plus grande que celle de l'uranium métallique. Le gouvernement
-autrichien, auquel appartient la mine, nous a gracieusement donné une
-tonne de ce résidu pour nos recherches, et a autorisé la mine à nous
-fournir plusieurs autres tonnes de cette matière.
-
-Il n'était guère facile de faire le premier traitement du résidu à
-l'usine par les mêmes procédés qu'au laboratoire. M. Debierne a bien
-voulu étudier cette question et organiser le traitement dans l'usine. Le
-point le plus important de la méthode qu'il a indiquée consiste à
-obtenir la transformation des sulfates en carbonates par l'ébullition de
-la matière avec une dissolution concentrée de carbonate de soude. Ce
-procédé permet d'éviter la fusion avec le carbonate de soude.
-
-Le résidu contient principalement des sulfates de plomb et de chaux, de
-la silice, de l'alumine et de l'oxyde de fer. On y trouve, en outre, en
-quantité plus ou moins grande, presque tous les métaux (cuivre, bismuth,
-zinc, cobalt, manganèse, nickel, vanadium, antimoine, thallium, terres
-rares, niobium, tantale, arsenic, baryum, etc.). Le radium se trouve,
-dans ce mélange, à l'état de sulfate et en constitue le sulfate le moins
-soluble. Pour le mettre en dissolution, il faut éliminer autant que
-possible l'acide sulfurique. Pour cela, on commence par traiter le
-résidu par une solution concentrée et bouillante de soude ordinaire.
-L'acide sulfurique combiné au plomb, à l'alumine, à la chaux, passe, en
-grande partie, en dissolution à l'état de sulfate de soude que l'on
-enlève par des lavages à l'eau. La dissolution alcaline enlève en même
-temps du plomb, de la silice, de l'alumine. La portion insoluble lavée à
-l'eau est attaquée par l'acide chlorhydrique ordinaire. Cette opération
-désagrège complètement la matière et en dissout une grande partie. De
-cette dissolution on peut retirer le polonium et l'actinium: le premier
-est précipité par l'hydrogène sulfuré, le second se trouve dans les
-hydrates précipités par l'ammoniaque dans la dissolution séparée des
-sulfures et peroxydée. Quant au radium, il reste dans la portion
-insoluble. Cette portion est lavée à l'eau, puis traitée par une
-dissolution concentrée et bouillante de carbonate de soude. S'il ne
-restait plus que peu de sulfates non attaqués, cette opération a pour
-effet de transformer complètement les sulfates de baryum et de radium en
-carbonates. On lave alors la matière très complètement à l'eau, puis on
-l'attaque par l'acide chlorhydrique étendu exempt d'acide sulfurique. La
-dissolution contient le radium, ainsi que du polonium et de l'actinium.
-On la filtre et on la précipite par l'acide sulfurique. On obtient ainsi
-des sulfates bruts de baryum radifère contenant aussi de la chaux, du
-plomb, du fer et ayant aussi entraîné un peu d'actinium. La dissolution
-contient encore un peu d'actinium et de polonium qui peuvent en être
-retirés comme de la première dissolution chlorhydrique.
-
-On retire d'une tonne de résidu 10kg à 20kg de sulfates bruts, dont
-l'activité est de 30 à 60 fois plus grande que celle de l'uranium
-métallique. On procède à leur purification. Pour cela, on les fait
-bouillir avec du carbonate de soude et on les transforme en chlorures.
-La dissolution est traitée par l'hydrogène sulfuré, ce qui donne une
-petite quantité de sulfures actifs contenant du polonium. On filtre la
-dissolution, on la peroxyde par l'action du chlore et on la précipite
-par de l'ammoniaque pure.
-
-Les oxydes et hydrates précipités sont très actifs, et l'activité est
-due à l'actinium. La dissolution filtrée est précipitée par le carbonate
-de soude. Les carbonates alcalino-terreux précipités sont lavés et
-transformés en chlorures.
-
-Ces chlorures sont évaporés à sec et lavés avec de l'acide chlorhydrique
-concentré pur. Le chlorure de calcium se dissout presque entièrement,
-alors que le chlorure de baryum radifère reste insoluble. On obtient
-ainsi, par tonne de matière première, 8kg environ de chlorure de baryum
-radifère, dont l'activité est environ 60 fois plus grande que celle de
-l'uranium métallique. Ce chlorure est prêt pour le fractionnement.
-
-
-_Polonium._--Comme il a été dit plus haut, en faisant passer l'hydrogène
-sulfuré dans les diverses dissolutions chlorhydriques obtenues au cours
-du traitement, on précipite des sulfures actifs dont l'activité est due
-au polonium.
-
-Ces sulfures contiennent principalement du bismuth, un peu de cuivre et
-de plomb; ce dernier métal ne s'y trouve pas en forte proportion, parce
-qu'il a été en grande partie enlevé par la dissolution sodique, et parce
-que son chlorure est peu soluble. L'antimoine et l'arsenic ne se
-trouvent dans les oxydes qu'en quantité minime, leurs oxydes ayant été
-dissous par la soude. Pour avoir de suite des sulfures très actifs, on
-employait le procédé suivant: les dissolutions chlorhydriques très
-acides étaient précipitées par l'hydrogène sulfuré: les sulfures qui se
-précipitent dans ces conditions sont très actifs, on les emploie pour la
-préparation du polonium; dans la dissolution il reste des substances
-dont la précipitation est incomplète en présence d'un excès d'acide
-chlorhydrique (bismuth, plomb, antimoine). Pour achever la
-précipitation, on étend la dissolution d'eau, on la traite à nouveau par
-l'hydrogène sulfuré et l'on obtient une seconde portion de sulfures
-beaucoup moins actifs que les premiers, et qui, généralement, ont été
-rejetés. Pour la purification ultérieure des sulfures, on les lave au
-sulfure d'ammonium, ce qui enlève les traces restantes d'antimoine et
-d'arsenic. Puis on les lave à l'eau additionnée d'azotate d'ammonium et
-on les traite par l'acide azotique étendu.
-
-La dissolution n'est jamais complète; on obtient toujours un résidu
-insoluble plus ou moins important que l'on traite à nouveau si on le
-juge utile. La dissolution est réduite à un petit volume et précipitée
-soit par l'ammoniaque, soit par beaucoup d'eau. Dans les deux cas le
-plomb et le cuivre restent en dissolution; dans le second cas un peu de
-bismuth à peine actif reste dissous également.
-
-Le précipité d'oxydes ou de sous-azotates est soumis à un fractionnement
-de la manière suivante: on dissout le précipité dans l'acide azotique,
-on ajoute de l'eau à la dissolution, jusqu'à formation d'une quantité
-suffisante de précipité; pour cette opération il faut tenir compte de ce
-que le précipité ne se forme, quelquefois, qu'au bout d'un certain
-temps. On sépare le précipité du liquide surnageant, on le redissout
-dans l'acide azotique; sur les deux portions liquides ainsi obtenues on
-refait une précipitation par l'eau, et ainsi de suite. On réunit les
-diverses portions en se basant sur leur activité, et l'on tâche de
-pousser la concentration aussi loin que possible. On obtient ainsi une
-très petite quantité de matière dont l'activité est énorme, mais qui,
-néanmoins, n'a encore donné au spectroscope que les raies du bismuth.
-
-On a malheureusement peu de chances d'aboutir à l'isolement du polonium
-par cette voie. La méthode de fractionnement qui vient d'être décrite
-présente de grandes difficultés, et il en est de même pour d'autres
-procédés de fractionnement par voie humide. Quel que soit le procédé
-employé, il se forme avec la plus grande facilité des composés
-absolument insolubles dans les acides étendus ou concentrés. Ces
-composés ne peuvent être redissous qu'en les ramenant préalablement à
-l'état métallique, par la fusion avec le cyanure de potassium, par
-exemple.
-
-Étant donné le nombre considérable des opérations à effectuer, cette
-circonstance constitue une difficulté énorme pour le progrès du
-fractionnement. Cet inconvénient est d'autant plus grave que le polonium
-est une substance qui, une fois retirée de la pechblende, diminue
-d'activité.
-
-Cette baisse d'activité est d'ailleurs lente; c'est ainsi qu'un
-échantillon de nitrate de bismuth à polonium a perdu la moitié de son
-activité en onze mois.
-
-Aucune difficulté analogue ne se présente pour le radium. La
-radioactivité reste un guide fidèle pour la concentration: cette
-concentration elle-même ne présente aucune difficulté, et les progrès du
-travail ont pu, depuis le début, être constamment contrôlés par
-l'analyse spectrale.
-
-Quand les phénomènes de la radioactivité induite, dont il sera question
-plus loin, ont été connus, il a paru naturel d'admettre que le polonium,
-qui ne donne que les raies du bismuth et dont l'activité diminue avec le
-temps, n'est pas un élément nouveau, mais du bismuth activé par le
-voisinage du radium dans la pechblende. Je ne suis pas convaincue que
-cette manière de voir soit exacte. Au cours de mon travail prolongé sur
-le polonium, j'ai constaté des effets chimiques que je n'ai jamais
-observés ni avec le bismuth ordinaire, ni avec le bismuth activé par le
-radium. Ces effets chimiques sont, en premier lieu, la formation
-extrêmement facile des composés insolubles dont j'ai parlé plus haut
-(spécialement sous-nitrates), en deuxième lieu, la couleur et l'aspect
-des précipités obtenus en ajoutant de l'eau à la solution azotique du
-bismuth polonifère. Ces précipités sont parfois blancs, mais plus
-généralement d'un jaune plus ou moins vif, allant au rouge foncé.
-
-L'absence de raies, autres que celles du bismuth, ne prouve pas
-péremptoirement que la substance ne contient que du bismuth, car il
-existe des corps dont la réaction spectrale est peu sensible.
-
-Il serait nécessaire de préparer une petite quantité de bismuth
-polonifère à l'état de concentration aussi avancé que possible, et d'en
-faire l'étude chimique, en premier lieu, la détermination du poids
-atomique du métal. Cette recherche n'a encore pu être faite à cause des
-difficultés de travail chimique signalées plus haut.
-
-S'il était démontré que le polonium est un élément nouveau, il n'en
-serait pas moins vrai que cet élément ne peut exister indéfiniment à
-l'état fortement radioactif, tout au moins quand il est retiré du
-minerai. On peut alors envisager la question de deux manières
-différentes: 1º ou bien toute l'activité du polonium est de la
-radioactivité induite par le voisinage de substances radioactives par
-elles-mêmes; le polonium aurait alors la faculté de s'activer
-atomiquement d'une façon durable, faculté qui ne semble pas appartenir à
-une substance quelconque; 2º ou bien l'activité du polonium est une
-activité propre qui se détruit spontanément dans certaines conditions et
-peut persister dans certaines autres conditions qui se trouvent
-réalisées dans le minerai. Le phénomène de l'activation atomique au
-contact est encore si mal connu, que l'on manque de base pour se former
-une opinion cohérente sur ce qui touche à cette question.
-
- Tout récemment a paru un travail de M. Marckwald, sur le polonium[36].
- M. Marckwald plonge une baguette de bismuth pur dans une solution
- chlorhydrique du bismuth extrait du résidu du traitement de la
- pechblende. Au bout de quelque temps la baguette se recouvre d'un
- dépôt très actif, et la solution ne contient plus que du bismuth
- inactif. M. Marckwald obtient aussi un dépôt très actif en ajoutant du
- chlorure d'étain à une solution chlorhydrique de bismuth radioactif.
- M. Marckwald conclut de là que l'élément actif est analogue au tellure
- et lui donne le nom de _radiotellure_. La matière active de M.
- Marckwald semble identique au polonium, par sa provenance et par les
- rayons très absorbables qu'elle émet. Le choix d'un nom nouveau pour
- cette matière est certainement inutile dans l'état actuel de la
- question.
-
- [36] _Berichte d. deutsch. chem. Gesell._, juin 1902 et décembre 1902.
-
-
-_Préparation du chlorure de radium pur._--Le procédé que j'ai adopté
-pour extraire le chlorure de radium pur du chlorure de baryum radifère
-consiste à soumettre le mélange des chlorures à une cristallisation
-fractionnée dans l'eau pure d'abord, dans l'eau additionnée d'acide
-chlorhydrique pur ensuite. On utilise ainsi la différence des
-solubilités des deux chlorures, celui de radium étant moins soluble que
-celui de baryum.
-
-Au début du fractionnement on emploie l'eau pure distillée. On dissout
-le chlorure et l'on amène la dissolution à être saturée à la température
-de l'ébullition, puis on laisse cristalliser par refroidissement dans
-une capsule couverte. Il se forme alors au fond de beaux cristaux
-adhérents, et la dissolution saturée, surnageante, peut être facilement
-décantée. Si l'on évapore à sec un échantillon de cette dissolution, on
-trouve que le chlorure obtenu est environ cinq fois moins actif que
-celui qui a cristallisé. On a ainsi partagé le chlorure en deux
-portions: A et B, la portion A étant beaucoup plus active que la portion
-B. On recommence sur chacun des chlorures A et B la même opération, et
-l'on obtient, avec chacun d'eux, deux portions nouvelles. Quand la
-cristallisation est terminée, on réunit ensemble la fraction la moins
-active du chlorure A et la fraction la plus active du chlorure B, ces
-deux matières ayant sensiblement la même activité. On se trouve alors
-avoir trois portions que l'on soumet à nouveau au même traitement.
-
-On ne laisse pas augmenter constamment le nombre des portions. A mesure
-que ce nombre augmente, l'activité de la portion la plus soluble va en
-diminuant. Quand cette portion n'a plus qu'une activité insignifiante,
-on l'élimine du fractionnement. Quand on a obtenu le nombre de portions
-que l'on désire, on cesse aussi de fractionner la portion la moins
-soluble (la plus riche en radium), et on l'élimine du fractionnement.
-
-On opère avec un nombre constant de portions. Après chaque série
-d'opérations, la solution saturée provenant d'une portion est versée sur
-les cristaux provenant de la portion suivante; mais si, après l'une des
-séries, on a éliminé la fraction la plus soluble, après la série
-suivante on fera, au contraire, une nouvelle portion avec la fraction la
-plus soluble, et l'on éliminera les cristaux qui constituent la portion
-la plus active. Par la succession alternative de ces deux modes
-opératoires on obtient un mécanisme de fractionnement très régulier,
-dans lequel le nombre des portions et l'activité de chacune d'elles
-restent constants, chaque portion étant environ cinq fois plus active
-que la suivante, et dans lequel on élimine d'un côté (à la queue) un
-produit à peu près inactif, tandis que l'on recueille de l'autre côté (à
-la tête) un chlorure enrichi en radium. La quantité de matière contenue
-dans les portions va, d'ailleurs, nécessairement en diminuant, et les
-portions diverses contiennent d'autant moins de matière qu'elles sont
-plus actives.
-
-On opérait au début avec six portions, et l'activité du chlorure éliminé
-à la queue n'était que 0,1 de celle de l'uranium.
-
-Quand on a ainsi éliminé en grande partie la matière inactive et que les
-portions sont devenues petites, on n'a plus intérêt à éliminer à une
-activité aussi faible; on supprime alors une portion à la queue du
-fractionnement et l'on ajoute à la tête une portion formée avec le
-chlorure actif précédemment recueilli. On recueillera donc maintenant un
-chlorure plus riche en radium que précédemment. On continue à appliquer
-ce système jusqu'à ce que les cristaux de tête représentent du chlorure
-de radium pur. Si le fractionnement a été fait d'une façon très
-complète, il reste à peine de très petites quantités de tous les
-produits intermédiaires.
-
-Quand le fractionnement est avancé et que la quantité de matière est
-devenue faible dans chaque portion, la séparation par cristallisation
-est moins efficace, le refroidissement étant trop rapide et le volume de
-solution à décanter trop petit. On a alors intérêt à additionner l'eau
-d'une proportion déterminée d'acide chlorhydrique; cette proportion
-devra aller en croissant à mesure que le fractionnement avance.
-
-L'avantage de cette addition consiste à augmenter la quantité de la
-dissolution, la solubilité des chlorures étant moindre dans l'eau
-chlorhydrique que dans l'eau pure. De plus, le fractionnement est alors
-très efficace; la différence entre les deux fractions provenant d'un
-même produit est considérable; en employant de l'eau avec beaucoup
-d'acide, on a d'excellentes séparations, et l'on peut opérer avec trois
-ou quatre portions seulement. On a tout avantage à employer ce procédé
-aussitôt que la quantité de matière est devenue assez faible pour que
-l'on puisse opérer ainsi sans inconvénients.
-
-Les cristaux, qui se déposent en solution très acide, ont la forme
-d'aiguilles très allongées, qui ont absolument le même aspect pour le
-chlorure de baryum et pour le chlorure de radium. Les uns et les autres
-sont biréfringents. Les cristaux de chlorure de baryum radifère se
-déposent incolores, mais, quand la proportion de radium devient
-suffisante, ils prennent au bout de quelques heures une coloration
-jaune, allant à l'orangé, quelquefois une belle coloration rose. Cette
-coloration disparaît par la dissolution. Les cristaux de chlorure de
-radium pur ne se colorent pas, ou tout au moins pas aussi rapidement, de
-sorte que la coloration paraît due à la présence simultanée du baryum et
-du radium. Le maximum de coloration est obtenu pour une certaine
-concentration en radium, et l'on peut, en se basant sur cette propriété,
-contrôler les progrès du fractionnement. Tant que la portion la plus
-active se colore, elle contient une quantité notable de baryum; quand
-elle ne se colore plus, et que les portions suivantes se colorent, c'est
-que la première est sensiblement du chlorure de radium pur.
-
-J'ai remarqué parfois la formation d'un dépôt composé de cristaux dont
-une partie restait incolore, alors que l'autre partie se colorait. Il
-semblait possible de séparer les cristaux incolores par triage, ce qui
-n'a pas été essayé.
-
-A la fin du fractionnement, le rapport des activités des portions
-successives n'est ni le même, ni aussi régulier qu'au début; toutefois
-il ne se produit aucun trouble sérieux dans la marche du fractionnement.
-
-La précipitation fractionnée d'une solution aqueuse de chlorure de
-baryum radifère par l'alcool conduit aussi à l'isolement du chlorure de
-radium qui se précipite en premier. Cette méthode que j'employais au
-début a été ensuite abandonnée pour celle qui vient d'être exposée et
-qui offre plus de régularité. Cependant, j'ai encore quelquefois employé
-la précipitation par l'alcool pour purifier le chlorure de radium qui
-contient une petite quantité de chlorure de baryum. Ce dernier reste
-dans la dissolution alcoolique légèrement aqueuse et peut ainsi être
-enlevé.
-
-M. Giesel, qui, dès la publication de nos premières recherches, s'est
-occupé de la préparation des corps radioactifs, recommande la séparation
-du baryum et du radium par la cristallisation fractionnée dans l'eau du
-mélange des bromures. J'ai pu constater que ce procédé est en effet très
-avantageux, surtout au début du fractionnement.
-
-Quel que soit le procédé de fractionnement dont on se sert, il est utile
-de le contrôler par des mesures d'activité.
-
-Il est nécessaire de remarquer qu'un composé de radium qui était
-dissous, et que l'on vient de ramener à l'état solide, soit par
-précipitation, soit par cristallisation, possède au début une activité
-d'autant moins grande qu'il est resté plus longtemps en dissolution.
-L'activité augmente ensuite pendant plusieurs mois pour atteindre une
-certaine limite, toujours la même. L'activité finale est cinq ou six
-fois plus élevée que l'activité initiale. Ces variations, sur lesquelles
-je reviendrai plus loin, doivent être prises en considération pour la
-mesure de l'activité. Bien que l'activité finale soit mieux définie, il
-est plus pratique, au cours d'un traitement chimique, de mesurer
-l'activité initiale du produit solide.
-
-L'activité des substances fortement radioactives est d'un tout autre
-ordre de grandeur que celle du minerai dont elles proviennent (elle est
-10^6 fois plus grande). Quand on mesure cette radioactivité par la
-méthode qui a été exposée au début de ce travail (appareil _fig._ 1), on
-ne peut pas augmenter, au delà d'une certaine limite, la charge que l'on
-met dans le plateau du quartz. Cette charge, dans nos expériences, était
-de 4000g au maximum, correspondant à une quantité d'électricité dégagée
-égale à 25 unités électrostatiques. Nous pouvons mesurer des activités
-qui varient, dans le rapport de 1 à 4000, en employant toujours la même
-surface pour la substance active. Pour étendre les limites des mesures,
-nous faisons varier cette surface dans un rapport connu. La substance
-active occupe alors sur le plateau B une zone circulaire centrale de
-rayon connu. L'activité n'étant pas, dans ces conditions, exactement
-proportionnelle à la surface, on détermine expérimentalement des
-coefficients qui permettent de comparer les activités à surface active
-inégale.
-
-Quand cette ressource elle-même est épuisée, on est obligé d'avoir
-recours à l'emploi d'écrans absorbants et à d'autres procédés
-équivalents sur lesquels je n'insisterai pas ici. Tous ces procédés,
-plus ou moins imparfaits, suffisent cependant pour guider les
-recherches.
-
-Nous avons aussi mesuré le courant qui traverse le condensateur quand il
-est mis en circuit avec une batterie de petits accumulateurs et un
-galvanomètre sensible. La nécessité de vérifier fréquemment la
-sensibilité du galvanomètre nous a empêchés d'employer cette méthode
-pour les mesures courantes.
-
-
-_Détermination du poids atomique du radium[37]._--Au cours de mon
-travail, j'ai, à plusieurs reprises, déterminé le poids atomique du
-métal contenu dans des échantillons de chlorure de baryum radifère.
-Chaque fois qu'à la suite d'un nouveau traitement j'avais une nouvelle
-provision de chlorure de baryum radifère à traiter, je poussais la
-concentration aussi loin que possible, de façon à obtenir de 0g,1 à 0g,5
-de matière contenant presque toute l'activité du mélange. De cette
-petite quantité de matière je précipitais par l'alcool ou l'acide
-chlorhydrique quelques milligrammes de chlorure qui étaient destinés à
-l'analyse spectrale.
-
- [37] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 13 novembre 1899, août 1900 et 21
- juillet 1902.
-
-Grâce à son excellente méthode, Demarçay n'avait besoin que de cette
-quantité minime de matière pour obtenir la photographie du spectre de
-l'étincelle. Sur le produit qui me restait je faisais une détermination
-de poids atomique.
-
-J'ai employé la méthode classique qui consiste à doser, à l'état de
-chlorure d'argent, le chlore contenu dans un poids connu de chlorure
-anhydre. Comme expérience de contrôle, j'ai déterminé le poids atomique
-du baryum par la même méthode, dans les mêmes conditions et avec la même
-quantité de matière, 0g,5 d'abord, 0g,1 seulement ensuite. Les nombres
-trouvés étaient toujours compris entre 137 et 138. J'ai vu ainsi que
-cette méthode donne des résultats satisfaisants, même avec une aussi
-faible quantité de matière.
-
-Les deux premières déterminations ont été faites avec des chlorures,
-dont l'un était 230 fois et l'autre 600 fois plus actif que l'uranium.
-Ces deux expériences ont donné, à la précision des mesures près, le même
-nombre que l'expérience faite avec le chlorure de baryum pur. On ne
-pouvait donc espérer de trouver une différence qu'en employant un
-produit beaucoup plus actif. L'expérience suivante a été faite avec un
-chlorure dont l'activité était environ 3500 fois plus grande que celle
-de l'uranium; cette expérience permit, pour la première fois,
-d'apercevoir une différence petite, mais certaine; je trouvais, pour le
-poids atomique moyen du métal contenu dans ce chlorure, le nombre 140,
-qui indiquait que le poids atomique du radium devait être plus élevé que
-celui du baryum. En employant des produits de plus en plus actifs et
-présentant le spectre du radium avec une intensité croissante, je
-constatais que les nombres obtenus allaient aussi en croissant, comme on
-peut le voir dans le Tableau suivant (A indique l'activité du chlorure,
-celle de l'uranium étant prise comme unité; M le poids atomique trouvé):
-
- A. M.
- 3500 140 le spectre du radium est très faible
- 4700 141
-
- 7500 145,8 { le spectre du radium est fort, mais celui du
- { baryum domine de beaucoup
- Ordre } 173,8 { les deux spectres ont une importance à
- de } { peu près égale
- grandeur, } 225 { le baryum n'est présent qu'à l'état de
- 10^6. } { trace.
-
-Les nombres de la colonne A ne doivent être considérés que comme une
-indication grossière. L'appréciation de l'activité des corps fortement
-radioactifs est, en effet, difficile, pour diverses raisons dont il sera
-question plus loin.
-
-A la suite des traitements décrits plus haut, j'ai obtenu, en mars 1902,
-0g,12 d'un chlorure de radium, dont Demarçay a bien voulu faire
-l'analyse spectrale. Ce chlorure de radium, d'après l'opinion de
-Demarçay, était sensiblement pur; cependant son spectre présentait
-encore les trois raies principales du baryum avec une intensité notable.
-
-J'ai fait avec ce chlorure quatre déterminations successives dont voici
-les résultats:
-
- Chlorure
- de radium Chlorure
- anhydre. d'argent. M.
-
- I 0,1150 0,1130 220,7
- II 0,1148 0,1119 223,0
- III 0,11135 0,1086 222,8
- IV 0,10925 0,10645 223,1
-
-J'ai entrepris alors une nouvelle purification de ce chlorure, et je
-suis arrivée à obtenir une matière beaucoup plus pure encore, dans le
-spectre de laquelle les deux raies les plus fortes du baryum sont très
-faibles. Étant donnée la sensibilité de la réaction spectrale du baryum,
-Demarçay estime que ce chlorure purifié ne contient que «des traces
-minimes de baryum incapables d'influencer d'une façon appréciable le
-poids atomique». J'ai fait trois déterminations avec ce chlorure de
-radium parfaitement pur. Voici les résultats:
-
- Chlorure
- de radium Chlorure
- anhydre. d'argent. M.
-
- I 0,09192 0,08890 225,3
- II 0,08936 0,08627 225,8
- III 0,08839 0,08589 224,0
-
-Ces nombres donnent une moyenne de 225. Ils ont été calculés, de même
-que les précédents, en considérant le radium comme un élément bivalent,
-dont le chlorure a la formule RaCl_{2}, et en adoptant pour l'argent et
-le chlore les nombres Ag = 107,8; Cl = 35,4.
-
-Il résulte de ces expériences que le poids atomique du radium est
-Ra=225. Je considère ce nombre comme exact à une unité près.
-
-Les pesées étaient faites avec une balance apériodique Curie,
-parfaitement réglée, précise au vingtième de milligramme. Cette balance,
-à lecture directe, permet de faire des pesées très rapides, ce qui est
-une condition essentielle pour la pesée des chlorures anhydres de radium
-et de baryum, qui absorbent lentement de l'eau, malgré la présence de
-corps desséchants dans la balance. Les matières à peser étaient placées
-dans un creuset de platine; ce creuset était en usage depuis longtemps,
-et j'ai vérifié que son poids ne variait pas d'un dixième de milligramme
-au cours d'une opération.
-
-Le chlorure hydraté obtenu par cristallisation était introduit dans le
-creuset et chauffé à l'étuve pour être transformé en chlorure anhydre.
-L'expérience montre que, lorsque le chlorure a été maintenu quelques
-heures à 100°, son poids ne varie plus, même lorsqu'on fait monter la
-température à 200° et qu'on l'y maintient pendant quelques heures. Le
-chlorure anhydre ainsi obtenu constitue donc un corps parfaitement
-défini.
