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diff --git a/41155-0.txt b/41155-0.txt new file mode 100644 index 0000000..a7044a9 --- /dev/null +++ b/41155-0.txt @@ -0,0 +1,5487 @@ +*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 41155 *** + + Au lecteur + + Cette version électronique reproduit, dans son intégralité, + la version originale. + + La ponctuation n'a pas été modifiée hormis quelques corrections + mineures. + + L'orthographe a été conservée. Seuls quelques mots ont été modifiés. + La liste des modifications se trouve à la fin du texte. + + + + + L'ÉGYPTE + D'HIER ET D'AUJOURD'HUI + +[PLANCHE 1: AU TEMPLE DE LUXOR] + + + + + L'ÉGYPTE + + D'HIER ET D'AUJOURD'HUI + + _OUVRAGE ILLUSTRÉ DE + 44 PLANCHES EN COULEURS + D'APRÈS LES AQUARELLES DE L'AUTEUR_ + + Texte et Illustrations + + de + + WALTER TYNDALE + + + PARIS + + LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie + + 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79 + + 1910 + + + + +L'ÉGYPTE + +_D'HIER ET D'AUJOURD'HUI_ + + + + +_CHAPITRE PREMIER_ + +PORT-SAÏD + +L'ARRIVÉE DANS LES EAUX ÉGYPTIENNES. || PREMIÈRES IMPRESSIONS. || UNE +ÉGYPTE RÉALISTE. || EN CHEMIN DE FER VERS LE CAIRE. || LE MIRAGE. || LES +PYRAMIDES DE GIZEH. + + +Les grands paquebots accomplissent maintenant en trois jours la +traversée Marseille-Alexandrie, et en deux jours celle de +Naples-Alexandrie: ce progrès me paraît d'autant plus appréciable que, +lors de mon dernier voyage en Égypte, il n'y a pas bien longtemps, j'ai +eu à supporter quatre affreuses journées de malaise et d'ennui, entre +Brindisi et Port-Saïd, à bord du courrier d'Asie. Ma patience était même +à toute extrémité quand j'entendis enfin un passager, qui, de sa +jumelle, scrutait l'horizon, s'écrier: «Voilà l'Égypte!». Prenant +moi-même la lorgnette d'une main fébrile, j'aperçus en effet la côte +égyptienne, basse et plate. + +Rapidement cette côte s'allongea; elle eut d'abord l'apparence de deux +îles, puis d'une seule, et, l'un après l'autre, des îlots surgirent, +puis disparurent, pour se montrer de nouveau à l'ouest. Sur la carte, je +vis que presque toute la côte du Delta n'était qu'une étroite bande de +terre qui séparait la Méditerranée des grands lacs salés. + +La traversée touchait à sa fin. Nous avions laissé loin derrière nous le +sombre hiver et la mer agitée: à présent le soleil resplendissait dans +un ciel bleu, et une brise délicieuse rafraîchissait l'air chaud et sec. + +Notre paquebot fendait les eaux verdâtres devant les Bouches du Nil; à +droite s'étendait une terre basse au sable doré, et là-bas la silhouette +d'un sémaphore et de nombreux mâts apparaissaient. Bientôt, une ligne +grise se dessina au ras des flots, qui, imprécise d'abord, se révéla peu +à peu comme une immense digue, derrière laquelle se dressèrent les +maisons d'une ville. + +Lentement le steamer glissa vers le quai; sur la passerelle +retentissaient les ordres brefs; les lascars allaient et venaient en +criant, et les passagers, impatients, se préparaient à débarquer. Enfin +les machines s'arrêtèrent, les ancres énormes coulèrent le long des +flancs du navire qui stoppa dans les eaux tranquilles de la rade de +Port-Saïd. + +Quel moment d'émotion pour le nouveau venu! Là, de l'autre côté de ces +sables, c'est l'Égypte, la terre de la Rivière Mystérieuse, le pays +magique! la patrie des mosquées et des minarets, des turbans et des +_yashmaks_, des Pharaons, des Pyramides et du Sphinx, du désert! +l'antique patrie de tant de merveilles: débris mystérieux de ces temps +lointains où un grand peuple vivait ici, sur le sable doré de ces rives +enchanteresses, près de ce fleuve puissant!... + +Les eaux tranquilles du port, d'un beau vert pâle, étaient si claires +qu'on distinguait à une grande profondeur d'énormes méduses dont les +bras s'allongeaient en tous sens. + +A l'orient, le soleil disparaissait dans une splendeur sereine. Aucun +nuage ne tachait le ciel dont l'azur, à l'ouest, se nuançait de vert, +puis de jaune, jusqu'à devenir une grande nappe d'or d'une imposante +majesté. + +«_East is East, and West is West, and never the twain shall meet_»[1]. + + [1] «L'Orient est l'Orient et l'Occident est l'Occident, et les deux ne + se rencontreront jamais.» + +Ici même, sur l'eau, avant le débarquement, tout me parut étrange et +pittoresque. A peine notre grand navire était-il arrêté qu'une quantité +de barques l'entourèrent, remplies d'indigènes qui criaient, +gesticulaient; certains d'entre eux présentaient leurs marchandises, +fruits, cigares, colliers de perles et plumes. D'autres canots étaient +remplis de jeunes garçons qui faisaient des plongeons fantastiques pour +attraper les pièces d'argent lancées du pont par les passagers: comme +des anguilles, ils disparaissaient sous l'eau pour reparaître quelques +instants après, de l'autre côté du paquebot, la pièce brillant entre +leurs dents blanches. Dans une barque, des rameurs chantaient cette +chanson du pays dont le refrain est devenu chez nous le fameux +«_ta-ra-ra-boom de aye_», autrefois si populaire dans les cafés +chantants. + +Enfin nous débarquons sur le sol égyptien. Le plaisir et l'émotion qu'on +éprouve en arrivant dans un pays étranger sont en grande partie gâtés +par la lutte que l'on a à soutenir contre les bateliers, +commissionnaires, portefaix, portiers d'hôtels et agents de toute sorte +qui, sans aucune considération pour votre nervosité, se livrent à un +véritable assaut de votre personne et de vos bagages. L'agence Thomas +Cook et Fils a fait beaucoup pour rendre le débarquement moins pénible +et, grâce à elle, on se tire d'affaire assez facilement et avec une +grande économie de temps et d'argent. Encore est-il pour l'instant +inutile d'essayer de penser à l'Égypte du passé, car l'Égypte du présent +absorbe toute votre attention. Je savais que Port-Saïd n'offrait aucun +intérêt au point de vue artistique et j'avais décidé de négliger cette +ville et d'en partir par le premier train à destination du Caire. + +Une bonne partie du voyage se fait à travers un pays d'apparence +misérable, avec, à droite, le lac de Menzaleh à moitié desséché, et, à +gauche, le désert d'Arabie qui s'étend de l'autre côté du canal de Suez. +Il semblait vraiment que nous ne verrions jamais la fin de ce canal, et +toute son importance au point de vue commercial ne pouvait m'empêcher de +remarquer sa laideur. Je parvins cependant à le faire disparaître de mon +horizon et à ne plus voir que le grand désert qui relie l'Égypte à la +Péninsule de Sinaï. C'était du reste la première fois que je voyais le +désert; depuis, j'ai passé des mois dans sa solitude, mais cette +première vision reste dans ma mémoire avec un relief particulier. Ce +paysage, pensais-je, est celui-là même que parcoururent l'Enfant Jésus, +Marie et Joseph quand ils vinrent chercher en Égypte un refuge contre la +fureur d'Hérode. En quel endroit traversèrent-ils l'immensité qui +s'étend devant moi? Marie était-elle semblable à cette femme _fellah_ +qui se dirige à dos d'âne vers la station? En tout cas, la robe qui se +portait alors n'a guère subi de modifications. + +Dix ans plus tard, je refaisais le même voyage, me rendant de nouveau au +Caire par la même route. Le tramway à vapeur qui reliait autrefois +Port-Saïd à Ismaël était remplacé par des trains composés de wagons +Pullman, avec salons et restaurants. Quelques vilaines constructions ça +et là, quelques réclames criardes étaient en outre les premiers +avertissements de la prospérité du pays... + +A l'Est, le paysage n'avait guère changé, mais, regardant à l'Ouest, je +fus fort étonné de la transformation du désert. Là où je me rappelais +n'avoir vu qu'une solitude aride, j'apercevais maintenant des lacs avec +des îles couvertes de palmiers. C'était bien l'époque de la crue du Nil, +mais j'étais certain que les eaux ne pouvaient s'étendre à une pareille +distance. Je consultai ma carte qui ne m'apprit rien. M'adressant alors +à un Égyptien assis près de moi, je lui demandai si les eaux +recouvraient toujours cet espace. Il me répondit tranquillement: «C'est +le mirage!» + +Ce n'est qu'après avoir passé Zakazik que le voyageur s'aperçoit qu'il +est dans le Delta, et qu'il se souvient du mot d'Hérodote: «L'Égypte est +un don de la rivière», car, bien que le Nil ne soit pas visible avant +Beulia, on sent déjà ici son influence fécondante. La campagne est fort +belle, boisée et sillonnée de nombreux cours d'eau. Les ruines de +Bubastis qui sont près du Zakazik furent déblayées par le professeur +Naville, il y a quelque vingt ans, mais si elles présentent un intérêt +assez grand pour l'archéologie, leur aspect est peu pittoresque et ne +retient guère l'attention du voyageur. Bulak, vu de la gare, n'est +nullement intéressant, et le voyageur, si près du Caire, ne songe guère +à s'arrêter là. Vingt minutes encore, et, jetant les yeux à droite, vous +apercevrez enfin les Pyramides de Gizeh. De cette distance, on apprécie +difficilement leur grandeur: cependant je sentis, quant à moi, mon coeur +battre avec plus de force et je crois que rien au monde n'aurait pu, à +ce moment, me distraire de ma contemplation! + +Le train roule à toute vapeur. Le Delta maintenant se rétrécit, les deux +chaînes de collines qui enserrent la vallée du Nil se précisent à la +vue, et la mosquée de Mohamet Ali, apparaissant au-dessus de la +citadelle, annonce au voyageur qu'il arrive au Caire. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE II_ + +MASR EL KAHIRA + +«MODERN-CAIRO» ET LE VIEUX-CAIRE. || INFLUENCES EUROPÉENNES. || ART +MAURESQUE ET ART NOUVEAU. || LES BOIS SCULPTÉS DES ANCIENNES FENÊTRES. +|| LES FONTAINES PUBLIQUES. || LA MAISON-MOSQUÉE. + + +Le voyageur qui, arrivant au Caire, s'imagine qu'il va se trouver enfin +dans le décor d'une ville orientale, s'expose à une déception. La partie +de la ville qu'on traverse pour se rendre de la gare à l'un ou l'autre +des hôtels, ne ressemble pas plus au vieux Caire que Londres ne +ressemble à Pékin. Aucune des maisons qui s'y trouvent n'a quarante ans +d'existence, et, d'autre part, je suis bien convaincu que ces misérables +bâtisses s'écrouleront quelque jour prochain. Leurs constructeurs +avaient, tout près de là, pour les inspirer, de merveilleux modèles de +l'art oriental le plus pur, mais le mot fatal d'Ismaël: «L'Égypte fait +partie de l'Europe» tourna sans doute leur attention vers Paris, et +nous retrouvons ici une malheureuse imitation de _l'art nouveau_, ou +bien,--ce qui est peut-être pire,--des reproductions honteusement +dénaturées de _style mauresque_. + +Vous verrez les hôtels «remplis de tout le confort moderne», comme leurs +réclames l'annoncent si bien (sans parler de leurs prix fantastiques); +mais, hélas! vous n'y rencontrerez rien de vraiment oriental, à +l'exception du personnel domestique qui porte la robe blanche, la +ceinture rouge et le fez. + +Mais demain, dans les vieux quartiers, vous pourrez enfin admirer dans +toute sa beauté le véritable Orient, et ce que vous verrez dépassera +votre attente. Les deux ou trois kilomètres qui séparent votre hôtel du +Khân Khalîl séparent aussi de l'Occident l'Orient. + +Que de changements depuis mon dernier voyage ici! Le canal qui +traversait la vieille ville, du nord au sud, a été comblé et une ligne +de tramways électriques suit son ancien cours. Nombreuses sont les +fenêtres _meshrebiya_ qui ont été remplacées par des cadres en bois de +Suède, et plus nombreuses encore les vieilles maisons qui ont été, soit +démolies et puis reconstruites, soit «modernisées» jusqu'à complète +métamorphose; et cependant, même ici, il reste encore assez de l'Orient +pour enchanter l'imagination et pour fournir à l'artiste maint sujet de +tableau. + +En quittant l'Ezbekiyeh, qui est le centre du quartier européen, une +petite rue, derrière l'hôtel Bristol, vous conduira, à travers un +labyrinthe de passages étroits, jusqu'au Suk-ez-Zalat. Un guide vous +sera nécessaire, car déjà le plan bien ordonné des villes modernes a +disparu et les rues en zigzag aboutissent souvent à un cul-de-sac. + +Une fois au Fouyatieh, vous vous trouvez tout à fait dans le vieux +Caire. Une mosquée et une rangée de maisons aux fenêtres défendues par +des grillages de bois sculpté enchantent de suite le regard. Une porte +en retrait ouvre sur la cour d'une maison cairote habitée autrefois par +un riche marchand et louée aujourd'hui par chambres ou petits logements. +Si vous avez eu la chance de tomber sur un guide habitué à conduire des +artistes, il pourra vous montrer quantité de maisons semblables et fort +intéressantes. Je désire nommer ici le brave homme qui m'accompagna dans +mes recherches du pittoresque, dans tous les coins et recoins du Caire. +Il s'appelle Mohammed el Asmar, mais il préfère le nom de Mohammed +Brown (Brun) qui est la traduction anglaise de Asmar. «Et ne suis-je pas +vraiment brun?» demande-t-il pour justifier son surnom. Grâce à +Mohammed, je me suis servi pendant quelque temps de la cour de ces +maisons comme d'un atelier. Il m'y amenait des porteurs d'eau, des +petits marchands ambulants, et des ânes, des chameaux, tout le +pittoresque enfin des rues du Caire. Pendant qu'il discutait et +marchandait avec mes modèles, je peignais les arabesques de la porte et +de ravissants modèles de sièges _meshrebiya_. + +[PLANCHE 2: EL-FOUYATIEH, AU CAIRE] + +_Meshrebiya_ est le nom arabe du bois sculpté, tourné, si admirablement +travaillé, et dont on fait généralement des paravents, des grillages de +fenêtres et toute espèce de meubles. Placés devant les fenêtres, les +grillages laissent passer l'air, adoucissent la lumière éclatante du +jour, et permettent aux femmes de regarder ce qui se passe au dehors, +sans être vues elles-mêmes par des yeux indiscrets. Cela est bien dans +une ville mahométane où l'ombre est une nécessité et la réclusion une +loi, mais cela ne va plus, on s'en doute, sous un autre ciel. Une +quantité fabuleuse de ces meubles et de ces fenêtres de bois ont été +achetés par des marchands qui les ont revendus à des touristes +européens. Ceux-ci, une fois chez eux, firent à leur fantaisie usage de +ces bois sculptés. Je pourrais citer un cas où toutes les superbes +boiseries d'une vieille maison cairote pourrissent dans un grenier, en +Surrey, depuis quelque quarante ans, époque à laquelle celui qui les +acheta sottement les apporta en Angleterre. Frappé par leur beauté quand +il les vit dans leur cadre propre, il crut que son architecte +parviendrait à s'en servir avec avantage pour une maison qu'il +s'apprêtait à construire, mais il fut vite détrompé. + +Malheureusement les vieilles boiseries ainsi achetées au Caire, n'y sont +jamais remplacées: les anciens quartiers étant malsains, les +propriétaires les abandonnent, et, dès qu'ils le peuvent, se font +construire dans les nouveaux quartiers une maison de style bâtard. + +Continuons notre promenade le long de Suk-ez-Zalat. L'intérêt va +grandissant à mesure que nous approchons du centre de la ville. La rue, +très étroite, est encombrée de gens, de bêtes et de choses. Le soleil +l'envahit petit à petit; tous les marchands ont baissé leurs stores. + +Nous avons maintenant atteint El Nahassin où la vie et le mouvement +sont tout aussi pittoresques, où la beauté et l'intérêt augmentent +encore, car bientôt voici à notre droite les dômes et les minarets du +groupe de mosquées qui entourent le Muristan. De la Sebil[2] +Abd-er-Rahman, on peut à merveille considérer ce centre de l'activité +cairote, tumultueux et si divers. + + [2] Fontaine. + +Les différentes _Sebils_ sont une des caractéristiques du Caire. +Autrefois elles fournissaient presque toute l'eau à la ville; +aujourd'hui ce sont de simples fontaines où le passant se désaltère. +Elles sont maintenues grâce à des donations religieuses. Au-dessus +d'elles, dans les maisons, se trouvent des écoles, et le chant des +enfants qui récitent le Coran s'envole par les fenêtres ouvertes. + +Ce qu'on voit des marches de cette Sebil offre un joli sujet de croquis. +A gauche, un ancien palais, et, plus loin, des maisons qui tombent +presque en ruines. Les grillages en bois des fenêtres sont en piteux +état, et, ça et là, un vieux morceau d'étoffe tient lieu de vitre. Les +ornements sculptés de certaines fenêtres pendent misérablement et +restent suspendus en l'air jusqu'à ce qu'un coup de vent plus fort les +fasse tomber à terre. Cet état de ruine se rencontre bien quelquefois +dans nos villes européennes, mais seulement dans de pauvres quartiers +abandonnés: ici, le contraste est frappant, car la rue est envahie à +toute heure par une foule compacte, et, au rez-de-chaussée de ces +maisons, vous voyez des marchands de toute sorte affairés au milieu +d'une nombreuse clientèle. Mais tout se passe dehors, sur le seuil des +maisons et non point à l'intérieur. Des aliments variés sont vendus à +des gens qui les consomment en pleine rue, côté de l'ombre en été, côté +du soleil en hiver. Les hommes sont assis devant les boutiques des +cafetiers, fumant leur nargileh et buvant lentement leur café, et il ne +leur viendrait jamais à l'idée d'entrer dans ces boutiques, dont +l'intérieur n'est souvent qu'un petit réduit, si exigu que le marchand +lui-même y trouve à peine assez de place pour se retourner. + +C'est sur le seuil de sa porte, ou sur un banc à côté, que le barbier +rasera une tête, saignera un malade ou arrachera une dent. C'est +également en plein air que s'installe l'écrivain pour préparer des +contrats, ou écrire une lettre d'amour que lui dicte une jeune personne +voilée accroupie auprès de lui dans la poussière. + +Les plus graves questions se règlent dehors: tel homme battra sa femme +si elle se permet de traverser la rue sans voile, mais le père de cette +femme, avant de la donner en mariage, discutait, en pleine rue et +entouré de nombreux voisins, les conditions du mariage et la somme qu'on +lui paierait pour sa fille. Et la foule, amusée et intéressée, prenait +part à la discussion! + +Cet endroit se trouvant dans une des principales artères de la ville, le +trafic y est considérable, et rien ne pourrait être plus intéressant que +de contempler ce va-et-vient dans tout son pittoresque et toute sa +couleur orientale. Quel contraste avec la tristesse sombre d'une foule +anglaise dans une rue de Londres! + +Continuons notre promenade. Cette vieille maison est belle! Au moment +même où nous nous arrêtons pour l'admirer, un grillage de fenêtre +s'ouvre et un vieux Cheik crie que l'heure de la prière est arrivée. +Immédiatement, du haut de tous les minarets, des voix sonores, voix de +_muezzin_, crient: «_La ilaha ill' allah, wa Muhamed rasul allah!_» + +Le vendredi, à cette heure, beaucoup de boutiquiers ferment leurs +magasins, et, en compagnie de leurs clients, se rendent à la _Duhr_, ou +prière de midi. Mais pourquoi est-ce de cette maison que le muezzin a +donné le signal de la prière? Ma curiosité était grande pendant qu'assis +dans un petit café en face, je prenais un croquis de l'immeuble en +question. Le fidèle Mohammed Brown, qui jusqu'alors était resté assis à +côté de moi, éloignant les gamins et les mouches, se leva brusquement, +dit au cafetier de prendre sa place, traversa la rue en courant, et, +ôtant ses sandales, disparut sous le porche. Il ne revint que vingt +minutes plus tard, s'excusant de m'avoir quitté ainsi: il avait +complètement oublié que c'était vendredi; l'appel à la prière lui avait +soudain rafraîchi la mémoire et il avait à peine eu le temps de faire +ses ablutions avant de prendre part à la _Duhr_. + +[PLANCHE 3: LA MAISON-MOSQUÉE DE NAHASSIN, AU CAIRE] + +J'appris alors que le sujet de mon croquis était une mosquée à laquelle +était contiguë la maison du cheik, celle-ci cachant si bien le bâtiment +religieux qu'il était nécessaire de faire l'appel à la prière par la +fenêtre de la chambre à coucher. La manière dont l'architecte est +parvenu à unir la maison et la vieille mosquée, est simplement +merveilleuse. Bien qu'une partie des ornementations en bois aient +disparu, il en reste encore suffisamment pour faire de cette maison une +des plus pittoresques du Caire. C'est une véritable chance qu'il se soit +trouvé juste en face un petit café où j'étais en fort bonne position +pour peindre. Afin d'obtenir une autre vue des mosquées, derrière cette +maison, il me fallut traiter avec un marchand de cannes pour qu'il me +permît de monter sur son comptoir. Après une longue discussion, Mohammed +m'obtint cette permission moyennant le paiement de cinq shillings (6 fr. +25), et il fut convenu que j'aurais droit à ce comptoir pendant cinq +journées consécutives. Le marchand insista alors pour être payé d'avance +de toute la somme, ce qui me rendit quelque peu soupçonneux, mais, ayant +trouvé des témoins, je consentis enfin à risquer le paiement. Pendant +toute la matinée, mon marchand de cannes se tint assis beaucoup plus +près de moi que je ne l'eusse désiré. En arrivant, le lendemain matin, +je trouvai la boutique fermée et j'en concluais que j'avais été roulé, +lorsqu'un voisin s'approcha et me remit la clé en m'annonçant que +«Moustapha des cannes» me laissait la place pendant toute une semaine +qu'il passerait lui-même à la campagne, chez des parents. «Après tout, +remarqua le voisin, son comptoir lui rapporte davantage de cette façon, +car la vente des cannes est très mauvaise en ce moment, et puis il y a +de nombreuses années qu'il n'a vu sa famille.» + +Allons maintenant à la mosquée du Sultan Barkuk et admirons le portail +de marbre et la porte de bronze à côté du tombeau de Mohammed en Nasr et +du Muristan, hôpital construit par le sultan Mausur Kalaun, vers la fin +du XIIIe siècle. Ce célèbre sultan Mamelouk fit bâtir cet hôpital en +témoignage de reconnaissance après avoir été guéri d'une grave maladie. +Sa mosquée et son tombeau sont situés à côté de l'hôpital; nous +reviendrons plus tard sur ce superbe groupe. + +Si mon lecteur est un voyageur expérimenté, il sait visiter une ville, +mais s'il vient en Orient pour la première fois, je l'engage à donner à +tout ce qui vaut la peine d'être vu beaucoup plus de temps que les +guides ne le conseillent. + +L'ennui qui se lit sur la physionomie de presque tous les touristes +quand on les fait courir d'un endroit à un autre, et leur désespoir +lorsqu'on leur déclare, après une journée de fatigue, qu'avant de +rentrer à l'hôtel _il y a encore quelque chose à voir_, justifie, je +crois, ma conviction que fort peu de personnes connaissent _l'art de +voyager_. + +Ayez pour vos yeux et votre cerveau autant de considération que pour vos +jambes, et n'essayez pas de voir en un jour plus que vous ne pouvez +voir: ainsi vous remporterez de vos voyages une impression et des +souvenirs plus agréables. + +Étudier le mouvement et la vie des rues, les différentes industries, les +marchandises exposées devant les boutiques et les bazars, les curieux +costumes des hommes et des femmes qui vendent et qui achètent, flânant +au soleil, en hiver, assis par groupes, à l'ombre, pendant l'été: voilà +au moins de quoi remplir utilement une première matinée. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE III_ + +DANS LES BAZARS + +LE MARCHÉ AUX CUIVRES. || LE BAZAR DES ORFÈVRES. || LE BAZAR TURC. || +L'ART DE VENDRE BIEN, OU LES PETITES HABILETÉS DES MARCHANDS CAIROTES. +|| UN SUJET DE TABLEAU QUI NE VEUT PAS SE LAISSER PEINDRE. + + +En nous rapprochant du Muristan, nous ne tardons pas à nous apercevoir +que nous sommes maintenant au coeur du _Nahâssin_, au Marché des +Cuivres. Jusqu'à présent, les devantures des magasins avaient offert à +nos regards des produits variés, mais ici le cuivre domine. Tout comme +autrefois, d'habiles ouvriers martellent des récipients aux formes +étranges, dignes d'orner la cuisine et l'office de quelque +Haroun-al-Raschid. J'aime à voir combien cet art ancien est encore +vivant; ces cafetières et bouillotes modernes ont toujours les belles et +gracieuses lignes des anciennes, et elles sont travaillées par les +artisans cairotes pour les gens du pays eux-mêmes, non pas seulement +pour tenter le touriste qui passe. De fait, je n'ai jamais vu un +_Firangi_ (étranger) acheter ces ustensiles, trop encombrants sans doute +pour prendre place dans la valise; ou peut-être est-ce simplement que le +marchand et le drogman n'ont pu se mettre d'accord sur la commission que +ce dernier toucherait en cas de vente? + +Les étalages qui se trouvaient jadis au pied des deux mosquées ont +maintenant disparu, ce qui, au point de vue du pittoresque, est +regrettable. Un peu plus loin, un coude brusque nous conduit au Bazar +des Orfèvres. Les différentes artères qui le sillonnent sont tellement +étroites que deux personnes ne peuvent y marcher de front. Les boutiques +ressemblent à des armoires et leur devanture n'a guère plus de 1 mètre à +1m,40 de largeur. Le plancher est à 60 centimètres environ au-dessus du +sol et sert de siège aux clients. Cette extraordinaire petite boîte +(c'est le mot) sert à la fois d'atelier et de magasin; le _guhargi_ ou +orfèvre passe ici toute sa journée, assis, les jambes croisées, sur un +petit tapis, et il n'a vraiment aucune raison de se lever, car toutes +ses marchandises et ses outils sont à portée de sa main, et, quand il +désire une tasse de café ou de thé vert, il lui suffit de frapper ses +mains l'une contre l'autre pour qu'un boy la lui apporte. Son apparence +ne diffère guère de celle de son voisin du Marché au Cuivre, mais ses +vêtements nous indiquent qu'il n'est pas un descendant du Prophète. Le +samedi, presque toutes ces petites boutiques sont fermées, et si vous +pouvez déchiffrer les noms écrits au-dessus des portes closes, vous n'y +trouverez ni Hassan, ni Mohammed, mais _Ibu Yusef_, _Ibrahim_ ou _Ben +Sandi_ qui témoignent silencieusement que ces israélites continuent +d'observer les lois de leurs aïeux. + +Excepté les jours du Sabbat, ces ruelles qui composent le _Sük-es-Sâïgh_ +sont presque impraticables. Pendant des heures entières, des femmes +restent assises sur le _Mashaba_, c'est-à-dire le rebord du plancher, à +regarder l'artisan qui travaille un bijou qu'elles ont commandé, ou à +marchander une autre pièce. La patience du commerçant est inlassable. +J'en ai vu qui, après avoir montré leur stock tout entier à une cliente +qui partait enfin sans rien acheter, lui disaient aimablement au revoir +et la priaient de revenir dans des termes pleins de gracieuseté. Les +robes de soie du marchand, aux couleurs variées, contrastent étrangement +avec le vêtement noir de l'acheteuse. Celle-ci abrite son visage +derrière un voile. Elle peut venir ici, en public, vendre ses bijoux et +personne n'aura la moindre idée de sa personnalité. Si un homme, au +contraire, venait vendre son argenterie et ses bijoux, tout le bazar +saurait en quelques minutes qui il est, et discuterait avec animation +les pertes l'obligeant à se séparer de ses biens,--car le Cairote est +toujours fort curieux de tout ce qui touche aux questions d'argent. + +Vraiment le _Yashmak_ (voile des femmes) avec son cercle de cuivre, +n'est pas gracieux, mais il excite la curiosité, et l'on se dit que si +le nez, la bouche et le menton de telle femme sont aussi jolis que ses +yeux, elle doit être remarquablement belle. La modestie l'oblige à +cacher les lignes de son corps sous un long châle noir, mais elle +s'entoure de ce châle d'une façon si artistique que son charme y gagne +plutôt qu'il n'y perd. A l'encontre de sa soeur européenne qui se pare +avec extravagance précisément pour paraître en public, elle garde ses +robes aux brillantes couleurs et ses beaux colliers pour les seuls yeux +de son seigneur, et de quelques amies intimes qui viendront les admirer +dans la paix et la discrétion du harem. + +A mesure qu'on avance dans ce bazar, l'air devient de plus en plus lourd +et vicié; on voudrait en sortir. Des femmes _fellah_ qui encombrent la +ruelle, se jettent pêle-mêle dans l'armoire qui sert de boutique à +l'orfèvre Mousa. Et lentement, arrêté par maint obstacle, on arrive +enfin à la rue Nahâssîn où l'on respire de nouveau l'air pur. + +[PLANCHE 4: LE KHAN-EL-KALIL, AU CAIRE] + +Presque en face de nous maintenant, se trouve l'entrée du Bazar turc +appelé _Khân Khalîl_. Construit en l'an 1300 par le Sultan mamelouk El +Ashraf Khalîl, il est depuis cette époque le centre commercial de la +vieille ville, bien que son importance ait fort diminué du jour où +plusieurs de ses gros commerçants ont installé de somptueux magasins +très modernes dans les nouveaux quartiers. Cet endroit est, de toute la +ville, certainement le plus curieux, et celui où la vie est le plus +intense. A droite, vous passez d'abord devant des marchands de tapis qui +vous invitent poliment à entrer, tandis qu'à gauche les commerçants en +soieries vous prient non moins aimablement d'examiner leurs _kuffiyehs_, +ou châles de soie que les Syriens portent généralement autour de la tête +en guise de turban. Si vous paraissez être tenté, un Cingalais vous +soufflera dans l'oreille que vous feriez bien mieux d'entrer chez lui, +ses prix étant de cinquante pour cent meilleur marché que ceux de son +voisin le Mahométan. Vous passez et vous vous trouvez à la porte d'une +boutique de pantoufles d'où vous apercevez toute une rangée d'escarpins +rouges ou jaunes, empilés sur les comptoirs et sur le plancher, +accrochés en grappes au plafond et aux stores, autour des portes, +partout! Le rouge domine, et c'est incontestablement la couleur que le +Cairote préfère, en matière d'escarpins. Les escarpins jaunes viennent +presque tous de Tunisie et du Maroc et sont achetés par les paysans. De +grands rouleaux de cuir rouge sont empilés dans les petites boutiques où +les ouvriers travaillent avec ardeur, coupant et cousant, couvrant le +plancher de monceaux de déchets. + +A peine un étranger paraît-il qu'un marchand lui met sous le nez une +paire de pantoufles en criant: «Seulement deux shillings!»--«Entre et +vois ma boutique!»--«Very cheap!» Vous avez beau lui déclarer que vos +bagages sont déjà pleins d'escarpins, que vous en avez donné à tous vos +parents, amis et connaissances, il ne se laisse pas décourager et +insiste sans tarir, jusqu'à ce que vous lui échappiez en pénétrant chez +le marchand de tapis. Celui-ci avait du reste l'oeil sur vous; un +magnifique tapis est déroulé pendant qu'un autre, habilement jeté +derrière vous, coupe votre retraite. «J'ai horreur des tapis rouges!» +criez-vous avec désespoir, et, pendant que le marchand en déroule un +vert, vous bondissez dehors; mais le Cingalais se retrouve alors devant +vous avec de nombreux _kuffiyehs_ jetés sur son épaule: tout en vous +complimentant d'avoir échappé à son voisin «Hussein», qui voulait vous +vendre des marchandises défraîchies, il déploie artistement le châle +qui, sans aucun doute, comblera vos désirs. Il a entendu vos remarques +sur les tapis rouges, et il dit en faisant miroiter de jolies couleurs: +«Ici pas de mauvaises teintures allemandes». Il voit de suite que la +combinaison de couleurs vous plaît; malgré toutes vos résolutions de ne +rien acheter, vous vous laissez aller en effet à demander le prix: +«Seulement seize shillings!» répond le Cingalais avec confiance, tout en +s'assurant, par des regards anxieux, qu'aucun autre marchand ne l'a +entendu offrir sa marchandise à si vil prix! Sans faire attention à +votre mécontentement, il vous exprime doucement les raisons qui le +poussent à faire un tel sacrifice; un service en vaut un autre et il +espère bien que vous parlerez de lui et que vous donnerez son nom et +son adresse à tous vos amis. Puis, d'une voix plus forte et en scandant +les mots, il ajoute: «Viens sans le drogman!». Ne pouvant vous +débarrasser de cet importun, vous avez enfin recours à des paroles fort +rudes qu'il reçoit du reste avec un tel sourire que c'est à croire qu'il +les aime. Enfin, et comme dernière ressource, vous lui offrez un tiers +du prix qu'il demande, pensant qu'une insulte aussi sérieuse aura +quelque effet sur lui, mais ce bon commerçant enveloppe tranquillement +le châle dans un papier et vous le tend, vous en offrant même un second +à ce prix! Et soudain il disparaît, vous laissant le paquet dans une +main et une douzaine de ses cartes dans l'autre, et vous vous demandez +comment il a pu céder si facilement, sans chercher à obtenir quelques +shillings de plus. La raison n'en est pas difficile à trouver. Un groupe +de touristes qu'il n'avait pas un moment perdu de vue, vient d'entrer +chez le marchand de tapis et en ressortira à un moment ou à un autre par +la porte située en face de son magasin. Il ne va pas perdre son temps et +discuter pour quelques shillings, alors qu'il entrevoit tout à coup la +possibilité de gagner une grosse somme. + +Il est certain que l'assaut continu de tous ces vendeurs gâte un peu le +plaisir d'une visite au Khân, visite qui sans cela serait charmante en +même temps qu'elle est des plus intéressantes. + +Le porche par lequel on pénètre dans le quartier des cuivres, avec son +ornementation serpentine, est très beau. Les couleurs originales ont +presque entièrement disparu, mais ce qu'il en reste s'harmonise d'une +façon charmante avec le brun et l'or pâle des pierres sculptées. Il +serait difficile d'imaginer un cadre plus ravissant, ou mieux approprié +aux lampes, vases, cache-pots et services en cuivre ciselé, exposés sur +des étagères de chaque côté de l'entrée. De grandes lampes pendent tout +le long de l'allée qui conduit au porche, et c'est vraiment un spectacle +merveilleux. Mais où s'asseoir pour essayer de peindre tout cela? +Certes, mon fidèle Mohammed Brown est un homme de tact, mais toute son +ingéniosité même arrivera-t-elle à me rendre la chose possible? Il +paraît peu aisé d'obtenir un croquis, à moins de s'installer au beau +milieu de la rue, mais l'importance du trafic et l'agitation sont telles +qu'il faut vite y renoncer. Nous fûmes en la circonstance obligés de +nous entendre avec un marchand qui me permit de m'installer sur son +comptoir et qui, avec une partie de ses meubles, éleva une barrière +entre moi et un attroupement qui s'était déjà formé, les gens se +demandant avec curiosité ce que j'allais faire. A cette époque, ma +connaissance de la langue arabe était nulle, j'ignorais donc de quel +talisman mon dévoué guide s'était servi pour obtenir du boutiquier qu'il +capitulât si facilement et qu'il s'intéressât tant à mon sort. Non +seulement cet homme chassa la foule, mais il me servit du thé et +m'apporta des cigarettes. Toutes ces attentions m'embarrassèrent +vraiment, car j'avais entrepris un travail de longue haleine et je +n'étais pas en position de lui acheter la moitié de ses lampes pour le +compenser de tout le mal que j'allais lui donner. Cependant, bientôt +toutes mes pensées furent absorbées par mon travail et ce brave homme +cessa d'exister pour moi. Impossible de concevoir travail plus difficile +ou plus énervant. A peine avais-je dessiné un somptueux lampadaire et +commençais-je à l'habiller de ses premières couleurs, qu'un touriste +demandait justement à examiner cet objet! Au moment même où je me +réjouissais qu'un rayon de soleil éclairât un certain coin de mon sujet, +un store s'abaissait brutalement et le plongeait dans l'obscurité. Le +bruit fait par ce store rappelait aux autres boutiquiers que le moment +était venu de baisser les leurs, et en quelques minutes la plus grande +partie de mon sujet n'était plus visible, et le peu qui en restait se +trouvait éclairé d'une façon si différente que j'étais obligé de +renoncer à la tâche. + +En rentrant à l'hôtel, je demandai à Mohammed comment il s'y était pris +avec le marchand: «Oh! répondit-il, je lui ai d'abord dit que vous étiez +un neveu de Lord Cromer; ensuite je lui ai fait comprendre quelle énorme +réclame ce serait pour lui quand tous les gens les plus puissants du +Caire verraient votre tableau.» Je déclarai à ce zélé serviteur que je +n'avais aucun désir de me faire passer pour ce que je n'étais pas, à +quoi il répondit tranquillement: «Eh bien! maître, quand vous aurez +fini, je lui dirai que c'étaient des mensonges». + +Ce qui me paraît le plus étonnant, c'est que dans un pays où le mensonge +est employé couramment, il se trouve une seule personne prête à croire +quoi que ce soit. + +Une bonne provision de cigarettes m'aida le lendemain à entrer plus +avant encore dans les bonnes grâces du marchand de lampes et de ses +nombreux amis et parents qui vinrent curieusement jeter un coup d'oeil +sur mon travail. La fumée eut aussi l'avantage de chasser les mouches. +Chaque nouvel arrivant désirait m'aider et m'être agréable, soit en +éloignant un gamin qui tâchait de se glisser jusqu'à moi, soit en +recommandant à un boutiquier voisin de ne pas déranger ses marchandises +avant que j'aie fini de les peindre. J'aurais préféré me passer de cette +assistance, car si je commençais à peindre le costume de tel passant ou +la pose de tel autre, mes amis et admirateurs criaient à ces gens de se +tenir tranquilles: «Il fait briller ta vilaine figure comme un vase de +cuivre neuf!»--«Tu seras admiré par toutes les belles dames étrangères +qui verront le tableau!» et autres remarques spirituelles qui avaient +généralement pour résultat de faire fuir mon modèle, ou, pire encore, de +l'amener auprès de moi, anxieux qu'il était de voir ce que je faisais de +lui. La renommée de ma parenté avec le célèbre Proconsul s'était +rapidement ébruitée, et tous les boutiquiers venaient mettre à ma +disposition leurs magasins et leurs marchandises, me suppliant de les +peindre. Il fut bientôt connu que je venais pour travailler et non pour +faire des achats, et, à partir de ce moment, les rabatteurs et les +vendeurs me laissèrent la paix, et le Khan-el-Khalil devint un des +endroits où je pus peindre avec le plus de plaisir. + +Revenons maintenant à notre itinéraire. Une rue nous conduit du Bazar +turc à la _Muski_, la rue de la Paix du _Masr el Kahira_, l'artère la +plus importante coupant la vieille ville de l'est à l'ouest. L'influence +européenne a malheureusement envahi cette rue au point de lui faire +perdre son côté le plus pittoresque. Remontons le _Muski_ quelques +instants et tournons à droite: nous voici à présent dans un calme +relatif fort agréable et qui sied au quartier de l'Université dont nous +approchons. Cette rue est justement celle des libraires, _El Sharia el +Halwayî_, pour lui donner son nom arabe. De nombreux exemplaires du +Coran, de vieux commentaires et livres classiques sont rangés par +rayons, et le «Kutbi», le libraire, qui est souvent un cheik instruit, +presque un savant, se comporte avec dignité et ne fait aucun effort pour +attirer le client. Nous approchons du grand centre savant de l'Islam. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE IV_ + +LES RUES DU CAIRE + +GAMIA EL AZHAR. || L'ART DE RESTAURER LES MONUMENTS. || LES «MEDRESSEH». +|| LE BAZAR DES PARFUMS ET CELUI DES ÉPICES. || LA GRANDE MOSQUÉE «EL +MUAIYAD». || UNE PORTE HISTORIQUE. || L'HOMME-FONTAINE. || LE PORTRAIT +DE L'EUNUQUE. + + +L'entrée principale de l'Université, Gâmia el Azhar, est bientôt +visible. Sachant que la Mosquée-Université fut fondée au Xe siècle, on +est surpris de se trouver en face d'une construction d'apparence +moderne. De nombreuses restaurations et de continuels agrandissements +ont fait disparaître presque entièrement les traces de l'édifice qui fut +élevé par le Grand Vizir du premier calife Fatimid. S'il est permis de +déplorer la perte du pittoresque détruit par la main du restaurateur, +ici comme dans beaucoup d'autres mosquées, il faut cependant reconnaître +que, sans ces travaux, nombreux seraient les beaux édifices qui auraient +cessé d'exister ou qui ne seraient plus qu'une masse informe de ruines. +Les revenus des mosquées, qui ont considérablement augmenté, permettent +aujourd'hui des travaux importants à la tête desquels se trouve +heureusement un architecte de grand talent, Herz Bey, qui a consacré +toute sa vie à l'étude de l'architecture sarrasine. Il est regrettable +qu'un homme de talent égal n'ait pas dirigé les travaux de restauration +exécutés sous Saïd Pacha! Maintenant on peut comparer cet édifice à un +vieux vêtement rapiécé. Presque toutes les maisons qui l'entourent ont +un certain air d'antiquité, bien qu'aucune d'elles n'existât à l'époque +où El Azhar fut construit. + +[PLANCHE 5: APRÈS LA PRIÈRE DE MIDI] + +Pour visiter un bâtiment musulman quelconque, il est aujourd'hui +nécessaire d'acheter, moyennant cinquante centimes, un billet que votre +guide ou le concierge de votre hôtel vous procurera facilement. Six +minarets surmontent la mosquée d'El Azhar et deux dômes recouvrent la +dernière demeure du saint fondateur. Malheureusement, les bâtiments qui +entourent l'Université ne permettent pas de s'en éloigner suffisamment +pour voir plus d'un ou deux minarets à la fois. Ceux-ci ont des formes +diverses et appartiennent à différentes époques. L'un d'eux, datant +de la fin du XVe siècle, est particulièrement beau. La transition +graduelle du carré à l'octogone, de l'octogone au cercle, et l'admirable +manière dont les angles ont été cachés par des pendentifs-stalactites +formant les tasseaux qui supportent les galeries, méritent l'attention. +A chaque étage défini par ces galeries et s'élevant au-dessus de la +mosquée, la circonférence du minaret devient plus petite, et +l'ornementation étant admirablement adaptée à la hauteur progressive, +l'ensemble conduit le regard jusqu'au poinçon en forme d'oeuf qui +supporte l'emblème de la Foi musulmane. Ici, l'art du constructeur a +vraiment atteint son apogée; le minaret voisin, moins ancien, est +disgracieux et paraît trop lourd par le haut; ses couleurs aussi sont +moins belles. + +Les deux dômes, construits à un intervalle encore plus grand, font +ressortir davantage cette infériorité. Le plus ancien recouvre dignement +la tombe, tandis que l'autre serait bon tout au plus à orner un kiosque +de journaux. + +Dans un angle, en face du côté nord de El Azhar, un large escalier +conduit à un portail. C'est l'entrée d'un de ces «medresseh» ou collège, +qu'il est souvent difficile de distinguer d'une mosquée. On est surpris +d'apprendre qu'il ne date que de 1774. La décadence architecturale avait +commencé bien avant, et cependant il est impossible de s'en apercevoir +ici. Stanley Lane Poole nous apprend que le monument fut copié sur les +plans d'une vieille mosquée de Boulak. Avec les stalles qui l'entourent +en bas et le dôme qui s'élève au-dessus de la balustrade d'arabesques, +contre le bleu foncé du ciel, on a un sujet de tableau auprès duquel pas +un peintre ne passerait sans s'arrêter. Si j'écrivais un guide à l'usage +des artistes, je marquerais cet endroit de trois étoiles. + +En tournant brusquement au prochain coin, un chemin en zigzag vous +conduit bientôt dans _El Ashrafiyeh_, la rue principale qui continue _El +Nahâssîn_, et vous vous trouvez à nouveau au milieu du bruit et du +mouvement de ce quartier affairé du Caire. Ici, il y a d'autres grandes +mosquées à côté les unes des autres ou se faisant face, des dômes et des +minarets qui coupent la perspective et se détachent sur la ligne azurée +du ciel. De nouveau les cris des chameliers, des vendeurs, des +conducteurs d'ânes vous étourdissent. Un cocher vêtu d'une robe bleue +essaie de conduire à travers cette foule sa voiture pleine de touristes. +Le drogman, assis à côté de lui sur le siège, exhorte aussi les piétons +à faire place: «Oah ja gedda!»--«Oah ismaelak!»--«Oah riglak».--«Iftah +eynak ja am!» (Attention, eh! l'ouvrier!--Eh! là-bas, à +gauche!--Attention à tes pieds!--Ouvre donc l'oeil, mon oncle!) et bien +d'autres cris du même genre. Les touristes ont l'air fatigué et ahuri; +ils ont vu tant de choses dans une courte matinée! Un jeune garçon a +encore assez d'énergie pour prendre en passant quelques instantanés, +mais il semble se soucier fort peu de ce qu'il attrape ainsi au hasard. +Juste en face de vous, à côté des marches de la mosquée de Ghûrî et +presque entièrement caché par les stores du magasin voisin, se trouve un +étroit passage qui conduit au Bazar des Parfums. + +Ici on vous offre pour six ou huit francs, un minuscule flacon contenant +quatre ou cinq gouttes d'essence de rose. Ce passage couvert et bordé de +petites boutiques semblables à des armoires, vous conduit à un dédale de +ruelles dont chacune a son commerce particulier. Le Bazar des Épices est +très intéressant, et les couleurs qui s'y jouent enchantent le regard. +La cannelle, la girofle, la muscade et l'aloès, entassés autour du +marchand, s'harmonisent délicieusement avec sa robe de soie et les +sacs, paniers et nattes qui forment le mobilier de sa boutique. + +[PLANCHE 6: UNE RUELLE PRÈS DE LA PORTE DE ZUWÊLEH] + +Vous pouvez aussi flâner dans les bazars tunisiens et algériens, dans +celui des cordonniers et des marchands d'articles en laine d'Arabie, et +revenir ainsi vers la rue principale, non loin de la grande mosquée El +Muaiyad. + +Cet imposant bâtiment fut construit en 1416 par le sultan mamelouk +circassien, El Muaiyad, pour servir de _medresseh_, dont il existait à +cette époque un grand nombre. Mais lorsque les étudiants se portèrent en +foule vers El Azhar, ces collèges furent convertis en mosquées +congréganistes. Celle qui nous occupe sert aussi de mausolée à son +fondateur et à sa famille. Ce sultan El Muaiyad fut un grand +constructeur, et malgré toutes les difficultés de son règne de dix +années, il fit bâtir six mosquées, deux collèges et l'hôpital _Moristan +El Muaiyad_. L'architecture sarrasine avait atteint son apogée au siècle +précédent. Quant aux magnifiques portes de bronze, elles appartenaient +primitivement à la mosquée du sultan Hasan dont nous parlerons plus +tard. + +Cette mosquée n'est cependant pas ce qu'il y a de plus intéressant dans +cette partie du Caire; elle est éclipsée par une vieille porte +monumentale, la Bâb-ez-Zuwêleh, qui doit son nom à une tribu de Berbères +qui campa jadis non loin de là. C'est une des trois grandes portes +percées dans le mur qui séparait Kahira des sites plus anciens de Fostât +et Katâi, et qui fut construit par le vizir arménien Bedr pendant le +califat d'El Mustausir, en 1070. Depuis cette date jusqu'à la conquête +du Caire en 1517, cette porte fut associée à tous les événements +dramatiques qui se passèrent dans cette ville. Les bastions carrés et +massifs, la voûte arrondie et les passages couverts sont d'un caractère +plus byzantin que sarrasin. Les deux tours furent raccourcies pour +recevoir deux minarets jumeaux que fit élever El Muaiyad lorsqu'il +construisit sa mosquée, mais à part cela rien n'a été changé. Stanley +Poole nous raconte dans son intéressante _Histoire du Caire_ quantité de +scènes tragiques qui se jouèrent à l'ombre de cette vieille porte. Il +relate, entre autres, comment, en 1154, Nasr, l'assassin du calife +_Fauceant_, El-Zâhir, fut livré pour 750 000 francs par les Templiers de +Palestine aux femmes du Harem qui, après l'avoir affreusement torturé, +l'envoyèrent, mutilé et aveugle, à travers les rues du Caire pour être +crucifié vivant sur la Bâb-ez-Zuwêleh. Dix ans plus tard, le vizir +Dargham fut assassiné ici même. C'était un brave paladin qui avait +combattu contre les croisés à Gaza, mais il commit la malheureuse +imprudence de prendre l'argent sacré des mosquées pour payer ses +troupes. Abandonné même des siens dont il avait été l'idole jusqu'alors, +il fut poursuivi par une foule en furie, et, sous cette porte, il eut la +tête coupée et son corps, jeté dans le fossé, fut livré aux chiens. + +Lorsque l'orthodoxe et célèbre Saladin succéda au dernier calife +Camboise, il eut à combattre un soulèvement des troupes nègres qui +adhéraient encore à l'hérésie de Shîa, et une sanglante boucherie qui +dura deux jours entiers eut lieu à quelques pas de la porte. Enfin, +quand les envoyés mongols vinrent au Caire demander impertinemment que +la ville se rendît, le mamelouk Kutuz les fit décapiter et exposa leurs +têtes à la vue de la populace, sur cette porte fameuse. + +Cette porte monumentale est située non loin d'une maison qui attire +l'attention par une grande grille en fer et une colonne construite dans +une encoignure. Cette colonne qui semble n'avoir été qu'un chanfrein +ornemental, fut pendant de nombreuses années le lieu d'exécution; les +criminels étaient étranglés contre sa base. Il n'est vraiment pas +étonnant que la porte ait une mauvaise réputation et qu'on la considère +comme hantée! Elle est d'ailleurs ornée, si l'on peut dire, de vieux +lambeaux d'étoffe, ainsi que de dents suspendues à une ficelle, et de +quantité d'autres choses aussi peu agréables à la vue. Si vous vous +arrêtez quelque temps à cet endroit, vous serez surpris de voir des gens +s'avancer mystérieusement derrière la porte et soudainement y enfoncer +un clou. Ce manège m'intrigua beaucoup la première fois que je +m'installai là pour peindre. Le fidèle Mohammed m'instruisit. Il paraît +qu'un certain _Kutb-el-Mitwelli_, célèbre saint, fréquente la niche qui +se trouve derrière cette porte, mais comme il a le pouvoir de se rendre +invisible, il est assez difficile de s'assurer de sa présence. Ce saint +possède l'art de guérir miraculeusement les gens, et il a été prouvé que +lorsqu'une dent fait beaucoup souffrir, si on l'arrache et qu'on la fixe +à la porte, la souffrance cesse très rapidement!... Quantité de mamans +amènent ici des enfants aux yeux malades, et leur pressent le visage +contre la porte. Les sceptiques feront bien de ne pas suivre cet +exemple, car ils risqueraient fort, en frottant leur épiderme à cet +endroit, d'attraper quelque chose de bien pire que ce qu'ils désirent +guérir. De temps à autre, un vieillard d'apparence extraordinaire et qui +est l'objet d'une grande vénération, vient s'asseoir devant la porte. +Aucun artiste du moyen âge n'habilla un Lazare de haillons plus +étranges. Son regard farouche et la lance qui arme son poing arrêtent +toute plaisanterie à son sujet. Je n'ai jamais pu approfondir quelle +relation existe entre ce vieillard et le mystérieux saint _El-Mitwelli_; +je m'y emploierai à nouveau... + +L'aquarelle ci-contre représente les deux minarets de El Muaiyad qui +s'élèvent si gracieusement au-dessus de cette porte de tragique mémoire. +Les maisons avoisinantes cachent la porte elle-même, qui a tenté les +crayons ou les pinceaux de bien des artistes. L'espace qui l'entoure est +trop restreint, et après tout il est peut-être préférable que le lieu +sinistre d'où s'élèvent ces ravissants minarets reste caché. + +[PLANCHE 7: LES DEUX MINARETS DE EL-MUAIYAD] + +Les deux minarets ressemblent beaucoup à celui d'El Azhar que j'ai +particulièrement décrit. Les sultans circassiens du XVe siècle étaient +très amateurs de cette ornementation; mais cette architecture n'a ni la +simplicité, ni la grandeur de celle du XIVe siècle, comme nous le +verrons du reste en la comparant avec les travaux plus anciens du sultan +Hasan. Les rues sont généralement si étroites qu'il est impossible +d'avoir une vue d'ensemble des mosquées. + +Il est assez curieux que El Mahmüdi Muaiyad ait choisi les tours de la +porte Zuwêleh comme base des minarets qui appartiennent à sa mosquée +mortuaire. Il est vrai qu'il fut pendant longtemps, dans cette tour +même, le prisonnier de ses sujets révoltés. C'était un homme très pieux +appartenant à la religion, alors orthodoxe, que Saladin avant lui avait +purgée de l'hérésie de Shîa. Il passait aussi pour être un homme +instruit, un poète, un orateur et un musicien. Sa façon de vivre et de +s'habiller était des plus simples. Il s'enveloppait d'une étoffe de +laine blanche ordinaire en signe de deuil, en raison de la peste qui +ravageait le pays. Il n'avait malheureusement aucune tolérance pour ceux +qui ne partageaient pas ses croyances, et les superbes monuments qu'il +éleva furent principalement payés avec l'argent qu'il arracha aux +chrétiens et aux juifs. Il renforça la loi qui obligeait les chrétiens +et les juifs à s'habiller autrement que les Mahométans. Les premiers +portaient une robe bleue et un turban noir, et les autres une robe jaune +et un turban également noir. Pour les distinguer encore plus des vrais +croyants, une lourde croix devait être suspendue au cou du chrétien et +une grosse boule noire au cou du juif. Bien que ces lois ne soient plus +en vigueur depuis de nombreuses années, je ne me rappelle pas avoir +jamais vu soit un chrétien, soit un juif, porter le turban blanc qui est +la couleur le plus généralement adoptée par les Mahométans. + +Suivons maintenant la rue située à gauche de la porte _Derb-el-Ahmar_, +d'où nous apercevons une dernière fois les minarets de El Muaiyad qui +dominent un groupe de vieilles maisons et montent avec grâce vers le +ciel. + +J'ai vu souvent ici un vieillard plié sous le poids d'un grand récipient +à eau attaché sur son dos; un tuyau en métal passe par-dessus son +épaule, et, en se penchant légèrement, il peut faire couler l'eau dans +une tasse qu'il tient à la main. Fréquemment un passant s'arrête et vide +la tasse, payant le vieillard d'un simple remerciement, ce qui paraît le +satisfaire, puisqu'il remplit de nouveau la tasse en fredonnant la +chanson qui me le fit d'abord remarquer. Mon guide s'étant, lui aussi, +désaltéré sans rien offrir en échange au pauvre vieux, je le plaisantai +à ce sujet, et je lui demandai de me traduire la chanson. Les paroles en +sont presque identiques au premier verset d'Isaïe et peuvent être +traduites par: «O vous tous qui avez soif, venez à cette fontaine; que +celui qui n'a pas d'argent vienne et boive; venez et buvez sans argent!» +Cette coutume date probablement d'une époque antérieure à Mahomet, et +peut-être de l'époque même d'Isaïe. Maintenant que les fontaines ont été +construites dans tous les quartiers de la ville, cette charmante coutume +disparaîtra sans doute, et ce sera dommage. + +Nous passons maintenant devant la petite mosquée de Ismâs-el-Ishâki, à +la bifurcation de deux rues, et, à droite, devant une ravissante +fontaine avec de très jolies tuiles et un plafond richement colorié. Une +autre mosquée à droite et nous arrivons enfin à la belle mosquée de +El-Merdani. + +Cette mosquée était dans un déplorable état de ruine lorsque je la +visitai pour la première fois, et, bien que d'une façon générale les +artistes prisent peu les bâtiments _remis à neuf_, je fus enchanté quand +j'appris que la Commission pour la préservation des monuments arabes en +avait entrepris la restauration. Celle-ci fut dirigée par Herz Bey et +exécutée d'une façon si admirable qu'il est maintenant possible +d'apprécier le degré de perfection que l'art sarrasin avait atteint +pendant la première moitié du XIVe siècle. Une bonne partie des +sculptures sur bois se trouvent dans des musées européens. + +Une petite rue étroite qui longe la Merdani nous conduit dans une artère +plus large, dont les maisons évoquent une aristocratie déchue. L'une +d'elles, avec un portail majestueux et de grandes _bay windows_ dont les +stores de bois sculpté sont brisés et raccommodés çà et là au moyen de +morceaux de caisses d'emballage, semblerait indiquer que son +propriétaire est complètement ruiné, à moins, au contraire, que ses +affaires ne soient si prospères qu'il ait pu se construire une autre +habitation dans le nouveau quartier d'Ismalieh en laissant son ancienne +demeure à la garde des rats et d'un vieil eunuque. J'ai souvent trouvé +dans ces vieilles maisons des cours fort intéressantes, mais il est +difficile d'en obtenir une bonne vue. La porte massive est souvent +ouverte, mais le passage qui conduit à l'intérieur de la cour fait +généralement un brusque coude au bout de quelques mètres, coupant ainsi +la perspective. + +C'est dans des cas semblables que mon fidèle guide se montrait +particulièrement utile. Si la maison se trouvait dans un cul-de-sac +désert et sans personne aux abords capable de nous donner des +renseignements, il pénétrait bravement. S'il revenait aussitôt, c'est +qu'il n'y avait rien de curieux à mon point de vue, car il avait une +idée très juste de ce que je recherchais. + +[PLANCHE 8: LE GARDIEN DU HAREM] + +Quelquefois il trouvait la maison complètement abandonnée ou le gardien +profondément endormi, et il revenait à pas de loup me faire signe de le +suivre. Lorsqu'il y avait vraiment quelque chose d'intéressant, il +entrait en pourparlers afin d'obtenir la permission d'installer mon +chevalet. Généralement, l'affaire était vite conclue, le gardien +acceptant avec joie un _shilling_ ou deux; mais d'autres fois, il était +nécessaire de s'adresser au propriétaire lui-même, et c'était alors une +question d'un ou de plusieurs jours. Si la maison était importante, la +grande difficulté venait du harem, surtout, oh! surtout si l'entrée que +je désirais peindre se trouvait être celle du _Département des Dames_. +Dans un certain cas, le maître du harem me déclara avec bonne humeur +qu'aucune de ses femmes ne penserait à bouger pendant les heures chaudes +de la journée, et que par conséquent je pouvais peindre jusqu'au moment +où ces dames désireraient prendre l'air. Du reste, cela l'amusa de me +voir peindre son eunuque dormant à poings fermés devant la porte du +harem. Cet eunuque, lorsqu'il se réveilla, déclara qu'il faisait trop +chaud en cet endroit et, pour le décider à y rester, il fallut que +Mohammed Brown tînt une ombrelle au-dessus de sa tête et protégeât ainsi +_son teint_! + +Les femmes avaient évidemment suivi toute la scène, cachées derrière +leur _meshrebiya_, car, lorsque l'eunuque eut rôti assez longtemps pour +me permettre de terminer son portrait, j'entendis des chuchotements et +des rires étouffés, et je fus bientôt prié d'envoyer mon tableau à ces +dames afin qu'elles pussent le voir. Or, ce tableau, qui n'avait +nullement la prétention d'être humoristique, les frappa comme tel et de +grands éclats de rire retentirent. L'eunuque réapparut bientôt, l'air +tout à fait penaud, et il fit ressortir avec amertume toutes les +indignités qu'il venait de souffrir par ma faute; mais un autre +_baksheesh_ eut vite fait de le consoler. + +La rue El-Merdani est courte et se termine au _Sûk-el-Sellâha_, le +marché des Armuriers. La tranquillité de la rue contraste avec le +vacarme des fabricants de fusils et le bruit des soufflets. De farouches +Bédouins et des Arabes de Syrie font réparer leurs longs fusils. De +vieilles espingoles, des lances et quelques fusils de chasse modernes +sont accrochés dans les magasins dont les planchers sont couverts de +morceaux de fer et de cuivre. Il y a peu à voir ici aujourd'hui, dans +cet endroit qui fut autrefois la grande fabrique d'armes des sultans. +Des maisons dont il ne reste que le rez-de-chaussée, une mosquée en +ruines et un minaret qui menace de s'écrouler chaque fois que le +_Muezzin_ y monte pour appeler les armuriers à la prière, complètent le +tableau. + +Le haut du marché touche à l'avenue Mohamet-Ali: nous terminerons ici +notre promenade. Un tramway qui descend nous offre le moyen le plus +rapide de parcourir les deux kilomètres et demi d'une rue sans intérêt +qui nous sépare du quartier européen. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE V_ + +LE VIEUX CAIRE + +LE PROGRÈS DESTRUCTEUR. || LE SPECTACLE DE LA RUE: LES FRUITIERS ET +LEURS ÉTALAGES AUX VIVES COULEURS. || LE COMPLET ANGLAIS DES PETITS +ÉCOLIERS. || LA MAISON DE CHEIK SADAAT. || L'ARCHITECTURE ARABE. + + +Si mes lecteurs veulent bien m'accompagner une fois encore dans une +visite aux vieux quartiers de la ville, nous prendrons de nouveau le +tramway à l'Ezbékîyeh et nous n'en descendrons qu'après avoir atteint la +moitié environ de la Sharia Mohamet Ali, c'est-à-dire près de la +_Bâb-el-Khalk_. Cette large avenue fut percée à travers la vieille ville +par le premier Khédive d'Égypte, dont elle porte le nom. Quantité de +bâtiments intéressants furent impitoyablement détruits pour permettre à +cette voie d'arriver jusqu'à la citadelle. Des cris d'indignation furent +poussés par tous les pieux Musulmans d'Égypte, lorsque des sanctuaires +sacrés, des mosquées, et autres édifices chers à leur foi, furent sans +respect jetés à terre. Mais Mohamet Ali était tout-puissant et n'était +pas homme à se laisser influencer par les scrupules religieux de son +peuple, comme il l'avait déjà fort bien démontré en saisissant les +_Wakfs_, ou revenus religieux, et en les employant pour ses besoins +personnels. Sans aucun doute il fit beaucoup pour son pays, mais il est +à regretter qu'il fût si Vandale dans toutes les questions d'art et de +bon goût. + +Le grand et nouvel édifice de style arabe qui se trouve à notre gauche, +est le Musée de l'Art arabe. Une grande partie de ce qui s'y trouve +provient des pillages faits par le sultan un peu partout dans la ville. +On y trouve également bon nombre d'objets pris dans des mosquées qui +sont encore debout: on aimerait voir ces objets restitués aux lieux d'où +ils ont été arrachés. La collection n'en est pas moins belle, et ceux +que l'art arabe intéresse pourront ici étudier cet art à coeur joie. + +S'il commence à faire trop chaud pour marcher longtemps, nous +pourrons louer des ânes et suivre Derb-el-Gamâmîz, une longue rue +dont les maisons situées du côté ouest sont bâties sur l'ancien canal +El-Khaliz, lequel a été comblé. C'est une voie importante qui, sous +des noms différents, traverse toute la ville, du nord au sud, +toujours parallèlement à la direction de l'ancien canal. Elle est plus +tranquille que les artères principales situées près de Khan-el-Khalîl, +et est plus éloignée des principaux bazars. Le matin, de bonne heure, +vous rencontrerez ici de longues files de chameaux chargés +d'approvisionnements, et des troupeaux de boeufs et de moutons qu'on +conduit aux différents marchés. En été, c'est un spectacle agréable à +l'oeil que celui des chameaux portant des melons et des gourdes dans +d'énormes paniers tressés à jour. + +Souvent le conducteur vend ses produits tout en marchant, tenant à la +main une grosse pastèque dont il coupe des tranches. Il s'arrête devant +chaque fruitier dans l'espoir de faire une affaire plus importante et +les pourparlers sont souvent si longs que l'artiste a le temps de +prendre un croquis des chameaux. Les fruitiers, soit ceux qui +établissent leurs comptoirs volants dans n'importe quel coin, soit les +magasins plus importants formant une brillante mosaïque aux délicieuses +couleurs avec leurs piles d'oranges, de pommes, de citrons, adossées à +de véritables murailles de melons et de pastèques; les fruitiers, +dis-je, semblent d'instinct trouver la teinte juste pour le papier et +les oripeaux dont ils entourent leur marchandise; et, un peu plus tard, +pendant l'été, de grandes branches de canne à sucre appuyées contre le +mur et remplissant les coins, viendront ajouter le vert gris de leurs +feuilles à toutes ces brillantes couleurs. + +Lorsque les circonstances nous obligent à passer au Caire les mois +chauds de l'été ou de l'automne, nous en sommes en quelque sorte +dédommagés par la beauté des rues, alors dans tout son éclat. La forme, +les couleurs et les ombres des tentes qui sont dressées à travers les +rues ou maintenues à l'aide de mâts au-dessus des magasins et des +comptoirs, ajoutent au pittoresque. Ces grandes toiles et ces nattes +admettent assez de jour pour donner une chaude lumière sans ombres trop +foncées. Les habitants aussi sont beaucoup plus pittoresques dans leurs +costumes d'été, car les vestons et les paletots européens ne sont portés +par-dessus les _gelabich_ que pendant l'hiver. Et puis, les touristes, +dont les costumes s'harmonisent si peu avec l'entourage oriental, ne +sont pas là non plus! Les enfants, à moitié nus, jouent sans contrainte +dans les rues et leurs aînés vont et viennent avec la dignité qui +sied si bien à un oriental. La vie en plein air est beaucoup plus active +ici que dans les pays du nord. Les marchandises sont déployées et +exposées sur les trottoirs mêmes, et les magasins à l'européenne +semblent avoir disparu. + +[PLANCHE 9: EL-GAMAMIZ, AU CAIRE] + +A un certain endroit de cette rue Derb-el-Gamâmîz, par une large porte +qui s'ouvre au-dessus de quelques marches, vous pouvez jeter un coup +d'oeil dans l'intérieur d'un monastère derviche. La grande cour pavée, +qu'embellissent des arbres et une jolie fontaine en tuiles, paraît bien +attrayante, surtout vue d'une rue chaude et poussiéreuse. Dans la rue +même, près d'ici, il y a quelques érables justifiant son nom de +_Gamâmîz_, et, juste en face, se trouve la porte de la Bibliothèque +Vice-Royale. Cette Bibliothèque a une très grande importance pour ceux +qui étudient les langues orientales, et les personnes qu'intéresse +simplement l'art du pays ne regretteront pas de la visiter, ne serait-ce +que pour admirer les exemplaires enluminés du Coran qu'on y conserve. On +accorde ici toutes les facilités possibles aux étudiants européens, ce +qui n'est pas toujours le cas dans les bibliothèques musulmanes, +lesquelles sont généralement consacrées exclusivement aux études de la +religion mahométane. + +Le Ministère de l'Instruction publique se trouve à côté. De toutes les +tâches dont l'Angleterre a pris la responsabilité en Égypte, il n'y en a +pas de plus difficile ou demandant plus de tact et de discrétion que +celle de la direction des études des jeunes musulmans. Lorsque les +Anglais vinrent occuper l'Égypte, l'instruction donnée dans les écoles +consistait, comme elle consiste encore presque entièrement du reste à +l'Université d'El-Azhar, à lire, à expliquer et à commenter des passages +du Coran. Il s'agissait d'apprendre par coeur, mécaniquement, sans que +les autres facultés fussent exercées. Raisonner était chose inconnue. A +présent, des professeurs diplômés des Universités d'Oxford et de +Cambridge enseignent aux enfants les mathématiques, l'histoire, la +géographie et les préparent d'une façon générale à se débrouiller plus +tard, au milieu des conditions déjà bien changées de leur pays. Certes, +tout cela est excellent, mais on ne s'arrête malheureusement pas là. +Bien à tort, on semble croire que _progrès_ signifie _européanisation_ +et que ces deux idées doivent avancer de front, de sorte qu'au lieu de +développer leur propre civilisation, on leur impose petit à petit une +civilisation étrangère. Pour ne citer qu'un exemple, il n'est permis à +aucun enfant de suivre les cours d'une école khédiviale dans son +gracieux costume national porté avant lui par ses pères. On l'oblige à y +aller habillé à l'européenne, veste et pantalon, et coiffé du ridicule +_tarbouche_ rouge. On se demande un peu quel effet moral ou quelle +influence au point de vue civilisation peut bien avoir un pantalon. Il +est vraiment regrettable qu'on ne permette pas à ces écoliers de porter +leur costume national. Une fois habitués à nos affreux vêtements, ils +continueront à les porter toute leur vie. Déjà, leurs vastes et belles +maisons, si bien comprises pour un climat chaud, disparaissent +rapidement et font place à des appartements trop petits. + +Nous suivrons cette rue un peu plus loin encore, jusqu'à ce que nous +rencontrions à gauche une jolie _sebîl_ (fontaine). Là, tournant encore +à gauche, nous nous trouvons en face de l'entrée d'une des écoles +khédiviales. L'aquarelle que j'ai faite de cette école fut peinte il y a +quelque dix ans, avant que la loi ridicule sur les vêtements ne fût en +vigueur. C'est un spectacle bien différent qui se présente aujourd'hui à +nos yeux quand les enfants sortent de l'école en courant. Des complets +faits à la douzaine en Europe remplacent le _gelabieh_ et la _tôb_ +flottante. Si étrange que cela puisse paraître, ce changement de costume +semble avoir affecté leurs manières aussi bien que leur apparence, car +leur tenue n'a pas plus de dignité que leur complet. D'autre part, les +robes qu'ils portaient autrefois étaient plus faciles à nettoyer que les +costumes d'aujourd'hui, et étaient par conséquent, au point de vue +sanitaire, bien préférables. La nouvelle mode est aussi beaucoup plus +coûteuse, et j'ai entendu bien des pauvres gens s'en plaindre amèrement. + +Faisons le tour de ce bâtiment et prenons le chemin qui conduit dans la +direction sud. Ici, des murs élevés entourent les jardins d'un pacha. +Nous longeons ces murs et nous passons encore devant une ou deux +mosquées plus ou moins importantes, chacune cependant ayant un caractère +bien personnel. Nous arrivons bientôt à la maison du cheik Sadaat, mais +le promeneur n'entrevoit de toutes les beautés de ce noble et vieux +palais que les fins grillages de bois qui cachent les fenêtres. J'avais +eu la bonne fortune d'être présenté au dernier descendant du cheik +Sadaat par un ami commun, et la maison me fut ouverte pour y peindre +tout ce que je désirais. Aucune autre maison du Caire ne rappelle aussi +vivement que celle-ci les tableaux de Lewis. Il y a dans la cour un +énorme saule sous lequel coule une fontaine, et dont les branches +viennent caresser les grillages artistiques des fenêtres. La mosquée +privée du Cheik se trouve à un bout de la cour, et l'entrée du grand +salon est à l'autre bout; au milieu, il y a une salle de réception où le +vieillard recevait généralement ses invités qu'il faisait asseoir sur la +partie surélevée du plancher et couverte de coussins, où lui-même était +étendu. + +[PLANCHE 10: UNE ÉCOLE KHÉDIVIALE] + +Je me rappelle que lors de ma première visite, la vue de ce vieux +Musulman habillé d'une robe de soie jaune, coiffé d'un énorme turban, +assis, les jambes croisées, sur un tapis de Perse, un coussin de soie +jaune derrière lui, et entouré des cercles de fumée qui s'échappaient de +son _chibouk_, m'émerveilla comme un superbe _tableau vivant_ d'après +une des oeuvres de Benjamin Constant. A cette époque, je ne savais pas +un mot d'arabe et c'était la première fois que j'étais présenté à un +prince oriental. Je n'ignorais pas que mon ami Choueri Tabet, qui +m'avait présenté, traduirait mes paroles de façon à les rendre le plus +possible agréables à notre hôte, mais, malgré cela, je me sentais mal à +l'aise et gêné par mes vêtements si pauvres et vulgaires comparés à la +superbe robe de soie du Cheik. Cette gêne ne fut heureusement que +momentanée. Un nègre apporta du café et des cigarettes, et mon ami +engagea une conversation animée avec notre hôte. + +Certaines plaisanteries firent tellement rire le vieillard qu'il se +tenait les côtes, mais craignant que je ne me sentisse encore plus +intimidé, il faisait un grand effort pour s'arrêter de rire et insistait +pour que mon ami me racontât l'histoire. Quand il était bien certain que +j'avais compris, il recommençait à rire jusqu'à ce que les larmes +couvrissent sa figure ridée. L'impression que me fit ce beau vieillard, +sa dignité personnelle et celle de tout ce qui l'entourait, fut si +grande que j'ai complètement oublié le sujet de ces plaisanteries. Sa +demeure était, pour travailler, un endroit unique et délicieux, et j'ose +espérer que si l'occasion se présentait, les héritiers du charmant Cheik +auraient la même amabilité et m'accorderaient le même privilège. + +L'architecture et l'arrangement de ces maisons se sont développés +suivant les besoins du climat et suivant les lois sociales et +religieuses du pays. Les architectes sarrasins se sont toujours efforcés +de construire des maisons où la vie serait supportable pendant les +chaleurs de l'été, et dans lesquelles le sexe faible aurait ses +quartiers spéciaux et privés. Le hall voûté, faisant face au nord, et +ouvrant sur une cour spacieuse, ne convient qu'à un climat chaud. Une +entrée séparée, pour le harem, avec ses pièces ouvrant sur un jardin ou +une cour privée, et la nécessité de bien masquer les fenêtres qui +ouvriraient sur la rue, sont des considérations dont un architecte n'a +pas à s'occuper dans nos pays du nord. Les grillages de bois, +_meshrebiya_, qui permettent de voir ce qui se passe dehors, tout en +étant soi-même invisible, sont employés aussi dans les appartements des +hommes pour tamiser les rayons du soleil, tout en permettant à l'air de +circuler. Si le Coran ne défend pas précisément la reproduction des +objets naturels comme base de l'art décoratif, il ne l'encourage pas. +Mais les croyants ont prouvé à quel point ils sont capables de décorer +leurs maisons d'une façon artistique, malgré ce désavantage. +L'étroitesse des rues permet de rendre visite à un voisin ou d'aller à +la mosquée, en restant à l'ombre, et les grandes cours et jardins +intérieurs assurent l'aération nécessaire des maisons. A mesure que les +gens riches abandonnent cette partie du Caire pour aller habiter les +nouveaux quartiers, les arrangements sanitaires y sont de plus en plus +négligés, ce qui, naturellement, tend à augmenter l'exode. En fait, je +crois que le seul moyen de sauver le vieux Caire d'une ruine complète +serait de le doter d'un système d'égouts modernes. + +Nous longeons maintenant le mur du jardin de Sadaat et, après un ou deux +coudes, nous arrivons à la mosquée Hasan Pacha. Bien que construite +trois siècles après que l'architecture arabe eut atteint sa perfection, +cet édifice n'en est pas moins très artistique. Son style n'est pas +comparable aux chefs-d'oeuvre des XIVe et XVe siècles, mais, +heureusement, le déclin de l'architecture arabe fut aussi lent que ses +progrès eux-mêmes l'avaient été. Je citerai ici une phrase heureuse de +Lane Poole, qui remarque dans son _Histoire de l'Égypte_: «Toute chose, +en Orient, change par degrés presque imperceptibles, et les roues du +Seigneur dans le Moulin Égyptien moulent avec la même lenteur que les +_sakiya_[3] criards des paysans». + + [3] Machines très primitives pour monter l'eau du Nil au niveau des + champs et des fermes. + +[PLANCHE 11: COUR INTÉRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE] + +L'entourage de cette mosquée ajoute considérablement à son pittoresque. +Chose rare au Caire, l'espace qui s'ouvre devant elle permet de s'en +éloigner suffisamment pour en voir l'ensemble extérieur, ainsi que la +petite école située au-dessus de la _Sebîl_ et un arbre qui paraît avoir +poussé là dans le seul but d'améliorer encore la composition. Le tout +est d'un ton riche et chaud. Les rangées alternées de pierres rouges et +de pierres jaunes, qui sans doute avaient l'air assez cru à l'époque où +Hasan Pacha fut enterré ici, se sont fondues ensemble, quant à la +couleur, d'une façon merveilleuse. Les siècles ont adouci les détails +trop appuyés, qui sont encore bien visibles en haut, quand le soleil de +midi fait ressortir leur dessin, mais à la base, près de l'entrée, ces +détails ont complètement disparu, usés par les fidèles sans nombre qui +ont passé sous la porte. La mosquée paraît en excellent état, et il faut +espérer qu'aucune restauration ne sera nécessaire d'ici à longtemps, +car, si bien que ces travaux soient exécutés, ils enlèvent toujours au +charme un peu de son authenticité. + +Au Caire, il n'est nullement nécessaire de se reporter à des siècles +éloignés pour trouver une belle architecture, car la plupart des +grandes maisons particulières furent bâties d'après les vieux plans +jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, et le très bel exemple de cette +architecture, la maison de Sadaat que j'ai décrite, ne date que de deux +cents ans. Il est difficile en Égypte de définir les époques, car il n'y +a jamais de brusques changements de style, comme, par exemple, la +Renaissance en Europe. Les édifices se ressemblèrent toujours à peu près +et suivirent les mêmes principes jusqu'à l'accession de Mahomet Ali, en +1805. A partir de cette époque, l'architecture arabe ne changea pas, +mais elle cessa subitement et complètement d'exister. Il serait +impossible, je crois, de trouver aujourd'hui un architecte natif du +Caire, ayant la moindre idée de l'art de construire comme l'entendaient +ses aïeux. Les quelques maisons bâties dans ce qu'on appelle le «style +arabe moderne» ont été construites par des architectes européens et ce +sont des chrétiens qui dirigent les travaux de restauration des vieux +monuments. Espérons qu'un jour l'Égyptien découvrira que l'architecture +de ses ancêtres était bien plus belle et bien mieux appropriée à son +climat et à ses besoins que les bâtiments sans nom et sans style qu'on +élève aujourd'hui dans les nouveaux quartiers, et qu'un nouveau Caire, +bâti sur les plans et dans le style de l'ancien, renaîtra, pour le plus +grand bonheur des fidèles de la Beauté. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE VI_ + +LA MOSQUÉE IBN-TULÛN + +UN LIEU HISTORIQUE ET LÉGENDAIRE. || UNE MERVEILLE ARCHITECTURALE. || UN +CORTÈGE PITTORESQUE. || MARIAGE A LA TURQUE. || LA MOSQUÉE ABANDONNÉE. +|| LE PUITS DE JOSEPH. + + +Continuant notre promenade dans la direction du sud, en suivant ce que +l'on pourrait appeler «le faubourg Saint-Germain» du vieux Caire, nous +passons devant la mosquée Ezbek-el-Yusefi. Puis, des rues désertes nous +conduisent enfin à la Sharia Tulûn. Les maisons ont de plus en plus +l'air abandonné, et cependant, çà et là, les admirables _mesrebiya_ des +«bay windows» et un portail magnifique nous rappellent que ce quartier +fut autrefois le plus riche et le plus aristocratique de la ville. Mais +voici l'entrée de la mosquée Ibn-Tulûn. On ne peut voir qu'une faible +partie de l'extérieur, car une quantité de maisons en ruines +l'entourent. Après avoir gravi quelques marches, nous passons sous une +arche assez élevée et nous nous trouvons dans la cour intérieure. Ce qui +frappe le plus, au premier abord, c'est l'étendue et la désolation de +cette mosquée; le silence est également saisissant. Pas le moindre son +de la vie extérieure ne parvient ici, et il semble que la poussière des +siècles passés amortisse le bruit des pas. + +Les histoires qu'on raconte au sujet de cette mosquée nous paraissent +moins légendaires, maintenant que nous nous sentons saisis par la magie +du lieu. Le plateau sur lequel nous nous trouvons fait partie de la +chaîne de montagnes _Yeshkur_ qui, depuis les temps les plus reculés, +jouit d'une grande réputation de sainteté. Ce serait ici, en effet, que +Moïse s'entretint avec Jéhovah, et, dit-on, les prières faites en cet +endroit auraient beaucoup plus de chance d'être exaucées que celles +faites ailleurs. Enfin, nous sommes tout près de Kalat-el-Kebsh (le +château du Bélier), où Abraham aurait sacrifié l'holocauste, à la grande +joie de son petit-fils Isaac. + +La façon dont fut obtenu l'argent nécessaire à la construction de cet +édifice touche également au miraculeux. Errant sur les collines +Mokattam, Ahmed Ibn-Tulûn découvrit d'immenses trésors cachés dans une +caverne qu'on appelait le _Four de Pharaon_. Il fit immédiatement le +voeu de dédier cette trouvaille à Allah et de construire une mosquée +assez vaste pour contenir toute la population de sa capitale. Quant à +l'emplacement, il semblait tout indiqué, ici même, en ce lieu sacré, à +l'extrémité du nouveau faubourg El-Kataî, qu'il dominait, loin de la +mosquée Asur et à proximité de son propre palais et des maisons des +Nobles. + +Il chargea les plus grands architectes de faire les plans, mais +immédiatement des difficultés s'élevèrent. Les architectes demandèrent +six cents colonnes qu'ils voulaient se procurer en démolissant des +temples ou des églises chrétiennes. Le grand Émir qui était un homme de +culture, un savant, bon et tolérant, s'y opposa. Cette difficulté fut +surmontée grâce à un plan soumis par un architecte copte qui était alors +prisonnier à El-Kataî. Il proposait qu'on substituât aux colonnes des +piliers de briques durcies au feu avec deux piliers de marbre de couleur +élevés de chaque côté du _Kibla_. Ibn Tulûn fut frappé par la grandeur +et l'originalité de ces nouveaux plans et le prisonnier chrétien fut +chargé de la construction. Cette superbe mosquée, vraiment digne du lieu +sacré sur lequel elle est élevée, fut commencée en 876 et terminée deux +ans plus tard. Elle a contribué plus qu'aucun des autres grands travaux +exécutés sous Ibn-Tulûn, à conserver le nom de celui-ci vivant dans la +mémoire de ses compatriotes. + +Le _Liwan_, ou cloître, qui se trouve du côté sud-est, où est également +la Niche (Kibla) qui regarde dans la direction de la Mecque, est formé +de cinq rangées d'arches (dont une a aujourd'hui disparu), tandis qu'une +double rangée s'aligne le long des trois autres côtés du carré. Le plan +général est celui de presque toutes les mosquées construites du IXe au +XVe siècle, mais un de ses traits caractéristiques est la présence, à +une époque aussi lointaine, de l'arête en pointe. Il y a une légère +courbe intérieure à l'endroit où elle s'élance du pilier, mais qui n'est +pas suffisamment accentuée pour rappeler l'arête mauresque en forme de +fer à cheval. Au coin des piliers, une demi-colonne est placée et sert +de chanfrein. Une arête plus petite remplit l'espace entre les plus +grandes, ce qui allège beaucoup l'effet général et a aussi l'avantage de +réduire le poids que les piliers ont à supporter. Un fort joli motif +court le long des arches et en haut des piliers, adoucissant la sévérité +de l'ensemble. + +[PLANCHE 12: UNE RUELLE DANS LE QUARTIER DE TULUN, AU CAIRE] + +Ces ornementations faites avec l'outil dans le plâtre alors qu'il était +encore humide, ont quelque chose d'étonnamment vivant qu'aucun moulage +selon les procédés ordinaires ne leur aurait donné. La magnifique chaire +de bois sculpté n'est plus, hélas! que le squelette de ce qu'elle fut. +L'endroit fut pendant si longtemps abandonné, sans gardien, que tout ce +qui était transportable fut volé, soit pour être vendu aux +collectionneurs, soit simplement pour faire du feu. Le _kibla_, entouré +d'une arche double supportée par deux paires de colonnes en marbre, est +richement embelli de mosaïques et de pierres précieuses. Ses proportions +sont très belles et c'est un véritable chef-d'oeuvre de couleurs. Les +vieux caractères kufics, copiés du texte sacré, sont très décoratifs. + +On jouit de délicieux points de vue et de charmantes perspectives en se +promenant à l'ombre de ce cloître, le long de la grande cour +ensoleillée. Une très curieuse tour en forme de tire-bouchon, et qu'on +ne peut guère appeler un minaret, s'élève au-dessus des murs dans le +coin nord-est. Il faut en faire l'ascension, car on a, de là-haut, une +vue merveilleuse sur le Caire: presque toute la vieille ville s'étend au +nord; de la masse des maisons s'élèvent partout d'innombrables dômes et +minarets; les uns sont isolés tandis que les autres semblent groupés. +S'il était donné à Ibn-Tulûn de contempler ce spectacle, il aurait +quelque étonnement: de son vivant rien de tout cela n'existait. A part +quelques tentes arabes, il n'y avait pas là une seule habitation et +l'oeil n'apercevait à gauche qu'une vaste solitude marécageuse, +submergée à l'époque du Haut Nil, et à droite le désert de sable. Loin, +loin à l'ouest, l'Émir verrait les Pyramides aussi peu changées que les +monts Mokattam à l'est, mais ce seraient là les deux seules choses qui +lui rappelleraient le pays sur lequel il régna il y a mille ans. +El-Kaluro n'existait pas alors. Tournant ses regards vers le sud, il +chercherait vainement El-Kataî, le faubourg Royal, parmi les tristes +masures actuellement debout. _El-Askar_ a disparu et, seules, les +collines de Babylone indiquent l'endroit où Anir éleva la puissante +«Ville des Tentes» ou Fostât. + +Pour nous, la vue la plus impressionnante est certainement celle de +cette grande mosquée abandonnée qui est là à nos pieds. La vénération +qu'inspirait ce lieu dut y attirer des milliers de fidèles; les +différentes tribus qui formaient l'armée de l'Émir et qui campaient +alentour, devaient remplir l'immense cour, lorsque quelque cheik +renommé venait y prêcher et enflammer leur enthousiasme guerrier. Ici, +Saladin, après avoir vaincu les Croisés, sera venu offrir des actions de +grâce à Allah et lui demander d'assurer définitivement le triomphe du +Croissant et l'humiliation de la Croix. Et cependant, la croyance que +les prières faites en ce lieu sacré seraient plus efficaces que celles +faites ailleurs, n'a pas assuré à cette mosquée une congrégation de +fidèles. L'Oriental, à l'imagination si vive, se figure facilement +qu'elle est hantée par des _Affrits_, et il croit sans doute plus +prudent d'aller prier dans un endroit un peu moins dilapidé et surtout +moins fréquenté par ces êtres désagréables. + +Suivant maintenant la _Sharia Tulûn_ sur un kilomètre environ, nous +apercevons la mosquée Mohamet Ali qui couronne la citadelle. On assiste +toujours à quelque chose d'intéressant quand on flâne dans ces rues: +tous les événements importants de la vie d'un Cairote se manifestent +autant dehors que dans les maisons. Ces petits drapeaux rouges que nous +voyons flotter au travers d'une étroite allée, annoncent un mariage ou +une naissance. Le bruit des hautbois et des tambours nous apprend que +c'est de ce dernier événement qu'il s'agit. Bientôt, une procession, +précédée des musiciens, apparaît dans la rue principale et s'avance +vers cette allée. Le fait qu'un jeune garçon porte l'enseigne d'un +barbier indique qu'on opérera en même temps une circoncision, car chez +les petites gens on célèbre plusieurs cérémonies à la fois afin de +restreindre les dépenses. Deux ou trois chameaux caparaçonnés de draps +d'or et rouges, avec quantité d'ornements suspendus à leur cou, portent +deux tambours, de véritables grosses caisses sur lesquelles le +conducteur perché, les jambes croisées, sur la bosse de sa monture, tape +vigoureusement. Plusieurs voitures suivent, bondées de petits garçons +habillés des couleurs les plus voyantes. Ce sont les amis de l'enfant +qui va faire connaissance avec le barbier, lequel ici, comme autrefois +en Europe, combine son métier de Figaro avec celui de chirurgien. + +S'il s'agit également d'un mariage, une dernière voiture ferme la marche +du cortège; elle contient la fiancée, que des rideaux ou des paravents +cachent jalousement. Quelquefois, on transporte la demoiselle à sa +nouvelle demeure sur une balançoire suspendue entre deux chameaux. +Lorsque les finances de la famille le permettent, une autre bande de +musiciens suit le cortège, mais le plus souvent l'arrière-garde est +composée de toutes les femmes, parentes et amies de la mariée qui, en +signe de joie, émettent un son aigu appelé _el gaharit_. C'est une +longue et dure journée pour la mariée, car, avant la cérémonie, une +procession semblable l'a déjà accompagnée au bain _Zeffet-el-Hammam_. On +exhibe enfin dans les rues tous les meubles de sa nouvelle demeure, sur +de curieux chars à deux roues, très longs et attelés d'un âne. + +Dans les classes plus élevées de la société, on adopte généralement pour +les mariages le cérémonial turc, et les fêtes et réjouissances se +passent beaucoup plus dans les maisons qu'au dehors, mais, quelle que +soit la position sociale du marié, il ne voit jamais les traits de celle +qu'il épouse avant que la cérémonie religieuse ait eu lieu. + +Ma femme et un de mes fils furent invités à un mariage dans le palais +d'un pacha où tout fut réglé «à la turque». Les principaux intéressés et +les membres des deux familles avaient passé la journée entière à +accomplir les importantes formalités, et la plupart des invités +n'arrivèrent qu'entre huit et neuf heures du soir. Ma femme et mon fils, +lequel était alors trop jeune pour que son sexe l'empêchât d'être +admis, furent conduits dans le harem, tandis que je dus rejoindre les +membres mâles de la famille et leurs nombreux amis dans la cour. Une +quantité de lanternes chinoises et de gais oripeaux égayaient la scène; +du café et des cigarettes étaient passés à la ronde, ainsi que des +sorbets et des boissons non alcoolisées, pendant que des musiciens +installés sur une grande plate-forme accompagnaient une Patti du pays. +L'enthousiasme de l'auditoire, qui augmentait avec chaque couplet, fut +vraiment pour moi la seule évidence que nous entendions une grande +chanteuse, et j'avoue que je ne fus pas fâché lorsqu'un domestique vint +m'annoncer que ma femme m'attendait pour rentrer à l'hôtel. Une +meilleure connaissance de la musique arabe me permet aujourd'hui de +mieux l'apprécier, mais pour s'extasier comme le faisaient mes +co-invités égyptiens, il fallait vraiment être du pays! + +J'étais curieux de savoir ce qui s'était passé dans le harem. «La +réunion des dames, me dit ma femme, y était très semblable à ce qu'elle +serait en Europe dans un cas semblable. En effet, le châle de soie noir +qui enveloppe leurs robes, et le _yashmak_ qui cache leurs traits quand +elles sont dehors, avaient été abandonnés.» Malheureusement, ma femme +ne connaissant personne et, ne comprenant pas l'arabe, se sentit plutôt +dépaysée. Mais nous fûmes dédommagés, elle et moi, de notre premier +désappointement par le grand événement de la soirée. Le marié, +accompagné de ses frères et de quelques amis, s'avança vers l'entrée du +harem, et tous cognèrent vigoureusement contre la porte. Lorsque +celle-ci s'ouvrit, le jeune homme, que le bonheur attendait enfin, dit +adieu à ses compagnons et pénétra seul. La mariée voilée l'attendait, et +là, en présence de ses parents à elle, il découvrit son visage et, pour +la première fois, put contempler les traits de celle qui était sa femme. +Les personnes présentes jugèrent alors discret de se retirer et les +voitures furent appelées. + +Arrivant au bout de la rue où nous avons eu la bonne fortune de +rencontrer la procession, nous traversons la Place Rumeleh et commençons +la montée de la rampe qui conduit à la citadelle. Quel merveilleux site +Mohamet Ali choisit là pour sa mosquée et sa tombe! Si l'on tient compte +de l'époque de la construction, le milieu du siècle dernier, il est +vraiment remarquable que l'extérieur soit en aussi bon état. Tout en +regrettant que l'architecte, au lieu de s'inspirer des grandioses +monuments que cette mosquée domine, ait copié une mosquée de +Constantinople, nous devons nous estimer heureux qu'il n'ait pas été +chercher son modèle à Paris ou à Londres! La Madeleine, si admirable à +Paris, eût été ici aussi déplacée que l'est cette «imitation d'un +boulevard parisien», la Sharia Mohamet Ali, qui conduit à la mosquée. +Les touristes sont toujours amenés ici, même s'ils n'ont qu'une seule +journée à passer au Caire, et la plupart semblent vraiment s'intéresser +au prix que coûta le marbre employé à l'intérieur, ou les lustres dignes +d'une salle de bal, qui sont suspendus au dôme. Contentons-nous +aujourd'hui de jeter un coup d'oeil sur l'extérieur et d'admirer la vue +alentour: de ce nouvel observatoire, nous pouvons contempler un nouveau +groupement des dômes et des minarets qui se détachent brillamment +au-dessus de la masse jaunâtre des maisons. Nous pouvons suivre des yeux +le Nil, depuis l'horizon lointain, au sud, jusqu'au point où il se perd +dans le Delta formé depuis des siècles sans nombre par un limon fertile. +La bande verte qui, de chaque côté, court parallèlement à la rive, +s'élargit ou se resserre, marquant le terrain couvert pendant +l'inondation par les eaux qui lui donnent la vie. Nous voyons de +nouveau les Pyramides qui se détachent au-dessus des monticules du +désert de Libie, et nous nous promettons de revenir ici, un soir, quand +le soleil sera moins haut, pour voir cet astre splendide disparaître à +l'ouest. + +[PLANCHE 13: UNE RUE PRÈS DE LA CITADELLE, AU CAIRE] + +La mosquée abandonnée, Gamia Ibn Kâlâun, est cachée par sa voisine plus +moderne et plus prospère. Dernièrement encore, elle servait de dépôt +militaire et avant cela de prison. Le dôme s'est écroulé et les beaux +marbres de couleur qui ornaient l'intérieur ont disparu. Cependant, ce +qui reste montre qu'elle fut digne du grand Sultan Mamelouk qui la fit +élever. Le palais d'El-Nasir qui s'élevait autrefois à côté, avec son +fameux «Hall des Colonnes», fut détruit pour faire place à la mosquée de +Mohamet Ali. + +A peu de distance dans la direction sud-est, nous trouvons le puits de +Joseph, «Bir Yûsuf». La tradition veut que Joseph ait été jeté dans +cette fosse par ses frères, et bien que la tradition se trompe de +quelque 500 kilomètres, l'histoire n'en est pas moins fermement acceptée +par beaucoup de gens, et les guides la répètent avec solennité aux +touristes. Si ce puits n'a en réalité rien de commun avec le Joseph de +l'Histoire Sainte, il est, d'autre part, intéressant d'apprendre qu'il +doit son nom à «Salâhedden-Yûsuf», le Saladin des croisades, lequel, au +XIIe siècle, construisit la citadelle. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE VII_ + +LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN + +LE PLUS BEAU MONUMENT DU CAIRE. || L'EXODE DES LAMPADAIRES. || LE +SUPPLICE D'UN ARCHITECTE TROP GÉNIAL. || ENTERREMENTS ET PLEUREUSES DE +PROFESSION. || LA MOSQUÉE BLEUE. + + +Dirigeons-nous à présent vers la mosquée au dôme gris qui s'élève de +l'autre côté de la place. C'est là non seulement le plus beau monument +du Caire, mais le spécimen le plus parfait qui existe de l'art sarrasin. +Elle fut construite sous le Sultan Hasan, en 1356, pour servir de +_Medreseh_ ou _Collège de Théologie_, mais elle est devenue depuis une +mosquée de congrégation. Nous avons déjà vu une belle mosquée, celle de +Ibn-Tulûn, construite dans le but de recevoir une nombreuse congrégation +dans sa vaste cour intérieure. Les _medresehs_ étant construites à +l'intention des étudiants, il n'était pas nécessaire de sacrifier tant +de place aux fidèles, mais il fallait avant tout considérer les besoins +des professeurs et conférenciers et songer au logement des élèves. Le +dôme, bien plus important ici que dans les autres mosquées du Caire, +n'appartient pas à la mosquée elle-même: il recouvre une tombe. Il y a +au Caire beaucoup de monuments religieux servant de dernière demeure à +leur fondateur, et l'on a pris à tort l'habitude de considérer ces +mausolées recouverts d'un dôme comme faisant partie d'une mosquée. + +Le plan en forme de croix de la mosquée du Sultan Hasan n'est pas +visible de l'extérieur, les angles étant occupés par des constructions +qui renferment les divers appartements d'un collège. Le grand mur qui +longe la rue n'est percé çà et là que pour éclairer ces appartements. La +simplicité de cette façade fait ressortir la beauté de la corniche qui +court tout le long du bâtiment. L'ornementation en forme de stalactites +coupe les lignes horizontales à la projection de chaque assise de +pierres, et la nudité du mur sous la corniche est embellie par les +ombres que celle-ci projette. A midi, ces ombres s'étendent sur presque +toute la surface du mur jusqu'à l'angle où celui-ci est exposé plus +directement au soleil. Ici, les ombres s'arrêtent brusquement comme si +elles craignaient de violer le contour du magnifique portail sous +lequel nous allons pénétrer. + +Après avoir monté quelques marches, nous nous trouvons sur le palier +d'où cette immense niche s'élève à 22 mètres au-dessus de notre tête. +L'arche en forme de voûte semi-sphérique se dresse en 12 rangées de +pendentifs; de délicates petites colonnes arrondissent les angles près +de la base, ainsi que les niches cintrées qui se font face de chaque +côté de la porte. Un cadre de ravissantes arabesques, des panneaux et +des médaillons décorés de dessins géométriques finement taillés, ornent +cette porte majestueuse. + +Ayant franchi un vestibule voûté, puis deux passages, nous arrivons à +une porte où le gardien nous remet des pantoufles, afin que nos bottines +ne souillent pas les planchers, et nous pénétrons dans le _Salin_, ou +cour intérieure. Incontestablement, ce qui impressionne le plus, ce sont +les quatre arches colossales qui séparent cette cour du transept; elles +donnent une impression de grandeur bien supérieure à ce que l'ensemble +est réellement. Selon l'habitude, la fontaine pour les ablutions se +trouve au centre de la cour, et il y a ici une autre fontaine plus +petite, pour l'eau potable. Le _liwan_ ou sanctuaire est un peu +surélevé et couvert de nattes et de tapis à prières. La _dikka_ ou +chaire, d'où le Coran est lu, est en pierre et repose sur de gracieuses +colonnes. La _Mihrab_ ou _Kibla_, niche sacrée, est à l'extrémité du +bâtiment, tournée vers la Mecque, et à côté du pupitre de pierre. + +J'eus la bonne fortune de pouvoir peindre le sanctuaire (tel qu'il est +reproduit ici) avant que les travaux de restauration ne fussent +commencés. Je ne doute pas que ces travaux ne soient accomplis +d'excellente façon, mais il faudra quelques années pour que le neuf +s'harmonise avec l'ancien. + +Dix ans plus tard, je fus empêché de peindre de nouveau dans cette +mosquée par les échafaudages et le bruit que faisaient les ouvriers. De +grands morceaux de la fresque, légère comme une toile d'araignée, avec +ses inscriptions kufiques, jonchaient le sol en compagnie des pierres +moulées et coloriées qui devaient être nettoyées et retaillées avant +d'être cimentées à leur place, travail nécessaire sans aucun doute, et +d'ailleurs dirigé d'une façon fort habile. Puisqu'on en est là, il +serait à souhaiter qu'on fît un peu plus encore et qu'on remît en place +les magnifiques lampadaires de bronze qui, à différentes époques, ont +été enlevés de là. Quelques-uns, et des plus beaux, sont actuellement +au Musée arabe, mais ils seraient beaucoup plus à leur place ici. +L'argument si souvent employé que les objets de valeur courent le risque +d'être volés dans les mosquées, ne saurait s'appliquer à des objets +d'art pesant plus de 1 000 kilogrammes! Quelques-uns de ces lampadaires +qui sont catalogués dans les musées, ont été remplacés dans les mosquées +par des lampes qui feraient honte à un cirque de saltimbanques! + +[PLANCHE 14: LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN] + +Une porte qui ouvre à gauche de la _Kibla_ conduit au mausolée du Sultan +Hasan, au milieu duquel se trouve son sarcophage. Le dôme qui, du +dehors, est le trait saillant de l'ensemble, forme la voûte sépulcrale. + +Ce fut un monarque vraiment indigne que ce Sultan qui dort dans ce +majestueux tombeau. Nous lui pardonnons beaucoup en considération de ce +merveilleux monument, mais nous ne pouvons oublier l'effroyable manière +dont il récompensa le génie qui en fit les plans. Craignant que +quelqu'un d'autre n'employât son architecte et ne lui fît construire un +monument qui éclipserait celui-ci, il n'hésita pas à lui faire couper la +main! + +Malgré l'époque orageuse à laquelle il vécut, ce cruel Sultan réussit à +consacrer beaucoup de temps et d'argent à la construction de mosquées, +de collèges et de couvents. Au Caire seulement, on en compte dix-neuf +qu'il fit élever pendant les dix années de son règne--record +extraordinaire pour un tyran cruel et débauché. Il est probable que +beaucoup de ses sujets se réjouirent lorsqu'il mourut de mort violente, +lui qui s'était servi de la violence pour faucher tant d'existences! +Quelques jours avant qu'il fût assassiné, un des minarets s'écroula, +écrasant 300 enfants qui jouaient dessous. Il ne reste plus qu'un seul +minaret, des trois construits à cette époque. En 1660, le grand dôme +s'effondra et fut remplacé par celui qui existe aujourd'hui. + +Pendant les règnes difficiles des derniers successeurs d'Hasan, des +canons furent fréquemment montés sur le toit en terrasse de la mosquée. +En temps de paix, au contraire, on raconte qu'une corde était tendue de +l'un des minarets au bastion de la citadelle, et que le Blondin de +l'époque y donnait des représentations pour la plus grande joie de la +population. + +En face de la mosquée du Sultan Hasan, s'élève la mosquée inachevée, +Refâiyeh, du nom d'une secte de derviches. Elle renferme le caveau de la +famille d'Ismael Pacha. + +[PLANCHE 15: LA TOMBE-MOSQUÉE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE] + +Retournons vers l'entrée de la citadelle et descendons la +Sharia-el-Magar. Une petite mosquée abandonnée, au dôme cannelé, nichée +entre ses minarets, offre au regard un tableau charmant. Un peu plus +bas, une vieille maison s'est suffisamment écroulée pour laisser +entrevoir une _mosquée-tombeau_, de peu d'importance, mais tout à fait +gracieuse, avec un minaret dont deux étages n'existent plus. C'est une +composition attrayante, et l'ombre d'un portail à bonne distance invite +l'artiste à s'asseoir et à prendre ses pinceaux. + +C'est un coin riant, plein de clarté et de gaieté, bien que, vu la +proximité d'un grand cimetière, pas une matinée ne s'écoule sans que de +nombreuses processions funéraires ne remontent la rue. Ces processions +sont généralement précédées par un certain nombre de mendiants, souvent +des aveugles, qui, tristement, chantent leur profession de foi: «_La +ilâha ill allâh wu Muhammed rasul allâh_»; ces pauvres gens sont suivis +par les parents mâles du mort, des derviches portant des bannières, des +jeunes garçons chantant de leur voix grêle des versets du Coran, et +enfin du Coran lui-même porté sur un plateau couvert d'un morceau +d'étoffe de couleur. Le cercueil ouvert vient ensuite, porté par les +amis du défunt. A la tête du cercueil qui est toujours à l'avant, il y +a, si c'est un homme qu'on enterre, un turban posé sur un support de +bois. Les femmes ferment la marche, les parents du défunt ayant +généralement une bande de mousseline bleue autour de la tête. Souvent +aussi elles agitent un morceau d'étoffe bleue, et le bruit des sanglots +des unes est étouffé par les lamentations des autres. Souvent aussi des +_pleureuses de profession_ sont employées et les gémissements étranges +qu'elles poussent sont très émouvants, quand on ne sait pas que c'est _à +tant par heure_. Cette habitude est du reste contraire à la Loi du +Prophète, mais elle date d'une époque tellement reculée que les +interdictions n'ont sur elle aucun effet. Les hommes ne portent aucun +signe de deuil, arguant qu'il serait injuste et égoïste de plaindre un +être qui est mort dans la Foi et qui est bien plus heureux au ciel que +sur la terre. Cette raison est logique, mais elle ne touche évidemment +pas les femmes qui rivalisent entre elles à qui exprimera le plus +bruyamment son chagrin. Il est également difficile de concilier avec cet +argument la présence des _pleureuses de profession_, payées par les +hommes. + +Je demandai là-dessus une explication au fidèle Mohammed. Il me répondit +que c'était très mal de la part des femmes et que certainement le feu +de l'enfer les punirait. Après quoi, il haussa les épaules d'une façon +qui indiquait l'inutilité de lutter contre de vieilles traditions +_maalesh_. Quant aux _pleureuses_, elles font là un piètre métier: +passer sa vie à hurler en ce monde pour quelques centimes, avec la +perspective d'être horriblement punie dans l'autre, doit manquer de +charme! En tout cas, l'ancienneté de cette coutume est prouvée par +certaines peintures sur les murs des tombeaux à Thèbes. + +Pendant le temps que je passai à peindre sous cette porte, j'eus +l'occasion de voir les funérailles de plusieurs Saints réputés, et le +silence religieux n'était alors interrompu de temps en temps que par des +voix qui murmuraient doucement les versets du Coran. + +A gauche de mon aquarelle, s'élève le minaret de la mosquée Aksunkur, +laquelle vaut vraiment la peine d'être visitée. Elle fut construite par +un des fils de El-Nasir, vers le milieu du XIVe siècle, et fut restaurée +trois cents ans plus tard par Ibrâhîm Agha. C'est du reste le nom de +celui-ci qu'elle porte aujourd'hui. On l'appelle quelquefois aussi la +_Mosquée Bleue_, en raison de la couleur des tuiles dont Ibrâhîm se +servit pour la décoration intérieure, et qui, par leur beauté, attirent +bien des artistes. On ne se lasse pas, en effet, d'admirer cette +merveilleuse teinte bleue, qui, sous le jeu du soleil, tire tantôt sur +le vert et tantôt sur le violet. + +Le sanctuaire de toute mosquée est placé au sud-est, c'est-à-dire face à +la Mecque, et est éclairé dans le sens opposé par une galerie à +colonnade. Par conséquent, les rayons du soleil n'y pénètrent que tard, +alors qu'ils ont perdu de leur force, à l'exception quelquefois d'une +petite raie lumineuse qui, se glissant à travers les vitraux d'une +fenêtre, vient caresser une colonne et lui donner les couleurs des +petits morceaux de verre qu'elle traverse. Il fait donc ici beaucoup +plus frais que dans la cour brûlée par le soleil. On peut se dispenser +de recouvrir ses bottines des pantoufles que le gardien vous offre, en +entrant pieds nus, ce qui est fort agréable; et, à cette distance de la +rue, on peut également et avec joie quitter sa veste et son gilet. + +Il est préférable de ne pas travailler dans le sanctuaire au moment de +la prière, mais on trouve alors un charmant sujet dans les palmiers qui +jettent leur ombre sur le dôme de la fontaine, et la pièce aux tuiles +bleues, où se trouve le sarcophage d'Absunkur, est un des endroits +les plus pittoresques du Caire. + +[PLANCHE 16: L'INTÉRIEUR DE LA MOSQUÉE BLEUE, AU CAIRE] + +Après le _Sala_, nous pouvons retourner au sanctuaire pendant que les +fidèles remettent leurs pantoufles. Excepté le vendredi, il ne semble +pas y avoir de services réguliers. Les hommes sont en ligne devant la +_Kibla_ et se prosternent, tout en récitant certains versets du Coran. +Les femmes ne viennent jamais à ces prières, ce qui explique sans doute +l'idée fausse entretenue en Europe que les Mahométans ne reconnaissent +pas d'âme aux femmes. Un Musulman, après avoir assisté à nos services +religieux, dont souvent tout le public est féminin, pourrait alors tout +aussi justement prétendre que chez nous les femmes seules ont une âme. +Les relations sociales entre hommes et femmes obligent ces dernières à +dire leurs prières à part, mais elles sont tenues d'observer également +le jeûne du Ramadan, et il serait bien injuste qu'elles ne dussent pas, +elles aussi, être un jour récompensées!... Si sévère est ce jeûne +qu'elles ne peuvent s'y soustraire que lorsqu'elles nourrissent un +enfant, et encore faut-il, dans ce cas, qu'elles fassent un jeûne +équivalent dès que l'enfant est sevré. De temps à autre, une femme se +glissera dans une mosquée après le départ des hommes, pour visiter le +sanctuaire d'un Saint préféré, et tel Saint à qui l'on prête une +puissance merveilleuse pour rendre les femmes fécondes est très honoré. + +La rue où se trouve cette mosquée est particulièrement intéressante, non +qu'il y ait là des monuments remarquables, mais parce qu'elle n'a pas +tant souffert que d'autres de l'influence européenne. Lorsque nous +arrivons à la mosquée El Merdani, nous nous retrouvons dans un quartier +qui nous est familier et nous apercevons de nouveau les beaux minarets +de Muaiyad. Laissant à droite la porte _Bab Zuwêlêh_, après nous être +assurés d'un rapide coup d'oeil que le vieux Saint en haillons et sa +lance y sont toujours, nous voyons à notre gauche une petite mosquée +sans prétention dont l'entrée est au faîte d'un escalier. Je dis +_mosquée_, parce que c'est l'habitude de donner ce nom à tout édifice +qui se rattache au culte musulman, mais je n'ai jamais pu découvrir à +quoi servait le monument en question ici. A l'intérieur, nous traversons +un petit cloître et quelques marches nous conduisent à une cour +ravissante. Deux des côtés sont couverts de tuiles et au centre s'élève +une jolie _Kibla_, niche à prière, le seul signe qui nous indique que +nous sommes dans une enceinte religieuse. Des arbres et le derrière des +maisons du Bazar des Tentes s'élèvent au fond, et des femmes voilées +entrent, sortent, disparaissent derrière la niche. + +Pendant que je travaillais, le fidèle Mohammed Brown m'informa qu'un +Saint était enterré dans cet endroit et que les femmes allaient dire +leurs prières auprès de son sanctuaire, mais je ne pus rien apprendre de +plus. J'aurais peut-être trouvé un charmant sujet derrière ces tuiles, +mais je craignis qu'il fût indiscret de pousser mes recherches +jusque-là. Aucun guide, aucun ouvrage sur l'architecture arabe ne parle +de ce délicieux endroit. + +D'ici, il nous est aisé de rejoindre l'avenue Mohamet Ali, près du musée +arabe, et de retourner au coeur du quartier européen. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE VIII_ + +AU HASARD DES RUES + +LE QUARTIER JUIF. || LE MURISTAN DE KALAUN. || LE DÉPEÇAGE D'UN CHAMEAU +VIVANT. || DEUX PORTES MONUMENTALES DU XIe SIÈCLE. || GUIGNOL ÉGYPTIEN. +|| AUTOUR D'UN CIMETIÈRE. + + +Partant du Rond-Point, sur le _Muski_, vers l'endroit où cette rue est +traversée par le Khalîg, un chemin, à gauche, nous mène au +Derb-el-Jehûdûpeh, qui est la rue principale du quartier juif. Quoique +non confinée dans le Ghetto, la même race habite pourtant encore cette +partie du Caire. L'apparence des maisons et de leurs habitants ne +diffère que peu de celle des quartiers arabes. On rencontre quelques +hommes en vêtements européens, mais ils ne sont là sans doute que pour +affaires et demeurent dans les quartiers plus modernes. Les femmes +juives ont cessé de voiler leur visage, maintenant que le Musulman est +accoutumé à voir les dames _Firangi_, et que cette infraction choque +par conséquent moins ses sentiments; mais il y a peu d'années encore, +toutes les femmes coptes et juives portaient le _yashmeh_, non point +tant pour satisfaire à une obligation religieuse, que comme un moyen de +protection contre l'indiscrétion des hommes. On trouve plus de traces du +sang sémite dans le Cairote que dans le _fellah_; mais ce n'est que par +d'infimes détails de l'habillement qu'on peut distinguer le juif du +Musulman. + +L'arabe--langue commune à tous deux--étant assez rapproché de l'hébreu, +est parlé avec le même accent; pourtant, quelque légère que soit la +différence, l'Arabe sait toujours reconnaître le _Ychûdî_, même lorsque +ce dernier a embrassé la religion musulmane. + +Le quartier juif s'étend derrière le bazar du Nahâssîn, où nous +pénétrâmes en une autre occasion. Nous le laissons à notre droite et +nous entrons dans une cour en ruines du Mûristan de Kalâûn. Par une +circonstance bizarre, un dispensaire moderne y a été installé, et les +malades, en attendant que le docteur indigène puisse leur prodiguer ses +soins, se souviennent peut-être du temps où ce Mûristan était le grand +hôpital du Caire. Saladin devança la grande oeuvre du sultan Kalâûn de +plus d'un siècle. L'Hispano-Arabe, Ibn Yubeyr, qui visita le Caire au +XIIe siècle, a fait de son voyage un récit détaillé, et dans +l'excellente traduction de M. Guy Le Strange, nous lisons que Saladin +«fut poussé à l'oeuvre méritoire, uniquement par l'espoir de la grâce de +Dieu et d'une récompense dans le monde à venir.» + +[PLANCHE 17: LA TOMBE DE IBRAHIM-AGA] + +«Ce grand palais, spacieux et magnifique», pour citer une fois de plus +l'Espagnol, ne survécut pas de beaucoup au bon Sultan, car tout ce que +nous voyons du bâtiment présent, fut érigé par Kalâûn durant le siècle +suivant. Certaines parties en sont en ruines, mais on retrouve encore +les traces des salles distinctes, affectées aux maladies alors connues. +Un large corridor conduit au portail imposant qui fait face au Bazar des +Cuivres. A gauche de ce corridor, vous entrez dans le vestibule du +tombeau du fondateur. Ce vestibule et la chambre du tombeau sont en ce +moment entre les mains des ouvriers occupés à les restaurer. La +simplicité du vestibule, avec sa haute arcade de bois vert, est aussi +tentante à peindre que la sombre richesse du grand mausolée. Des groupes +d'étudiants s'attardent dans le vestibule, accroupis sur les nattes, +écoutant quelque _ulama_ qui explique des textes du Coran. Près du +tombeau, quelques vêtements de Kalâûn sont suspendus. On leur attribue +un miraculeux pouvoir de guérison, et bien des malades essaient la cure +avant d'avoir recours au _hakim_ à demi _firangi_, qui est chargé du +moderne dispensaire de la grande cour. La niche de prières est peut-être +la plus belle du Caire; elle était en presque parfait état de +conservation lorsque j'essayai de la peindre il y a quelques années. +Espérons que les ouvriers cesseront bientôt de troubler la solennité de +ce lieu. + +Le Mûristan de Kalâûn est le monument le plus important de la seconde +moitié du XIIIe siècle; on tient naturellement à le conserver en parfait +état, et l'intelligence dont Herz Bey a fait preuve dans tous les +travaux à lui confiés nous fait espérer qu'on accomplira ici une oeuvre +de préservation, plutôt qu'un travail de restauration. + +Passant sous le portail de marbre blanc et noir, nous suivons le +Nahâssîn, jusqu'à ce que nous arrivions au Sebîl d'Abder-Rahmân, après +avoir laissé à notre gauche les belles tombes-mosquées de Bâb-el-Nasr et +Barkûh. Ici, nous avons de nouveau toute la perspective de cette rue +enchanteresse, avant de descendre par les prés étroits qui conduisent au +Gamâlîyeh. Un chameau chargé de _tumbâh_ (tabac fort qu'on fume dans +les nargîlehs) peut si bien obstruer le chemin, que, si vous n'êtes pas +capable de passer sous les paniers, vous n'avez plus qu'à vous blottir +sous quelque porte et attendre que l'animal ait disparu. Deux ou trois +grands _khâns_ de ces rues étroites m'ont l'air de réaliser de mauvaises +affaires, car la cigarette remplace le nargîleh, et le _tumbâkiyeh_ +semble tombé en désuétude, le métier étant poussé vers d'autres voies. + +La rue principale dans laquelle nous nous trouvons à présent est aussi +animée et vivante que le Nahâssîn, mais de plus pauvre aspect. Ses +magasins semblent moins prospères, les robes soyeuses des marchands +riches y font place aux _gabahrehs_ de coton bleu, et la distinction +bourgeoise de la rue que nous venons de quitter devient ici un désordre +presque sauvage, mais artistique. A un angle de la route, l'entrée d'un +spacieux _khân_ offre la place rêvée pour faire une esquisse, tandis que +deux bancs de pierre, de chaque côté de l'entrée, semblent avoir été +disposés là tout exprès pour supporter le bagage d'un artiste, et cela +explique peut-être les nombreux croquis de ce Gamâlieh pris de ce même +endroit. On est un peu au-dessus de la foule, et l'angle de la muraille +vous protège contre le flot de curieux toujours montant. Enfin pendant +que l'on peint cette rue avec, au centre, la mosquée de Bîbars, on peut, +de ce coin, faire d'intéressantes silhouettes de passants. + +Je fus témoin d'un curieux fait lors de ma dernière visite à cet +endroit. Un homme conduisant un chameau, appelait chaque boutiquier sur +son passage. L'animal n'étant point chargé, je ne pouvais comprendre le +manège de l'homme. De temps à autre, quelque marchand semblait +s'intéresser à la bête, tâtait sa bosse ou son cou; alors seulement je +compris que le chameau était à vendre, mais quand il passa auprès de +moi, je découvris de plus que la bête était vendue au morceau et que +chaque morceau était marqué à la craie. Quelle était la différence de +prix entre une livre de cuisse et une livre de bosse?... Je ne le sus +point, mais écoeuré par cette sorte de dépeçage d'un être encore vivant, +je résolus de devenir végétarien,..... résolution que j'observe +strictement en dehors de mes repas. + +Comme nous suivons le Gamâlîyeh, les signes de décadence deviennent de +plus en plus visibles. De belles vieilles maisons sont habitées par des +mendiants, les _meshrebiya_ tombent en lambeaux et sont même souvent +remplacées par des rideaux en toile de sac, là où un boutiquier a des +marchandises valant encore la peine d'être protégées contre le soleil. +Les maisons des petites rues sont de simples ruines, et l'on a peine à +comprendre la prospérité croissante de l'Égypte, lorsqu'on assiste à +cette décadence des bâtiments et des êtres dans une si grande partie du +Caire. + +[PLANCHE 18: EL-GAMALYEH, AU CAIRE] + +Le Gamâlîyeh se termine à Bâb-el-Nasr, ou Porte de la Victoire, qui, +ainsi que Bâb-el-Futûh, ou Porte de la Capture, fut érigée durant la +seconde moitié du XIe siècle, par le fameux vizir Bedr-el-Yamali. La +mosquée de Hâhim, d'un siècle plus récente, remplit presque l'espace +compris entre ces deux portes. Napoléon, se rendant compte de l'avantage +de cette position, y fit camper une partie de ses troupes, en 1799. + +Ces deux portes, ainsi que le Bab-Zuwêleh, ont intrigué nombre +d'archéologues. Leur style n'est point sarrasin: M. Van Berchem, qui +étudia tout spécialement la vieille enceinte de la ville, attribue ces +édifices aux Templiers; mais la première croisade n'ayant eu lieu que +dix ans après l'érection de ces portes, l'influence des Croisés semble +douteuse. Van Berchem découvrit des marques conventionnelles d'artistes +grecs, qui expliquent quelque peu l'apparence byzantine des portes, et +le vizir Bedr étant Arménien, il est fort probable qu'il chercha des +architectes parmi ses compatriotes. Ces portes nous intéressent +davantage au point de vue pictural, mais il est difficile de rendre +d'une façon satisfaisante leur beauté majestueuse. + +La mosquée en ruine d'El Hâhim, qui occupe tout l'angle du rempart, +entre les deux portes, est moins remarquable que celle d'Ibn Tulûn, à +laquelle elle ressemble d'ailleurs; mais elle offre un sujet de tableau +plus pittoresque grâce à une grande cour qui, avec ses tentes de +Bédouins et ses chameaux, complète la note orientale. Le nom d'El Hâhim +augmente l'intérêt du lieu. Je suis tenté de reproduire ici ce que +Stanley Lane Poole dit au sujet de l'extraordinaire Calife dans son +_Histoire du Caire_, mais ce charmant livre étant à la portée de tous, +le mieux est de le recommander chaudement à mes lecteurs. + +Dans un espace vide, voisin du Bâb-el-Nasr et d'un grand cimetière +mahométan, on peut souvent contempler les ébats de _Karakush_, lequel +correspond à notre Guignol. Sa troupe se compose généralement d'un +homme, d'un petit garçon, d'un chien et d'un singe. L'usage généreux +d'un gourdin maintient la foule à la limite jugée nécessaire aux +évolutions des artistes. Les plaisanteries, qui datent probablement du +temps où l'Islamisme envahit l'Égypte, ne perdent rien de leur saveur à +être constamment répétées, et il est réjouissant d'entendre les francs +éclats de rire qui les accueillent. Ces farces sont certainement plus +grossières que ne le supporterait un public anglais, mais il faut les +juger d'un autre point de vue. Les sous-entendus, les demi-mots sont +considérés ici comme un jeu innocent, et quelque court-vêtues que soient +les plaisanteries de _Karakush_, elles le sont moins encore que ce qu'il +est possible de voir et d'entendre dans les quartiers modernes du Caire. +_Karakush_, dont le nom seul fait sourire les Cairotes, ne fut pourtant +pas un personnage comique en son temps. On le cite comme un des fidèles +émirs de Saladin, et son seul acte, peu humoristique du reste, fut de +repousser les Croisés, dont la visite lui sembla une impertinence. + +Notre Guignol ne manquerait certes point ici de modèles pour ses +_Esquisses préhistoriques_. Les jours de fêtes religieuses, de larges +tentes sont installées contre les murailles, et tous ceux qui viennent +applaudir _Karakush_, peuvent également être témoins d'un _Ziter_. Une +douzaine de derviches, rangés en ligne, attendent le signal d'un chef. +Ce signal donné, ils commencent à se balancer en avant et en arrière, en +répétant le nom d'Allah. Peu à peu le mouvement s'accélère, se +précipite, devient furieux; ils semblent perdre conscience de tout, +jusqu'à ce que, la limite de l'endurance humaine étant atteinte, ils +tombent, rompus, brisés, comme en extase. + +Le grand cimetière qui, d'un côté, limite cette place, et empiète même +dessus par-ci par-là, ne trouble en rien la gaîté de l'assemblée. +Éparpillées, libres de toute muraille, les tombes servent de sièges, à +moins que des gamins ne s'exercent sur elles au saute-mouton. Parmi ces +tombes, nous retrouvons celle de Burkhardt, le grand voyageur +orientaliste, qui mourut en 1817. Les Arabes le connaissent sous le nom +de Cheik Ibrahim. + +En suivant le mur de la cité sur 200 ou 300 mètres, vers l'est, où il +tourne brusquement vers le sud, nous laissons le cimetière derrière +nous, et, contournant des monceaux de détritus, nous dépassons à notre +gauche le dôme du tombeau du Cheik Galal et découvrons les tombes des +Califes. Cette cité des morts offre un tableau impressionnant, que ce +soit en plein midi, dans la gloire dorée du soleil, ou vers le soir, +quand les lueurs rosées du couchant se jouent sur les dômes et les +minarets, et que les maisons en ruines, à leur pied, se fondent dans +l'ombre violacée que projettent les hautes collines. Du sommet d'une de +ces collines, on a une merveilleuse vue des tombes. Autrefois chaque +tombe-mosquée entretenait plusieurs gardiens qui demeuraient dans le +voisinage. + +On retrouve également dans cette cité morte des ruines de Khâns, qui +rappellent maints métiers. Ses fontaines et ses bains prouvent également +qu'on avait à y subvenir aux besoins d'une population considérable. Ces +tombes furent bâties pendant le XIIIe siècle et les deux suivants, ainsi +que les mausolées des Mamelouks bohrites et circassiens qui régnaient +alors sur l'Égypte. Les premiers Califes furent ensevelis dans ce qui +est aujourd'hui le centre du Caire, et qui, de leurs jours, se trouvait +en dehors de la capitale, celle-ci étant alors plus au sud. Le Khan +Khalîl se trouve aujourd'hui dans l'ancien lieu de repos, et l'on assure +que, lorsqu'il fut érigé, les ossements des Califes furent emportés et +ajoutés aux monceaux de détritus! + +L'une des premières tombes dont nous approchons--_El Seb'a Benat_,--les +sept soeurs--est une preuve que d'autres que les Mamelouks reposent là. +Mais je ne pus jamais établir l'identité de ces sept dames. Continuons +par une des tombes situées à l'est du groupe, celle du sultan Kâit Bey. +La tombe du sultan Barbûk, à notre gauche, a deux jolis dômes et une +paire de beaux minarets. Les ornements qui couvrent les dômes méritent +un examen tout particulier. Le plan général des tombes diffère peu et, +en les examinant de plus près, on est surpris de la richesse et de la +variété des détails. Le mausolée de Kâit Bey est certainement le plus +beau, avec son minaret élancé et son dôme dont la richesse surpasse +celle de tous les autres. Il a tout l'aspect d'une mosquée +congréganiste; au-dessus de la fontaine, à gauche de la grande entrée, +qui est ornée de portes décorées de magnifiques bronzes, se trouve la +salle d'enseignement que supportent de gracieuses arcades, la cour +centrale, ouverte, le _Hirâu_, ou sanctuaire, avec ses tapis de prière +et sa chaire tournée vers la Mecque, enfin le dôme contenant le sépulcre +du Sultan. + +Mais nous voici au Sharia-esh-Sharawâni, qui fait suite au Muski et +conduit au quartier européen. Un tramway partant d'El Atâba-Khadrâ, près +du Bureau Central des Postes et Télégraphes, se dirige vers le quartier +connu comme le Vieux Caire ou Masr-el-Atika; il suit le boulevard +Abd-ul-Aziz et tourne vers le Nil; et, de l'endroit où le pont +Kasr-en-Nil coupe la rivière, nous suivons les rails jusqu'au point +terminus, 200 ou 300 mètres plus haut. Une végétation luxuriante dérobe +tant bien que mal à la vue les laides villas modernes dont est parsemé +le vieux Caire, mais, à tout prendre, cette partie de la ville, vue du +tramway, est bien moins intéressante que d'autres quartiers auxquels +conviendrait mieux le nom de Vieux Caire. + +Nous longeons le bazar à gauche de la grand'route, traversons les voies +du chemin de fer et, en haut d'un pré étroit, une porte que nous +franchissons nous conduit à la muraille d'enceinte de la forteresse de +Babylone. Les ruines de divers bâtiments cachent trop ce qui reste de +l'antique château, pour nous permettre de juger de son importance. Les +habitants de ce quartier semblent fuir les étrangers; peut-être est-ce +la peur atavique d'une invasion ennemie? Après s'être pourtant assurés +de loin que nous ne sommes rien de plus redoutables que de simples +_Sawarhine_, et alléchés par la perspective d'un _bakschish_, quelques +êtres se montrent et nous suivent jusqu'à l'église de Saint-Georges ou +Mâri Girgis. + +Il y a tant de similitude entre la vie que mènent ces gens et celle de +la _mellah_ maure (le Ghetto arabe), que je n'aurais point été surpris +de remarquer quelques types juifs parmi nos suiveurs, au lieu de +l'absence complète de traits sémites à observer chez les Arabes. + +Ces Coptes, dans le quartier desquels nous pénétrons, sont les plus purs +Égyptiens. Leur nom seul, dérivé du grec _Aiguptios_ et devenu en arabe +_Kupt_, suffit à le prouver. De tous les habitants de la vallée du Nil, +ceux-là attirent le plus notre sympathie, et il est agréable de songer +qu'après des siècles d'oppression ils peuvent enfin jouir d'une pleine +liberté sous le protectorat britannique. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE IX_ + +DANS LE QUARTIER COPTE + +UN PEU D'HISTOIRE. || L'ÉGLISE CHRÉTIENNE SAINT-GEORGES. || UN COUVENT +COPTE. || LA LÉGENDE DE LA TOURTERELLE. || LA PREMIÈRE MOSQUÉE D'ÉGYPTE. +|| LA COLONNE MERVEILLEUSE. + + +Avant de pénétrer dans l'église copte de Saint-Georges, il serait +intéressant de se reporter au temps où les Coptes, reniant le culte +d'Osiris, furent reçus au sein de l'Église chrétienne. En l'an 62, +Armianus fut nommé évêque d'Alexandrie, et pendant le patriarcat de +Démétrius, un siècle plus tard, de nombreuses congrégations, associées +aux noms de Clément, Origen, Pantænus, se formèrent dans diverses +parties du Delta. Le IIIe siècle donna naissance au système monastique, +et les ruines des premiers monastères, disséminées depuis le Delta +jusqu'aux confins de la Nubie, démontrent quels rapides progrès fit la +religion nouvelle. En plus de ces couvents, chaque temple est un +monument du zèle religieux des nouveaux chrétiens. Éloignés de Rome, +ceux-ci eurent sans nul doute moins de persécutions à souffrir que leurs +frères soumis au joug de l'Empire; mais à cette époque, des luttes +intérieures firent plus pour arrêter les progrès de la religion, que les +persécutions d'aucun autocrate romain. Les enseignements d'Arius, +d'Alexandrie, influencèrent la majorité, malgré les exhortations de +l'évêque Alexandre et l'éloquence de son diacre Athanasius. Au concile +de Nice, en 325, auquel ce dernier assista, Arius fut condamné et les +chrétiens d'Égypte divisés en deux camps hostiles. Nous ignorons à quel +point cette controverse intéressa Constantin, mais son fils Constantius, +qui lui succéda, se déclara pour les Ariens. Athanasius fut exilé, et +ses disciples persécutés par les Ariens, jusqu'en l'an 379; l'Édit de +Théodosius ayant alors déclaré la religion orthodoxe, religion d'État, +ce fut au tour des Ariens de souffrir la persécution. Une Église +nationale s'érigea à côté de l'Église d'État, et en 451, après le +concile de Chalcedon, elles se séparèrent définitivement l'une de +l'autre. Les nationalistes, dont le parti était le plus fort, étaient +connus sous le nom de Jacobites ou Coptes, les orthodoxes s'appelaient +en Égypte les Mélékites. Au moment de l'invasion de l'Égypte par Anir, +le grand général du Calife Omar, les Coptes étaient prêts à suivre celui +qui les libérerait de la tyrannie de leurs gouverneurs byzantins. Nous +aurons plus à dire par la suite au sujet d'Anir. + +[PLANCHE 19: UNE ÉGLISE COPTE PRÈS D'ABYDOS] + +L'extérieur de l'église Saint-Georges ne fait en rien prévoir l'extrême +richesse de sa décoration intérieure, et cette remarque s'applique +également aux six autres églises cachées dans la forteresse. Le but de +cette simplicité extérieure était probablement d'échapper à la cupidité +que le luxe eût sans nul doute éveillée chez les ennemis; mais les +mosquées de cette époque étant également d'apparence fort simple, ce +détail n'offre que peu d'intérêt. Sauf la crypte qui date d'avant la +conquête musulmane, toute l'église fut bâtie presque à la même époque +que la grande mosquée d'Ibn-Tulûn, et rien ne peut être imaginé de plus +modeste que l'extérieur de cette dernière. Nous pénétrons dans un petit +vestibule et de là dans une belle petite basilique à deux rangs +d'arcades séparant les ailes de la nef; celle-ci nous paraît courte, +parce qu'une belle barrière de bois ouvragé divise l'église en deux, à +quelque distance du sanctuaire. La lumière tamisée qui tombe des +étroites fenêtres en triptyques, illumine les saints rangés au sommet de +la barrière, se joue sur les icônes en leur faisant un halo doré, et +caresse les boiseries sculptées. Pendant le service, les femmes occupent +un côté de la boiserie, l'autre étant réservé aux hommes. + +Sortant de la nef et traversant ce qui correspond au choeur, nous nous +trouvons devant trois autels, chacun d'eux renfermé dans un espace +circulaire et surmonté d'un dôme. Des boiseries encore, cachent ces +autels; celui du milieu, surélevé, est dissimulé derrière un paravent +ouvragé, d'une richesse extrême, formé de minuscules croix d'ivoire et +d'ébène entremêlées et exquisement fouillées. Durant la messe, ces +boiseries s'ouvrent, les rideaux sont relevés, et l'on voit une grande +image du Christ au-dessus de l'autel. Les guirlandes d'oeufs d'autruches +teints de couleurs voyantes, qui pendent de la voûte, forment une +décoration bizarre. On rencontre ce genre d'ornementation dans quelques +mosquées, dans la chapelle de Sainte-Hélène et dans le Saint-Sépulcre, à +Jérusalem. + +Quelques marches descendent du choeur à la crypte, où l'on nous montre +un banc sur lequel la Sainte Famille prit quelques instants de repos, +lors de son voyage en Égypte. Il est difficile d'obtenir l'autorisation +de peindre dans les églises coptes, et ce n'est que pendant mon séjour à +Abydos que je pus tenter quelques esquisses. + +Une petite colonie chrétienne habite un vieux fort dynastique, à l'est +du temple de Seti; on nomme cet endroit le Couvent copte. En comparaison +de l'église où nous nous trouvons en ce moment, ce couvent me semble une +vieille chapelle de campagne. Je le trouve pourtant digne d'une visite +prolongée, même par cette chaleur étouffante. L'intérieur de la vieille +forteresse me rappelle quelque peu l'intérieur de la forteresse de +Babylone. Quelques oiseaux domestiques picorant des graines, quelques +hangars destinés à abriter le bétail, lui donnent un air champêtre; le +même calme, les mêmes maisons presque entièrement dépourvues de +fenêtres, se retrouvent ici et là. Le bon vieux prêtre qui me fit +visiter l'édifice, semblait si bien en faire partie, que j'avais peine à +me rendre compte que je parlais à un contemporain. Ses vêtements et son +entourage sentaient tellement le moyen âge, qu'il me semblait m'être +endormi, puis réveillé six cents ans plus tôt. Le fort, dont cette +église et le groupe de maisons occupent le centre, date des premiers +temps de l'Empire. Il fut donc érigé environ trois mille ans avant le +monastère. Le vieux prêtre m'intéressa tout autant que son habitacle; le +petit monde où il vit semble lui suffire. De temps en temps, une visite +à Balliana, situé à 10 kilomètres, sur une rive du Nil, ne lui fait +qu'apprécier davantage la paix de sa retraite. + +Il est intéressant de visiter les églises de Babylone. Le nom donné par +les Grecs à la forteresse romaine est une énigme pour les archéologues; +il se pourrait que ce fût un souvenir du nom de la partie est de la +Memphis d'autrefois; mais ceci me paraît incertain. Ses tours massives +et les bastions que l'on voit, semblent être les seuls vestiges de +l'ancienne cité de Misr. Le vieux Caire, ou Masr-el-Abko, date de plus +près que le XIIIe siècle, car jusqu'alors son emplacement et celui du +Caire moderne demeurèrent sous l'eau. La plus grande partie de l'Égypte +fut facilement conquise par Anir, qui, nous dit-on, l'envahit avec une +armée de 4 000 hommes seulement. Les Coptes, ne se doutant pas de +l'intention des Musulmans de s'établir définitivement, furent trop +heureux d'avoir leur concours pour se libérer de la tyrannie +byzantine. La prise de cette forteresse fut pourtant une autre affaire, +car ici l'Empire était tout-puissant. Anir dut attendre des renforts et +ce ne fut qu'après sept mois de siège qu'il s'en rendit maître. Cet +événement eut lieu en avril 641, et depuis lors l'Égypte fait partie du +monde mahométan. + +[PLANCHE 20: UNE TOMBE DE CHEIK, AU CAIRE] + +Mais les Coptes comprirent bientôt qu'ils n'avaient fait que changer de +maîtres: le joug des Musulmans était dur, et, séparés de l'Église mère, +les Coptes ne surent plus où chercher un appui lorsque des souverains +moins tolérants succédèrent à Anir. Bien des croyants plus faibles +sauvegardèrent leur vie et leurs biens en embrassant la religion des +conquérants, tandis que d'autres périrent en défendant la foi de leurs +pères. Ce qui reste de ce peuple compose à peu près un dixième de la +population de l'Égypte, mais quand nous songeons à ce que les Sarrasins +eurent à souffrir de la part des Croisés, nous ne pouvons qu'être +étonnés de trouver encore des survivants à la vengeance de l'Islam. +Beaucoup d'entre eux, grâce à leurs indiscutables aptitudes, occupent de +hautes positions dans le Gouvernement. + +En quittant le _Kasr-el-Shêma_, ainsi que les Arabes nomment cette +forteresse, nous contournons une partie de l'enceinte et traversons des +monceaux de ruines qui nous séparent de la mosquée d'Anir. Ces ruines +sont tout ce qui reste de Fostât, la première ville que bâtirent les +envahisseurs musulmans sur la terre d'Égypte. On retrouve encore moins +de traces de l'antique Misr qui entourait Babylone et était située au +bord du Nil, avant que les eaux de ce fleuve ne se fussent retirées dans +leur lit actuel. + +Je ne prétends ni raconter l'Égypte du moyen âge, ni rivaliser avec +l'oeuvre de Stanley Lane Poole; mais ce voyage éveillant une curiosité +plus archéologique encore qu'esthétique, quelques mots sur le +développement progressif du Caire ne me semblent pas déplacés. + +Lorsqu'Anir assiégeait la forteresse que nous venons de quitter, il +planta sa tente à l'endroit même où s'élève aujourd'hui sa mosquée. Une +gracieuse légende raconte comment ce lieu lui devint cher. Après la +prise de Babylone, Anir se préparait à partir pour Alexandrie, dont le +peuple, fidèle à l'empereur Héraclius, se défendait encore. Des soldats +furent envoyés pour plier et emporter la tente. Une tourterelle y avait +fait son nid et couvait. Les soldats rapportant cet incident à leur +général, Anir ordonna d'abandonner la tente afin de ne point troubler +l'oiseau, et, après la prise d'Alexandrie, la tente, surmontée du nid de +tourterelle, fut retrouvée intacte. Depuis, cet endroit demeura sacré, +et la première mosquée d'Égypte fut érigée en mémoire de ce simple +incident. _El Fostât_ ou _la ville de la Tente_, fut le noyau de la cité +qui grandit au nord de cette mosquée. Les terrains vagues, parsemés de +ruines, qui séparent El Fostât du Caire, furent jadis un faubourg de la +ville d'El-Askâr ou _les cantonnements_, qui s'éleva en 750, au moment +où les Califes Abbasides succédèrent aux Califes Omayad. Le Gouverneur y +bâtit son palais, et ce faubourg devint bientôt pour El Fostât ce que le +West-End de Londres est pour la métropole. Plus au nord s'étendaient les +bâtiments affectés aux diverses nationalités qui formaient la suite de +l'Émir. Ce fut lorsqu'Ibn-Tulûn vint comme premier représentant du +Calife de Turquie, gouverneur d'Égypte en 868, que l'emplacement de ces +bâtiments fut choisi pour son palais. El-Askâr s'étendait jusqu'à la +colline de Yeshkur, derrière laquelle s'élèvent les murailles de la +capitale actuelle, comprenant la mosquée de Tulûn dont nous avons parlé +plus haut. Fostât et El-Askâr perdirent de leur importance, à mesure +que s'élevait le nouveau faubourg royal, et rien n'en reste aujourd'hui, +si ce n'est cette mosquée en ruines. El Katai, ou _les baraquements_, +eut un meilleur sort; elle devint une cité prospère dont les historiens +arabes ne se lassent point de vanter la splendeur; son emplacement est +couvert de maisons plus récentes et seule la mosquée déserte qui porte +son nom survit au glorieux faubourg que bâtit Ibn-Tulûn et que son fils +Khumârenyeh embellit. Les descriptions de ce palais, la _Maison Dorée_, +le _Pavillon d'Été_, ou _le Dôme de l'air_, et les jardins et les +fontaines inspirèrent sans doute les auteurs des _Mille et une nuits_ +plus que les richesses d'Haroun-al-Raschid, moins luxueuses que celles +de ses successeurs. + +La mosquée que fit élever Anir, et qui fut la première construite en +Égypte, n'est pas arrivée intacte jusqu'à nous. _La Couronne des +Mosquées_, ainsi que les guerriers arabes appelèrent leur première +mosquée élevée en terre conquise, était de structure plutôt modeste, +différente de ce qu'elle devint plus tard sous l'influence artistique +des Coptes et des gouverneurs turcs. Elle fut rebâtie dans de plus +grandes proportions deux siècles plus tard, et restaurée en 1798 par +Murad Bey. La plus grande partie de ce que nous voyons, date par +conséquent du IXe siècle; elle peut donc toujours s'enorgueillir d'être +la première mosquée du Caire. Les colonnes de marbre soutenant l'immense +arcade provenaient d'églises chrétiennes pillées, et le fait qu'elles ne +correspondaient point les unes aux autres sembla inquiéter fort peu les +architectes: on raccourcit l'une, on allongea l'autre, de manière à les +rendre égales. On aurait pu tout de même, à mon humble avis, s'arranger +de façon à ne pas mettre les chapiteaux à l'envers! + +Les guides vous montreront la colonne faisant face à la chaire, avec le +_Kurbûg_ du Prophète dessiné par les veines mêmes du marbre, et vous +diront comment cette colonne vola à travers l'espace, de la Kaaba à la +Mecque, jusqu'à Anir, afin de l'aider à orner sa mosquée. Leur +chronologie laisse quelque peu à désirer, mais leurs contes sont +amusants. Une prophétie dit que l'Islam tombera en ruines en même temps +que cette mosquée, mais à en juger par le peu d'entretien dont elle est +l'objet, il me semble que les fidèles ne doivent guère ajouter foi à la +prédiction. Une promenade à pied ou à dos d'âne, d'ici aux tombes des +Mamelouks, est charmante. Les lueurs du couchant allument les dômes de +la citadelle-mosquée, qui de loin a un aspect imposant, puis ce sont les +collines de Mokattam, avec, plus loin, la petite mosquée de Giyûshi. Une +grande ombre pâle couvre l'arrière-plan et cache de ses effets de +clair-obscur les détails inférieurs du tableau. Les derniers rayons du +soleil dorent ces collines, puis les vêtent d'une teinte orangée qui se +fond bientôt dans l'ombre rosée du couchant. + +Les tombes des Mamelouks sont moins intéressantes que celles des +soi-disant Califes, mais la promenade, au coucher du soleil, laisse une +impression durable. Nous rentrons en ville par la Bâb-el-Karâfeh, et le +tramway nous conduit jusqu'à Esbekîyeh. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE X_ + +LES PYRAMIDES + +LA «DÉCOUVERTE» DES GÉANTS DE PIERRE. || QUELQUES CURIEUSES ÉVALUATIONS +MATÉRIELLES. || LE SPHINX. || LES «GATE-PLAISIR.» || DES PYRAMIDES DE +GISEH AU SAKKARA. || LA TOMBE DE TYI. || RETOUR DANS LE SOIR COLORÉ. + + +Le grand événement d'un séjour au Caire est la première excursion aux +Pyramides. Personne n'ignore leur aspect, leurs dimensions et leur +histoire, car aucune oeuvre de l'activité humaine ne fut plus souvent +décrite; mais personne, avant de s'être trouvé sur le plateau où s'élève +l'imposante tombe de Chéops, ne comprend l'espèce de terreur qu'elles +inspirent. Ce sentiment augmente graduellement à mesure qu'on parcourt +les 5 kilomètres de la route de Gîzeh, d'où on les découvre devant soi. +D'abord, elles semblent petites, comparées aux objets du premier plan, +puis, après 2 ou 3 kilomètres, on éprouve encore une sorte de +désappointement en les regardant. Leurs dimensions augmentent à mesure +qu'on approche, mais pas au point qu'on pourrait supposer. On ne +commence à bien les juger qu'en arrivant à la limite des terrains +cultivés, et alors c'est l'impression complète, dans toute sa force, +surtout lorsque, parvenant au bord du désert, on se trouve aux pieds de +la Grande Pyramide. Ayant gravi le plateau qui lui sert de piédestal, on +est positivement écrasé par cette masse gigantesque, assise sur le roc +et environnée d'une immense plaine de sable. Que ne donnerait-on pour +pouvoir jouir en paix de ce merveilleux spectacle? Mais les Arabes qui +demeurent là depuis si longtemps qu'ils en ont perdu leurs instincts +nomades, prétendent vous faire les honneurs intéressés de ce qu'ils +considèrent comme leur propriété. On en a lu et appris bien plus qu'ils +ne peuvent vous en dire en leur anglais fantaisiste, et leurs +explications qui viennent troubler vos pensées sont absolument +exaspérantes. Inutile de chercher à les repousser, la grande habitude +qu'ils ont d'être traités ainsi les a rendus insensibles: partout où +vous irez, ils vous suivront. Des mesures sont prises, sans grand +succès, contre ces importuns. + +Pour jouir vraiment de la contemplation des Pyramides, il ne faut pas +les visiter en pleine saison. Les caravanes de touristes se disputant +avec leurs conducteurs, se préparant bruyamment à déjeuner ou à se faire +photographier, sont fort réjouissantes vues d'une terrasse d'hôtel, mais +ici, elles gâtent tout à fait le caractère du lieu. Avant ou après la +saison, on échappe aux touristes, mais jamais aux Bédouins quêteurs de +_bakschish_. S'il faut en croire les on-dit, la police aurait une part +de leurs aubaines, ce qui explique la mollesse avec laquelle elle défend +l'étranger contre les attaques de ces mendiants. Le seul moyen efficace +qu'on ait proposé serait d'acheter le village et de transporter la +population ailleurs. Mais le service des Antiquités, à qui incomberait +cette tâche, subvient déjà péniblement à ses frais courants: il ne +saurait donc être question de réaliser cette réforme. + +Une promenade autour de la tombe de Chéops vous donne l'idée de sa +dimension. Une distance de 260 mètres sépare entre eux les angles et si +vous faites le tour de la Pyramide, vous aurez fait plus des trois +quarts d'un kilomètre. Cette base couvre 520 ares, c'est-à-dire une +superficie plus grande que celle du square de Lincoln's Inn Fields. + +Les grands blocs superposés en gradins qui, de la route, nous +paraissaient de simples briques, mesurent quarante pieds cubes, et, +selon le calcul du Professeur Flinders Petrie, deux millions trois cent +mille de ces blocs furent employés à la construction de la Pyramide. +L'imagination ne saurait vous reporter à soixante siècles en arrière. La +pierre changeant fort peu dans le désert, sa couleur ne vous aide point. +Il est vrai que ce que nous voyons n'a été exposé aux intempéries que +durant cinq siècles, toute la couche de granit extérieure ayant été +utilisée au Caire, lors de la construction de la mosquée d'Hasan. On +s'étonne qu'on n'ait pas tiré parti plus tôt d'une carrière si commode, +pourvue de pierres toutes taillées. + +La dépense d'activité humaine que nécessitèrent ces constructions est +inouïe. Le Professeur Flinders Petrie nous explique que les ouvriers n'y +travaillaient que durant la crue du Nil, alors que la terre ne réclamait +point leurs soins; mais, le moment de la crue étant justement le plus +pénible pour l'agriculteur en Égypte, ceci me paraît inexact. De plus, +il ne faut pas s'imaginer que l'indigène ne souffre pas de la chaleur. +Le _fellah_ a peu changé depuis soixante siècles, et quoique très brave +travailleur, il mollit sensiblement pendant les périodes de chaleur. +Hérodote raconte que la construction de cette Pyramide nécessita le +travail de cent mille hommes pendant vingt années consécutives, et +Flinders Petrie estime que cette évaluation est exacte. Nourrir et +discipliner cette armée de travailleurs dut exiger un merveilleux talent +d'organisation. L'extraction de ces pierres à 10 kilomètres plus loin, +aux collines de Mokattam, et la façon dont elles furent taillées et +ajustées, font preuve d'une civilisation raffinée. + +Je me suis laissé dire qu'un entrepreneur séjournant à Mena House, s'est +amusé à faire un devis de ce que coûterait aujourd'hui la Grande +Pyramide, élevée avec l'aide de nos machines, et il arriva au chiffre de +six millions. Il serait curieux de savoir combien cette construction a +coûté en son temps. + +Nous n'avons parlé jusqu'ici que d'une seule pyramide; celle de Képhren +est aussi importante, et il en existe encore une grande et six plus +petites. Ce groupe de pyramides constitue la plus ancienne et la plus +belle des _sept merveilles du monde_, la seule du reste qu'il nous soit +encore permis d'admirer. + +A quelque distance de là nous nous trouvons face à face avec le Sphinx, +dont la tête gigantesque se détache rudement sur le bleu magnifique du +ciel. + +Le nez et la lèvre supérieure manquent, ainsi que la barbe. Le contour +général des épaules est visible, mais on a peine à discerner d'autres +détails dans le bloc de rocher où ce buste colossal fut taillé. +Pourtant, en reculant sur l'étroite plate-forme qui contourne cette +masse, on distingue vaguement le dessin d'un avant-bras et de quelques +doigts. Le dessin des yeux et des lèvres est encore assez net pour qu'on +puisse y voir cet air d'impassibilité que les grands artistes égyptiens +ont donné à leurs dieux et à leurs Pharaons. Quel est le Pharaon que +représente ou qui fit construire le Sphinx? C'est un point sur lequel +les égyptologues ne sont pas d'accord. Il est certain en tout cas que le +sculpteur qui tailla ce buste chercha moins à lui donner une +ressemblance qu'à en faire en quelque sorte le symbole de la royauté +absolue. + +[PLANCHE 21: LE SPHINX ET LES PYRAMIDES DE GIZEH] + +Une excursion des Pyramides de Gîseh au Sakkâra est délicieuse. Longeant +le désert pendant une heure ou deux, nous dépassons les Pyramides de +Zâniyer, et, continuant notre course pendant le même espace de temps, +nous rencontrons encore tout un groupe de pyramides: mais, tout pleins +de celles de Chéops et de Képhren, nous jetons un coup d'oeil à peine +indulgent sur ces monuments trop ruinés. Le paysage, à droite, est en +contraste frappant avec celui de gauche: d'un côté, la réverbération +crue du grand désert; de l'autre, une végétation fraîche et reposante. +La large bande de couleur est coupée çà et là par des villages et par le +ruban gris des routes. Les collines du désert arabe, beaucoup plus +imposantes que celles qui nous cachent le grand Sahara, constituent un +fond très pittoresque. L'Égypte est en vérité «le Don de la Rivière». + +Une race à part peuple cette contrée. Le Bedari est très différent du +_fellah_. Les Bédouins établis autour des Pyramides depuis des siècles +sont méprisés par leurs frères nomades; ils ont d'ailleurs perdu les +qualités et les traits génériques qui rendent ces derniers si +intéressants. + +Nous arrivons bientôt en vue du village de Mit Rahîneh, qui s'élève sur +le site de Memphis. + +Des ornières dans le sable nous obligent à choisir avec précaution notre +chemin, et les sombres ouvertures des tombes creusées dans les falaises +basses, nous montrent que nous sommes dans un vaste cimetière. Des +débris de tombes violées jonchent le sol, mais la brillante lumière et +le scintillement du terrain sablonneux et sec font diversion au +sentiment d'horreur que nous ne manquerions pas d'éprouver à la vue d'un +cimetière européen ainsi profané. La _Pyramide à marches_, entourée +d'autres pyramides plus petites, domine la scène. + +Après le déjeuner, on nous conduit au Sérapenen. Je n'ai point +l'intention de m'étendre sur l'intérêt archéologique que présentent les +monuments célèbres groupés sous ce nom. La façon dont Mariette découvrit +les tombes d'Apis, en lisant un passage de Strabon, est racontée par +Amélia H. Edwards dans son livre _Mille lieues sur le Nil_. Les +impressions de cet auteur sur sa visite au Sakkâra me dispensent de rien +ajouter sur ce sujet. Je n'ai d'ailleurs pas de souvenir notoire de ma +promenade sous les voûtes basses, pauvrement éclairées, qui contiennent +les sarcophages des taureaux sacrés. + +La tombe de Tyi, qui fait époque dans l'histoire de l'art, m'a intéressé +davantage. Les bas-reliefs qui ornent les murailles de ce sépulcre de la +cinquième dynastie, peuvent se comparer aux travaux d'art plus solides +de la dix-huitième dynastie. Le développement de l'Égypte ne fut point +continu. Parvenu à son apogée au cinquième siècle, il déclina, puis +cessa presque d'être pendant les siècles suivants; il reprit à nouveau +au onzième siècle, pour s'arrêter complètement pendant les âges sombres +de Hyksos. Mais l'Art, en cette race privilégiée, semble être immortel, +car à peine les Thothiens eurent-ils débarrassé leur pays des tyrans +étrangers, qu'il reconquit rapidement sa gloire passée et la surpassa, +avant que Ramsès II ne le pliât au joug de sa glorification personnelle. + +Ici, de même que dans les oeuvres vues à Debr-el-Bahri, la qualité de la +pierre a permis le travail le plus délicat, et les silhouettes, dans les +deux cas, sont fermement et purement dessinées, bien que le relief en +soit très léger. Comme elles sont très colorées, un relief plus accentué +était inutile. Malgré le grand laps de temps qui sépare les deux +oeuvres, beaucoup de caractéristiques semblables se retrouvent dans le +temple de Hatshepsu, à Dîr-el-Bahri, et il est évident que l'art de ce +temple n'est que le développement de celui de ces peintures murales. + +Nous reviendrons plus longuement sur l'oeuvre de la dix-huitième +dynastie qui, quoique plus subtile et plus fine, nous étonne moins que +ces admirables reliefs de Tyi, qui sont les premières manifestations +d'un art vivant, survenant après une période de décadence. L'étude des +tombes de Sakkâra nous apprend à apprécier la collection unique du musée +du Caire que la nécropole a enrichi de plus d'une oeuvre rare. + +En allant à Bedrashîu, où nous prenons le train pour le Caire, nous +remarquons des monceaux de ruines qui marquent l'emplacement de Memphis, +et les deux colossales statues de Ramsès II. Les villages que nous +rencontrons, avec leurs _combumbarius_ en forme de gigantesques pylônes +et leur épais rideau de palmiers, sont un peu élevés au-dessus du niveau +de la plaine, et, de loin, paraissent autant d'îles sur une mer +d'émeraude. Pendant la crue du Nil, ils deviennent vraiment des îles au +sol merveilleusement fertile. Des troupeaux qu'on ramène du pâturage, et +bien d'autres pittoresques scènes champêtres, rappellent les peintures +murales du temple de Tyi, auxquelles elles servirent de modèles, +peut-être, il y a quelque mille ans. Ces étendues de champs verts se +prêtent pourtant encore mieux à être peints lorsque le soleil a doré les +épis, et que la moisson est en train. Les instruments aratoires +perfectionnés sont peu connus ici, et le travail du _fellah_ se fait à +peu près de la même manière qu'il se faisait au temps des Pharaons. + +[PLANCHE 22: AAHMES, MÈRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI] + +Les femmes, revenant de la rivière, des cruches pleines sur la tête, +sont vêtues comme leurs soeurs des villes, mais non voilées. Le +_yashmak_ rendrait leur dur labeur intolérable. Mais elles détournent +les yeux en rencontrant des _Firangi_, ou ramènent sur leur visage le +voile qui coiffe leur tête, preuve que l'antique loi vit toujours en +elles. + +Le paysage, pendant les 15 kilomètres de voyage en chemin de fer, est +magnifique; les lueurs du couchant donnent un vif relief au Gebel Turra, +et au delà de Helouan, sur la rive du Nil, de délicates ombres violettes +estompent les masses rocheuses sur le fond de ciel noyé d'or. Les +villages se silhouettent finement contre la pénombre du désert Lybien, +et les groupes de palmiers se dressent dans l'air calme. Avant d'arriver +au Caire, les rails suivent la rive; la lumière, rosée à présent, +idéalise les voiles des _gyassas_ et se répète, en ton plus doux, sur +les lointaines collines du Mokattam. Près de Zîreh, le clair-obscur +prête son mystère à quelques personnages sur le bord du Nil, et la +petite ville elle-même, peu intéressante à la lumière crue du jour, +s'enveloppe à cette heure d'un charme délicat. Peu après, nous arrivons +au Caire, fatigués, mais heureux de cette belle soirée qui couronne une +passionnante journée. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XI_ + +D'ALEXANDRIE AU CAIRE + +LA ROUTE DU CAIRE, _viâ_ ALEXANDRIE. || LES ANTIQUES PAYSAGES DU DELTA. +|| LE SÉPULCRE DU SAINT SEYID-EL-BEDAWI. || UNE MISSION DÉLICATE. || +VOYAGE EN «DAHABIYEH». + + +Je quittai l'Égypte peu après ma visite à Sakkâra, et les hivers +suivants me trouvèrent travaillant en Europe. Je songeais souvent avec +une sorte de nostalgie au climat ensoleillé de la vallée du Nil; +frissonnant dans quelque ville italienne, ou cherchant à m'abriter de la +pluie en France ou en Angleterre, je pensais avec regret à cette +délicieuse excursion à Sakkâra. Une commande d'aquarelles égyptiennes me +permit enfin de reprendre la route du Caire, _viâ_ Alexandrie cette +fois. + +La route du Caire, _viâ_ Alexandrie, donne une autre idée de la contrée +que le voyage de Port-Saïd. + +J'ai essayé de décrire la route de Port-Saïd; il peut être intéressant +de me suivre dans mon voyage à travers le Delta jusqu'à l'Égypte +supérieure. + +Pendant la première heure de ce voyage on passe à travers de prospères +faubourgs, bâtis à grands frais avec un minimum de goût artistique. Le +manque d'ombre et peut-être le désir de cacher les fautes d'architecture +ont poussé les propriétaires de ces bâtisses à soigner tout +particulièrement les jardins, ce qui fait que ces constructions sont +pour la plupart entourées d'un fouillis d'arbres et d'arbustes qui les +dérobent aux regards. + +Le train longe la côte sur une longueur de quelques kilomètres, mais dès +que la partie nord du Lac Maryût est contournée, nous nous trouvons dans +les riches terres du Delta et le paysage change complètement. Plus de +villas; l'oriental _tarboush_ fait place au turban du _fellah_; +l'automobile est remplacée par l'âne ou le chameau. Les villages n'ont +pas dû se transformer beaucoup depuis le temps des Enfants d'Israël, +employés au service peu profitable des Pharaons. Les maisons, comme +alors, sont bâties en briques faites de boue desséchée; on y voit les +mêmes toits de chaume ou de troncs de palmiers; les dômes aussi devaient +exister dans ce temps-là, car nous retrouvons cette forme de toiture +dans les documents dynastiques. Chaque envahisseur respecta les choses +établies, comme convenant le mieux à la contrée, et bien que le culte +d'Isis fût remplacé par celui du Christ, puis tous deux par le puissant +Islam, il n'y eut là, en somme, qu'une évolution morale, qui n'altéra +point le paysage, et l'aspect de cette partie de l'Égypte changea moins +en quatre mille ans que celui d'un comté anglais en quatre siècles. + +Le minaret, qui indique le changement de foi, est fort rare ici, tous +les matériaux de construction étant très chers. Un enclos carré de +briques en boue desséchée au soleil, orné de motifs arabes autour de +l'entrée, sert de mosquée au village. Sur les toits des maisons sèchent +des graines, des légumes ou des plantes, et l'on y remarque souvent des +cruches brisées où les tourterelles font leurs nids. Les hommes et les +bêtes vivent ensemble. Un excellent système d'irrigation a étendu la +partie de terres cultivées, mais le spectacle qui frappe notre vue +aujourd'hui diffère probablement peu de celui que rencontraient les yeux +de Joseph lorsqu'il exploitait les terres du Pharaon. + +Le magnifique paysage s'étend vers l'est, parsemé de villages, coupé de +temps à autre de bosquets de palmiers. Le grincement d'un _sakiyah_ +nous arrive à travers le bruit du train et un archaïque moulin à eau, +actionné par un buffle, passe devant nos yeux. + +Nous ne voyons point encore le Nil, bien que de tous côtés nous +admirions sa généreuse influence. Nous apercevons pourtant le Mahmûdieh +Canal, la grande oeuvre de Mohammed Ali, qui fertilisa ainsi Alexandrie +en la reliant aux grandes eaux d'Égypte. De temps à autre aussi, le ciel +et le paysage se mirent dans les nombreux canaux de moindre importance +qui sillonnent le Delta. A la halte de Kafr-el-Zaiyât, le bras du Nil, +Rosetta est devant nous, et nous remarquons de nombreux bâtiments +chargés des produits de cette riche contrée, apportant des poteries et +de la canne à sucre de la Haute Égypte. Quelques hangars surmontés de +cheminées en fer rouillé nous reportent aux laideurs européennes, mais +l'aspect pittoresque des bords du Nil et l'admirable lumière fluide qui +baigne le tableau nous font vite abandonner ce souvenir. + +Nous atteignons bientôt Tanta, une ville florissante, à mi-chemin entre +les deux bras de la rivière qui se séparent au Barrage, près du Caire. +Le saint Seyid-el-Bedawi est enterré en cet endroit; son sépulcre ne +présente aucune beauté architecturale, mais il doit être intéressant de +voir les multitudes de pèlerins mahométans y affluer le jour de _Molid_, +jour anniversaire de sa naissance. Malheureusement, ce jour tombe en +août, au gros des chaleurs. + +Après Tanta, le train traverse la partie la plus riche de cette fertile +contrée, mais le paysage est abîmé par de nombreux moulins à nettoyer le +coton. Puis nous traversons le bras est du Nil en arrivant à Bulâh; +enfin, jusqu'au Caire, nous parcourons une contrée décrite au +commencement de ce livre. + +Mon amour de l'Égypte et des choses égyptiennes me fait détester le +quartier européen du Caire où je suis forcé de demeurer. Quittant +l'Europe pluvieuse et froide, on devrait être trop heureux de se trouver +sous ce beau ciel pur et dans ce soleil étincelant; malheureusement, le +vieux Caire qu'on désire peindre n'offre rien de commun avec le Nouveau +où l'on est contraint de demeurer. Les habitants ont la même mine +rébarbative que leurs demeures. Leur seule raison d'être est d'ailleurs +d'écorcher l'étranger vite et bien, et de se retirer après fortune +faite... Ah! ce morceau d'Europe moderne n'est guère en harmonie avec sa +voisine, la pittoresque cité moyen-âge! Autrefois, un artiste pouvait +vivre au milieu des choses qu'il désirait peindre; à présent, s'il +descend dans une auberge où peu de membres de la colonie anglaise +daigneraient s'arrêter, il est obligé de payer des prix dignes de la +Riviera. Heureusement, ces deux dernières années, je pus travailler dans +un milieu qui fut mieux à ma convenance: la tente, la _dahabiyeh_, les +carrières, sont plus de mon goût. + +La vie sur une _dahabiyeh_ est pittoresque et charmante. On peut +circuler à peu près partout, en Égypte, sur ces bateaux; on s'y installe +confortablement et l'on y réunit des amis: c'est l'idéal! + +Une partie des terrains qui entourent les monuments historiques ont été +acquis par le Service des Antiquités et il est défendu d'y camper. Ceci +est une mesure en apparence inutile. Cependant, elle est de grande +importance. Il serait difficile de résister au désir d'emporter quelque +précieux débris d'antiquités si l'on campait autour des excavations où +s'opèrent les fouilles. Un Arabe vous offre un scarabée ou un _ushabti_ +bleuté et vous vous demandez tout d'abord si l'objet est véritable, s'il +n'a pas été volé? Si l'Arabe est sûr que son acheteur n'a rien de commun +avec le Service des fouilles, il avouera même le vol, comme preuve de +l'authenticité de l'objet. Le Professeur Maspero, qui est à la tête du +Service, me disait qu'on ne saurait trop observer cette règle sévère. +Mais, sans trop enfreindre le règlement, il aide comme il peut les +étudiants et les peintres qui désirent séjourner autour des monuments. +Les Inspecteurs des Antiquités sont également fort obligeants et +aimables. + +Le _Metropolitan Museum_ de New-York avait demandé l'autorisation de +relever l'impression d'une partie des bas-reliefs du temple de +Hatshepsu, à Thèbes. Les maquettes devaient, autant que possible, être +coloriées comme l'original afin de donner aux New-Yorkais une idée de la +plus délicieuse ornementation murale de la dix-huitième dynastie. M. +Laffan, qui faisait les frais de l'entreprise, confia à M. Currelly, qui +dirigeait à cette époque les travaux d'excavation, le soin de surveiller +l'entreprise et de trouver un artiste capable de donner aux bas-reliefs +le coloris exigé. Ce travail me fut offert, et, ayant obtenu de +consacrer la moitié de mes journées à mes aquarelles, j'acceptai. Mon +séjour au Caire fut court, car Erskine Nicol m'ayant invité à demeurer +sur sa _dahabiyeh_, alors à Boulâk, la _Mavis_ fut la base de mes +opérations jusqu'à ce que le camp d'hiver de Thèbes se fût formé. Le +bateau subissait quelques réparations, mais mon hôte, un frère artiste, +partageant mon dégoût pour la vie d'hôtel et la soi-disant «haute +société», pensa avec raison que je leur préférerais même l'odeur des +vernis et le désordre qui régnait à bord. + +Certaines parties de Boulâk sont telles que par le passé, et le marché +aux fruits et aux poteries, entre autres, est charmant. Je ne me +souviens pas d'avoir jamais travaillé parmi des gens aussi curieux que +les habitants de ce coin de Boulâk. Mon fidèle Mohammed ne pouvait +m'accompagner, malheureusement; un mot de lui à un agent de police, la +parenté imaginée du _Hawaga_ ou d'un _Moufetish_ quelconque m'auraient +assuré la paix. Le retour à la _dahabiyeh_ est vraiment une joie, après +une journée de travail, chaude et encombrée de mouches et autres +parasites. Le soir, les bruits provenant des travaux cessaient, les +clameurs alentour s'apaisaient, seul le clapotis des rames troublait le +calme de la nuit pendant que nous fumions nos cigarettes sur le pont. + +Le voyage en _dahabiyeh_, jusqu'à Thèbes, est un rêve. J'avais descendu +la rivière à bord de la _Mavis_, le printemps passé, et je fus désolé de +refuser l'invitation de mon ami. Je convins de le rejoindre à Karnâk, +lorsque la saison des travaux de Dêr-el-Bahri serait terminée. Un voyage +d'une nuit par le train du Luxor est certainement plus prosaïque qu'une +excursion en _dahabiyeh_, mais ce dernier mode de locomotion m'aurait +fait perdre trois semaines. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XII_ + +THÈBES + +EN ROUTE POUR LE CAMPEMENT, DANS LA CITÉ DES RUINES. || LE VILLAGE DE +KURNAH. || LES TOMBES VIVANTES. || LA HUTTE DE PIERRE, PRÈS DU TEMPLE DE +HATSHEPSU. || MON INSTALLATION. || UNE PREMIÈRE NUIT A LA BELLE ÉTOILE. + + +J'arrivai à Luxor le 1er décembre. Le train avait quelques heures de +retard, mais cela n'était pas pour me surprendre. Quelques personnes +m'attendaient. On mit à dos de chameau mon bagage; mes ustensiles de +peintre voisinèrent dans un panier avec une énorme provision de boîtes +de sardines. Dans un autre panier on plaça un sac de _plâtre de Paris_ +qui pesait plus que ma valise, ainsi que des bougies et encore des +boîtes de sardines. Que de sardines!... + +Montés sur des ânes, Mohammed Effendi, qui représentait la Société +d'Exploration Égyptienne, et moi, nous nous mîmes en route, suivis du +_commissarel camuel_. Un demi-kilomètre de boue sèche et de sable +sépare la rivière des terrains cultivés: nous le franchîmes au galop, +laissant le chameau et son guide loin derrière nous. Après avoir dépassé +des jardins enclos de murs, et traversé le pont d'un canal, nous +descendîmes dans la large plaine verdoyante qui s'étend de la nécropole +de Thèbes à la rivière. Les colosses d'Amenhotep III s'élèvent à la +limite des terres cultivées, et, à leur gauche, au bord même du désert, +on aperçoit les pylônes du grand temple de Medinet Habu. Les ruines du +Ramesseum sont en partie cachées par des arbres, et l'amphithéâtre que +forment les rochers derrière le temple de Dêr-el-Bahri est à peine +visible au loin. Après une marche de deux kilomètres, nous laissons les +colosses à notre gauche, mais nous voyons encore leurs bases assombries +par les inondations annuelles du Nil. Nous passons auprès du pylône +brisé du Ramesseum qui s'élève juste au-dessus de la plaine fertile que +nous allons quitter. Ici, nous devons choisir notre chemin entre des +monceaux de débris, des tombes et des ornières, et cela continue ainsi +jusqu'au village de Kurnah, qui se trouve sur un plateau légèrement +surélevé. + +[PLANCHE 23: LE RAMESSEUM, A THÈBES] + +Nous montons entre les huttes du village. Des gamins à demi nus qui +poursuivent des volatiles sont pour nous, dans ce vaste cimetière, un +signe de vie réjouissant. Une femme apparaît à l'entrée d'une large +excavation et crie aux enfants de laisser les poules tranquilles. En +regardant d'en haut, nous voyons que cette ouverture n'est qu'une tombe +de plus, et que ces gens en ont fait leur demeure. Une ou deux bâtisses +de briques, basses et carrées, forment l'habitation des riches; tous les +autres habitants de ce grand village occupent les tombes. Une muraille +enclôt une cour, dans laquelle nous remarquons de bizarres objets, comme +de gigantesques champignons aux bords retournés et qui seraient en boue +desséchée. Plusieurs d'entre eux contiennent en ce moment de la paille +ou des céréales; ce sont les demeures d'été des pauvres gens que les +scorpions ont chassés des tombes. Dans le creux où le dormeur se blottit +pour la nuit, nous remarquons deux espèces de coquetiers, assez grands +pour contenir une _kulla_ ou cruche à eau, taillée dans une pierre +poreuse. Quelques habitants fortunés du village possèdent plusieurs +tombes rangées en cercle autour de la cour centrale. Alors, l'une sert +de dortoir, l'autre de cuisine, une troisième d'étable. Les habitations +diffèrent selon la nature des tombes. Parfois, une hutte en constitue la +première partie, et la tombe, à laquelle mènent quelques marches, +représente le fond. Nous remarquons plus bas quelques sépulcres fermés +de lourdes portes de fer, et munis de numéros officiels. Ils sont moins +pittoresques que ceux que nous avons vus tout d'abord, mais ils sont +apparemment de plus d'importance. De fait, ce sont les tombes du Cheik +Abd-el-Kurnah, dont nous parlerons plus tard. Quelques ruines évoquent +en moi l'image d'un antique monastère copte; j'apprends que ce sont les +décombres d'une maison datant du siècle dernier, où demeura Wilkinson. +Il y recueillit des notes pour son livre _Moeurs et coutumes des Anciens +Égyptiens_, livre considéré comme surranné par beaucoup de gens, mais +fort intéressant cependant, et savamment illustré par l'auteur. +Wilkinson mourut d'un accident d'arme à feu dans cette maison où il +avait travaillé si longtemps. Sur le point de mourir, il eut peur que +ses gens ne fussent soupçonnés, et, faisant mander l'_omdeh_ (chef du +village), il l'assura que sa mort n'était causée que par sa propre +maladresse. + +Le grand amphithéâtre que forment les falaises encerclant à demi le côté +ouest de la vallée de Dêr-el-Bahri, s'ouvre devant nous. Le temple de +Hatshepsu, avec ses terrasses et ses colonnades, en occupe la base, +et fait face au temple de Luxor, à 4 kilomètres de là, sur la rive +opposée du Nil. Une hutte de pierre, tout à côté du temple, m'intéresse +vivement: pendant cinq mois, cette hutte me servira de demeure. Un nuage +de poussière qui s'élevait à gauche du temple et les voix des ouvriers +nous apprirent que les travaux d'excavation étaient en train. + +[PLANCHE 24: DER-EL-BAHRI] + +Mon ami Currelly était occupé; je fus reçu par un Américain charmant qui +me présenta trois jeunes Arabes: le cuisinier, le maître d'hôtel et le +valet; ils me baisèrent respectueusement la main, puis me dévisagèrent +avec curiosité. M. Dennis, s'instituant mon hôte, envoya Albrikman, le +chef, préparer le thé, et Bulbul, le maître d'hôtel, couvrit d'une nappe +la caisse qui servait de table. Comme nous avions laissé le _commissarel +camuel_ sensiblement en arrière, je fus informé que mes bagages +n'arriveraient pas avant une heure; je me rendis donc dans la tente +contiguë à la hutte, pour réparer tant bien que mal le désordre de ma +toilette. Un long sifflement et l'exclamation de ce qui me parut être +une armée de travailleurs, m'avertirent que le labeur du jour avait pris +fin. Un chien ayant aboyé, le son fut répercuté encore et encore, et +l'on eût dit que tous les roquets de la contrée donnaient de la voix. +Passant ma tête par l'ouverture de la tente pour demander une serviette, +le mot _serviette, serviette, serviette_ me revint en échos successifs. +Tout s'accordait pour rendre ma nouvelle demeure bien étrange. + +Le soleil s'était couché au fond de la vallée; le creux qui, en plein +jour, était enlaidi de monceaux de débris, était à présent noyé d'une +ombre douce et bienfaisante. Le thé, la beauté croissante du paysage, me +mirent en excellente humeur. Nous fûmes rejoints par un second membre de +la famille, un major Griffith, et bientôt Currelly vint en personne +partager notre repas. J'appris que, des difficultés étant survenues dans +l'organisation des fouilles, je ne pouvais commencer mon travail. Nous +discutâmes la question jusqu'à l'obscurité complète, éclairés simplement +par quelques bougies posées sur notre table improvisée. + +[PLANCHE 25: STATUE DE RHAMSÈS II, AU TEMPLE DE LUXOR] + +Le chameau étant enfin arrivé, je commençai mes préparatifs pour la +nuit. La hutte possédait deux pièces vides ouvrant sur la salle commune, +et un large cabinet de débarras réservé aux _trouvailles_, et qui +sentait vaguement la momie et la souris. Les deux pièces étant +destinées à deux dames qui devaient nous arriver du Caire le lendemain, +je commençais à me demander où je coucherais moi-même, et à regretter +les hôtels modernes, hier méprisés, lorsque Bulbul apparut, portant un +lit indigène qu'il plaça entre deux monceaux de _trouvailles_. Achmet +suivit avec un matelas, et ma chambre fut bientôt prête. Mon ami +semblait étonné de mon peu d'habileté à me diriger dans l'obscurité, +parmi les débris de temple disséminés un peu partout. Je l'assurai que +beaucoup de mes compatriotes souffraient de la même infirmité, et il me +conduisit obligeamment à la hutte. Une tente à côté de nos deux lits (je +ne vis celui de mon ami que lorsque je l'eus heurté dans l'ombre) devait +nous servir de cabinet de travail. Mon ami est Canadien et, ayant campé +presque toute sa vie, soit dans son pays, soit en Égypte, il est un +maître organisateur sous ce rapport. Notre salle à manger nous parut, +par contraste, brillamment éclairée. Mes yeux coururent à la table: je +m'attendais à un plat monstre de sardines relevé de _pickles_. Mais non, +Achmet apparut avec de délicieux hors-d'oeuvre d'anchois à l'huile, puis +Bulbul le suivit, porteur d'une soupe acceptable. Les bouchons sautèrent +bientôt joyeusement, et le dîner fut assaisonné de la meilleure des +sauces: la gaieté et le bon appétit. + +Les histoires variées des quatre convives rendaient la conversation +intéressante. Le Major avait servi quatre ans en Afrique pendant la +guerre des Boërs; Currelly avait passé une saison avec Flinders Petrie, +à explorer la Péninsule Sinaïtique; Dennis, qui est Américain du Sud, +avait une collection divertissante d'anecdotes, et moi-même, je pus +placer à propos quelque curieux ou réjouissant épisode. On menait une +vie sérieuse et réglée au campement; la lune ayant éclairé notre chambre +à coucher, je gagnai mon lit sans encombre. + +[PLANCHE 26: LES COLOSSES DE THÈBES] + +On s'habitue difficilement à dormir à la belle étoile. Des chiens qui +aboyaient à intervalles réguliers, me firent prévoir une nuit blanche. +Tout d'abord, intéressé par la nouveauté de mon entourage, je +considérai cette perspective sans ennui. L'air était délicieusement +frais et la lune faisait paraître les rochers environnants plus +majestueux encore. A un certain moment, les chiens se taisant, j'eus la +sensation de tomber dans une agréable inconscience. Mais le hurlement +d'un chacal réveilla les chiens: ombres de Thèbes, quel vacarme! Enfin, +je parvins à m'endormir. + +Je rêvai que le vacarme avait éveillé les morts et que de chaque tombe +les momies sortaient. Bientôt, je crus être moi-même une momie. La +pierre tombale qui me recouvrait essayait de se soulever. A chacun de +ses efforts, un frisson mortel me secouait. Une étrange sensation de +liberté reconquise, comme si la pierre se fût tout à coup envolée, +m'arracha à mon sommeil, et j'observai qu'une lourde couverture +tunisienne venait de tomber de mon lit, enlevée par un coup de vent +violent. Dans mes efforts pour la rattraper, je me cognai contre un des +gardiens de nuit qui était accouru à mon secours et qui m'aida à la +reprendre. Nous en couvrîmes le lit, en l'assujettissant au moyen de +lourds morceaux d'une statue d'Osiris. J'avais les yeux et les oreilles +pleins de gravier et de poussière et le cou égratigné. Des appels +désespérés retentirent l'instant d'après: le Major, empêtré dans les +toiles qui protégeaient sa couchette, cherchait à se dégager et appelait +à l'aide. Puis, ce fut Dennis qui, ne voulant pas risquer d'être +enseveli sous sa tente, allait chercher un refuge dans la hutte. On +éveilla Currelly à grand'peine!... Griffith et Dennis s'arrangèrent pour +passer le reste de la nuit dans la hutte; quant à Currelly et à moi, la +tête enveloppée dans de vastes mouchoirs, nous réintégrâmes nos lits +et, bercés par la tourmente, nous nous abandonnâmes de nouveau au +sommeil. + +Le soleil, se levant sur les collines au delà de Luxor, m'éveilla. Le +vent était complètement tombé. + +Des groupes d'ouvriers apparurent bientôt, silhouettes sombres dans la +brume lumineuse du levant. A sept heures, trois cents hommes et jeunes +garçons étaient rangés près du camp et répondaient à l'appel de Mohammed +Effendi. Je pus enfin procéder à une toilette en règle. Cette nuit au +grand air m'avait affamé et j'aurais embrassé Bulbul lorsque, devinant +mes désirs, il m'apporta une tasse de thé. Ce nom de _Bulbul_ ne m'étant +point connu, j'interrogeai le jeune garçon. Il m'avoua que ce nom était +celui d'un oiseau qui chante très bien (le rossignol, ainsi que je le +compris plus tard), et qu'on l'avait surnommé de la sorte en raison de +son talent de chanteur. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XIII_ + +LE TEMPLE D'AMMON + +COMMENT ON OBTIENT UNE EMPREINTE D'UN BAS-RELIEF. || UNE PYRAMIDE SUR UN +TEMPLE. || LA MYSTÉRIEUSE VACHE DE HATHOR. || QUELQUES DÉTAILS +HISTORIQUES AUTOUR DU TEMPLE DE LA REINE HATSHEPSU. || «L'EXPÉDITION EN +PONT». + + +Après le déjeuner, j'allai avec Currelly au temple de Hatshepsu, pour me +rendre compte de la manière dont on pourrait relever le contour des +bas-reliefs sans endommager les murailles. Nous nous fîmes accompagner +de quelques ouvriers que mon ami savait être experts dans la fabrication +des fausses antiquités, et nous nous munîmes de cire à modeler et de +feuilles de papier d'étain. Choisissant pour notre expérience un +bas-relief des plus simples, nous le couvrîmes d'une feuille de papier +d'étain, et, avec une légère pression, nous obtînmes le dessin des +contours. Les contours les plus accentués furent obtenus à l'aide d'une +brosse de crin avec laquelle nous fîmes pénétrer partout la feuille de +métal souple. La cire, après avoir été chauffée au soleil, fut placée +sur la feuille d'étain, puis nous attendîmes que le froid de la pierre +l'eût à nouveau durcie. + +Il fallut ensuite retirer le moule avec son revêtement de cire et le +poser sur une surface unie. Ceci fait, nous obtînmes un bas-relief +argenté qui nous parut très satisfaisant et le _Quies keteer_ des +fabricants d'antiquités nous fit grand plaisir. Le moule fut emporté à +la hutte, et, après l'avoir enduit de graisse, j'en pris une empreinte +au plâtre. Nous laissâmes le plâtre se durcir à son tour et nous allâmes +voir ce qui se passait dans le nuage de poussière qui flottait au-dessus +des fouilles, à gauche du temple de Hatshepsu. + +La Société d'Exploration Égyptienne a obtenu la concession des fouilles +du temple de Hatshepsu en 1903, après que les travaux commencés dans le +temple voisin, moins ancien, eussent été remis au Service des +Antiquités. Le Professeur Naville offrit ses services pour cette +entreprise, et, avec le concours de M. Henry Hall, du Bristish Museum, +et plus récemment, de C. F. Currelly, il termina les travaux en trois +ans. Tout en gravissant les trois terrasses, nous remarquons la +similitude de ce plan avec celui du sanctuaire de Hatshepsu, érigé +quelque sept siècles plus tard. Il y a cependant un détail qui distingue +le temple de Mentuhotep II; c'est la ruine d'une pyramide sur la +troisième terrasse. C'est le seul exemple que l'on rencontre d'une +pyramide faisant partie d'un temple, et la singularité de cette +construction a été l'occasion d'études intéressantes. Un papyrus +conservé au Musée de Turin relate que le Pharaon (un des derniers +Ramsès) avait nommé une commission pour visiter les tombes de ses +prédécesseurs et dresser un rapport sur l'état de ces tombes. Le rapport +mentionne que la tombe de Mentuhotep II était intacte, mais il n'indique +pas son emplacement; toutefois, le dessin d'une pyramide faisait suite +au passage qui avait trait à cette construction. Ceci décida le +Professeur Naville à rechercher la tombe sous cette pyramide. Il ne la +trouva pas, mais il fut récompensé de ses travaux par la découverte de +six statues de Usertesen III, dont trois sont actuellement au British +Museum, et les trois autres au Caire. Comme ce monarque appartient à une +dynastie plus récente, la douzième, il y a là un problème de plus ajouté +à tous ceux que nous offre ce temple. + +Une tombe de femme a été mise à jour à quelques mètres de la pyramide; +quelques fresques, bien conservées, datant de la onzième dynastie, qui +couvraient l'extérieur de ce sépulcre, sont très intéressantes, quoique +grossières. Quant à l'emplacement de la dernière demeure de Mentuhotep, +il reste toujours un mystère. + +Les fouilles ont été continuées dans la base des rochers qui se trouvent +derrière le temple; des débris de pierre calcaire ont été enlevés, et +une couche inférieure avait à peine été entamée, que, à la grande +surprise de M. Dalison qui dirigeait les travaux à cette époque, une +masse de roc glissa, laissant à découvert une cavité, et la tête et les +épaules d'une vache de Hathor. L'hiver de 1906 à Thèbes fut fertile en +surprises; mais celle-ci fut une des plus intéressantes, en raison de la +beauté de la sculpture et de son parfait état de conservation. Currelly +qui accourut avant même que la trouvaille ne fût débarrassée de sa +poussière, me donna tous les détails. + +Les travaux durent être très prudemment menés. Les ouvriers indigènes +s'intéressent vivement à la découverte d'objets de valeur et perdent +facilement leur sang-froid. Si l'on n'observe pas les plus grandes +précautions, les fouilles dans ces rochers peuvent amener des +éboulements funestes. La cavité où apparaissait cette étonnante tête de +vache, demandait une étude spéciale. On s'aperçut d'abord qu'elle avait +un toit en forme de voûte; les peintures murales, fort bien conservées, +ne laissaient aucun doute sur l'époque de la construction. Il est +regrettable que cette construction n'ait point été laissée intacte. Les +autorités du Musée du Caire, naturellement désireuses d'ajouter à leurs +collections un si beau spécimen de la sculpture de la dix-huitième +dynastie, firent valoir les risques que courrait la sculpture si on la +laissait en cet endroit. De son côté, l'Inspecteur local des Antiquités, +M. Weigall, demandait qu'on laissât la caverne intacte, en se déclarant +prêt à assumer toute responsabilité. Les grilles de fer qui auraient été +nécessaires pour protéger la vache de Hathor contre les actes de +vandalisme ou contre les chercheurs de reliques, auraient certainement +nui à l'aspect du monument, mais, située dans cette niche, près du +sanctuaire de Hatshepsu, combien mieux dans son cadre elle aurait été +qu'au Musée du Caire! + +La gravure ci-contre représente la terrasse supérieure du temple de +Mentuhotep, avec la base en ruines de la pyramide, à droite. La partie +sud du temple, plus récente, est au milieu, et les collines qui +entourent la vallée forment le fond. La seconde cavité, à gauche, est +celle où la vache de Hathor fut trouvée, mais, bien qu'elle soit à +proximité du temple de Mentuhotep, elle n'a rien de commun avec ce +sanctuaire. Le sanctuaire de Hathor fut élevé sur les ordres de la reine +Hatshepsu après que l'autre, dont nous retrouvons les traces, fût tombé +en ruines. Tous deux furent restaurés plus tard, sous Ramsès II. + +[PLANCHE 27: RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THÈBES] + +L'excavation, à l'extrême gauche de la gravure, concentra tout l'intérêt +des fouilles de cet hiver. On avait trouvé l'entrée d'une tombe très +intéressante, et, pensant qu'il s'agissait de la tombe recherchée par le +Professeur Naville, on attendit l'arrivée de ce dernier pour l'ouvrir. + +De retour à la hutte, nous procédâmes à l'ouverture du moule de cire. +Une impression se trouvait bien reproduite, mais le papier de plomb qui +servait à empêcher la cire de détériorer le coloris de la muraille, +avait arrondi les bords des incisions qui donnent tant de vie au travail +original. La cire n'avait pas pénétré assez profondément, et il nous +fallut corriger minutieusement les angles trop arrondis. Une autre +difficulté se présentait: la cire qui s'était bien durcie sur la +surface froide de la muraille, s'était ramollie avant d'avoir été +recouverte de plâtre, et certains reliefs s'étaient empâtés. + +Avant de commencer le moulage de la seconde pierre, nous étendîmes notre +cire sur une table de fer, chauffée par une lampe à alcool. A l'aide de +baguettes de bois, nous pressâmes le papier d'étain dans les creux de la +sculpture, et, la cire étant plus malléable, elle fut plus facile à +appliquer dans ces mêmes creux. En employant du plâtre de Paris, nous +n'aurions eu à craindre aucun affaissement, mais nous avions promis au +Professeur Maspero de ne pas nous en servir dans le temple, de crainte +qu'un ouvrier maladroit n'en éclaboussât les murs. Une seconde couche de +cire plus épaisse donna quelque résultat, mais comme les pierres du mur +n'étaient pas toutes égales de surface, nous ne pouvions éviter certains +creux. Cet inconvénient n'aurait pas été si grave s'il ne s'était agi +que d'une seule pierre, mais cette partie de la muraille était formée de +deux cents pierres environ, et il fallait des raccords exacts. + +Il ne m'était pas facile, avec ma connaissance très imparfaite de la +langue arabe, d'instruire dans un art que je devais apprendre moi-même +les paysans qui m'aidaient. Currelly me seconda de son mieux, mais +après l'arrivée du Professeur Naville, l'ouverture de la tombe dans le +temple de Mentuhotep absorba tout son temps et tous ses efforts. Je +trouvai heureusement les six Arabes qui m'aidaient fort intelligents et +prenant beaucoup d'intérêt à leur travail. Au fur et à mesure que les +résultats se perfectionnaient, nous augmentions leurs gages, et lorsque +je fus certain que les moulages ne pouvaient être meilleurs, leur +salaire était le triple de celui qu'ils recevaient aux fouilles. Il faut +dire en passant que _el Kompania_, comme ils nomment la Société +Égyptienne d'Exploration, rétribue fort mal ses ouvriers, et je suis sûr +que seule la perspective de pouvoir subtiliser quelques scarabées ou +morceaux d'antiquités, les décide à travailler à vil prix. + +A propos de ces reproductions, quelques détails sur leurs originaux et +sur le temple où ils se trouvent ne seront point déplacés ici. + +[PLANCHE 28: SENSENEB, DANS LE TEMPLE DE HATSHEPSU, A DER-EL-BAHRI] + +Makere-Hatshepsu est la première souveraine d'une grande contrée dont +nous parle l'Histoire. Fille de Thothmès I, elle avait également droit +au trône par sa mère, Ahmès, qui descendait d'une longue lignée de +princes thébains. Ses deux demi-frères, Thothmès II et Thothmès III, +contestaient ces droits. Bien que leurs prétentions ne fussent point +aussi justifiées que celles de leur demi-soeur, leur sexe les désignait +au choix de leurs sujets. Des deux frères, Thothmès II avait plus de +droits par sa naissance, sa mère étant princesse, alors que la mère de +Thothmès III n'avait été qu'une obscure concubine. Mais Thothmès III +apporta une heureuse solution au problème en épousant sa demi-soeur. +Pendant un certain temps, les deux époux régnèrent conjointement, et +pendant que Thothmès agrandissait le temple de Karnâk, Hatshepsu élevait +ce sanctuaire qu'elle consacra à Ammon. Mais le pays eut à souffrir de +la discorde qui régnait entre les deux époux, et Thothmès II ne manqua +pas d'exploiter à son profit le mécontentement de la population. Tout +d'abord, la reine fut dépossédée par son mari et l'on donna ordre +d'effacer son image des murailles encore inachevées du temple. Le parti +de Thothmès II plaça celui-ci sur le trône. Mais son règne fut de courte +durée, et, à sa mort, les partisans de Hatshepsu furent assez puissants +pour la rétablir sur le trône. Elle régna jusqu'à la fin de sa vie, et +l'embellissement du temple d'Ammon fut son oeuvre principale. + +Les prêtres d'Ammon, qui étaient ses partisans fervents, firent tout au +monde pour affermir son prestige aux yeux du peuple. Dans la colonnade +nord, l'histoire de sa naissance divine est dépeinte: son père +terrestre, Thothmès I, est entièrement ignoré, et une belle série de +bas-reliefs représentent Ahmès devant Ammon Ra; les hiéroglyphes +rapportent les paroles du dieu: «Hatshepsu sera le nom de ma fille... +Elle régnera sur toute cette contrée». Plus loin, l'enfant nouveau-né +est représenté comme un garçon, et, plus loin encore, la reine couronnée +par les dieux porte une barbe et est vêtue de la courte jupe d'un roi. +Thothmès n'apparaît que dans la scène finale où, devant la cour +assemblée, il reconnaît la reine comme souveraine du pays. Le parti de +la reine avait eu soin de faire graver certaines inscriptions pour +renforcer son autorité. Son prédécesseur est représenté, disant: «Vous +proclamerez sa parole; vous serez unis sous son commandement. Celui qui +lui rendra hommage vivra; celui qui parlera de sa majesté en blasphémant +mourra». + +Bien que tardivement racontée, cette légende trouva créance dans le +peuple qui de tout temps avait regardé les Pharaons comme les +descendants terrestres du dieu-soleil, et, malgré son sexe, Hatshepsu +continua de régner jusqu'à la fin de sa vie. + +La contrée de Pont est regardée comme le berceau des dieux; les +égyptologues la placent à l'extrême-est de l'Afrique, connu à présent +sous le nom de Somaliland; de temps immémorial on y récoltait la myrrhe +dont on offrait l'encens sur les autels. Planter de myrrhe les terrasses +de son temple, devint l'ambition de la reine. Cinq navires furent +équipés et envoyés sur le Nil, à un endroit où un canal relie le fleuve +à la mer Rouge. Ils sont représentés dans la colonnade portant la +désignation de _l'Expédition en Pont_ et une large raie bleue qui se +déroule au-dessous figure l'eau où se jouent de nombreux poissons du +Nil. Lorsque ces mêmes vaisseaux sont représentés sur les côtes de Pont, +les poissons particuliers à la mer Rouge figurent à leur tour. Des +hommes chargés d'arbres à myrrhe gravissent les échelles des navires; un +lourd chargement se trouve déjà embarqué, et quelques singes se +promènent çà et là. La structure et la mâture de ces vaisseaux sont +rendues avec une étonnante fidélité. + +Des hiéroglyphes relatant cette expédition couvrent les espaces vides de +l'arrière-plan. + +Le sujet de la muraille sud nous transporte dans la contrée de Pont. Les +envoyés de la Reine sont reçus par le souverain de la contrée; la pierre +où est représentée l'énorme épouse du souverain, ne se trouve +malheureusement plus ici; elle est au Musée du Caire. Des bestiaux à +cornes courtes sont offerts au roi; un village de Pont bâti sur pilotis, +sert de fond. Ailleurs, des indigènes transportent les arbres sur les +navires; leur type, très différent de celui des Égyptiens, a sans doute +été minutieusement observé d'après les quelques habitants de Pont qui +accompagnèrent l'expédition à son retour à Thèbes. Beaucoup de pierres +manquent, elles se trouvent dans les différents musées européens. + +La couleur a disparu des portions de la muraille qui furent exposées aux +intempéries. Les ocres rouges et jaunes ont résisté à la lumière, mais +sont parfois éraflés par les tourbillons de sable. Les parties noires +qui ont été exposées au soleil sont entièrement effacées, ainsi que les +bleus et les verts que l'on ne retrouve que dans les creux profonds. + +Là où les peintures ont été protégées du soleil, de la pluie et du vent, +elles ont gardé toute la fraîcheur de coloris qu'elles avaient il y a +trois mille cinq cents ans, lorsqu'elles furent exécutées par les +artistes à la solde d'Hatshepsu. + +Il semble n'y avoir eu que peu de mélange de couleurs. Les artistes +employaient une nuance conventionnelle pour chaque objet représenté par +le relief, sans faire aucun effort pour employer la teinte exacte; mais +il y a dans l'ensemble beaucoup de richesse et de pittoresque. Çà et là, +la pluie et la lumière, en atténuant les tons, ont mis sur ces +bas-reliefs une patine admirable. + +M. Somers Clarke, architecte honoraire de la Société d'Exploration +Égyptienne, a reconstitué les fragments absents de la colonnade sur +laquelle se trouvent ces bas-reliefs uniques, et M. Howard Carter a +passé deux années à surveiller les travaux. Il reste davantage à faire +pour protéger des intempéries les bas-reliefs de la troisième terrasse, +mais on me dit que ce travail sera bientôt entrepris. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XIV_ + +PARMI LES TEMPLES + +LES TEMPLES ONT SUCCESSIVEMENT SERVI A DES CULTES DIVERS. || +L'INSCRIPTION D'UN PRÊTRE CHRÉTIEN. || LE PETIT TEMPLE DE +DER-EL-MEDINEH. || DÉTAILS ARCHÉOLOGIQUES. || «CE MONDE N'EST PAS UNE +VILLE DURABLE.» + + +Dans l'espace couvert par les deux temples dont nous venons de parler, à +Dêr-el-Bahri, on peut étudier l'art et la vie de ce peuple intéressant +tels qu'ils se développèrent pendant une période de trois mille ans. + +Senmut, l'architecte du temple de Hatshepsu, ne put terminer son oeuvre +avant la mort de la Reine, et comme il était un de ses partisans, il dut +probablement prendre la fuite lorsque Thothmès III saisit à nouveau les +rênes du Gouvernement. Des restaurations furent faites par la dynastie +suivante, sous Ramsès II, mais elles font preuve d'un déclin marqué dans +le sens artistique. Un sanctuaire fut ajouté sur la troisième terrasse +sous les Ptolémées, et nous pouvons comparer cet ouvrage avec ceux de la +dix-huitième dynastie. La nature de la pierre sablonneuse qui servit à +la construction de ce sanctuaire explique probablement le manque de +finesse de certains bas-reliefs. Les personnages sont traités à la +manière grecque, plutôt qu'égyptienne, en tout cas la décadence de l'art +est évidente. L'influence grecque est visible dans tous les monuments de +l'époque des Ptolémées. + +Ce même sanctuaire devint plus tard la chapelle d'une communauté +chrétienne, et les murailles sont encore noircies par la fumée des +torches et des cierges qui l'éclairaient durant la célébration de la +messe. Cette chapelle est creusée dans le rocher, et les pierres +sablonneuses formant le mur et le toit ont été évidemment employées pour +résister à la pesée des pierres calcaires de la partie supérieure. On +retrouve les traces d'un autel dans la table d'offrandes de Hatshepsu, +et, partout où les dieux païens n'ont pas été cachés par quelque objet +du culte chrétien, leur visage a été détruit. + +[PLANCHE 29: COUR INTÉRIEURE DE TEMPLE, A MÉDINET-HABU] + +Les décorations anciennes ne furent point respectées. Une pierre +représentant la tête de Thothmès admirablement sculptée était mise +sens dessus dessous dans le mur, si l'on trouvait qu'elle s'adaptait +mieux ainsi. Sur les espaces qui ne sont pas couverts d'hiéroglyphes ou +de sculptures, on trouve des inscriptions en écriture cursive, +hiératique ou démotique. Une prière à Esculape, en caractères grecs, fut +probablement gravée par un ouvrier grec, sous le règne des Ptolémées. +Plus loin, un moine copte, quelques siècles plus tard, a mis au-dessus +de cette prière une croix, avec ces mots: «Dieu seul guérit». + +De la terrasse supérieure, la vue est splendide. Vous avez devant vous +la sauvage contrée qui forme une partie de la nécropole thébaine. La +plaine fertile traversée par le Nil, se détache sur un fond de collines. +A droite, se trouve le Ramesseum, avec le temple de Seti à gauche, et, +de l'autre côté du fleuve, sur ses bords, apparaissent les grandes +colonnades de Luxor et l'immense pylône de Karnak. + +En 1894-1895, le temple entier fut mis à jour après de longs travaux +dirigés par le professeur Naville et entrepris aux frais de la Société +d'Exploration Égyptienne. + +De mes aides, quelques-uns retournèrent bientôt à _la poussière_, ainsi +qu'ils nommaient les fouilles. L'un de ceux qui restèrent avec moi, +montra une telle habileté dans le moulage des bas-reliefs, que je le +reconnus sans peine pour être, de son métier, un fabricant d'antiquités. +Cet homme savait quelques mots d'anglais et je le laissais souvent +parler. J'ai oublié son nom, mais je me souviens qu'on l'appelait +_Tyndale Koom_, d'après les termes dans lesquels il s'adressait à moi, +lorsqu'il voulait me faire voir son travail. + +Mon second aide était un ânier qui avait abandonné son métier après la +mort de sa bête. Puis venait, par ordre de distinction, un ex-forçat, +individu taciturne et rude travailleur. On m'avait dit que dans un accès +de colère il avait tué quelqu'un, mais qu'au fond il n'était pas +méchant. + +[PLANCHE 30: TEMPLE DE DÊR-EL-MEDINET, A THÈBES] + +Un collaborateur important restait dans la hutte et faisait le moulage +des impressions relevées par nous. Ce travail était extrêmement +difficile, aucun de nous ne sachant bien se servir du plâtre de Paris. +La peinture des maquettes étant moins longue que leur préparation, je +pus consacrer de nombreux loisirs à mes aquarelles. Le petit temple de +Ptolémée à Dêr-el-Medîneh, caché dans les replis des collines désertes à +un kilomètre et demi au sud de notre vallée, fut un de mes sujets +favoris. Le mot arabe _Dêr_, signifie couvent, et ce temple porte les +traces du passage des moines coptes. Il fut élevé en l'honneur de +Hathor, la déesse de la mort, et aussi de la déesse Maat. Bien que les +inscriptions soient inférieures à celles de Dêr-el-Bahri, l'intérieur me +parut plus propre à inspirer de pittoresques esquisses que celui de son +trop célèbre voisin. Les colonnes couronnées de calyx et les initiales +entrelacées de Hathor, ainsi que la porte du sanctuaire, se prêtent sous +un certain éclairage à de délicieuses compositions. Des traces de +couleur se retrouvent sur ces initiales, ainsi que sur le cadran solaire +qui surmonte la porte. + +Les temples de Ptolémée ont un grand avantage sur ceux de dates plus +anciennes, c'est qu'ils sont dans un bien meilleur état de conservation; +en fait, on ne peut guère leur donner le nom de ruines. A part les +objets qui se trouvaient dans ces temples et qui sont maintenant dans +les musées, les temples de Dendera, Esneh et Edfu n'ont guère changé +depuis qu'ils ont été construits. + +Il y a beaucoup à peindre à Medînet Habu, qui se trouve à quinze cent +mètres au sud. Les décorations de la vingtième dynastie dans le grand +temple de Ramsès III, me paraissaient extrêmement grossières après les +bas-reliefs délicats de Dêr-el-Bahri. J'eus beaucoup de difficultés à +reproduire les premiers bas-reliefs si peu accentués. Dans les séries de +Pont, où le fond est enlevé, le relief des personnages ne dépasse guère +un millimètre. Les figures de moindre importance ont à peine un +demi-millimètre, quelquefois moins. Les grandes figures sur les colonnes +ne se détachent pas du fond, et sont souvent à peine indiquées. A +l'époque de Ramsès III, les inscriptions ont atteint une profondeur de +dix à douze centimètres. Les restaurations de Ramsès II à Dêr-el-Bahri +sont en relief, mais elles offrent plutôt une imitation de celles de son +prédécesseur qu'un signe caractéristique de leur propre époque. La +surface plus rugueuse de la pierre et les dimensions plus grandes de +l'édifice expliquent probablement l'accentuation plus sensible des +inscriptions, mais la crainte d'un effacement peut en être aussi la +cause. Les reliefs accentués furent employés au XVIIIe siècle, mais +seulement dans le cas où un effet de perspective était recherché. Le +bas-relief paraît avoir disparu après le règne de Séti I. Je le +retrouvai à Karnak dans un petit temple modeste de la vingt-cinquième +dynastie. Quoique taillé dans de la pierre sablonneuse, le relief en +était fort beau et accusait une renaissance de l'art, qui pourtant +déclina rapidement pendant la domination des Perses. Quelque grossières +que soient les décorations, leur dessin est souvent grandiose; j'ai vu +des scènes de bataille d'un mouvement étonnant. L'art semble avoir lutté +énergiquement avant de décliner pendant le règne suivant. L'espace me +manque pour donner de plus amples détails, mais, dans son _Histoire de +l'Égypte_, le Professeur Breasted relate les événements du règne +mouvementé de Ramsès III, événements que le souverain fit du reste +graver sur son temple monumental. + +En sortant par le pylône massif, nous trouvons à notre gauche une série +de petits temples qui nous représentent quatorze siècles, du règne de +Hatshepsu aux derniers Ptolémées. Les murailles du temple de Hatshepsu +portent des traces des luttes de cette reine avec son père, son mari et +son frère, et sur ses portraits effacés, nous voyons les figures en +cartouches des trois Thothmès. Ceci servit probablement d'enseignement à +Ramsès III, qui fit graver très profondément les inscriptions sur son +temple. Nous passons par un pylône érigé par Taharqua, de la +vingt-cinquième dynastie--le Tirharkah de la Bible--et nous pénétrons +dans le délicieux petit temple de Nektanebos, le dernier Pharaon de la +dernière dynastie (trentième). Huit colonnes représentant des papyrus +entrelacés, à chapiteaux fleuris, supportaient autrefois la toiture; +deux seulement sont encore entières. Ces colonnes, reliées par un écran +en pierre fouillée et se détachant sur le pylône de Taharqua, forment un +charmant ensemble. Le grand pylône du dixième des Ptolémées nous conduit +dans un vestibule à colonnes puis dans une large cour qui termine cette +série de temples. + +Cette oeuvre de Nektanebos et du Ptolémée ne fut exécutée qu'après que +le grand monument de Ramsès fut presque tombé en ruines; cela ressort de +ce fait que les constructions de Nektanebos et Ptolémée furent faites à +l'intérieur et à l'extérieur des murailles formant l'enceinte du grand +temple; elles empiètent aussi sur une partie de l'emplacement du +pavillon de Ramsès. Ce pavillon, dont nous ne voyons plus que la partie +centrale, forme l'entrée principale du temple. + +[PLANCHE 31: VUE INTÉRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSÈS III, MEDINET-HABU] + +A mesure que de nouveaux temples s'élevaient, les anciens tombaient en +ruines et l'on employait les pierres ainsi toutes prêtes comme matériaux +de construction. On retrouve des inscriptions des anciens temples sur +les murs des temples plus récents. Il est étonnant que les ruines du +village chrétien situé à l'est du grand temple, n'offrent que des murs +en boue desséchée. L'église du village qui occupait le centre de la +seconde cour était également construite à l'aide de cette pauvre +matière, alors que des pierres toutes préparées et toutes taillées se +trouvaient à proximité. + +Le magnifique Amenhotep III bâtit son palais somptueux auprès des +temples de Medînet Habu, mais on en retrouve peu de vestiges. Ce palais +était probablement déjà tombé en ruines lorsque Ramsès III fit +construire son grand temple. «Ce monde n'est pas une ville durable», +disait-on au temps des Pharaons. Les grands palais qui ont existé à +Thèbes et qui servaient de demeures aux rois et aux nobles, étaient tous +construits en briques de boue; ils durèrent peu, mais ils nous ont +laissé quelques fragments qui nous permettent de juger de leur +splendeur. Nous retrouvons heureusement des dessins de ces palais sur +les murailles des temples et des sépulcres, ainsi que des spécimens de +mobiliers qui ornent à présent la dernière demeure des morts, et qui +nous donnent une idée des anciens intérieurs égyptiens. + +Le pavillon de Ramsès III, dont nous ne voyons qu'une partie, nous fait +songer à une forteresse plutôt qu'à un palais; il fut sans doute +construit en pierres taillées, pour des raisons stratégiques, par ce roi +guerrier. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XV_ + +LA TOMBE DE LA REINE TYI + +COMMENT LES INDIGÈNES JUGENT LES ARCHÉOLOGUES. || DU RÔLE DE LA REINE +TYI DANS L'HISTOIRE DES PHARAONS. || LE DIEU NOUVEAU. || VISITE A LA +TOMBE MYSTÉRIEUSE. || «SIC TRANSIT GLORIA MUNDI.» || UNE CRUELLE +DÉSILLUSION. + + +Noël était passé, et les travaux d'excavation n'avaient donné aucun +résultat intéressant. L'intérêt qu'ils inspiraient tout d'abord était +tombé. Cette vallée renfermant les tombes des rois, que j'étais +impatient de revoir aussitôt que mes travaux personnels m'en +laisseraient le loisir, devait pourtant, à mon avis, recéler bien des +mystères, que des fouilles habilement dirigées ne tarderaient point à +dévoiler. Un jour, la nouvelle se répandit qu'Ayrton avait découvert de +l'or et des pierres précieuses, et les habitants du pays le voyaient +déjà ramassant à la main des trésors incalculables. Mon travail n'avança +guère ce jour-là, car _Tyndale Koom_, Ahmet et même l'ex-forçat +taciturne ne tarissaient pas en bavardages. Inutile de dire que la +valeur archéologique de la découverte ne les intéressait pas. Les +indigènes sont pleins de cette idée que tous les Européens qui +s'occupent des fouilles ne le font que par rapacité et amour du pillage. +La pensée qu'avec ce qu'ils retireraient du butin, _Mistr Davis_ et +_Mistr Eirton_ pourraient vivre tranquillement jusqu'à la fin de leurs +jours, occupait leur esprit et, probablement, excitait leur rancune; ils +trouvaient mauvais que ces chiens de chrétiens pussent s'emparer ainsi +de ce qu'Allah avait mis en réserve pour les vrais croyants! + +[PLANCHE 32: LES PYLONES DES PTOLÉMÉES, MEDINET-HABU] + +Une chose était certaine: on avait trouvé et ouvert la tombe de la Reine +Tyi. On aurait dit que les roches calcaires qui protégeaient l'entrée +des fouilles avaient la transparence d'un rideau de mousseline, tant les +curieux étaient bien renseignés. M. Théodore Davis avait quitté sa +_dahabiyeh_ pour venir sur les lieux; le Bash Moufetish était arrivé, +accompagné de son _wakeel_ et de ses gardes particuliers; on avait +télégraphié à M. Maspero; un artiste spécial était sur le terrain et un +photographe avait été mandé du Caire. L'arrivée de notre ami Ayrton mit +fin à notre impatience d'en savoir davantage. Il pouvait être +satisfait, car sa découverte était une des plus belles qui se fussent +produites depuis nombre d'années. Il nous dit que la tombe de la Reine +Tyi avait certainement été ouverte depuis que la Reine y avait été +ensevelie, mais que le vol apparemment n'avait pas été le but du +sacrilège; les objets de valeur s'y trouvaient encore, mais les +hiéroglyphes se rapportant à l'hérésie qu'elle avait favorisée et au +fils qu'elle avait essayé d'établir, avaient été effacés. Il paraissait +clair que le sacrilège n'avait été commis que quelques années après la +mort de la Reine, et que les prêtres d'Ammon, ayant satisfait leur zèle +religieux et réparé la brèche faite dans la muraille, Tyi avait reposé +tranquillement pendant plus de trois mille ans. Un éboulement de rochers +avait protégé sa tombe du pillage des Romains, du fanatisme des premiers +chrétiens et de la rapacité des Arabes, mais non des investigations des +égyptologues. + +Ce soir-là notre conversation roula sur la Reine Tyi, son fils Akhnaton +et sur l'évolution religieuse de leur époque. Nous fûmes désappointés en +apprenant que l'entrée de la tombe nous serait fermée pendant quelques +jours encore; le photographe du Caire était absent, et rien ne pouvait +être déplacé avant son arrivée. On craignait d'autre part que les +objets ne se détériorassent à la température extérieure, car il arrive +souvent que des choses demeurées intactes dans un sépulcre pendant des +siècles, tombent en poussière dès qu'elles sont exposées à la +température du dehors. Cette crainte n'était que trop justifiée, comme +on le verra plus loin. + +Une semaine s'écoula avant que personne, à l'exception de ceux qui y +travaillaient, ne pût visiter la précieuse tombe. Notre curiosité était +continuellement excitée par J. Lindon Smith, un artiste américain, +chargé de peindre l'intérieur de la tombe et son contenu, et qui en s'en +retournant à Luxor s'arrêtait à notre campement pour nous raconter sa +journée. Les longues heures passées dans la chambre mortuaire +n'attristaient point l'artiste, et ce fut l'un des plus gais compagnons +que j'eus la bonne fortune de rencontrer. + +Quatre grandes jarres, dont les couvercles portaient l'image de la +Reine, avaient été trouvées, ainsi qu'une cassette renfermant des objets +de toilette en bel émail bleu. Avant de rendre visite à la dépouille +mortelle de cette reine romanesque, il sera intéressant, pour ceux qui +ne connaissent qu'imparfaitement l'histoire de l'Égypte, d'apprendre le +rôle important qu'elle joua pendant la dix-huitième dynastie, alors que +l'Empire avait atteint l'apogée de sa puissance. A l'encontre de +Hatshepsu, elle était de naissance obscure, et l'on dit même qu'elle +n'était point Égyptienne, mais les preuves manquent à l'appui de cette +assertion. Elle épousa le jeune Pharaon, Amenhotep III, à peu près au +moment de son avènement; ce prince magnifique laissa de nombreux +documents où il la nommait _Reine Consort_, et la déclaration royale se +termine par ces mots: «Elle est la femme d'un Roi Puissant, dont +l'empire s'étend au sud jusqu'à Karoy et au nord jusqu'à Naharin». Ainsi +que Breasted le remarque dans son _Histoire de l'Égypte_, «le roi +voulait par là rappeler la haute position qu'elle occupait à tous ceux +qui auraient pu songer à l'humble origine de la Reine». Thothmès III et +ses deux successeurs guerriers avaient consolidé l'empire sur lequel +Amenhotep était appelé à régner; d'une haute culture artistique et ayant +à sa disposition d'inépuisables trésors, ce dernier fit de Thèbes la +plus splendide capitale du monde. Seuls, quelques fragments disséminés +dans les musées nous restent de son grand palais; quelques pierres +marquent l'emplacement de son mausolée, et les colosses ont été +cruellement détériorés par le temps. + +Le grand temple de Luxor, encore debout, nous donne la meilleure idée de +ce qui fut fait durant ce règne. L'architecte Amenhotep, fils d'Api, fut +connu des Grecs douze siècles plus tard, et la sagesse de ses maximes +est citée dans _Les Proverbes des Sept Sages_. On peut voir de lui un +curieux portrait au Musée du Caire. + +Contrairement aux usages de la contrée, la Reine prit une part +prééminente à toutes les cérémonies religieuses ainsi qu'aux affaires de +l'État, et il est curieux de penser que cette petite femme délicate et +fine, tandis qu'elle suivait ces rites religieux, encourageait en secret +une hérésie qui, pendant le règne de son fils, devait amener la ruine de +l'empire. Les causes de cette réforme religieuse demeurent un mystère; +les prêtres d'Ammon, qui étaient alors tout-puissants, cachèrent leur +mécontentement. La Reine eut sans doute beaucoup d'influence sur son +mari, mais elle en eut bien davantage sur son fils, et ce fut ce jeune +homme qui, après la mort de son père, déclara hardiment la guerre aux +prêtres et proclama l'existence d'un Être Suprême, dont la +manifestation visible était le disque solaire. Son nom, Amenhotep +IV,--«Ammon repose»--lui devint impossible à porter; comment pouvait-on +l'appeler ainsi, alors qu'il effaçait le nom d'Ammon des murs des +temples et offrait un autel au nouveau dieu Aton? Il échangea ce nom +contre celui d'_Akh-en-Aton_, signifiant «Esprit d'Aton». Pendant six +ans il lutta pour effacer toute trace du culte d'Ammon, mais les +souvenirs du passé étaient trop vivaces à Thèbes pour qu'ils pussent +être détruits. Aidé de sa mère et du prêtre Eye, qui avait toujours +encouragé son zèle réformateur, il résolut de construire une nouvelle +capitale qu'il dédierait à Aton. Il choisit un site pittoresque à +quelque cinq cents kilomètres au-dessous de Thèbes, appelé maintenant +Tell-el-Amarna, mais qu'il nomma _Akhetaton_, «Horizon d'Aton». Il +paraît y avoir vécu le reste de sa vie, comme le Pape dans le Vatican, +refusant de visiter les régions qui n'étaient pas dédiées à son dieu. +Les provinces asiatiques refusèrent bientôt de payer leur tribut, et à +la fin de son règne l'immense empire ne comprenait plus que les +provinces arrosées par le Nil. Il mourut sans successeur mâle direct, et +son gendre, Sakere, dont on ne connaît pas l'histoire, lui succéda. Un +autre de ses gendres, Twet-ankh-Amon, succéda à ce dernier, et après +entente avec les prêtres d'Ammon, il retourna à Thèbes qui, depuis vingt +ans, n'avait pas vu de Pharaon. Ce fut probablement durant son règne que +le culte d'Ammon fut rétabli, la tombe de la Reine Tyi ouverte et tous +les souvenirs du maudit Aton détruits. + +[PLANCHE 33: KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE SÉTI Ier, A THÈBES] + +Il nous fut enfin permis de visiter cette Reine avant que son cercueil +gemmé ne fût envoyé au Musée du Caire et ses ossements ensevelis au pied +de la colline protectrice de son tombeau. Mes amis, M. Henry Holiday et +Miss Mothersole, firent partie de l'expédition. Nous ne fûmes pas long à +gravir la montagne et à descendre dans la vallée des Tombes des Rois. +Deux policiers en faction nous indiquèrent l'endroit que nous +cherchions, et lorsque les sentinelles furent bien convaincues que nous +étions des amis de _Hawaha_, nous fûmes conduits à la tombe nouvellement +ouverte. Je fus assez surpris de ce qui se présenta d'abord à nos yeux: +un jeune Anglais de stature athlétique, revêtu d'un costume de flanelle, +était là, entouré de boîtes de fer-blanc, et, éclairé d'une lanterne +électrique, il classait des pierres précieuses; la lumière qui faisait +étinceler les joyaux tombait aussi sur les murs blancs du sépulcre, et +l'ombre sinistre de notre compatriote aurait pu être prise pour celle +d'un sorcier ou d'un prêtre d'Ammon. L'or et le blanc étaient les +couleurs dominantes de tout ce qui était éclairé par les rayons +électriques, et, au premier coup d'oeil, on se serait plutôt cru dans un +boudoir dévasté que dans une mystérieuse demeure funéraire. + +Ces réflexions furent de courte durée, car notre ami ayant prestement +rentré ses pierres: des lapis-lazuli en forme de demi-lune dans une +boîte de _Beautés égyptiennes_, des cornalines et des turquoises dans +des boîtes de _Démétrius_ et de _Nestor Genakalis_, s'empressa de nous +souhaiter la bienvenue et de nous faire descendre dans la tombe, située +à quelques pieds au-dessous de l'entrée qui y conduisait. Nous devions +marcher avec précaution et avoir soin de ne rien toucher, car la plupart +des objets étaient très fragiles et le moindre heurt aurait été funeste. +Le dais effondré nous cachait la vue du cercueil; enfin nous vîmes +devant nous l'effigie de Tyi. C'était le spectacle le plus émotionnant +que j'eusse jamais vu: vêtue et parée comme elle l'était sans doute le +jour où Amenhotep le Magnifique la conduisit au festin nuptial, elle +reposait, les bras croisés. Émerveillé par la splendeur de ce tableau, +je ne vis point tout d'abord qu'un côté du cercueil était tombé et que +le corps réel de la Reine reposait à côté de cette glorieuse effigie. +Son visage desséché, ses joues creuses, ses lèvres minces et +parcheminées, découvrant quelques dents, offraient un contraste frappant +avec le diadème d'or qui encerclait son front et le collier qui cachait +une partie de sa gorge momifiée. Son corps était enveloppé de minces +feuilles d'or qui, déchirées en plusieurs endroits, rendaient le +spectacle encore plus lamentable. + +Je compris bientôt pourquoi le corps gisait à côté du cercueil. La +bière, très lourde, avait été posée sur de beaux tréteaux surmontés d'un +dais doré, mais l'un des pieds sculptés des tréteaux ayant cédé, le +cercueil était tombé à terre et l'un des côtés s'étant brisé, la momie +s'en était échappée. _Sic transit gloria mundi!_ + +Avant que ce livre ne soit publié, tous les objets renfermés dans la +tombe de Tyi auront été étiquetés, catalogués et classés dans le Musée +du Caire. La Reine, elle, n'y sera pas. Tout objet ayant une valeur +artistique ou archéologique sera transporté dans la _dahabiyeh_ de M. +Davis, et le corps sera remis dans sa sépulture, et la tombe murée. + +Ces pages furent écrites au moment où, tout à l'enthousiasme de la +découverte, nous ne songions pas à mettre en doute son authenticité, et +je les publie ainsi afin de ne pas leur enlever leur sincérité de +premières impressions. Mais une triste désillusion nous était réservée. +Depuis mon départ d'Égypte, cette intéressante momie a été examinée par +de savants chirurgiens qui ont déclaré que le squelette était celui d'un +jeune homme âgé de vingt-cinq à vingt-six ans.... + +Il n'y a pas de doute que tout ce qui se trouvait dans le sépulcre +appartenait à la tombe de la Reine Tyi, mais l'endroit où repose +réellement son corps, et l'identité du jeune homme qui usurpait ici sa +place demeurent autant de mystères. Il ne semble guère possible que ce +corps soit celui d'Ikhnaton qui aurait été transporté ici de +Tel-el-Amarna pour reposer près de ses ancêtres. Son règne, sous lequel +se sont accomplis tant d'événements, n'aurait guère pu se terminer si +tôt. Obtiendra-t-on quelque nouvel éclaircissement sur ce que firent les +prêtres d'Ammon, lorsqu'ils ouvrirent le sépulcre pour y effacer le nom +maudit d'Aton? Peut-être le cérémonial somptueux des obsèques royales ne +fut-il qu'un simulacre et le corps de la Reine a-t-il été transporté +dans la ville d'Akhetaton, construite par son fils, pour échapper aux +mains sacrilèges des prêtres? + +Nous laisserons ces questions sans réponse et nous retournerons aux +excavations du temple de Mentuhotep. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XVI_ + +LE TEMPLE DE MENTUHOTEP + +ENCORE DES TOMBES, DES SARCOPHAGES, DES MOMIES. || ANTIQUITÉS +MODERNES... || L'HONNÊTE VOLEUR. || DANS LE CLAIR-OBSCUR DES CAVEAUX. +|| LES PEINTURES DE LA TOMBE DE NAKHT: SCÈNES DE LA VIE D'UN GENTILHOMME +CAMPAGNARD. || VERS LE TEMPLE DE SETI. + + +Vers la fin du mois de janvier 1907, le fond du puits fut atteint, et, à +six cents pieds de son orifice, la chambre mortuaire ouverte. Dans une +niche creusée dans la muraille gauche, se trouvait la momie. Cette niche +était assez haute pour qu'on pût s'y tenir debout et assez profonde pour +contenir un sarcophage. De larges plaques d'albâtre couvraient les +murailles, et bien qu'il n'y eût nulle inscription pour nous renseigner, +nous nous trouvions évidemment en présence du sépulcre d'un grand +personnage. Le désordre qui y régnait prouvait que la tombe avait déjà +été ouverte et pillée; le sol était jonché de débris de cercueil, d'arcs +et de flèches, de statues de bois et de poteries. Dans un coin, un amas +de poussière brunâtre et de morceaux de bandelettes était tout ce qui +restait du corps pour lequel cette tombe avait été construite. La +chaleur y était telle que nos bougies fondaient entre nos doigts; l'air +était irrespirable. + +Mais la trouvaille était importante, et au fur et à mesure que les +objets renfermés dans la chambre mortuaire étaient apportés à la hutte, +il devenait évident qu'ils avaient dû appartenir à une tombe royale. Le +classement et remballage de tous ces objets prit quelque temps, et nous +dûmes abandonner nos essais de reconstitution des meubles et des +ornements. + +Une autre tombe fut découverte à gauche du grand puits; l'immense +sarcophage de granit qu'elle renfermait et sa situation près du +sanctuaire du temple laissaient supposer qu'elle avait dû contenir une +momie royale. + +[PLANCHE 34: LE TEMPLE DE MEKTENEBO, MEDINET-HABU] + +Mrs. Naville passa six semaines à rassembler, à classer les fragments de +sept petits autels qui avaient occupé la terrasse supérieure, et dont +son gendre fit la reconstitution sur papier. Le dessin en était fort +beau, et les ornements sculptés de quelques fragments pouvaient se +comparer aux ouvrages de la dix-huitième dynastie. Les dessins qui +ornent les murailles des terrasses sont inférieurs; on y trouve la +manière conventionnelle d'ouvriers habiles plutôt que la marque d'un +génie personnel, comme on en rencontre dans le temple de Hatshepsu. Il +est regrettable qu'on n'ait pu reconstruire complètement et laisser sur +place un de ces petits autels; on aurait eu ainsi un curieux spécimen de +l'art de la onzième dynastie. Comme fragments, ils rempliront les +vitrines de quelques musées, mais leur valeur au point de vue +architectural sera nulle. Toutefois, après avoir reconstruit un de ces +autels, il aurait fallu l'entourer d'une grille de fer afin de le +protéger des indigènes, et certainement cette cage de fer au milieu des +ruines aurait été peu à sa place. Il est difficile de sauvegarder les +oeuvres d'art dans une contrée où les gens ne se rendent pas compte de +leur valeur idéale. Si l'on arrête un voleur en possession d'antiquités, +il est presque impossible d'obtenir pour lui, d'un magistrat indigène, +une condamnation. Le fait de «voler une antiquité» bénéficie de quelque +indulgence, même auprès des Européens: une dame vint un jour à notre +campement pour prier Currelly de l'aider à déchiffrer le cartouche d'un +scarabée et à en estimer la valeur. Currelly, après examen, déclara que +le scarabée était faux, au grand désappointement de la dame, qui, +refusant de se rendre à l'évidence, nous expliqua que le verdict de +Currelly ne pouvait être exact, «car, nous dit-elle, Achmet (le jeune +ânier) m'a assuré qu'il a volé ce scarabée pendant les fouilles, et il a +une figure si honnête que je ne saurais croire qu'il a menti!» Nous ne +pûmes nous empêcher de rire devant tant de simplicité, et la bonne dame +comprit peut-être que le doux Achmet, honnête voleur, était bien capable +d'être aussi un menteur. + +Au début de ses travaux à Thèbes, Currelly était moins habile à +reconnaître un scarabée _Kurnah-made_; voulant un jour faire quelques +achats à Luxor, il eut l'idée de s'adjoindre quelqu'un de compétent. Le +chef d'équipe, ou _reis_, comme on les appelle, était originaire de +Kurnah et, sans nul doute, très habile à fabriquer lui-même des +antiquités; ce fut lui que Currelly choisit. Le contre-maître accepta, +et comme Currelly traitait ses hommes avec bonté et qu'il avait quelque +expérience du caractère des indigènes, il savait qu'il pouvait compter +sur son allié. Dans le magasin, un lot tentant de curiosités fut étalé +devant lui, et notre ami commença à choisir: «Pouvez-vous me garantir +l'authenticité de ceci?» demanda-t-il en montrant un bel _ushabti_ bleu +et poli. Le marchand jura «par la barbe du prophète» qu'il connaissait +la tombe où l'objet avait été trouvé, et en appela à son coreligionnaire +pour corroborer ses dires. Le _reis_ voulant servir son maître sans +encourir la colère du marchand, joignit ses protestations à celles de ce +dernier, mais pressa du pied la bottine de Currelly, et notre ami +comprenant que le contre-maître mentait par complaisance, l'achat de +l'_ushabti_ ne fut pas fait. + +L'objet suivant était authentique; un léger coup de coude en avertit +Currelly qui parvint ainsi à faire quelques achats vraiment +intéressants. Une fois les objets choisis, vint la discussion au sujet +du prix, et le mot inévitable du marchand: «Vous ne voudriez pas que je +vous fisse un prix inférieur à ce que j'ai payé moi-même? Mais parce que +c'est vous, vous seulement, vous entendez, je suis prêt à perdre tant et +tant». Cette preuve de bienveillance termina la transaction. + +Vers la fin de mars, les rayons du soleil brûlant les rochers de la +vallée de Dêr-el-Bahri, y rendaient le séjour insupportable. Lorsque le +vent du Sud s'en mêlait, la chaleur était telle que nous ne pouvions +travailler que de l'aube à dix heures du matin, la cire demeurant molle +tout le long du jour. Je dus souvent attendre le soir pour prendre mes +impressions, et travailler fort avant dans la nuit. Je désirais vivement +terminer le moulage de «Pont» durant cette saison; le coloris serait +forcément remis à la saison suivante. Aussi, dès que le vent eut changé, +je fus au travail des journées entières. + +Mes hommes étaient heureux de pouvoir se reposer à l'ombre pendant le +_Khamsîn_. Les seuls endroits frais étant les tombes, je m'y retirais +pour faire mes aquarelles. Tout d'abord, après la violente lumière du +dehors, je distinguais mal les objets que je voulais peindre, mais mes +yeux s'habituaient bien vite au clair-obscur environnant. + +[PLANCHE 35: PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THÈBES] + +La gravure ci-contre représente une peinture murale de la tombe de +Nakht, un des sépulcres que l'on rencontre en allant du Ramesseum à +Dêr-el-Bahri; en consultant son guide, le visiteur verra que cette tombe +porte le nº 125 sur le plan des tombes du Cheik Abd-el-Kurnah; il +trouvera également une description des scènes représentées sur les +murailles de ces tombes qui forment un groupe intéressant de la +nécropole thébaine. En dehors de ce que ces peintures murales nous +enseignent, nous ne savons pas grand'chose de Nakht. On le dit scribe, +il était probablement prêtre d'Ammon, ou faisait partie de cette +corporation puissante qui joua un rôle si important dans les destinées +du Nouvel Empire. Il vécut à l'époque d'Hatshepsu, et il est évident +qu'il s'intéressa vivement à ce qui devait être sa dernière demeure. Il +connaissait suffisamment les dieux et déesses à têtes d'oiseaux et les +jugeait sans doute à leur valeur, car il préféra entourer son esprit des +scènes auxquelles son corps avait pris part. On y rencontre maintes +allusions à Ammon, car la croyance en une manifestation corporelle de +l'Être Suprême ne cessa d'exister, malgré le rire des augures. + +Les occupations de Nakht semblent avoir été celles d'un riche +gentilhomme campagnard. On le voit surveillant des travaux agricoles, +depuis le labourage et les semailles jusqu'à la moisson. On le voit +aussi présidant en personne aux vendanges et au pressoir. Si l'on en +juge par la finesse de ces tableaux, le sport fut son plaisir favori; un +panneau très décoratif le représente à la pêche, retirant ses filets, +chargés d'oiseaux pris parmi les plantes aquatiques. On le voit +également à table avec son épouse; dans un coin, le chat de la maison +se régale d'un poisson; des musiciens et des danseuses égaient le repas. + +J'ai choisi trois de ces dernières représentations parce qu'elles +étaient admirablement conservées, et parce que la lumière tombant du +dehors sur ce pan de muraille facilitait mon travail. + +Les rochers dans lesquels ces tombes ont été taillées sont d'un grain +plus rugueux que ceux de Dêr-el-Bahri; leur surface a été égalisée et +cimentée avant d'être peinte. L'artiste ici n'a pas eu recours aux +délicates incisions des bas-reliefs du temple de Hatshepsu, mais il a +essayé de donner du relief aux figures en les ombrant légèrement. Le +résultat n'est pas aussi heureux, et les éraflures et les craquelures du +ciment donnent à ces fresques un air de pauvreté qu'on ne voit jamais +dans les ornements taillés à même la pierre, tout endommagés qu'ils +soient par le temps ou par des mains sacrilèges. On juge pourtant mieux +ici de l'art du dessinateur. Ces personnages, de 40 centimètres de haut +environ, sont dessinés d'une main très ferme: souvent le geste d'un bras +est indiqué de deux coups de pinceau seulement. Les cordes d'une harpe +semblent faciles à faire, et c'est seulement lorsque j'essayai de les +tracer d'un seul coup de pinceau, comme sur l'original, que j'appréciai +la dextérité de l'artiste de Nakht. Peut-être ce dernier est-il lui-même +l'auteur de ces peintures, car le terme scribe signifiait probablement +aussi sculpteur et peintre. Cette idée me préoccupait pendant que je +travaillais dans la tombe. Les artistes qui exécutèrent les belles +figures des dix-huitième et dix-neuvième dynasties devaient, à +contre-coeur, substituer une tête de chacal à celle d'un homme, ou +surmonter d'une tête de vache l'exquise silhouette de Hathor. Décorant +sa propre tombe, Nakht put faire comme bon lui semblait, et aucune tête +monstrueuse ne défigure sa dernière demeure. Les passages habituels du +_Livre de ce qui est en dessous du Monde_ ou du _Livre des Portraits_ ne +se trouvent pas ici: il en eut probablement _ad nauseam_ au temps où il +servait dans le temple. Puisse son âme errer à travers champs et vignes +et se délecter aux souvenirs des joyeux festins qu'il fit sur cette +terre! + +Il y a quelques tombes plus importantes que celle de Nakht: je ne +saurais les décrire toutes dans ce livre. Mais on ne doit pas manquer de +visiter celle de Rekhmere, qui est ornée de vivantes peintures. + +[PLANCHE 36: SÉTI Ier OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VÉRITÉ, +BAS-RELIEF DU TEMPLE D'ABYDOS] + +Les moulages de «Pont» tiraient à leur fin, et le vent chaud rendant la +température insoutenable, je me décidai à quitter la vallée de +Dêr-el-Bahri. Je ne connaissais pas Abydos, et l'occasion de passer +quelque temps à proximité du temple de Seti se présentant, j'acceptai +avec empressement l'invitation de M. Garstang qui y dirigeait les +fouilles. Le temple est situé à une douzaine de kilomètres de la +rivière, juste à la limite des terrains cultivés, et la plus proche +station est celle de Beliâneh. Bien que le camp ne fût qu'à 120 +kilomètres environ de celui de Dêr-el-Bahri, il me fallut aller à Luxor +et y passer la nuit pour pouvoir prendre un train tout au matin. +Heureusement, le vent avait fraîchi, et je pus supporter la chaleur du +train. Celui-ci longe la rive est du Nil pendant la plus grande partie +du chemin et traverse le fleuve à Nag Hamâdeh. De fréquents arrêts aux +gares où aucun voyageur ne monte ni ne descend, prolongent ce voyage +pendant cinq ou six heures. Arrivé à Beliâneh, je me procurai deux ânes +pour me transporter avec mon bagage à travers les terrains cultivés. Le +soleil dardait ses rayons brûlants au-dessus de ma tête; il n'y avait +guère qu'une semaine que les blés avaient perdu leur première couleur et +déjà ils paraissaient mûrs pour la moisson. Le paysage était plus +riche, plus pittoresque, et l'étendue des plaines d'or foncé donnait, +par contraste, un reflet argenté aux collines désertes. + +Après avoir quitté la plaine, on arrive bientôt au temple de Seti. +L'intérieur de ce temple laisse une désillusion et ne se prête guère au +croquis. A 400 mètres plus loin dans le désert, on rencontre le temple +en ruines de Ramsès II. A l'exception de ces deux temples et du +cimetière plus éloigné, rien ne subsiste de l'antique cité d'Abydos. +Elle était déjà probablement en ruines lorsque Strabon visita l'Égypte, +car il en parle comme de «jadis une grande ville, presque l'égale de +Thèbes, mais sans importance maintenant». + +Après avoir franchi quelques basses collines parsemées de débris de +poterie, nous descendîmes dans une plaine sablonneuse, fermée à l'ouest +par les monts du Liban. Un _Union Jack_ flotte mollement au sommet d'une +maison à un étage, construite en briques de boue: c'est le lieu de ma +destination. + +Les fouilles que dirige Garstang pour le compte de l'Université de +Liverpool devant durer quelques années, on a jugé utile de construire +des habitations confortables pour les membres de l'expédition et un +dépôt pour les trouvailles. Mon hôte ayant été obligé d'aller au Caire +pour quelques jours, je fus reçu par M. Harold Jones et M. Blackman qui +dirigeaient les travaux en son absence. Je trouvai là également Howard +Carter, venu, comme moi, pour étudier les bas-reliefs du temple de Seti. +La maison, ingénieusement construite, comprenait une salle de réunion +claire et fraîche et assez de chambres pour loger confortablement six +personnes. Le déjeuner me prouva que Harold Jones était non seulement +habile architecte, mais un parfait maître de maison. N'ayant rien pris +depuis cinq heures du matin, je fis largement honneur au repas. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XVII_ + +KARNAK + +UNE VISITE AU TEMPLE DE SETI. || LES PLUS BEAUX DOCUMENTS DE L'ART +DÉCORATIF ÉGYPTIEN. || LE «KHAMSIN» OU LE DÉSERT INCENDIÉ. || JE REGAGNE +LUXOR POUR ALLER ENSUITE A KARNAK. || UNE CITÉ DE RUINES, TOUTES EN +COLONNADES GRANDIOSES. || LE MONOLITHE DE GRANIT ROSE. + + +Lors de ma première visite au temple de Seti, j'eus le plaisir d'être +accompagné par Howard Carter, très documenté en matière d'art égyptien. + +Bien que l'art fût arrivé à son apogée pendant la dix-huitième dynastie, +on ne trouve aucune trace de décadence dans les bas-reliefs de ce +temple, et j'incline à les regarder comme la plus grande manifestation +d'art décoratif que l'Égypte nous ait donnée. Ils sont l'oeuvre d'un +grand artiste qui, quoique encore imbu des traditions de la dynastie +précédente, y apporta le sceau de son génie personnel. + +D'une manière générale, l'art était dans une période de décadence, mais +non pas l'art de celui qui dessina les ornements de ces murs; quant à la +partie du temple qui est couverte d'inscriptions datant de Ramsès II, la +décadence y est très marquée. Les règnes de Seti et de son fils ayant +été fort longs, une période de quarante à cinquante années sépara +probablement l'apogée de l'art de son déclin. + +[PLANCHE 37: ISIS ALLAITANT SÉTI Ier, ABYDOS] + +Les reliefs de Seti sont légèrement plus accentués que ceux du temple de +Hatshepsu à Thèbes, mais ceci est peut-être une conséquence des plus +grandes dimensions des figures. Ils ne sont pas tous colorés, mais nous +ne pouvons que nous en féliciter, puisque le temps a presque partout +effacé le coloris des autres. J'ai choisi un sujet dans les deux séries. +Dans le premier sujet où la patine du temps a donné une belle teinte +chaude à la pierre, on voit Seti apportant une offrande à Osiris dont +une partie de la silhouette est demeurée intacte. Dans la série de +reliefs colorés, j'ai choisi celui qui représente Seti allaité par Isis. +Le modelé est plus beau dans le premier; dans le second les éraflures de +la couleur nuisent aux effets de lumière et d'ombre. J'ai restauré les +visages de la déesse et du jeune roi, afin de rendre le sujet +intelligible. Les bleus et les verts sont presque effacés, tandis que +les rouges et les jaunes ont gardé toute leur vivacité; nous ne +pouvons donc donner d'opinion sur cette oeuvre quant à la combinaison +des teintes. En tout cas, son dessin la place au rang des grandes +oeuvres artistiques du monde. Maintenant que ces murailles sont exposées +au soleil et aux rares pluies de la Haute-Égypte, elles se dégraderont +probablement plus en un an que pendant tout le temps qu'elles ont été +enfouies sous le sable. + +Les rochers servaient autrefois de toit à ces murailles et il est +regrettable qu'on n'ait pas trouvé un moyen de protéger les quelques +fragments colorés qui nous restent. Jadis, la couleur était protégée par +un vernis dont on retrouve des traces là où ni le soleil ni la pluie +n'ont pu pénétrer. + +Le temple qui est érigé non loin du tombeau supposé du dieu Osiris, lui +fut dédié ainsi qu'à la déesse Isis et à leur fils Horus. Les honneurs +rendus à la divine triade forment le sujet traité par l'artiste, qui ne +manqua pas de faire ressortir la faveur spéciale dont jouissait Seti, +qui alla jusqu'à usurper la place de l'enfant Horus. Nous voyons le roi +dans différentes scènes sur la muraille nord du hall hypostyle de +Karnak. Il y est représenté sous les traits d'un guerrier subjuguant un +chef lybien, et les vigoureuses scènes guerrières qui précèdent et +suivent cet épisode ont sans doute servi de modèles à celles que nous +trouverons plus tard sur les temples de Ramesid. + +Nous trouvons encore des traces d'un beau travail sur les murs en ruines +du temple mortuaire de Seti à Karnak, et le plan de celui de Abu Simbel, +connu comme oeuvre de Ramsès II, fut établi pendant le règne du père +illustre de ce Pharaon. Tous les genres de décoration murale ont été +employés durant le règne de Seti. Les bas-reliefs d'Abydos sont les plus +beaux, mais le relief en creux était également très employé et avec +beaucoup d'effet; ici, le fond n'est pas enlevé, mais le contour est +coupé et le relief est formé par la profondeur de cette incision. On +trouve un beau spécimen de ce travail dans la tombe de Seti à Thèbes, où +le jeune roi est représenté faisant une offrande à l'image de la Vérité. +Cette même tombe est aussi richement décorée de peintures murales +plates. + +Peu après mon arrivée à Abydos, le _Khamsîn_ rendit l'endroit aussi +inhabitable que Dêr-el-Bahri. Le nom donné à ce vent provient du mot +arabe signifiant _cinquante_, parce qu'il souffle pendant cinquante +jours, à partir du commencement d'avril. On l'appelle aussi _Simoon_. +Il est précédé par une élévation de la température, un changement de la +teinte du ciel qui passe du bleu au gris, et une tranquillité spéciale +de l'atmosphère. Bientôt la teinte grise du ciel passe au jaune vers le +sud et une ou deux rafales d'air brûlant annoncent l'arrivée imminente +du fléau. Il semble que les portes de l'enfer s'ouvrent. Un tourbillon +de sable se meut à travers le désert, et l'horizon est noyé dans un +brouillard jaune. J'ai essayé de peindre cet effet, mais je n'avais pas +le temps d'appliquer mes couleurs tant elles séchaient vite. La surface +de ma palette et de mon croquis ressemblait à du papier d'émeri avant +que j'aie pu reprendre de la couleur, si ma toile faisait face au vent, +et d'un autre côté, si je faisais face au vent moi-même, j'étais aveuglé +par le sable. Il n'y a qu'un parti à prendre au moment du _Khamsîn_, +c'est de rester chez soi. On se demande ce que ce sera en juin si la +chaleur est déjà si fatigante en avril. Je m'étais empressé d'emballer +tous mes vêtements chauds pour les expédier chez moi par petite vitesse, +mais deux jours plus tard je m'estimais heureux de ce que l'expédition +n'ait pu être faite, car un changement de vent m'avertissait qu'ils +pourraient m'être encore utiles. La seule consolation de ces brusques +changements est que cette plaie d'Égypte, les mouches, en souffre +également. Le mois d'avril, en Égypte, n'est jamais attristé par la +pluie, et il dépend de la direction du vent que le séjour y soit +charmant ou détestable. + +Je m'en retournai à Luxor par un train de nuit, car je ne me souciais +pas de refaire le trajet par la chaleur du jour. Il faisait un peu plus +frais à Dêr-el-Bahri lorsque j'y arrivai le matin suivant. Les fouilles +étaient terminées et tout le monde était parti, sauf Currelly qui +surveillait l'emballage de fragments provenant du temple de Mentuhotep. +La trouvaille de l'année précédente, la vache de Hathor, ayant été +acquise par le Musée du Caire, toutes les autres découvertes devaient +revenir à la Société d'Exploration Égyptienne. Mes bagages furent vite +prêts et expédiés à dos de chameau sur la rive opposée à Karnak, où +attendait la _dahabiyeh_ de mon ami Nicol. J'eus le regret d'abandonner +Currelly dans cette fournaise, avec une si grande quantité de fragments +à emballer, mais mon temps était limité et j'avais hâte de visiter +Karnak. + +Lorsque nous atteignîmes Karnak, mon ami Erskine Nicol fit jeter l'ancre +à cinq minutes du grand temple. Howard Carter m'avait donné une lettre +d'introduction auprès de M. Legrain qui était à la tête des travaux de +Karnak et qui est un des hommes les mieux renseignés de notre temps sur +cette partie de la contrée; ma première matinée se passa en compagnie de +cet aimable Français et de Nicol, à visiter les temples de la région. M. +Legrain nous conta l'histoire de Karnak et nous fit remarquer le +développement de cette citée dédiée à Ammon. Nous trouvâmes des traces +de son histoire depuis la douzième dynastie jusqu'à l'ère chrétienne, +soit pendant une période de deux mille ans. On peut y voir aussi des +vestiges des temps archaïques, mais comme je ne veux parler ici que des +monuments intéressants au point de vue artistique, je laisserai de côté +ces ruines des premiers âges. M. Legrain est un artiste élève de l'École +des Beaux-Arts et sa connaissance des lieux jointe à ses qualités +artistiques en font un guide unique. + +Pour avoir une idée vraiment grandiose de cette vaste étendue de ruines, +il faut se diriger vers le Nil par l'avenue des Sphinx. On passe sous un +gigantesque portail, érigé par l'un des Ptolémées; c'est le pylône +principal. Les dimensions de ce portail sont imposantes, mais nous ne +nous y arrêtons pas longtemps, car la grande cour qui suit attire notre +attention. Nous remarquons une haute colonne à chapiteau en forme de +calice, qui supportait sans doute autrefois une statue; des neuf autres +colonnes qui formaient une double rangée dans la cour, il ne reste que +les bases et des tronçons brisés. Contre le bleu clair du ciel, le beau +chapiteau du pylône de Ramsès I se détache hardiment. L'Éthiopien +Taharqua éleva, dit-on, ces hautes colonnes durant la vingt-cinquième +dynastie, période qui marqua le début de la dernière renaissance de +l'art égyptien. + +Nous dépassons le grand pylône pour pénétrer dans le hall hypostyle +élevé par Seti I et terminé par Ramsès II. En entrant pour la première +fois dans ce hall orné de 134 colonnes, on ressent quelque chose de +l'effroi et de la surprise qu'inspire une première vue des Pyramides, +mais ici un art plus raffiné a aidé la force brutale dans la +construction de cette oeuvre monumentale. Ce que nous voyons suffit pour +nous permettre d'imaginer l'impression que l'édifice entier devait +produire; telles qu'elles sont, ce sont les ruines les plus grandioses +de l'univers. + +[PLANCHE 38: GALERIE HYPOSTYLE, A KARNAK] + +La gravure ci-contre représente imparfaitement les deux rangs de +colonnes qui supportaient la voûte de la nef. Les deux ailes étaient +supportées par 122 colonnes, mais ces dernières étaient moins élevées +que celles de la nef, de sorte qu'elles permettaient à la lumière de +pénétrer dans l'intérieur à travers une double rangée de fenêtres. Ce +que nous appelons la nef, comprend trois grandes ailes. Les deux moins +élevées, à droite et à gauche, sont supportées chacune par sept rangs de +colonnes qui, avec les murs extérieurs, forment sept ailes moins +importantes. + +L'effet de ces 134 colonnes est fort imposant; la circonférence de +chacune est si énorme que leurs bases couvrent presque entièrement la +surface du sol. Je ne sais si au point de vue architectural cette +disposition est heureuse, mais je sais que l'effet est imposant. Je +donnerai une idée de la circonférence de ces colonnes en disant que six +personnes se tenant par les mains, peuvent à peine entourer une seule +colonne. Leur hauteur est de 69 pieds, ce qui, avec les blocs de granit +qui les surmontent et supportent le toit, donne à l'extérieur 78 pieds +de hauteur. Les architraves au-dessus de ces colonnes s'élèvent à peu +près à la hauteur des fûts de celles qui sont au centre. Quelques-unes +de celles-ci étaient tombées il y a sept ou huit ans, et M. Legrain nous +raconta comment il s'y prit pour les relever et les replacer. Le +procédé qu'il employa est sans doute le même que celui des architectes +de Seti. M. Legrain fit amonceler de la terre jusqu'à la hauteur de +l'emplacement de la pierre tombée, en réservant une sorte de chemin sur +cette colline artificielle. Au moyen de poulies et de cordes, on hissait +le bloc écroulé jusqu'à sa place primitive. La terre ainsi employée, +provenant des fouilles du temple voisin, ne coûtait rien. Comme la +main-d'oeuvre est très bon marché pendant certains mois de l'année, le +travail était moins coûteux que si l'on avait employé des grues +actionnées par des moteurs. Beaucoup de fouilles restent encore à faire. +Un grand nombre des colonnes des ailes sont encore enfouies jusqu'à la +naissance de leurs chapiteaux. Les pierres formant la toiture +proviennent sans doute de l'époque des Ptolémées, alors que ceux-ci +désiraient ajouter leur tribut en l'honneur d'Ammon ou de quelque autre +dieu thébain. Toutes les colonnes centrales et la plupart des petites +sont gravées et ornées d'inscriptions et de cartouches datant de Ramsès +II. La plus belle oeuvre de Seti se trouve sur la façade intérieure des +pylônes qui entourent le hall, à l'est et à l'ouest, et des deux côtés +du mur nord. Les quelques colonnes qui nous restent de l'oeuvre de ce +Pharaon nous font regretter qu'il ne l'ait pas terminée. On y retrouve +de délicats bas-reliefs, rappelant ceux d'Abydos, et qui forment un +contraste frappant avec l'oeuvre de son fils. + +En quittant cette galerie par la porte de la muraille nord, nous pouvons +étudier une série de bas-reliefs représentant les victoires de Seti +pendant sa campagne de Syrie; ils sont aussi intéressants au point de +vue artistique qu'au point de vue historique. Nous voyons toutes les +scènes guerrières depuis les origines de l'Empire jusqu'à la conquête de +l'Égypte par Alexandre. Ce sont sans doute ces ouvrages artistiques qui +ont inspiré la scène, reproduite à l'infini, d'un Ramsès quelconque +terrassant un barbare. + +[PLANCHE 39: LE SANCTUAIRE, A KARNAK] + +Retournant dans la galerie, nous traversons cette forêt de colonnes et +nous sortons par la porte de l'est, sous le pylône d'Amenhotep III. +Cette partie plus ancienne du temple d'Ammon est dans un tel état de +ruines que, sans l'aide de M. Legrain, nous n'aurions pu nous y +retrouver. Deux obélisques de Thothmès I, dont un seul est debout, et le +piédestal d'une statue colossale qui a disparu, forment la partie +frontale de ce temple de la dix-huitième dynastie. A l'origine, aucun +édifice ne lui cachait la vue de la rivière. Le pylône des Thothmès +n'est plus qu'un amas de ruines. Le second pylône dont il y a encore +moins de vestiges, forme la façade est d'une étroite cour à colonnes, +dont rien ne subsiste, si ce n'est le grand obélisque de la fille de +Thothmès, Hatshepsu. Son époux, Thothmès III, en avait entouré la base +de murailles qui, maintenant en ruines, nous laissent admirer dans son +entier l'exquis monolithe de granit rose. C'est le plus beau des +obélisques d'Égypte; il a près de cent pieds de haut, et son poids est +estimé à trois mille six cents soixante-treize tonnes par le professeur +Steindorf. Sur la surface polie de la pierre, on remarque des +inscriptions se rapportant aux guerres de l'époque des Thothmès, à la +révolution religieuse d'Ikhnaton, où la figure d'Ammon a été effacée +pour être restaurée ensuite durant le règne de Seti, alors que le culte +de ce dieu était fermement rétabli. Au delà, une seconde cour à +colonnades de l'époque de Thothmès I, flanquée de figures d'Osiris, se +prolonge vers la rivière. Passant sous un autre pylône, nous pénétrons +dans l'avant-cour du sanctuaire. On remarque sur la grande porte en +granit du dernier et du plus petit pylône, de belles inscriptions avec +des figures caractéristiques de Nubiens et de Syriens faits +prisonniers par Thothmès III. Le même Pharaon fit élever deux piliers de +granit dans cette cour; le lys de la Haute Égypte se détache en un +relief accentué sur l'un, face au soleil, tandis que sur la partie nord +du second, nous voyons le papyrus de la Basse Égypte. J'ai pris les +croquis ci-joints de l'un des appartements en ruines de la Reine +Hatshepsu. La statue mutilée de Thothmès III a été placée dans le +boudoir dilapidé de sa demi-soeur. Au-dessus s'élève le sanctuaire que +Philippe Arrhidaeus éleva longtemps après la mort de ce couple. Le +temple de la dix-huitième dynastie était déjà partiellement en ruines. +Cette oeuvre est un des joyaux de Karnak. Presque toute la couleur +primitive a gardé son éclat et le granit dont il est fait est d'un ton +merveilleux. Les inscriptions, gravées dans une pierre très dure, +demeurent aussi nettes que si elles venaient d'être faites. Les murs +intérieurs sont peut-être encore plus beaux. Les scènes sont +généralement représentées en une teinte vert-malachite sur le fond rose +de la pierre. La gravure ci-contre étant une réduction d'une aquarelle, +il est très difficile de suivre les inscriptions du mur sud qui y sont +représentées. Ici, elles sont généralement indiquées en rouge, mais la +teinte conventionnelle des hiéroglyphes et des personnages a été +profondément modifiée pour suivre une combinaison choisie de couleurs, +licence que l'artiste ne se serait pas permise au moment où les +souverains d'Égypte montraient plus de respect pour leurs dieux. A +gauche de la gravure, nous voyons le lys de la Haute Égypte sur le +pilier tronqué de Thothmès, et plus haut se dresse le grand obélisque de +Hatshepsu. Ce qui reste des fenêtres du hall hypostyle est visible dans +le lointain, et les tours en ruines du dernier pylône brisent la ligne +de l'horizon. Quelques marches taillées dans un bloc de pierre +intriguent encore les archéologues. Elles ressemblent beaucoup à celles +de l'escalier qui conduit à l'autel du sacrifice, dans le temple de +Hatshepsu, à Dêr-el-Bahri. + +A l'est du sanctuaire, il ne reste guère que les fondations du temple de +la douzième dynastie. Le temps écoulé depuis la construction de ces +édifices jusqu'au moment où fut élevé le temple de Seti, embrasserait +les siècles qui se sont écoulés depuis la conquête de l'Angleterre par +les Normands jusqu'à nos jours. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XVIII_ + +ENCORE KARNAK + +LA PROMENADE MERVEILLEUSE PARMI LES RUINES DE KARNAK CONTINUE. || LE +PETIT SANCTUAIRE DU ROI ÉTHIOPIEN, SHABAKO. || LE JEUNE PHARAON COURONNÉ +DE LOTUS. || LA DÉESSE A TÊTE DE LIONNE. || LE LAC SACRÉ ET L'AVENUE DES +SPHINX. + + +Au delà de ce temple se trouve la galerie à colonnades de Thothmès III, +précédant son sanctuaire. En cherchant notre chemin à travers les +ruines, nous voyons que cette galerie n'est qu'une partie d'un vaste +temple. Le faîte est supporté par trente-quatre piliers carrés et une +double rangée de colonnes. Ces dernières sont plutôt bizarres que +belles, avec leurs chapiteaux à calice renversé et leurs fûts +s'amincissant à la base. La plupart des inscriptions sont intéressantes, +mais en bien mauvais état. Dans une pièce au nord du sanctuaire, les +murs sont couverts de reliefs reproduisant des plantes et des animaux +que Thothmès rapporta, dit-on, de Syrie. Ils sont dessinés avec ce +sentiment de la forme qui caractérise l'oeuvre de Dêr-el-Bahri. Les +quatre colonnes qui supportaient le toit de cette pièce sont bien +conservées; elles sont du type qui emprunte son modèle au papyrus, dont +les boutons entourent le chapiteau. + +[PLANCHE 40: BAS-RELIEFS DANS LA CHAPELLE DE SHABAKA, A KARNAK] + +Après que nous eûmes franchi la muraille de ce temple, M. Legrain nous +conduisit vers un modeste petit autel qu'il venait de découvrir à +l'extrême est de la grande enceinte. Il est heureux que M. Legrain soit +un artiste en même temps qu'un égyptologue, car, quiconque n'aurait pas +eu le sentiment de la beauté de ces reliefs endommagés, aurait pu nous +perdre un très curieux spécimen du travail de la vingt-cinquième +dynastie. Notre excellent guide nous dit comment ce petit sanctuaire fut +érigé par Shabako, le premier des rois éthiopiens; les reliefs étaient +dans un triste état et avaient presque disparu aux endroits où la pierre +sablonneuse s'était désagrégée, mais, dans une chambre intérieure, M. +Legrain nous montra un relief qui représentait un Pharaon portant une +offrande à un dieu. La couleur originale est presque complètement +disparue, mais ce qui en reste s'harmonise admirablement avec la surface +de la pierre. A mesure que nous nous habituons à la lumière +incertaine, nous discernons plus clairement la beauté du dessin, et nous +nous arrêtons moins aux joints inexacts des pierres. Ce Pharaon est +probablement un successeur de Shabako Taharqua; en tout cas je préfère +croire que cette belle créature n'est pas le barbare qui brûla vif son +ennemi vaincu, Bokchoris. Il est surprenant qu'un art aussi parfait ait +pu renaître durant le règne de ces farouches Éthiopiens. + +Le peu de temps dont je pouvais disposer m'empêcha de traiter mon sujet +aussi à fond que je l'aurais désiré. La ligne onduleuse des bras amène +notre regard à la droite de la gravure; au delà se trouve l'objet +d'adoration. On distingue à peine les oiseaux qui sont offerts au dieu, +mais combien ils remplissent joliment l'espace! Ici, la ligne de la +composition s'arrête net et les têtes des oiseaux conduisent le regard +vers le dieu que le roi cherche à fléchir. Quelle couronne pourrait être +plus belle que celle, faite de fleurs de lotus, qui ceint le front du +jeune Pharaon? + +Le petit temple qui renferme ce trésor est heureusement fermé, et +protégé ainsi contre les profanes. + +Pour apprécier Karnak, il faut y vivre. Durant les trois semaines que +j'y passai avec Nicol, la _Mavis_ étant ancrée près du grand temple, je +passai trop de temps à peindre pour pouvoir étudier l'endroit d'une +façon complète. + +Blotti contre la muraille d'enceinte nord, se trouve un petit temple +élevé par Thothmès III et dédié au dieu Ptah. Il fut plus tard agrandi +par les Ptolémées. Le soir, l'ombre du grand temple recouvre l'espace +qui sépare les deux monuments, et les colonnes de ce petit sanctuaire se +profilent au premier plan. Lorsque la lumière crue de midi tombe sur +cette vaste masse de ruines grises, il est difficile d'en rendre la +couleur, et l'on ne peut les traiter qu'en noir et en blanc. + +[PLANCHE 41: SEKHET] + +M. Legrain nous conduisit au temple de Ptah; la chaleur intense du jour +nous faisait vivement désirer d'y trouver de l'ombre fraîche. Après +avoir traversé deux cours, nous pénétrons dans une petite pièce, et y +heurtons presque la statue à tête de lionne de la déesse Sekhmet. C'est +une splendide créature et nous sommes reconnaissants au sort qui, au +lieu de l'adjuger à quelque musée, lui permit de demeurer dans le cadre +où la plaça Thothmès. M. Legrain nous raconta qu'il l'avait trouvée +quelques années auparavant dans le même endroit, mais brisée en soixante +morceaux. Heureusement, aucun ne manquant, il put la reconstituer et +on lui permit de la laisser dans le cadre qui lui convient si bien. +Cette déesse de la Guerre, à tête de lionne, inspire la frayeur et le +respect au prime abord, quand on la voit dans l'ombre de la pièce, toute +voilée de mystère. + +Laissant Sekhmet à la garde du sanctuaire, nous revenons sur nos pas +pour nous diriger vers la cour centrale du temple d'Ammon, et, après +l'avoir traversée, nous allons examiner les ruines du côté sud. Il est +difficile ici de reconstituer un plan quelconque et de comprendre quel a +été le but de l'architecte en faisant élever quatre pylônes qui se +succèdent sur un espace de trois à quatre cents mètres jusqu'au mur +d'enceinte. Thothmès III et Hatshepsu firent élever les deux premiers, +tandis que les deux derniers, qui ne semblent pas à leur place dans le +grand temple, furent élevés par Haremheb, le fondateur de la +dix-neuvième dynastie. La base de la muraille gauche, qui relie le +pylône en ruines de Thothmès au temple, est ornée d'inscriptions dues à +Merneptah. L'éternel massacre des Syriens, auquel Ramsès II, père de +Merneptah, dédiait l'art de son époque, a été fait ici par le fils, mais +ce qui nous intéresse le plus, c'est la ressemblance que présente cette +oeuvre avec celle du grand-père de Merneptah, Seti I, et des premiers +artistes de la dix-huitième dynastie. + +Le peuple étant d'une nature pacifique, il semblait que l'art de la +contrée dût s'inspirer de sujets en harmonie avec le caractère du +peuple; en effet, les guerres de Thothmès ne sont point rappelées par +des scènes de bataille; nous voyons simplement une offrande des trophées +à Ammon, mais lorsque Seti repoussa les tribus sémites qui, en +envahissant ses provinces asiatiques, devenaient un sérieux danger pour +l'Égypte elle-même, l'art s'émut de l'importance de ces victoires et +nous en laissa les inscriptions commémoratives que nous voyons sur le +mur nord du hall hypostyle. Durant les longues guerres de Ramsès II, il +semble que les temples n'aient été bâtis que pour y représenter sur +leurs murailles les faits et gestes des Pharaons. On voit à l'infini le +souverain tenant un adversaire par les cheveux et se préparant à lui +trancher la tête. Ce même sujet traité si fréquemment semble avoir +paralysé l'effort de l'artiste et l'on remarque un déclin sensible qui +continue durant le règne de Merneptah. Il restait cependant de grands +artistes à la fin du règne de Seti; lorsqu'ils ont pu travailler +librement, ils ont produit de belles choses. On trouve beaucoup de +chefs-d'oeuvre dans le Ramesseum à Thèbes et le temple taillé dans le +roc, d'Abu-Simbel, est peut-être le plus beau monument, dans son genre, +que l'univers ait produit; le petit temple de Bet-el-Walli, en Nubie, me +semble aussi difficile à égaler. Je pourrais encore citer bien des +oeuvres de valeur, mais, comparées à celles de Seti et des dynasties +précédentes, elles ne laissent point d'accuser une sensible décadence. +Merneptah serait, d'après certains historiens, le Pharaon de +l'oppression, plutôt que Ramsès II, mais on ne sait comment concilier le +fait de la découverte de son corps dans la Vallée des Tombes des Rois, à +Thèbes, avec les documents historiques qui prétendent qu'il trouva la +mort dans les flots de la mer Rouge. + +Au delà du pylône en ruines de Thothmès III, nous voyons quelques belles +statues de ce souverain qui précèdent un autre pylône. L'étang qui se +trouve plus loin cacha longtemps des merveilles que M. Legrain découvrit +il y a quelques années. C'est au Musée du Caire que nous devrons nous +rendre pour apprécier la valeur de cette découverte. Quant aux statues +que nous voyons ici, ce sont celles qui n'ont pas été jugées assez +intéressantes pour être envoyées au Caire. On se demande comment ces +statues se trouvaient au fond de cet étang; c'est là un de ces problèmes +insolubles qui se présentent à chaque instant dans cette contrée +merveilleuse. + +La partie sud de Karnak est la plus pittoresque. Le Lac Sacré et la +partie la plus ancienne du grand temple inspirent maint tableau. La vue, +au-dessus du Lac, avec, au loin, le pylône de Nestanebo, baigné dans +l'or du couchant, donna à Erskine Nicol le sujet d'une de ses meilleures +oeuvres. + +Sous l'arcade du pylône de Hatshepsu, les statues mutilées des Pharaons +forment un groupe pittoresque qui attire mes regards. Malheureusement, +mon temps limité ne me permet point de les peindre. Le paysage avec ses +beaux arbres, le modeste temple de Amenhotep II dans l'espace compris +entre les deux pylônes de Haremheb, sont également très attrayants. Nous +nous sommes souvent promenés aux lumières dans la partie sud de Karnak. +Là, les groupes de palmiers, l'herbe drue et vigoureuse, les buissons, +coupent la monotonie de la pierre grise et inspirent tout +particulièrement le paysagiste. + +Une avenue de sphinx de près de quatre cents mètres relie l'enceinte du +temple d'Amenhotep III de Mut à celle du grand temple d'Ammon. Un lac +en forme de fer à cheval entoure ce qui reste de l'autel élevé par ce +Pharaon magnifique. Cette zone est en dehors de celle appartenant au +Service des Antiquités, et les _fellahîn_ sont libres d'y faire paître +leurs troupeaux. Les enfants se baignent dans ce lac sacré et l'on y +abreuve les bestiaux. Quelques sphinx à tête de bélier émergent du sol +çà et là, et des déesses à tête de lionne projettent leur ombre sur les +eaux du lac. On ressent ici un charme infini de paix mystérieuse. + +Le temple de Khons, situé près de la rivière et au nord de celui de Mut, +est le mieux préservé des trois sanctuaires que Ramsès III fit +construire à Karnak. Bien qu'il n'ait pas été construit pendant la +meilleure période de l'architecture égyptienne, le temple de Khons offre +un intérêt tout particulier en ceci qu'il subsiste presque en entier. En +le contemplant, nous pouvons imaginer ceux dont il ne reste que des +ruines. Comme le toit est demeuré presque intact, nous remarquons à +l'intérieur une lumière mystérieusement tamisée qui manque dans les +autres temples. Le grand portail d'Euergetes I se trouve un peu en avant +du sanctuaire de Khons, et l'on y arrive par une avenue de sphinx qui +datent du dernier Ramsès. Au delà du portail s'étend le village et +entre les dattiers s'élèvent quelques sphinx à tête de bouc. + +Enfin, la chaleur de l'été nous obligea à nous diriger vers le nord, et +nous descendîmes la rivière. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XIX_ + +LE TEMPLE DE DENDERA + +EN DESCENDANT LE NIL. || LA FERTILITÉ ET LE PITTORESQUE DE LA CAMPAGNE +ÉGYPTIENNE. || LE «FELLAH» N'A PAS LA HAINE DE L'ÉTRANGER. || LE TEMPLE +DE DENDERA ET L'INFLUENCE GRECQUE DANS L'ARCHITECTURE DU Ier SIÈCLE. + + +Malgré la chaleur, notre voyage sur le Nil fut délicieux. Avançant à +raison de trois ou quatre milles à l'heure, au plus, nous passions +souvent nos soirées et nos nuits à l'ancre, pour repartir au lever du +jour. Un sujet de tableau particulièrement intéressant nous retenait +parfois plusieurs jours au même endroit, mais dès que le vent tournait +au sud, nous nous empressions d'en profiter. Nous avions notre atelier à +bord, avec une grande quantité d'esquisses et de sujets à mettre en +ordre, ce que nous faisions pendant que nous descendions lentement le +fleuve. Parfois, jetant l'ancre avant le soir, nous partions à la +chasse, le fusil sur l'épaule, ce qui, n'enrichissant pas toujours +notre garde-manger, nous procurait du moins quelques heures d'un +exercice fort sain. Les écriteaux «_chasse gardée_» que nous rencontrons +à chaque pas dans la mère patrie, n'existent pas ici. Chacun est libre +d'errer dans les champs, à condition toutefois de respecter les +récoltes. Comme nous étions discrets et que nous savions distinguer les +pigeons domestiques des pigeons sauvages qui nichent dans les +columbariums, les paysans nous aidaient complaisamment dans nos chasses. +La foule indigène est ici bien différente de celle des centres de +tourisme. L'impertinence de l'habitant de Luxor qui ne considère +l'Européen que comme une source de revenus, ne se rencontre pas ici. Il +est bien rare qu'on entende l'éternel cri de _baksheesh_, si obsédant au +Caire et à Assouan, et, pour ma part, j'ai toujours trouvé le _fellah_ +poli et complaisant. Il est vrai que Nicol, qui a vécu de longues années +parmi ce peuple et qui parle couramment l'arabe, contribua à rendre nos +relations agréables. Il est difficile à un Occidental de comprendre +l'âme orientale; pourtant, m'aidant de l'expérience de mon ami, je fus à +même de me former une meilleure opinion de l'Égyptien moderne, et aussi +de me faire une idée de l'impression que lui produit l'Européen. Des +rumeurs, recueillies à Luxor, nous avaient appris que la contrée était +dans un état d'effervescence. L'incident de Denshaur avait excité les +esprits au Caire et dans les villes du Delta, mais les bateliers du Nil +et les habitants de la campagne semblaient n'en rien savoir. Tant que +ceux-ci jouissent tranquillement de leurs possessions agricoles et +qu'ils trouvent un débouché pour leurs produits, ils ne se soucient +guère de la politique de leur Gouvernement. Les bateliers ne semblent +pas avoir participé à la prospérité que l'occupation britannique apporta +à leur pays, mais ce sont des gens paisibles qui ne se rendent guère +compte du rôle prépondérant que notre gouvernement joue en Égypte. Au +fur et à mesure que les produits agricoles trouvaient de nouveaux +débouchés, le prix des articles de première nécessité augmentait, mais, +particulièrement en raison de la concurrence des chemins de fer, les +salaires des bateliers du Nil sont demeurés stationnaires, ce qui fait +que leur condition est pire qu'elle ne l'était il y a dix ou quinze ans. + +Au bord du fleuve, se trouve Kûs, importante cité du moyen âge, réduite +maintenant à l'état de simple village. Au delà de Kuft,--l'ancien +Koptos--on rencontre de charmants paysages, et nous préférâmes errer à +la recherche de quelque gibier qui varierait notre ordinaire, plutôt que +de visiter les ruines du temple de Min. Sur la rive est du Nil, quelques +_gayassa_ chargées de poteries de Ballâs attendaient un vent favorable +pour descendre le fleuve. Les dépôts de terre glaise se trouvent dans +l'intérieur des terres, mais sur le bord du fleuve s'élevaient de hautes +meules de Ballâssa d'où le village tire son nom. Notre station suivante +fut près d'un modeste petit village sur la rive ouest, en face de Kaneh; +là, nous nous arrêtâmes pour visiter le temple de Dendera. Nicol +cherchait un endroit de la rive qu'il pût donner comme fond à son +tableau: _Les troupeaux à l'abreuvoir_, et tout nous indiquait qu'en cet +endroit les _fellah_ avaient coutume de désaltérer leurs bestiaux. Le +temple se trouvait à 5 ou 6 kilomètres dans l'intérieur des terres, mais +nous avions le temps d'aller le visiter et de revenir avant la nuit. + +Le paysage en Égypte a un charme qui lui est absolument particulier; +parfois, en Palestine, vous découvrez quelque coin qui vous fait songer +au pays natal; le Liban présente les particularités propres aux +districts montagneux. Mais les grandes plaines fertilisées par le Nil +n'éveillent point de comparaisons et appartiennent bien à la seule +Égypte. Point de haies, seule la différence de couleurs indique qu'une +certaine culture est plus avancée que l'autre, et les collines désertes +de l'est et de l'ouest vous rappellent constamment que «l'Égypte est un +don de la rivière». Bien que nous ne fûmes qu'au commencement de mai, +les moissons étaient presque terminées. De temps à autre nous +rencontrions un couple de boeufs foulant le blé, pendant que quelques +paysans, profitant de la brise, séparaient le grain de la paille. Des +troupeaux de chèvres et de brebis se dirigeaient lentement vers +l'endroit d'où nous venions, pour se désaltérer dans le Nil. + +Nous approchions du temple; la poussière grise qui tourbillonne toujours +sur les amas de ruines, voilait la vue, et nous distinguions vaguement +la façade. Le sol que recouvrent en partie les habitations en ruines +près des temples, est vendu par le Service des Antiquités aux +_fellahîn_, qui le jugent précieux. C'est en labourant et en piochant +autour de ces ruines que les paysans trouvent parfois quelque scarabée +ou autre _antika_ de valeur, et la possibilité de ces trouvailles entre +sans doute dans leurs calculs. Pendant l'été, les ânes qui, l'hiver, +portent le touriste, servent à transporter la poussière, du temple aux +champs, comme engrais. Cette poussière m'empêcha souvent de poursuivre +mon travail. Heureusement que la façade du temple se trouvait déblayée +et nettoyée, et nous pûmes admirer à l'aise sa symétrie et ses belles +proportions. + +[PLANCHE 42: COUR INTÉRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA] + +L'influence grecque est très marquée dans l'architecture de ce temple. +Il fut construit au début du premier siècle, au moment de la conquête de +l'Égypte par les Romains, et bien qu'élevé par l'empereur Auguste, on le +regarde plutôt comme un monument des Ptolémées que comme un monument +romain. L'effet de la façade est fort beau; comme dans la plupart des +monuments de cette période, les détails rappellent plutôt l'oeuvre d'un +habile ouvrier que celle d'un artiste. Il est difficile de comparer +l'extérieur de ce temple avec celui de n'importe quel temple de la +dix-huitième dynastie, car nous avons ici l'avantage de voir un monument +dans son entier, tandis que les autres n'existent qu'en fragments. Six +colonnes à tête de Hathor supportent l'architrave et la corniche +concave, au dessin très hardi; un disque solaire ailé surmonte la porte +d'entrée. Les trois colonnes, de chaque côté de l'entrée, sont réunies +par une balustrade qui monte jusqu'à moitié des fûts. Le pronaos, ou +vestibule, est plus beau que ceux des temples de construction plus +ancienne; les dix-huit colonnes qui s'élancent du sol supportent le +toit, et les chapiteaux sont perdus dans l'ombre. + +Ce temple ne peut être classé parmi les monuments en ruines; les effets +d'ombre et de lumière, cherchés par l'architecte, existent encore. Les +monuments de la dix-huitième dynastie peuvent être plus beaux, mais leur +état lamentable ne nous permet pas de juger exactement de leur valeur +architecturale. En examinant les inscriptions des murailles, on remarque +la décadence de l'art de la sculpture, mais perdues et fondues dans les +effets d'ombre et de lumière, ces inscriptions paraissent remplir le but +artistique cherché par le sculpteur. Du centre du pronaos, le regard +embrasse le hall hypostyle, avec les hautes colonnes supportant le toit, +les deux antichambres au delà, et l'ombre croissante qui se perd enfin +dans l'obscurité du sanctuaire. Nous n'allumons pas de torches; nos yeux +s'habituent au clair-obscur et les ouvertures carrées du toit admettent +assez de lumière pour que nous puissions distinguer les têtes de Hathor +des chapiteaux. Traversant les deux antichambres, nous arrivons à la +porte du sanctuaire où l'obscurité est complète. Un vestibule sur lequel +s'ouvrent onze chambres fait le tour du sanctuaire; l'une de ces +chambres, qui se trouve derrière le sanctuaire, est connue sous le nom +de «chambre de Hathor». Elle renfermait autrefois un autel et une image +de la déesse; maintenant elle sert d'abri à une quantité innombrable de +chauves-souris, et l'odeur y est insupportable. Du sanctuaire, nous +voyons toute la perspective du temple, qui se prolonge sur quatre-vingts +mètres environ. + +Le paysage, au coucher du soleil, est fort imposant; il valait bien la +peine de notre longue course, avec le retour à la _Mavis_, à tâtons, +dans l'ombre du soir. + + * + * * + + + + +_CHAPITRE XX_ + +ROSETTA + +EL-RASCHID, LA CITÉ PITTORESQUE MAIS INCONFORTABLE. || L'HOTEL KARALAMBO +ET LE «BAKKAL». || DU MOINS, LES SUJETS DE TABLEAUX NE MANQUENT POINT +DANS CETTE VIEILLE VILLE RESPECTÉE DES EUROPÉENS. || LE DERNIER MINARET. + + +En dépit de l'ordre chronologique de mes voyages, je prie le lecteur de +m'accompagner à Rosetta, où je fis un court séjour il y a une dizaine +d'années. + +Afin d'éviter la chaleur de juillet au Caire, je transportai mon bagage +de peintre dans le Liban, où je demeurai assez longtemps pour permettre +à Damas de devenir habitable. Pendant que j'étais dans cette dernière +ville, mon vieil ami, Henry Simpson, me fit savoir que Rosetta, où il +séjournait alors, était une cité délicieusement pittoresque et offrant +d'innombrables sujets à un artiste. Je décidai donc de me rendre à +Rosetta dès que j'aurais terminé mon travail à Damas. Je pris à Berût +un bateau qui fait la côte jusqu'à Alexandrie, d'où un train fort lent +me conduisit en cinq heures à _El-Raschid_, nom par lequel on m'apprit à +désigner Rosetta. Préoccupé uniquement de la valeur artistique de la +ville, je n'avais pas songé à m'y faire préparer un gîte. Si j'avais +consulté mon guide, j'aurais vu la mention _Pas d'Hôtel_. Cependant mon +ami m'attendait à la gare, et lorsque je lui demandai si nous étions +loin de l'hôtel, je crus voir qu'il souriait en me répondant que l'hôtel +était à dix minutes de marche. J'eus bientôt l'explication de son +amusement en voyant un bâtiment démantelé au milieu de la vieille ville +pittoresque. Le rez-de-chaussée servait de magasin pour certaines +marchandises capables de supporter la chute possible de l'étage +supérieur. Je n'y vis guère qu'un peu de charbon et de paille où +couraient des rats. Simpson m'avertit que l'escalier, oublié par +l'architecte, et ajouté ensuite au flanc de ce bizarre bâtiment, ne +supporterait qu'un de nous à la fois. En effet, une large fissure me +donna à penser que l'_hôtel_ et l'_escalier_ ne resteraient pas +longtemps unis, et je compris les appréhensions de mon ami. Ce fut pour +moi une occasion de me réjouir de mon peu de poids! Ce peu de poids, je +pus bientôt juger, d'après le menu du dîner, que je ne courrais aucun +risque de l'augmenter tant que je séjournerais à l'hôtel Karalambo! +M'étant rendu compte, à l'aide d'une bougie, des endroits dangereux de +ma chambre, je plaçai mes malles de manière qu'elles ne fussent pas trop +à la portée des rats et des souris, et je priai Simpson de me montrer le +chemin de la salle à manger, car je n'avais mangé que des dattes vertes +depuis mon déjeuner. Il me répondit, à mon grand désappointement, que +nous prendrions nos repas au _bakkal_, du côté opposé au square, et, +l'un après l'autre, nous descendîmes l'escalier dangereux. Un _bakkal_ +est une combinaison d'épicerie, de café et de restaurant, et comme il +n'y avait pas là de chambres à coucher, Karalambo, le propriétaire, +avait loué le bâtiment que nous venions de quitter, afin de recevoir les +voyageurs assez braves pour ne pas reculer devant l'escalier. + +[PLANCHE 43: UNE ÉCOLE ARABE] + +Je fus présenté à Karalambo qui essuya poliment ses doigts graisseux +avant de me tendre la main. Puis ce fut le tour de Mme Karalambo, et +avant qu'une ratatouille fumante fût apportée sur notre table, j'avais +fait la connaissance des notabilités de Rosetta. Ce _bakkal_ était le +lieu de réunion de l'élite de la ville et était rempli d'Arabes fumant +leur _nargilehs_ et jouant au tric-trac. Je fus heureux de me mettre à +table et n'essayai pas de deviner de quoi se composaient les mets qu'on +nous servait. + +Le docteur indigène vint se joindre à nous au moment du café; c'était un +joyeux garçon, très affable, qui parlait très bien l'anglais. Bien qu'il +n'eût jamais quitté l'Égypte, il était aussi instruit que si ses études +avaient été faites à Paris ou à Londres. Il nous raconta ses luttes +acharnées contre les préjugés de ses coreligionnaires et combien il lui +était difficile, pour ne pas dire impossible, de donner des soins aux +femmes. Il était pourtant arrivé à obtenir l'autorisation de quelques +maris, de tâter le pouls ou de regarder la langue de leurs femmes, au +moyen d'une ouverture pratiquée dans un rideau. Généralement, la maladie +était bien avancée lorsqu'on se décidait à l'appeler. Il nous invita à +dîner avec lui le jour suivant et nous abandonna au bas de notre +dangereux escalier. + +Rosetta, en tant que source d'inspirations artistiques, justifia tous +mes espoirs. Les bazars étaient dans tout leur éclat; les étalages +s'ouvraient, remplis de fruits de Syrie et des pays environnants. Rien +ici ne rappelle l'Europe, et peu d'indigènes ont abandonné le costume +national. On remarque çà et là des colonnes d'anciens temples ou des +premières églises chrétiennes, employées pour soutenir un étage ou +_finir_ le coin d'un bâtiment. Les maisons sont construites en briques +longues et étroites, laissant un vide entre elles; elles sont d'une +riche couleur brun rouge. On trouve beaucoup d'ouvrages en bois sculpté, +mais la _meshrebiya_ est plus grossière qu'au Caire. La mosquée de Sidi +Sakhlûn est fort imposante avec sa voûte supportée par d'antiques +colonnes de marbre. D'autres mosquées, plus petites et bien délabrées, +offrent néanmoins de jolis sujets de tableaux. Les fontaines, les bains, +les écoles sont plus modestes qu'au Caire, mais nulle part ici l'on ne +trouve les illogismes que l'on rencontre si souvent dans la grande cité. + +Simpson fit quelques délicieux tableaux dans plusieurs des petits cafés, +et j'espère que Londres connaîtra bientôt ces exquises aquarelles. La +période de Rosetta est, à mon avis, la meilleure de son art. + +Malgré le manque de confortable de mon installation, je décidai de +séjourner à Rosetta aussi longtemps que possible, car cet endroit est +vraiment un joyau. Je fus assez heureux pour pouvoir engager un gardien +de nuit qui, pendant que je travaillais, me protégea de la foule +curieuse et des chiens. Les étalages des fruitiers m'attirèrent tout +d'abord. Les oranges et les citrons, en énormes monceaux, attendaient la +vente à la criée. De longues grappes de dattes, des corbeilles débordant +de grenades, des piles de cannes à sucre et des tas d'artichauts +formaient un tableau pittoresque de tons vifs. Les tons de lumière de +ces bazars sont très beaux. Les rayons de soleil tamisés par les nattes +et les treillis qui protègent l'étalage, ne baignent de clarté que +l'extérieur, tandis que les fruits sont éclairés d'une douce lumière +d'un brun chaud. Naturellement, ces sujets doivent être peints +rapidement, car le tas de citrons d'aujourd'hui peut être remplacé +demain par une pile de grenades. En outre, la vue est continuellement +interrompue par les allées et venues du vendeur et des clients. Mon +labeur, au moment où la crue du Nil rendait l'air chaud et humide, était +extrêmement fatigant. + +Après deux jours de travail avec un étal de fruitier comme modèle, je +commençai l'intérieur d'une mosquée. Un ordre du Mahmoor (le gouverneur +de la ville) au Cheik, aplanit toutes difficultés, et il nous fut permis +de placer nos chevalets devant l'autel de Sidi Sakhlûn. La vie de ce +saint personnage m'a été racontée, mais elle se confond tellement dans +mon esprit avec celle des autres célébrités musulmanes, que je ne me +hasarderai pas à la redire. + +Un autre saint de la localité repose sous le dôme d'une mosquée située +au bord du désert qui sépare Rosetta de la baie d'Aboukir. Les vents de +la mer ont amoncelé le sable à un tel point que cet édifice est à moitié +enseveli, et l'on est constamment obligé de déblayer le portail pour +permettre aux fidèles d'y pénétrer. Le cimetière actuel se trouve à plus +de dix pieds au-dessus du niveau du sol de la mosquée. J'ai fait le +dessin reproduit dans la gravure ci-contre durant le mois de _Shanwâl_ +qui succède au jeûne du Ramadân. Il est d'usage pour les femmes, à ce +moment-là, d'aller visiter les tombes de leurs défunts et de les orner +de feuilles de palmiers. Elles demeurent au cimetière toute la journée, +les unes pleurant une mort récente, tandis que d'autres, accroupies en +rond, passent leur temps à discuter les affaires de leurs voisines. + +Une attaque de fièvre intermittente me retint pendant près d'une semaine +dans mon taudis de l'hôtel Karalambo. Notre ami le médecin s'institua +encore infirmier, et surveilla la cuisine de Mme Karalambo. Ses visites +duraient le temps d'un gros cigare. Lorsque le cigare arrivait à sa fin, +le joyeux petit _hakim_ se souvenait brusquement d'un autre malade qui +l'attendait et filait prestement, en me promettant de revenir dans le +courant de la journée. Lorsque je pus enfin me lever, je ne me sentais +guère la force de travailler, et la maigre chère de notre hôtel n'était +pas faite pour me réconforter. La saison des pluies ayant commencé, je +m'aperçus que le plafond de ma chambre était aussi crevassé que le +parquet. Une douche glacée ou le bruit d'un morceau de plâtre qui se +détachait du plafond, m'éveillait en pleine nuit. De fortes pluies sont +très fréquentes à la fin de l'automne sur la côte égyptienne, et je +craignis que notre escalier, emporté par l'eau, ne tombât tout à fait. +Je me décidai enfin à quitter Rosetta et à retourner au Caire. Simpson, +resté à Rosetta pour terminer une série d'aquarelles, me rejoignit +bientôt. J'espère avoir l'occasion de peindre encore dans cette ville +pittoresque, mais je me promets de camper ou de demeurer en _dahabiyeh_, +car j'ai dix ans de plus maintenant, et je ne pourrais plus me résoudre +à vivre dans un _bakkal_ grec. + +[PLANCHE 44: LA MOSQUÉE D'ABOUKIR] + +Quelques années après mon séjour à Rosetta, un concours d'heureuses +circonstances me ramena à proximité de cette ville. Mon ami Simpson +passait la fin de l'été sur la _dahabiyeh_ de M. G. R. Alderson, un +membre influent de la colonie anglaise d'Alexandrie. _Noé_, ainsi que le +nomment ses familiers, m'invita à passer quelque temps dans son _arche_, +avant mon départ pour la Haute Égypte. Cette arche, jadis un petit +navire de guerre, avait été transformée en une confortable et spacieuse +habitation flottante. Elle était ancrée dans la baie d'Aboukir, en face +de la villa entourée de palmiers où habitait la fille de notre hôte, +Mrs. Richmond. Nous venions prendre nos repas à la villa, mais nous +passions nos nuits à bord. Je passai une délicieuse semaine dans ce +paradis terrestre. Le temps était exquis, juste assez chaud pour nous +permettre d'apprécier la brise de la mer et l'ombre des palmiers. Les +arbres étaient couverts d'immenses grappes de dattes, variant de +couleurs, de l'or le plus pâle à un brun riche, suivant leur exposition +au soleil. J'étais heureux de pouvoir en faire quelques études, mais +notre hôte m'assura que j'étais arrivé une semaine trop tard pour les +voir dans toute leur splendeur, car beaucoup de fruits déjà avaient été +cueillis. + +Le minaret que l'on aperçoit entre les palmiers sur la gravure +ci-jointe, est de construction récente et n'a point connu les jours +historiques d'Aboukir. Il a pourtant son intérêt, car il est +probablement le seul édifice construit par un chrétien en hommage à un +peuple d'une foi différente. Cette mosquée ajoute au pittoresque de +l'endroit et nous prouve que ce n'est pas seulement le temps qui donne +leur beauté aux oeuvres antiques. Si les proportions sont bonnes et +l'architecture en harmonie avec l'entourage, l'édifice sera beau par +lui-même, mais si ces qualités font défaut, le temps ne l'embellira +jamais, tout au plus aidera-t-il à déguiser les imperfections. + +Cependant, comme mes travaux m'appelaient ailleurs, je dus prendre congé +de mes charmants hôtes et m'engager dans le pays. Comme je traversais le +village pour la dernière fois, l'appel à la prière attira encore mon +attention sur le minaret, et dans mon dernier souvenir de ce délicieux +endroit sonne la voix vibrante du muezzin clamant: «Allah akbar, Allah +akbar!» + + * + * * + + + + +INDEX ALPHABÉTIQUE + + + ABD-EL-KURNAH (LE CHEIK), 148, 196. + + ABU-SIMBEL, 223. + + ABYDOS, 115, 201, 213. + + AHMED IBN TULUN, 70, 71, 72, 74. + + AKHNATON, 181. + + AKSUNKUR (LA MOSQUÉE), 91. + + ALEXANDRE (L'ÉVÊQUE), 112. + + ALEXANDRIE, 111, 119, 135, 138. + + AMENHOTEP III, 146, 177, 213. + + AMENHOTEP IV, 185. + + ANIR, 74, 113, 116, 117, 118, 120, 121. + + APIS, 130. + + ARIUS, 112. + + ARMIANUS, 111. + + ASHRAFIYEH (EL), 38. + + ASKAR (EL), 74, 119. + + ATABA-KHADRA, 108. + + ATHANASIUS, 112. + + + BAB-EL-FUTUH, 103. + + BAB-EL-KARAFEH, 122. + + BAB-EL-KHALK, 53. + + BAB-EL-NASR, 100, 103. + + BAB-EZ-ZUWÊLEH, 41, 45, 94, 103. + + BABYLONE, 109, 115, 116. + + BALLIANA, 116. + + BARKUK (LA MOSQUÉE DU SULTAN), 19, 100. + + BARNAK, 143. + + BEDR (LE VIZIR), 41. + + BEDRASHIU, 132. + + BEDR-EL-YAMALI, 103. + + BELIANEH, 200. + + BET-EL-WALLI, 223. + + BEULIA, 7. + + BIBARS, 102. + + BOKCHORIS, 219. + + BOULAK, 38, 139, 141, 142. + + BUBASTIS, 7. + + BURKHARDT, 106. + + + CAIRE (LE), 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 18, 31, 41, 42, 65, 67, + 69, 93, 97, 100, 103, 105, 109, 116, 118, 132, 133, 134, 135, 139, + 157. + + CLÉMENT, 111. + + CHALCEDON, 112. + + CONSTANTIN, 112. + + CONSTANTIUS, 112. + + + DAMAS, 235. + + DARGHAM (LE VIZIR), 42. + + DÉMÉTRIUS, 111. + + DENDERA, 173, 227. + + DERB-EL-AHMAR, 46. + + DERB-EL-BAHRI, 131, 143, 146, 169, 195, 199, 200, 216. + + DERB-EL-GAMAMIZ, 54, 57. + + DERB-EL-JEHUDUPEH, 97. + + DÊR-EL-MEDINEH, 172. + + + EDFU, 173. + + ESNEH, 173. + + EUERGETES I, 225. + + EZBEK-EL-YUSIFI (LA MOSQUÉE), 69. + + EZBEKIYEH, 11, 53. + + + FATIMID (LE CALIFE), 35. + + FLINDERS PETRIE, 126, 127, 152. + + FOSTAT, 74, 118, 119. + + FOUYATIEH, 11. + + + GALAL (LE CHEIK), 106. + + GAMALIYEH, 100, 101, 102, 103. + + GAMIA-EL-AZHAR, 35, 36, 37, 44, 58. + + GAMIA IBN KALAUN, 81. + + GAZA, 42. + + GEBEL TURRA, 133. + + GHURI (MOSQUÉE DE), 39. + + GIYUSHI, 122. + + + HAHIM, 103, 104. + + HAREMHEB, 224. + + HASAN (LE SULTAN), 40, 44, 83, 84, 85. + + HASAN (LA MOSQUÉE DE), 64, 65, 88, 126. + + HATHOR, 158, 160, 173, 208. + + HATSHEPSU, 131, 141, 149, 155, 157, 160, 163, 164, 167, 193, 214, + 215, 216. + + HELOUAN, 133. + + HÉRODOTE, 127. + + HERZ BEY, 36, 47, 100. + + + IBN-TULUN (LA MOSQUÉE), 69, 83, 104. + + IBN YUBEYR, 99. + + IBRAHIM AGHA, 91. + + ISMAEL PACHA, 88. + + ISMAS-EL-ISHAKI, 47. + + + KAFR-EL-ZAIYAT, 138. + + KAHIRA, 41. + + KAIT BEY (LE SULTAN), 108. + + KALAT-EL-KEBSH, 70. + + KALAUN (LE SULTAN), 98, 99, 100. + + KALURO (EL), 74. + + KANEH, 230. + + KARAKUSH, 104. + + KARNAK, 171, 203, 205, 206, 208, 209, 215, 219. + + KASR-EN-NIL, 109. + + KATAI (EL), 71, 74, 120. + + KHALIG, 97. + + KHALIZ (EL), 54. + + KHAN KHALEL (LE), 10, 25, 32, 55, 107. + + KHONS, 225. + + KURNAH, 146. + + KUS, 229. + + KUTB-EL-MITWELLI, 43, 44. + + KUTUZ (LE MAMELOUK), 42. + + + LE STRANGE (M. GUY), 99. + + LIBYE (DÉSERT DE), 81. + + LUXOR, 143, 145, 171, 182, 184, 200, 208. + + + MAAT, 173. + + MAHMUDIEH CANAL, 138. + + MARIETTE, 130. + + MARI GIRGIS, 110. + + MARYUT (LE LAC), 136. + + MASPERO (LE PROFESSEUR), 141, 161. + + MASR EL KAHIRA, 9, 33. + + MAUSUR KALAUN (SULTAN), 19. + + MECQUE (LA), 72, 92, 107. + + MEDINET HABU, 146, 173, 177. + + MENTUHOTEP II, 157. + + MENTUHOTEP (LE TEMPLE DE), 191. + + MENZALEH (LE LAC DE), 5. + + MERDANI (EL), 47, 48, 50, 94. + + MERNEPTAH, 221. + + MISR, 118. + + MIT RAHINEH, 129. + + MOHAMED-EN-NASR, 19. + + MOHAMET ALI, 54, 66, 79. + + MOHAMET ALI (LA MOSQUÉE), 75. + + MOÏSE, 70. + + MOKATTAM (LES COLLINES), 70, 74, 122, 127, 133. + + MORISTAN EL MUAIYAD, 40. + + MUAIYAD (EL), 40, 41, 43, 45, 46, 94. + + MURAD BEY, 121. + + MURISTAN, 14, 19, 21. + + MURISTAN DE KALAUN, 98, 100. + + MUSKI, 33, 97, 108. + + MUSTAUSIR (EL), 41. + + + NAHASSIN (EL), 13, 21, 25, 38, 100, 101. + + NAKHT, 196, 197, 199. + + NAPOLÉON, 103. + + NASIR (EL), 81, 91. + + NASR, 41. + + NAVILLE (LE PROFESSEUR), 7. + + NEKTANEBOS, 176. + + NIL (LE), 2, 80. + + + OMAR (LE CALIFE), 113. + + ORIGEN, 111. + + OSIRIS, 205, 214. + + + PANTÆNUS, 111. + + PONT, 165, 166, 196, 199. + + PORT-SAÏD, 1, 3, 5, 6, 135. + + PYRAMIDES (LES), 3, 7, 74, 81, 123. + + + RAMESID, 206. + + RAMESSEUM, 146, 171. + + RAMSÈS II, 131, 132, 160, 169, 174, 201, 204, 222, 223. + + RAMSÈS III, 174, 175, 178. + + RASCHID (EL), 236. + + REFAIYEH (LA MOSQUÉE), 88. + + REKHMERE, 199. + + ROSETTA, 138, 235 à 244. + + RUMELEH, 79. + + + SHABAKO, 218. + + SADAAT (LE CHEIK), 60, 64, 66. + + SAKKARA, 132, 135. + + SALADIN, 42, 45, 75, 82, 98, 99, 105. + + SEBIL ABD-ER-KAHMAN, 14, 100. + + SÉRAPENEN, 130. + + SETI, 201, 203, 204, 206, 210, 212. + + SEYID-EL-BEDAWI, 138. + + SHARIA-EL-HALWAYI, 33. + + SHARIA-EL-MAGAR, 89. + + SHARIA-ESH-SHARAWANI, 108. + + SHARIA MOHAMET ALI, 53, 80. + + SHARIA TULUN, 69, 75. + + SIDI SAKHLUN, 240. + + SPHINX, 3, 127, 128. + + STANLEY LANE POOLE, 38, 41, 64, 104. + + STRABON, 130, 201. + + SUEZ (CANAL DE), 5. + + SUK-EL-SELLAHA, 50. + + SUK-ES-SAÏGH, 23. + + SUK-EZ-SALAT, 11, 13. + + + TAHARQUA, 175, 210. + + TANTA, 138, 139. + + TELL-EL-AMARNA, 185. + + THÈBES, 91, 141, 142, 145. + + THEODOSIUS, 112. + + THOTHMÈS, 162, 163, 169, 170, 175, 213, 217. + + TYI, 130, 131, 179, 180, 181, 187, 188, 189. + + + USERTESEN III, 157. + + + VAN BERCHEM (M.), 103. + + + WILKINSON, 148. + + + YESHKUR, 70. + + + ZAKAZIK, 7. + + ZAKIR (LE SULTAN EL-), 41. + + ZIREH, 133. + + * + * * + + + + +TABLE DES PLANCHES + + + Pages + + _PLANCHE 1._ + AU TEMPLE DE LUXOR FRONTISPICE + + _PLANCHE 2._ + EL-FOUYATIEH, AU CAIRE 12 + + _PLANCHE 3._ + LA MAISON-MOSQUÉE DE NAHASSIN, AU CAIRE 16 + + _PLANCHE 4._ + LE KHAN-EL-KALIL, AU CAIRE 24 + + _PLANCHE 5._ + APRÈS LA PRIÈRE DE MIDI 36 + + _PLANCHE 6._ + UNE RUELLE PRÈS DE LA PORTE DE ZUWÊLEH 40 + + _PLANCHE 7._ + LES DEUX MINARETS DE EL-MUAIYAD 44 + + _PLANCHE 8._ + LE GARDIEN DU HAREM 48 + + _PLANCHE 9._ + EL-GAMAMIZ, AU CAIRE 56 + + _PLANCHE 10._ + UNE ÉCOLE KHÉDIVIALE 60 + + _PLANCHE 11._ + COUR INTÉRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE 64 + + _PLANCHE 12._ + UNE RUELLE DANS LE QUARTIER DE TULUN, AU CAIRE 72 + + _PLANCHE 13._ + UNE RUE PRÈS DE LA CITADELLE, AU CAIRE 80 + + _PLANCHE 14._ + LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN 86 + + _PLANCHE 15._ + LA TOMBE-MOSQUÉE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE 88 + + _PLANCHE 16._ + L'INTÉRIEUR DE LA MOSQUÉE BLEUE, AU CAIRE 92 + + _PLANCHE 17._ + LA TOMBE DE IBRAHIM-AGA 98 + + _PLANCHE 18._ + EL-GAMALYEH, AU CAIRE 102 + + _PLANCHE 19._ + UNE ÉGLISE COPTE PRÈS D'ABYDOS 112 + + _PLANCHE 20._ + UNE TOMBE DE CHEIK, AU CAIRE 116 + + _PLANCHE 21._ + LE SPHINX ET LES PYRAMIDES DE GIZEH 128 + + _PLANCHE 22._ + AAHMES, MÈRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI 132 + + _PLANCHE 23._ + LE RAMESSEUM, A THÈBES 146 + + _PLANCHE 24._ + DER-EL-BAHRI 148 + + _PLANCHE 25._ + STATUE DE RHAMSÈS II, AU TEMPLE DE LUXOR 150 + + _PLANCHE 26._ + LES COLOSSES DE THÈBES 152 + + _PLANCHE 27._ + RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THÈBES 158 + + _PLANCHE 28._ + SENSENEB, DANS LE TEMPLE DE HATSHEPSU, A DER-EL-BAHRI 162 + + _PLANCHE 29._ + COUR INTÉRIEURE DE TEMPLE, A MÉDINET-HABU 170 + + _PLANCHE 30._ + TEMPLE DE DÊR-EL-MEDINET, A THÈBES 172 + + _PLANCHE 31._ + VUE INTÉRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSÈS III, MEDINET-HABU 176 + + _PLANCHE 32._ + LES PYLONES DES PTOLÉMÉES, MEDINET-HABU 180 + + _PLANCHE 33._ + KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE SÉTI Ier, A THÈBES 186 + + _PLANCHE 34._ + LE TEMPLE DE MEKTENEBO, MEDINET-HABU 192 + + _PLANCHE 35._ + PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THÈBES 196 + + _PLANCHE 36._ + SÉTI Ier OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VÉRITÉ, + BAS-RELIEF DU TEMPLE D'ABYDOS 200 + + _PLANCHE 37._ + ISIS ALLAITANT SÉTI Ier, ABYDOS 204 + + _PLANCHE 38._ + GALERIE HYPOSTYLE, A KARNAK 210 + + _PLANCHE 39._ + LE SANCTUAIRE, A KARNAK 214 + + _PLANCHE 40._ + BAS-RELIEFS DANS LA CHAPELLE DE SHABAKA, A KARNAK 218 + + _PLANCHE 41._ + SEKHET 220 + + _PLANCHE 42._ + COUR INTÉRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA 232 + + _PLANCHE 43._ + UNE ÉCOLE ARABE 236 + + _PLANCHE 44._ + LA MOSQUÉE D'ABOUKIR 242 + + * + * * + + + + +TABLE DES MATIERES + + + CHAPITRE I.