-
-Voici une série de mesures relatives à ce sujet: le chlorure (1dg)
-est séché à l'étuve à 55° et placé dans un exsiccateur sur de l'acide
-phosphorique anhydre; il perd alors du poids très lentement, ce qui
-prouve qu'il contient encore de l'eau; pendant 12 heures, la perte a été
-de 3mg. On reporte le chlorure dans l'étuve et on laisse la température
-monter à 100°. Pendant cette opération, le chlorure perd 6mg,3. Laissé
-dans l'étuve pendant 3 heures 15 minutes, il perd encore 2mg,5. On
-maintient la température pendant 45 minutes entre 100° et 120°, ce qui
-entraîne une perte de poids de 0mg,1. Laissé ensuite 30 minutes à 125°,
-le chlorure ne perd rien. Maintenu ensuite pendant 30 minutes à 150°, il
-perd 0mg,1. Enfin, chauffé pendant 4 heures à 200°, il éprouve une perte
-de poids de 0mg,15. Pendant toutes ces opérations, le creuset a varié
-de 0mg,05.
-
-Après chaque détermination de poids atomique, le radium était ramené à
-l'état de chlorure de la manière suivante: la liqueur contenant après le
-dosage l'azotate de radium et l'azotate d'argent en excès était
-additionnée d'acide chlorhydrique pur, on séparait le chlorure d'argent
-par filtration; la liqueur était évaporée à sec plusieurs fois avec un
-excès d'acide chlorhydrique pur. L'expérience montre qu'on peut ainsi
-éliminer complètement l'acide azotique.
-
-Le chlorure d'argent du dosage était toujours radioactif et lumineux. Je
-me suis assurée qu'il n'avait pas entraîné de quantité pondérable de
-radium, en déterminant la quantité d'argent qui y était contenue. A cet
-effet, le chlorure d'argent fondu contenu dans le creuset était réduit
-par l'hydrogène résultant de la décomposition de l'acide chlorhydrique
-étendu par le zinc; après lavage, le creuset était pesé avec l'argent
-métallique qui y était contenu.
-
-J'ai constaté également, dans une expérience, que le poids du chlorure
-de radium régénéré était retrouvé le même qu'avant l'opération. Dans
-d'autres expériences, je n'attendais pas, pour commencer une nouvelle
-opération, que toutes les eaux de lavage fussent évaporées.
-
-Ces vérifications ne comportent pas la même précision que les
-expériences directes; elles ont permis toutefois de s'assurer qu'aucune
-erreur notable n'a été commise.
-
-D'après ses propriétés chimiques, le radium est un élément de la série
-des alcalino-terreux. Il est dans cette série l'homologue supérieur du
-baryum.
-
-D'après son poids atomique, le radium vient se placer également, dans le
-Tableau de Mendeleeff, à la suite du baryum dans la colonne des métaux
-alcalino-terreux et sur la rangée qui contient déjà l'uranium et le
-thorium.
-
-
-_Caractères des sels de radium._--Les sels de radium: chlorure, azotate,
-carbonate, sulfate, ont le même aspect que ceux de baryum, quand ils
-viennent d'être préparés à l'état solide, mais tous les sels de radium
-se colorent avec le temps.
-
-Les sels de radium sont tous lumineux dans l'obscurité.
-
-Par leurs propriétés chimiques, les sels de radium sont absolument
-analogues aux sels correspondants de baryum. Cependant le chlorure de
-radium est moins soluble que celui de baryum; la solubilité des azotates
-dans l'eau semble être sensiblement la même.
-
-Les sels de radium sont le siège d'un dégagement de chaleur spontané et
-continu.
-
-Le chlorure de radium pur est paramagnétique. Son coefficient
-d'aimantation spécifique K (rapport du moment magnétique de l'unité de
-masse à l'intensité du champ) a été mesuré par MM. P. Curie et C.
-Chéneveau au moyen d'un appareil établi par ces deux physiciens[38]. Ce
-coefficient a été mesuré par comparaison avec celui de l'eau et corrigé
-de l'action du magnétisme de l'air. On a trouvé ainsi
-
- K = 1,05 × 10^{-6}.
-
-Le chlorure de baryum pur est diamagnétique, son coefficient
-d'aimantation spécifique est
-
- K = - 0,40 × 10^{-6}.
-
- [38] _Société de Physique_, 3 avril 1903.
-
-On trouve d'ailleurs, conformément aux résultats précédents, qu'un
-chlorure de baryum radifère contenant environ 17 pour 100 de chlorure de
-radium est diamagnétique et possède un coefficient spécifique
-
- K = - 0,20 × 10^{-6}[39].
-
- [39] En 1899, M. St. Meyer a annoncé que le carbonate de baryum
- radifère était paramagnétique (_Wied. Ann._, t. LXVIII). Cependant M.
- Meyer avait opéré avec un produit très peu riche en radium, et ne
- contenant probablement que 1/1000 de sel de radium. Ce produit aurait
- dû se montrer diamagnétique. Il est probable que ce corps contenait
- une petite impureté ferrifère.
-
-
-_Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire._--Nous avons cherché à
-nous assurer si le chlorure de baryum du commerce ne contenait pas de
-petites quantités de chlorure de radium inappréciables à notre appareil
-de mesures. Pour cela, nous avons entrepris le fractionnement d'une
-grande quantité de chlorure de baryum du commerce, espérant concentrer
-par ce procédé la trace de chlorure de radium si elle s'y trouvait.
-
-50kg de chlorure de baryum du commerce ont été dissous dans l'eau; la
-dissolution a été précipitée par de l'acide chlorhydrique exempt d'acide
-sulfurique, ce qui a fourni 20kg de chlorure précipité. Celui-ci a été
-dissous dans l'eau et précipité partiellement par l'acide chlorhydrique,
-ce qui a donné 8kg,5 de chlorure précipité. Ce chlorure a été soumis à
-la méthode de fractionnement employée pour le chlorure de baryum
-radifère, et l'on a éliminé à la tête du fractionnement 10g de chlorure
-correspondant à la portion la moins soluble. Ce chlorure ne montrait
-aucune radioactivité dans notre appareil de mesures; il ne contenait
-donc pas de radium; ce corps est, par suite, absent des minerais qui
-fournissent le baryum.
-
-
-
-
-CHAPITRE III.
-
-RAYONNEMENT DES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
-
-
-_Procédés d'étude du rayonnement._--Pour étudier le rayonnement émis par
-les substances radioactives, on peut se servir de l'une quelconque des
-propriétés de ce rayonnement. On peut donc utiliser soit l'action des
-rayons sur les plaques photographiques, soit leur propriété d'ioniser
-l'air et de le rendre conducteur, soit encore leur faculté de provoquer
-la fluorescence de certaines substances. En parlant dorénavant de ces
-diverses manières d'opérer, j'emploierai, pour abréger, les expressions:
-méthode radiographique, méthode électrique, méthode fluoroscopique.
-
-Les deux premières ont été employées dès le début pour l'étude des
-rayons uraniques; la méthode fluoroscopique ne peut s'appliquer qu'aux
-substances nouvelles, fortement radioactives, car les substances
-faiblement radioactives telles que l'uranium et le thorium ne produisent
-pas de fluorescence appréciable. La méthode électrique est la seule qui
-comporte des mesures d'intensité précises; les deux autres sont surtout
-propres à donner à ce point de vue des résultats qualitatifs et ne
-peuvent fournir que des mesures d'intensité grossières. Les résultats
-obtenus avec les trois méthodes considérées ne sont jamais que très
-grossièrement comparables entre eux et peuvent ne pas être comparables
-du tout. La plaque sensible, le gaz qui s'ionise, l'écran fluorescent
-sont autant de récepteurs auxquels on demande d'absorber l'énergie du
-rayonnement et de la transformer en un autre mode d'énergie: énergie
-chimique, énergie ionique ou énergie lumineuse. Chaque récepteur absorbe
-une fraction du rayonnement qui dépend essentiellement de sa nature. On
-verra d'ailleurs plus loin que le rayonnement est complexe; les portions
-du rayonnement absorbées par les différents récepteurs peuvent différer
-entre elles quantitativement et qualitativement. Enfin, il n'est ni
-évident, ni même probable, que l'énergie absorbée soit entièrement
-transformée par le récepteur en la forme que nous désirons observer; une
-partie de cette énergie peut se trouver transformée en chaleur, en
-émission de rayonnements secondaires qui, suivant le cas, seront ou ne
-seront pas utilisés pour la production du phénomène observé, en action
-chimique différente de celle que l'on observe, etc., et, là encore,
-l'effet utile du récepteur, pour le but que nous nous proposons, dépend
-essentiellement de la nature de ce récepteur.
-
-Comparons deux échantillons radioactifs dont l'un contient du radium et
-l'autre du polonium, et qui sont également actifs dans l'appareil à
-plateaux de la figure 1. Si l'on recouvre chacun d'eux d'une feuille
-mince d'aluminium, le second paraîtra considérablement moins actif que
-le premier, et il en sera de même si on les place sous le même écran
-fluorescent, quand ce dernier est assez épais, ou qu'il est placé à une
-certaine distance des deux substances radioactives.
-
-
-_Énergie du rayonnement._--Quelle que soit la méthode de recherches
-employée, on trouve toujours que l'énergie du rayonnement des substances
-radioactives nouvelles est considérablement plus grande que celle de
-l'uranium et du thorium. C'est ainsi que, à petite distance, une plaque
-photographique est impressionnée, pour ainsi dire, instantanément, alors
-qu'une pose de 24 heures est nécessaire quand on opère avec l'uranium
-et le thorium. Un écran fluorescent est vivement illuminé au contact des
-substances radioactives nouvelles, alors qu'aucune trace de luminosité
-ne se voit avec l'uranium et le thorium. Enfin, l'action ionisante sur
-l'air est aussi considérablement plus intense, dans le rapport de 10^6
-environ. Mais il n'est, à vrai dire, plus possible d'évaluer
-l'_intensité totale du rayonnement_, comme pour l'uranium, par la
-méthode électrique décrite au début (_fig._ 1). En effet, dans le cas de
-l'uranium, par exemple, le rayonnement est très approximativement
-absorbé dans la couche d'air qui sépare les plateaux, et le courant
-limite est atteint pour une tension de 100 volts. Mais il n'en est plus
-de même pour les substances fortement radioactives. Une partie du
-rayonnement du radium est constituée par des rayons très pénétrants qui
-traversent le condensateur et les plateaux métalliques, et ne sont
-nullement utilisés à ioniser l'air entre les plateaux. De plus le
-courant limite ne peut pas toujours être obtenu pour les tensions dont
-on dispose; c'est ainsi que, pour le polonium très actif, le courant est
-encore proportionnel à la tension entre 100 et 500 volts. Les conditions
-expérimentales qui donnent à la mesure une signification simple ne sont
-donc pas réalisées, et, par suite, les nombres obtenus ne peuvent être
-considérés comme donnant la mesure du rayonnement total; ils ne
-constituent, à ce point de vue, qu'une approximation grossière.
-
-
-_Nature complexe du rayonnement._--Les travaux de divers physiciens (MM.
-Becquerel, Meyer et von Schweidler, Giesel, Villard, Rutherford, M. et
-Mme Curie) ont montré que le rayonnement des substances radioactives est
-un rayonnement très complexe. Il convient de distinguer trois espèces de
-rayons que je désignerai, suivant la notation adoptée par M. Rutherford,
-par les lettres #a#, #b# et #g#.
-
-1º Les rayons #a# sont des rayons très peu pénétrants qui semblent
-constituer la plus grosse partie de rayonnement. Ces rayons sont
-caractérisés par les lois suivant lesquelles ils sont absorbés par la
-matière. Le champ magnétique agit très faiblement sur ces rayons, et on
-les a considérés tout d'abord comme insensibles à l'action de ce champ.
-Cependant, dans un champ magnétique intense, les rayons #a# sont
-légèrement déviés; la déviation se produit de la même manière que dans
-le cas des rayons cathodiques, mais le sens de la déviation est
-renversé; il est le même que pour les rayons canaux des tubes de
-Crookes.
-
-2º Les rayons #b# sont des rayons moins absorbables dans leur ensemble
-que les précédents. Ils sont déviés par un champ magnétique de la même
-manière et dans le même sens que les rayons cathodiques.
-
-3º Les rayons #g# sont des rayons pénétrants insensibles à l'action du
-champ magnétique et comparables aux rayons de Röntgen.
-
-Les rayons d'un même groupe peuvent avoir un pouvoir de pénétration qui
-varie dans des limites très étendues, comme cela a été prouvé pour les
-rayons #b#.
-
-Imaginons l'expérience suivante: le radium R est placé au fond d'une
-petite cavité profonde creusée dans un bloc de plomb P (_fig._ 4). Un
-faisceau de rayons rectiligne et peu épanoui s'échappe de la cuve.
-Supposons que, dans la région qui entoure la cuve, on établisse un champ
-magnétique uniforme, très intense, normal au plan de la figure et dirigé
-vers l'arrière de ce plan. Les trois groupes de rayons #a#, #b#, #g# se
-trouveront séparés. Les rayons #g# peu intenses continuent leur trajet
-rectiligne sans trace de déviation. Les rayons #b# sont déviés à la
-façon de rayons cathodiques et décrivent dans le plan de la figure des
-trajectoires circulaires dont le rayon varie dans des limites étendues.
-Si la cuve est placée sur une plaque photographique AC, la portion BC
-de la plaque qui reçoit les rayons #b# est impressionnée. Enfin, les
-rayons #a# forment un faisceau très intense qui est dévié légèrement et
-qui est assez rapidement absorbé par l'air. Ces rayons décrivent, dans
-le plan de la figure, une trajectoire dont le rayon de courbure est très
-grand, le sens de la déviation étant l'inverse de celui qui a lieu pour
-les rayons #b#.
-
-[Illustration: Fig. 4.]
-
-Si l'on recouvre la cuve d'un écran mince en aluminium, (0mm,1
-d'épaisseur), les rayons #a# sont en très grande partie supprimés, les
-rayons #b# le sont bien moins et les rayons #g# ne semblent pas absorbés
-notablement.
-
-L'expérience que je viens de décrire n'a pas été réalisée sous cette
-forme, et l'on verra dans la suite quelles sont les expériences qui
-montrent l'action du champ magnétique sur les divers groupes de rayons.
-
-
-_Action du champ magnétique._--On a vu que les rayons émis par les
-substances radioactives ont un grand nombre de propriétés communes aux
-rayons cathodiques et aux rayons Röntgen. Aussi bien les rayons
-cathodiques que les rayons Röntgen ionisent l'air, agissent sur les
-plaques photographiques, excitent la fluorescence, n'éprouvent pas de
-réflexion régulière. Mais les rayons cathodiques diffèrent des rayons
-Röntgen en ce qu'ils sont déviés de leur trajet rectiligne par l'action
-du champ magnétique et en ce qu'ils transportent des charges
-d'électricité négative.
-
-Le fait que le champ magnétique agit sur les rayons émis par les
-substances radioactives a été découvert presque simultanément par MM.
-Giesel, Meyer et von Schweidler et Becquerel[40]. Ces physiciens ont
-reconnu que les rayons des substances radioactives sont déviés par le
-champ magnétique de la même façon et dans le même sens que les rayons
-cathodiques; leurs observations se rapportaient aux rayons #b#.
-
- [40] GIESEL, _Wied. Ann._, 2 novembre 1899.--MEYER et VON SCHWEIDLER,
- _Acad. Anzeiger Wien_, 3 et 9 novembre 1899.--BECQUEREL, _Comptes
- rendus_, 11 décembre 1899.
-
-M. Curie a montré que le rayonnement du radium comporte deux groupes de
-rayons bien distincts, dont l'un est facilement dévié par le champ
-magnétique (rayons #b#) alors que l'autre reste insensible à l'action de
-ce champ (rayons #a# et #g# dont l'ensemble était désigné par le nom de
-rayons non déviables)[41].
-
- [41] P. CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
-
-M. Becquerel n'a pas observé d'émission de rayons genre cathodique par
-les échantillons de polonium préparés par nous. C'est, au contraire, sur
-un échantillon de polonium, préparé par lui, que M. Giesel a observé
-pour la première fois l'effet du champ magnétique. De tous les
-échantillons de polonium, préparés par nous, aucun n'a jamais donné lieu
-à une émission de rayons genre cathodique.
-
-Le polonium de M. Giesel n'émet des rayons genre cathodique que quand il
-est récemment préparé, et il est probable que l'émission est due au
-phénomène de radioactivité induite dont il sera question plus loin.
-
-Voici les expériences qui prouvent qu'une partie du rayonnement du
-radium et une partie seulement est constituée par des rayons facilement
-déviables (rayons #b#). Ces expériences ont été faites par la méthode
-électrique[42].
-
- [42] P. CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
-
-[Illustration: Fig. 5.]
-
-Le corps radioactif (_fig._ 5) envoie des radiations suivant la
-direction AD entre les plateaux P et P'. Le plateau P est maintenu au
-potentiel de 500 volts, le plateau P' est relié à un électromètre et à
-un quartz piézoélectrique. On mesure l'intensité du courant qui passe
-dans l'air sous l'influence des radiations. On peut à volonté établir le
-champ magnétique d'un électro-aimant normalement au plan de la figure
-dans toute la région EEEE. Si les rayons sont déviés, même faiblement,
-ils ne pénètrent plus entre les plateaux, et le courant est supprimé.
-La région où passent les rayons est entourée par les masses de plomb B,
-B', B" et par les armatures de l'électro-aimant; quand les rayons sont
-déviés, ils sont absorbés par les masses de plomb B et B'.
-
-Les résultats obtenus dépendent essentiellement de la distance AD du
-corps radiant A à l'entrée du condensateur en D. Si la distance AD est
-assez grande (supérieure à 7cm), la plus grande partie (90 pour 100
-environ) des rayons du radium qui arrivent au condensateur sont déviés
-et supprimés pour un champ de 2500 unités. Ces rayons sont des rayons
-#b#. Si la distance AD est plus faible que 65mm, une partie moins
-importante des rayons est déviée par l'action du champ; cette partie est
-d'ailleurs déjà complètement déviée par un champ de 2500 unités, et la
-proportion de rayons supprimés n'augmente pas quand on fait croître le
-champ de 2500 à 7000 unités.
-
-La proportion des rayons non supprimés par le champ est d'autant plus
-grande que la distance AD entre le corps radiant et le condensateur est
-plus petite. Pour les distances faibles les rayons qui peuvent être
-déviés facilement ne constituent plus qu'une très faible fraction du
-rayonnement total.
-
-Les rayons pénétrants sont donc, en majeure partie, des rayons déviables
-genre cathodique (rayons #b#).
-
-Avec le dispositif expérimental qui vient d'être décrit, l'action du
-champ magnétique sur les rayons #a# ne pouvait guère être observée pour
-les champs employés. Le rayonnement très important, en apparence non
-déviable, observé à petite distance de la source radiante, était
-constitué par les rayons #a#; le rayonnement non déviable observé à
-grande distance était constitué par les rayons #g#.
-
-Lorsque l'on tamise le faisceau au travers d'une lame absorbante
-(aluminium ou papier noir), les rayons qui passent sont presque tous
-déviés par le champ, de telle sorte qu'à l'aide de l'écran et du champ
-magnétique presque tout le rayonnement est supprimé dans le
-condensateur, ce qui reste n'étant alors dû qu'aux rayons #g#, dont la
-proportion est faible. Quant aux rayons #a#, ils sont absorbés par
-l'écran.
-
-Une lame d'aluminium de 1/100 de millimètre d'épaisseur suffit pour
-supprimer presque tous les rayons difficilement déviables, quand la
-substance est assez loin du condensateur; pour des distances plus
-petites (34mm et 51mm), deux feuilles d'aluminium au 1/100 sont
-nécessaires pour obtenir ce résultat.
-
-On a fait des mesures semblables sur quatre substances radifères
-(chlorures ou carbonates) d'activité très différente; les résultats
-obtenus ont été très analogues.
-
-On peut remarquer que, pour tous les échantillons, les rayons pénétrants
-déviables à l'aimant (rayons #b#) ne sont qu'une faible partie du
-rayonnement total; ils n'interviennent que pour une faible part dans les
-mesures où l'on utilise le rayonnement intégral pour produire la
-conductibilité de l'air.
-
-On peut étudier la radiation émise par le polonium par la méthode
-électrique. Quand on fait varier la distance AD du polonium au
-condensateur, on n'observe d'abord aucun courant tant que la distance
-est assez grande; quand on rapproche le polonium, on observe que, pour
-une certaine distance qui était de 4cm pour l'échantillon étudié, le
-rayonnement se fait très brusquement sentir avec une assez grande
-intensité; le courant augmente ensuite régulièrement si l'on continue à
-rapprocher le polonium, mais le champ magnétique ne produit pas d'effet
-appréciable dans ces conditions. Il semble que le rayonnement du
-polonium soit délimité dans l'espace et dépasse à peine dans l'air une
-sorte de gaine entourant la substance sur l'épaisseur de quelques
-centimètres.
-
-Il convient de faire des réserves générales importantes sur la
-signification des expériences que je viens de décrire. Quand j'indique
-la proportion des rayons déviés par l'aimant, il s'agit seulement des
-radiations susceptibles d'actionner un courant dans le condensateur. En
-employant comme réactif des rayons de Becquerel la fluorescence ou
-l'action sur les plaques photographiques, la proportion serait
-probablement différente, une mesure d'intensité n'ayant généralement un
-sens que pour la méthode de mesures employée.
-
-Les rayons du polonium sont des rayons du genre #a#. Dans les
-expériences que je viens de décrire, on n'a observé aucun effet du champ
-magnétique sur ces rayons, mais le dispositif expérimental était tel
-qu'une faible déviation passait inaperçue.
-
-Des expériences faites par la méthode radiographique ont confirmé les
-résultats de celles qui précèdent. En employant le radium comme source
-radiante, et en recevant l'impression sur une plaque parallèle au
-faisceau primitif et normale au champ, on obtient la trace très nette de
-deux faisceaux séparés par l'action du champ, l'un dévié, l'autre non
-dévié. Les rayons #b# constituent le faisceau dévié; les rayons #a#
-étant peu déviés se confondent sensiblement avec le faisceau non dévié
-des rayons #g#.
-
-
-_Rayons déviables #b#_.--Il résultait des expériences de MM. Giesel
-et de MM. Meyer et von Schweidler que le rayonnement des corps
-radioactifs est au moins en partie dévié par un champ magnétique,
-et que la déviation se fait comme pour les rayons cathodiques. M.
-Becquerel a étudié l'action du champ sur les rayons par la méthode
-radiographique[43]. Le dispositif expérimental employé était celui de la
-figure 4. Le radium était placé dans la cuve en plomb P, et cette cuve
-était posée sur la face sensible d'une plaque photographique AC
-enveloppée de papier noir. Le tout était placé entre les pôles d'un
-électro-aimant, le champ magnétique étant normal au plan de la figure.
-
- [43] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 206, 372, 810.
-
-Si le champ est dirigé vers l'arrière de ce plan, la partie BC de la
-plaque se trouve impressionnée par des rayons qui, ayant décrit des
-trajectoires circulaires, sont rabattus sur la plaque et viennent la
-couper à angle droit. Ces rayons sont des rayons #b#.
-
-M. Becquerel a montré que l'impression constitue une large bande
-diffuse, véritable spectre continu, montrant que le faisceau de rayons
-déviables émis par la source est constitué par une infinité de
-radiations inégalement déviables. Si l'on recouvre la gélatine de la
-plaque de divers écrans absorbants (papier, verre, métaux), une portion
-du spectre se trouve supprimée, et l'on constate que les rayons les plus
-déviés par le champ magnétique, autrement dit ceux qui donnent la plus
-petite valeur du rayon de la trajectoire circulaire, sont le plus
-fortement absorbés. Pour chaque écran l'impression sur la plaque ne
-commence qu'à une certaine distance de la source radiante, cette
-distance étant d'autant plus grande que l'écran est plus absorbant.
-
-
-_Charge des rayons déviables._--Les rayons cathodiques sont, comme l'a
-montré M. Perrin, chargés d'électricité négative[44]. De plus ils
-peuvent, d'après les expériences de M. Perrin et de M. Lenard[45],
-transporter leur charge à travers des enveloppes métalliques réunies à
-la terre et à travers des lames isolantes. En tout point, où les rayons
-cathodiques sont absorbés, se fait un dégagement continu d'électricité
-négative. Nous avons constaté qu'il en est de même pour les rayons
-déviables #b# du radium. _Les rayons déviables_ #b# _du radium sont
-chargés d'électricité négative_[46].
-
- [44] _Comptes rendus_, t. CXXI, p. 1130. _Annales de Chimie et de
- Physique_, t. II, 1897.
-
- [45] LENARD, _Wied. Ann._, t. LXIV, p. 279.
-
- [46] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 5 mars 1900.
-
- Étalons la substance radioactive sur l'un des plateaux d'un
- condensateur, ce plateau étant relié métalliquement à la terre; le
- second plateau est relié à un électromètre, il reçoit et absorbe les
- rayons émis par la substance. Si les rayons sont chargés, on doit
- observer une arrivée continue d'électricité à l'électromètre. Cette
- expérience, réalisée dans l'air, ne nous a pas permis de déceler une
- charge des rayons, mais l'expérience ainsi faite n'est pas sensible.
- L'air entre les plateaux étant rendu conducteur par les rayons,
- l'électromètre n'est plus isolé et ne peut accuser que des charges
- assez fortes.
-
- Pour que les rayons #a# ne puissent apporter de trouble dans
- l'expérience, on peut les supprimer en recouvrant la source radiante
- d'un écran métallique mince; le résultat de l'expérience n'est pas
- modifié[47].
-
- [47] A vrai dire, dans ces expériences, on observe toujours une
- déviation à l'électromètre, mais il est facile de se rendre compte que
- ce déplacement est un effet de la force électromotrice de contact qui
- existe entre le plateau relié à l'électromètre et les conducteurs
- voisins; cette force électromotrice fait dévier l'électromètre, grâce
- à la conductibilité de l'air soumis au rayonnement du radium.
-
-Nous avons sans plus de succès répété cette expérience dans l'air en
-faisant pénétrer les rayons dans l'intérieur d'un cylindre de Faraday en
-relation avec l'électromètre[48].
-
- [48] Le dispositif du cylindre de Faraday n'est pas nécessaire, mais
- il pourrait présenter quelques avantages dans le cas où il se
- produirait une forte diffusion des rayons par les parois frappées. On
- pourrait espérer ainsi recueillir et utiliser ces rayons diffusés,
- s'il y en a.
-
-On pouvait déjà se rendre compte, d'après les expériences qui précèdent,
-que la charge des rayons du produit radiant employé était faible.
-
-Pour constater un faible dégagement d'électricité sur le conducteur qui
-absorbe les rayons, il faut que ce conducteur soit bien isolé
-électriquement; pour obtenir ce résultat, il est nécessaire de le mettre
-à l'abri de l'air, soit en le plaçant dans un tube avec un vide très
-parfait, soit en l'entourant d'un bon diélectrique solide. C'est ce
-dernier dispositif que nous avons employé.
-
-Un disque conducteur MM (_fig._ 6) est relié par la tige métallique _t_
-à l'électromètre; disque et tige sont complètement entourés de matière
-isolante _iiii_; le tout est recouvert d'une enveloppe métallique EEEE
-qui est en communication électrique avec la terre. Sur l'une des faces
-du disque, l'isolant _pp_ et l'enveloppe métallique sont très minces.
-C'est cette face qui est exposée au rayonnement du sel de baryum
-radifère R, placé à l'extérieur dans une auge en plomb[49]. Les rayons
-émis par le radium traversent l'enveloppe métallique et la lame isolante
-_pp_, et sont absorbés par le disque métallique MM. Celui-ci est alors
-le siège d'un dégagement continu et constant d'électricité négative que
-l'on constate à l'électromètre et que l'on mesure à l'aide du quartz
-piézoélectrique.
-
- [49] L'enveloppe isolante doit être parfaitement continue. Toute
- fissure remplie d'air allant du conducteur intérieur jusqu'à
- l'enveloppe métallique est une cause de courant dû aux forces
- électromotrices de contact utilisant la conductibilité de l'air sous
- l'action du radium.
-
-[Illustration: Fig. 6.]
-
-Le courant ainsi créé est très faible. Avec du chlorure de baryum
-radifère très actif formant une couche de 2cm2,5 de surface et de
-0cm,2 d'épaisseur, on obtient un courant de l'ordre de grandeur de
-10^{-11} ampère, les rayons utilisés ayant traversé, avant d'être
-absorbés par le disque MM, une épaisseur d'aluminium de 0mm,01 et une
-épaisseur d'ébonite de 0mm,3.
-
-Nous avons employé successivement du plomb, du cuivre et du zinc pour le
-disque MM, de l'ébonite et de la paraffine pour l'isolant; les résultats
-obtenus ont été les mêmes.
-
-Le courant diminue quand on éloigne la source radiante R, ou quand on
-emploie un produit moins actif.
-
-Nous avons encore obtenu les mêmes résultats en remplaçant le disque MM
-par un cylindre de Faraday rempli d'air, mais enveloppé extérieurement
-par une matière isolante. L'ouverture du cylindre, fermée par la plaque
-isolante mince _pp_, était alors en face de la source radiante.
-
-Enfin nous avons fait l'expérience inverse, qui consiste à placer l'auge
-de plomb avec le radium au milieu de la matière isolante et en relation
-avec l'électromètre (_fig._ 7), le tout étant enveloppé par l'enceinte
-métallique reliée à la terre.
-
-[Illustration: Fig. 7.]
-
-Dans ces conditions, on observe à l'électromètre que le radium prend une
-charge positive et égale en grandeur à la charge négative de la première
-expérience. Les rayons du radium traversent la plaque diélectrique mince
-_pp_ et quittent le conducteur intérieur en emportant de l'électricité
-négative.
-
-Les rayons #a# du radium n'interviennent pas dans ces expériences, étant
-absorbés presque totalement par une épaisseur extrêmement faible de
-matière. La méthode qui vient d'être décrite ne convient pas non plus
-pour l'étude de la charge des rayons du polonium, ces rayons étant
-également très peu pénétrants. Nous n'avons observé aucun indice de
-charge avec du polonium, qui émet seulement des rayons #a#; mais, pour
-la raison qui précède, on ne peut tirer de cette expérience aucune
-conclusion.
-
-Ainsi, dans le cas des rayons déviables #b# du radium, comme dans le cas
-des rayons cathodiques, les rayons transportent de l'électricité. Or,
-jusqu'ici on n'a jamais reconnu l'existence de charges électriques non
-liées à la matière. On est donc amené à se servir, dans l'étude de
-l'émission des rayons déviables #b# du radium, de la même théorie que
-celle actuellement en usage pour l'étude des rayons cathodiques. Dans
-cette théorie balistique, qui a été formulée par Sir W. Crookes, puis
-développée et complétée par M. J.-J. Thompson, les rayons cathodiques
-sont constitués par des particules extrêmement ténues qui sont lancées à
-partir de la cathode avec une très grande vitesse, et qui sont chargées
-d'électricité négative. On peut de même concevoir que le radium envoie
-dans l'espace des particules chargées négativement.
-
-Un échantillon de radium renfermé dans une enveloppe solide, mince,
-parfaitement isolante, doit se charger spontanément à un potentiel très
-élevé. Dans l'hypothèse balistique le potentiel augmenterait, jusqu'à ce
-que la différence de potentiel avec les conducteurs environnants devînt
-suffisante pour empêcher l'éloignement des particules électrisées émises
-et amener leur retour à la source radiante.
-
-Nous avons réalisé par hasard l'expérience dont il est question ici. Un
-échantillon de radium très actif était enfermé depuis longtemps dans une
-ampoule de verre. Pour ouvrir l'ampoule, nous avons fait avec un couteau
-à verre un trait sur le verre. A ce moment nous avons entendu nettement
-le bruit d'une étincelle, et en observant ensuite l'ampoule à la loupe,
-nous avons aperçu que le verre avait été perforé par une étincelle à
-l'endroit où il s'était trouvé aminci par le trait. Le phénomène qui
-s'est produit là est exactement comparable à la rupture du verre d'une
-bouteille de Leyde trop chargée.
-
-Le même phénomène s'est reproduit avec une autre ampoule. De plus, au
-moment où l'étincelle a éclaté, M. Curie qui tenait l'ampoule ressentit
-dans les doigts la secousse électrique due à la décharge.
-
-Certains verres ont de bonnes propriétés isolantes. Si l'on enferme le
-radium dans une ampoule de verre scellée et bien isolante, on peut
-s'attendre à ce que cette ampoule à un moment donné se perce
-spontanément.
-
-_Le radium est le premier exemple d'un corps qui se charge spontanément
-d'électricité._
-
-
-_Action du champ électrique sur les rayons déviables_ #b# _du
-radium_.--Les rayons déviables #b# du radium étant assimilés à des
-rayons cathodiques doivent être déviés par un champ électrique de la
-même façon que ces derniers, c'est-à-dire comme le serait une particule
-matérielle chargée négativement et lancée dans l'espace avec une grande
-vitesse. L'existence de cette déviation a été montrée, d'une part, par
-M. Dorn[50], d'autre part, par M. Becquerel[51].
-
- [50] DORN, _Abh. Halle_, mars 1900.
-
- [51] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 819.
-
-Considérons un rayon qui traverse l'espace situé entre les deux plateaux
-d'un condensateur. Supposons la direction du rayon parallèle aux
-plateaux. Quand on établit entre ces derniers un champ électrique, le
-rayon est soumis à l'action de ce champ uniforme sur toute la longueur
-du trajet dans le condensateur, soit _l_. En vertu de cette action le
-rayon est dévié vers le plateau positif et décrit un arc de parabole; en
-sortant du champ il continue son chemin en ligne droite suivant la
-tangente à l'arc de parabole au point de sortie. On peut recevoir le
-rayon sur une plaque photographique normale à sa direction primitive. On
-observe l'impression produite sur la plaque quand le champ est nul et
-quand le champ a une valeur connue, et l'on déduit de là la valeur de la
-déviation #d#, qui est la distance des points, où la nouvelle direction
-du rayon et sa direction primitive rencontrent un même plan normal à la
-direction primitive. Si _h_ est la distance de ce plan au condensateur,
-c'est-à-dire à la limite du champ, on a, par un calcul simple,
-
- _e_F_l_(_l_/2 + _h_)
- #d# = ---------------------,
- _mv_^2
-
-_m_ étant la masse de la particule en mouvement, _e_ sa charge, _v_ sa
-vitesse et F la valeur du champ.
-
-Les expériences de M. Becquerel lui ont permis de donner une valeur
-approchée de #d#.
-
-
-_Rapport de la charge à la masse pour une particule, chargée
-négativement, émise par le radium._--Quand une particule matérielle,
-ayant la masse _m_ et la charge négative _e_, est lancée avec une
-vitesse _v_ dans un champ magnétique uniforme normal à sa vitesse
-initiale, cette particule décrit dans un plan normal au champ et passant
-par sa vitesse initiale un arc de cercle de rayon #r# tel que, H étant
-la valeur du champ, on a la relation
-
- _m_
- H#r# = ----- _v_.
- _e_
-
-Si l'on a mesuré pour un même rayon la déviation électrique #d# et le
-rayon de courbure #r# dans un champ magnétique, on pourra, de ces deux
-expériences, tirer les valeurs du rapport _e_/_m_ de la vitesse _v_.
-
-Les expériences de M. Becquerel ont fourni une première indication à ce
-sujet. Elles ont donné pour le rapport _e_/_m_ une valeur approchée
-égale à 10^7 unités électromagnétiques absolues, et pour _v_ une
-grandeur égale à 1,6 × 10^{10}. Ces valeurs sont du même ordre de
-grandeur que pour les rayons cathodiques.
-
-Des expériences précises ont été faites sur le même sujet par M.
-Kaufmann[52]. Ce physicien a soumis un faisceau très étroit de rayons du
-radium à l'action simultanée d'un champ électrique et d'un champ
-magnétique, les deux champs étant uniformes et ayant une même direction,
-normale à la direction primitive du faisceau. L'impression produite sur
-une plaque normale au faisceau primitif et placée au-dessus des limites
-du champ par rapport à la source prend la forme d'une courbe, dont
-chaque point correspond à l'un des rayons du faisceau primitif
-hétérogène. Les rayons les plus pénétrants et les moins déviables sont
-d'ailleurs ceux dont la vitesse est la plus grande.
-
-[52] KAUFMANN, _Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu Goettingen_, 1901,
-Heft 2.
-
-Il résulte des expériences de M. Kaufmann que pour les rayons du radium,
-dont la vitesse est notablement supérieure à celle des rayons
-cathodiques, le rapport _e_/_m_ va en diminuant quand la vitesse
-augmente.
-
-D'après les travaux de J.-J. Thomson et de Townsend[53] nous devons
-admettre que la particule en mouvement, qui constitue le rayon, possède
-une charge _e_ égale à celle transportée par un atome d'hydrogène dans
-l'électrolyse, cette charge étant la même pour tous les rayons. On est
-donc conduit à conclure que la masse de la particule _m_ va en
-augmentant quand la vitesse augmente.
-
- [53] THOMSON, _Phil. Mag._, t. XLVI, 1898.--TOWNSEND, _Phil. Trans._,
- t. CXCV, 1901.
-
-Or, des considérations théoriques conduisent à concevoir que l'inertie
-de la particule est précisément due à son état de charge en mouvement,
-la vitesse d'une charge électrique en mouvement ne pouvant être modifiée
-sans dépense d'énergie. Autrement dit, l'inertie de la particule est
-d'origine électromagnétique, et la masse de la particule est au moins en
-partie une masse apparente ou masse électromagnétique. M. Abraham[54] va
-plus loin et suppose que la masse de la particule est entièrement une
-masse électromagnétique. Si dans cette hypothèse on calcule la valeur de
-cette masse _m_ pour une vitesse connue _v_, on trouve que _m_ tend vers
-l'infini quand _v_ tend vers la vitesse de la lumière, et que _m_ tend
-vers une valeur constante quand la vitesse _v_ est très inférieure à
-celle de la lumière. Les expériences de M. Kaufmann sont en accord avec
-les résultats de cette théorie dont l'importance est grande, puisqu'elle
-permet de prévoir la possibilité d'établir les bases de la mécanique sur
-la dynamique de petits centres matériels chargés en état de
-mouvement[55].
-
-[54] ABRAHAM, _Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu Goettingen_, 1902,
-Heft 1.
-
- [55] Quelques développements sur cette question ainsi qu'une étude
- très complète des centres matériels chargés (électrons ou corpuscules)
- et les références des travaux relatifs se trouvent dans la Thèse de M.
- Langevin.
-
-Voici les nombres obtenus par M. Kaufmann pour _e_/_m_ et _v_:
-
- _e_
- -------
- _m_
- unités cm
- électromagnétiques. _v_ ----.
- sec
-
- 1,865 × 10^7 0,7 × 10^10 { pour les rayons
- { cathodiques.
- 1,31 × 10^7 2,36 × 10^10 }
- 1,17 » 2,48 » } pour les rayons du
- 0,97 » 2,59 » } radium (Kaufmann).
- 0,77 » 2,72 » }
- 0,63 » 2,83 » }
-
-M. Kaufmann conclut de la comparaison de ses expériences avec la
-théorie, que la valeur limite du rapport _e_/_m_ pour les rayons du
-radium de vitesse relativement faible serait la même que la valeur de
-_e_/_m_ pour les rayons cathodiques.
-
-Les expériences les plus complètes de M. Kaufmann ont été faites avec un
-grain minuscule de chlorure de radium pur, que nous avons mis à sa
-disposition.
-
-D'après les expériences de M. Kaufmann certains rayons #b# du radium
-possèdent une vitesse très voisine de celle de la lumière. On comprend
-que ces rayons si rapides puissent jouir d'un pouvoir pénétrant très
-grand vis-à-vis de la matière.
-
-
-_Action du champ magnétique sur les rayons #a#._--Dans un travail
-récent, M. Rutherford a annoncé[56] que, dans un champ magnétique ou
-électrique puissant, les rayons #a# du radium sont légèrement déviés à
-la façon de particules électrisées positivement et animées d'une grande
-vitesse. M. Rutherford conclut de ses expériences que la vitesse des
-rayons #a# est de l'ordre de grandeur 2,5 × 10^9 cm/sec et que le
-rapport _e_/_m_ pour ces rayons est de l'ordre de grandeur 6 × 10^3,
-soit 10^4 fois plus grand que pour les rayons déviables #b#. On verra
-plus loin que ces conclusions de M. Rutherford sont en accord avec les
-propriétés antérieurement connues du rayonnement #a#, et qu'elles
-rendent compte, au moins en partie, de la loi d'absorption de ce
-rayonnement.
-
- [56] RUTHERFORD, _Physik. Zeitschrift_, 15 janvier 1903.
-
-Les expériences de M. Rutherford ont été confirmées par M. Becquerel. M.
-Becquerel a montré, de plus, que les rayons du polonium se comportent
-dans un champ magnétique comme les rayons #a# du radium et qu'ils
-semblent prendre, à champ égal, la même courbure que ces derniers. Il
-résulte aussi des expériences de M. Becquerel que les rayons #a# ne
-semblent pas former de spectre magnétique, mais se comportent plutôt
-comme un rayonnement homogène, tous les rayons étant également
-déviés[57].
-
- [57] BECQUEREL, _Comptes rendus_ des 26 janvier et 16 février 1903.
-
-M. Des Coudres a fait une mesure de la déviation électrique et de la
-déviation magnétique des rayons #a# du radium dans le vide. Il a trouvé
-pour la vitesse de ces rayons _v_ = 1,65 × 10^9 cm/sec et pour le
-rapport de la charge à la masse _e_/_m_ = 6400 en unités
-électromagnétiques[58]. La vitesse des rayons #a# est donc environ 20
-fois plus faible que celle de la lumière. Le rapport _e_/_m_ est du même
-ordre de grandeur que celui que l'on trouve pour l'hydrogène dans
-l'électrolyse: _e_/_m_ = 9650. Si donc on admet que la charge de chaque
-projectile est la même que celle d'un atome d'hydrogène dans
-l'électrolyse, on en conclut que la masse de ce projectile est du même
-ordre de grandeur que celle d'un atome d'hydrogène.
-
- [58] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift._, 1er juin 1903.
-
-Or nous venons de voir que, pour les rayons cathodiques et pour les
-rayons #b# du radium les plus lents, le rapport _e_/_m_ est égal à
-1,865 × 10^7; ce rapport est donc environ 2000 fois plus grand que
-celui obtenu dans l'électrolyse. La charge de la particule chargée
-négativement étant supposée la même que celle d'un atome d'hydrogène, sa
-masse limite pour les vitesses relativement faibles serait donc environ
-2000 fois plus petite que celle d'un atome d'hydrogène.
-
-Les projectiles qui constituent les rayons #b# sont donc à la fois
-beaucoup plus petits et animés d'une vitesse plus grande que ceux qui
-constituent les rayons #a#. On comprend alors facilement que les
-premiers possèdent un pouvoir pénétrant bien plus grand que les seconds.
-
-
-_Action du champ magnétique sur les rayons des autres substances
-radioactives._--On vient de voir que le radium émet des rayons #a#
-assimilables aux rayons canaux, des rayons #b# assimilables aux rayons
-cathodiques et des rayons pénétrants et non déviables #g#. Le polonium
-n'émet que des rayons #a#. Parmi les autres substances radioactives,
-l'actinium semble se comporter comme le radium, mais l'étude du
-rayonnement de ce corps n'est pas encore aussi avancée que celle du
-rayonnement du radium. Quant aux substances faiblement radioactives, on
-sait aujourd'hui que l'uranium et le thorium émettent aussi bien des
-rayons #a# que des rayons déviables #b# (Becquerel, Rutherford).
-
-
-_Proportion des rayons déviables_ #b# _dans le rayonnement du
-radium_.--Comme je l'ai déjà dit, la proportion des rayons #b# va en
-augmentant, à mesure qu'on s'éloigne de la source radiante. Toutefois,
-ces rayons ne se montrent jamais seuls, et pour les grandes distances
-on observe aussi toujours la présence de rayons #g#. La présence de
-rayons non déviables très pénétrants dans le rayonnement du radium a
-été, pour la première fois, observée par M. Villard[59]. Ces rayons ne
-constituent qu'une faible partie du rayonnement mesuré par la méthode
-électrique, et leur présence nous avait échappé dans nos premières
-expériences, de sorte que nous croyions alors à tort que le rayonnement
-à grande distance ne contenait que des rayons déviables.
-
- [59] VILLARD, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 1010.
-
-Voici les résultats numériques obtenus dans des expériences faites par
-la méthode électrique avec un appareil analogue à celui de la figure 5.
-Le radium n'était séparé du condensateur que par l'air ambiant. Je
-désigne par _d_ la distance de la source radiante au condensateur. En
-supposant égal à 100 le courant obtenu sans champ magnétique pour chaque
-distance, les nombres de la deuxième ligne indiquent le courant qui
-subsiste quand le champ agit. Ces nombres peuvent être considérés comme
-donnant le pourcentage de l'ensemble des rayons #a# et #g#, la déviation
-des rayons #a# n'ayant guère pu être observée avec le dispositif
-employé.
-
-Aux grandes distances on n'a plus de rayons #a#, et le rayonnement non
-dévié est alors du genre #g# seulement.
-
-Expériences faites à petite distance:
-
- _d_ en centimètres. 3,4 5,1 6,0 6,5
- Pour 100 de rayons non déviés. 74 56 33 11
-
-Expériences faites aux grandes distances, avec un produit
-considérablement plus actif que celui qui avait servi pour la série
-précédente:
-
- _d_ en centimètres. 14 30 53 80 98 124 157
- Pour 100 de rayons déviés. 12 14 17 14 16 14 11
-
-On voit, qu'à partir d'une certaine distance, la proportion des rayons
-non déviés dans le rayonnement est approximativement constante. Ces
-rayons appartiennent probablement tous à l'espèce #g#. Il n'y a pas à
-tenir compte outre mesure des irrégularités dans les nombres de la
-seconde ligne, si l'on envisage que l'intensité totale du courant dans
-les deux expériences extrêmes était dans le rapport de 660 à 10. Les
-mesures ont pu être poursuivies jusqu'à une distance de 1m,57 de la
-source radiante, et nous pourrions aller encore plus loin actuellement.
-
-Voici une autre série d'expériences, dans lesquelles le radium était
-enfermé dans un tube de verre très étroit, placé au-dessous du
-condensateur et parallèlement aux plateaux. Les rayons émis traversaient
-une certaine épaisseur de verre et d'air, avant d'entrer dans le
-condensateur.
-
- _d_ en centimètres. 2,5 3,3 4,1 5,9 7,5 9,6 11,3 13,9 17,2
- Pour 100 de rayons
- non dévies. 33 33 21 16 14 10 9 9 10
-
-Comme dans les expériences précédentes, les nombres de la seconde ligne
-tendent vers une valeur constante quand la distance _d_ croît, mais la
-limite est sensiblement atteinte pour des distances plus petites que
-dans les séries précédentes, parce que les rayons #a# ont été plus
-fortement absorbés par le verre que les rayons #b# et #g#.
-
-Voici une autre expérience qui montre qu'une lame d'aluminium mince
-(épaisseur 0mm,01) absorbe principalement les rayons #a#. Le produit
-étant placé à 5cm du condensateur, on trouve en faisant agir le champ
-magnétique que la proportion des rayons autres que #b# est de 71 pour
-100. Le même produit étant recouvert de la lame d'aluminium, et la
-distance restant la même, on trouve que le rayonnement transmis est
-presque totalement dévié par le champ magnétique, les rayons #a# ayant
-été absorbés par la lame. On obtient le même résultat en employant le
-papier comme écran absorbant.
-
-La plus grosse partie du rayonnement du radium est formée par des rayons
-#a# qui sont probablement émis surtout par la couche superficielle de la
-matière radiante. Quand on fait varier l'épaisseur de la couche de la
-matière radiante, l'intensité du courant augmente avec cette épaisseur;
-l'augmentation n'est pas proportionnelle à l'accroissement d'épaisseur
-pour la totalité du rayonnement; elle est d'ailleurs plus notable sur
-les rayons #b# que sur les rayons #a#, de sorte que la proportion de
-rayons #b# va en croissant avec l'épaisseur de la couche active. La
-source radiante étant placée à une distance de 5cm du condensateur, on
-trouve que, pour une épaisseur égale à 0mm,4 de la couche active, le
-rayonnement total est donné par le nombre 28 et la proportion des rayons
-#b# est de 29 pour 100. En donnant à la couche active l'épaisseur de
-2mm, soit 5 fois plus grande, on obtient un rayonnement total égal à 102
-et une proportion de rayons déviables #b# égale à 45 pour 100. Le
-rayonnement total qui subsiste à cette distance a donc été augmenté dans
-le rapport 3,6 et le rayonnement déviable #b# est devenu environ 5 fois
-plus fort.
-
-Les expériences précédentes ont été faites par la méthode électrique.
-Quand on opère par la méthode radiographique, certains résultats
-semblent, en apparence, être en contradiction avec ce qui précède. Dans
-les expériences de M. Villard, un faisceau de rayons du radium soumis à
-l'action d'un champ magnétique était reçu sur une pile de plaques
-photographiques. Le faisceau non déviable et pénétrant #g# traversait
-toutes les plaques et marquait sa trace sur chacune d'elles. Le faisceau
-dévié #b# produisait une impression sur la première plaque seulement. Ce
-faisceau paraissait donc ne point contenir de rayons de grande
-pénétration.
-
-Au contraire, dans nos expériences, un faisceau qui se propage dans
-l'air contient aux plus grandes distances accessibles à l'observation
-9/10 environ de rayons déviables #b#, et il en est encore de même, quand
-la source radiante est enfermée dans une petite ampoule de verre
-scellée. Dans les expériences de M. Villard, ces rayons déviables et
-pénétrants #b# n'impressionnent pas les plaques photographiques placées
-au delà de la première, parce qu'ils sont en grande partie diffusés dans
-tous les sens par le premier obstacle solide rencontré et cessent de
-former un faisceau. Dans nos expériences, les rayons émis par le radium
-et transmis par le verre de l'ampoule étaient probablement aussi
-diffusés par le verre, mais l'ampoule étant très petite, fonctionnait
-alors elle-même comme une source de rayons déviables #b# partant de sa
-surface, et nous avons pu observer ces derniers jusqu'à une grande
-distance de l'ampoule.
-
-Les rayons cathodiques des tubes de Crookes ne peuvent traverser que des
-écrans très minces (écrans d'aluminium jusqu'à 0mm,01 d'épaisseur). Un
-faisceau de rayons qui arrive normalement sur l'écran est diffusé dans
-tous les sens; mais la diffusion est d'autant moins importante que
-l'écran est plus mince, et pour des écrans très minces il existe un
-faisceau sortant qui est sensiblement le prolongement du faisceau
-incident[60].
-
- [60] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift_, novembre 1902.
-
-Les rayons déviables #b# du radium se comportent d'une manière analogue,
-mais le faisceau déviable transmis éprouve, à épaisseur d'écran égale,
-une modification beaucoup moins profonde. D'après les expériences de M.
-Becquerel, les rayons #b# très fortement déviables du radium (ceux dont
-la vitesse est relativement faible) sont fortement diffusés par un écran
-d'aluminium de 0mm,1 d'épaisseur; mais les rayons pénétrants et peu
-déviables (rayons genre cathodique de grande vitesse) traversent ce
-même écran sans aucune diffusion sensible, et sans que le faisceau
-qu'ils constituent soit déformé, et cela quelle que soit l'inclinaison
-de l'écran par rapport au faisceau. Les rayons #b# de grande vitesse
-traversent sans diffusion une épaisseur bien plus grande de paraffine
-(quelques centimètres), et l'on peut suivre dans celle-ci la courbure du
-faisceau produite par le champ magnétique. Plus l'écran est épais et
-plus sa matière est absorbante, plus le faisceau déviable primitif est
-altéré, parce que, à mesure que l'épaisseur de l'écran croît, la
-diffusion commence à se faire sentir sur de nouveaux groupes de rayons
-de plus en plus pénétrants.
-
-L'air produit sur les rayons #b# du radium qui le traversent une
-diffusion, qui est très sensible pour les rayons fortement déviables,
-mais qui est cependant bien moins importante que celle qui est due à des
-épaisseurs égales de matières solides traversées. C'est pourquoi les
-rayons déviables #b# du radium se propagent dans l'air à de grandes
-distances.
-
-
-_Pouvoir pénétrant du rayonnement des corps radioactifs._--Dès le début
-des recherches sur les corps radioactifs, on s'est préoccupé de
-l'absorption produite par divers écrans sur les rayons émis par ces
-substances. J'ai donné dans une première Note relative à ce sujet[61]
-plusieurs nombres cités au début de ce travail indiquant la pénétration
-relative des rayons uraniques et thoriques. M. Rutherford a étudié plus
-spécialement la radiation uranique[62] et prouvé qu'elle était
-hétérogène. M. Owens a conclu de même pour les rayons thoriques[63].
-Quand vint ensuite la découverte des substances fortement radioactives,
-le pouvoir pénétrant de leurs rayons fut aussitôt étudié par divers
-physiciens (Becquerel, Meyer et von Schweidler, Curie, Rutherford). Les
-premières observations mirent en évidence l'hétérogénéité du rayonnement
-qui semble être un phénomène général et commun aux substances
-radioactives[64]. On se trouve là en présence de sources, qui émettent
-un ensemble de radiations, dont chacune a un pouvoir pénétrant qui lui
-est propre. La question se complique encore par ce fait, qu'il y a lieu
-de rechercher en quelle mesure la nature de la radiation peut se trouver
-modifiée par le passage à travers les substances matérielles et que, par
-conséquent, chaque ensemble de mesures n'a une signification précise que
-pour le dispositif expérimental employé.
-
- [61] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
-
- [62] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1899.
-
- [63] OWENS, _Phil. Mag._, octobre 1899.
-
- [64] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.--MEYER et von
- SCHWEIDLER, _Comptes rendus de l'Acad. de Vienne_, mars 1900 (_Physik.
- Zeitschrift_, t. I, p. 209).
-
-Ces réserves étant faites, on peut chercher à coordonner les diverses
-expériences et à exposer l'ensemble des résultats acquis.
-
-Les corps radioactifs émettent des rayons qui se propagent dans l'air et
-dans le vide. La propagation est rectiligne; ce fait est prouvé par la
-netteté et la forme des ombres fournies par l'interposition de corps,
-opaques au rayonnement, entre la source et la plaque sensible ou l'écran
-fluorescent qui sert de récepteur, la source ayant des dimensions
-petites par rapport à sa distance au récepteur. Diverses expériences qui
-prouvent la propagation rectiligne des rayons émis par l'uranium, le
-radium et le polonium ont été faites par M. Becquerel[65].
-
- [65] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 979 et 1154.