--PORT-SAÏD 1 + + _L'ARRIVÉE DANS LES EAUX ÉGYPTIENNES.--PREMIÈRES + IMPRESSIONS.--UNE ÉGYPTE RÉALISTE.--EN CHEMIN DE FER + VERS LE CAIRE.--LE MIRAGE.--LES PYRAMIDES DE GIZEH._ + + CHAPITRE II.--MASR EL KAHIRA 9 + + _«MODERN-CAIRO» ET LE VIEUX CAIRE.--INFLUENCES + EUROPÉENNES.--ART MAURESQUE ET ART NOUVEAU.--LES BOIS + SCULPTÉS DES ANCIENNES FENÊTRES.--LES FONTAINES + PUBLIQUES.--LA MAISON MOSQUÉE._ + + CHAPITRE III.--DANS LES BAZARS 21 + + _LE MARCHÉ AUX CUIVRES.--LE BAZAR DES ORFÈVRES.--LE + BAZAR TURC.--L'ART DE VENDRE BIEN, OU LES PETITES + HABILETÉS DES MARCHANDS CAIROTES.--UN SUJET DE TABLEAU + QUI NE VEUT PAS SE LAISSER PEINDRE._ + + CHAPITRE IV.--LES RUES DU CAIRE 35 + + _GAMIA EL AZHAR.--L'ART DE RESTAURER LES MONUMENTS.--LES + «MEDRESSEH».--LE BAZAR DES PARFUMS ET CELUI DES ÉPICES. + --LA GRANDE MOSQUÉE«EL-MUAIYAD».--UNE PORTE HISTORIQUE. + --L'HOMME-FONTAINE.--LE PORTRAIT DE L'EUNUQUE._ + + CHAPITRE V.--LE VIEUX CAIRE 53 + + _LE PROGRÈS DESTRUCTEUR.--LE SPECTACLE DE LA RUE: LES + FRUITIERS ET LEURS ÉTALAGES AUX VIVES COULEURS.--LE + COMPLET ANGLAIS DES PETITS ÉCOLIERS.--LA MAISON DU + CHEIK SADAAT.--L'ARCHITECTURE ARABE._ + + CHAPITRE VI.--LA MOSQUÉE IBN-TULUN 69 + + _UN LIEU HISTORIQUE ET LÉGENDAIRE.--UNE MERVEILLE + ARCHITECTURALE.--UN CORTÈGE PITTORESQUE.--MARIAGE A LA + TURQUE.--LA MOSQUÉE ABANDONNÉE.--LE PUITS DE JOSEPH._ + + CHAPITRE VII.--LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN 83 + + _LE PLUS BEAU MONUMENT DU CAIRE.--L'EXODE DES + LAMPADAIRES.--LE SUPPLICE D'UN ARCHITECTE TROP GÉNIAL. + --ENTERREMENTS ET PLEUREUSES DE PROFESSION.--LA MOSQUÉE + BLEUE._ + + CHAPITRE VIII.--AU HASARD DES RUES 97 + + _LE QUARTIER JUIF.--LE MURISTAN DE KALAUN.--LE DÉPEÇAGE + D'UN CHAMEAU VIVANT.--DEUX PORTES MONUMENTALES DU XIe + SIÈCLE.--GUIGNOL ÉGYPTIEN.--AUTOUR D'UN CIMETIÈRE._ + + CHAPITRE IX.--DANS LE QUARTIER COPTE 111 + + _UN PEU D'HISTOIRE.--L'ÉGLISE CHRÉTIENNE SAINT-GEORGES. + --UN COUVENT COPTE.--LA LÉGENDE DE LA TOURTERELLE.--LA + PREMIÈRE MOSQUÉE D'ÉGYPTE.--LA COLONNE MERVEILLEUSE._ + + CHAPITRE X.--LES PYRAMIDES 123 + + _LA «DÉCOUVERTE» DES GÉANTS DE PIERRE.--QUELQUES + CURIEUSES ÉVALUATIONS MATÉRIELLES.--LE SPHINX.--LES + «GATE-PLAISIR».--DES PYRAMIDES DE GISEH AU SAKKARA. + --LA TOMBE DE TYI.--RETOUR DANS LE SOIR COLORÉ._ + + CHAPITRE XI.--D'ALEXANDRIE AU CAIRE 135 + + _LA ROUTE DU CAIRE, VIA ALEXANDRIE.--LES ANTIQUES + PAYSAGES DU DELTA.--LE SÉPULCRE DU SAINT SEYID-EL-BEDAWI. + --UNE MISSION DÉLICATE.--VOYAGE EN «DAHABIYEH»._ + + CHAPITRE XII.--THÈBES 145 + + _EN ROUTE POUR LE CAMPEMENT, DANS LA CITÉ DES RUINES. + --LE VILLAGE DE KURNAH.--LES TOMBES VIVANTES.--LA HUTTE + DE PIERRE, PRÈS DU TEMPLE DE HATSHEPSU.--MON INSTALLATION. + --UNE PREMIÈRE NUIT A LA BELLE ÉTOILE._ + + CHAPITRE XIII.--LE TEMPLE D'AMMON 155 + + _COMMENT ON OBTIENT UNE EMPREINTE D'UN BAS-RELIEF.--UNE + PYRAMIDE SUR UN TEMPLE.--LA MYSTÉRIEUSE VACHE DE + HATHOR.--QUELQUES DÉTAILS HISTORIQUES AUTOUR DU TEMPLE + DE LA REINE HATSHEPSU.--«L'EXPÉDITION EN PONT.»_ + + CHAPITRE XIV.--PARMI LES TEMPLES 169 + + _LES TEMPLES ONT SUCCESSIVEMENT SERVI A DES CULTES + DIVERS.--L'INSCRIPTION D'UN PRÊTRE CHRÉTIEN.--LE PETIT + TEMPLE DE DER-EL-MEDINEH.--DÉTAILS ARCHÉOLOGIQUES. + --«CE MONDE N'EST PAS UNE VILLE DURABLE»._ + + CHAPITRE XV.--LA TOMBE DE LA REINE TYI 179 + + _COMMENT LES INDIGÈNES JUGENT LES ARCHÉOLOGUES.--DU ROLE + DE LA REINE TYI DANS L'HISTOIRE DES PHARAONS.--LE DIEU + NOUVEAU.--VISITE A LA TOMBE MYSTÉRIEUSE.--«SIC TRANSIT + GLORIA MUNDI.»--UNE CRUELLE DÉSILLUSION._ + + CHAPITRE XVI.--LE TEMPLE DE MENTUHOTEP 191 + + _ENCORE DES TOMBES, DES SARCOPHAGES, DES MOMIES. + --ANTIQUITÉS MODERNES...--L'HONNÊTE VOLEUR.--DANS LE + CLAIR-OBSCUR DES CAVEAUX.--LES PEINTURES DE LA TOMBE DE + NAKHT: SCÈNES DE LA VIE D'UN GENTILHOMME CAMPAGNARD. + --VERS LE TEMPLE DE SETI._ + + CHAPITRE XVII.--KARNAK 203 + + _UNE VISITE AU TEMPLE DE SETI.--LES PLUS BEAUX DOCUMENTS + DE L'ART DÉCORATIF ÉGYPTIEN.--LE «KHAMSIN» OU LE DÉSERT + INCENDIÉ.--JE REGAGNE LUXOR POUR ALLER ENSUITE A KARNAK. + --UNE CITÉ DE RUINES, TOUTES EN COLONNADES GRANDIOSES. + --LE MONOLITHE DE GRANIT ROSE._ + + CHAPITRE XVIII.--ENCORE KARNAK 217 + + _LA PROMENADE MERVEILLEUSE PARMI LES RUINES DE KARNAK + CONTINUE.--LE PETIT SANCTUAIRE DU ROI ÉTHIOPIEN, SHABAKO. + --LE JEUNE PHARAON COURONNÉ DE LOTUS.--LA DÉESSE A TÊTE + DE LIONNE.--LE LAC SACRÉ ET L'AVENUE DES SPHINX._ + + CHAPITRE XIX.--LE TEMPLE DE DENDERA 227 + + _EN DESCENDANT LE NIL.--LA FERTILITÉ ET LE PITTORESQUE + DE LA CAMPAGNE ÉGYPTIENNE.--LE «FELLAH» N'A PAS LA HAINE + DE L'ÉTRANGER.--LE TEMPLE DE DENDERA ET L'INFLUENCE + GRECQUE DANS L'ARCHITECTURE DU Ie SIÈCLE._ + + CHAPITRE XX.--ROSETTA 235 + + _EL-RASCHID, LA CITÉ PITTORESQUE MAIS INCONFORTABLE. + --L'HOTEL KARALAMBO ET LE «BAKKAL».--DU MOINS, LES + SUJETS DE TABLEAUX NE MANQUENT POINT DANS CETTE VIEILLE + VILLE RESPECTÉE DES EUROPÉENS.--LE DERNIER MINARET._ + + INDEX ALPHABÉTIQUE 245 + + TABLE DES PLANCHES 249 + + * + * * + + + CORBEIL.--IMPRIMERIE CRÉTÉ. + + + * * * * * + + + Liste des modifications: + + Page 40: «contruit» par «construit» (Cet imposant bâtiment fut + construit) + Page 86: «Mvhrab» par «Mihrab» (La _Mihrab_ ou _Kibla_, niche + sacrée) + Page 114: «scupltées» par «sculptées» (et caresse les boiseries + sculptées) + Page 116: «cemblent» par «semblent» (les bastions que l'on voit, + semblent être) + Page 125: «Lincol's» par «Lincoln's» (du square de Lincoln's Inn + Fields) + Page 138: «enropéennes» par «européennes» (aux laideurs européennes) + Page 152: «consisidérai» par «considérai» (je considérai cette + perspective) + Page 173: «temlpe» par «temple» (dans le grand temple de Ramsès III) + Page 189: «ving» par «vingt» (jeune homme âgé de vingt-cinq à + vingt-six ans....) + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of L'égypte, by Walter Tyndale + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 41155 *** diff --git a/41155-8.txt b/41155-8.txt deleted file mode 100644 index 5025067..0000000 --- a/41155-8.txt +++ /dev/null @@ -1,5880 +0,0 @@ -The Project Gutenberg EBook of L'gypte, by Walter Tyndale - -This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with -almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org - - -Title: L'gypte - d'hier et d'aujourd'hui - -Author: Walter Tyndale - -Release Date: October 23, 2012 [EBook #41155] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'GYPTE *** - - - - -Produced by The Online Distributed Proofreading Team at -http://www.pgdp.net (This file was produced from images -generously made available by The Internet Archive/Canadian -Libraries) - - - - - - - - - - Au lecteur - - Cette version lectronique reproduit, dans son intgralit, - la version originale. - - La ponctuation n'a pas t modifie hormis quelques corrections - mineures. - - L'orthographe a t conserve. Seuls quelques mots ont t modifis. - La liste des modifications se trouve la fin du texte. - - - - - L'GYPTE - D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - -[PLANCHE 1: AU TEMPLE DE LUXOR] - - - - - L'GYPTE - - D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - - _OUVRAGE ILLUSTR DE - 44 PLANCHES EN COULEURS - D'APRS LES AQUARELLES DE L'AUTEUR_ - - Texte et Illustrations - - de - - WALTER TYNDALE - - - PARIS - - LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie - - 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79 - - 1910 - - - - -L'GYPTE - -_D'HIER ET D'AUJOURD'HUI_ - - - - -_CHAPITRE PREMIER_ - -PORT-SAD - -L'ARRIVE DANS LES EAUX GYPTIENNES. || PREMIRES IMPRESSIONS. || UNE -GYPTE RALISTE. || EN CHEMIN DE FER VERS LE CAIRE. || LE MIRAGE. || LES -PYRAMIDES DE GIZEH. - - -Les grands paquebots accomplissent maintenant en trois jours la -traverse Marseille-Alexandrie, et en deux jours celle de -Naples-Alexandrie: ce progrs me parat d'autant plus apprciable que, -lors de mon dernier voyage en gypte, il n'y a pas bien longtemps, j'ai -eu supporter quatre affreuses journes de malaise et d'ennui, entre -Brindisi et Port-Sad, bord du courrier d'Asie. Ma patience tait mme - toute extrmit quand j'entendis enfin un passager, qui, de sa -jumelle, scrutait l'horizon, s'crier: Voil l'gypte!. Prenant -moi-mme la lorgnette d'une main fbrile, j'aperus en effet la cte -gyptienne, basse et plate. - -Rapidement cette cte s'allongea; elle eut d'abord l'apparence de deux -les, puis d'une seule, et, l'un aprs l'autre, des lots surgirent, -puis disparurent, pour se montrer de nouveau l'ouest. Sur la carte, je -vis que presque toute la cte du Delta n'tait qu'une troite bande de -terre qui sparait la Mditerrane des grands lacs sals. - -La traverse touchait sa fin. Nous avions laiss loin derrire nous le -sombre hiver et la mer agite: prsent le soleil resplendissait dans -un ciel bleu, et une brise dlicieuse rafrachissait l'air chaud et sec. - -Notre paquebot fendait les eaux verdtres devant les Bouches du Nil; -droite s'tendait une terre basse au sable dor, et l-bas la silhouette -d'un smaphore et de nombreux mts apparaissaient. Bientt, une ligne -grise se dessina au ras des flots, qui, imprcise d'abord, se rvla peu - peu comme une immense digue, derrire laquelle se dressrent les -maisons d'une ville. - -Lentement le steamer glissa vers le quai; sur la passerelle -retentissaient les ordres brefs; les lascars allaient et venaient en -criant, et les passagers, impatients, se prparaient dbarquer. Enfin -les machines s'arrtrent, les ancres normes coulrent le long des -flancs du navire qui stoppa dans les eaux tranquilles de la rade de -Port-Sad. - -Quel moment d'motion pour le nouveau venu! L, de l'autre ct de ces -sables, c'est l'gypte, la terre de la Rivire Mystrieuse, le pays -magique! la patrie des mosques et des minarets, des turbans et des -_yashmaks_, des Pharaons, des Pyramides et du Sphinx, du dsert! -l'antique patrie de tant de merveilles: dbris mystrieux de ces temps -lointains o un grand peuple vivait ici, sur le sable dor de ces rives -enchanteresses, prs de ce fleuve puissant!... - -Les eaux tranquilles du port, d'un beau vert ple, taient si claires -qu'on distinguait une grande profondeur d'normes mduses dont les -bras s'allongeaient en tous sens. - -A l'orient, le soleil disparaissait dans une splendeur sereine. Aucun -nuage ne tachait le ciel dont l'azur, l'ouest, se nuanait de vert, -puis de jaune, jusqu' devenir une grande nappe d'or d'une imposante -majest. - -_East is East, and West is West, and never the twain shall meet_[1]. - - [1] L'Orient est l'Orient et l'Occident est l'Occident, et les deux ne - se rencontreront jamais. - -Ici mme, sur l'eau, avant le dbarquement, tout me parut trange et -pittoresque. A peine notre grand navire tait-il arrt qu'une quantit -de barques l'entourrent, remplies d'indignes qui criaient, -gesticulaient; certains d'entre eux prsentaient leurs marchandises, -fruits, cigares, colliers de perles et plumes. D'autres canots taient -remplis de jeunes garons qui faisaient des plongeons fantastiques pour -attraper les pices d'argent lances du pont par les passagers: comme -des anguilles, ils disparaissaient sous l'eau pour reparatre quelques -instants aprs, de l'autre ct du paquebot, la pice brillant entre -leurs dents blanches. Dans une barque, des rameurs chantaient cette -chanson du pays dont le refrain est devenu chez nous le fameux -_ta-ra-ra-boom de aye_, autrefois si populaire dans les cafs -chantants. - -Enfin nous dbarquons sur le sol gyptien. Le plaisir et l'motion qu'on -prouve en arrivant dans un pays tranger sont en grande partie gts -par la lutte que l'on a soutenir contre les bateliers, -commissionnaires, portefaix, portiers d'htels et agents de toute sorte -qui, sans aucune considration pour votre nervosit, se livrent un -vritable assaut de votre personne et de vos bagages. L'agence Thomas -Cook et Fils a fait beaucoup pour rendre le dbarquement moins pnible -et, grce elle, on se tire d'affaire assez facilement et avec une -grande conomie de temps et d'argent. Encore est-il pour l'instant -inutile d'essayer de penser l'gypte du pass, car l'gypte du prsent -absorbe toute votre attention. Je savais que Port-Sad n'offrait aucun -intrt au point de vue artistique et j'avais dcid de ngliger cette -ville et d'en partir par le premier train destination du Caire. - -Une bonne partie du voyage se fait travers un pays d'apparence -misrable, avec, droite, le lac de Menzaleh moiti dessch, et, -gauche, le dsert d'Arabie qui s'tend de l'autre ct du canal de Suez. -Il semblait vraiment que nous ne verrions jamais la fin de ce canal, et -toute son importance au point de vue commercial ne pouvait m'empcher de -remarquer sa laideur. Je parvins cependant le faire disparatre de mon -horizon et ne plus voir que le grand dsert qui relie l'gypte la -Pninsule de Sina. C'tait du reste la premire fois que je voyais le -dsert; depuis, j'ai pass des mois dans sa solitude, mais cette -premire vision reste dans ma mmoire avec un relief particulier. Ce -paysage, pensais-je, est celui-l mme que parcoururent l'Enfant Jsus, -Marie et Joseph quand ils vinrent chercher en gypte un refuge contre la -fureur d'Hrode. En quel endroit traversrent-ils l'immensit qui -s'tend devant moi? Marie tait-elle semblable cette femme _fellah_ -qui se dirige dos d'ne vers la station? En tout cas, la robe qui se -portait alors n'a gure subi de modifications. - -Dix ans plus tard, je refaisais le mme voyage, me rendant de nouveau au -Caire par la mme route. Le tramway vapeur qui reliait autrefois -Port-Sad Ismal tait remplac par des trains composs de wagons -Pullman, avec salons et restaurants. Quelques vilaines constructions a -et l, quelques rclames criardes taient en outre les premiers -avertissements de la prosprit du pays... - -A l'Est, le paysage n'avait gure chang, mais, regardant l'Ouest, je -fus fort tonn de la transformation du dsert. L o je me rappelais -n'avoir vu qu'une solitude aride, j'apercevais maintenant des lacs avec -des les couvertes de palmiers. C'tait bien l'poque de la crue du Nil, -mais j'tais certain que les eaux ne pouvaient s'tendre une pareille -distance. Je consultai ma carte qui ne m'apprit rien. M'adressant alors - un gyptien assis prs de moi, je lui demandai si les eaux -recouvraient toujours cet espace. Il me rpondit tranquillement: C'est -le mirage! - -Ce n'est qu'aprs avoir pass Zakazik que le voyageur s'aperoit qu'il -est dans le Delta, et qu'il se souvient du mot d'Hrodote: L'gypte est -un don de la rivire, car, bien que le Nil ne soit pas visible avant -Beulia, on sent dj ici son influence fcondante. La campagne est fort -belle, boise et sillonne de nombreux cours d'eau. Les ruines de -Bubastis qui sont prs du Zakazik furent dblayes par le professeur -Naville, il y a quelque vingt ans, mais si elles prsentent un intrt -assez grand pour l'archologie, leur aspect est peu pittoresque et ne -retient gure l'attention du voyageur. Bulak, vu de la gare, n'est -nullement intressant, et le voyageur, si prs du Caire, ne songe gure - s'arrter l. Vingt minutes encore, et, jetant les yeux droite, vous -apercevrez enfin les Pyramides de Gizeh. De cette distance, on apprcie -difficilement leur grandeur: cependant je sentis, quant moi, mon coeur -battre avec plus de force et je crois que rien au monde n'aurait pu, -ce moment, me distraire de ma contemplation! - -Le train roule toute vapeur. Le Delta maintenant se rtrcit, les deux -chanes de collines qui enserrent la valle du Nil se prcisent la -vue, et la mosque de Mohamet Ali, apparaissant au-dessus de la -citadelle, annonce au voyageur qu'il arrive au Caire. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE II_ - -MASR EL KAHIRA - -MODERN-CAIRO ET LE VIEUX-CAIRE. || INFLUENCES EUROPENNES. || ART -MAURESQUE ET ART NOUVEAU. || LES BOIS SCULPTS DES ANCIENNES FENTRES. -|| LES FONTAINES PUBLIQUES. || LA MAISON-MOSQUE. - - -Le voyageur qui, arrivant au Caire, s'imagine qu'il va se trouver enfin -dans le dcor d'une ville orientale, s'expose une dception. La partie -de la ville qu'on traverse pour se rendre de la gare l'un ou l'autre -des htels, ne ressemble pas plus au vieux Caire que Londres ne -ressemble Pkin. Aucune des maisons qui s'y trouvent n'a quarante ans -d'existence, et, d'autre part, je suis bien convaincu que ces misrables -btisses s'crouleront quelque jour prochain. Leurs constructeurs -avaient, tout prs de l, pour les inspirer, de merveilleux modles de -l'art oriental le plus pur, mais le mot fatal d'Ismal: L'gypte fait -partie de l'Europe tourna sans doute leur attention vers Paris, et -nous retrouvons ici une malheureuse imitation de _l'art nouveau_, ou -bien,--ce qui est peut-tre pire,--des reproductions honteusement -dnatures de _style mauresque_. - -Vous verrez les htels remplis de tout le confort moderne, comme leurs -rclames l'annoncent si bien (sans parler de leurs prix fantastiques); -mais, hlas! vous n'y rencontrerez rien de vraiment oriental, -l'exception du personnel domestique qui porte la robe blanche, la -ceinture rouge et le fez. - -Mais demain, dans les vieux quartiers, vous pourrez enfin admirer dans -toute sa beaut le vritable Orient, et ce que vous verrez dpassera -votre attente. Les deux ou trois kilomtres qui sparent votre htel du -Khn Khall sparent aussi de l'Occident l'Orient. - -Que de changements depuis mon dernier voyage ici! Le canal qui -traversait la vieille ville, du nord au sud, a t combl et une ligne -de tramways lectriques suit son ancien cours. Nombreuses sont les -fentres _meshrebiya_ qui ont t remplaces par des cadres en bois de -Sude, et plus nombreuses encore les vieilles maisons qui ont t, soit -dmolies et puis reconstruites, soit modernises jusqu' complte -mtamorphose; et cependant, mme ici, il reste encore assez de l'Orient -pour enchanter l'imagination et pour fournir l'artiste maint sujet de -tableau. - -En quittant l'Ezbekiyeh, qui est le centre du quartier europen, une -petite rue, derrire l'htel Bristol, vous conduira, travers un -labyrinthe de passages troits, jusqu'au Suk-ez-Zalat. Un guide vous -sera ncessaire, car dj le plan bien ordonn des villes modernes a -disparu et les rues en zigzag aboutissent souvent un cul-de-sac. - -Une fois au Fouyatieh, vous vous trouvez tout fait dans le vieux -Caire. Une mosque et une range de maisons aux fentres dfendues par -des grillages de bois sculpt enchantent de suite le regard. Une porte -en retrait ouvre sur la cour d'une maison cairote habite autrefois par -un riche marchand et loue aujourd'hui par chambres ou petits logements. -Si vous avez eu la chance de tomber sur un guide habitu conduire des -artistes, il pourra vous montrer quantit de maisons semblables et fort -intressantes. Je dsire nommer ici le brave homme qui m'accompagna dans -mes recherches du pittoresque, dans tous les coins et recoins du Caire. -Il s'appelle Mohammed el Asmar, mais il prfre le nom de Mohammed -Brown (Brun) qui est la traduction anglaise de Asmar. Et ne suis-je pas -vraiment brun? demande-t-il pour justifier son surnom. Grce -Mohammed, je me suis servi pendant quelque temps de la cour de ces -maisons comme d'un atelier. Il m'y amenait des porteurs d'eau, des -petits marchands ambulants, et des nes, des chameaux, tout le -pittoresque enfin des rues du Caire. Pendant qu'il discutait et -marchandait avec mes modles, je peignais les arabesques de la porte et -de ravissants modles de siges _meshrebiya_. - -[PLANCHE 2: EL-FOUYATIEH, AU CAIRE] - -_Meshrebiya_ est le nom arabe du bois sculpt, tourn, si admirablement -travaill, et dont on fait gnralement des paravents, des grillages de -fentres et toute espce de meubles. Placs devant les fentres, les -grillages laissent passer l'air, adoucissent la lumire clatante du -jour, et permettent aux femmes de regarder ce qui se passe au dehors, -sans tre vues elles-mmes par des yeux indiscrets. Cela est bien dans -une ville mahomtane o l'ombre est une ncessit et la rclusion une -loi, mais cela ne va plus, on s'en doute, sous un autre ciel. Une -quantit fabuleuse de ces meubles et de ces fentres de bois ont t -achets par des marchands qui les ont revendus des touristes -europens. Ceux-ci, une fois chez eux, firent leur fantaisie usage de -ces bois sculpts. Je pourrais citer un cas o toutes les superbes -boiseries d'une vieille maison cairote pourrissent dans un grenier, en -Surrey, depuis quelque quarante ans, poque laquelle celui qui les -acheta sottement les apporta en Angleterre. Frapp par leur beaut quand -il les vit dans leur cadre propre, il crut que son architecte -parviendrait s'en servir avec avantage pour une maison qu'il -s'apprtait construire, mais il fut vite dtromp. - -Malheureusement les vieilles boiseries ainsi achetes au Caire, n'y sont -jamais remplaces: les anciens quartiers tant malsains, les -propritaires les abandonnent, et, ds qu'ils le peuvent, se font -construire dans les nouveaux quartiers une maison de style btard. - -Continuons notre promenade le long de Suk-ez-Zalat. L'intrt va -grandissant mesure que nous approchons du centre de la ville. La rue, -trs troite, est encombre de gens, de btes et de choses. Le soleil -l'envahit petit petit; tous les marchands ont baiss leurs stores. - -Nous avons maintenant atteint El Nahassin o la vie et le mouvement -sont tout aussi pittoresques, o la beaut et l'intrt augmentent -encore, car bientt voici notre droite les dmes et les minarets du -groupe de mosques qui entourent le Muristan. De la Sebil[2] -Abd-er-Rahman, on peut merveille considrer ce centre de l'activit -cairote, tumultueux et si divers. - - [2] Fontaine. - -Les diffrentes _Sebils_ sont une des caractristiques du Caire. -Autrefois elles fournissaient presque toute l'eau la ville; -aujourd'hui ce sont de simples fontaines o le passant se dsaltre. -Elles sont maintenues grce des donations religieuses. Au-dessus -d'elles, dans les maisons, se trouvent des coles, et le chant des -enfants qui rcitent le Coran s'envole par les fentres ouvertes. - -Ce qu'on voit des marches de cette Sebil offre un joli sujet de croquis. -A gauche, un ancien palais, et, plus loin, des maisons qui tombent -presque en ruines. Les grillages en bois des fentres sont en piteux -tat, et, a et l, un vieux morceau d'toffe tient lieu de vitre. Les -ornements sculpts de certaines fentres pendent misrablement et -restent suspendus en l'air jusqu' ce qu'un coup de vent plus fort les -fasse tomber terre. Cet tat de ruine se rencontre bien quelquefois -dans nos villes europennes, mais seulement dans de pauvres quartiers -abandonns: ici, le contraste est frappant, car la rue est envahie -toute heure par une foule compacte, et, au rez-de-chausse de ces -maisons, vous voyez des marchands de toute sorte affairs au milieu -d'une nombreuse clientle. Mais tout se passe dehors, sur le seuil des -maisons et non point l'intrieur. Des aliments varis sont vendus -des gens qui les consomment en pleine rue, ct de l'ombre en t, ct -du soleil en hiver. Les hommes sont assis devant les boutiques des -cafetiers, fumant leur nargileh et buvant lentement leur caf, et il ne -leur viendrait jamais l'ide d'entrer dans ces boutiques, dont -l'intrieur n'est souvent qu'un petit rduit, si exigu que le marchand -lui-mme y trouve peine assez de place pour se retourner. - -C'est sur le seuil de sa porte, ou sur un banc ct, que le barbier -rasera une tte, saignera un malade ou arrachera une dent. C'est -galement en plein air que s'installe l'crivain pour prparer des -contrats, ou crire une lettre d'amour que lui dicte une jeune personne -voile accroupie auprs de lui dans la poussire. - -Les plus graves questions se rglent dehors: tel homme battra sa femme -si elle se permet de traverser la rue sans voile, mais le pre de cette -femme, avant de la donner en mariage, discutait, en pleine rue et -entour de nombreux voisins, les conditions du mariage et la somme qu'on -lui paierait pour sa fille. Et la foule, amuse et intresse, prenait -part la discussion! - -Cet endroit se trouvant dans une des principales artres de la ville, le -trafic y est considrable, et rien ne pourrait tre plus intressant que -de contempler ce va-et-vient dans tout son pittoresque et toute sa -couleur orientale. Quel contraste avec la tristesse sombre d'une foule -anglaise dans une rue de Londres! - -Continuons notre promenade. Cette vieille maison est belle! Au moment -mme o nous nous arrtons pour l'admirer, un grillage de fentre -s'ouvre et un vieux Cheik crie que l'heure de la prire est arrive. -Immdiatement, du haut de tous les minarets, des voix sonores, voix de -_muezzin_, crient: _La ilaha ill' allah, wa Muhamed rasul allah!_ - -Le vendredi, cette heure, beaucoup de boutiquiers ferment leurs -magasins, et, en compagnie de leurs clients, se rendent la _Duhr_, ou -prire de midi. Mais pourquoi est-ce de cette maison que le muezzin a -donn le signal de la prire? Ma curiosit tait grande pendant qu'assis -dans un petit caf en face, je prenais un croquis de l'immeuble en -question. Le fidle Mohammed Brown, qui jusqu'alors tait rest assis -ct de moi, loignant les gamins et les mouches, se leva brusquement, -dit au cafetier de prendre sa place, traversa la rue en courant, et, -tant ses sandales, disparut sous le porche. Il ne revint que vingt -minutes plus tard, s'excusant de m'avoir quitt ainsi: il avait -compltement oubli que c'tait vendredi; l'appel la prire lui avait -soudain rafrachi la mmoire et il avait peine eu le temps de faire -ses ablutions avant de prendre part la _Duhr_. - -[PLANCHE 3: LA MAISON-MOSQUE DE NAHASSIN, AU CAIRE] - -J'appris alors que le sujet de mon croquis tait une mosque laquelle -tait contigu la maison du cheik, celle-ci cachant si bien le btiment -religieux qu'il tait ncessaire de faire l'appel la prire par la -fentre de la chambre coucher. La manire dont l'architecte est -parvenu unir la maison et la vieille mosque, est simplement -merveilleuse. Bien qu'une partie des ornementations en bois aient -disparu, il en reste encore suffisamment pour faire de cette maison une -des plus pittoresques du Caire. C'est une vritable chance qu'il se soit -trouv juste en face un petit caf o j'tais en fort bonne position -pour peindre. Afin d'obtenir une autre vue des mosques, derrire cette -maison, il me fallut traiter avec un marchand de cannes pour qu'il me -permt de monter sur son comptoir. Aprs une longue discussion, Mohammed -m'obtint cette permission moyennant le paiement de cinq shillings (6 fr. -25), et il fut convenu que j'aurais droit ce comptoir pendant cinq -journes conscutives. Le marchand insista alors pour tre pay d'avance -de toute la somme, ce qui me rendit quelque peu souponneux, mais, ayant -trouv des tmoins, je consentis enfin risquer le paiement. Pendant -toute la matine, mon marchand de cannes se tint assis beaucoup plus -prs de moi que je ne l'eusse dsir. En arrivant, le lendemain matin, -je trouvai la boutique ferme et j'en concluais que j'avais t roul, -lorsqu'un voisin s'approcha et me remit la cl en m'annonant que -Moustapha des cannes me laissait la place pendant toute une semaine -qu'il passerait lui-mme la campagne, chez des parents. Aprs tout, -remarqua le voisin, son comptoir lui rapporte davantage de cette faon, -car la vente des cannes est trs mauvaise en ce moment, et puis il y a -de nombreuses annes qu'il n'a vu sa famille. - -Allons maintenant la mosque du Sultan Barkuk et admirons le portail -de marbre et la porte de bronze ct du tombeau de Mohammed en Nasr et -du Muristan, hpital construit par le sultan Mausur Kalaun, vers la fin -du XIIIe sicle. Ce clbre sultan Mamelouk fit btir cet hpital en -tmoignage de reconnaissance aprs avoir t guri d'une grave maladie. -Sa mosque et son tombeau sont situs ct de l'hpital; nous -reviendrons plus tard sur ce superbe groupe. - -Si mon lecteur est un voyageur expriment, il sait visiter une ville, -mais s'il vient en Orient pour la premire fois, je l'engage donner -tout ce qui vaut la peine d'tre vu beaucoup plus de temps que les -guides ne le conseillent. - -L'ennui qui se lit sur la physionomie de presque tous les touristes -quand on les fait courir d'un endroit un autre, et leur dsespoir -lorsqu'on leur dclare, aprs une journe de fatigue, qu'avant de -rentrer l'htel _il y a encore quelque chose voir_, justifie, je -crois, ma conviction que fort peu de personnes connaissent _l'art de -voyager_. - -Ayez pour vos yeux et votre cerveau autant de considration que pour vos -jambes, et n'essayez pas de voir en un jour plus que vous ne pouvez -voir: ainsi vous remporterez de vos voyages une impression et des -souvenirs plus agrables. - -tudier le mouvement et la vie des rues, les diffrentes industries, les -marchandises exposes devant les boutiques et les bazars, les curieux -costumes des hommes et des femmes qui vendent et qui achtent, flnant -au soleil, en hiver, assis par groupes, l'ombre, pendant l't: voil -au moins de quoi remplir utilement une premire matine. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE III_ - -DANS LES BAZARS - -LE MARCH AUX CUIVRES. || LE BAZAR DES ORFVRES. || LE BAZAR TURC. || -L'ART DE VENDRE BIEN, OU LES PETITES HABILETS DES MARCHANDS CAIROTES. -|| UN SUJET DE TABLEAU QUI NE VEUT PAS SE LAISSER PEINDRE. - - -En nous rapprochant du Muristan, nous ne tardons pas nous apercevoir -que nous sommes maintenant au coeur du _Nahssin_, au March des -Cuivres. Jusqu' prsent, les devantures des magasins avaient offert -nos regards des produits varis, mais ici le cuivre domine. Tout comme -autrefois, d'habiles ouvriers martellent des rcipients aux formes -tranges, dignes d'orner la cuisine et l'office de quelque -Haroun-al-Raschid. J'aime voir combien cet art ancien est encore -vivant; ces cafetires et bouillotes modernes ont toujours les belles et -gracieuses lignes des anciennes, et elles sont travailles par les -artisans cairotes pour les gens du pays eux-mmes, non pas seulement -pour tenter le touriste qui passe. De fait, je n'ai jamais vu un -_Firangi_ (tranger) acheter ces ustensiles, trop encombrants sans doute -pour prendre place dans la valise; ou peut-tre est-ce simplement que le -marchand et le drogman n'ont pu se mettre d'accord sur la commission que -ce dernier toucherait en cas de vente? - -Les talages qui se trouvaient jadis au pied des deux mosques ont -maintenant disparu, ce qui, au point de vue du pittoresque, est -regrettable. Un peu plus loin, un coude brusque nous conduit au Bazar -des Orfvres. Les diffrentes artres qui le sillonnent sont tellement -troites que deux personnes ne peuvent y marcher de front. Les boutiques -ressemblent des armoires et leur devanture n'a gure plus de 1 mtre -1m,40 de largeur. Le plancher est 60 centimtres environ au-dessus du -sol et sert de sige aux clients. Cette extraordinaire petite bote -(c'est le mot) sert la fois d'atelier et de magasin; le _guhargi_ ou -orfvre passe ici toute sa journe, assis, les jambes croises, sur un -petit tapis, et il n'a vraiment aucune raison de se lever, car toutes -ses marchandises et ses outils sont porte de sa main, et, quand il -dsire une tasse de caf ou de th vert, il lui suffit de frapper ses -mains l'une contre l'autre pour qu'un boy la lui apporte. Son apparence -ne diffre gure de celle de son voisin du March au Cuivre, mais ses -vtements nous indiquent qu'il n'est pas un descendant du Prophte. Le -samedi, presque toutes ces petites boutiques sont fermes, et si vous -pouvez dchiffrer les noms crits au-dessus des portes closes, vous n'y -trouverez ni Hassan, ni Mohammed, mais _Ibu Yusef_, _Ibrahim_ ou _Ben -Sandi_ qui tmoignent silencieusement que ces isralites continuent -d'observer les lois de leurs aeux. - -Except les jours du Sabbat, ces ruelles qui composent le _Sk-es-Sgh_ -sont presque impraticables. Pendant des heures entires, des femmes -restent assises sur le _Mashaba_, c'est--dire le rebord du plancher, -regarder l'artisan qui travaille un bijou qu'elles ont command, ou -marchander une autre pice. La patience du commerant est inlassable. -J'en ai vu qui, aprs avoir montr leur stock tout entier une cliente -qui partait enfin sans rien acheter, lui disaient aimablement au revoir -et la priaient de revenir dans des termes pleins de gracieuset. Les -robes de soie du marchand, aux couleurs varies, contrastent trangement -avec le vtement noir de l'acheteuse. Celle-ci abrite son visage -derrire un voile. Elle peut venir ici, en public, vendre ses bijoux et -personne n'aura la moindre ide de sa personnalit. Si un homme, au -contraire, venait vendre son argenterie et ses bijoux, tout le bazar -saurait en quelques minutes qui il est, et discuterait avec animation -les pertes l'obligeant se sparer de ses biens,--car le Cairote est -toujours fort curieux de tout ce qui touche aux questions d'argent. - -Vraiment le _Yashmak_ (voile des femmes) avec son cercle de cuivre, -n'est pas gracieux, mais il excite la curiosit, et l'on se dit que si -le nez, la bouche et le menton de telle femme sont aussi jolis que ses -yeux, elle doit tre remarquablement belle. La modestie l'oblige -cacher les lignes de son corps sous un long chle noir, mais elle -s'entoure de ce chle d'une faon si artistique que son charme y gagne -plutt qu'il n'y perd. A l'encontre de sa soeur europenne qui se pare -avec extravagance prcisment pour paratre en public, elle garde ses -robes aux brillantes couleurs et ses beaux colliers pour les seuls yeux -de son seigneur, et de quelques amies intimes qui viendront les admirer -dans la paix et la discrtion du harem. - -A mesure qu'on avance dans ce bazar, l'air devient de plus en plus lourd -et vici; on voudrait en sortir. Des femmes _fellah_ qui encombrent la -ruelle, se jettent ple-mle dans l'armoire qui sert de boutique -l'orfvre Mousa. Et lentement, arrt par maint obstacle, on arrive -enfin la rue Nahssn o l'on respire de nouveau l'air pur. - -[PLANCHE 4: LE KHAN-EL-KALIL, AU CAIRE] - -Presque en face de nous maintenant, se trouve l'entre du Bazar turc -appel _Khn Khall_. Construit en l'an 1300 par le Sultan mamelouk El -Ashraf Khall, il est depuis cette poque le centre commercial de la -vieille ville, bien que son importance ait fort diminu du jour o -plusieurs de ses gros commerants ont install de somptueux magasins -trs modernes dans les nouveaux quartiers. Cet endroit est, de toute la -ville, certainement le plus curieux, et celui o la vie est le plus -intense. A droite, vous passez d'abord devant des marchands de tapis qui -vous invitent poliment entrer, tandis qu' gauche les commerants en -soieries vous prient non moins aimablement d'examiner leurs _kuffiyehs_, -ou chles de soie que les Syriens portent gnralement autour de la tte -en guise de turban. Si vous paraissez tre tent, un Cingalais vous -soufflera dans l'oreille que vous feriez bien mieux d'entrer chez lui, -ses prix tant de cinquante pour cent meilleur march que ceux de son -voisin le Mahomtan. Vous passez et vous vous trouvez la porte d'une -boutique de pantoufles d'o vous apercevez toute une range d'escarpins -rouges ou jaunes, empils sur les comptoirs et sur le plancher, -accrochs en grappes au plafond et aux stores, autour des portes, -partout! Le rouge domine, et c'est incontestablement la couleur que le -Cairote prfre, en matire d'escarpins. Les escarpins jaunes viennent -presque tous de Tunisie et du Maroc et sont achets par les paysans. De -grands rouleaux de cuir rouge sont empils dans les petites boutiques o -les ouvriers travaillent avec ardeur, coupant et cousant, couvrant le -plancher de monceaux de dchets. - -A peine un tranger parat-il qu'un marchand lui met sous le nez une -paire de pantoufles en criant: Seulement deux shillings!--Entre et -vois ma boutique!--Very cheap! Vous avez beau lui dclarer que vos -bagages sont dj pleins d'escarpins, que vous en avez donn tous vos -parents, amis et connaissances, il ne se laisse pas dcourager et -insiste sans tarir, jusqu' ce que vous lui chappiez en pntrant chez -le marchand de tapis. Celui-ci avait du reste l'oeil sur vous; un -magnifique tapis est droul pendant qu'un autre, habilement jet -derrire vous, coupe votre retraite. J'ai horreur des tapis rouges! -criez-vous avec dsespoir, et, pendant que le marchand en droule un -vert, vous bondissez dehors; mais le Cingalais se retrouve alors devant -vous avec de nombreux _kuffiyehs_ jets sur son paule: tout en vous -complimentant d'avoir chapp son voisin Hussein, qui voulait vous -vendre des marchandises dfrachies, il dploie artistement le chle -qui, sans aucun doute, comblera vos dsirs. Il a entendu vos remarques -sur les tapis rouges, et il dit en faisant miroiter de jolies couleurs: -Ici pas de mauvaises teintures allemandes. Il voit de suite que la -combinaison de couleurs vous plat; malgr toutes vos rsolutions de ne -rien acheter, vous vous laissez aller en effet demander le prix: -Seulement seize shillings! rpond le Cingalais avec confiance, tout en -s'assurant, par des regards anxieux, qu'aucun autre marchand ne l'a -entendu offrir sa marchandise si vil prix! Sans faire attention -votre mcontentement, il vous exprime doucement les raisons qui le -poussent faire un tel sacrifice; un service en vaut un autre et il -espre bien que vous parlerez de lui et que vous donnerez son nom et -son adresse tous vos amis. Puis, d'une voix plus forte et en scandant -les mots, il ajoute: Viens sans le drogman!. Ne pouvant vous -dbarrasser de cet importun, vous avez enfin recours des paroles fort -rudes qu'il reoit du reste avec un tel sourire que c'est croire qu'il -les aime. Enfin, et comme dernire ressource, vous lui offrez un tiers -du prix qu'il demande, pensant qu'une insulte aussi srieuse aura -quelque effet sur lui, mais ce bon commerant enveloppe tranquillement -le chle dans un papier et vous le tend, vous en offrant mme un second - ce prix! Et soudain il disparat, vous laissant le paquet dans une -main et une douzaine de ses cartes dans l'autre, et vous vous demandez -comment il a pu cder si facilement, sans chercher obtenir quelques -shillings de plus. La raison n'en est pas difficile trouver. Un groupe -de touristes qu'il n'avait pas un moment perdu de vue, vient d'entrer -chez le marchand de tapis et en ressortira un moment ou un autre par -la porte situe en face de son magasin. Il ne va pas perdre son temps et -discuter pour quelques shillings, alors qu'il entrevoit tout coup la -possibilit de gagner une grosse somme. - -Il est certain que l'assaut continu de tous ces vendeurs gte un peu le -plaisir d'une visite au Khn, visite qui sans cela serait charmante en -mme temps qu'elle est des plus intressantes. - -Le porche par lequel on pntre dans le quartier des cuivres, avec son -ornementation serpentine, est trs beau. Les couleurs originales ont -presque entirement disparu, mais ce qu'il en reste s'harmonise d'une -faon charmante avec le brun et l'or ple des pierres sculptes. Il -serait difficile d'imaginer un cadre plus ravissant, ou mieux appropri -aux lampes, vases, cache-pots et services en cuivre cisel, exposs sur -des tagres de chaque ct de l'entre. De grandes lampes pendent tout -le long de l'alle qui conduit au porche, et c'est vraiment un spectacle -merveilleux. Mais o s'asseoir pour essayer de peindre tout cela? -Certes, mon fidle Mohammed Brown est un homme de tact, mais toute son -ingniosit mme arrivera-t-elle me rendre la chose possible? Il -parat peu ais d'obtenir un croquis, moins de s'installer au beau -milieu de la rue, mais l'importance du trafic et l'agitation sont telles -qu'il faut vite y renoncer. Nous fmes en la circonstance obligs de -nous entendre avec un marchand qui me permit de m'installer sur son -comptoir et qui, avec une partie de ses meubles, leva une barrire -entre moi et un attroupement qui s'tait dj form, les gens se -demandant avec curiosit ce que j'allais faire. A cette poque, ma -connaissance de la langue arabe tait nulle, j'ignorais donc de quel -talisman mon dvou guide s'tait servi pour obtenir du boutiquier qu'il -capitult si facilement et qu'il s'intresst tant mon sort. Non -seulement cet homme chassa la foule, mais il me servit du th et -m'apporta des cigarettes. Toutes ces attentions m'embarrassrent -vraiment, car j'avais entrepris un travail de longue haleine et je -n'tais pas en position de lui acheter la moiti de ses lampes pour le -compenser de tout le mal que j'allais lui donner. Cependant, bientt -toutes mes penses furent absorbes par mon travail et ce brave homme -cessa d'exister pour moi. Impossible de concevoir travail plus difficile -ou plus nervant. A peine avais-je dessin un somptueux lampadaire et -commenais-je l'habiller de ses premires couleurs, qu'un touriste -demandait justement examiner cet objet! Au moment mme o je me -rjouissais qu'un rayon de soleil clairt un certain coin de mon sujet, -un store s'abaissait brutalement et le plongeait dans l'obscurit. Le -bruit fait par ce store rappelait aux autres boutiquiers que le moment -tait venu de baisser les leurs, et en quelques minutes la plus grande -partie de mon sujet n'tait plus visible, et le peu qui en restait se -trouvait clair d'une faon si diffrente que j'tais oblig de -renoncer la tche. - -En rentrant l'htel, je demandai Mohammed comment il s'y tait pris -avec le marchand: Oh! rpondit-il, je lui ai d'abord dit que vous tiez -un neveu de Lord Cromer; ensuite je lui ai fait comprendre quelle norme -rclame ce serait pour lui quand tous les gens les plus puissants du -Caire verraient votre tableau. Je dclarai ce zl serviteur que je -n'avais aucun dsir de me faire passer pour ce que je n'tais pas, -quoi il rpondit tranquillement: Eh bien! matre, quand vous aurez -fini, je lui dirai que c'taient des mensonges. - -Ce qui me parat le plus tonnant, c'est que dans un pays o le mensonge -est employ couramment, il se trouve une seule personne prte croire -quoi que ce soit. - -Une bonne provision de cigarettes m'aida le lendemain entrer plus -avant encore dans les bonnes grces du marchand de lampes et de ses -nombreux amis et parents qui vinrent curieusement jeter un coup d'oeil -sur mon travail. La fume eut aussi l'avantage de chasser les mouches. -Chaque nouvel arrivant dsirait m'aider et m'tre agrable, soit en -loignant un gamin qui tchait de se glisser jusqu' moi, soit en -recommandant un boutiquier voisin de ne pas dranger ses marchandises -avant que j'aie fini de les peindre. J'aurais prfr me passer de cette -assistance, car si je commenais peindre le costume de tel passant ou -la pose de tel autre, mes amis et admirateurs criaient ces gens de se -tenir tranquilles: Il fait briller ta vilaine figure comme un vase de -cuivre neuf!--Tu seras admir par toutes les belles dames trangres -qui verront le tableau! et autres remarques spirituelles qui avaient -gnralement pour rsultat de faire fuir mon modle, ou, pire encore, de -l'amener auprs de moi, anxieux qu'il tait de voir ce que je faisais de -lui. La renomme de ma parent avec le clbre Proconsul s'tait -rapidement bruite, et tous les boutiquiers venaient mettre ma -disposition leurs magasins et leurs marchandises, me suppliant de les -peindre. Il fut bientt connu que je venais pour travailler et non pour -faire des achats, et, partir de ce moment, les rabatteurs et les -vendeurs me laissrent la paix, et le Khan-el-Khalil devint un des -endroits o je pus peindre avec le plus de plaisir. - -Revenons maintenant notre itinraire. Une rue nous conduit du Bazar -turc la _Muski_, la rue de la Paix du _Masr el Kahira_, l'artre la -plus importante coupant la vieille ville de l'est l'ouest. L'influence -europenne a malheureusement envahi cette rue au point de lui faire -perdre son ct le plus pittoresque. Remontons le _Muski_ quelques -instants et tournons droite: nous voici prsent dans un calme -relatif fort agrable et qui sied au quartier de l'Universit dont nous -approchons. Cette rue est justement celle des libraires, _El Sharia el -Halway_, pour lui donner son nom arabe. De nombreux exemplaires du -Coran, de vieux commentaires et livres classiques sont rangs par -rayons, et le Kutbi, le libraire, qui est souvent un cheik instruit, -presque un savant, se comporte avec dignit et ne fait aucun effort pour -attirer le client. Nous approchons du grand centre savant de l'Islam. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE IV_ - -LES RUES DU CAIRE - -GAMIA EL AZHAR. || L'ART DE RESTAURER LES MONUMENTS. || LES MEDRESSEH. -|| LE BAZAR DES PARFUMS ET CELUI DES PICES. || LA GRANDE MOSQUE EL -MUAIYAD. || UNE PORTE HISTORIQUE. || L'HOMME-FONTAINE. || LE PORTRAIT -DE L'EUNUQUE. - - -L'entre principale de l'Universit, Gmia el Azhar, est bientt -visible. Sachant que la Mosque-Universit fut fonde au Xe sicle, on -est surpris de se trouver en face d'une construction d'apparence -moderne. De nombreuses restaurations et de continuels agrandissements -ont fait disparatre presque entirement les traces de l'difice qui fut -lev par le Grand Vizir du premier calife Fatimid. S'il est permis de -dplorer la perte du pittoresque dtruit par la main du restaurateur, -ici comme dans beaucoup d'autres mosques, il faut cependant reconnatre -que, sans ces travaux, nombreux seraient les beaux difices qui auraient -cess d'exister ou qui ne seraient plus qu'une masse informe de ruines. -Les revenus des mosques, qui ont considrablement augment, permettent -aujourd'hui des travaux importants la tte desquels se trouve -heureusement un architecte de grand talent, Herz Bey, qui a consacr -toute sa vie l'tude de l'architecture sarrasine. Il est regrettable -qu'un homme de talent gal n'ait pas dirig les travaux de restauration -excuts sous Sad Pacha! Maintenant on peut comparer cet difice un -vieux vtement rapic. Presque toutes les maisons qui l'entourent ont -un certain air d'antiquit, bien qu'aucune d'elles n'existt l'poque -o El Azhar fut construit. - -[PLANCHE 5: APRS LA PRIRE DE MIDI] - -Pour visiter un btiment musulman quelconque, il est aujourd'hui -ncessaire d'acheter, moyennant cinquante centimes, un billet que votre -guide ou le concierge de votre htel vous procurera facilement. Six -minarets surmontent la mosque d'El Azhar et deux dmes recouvrent la -dernire demeure du saint fondateur. Malheureusement, les btiments qui -entourent l'Universit ne permettent pas de s'en loigner suffisamment -pour voir plus d'un ou deux minarets la fois. Ceux-ci ont des formes -diverses et appartiennent diffrentes poques. L'un d'eux, datant -de la fin du XVe sicle, est particulirement beau. La transition -graduelle du carr l'octogone, de l'octogone au cercle, et l'admirable -manire dont les angles ont t cachs par des pendentifs-stalactites -formant les tasseaux qui supportent les galeries, mritent l'attention. -A chaque tage dfini par ces galeries et s'levant au-dessus de la -mosque, la circonfrence du minaret devient plus petite, et -l'ornementation tant admirablement adapte la hauteur progressive, -l'ensemble conduit le regard jusqu'au poinon en forme d'oeuf qui -supporte l'emblme de la Foi musulmane. Ici, l'art du constructeur a -vraiment atteint son apoge; le minaret voisin, moins ancien, est -disgracieux et parat trop lourd par le haut; ses couleurs aussi sont -moins belles. - -Les deux dmes, construits un intervalle encore plus grand, font -ressortir davantage cette infriorit. Le plus ancien recouvre dignement -la tombe, tandis que l'autre serait bon tout au plus orner un kiosque -de journaux. - -Dans un angle, en face du ct nord de El Azhar, un large escalier -conduit un portail. C'est l'entre d'un de ces medresseh ou collge, -qu'il est souvent difficile de distinguer d'une mosque. On est surpris -d'apprendre qu'il ne date que de 1774. La dcadence architecturale avait -commenc bien avant, et cependant il est impossible de s'en apercevoir -ici. Stanley Lane Poole nous apprend que le monument fut copi sur les -plans d'une vieille mosque de Boulak. Avec les stalles qui l'entourent -en bas et le dme qui s'lve au-dessus de la balustrade d'arabesques, -contre le bleu fonc du ciel, on a un sujet de tableau auprs duquel pas -un peintre ne passerait sans s'arrter. Si j'crivais un guide l'usage -des artistes, je marquerais cet endroit de trois toiles. - -En tournant brusquement au prochain coin, un chemin en zigzag vous -conduit bientt dans _El Ashrafiyeh_, la rue principale qui continue _El -Nahssn_, et vous vous trouvez nouveau au milieu du bruit et du -mouvement de ce quartier affair du Caire. Ici, il y a d'autres grandes -mosques ct les unes des autres ou se faisant face, des dmes et des -minarets qui coupent la perspective et se dtachent sur la ligne azure -du ciel. De nouveau les cris des chameliers, des vendeurs, des -conducteurs d'nes vous tourdissent. Un cocher vtu d'une robe bleue -essaie de conduire travers cette foule sa voiture pleine de touristes. -Le drogman, assis ct de lui sur le sige, exhorte aussi les pitons - faire place: Oah ja gedda!--Oah ismaelak!--Oah riglak.--Iftah -eynak ja am! (Attention, eh! l'ouvrier!--Eh! l-bas, -gauche!--Attention tes pieds!--Ouvre donc l'oeil, mon oncle!) et bien -d'autres cris du mme genre. Les touristes ont l'air fatigu et ahuri; -ils ont vu tant de choses dans une courte matine! Un jeune garon a -encore assez d'nergie pour prendre en passant quelques instantans, -mais il semble se soucier fort peu de ce qu'il attrape ainsi au hasard. -Juste en face de vous, ct des marches de la mosque de Ghr et -presque entirement cach par les stores du magasin voisin, se trouve un -troit passage qui conduit au Bazar des Parfums. - -Ici on vous offre pour six ou huit francs, un minuscule flacon contenant -quatre ou cinq gouttes d'essence de rose. Ce passage couvert et bord de -petites boutiques semblables des armoires, vous conduit un ddale de -ruelles dont chacune a son commerce particulier. Le Bazar des pices est -trs intressant, et les couleurs qui s'y jouent enchantent le regard. -La cannelle, la girofle, la muscade et l'alos, entasss autour du -marchand, s'harmonisent dlicieusement avec sa robe de soie et les -sacs, paniers et nattes qui forment le mobilier de sa boutique. - -[PLANCHE 6: UNE RUELLE PRS DE LA PORTE DE ZUWLEH] - -Vous pouvez aussi flner dans les bazars tunisiens et algriens, dans -celui des cordonniers et des marchands d'articles en laine d'Arabie, et -revenir ainsi vers la rue principale, non loin de la grande mosque El -Muaiyad. - -Cet imposant btiment fut construit en 1416 par le sultan mamelouk -circassien, El Muaiyad, pour servir de _medresseh_, dont il existait -cette poque un grand nombre. Mais lorsque les tudiants se portrent en -foule vers El Azhar, ces collges furent convertis en mosques -congrganistes. Celle qui nous occupe sert aussi de mausole son -fondateur et sa famille. Ce sultan El Muaiyad fut un grand -constructeur, et malgr toutes les difficults de son rgne de dix -annes, il fit btir six mosques, deux collges et l'hpital _Moristan -El Muaiyad_. L'architecture sarrasine avait atteint son apoge au sicle -prcdent. Quant aux magnifiques portes de bronze, elles appartenaient -primitivement la mosque du sultan Hasan dont nous parlerons plus -tard. - -Cette mosque n'est cependant pas ce qu'il y a de plus intressant dans -cette partie du Caire; elle est clipse par une vieille porte -monumentale, la Bb-ez-Zuwleh, qui doit son nom une tribu de Berbres -qui campa jadis non loin de l. C'est une des trois grandes portes -perces dans le mur qui sparait Kahira des sites plus anciens de Fostt -et Kati, et qui fut construit par le vizir armnien Bedr pendant le -califat d'El Mustausir, en 1070. Depuis cette date jusqu' la conqute -du Caire en 1517, cette porte fut associe tous les vnements -dramatiques qui se passrent dans cette ville. Les bastions carrs et -massifs, la vote arrondie et les passages couverts sont d'un caractre -plus byzantin que sarrasin. Les deux tours furent raccourcies pour -recevoir deux minarets jumeaux que fit lever El Muaiyad lorsqu'il -construisit sa mosque, mais part cela rien n'a t chang. Stanley -Poole nous raconte dans son intressante _Histoire du Caire_ quantit de -scnes tragiques qui se jourent l'ombre de cette vieille porte. Il -relate, entre autres, comment, en 1154, Nasr, l'assassin du calife -_Fauceant_, El-Zhir, fut livr pour 750 000 francs par les Templiers de -Palestine aux femmes du Harem qui, aprs l'avoir affreusement tortur, -l'envoyrent, mutil et aveugle, travers les rues du Caire pour tre -crucifi vivant sur la Bb-ez-Zuwleh. Dix ans plus tard, le vizir -Dargham fut assassin ici mme. C'tait un brave paladin qui avait -combattu contre les croiss Gaza, mais il commit la malheureuse -imprudence de prendre l'argent sacr des mosques pour payer ses -troupes. Abandonn mme des siens dont il avait t l'idole jusqu'alors, -il fut poursuivi par une foule en furie, et, sous cette porte, il eut la -tte coupe et son corps, jet dans le foss, fut livr aux chiens. - -Lorsque l'orthodoxe et clbre Saladin succda au dernier calife -Camboise, il eut combattre un soulvement des troupes ngres qui -adhraient encore l'hrsie de Sha, et une sanglante boucherie qui -dura deux jours entiers eut lieu quelques pas de la porte. Enfin, -quand les envoys mongols vinrent au Caire demander impertinemment que -la ville se rendt, le mamelouk Kutuz les fit dcapiter et exposa leurs -ttes la vue de la populace, sur cette porte fameuse. - -Cette porte monumentale est situe non loin d'une maison qui attire -l'attention par une grande grille en fer et une colonne construite dans -une encoignure. Cette colonne qui semble n'avoir t qu'un chanfrein -ornemental, fut pendant de nombreuses annes le lieu d'excution; les -criminels taient trangls contre sa base. Il n'est vraiment pas -tonnant que la porte ait une mauvaise rputation et qu'on la considre -comme hante! Elle est d'ailleurs orne, si l'on peut dire, de vieux -lambeaux d'toffe, ainsi que de dents suspendues une ficelle, et de -quantit d'autres choses aussi peu agrables la vue. Si vous vous -arrtez quelque temps cet endroit, vous serez surpris de voir des gens -s'avancer mystrieusement derrire la porte et soudainement y enfoncer -un clou. Ce mange m'intrigua beaucoup la premire fois que je -m'installai l pour peindre. Le fidle Mohammed m'instruisit. Il parat -qu'un certain _Kutb-el-Mitwelli_, clbre saint, frquente la niche qui -se trouve derrire cette porte, mais comme il a le pouvoir de se rendre -invisible, il est assez difficile de s'assurer de sa prsence. Ce saint -possde l'art de gurir miraculeusement les gens, et il a t prouv que -lorsqu'une dent fait beaucoup souffrir, si on l'arrache et qu'on la fixe - la porte, la souffrance cesse trs rapidement!... Quantit de mamans -amnent ici des enfants aux yeux malades, et leur pressent le visage -contre la porte. Les sceptiques feront bien de ne pas suivre cet -exemple, car ils risqueraient fort, en frottant leur piderme cet -endroit, d'attraper quelque chose de bien pire que ce qu'ils dsirent -gurir. De temps autre, un vieillard d'apparence extraordinaire et qui -est l'objet d'une grande vnration, vient s'asseoir devant la porte. -Aucun artiste du moyen ge n'habilla un Lazare de haillons plus -tranges. Son regard farouche et la lance qui arme son poing arrtent -toute plaisanterie son sujet. Je n'ai jamais pu approfondir quelle -relation existe entre ce vieillard et le mystrieux saint _El-Mitwelli_; -je m'y emploierai nouveau... - -L'aquarelle ci-contre reprsente les deux minarets de El Muaiyad qui -s'lvent si gracieusement au-dessus de cette porte de tragique mmoire. -Les maisons avoisinantes cachent la porte elle-mme, qui a tent les -crayons ou les pinceaux de bien des artistes. L'espace qui l'entoure est -trop restreint, et aprs tout il est peut-tre prfrable que le lieu -sinistre d'o s'lvent ces ravissants minarets reste cach. - -[PLANCHE 7: LES DEUX MINARETS DE EL-MUAIYAD] - -Les deux minarets ressemblent beaucoup celui d'El Azhar que j'ai -particulirement dcrit. Les sultans circassiens du XVe sicle taient -trs amateurs de cette ornementation; mais cette architecture n'a ni la -simplicit, ni la grandeur de celle du XIVe sicle, comme nous le -verrons du reste en la comparant avec les travaux plus anciens du sultan -Hasan. Les rues sont gnralement si troites qu'il est impossible -d'avoir une vue d'ensemble des mosques. - -Il est assez curieux que El Mahmdi Muaiyad ait choisi les tours de la -porte Zuwleh comme base des minarets qui appartiennent sa mosque -mortuaire. Il est vrai qu'il fut pendant longtemps, dans cette tour -mme, le prisonnier de ses sujets rvolts. C'tait un homme trs pieux -appartenant la religion, alors orthodoxe, que Saladin avant lui avait -purge de l'hrsie de Sha. Il passait aussi pour tre un homme -instruit, un pote, un orateur et un musicien. Sa faon de vivre et de -s'habiller tait des plus simples. Il s'enveloppait d'une toffe de -laine blanche ordinaire en signe de deuil, en raison de la peste qui -ravageait le pays. Il n'avait malheureusement aucune tolrance pour ceux -qui ne partageaient pas ses croyances, et les superbes monuments qu'il -leva furent principalement pays avec l'argent qu'il arracha aux -chrtiens et aux juifs. Il renfora la loi qui obligeait les chrtiens -et les juifs s'habiller autrement que les Mahomtans. Les premiers -portaient une robe bleue et un turban noir, et les autres une robe jaune -et un turban galement noir. Pour les distinguer encore plus des vrais -croyants, une lourde croix devait tre suspendue au cou du chrtien et -une grosse boule noire au cou du juif. Bien que ces lois ne soient plus -en vigueur depuis de nombreuses annes, je ne me rappelle pas avoir -jamais vu soit un chrtien, soit un juif, porter le turban blanc qui est -la couleur le plus gnralement adopte par les Mahomtans. - -Suivons maintenant la rue situe gauche de la porte _Derb-el-Ahmar_, -d'o nous apercevons une dernire fois les minarets de El Muaiyad qui -dominent un groupe de vieilles maisons et montent avec grce vers le -ciel. - -J'ai vu souvent ici un vieillard pli sous le poids d'un grand rcipient - eau attach sur son dos; un tuyau en mtal passe par-dessus son -paule, et, en se penchant lgrement, il peut faire couler l'eau dans -une tasse qu'il tient la main. Frquemment un passant s'arrte et vide -la tasse, payant le vieillard d'un simple remerciement, ce qui parat le -satisfaire, puisqu'il remplit de nouveau la tasse en fredonnant la -chanson qui me le fit d'abord remarquer. Mon guide s'tant, lui aussi, -dsaltr sans rien offrir en change au pauvre vieux, je le plaisantai - ce sujet, et je lui demandai de me traduire la chanson. Les paroles en -sont presque identiques au premier verset d'Isae et peuvent tre -traduites par: O vous tous qui avez soif, venez cette fontaine; que -celui qui n'a pas d'argent vienne et boive; venez et buvez sans argent! -Cette coutume date probablement d'une poque antrieure Mahomet, et -peut-tre de l'poque mme d'Isae. Maintenant que les fontaines ont t -construites dans tous les quartiers de la ville, cette charmante coutume -disparatra sans doute, et ce sera dommage. - -Nous passons maintenant devant la petite mosque de Isms-el-Ishki, -la bifurcation de deux rues, et, droite, devant une ravissante -fontaine avec de trs jolies tuiles et un plafond richement colori. Une -autre mosque droite et nous arrivons enfin la belle mosque de -El-Merdani. - -Cette mosque tait dans un dplorable tat de ruine lorsque je la -visitai pour la premire fois, et, bien que d'une faon gnrale les -artistes prisent peu les btiments _remis neuf_, je fus enchant quand -j'appris que la Commission pour la prservation des monuments arabes en -avait entrepris la restauration. Celle-ci fut dirige par Herz Bey et -excute d'une faon si admirable qu'il est maintenant possible -d'apprcier le degr de perfection que l'art sarrasin avait atteint -pendant la premire moiti du XIVe sicle. Une bonne partie des -sculptures sur bois se trouvent dans des muses europens. - -Une petite rue troite qui longe la Merdani nous conduit dans une artre -plus large, dont les maisons voquent une aristocratie dchue. L'une -d'elles, avec un portail majestueux et de grandes _bay windows_ dont les -stores de bois sculpt sont briss et raccommods et l au moyen de -morceaux de caisses d'emballage, semblerait indiquer que son -propritaire est compltement ruin, moins, au contraire, que ses -affaires ne soient si prospres qu'il ait pu se construire une autre -habitation dans le nouveau quartier d'Ismalieh en laissant son ancienne -demeure la garde des rats et d'un vieil eunuque. J'ai souvent trouv -dans ces vieilles maisons des cours fort intressantes, mais il est -difficile d'en obtenir une bonne vue. La porte massive est souvent -ouverte, mais le passage qui conduit l'intrieur de la cour fait -gnralement un brusque coude au bout de quelques mtres, coupant ainsi -la perspective. - -C'est dans des cas semblables que mon fidle guide se montrait -particulirement utile. Si la maison se trouvait dans un cul-de-sac -dsert et sans personne aux abords capable de nous donner des -renseignements, il pntrait bravement. S'il revenait aussitt, c'est -qu'il n'y avait rien de curieux mon point de vue, car il avait une -ide trs juste de ce que je recherchais. - -[PLANCHE 8: LE GARDIEN DU HAREM] - -Quelquefois il trouvait la maison compltement abandonne ou le gardien -profondment endormi, et il revenait pas de loup me faire signe de le -suivre. Lorsqu'il y avait vraiment quelque chose d'intressant, il -entrait en pourparlers afin d'obtenir la permission d'installer mon -chevalet. Gnralement, l'affaire tait vite conclue, le gardien -acceptant avec joie un _shilling_ ou deux; mais d'autres fois, il tait -ncessaire de s'adresser au propritaire lui-mme, et c'tait alors une -question d'un ou de plusieurs jours. Si la maison tait importante, la -grande difficult venait du harem, surtout, oh! surtout si l'entre que -je dsirais peindre se trouvait tre celle du _Dpartement des Dames_. -Dans un certain cas, le matre du harem me dclara avec bonne humeur -qu'aucune de ses femmes ne penserait bouger pendant les heures chaudes -de la journe, et que par consquent je pouvais peindre jusqu'au moment -o ces dames dsireraient prendre l'air. Du reste, cela l'amusa de me -voir peindre son eunuque dormant poings ferms devant la porte du -harem. Cet eunuque, lorsqu'il se rveilla, dclara qu'il faisait trop -chaud en cet endroit et, pour le dcider y rester, il fallut que -Mohammed Brown tnt une ombrelle au-dessus de sa tte et protget ainsi -_son teint_! - -Les femmes avaient videmment suivi toute la scne, caches derrire -leur _meshrebiya_, car, lorsque l'eunuque eut rti assez longtemps pour -me permettre de terminer son portrait, j'entendis des chuchotements et -des rires touffs, et je fus bientt pri d'envoyer mon tableau ces -dames afin qu'elles pussent le voir. Or, ce tableau, qui n'avait -nullement la prtention d'tre humoristique, les frappa comme tel et de -grands clats de rire retentirent. L'eunuque rapparut bientt, l'air -tout fait penaud, et il fit ressortir avec amertume toutes les -indignits qu'il venait de souffrir par ma faute; mais un autre -_baksheesh_ eut vite fait de le consoler. - -La rue El-Merdani est courte et se termine au _Sk-el-Sellha_, le -march des Armuriers. La tranquillit de la rue contraste avec le -vacarme des fabricants de fusils et le bruit des soufflets. De farouches -Bdouins et des Arabes de Syrie font rparer leurs longs fusils. De -vieilles espingoles, des lances et quelques fusils de chasse modernes -sont accrochs dans les magasins dont les planchers sont couverts de -morceaux de fer et de cuivre. Il y a peu voir ici aujourd'hui, dans -cet endroit qui fut autrefois la grande fabrique d'armes des sultans. -Des maisons dont il ne reste que le rez-de-chausse, une mosque en -ruines et un minaret qui menace de s'crouler chaque fois que le -_Muezzin_ y monte pour appeler les armuriers la prire, compltent le -tableau. - -Le haut du march touche l'avenue Mohamet-Ali: nous terminerons ici -notre promenade. Un tramway qui descend nous offre le moyen le plus -rapide de parcourir les deux kilomtres et demi d'une rue sans intrt -qui nous spare du quartier europen. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE V_ - -LE VIEUX CAIRE - -LE PROGRS DESTRUCTEUR. || LE SPECTACLE DE LA RUE: LES FRUITIERS ET -LEURS TALAGES AUX VIVES COULEURS. || LE COMPLET ANGLAIS DES PETITS -COLIERS. || LA MAISON DE CHEIK SADAAT. || L'ARCHITECTURE ARABE. - - -Si mes lecteurs veulent bien m'accompagner une fois encore dans une -visite aux vieux quartiers de la ville, nous prendrons de nouveau le -tramway l'Ezbkyeh et nous n'en descendrons qu'aprs avoir atteint la -moiti environ de la Sharia Mohamet Ali, c'est--dire prs de la -_Bb-el-Khalk_. Cette large avenue fut perce travers la vieille ville -par le premier Khdive d'gypte, dont elle porte le nom. Quantit de -btiments intressants furent impitoyablement dtruits pour permettre -cette voie d'arriver jusqu' la citadelle. Des cris d'indignation furent -pousss par tous les pieux Musulmans d'gypte, lorsque des sanctuaires -sacrs, des mosques, et autres difices chers leur foi, furent sans -respect jets terre. Mais Mohamet Ali tait tout-puissant et n'tait -pas homme se laisser influencer par les scrupules religieux de son -peuple, comme il l'avait dj fort bien dmontr en saisissant les -_Wakfs_, ou revenus religieux, et en les employant pour ses besoins -personnels. Sans aucun doute il fit beaucoup pour son pays, mais il est - regretter qu'il ft si Vandale dans toutes les questions d'art et de -bon got. - -Le grand et nouvel difice de style arabe qui se trouve notre gauche, -est le Muse de l'Art arabe. Une grande partie de ce qui s'y trouve -provient des pillages faits par le sultan un peu partout dans la ville. -On y trouve galement bon nombre d'objets pris dans des mosques qui -sont encore debout: on aimerait voir ces objets restitus aux lieux d'o -ils ont t arrachs. La collection n'en est pas moins belle, et ceux -que l'art arabe intresse pourront ici tudier cet art coeur joie. - -S'il commence faire trop chaud pour marcher longtemps, nous -pourrons louer des nes et suivre Derb-el-Gammz, une longue rue -dont les maisons situes du ct ouest sont bties sur l'ancien canal -El-Khaliz, lequel a t combl. C'est une voie importante qui, sous -des noms diffrents, traverse toute la ville, du nord au sud, -toujours paralllement la direction de l'ancien canal. Elle est plus -tranquille que les artres principales situes prs de Khan-el-Khall, -et est plus loigne des principaux bazars. Le matin, de bonne heure, -vous rencontrerez ici de longues files de chameaux chargs -d'approvisionnements, et des troupeaux de boeufs et de moutons qu'on -conduit aux diffrents marchs. En t, c'est un spectacle agrable -l'oeil que celui des chameaux portant des melons et des gourdes dans -d'normes paniers tresss jour. - -Souvent le conducteur vend ses produits tout en marchant, tenant la -main une grosse pastque dont il coupe des tranches. Il s'arrte devant -chaque fruitier dans l'espoir de faire une affaire plus importante et -les pourparlers sont souvent si longs que l'artiste a le temps de -prendre un croquis des chameaux. Les fruitiers, soit ceux qui -tablissent leurs comptoirs volants dans n'importe quel coin, soit les -magasins plus importants formant une brillante mosaque aux dlicieuses -couleurs avec leurs piles d'oranges, de pommes, de citrons, adosses -de vritables murailles de melons et de pastques; les fruitiers, -dis-je, semblent d'instinct trouver la teinte juste pour le papier et -les oripeaux dont ils entourent leur marchandise; et, un peu plus tard, -pendant l't, de grandes branches de canne sucre appuyes contre le -mur et remplissant les coins, viendront ajouter le vert gris de leurs -feuilles toutes ces brillantes couleurs. - -Lorsque les circonstances nous obligent passer au Caire les mois -chauds de l't ou de l'automne, nous en sommes en quelque sorte -ddommags par la beaut des rues, alors dans tout son clat. La forme, -les couleurs et les ombres des tentes qui sont dresses travers les -rues ou maintenues l'aide de mts au-dessus des magasins et des -comptoirs, ajoutent au pittoresque. Ces grandes toiles et ces nattes -admettent assez de jour pour donner une chaude lumire sans ombres trop -fonces. Les habitants aussi sont beaucoup plus pittoresques dans leurs -costumes d't, car les vestons et les paletots europens ne sont ports -par-dessus les _gelabich_ que pendant l'hiver. Et puis, les touristes, -dont les costumes s'harmonisent si peu avec l'entourage oriental, ne -sont pas l non plus! Les enfants, moiti nus, jouent sans contrainte -dans les rues et leurs ans vont et viennent avec la dignit qui -sied si bien un oriental. La vie en plein air est beaucoup plus active -ici que dans les pays du nord. Les marchandises sont dployes et -exposes sur les trottoirs mmes, et les magasins l'europenne -semblent avoir disparu. - -[PLANCHE 9: EL-GAMAMIZ, AU CAIRE] - -A un certain endroit de cette rue Derb-el-Gammz, par une large porte -qui s'ouvre au-dessus de quelques marches, vous pouvez jeter un coup -d'oeil dans l'intrieur d'un monastre derviche. La grande cour pave, -qu'embellissent des arbres et une jolie fontaine en tuiles, parat bien -attrayante, surtout vue d'une rue chaude et poussireuse. Dans la rue -mme, prs d'ici, il y a quelques rables justifiant son nom de -_Gammz_, et, juste en face, se trouve la porte de la Bibliothque -Vice-Royale. Cette Bibliothque a une trs grande importance pour ceux -qui tudient les langues orientales, et les personnes qu'intresse -simplement l'art du pays ne regretteront pas de la visiter, ne serait-ce -que pour admirer les exemplaires enlumins du Coran qu'on y conserve. On -accorde ici toutes les facilits possibles aux tudiants europens, ce -qui n'est pas toujours le cas dans les bibliothques musulmanes, -lesquelles sont gnralement consacres exclusivement aux tudes de la -religion mahomtane. - -Le Ministre de l'Instruction publique se trouve ct. De toutes les -tches dont l'Angleterre a pris la responsabilit en gypte, il n'y en a -pas de plus difficile ou demandant plus de tact et de discrtion que -celle de la direction des tudes des jeunes musulmans. Lorsque les -Anglais vinrent occuper l'gypte, l'instruction donne dans les coles -consistait, comme elle consiste encore presque entirement du reste -l'Universit d'El-Azhar, lire, expliquer et commenter des passages -du Coran. Il s'agissait d'apprendre par coeur, mcaniquement, sans que -les autres facults fussent exerces. Raisonner tait chose inconnue. A -prsent, des professeurs diplms des Universits d'Oxford et de -Cambridge enseignent aux enfants les mathmatiques, l'histoire, la -gographie et les prparent d'une faon gnrale se dbrouiller plus -tard, au milieu des conditions dj bien changes de leur pays. Certes, -tout cela est excellent, mais on ne s'arrte malheureusement pas l. -Bien tort, on semble croire que _progrs_ signifie _europanisation_ -et que ces deux ides doivent avancer de front, de sorte qu'au lieu de -dvelopper leur propre civilisation, on leur impose petit petit une -civilisation trangre. Pour ne citer qu'un exemple, il n'est permis -aucun enfant de suivre les cours d'une cole khdiviale dans son -gracieux costume national port avant lui par ses pres. On l'oblige y -aller habill l'europenne, veste et pantalon, et coiff du ridicule -_tarbouche_ rouge. On se demande un peu quel effet moral ou quelle -influence au point de vue civilisation peut bien avoir un pantalon. Il -est vraiment regrettable qu'on ne permette pas ces coliers de porter -leur costume national. Une fois habitus nos affreux vtements, ils -continueront les porter toute leur vie. Dj, leurs vastes et belles -maisons, si bien comprises pour un climat chaud, disparaissent -rapidement et font place des appartements trop petits. - -Nous suivrons cette rue un peu plus loin encore, jusqu' ce que nous -rencontrions gauche une jolie _sebl_ (fontaine). L, tournant encore - gauche, nous nous trouvons en face de l'entre d'une des coles -khdiviales. L'aquarelle que j'ai faite de cette cole fut peinte il y a -quelque dix ans, avant que la loi ridicule sur les vtements ne ft en -vigueur. C'est un spectacle bien diffrent qui se prsente aujourd'hui -nos yeux quand les enfants sortent de l'cole en courant. Des complets -faits la douzaine en Europe remplacent le _gelabieh_ et la _tb_ -flottante. Si trange que cela puisse paratre, ce changement de costume -semble avoir affect leurs manires aussi bien que leur apparence, car -leur tenue n'a pas plus de dignit que leur complet. D'autre part, les -robes qu'ils portaient autrefois taient plus faciles nettoyer que les -costumes d'aujourd'hui, et taient par consquent, au point de vue -sanitaire, bien prfrables. La nouvelle mode est aussi beaucoup plus -coteuse, et j'ai entendu bien des pauvres gens s'en plaindre amrement. - -Faisons le tour de ce btiment et prenons le chemin qui conduit dans la -direction sud. Ici, des murs levs entourent les jardins d'un pacha. -Nous longeons ces murs et nous passons encore devant une ou deux -mosques plus ou moins importantes, chacune cependant ayant un caractre -bien personnel. Nous arrivons bientt la maison du cheik Sadaat, mais -le promeneur n'entrevoit de toutes les beauts de ce noble et vieux -palais que les fins grillages de bois qui cachent les fentres. J'avais -eu la bonne fortune d'tre prsent au dernier descendant du cheik -Sadaat par un ami commun, et la maison me fut ouverte pour y peindre -tout ce que je dsirais. Aucune autre maison du Caire ne rappelle aussi -vivement que celle-ci les tableaux de Lewis. Il y a dans la cour un -norme saule sous lequel coule une fontaine, et dont les branches -viennent caresser les grillages artistiques des fentres. La mosque -prive du Cheik se trouve un bout de la cour, et l'entre du grand -salon est l'autre bout; au milieu, il y a une salle de rception o le -vieillard recevait gnralement ses invits qu'il faisait asseoir sur la -partie surleve du plancher et couverte de coussins, o lui-mme tait -tendu. - -[PLANCHE 10: UNE COLE KHDIVIALE] - -Je me rappelle que lors de ma premire visite, la vue de ce vieux -Musulman habill d'une robe de soie jaune, coiff d'un norme turban, -assis, les jambes croises, sur un tapis de Perse, un coussin de soie -jaune derrire lui, et entour des cercles de fume qui s'chappaient de -son _chibouk_, m'merveilla comme un superbe _tableau vivant_ d'aprs -une des oeuvres de Benjamin Constant. A cette poque, je ne savais pas -un mot d'arabe et c'tait la premire fois que j'tais prsent un -prince oriental. Je n'ignorais pas que mon ami Choueri Tabet, qui -m'avait prsent, traduirait mes paroles de faon les rendre le plus -possible agrables notre hte, mais, malgr cela, je me sentais mal -l'aise et gn par mes vtements si pauvres et vulgaires compars la -superbe robe de soie du Cheik. Cette gne ne fut heureusement que -momentane. Un ngre apporta du caf et des cigarettes, et mon ami -engagea une conversation anime avec notre hte. - -Certaines plaisanteries firent tellement rire le vieillard qu'il se -tenait les ctes, mais craignant que je ne me sentisse encore plus -intimid, il faisait un grand effort pour s'arrter de rire et insistait -pour que mon ami me racontt l'histoire. Quand il tait bien certain que -j'avais compris, il recommenait rire jusqu' ce que les larmes -couvrissent sa figure ride. L'impression que me fit ce beau vieillard, -sa dignit personnelle et celle de tout ce qui l'entourait, fut si -grande que j'ai compltement oubli le sujet de ces plaisanteries. Sa -demeure tait, pour travailler, un endroit unique et dlicieux, et j'ose -esprer que si l'occasion se prsentait, les hritiers du charmant Cheik -auraient la mme amabilit et m'accorderaient le mme privilge. - -L'architecture et l'arrangement de ces maisons se sont dvelopps -suivant les besoins du climat et suivant les lois sociales et -religieuses du pays. Les architectes sarrasins se sont toujours efforcs -de construire des maisons o la vie serait supportable pendant les -chaleurs de l't, et dans lesquelles le sexe faible aurait ses -quartiers spciaux et privs. Le hall vot, faisant face au nord, et -ouvrant sur une cour spacieuse, ne convient qu' un climat chaud. Une -entre spare, pour le harem, avec ses pices ouvrant sur un jardin ou -une cour prive, et la ncessit de bien masquer les fentres qui -ouvriraient sur la rue, sont des considrations dont un architecte n'a -pas s'occuper dans nos pays du nord. Les grillages de bois, -_meshrebiya_, qui permettent de voir ce qui se passe dehors, tout en -tant soi-mme invisible, sont employs aussi dans les appartements des -hommes pour tamiser les rayons du soleil, tout en permettant l'air de -circuler. Si le Coran ne dfend pas prcisment la reproduction des -objets naturels comme base de l'art dcoratif, il ne l'encourage pas. -Mais les croyants ont prouv quel point ils sont capables de dcorer -leurs maisons d'une faon artistique, malgr ce dsavantage. -L'troitesse des rues permet de rendre visite un voisin ou d'aller -la mosque, en restant l'ombre, et les grandes cours et jardins -intrieurs assurent l'aration ncessaire des maisons. A mesure que les -gens riches abandonnent cette partie du Caire pour aller habiter les -nouveaux quartiers, les arrangements sanitaires y sont de plus en plus -ngligs, ce qui, naturellement, tend augmenter l'exode. En fait, je -crois que le seul moyen de sauver le vieux Caire d'une ruine complte -serait de le doter d'un systme d'gouts modernes. - -Nous longeons maintenant le mur du jardin de Sadaat et, aprs un ou deux -coudes, nous arrivons la mosque Hasan Pacha. Bien que construite -trois sicles aprs que l'architecture arabe eut atteint sa perfection, -cet difice n'en est pas moins trs artistique. Son style n'est pas -comparable aux chefs-d'oeuvre des XIVe et XVe sicles, mais, -heureusement, le dclin de l'architecture arabe fut aussi lent que ses -progrs eux-mmes l'avaient t. Je citerai ici une phrase heureuse de -Lane Poole, qui remarque dans son _Histoire de l'gypte_: Toute chose, -en Orient, change par degrs presque imperceptibles, et les roues du -Seigneur dans le Moulin gyptien moulent avec la mme lenteur que les -_sakiya_[3] criards des paysans. - - [3] Machines trs primitives pour monter l'eau du Nil au niveau des - champs et des fermes. - -[PLANCHE 11: COUR INTRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE] - -L'entourage de cette mosque ajoute considrablement son pittoresque. -Chose rare au Caire, l'espace qui s'ouvre devant elle permet de s'en -loigner suffisamment pour en voir l'ensemble extrieur, ainsi que la -petite cole situe au-dessus de la _Sebl_ et un arbre qui parat avoir -pouss l dans le seul but d'amliorer encore la composition. Le tout -est d'un ton riche et chaud. Les ranges alternes de pierres rouges et -de pierres jaunes, qui sans doute avaient l'air assez cru l'poque o -Hasan Pacha fut enterr ici, se sont fondues ensemble, quant la -couleur, d'une faon merveilleuse. Les sicles ont adouci les dtails -trop appuys, qui sont encore bien visibles en haut, quand le soleil de -midi fait ressortir leur dessin, mais la base, prs de l'entre, ces -dtails ont compltement disparu, uss par les fidles sans nombre qui -ont pass sous la porte. La mosque parat en excellent tat, et il faut -esprer qu'aucune restauration ne sera ncessaire d'ici longtemps, -car, si bien que ces travaux soient excuts, ils enlvent toujours au -charme un peu de son authenticit. - -Au Caire, il n'est nullement ncessaire de se reporter des sicles -loigns pour trouver une belle architecture, car la plupart des -grandes maisons particulires furent bties d'aprs les vieux plans -jusqu' la fin du XVIIIe sicle, et le trs bel exemple de cette -architecture, la maison de Sadaat que j'ai dcrite, ne date que de deux -cents ans. Il est difficile en gypte de dfinir les poques, car il n'y -a jamais de brusques changements de style, comme, par exemple, la -Renaissance en Europe. Les difices se ressemblrent toujours peu prs -et suivirent les mmes principes jusqu' l'accession de Mahomet Ali, en -1805. A partir de cette poque, l'architecture arabe ne changea pas, -mais elle cessa subitement et compltement d'exister. Il serait -impossible, je crois, de trouver aujourd'hui un architecte natif du -Caire, ayant la moindre ide de l'art de construire comme l'entendaient -ses aeux. Les quelques maisons bties dans ce qu'on appelle le style -arabe moderne ont t construites par des architectes europens et ce -sont des chrtiens qui dirigent les travaux de restauration des vieux -monuments. Esprons qu'un jour l'gyptien dcouvrira que l'architecture -de ses anctres tait bien plus belle et bien mieux approprie son -climat et ses besoins que les btiments sans nom et sans style qu'on -lve aujourd'hui dans les nouveaux quartiers, et qu'un nouveau Caire, -bti sur les plans et dans le style de l'ancien, renatra, pour le plus -grand bonheur des fidles de la Beaut. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE VI_ - -LA MOSQUE IBN-TULN - -UN LIEU HISTORIQUE ET LGENDAIRE. || UNE MERVEILLE ARCHITECTURALE. || UN -CORTGE PITTORESQUE. || MARIAGE A LA TURQUE. || LA MOSQUE ABANDONNE. -|| LE PUITS DE JOSEPH. - - -Continuant notre promenade dans la direction du sud, en suivant ce que -l'on pourrait appeler le faubourg Saint-Germain du vieux Caire, nous -passons devant la mosque Ezbek-el-Yusefi. Puis, des rues dsertes nous -conduisent enfin la Sharia Tuln. Les maisons ont de plus en plus -l'air abandonn, et cependant, et l, les admirables _mesrebiya_ des -bay windows et un portail magnifique nous rappellent que ce quartier -fut autrefois le plus riche et le plus aristocratique de la ville. Mais -voici l'entre de la mosque Ibn-Tuln. On ne peut voir qu'une faible -partie de l'extrieur, car une quantit de maisons en ruines -l'entourent. Aprs avoir gravi quelques marches, nous passons sous une -arche assez leve et nous nous trouvons dans la cour intrieure. Ce qui -frappe le plus, au premier abord, c'est l'tendue et la dsolation de -cette mosque; le silence est galement saisissant. Pas le moindre son -de la vie extrieure ne parvient ici, et il semble que la poussire des -sicles passs amortisse le bruit des pas. - -Les histoires qu'on raconte au sujet de cette mosque nous paraissent -moins lgendaires, maintenant que nous nous sentons saisis par la magie -du lieu. Le plateau sur lequel nous nous trouvons fait partie de la -chane de montagnes _Yeshkur_ qui, depuis les temps les plus reculs, -jouit d'une grande rputation de saintet. Ce serait ici, en effet, que -Mose s'entretint avec Jhovah, et, dit-on, les prires faites en cet -endroit auraient beaucoup plus de chance d'tre exauces que celles -faites ailleurs. Enfin, nous sommes tout prs de Kalat-el-Kebsh (le -chteau du Blier), o Abraham aurait sacrifi l'holocauste, la grande -joie de son petit-fils Isaac. - -La faon dont fut obtenu l'argent ncessaire la construction de cet -difice touche galement au miraculeux. Errant sur les collines -Mokattam, Ahmed Ibn-Tuln dcouvrit d'immenses trsors cachs dans une -caverne qu'on appelait le _Four de Pharaon_. Il fit immdiatement le -voeu de ddier cette trouvaille Allah et de construire une mosque -assez vaste pour contenir toute la population de sa capitale. Quant -l'emplacement, il semblait tout indiqu, ici mme, en ce lieu sacr, -l'extrmit du nouveau faubourg El-Kata, qu'il dominait, loin de la -mosque Asur et proximit de son propre palais et des maisons des -Nobles. - -Il chargea les plus grands architectes de faire les plans, mais -immdiatement des difficults s'levrent. Les architectes demandrent -six cents colonnes qu'ils voulaient se procurer en dmolissant des -temples ou des glises chrtiennes. Le grand mir qui tait un homme de -culture, un savant, bon et tolrant, s'y opposa. Cette difficult fut -surmonte grce un plan soumis par un architecte copte qui tait alors -prisonnier El-Kata. Il proposait qu'on substitut aux colonnes des -piliers de briques durcies au feu avec deux piliers de marbre de couleur -levs de chaque ct du _Kibla_. Ibn Tuln fut frapp par la grandeur -et l'originalit de ces nouveaux plans et le prisonnier chrtien fut -charg de la construction. Cette superbe mosque, vraiment digne du lieu -sacr sur lequel elle est leve, fut commence en 876 et termine deux -ans plus tard. Elle a contribu plus qu'aucun des autres grands travaux -excuts sous Ibn-Tuln, conserver le nom de celui-ci vivant dans la -mmoire de ses compatriotes. - -Le _Liwan_, ou clotre, qui se trouve du ct sud-est, o est galement -la Niche (Kibla) qui regarde dans la direction de la Mecque, est form -de cinq ranges d'arches (dont une a aujourd'hui disparu), tandis qu'une -double range s'aligne le long des trois autres cts du carr. Le plan -gnral est celui de presque toutes les mosques construites du IXe au -XVe sicle, mais un de ses traits caractristiques est la prsence, -une poque aussi lointaine, de l'arte en pointe. Il y a une lgre -courbe intrieure l'endroit o elle s'lance du pilier, mais qui n'est -pas suffisamment accentue pour rappeler l'arte mauresque en forme de -fer cheval. Au coin des piliers, une demi-colonne est place et sert -de chanfrein. Une arte plus petite remplit l'espace entre les plus -grandes, ce qui allge beaucoup l'effet gnral et a aussi l'avantage de -rduire le poids que les piliers ont supporter. Un fort joli motif -court le long des arches et en haut des piliers, adoucissant la svrit -de l'ensemble. - -[PLANCHE 12: UNE RUELLE DANS LE QUARTIER DE TULUN, AU CAIRE] - -Ces ornementations faites avec l'outil dans le pltre alors qu'il tait -encore humide, ont quelque chose d'tonnamment vivant qu'aucun moulage -selon les procds ordinaires ne leur aurait donn. La magnifique chaire -de bois sculpt n'est plus, hlas! que le squelette de ce qu'elle fut. -L'endroit fut pendant si longtemps abandonn, sans gardien, que tout ce -qui tait transportable fut vol, soit pour tre vendu aux -collectionneurs, soit simplement pour faire du feu. Le _kibla_, entour -d'une arche double supporte par deux paires de colonnes en marbre, est -richement embelli de mosaques et de pierres prcieuses. Ses proportions -sont trs belles et c'est un vritable chef-d'oeuvre de couleurs. Les -vieux caractres kufics, copis du texte sacr, sont trs dcoratifs. - -On jouit de dlicieux points de vue et de charmantes perspectives en se -promenant l'ombre de ce clotre, le long de la grande cour -ensoleille. Une trs curieuse tour en forme de tire-bouchon, et qu'on -ne peut gure appeler un minaret, s'lve au-dessus des murs dans le -coin nord-est. Il faut en faire l'ascension, car on a, de l-haut, une -vue merveilleuse sur le Caire: presque toute la vieille ville s'tend au -nord; de la masse des maisons s'lvent partout d'innombrables dmes et -minarets; les uns sont isols tandis que les autres semblent groups. -S'il tait donn Ibn-Tuln de contempler ce spectacle, il aurait -quelque tonnement: de son vivant rien de tout cela n'existait. A part -quelques tentes arabes, il n'y avait pas l une seule habitation et -l'oeil n'apercevait gauche qu'une vaste solitude marcageuse, -submerge l'poque du Haut Nil, et droite le dsert de sable. Loin, -loin l'ouest, l'mir verrait les Pyramides aussi peu changes que les -monts Mokattam l'est, mais ce seraient l les deux seules choses qui -lui rappelleraient le pays sur lequel il rgna il y a mille ans. -El-Kaluro n'existait pas alors. Tournant ses regards vers le sud, il -chercherait vainement El-Kata, le faubourg Royal, parmi les tristes -masures actuellement debout. _El-Askar_ a disparu et, seules, les -collines de Babylone indiquent l'endroit o Anir leva la puissante -Ville des Tentes ou Fostt. - -Pour nous, la vue la plus impressionnante est certainement celle de -cette grande mosque abandonne qui est l nos pieds. La vnration -qu'inspirait ce lieu dut y attirer des milliers de fidles; les -diffrentes tribus qui formaient l'arme de l'mir et qui campaient -alentour, devaient remplir l'immense cour, lorsque quelque cheik -renomm venait y prcher et enflammer leur enthousiasme guerrier. Ici, -Saladin, aprs avoir vaincu les Croiss, sera venu offrir des actions de -grce Allah et lui demander d'assurer dfinitivement le triomphe du -Croissant et l'humiliation de la Croix. Et cependant, la croyance que -les prires faites en ce lieu sacr seraient plus efficaces que celles -faites ailleurs, n'a pas assur cette mosque une congrgation de -fidles. L'Oriental, l'imagination si vive, se figure facilement -qu'elle est hante par des _Affrits_, et il croit sans doute plus -prudent d'aller prier dans un endroit un peu moins dilapid et surtout -moins frquent par ces tres dsagrables. - -Suivant maintenant la _Sharia Tuln_ sur un kilomtre environ, nous -apercevons la mosque Mohamet Ali qui couronne la citadelle. On assiste -toujours quelque chose d'intressant quand on flne dans ces rues: -tous les vnements importants de la vie d'un Cairote se manifestent -autant dehors que dans les maisons. Ces petits drapeaux rouges que nous -voyons flotter au travers d'une troite alle, annoncent un mariage ou -une naissance. Le bruit des hautbois et des tambours nous apprend que -c'est de ce dernier vnement qu'il s'agit. Bientt, une procession, -prcde des musiciens, apparat dans la rue principale et s'avance -vers cette alle. Le fait qu'un jeune garon porte l'enseigne d'un -barbier indique qu'on oprera en mme temps une circoncision, car chez -les petites gens on clbre plusieurs crmonies la fois afin de -restreindre les dpenses. Deux ou trois chameaux caparaonns de draps -d'or et rouges, avec quantit d'ornements suspendus leur cou, portent -deux tambours, de vritables grosses caisses sur lesquelles le -conducteur perch, les jambes croises, sur la bosse de sa monture, tape -vigoureusement. Plusieurs voitures suivent, bondes de petits garons -habills des couleurs les plus voyantes. Ce sont les amis de l'enfant -qui va faire connaissance avec le barbier, lequel ici, comme autrefois -en Europe, combine son mtier de Figaro avec celui de chirurgien. - -S'il s'agit galement d'un mariage, une dernire voiture ferme la marche -du cortge; elle contient la fiance, que des rideaux ou des paravents -cachent jalousement. Quelquefois, on transporte la demoiselle sa -nouvelle demeure sur une balanoire suspendue entre deux chameaux. -Lorsque les finances de la famille le permettent, une autre bande de -musiciens suit le cortge, mais le plus souvent l'arrire-garde est -compose de toutes les femmes, parentes et amies de la marie qui, en -signe de joie, mettent un son aigu appel _el gaharit_. C'est une -longue et dure journe pour la marie, car, avant la crmonie, une -procession semblable l'a dj accompagne au bain _Zeffet-el-Hammam_. On -exhibe enfin dans les rues tous les meubles de sa nouvelle demeure, sur -de curieux chars deux roues, trs longs et attels d'un ne. - -Dans les classes plus leves de la socit, on adopte gnralement pour -les mariages le crmonial turc, et les ftes et rjouissances se -passent beaucoup plus dans les maisons qu'au dehors, mais, quelle que -soit la position sociale du mari, il ne voit jamais les traits de celle -qu'il pouse avant que la crmonie religieuse ait eu lieu. - -Ma femme et un de mes fils furent invits un mariage dans le palais -d'un pacha o tout fut rgl la turque. Les principaux intresss et -les membres des deux familles avaient pass la journe entire -accomplir les importantes formalits, et la plupart des invits -n'arrivrent qu'entre huit et neuf heures du soir. Ma femme et mon fils, -lequel tait alors trop jeune pour que son sexe l'empcht d'tre -admis, furent conduits dans le harem, tandis que je dus rejoindre les -membres mles de la famille et leurs nombreux amis dans la cour. Une -quantit de lanternes chinoises et de gais oripeaux gayaient la scne; -du caf et des cigarettes taient passs la ronde, ainsi que des -sorbets et des boissons non alcoolises, pendant que des musiciens -installs sur une grande plate-forme accompagnaient une Patti du pays. -L'enthousiasme de l'auditoire, qui augmentait avec chaque couplet, fut -vraiment pour moi la seule vidence que nous entendions une grande -chanteuse, et j'avoue que je ne fus pas fch lorsqu'un domestique vint -m'annoncer que ma femme m'attendait pour rentrer l'htel. Une -meilleure connaissance de la musique arabe me permet aujourd'hui de -mieux l'apprcier, mais pour s'extasier comme le faisaient mes -co-invits gyptiens, il fallait vraiment tre du pays! - -J'tais curieux de savoir ce qui s'tait pass dans le harem. La -runion des dames, me dit ma femme, y tait trs semblable ce qu'elle -serait en Europe dans un cas semblable. En effet, le chle de soie noir -qui enveloppe leurs robes, et le _yashmak_ qui cache leurs traits quand -elles sont dehors, avaient t abandonns. Malheureusement, ma femme -ne connaissant personne et, ne comprenant pas l'arabe, se sentit plutt -dpayse. Mais nous fmes ddommags, elle et moi, de notre premier -dsappointement par le grand vnement de la soire. Le mari, -accompagn de ses frres et de quelques amis, s'avana vers l'entre du -harem, et tous cognrent vigoureusement contre la porte. Lorsque -celle-ci s'ouvrit, le jeune homme, que le bonheur attendait enfin, dit -adieu ses compagnons et pntra seul. La marie voile l'attendait, et -l, en prsence de ses parents elle, il dcouvrit son visage et, pour -la premire fois, put contempler les traits de celle qui tait sa femme. -Les personnes prsentes jugrent alors discret de se retirer et les -voitures furent appeles. - -Arrivant au bout de la rue o nous avons eu la bonne fortune de -rencontrer la procession, nous traversons la Place Rumeleh et commenons -la monte de la rampe qui conduit la citadelle. Quel merveilleux site -Mohamet Ali choisit l pour sa mosque et sa tombe! Si l'on tient compte -de l'poque de la construction, le milieu du sicle dernier, il est -vraiment remarquable que l'extrieur soit en aussi bon tat. Tout en -regrettant que l'architecte, au lieu de s'inspirer des grandioses -monuments que cette mosque domine, ait copi une mosque de -Constantinople, nous devons nous estimer heureux qu'il n'ait pas t -chercher son modle Paris ou Londres! La Madeleine, si admirable -Paris, et t ici aussi dplace que l'est cette imitation d'un -boulevard parisien, la Sharia Mohamet Ali, qui conduit la mosque. -Les touristes sont toujours amens ici, mme s'ils n'ont qu'une seule -journe passer au Caire, et la plupart semblent vraiment s'intresser -au prix que cota le marbre employ l'intrieur, ou les lustres dignes -d'une salle de bal, qui sont suspendus au dme. Contentons-nous -aujourd'hui de jeter un coup d'oeil sur l'extrieur et d'admirer la vue -alentour: de ce nouvel observatoire, nous pouvons contempler un nouveau -groupement des dmes et des minarets qui se dtachent brillamment -au-dessus de la masse jauntre des maisons. Nous pouvons suivre des yeux -le Nil, depuis l'horizon lointain, au sud, jusqu'au point o il se perd -dans le Delta form depuis des sicles sans nombre par un limon fertile. -La bande verte qui, de chaque ct, court paralllement la rive, -s'largit ou se resserre, marquant le terrain couvert pendant -l'inondation par les eaux qui lui donnent la vie. Nous voyons de -nouveau les Pyramides qui se dtachent au-dessus des monticules du -dsert de Libie, et nous nous promettons de revenir ici, un soir, quand -le soleil sera moins haut, pour voir cet astre splendide disparatre -l'ouest. - -[PLANCHE 13: UNE RUE PRS DE LA CITADELLE, AU CAIRE] - -La mosque abandonne, Gamia Ibn Klun, est cache par sa voisine plus -moderne et plus prospre. Dernirement encore, elle servait de dpt -militaire et avant cela de prison. Le dme s'est croul et les beaux -marbres de couleur qui ornaient l'intrieur ont disparu. Cependant, ce -qui reste montre qu'elle fut digne du grand Sultan Mamelouk qui la fit -lever. Le palais d'El-Nasir qui s'levait autrefois ct, avec son -fameux Hall des Colonnes, fut dtruit pour faire place la mosque de -Mohamet Ali. - -A peu de distance dans la direction sud-est, nous trouvons le puits de -Joseph, Bir Ysuf. La tradition veut que Joseph ait t jet dans -cette fosse par ses frres, et bien que la tradition se trompe de -quelque 500 kilomtres, l'histoire n'en est pas moins fermement accepte -par beaucoup de gens, et les guides la rptent avec solennit aux -touristes. Si ce puits n'a en ralit rien de commun avec le Joseph de -l'Histoire Sainte, il est, d'autre part, intressant d'apprendre qu'il -doit son nom Salhedden-Ysuf, le Saladin des croisades, lequel, au -XIIe sicle, construisit la citadelle. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE VII_ - -LA MOSQUE DU SULTAN HASAN - -LE PLUS BEAU MONUMENT DU CAIRE. || L'EXODE DES LAMPADAIRES. || LE -SUPPLICE D'UN ARCHITECTE TROP GNIAL. || ENTERREMENTS ET PLEUREUSES DE -PROFESSION. || LA MOSQUE BLEUE. - - -Dirigeons-nous prsent vers la mosque au dme gris qui s'lve de -l'autre ct de la place. C'est l non seulement le plus beau monument -du Caire, mais le spcimen le plus parfait qui existe de l'art sarrasin. -Elle fut construite sous le Sultan Hasan, en 1356, pour servir de -_Medreseh_ ou _Collge de Thologie_, mais elle est devenue depuis une -mosque de congrgation. Nous avons dj vu une belle mosque, celle de -Ibn-Tuln, construite dans le but de recevoir une nombreuse congrgation -dans sa vaste cour intrieure. Les _medresehs_ tant construites -l'intention des tudiants, il n'tait pas ncessaire de sacrifier tant -de place aux fidles, mais il fallait avant tout considrer les besoins -des professeurs et confrenciers et songer au logement des lves. Le -dme, bien plus important ici que dans les autres mosques du Caire, -n'appartient pas la mosque elle-mme: il recouvre une tombe. Il y a -au Caire beaucoup de monuments religieux servant de dernire demeure -leur fondateur, et l'on a pris tort l'habitude de considrer ces -mausoles recouverts d'un dme comme faisant partie d'une mosque. - -Le plan en forme de croix de la mosque du Sultan Hasan n'est pas -visible de l'extrieur, les angles tant occups par des constructions -qui renferment les divers appartements d'un collge. Le grand mur qui -longe la rue n'est perc et l que pour clairer ces appartements. La -simplicit de cette faade fait ressortir la beaut de la corniche qui -court tout le long du btiment. L'ornementation en forme de stalactites -coupe les lignes horizontales la projection de chaque assise de -pierres, et la nudit du mur sous la corniche est embellie par les -ombres que celle-ci projette. A midi, ces ombres s'tendent sur presque -toute la surface du mur jusqu' l'angle o celui-ci est expos plus -directement au soleil. Ici, les ombres s'arrtent brusquement comme si -elles craignaient de violer le contour du magnifique portail sous -lequel nous allons pntrer. - -Aprs avoir mont quelques marches, nous nous trouvons sur le palier -d'o cette immense niche s'lve 22 mtres au-dessus de notre tte. -L'arche en forme de vote semi-sphrique se dresse en 12 ranges de -pendentifs; de dlicates petites colonnes arrondissent les angles prs -de la base, ainsi que les niches cintres qui se font face de chaque -ct de la porte. Un cadre de ravissantes arabesques, des panneaux et -des mdaillons dcors de dessins gomtriques finement taills, ornent -cette porte majestueuse. - -Ayant franchi un vestibule vot, puis deux passages, nous arrivons -une porte o le gardien nous remet des pantoufles, afin que nos bottines -ne souillent pas les planchers, et nous pntrons dans le _Salin_, ou -cour intrieure. Incontestablement, ce qui impressionne le plus, ce sont -les quatre arches colossales qui sparent cette cour du transept; elles -donnent une impression de grandeur bien suprieure ce que l'ensemble -est rellement. Selon l'habitude, la fontaine pour les ablutions se -trouve au centre de la cour, et il y a ici une autre fontaine plus -petite, pour l'eau potable. Le _liwan_ ou sanctuaire est un peu -surlev et couvert de nattes et de tapis prires. La _dikka_ ou -chaire, d'o le Coran est lu, est en pierre et repose sur de gracieuses -colonnes. La _Mihrab_ ou _Kibla_, niche sacre, est l'extrmit du -btiment, tourne vers la Mecque, et ct du pupitre de pierre. - -J'eus la bonne fortune de pouvoir peindre le sanctuaire (tel qu'il est -reproduit ici) avant que les travaux de restauration ne fussent -commencs. Je ne doute pas que ces travaux ne soient accomplis -d'excellente faon, mais il faudra quelques annes pour que le neuf -s'harmonise avec l'ancien. - -Dix ans plus tard, je fus empch de peindre de nouveau dans cette -mosque par les chafaudages et le bruit que faisaient les ouvriers. De -grands morceaux de la fresque, lgre comme une toile d'araigne, avec -ses inscriptions kufiques, jonchaient le sol en compagnie des pierres -moules et colories qui devaient tre nettoyes et retailles avant -d'tre cimentes leur place, travail ncessaire sans aucun doute, et -d'ailleurs dirig d'une faon fort habile. Puisqu'on en est l, il -serait souhaiter qu'on ft un peu plus encore et qu'on remt en place -les magnifiques lampadaires de bronze qui, diffrentes poques, ont -t enlevs de l. Quelques-uns, et des plus beaux, sont actuellement -au Muse arabe, mais ils seraient beaucoup plus leur place ici. -L'argument si souvent employ que les objets de valeur courent le risque -d'tre vols dans les mosques, ne saurait s'appliquer des objets -d'art pesant plus de 1 000 kilogrammes! Quelques-uns de ces lampadaires -qui sont catalogus dans les muses, ont t remplacs dans les mosques -par des lampes qui feraient honte un cirque de saltimbanques! - -[PLANCHE 14: LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUE DU SULTAN HASAN] - -Une porte qui ouvre gauche de la _Kibla_ conduit au mausole du Sultan -Hasan, au milieu duquel se trouve son sarcophage. Le dme qui, du -dehors, est le trait saillant de l'ensemble, forme la vote spulcrale. - -Ce fut un monarque vraiment indigne que ce Sultan qui dort dans ce -majestueux tombeau. Nous lui pardonnons beaucoup en considration de ce -merveilleux monument, mais nous ne pouvons oublier l'effroyable manire -dont il rcompensa le gnie qui en fit les plans. Craignant que -quelqu'un d'autre n'employt son architecte et ne lui ft construire un -monument qui clipserait celui-ci, il n'hsita pas lui faire couper la -main! - -Malgr l'poque orageuse laquelle il vcut, ce cruel Sultan russit -consacrer beaucoup de temps et d'argent la construction de mosques, -de collges et de couvents. Au Caire seulement, on en compte dix-neuf -qu'il fit lever pendant les dix annes de son rgne--record -extraordinaire pour un tyran cruel et dbauch. Il est probable que -beaucoup de ses sujets se rjouirent lorsqu'il mourut de mort violente, -lui qui s'tait servi de la violence pour faucher tant d'existences! -Quelques jours avant qu'il ft assassin, un des minarets s'croula, -crasant 300 enfants qui jouaient dessous. Il ne reste plus qu'un seul -minaret, des trois construits cette poque. En 1660, le grand dme -s'effondra et fut remplac par celui qui existe aujourd'hui. - -Pendant les rgnes difficiles des derniers successeurs d'Hasan, des -canons furent frquemment monts sur le toit en terrasse de la mosque. -En temps de paix, au contraire, on raconte qu'une corde tait tendue de -l'un des minarets au bastion de la citadelle, et que le Blondin de -l'poque y donnait des reprsentations pour la plus grande joie de la -population. - -En face de la mosque du Sultan Hasan, s'lve la mosque inacheve, -Refiyeh, du nom d'une secte de derviches. Elle renferme le caveau de la -famille d'Ismael Pacha. - -[PLANCHE 15: LA TOMBE-MOSQUE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE] - -Retournons vers l'entre de la citadelle et descendons la -Sharia-el-Magar. Une petite mosque abandonne, au dme cannel, niche -entre ses minarets, offre au regard un tableau charmant. Un peu plus -bas, une vieille maison s'est suffisamment croule pour laisser -entrevoir une _mosque-tombeau_, de peu d'importance, mais tout fait -gracieuse, avec un minaret dont deux tages n'existent plus. C'est une -composition attrayante, et l'ombre d'un portail bonne distance invite -l'artiste s'asseoir et prendre ses pinceaux. - -C'est un coin riant, plein de clart et de gaiet, bien que, vu la -proximit d'un grand cimetire, pas une matine ne s'coule sans que de -nombreuses processions funraires ne remontent la rue. Ces processions -sont gnralement prcdes par un certain nombre de mendiants, souvent -des aveugles, qui, tristement, chantent leur profession de foi: _La -ilha ill allh wu Muhammed rasul allh_; ces pauvres gens sont suivis -par les parents mles du mort, des derviches portant des bannires, des -jeunes garons chantant de leur voix grle des versets du Coran, et -enfin du Coran lui-mme port sur un plateau couvert d'un morceau -d'toffe de couleur. Le cercueil ouvert vient ensuite, port par les -amis du dfunt. A la tte du cercueil qui est toujours l'avant, il y -a, si c'est un homme qu'on enterre, un turban pos sur un support de -bois. Les femmes ferment la marche, les parents du dfunt ayant -gnralement une bande de mousseline bleue autour de la tte. Souvent -aussi elles agitent un morceau d'toffe bleue, et le bruit des sanglots -des unes est touff par les lamentations des autres. Souvent aussi des -_pleureuses de profession_ sont employes et les gmissements tranges -qu'elles poussent sont trs mouvants, quand on ne sait pas que c'est _ -tant par heure_. Cette habitude est du reste contraire la Loi du -Prophte, mais elle date d'une poque tellement recule que les -interdictions n'ont sur elle aucun effet. Les hommes ne portent aucun -signe de deuil, arguant qu'il serait injuste et goste de plaindre un -tre qui est mort dans la Foi et qui est bien plus heureux au ciel que -sur la terre. Cette raison est logique, mais elle ne touche videmment -pas les femmes qui rivalisent entre elles qui exprimera le plus -bruyamment son chagrin. Il est galement difficile de concilier avec cet -argument la prsence des _pleureuses de profession_, payes par les -hommes. - -Je demandai l-dessus une explication au fidle Mohammed. Il me rpondit -que c'tait trs mal de la part des femmes et que certainement le feu -de l'enfer les punirait. Aprs quoi, il haussa les paules d'une faon -qui indiquait l'inutilit de lutter contre de vieilles traditions -_maalesh_. Quant aux _pleureuses_, elles font l un pitre mtier: -passer sa vie hurler en ce monde pour quelques centimes, avec la -perspective d'tre horriblement punie dans l'autre, doit manquer de -charme! En tout cas, l'anciennet de cette coutume est prouve par -certaines peintures sur les murs des tombeaux Thbes. - -Pendant le temps que je passai peindre sous cette porte, j'eus -l'occasion de voir les funrailles de plusieurs Saints rputs, et le -silence religieux n'tait alors interrompu de temps en temps que par des -voix qui murmuraient doucement les versets du Coran. - -A gauche de mon aquarelle, s'lve le minaret de la mosque Aksunkur, -laquelle vaut vraiment la peine d'tre visite. Elle fut construite par -un des fils de El-Nasir, vers le milieu du XIVe sicle, et fut restaure -trois cents ans plus tard par Ibrhm Agha. C'est du reste le nom de -celui-ci qu'elle porte aujourd'hui. On l'appelle quelquefois aussi la -_Mosque Bleue_, en raison de la couleur des tuiles dont Ibrhm se -servit pour la dcoration intrieure, et qui, par leur beaut, attirent -bien des artistes. On ne se lasse pas, en effet, d'admirer cette -merveilleuse teinte bleue, qui, sous le jeu du soleil, tire tantt sur -le vert et tantt sur le violet. - -Le sanctuaire de toute mosque est plac au sud-est, c'est--dire face -la Mecque, et est clair dans le sens oppos par une galerie -colonnade. Par consquent, les rayons du soleil n'y pntrent que tard, -alors qu'ils ont perdu de leur force, l'exception quelquefois d'une -petite raie lumineuse qui, se glissant travers les vitraux d'une -fentre, vient caresser une colonne et lui donner les couleurs des -petits morceaux de verre qu'elle traverse. Il fait donc ici beaucoup -plus frais que dans la cour brle par le soleil. On peut se dispenser -de recouvrir ses bottines des pantoufles que le gardien vous offre, en -entrant pieds nus, ce qui est fort agrable; et, cette distance de la -rue, on peut galement et avec joie quitter sa veste et son gilet. - -Il est prfrable de ne pas travailler dans le sanctuaire au moment de -la prire, mais on trouve alors un charmant sujet dans les palmiers qui -jettent leur ombre sur le dme de la fontaine, et la pice aux tuiles -bleues, o se trouve le sarcophage d'Absunkur, est un des endroits -les plus pittoresques du Caire. - -[PLANCHE 16: L'INTRIEUR DE LA MOSQUE BLEUE, AU CAIRE] - -Aprs le _Sala_, nous pouvons retourner au sanctuaire pendant que les -fidles remettent leurs pantoufles. Except le vendredi, il ne semble -pas y avoir de services rguliers. Les hommes sont en ligne devant la -_Kibla_ et se prosternent, tout en rcitant certains versets du Coran. -Les femmes ne viennent jamais ces prires, ce qui explique sans doute -l'ide fausse entretenue en Europe que les Mahomtans ne reconnaissent -pas d'me aux femmes. Un Musulman, aprs avoir assist nos services -religieux, dont souvent tout le public est fminin, pourrait alors tout -aussi justement prtendre que chez nous les femmes seules ont une me. -Les relations sociales entre hommes et femmes obligent ces dernires -dire leurs prires part, mais elles sont tenues d'observer galement -le jene du Ramadan, et il serait bien injuste qu'elles ne dussent pas, -elles aussi, tre un jour rcompenses!... Si svre est ce jene -qu'elles ne peuvent s'y soustraire que lorsqu'elles nourrissent un -enfant, et encore faut-il, dans ce cas, qu'elles fassent un jene -quivalent ds que l'enfant est sevr. De temps autre, une femme se -glissera dans une mosque aprs le dpart des hommes, pour visiter le -sanctuaire d'un Saint prfr, et tel Saint qui l'on prte une -puissance merveilleuse pour rendre les femmes fcondes est trs honor. - -La rue o se trouve cette mosque est particulirement intressante, non -qu'il y ait l des monuments remarquables, mais parce qu'elle n'a pas -tant souffert que d'autres de l'influence europenne. Lorsque nous -arrivons la mosque El Merdani, nous nous retrouvons dans un quartier -qui nous est familier et nous apercevons de nouveau les beaux minarets -de Muaiyad. Laissant droite la porte _Bab Zuwlh_, aprs nous tre -assurs d'un rapide coup d'oeil que le vieux Saint en haillons et sa -lance y sont toujours, nous voyons notre gauche une petite mosque -sans prtention dont l'entre est au fate d'un escalier. Je dis -_mosque_, parce que c'est l'habitude de donner ce nom tout difice -qui se rattache au culte musulman, mais je n'ai jamais pu dcouvrir -quoi servait le monument en question ici. A l'intrieur, nous traversons -un petit clotre et quelques marches nous conduisent une cour -ravissante. Deux des cts sont couverts de tuiles et au centre s'lve -une jolie _Kibla_, niche prire, le seul signe qui nous indique que -nous sommes dans une enceinte religieuse. Des arbres et le derrire des -maisons du Bazar des Tentes s'lvent au fond, et des femmes voiles -entrent, sortent, disparaissent derrire la niche. - -Pendant que je travaillais, le fidle Mohammed Brown m'informa qu'un -Saint tait enterr dans cet endroit et que les femmes allaient dire -leurs prires auprs de son sanctuaire, mais je ne pus rien apprendre de -plus. J'aurais peut-tre trouv un charmant sujet derrire ces tuiles, -mais je craignis qu'il ft indiscret de pousser mes recherches -jusque-l. Aucun guide, aucun ouvrage sur l'architecture arabe ne parle -de ce dlicieux endroit. - -D'ici, il nous est ais de rejoindre l'avenue Mohamet Ali, prs du muse -arabe, et de retourner au coeur du quartier europen. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE VIII_ - -AU HASARD DES RUES - -LE QUARTIER JUIF. || LE MURISTAN DE KALAUN. || LE DPEAGE D'UN CHAMEAU -VIVANT. || DEUX PORTES MONUMENTALES DU XIe SICLE. || GUIGNOL GYPTIEN. -|| AUTOUR D'UN CIMETIRE. - - -Partant du Rond-Point, sur le _Muski_, vers l'endroit o cette rue est -traverse par le Khalg, un chemin, gauche, nous mne au -Derb-el-Jehdpeh, qui est la rue principale du quartier juif. Quoique -non confine dans le Ghetto, la mme race habite pourtant encore cette -partie du Caire. L'apparence des maisons et de leurs habitants ne -diffre que peu de celle des quartiers arabes. On rencontre quelques -hommes en vtements europens, mais ils ne sont l sans doute que pour -affaires et demeurent dans les quartiers plus modernes. Les femmes -juives ont cess de voiler leur visage, maintenant que le Musulman est -accoutum voir les dames _Firangi_, et que cette infraction choque -par consquent moins ses sentiments; mais il y a peu d'annes encore, -toutes les femmes coptes et juives portaient le _yashmeh_, non point -tant pour satisfaire une obligation religieuse, que comme un moyen de -protection contre l'indiscrtion des hommes. On trouve plus de traces du -sang smite dans le Cairote que dans le _fellah_; mais ce n'est que par -d'infimes dtails de l'habillement qu'on peut distinguer le juif du -Musulman. - -L'arabe--langue commune tous deux--tant assez rapproch de l'hbreu, -est parl avec le mme accent; pourtant, quelque lgre que soit la -diffrence, l'Arabe sait toujours reconnatre le _Ychd_, mme lorsque -ce dernier a embrass la religion musulmane. - -Le quartier juif s'tend derrire le bazar du Nahssn, o nous -pntrmes en une autre occasion. Nous le laissons notre droite et -nous entrons dans une cour en ruines du Mristan de Kaln. Par une -circonstance bizarre, un dispensaire moderne y a t install, et les -malades, en attendant que le docteur indigne puisse leur prodiguer ses -soins, se souviennent peut-tre du temps o ce Mristan tait le grand -hpital du Caire. Saladin devana la grande oeuvre du sultan Kaln de -plus d'un sicle. L'Hispano-Arabe, Ibn Yubeyr, qui visita le Caire au -XIIe sicle, a fait de son voyage un rcit dtaill, et dans -l'excellente traduction de M. Guy Le Strange, nous lisons que Saladin -fut pouss l'oeuvre mritoire, uniquement par l'espoir de la grce de -Dieu et d'une rcompense dans le monde venir. - -[PLANCHE 17: LA TOMBE DE IBRAHIM-AGA] - -Ce grand palais, spacieux et magnifique, pour citer une fois de plus -l'Espagnol, ne survcut pas de beaucoup au bon Sultan, car tout ce que -nous voyons du btiment prsent, fut rig par Kaln durant le sicle -suivant. Certaines parties en sont en ruines, mais on retrouve encore -les traces des salles distinctes, affectes aux maladies alors connues. -Un large corridor conduit au portail imposant qui fait face au Bazar des -Cuivres. A gauche de ce corridor, vous entrez dans le vestibule du -tombeau du fondateur. Ce vestibule et la chambre du tombeau sont en ce -moment entre les mains des ouvriers occups les restaurer. La -simplicit du vestibule, avec sa haute arcade de bois vert, est aussi -tentante peindre que la sombre richesse du grand mausole. Des groupes -d'tudiants s'attardent dans le vestibule, accroupis sur les nattes, -coutant quelque _ulama_ qui explique des textes du Coran. Prs du -tombeau, quelques vtements de Kaln sont suspendus. On leur attribue -un miraculeux pouvoir de gurison, et bien des malades essaient la cure -avant d'avoir recours au _hakim_ demi _firangi_, qui est charg du -moderne dispensaire de la grande cour. La niche de prires est peut-tre -la plus belle du Caire; elle tait en presque parfait tat de -conservation lorsque j'essayai de la peindre il y a quelques annes. -Esprons que les ouvriers cesseront bientt de troubler la solennit de -ce lieu. - -Le Mristan de Kaln est le monument le plus important de la seconde -moiti du XIIIe sicle; on tient naturellement le conserver en parfait -tat, et l'intelligence dont Herz Bey a fait preuve dans tous les -travaux lui confis nous fait esprer qu'on accomplira ici une oeuvre -de prservation, plutt qu'un travail de restauration. - -Passant sous le portail de marbre blanc et noir, nous suivons le -Nahssn, jusqu' ce que nous arrivions au Sebl d'Abder-Rahmn, aprs -avoir laiss notre gauche les belles tombes-mosques de Bb-el-Nasr et -Barkh. Ici, nous avons de nouveau toute la perspective de cette rue -enchanteresse, avant de descendre par les prs troits qui conduisent au -Gamlyeh. Un chameau charg de _tumbh_ (tabac fort qu'on fume dans -les narglehs) peut si bien obstruer le chemin, que, si vous n'tes pas -capable de passer sous les paniers, vous n'avez plus qu' vous blottir -sous quelque porte et attendre que l'animal ait disparu. Deux ou trois -grands _khns_ de ces rues troites m'ont l'air de raliser de mauvaises -affaires, car la cigarette remplace le nargleh, et le _tumbkiyeh_ -semble tomb en dsutude, le mtier tant pouss vers d'autres voies. - -La rue principale dans laquelle nous nous trouvons prsent est aussi -anime et vivante que le Nahssn, mais de plus pauvre aspect. Ses -magasins semblent moins prospres, les robes soyeuses des marchands -riches y font place aux _gabahrehs_ de coton bleu, et la distinction -bourgeoise de la rue que nous venons de quitter devient ici un dsordre -presque sauvage, mais artistique. A un angle de la route, l'entre d'un -spacieux _khn_ offre la place rve pour faire une esquisse, tandis que -deux bancs de pierre, de chaque ct de l'entre, semblent avoir t -disposs l tout exprs pour supporter le bagage d'un artiste, et cela -explique peut-tre les nombreux croquis de ce Gamlieh pris de ce mme -endroit. On est un peu au-dessus de la foule, et l'angle de la muraille -vous protge contre le flot de curieux toujours montant. Enfin pendant -que l'on peint cette rue avec, au centre, la mosque de Bbars, on peut, -de ce coin, faire d'intressantes silhouettes de passants. - -Je fus tmoin d'un curieux fait lors de ma dernire visite cet -endroit. Un homme conduisant un chameau, appelait chaque boutiquier sur -son passage. L'animal n'tant point charg, je ne pouvais comprendre le -mange de l'homme. De temps autre, quelque marchand semblait -s'intresser la bte, ttait sa bosse ou son cou; alors seulement je -compris que le chameau tait vendre, mais quand il passa auprs de -moi, je dcouvris de plus que la bte tait vendue au morceau et que -chaque morceau tait marqu la craie. Quelle tait la diffrence de -prix entre une livre de cuisse et une livre de bosse?... Je ne le sus -point, mais coeur par cette sorte de dpeage d'un tre encore vivant, -je rsolus de devenir vgtarien,..... rsolution que j'observe -strictement en dehors de mes repas. - -Comme nous suivons le Gamlyeh, les signes de dcadence deviennent de -plus en plus visibles. De belles vieilles maisons sont habites par des -mendiants, les _meshrebiya_ tombent en lambeaux et sont mme souvent -remplaces par des rideaux en toile de sac, l o un boutiquier a des -marchandises valant encore la peine d'tre protges contre le soleil. -Les maisons des petites rues sont de simples ruines, et l'on a peine -comprendre la prosprit croissante de l'gypte, lorsqu'on assiste -cette dcadence des btiments et des tres dans une si grande partie du -Caire. - -[PLANCHE 18: EL-GAMALYEH, AU CAIRE] - -Le Gamlyeh se termine Bb-el-Nasr, ou Porte de la Victoire, qui, -ainsi que Bb-el-Futh, ou Porte de la Capture, fut rige durant la -seconde moiti du XIe sicle, par le fameux vizir Bedr-el-Yamali. La -mosque de Hhim, d'un sicle plus rcente, remplit presque l'espace -compris entre ces deux portes. Napolon, se rendant compte de l'avantage -de cette position, y fit camper une partie de ses troupes, en 1799. - -Ces deux portes, ainsi que le Bab-Zuwleh, ont intrigu nombre -d'archologues. Leur style n'est point sarrasin: M. Van Berchem, qui -tudia tout spcialement la vieille enceinte de la ville, attribue ces -difices aux Templiers; mais la premire croisade n'ayant eu lieu que -dix ans aprs l'rection de ces portes, l'influence des Croiss semble -douteuse. Van Berchem dcouvrit des marques conventionnelles d'artistes -grecs, qui expliquent quelque peu l'apparence byzantine des portes, et -le vizir Bedr tant Armnien, il est fort probable qu'il chercha des -architectes parmi ses compatriotes. Ces portes nous intressent -davantage au point de vue pictural, mais il est difficile de rendre -d'une faon satisfaisante leur beaut majestueuse. - -La mosque en ruine d'El Hhim, qui occupe tout l'angle du rempart, -entre les deux portes, est moins remarquable que celle d'Ibn Tuln, -laquelle elle ressemble d'ailleurs; mais elle offre un sujet de tableau -plus pittoresque grce une grande cour qui, avec ses tentes de -Bdouins et ses chameaux, complte la note orientale. Le nom d'El Hhim -augmente l'intrt du lieu. Je suis tent de reproduire ici ce que -Stanley Lane Poole dit au sujet de l'extraordinaire Calife dans son -_Histoire du Caire_, mais ce charmant livre tant la porte de tous, -le mieux est de le recommander chaudement mes lecteurs. - -Dans un espace vide, voisin du Bb-el-Nasr et d'un grand cimetire -mahomtan, on peut souvent contempler les bats de _Karakush_, lequel -correspond notre Guignol. Sa troupe se compose gnralement d'un -homme, d'un petit garon, d'un chien et d'un singe. L'usage gnreux -d'un gourdin maintient la foule la limite juge ncessaire aux -volutions des artistes. Les plaisanteries, qui datent probablement du -temps o l'Islamisme envahit l'gypte, ne perdent rien de leur saveur -tre constamment rptes, et il est rjouissant d'entendre les francs -clats de rire qui les accueillent. Ces farces sont certainement plus -grossires que ne le supporterait un public anglais, mais il faut les -juger d'un autre point de vue. Les sous-entendus, les demi-mots sont -considrs ici comme un jeu innocent, et quelque court-vtues que soient -les plaisanteries de _Karakush_, elles le sont moins encore que ce qu'il -est possible de voir et d'entendre dans les quartiers modernes du Caire. -_Karakush_, dont le nom seul fait sourire les Cairotes, ne fut pourtant -pas un personnage comique en son temps. On le cite comme un des fidles -mirs de Saladin, et son seul acte, peu humoristique du reste, fut de -repousser les Croiss, dont la visite lui sembla une impertinence. - -Notre Guignol ne manquerait certes point ici de modles pour ses -_Esquisses prhistoriques_. Les jours de ftes religieuses, de larges -tentes sont installes contre les murailles, et tous ceux qui viennent -applaudir _Karakush_, peuvent galement tre tmoins d'un _Ziter_. Une -douzaine de derviches, rangs en ligne, attendent le signal d'un chef. -Ce signal donn, ils commencent se balancer en avant et en arrire, en -rptant le nom d'Allah. Peu peu le mouvement s'acclre, se -prcipite, devient furieux; ils semblent perdre conscience de tout, -jusqu' ce que, la limite de l'endurance humaine tant atteinte, ils -tombent, rompus, briss, comme en extase. - -Le grand cimetire qui, d'un ct, limite cette place, et empite mme -dessus par-ci par-l, ne trouble en rien la gat de l'assemble. -parpilles, libres de toute muraille, les tombes servent de siges, -moins que des gamins ne s'exercent sur elles au saute-mouton. Parmi ces -tombes, nous retrouvons celle de Burkhardt, le grand voyageur -orientaliste, qui mourut en 1817. Les Arabes le connaissent sous le nom -de Cheik Ibrahim. - -En suivant le mur de la cit sur 200 ou 300 mtres, vers l'est, o il -tourne brusquement vers le sud, nous laissons le cimetire derrire -nous, et, contournant des monceaux de dtritus, nous dpassons notre -gauche le dme du tombeau du Cheik Galal et dcouvrons les tombes des -Califes. Cette cit des morts offre un tableau impressionnant, que ce -soit en plein midi, dans la gloire dore du soleil, ou vers le soir, -quand les lueurs roses du couchant se jouent sur les dmes et les -minarets, et que les maisons en ruines, leur pied, se fondent dans -l'ombre violace que projettent les hautes collines. Du sommet d'une de -ces collines, on a une merveilleuse vue des tombes. Autrefois chaque -tombe-mosque entretenait plusieurs gardiens qui demeuraient dans le -voisinage. - -On retrouve galement dans cette cit morte des ruines de Khns, qui -rappellent maints mtiers. Ses fontaines et ses bains prouvent galement -qu'on avait y subvenir aux besoins d'une population considrable. Ces -tombes furent bties pendant le XIIIe sicle et les deux suivants, ainsi -que les mausoles des Mamelouks bohrites et circassiens qui rgnaient -alors sur l'gypte. Les premiers Califes furent ensevelis dans ce qui -est aujourd'hui le centre du Caire, et qui, de leurs jours, se trouvait -en dehors de la capitale, celle-ci tant alors plus au sud. Le Khan -Khall se trouve aujourd'hui dans l'ancien lieu de repos, et l'on assure -que, lorsqu'il fut rig, les ossements des Califes furent emports et -ajouts aux monceaux de dtritus! - -L'une des premires tombes dont nous approchons--_El Seb'a Benat_,--les -sept soeurs--est une preuve que d'autres que les Mamelouks reposent l. -Mais je ne pus jamais tablir l'identit de ces sept dames. Continuons -par une des tombes situes l'est du groupe, celle du sultan Kit Bey. -La tombe du sultan Barbk, notre gauche, a deux jolis dmes et une -paire de beaux minarets. Les ornements qui couvrent les dmes mritent -un examen tout particulier. Le plan gnral des tombes diffre peu et, -en les examinant de plus prs, on est surpris de la richesse et de la -varit des dtails. Le mausole de Kit Bey est certainement le plus -beau, avec son minaret lanc et son dme dont la richesse surpasse -celle de tous les autres. Il a tout l'aspect d'une mosque -congrganiste; au-dessus de la fontaine, gauche de la grande entre, -qui est orne de portes dcores de magnifiques bronzes, se trouve la -salle d'enseignement que supportent de gracieuses arcades, la cour -centrale, ouverte, le _Hiru_, ou sanctuaire, avec ses tapis de prire -et sa chaire tourne vers la Mecque, enfin le dme contenant le spulcre -du Sultan. - -Mais nous voici au Sharia-esh-Sharawni, qui fait suite au Muski et -conduit au quartier europen. Un tramway partant d'El Atba-Khadr, prs -du Bureau Central des Postes et Tlgraphes, se dirige vers le quartier -connu comme le Vieux Caire ou Masr-el-Atika; il suit le boulevard -Abd-ul-Aziz et tourne vers le Nil; et, de l'endroit o le pont -Kasr-en-Nil coupe la rivire, nous suivons les rails jusqu'au point -terminus, 200 ou 300 mtres plus haut. Une vgtation luxuriante drobe -tant bien que mal la vue les laides villas modernes dont est parsem -le vieux Caire, mais, tout prendre, cette partie de la ville, vue du -tramway, est bien moins intressante que d'autres quartiers auxquels -conviendrait mieux le nom de Vieux Caire. - -Nous longeons le bazar gauche de la grand'route, traversons les voies -du chemin de fer et, en haut d'un pr troit, une porte que nous -franchissons nous conduit la muraille d'enceinte de la forteresse de -Babylone. Les ruines de divers btiments cachent trop ce qui reste de -l'antique chteau, pour nous permettre de juger de son importance. Les -habitants de ce quartier semblent fuir les trangers; peut-tre est-ce -la peur atavique d'une invasion ennemie? Aprs s'tre pourtant assurs -de loin que nous ne sommes rien de plus redoutables que de simples -_Sawarhine_, et allchs par la perspective d'un _bakschish_, quelques -tres se montrent et nous suivent jusqu' l'glise de Saint-Georges ou -Mri Girgis. - -Il y a tant de similitude entre la vie que mnent ces gens et celle de -la _mellah_ maure (le Ghetto arabe), que je n'aurais point t surpris -de remarquer quelques types juifs parmi nos suiveurs, au lieu de -l'absence complte de traits smites observer chez les Arabes. - -Ces Coptes, dans le quartier desquels nous pntrons, sont les plus purs -gyptiens. Leur nom seul, driv du grec _Aiguptios_ et devenu en arabe -_Kupt_, suffit le prouver. De tous les habitants de la valle du Nil, -ceux-l attirent le plus notre sympathie, et il est agrable de songer -qu'aprs des sicles d'oppression ils peuvent enfin jouir d'une pleine -libert sous le protectorat britannique. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE IX_ - -DANS LE QUARTIER COPTE - -UN PEU D'HISTOIRE. || L'GLISE CHRTIENNE SAINT-GEORGES. || UN COUVENT -COPTE. || LA LGENDE DE LA TOURTERELLE. || LA PREMIRE MOSQUE D'GYPTE. -|| LA COLONNE MERVEILLEUSE. - - -Avant de pntrer dans l'glise copte de Saint-Georges, il serait -intressant de se reporter au temps o les Coptes, reniant le culte -d'Osiris, furent reus au sein de l'glise chrtienne. En l'an 62, -Armianus fut nomm vque d'Alexandrie, et pendant le patriarcat de -Dmtrius, un sicle plus tard, de nombreuses congrgations, associes -aux noms de Clment, Origen, Pantnus, se formrent dans diverses -parties du Delta. Le IIIe sicle donna naissance au systme monastique, -et les ruines des premiers monastres, dissmines depuis le Delta -jusqu'aux confins de la Nubie, dmontrent quels rapides progrs fit la -religion nouvelle. En plus de ces couvents, chaque temple est un -monument du zle religieux des nouveaux chrtiens. loigns de Rome, -ceux-ci eurent sans nul doute moins de perscutions souffrir que leurs -frres soumis au joug de l'Empire; mais cette poque, des luttes -intrieures firent plus pour arrter les progrs de la religion, que les -perscutions d'aucun autocrate romain. Les enseignements d'Arius, -d'Alexandrie, influencrent la majorit, malgr les exhortations de -l'vque Alexandre et l'loquence de son diacre Athanasius. Au concile -de Nice, en 325, auquel ce dernier assista, Arius fut condamn et les -chrtiens d'gypte diviss en deux camps hostiles. Nous ignorons quel -point cette controverse intressa Constantin, mais son fils Constantius, -qui lui succda, se dclara pour les Ariens. Athanasius fut exil, et -ses disciples perscuts par les Ariens, jusqu'en l'an 379; l'dit de -Thodosius ayant alors dclar la religion orthodoxe, religion d'tat, -ce fut au tour des Ariens de souffrir la perscution. Une glise -nationale s'rigea ct de l'glise d'tat, et en 451, aprs le -concile de Chalcedon, elles se sparrent dfinitivement l'une de -l'autre. Les nationalistes, dont le parti tait le plus fort, taient -connus sous le nom de Jacobites ou Coptes, les orthodoxes s'appelaient -en gypte les Mlkites. Au moment de l'invasion de l'gypte par Anir, -le grand gnral du Calife Omar, les Coptes taient prts suivre celui -qui les librerait de la tyrannie de leurs gouverneurs byzantins. Nous -aurons plus dire par la suite au sujet d'Anir. - -[PLANCHE 19: UNE GLISE COPTE PRS D'ABYDOS] - -L'extrieur de l'glise Saint-Georges ne fait en rien prvoir l'extrme -richesse de sa dcoration intrieure, et cette remarque s'applique -galement aux six autres glises caches dans la forteresse. Le but de -cette simplicit extrieure tait probablement d'chapper la cupidit -que le luxe et sans nul doute veille chez les ennemis; mais les -mosques de cette poque tant galement d'apparence fort simple, ce -dtail n'offre que peu d'intrt. Sauf la crypte qui date d'avant la -conqute musulmane, toute l'glise fut btie presque la mme poque -que la grande mosque d'Ibn-Tuln, et rien ne peut tre imagin de plus -modeste que l'extrieur de cette dernire. Nous pntrons dans un petit -vestibule et de l dans une belle petite basilique deux rangs -d'arcades sparant les ailes de la nef; celle-ci nous parat courte, -parce qu'une belle barrire de bois ouvrag divise l'glise en deux, -quelque distance du sanctuaire. La lumire tamise qui tombe des -troites fentres en triptyques, illumine les saints rangs au sommet de -la barrire, se joue sur les icnes en leur faisant un halo dor, et -caresse les boiseries sculptes. Pendant le service, les femmes occupent -un ct de la boiserie, l'autre tant rserv aux hommes. - -Sortant de la nef et traversant ce qui correspond au choeur, nous nous -trouvons devant trois autels, chacun d'eux renferm dans un espace -circulaire et surmont d'un dme. Des boiseries encore, cachent ces -autels; celui du milieu, surlev, est dissimul derrire un paravent -ouvrag, d'une richesse extrme, form de minuscules croix d'ivoire et -d'bne entremles et exquisement fouilles. Durant la messe, ces -boiseries s'ouvrent, les rideaux sont relevs, et l'on voit une grande -image du Christ au-dessus de l'autel. Les guirlandes d'oeufs d'autruches -teints de couleurs voyantes, qui pendent de la vote, forment une -dcoration bizarre. On rencontre ce genre d'ornementation dans quelques -mosques, dans la chapelle de Sainte-Hlne et dans le Saint-Spulcre, -Jrusalem. - -Quelques marches descendent du choeur la crypte, o l'on nous montre -un banc sur lequel la Sainte Famille prit quelques instants de repos, -lors de son voyage en gypte. Il est difficile d'obtenir l'autorisation -de peindre dans les glises coptes, et ce n'est que pendant mon sjour -Abydos que je pus tenter quelques esquisses. - -Une petite colonie chrtienne habite un vieux fort dynastique, l'est -du temple de Seti; on nomme cet endroit le Couvent copte. En comparaison -de l'glise o nous nous trouvons en ce moment, ce couvent me semble une -vieille chapelle de campagne. Je le trouve pourtant digne d'une visite -prolonge, mme par cette chaleur touffante. L'intrieur de la vieille -forteresse me rappelle quelque peu l'intrieur de la forteresse de -Babylone. Quelques oiseaux domestiques picorant des graines, quelques -hangars destins abriter le btail, lui donnent un air champtre; le -mme calme, les mmes maisons presque entirement dpourvues de -fentres, se retrouvent ici et l. Le bon vieux prtre qui me fit -visiter l'difice, semblait si bien en faire partie, que j'avais peine -me rendre compte que je parlais un contemporain. Ses vtements et son -entourage sentaient tellement le moyen ge, qu'il me semblait m'tre -endormi, puis rveill six cents ans plus tt. Le fort, dont cette -glise et le groupe de maisons occupent le centre, date des premiers -temps de l'Empire. Il fut donc rig environ trois mille ans avant le -monastre. Le vieux prtre m'intressa tout autant que son habitacle; le -petit monde o il vit semble lui suffire. De temps en temps, une visite - Balliana, situ 10 kilomtres, sur une rive du Nil, ne lui fait -qu'apprcier davantage la paix de sa retraite. - -Il est intressant de visiter les glises de Babylone. Le nom donn par -les Grecs la forteresse romaine est une nigme pour les archologues; -il se pourrait que ce ft un souvenir du nom de la partie est de la -Memphis d'autrefois; mais ceci me parat incertain. Ses tours massives -et les bastions que l'on voit, semblent tre les seuls vestiges de -l'ancienne cit de Misr. Le vieux Caire, ou Masr-el-Abko, date de plus -prs que le XIIIe sicle, car jusqu'alors son emplacement et celui du -Caire moderne demeurrent sous l'eau. La plus grande partie de l'gypte -fut facilement conquise par Anir, qui, nous dit-on, l'envahit avec une -arme de 4 000 hommes seulement. Les Coptes, ne se doutant pas de -l'intention des Musulmans de s'tablir dfinitivement, furent trop -heureux d'avoir leur concours pour se librer de la tyrannie -byzantine. La prise de cette forteresse fut pourtant une autre affaire, -car ici l'Empire tait tout-puissant. Anir dut attendre des renforts et -ce ne fut qu'aprs sept mois de sige qu'il s'en rendit matre. Cet -vnement eut lieu en avril 641, et depuis lors l'gypte fait partie du -monde mahomtan. - -[PLANCHE 20: UNE TOMBE DE CHEIK, AU CAIRE] - -Mais les Coptes comprirent bientt qu'ils n'avaient fait que changer de -matres: le joug des Musulmans tait dur, et, spars de l'glise mre, -les Coptes ne surent plus o chercher un appui lorsque des souverains -moins tolrants succdrent Anir. Bien des croyants plus faibles -sauvegardrent leur vie et leurs biens en embrassant la religion des -conqurants, tandis que d'autres prirent en dfendant la foi de leurs -pres. Ce qui reste de ce peuple compose peu prs un dixime de la -population de l'gypte, mais quand nous songeons ce que les Sarrasins -eurent souffrir de la part des Croiss, nous ne pouvons qu'tre -tonns de trouver encore des survivants la vengeance de l'Islam. -Beaucoup d'entre eux, grce leurs indiscutables aptitudes, occupent de -hautes positions dans le Gouvernement. - -En quittant le _Kasr-el-Shma_, ainsi que les Arabes nomment cette -forteresse, nous contournons une partie de l'enceinte et traversons des -monceaux de ruines qui nous sparent de la mosque d'Anir. Ces ruines -sont tout ce qui reste de Fostt, la premire ville que btirent les -envahisseurs musulmans sur la terre d'gypte. On retrouve encore moins -de traces de l'antique Misr qui entourait Babylone et tait situe au -bord du Nil, avant que les eaux de ce fleuve ne se fussent retires dans -leur lit actuel. - -Je ne prtends ni raconter l'gypte du moyen ge, ni rivaliser avec -l'oeuvre de Stanley Lane Poole; mais ce voyage veillant une curiosit -plus archologique encore qu'esthtique, quelques mots sur le -dveloppement progressif du Caire ne me semblent pas dplacs. - -Lorsqu'Anir assigeait la forteresse que nous venons de quitter, il -planta sa tente l'endroit mme o s'lve aujourd'hui sa mosque. Une -gracieuse lgende raconte comment ce lieu lui devint cher. Aprs la -prise de Babylone, Anir se prparait partir pour Alexandrie, dont le -peuple, fidle l'empereur Hraclius, se dfendait encore. Des soldats -furent envoys pour plier et emporter la tente. Une tourterelle y avait -fait son nid et couvait. Les soldats rapportant cet incident leur -gnral, Anir ordonna d'abandonner la tente afin de ne point troubler -l'oiseau, et, aprs la prise d'Alexandrie, la tente, surmonte du nid de -tourterelle, fut retrouve intacte. Depuis, cet endroit demeura sacr, -et la premire mosque d'gypte fut rige en mmoire de ce simple -incident. _El Fostt_ ou _la ville de la Tente_, fut le noyau de la cit -qui grandit au nord de cette mosque. Les terrains vagues, parsems de -ruines, qui sparent El Fostt du Caire, furent jadis un faubourg de la -ville d'El-Askr ou _les cantonnements_, qui s'leva en 750, au moment -o les Califes Abbasides succdrent aux Califes Omayad. Le Gouverneur y -btit son palais, et ce faubourg devint bientt pour El Fostt ce que le -West-End de Londres est pour la mtropole. Plus au nord s'tendaient les -btiments affects aux diverses nationalits qui formaient la suite de -l'mir. Ce fut lorsqu'Ibn-Tuln vint comme premier reprsentant du -Calife de Turquie, gouverneur d'gypte en 868, que l'emplacement de ces -btiments fut choisi pour son palais. El-Askr s'tendait jusqu' la -colline de Yeshkur, derrire laquelle s'lvent les murailles de la -capitale actuelle, comprenant la mosque de Tuln dont nous avons parl -plus haut. Fostt et El-Askr perdirent de leur importance, mesure -que s'levait le nouveau faubourg royal, et rien n'en reste aujourd'hui, -si ce n'est cette mosque en ruines. El Katai, ou _les baraquements_, -eut un meilleur sort; elle devint une cit prospre dont les historiens -arabes ne se lassent point de vanter la splendeur; son emplacement est -couvert de maisons plus rcentes et seule la mosque dserte qui porte -son nom survit au glorieux faubourg que btit Ibn-Tuln et que son fils -Khumrenyeh embellit. Les descriptions de ce palais, la _Maison Dore_, -le _Pavillon d't_, ou _le Dme de l'air_, et les jardins et les -fontaines inspirrent sans doute les auteurs des _Mille et une nuits_ -plus que les richesses d'Haroun-al-Raschid, moins luxueuses que celles -de ses successeurs. - -La mosque que fit lever Anir, et qui fut la premire construite en -gypte, n'est pas arrive intacte jusqu' nous. _La Couronne des -Mosques_, ainsi que les guerriers arabes appelrent leur premire -mosque leve en terre conquise, tait de structure plutt modeste, -diffrente de ce qu'elle devint plus tard sous l'influence artistique -des Coptes et des gouverneurs turcs. Elle fut rebtie dans de plus -grandes proportions deux sicles plus tard, et restaure en 1798 par -Murad Bey. La plus grande partie de ce que nous voyons, date par -consquent du IXe sicle; elle peut donc toujours s'enorgueillir d'tre -la premire mosque du Caire. Les colonnes de marbre soutenant l'immense -arcade provenaient d'glises chrtiennes pilles, et le fait qu'elles ne -correspondaient point les unes aux autres sembla inquiter fort peu les -architectes: on raccourcit l'une, on allongea l'autre, de manire les -rendre gales. On aurait pu tout de mme, mon humble avis, s'arranger -de faon ne pas mettre les chapiteaux l'envers! - -Les guides vous montreront la colonne faisant face la chaire, avec le -_Kurbg_ du Prophte dessin par les veines mmes du marbre, et vous -diront comment cette colonne vola travers l'espace, de la Kaaba la -Mecque, jusqu' Anir, afin de l'aider orner sa mosque. Leur -chronologie laisse quelque peu dsirer, mais leurs contes sont -amusants. Une prophtie dit que l'Islam tombera en ruines en mme temps -que cette mosque, mais en juger par le peu d'entretien dont elle est -l'objet, il me semble que les fidles ne doivent gure ajouter foi la -prdiction. Une promenade pied ou dos d'ne, d'ici aux tombes des -Mamelouks, est charmante. Les lueurs du couchant allument les dmes de -la citadelle-mosque, qui de loin a un aspect imposant, puis ce sont les -collines de Mokattam, avec, plus loin, la petite mosque de Giyshi. Une -grande ombre ple couvre l'arrire-plan et cache de ses effets de -clair-obscur les dtails infrieurs du tableau. Les derniers rayons du -soleil dorent ces collines, puis les vtent d'une teinte orange qui se -fond bientt dans l'ombre rose du couchant. - -Les tombes des Mamelouks sont moins intressantes que celles des -soi-disant Califes, mais la promenade, au coucher du soleil, laisse une -impression durable. Nous rentrons en ville par la Bb-el-Karfeh, et le -tramway nous conduit jusqu' Esbekyeh. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE X_ - -LES PYRAMIDES - -LA DCOUVERTE DES GANTS DE PIERRE. || QUELQUES CURIEUSES VALUATIONS -MATRIELLES. || LE SPHINX. || LES GATE-PLAISIR. || DES PYRAMIDES DE -GISEH AU SAKKARA. || LA TOMBE DE TYI. || RETOUR DANS LE SOIR COLOR. - - -Le grand vnement d'un sjour au Caire est la premire excursion aux -Pyramides. Personne n'ignore leur aspect, leurs dimensions et leur -histoire, car aucune oeuvre de l'activit humaine ne fut plus souvent -dcrite; mais personne, avant de s'tre trouv sur le plateau o s'lve -l'imposante tombe de Chops, ne comprend l'espce de terreur qu'elles -inspirent. Ce sentiment augmente graduellement mesure qu'on parcourt -les 5 kilomtres de la route de Gzeh, d'o on les dcouvre devant soi. -D'abord, elles semblent petites, compares aux objets du premier plan, -puis, aprs 2 ou 3 kilomtres, on prouve encore une sorte de -dsappointement en les regardant. Leurs dimensions augmentent mesure -qu'on approche, mais pas au point qu'on pourrait supposer. On ne -commence bien les juger qu'en arrivant la limite des terrains -cultivs, et alors c'est l'impression complte, dans toute sa force, -surtout lorsque, parvenant au bord du dsert, on se trouve aux pieds de -la Grande Pyramide. Ayant gravi le plateau qui lui sert de pidestal, on -est positivement cras par cette masse gigantesque, assise sur le roc -et environne d'une immense plaine de sable. Que ne donnerait-on pour -pouvoir jouir en paix de ce merveilleux spectacle? Mais les Arabes qui -demeurent l depuis si longtemps qu'ils en ont perdu leurs instincts -nomades, prtendent vous faire les honneurs intresss de ce qu'ils -considrent comme leur proprit. On en a lu et appris bien plus qu'ils -ne peuvent vous en dire en leur anglais fantaisiste, et leurs -explications qui viennent troubler vos penses sont absolument -exasprantes. Inutile de chercher les repousser, la grande habitude -qu'ils ont d'tre traits ainsi les a rendus insensibles: partout o -vous irez, ils vous suivront. Des mesures sont prises, sans grand -succs, contre ces importuns. - -Pour jouir vraiment de la contemplation des Pyramides, il ne faut pas -les visiter en pleine saison. Les caravanes de touristes se disputant -avec leurs conducteurs, se prparant bruyamment djeuner ou se faire -photographier, sont fort rjouissantes vues d'une terrasse d'htel, mais -ici, elles gtent tout fait le caractre du lieu. Avant ou aprs la -saison, on chappe aux touristes, mais jamais aux Bdouins quteurs de -_bakschish_. S'il faut en croire les on-dit, la police aurait une part -de leurs aubaines, ce qui explique la mollesse avec laquelle elle dfend -l'tranger contre les attaques de ces mendiants. Le seul moyen efficace -qu'on ait propos serait d'acheter le village et de transporter la -population ailleurs. Mais le service des Antiquits, qui incomberait -cette tche, subvient dj pniblement ses frais courants: il ne -saurait donc tre question de raliser cette rforme. - -Une promenade autour de la tombe de Chops vous donne l'ide de sa -dimension. Une distance de 260 mtres spare entre eux les angles et si -vous faites le tour de la Pyramide, vous aurez fait plus des trois -quarts d'un kilomtre. Cette base couvre 520 ares, c'est--dire une -superficie plus grande que celle du square de Lincoln's Inn Fields. - -Les grands blocs superposs en gradins qui, de la route, nous -paraissaient de simples briques, mesurent quarante pieds cubes, et, -selon le calcul du Professeur Flinders Petrie, deux millions trois cent -mille de ces blocs furent employs la construction de la Pyramide. -L'imagination ne saurait vous reporter soixante sicles en arrire. La -pierre changeant fort peu dans le dsert, sa couleur ne vous aide point. -Il est vrai que ce que nous voyons n'a t expos aux intempries que -durant cinq sicles, toute la couche de granit extrieure ayant t -utilise au Caire, lors de la construction de la mosque d'Hasan. On -s'tonne qu'on n'ait pas tir parti plus tt d'une carrire si commode, -pourvue de pierres toutes tailles. - -La dpense d'activit humaine que ncessitrent ces constructions est -inoue. Le Professeur Flinders Petrie nous explique que les ouvriers n'y -travaillaient que durant la crue du Nil, alors que la terre ne rclamait -point leurs soins; mais, le moment de la crue tant justement le plus -pnible pour l'agriculteur en gypte, ceci me parat inexact. De plus, -il ne faut pas s'imaginer que l'indigne ne souffre pas de la chaleur. -Le _fellah_ a peu chang depuis soixante sicles, et quoique trs brave -travailleur, il mollit sensiblement pendant les priodes de chaleur. -Hrodote raconte que la construction de cette Pyramide ncessita le -travail de cent mille hommes pendant vingt annes conscutives, et -Flinders Petrie estime que cette valuation est exacte. Nourrir et -discipliner cette arme de travailleurs dut exiger un merveilleux talent -d'organisation. L'extraction de ces pierres 10 kilomtres plus loin, -aux collines de Mokattam, et la faon dont elles furent tailles et -ajustes, font preuve d'une civilisation raffine. - -Je me suis laiss dire qu'un entrepreneur sjournant Mena House, s'est -amus faire un devis de ce que coterait aujourd'hui la Grande -Pyramide, leve avec l'aide de nos machines, et il arriva au chiffre de -six millions. Il serait curieux de savoir combien cette construction a -cot en son temps. - -Nous n'avons parl jusqu'ici que d'une seule pyramide; celle de Kphren -est aussi importante, et il en existe encore une grande et six plus -petites. Ce groupe de pyramides constitue la plus ancienne et la plus -belle des _sept merveilles du monde_, la seule du reste qu'il nous soit -encore permis d'admirer. - -A quelque distance de l nous nous trouvons face face avec le Sphinx, -dont la tte gigantesque se dtache rudement sur le bleu magnifique du -ciel. - -Le nez et la lvre suprieure manquent, ainsi que la barbe. Le contour -gnral des paules est visible, mais on a peine discerner d'autres -dtails dans le bloc de rocher o ce buste colossal fut taill. -Pourtant, en reculant sur l'troite plate-forme qui contourne cette -masse, on distingue vaguement le dessin d'un avant-bras et de quelques -doigts. Le dessin des yeux et des lvres est encore assez net pour qu'on -puisse y voir cet air d'impassibilit que les grands artistes gyptiens -ont donn leurs dieux et leurs Pharaons. Quel est le Pharaon que -reprsente ou qui fit construire le Sphinx? C'est un point sur lequel -les gyptologues ne sont pas d'accord. Il est certain en tout cas que le -sculpteur qui tailla ce buste chercha moins lui donner une -ressemblance qu' en faire en quelque sorte le symbole de la royaut -absolue. - -[PLANCHE 21: LE SPHINX ET LES PYRAMIDES DE GIZEH] - -Une excursion des Pyramides de Gseh au Sakkra est dlicieuse. Longeant -le dsert pendant une heure ou deux, nous dpassons les Pyramides de -Zniyer, et, continuant notre course pendant le mme espace de temps, -nous rencontrons encore tout un groupe de pyramides: mais, tout pleins -de celles de Chops et de Kphren, nous jetons un coup d'oeil peine -indulgent sur ces monuments trop ruins. Le paysage, droite, est en -contraste frappant avec celui de gauche: d'un ct, la rverbration -crue du grand dsert; de l'autre, une vgtation frache et reposante. -La large bande de couleur est coupe et l par des villages et par le -ruban gris des routes. Les collines du dsert arabe, beaucoup plus -imposantes que celles qui nous cachent le grand Sahara, constituent un -fond trs pittoresque. L'gypte est en vrit le Don de la Rivire. - -Une race part peuple cette contre. Le Bedari est trs diffrent du -_fellah_. Les Bdouins tablis autour des Pyramides depuis des sicles -sont mpriss par leurs frres nomades; ils ont d'ailleurs perdu les -qualits et les traits gnriques qui rendent ces derniers si -intressants. - -Nous arrivons bientt en vue du village de Mit Rahneh, qui s'lve sur -le site de Memphis. - -Des ornires dans le sable nous obligent choisir avec prcaution notre -chemin, et les sombres ouvertures des tombes creuses dans les falaises -basses, nous montrent que nous sommes dans un vaste cimetire. Des -dbris de tombes violes jonchent le sol, mais la brillante lumire et -le scintillement du terrain sablonneux et sec font diversion au -sentiment d'horreur que nous ne manquerions pas d'prouver la vue d'un -cimetire europen ainsi profan. La _Pyramide marches_, entoure -d'autres pyramides plus petites, domine la scne. - -Aprs le djeuner, on nous conduit au Srapenen. Je n'ai point -l'intention de m'tendre sur l'intrt archologique que prsentent les -monuments clbres groups sous ce nom. La faon dont Mariette dcouvrit -les tombes d'Apis, en lisant un passage de Strabon, est raconte par -Amlia H. Edwards dans son livre _Mille lieues sur le Nil_. Les -impressions de cet auteur sur sa visite au Sakkra me dispensent de rien -ajouter sur ce sujet. Je n'ai d'ailleurs pas de souvenir notoire de ma -promenade sous les votes basses, pauvrement claires, qui contiennent -les sarcophages des taureaux sacrs. - -La tombe de Tyi, qui fait poque dans l'histoire de l'art, m'a intress -davantage. Les bas-reliefs qui ornent les murailles de ce spulcre de la -cinquime dynastie, peuvent se comparer aux travaux d'art plus solides -de la dix-huitime dynastie. Le dveloppement de l'gypte ne fut point -continu. Parvenu son apoge au cinquime sicle, il dclina, puis -cessa presque d'tre pendant les sicles suivants; il reprit nouveau -au onzime sicle, pour s'arrter compltement pendant les ges sombres -de Hyksos. Mais l'Art, en cette race privilgie, semble tre immortel, -car peine les Thothiens eurent-ils dbarrass leur pays des tyrans -trangers, qu'il reconquit rapidement sa gloire passe et la surpassa, -avant que Ramss II ne le plit au joug de sa glorification personnelle. - -Ici, de mme que dans les oeuvres vues Debr-el-Bahri, la qualit de la -pierre a permis le travail le plus dlicat, et les silhouettes, dans les -deux cas, sont fermement et purement dessines, bien que le relief en -soit trs lger. Comme elles sont trs colores, un relief plus accentu -tait inutile. Malgr le grand laps de temps qui spare les deux -oeuvres, beaucoup de caractristiques semblables se retrouvent dans le -temple de Hatshepsu, Dr-el-Bahri, et il est vident que l'art de ce -temple n'est que le dveloppement de celui de ces peintures murales. - -Nous reviendrons plus longuement sur l'oeuvre de la dix-huitime -dynastie qui, quoique plus subtile et plus fine, nous tonne moins que -ces admirables reliefs de Tyi, qui sont les premires manifestations -d'un art vivant, survenant aprs une priode de dcadence. L'tude des -tombes de Sakkra nous apprend apprcier la collection unique du muse -du Caire que la ncropole a enrichi de plus d'une oeuvre rare. - -En allant Bedrashu, o nous prenons le train pour le Caire, nous -remarquons des monceaux de ruines qui marquent l'emplacement de Memphis, -et les deux colossales statues de Ramss II. Les villages que nous -rencontrons, avec leurs _combumbarius_ en forme de gigantesques pylnes -et leur pais rideau de palmiers, sont un peu levs au-dessus du niveau -de la plaine, et, de loin, paraissent autant d'les sur une mer -d'meraude. Pendant la crue du Nil, ils deviennent vraiment des les au -sol merveilleusement fertile. Des troupeaux qu'on ramne du pturage, et -bien d'autres pittoresques scnes champtres, rappellent les peintures -murales du temple de Tyi, auxquelles elles servirent de modles, -peut-tre, il y a quelque mille ans. Ces tendues de champs verts se -prtent pourtant encore mieux tre peints lorsque le soleil a dor les -pis, et que la moisson est en train. Les instruments aratoires -perfectionns sont peu connus ici, et le travail du _fellah_ se fait -peu prs de la mme manire qu'il se faisait au temps des Pharaons. - -[PLANCHE 22: AAHMES, MRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI] - -Les femmes, revenant de la rivire, des cruches pleines sur la tte, -sont vtues comme leurs soeurs des villes, mais non voiles. Le -_yashmak_ rendrait leur dur labeur intolrable. Mais elles dtournent -les yeux en rencontrant des _Firangi_, ou ramnent sur leur visage le -voile qui coiffe leur tte, preuve que l'antique loi vit toujours en -elles. - -Le paysage, pendant les 15 kilomtres de voyage en chemin de fer, est -magnifique; les lueurs du couchant donnent un vif relief au Gebel Turra, -et au del de Helouan, sur la rive du Nil, de dlicates ombres violettes -estompent les masses rocheuses sur le fond de ciel noy d'or. Les -villages se silhouettent finement contre la pnombre du dsert Lybien, -et les groupes de palmiers se dressent dans l'air calme. Avant d'arriver -au Caire, les rails suivent la rive; la lumire, rose prsent, -idalise les voiles des _gyassas_ et se rpte, en ton plus doux, sur -les lointaines collines du Mokattam. Prs de Zreh, le clair-obscur -prte son mystre quelques personnages sur le bord du Nil, et la -petite ville elle-mme, peu intressante la lumire crue du jour, -s'enveloppe cette heure d'un charme dlicat. Peu aprs, nous arrivons -au Caire, fatigus, mais heureux de cette belle soire qui couronne une -passionnante journe. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XI_ - -D'ALEXANDRIE AU CAIRE - -LA ROUTE DU CAIRE, _vi_ ALEXANDRIE. || LES ANTIQUES PAYSAGES DU DELTA. -|| LE SPULCRE DU SAINT SEYID-EL-BEDAWI. || UNE MISSION DLICATE. || -VOYAGE EN DAHABIYEH. - - -Je quittai l'gypte peu aprs ma visite Sakkra, et les hivers -suivants me trouvrent travaillant en Europe. Je songeais souvent avec -une sorte de nostalgie au climat ensoleill de la valle du Nil; -frissonnant dans quelque ville italienne, ou cherchant m'abriter de la -pluie en France ou en Angleterre, je pensais avec regret cette -dlicieuse excursion Sakkra. Une commande d'aquarelles gyptiennes me -permit enfin de reprendre la route du Caire, _vi_ Alexandrie cette -fois. - -La route du Caire, _vi_ Alexandrie, donne une autre ide de la contre -que le voyage de Port-Sad. - -J'ai essay de dcrire la route de Port-Sad; il peut tre intressant -de me suivre dans mon voyage travers le Delta jusqu' l'gypte -suprieure. - -Pendant la premire heure de ce voyage on passe travers de prospres -faubourgs, btis grands frais avec un minimum de got artistique. Le -manque d'ombre et peut-tre le dsir de cacher les fautes d'architecture -ont pouss les propritaires de ces btisses soigner tout -particulirement les jardins, ce qui fait que ces constructions sont -pour la plupart entoures d'un fouillis d'arbres et d'arbustes qui les -drobent aux regards. - -Le train longe la cte sur une longueur de quelques kilomtres, mais ds -que la partie nord du Lac Maryt est contourne, nous nous trouvons dans -les riches terres du Delta et le paysage change compltement. Plus de -villas; l'oriental _tarboush_ fait place au turban du _fellah_; -l'automobile est remplace par l'ne ou le chameau. Les villages n'ont -pas d se transformer beaucoup depuis le temps des Enfants d'Isral, -employs au service peu profitable des Pharaons. Les maisons, comme -alors, sont bties en briques faites de boue dessche; on y voit les -mmes toits de chaume ou de troncs de palmiers; les dmes aussi devaient -exister dans ce temps-l, car nous retrouvons cette forme de toiture -dans les documents dynastiques. Chaque envahisseur respecta les choses -tablies, comme convenant le mieux la contre, et bien que le culte -d'Isis ft remplac par celui du Christ, puis tous deux par le puissant -Islam, il n'y eut l, en somme, qu'une volution morale, qui n'altra -point le paysage, et l'aspect de cette partie de l'gypte changea moins -en quatre mille ans que celui d'un comt anglais en quatre sicles. - -Le minaret, qui indique le changement de foi, est fort rare ici, tous -les matriaux de construction tant trs chers. Un enclos carr de -briques en boue dessche au soleil, orn de motifs arabes autour de -l'entre, sert de mosque au village. Sur les toits des maisons schent -des graines, des lgumes ou des plantes, et l'on y remarque souvent des -cruches brises o les tourterelles font leurs nids. Les hommes et les -btes vivent ensemble. Un excellent systme d'irrigation a tendu la -partie de terres cultives, mais le spectacle qui frappe notre vue -aujourd'hui diffre probablement peu de celui que rencontraient les yeux -de Joseph lorsqu'il exploitait les terres du Pharaon. - -Le magnifique paysage s'tend vers l'est, parsem de villages, coup de -temps autre de bosquets de palmiers. Le grincement d'un _sakiyah_ -nous arrive travers le bruit du train et un archaque moulin eau, -actionn par un buffle, passe devant nos yeux. - -Nous ne voyons point encore le Nil, bien que de tous cts nous -admirions sa gnreuse influence. Nous apercevons pourtant le Mahmdieh -Canal, la grande oeuvre de Mohammed Ali, qui fertilisa ainsi Alexandrie -en la reliant aux grandes eaux d'gypte. De temps autre aussi, le ciel -et le paysage se mirent dans les nombreux canaux de moindre importance -qui sillonnent le Delta. A la halte de Kafr-el-Zaiyt, le bras du Nil, -Rosetta est devant nous, et nous remarquons de nombreux btiments -chargs des produits de cette riche contre, apportant des poteries et -de la canne sucre de la Haute gypte. Quelques hangars surmonts de -chemines en fer rouill nous reportent aux laideurs europennes, mais -l'aspect pittoresque des bords du Nil et l'admirable lumire fluide qui -baigne le tableau nous font vite abandonner ce souvenir. - -Nous atteignons bientt Tanta, une ville florissante, mi-chemin entre -les deux bras de la rivire qui se sparent au Barrage, prs du Caire. -Le saint Seyid-el-Bedawi est enterr en cet endroit; son spulcre ne -prsente aucune beaut architecturale, mais il doit tre intressant de -voir les multitudes de plerins mahomtans y affluer le jour de _Molid_, -jour anniversaire de sa naissance. Malheureusement, ce jour tombe en -aot, au gros des chaleurs. - -Aprs Tanta, le train traverse la partie la plus riche de cette fertile -contre, mais le paysage est abm par de nombreux moulins nettoyer le -coton. Puis nous traversons le bras est du Nil en arrivant Bulh; -enfin, jusqu'au Caire, nous parcourons une contre dcrite au -commencement de ce livre. - -Mon amour de l'gypte et des choses gyptiennes me fait dtester le -quartier europen du Caire o je suis forc de demeurer. Quittant -l'Europe pluvieuse et froide, on devrait tre trop heureux de se trouver -sous ce beau ciel pur et dans ce soleil tincelant; malheureusement, le -vieux Caire qu'on dsire peindre n'offre rien de commun avec le Nouveau -o l'on est contraint de demeurer. Les habitants ont la mme mine -rbarbative que leurs demeures. Leur seule raison d'tre est d'ailleurs -d'corcher l'tranger vite et bien, et de se retirer aprs fortune -faite... Ah! ce morceau d'Europe moderne n'est gure en harmonie avec sa -voisine, la pittoresque cit moyen-ge! Autrefois, un artiste pouvait -vivre au milieu des choses qu'il dsirait peindre; prsent, s'il -descend dans une auberge o peu de membres de la colonie anglaise -daigneraient s'arrter, il est oblig de payer des prix dignes de la -Riviera. Heureusement, ces deux dernires annes, je pus travailler dans -un milieu qui fut mieux ma convenance: la tente, la _dahabiyeh_, les -carrires, sont plus de mon got. - -La vie sur une _dahabiyeh_ est pittoresque et charmante. On peut -circuler peu prs partout, en gypte, sur ces bateaux; on s'y installe -confortablement et l'on y runit des amis: c'est l'idal! - -Une partie des terrains qui entourent les monuments historiques ont t -acquis par le Service des Antiquits et il est dfendu d'y camper. Ceci -est une mesure en apparence inutile. Cependant, elle est de grande -importance. Il serait difficile de rsister au dsir d'emporter quelque -prcieux dbris d'antiquits si l'on campait autour des excavations o -s'oprent les fouilles. Un Arabe vous offre un scarabe ou un _ushabti_ -bleut et vous vous demandez tout d'abord si l'objet est vritable, s'il -n'a pas t vol? Si l'Arabe est sr que son acheteur n'a rien de commun -avec le Service des fouilles, il avouera mme le vol, comme preuve de -l'authenticit de l'objet. Le Professeur Maspero, qui est la tte du -Service, me disait qu'on ne saurait trop observer cette rgle svre. -Mais, sans trop enfreindre le rglement, il aide comme il peut les -tudiants et les peintres qui dsirent sjourner autour des monuments. -Les Inspecteurs des Antiquits sont galement fort obligeants et -aimables. - -Le _Metropolitan Museum_ de New-York avait demand l'autorisation de -relever l'impression d'une partie des bas-reliefs du temple de -Hatshepsu, Thbes. Les maquettes devaient, autant que possible, tre -colories comme l'original afin de donner aux New-Yorkais une ide de la -plus dlicieuse ornementation murale de la dix-huitime dynastie. M. -Laffan, qui faisait les frais de l'entreprise, confia M. Currelly, qui -dirigeait cette poque les travaux d'excavation, le soin de surveiller -l'entreprise et de trouver un artiste capable de donner aux bas-reliefs -le coloris exig. Ce travail me fut offert, et, ayant obtenu de -consacrer la moiti de mes journes mes aquarelles, j'acceptai. Mon -sjour au Caire fut court, car Erskine Nicol m'ayant invit demeurer -sur sa _dahabiyeh_, alors Boulk, la _Mavis_ fut la base de mes -oprations jusqu' ce que le camp d'hiver de Thbes se ft form. Le -bateau subissait quelques rparations, mais mon hte, un frre artiste, -partageant mon dgot pour la vie d'htel et la soi-disant haute -socit, pensa avec raison que je leur prfrerais mme l'odeur des -vernis et le dsordre qui rgnait bord. - -Certaines parties de Boulk sont telles que par le pass, et le march -aux fruits et aux poteries, entre autres, est charmant. Je ne me -souviens pas d'avoir jamais travaill parmi des gens aussi curieux que -les habitants de ce coin de Boulk. Mon fidle Mohammed ne pouvait -m'accompagner, malheureusement; un mot de lui un agent de police, la -parent imagine du _Hawaga_ ou d'un _Moufetish_ quelconque m'auraient -assur la paix. Le retour la _dahabiyeh_ est vraiment une joie, aprs -une journe de travail, chaude et encombre de mouches et autres -parasites. Le soir, les bruits provenant des travaux cessaient, les -clameurs alentour s'apaisaient, seul le clapotis des rames troublait le -calme de la nuit pendant que nous fumions nos cigarettes sur le pont. - -Le voyage en _dahabiyeh_, jusqu' Thbes, est un rve. J'avais descendu -la rivire bord de la _Mavis_, le printemps pass, et je fus dsol de -refuser l'invitation de mon ami. Je convins de le rejoindre Karnk, -lorsque la saison des travaux de Dr-el-Bahri serait termine. Un voyage -d'une nuit par le train du Luxor est certainement plus prosaque qu'une -excursion en _dahabiyeh_, mais ce dernier mode de locomotion m'aurait -fait perdre trois semaines. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XII_ - -THBES - -EN ROUTE POUR LE CAMPEMENT, DANS LA CIT DES RUINES. || LE VILLAGE DE -KURNAH. || LES TOMBES VIVANTES. || LA HUTTE DE PIERRE, PRS DU TEMPLE DE -HATSHEPSU. || MON INSTALLATION. || UNE PREMIRE NUIT A LA BELLE TOILE. - - -J'arrivai Luxor le 1er dcembre. Le train avait quelques heures de -retard, mais cela n'tait pas pour me surprendre. Quelques personnes -m'attendaient. On mit dos de chameau mon bagage; mes ustensiles de -peintre voisinrent dans un panier avec une norme provision de botes -de sardines. Dans un autre panier on plaa un sac de _pltre de Paris_ -qui pesait plus que ma valise, ainsi que des bougies et encore des -botes de sardines. Que de sardines!... - -Monts sur des nes, Mohammed Effendi, qui reprsentait la Socit -d'Exploration gyptienne, et moi, nous nous mmes en route, suivis du -_commissarel camuel_. Un demi-kilomtre de boue sche et de sable -spare la rivire des terrains cultivs: nous le franchmes au galop, -laissant le chameau et son guide loin derrire nous. Aprs avoir dpass -des jardins enclos de murs, et travers le pont d'un canal, nous -descendmes dans la large plaine verdoyante qui s'tend de la ncropole -de Thbes la rivire. Les colosses d'Amenhotep III s'lvent la -limite des terres cultives, et, leur gauche, au bord mme du dsert, -on aperoit les pylnes du grand temple de Medinet Habu. Les ruines du -Ramesseum sont en partie caches par des arbres, et l'amphithtre que -forment les rochers derrire le temple de Dr-el-Bahri est peine -visible au loin. Aprs une marche de deux kilomtres, nous laissons les -colosses notre gauche, mais nous voyons encore leurs bases assombries -par les inondations annuelles du Nil. Nous passons auprs du pylne -bris du Ramesseum qui s'lve juste au-dessus de la plaine fertile que -nous allons quitter. Ici, nous devons choisir notre chemin entre des -monceaux de dbris, des tombes et des ornires, et cela continue ainsi -jusqu'au village de Kurnah, qui se trouve sur un plateau lgrement -surlev. - -[PLANCHE 23: LE RAMESSEUM, A THBES] - -Nous montons entre les huttes du village. Des gamins demi nus qui -poursuivent des volatiles sont pour nous, dans ce vaste cimetire, un -signe de vie rjouissant. Une femme apparat l'entre d'une large -excavation et crie aux enfants de laisser les poules tranquilles. En -regardant d'en haut, nous voyons que cette ouverture n'est qu'une tombe -de plus, et que ces gens en ont fait leur demeure. Une ou deux btisses -de briques, basses et carres, forment l'habitation des riches; tous les -autres habitants de ce grand village occupent les tombes. Une muraille -enclt une cour, dans laquelle nous remarquons de bizarres objets, comme -de gigantesques champignons aux bords retourns et qui seraient en boue -dessche. Plusieurs d'entre eux contiennent en ce moment de la paille -ou des crales; ce sont les demeures d't des pauvres gens que les -scorpions ont chasss des tombes. Dans le creux o le dormeur se blottit -pour la nuit, nous remarquons deux espces de coquetiers, assez grands -pour contenir une _kulla_ ou cruche eau, taille dans une pierre -poreuse. Quelques habitants fortuns du village possdent plusieurs -tombes ranges en cercle autour de la cour centrale. Alors, l'une sert -de dortoir, l'autre de cuisine, une troisime d'table. Les habitations -diffrent selon la nature des tombes. Parfois, une hutte en constitue la -premire partie, et la tombe, laquelle mnent quelques marches, -reprsente le fond. Nous remarquons plus bas quelques spulcres ferms -de lourdes portes de fer, et munis de numros officiels. Ils sont moins -pittoresques que ceux que nous avons vus tout d'abord, mais ils sont -apparemment de plus d'importance. De fait, ce sont les tombes du Cheik -Abd-el-Kurnah, dont nous parlerons plus tard. Quelques ruines voquent -en moi l'image d'un antique monastre copte; j'apprends que ce sont les -dcombres d'une maison datant du sicle dernier, o demeura Wilkinson. -Il y recueillit des notes pour son livre _Moeurs et coutumes des Anciens -gyptiens_, livre considr comme surrann par beaucoup de gens, mais -fort intressant cependant, et savamment illustr par l'auteur. -Wilkinson mourut d'un accident d'arme feu dans cette maison o il -avait travaill si longtemps. Sur le point de mourir, il eut peur que -ses gens ne fussent souponns, et, faisant mander l'_omdeh_ (chef du -village), il l'assura que sa mort n'tait cause que par sa propre -maladresse. - -Le grand amphithtre que forment les falaises encerclant demi le ct -ouest de la valle de Dr-el-Bahri, s'ouvre devant nous. Le temple de -Hatshepsu, avec ses terrasses et ses colonnades, en occupe la base, -et fait face au temple de Luxor, 4 kilomtres de l, sur la rive -oppose du Nil. Une hutte de pierre, tout ct du temple, m'intresse -vivement: pendant cinq mois, cette hutte me servira de demeure. Un nuage -de poussire qui s'levait gauche du temple et les voix des ouvriers -nous apprirent que les travaux d'excavation taient en train. - -[PLANCHE 24: DER-EL-BAHRI] - -Mon ami Currelly tait occup; je fus reu par un Amricain charmant qui -me prsenta trois jeunes Arabes: le cuisinier, le matre d'htel et le -valet; ils me baisrent respectueusement la main, puis me dvisagrent -avec curiosit. M. Dennis, s'instituant mon hte, envoya Albrikman, le -chef, prparer le th, et Bulbul, le matre d'htel, couvrit d'une nappe -la caisse qui servait de table. Comme nous avions laiss le _commissarel -camuel_ sensiblement en arrire, je fus inform que mes bagages -n'arriveraient pas avant une heure; je me rendis donc dans la tente -contigu la hutte, pour rparer tant bien que mal le dsordre de ma -toilette. Un long sifflement et l'exclamation de ce qui me parut tre -une arme de travailleurs, m'avertirent que le labeur du jour avait pris -fin. Un chien ayant aboy, le son fut rpercut encore et encore, et -l'on et dit que tous les roquets de la contre donnaient de la voix. -Passant ma tte par l'ouverture de la tente pour demander une serviette, -le mot _serviette, serviette, serviette_ me revint en chos successifs. -Tout s'accordait pour rendre ma nouvelle demeure bien trange. - -Le soleil s'tait couch au fond de la valle; le creux qui, en plein -jour, tait enlaidi de monceaux de dbris, tait prsent noy d'une -ombre douce et bienfaisante. Le th, la beaut croissante du paysage, me -mirent en excellente humeur. Nous fmes rejoints par un second membre de -la famille, un major Griffith, et bientt Currelly vint en personne -partager notre repas. J'appris que, des difficults tant survenues dans -l'organisation des fouilles, je ne pouvais commencer mon travail. Nous -discutmes la question jusqu' l'obscurit complte, clairs simplement -par quelques bougies poses sur notre table improvise. - -[PLANCHE 25: STATUE DE RHAMSS II, AU TEMPLE DE LUXOR] - -Le chameau tant enfin arriv, je commenai mes prparatifs pour la -nuit. La hutte possdait deux pices vides ouvrant sur la salle commune, -et un large cabinet de dbarras rserv aux _trouvailles_, et qui -sentait vaguement la momie et la souris. Les deux pices tant -destines deux dames qui devaient nous arriver du Caire le lendemain, -je commenais me demander o je coucherais moi-mme, et regretter -les htels modernes, hier mpriss, lorsque Bulbul apparut, portant un -lit indigne qu'il plaa entre deux monceaux de _trouvailles_. Achmet -suivit avec un matelas, et ma chambre fut bientt prte. Mon ami -semblait tonn de mon peu d'habilet me diriger dans l'obscurit, -parmi les dbris de temple dissmins un peu partout. Je l'assurai que -beaucoup de mes compatriotes souffraient de la mme infirmit, et il me -conduisit obligeamment la hutte. Une tente ct de nos deux lits (je -ne vis celui de mon ami que lorsque je l'eus heurt dans l'ombre) devait -nous servir de cabinet de travail. Mon ami est Canadien et, ayant camp -presque toute sa vie, soit dans son pays, soit en gypte, il est un -matre organisateur sous ce rapport. Notre salle manger nous parut, -par contraste, brillamment claire. Mes yeux coururent la table: je -m'attendais un plat monstre de sardines relev de _pickles_. Mais non, -Achmet apparut avec de dlicieux hors-d'oeuvre d'anchois l'huile, puis -Bulbul le suivit, porteur d'une soupe acceptable. Les bouchons sautrent -bientt joyeusement, et le dner fut assaisonn de la meilleure des -sauces: la gaiet et le bon apptit. - -Les histoires varies des quatre convives rendaient la conversation -intressante. Le Major avait servi quatre ans en Afrique pendant la -guerre des Bors; Currelly avait pass une saison avec Flinders Petrie, - explorer la Pninsule Sinatique; Dennis, qui est Amricain du Sud, -avait une collection divertissante d'anecdotes, et moi-mme, je pus -placer propos quelque curieux ou rjouissant pisode. On menait une -vie srieuse et rgle au campement; la lune ayant clair notre chambre - coucher, je gagnai mon lit sans encombre. - -[PLANCHE 26: LES COLOSSES DE THBES] - -On s'habitue difficilement dormir la belle toile. Des chiens qui -aboyaient intervalles rguliers, me firent prvoir une nuit blanche. -Tout d'abord, intress par la nouveaut de mon entourage, je -considrai cette perspective sans ennui. L'air tait dlicieusement -frais et la lune faisait paratre les rochers environnants plus -majestueux encore. A un certain moment, les chiens se taisant, j'eus la -sensation de tomber dans une agrable inconscience. Mais le hurlement -d'un chacal rveilla les chiens: ombres de Thbes, quel vacarme! Enfin, -je parvins m'endormir. - -Je rvai que le vacarme avait veill les morts et que de chaque tombe -les momies sortaient. Bientt, je crus tre moi-mme une momie. La -pierre tombale qui me recouvrait essayait de se soulever. A chacun de -ses efforts, un frisson mortel me secouait. Une trange sensation de -libert reconquise, comme si la pierre se ft tout coup envole, -m'arracha mon sommeil, et j'observai qu'une lourde couverture -tunisienne venait de tomber de mon lit, enleve par un coup de vent -violent. Dans mes efforts pour la rattraper, je me cognai contre un des -gardiens de nuit qui tait accouru mon secours et qui m'aida la -reprendre. Nous en couvrmes le lit, en l'assujettissant au moyen de -lourds morceaux d'une statue d'Osiris. J'avais les yeux et les oreilles -pleins de gravier et de poussire et le cou gratign. Des appels -dsesprs retentirent l'instant d'aprs: le Major, emptr dans les -toiles qui protgeaient sa couchette, cherchait se dgager et appelait - l'aide. Puis, ce fut Dennis qui, ne voulant pas risquer d'tre -enseveli sous sa tente, allait chercher un refuge dans la hutte. On -veilla Currelly grand'peine!... Griffith et Dennis s'arrangrent pour -passer le reste de la nuit dans la hutte; quant Currelly et moi, la -tte enveloppe dans de vastes mouchoirs, nous rintgrmes nos lits -et, bercs par la tourmente, nous nous abandonnmes de nouveau au -sommeil. - -Le soleil, se levant sur les collines au del de Luxor, m'veilla. Le -vent tait compltement tomb. - -Des groupes d'ouvriers apparurent bientt, silhouettes sombres dans la -brume lumineuse du levant. A sept heures, trois cents hommes et jeunes -garons taient rangs prs du camp et rpondaient l'appel de Mohammed -Effendi. Je pus enfin procder une toilette en rgle. Cette nuit au -grand air m'avait affam et j'aurais embrass Bulbul lorsque, devinant -mes dsirs, il m'apporta une tasse de th. Ce nom de _Bulbul_ ne m'tant -point connu, j'interrogeai le jeune garon. Il m'avoua que ce nom tait -celui d'un oiseau qui chante trs bien (le rossignol, ainsi que je le -compris plus tard), et qu'on l'avait surnomm de la sorte en raison de -son talent de chanteur. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XIII_ - -LE TEMPLE D'AMMON - -COMMENT ON OBTIENT UNE EMPREINTE D'UN BAS-RELIEF. || UNE PYRAMIDE SUR UN -TEMPLE. || LA MYSTRIEUSE VACHE DE HATHOR. || QUELQUES DTAILS -HISTORIQUES AUTOUR DU TEMPLE DE LA REINE HATSHEPSU. || L'EXPDITION EN -PONT. - - -Aprs le djeuner, j'allai avec Currelly au temple de Hatshepsu, pour me -rendre compte de la manire dont on pourrait relever le contour des -bas-reliefs sans endommager les murailles. Nous nous fmes accompagner -de quelques ouvriers que mon ami savait tre experts dans la fabrication -des fausses antiquits, et nous nous munmes de cire modeler et de -feuilles de papier d'tain. Choisissant pour notre exprience un -bas-relief des plus simples, nous le couvrmes d'une feuille de papier -d'tain, et, avec une lgre pression, nous obtnmes le dessin des -contours. Les contours les plus accentus furent obtenus l'aide d'une -brosse de crin avec laquelle nous fmes pntrer partout la feuille de -mtal souple. La cire, aprs avoir t chauffe au soleil, fut place -sur la feuille d'tain, puis nous attendmes que le froid de la pierre -l'et nouveau durcie. - -Il fallut ensuite retirer le moule avec son revtement de cire et le -poser sur une surface unie. Ceci fait, nous obtnmes un bas-relief -argent qui nous parut trs satisfaisant et le _Quies keteer_ des -fabricants d'antiquits nous fit grand plaisir. Le moule fut emport -la hutte, et, aprs l'avoir enduit de graisse, j'en pris une empreinte -au pltre. Nous laissmes le pltre se durcir son tour et nous allmes -voir ce qui se passait dans le nuage de poussire qui flottait au-dessus -des fouilles, gauche du temple de Hatshepsu. - -La Socit d'Exploration gyptienne a obtenu la concession des fouilles -du temple de Hatshepsu en 1903, aprs que les travaux commencs dans le -temple voisin, moins ancien, eussent t remis au Service des -Antiquits. Le Professeur Naville offrit ses services pour cette -entreprise, et, avec le concours de M. Henry Hall, du Bristish Museum, -et plus rcemment, de C. F. Currelly, il termina les travaux en trois -ans. Tout en gravissant les trois terrasses, nous remarquons la -similitude de ce plan avec celui du sanctuaire de Hatshepsu, rig -quelque sept sicles plus tard. Il y a cependant un dtail qui distingue -le temple de Mentuhotep II; c'est la ruine d'une pyramide sur la -troisime terrasse. C'est le seul exemple que l'on rencontre d'une -pyramide faisant partie d'un temple, et la singularit de cette -construction a t l'occasion d'tudes intressantes. Un papyrus -conserv au Muse de Turin relate que le Pharaon (un des derniers -Ramss) avait nomm une commission pour visiter les tombes de ses -prdcesseurs et dresser un rapport sur l'tat de ces tombes. Le rapport -mentionne que la tombe de Mentuhotep II tait intacte, mais il n'indique -pas son emplacement; toutefois, le dessin d'une pyramide faisait suite -au passage qui avait trait cette construction. Ceci dcida le -Professeur Naville rechercher la tombe sous cette pyramide. Il ne la -trouva pas, mais il fut rcompens de ses travaux par la dcouverte de -six statues de Usertesen III, dont trois sont actuellement au British -Museum, et les trois autres au Caire. Comme ce monarque appartient une -dynastie plus rcente, la douzime, il y a l un problme de plus ajout - tous ceux que nous offre ce temple. - -Une tombe de femme a t mise jour quelques mtres de la pyramide; -quelques fresques, bien conserves, datant de la onzime dynastie, qui -couvraient l'extrieur de ce spulcre, sont trs intressantes, quoique -grossires. Quant l'emplacement de la dernire demeure de Mentuhotep, -il reste toujours un mystre. - -Les fouilles ont t continues dans la base des rochers qui se trouvent -derrire le temple; des dbris de pierre calcaire ont t enlevs, et -une couche infrieure avait peine t entame, que, la grande -surprise de M. Dalison qui dirigeait les travaux cette poque, une -masse de roc glissa, laissant dcouvert une cavit, et la tte et les -paules d'une vache de Hathor. L'hiver de 1906 Thbes fut fertile en -surprises; mais celle-ci fut une des plus intressantes, en raison de la -beaut de la sculpture et de son parfait tat de conservation. Currelly -qui accourut avant mme que la trouvaille ne ft dbarrasse de sa -poussire, me donna tous les dtails. - -Les travaux durent tre trs prudemment mens. Les ouvriers indignes -s'intressent vivement la dcouverte d'objets de valeur et perdent -facilement leur sang-froid. Si l'on n'observe pas les plus grandes -prcautions, les fouilles dans ces rochers peuvent amener des -boulements funestes. La cavit o apparaissait cette tonnante tte de -vache, demandait une tude spciale. On s'aperut d'abord qu'elle avait -un toit en forme de vote; les peintures murales, fort bien conserves, -ne laissaient aucun doute sur l'poque de la construction. Il est -regrettable que cette construction n'ait point t laisse intacte. Les -autorits du Muse du Caire, naturellement dsireuses d'ajouter leurs -collections un si beau spcimen de la sculpture de la dix-huitime -dynastie, firent valoir les risques que courrait la sculpture si on la -laissait en cet endroit. De son ct, l'Inspecteur local des Antiquits, -M. Weigall, demandait qu'on laisst la caverne intacte, en se dclarant -prt assumer toute responsabilit. Les grilles de fer qui auraient t -ncessaires pour protger la vache de Hathor contre les actes de -vandalisme ou contre les chercheurs de reliques, auraient certainement -nui l'aspect du monument, mais, situe dans cette niche, prs du -sanctuaire de Hatshepsu, combien mieux dans son cadre elle aurait t -qu'au Muse du Caire! - -La gravure ci-contre reprsente la terrasse suprieure du temple de -Mentuhotep, avec la base en ruines de la pyramide, droite. La partie -sud du temple, plus rcente, est au milieu, et les collines qui -entourent la valle forment le fond. La seconde cavit, gauche, est -celle o la vache de Hathor fut trouve, mais, bien qu'elle soit -proximit du temple de Mentuhotep, elle n'a rien de commun avec ce -sanctuaire. Le sanctuaire de Hathor fut lev sur les ordres de la reine -Hatshepsu aprs que l'autre, dont nous retrouvons les traces, ft tomb -en ruines. Tous deux furent restaurs plus tard, sous Ramss II. - -[PLANCHE 27: RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THBES] - -L'excavation, l'extrme gauche de la gravure, concentra tout l'intrt -des fouilles de cet hiver. On avait trouv l'entre d'une tombe trs -intressante, et, pensant qu'il s'agissait de la tombe recherche par le -Professeur Naville, on attendit l'arrive de ce dernier pour l'ouvrir. - -De retour la hutte, nous procdmes l'ouverture du moule de cire. -Une impression se trouvait bien reproduite, mais le papier de plomb qui -servait empcher la cire de dtriorer le coloris de la muraille, -avait arrondi les bords des incisions qui donnent tant de vie au travail -original. La cire n'avait pas pntr assez profondment, et il nous -fallut corriger minutieusement les angles trop arrondis. Une autre -difficult se prsentait: la cire qui s'tait bien durcie sur la -surface froide de la muraille, s'tait ramollie avant d'avoir t -recouverte de pltre, et certains reliefs s'taient empts. - -Avant de commencer le moulage de la seconde pierre, nous tendmes notre -cire sur une table de fer, chauffe par une lampe alcool. A l'aide de -baguettes de bois, nous pressmes le papier d'tain dans les creux de la -sculpture, et, la cire tant plus mallable, elle fut plus facile -appliquer dans ces mmes creux. En employant du pltre de Paris, nous -n'aurions eu craindre aucun affaissement, mais nous avions promis au -Professeur Maspero de ne pas nous en servir dans le temple, de crainte -qu'un ouvrier maladroit n'en clabousst les murs. Une seconde couche de -cire plus paisse donna quelque rsultat, mais comme les pierres du mur -n'taient pas toutes gales de surface, nous ne pouvions viter certains -creux. Cet inconvnient n'aurait pas t si grave s'il ne s'tait agi -que d'une seule pierre, mais cette partie de la muraille tait forme de -deux cents pierres environ, et il fallait des raccords exacts. - -Il ne m'tait pas facile, avec ma connaissance trs imparfaite de la -langue arabe, d'instruire dans un art que je devais apprendre moi-mme -les paysans qui m'aidaient. Currelly me seconda de son mieux, mais -aprs l'arrive du Professeur Naville, l'ouverture de la tombe dans le -temple de Mentuhotep absorba tout son temps et tous ses efforts. Je -trouvai heureusement les six Arabes qui m'aidaient fort intelligents et -prenant beaucoup d'intrt leur travail. Au fur et mesure que les -rsultats se perfectionnaient, nous augmentions leurs gages, et lorsque -je fus certain que les moulages ne pouvaient tre meilleurs, leur -salaire tait le triple de celui qu'ils recevaient aux fouilles. Il faut -dire en passant que _el Kompania_, comme ils nomment la Socit -gyptienne d'Exploration, rtribue fort mal ses ouvriers, et je suis sr -que seule la perspective de pouvoir subtiliser quelques scarabes ou -morceaux d'antiquits, les dcide travailler vil prix. - -A propos de ces reproductions, quelques dtails sur leurs originaux et -sur le temple o ils se trouvent ne seront point dplacs ici. - -[PLANCHE 28: SENSENEB, DANS LE TEMPLE DE HATSHEPSU, A DER-EL-BAHRI] - -Makere-Hatshepsu est la premire souveraine d'une grande contre dont -nous parle l'Histoire. Fille de Thothms I, elle avait galement droit -au trne par sa mre, Ahms, qui descendait d'une longue ligne de -princes thbains. Ses deux demi-frres, Thothms II et Thothms III, -contestaient ces droits. Bien que leurs prtentions ne fussent point -aussi justifies que celles de leur demi-soeur, leur sexe les dsignait -au choix de leurs sujets. Des deux frres, Thothms II avait plus de -droits par sa naissance, sa mre tant princesse, alors que la mre de -Thothms III n'avait t qu'une obscure concubine. Mais Thothms III -apporta une heureuse solution au problme en pousant sa demi-soeur. -Pendant un certain temps, les deux poux rgnrent conjointement, et -pendant que Thothms agrandissait le temple de Karnk, Hatshepsu levait -ce sanctuaire qu'elle consacra Ammon. Mais le pays eut souffrir de -la discorde qui rgnait entre les deux poux, et Thothms II ne manqua -pas d'exploiter son profit le mcontentement de la population. Tout -d'abord, la reine fut dpossde par son mari et l'on donna ordre -d'effacer son image des murailles encore inacheves du temple. Le parti -de Thothms II plaa celui-ci sur le trne. Mais son rgne fut de courte -dure, et, sa mort, les partisans de Hatshepsu furent assez puissants -pour la rtablir sur le trne. Elle rgna jusqu' la fin de sa vie, et -l'embellissement du temple d'Ammon fut son oeuvre principale. - -Les prtres d'Ammon, qui taient ses partisans fervents, firent tout au -monde pour affermir son prestige aux yeux du peuple. Dans la colonnade -nord, l'histoire de sa naissance divine est dpeinte: son pre -terrestre, Thothms I, est entirement ignor, et une belle srie de -bas-reliefs reprsentent Ahms devant Ammon Ra; les hiroglyphes -rapportent les paroles du dieu: Hatshepsu sera le nom de ma fille... -Elle rgnera sur toute cette contre. Plus loin, l'enfant nouveau-n -est reprsent comme un garon, et, plus loin encore, la reine couronne -par les dieux porte une barbe et est vtue de la courte jupe d'un roi. -Thothms n'apparat que dans la scne finale o, devant la cour -assemble, il reconnat la reine comme souveraine du pays. Le parti de -la reine avait eu soin de faire graver certaines inscriptions pour -renforcer son autorit. Son prdcesseur est reprsent, disant: Vous -proclamerez sa parole; vous serez unis sous son commandement. Celui qui -lui rendra hommage vivra; celui qui parlera de sa majest en blasphmant -mourra. - -Bien que tardivement raconte, cette lgende trouva crance dans le -peuple qui de tout temps avait regard les Pharaons comme les -descendants terrestres du dieu-soleil, et, malgr son sexe, Hatshepsu -continua de rgner jusqu' la fin de sa vie. - -La contre de Pont est regarde comme le berceau des dieux; les -gyptologues la placent l'extrme-est de l'Afrique, connu prsent -sous le nom de Somaliland; de temps immmorial on y rcoltait la myrrhe -dont on offrait l'encens sur les autels. Planter de myrrhe les terrasses -de son temple, devint l'ambition de la reine. Cinq navires furent -quips et envoys sur le Nil, un endroit o un canal relie le fleuve - la mer Rouge. Ils sont reprsents dans la colonnade portant la -dsignation de _l'Expdition en Pont_ et une large raie bleue qui se -droule au-dessous figure l'eau o se jouent de nombreux poissons du -Nil. Lorsque ces mmes vaisseaux sont reprsents sur les ctes de Pont, -les poissons particuliers la mer Rouge figurent leur tour. Des -hommes chargs d'arbres myrrhe gravissent les chelles des navires; un -lourd chargement se trouve dj embarqu, et quelques singes se -promnent et l. La structure et la mture de ces vaisseaux sont -rendues avec une tonnante fidlit. - -Des hiroglyphes relatant cette expdition couvrent les espaces vides de -l'arrire-plan. - -Le sujet de la muraille sud nous transporte dans la contre de Pont. Les -envoys de la Reine sont reus par le souverain de la contre; la pierre -o est reprsente l'norme pouse du souverain, ne se trouve -malheureusement plus ici; elle est au Muse du Caire. Des bestiaux -cornes courtes sont offerts au roi; un village de Pont bti sur pilotis, -sert de fond. Ailleurs, des indignes transportent les arbres sur les -navires; leur type, trs diffrent de celui des gyptiens, a sans doute -t minutieusement observ d'aprs les quelques habitants de Pont qui -accompagnrent l'expdition son retour Thbes. Beaucoup de pierres -manquent, elles se trouvent dans les diffrents muses europens. - -La couleur a disparu des portions de la muraille qui furent exposes aux -intempries. Les ocres rouges et jaunes ont rsist la lumire, mais -sont parfois rafls par les tourbillons de sable. Les parties noires -qui ont t exposes au soleil sont entirement effaces, ainsi que les -bleus et les verts que l'on ne retrouve que dans les creux profonds. - -L o les peintures ont t protges du soleil, de la pluie et du vent, -elles ont gard toute la fracheur de coloris qu'elles avaient il y a -trois mille cinq cents ans, lorsqu'elles furent excutes par les -artistes la solde d'Hatshepsu. - -Il semble n'y avoir eu que peu de mlange de couleurs. Les artistes -employaient une nuance conventionnelle pour chaque objet reprsent par -le relief, sans faire aucun effort pour employer la teinte exacte; mais -il y a dans l'ensemble beaucoup de richesse et de pittoresque. et l, -la pluie et la lumire, en attnuant les tons, ont mis sur ces -bas-reliefs une patine admirable. - -M. Somers Clarke, architecte honoraire de la Socit d'Exploration -gyptienne, a reconstitu les fragments absents de la colonnade sur -laquelle se trouvent ces bas-reliefs uniques, et M. Howard Carter a -pass deux annes surveiller les travaux. Il reste davantage faire -pour protger des intempries les bas-reliefs de la troisime terrasse, -mais on me dit que ce travail sera bientt entrepris. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XIV_ - -PARMI LES TEMPLES - -LES TEMPLES ONT SUCCESSIVEMENT SERVI A DES CULTES DIVERS. || -L'INSCRIPTION D'UN PRTRE CHRTIEN. || LE PETIT TEMPLE DE -DER-EL-MEDINEH. || DTAILS ARCHOLOGIQUES. || CE MONDE N'EST PAS UNE -VILLE DURABLE. - - -Dans l'espace couvert par les deux temples dont nous venons de parler, -Dr-el-Bahri, on peut tudier l'art et la vie de ce peuple intressant -tels qu'ils se dvelopprent pendant une priode de trois mille ans. - -Senmut, l'architecte du temple de Hatshepsu, ne put terminer son oeuvre -avant la mort de la Reine, et comme il tait un de ses partisans, il dut -probablement prendre la fuite lorsque Thothms III saisit nouveau les -rnes du Gouvernement. Des restaurations furent faites par la dynastie -suivante, sous Ramss II, mais elles font preuve d'un dclin marqu dans -le sens artistique. Un sanctuaire fut ajout sur la troisime terrasse -sous les Ptolmes, et nous pouvons comparer cet ouvrage avec ceux de la -dix-huitime dynastie. La nature de la pierre sablonneuse qui servit -la construction de ce sanctuaire explique probablement le manque de -finesse de certains bas-reliefs. Les personnages sont traits la -manire grecque, plutt qu'gyptienne, en tout cas la dcadence de l'art -est vidente. L'influence grecque est visible dans tous les monuments de -l'poque des Ptolmes. - -Ce mme sanctuaire devint plus tard la chapelle d'une communaut -chrtienne, et les murailles sont encore noircies par la fume des -torches et des cierges qui l'clairaient durant la clbration de la -messe. Cette chapelle est creuse dans le rocher, et les pierres -sablonneuses formant le mur et le toit ont t videmment employes pour -rsister la pese des pierres calcaires de la partie suprieure. On -retrouve les traces d'un autel dans la table d'offrandes de Hatshepsu, -et, partout o les dieux paens n'ont pas t cachs par quelque objet -du culte chrtien, leur visage a t dtruit. - -[PLANCHE 29: COUR INTRIEURE DE TEMPLE, A MDINET-HABU] - -Les dcorations anciennes ne furent point respectes. Une pierre -reprsentant la tte de Thothms admirablement sculpte tait mise -sens dessus dessous dans le mur, si l'on trouvait qu'elle s'adaptait -mieux ainsi. Sur les espaces qui ne sont pas couverts d'hiroglyphes ou -de sculptures, on trouve des inscriptions en criture cursive, -hiratique ou dmotique. Une prire Esculape, en caractres grecs, fut -probablement grave par un ouvrier grec, sous le rgne des Ptolmes. -Plus loin, un moine copte, quelques sicles plus tard, a mis au-dessus -de cette prire une croix, avec ces mots: Dieu seul gurit. - -De la terrasse suprieure, la vue est splendide. Vous avez devant vous -la sauvage contre qui forme une partie de la ncropole thbaine. La -plaine fertile traverse par le Nil, se dtache sur un fond de collines. -A droite, se trouve le Ramesseum, avec le temple de Seti gauche, et, -de l'autre ct du fleuve, sur ses bords, apparaissent les grandes -colonnades de Luxor et l'immense pylne de Karnak. - -En 1894-1895, le temple entier fut mis jour aprs de longs travaux -dirigs par le professeur Naville et entrepris aux frais de la Socit -d'Exploration gyptienne. - -De mes aides, quelques-uns retournrent bientt _la poussire_, ainsi -qu'ils nommaient les fouilles. L'un de ceux qui restrent avec moi, -montra une telle habilet dans le moulage des bas-reliefs, que je le -reconnus sans peine pour tre, de son mtier, un fabricant d'antiquits. -Cet homme savait quelques mots d'anglais et je le laissais souvent -parler. J'ai oubli son nom, mais je me souviens qu'on l'appelait -_Tyndale Koom_, d'aprs les termes dans lesquels il s'adressait moi, -lorsqu'il voulait me faire voir son travail. - -Mon second aide tait un nier qui avait abandonn son mtier aprs la -mort de sa bte. Puis venait, par ordre de distinction, un ex-forat, -individu taciturne et rude travailleur. On m'avait dit que dans un accs -de colre il avait tu quelqu'un, mais qu'au fond il n'tait pas -mchant. - -[PLANCHE 30: TEMPLE DE DR-EL-MEDINET, A THBES] - -Un collaborateur important restait dans la hutte et faisait le moulage -des impressions releves par nous. Ce travail tait extrmement -difficile, aucun de nous ne sachant bien se servir du pltre de Paris. -La peinture des maquettes tant moins longue que leur prparation, je -pus consacrer de nombreux loisirs mes aquarelles. Le petit temple de -Ptolme Dr-el-Medneh, cach dans les replis des collines dsertes -un kilomtre et demi au sud de notre valle, fut un de mes sujets -favoris. Le mot arabe _Dr_, signifie couvent, et ce temple porte les -traces du passage des moines coptes. Il fut lev en l'honneur de -Hathor, la desse de la mort, et aussi de la desse Maat. Bien que les -inscriptions soient infrieures celles de Dr-el-Bahri, l'intrieur me -parut plus propre inspirer de pittoresques esquisses que celui de son -trop clbre voisin. Les colonnes couronnes de calyx et les initiales -entrelaces de Hathor, ainsi que la porte du sanctuaire, se prtent sous -un certain clairage de dlicieuses compositions. Des traces de -couleur se retrouvent sur ces initiales, ainsi que sur le cadran solaire -qui surmonte la porte. - -Les temples de Ptolme ont un grand avantage sur ceux de dates plus -anciennes, c'est qu'ils sont dans un bien meilleur tat de conservation; -en fait, on ne peut gure leur donner le nom de ruines. A part les -objets qui se trouvaient dans ces temples et qui sont maintenant dans -les muses, les temples de Dendera, Esneh et Edfu n'ont gure chang -depuis qu'ils ont t construits. - -Il y a beaucoup peindre Mednet Habu, qui se trouve quinze cent -mtres au sud. Les dcorations de la vingtime dynastie dans le grand -temple de Ramss III, me paraissaient extrmement grossires aprs les -bas-reliefs dlicats de Dr-el-Bahri. J'eus beaucoup de difficults -reproduire les premiers bas-reliefs si peu accentus. Dans les sries de -Pont, o le fond est enlev, le relief des personnages ne dpasse gure -un millimtre. Les figures de moindre importance ont peine un -demi-millimtre, quelquefois moins. Les grandes figures sur les colonnes -ne se dtachent pas du fond, et sont souvent peine indiques. A -l'poque de Ramss III, les inscriptions ont atteint une profondeur de -dix douze centimtres. Les restaurations de Ramss II Dr-el-Bahri -sont en relief, mais elles offrent plutt une imitation de celles de son -prdcesseur qu'un signe caractristique de leur propre poque. La -surface plus rugueuse de la pierre et les dimensions plus grandes de -l'difice expliquent probablement l'accentuation plus sensible des -inscriptions, mais la crainte d'un effacement peut en tre aussi la -cause. Les reliefs accentus furent employs au XVIIIe sicle, mais -seulement dans le cas o un effet de perspective tait recherch. Le -bas-relief parat avoir disparu aprs le rgne de Sti I. Je le -retrouvai Karnak dans un petit temple modeste de la vingt-cinquime -dynastie. Quoique taill dans de la pierre sablonneuse, le relief en -tait fort beau et accusait une renaissance de l'art, qui pourtant -dclina rapidement pendant la domination des Perses. Quelque grossires -que soient les dcorations, leur dessin est souvent grandiose; j'ai vu -des scnes de bataille d'un mouvement tonnant. L'art semble avoir lutt -nergiquement avant de dcliner pendant le rgne suivant. L'espace me -manque pour donner de plus amples dtails, mais, dans son _Histoire de -l'gypte_, le Professeur Breasted relate les vnements du rgne -mouvement de Ramss III, vnements que le souverain fit du reste -graver sur son temple monumental. - -En sortant par le pylne massif, nous trouvons notre gauche une srie -de petits temples qui nous reprsentent quatorze sicles, du rgne de -Hatshepsu aux derniers Ptolmes. Les murailles du temple de Hatshepsu -portent des traces des luttes de cette reine avec son pre, son mari et -son frre, et sur ses portraits effacs, nous voyons les figures en -cartouches des trois Thothms. Ceci servit probablement d'enseignement -Ramss III, qui fit graver trs profondment les inscriptions sur son -temple. Nous passons par un pylne rig par Taharqua, de la -vingt-cinquime dynastie--le Tirharkah de la Bible--et nous pntrons -dans le dlicieux petit temple de Nektanebos, le dernier Pharaon de la -dernire dynastie (trentime). Huit colonnes reprsentant des papyrus -entrelacs, chapiteaux fleuris, supportaient autrefois la toiture; -deux seulement sont encore entires. Ces colonnes, relies par un cran -en pierre fouille et se dtachant sur le pylne de Taharqua, forment un -charmant ensemble. Le grand pylne du dixime des Ptolmes nous conduit -dans un vestibule colonnes puis dans une large cour qui termine cette -srie de temples. - -Cette oeuvre de Nektanebos et du Ptolme ne fut excute qu'aprs que -le grand monument de Ramss fut presque tomb en ruines; cela ressort de -ce fait que les constructions de Nektanebos et Ptolme furent faites -l'intrieur et l'extrieur des murailles formant l'enceinte du grand -temple; elles empitent aussi sur une partie de l'emplacement du -pavillon de Ramss. Ce pavillon, dont nous ne voyons plus que la partie -centrale, forme l'entre principale du temple. - -[PLANCHE 31: VUE INTRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSS III, MEDINET-HABU] - -A mesure que de nouveaux temples s'levaient, les anciens tombaient en -ruines et l'on employait les pierres ainsi toutes prtes comme matriaux -de construction. On retrouve des inscriptions des anciens temples sur -les murs des temples plus rcents. Il est tonnant que les ruines du -village chrtien situ l'est du grand temple, n'offrent que des murs -en boue dessche. L'glise du village qui occupait le centre de la -seconde cour tait galement construite l'aide de cette pauvre -matire, alors que des pierres toutes prpares et toutes tailles se -trouvaient proximit. - -Le magnifique Amenhotep III btit son palais somptueux auprs des -temples de Mednet Habu, mais on en retrouve peu de vestiges. Ce palais -tait probablement dj tomb en ruines lorsque Ramss III fit -construire son grand temple. Ce monde n'est pas une ville durable, -disait-on au temps des Pharaons. Les grands palais qui ont exist -Thbes et qui servaient de demeures aux rois et aux nobles, taient tous -construits en briques de boue; ils durrent peu, mais ils nous ont -laiss quelques fragments qui nous permettent de juger de leur -splendeur. Nous retrouvons heureusement des dessins de ces palais sur -les murailles des temples et des spulcres, ainsi que des spcimens de -mobiliers qui ornent prsent la dernire demeure des morts, et qui -nous donnent une ide des anciens intrieurs gyptiens. - -Le pavillon de Ramss III, dont nous ne voyons qu'une partie, nous fait -songer une forteresse plutt qu' un palais; il fut sans doute -construit en pierres tailles, pour des raisons stratgiques, par ce roi -guerrier. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XV_ - -LA TOMBE DE LA REINE TYI - -COMMENT LES INDIGNES JUGENT LES ARCHOLOGUES. || DU RLE DE LA REINE -TYI DANS L'HISTOIRE DES PHARAONS. || LE DIEU NOUVEAU. || VISITE A LA -TOMBE MYSTRIEUSE. || SIC TRANSIT GLORIA MUNDI. || UNE CRUELLE -DSILLUSION. - - -Nol tait pass, et les travaux d'excavation n'avaient donn aucun -rsultat intressant. L'intrt qu'ils inspiraient tout d'abord tait -tomb. Cette valle renfermant les tombes des rois, que j'tais -impatient de revoir aussitt que mes travaux personnels m'en -laisseraient le loisir, devait pourtant, mon avis, recler bien des -mystres, que des fouilles habilement diriges ne tarderaient point -dvoiler. Un jour, la nouvelle se rpandit qu'Ayrton avait dcouvert de -l'or et des pierres prcieuses, et les habitants du pays le voyaient -dj ramassant la main des trsors incalculables. Mon travail n'avana -gure ce jour-l, car _Tyndale Koom_, Ahmet et mme l'ex-forat -taciturne ne tarissaient pas en bavardages. Inutile de dire que la -valeur archologique de la dcouverte ne les intressait pas. Les -indignes sont pleins de cette ide que tous les Europens qui -s'occupent des fouilles ne le font que par rapacit et amour du pillage. -La pense qu'avec ce qu'ils retireraient du butin, _Mistr Davis_ et -_Mistr Eirton_ pourraient vivre tranquillement jusqu' la fin de leurs -jours, occupait leur esprit et, probablement, excitait leur rancune; ils -trouvaient mauvais que ces chiens de chrtiens pussent s'emparer ainsi -de ce qu'Allah avait mis en rserve pour les vrais croyants! - -[PLANCHE 32: LES PYLONES DES PTOLMES, MEDINET-HABU] - -Une chose tait certaine: on avait trouv et ouvert la tombe de la Reine -Tyi. On aurait dit que les roches calcaires qui protgeaient l'entre -des fouilles avaient la transparence d'un rideau de mousseline, tant les -curieux taient bien renseigns. M. Thodore Davis avait quitt sa -_dahabiyeh_ pour venir sur les lieux; le Bash Moufetish tait arriv, -accompagn de son _wakeel_ et de ses gardes particuliers; on avait -tlgraphi M. Maspero; un artiste spcial tait sur le terrain et un -photographe avait t mand du Caire. L'arrive de notre ami Ayrton mit -fin notre impatience d'en savoir davantage. Il pouvait tre -satisfait, car sa dcouverte tait une des plus belles qui se fussent -produites depuis nombre d'annes. Il nous dit que la tombe de la Reine -Tyi avait certainement t ouverte depuis que la Reine y avait t -ensevelie, mais que le vol apparemment n'avait pas t le but du -sacrilge; les objets de valeur s'y trouvaient encore, mais les -hiroglyphes se rapportant l'hrsie qu'elle avait favorise et au -fils qu'elle avait essay d'tablir, avaient t effacs. Il paraissait -clair que le sacrilge n'avait t commis que quelques annes aprs la -mort de la Reine, et que les prtres d'Ammon, ayant satisfait leur zle -religieux et rpar la brche faite dans la muraille, Tyi avait repos -tranquillement pendant plus de trois mille ans. Un boulement de rochers -avait protg sa tombe du pillage des Romains, du fanatisme des premiers -chrtiens et de la rapacit des Arabes, mais non des investigations des -gyptologues. - -Ce soir-l notre conversation roula sur la Reine Tyi, son fils Akhnaton -et sur l'volution religieuse de leur poque. Nous fmes dsappoints en -apprenant que l'entre de la tombe nous serait ferme pendant quelques -jours encore; le photographe du Caire tait absent, et rien ne pouvait -tre dplac avant son arrive. On craignait d'autre part que les -objets ne se dtriorassent la temprature extrieure, car il arrive -souvent que des choses demeures intactes dans un spulcre pendant des -sicles, tombent en poussire ds qu'elles sont exposes la -temprature du dehors. Cette crainte n'tait que trop justifie, comme -on le verra plus loin. - -Une semaine s'coula avant que personne, l'exception de ceux qui y -travaillaient, ne pt visiter la prcieuse tombe. Notre curiosit tait -continuellement excite par J. Lindon Smith, un artiste amricain, -charg de peindre l'intrieur de la tombe et son contenu, et qui en s'en -retournant Luxor s'arrtait notre campement pour nous raconter sa -journe. Les longues heures passes dans la chambre mortuaire -n'attristaient point l'artiste, et ce fut l'un des plus gais compagnons -que j'eus la bonne fortune de rencontrer. - -Quatre grandes jarres, dont les couvercles portaient l'image de la -Reine, avaient t trouves, ainsi qu'une cassette renfermant des objets -de toilette en bel mail bleu. Avant de rendre visite la dpouille -mortelle de cette reine romanesque, il sera intressant, pour ceux qui -ne connaissent qu'imparfaitement l'histoire de l'gypte, d'apprendre le -rle important qu'elle joua pendant la dix-huitime dynastie, alors que -l'Empire avait atteint l'apoge de sa puissance. A l'encontre de -Hatshepsu, elle tait de naissance obscure, et l'on dit mme qu'elle -n'tait point gyptienne, mais les preuves manquent l'appui de cette -assertion. Elle pousa le jeune Pharaon, Amenhotep III, peu prs au -moment de son avnement; ce prince magnifique laissa de nombreux -documents o il la nommait _Reine Consort_, et la dclaration royale se -termine par ces mots: Elle est la femme d'un Roi Puissant, dont -l'empire s'tend au sud jusqu' Karoy et au nord jusqu' Naharin. Ainsi -que Breasted le remarque dans son _Histoire de l'gypte_, le roi -voulait par l rappeler la haute position qu'elle occupait tous ceux -qui auraient pu songer l'humble origine de la Reine. Thothms III et -ses deux successeurs guerriers avaient consolid l'empire sur lequel -Amenhotep tait appel rgner; d'une haute culture artistique et ayant - sa disposition d'inpuisables trsors, ce dernier fit de Thbes la -plus splendide capitale du monde. Seuls, quelques fragments dissmins -dans les muses nous restent de son grand palais; quelques pierres -marquent l'emplacement de son mausole, et les colosses ont t -cruellement dtriors par le temps. - -Le grand temple de Luxor, encore debout, nous donne la meilleure ide de -ce qui fut fait durant ce rgne. L'architecte Amenhotep, fils d'Api, fut -connu des Grecs douze sicles plus tard, et la sagesse de ses maximes -est cite dans _Les Proverbes des Sept Sages_. On peut voir de lui un -curieux portrait au Muse du Caire. - -Contrairement aux usages de la contre, la Reine prit une part -prminente toutes les crmonies religieuses ainsi qu'aux affaires de -l'tat, et il est curieux de penser que cette petite femme dlicate et -fine, tandis qu'elle suivait ces rites religieux, encourageait en secret -une hrsie qui, pendant le rgne de son fils, devait amener la ruine de -l'empire. Les causes de cette rforme religieuse demeurent un mystre; -les prtres d'Ammon, qui taient alors tout-puissants, cachrent leur -mcontentement. La Reine eut sans doute beaucoup d'influence sur son -mari, mais elle en eut bien davantage sur son fils, et ce fut ce jeune -homme qui, aprs la mort de son pre, dclara hardiment la guerre aux -prtres et proclama l'existence d'un tre Suprme, dont la -manifestation visible tait le disque solaire. Son nom, Amenhotep -IV,--Ammon repose--lui devint impossible porter; comment pouvait-on -l'appeler ainsi, alors qu'il effaait le nom d'Ammon des murs des -temples et offrait un autel au nouveau dieu Aton? Il changea ce nom -contre celui d'_Akh-en-Aton_, signifiant Esprit d'Aton. Pendant six -ans il lutta pour effacer toute trace du culte d'Ammon, mais les -souvenirs du pass taient trop vivaces Thbes pour qu'ils pussent -tre dtruits. Aid de sa mre et du prtre Eye, qui avait toujours -encourag son zle rformateur, il rsolut de construire une nouvelle -capitale qu'il ddierait Aton. Il choisit un site pittoresque -quelque cinq cents kilomtres au-dessous de Thbes, appel maintenant -Tell-el-Amarna, mais qu'il nomma _Akhetaton_, Horizon d'Aton. Il -parat y avoir vcu le reste de sa vie, comme le Pape dans le Vatican, -refusant de visiter les rgions qui n'taient pas ddies son dieu. -Les provinces asiatiques refusrent bientt de payer leur tribut, et -la fin de son rgne l'immense empire ne comprenait plus que les -provinces arroses par le Nil. Il mourut sans successeur mle direct, et -son gendre, Sakere, dont on ne connat pas l'histoire, lui succda. Un -autre de ses gendres, Twet-ankh-Amon, succda ce dernier, et aprs -entente avec les prtres d'Ammon, il retourna Thbes qui, depuis vingt -ans, n'avait pas vu de Pharaon. Ce fut probablement durant son rgne que -le culte d'Ammon fut rtabli, la tombe de la Reine Tyi ouverte et tous -les souvenirs du maudit Aton dtruits. - -[PLANCHE 33: KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE STI Ier, A THBES] - -Il nous fut enfin permis de visiter cette Reine avant que son cercueil -gemm ne ft envoy au Muse du Caire et ses ossements ensevelis au pied -de la colline protectrice de son tombeau. Mes amis, M. Henry Holiday et -Miss Mothersole, firent partie de l'expdition. Nous ne fmes pas long -gravir la montagne et descendre dans la valle des Tombes des Rois. -Deux policiers en faction nous indiqurent l'endroit que nous -cherchions, et lorsque les sentinelles furent bien convaincues que nous -tions des amis de _Hawaha_, nous fmes conduits la tombe nouvellement -ouverte. Je fus assez surpris de ce qui se prsenta d'abord nos yeux: -un jeune Anglais de stature athltique, revtu d'un costume de flanelle, -tait l, entour de botes de fer-blanc, et, clair d'une lanterne -lectrique, il classait des pierres prcieuses; la lumire qui faisait -tinceler les joyaux tombait aussi sur les murs blancs du spulcre, et -l'ombre sinistre de notre compatriote aurait pu tre prise pour celle -d'un sorcier ou d'un prtre d'Ammon. L'or et le blanc taient les -couleurs dominantes de tout ce qui tait clair par les rayons -lectriques, et, au premier coup d'oeil, on se serait plutt cru dans un -boudoir dvast que dans une mystrieuse demeure funraire. - -Ces rflexions furent de courte dure, car notre ami ayant prestement -rentr ses pierres: des lapis-lazuli en forme de demi-lune dans une -bote de _Beauts gyptiennes_, des cornalines et des turquoises dans -des botes de _Dmtrius_ et de _Nestor Genakalis_, s'empressa de nous -souhaiter la bienvenue et de nous faire descendre dans la tombe, situe - quelques pieds au-dessous de l'entre qui y conduisait. Nous devions -marcher avec prcaution et avoir soin de ne rien toucher, car la plupart -des objets taient trs fragiles et le moindre heurt aurait t funeste. -Le dais effondr nous cachait la vue du cercueil; enfin nous vmes -devant nous l'effigie de Tyi. C'tait le spectacle le plus motionnant -que j'eusse jamais vu: vtue et pare comme elle l'tait sans doute le -jour o Amenhotep le Magnifique la conduisit au festin nuptial, elle -reposait, les bras croiss. merveill par la splendeur de ce tableau, -je ne vis point tout d'abord qu'un ct du cercueil tait tomb et que -le corps rel de la Reine reposait ct de cette glorieuse effigie. -Son visage dessch, ses joues creuses, ses lvres minces et -parchemines, dcouvrant quelques dents, offraient un contraste frappant -avec le diadme d'or qui encerclait son front et le collier qui cachait -une partie de sa gorge momifie. Son corps tait envelopp de minces -feuilles d'or qui, dchires en plusieurs endroits, rendaient le -spectacle encore plus lamentable. - -Je compris bientt pourquoi le corps gisait ct du cercueil. La -bire, trs lourde, avait t pose sur de beaux trteaux surmonts d'un -dais dor, mais l'un des pieds sculpts des trteaux ayant cd, le -cercueil tait tomb terre et l'un des cts s'tant bris, la momie -s'en tait chappe. _Sic transit gloria mundi!_ - -Avant que ce livre ne soit publi, tous les objets renferms dans la -tombe de Tyi auront t tiquets, catalogus et classs dans le Muse -du Caire. La Reine, elle, n'y sera pas. Tout objet ayant une valeur -artistique ou archologique sera transport dans la _dahabiyeh_ de M. -Davis, et le corps sera remis dans sa spulture, et la tombe mure. - -Ces pages furent crites au moment o, tout l'enthousiasme de la -dcouverte, nous ne songions pas mettre en doute son authenticit, et -je les publie ainsi afin de ne pas leur enlever leur sincrit de -premires impressions. Mais une triste dsillusion nous tait rserve. -Depuis mon dpart d'gypte, cette intressante momie a t examine par -de savants chirurgiens qui ont dclar que le squelette tait celui d'un -jeune homme g de vingt-cinq vingt-six ans.... - -Il n'y a pas de doute que tout ce qui se trouvait dans le spulcre -appartenait la tombe de la Reine Tyi, mais l'endroit o repose -rellement son corps, et l'identit du jeune homme qui usurpait ici sa -place demeurent autant de mystres. Il ne semble gure possible que ce -corps soit celui d'Ikhnaton qui aurait t transport ici de -Tel-el-Amarna pour reposer prs de ses anctres. Son rgne, sous lequel -se sont accomplis tant d'vnements, n'aurait gure pu se terminer si -tt. Obtiendra-t-on quelque nouvel claircissement sur ce que firent les -prtres d'Ammon, lorsqu'ils ouvrirent le spulcre pour y effacer le nom -maudit d'Aton? Peut-tre le crmonial somptueux des obsques royales ne -fut-il qu'un simulacre et le corps de la Reine a-t-il t transport -dans la ville d'Akhetaton, construite par son fils, pour chapper aux -mains sacrilges des prtres? - -Nous laisserons ces questions sans rponse et nous retournerons aux -excavations du temple de Mentuhotep. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XVI_ - -LE TEMPLE DE MENTUHOTEP - -ENCORE DES TOMBES, DES SARCOPHAGES, DES MOMIES. || ANTIQUITS -MODERNES... || L'HONNTE VOLEUR. || DANS LE CLAIR-OBSCUR DES CAVEAUX. -|| LES PEINTURES DE LA TOMBE DE NAKHT: SCNES DE LA VIE D'UN GENTILHOMME -CAMPAGNARD. || VERS LE TEMPLE DE SETI. - - -Vers la fin du mois de janvier 1907, le fond du puits fut atteint, et, -six cents pieds de son orifice, la chambre mortuaire ouverte. Dans une -niche creuse dans la muraille gauche, se trouvait la momie. Cette niche -tait assez haute pour qu'on pt s'y tenir debout et assez profonde pour -contenir un sarcophage. De larges plaques d'albtre couvraient les -murailles, et bien qu'il n'y et nulle inscription pour nous renseigner, -nous nous trouvions videmment en prsence du spulcre d'un grand -personnage. Le dsordre qui y rgnait prouvait que la tombe avait dj -t ouverte et pille; le sol tait jonch de dbris de cercueil, d'arcs -et de flches, de statues de bois et de poteries. Dans un coin, un amas -de poussire bruntre et de morceaux de bandelettes tait tout ce qui -restait du corps pour lequel cette tombe avait t construite. La -chaleur y tait telle que nos bougies fondaient entre nos doigts; l'air -tait irrespirable. - -Mais la trouvaille tait importante, et au fur et mesure que les -objets renferms dans la chambre mortuaire taient apports la hutte, -il devenait vident qu'ils avaient d appartenir une tombe royale. Le -classement et remballage de tous ces objets prit quelque temps, et nous -dmes abandonner nos essais de reconstitution des meubles et des -ornements. - -Une autre tombe fut dcouverte gauche du grand puits; l'immense -sarcophage de granit qu'elle renfermait et sa situation prs du -sanctuaire du temple laissaient supposer qu'elle avait d contenir une -momie royale. - -[PLANCHE 34: LE TEMPLE DE MEKTENEBO, MEDINET-HABU] - -Mrs. Naville passa six semaines rassembler, classer les fragments de -sept petits autels qui avaient occup la terrasse suprieure, et dont -son gendre fit la reconstitution sur papier. Le dessin en tait fort -beau, et les ornements sculpts de quelques fragments pouvaient se -comparer aux ouvrages de la dix-huitime dynastie. Les dessins qui -ornent les murailles des terrasses sont infrieurs; on y trouve la -manire conventionnelle d'ouvriers habiles plutt que la marque d'un -gnie personnel, comme on en rencontre dans le temple de Hatshepsu. Il -est regrettable qu'on n'ait pu reconstruire compltement et laisser sur -place un de ces petits autels; on aurait eu ainsi un curieux spcimen de -l'art de la onzime dynastie. Comme fragments, ils rempliront les -vitrines de quelques muses, mais leur valeur au point de vue -architectural sera nulle. Toutefois, aprs avoir reconstruit un de ces -autels, il aurait fallu l'entourer d'une grille de fer afin de le -protger des indignes, et certainement cette cage de fer au milieu des -ruines aurait t peu sa place. Il est difficile de sauvegarder les -oeuvres d'art dans une contre o les gens ne se rendent pas compte de -leur valeur idale. Si l'on arrte un voleur en possession d'antiquits, -il est presque impossible d'obtenir pour lui, d'un magistrat indigne, -une condamnation. Le fait de voler une antiquit bnficie de quelque -indulgence, mme auprs des Europens: une dame vint un jour notre -campement pour prier Currelly de l'aider dchiffrer le cartouche d'un -scarabe et en estimer la valeur. Currelly, aprs examen, dclara que -le scarabe tait faux, au grand dsappointement de la dame, qui, -refusant de se rendre l'vidence, nous expliqua que le verdict de -Currelly ne pouvait tre exact, car, nous dit-elle, Achmet (le jeune -nier) m'a assur qu'il a vol ce scarabe pendant les fouilles, et il a -une figure si honnte que je ne saurais croire qu'il a menti! Nous ne -pmes nous empcher de rire devant tant de simplicit, et la bonne dame -comprit peut-tre que le doux Achmet, honnte voleur, tait bien capable -d'tre aussi un menteur. - -Au dbut de ses travaux Thbes, Currelly tait moins habile -reconnatre un scarabe _Kurnah-made_; voulant un jour faire quelques -achats Luxor, il eut l'ide de s'adjoindre quelqu'un de comptent. Le -chef d'quipe, ou _reis_, comme on les appelle, tait originaire de -Kurnah et, sans nul doute, trs habile fabriquer lui-mme des -antiquits; ce fut lui que Currelly choisit. Le contre-matre accepta, -et comme Currelly traitait ses hommes avec bont et qu'il avait quelque -exprience du caractre des indignes, il savait qu'il pouvait compter -sur son alli. Dans le magasin, un lot tentant de curiosits fut tal -devant lui, et notre ami commena choisir: Pouvez-vous me garantir -l'authenticit de ceci? demanda-t-il en montrant un bel _ushabti_ bleu -et poli. Le marchand jura par la barbe du prophte qu'il connaissait -la tombe o l'objet avait t trouv, et en appela son coreligionnaire -pour corroborer ses dires. Le _reis_ voulant servir son matre sans -encourir la colre du marchand, joignit ses protestations celles de ce -dernier, mais pressa du pied la bottine de Currelly, et notre ami -comprenant que le contre-matre mentait par complaisance, l'achat de -l'_ushabti_ ne fut pas fait. - -L'objet suivant tait authentique; un lger coup de coude en avertit -Currelly qui parvint ainsi faire quelques achats vraiment -intressants. Une fois les objets choisis, vint la discussion au sujet -du prix, et le mot invitable du marchand: Vous ne voudriez pas que je -vous fisse un prix infrieur ce que j'ai pay moi-mme? Mais parce que -c'est vous, vous seulement, vous entendez, je suis prt perdre tant et -tant. Cette preuve de bienveillance termina la transaction. - -Vers la fin de mars, les rayons du soleil brlant les rochers de la -valle de Dr-el-Bahri, y rendaient le sjour insupportable. Lorsque le -vent du Sud s'en mlait, la chaleur tait telle que nous ne pouvions -travailler que de l'aube dix heures du matin, la cire demeurant molle -tout le long du jour. Je dus souvent attendre le soir pour prendre mes -impressions, et travailler fort avant dans la nuit. Je dsirais vivement -terminer le moulage de Pont durant cette saison; le coloris serait -forcment remis la saison suivante. Aussi, ds que le vent eut chang, -je fus au travail des journes entires. - -Mes hommes taient heureux de pouvoir se reposer l'ombre pendant le -_Khamsn_. Les seuls endroits frais tant les tombes, je m'y retirais -pour faire mes aquarelles. Tout d'abord, aprs la violente lumire du -dehors, je distinguais mal les objets que je voulais peindre, mais mes -yeux s'habituaient bien vite au clair-obscur environnant. - -[PLANCHE 35: PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THBES] - -La gravure ci-contre reprsente une peinture murale de la tombe de -Nakht, un des spulcres que l'on rencontre en allant du Ramesseum -Dr-el-Bahri; en consultant son guide, le visiteur verra que cette tombe -porte le n 125 sur le plan des tombes du Cheik Abd-el-Kurnah; il -trouvera galement une description des scnes reprsentes sur les -murailles de ces tombes qui forment un groupe intressant de la -ncropole thbaine. En dehors de ce que ces peintures murales nous -enseignent, nous ne savons pas grand'chose de Nakht. On le dit scribe, -il tait probablement prtre d'Ammon, ou faisait partie de cette -corporation puissante qui joua un rle si important dans les destines -du Nouvel Empire. Il vcut l'poque d'Hatshepsu, et il est vident -qu'il s'intressa vivement ce qui devait tre sa dernire demeure. Il -connaissait suffisamment les dieux et desses ttes d'oiseaux et les -jugeait sans doute leur valeur, car il prfra entourer son esprit des -scnes auxquelles son corps avait pris part. On y rencontre maintes -allusions Ammon, car la croyance en une manifestation corporelle de -l'tre Suprme ne cessa d'exister, malgr le rire des augures. - -Les occupations de Nakht semblent avoir t celles d'un riche -gentilhomme campagnard. On le voit surveillant des travaux agricoles, -depuis le labourage et les semailles jusqu' la moisson. On le voit -aussi prsidant en personne aux vendanges et au pressoir. Si l'on en -juge par la finesse de ces tableaux, le sport fut son plaisir favori; un -panneau trs dcoratif le reprsente la pche, retirant ses filets, -chargs d'oiseaux pris parmi les plantes aquatiques. On le voit -galement table avec son pouse; dans un coin, le chat de la maison -se rgale d'un poisson; des musiciens et des danseuses gaient le repas. - -J'ai choisi trois de ces dernires reprsentations parce qu'elles -taient admirablement conserves, et parce que la lumire tombant du -dehors sur ce pan de muraille facilitait mon travail. - -Les rochers dans lesquels ces tombes ont t tailles sont d'un grain -plus rugueux que ceux de Dr-el-Bahri; leur surface a t galise et -cimente avant d'tre peinte. L'artiste ici n'a pas eu recours aux -dlicates incisions des bas-reliefs du temple de Hatshepsu, mais il a -essay de donner du relief aux figures en les ombrant lgrement. Le -rsultat n'est pas aussi heureux, et les raflures et les craquelures du -ciment donnent ces fresques un air de pauvret qu'on ne voit jamais -dans les ornements taills mme la pierre, tout endommags qu'ils -soient par le temps ou par des mains sacrilges. On juge pourtant mieux -ici de l'art du dessinateur. Ces personnages, de 40 centimtres de haut -environ, sont dessins d'une main trs ferme: souvent le geste d'un bras -est indiqu de deux coups de pinceau seulement. Les cordes d'une harpe -semblent faciles faire, et c'est seulement lorsque j'essayai de les -tracer d'un seul coup de pinceau, comme sur l'original, que j'apprciai -la dextrit de l'artiste de Nakht. Peut-tre ce dernier est-il lui-mme -l'auteur de ces peintures, car le terme scribe signifiait probablement -aussi sculpteur et peintre. Cette ide me proccupait pendant que je -travaillais dans la tombe. Les artistes qui excutrent les belles -figures des dix-huitime et dix-neuvime dynasties devaient, -contre-coeur, substituer une tte de chacal celle d'un homme, ou -surmonter d'une tte de vache l'exquise silhouette de Hathor. Dcorant -sa propre tombe, Nakht put faire comme bon lui semblait, et aucune tte -monstrueuse ne dfigure sa dernire demeure. Les passages habituels du -_Livre de ce qui est en dessous du Monde_ ou du _Livre des Portraits_ ne -se trouvent pas ici: il en eut probablement _ad nauseam_ au temps o il -servait dans le temple. Puisse son me errer travers champs et vignes -et se dlecter aux souvenirs des joyeux festins qu'il fit sur cette -terre! - -Il y a quelques tombes plus importantes que celle de Nakht: je ne -saurais les dcrire toutes dans ce livre. Mais on ne doit pas manquer de -visiter celle de Rekhmere, qui est orne de vivantes peintures. - -[PLANCHE 36: STI Ier OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VRIT, -BAS-RELIEF DU TEMPLE D'ABYDOS] - -Les moulages de Pont tiraient leur fin, et le vent chaud rendant la -temprature insoutenable, je me dcidai quitter la valle de -Dr-el-Bahri. Je ne connaissais pas Abydos, et l'occasion de passer -quelque temps proximit du temple de Seti se prsentant, j'acceptai -avec empressement l'invitation de M. Garstang qui y dirigeait les -fouilles. Le temple est situ une douzaine de kilomtres de la -rivire, juste la limite des terrains cultivs, et la plus proche -station est celle de Belineh. Bien que le camp ne ft qu' 120 -kilomtres environ de celui de Dr-el-Bahri, il me fallut aller Luxor -et y passer la nuit pour pouvoir prendre un train tout au matin. -Heureusement, le vent avait frachi, et je pus supporter la chaleur du -train. Celui-ci longe la rive est du Nil pendant la plus grande partie -du chemin et traverse le fleuve Nag Hamdeh. De frquents arrts aux -gares o aucun voyageur ne monte ni ne descend, prolongent ce voyage -pendant cinq ou six heures. Arriv Belineh, je me procurai deux nes -pour me transporter avec mon bagage travers les terrains cultivs. Le -soleil dardait ses rayons brlants au-dessus de ma tte; il n'y avait -gure qu'une semaine que les bls avaient perdu leur premire couleur et -dj ils paraissaient mrs pour la moisson. Le paysage tait plus -riche, plus pittoresque, et l'tendue des plaines d'or fonc donnait, -par contraste, un reflet argent aux collines dsertes. - -Aprs avoir quitt la plaine, on arrive bientt au temple de Seti. -L'intrieur de ce temple laisse une dsillusion et ne se prte gure au -croquis. A 400 mtres plus loin dans le dsert, on rencontre le temple -en ruines de Ramss II. A l'exception de ces deux temples et du -cimetire plus loign, rien ne subsiste de l'antique cit d'Abydos. -Elle tait dj probablement en ruines lorsque Strabon visita l'gypte, -car il en parle comme de jadis une grande ville, presque l'gale de -Thbes, mais sans importance maintenant. - -Aprs avoir franchi quelques basses collines parsemes de dbris de -poterie, nous descendmes dans une plaine sablonneuse, ferme l'ouest -par les monts du Liban. Un _Union Jack_ flotte mollement au sommet d'une -maison un tage, construite en briques de boue: c'est le lieu de ma -destination. - -Les fouilles que dirige Garstang pour le compte de l'Universit de -Liverpool devant durer quelques annes, on a jug utile de construire -des habitations confortables pour les membres de l'expdition et un -dpt pour les trouvailles. Mon hte ayant t oblig d'aller au Caire -pour quelques jours, je fus reu par M. Harold Jones et M. Blackman qui -dirigeaient les travaux en son absence. Je trouvai l galement Howard -Carter, venu, comme moi, pour tudier les bas-reliefs du temple de Seti. -La maison, ingnieusement construite, comprenait une salle de runion -claire et frache et assez de chambres pour loger confortablement six -personnes. Le djeuner me prouva que Harold Jones tait non seulement -habile architecte, mais un parfait matre de maison. N'ayant rien pris -depuis cinq heures du matin, je fis largement honneur au repas. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XVII_ - -KARNAK - -UNE VISITE AU TEMPLE DE SETI. || LES PLUS BEAUX DOCUMENTS DE L'ART -DCORATIF GYPTIEN. || LE KHAMSIN OU LE DSERT INCENDI. || JE REGAGNE -LUXOR POUR ALLER ENSUITE A KARNAK. || UNE CIT DE RUINES, TOUTES EN -COLONNADES GRANDIOSES. || LE MONOLITHE DE GRANIT ROSE. - - -Lors de ma premire visite au temple de Seti, j'eus le plaisir d'tre -accompagn par Howard Carter, trs document en matire d'art gyptien. - -Bien que l'art ft arriv son apoge pendant la dix-huitime dynastie, -on ne trouve aucune trace de dcadence dans les bas-reliefs de ce -temple, et j'incline les regarder comme la plus grande manifestation -d'art dcoratif que l'gypte nous ait donne. Ils sont l'oeuvre d'un -grand artiste qui, quoique encore imbu des traditions de la dynastie -prcdente, y apporta le sceau de son gnie personnel. - -D'une manire gnrale, l'art tait dans une priode de dcadence, mais -non pas l'art de celui qui dessina les ornements de ces murs; quant la -partie du temple qui est couverte d'inscriptions datant de Ramss II, la -dcadence y est trs marque. Les rgnes de Seti et de son fils ayant -t fort longs, une priode de quarante cinquante annes spara -probablement l'apoge de l'art de son dclin. - -[PLANCHE 37: ISIS ALLAITANT STI Ier, ABYDOS] - -Les reliefs de Seti sont lgrement plus accentus que ceux du temple de -Hatshepsu Thbes, mais ceci est peut-tre une consquence des plus -grandes dimensions des figures. Ils ne sont pas tous colors, mais nous -ne pouvons que nous en fliciter, puisque le temps a presque partout -effac le coloris des autres. J'ai choisi un sujet dans les deux sries. -Dans le premier sujet o la patine du temps a donn une belle teinte -chaude la pierre, on voit Seti apportant une offrande Osiris dont -une partie de la silhouette est demeure intacte. Dans la srie de -reliefs colors, j'ai choisi celui qui reprsente Seti allait par Isis. -Le model est plus beau dans le premier; dans le second les raflures de -la couleur nuisent aux effets de lumire et d'ombre. J'ai restaur les -visages de la desse et du jeune roi, afin de rendre le sujet -intelligible. Les bleus et les verts sont presque effacs, tandis que -les rouges et les jaunes ont gard toute leur vivacit; nous ne -pouvons donc donner d'opinion sur cette oeuvre quant la combinaison -des teintes. En tout cas, son dessin la place au rang des grandes -oeuvres artistiques du monde. Maintenant que ces murailles sont exposes -au soleil et aux rares pluies de la Haute-gypte, elles se dgraderont -probablement plus en un an que pendant tout le temps qu'elles ont t -enfouies sous le sable. - -Les rochers servaient autrefois de toit ces murailles et il est -regrettable qu'on n'ait pas trouv un moyen de protger les quelques -fragments colors qui nous restent. Jadis, la couleur tait protge par -un vernis dont on retrouve des traces l o ni le soleil ni la pluie -n'ont pu pntrer. - -Le temple qui est rig non loin du tombeau suppos du dieu Osiris, lui -fut ddi ainsi qu' la desse Isis et leur fils Horus. Les honneurs -rendus la divine triade forment le sujet trait par l'artiste, qui ne -manqua pas de faire ressortir la faveur spciale dont jouissait Seti, -qui alla jusqu' usurper la place de l'enfant Horus. Nous voyons le roi -dans diffrentes scnes sur la muraille nord du hall hypostyle de -Karnak. Il y est reprsent sous les traits d'un guerrier subjuguant un -chef lybien, et les vigoureuses scnes guerrires qui prcdent et -suivent cet pisode ont sans doute servi de modles celles que nous -trouverons plus tard sur les temples de Ramesid. - -Nous trouvons encore des traces d'un beau travail sur les murs en ruines -du temple mortuaire de Seti Karnak, et le plan de celui de Abu Simbel, -connu comme oeuvre de Ramss II, fut tabli pendant le rgne du pre -illustre de ce Pharaon. Tous les genres de dcoration murale ont t -employs durant le rgne de Seti. Les bas-reliefs d'Abydos sont les plus -beaux, mais le relief en creux tait galement trs employ et avec -beaucoup d'effet; ici, le fond n'est pas enlev, mais le contour est -coup et le relief est form par la profondeur de cette incision. On -trouve un beau spcimen de ce travail dans la tombe de Seti Thbes, o -le jeune roi est reprsent faisant une offrande l'image de la Vrit. -Cette mme tombe est aussi richement dcore de peintures murales -plates. - -Peu aprs mon arrive Abydos, le _Khamsn_ rendit l'endroit aussi -inhabitable que Dr-el-Bahri. Le nom donn ce vent provient du mot -arabe signifiant _cinquante_, parce qu'il souffle pendant cinquante -jours, partir du commencement d'avril. On l'appelle aussi _Simoon_. -Il est prcd par une lvation de la temprature, un changement de la -teinte du ciel qui passe du bleu au gris, et une tranquillit spciale -de l'atmosphre. Bientt la teinte grise du ciel passe au jaune vers le -sud et une ou deux rafales d'air brlant annoncent l'arrive imminente -du flau. Il semble que les portes de l'enfer s'ouvrent. Un tourbillon -de sable se meut travers le dsert, et l'horizon est noy dans un -brouillard jaune. J'ai essay de peindre cet effet, mais je n'avais pas -le temps d'appliquer mes couleurs tant elles schaient vite. La surface -de ma palette et de mon croquis ressemblait du papier d'meri avant -que j'aie pu reprendre de la couleur, si ma toile faisait face au vent, -et d'un autre ct, si je faisais face au vent moi-mme, j'tais aveugl -par le sable. Il n'y a qu'un parti prendre au moment du _Khamsn_, -c'est de rester chez soi. On se demande ce que ce sera en juin si la -chaleur est dj si fatigante en avril. Je m'tais empress d'emballer -tous mes vtements chauds pour les expdier chez moi par petite vitesse, -mais deux jours plus tard je m'estimais heureux de ce que l'expdition -n'ait pu tre faite, car un changement de vent m'avertissait qu'ils -pourraient m'tre encore utiles. La seule consolation de ces brusques -changements est que cette plaie d'gypte, les mouches, en souffre -galement. Le mois d'avril, en gypte, n'est jamais attrist par la -pluie, et il dpend de la direction du vent que le sjour y soit -charmant ou dtestable. - -Je m'en retournai Luxor par un train de nuit, car je ne me souciais -pas de refaire le trajet par la chaleur du jour. Il faisait un peu plus -frais Dr-el-Bahri lorsque j'y arrivai le matin suivant. Les fouilles -taient termines et tout le monde tait parti, sauf Currelly qui -surveillait l'emballage de fragments provenant du temple de Mentuhotep. -La trouvaille de l'anne prcdente, la vache de Hathor, ayant t -acquise par le Muse du Caire, toutes les autres dcouvertes devaient -revenir la Socit d'Exploration gyptienne. Mes bagages furent vite -prts et expdis dos de chameau sur la rive oppose Karnak, o -attendait la _dahabiyeh_ de mon ami Nicol. J'eus le regret d'abandonner -Currelly dans cette fournaise, avec une si grande quantit de fragments - emballer, mais mon temps tait limit et j'avais hte de visiter -Karnak. - -Lorsque nous atteignmes Karnak, mon ami Erskine Nicol fit jeter l'ancre - cinq minutes du grand temple. Howard Carter m'avait donn une lettre -d'introduction auprs de M. Legrain qui tait la tte des travaux de -Karnak et qui est un des hommes les mieux renseigns de notre temps sur -cette partie de la contre; ma premire matine se passa en compagnie de -cet aimable Franais et de Nicol, visiter les temples de la rgion. M. -Legrain nous conta l'histoire de Karnak et nous fit remarquer le -dveloppement de cette cite ddie Ammon. Nous trouvmes des traces -de son histoire depuis la douzime dynastie jusqu' l're chrtienne, -soit pendant une priode de deux mille ans. On peut y voir aussi des -vestiges des temps archaques, mais comme je ne veux parler ici que des -monuments intressants au point de vue artistique, je laisserai de ct -ces ruines des premiers ges. M. Legrain est un artiste lve de l'cole -des Beaux-Arts et sa connaissance des lieux jointe ses qualits -artistiques en font un guide unique. - -Pour avoir une ide vraiment grandiose de cette vaste tendue de ruines, -il faut se diriger vers le Nil par l'avenue des Sphinx. On passe sous un -gigantesque portail, rig par l'un des Ptolmes; c'est le pylne -principal. Les dimensions de ce portail sont imposantes, mais nous ne -nous y arrtons pas longtemps, car la grande cour qui suit attire notre -attention. Nous remarquons une haute colonne chapiteau en forme de -calice, qui supportait sans doute autrefois une statue; des neuf autres -colonnes qui formaient une double range dans la cour, il ne reste que -les bases et des tronons briss. Contre le bleu clair du ciel, le beau -chapiteau du pylne de Ramss I se dtache hardiment. L'thiopien -Taharqua leva, dit-on, ces hautes colonnes durant la vingt-cinquime -dynastie, priode qui marqua le dbut de la dernire renaissance de -l'art gyptien. - -Nous dpassons le grand pylne pour pntrer dans le hall hypostyle -lev par Seti I et termin par Ramss II. En entrant pour la premire -fois dans ce hall orn de 134 colonnes, on ressent quelque chose de -l'effroi et de la surprise qu'inspire une premire vue des Pyramides, -mais ici un art plus raffin a aid la force brutale dans la -construction de cette oeuvre monumentale. Ce que nous voyons suffit pour -nous permettre d'imaginer l'impression que l'difice entier devait -produire; telles qu'elles sont, ce sont les ruines les plus grandioses -de l'univers. - -[PLANCHE 38: GALERIE HYPOSTYLE, A KARNAK] - -La gravure ci-contre reprsente imparfaitement les deux rangs de -colonnes qui supportaient la vote de la nef. Les deux ailes taient -supportes par 122 colonnes, mais ces dernires taient moins leves -que celles de la nef, de sorte qu'elles permettaient la lumire de -pntrer dans l'intrieur travers une double range de fentres. Ce -que nous appelons la nef, comprend trois grandes ailes. Les deux moins -leves, droite et gauche, sont supportes chacune par sept rangs de -colonnes qui, avec les murs extrieurs, forment sept ailes moins -importantes. - -L'effet de ces 134 colonnes est fort imposant; la circonfrence de -chacune est si norme que leurs bases couvrent presque entirement la -surface du sol. Je ne sais si au point de vue architectural cette -disposition est heureuse, mais je sais que l'effet est imposant. Je -donnerai une ide de la circonfrence de ces colonnes en disant que six -personnes se tenant par les mains, peuvent peine entourer une seule -colonne. Leur hauteur est de 69 pieds, ce qui, avec les blocs de granit -qui les surmontent et supportent le toit, donne l'extrieur 78 pieds -de hauteur. Les architraves au-dessus de ces colonnes s'lvent peu -prs la hauteur des fts de celles qui sont au centre. Quelques-unes -de celles-ci taient tombes il y a sept ou huit ans, et M. Legrain nous -raconta comment il s'y prit pour les relever et les replacer. Le -procd qu'il employa est sans doute le mme que celui des architectes -de Seti. M. Legrain fit amonceler de la terre jusqu' la hauteur de -l'emplacement de la pierre tombe, en rservant une sorte de chemin sur -cette colline artificielle. Au moyen de poulies et de cordes, on hissait -le bloc croul jusqu' sa place primitive. La terre ainsi employe, -provenant des fouilles du temple voisin, ne cotait rien. Comme la -main-d'oeuvre est trs bon march pendant certains mois de l'anne, le -travail tait moins coteux que si l'on avait employ des grues -actionnes par des moteurs. Beaucoup de fouilles restent encore faire. -Un grand nombre des colonnes des ailes sont encore enfouies jusqu' la -naissance de leurs chapiteaux. Les pierres formant la toiture -proviennent sans doute de l'poque des Ptolmes, alors que ceux-ci -dsiraient ajouter leur tribut en l'honneur d'Ammon ou de quelque autre -dieu thbain. Toutes les colonnes centrales et la plupart des petites -sont graves et ornes d'inscriptions et de cartouches datant de Ramss -II. La plus belle oeuvre de Seti se trouve sur la faade intrieure des -pylnes qui entourent le hall, l'est et l'ouest, et des deux cts -du mur nord. Les quelques colonnes qui nous restent de l'oeuvre de ce -Pharaon nous font regretter qu'il ne l'ait pas termine. On y retrouve -de dlicats bas-reliefs, rappelant ceux d'Abydos, et qui forment un -contraste frappant avec l'oeuvre de son fils. - -En quittant cette galerie par la porte de la muraille nord, nous pouvons -tudier une srie de bas-reliefs reprsentant les victoires de Seti -pendant sa campagne de Syrie; ils sont aussi intressants au point de -vue artistique qu'au point de vue historique. Nous voyons toutes les -scnes guerrires depuis les origines de l'Empire jusqu' la conqute de -l'gypte par Alexandre. Ce sont sans doute ces ouvrages artistiques qui -ont inspir la scne, reproduite l'infini, d'un Ramss quelconque -terrassant un barbare. - -[PLANCHE 39: LE SANCTUAIRE, A KARNAK] - -Retournant dans la galerie, nous traversons cette fort de colonnes et -nous sortons par la porte de l'est, sous le pylne d'Amenhotep III. -Cette partie plus ancienne du temple d'Ammon est dans un tel tat de -ruines que, sans l'aide de M. Legrain, nous n'aurions pu nous y -retrouver. Deux oblisques de Thothms I, dont un seul est debout, et le -pidestal d'une statue colossale qui a disparu, forment la partie -frontale de ce temple de la dix-huitime dynastie. A l'origine, aucun -difice ne lui cachait la vue de la rivire. Le pylne des Thothms -n'est plus qu'un amas de ruines. Le second pylne dont il y a encore -moins de vestiges, forme la faade est d'une troite cour colonnes, -dont rien ne subsiste, si ce n'est le grand oblisque de la fille de -Thothms, Hatshepsu. Son poux, Thothms III, en avait entour la base -de murailles qui, maintenant en ruines, nous laissent admirer dans son -entier l'exquis monolithe de granit rose. C'est le plus beau des -oblisques d'gypte; il a prs de cent pieds de haut, et son poids est -estim trois mille six cents soixante-treize tonnes par le professeur -Steindorf. Sur la surface polie de la pierre, on remarque des -inscriptions se rapportant aux guerres de l'poque des Thothms, la -rvolution religieuse d'Ikhnaton, o la figure d'Ammon a t efface -pour tre restaure ensuite durant le rgne de Seti, alors que le culte -de ce dieu tait fermement rtabli. Au del, une seconde cour -colonnades de l'poque de Thothms I, flanque de figures d'Osiris, se -prolonge vers la rivire. Passant sous un autre pylne, nous pntrons -dans l'avant-cour du sanctuaire. On remarque sur la grande porte en -granit du dernier et du plus petit pylne, de belles inscriptions avec -des figures caractristiques de Nubiens et de Syriens faits -prisonniers par Thothms III. Le mme Pharaon fit lever deux piliers de -granit dans cette cour; le lys de la Haute gypte se dtache en un -relief accentu sur l'un, face au soleil, tandis que sur la partie nord -du second, nous voyons le papyrus de la Basse gypte. J'ai pris les -croquis ci-joints de l'un des appartements en ruines de la Reine -Hatshepsu. La statue mutile de Thothms III a t place dans le -boudoir dilapid de sa demi-soeur. Au-dessus s'lve le sanctuaire que -Philippe Arrhidaeus leva longtemps aprs la mort de ce couple. Le -temple de la dix-huitime dynastie tait dj partiellement en ruines. -Cette oeuvre est un des joyaux de Karnak. Presque toute la couleur -primitive a gard son clat et le granit dont il est fait est d'un ton -merveilleux. Les inscriptions, graves dans une pierre trs dure, -demeurent aussi nettes que si elles venaient d'tre faites. Les murs -intrieurs sont peut-tre encore plus beaux. Les scnes sont -gnralement reprsentes en une teinte vert-malachite sur le fond rose -de la pierre. La gravure ci-contre tant une rduction d'une aquarelle, -il est trs difficile de suivre les inscriptions du mur sud qui y sont -reprsentes. Ici, elles sont gnralement indiques en rouge, mais la -teinte conventionnelle des hiroglyphes et des personnages a t -profondment modifie pour suivre une combinaison choisie de couleurs, -licence que l'artiste ne se serait pas permise au moment o les -souverains d'gypte montraient plus de respect pour leurs dieux. A -gauche de la gravure, nous voyons le lys de la Haute gypte sur le -pilier tronqu de Thothms, et plus haut se dresse le grand oblisque de -Hatshepsu. Ce qui reste des fentres du hall hypostyle est visible dans -le lointain, et les tours en ruines du dernier pylne brisent la ligne -de l'horizon. Quelques marches tailles dans un bloc de pierre -intriguent encore les archologues. Elles ressemblent beaucoup celles -de l'escalier qui conduit l'autel du sacrifice, dans le temple de -Hatshepsu, Dr-el-Bahri. - -A l'est du sanctuaire, il ne reste gure que les fondations du temple de -la douzime dynastie. Le temps coul depuis la construction de ces -difices jusqu'au moment o fut lev le temple de Seti, embrasserait -les sicles qui se sont couls depuis la conqute de l'Angleterre par -les Normands jusqu' nos jours. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XVIII_ - -ENCORE KARNAK - -LA PROMENADE MERVEILLEUSE PARMI LES RUINES DE KARNAK CONTINUE. || LE -PETIT SANCTUAIRE DU ROI THIOPIEN, SHABAKO. || LE JEUNE PHARAON COURONN -DE LOTUS. || LA DESSE A TTE DE LIONNE. || LE LAC SACR ET L'AVENUE DES -SPHINX. - - -Au del de ce temple se trouve la galerie colonnades de Thothms III, -prcdant son sanctuaire. En cherchant notre chemin travers les -ruines, nous voyons que cette galerie n'est qu'une partie d'un vaste -temple. Le fate est support par trente-quatre piliers carrs et une -double range de colonnes. Ces dernires sont plutt bizarres que -belles, avec leurs chapiteaux calice renvers et leurs fts -s'amincissant la base. La plupart des inscriptions sont intressantes, -mais en bien mauvais tat. Dans une pice au nord du sanctuaire, les -murs sont couverts de reliefs reproduisant des plantes et des animaux -que Thothms rapporta, dit-on, de Syrie. Ils sont dessins avec ce -sentiment de la forme qui caractrise l'oeuvre de Dr-el-Bahri. Les -quatre colonnes qui supportaient le toit de cette pice sont bien -conserves; elles sont du type qui emprunte son modle au papyrus, dont -les boutons entourent le chapiteau. - -[PLANCHE 40: BAS-RELIEFS DANS LA CHAPELLE DE SHABAKA, A KARNAK] - -Aprs que nous emes franchi la muraille de ce temple, M. Legrain nous -conduisit vers un modeste petit autel qu'il venait de dcouvrir -l'extrme est de la grande enceinte. Il est heureux que M. Legrain soit -un artiste en mme temps qu'un gyptologue, car, quiconque n'aurait pas -eu le sentiment de la beaut de ces reliefs endommags, aurait pu nous -perdre un trs curieux spcimen du travail de la vingt-cinquime -dynastie. Notre excellent guide nous dit comment ce petit sanctuaire fut -rig par Shabako, le premier des rois thiopiens; les reliefs taient -dans un triste tat et avaient presque disparu aux endroits o la pierre -sablonneuse s'tait dsagrge, mais, dans une chambre intrieure, M. -Legrain nous montra un relief qui reprsentait un Pharaon portant une -offrande un dieu. La couleur originale est presque compltement -disparue, mais ce qui en reste s'harmonise admirablement avec la surface -de la pierre. A mesure que nous nous habituons la lumire -incertaine, nous discernons plus clairement la beaut du dessin, et nous -nous arrtons moins aux joints inexacts des pierres. Ce Pharaon est -probablement un successeur de Shabako Taharqua; en tout cas je prfre -croire que cette belle crature n'est pas le barbare qui brla vif son -ennemi vaincu, Bokchoris. Il est surprenant qu'un art aussi parfait ait -pu renatre durant le rgne de ces farouches thiopiens. - -Le peu de temps dont je pouvais disposer m'empcha de traiter mon sujet -aussi fond que je l'aurais dsir. La ligne onduleuse des bras amne -notre regard la droite de la gravure; au del se trouve l'objet -d'adoration. On distingue peine les oiseaux qui sont offerts au dieu, -mais combien ils remplissent joliment l'espace! Ici, la ligne de la -composition s'arrte net et les ttes des oiseaux conduisent le regard -vers le dieu que le roi cherche flchir. Quelle couronne pourrait tre -plus belle que celle, faite de fleurs de lotus, qui ceint le front du -jeune Pharaon? - -Le petit temple qui renferme ce trsor est heureusement ferm, et -protg ainsi contre les profanes. - -Pour apprcier Karnak, il faut y vivre. Durant les trois semaines que -j'y passai avec Nicol, la _Mavis_ tant ancre prs du grand temple, je -passai trop de temps peindre pour pouvoir tudier l'endroit d'une -faon complte. - -Blotti contre la muraille d'enceinte nord, se trouve un petit temple -lev par Thothms III et ddi au dieu Ptah. Il fut plus tard agrandi -par les Ptolmes. Le soir, l'ombre du grand temple recouvre l'espace -qui spare les deux monuments, et les colonnes de ce petit sanctuaire se -profilent au premier plan. Lorsque la lumire crue de midi tombe sur -cette vaste masse de ruines grises, il est difficile d'en rendre la -couleur, et l'on ne peut les traiter qu'en noir et en blanc. - -[PLANCHE 41: SEKHET] - -M. Legrain nous conduisit au temple de Ptah; la chaleur intense du jour -nous faisait vivement dsirer d'y trouver de l'ombre frache. Aprs -avoir travers deux cours, nous pntrons dans une petite pice, et y -heurtons presque la statue tte de lionne de la desse Sekhmet. C'est -une splendide crature et nous sommes reconnaissants au sort qui, au -lieu de l'adjuger quelque muse, lui permit de demeurer dans le cadre -o la plaa Thothms. M. Legrain nous raconta qu'il l'avait trouve -quelques annes auparavant dans le mme endroit, mais brise en soixante -morceaux. Heureusement, aucun ne manquant, il put la reconstituer et -on lui permit de la laisser dans le cadre qui lui convient si bien. -Cette desse de la Guerre, tte de lionne, inspire la frayeur et le -respect au prime abord, quand on la voit dans l'ombre de la pice, toute -voile de mystre. - -Laissant Sekhmet la garde du sanctuaire, nous revenons sur nos pas -pour nous diriger vers la cour centrale du temple d'Ammon, et, aprs -l'avoir traverse, nous allons examiner les ruines du ct sud. Il est -difficile ici de reconstituer un plan quelconque et de comprendre quel a -t le but de l'architecte en faisant lever quatre pylnes qui se -succdent sur un espace de trois quatre cents mtres jusqu'au mur -d'enceinte. Thothms III et Hatshepsu firent lever les deux premiers, -tandis que les deux derniers, qui ne semblent pas leur place dans le -grand temple, furent levs par Haremheb, le fondateur de la -dix-neuvime dynastie. La base de la muraille gauche, qui relie le -pylne en ruines de Thothms au temple, est orne d'inscriptions dues -Merneptah. L'ternel massacre des Syriens, auquel Ramss II, pre de -Merneptah, ddiait l'art de son poque, a t fait ici par le fils, mais -ce qui nous intresse le plus, c'est la ressemblance que prsente cette -oeuvre avec celle du grand-pre de Merneptah, Seti I, et des premiers -artistes de la dix-huitime dynastie. - -Le peuple tant d'une nature pacifique, il semblait que l'art de la -contre dt s'inspirer de sujets en harmonie avec le caractre du -peuple; en effet, les guerres de Thothms ne sont point rappeles par -des scnes de bataille; nous voyons simplement une offrande des trophes - Ammon, mais lorsque Seti repoussa les tribus smites qui, en -envahissant ses provinces asiatiques, devenaient un srieux danger pour -l'gypte elle-mme, l'art s'mut de l'importance de ces victoires et -nous en laissa les inscriptions commmoratives que nous voyons sur le -mur nord du hall hypostyle. Durant les longues guerres de Ramss II, il -semble que les temples n'aient t btis que pour y reprsenter sur -leurs murailles les faits et gestes des Pharaons. On voit l'infini le -souverain tenant un adversaire par les cheveux et se prparant lui -trancher la tte. Ce mme sujet trait si frquemment semble avoir -paralys l'effort de l'artiste et l'on remarque un dclin sensible qui -continue durant le rgne de Merneptah. Il restait cependant de grands -artistes la fin du rgne de Seti; lorsqu'ils ont pu travailler -librement, ils ont produit de belles choses. On trouve beaucoup de -chefs-d'oeuvre dans le Ramesseum Thbes et le temple taill dans le -roc, d'Abu-Simbel, est peut-tre le plus beau monument, dans son genre, -que l'univers ait produit; le petit temple de Bet-el-Walli, en Nubie, me -semble aussi difficile galer. Je pourrais encore citer bien des -oeuvres de valeur, mais, compares celles de Seti et des dynasties -prcdentes, elles ne laissent point d'accuser une sensible dcadence. -Merneptah serait, d'aprs certains historiens, le Pharaon de -l'oppression, plutt que Ramss II, mais on ne sait comment concilier le -fait de la dcouverte de son corps dans la Valle des Tombes des Rois, -Thbes, avec les documents historiques qui prtendent qu'il trouva la -mort dans les flots de la mer Rouge. - -Au del du pylne en ruines de Thothms III, nous voyons quelques belles -statues de ce souverain qui prcdent un autre pylne. L'tang qui se -trouve plus loin cacha longtemps des merveilles que M. Legrain dcouvrit -il y a quelques annes. C'est au Muse du Caire que nous devrons nous -rendre pour apprcier la valeur de cette dcouverte. Quant aux statues -que nous voyons ici, ce sont celles qui n'ont pas t juges assez -intressantes pour tre envoyes au Caire. On se demande comment ces -statues se trouvaient au fond de cet tang; c'est l un de ces problmes -insolubles qui se prsentent chaque instant dans cette contre -merveilleuse. - -La partie sud de Karnak est la plus pittoresque. Le Lac Sacr et la -partie la plus ancienne du grand temple inspirent maint tableau. La vue, -au-dessus du Lac, avec, au loin, le pylne de Nestanebo, baign dans -l'or du couchant, donna Erskine Nicol le sujet d'une de ses meilleures -oeuvres. - -Sous l'arcade du pylne de Hatshepsu, les statues mutiles des Pharaons -forment un groupe pittoresque qui attire mes regards. Malheureusement, -mon temps limit ne me permet point de les peindre. Le paysage avec ses -beaux arbres, le modeste temple de Amenhotep II dans l'espace compris -entre les deux pylnes de Haremheb, sont galement trs attrayants. Nous -nous sommes souvent promens aux lumires dans la partie sud de Karnak. -L, les groupes de palmiers, l'herbe drue et vigoureuse, les buissons, -coupent la monotonie de la pierre grise et inspirent tout -particulirement le paysagiste. - -Une avenue de sphinx de prs de quatre cents mtres relie l'enceinte du -temple d'Amenhotep III de Mut celle du grand temple d'Ammon. Un lac -en forme de fer cheval entoure ce qui reste de l'autel lev par ce -Pharaon magnifique. Cette zone est en dehors de celle appartenant au -Service des Antiquits, et les _fellahn_ sont libres d'y faire patre -leurs troupeaux. Les enfants se baignent dans ce lac sacr et l'on y -abreuve les bestiaux. Quelques sphinx tte de blier mergent du sol - et l, et des desses tte de lionne projettent leur ombre sur les -eaux du lac. On ressent ici un charme infini de paix mystrieuse. - -Le temple de Khons, situ prs de la rivire et au nord de celui de Mut, -est le mieux prserv des trois sanctuaires que Ramss III fit -construire Karnak. Bien qu'il n'ait pas t construit pendant la -meilleure priode de l'architecture gyptienne, le temple de Khons offre -un intrt tout particulier en ceci qu'il subsiste presque en entier. En -le contemplant, nous pouvons imaginer ceux dont il ne reste que des -ruines. Comme le toit est demeur presque intact, nous remarquons -l'intrieur une lumire mystrieusement tamise qui manque dans les -autres temples. Le grand portail d'Euergetes I se trouve un peu en avant -du sanctuaire de Khons, et l'on y arrive par une avenue de sphinx qui -datent du dernier Ramss. Au del du portail s'tend le village et -entre les dattiers s'lvent quelques sphinx tte de bouc. - -Enfin, la chaleur de l't nous obligea nous diriger vers le nord, et -nous descendmes la rivire. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XIX_ - -LE TEMPLE DE DENDERA - -EN DESCENDANT LE NIL. || LA FERTILIT ET LE PITTORESQUE DE LA CAMPAGNE -GYPTIENNE. || LE FELLAH N'A PAS LA HAINE DE L'TRANGER. || LE TEMPLE -DE DENDERA ET L'INFLUENCE GRECQUE DANS L'ARCHITECTURE DU Ier SICLE. - - -Malgr la chaleur, notre voyage sur le Nil fut dlicieux. Avanant -raison de trois ou quatre milles l'heure, au plus, nous passions -souvent nos soires et nos nuits l'ancre, pour repartir au lever du -jour. Un sujet de tableau particulirement intressant nous retenait -parfois plusieurs jours au mme endroit, mais ds que le vent tournait -au sud, nous nous empressions d'en profiter. Nous avions notre atelier -bord, avec une grande quantit d'esquisses et de sujets mettre en -ordre, ce que nous faisions pendant que nous descendions lentement le -fleuve. Parfois, jetant l'ancre avant le soir, nous partions la -chasse, le fusil sur l'paule, ce qui, n'enrichissant pas toujours -notre garde-manger, nous procurait du moins quelques heures d'un -exercice fort sain. Les criteaux _chasse garde_ que nous rencontrons - chaque pas dans la mre patrie, n'existent pas ici. Chacun est libre -d'errer dans les champs, condition toutefois de respecter les -rcoltes. Comme nous tions discrets et que nous savions distinguer les -pigeons domestiques des pigeons sauvages qui nichent dans les -columbariums, les paysans nous aidaient complaisamment dans nos chasses. -La foule indigne est ici bien diffrente de celle des centres de -tourisme. L'impertinence de l'habitant de Luxor qui ne considre -l'Europen que comme une source de revenus, ne se rencontre pas ici. Il -est bien rare qu'on entende l'ternel cri de _baksheesh_, si obsdant au -Caire et Assouan, et, pour ma part, j'ai toujours trouv le _fellah_ -poli et complaisant. Il est vrai que Nicol, qui a vcu de longues annes -parmi ce peuple et qui parle couramment l'arabe, contribua rendre nos -relations agrables. Il est difficile un Occidental de comprendre -l'me orientale; pourtant, m'aidant de l'exprience de mon ami, je fus -mme de me former une meilleure opinion de l'gyptien moderne, et aussi -de me faire une ide de l'impression que lui produit l'Europen. Des -rumeurs, recueillies Luxor, nous avaient appris que la contre tait -dans un tat d'effervescence. L'incident de Denshaur avait excit les -esprits au Caire et dans les villes du Delta, mais les bateliers du Nil -et les habitants de la campagne semblaient n'en rien savoir. Tant que -ceux-ci jouissent tranquillement de leurs possessions agricoles et -qu'ils trouvent un dbouch pour leurs produits, ils ne se soucient -gure de la politique de leur Gouvernement. Les bateliers ne semblent -pas avoir particip la prosprit que l'occupation britannique apporta - leur pays, mais ce sont des gens paisibles qui ne se rendent gure -compte du rle prpondrant que notre gouvernement joue en gypte. Au -fur et mesure que les produits agricoles trouvaient de nouveaux -dbouchs, le prix des articles de premire ncessit augmentait, mais, -particulirement en raison de la concurrence des chemins de fer, les -salaires des bateliers du Nil sont demeurs stationnaires, ce qui fait -que leur condition est pire qu'elle ne l'tait il y a dix ou quinze ans. - -Au bord du fleuve, se trouve Ks, importante cit du moyen ge, rduite -maintenant l'tat de simple village. Au del de Kuft,--l'ancien -Koptos--on rencontre de charmants paysages, et nous prfrmes errer -la recherche de quelque gibier qui varierait notre ordinaire, plutt que -de visiter les ruines du temple de Min. Sur la rive est du Nil, quelques -_gayassa_ charges de poteries de Balls attendaient un vent favorable -pour descendre le fleuve. Les dpts de terre glaise se trouvent dans -l'intrieur des terres, mais sur le bord du fleuve s'levaient de hautes -meules de Ballssa d'o le village tire son nom. Notre station suivante -fut prs d'un modeste petit village sur la rive ouest, en face de Kaneh; -l, nous nous arrtmes pour visiter le temple de Dendera. Nicol -cherchait un endroit de la rive qu'il pt donner comme fond son -tableau: _Les troupeaux l'abreuvoir_, et tout nous indiquait qu'en cet -endroit les _fellah_ avaient coutume de dsaltrer leurs bestiaux. Le -temple se trouvait 5 ou 6 kilomtres dans l'intrieur des terres, mais -nous avions le temps d'aller le visiter et de revenir avant la nuit. - -Le paysage en gypte a un charme qui lui est absolument particulier; -parfois, en Palestine, vous dcouvrez quelque coin qui vous fait songer -au pays natal; le Liban prsente les particularits propres aux -districts montagneux. Mais les grandes plaines fertilises par le Nil -n'veillent point de comparaisons et appartiennent bien la seule -gypte. Point de haies, seule la diffrence de couleurs indique qu'une -certaine culture est plus avance que l'autre, et les collines dsertes -de l'est et de l'ouest vous rappellent constamment que l'gypte est un -don de la rivire. Bien que nous ne fmes qu'au commencement de mai, -les moissons taient presque termines. De temps autre nous -rencontrions un couple de boeufs foulant le bl, pendant que quelques -paysans, profitant de la brise, sparaient le grain de la paille. Des -troupeaux de chvres et de brebis se dirigeaient lentement vers -l'endroit d'o nous venions, pour se dsaltrer dans le Nil. - -Nous approchions du temple; la poussire grise qui tourbillonne toujours -sur les amas de ruines, voilait la vue, et nous distinguions vaguement -la faade. Le sol que recouvrent en partie les habitations en ruines -prs des temples, est vendu par le Service des Antiquits aux -_fellahn_, qui le jugent prcieux. C'est en labourant et en piochant -autour de ces ruines que les paysans trouvent parfois quelque scarabe -ou autre _antika_ de valeur, et la possibilit de ces trouvailles entre -sans doute dans leurs calculs. Pendant l't, les nes qui, l'hiver, -portent le touriste, servent transporter la poussire, du temple aux -champs, comme engrais. Cette poussire m'empcha souvent de poursuivre -mon travail. Heureusement que la faade du temple se trouvait dblaye -et nettoye, et nous pmes admirer l'aise sa symtrie et ses belles -proportions. - -[PLANCHE 42: COUR INTRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA] - -L'influence grecque est trs marque dans l'architecture de ce temple. -Il fut construit au dbut du premier sicle, au moment de la conqute de -l'gypte par les Romains, et bien qu'lev par l'empereur Auguste, on le -regarde plutt comme un monument des Ptolmes que comme un monument -romain. L'effet de la faade est fort beau; comme dans la plupart des -monuments de cette priode, les dtails rappellent plutt l'oeuvre d'un -habile ouvrier que celle d'un artiste. Il est difficile de comparer -l'extrieur de ce temple avec celui de n'importe quel temple de la -dix-huitime dynastie, car nous avons ici l'avantage de voir un monument -dans son entier, tandis que les autres n'existent qu'en fragments. Six -colonnes tte de Hathor supportent l'architrave et la corniche -concave, au dessin trs hardi; un disque solaire ail surmonte la porte -d'entre. Les trois colonnes, de chaque ct de l'entre, sont runies -par une balustrade qui monte jusqu' moiti des fts. Le pronaos, ou -vestibule, est plus beau que ceux des temples de construction plus -ancienne; les dix-huit colonnes qui s'lancent du sol supportent le -toit, et les chapiteaux sont perdus dans l'ombre. - -Ce temple ne peut tre class parmi les monuments en ruines; les effets -d'ombre et de lumire, cherchs par l'architecte, existent encore. Les -monuments de la dix-huitime dynastie peuvent tre plus beaux, mais leur -tat lamentable ne nous permet pas de juger exactement de leur valeur -architecturale. En examinant les inscriptions des murailles, on remarque -la dcadence de l'art de la sculpture, mais perdues et fondues dans les -effets d'ombre et de lumire, ces inscriptions paraissent remplir le but -artistique cherch par le sculpteur. Du centre du pronaos, le regard -embrasse le hall hypostyle, avec les hautes colonnes supportant le toit, -les deux antichambres au del, et l'ombre croissante qui se perd enfin -dans l'obscurit du sanctuaire. Nous n'allumons pas de torches; nos yeux -s'habituent au clair-obscur et les ouvertures carres du toit admettent -assez de lumire pour que nous puissions distinguer les ttes de Hathor -des chapiteaux. Traversant les deux antichambres, nous arrivons la -porte du sanctuaire o l'obscurit est complte. Un vestibule sur lequel -s'ouvrent onze chambres fait le tour du sanctuaire; l'une de ces -chambres, qui se trouve derrire le sanctuaire, est connue sous le nom -de chambre de Hathor. Elle renfermait autrefois un autel et une image -de la desse; maintenant elle sert d'abri une quantit innombrable de -chauves-souris, et l'odeur y est insupportable. Du sanctuaire, nous -voyons toute la perspective du temple, qui se prolonge sur quatre-vingts -mtres environ. - -Le paysage, au coucher du soleil, est fort imposant; il valait bien la -peine de notre longue course, avec le retour la _Mavis_, ttons, -dans l'ombre du soir. - - * - * * - - - - -_CHAPITRE XX_ - -ROSETTA - -EL-RASCHID, LA CIT PITTORESQUE MAIS INCONFORTABLE. || L'HOTEL KARALAMBO -ET LE BAKKAL. || DU MOINS, LES SUJETS DE TABLEAUX NE MANQUENT POINT -DANS CETTE VIEILLE VILLE RESPECTE DES EUROPENS. || LE DERNIER MINARET. - - -En dpit de l'ordre chronologique de mes voyages, je prie le lecteur de -m'accompagner Rosetta, o je fis un court sjour il y a une dizaine -d'annes. - -Afin d'viter la chaleur de juillet au Caire, je transportai mon bagage -de peintre dans le Liban, o je demeurai assez longtemps pour permettre - Damas de devenir habitable. Pendant que j'tais dans cette dernire -ville, mon vieil ami, Henry Simpson, me fit savoir que Rosetta, o il -sjournait alors, tait une cit dlicieusement pittoresque et offrant -d'innombrables sujets un artiste. Je dcidai donc de me rendre -Rosetta ds que j'aurais termin mon travail Damas. Je pris Bert -un bateau qui fait la cte jusqu' Alexandrie, d'o un train fort lent -me conduisit en cinq heures _El-Raschid_, nom par lequel on m'apprit -dsigner Rosetta. Proccup uniquement de la valeur artistique de la -ville, je n'avais pas song m'y faire prparer un gte. Si j'avais -consult mon guide, j'aurais vu la mention _Pas d'Htel_. Cependant mon -ami m'attendait la gare, et lorsque je lui demandai si nous tions -loin de l'htel, je crus voir qu'il souriait en me rpondant que l'htel -tait dix minutes de marche. J'eus bientt l'explication de son -amusement en voyant un btiment dmantel au milieu de la vieille ville -pittoresque. Le rez-de-chausse servait de magasin pour certaines -marchandises capables de supporter la chute possible de l'tage -suprieur. Je n'y vis gure qu'un peu de charbon et de paille o -couraient des rats. Simpson m'avertit que l'escalier, oubli par -l'architecte, et ajout ensuite au flanc de ce bizarre btiment, ne -supporterait qu'un de nous la fois. En effet, une large fissure me -donna penser que l'_htel_ et l'_escalier_ ne resteraient pas -longtemps unis, et je compris les apprhensions de mon ami. Ce fut pour -moi une occasion de me rjouir de mon peu de poids! Ce peu de poids, je -pus bientt juger, d'aprs le menu du dner, que je ne courrais aucun -risque de l'augmenter tant que je sjournerais l'htel Karalambo! -M'tant rendu compte, l'aide d'une bougie, des endroits dangereux de -ma chambre, je plaai mes malles de manire qu'elles ne fussent pas trop - la porte des rats et des souris, et je priai Simpson de me montrer le -chemin de la salle manger, car je n'avais mang que des dattes vertes -depuis mon djeuner. Il me rpondit, mon grand dsappointement, que -nous prendrions nos repas au _bakkal_, du ct oppos au square, et, -l'un aprs l'autre, nous descendmes l'escalier dangereux. Un _bakkal_ -est une combinaison d'picerie, de caf et de restaurant, et comme il -n'y avait pas l de chambres coucher, Karalambo, le propritaire, -avait lou le btiment que nous venions de quitter, afin de recevoir les -voyageurs assez braves pour ne pas reculer devant l'escalier. - -[PLANCHE 43: UNE COLE ARABE] - -Je fus prsent Karalambo qui essuya poliment ses doigts graisseux -avant de me tendre la main. Puis ce fut le tour de Mme Karalambo, et -avant qu'une ratatouille fumante ft apporte sur notre table, j'avais -fait la connaissance des notabilits de Rosetta. Ce _bakkal_ tait le -lieu de runion de l'lite de la ville et tait rempli d'Arabes fumant -leur _nargilehs_ et jouant au tric-trac. Je fus heureux de me mettre -table et n'essayai pas de deviner de quoi se composaient les mets qu'on -nous servait. - -Le docteur indigne vint se joindre nous au moment du caf; c'tait un -joyeux garon, trs affable, qui parlait trs bien l'anglais. Bien qu'il -n'et jamais quitt l'gypte, il tait aussi instruit que si ses tudes -avaient t faites Paris ou Londres. Il nous raconta ses luttes -acharnes contre les prjugs de ses coreligionnaires et combien il lui -tait difficile, pour ne pas dire impossible, de donner des soins aux -femmes. Il tait pourtant arriv obtenir l'autorisation de quelques -maris, de tter le pouls ou de regarder la langue de leurs femmes, au -moyen d'une ouverture pratique dans un rideau. Gnralement, la maladie -tait bien avance lorsqu'on se dcidait l'appeler. Il nous invita -dner avec lui le jour suivant et nous abandonna au bas de notre -dangereux escalier. - -Rosetta, en tant que source d'inspirations artistiques, justifia tous -mes espoirs. Les bazars taient dans tout leur clat; les talages -s'ouvraient, remplis de fruits de Syrie et des pays environnants. Rien -ici ne rappelle l'Europe, et peu d'indignes ont abandonn le costume -national. On remarque et l des colonnes d'anciens temples ou des -premires glises chrtiennes, employes pour soutenir un tage ou -_finir_ le coin d'un btiment. Les maisons sont construites en briques -longues et troites, laissant un vide entre elles; elles sont d'une -riche couleur brun rouge. On trouve beaucoup d'ouvrages en bois sculpt, -mais la _meshrebiya_ est plus grossire qu'au Caire. La mosque de Sidi -Sakhln est fort imposante avec sa vote supporte par d'antiques -colonnes de marbre. D'autres mosques, plus petites et bien dlabres, -offrent nanmoins de jolis sujets de tableaux. Les fontaines, les bains, -les coles sont plus modestes qu'au Caire, mais nulle part ici l'on ne -trouve les illogismes que l'on rencontre si souvent dans la grande cit. - -Simpson fit quelques dlicieux tableaux dans plusieurs des petits cafs, -et j'espre que Londres connatra bientt ces exquises aquarelles. La -priode de Rosetta est, mon avis, la meilleure de son art. - -Malgr le manque de confortable de mon installation, je dcidai de -sjourner Rosetta aussi longtemps que possible, car cet endroit est -vraiment un joyau. Je fus assez heureux pour pouvoir engager un gardien -de nuit qui, pendant que je travaillais, me protgea de la foule -curieuse et des chiens. Les talages des fruitiers m'attirrent tout -d'abord. Les oranges et les citrons, en normes monceaux, attendaient la -vente la crie. De longues grappes de dattes, des corbeilles dbordant -de grenades, des piles de cannes sucre et des tas d'artichauts -formaient un tableau pittoresque de tons vifs. Les tons de lumire de -ces bazars sont trs beaux. Les rayons de soleil tamiss par les nattes -et les treillis qui protgent l'talage, ne baignent de clart que -l'extrieur, tandis que les fruits sont clairs d'une douce lumire -d'un brun chaud. Naturellement, ces sujets doivent tre peints -rapidement, car le tas de citrons d'aujourd'hui peut tre remplac -demain par une pile de grenades. En outre, la vue est continuellement -interrompue par les alles et venues du vendeur et des clients. Mon -labeur, au moment o la crue du Nil rendait l'air chaud et humide, tait -extrmement fatigant. - -Aprs deux jours de travail avec un tal de fruitier comme modle, je -commenai l'intrieur d'une mosque. Un ordre du Mahmoor (le gouverneur -de la ville) au Cheik, aplanit toutes difficults, et il nous fut permis -de placer nos chevalets devant l'autel de Sidi Sakhln. La vie de ce -saint personnage m'a t raconte, mais elle se confond tellement dans -mon esprit avec celle des autres clbrits musulmanes, que je ne me -hasarderai pas la redire. - -Un autre saint de la localit repose sous le dme d'une mosque situe -au bord du dsert qui spare Rosetta de la baie d'Aboukir. Les vents de -la mer ont amoncel le sable un tel point que cet difice est moiti -enseveli, et l'on est constamment oblig de dblayer le portail pour -permettre aux fidles d'y pntrer. Le cimetire actuel se trouve plus -de dix pieds au-dessus du niveau du sol de la mosque. J'ai fait le -dessin reproduit dans la gravure ci-contre durant le mois de _Shanwl_ -qui succde au jene du Ramadn. Il est d'usage pour les femmes, ce -moment-l, d'aller visiter les tombes de leurs dfunts et de les orner -de feuilles de palmiers. Elles demeurent au cimetire toute la journe, -les unes pleurant une mort rcente, tandis que d'autres, accroupies en -rond, passent leur temps discuter les affaires de leurs voisines. - -Une attaque de fivre intermittente me retint pendant prs d'une semaine -dans mon taudis de l'htel Karalambo. Notre ami le mdecin s'institua -encore infirmier, et surveilla la cuisine de Mme Karalambo. Ses visites -duraient le temps d'un gros cigare. Lorsque le cigare arrivait sa fin, -le joyeux petit _hakim_ se souvenait brusquement d'un autre malade qui -l'attendait et filait prestement, en me promettant de revenir dans le -courant de la journe. Lorsque je pus enfin me lever, je ne me sentais -gure la force de travailler, et la maigre chre de notre htel n'tait -pas faite pour me rconforter. La saison des pluies ayant commenc, je -m'aperus que le plafond de ma chambre tait aussi crevass que le -parquet. Une douche glace ou le bruit d'un morceau de pltre qui se -dtachait du plafond, m'veillait en pleine nuit. De fortes pluies sont -trs frquentes la fin de l'automne sur la cte gyptienne, et je -craignis que notre escalier, emport par l'eau, ne tombt tout fait. -Je me dcidai enfin quitter Rosetta et retourner au Caire. Simpson, -rest Rosetta pour terminer une srie d'aquarelles, me rejoignit -bientt. J'espre avoir l'occasion de peindre encore dans cette ville -pittoresque, mais je me promets de camper ou de demeurer en _dahabiyeh_, -car j'ai dix ans de plus maintenant, et je ne pourrais plus me rsoudre - vivre dans un _bakkal_ grec. - -[PLANCHE 44: LA MOSQUE D'ABOUKIR] - -Quelques annes aprs mon sjour Rosetta, un concours d'heureuses -circonstances me ramena proximit de cette ville. Mon ami Simpson -passait la fin de l't sur la _dahabiyeh_ de M. G. R. Alderson, un -membre influent de la colonie anglaise d'Alexandrie. _No_, ainsi que le -nomment ses familiers, m'invita passer quelque temps dans son _arche_, -avant mon dpart pour la Haute gypte. Cette arche, jadis un petit -navire de guerre, avait t transforme en une confortable et spacieuse -habitation flottante. Elle tait ancre dans la baie d'Aboukir, en face -de la villa entoure de palmiers o habitait la fille de notre hte, -Mrs. Richmond. Nous venions prendre nos repas la villa, mais nous -passions nos nuits bord. Je passai une dlicieuse semaine dans ce -paradis terrestre. Le temps tait exquis, juste assez chaud pour nous -permettre d'apprcier la brise de la mer et l'ombre des palmiers. Les -arbres taient couverts d'immenses grappes de dattes, variant de -couleurs, de l'or le plus ple un brun riche, suivant leur exposition -au soleil. J'tais heureux de pouvoir en faire quelques tudes, mais -notre hte m'assura que j'tais arriv une semaine trop tard pour les -voir dans toute leur splendeur, car beaucoup de fruits dj avaient t -cueillis. - -Le minaret que l'on aperoit entre les palmiers sur la gravure -ci-jointe, est de construction rcente et n'a point connu les jours -historiques d'Aboukir. Il a pourtant son intrt, car il est -probablement le seul difice construit par un chrtien en hommage un -peuple d'une foi diffrente. Cette mosque ajoute au pittoresque de -l'endroit et nous prouve que ce n'est pas seulement le temps qui donne -leur beaut aux oeuvres antiques. Si les proportions sont bonnes et -l'architecture en harmonie avec l'entourage, l'difice sera beau par -lui-mme, mais si ces qualits font dfaut, le temps ne l'embellira -jamais, tout au plus aidera-t-il dguiser les imperfections. - -Cependant, comme mes travaux m'appelaient ailleurs, je dus prendre cong -de mes charmants htes et m'engager dans le pays. Comme je traversais le -village pour la dernire fois, l'appel la prire attira encore mon -attention sur le minaret, et dans mon dernier souvenir de ce dlicieux -endroit sonne la voix vibrante du muezzin clamant: Allah akbar, Allah -akbar! - - * - * * - - - - -INDEX ALPHABTIQUE - - - ABD-EL-KURNAH (LE CHEIK), 148, 196. - - ABU-SIMBEL, 223. - - ABYDOS, 115, 201, 213. - - AHMED IBN TULUN, 70, 71, 72, 74. - - AKHNATON, 181. - - AKSUNKUR (LA MOSQUE), 91. - - ALEXANDRE (L'VQUE), 112. - - ALEXANDRIE, 111, 119, 135, 138. - - AMENHOTEP III, 146, 177, 213. - - AMENHOTEP IV, 185. - - ANIR, 74, 113, 116, 117, 118, 120, 121. - - APIS, 130. - - ARIUS, 112. - - ARMIANUS, 111. - - ASHRAFIYEH (EL), 38. - - ASKAR (EL), 74, 119. - - ATABA-KHADRA, 108. - - ATHANASIUS, 112. - - - BAB-EL-FUTUH, 103. - - BAB-EL-KARAFEH, 122. - - BAB-EL-KHALK, 53. - - BAB-EL-NASR, 100, 103. - - BAB-EZ-ZUWLEH, 41, 45, 94, 103. - - BABYLONE, 109, 115, 116. - - BALLIANA, 116. - - BARKUK (LA MOSQUE DU SULTAN), 19, 100. - - BARNAK, 143. - - BEDR (LE VIZIR), 41. - - BEDRASHIU, 132. - - BEDR-EL-YAMALI, 103. - - BELIANEH, 200. - - BET-EL-WALLI, 223. - - BEULIA, 7. - - BIBARS, 102. - - BOKCHORIS, 219. - - BOULAK, 38, 139, 141, 142. - - BUBASTIS, 7. - - BURKHARDT, 106. - - - CAIRE (LE), 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 18, 31, 41, 42, 65, 67, - 69, 93, 97, 100, 103, 105, 109, 116, 118, 132, 133, 134, 135, 139, - 157. - - CLMENT, 111. - - CHALCEDON, 112. - - CONSTANTIN, 112. - - CONSTANTIUS, 112. - - - DAMAS, 235. - - DARGHAM (LE VIZIR), 42. - - DMTRIUS, 111. - - DENDERA, 173, 227. - - DERB-EL-AHMAR, 46. - - DERB-EL-BAHRI, 131, 143, 146, 169, 195, 199, 200, 216. - - DERB-EL-GAMAMIZ, 54, 57. - - DERB-EL-JEHUDUPEH, 97. - - DR-EL-MEDINEH, 172. - - - EDFU, 173. - - ESNEH, 173. - - EUERGETES I, 225. - - EZBEK-EL-YUSIFI (LA MOSQUE), 69. - - EZBEKIYEH, 11, 53. - - - FATIMID (LE CALIFE), 35. - - FLINDERS PETRIE, 126, 127, 152. - - FOSTAT, 74, 118, 119. - - FOUYATIEH, 11. - - - GALAL (LE CHEIK), 106. - - GAMALIYEH, 100, 101, 102, 103. - - GAMIA-EL-AZHAR, 35, 36, 37, 44, 58. - - GAMIA IBN KALAUN, 81. - - GAZA, 42. - - GEBEL TURRA, 133. - - GHURI (MOSQUE DE), 39. - - GIYUSHI, 122. - - - HAHIM, 103, 104. - - HAREMHEB, 224. - - HASAN (LE SULTAN), 40, 44, 83, 84, 85. - - HASAN (LA MOSQUE DE), 64, 65, 88, 126. - - HATHOR, 158, 160, 173, 208. - - HATSHEPSU, 131, 141, 149, 155, 157, 160, 163, 164, 167, 193, 214, - 215, 216. - - HELOUAN, 133. - - HRODOTE, 127. - - HERZ BEY, 36, 47, 100. - - - IBN-TULUN (LA MOSQUE), 69, 83, 104. - - IBN YUBEYR, 99. - - IBRAHIM AGHA, 91. - - ISMAEL PACHA, 88. - - ISMAS-EL-ISHAKI, 47. - - - KAFR-EL-ZAIYAT, 138. - - KAHIRA, 41. - - KAIT BEY (LE SULTAN), 108. - - KALAT-EL-KEBSH, 70. - - KALAUN (LE SULTAN), 98, 99, 100. - - KALURO (EL), 74. - - KANEH, 230. - - KARAKUSH, 104. - - KARNAK, 171, 203, 205, 206, 208, 209, 215, 219. - - KASR-EN-NIL, 109. - - KATAI (EL), 71, 74, 120. - - KHALIG, 97. - - KHALIZ (EL), 54. - - KHAN KHALEL (LE), 10, 25, 32, 55, 107. - - KHONS, 225. - - KURNAH, 146. - - KUS, 229. - - KUTB-EL-MITWELLI, 43, 44. - - KUTUZ (LE MAMELOUK), 42. - - - LE STRANGE (M. GUY), 99. - - LIBYE (DSERT DE), 81. - - LUXOR, 143, 145, 171, 182, 184, 200, 208. - - - MAAT, 173. - - MAHMUDIEH CANAL, 138. - - MARIETTE, 130. - - MARI GIRGIS, 110. - - MARYUT (LE LAC), 136. - - MASPERO (LE PROFESSEUR), 141, 161. - - MASR EL KAHIRA, 9, 33. - - MAUSUR KALAUN (SULTAN), 19. - - MECQUE (LA), 72, 92, 107. - - MEDINET HABU, 146, 173, 177. - - MENTUHOTEP II, 157. - - MENTUHOTEP (LE TEMPLE DE), 191. - - MENZALEH (LE LAC DE), 5. - - MERDANI (EL), 47, 48, 50, 94. - - MERNEPTAH, 221. - - MISR, 118. - - MIT RAHINEH, 129. - - MOHAMED-EN-NASR, 19. - - MOHAMET ALI, 54, 66, 79. - - MOHAMET ALI (LA MOSQUE), 75. - - MOSE, 70. - - MOKATTAM (LES COLLINES), 70, 74, 122, 127, 133. - - MORISTAN EL MUAIYAD, 40. - - MUAIYAD (EL), 40, 41, 43, 45, 46, 94. - - MURAD BEY, 121. - - MURISTAN, 14, 19, 21. - - MURISTAN DE KALAUN, 98, 100. - - MUSKI, 33, 97, 108. - - MUSTAUSIR (EL), 41. - - - NAHASSIN (EL), 13, 21, 25, 38, 100, 101. - - NAKHT, 196, 197, 199. - - NAPOLON, 103. - - NASIR (EL), 81, 91. - - NASR, 41. - - NAVILLE (LE PROFESSEUR), 7. - - NEKTANEBOS, 176. - - NIL (LE), 2, 80. - - - OMAR (LE CALIFE), 113. - - ORIGEN, 111. - - OSIRIS, 205, 214. - - - PANTNUS, 111. - - PONT, 165, 166, 196, 199. - - PORT-SAD, 1, 3, 5, 6, 135. - - PYRAMIDES (LES), 3, 7, 74, 81, 123. - - - RAMESID, 206. - - RAMESSEUM, 146, 171. - - RAMSS II, 131, 132, 160, 169, 174, 201, 204, 222, 223. - - RAMSS III, 174, 175, 178. - - RASCHID (EL), 236. - - REFAIYEH (LA MOSQUE), 88. - - REKHMERE, 199. - - ROSETTA, 138, 235 244. - - RUMELEH, 79. - - - SHABAKO, 218. - - SADAAT (LE CHEIK), 60, 64, 66. - - SAKKARA, 132, 135. - - SALADIN, 42, 45, 75, 82, 98, 99, 105. - - SEBIL ABD-ER-KAHMAN, 14, 100. - - SRAPENEN, 130. - - SETI, 201, 203, 204, 206, 210, 212. - - SEYID-EL-BEDAWI, 138. - - SHARIA-EL-HALWAYI, 33. - - SHARIA-EL-MAGAR, 89. - - SHARIA-ESH-SHARAWANI, 108. - - SHARIA MOHAMET ALI, 53, 80. - - SHARIA TULUN, 69, 75. - - SIDI SAKHLUN, 240. - - SPHINX, 3, 127, 128. - - STANLEY LANE POOLE, 38, 41, 64, 104. - - STRABON, 130, 201. - - SUEZ (CANAL DE), 5. - - SUK-EL-SELLAHA, 50. - - SUK-ES-SAGH, 23. - - SUK-EZ-SALAT, 11, 13. - - - TAHARQUA, 175, 210. - - TANTA, 138, 139. - - TELL-EL-AMARNA, 185. - - THBES, 91, 141, 142, 145. - - THEODOSIUS, 112. - - THOTHMS, 162, 163, 169, 170, 175, 213, 217. - - TYI, 130, 131, 179, 180, 181, 187, 188, 189. - - - USERTESEN III, 157. - - - VAN BERCHEM (M.), 103. - - - WILKINSON, 148. - - - YESHKUR, 70. - - - ZAKAZIK, 7. - - ZAKIR (LE SULTAN EL-), 41. - - ZIREH, 133. - - * - * * - - - - -TABLE DES PLANCHES - - - Pages - - _PLANCHE 1._ - AU TEMPLE DE LUXOR FRONTISPICE - - _PLANCHE 2._ - EL-FOUYATIEH, AU CAIRE 12 - - _PLANCHE 3._ - LA MAISON-MOSQUE DE NAHASSIN, AU CAIRE 16 - - _PLANCHE 4._ - LE KHAN-EL-KALIL, AU CAIRE 24 - - _PLANCHE 5._ - APRS LA PRIRE DE MIDI 36 - - _PLANCHE 6._ - UNE RUELLE PRS DE LA PORTE DE ZUWLEH 40 - - _PLANCHE 7._ - LES DEUX MINARETS DE EL-MUAIYAD 44 - - _PLANCHE 8._ - LE GARDIEN DU HAREM 48 - - _PLANCHE 9._ - EL-GAMAMIZ, AU CAIRE 56 - - _PLANCHE 10._ - UNE COLE KHDIVIALE 60 - - _PLANCHE 11._ - COUR INTRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE 64 - - _PLANCHE 12._ - UNE RUELLE DANS LE QUARTIER DE TULUN, AU CAIRE 72 - - _PLANCHE 13._ - UNE RUE PRS DE LA CITADELLE, AU CAIRE 80 - - _PLANCHE 14._ - LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUE DU SULTAN HASAN 86 - - _PLANCHE 15._ - LA TOMBE-MOSQUE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE 88 - - _PLANCHE 16._ - L'INTRIEUR DE LA MOSQUE BLEUE, AU CAIRE 92 - - _PLANCHE 17._ - LA TOMBE DE IBRAHIM-AGA 98 - - _PLANCHE 18._ - EL-GAMALYEH, AU CAIRE 102 - - _PLANCHE 19._ - UNE GLISE COPTE PRS D'ABYDOS 112 - - _PLANCHE 20._ - UNE TOMBE DE CHEIK, AU CAIRE 116 - - _PLANCHE 21._ - LE SPHINX ET LES PYRAMIDES DE GIZEH 128 - - _PLANCHE 22._ - AAHMES, MRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI 132 - - _PLANCHE 23._ - LE RAMESSEUM, A THBES 146 - - _PLANCHE 24._ - DER-EL-BAHRI 148 - - _PLANCHE 25._ - STATUE DE RHAMSS II, AU TEMPLE DE LUXOR 150 - - _PLANCHE 26._ - LES COLOSSES DE THBES 152 - - _PLANCHE 27._ - RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THBES 158 - - _PLANCHE 28._ - SENSENEB, DANS LE TEMPLE DE HATSHEPSU, A DER-EL-BAHRI 162 - - _PLANCHE 29._ - COUR INTRIEURE DE TEMPLE, A MDINET-HABU 170 - - _PLANCHE 30._ - TEMPLE DE DR-EL-MEDINET, A THBES 172 - - _PLANCHE 31._ - VUE INTRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSS III, MEDINET-HABU 176 - - _PLANCHE 32._ - LES PYLONES DES PTOLMES, MEDINET-HABU 180 - - _PLANCHE 33._ - KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE STI Ier, A THBES 186 - - _PLANCHE 34._ - LE TEMPLE DE MEKTENEBO, MEDINET-HABU 192 - - _PLANCHE 35._ - PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THBES 196 - - _PLANCHE 36._ - STI Ier OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VRIT, - BAS-RELIEF DU TEMPLE D'ABYDOS 200 - - _PLANCHE 37._ - ISIS ALLAITANT STI Ier, ABYDOS 204 - - _PLANCHE 38._ - GALERIE HYPOSTYLE, A KARNAK 210 - - _PLANCHE 39._ - LE SANCTUAIRE, A KARNAK 214 - - _PLANCHE 40._ - BAS-RELIEFS DANS LA CHAPELLE DE SHABAKA, A KARNAK 218 - - _PLANCHE 41._ - SEKHET 220 - - _PLANCHE 42._ - COUR INTRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA 232 - - _PLANCHE 43._ - UNE COLE ARABE 236 - - _PLANCHE 44._ - LA MOSQUE D'ABOUKIR 242 - - * - * * - - - - -TABLE DES MATIERES - - - CHAPITRE I.--PORT-SAD 1 - - _L'ARRIVE DANS LES EAUX GYPTIENNES.--PREMIRES - IMPRESSIONS.--UNE GYPTE RALISTE.--EN CHEMIN DE FER - VERS LE CAIRE.--LE MIRAGE.--LES PYRAMIDES DE GIZEH._ - - CHAPITRE II.--MASR EL KAHIRA 9 - - _MODERN-CAIRO ET LE VIEUX CAIRE.--INFLUENCES - EUROPENNES.--ART MAURESQUE ET ART NOUVEAU.--LES BOIS - SCULPTS DES ANCIENNES FENTRES.--LES FONTAINES - PUBLIQUES.--LA MAISON MOSQUE._ - - CHAPITRE III.--DANS LES BAZARS 21 - - _LE MARCH AUX CUIVRES.--LE BAZAR DES ORFVRES.--LE - BAZAR TURC.--L'ART DE VENDRE BIEN, OU LES PETITES - HABILETS DES MARCHANDS CAIROTES.--UN SUJET DE TABLEAU - QUI NE VEUT PAS SE LAISSER PEINDRE._ - - CHAPITRE IV.--LES RUES DU CAIRE 35 - - _GAMIA EL AZHAR.--L'ART DE RESTAURER LES MONUMENTS.--LES - MEDRESSEH.--LE BAZAR DES PARFUMS ET CELUI DES PICES. - --LA GRANDE MOSQUEEL-MUAIYAD.--UNE PORTE HISTORIQUE. - --L'HOMME-FONTAINE.--LE PORTRAIT DE L'EUNUQUE._ - - CHAPITRE V.--LE VIEUX CAIRE 53 - - _LE PROGRS DESTRUCTEUR.--LE SPECTACLE DE LA RUE: LES - FRUITIERS ET LEURS TALAGES AUX VIVES COULEURS.--LE - COMPLET ANGLAIS DES PETITS COLIERS.--LA MAISON DU - CHEIK SADAAT.--L'ARCHITECTURE ARABE._ - - CHAPITRE VI.--LA MOSQUE IBN-TULUN 69 - - _UN LIEU HISTORIQUE ET LGENDAIRE.--UNE MERVEILLE - ARCHITECTURALE.--UN CORTGE PITTORESQUE.--MARIAGE A LA - TURQUE.--LA MOSQUE ABANDONNE.--LE PUITS DE JOSEPH._ - - CHAPITRE VII.--LA MOSQUE DU SULTAN HASAN 83 - - _LE PLUS BEAU MONUMENT DU CAIRE.--L'EXODE DES - LAMPADAIRES.--LE SUPPLICE D'UN ARCHITECTE TROP GNIAL. - --ENTERREMENTS ET PLEUREUSES DE PROFESSION.--LA MOSQUE - BLEUE._ - - CHAPITRE VIII.--AU HASARD DES RUES 97 - - _LE QUARTIER JUIF.--LE MURISTAN DE KALAUN.--LE DPEAGE - D'UN CHAMEAU VIVANT.--DEUX PORTES MONUMENTALES DU XIe - SICLE.--GUIGNOL GYPTIEN.--AUTOUR D'UN CIMETIRE._ - - CHAPITRE IX.--DANS LE QUARTIER COPTE 111 - - _UN PEU D'HISTOIRE.--L'GLISE CHRTIENNE SAINT-GEORGES. - --UN COUVENT COPTE.--LA LGENDE DE LA TOURTERELLE.--LA - PREMIRE MOSQUE D'GYPTE.--LA COLONNE MERVEILLEUSE._ - - CHAPITRE X.--LES PYRAMIDES 123 - - _LA DCOUVERTE DES GANTS DE PIERRE.--QUELQUES - CURIEUSES VALUATIONS MATRIELLES.--LE SPHINX.--LES - GATE-PLAISIR.--DES PYRAMIDES DE GISEH AU SAKKARA. - --LA TOMBE DE TYI.--RETOUR DANS LE SOIR COLOR._ - - CHAPITRE XI.--D'ALEXANDRIE AU CAIRE 135 - - _LA ROUTE DU CAIRE, VIA ALEXANDRIE.--LES ANTIQUES - PAYSAGES DU DELTA.--LE SPULCRE DU SAINT SEYID-EL-BEDAWI. - --UNE MISSION DLICATE.--VOYAGE EN DAHABIYEH._ - - CHAPITRE XII.--THBES 145 - - _EN ROUTE POUR LE CAMPEMENT, DANS LA CIT DES RUINES. - --LE VILLAGE DE KURNAH.--LES TOMBES VIVANTES.--LA HUTTE - DE PIERRE, PRS DU TEMPLE DE HATSHEPSU.--MON INSTALLATION. - --UNE PREMIRE NUIT A LA BELLE TOILE._ - - CHAPITRE XIII.--LE TEMPLE D'AMMON 155 - - _COMMENT ON OBTIENT UNE EMPREINTE D'UN BAS-RELIEF.--UNE - PYRAMIDE SUR UN TEMPLE.--LA MYSTRIEUSE VACHE DE - HATHOR.--QUELQUES DTAILS HISTORIQUES AUTOUR DU TEMPLE - DE LA REINE HATSHEPSU.--L'EXPDITION EN PONT._ - - CHAPITRE XIV.--PARMI LES TEMPLES 169 - - _LES TEMPLES ONT SUCCESSIVEMENT SERVI A DES CULTES - DIVERS.--L'INSCRIPTION D'UN PRTRE CHRTIEN.--LE PETIT - TEMPLE DE DER-EL-MEDINEH.--DTAILS ARCHOLOGIQUES. - --CE MONDE N'EST PAS UNE VILLE DURABLE._ - - CHAPITRE XV.--LA TOMBE DE LA REINE TYI 179 - - _COMMENT LES INDIGNES JUGENT LES ARCHOLOGUES.--DU ROLE - DE LA REINE TYI DANS L'HISTOIRE DES PHARAONS.--LE DIEU - NOUVEAU.--VISITE A LA TOMBE MYSTRIEUSE.--SIC TRANSIT - GLORIA MUNDI.--UNE CRUELLE DSILLUSION._ - - CHAPITRE XVI.--LE TEMPLE DE MENTUHOTEP 191 - - _ENCORE DES TOMBES, DES SARCOPHAGES, DES MOMIES. - --ANTIQUITS MODERNES...--L'HONNTE VOLEUR.--DANS LE - CLAIR-OBSCUR DES CAVEAUX.--LES PEINTURES DE LA TOMBE DE - NAKHT: SCNES DE LA VIE D'UN GENTILHOMME CAMPAGNARD. - --VERS LE TEMPLE DE SETI._ - - CHAPITRE XVII.--KARNAK 203 - - _UNE VISITE AU TEMPLE DE SETI.--LES PLUS BEAUX DOCUMENTS - DE L'ART DCORATIF GYPTIEN.--LE KHAMSIN OU LE DSERT - INCENDI.--JE REGAGNE LUXOR POUR ALLER ENSUITE A KARNAK. - --UNE CIT DE RUINES, TOUTES EN COLONNADES GRANDIOSES. - --LE MONOLITHE DE GRANIT ROSE._ - - CHAPITRE XVIII.--ENCORE KARNAK 217 - - _LA PROMENADE MERVEILLEUSE PARMI LES RUINES DE KARNAK - CONTINUE.--LE PETIT SANCTUAIRE DU ROI THIOPIEN, SHABAKO. - --LE JEUNE PHARAON COURONN DE LOTUS.--LA DESSE A TTE - DE LIONNE.--LE LAC SACR ET L'AVENUE DES SPHINX._ - - CHAPITRE XIX.--LE TEMPLE DE DENDERA 227 - - _EN DESCENDANT LE NIL.--LA FERTILIT ET LE PITTORESQUE - DE LA CAMPAGNE GYPTIENNE.--LE FELLAH N'A PAS LA HAINE - DE L'TRANGER.--LE TEMPLE DE DENDERA ET L'INFLUENCE - GRECQUE DANS L'ARCHITECTURE DU Ie SICLE._ - - CHAPITRE XX.--ROSETTA 235 - - _EL-RASCHID, LA CIT PITTORESQUE MAIS INCONFORTABLE. - --L'HOTEL KARALAMBO ET LE BAKKAL.--DU MOINS, LES - SUJETS DE TABLEAUX NE MANQUENT POINT DANS CETTE VIEILLE - VILLE RESPECTE DES EUROPENS.--LE DERNIER MINARET._ - - INDEX ALPHABTIQUE 245 - - TABLE DES PLANCHES 249 - - * - * * - - - CORBEIL.--IMPRIMERIE CRT. - - - * * * * * - - - Liste des modifications: - - Page 40: contruit par construit (Cet imposant btiment fut - construit) - Page 86: Mvhrab par Mihrab (La _Mihrab_ ou _Kibla_, niche - sacre) - Page 114: scupltes par sculptes (et caresse les boiseries - sculptes) - Page 116: cemblent par semblent (les bastions que l'on voit, - semblent tre) - Page 125: Lincol's par Lincoln's (du square de Lincoln's Inn - Fields) - Page 138: enropennes par europennes (aux laideurs europennes) - Page 152: consisidrai par considrai (je considrai cette - perspective) - Page 173: temlpe par temple (dans le grand temple de Ramss III) - Page 189: ving par vingt (jeune homme g de vingt-cinq - vingt-six ans....) - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of L'gypte, by Walter Tyndale - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'GYPTE *** - -***** This file should be named 41155-8.txt or 41155-8.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/4/1/1/5/41155/ - -Produced by The Online Distributed Proofreading Team at -http://www.pgdp.net (This file was produced from images -generously made available by The Internet Archive/Canadian -Libraries) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm -concept of a library of electronic works that could be freely shared -with anyone. For forty years, he produced and distributed Project -Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. -unless a copyright notice is included. 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You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org - - -Title: L'gypte - d'hier et d'aujourd'hui - -Author: Walter Tyndale - -Release Date: October 23, 2012 [EBook #41155] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'GYPTE *** - - - - -Produced by The Online Distributed Proofreading Team at -http://www.pgdp.net (This file was produced from images -generously made available by The Internet Archive/Canadian -Libraries) - - - - - - -</pre> - +<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 41155 ***</div> <hr class="full" /> <p class="left"><a href="#note">Au lecteur</a></p> -<h1><span class="large150">L'GYPTE</span><br /> +<h1><span class="large150">L'ÉGYPTE</span><br /> <span class="small60">D'HIER</span> <span class="small30">ET</span> <span class="small60">D'AUJOURD'HUI</span></h1> @@ -147,149 +108,149 @@ Libraries) <h2><span class="small60"><i>CHAPITRE PREMIER</i></span><br /><br /> -PORT-SAD<a name="ch_1" id="ch_1"></a></h2> +PORT-SAÏD<a name="ch_1" id="ch_1"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">L'arrive dans les eaux gyptiennes.</span> || <span class="smcap">Premires impressions.</span> || <span class="smcap">Une -gypte raliste.</span> || <span class="smcap">En chemin de fer vers le Caire.</span> || <span class="smcap">Le mirage.</span> || <span class="smcap">Les +<p class="subtitle"><span class="smcap">L'arrivée dans les eaux égyptiennes.</span> || <span class="smcap">Premières impressions.</span> || <span class="smcap">Une +Égypte réaliste.</span> || <span class="smcap">En chemin de fer vers le Caire.</span> || <span class="smcap">Le mirage.</span> || <span class="smcap">Les Pyramides de Gizeh.</span></p> <p class="noindent"><span class="firstletter">L</span><span class="smcap">es</span> grands paquebots accomplissent maintenant en trois jours la -traverse Marseille-Alexandrie, et en deux jours celle de -Naples-Alexandrie: ce progrs me parat d'autant plus apprciable que, -lors de mon dernier voyage en gypte, il n'y a pas bien longtemps, j'ai -eu supporter quatre affreuses journes de malaise et d'ennui, entre -Brindisi et Port-Sad, bord du courrier d'Asie. Ma patience tait mme - toute extrmit quand j'entendis enfin un passager, qui, de sa -jumelle, scrutait l'horizon, s'crier: Voil l'gypte!. Prenant -moi-mme la lorgnette d'une <span class="pagenum"><a name="Page_2" id="Page_2">2</a></span> main fbrile, j'aperus en effet la -cte gyptienne, basse et plate.</p> - -<p>Rapidement cette cte s'allongea; elle eut d'abord l'apparence de deux -les, puis d'une seule, et, l'un aprs l'autre, des lots surgirent, -puis disparurent, pour se montrer de nouveau l'ouest. Sur la carte, je -vis que presque toute la cte du Delta n'tait qu'une troite bande de -terre qui sparait la Mditerrane des grands lacs sals.</p> - -<p>La traverse touchait sa fin. Nous avions laiss loin derrire nous le -sombre hiver et la mer agite: prsent le soleil resplendissait dans -un ciel bleu, et une brise dlicieuse rafrachissait l'air chaud et sec.</p> - -<p>Notre paquebot fendait les eaux verdtres devant les Bouches du Nil; -droite s'tendait une terre basse au sable dor, et l-bas la silhouette -d'un smaphore et de nombreux mts apparaissaient. Bientt, une ligne -grise se dessina au ras des flots, qui, imprcise d'abord, se rvla peu - peu comme une immense digue, derrire laquelle se dressrent les +traversée Marseille-Alexandrie, et en deux jours celle de +Naples-Alexandrie: ce progrès me paraît d'autant plus appréciable que, +lors de mon dernier voyage en Égypte, il n'y a pas bien longtemps, j'ai +eu à supporter quatre affreuses journées de malaise et d'ennui, entre +Brindisi et Port-Saïd, à bord du courrier d'Asie. Ma patience était même +à toute extrémité quand j'entendis enfin un passager, qui, de sa +jumelle, scrutait l'horizon, s'écrier: «Voilà l'Égypte!». Prenant +moi-même la lorgnette d'une <span class="pagenum"><a name="Page_2" id="Page_2">2</a></span> main fébrile, j'aperçus en effet la +côte égyptienne, basse et plate.</p> + +<p>Rapidement cette côte s'allongea; elle eut d'abord l'apparence de deux +îles, puis d'une seule, et, l'un après l'autre, des îlots surgirent, +puis disparurent, pour se montrer de nouveau à l'ouest. Sur la carte, je +vis que presque toute la côte du Delta n'était qu'une étroite bande de +terre qui séparait la Méditerranée des grands lacs salés.</p> + +<p>La traversée touchait à sa fin. Nous avions laissé loin derrière nous le +sombre hiver et la mer agitée: à présent le soleil resplendissait dans +un ciel bleu, et une brise délicieuse rafraîchissait l'air chaud et sec.</p> + +<p>Notre paquebot fendait les eaux verdâtres devant les Bouches du Nil; à +droite s'étendait une terre basse au sable doré, et là-bas la silhouette +d'un sémaphore et de nombreux mâts apparaissaient. Bientôt, une ligne +grise se dessina au ras des flots, qui, imprécise d'abord, se révéla peu +à peu comme une immense digue, derrière laquelle se dressèrent les maisons d'une ville.</p> <p>Lentement le steamer glissa vers le quai; sur la passerelle retentissaient les ordres brefs; les lascars <span class="pagenum"><a name="Page_3" id="Page_3">3</a></span> allaient et venaient -en criant, et les passagers, impatients, se prparaient dbarquer. -Enfin les machines s'arrtrent, les ancres normes coulrent le long +en criant, et les passagers, impatients, se préparaient à débarquer. +Enfin les machines s'arrêtèrent, les ancres énormes coulèrent le long des flancs du navire qui stoppa dans les eaux tranquilles de la rade de -Port-Sad.</p> - -<p>Quel moment d'motion pour le nouveau venu! L, de l'autre ct de ces -sables, c'est l'gypte, la terre de la Rivire Mystrieuse, le pays -magique! la patrie des mosques et des minarets, des turbans et des -<i>yashmaks</i>, des Pharaons, des Pyramides et du Sphinx, du dsert! -l'antique patrie de tant de merveilles: dbris mystrieux de ces temps -lointains o un grand peuple vivait ici, sur le sable dor de ces rives -enchanteresses, prs de ce fleuve puissant!...</p> - -<p>Les eaux tranquilles du port, d'un beau vert ple, taient si claires -qu'on distinguait une grande profondeur d'normes mduses dont les +Port-Saïd.</p> + +<p>Quel moment d'émotion pour le nouveau venu! Là, de l'autre côté de ces +sables, c'est l'Égypte, la terre de la Rivière Mystérieuse, le pays +magique! la patrie des mosquées et des minarets, des turbans et des +<i>yashmaks</i>, des Pharaons, des Pyramides et du Sphinx, du désert! +l'antique patrie de tant de merveilles: débris mystérieux de ces temps +lointains où un grand peuple vivait ici, sur le sable doré de ces rives +enchanteresses, près de ce fleuve puissant!...</p> + +<p>Les eaux tranquilles du port, d'un beau vert pâle, étaient si claires +qu'on distinguait à une grande profondeur d'énormes méduses dont les bras s'allongeaient en tous sens.</p> <p>A l'orient, le soleil disparaissait dans une splendeur sereine. Aucun -nuage ne tachait le ciel dont l'azur, l'ouest, se nuanait de vert, -puis de jaune, jusqu' devenir une grande nappe d'or d'une imposante -majest.</p> +nuage ne tachait le ciel dont l'azur, à l'ouest, se nuançait de vert, +puis de jaune, jusqu'à devenir une grande nappe d'or d'une imposante +majesté.</p> <p><span class="pagenum"><a name="Page_4" id="Page_4">4</a></span></p> -<p><i>East is East, and West is West, and never the twain shall meet</i><a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>.</p> - -<p>Ici mme, sur l'eau, avant le dbarquement, tout me parut trange et -pittoresque. A peine notre grand navire tait-il arrt qu'une quantit -de barques l'entourrent, remplies d'indignes qui criaient, -gesticulaient; certains d'entre eux prsentaient leurs marchandises, -fruits, cigares, colliers de perles et plumes. D'autres canots taient -remplis de jeunes garons qui faisaient des plongeons fantastiques pour -attraper les pices d'argent lances du pont par les passagers: comme -des anguilles, ils disparaissaient sous l'eau pour reparatre quelques -instants aprs, de l'autre ct du paquebot, la pice brillant entre +<p>«<i>East is East, and West is West, and never the twain shall meet</i>»<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>.</p> + +<p>Ici même, sur l'eau, avant le débarquement, tout me parut étrange et +pittoresque. A peine notre grand navire était-il arrêté qu'une quantité +de barques l'entourèrent, remplies d'indigènes qui criaient, +gesticulaient; certains d'entre eux présentaient leurs marchandises, +fruits, cigares, colliers de perles et plumes. D'autres canots étaient +remplis de jeunes garçons qui faisaient des plongeons fantastiques pour +attraper les pièces d'argent lancées du pont par les passagers: comme +des anguilles, ils disparaissaient sous l'eau pour reparaître quelques +instants après, de l'autre côté du paquebot, la pièce brillant entre leurs dents blanches. Dans une barque, des rameurs chantaient cette chanson du pays dont le refrain est devenu chez nous le fameux -<i>ta-ra-ra-boom de aye</i>, autrefois si populaire dans les cafs +«<i>ta-ra-ra-boom de aye</i>», autrefois si populaire dans les cafés chantants.</p> -<p>Enfin nous dbarquons sur le sol gyptien. Le plaisir et l'motion qu'on -prouve en arrivant dans un pays tranger sont en grande partie gts -par la lutte que l'on a soutenir contre les bateliers, -commissionnaires, <span class="pagenum"><a name="Page_5" id="Page_5">5</a></span> portefaix, portiers d'htels et agents de toute -sorte qui, sans aucune considration pour votre nervosit, se livrent -un vritable assaut de votre personne et de vos bagages. L'agence Thomas -Cook et Fils a fait beaucoup pour rendre le dbarquement moins pnible -et, grce elle, on se tire d'affaire assez facilement et avec une -grande conomie de temps et d'argent. Encore est-il pour l'instant -inutile d'essayer de penser l'gypte du pass, car l'gypte du prsent -absorbe toute votre attention. Je savais que Port-Sad n'offrait aucun -intrt au point de vue artistique et j'avais dcid de ngliger cette -ville et d'en partir par le premier train destination du Caire.</p> - -<p>Une bonne partie du voyage se fait travers un pays d'apparence -misrable, avec, droite, le lac de Menzaleh moiti dessch, et, -gauche, le dsert d'Arabie qui s'tend de l'autre ct du canal de Suez. +<p>Enfin nous débarquons sur le sol égyptien. Le plaisir et l'émotion qu'on +éprouve en arrivant dans un pays étranger sont en grande partie gâtés +par la lutte que l'on a à soutenir contre les bateliers, +commissionnaires, <span class="pagenum"><a name="Page_5" id="Page_5">5</a></span> portefaix, portiers d'hôtels et agents de toute +sorte qui, sans aucune considération pour votre nervosité, se livrent à +un véritable assaut de votre personne et de vos bagages. L'agence Thomas +Cook et Fils a fait beaucoup pour rendre le débarquement moins pénible +et, grâce à elle, on se tire d'affaire assez facilement et avec une +grande économie de temps et d'argent. Encore est-il pour l'instant +inutile d'essayer de penser à l'Égypte du passé, car l'Égypte du présent +absorbe toute votre attention. Je savais que Port-Saïd n'offrait aucun +intérêt au point de vue artistique et j'avais décidé de négliger cette +ville et d'en partir par le premier train à destination du Caire.</p> + +<p>Une bonne partie du voyage se fait à travers un pays d'apparence +misérable, avec, à droite, le lac de Menzaleh à moitié desséché, et, à +gauche, le désert d'Arabie qui s'étend de l'autre côté du canal de Suez. Il semblait vraiment que nous ne verrions jamais la fin de ce canal, et -toute son importance au point de vue commercial ne pouvait m'empcher de -remarquer sa laideur. Je parvins cependant le faire disparatre de mon -horizon et ne plus voir que le grand dsert qui relie l'gypte la -Pninsule de Sina. <span class="pagenum"><a name="Page_6" id="Page_6">6</a></span> C'tait du reste la premire fois que je voyais -le dsert; depuis, j'ai pass des mois dans sa solitude, mais cette -premire vision reste dans ma mmoire avec un relief particulier. Ce -paysage, pensais-je, est celui-l mme que parcoururent l'Enfant Jsus, -Marie et Joseph quand ils vinrent chercher en gypte un refuge contre la -fureur d'Hrode. En quel endroit traversrent-ils l'immensit qui -s'tend devant moi? Marie tait-elle semblable cette femme <i>fellah</i> -qui se dirige dos d'ne vers la station? En tout cas, la robe qui se -portait alors n'a gure subi de modifications.</p> - -<p>Dix ans plus tard, je refaisais le mme voyage, me rendant de nouveau au -Caire par la mme route. Le tramway vapeur qui reliait autrefois -Port-Sad Ismal tait remplac par des trains composs de wagons -Pullman, avec salons et restaurants. Quelques vilaines constructions a -et l, quelques rclames criardes taient en outre les premiers -avertissements de la prosprit du pays...</p> - -<p>A l'Est, le paysage n'avait gure chang, mais, regardant l'Ouest, je -fus fort tonn de la transformation du dsert. L o je me rappelais +toute son importance au point de vue commercial ne pouvait m'empêcher de +remarquer sa laideur. Je parvins cependant à le faire disparaître de mon +horizon et à ne plus voir que le grand désert qui relie l'Égypte à la +Péninsule de Sinaï. <span class="pagenum"><a name="Page_6" id="Page_6">6</a></span> C'était du reste la première fois que je voyais +le désert; depuis, j'ai passé des mois dans sa solitude, mais cette +première vision reste dans ma mémoire avec un relief particulier. Ce +paysage, pensais-je, est celui-là même que parcoururent l'Enfant Jésus, +Marie et Joseph quand ils vinrent chercher en Égypte un refuge contre la +fureur d'Hérode. En quel endroit traversèrent-ils l'immensité qui +s'étend devant moi? Marie était-elle semblable à cette femme <i>fellah</i> +qui se dirige à dos d'âne vers la station? En tout cas, la robe qui se +portait alors n'a guère subi de modifications.</p> + +<p>Dix ans plus tard, je refaisais le même voyage, me rendant de nouveau au +Caire par la même route. Le tramway à vapeur qui reliait autrefois +Port-Saïd à Ismaël était remplacé par des trains composés de wagons +Pullman, avec salons et restaurants. Quelques vilaines constructions ça +et là, quelques réclames criardes étaient en outre les premiers +avertissements de la prospérité du pays...</p> + +<p>A l'Est, le paysage n'avait guère changé, mais, regardant à l'Ouest, je +fus fort étonné de la transformation du désert. Là où je me rappelais n'avoir vu qu'une solitude aride, j'apercevais maintenant <span class="pagenum"><a name="Page_7" id="Page_7">7</a></span> des lacs -avec des les couvertes de palmiers. C'tait bien l'poque de la crue du -Nil, mais j'tais certain que les eaux ne pouvaient s'tendre une +avec des îles couvertes de palmiers. C'était bien l'époque de la crue du +Nil, mais j'étais certain que les eaux ne pouvaient s'étendre à une pareille distance. Je consultai ma carte qui ne m'apprit rien. -M'adressant alors un gyptien assis prs de moi, je lui demandai si -les eaux recouvraient toujours cet espace. Il me rpondit -tranquillement: C'est le mirage!</p> - -<p>Ce n'est qu'aprs avoir pass Zakazik que le voyageur s'aperoit qu'il -est dans le Delta, et qu'il se souvient du mot d'Hrodote: L'gypte est -un don de la rivire, car, bien que le Nil ne soit pas visible avant -Beulia, on sent dj ici son influence fcondante. La campagne est fort -belle, boise et sillonne de nombreux cours d'eau. Les ruines de -Bubastis qui sont prs du Zakazik furent dblayes par le professeur -Naville, il y a quelque vingt ans, mais si elles prsentent un intrt -assez grand pour l'archologie, leur aspect est peu pittoresque et ne -retient gure l'attention du voyageur. Bulak, vu de la gare, n'est -nullement intressant, et le voyageur, si prs du Caire, ne songe gure - s'arrter l. Vingt minutes encore, et, jetant les yeux droite, vous +M'adressant alors à un Égyptien assis près de moi, je lui demandai si +les eaux recouvraient toujours cet espace. Il me répondit +tranquillement: «C'est le mirage!»</p> + +<p>Ce n'est qu'après avoir passé Zakazik que le voyageur s'aperçoit qu'il +est dans le Delta, et qu'il se souvient du mot d'Hérodote: «L'Égypte est +un don de la rivière», car, bien que le Nil ne soit pas visible avant +Beulia, on sent déjà ici son influence fécondante. La campagne est fort +belle, boisée et sillonnée de nombreux cours d'eau. Les ruines de +Bubastis qui sont près du Zakazik furent déblayées par le professeur +Naville, il y a quelque vingt ans, mais si elles présentent un intérêt +assez grand pour l'archéologie, leur aspect est peu pittoresque et ne +retient guère l'attention du voyageur. Bulak, vu de la gare, n'est +nullement intéressant, et le voyageur, si près du Caire, ne songe guère +à s'arrêter là. Vingt minutes encore, et, jetant les yeux à droite, vous apercevrez enfin les Pyramides de Gizeh. De cette distance, on <span class="pagenum"><a name="Page_8" id="Page_8">8</a></span> -apprcie difficilement leur grandeur: cependant je sentis, quant moi, +apprécie difficilement leur grandeur: cependant je sentis, quant à moi, mon cœur battre avec plus de force et je crois que rien au monde -n'aurait pu, ce moment, me distraire de ma contemplation!</p> +n'aurait pu, à ce moment, me distraire de ma contemplation!</p> -<p>Le train roule toute vapeur. Le Delta maintenant se rtrcit, les deux -chanes de collines qui enserrent la valle du Nil se prcisent la -vue, et la mosque de Mohamet Ali, apparaissant au-dessus de la +<p>Le train roule à toute vapeur. Le Delta maintenant se rétrécit, les deux +chaînes de collines qui enserrent la vallée du Nil se précisent à la +vue, et la mosquée de Mohamet Ali, apparaissant au-dessus de la citadelle, annonce au voyageur qu'il arrive au Caire.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> @@ -301,239 +262,239 @@ citadelle, annonce au voyageur qu'il arrive au Caire.</p> MASR EL KAHIRA<a name="ch_2" id="ch_2"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Modern-Cairo et le Vieux-Caire.</span> || <span class="smcap">Influences europennes.</span> || <span class="smcap">Art -mauresque et Art nouveau.</span> || <span class="smcap">Les bois sculpts des anciennes fentres.</span> -|| <span class="smcap">Les Fontaines publiques.</span> || <span class="smcap">La Maison-Mosque.</span></p> +<p class="subtitle"><span class="smcap">«Modern-Cairo» et le Vieux-Caire.</span> || <span class="smcap">Influences européennes.</span> || <span class="smcap">Art +mauresque et Art nouveau.</span> || <span class="smcap">Les bois sculptés des anciennes fenêtres.</span> +|| <span class="smcap">Les Fontaines publiques.</span> || <span class="smcap">La Maison-Mosquée.</span></p> <p class="noindent"><span class="firstletter">L</span><span class="smcap">e</span> voyageur qui, arrivant au Caire, s'imagine qu'il va se trouver enfin -dans le dcor d'une ville orientale, s'expose une dception. La partie -de la ville qu'on traverse pour se rendre de la gare l'un ou l'autre -des htels, ne ressemble pas plus au vieux Caire que Londres ne -ressemble Pkin. Aucune des maisons qui s'y trouvent n'a quarante ans -d'existence, et, d'autre part, je suis bien convaincu que ces misrables -btisses s'crouleront quelque jour prochain. Leurs constructeurs -avaient, tout prs de l, pour les inspirer, de merveilleux modles de -l'art oriental le plus pur, mais le mot fatal d'Ismal: L'gypte fait -partie de l'Europe tourna sans doute <span class="pagenum"><a name="Page_10" id="Page_10">10</a></span> leur attention vers Paris, et +dans le décor d'une ville orientale, s'expose à une déception. La partie +de la ville qu'on traverse pour se rendre de la gare à l'un ou l'autre +des hôtels, ne ressemble pas plus au vieux Caire que Londres ne +ressemble à Pékin. Aucune des maisons qui s'y trouvent n'a quarante ans +d'existence, et, d'autre part, je suis bien convaincu que ces misérables +bâtisses s'écrouleront quelque jour prochain. Leurs constructeurs +avaient, tout près de là, pour les inspirer, de merveilleux modèles de +l'art oriental le plus pur, mais le mot fatal d'Ismaël: «L'Égypte fait +partie de l'Europe» tourna sans doute <span class="pagenum"><a name="Page_10" id="Page_10">10</a></span> leur attention vers Paris, et nous retrouvons ici une malheureuse imitation de <i>l'art nouveau</i>, ou -bien,—ce qui est peut-tre pire,—des reproductions honteusement -dnatures de <i>style mauresque</i>.</p> +bien,—ce qui est peut-être pire,—des reproductions honteusement +dénaturées de <i>style mauresque</i>.</p> -<p>Vous verrez les htels remplis de tout le confort moderne, comme leurs -rclames l'annoncent si bien (sans parler de leurs prix fantastiques); -mais, hlas! vous n'y rencontrerez rien de vraiment oriental, +<p>Vous verrez les hôtels «remplis de tout le confort moderne», comme leurs +réclames l'annoncent si bien (sans parler de leurs prix fantastiques); +mais, hélas! vous n'y rencontrerez rien de vraiment oriental, à l'exception du personnel domestique qui porte la robe blanche, la ceinture rouge et le fez.</p> <p>Mais demain, dans les vieux quartiers, vous pourrez enfin admirer dans -toute sa beaut le vritable Orient, et ce que vous verrez dpassera -votre attente. Les deux ou trois kilomtres qui sparent votre htel du -Khn Khall sparent aussi de l'Occident l'Orient.</p> +toute sa beauté le véritable Orient, et ce que vous verrez dépassera +votre attente. Les deux ou trois kilomètres qui séparent votre hôtel du +Khân Khalîl séparent aussi de l'Occident l'Orient.</p> <p>Que de changements depuis mon dernier voyage ici! Le canal qui -traversait la vieille ville, du nord au sud, a t combl et une ligne -de tramways lectriques suit son ancien cours. Nombreuses sont les -fentres <i>meshrebiya</i> qui ont t remplaces par des cadres en bois de -Sude, et plus nombreuses encore les vieilles maisons qui ont t, soit -dmolies et puis reconstruites, soit modernises jusqu' complte <span class="pagenum"><a name="Page_11" id="Page_11">11</a></span> -mtamorphose; et cependant, mme ici, il reste encore assez de l'Orient -pour enchanter l'imagination et pour fournir l'artiste maint sujet de +traversait la vieille ville, du nord au sud, a été comblé et une ligne +de tramways électriques suit son ancien cours. Nombreuses sont les +fenêtres <i>meshrebiya</i> qui ont été remplacées par des cadres en bois de +Suède, et plus nombreuses encore les vieilles maisons qui ont été, soit +démolies et puis reconstruites, soit «modernisées» jusqu'à complète <span class="pagenum"><a name="Page_11" id="Page_11">11</a></span> +métamorphose; et cependant, même ici, il reste encore assez de l'Orient +pour enchanter l'imagination et pour fournir à l'artiste maint sujet de tableau.</p> -<p>En quittant l'Ezbekiyeh, qui est le centre du quartier europen, une -petite rue, derrire l'htel Bristol, vous conduira, travers un -labyrinthe de passages troits, jusqu'au Suk-ez-Zalat. Un guide vous -sera ncessaire, car dj le plan bien ordonn des villes modernes a -disparu et les rues en zigzag aboutissent souvent un cul-de-sac.</p> - -<p>Une fois au Fouyatieh, vous vous trouvez tout fait dans le vieux -Caire. Une mosque et une range de maisons aux fentres dfendues par -des grillages de bois sculpt enchantent de suite le regard. Une porte -en retrait ouvre sur la cour d'une maison cairote habite autrefois par -un riche marchand et loue aujourd'hui par chambres ou petits logements. -Si vous avez eu la chance de tomber sur un guide habitu conduire des -artistes, il pourra vous montrer quantit de maisons semblables et fort -intressantes. Je dsire nommer ici le brave homme qui m'accompagna dans +<p>En quittant l'Ezbekiyeh, qui est le centre du quartier européen, une +petite rue, derrière l'hôtel Bristol, vous conduira, à travers un +labyrinthe de passages étroits, jusqu'au Suk-ez-Zalat. Un guide vous +sera nécessaire, car déjà le plan bien ordonné des villes modernes a +disparu et les rues en zigzag aboutissent souvent à un cul-de-sac.</p> + +<p>Une fois au Fouyatieh, vous vous trouvez tout à fait dans le vieux +Caire. Une mosquée et une rangée de maisons aux fenêtres défendues par +des grillages de bois sculpté enchantent de suite le regard. Une porte +en retrait ouvre sur la cour d'une maison cairote habitée autrefois par +un riche marchand et louée aujourd'hui par chambres ou petits logements. +Si vous avez eu la chance de tomber sur un guide habitué à conduire des +artistes, il pourra vous montrer quantité de maisons semblables et fort +intéressantes. Je désire nommer ici le brave homme qui m'accompagna dans mes recherches du pittoresque, dans tous les coins et recoins du Caire. -Il s'appelle Mohammed el Asmar, mais il prfre le <span class="pagenum"><a name="Page_12" id="Page_12">12</a></span> nom de Mohammed -Brown (Brun) qui est la traduction anglaise de Asmar. Et ne suis-je pas -vraiment brun? demande-t-il pour justifier son surnom. Grce +Il s'appelle Mohammed el Asmar, mais il préfère le <span class="pagenum"><a name="Page_12" id="Page_12">12</a></span> nom de Mohammed +Brown (Brun) qui est la traduction anglaise de Asmar. «Et ne suis-je pas +vraiment brun?» demande-t-il pour justifier son surnom. Grâce à Mohammed, je me suis servi pendant quelque temps de la cour de ces maisons comme d'un atelier. Il m'y amenait des porteurs d'eau, des -petits marchands ambulants, et des nes, des chameaux, tout le +petits marchands ambulants, et des ânes, des chameaux, tout le pittoresque enfin des rues du Caire. Pendant qu'il discutait et -marchandait avec mes modles, je peignais les arabesques de la porte et -de ravissants modles de siges <i>meshrebiya</i>.</p> +marchandait avec mes modèles, je peignais les arabesques de la porte et +de ravissants modèles de sièges <i>meshrebiya</i>.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_2" id="pl_2"></a> <img src="images/after-page-12.jpg" alt="EL-FOUYATIEH, AU CAIRE" title="EL-FOUYATIEH, AU CAIRE" width="400" height="604" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-12.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p><i>Meshrebiya</i> est le nom arabe du bois sculpt, tourn, si admirablement -travaill, et dont on fait gnralement des paravents, des grillages de -fentres et toute espce de meubles. Placs devant les fentres, les -grillages laissent passer l'air, adoucissent la lumire clatante du +<p><i>Meshrebiya</i> est le nom arabe du bois sculpté, tourné, si admirablement +travaillé, et dont on fait généralement des paravents, des grillages de +fenêtres et toute espèce de meubles. Placés devant les fenêtres, les +grillages laissent passer l'air, adoucissent la lumière éclatante du jour, et permettent aux femmes de regarder ce qui se passe au dehors, -sans tre vues elles-mmes par des yeux indiscrets. Cela est bien dans -une ville mahomtane o l'ombre est une ncessit et la rclusion une +sans être vues elles-mêmes par des yeux indiscrets. Cela est bien dans +une ville mahométane où l'ombre est une nécessité et la réclusion une loi, mais cela ne va plus, on s'en doute, sous un autre ciel. Une -quantit fabuleuse de ces meubles et de ces fentres de bois ont t -achets par des marchands qui les ont revendus <span class="pagenum"><a name="Page_13" id="Page_13">13</a></span> des touristes -europens. Ceux-ci, une fois chez eux, firent leur fantaisie usage de -ces bois sculpts. Je pourrais citer un cas o toutes les superbes +quantité fabuleuse de ces meubles et de ces fenêtres de bois ont été +achetés par des marchands qui les ont revendus à <span class="pagenum"><a name="Page_13" id="Page_13">13</a></span> des touristes +européens. Ceux-ci, une fois chez eux, firent à leur fantaisie usage de +ces bois sculptés. Je pourrais citer un cas où toutes les superbes boiseries d'une vieille maison cairote pourrissent dans un grenier, en -Surrey, depuis quelque quarante ans, poque laquelle celui qui les -acheta sottement les apporta en Angleterre. Frapp par leur beaut quand +Surrey, depuis quelque quarante ans, époque à laquelle celui qui les +acheta sottement les apporta en Angleterre. Frappé par leur beauté quand il les vit dans leur cadre propre, il crut que son architecte -parviendrait s'en servir avec avantage pour une maison qu'il -s'apprtait construire, mais il fut vite dtromp.</p> - -<p>Malheureusement les vieilles boiseries ainsi achetes au Caire, n'y sont -jamais remplaces: les anciens quartiers tant malsains, les -propritaires les abandonnent, et, ds qu'ils le peuvent, se font -construire dans les nouveaux quartiers une maison de style btard.</p> - -<p>Continuons notre promenade le long de Suk-ez-Zalat. L'intrt va -grandissant mesure que nous approchons du centre de la ville. La rue, -trs troite, est encombre de gens, de btes et de choses. Le soleil -l'envahit petit petit; tous les marchands ont baiss leurs stores.</p> - -<p>Nous avons maintenant atteint El Nahassin o la <span class="pagenum"><a name="Page_14" id="Page_14">14</a></span> vie et le mouvement -sont tout aussi pittoresques, o la beaut et l'intrt augmentent -encore, car bientt voici notre droite les dmes et les minarets du -groupe de mosques qui entourent le Muristan. De la Sebil<a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a> -Abd-er-Rahman, on peut merveille considrer ce centre de l'activit +parviendrait à s'en servir avec avantage pour une maison qu'il +s'apprêtait à construire, mais il fut vite détrompé.</p> + +<p>Malheureusement les vieilles boiseries ainsi achetées au Caire, n'y sont +jamais remplacées: les anciens quartiers étant malsains, les +propriétaires les abandonnent, et, dès qu'ils le peuvent, se font +construire dans les nouveaux quartiers une maison de style bâtard.</p> + +<p>Continuons notre promenade le long de Suk-ez-Zalat. L'intérêt va +grandissant à mesure que nous approchons du centre de la ville. La rue, +très étroite, est encombrée de gens, de bêtes et de choses. Le soleil +l'envahit petit à petit; tous les marchands ont baissé leurs stores.</p> + +<p>Nous avons maintenant atteint El Nahassin où la <span class="pagenum"><a name="Page_14" id="Page_14">14</a></span> vie et le mouvement +sont tout aussi pittoresques, où la beauté et l'intérêt augmentent +encore, car bientôt voici à notre droite les dômes et les minarets du +groupe de mosquées qui entourent le Muristan. De la Sebil<a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a> +Abd-er-Rahman, on peut à merveille considérer ce centre de l'activité cairote, tumultueux et si divers.</p> -<p>Les diffrentes <i>Sebils</i> sont une des caractristiques du Caire. -Autrefois elles fournissaient presque toute l'eau la ville; -aujourd'hui ce sont de simples fontaines o le passant se dsaltre. -Elles sont maintenues grce des donations religieuses. Au-dessus -d'elles, dans les maisons, se trouvent des coles, et le chant des -enfants qui rcitent le Coran s'envole par les fentres ouvertes.</p> +<p>Les différentes <i>Sebils</i> sont une des caractéristiques du Caire. +Autrefois elles fournissaient presque toute l'eau à la ville; +aujourd'hui ce sont de simples fontaines où le passant se désaltère. +Elles sont maintenues grâce à des donations religieuses. Au-dessus +d'elles, dans les maisons, se trouvent des écoles, et le chant des +enfants qui récitent le Coran s'envole par les fenêtres ouvertes.</p> <p>Ce qu'on voit des marches de cette Sebil offre un joli sujet de croquis. A gauche, un ancien palais, et, plus loin, des maisons qui tombent -presque en ruines. Les grillages en bois des fentres sont en piteux -tat, et, a et l, un vieux morceau d'toffe tient lieu de vitre. Les -ornements sculpts de certaines fentres pendent misrablement et -restent suspendus en <span class="pagenum"><a name="Page_15" id="Page_15">15</a></span> l'air jusqu' ce qu'un coup de vent plus fort -les fasse tomber terre. Cet tat de ruine se rencontre bien -quelquefois dans nos villes europennes, mais seulement dans de pauvres -quartiers abandonns: ici, le contraste est frappant, car la rue est -envahie toute heure par une foule compacte, et, au rez-de-chausse de -ces maisons, vous voyez des marchands de toute sorte affairs au milieu -d'une nombreuse clientle. Mais tout se passe dehors, sur le seuil des -maisons et non point l'intrieur. Des aliments varis sont vendus -des gens qui les consomment en pleine rue, ct de l'ombre en t, ct +presque en ruines. Les grillages en bois des fenêtres sont en piteux +état, et, ça et là, un vieux morceau d'étoffe tient lieu de vitre. Les +ornements sculptés de certaines fenêtres pendent misérablement et +restent suspendus en <span class="pagenum"><a name="Page_15" id="Page_15">15</a></span> l'air jusqu'à ce qu'un coup de vent plus fort +les fasse tomber à terre. Cet état de ruine se rencontre bien +quelquefois dans nos villes européennes, mais seulement dans de pauvres +quartiers abandonnés: ici, le contraste est frappant, car la rue est +envahie à toute heure par une foule compacte, et, au rez-de-chaussée de +ces maisons, vous voyez des marchands de toute sorte affairés au milieu +d'une nombreuse clientèle. Mais tout se passe dehors, sur le seuil des +maisons et non point à l'intérieur. Des aliments variés sont vendus à +des gens qui les consomment en pleine rue, côté de l'ombre en été, côté du soleil en hiver. Les hommes sont assis devant les boutiques des -cafetiers, fumant leur nargileh et buvant lentement leur caf, et il ne -leur viendrait jamais l'ide d'entrer dans ces boutiques, dont -l'intrieur n'est souvent qu'un petit rduit, si exigu que le marchand -lui-mme y trouve peine assez de place pour se retourner.</p> - -<p>C'est sur le seuil de sa porte, ou sur un banc ct, que le barbier -rasera une tte, saignera un malade ou arrachera une dent. C'est -galement en plein air que s'installe l'crivain pour prparer des -contrats, ou crire une lettre d'amour que lui dicte une jeune <span class="pagenum"><a name="Page_16" id="Page_16">16</a></span> -personne voile accroupie auprs de lui dans la poussire.</p> - -<p>Les plus graves questions se rglent dehors: tel homme battra sa femme -si elle se permet de traverser la rue sans voile, mais le pre de cette +cafetiers, fumant leur nargileh et buvant lentement leur café, et il ne +leur viendrait jamais à l'idée d'entrer dans ces boutiques, dont +l'intérieur n'est souvent qu'un petit réduit, si exigu que le marchand +lui-même y trouve à peine assez de place pour se retourner.</p> + +<p>C'est sur le seuil de sa porte, ou sur un banc à côté, que le barbier +rasera une tête, saignera un malade ou arrachera une dent. C'est +également en plein air que s'installe l'écrivain pour préparer des +contrats, ou écrire une lettre d'amour que lui dicte une jeune <span class="pagenum"><a name="Page_16" id="Page_16">16</a></span> +personne voilée accroupie auprès de lui dans la poussière.</p> + +<p>Les plus graves questions se règlent dehors: tel homme battra sa femme +si elle se permet de traverser la rue sans voile, mais le père de cette femme, avant de la donner en mariage, discutait, en pleine rue et -entour de nombreux voisins, les conditions du mariage et la somme qu'on -lui paierait pour sa fille. Et la foule, amuse et intresse, prenait -part la discussion!</p> +entouré de nombreux voisins, les conditions du mariage et la somme qu'on +lui paierait pour sa fille. Et la foule, amusée et intéressée, prenait +part à la discussion!</p> -<p>Cet endroit se trouvant dans une des principales artres de la ville, le -trafic y est considrable, et rien ne pourrait tre plus intressant que +<p>Cet endroit se trouvant dans une des principales artères de la ville, le +trafic y est considérable, et rien ne pourrait être plus intéressant que de contempler ce va-et-vient dans tout son pittoresque et toute sa couleur orientale. Quel contraste avec la tristesse sombre d'une foule anglaise dans une rue de Londres!</p> <p>Continuons notre promenade. Cette vieille maison est belle! Au moment -mme o nous nous arrtons pour l'admirer, un grillage de fentre -s'ouvre et un vieux Cheik crie que l'heure de la prire est arrive. -Immdiatement, du haut de tous les minarets, des voix sonores, voix de -<i>muezzin</i>, crient: <i>La ilaha ill' allah, wa Muhamed rasul allah!</i></p> +même où nous nous arrêtons pour l'admirer, un grillage de fenêtre +s'ouvre et un vieux Cheik crie que l'heure de la prière est arrivée. +Immédiatement, du haut de tous les minarets, des voix sonores, voix de +<i>muezzin</i>, crient: «<i>La ilaha ill' allah, wa Muhamed rasul allah!</i>»</p> <p><span class="pagenum"><a name="Page_17" id="Page_17">17</a></span></p> -<p>Le vendredi, cette heure, beaucoup de boutiquiers ferment leurs -magasins, et, en compagnie de leurs clients, se rendent la <i>Duhr</i>, ou -prire de midi. Mais pourquoi est-ce de cette maison que le muezzin a -donn le signal de la prire? Ma curiosit tait grande pendant qu'assis -dans un petit caf en face, je prenais un croquis de l'immeuble en -question. Le fidle Mohammed Brown, qui jusqu'alors tait rest assis -ct de moi, loignant les gamins et les mouches, se leva brusquement, +<p>Le vendredi, à cette heure, beaucoup de boutiquiers ferment leurs +magasins, et, en compagnie de leurs clients, se rendent à la <i>Duhr</i>, ou +prière de midi. Mais pourquoi est-ce de cette maison que le muezzin a +donné le signal de la prière? Ma curiosité était grande pendant qu'assis +dans un petit café en face, je prenais un croquis de l'immeuble en +question. Le fidèle Mohammed Brown, qui jusqu'alors était resté assis à +côté de moi, éloignant les gamins et les mouches, se leva brusquement, dit au cafetier de prendre sa place, traversa la rue en courant, et, -tant ses sandales, disparut sous le porche. Il ne revint que vingt -minutes plus tard, s'excusant de m'avoir quitt ainsi: il avait -compltement oubli que c'tait vendredi; l'appel la prire lui avait -soudain rafrachi la mmoire et il avait peine eu le temps de faire -ses ablutions avant de prendre part la <i>Duhr</i>.</p> +ôtant ses sandales, disparut sous le porche. Il ne revint que vingt +minutes plus tard, s'excusant de m'avoir quitté ainsi: il avait +complètement oublié que c'était vendredi; l'appel à la prière lui avait +soudain rafraîchi la mémoire et il avait à peine eu le temps de faire +ses ablutions avant de prendre part à la <i>Duhr</i>.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_3" id="pl_3"></a> -<img src="images/after-page-16.jpg" alt="LA MAISON-MOSQUE DE NAHASSIN, AU CAIRE" title="LA MAISON-MOSQUE DE NAHASSIN, AU CAIRE" width="400" height="571" /> +<img src="images/after-page-16.jpg" alt="LA MAISON-MOSQUÉE DE NAHASSIN, AU CAIRE" title="LA MAISON-MOSQUÉE DE NAHASSIN, AU CAIRE" width="400" height="571" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-16.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>J'appris alors que le sujet de mon croquis tait une mosque laquelle -tait contigu la maison du cheik, celle-ci cachant si bien le btiment -religieux qu'il tait ncessaire de faire l'appel la prire par la -fentre de la chambre coucher. La manire dont l'architecte est -parvenu unir la maison et la vieille mosque, est simplement +<p>J'appris alors que le sujet de mon croquis était une mosquée à laquelle +était contiguë la maison du cheik, celle-ci cachant si bien le bâtiment +religieux qu'il était nécessaire de faire l'appel à la prière par la +fenêtre de la chambre à coucher. La manière dont l'architecte est +parvenu à unir la maison et la vieille mosquée, est simplement merveilleuse. Bien qu'une <span class="pagenum"><a name="Page_18" id="Page_18">18</a></span> partie des ornementations en bois aient disparu, il en reste encore suffisamment pour faire de cette maison une -des plus pittoresques du Caire. C'est une vritable chance qu'il se soit -trouv juste en face un petit caf o j'tais en fort bonne position -pour peindre. Afin d'obtenir une autre vue des mosques, derrire cette +des plus pittoresques du Caire. C'est une véritable chance qu'il se soit +trouvé juste en face un petit café où j'étais en fort bonne position +pour peindre. Afin d'obtenir une autre vue des mosquées, derrière cette maison, il me fallut traiter avec un marchand de cannes pour qu'il me -permt de monter sur son comptoir. Aprs une longue discussion, Mohammed +permît de monter sur son comptoir. Après une longue discussion, Mohammed m'obtint cette permission moyennant le paiement de cinq shillings (6 fr. -25), et il fut convenu que j'aurais droit ce comptoir pendant cinq -journes conscutives. Le marchand insista alors pour tre pay d'avance -de toute la somme, ce qui me rendit quelque peu souponneux, mais, ayant -trouv des tmoins, je consentis enfin risquer le paiement. Pendant -toute la matine, mon marchand de cannes se tint assis beaucoup plus -prs de moi que je ne l'eusse dsir. En arrivant, le lendemain matin, -je trouvai la boutique ferme et j'en concluais que j'avais t roul, -lorsqu'un voisin s'approcha et me remit la cl en m'annonant que -Moustapha des cannes me laissait la place pendant toute une semaine -qu'il passerait lui-mme la campagne, chez des <span class="pagenum"><a name="Page_19" id="Page_19">19</a></span> parents. Aprs +25), et il fut convenu que j'aurais droit à ce comptoir pendant cinq +journées consécutives. Le marchand insista alors pour être payé d'avance +de toute la somme, ce qui me rendit quelque peu soupçonneux, mais, ayant +trouvé des témoins, je consentis enfin à risquer le paiement. Pendant +toute la matinée, mon marchand de cannes se tint assis beaucoup plus +près de moi que je ne l'eusse désiré. En arrivant, le lendemain matin, +je trouvai la boutique fermée et j'en concluais que j'avais été roulé, +lorsqu'un voisin s'approcha et me remit la clé en m'annonçant que +«Moustapha des cannes» me laissait la place pendant toute une semaine +qu'il passerait lui-même à la campagne, chez des <span class="pagenum"><a name="Page_19" id="Page_19">19</a></span> parents. «Après tout, remarqua le voisin, son comptoir lui rapporte davantage de cette -faon, car la vente des cannes est trs mauvaise en ce moment, et puis -il y a de nombreuses annes qu'il n'a vu sa famille.</p> - -<p>Allons maintenant la mosque du Sultan Barkuk et admirons le portail -de marbre et la porte de bronze ct du tombeau de Mohammed en Nasr et -du Muristan, hpital construit par le sultan Mausur Kalaun, vers la fin -du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> sicle. Ce clbre sultan Mamelouk fit btir cet hpital en -tmoignage de reconnaissance aprs avoir t guri d'une grave maladie. -Sa mosque et son tombeau sont situs ct de l'hpital; nous +façon, car la vente des cannes est très mauvaise en ce moment, et puis +il y a de nombreuses années qu'il n'a vu sa famille.»</p> + +<p>Allons maintenant à la mosquée du Sultan Barkuk et admirons le portail +de marbre et la porte de bronze à côté du tombeau de Mohammed en Nasr et +du Muristan, hôpital construit par le sultan Mausur Kalaun, vers la fin +du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> siècle. Ce célèbre sultan Mamelouk fit bâtir cet hôpital en +témoignage de reconnaissance après avoir été guéri d'une grave maladie. +Sa mosquée et son tombeau sont situés à côté de l'hôpital; nous reviendrons plus tard sur ce superbe groupe.</p> -<p>Si mon lecteur est un voyageur expriment, il sait visiter une ville, -mais s'il vient en Orient pour la premire fois, je l'engage donner -tout ce qui vaut la peine d'tre vu beaucoup plus de temps que les +<p>Si mon lecteur est un voyageur expérimenté, il sait visiter une ville, +mais s'il vient en Orient pour la première fois, je l'engage à donner à +tout ce qui vaut la peine d'être vu beaucoup plus de temps que les guides ne le conseillent.</p> <p>L'ennui qui se lit sur la physionomie de presque tous les touristes -quand on les fait courir d'un endroit un autre, et leur dsespoir -lorsqu'on leur dclare, aprs une journe de fatigue, qu'avant de -rentrer <span class="pagenum"><a name="Page_20" id="Page_20">20</a></span> l'htel <i>il y a encore quelque chose voir</i>, justifie, +quand on les fait courir d'un endroit à un autre, et leur désespoir +lorsqu'on leur déclare, après une journée de fatigue, qu'avant de +rentrer <span class="pagenum"><a name="Page_20" id="Page_20">20</a></span> à l'hôtel <i>il y a encore quelque chose à voir</i>, justifie, je crois, ma conviction que fort peu de personnes connaissent <i>l'art de voyager</i>.</p> -<p>Ayez pour vos yeux et votre cerveau autant de considration que pour vos +<p>Ayez pour vos yeux et votre cerveau autant de considération que pour vos jambes, et n'essayez pas de voir en un jour plus que vous ne pouvez voir: ainsi vous remporterez de vos voyages une impression et des -souvenirs plus agrables.</p> +souvenirs plus agréables.</p> -<p>tudier le mouvement et la vie des rues, les diffrentes industries, les -marchandises exposes devant les boutiques et les bazars, les curieux -costumes des hommes et des femmes qui vendent et qui achtent, flnant -au soleil, en hiver, assis par groupes, l'ombre, pendant l't: voil -au moins de quoi remplir utilement une premire matine.</p> +<p>Étudier le mouvement et la vie des rues, les différentes industries, les +marchandises exposées devant les boutiques et les bazars, les curieux +costumes des hommes et des femmes qui vendent et qui achètent, flânant +au soleil, en hiver, assis par groupes, à l'ombre, pendant l'été: voilà +au moins de quoi remplir utilement une première matinée.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -544,248 +505,248 @@ au moins de quoi remplir utilement une premire matine.</p> DANS LES BAZARS<a name="ch_3" id="ch_3"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Le march aux cuivres.</span> || <span class="smcap">Le Bazar des orfvres.</span> || <span class="smcap">Le Bazar Turc.</span> || -<span class="smcap">L'art de vendre bien, ou les petites habilets des marchands cairotes.</span> +<p class="subtitle"><span class="smcap">Le marché aux cuivres.</span> || <span class="smcap">Le Bazar des orfèvres.</span> || <span class="smcap">Le Bazar Turc.</span> || +<span class="smcap">L'art de vendre bien, ou les petites habiletés des marchands cairotes.</span> || <span class="smcap">Un sujet de tableau qui ne veut pas se laisser peindre.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">E</span><span class="smcap">n</span> nous rapprochant du Muristan, nous ne tardons pas nous apercevoir -que nous sommes maintenant au cœur du <i>Nahssin</i>, au March des -Cuivres. Jusqu' prsent, les devantures des magasins avaient offert -nos regards des produits varis, mais ici le cuivre domine. Tout comme -autrefois, d'habiles ouvriers martellent des rcipients aux formes -tranges, dignes d'orner la cuisine et l'office de quelque -Haroun-al-Raschid. J'aime voir combien cet art ancien est encore -vivant; ces cafetires et bouillotes modernes ont toujours les belles et -gracieuses lignes des anciennes, et elles sont travailles par les -artisans cairotes pour les gens du pays eux-mmes, <span class="pagenum"><a name="Page_22" id="Page_22">22</a></span> non pas +<p class="noindent"><span class="firstletter">E</span><span class="smcap">n</span> nous rapprochant du Muristan, nous ne tardons pas à nous apercevoir +que nous sommes maintenant au cœur du <i>Nahâssin</i>, au Marché des +Cuivres. Jusqu'à présent, les devantures des magasins avaient offert à +nos regards des produits variés, mais ici le cuivre domine. Tout comme +autrefois, d'habiles ouvriers martellent des récipients aux formes +étranges, dignes d'orner la cuisine et l'office de quelque +Haroun-al-Raschid. J'aime à voir combien cet art ancien est encore +vivant; ces cafetières et bouillotes modernes ont toujours les belles et +gracieuses lignes des anciennes, et elles sont travaillées par les +artisans cairotes pour les gens du pays eux-mêmes, <span class="pagenum"><a name="Page_22" id="Page_22">22</a></span> non pas seulement pour tenter le touriste qui passe. De fait, je n'ai jamais vu -un <i>Firangi</i> (tranger) acheter ces ustensiles, trop encombrants sans -doute pour prendre place dans la valise; ou peut-tre est-ce simplement +un <i>Firangi</i> (étranger) acheter ces ustensiles, trop encombrants sans +doute pour prendre place dans la valise; ou peut-être est-ce simplement que le marchand et le drogman n'ont pu se mettre d'accord sur la commission que ce dernier toucherait en cas de vente?</p> -<p>Les talages qui se trouvaient jadis au pied des deux mosques ont +<p>Les étalages qui se trouvaient jadis au pied des deux mosquées ont maintenant disparu, ce qui, au point de vue du pittoresque, est regrettable. Un peu plus loin, un coude brusque nous conduit au Bazar -des Orfvres. Les diffrentes artres qui le sillonnent sont tellement -troites que deux personnes ne peuvent y marcher de front. Les boutiques -ressemblent des armoires et leur devanture n'a gure plus de 1 mtre -1<sup>m</sup>,40 de largeur. Le plancher est 60 centimtres environ au-dessus du -sol et sert de sige aux clients. Cette extraordinaire petite bote -(c'est le mot) sert la fois d'atelier et de magasin; le <i>guhargi</i> ou -orfvre passe ici toute sa journe, assis, les jambes croises, sur un +des Orfèvres. Les différentes artères qui le sillonnent sont tellement +étroites que deux personnes ne peuvent y marcher de front. Les boutiques +ressemblent à des armoires et leur devanture n'a guère plus de 1 mètre à +1<sup>m</sup>,40 de largeur. Le plancher est à 60 centimètres environ au-dessus du +sol et sert de siège aux clients. Cette extraordinaire petite boîte +(c'est le mot) sert à la fois d'atelier et de magasin; le <i>guhargi</i> ou +orfèvre passe ici toute sa journée, assis, les jambes croisées, sur un petit tapis, et il n'a vraiment aucune raison de se lever, car toutes -ses marchandises et ses outils sont porte de sa main, et, quand il -dsire une tasse de caf ou de th vert, il lui <span class="pagenum"><a name="Page_23" id="Page_23">23</a></span> suffit de frapper +ses marchandises et ses outils sont à portée de sa main, et, quand il +désire une tasse de café ou de thé vert, il lui <span class="pagenum"><a name="Page_23" id="Page_23">23</a></span> suffit de frapper ses mains l'une contre l'autre pour qu'un boy la lui apporte. Son -apparence ne diffre gure de celle de son voisin du March au Cuivre, -mais ses vtements nous indiquent qu'il n'est pas un descendant du -Prophte. Le samedi, presque toutes ces petites boutiques sont fermes, -et si vous pouvez dchiffrer les noms crits au-dessus des portes +apparence ne diffère guère de celle de son voisin du Marché au Cuivre, +mais ses vêtements nous indiquent qu'il n'est pas un descendant du +Prophète. Le samedi, presque toutes ces petites boutiques sont fermées, +et si vous pouvez déchiffrer les noms écrits au-dessus des portes closes, vous n'y trouverez ni Hassan, ni Mohammed, mais <i>Ibu Yusef</i>, -<i>Ibrahim</i> ou <i>Ben Sandi</i> qui tmoignent silencieusement que ces -isralites continuent d'observer les lois de leurs aeux.</p> - -<p>Except les jours du Sabbat, ces ruelles qui composent le <i>Sk-es-Sgh</i> -sont presque impraticables. Pendant des heures entires, des femmes -restent assises sur le <i>Mashaba</i>, c'est--dire le rebord du plancher, -regarder l'artisan qui travaille un bijou qu'elles ont command, ou -marchander une autre pice. La patience du commerant est inlassable. -J'en ai vu qui, aprs avoir montr leur stock tout entier une cliente +<i>Ibrahim</i> ou <i>Ben Sandi</i> qui témoignent silencieusement que ces +israélites continuent d'observer les lois de leurs aïeux.</p> + +<p>Excepté les jours du Sabbat, ces ruelles qui composent le <i>Sük-es-Sâïgh</i> +sont presque impraticables. Pendant des heures entières, des femmes +restent assises sur le <i>Mashaba</i>, c'est-à-dire le rebord du plancher, à +regarder l'artisan qui travaille un bijou qu'elles ont commandé, ou à +marchander une autre pièce. La patience du commerçant est inlassable. +J'en ai vu qui, après avoir montré leur stock tout entier à une cliente qui partait enfin sans rien acheter, lui disaient aimablement au revoir -et la priaient de revenir dans des termes pleins de gracieuset. Les -robes de soie du marchand, aux couleurs varies, contrastent trangement -avec le vtement noir de l'acheteuse. <span class="pagenum"><a name="Page_24" id="Page_24">24</a></span> Celle-ci abrite son visage -derrire un voile. Elle peut venir ici, en public, vendre ses bijoux et -personne n'aura la moindre ide de sa personnalit. Si un homme, au +et la priaient de revenir dans des termes pleins de gracieuseté. Les +robes de soie du marchand, aux couleurs variées, contrastent étrangement +avec le vêtement noir de l'acheteuse. <span class="pagenum"><a name="Page_24" id="Page_24">24</a></span> Celle-ci abrite son visage +derrière un voile. Elle peut venir ici, en public, vendre ses bijoux et +personne n'aura la moindre idée de sa personnalité. Si un homme, au contraire, venait vendre son argenterie et ses bijoux, tout le bazar saurait en quelques minutes qui il est, et discuterait avec animation -les pertes l'obligeant se sparer de ses biens,—car le Cairote est +les pertes l'obligeant à se séparer de ses biens,—car le Cairote est toujours fort curieux de tout ce qui touche aux questions d'argent.</p> <p>Vraiment le <i>Yashmak</i> (voile des femmes) avec son cercle de cuivre, -n'est pas gracieux, mais il excite la curiosit, et l'on se dit que si +n'est pas gracieux, mais il excite la curiosité, et l'on se dit que si le nez, la bouche et le menton de telle femme sont aussi jolis que ses -yeux, elle doit tre remarquablement belle. La modestie l'oblige -cacher les lignes de son corps sous un long chle noir, mais elle -s'entoure de ce chle d'une faon si artistique que son charme y gagne -plutt qu'il n'y perd. A l'encontre de sa sœur europenne qui se pare -avec extravagance prcisment pour paratre en public, elle garde ses +yeux, elle doit être remarquablement belle. La modestie l'oblige à +cacher les lignes de son corps sous un long châle noir, mais elle +s'entoure de ce châle d'une façon si artistique que son charme y gagne +plutôt qu'il n'y perd. A l'encontre de sa sœur européenne qui se pare +avec extravagance précisément pour paraître en public, elle garde ses robes aux brillantes couleurs et ses beaux colliers pour les seuls yeux de son seigneur, et de quelques amies intimes qui viendront les admirer -dans la paix et la discrtion du harem.</p> +dans la paix et la discrétion du harem.</p> <p><span class="pagenum"><a name="Page_25" id="Page_25">25</a></span></p> <p>A mesure qu'on avance dans ce bazar, l'air devient de plus en plus lourd -et vici; on voudrait en sortir. Des femmes <i>fellah</i> qui encombrent la -ruelle, se jettent ple-mle dans l'armoire qui sert de boutique -l'orfvre Mousa. Et lentement, arrt par maint obstacle, on arrive -enfin la rue Nahssn o l'on respire de nouveau l'air pur.</p> +et vicié; on voudrait en sortir. Des femmes <i>fellah</i> qui encombrent la +ruelle, se jettent pêle-mêle dans l'armoire qui sert de boutique à +l'orfèvre Mousa. Et lentement, arrêté par maint obstacle, on arrive +enfin à la rue Nahâssîn où l'on respire de nouveau l'air pur.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_4" id="pl_4"></a> <img src="images/after-page-24.jpg" alt="LE KHAN-EL-KALIL, AU CAIRE" title="LE KHAN-EL-KALIL, AU CAIRE" width="400" height="663" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-24.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Presque en face de nous maintenant, se trouve l'entre du Bazar turc -appel <i>Khn Khall</i>. Construit en l'an 1300 par le Sultan mamelouk El -Ashraf Khall, il est depuis cette poque le centre commercial de la -vieille ville, bien que son importance ait fort diminu du jour o -plusieurs de ses gros commerants ont install de somptueux magasins -trs modernes dans les nouveaux quartiers. Cet endroit est, de toute la -ville, certainement le plus curieux, et celui o la vie est le plus +<p>Presque en face de nous maintenant, se trouve l'entrée du Bazar turc +appelé <i>Khân Khalîl</i>. Construit en l'an 1300 par le Sultan mamelouk El +Ashraf Khalîl, il est depuis cette époque le centre commercial de la +vieille ville, bien que son importance ait fort diminué du jour où +plusieurs de ses gros commerçants ont installé de somptueux magasins +très modernes dans les nouveaux quartiers. Cet endroit est, de toute la +ville, certainement le plus curieux, et celui où la vie est le plus intense. A droite, vous passez d'abord devant des marchands de tapis qui -vous invitent poliment entrer, tandis qu' gauche les commerants en +vous invitent poliment à entrer, tandis qu'à gauche les commerçants en soieries vous prient non moins aimablement d'examiner leurs <i>kuffiyehs</i>, -ou chles de soie que les Syriens portent gnralement autour de la tte -en guise de turban. Si vous paraissez tre tent, un Cingalais vous +ou châles de soie que les Syriens portent généralement autour de la tête +en guise de turban. Si vous paraissez être tenté, un Cingalais vous soufflera dans l'oreille que <span class="pagenum"><a name="Page_26" id="Page_26">26</a></span> vous feriez bien mieux d'entrer chez -lui, ses prix tant de cinquante pour cent meilleur march que ceux de -son voisin le Mahomtan. Vous passez et vous vous trouvez la porte -d'une boutique de pantoufles d'o vous apercevez toute une range -d'escarpins rouges ou jaunes, empils sur les comptoirs et sur le -plancher, accrochs en grappes au plafond et aux stores, autour des +lui, ses prix étant de cinquante pour cent meilleur marché que ceux de +son voisin le Mahométan. Vous passez et vous vous trouvez à la porte +d'une boutique de pantoufles d'où vous apercevez toute une rangée +d'escarpins rouges ou jaunes, empilés sur les comptoirs et sur le +plancher, accrochés en grappes au plafond et aux stores, autour des portes, partout! Le rouge domine, et c'est incontestablement la couleur -que le Cairote prfre, en matire d'escarpins. Les escarpins jaunes -viennent presque tous de Tunisie et du Maroc et sont achets par les -paysans. De grands rouleaux de cuir rouge sont empils dans les petites -boutiques o les ouvriers travaillent avec ardeur, coupant et cousant, -couvrant le plancher de monceaux de dchets.</p> - -<p>A peine un tranger parat-il qu'un marchand lui met sous le nez une -paire de pantoufles en criant: Seulement deux shillings!—Entre et -vois ma boutique!—Very cheap! Vous avez beau lui dclarer que vos -bagages sont dj pleins d'escarpins, que vous en avez donn tous vos -parents, amis et connaissances, il ne se laisse pas dcourager et -insiste sans tarir, jusqu' ce que vous lui chappiez en pntrant chez +que le Cairote préfère, en matière d'escarpins. Les escarpins jaunes +viennent presque tous de Tunisie et du Maroc et sont achetés par les +paysans. De grands rouleaux de cuir rouge sont empilés dans les petites +boutiques où les ouvriers travaillent avec ardeur, coupant et cousant, +couvrant le plancher de monceaux de déchets.</p> + +<p>A peine un étranger paraît-il qu'un marchand lui met sous le nez une +paire de pantoufles en criant: «Seulement deux shillings!»—«Entre et +vois ma boutique!»—«Very cheap!» Vous avez beau lui déclarer que vos +bagages sont déjà pleins d'escarpins, que vous en avez donné à tous vos +parents, amis et connaissances, il ne se laisse pas décourager et +insiste sans tarir, jusqu'à ce que vous lui échappiez en pénétrant chez le marchand de tapis. Celui-ci avait <span class="pagenum"><a name="Page_27" id="Page_27">27</a></span> du reste l'œil sur vous; un -magnifique tapis est droul pendant qu'un autre, habilement jet -derrire vous, coupe votre retraite. J'ai horreur des tapis rouges! -criez-vous avec dsespoir, et, pendant que le marchand en droule un +magnifique tapis est déroulé pendant qu'un autre, habilement jeté +derrière vous, coupe votre retraite. «J'ai horreur des tapis rouges!» +criez-vous avec désespoir, et, pendant que le marchand en déroule un vert, vous bondissez dehors; mais le Cingalais se retrouve alors devant -vous avec de nombreux <i>kuffiyehs</i> jets sur son paule: tout en vous -complimentant d'avoir chapp son voisin Hussein, qui voulait vous -vendre des marchandises dfrachies, il dploie artistement le chle -qui, sans aucun doute, comblera vos dsirs. Il a entendu vos remarques +vous avec de nombreux <i>kuffiyehs</i> jetés sur son épaule: tout en vous +complimentant d'avoir échappé à son voisin «Hussein», qui voulait vous +vendre des marchandises défraîchies, il déploie artistement le châle +qui, sans aucun doute, comblera vos désirs. Il a entendu vos remarques sur les tapis rouges, et il dit en faisant miroiter de jolies couleurs: -Ici pas de mauvaises teintures allemandes. Il voit de suite que la -combinaison de couleurs vous plat; malgr toutes vos rsolutions de ne -rien acheter, vous vous laissez aller en effet demander le prix: -Seulement seize shillings! rpond le Cingalais avec confiance, tout en +«Ici pas de mauvaises teintures allemandes». Il voit de suite que la +combinaison de couleurs vous plaît; malgré toutes vos résolutions de ne +rien acheter, vous vous laissez aller en effet à demander le prix: +«Seulement seize shillings!» répond le Cingalais avec confiance, tout en s'assurant, par des regards anxieux, qu'aucun autre marchand ne l'a -entendu offrir sa marchandise si vil prix! Sans faire attention -votre mcontentement, il vous exprime doucement les raisons qui le -poussent faire un tel sacrifice; un service en vaut un autre et il -espre bien que vous parlerez de lui et <span class="pagenum"><a name="Page_28" id="Page_28">28</a></span> que vous donnerez son nom -et son adresse tous vos amis. Puis, d'une voix plus forte et en -scandant les mots, il ajoute: Viens sans le drogman!. Ne pouvant vous -dbarrasser de cet importun, vous avez enfin recours des paroles fort -rudes qu'il reoit du reste avec un tel sourire que c'est croire qu'il -les aime. Enfin, et comme dernire ressource, vous lui offrez un tiers -du prix qu'il demande, pensant qu'une insulte aussi srieuse aura -quelque effet sur lui, mais ce bon commerant enveloppe tranquillement -le chle dans un papier et vous le tend, vous en offrant mme un second - ce prix! Et soudain il disparat, vous laissant le paquet dans une +entendu offrir sa marchandise à si vil prix! Sans faire attention à +votre mécontentement, il vous exprime doucement les raisons qui le +poussent à faire un tel sacrifice; un service en vaut un autre et il +espère bien que vous parlerez de lui et <span class="pagenum"><a name="Page_28" id="Page_28">28</a></span> que vous donnerez son nom +et son adresse à tous vos amis. Puis, d'une voix plus forte et en +scandant les mots, il ajoute: «Viens sans le drogman!». Ne pouvant vous +débarrasser de cet importun, vous avez enfin recours à des paroles fort +rudes qu'il reçoit du reste avec un tel sourire que c'est à croire qu'il +les aime. Enfin, et comme dernière ressource, vous lui offrez un tiers +du prix qu'il demande, pensant qu'une insulte aussi sérieuse aura +quelque effet sur lui, mais ce bon commerçant enveloppe tranquillement +le châle dans un papier et vous le tend, vous en offrant même un second +à ce prix! Et soudain il disparaît, vous laissant le paquet dans une main et une douzaine de ses cartes dans l'autre, et vous vous demandez -comment il a pu cder si facilement, sans chercher obtenir quelques -shillings de plus. La raison n'en est pas difficile trouver. Un groupe +comment il a pu céder si facilement, sans chercher à obtenir quelques +shillings de plus. La raison n'en est pas difficile à trouver. Un groupe de touristes qu'il n'avait pas un moment perdu de vue, vient d'entrer -chez le marchand de tapis et en ressortira un moment ou un autre par -la porte situe en face de son magasin. Il ne va pas perdre son temps et -discuter pour quelques shillings, alors qu'il entrevoit tout coup la -possibilit de gagner une grosse somme.</p> - -<p>Il est certain que l'assaut continu de tous ces <span class="pagenum"><a name="Page_29" id="Page_29">29</a></span> vendeurs gte un -peu le plaisir d'une visite au Khn, visite qui sans cela serait -charmante en mme temps qu'elle est des plus intressantes.</p> - -<p>Le porche par lequel on pntre dans le quartier des cuivres, avec son -ornementation serpentine, est trs beau. Les couleurs originales ont -presque entirement disparu, mais ce qu'il en reste s'harmonise d'une -faon charmante avec le brun et l'or ple des pierres sculptes. Il -serait difficile d'imaginer un cadre plus ravissant, ou mieux appropri -aux lampes, vases, cache-pots et services en cuivre cisel, exposs sur -des tagres de chaque ct de l'entre. De grandes lampes pendent tout -le long de l'alle qui conduit au porche, et c'est vraiment un spectacle -merveilleux. Mais o s'asseoir pour essayer de peindre tout cela? -Certes, mon fidle Mohammed Brown est un homme de tact, mais toute son -ingniosit mme arrivera-t-elle me rendre la chose possible? Il -parat peu ais d'obtenir un croquis, moins de s'installer au beau +chez le marchand de tapis et en ressortira à un moment ou à un autre par +la porte située en face de son magasin. Il ne va pas perdre son temps et +discuter pour quelques shillings, alors qu'il entrevoit tout à coup la +possibilité de gagner une grosse somme.</p> + +<p>Il est certain que l'assaut continu de tous ces <span class="pagenum"><a name="Page_29" id="Page_29">29</a></span> vendeurs gâte un +peu le plaisir d'une visite au Khân, visite qui sans cela serait +charmante en même temps qu'elle est des plus intéressantes.</p> + +<p>Le porche par lequel on pénètre dans le quartier des cuivres, avec son +ornementation serpentine, est très beau. Les couleurs originales ont +presque entièrement disparu, mais ce qu'il en reste s'harmonise d'une +façon charmante avec le brun et l'or pâle des pierres sculptées. Il +serait difficile d'imaginer un cadre plus ravissant, ou mieux approprié +aux lampes, vases, cache-pots et services en cuivre ciselé, exposés sur +des étagères de chaque côté de l'entrée. De grandes lampes pendent tout +le long de l'allée qui conduit au porche, et c'est vraiment un spectacle +merveilleux. Mais où s'asseoir pour essayer de peindre tout cela? +Certes, mon fidèle Mohammed Brown est un homme de tact, mais toute son +ingéniosité même arrivera-t-elle à me rendre la chose possible? Il +paraît peu aisé d'obtenir un croquis, à moins de s'installer au beau milieu de la rue, mais l'importance du trafic et l'agitation sont telles -qu'il faut vite y renoncer. Nous fmes en la circonstance obligs de +qu'il faut vite y renoncer. Nous fûmes en la circonstance obligés de nous entendre avec un marchand qui me permit de m'installer sur son -comptoir et qui, avec une partie de ses meubles, <span class="pagenum"><a name="Page_30" id="Page_30">30</a></span> leva une barrire -entre moi et un attroupement qui s'tait dj form, les gens se -demandant avec curiosit ce que j'allais faire. A cette poque, ma -connaissance de la langue arabe tait nulle, j'ignorais donc de quel -talisman mon dvou guide s'tait servi pour obtenir du boutiquier qu'il -capitult si facilement et qu'il s'intresst tant mon sort. Non -seulement cet homme chassa la foule, mais il me servit du th et -m'apporta des cigarettes. Toutes ces attentions m'embarrassrent +comptoir et qui, avec une partie de ses meubles, <span class="pagenum"><a name="Page_30" id="Page_30">30</a></span> éleva une barrière +entre moi et un attroupement qui s'était déjà formé, les gens se +demandant avec curiosité ce que j'allais faire. A cette époque, ma +connaissance de la langue arabe était nulle, j'ignorais donc de quel +talisman mon dévoué guide s'était servi pour obtenir du boutiquier qu'il +capitulât si facilement et qu'il s'intéressât tant à mon sort. Non +seulement cet homme chassa la foule, mais il me servit du thé et +m'apporta des cigarettes. Toutes ces attentions m'embarrassèrent vraiment, car j'avais entrepris un travail de longue haleine et je -n'tais pas en position de lui acheter la moiti de ses lampes pour le -compenser de tout le mal que j'allais lui donner. Cependant, bientt -toutes mes penses furent absorbes par mon travail et ce brave homme +n'étais pas en position de lui acheter la moitié de ses lampes pour le +compenser de tout le mal que j'allais lui donner. Cependant, bientôt +toutes mes pensées furent absorbées par mon travail et ce brave homme cessa d'exister pour moi. Impossible de concevoir travail plus difficile -ou plus nervant. A peine avais-je dessin un somptueux lampadaire et -commenais-je l'habiller de ses premires couleurs, qu'un touriste -demandait justement examiner cet objet! Au moment mme o je me -rjouissais qu'un rayon de soleil clairt un certain coin de mon sujet, -un store s'abaissait brutalement et le plongeait dans l'obscurit. Le +ou plus énervant. A peine avais-je dessiné un somptueux lampadaire et +commençais-je à l'habiller de ses premières couleurs, qu'un touriste +demandait justement à examiner cet objet! Au moment même où je me +réjouissais qu'un rayon de soleil éclairât un certain coin de mon sujet, +un store s'abaissait brutalement et le plongeait dans l'obscurité. Le bruit fait par ce store rappelait aux autres <span class="pagenum"><a name="Page_31" id="Page_31">31</a></span> boutiquiers que le -moment tait venu de baisser les leurs, et en quelques minutes la plus -grande partie de mon sujet n'tait plus visible, et le peu qui en -restait se trouvait clair d'une faon si diffrente que j'tais oblig -de renoncer la tche.</p> - -<p>En rentrant l'htel, je demandai Mohammed comment il s'y tait pris -avec le marchand: Oh! rpondit-il, je lui ai d'abord dit que vous tiez -un neveu de Lord Cromer; ensuite je lui ai fait comprendre quelle norme -rclame ce serait pour lui quand tous les gens les plus puissants du -Caire verraient votre tableau. Je dclarai ce zl serviteur que je -n'avais aucun dsir de me faire passer pour ce que je n'tais pas, -quoi il rpondit tranquillement: Eh bien! matre, quand vous aurez -fini, je lui dirai que c'taient des mensonges.</p> - -<p>Ce qui me parat le plus tonnant, c'est que dans un pays o le mensonge -est employ couramment, il se trouve une seule personne prte croire +moment était venu de baisser les leurs, et en quelques minutes la plus +grande partie de mon sujet n'était plus visible, et le peu qui en +restait se trouvait éclairé d'une façon si différente que j'étais obligé +de renoncer à la tâche.</p> + +<p>En rentrant à l'hôtel, je demandai à Mohammed comment il s'y était pris +avec le marchand: «Oh! répondit-il, je lui ai d'abord dit que vous étiez +un neveu de Lord Cromer; ensuite je lui ai fait comprendre quelle énorme +réclame ce serait pour lui quand tous les gens les plus puissants du +Caire verraient votre tableau.» Je déclarai à ce zélé serviteur que je +n'avais aucun désir de me faire passer pour ce que je n'étais pas, à +quoi il répondit tranquillement: «Eh bien! maître, quand vous aurez +fini, je lui dirai que c'étaient des mensonges».</p> + +<p>Ce qui me paraît le plus étonnant, c'est que dans un pays où le mensonge +est employé couramment, il se trouve une seule personne prête à croire quoi que ce soit.</p> -<p>Une bonne provision de cigarettes m'aida le lendemain entrer plus -avant encore dans les bonnes grces du marchand de lampes et de ses +<p>Une bonne provision de cigarettes m'aida le lendemain à entrer plus +avant encore dans les bonnes grâces du marchand de lampes et de ses nombreux amis et parents qui vinrent curieusement jeter un <span class="pagenum"><a name="Page_32" id="Page_32">32</a></span> coup -d'œil sur mon travail. La fume eut aussi l'avantage de chasser les -mouches. Chaque nouvel arrivant dsirait m'aider et m'tre agrable, -soit en loignant un gamin qui tchait de se glisser jusqu' moi, soit -en recommandant un boutiquier voisin de ne pas dranger ses -marchandises avant que j'aie fini de les peindre. J'aurais prfr me -passer de cette assistance, car si je commenais peindre le costume de -tel passant ou la pose de tel autre, mes amis et admirateurs criaient -ces gens de se tenir tranquilles: Il fait briller ta vilaine figure -comme un vase de cuivre neuf!—Tu seras admir par toutes les belles -dames trangres qui verront le tableau! et autres remarques -spirituelles qui avaient gnralement pour rsultat de faire fuir mon -modle, ou, pire encore, de l'amener auprs de moi, anxieux qu'il tait -de voir ce que je faisais de lui. La renomme de ma parent avec le -clbre Proconsul s'tait rapidement bruite, et tous les boutiquiers -venaient mettre ma disposition leurs magasins et leurs marchandises, -me suppliant de les peindre. Il fut bientt connu que je venais pour -travailler et non pour faire des achats, et, partir de ce moment, les -rabatteurs et les vendeurs me laissrent la paix, et le Khan-el-Khalil -<span class="pagenum"><a name="Page_33" id="Page_33">33</a></span> devint un des endroits o je pus peindre avec le plus de plaisir.</p> - -<p>Revenons maintenant notre itinraire. Une rue nous conduit du Bazar -turc la <i>Muski</i>, la rue de la Paix du <i>Masr el Kahira</i>, l'artre la -plus importante coupant la vieille ville de l'est l'ouest. L'influence -europenne a malheureusement envahi cette rue au point de lui faire -perdre son ct le plus pittoresque. Remontons le <i>Muski</i> quelques -instants et tournons droite: nous voici prsent dans un calme -relatif fort agrable et qui sied au quartier de l'Universit dont nous +d'œil sur mon travail. La fumée eut aussi l'avantage de chasser les +mouches. Chaque nouvel arrivant désirait m'aider et m'être agréable, +soit en éloignant un gamin qui tâchait de se glisser jusqu'à moi, soit +en recommandant à un boutiquier voisin de ne pas déranger ses +marchandises avant que j'aie fini de les peindre. J'aurais préféré me +passer de cette assistance, car si je commençais à peindre le costume de +tel passant ou la pose de tel autre, mes amis et admirateurs criaient à +ces gens de se tenir tranquilles: «Il fait briller ta vilaine figure +comme un vase de cuivre neuf!»—«Tu seras admiré par toutes les belles +dames étrangères qui verront le tableau!» et autres remarques +spirituelles qui avaient généralement pour résultat de faire fuir mon +modèle, ou, pire encore, de l'amener auprès de moi, anxieux qu'il était +de voir ce que je faisais de lui. La renommée de ma parenté avec le +célèbre Proconsul s'était rapidement ébruitée, et tous les boutiquiers +venaient mettre à ma disposition leurs magasins et leurs marchandises, +me suppliant de les peindre. Il fut bientôt connu que je venais pour +travailler et non pour faire des achats, et, à partir de ce moment, les +rabatteurs et les vendeurs me laissèrent la paix, et le Khan-el-Khalil +<span class="pagenum"><a name="Page_33" id="Page_33">33</a></span> devint un des endroits où je pus peindre avec le plus de plaisir.</p> + +<p>Revenons maintenant à notre itinéraire. Une rue nous conduit du Bazar +turc à la <i>Muski</i>, la rue de la Paix du <i>Masr el Kahira</i>, l'artère la +plus importante coupant la vieille ville de l'est à l'ouest. L'influence +européenne a malheureusement envahi cette rue au point de lui faire +perdre son côté le plus pittoresque. Remontons le <i>Muski</i> quelques +instants et tournons à droite: nous voici à présent dans un calme +relatif fort agréable et qui sied au quartier de l'Université dont nous approchons. Cette rue est justement celle des libraires, <i>El Sharia el -Halway</i>, pour lui donner son nom arabe. De nombreux exemplaires du -Coran, de vieux commentaires et livres classiques sont rangs par -rayons, et le Kutbi, le libraire, qui est souvent un cheik instruit, -presque un savant, se comporte avec dignit et ne fait aucun effort pour +Halwayî</i>, pour lui donner son nom arabe. De nombreux exemplaires du +Coran, de vieux commentaires et livres classiques sont rangés par +rayons, et le «Kutbi», le libraire, qui est souvent un cheik instruit, +presque un savant, se comporte avec dignité et ne fait aucun effort pour attirer le client. Nous approchons du grand centre savant de l'Islam.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> @@ -797,345 +758,345 @@ attirer le client. Nous approchons du grand centre savant de l'Islam.</p> LES RUES DU CAIRE<a name="ch_4" id="ch_4"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Gamia el Azhar.</span> || <span class="smcap">L'art de restaurer les monuments.</span> || <span class="smcap">Les medresseh.</span> -|| <span class="smcap">Le Bazar des Parfums et celui des pices.</span> || <span class="smcap">La grande mosque El -Muaiyad.</span> || <span class="smcap">Une Porte historique.</span> || <span class="smcap">L'homme-fontaine.</span> || <span class="smcap">Le portrait +<p class="subtitle"><span class="smcap">Gamia el Azhar.</span> || <span class="smcap">L'art de restaurer les monuments.</span> || <span class="smcap">Les «medresseh».</span> +|| <span class="smcap">Le Bazar des Parfums et celui des Épices.</span> || <span class="smcap">La grande mosquée «El +Muaiyad».</span> || <span class="smcap">Une Porte historique.</span> || <span class="smcap">L'homme-fontaine.</span> || <span class="smcap">Le portrait de l'eunuque.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">L</span><span class="smcap">'entre</span> principale de l'Universit, Gmia el Azhar, est bientt -visible. Sachant que la Mosque-Universit fut fonde au <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> sicle, on +<p class="noindent"><span class="firstletter">L</span><span class="smcap">'entrée</span> principale de l'Université, Gâmia el Azhar, est bientôt +visible. Sachant que la Mosquée-Université fut fondée au <span class="smcap">X</span><sup>e</sup> siècle, on est surpris de se trouver en face d'une construction d'apparence moderne. De nombreuses restaurations et de continuels agrandissements -ont fait disparatre presque entirement les traces de l'difice qui fut -lev par le Grand Vizir du premier calife Fatimid. S'il est permis de -dplorer la perte du pittoresque dtruit par la main du restaurateur, -ici comme dans beaucoup d'autres mosques, il faut cependant reconnatre -que, sans ces travaux, nombreux seraient les beaux difices qui auraient -cess d'exister ou qui ne seraient plus qu'une <span class="pagenum"><a name="Page_36" id="Page_36">36</a></span> masse informe de -ruines. Les revenus des mosques, qui ont considrablement augment, -permettent aujourd'hui des travaux importants la tte desquels se +ont fait disparaître presque entièrement les traces de l'édifice qui fut +élevé par le Grand Vizir du premier calife Fatimid. S'il est permis de +déplorer la perte du pittoresque détruit par la main du restaurateur, +ici comme dans beaucoup d'autres mosquées, il faut cependant reconnaître +que, sans ces travaux, nombreux seraient les beaux édifices qui auraient +cessé d'exister ou qui ne seraient plus qu'une <span class="pagenum"><a name="Page_36" id="Page_36">36</a></span> masse informe de +ruines. Les revenus des mosquées, qui ont considérablement augmenté, +permettent aujourd'hui des travaux importants à la tête desquels se trouve heureusement un architecte de grand talent, Herz Bey, qui a -consacr toute sa vie l'tude de l'architecture sarrasine. Il est -regrettable qu'un homme de talent gal n'ait pas dirig les travaux de -restauration excuts sous Sad Pacha! Maintenant on peut comparer cet -difice un vieux vtement rapic. Presque toutes les maisons qui -l'entourent ont un certain air d'antiquit, bien qu'aucune d'elles -n'existt l'poque o El Azhar fut construit.</p> +consacré toute sa vie à l'étude de l'architecture sarrasine. Il est +regrettable qu'un homme de talent égal n'ait pas dirigé les travaux de +restauration exécutés sous Saïd Pacha! Maintenant on peut comparer cet +édifice à un vieux vêtement rapiécé. Presque toutes les maisons qui +l'entourent ont un certain air d'antiquité, bien qu'aucune d'elles +n'existât à l'époque où El Azhar fut construit.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_5" id="pl_5"></a> -<img src="images/after-page-36.jpg" alt="APRS LA PRIRE DE MIDI" title="APRS LA PRIRE DE MIDI" width="400" height="576" /> +<img src="images/after-page-36.jpg" alt="APRÈS LA PRIÈRE DE MIDI" title="APRÈS LA PRIÈRE DE MIDI" width="400" height="576" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-36.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Pour visiter un btiment musulman quelconque, il est aujourd'hui -ncessaire d'acheter, moyennant cinquante centimes, un billet que votre -guide ou le concierge de votre htel vous procurera facilement. Six -minarets surmontent la mosque d'El Azhar et deux dmes recouvrent la -dernire demeure du saint fondateur. Malheureusement, les btiments qui -entourent l'Universit ne permettent pas de s'en loigner suffisamment -pour voir plus d'un ou deux minarets la fois. Ceux-ci ont des formes -diverses et appartiennent diffrentes poques. L'un d'eux, <span class="pagenum"><a name="Page_37" id="Page_37">37</a></span> -datant de la fin du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> sicle, est particulirement beau. La -transition graduelle du carr l'octogone, de l'octogone au cercle, et -l'admirable manire dont les angles ont t cachs par des +<p>Pour visiter un bâtiment musulman quelconque, il est aujourd'hui +nécessaire d'acheter, moyennant cinquante centimes, un billet que votre +guide ou le concierge de votre hôtel vous procurera facilement. Six +minarets surmontent la mosquée d'El Azhar et deux dômes recouvrent la +dernière demeure du saint fondateur. Malheureusement, les bâtiments qui +entourent l'Université ne permettent pas de s'en éloigner suffisamment +pour voir plus d'un ou deux minarets à la fois. Ceux-ci ont des formes +diverses et appartiennent à différentes époques. L'un d'eux, <span class="pagenum"><a name="Page_37" id="Page_37">37</a></span> +datant de la fin du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, est particulièrement beau. La +transition graduelle du carré à l'octogone, de l'octogone au cercle, et +l'admirable manière dont les angles ont été cachés par des pendentifs-stalactites formant les tasseaux qui supportent les galeries, -mritent l'attention. A chaque tage dfini par ces galeries et -s'levant au-dessus de la mosque, la circonfrence du minaret devient -plus petite, et l'ornementation tant admirablement adapte la hauteur -progressive, l'ensemble conduit le regard jusqu'au poinon en forme -d'œuf qui supporte l'emblme de la Foi musulmane. Ici, l'art du -constructeur a vraiment atteint son apoge; le minaret voisin, moins -ancien, est disgracieux et parat trop lourd par le haut; ses couleurs +méritent l'attention. A chaque étage défini par ces galeries et +s'élevant au-dessus de la mosquée, la circonférence du minaret devient +plus petite, et l'ornementation étant admirablement adaptée à la hauteur +progressive, l'ensemble conduit le regard jusqu'au poinçon en forme +d'œuf qui supporte l'emblème de la Foi musulmane. Ici, l'art du +constructeur a vraiment atteint son apogée; le minaret voisin, moins +ancien, est disgracieux et paraît trop lourd par le haut; ses couleurs aussi sont moins belles.</p> -<p>Les deux dmes, construits un intervalle encore plus grand, font -ressortir davantage cette infriorit. Le plus ancien recouvre dignement -la tombe, tandis que l'autre serait bon tout au plus orner un kiosque +<p>Les deux dômes, construits à un intervalle encore plus grand, font +ressortir davantage cette infériorité. Le plus ancien recouvre dignement +la tombe, tandis que l'autre serait bon tout au plus à orner un kiosque de journaux.</p> -<p>Dans un angle, en face du ct nord de El Azhar, un large escalier -conduit un portail. C'est l'entre d'un de ces medresseh ou collge, -qu'il est souvent difficile de distinguer d'une mosque. On est surpris -<span class="pagenum"><a name="Page_38" id="Page_38">38</a></span> d'apprendre qu'il ne date que de 1774. La dcadence architecturale -avait commenc bien avant, et cependant il est impossible de s'en +<p>Dans un angle, en face du côté nord de El Azhar, un large escalier +conduit à un portail. C'est l'entrée d'un de ces «medresseh» ou collège, +qu'il est souvent difficile de distinguer d'une mosquée. On est surpris +<span class="pagenum"><a name="Page_38" id="Page_38">38</a></span> d'apprendre qu'il ne date que de 1774. La décadence architecturale +avait commencé bien avant, et cependant il est impossible de s'en apercevoir ici. Stanley Lane Poole nous apprend que le monument fut -copi sur les plans d'une vieille mosque de Boulak. Avec les stalles -qui l'entourent en bas et le dme qui s'lve au-dessus de la balustrade -d'arabesques, contre le bleu fonc du ciel, on a un sujet de tableau -auprs duquel pas un peintre ne passerait sans s'arrter. Si j'crivais -un guide l'usage des artistes, je marquerais cet endroit de trois -toiles.</p> +copié sur les plans d'une vieille mosquée de Boulak. Avec les stalles +qui l'entourent en bas et le dôme qui s'élève au-dessus de la balustrade +d'arabesques, contre le bleu foncé du ciel, on a un sujet de tableau +auprès duquel pas un peintre ne passerait sans s'arrêter. Si j'écrivais +un guide à l'usage des artistes, je marquerais cet endroit de trois +étoiles.</p> <p>En tournant brusquement au prochain coin, un chemin en zigzag vous -conduit bientt dans <i>El Ashrafiyeh</i>, la rue principale qui continue <i>El -Nahssn</i>, et vous vous trouvez nouveau au milieu du bruit et du -mouvement de ce quartier affair du Caire. Ici, il y a d'autres grandes -mosques ct les unes des autres ou se faisant face, des dmes et des -minarets qui coupent la perspective et se dtachent sur la ligne azure +conduit bientôt dans <i>El Ashrafiyeh</i>, la rue principale qui continue <i>El +Nahâssîn</i>, et vous vous trouvez à nouveau au milieu du bruit et du +mouvement de ce quartier affairé du Caire. Ici, il y a d'autres grandes +mosquées à côté les unes des autres ou se faisant face, des dômes et des +minarets qui coupent la perspective et se détachent sur la ligne azurée du ciel. De nouveau les cris des chameliers, des vendeurs, des -conducteurs d'nes vous tourdissent. Un cocher vtu d'une robe bleue -essaie de conduire travers cette foule sa voiture pleine de touristes. -Le drogman, assis ct de lui sur le sige, <span class="pagenum"><a name="Page_39" id="Page_39">39</a></span> exhorte aussi les -pitons faire place: Oah ja gedda!—Oah ismaelak!—Oah -riglak.—Iftah eynak ja am! (Attention, eh! l'ouvrier!—Eh! l-bas, -gauche!—Attention tes pieds!—Ouvre donc l'œil, mon oncle!) et -bien d'autres cris du mme genre. Les touristes ont l'air fatigu et -ahuri; ils ont vu tant de choses dans une courte matine! Un jeune -garon a encore assez d'nergie pour prendre en passant quelques -instantans, mais il semble se soucier fort peu de ce qu'il attrape -ainsi au hasard. Juste en face de vous, ct des marches de la mosque -de Ghr et presque entirement cach par les stores du magasin voisin, -se trouve un troit passage qui conduit au Bazar des Parfums.</p> +conducteurs d'ânes vous étourdissent. Un cocher vêtu d'une robe bleue +essaie de conduire à travers cette foule sa voiture pleine de touristes. +Le drogman, assis à côté de lui sur le siège, <span class="pagenum"><a name="Page_39" id="Page_39">39</a></span> exhorte aussi les +piétons à faire place: «Oah ja gedda!»—«Oah ismaelak!»—«Oah +riglak».—«Iftah eynak ja am!» (Attention, eh! l'ouvrier!—Eh! là-bas, à +gauche!—Attention à tes pieds!—Ouvre donc l'œil, mon oncle!) et +bien d'autres cris du même genre. Les touristes ont l'air fatigué et +ahuri; ils ont vu tant de choses dans une courte matinée! Un jeune +garçon a encore assez d'énergie pour prendre en passant quelques +instantanés, mais il semble se soucier fort peu de ce qu'il attrape +ainsi au hasard. Juste en face de vous, à côté des marches de la mosquée +de Ghûrî et presque entièrement caché par les stores du magasin voisin, +se trouve un étroit passage qui conduit au Bazar des Parfums.</p> <p>Ici on vous offre pour six ou huit francs, un minuscule flacon contenant -quatre ou cinq gouttes d'essence de rose. Ce passage couvert et bord de -petites boutiques semblables des armoires, vous conduit un ddale de -ruelles dont chacune a son commerce particulier. Le Bazar des pices est -trs intressant, et les couleurs qui s'y jouent enchantent le regard. -La cannelle, la girofle, la muscade et l'alos, entasss autour du -marchand, s'harmonisent dlicieusement avec sa robe de soie et les sacs, +quatre ou cinq gouttes d'essence de rose. Ce passage couvert et bordé de +petites boutiques semblables à des armoires, vous conduit à un dédale de +ruelles dont chacune a son commerce particulier. Le Bazar des Épices est +très intéressant, et les couleurs qui s'y jouent enchantent le regard. +La cannelle, la girofle, la muscade et l'aloès, entassés autour du +marchand, s'harmonisent délicieusement avec sa robe de soie et les sacs, <span class="pagenum"><a name="Page_40" id="Page_40">40</a></span> paniers et nattes qui forment le mobilier de sa boutique.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_6" id="pl_6"></a> -<img src="images/after-page-40.jpg" alt="UNE RUELLE PRS DE LA PORTE DE ZUWLEH" title="UNE RUELLE PRS DE LA PORTE DE ZUWLEH" width="400" height="641" /> +<img src="images/after-page-40.jpg" alt="UNE RUELLE PRÈS DE LA PORTE DE ZUWÊLEH" title="UNE RUELLE PRÈS DE LA PORTE DE ZUWÊLEH" width="400" height="641" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-40.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Vous pouvez aussi flner dans les bazars tunisiens et algriens, dans +<p>Vous pouvez aussi flâner dans les bazars tunisiens et algériens, dans celui des cordonniers et des marchands d'articles en laine d'Arabie, et -revenir ainsi vers la rue principale, non loin de la grande mosque El +revenir ainsi vers la rue principale, non loin de la grande mosquée El Muaiyad.</p> -<p>Cet imposant btiment fut <ins class="correction" title="contruit">construit</ins> en 1416 par le sultan mamelouk -circassien, El Muaiyad, pour servir de <i>medresseh</i>, dont il existait -cette poque un grand nombre. Mais lorsque les tudiants se portrent en -foule vers El Azhar, ces collges furent convertis en mosques -congrganistes. Celle qui nous occupe sert aussi de mausole son -fondateur et sa famille. Ce sultan El Muaiyad fut un grand -constructeur, et malgr toutes les difficults de son rgne de dix -annes, il fit btir six mosques, deux collges et l'hpital <i>Moristan -El Muaiyad</i>. L'architecture sarrasine avait atteint son apoge au sicle -prcdent. Quant aux magnifiques portes de bronze, elles appartenaient -primitivement la mosque du sultan Hasan dont nous parlerons plus +<p>Cet imposant bâtiment fut <ins class="correction" title="contruit">construit</ins> en 1416 par le sultan mamelouk +circassien, El Muaiyad, pour servir de <i>medresseh</i>, dont il existait à +cette époque un grand nombre. Mais lorsque les étudiants se portèrent en +foule vers El Azhar, ces collèges furent convertis en mosquées +congréganistes. Celle qui nous occupe sert aussi de mausolée à son +fondateur et à sa famille. Ce sultan El Muaiyad fut un grand +constructeur, et malgré toutes les difficultés de son règne de dix +années, il fit bâtir six mosquées, deux collèges et l'hôpital <i>Moristan +El Muaiyad</i>. L'architecture sarrasine avait atteint son apogée au siècle +précédent. Quant aux magnifiques portes de bronze, elles appartenaient +primitivement à la mosquée du sultan Hasan dont nous parlerons plus tard.</p> -<p>Cette mosque n'est cependant pas ce qu'il y a de plus intressant dans -cette partie du Caire; elle est <span class="pagenum"><a name="Page_41" id="Page_41">41</a></span> clipse par une vieille porte -monumentale, la Bb-ez-Zuwleh, qui doit son nom une tribu de Berbres -qui campa jadis non loin de l. C'est une des trois grandes portes -perces dans le mur qui sparait Kahira des sites plus anciens de Fostt -et Kati, et qui fut construit par le vizir armnien Bedr pendant le -califat d'El Mustausir, en 1070. Depuis cette date jusqu' la conqute -du Caire en 1517, cette porte fut associe tous les vnements -dramatiques qui se passrent dans cette ville. Les bastions carrs et -massifs, la vote arrondie et les passages couverts sont d'un caractre +<p>Cette mosquée n'est cependant pas ce qu'il y a de plus intéressant dans +cette partie du Caire; elle est <span class="pagenum"><a name="Page_41" id="Page_41">41</a></span> éclipsée par une vieille porte +monumentale, la Bâb-ez-Zuwêleh, qui doit son nom à une tribu de Berbères +qui campa jadis non loin de là. C'est une des trois grandes portes +percées dans le mur qui séparait Kahira des sites plus anciens de Fostât +et Katâi, et qui fut construit par le vizir arménien Bedr pendant le +califat d'El Mustausir, en 1070. Depuis cette date jusqu'à la conquête +du Caire en 1517, cette porte fut associée à tous les événements +dramatiques qui se passèrent dans cette ville. Les bastions carrés et +massifs, la voûte arrondie et les passages couverts sont d'un caractère plus byzantin que sarrasin. Les deux tours furent raccourcies pour -recevoir deux minarets jumeaux que fit lever El Muaiyad lorsqu'il -construisit sa mosque, mais part cela rien n'a t chang. Stanley -Poole nous raconte dans son intressante <i>Histoire du Caire</i> quantit de -scnes tragiques qui se jourent l'ombre de cette vieille porte. Il +recevoir deux minarets jumeaux que fit élever El Muaiyad lorsqu'il +construisit sa mosquée, mais à part cela rien n'a été changé. Stanley +Poole nous raconte dans son intéressante <i>Histoire du Caire</i> quantité de +scènes tragiques qui se jouèrent à l'ombre de cette vieille porte. Il relate, entre autres, comment, en 1154, Nasr, l'assassin du calife -<i>Fauceant</i>, El-Zhir, fut livr pour 750 000 francs par les Templiers de -Palestine aux femmes du Harem qui, aprs l'avoir affreusement tortur, -l'envoyrent, mutil et aveugle, travers les rues du Caire pour tre -crucifi vivant sur la Bb-ez-Zuwleh. Dix ans plus <span class="pagenum"><a name="Page_42" id="Page_42">42</a></span> tard, le vizir -Dargham fut assassin ici mme. C'tait un brave paladin qui avait -combattu contre les croiss Gaza, mais il commit la malheureuse -imprudence de prendre l'argent sacr des mosques pour payer ses -troupes. Abandonn mme des siens dont il avait t l'idole jusqu'alors, +<i>Fauceant</i>, El-Zâhir, fut livré pour 750 000 francs par les Templiers de +Palestine aux femmes du Harem qui, après l'avoir affreusement torturé, +l'envoyèrent, mutilé et aveugle, à travers les rues du Caire pour être +crucifié vivant sur la Bâb-ez-Zuwêleh. Dix ans plus <span class="pagenum"><a name="Page_42" id="Page_42">42</a></span> tard, le vizir +Dargham fut assassiné ici même. C'était un brave paladin qui avait +combattu contre les croisés à Gaza, mais il commit la malheureuse +imprudence de prendre l'argent sacré des mosquées pour payer ses +troupes. Abandonné même des siens dont il avait été l'idole jusqu'alors, il fut poursuivi par une foule en furie, et, sous cette porte, il eut la -tte coupe et son corps, jet dans le foss, fut livr aux chiens.</p> +tête coupée et son corps, jeté dans le fossé, fut livré aux chiens.</p> -<p>Lorsque l'orthodoxe et clbre Saladin succda au dernier calife -Camboise, il eut combattre un soulvement des troupes ngres qui -adhraient encore l'hrsie de Sha, et une sanglante boucherie qui -dura deux jours entiers eut lieu quelques pas de la porte. Enfin, -quand les envoys mongols vinrent au Caire demander impertinemment que -la ville se rendt, le mamelouk Kutuz les fit dcapiter et exposa leurs -ttes la vue de la populace, sur cette porte fameuse.</p> +<p>Lorsque l'orthodoxe et célèbre Saladin succéda au dernier calife +Camboise, il eut à combattre un soulèvement des troupes nègres qui +adhéraient encore à l'hérésie de Shîa, et une sanglante boucherie qui +dura deux jours entiers eut lieu à quelques pas de la porte. Enfin, +quand les envoyés mongols vinrent au Caire demander impertinemment que +la ville se rendît, le mamelouk Kutuz les fit décapiter et exposa leurs +têtes à la vue de la populace, sur cette porte fameuse.</p> -<p>Cette porte monumentale est situe non loin d'une maison qui attire +<p>Cette porte monumentale est située non loin d'une maison qui attire l'attention par une grande grille en fer et une colonne construite dans -une encoignure. Cette colonne qui semble n'avoir t qu'un chanfrein -ornemental, fut pendant de nombreuses annes le lieu d'excution; les -criminels taient trangls <span class="pagenum"><a name="Page_43" id="Page_43">43</a></span> contre sa base. Il n'est vraiment pas -tonnant que la porte ait une mauvaise rputation et qu'on la considre -comme hante! Elle est d'ailleurs orne, si l'on peut dire, de vieux -lambeaux d'toffe, ainsi que de dents suspendues une ficelle, et de -quantit d'autres choses aussi peu agrables la vue. Si vous vous -arrtez quelque temps cet endroit, vous serez surpris de voir des gens -s'avancer mystrieusement derrire la porte et soudainement y enfoncer -un clou. Ce mange m'intrigua beaucoup la premire fois que je -m'installai l pour peindre. Le fidle Mohammed m'instruisit. Il parat -qu'un certain <i>Kutb-el-Mitwelli</i>, clbre saint, frquente la niche qui -se trouve derrire cette porte, mais comme il a le pouvoir de se rendre -invisible, il est assez difficile de s'assurer de sa prsence. Ce saint -possde l'art de gurir miraculeusement les gens, et il a t prouv que +une encoignure. Cette colonne qui semble n'avoir été qu'un chanfrein +ornemental, fut pendant de nombreuses années le lieu d'exécution; les +criminels étaient étranglés <span class="pagenum"><a name="Page_43" id="Page_43">43</a></span> contre sa base. Il n'est vraiment pas +étonnant que la porte ait une mauvaise réputation et qu'on la considère +comme hantée! Elle est d'ailleurs ornée, si l'on peut dire, de vieux +lambeaux d'étoffe, ainsi que de dents suspendues à une ficelle, et de +quantité d'autres choses aussi peu agréables à la vue. Si vous vous +arrêtez quelque temps à cet endroit, vous serez surpris de voir des gens +s'avancer mystérieusement derrière la porte et soudainement y enfoncer +un clou. Ce manège m'intrigua beaucoup la première fois que je +m'installai là pour peindre. Le fidèle Mohammed m'instruisit. Il paraît +qu'un certain <i>Kutb-el-Mitwelli</i>, célèbre saint, fréquente la niche qui +se trouve derrière cette porte, mais comme il a le pouvoir de se rendre +invisible, il est assez difficile de s'assurer de sa présence. Ce saint +possède l'art de guérir miraculeusement les gens, et il a été prouvé que lorsqu'une dent fait beaucoup souffrir, si on l'arrache et qu'on la fixe - la porte, la souffrance cesse trs rapidement!... Quantit de mamans -amnent ici des enfants aux yeux malades, et leur pressent le visage +à la porte, la souffrance cesse très rapidement!... Quantité de mamans +amènent ici des enfants aux yeux malades, et leur pressent le visage contre la porte. Les sceptiques feront bien de ne pas suivre cet -exemple, car ils risqueraient fort, en frottant leur piderme cet +exemple, car ils risqueraient fort, en frottant leur épiderme à cet endroit, d'attraper quelque chose de bien <span class="pagenum"><a name="Page_44" id="Page_44">44</a></span> pire que ce qu'ils -dsirent gurir. De temps autre, un vieillard d'apparence -extraordinaire et qui est l'objet d'une grande vnration, vient -s'asseoir devant la porte. Aucun artiste du moyen ge n'habilla un -Lazare de haillons plus tranges. Son regard farouche et la lance qui -arme son poing arrtent toute plaisanterie son sujet. Je n'ai jamais +désirent guérir. De temps à autre, un vieillard d'apparence +extraordinaire et qui est l'objet d'une grande vénération, vient +s'asseoir devant la porte. Aucun artiste du moyen âge n'habilla un +Lazare de haillons plus étranges. Son regard farouche et la lance qui +arme son poing arrêtent toute plaisanterie à son sujet. Je n'ai jamais pu approfondir quelle relation existe entre ce vieillard et le -mystrieux saint <i>El-Mitwelli</i>; je m'y emploierai nouveau...</p> +mystérieux saint <i>El-Mitwelli</i>; je m'y emploierai à nouveau...</p> -<p>L'aquarelle ci-contre reprsente les deux minarets de El Muaiyad qui -s'lvent si gracieusement au-dessus de cette porte de tragique mmoire. -Les maisons avoisinantes cachent la porte elle-mme, qui a tent les +<p>L'aquarelle ci-contre représente les deux minarets de El Muaiyad qui +s'élèvent si gracieusement au-dessus de cette porte de tragique mémoire. +Les maisons avoisinantes cachent la porte elle-même, qui a tenté les crayons ou les pinceaux de bien des artistes. L'espace qui l'entoure est -trop restreint, et aprs tout il est peut-tre prfrable que le lieu -sinistre d'o s'lvent ces ravissants minarets reste cach.</p> +trop restreint, et après tout il est peut-être préférable que le lieu +sinistre d'où s'élèvent ces ravissants minarets reste caché.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_7" id="pl_7"></a> <img src="images/after-page-44.jpg" alt="LES DEUX MINARETS DE EL-MUAIYAD" title="LES DEUX MINARETS DE EL-MUAIYAD" width="400" height="556" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-44.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Les deux minarets ressemblent beaucoup celui d'El Azhar que j'ai -particulirement dcrit. Les sultans circassiens du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> sicle taient -trs amateurs de cette ornementation; mais cette architecture n'a ni la -simplicit, ni la grandeur de celle du <span class="smcap">XIV</span><sup>e</sup> sicle, comme nous le +<p>Les deux minarets ressemblent beaucoup à celui d'El Azhar que j'ai +particulièrement décrit. Les sultans circassiens du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle étaient +très amateurs de cette ornementation; mais cette architecture n'a ni la +simplicité, ni la grandeur de celle du <span class="smcap">XIV</span><sup>e</sup> siècle, comme nous le verrons du reste en la comparant avec les travaux plus anciens du sultan -Hasan. Les rues <span class="pagenum"><a name="Page_45" id="Page_45">45</a></span> sont gnralement si troites qu'il est -impossible d'avoir une vue d'ensemble des mosques.</p> +Hasan. Les rues <span class="pagenum"><a name="Page_45" id="Page_45">45</a></span> sont généralement si étroites qu'il est +impossible d'avoir une vue d'ensemble des mosquées.</p> -<p>Il est assez curieux que El Mahmdi Muaiyad ait choisi les tours de la -porte Zuwleh comme base des minarets qui appartiennent sa mosque +<p>Il est assez curieux que El Mahmüdi Muaiyad ait choisi les tours de la +porte Zuwêleh comme base des minarets qui appartiennent à sa mosquée mortuaire. Il est vrai qu'il fut pendant longtemps, dans cette tour -mme, le prisonnier de ses sujets rvolts. C'tait un homme trs pieux -appartenant la religion, alors orthodoxe, que Saladin avant lui avait -purge de l'hrsie de Sha. Il passait aussi pour tre un homme -instruit, un pote, un orateur et un musicien. Sa faon de vivre et de -s'habiller tait des plus simples. Il s'enveloppait d'une toffe de +même, le prisonnier de ses sujets révoltés. C'était un homme très pieux +appartenant à la religion, alors orthodoxe, que Saladin avant lui avait +purgée de l'hérésie de Shîa. Il passait aussi pour être un homme +instruit, un poète, un orateur et un musicien. Sa façon de vivre et de +s'habiller était des plus simples. Il s'enveloppait d'une étoffe de laine blanche ordinaire en signe de deuil, en raison de la peste qui -ravageait le pays. Il n'avait malheureusement aucune tolrance pour ceux +ravageait le pays. Il n'avait malheureusement aucune tolérance pour ceux qui ne partageaient pas ses croyances, et les superbes monuments qu'il -leva furent principalement pays avec l'argent qu'il arracha aux -chrtiens et aux juifs. Il renfora la loi qui obligeait les chrtiens -et les juifs s'habiller autrement que les Mahomtans. Les premiers +éleva furent principalement payés avec l'argent qu'il arracha aux +chrétiens et aux juifs. Il renforça la loi qui obligeait les chrétiens +et les juifs à s'habiller autrement que les Mahométans. Les premiers portaient une robe bleue et un turban noir, et les autres une robe jaune -et un turban galement noir. Pour les distinguer encore plus des vrais -croyants, une lourde croix devait tre suspendue <span class="pagenum"><a name="Page_46" id="Page_46">46</a></span> au cou du chrtien +et un turban également noir. Pour les distinguer encore plus des vrais +croyants, une lourde croix devait être suspendue <span class="pagenum"><a name="Page_46" id="Page_46">46</a></span> au cou du chrétien et une grosse boule noire au cou du juif. Bien que ces lois ne soient -plus en vigueur depuis de nombreuses annes, je ne me rappelle pas avoir -jamais vu soit un chrtien, soit un juif, porter le turban blanc qui est -la couleur le plus gnralement adopte par les Mahomtans.</p> +plus en vigueur depuis de nombreuses années, je ne me rappelle pas avoir +jamais vu soit un chrétien, soit un juif, porter le turban blanc qui est +la couleur le plus généralement adoptée par les Mahométans.</p> -<p>Suivons maintenant la rue situe gauche de la porte <i>Derb-el-Ahmar</i>, -d'o nous apercevons une dernire fois les minarets de El Muaiyad qui -dominent un groupe de vieilles maisons et montent avec grce vers le +<p>Suivons maintenant la rue située à gauche de la porte <i>Derb-el-Ahmar</i>, +d'où nous apercevons une dernière fois les minarets de El Muaiyad qui +dominent un groupe de vieilles maisons et montent avec grâce vers le ciel.</p> -<p>J'ai vu souvent ici un vieillard pli sous le poids d'un grand rcipient - eau attach sur son dos; un tuyau en mtal passe par-dessus son -paule, et, en se penchant lgrement, il peut faire couler l'eau dans -une tasse qu'il tient la main. Frquemment un passant s'arrte et vide -la tasse, payant le vieillard d'un simple remerciement, ce qui parat le +<p>J'ai vu souvent ici un vieillard plié sous le poids d'un grand récipient +à eau attaché sur son dos; un tuyau en métal passe par-dessus son +épaule, et, en se penchant légèrement, il peut faire couler l'eau dans +une tasse qu'il tient à la main. Fréquemment un passant s'arrête et vide +la tasse, payant le vieillard d'un simple remerciement, ce qui paraît le satisfaire, puisqu'il remplit de nouveau la tasse en fredonnant la -chanson qui me le fit d'abord remarquer. Mon guide s'tant, lui aussi, -dsaltr sans rien offrir en change au pauvre vieux, je le plaisantai - ce sujet, et je lui demandai de me traduire la chanson. Les paroles en -sont presque identiques au premier verset d'Isae et <span class="pagenum"><a name="Page_47" id="Page_47">47</a></span> peuvent tre -traduites par: O vous tous qui avez soif, venez cette fontaine; que -celui qui n'a pas d'argent vienne et boive; venez et buvez sans argent! -Cette coutume date probablement d'une poque antrieure Mahomet, et -peut-tre de l'poque mme d'Isae. Maintenant que les fontaines ont t +chanson qui me le fit d'abord remarquer. Mon guide s'étant, lui aussi, +désaltéré sans rien offrir en échange au pauvre vieux, je le plaisantai +à ce sujet, et je lui demandai de me traduire la chanson. Les paroles en +sont presque identiques au premier verset d'Isaïe et <span class="pagenum"><a name="Page_47" id="Page_47">47</a></span> peuvent être +traduites par: «O vous tous qui avez soif, venez à cette fontaine; que +celui qui n'a pas d'argent vienne et boive; venez et buvez sans argent!» +Cette coutume date probablement d'une époque antérieure à Mahomet, et +peut-être de l'époque même d'Isaïe. Maintenant que les fontaines ont été construites dans tous les quartiers de la ville, cette charmante coutume -disparatra sans doute, et ce sera dommage.</p> +disparaîtra sans doute, et ce sera dommage.</p> -<p>Nous passons maintenant devant la petite mosque de Isms-el-Ishki, -la bifurcation de deux rues, et, droite, devant une ravissante -fontaine avec de trs jolies tuiles et un plafond richement colori. Une -autre mosque droite et nous arrivons enfin la belle mosque de +<p>Nous passons maintenant devant la petite mosquée de Ismâs-el-Ishâki, à +la bifurcation de deux rues, et, à droite, devant une ravissante +fontaine avec de très jolies tuiles et un plafond richement colorié. Une +autre mosquée à droite et nous arrivons enfin à la belle mosquée de El-Merdani.</p> -<p>Cette mosque tait dans un dplorable tat de ruine lorsque je la -visitai pour la premire fois, et, bien que d'une faon gnrale les -artistes prisent peu les btiments <i>remis neuf</i>, je fus enchant quand -j'appris que la Commission pour la prservation des monuments arabes en -avait entrepris la restauration. Celle-ci fut dirige par Herz Bey et -excute d'une faon si admirable qu'il est maintenant possible -d'apprcier le degr de perfection que l'art sarrasin avait atteint <span class="pagenum"><a name="Page_48" id="Page_48">48</a></span> -pendant la premire moiti du <span class="smcap">XIV</span><sup>e</sup> sicle. Une bonne partie des -sculptures sur bois se trouvent dans des muses europens.</p> - -<p>Une petite rue troite qui longe la Merdani nous conduit dans une artre -plus large, dont les maisons voquent une aristocratie dchue. L'une +<p>Cette mosquée était dans un déplorable état de ruine lorsque je la +visitai pour la première fois, et, bien que d'une façon générale les +artistes prisent peu les bâtiments <i>remis à neuf</i>, je fus enchanté quand +j'appris que la Commission pour la préservation des monuments arabes en +avait entrepris la restauration. Celle-ci fut dirigée par Herz Bey et +exécutée d'une façon si admirable qu'il est maintenant possible +d'apprécier le degré de perfection que l'art sarrasin avait atteint <span class="pagenum"><a name="Page_48" id="Page_48">48</a></span> +pendant la première moitié du <span class="smcap">XIV</span><sup>e</sup> siècle. Une bonne partie des +sculptures sur bois se trouvent dans des musées européens.</p> + +<p>Une petite rue étroite qui longe la Merdani nous conduit dans une artère +plus large, dont les maisons évoquent une aristocratie déchue. L'une d'elles, avec un portail majestueux et de grandes <i>bay windows</i> dont les -stores de bois sculpt sont briss et raccommods et l au moyen de +stores de bois sculpté sont brisés et raccommodés çà et là au moyen de morceaux de caisses d'emballage, semblerait indiquer que son -propritaire est compltement ruin, moins, au contraire, que ses -affaires ne soient si prospres qu'il ait pu se construire une autre +propriétaire est complètement ruiné, à moins, au contraire, que ses +affaires ne soient si prospères qu'il ait pu se construire une autre habitation dans le nouveau quartier d'Ismalieh en laissant son ancienne -demeure la garde des rats et d'un vieil eunuque. J'ai souvent trouv -dans ces vieilles maisons des cours fort intressantes, mais il est +demeure à la garde des rats et d'un vieil eunuque. J'ai souvent trouvé +dans ces vieilles maisons des cours fort intéressantes, mais il est difficile d'en obtenir une bonne vue. La porte massive est souvent -ouverte, mais le passage qui conduit l'intrieur de la cour fait -gnralement un brusque coude au bout de quelques mtres, coupant ainsi +ouverte, mais le passage qui conduit à l'intérieur de la cour fait +généralement un brusque coude au bout de quelques mètres, coupant ainsi la perspective.