-
-La distance à laquelle les rayons peuvent se propager dans l'air à
-partir de la source est intéressante à connaître. Nous avons constaté
-que le radium émet des rayons qui peuvent être observés dans l'air à
-plusieurs mètres de distance. Dans certaines de nos mesures électriques,
-l'action de la source sur l'air du condensateur s'exerçait à une
-distance comprise entre 2m et 3m. Nous avons également obtenu des effets
-de fluorescence et des impressions radiographiques à des distances du
-même ordre de grandeur. Ces expériences ne peuvent être faites
-facilement qu'avec des sources radioactives très intenses, parce que,
-indépendamment de l'absorption exercée par l'air, l'action sur un
-récepteur donné varie en raison inverse du carré de la distance à une
-source de petites dimensions. Ce rayonnement, qui se propage à grande
-distance du radium, comprend aussi bien des rayons genre cathodique que
-des rayons non déviables; cependant, les rayons déviables dominent de
-beaucoup, d'après les expériences que j'ai citées plus haut. Quant à la
-grosse masse du rayonnement (rayons #a#), elle est, au contraire,
-limitée dans l'air à une distance de 7cm environ de la source.
-
-J'ai fait quelques expériences avec du radium enfermé dans une petite
-ampoule de verre. Les rayons qui sortaient de cette ampoule
-franchissaient un certain espace d'air et étaient reçus dans un
-condensateur, qui servait à mesurer leur pouvoir ionisant par la méthode
-électrique ordinaire. On faisait varier la distance _d_ de la source au
-condensateur et l'on mesurait le courant de saturation _i_ obtenu dans
-le condensateur. Voici les résultats d'une des séries de mesures:
-
- _d cm._ _i._ (_i_ × _d_^2) × 10^{-3}.
-
- 10 127 13
- 20 38 15
- 30 17,4 16
- 40 10,5 17
- 50 6,9 17
- 60 4,7 17
- 70 3,8 19
- 100 1,65 17
-
-A partir d'une certaine distance, l'intensité du rayonnement varie
-sensiblement en raison inverse du carré de la distance au condensateur.
-
-Le rayonnement du polonium ne se propage dans l'air qu'à une distance de
-quelques centimètres (4cm à 6cm) de la source radiante.
-
-Si l'on considère l'absorption des radiations par les écrans solides, on
-constate là encore une différence fondamentale entre le radium et le
-polonium. Le radium émet des rayons capables de traverser une grande
-épaisseur de matière solide, par exemple quelques centimètres de plomb
-ou de verre[66]. Les rayons qui ont traversé une grande épaisseur d'un
-corps solide sont extrêmement pénétrants, et, pratiquement, on n'arrive
-plus, pour ainsi dire, à les faire absorber intégralement par quoi que
-ce soit. Mais ces rayons ne constituent qu'une faible fraction du
-rayonnement total, dont la grosse masse est, au contraire, absorbée par
-une faible épaisseur de matière solide.
-
- [66] M. et Mme CURIE, _Rapports au Congrès_ 1900.
-
-Le polonium émet des rayons extrêmement absorbables qui ne peuvent
-traverser que des écrans solides très minces.
-
-Voici, à titre d'exemple, quelques nombres relatifs à l'absorption
-produite par une lame d'aluminium d'épaisseur égale à 0mm,01. Cette lame
-était placée au-dessus et presque au contact de la substance. Le
-rayonnement direct et celui transmis par la lame étaient mesurés par la
-méthode électrique (appareil _fig._ 1); le courant de saturation était
-sensiblement atteint dans tous les cas. Je désigne par _a_ l'activité de
-la substance radiante, celle de l'uranium étant prise comme unité.
-
- Fraction
- du rayonnement
- transmise
- _a._ par la lame.
-
- Chlorure de baryum radifère 57 0,32
- Bromure » 43 0,30
- Chlorure » 1200 0,30
- Sulfate » 5000 0,29
- Sulfate » 10000 0,32
- Bismuth à polonium métallique 0,22
- Composés d'urane 0,20
- Composés de thorium en couche mince 0,38
-
-On voit que des composés radifères de nature et d'activité différentes
-donnent des résultats très analogues, ainsi que je l'ai indiqué déjà
-pour les composés d'urane et de thorium au début de ce travail. On voit
-aussi que si l'on considère toute la masse du rayonnement, et pour la
-lame absorbante considérée, les diverses substances radiantes viennent
-se ranger dans l'ordre suivant de pénétration décroissante de leurs
-rayons: thorium, radium, polonium, uranium.
-
-Ces résultats sont analogues à ceux qui ont été publiés par M.
-Rutherford dans un Mémoire relatif à cette question[67].
-
- [67] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, juillet 1902.
-
-M. Rutherford trouve, d'ailleurs, que l'ordre est le même quand la
-substance absorbante est constituée par l'air. Mais il est probable que
-cet ordre n'a rien d'absolu et ne se maintiendrait pas indépendamment de
-la nature et de l'épaisseur de l'écran considéré. L'expérience montre,
-en effet, que la loi d'absorption est très différente pour le polonium
-et le radium et que, pour ce dernier, il y a lieu de considérer
-séparément l'absorption des rayons de chacun des trois groupes.
-
-Le polonium se prête particulièrement à l'étude des rayons #a#, puisque
-les échantillons que nous possédons n'émettent point d'autres rayons.
-J'ai fait une première série d'expériences avec des échantillons de
-polonium extrêmement actifs et récemment préparés. J'ai trouvé que les
-rayons du polonium sont d'autant plus absorbables, que l'épaisseur de
-matière qu'ils ont déjà traversée est plus grande[68]. Cette loi
-d'absorption singulière est contraire à celle que l'on connaît pour les
-autres rayonnements.
-
- [68] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
-
-J'ai employé pour cette étude notre appareil de mesures de la
-conductibilité électrique avec le dispositif suivant:
-
- Les deux plateaux d'un condensateur PP et P'P' (_fig._ 8) sont
- horizontaux et abrités dans une boîte métallique BBBB en relation avec
- la terre. Le corps actif A, situé dans une boîte métallique épaisse
- CCCC faisant corps avec le plateau P'P', agit sur l'air du
- condensateur au travers d'une toile métallique T; les rayons qui
- traversent la toile sont seuls utilisés pour la production du courant,
- le champ électrique s'arrêtant à la toile. On peut faire varier la
- distance AT du corps actif à la toile. Le champ entre les plateaux est
- établi au moyen d'une pile; la mesure
- du courant se fait au moyen d'un électromètre et d'un quartz
- piézoélectrique.
-
- [Illustration: Fig. 8]
-
- En plaçant en A sur le corps actif divers écrans et en modifiant la
- distance AT, on peut mesurer l'absorption des rayons qui font dans
- l'air des chemins plus ou moins grands.
-
-Voici les résultats obtenus avec le polonium:
-
-Pour une certaine valeur de la distance AT (4cm et au-dessus), aucun
-courant ne passe: les rayons ne pénètrent pas dans le condensateur.
-Quand on diminue la distance AT, l'apparition des rayons dans le
-condensateur se fait d'une manière assez brusque, de telle sorte que,
-pour une petite diminution de la distance, on passe d'un courant très
-faible à un courant très notable; ensuite le courant s'accroît
-régulièrement quand on continue à rapprocher le corps radiant de la
-toile T.
-
-Quand on recouvre la substance radiante d'une lame d'aluminium laminé de
-1/100 de millimètre d'épaisseur, l'absorption produite par la lame est
-d'autant plus forte que la distance AT est plus grande.
-
-Si l'on place sur la première lame d'aluminium une deuxième lame
-pareille, chaque lame absorbe une fraction du rayonnement qu'elle
-reçoit, et cette fraction est plus grande pour la deuxième lame que pour
-la première, de telle façon que c'est la deuxième lame qui semble plus
-absorbante.
-
- Dans le Tableau qui suit, j'ai fait figurer: dans la première ligne,
- les distances en centimètres entre le polonium et la toile T; dans la
- deuxième ligne, la proportion de rayons pour 100 transmise par une
- lame d'aluminium; dans la troisième ligne, la proportion de rayons
- pour 100 transmise par deux lames du même aluminium.
-
- Distance AT 3,5 2,5 1,9 1,45 0,5
-
- Pour 100 de rayons transmis par
- une lame 0 0 5 10 25
-
- Pour 100 de rayons transmis par
- deux lames 0 0 0 5 0,7
-
-Dans ces expériences, la distance des plateaux P et P' était de 3cm. On
-voit que l'interposition de la lame d'aluminium diminue l'intensité du
-rayonnement en plus forte proportion dans les régions éloignées que dans
-les régions rapprochées.
-
-Cet effet est encore plus marqué que ne l'indiquent les nombres qui
-précèdent. Ainsi, la pénétration de 25 pour 100, pour la distance 0cm,5,
-représente la moyenne de pénétration pour tous les rayons qui dépassent
-cette distance, ceux extrêmes ayant une pénétration très faible. Si l'on
-ne recueillait que les rayons compris entre 0cm,5 et 1cm, par exemple,
-on aurait une pénétration plus grande encore. Et, en effet, si l'on
-rapproche le plateau P à une distance 0cm,5 de P', la fraction du
-rayonnement transmise par la lame d'aluminium (pour AT = 0cm,5) est de
-47 pour 100 et, à travers deux lames, elle est de 5 pour 100 du
-rayonnement primitif.
-
-J'ai fait récemment une deuxième série d'expériences avec ces mêmes
-échantillons de polonium dont l'activité était considérablement
-diminuée, l'intervalle de temps qui sépare les deux séries d'expériences
-étant de 3 ans.
-
-Dans les expériences anciennes, le polonium était à l'état de
-sous-nitrate; dans celles récentes il était à l'état de grains
-métalliques, obtenus par fusion du sous-nitrate avec le cyanure de
-potassium.
-
-J'ai constaté que le rayonnement du polonium avait conservé les mêmes
-caractères essentiels, et j'ai trouvé quelques résultats nouveaux.
-Voici, pour diverses valeurs de la distance AT, la fraction du
-rayonnement transmise par un écran formé par 4 feuilles très minces
-d'aluminium battu superposées:
-
- Distance AT en centimètres 0 1,5 2,6
- Pour 100 de rayons transmis par l'écran 76 66 39
-
-J'ai constaté de même que la fraction du rayonnement absorbée par un
-écran donné croît avec l'épaisseur de matière qui a déjà été traversée
-par le rayonnement, mais cela a lieu seulement à partir d'une certaine
-valeur de la distance AT. Quand cette distance est nulle (le polonium
-étant tout contre la toile, en dehors ou en dedans du condensateur), on
-observe que, de plusieurs écrans identiques superposés, chacun absorbe
-la même fraction du rayonnement qu'il reçoit, autrement dit, l'intensité
-du rayonnement diminue alors suivant une loi exponentielle en fonction
-de l'épaisseur de matière traversée, comme cela aurait lieu pour un
-rayonnement homogène et transmis par la lame sans changement de nature.
-
-Voici quelques résultats numériques relatifs à ces expériences:
-
-Pour une distance AT égale à 1cm,5, un écran en aluminium mince transmet
-la fraction 0,51 du rayonnement qu'il reçoit quand il agit seul, et la
-fraction 0,34 seulement du rayonnement qu'il reçoit quand il est précédé
-par un autre écran pareil à lui.
-
-Au contraire, pour une distance AT égale à 0, ce même écran transmet
-dans les deux cas considérés la même fraction du rayonnement qu'il
-reçoit et cette fraction est égale à 0,71; elle est donc plus grande que
-dans le cas précédent.
-
-Voici, pour une distance AT égale à 0 et pour une succession d'écrans
-très minces superposés, des nombres qui indiquent pour chaque écran le
-rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu:
-
- Série Série
- de 9 feuilles de cuivre de 7 feuilles d'aluminium
- très minces. très minces.
- 0,72 0,69
- 0,78 0,94
- 0,75 0,95
- 0,77 0,91
- 0,70 0,92
-
- Série Série
- de 9 feuilles de cuivre de 7 feuilles d'aluminium
- très minces. très minces.
- 0,77 0,93
- 0,69 0,91
- 0,79
- 0,68
-
-Étant données les difficultés d'emploi d'écrans très minces et de la
-superposition d'écrans au contact, les nombres de chaque colonne peuvent
-être considérés comme constants; seul, le premier nombre de la colonne
-relative à l'aluminium indique une absorption plus forte que celle
-indiquée par les nombres suivants.
-
-Les rayons #a# du radium se comportent comme les rayons du polonium. On
-peut étudier ces rayons à peu près seuls en renvoyant les rayons bien
-plus déviables #b# de côté par l'emploi d'un champ magnétique; les
-rayons #g# semblent, en effet, peu importants par rapport aux rayons
-#a#. Toutefois, on ne peut opérer ainsi qu'à partir d'une certaine
-distance de la source radiante. Voici les résultats d'une expérience de
-ce genre. On mesurait la fraction du rayonnement transmise par une lame
-d'aluminium de 0mm,1 d'épaisseur; cette lame était placée toujours au
-même endroit, au-dessus et à petite distance de la source radiante. On
-observait, au moyen de l'appareil de la figure 5, le courant produit
-dans le condensateur pour diverses valeurs de la distance AD, en
-présence et en absence de la lame.
-
- Distance AD 6,0 5,1 3,4
- Pour 100 de rayons transmis par l'aluminium 3 7 24
-
-Ce sont encore les rayons qui allaient le plus loin dans l'air qui sont
-le plus absorbés par l'aluminium. Il y a donc une grande analogie entre
-la partie absorbable #a# du rayonnement du radium et les rayons du
-polonium.
-
-Les rayons déviables #b# et les rayons non déviables pénétrants #g#
-sont, au contraire, de nature différente. Les expériences de divers
-physiciens, notamment de MM. Meyer et von Schweidler[69], montrent
-clairement que, si l'on considère l'ensemble du rayonnement du radium,
-le pouvoir pénétrant de ce rayonnement augmente avec l'épaisseur de
-matière traversée, comme cela a lieu pour les rayons de Röntgen. Dans
-ces expériences, les rayons #a# interviennent à peine, parce que ces
-rayons sont pratiquement supprimés par des écrans absorbants très
-minces. Ce qui traverse, ce sont, d'une part, les rayons #b# plus ou
-moins diffusés, d'autre part, les rayons #g#, qui semblent analogues aux
-rayons de Röntgen.
-
- [69] MEYER et von SCHWEIDLER, _Physik. Zeitschrift_, t. I, p. 209.
-
-Voici les résultats de quelques-unes de mes expériences à ce sujet:
-
-Le radium est enfermé dans une ampoule de verre. Les rayons qui sortent
-de l'ampoule traversent 30cm d'air et sont reçus sur une série de
-plaques de verre d'épaisseur de 1mm,3 chacune; la première plaque
-transmet 49 pour 100 du rayonnement qu'elle reçoit, la deuxième transmet
-84 pour 100 du rayonnement qu'elle reçoit, la troisième transmet 85 pour
-100 du rayonnement qu'elle reçoit.
-
-Dans une autre série d'expériences, le radium était enfermé dans une
-ampoule de verre placée à 10cm du condensateur qui recevait les rayons.
-On plaçait sur l'ampoule une série d'écrans de plomb identiques dont
-chacun avait une épaisseur de 0mm,115.
-
-Le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu est donné pour
-chacune des lames successives par la série des nombres suivants:
-
- 0,40 0,60 0,72 0,79 0,89 0,92 0,94 0,94 0,97
-
-Pour une série de 4 écrans en plomb dont chacun avait 1mm,5
-d'épaisseur, le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu
-était donné pour les lames successives par les nombres suivants:
-
- 0,09 0,78 0,84 0,82
-
-De ces expériences il résulte que, quand l'épaisseur de plomb traversée
-croît de 0mm,1 à 6mm, le pouvoir pénétrant du rayonnement va en
-augmentant.
-
-J'ai constaté que, dans les conditions expérimentales indiquées, un
-écran de plomb de 1cm,8 d'épaisseur transmet 2 pour 100 du rayonnement
-qu'il reçoit; un écran de plomb de 5cm,3 d'épaisseur transmet encore 0,4
-pour 100 du rayonnement qu'il reçoit. J'ai constaté également que le
-rayonnement transmis par une épaisseur de plomb égale à 1mm,5 comprend
-une forte proportion de rayons déviables (genre cathodique). Ces
-derniers sont donc capables de traverser non seulement de grandes
-distances dans l'air, mais aussi des épaisseurs notables de substances
-solides très absorbantes telles que le plomb.
-
-Quand on étudie avec l'appareil de la figure 2 l'absorption exercée par
-une lame d'aluminium de 0mm,01 d'épaisseur sur l'ensemble du rayonnement
-du radium, la lame étant toujours placée à la même distance de la
-substance radiante, et le condensateur étant placé à une distance
-variable AD, les résultats obtenus sont la superposition de ce qui est
-dû aux trois groupes du rayonnement. Si l'on observe à grande distance,
-les rayons pénétrants dominent et l'absorption est faible; si l'on
-observe à petite distance, les rayons #a# dominent et l'absorption est
-d'autant plus faible qu'on se rapproche plus de la substance; pour une
-distance intermédiaire, l'absorption passe par un maximum et la
-pénétration par un minimum.
-
- Distance AD 7,1 6,5 6,0 5,1 3,4
- Pour 100 de rayons transmis par
- l'aluminium 91 82 58 41 48
-
-Toutefois, certaines expériences relatives à l'absorption mettent en
-évidence une certaine analogie entre les rayons #a# et les rayons
-déviables #b#. C'est ainsi que M. Becquerel a trouvé que l'action
-absorbante d'un écran solide sur les rayons #b# augmente avec la
-distance de l'écran à la source, de sorte que, si les rayons sont soumis
-à un champ magnétique comme dans la figure 4, un écran placé contre la
-source radiante laisse subsister une portion plus grande du spectre
-magnétique que le même écran placé sur la plaque photographique. Cette
-variation de l'effet absorbant de l'écran avec la distance de cet écran
-à la source est analogue à ce qui a lieu pour les rayons #a#; elle a été
-vérifiée par MM. Meyer et von Schweidler, qui opéraient par la méthode
-fluoroscopique; M. Curie et moi nous avons observé le même fait en nous
-servant de la méthode électrique. Les conditions de production de ce
-phénomène n'ont pas encore été étudiées. Cependant, quand le radium est
-enfermé dans un tube de verre et placé à assez grande distance d'un
-condensateur qui est lui-même enfermé dans une boîte d'aluminium mince,
-il est indifférent de placer l'écran contre la source ou contre le
-condensateur; le courant obtenu est alors le même dans les deux cas.
-
-L'étude des rayons #a# m'avait amenée à considérer que ces rayons se
-comportent comme des projectiles lancés avec une certaine vitesse et qui
-perdent de leur force vive en franchissant des obstacles[70]. Ces rayons
-jouissent pourtant de la propagation rectiligne comme l'a montré M.
-Becquerel dans l'expérience suivante. Le polonium émettant les rayons
-était placé dans une cavité linéaire très étroite, creusée dans une
-feuille de carton. On avait ainsi une source linéaire de rayons. Un fil
-de cuivre de 1mm,5 de diamètre était placé parallèlement en face de la
-source à une distance de 4mm,9. Une plaque photographique était placée
-parallèlement à une distance de 8mm,65 au delà. Après une pose de 10
-minutes, l'ombre géométrique du fil était reproduite d'une façon
-parfaite, avec les dimensions prévues et une pénombre très étroite de
-chaque côté correspondant bien à la largeur de la source. La même
-expérience réussit également bien en plaçant contre le fil une double
-feuille d'aluminium battu que les rayons sont obligés de traverser.
-
- [70] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
-
-Il s'agit donc bien de rayons capables de donner des ombres géométriques
-parfaites. L'expérience avec l'aluminium montre que ces rayons ne sont
-pas diffusés en traversant la lame, et que cette lame n'émet pas, tout
-au moins en quantité importante, des rayons secondaires analogues aux
-rayons secondaires des rayons de Röntgen.
-
-Les rayons #a# sont ceux qui semblent actifs dans la très belle
-expérience réalisée dans le _spinthariscope_ de M. Crookes[71]. Cet
-appareil se compose essentiellement d'un grain de sel de radium maintenu
-à l'extrémité d'un fil métallique en face d'un écran au sulfure de zinc
-phosphorescent. Le grain de radium est à une très petite distance de
-l'écran (0mm,5, par exemple), et l'on regarde au moyen d'une loupe la
-face de l'écran tournée vers le radium. Dans ces conditions l'oeil
-aperçoit sur l'écran une véritable pluie de points lumineux qui
-apparaissent et disparaissent continuellement. L'écran présente l'aspect
-d'un ciel étoilé. Les points brillants sont plus rapprochés dans les
-régions de l'écran voisines du radium, et dans le voisinage immédiat de
-celui-ci la lueur paraît continue. Le phénomène ne semble pas altéré par
-les courants d'air; il se produit dans le vide; un écran même très mince
-placé entre le radium et l'écran phosphorescent le supprime; il semble
-donc bien que le phénomène soit dû à l'action des rayons #a# les plus
-absorbables du radium.
-
- [71] _Chem. News_, 3 avril 1903.
-
-On peut imaginer que l'apparition d'un des points lumineux sur l'écran
-phosphorescent est provoquée par le choc d'un projectile isolé. Dans
-cette manière de voir, on aurait affaire, pour la première fois, à un
-phénomène permettant de distinguer l'action individuelle d'une particule
-dont les dimensions sont du même ordre de grandeur que celles d'un
-atome.
-
-L'aspect des points lumineux est le même que celui des étoiles ou des
-objets ultra-microscopiques fortement éclairés qui ne produisent pas sur
-la rétine des images nettes, mais des taches de diffraction; et ceci est
-bien en accord avec la conception que chaque point lumineux extrêmement
-petit est produit par le choc d'un seul atome.
-
-Les rayons pénétrants non déviables #g# semblent être de tout autre
-nature et semblent analogues aux rayons Röntgen. Rien ne prouve,
-d'ailleurs, que des rayons peu pénétrants de même nature ne puissent
-exister dans le rayonnement du radium, car ils pourraient être masqués
-par le rayonnement corpusculaire.
-
-On vient de voir combien le rayonnement des corps radioactifs est un
-phénomène complexe. Les difficultés de son étude viennent s'augmenter
-par cette circonstance, qu'il y a lieu de rechercher si ce rayonnement
-éprouve de la part de la matière une absorption sélective seulement, ou
-bien aussi une transformation plus ou moins profonde.
-
-On ne sait encore que peu de choses relativement à cette question.
-Toutefois, si l'on admet que le rayonnement du radium comporte à la fois
-des rayons genre cathodique et des rayons genre Röntgen, on peut
-s'attendre à ce que ce rayonnement éprouve des transformations en
-traversant les écrans. On sait, en effet: 1º que les rayons cathodiques
-qui sortent du tube de Crookes à travers une fenêtre d'aluminium
-(expérience de Lenard) sont fortement diffusés par l'aluminium, et que,
-de plus, la traversée de l'écran entraîne une diminution de la vitesse
-des rayons; c'est ainsi que des rayons cathodiques d'une vitesse égale à
-1,4 × 10^{10} centimètres perdent 10 pour 100 de leur vitesse en
-traversant 0mm,01 d'aluminium[72]; 2º les rayons cathodiques, en
-frappant un obstacle, donnent lieu à la production de rayons Röntgen; 3º
-les rayons Röntgen, en frappant un obstacle solide, donnent lieu à une
-production de _rayons secondaires_, qui sont en partie des rayons
-cathodiques[73].
-
- [72] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift_, novembre 1902.
-
- [73] SAGNAC, _Thèse de doctorat_.--CURIE et SAGNAC, _Comptes rendus_,
- avril 1900.
-
-On peut donc, par analogie, prévoir l'existence de tous les phénomènes
-précédents pour les rayons des substances radioactives.
-
-En étudiant la transmission des rayons du polonium à travers un écran
-d'aluminium, M. Becquerel n'a observé ni production de rayons
-secondaires ni transformation en rayons genre cathodique[74].
-
- [74] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.
-
-J'ai cherché à mettre en évidence une transformation des rayons du
-polonium, en employant la méthode de l'interversion des écrans: deux
-écrans superposés E_{1} et E_{2} étant traversés par les rayons, l'ordre
-dans lequel ils sont traversés doit être indifférent, si le passage au
-travers des écrans ne transforme pas les rayons; si, au contraire,
-chaque écran transforme les rayons en les transmettant, l'ordre des
-écrans n'est pas indifférent. Si, par exemple, les rayons se
-transforment en rayons plus absorbables en traversant du plomb, et que
-l'aluminium ne produise pas un effet du même genre avec la même
-importance, alors le système plomb-aluminium paraîtra plus opaque que le
-système aluminium-plomb; c'est ce qui a lieu pour les rayons Röntgen.
-
-Mes expériences indiquent que ce phénomène se produit avec les rayons du
-polonium. L'appareil employé était celui de la figure 8. Le polonium
-était placé dans la boîte CCCC et les écrans absorbants, nécessairement
-très minces, étaient placés sur la toile métallique T.
-
- Courant
- Écrans employés. Épaisseur. observé.
- mm
-
- Aluminium 0,01 } 17,9
- Laiton 0,005 }
- Laiton 0,005 } 6,7
- Aluminium 0,01 }
- Aluminium 0,01 } 150
- Étain 0,005 }
- Étain 0,005 } 125
- Aluminium 0,01 }
- Étain 0,005 } 13,9
- Laiton 0,005 }
- Laiton 0,005 } 4,4
- Étain 0,005 }
-
-Les résultats obtenus prouvent que le rayonnement est modifié en
-traversant un écran solide. Cette conclusion est d'accord avec les
-expériences dans lesquelles, de deux lames métalliques identiques et
-superposées, la première se montre moins absorbante que la suivante. Il
-est probable, d'après cela, que l'action transformatrice d'un écran est
-d'autant plus grande que cet écran est plus loin de la source. Ce point
-n'a pas été vérifié, et la nature de la transformation n'a pas encore
-été étudiée en détail.
-
-J'ai répété les mêmes expériences avec un sel de radium très actif. Le
-résultat a été négatif. Je n'ai observé que des variations
-insignifiantes dans l'intensité de la radiation transmise lors de
-l'interversion de l'ordre des écrans. Les systèmes d'écrans essayés ont
-été les suivants:
-
- mm mm
-
- Aluminium, épaisseur 0,55 Platine, épaisseur 0,01
- » » 0,55 Plomb » 0,1
- » » 0,55 Étain, épaisseur 0,005
- » » 1,07 Cuivre » 0,05
- » » 0,55 Laiton » 0,005
- » » 1,07 Laiton » 0,005
- » » 0,15 Platine » 0,01
- » » 0,15 Zinc » 0,05
- » » 0,15 Plomb » 0,1
-
-Le système plomb-aluminium s'est montré légèrement plus opaque que celui
-aluminium-plomb, mais la différence n'est pas grande.
-
-Je n'ai pu mettre ainsi en évidence une transformation notable des
-rayons du radium. Cependant, dans diverses expériences radiographiques,
-M. Becquerel a observé des effets très intenses dus aux rayons diffusés
-ou secondaires, émis par les écrans solides qui recevaient les rayons du
-radium. La substance la plus active, au point de vue de ces émissions
-secondaires, semble être le plomb.
-
-
-_Action ionisante des rayons du radium sur les liquides isolants._
---M. Curie a montré que les rayons du radium et les rayons de Röntgen
-agissent sur les diélectriques liquides comme sur l'air, en leur
-communiquant une certaine conductibilité électrique[75]. Voici comment
-était disposée l'expérience (_fig._ 9).
-
-[Illustration: Fig. 9.]
-
- [75] P. CURIE, _Comptes rendus de l'Académie des Sciences_, 17 février
- 1902.
-
-Le liquide à expérimenter est placé dans un vase métallique CDEF, dans
-lequel plonge un tube de cuivre mince AB; ces deux pièces métalliques
-servent d'électrodes. Le vase est maintenu à un potentiel connu, au
-moyen d'une batterie de petits accumulateurs, dont un pôle est à terre.
-Le tube AB est en relation avec l'électromètre. Lorsqu'un courant
-traverse le liquide, on maintient l'électromètre au zéro à l'aide d'un
-quartz piézoélectrique qui donne la mesure du courant. Le tube de
-cuivre MNM'N', relié au sol, sert de tube de garde pour empêcher le
-passage du courant à travers l'air. Une ampoule contenant le sel de
-baryum radifère peut être placée au fond du tube AB; les rayons agissent
-sur le liquide après avoir traversé le verre de l'ampoule et les parois
-du tube métallique. On peut encore faire agir le radium en plaçant
-l'ampoule en dessous de la paroi DE.
-
-Pour agir avec les rayons de Röntgen, on fait arriver ces rayons au
-travers de la paroi DE.
-
-L'accroissement de conductibilité par l'action des rayons du radium ou
-des rayons de Röntgen semble se produire pour tous les diélectriques
-liquides; mais, pour constater cet accroissement, il est nécessaire que
-la conductibilité propre du liquide soit assez faible pour ne pas
-masquer l'effet des rayons.
-
-En opérant avec le radium et les rayons de Röntgen, M. Curie a obtenu
-des effets du même ordre de grandeur.
-
-Quand on étudie avec le même dispositif la conductibilité de l'air ou
-d'un autre gaz sous l'action des rayons de Becquerel, on trouve que
-l'intensité du courant obtenu est proportionnelle à la différence de
-potentiel entre les électrodes, tant que celle-ci ne dépasse pas
-quelques volts; mais pour des tensions plus élevées, l'intensité du
-courant croît de moins en moins vite, et le courant de saturation est
-sensiblement atteint pour une tension de 100 volts.
-
-Les liquides étudiés avec le même appareil et avec le même produit
-radiant très actif se comportent différemment; l'intensité du courant
-est proportionnelle à la tension quand celle-ci varie entre 0 et 450
-volts, et cela même quand la distance des électrodes ne dépasse pas 6mm.
-On peut alors considérer la _conductivité_ provoquée dans divers
-liquides par le rayonnement d'un sel de radium agissant dans les mêmes
-conditions.
-
-Les nombres du Tableau suivant multiplié par 10^{-14} donnent la
-conductivité en mhos (inverse d'ohm) pour 1cm3:
-
- Sulfure de carbone 20
- Éther de pétrole 15
- Amylène 14
- Chlorure de carbone 8
- Benzine 4
- Air liquide 1,3
- Huile de vaseline 1,6
-
-On peut cependant supposer que les liquides et les gaz se comportent
-d'une façon analogue, mais que, pour les liquides, le courant reste
-proportionnel à la tension jusqu'à une limite bien plus élevée que pour
-les gaz. On pouvait, par analogie avec ce qui a lieu pour les gaz,
-chercher à abaisser la limite de proportionnalité en employant un
-rayonnement beaucoup plus faible. L'expérience a vérifié cette
-prévision; le produit radiant employé était 150 fois moins actif que
-celui qui avait servi pour les premières expériences. Pour des tensions
-de 50, 100, 200, 400 volts, les intensités du courant étaient
-représentées respectivement par les nombres 109, 185, 255, 335. La
-proportionnalité ne se maintient plus, mais le courant varie encore
-fortement quand on double la différence de potentiel.
-
-Quelques-uns des liquides examinés sont des isolants à peu près
-parfaits, quand ils sont maintenus à température constante, et qu'ils
-sont à l'abri de l'action des rayons. Tels sont: l'air liquide, l'éther
-de pétrole, l'huile de vaseline, l'amylène. Il est alors très facile
-d'étudier l'effet des rayons. L'huile de vaseline est beaucoup moins
-sensible à l'action des rayons que l'éther de pétrole. Il convient
-peut-être de rapprocher ce fait de la différence de volatilité qui
-existe entre ces deux hydrocarbures. L'air liquide qui a bouilli pendant
-quelque temps dans le vase d'expérience est plus sensible à l'action des
-rayons que celui que l'on vient d'y verser; la conductivité produite par
-les rayons est de 1/4 plus grande dans le premier cas. M. Curie a étudié
-sur l'amylène et sur l'éther de pétrole l'action des rayons aux
-températures de +10° et de -17°. La conductivité due au rayonnement
-diminue de 1/10 seulement de sa valeur, quand on passe de 10° à -17°.
-
-Dans les expériences où l'on fait varier la température du liquide on
-peut soit maintenir le radium à la température ambiante, soit le porter
-à la même température que le liquide; on obtient le même résultat dans
-les deux cas. Cela tient à ce que le rayonnement du radium ne varie pas
-avec la température, et conserve encore la même valeur même à la
-température de l'air liquide. Ce fait a été vérifié directement par des
-mesures.
-
-
-_Divers effets et applications de l'action ionisante des rayons émis par
-les substances radioactives._--Les rayons des nouvelles substances
-radioactives ionisent l'air fortement. On peut, par l'action du radium,
-provoquer facilement _la condensation de la vapeur d'eau sursaturée_,
-absolument comme cela a lieu par l'action des rayons cathodiques et des
-rayons Röntgen.
-
-Sous l'influence des rayons émis par les substances radioactives
-nouvelles, la _distance explosive entre deux conducteurs métalliques
-pour une différence de potentiel donnée se trouve augmentée_; autrement
-dit, le passage de l'étincelle est facilité par l'action des rayons. Ce
-phénomène est dû à l'action des rayons les plus pénétrants. Si, en
-effet, on entoure le radium d'une enveloppe en plomb de 2cm, l'action du
-radium sur l'étincelle n'est pas considérablement affaiblie, alors que
-le rayonnement qui traverse n'est qu'une très faible fraction du
-rayonnement total.
-
-En rendant conducteur, par l'action des substances radioactives, l'air
-au voisinage de deux conducteurs métalliques, dont l'un est relié au sol
-et l'autre à un électromètre bien isolé, on voit l'électromètre prendre
-une déviation permanente, qui permet de mesurer la force électromotrice
-de la pile formée par l'air et les deux métaux (force électromotrice de
-contact des deux métaux, quand ils sont séparés par l'air). Cette
-méthode de mesures a été employée par lord Kelwin et ses élèves, la
-substance radiante étant l'uranium[76]; une méthode analogue avait été
-antérieurement employée par M. Perrin qui utilisait l'action ionisante
-des rayons Röntgen[77].
-
- [76] LORD KELWIN, BEATTIE et SMOLAN, _Nature_, 1897.
-
- [77] PERRIN, _Thèse de doctorat_.
-
-On peut se servir des substances radioactives dans l'étude de
-l'électricité atmosphérique. La substance active est enfermée dans une
-petite boîte en aluminium mince, fixée à l'extrémité d'une tige
-métallique en relation avec l'électromètre. L'air est rendu conducteur
-au voisinage de l'extrémité de la tige, et celle-ci prend le potentiel
-de l'air qui l'entoure. Le radium remplace ainsi avec avantage les
-flammes ou les appareils à écoulement d'eau de lord Kelwin, généralement
-employés jusqu'à présent dans l'étude de l'électricité atmosphérique[78].
-
- [78] PAULSEN, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.--WITKOWSKI,
- _Bulletin de l'Académie des Sciences de Cracovie_, janvier 1902.
-
-_Effets de fluorescence, effets lumineux._--Les rayons émis par les
-nouvelles substances radioactives provoquent la fluorescence de certains
-corps. M. Curie et moi, nous avons tout d'abord découvert ce phénomène
-en faisant agir le polonium au travers d'une feuille d'aluminium sur une
-couche de platinocyanure de baryum. La même expérience réussit encore
-plus facilement avec du baryum radifère suffisamment actif. Quand la
-substance est fortement radioactive, la fluorescence produite est très
-belle.
-
-Un grand nombre de substances sont susceptibles de devenir
-phosphorescentes ou fluorescentes par l'action des rayons de Becquerel.
-M. Becquerel a étudié l'action sur les sels d'urane, le diamant, la
-blende, etc. M. Bary a montré que les sels des métaux alcalins et
-alcalino-terreux, qui sont tous fluorescents sous l'action des rayons
-lumineux et des rayons Röntgen, sont également fluorescents sous
-l'action des rayons du radium[79]. On peut également observer la
-fluorescence du papier, du coton, du verre, etc., au voisinage du
-radium. Parmi les différentes espèces de verre, le verre de Thuringe est
-particulièrement lumineux. Les métaux ne semblent pas devenir lumineux.
-
- [79] BARY, _Comptes rendus_, t. CXXX, 1900, p. 776.
-
-Le platinocyanure de baryum convient le mieux quand on veut étudier le
-rayonnement des corps radioactifs par la méthode fluoroscopique. On peut
-suivre l'effet des rayons du radium à des distances supérieures à 2m.
-Le sulfure de zinc phosphorescent est rendu extrêmement lumineux, mais
-ce corps a l'inconvénient de conserver la luminosité pendant quelque
-temps, après que l'action des rayons a été supprimée.
-
-On peut observer la fluorescence produite par le radium quand l'écran
-fluorescent est séparé du radium par des écrans absorbants. Nous avons
-pu observer l'éclairement d'un écran au platinocyanure de baryum à
-travers le corps humain. Cependant, l'action est incomparablement plus
-intense, quand l'écran est placé tout contre le radium et qu'il n'en est
-séparé par aucun écran solide. Tous les groupes de rayons semblent
-capables de produire la fluorescence.
-
-Pour observer l'action du polonium il est nécessaire de mettre la
-substance tout près de l'écran fluorescent sans interposition d'écran
-solide, ou tout au moins avec interposition d'un écran très mince
-seulement.
-
-La luminosité des substances fluorescentes exposées à l'action des
-substances radioactives baisse avec le temps. En même temps la substance
-fluorescente subit une transformation. En voici quelques exemples:
-
-Les rayons du radium transforment le platinocyanure de baryum en une
-variété brune moins lumineuse (action analogue à celle produite par les
-rayons Röntgen et décrite par M. Villard). Ils altèrent également le
-sulfate d'uranyle et de potassium en le faisant jaunir. Le
-platinocyanure de baryum transformé est régénéré partiellement par
-l'action de la lumière. Plaçons le radium au-dessous d'une couche de
-platinocyanure de baryum étalée sur du papier, le platinocyanure devient
-lumineux; si l'on maintient le système dans l'obscurité, le
-platinocyanure s'altère, et sa luminosité baisse considérablement. Mais,
-exposons le tout à la lumière; le platinocyanure est partiellement
-régénéré, et si l'on reporte le tout dans l'obscurité, la luminosité
-reparaît assez forte. On a donc, au moyen d'un corps fluorescent et d'un
-corps radioactif, réalisé un système qui fonctionne comme un corps
-phosphorescent à longue durée de phosphorescence.
-
-Le verre, qui est rendu fluorescent par l'action du radium, se colore en
-brun ou en violet. En même temps, il devient moins fluorescent. Si l'on
-chauffe ce verre ainsi altéré, il se décolore et, en même temps que la
-décoloration se produit, le verre émet de la lumière. Après cela le
-verre a repris la propriété d'être fluorescent au même degré qu'avant la
-transformation.
-
-Le sulfure de zinc qui a été exposé à l'action du radium pendant un
-temps suffisant s'épuise peu à peu et perd la faculté d'être
-phosphorescent, soit sous l'action du radium, soit sous celle de la
-lumière.
-
-Le diamant est rendu phosphorescent par l'action du radium et peut être
-distingué ainsi des imitations en strass, dont la luminosité est très
-faible.
-
-Tous les composés de baryum radifère _sont spontanément lumineux_[80].
-Les sels haloïdes, anhydres et secs, émettent une lumière
-particulièrement intense. Cette luminosité ne peut être vue à la grande
-lumière du jour, mais on la voit facilement dans la demi-obscurité ou
-dans une pièce éclairée à la lumière du gaz. La lumière émise peut être
-assez forte pour que l'on puisse lire en s'éclairant avec un peu de
-produit dans l'obscurité. La lumière émise émane de toute la masse du
-produit, tandis que, pour un corps phosphorescent ordinaire, la lumière
-émane surtout de la partie de la surface qui a été éclairée. A l'air
-humide les produits radifères perdent en grande partie leur luminosité,
-mais ils la reprennent par desséchement (Giesel). La luminosité semble
-se conserver. Au bout de plusieurs années aucune modification sensible
-ne semble s'être produite dans la luminosité de produits faiblement
-actifs, gardés en tubes scellés à l'obscurité. Avec du chlorure de
-baryum radifère, très actif et très lumineux, la lumière change de
-teinte au bout de quelques mois; elle devient plus violacée et
-s'affaiblit beaucoup; en même temps le produit subit certaines
-transformations; en redissolvant le sel dans l'eau et en le séchant à
-nouveau, on obtient la luminosité primitive.
-
- [80] CURIE, _Soc. de Physique_, 3 mars 1899.--GIESEL, _Wied. Ann._, t.
- LXIX, p. 91.
-
-Les solutions de sels de baryum radifères, qui contiennent une forte
-proportion de radium, sont également lumineuses; on peut observer ce
-fait en plaçant la solution dans une capsule de platine qui, n'étant pas
-lumineuse elle-même, permet d'apercevoir la luminosité faible de la
-solution.
-
-Quand une solution de sel de baryum radifère contient des cristaux qui
-s'y sont déposés, ces cristaux sont lumineux au sein de la solution, et
-ils le sont bien plus que la solution elle-même, de sorte que, dans ces
-conditions, ils semblent seuls lumineux.
-
-M. Giesel a préparé du platinocyanure de baryum radifère. Quand ce sel
-vient de cristalliser, il a l'aspect du platinocyanure de baryum
-ordinaire, et il est très lumineux. Mais peu à peu le sel se colore
-spontanément et prend une teinte brune, en même temps que les cristaux
-deviennent dichroïques. A cet état, le sel est bien moins lumineux,
-quoique sa radioactivité ait augmenté[81]. Le platinocyanure de radium,
-préparé par M. Giesel, s'altère encore bien plus rapidement.
-
- [81] GIESEL, _Wied. Ann._, t. LXIX, p. 91.
-
-Les composés de radium constituent le premier exemple de substances
-spontanément lumineuses.
-
-
-_Dégagement de chaleur par les sels de radium._--Tout récemment MM.
-Curie et Laborde ont trouvé que _les sels de radium sont le siège d'un
-dégagement de_ _chaleur spontané et continu_[82]. Ce dégagement de
-chaleur a pour effet de maintenir les sels de radium à une température
-plus élevée que la température ambiante; l'excès de température dépend
-d'ailleurs de l'isolement thermique de la substance. Cet excès de
-température peut être mis en évidence par une expérience grossière faite
-au moyen de deux thermomètres à mercure ordinaires. On utilise deux
-vases isolateurs thermiques à vide, identiques entre eux. Dans l'un des
-vases on place une ampoule de verre contenant 7dg de bromure de
-radium pur; dans le deuxième vase on place une autre ampoule de verre
-toute pareille qui contient une substance inactive quelconque, par
-exemple du chlorure de baryum. La température de chaque enceinte est
-indiquée par un thermomètre dont le réservoir est placé au voisinage
-immédiat de l'ampoule. L'ouverture des isolateurs est fermée par du
-coton. Quand l'équilibre de température est établi, le thermomètre qui
-se trouve dans le même vase que le radium indique constamment une
-température supérieure à celle indiquée par l'autre thermomètre; l'excès
-de température observé était de 3°.
-
- [82] CURIE et LABORDE, _Comptes rendus_, 16 mars 1903.
-
-On peut évaluer la quantité de chaleur dégagée par le radium à l'aide du
-calorimètre à glace de Bunsen. En plaçant dans ce calorimètre une
-ampoule de verre qui contient le sel de radium, on constate un apport
-continu de chaleur qui s'arrête dès qu'on éloigne le radium. La mesure
-faite avec un sel de radium préparé depuis longtemps indique que chaque
-gramme de radium dégage environ 80 petites calories pendant chaque
-heure. Le radium dégage donc pendant une heure une quantité de chaleur
-suffisante pour fondre son poids de glace, et un atome gramme (225g) de
-radium dégagerait en une heure 18000cal, soit une quantité de chaleur
-comparable à celle qui est produite par la combustion d'un atome gramme
-(1g) d'hydrogène. Un débit de chaleur aussi considérable ne saurait
-être expliqué par aucune réaction chimique ordinaire, et cela d'autant
-plus que l'état du radium semble rester le même pendant des années. On
-pourrait penser que le dégagement de chaleur est dû à une transformation
-de l'atome de radium lui-même, transformation nécessairement très lente.
-S'il en était ainsi, on serait amené à conclure que les quantités
-d'énergie mises en jeu dans la formation et dans la transformation des
-atomes sont considérables et dépassent tout ce qui nous est connu.
-
-On peut encore évaluer la chaleur dégagée par le radium à diverses
-températures en l'utilisant pour faire bouillir un gaz liquéfié et en
-mesurant le volume du gaz qui se dégage. On peut faire cette expérience
-avec du chlorure de méthyle (à -21°). L'expérience a été faite par MM.
-Dewar et Curie avec l'oxygène liquide (à -180°) et avec l'hydrogène
-liquide (à -252°). Ce dernier corps convient particulièrement bien pour
-réaliser l'expérience. Une éprouvette A, entourée d'un isolateur
-thermique à vide, contient de l'hydrogène liquide H (_fig._ 10); elle
-est munie d'un tube de dégagement _t_ qui permet de recueillir le gaz
-dans une éprouvette graduée E remplie d'eau. L'éprouvette A et son
-isolateur plongent dans un bain d'hydrogène liquide H'. Dans ces
-conditions aucun dégagement gazeux ne se produit dans l'éprouvette A.
-Lorsque l'on introduit, dans l'hydrogène liquide contenu dans cette
-éprouvette, une ampoule qui contient 7dg de bromure de radium, il se
-fait un dégagement continu de gaz, et l'on recueille 73cm3 de gaz
-par minute.
-
-[Illustration: Fig. 10.]
-
-Un sel de radium solide qui vient d'être préparé dégage une quantité de
-chaleur relativement faible; mais ce débit de chaleur augmente
-continuellement et tend vers une valeur déterminée qui n'est pas encore
-tout à fait atteinte au bout d'un mois. Quand on dissout dans l'eau un
-sel de radium et qu'on enferme la solution en tube scellé, la quantité
-de chaleur dégagée par la solution est d'abord faible; elle augmente
-ensuite et tend à devenir constante au bout d'un mois; le débit de
-chaleur est alors le même que celui dû au même sel à l'état solide.
-
-Quand on a mesuré à l'aide du calorimètre Bunsen la chaleur dégagée par
-un sel de radium contenu dans une ampoule de verre, certains rayons
-pénétrants du radium traversent l'ampoule et le calorimètre sans y être
-absorbés. Pour voir si ces rayons emportent une quantité d'énergie
-appréciable, on peut refaire une mesure en entourant l'ampoule d'une
-feuille de plomb de 2mm d'épaisseur; on trouve que, dans ces conditions,
-le dégagement de chaleur est augmenté de 4 pour 100 environ de sa
-valeur; l'énergie émise par le radium sous forme de rayons pénétrants
-n'est donc nullement négligeable.
-
-
-_Effets chimiques produits par les nouvelles substances radioactives.
-Colorations._--Les radiations émises par les substances fortement
-radioactives sont susceptibles de provoquer certaines transformations,
-certaines réactions chimiques. Les rayons émis par les produits
-radifères exercent des actions colorantes sur le verre et la
-porcelaine[83].
-
- [83] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, t. CXXIX, novembre 1899, p.
- 823.
-
-La coloration du verre, généralement brune ou violette, est très
-intense; elle se produit dans la masse même du verre, elle persiste
-après l'éloignement du radium. Tous les verres se colorent en un temps
-plus ou moins long, et la présence du plomb n'est pas nécessaire. Il
-convient de rapprocher ce fait de celui, observé récemment, de la
-coloration des verres des tubes à vide producteurs des rayons de Röntgen
-après un long usage.
-
-M. Giesel a montré que les sels haloïdes cristallisés des métaux
-alcalins (sel gemme, sylvine) se colorent sous l'influence du radium,
-comme sous l'action des rayons cathodiques. M. Giesel montre que l'on
-obtient des colorations du même genre en faisant séjourner les sels
-alcalins dans la vapeur de sodium[84].
-
- [84] GIESEL, _Soc. de Phys. allemande_, janvier 1900.
-
-J'ai étudié la coloration d'une collection de verres de composition
-connue, qui m'a été obligeamment prêtée à cet effet par M. Le Chatelier.
-Je n'ai pas observé de grande variété dans la coloration. Elle est
-généralement violette, jaune, brune ou grise. Elle semble liée à la
-présence des métaux alcalins.
-
-Avec les sels alcalins purs cristallisés on obtient des colorations plus
-variées et plus vives; le sel, primitivement blanc, devient bleu, vert,
-jaune brun, etc.
-
-M. Becquerel a montré que le phosphore blanc est transformé en phosphore
-rouge par l'action du radium.
-
-Le papier est altéré et coloré par l'action du radium. Il devient
-fragile, s'effrite et ressemble enfin à une passoire criblée de trous.
-
-Dans certaines circonstances il y a production d'ozone dans le voisinage
-de composés très actifs. Les rayons qui sortent d'une ampoule scellée,
-renfermant du radium, ne produisent pas d'ozone dans l'air qu'ils
-traversent. Au contraire, une forte odeur d'ozone se dégage quand on
-ouvre l'ampoule. D'une manière générale l'ozone se produit dans l'air,
-quand il y a communication directe entre celui-ci et le radium. La
-communication par un conduit même extrêmement étroit est suffisante; il
-semble que la production d'ozone soit liée à la propagation de la
-radioactivité induite, dont il sera question plus loin.
-
-Les composés radifères semblent s'altérer avec le temps, sans doute sous
-l'action de leur propre radiation. On a vu plus haut que les cristaux de
-chlorure de baryum radifères qui sont incolores au moment du dépôt
-prennent peu à peu une coloration tantôt jaune ou orangée, tantôt rose;
-cette coloration disparaît par la dissolution. Le chlorure de baryum
-radifère dégage des composés oxygénés du chlore: le bromure dégage du
-brome. Ces transformations lentes s'affirment généralement quelque temps
-après la préparation du produit solide, lequel, en même temps, change
-d'aspect et de couleur, en prenant une teinte jaune ou violacée. La
-lumière émise devient aussi plus violacée.
-
-Les sels de radium purs semblent éprouver les mêmes transformations que
-ceux qui contiennent du baryum. Toutefois les cristaux de chlorure,
-déposés en solution acide, ne se colorent pas sensiblement pendant un
-temps qui est suffisant, pour que les cristaux de chlorure de baryum
-radifères, riches en radium, prennent une coloration intense.
-
-
-_Dégagement de gaz en présence des sels de radium._--Une solution de
-bromure de radium dégage des gaz d'une manière continue[85]. Ces gaz
-sont principalement de l'hydrogène et de l'oxygène, et la composition du
-mélange est voisine de celle de l'eau; on peut admettre qu'il y a
-décomposition de l'eau en présence du sel de radium.
-
- [85] GIESEL, _Ber._, 1903, p. 347.--RAMSAY et SODDY, _Phys.
- Zeitschr._, 15 septembre 1903.
-
-Les sels solides de radium (chlorure, bromure) donnent aussi lieu à un
-dégagement continu de gaz. Ces gaz remplissent les pores du sel solide
-et se dégagent assez abondamment quand on dissout le sel. On trouve dans
-le mélange gazeux de l'hydrogène, de l'oxygène, de l'acide carbonique,
-de l'hélium; le spectre des gaz présente aussi quelques raies
-inconnues[86].
-
- [86] RAMSAY et SODDY, _loc. cit._
-
-On peut attribuer à des dégagements gazeux deux accidents qui se sont
-produits dans les expériences de M. Curie. Une ampoule de verre mince
-scellée, remplie presque complètement par du bromure de radium solide et
-sec, a fait explosion deux mois après la fermeture sous l'effet d'un
-faible échauffement; l'explosion était probablement due à la pression du
-gaz intérieur. Dans une autre expérience une ampoule contenant du
-chlorure de radium préparé depuis longtemps communiquait avec un
-réservoir d'assez grand volume dans lequel on maintenait un vide très
-parfait. L'ampoule ayant été soumise à un échauffement assez rapide vers
-300°, le sel fit explosion; l'ampoule fut brisée, et le sel fut projeté
-à distance; il ne pouvait y avoir de pression notable dans l'ampoule au
-moment de l'explosion. L'appareil avait d'ailleurs été soumis à un essai
-de chauffage dans les mêmes conditions en l'absence du sel de radium, et
-aucun accident ne s'était produit.
-
-Ces expériences montrent qu'il y a danger à chauffer du sel de radium
-préparé depuis longtemps et qu'il y a aussi danger à conserver pendant
-longtemps du radium en tube scellé.
-
-
-_Production de thermoluminescence._--Certains corps, tels que la
-fluorine, deviennent lumineux quand on les chauffe; ils sont
-thermoluminescents; leur luminosité s'épuise au bout de quelque temps;
-mais la faculté de devenir de nouveau lumineux par la chaleur est
-restituée à ces corps par l'action d'une étincelle et aussi par l'action
-du radium. Le radium peut donc restituer à ces corps leurs propriétés
-thermoluminescentes[87]. Lors de la chauffe la fluorine éprouve une
-transformation qui est accompagnée d'une émission de lumière. Quand la
-fluorine est ensuite soumise à l'action du radium, une transformation se
-refait en sens inverse, et elle est encore accompagnée d'une émission de
-lumière.
-
- [87] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.
-
-Un phénomène absolument analogue se produit pour le verre exposé aux
-rayons du radium. Là aussi une transformation se produit dans le verre,
-pendant qu'il est lumineux sous l'action des rayons du radium; cette
-transformation est mise en évidence par la coloration qui apparaît et
-augmente progressivement. Quand on chauffe ensuite le verre ainsi
-modifié, la transformation inverse se produit, la coloration disparaît,
-et ce phénomène est accompagné de production de lumière. Il paraît fort
-probable qu'il y a là une modification de nature chimique, et la
-production de lumière est liée à cette modification. Ce phénomène
-pourrait être général. Il pourrait se faire que la production de
-fluorescence par l'action du radium et la luminosité des substances
-radifères fussent nécessairement liées à un phénomène de transformation
-chimique ou physique de la substance qui émet la lumière.
-
-
-_Radiographies._--L'action radiographique des nouvelles substances
-radioactives est très intense. Toutefois la manière d'opérer doit être
-très différente avec le polonium et le radium. Le polonium n'agit qu'à
-très petite distance, et son action est considérablement affaiblie par
-des écrans solides; il est facile de la supprimer pratiquement au moyen
-d'un écran peu épais (1mm de verre). Le radium agit à des distances
-considérablement plus grandes. L'action radiographique des rayons du
-radium s'observe à plus de 2m de distance dans l'air, et cela même quand
-le produit radiant est enfermé dans une ampoule de verre. Les rayons qui
-agissent dans ces conditions appartiennent aux groupes #b# et #g#.