</p> -<p>C'est dans des cas semblables que mon fidle guide se montrait -particulirement utile. Si la maison se trouvait dans un cul-de-sac -dsert et sans personne <span class="pagenum"><a name="Page_49" id="Page_49">49</a></span> aux abords capable de nous donner des -renseignements, il pntrait bravement. S'il revenait aussitt, c'est -qu'il n'y avait rien de curieux mon point de vue, car il avait une -ide trs juste de ce que je recherchais.</p> +<p>C'est dans des cas semblables que mon fidèle guide se montrait +particulièrement utile. Si la maison se trouvait dans un cul-de-sac +désert et sans personne <span class="pagenum"><a name="Page_49" id="Page_49">49</a></span> aux abords capable de nous donner des +renseignements, il pénétrait bravement. S'il revenait aussitôt, c'est +qu'il n'y avait rien de curieux à mon point de vue, car il avait une +idée très juste de ce que je recherchais.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_8" id="pl_8"></a> <img src="images/after-page-48.jpg" alt="LE GARDIEN DU HAREM" title="LE GARDIEN DU HAREM" width="400" height="577" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-48.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Quelquefois il trouvait la maison compltement abandonne ou le gardien -profondment endormi, et il revenait pas de loup me faire signe de le -suivre. Lorsqu'il y avait vraiment quelque chose d'intressant, il +<p>Quelquefois il trouvait la maison complètement abandonnée ou le gardien +profondément endormi, et il revenait à pas de loup me faire signe de le +suivre. Lorsqu'il y avait vraiment quelque chose d'intéressant, il entrait en pourparlers afin d'obtenir la permission d'installer mon -chevalet. Gnralement, l'affaire tait vite conclue, le gardien -acceptant avec joie un <i>shilling</i> ou deux; mais d'autres fois, il tait -ncessaire de s'adresser au propritaire lui-mme, et c'tait alors une -question d'un ou de plusieurs jours. Si la maison tait importante, la -grande difficult venait du harem, surtout, oh! surtout si l'entre que -je dsirais peindre se trouvait tre celle du <i>Dpartement des Dames</i>. -Dans un certain cas, le matre du harem me dclara avec bonne humeur -qu'aucune de ses femmes ne penserait bouger pendant les heures chaudes -de la journe, et que par consquent je pouvais peindre jusqu'au moment -o ces dames dsireraient prendre l'air. Du reste, cela l'amusa de me -voir peindre son eunuque dormant poings ferms devant <span class="pagenum"><a name="Page_50" id="Page_50">50</a></span> la porte du -harem. Cet eunuque, lorsqu'il se rveilla, dclara qu'il faisait trop -chaud en cet endroit et, pour le dcider y rester, il fallut que -Mohammed Brown tnt une ombrelle au-dessus de sa tte et protget ainsi +chevalet. Généralement, l'affaire était vite conclue, le gardien +acceptant avec joie un <i>shilling</i> ou deux; mais d'autres fois, il était +nécessaire de s'adresser au propriétaire lui-même, et c'était alors une +question d'un ou de plusieurs jours. Si la maison était importante, la +grande difficulté venait du harem, surtout, oh! surtout si l'entrée que +je désirais peindre se trouvait être celle du <i>Département des Dames</i>. +Dans un certain cas, le maître du harem me déclara avec bonne humeur +qu'aucune de ses femmes ne penserait à bouger pendant les heures chaudes +de la journée, et que par conséquent je pouvais peindre jusqu'au moment +où ces dames désireraient prendre l'air. Du reste, cela l'amusa de me +voir peindre son eunuque dormant à poings fermés devant <span class="pagenum"><a name="Page_50" id="Page_50">50</a></span> la porte du +harem. Cet eunuque, lorsqu'il se réveilla, déclara qu'il faisait trop +chaud en cet endroit et, pour le décider à y rester, il fallut que +Mohammed Brown tînt une ombrelle au-dessus de sa tête et protégeât ainsi <i>son teint</i>!</p> -<p>Les femmes avaient videmment suivi toute la scne, caches derrire -leur <i>meshrebiya</i>, car, lorsque l'eunuque eut rti assez longtemps pour +<p>Les femmes avaient évidemment suivi toute la scène, cachées derrière +leur <i>meshrebiya</i>, car, lorsque l'eunuque eut rôti assez longtemps pour me permettre de terminer son portrait, j'entendis des chuchotements et -des rires touffs, et je fus bientt pri d'envoyer mon tableau ces +des rires étouffés, et je fus bientôt prié d'envoyer mon tableau à ces dames afin qu'elles pussent le voir. Or, ce tableau, qui n'avait -nullement la prtention d'tre humoristique, les frappa comme tel et de -grands clats de rire retentirent. L'eunuque rapparut bientt, l'air -tout fait penaud, et il fit ressortir avec amertume toutes les -indignits qu'il venait de souffrir par ma faute; mais un autre +nullement la prétention d'être humoristique, les frappa comme tel et de +grands éclats de rire retentirent. L'eunuque réapparut bientôt, l'air +tout à fait penaud, et il fit ressortir avec amertume toutes les +indignités qu'il venait de souffrir par ma faute; mais un autre <i>baksheesh</i> eut vite fait de le consoler.</p> -<p>La rue El-Merdani est courte et se termine au <i>Sk-el-Sellha</i>, le -march des Armuriers. La tranquillit de la rue contraste avec le +<p>La rue El-Merdani est courte et se termine au <i>Sûk-el-Sellâha</i>, le +marché des Armuriers. La tranquillité de la rue contraste avec le vacarme des fabricants de fusils et le bruit des soufflets. De farouches -Bdouins et des Arabes de Syrie font rparer leurs longs fusils. De +Bédouins et des Arabes de Syrie font réparer leurs longs fusils. De vieilles espingoles, des lances et quelques fusils <span class="pagenum"><a name="Page_51" id="Page_51">51</a></span> de chasse -modernes sont accrochs dans les magasins dont les planchers sont -couverts de morceaux de fer et de cuivre. Il y a peu voir ici +modernes sont accrochés dans les magasins dont les planchers sont +couverts de morceaux de fer et de cuivre. Il y a peu à voir ici aujourd'hui, dans cet endroit qui fut autrefois la grande fabrique d'armes des sultans. Des maisons dont il ne reste que le -rez-de-chausse, une mosque en ruines et un minaret qui menace de -s'crouler chaque fois que le <i>Muezzin</i> y monte pour appeler les -armuriers la prire, compltent le tableau.</p> +rez-de-chaussée, une mosquée en ruines et un minaret qui menace de +s'écrouler chaque fois que le <i>Muezzin</i> y monte pour appeler les +armuriers à la prière, complètent le tableau.</p> -<p>Le haut du march touche l'avenue Mohamet-Ali: nous terminerons ici +<p>Le haut du marché touche à l'avenue Mohamet-Ali: nous terminerons ici notre promenade. Un tramway qui descend nous offre le moyen le plus -rapide de parcourir les deux kilomtres et demi d'une rue sans intrt -qui nous spare du quartier europen.</p> +rapide de parcourir les deux kilomètres et demi d'une rue sans intérêt +qui nous sépare du quartier européen.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -1146,283 +1107,283 @@ qui nous spare du quartier europen.</p> LE VIEUX CAIRE<a name="ch_5" id="ch_5"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Le Progrs destructeur.</span> || <span class="smcap">Le spectacle de la rue: les fruitiers et -leurs talages aux vives couleurs.</span> || <span class="smcap">Le complet anglais des petits -coliers.</span> || <span class="smcap">La Maison de Cheik Sadaat.</span> || <span class="smcap">L'architecture arabe.</span></p> +<p class="subtitle"><span class="smcap">Le Progrès destructeur.</span> || <span class="smcap">Le spectacle de la rue: les fruitiers et +leurs étalages aux vives couleurs.</span> || <span class="smcap">Le complet anglais des petits +écoliers.</span> || <span class="smcap">La Maison de Cheik Sadaat.</span> || <span class="smcap">L'architecture arabe.</span></p> <p class="noindent"><span class="firstletter">S</span><span class="smcap">i</span> mes lecteurs veulent bien m'accompagner une fois encore dans une visite aux vieux quartiers de la ville, nous prendrons de nouveau le -tramway l'Ezbkyeh et nous n'en descendrons qu'aprs avoir atteint la -moiti environ de la Sharia Mohamet Ali, c'est--dire prs de la -<i>Bb-el-Khalk</i>. Cette large avenue fut perce travers la vieille ville -par le premier Khdive d'gypte, dont elle porte le nom. Quantit de -btiments intressants furent impitoyablement dtruits pour permettre -cette voie d'arriver jusqu' la citadelle. Des cris d'indignation furent -pousss par tous les pieux Musulmans d'gypte, lorsque des sanctuaires -sacrs, des mosques, et autres difices <span class="pagenum"><a name="Page_54" id="Page_54">54</a></span> chers leur foi, furent -sans respect jets terre. Mais Mohamet Ali tait tout-puissant et -n'tait pas homme se laisser influencer par les scrupules religieux de -son peuple, comme il l'avait dj fort bien dmontr en saisissant les +tramway à l'Ezbékîyeh et nous n'en descendrons qu'après avoir atteint la +moitié environ de la Sharia Mohamet Ali, c'est-à-dire près de la +<i>Bâb-el-Khalk</i>. Cette large avenue fut percée à travers la vieille ville +par le premier Khédive d'Égypte, dont elle porte le nom. Quantité de +bâtiments intéressants furent impitoyablement détruits pour permettre à +cette voie d'arriver jusqu'à la citadelle. Des cris d'indignation furent +poussés par tous les pieux Musulmans d'Égypte, lorsque des sanctuaires +sacrés, des mosquées, et autres édifices <span class="pagenum"><a name="Page_54" id="Page_54">54</a></span> chers à leur foi, furent +sans respect jetés à terre. Mais Mohamet Ali était tout-puissant et +n'était pas homme à se laisser influencer par les scrupules religieux de +son peuple, comme il l'avait déjà fort bien démontré en saisissant les <i>Wakfs</i>, ou revenus religieux, et en les employant pour ses besoins personnels. Sans aucun doute il fit beaucoup pour son pays, mais il est - regretter qu'il ft si Vandale dans toutes les questions d'art et de -bon got.</p> +à regretter qu'il fût si Vandale dans toutes les questions d'art et de +bon goût.</p> -<p>Le grand et nouvel difice de style arabe qui se trouve notre gauche, -est le Muse de l'Art arabe. Une grande partie de ce qui s'y trouve +<p>Le grand et nouvel édifice de style arabe qui se trouve à notre gauche, +est le Musée de l'Art arabe. Une grande partie de ce qui s'y trouve provient des pillages faits par le sultan un peu partout dans la ville. -On y trouve galement bon nombre d'objets pris dans des mosques qui -sont encore debout: on aimerait voir ces objets restitus aux lieux d'o -ils ont t arrachs. La collection n'en est pas moins belle, et ceux -que l'art arabe intresse pourront ici tudier cet art cœur joie.</p> - -<p>S'il commence faire trop chaud pour marcher longtemps, nous pourrons -louer des nes et suivre Derb-el-Gammz, une longue rue dont les -maisons situes du ct ouest sont bties sur l'ancien canal El-Khaliz, -lequel a t combl. C'est une voie importante <span class="pagenum"><a name="Page_55" id="Page_55">55</a></span> qui, sous des noms -diffrents, traverse toute la ville, du nord au sud, toujours -paralllement la direction de l'ancien canal. Elle est plus tranquille -que les artres principales situes prs de Khan-el-Khall, et est plus -loigne des principaux bazars. Le matin, de bonne heure, vous -rencontrerez ici de longues files de chameaux chargs +On y trouve également bon nombre d'objets pris dans des mosquées qui +sont encore debout: on aimerait voir ces objets restitués aux lieux d'où +ils ont été arrachés. La collection n'en est pas moins belle, et ceux +que l'art arabe intéresse pourront ici étudier cet art à cœur joie.</p> + +<p>S'il commence à faire trop chaud pour marcher longtemps, nous pourrons +louer des ânes et suivre Derb-el-Gamâmîz, une longue rue dont les +maisons situées du côté ouest sont bâties sur l'ancien canal El-Khaliz, +lequel a été comblé. C'est une voie importante <span class="pagenum"><a name="Page_55" id="Page_55">55</a></span> qui, sous des noms +différents, traverse toute la ville, du nord au sud, toujours +parallèlement à la direction de l'ancien canal. Elle est plus tranquille +que les artères principales situées près de Khan-el-Khalîl, et est plus +éloignée des principaux bazars. Le matin, de bonne heure, vous +rencontrerez ici de longues files de chameaux chargés d'approvisionnements, et des troupeaux de bœufs et de moutons qu'on -conduit aux diffrents marchs. En t, c'est un spectacle agrable +conduit aux différents marchés. En été, c'est un spectacle agréable à l'œil que celui des chameaux portant des melons et des gourdes dans -d'normes paniers tresss jour.</p> +d'énormes paniers tressés à jour.</p> -<p>Souvent le conducteur vend ses produits tout en marchant, tenant la -main une grosse pastque dont il coupe des tranches. Il s'arrte devant +<p>Souvent le conducteur vend ses produits tout en marchant, tenant à la +main une grosse pastèque dont il coupe des tranches. Il s'arrête devant chaque fruitier dans l'espoir de faire une affaire plus importante et les pourparlers sont souvent si longs que l'artiste a le temps de prendre un croquis des chameaux. Les fruitiers, soit ceux qui -tablissent leurs comptoirs volants dans n'importe quel coin, soit les -magasins plus importants formant une brillante mosaque aux dlicieuses -couleurs avec leurs piles d'oranges, de pommes, de citrons, adosses -de vritables murailles de melons et de pastques; les fruitiers, +établissent leurs comptoirs volants dans n'importe quel coin, soit les +magasins plus importants formant une brillante mosaïque aux délicieuses +couleurs avec leurs piles d'oranges, de pommes, de citrons, adossées à +de véritables murailles de melons et de pastèques; les fruitiers, dis-je, <span class="pagenum"><a name="Page_56" id="Page_56">56</a></span> semblent d'instinct trouver la teinte juste pour le papier et les oripeaux dont ils entourent leur marchandise; et, un peu plus -tard, pendant l't, de grandes branches de canne sucre appuyes +tard, pendant l'été, de grandes branches de canne à sucre appuyées contre le mur et remplissant les coins, viendront ajouter le vert gris -de leurs feuilles toutes ces brillantes couleurs.</p> +de leurs feuilles à toutes ces brillantes couleurs.</p> -<p>Lorsque les circonstances nous obligent passer au Caire les mois -chauds de l't ou de l'automne, nous en sommes en quelque sorte -ddommags par la beaut des rues, alors dans tout son clat. La forme, -les couleurs et les ombres des tentes qui sont dresses travers les -rues ou maintenues l'aide de mts au-dessus des magasins et des +<p>Lorsque les circonstances nous obligent à passer au Caire les mois +chauds de l'été ou de l'automne, nous en sommes en quelque sorte +dédommagés par la beauté des rues, alors dans tout son éclat. La forme, +les couleurs et les ombres des tentes qui sont dressées à travers les +rues ou maintenues à l'aide de mâts au-dessus des magasins et des comptoirs, ajoutent au pittoresque. Ces grandes toiles et ces nattes -admettent assez de jour pour donner une chaude lumire sans ombres trop -fonces. Les habitants aussi sont beaucoup plus pittoresques dans leurs -costumes d't, car les vestons et les paletots europens ne sont ports +admettent assez de jour pour donner une chaude lumière sans ombres trop +foncées. Les habitants aussi sont beaucoup plus pittoresques dans leurs +costumes d'été, car les vestons et les paletots européens ne sont portés par-dessus les <i>gelabich</i> que pendant l'hiver. Et puis, les touristes, dont les costumes s'harmonisent si peu avec l'entourage oriental, ne -sont pas l non plus! Les enfants, moiti nus, jouent sans contrainte -dans les rues et leurs ans <span class="pagenum"><a name="Page_57" id="Page_57">57</a></span> vont et viennent avec la dignit qui -sied si bien un oriental. La vie en plein air est beaucoup plus active -ici que dans les pays du nord. Les marchandises sont dployes et -exposes sur les trottoirs mmes, et les magasins l'europenne +sont pas là non plus! Les enfants, à moitié nus, jouent sans contrainte +dans les rues et leurs aînés <span class="pagenum"><a name="Page_57" id="Page_57">57</a></span> vont et viennent avec la dignité qui +sied si bien à un oriental. La vie en plein air est beaucoup plus active +ici que dans les pays du nord. Les marchandises sont déployées et +exposées sur les trottoirs mêmes, et les magasins à l'européenne semblent avoir disparu.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_9" id="pl_9"></a> <img src="images/after-page-56.jpg" alt="EL-GAMAMIZ, AU CAIRE" title="EL-GAMAMIZ, AU CAIRE" width="400" height="640" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-56.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>A un certain endroit de cette rue Derb-el-Gammz, par une large porte +<p>A un certain endroit de cette rue Derb-el-Gamâmîz, par une large porte qui s'ouvre au-dessus de quelques marches, vous pouvez jeter un coup -d'œil dans l'intrieur d'un monastre derviche. La grande cour pave, -qu'embellissent des arbres et une jolie fontaine en tuiles, parat bien -attrayante, surtout vue d'une rue chaude et poussireuse. Dans la rue -mme, prs d'ici, il y a quelques rables justifiant son nom de -<i>Gammz</i>, et, juste en face, se trouve la porte de la Bibliothque -Vice-Royale. Cette Bibliothque a une trs grande importance pour ceux -qui tudient les langues orientales, et les personnes qu'intresse +d'œil dans l'intérieur d'un monastère derviche. La grande cour pavée, +qu'embellissent des arbres et une jolie fontaine en tuiles, paraît bien +attrayante, surtout vue d'une rue chaude et poussiéreuse. Dans la rue +même, près d'ici, il y a quelques érables justifiant son nom de +<i>Gamâmîz</i>, et, juste en face, se trouve la porte de la Bibliothèque +Vice-Royale. Cette Bibliothèque a une très grande importance pour ceux +qui étudient les langues orientales, et les personnes qu'intéresse simplement l'art du pays ne regretteront pas de la visiter, ne serait-ce -que pour admirer les exemplaires enlumins du Coran qu'on y conserve. On -accorde ici toutes les facilits possibles aux tudiants europens, ce -qui n'est pas toujours le cas dans les bibliothques musulmanes, -lesquelles sont gnralement <span class="pagenum"><a name="Page_58" id="Page_58">58</a></span> consacres exclusivement aux tudes de -la religion mahomtane.</p> - -<p>Le Ministre de l'Instruction publique se trouve ct. De toutes les -tches dont l'Angleterre a pris la responsabilit en gypte, il n'y en a -pas de plus difficile ou demandant plus de tact et de discrtion que -celle de la direction des tudes des jeunes musulmans. Lorsque les -Anglais vinrent occuper l'gypte, l'instruction donne dans les coles -consistait, comme elle consiste encore presque entirement du reste -l'Universit d'El-Azhar, lire, expliquer et commenter des passages -du Coran. Il s'agissait d'apprendre par cœur, mcaniquement, sans que -les autres facults fussent exerces. Raisonner tait chose inconnue. A -prsent, des professeurs diplms des Universits d'Oxford et de -Cambridge enseignent aux enfants les mathmatiques, l'histoire, la -gographie et les prparent d'une faon gnrale se dbrouiller plus -tard, au milieu des conditions dj bien changes de leur pays. Certes, -tout cela est excellent, mais on ne s'arrte malheureusement pas l. -Bien tort, on semble croire que <i>progrs</i> signifie <i>europanisation</i> -et que ces deux ides doivent avancer de front, de sorte qu'au lieu de -dvelopper leur propre civilisation, <span class="pagenum"><a name="Page_59" id="Page_59">59</a></span> on leur impose petit petit -une civilisation trangre. Pour ne citer qu'un exemple, il n'est permis - aucun enfant de suivre les cours d'une cole khdiviale dans son -gracieux costume national port avant lui par ses pres. On l'oblige y -aller habill l'europenne, veste et pantalon, et coiff du ridicule +que pour admirer les exemplaires enluminés du Coran qu'on y conserve. On +accorde ici toutes les facilités possibles aux étudiants européens, ce +qui n'est pas toujours le cas dans les bibliothèques musulmanes, +lesquelles sont généralement <span class="pagenum"><a name="Page_58" id="Page_58">58</a></span> consacrées exclusivement aux études de +la religion mahométane.</p> + +<p>Le Ministère de l'Instruction publique se trouve à côté. De toutes les +tâches dont l'Angleterre a pris la responsabilité en Égypte, il n'y en a +pas de plus difficile ou demandant plus de tact et de discrétion que +celle de la direction des études des jeunes musulmans. Lorsque les +Anglais vinrent occuper l'Égypte, l'instruction donnée dans les écoles +consistait, comme elle consiste encore presque entièrement du reste à +l'Université d'El-Azhar, à lire, à expliquer et à commenter des passages +du Coran. Il s'agissait d'apprendre par cœur, mécaniquement, sans que +les autres facultés fussent exercées. Raisonner était chose inconnue. A +présent, des professeurs diplômés des Universités d'Oxford et de +Cambridge enseignent aux enfants les mathématiques, l'histoire, la +géographie et les préparent d'une façon générale à se débrouiller plus +tard, au milieu des conditions déjà bien changées de leur pays. Certes, +tout cela est excellent, mais on ne s'arrête malheureusement pas là. +Bien à tort, on semble croire que <i>progrès</i> signifie <i>européanisation</i> +et que ces deux idées doivent avancer de front, de sorte qu'au lieu de +développer leur propre civilisation, <span class="pagenum"><a name="Page_59" id="Page_59">59</a></span> on leur impose petit à petit +une civilisation étrangère. Pour ne citer qu'un exemple, il n'est permis +à aucun enfant de suivre les cours d'une école khédiviale dans son +gracieux costume national porté avant lui par ses pères. On l'oblige à y +aller habillé à l'européenne, veste et pantalon, et coiffé du ridicule <i>tarbouche</i> rouge. On se demande un peu quel effet moral ou quelle influence au point de vue civilisation peut bien avoir un pantalon. Il -est vraiment regrettable qu'on ne permette pas ces coliers de porter -leur costume national. Une fois habitus nos affreux vtements, ils -continueront les porter toute leur vie. Dj, leurs vastes et belles +est vraiment regrettable qu'on ne permette pas à ces écoliers de porter +leur costume national. Une fois habitués à nos affreux vêtements, ils +continueront à les porter toute leur vie. Déjà, leurs vastes et belles maisons, si bien comprises pour un climat chaud, disparaissent -rapidement et font place des appartements trop petits.</p> - -<p>Nous suivrons cette rue un peu plus loin encore, jusqu' ce que nous -rencontrions gauche une jolie <i>sebl</i> (fontaine). L, tournant encore - gauche, nous nous trouvons en face de l'entre d'une des coles -khdiviales. L'aquarelle que j'ai faite de cette cole fut peinte il y a -quelque dix ans, avant que la loi ridicule sur les vtements ne ft en -vigueur. C'est un spectacle bien diffrent qui se prsente aujourd'hui -nos yeux quand les enfants sortent de l'cole en courant. <span class="pagenum"><a name="Page_60" id="Page_60">60</a></span> Des -complets faits la douzaine en Europe remplacent le <i>gelabieh</i> et la -<i>tb</i> flottante. Si trange que cela puisse paratre, ce changement de -costume semble avoir affect leurs manires aussi bien que leur -apparence, car leur tenue n'a pas plus de dignit que leur complet. -D'autre part, les robes qu'ils portaient autrefois taient plus faciles - nettoyer que les costumes d'aujourd'hui, et taient par consquent, au -point de vue sanitaire, bien prfrables. La nouvelle mode est aussi -beaucoup plus coteuse, et j'ai entendu bien des pauvres gens s'en -plaindre amrement.</p> - -<p>Faisons le tour de ce btiment et prenons le chemin qui conduit dans la -direction sud. Ici, des murs levs entourent les jardins d'un pacha. +rapidement et font place à des appartements trop petits.</p> + +<p>Nous suivrons cette rue un peu plus loin encore, jusqu'à ce que nous +rencontrions à gauche une jolie <i>sebîl</i> (fontaine). Là, tournant encore +à gauche, nous nous trouvons en face de l'entrée d'une des écoles +khédiviales. L'aquarelle que j'ai faite de cette école fut peinte il y a +quelque dix ans, avant que la loi ridicule sur les vêtements ne fût en +vigueur. C'est un spectacle bien différent qui se présente aujourd'hui à +nos yeux quand les enfants sortent de l'école en courant. <span class="pagenum"><a name="Page_60" id="Page_60">60</a></span> Des +complets faits à la douzaine en Europe remplacent le <i>gelabieh</i> et la +<i>tôb</i> flottante. Si étrange que cela puisse paraître, ce changement de +costume semble avoir affecté leurs manières aussi bien que leur +apparence, car leur tenue n'a pas plus de dignité que leur complet. +D'autre part, les robes qu'ils portaient autrefois étaient plus faciles +à nettoyer que les costumes d'aujourd'hui, et étaient par conséquent, au +point de vue sanitaire, bien préférables. La nouvelle mode est aussi +beaucoup plus coûteuse, et j'ai entendu bien des pauvres gens s'en +plaindre amèrement.</p> + +<p>Faisons le tour de ce bâtiment et prenons le chemin qui conduit dans la +direction sud. Ici, des murs élevés entourent les jardins d'un pacha. Nous longeons ces murs et nous passons encore devant une ou deux -mosques plus ou moins importantes, chacune cependant ayant un caractre -bien personnel. Nous arrivons bientt la maison du cheik Sadaat, mais -le promeneur n'entrevoit de toutes les beauts de ce noble et vieux -palais que les fins grillages de bois qui cachent les fentres. J'avais -eu la bonne fortune d'tre prsent au dernier descendant du cheik +mosquées plus ou moins importantes, chacune cependant ayant un caractère +bien personnel. Nous arrivons bientôt à la maison du cheik Sadaat, mais +le promeneur n'entrevoit de toutes les beautés de ce noble et vieux +palais que les fins grillages de bois qui cachent les fenêtres. J'avais +eu la bonne fortune d'être présenté au dernier descendant du cheik Sadaat par un ami commun, et la maison me fut <span class="pagenum"><a name="Page_61" id="Page_61">61</a></span> ouverte pour y -peindre tout ce que je dsirais. Aucune autre maison du Caire ne +peindre tout ce que je désirais. Aucune autre maison du Caire ne rappelle aussi vivement que celle-ci les tableaux de Lewis. Il y a dans -la cour un norme saule sous lequel coule une fontaine, et dont les -branches viennent caresser les grillages artistiques des fentres. La -mosque prive du Cheik se trouve un bout de la cour, et l'entre du -grand salon est l'autre bout; au milieu, il y a une salle de rception -o le vieillard recevait gnralement ses invits qu'il faisait asseoir -sur la partie surleve du plancher et couverte de coussins, o lui-mme -tait tendu.</p> +la cour un énorme saule sous lequel coule une fontaine, et dont les +branches viennent caresser les grillages artistiques des fenêtres. La +mosquée privée du Cheik se trouve à un bout de la cour, et l'entrée du +grand salon est à l'autre bout; au milieu, il y a une salle de réception +où le vieillard recevait généralement ses invités qu'il faisait asseoir +sur la partie surélevée du plancher et couverte de coussins, où lui-même +était étendu.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_10" id="pl_10"></a> -<img src="images/after-page-60.jpg" alt="UNE COLE KHDIVIALE" title="UNE COLE KHDIVIALE" width="400" height="584" /> +<img src="images/after-page-60.jpg" alt="UNE ÉCOLE KHÉDIVIALE" title="UNE ÉCOLE KHÉDIVIALE" width="400" height="584" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-60.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Je me rappelle que lors de ma premire visite, la vue de ce vieux -Musulman habill d'une robe de soie jaune, coiff d'un norme turban, -assis, les jambes croises, sur un tapis de Perse, un coussin de soie -jaune derrire lui, et entour des cercles de fume qui s'chappaient de -son <i>chibouk</i>, m'merveilla comme un superbe <i>tableau vivant</i> d'aprs -une des œuvres de Benjamin Constant. A cette poque, je ne savais pas -un mot d'arabe et c'tait la premire fois que j'tais prsent un +<p>Je me rappelle que lors de ma première visite, la vue de ce vieux +Musulman habillé d'une robe de soie jaune, coiffé d'un énorme turban, +assis, les jambes croisées, sur un tapis de Perse, un coussin de soie +jaune derrière lui, et entouré des cercles de fumée qui s'échappaient de +son <i>chibouk</i>, m'émerveilla comme un superbe <i>tableau vivant</i> d'après +une des œuvres de Benjamin Constant. A cette époque, je ne savais pas +un mot d'arabe et c'était la première fois que j'étais présenté à un prince oriental. Je n'ignorais pas que mon ami Choueri Tabet, qui -m'avait prsent, traduirait mes paroles de faon les rendre le plus -<span class="pagenum"><a name="Page_62" id="Page_62">62</a></span> possible agrables notre hte, mais, malgr cela, je me sentais -mal l'aise et gn par mes vtements si pauvres et vulgaires compars - la superbe robe de soie du Cheik. Cette gne ne fut heureusement que -momentane. Un ngre apporta du caf et des cigarettes, et mon ami -engagea une conversation anime avec notre hte.</p> +m'avait présenté, traduirait mes paroles de façon à les rendre le plus +<span class="pagenum"><a name="Page_62" id="Page_62">62</a></span> possible agréables à notre hôte, mais, malgré cela, je me sentais +mal à l'aise et gêné par mes vêtements si pauvres et vulgaires comparés +à la superbe robe de soie du Cheik. Cette gêne ne fut heureusement que +momentanée. Un nègre apporta du café et des cigarettes, et mon ami +engagea une conversation animée avec notre hôte.</p> <p>Certaines plaisanteries firent tellement rire le vieillard qu'il se -tenait les ctes, mais craignant que je ne me sentisse encore plus -intimid, il faisait un grand effort pour s'arrter de rire et insistait -pour que mon ami me racontt l'histoire. Quand il tait bien certain que -j'avais compris, il recommenait rire jusqu' ce que les larmes -couvrissent sa figure ride. L'impression que me fit ce beau vieillard, -sa dignit personnelle et celle de tout ce qui l'entourait, fut si -grande que j'ai compltement oubli le sujet de ces plaisanteries. Sa -demeure tait, pour travailler, un endroit unique et dlicieux, et j'ose -esprer que si l'occasion se prsentait, les hritiers du charmant Cheik -auraient la mme amabilit et m'accorderaient le mme privilge.</p> - -<p>L'architecture et l'arrangement de ces maisons se sont dvelopps +tenait les côtes, mais craignant que je ne me sentisse encore plus +intimidé, il faisait un grand effort pour s'arrêter de rire et insistait +pour que mon ami me racontât l'histoire. Quand il était bien certain que +j'avais compris, il recommençait à rire jusqu'à ce que les larmes +couvrissent sa figure ridée. L'impression que me fit ce beau vieillard, +sa dignité personnelle et celle de tout ce qui l'entourait, fut si +grande que j'ai complètement oublié le sujet de ces plaisanteries. Sa +demeure était, pour travailler, un endroit unique et délicieux, et j'ose +espérer que si l'occasion se présentait, les héritiers du charmant Cheik +auraient la même amabilité et m'accorderaient le même privilège.</p> + +<p>L'architecture et l'arrangement de ces maisons se sont développés suivant les besoins du climat et suivant <span class="pagenum"><a name="Page_63" id="Page_63">63</a></span> les lois sociales et -religieuses du pays. Les architectes sarrasins se sont toujours efforcs -de construire des maisons o la vie serait supportable pendant les -chaleurs de l't, et dans lesquelles le sexe faible aurait ses -quartiers spciaux et privs. Le hall vot, faisant face au nord, et -ouvrant sur une cour spacieuse, ne convient qu' un climat chaud. Une -entre spare, pour le harem, avec ses pices ouvrant sur un jardin ou -une cour prive, et la ncessit de bien masquer les fentres qui -ouvriraient sur la rue, sont des considrations dont un architecte n'a -pas s'occuper dans nos pays du nord. Les grillages de bois, +religieuses du pays. Les architectes sarrasins se sont toujours efforcés +de construire des maisons où la vie serait supportable pendant les +chaleurs de l'été, et dans lesquelles le sexe faible aurait ses +quartiers spéciaux et privés. Le hall voûté, faisant face au nord, et +ouvrant sur une cour spacieuse, ne convient qu'à un climat chaud. Une +entrée séparée, pour le harem, avec ses pièces ouvrant sur un jardin ou +une cour privée, et la nécessité de bien masquer les fenêtres qui +ouvriraient sur la rue, sont des considérations dont un architecte n'a +pas à s'occuper dans nos pays du nord. Les grillages de bois, <i>meshrebiya</i>, qui permettent de voir ce qui se passe dehors, tout en -tant soi-mme invisible, sont employs aussi dans les appartements des -hommes pour tamiser les rayons du soleil, tout en permettant l'air de -circuler. Si le Coran ne dfend pas prcisment la reproduction des -objets naturels comme base de l'art dcoratif, il ne l'encourage pas. -Mais les croyants ont prouv quel point ils sont capables de dcorer -leurs maisons d'une faon artistique, malgr ce dsavantage. -L'troitesse des rues permet de rendre visite un voisin ou d'aller -la mosque, en restant l'ombre, et les grandes cours et jardins -intrieurs assurent l'aration <span class="pagenum"><a name="Page_64" id="Page_64">64</a></span> ncessaire des maisons. A mesure que +étant soi-même invisible, sont employés aussi dans les appartements des +hommes pour tamiser les rayons du soleil, tout en permettant à l'air de +circuler. Si le Coran ne défend pas précisément la reproduction des +objets naturels comme base de l'art décoratif, il ne l'encourage pas. +Mais les croyants ont prouvé à quel point ils sont capables de décorer +leurs maisons d'une façon artistique, malgré ce désavantage. +L'étroitesse des rues permet de rendre visite à un voisin ou d'aller à +la mosquée, en restant à l'ombre, et les grandes cours et jardins +intérieurs assurent l'aération <span class="pagenum"><a name="Page_64" id="Page_64">64</a></span> nécessaire des maisons. A mesure que les gens riches abandonnent cette partie du Caire pour aller habiter les nouveaux quartiers, les arrangements sanitaires y sont de plus en plus -ngligs, ce qui, naturellement, tend augmenter l'exode. En fait, je -crois que le seul moyen de sauver le vieux Caire d'une ruine complte -serait de le doter d'un systme d'gouts modernes.</p> - -<p>Nous longeons maintenant le mur du jardin de Sadaat et, aprs un ou deux -coudes, nous arrivons la mosque Hasan Pacha. Bien que construite -trois sicles aprs que l'architecture arabe eut atteint sa perfection, -cet difice n'en est pas moins trs artistique. Son style n'est pas -comparable aux chefs-d'œuvre des <span class="smcap">XIV</span><sup>e</sup> et <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> sicles, mais, -heureusement, le dclin de l'architecture arabe fut aussi lent que ses -progrs eux-mmes l'avaient t. Je citerai ici une phrase heureuse de -Lane Poole, qui remarque dans son <i>Histoire de l'gypte</i>: Toute chose, -en Orient, change par degrs presque imperceptibles, et les roues du -Seigneur dans le Moulin gyptien moulent avec la mme lenteur que les -<i>sakiya</i><a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a> criards des paysans.</p> +négligés, ce qui, naturellement, tend à augmenter l'exode. En fait, je +crois que le seul moyen de sauver le vieux Caire d'une ruine complète +serait de le doter d'un système d'égouts modernes.</p> + +<p>Nous longeons maintenant le mur du jardin de Sadaat et, après un ou deux +coudes, nous arrivons à la mosquée Hasan Pacha. Bien que construite +trois siècles après que l'architecture arabe eut atteint sa perfection, +cet édifice n'en est pas moins très artistique. Son style n'est pas +comparable aux chefs-d'œuvre des <span class="smcap">XIV</span><sup>e</sup> et <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècles, mais, +heureusement, le déclin de l'architecture arabe fut aussi lent que ses +progrès eux-mêmes l'avaient été. Je citerai ici une phrase heureuse de +Lane Poole, qui remarque dans son <i>Histoire de l'Égypte</i>: «Toute chose, +en Orient, change par degrés presque imperceptibles, et les roues du +Seigneur dans le Moulin Égyptien moulent avec la même lenteur que les +<i>sakiya</i><a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a> criards des paysans».</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_11" id="pl_11"></a> -<img src="images/after-page-64.jpg" alt="COUR INTRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE" title="COUR INTRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE" width="400" height="573" /> +<img src="images/after-page-64.jpg" alt="COUR INTÉRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE" title="COUR INTÉRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE" width="400" height="573" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-64.jpg">Image plus grande</a></span></div> <p><span class="pagenum"><a name="Page_65" id="Page_65">65</a></span></p> -<p>L'entourage de cette mosque ajoute considrablement son pittoresque. +<p>L'entourage de cette mosquée ajoute considérablement à son pittoresque. Chose rare au Caire, l'espace qui s'ouvre devant elle permet de s'en -loigner suffisamment pour en voir l'ensemble extrieur, ainsi que la -petite cole situe au-dessus de la <i>Sebl</i> et un arbre qui parat avoir -pouss l dans le seul but d'amliorer encore la composition. Le tout -est d'un ton riche et chaud. Les ranges alternes de pierres rouges et -de pierres jaunes, qui sans doute avaient l'air assez cru l'poque o -Hasan Pacha fut enterr ici, se sont fondues ensemble, quant la -couleur, d'une faon merveilleuse. Les sicles ont adouci les dtails -trop appuys, qui sont encore bien visibles en haut, quand le soleil de -midi fait ressortir leur dessin, mais la base, prs de l'entre, ces -dtails ont compltement disparu, uss par les fidles sans nombre qui -ont pass sous la porte. La mosque parat en excellent tat, et il faut -esprer qu'aucune restauration ne sera ncessaire d'ici longtemps, -car, si bien que ces travaux soient excuts, ils enlvent toujours au -charme un peu de son authenticit.</p> - -<p>Au Caire, il n'est nullement ncessaire de se reporter des sicles -loigns pour trouver une belle <span class="pagenum"><a name="Page_66" id="Page_66">66</a></span> architecture, car la plupart des -grandes maisons particulires furent bties d'aprs les vieux plans -jusqu' la fin du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> sicle, et le trs bel exemple de cette -architecture, la maison de Sadaat que j'ai dcrite, ne date que de deux -cents ans. Il est difficile en gypte de dfinir les poques, car il n'y +éloigner suffisamment pour en voir l'ensemble extérieur, ainsi que la +petite école située au-dessus de la <i>Sebîl</i> et un arbre qui paraît avoir +poussé là dans le seul but d'améliorer encore la composition. Le tout +est d'un ton riche et chaud. Les rangées alternées de pierres rouges et +de pierres jaunes, qui sans doute avaient l'air assez cru à l'époque où +Hasan Pacha fut enterré ici, se sont fondues ensemble, quant à la +couleur, d'une façon merveilleuse. Les siècles ont adouci les détails +trop appuyés, qui sont encore bien visibles en haut, quand le soleil de +midi fait ressortir leur dessin, mais à la base, près de l'entrée, ces +détails ont complètement disparu, usés par les fidèles sans nombre qui +ont passé sous la porte. La mosquée paraît en excellent état, et il faut +espérer qu'aucune restauration ne sera nécessaire d'ici à longtemps, +car, si bien que ces travaux soient exécutés, ils enlèvent toujours au +charme un peu de son authenticité.</p> + +<p>Au Caire, il n'est nullement nécessaire de se reporter à des siècles +éloignés pour trouver une belle <span class="pagenum"><a name="Page_66" id="Page_66">66</a></span> architecture, car la plupart des +grandes maisons particulières furent bâties d'après les vieux plans +jusqu'à la fin du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> siècle, et le très bel exemple de cette +architecture, la maison de Sadaat que j'ai décrite, ne date que de deux +cents ans. Il est difficile en Égypte de définir les époques, car il n'y a jamais de brusques changements de style, comme, par exemple, la -Renaissance en Europe. Les difices se ressemblrent toujours peu prs -et suivirent les mmes principes jusqu' l'accession de Mahomet Ali, en -1805. A partir de cette poque, l'architecture arabe ne changea pas, -mais elle cessa subitement et compltement d'exister. Il serait +Renaissance en Europe. Les édifices se ressemblèrent toujours à peu près +et suivirent les mêmes principes jusqu'à l'accession de Mahomet Ali, en +1805. A partir de cette époque, l'architecture arabe ne changea pas, +mais elle cessa subitement et complètement d'exister. Il serait impossible, je crois, de trouver aujourd'hui un architecte natif du -Caire, ayant la moindre ide de l'art de construire comme l'entendaient -ses aeux. Les quelques maisons bties dans ce qu'on appelle le style -arabe moderne ont t construites par des architectes europens et ce -sont des chrtiens qui dirigent les travaux de restauration des vieux -monuments. Esprons qu'un jour l'gyptien dcouvrira que l'architecture -de ses anctres tait bien plus belle et bien mieux approprie son -climat et ses besoins que les btiments sans nom et sans style qu'on -lve aujourd'hui dans les nouveaux <span class="pagenum"><a name="Page_67" id="Page_67">67</a></span> quartiers, et qu'un nouveau -Caire, bti sur les plans et dans le style de l'ancien, renatra, pour -le plus grand bonheur des fidles de la Beaut.</p> +Caire, ayant la moindre idée de l'art de construire comme l'entendaient +ses aïeux. Les quelques maisons bâties dans ce qu'on appelle le «style +arabe moderne» ont été construites par des architectes européens et ce +sont des chrétiens qui dirigent les travaux de restauration des vieux +monuments. Espérons qu'un jour l'Égyptien découvrira que l'architecture +de ses ancêtres était bien plus belle et bien mieux appropriée à son +climat et à ses besoins que les bâtiments sans nom et sans style qu'on +élève aujourd'hui dans les nouveaux <span class="pagenum"><a name="Page_67" id="Page_67">67</a></span> quartiers, et qu'un nouveau +Caire, bâti sur les plans et dans le style de l'ancien, renaîtra, pour +le plus grand bonheur des fidèles de la Beauté.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -1431,264 +1392,264 @@ le plus grand bonheur des fidles de la Beaut.</p> <h2><span class="small60"><i>CHAPITRE VI</i></span><br /><br /> -LA MOSQUE IBN-TULN<a name="ch_6" id="ch_6"></a></h2> +LA MOSQUÉE IBN-TULÛN<a name="ch_6" id="ch_6"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Un lieu historique et lgendaire.</span> || <span class="smcap">Une merveille architecturale.</span> || <span class="smcap">Un -cortge pittoresque.</span> || <span class="smcap">Mariage a la turque.</span> || <span class="smcap">La mosque abandonne.</span> +<p class="subtitle"><span class="smcap">Un lieu historique et légendaire.</span> || <span class="smcap">Une merveille architecturale.</span> || <span class="smcap">Un +cortège pittoresque.</span> || <span class="smcap">Mariage a la turque.</span> || <span class="smcap">La mosquée abandonnée.</span> || <span class="smcap">Le puits de Joseph.</span></p> <p class="noindent"><span class="firstletter">C</span><span class="smcap">ontinuant</span> notre promenade dans la direction du sud, en suivant ce que -l'on pourrait appeler le faubourg Saint-Germain du vieux Caire, nous -passons devant la mosque Ezbek-el-Yusefi. Puis, des rues dsertes nous -conduisent enfin la Sharia Tuln. Les maisons ont de plus en plus -l'air abandonn, et cependant, et l, les admirables <i>mesrebiya</i> des -bay windows et un portail magnifique nous rappellent que ce quartier +l'on pourrait appeler «le faubourg Saint-Germain» du vieux Caire, nous +passons devant la mosquée Ezbek-el-Yusefi. Puis, des rues désertes nous +conduisent enfin à la Sharia Tulûn. Les maisons ont de plus en plus +l'air abandonné, et cependant, çà et là, les admirables <i>mesrebiya</i> des +«bay windows» et un portail magnifique nous rappellent que ce quartier fut autrefois le plus riche et le plus aristocratique de la ville. Mais -voici l'entre de la mosque Ibn-Tuln. On ne peut voir qu'une faible -partie de l'extrieur, car une quantit de maisons en ruines -l'entourent. Aprs avoir gravi quelques <span class="pagenum"><a name="Page_70" id="Page_70">70</a></span> marches, nous passons sous -une arche assez leve et nous nous trouvons dans la cour intrieure. Ce -qui frappe le plus, au premier abord, c'est l'tendue et la dsolation -de cette mosque; le silence est galement saisissant. Pas le moindre -son de la vie extrieure ne parvient ici, et il semble que la poussire -des sicles passs amortisse le bruit des pas.</p> - -<p>Les histoires qu'on raconte au sujet de cette mosque nous paraissent -moins lgendaires, maintenant que nous nous sentons saisis par la magie +voici l'entrée de la mosquée Ibn-Tulûn. On ne peut voir qu'une faible +partie de l'extérieur, car une quantité de maisons en ruines +l'entourent. Après avoir gravi quelques <span class="pagenum"><a name="Page_70" id="Page_70">70</a></span> marches, nous passons sous +une arche assez élevée et nous nous trouvons dans la cour intérieure. Ce +qui frappe le plus, au premier abord, c'est l'étendue et la désolation +de cette mosquée; le silence est également saisissant. Pas le moindre +son de la vie extérieure ne parvient ici, et il semble que la poussière +des siècles passés amortisse le bruit des pas.</p> + +<p>Les histoires qu'on raconte au sujet de cette mosquée nous paraissent +moins légendaires, maintenant que nous nous sentons saisis par la magie du lieu. Le plateau sur lequel nous nous trouvons fait partie de la -chane de montagnes <i>Yeshkur</i> qui, depuis les temps les plus reculs, -jouit d'une grande rputation de saintet. Ce serait ici, en effet, que -Mose s'entretint avec Jhovah, et, dit-on, les prires faites en cet -endroit auraient beaucoup plus de chance d'tre exauces que celles -faites ailleurs. Enfin, nous sommes tout prs de Kalat-el-Kebsh (le -chteau du Blier), o Abraham aurait sacrifi l'holocauste, la grande +chaîne de montagnes <i>Yeshkur</i> qui, depuis les temps les plus reculés, +jouit d'une grande réputation de sainteté. Ce serait ici, en effet, que +Moïse s'entretint avec Jéhovah, et, dit-on, les prières faites en cet +endroit auraient beaucoup plus de chance d'être exaucées que celles +faites ailleurs. Enfin, nous sommes tout près de Kalat-el-Kebsh (le +château du Bélier), où Abraham aurait sacrifié l'holocauste, à la grande joie de son petit-fils Isaac.</p> -<p>La faon dont fut obtenu l'argent ncessaire la construction de cet -difice touche galement au miraculeux. Errant sur les collines -Mokattam, Ahmed Ibn-Tuln dcouvrit d'immenses trsors cachs dans une -<span class="pagenum"><a name="Page_71" id="Page_71">71</a></span> caverne qu'on appelait le <i>Four de Pharaon</i>. Il fit immdiatement -le vœu de ddier cette trouvaille Allah et de construire une -mosque assez vaste pour contenir toute la population de sa capitale. -Quant l'emplacement, il semblait tout indiqu, ici mme, en ce lieu -sacr, l'extrmit du nouveau faubourg El-Kata, qu'il dominait, loin -de la mosque Asur et proximit de son propre palais et des maisons +<p>La façon dont fut obtenu l'argent nécessaire à la construction de cet +édifice touche également au miraculeux. Errant sur les collines +Mokattam, Ahmed Ibn-Tulûn découvrit d'immenses trésors cachés dans une +<span class="pagenum"><a name="Page_71" id="Page_71">71</a></span> caverne qu'on appelait le <i>Four de Pharaon</i>. Il fit immédiatement +le vœu de dédier cette trouvaille à Allah et de construire une +mosquée assez vaste pour contenir toute la population de sa capitale. +Quant à l'emplacement, il semblait tout indiqué, ici même, en ce lieu +sacré, à l'extrémité du nouveau faubourg El-Kataî, qu'il dominait, loin +de la mosquée Asur et à proximité de son propre palais et des maisons des Nobles.</p> <p>Il chargea les plus grands architectes de faire les plans, mais -immdiatement des difficults s'levrent. Les architectes demandrent -six cents colonnes qu'ils voulaient se procurer en dmolissant des -temples ou des glises chrtiennes. Le grand mir qui tait un homme de -culture, un savant, bon et tolrant, s'y opposa. Cette difficult fut -surmonte grce un plan soumis par un architecte copte qui tait alors -prisonnier El-Kata. Il proposait qu'on substitut aux colonnes des +immédiatement des difficultés s'élevèrent. Les architectes demandèrent +six cents colonnes qu'ils voulaient se procurer en démolissant des +temples ou des églises chrétiennes. Le grand Émir qui était un homme de +culture, un savant, bon et tolérant, s'y opposa. Cette difficulté fut +surmontée grâce à un plan soumis par un architecte copte qui était alors +prisonnier à El-Kataî. Il proposait qu'on substituât aux colonnes des piliers de briques durcies au feu avec deux piliers de marbre de couleur -levs de chaque ct du <i>Kibla</i>. Ibn Tuln fut frapp par la grandeur -et l'originalit de ces nouveaux plans et le prisonnier chrtien fut -charg de la construction. Cette superbe mosque, vraiment digne du lieu -sacr sur lequel elle <span class="pagenum"><a name="Page_72" id="Page_72">72</a></span> est leve, fut commence en 876 et termine -deux ans plus tard. Elle a contribu plus qu'aucun des autres grands -travaux excuts sous Ibn-Tuln, conserver le nom de celui-ci vivant -dans la mmoire de ses compatriotes.</p> - -<p>Le <i>Liwan</i>, ou clotre, qui se trouve du ct sud-est, o est galement -la Niche (Kibla) qui regarde dans la direction de la Mecque, est form -de cinq ranges d'arches (dont une a aujourd'hui disparu), tandis qu'une -double range s'aligne le long des trois autres cts du carr. Le plan -gnral est celui de presque toutes les mosques construites du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> au -<span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> sicle, mais un de ses traits caractristiques est la prsence, -une poque aussi lointaine, de l'arte en pointe. Il y a une lgre -courbe intrieure l'endroit o elle s'lance du pilier, mais qui n'est -pas suffisamment accentue pour rappeler l'arte mauresque en forme de -fer cheval. Au coin des piliers, une demi-colonne est place et sert -de chanfrein. Une arte plus petite remplit l'espace entre les plus -grandes, ce qui allge beaucoup l'effet gnral et a aussi l'avantage de -rduire le poids que les piliers ont supporter. Un fort joli motif -court le long des arches et en haut des piliers, adoucissant la svrit +élevés de chaque côté du <i>Kibla</i>. Ibn Tulûn fut frappé par la grandeur +et l'originalité de ces nouveaux plans et le prisonnier chrétien fut +chargé de la construction. Cette superbe mosquée, vraiment digne du lieu +sacré sur lequel elle <span class="pagenum"><a name="Page_72" id="Page_72">72</a></span> est élevée, fut commencée en 876 et terminée +deux ans plus tard. Elle a contribué plus qu'aucun des autres grands +travaux exécutés sous Ibn-Tulûn, à conserver le nom de celui-ci vivant +dans la mémoire de ses compatriotes.</p> + +<p>Le <i>Liwan</i>, ou cloître, qui se trouve du côté sud-est, où est également +la Niche (Kibla) qui regarde dans la direction de la Mecque, est formé +de cinq rangées d'arches (dont une a aujourd'hui disparu), tandis qu'une +double rangée s'aligne le long des trois autres côtés du carré. Le plan +général est celui de presque toutes les mosquées construites du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> au +<span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, mais un de ses traits caractéristiques est la présence, à +une époque aussi lointaine, de l'arête en pointe. Il y a une légère +courbe intérieure à l'endroit où elle s'élance du pilier, mais qui n'est +pas suffisamment accentuée pour rappeler l'arête mauresque en forme de +fer à cheval. Au coin des piliers, une demi-colonne est placée et sert +de chanfrein. Une arête plus petite remplit l'espace entre les plus +grandes, ce qui allège beaucoup l'effet général et a aussi l'avantage de +réduire le poids que les piliers ont à supporter. Un fort joli motif +court le long des arches et en haut des piliers, adoucissant la sévérité de l'ensemble. <span class="pagenum"><a name="Page_73" id="Page_73">73</a></span> Ces ornementations faites avec l'outil dans le -pltre alors qu'il tait encore humide, ont quelque chose d'tonnamment -vivant qu'aucun moulage selon les procds ordinaires ne leur aurait -donn. La magnifique chaire de bois sculpt n'est plus, hlas! que le +plâtre alors qu'il était encore humide, ont quelque chose d'étonnamment +vivant qu'aucun moulage selon les procédés ordinaires ne leur aurait +donné. La magnifique chaire de bois sculpté n'est plus, hélas! que le squelette de ce qu'elle fut. L'endroit fut pendant si longtemps -abandonn, sans gardien, que tout ce qui tait transportable fut vol, -soit pour tre vendu aux collectionneurs, soit simplement pour faire du -feu. Le <i>kibla</i>, entour d'une arche double supporte par deux paires de -colonnes en marbre, est richement embelli de mosaques et de pierres -prcieuses. Ses proportions sont trs belles et c'est un vritable -chef-d'œuvre de couleurs. Les vieux caractres kufics, copis du -texte sacr, sont trs dcoratifs.</p> +abandonné, sans gardien, que tout ce qui était transportable fut volé, +soit pour être vendu aux collectionneurs, soit simplement pour faire du +feu. Le <i>kibla</i>, entouré d'une arche double supportée par deux paires de +colonnes en marbre, est richement embelli de mosaïques et de pierres +précieuses. Ses proportions sont très belles et c'est un véritable +chef-d'œuvre de couleurs. Les vieux caractères kufics, copiés du +texte sacré, sont très décoratifs.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_12" id="pl_12"></a> <img src="images/after-page-72.jpg" alt="UNE RUELLE DANS LE QUARTIER DE TULUN, AU CAIRE" title="UNE RUELLE DANS LE QUARTIER DE TULUN, AU CAIRE" width="400" height="684" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-72.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>On jouit de dlicieux points de vue et de charmantes perspectives en se -promenant l'ombre de ce clotre, le long de la grande cour -ensoleille. Une trs curieuse tour en forme de tire-bouchon, et qu'on -ne peut gure appeler un minaret, s'lve au-dessus des murs dans le -coin nord-est. Il faut en faire l'ascension, car on a, de l-haut, une -vue merveilleuse sur le Caire: presque toute la vieille ville s'tend au -nord; de la masse des maisons s'lvent partout d'innombrables dmes et -<span class="pagenum"><a name="Page_74" id="Page_74">74</a></span> minarets; les uns sont isols tandis que les autres semblent -groups. S'il tait donn Ibn-Tuln de contempler ce spectacle, il -aurait quelque tonnement: de son vivant rien de tout cela n'existait. A -part quelques tentes arabes, il n'y avait pas l une seule habitation et -l'œil n'apercevait gauche qu'une vaste solitude marcageuse, -submerge l'poque du Haut Nil, et droite le dsert de sable. Loin, -loin l'ouest, l'mir verrait les Pyramides aussi peu changes que les -monts Mokattam l'est, mais ce seraient l les deux seules choses qui -lui rappelleraient le pays sur lequel il rgna il y a mille ans. +<p>On jouit de délicieux points de vue et de charmantes perspectives en se +promenant à l'ombre de ce cloître, le long de la grande cour +ensoleillée. Une très curieuse tour en forme de tire-bouchon, et qu'on +ne peut guère appeler un minaret, s'élève au-dessus des murs dans le +coin nord-est. Il faut en faire l'ascension, car on a, de là-haut, une +vue merveilleuse sur le Caire: presque toute la vieille ville s'étend au +nord; de la masse des maisons s'élèvent partout d'innombrables dômes et +<span class="pagenum"><a name="Page_74" id="Page_74">74</a></span> minarets; les uns sont isolés tandis que les autres semblent +groupés. S'il était donné à Ibn-Tulûn de contempler ce spectacle, il +aurait quelque étonnement: de son vivant rien de tout cela n'existait. A +part quelques tentes arabes, il n'y avait pas là une seule habitation et +l'œil n'apercevait à gauche qu'une vaste solitude marécageuse, +submergée à l'époque du Haut Nil, et à droite le désert de sable. Loin, +loin à l'ouest, l'Émir verrait les Pyramides aussi peu changées que les +monts Mokattam à l'est, mais ce seraient là les deux seules choses qui +lui rappelleraient le pays sur lequel il régna il y a mille ans. El-Kaluro n'existait pas alors. Tournant ses regards vers le sud, il -chercherait vainement El-Kata, le faubourg Royal, parmi les tristes +chercherait vainement El-Kataî, le faubourg Royal, parmi les tristes masures actuellement debout. <i>El-Askar</i> a disparu et, seules, les -collines de Babylone indiquent l'endroit o Anir leva la puissante -Ville des Tentes ou Fostt.</p> +collines de Babylone indiquent l'endroit où Anir éleva la puissante +«Ville des Tentes» ou Fostât.</p> <p>Pour nous, la vue la plus impressionnante est certainement celle de -cette grande mosque abandonne qui est l nos pieds. La vnration -qu'inspirait ce lieu dut y attirer des milliers de fidles; les -diffrentes tribus qui formaient l'arme de l'mir et qui campaient +cette grande mosquée abandonnée qui est là à nos pieds. La vénération +qu'inspirait ce lieu dut y attirer des milliers de fidèles; les +différentes tribus qui formaient l'armée de l'Émir et qui campaient alentour, devaient remplir l'immense cour, <span class="pagenum"><a name="Page_75" id="Page_75">75</a></span> lorsque quelque cheik -renomm venait y prcher et enflammer leur enthousiasme guerrier. Ici, -Saladin, aprs avoir vaincu les Croiss, sera venu offrir des actions de -grce Allah et lui demander d'assurer dfinitivement le triomphe du +renommé venait y prêcher et enflammer leur enthousiasme guerrier. Ici, +Saladin, après avoir vaincu les Croisés, sera venu offrir des actions de +grâce à Allah et lui demander d'assurer définitivement le triomphe du Croissant et l'humiliation de la Croix. Et cependant, la croyance que -les prires faites en ce lieu sacr seraient plus efficaces que celles -faites ailleurs, n'a pas assur cette mosque une congrgation de -fidles. L'Oriental, l'imagination si vive, se figure facilement -qu'elle est hante par des <i>Affrits</i>, et il croit sans doute plus -prudent d'aller prier dans un endroit un peu moins dilapid et surtout -moins frquent par ces tres dsagrables.</p> - -<p>Suivant maintenant la <i>Sharia Tuln</i> sur un kilomtre environ, nous -apercevons la mosque Mohamet Ali qui couronne la citadelle. On assiste -toujours quelque chose d'intressant quand on flne dans ces rues: -tous les vnements importants de la vie d'un Cairote se manifestent +les prières faites en ce lieu sacré seraient plus efficaces que celles +faites ailleurs, n'a pas assuré à cette mosquée une congrégation de +fidèles. L'Oriental, à l'imagination si vive, se figure facilement +qu'elle est hantée par des <i>Affrits</i>, et il croit sans doute plus +prudent d'aller prier dans un endroit un peu moins dilapidé et surtout +moins fréquenté par ces êtres désagréables.</p> + +<p>Suivant maintenant la <i>Sharia Tulûn</i> sur un kilomètre environ, nous +apercevons la mosquée Mohamet Ali qui couronne la citadelle. On assiste +toujours à quelque chose d'intéressant quand on flâne dans ces rues: +tous les événements importants de la vie d'un Cairote se manifestent autant dehors que dans les maisons. Ces petits drapeaux rouges que nous -voyons flotter au travers d'une troite alle, annoncent un mariage ou +voyons flotter au travers d'une étroite allée, annoncent un mariage ou une naissance. Le bruit des hautbois et des tambours nous apprend que -c'est de ce dernier vnement qu'il s'agit. Bientt, une procession, -prcde <span class="pagenum"><a name="Page_76" id="Page_76">76</a></span> des musiciens, apparat dans la rue principale et s'avance -vers cette alle. Le fait qu'un jeune garon porte l'enseigne d'un -barbier indique qu'on oprera en mme temps une circoncision, car chez -les petites gens on clbre plusieurs crmonies la fois afin de -restreindre les dpenses. Deux ou trois chameaux caparaonns de draps -d'or et rouges, avec quantit d'ornements suspendus leur cou, portent -deux tambours, de vritables grosses caisses sur lesquelles le -conducteur perch, les jambes croises, sur la bosse de sa monture, tape -vigoureusement. Plusieurs voitures suivent, bondes de petits garons -habills des couleurs les plus voyantes. Ce sont les amis de l'enfant +c'est de ce dernier événement qu'il s'agit. Bientôt, une procession, +précédée <span class="pagenum"><a name="Page_76" id="Page_76">76</a></span> des musiciens, apparaît dans la rue principale et s'avance +vers cette allée. Le fait qu'un jeune garçon porte l'enseigne d'un +barbier indique qu'on opérera en même temps une circoncision, car chez +les petites gens on célèbre plusieurs cérémonies à la fois afin de +restreindre les dépenses. Deux ou trois chameaux caparaçonnés de draps +d'or et rouges, avec quantité d'ornements suspendus à leur cou, portent +deux tambours, de véritables grosses caisses sur lesquelles le +conducteur perché, les jambes croisées, sur la bosse de sa monture, tape +vigoureusement. Plusieurs voitures suivent, bondées de petits garçons +habillés des couleurs les plus voyantes. Ce sont les amis de l'enfant qui va faire connaissance avec le barbier, lequel ici, comme autrefois -en Europe, combine son mtier de Figaro avec celui de chirurgien.</p> +en Europe, combine son métier de Figaro avec celui de chirurgien.</p> -<p>S'il s'agit galement d'un mariage, une dernire voiture ferme la marche -du cortge; elle contient la fiance, que des rideaux ou des paravents -cachent jalousement. Quelquefois, on transporte la demoiselle sa -nouvelle demeure sur une balanoire suspendue entre deux chameaux. +<p>S'il s'agit également d'un mariage, une dernière voiture ferme la marche +du cortège; elle contient la fiancée, que des rideaux ou des paravents +cachent jalousement. Quelquefois, on transporte la demoiselle à sa +nouvelle demeure sur une balançoire suspendue entre deux chameaux. Lorsque les finances de la famille le permettent, une autre bande de -musiciens suit le cortge, mais le plus souvent l'arrire-garde est <span class="pagenum"><a name="Page_77" id="Page_77">77</a></span> -compose de toutes les femmes, parentes et amies de la marie qui, en -signe de joie, mettent un son aigu appel <i>el gaharit</i>. C'est une -longue et dure journe pour la marie, car, avant la crmonie, une -procession semblable l'a dj accompagne au bain <i>Zeffet-el-Hammam</i>. On +musiciens suit le cortège, mais le plus souvent l'arrière-garde est <span class="pagenum"><a name="Page_77" id="Page_77">77</a></span> +composée de toutes les femmes, parentes et amies de la mariée qui, en +signe de joie, émettent un son aigu appelé <i>el gaharit</i>. C'est une +longue et dure journée pour la mariée, car, avant la cérémonie, une +procession semblable l'a déjà accompagnée au bain <i>Zeffet-el-Hammam</i>. On exhibe enfin dans les rues tous les meubles de sa nouvelle demeure, sur -de curieux chars deux roues, trs longs et attels d'un ne.</p> +de curieux chars à deux roues, très longs et attelés d'un âne.</p> -<p>Dans les classes plus leves de la socit, on adopte gnralement pour -les mariages le crmonial turc, et les ftes et rjouissances se +<p>Dans les classes plus élevées de la société, on adopte généralement pour +les mariages le cérémonial turc, et les fêtes et réjouissances se passent beaucoup plus dans les maisons qu'au dehors, mais, quelle que -soit la position sociale du mari, il ne voit jamais les traits de celle -qu'il pouse avant que la crmonie religieuse ait eu lieu.</p> - -<p>Ma femme et un de mes fils furent invits un mariage dans le palais -d'un pacha o tout fut rgl la turque. Les principaux intresss et -les membres des deux familles avaient pass la journe entire -accomplir les importantes formalits, et la plupart des invits -n'arrivrent qu'entre huit et neuf heures du soir. Ma femme et mon fils, -lequel tait alors trop jeune pour que son sexe l'empcht d'tre admis, +soit la position sociale du marié, il ne voit jamais les traits de celle +qu'il épouse avant que la cérémonie religieuse ait eu lieu.</p> + +<p>Ma femme et un de mes fils furent invités à un mariage dans le palais +d'un pacha où tout fut réglé «à la turque». Les principaux intéressés et +les membres des deux familles avaient passé la journée entière à +accomplir les importantes formalités, et la plupart des invités +n'arrivèrent qu'entre huit et neuf heures du soir. Ma femme et mon fils, +lequel était alors trop jeune pour que son sexe l'empêchât d'être admis, <span class="pagenum"><a name="Page_78" id="Page_78">78</a></span> furent conduits dans le harem, tandis que je dus rejoindre les -membres mles de la famille et leurs nombreux amis dans la cour. Une -quantit de lanternes chinoises et de gais oripeaux gayaient la scne; -du caf et des cigarettes taient passs la ronde, ainsi que des -sorbets et des boissons non alcoolises, pendant que des musiciens -installs sur une grande plate-forme accompagnaient une Patti du pays. +membres mâles de la famille et leurs nombreux amis dans la cour. Une +quantité de lanternes chinoises et de gais oripeaux égayaient la scène; +du café et des cigarettes étaient passés à la ronde, ainsi que des +sorbets et des boissons non alcoolisées, pendant que des musiciens +installés sur une grande plate-forme accompagnaient une Patti du pays. L'enthousiasme de l'auditoire, qui augmentait avec chaque couplet, fut -vraiment pour moi la seule vidence que nous entendions une grande -chanteuse, et j'avoue que je ne fus pas fch lorsqu'un domestique vint -m'annoncer que ma femme m'attendait pour rentrer l'htel. Une +vraiment pour moi la seule évidence que nous entendions une grande +chanteuse, et j'avoue que je ne fus pas fâché lorsqu'un domestique vint +m'annoncer que ma femme m'attendait pour rentrer à l'hôtel. Une meilleure connaissance de la musique arabe me permet aujourd'hui de -mieux l'apprcier, mais pour s'extasier comme le faisaient mes -co-invits gyptiens, il fallait vraiment tre du pays!</p> +mieux l'apprécier, mais pour s'extasier comme le faisaient mes +co-invités égyptiens, il fallait vraiment être du pays!</p> -<p>J'tais curieux de savoir ce qui s'tait pass dans le harem. La -runion des dames, me dit ma femme, y tait trs semblable ce qu'elle -serait en Europe dans un cas semblable. En effet, le chle de soie noir +<p>J'étais curieux de savoir ce qui s'était passé dans le harem. «La +réunion des dames, me dit ma femme, y était très semblable à ce qu'elle +serait en Europe dans un cas semblable. En effet, le châle de soie noir qui enveloppe leurs robes, et le <i>yashmak</i> qui cache leurs traits quand -elles sont dehors, avaient t abandonns. <span class="pagenum"><a name="Page_79" id="Page_79">79</a></span> Malheureusement, ma +elles sont dehors, avaient été abandonnés.» <span class="pagenum"><a name="Page_79" id="Page_79">79</a></span> Malheureusement, ma femme ne connaissant personne et, ne comprenant pas l'arabe, se sentit -plutt dpayse. Mais nous fmes ddommags, elle et moi, de notre -premier dsappointement par le grand vnement de la soire. Le mari, -accompagn de ses frres et de quelques amis, s'avana vers l'entre du -harem, et tous cognrent vigoureusement contre la porte. Lorsque +plutôt dépaysée. Mais nous fûmes dédommagés, elle et moi, de notre +premier désappointement par le grand événement de la soirée. Le marié, +accompagné de ses frères et de quelques amis, s'avança vers l'entrée du +harem, et tous cognèrent vigoureusement contre la porte. Lorsque celle-ci s'ouvrit, le jeune homme, que le bonheur attendait enfin, dit -adieu ses compagnons et pntra seul. La marie voile l'attendait, et -l, en prsence de ses parents elle, il dcouvrit son visage et, pour -la premire fois, put contempler les traits de celle qui tait sa femme. -Les personnes prsentes jugrent alors discret de se retirer et les -voitures furent appeles.</p> - -<p>Arrivant au bout de la rue o nous avons eu la bonne fortune de -rencontrer la procession, nous traversons la Place Rumeleh et commenons -la monte de la rampe qui conduit la citadelle. Quel merveilleux site -Mohamet Ali choisit l pour sa mosque et sa tombe! Si l'on tient compte -de l'poque de la construction, le milieu du sicle dernier, il est -vraiment remarquable que l'extrieur soit en aussi bon tat. Tout en +adieu à ses compagnons et pénétra seul. La mariée voilée l'attendait, et +là, en présence de ses parents à elle, il découvrit son visage et, pour +la première fois, put contempler les traits de celle qui était sa femme. +Les personnes présentes jugèrent alors discret de se retirer et les +voitures furent appelées.</p> + +<p>Arrivant au bout de la rue où nous avons eu la bonne fortune de +rencontrer la procession, nous traversons la Place Rumeleh et commençons +la montée de la rampe qui conduit à la citadelle. Quel merveilleux site +Mohamet Ali choisit là pour sa mosquée et sa tombe! Si l'on tient compte +de l'époque de la construction, le milieu du siècle dernier, il est +vraiment remarquable que l'extérieur soit en aussi bon état. Tout en regrettant que l'architecte, au lieu de <span class="pagenum"><a name="Page_80" id="Page_80">80</a></span> s'inspirer des grandioses -monuments que cette mosque domine, ait copi une mosque de -Constantinople, nous devons nous estimer heureux qu'il n'ait pas t -chercher son modle Paris ou Londres! La Madeleine, si admirable -Paris, et t ici aussi dplace que l'est cette imitation d'un -boulevard parisien, la Sharia Mohamet Ali, qui conduit la mosque. -Les touristes sont toujours amens ici, mme s'ils n'ont qu'une seule -journe passer au Caire, et la plupart semblent vraiment s'intresser -au prix que cota le marbre employ l'intrieur, ou les lustres dignes -d'une salle de bal, qui sont suspendus au dme. Contentons-nous -aujourd'hui de jeter un coup d'œil sur l'extrieur et d'admirer la +monuments que cette mosquée domine, ait copié une mosquée de +Constantinople, nous devons nous estimer heureux qu'il n'ait pas été +chercher son modèle à Paris ou à Londres! La Madeleine, si admirable à +Paris, eût été ici aussi déplacée que l'est cette «imitation d'un +boulevard parisien», la Sharia Mohamet Ali, qui conduit à la mosquée. +Les touristes sont toujours amenés ici, même s'ils n'ont qu'une seule +journée à passer au Caire, et la plupart semblent vraiment s'intéresser +au prix que coûta le marbre employé à l'intérieur, ou les lustres dignes +d'une salle de bal, qui sont suspendus au dôme. Contentons-nous +aujourd'hui de jeter un coup d'œil sur l'extérieur et d'admirer la vue alentour: de ce nouvel observatoire, nous pouvons contempler un -nouveau groupement des dmes et des minarets qui se dtachent -brillamment au-dessus de la masse jauntre des maisons. Nous pouvons +nouveau groupement des dômes et des minarets qui se détachent +brillamment au-dessus de la masse jaunâtre des maisons. Nous pouvons suivre des yeux le Nil, depuis l'horizon lointain, au sud, jusqu'au -point o il se perd dans le Delta form depuis des sicles sans nombre -par un limon fertile. La bande verte qui, de chaque ct, court -paralllement la rive, s'largit ou se resserre, marquant le terrain +point où il se perd dans le Delta formé depuis des siècles sans nombre +par un limon fertile. La bande verte qui, de chaque côté, court +parallèlement à la rive, s'élargit ou se resserre, marquant le terrain couvert pendant l'inondation par les eaux qui lui <span class="pagenum"><a name="Page_81" id="Page_81">81</a></span> donnent la vie. -Nous voyons de nouveau les Pyramides qui se dtachent au-dessus des -monticules du dsert de Libie, et nous nous promettons de revenir ici, +Nous voyons de nouveau les Pyramides qui se détachent au-dessus des +monticules du désert de Libie, et nous nous promettons de revenir ici, un soir, quand le soleil sera moins haut, pour voir cet astre splendide -disparatre l'ouest.</p> +disparaître à l'ouest.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_13" id="pl_13"></a> -<img src="images/after-page-80.jpg" alt="UNE RUE PRS DE LA CITADELLE, AU CAIRE" title="UNE RUE PRS DE LA CITADELLE, AU CAIRE" width="400" height="612" /> +<img src="images/after-page-80.jpg" alt="UNE RUE PRÈS DE LA CITADELLE, AU CAIRE" title="UNE RUE PRÈS DE LA CITADELLE, AU CAIRE" width="400" height="612" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-80.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>La mosque abandonne, Gamia Ibn Klun, est cache par sa voisine plus -moderne et plus prospre. Dernirement encore, elle servait de dpt -militaire et avant cela de prison. Le dme s'est croul et les beaux -marbres de couleur qui ornaient l'intrieur ont disparu. Cependant, ce +<p>La mosquée abandonnée, Gamia Ibn Kâlâun, est cachée par sa voisine plus +moderne et plus prospère. Dernièrement encore, elle servait de dépôt +militaire et avant cela de prison. Le dôme s'est écroulé et les beaux +marbres de couleur qui ornaient l'intérieur ont disparu. Cependant, ce qui reste montre qu'elle fut digne du grand Sultan Mamelouk qui la fit -lever. Le palais d'El-Nasir qui s'levait autrefois ct, avec son -fameux Hall des Colonnes, fut dtruit pour faire place la mosque de +élever. Le palais d'El-Nasir qui s'élevait autrefois à côté, avec son +fameux «Hall des Colonnes», fut détruit pour faire place à la mosquée de Mohamet Ali.</p> <p>A peu de distance dans la direction sud-est, nous trouvons le puits de -Joseph, Bir Ysuf. La tradition veut que Joseph ait t jet dans -cette fosse par ses frres, et bien que la tradition se trompe de -quelque 500 kilomtres, l'histoire n'en est pas moins fermement accepte -par beaucoup de gens, et les guides la rptent avec solennit aux -touristes. Si ce puits n'a en ralit rien de commun avec le Joseph de -l'Histoire Sainte, il est, d'autre part, intressant <span class="pagenum"><a name="Page_82" id="Page_82">82</a></span> d'apprendre -qu'il doit son nom Salhedden-Ysuf, le Saladin des croisades, -lequel, au <span class="smcap">XII</span><sup>e</sup> sicle, construisit la citadelle.</p> +Joseph, «Bir Yûsuf». La tradition veut que Joseph ait été jeté dans +cette fosse par ses frères, et bien que la tradition se trompe de +quelque 500 kilomètres, l'histoire n'en est pas moins fermement acceptée +par beaucoup de gens, et les guides la répètent avec solennité aux +touristes. Si ce puits n'a en réalité rien de commun avec le Joseph de +l'Histoire Sainte, il est, d'autre part, intéressant <span class="pagenum"><a name="Page_82" id="Page_82">82</a></span> d'apprendre +qu'il doit son nom à «Salâhedden-Yûsuf», le Saladin des croisades, +lequel, au <span class="smcap">XII</span><sup>e</sup> siècle, construisit la citadelle.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -1697,269 +1658,269 @@ lequel, au <span class="smcap">XII</span><sup>e</sup> sicle, construisit la cit <h2><span class="small60"><i>CHAPITRE VII</i></span><br /><br /> -LA MOSQUE DU SULTAN HASAN<a name="ch_7" id="ch_7"></a></h2> +LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN<a name="ch_7" id="ch_7"></a></h2> <p class="subtitle"><span class="smcap">Le plus beau monument du Caire.</span> || <span class="smcap">L'exode des lampadaires.</span> || <span class="smcap">Le -supplice d'un architecte trop gnial.</span> || <span class="smcap">Enterrements et pleureuses de -profession.</span> || <span class="smcap">La Mosque Bleue.</span></p> +supplice d'un architecte trop génial.</span> || <span class="smcap">Enterrements et pleureuses de +profession.</span> || <span class="smcap">La Mosquée Bleue.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">D</span><span class="smcap">irigeons-nous</span> prsent vers la mosque au dme gris qui s'lve de -l'autre ct de la place. C'est l non seulement le plus beau monument -du Caire, mais le spcimen le plus parfait qui existe de l'art sarrasin. +<p class="noindent"><span class="firstletter">D</span><span class="smcap">irigeons-nous</span> à présent vers la mosquée au dôme gris qui s'élève de +l'autre côté de la place. C'est là non seulement le plus beau monument +du Caire, mais le spécimen le plus parfait qui existe de l'art sarrasin. Elle fut construite sous le Sultan Hasan, en 1356, pour servir de -<i>Medreseh</i> ou <i>Collge de Thologie</i>, mais elle est devenue depuis une -mosque de congrgation. Nous avons dj vu une belle mosque, celle de -Ibn-Tuln, construite dans le but de recevoir une nombreuse congrgation -dans sa vaste cour intrieure. Les <i>medresehs</i> tant construites -l'intention des tudiants, il n'tait pas ncessaire de sacrifier tant -de place aux fidles, mais il fallait avant <span class="pagenum"><a name="Page_84" id="Page_84">84</a></span> tout considrer les -besoins des professeurs et confrenciers et songer au logement des -lves. Le dme, bien plus important ici que dans les autres mosques du -Caire, n'appartient pas la mosque elle-mme: il recouvre une tombe. -Il y a au Caire beaucoup de monuments religieux servant de dernire -demeure leur fondateur, et l'on a pris tort l'habitude de considrer -ces mausoles recouverts d'un dme comme faisant partie d'une mosque.</p> - -<p>Le plan en forme de croix de la mosque du Sultan Hasan n'est pas -visible de l'extrieur, les angles tant occups par des constructions -qui renferment les divers appartements d'un collge. Le grand mur qui -longe la rue n'est perc et l que pour clairer ces appartements. La -simplicit de cette faade fait ressortir la beaut de la corniche qui -court tout le long du btiment. L'ornementation en forme de stalactites -coupe les lignes horizontales la projection de chaque assise de -pierres, et la nudit du mur sous la corniche est embellie par les -ombres que celle-ci projette. A midi, ces ombres s'tendent sur presque -toute la surface du mur jusqu' l'angle o celui-ci est expos plus -directement au soleil. Ici, les ombres s'arrtent brusquement comme si +<i>Medreseh</i> ou <i>Collège de Théologie</i>, mais elle est devenue depuis une +mosquée de congrégation. Nous avons déjà vu une belle mosquée, celle de +Ibn-Tulûn, construite dans le but de recevoir une nombreuse congrégation +dans sa vaste cour intérieure. Les <i>medresehs</i> étant construites à +l'intention des étudiants, il n'était pas nécessaire de sacrifier tant +de place aux fidèles, mais il fallait avant <span class="pagenum"><a name="Page_84" id="Page_84">84</a></span> tout considérer les +besoins des professeurs et conférenciers et songer au logement des +élèves. Le dôme, bien plus important ici que dans les autres mosquées du +Caire, n'appartient pas à la mosquée elle-même: il recouvre une tombe. +Il y a au Caire beaucoup de monuments religieux servant de dernière +demeure à leur fondateur, et l'on a pris à tort l'habitude de considérer +ces mausolées recouverts d'un dôme comme faisant partie d'une mosquée.</p> + +<p>Le plan en forme de croix de la mosquée du Sultan Hasan n'est pas +visible de l'extérieur, les angles étant occupés par des constructions +qui renferment les divers appartements d'un collège. Le grand mur qui +longe la rue n'est percé çà et là que pour éclairer ces appartements. La +simplicité de cette façade fait ressortir la beauté de la corniche qui +court tout le long du bâtiment. L'ornementation en forme de stalactites +coupe les lignes horizontales à la projection de chaque assise de +pierres, et la nudité du mur sous la corniche est embellie par les +ombres que celle-ci projette. A midi, ces ombres s'étendent sur presque +toute la surface du mur jusqu'à l'angle où celui-ci est exposé plus +directement au soleil. Ici, les ombres s'arrêtent brusquement comme si elles craignaient de violer le <span class="pagenum"><a name="Page_85" id="Page_85">85</a></span> contour du magnifique portail sous -lequel nous allons pntrer.</p> - -<p>Aprs avoir mont quelques marches, nous nous trouvons sur le palier -d'o cette immense niche s'lve 22 mtres au-dessus de notre tte. -L'arche en forme de vote semi-sphrique se dresse en 12 ranges de -pendentifs; de dlicates petites colonnes arrondissent les angles prs -de la base, ainsi que les niches cintres qui se font face de chaque -ct de la porte. Un cadre de ravissantes arabesques, des panneaux et -des mdaillons dcors de dessins gomtriques finement taills, ornent +lequel nous allons pénétrer.</p> + +<p>Après avoir monté quelques marches, nous nous trouvons sur le palier +d'où cette immense niche s'élève à 22 mètres au-dessus de notre tête. +L'arche en forme de voûte semi-sphérique se dresse en 12 rangées de +pendentifs; de délicates petites colonnes arrondissent les angles près +de la base, ainsi que les niches cintrées qui se font face de chaque +côté de la porte. Un cadre de ravissantes arabesques, des panneaux et +des médaillons décorés de dessins géométriques finement taillés, ornent cette porte majestueuse.</p> -<p>Ayant franchi un vestibule vot, puis deux passages, nous arrivons -une porte o le gardien nous remet des pantoufles, afin que nos bottines -ne souillent pas les planchers, et nous pntrons dans le <i>Salin</i>, ou -cour intrieure. Incontestablement, ce qui impressionne le plus, ce sont -les quatre arches colossales qui sparent cette cour du transept; elles -donnent une impression de grandeur bien suprieure ce que l'ensemble -est rellement. Selon l'habitude, la fontaine pour les ablutions se +<p>Ayant franchi un vestibule voûté, puis deux passages, nous arrivons à +une porte où le gardien nous remet des pantoufles, afin que nos bottines +ne souillent pas les planchers, et nous pénétrons dans le <i>Salin</i>, ou +cour intérieure. Incontestablement, ce qui impressionne le plus, ce sont +les quatre arches colossales qui séparent cette cour du transept; elles +donnent une impression de grandeur bien supérieure à ce que l'ensemble +est réellement. Selon l'habitude, la fontaine pour les ablutions se trouve au centre de la cour, et il y a ici une autre fontaine plus -petite, pour l'eau potable. Le <i>liwan</i> ou sanctuaire est un peu surlev -<span class="pagenum"><a name="Page_86" id="Page_86">86</a></span> et couvert de nattes et de tapis prires. La <i>dikka</i> ou chaire, -d'o le Coran est lu, est en pierre et repose sur de gracieuses -colonnes. La <i><ins class="correction" title="Mvhrab">Mihrab</ins></i> ou <i>Kibla</i>, niche sacre, est l'extrmit du -btiment, tourne vers la Mecque, et ct du pupitre de pierre.</p> +petite, pour l'eau potable. Le <i>liwan</i> ou sanctuaire est un peu surélevé +<span class="pagenum"><a name="Page_86" id="Page_86">86</a></span> et couvert de nattes et de tapis à prières. La <i>dikka</i> ou chaire, +d'où le Coran est lu, est en pierre et repose sur de gracieuses +colonnes. La <i><ins class="correction" title="Mvhrab">Mihrab</ins></i> ou <i>Kibla</i>, niche sacrée, est à l'extrémité du +bâtiment, tournée vers la Mecque, et à côté du pupitre de pierre.</p> <p>J'eus la bonne fortune de pouvoir peindre le sanctuaire (tel qu'il est reproduit ici) avant que les travaux de restauration ne fussent -commencs. Je ne doute pas que ces travaux ne soient accomplis -d'excellente faon, mais il faudra quelques annes pour que le neuf +commencés. Je ne doute pas que ces travaux ne soient accomplis +d'excellente façon, mais il faudra quelques années pour que le neuf s'harmonise avec l'ancien.</p> -<p>Dix ans plus tard, je fus empch de peindre de nouveau dans cette -mosque par les chafaudages et le bruit que faisaient les ouvriers. De -grands morceaux de la fresque, lgre comme une toile d'araigne, avec +<p>Dix ans plus tard, je fus empêché de peindre de nouveau dans cette +mosquée par les échafaudages et le bruit que faisaient les ouvriers. De +grands morceaux de la fresque, légère comme une toile d'araignée, avec ses inscriptions kufiques, jonchaient le sol en compagnie des pierres -moules et colories qui devaient tre nettoyes et retailles avant -d'tre cimentes leur place, travail ncessaire sans aucun doute, et -d'ailleurs dirig d'une faon fort habile. Puisqu'on en est l, il -serait souhaiter qu'on ft un peu plus encore et qu'on remt en place -les magnifiques lampadaires de bronze qui, diffrentes poques, ont -t enlevs de l. Quelques-uns, et des plus beaux, sont actuellement -<span class="pagenum"><a name="Page_87" id="Page_87">87</a></span> au Muse arabe, mais ils seraient beaucoup plus leur place ici. -L'argument si souvent employ que les objets de valeur courent le risque -d'tre vols dans les mosques, ne saurait s'appliquer des objets +moulées et coloriées qui devaient être nettoyées et retaillées avant +d'être cimentées à leur place, travail nécessaire sans aucun doute, et +d'ailleurs dirigé d'une façon fort habile. Puisqu'on en est là, il +serait à souhaiter qu'on fît un peu plus encore et qu'on remît en place +les magnifiques lampadaires de bronze qui, à différentes époques, ont +été enlevés de là. Quelques-uns, et des plus beaux, sont actuellement +<span class="pagenum"><a name="Page_87" id="Page_87">87</a></span> au Musée arabe, mais ils seraient beaucoup plus à leur place ici. +L'argument si souvent employé que les objets de valeur courent le risque +d'être volés dans les mosquées, ne saurait s'appliquer à des objets d'art pesant plus de 1 000 kilogrammes! Quelques-uns de ces lampadaires -qui sont catalogus dans les muses, ont t remplacs dans les mosques -par des lampes qui feraient honte un cirque de saltimbanques!</p> +qui sont catalogués dans les musées, ont été remplacés dans les mosquées +par des lampes qui feraient honte à un cirque de saltimbanques!</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_14" id="pl_14"></a> -<img src="images/after-page-86.jpg" alt="LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUE DU SULTAN HASAN" title="LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUE DU SULTAN HASAN" width="400" height="579" /> +<img src="images/after-page-86.jpg" alt="LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN" title="LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN" width="400" height="579" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-86.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Une porte qui ouvre gauche de la <i>Kibla</i> conduit au mausole du Sultan -Hasan, au milieu duquel se trouve son sarcophage. Le dme qui, du -dehors, est le trait saillant de l'ensemble, forme la vote spulcrale.</p> +<p>Une porte qui ouvre à gauche de la <i>Kibla</i> conduit au mausolée du Sultan +Hasan, au milieu duquel se trouve son sarcophage. Le dôme qui, du +dehors, est le trait saillant de l'ensemble, forme la voûte sépulcrale.</p> <p>Ce fut un monarque vraiment indigne que ce Sultan qui dort dans ce -majestueux tombeau. Nous lui pardonnons beaucoup en considration de ce -merveilleux monument, mais nous ne pouvons oublier l'effroyable manire -dont il rcompensa le gnie qui en fit les plans. Craignant que -quelqu'un d'autre n'employt son architecte et ne lui ft construire un -monument qui clipserait celui-ci, il n'hsita pas lui faire couper la +majestueux tombeau. Nous lui pardonnons beaucoup en considération de ce +merveilleux monument, mais nous ne pouvons oublier l'effroyable manière +dont il récompensa le génie qui en fit les plans. Craignant que +quelqu'un d'autre n'employât son architecte et ne lui fît construire un +monument qui éclipserait celui-ci, il n'hésita pas à lui faire couper la main!</p> -<p>Malgr l'poque orageuse laquelle il vcut, ce cruel Sultan russit -consacrer beaucoup de temps et <span class="pagenum"><a name="Page_88" id="Page_88">88</a></span> d'argent la construction de -mosques, de collges et de couvents. Au Caire seulement, on en compte -dix-neuf qu'il fit lever pendant les dix annes de son rgne—record -extraordinaire pour un tyran cruel et dbauch. Il est probable que -beaucoup de ses sujets se rjouirent lorsqu'il mourut de mort violente, -lui qui s'tait servi de la violence pour faucher tant d'existences! -Quelques jours avant qu'il ft assassin, un des minarets s'croula, -crasant 300 enfants qui jouaient dessous. Il ne reste plus qu'un seul -minaret, des trois construits cette poque. En 1660, le grand dme -s'effondra et fut remplac par celui qui existe aujourd'hui.</p> - -<p>Pendant les rgnes difficiles des derniers successeurs d'Hasan, des -canons furent frquemment monts sur le toit en terrasse de la mosque. -En temps de paix, au contraire, on raconte qu'une corde tait tendue de +<p>Malgré l'époque orageuse à laquelle il vécut, ce cruel Sultan réussit à +consacrer beaucoup de temps et <span class="pagenum"><a name="Page_88" id="Page_88">88</a></span> d'argent à la construction de +mosquées, de collèges et de couvents. Au Caire seulement, on en compte +dix-neuf qu'il fit élever pendant les dix années de son règne—record +extraordinaire pour un tyran cruel et débauché. Il est probable que +beaucoup de ses sujets se réjouirent lorsqu'il mourut de mort violente, +lui qui s'était servi de la violence pour faucher tant d'existences! +Quelques jours avant qu'il fût assassiné, un des minarets s'écroula, +écrasant 300 enfants qui jouaient dessous. Il ne reste plus qu'un seul +minaret, des trois construits à cette époque. En 1660, le grand dôme +s'effondra et fut remplacé par celui qui existe aujourd'hui.</p> + +<p>Pendant les règnes difficiles des derniers successeurs d'Hasan, des +canons furent fréquemment montés sur le toit en terrasse de la mosquée. +En temps de paix, au contraire, on raconte qu'une corde était tendue de l'un des minarets au bastion de la citadelle, et que le Blondin de -l'poque y donnait des reprsentations pour la plus grande joie de la +l'époque y donnait des représentations pour la plus grande joie de la population.</p> -<p>En face de la mosque du Sultan Hasan, s'lve la mosque inacheve, -Refiyeh, du nom d'une secte de derviches. Elle renferme le caveau de la +<p>En face de la mosquée du Sultan Hasan, s'élève la mosquée inachevée, +Refâiyeh, du nom d'une secte de derviches. Elle renferme le caveau de la famille d'Ismael Pacha.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_15" id="pl_15"></a> -<img src="images/after-page-88.jpg" alt="LA TOMBE-MOSQUE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE" title="LA TOMBE-MOSQUE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE" width="400" height="579" /> +<img src="images/after-page-88.jpg" alt="LA TOMBE-MOSQUÉE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE" title="LA TOMBE-MOSQUÉE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE" width="400" height="579" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-88.jpg">Image plus grande</a></span></div> <p><span class="pagenum"><a name="Page_89" id="Page_89">89</a></span></p> -<p>Retournons vers l'entre de la citadelle et descendons la -Sharia-el-Magar. Une petite mosque abandonne, au dme cannel, niche +<p>Retournons vers l'entrée de la citadelle et descendons la +Sharia-el-Magar. Une petite mosquée abandonnée, au dôme cannelé, nichée entre ses minarets, offre au regard un tableau charmant. Un peu plus -bas, une vieille maison s'est suffisamment croule pour laisser -entrevoir une <i>mosque-tombeau</i>, de peu d'importance, mais tout fait -gracieuse, avec un minaret dont deux tages n'existent plus. C'est une -composition attrayante, et l'ombre d'un portail bonne distance invite -l'artiste s'asseoir et prendre ses pinceaux.</p> - -<p>C'est un coin riant, plein de clart et de gaiet, bien que, vu la -proximit d'un grand cimetire, pas une matine ne s'coule sans que de -nombreuses processions funraires ne remontent la rue. Ces processions -sont gnralement prcdes par un certain nombre de mendiants, souvent -des aveugles, qui, tristement, chantent leur profession de foi: <i>La -ilha ill allh wu Muhammed rasul allh</i>; ces pauvres gens sont suivis -par les parents mles du mort, des derviches portant des bannires, des -jeunes garons chantant de leur voix grle des versets du Coran, et -enfin du Coran lui-mme port sur un plateau couvert d'un morceau -d'toffe de couleur. Le cercueil ouvert vient ensuite, port par les -amis du dfunt. A la tte du cercueil qui <span class="pagenum"><a name="Page_90" id="Page_90">90</a></span> est toujours l'avant, -il y a, si c'est un homme qu'on enterre, un turban pos sur un support -de bois. Les femmes ferment la marche, les parents du dfunt ayant -gnralement une bande de mousseline bleue autour de la tte. Souvent -aussi elles agitent un morceau d'toffe bleue, et le bruit des sanglots -des unes est touff par les lamentations des autres. Souvent aussi des -<i>pleureuses de profession</i> sont employes et les gmissements tranges -qu'elles poussent sont trs mouvants, quand on ne sait pas que c'est <i> -tant par heure</i>. Cette habitude est du reste contraire la Loi du -Prophte, mais elle date d'une poque tellement recule que les +bas, une vieille maison s'est suffisamment écroulée pour laisser +entrevoir une <i>mosquée-tombeau</i>, de peu d'importance, mais tout à fait +gracieuse, avec un minaret dont deux étages n'existent plus. C'est une +composition attrayante, et l'ombre d'un portail à bonne distance invite +l'artiste à s'asseoir et à prendre ses pinceaux.</p> + +<p>C'est un coin riant, plein de clarté et de gaieté, bien que, vu la +proximité d'un grand cimetière, pas une matinée ne s'écoule sans que de +nombreuses processions funéraires ne remontent la rue. Ces processions +sont généralement précédées par un certain nombre de mendiants, souvent +des aveugles, qui, tristement, chantent leur profession de foi: «<i>La +ilâha ill allâh wu Muhammed rasul allâh</i>»; ces pauvres gens sont suivis +par les parents mâles du mort, des derviches portant des bannières, des +jeunes garçons chantant de leur voix grêle des versets du Coran, et +enfin du Coran lui-même porté sur un plateau couvert d'un morceau +d'étoffe de couleur. Le cercueil ouvert vient ensuite, porté par les +amis du défunt. A la tête du cercueil qui <span class="pagenum"><a name="Page_90" id="Page_90">90</a></span> est toujours à l'avant, +il y a, si c'est un homme qu'on enterre, un turban posé sur un support +de bois. Les femmes ferment la marche, les parents du défunt ayant +généralement une bande de mousseline bleue autour de la tête. Souvent +aussi elles agitent un morceau d'étoffe bleue, et le bruit des sanglots +des unes est étouffé par les lamentations des autres. Souvent aussi des +<i>pleureuses de profession</i> sont employées et les gémissements étranges +qu'elles poussent sont très émouvants, quand on ne sait pas que c'est <i>à +tant par heure</i>. Cette habitude est du reste contraire à la Loi du +Prophète, mais elle date d'une époque tellement reculée que les interdictions n'ont sur elle aucun effet. Les hommes ne portent aucun -signe de deuil, arguant qu'il serait injuste et goste de plaindre un -tre qui est mort dans la Foi et qui est bien plus heureux au ciel que -sur la terre. Cette raison est logique, mais elle ne touche videmment -pas les femmes qui rivalisent entre elles qui exprimera le plus -bruyamment son chagrin. Il est galement difficile de concilier avec cet -argument la prsence des <i>pleureuses de profession</i>, payes par les +signe de deuil, arguant qu'il serait injuste et égoïste de plaindre un +être qui est mort dans la Foi et qui est bien plus heureux au ciel que +sur la terre. Cette raison est logique, mais elle ne touche évidemment +pas les femmes qui rivalisent entre elles à qui exprimera le plus +bruyamment son chagrin. Il est également difficile de concilier avec cet +argument la présence des <i>pleureuses de profession</i>, payées par les hommes.</p> -<p>Je demandai l-dessus une explication au fidle Mohammed. Il me rpondit -que c'tait trs mal de la <span class="pagenum"><a name="Page_91" id="Page_91">91</a></span> part des femmes et que certainement le -feu de l'enfer les punirait. Aprs quoi, il haussa les paules d'une -faon qui indiquait l'inutilit de lutter contre de vieilles traditions -<i>maalesh</i>. Quant aux <i>pleureuses</i>, elles font l un pitre mtier: -passer sa vie hurler en ce monde pour quelques centimes, avec la -perspective d'tre horriblement punie dans l'autre, doit manquer de -charme! En tout cas, l'anciennet de cette coutume est prouve par -certaines peintures sur les murs des tombeaux Thbes.</p> - -<p>Pendant le temps que je passai peindre sous cette porte, j'eus -l'occasion de voir les funrailles de plusieurs Saints rputs, et le -silence religieux n'tait alors interrompu de temps en temps que par des +<p>Je demandai là-dessus une explication au fidèle Mohammed. Il me répondit +que c'était très mal de la <span class="pagenum"><a name="Page_91" id="Page_91">91</a></span> part des femmes et que certainement le +feu de l'enfer les punirait. Après quoi, il haussa les épaules d'une +façon qui indiquait l'inutilité de lutter contre de vieilles traditions +<i>maalesh</i>. Quant aux <i>pleureuses</i>, elles font là un piètre métier: +passer sa vie à hurler en ce monde pour quelques centimes, avec la +perspective d'être horriblement punie dans l'autre, doit manquer de +charme! En tout cas, l'ancienneté de cette coutume est prouvée par +certaines peintures sur les murs des tombeaux à Thèbes.</p> + +<p>Pendant le temps que je passai à peindre sous cette porte, j'eus +l'occasion de voir les funérailles de plusieurs Saints réputés, et le +silence religieux n'était alors interrompu de temps en temps que par des voix qui murmuraient doucement les versets du Coran.</p> -<p>A gauche de mon aquarelle, s'lve le minaret de la mosque Aksunkur, -laquelle vaut vraiment la peine d'tre visite. Elle fut construite par -un des fils de El-Nasir, vers le milieu du <span class="smcap">XIV</span><sup>e</sup> sicle, et fut -restaure trois cents ans plus tard par Ibrhm Agha. C'est du reste le +<p>A gauche de mon aquarelle, s'élève le minaret de la mosquée Aksunkur, +laquelle vaut vraiment la peine d'être visitée. Elle fut construite par +un des fils de El-Nasir, vers le milieu du <span class="smcap">XIV</span><sup>e</sup> siècle, et fut +restaurée trois cents ans plus tard par Ibrâhîm Agha. C'est du reste le nom de celui-ci qu'elle porte aujourd'hui. On l'appelle quelquefois -aussi la <i>Mosque Bleue</i>, en raison de la couleur des tuiles dont -Ibrhm se servit pour la dcoration intrieure, et qui, par leur <span class="pagenum"><a name="Page_92" id="Page_92">92</a></span> -beaut, attirent bien des artistes. On ne se lasse pas, en effet, +aussi la <i>Mosquée Bleue</i>, en raison de la couleur des tuiles dont +Ibrâhîm se servit pour la décoration intérieure, et qui, par leur <span class="pagenum"><a name="Page_92" id="Page_92">92</a></span> +beauté, attirent bien des artistes. On ne se lasse pas, en effet, d'admirer cette merveilleuse teinte bleue, qui, sous le jeu du soleil, -tire tantt sur le vert et tantt sur le violet.</p> - -<p>Le sanctuaire de toute mosque est plac au sud-est, c'est--dire face -la Mecque, et est clair dans le sens oppos par une galerie -colonnade. Par consquent, les rayons du soleil n'y pntrent que tard, -alors qu'ils ont perdu de leur force, l'exception quelquefois d'une -petite raie lumineuse qui, se glissant travers les vitraux d'une -fentre, vient caresser une colonne et lui donner les couleurs des +tire tantôt sur le vert et tantôt sur le violet.</p> + +<p>Le sanctuaire de toute mosquée est placé au sud-est, c'est-à-dire face à +la Mecque, et est éclairé dans le sens opposé par une galerie à +colonnade. Par conséquent, les rayons du soleil n'y pénètrent que tard, +alors qu'ils ont perdu de leur force, à l'exception quelquefois d'une +petite raie lumineuse qui, se glissant à travers les vitraux d'une +fenêtre, vient caresser une colonne et lui donner les couleurs des petits morceaux de verre qu'elle traverse. Il fait donc ici beaucoup -plus frais que dans la cour brle par le soleil. On peut se dispenser +plus frais que dans la cour brûlée par le soleil. On peut se dispenser de recouvrir ses bottines des pantoufles que le gardien vous offre, en -entrant pieds nus, ce qui est fort agrable; et, cette distance de la -rue, on peut galement et avec joie quitter sa veste et son gilet.</p> +entrant pieds nus, ce qui est fort agréable; et, à cette distance de la +rue, on peut également et avec joie quitter sa veste et son gilet.</p> -<p>Il est prfrable de ne pas travailler dans le sanctuaire au moment de -la prire, mais on trouve alors un charmant sujet dans les palmiers qui -jettent leur ombre sur le dme de la fontaine, et la pice aux tuiles -bleues, o se trouve le sarcophage d'Absunkur, <span class="pagenum"><a name="Page_93" id="Page_93">93</a></span> est un des +<p>Il est préférable de ne pas travailler dans le sanctuaire au moment de +la prière, mais on trouve alors un charmant sujet dans les palmiers qui +jettent leur ombre sur le dôme de la fontaine, et la pièce aux tuiles +bleues, où se trouve le sarcophage d'Absunkur, <span class="pagenum"><a name="Page_93" id="Page_93">93</a></span> est un des endroits les plus pittoresques du Caire.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_16" id="pl_16"></a> -<img src="images/after-page-92.jpg" alt="L'INTRIEUR DE LA MOSQUE BLEUE, AU CAIRE" title="L'INTRIEUR DE LA MOSQUE BLEUE, AU CAIRE" width="400" height="551" /> +<img src="images/after-page-92.jpg" alt="L'INTÉRIEUR DE LA MOSQUÉE BLEUE, AU CAIRE" title="L'INTÉRIEUR DE LA MOSQUÉE BLEUE, AU CAIRE" width="400" height="551" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-92.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Aprs le <i>Sala</i>, nous pouvons retourner au sanctuaire pendant que les -fidles remettent leurs pantoufles. Except le vendredi, il ne semble -pas y avoir de services rguliers. Les hommes sont en ligne devant la -<i>Kibla</i> et se prosternent, tout en rcitant certains versets du Coran. -Les femmes ne viennent jamais ces prires, ce qui explique sans doute -l'ide fausse entretenue en Europe que les Mahomtans ne reconnaissent -pas d'me aux femmes. Un Musulman, aprs avoir assist nos services -religieux, dont souvent tout le public est fminin, pourrait alors tout -aussi justement prtendre que chez nous les femmes seules ont une me. -Les relations sociales entre hommes et femmes obligent ces dernires -dire leurs prires part, mais elles sont tenues d'observer galement -le jene du Ramadan, et il serait bien injuste qu'elles ne dussent pas, -elles aussi, tre un jour rcompenses!... Si svre est ce jene +<p>Après le <i>Sala</i>, nous pouvons retourner au sanctuaire pendant que les +fidèles remettent leurs pantoufles. Excepté le vendredi, il ne semble +pas y avoir de services réguliers. Les hommes sont en ligne devant la +<i>Kibla</i> et se prosternent, tout en récitant certains versets du Coran. +Les femmes ne viennent jamais à ces prières, ce qui explique sans doute +l'idée fausse entretenue en Europe que les Mahométans ne reconnaissent +pas d'âme aux femmes. Un Musulman, après avoir assisté à nos services +religieux, dont souvent tout le public est féminin, pourrait alors tout +aussi justement prétendre que chez nous les femmes seules ont une âme. +Les relations sociales entre hommes et femmes obligent ces dernières à +dire leurs prières à part, mais elles sont tenues d'observer également +le jeûne du Ramadan, et il serait bien injuste qu'elles ne dussent pas, +elles aussi, être un jour récompensées!... Si sévère est ce jeûne qu'elles ne peuvent s'y soustraire que lorsqu'elles nourrissent un -enfant, et encore faut-il, dans ce cas, qu'elles fassent un jene -quivalent ds que l'enfant est sevr. De temps autre, une femme se -glissera dans une mosque aprs le dpart des hommes, pour visiter le -sanctuaire d'un <span class="pagenum"><a name="Page_94" id="Page_94">94</a></span> Saint prfr, et tel Saint qui l'on prte une -puissance merveilleuse pour rendre les femmes fcondes est trs honor.</p> - -<p>La rue o se trouve cette mosque est particulirement intressante, non -qu'il y ait l des monuments remarquables, mais parce qu'elle n'a pas -tant souffert que d'autres de l'influence europenne. Lorsque nous -arrivons la mosque El Merdani, nous nous retrouvons dans un quartier +enfant, et encore faut-il, dans ce cas, qu'elles fassent un jeûne +équivalent dès que l'enfant est sevré. De temps à autre, une femme se +glissera dans une mosquée après le départ des hommes, pour visiter le +sanctuaire d'un <span class="pagenum"><a name="Page_94" id="Page_94">94</a></span> Saint préféré, et tel Saint à qui l'on prête une +puissance merveilleuse pour rendre les femmes fécondes est très honoré.</p> + +<p>La rue où se trouve cette mosquée est particulièrement intéressante, non +qu'il y ait là des monuments remarquables, mais parce qu'elle n'a pas +tant souffert que d'autres de l'influence européenne. Lorsque nous +arrivons à la mosquée El Merdani, nous nous retrouvons dans un quartier qui nous est familier et nous apercevons de nouveau les beaux minarets -de Muaiyad. Laissant droite la porte <i>Bab Zuwlh</i>, aprs nous tre -assurs d'un rapide coup d'œil que le vieux Saint en haillons et sa -lance y sont toujours, nous voyons notre gauche une petite mosque -sans prtention dont l'entre est au fate d'un escalier. Je dis -<i>mosque</i>, parce que c'est l'habitude de donner ce nom tout difice -qui se rattache au culte musulman, mais je n'ai jamais pu dcouvrir -quoi servait le monument en question ici. A l'intrieur, nous traversons -un petit clotre et quelques marches nous conduisent une cour -ravissante. Deux des cts sont couverts de tuiles et au centre s'lve -une jolie <i>Kibla</i>, niche prire, le seul signe qui nous indique que -nous sommes dans une enceinte religieuse. Des arbres et le derrire <span class="pagenum"><a name="Page_95" id="Page_95">95</a></span> -des maisons du Bazar des Tentes s'lvent au fond, et des femmes voiles -entrent, sortent, disparaissent derrire la niche.</p> - -<p>Pendant que je travaillais, le fidle Mohammed Brown m'informa qu'un -Saint tait enterr dans cet endroit et que les femmes allaient dire -leurs prires auprs de son sanctuaire, mais je ne pus rien apprendre de -plus. J'aurais peut-tre trouv un charmant sujet derrire ces tuiles, -mais je craignis qu'il ft indiscret de pousser mes recherches -jusque-l. Aucun guide, aucun ouvrage sur l'architecture arabe ne parle -de ce dlicieux endroit.</p> - -<p>D'ici, il nous est ais de rejoindre l'avenue Mohamet Ali, prs du muse -arabe, et de retourner au cœur du quartier europen.</p> +de Muaiyad. Laissant à droite la porte <i>Bab Zuwêlêh</i>, après nous être +assurés d'un rapide coup d'œil que le vieux Saint en haillons et sa +lance y sont toujours, nous voyons à notre gauche une petite mosquée +sans prétention dont l'entrée est au faîte d'un escalier. Je dis +<i>mosquée</i>, parce que c'est l'habitude de donner ce nom à tout édifice +qui se rattache au culte musulman, mais je n'ai jamais pu découvrir à +quoi servait le monument en question ici. A l'intérieur, nous traversons +un petit cloître et quelques marches nous conduisent à une cour +ravissante. Deux des côtés sont couverts de tuiles et au centre s'élève +une jolie <i>Kibla</i>, niche à prière, le seul signe qui nous indique que +nous sommes dans une enceinte religieuse. Des arbres et le derrière <span class="pagenum"><a name="Page_95" id="Page_95">95</a></span> +des maisons du Bazar des Tentes s'élèvent au fond, et des femmes voilées +entrent, sortent, disparaissent derrière la niche.</p> + +<p>Pendant que je travaillais, le fidèle Mohammed Brown m'informa qu'un +Saint était enterré dans cet endroit et que les femmes allaient dire +leurs prières auprès de son sanctuaire, mais je ne pus rien apprendre de +plus. J'aurais peut-être trouvé un charmant sujet derrière ces tuiles, +mais je craignis qu'il fût indiscret de pousser mes recherches +jusque-là. Aucun guide, aucun ouvrage sur l'architecture arabe ne parle +de ce délicieux endroit.</p> + +<p>D'ici, il nous est aisé de rejoindre l'avenue Mohamet Ali, près du musée +arabe, et de retourner au cœur du quartier européen.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -1970,279 +1931,279 @@ arabe, et de retourner au cœur du quartier europen.</p> AU HASARD DES RUES<a name="ch_8" id="ch_8"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Le quartier Juif.</span> || <span class="smcap">Le Muristan de Kalaun.</span> || <span class="smcap">Le dpeage d'un chameau -vivant.</span> || <span class="smcap">Deux portes monumentales du XI<sup>e</sup> sicle.</span> || <span class="smcap">Guignol gyptien.</span> -|| <span class="smcap">Autour d'un cimetire.</span></p> +<p class="subtitle"><span class="smcap">Le quartier Juif.</span> || <span class="smcap">Le Muristan de Kalaun.</span> || <span class="smcap">Le dépeçage d'un chameau +vivant.</span> || <span class="smcap">Deux portes monumentales du XI<sup>e</sup> siècle.</span> || <span class="smcap">Guignol égyptien.</span> +|| <span class="smcap">Autour d'un cimetière.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">P</span><span class="smcap">artant</span> du Rond-Point, sur le <i>Muski</i>, vers l'endroit o cette rue est -traverse par le Khalg, un chemin, gauche, nous mne au -Derb-el-Jehdpeh, qui est la rue principale du quartier juif. Quoique -non confine dans le Ghetto, la mme race habite pourtant encore cette +<p class="noindent"><span class="firstletter">P</span><span class="smcap">artant</span> du Rond-Point, sur le <i>Muski</i>, vers l'endroit où cette rue est +traversée par le Khalîg, un chemin, à gauche, nous mène au +Derb-el-Jehûdûpeh, qui est la rue principale du quartier juif. Quoique +non confinée dans le Ghetto, la même race habite pourtant encore cette partie du Caire. L'apparence des maisons et de leurs habitants ne -diffre que peu de celle des quartiers arabes. On rencontre quelques -hommes en vtements europens, mais ils ne sont l sans doute que pour +diffère que peu de celle des quartiers arabes. On rencontre quelques +hommes en vêtements européens, mais ils ne sont là sans doute que pour affaires et demeurent dans les quartiers plus modernes. Les femmes -juives ont cess de voiler leur visage, maintenant que le Musulman est -accoutum voir les dames <i>Firangi</i>, et que cette infraction <span class="pagenum"><a name="Page_98" id="Page_98">98</a></span> -choque par consquent moins ses sentiments; mais il y a peu d'annes +juives ont cessé de voiler leur visage, maintenant que le Musulman est +accoutumé à voir les dames <i>Firangi</i>, et que cette infraction <span class="pagenum"><a name="Page_98" id="Page_98">98</a></span> +choque par conséquent moins ses sentiments; mais il y a peu d'années encore, toutes les femmes coptes et juives portaient le <i>yashmeh</i>, non -point tant pour satisfaire une obligation religieuse, que comme un -moyen de protection contre l'indiscrtion des hommes. On trouve plus de -traces du sang smite dans le Cairote que dans le <i>fellah</i>; mais ce -n'est que par d'infimes dtails de l'habillement qu'on peut distinguer +point tant pour satisfaire à une obligation religieuse, que comme un +moyen de protection contre l'indiscrétion des hommes. On trouve plus de +traces du sang sémite dans le Cairote que dans le <i>fellah</i>; mais ce +n'est que par d'infimes détails de l'habillement qu'on peut distinguer le juif du Musulman.</p> -<p>L'arabe—langue commune tous deux—tant assez rapproch de l'hbreu, -est parl avec le mme accent; pourtant, quelque lgre que soit la -diffrence, l'Arabe sait toujours reconnatre le <i>Ychd</i>, mme lorsque -ce dernier a embrass la religion musulmane.</p> - -<p>Le quartier juif s'tend derrire le bazar du Nahssn, o nous -pntrmes en une autre occasion. Nous le laissons notre droite et -nous entrons dans une cour en ruines du Mristan de Kaln. Par une -circonstance bizarre, un dispensaire moderne y a t install, et les -malades, en attendant que le docteur indigne puisse leur prodiguer ses -soins, se souviennent peut-tre du temps o ce Mristan tait le grand -hpital du Caire. Saladin devana la grande œuvre du sultan Kaln de -plus d'un sicle. L'Hispano-Arabe, <span class="pagenum"><a name="Page_99" id="Page_99">99</a></span> Ibn Yubeyr, qui visita le -Caire au <span class="smcap">XII</span><sup>e</sup> sicle, a fait de son voyage un rcit dtaill, et dans +<p>L'arabe—langue commune à tous deux—étant assez rapproché de l'hébreu, +est parlé avec le même accent; pourtant, quelque légère que soit la +différence, l'Arabe sait toujours reconnaître le <i>Ychûdî</i>, même lorsque +ce dernier a embrassé la religion musulmane.</p> + +<p>Le quartier juif s'étend derrière le bazar du Nahâssîn, où nous +pénétrâmes en une autre occasion. Nous le laissons à notre droite et +nous entrons dans une cour en ruines du Mûristan de Kalâûn. Par une +circonstance bizarre, un dispensaire moderne y a été installé, et les +malades, en attendant que le docteur indigène puisse leur prodiguer ses +soins, se souviennent peut-être du temps où ce Mûristan était le grand +hôpital du Caire. Saladin devança la grande œuvre du sultan Kalâûn de +plus d'un siècle. L'Hispano-Arabe, <span class="pagenum"><a name="Page_99" id="Page_99">99</a></span> Ibn Yubeyr, qui visita le +Caire au <span class="smcap">XII</span><sup>e</sup> siècle, a fait de son voyage un récit détaillé, et dans l'excellente traduction de M. Guy Le Strange, nous lisons que Saladin -fut pouss l'œuvre mritoire, uniquement par l'espoir de la grce -de Dieu et d'une rcompense dans le monde venir.</p> +«fut poussé à l'œuvre méritoire, uniquement par l'espoir de la grâce +de Dieu et d'une récompense dans le monde à venir.»</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_17" id="pl_17"></a> <img src="images/after-page-98.jpg" alt="LA TOMBE DE IBRAHIM-AGA" title="LA TOMBE DE IBRAHIM-AGA" width="400" height="580" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-98.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Ce grand palais, spacieux et magnifique, pour citer une fois de plus -l'Espagnol, ne survcut pas de beaucoup au bon Sultan, car tout ce que -nous voyons du btiment prsent, fut rig par Kaln durant le sicle +<p>«Ce grand palais, spacieux et magnifique», pour citer une fois de plus +l'Espagnol, ne survécut pas de beaucoup au bon Sultan, car tout ce que +nous voyons du bâtiment présent, fut érigé par Kalâûn durant le siècle suivant. Certaines parties en sont en ruines, mais on retrouve encore -les traces des salles distinctes, affectes aux maladies alors connues. +les traces des salles distinctes, affectées aux maladies alors connues. Un large corridor conduit au portail imposant qui fait face au Bazar des Cuivres. A gauche de ce corridor, vous entrez dans le vestibule du tombeau du fondateur. Ce vestibule et la chambre du tombeau sont en ce -moment entre les mains des ouvriers occups les restaurer. La -simplicit du vestibule, avec sa haute arcade de bois vert, est aussi -tentante peindre que la sombre richesse du grand mausole. Des groupes -d'tudiants s'attardent dans le vestibule, accroupis sur les nattes, -coutant quelque <i>ulama</i> qui explique des textes du Coran. Prs du -tombeau, quelques vtements de <span class="pagenum"><a name="Page_100" id="Page_100">100</a></span> Kaln sont suspendus. On leur -attribue un miraculeux pouvoir de gurison, et bien des malades essaient -la cure avant d'avoir recours au <i>hakim</i> demi <i>firangi</i>, qui est -charg du moderne dispensaire de la grande cour. La niche de prires est -peut-tre la plus belle du Caire; elle tait en presque parfait tat de -conservation lorsque j'essayai de la peindre il y a quelques annes. -Esprons que les ouvriers cesseront bientt de troubler la solennit de +moment entre les mains des ouvriers occupés à les restaurer. La +simplicité du vestibule, avec sa haute arcade de bois vert, est aussi +tentante à peindre que la sombre richesse du grand mausolée. Des groupes +d'étudiants s'attardent dans le vestibule, accroupis sur les nattes, +écoutant quelque <i>ulama</i> qui explique des textes du Coran. Près du +tombeau, quelques vêtements de <span class="pagenum"><a name="Page_100" id="Page_100">100</a></span> Kalâûn sont suspendus. On leur +attribue un miraculeux pouvoir de guérison, et bien des malades essaient +la cure avant d'avoir recours au <i>hakim</i> à demi <i>firangi</i>, qui est +chargé du moderne dispensaire de la grande cour. La niche de prières est +peut-être la plus belle du Caire; elle était en presque parfait état de +conservation lorsque j'essayai de la peindre il y a quelques années. +Espérons que les ouvriers cesseront bientôt de troubler la solennité de ce lieu.</p> -<p>Le Mristan de Kaln est le monument le plus important de la seconde -moiti du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> sicle; on tient naturellement le conserver en -parfait tat, et l'intelligence dont Herz Bey a fait preuve dans tous -les travaux lui confis nous fait esprer qu'on accomplira ici une -œuvre de prservation, plutt qu'un travail de restauration.</p> +<p>Le Mûristan de Kalâûn est le monument le plus important de la seconde +moitié du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> siècle; on tient naturellement à le conserver en +parfait état, et l'intelligence dont Herz Bey a fait preuve dans tous +les travaux à lui confiés nous fait espérer qu'on accomplira ici une +œuvre de préservation, plutôt qu'un travail de restauration.</p> <p>Passant sous le portail de marbre blanc et noir, nous suivons le -Nahssn, jusqu' ce que nous arrivions au Sebl d'Abder-Rahmn, aprs -avoir laiss notre gauche les belles tombes-mosques de Bb-el-Nasr et -Barkh. Ici, nous avons de nouveau toute la perspective de cette rue -enchanteresse, avant de descendre par les prs troits qui conduisent au -Gamlyeh. Un chameau charg de <i>tumbh</i> (tabac <span class="pagenum"><a name="Page_101" id="Page_101">101</a></span> fort qu'on fume -dans les narglehs) peut si bien obstruer le chemin, que, si vous n'tes -pas capable de passer sous les paniers, vous n'avez plus qu' vous +Nahâssîn, jusqu'à ce que nous arrivions au Sebîl d'Abder-Rahmân, après +avoir laissé à notre gauche les belles tombes-mosquées de Bâb-el-Nasr et +Barkûh. Ici, nous avons de nouveau toute la perspective de cette rue +enchanteresse, avant de descendre par les prés étroits qui conduisent au +Gamâlîyeh. Un chameau chargé de <i>tumbâh</i> (tabac <span class="pagenum"><a name="Page_101" id="Page_101">101</a></span> fort qu'on fume +dans les nargîlehs) peut si bien obstruer le chemin, que, si vous n'êtes +pas capable de passer sous les paniers, vous n'avez plus qu'à vous blottir sous quelque porte et attendre que l'animal ait disparu. Deux ou -trois grands <i>khns</i> de ces rues troites m'ont l'air de raliser de -mauvaises affaires, car la cigarette remplace le nargleh, et le -<i>tumbkiyeh</i> semble tomb en dsutude, le mtier tant pouss vers +trois grands <i>khâns</i> de ces rues étroites m'ont l'air de réaliser de +mauvaises affaires, car la cigarette remplace le nargîleh, et le +<i>tumbâkiyeh</i> semble tombé en désuétude, le métier étant poussé vers d'autres voies.</p> -<p>La rue principale dans laquelle nous nous trouvons prsent est aussi -anime et vivante que le Nahssn, mais de plus pauvre aspect. Ses -magasins semblent moins prospres, les robes soyeuses des marchands +<p>La rue principale dans laquelle nous nous trouvons à présent est aussi +animée et vivante que le Nahâssîn, mais de plus pauvre aspect. Ses +magasins semblent moins prospères, les robes soyeuses des marchands riches y font place aux <i>gabahrehs</i> de coton bleu, et la distinction -bourgeoise de la rue que nous venons de quitter devient ici un dsordre -presque sauvage, mais artistique. A un angle de la route, l'entre d'un -spacieux <i>khn</i> offre la place rve pour faire une esquisse, tandis que -deux bancs de pierre, de chaque ct de l'entre, semblent avoir t -disposs l tout exprs pour supporter le bagage d'un artiste, et cela -explique peut-tre les nombreux croquis de ce Gamlieh pris de ce mme +bourgeoise de la rue que nous venons de quitter devient ici un désordre +presque sauvage, mais artistique. A un angle de la route, l'entrée d'un +spacieux <i>khân</i> offre la place rêvée pour faire une esquisse, tandis que +deux bancs de pierre, de chaque côté de l'entrée, semblent avoir été +disposés là tout exprès pour supporter le bagage d'un artiste, et cela +explique peut-être les nombreux croquis de ce Gamâlieh pris de ce même endroit. On est un peu au-dessus de la foule, et l'angle de la muraille -vous protge contre <span class="pagenum"><a name="Page_102" id="Page_102">102</a></span> le flot de curieux toujours montant. Enfin -pendant que l'on peint cette rue avec, au centre, la mosque de Bbars, -on peut, de ce coin, faire d'intressantes silhouettes de passants.</p> +vous protège contre <span class="pagenum"><a name="Page_102" id="Page_102">102</a></span> le flot de curieux toujours montant. Enfin +pendant que l'on peint cette rue avec, au centre, la mosquée de Bîbars, +on peut, de ce coin, faire d'intéressantes silhouettes de passants.</p> -<p>Je fus tmoin d'un curieux fait lors de ma dernire visite cet +<p>Je fus témoin d'un curieux fait lors de ma dernière visite à cet endroit. Un homme conduisant un chameau, appelait chaque boutiquier sur -son passage. L'animal n'tant point charg, je ne pouvais comprendre le -mange de l'homme. De temps autre, quelque marchand semblait -s'intresser la bte, ttait sa bosse ou son cou; alors seulement je -compris que le chameau tait vendre, mais quand il passa auprs de -moi, je dcouvris de plus que la bte tait vendue au morceau et que -chaque morceau tait marqu la craie. Quelle tait la diffrence de +son passage. L'animal n'étant point chargé, je ne pouvais comprendre le +manège de l'homme. De temps à autre, quelque marchand semblait +s'intéresser à la bête, tâtait sa bosse ou son cou; alors seulement je +compris que le chameau était à vendre, mais quand il passa auprès de +moi, je découvris de plus que la bête était vendue au morceau et que +chaque morceau était marqué à la craie. Quelle était la différence de prix entre une livre de cuisse et une livre de bosse?... Je ne le sus -point, mais cœur par cette sorte de dpeage d'un tre encore -vivant, je rsolus de devenir vgtarien,..... rsolution que j'observe +point, mais écœuré par cette sorte de dépeçage d'un être encore +vivant, je résolus de devenir végétarien,..... résolution que j'observe strictement en dehors de mes repas.</p> -<p>Comme nous suivons le Gamlyeh, les signes de dcadence deviennent de -plus en plus visibles. De belles vieilles maisons sont habites par des -mendiants, les <i>meshrebiya</i> tombent en lambeaux et sont mme <span class="pagenum"><a name="Page_103" id="Page_103">103</a></span> -souvent remplaces par des rideaux en toile de sac, l o un boutiquier -a des marchandises valant encore la peine d'tre protges contre le +<p>Comme nous suivons le Gamâlîyeh, les signes de décadence deviennent de +plus en plus visibles. De belles vieilles maisons sont habitées par des +mendiants, les <i>meshrebiya</i> tombent en lambeaux et sont même <span class="pagenum"><a name="Page_103" id="Page_103">103</a></span> +souvent remplacées par des rideaux en toile de sac, là où un boutiquier +a des marchandises valant encore la peine d'être protégées contre le soleil. Les maisons des petites rues sont de simples ruines, et l'on a -peine comprendre la prosprit croissante de l'gypte, lorsqu'on -assiste cette dcadence des btiments et des tres dans une si grande +peine à comprendre la prospérité croissante de l'Égypte, lorsqu'on +assiste à cette décadence des bâtiments et des êtres dans une si grande partie du Caire.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_18" id="pl_18"></a> <img src="images/after-page-102.jpg" alt="EL-GAMALYEH, AU CAIRE" title="EL-GAMALYEH, AU CAIRE" width="400" height="580" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-102.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Le Gamlyeh se termine Bb-el-Nasr, ou Porte de la Victoire, qui, -ainsi que Bb-el-Futh, ou Porte de la Capture, fut rige durant la -seconde moiti du <span class="smcap">XI</span><sup>e</sup> sicle, par le fameux vizir Bedr-el-Yamali. La -mosque de Hhim, d'un sicle plus rcente, remplit presque l'espace -compris entre ces deux portes. Napolon, se rendant compte de l'avantage +<p>Le Gamâlîyeh se termine à Bâb-el-Nasr, ou Porte de la Victoire, qui, +ainsi que Bâb-el-Futûh, ou Porte de la Capture, fut érigée durant la +seconde moitié du <span class="smcap">XI</span><sup>e</sup> siècle, par le fameux vizir Bedr-el-Yamali. La +mosquée de Hâhim, d'un siècle plus récente, remplit presque l'espace +compris entre ces deux portes. Napoléon, se rendant compte de l'avantage de cette position, y fit camper une partie de ses troupes, en 1799.</p> -<p>Ces deux portes, ainsi que le Bab-Zuwleh, ont intrigu nombre -d'archologues. Leur style n'est point sarrasin: M. Van Berchem, qui -tudia tout spcialement la vieille enceinte de la ville, attribue ces -difices aux Templiers; mais la premire croisade n'ayant eu lieu que -dix ans aprs l'rection de ces portes, l'influence des Croiss semble -douteuse. Van Berchem dcouvrit des marques conventionnelles d'artistes +<p>Ces deux portes, ainsi que le Bab-Zuwêleh, ont intrigué nombre +d'archéologues. Leur style n'est point sarrasin: M. Van Berchem, qui +étudia tout spécialement la vieille enceinte de la ville, attribue ces +édifices aux Templiers; mais la première croisade n'ayant eu lieu que +dix ans après l'érection de ces portes, l'influence des Croisés semble +douteuse. Van Berchem découvrit des marques conventionnelles d'artistes <span class="pagenum"><a name="Page_104" id="Page_104">104</a></span> grecs, qui expliquent quelque peu l'apparence byzantine des portes, -et le vizir Bedr tant Armnien, il est fort probable qu'il chercha des -architectes parmi ses compatriotes. Ces portes nous intressent +et le vizir Bedr étant Arménien, il est fort probable qu'il chercha des +architectes parmi ses compatriotes. Ces portes nous intéressent davantage au point de vue pictural, mais il est difficile de rendre -d'une faon satisfaisante leur beaut majestueuse.</p> +d'une façon satisfaisante leur beauté majestueuse.</p> -<p>La mosque en ruine d'El Hhim, qui occupe tout l'angle du rempart, -entre les deux portes, est moins remarquable que celle d'Ibn Tuln, +<p>La mosquée en ruine d'El Hâhim, qui occupe tout l'angle du rempart, +entre les deux portes, est moins remarquable que celle d'Ibn Tulûn, à laquelle elle ressemble d'ailleurs; mais elle offre un sujet de tableau -plus pittoresque grce une grande cour qui, avec ses tentes de -Bdouins et ses chameaux, complte la note orientale. Le nom d'El Hhim -augmente l'intrt du lieu. Je suis tent de reproduire ici ce que +plus pittoresque grâce à une grande cour qui, avec ses tentes de +Bédouins et ses chameaux, complète la note orientale. Le nom d'El Hâhim +augmente l'intérêt du lieu. Je suis tenté de reproduire ici ce que Stanley Lane Poole dit au sujet de l'extraordinaire Calife dans son -<i>Histoire du Caire</i>, mais ce charmant livre tant la porte de tous, -le mieux est de le recommander chaudement mes lecteurs.</p> - -<p>Dans un espace vide, voisin du Bb-el-Nasr et d'un grand cimetire -mahomtan, on peut souvent contempler les bats de <i>Karakush</i>, lequel -correspond notre Guignol. Sa troupe se compose gnralement d'un -homme, d'un petit garon, d'un chien et d'un singe. L'usage gnreux -d'un gourdin maintient la <span class="pagenum"><a name="Page_105" id="Page_105">105</a></span> foule la limite juge ncessaire aux -volutions des artistes. Les plaisanteries, qui datent probablement du -temps o l'Islamisme envahit l'gypte, ne perdent rien de leur saveur -tre constamment rptes, et il est rjouissant d'entendre les francs -clats de rire qui les accueillent. Ces farces sont certainement plus -grossires que ne le supporterait un public anglais, mais il faut les +<i>Histoire du Caire</i>, mais ce charmant livre étant à la portée de tous, +le mieux est de le recommander chaudement à mes lecteurs.</p> + +<p>Dans un espace vide, voisin du Bâb-el-Nasr et d'un grand cimetière +mahométan, on peut souvent contempler les ébats de <i>Karakush</i>, lequel +correspond à notre Guignol. Sa troupe se compose généralement d'un +homme, d'un petit garçon, d'un chien et d'un singe. L'usage généreux +d'un gourdin maintient la <span class="pagenum"><a name="Page_105" id="Page_105">105</a></span> foule à la limite jugée nécessaire aux +évolutions des artistes. Les plaisanteries, qui datent probablement du +temps où l'Islamisme envahit l'Égypte, ne perdent rien de leur saveur à +être constamment répétées, et il est réjouissant d'entendre les francs +éclats de rire qui les accueillent. Ces farces sont certainement plus +grossières que ne le supporterait un public anglais, mais il faut les juger d'un autre point de vue. Les sous-entendus, les demi-mots sont -considrs ici comme un jeu innocent, et quelque court-vtues que soient +considérés ici comme un jeu innocent, et quelque court-vêtues que soient les plaisanteries de <i>Karakush</i>, elles le sont moins encore que ce qu'il est possible de voir et d'entendre dans les quartiers modernes du Caire. <i>Karakush</i>, dont le nom seul fait sourire les Cairotes, ne fut pourtant -pas un personnage comique en son temps. On le cite comme un des fidles -mirs de Saladin, et son seul acte, peu humoristique du reste, fut de -repousser les Croiss, dont la visite lui sembla une impertinence.</p> - -<p>Notre Guignol ne manquerait certes point ici de modles pour ses -<i>Esquisses prhistoriques</i>. Les jours de ftes religieuses, de larges -tentes sont installes contre les murailles, et tous ceux qui viennent -applaudir <i>Karakush</i>, peuvent galement tre tmoins d'un <i>Ziter</i>. Une -douzaine de derviches, rangs en ligne, <span class="pagenum"><a name="Page_106" id="Page_106">106</a></span> attendent le signal d'un -chef. Ce signal donn, ils commencent se balancer en avant et en -arrire, en rptant le nom d'Allah. Peu peu le mouvement s'acclre, -se prcipite, devient furieux; ils semblent perdre conscience de tout, -jusqu' ce que, la limite de l'endurance humaine tant atteinte, ils -tombent, rompus, briss, comme en extase.</p> - -<p>Le grand cimetire qui, d'un ct, limite cette place, et empite mme -dessus par-ci par-l, ne trouble en rien la gat de l'assemble. -parpilles, libres de toute muraille, les tombes servent de siges, +pas un personnage comique en son temps. On le cite comme un des fidèles +émirs de Saladin, et son seul acte, peu humoristique du reste, fut de +repousser les Croisés, dont la visite lui sembla une impertinence.</p> + +<p>Notre Guignol ne manquerait certes point ici de modèles pour ses +<i>Esquisses préhistoriques</i>. Les jours de fêtes religieuses, de larges +tentes sont installées contre les murailles, et tous ceux qui viennent +applaudir <i>Karakush</i>, peuvent également être témoins d'un <i>Ziter</i>. Une +douzaine de derviches, rangés en ligne, <span class="pagenum"><a name="Page_106" id="Page_106">106</a></span> attendent le signal d'un +chef. Ce signal donné, ils commencent à se balancer en avant et en +arrière, en répétant le nom d'Allah. Peu à peu le mouvement s'accélère, +se précipite, devient furieux; ils semblent perdre conscience de tout, +jusqu'à ce que, la limite de l'endurance humaine étant atteinte, ils +tombent, rompus, brisés, comme en extase.</p> + +<p>Le grand cimetière qui, d'un côté, limite cette place, et empiète même +dessus par-ci par-là, ne trouble en rien la gaîté de l'assemblée. +Éparpillées, libres de toute muraille, les tombes servent de sièges, à moins que des gamins ne s'exercent sur elles au saute-mouton. Parmi ces tombes, nous retrouvons celle de Burkhardt, le grand voyageur orientaliste, qui mourut en 1817. Les Arabes le connaissent sous le nom de Cheik Ibrahim.</p> -<p>En suivant le mur de la cit sur 200 ou 300 mtres, vers l'est, o il -tourne brusquement vers le sud, nous laissons le cimetire derrire -nous, et, contournant des monceaux de dtritus, nous dpassons notre -gauche le dme du tombeau du Cheik Galal et dcouvrons les tombes des -Califes. Cette cit des morts offre un tableau impressionnant, que ce -soit en plein midi, dans la gloire dore du soleil, ou vers le soir, -<span class="pagenum"><a name="Page_107" id="Page_107">107</a></span> quand les lueurs roses du couchant se jouent sur les dmes et les -minarets, et que les maisons en ruines, leur pied, se fondent dans -l'ombre violace que projettent les hautes collines. Du sommet d'une de +<p>En suivant le mur de la cité sur 200 ou 300 mètres, vers l'est, où il +tourne brusquement vers le sud, nous laissons le cimetière derrière +nous, et, contournant des monceaux de détritus, nous dépassons à notre +gauche le dôme du tombeau du Cheik Galal et découvrons les tombes des +Califes. Cette cité des morts offre un tableau impressionnant, que ce +soit en plein midi, dans la gloire dorée du soleil, ou vers le soir, +<span class="pagenum"><a name="Page_107" id="Page_107">107</a></span> quand les lueurs rosées du couchant se jouent sur les dômes et les +minarets, et que les maisons en ruines, à leur pied, se fondent dans +l'ombre violacée que projettent les hautes collines. Du sommet d'une de ces collines, on a une merveilleuse vue des tombes. Autrefois chaque -tombe-mosque entretenait plusieurs gardiens qui demeuraient dans le +tombe-mosquée entretenait plusieurs gardiens qui demeuraient dans le voisinage.</p> -<p>On retrouve galement dans cette cit morte des ruines de Khns, qui -rappellent maints mtiers. Ses fontaines et ses bains prouvent galement -qu'on avait y subvenir aux besoins d'une population considrable. Ces -tombes furent bties pendant le <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> sicle et les deux suivants, -ainsi que les mausoles des Mamelouks bohrites et circassiens qui -rgnaient alors sur l'gypte. Les premiers Califes furent ensevelis dans +<p>On retrouve également dans cette cité morte des ruines de Khâns, qui +rappellent maints métiers. Ses fontaines et ses bains prouvent également +qu'on avait à y subvenir aux besoins d'une population considérable. Ces +tombes furent bâties pendant le <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> siècle et les deux suivants, +ainsi que les mausolées des Mamelouks bohrites et circassiens qui +régnaient alors sur l'Égypte. Les premiers Califes furent ensevelis dans ce qui est aujourd'hui le centre du Caire, et qui, de leurs jours, se -trouvait en dehors de la capitale, celle-ci tant alors plus au sud. Le -Khan Khall se trouve aujourd'hui dans l'ancien lieu de repos, et l'on -assure que, lorsqu'il fut rig, les ossements des Califes furent -emports et ajouts aux monceaux de dtritus!</p> +trouvait en dehors de la capitale, celle-ci étant alors plus au sud. Le +Khan Khalîl se trouve aujourd'hui dans l'ancien lieu de repos, et l'on +assure que, lorsqu'il fut érigé, les ossements des Califes furent +emportés et ajoutés aux monceaux de détritus!</p> -<p>L'une des premires tombes dont nous approchons—<i>El Seb'a Benat</i>,—les +<p>L'une des premières tombes dont nous approchons—<i>El Seb'a Benat</i>,—les sept sœurs—est une preuve <span class="pagenum"><a name="Page_108" id="Page_108">108</a></span> que d'autres que les Mamelouks -reposent l. Mais je ne pus jamais tablir l'identit de ces sept dames. -Continuons par une des tombes situes l'est du groupe, celle du sultan -Kit Bey. La tombe du sultan Barbk, notre gauche, a deux jolis dmes -et une paire de beaux minarets. Les ornements qui couvrent les dmes -mritent un examen tout particulier. Le plan gnral des tombes diffre -peu et, en les examinant de plus prs, on est surpris de la richesse et -de la varit des dtails. Le mausole de Kit Bey est certainement le -plus beau, avec son minaret lanc et son dme dont la richesse surpasse -celle de tous les autres. Il a tout l'aspect d'une mosque -congrganiste; au-dessus de la fontaine, gauche de la grande entre, -qui est orne de portes dcores de magnifiques bronzes, se trouve la +reposent là. Mais je ne pus jamais établir l'identité de ces sept dames. +Continuons par une des tombes situées à l'est du groupe, celle du sultan +Kâit Bey. La tombe du sultan Barbûk, à notre gauche, a deux jolis dômes +et une paire de beaux minarets. Les ornements qui couvrent les dômes +méritent un examen tout particulier. Le plan général des tombes diffère +peu et, en les examinant de plus près, on est surpris de la richesse et +de la variété des détails. Le mausolée de Kâit Bey est certainement le +plus beau, avec son minaret élancé et son dôme dont la richesse surpasse +celle de tous les autres. Il a tout l'aspect d'une mosquée +congréganiste; au-dessus de la fontaine, à gauche de la grande entrée, +qui est ornée de portes décorées de magnifiques bronzes, se trouve la salle d'enseignement que supportent de gracieuses arcades, la cour -centrale, ouverte, le <i>Hiru</i>, ou sanctuaire, avec ses tapis de prire -et sa chaire tourne vers la Mecque, enfin le dme contenant le spulcre +centrale, ouverte, le <i>Hirâu</i>, ou sanctuaire, avec ses tapis de prière +et sa chaire tournée vers la Mecque, enfin le dôme contenant le sépulcre du Sultan.</p> -<p>Mais nous voici au Sharia-esh-Sharawni, qui fait suite au Muski et -conduit au quartier europen. Un tramway partant d'El Atba-Khadr, prs -du Bureau Central des Postes et Tlgraphes, se dirige vers <span class="pagenum"><a name="Page_109" id="Page_109">109</a></span> le +<p>Mais nous voici au Sharia-esh-Sharawâni, qui fait suite au Muski et +conduit au quartier européen. Un tramway partant d'El Atâba-Khadrâ, près +du Bureau Central des Postes et Télégraphes, se dirige vers <span class="pagenum"><a name="Page_109" id="Page_109">109</a></span> le quartier connu comme le Vieux Caire ou Masr-el-Atika; il suit le -boulevard Abd-ul-Aziz et tourne vers le Nil; et, de l'endroit o le pont -Kasr-en-Nil coupe la rivire, nous suivons les rails jusqu'au point -terminus, 200 ou 300 mtres plus haut. Une vgtation luxuriante drobe -tant bien que mal la vue les laides villas modernes dont est parsem -le vieux Caire, mais, tout prendre, cette partie de la ville, vue du -tramway, est bien moins intressante que d'autres quartiers auxquels +boulevard Abd-ul-Aziz et tourne vers le Nil; et, de l'endroit où le pont +Kasr-en-Nil coupe la rivière, nous suivons les rails jusqu'au point +terminus, 200 ou 300 mètres plus haut. Une végétation luxuriante dérobe +tant bien que mal à la vue les laides villas modernes dont est parsemé +le vieux Caire, mais, à tout prendre, cette partie de la ville, vue du +tramway, est bien moins intéressante que d'autres quartiers auxquels conviendrait mieux le nom de Vieux Caire.