-Grâce aux différences qui existent entre la transparence de diverses
-matières pour les rayons, on peut, comme avec les rayons Röntgen,
-obtenir des radiographies de divers objets. Les métaux sont, en général,
-opaques, sauf l'aluminium qui est très transparent. Il n'existe pas de
-différence de transparence notable entre les chairs et les os. On peut
-opérer à grande distance et avec des sources de très petites dimensions;
-on a alors des radiographies très fines. Il est très avantageux, pour la
-beauté des radiographies, de renvoyer les rayons #b# de côté, au moyen
-d'un champ magnétique, et de n'utiliser que les rayons #g#. Les rayons
-#b#, en traversant l'objet à radiographier, éprouvent, en effet, une
-certaine diffusion et occasionnent un certain flou. En les supprimant,
-on est obligé d'employer des temps de pose plus grands, mais les
-résultats sont meilleurs. La radiographie d'un objet, tel qu'un
-porte-monnaie, demande un jour avec une source radiante constituée par
-quelques centigrammes de sel de radium, enfermé dans une ampoule de
-verre et placé à 1m de la plaque sensible, devant laquelle se trouve
-l'objet. Si la source est à 20cm de distance de la plaque, le même
-résultat est obtenu en une heure. Au voisinage immédiat de la source
-radiante, une plaque sensible est instantanément impressionnée.
-
-[Illustration: Fig. 11.
-
-Radiographie obtenue avec les rayons du radium.]
-
-
-_Effets physiologiques._--Les rayons du radium exercent une action sur
-l'épiderme. Cette action a été observée par M. Walkhoff et confirmée par
-M. Giesel, puis par MM. Becquerel et Curie[88].
-
- [88] WALKHOFF, _Phot. Rundschau_, octobre 1900.--GIESEL, _Berichte
- d. deutsch. chem. Gesell._, t. XXIII.--BECQUEREL et CURIE, _Comptes
- rendus_, t. CXXXII, p. 1289.
-
-Si l'on place sur la peau une capsule en celluloïd ou en caoutchouc
-mince renfermant un sel de radium très actif et qu'on l'y laisse
-pendant quelque temps, une rougeur se produit sur la peau, soit de
-suite, soit au bout d'un temps qui est d'autant plus long que l'action a
-été plus faible et moins prolongée; cette tache rouge apparaît à
-l'endroit qui a été exposé à l'action; l'altération locale de la peau se
-manifeste et évolue comme une brûlure. Dans certains cas il se forme une
-ampoule. Si l'exposition a été prolongée, il se produit une ulcération
-très longue à guérir. Dans une expérience, M. Curie a fait agir sur son
-bras un produit radiant relativement peu actif pendant 10 heures. La
-rougeur se manifesta de suite, et il se forma plus tard une plaie qui
-mit 4 mois à guérir. L'épiderme a été détruit localement, et n'a pu se
-reconstituer à l'état sain que lentement et péniblement avec formation
-d'une cicatrice très marquée. Une brûlure au radium avec exposition
-d'une demi-heure apparut au bout de 15 jours, forma une ampoule et
-guérit en 15 jours. Une autre brûlure, faite avec une exposition de 8
-minutes seulement, occasionna une tache rouge qui apparut au bout de 2
-mois seulement et son effet fut insignifiant.
-
-L'action du radium sur la peau peut se produire à travers les métaux,
-mais elle est affaiblie. Pour se garantir de l'action, il faut éviter de
-garder longtemps le radium sur soi autrement qu'enveloppé dans une
-feuille de plomb.
-
-L'action du radium sur la peau a été étudiée par M. le Dr Danlos, à
-l'hôpital Saint-Louis, comme procédé de traitement de certaines maladies
-de la peau, procédé comparable au traitement par les rayons Röntgen ou
-la lumière ultra-violette. Le radium donne à ce point de vue des
-résultats encourageants; l'épiderme partiellement détruit par l'action
-du radium se reforme à l'état sain. L'action du radium est plus profonde
-que celle de la lumière, et son emploi est plus facile que celui de la
-lumière ou des rayons Röntgen. L'étude des conditions de l'application
-est nécessairement un peu longue, parce qu'on ne peut se rendre compte
-immédiatement de l'effet de l'application.
-
-M. Giesel a remarqué l'action du radium sur les feuilles des plantes.
-Les feuilles soumises à l'action jaunissent et s'effritent.
-
-M. Giesel a également découvert l'action des rayons du radium sur
-l'oeil[89]. Quand on place dans l'obscurité un produit radiant au
-voisinage de la paupière fermée ou de la tempe, on a la sensation d'une
-lumière qui remplit l'oeil. Ce phénomène a été étudié par MM. Himstedt
-et Nagel[90]. Ces physiciens ont montré que tous les milieux de l'oeil
-deviennent fluorescents par l'action du radium, et c'est ce qui explique
-la sensation de lumière perçue. Les aveugles chez lesquels la rétine est
-intacte, sont sensibles à l'action du radium, tandis que ceux dont la
-rétine est malade n'éprouvent pas la sensation lumineuse due aux rayons.
-
- [89] GIESEL, _Naturforscherrersammlung_, München, 1899.
-
- [90] HIMSTEDT et NAGEL, _Ann. der Physik_, t. IV, 1901.
-
-Les rayons du radium empêchent ou entravent le développement des
-colonies microbiennes, mais cette action n'est pas très intense[91].
-
- [91] ASCHKINASS et CASPARI, _Ann. der Physik_, t. VI, 1901, p. 570.
-
-Récemment, M. Danysz a montré que les rayons du radium agissent
-énergiquement sur la moelle et sur le cerveau. Après une action d'une
-heure, des paralysies se produisent chez les animaux soumis aux
-expériences, et ceux-ci meurent généralement au bout de quelques
-jours[92].
-
- [92] DANYSZ, _Comptes rendus_, 16 février 1903.
-
-
-_Action de la température sur le rayonnement._--On n'a encore que peu de
-renseignements sur la manière dont varie l'émission des corps
-radioactifs avec la température. Nous savons cependant que l'émission
-subsiste aux basses températures. M. Curie a placé dans l'air liquide
-un tube de verre qui contenait du chlorure de baryum radifère[93]. La
-luminosité du produit radiant persiste dans ces conditions. Au moment où
-l'on retire le tube de l'enceinte froide, il paraît même plus lumineux
-qu'à la température ambiante. A la température de l'air liquide, le
-radium continue à exciter la fluorescence du sulfate d'uranyle et de
-potassium. M. Curie a vérifié par des mesures électriques que le
-rayonnement, mesuré à une certaine distance de la source radiante,
-possède la même intensité quand le radium est à la température ambiante,
-ou quand il est dans une enceinte à la température de l'air liquide.
-Dans ces expériences, le radium était placé au fond d'un tube fermé à un
-bout. Les rayons sortaient du tube par le bout ouvert, traversaient un
-certain espace d'air et étaient recueillis dans un condensateur. On
-mesurait l'action des rayons sur l'air du condensateur, soit en laissant
-le tube dans l'air, soit en l'entourant d'air liquide jusqu'à une
-certaine hauteur. Le résultat obtenu était le même dans les deux cas.
-
- [93] CURIE, _Société de Physique_, 2 mars 1900.
-
-Quand on porte le radium à une température élevée, sa radioactivité
-subsiste. Le chlorure de baryum radifère qui vient d'être fondu (vers
-800°) est radioactif et lumineux. Toutefois, une chauffe prolongée à
-température élevée a pour effet d'abaisser temporairement la
-radioactivité du produit. La baisse est très importante, elle peut
-constituer 75 pour 100 du rayonnement total. La baisse proportionnelle
-est moins grande sur les rayons absorbables que sur les rayons
-pénétrants, qui sont sensiblement supprimés par la chauffe. Avec le
-temps, le rayonnement du produit reprend l'intensité et la composition
-qu'il avait avant la chauffe; ce résultat est atteint au bout de 2 mois
-environ à partir de la chauffe.
-
-
-
-
-CHAPITRE IV.
-
-LA RADIOACTIVITÉ INDUITE.
-
-
-_Communication de la radioactivité à des substances primitivement
-inactives._--Au cours de nos recherches sur les substances radioactives,
-nous avons remarqué, M. Curie et moi, que toute substance qui séjourne
-pendant quelque temps au voisinage d'un sel radifère devient elle-même
-radioactive[94]. Dans notre première publication à ce sujet, nous nous
-sommes attachés à prouver que la radioactivité, ainsi acquise par des
-substances primitivement inactives, n'est pas due à un transport de
-poussières radioactives qui seraient venues se poser à la surface de ces
-substances. Ce fait, actuellement certain, est prouvé en toute évidence
-par l'ensemble des expériences qui seront décrites ici, et notamment par
-les lois suivant lesquelles la radioactivité provoquée dans les
-substances naturellement inactives disparaît quand on soustrait ces
-substances à l'action du radium.
-
- [94] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 6 novembre 1899.
-
-Nous avons donné au phénomène nouveau ainsi découvert le nom de
-_radioactivité induite_.
-
-Dans la même publication, nous avons indiqué les caractères essentiels
-de la radioactivité induite. Nous avons activé des lames de substances
-diverses, en les plaçant au voisinage de sels radifères solides et nous
-avons étudié la radioactivité de ces lames par la méthode électrique.
-Nous avons observé ainsi les faits suivants:
-
-1º L'activité d'une lame exposée à l'action du radium augmente avec le
-temps de l'exposition en se rapprochant d'une certaine limite, suivant
-une loi asymptotique.
-
-2º L'activité d'une lame qui a été activée par l'action du radium et qui
-a été ensuite soustraite à cette action disparaît en quelques jours.
-Cette activité induite tend vers zéro en fonction du temps, suivant une
-loi asymptotique.
-
-3º Toutes conditions égales d'ailleurs, la radioactivité induite par un
-même produit radifère sur diverses lames est indépendante de la nature
-de la lame. Le verre, le papier, les métaux s'activent avec la même
-intensité.
-
-4º La radioactivité induite sur une même lame par divers produits
-radifères a une valeur limite d'autant plus élevée que le produit est
-plus actif.
-
-Peu de temps après, M. Rutherford publia un travail, duquel il résulte
-que les composés du thorium sont capables de produire le phénomène de la
-radioactivité induite[95]. M. Rutherford trouva pour ce phénomène les
-mêmes lois que celles qui viennent d'être exposées, et il découvrit en
-plus ce fait important, que les corps chargés d'électricité négative
-s'activent plus énergiquement que les autres. M. Rutherford observa
-d'ailleurs que l'air qui a passé sur de l'oxyde de thorium conserve
-pendant 10 minutes environ une conductibilité notable. L'air qui est
-dans cet état communique la radioactivité induite à des substances
-inactives, surtout à celles chargées négativement. M. Rutherford
-interprète ses expériences en admettant que les composés du thorium, et
-surtout l'oxyde, émettent une _émanation radioactive_ particulière,
-susceptible d'être entraînée par les courants d'air et chargée
-d'électricité positive. Cette émanation serait la cause de la
-radioactivité induite. M. Dorn a reproduit, avec les sels de baryum
-radifères, les expériences que M. Rutherford avait faites avec de
-l'oxyde de thorium[96].
-
- [95] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier et février 1900.
-
- [96] DORN, _Abh. Naturforsch. Gesell. Halle_, juin 1900.
-
-M. Debierne a montré que l'actinium provoque, d'une façon extrêmement
-intense, l'activité induite des corps placés dans son voisinage. De même
-que pour le thorium, il se produit un entraînement considérable de
-l'activité par les courants d'air[97].
-
- [97] DEBIERNE, _Comptes rendus_, 30 juillet 1900; 16 février 1903.
-
-La radioactivité induite se présente sous des aspects très variés, et
-quand on produit l'activation d'une substance au voisinage du radium à
-l'air libre, on obtient des résultats irréguliers. MM. Curie et Debierne
-ont remarqué que le phénomène est, au contraire, très régulier quand on
-opère en vase clos; ils ont donc étudié l'activation en enceinte
-fermée[98].
-
- [98] CURIE et DEBIERNE, _Comptes rendus_, 4 mars 1901.
-
-
-_Activation en enceinte fermée._--La radioactivité induite est à la fois
-plus intense et plus régulière quand on opère en vase clos. La matière
-active est placée dans une petite ampoule en verre _a_ ouverte en _o_
-(_fig._ 11) au milieu d'une enceinte close. Diverses plaques A, B, C, D,
-E placées dans l'enceinte deviennent radioactives au bout d'un jour
-d'exposition. L'activité est la même, quelle que soit la nature de la
-plaque, à dimensions égales plomb, cuivre, aluminium, verre, ébonite,
-cire, carton, paraffine. L'activité d'une face de l'une des lames est
-d'autant plus grande, que l'espace libre en regard de cette face est
-plus grand.
-
-Si l'on répète l'expérience précédente avec l'ampoule _a_ complètement
-fermée, on n'obtient aucune activité induite.
-
-Le rayonnement du radium n'intervient pas directement dans la
-production de la radioactivité induite. C'est ainsi que, dans
-l'expérience précédente, la lame D, protégée du rayonnement par l'écran
-en plomb épais PP, est activée autant que B et E.
-
-[Illustration: Fig. 12.]
-
-La radioactivité se transmet par l'air de proche en proche depuis la
-matière radiante jusqu'au corps à activer. Elle peut même se transmettre
-au loin par des tubes capillaires très étroits.
-
-La radioactivité induite est à la fois plus intense et plus régulière,
-si l'on remplace le sel radifère activant solide par sa dissolution
-aqueuse.
-
-Les liquides sont susceptibles d'acquérir la radioactivité induite. On
-peut, par exemple, rendre radioactive l'eau pure, en la plaçant dans un
-vase à l'intérieur d'une enceinte close qui renferme également une
-solution d'un sel radifère.
-
-Certaines substances deviennent lumineuses, quand on les place dans une
-enceinte activante (corps phosphorescents et fluorescents, verre,
-papier, coton, eau, solutions salines). Le sulfure de zinc
-phosphorescent est particulièrement brillant dans ces conditions. La
-radioactivité de ces corps lumineux est cependant la même que celle d'un
-morceau de métal ou autre corps qui s'active dans les mêmes conditions
-sans devenir lumineux.
-
-Quelle que soit la substance que l'on active en vase clos, cette
-substance prend une activité qui augmente avec le temps et finit par
-atteindre _une valeur limite_, toujours la même, quand on opère avec la
-même matière activante et le même dispositif expérimental.
-
-_La radioactivité induite limite est indépendante de la nature et de la
-pression du gaz qui se trouve dans l'enceinte activante_ (air,
-hydrogène, acide carbonique).
-
-_La radioactivité induite limite dans une même enceinte dépend seulement
-de la quantité de radium qui s'y trouve_ à l'état de solution, et semble
-lui être proportionnelle.
-
-
-_Rôle des gaz dans les phénomènes de radioactivité induite.
-Émanation._--Les gaz présents dans une enceinte qui renferme un sel
-solide ou une solution de sel de radium sont radioactifs. Cette
-radioactivité persiste si l'on aspire les gaz avec une trompe et qu'on
-les recueille dans une éprouvette. Les parois de l'éprouvette deviennent
-alors elles-mêmes radioactives, et le verre de l'éprouvette est lumineux
-dans l'obscurité. L'activité et la luminosité de l'éprouvette
-disparaissent ensuite complètement, mais fort lentement, et l'on peut au
-bout d'un mois constater encore la radioactivité.
-
-Dès le début de nos recherches, nous avons, M. Curie et moi, extrait en
-chauffant la pechblende un gaz fortement radioactif, mais, comme dans
-l'expérience précédente, l'activité de ce gaz avait fini par disparaître
-complètement[99].
-
- [99] P. CURIE et Mme CURIE, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.
-
-Ainsi, pour le thorium, le radium, l'actinium, la radioactivité induite
-se propage de proche en proche à travers les gaz, depuis le corps actif
-jusqu'aux parois de l'enceinte qui le renferme, et la propriété
-activante est entraînée avec le gaz lui-même, quand on extrait celui-ci
-de l'enceinte.
-
-Quand on mesure la radioactivité de matières radifères par la méthode
-électrique au moyen de l'appareil (_fig._ 1) l'air entre les plateaux
-devient également radioactif; cependant, en envoyant un courant d'air
-entre les plateaux, on n'observe pas de baisse notable dans l'intensité
-du courant, ce qui prouve que la radioactivité répandue dans l'espace
-entre les plateaux est peu importante par rapport à celle du radium
-lui-même à l'état solide.
-
-Il en est tout autrement dans le cas du thorium. Les irrégularités que
-j'avais observées en mesurant la radioactivité des composés du thorium
-provenaient du fait qu'à cette époque je travaillais avec un
-condensateur ouvert à l'air; or le moindre courant d'air produit un
-changement considérable dans l'intensité du courant, parce que la
-radioactivité répandue dans l'espace au voisinage du thorium est
-importante par rapport à la radioactivité de la substance.
-
-Cet effet est encore bien plus marqué pour l'actinium. Un composé très
-actif d'actinium paraît beaucoup moins actif quand on envoie un courant
-d'air sur la substance.
-
-L'énergie radioactive est donc renfermée dans les gaz sous une forme
-spéciale. M. Rutherford suppose que certains corps radioactifs dégagent
-constamment un gaz matériel radioactif qu'il appelle _émanation_. C'est
-ce gaz qui aurait la propriété de rendre radioactifs les corps qui se
-trouvent dans l'espace où il est répandu. Les corps qui émettent de
-l'émanation sont le radium, le thorium et l'actinium.
-
-
-_Désactivation à l'air libre des corps solides activés._--Un corps
-solide, qui a été activé par le radium dans une enceinte activante
-pendant un temps suffisant, et qui a été ensuite retiré de l'enceinte,
-se désactive à l'air libre suivant une loi d'allure exponentielle qui
-est la même pour tous les corps et qui est représentée par la formule
-suivante[100]:
-
- I = I_0 ( _a e_^{-t/#Th#_1} - (_a_ - 1) _e_^{-t/#Th_2}),
-
-I_{0} étant l'intensité initiale du rayonnement au moment où l'on retire
-la lame de l'enceinte, I l'intensité au temps _t_; _a_ est un
-coefficient numérique _a_ = 4.20; #Th#_{1} et #Th#_{2} sont des
-constantes de temps: #Th#_{1} = 2420 secondes, #Th#_{2} = 1860 secondes.
-Au bout de 2 ou 3 heures cette loi se réduit sensiblement à une
-exponentielle simple: l'influence de la seconde exponentielle sur la
-valeur de I ne se fait plus sentir. La loi de désactivation est alors
-telle que l'intensité du rayonnement baisse de la moitié de sa valeur en
-28 minutes. Cette loi finale peut être considérée comme caractéristique
-de la désactivation à l'air libre des corps solides activés par le
-radium.
-
- [100] CURIE et DANNE, _Comptes rendus_, 9 février 1903.
-
-Les corps solides activés par l'actinium se désactivent à l'air libre
-suivant une loi exponentielle voisine de la précédente. Mais cependant
-la désactivation est un peu plus lente[101].
-
- [101] DEBIERNE, _Comptes rendus_, 16 février 1903.
-
-Les corps solides activés par le thorium se désactivent beaucoup plus
-lentement; l'intensité du rayonnement baisse de moitié en 11
-heures[102].
-
- [102] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, février 1900.
-
-_Désactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de
-l'émanation[103]._--Une enceinte fermée activée par le radium et
-soustraite ensuite à son action, se désactive suivant une loi beaucoup
-moins rapide que celle de la désactivation à l'air libre. On peut, par
-exemple, faire l'expérience avec un tube en verre que l'on active
-intérieurement, en le mettant pendant un certain temps en communication
-avec une solution d'un sel de radium. On scelle ensuite le tube à la
-lampe, et l'on mesure l'intensité du rayonnement émis à l'extérieur par
-les parois du tube, pendant que la désactivation se produit.
-
- [103] P. CURIE, _Comptes rendus_, 17 novembre 1902.
-
-La loi de désactivation est une loi exponentielle. Elle est donnée avec
-une grande exactitude par la formule
-
- I = I_0 _e_^{-t/#Th#}
-
-I_{0} intensité du rayonnement initial;
-
-I, intensité du rayonnement au temps _t_;
-
-#Th#, une constante de temps #Th# = 4.970 × 10^5 secondes.
-
-L'intensité du rayonnement diminue de moitié en 4 jours.
-
-Cette loi de désactivation est absolument invariable, quelles que soient
-les conditions de l'expérience (dimensions de l'enceinte, nature des
-parois, nature du gaz dans l'enceinte, durée de l'activation, etc.). La
-loi de désactivation reste la même, quelle que soit la température entre
--180° et +450°. Cette loi de désactivation est donc tout à fait
-caractéristique et pourrait servir à définir un _étalon de temps_
-absolument indépendant.
-
-Dans ces expériences, c'est l'énergie radioactive accumulée dans le gaz
-qui entretient l'activité des parois. Si, en effet, on supprime le gaz
-en faisant le vide dans l'enceinte, on constate que les parois se
-désactivent ensuite suivant le mode rapide de désactivation, l'intensité
-du rayonnement diminuant de moitié en 28 minutes. Ce même résultat est
-obtenu en substituant dans l'enceinte de l'air ordinaire à l'air activé.
-
-La loi de désactivation avec baisse de moitié en 4 jours est donc
-caractéristique de la disparition de l'énergie radioactive accumulée
-dans le gaz. Si l'on se sert de l'expression adoptée par M. Rutherford,
-on peut dire que l'émanation du radium disparaît spontanément en
-fonction du temps avec baisse de moitié en 4 jours.
-
-L'émanation du thorium est d'une autre nature et disparaît beaucoup plus
-rapidement. Le pouvoir d'activation diminue de moitié en 1 minute 10
-secondes environ.
-
-L'émanation de l'actinium disparaît encore plus rapidement; la baisse de
-moitié a lieu en quelques secondes.
-
-MM. Elster et Geitel ont montré qu'il existe toujours dans l'air
-atmosphérique, en très faible proportion, une émanation radioactive
-analogue à celles émises par les corps radioactifs. Des fils métalliques
-tendus dans l'air et maintenus à un potentiel négatif s'activent sous
-l'influence de cette émanation. L'air que l'on aspire au moyen d'un tube
-enfoncé dans le sol est particulièrement chargé d'émanation[104].
-L'origine de cette émanation est encore inconnue.
-
- [104] ELSTER et GEITEL, _Physik. Zeitschrift_, 15 septembre 1902.
-
-L'air extrait de certaines eaux minérales contient de l'émanation tandis
-que l'air contenu dans l'eau de la mer et des rivières en est à peu près
-exempt.
-
-
-_Nature des émanations._--Suivant M. Rutherford l'émanation d'un corps
-radioactif est un gaz matériel radioactif qui s'échappe de ce corps. En
-effet, à bien des points de vue, l'émanation du radium se comporte comme
-un gaz ordinaire.
-
-Quand on met en communication deux réservoirs en verre dont l'un
-contient de l'émanation tandis que l'autre n'en contient pas,
-l'émanation passe en se diffusant dans le deuxième réservoir, et quand
-l'équilibre est établi, on constate que l'émanation s'est partagée entre
-les deux réservoirs comme le ferait un gaz ordinaire: si les deux
-réservoirs sont à la même température, l'émanation se partage entre eux
-dans le rapport de leurs volumes; s'ils sont à des températures
-différentes, elle se partage entre eux comme un gaz parfait obéissant
-aux lois de Mariotte et de Gay-Lussac. Pour établir ce résultat il
-suffit de mesurer le rayonnement du premier réservoir avant et après le
-partage; ce rayonnement est proportionnel à la quantité d'émanation
-contenue dans le réservoir. Mais, comme la diffusion de l'émanation
-demande un certain temps jusqu'à ce que l'équilibre soit établi, il est
-nécessaire, pour l'exactitude du calcul relatif à l'expérience, de tenir
-compte de la destruction spontanée de l'émanation avec le temps[105].
-
- [105] P. CURIE et J. DANNE, _Comptes rendus_, 2 juin 1903.
-
-L'émanation du radium se diffuse le long d'un tube étroit suivant les
-lois de la diffusion des gaz, et son coefficient de diffusion est
-comparable à celui de l'acide carbonique[106].
-
- [106] P. CURIE et J. DANNE, _Comptes rendus_, 2 juin 1903.
-
-MM. Rutherford et Soddy ont montré que les émanations du radium et du
-thorium se condensent à la température de l'air liquide, comme le
-feraient des gaz qui seraient liquéfiables à cette température. Un
-courant d'air chargé d'émanation perd ses propriétés radioactives en
-traversant un serpentin qui plonge dans l'air liquide; l'émanation reste
-condensée dans le serpentin, et elle se retrouve à l'état gazeux quand
-on réchauffe celui-ci. L'émanation du radium se condense à -150°, celle
-du thorium à une température comprise entre -100° et -150°[107]. On peut
-faire l'expérience suivante: deux réservoirs de verre fermés, l'un
-grand, l'autre petit, communiquent ensemble par un tube court muni d'un
-robinet; ils sont remplis de gaz activé par le radium et sont par suite
-tous les deux lumineux. On plonge le petit réservoir dans l'air liquide,
-toute l'émanation s'y condense; au bout d'un certain temps on sépare
-les deux réservoirs l'un de l'autre en fermant le robinet, et l'on
-retire ensuite le petit réservoir de l'air liquide. On constate que
-c'est le petit réservoir qui contient toute l'activité. Pour s'en
-assurer il suffit d'observer la phosphorescence du verre des deux
-réservoirs. Le grand réservoir n'est plus lumineux, tandis que le petit
-est plus lumineux qu'au début de l'expérience. L'expérience est
-particulièrement brillante si l'on a eu soin d'enduire les parois des
-deux réservoirs de sulfure de zinc phosphorescent.
-
- [107] RUTHERFORD et SODDY, _Phil. Mag._, mai 1903.
-
-Toutefois, si l'émanation du radium est tout à fait comparable à un gaz
-liquéfiable, la température de condensation par refroidissement devrait
-être fonction de la quantité d'émanation contenue dans un certain volume
-d'air; ce qui n'a pas été signalé.
-
-On doit aussi faire remarquer que l'émanation passe avec une grande
-facilité à travers les trous ou les fissures les plus ténues des corps
-solides, dans des conditions où les gaz matériels ordinaires ne peuvent
-circuler qu'avec une lenteur extrême.
-
-Enfin, l'émanation du radium se distingue d'un gaz matériel ordinaire en
-ce qu'elle se détruit spontanément quand elle est enfermée en tube de
-verre scellé; tout au moins observe-t-on, dans ces conditions, la
-disparition de la propriété radioactive. Cette propriété radioactive est
-d'ailleurs encore actuellement la seule qui caractérise l'émanation à
-notre connaissance, car jusqu'à présent on n'a encore établi avec
-certitude ni l'existence d'un spectre caractéristique de l'émanation, ni
-une pression due à l'émanation.
-
-Toutefois tout récemment MM. Ramsay et Soddy ont observé, dans le
-spectre des gaz extraits du radium, des raies nouvelles qui pourraient,
-à leur avis, appartenir à l'émanation du radium. Ils ont aussi constaté
-que les gaz extraits du radium contiennent de l'hélium, et que ce
-dernier gaz se forme spontanément en présence de l'émanation du
-radium[108]. Si ces résultats, dont l'importance est considérable, se
-confirment, on pourra être amené à considérer l'émanation comme un gaz
-matériel instable, et l'hélium serait peut-être un des produits de la
-désagrégation de ce gaz.
-
- [108] RAMSAY et SODDY, _Physikalische Zeitschrift_, 15 septembre 1903.
-
-Les émanations du radium et du thorium ne semblent pas être altérées par
-divers agents chimiques très énergiques, et pour cette raison MM.
-Rutherford et Soddy les assimilent à des gaz de la famille de
-l'argon[109].
-
- [109] _Phil. Mag._, 1902, p. 580; 1903, p. 457.
-
-
-_Variation d'activité des liquides activés et des solutions
-radifères._--Un liquide quelconque devient radioactif lorsqu'il est
-placé dans un vase dans une enceinte activante. Si l'on retire le
-liquide de l'enceinte et qu'on le laisse à l'air libre, il se désactive
-rapidement en transmettant son activité aux gaz et aux corps solides qui
-l'entourent. Si l'on enferme un liquide activé dans un flacon fermé, il
-se désactive bien plus lentement et l'activité baisse alors de moitié en
-4 jours, comme cela arriverait pour un gaz activé enfermé dans un vase
-clos. On peut expliquer ce fait en admettant que l'énergie radioactive
-est emmagasinée dans les liquides sous une forme identique à celle sous
-laquelle elle est emmagasinée dans un gaz (sous forme d'émanation).
-
-Une dissolution d'un sel radifère se comporte en partie d'une façon
-analogue. Tout d'abord, il est fort remarquable que la solution d'un sel
-de radium, qui est placée depuis quelque temps dans une enceinte close,
-n'est pas plus active que de l'eau pure placée dans un vase contenu dans
-la même enceinte, lorsque l'équilibre d'activité s'est établi. Si l'on
-retire de l'enceinte la solution radifère et qu'on la laisse à l'air
-dans un vase largement ouvert, l'activité se répand dans l'espace, et la
-solution devient à peu près inactive, bien qu'elle contienne toujours le
-radium. Si alors on enferme cette solution désactivée dans un flacon
-fermé, elle reprend peu à peu, en une quinzaine de jours, une activité
-limite qui peut être considérable. Au contraire, un liquide activé qui
-ne renferme pas de radium et qui a été désactivé à l'air libre, ne
-reprend pas son activité quand on le met dans un flacon fermé.
-
-
-_Théorie de la radioactivité._--Voici, d'après MM. Curie et Debierne,
-une théorie très générale qui permet de coordonner les résultats de
-l'étude de la radioactivité induite, résultats que je viens d'exposer et
-qui constituent des faits indépendants de toute hypothèse[110].
-
- [110] CURIE et DEBIERNE, _Comptes rendus_, 29 juillet 1901.
-
-On peut admettre que chaque atome de radium fonctionne comme une source
-continue et constante d'énergie, sans qu'il soit, d'ailleurs, nécessaire
-de préciser d'où vient cette énergie. L'énergie radioactive qui
-s'accumule dans le radium tend à se dissiper de deux façons différentes:
-1º par rayonnement (rayons chargés et non chargés d'électricité); 2º par
-conduction, c'est-à-dire par transmission de proche en proche aux corps
-environnants, par l'intermédiaire des gaz et des liquides (dégagement
-d'émanation et transformation en radioactivité induite).
-
-La perte d'énergie radioactive, tant par rayonnement que par conduction,
-croît avec la quantité d'énergie accumulée dans le corps radioactif. Un
-équilibre de régime doit s'établir nécessairement quand, la double
-perte, dont je viens de parler, compense l'apport continu fait par le
-radium. Cette manière de voir est analogue à celle qui est en usage dans
-les phénomènes calorifiques. Si, dans l'intérieur d'un corps, il se
-fait, pour une raison quelconque, un dégagement continu et constant de
-chaleur, la chaleur s'accumule dans le corps, et la température s'élève,
-jusqu'à ce que la perte de chaleur par rayonnement et par conduction
-fasse équilibre à l'apport continu de chaleur.
-
-En général, sauf dans certaines conditions spéciales, l'activité ne se
-transmet pas de proche en proche à travers les corps solides. Lorsqu'on
-conserve une dissolution en tube scellé, la perte par rayonnement
-subsiste seule, et l'activité radiante de la dissolution prend une
-valeur élevée.
-
-Si, au contraire, la dissolution se trouve dans un vase ouvert, la perte
-d'activité de proche en proche, par conduction, devient considérable,
-et, lorsque l'état de régime est atteint, l'activité radiante de la
-dissolution est très faible.
-
-L'activité radiante d'un sel radifère solide, laissé à l'air libre, ne
-diminue pas sensiblement, parce que, la propagation de la radioactivité
-par conduction ne se faisant pas à travers les corps solides, c'est
-seulement une couche superficielle très mince qui produit la
-radioactivité induite. On constate, en effet, que la dissolution du même
-sel produit des phénomènes de radioactivité induite beaucoup plus
-intenses. Avec un sel solide l'énergie radioactive s'accumule dans le
-sel et se dissipe surtout par rayonnement. Au contraire, lorsque le sel
-est en dissolution dans l'eau depuis quelques jours, l'énergie
-radioactive est répartie entre l'eau et le sel, et si on les sépare par
-distillation, l'eau entraîne une grande partie de l'activité, et le sel
-solide est beaucoup moins actif (10 ou 15 fois) qu'avant dissolution.
-Ensuite le sel solide reprend peu à peu son activité primitive.
-
-On peut chercher à préciser encore davantage la théorie qui précède, en
-imaginant que la radioactivité du radium lui-même se produit au moins
-en grande partie par l'intermédiaire de l'énergie radioactive émise sous
-forme d'émanation.
-
-On peut admettre que chaque atome de radium est une source continue et
-constante d'émanation. En même temps que cette forme d'énergie se
-produit, elle éprouve progressivement une transformation en énergie
-radioactive de rayonnement Becquerel; la vitesse de cette transformation
-est proportionnelle à la quantité d'émanation accumulée.
-
-Quand une solution radifère est enfermée dans une enceinte, l'émanation
-peut se répandre dans l'enceinte et sur les parois. C'est donc là
-qu'elle est transformée en rayonnement, tandis que la solution n'émet
-que peu de rayons Becquerel,--le rayonnement est, en quelque sorte,
-_extériorisé_. Au contraire, dans le radium solide, l'émanation, ne
-pouvant s'échapper facilement, s'accumule et se transforme sur place en
-rayonnement Becquerel; ce rayonnement atteint donc une valeur
-élevée[111].
-
- [111] CURIE, _Comptes rendus_, 26 janvier 1903.
-
-Si cette théorie de la radioactivité était générale, il faudrait
-admettre que tous les corps radioactifs émettent de l'émanation. Or,
-cette émission a été constatée pour le radium, le thorium et l'actinium;
-ce dernier corps en émet énormément même à l'état solide. L'uranium et
-le polonium ne semblent pas émettre d'émanation, bien qu'ils émettent
-des rayons Becquerel. Ces corps ne produisent pas la radioactivité
-induite en vase clos comme les corps radioactifs cités précédemment. Ce
-fait n'est pas en contradiction absolue avec la théorie qui précède. Si,
-en effet, l'uranium et le polonium émettaient des émanations qui se
-détruisent avec une très grande rapidité, il serait très difficile
-d'observer l'entraînement de ces émanations par l'air et les effets de
-radioactivité induite produits par elles sur les corps voisins. Une
-telle hypothèse n'est nullement invraisemblable, puisque les temps
-pendant lesquels les quantités d'émanation du radium et du thorium
-diminuent de moitié sont entre eux comme 5000 est à 1. On verra
-d'ailleurs que dans certaines conditions l'uranium peut provoquer la
-radioactivité induite.
-
-
-_Autre forme de la radioactivité induite._--D'après la loi de
-désactivation à l'air libre des corps solides activés par le radium,
-l'activité radiante au bout d'une journée est à peu près insensible.
-
-Certains corps cependant font exception: tels sont le celluloïd, la
-paraffine, le caoutchouc, etc. Quand ces corps ont été activés assez
-longtemps, ils se désactivent plus lentement que ne le veut la loi, et
-il faut souvent quinze ou vingt jours pour que l'activité devienne
-insensible. Il semble que ces corps aient la propriété de s'imprégner de
-l'énergie radioactive sous forme d'émanation; ils la perdent ensuite peu
-à peu en produisant la radioactivité induite dans leur voisinage.
-
-
-_Radioactivité induite à évolution lente._--On observe encore une tout
-autre forme de radioactivité induite, qui semble se produire sur tous
-les corps, quand ils ont séjourné pendant des mois dans une enceinte
-activante. Quand ces corps sont retirés de l'enceinte, leur activité
-diminue d'abord jusqu'à une valeur très faible suivant la loi ordinaire
-(diminution de moitié en une demi-heure); mais, quand l'activité est
-tombée à 1/20000 environ de la valeur initiale, elle ne diminue plus ou
-du moins elle évolue avec une lenteur extrême, quelquefois même elle va
-en augmentant. Nous avons des lames de cuivre, d'aluminium, de verre qui
-conservent ainsi une activité résiduelle depuis plus de six mois.
-
-Ces phénomènes d'activité induite semblent être d'une tout autre nature
-que ceux ordinaires, et ils offrent une évolution beaucoup plus lente.
-
-Un temps considérable est nécessaire aussi bien pour la production que
-pour la disparition de cette forme de radioactivité induite.
-
-
-_Radioactivité induite sur des substances qui séjournent en dissolution
-avec le radium._--Quand on traite un minerai radioactif contenant du
-radium, pour en extraire ce corps, et tant que le travail n'est pas
-avancé, on réalise des séparations chimiques, après lesquelles la
-radioactivité se trouve entièrement avec l'un des produits de la
-réaction, l'autre produit étant entièrement inactif. On sépare ainsi
-d'un côté des produits radiants qui peuvent être plusieurs centaines de
-fois plus actifs que l'uranium, de l'autre côté du cuivre, de
-l'antimoine, de l'arsenic, etc., absolument inactifs. Certains autres
-corps (le fer, le plomb) n'étaient jamais séparés à l'état complètement
-inactif. A mesure que les corps radiants se concentrent, il n'en est
-plus de même; aucune séparation chimique ne fournit plus de produits
-absolument inactifs; toutes les portions résultant d'une séparation sont
-toujours actives à des degrés variables.
-
-Après la découverte de la radioactivité induite, M. Giesel essaya le
-premier d'activer le bismuth inactif ordinaire en le maintenant en
-solution avec du radium très actif. Il obtint ainsi du bismuth
-radioactif[112], et il en conclut que le polonium extrait de la
-pechblende était probablement du bismuth activé par le voisinage du
-radium contenu dans la pechblende.
-
- [112] GIESEL, _Société de Physique de Berlin_, janvier 1900.
-
-J'ai également préparé du bismuth activé en maintenant le bismuth en
-dissolution avec un sel radifère très actif.
-
-Les difficultés de cette expérience consistent dans les soins extrêmes
-qu'il faut prendre pour éliminer le radium de la dissolution. Si l'on
-songe à la quantité infinitésimale de radium qui suffit pour produire
-dans un gramme de matière une radioactivité très notable, on ne croit
-jamais avoir assez lavé et purifié le produit activé. Or, chaque
-purification entraîne une baisse d'activité du produit activé, soit que
-réellement on en retire des traces de radium, soit que la radioactivité
-induite dans ces conditions ne résiste pas aux transformations
-chimiques.
-
-Les résultats que j'obtiens semblent cependant établir avec certitude
-que l'activation se produit et persiste après que l'on a séparé le
-radium. C'est ainsi qu'en fractionnant le nitrate de mon bismuth activé
-par précipitation de la solution azotique par l'eau, je trouve que,
-après purification très soigneuse, il se fractionne comme le polonium,
-la partie la plus active étant précipitée en premier.
-
-Si la purification est insuffisante, c'est le contraire qui se produit,
-indiquant que des traces de radium se trouvaient encore avec le bismuth
-activé. J'ai obtenu ainsi du bismuth activé pour lequel le sens du
-fractionnement indiquait une grande pureté et qui était 2000 fois plus
-actif que l'uranium. Ce bismuth diminue d'activité avec le temps. Mais
-une autre partie du même produit, préparée avec les mêmes précautions et
-se fractionnant dans le même sens, conserve son activité sans diminution
-sensible depuis un temps qui est actuellement de trois ans environ.
-
-Cette activité est 150 fois plus grande que celle de l'uranium.
-
-J'ai activé également du plomb et de l'argent en les laissant en
-dissolution avec le radium. Le plus souvent la radioactivité induite
-ainsi obtenue ne diminue guère avec le temps, mais elle ne résiste
-généralement pas à plusieurs transformations chimiques successives du
-corps activé.
-
-M. Debierne[113] a activé du baryum en le laissant en solution avec
-l'actinium. Ce baryum activé reste actif après diverses transformations
-chimiques, son activité est donc une propriété atomique assez stable. Le
-chlorure de baryum activé se fractionne comme le chlorure de baryum
-radifère, les parties les plus actives étant les moins solubles dans
-l'eau et l'acide chlorhydrique étendu. Le chlorure sec est spontanément
-lumineux; son rayonnement Becquerel est analogue à celui du chlorure de
-baryum radifère. M. Debierne a obtenu du chlorure de baryum activé 1000
-fois plus actif que l'uranium. Ce baryum n'avait cependant pas acquis
-tous les caractères du radium, car il ne montrait au spectroscope aucune
-des raies les plus fortes du radium. De plus son activité diminua avec
-le temps, et au bout de trois semaines elle était devenue trois fois
-plus faible qu'au début.
-
- [113] DEBIERNE, _Comptes rendus_, juillet 1900.
-
-Il y a toute une étude à faire sur l'activation des substances en
-dissolution avec les corps radioactifs. Il semble que, suivant les
-conditions de l'expérience, on puisse obtenir des formes de
-radioactivité induite atomique plus ou moins stables. La radioactivité
-induite dans ces conditions est peut-être la même que la forme à
-évolution lente que l'on obtient par activation prolongée à distance
-dans une enceinte activante. Il y a lieu de se demander jusqu'à quel
-degré la radioactivité induite atomique affecte la nature chimique de
-l'atome, et si elle peut modifier les propriétés chimiques de celui-ci,
-soit d'une façon passagère, soit d'une façon stable.
-
-L'étude chimique des corps activés à distance est rendue difficile par
-ce fait que l'activation est limitée à une couche superficielle très
-mince, et que, par suite, la proportion de matière qui a pu être
-atteinte par la transformation est extrêmement faible.
-
-La radioactivité induite peut aussi être obtenue en laissant certaines
-substances en dissolution avec l'uranium. L'expérience réussit avec le
-baryum. Si, comme l'a fait M. Debierne, on ajoute de l'acide sulfurique
-à une solution qui contient de l'uranium et du baryum, le sulfate de
-baryum précipité entraîne de l'activité; en même temps le sel d'uranium
-perd une partie de la sienne. M. Becquerel a trouvé qu'en répétant cette
-opération plusieurs fois, on obtient de l'uranium à peine actif. On
-pourrait croire, d'après cela, que dans cette opération on a réussi à
-séparer de l'uranium un corps radioactif différent de ce métal, et dont
-la présence produisait la radioactivité de l'uranium. Cependant il n'en
-est rien, car au bout de quelques mois l'uranium reprend son activité
-primitive; au contraire, le sulfate de baryum précipité perd celle qu'il
-avait acquise.
-
-Un phénomène analogue se produit avec le thorium. M. Rutherford
-précipite une solution de sel de thorium par l'ammoniaque; il sépare la
-solution et l'évapore à sec. Il obtient ainsi un petit résidu très
-actif, et le thorium précipité se montre moins actif qu'auparavant. Ce
-résidu actif, auquel M. Rutherford donne le nom de _thorium x_, perd son
-activité avec le temps, tandis que le thorium reprend son activité
-primitive[114].
-
- [114] RUTHERFORD et SODDY, _Zeitschr. für physik. Chemie._, t. XLII,
- 1902, p. 81.
-
-Il semble qu'en ce qui concerne la radioactivité induite en dissolution,
-les divers corps ne se comportent pas tous de la même façon, et que
-certains d'entre eux sont bien plus susceptibles de s'activer que les
-autres.
-
-
-_Dissémination des poussières radioactives et radioactivité induite du
-laboratoire._--Lorsqu'on fait des études sur les substances fortement
-radioactives, il faut prendre des précautions particulières si l'on veut
-pouvoir continuer à faire des mesures délicates. Les divers objets
-employés dans le laboratoire de chimie, et ceux qui servent pour les
-expériences de physique, ne tardent pas à être tous radioactifs et à
-agir sur les plaques photographiques au travers du papier noir. Les
-poussières, l'air de la pièce, les vêtements sont radioactifs. L'air de
-la pièce est conducteur. Dans le laboratoire, où nous travaillons, le
-mal est arrivé à l'état aigu, et nous ne pouvons plus avoir un appareil
-bien isolé.
-
-Il y a donc lieu de prendre des précautions particulières pour éviter
-autant que possible la dissémination des poussières actives, et pour
-éviter aussi les phénomènes d'activité induite.
-
-Les objets employés en chimie ne doivent jamais être emportés dans la
-salle d'études physiques, et il faut autant que possible éviter de
-laisser séjourner inutilement dans cette salle les substances actives.
-Avant de commencer ces études nous avions coutume, dans les travaux
-d'électricité statique, d'établir la communication entre les divers
-appareils par des fils métalliques isolés protégés par des cylindres
-métalliques en relation avec le sol, qui préservaient les fils contre
-toute influence électrique extérieure. Dans les études sur les corps
-radioactifs, cette disposition est absolument défectueuse; l'air étant
-conducteur, l'isolement entre le fil et le cylindre est mauvais, et la
-force électromotrice de contact inévitable entre le fil et le cylindre
-tend à produire un courant à travers l'air et à faire dévier
-l'électromètre. Nous mettons maintenant tous les fils de communication à
-l'abri de l'air en les plaçant, par exemple, au milieu de cylindres
-remplis de paraffine ou d'une autre matière isolante. Il y aurait aussi
-avantage à faire usage, dans ces études, d'électromètres
-_rigoureusement_ clos.
-
-
-_Activation en dehors de l'action des substances radioactives._--Des
-essais ont été faits en vue de produire la radioactivité induite en
-dehors de l'action des substances radioactives.
-
-M. Villard[115] a soumis à l'action des rayons cathodiques un morceau de
-bismuth placé comme anticathode dans un tube de Crookes; ce bismuth a
-été ainsi rendu actif, à vrai dire, d'une façon extrêmement faible, car
-il fallait 8 jours de pose pour obtenir une impression photographique.
-
- [115] VILLARD, _Société de Physique_, juillet 1900.
-
-M. Mac Lennan expose divers sels à l'action des rayons cathodiques et
-les chauffe ensuite légèrement. Ces sels acquièrent alors la propriété
-de décharger les corps chargés positivement[116].
-
- [116] MAC LENNAN, _Phil. Mag._, février 1902.
-
-Les études de ce genre offrent un grand intérêt. Si, en se servant
-d'agents physiques connus, il était possible de créer dans des corps
-primitivement inactifs une radioactivité notable, nous pourrions espérer
-de trouver ainsi la cause de la radioactivité spontanée de certaines
-matières.
-
-
-_Variations d'activité des corps radioactifs. Effets de
-dissolution._--Le polonium, comme je l'ai dit plus haut, diminue
-d'activité avec le temps. Cette baisse est lente, elle ne semble pas se
-faire avec la même vitesse pour tous les échantillons. Un échantillon de
-nitrate de bismuth à polonium a perdu la moitié de son activité en 11
-mois et 95 pour 100 de son activité en 33 mois. D'autres échantillons
-ont éprouvé des baisses analogues.
-
-Un échantillon de bismuth à polonium métallique fut préparé avec un
-sous-nitrate, lequel, après sa préparation, était 100000 fois plus actif
-que l'uranium. Ce métal n'est plus maintenant qu'un corps moyennement
-radioactif 2000 fois plus actif que l'uranium. Sa radioactivité est
-mesurée de temps en temps. Pendant 6 mois ce métal a perdu 67 pour 100
-de son activité.
-
-La perte d'activité ne semble pas être facilitée par les réactions
-chimiques. Dans des opérations chimiques rapides on ne constate
-généralement pas de perte considérable d'activité.
-
-Contrairement à ce qui se passe pour le polonium, les sels radifères
-possèdent une radioactivité permanente qui ne présente pas de baisse
-appréciable au bout de quelques années.
-
-Quand on vient de préparer un sel de radium à l'état solide, ce sel n'a
-pas tout d'abord une activité constante. Son activité va en augmentant à
-partir de la préparation et atteint une valeur limite sensiblement
-invariable au bout d'un mois environ. Le contraire a lieu pour la
-solution. Quand on vient de la préparer, elle est d'abord très active,
-mais laissée à l'air libre elle se désactive rapidement, et prend
-finalement une activité limite qui peut être considérablement plus
-faible que la valeur initiale. Ces variations d'activité ont été tout
-d'abord observées par M. Giesel[117]. Elles s'expliquent fort bien en se
-plaçant au point de vue de l'émanation. La diminution de l'activité de
-la solution correspond à la perte de l'émanation qui s'échappe dans
-l'espace; cette baisse est bien moindre si la dissolution est en tube
-scellé. Une solution désactivée à l'air libre reprend une activité plus
-grande quand on l'enferme en tube scellé. La période de l'accroissement
-de l'activité du sel qui, après dissolution, vient d'être ramené à
-l'état solide, est celle pendant laquelle l'émanation s'emmagasine à
-nouveau dans le radium solide.
-
- [117] GIESEL, _Wied. Ann._, t. LXIX, p. 91.
-
-Voici quelques expériences à ce sujet:
-
-Une solution de chlorure de baryum radifère laissée à l'air libre
-pendant 2 jours devient 300 fois moins active.
-
-Une solution est enfermée en vase clos; on ouvre le vase, on verse la
-solution dans une cuve et l'on mesure l'activité:
-
- Activité mesurée immédiatement 67
- » au bout de 2 heures 20
- » » 2 jours 0,25
-
-Une solution de chlorure de baryum radifère qui est restée à l'air libre
-est enfermée dans un tube de verre scellé, et l'on mesure le rayonnement
-de ce tube. On trouve les résultats suivants:
-
- Activité mesurée immédiatement 27
- » après 2 jours 61
- » » 3 jours 70
- » » 4 jours 81
- » » 7 jours 100
- » » 11 jours 100
-
-L'activité initiale d'un sel solide après sa préparation est d'autant
-plus faible que le temps de dissolution a été plus long. Une plus forte
-proportion de l'activité est alors transmise au dissolvant. Voici les
-activités initiales obtenues avec un chlorure dont l'activité limite est
-800 et que l'on maintenait en dissolution pendant un temps donné; puis
-on séchait le sel et l'on mesurait son activité immédiatement:
-
- Activité limite 800
- Activité initiale après dissolution et dessiccation immédiate 440
- Activité initiale après que le sel est resté dissous 5 jours 120
- » » 18 jours 130
- » » 32 jours 114
-
-Dans cette expérience le sel dissous se trouvait dans un vase simplement
-couvert d'un verre de montre.
-
-J'ai fait avec le même sel deux dissolutions que j'ai conservées en tube
-scellé pendant 13 mois; l'une de ces dissolutions était 8 fois plus
-concentrée que l'autre:
-
- Activité initiale du sel de la solution concentrée
- après dessiccation 200
-
- Activité initiale du sel de la solution étendue
- après dessiccation 100
-
-La désactivation du sel est donc d'autant plus grande que la proportion
-du dissolvant est plus grande, l'énergie radioactive transmise au
-liquide ayant alors un plus grand volume de liquide à saturer et un plus
-grand espace à remplir. Les deux échantillons du même sel, qui avaient
-ainsi une activité initiale différente, ont d'ailleurs augmenté
-d'activité avec une vitesse très différente au début; au bout d'un jour
-ils avaient la même activité, et l'accroissement d'activité se continua
-exactement de la même façon pour tous les deux jusqu'à la limite.
-
-Quand la dissolution est étendue, la désactivation du sel est très
-rapide; c'est ce que montrent les expériences suivantes: trois portions
-égales d'un même sel radifère sont dissoutes dans des quantités égales
-d'eau. La première dissolution _a_ est laissée à l'air libre pendant une
-heure, puis séchée. La deuxième dissolution _b_ est traversée pendant
-une heure par un courant d'air, puis séchée. La troisième dissolution
-_c_ est laissée pendant 13 jours à l'air libre, puis séchée. Les
-activités initiales des trois sels sont:
-
- Pour la portion _a_ 145,2
- » _b_ 141,6
- » _c_ 102,6
-
-L'activité limite du même sel est environ 470. On voit donc qu'au bout
-d'une heure la plus grande partie de l'effet était produite. De plus, le
-courant d'air qui a barboté pendant une heure dans la dissolution _b_
-n'a produit que peu d'effet. La proportion du sel dans la dissolution
-était d'environ 0,5 pour 100.
-
-L'énergie radioactive sous forme d'émanation se propage difficilement du
-radium solide dans l'air; elle éprouve de même une résistance au passage
-du radium solide dans un liquide. Quand on agite du sulfate radifère
-avec de l'eau pendant une journée entière, son activité après celle
-opération est sensiblement la même que celle d'une portion du même
-sulfate laissée à l'air libre.
-
-En faisant le vide sur du sel radifère on retire toute l'émanation
-disponible. Toutefois la radioactivité d'un chlorure radifère sur lequel
-nous avions fait le vide pendant 6 jours ne fut pas sensiblement
-modifiée par cette opération. Cette expérience montre que la
-radioactivité du sel est due principalement à l'énergie radioactive
-utilisée dans l'intérieur des grains, laquelle ne peut être enlevée en
-faisant le vide.
-
-La perte d'activité que le radium éprouve quand on le fait passer par
-l'état dissous est relativement plus grande pour les rayons pénétrants
-que pour les rayons absorbables. Voici quelques exemples:
-
-Un chlorure radifère, qui avait atteint son activité limite 470 est
-dissous et reste en dissolution pendant une heure; on le sèche ensuite
-et l'on mesure sa radioactivité initiale par la méthode électrique. On
-trouve que le rayonnement initial total est égal à la fraction 0,3 du
-rayonnement total limite. Si l'on fait la mesure de l'intensité du
-rayonnement en recouvrant la substance active d'un écran d'aluminium de
-0mm,01 d'épaisseur, on trouve que le rayonnement initial qui traverse
-cet écran n'est que la fraction 0,17 du rayonnement limite traversant le
-même écran.
-
-Quand le sel est resté en dissolution pendant 13 jours, on trouve pour
-le rayonnement initial total la fraction 0,22 du rayonnement limite
-total et pour le rayonnement qui traverse 0mm,01 d'aluminium la fraction
-0,13 du rayonnement limite.
-
-Dans les deux cas le rapport du rayonnement initial après dissolution au
-rayonnement limite est de 1,7 fois plus grand pour le rayonnement total
-que pour le rayonnement qui traverse 0mm,01 d'aluminium.
-
-Il faut d'ailleurs remarquer que, en séchant le produit après
-dissolution, on ne peut éviter une période de temps pendant laquelle le
-produit se trouve à un état mal défini, ni entièrement solide, ni
-entièrement liquide. On ne peut non plus éviter de chauffer le produit
-pour enlever l'eau rapidement.
-
-Pour ces deux raisons il n'est guère possible de déterminer la vraie
-activité initiale du produit qui passe de l'état dissous à l'état
-solide. Dans les expériences qui viennent d'être citées des quantités
-égales de substances radiantes étaient dissoutes dans la même quantité
-d'eau, et ensuite les dissolutions étaient évaporées à sec dans des
-conditions aussi identiques que possible et sans chauffer au-dessus de
-120° ou 130°.
-
-[Illustration: Fig. 13.]