</p> -<p>Nous longeons le bazar gauche de la grand'route, traversons les voies -du chemin de fer et, en haut d'un pr troit, une porte que nous -franchissons nous conduit la muraille d'enceinte de la forteresse de -Babylone. Les ruines de divers btiments cachent trop ce qui reste de -l'antique chteau, pour nous permettre de juger de son importance. Les -habitants de ce quartier semblent fuir les trangers; peut-tre est-ce -la peur atavique d'une invasion ennemie? Aprs s'tre pourtant assurs +<p>Nous longeons le bazar à gauche de la grand'route, traversons les voies +du chemin de fer et, en haut d'un pré étroit, une porte que nous +franchissons nous conduit à la muraille d'enceinte de la forteresse de +Babylone. Les ruines de divers bâtiments cachent trop ce qui reste de +l'antique château, pour nous permettre de juger de son importance. Les +habitants de ce quartier semblent fuir les étrangers; peut-être est-ce +la peur atavique d'une invasion ennemie? Après s'être pourtant assurés de loin que nous ne sommes rien de plus redoutables que de simples -<i>Sawarhine</i>, et allchs par la perspective d'un <i>bakschish</i>, quelques -tres se montrent et nous suivent <span class="pagenum"><a name="Page_110" id="Page_110">110</a></span> jusqu' l'glise de Saint-Georges -ou Mri Girgis.</p> +<i>Sawarhine</i>, et alléchés par la perspective d'un <i>bakschish</i>, quelques +êtres se montrent et nous suivent <span class="pagenum"><a name="Page_110" id="Page_110">110</a></span> jusqu'à l'église de Saint-Georges +ou Mâri Girgis.</p> -<p>Il y a tant de similitude entre la vie que mnent ces gens et celle de -la <i>mellah</i> maure (le Ghetto arabe), que je n'aurais point t surpris +<p>Il y a tant de similitude entre la vie que mènent ces gens et celle de +la <i>mellah</i> maure (le Ghetto arabe), que je n'aurais point été surpris de remarquer quelques types juifs parmi nos suiveurs, au lieu de -l'absence complte de traits smites observer chez les Arabes.</p> +l'absence complète de traits sémites à observer chez les Arabes.</p> -<p>Ces Coptes, dans le quartier desquels nous pntrons, sont les plus purs -gyptiens. Leur nom seul, driv du grec <i>Aiguptios</i> et devenu en arabe -<i>Kupt</i>, suffit le prouver. De tous les habitants de la valle du Nil, -ceux-l attirent le plus notre sympathie, et il est agrable de songer -qu'aprs des sicles d'oppression ils peuvent enfin jouir d'une pleine -libert sous le protectorat britannique.</p> +<p>Ces Coptes, dans le quartier desquels nous pénétrons, sont les plus purs +Égyptiens. Leur nom seul, dérivé du grec <i>Aiguptios</i> et devenu en arabe +<i>Kupt</i>, suffit à le prouver. De tous les habitants de la vallée du Nil, +ceux-là attirent le plus notre sympathie, et il est agréable de songer +qu'après des siècles d'oppression ils peuvent enfin jouir d'une pleine +liberté sous le protectorat britannique.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -2253,229 +2214,229 @@ libert sous le protectorat britannique.</p> DANS LE QUARTIER COPTE<a name="ch_9" id="ch_9"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Un peu d'histoire.</span> || <span class="smcap">L'glise chrtienne Saint-Georges.</span> || <span class="smcap">Un couvent -copte.</span> || <span class="smcap">La lgende de la tourterelle.</span> || <span class="smcap">La premire mosque d'gypte.</span> +<p class="subtitle"><span class="smcap">Un peu d'histoire.</span> || <span class="smcap">L'Église chrétienne Saint-Georges.</span> || <span class="smcap">Un couvent +copte.</span> || <span class="smcap">La légende de la tourterelle.</span> || <span class="smcap">La première mosquée d'Égypte.</span> || <span class="smcap">La colonne merveilleuse.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">A</span><span class="smcap">vant</span> de pntrer dans l'glise copte de Saint-Georges, il serait -intressant de se reporter au temps o les Coptes, reniant le culte -d'Osiris, furent reus au sein de l'glise chrtienne. En l'an 62, -Armianus fut nomm vque d'Alexandrie, et pendant le patriarcat de -Dmtrius, un sicle plus tard, de nombreuses congrgations, associes -aux noms de Clment, Origen, Pantnus, se formrent dans diverses -parties du Delta. Le <span class="smcap">III</span><sup>e</sup> sicle donna naissance au systme monastique, -et les ruines des premiers monastres, dissmines depuis le Delta -jusqu'aux confins de la Nubie, dmontrent quels rapides progrs fit la +<p class="noindent"><span class="firstletter">A</span><span class="smcap">vant</span> de pénétrer dans l'église copte de Saint-Georges, il serait +intéressant de se reporter au temps où les Coptes, reniant le culte +d'Osiris, furent reçus au sein de l'Église chrétienne. En l'an 62, +Armianus fut nommé évêque d'Alexandrie, et pendant le patriarcat de +Démétrius, un siècle plus tard, de nombreuses congrégations, associées +aux noms de Clément, Origen, Pantænus, se formèrent dans diverses +parties du Delta. Le <span class="smcap">III</span><sup>e</sup> siècle donna naissance au système monastique, +et les ruines des premiers monastères, disséminées depuis le Delta +jusqu'aux confins de la Nubie, démontrent quels rapides progrès fit la religion nouvelle. En plus de ces couvents, <span class="pagenum"><a name="Page_112" id="Page_112">112</a></span> chaque temple est un -monument du zle religieux des nouveaux chrtiens. loigns de Rome, -ceux-ci eurent sans nul doute moins de perscutions souffrir que leurs -frres soumis au joug de l'Empire; mais cette poque, des luttes -intrieures firent plus pour arrter les progrs de la religion, que les -perscutions d'aucun autocrate romain. Les enseignements d'Arius, -d'Alexandrie, influencrent la majorit, malgr les exhortations de -l'vque Alexandre et l'loquence de son diacre Athanasius. Au concile -de Nice, en 325, auquel ce dernier assista, Arius fut condamn et les -chrtiens d'gypte diviss en deux camps hostiles. Nous ignorons quel -point cette controverse intressa Constantin, mais son fils Constantius, -qui lui succda, se dclara pour les Ariens. Athanasius fut exil, et -ses disciples perscuts par les Ariens, jusqu'en l'an 379; l'dit de -Thodosius ayant alors dclar la religion orthodoxe, religion d'tat, -ce fut au tour des Ariens de souffrir la perscution. Une glise -nationale s'rigea ct de l'glise d'tat, et en 451, aprs le -concile de Chalcedon, elles se sparrent dfinitivement l'une de -l'autre. Les nationalistes, dont le parti tait le plus fort, taient +monument du zèle religieux des nouveaux chrétiens. Éloignés de Rome, +ceux-ci eurent sans nul doute moins de persécutions à souffrir que leurs +frères soumis au joug de l'Empire; mais à cette époque, des luttes +intérieures firent plus pour arrêter les progrès de la religion, que les +persécutions d'aucun autocrate romain. Les enseignements d'Arius, +d'Alexandrie, influencèrent la majorité, malgré les exhortations de +l'évêque Alexandre et l'éloquence de son diacre Athanasius. Au concile +de Nice, en 325, auquel ce dernier assista, Arius fut condamné et les +chrétiens d'Égypte divisés en deux camps hostiles. Nous ignorons à quel +point cette controverse intéressa Constantin, mais son fils Constantius, +qui lui succéda, se déclara pour les Ariens. Athanasius fut exilé, et +ses disciples persécutés par les Ariens, jusqu'en l'an 379; l'Édit de +Théodosius ayant alors déclaré la religion orthodoxe, religion d'État, +ce fut au tour des Ariens de souffrir la persécution. Une Église +nationale s'érigea à côté de l'Église d'État, et en 451, après le +concile de Chalcedon, elles se séparèrent définitivement l'une de +l'autre. Les nationalistes, dont le parti était le plus fort, étaient connus sous le nom de Jacobites ou Coptes, les orthodoxes s'appelaient -<span class="pagenum"><a name="Page_113" id="Page_113">113</a></span> en gypte les Mlkites. Au moment de l'invasion de l'gypte par -Anir, le grand gnral du Calife Omar, les Coptes taient prts suivre -celui qui les librerait de la tyrannie de leurs gouverneurs byzantins. -Nous aurons plus dire par la suite au sujet d'Anir.</p> +<span class="pagenum"><a name="Page_113" id="Page_113">113</a></span> en Égypte les Mélékites. Au moment de l'invasion de l'Égypte par +Anir, le grand général du Calife Omar, les Coptes étaient prêts à suivre +celui qui les libérerait de la tyrannie de leurs gouverneurs byzantins. +Nous aurons plus à dire par la suite au sujet d'Anir.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_19" id="pl_19"></a> -<img src="images/after-page-112.jpg" alt="UNE GLISE COPTE PRS D'ABYDOS" title="UNE GLISE COPTE PRS D'ABYDOS" width="400" height="538" /> +<img src="images/after-page-112.jpg" alt="UNE ÉGLISE COPTE PRÈS D'ABYDOS" title="UNE ÉGLISE COPTE PRÈS D'ABYDOS" width="400" height="538" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-112.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>L'extrieur de l'glise Saint-Georges ne fait en rien prvoir l'extrme -richesse de sa dcoration intrieure, et cette remarque s'applique -galement aux six autres glises caches dans la forteresse. Le but de -cette simplicit extrieure tait probablement d'chapper la cupidit -que le luxe et sans nul doute veille chez les ennemis; mais les -mosques de cette poque tant galement d'apparence fort simple, ce -dtail n'offre que peu d'intrt. Sauf la crypte qui date d'avant la -conqute musulmane, toute l'glise fut btie presque la mme poque -que la grande mosque d'Ibn-Tuln, et rien ne peut tre imagin de plus -modeste que l'extrieur de cette dernire. Nous pntrons dans un petit -vestibule et de l dans une belle petite basilique deux rangs -d'arcades sparant les ailes de la nef; celle-ci nous parat courte, -parce qu'une belle barrire de bois ouvrag divise l'glise en deux, -quelque distance du sanctuaire. La lumire <span class="pagenum"><a name="Page_114" id="Page_114">114</a></span> tamise qui tombe des -troites fentres en triptyques, illumine les saints rangs au sommet de -la barrire, se joue sur les icnes en leur faisant un halo dor, et -caresse les boiseries <ins class="correction" title="scupltes">sculptes</ins>. Pendant le service, les femmes occupent -un ct de la boiserie, l'autre tant rserv aux hommes.</p> +<p>L'extérieur de l'église Saint-Georges ne fait en rien prévoir l'extrême +richesse de sa décoration intérieure, et cette remarque s'applique +également aux six autres églises cachées dans la forteresse. Le but de +cette simplicité extérieure était probablement d'échapper à la cupidité +que le luxe eût sans nul doute éveillée chez les ennemis; mais les +mosquées de cette époque étant également d'apparence fort simple, ce +détail n'offre que peu d'intérêt. Sauf la crypte qui date d'avant la +conquête musulmane, toute l'église fut bâtie presque à la même époque +que la grande mosquée d'Ibn-Tulûn, et rien ne peut être imaginé de plus +modeste que l'extérieur de cette dernière. Nous pénétrons dans un petit +vestibule et de là dans une belle petite basilique à deux rangs +d'arcades séparant les ailes de la nef; celle-ci nous paraît courte, +parce qu'une belle barrière de bois ouvragé divise l'église en deux, à +quelque distance du sanctuaire. La lumière <span class="pagenum"><a name="Page_114" id="Page_114">114</a></span> tamisée qui tombe des +étroites fenêtres en triptyques, illumine les saints rangés au sommet de +la barrière, se joue sur les icônes en leur faisant un halo doré, et +caresse les boiseries <ins class="correction" title="scupltées">sculptées</ins>. Pendant le service, les femmes occupent +un côté de la boiserie, l'autre étant réservé aux hommes.</p> <p>Sortant de la nef et traversant ce qui correspond au chœur, nous nous -trouvons devant trois autels, chacun d'eux renferm dans un espace -circulaire et surmont d'un dme. Des boiseries encore, cachent ces -autels; celui du milieu, surlev, est dissimul derrire un paravent -ouvrag, d'une richesse extrme, form de minuscules croix d'ivoire et -d'bne entremles et exquisement fouilles. Durant la messe, ces -boiseries s'ouvrent, les rideaux sont relevs, et l'on voit une grande +trouvons devant trois autels, chacun d'eux renfermé dans un espace +circulaire et surmonté d'un dôme. Des boiseries encore, cachent ces +autels; celui du milieu, surélevé, est dissimulé derrière un paravent +ouvragé, d'une richesse extrême, formé de minuscules croix d'ivoire et +d'ébène entremêlées et exquisement fouillées. Durant la messe, ces +boiseries s'ouvrent, les rideaux sont relevés, et l'on voit une grande image du Christ au-dessus de l'autel. Les guirlandes d'œufs -d'autruches teints de couleurs voyantes, qui pendent de la vote, -forment une dcoration bizarre. On rencontre ce genre d'ornementation -dans quelques mosques, dans la chapelle de Sainte-Hlne et dans le -Saint-Spulcre, Jrusalem.</p> +d'autruches teints de couleurs voyantes, qui pendent de la voûte, +forment une décoration bizarre. On rencontre ce genre d'ornementation +dans quelques mosquées, dans la chapelle de Sainte-Hélène et dans le +Saint-Sépulcre, à Jérusalem.</p> -<p>Quelques marches descendent du chœur la crypte, o l'on nous montre +<p>Quelques marches descendent du chœur à la crypte, où l'on nous montre un banc sur lequel la Sainte <span class="pagenum"><a name="Page_115" id="Page_115">115</a></span> Famille prit quelques instants de -repos, lors de son voyage en gypte. Il est difficile d'obtenir -l'autorisation de peindre dans les glises coptes, et ce n'est que -pendant mon sjour Abydos que je pus tenter quelques esquisses.</p> +repos, lors de son voyage en Égypte. Il est difficile d'obtenir +l'autorisation de peindre dans les églises coptes, et ce n'est que +pendant mon séjour à Abydos que je pus tenter quelques esquisses.</p> -<p>Une petite colonie chrtienne habite un vieux fort dynastique, l'est +<p>Une petite colonie chrétienne habite un vieux fort dynastique, à l'est du temple de Seti; on nomme cet endroit le Couvent copte. En comparaison -de l'glise o nous nous trouvons en ce moment, ce couvent me semble une +de l'église où nous nous trouvons en ce moment, ce couvent me semble une vieille chapelle de campagne. Je le trouve pourtant digne d'une visite -prolonge, mme par cette chaleur touffante. L'intrieur de la vieille -forteresse me rappelle quelque peu l'intrieur de la forteresse de +prolongée, même par cette chaleur étouffante. L'intérieur de la vieille +forteresse me rappelle quelque peu l'intérieur de la forteresse de Babylone. Quelques oiseaux domestiques picorant des graines, quelques -hangars destins abriter le btail, lui donnent un air champtre; le -mme calme, les mmes maisons presque entirement dpourvues de -fentres, se retrouvent ici et l. Le bon vieux prtre qui me fit -visiter l'difice, semblait si bien en faire partie, que j'avais peine -me rendre compte que je parlais un contemporain. Ses vtements et son -entourage sentaient tellement le moyen ge, qu'il me semblait m'tre -endormi, puis rveill six cents ans plus tt. Le fort, <span class="pagenum"><a name="Page_116" id="Page_116">116</a></span> dont cette -glise et le groupe de maisons occupent le centre, date des premiers -temps de l'Empire. Il fut donc rig environ trois mille ans avant le -monastre. Le vieux prtre m'intressa tout autant que son habitacle; le -petit monde o il vit semble lui suffire. De temps en temps, une visite - Balliana, situ 10 kilomtres, sur une rive du Nil, ne lui fait -qu'apprcier davantage la paix de sa retraite.</p> - -<p>Il est intressant de visiter les glises de Babylone. Le nom donn par -les Grecs la forteresse romaine est une nigme pour les archologues; -il se pourrait que ce ft un souvenir du nom de la partie est de la -Memphis d'autrefois; mais ceci me parat incertain. Ses tours massives -et les bastions que l'on voit, <ins class="correction" title="cemblent">semblent</ins> tre les seuls vestiges de -l'ancienne cit de Misr. Le vieux Caire, ou Masr-el-Abko, date de plus -prs que le <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> sicle, car jusqu'alors son emplacement et celui du -Caire moderne demeurrent sous l'eau. La plus grande partie de l'gypte +hangars destinés à abriter le bétail, lui donnent un air champêtre; le +même calme, les mêmes maisons presque entièrement dépourvues de +fenêtres, se retrouvent ici et là. Le bon vieux prêtre qui me fit +visiter l'édifice, semblait si bien en faire partie, que j'avais peine à +me rendre compte que je parlais à un contemporain. Ses vêtements et son +entourage sentaient tellement le moyen âge, qu'il me semblait m'être +endormi, puis réveillé six cents ans plus tôt. Le fort, <span class="pagenum"><a name="Page_116" id="Page_116">116</a></span> dont cette +église et le groupe de maisons occupent le centre, date des premiers +temps de l'Empire. Il fut donc érigé environ trois mille ans avant le +monastère. Le vieux prêtre m'intéressa tout autant que son habitacle; le +petit monde où il vit semble lui suffire. De temps en temps, une visite +à Balliana, situé à 10 kilomètres, sur une rive du Nil, ne lui fait +qu'apprécier davantage la paix de sa retraite.</p> + +<p>Il est intéressant de visiter les églises de Babylone. Le nom donné par +les Grecs à la forteresse romaine est une énigme pour les archéologues; +il se pourrait que ce fût un souvenir du nom de la partie est de la +Memphis d'autrefois; mais ceci me paraît incertain. Ses tours massives +et les bastions que l'on voit, <ins class="correction" title="cemblent">semblent</ins> être les seuls vestiges de +l'ancienne cité de Misr. Le vieux Caire, ou Masr-el-Abko, date de plus +près que le <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> siècle, car jusqu'alors son emplacement et celui du +Caire moderne demeurèrent sous l'eau. La plus grande partie de l'Égypte fut facilement conquise par Anir, qui, nous dit-on, l'envahit avec une -arme de 4 000 hommes seulement. Les Coptes, ne se doutant pas de -l'intention des Musulmans de s'tablir dfinitivement, furent trop -heureux d'avoir leur concours pour se librer <span class="pagenum"><a name="Page_117" id="Page_117">117</a></span> de la tyrannie +armée de 4 000 hommes seulement. Les Coptes, ne se doutant pas de +l'intention des Musulmans de s'établir définitivement, furent trop +heureux d'avoir leur concours pour se libérer <span class="pagenum"><a name="Page_117" id="Page_117">117</a></span> de la tyrannie byzantine. La prise de cette forteresse fut pourtant une autre affaire, -car ici l'Empire tait tout-puissant. Anir dut attendre des renforts et -ce ne fut qu'aprs sept mois de sige qu'il s'en rendit matre. Cet -vnement eut lieu en avril 641, et depuis lors l'gypte fait partie du -monde mahomtan.</p> +car ici l'Empire était tout-puissant. Anir dut attendre des renforts et +ce ne fut qu'après sept mois de siège qu'il s'en rendit maître. Cet +événement eut lieu en avril 641, et depuis lors l'Égypte fait partie du +monde mahométan.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_20" id="pl_20"></a> <img src="images/after-page-116.jpg" alt="UNE TOMBE DE CHEIK, AU CAIRE" title="UNE TOMBE DE CHEIK, AU CAIRE" width="400" height="573" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-116.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Mais les Coptes comprirent bientt qu'ils n'avaient fait que changer de -matres: le joug des Musulmans tait dur, et, spars de l'glise mre, -les Coptes ne surent plus o chercher un appui lorsque des souverains -moins tolrants succdrent Anir. Bien des croyants plus faibles -sauvegardrent leur vie et leurs biens en embrassant la religion des -conqurants, tandis que d'autres prirent en dfendant la foi de leurs -pres. Ce qui reste de ce peuple compose peu prs un dixime de la -population de l'gypte, mais quand nous songeons ce que les Sarrasins -eurent souffrir de la part des Croiss, nous ne pouvons qu'tre -tonns de trouver encore des survivants la vengeance de l'Islam. -Beaucoup d'entre eux, grce leurs indiscutables aptitudes, occupent de +<p>Mais les Coptes comprirent bientôt qu'ils n'avaient fait que changer de +maîtres: le joug des Musulmans était dur, et, séparés de l'Église mère, +les Coptes ne surent plus où chercher un appui lorsque des souverains +moins tolérants succédèrent à Anir. Bien des croyants plus faibles +sauvegardèrent leur vie et leurs biens en embrassant la religion des +conquérants, tandis que d'autres périrent en défendant la foi de leurs +pères. Ce qui reste de ce peuple compose à peu près un dixième de la +population de l'Égypte, mais quand nous songeons à ce que les Sarrasins +eurent à souffrir de la part des Croisés, nous ne pouvons qu'être +étonnés de trouver encore des survivants à la vengeance de l'Islam. +Beaucoup d'entre eux, grâce à leurs indiscutables aptitudes, occupent de hautes positions dans le Gouvernement.</p> -<p>En quittant le <i>Kasr-el-Shma</i>, ainsi que les Arabes <span class="pagenum"><a name="Page_118" id="Page_118">118</a></span> nomment cette +<p>En quittant le <i>Kasr-el-Shêma</i>, ainsi que les Arabes <span class="pagenum"><a name="Page_118" id="Page_118">118</a></span> nomment cette forteresse, nous contournons une partie de l'enceinte et traversons des -monceaux de ruines qui nous sparent de la mosque d'Anir. Ces ruines -sont tout ce qui reste de Fostt, la premire ville que btirent les -envahisseurs musulmans sur la terre d'gypte. On retrouve encore moins -de traces de l'antique Misr qui entourait Babylone et tait situe au -bord du Nil, avant que les eaux de ce fleuve ne se fussent retires dans +monceaux de ruines qui nous séparent de la mosquée d'Anir. Ces ruines +sont tout ce qui reste de Fostât, la première ville que bâtirent les +envahisseurs musulmans sur la terre d'Égypte. On retrouve encore moins +de traces de l'antique Misr qui entourait Babylone et était située au +bord du Nil, avant que les eaux de ce fleuve ne se fussent retirées dans leur lit actuel.</p> -<p>Je ne prtends ni raconter l'gypte du moyen ge, ni rivaliser avec -l'œuvre de Stanley Lane Poole; mais ce voyage veillant une curiosit -plus archologique encore qu'esthtique, quelques mots sur le -dveloppement progressif du Caire ne me semblent pas dplacs.</p> - -<p>Lorsqu'Anir assigeait la forteresse que nous venons de quitter, il -planta sa tente l'endroit mme o s'lve aujourd'hui sa mosque. Une -gracieuse lgende raconte comment ce lieu lui devint cher. Aprs la -prise de Babylone, Anir se prparait partir pour Alexandrie, dont le -peuple, fidle l'empereur Hraclius, se dfendait encore. Des soldats -furent envoys pour plier et emporter la tente. Une tourterelle y avait -fait son nid et couvait. Les soldats rapportant <span class="pagenum"><a name="Page_119" id="Page_119">119</a></span> cet incident leur -gnral, Anir ordonna d'abandonner la tente afin de ne point troubler -l'oiseau, et, aprs la prise d'Alexandrie, la tente, surmonte du nid de -tourterelle, fut retrouve intacte. Depuis, cet endroit demeura sacr, -et la premire mosque d'gypte fut rige en mmoire de ce simple -incident. <i>El Fostt</i> ou <i>la ville de la Tente</i>, fut le noyau de la cit -qui grandit au nord de cette mosque. Les terrains vagues, parsems de -ruines, qui sparent El Fostt du Caire, furent jadis un faubourg de la -ville d'El-Askr ou <i>les cantonnements</i>, qui s'leva en 750, au moment -o les Califes Abbasides succdrent aux Califes Omayad. Le Gouverneur y -btit son palais, et ce faubourg devint bientt pour El Fostt ce que le -West-End de Londres est pour la mtropole. Plus au nord s'tendaient les -btiments affects aux diverses nationalits qui formaient la suite de -l'mir. Ce fut lorsqu'Ibn-Tuln vint comme premier reprsentant du -Calife de Turquie, gouverneur d'gypte en 868, que l'emplacement de ces -btiments fut choisi pour son palais. El-Askr s'tendait jusqu' la -colline de Yeshkur, derrire laquelle s'lvent les murailles de la -capitale actuelle, comprenant la mosque de Tuln dont nous avons parl -plus haut. Fostt et El-Askr <span class="pagenum"><a name="Page_120" id="Page_120">120</a></span> perdirent de leur importance, -mesure que s'levait le nouveau faubourg royal, et rien n'en reste -aujourd'hui, si ce n'est cette mosque en ruines. El Katai, ou <i>les -baraquements</i>, eut un meilleur sort; elle devint une cit prospre dont +<p>Je ne prétends ni raconter l'Égypte du moyen âge, ni rivaliser avec +l'œuvre de Stanley Lane Poole; mais ce voyage éveillant une curiosité +plus archéologique encore qu'esthétique, quelques mots sur le +développement progressif du Caire ne me semblent pas déplacés.</p> + +<p>Lorsqu'Anir assiégeait la forteresse que nous venons de quitter, il +planta sa tente à l'endroit même où s'élève aujourd'hui sa mosquée. Une +gracieuse légende raconte comment ce lieu lui devint cher. Après la +prise de Babylone, Anir se préparait à partir pour Alexandrie, dont le +peuple, fidèle à l'empereur Héraclius, se défendait encore. Des soldats +furent envoyés pour plier et emporter la tente. Une tourterelle y avait +fait son nid et couvait. Les soldats rapportant <span class="pagenum"><a name="Page_119" id="Page_119">119</a></span> cet incident à leur +général, Anir ordonna d'abandonner la tente afin de ne point troubler +l'oiseau, et, après la prise d'Alexandrie, la tente, surmontée du nid de +tourterelle, fut retrouvée intacte. Depuis, cet endroit demeura sacré, +et la première mosquée d'Égypte fut érigée en mémoire de ce simple +incident. <i>El Fostât</i> ou <i>la ville de la Tente</i>, fut le noyau de la cité +qui grandit au nord de cette mosquée. Les terrains vagues, parsemés de +ruines, qui séparent El Fostât du Caire, furent jadis un faubourg de la +ville d'El-Askâr ou <i>les cantonnements</i>, qui s'éleva en 750, au moment +où les Califes Abbasides succédèrent aux Califes Omayad. Le Gouverneur y +bâtit son palais, et ce faubourg devint bientôt pour El Fostât ce que le +West-End de Londres est pour la métropole. Plus au nord s'étendaient les +bâtiments affectés aux diverses nationalités qui formaient la suite de +l'Émir. Ce fut lorsqu'Ibn-Tulûn vint comme premier représentant du +Calife de Turquie, gouverneur d'Égypte en 868, que l'emplacement de ces +bâtiments fut choisi pour son palais. El-Askâr s'étendait jusqu'à la +colline de Yeshkur, derrière laquelle s'élèvent les murailles de la +capitale actuelle, comprenant la mosquée de Tulûn dont nous avons parlé +plus haut. Fostât et El-Askâr <span class="pagenum"><a name="Page_120" id="Page_120">120</a></span> perdirent de leur importance, à +mesure que s'élevait le nouveau faubourg royal, et rien n'en reste +aujourd'hui, si ce n'est cette mosquée en ruines. El Katai, ou <i>les +baraquements</i>, eut un meilleur sort; elle devint une cité prospère dont les historiens arabes ne se lassent point de vanter la splendeur; son -emplacement est couvert de maisons plus rcentes et seule la mosque -dserte qui porte son nom survit au glorieux faubourg que btit -Ibn-Tuln et que son fils Khumrenyeh embellit. Les descriptions de ce -palais, la <i>Maison Dore</i>, le <i>Pavillon d't</i>, ou <i>le Dme de l'air</i>, -et les jardins et les fontaines inspirrent sans doute les auteurs des +emplacement est couvert de maisons plus récentes et seule la mosquée +déserte qui porte son nom survit au glorieux faubourg que bâtit +Ibn-Tulûn et que son fils Khumârenyeh embellit. Les descriptions de ce +palais, la <i>Maison Dorée</i>, le <i>Pavillon d'Été</i>, ou <i>le Dôme de l'air</i>, +et les jardins et les fontaines inspirèrent sans doute les auteurs des <i>Mille et une nuits</i> plus que les richesses d'Haroun-al-Raschid, moins luxueuses que celles de ses successeurs.</p> -<p>La mosque que fit lever Anir, et qui fut la premire construite en -gypte, n'est pas arrive intacte jusqu' nous. <i>La Couronne des -Mosques</i>, ainsi que les guerriers arabes appelrent leur premire -mosque leve en terre conquise, tait de structure plutt modeste, -diffrente de ce qu'elle devint plus tard sous l'influence artistique -des Coptes et des gouverneurs turcs. Elle fut rebtie dans de plus -grandes proportions deux sicles plus tard, et restaure en 1798 <span class="pagenum"><a name="Page_121" id="Page_121">121</a></span> +<p>La mosquée que fit élever Anir, et qui fut la première construite en +Égypte, n'est pas arrivée intacte jusqu'à nous. <i>La Couronne des +Mosquées</i>, ainsi que les guerriers arabes appelèrent leur première +mosquée élevée en terre conquise, était de structure plutôt modeste, +différente de ce qu'elle devint plus tard sous l'influence artistique +des Coptes et des gouverneurs turcs. Elle fut rebâtie dans de plus +grandes proportions deux siècles plus tard, et restaurée en 1798 <span class="pagenum"><a name="Page_121" id="Page_121">121</a></span> par Murad Bey. La plus grande partie de ce que nous voyons, date par -consquent du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> sicle; elle peut donc toujours s'enorgueillir d'tre -la premire mosque du Caire. Les colonnes de marbre soutenant l'immense -arcade provenaient d'glises chrtiennes pilles, et le fait qu'elles ne -correspondaient point les unes aux autres sembla inquiter fort peu les -architectes: on raccourcit l'une, on allongea l'autre, de manire les -rendre gales. On aurait pu tout de mme, mon humble avis, s'arranger -de faon ne pas mettre les chapiteaux l'envers!</p> - -<p>Les guides vous montreront la colonne faisant face la chaire, avec le -<i>Kurbg</i> du Prophte dessin par les veines mmes du marbre, et vous -diront comment cette colonne vola travers l'espace, de la Kaaba la -Mecque, jusqu' Anir, afin de l'aider orner sa mosque. Leur -chronologie laisse quelque peu dsirer, mais leurs contes sont -amusants. Une prophtie dit que l'Islam tombera en ruines en mme temps -que cette mosque, mais en juger par le peu d'entretien dont elle est -l'objet, il me semble que les fidles ne doivent gure ajouter foi la -prdiction. Une promenade pied ou dos d'ne, d'ici aux tombes des -Mamelouks, est charmante. Les lueurs du couchant <span class="pagenum"><a name="Page_122" id="Page_122">122</a></span> allument les dmes -de la citadelle-mosque, qui de loin a un aspect imposant, puis ce sont -les collines de Mokattam, avec, plus loin, la petite mosque de Giyshi. -Une grande ombre ple couvre l'arrire-plan et cache de ses effets de -clair-obscur les dtails infrieurs du tableau. Les derniers rayons du -soleil dorent ces collines, puis les vtent d'une teinte orange qui se -fond bientt dans l'ombre rose du couchant.</p> - -<p>Les tombes des Mamelouks sont moins intressantes que celles des +conséquent du <span class="smcap">IX</span><sup>e</sup> siècle; elle peut donc toujours s'enorgueillir d'être +la première mosquée du Caire. Les colonnes de marbre soutenant l'immense +arcade provenaient d'églises chrétiennes pillées, et le fait qu'elles ne +correspondaient point les unes aux autres sembla inquiéter fort peu les +architectes: on raccourcit l'une, on allongea l'autre, de manière à les +rendre égales. On aurait pu tout de même, à mon humble avis, s'arranger +de façon à ne pas mettre les chapiteaux à l'envers!</p> + +<p>Les guides vous montreront la colonne faisant face à la chaire, avec le +<i>Kurbûg</i> du Prophète dessiné par les veines mêmes du marbre, et vous +diront comment cette colonne vola à travers l'espace, de la Kaaba à la +Mecque, jusqu'à Anir, afin de l'aider à orner sa mosquée. Leur +chronologie laisse quelque peu à désirer, mais leurs contes sont +amusants. Une prophétie dit que l'Islam tombera en ruines en même temps +que cette mosquée, mais à en juger par le peu d'entretien dont elle est +l'objet, il me semble que les fidèles ne doivent guère ajouter foi à la +prédiction. Une promenade à pied ou à dos d'âne, d'ici aux tombes des +Mamelouks, est charmante. Les lueurs du couchant <span class="pagenum"><a name="Page_122" id="Page_122">122</a></span> allument les dômes +de la citadelle-mosquée, qui de loin a un aspect imposant, puis ce sont +les collines de Mokattam, avec, plus loin, la petite mosquée de Giyûshi. +Une grande ombre pâle couvre l'arrière-plan et cache de ses effets de +clair-obscur les détails inférieurs du tableau. Les derniers rayons du +soleil dorent ces collines, puis les vêtent d'une teinte orangée qui se +fond bientôt dans l'ombre rosée du couchant.</p> + +<p>Les tombes des Mamelouks sont moins intéressantes que celles des soi-disant Califes, mais la promenade, au coucher du soleil, laisse une -impression durable. Nous rentrons en ville par la Bb-el-Karfeh, et le -tramway nous conduit jusqu' Esbekyeh.</p> +impression durable. Nous rentrons en ville par la Bâb-el-Karâfeh, et le +tramway nous conduit jusqu'à Esbekîyeh.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -2486,235 +2447,235 @@ tramway nous conduit jusqu' Esbekyeh.</p> LES PYRAMIDES<a name="ch_10" id="ch_10"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">La dcouverte des gants de pierre.</span> || <span class="smcap">Quelques curieuses valuations -matrielles.</span> || <span class="smcap">Le sphinx.</span> || <span class="smcap">Les gate-plaisir.</span> || <span class="smcap">Des Pyramides de -Giseh au Sakkara.</span> || <span class="smcap">La Tombe de Tyi.</span> || <span class="smcap">Retour dans le soir color.</span></p> +<p class="subtitle"><span class="smcap">La «découverte» des géants de pierre.</span> || <span class="smcap">Quelques curieuses évaluations +matérielles.</span> || <span class="smcap">Le sphinx.</span> || <span class="smcap">Les «gate-plaisir.»</span> || <span class="smcap">Des Pyramides de +Giseh au Sakkara.</span> || <span class="smcap">La Tombe de Tyi.</span> || <span class="smcap">Retour dans le soir coloré.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">L</span><span class="smcap">e</span> grand vnement d'un sjour au Caire est la premire excursion aux +<p class="noindent"><span class="firstletter">L</span><span class="smcap">e</span> grand événement d'un séjour au Caire est la première excursion aux Pyramides. Personne n'ignore leur aspect, leurs dimensions et leur -histoire, car aucune œuvre de l'activit humaine ne fut plus souvent -dcrite; mais personne, avant de s'tre trouv sur le plateau o s'lve -l'imposante tombe de Chops, ne comprend l'espce de terreur qu'elles -inspirent. Ce sentiment augmente graduellement mesure qu'on parcourt -les 5 kilomtres de la route de Gzeh, d'o on les dcouvre devant soi. -D'abord, elles semblent petites, compares aux objets du premier plan, -puis, aprs 2 ou 3 kilomtres, on prouve encore une sorte de -dsappointement en les regardant. Leurs dimensions <span class="pagenum"><a name="Page_124" id="Page_124">124</a></span> augmentent +histoire, car aucune œuvre de l'activité humaine ne fut plus souvent +décrite; mais personne, avant de s'être trouvé sur le plateau où s'élève +l'imposante tombe de Chéops, ne comprend l'espèce de terreur qu'elles +inspirent. Ce sentiment augmente graduellement à mesure qu'on parcourt +les 5 kilomètres de la route de Gîzeh, d'où on les découvre devant soi. +D'abord, elles semblent petites, comparées aux objets du premier plan, +puis, après 2 ou 3 kilomètres, on éprouve encore une sorte de +désappointement en les regardant. Leurs dimensions <span class="pagenum"><a name="Page_124" id="Page_124">124</a></span> augmentent à mesure qu'on approche, mais pas au point qu'on pourrait supposer. On ne -commence bien les juger qu'en arrivant la limite des terrains -cultivs, et alors c'est l'impression complte, dans toute sa force, -surtout lorsque, parvenant au bord du dsert, on se trouve aux pieds de -la Grande Pyramide. Ayant gravi le plateau qui lui sert de pidestal, on -est positivement cras par cette masse gigantesque, assise sur le roc -et environne d'une immense plaine de sable. Que ne donnerait-on pour +commence à bien les juger qu'en arrivant à la limite des terrains +cultivés, et alors c'est l'impression complète, dans toute sa force, +surtout lorsque, parvenant au bord du désert, on se trouve aux pieds de +la Grande Pyramide. Ayant gravi le plateau qui lui sert de piédestal, on +est positivement écrasé par cette masse gigantesque, assise sur le roc +et environnée d'une immense plaine de sable. Que ne donnerait-on pour pouvoir jouir en paix de ce merveilleux spectacle? Mais les Arabes qui -demeurent l depuis si longtemps qu'ils en ont perdu leurs instincts -nomades, prtendent vous faire les honneurs intresss de ce qu'ils -considrent comme leur proprit. On en a lu et appris bien plus qu'ils +demeurent là depuis si longtemps qu'ils en ont perdu leurs instincts +nomades, prétendent vous faire les honneurs intéressés de ce qu'ils +considèrent comme leur propriété. On en a lu et appris bien plus qu'ils ne peuvent vous en dire en leur anglais fantaisiste, et leurs -explications qui viennent troubler vos penses sont absolument -exasprantes. Inutile de chercher les repousser, la grande habitude -qu'ils ont d'tre traits ainsi les a rendus insensibles: partout o +explications qui viennent troubler vos pensées sont absolument +exaspérantes. Inutile de chercher à les repousser, la grande habitude +qu'ils ont d'être traités ainsi les a rendus insensibles: partout où vous irez, ils vous suivront. Des mesures sont prises, sans grand -succs, contre ces importuns.</p> +succès, contre ces importuns.</p> <p>Pour jouir vraiment de la contemplation des Pyramides, <span class="pagenum"><a name="Page_125" id="Page_125">125</a></span> il ne faut pas les visiter en pleine saison. Les caravanes de touristes se -disputant avec leurs conducteurs, se prparant bruyamment djeuner ou - se faire photographier, sont fort rjouissantes vues d'une terrasse -d'htel, mais ici, elles gtent tout fait le caractre du lieu. Avant -ou aprs la saison, on chappe aux touristes, mais jamais aux Bdouins -quteurs de <i>bakschish</i>. S'il faut en croire les on-dit, la police +disputant avec leurs conducteurs, se préparant bruyamment à déjeuner ou +à se faire photographier, sont fort réjouissantes vues d'une terrasse +d'hôtel, mais ici, elles gâtent tout à fait le caractère du lieu. Avant +ou après la saison, on échappe aux touristes, mais jamais aux Bédouins +quêteurs de <i>bakschish</i>. S'il faut en croire les on-dit, la police aurait une part de leurs aubaines, ce qui explique la mollesse avec -laquelle elle dfend l'tranger contre les attaques de ces mendiants. Le -seul moyen efficace qu'on ait propos serait d'acheter le village et de -transporter la population ailleurs. Mais le service des Antiquits, -qui incomberait cette tche, subvient dj pniblement ses frais -courants: il ne saurait donc tre question de raliser cette rforme.</p> - -<p>Une promenade autour de la tombe de Chops vous donne l'ide de sa -dimension. Une distance de 260 mtres spare entre eux les angles et si +laquelle elle défend l'étranger contre les attaques de ces mendiants. Le +seul moyen efficace qu'on ait proposé serait d'acheter le village et de +transporter la population ailleurs. Mais le service des Antiquités, à +qui incomberait cette tâche, subvient déjà péniblement à ses frais +courants: il ne saurait donc être question de réaliser cette réforme.</p> + +<p>Une promenade autour de la tombe de Chéops vous donne l'idée de sa +dimension. Une distance de 260 mètres sépare entre eux les angles et si vous faites le tour de la Pyramide, vous aurez fait plus des trois -quarts d'un kilomtre. Cette base couvre 520 ares, c'est--dire une +quarts d'un kilomètre. Cette base couvre 520 ares, c'est-à-dire une superficie plus grande que celle du square de <ins class="correction" title="Lincol's">Lincoln's</ins> Inn Fields.</p> <p><span class="pagenum"><a name="Page_126" id="Page_126">126</a></span></p> -<p>Les grands blocs superposs en gradins qui, de la route, nous +<p>Les grands blocs superposés en gradins qui, de la route, nous paraissaient de simples briques, mesurent quarante pieds cubes, et, selon le calcul du Professeur Flinders Petrie, deux millions trois cent -mille de ces blocs furent employs la construction de la Pyramide. -L'imagination ne saurait vous reporter soixante sicles en arrire. La -pierre changeant fort peu dans le dsert, sa couleur ne vous aide point. -Il est vrai que ce que nous voyons n'a t expos aux intempries que -durant cinq sicles, toute la couche de granit extrieure ayant t -utilise au Caire, lors de la construction de la mosque d'Hasan. On -s'tonne qu'on n'ait pas tir parti plus tt d'une carrire si commode, -pourvue de pierres toutes tailles.</p> - -<p>La dpense d'activit humaine que ncessitrent ces constructions est -inoue. Le Professeur Flinders Petrie nous explique que les ouvriers n'y -travaillaient que durant la crue du Nil, alors que la terre ne rclamait -point leurs soins; mais, le moment de la crue tant justement le plus -pnible pour l'agriculteur en gypte, ceci me parat inexact. De plus, -il ne faut pas s'imaginer que l'indigne ne souffre pas de la chaleur. -Le <i>fellah</i> a peu chang depuis soixante sicles, et quoique trs brave -travailleur, il mollit sensiblement <span class="pagenum"><a name="Page_127" id="Page_127">127</a></span> pendant les priodes de -chaleur. Hrodote raconte que la construction de cette Pyramide -ncessita le travail de cent mille hommes pendant vingt annes -conscutives, et Flinders Petrie estime que cette valuation est exacte. -Nourrir et discipliner cette arme de travailleurs dut exiger un -merveilleux talent d'organisation. L'extraction de ces pierres 10 -kilomtres plus loin, aux collines de Mokattam, et la faon dont elles -furent tailles et ajustes, font preuve d'une civilisation raffine.</p> - -<p>Je me suis laiss dire qu'un entrepreneur sjournant Mena House, s'est -amus faire un devis de ce que coterait aujourd'hui la Grande -Pyramide, leve avec l'aide de nos machines, et il arriva au chiffre de +mille de ces blocs furent employés à la construction de la Pyramide. +L'imagination ne saurait vous reporter à soixante siècles en arrière. La +pierre changeant fort peu dans le désert, sa couleur ne vous aide point. +Il est vrai que ce que nous voyons n'a été exposé aux intempéries que +durant cinq siècles, toute la couche de granit extérieure ayant été +utilisée au Caire, lors de la construction de la mosquée d'Hasan. On +s'étonne qu'on n'ait pas tiré parti plus tôt d'une carrière si commode, +pourvue de pierres toutes taillées.</p> + +<p>La dépense d'activité humaine que nécessitèrent ces constructions est +inouïe. Le Professeur Flinders Petrie nous explique que les ouvriers n'y +travaillaient que durant la crue du Nil, alors que la terre ne réclamait +point leurs soins; mais, le moment de la crue étant justement le plus +pénible pour l'agriculteur en Égypte, ceci me paraît inexact. De plus, +il ne faut pas s'imaginer que l'indigène ne souffre pas de la chaleur. +Le <i>fellah</i> a peu changé depuis soixante siècles, et quoique très brave +travailleur, il mollit sensiblement <span class="pagenum"><a name="Page_127" id="Page_127">127</a></span> pendant les périodes de +chaleur. Hérodote raconte que la construction de cette Pyramide +nécessita le travail de cent mille hommes pendant vingt années +consécutives, et Flinders Petrie estime que cette évaluation est exacte. +Nourrir et discipliner cette armée de travailleurs dut exiger un +merveilleux talent d'organisation. L'extraction de ces pierres à 10 +kilomètres plus loin, aux collines de Mokattam, et la façon dont elles +furent taillées et ajustées, font preuve d'une civilisation raffinée.</p> + +<p>Je me suis laissé dire qu'un entrepreneur séjournant à Mena House, s'est +amusé à faire un devis de ce que coûterait aujourd'hui la Grande +Pyramide, élevée avec l'aide de nos machines, et il arriva au chiffre de six millions. Il serait curieux de savoir combien cette construction a -cot en son temps.</p> +coûté en son temps.</p> -<p>Nous n'avons parl jusqu'ici que d'une seule pyramide; celle de Kphren +<p>Nous n'avons parlé jusqu'ici que d'une seule pyramide; celle de Képhren est aussi importante, et il en existe encore une grande et six plus petites. Ce groupe de pyramides constitue la plus ancienne et la plus belle des <i>sept merveilles du monde</i>, la seule du reste qu'il nous soit encore permis d'admirer.</p> -<p>A quelque distance de l nous nous trouvons face face avec le Sphinx, -dont la tte gigantesque se <span class="pagenum"><a name="Page_128" id="Page_128">128</a></span> dtache rudement sur le bleu magnifique +<p>A quelque distance de là nous nous trouvons face à face avec le Sphinx, +dont la tête gigantesque se <span class="pagenum"><a name="Page_128" id="Page_128">128</a></span> détache rudement sur le bleu magnifique du ciel.</p> -<p>Le nez et la lvre suprieure manquent, ainsi que la barbe. Le contour -gnral des paules est visible, mais on a peine discerner d'autres -dtails dans le bloc de rocher o ce buste colossal fut taill. -Pourtant, en reculant sur l'troite plate-forme qui contourne cette +<p>Le nez et la lèvre supérieure manquent, ainsi que la barbe. Le contour +général des épaules est visible, mais on a peine à discerner d'autres +détails dans le bloc de rocher où ce buste colossal fut taillé. +Pourtant, en reculant sur l'étroite plate-forme qui contourne cette masse, on distingue vaguement le dessin d'un avant-bras et de quelques -doigts. Le dessin des yeux et des lvres est encore assez net pour qu'on -puisse y voir cet air d'impassibilit que les grands artistes gyptiens -ont donn leurs dieux et leurs Pharaons. Quel est le Pharaon que -reprsente ou qui fit construire le Sphinx? C'est un point sur lequel -les gyptologues ne sont pas d'accord. Il est certain en tout cas que le -sculpteur qui tailla ce buste chercha moins lui donner une -ressemblance qu' en faire en quelque sorte le symbole de la royaut +doigts. Le dessin des yeux et des lèvres est encore assez net pour qu'on +puisse y voir cet air d'impassibilité que les grands artistes égyptiens +ont donné à leurs dieux et à leurs Pharaons. Quel est le Pharaon que +représente ou qui fit construire le Sphinx? C'est un point sur lequel +les égyptologues ne sont pas d'accord. Il est certain en tout cas que le +sculpteur qui tailla ce buste chercha moins à lui donner une +ressemblance qu'à en faire en quelque sorte le symbole de la royauté absolue.</p> <div class="figcenter2" style="width: 556px;"><a name="pl_21" id="pl_21"></a> <img src="images/after-page-128.jpg" alt="" title="" width="554" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-128.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Une excursion des Pyramides de Gseh au Sakkra est dlicieuse. Longeant -le dsert pendant une heure ou deux, nous dpassons les Pyramides de -Zniyer, et, continuant notre course pendant le mme espace de temps, +<p>Une excursion des Pyramides de Gîseh au Sakkâra est délicieuse. Longeant +le désert pendant une heure ou deux, nous dépassons les Pyramides de +Zâniyer, et, continuant notre course pendant le même espace de temps, nous rencontrons encore tout un groupe de pyramides: mais, tout pleins -de celles de Chops et de Kphren, nous jetons un coup d'œil peine -indulgent <span class="pagenum"><a name="Page_129" id="Page_129">129</a></span> sur ces monuments trop ruins. Le paysage, droite, -est en contraste frappant avec celui de gauche: d'un ct, la -rverbration crue du grand dsert; de l'autre, une vgtation frache -et reposante. La large bande de couleur est coupe et l par des -villages et par le ruban gris des routes. Les collines du dsert arabe, +de celles de Chéops et de Képhren, nous jetons un coup d'œil à peine +indulgent <span class="pagenum"><a name="Page_129" id="Page_129">129</a></span> sur ces monuments trop ruinés. Le paysage, à droite, +est en contraste frappant avec celui de gauche: d'un côté, la +réverbération crue du grand désert; de l'autre, une végétation fraîche +et reposante. La large bande de couleur est coupée çà et là par des +villages et par le ruban gris des routes. Les collines du désert arabe, beaucoup plus imposantes que celles qui nous cachent le grand Sahara, -constituent un fond trs pittoresque. L'gypte est en vrit le Don de -la Rivire.</p> +constituent un fond très pittoresque. L'Égypte est en vérité «le Don de +la Rivière».</p> -<p>Une race part peuple cette contre. Le Bedari est trs diffrent du -<i>fellah</i>. Les Bdouins tablis autour des Pyramides depuis des sicles -sont mpriss par leurs frres nomades; ils ont d'ailleurs perdu les -qualits et les traits gnriques qui rendent ces derniers si -intressants.</p> +<p>Une race à part peuple cette contrée. Le Bedari est très différent du +<i>fellah</i>. Les Bédouins établis autour des Pyramides depuis des siècles +sont méprisés par leurs frères nomades; ils ont d'ailleurs perdu les +qualités et les traits génériques qui rendent ces derniers si +intéressants.</p> -<p>Nous arrivons bientt en vue du village de Mit Rahneh, qui s'lve sur +<p>Nous arrivons bientôt en vue du village de Mit Rahîneh, qui s'élève sur le site de Memphis.</p> -<p>Des ornires dans le sable nous obligent choisir avec prcaution notre -chemin, et les sombres ouvertures des tombes creuses dans les falaises -basses, nous montrent que nous sommes dans un vaste cimetire. Des -dbris de tombes violes jonchent le sol, mais la brillante lumire et +<p>Des ornières dans le sable nous obligent à choisir avec précaution notre +chemin, et les sombres ouvertures des tombes creusées dans les falaises +basses, nous montrent que nous sommes dans un vaste cimetière. Des +débris de tombes violées jonchent le sol, mais la brillante lumière et le scintillement du terrain <span class="pagenum"><a name="Page_130" id="Page_130">130</a></span> sablonneux et sec font diversion au -sentiment d'horreur que nous ne manquerions pas d'prouver la vue d'un -cimetire europen ainsi profan. La <i>Pyramide marches</i>, entoure -d'autres pyramides plus petites, domine la scne.</p> - -<p>Aprs le djeuner, on nous conduit au Srapenen. Je n'ai point -l'intention de m'tendre sur l'intrt archologique que prsentent les -monuments clbres groups sous ce nom. La faon dont Mariette dcouvrit -les tombes d'Apis, en lisant un passage de Strabon, est raconte par -Amlia H. Edwards dans son livre <i>Mille lieues sur le Nil</i>. Les -impressions de cet auteur sur sa visite au Sakkra me dispensent de rien +sentiment d'horreur que nous ne manquerions pas d'éprouver à la vue d'un +cimetière européen ainsi profané. La <i>Pyramide à marches</i>, entourée +d'autres pyramides plus petites, domine la scène.</p> + +<p>Après le déjeuner, on nous conduit au Sérapenen. Je n'ai point +l'intention de m'étendre sur l'intérêt archéologique que présentent les +monuments célèbres groupés sous ce nom. La façon dont Mariette découvrit +les tombes d'Apis, en lisant un passage de Strabon, est racontée par +Amélia H. Edwards dans son livre <i>Mille lieues sur le Nil</i>. Les +impressions de cet auteur sur sa visite au Sakkâra me dispensent de rien ajouter sur ce sujet. Je n'ai d'ailleurs pas de souvenir notoire de ma -promenade sous les votes basses, pauvrement claires, qui contiennent -les sarcophages des taureaux sacrs.</p> - -<p>La tombe de Tyi, qui fait poque dans l'histoire de l'art, m'a intress -davantage. Les bas-reliefs qui ornent les murailles de ce spulcre de la -cinquime dynastie, peuvent se comparer aux travaux d'art plus solides -de la dix-huitime dynastie. Le dveloppement de l'gypte ne fut point -continu. Parvenu son apoge au cinquime sicle, il dclina, <span class="pagenum"><a name="Page_131" id="Page_131">131</a></span> puis -cessa presque d'tre pendant les sicles suivants; il reprit nouveau -au onzime sicle, pour s'arrter compltement pendant les ges sombres -de Hyksos. Mais l'Art, en cette race privilgie, semble tre immortel, -car peine les Thothiens eurent-ils dbarrass leur pays des tyrans -trangers, qu'il reconquit rapidement sa gloire passe et la surpassa, -avant que Ramss II ne le plit au joug de sa glorification personnelle.</p> - -<p>Ici, de mme que dans les œuvres vues Debr-el-Bahri, la qualit de -la pierre a permis le travail le plus dlicat, et les silhouettes, dans -les deux cas, sont fermement et purement dessines, bien que le relief -en soit trs lger. Comme elles sont trs colores, un relief plus -accentu tait inutile. Malgr le grand laps de temps qui spare les -deux œuvres, beaucoup de caractristiques semblables se retrouvent -dans le temple de Hatshepsu, Dr-el-Bahri, et il est vident que l'art -de ce temple n'est que le dveloppement de celui de ces peintures +promenade sous les voûtes basses, pauvrement éclairées, qui contiennent +les sarcophages des taureaux sacrés.</p> + +<p>La tombe de Tyi, qui fait époque dans l'histoire de l'art, m'a intéressé +davantage. Les bas-reliefs qui ornent les murailles de ce sépulcre de la +cinquième dynastie, peuvent se comparer aux travaux d'art plus solides +de la dix-huitième dynastie. Le développement de l'Égypte ne fut point +continu. Parvenu à son apogée au cinquième siècle, il déclina, <span class="pagenum"><a name="Page_131" id="Page_131">131</a></span> puis +cessa presque d'être pendant les siècles suivants; il reprit à nouveau +au onzième siècle, pour s'arrêter complètement pendant les âges sombres +de Hyksos. Mais l'Art, en cette race privilégiée, semble être immortel, +car à peine les Thothiens eurent-ils débarrassé leur pays des tyrans +étrangers, qu'il reconquit rapidement sa gloire passée et la surpassa, +avant que Ramsès II ne le pliât au joug de sa glorification personnelle.</p> + +<p>Ici, de même que dans les œuvres vues à Debr-el-Bahri, la qualité de +la pierre a permis le travail le plus délicat, et les silhouettes, dans +les deux cas, sont fermement et purement dessinées, bien que le relief +en soit très léger. Comme elles sont très colorées, un relief plus +accentué était inutile. Malgré le grand laps de temps qui sépare les +deux œuvres, beaucoup de caractéristiques semblables se retrouvent +dans le temple de Hatshepsu, à Dîr-el-Bahri, et il est évident que l'art +de ce temple n'est que le développement de celui de ces peintures murales.</p> -<p>Nous reviendrons plus longuement sur l'œuvre de la dix-huitime -dynastie qui, quoique plus subtile et plus fine, nous tonne moins que -ces admirables reliefs de Tyi, qui sont les premires manifestations -d'un art <span class="pagenum"><a name="Page_132" id="Page_132">132</a></span> vivant, survenant aprs une priode de dcadence. L'tude -des tombes de Sakkra nous apprend apprcier la collection unique du -muse du Caire que la ncropole a enrichi de plus d'une œuvre rare.</p> +<p>Nous reviendrons plus longuement sur l'œuvre de la dix-huitième +dynastie qui, quoique plus subtile et plus fine, nous étonne moins que +ces admirables reliefs de Tyi, qui sont les premières manifestations +d'un art <span class="pagenum"><a name="Page_132" id="Page_132">132</a></span> vivant, survenant après une période de décadence. L'étude +des tombes de Sakkâra nous apprend à apprécier la collection unique du +musée du Caire que la nécropole a enrichi de plus d'une œuvre rare.</p> -<p>En allant Bedrashu, o nous prenons le train pour le Caire, nous +<p>En allant à Bedrashîu, où nous prenons le train pour le Caire, nous remarquons des monceaux de ruines qui marquent l'emplacement de Memphis, -et les deux colossales statues de Ramss II. Les villages que nous -rencontrons, avec leurs <i>combumbarius</i> en forme de gigantesques pylnes -et leur pais rideau de palmiers, sont un peu levs au-dessus du niveau -de la plaine, et, de loin, paraissent autant d'les sur une mer -d'meraude. Pendant la crue du Nil, ils deviennent vraiment des les au -sol merveilleusement fertile. Des troupeaux qu'on ramne du pturage, et -bien d'autres pittoresques scnes champtres, rappellent les peintures -murales du temple de Tyi, auxquelles elles servirent de modles, -peut-tre, il y a quelque mille ans. Ces tendues de champs verts se -prtent pourtant encore mieux tre peints lorsque le soleil a dor les -pis, et que la moisson est en train. Les instruments aratoires -perfectionns sont peu connus ici, et le travail du <i>fellah</i> se fait -peu prs <span class="pagenum"><a name="Page_133" id="Page_133">133</a></span> de la mme manire qu'il se faisait au temps des +et les deux colossales statues de Ramsès II. Les villages que nous +rencontrons, avec leurs <i>combumbarius</i> en forme de gigantesques pylônes +et leur épais rideau de palmiers, sont un peu élevés au-dessus du niveau +de la plaine, et, de loin, paraissent autant d'îles sur une mer +d'émeraude. Pendant la crue du Nil, ils deviennent vraiment des îles au +sol merveilleusement fertile. Des troupeaux qu'on ramène du pâturage, et +bien d'autres pittoresques scènes champêtres, rappellent les peintures +murales du temple de Tyi, auxquelles elles servirent de modèles, +peut-être, il y a quelque mille ans. Ces étendues de champs verts se +prêtent pourtant encore mieux à être peints lorsque le soleil a doré les +épis, et que la moisson est en train. Les instruments aratoires +perfectionnés sont peu connus ici, et le travail du <i>fellah</i> se fait à +peu près <span class="pagenum"><a name="Page_133" id="Page_133">133</a></span> de la même manière qu'il se faisait au temps des Pharaons.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_22" id="pl_22"></a> -<img src="images/after-page-132.jpg" alt="AAHMES, MRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI" title="AAHMES, MRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI" width="400" height="608" /> +<img src="images/after-page-132.jpg" alt="AAHMES, MÈRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI" title="AAHMES, MÈRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI" width="400" height="608" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-132.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Les femmes, revenant de la rivire, des cruches pleines sur la tte, -sont vtues comme leurs sœurs des villes, mais non voiles. Le -<i>yashmak</i> rendrait leur dur labeur intolrable. Mais elles dtournent -les yeux en rencontrant des <i>Firangi</i>, ou ramnent sur leur visage le -voile qui coiffe leur tte, preuve que l'antique loi vit toujours en +<p>Les femmes, revenant de la rivière, des cruches pleines sur la tête, +sont vêtues comme leurs sœurs des villes, mais non voilées. Le +<i>yashmak</i> rendrait leur dur labeur intolérable. Mais elles détournent +les yeux en rencontrant des <i>Firangi</i>, ou ramènent sur leur visage le +voile qui coiffe leur tête, preuve que l'antique loi vit toujours en elles.</p> -<p>Le paysage, pendant les 15 kilomtres de voyage en chemin de fer, est +<p>Le paysage, pendant les 15 kilomètres de voyage en chemin de fer, est magnifique; les lueurs du couchant donnent un vif relief au Gebel Turra, -et au del de Helouan, sur la rive du Nil, de dlicates ombres violettes -estompent les masses rocheuses sur le fond de ciel noy d'or. Les -villages se silhouettent finement contre la pnombre du dsert Lybien, +et au delà de Helouan, sur la rive du Nil, de délicates ombres violettes +estompent les masses rocheuses sur le fond de ciel noyé d'or. Les +villages se silhouettent finement contre la pénombre du désert Lybien, et les groupes de palmiers se dressent dans l'air calme. Avant d'arriver -au Caire, les rails suivent la rive; la lumire, rose prsent, -idalise les voiles des <i>gyassas</i> et se rpte, en ton plus doux, sur -les lointaines collines du Mokattam. Prs de Zreh, le clair-obscur -prte son mystre quelques personnages sur le bord du Nil, et la -petite ville elle-mme, peu intressante la lumire crue du jour, -s'enveloppe <span class="pagenum"><a name="Page_134" id="Page_134">134</a></span> cette heure d'un charme dlicat. Peu aprs, nous -arrivons au Caire, fatigus, mais heureux de cette belle soire qui -couronne une passionnante journe.</p> +au Caire, les rails suivent la rive; la lumière, rosée à présent, +idéalise les voiles des <i>gyassas</i> et se répète, en ton plus doux, sur +les lointaines collines du Mokattam. Près de Zîreh, le clair-obscur +prête son mystère à quelques personnages sur le bord du Nil, et la +petite ville elle-même, peu intéressante à la lumière crue du jour, +s'enveloppe <span class="pagenum"><a name="Page_134" id="Page_134">134</a></span> à cette heure d'un charme délicat. Peu après, nous +arrivons au Caire, fatigués, mais heureux de cette belle soirée qui +couronne une passionnante journée.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -2725,169 +2686,169 @@ couronne une passionnante journe.</p> D'ALEXANDRIE AU CAIRE<a name="ch_11" id="ch_11"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">La route du Caire</span>, <i>vi</i> <span class="smcap">Alexandrie</span>. || <span class="smcap">Les antiques paysages du Delta.</span> -|| <span class="smcap">Le spulcre du Saint Seyid-el-Bedawi.</span> || <span class="smcap">Une mission dlicate.</span> || -<span class="smcap">Voyage en dahabiyeh.</span></p> - -<p class="noindent"><span class="firstletter">J</span><span class="smcap">e</span> quittai l'gypte peu aprs ma visite Sakkra, et les hivers -suivants me trouvrent travaillant en Europe. Je songeais souvent avec -une sorte de nostalgie au climat ensoleill de la valle du Nil; -frissonnant dans quelque ville italienne, ou cherchant m'abriter de la -pluie en France ou en Angleterre, je pensais avec regret cette -dlicieuse excursion Sakkra. Une commande d'aquarelles gyptiennes me -permit enfin de reprendre la route du Caire, <i>vi</i> Alexandrie cette +<p class="subtitle"><span class="smcap">La route du Caire</span>, <i>viâ</i> <span class="smcap">Alexandrie</span>. || <span class="smcap">Les antiques paysages du Delta.</span> +|| <span class="smcap">Le sépulcre du Saint Seyid-el-Bedawi.</span> || <span class="smcap">Une mission délicate.</span> || +<span class="smcap">Voyage en «dahabiyeh».</span></p> + +<p class="noindent"><span class="firstletter">J</span><span class="smcap">e</span> quittai l'Égypte peu après ma visite à Sakkâra, et les hivers +suivants me trouvèrent travaillant en Europe. Je songeais souvent avec +une sorte de nostalgie au climat ensoleillé de la vallée du Nil; +frissonnant dans quelque ville italienne, ou cherchant à m'abriter de la +pluie en France ou en Angleterre, je pensais avec regret à cette +délicieuse excursion à Sakkâra. Une commande d'aquarelles égyptiennes me +permit enfin de reprendre la route du Caire, <i>viâ</i> Alexandrie cette fois.</p> -<p>La route du Caire, <i>vi</i> Alexandrie, donne une autre ide de la contre -que le voyage de Port-Sad.</p> +<p>La route du Caire, <i>viâ</i> Alexandrie, donne une autre idée de la contrée +que le voyage de Port-Saïd.</p> -<p>J'ai essay de dcrire la route de Port-Sad; il <span class="pagenum"><a name="Page_136" id="Page_136">136</a></span> peut tre -intressant de me suivre dans mon voyage travers le Delta jusqu' -l'gypte suprieure.</p> +<p>J'ai essayé de décrire la route de Port-Saïd; il <span class="pagenum"><a name="Page_136" id="Page_136">136</a></span> peut être +intéressant de me suivre dans mon voyage à travers le Delta jusqu'à +l'Égypte supérieure.</p> -<p>Pendant la premire heure de ce voyage on passe travers de prospres -faubourgs, btis grands frais avec un minimum de got artistique. Le -manque d'ombre et peut-tre le dsir de cacher les fautes d'architecture -ont pouss les propritaires de ces btisses soigner tout -particulirement les jardins, ce qui fait que ces constructions sont -pour la plupart entoures d'un fouillis d'arbres et d'arbustes qui les -drobent aux regards.</p> +<p>Pendant la première heure de ce voyage on passe à travers de prospères +faubourgs, bâtis à grands frais avec un minimum de goût artistique. Le +manque d'ombre et peut-être le désir de cacher les fautes d'architecture +ont poussé les propriétaires de ces bâtisses à soigner tout +particulièrement les jardins, ce qui fait que ces constructions sont +pour la plupart entourées d'un fouillis d'arbres et d'arbustes qui les +dérobent aux regards.</p> -<p>Le train longe la cte sur une longueur de quelques kilomtres, mais ds -que la partie nord du Lac Maryt est contourne, nous nous trouvons dans -les riches terres du Delta et le paysage change compltement. Plus de +<p>Le train longe la côte sur une longueur de quelques kilomètres, mais dès +que la partie nord du Lac Maryût est contournée, nous nous trouvons dans +les riches terres du Delta et le paysage change complètement. Plus de villas; l'oriental <i>tarboush</i> fait place au turban du <i>fellah</i>; -l'automobile est remplace par l'ne ou le chameau. Les villages n'ont -pas d se transformer beaucoup depuis le temps des Enfants d'Isral, -employs au service peu profitable des Pharaons. Les maisons, comme -alors, sont bties en briques faites de boue dessche; on y voit les -mmes toits de chaume ou de troncs de palmiers; les dmes aussi devaient -exister dans ce temps-l, car nous <span class="pagenum"><a name="Page_137" id="Page_137">137</a></span> retrouvons cette forme de +l'automobile est remplacée par l'âne ou le chameau. Les villages n'ont +pas dû se transformer beaucoup depuis le temps des Enfants d'Israël, +employés au service peu profitable des Pharaons. Les maisons, comme +alors, sont bâties en briques faites de boue desséchée; on y voit les +mêmes toits de chaume ou de troncs de palmiers; les dômes aussi devaient +exister dans ce temps-là, car nous <span class="pagenum"><a name="Page_137" id="Page_137">137</a></span> retrouvons cette forme de toiture dans les documents dynastiques. Chaque envahisseur respecta les -choses tablies, comme convenant le mieux la contre, et bien que le -culte d'Isis ft remplac par celui du Christ, puis tous deux par le -puissant Islam, il n'y eut l, en somme, qu'une volution morale, qui -n'altra point le paysage, et l'aspect de cette partie de l'gypte -changea moins en quatre mille ans que celui d'un comt anglais en quatre -sicles.</p> +choses établies, comme convenant le mieux à la contrée, et bien que le +culte d'Isis fût remplacé par celui du Christ, puis tous deux par le +puissant Islam, il n'y eut là, en somme, qu'une évolution morale, qui +n'altéra point le paysage, et l'aspect de cette partie de l'Égypte +changea moins en quatre mille ans que celui d'un comté anglais en quatre +siècles.</p> <p>Le minaret, qui indique le changement de foi, est fort rare ici, tous -les matriaux de construction tant trs chers. Un enclos carr de -briques en boue dessche au soleil, orn de motifs arabes autour de -l'entre, sert de mosque au village. Sur les toits des maisons schent -des graines, des lgumes ou des plantes, et l'on y remarque souvent des -cruches brises o les tourterelles font leurs nids. Les hommes et les -btes vivent ensemble. Un excellent systme d'irrigation a tendu la -partie de terres cultives, mais le spectacle qui frappe notre vue -aujourd'hui diffre probablement peu de celui que rencontraient les yeux +les matériaux de construction étant très chers. Un enclos carré de +briques en boue desséchée au soleil, orné de motifs arabes autour de +l'entrée, sert de mosquée au village. Sur les toits des maisons sèchent +des graines, des légumes ou des plantes, et l'on y remarque souvent des +cruches brisées où les tourterelles font leurs nids. Les hommes et les +bêtes vivent ensemble. Un excellent système d'irrigation a étendu la +partie de terres cultivées, mais le spectacle qui frappe notre vue +aujourd'hui diffère probablement peu de celui que rencontraient les yeux de Joseph lorsqu'il exploitait les terres du Pharaon.</p> -<p>Le magnifique paysage s'tend vers l'est, parsem de villages, coup de -temps autre de bosquets de <span class="pagenum"><a name="Page_138" id="Page_138">138</a></span> palmiers. Le grincement d'un <i>sakiyah</i> -nous arrive travers le bruit du train et un archaque moulin eau, -actionn par un buffle, passe devant nos yeux.</p> +<p>Le magnifique paysage s'étend vers l'est, parsemé de villages, coupé de +temps à autre de bosquets de <span class="pagenum"><a name="Page_138" id="Page_138">138</a></span> palmiers. Le grincement d'un <i>sakiyah</i> +nous arrive à travers le bruit du train et un archaïque moulin à eau, +actionné par un buffle, passe devant nos yeux.</p> -<p>Nous ne voyons point encore le Nil, bien que de tous cts nous -admirions sa gnreuse influence. Nous apercevons pourtant le Mahmdieh +<p>Nous ne voyons point encore le Nil, bien que de tous côtés nous +admirions sa généreuse influence. Nous apercevons pourtant le Mahmûdieh Canal, la grande œuvre de Mohammed Ali, qui fertilisa ainsi -Alexandrie en la reliant aux grandes eaux d'gypte. De temps autre +Alexandrie en la reliant aux grandes eaux d'Égypte. De temps à autre aussi, le ciel et le paysage se mirent dans les nombreux canaux de moindre importance qui sillonnent le Delta. A la halte de -Kafr-el-Zaiyt, le bras du Nil, Rosetta est devant nous, et nous -remarquons de nombreux btiments chargs des produits de cette riche -contre, apportant des poteries et de la canne sucre de la Haute -gypte. Quelques hangars surmonts de chemines en fer rouill nous -reportent aux laideurs <ins class="correction" title="enropennes">europennes</ins>, mais l'aspect pittoresque des bords -du Nil et l'admirable lumire fluide qui baigne le tableau nous font +Kafr-el-Zaiyât, le bras du Nil, Rosetta est devant nous, et nous +remarquons de nombreux bâtiments chargés des produits de cette riche +contrée, apportant des poteries et de la canne à sucre de la Haute +Égypte. Quelques hangars surmontés de cheminées en fer rouillé nous +reportent aux laideurs <ins class="correction" title="enropéennes">européennes</ins>, mais l'aspect pittoresque des bords +du Nil et l'admirable lumière fluide qui baigne le tableau nous font vite abandonner ce souvenir.</p> -<p>Nous atteignons bientt Tanta, une ville florissante, mi-chemin entre -les deux bras de la rivire qui se sparent au Barrage, prs du Caire. -Le saint Seyid-el-Bedawi est enterr en cet endroit; son spulcre ne -<span class="pagenum"><a name="Page_139" id="Page_139">139</a></span> prsente aucune beaut architecturale, mais il doit tre -intressant de voir les multitudes de plerins mahomtans y affluer le +<p>Nous atteignons bientôt Tanta, une ville florissante, à mi-chemin entre +les deux bras de la rivière qui se séparent au Barrage, près du Caire. +Le saint Seyid-el-Bedawi est enterré en cet endroit; son sépulcre ne +<span class="pagenum"><a name="Page_139" id="Page_139">139</a></span> présente aucune beauté architecturale, mais il doit être +intéressant de voir les multitudes de pèlerins mahométans y affluer le jour de <i>Molid</i>, jour anniversaire de sa naissance. Malheureusement, ce -jour tombe en aot, au gros des chaleurs.</p> +jour tombe en août, au gros des chaleurs.</p> -<p>Aprs Tanta, le train traverse la partie la plus riche de cette fertile -contre, mais le paysage est abm par de nombreux moulins nettoyer le -coton. Puis nous traversons le bras est du Nil en arrivant Bulh; -enfin, jusqu'au Caire, nous parcourons une contre dcrite au +<p>Après Tanta, le train traverse la partie la plus riche de cette fertile +contrée, mais le paysage est abîmé par de nombreux moulins à nettoyer le +coton. Puis nous traversons le bras est du Nil en arrivant à Bulâh; +enfin, jusqu'au Caire, nous parcourons une contrée décrite au commencement de ce livre.</p> -<p>Mon amour de l'gypte et des choses gyptiennes me fait dtester le -quartier europen du Caire o je suis forc de demeurer. Quittant -l'Europe pluvieuse et froide, on devrait tre trop heureux de se trouver -sous ce beau ciel pur et dans ce soleil tincelant; malheureusement, le -vieux Caire qu'on dsire peindre n'offre rien de commun avec le Nouveau -o l'on est contraint de demeurer. Les habitants ont la mme mine -rbarbative que leurs demeures. Leur seule raison d'tre est d'ailleurs -d'corcher l'tranger vite et bien, et de se retirer aprs fortune -faite... Ah! ce morceau d'Europe moderne n'est gure en harmonie avec sa -voisine, la pittoresque cit moyen-ge! <span class="pagenum"><a name="Page_140" id="Page_140">140</a></span> Autrefois, un artiste -pouvait vivre au milieu des choses qu'il dsirait peindre; prsent, -s'il descend dans une auberge o peu de membres de la colonie anglaise -daigneraient s'arrter, il est oblig de payer des prix dignes de la -Riviera. Heureusement, ces deux dernires annes, je pus travailler dans -un milieu qui fut mieux ma convenance: la tente, la <i>dahabiyeh</i>, les -carrires, sont plus de mon got.</p> +<p>Mon amour de l'Égypte et des choses égyptiennes me fait détester le +quartier européen du Caire où je suis forcé de demeurer. Quittant +l'Europe pluvieuse et froide, on devrait être trop heureux de se trouver +sous ce beau ciel pur et dans ce soleil étincelant; malheureusement, le +vieux Caire qu'on désire peindre n'offre rien de commun avec le Nouveau +où l'on est contraint de demeurer. Les habitants ont la même mine +rébarbative que leurs demeures. Leur seule raison d'être est d'ailleurs +d'écorcher l'étranger vite et bien, et de se retirer après fortune +faite... Ah! ce morceau d'Europe moderne n'est guère en harmonie avec sa +voisine, la pittoresque cité moyen-âge! <span class="pagenum"><a name="Page_140" id="Page_140">140</a></span> Autrefois, un artiste +pouvait vivre au milieu des choses qu'il désirait peindre; à présent, +s'il descend dans une auberge où peu de membres de la colonie anglaise +daigneraient s'arrêter, il est obligé de payer des prix dignes de la +Riviera. Heureusement, ces deux dernières années, je pus travailler dans +un milieu qui fut mieux à ma convenance: la tente, la <i>dahabiyeh</i>, les +carrières, sont plus de mon goût.</p> <p>La vie sur une <i>dahabiyeh</i> est pittoresque et charmante. On peut -circuler peu prs partout, en gypte, sur ces bateaux; on s'y installe -confortablement et l'on y runit des amis: c'est l'idal!</p> +circuler à peu près partout, en Égypte, sur ces bateaux; on s'y installe +confortablement et l'on y réunit des amis: c'est l'idéal!</p> -<p>Une partie des terrains qui entourent les monuments historiques ont t -acquis par le Service des Antiquits et il est dfendu d'y camper. Ceci +<p>Une partie des terrains qui entourent les monuments historiques ont été +acquis par le Service des Antiquités et il est défendu d'y camper. Ceci est une mesure en apparence inutile. Cependant, elle est de grande -importance. Il serait difficile de rsister au dsir d'emporter quelque -prcieux dbris d'antiquits si l'on campait autour des excavations o -s'oprent les fouilles. Un Arabe vous offre un scarabe ou un <i>ushabti</i> -bleut et vous vous demandez tout d'abord si l'objet est vritable, s'il -n'a pas t vol? Si l'Arabe est sr que son acheteur n'a rien de commun -avec le Service des fouilles, il avouera mme le vol, comme <span class="pagenum"><a name="Page_141" id="Page_141">141</a></span> preuve -de l'authenticit de l'objet. Le Professeur Maspero, qui est la tte -du Service, me disait qu'on ne saurait trop observer cette rgle svre. -Mais, sans trop enfreindre le rglement, il aide comme il peut les -tudiants et les peintres qui dsirent sjourner autour des monuments. -Les Inspecteurs des Antiquits sont galement fort obligeants et +importance. Il serait difficile de résister au désir d'emporter quelque +précieux débris d'antiquités si l'on campait autour des excavations où +s'opèrent les fouilles. Un Arabe vous offre un scarabée ou un <i>ushabti</i> +bleuté et vous vous demandez tout d'abord si l'objet est véritable, s'il +n'a pas été volé? Si l'Arabe est sûr que son acheteur n'a rien de commun +avec le Service des fouilles, il avouera même le vol, comme <span class="pagenum"><a name="Page_141" id="Page_141">141</a></span> preuve +de l'authenticité de l'objet. Le Professeur Maspero, qui est à la tête +du Service, me disait qu'on ne saurait trop observer cette règle sévère. +Mais, sans trop enfreindre le règlement, il aide comme il peut les +étudiants et les peintres qui désirent séjourner autour des monuments. +Les Inspecteurs des Antiquités sont également fort obligeants et aimables.</p> -<p>Le <i>Metropolitan Museum</i> de New-York avait demand l'autorisation de +<p>Le <i>Metropolitan Museum</i> de New-York avait demandé l'autorisation de relever l'impression d'une partie des bas-reliefs du temple de -Hatshepsu, Thbes. Les maquettes devaient, autant que possible, tre -colories comme l'original afin de donner aux New-Yorkais une ide de la -plus dlicieuse ornementation murale de la dix-huitime dynastie. M. -Laffan, qui faisait les frais de l'entreprise, confia M. Currelly, qui -dirigeait cette poque les travaux d'excavation, le soin de surveiller +Hatshepsu, à Thèbes. Les maquettes devaient, autant que possible, être +coloriées comme l'original afin de donner aux New-Yorkais une idée de la +plus délicieuse ornementation murale de la dix-huitième dynastie. M. +Laffan, qui faisait les frais de l'entreprise, confia à M. Currelly, qui +dirigeait à cette époque les travaux d'excavation, le soin de surveiller l'entreprise et de trouver un artiste capable de donner aux bas-reliefs -le coloris exig. Ce travail me fut offert, et, ayant obtenu de -consacrer la moiti de mes journes mes aquarelles, j'acceptai. Mon -sjour au Caire fut court, car Erskine Nicol m'ayant invit demeurer -sur sa <i>dahabiyeh</i>, alors Boulk, la <i>Mavis</i> fut la base de mes -oprations jusqu' ce que le camp d'hiver de Thbes se ft <span class="pagenum"><a name="Page_142" id="Page_142">142</a></span> form. -Le bateau subissait quelques rparations, mais mon hte, un frre -artiste, partageant mon dgot pour la vie d'htel et la soi-disant -haute socit, pensa avec raison que je leur prfrerais mme l'odeur -des vernis et le dsordre qui rgnait bord.</p> - -<p>Certaines parties de Boulk sont telles que par le pass, et le march +le coloris exigé. Ce travail me fut offert, et, ayant obtenu de +consacrer la moitié de mes journées à mes aquarelles, j'acceptai. Mon +séjour au Caire fut court, car Erskine Nicol m'ayant invité à demeurer +sur sa <i>dahabiyeh</i>, alors à Boulâk, la <i>Mavis</i> fut la base de mes +opérations jusqu'à ce que le camp d'hiver de Thèbes se fût <span class="pagenum"><a name="Page_142" id="Page_142">142</a></span> formé. +Le bateau subissait quelques réparations, mais mon hôte, un frère +artiste, partageant mon dégoût pour la vie d'hôtel et la soi-disant +«haute société», pensa avec raison que je leur préférerais même l'odeur +des vernis et le désordre qui régnait à bord.</p> + +<p>Certaines parties de Boulâk sont telles que par le passé, et le marché aux fruits et aux poteries, entre autres, est charmant. Je ne me -souviens pas d'avoir jamais travaill parmi des gens aussi curieux que -les habitants de ce coin de Boulk. Mon fidle Mohammed ne pouvait -m'accompagner, malheureusement; un mot de lui un agent de police, la -parent imagine du <i>Hawaga</i> ou d'un <i>Moufetish</i> quelconque m'auraient -assur la paix. Le retour la <i>dahabiyeh</i> est vraiment une joie, aprs -une journe de travail, chaude et encombre de mouches et autres +souviens pas d'avoir jamais travaillé parmi des gens aussi curieux que +les habitants de ce coin de Boulâk. Mon fidèle Mohammed ne pouvait +m'accompagner, malheureusement; un mot de lui à un agent de police, la +parenté imaginée du <i>Hawaga</i> ou d'un <i>Moufetish</i> quelconque m'auraient +assuré la paix. Le retour à la <i>dahabiyeh</i> est vraiment une joie, après +une journée de travail, chaude et encombrée de mouches et autres parasites. Le soir, les bruits provenant des travaux cessaient, les clameurs alentour s'apaisaient, seul le clapotis des rames troublait le calme de la nuit pendant que nous fumions nos cigarettes sur le pont.</p> -<p>Le voyage en <i>dahabiyeh</i>, jusqu' Thbes, est un rve. J'avais descendu -la rivire bord de la <i>Mavis</i>, le printemps pass, et je fus dsol de -refuser l'invitation <span class="pagenum"><a name="Page_143" id="Page_143">143</a></span> de mon ami. Je convins de le rejoindre -Karnk, lorsque la saison des travaux de Dr-el-Bahri serait termine. +<p>Le voyage en <i>dahabiyeh</i>, jusqu'à Thèbes, est un rêve. J'avais descendu +la rivière à bord de la <i>Mavis</i>, le printemps passé, et je fus désolé de +refuser l'invitation <span class="pagenum"><a name="Page_143" id="Page_143">143</a></span> de mon ami. Je convins de le rejoindre à +Karnâk, lorsque la saison des travaux de Dêr-el-Bahri serait terminée. Un voyage d'une nuit par le train du Luxor est certainement plus -prosaque qu'une excursion en <i>dahabiyeh</i>, mais ce dernier mode de +prosaïque qu'une excursion en <i>dahabiyeh</i>, mais ce dernier mode de locomotion m'aurait fait perdre trois semaines.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> @@ -2897,204 +2858,204 @@ locomotion m'aurait fait perdre trois semaines.</p> <h2><span class="small60"><i>CHAPITRE XII</i></span><br /><br /> -THBES<a name="ch_12" id="ch_12"></a></h2> +THÈBES<a name="ch_12" id="ch_12"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">En route pour le campement, dans la cit des ruines.</span> || <span class="smcap">Le village de -Kurnah.</span> || <span class="smcap">Les tombes vivantes.</span> || <span class="smcap">La hutte de pierre, prs du temple de -Hatshepsu.</span> || <span class="smcap">Mon installation.</span> || <span class="smcap">Une premire nuit a la belle toile.</span></p> +<p class="subtitle"><span class="smcap">En route pour le campement, dans la cité des ruines.</span> || <span class="smcap">Le village de +Kurnah.</span> || <span class="smcap">Les tombes vivantes.</span> || <span class="smcap">La hutte de pierre, près du temple de +Hatshepsu.</span> || <span class="smcap">Mon installation.</span> || <span class="smcap">Une première nuit a la belle étoile.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">J</span><span class="smcap">'arrivai</span> Luxor le 1<sup>er</sup> dcembre. Le train avait quelques heures de -retard, mais cela n'tait pas pour me surprendre. Quelques personnes -m'attendaient. On mit dos de chameau mon bagage; mes ustensiles de -peintre voisinrent dans un panier avec une norme provision de botes -de sardines. Dans un autre panier on plaa un sac de <i>pltre de Paris</i> +<p class="noindent"><span class="firstletter">J</span><span class="smcap">'arrivai</span> à Luxor le 1<sup>er</sup> décembre. Le train avait quelques heures de +retard, mais cela n'était pas pour me surprendre. Quelques personnes +m'attendaient. On mit à dos de chameau mon bagage; mes ustensiles de +peintre voisinèrent dans un panier avec une énorme provision de boîtes +de sardines. Dans un autre panier on plaça un sac de <i>plâtre de Paris</i> qui pesait plus que ma valise, ainsi que des bougies et encore des -botes de sardines. Que de sardines!...</p> - -<p>Monts sur des nes, Mohammed Effendi, qui reprsentait la Socit -d'Exploration gyptienne, et moi, nous nous mmes en route, suivis du -<i>commissarel camuel</i>. Un demi-kilomtre de boue sche et de sable <span class="pagenum"><a name="Page_146" id="Page_146">146</a></span> -spare la rivire des terrains cultivs: nous le franchmes au galop, -laissant le chameau et son guide loin derrire nous. Aprs avoir dpass -des jardins enclos de murs, et travers le pont d'un canal, nous -descendmes dans la large plaine verdoyante qui s'tend de la ncropole -de Thbes la rivire. Les colosses d'Amenhotep III s'lvent la -limite des terres cultives, et, leur gauche, au bord mme du dsert, -on aperoit les pylnes du grand temple de Medinet Habu. Les ruines du -Ramesseum sont en partie caches par des arbres, et l'amphithtre que -forment les rochers derrire le temple de Dr-el-Bahri est peine -visible au loin. Aprs une marche de deux kilomtres, nous laissons les -colosses notre gauche, mais nous voyons encore leurs bases assombries -par les inondations annuelles du Nil. Nous passons auprs du pylne -bris du Ramesseum qui s'lve juste au-dessus de la plaine fertile que +boîtes de sardines. Que de sardines!...</p> + +<p>Montés sur des ânes, Mohammed Effendi, qui représentait la Société +d'Exploration Égyptienne, et moi, nous nous mîmes en route, suivis du +<i>commissarel camuel</i>. Un demi-kilomètre de boue sèche et de sable <span class="pagenum"><a name="Page_146" id="Page_146">146</a></span> +sépare la rivière des terrains cultivés: nous le franchîmes au galop, +laissant le chameau et son guide loin derrière nous. Après avoir dépassé +des jardins enclos de murs, et traversé le pont d'un canal, nous +descendîmes dans la large plaine verdoyante qui s'étend de la nécropole +de Thèbes à la rivière. Les colosses d'Amenhotep III s'élèvent à la +limite des terres cultivées, et, à leur gauche, au bord même du désert, +on aperçoit les pylônes du grand temple de Medinet Habu. Les ruines du +Ramesseum sont en partie cachées par des arbres, et l'amphithéâtre que +forment les rochers derrière le temple de Dêr-el-Bahri est à peine +visible au loin. Après une marche de deux kilomètres, nous laissons les +colosses à notre gauche, mais nous voyons encore leurs bases assombries +par les inondations annuelles du Nil. Nous passons auprès du pylône +brisé du Ramesseum qui s'élève juste au-dessus de la plaine fertile que nous allons quitter. Ici, nous devons choisir notre chemin entre des -monceaux de dbris, des tombes et des ornires, et cela continue ainsi -jusqu'au village de Kurnah, qui se trouve sur un plateau lgrement -surlev.</p> +monceaux de débris, des tombes et des ornières, et cela continue ainsi +jusqu'au village de Kurnah, qui se trouve sur un plateau légèrement +surélevé.</p> <div class="figcenter2" style="width: 554px;"><a name="pl_23" id="pl_23"></a> -<img src="images/after-page-146.jpg" alt="LE RAMESSEUM, A THBES" title="LE RAMESSEUM, A THBES" width="554" height="400" /> +<img src="images/after-page-146.jpg" alt="LE RAMESSEUM, A THÈBES" title="LE RAMESSEUM, A THÈBES" width="554" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-146.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Nous montons entre les huttes du village. Des gamins demi nus qui +<p>Nous montons entre les huttes du village. Des gamins à demi nus qui poursuivent des volatiles sont <span class="pagenum"><a name="Page_147" id="Page_147">147</a></span> pour nous, dans ce vaste -cimetire, un signe de vie rjouissant. Une femme apparat l'entre +cimetière, un signe de vie réjouissant. Une femme apparaît à l'entrée d'une large excavation et crie aux enfants de laisser les poules tranquilles. En regardant d'en haut, nous voyons que cette ouverture n'est qu'une tombe de plus, et que ces gens en ont fait leur demeure. -Une ou deux btisses de briques, basses et carres, forment l'habitation +Une ou deux bâtisses de briques, basses et carrées, forment l'habitation des riches; tous les autres habitants de ce grand village occupent les -tombes. Une muraille enclt une cour, dans laquelle nous remarquons de -bizarres objets, comme de gigantesques champignons aux bords retourns -et qui seraient en boue dessche. Plusieurs d'entre eux contiennent en -ce moment de la paille ou des crales; ce sont les demeures d't des -pauvres gens que les scorpions ont chasss des tombes. Dans le creux o -le dormeur se blottit pour la nuit, nous remarquons deux espces de -coquetiers, assez grands pour contenir une <i>kulla</i> ou cruche eau, -taille dans une pierre poreuse. Quelques habitants fortuns du village -possdent plusieurs tombes ranges en cercle autour de la cour centrale. -Alors, l'une sert de dortoir, l'autre de cuisine, une troisime -d'table. Les habitations diffrent selon la nature des tombes. Parfois, -une hutte en constitue la premire <span class="pagenum"><a name="Page_148" id="Page_148">148</a></span> partie, et la tombe, laquelle -mnent quelques marches, reprsente le fond. Nous remarquons plus bas -quelques spulcres ferms de lourdes portes de fer, et munis de numros +tombes. Une muraille enclôt une cour, dans laquelle nous remarquons de +bizarres objets, comme de gigantesques champignons aux bords retournés +et qui seraient en boue desséchée. Plusieurs d'entre eux contiennent en +ce moment de la paille ou des céréales; ce sont les demeures d'été des +pauvres gens que les scorpions ont chassés des tombes. Dans le creux où +le dormeur se blottit pour la nuit, nous remarquons deux espèces de +coquetiers, assez grands pour contenir une <i>kulla</i> ou cruche à eau, +taillée dans une pierre poreuse. Quelques habitants fortunés du village +possèdent plusieurs tombes rangées en cercle autour de la cour centrale. +Alors, l'une sert de dortoir, l'autre de cuisine, une troisième +d'étable. Les habitations diffèrent selon la nature des tombes. Parfois, +une hutte en constitue la première <span class="pagenum"><a name="Page_148" id="Page_148">148</a></span> partie, et la tombe, à laquelle +mènent quelques marches, représente le fond. Nous remarquons plus bas +quelques sépulcres fermés de lourdes portes de fer, et munis de numéros officiels. Ils sont moins pittoresques que ceux que nous avons vus tout d'abord, mais ils sont apparemment de plus d'importance. De fait, ce sont les tombes du Cheik Abd-el-Kurnah, dont nous parlerons plus tard. -Quelques ruines voquent en moi l'image d'un antique monastre copte; -j'apprends que ce sont les dcombres d'une maison datant du sicle -dernier, o demeura Wilkinson. Il y recueillit des notes pour son livre -<i>Mœurs et coutumes des Anciens gyptiens</i>, livre considr comme -surrann par beaucoup de gens, mais fort intressant cependant, et -savamment illustr par l'auteur. Wilkinson mourut d'un accident d'arme -feu dans cette maison o il avait travaill si longtemps. Sur le point -de mourir, il eut peur que ses gens ne fussent souponns, et, faisant -mander l'<i>omdeh</i> (chef du village), il l'assura que sa mort n'tait -cause que par sa propre maladresse.</p> - -<p>Le grand amphithtre que forment les falaises encerclant demi le ct -ouest de la valle de Dr-el-Bahri, s'ouvre devant nous. Le temple de +Quelques ruines évoquent en moi l'image d'un antique monastère copte; +j'apprends que ce sont les décombres d'une maison datant du siècle +dernier, où demeura Wilkinson. Il y recueillit des notes pour son livre +<i>Mœurs et coutumes des Anciens Égyptiens</i>, livre considéré comme +surranné par beaucoup de gens, mais fort intéressant cependant, et +savamment illustré par l'auteur. Wilkinson mourut d'un accident d'arme à +feu dans cette maison où il avait travaillé si longtemps. Sur le point +de mourir, il eut peur que ses gens ne fussent soupçonnés, et, faisant +mander l'<i>omdeh</i> (chef du village), il l'assura que sa mort n'était +causée que par sa propre maladresse.</p> + +<p>Le grand amphithéâtre que forment les falaises encerclant à demi le côté +ouest de la vallée de Dêr-el-Bahri, s'ouvre devant nous. Le temple de Hatshepsu, <span class="pagenum"><a name="Page_149" id="Page_149">149</a></span> avec ses terrasses et ses colonnades, en occupe la -base, et fait face au temple de Luxor, 4 kilomtres de l, sur la rive -oppose du Nil. Une hutte de pierre, tout ct du temple, m'intresse +base, et fait face au temple de Luxor, à 4 kilomètres de là, sur la rive +opposée du Nil. Une hutte de pierre, tout à côté du temple, m'intéresse vivement: pendant cinq mois, cette hutte me servira de demeure. Un nuage -de poussire qui s'levait gauche du temple et les voix des ouvriers -nous apprirent que les travaux d'excavation taient en train.</p> +de poussière qui s'élevait à gauche du temple et les voix des ouvriers +nous apprirent que les travaux d'excavation étaient en train.</p> <div class="figcenter2" style="width: 566px;"><a name="pl_24" id="pl_24"></a> <img src="images/after-page-148.jpg" alt="DER-EL-BAHRI" title="DER-EL-BAHRI" width="566" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-148.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Mon ami Currelly tait occup; je fus reu par un Amricain charmant qui -me prsenta trois jeunes Arabes: le cuisinier, le matre d'htel et le -valet; ils me baisrent respectueusement la main, puis me dvisagrent -avec curiosit. M. Dennis, s'instituant mon hte, envoya Albrikman, le -chef, prparer le th, et Bulbul, le matre d'htel, couvrit d'une nappe -la caisse qui servait de table. Comme nous avions laiss le <i>commissarel -camuel</i> sensiblement en arrire, je fus inform que mes bagages +<p>Mon ami Currelly était occupé; je fus reçu par un Américain charmant qui +me présenta trois jeunes Arabes: le cuisinier, le maître d'hôtel et le +valet; ils me baisèrent respectueusement la main, puis me dévisagèrent +avec curiosité. M. Dennis, s'instituant mon hôte, envoya Albrikman, le +chef, préparer le thé, et Bulbul, le maître d'hôtel, couvrit d'une nappe +la caisse qui servait de table. Comme nous avions laissé le <i>commissarel +camuel</i> sensiblement en arrière, je fus informé que mes bagages n'arriveraient pas avant une heure; je me rendis donc dans la tente -contigu la hutte, pour rparer tant bien que mal le dsordre de ma -toilette. Un long sifflement et l'exclamation de ce qui me parut tre -une arme de travailleurs, m'avertirent que le labeur du jour avait pris -fin. Un chien ayant aboy, le son fut rpercut <span class="pagenum"><a name="Page_150" id="Page_150">150</a></span> encore et encore, -et l'on et dit que tous les roquets de la contre donnaient de la voix. -Passant ma tte par l'ouverture de la tente pour demander une serviette, -le mot <i>serviette, serviette, serviette</i> me revint en chos successifs. -Tout s'accordait pour rendre ma nouvelle demeure bien trange.</p> - -<p>Le soleil s'tait couch au fond de la valle; le creux qui, en plein -jour, tait enlaidi de monceaux de dbris, tait prsent noy d'une -ombre douce et bienfaisante. Le th, la beaut croissante du paysage, me -mirent en excellente humeur. Nous fmes rejoints par un second membre de -la famille, un major Griffith, et bientt Currelly vint en personne -partager notre repas. J'appris que, des difficults tant survenues dans +contiguë à la hutte, pour réparer tant bien que mal le désordre de ma +toilette. Un long sifflement et l'exclamation de ce qui me parut être +une armée de travailleurs, m'avertirent que le labeur du jour avait pris +fin. Un chien ayant aboyé, le son fut répercuté <span class="pagenum"><a name="Page_150" id="Page_150">150</a></span> encore et encore, +et l'on eût dit que tous les roquets de la contrée donnaient de la voix. +Passant ma tête par l'ouverture de la tente pour demander une serviette, +le mot <i>serviette, serviette, serviette</i> me revint en échos successifs. +Tout s'accordait pour rendre ma nouvelle demeure bien étrange.</p> + +<p>Le soleil s'était couché au fond de la vallée; le creux qui, en plein +jour, était enlaidi de monceaux de débris, était à présent noyé d'une +ombre douce et bienfaisante. Le thé, la beauté croissante du paysage, me +mirent en excellente humeur. Nous fûmes rejoints par un second membre de +la famille, un major Griffith, et bientôt Currelly vint en personne +partager notre repas. J'appris que, des difficultés étant survenues dans l'organisation des fouilles, je ne pouvais commencer mon travail. Nous -discutmes la question jusqu' l'obscurit complte, clairs simplement -par quelques bougies poses sur notre table improvise.</p> +discutâmes la question jusqu'à l'obscurité complète, éclairés simplement +par quelques bougies posées sur notre table improvisée.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_25" id="pl_25"></a> -<img src="images/after-page-150.jpg" alt="STATUE DE RHAMSS II, AU TEMPLE DE LUXOR" title="STATUE DE RHAMSS II, AU TEMPLE DE LUXOR" width="400" height="694" /> +<img src="images/after-page-150.jpg" alt="STATUE DE RHAMSÈS II, AU TEMPLE DE LUXOR" title="STATUE DE RHAMSÈS II, AU TEMPLE DE LUXOR" width="400" height="694" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-150.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Le chameau tant enfin arriv, je commenai mes prparatifs pour la -nuit. La hutte possdait deux pices vides ouvrant sur la salle commune, -et un large cabinet de dbarras rserv aux <i>trouvailles</i>, et qui -sentait vaguement la momie et la souris. Les deux <span class="pagenum"><a name="Page_151" id="Page_151">151</a></span> pices tant -destines deux dames qui devaient nous arriver du Caire le lendemain, -je commenais me demander o je coucherais moi-mme, et regretter -les htels modernes, hier mpriss, lorsque Bulbul apparut, portant un -lit indigne qu'il plaa entre deux monceaux de <i>trouvailles</i>. Achmet -suivit avec un matelas, et ma chambre fut bientt prte. Mon ami -semblait tonn de mon peu d'habilet me diriger dans l'obscurit, -parmi les dbris de temple dissmins un peu partout. Je l'assurai que -beaucoup de mes compatriotes souffraient de la mme infirmit, et il me -conduisit obligeamment la hutte. Une tente ct de nos deux lits (je -ne vis celui de mon ami que lorsque je l'eus heurt dans l'ombre) devait -nous servir de cabinet de travail. Mon ami est Canadien et, ayant camp -presque toute sa vie, soit dans son pays, soit en gypte, il est un -matre organisateur sous ce rapport. Notre salle manger nous parut, -par contraste, brillamment claire. Mes yeux coururent la table: je -m'attendais un plat monstre de sardines relev de <i>pickles</i>. Mais non, -Achmet apparut avec de dlicieux hors-d'oeuvre d'anchois l'huile, puis -Bulbul le suivit, porteur d'une soupe acceptable. Les bouchons sautrent -bientt joyeusement, <span class="pagenum"><a name="Page_152" id="Page_152">152</a></span> et le dner fut assaisonn de la meilleure des -sauces: la gaiet et le bon apptit.</p> - -<p>Les histoires varies des quatre convives rendaient la conversation -intressante. Le Major avait servi quatre ans en Afrique pendant la -guerre des Bors; Currelly avait pass une saison avec Flinders Petrie, - explorer la Pninsule Sinatique; Dennis, qui est Amricain du Sud, -avait une collection divertissante d'anecdotes, et moi-mme, je pus -placer propos quelque curieux ou rjouissant pisode. On menait une -vie srieuse et rgle au campement; la lune ayant clair notre chambre - coucher, je gagnai mon lit sans encombre.</p> +<p>Le chameau étant enfin arrivé, je commençai mes préparatifs pour la +nuit. La hutte possédait deux pièces vides ouvrant sur la salle commune, +et un large cabinet de débarras réservé aux <i>trouvailles</i>, et qui +sentait vaguement la momie et la souris. Les deux <span class="pagenum"><a name="Page_151" id="Page_151">151</a></span> pièces étant +destinées à deux dames qui devaient nous arriver du Caire le lendemain, +je commençais à me demander où je coucherais moi-même, et à regretter +les hôtels modernes, hier méprisés, lorsque Bulbul apparut, portant un +lit indigène qu'il plaça entre deux monceaux de <i>trouvailles</i>. Achmet +suivit avec un matelas, et ma chambre fut bientôt prête. Mon ami +semblait étonné de mon peu d'habileté à me diriger dans l'obscurité, +parmi les débris de temple disséminés un peu partout. Je l'assurai que +beaucoup de mes compatriotes souffraient de la même infirmité, et il me +conduisit obligeamment à la hutte. Une tente à côté de nos deux lits (je +ne vis celui de mon ami que lorsque je l'eus heurté dans l'ombre) devait +nous servir de cabinet de travail. Mon ami est Canadien et, ayant campé +presque toute sa vie, soit dans son pays, soit en Égypte, il est un +maître organisateur sous ce rapport. Notre salle à manger nous parut, +par contraste, brillamment éclairée. Mes yeux coururent à la table: je +m'attendais à un plat monstre de sardines relevé de <i>pickles</i>. Mais non, +Achmet apparut avec de délicieux hors-d'oeuvre d'anchois à l'huile, puis +Bulbul le suivit, porteur d'une soupe acceptable. Les bouchons sautèrent +bientôt joyeusement, <span class="pagenum"><a name="Page_152" id="Page_152">152</a></span> et le dîner fut assaisonné de la meilleure des +sauces: la gaieté et le bon appétit.</p> + +<p>Les histoires variées des quatre convives rendaient la conversation +intéressante. Le Major avait servi quatre ans en Afrique pendant la +guerre des Boërs; Currelly avait passé une saison avec Flinders Petrie, +à explorer la Péninsule Sinaïtique; Dennis, qui est Américain du Sud, +avait une collection divertissante d'anecdotes, et moi-même, je pus +placer à propos quelque curieux ou réjouissant épisode. On menait une +vie sérieuse et réglée au campement; la lune ayant éclairé notre chambre +à coucher, je gagnai mon lit sans encombre.</p> <div class="figcenter2" style="width: 574px;"><a name="pl_26" id="pl_26"></a> -<img src="images/after-page-152.jpg" alt="LES COLOSSES DE THBES" title="LES COLOSSES DE THBES" width="574" height="400" /> +<img src="images/after-page-152.jpg" alt="LES COLOSSES DE THÈBES" title="LES COLOSSES DE THÈBES" width="574" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-152.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>On s'habitue difficilement dormir la belle toile. Des chiens qui -aboyaient intervalles rguliers, me firent prvoir une nuit blanche. -Tout d'abord, intress par la nouveaut de mon entourage, je -<ins class="correction" title="consisidrai">considrai</ins> cette perspective sans ennui. L'air tait dlicieusement -frais et la lune faisait paratre les rochers environnants plus +<p>On s'habitue difficilement à dormir à la belle étoile. Des chiens qui +aboyaient à intervalles réguliers, me firent prévoir une nuit blanche. +Tout d'abord, intéressé par la nouveauté de mon entourage, je +<ins class="correction" title="consisidérai">considérai</ins> cette perspective sans ennui. L'air était délicieusement +frais et la lune faisait paraître les rochers environnants plus majestueux encore. A un certain moment, les chiens se taisant, j'eus la -sensation de tomber dans une agrable inconscience. Mais le hurlement -d'un chacal rveilla les chiens: ombres de Thbes, quel vacarme! Enfin, -je parvins m'endormir. <span class="pagenum"><a name="Page_153" id="Page_153">153</a></span> Je rvai que le vacarme avait veill -les morts et que de chaque tombe les momies sortaient. Bientt, je crus -tre moi-mme une momie. La pierre tombale qui me recouvrait essayait de +sensation de tomber dans une agréable inconscience. Mais le hurlement +d'un chacal réveilla les chiens: ombres de Thèbes, quel vacarme! Enfin, +je parvins à m'endormir. <span class="pagenum"><a name="Page_153" id="Page_153">153</a></span> Je rêvai que le vacarme avait éveillé +les morts et que de chaque tombe les momies sortaient. Bientôt, je crus +être moi-même une momie. La pierre tombale qui me recouvrait essayait de se soulever. A chacun de ses efforts, un frisson mortel me secouait. Une -trange sensation de libert reconquise, comme si la pierre se ft tout - coup envole, m'arracha mon sommeil, et j'observai qu'une lourde -couverture tunisienne venait de tomber de mon lit, enleve par un coup +étrange sensation de liberté reconquise, comme si la pierre se fût tout +à coup envolée, m'arracha à mon sommeil, et j'observai qu'une lourde +couverture tunisienne venait de tomber de mon lit, enlevée par un coup de vent violent. Dans mes efforts pour la rattraper, je me cognai contre -un des gardiens de nuit qui tait accouru mon secours et qui m'aida -la reprendre. Nous en couvrmes le lit, en l'assujettissant au moyen de +un des gardiens de nuit qui était accouru à mon secours et qui m'aida à +la reprendre. Nous en couvrîmes le lit, en l'assujettissant au moyen de lourds morceaux d'une statue d'Osiris. J'avais les yeux et les oreilles -pleins de gravier et de poussire et le cou gratign. Des appels -dsesprs retentirent l'instant d'aprs: le Major, emptr dans les -toiles qui protgeaient sa couchette, cherchait se dgager et appelait - l'aide. Puis, ce fut Dennis qui, ne voulant pas risquer d'tre +pleins de gravier et de poussière et le cou égratigné. Des appels +désespérés retentirent l'instant d'après: le Major, empêtré dans les +toiles qui protégeaient sa couchette, cherchait à se dégager et appelait +à l'aide. Puis, ce fut Dennis qui, ne voulant pas risquer d'être enseveli sous sa tente, allait chercher un refuge dans la hutte. On -veilla Currelly grand'peine!... Griffith et Dennis s'arrangrent pour -passer le reste de la nuit dans la hutte; quant Currelly et moi, la -tte enveloppe dans de <span class="pagenum"><a name="Page_154" id="Page_154">154</a></span> vastes mouchoirs, nous rintgrmes nos -lits et, bercs par la tourmente, nous nous abandonnmes de nouveau au +éveilla Currelly à grand'peine!... Griffith et Dennis s'arrangèrent pour +passer le reste de la nuit dans la hutte; quant à Currelly et à moi, la +tête enveloppée dans de <span class="pagenum"><a name="Page_154" id="Page_154">154</a></span> vastes mouchoirs, nous réintégrâmes nos +lits et, bercés par la tourmente, nous nous abandonnâmes de nouveau au sommeil.</p> -<p>Le soleil, se levant sur les collines au del de Luxor, m'veilla. Le -vent tait compltement tomb.</p> +<p>Le soleil, se levant sur les collines au delà de Luxor, m'éveilla. Le +vent était complètement tombé.</p> -<p>Des groupes d'ouvriers apparurent bientt, silhouettes sombres dans la +<p>Des groupes d'ouvriers apparurent bientôt, silhouettes sombres dans la brume lumineuse du levant. A sept heures, trois cents hommes et jeunes -garons taient rangs prs du camp et rpondaient l'appel de Mohammed -Effendi. Je pus enfin procder une toilette en rgle. Cette nuit au -grand air m'avait affam et j'aurais embrass Bulbul lorsque, devinant -mes dsirs, il m'apporta une tasse de th. Ce nom de <i>Bulbul</i> ne m'tant -point connu, j'interrogeai le jeune garon. Il m'avoua que ce nom tait -celui d'un oiseau qui chante trs bien (le rossignol, ainsi que je le -compris plus tard), et qu'on l'avait surnomm de la sorte en raison de +garçons étaient rangés près du camp et répondaient à l'appel de Mohammed +Effendi. Je pus enfin procéder à une toilette en règle. Cette nuit au +grand air m'avait affamé et j'aurais embrassé Bulbul lorsque, devinant +mes désirs, il m'apporta une tasse de thé. Ce nom de <i>Bulbul</i> ne m'étant +point connu, j'interrogeai le jeune garçon. Il m'avoua que ce nom était +celui d'un oiseau qui chante très bien (le rossignol, ainsi que je le +compris plus tard), et qu'on l'avait surnommé de la sorte en raison de son talent de chanteur.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> @@ -3107,265 +3068,265 @@ son talent de chanteur.</p> LE TEMPLE D'AMMON<a name="ch_13" id="ch_13"></a></h2> <p class="subtitle"><span class="smcap">Comment on obtient une empreinte d'un bas-relief.</span> || <span class="smcap">Une pyramide sur un -temple.</span> || <span class="smcap">La mystrieuse Vache de Hathor.</span> || <span class="smcap">Quelques dtails -historiques autour du temple de la reine Hatshepsu.</span> || <span class="smcap">L'Expdition en -Pont</span>.</p> - -<p class="noindent"><span class="firstletter">A</span><span class="smcap">prs</span> le djeuner, j'allai avec Currelly au temple de Hatshepsu, pour me -rendre compte de la manire dont on pourrait relever le contour des -bas-reliefs sans endommager les murailles. Nous nous fmes accompagner -de quelques ouvriers que mon ami savait tre experts dans la fabrication -des fausses antiquits, et nous nous munmes de cire modeler et de -feuilles de papier d'tain. Choisissant pour notre exprience un -bas-relief des plus simples, nous le couvrmes d'une feuille de papier -d'tain, et, avec une lgre pression, nous obtnmes le dessin des -contours. Les contours les plus accentus furent obtenus l'aide d'une -brosse de crin avec laquelle nous fmes <span class="pagenum"><a name="Page_156" id="Page_156">156</a></span> pntrer partout la feuille -de mtal souple. La cire, aprs avoir t chauffe au soleil, fut place -sur la feuille d'tain, puis nous attendmes que le froid de la pierre -l'et nouveau durcie.</p> - -<p>Il fallut ensuite retirer le moule avec son revtement de cire et le -poser sur une surface unie. Ceci fait, nous obtnmes un bas-relief -argent qui nous parut trs satisfaisant et le <i>Quies keteer</i> des -fabricants d'antiquits nous fit grand plaisir. Le moule fut emport -la hutte, et, aprs l'avoir enduit de graisse, j'en pris une empreinte -au pltre. Nous laissmes le pltre se durcir son tour et nous allmes -voir ce qui se passait dans le nuage de poussire qui flottait au-dessus -des fouilles, gauche du temple de Hatshepsu.</p> - -<p>La Socit d'Exploration gyptienne a obtenu la concession des fouilles -du temple de Hatshepsu en 1903, aprs que les travaux commencs dans le -temple voisin, moins ancien, eussent t remis au Service des -Antiquits. Le Professeur Naville offrit ses services pour cette +temple.</span> || <span class="smcap">La mystérieuse Vache de Hathor.</span> || <span class="smcap">Quelques détails +historiques autour du temple de la reine Hatshepsu.</span> || «<span class="smcap">L'Expédition en +Pont</span>».</p> + +<p class="noindent"><span class="firstletter">A</span><span class="smcap">près</span> le déjeuner, j'allai avec Currelly au temple de Hatshepsu, pour me +rendre compte de la manière dont on pourrait relever le contour des +bas-reliefs sans endommager les murailles. Nous nous fîmes accompagner +de quelques ouvriers que mon ami savait être experts dans la fabrication +des fausses antiquités, et nous nous munîmes de cire à modeler et de +feuilles de papier d'étain. Choisissant pour notre expérience un +bas-relief des plus simples, nous le couvrîmes d'une feuille de papier +d'étain, et, avec une légère pression, nous obtînmes le dessin des +contours. Les contours les plus accentués furent obtenus à l'aide d'une +brosse de crin avec laquelle nous fîmes <span class="pagenum"><a name="Page_156" id="Page_156">156</a></span> pénétrer partout la feuille +de métal souple. La cire, après avoir été chauffée au soleil, fut placée +sur la feuille d'étain, puis nous attendîmes que le froid de la pierre +l'eût à nouveau durcie.</p> + +<p>Il fallut ensuite retirer le moule avec son revêtement de cire et le +poser sur une surface unie. Ceci fait, nous obtînmes un bas-relief +argenté qui nous parut très satisfaisant et le <i>Quies keteer</i> des +fabricants d'antiquités nous fit grand plaisir. Le moule fut emporté à +la hutte, et, après l'avoir enduit de graisse, j'en pris une empreinte +au plâtre. Nous laissâmes le plâtre se durcir à son tour et nous allâmes +voir ce qui se passait dans le nuage de poussière qui flottait au-dessus +des fouilles, à gauche du temple de Hatshepsu.</p> + +<p>La Société d'Exploration Égyptienne a obtenu la concession des fouilles +du temple de Hatshepsu en 1903, après que les travaux commencés dans le +temple voisin, moins ancien, eussent été remis au Service des +Antiquités. Le Professeur Naville offrit ses services pour cette entreprise, et, avec le concours de M. Henry Hall, du Bristish Museum, -et plus rcemment, de C. F. Currelly, il termina les travaux en trois +et plus récemment, de C. F. Currelly, il termina les travaux en trois ans. Tout en gravissant les trois terrasses, nous remarquons la -similitude de ce plan avec celui <span class="pagenum"><a name="Page_157" id="Page_157">157</a></span> du sanctuaire de Hatshepsu, rig -quelque sept sicles plus tard. Il y a cependant un dtail qui distingue +similitude de ce plan avec celui <span class="pagenum"><a name="Page_157" id="Page_157">157</a></span> du sanctuaire de Hatshepsu, érigé +quelque sept siècles plus tard. Il y a cependant un détail qui distingue le temple de Mentuhotep II; c'est la ruine d'une pyramide sur la -troisime terrasse. C'est le seul exemple que l'on rencontre d'une -pyramide faisant partie d'un temple, et la singularit de cette -construction a t l'occasion d'tudes intressantes. Un papyrus -conserv au Muse de Turin relate que le Pharaon (un des derniers -Ramss) avait nomm une commission pour visiter les tombes de ses -prdcesseurs et dresser un rapport sur l'tat de ces tombes. Le rapport -mentionne que la tombe de Mentuhotep II tait intacte, mais il n'indique +troisième terrasse. C'est le seul exemple que l'on rencontre d'une +pyramide faisant partie d'un temple, et la singularité de cette +construction a été l'occasion d'études intéressantes. Un papyrus +conservé au Musée de Turin relate que le Pharaon (un des derniers +Ramsès) avait nommé une commission pour visiter les tombes de ses +prédécesseurs et dresser un rapport sur l'état de ces tombes. Le rapport +mentionne que la tombe de Mentuhotep II était intacte, mais il n'indique pas son emplacement; toutefois, le dessin d'une pyramide faisait suite -au passage qui avait trait cette construction. Ceci dcida le -Professeur Naville rechercher la tombe sous cette pyramide. Il ne la -trouva pas, mais il fut rcompens de ses travaux par la dcouverte de +au passage qui avait trait à cette construction. Ceci décida le +Professeur Naville à rechercher la tombe sous cette pyramide. Il ne la +trouva pas, mais il fut récompensé de ses travaux par la découverte de six statues de Usertesen III, dont trois sont actuellement au British -Museum, et les trois autres au Caire. Comme ce monarque appartient une -dynastie plus rcente, la douzime, il y a l un problme de plus ajout - tous ceux que nous offre ce temple.</p> - -<p>Une tombe de femme a t mise jour quelques <span class="pagenum"><a name="Page_158" id="Page_158">158</a></span> mtres de la -pyramide; quelques fresques, bien conserves, datant de la onzime -dynastie, qui couvraient l'extrieur de ce spulcre, sont trs -intressantes, quoique grossires. Quant l'emplacement de la dernire -demeure de Mentuhotep, il reste toujours un mystre.</p> - -<p>Les fouilles ont t continues dans la base des rochers qui se trouvent -derrire le temple; des dbris de pierre calcaire ont t enlevs, et -une couche infrieure avait peine t entame, que, la grande -surprise de M. Dalison qui dirigeait les travaux cette poque, une -masse de roc glissa, laissant dcouvert une cavit, et la tte et les -paules d'une vache de Hathor. L'hiver de 1906 Thbes fut fertile en -surprises; mais celle-ci fut une des plus intressantes, en raison de la -beaut de la sculpture et de son parfait tat de conservation. Currelly -qui accourut avant mme que la trouvaille ne ft dbarrasse de sa -poussire, me donna tous les dtails.</p> - -<p>Les travaux durent tre trs prudemment mens. Les ouvriers indignes -s'intressent vivement la dcouverte d'objets de valeur et perdent +Museum, et les trois autres au Caire. Comme ce monarque appartient à une +dynastie plus récente, la douzième, il y a là un problème de plus ajouté +à tous ceux que nous offre ce temple.</p> + +<p>Une tombe de femme a été mise à jour à quelques <span class="pagenum"><a name="Page_158" id="Page_158">158</a></span> mètres de la +pyramide; quelques fresques, bien conservées, datant de la onzième +dynastie, qui couvraient l'extérieur de ce sépulcre, sont très +intéressantes, quoique grossières. Quant à l'emplacement de la dernière +demeure de Mentuhotep, il reste toujours un mystère.</p> + +<p>Les fouilles ont été continuées dans la base des rochers qui se trouvent +derrière le temple; des débris de pierre calcaire ont été enlevés, et +une couche inférieure avait à peine été entamée, que, à la grande +surprise de M. Dalison qui dirigeait les travaux à cette époque, une +masse de roc glissa, laissant à découvert une cavité, et la tête et les +épaules d'une vache de Hathor. L'hiver de 1906 à Thèbes fut fertile en +surprises; mais celle-ci fut une des plus intéressantes, en raison de la +beauté de la sculpture et de son parfait état de conservation. Currelly +qui accourut avant même que la trouvaille ne fût débarrassée de sa +poussière, me donna tous les détails.</p> + +<p>Les travaux durent être très prudemment menés. Les ouvriers indigènes +s'intéressent vivement à la découverte d'objets de valeur et perdent facilement leur sang-froid. Si l'on n'observe pas les plus grandes -prcautions, les fouilles dans ces rochers peuvent <span class="pagenum"><a name="Page_159" id="Page_159">159</a></span> amener des -boulements funestes. La cavit o apparaissait cette tonnante tte de -vache, demandait une tude spciale. On s'aperut d'abord qu'elle avait -un toit en forme de vote; les peintures murales, fort bien conserves, -ne laissaient aucun doute sur l'poque de la construction. Il est -regrettable que cette construction n'ait point t laisse intacte. Les -autorits du Muse du Caire, naturellement dsireuses d'ajouter leurs -collections un si beau spcimen de la sculpture de la dix-huitime +précautions, les fouilles dans ces rochers peuvent <span class="pagenum"><a name="Page_159" id="Page_159">159</a></span> amener des +éboulements funestes. La cavité où apparaissait cette étonnante tête de +vache, demandait une étude spéciale. On s'aperçut d'abord qu'elle avait +un toit en forme de voûte; les peintures murales, fort bien conservées, +ne laissaient aucun doute sur l'époque de la construction. Il est +regrettable que cette construction n'ait point été laissée intacte. Les +autorités du Musée du Caire, naturellement désireuses d'ajouter à leurs +collections un si beau spécimen de la sculpture de la dix-huitième dynastie, firent valoir les risques que courrait la sculpture si on la -laissait en cet endroit. De son ct, l'Inspecteur local des Antiquits, -M. Weigall, demandait qu'on laisst la caverne intacte, en se dclarant -prt assumer toute responsabilit. Les grilles de fer qui auraient t -ncessaires pour protger la vache de Hathor contre les actes de +laissait en cet endroit. De son côté, l'Inspecteur local des Antiquités, +M. Weigall, demandait qu'on laissât la caverne intacte, en se déclarant +prêt à assumer toute responsabilité. Les grilles de fer qui auraient été +nécessaires pour protéger la vache de Hathor contre les actes de vandalisme ou contre les chercheurs de reliques, auraient certainement -nui l'aspect du monument, mais, situe dans cette niche, prs du -sanctuaire de Hatshepsu, combien mieux dans son cadre elle aurait t -qu'au Muse du Caire!</p> - -<p>La gravure ci-contre reprsente la terrasse suprieure du temple de -Mentuhotep, avec la base en ruines de la pyramide, droite. La partie -sud du temple, <span class="pagenum"><a name="Page_160" id="Page_160">160</a></span> plus rcente, est au milieu, et les collines qui -entourent la valle forment le fond. La seconde cavit, gauche, est -celle o la vache de Hathor fut trouve, mais, bien qu'elle soit -proximit du temple de Mentuhotep, elle n'a rien de commun avec ce -sanctuaire. Le sanctuaire de Hathor fut lev sur les ordres de la reine -Hatshepsu aprs que l'autre, dont nous retrouvons les traces, ft tomb -en ruines. Tous deux furent restaurs plus tard, sous Ramss II.</p> +nui à l'aspect du monument, mais, située dans cette niche, près du +sanctuaire de Hatshepsu, combien mieux dans son cadre elle aurait été +qu'au Musée du Caire!</p> + +<p>La gravure ci-contre représente la terrasse supérieure du temple de +Mentuhotep, avec la base en ruines de la pyramide, à droite. La partie +sud du temple, <span class="pagenum"><a name="Page_160" id="Page_160">160</a></span> plus récente, est au milieu, et les collines qui +entourent la vallée forment le fond. La seconde cavité, à gauche, est +celle où la vache de Hathor fut trouvée, mais, bien qu'elle soit à +proximité du temple de Mentuhotep, elle n'a rien de commun avec ce +sanctuaire. Le sanctuaire de Hathor fut élevé sur les ordres de la reine +Hatshepsu après que l'autre, dont nous retrouvons les traces, fût tombé +en ruines. Tous deux furent restaurés plus tard, sous Ramsès II.</p> <div class="figcenter2" style="width: 579px;"><a name="pl_27" id="pl_27"></a> -<img src="images/after-page-158.jpg" alt="RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THBES" title="RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THBES" width="579" height="400" /> +<img src="images/after-page-158.jpg" alt="RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THÈBES" title="RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THÈBES" width="579" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-158.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>L'excavation, l'extrme gauche de la gravure, concentra tout l'intrt -des fouilles de cet hiver. On avait trouv l'entre d'une tombe trs -intressante, et, pensant qu'il s'agissait de la tombe recherche par le -Professeur Naville, on attendit l'arrive de ce dernier pour l'ouvrir.</p> +<p>L'excavation, à l'extrême gauche de la gravure, concentra tout l'intérêt +des fouilles de cet hiver. On avait trouvé l'entrée d'une tombe très +intéressante, et, pensant qu'il s'agissait de la tombe recherchée par le +Professeur Naville, on attendit l'arrivée de ce dernier pour l'ouvrir.</p> -<p>De retour la hutte, nous procdmes l'ouverture du moule de cire. +<p>De retour à la hutte, nous procédâmes à l'ouverture du moule de cire. Une impression se trouvait bien reproduite, mais le papier de plomb qui -servait empcher la cire de dtriorer le coloris de la muraille, +servait à empêcher la cire de détériorer le coloris de la muraille, avait arrondi les bords des incisions qui donnent tant de vie au travail -original. La cire n'avait pas pntr assez profondment, et il nous +original. La cire n'avait pas pénétré assez profondément, et il nous fallut corriger minutieusement les angles trop arrondis. Une autre -difficult se prsentait: la cire qui s'tait bien durcie <span class="pagenum"><a name="Page_161" id="Page_161">161</a></span> sur la -surface froide de la muraille, s'tait ramollie avant d'avoir t -recouverte de pltre, et certains reliefs s'taient empts.</p> - -<p>Avant de commencer le moulage de la seconde pierre, nous tendmes notre -cire sur une table de fer, chauffe par une lampe alcool. A l'aide de -baguettes de bois, nous pressmes le papier d'tain dans les creux de la -sculpture, et, la cire tant plus mallable, elle fut plus facile -appliquer dans ces mmes creux. En employant du pltre de Paris, nous -n'aurions eu craindre aucun affaissement, mais nous avions promis au +difficulté se présentait: la cire qui s'était bien durcie <span class="pagenum"><a name="Page_161" id="Page_161">161</a></span> sur la +surface froide de la muraille, s'était ramollie avant d'avoir été +recouverte de plâtre, et certains reliefs s'étaient empâtés.</p> + +<p>Avant de commencer le moulage de la seconde pierre, nous étendîmes notre +cire sur une table de fer, chauffée par une lampe à alcool. A l'aide de +baguettes de bois, nous pressâmes le papier d'étain dans les creux de la +sculpture, et, la cire étant plus malléable, elle fut plus facile à +appliquer dans ces mêmes creux. En employant du plâtre de Paris, nous +n'aurions eu à craindre aucun affaissement, mais nous avions promis au Professeur Maspero de ne pas nous en servir dans le temple, de crainte -qu'un ouvrier maladroit n'en clabousst les murs. Une seconde couche de -cire plus paisse donna quelque rsultat, mais comme les pierres du mur -n'taient pas toutes gales de surface, nous ne pouvions viter certains -creux. Cet inconvnient n'aurait pas t si grave s'il ne s'tait agi -que d'une seule pierre, mais cette partie de la muraille tait forme de +qu'un ouvrier maladroit n'en éclaboussât les murs. Une seconde couche de +cire plus épaisse donna quelque résultat, mais comme les pierres du mur +n'étaient pas toutes égales de surface, nous ne pouvions éviter certains +creux. Cet inconvénient n'aurait pas été si grave s'il ne s'était agi +que d'une seule pierre, mais cette partie de la muraille était formée de deux cents pierres environ, et il fallait des raccords exacts.</p> -<p>Il ne m'tait pas facile, avec ma connaissance trs imparfaite de la -langue arabe, d'instruire dans un art que je devais apprendre moi-mme +<p>Il ne m'était pas facile, avec ma connaissance très imparfaite de la +langue arabe, d'instruire dans un art que je devais apprendre moi-même les paysans qui <span class="pagenum"><a name="Page_162" id="Page_162">162</a></span> m'aidaient. Currelly me seconda de son mieux, mais -aprs l'arrive du Professeur Naville, l'ouverture de la tombe dans le +après l'arrivée du Professeur Naville, l'ouverture de la tombe dans le temple de Mentuhotep absorba tout son temps et tous ses efforts. Je trouvai heureusement les six Arabes qui m'aidaient fort intelligents et -prenant beaucoup d'intrt leur travail. Au fur et mesure que les -rsultats se perfectionnaient, nous augmentions leurs gages, et lorsque -je fus certain que les moulages ne pouvaient tre meilleurs, leur -salaire tait le triple de celui qu'ils recevaient aux fouilles. Il faut -dire en passant que <i>el Kompania</i>, comme ils nomment la Socit -gyptienne d'Exploration, rtribue fort mal ses ouvriers, et je suis sr -que seule la perspective de pouvoir subtiliser quelques scarabes ou -morceaux d'antiquits, les dcide travailler vil prix.</p> - -<p>A propos de ces reproductions, quelques dtails sur leurs originaux et -sur le temple o ils se trouvent ne seront point dplacs ici.</p> +prenant beaucoup d'intérêt à leur travail. Au fur et à mesure que les +résultats se perfectionnaient, nous augmentions leurs gages, et lorsque +je fus certain que les moulages ne pouvaient être meilleurs, leur +salaire était le triple de celui qu'ils recevaient aux fouilles. Il faut +dire en passant que <i>el Kompania</i>, comme ils nomment la Société +Égyptienne d'Exploration, rétribue fort mal ses ouvriers, et je suis sûr +que seule la perspective de pouvoir subtiliser quelques scarabées ou +morceaux d'antiquités, les décide à travailler à vil prix.</p> + +<p>A propos de ces reproductions, quelques détails sur leurs originaux et +sur le temple où ils se trouvent ne seront point déplacés ici.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_28" id="pl_28"></a> <img src="images/after-page-162.jpg" alt="SENSENEB, DANS LE TEMPLE DE HATSHEPSU, A DER-EL-BAHRI" title="SENSENEB, DANS LE TEMPLE DE HATSHEPSU, A DER-EL-BAHRI" width="400" height="620" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-162.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Makere-Hatshepsu est la premire souveraine d'une grande contre dont -nous parle l'Histoire. Fille de Thothms I, elle avait galement droit -au trne par sa mre, Ahms, qui descendait d'une longue ligne de -princes thbains. Ses deux demi-frres, Thothms II <span class="pagenum"><a name="Page_163" id="Page_163">163</a></span> et Thothms -III, contestaient ces droits. Bien que leurs prtentions ne fussent -point aussi justifies que celles de leur demi-sœur, leur sexe les -dsignait au choix de leurs sujets. Des deux frres, Thothms II avait -plus de droits par sa naissance, sa mre tant princesse, alors que la -mre de Thothms III n'avait t qu'une obscure concubine. Mais Thothms -III apporta une heureuse solution au problme en pousant sa -demi-sœur. Pendant un certain temps, les deux poux rgnrent -conjointement, et pendant que Thothms agrandissait le temple de Karnk, -Hatshepsu levait ce sanctuaire qu'elle consacra Ammon. Mais le pays -eut souffrir de la discorde qui rgnait entre les deux poux, et -Thothms II ne manqua pas d'exploiter son profit le mcontentement de -la population. Tout d'abord, la reine fut dpossde par son mari et -l'on donna ordre d'effacer son image des murailles encore inacheves du -temple. Le parti de Thothms II plaa celui-ci sur le trne. Mais son -rgne fut de courte dure, et, sa mort, les partisans de Hatshepsu -furent assez puissants pour la rtablir sur le trne. Elle rgna jusqu' +<p>Makere-Hatshepsu est la première souveraine d'une grande contrée dont +nous parle l'Histoire. Fille de Thothmès I, elle avait également droit +au trône par sa mère, Ahmès, qui descendait d'une longue lignée de +princes thébains. Ses deux demi-frères, Thothmès II <span class="pagenum"><a name="Page_163" id="Page_163">163</a></span> et Thothmès +III, contestaient ces droits. Bien que leurs prétentions ne fussent +point aussi justifiées que celles de leur demi-sœur, leur sexe les +désignait au choix de leurs sujets. Des deux frères, Thothmès II avait +plus de droits par sa naissance, sa mère étant princesse, alors que la +mère de Thothmès III n'avait été qu'une obscure concubine. Mais Thothmès +III apporta une heureuse solution au problème en épousant sa +demi-sœur. Pendant un certain temps, les deux époux régnèrent +conjointement, et pendant que Thothmès agrandissait le temple de Karnâk, +Hatshepsu élevait ce sanctuaire qu'elle consacra à Ammon. Mais le pays +eut à souffrir de la discorde qui régnait entre les deux époux, et +Thothmès II ne manqua pas d'exploiter à son profit le mécontentement de +la population. Tout d'abord, la reine fut dépossédée par son mari et +l'on donna ordre d'effacer son image des murailles encore inachevées du +temple. Le parti de Thothmès II plaça celui-ci sur le trône. Mais son +règne fut de courte durée, et, à sa mort, les partisans de Hatshepsu +furent assez puissants pour la rétablir sur le trône. Elle régna jusqu'à la fin de sa vie, et l'embellissement du temple d'Ammon fut son œuvre principale.</p> <p><span class="pagenum"><a name="Page_164" id="Page_164">164</a></span></p> -<p>Les prtres d'Ammon, qui taient ses partisans fervents, firent tout au +<p>Les prêtres d'Ammon, qui étaient ses partisans fervents, firent tout au monde pour affermir son prestige aux yeux du peuple. Dans la colonnade -nord, l'histoire de sa naissance divine est dpeinte: son pre -terrestre, Thothms I, est entirement ignor, et une belle srie de -bas-reliefs reprsentent Ahms devant Ammon Ra; les hiroglyphes -rapportent les paroles du dieu: Hatshepsu sera le nom de ma fille... -Elle rgnera sur toute cette contre. Plus loin, l'enfant nouveau-n -est reprsent comme un garon, et, plus loin encore, la reine couronne -par les dieux porte une barbe et est vtue de la courte jupe d'un roi. -Thothms n'apparat que dans la scne finale o, devant la cour -assemble, il reconnat la reine comme souveraine du pays. Le parti de +nord, l'histoire de sa naissance divine est dépeinte: son père +terrestre, Thothmès I, est entièrement ignoré, et une belle série de +bas-reliefs représentent Ahmès devant Ammon Ra; les hiéroglyphes +rapportent les paroles du dieu: «Hatshepsu sera le nom de ma fille... +Elle régnera sur toute cette contrée». Plus loin, l'enfant nouveau-né +est représenté comme un garçon, et, plus loin encore, la reine couronnée +par les dieux porte une barbe et est vêtue de la courte jupe d'un roi. +Thothmès n'apparaît que dans la scène finale où, devant la cour +assemblée, il reconnaît la reine comme souveraine du pays. Le parti de la reine avait eu soin de faire graver certaines inscriptions pour -renforcer son autorit. Son prdcesseur est reprsent, disant: Vous +renforcer son autorité. Son prédécesseur est représenté, disant: «Vous proclamerez sa parole; vous serez unis sous son commandement. Celui qui -lui rendra hommage vivra; celui qui parlera de sa majest en blasphmant -mourra.</p> +lui rendra hommage vivra; celui qui parlera de sa majesté en blasphémant +mourra».</p> -<p>Bien que tardivement raconte, cette lgende trouva crance dans le -peuple qui de tout temps avait regard les Pharaons comme les -descendants terrestres <span class="pagenum"><a name="Page_165" id="Page_165">165</a></span> du dieu-soleil, et, malgr son sexe, -Hatshepsu continua de rgner jusqu' la fin de sa vie.</p> +<p>Bien que tardivement racontée, cette légende trouva créance dans le +peuple qui de tout temps avait regardé les Pharaons comme les +descendants terrestres <span class="pagenum"><a name="Page_165" id="Page_165">165</a></span> du dieu-soleil, et, malgré son sexe, +Hatshepsu continua de régner jusqu'à la fin de sa vie.</p> -<p>La contre de Pont est regarde comme le berceau des dieux; les -gyptologues la placent l'extrme-est de l'Afrique, connu prsent -sous le nom de Somaliland; de temps immmorial on y rcoltait la myrrhe +<p>La contrée de Pont est regardée comme le berceau des dieux; les +égyptologues la placent à l'extrême-est de l'Afrique, connu à présent +sous le nom de Somaliland; de temps immémorial on y récoltait la myrrhe dont on offrait l'encens sur les autels. Planter de myrrhe les terrasses de son temple, devint l'ambition de la reine. Cinq navires furent -quips et envoys sur le Nil, un endroit o un canal relie le fleuve - la mer Rouge. Ils sont reprsents dans la colonnade portant la -dsignation de <i>l'Expdition en Pont</i> et une large raie bleue qui se -droule au-dessous figure l'eau o se jouent de nombreux poissons du -Nil. Lorsque ces mmes vaisseaux sont reprsents sur les ctes de Pont, -les poissons particuliers la mer Rouge figurent leur tour. Des -hommes chargs d'arbres myrrhe gravissent les chelles des navires; un -lourd chargement se trouve dj embarqu, et quelques singes se -promnent et l. La structure et la mture de ces vaisseaux sont -rendues avec une tonnante fidlit.</p> - -<p>Des hiroglyphes relatant cette expdition couvrent les espaces vides de -l'arrire-plan.</p> +équipés et envoyés sur le Nil, à un endroit où un canal relie le fleuve +à la mer Rouge. Ils sont représentés dans la colonnade portant la +désignation de <i>l'Expédition en Pont</i> et une large raie bleue qui se +déroule au-dessous figure l'eau où se jouent de nombreux poissons du +Nil. Lorsque ces mêmes vaisseaux sont représentés sur les côtes de Pont, +les poissons particuliers à la mer Rouge figurent à leur tour. Des +hommes chargés d'arbres à myrrhe gravissent les échelles des navires; un +lourd chargement se trouve déjà embarqué, et quelques singes se +promènent çà et là. La structure et la mâture de ces vaisseaux sont +rendues avec une étonnante fidélité.</p> + +<p>Des hiéroglyphes relatant cette expédition couvrent les espaces vides de +l'arrière-plan.</p> <p><span class="pagenum"><a name="Page_166" id="Page_166">166</a></span></p> -<p>Le sujet de la muraille sud nous transporte dans la contre de Pont. Les -envoys de la Reine sont reus par le souverain de la contre; la pierre -o est reprsente l'norme pouse du souverain, ne se trouve -malheureusement plus ici; elle est au Muse du Caire. Des bestiaux -cornes courtes sont offerts au roi; un village de Pont bti sur pilotis, -sert de fond. Ailleurs, des indignes transportent les arbres sur les -navires; leur type, trs diffrent de celui des gyptiens, a sans doute -t minutieusement observ d'aprs les quelques habitants de Pont qui -accompagnrent l'expdition son retour Thbes. Beaucoup de pierres -manquent, elles se trouvent dans les diffrents muses europens.</p> - -<p>La couleur a disparu des portions de la muraille qui furent exposes aux -intempries. Les ocres rouges et jaunes ont rsist la lumire, mais -sont parfois rafls par les tourbillons de sable. Les parties noires -qui ont t exposes au soleil sont entirement effaces, ainsi que les +<p>Le sujet de la muraille sud nous transporte dans la contrée de Pont. Les +envoyés de la Reine sont reçus par le souverain de la contrée; la pierre +où est représentée l'énorme épouse du souverain, ne se trouve +malheureusement plus ici; elle est au Musée du Caire. Des bestiaux à +cornes courtes sont offerts au roi; un village de Pont bâti sur pilotis, +sert de fond. Ailleurs, des indigènes transportent les arbres sur les +navires; leur type, très différent de celui des Égyptiens, a sans doute +été minutieusement observé d'après les quelques habitants de Pont qui +accompagnèrent l'expédition à son retour à Thèbes. Beaucoup de pierres +manquent, elles se trouvent dans les différents musées européens.</p> + +<p>La couleur a disparu des portions de la muraille qui furent exposées aux +intempéries. Les ocres rouges et jaunes ont résisté à la lumière, mais +sont parfois éraflés par les tourbillons de sable. Les parties noires +qui ont été exposées au soleil sont entièrement effacées, ainsi que les bleus et les verts que l'on ne retrouve que dans les creux profonds.</p> -<p>L o les peintures ont t protges du soleil, de la pluie et du vent, -elles ont gard toute la fracheur de coloris qu'elles avaient il y a -trois mille cinq cents <span class="pagenum"><a name="Page_167" id="Page_167">167</a></span> ans, lorsqu'elles furent excutes par les -artistes la solde d'Hatshepsu.</p> +<p>Là où les peintures ont été protégées du soleil, de la pluie et du vent, +elles ont gardé toute la fraîcheur de coloris qu'elles avaient il y a +trois mille cinq cents <span class="pagenum"><a name="Page_167" id="Page_167">167</a></span> ans, lorsqu'elles furent exécutées par les +artistes à la solde d'Hatshepsu.</p> -<p>Il semble n'y avoir eu que peu de mlange de couleurs. Les artistes -employaient une nuance conventionnelle pour chaque objet reprsent par +<p>Il semble n'y avoir eu que peu de mélange de couleurs. Les artistes +employaient une nuance conventionnelle pour chaque objet représenté par le relief, sans faire aucun effort pour employer la teinte exacte; mais -il y a dans l'ensemble beaucoup de richesse et de pittoresque. et l, -la pluie et la lumire, en attnuant les tons, ont mis sur ces +il y a dans l'ensemble beaucoup de richesse et de pittoresque. Çà et là, +la pluie et la lumière, en atténuant les tons, ont mis sur ces bas-reliefs une patine admirable.</p> -<p>M. Somers Clarke, architecte honoraire de la Socit d'Exploration -gyptienne, a reconstitu les fragments absents de la colonnade sur +<p>M. Somers Clarke, architecte honoraire de la Société d'Exploration +Égyptienne, a reconstitué les fragments absents de la colonnade sur laquelle se trouvent ces bas-reliefs uniques, et M. Howard Carter a -pass deux annes surveiller les travaux. Il reste davantage faire -pour protger des intempries les bas-reliefs de la troisime terrasse, -mais on me dit que ce travail sera bientt entrepris.</p> +passé deux années à surveiller les travaux. Il reste davantage à faire +pour protéger des intempéries les bas-reliefs de la troisième terrasse, +mais on me dit que ce travail sera bientôt entrepris.