-
-J'ai étudié la loi suivant laquelle augmente l'activité d'un sel
-radifère solide, à partir du moment où ce sel est séché après
-dissolution, jusqu'au moment où il atteint son activité limite. Dans
-les Tableaux qui suivent j'indique l'intensité du rayonnement I en
-fonction du temps, l'intensité limite étant supposée égale à 100, et le
-temps étant compté à partir du moment où le produit a été séché. Le
-Tableau I (_fig._ 13, courbe I) est relatif au rayonnement total. Le
-Tableau II (_fig._ 13, courbe II) est relatif seulement aux rayons
-pénétrants (rayons qui ont traversé 3cm d'air et 0mm,01 d'aluminium).
-
- TABLEAU I. TABLEAU II.
-
- Temps. I. Temps. I.
- 0 » 21 0 » 1,3
- 1 jour 25 1 jour 19
- 3 » 44 3 » 43
- 5 » 60 6 » 60
- 10 » 78 15 » 70
- 19 » 93 23 » 86
- 33 » 100 46 » 94
- 67 » 100
-
-J'ai fait plusieurs autres séries de mesures du même genre, mais elle ne
-sont pas absolument en accord les unes avec les autres, bien que le
-caractère général des courbes obtenues reste le même. Il est difficile
-d'obtenir des résultats bien réguliers. On peut cependant remarquer que
-la reprise d'activité met plus d'un mois à se produire, et que les
-rayons les plus pénétrants sont ceux qui sont le plus profondément
-atteints par l'effet de la dissolution.
-
-L'intensité initiale du rayonnement qui peut traverser 3cm d'air et
-0mm,01 d'aluminium n'est que 1 pour 100 de l'intensité limite, alors que
-l'intensité initiale du rayonnement total est 21 pour 100 du rayonnement
-total limite.
-
-Un sel radifère, qui a été dissous et qui vient d'être séché, possède le
-même pouvoir pour provoquer l'activité induite (et, par conséquent,
-laisse échapper au dehors autant d'émanation) qu'un échantillon du même
-sel qui, après avoir été préparé à l'état solide est resté dans cet état
-un temps suffisant pour atteindre la radioactivité limite. L'activité
-radiante de ces deux produits est pourtant extrêmement différente; le
-premier est, par exemple, 5 fois moins actif que le second.
-
-
-_Variations d'activité des sels de radium par la chauffe._--Quand on
-chauffe un composé radifère, ce composé dégage de l'émanation et perd de
-l'activité. La perte d'activité est d'autant plus grande que la chauffe
-est à la fois plus intense et plus prolongée. C'est ainsi qu'en
-chauffant un sel radifère pendant 1 heure à 130° on lui fait perdre 10
-pour 100 de son rayonnement total: au contraire, une chauffe de 10
-minutes à 400° ne produit pas d'effet sensible. Une chauffe au rouge de
-quelques heures de durée détruit 77 pour 100 du rayonnement total.
-
-La perte d'activité par la chauffe est plus importante pour les rayons
-pénétrants que pour les rayons absorbables. C'est ainsi qu'une chauffe
-de quelques heures de durée détruit environ 77 pour 100 du rayonnement
-total, mais la même chauffe détruit la presque totalité (99 pour 100) du
-rayonnement qui est capable de traverser 3cm d'air et 0mm,1 d'aluminium.
-En maintenant le chlorure de baryum radifère en fusion pendant quelques
-heures (vers 800°), on détruit 98 pour 100 du rayonnement capable de
-traverser 0mm,3 d'aluminium. On peut dire que les rayons pénétrants
-n'existent sensiblement pas après une chauffe forte et prolongée.
-
-Quand un sel radifère a perdu une partie de son activité par la chauffe,
-cette baisse d'activité ne persiste pas: l'activité du sel se régénère
-spontanément à la température ordinaire et tend vers une certaine valeur
-limite. J'ai observé le fait fort curieux que cette limite est plus
-élevée que l'activité limite du sel avant la chauffe, du moins en est-il
-ainsi pour le chlorure. En voici des exemples: un échantillon de
-chlorure de baryum radifère qui, après avoir été préparé à l'état
-solide, a atteint depuis longtemps son activité limite, possède un
-rayonnement total représenté par le nombre 470, et un rayonnement
-capable de traverser 0mm,01 d'aluminium, représenté par le nombre 157.
-Cet échantillon est soumis à une chauffe au rouge pendant quelques
-heures. Deux mois après la chauffe, il atteint une activité limite avec
-un rayonnement total égal à 690, et un rayonnement à travers 0mm,01
-d'aluminium égal à 227. Le rayonnement total et le rayonnement qui
-traverse l'aluminium sont donc augmentés respectivement dans le rapport
-690/470 et 227/156. Ces deux rapports sont sensiblement égaux entre eux
-et égaux à 1,45.
-
-[Illustration: Fig. 14.]
-
-Un échantillon de chlorure de baryum radifère qui, après avoir été
-préparé à l'état solide, a atteint une activité limite égale à 62, est
-maintenu en fusion pendant quelques heures; puis le produit fondu est
-pulvérisé. Ce produit reprend une nouvelle activité limite égale à 140,
-soit plus de 2 fois plus grande que celle qu'il pouvait atteindre, quand
-il avait été préparé à l'état solide sans avoir été notablement chauffé
-pendant la dessiccation.
-
-J'ai étudié la loi de l'augmentation de l'activité des composés
-radifères après la chauffe. Voici, à titre d'exemple, les résultats de
-deux séries de mesures. Les nombres des Tableaux I et II indiquent
-l'intensité du rayonnement I en fonction du temps, l'intensité limite
-étant supposée égale à 100, et le temps étant compté à partir de la fin
-de la chauffe. Le Tableau I (_fig._ 14, courbe I) est relatif au
-rayonnement total d'un échantillon de chlorure de baryum radifère. Le
-Tableau II (_fig._ 3, courbe II) est relatif au rayonnement pénétrant
-d'un échantillon de sulfate de baryum radifère, car on mesurait
-l'intensité du rayonnement qui traversait 3cm d'air et 0mm,01
-d'aluminium. Les deux produits ont subi une chauffe au rouge cerise
-pendant 7 heures.
-
- TABLEAU I. TABLEAU II.
-
- Temps. I. Temps. I.
- 0 16,2 0 0,8
- 0,6 jour 25,4 0,7 jour 13
- 1 » 27,4 1 » 18
- 2 » 38 1,9 » 26,4
- 3 » 46,3 6 » 46,2
- 4 » 54 10 » 55,5
- 6 » 67,5 14 » 64
- 10 » 84 18 » 71,8
- 24 » 95 27 » 81
- 57 » 100 36 » 91
- 50 » 95,5
- 57 » 99
- 84 » 100
-
-J'ai fait encore plusieurs autres séries de déterminations, mais, de
-même que pour la reprise d'activité après dissolution, les résultats
-des diverses séries ne sont pas bien concordants.
-
-L'effet de la chauffe ne persiste pas quand on dissout la substance
-radifère chauffée. De deux échantillons d'une même substance radifère
-d'activité 1800, l'un a été fortement chauffé, et son activité a été
-réduite par la chauffe à 670. Les deux échantillons ayant été à ce
-moment dissous et laissés en dissolution pendant 20 heures, leurs
-activités initiales à l'état solide ont été 460 pour le produit non
-chauffé et 420 pour celui chauffé; il n'y avait donc pas de différence
-considérable entre l'activité de ces deux produits. Mais, si les deux
-produits ne restent pas en dissolution un temps suffisant, si, par
-exemple, on les sèche immédiatement après les avoir dissous, le produit
-non chauffé est beaucoup plus actif que le produit chauffé; un certain
-temps est nécessaire pour que l'état de dissolution fasse disparaître
-l'effet de la chauffe. Un produit d'activité 3200 a été chauffé et
-n'avait plus après la chauffe qu'une activité de 1030. Ce produit a été
-dissous en même temps qu'une portion du même produit non chauffée, et
-les deux portions ont été séchées immédiatement. L'activité initiale
-était de 1450 pour le produit non chauffé et de 760 pour celui chauffé.
-
-Pour les sels radifères solides, le pouvoir de provoquer la
-radioactivité induite est fortement influencé par la chauffe. Pendant
-que l'on chauffe les composés radifères, ils dégagent plus d'émanation
-qu'à la température ordinaire; mais, quand ils sont ensuite ramenés à la
-température ordinaire, non seulement leur radioactivité est bien
-inférieure à celle qu'ils avaient avant la chauffe, mais aussi leur
-pouvoir activant est considérablement diminué. Pendant le temps qui suit
-la chauffe, la radioactivité du produit va en augmentant et peut même
-dépasser la valeur primitive. Le pouvoir activant se rétablit aussi
-partiellement; cependant, après une chauffe prolongée au rouge, la
-presque totalité du pouvoir activant se trouve supprimée, sans être
-susceptible de reparaître spontanément avec le temps. On peut restituer
-au sel radifère son pouvoir activant primitif en le dissolvant dans
-l'eau et en le séchant à l'étuve à une température de 120°. Il semble
-donc que la calcination ait pour effet de mettre le sel dans un état
-physique particulier, dans lequel l'émanation se dégage bien plus
-difficilement que cela n'a lieu pour le même produit solide qui n'a pas
-été chauffé à température élevée, et il en résulte tout naturellement
-que le sel atteint une radioactivité limite plus élevée que celle qu'il
-avait avant la chauffe. Pour remettre le sel dans l'état physique qu'il
-avait avant la chauffe, il suffit de le dissoudre et de le sécher, sans
-le chauffer, au-dessus de 150°.
-
-Voici quelques exemples numériques à ce sujet:
-
-Je désigne par _a_ l'activité induite limite provoquée en vase clos sur
-une lame de cuivre par un échantillon de carbonate de baryum radifère
-d'activité 1600.
-
-Posons pour le produit non chauffé:
-
- _a_ = 100.
-
-On trouve:
-
- 1 jour après la chauffe _a_ = 3,3
- 4 » » _a_ = 7,1
- 10 » » _a_ = 15
- 20 » » _a_ = 15
- 37 » » _a_ = 15
-
-La radioactivité du produit avait diminué de 90 pour 100 par la chauffe,
-mais, au bout d'un mois, elle avait déjà repris la valeur primitive.
-
-Voici une expérience du même genre faite avec un chlorure de baryum
-radifère d'activité 3000. Le pouvoir activant est déterminé de la même
-façon que dans l'expérience précédente.
-
-Pouvoir activant du produit non chauffé:
-
- _a_ = 100.
-
-Pouvoir activant du produit après une chauffe au rouge de trois heures:
-
- 2 jours après chauffe 2,3
- 5 » » 7,0
- 11 » » 8,2
- 18 » » 8,2
-
- Pouvoir activant du produit non chauffé qui
- a été dissous, puis séché à 150° 92
-
- Pouvoir activant du produit chauffé qui a
- été dissous, puis séché à 150° 105
-
-
-_Interprétation théorique des causes des variations d'activité des sels
-radifères, après dissolution et après chauffe._--Les faits qui viennent
-d'être exposés peuvent être, en partie, expliqués par la théorie d'après
-laquelle le radium produit l'énergie sous forme d'émanation, cette
-dernière se transformant ensuite en énergie de rayonnement. Quand on
-dissout un sel de radium, l'émanation qu'il produit se répand au dehors
-de la solution et provoque la radioactivité en dehors de la source dont
-elle provient; lorsqu'on évapore la dissolution, le sel solide obtenu
-est peu actif, car il ne contient que peu d'émanation. Peu à peu
-l'émanation s'accumule dans le sel, dont l'activité augmente jusqu'à une
-valeur limite, qui est obtenue quand la production d'émanation par le
-radium compense la perte qui se fait par débit extérieur et par
-transformation sur place en rayons de Becquerel.
-
-Lorsqu'on chauffe un sel de radium, le débit d'émanation en dehors du
-sel est fortement augmenté, et les phénomènes de radioactivité induite
-sont plus intenses que quand le sel est à la température ordinaire. Mais
-quand le sel revient à la température ordinaire, il est épuisé, comme
-dans le cas où on l'avait dissous, il ne contient que peu d'émanation,
-l'activité est devenue très faible. Peu à peu l'émanation s'accumule de
-nouveau dans le sel solide et le rayonnement va en augmentant.
-
-On peut admettre que le radium donne lieu à un débit constant
-d'émanation, dont une partie s'échappe à l'extérieur, tandis que la
-partie restante est transformée, dans le radium lui-même, en rayons de
-Becquerel. Lorsque le radium a été chauffé au rouge, il perd la plus
-grande partie de son pouvoir d'activation; autrement dit, le débit
-d'émanation à l'extérieur est diminué. Par suite, la proportion
-d'émanation utilisée dans le radium lui-même doit être plus forte, et le
-produit atteint une radioactivité limite plus élevée.
-
-On peut se proposer d'établir théoriquement la loi de l'augmentation de
-l'activité d'un sel radifère solide qui a été dissous ou qui a été
-chauffé. Nous admettrons que l'intensité du rayonnement du radium est, à
-chaque instant, proportionnelle à la quantité d'émanation _q_ présente
-dans le radium. Nous savons que l'émanation se détruit spontanément
-suivant une loi telle que l'on ait, à chaque instant,
-
- (1) _q_ = _q__0 _e_^{-t/#th#}
-
-_q_0 étant la quantité d'émanation à l'origine du temps, et #th# la
-constante de temps égale à 4,97 × 10^5 sec.
-
-Soit, d'autre part, #D# le débit d'émanation fourni par le radium,
-quantité que je supposerai constante. Voyons ce qui se passerait, s'il
-ne s'échappait pas d'émanation dans l'espace ambiant. L'émanation
-produite serait alors entièrement utilisée dans le radium pour y
-produire le rayonnement. On a d'ailleurs, d'après la formule (1),
-
- _dq_/_dt_ = - _q_0/#th# _e_^{-t/#th#} = - _q_/#th#,
-
-et, par suite, à l'état d'équilibre, le radium contiendrait une
-certaine quantité d'émanation Q telle que l'on ait
-
- (2) #D# = Q/#th#,
-
-et le rayonnement du radium serait alors proportionnel à Q.
-
-Supposons qu'on mette le radium dans des conditions où il perd de
-l'émanation au dehors; c'est ce que l'on peut obtenir en dissolvant le
-composé radifère ou en le chauffant. L'équilibre sera troublé et
-l'activité du radium diminuera. Mais aussitôt que la cause de la perte
-d'émanation a été supprimée (le corps est revenu à l'état solide, ou
-bien on a cessé de chauffer), l'émanation s'accumule à nouveau dans le
-radium, et nous avons une période, pendant laquelle le débit #D#
-l'emporte sur la vitesse de destruction _q_/#th#. On a alors
-
- _dq_/_dt_ = #D# - _q_/#th# = (Q - _q_)/#th#,
-
-d'où
-
- _d_/_dt_ (Q - _q_) = (Q - _q_)/#th#,
-
- (3) Q - _q_ = (Q - _q_0) _e_^{- _t_/#th#},
-
-_q_0 étant la quantité d'émanation présente dans le radium au temps
-_t_ = 0.
-
-D'après la formule (3) l'excès de la quantité d'émanation Q que le
-radium contient à l'état d'équilibre sur la quantité _q_ qu'il contient
-à un moment donné, décroît en fonction du temps suivant une loi
-exponentielle qui est la loi même de la disparition spontanée de
-l'émanation. Le rayonnement du radium étant d'ailleurs proportionnel à
-la quantité d'émanation, l'excès de l'intensité du rayonnement limite
-sur l'intensité actuelle doit décroître en fonction du temps suivant
-cette même loi; cet excès doit donc diminuer de moitié en 4 jours
-environ.
-
-La théorie qui précède est incomplète, puisqu'on a négligé la perte
-d'émanation par débit à l'extérieur. Il est, d'ailleurs, difficile de
-savoir comment celle-ci intervient en fonction du temps. En comparant
-les résultats de l'expérience à ceux de cette théorie incomplète, on ne
-trouve pas un accord satisfaisant; on retire cependant la conviction que
-la théorie en question contient une part de vérité. La loi d'après
-laquelle l'excès de l'activité limite sur l'activité actuelle diminue de
-moitié en 4 jours représente, avec une certaine approximation, la marche
-de la reprise d'activité après chauffe pendant une dizaine de jours.
-Dans le cas de la reprise d'activité après dissolution cette même loi
-semble convenir à peu près pendant une certaine période de temps, qui
-commence deux ou trois jours après la dessiccation du produit et se
-poursuit pendant 10 à 15 jours. Les phénomènes sont d'ailleurs
-complexes; la théorie indiquée n'explique pas pourquoi les rayons
-pénétrants sont supprimés en plus forte proportion que les rayons
-absorbables.
-
-
-NATURE ET CAUSE DES PHÉNOMÈNES DE RADIOACTIVITÉ.
-
-Dès le début des recherches sur les corps radioactifs, et alors que les
-propriétés de ces corps étaient encore à peine connues, la spontanéité
-de leur rayonnement s'est posée comme un problème, ayant pour les
-physiciens le plus grand intérêt. Aujourd'hui, nous sommes plus avancés
-au point de vue de la connaissance des corps radioactifs, et nous savons
-isoler un corps radioactif d'une très grande puissance, le radium.
-L'utilisation des propriétés remarquables du radium a permis de faire
-une étude approfondie des rayons émis par les corps radioactifs; les
-divers groupes de rayons qui ont été étudiés jusqu'ici présentent des
-analogies avec les groupes de rayons qui existent dans les tubes de
-Crookes: rayons cathodiques, rayons Röntgen, rayons canaux. Ce sont
-encore les mêmes groupes de rayons que l'on retrouve dans le rayonnement
-secondaire produit par les rayons Röntgen[118], et dans le rayonnement
-des corps qui ont acquis la radioactivité induite.
-
- [118] SAGNAC, _Thèse de doctorat_.--CURIE et SAGNAC, _Comptes rendus_,
- avril 1900.
-
-Mais si la nature du rayonnement est actuellement mieux connue, la cause
-de la radioactivité spontanée reste mystérieuse et ce phénomène est
-toujours pour nous une énigme et un sujet d'étonnement profond.
-
-Les corps spontanément radioactifs, en premier lieu le radium,
-constituent des sources d'énergie. Le débit d'énergie auquel ils donnent
-lieu nous est révélé par le rayonnement de Becquerel, par les effets
-chimiques et lumineux et par le dégagement continu de chaleur.
-
-On s'est souvent demandé si l'énergie est créée dans les corps
-radioactifs eux-mêmes ou bien si elle est empruntée par ces corps à des
-sources extérieures. Aucune des nombreuses hypothèses, qui résultent de
-ces deux manières de voir, n'a encore reçu de confirmation
-expérimentale.
-
-On peut supposer que l'énergie radioactive a été emmagasinée
-antérieurement et qu'elle s'épuise peu à peu comme cela arrive pour une
-phosphorescence de très longue durée. On peut imaginer que le dégagement
-d'énergie radioactive correspond à une transformation de la nature même
-de l'atome du corps radiant qui serait en voie d'évolution; le fait que
-le radium dégage de la chaleur d'une manière continue plaide en faveur
-de cette hypothèse. On peut supposer que la transformation est
-accompagnée d'une perte de poids et d'une émission de particules
-matérielles qui constitue le rayonnement. La source d'énergie peut
-encore être cherchée dans l'énergie de gravitation. Enfin, on peut
-imaginer que l'espace est constamment traversé par des rayonnements
-encore inconnus qui sont arrêtés à leur passage au travers des corps
-radioactifs et transformés en énergie radioactive.
-
-Bien des raisons sont à invoquer pour et contre ces diverses manières de
-voir, et le plus souvent les essais de vérification expérimentale des
-conséquences de ces hypothèses ont donné des résultats négatifs.
-L'énergie radioactive de l'uranium et du radium ne semble pas jusqu'ici
-s'épuiser ni même éprouver une variation appréciable avec le temps.
-Demarçay a examiné au spectroscope un échantillon de chlorure de radium
-pur à 5 mois d'intervalle; il n'a observé aucun changement dans le
-spectre au bout de ces 5 mois. La raie principale du baryum qui se
-voyait dans le spectre et indiquait la présence du baryum à l'état de
-trace, ne s'était pas renforcée pendant l'intervalle de temps considéré;
-le radium ne s'était donc pas transformé en baryum d'une manière
-sensible.
-
-Les variations de poids signalées par M. Heydweiller pour les composés
-du radium[119] ne peuvent pas encore être considérées comme un fait
-établi.
-
- [119] HEYDWEILLER, _Physik. Zeitschr._, octobre 1902.
-
-MM. Elster et Geitel ont trouvé que la radioactivité de l'uranium n'est
-pas changée au fond d'un puits de mine de 850m de profondeur; une
-couche de terre de cette épaisseur ne modifierait donc pas le
-rayonnement primaire hypothétique qui provoquerait la radioactivité de
-l'uranium.
-
-Nous avons mesuré la radioactivité de l'uranium à midi et à minuit,
-pensant que si le rayonnement primaire hypothétique avait sa source
-dans le soleil, il pourrait être en partie absorbé en traversant la
-terre. L'expérience n'a donné aucune différence pour les deux mesures.
-
-Les recherches les plus récentes sont favorables à l'hypothèse d'une
-transformation atomique du radium. Cette hypothèse a été mise dès le
-début des recherches sur la radioactivité[120]; elle a été franchement
-adoptée par M. Rutherford qui a admis que l'émanation du radium est un
-gaz matériel qui est un des produits de la désagrégation de l'atome du
-radium[121]. Les expériences récentes de MM. Ramsay et Soddy tendent à
-prouver que l'émanation est un gaz instable qui se détruit en donnant
-lieu à une production d'hélium. D'autre part, le débit continu de
-chaleur fourni par le radium ne saurait s'expliquer par une réaction
-chimique ordinaire, mais pourrait peut-être avoir son origine dans une
-transformation de l'atome.
-
- [120] Mme CURIE, _Revue générale des Sciences_, 30 janvier 1899.
-
- [121] RUTHERFORD et SODDY, _Phil. Mag._, mai 1903.
-
-Rappelons enfin que les substances radioactives nouvelles se trouvent
-toujours dans les minerais d'urane; nous avons vainement cherché du
-radium dans le baryum du commerce (_voir_ page 46). La présence du
-radium semble donc liée à celle de l'uranium. Les minerais d'urane
-contiennent d'ailleurs de l'argon et de l'hélium, et cette coïncidence
-n'est probablement pas non plus due au hasard. La présence simultanée de
-ces divers corps dans les mêmes minerais fait songer que la présence des
-uns est peut-être nécessaire pour la formation des autres.
-
-Il est toutefois nécessaire de remarquer que les faits qui viennent à
-l'appui de l'idée d'une transformation atomique du radium peuvent aussi
-recevoir une interprétation différente. Au lieu d'admettre que l'atome
-de radium se transforme, on pourrait admettre que cet atome est lui-même
-stable, mais qu'il agit sur le milieu qui l'entoure (atomes matériels
-voisins ou éther du vide) de manière à donner lieu à des transformations
-atomiques. Cette hypothèse conduit tout aussi bien à admettre la
-possibilité de la transformation des éléments, mais le radium lui-même
-ne serait plus alors un élément en voie de destruction.
-
-
-FIN.
-
-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES.
-
-
- Pages.
-
- INTRODUCTION 1
-
- Historique 3
-
- I.--_Radioactivité de l'uranium et du thorium. Minéraux
- radioactifs._
-
- Rayons de Becquerel 6
-
- Mesure de l'intensité du rayonnement 8
-
- Radioactivité des composés d'uranium et de thorium 14
-
- La radioactivité atomique est-elle un phénomène général? 17
-
- Minéraux radioactifs 19
-
-
- II.--_Les nouvelles substances radioactives._
-
- Méthode de recherches 22
-
- Polonium, radium, actinium 22
-
- Spectre du radium 25
-
- Extraction des substances radioactives nouvelles 27
-
- Polonium 31
-
- Préparation du chlorure de radium pur 34
-
- Détermination du poids atomique du radium 40
-
- Caractères des sels de radium 45
-
- Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire 46
-
-
- III.--_Rayonnement des nouvelles substances radioactives._
-
- Procédés d'étude du rayonnement 47
-
- Energie du rayonnement 48
-
- Nature complexe du rayonnement 49
-
- Action du champ magnétique 51
-
- Rayons déviables #b# 56
-
- Charge des rayons déviables #b# 57
-
- Action du champ électrique sur les rayons #b# du radium 62
-
- Rapport de la charge à la masse pour une particule chargée 63
- négativement, émise par le radium
-
- Action du champ magnétique sur les rayons #a# 66
-
- Action du champ magnétique sur les rayons des autres 68
- substances radioactives
-
- Proportion des rayons déviables #b# dans le rayonnement 68
- du radium
-
- Pouvoir pénétrant du rayonnement des corps radioactifs 73
-
- Action ionisante des rayons du radium sur les liquides 90
- isolants
-
- Divers effets et applications de l'action ionisante des 93
- rayons émis par les substances radioactives
-
- Effets de fluorescence, effets lumineux 95
-
- Dégagement de chaleur par les sels de radium 98
-
- Effets chimiques produits par les nouvelles substances
- radioactives. Colorations 102
-
- Dégagement de gaz en présence des sels de radium 104
-
- Production de thermoluminescence 105
-
- Radiographies 106
-
- Effets physiologiques 107
-
- Action de la température sur le rayonnement 109
-
-
- IV.--_La radioactivité induite._
-
- Communication de la radioactivité à des substances
- primitivement inactives 111
-
- Activation en enceinte fermée 113
-
- Rôle des gaz dans les phénomènes de radioactivité induite. 115
- Emanation
-
- Désactivation à l'air libre des corps solides activés 116
-
- Désactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de 117
- l'émanation
-
- Nature des émanations 119
-
- Variations d'activité des liquides activés et des solutions 122
- radifères
-
- Théorie de la radioactivité 123
-
- Autre forme de la radioactivité induite 126
-
- Radioactivité induite à évolution lente 126
-
- Radioactivité induite sur des substances qui séjournent en
- dissolution avec le radium 127
-
- Dissémination des poussières radioactives et radioactivité
- induite du laboratoire 130
-
- Activation en dehors de l'action des substances radioactives 131
-
- Variations d'activité des corps radioactifs. Effets de 132
- dissolution
-
- Variations d'activité des sels de radium par la chauffe 139
-
- Interprétation théorique des causes de variation d'activité 144
- des sels radifères après dissolution et après chauffe
-
- _Nature et cause des phénomènes de radioactivité_ 147
-
-
- FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
-
-
- PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,
- 35119 Quai des Grands-Augustins, 55.
-
-
- LIBRAIRIE GAUTHIER-VILLARS,
- QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 55, A PARIS (6e).
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- =BLONDLOT= (=R.=), Correspondant de l'Institut, Professeur
- à l'Université de Nancy.--=Rayons «N».= _Recueil des
- Communications faites à l'Académie des Sciences_, avec des
- NOTES COMPLÉMENTAIRES et une INSTRUCTION POUR LA
- CONSTRUCTION DES ÉCRANS PHOSPHORESCENTS. In-16 (19 × 12)
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- =BERTHELOT= (=M.=), Sénateur, Secrétaire perpétuel de
- l'Académie des Sciences, Professeur au Collège de
- France.--=Les carbures d'hydrogène= (=1851-1901=).
- _Recherches expérimentales._ Trois volumes grand in-8;
- 1901, se vendant ensemble 45 fr.
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- TOME I: _L'Acétylène: synthèse totale des carbures
- d'hydrogène._ Volume de X-414 pages.
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- TOME II: _Les Carbures pyrogénés.--Séries diverses._
- Volume de IV-558 pages.
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- TOME III: _Combinaison des carbures d'hydrogène avec
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-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
-Foundation
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-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
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