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -3377,196 +3338,196 @@ mais on me dit que ce travail sera bientt entrepris.</p> PARMI LES TEMPLES<a name="ch_14" id="ch_14"></a></h2> <p class="subtitle"><span class="smcap">Les Temples ont successivement servi a des Cultes divers.</span> || -<span class="smcap">L'inscription d'un prtre chrtien.</span> || <span class="smcap">Le petit temple de -Der-el-Medineh.</span> || <span class="smcap">Dtails archologiques.</span> || <span class="smcap">Ce monde n'est pas une -ville durable.</span></p> +<span class="smcap">L'inscription d'un prêtre chrétien.</span> || <span class="smcap">Le petit temple de +Der-el-Medineh.</span> || <span class="smcap">Détails archéologiques.</span> || «<span class="smcap">Ce monde n'est pas une +ville durable.</span>»</p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">D</span><span class="smcap">ans</span> l'espace couvert par les deux temples dont nous venons de parler, -Dr-el-Bahri, on peut tudier l'art et la vie de ce peuple intressant -tels qu'ils se dvelopprent pendant une priode de trois mille ans.</p> +<p class="noindent"><span class="firstletter">D</span><span class="smcap">ans</span> l'espace couvert par les deux temples dont nous venons de parler, à +Dêr-el-Bahri, on peut étudier l'art et la vie de ce peuple intéressant +tels qu'ils se développèrent pendant une période de trois mille ans.</p> <p>Senmut, l'architecte du temple de Hatshepsu, ne put terminer son -œuvre avant la mort de la Reine, et comme il tait un de ses -partisans, il dut probablement prendre la fuite lorsque Thothms III -saisit nouveau les rnes du Gouvernement. Des restaurations furent -faites par la dynastie suivante, sous Ramss II, mais elles font preuve -d'un dclin marqu dans le sens artistique. Un sanctuaire fut <span class="pagenum"><a name="Page_170" id="Page_170">170</a></span> -ajout sur la troisime terrasse sous les Ptolmes, et nous pouvons -comparer cet ouvrage avec ceux de la dix-huitime dynastie. La nature de -la pierre sablonneuse qui servit la construction de ce sanctuaire +œuvre avant la mort de la Reine, et comme il était un de ses +partisans, il dut probablement prendre la fuite lorsque Thothmès III +saisit à nouveau les rênes du Gouvernement. Des restaurations furent +faites par la dynastie suivante, sous Ramsès II, mais elles font preuve +d'un déclin marqué dans le sens artistique. Un sanctuaire fut <span class="pagenum"><a name="Page_170" id="Page_170">170</a></span> +ajouté sur la troisième terrasse sous les Ptolémées, et nous pouvons +comparer cet ouvrage avec ceux de la dix-huitième dynastie. La nature de +la pierre sablonneuse qui servit à la construction de ce sanctuaire explique probablement le manque de finesse de certains bas-reliefs. Les -personnages sont traits la manire grecque, plutt qu'gyptienne, en -tout cas la dcadence de l'art est vidente. L'influence grecque est -visible dans tous les monuments de l'poque des Ptolmes.</p> - -<p>Ce mme sanctuaire devint plus tard la chapelle d'une communaut -chrtienne, et les murailles sont encore noircies par la fume des -torches et des cierges qui l'clairaient durant la clbration de la -messe. Cette chapelle est creuse dans le rocher, et les pierres -sablonneuses formant le mur et le toit ont t videmment employes pour -rsister la pese des pierres calcaires de la partie suprieure. On +personnages sont traités à la manière grecque, plutôt qu'égyptienne, en +tout cas la décadence de l'art est évidente. L'influence grecque est +visible dans tous les monuments de l'époque des Ptolémées.</p> + +<p>Ce même sanctuaire devint plus tard la chapelle d'une communauté +chrétienne, et les murailles sont encore noircies par la fumée des +torches et des cierges qui l'éclairaient durant la célébration de la +messe. Cette chapelle est creusée dans le rocher, et les pierres +sablonneuses formant le mur et le toit ont été évidemment employées pour +résister à la pesée des pierres calcaires de la partie supérieure. On retrouve les traces d'un autel dans la table d'offrandes de Hatshepsu, -et, partout o les dieux paens n'ont pas t cachs par quelque objet -du culte chrtien, leur visage a t dtruit.</p> +et, partout où les dieux païens n'ont pas été cachés par quelque objet +du culte chrétien, leur visage a été détruit.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_29" id="pl_29"></a> -<img src="images/after-page-170.jpg" alt="COUR INTRIEURE DE TEMPLE, A MDINET-HABU" title="COUR INTRIEURE DE TEMPLE, A MDINET-HABU" width="400" height="573" /> +<img src="images/after-page-170.jpg" alt="COUR INTÉRIEURE DE TEMPLE, A MÉDINET-HABU" title="COUR INTÉRIEURE DE TEMPLE, A MÉDINET-HABU" width="400" height="573" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-170.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Les dcorations anciennes ne furent point respectes. Une pierre -reprsentant la tte de Thothms admirablement <span class="pagenum"><a name="Page_171" id="Page_171">171</a></span> sculpte tait +<p>Les décorations anciennes ne furent point respectées. Une pierre +représentant la tête de Thothmès admirablement <span class="pagenum"><a name="Page_171" id="Page_171">171</a></span> sculptée était mise sens dessus dessous dans le mur, si l'on trouvait qu'elle s'adaptait mieux ainsi. Sur les espaces qui ne sont pas couverts -d'hiroglyphes ou de sculptures, on trouve des inscriptions en criture -cursive, hiratique ou dmotique. Une prire Esculape, en caractres -grecs, fut probablement grave par un ouvrier grec, sous le rgne des -Ptolmes. Plus loin, un moine copte, quelques sicles plus tard, a mis -au-dessus de cette prire une croix, avec ces mots: Dieu seul gurit.</p> - -<p>De la terrasse suprieure, la vue est splendide. Vous avez devant vous -la sauvage contre qui forme une partie de la ncropole thbaine. La -plaine fertile traverse par le Nil, se dtache sur un fond de collines. -A droite, se trouve le Ramesseum, avec le temple de Seti gauche, et, -de l'autre ct du fleuve, sur ses bords, apparaissent les grandes -colonnades de Luxor et l'immense pylne de Karnak.</p> - -<p>En 1894-1895, le temple entier fut mis jour aprs de longs travaux -dirigs par le professeur Naville et entrepris aux frais de la Socit -d'Exploration gyptienne.</p> - -<p>De mes aides, quelques-uns retournrent bientt <i>la poussire</i>, ainsi -qu'ils nommaient les fouilles. L'un de <span class="pagenum"><a name="Page_172" id="Page_172">172</a></span> ceux qui restrent avec moi, -montra une telle habilet dans le moulage des bas-reliefs, que je le -reconnus sans peine pour tre, de son mtier, un fabricant d'antiquits. +d'hiéroglyphes ou de sculptures, on trouve des inscriptions en écriture +cursive, hiératique ou démotique. Une prière à Esculape, en caractères +grecs, fut probablement gravée par un ouvrier grec, sous le règne des +Ptolémées. Plus loin, un moine copte, quelques siècles plus tard, a mis +au-dessus de cette prière une croix, avec ces mots: «Dieu seul guérit».</p> + +<p>De la terrasse supérieure, la vue est splendide. Vous avez devant vous +la sauvage contrée qui forme une partie de la nécropole thébaine. La +plaine fertile traversée par le Nil, se détache sur un fond de collines. +A droite, se trouve le Ramesseum, avec le temple de Seti à gauche, et, +de l'autre côté du fleuve, sur ses bords, apparaissent les grandes +colonnades de Luxor et l'immense pylône de Karnak.</p> + +<p>En 1894-1895, le temple entier fut mis à jour après de longs travaux +dirigés par le professeur Naville et entrepris aux frais de la Société +d'Exploration Égyptienne.</p> + +<p>De mes aides, quelques-uns retournèrent bientôt à <i>la poussière</i>, ainsi +qu'ils nommaient les fouilles. L'un de <span class="pagenum"><a name="Page_172" id="Page_172">172</a></span> ceux qui restèrent avec moi, +montra une telle habileté dans le moulage des bas-reliefs, que je le +reconnus sans peine pour être, de son métier, un fabricant d'antiquités. Cet homme savait quelques mots d'anglais et je le laissais souvent -parler. J'ai oubli son nom, mais je me souviens qu'on l'appelait -<i>Tyndale Koom</i>, d'aprs les termes dans lesquels il s'adressait moi, +parler. J'ai oublié son nom, mais je me souviens qu'on l'appelait +<i>Tyndale Koom</i>, d'après les termes dans lesquels il s'adressait à moi, lorsqu'il voulait me faire voir son travail.</p> -<p>Mon second aide tait un nier qui avait abandonn son mtier aprs la -mort de sa bte. Puis venait, par ordre de distinction, un ex-forat, -individu taciturne et rude travailleur. On m'avait dit que dans un accs -de colre il avait tu quelqu'un, mais qu'au fond il n'tait pas -mchant.</p> +<p>Mon second aide était un ânier qui avait abandonné son métier après la +mort de sa bête. Puis venait, par ordre de distinction, un ex-forçat, +individu taciturne et rude travailleur. On m'avait dit que dans un accès +de colère il avait tué quelqu'un, mais qu'au fond il n'était pas +méchant.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_30" id="pl_30"></a> -<img src="images/after-page-172.jpg" alt="TEMPLE DE DR-EL-MEDINET, A THBES" title="TEMPLE DE DR-EL-MEDINET, A THBES" width="400" height="576" /> +<img src="images/after-page-172.jpg" alt="TEMPLE DE DÊR-EL-MEDINET, A THÈBES" title="TEMPLE DE DÊR-EL-MEDINET, A THÈBES" width="400" height="576" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-172.jpg">Image plus grande</a></span></div> <p>Un collaborateur important restait dans la hutte et faisait le moulage -des impressions releves par nous. Ce travail tait extrmement -difficile, aucun de nous ne sachant bien se servir du pltre de Paris. -La peinture des maquettes tant moins longue que leur prparation, je -pus consacrer de nombreux loisirs mes aquarelles. Le petit temple de -Ptolme Dr-el-Medneh, cach dans les replis des collines dsertes -un kilomtre et demi au sud de notre valle, fut un de mes sujets -favoris. Le mot arabe <i>Dr</i>, signifie couvent, <span class="pagenum"><a name="Page_173" id="Page_173">173</a></span> et ce temple porte -les traces du passage des moines coptes. Il fut lev en l'honneur de -Hathor, la desse de la mort, et aussi de la desse Maat. Bien que les -inscriptions soient infrieures celles de Dr-el-Bahri, l'intrieur me -parut plus propre inspirer de pittoresques esquisses que celui de son -trop clbre voisin. Les colonnes couronnes de calyx et les initiales -entrelaces de Hathor, ainsi que la porte du sanctuaire, se prtent sous -un certain clairage de dlicieuses compositions. Des traces de +des impressions relevées par nous. Ce travail était extrêmement +difficile, aucun de nous ne sachant bien se servir du plâtre de Paris. +La peinture des maquettes étant moins longue que leur préparation, je +pus consacrer de nombreux loisirs à mes aquarelles. Le petit temple de +Ptolémée à Dêr-el-Medîneh, caché dans les replis des collines désertes à +un kilomètre et demi au sud de notre vallée, fut un de mes sujets +favoris. Le mot arabe <i>Dêr</i>, signifie couvent, <span class="pagenum"><a name="Page_173" id="Page_173">173</a></span> et ce temple porte +les traces du passage des moines coptes. Il fut élevé en l'honneur de +Hathor, la déesse de la mort, et aussi de la déesse Maat. Bien que les +inscriptions soient inférieures à celles de Dêr-el-Bahri, l'intérieur me +parut plus propre à inspirer de pittoresques esquisses que celui de son +trop célèbre voisin. Les colonnes couronnées de calyx et les initiales +entrelacées de Hathor, ainsi que la porte du sanctuaire, se prêtent sous +un certain éclairage à de délicieuses compositions. Des traces de couleur se retrouvent sur ces initiales, ainsi que sur le cadran solaire qui surmonte la porte.</p> -<p>Les temples de Ptolme ont un grand avantage sur ceux de dates plus -anciennes, c'est qu'ils sont dans un bien meilleur tat de conservation; -en fait, on ne peut gure leur donner le nom de ruines. A part les +<p>Les temples de Ptolémée ont un grand avantage sur ceux de dates plus +anciennes, c'est qu'ils sont dans un bien meilleur état de conservation; +en fait, on ne peut guère leur donner le nom de ruines. A part les objets qui se trouvaient dans ces temples et qui sont maintenant dans -les muses, les temples de Dendera, Esneh et Edfu n'ont gure chang -depuis qu'ils ont t construits.</p> - -<p>Il y a beaucoup peindre Mednet Habu, qui se trouve quinze cent -mtres au sud. Les dcorations de la vingtime dynastie dans le grand -<ins class="correction" title="temlpe">temple</ins> de Ramss III, me paraissaient extrmement grossires <span class="pagenum"><a name="Page_174" id="Page_174">174</a></span> aprs -les bas-reliefs dlicats de Dr-el-Bahri. J'eus beaucoup de difficults - reproduire les premiers bas-reliefs si peu accentus. Dans les sries -de Pont, o le fond est enlev, le relief des personnages ne dpasse -gure un millimtre. Les figures de moindre importance ont peine un -demi-millimtre, quelquefois moins. Les grandes figures sur les colonnes -ne se dtachent pas du fond, et sont souvent peine indiques. A -l'poque de Ramss III, les inscriptions ont atteint une profondeur de -dix douze centimtres. Les restaurations de Ramss II Dr-el-Bahri -sont en relief, mais elles offrent plutt une imitation de celles de son -prdcesseur qu'un signe caractristique de leur propre poque. La +les musées, les temples de Dendera, Esneh et Edfu n'ont guère changé +depuis qu'ils ont été construits.</p> + +<p>Il y a beaucoup à peindre à Medînet Habu, qui se trouve à quinze cent +mètres au sud. Les décorations de la vingtième dynastie dans le grand +<ins class="correction" title="temlpe">temple</ins> de Ramsès III, me paraissaient extrêmement grossières <span class="pagenum"><a name="Page_174" id="Page_174">174</a></span> après +les bas-reliefs délicats de Dêr-el-Bahri. J'eus beaucoup de difficultés +à reproduire les premiers bas-reliefs si peu accentués. Dans les séries +de Pont, où le fond est enlevé, le relief des personnages ne dépasse +guère un millimètre. Les figures de moindre importance ont à peine un +demi-millimètre, quelquefois moins. Les grandes figures sur les colonnes +ne se détachent pas du fond, et sont souvent à peine indiquées. A +l'époque de Ramsès III, les inscriptions ont atteint une profondeur de +dix à douze centimètres. Les restaurations de Ramsès II à Dêr-el-Bahri +sont en relief, mais elles offrent plutôt une imitation de celles de son +prédécesseur qu'un signe caractéristique de leur propre époque. La surface plus rugueuse de la pierre et les dimensions plus grandes de -l'difice expliquent probablement l'accentuation plus sensible des -inscriptions, mais la crainte d'un effacement peut en tre aussi la -cause. Les reliefs accentus furent employs au <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> sicle, mais -seulement dans le cas o un effet de perspective tait recherch. Le -bas-relief parat avoir disparu aprs le rgne de Sti I. Je le -retrouvai Karnak dans un petit temple modeste de la vingt-cinquime -dynastie. Quoique taill dans de la pierre sablonneuse, le relief en -tait fort <span class="pagenum"><a name="Page_175" id="Page_175">175</a></span> beau et accusait une renaissance de l'art, qui pourtant -dclina rapidement pendant la domination des Perses. Quelque grossires -que soient les dcorations, leur dessin est souvent grandiose; j'ai vu -des scnes de bataille d'un mouvement tonnant. L'art semble avoir lutt -nergiquement avant de dcliner pendant le rgne suivant. L'espace me -manque pour donner de plus amples dtails, mais, dans son <i>Histoire de -l'gypte</i>, le Professeur Breasted relate les vnements du rgne -mouvement de Ramss III, vnements que le souverain fit du reste +l'édifice expliquent probablement l'accentuation plus sensible des +inscriptions, mais la crainte d'un effacement peut en être aussi la +cause. Les reliefs accentués furent employés au <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> siècle, mais +seulement dans le cas où un effet de perspective était recherché. Le +bas-relief paraît avoir disparu après le règne de Séti I. Je le +retrouvai à Karnak dans un petit temple modeste de la vingt-cinquième +dynastie. Quoique taillé dans de la pierre sablonneuse, le relief en +était fort <span class="pagenum"><a name="Page_175" id="Page_175">175</a></span> beau et accusait une renaissance de l'art, qui pourtant +déclina rapidement pendant la domination des Perses. Quelque grossières +que soient les décorations, leur dessin est souvent grandiose; j'ai vu +des scènes de bataille d'un mouvement étonnant. L'art semble avoir lutté +énergiquement avant de décliner pendant le règne suivant. L'espace me +manque pour donner de plus amples détails, mais, dans son <i>Histoire de +l'Égypte</i>, le Professeur Breasted relate les événements du règne +mouvementé de Ramsès III, événements que le souverain fit du reste graver sur son temple monumental.</p> -<p>En sortant par le pylne massif, nous trouvons notre gauche une srie -de petits temples qui nous reprsentent quatorze sicles, du rgne de -Hatshepsu aux derniers Ptolmes. Les murailles du temple de Hatshepsu -portent des traces des luttes de cette reine avec son pre, son mari et -son frre, et sur ses portraits effacs, nous voyons les figures en -cartouches des trois Thothms. Ceci servit probablement d'enseignement -Ramss III, qui fit graver trs profondment les inscriptions sur son -temple. Nous passons par un pylne rig par Taharqua, de la -vingt-cinquime dynastie—le Tirharkah de la Bible—et <span class="pagenum"><a name="Page_176" id="Page_176">176</a></span> nous -pntrons dans le dlicieux petit temple de Nektanebos, le dernier -Pharaon de la dernire dynastie (trentime). Huit colonnes reprsentant -des papyrus entrelacs, chapiteaux fleuris, supportaient autrefois la -toiture; deux seulement sont encore entires. Ces colonnes, relies par -un cran en pierre fouille et se dtachant sur le pylne de Taharqua, -forment un charmant ensemble. Le grand pylne du dixime des Ptolmes -nous conduit dans un vestibule colonnes puis dans une large cour qui -termine cette srie de temples.</p> - -<p>Cette œuvre de Nektanebos et du Ptolme ne fut excute qu'aprs que -le grand monument de Ramss fut presque tomb en ruines; cela ressort de -ce fait que les constructions de Nektanebos et Ptolme furent faites -l'intrieur et l'extrieur des murailles formant l'enceinte du grand -temple; elles empitent aussi sur une partie de l'emplacement du -pavillon de Ramss. Ce pavillon, dont nous ne voyons plus que la partie -centrale, forme l'entre principale du temple.</p> +<p>En sortant par le pylône massif, nous trouvons à notre gauche une série +de petits temples qui nous représentent quatorze siècles, du règne de +Hatshepsu aux derniers Ptolémées. Les murailles du temple de Hatshepsu +portent des traces des luttes de cette reine avec son père, son mari et +son frère, et sur ses portraits effacés, nous voyons les figures en +cartouches des trois Thothmès. Ceci servit probablement d'enseignement à +Ramsès III, qui fit graver très profondément les inscriptions sur son +temple. Nous passons par un pylône érigé par Taharqua, de la +vingt-cinquième dynastie—le Tirharkah de la Bible—et <span class="pagenum"><a name="Page_176" id="Page_176">176</a></span> nous +pénétrons dans le délicieux petit temple de Nektanebos, le dernier +Pharaon de la dernière dynastie (trentième). Huit colonnes représentant +des papyrus entrelacés, à chapiteaux fleuris, supportaient autrefois la +toiture; deux seulement sont encore entières. Ces colonnes, reliées par +un écran en pierre fouillée et se détachant sur le pylône de Taharqua, +forment un charmant ensemble. Le grand pylône du dixième des Ptolémées +nous conduit dans un vestibule à colonnes puis dans une large cour qui +termine cette série de temples.</p> + +<p>Cette œuvre de Nektanebos et du Ptolémée ne fut exécutée qu'après que +le grand monument de Ramsès fut presque tombé en ruines; cela ressort de +ce fait que les constructions de Nektanebos et Ptolémée furent faites à +l'intérieur et à l'extérieur des murailles formant l'enceinte du grand +temple; elles empiètent aussi sur une partie de l'emplacement du +pavillon de Ramsès. Ce pavillon, dont nous ne voyons plus que la partie +centrale, forme l'entrée principale du temple.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_31" id="pl_31"></a> -<img src="images/after-page-176.jpg" alt="VUE INTRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSS III, MEDINET-HABU" title="VUE INTRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSS III, MEDINET-HABU" width="400" height="747" /> +<img src="images/after-page-176.jpg" alt="VUE INTÉRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSÈS III, MEDINET-HABU" title="VUE INTÉRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSÈS III, MEDINET-HABU" width="400" height="747" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-176.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>A mesure que de nouveaux temples s'levaient, les anciens tombaient en -ruines et l'on employait les pierres ainsi toutes prtes comme matriaux +<p>A mesure que de nouveaux temples s'élevaient, les anciens tombaient en +ruines et l'on employait les pierres ainsi toutes prêtes comme matériaux de construction. On retrouve des inscriptions des anciens <span class="pagenum"><a name="Page_177" id="Page_177">177</a></span> temples -sur les murs des temples plus rcents. Il est tonnant que les ruines du -village chrtien situ l'est du grand temple, n'offrent que des murs -en boue dessche. L'glise du village qui occupait le centre de la -seconde cour tait galement construite l'aide de cette pauvre -matire, alors que des pierres toutes prpares et toutes tailles se -trouvaient proximit.</p> - -<p>Le magnifique Amenhotep III btit son palais somptueux auprs des -temples de Mednet Habu, mais on en retrouve peu de vestiges. Ce palais -tait probablement dj tomb en ruines lorsque Ramss III fit -construire son grand temple. Ce monde n'est pas une ville durable, -disait-on au temps des Pharaons. Les grands palais qui ont exist -Thbes et qui servaient de demeures aux rois et aux nobles, taient tous -construits en briques de boue; ils durrent peu, mais ils nous ont -laiss quelques fragments qui nous permettent de juger de leur +sur les murs des temples plus récents. Il est étonnant que les ruines du +village chrétien situé à l'est du grand temple, n'offrent que des murs +en boue desséchée. L'église du village qui occupait le centre de la +seconde cour était également construite à l'aide de cette pauvre +matière, alors que des pierres toutes préparées et toutes taillées se +trouvaient à proximité.</p> + +<p>Le magnifique Amenhotep III bâtit son palais somptueux auprès des +temples de Medînet Habu, mais on en retrouve peu de vestiges. Ce palais +était probablement déjà tombé en ruines lorsque Ramsès III fit +construire son grand temple. «Ce monde n'est pas une ville durable», +disait-on au temps des Pharaons. Les grands palais qui ont existé à +Thèbes et qui servaient de demeures aux rois et aux nobles, étaient tous +construits en briques de boue; ils durèrent peu, mais ils nous ont +laissé quelques fragments qui nous permettent de juger de leur splendeur. Nous retrouvons heureusement des dessins de ces palais sur -les murailles des temples et des spulcres, ainsi que des spcimens de -mobiliers qui ornent prsent la dernire demeure des morts, et qui -nous donnent une ide des anciens intrieurs gyptiens.</p> +les murailles des temples et des sépulcres, ainsi que des spécimens de +mobiliers qui ornent à présent la dernière demeure des morts, et qui +nous donnent une idée des anciens intérieurs égyptiens.</p> <p><span class="pagenum"><a name="Page_178" id="Page_178">178</a></span></p> -<p>Le pavillon de Ramss III, dont nous ne voyons qu'une partie, nous fait -songer une forteresse plutt qu' un palais; il fut sans doute -construit en pierres tailles, pour des raisons stratgiques, par ce roi +<p>Le pavillon de Ramsès III, dont nous ne voyons qu'une partie, nous fait +songer à une forteresse plutôt qu'à un palais; il fut sans doute +construit en pierres taillées, pour des raisons stratégiques, par ce roi guerrier.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> @@ -3578,227 +3539,227 @@ guerrier.</p> LA TOMBE DE LA REINE TYI<a name="ch_15" id="ch_15"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Comment les indignes jugent les archologues.</span> || <span class="smcap">Du rle de la reine +<p class="subtitle"><span class="smcap">Comment les indigènes jugent les archéologues.</span> || <span class="smcap">Du rôle de la reine Tyi dans l'histoire des Pharaons.</span> || <span class="smcap">Le Dieu nouveau.</span> || <span class="smcap">Visite a la -tombe mystrieuse.</span> || <span class="smcap">Sic transit gloria mundi.</span> || <span class="smcap">Une cruelle -dsillusion.</span></p> - -<p class="noindent"><span class="firstletter">N</span><span class="smcap">oel</span> tait pass, et les travaux d'excavation n'avaient donn aucun -rsultat intressant. L'intrt qu'ils inspiraient tout d'abord tait -tomb. Cette valle renfermant les tombes des rois, que j'tais -impatient de revoir aussitt que mes travaux personnels m'en -laisseraient le loisir, devait pourtant, mon avis, recler bien des -mystres, que des fouilles habilement diriges ne tarderaient point -dvoiler. Un jour, la nouvelle se rpandit qu'Ayrton avait dcouvert de -l'or et des pierres prcieuses, et les habitants du pays le voyaient -dj ramassant la main des trsors incalculables. Mon travail n'avana -gure ce jour-l, car <i>Tyndale Koom</i>, Ahmet et mme <span class="pagenum"><a name="Page_180" id="Page_180">180</a></span> l'ex-forat +tombe mystérieuse.</span> || «<span class="smcap">Sic transit gloria mundi.</span>» || <span class="smcap">Une cruelle +désillusion.</span></p> + +<p class="noindent"><span class="firstletter">N</span><span class="smcap">oel</span> était passé, et les travaux d'excavation n'avaient donné aucun +résultat intéressant. L'intérêt qu'ils inspiraient tout d'abord était +tombé. Cette vallée renfermant les tombes des rois, que j'étais +impatient de revoir aussitôt que mes travaux personnels m'en +laisseraient le loisir, devait pourtant, à mon avis, recéler bien des +mystères, que des fouilles habilement dirigées ne tarderaient point à +dévoiler. Un jour, la nouvelle se répandit qu'Ayrton avait découvert de +l'or et des pierres précieuses, et les habitants du pays le voyaient +déjà ramassant à la main des trésors incalculables. Mon travail n'avança +guère ce jour-là, car <i>Tyndale Koom</i>, Ahmet et même <span class="pagenum"><a name="Page_180" id="Page_180">180</a></span> l'ex-forçat taciturne ne tarissaient pas en bavardages. Inutile de dire que la -valeur archologique de la dcouverte ne les intressait pas. Les -indignes sont pleins de cette ide que tous les Europens qui -s'occupent des fouilles ne le font que par rapacit et amour du pillage. -La pense qu'avec ce qu'ils retireraient du butin, <i>Mistr Davis</i> et -<i>Mistr Eirton</i> pourraient vivre tranquillement jusqu' la fin de leurs +valeur archéologique de la découverte ne les intéressait pas. Les +indigènes sont pleins de cette idée que tous les Européens qui +s'occupent des fouilles ne le font que par rapacité et amour du pillage. +La pensée qu'avec ce qu'ils retireraient du butin, <i>Mistr Davis</i> et +<i>Mistr Eirton</i> pourraient vivre tranquillement jusqu'à la fin de leurs jours, occupait leur esprit et, probablement, excitait leur rancune; ils -trouvaient mauvais que ces chiens de chrtiens pussent s'emparer ainsi -de ce qu'Allah avait mis en rserve pour les vrais croyants!</p> +trouvaient mauvais que ces chiens de chrétiens pussent s'emparer ainsi +de ce qu'Allah avait mis en réserve pour les vrais croyants!</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_32" id="pl_32"></a> -<img src="images/after-page-180.jpg" alt="LES PYLONES DES PTOLMES, MEDINET-HABU" title="LES PYLONES DES PTOLMES, MEDINET-HABU" width="400" height="528" /> +<img src="images/after-page-180.jpg" alt="LES PYLONES DES PTOLÉMÉES, MEDINET-HABU" title="LES PYLONES DES PTOLÉMÉES, MEDINET-HABU" width="400" height="528" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-180.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Une chose tait certaine: on avait trouv et ouvert la tombe de la Reine -Tyi. On aurait dit que les roches calcaires qui protgeaient l'entre +<p>Une chose était certaine: on avait trouvé et ouvert la tombe de la Reine +Tyi. On aurait dit que les roches calcaires qui protégeaient l'entrée des fouilles avaient la transparence d'un rideau de mousseline, tant les -curieux taient bien renseigns. M. Thodore Davis avait quitt sa -<i>dahabiyeh</i> pour venir sur les lieux; le Bash Moufetish tait arriv, -accompagn de son <i>wakeel</i> et de ses gardes particuliers; on avait -tlgraphi M. Maspero; un artiste spcial tait sur le terrain et un -photographe avait t mand du Caire. L'arrive de notre ami Ayrton mit -fin notre impatience d'en savoir davantage. Il pouvait tre satisfait, -<span class="pagenum"><a name="Page_181" id="Page_181">181</a></span> car sa dcouverte tait une des plus belles qui se fussent -produites depuis nombre d'annes. Il nous dit que la tombe de la Reine -Tyi avait certainement t ouverte depuis que la Reine y avait t -ensevelie, mais que le vol apparemment n'avait pas t le but du -sacrilge; les objets de valeur s'y trouvaient encore, mais les -hiroglyphes se rapportant l'hrsie qu'elle avait favorise et au -fils qu'elle avait essay d'tablir, avaient t effacs. Il paraissait -clair que le sacrilge n'avait t commis que quelques annes aprs la -mort de la Reine, et que les prtres d'Ammon, ayant satisfait leur zle -religieux et rpar la brche faite dans la muraille, Tyi avait repos -tranquillement pendant plus de trois mille ans. Un boulement de rochers -avait protg sa tombe du pillage des Romains, du fanatisme des premiers -chrtiens et de la rapacit des Arabes, mais non des investigations des -gyptologues.</p> - -<p>Ce soir-l notre conversation roula sur la Reine Tyi, son fils Akhnaton -et sur l'volution religieuse de leur poque. Nous fmes dsappoints en -apprenant que l'entre de la tombe nous serait ferme pendant quelques -jours encore; le photographe du Caire tait absent, et rien ne pouvait -tre dplac avant son <span class="pagenum"><a name="Page_182" id="Page_182">182</a></span> arrive. On craignait d'autre part que les -objets ne se dtriorassent la temprature extrieure, car il arrive -souvent que des choses demeures intactes dans un spulcre pendant des -sicles, tombent en poussire ds qu'elles sont exposes la -temprature du dehors. Cette crainte n'tait que trop justifie, comme +curieux étaient bien renseignés. M. Théodore Davis avait quitté sa +<i>dahabiyeh</i> pour venir sur les lieux; le Bash Moufetish était arrivé, +accompagné de son <i>wakeel</i> et de ses gardes particuliers; on avait +télégraphié à M. Maspero; un artiste spécial était sur le terrain et un +photographe avait été mandé du Caire. L'arrivée de notre ami Ayrton mit +fin à notre impatience d'en savoir davantage. Il pouvait être satisfait, +<span class="pagenum"><a name="Page_181" id="Page_181">181</a></span> car sa découverte était une des plus belles qui se fussent +produites depuis nombre d'années. Il nous dit que la tombe de la Reine +Tyi avait certainement été ouverte depuis que la Reine y avait été +ensevelie, mais que le vol apparemment n'avait pas été le but du +sacrilège; les objets de valeur s'y trouvaient encore, mais les +hiéroglyphes se rapportant à l'hérésie qu'elle avait favorisée et au +fils qu'elle avait essayé d'établir, avaient été effacés. Il paraissait +clair que le sacrilège n'avait été commis que quelques années après la +mort de la Reine, et que les prêtres d'Ammon, ayant satisfait leur zèle +religieux et réparé la brèche faite dans la muraille, Tyi avait reposé +tranquillement pendant plus de trois mille ans. Un éboulement de rochers +avait protégé sa tombe du pillage des Romains, du fanatisme des premiers +chrétiens et de la rapacité des Arabes, mais non des investigations des +égyptologues.</p> + +<p>Ce soir-là notre conversation roula sur la Reine Tyi, son fils Akhnaton +et sur l'évolution religieuse de leur époque. Nous fûmes désappointés en +apprenant que l'entrée de la tombe nous serait fermée pendant quelques +jours encore; le photographe du Caire était absent, et rien ne pouvait +être déplacé avant son <span class="pagenum"><a name="Page_182" id="Page_182">182</a></span> arrivée. On craignait d'autre part que les +objets ne se détériorassent à la température extérieure, car il arrive +souvent que des choses demeurées intactes dans un sépulcre pendant des +siècles, tombent en poussière dès qu'elles sont exposées à la +température du dehors. Cette crainte n'était que trop justifiée, comme on le verra plus loin.</p> -<p>Une semaine s'coula avant que personne, l'exception de ceux qui y -travaillaient, ne pt visiter la prcieuse tombe. Notre curiosit tait -continuellement excite par J. Lindon Smith, un artiste amricain, -charg de peindre l'intrieur de la tombe et son contenu, et qui en s'en -retournant Luxor s'arrtait notre campement pour nous raconter sa -journe. Les longues heures passes dans la chambre mortuaire +<p>Une semaine s'écoula avant que personne, à l'exception de ceux qui y +travaillaient, ne pût visiter la précieuse tombe. Notre curiosité était +continuellement excitée par J. Lindon Smith, un artiste américain, +chargé de peindre l'intérieur de la tombe et son contenu, et qui en s'en +retournant à Luxor s'arrêtait à notre campement pour nous raconter sa +journée. Les longues heures passées dans la chambre mortuaire n'attristaient point l'artiste, et ce fut l'un des plus gais compagnons que j'eus la bonne fortune de rencontrer.</p> <p>Quatre grandes jarres, dont les couvercles portaient l'image de la -Reine, avaient t trouves, ainsi qu'une cassette renfermant des objets -de toilette en bel mail bleu. Avant de rendre visite la dpouille -mortelle de cette reine romanesque, il sera intressant, pour ceux qui -ne connaissent qu'imparfaitement <span class="pagenum"><a name="Page_183" id="Page_183">183</a></span> l'histoire de l'gypte, -d'apprendre le rle important qu'elle joua pendant la dix-huitime -dynastie, alors que l'Empire avait atteint l'apoge de sa puissance. A -l'encontre de Hatshepsu, elle tait de naissance obscure, et l'on dit -mme qu'elle n'tait point gyptienne, mais les preuves manquent -l'appui de cette assertion. Elle pousa le jeune Pharaon, Amenhotep III, - peu prs au moment de son avnement; ce prince magnifique laissa de -nombreux documents o il la nommait <i>Reine Consort</i>, et la dclaration -royale se termine par ces mots: Elle est la femme d'un Roi Puissant, -dont l'empire s'tend au sud jusqu' Karoy et au nord jusqu' Naharin. -Ainsi que Breasted le remarque dans son <i>Histoire de l'gypte</i>, le roi -voulait par l rappeler la haute position qu'elle occupait tous ceux -qui auraient pu songer l'humble origine de la Reine. Thothms III et -ses deux successeurs guerriers avaient consolid l'empire sur lequel -Amenhotep tait appel rgner; d'une haute culture artistique et ayant - sa disposition d'inpuisables trsors, ce dernier fit de Thbes la -plus splendide capitale du monde. Seuls, quelques fragments dissmins -dans les muses nous restent de son grand palais; quelques pierres -marquent l'emplacement <span class="pagenum"><a name="Page_184" id="Page_184">184</a></span> de son mausole, et les colosses ont t -cruellement dtriors par le temps.</p> - -<p>Le grand temple de Luxor, encore debout, nous donne la meilleure ide de -ce qui fut fait durant ce rgne. L'architecte Amenhotep, fils d'Api, fut -connu des Grecs douze sicles plus tard, et la sagesse de ses maximes -est cite dans <i>Les Proverbes des Sept Sages</i>. On peut voir de lui un -curieux portrait au Muse du Caire.</p> - -<p>Contrairement aux usages de la contre, la Reine prit une part -prminente toutes les crmonies religieuses ainsi qu'aux affaires de -l'tat, et il est curieux de penser que cette petite femme dlicate et +Reine, avaient été trouvées, ainsi qu'une cassette renfermant des objets +de toilette en bel émail bleu. Avant de rendre visite à la dépouille +mortelle de cette reine romanesque, il sera intéressant, pour ceux qui +ne connaissent qu'imparfaitement <span class="pagenum"><a name="Page_183" id="Page_183">183</a></span> l'histoire de l'Égypte, +d'apprendre le rôle important qu'elle joua pendant la dix-huitième +dynastie, alors que l'Empire avait atteint l'apogée de sa puissance. A +l'encontre de Hatshepsu, elle était de naissance obscure, et l'on dit +même qu'elle n'était point Égyptienne, mais les preuves manquent à +l'appui de cette assertion. Elle épousa le jeune Pharaon, Amenhotep III, +à peu près au moment de son avènement; ce prince magnifique laissa de +nombreux documents où il la nommait <i>Reine Consort</i>, et la déclaration +royale se termine par ces mots: «Elle est la femme d'un Roi Puissant, +dont l'empire s'étend au sud jusqu'à Karoy et au nord jusqu'à Naharin». +Ainsi que Breasted le remarque dans son <i>Histoire de l'Égypte</i>, «le roi +voulait par là rappeler la haute position qu'elle occupait à tous ceux +qui auraient pu songer à l'humble origine de la Reine». Thothmès III et +ses deux successeurs guerriers avaient consolidé l'empire sur lequel +Amenhotep était appelé à régner; d'une haute culture artistique et ayant +à sa disposition d'inépuisables trésors, ce dernier fit de Thèbes la +plus splendide capitale du monde. Seuls, quelques fragments disséminés +dans les musées nous restent de son grand palais; quelques pierres +marquent l'emplacement <span class="pagenum"><a name="Page_184" id="Page_184">184</a></span> de son mausolée, et les colosses ont été +cruellement détériorés par le temps.</p> + +<p>Le grand temple de Luxor, encore debout, nous donne la meilleure idée de +ce qui fut fait durant ce règne. L'architecte Amenhotep, fils d'Api, fut +connu des Grecs douze siècles plus tard, et la sagesse de ses maximes +est citée dans <i>Les Proverbes des Sept Sages</i>. On peut voir de lui un +curieux portrait au Musée du Caire.</p> + +<p>Contrairement aux usages de la contrée, la Reine prit une part +prééminente à toutes les cérémonies religieuses ainsi qu'aux affaires de +l'État, et il est curieux de penser que cette petite femme délicate et fine, tandis qu'elle suivait ces rites religieux, encourageait en secret -une hrsie qui, pendant le rgne de son fils, devait amener la ruine de -l'empire. Les causes de cette rforme religieuse demeurent un mystre; -les prtres d'Ammon, qui taient alors tout-puissants, cachrent leur -mcontentement. La Reine eut sans doute beaucoup d'influence sur son +une hérésie qui, pendant le règne de son fils, devait amener la ruine de +l'empire. Les causes de cette réforme religieuse demeurent un mystère; +les prêtres d'Ammon, qui étaient alors tout-puissants, cachèrent leur +mécontentement. La Reine eut sans doute beaucoup d'influence sur son mari, mais elle en eut bien davantage sur son fils, et ce fut ce jeune -homme qui, aprs la mort de son pre, dclara hardiment la guerre aux -prtres et proclama l'existence d'un tre Suprme, dont la manifestation -<span class="pagenum"><a name="Page_185" id="Page_185">185</a></span> visible tait le disque solaire. Son nom, Amenhotep IV,—Ammon -repose—lui devint impossible porter; comment pouvait-on l'appeler -ainsi, alors qu'il effaait le nom d'Ammon des murs des temples et -offrait un autel au nouveau dieu Aton? Il changea ce nom contre celui -d'<i>Akh-en-Aton</i>, signifiant Esprit d'Aton. Pendant six ans il lutta -pour effacer toute trace du culte d'Ammon, mais les souvenirs du pass -taient trop vivaces Thbes pour qu'ils pussent tre dtruits. Aid de -sa mre et du prtre Eye, qui avait toujours encourag son zle -rformateur, il rsolut de construire une nouvelle capitale qu'il -ddierait Aton. Il choisit un site pittoresque quelque cinq cents -kilomtres au-dessous de Thbes, appel maintenant Tell-el-Amarna, mais -qu'il nomma <i>Akhetaton</i>, Horizon d'Aton. Il parat y avoir vcu le +homme qui, après la mort de son père, déclara hardiment la guerre aux +prêtres et proclama l'existence d'un Être Suprême, dont la manifestation +<span class="pagenum"><a name="Page_185" id="Page_185">185</a></span> visible était le disque solaire. Son nom, Amenhotep IV,—«Ammon +repose»—lui devint impossible à porter; comment pouvait-on l'appeler +ainsi, alors qu'il effaçait le nom d'Ammon des murs des temples et +offrait un autel au nouveau dieu Aton? Il échangea ce nom contre celui +d'<i>Akh-en-Aton</i>, signifiant «Esprit d'Aton». Pendant six ans il lutta +pour effacer toute trace du culte d'Ammon, mais les souvenirs du passé +étaient trop vivaces à Thèbes pour qu'ils pussent être détruits. Aidé de +sa mère et du prêtre Eye, qui avait toujours encouragé son zèle +réformateur, il résolut de construire une nouvelle capitale qu'il +dédierait à Aton. Il choisit un site pittoresque à quelque cinq cents +kilomètres au-dessous de Thèbes, appelé maintenant Tell-el-Amarna, mais +qu'il nomma <i>Akhetaton</i>, «Horizon d'Aton». Il paraît y avoir vécu le reste de sa vie, comme le Pape dans le Vatican, refusant de visiter les -rgions qui n'taient pas ddies son dieu. Les provinces asiatiques -refusrent bientt de payer leur tribut, et la fin de son rgne -l'immense empire ne comprenait plus que les provinces arroses par le -Nil. Il mourut sans successeur mle direct, et son gendre, Sakere, dont -on ne connat pas l'histoire, lui succda. Un autre de ses gendres, -Twet-ankh-Amon, <span class="pagenum"><a name="Page_186" id="Page_186">186</a></span> succda ce dernier, et aprs entente avec les -prtres d'Ammon, il retourna Thbes qui, depuis vingt ans, n'avait pas -vu de Pharaon. Ce fut probablement durant son rgne que le culte d'Ammon -fut rtabli, la tombe de la Reine Tyi ouverte et tous les souvenirs du -maudit Aton dtruits.</p> +régions qui n'étaient pas dédiées à son dieu. Les provinces asiatiques +refusèrent bientôt de payer leur tribut, et à la fin de son règne +l'immense empire ne comprenait plus que les provinces arrosées par le +Nil. Il mourut sans successeur mâle direct, et son gendre, Sakere, dont +on ne connaît pas l'histoire, lui succéda. Un autre de ses gendres, +Twet-ankh-Amon, <span class="pagenum"><a name="Page_186" id="Page_186">186</a></span> succéda à ce dernier, et après entente avec les +prêtres d'Ammon, il retourna à Thèbes qui, depuis vingt ans, n'avait pas +vu de Pharaon. Ce fut probablement durant son règne que le culte d'Ammon +fut rétabli, la tombe de la Reine Tyi ouverte et tous les souvenirs du +maudit Aton détruits.</p> <div class="figcenter2" style="width: 514px;"><a name="pl_33" id="pl_33"></a> -<img src="images/after-page-186.jpg" alt="KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE SETI Ier, A THBES" title="KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE SETI Ier, A THBES" width="514" height="400" /> +<img src="images/after-page-186.jpg" alt="KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE SETI Ier, A THÈBES" title="KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE SETI Ier, A THÈBES" width="514" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-186.jpg">Image plus grande</a></span></div> <p>Il nous fut enfin permis de visiter cette Reine avant que son cercueil -gemm ne ft envoy au Muse du Caire et ses ossements ensevelis au pied +gemmé ne fût envoyé au Musée du Caire et ses ossements ensevelis au pied de la colline protectrice de son tombeau. Mes amis, M. Henry Holiday et -Miss Mothersole, firent partie de l'expdition. Nous ne fmes pas long -gravir la montagne et descendre dans la valle des Tombes des Rois. -Deux policiers en faction nous indiqurent l'endroit que nous +Miss Mothersole, firent partie de l'expédition. Nous ne fûmes pas long à +gravir la montagne et à descendre dans la vallée des Tombes des Rois. +Deux policiers en faction nous indiquèrent l'endroit que nous cherchions, et lorsque les sentinelles furent bien convaincues que nous -tions des amis de <i>Hawaha</i>, nous fmes conduits la tombe nouvellement -ouverte. Je fus assez surpris de ce qui se prsenta d'abord nos yeux: -un jeune Anglais de stature athltique, revtu d'un costume de flanelle, -tait l, entour de botes de fer-blanc, et, clair d'une lanterne -lectrique, il classait des pierres prcieuses; la lumire qui faisait -tinceler les joyaux tombait aussi sur les murs blancs du spulcre, et -l'ombre sinistre de notre compatriote <span class="pagenum"><a name="Page_187" id="Page_187">187</a></span> aurait pu tre prise pour -celle d'un sorcier ou d'un prtre d'Ammon. L'or et le blanc taient les -couleurs dominantes de tout ce qui tait clair par les rayons -lectriques, et, au premier coup d'œil, on se serait plutt cru dans -un boudoir dvast que dans une mystrieuse demeure funraire.</p> - -<p>Ces rflexions furent de courte dure, car notre ami ayant prestement -rentr ses pierres: des lapis-lazuli en forme de demi-lune dans une -bote de <i>Beauts gyptiennes</i>, des cornalines et des turquoises dans -des botes de <i>Dmtrius</i> et de <i>Nestor Genakalis</i>, s'empressa de nous -souhaiter la bienvenue et de nous faire descendre dans la tombe, situe - quelques pieds au-dessous de l'entre qui y conduisait. Nous devions -marcher avec prcaution et avoir soin de ne rien toucher, car la plupart -des objets taient trs fragiles et le moindre heurt aurait t funeste. -Le dais effondr nous cachait la vue du cercueil; enfin nous vmes -devant nous l'effigie de Tyi. C'tait le spectacle le plus motionnant -que j'eusse jamais vu: vtue et pare comme elle l'tait sans doute le -jour o Amenhotep le Magnifique la conduisit au festin nuptial, elle -reposait, les bras croiss. merveill par la splendeur de ce tableau, -je ne vis point tout d'abord qu'un <span class="pagenum"><a name="Page_188" id="Page_188">188</a></span> ct du cercueil tait tomb et -que le corps rel de la Reine reposait ct de cette glorieuse -effigie. Son visage dessch, ses joues creuses, ses lvres minces et -parchemines, dcouvrant quelques dents, offraient un contraste frappant -avec le diadme d'or qui encerclait son front et le collier qui cachait -une partie de sa gorge momifie. Son corps tait envelopp de minces -feuilles d'or qui, dchires en plusieurs endroits, rendaient le +étions des amis de <i>Hawaha</i>, nous fûmes conduits à la tombe nouvellement +ouverte. Je fus assez surpris de ce qui se présenta d'abord à nos yeux: +un jeune Anglais de stature athlétique, revêtu d'un costume de flanelle, +était là, entouré de boîtes de fer-blanc, et, éclairé d'une lanterne +électrique, il classait des pierres précieuses; la lumière qui faisait +étinceler les joyaux tombait aussi sur les murs blancs du sépulcre, et +l'ombre sinistre de notre compatriote <span class="pagenum"><a name="Page_187" id="Page_187">187</a></span> aurait pu être prise pour +celle d'un sorcier ou d'un prêtre d'Ammon. L'or et le blanc étaient les +couleurs dominantes de tout ce qui était éclairé par les rayons +électriques, et, au premier coup d'œil, on se serait plutôt cru dans +un boudoir dévasté que dans une mystérieuse demeure funéraire.</p> + +<p>Ces réflexions furent de courte durée, car notre ami ayant prestement +rentré ses pierres: des lapis-lazuli en forme de demi-lune dans une +boîte de <i>Beautés égyptiennes</i>, des cornalines et des turquoises dans +des boîtes de <i>Démétrius</i> et de <i>Nestor Genakalis</i>, s'empressa de nous +souhaiter la bienvenue et de nous faire descendre dans la tombe, située +à quelques pieds au-dessous de l'entrée qui y conduisait. Nous devions +marcher avec précaution et avoir soin de ne rien toucher, car la plupart +des objets étaient très fragiles et le moindre heurt aurait été funeste. +Le dais effondré nous cachait la vue du cercueil; enfin nous vîmes +devant nous l'effigie de Tyi. C'était le spectacle le plus émotionnant +que j'eusse jamais vu: vêtue et parée comme elle l'était sans doute le +jour où Amenhotep le Magnifique la conduisit au festin nuptial, elle +reposait, les bras croisés. Émerveillé par la splendeur de ce tableau, +je ne vis point tout d'abord qu'un <span class="pagenum"><a name="Page_188" id="Page_188">188</a></span> côté du cercueil était tombé et +que le corps réel de la Reine reposait à côté de cette glorieuse +effigie. Son visage desséché, ses joues creuses, ses lèvres minces et +parcheminées, découvrant quelques dents, offraient un contraste frappant +avec le diadème d'or qui encerclait son front et le collier qui cachait +une partie de sa gorge momifiée. Son corps était enveloppé de minces +feuilles d'or qui, déchirées en plusieurs endroits, rendaient le spectacle encore plus lamentable.</p> -<p>Je compris bientt pourquoi le corps gisait ct du cercueil. La -bire, trs lourde, avait t pose sur de beaux trteaux surmonts d'un -dais dor, mais l'un des pieds sculpts des trteaux ayant cd, le -cercueil tait tomb terre et l'un des cts s'tant bris, la momie -s'en tait chappe. <i>Sic transit gloria mundi!</i></p> +<p>Je compris bientôt pourquoi le corps gisait à côté du cercueil. La +bière, très lourde, avait été posée sur de beaux tréteaux surmontés d'un +dais doré, mais l'un des pieds sculptés des tréteaux ayant cédé, le +cercueil était tombé à terre et l'un des côtés s'étant brisé, la momie +s'en était échappée. <i>Sic transit gloria mundi!</i></p> -<p>Avant que ce livre ne soit publi, tous les objets renferms dans la -tombe de Tyi auront t tiquets, catalogus et classs dans le Muse +<p>Avant que ce livre ne soit publié, tous les objets renfermés dans la +tombe de Tyi auront été étiquetés, catalogués et classés dans le Musée du Caire. La Reine, elle, n'y sera pas. Tout objet ayant une valeur -artistique ou archologique sera transport dans la <i>dahabiyeh</i> de M. -Davis, et le corps sera remis dans sa spulture, et la tombe mure.</p> +artistique ou archéologique sera transporté dans la <i>dahabiyeh</i> de M. +Davis, et le corps sera remis dans sa sépulture, et la tombe murée.</p> <p><span class="pagenum"><a name="Page_189" id="Page_189">189</a></span></p> -<p>Ces pages furent crites au moment o, tout l'enthousiasme de la -dcouverte, nous ne songions pas mettre en doute son authenticit, et -je les publie ainsi afin de ne pas leur enlever leur sincrit de -premires impressions. Mais une triste dsillusion nous tait rserve. -Depuis mon dpart d'gypte, cette intressante momie a t examine par -de savants chirurgiens qui ont dclar que le squelette tait celui d'un -jeune homme g de <ins class="correction" title="ving">vingt</ins>-cinq vingt-six ans....</p> - -<p>Il n'y a pas de doute que tout ce qui se trouvait dans le spulcre -appartenait la tombe de la Reine Tyi, mais l'endroit o repose -rellement son corps, et l'identit du jeune homme qui usurpait ici sa -place demeurent autant de mystres. Il ne semble gure possible que ce -corps soit celui d'Ikhnaton qui aurait t transport ici de -Tel-el-Amarna pour reposer prs de ses anctres. Son rgne, sous lequel -se sont accomplis tant d'vnements, n'aurait gure pu se terminer si -tt. Obtiendra-t-on quelque nouvel claircissement sur ce que firent les -prtres d'Ammon, lorsqu'ils ouvrirent le spulcre pour y effacer le nom -maudit d'Aton? Peut-tre le crmonial somptueux des obsques royales ne -fut-il qu'un simulacre et le corps <span class="pagenum"><a name="Page_190" id="Page_190">190</a></span> de la Reine a-t-il t -transport dans la ville d'Akhetaton, construite par son fils, pour -chapper aux mains sacrilges des prtres?</p> - -<p>Nous laisserons ces questions sans rponse et nous retournerons aux +<p>Ces pages furent écrites au moment où, tout à l'enthousiasme de la +découverte, nous ne songions pas à mettre en doute son authenticité, et +je les publie ainsi afin de ne pas leur enlever leur sincérité de +premières impressions. Mais une triste désillusion nous était réservée. +Depuis mon départ d'Égypte, cette intéressante momie a été examinée par +de savants chirurgiens qui ont déclaré que le squelette était celui d'un +jeune homme âgé de <ins class="correction" title="ving">vingt</ins>-cinq à vingt-six ans....</p> + +<p>Il n'y a pas de doute que tout ce qui se trouvait dans le sépulcre +appartenait à la tombe de la Reine Tyi, mais l'endroit où repose +réellement son corps, et l'identité du jeune homme qui usurpait ici sa +place demeurent autant de mystères. Il ne semble guère possible que ce +corps soit celui d'Ikhnaton qui aurait été transporté ici de +Tel-el-Amarna pour reposer près de ses ancêtres. Son règne, sous lequel +se sont accomplis tant d'événements, n'aurait guère pu se terminer si +tôt. Obtiendra-t-on quelque nouvel éclaircissement sur ce que firent les +prêtres d'Ammon, lorsqu'ils ouvrirent le sépulcre pour y effacer le nom +maudit d'Aton? Peut-être le cérémonial somptueux des obsèques royales ne +fut-il qu'un simulacre et le corps <span class="pagenum"><a name="Page_190" id="Page_190">190</a></span> de la Reine a-t-il été +transporté dans la ville d'Akhetaton, construite par son fils, pour +échapper aux mains sacrilèges des prêtres?</p> + +<p>Nous laisserons ces questions sans réponse et nous retournerons aux excavations du temple de Mentuhotep.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> @@ -3810,241 +3771,241 @@ excavations du temple de Mentuhotep.</p> LE TEMPLE DE MENTUHOTEP<a name="ch_16" id="ch_16"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">Encore des tombes, des sarcophages, des momies.</span> || <span class="smcap">Antiquits -modernes...</span> || <span class="smcap">L'honnte voleur.</span> || <span class="smcap">Dans le clair-obscur des caveaux.</span> || -<span class="smcap">Les peintures de la tombe de Nakht: scnes de la vie d'un gentilhomme +<p class="subtitle"><span class="smcap">Encore des tombes, des sarcophages, des momies.</span> || <span class="smcap">Antiquités +modernes...</span> || <span class="smcap">L'honnête voleur.</span> || <span class="smcap">Dans le clair-obscur des caveaux.</span> || +<span class="smcap">Les peintures de la tombe de Nakht: scènes de la vie d'un gentilhomme campagnard.</span> || <span class="smcap">Vers le temple de Seti.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">V</span><span class="smcap">ers</span> la fin du mois de janvier 1907, le fond du puits fut atteint, et, +<p class="noindent"><span class="firstletter">V</span><span class="smcap">ers</span> la fin du mois de janvier 1907, le fond du puits fut atteint, et, à six cents pieds de son orifice, la chambre mortuaire ouverte. Dans une -niche creuse dans la muraille gauche, se trouvait la momie. Cette niche -tait assez haute pour qu'on pt s'y tenir debout et assez profonde pour -contenir un sarcophage. De larges plaques d'albtre couvraient les -murailles, et bien qu'il n'y et nulle inscription pour nous renseigner, -nous nous trouvions videmment en prsence du spulcre d'un grand -personnage. Le dsordre qui y rgnait prouvait que la tombe avait dj -t ouverte et pille; le sol tait jonch de dbris de cercueil, d'arcs -et de flches, de statues de bois et <span class="pagenum"><a name="Page_192" id="Page_192">192</a></span> de poteries. Dans un coin, un -amas de poussire bruntre et de morceaux de bandelettes tait tout ce -qui restait du corps pour lequel cette tombe avait t construite. La -chaleur y tait telle que nos bougies fondaient entre nos doigts; l'air -tait irrespirable.</p> - -<p>Mais la trouvaille tait importante, et au fur et mesure que les -objets renferms dans la chambre mortuaire taient apports la hutte, -il devenait vident qu'ils avaient d appartenir une tombe royale. Le +niche creusée dans la muraille gauche, se trouvait la momie. Cette niche +était assez haute pour qu'on pût s'y tenir debout et assez profonde pour +contenir un sarcophage. De larges plaques d'albâtre couvraient les +murailles, et bien qu'il n'y eût nulle inscription pour nous renseigner, +nous nous trouvions évidemment en présence du sépulcre d'un grand +personnage. Le désordre qui y régnait prouvait que la tombe avait déjà +été ouverte et pillée; le sol était jonché de débris de cercueil, d'arcs +et de flèches, de statues de bois et <span class="pagenum"><a name="Page_192" id="Page_192">192</a></span> de poteries. Dans un coin, un +amas de poussière brunâtre et de morceaux de bandelettes était tout ce +qui restait du corps pour lequel cette tombe avait été construite. La +chaleur y était telle que nos bougies fondaient entre nos doigts; l'air +était irrespirable.</p> + +<p>Mais la trouvaille était importante, et au fur et à mesure que les +objets renfermés dans la chambre mortuaire étaient apportés à la hutte, +il devenait évident qu'ils avaient dû appartenir à une tombe royale. Le classement et remballage de tous ces objets prit quelque temps, et nous -dmes abandonner nos essais de reconstitution des meubles et des +dûmes abandonner nos essais de reconstitution des meubles et des ornements.</p> -<p>Une autre tombe fut dcouverte gauche du grand puits; l'immense -sarcophage de granit qu'elle renfermait et sa situation prs du -sanctuaire du temple laissaient supposer qu'elle avait d contenir une +<p>Une autre tombe fut découverte à gauche du grand puits; l'immense +sarcophage de granit qu'elle renfermait et sa situation près du +sanctuaire du temple laissaient supposer qu'elle avait dû contenir une momie royale.</p> <div class="figcenter2" style="width: 555px;"><a name="pl_34" id="pl_34"></a> <img src="images/after-page-192.jpg" alt="LE TEMPLE DE MEKTENEBO, MEDINET-HABU" title="LE TEMPLE DE MEKTENEBO, MEDINET-HABU" width="555" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-192.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Mrs. Naville passa six semaines rassembler, classer les fragments de -sept petits autels qui avaient occup la terrasse suprieure, et dont -son gendre fit la reconstitution sur papier. Le dessin en tait fort -beau, et les ornements sculpts de quelques fragments pouvaient se -comparer aux ouvrages de la dix-huitime dynastie. Les dessins qui -ornent les murailles <span class="pagenum"><a name="Page_193" id="Page_193">193</a></span> des terrasses sont infrieurs; on y trouve -la manire conventionnelle d'ouvriers habiles plutt que la marque d'un -gnie personnel, comme on en rencontre dans le temple de Hatshepsu. Il -est regrettable qu'on n'ait pu reconstruire compltement et laisser sur -place un de ces petits autels; on aurait eu ainsi un curieux spcimen de -l'art de la onzime dynastie. Comme fragments, ils rempliront les -vitrines de quelques muses, mais leur valeur au point de vue -architectural sera nulle. Toutefois, aprs avoir reconstruit un de ces +<p>Mrs. Naville passa six semaines à rassembler, à classer les fragments de +sept petits autels qui avaient occupé la terrasse supérieure, et dont +son gendre fit la reconstitution sur papier. Le dessin en était fort +beau, et les ornements sculptés de quelques fragments pouvaient se +comparer aux ouvrages de la dix-huitième dynastie. Les dessins qui +ornent les murailles <span class="pagenum"><a name="Page_193" id="Page_193">193</a></span> des terrasses sont inférieurs; on y trouve +la manière conventionnelle d'ouvriers habiles plutôt que la marque d'un +génie personnel, comme on en rencontre dans le temple de Hatshepsu. Il +est regrettable qu'on n'ait pu reconstruire complètement et laisser sur +place un de ces petits autels; on aurait eu ainsi un curieux spécimen de +l'art de la onzième dynastie. Comme fragments, ils rempliront les +vitrines de quelques musées, mais leur valeur au point de vue +architectural sera nulle. Toutefois, après avoir reconstruit un de ces autels, il aurait fallu l'entourer d'une grille de fer afin de le -protger des indignes, et certainement cette cage de fer au milieu des -ruines aurait t peu sa place. Il est difficile de sauvegarder les -œuvres d'art dans une contre o les gens ne se rendent pas compte de -leur valeur idale. Si l'on arrte un voleur en possession d'antiquits, -il est presque impossible d'obtenir pour lui, d'un magistrat indigne, -une condamnation. Le fait de voler une antiquit bnficie de quelque -indulgence, mme auprs des Europens: une dame vint un jour notre -campement pour prier Currelly de l'aider dchiffrer le cartouche d'un -scarabe et en estimer la valeur. Currelly, aprs examen, dclara que -le scarabe tait faux, au grand <span class="pagenum"><a name="Page_194" id="Page_194">194</a></span> dsappointement de la dame, qui, -refusant de se rendre l'vidence, nous expliqua que le verdict de -Currelly ne pouvait tre exact, car, nous dit-elle, Achmet (le jeune -nier) m'a assur qu'il a vol ce scarabe pendant les fouilles, et il a -une figure si honnte que je ne saurais croire qu'il a menti! Nous ne -pmes nous empcher de rire devant tant de simplicit, et la bonne dame -comprit peut-tre que le doux Achmet, honnte voleur, tait bien capable -d'tre aussi un menteur.</p> - -<p>Au dbut de ses travaux Thbes, Currelly tait moins habile -reconnatre un scarabe <i>Kurnah-made</i>; voulant un jour faire quelques -achats Luxor, il eut l'ide de s'adjoindre quelqu'un de comptent. Le -chef d'quipe, ou <i>reis</i>, comme on les appelle, tait originaire de -Kurnah et, sans nul doute, trs habile fabriquer lui-mme des -antiquits; ce fut lui que Currelly choisit. Le contre-matre accepta, -et comme Currelly traitait ses hommes avec bont et qu'il avait quelque -exprience du caractre des indignes, il savait qu'il pouvait compter -sur son alli. Dans le magasin, un lot tentant de curiosits fut tal -devant lui, et notre ami commena choisir: Pouvez-vous me garantir -l'authenticit de ceci? demanda-t-il <span class="pagenum"><a name="Page_195" id="Page_195">195</a></span> en montrant un bel <i>ushabti</i> -bleu et poli. Le marchand jura par la barbe du prophte qu'il -connaissait la tombe o l'objet avait t trouv, et en appela son +protéger des indigènes, et certainement cette cage de fer au milieu des +ruines aurait été peu à sa place. Il est difficile de sauvegarder les +œuvres d'art dans une contrée où les gens ne se rendent pas compte de +leur valeur idéale. Si l'on arrête un voleur en possession d'antiquités, +il est presque impossible d'obtenir pour lui, d'un magistrat indigène, +une condamnation. Le fait de «voler une antiquité» bénéficie de quelque +indulgence, même auprès des Européens: une dame vint un jour à notre +campement pour prier Currelly de l'aider à déchiffrer le cartouche d'un +scarabée et à en estimer la valeur. Currelly, après examen, déclara que +le scarabée était faux, au grand <span class="pagenum"><a name="Page_194" id="Page_194">194</a></span> désappointement de la dame, qui, +refusant de se rendre à l'évidence, nous expliqua que le verdict de +Currelly ne pouvait être exact, «car, nous dit-elle, Achmet (le jeune +ânier) m'a assuré qu'il a volé ce scarabée pendant les fouilles, et il a +une figure si honnête que je ne saurais croire qu'il a menti!» Nous ne +pûmes nous empêcher de rire devant tant de simplicité, et la bonne dame +comprit peut-être que le doux Achmet, honnête voleur, était bien capable +d'être aussi un menteur.</p> + +<p>Au début de ses travaux à Thèbes, Currelly était moins habile à +reconnaître un scarabée <i>Kurnah-made</i>; voulant un jour faire quelques +achats à Luxor, il eut l'idée de s'adjoindre quelqu'un de compétent. Le +chef d'équipe, ou <i>reis</i>, comme on les appelle, était originaire de +Kurnah et, sans nul doute, très habile à fabriquer lui-même des +antiquités; ce fut lui que Currelly choisit. Le contre-maître accepta, +et comme Currelly traitait ses hommes avec bonté et qu'il avait quelque +expérience du caractère des indigènes, il savait qu'il pouvait compter +sur son allié. Dans le magasin, un lot tentant de curiosités fut étalé +devant lui, et notre ami commença à choisir: «Pouvez-vous me garantir +l'authenticité de ceci?» demanda-t-il <span class="pagenum"><a name="Page_195" id="Page_195">195</a></span> en montrant un bel <i>ushabti</i> +bleu et poli. Le marchand jura «par la barbe du prophète» qu'il +connaissait la tombe où l'objet avait été trouvé, et en appela à son coreligionnaire pour corroborer ses dires. Le <i>reis</i> voulant servir son -matre sans encourir la colre du marchand, joignit ses protestations +maître sans encourir la colère du marchand, joignit ses protestations à celles de ce dernier, mais pressa du pied la bottine de Currelly, et -notre ami comprenant que le contre-matre mentait par complaisance, +notre ami comprenant que le contre-maître mentait par complaisance, l'achat de l'<i>ushabti</i> ne fut pas fait.</p> -<p>L'objet suivant tait authentique; un lger coup de coude en avertit -Currelly qui parvint ainsi faire quelques achats vraiment -intressants. Une fois les objets choisis, vint la discussion au sujet -du prix, et le mot invitable du marchand: Vous ne voudriez pas que je -vous fisse un prix infrieur ce que j'ai pay moi-mme? Mais parce que -c'est vous, vous seulement, vous entendez, je suis prt perdre tant et -tant. Cette preuve de bienveillance termina la transaction.</p> - -<p>Vers la fin de mars, les rayons du soleil brlant les rochers de la -valle de Dr-el-Bahri, y rendaient le sjour insupportable. Lorsque le -vent du Sud s'en mlait, la chaleur tait telle que nous ne pouvions -<span class="pagenum"><a name="Page_196" id="Page_196">196</a></span> travailler que de l'aube dix heures du matin, la cire demeurant +<p>L'objet suivant était authentique; un léger coup de coude en avertit +Currelly qui parvint ainsi à faire quelques achats vraiment +intéressants. Une fois les objets choisis, vint la discussion au sujet +du prix, et le mot inévitable du marchand: «Vous ne voudriez pas que je +vous fisse un prix inférieur à ce que j'ai payé moi-même? Mais parce que +c'est vous, vous seulement, vous entendez, je suis prêt à perdre tant et +tant». Cette preuve de bienveillance termina la transaction.</p> + +<p>Vers la fin de mars, les rayons du soleil brûlant les rochers de la +vallée de Dêr-el-Bahri, y rendaient le séjour insupportable. Lorsque le +vent du Sud s'en mêlait, la chaleur était telle que nous ne pouvions +<span class="pagenum"><a name="Page_196" id="Page_196">196</a></span> travailler que de l'aube à dix heures du matin, la cire demeurant molle tout le long du jour. Je dus souvent attendre le soir pour prendre -mes impressions, et travailler fort avant dans la nuit. Je dsirais -vivement terminer le moulage de Pont durant cette saison; le coloris -serait forcment remis la saison suivante. Aussi, ds que le vent eut -chang, je fus au travail des journes entires.</p> - -<p>Mes hommes taient heureux de pouvoir se reposer l'ombre pendant le -<i>Khamsn</i>. Les seuls endroits frais tant les tombes, je m'y retirais -pour faire mes aquarelles. Tout d'abord, aprs la violente lumire du +mes impressions, et travailler fort avant dans la nuit. Je désirais +vivement terminer le moulage de «Pont» durant cette saison; le coloris +serait forcément remis à la saison suivante. Aussi, dès que le vent eut +changé, je fus au travail des journées entières.</p> + +<p>Mes hommes étaient heureux de pouvoir se reposer à l'ombre pendant le +<i>Khamsîn</i>. Les seuls endroits frais étant les tombes, je m'y retirais +pour faire mes aquarelles. Tout d'abord, après la violente lumière du dehors, je distinguais mal les objets que je voulais peindre, mais mes yeux s'habituaient bien vite au clair-obscur environnant.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_35" id="pl_35"></a> -<img src="images/after-page-196.jpg" alt="PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THBES" title="PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THBES" width="400" height="559" /> +<img src="images/after-page-196.jpg" alt="PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THÈBES" title="PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THÈBES" width="400" height="559" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-196.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>La gravure ci-contre reprsente une peinture murale de la tombe de -Nakht, un des spulcres que l'on rencontre en allant du Ramesseum -Dr-el-Bahri; en consultant son guide, le visiteur verra que cette tombe +<p>La gravure ci-contre représente une peinture murale de la tombe de +Nakht, un des sépulcres que l'on rencontre en allant du Ramesseum à +Dêr-el-Bahri; en consultant son guide, le visiteur verra que cette tombe porte le n<sup>o</sup> 125 sur le plan des tombes du Cheik Abd-el-Kurnah; il -trouvera galement une description des scnes reprsentes sur les -murailles de ces tombes qui forment un groupe intressant de la -ncropole thbaine. En dehors de ce que ces peintures <span class="pagenum"><a name="Page_197" id="Page_197">197</a></span> murales +trouvera également une description des scènes représentées sur les +murailles de ces tombes qui forment un groupe intéressant de la +nécropole thébaine. En dehors de ce que ces peintures <span class="pagenum"><a name="Page_197" id="Page_197">197</a></span> murales nous enseignent, nous ne savons pas grand'chose de Nakht. On le dit -scribe, il tait probablement prtre d'Ammon, ou faisait partie de cette -corporation puissante qui joua un rle si important dans les destines -du Nouvel Empire. Il vcut l'poque d'Hatshepsu, et il est vident -qu'il s'intressa vivement ce qui devait tre sa dernire demeure. Il -connaissait suffisamment les dieux et desses ttes d'oiseaux et les -jugeait sans doute leur valeur, car il prfra entourer son esprit des -scnes auxquelles son corps avait pris part. On y rencontre maintes -allusions Ammon, car la croyance en une manifestation corporelle de -l'tre Suprme ne cessa d'exister, malgr le rire des augures.</p> - -<p>Les occupations de Nakht semblent avoir t celles d'un riche +scribe, il était probablement prêtre d'Ammon, ou faisait partie de cette +corporation puissante qui joua un rôle si important dans les destinées +du Nouvel Empire. Il vécut à l'époque d'Hatshepsu, et il est évident +qu'il s'intéressa vivement à ce qui devait être sa dernière demeure. Il +connaissait suffisamment les dieux et déesses à têtes d'oiseaux et les +jugeait sans doute à leur valeur, car il préféra entourer son esprit des +scènes auxquelles son corps avait pris part. On y rencontre maintes +allusions à Ammon, car la croyance en une manifestation corporelle de +l'Être Suprême ne cessa d'exister, malgré le rire des augures.</p> + +<p>Les occupations de Nakht semblent avoir été celles d'un riche gentilhomme campagnard. On le voit surveillant des travaux agricoles, -depuis le labourage et les semailles jusqu' la moisson. On le voit -aussi prsidant en personne aux vendanges et au pressoir. Si l'on en +depuis le labourage et les semailles jusqu'à la moisson. On le voit +aussi présidant en personne aux vendanges et au pressoir. Si l'on en juge par la finesse de ces tableaux, le sport fut son plaisir favori; un -panneau trs dcoratif le reprsente la pche, retirant ses filets, -chargs d'oiseaux pris parmi les plantes aquatiques. On le voit -galement table avec son pouse; dans un coin, le chat <span class="pagenum"><a name="Page_198" id="Page_198">198</a></span> de la -maison se rgale d'un poisson; des musiciens et des danseuses gaient le +panneau très décoratif le représente à la pêche, retirant ses filets, +chargés d'oiseaux pris parmi les plantes aquatiques. On le voit +également à table avec son épouse; dans un coin, le chat <span class="pagenum"><a name="Page_198" id="Page_198">198</a></span> de la +maison se régale d'un poisson; des musiciens et des danseuses égaient le repas.</p> -<p>J'ai choisi trois de ces dernires reprsentations parce qu'elles -taient admirablement conserves, et parce que la lumire tombant du +<p>J'ai choisi trois de ces dernières représentations parce qu'elles +étaient admirablement conservées, et parce que la lumière tombant du dehors sur ce pan de muraille facilitait mon travail.</p> -<p>Les rochers dans lesquels ces tombes ont t tailles sont d'un grain -plus rugueux que ceux de Dr-el-Bahri; leur surface a t galise et -cimente avant d'tre peinte. L'artiste ici n'a pas eu recours aux -dlicates incisions des bas-reliefs du temple de Hatshepsu, mais il a -essay de donner du relief aux figures en les ombrant lgrement. Le -rsultat n'est pas aussi heureux, et les raflures et les craquelures du -ciment donnent ces fresques un air de pauvret qu'on ne voit jamais -dans les ornements taills mme la pierre, tout endommags qu'ils -soient par le temps ou par des mains sacrilges. On juge pourtant mieux -ici de l'art du dessinateur. Ces personnages, de 40 centimtres de haut -environ, sont dessins d'une main trs ferme: souvent le geste d'un bras -est indiqu de deux coups de pinceau seulement. Les cordes d'une harpe -semblent faciles faire, et c'est seulement lorsque j'essayai de les +<p>Les rochers dans lesquels ces tombes ont été taillées sont d'un grain +plus rugueux que ceux de Dêr-el-Bahri; leur surface a été égalisée et +cimentée avant d'être peinte. L'artiste ici n'a pas eu recours aux +délicates incisions des bas-reliefs du temple de Hatshepsu, mais il a +essayé de donner du relief aux figures en les ombrant légèrement. Le +résultat n'est pas aussi heureux, et les éraflures et les craquelures du +ciment donnent à ces fresques un air de pauvreté qu'on ne voit jamais +dans les ornements taillés à même la pierre, tout endommagés qu'ils +soient par le temps ou par des mains sacrilèges. On juge pourtant mieux +ici de l'art du dessinateur. Ces personnages, de 40 centimètres de haut +environ, sont dessinés d'une main très ferme: souvent le geste d'un bras +est indiqué de deux coups de pinceau seulement. Les cordes d'une harpe +semblent faciles à faire, et c'est seulement lorsque j'essayai de les tracer d'un <span class="pagenum"><a name="Page_199" id="Page_199">199</a></span> seul coup de pinceau, comme sur l'original, que -j'apprciai la dextrit de l'artiste de Nakht. Peut-tre ce dernier -est-il lui-mme l'auteur de ces peintures, car le terme scribe -signifiait probablement aussi sculpteur et peintre. Cette ide me -proccupait pendant que je travaillais dans la tombe. Les artistes qui -excutrent les belles figures des dix-huitime et dix-neuvime -dynasties devaient, contre-cœur, substituer une tte de chacal -celle d'un homme, ou surmonter d'une tte de vache l'exquise silhouette -de Hathor. Dcorant sa propre tombe, Nakht put faire comme bon lui -semblait, et aucune tte monstrueuse ne dfigure sa dernire demeure. +j'appréciai la dextérité de l'artiste de Nakht. Peut-être ce dernier +est-il lui-même l'auteur de ces peintures, car le terme scribe +signifiait probablement aussi sculpteur et peintre. Cette idée me +préoccupait pendant que je travaillais dans la tombe. Les artistes qui +exécutèrent les belles figures des dix-huitième et dix-neuvième +dynasties devaient, à contre-cœur, substituer une tête de chacal à +celle d'un homme, ou surmonter d'une tête de vache l'exquise silhouette +de Hathor. Décorant sa propre tombe, Nakht put faire comme bon lui +semblait, et aucune tête monstrueuse ne défigure sa dernière demeure. Les passages habituels du <i>Livre de ce qui est en dessous du Monde</i> ou du <i>Livre des Portraits</i> ne se trouvent pas ici: il en eut probablement -<i>ad nauseam</i> au temps o il servait dans le temple. Puisse son me errer - travers champs et vignes et se dlecter aux souvenirs des joyeux +<i>ad nauseam</i> au temps où il servait dans le temple. Puisse son âme errer +à travers champs et vignes et se délecter aux souvenirs des joyeux festins qu'il fit sur cette terre!</p> <p>Il y a quelques tombes plus importantes que celle de Nakht: je ne -saurais les dcrire toutes dans ce livre. Mais on ne doit pas manquer de -visiter celle de Rekhmere, qui est orne de vivantes peintures.</p> +saurais les décrire toutes dans ce livre. Mais on ne doit pas manquer de +visiter celle de Rekhmere, qui est ornée de vivantes peintures.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_36" id="pl_36"></a> -<img src="images/after-page-200.jpg" alt="STI Ier OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VRIT, BAS-RELIEF DU -TEMPLE D'ABYDOS" title="STI Ier OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VRIT, BAS-RELIEF DU +<img src="images/after-page-200.jpg" alt="SÉTI Ier OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VÉRITÉ, BAS-RELIEF DU +TEMPLE D'ABYDOS" title="SÉTI Ier OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VÉRITÉ, BAS-RELIEF DU TEMPLE D'ABYDOS" width="400" height="599" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-200.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Les moulages de Pont tiraient leur fin, et le vent <span class="pagenum"><a name="Page_200" id="Page_200">200</a></span> chaud -rendant la temprature insoutenable, je me dcidai quitter la valle -de Dr-el-Bahri. Je ne connaissais pas Abydos, et l'occasion de passer -quelque temps proximit du temple de Seti se prsentant, j'acceptai +<p>Les moulages de «Pont» tiraient à leur fin, et le vent <span class="pagenum"><a name="Page_200" id="Page_200">200</a></span> chaud +rendant la température insoutenable, je me décidai à quitter la vallée +de Dêr-el-Bahri. Je ne connaissais pas Abydos, et l'occasion de passer +quelque temps à proximité du temple de Seti se présentant, j'acceptai avec empressement l'invitation de M. Garstang qui y dirigeait les -fouilles. Le temple est situ une douzaine de kilomtres de la -rivire, juste la limite des terrains cultivs, et la plus proche -station est celle de Belineh. Bien que le camp ne ft qu' 120 -kilomtres environ de celui de Dr-el-Bahri, il me fallut aller Luxor +fouilles. Le temple est situé à une douzaine de kilomètres de la +rivière, juste à la limite des terrains cultivés, et la plus proche +station est celle de Beliâneh. Bien que le camp ne fût qu'à 120 +kilomètres environ de celui de Dêr-el-Bahri, il me fallut aller à Luxor et y passer la nuit pour pouvoir prendre un train tout au matin. -Heureusement, le vent avait frachi, et je pus supporter la chaleur du +Heureusement, le vent avait fraîchi, et je pus supporter la chaleur du train. Celui-ci longe la rive est du Nil pendant la plus grande partie -du chemin et traverse le fleuve Nag Hamdeh. De frquents arrts aux -gares o aucun voyageur ne monte ni ne descend, prolongent ce voyage -pendant cinq ou six heures. Arriv Belineh, je me procurai deux nes -pour me transporter avec mon bagage travers les terrains cultivs. Le -soleil dardait ses rayons brlants au-dessus de ma tte; il n'y avait -gure qu'une semaine que les bls avaient perdu leur premire couleur et -dj ils paraissaient mrs pour la moisson. Le paysage tait <span class="pagenum"><a name="Page_201" id="Page_201">201</a></span> plus -riche, plus pittoresque, et l'tendue des plaines d'or fonc donnait, -par contraste, un reflet argent aux collines dsertes.</p> - -<p>Aprs avoir quitt la plaine, on arrive bientt au temple de Seti. -L'intrieur de ce temple laisse une dsillusion et ne se prte gure au -croquis. A 400 mtres plus loin dans le dsert, on rencontre le temple -en ruines de Ramss II. A l'exception de ces deux temples et du -cimetire plus loign, rien ne subsiste de l'antique cit d'Abydos. -Elle tait dj probablement en ruines lorsque Strabon visita l'gypte, -car il en parle comme de jadis une grande ville, presque l'gale de -Thbes, mais sans importance maintenant.</p> - -<p>Aprs avoir franchi quelques basses collines parsemes de dbris de -poterie, nous descendmes dans une plaine sablonneuse, ferme l'ouest +du chemin et traverse le fleuve à Nag Hamâdeh. De fréquents arrêts aux +gares où aucun voyageur ne monte ni ne descend, prolongent ce voyage +pendant cinq ou six heures. Arrivé à Beliâneh, je me procurai deux ânes +pour me transporter avec mon bagage à travers les terrains cultivés. Le +soleil dardait ses rayons brûlants au-dessus de ma tête; il n'y avait +guère qu'une semaine que les blés avaient perdu leur première couleur et +déjà ils paraissaient mûrs pour la moisson. Le paysage était <span class="pagenum"><a name="Page_201" id="Page_201">201</a></span> plus +riche, plus pittoresque, et l'étendue des plaines d'or foncé donnait, +par contraste, un reflet argenté aux collines désertes.</p> + +<p>Après avoir quitté la plaine, on arrive bientôt au temple de Seti. +L'intérieur de ce temple laisse une désillusion et ne se prête guère au +croquis. A 400 mètres plus loin dans le désert, on rencontre le temple +en ruines de Ramsès II. A l'exception de ces deux temples et du +cimetière plus éloigné, rien ne subsiste de l'antique cité d'Abydos. +Elle était déjà probablement en ruines lorsque Strabon visita l'Égypte, +car il en parle comme de «jadis une grande ville, presque l'égale de +Thèbes, mais sans importance maintenant».</p> + +<p>Après avoir franchi quelques basses collines parsemées de débris de +poterie, nous descendîmes dans une plaine sablonneuse, fermée à l'ouest par les monts du Liban. Un <i>Union Jack</i> flotte mollement au sommet d'une -maison un tage, construite en briques de boue: c'est le lieu de ma +maison à un étage, construite en briques de boue: c'est le lieu de ma destination.</p> -<p>Les fouilles que dirige Garstang pour le compte de l'Universit de -Liverpool devant durer quelques annes, on a jug utile de construire -des habitations confortables pour les membres de l'expdition et un -dpt pour les trouvailles. Mon hte ayant t oblig <span class="pagenum"><a name="Page_202" id="Page_202">202</a></span> d'aller au -Caire pour quelques jours, je fus reu par M. Harold Jones et M. -Blackman qui dirigeaient les travaux en son absence. Je trouvai l -galement Howard Carter, venu, comme moi, pour tudier les bas-reliefs -du temple de Seti. La maison, ingnieusement construite, comprenait une -salle de runion claire et frache et assez de chambres pour loger -confortablement six personnes. Le djeuner me prouva que Harold Jones -tait non seulement habile architecte, mais un parfait matre de maison. +<p>Les fouilles que dirige Garstang pour le compte de l'Université de +Liverpool devant durer quelques années, on a jugé utile de construire +des habitations confortables pour les membres de l'expédition et un +dépôt pour les trouvailles. Mon hôte ayant été obligé <span class="pagenum"><a name="Page_202" id="Page_202">202</a></span> d'aller au +Caire pour quelques jours, je fus reçu par M. Harold Jones et M. +Blackman qui dirigeaient les travaux en son absence. Je trouvai là +également Howard Carter, venu, comme moi, pour étudier les bas-reliefs +du temple de Seti. La maison, ingénieusement construite, comprenait une +salle de réunion claire et fraîche et assez de chambres pour loger +confortablement six personnes. Le déjeuner me prouva que Harold Jones +était non seulement habile architecte, mais un parfait maître de maison. N'ayant rien pris depuis cinq heures du matin, je fis largement honneur au repas.</p> @@ -4058,160 +4019,160 @@ au repas.</p> KARNAK<a name="ch_17" id="ch_17"></a></h2> <p class="subtitle"><span class="smcap">Une visite au temple de Seti.</span> || <span class="smcap">Les plus beaux documents de l'art -dcoratif gyptien.</span> || <span class="smcap">Le Khamsin ou le Dsert incendi.</span> || <span class="smcap">Je regagne -Luxor pour aller ensuite a Karnak.</span> || <span class="smcap">Une cit de ruines, toutes en +décoratif égyptien.</span> || <span class="smcap">Le «Khamsin» ou le Désert incendié.</span> || <span class="smcap">Je regagne +Luxor pour aller ensuite a Karnak.</span> || <span class="smcap">Une cité de ruines, toutes en colonnades grandioses.</span> || <span class="smcap">Le monolithe de granit rose.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">L</span><span class="smcap">ors</span> de ma premire visite au temple de Seti, j'eus le plaisir d'tre -accompagn par Howard Carter, trs document en matire d'art gyptien.</p> +<p class="noindent"><span class="firstletter">L</span><span class="smcap">ors</span> de ma première visite au temple de Seti, j'eus le plaisir d'être +accompagné par Howard Carter, très documenté en matière d'art égyptien.</p> -<p>Bien que l'art ft arriv son apoge pendant la dix-huitime dynastie, -on ne trouve aucune trace de dcadence dans les bas-reliefs de ce -temple, et j'incline les regarder comme la plus grande manifestation -d'art dcoratif que l'gypte nous ait donne. Ils sont l'œuvre d'un +<p>Bien que l'art fût arrivé à son apogée pendant la dix-huitième dynastie, +on ne trouve aucune trace de décadence dans les bas-reliefs de ce +temple, et j'incline à les regarder comme la plus grande manifestation +d'art décoratif que l'Égypte nous ait donnée. Ils sont l'œuvre d'un grand artiste qui, quoique encore imbu des traditions de la dynastie -prcdente, y apporta le sceau de son gnie personnel.</p> +précédente, y apporta le sceau de son génie personnel.</p> -<p>D'une manire gnrale, l'art tait dans une priode <span class="pagenum"><a name="Page_204" id="Page_204">204</a></span> de dcadence, +<p>D'une manière générale, l'art était dans une période <span class="pagenum"><a name="Page_204" id="Page_204">204</a></span> de décadence, mais non pas l'art de celui qui dessina les ornements de ces murs; quant - la partie du temple qui est couverte d'inscriptions datant de Ramss -II, la dcadence y est trs marque. Les rgnes de Seti et de son fils -ayant t fort longs, une priode de quarante cinquante annes spara -probablement l'apoge de l'art de son dclin.</p> +à la partie du temple qui est couverte d'inscriptions datant de Ramsès +II, la décadence y est très marquée. Les règnes de Seti et de son fils +ayant été fort longs, une période de quarante à cinquante années sépara +probablement l'apogée de l'art de son déclin.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_37" id="pl_37"></a> -<img src="images/after-page-204.jpg" alt="ISIS ALLAITANT STI Ier, ABYDOS" title="ISIS ALLAITANT STI Ier, ABYDOS" width="400" height="804" /> +<img src="images/after-page-204.jpg" alt="ISIS ALLAITANT SÉTI Ier, ABYDOS" title="ISIS ALLAITANT SÉTI Ier, ABYDOS" width="400" height="804" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-204.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Les reliefs de Seti sont lgrement plus accentus que ceux du temple de -Hatshepsu Thbes, mais ceci est peut-tre une consquence des plus -grandes dimensions des figures. Ils ne sont pas tous colors, mais nous -ne pouvons que nous en fliciter, puisque le temps a presque partout -effac le coloris des autres. J'ai choisi un sujet dans les deux sries. -Dans le premier sujet o la patine du temps a donn une belle teinte -chaude la pierre, on voit Seti apportant une offrande Osiris dont -une partie de la silhouette est demeure intacte. Dans la srie de -reliefs colors, j'ai choisi celui qui reprsente Seti allait par Isis. -Le model est plus beau dans le premier; dans le second les raflures de -la couleur nuisent aux effets de lumire et d'ombre. J'ai restaur les -visages de la desse et du jeune roi, afin de rendre le sujet -intelligible. Les bleus et les verts sont presque effacs, tandis que -les rouges <span class="pagenum"><a name="Page_205" id="Page_205">205</a></span> et les jaunes ont gard toute leur vivacit; nous ne -pouvons donc donner d'opinion sur cette œuvre quant la combinaison +<p>Les reliefs de Seti sont légèrement plus accentués que ceux du temple de +Hatshepsu à Thèbes, mais ceci est peut-être une conséquence des plus +grandes dimensions des figures. Ils ne sont pas tous colorés, mais nous +ne pouvons que nous en féliciter, puisque le temps a presque partout +effacé le coloris des autres. J'ai choisi un sujet dans les deux séries. +Dans le premier sujet où la patine du temps a donné une belle teinte +chaude à la pierre, on voit Seti apportant une offrande à Osiris dont +une partie de la silhouette est demeurée intacte. Dans la série de +reliefs colorés, j'ai choisi celui qui représente Seti allaité par Isis. +Le modelé est plus beau dans le premier; dans le second les éraflures de +la couleur nuisent aux effets de lumière et d'ombre. J'ai restauré les +visages de la déesse et du jeune roi, afin de rendre le sujet +intelligible. Les bleus et les verts sont presque effacés, tandis que +les rouges <span class="pagenum"><a name="Page_205" id="Page_205">205</a></span> et les jaunes ont gardé toute leur vivacité; nous ne +pouvons donc donner d'opinion sur cette œuvre quant à la combinaison des teintes. En tout cas, son dessin la place au rang des grandes œuvres artistiques du monde. Maintenant que ces murailles sont -exposes au soleil et aux rares pluies de la Haute-gypte, elles se -dgraderont probablement plus en un an que pendant tout le temps -qu'elles ont t enfouies sous le sable.</p> - -<p>Les rochers servaient autrefois de toit ces murailles et il est -regrettable qu'on n'ait pas trouv un moyen de protger les quelques -fragments colors qui nous restent. Jadis, la couleur tait protge par -un vernis dont on retrouve des traces l o ni le soleil ni la pluie -n'ont pu pntrer.</p> - -<p>Le temple qui est rig non loin du tombeau suppos du dieu Osiris, lui -fut ddi ainsi qu' la desse Isis et leur fils Horus. Les honneurs -rendus la divine triade forment le sujet trait par l'artiste, qui ne -manqua pas de faire ressortir la faveur spciale dont jouissait Seti, -qui alla jusqu' usurper la place de l'enfant Horus. Nous voyons le roi -dans diffrentes scnes sur la muraille nord du hall hypostyle de -Karnak. Il y est reprsent sous les traits d'un guerrier <span class="pagenum"><a name="Page_206" id="Page_206">206</a></span> -subjuguant un chef lybien, et les vigoureuses scnes guerrires qui -prcdent et suivent cet pisode ont sans doute servi de modles +exposées au soleil et aux rares pluies de la Haute-Égypte, elles se +dégraderont probablement plus en un an que pendant tout le temps +qu'elles ont été enfouies sous le sable.</p> + +<p>Les rochers servaient autrefois de toit à ces murailles et il est +regrettable qu'on n'ait pas trouvé un moyen de protéger les quelques +fragments colorés qui nous restent. Jadis, la couleur était protégée par +un vernis dont on retrouve des traces là où ni le soleil ni la pluie +n'ont pu pénétrer.</p> + +<p>Le temple qui est érigé non loin du tombeau supposé du dieu Osiris, lui +fut dédié ainsi qu'à la déesse Isis et à leur fils Horus. Les honneurs +rendus à la divine triade forment le sujet traité par l'artiste, qui ne +manqua pas de faire ressortir la faveur spéciale dont jouissait Seti, +qui alla jusqu'à usurper la place de l'enfant Horus. Nous voyons le roi +dans différentes scènes sur la muraille nord du hall hypostyle de +Karnak. Il y est représenté sous les traits d'un guerrier <span class="pagenum"><a name="Page_206" id="Page_206">206</a></span> +subjuguant un chef lybien, et les vigoureuses scènes guerrières qui +précèdent et suivent cet épisode ont sans doute servi de modèles à celles que nous trouverons plus tard sur les temples de Ramesid.</p> <p>Nous trouvons encore des traces d'un beau travail sur les murs en ruines -du temple mortuaire de Seti Karnak, et le plan de celui de Abu Simbel, -connu comme œuvre de Ramss II, fut tabli pendant le rgne du pre -illustre de ce Pharaon. Tous les genres de dcoration murale ont t -employs durant le rgne de Seti. Les bas-reliefs d'Abydos sont les plus -beaux, mais le relief en creux tait galement trs employ et avec -beaucoup d'effet; ici, le fond n'est pas enlev, mais le contour est -coup et le relief est form par la profondeur de cette incision. On -trouve un beau spcimen de ce travail dans la tombe de Seti Thbes, o -le jeune roi est reprsent faisant une offrande l'image de la Vrit. -Cette mme tombe est aussi richement dcore de peintures murales +du temple mortuaire de Seti à Karnak, et le plan de celui de Abu Simbel, +connu comme œuvre de Ramsès II, fut établi pendant le règne du père +illustre de ce Pharaon. Tous les genres de décoration murale ont été +employés durant le règne de Seti. Les bas-reliefs d'Abydos sont les plus +beaux, mais le relief en creux était également très employé et avec +beaucoup d'effet; ici, le fond n'est pas enlevé, mais le contour est +coupé et le relief est formé par la profondeur de cette incision. On +trouve un beau spécimen de ce travail dans la tombe de Seti à Thèbes, où +le jeune roi est représenté faisant une offrande à l'image de la Vérité. +Cette même tombe est aussi richement décorée de peintures murales plates.</p> -<p>Peu aprs mon arrive Abydos, le <i>Khamsn</i> rendit l'endroit aussi -inhabitable que Dr-el-Bahri. Le nom donn ce vent provient du mot +<p>Peu après mon arrivée à Abydos, le <i>Khamsîn</i> rendit l'endroit aussi +inhabitable que Dêr-el-Bahri. Le nom donné à ce vent provient du mot arabe signifiant <i>cinquante</i>, parce qu'il souffle pendant cinquante -jours, partir du commencement d'avril. On l'appelle aussi <span class="pagenum"><a name="Page_207" id="Page_207">207</a></span> -<i>Simoon</i>. Il est prcd par une lvation de la temprature, un +jours, à partir du commencement d'avril. On l'appelle aussi <span class="pagenum"><a name="Page_207" id="Page_207">207</a></span> +<i>Simoon</i>. Il est précédé par une élévation de la température, un changement de la teinte du ciel qui passe du bleu au gris, et une -tranquillit spciale de l'atmosphre. Bientt la teinte grise du ciel -passe au jaune vers le sud et une ou deux rafales d'air brlant -annoncent l'arrive imminente du flau. Il semble que les portes de -l'enfer s'ouvrent. Un tourbillon de sable se meut travers le dsert, -et l'horizon est noy dans un brouillard jaune. J'ai essay de peindre +tranquillité spéciale de l'atmosphère. Bientôt la teinte grise du ciel +passe au jaune vers le sud et une ou deux rafales d'air brûlant +annoncent l'arrivée imminente du fléau. Il semble que les portes de +l'enfer s'ouvrent. Un tourbillon de sable se meut à travers le désert, +et l'horizon est noyé dans un brouillard jaune. J'ai essayé de peindre cet effet, mais je n'avais pas le temps d'appliquer mes couleurs tant -elles schaient vite. La surface de ma palette et de mon croquis -ressemblait du papier d'meri avant que j'aie pu reprendre de la -couleur, si ma toile faisait face au vent, et d'un autre ct, si je -faisais face au vent moi-mme, j'tais aveugl par le sable. Il n'y a -qu'un parti prendre au moment du <i>Khamsn</i>, c'est de rester chez soi. -On se demande ce que ce sera en juin si la chaleur est dj si fatigante -en avril. Je m'tais empress d'emballer tous mes vtements chauds pour -les expdier chez moi par petite vitesse, mais deux jours plus tard je -m'estimais heureux de ce que l'expdition n'ait pu tre faite, car un -changement de vent m'avertissait qu'ils pourraient m'tre encore utiles. +elles séchaient vite. La surface de ma palette et de mon croquis +ressemblait à du papier d'émeri avant que j'aie pu reprendre de la +couleur, si ma toile faisait face au vent, et d'un autre côté, si je +faisais face au vent moi-même, j'étais aveuglé par le sable. Il n'y a +qu'un parti à prendre au moment du <i>Khamsîn</i>, c'est de rester chez soi. +On se demande ce que ce sera en juin si la chaleur est déjà si fatigante +en avril. Je m'étais empressé d'emballer tous mes vêtements chauds pour +les expédier chez moi par petite vitesse, mais deux jours plus tard je +m'estimais heureux de ce que l'expédition n'ait pu être faite, car un +changement de vent m'avertissait qu'ils pourraient m'être encore utiles. La seule consolation de ces <span class="pagenum"><a name="Page_208" id="Page_208">208</a></span> brusques changements est que cette -plaie d'gypte, les mouches, en souffre galement. Le mois d'avril, en -gypte, n'est jamais attrist par la pluie, et il dpend de la direction -du vent que le sjour y soit charmant ou dtestable.</p> +plaie d'Égypte, les mouches, en souffre également. Le mois d'avril, en +Égypte, n'est jamais attristé par la pluie, et il dépend de la direction +du vent que le séjour y soit charmant ou détestable.</p> -<p>Je m'en retournai Luxor par un train de nuit, car je ne me souciais +<p>Je m'en retournai à Luxor par un train de nuit, car je ne me souciais pas de refaire le trajet par la chaleur du jour. Il faisait un peu plus -frais Dr-el-Bahri lorsque j'y arrivai le matin suivant. Les fouilles -taient termines et tout le monde tait parti, sauf Currelly qui +frais à Dêr-el-Bahri lorsque j'y arrivai le matin suivant. Les fouilles +étaient terminées et tout le monde était parti, sauf Currelly qui surveillait l'emballage de fragments provenant du temple de Mentuhotep. -La trouvaille de l'anne prcdente, la vache de Hathor, ayant t -acquise par le Muse du Caire, toutes les autres dcouvertes devaient -revenir la Socit d'Exploration gyptienne. Mes bagages furent vite -prts et expdis dos de chameau sur la rive oppose Karnak, o +La trouvaille de l'année précédente, la vache de Hathor, ayant été +acquise par le Musée du Caire, toutes les autres découvertes devaient +revenir à la Société d'Exploration Égyptienne. Mes bagages furent vite +prêts et expédiés à dos de chameau sur la rive opposée à Karnak, où attendait la <i>dahabiyeh</i> de mon ami Nicol. J'eus le regret d'abandonner -Currelly dans cette fournaise, avec une si grande quantit de fragments - emballer, mais mon temps tait limit et j'avais hte de visiter +Currelly dans cette fournaise, avec une si grande quantité de fragments +à emballer, mais mon temps était limité et j'avais hâte de visiter Karnak.</p> -<p>Lorsque nous atteignmes Karnak, mon ami Erskine Nicol fit jeter l'ancre - cinq minutes du grand <span class="pagenum"><a name="Page_209" id="Page_209">209</a></span> temple. Howard Carter m'avait donn une -lettre d'introduction auprs de M. Legrain qui tait la tte des -travaux de Karnak et qui est un des hommes les mieux renseigns de notre -temps sur cette partie de la contre; ma premire matine se passa en -compagnie de cet aimable Franais et de Nicol, visiter les temples de -la rgion. M. Legrain nous conta l'histoire de Karnak et nous fit -remarquer le dveloppement de cette cite ddie Ammon. Nous trouvmes -des traces de son histoire depuis la douzime dynastie jusqu' l're -chrtienne, soit pendant une priode de deux mille ans. On peut y voir -aussi des vestiges des temps archaques, mais comme je ne veux parler -ici que des monuments intressants au point de vue artistique, je -laisserai de ct ces ruines des premiers ges. M. Legrain est un -artiste lve de l'cole des Beaux-Arts et sa connaissance des lieux -jointe ses qualits artistiques en font un guide unique.</p> - -<p>Pour avoir une ide vraiment grandiose de cette vaste tendue de ruines, +<p>Lorsque nous atteignîmes Karnak, mon ami Erskine Nicol fit jeter l'ancre +à cinq minutes du grand <span class="pagenum"><a name="Page_209" id="Page_209">209</a></span> temple. Howard Carter m'avait donné une +lettre d'introduction auprès de M. Legrain qui était à la tête des +travaux de Karnak et qui est un des hommes les mieux renseignés de notre +temps sur cette partie de la contrée; ma première matinée se passa en +compagnie de cet aimable Français et de Nicol, à visiter les temples de +la région. M. Legrain nous conta l'histoire de Karnak et nous fit +remarquer le développement de cette citée dédiée à Ammon. Nous trouvâmes +des traces de son histoire depuis la douzième dynastie jusqu'à l'ère +chrétienne, soit pendant une période de deux mille ans. On peut y voir +aussi des vestiges des temps archaïques, mais comme je ne veux parler +ici que des monuments intéressants au point de vue artistique, je +laisserai de côté ces ruines des premiers âges. M. Legrain est un +artiste élève de l'École des Beaux-Arts et sa connaissance des lieux +jointe à ses qualités artistiques en font un guide unique.</p> + +<p>Pour avoir une idée vraiment grandiose de cette vaste étendue de ruines, il faut se diriger vers le Nil par l'avenue des Sphinx. On passe sous un -gigantesque portail, rig par l'un des Ptolmes; c'est le pylne +gigantesque portail, érigé par l'un des Ptolémées; c'est le pylône principal. Les dimensions de ce portail sont imposantes, mais nous ne -nous y arrtons pas longtemps, <span class="pagenum"><a name="Page_210" id="Page_210">210</a></span> car la grande cour qui suit attire -notre attention. Nous remarquons une haute colonne chapiteau en forme +nous y arrêtons pas longtemps, <span class="pagenum"><a name="Page_210" id="Page_210">210</a></span> car la grande cour qui suit attire +notre attention. Nous remarquons une haute colonne à chapiteau en forme de calice, qui supportait sans doute autrefois une statue; des neuf -autres colonnes qui formaient une double range dans la cour, il ne -reste que les bases et des tronons briss. Contre le bleu clair du -ciel, le beau chapiteau du pylne de Ramss I se dtache hardiment. -L'thiopien Taharqua leva, dit-on, ces hautes colonnes durant la -vingt-cinquime dynastie, priode qui marqua le dbut de la dernire -renaissance de l'art gyptien.</p> - -<p>Nous dpassons le grand pylne pour pntrer dans le hall hypostyle -lev par Seti I et termin par Ramss II. En entrant pour la premire -fois dans ce hall orn de 134 colonnes, on ressent quelque chose de -l'effroi et de la surprise qu'inspire une premire vue des Pyramides, -mais ici un art plus raffin a aid la force brutale dans la +autres colonnes qui formaient une double rangée dans la cour, il ne +reste que les bases et des tronçons brisés. Contre le bleu clair du +ciel, le beau chapiteau du pylône de Ramsès I se détache hardiment. +L'Éthiopien Taharqua éleva, dit-on, ces hautes colonnes durant la +vingt-cinquième dynastie, période qui marqua le début de la dernière +renaissance de l'art égyptien.</p> + +<p>Nous dépassons le grand pylône pour pénétrer dans le hall hypostyle +élevé par Seti I et terminé par Ramsès II. En entrant pour la première +fois dans ce hall orné de 134 colonnes, on ressent quelque chose de +l'effroi et de la surprise qu'inspire une première vue des Pyramides, +mais ici un art plus raffiné a aidé la force brutale dans la construction de cette œuvre monumentale. Ce que nous voyons suffit -pour nous permettre d'imaginer l'impression que l'difice entier devait +pour nous permettre d'imaginer l'impression que l'édifice entier devait produire; telles qu'elles sont, ce sont les ruines les plus grandioses de l'univers.</p> @@ -4219,126 +4180,126 @@ de l'univers.</p> <img src="images/after-page-210.jpg" alt="GALERIE HYPOSTYLE, A KARNAK" title="GALERIE HYPOSTYLE, A KARNAK" width="400" height="509" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-210.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>La gravure ci-contre reprsente imparfaitement les deux rangs de -colonnes qui supportaient la vote de <span class="pagenum"><a name="Page_211" id="Page_211">211</a></span> la nef. Les deux ailes -taient supportes par 122 colonnes, mais ces dernires taient moins -leves que celles de la nef, de sorte qu'elles permettaient la -lumire de pntrer dans l'intrieur travers une double range de -fentres. Ce que nous appelons la nef, comprend trois grandes ailes. Les -deux moins leves, droite et gauche, sont supportes chacune par -sept rangs de colonnes qui, avec les murs extrieurs, forment sept ailes +<p>La gravure ci-contre représente imparfaitement les deux rangs de +colonnes qui supportaient la voûte de <span class="pagenum"><a name="Page_211" id="Page_211">211</a></span> la nef. Les deux ailes +étaient supportées par 122 colonnes, mais ces dernières étaient moins +élevées que celles de la nef, de sorte qu'elles permettaient à la +lumière de pénétrer dans l'intérieur à travers une double rangée de +fenêtres. Ce que nous appelons la nef, comprend trois grandes ailes. Les +deux moins élevées, à droite et à gauche, sont supportées chacune par +sept rangs de colonnes qui, avec les murs extérieurs, forment sept ailes moins importantes.</p> -<p>L'effet de ces 134 colonnes est fort imposant; la circonfrence de -chacune est si norme que leurs bases couvrent presque entirement la +<p>L'effet de ces 134 colonnes est fort imposant; la circonférence de +chacune est si énorme que leurs bases couvrent presque entièrement la surface du sol. Je ne sais si au point de vue architectural cette disposition est heureuse, mais je sais que l'effet est imposant. Je -donnerai une ide de la circonfrence de ces colonnes en disant que six -personnes se tenant par les mains, peuvent peine entourer une seule +donnerai une idée de la circonférence de ces colonnes en disant que six +personnes se tenant par les mains, peuvent à peine entourer une seule colonne. Leur hauteur est de 69 pieds, ce qui, avec les blocs de granit -qui les surmontent et supportent le toit, donne l'extrieur 78 pieds -de hauteur. Les architraves au-dessus de ces colonnes s'lvent peu -prs la hauteur des fts de celles qui sont au centre. Quelques-unes -de celles-ci taient tombes il y a sept ou huit ans, et M. Legrain nous +qui les surmontent et supportent le toit, donne à l'extérieur 78 pieds +de hauteur. Les architraves au-dessus de ces colonnes s'élèvent à peu +près à la hauteur des fûts de celles qui sont au centre. Quelques-unes +de celles-ci étaient tombées il y a sept ou huit ans, et M. Legrain nous raconta comment il <span class="pagenum"><a name="Page_212" id="Page_212">212</a></span> s'y prit pour les relever et les replacer. Le -procd qu'il employa est sans doute le mme que celui des architectes -de Seti. M. Legrain fit amonceler de la terre jusqu' la hauteur de -l'emplacement de la pierre tombe, en rservant une sorte de chemin sur +procédé qu'il employa est sans doute le même que celui des architectes +de Seti. M. Legrain fit amonceler de la terre jusqu'à la hauteur de +l'emplacement de la pierre tombée, en réservant une sorte de chemin sur cette colline artificielle. Au moyen de poulies et de cordes, on hissait -le bloc croul jusqu' sa place primitive. La terre ainsi employe, -provenant des fouilles du temple voisin, ne cotait rien. Comme la -main-d'œuvre est trs bon march pendant certains mois de l'anne, le -travail tait moins coteux que si l'on avait employ des grues -actionnes par des moteurs. Beaucoup de fouilles restent encore faire. -Un grand nombre des colonnes des ailes sont encore enfouies jusqu' la +le bloc écroulé jusqu'à sa place primitive. La terre ainsi employée, +provenant des fouilles du temple voisin, ne coûtait rien. Comme la +main-d'œuvre est très bon marché pendant certains mois de l'année, le +travail était moins coûteux que si l'on avait employé des grues +actionnées par des moteurs. Beaucoup de fouilles restent encore à faire. +Un grand nombre des colonnes des ailes sont encore enfouies jusqu'à la naissance de leurs chapiteaux. Les pierres formant la toiture -proviennent sans doute de l'poque des Ptolmes, alors que ceux-ci -dsiraient ajouter leur tribut en l'honneur d'Ammon ou de quelque autre -dieu thbain. Toutes les colonnes centrales et la plupart des petites -sont graves et ornes d'inscriptions et de cartouches datant de Ramss -II. La plus belle œuvre de Seti se trouve sur la faade intrieure -des pylnes qui entourent le hall, l'est et l'ouest, et des deux -cts du mur nord. Les quelques colonnes <span class="pagenum"><a name="Page_213" id="Page_213">213</a></span> qui nous restent de +proviennent sans doute de l'époque des Ptolémées, alors que ceux-ci +désiraient ajouter leur tribut en l'honneur d'Ammon ou de quelque autre +dieu thébain. Toutes les colonnes centrales et la plupart des petites +sont gravées et ornées d'inscriptions et de cartouches datant de Ramsès +II. La plus belle œuvre de Seti se trouve sur la façade intérieure +des pylônes qui entourent le hall, à l'est et à l'ouest, et des deux +côtés du mur nord. Les quelques colonnes <span class="pagenum"><a name="Page_213" id="Page_213">213</a></span> qui nous restent de l'œuvre de ce Pharaon nous font regretter qu'il ne l'ait pas -termine. On y retrouve de dlicats bas-reliefs, rappelant ceux +terminée. On y retrouve de délicats bas-reliefs, rappelant ceux d'Abydos, et qui forment un contraste frappant avec l'œuvre de son fils.</p> <p>En quittant cette galerie par la porte de la muraille nord, nous pouvons -tudier une srie de bas-reliefs reprsentant les victoires de Seti -pendant sa campagne de Syrie; ils sont aussi intressants au point de +étudier une série de bas-reliefs représentant les victoires de Seti +pendant sa campagne de Syrie; ils sont aussi intéressants au point de vue artistique qu'au point de vue historique. Nous voyons toutes les -scnes guerrires depuis les origines de l'Empire jusqu' la conqute de -l'gypte par Alexandre. Ce sont sans doute ces ouvrages artistiques qui -ont inspir la scne, reproduite l'infini, d'un Ramss quelconque +scènes guerrières depuis les origines de l'Empire jusqu'à la conquête de +l'Égypte par Alexandre. Ce sont sans doute ces ouvrages artistiques qui +ont inspiré la scène, reproduite à l'infini, d'un Ramsès quelconque terrassant un barbare.</p> <div class="figcenter2" style="width: 543px;"><a name="pl_39" id="pl_39"></a> <img src="images/after-page-214.jpg" alt="LE SANCTUAIRE, A KARNAK" title="LE SANCTUAIRE, A KARNAK" width="543" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-214.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Retournant dans la galerie, nous traversons cette fort de colonnes et -nous sortons par la porte de l'est, sous le pylne d'Amenhotep III. -Cette partie plus ancienne du temple d'Ammon est dans un tel tat de +<p>Retournant dans la galerie, nous traversons cette forêt de colonnes et +nous sortons par la porte de l'est, sous le pylône d'Amenhotep III. +Cette partie plus ancienne du temple d'Ammon est dans un tel état de ruines que, sans l'aide de M. Legrain, nous n'aurions pu nous y -retrouver. Deux oblisques de Thothms I, dont un seul est debout, et le -pidestal d'une statue colossale qui a disparu, forment la partie -frontale de ce temple de la dix-huitime dynastie. A l'origine, <span class="pagenum"><a name="Page_214" id="Page_214">214</a></span> -aucun difice ne lui cachait la vue de la rivire. Le pylne des -Thothms n'est plus qu'un amas de ruines. Le second pylne dont il y a -encore moins de vestiges, forme la faade est d'une troite cour -colonnes, dont rien ne subsiste, si ce n'est le grand oblisque de la -fille de Thothms, Hatshepsu. Son poux, Thothms III, en avait entour +retrouver. Deux obélisques de Thothmès I, dont un seul est debout, et le +piédestal d'une statue colossale qui a disparu, forment la partie +frontale de ce temple de la dix-huitième dynastie. A l'origine, <span class="pagenum"><a name="Page_214" id="Page_214">214</a></span> +aucun édifice ne lui cachait la vue de la rivière. Le pylône des +Thothmès n'est plus qu'un amas de ruines. Le second pylône dont il y a +encore moins de vestiges, forme la façade est d'une étroite cour à +colonnes, dont rien ne subsiste, si ce n'est le grand obélisque de la +fille de Thothmès, Hatshepsu. Son époux, Thothmès III, en avait entouré la base de murailles qui, maintenant en ruines, nous laissent admirer dans son entier l'exquis monolithe de granit rose. C'est le plus beau -des oblisques d'gypte; il a prs de cent pieds de haut, et son poids -est estim trois mille six cents soixante-treize tonnes par le +des obélisques d'Égypte; il a près de cent pieds de haut, et son poids +est estimé à trois mille six cents soixante-treize tonnes par le professeur Steindorf. Sur la surface polie de la pierre, on remarque des -inscriptions se rapportant aux guerres de l'poque des Thothms, la -rvolution religieuse d'Ikhnaton, o la figure d'Ammon a t efface -pour tre restaure ensuite durant le rgne de Seti, alors que le culte -de ce dieu tait fermement rtabli. Au del, une seconde cour -colonnades de l'poque de Thothms I, flanque de figures d'Osiris, se -prolonge vers la rivire. Passant sous un autre pylne, nous pntrons +inscriptions se rapportant aux guerres de l'époque des Thothmès, à la +révolution religieuse d'Ikhnaton, où la figure d'Ammon a été effacée +pour être restaurée ensuite durant le règne de Seti, alors que le culte +de ce dieu était fermement rétabli. Au delà, une seconde cour à +colonnades de l'époque de Thothmès I, flanquée de figures d'Osiris, se +prolonge vers la rivière. Passant sous un autre pylône, nous pénétrons dans l'avant-cour du sanctuaire. On remarque sur la grande porte en -granit du dernier et du plus petit pylne, de belles inscriptions avec -des figures caractristiques de <span class="pagenum"><a name="Page_215" id="Page_215">215</a></span> Nubiens et de Syriens faits -prisonniers par Thothms III. Le mme Pharaon fit lever deux piliers de -granit dans cette cour; le lys de la Haute gypte se dtache en un -relief accentu sur l'un, face au soleil, tandis que sur la partie nord -du second, nous voyons le papyrus de la Basse gypte. J'ai pris les +granit du dernier et du plus petit pylône, de belles inscriptions avec +des figures caractéristiques de <span class="pagenum"><a name="Page_215" id="Page_215">215</a></span> Nubiens et de Syriens faits +prisonniers par Thothmès III. Le même Pharaon fit élever deux piliers de +granit dans cette cour; le lys de la Haute Égypte se détache en un +relief accentué sur l'un, face au soleil, tandis que sur la partie nord +du second, nous voyons le papyrus de la Basse Égypte. J'ai pris les croquis ci-joints de l'un des appartements en ruines de la Reine -Hatshepsu. La statue mutile de Thothms III a t place dans le -boudoir dilapid de sa demi-sœur. Au-dessus s'lve le sanctuaire que -Philippe Arrhidaeus leva longtemps aprs la mort de ce couple. Le -temple de la dix-huitime dynastie tait dj partiellement en ruines. +Hatshepsu. La statue mutilée de Thothmès III a été placée dans le +boudoir dilapidé de sa demi-sœur. Au-dessus s'élève le sanctuaire que +Philippe Arrhidaeus éleva longtemps après la mort de ce couple. Le +temple de la dix-huitième dynastie était déjà partiellement en ruines. Cette œuvre est un des joyaux de Karnak. Presque toute la couleur -primitive a gard son clat et le granit dont il est fait est d'un ton -merveilleux. Les inscriptions, graves dans une pierre trs dure, -demeurent aussi nettes que si elles venaient d'tre faites. Les murs -intrieurs sont peut-tre encore plus beaux. Les scnes sont -gnralement reprsentes en une teinte vert-malachite sur le fond rose -de la pierre. La gravure ci-contre tant une rduction d'une aquarelle, -il est trs difficile de suivre les inscriptions du mur sud qui y sont -reprsentes. Ici, elles sont gnralement indiques en rouge, mais la -teinte conventionnelle <span class="pagenum"><a name="Page_216" id="Page_216">216</a></span> des hiroglyphes et des personnages a t -profondment modifie pour suivre une combinaison choisie de couleurs, -licence que l'artiste ne se serait pas permise au moment o les -souverains d'gypte montraient plus de respect pour leurs dieux. A -gauche de la gravure, nous voyons le lys de la Haute gypte sur le -pilier tronqu de Thothms, et plus haut se dresse le grand oblisque de -Hatshepsu. Ce qui reste des fentres du hall hypostyle est visible dans -le lointain, et les tours en ruines du dernier pylne brisent la ligne -de l'horizon. Quelques marches tailles dans un bloc de pierre -intriguent encore les archologues. Elles ressemblent beaucoup celles -de l'escalier qui conduit l'autel du sacrifice, dans le temple de -Hatshepsu, Dr-el-Bahri.</p> - -<p>A l'est du sanctuaire, il ne reste gure que les fondations du temple de -la douzime dynastie. Le temps coul depuis la construction de ces -difices jusqu'au moment o fut lev le temple de Seti, embrasserait -les sicles qui se sont couls depuis la conqute de l'Angleterre par -les Normands jusqu' nos jours.</p> +primitive a gardé son éclat et le granit dont il est fait est d'un ton +merveilleux. Les inscriptions, gravées dans une pierre très dure, +demeurent aussi nettes que si elles venaient d'être faites. Les murs +intérieurs sont peut-être encore plus beaux. Les scènes sont +généralement représentées en une teinte vert-malachite sur le fond rose +de la pierre. La gravure ci-contre étant une réduction d'une aquarelle, +il est très difficile de suivre les inscriptions du mur sud qui y sont +représentées. Ici, elles sont généralement indiquées en rouge, mais la +teinte conventionnelle <span class="pagenum"><a name="Page_216" id="Page_216">216</a></span> des hiéroglyphes et des personnages a été +profondément modifiée pour suivre une combinaison choisie de couleurs, +licence que l'artiste ne se serait pas permise au moment où les +souverains d'Égypte montraient plus de respect pour leurs dieux. A +gauche de la gravure, nous voyons le lys de la Haute Égypte sur le +pilier tronqué de Thothmès, et plus haut se dresse le grand obélisque de +Hatshepsu. Ce qui reste des fenêtres du hall hypostyle est visible dans +le lointain, et les tours en ruines du dernier pylône brisent la ligne +de l'horizon. Quelques marches taillées dans un bloc de pierre +intriguent encore les archéologues. Elles ressemblent beaucoup à celles +de l'escalier qui conduit à l'autel du sacrifice, dans le temple de +Hatshepsu, à Dêr-el-Bahri.</p> + +<p>A l'est du sanctuaire, il ne reste guère que les fondations du temple de +la douzième dynastie. Le temps écoulé depuis la construction de ces +édifices jusqu'au moment où fut élevé le temple de Seti, embrasserait +les siècles qui se sont écoulés depuis la conquête de l'Angleterre par +les Normands jusqu'à nos jours.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -4349,73 +4310,73 @@ les Normands jusqu' nos jours.</p> ENCORE KARNAK<a name="ch_18" id="ch_18"></a></h2> <p class="subtitle"><span class="smcap">La promenade merveilleuse parmi les ruines de Karnak continue.</span> || <span class="smcap">Le -petit sanctuaire du roi thiopien, Shabako.</span> || <span class="smcap">Le jeune Pharaon couronn -de lotus.</span> || <span class="smcap">La desse tte de lionne.</span> || <span class="smcap">Le lac sacr et l'avenue des +petit sanctuaire du roi éthiopien, Shabako.</span> || <span class="smcap">Le jeune Pharaon couronné +de lotus.</span> || <span class="smcap">La déesse à tête de lionne.</span> || <span class="smcap">Le lac sacré et l'avenue des Sphinx.</span></p> -<p class="noindent"><span class="firstletter">A</span><span class="smcap">u</span> del de ce temple se trouve la galerie colonnades de Thothms III, -prcdant son sanctuaire. En cherchant notre chemin travers les +<p class="noindent"><span class="firstletter">A</span><span class="smcap">u</span> delà de ce temple se trouve la galerie à colonnades de Thothmès III, +précédant son sanctuaire. En cherchant notre chemin à travers les ruines, nous voyons que cette galerie n'est qu'une partie d'un vaste -temple. Le fate est support par trente-quatre piliers carrs et une -double range de colonnes. Ces dernires sont plutt bizarres que -belles, avec leurs chapiteaux calice renvers et leurs fts -s'amincissant la base. La plupart des inscriptions sont intressantes, -mais en bien mauvais tat. Dans une pice au nord du sanctuaire, les +temple. Le faîte est supporté par trente-quatre piliers carrés et une +double rangée de colonnes. Ces dernières sont plutôt bizarres que +belles, avec leurs chapiteaux à calice renversé et leurs fûts +s'amincissant à la base. La plupart des inscriptions sont intéressantes, +mais en bien mauvais état. Dans une pièce au nord du sanctuaire, les murs sont couverts de reliefs reproduisant des plantes et des animaux -que Thothms rapporta, <span class="pagenum"><a name="Page_218" id="Page_218">218</a></span> dit-on, de Syrie. Ils sont dessins avec ce -sentiment de la forme qui caractrise l'œuvre de Dr-el-Bahri. Les -quatre colonnes qui supportaient le toit de cette pice sont bien -conserves; elles sont du type qui emprunte son modle au papyrus, dont +que Thothmès rapporta, <span class="pagenum"><a name="Page_218" id="Page_218">218</a></span> dit-on, de Syrie. Ils sont dessinés avec ce +sentiment de la forme qui caractérise l'œuvre de Dêr-el-Bahri. Les +quatre colonnes qui supportaient le toit de cette pièce sont bien +conservées; elles sont du type qui emprunte son modèle au papyrus, dont les boutons entourent le chapiteau.</p> <div class="figcenter2" style="width: 779px;"><a name="pl_40" id="pl_40"></a> <img src="images/after-page-218.jpg" alt="BAS-RELIEFS DANS LA CHAPELLE DE SHABAKA, A KARNAK" title="BAS-RELIEFS DANS LA CHAPELLE DE SHABAKA, A KARNAK" width="779" height="400" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-218.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Aprs que nous emes franchi la muraille de ce temple, M. Legrain nous -conduisit vers un modeste petit autel qu'il venait de dcouvrir -l'extrme est de la grande enceinte. Il est heureux que M. Legrain soit -un artiste en mme temps qu'un gyptologue, car, quiconque n'aurait pas -eu le sentiment de la beaut de ces reliefs endommags, aurait pu nous -perdre un trs curieux spcimen du travail de la vingt-cinquime +<p>Après que nous eûmes franchi la muraille de ce temple, M. Legrain nous +conduisit vers un modeste petit autel qu'il venait de découvrir à +l'extrême est de la grande enceinte. Il est heureux que M. Legrain soit +un artiste en même temps qu'un égyptologue, car, quiconque n'aurait pas +eu le sentiment de la beauté de ces reliefs endommagés, aurait pu nous +perdre un très curieux spécimen du travail de la vingt-cinquième dynastie. Notre excellent guide nous dit comment ce petit sanctuaire fut -rig par Shabako, le premier des rois thiopiens; les reliefs taient -dans un triste tat et avaient presque disparu aux endroits o la pierre -sablonneuse s'tait dsagrge, mais, dans une chambre intrieure, M. -Legrain nous montra un relief qui reprsentait un Pharaon portant une -offrande un dieu. La couleur originale est presque compltement +érigé par Shabako, le premier des rois éthiopiens; les reliefs étaient +dans un triste état et avaient presque disparu aux endroits où la pierre +sablonneuse s'était désagrégée, mais, dans une chambre intérieure, M. +Legrain nous montra un relief qui représentait un Pharaon portant une +offrande à un dieu. La couleur originale est presque complètement disparue, mais ce qui en reste s'harmonise admirablement avec la surface -de la pierre. A mesure que nous <span class="pagenum"><a name="Page_219" id="Page_219">219</a></span> nous habituons la lumire -incertaine, nous discernons plus clairement la beaut du dessin, et nous -nous arrtons moins aux joints inexacts des pierres. Ce Pharaon est -probablement un successeur de Shabako Taharqua; en tout cas je prfre -croire que cette belle crature n'est pas le barbare qui brla vif son +de la pierre. A mesure que nous <span class="pagenum"><a name="Page_219" id="Page_219">219</a></span> nous habituons à la lumière +incertaine, nous discernons plus clairement la beauté du dessin, et nous +nous arrêtons moins aux joints inexacts des pierres. Ce Pharaon est +probablement un successeur de Shabako Taharqua; en tout cas je préfère +croire que cette belle créature n'est pas le barbare qui brûla vif son ennemi vaincu, Bokchoris. Il est surprenant qu'un art aussi parfait ait -pu renatre durant le rgne de ces farouches thiopiens.</p> +pu renaître durant le règne de ces farouches Éthiopiens.</p> -<p>Le peu de temps dont je pouvais disposer m'empcha de traiter mon sujet -aussi fond que je l'aurais dsir. La ligne onduleuse des bras amne -notre regard la droite de la gravure; au del se trouve l'objet -d'adoration. On distingue peine les oiseaux qui sont offerts au dieu, +<p>Le peu de temps dont je pouvais disposer m'empêcha de traiter mon sujet +aussi à fond que je l'aurais désiré. La ligne onduleuse des bras amène +notre regard à la droite de la gravure; au delà se trouve l'objet +d'adoration. On distingue à peine les oiseaux qui sont offerts au dieu, mais combien ils remplissent joliment l'espace! Ici, la ligne de la -composition s'arrte net et les ttes des oiseaux conduisent le regard -vers le dieu que le roi cherche flchir. Quelle couronne pourrait tre +composition s'arrête net et les têtes des oiseaux conduisent le regard +vers le dieu que le roi cherche à fléchir. Quelle couronne pourrait être plus belle que celle, faite de fleurs de lotus, qui ceint le front du jeune Pharaon?</p> -<p>Le petit temple qui renferme ce trsor est heureusement ferm, et -protg ainsi contre les profanes.</p> +<p>Le petit temple qui renferme ce trésor est heureusement fermé, et +protégé ainsi contre les profanes.</p> -<p>Pour apprcier Karnak, il faut y vivre. Durant les trois semaines que -j'y passai avec Nicol, la <i>Mavis</i> tant <span class="pagenum"><a name="Page_220" id="Page_220">220</a></span> ancre prs du grand -temple, je passai trop de temps peindre pour pouvoir tudier l'endroit -d'une faon complte.</p> +<p>Pour apprécier Karnak, il faut y vivre. Durant les trois semaines que +j'y passai avec Nicol, la <i>Mavis</i> étant <span class="pagenum"><a name="Page_220" id="Page_220">220</a></span> ancrée près du grand +temple, je passai trop de temps à peindre pour pouvoir étudier l'endroit +d'une façon complète.</p> <p>Blotti contre la muraille d'enceinte nord, se trouve un petit temple -lev par Thothms III et ddi au dieu Ptah. Il fut plus tard agrandi -par les Ptolmes. Le soir, l'ombre du grand temple recouvre l'espace -qui spare les deux monuments, et les colonnes de ce petit sanctuaire se -profilent au premier plan. Lorsque la lumire crue de midi tombe sur +élevé par Thothmès III et dédié au dieu Ptah. Il fut plus tard agrandi +par les Ptolémées. Le soir, l'ombre du grand temple recouvre l'espace +qui sépare les deux monuments, et les colonnes de ce petit sanctuaire se +profilent au premier plan. Lorsque la lumière crue de midi tombe sur cette vaste masse de ruines grises, il est difficile d'en rendre la couleur, et l'on ne peut les traiter qu'en noir et en blanc.</p> @@ -4424,117 +4385,117 @@ couleur, et l'on ne peut les traiter qu'en noir et en blanc.</p> <span class="link"><a href="images/x-after-page-220.jpg">Image plus grande</a></span></div> <p>M. Legrain nous conduisit au temple de Ptah; la chaleur intense du jour -nous faisait vivement dsirer d'y trouver de l'ombre frache. Aprs -avoir travers deux cours, nous pntrons dans une petite pice, et y -heurtons presque la statue tte de lionne de la desse Sekhmet. C'est -une splendide crature et nous sommes reconnaissants au sort qui, au -lieu de l'adjuger quelque muse, lui permit de demeurer dans le cadre -o la plaa Thothms. M. Legrain nous raconta qu'il l'avait trouve -quelques annes auparavant dans le mme endroit, mais brise en soixante +nous faisait vivement désirer d'y trouver de l'ombre fraîche. Après +avoir traversé deux cours, nous pénétrons dans une petite pièce, et y +heurtons presque la statue à tête de lionne de la déesse Sekhmet. C'est +une splendide créature et nous sommes reconnaissants au sort qui, au +lieu de l'adjuger à quelque musée, lui permit de demeurer dans le cadre +où la plaça Thothmès. M. Legrain nous raconta qu'il l'avait trouvée +quelques années auparavant dans le même endroit, mais brisée en soixante morceaux. Heureusement, aucun ne manquant, il put la <span class="pagenum"><a name="Page_221" id="Page_221">221</a></span> reconstituer et on lui permit de la laisser dans le cadre qui lui convient si bien. -Cette desse de la Guerre, tte de lionne, inspire la frayeur et le -respect au prime abord, quand on la voit dans l'ombre de la pice, toute -voile de mystre.</p> +Cette déesse de la Guerre, à tête de lionne, inspire la frayeur et le +respect au prime abord, quand on la voit dans l'ombre de la pièce, toute +voilée de mystère.</p> -<p>Laissant Sekhmet la garde du sanctuaire, nous revenons sur nos pas -pour nous diriger vers la cour centrale du temple d'Ammon, et, aprs -l'avoir traverse, nous allons examiner les ruines du ct sud. Il est +<p>Laissant Sekhmet à la garde du sanctuaire, nous revenons sur nos pas +pour nous diriger vers la cour centrale du temple d'Ammon, et, après +l'avoir traversée, nous allons examiner les ruines du côté sud. Il est difficile ici de reconstituer un plan quelconque et de comprendre quel a -t le but de l'architecte en faisant lever quatre pylnes qui se -succdent sur un espace de trois quatre cents mtres jusqu'au mur -d'enceinte. Thothms III et Hatshepsu firent lever les deux premiers, -tandis que les deux derniers, qui ne semblent pas leur place dans le -grand temple, furent levs par Haremheb, le fondateur de la -dix-neuvime dynastie. La base de la muraille gauche, qui relie le -pylne en ruines de Thothms au temple, est orne d'inscriptions dues -Merneptah. L'ternel massacre des Syriens, auquel Ramss II, pre de -Merneptah, ddiait l'art de son poque, a t fait ici par le fils, mais -ce qui nous intresse le plus, c'est la ressemblance que prsente cette -œuvre avec celle du grand-pre de <span class="pagenum"><a name="Page_222" id="Page_222">222</a></span> Merneptah, Seti I, et des -premiers artistes de la dix-huitime dynastie.</p> - -<p>Le peuple tant d'une nature pacifique, il semblait que l'art de la -contre dt s'inspirer de sujets en harmonie avec le caractre du -peuple; en effet, les guerres de Thothms ne sont point rappeles par -des scnes de bataille; nous voyons simplement une offrande des trophes - Ammon, mais lorsque Seti repoussa les tribus smites qui, en -envahissant ses provinces asiatiques, devenaient un srieux danger pour -l'gypte elle-mme, l'art s'mut de l'importance de ces victoires et -nous en laissa les inscriptions commmoratives que nous voyons sur le -mur nord du hall hypostyle. Durant les longues guerres de Ramss II, il -semble que les temples n'aient t btis que pour y reprsenter sur -leurs murailles les faits et gestes des Pharaons. On voit l'infini le -souverain tenant un adversaire par les cheveux et se prparant lui -trancher la tte. Ce mme sujet trait si frquemment semble avoir -paralys l'effort de l'artiste et l'on remarque un dclin sensible qui -continue durant le rgne de Merneptah. Il restait cependant de grands -artistes la fin du rgne de Seti; lorsqu'ils ont pu travailler +été le but de l'architecte en faisant élever quatre pylônes qui se +succèdent sur un espace de trois à quatre cents mètres jusqu'au mur +d'enceinte. Thothmès III et Hatshepsu firent élever les deux premiers, +tandis que les deux derniers, qui ne semblent pas à leur place dans le +grand temple, furent élevés par Haremheb, le fondateur de la +dix-neuvième dynastie. La base de la muraille gauche, qui relie le +pylône en ruines de Thothmès au temple, est ornée d'inscriptions dues à +Merneptah. L'éternel massacre des Syriens, auquel Ramsès II, père de +Merneptah, dédiait l'art de son époque, a été fait ici par le fils, mais +ce qui nous intéresse le plus, c'est la ressemblance que présente cette +œuvre avec celle du grand-père de <span class="pagenum"><a name="Page_222" id="Page_222">222</a></span> Merneptah, Seti I, et des +premiers artistes de la dix-huitième dynastie.</p> + +<p>Le peuple étant d'une nature pacifique, il semblait que l'art de la +contrée dût s'inspirer de sujets en harmonie avec le caractère du +peuple; en effet, les guerres de Thothmès ne sont point rappelées par +des scènes de bataille; nous voyons simplement une offrande des trophées +à Ammon, mais lorsque Seti repoussa les tribus sémites qui, en +envahissant ses provinces asiatiques, devenaient un sérieux danger pour +l'Égypte elle-même, l'art s'émut de l'importance de ces victoires et +nous en laissa les inscriptions commémoratives que nous voyons sur le +mur nord du hall hypostyle. Durant les longues guerres de Ramsès II, il +semble que les temples n'aient été bâtis que pour y représenter sur +leurs murailles les faits et gestes des Pharaons. On voit à l'infini le +souverain tenant un adversaire par les cheveux et se préparant à lui +trancher la tête. Ce même sujet traité si fréquemment semble avoir +paralysé l'effort de l'artiste et l'on remarque un déclin sensible qui +continue durant le règne de Merneptah. Il restait cependant de grands +artistes à la fin du règne de Seti; lorsqu'ils ont pu travailler librement, ils ont produit de belles choses. On <span class="pagenum"><a name="Page_223" id="Page_223">223</a></span> trouve beaucoup de -chefs-d'œuvre dans le Ramesseum Thbes et le temple taill dans le -roc, d'Abu-Simbel, est peut-tre le plus beau monument, dans son genre, +chefs-d'œuvre dans le Ramesseum à Thèbes et le temple taillé dans le +roc, d'Abu-Simbel, est peut-être le plus beau monument, dans son genre, que l'univers ait produit; le petit temple de Bet-el-Walli, en Nubie, me -semble aussi difficile galer. Je pourrais encore citer bien des -œuvres de valeur, mais, compares celles de Seti et des dynasties -prcdentes, elles ne laissent point d'accuser une sensible dcadence. -Merneptah serait, d'aprs certains historiens, le Pharaon de -l'oppression, plutt que Ramss II, mais on ne sait comment concilier le -fait de la dcouverte de son corps dans la Valle des Tombes des Rois, -Thbes, avec les documents historiques qui prtendent qu'il trouva la +semble aussi difficile à égaler. Je pourrais encore citer bien des +œuvres de valeur, mais, comparées à celles de Seti et des dynasties +précédentes, elles ne laissent point d'accuser une sensible décadence. +Merneptah serait, d'après certains historiens, le Pharaon de +l'oppression, plutôt que Ramsès II, mais on ne sait comment concilier le +fait de la découverte de son corps dans la Vallée des Tombes des Rois, à +Thèbes, avec les documents historiques qui prétendent qu'il trouva la mort dans les flots de la mer Rouge.</p> -<p>Au del du pylne en ruines de Thothms III, nous voyons quelques belles -statues de ce souverain qui prcdent un autre pylne. L'tang qui se -trouve plus loin cacha longtemps des merveilles que M. Legrain dcouvrit -il y a quelques annes. C'est au Muse du Caire que nous devrons nous -rendre pour apprcier la valeur de cette dcouverte. Quant aux statues -que nous voyons ici, ce sont celles qui n'ont pas t juges assez -intressantes pour tre envoyes au Caire. On se <span class="pagenum"><a name="Page_224" id="Page_224">224</a></span> demande comment -ces statues se trouvaient au fond de cet tang; c'est l un de ces -problmes insolubles qui se prsentent chaque instant dans cette -contre merveilleuse.</p> - -<p>La partie sud de Karnak est la plus pittoresque. Le Lac Sacr et la +<p>Au delà du pylône en ruines de Thothmès III, nous voyons quelques belles +statues de ce souverain qui précèdent un autre pylône. L'étang qui se +trouve plus loin cacha longtemps des merveilles que M. Legrain découvrit +il y a quelques années. C'est au Musée du Caire que nous devrons nous +rendre pour apprécier la valeur de cette découverte. Quant aux statues +que nous voyons ici, ce sont celles qui n'ont pas été jugées assez +intéressantes pour être envoyées au Caire. On se <span class="pagenum"><a name="Page_224" id="Page_224">224</a></span> demande comment +ces statues se trouvaient au fond de cet étang; c'est là un de ces +problèmes insolubles qui se présentent à chaque instant dans cette +contrée merveilleuse.</p> + +<p>La partie sud de Karnak est la plus pittoresque. Le Lac Sacré et la partie la plus ancienne du grand temple inspirent maint tableau. La vue, -au-dessus du Lac, avec, au loin, le pylne de Nestanebo, baign dans -l'or du couchant, donna Erskine Nicol le sujet d'une de ses meilleures +au-dessus du Lac, avec, au loin, le pylône de Nestanebo, baigné dans +l'or du couchant, donna à Erskine Nicol le sujet d'une de ses meilleures œuvres.</p> -<p>Sous l'arcade du pylne de Hatshepsu, les statues mutiles des Pharaons +<p>Sous l'arcade du pylône de Hatshepsu, les statues mutilées des Pharaons forment un groupe pittoresque qui attire mes regards. Malheureusement, -mon temps limit ne me permet point de les peindre. Le paysage avec ses +mon temps limité ne me permet point de les peindre. Le paysage avec ses beaux arbres, le modeste temple de Amenhotep II dans l'espace compris -entre les deux pylnes de Haremheb, sont galement trs attrayants. Nous -nous sommes souvent promens aux lumires dans la partie sud de Karnak. -L, les groupes de palmiers, l'herbe drue et vigoureuse, les buissons, +entre les deux pylônes de Haremheb, sont également très attrayants. Nous +nous sommes souvent promenés aux lumières dans la partie sud de Karnak. +Là, les groupes de palmiers, l'herbe drue et vigoureuse, les buissons, coupent la monotonie de la pierre grise et inspirent tout -particulirement le paysagiste.</p> +particulièrement le paysagiste.</p> -<p>Une avenue de sphinx de prs de quatre cents mtres relie l'enceinte du -temple d'Amenhotep III <span class="pagenum"><a name="Page_225" id="Page_225">225</a></span> de Mut celle du grand temple d'Ammon. Un -lac en forme de fer cheval entoure ce qui reste de l'autel lev par +<p>Une avenue de sphinx de près de quatre cents mètres relie l'enceinte du +temple d'Amenhotep III <span class="pagenum"><a name="Page_225" id="Page_225">225</a></span> de Mut à celle du grand temple d'Ammon. Un +lac en forme de fer à cheval entoure ce qui reste de l'autel élevé par ce Pharaon magnifique. Cette zone est en dehors de celle appartenant au -Service des Antiquits, et les <i>fellahn</i> sont libres d'y faire patre -leurs troupeaux. Les enfants se baignent dans ce lac sacr et l'on y -abreuve les bestiaux. Quelques sphinx tte de blier mergent du sol - et l, et des desses tte de lionne projettent leur ombre sur les -eaux du lac. On ressent ici un charme infini de paix mystrieuse.</p> - -<p>Le temple de Khons, situ prs de la rivire et au nord de celui de Mut, -est le mieux prserv des trois sanctuaires que Ramss III fit -construire Karnak. Bien qu'il n'ait pas t construit pendant la -meilleure priode de l'architecture gyptienne, le temple de Khons offre -un intrt tout particulier en ceci qu'il subsiste presque en entier. En +Service des Antiquités, et les <i>fellahîn</i> sont libres d'y faire paître +leurs troupeaux. Les enfants se baignent dans ce lac sacré et l'on y +abreuve les bestiaux. Quelques sphinx à tête de bélier émergent du sol +çà et là, et des déesses à tête de lionne projettent leur ombre sur les +eaux du lac. On ressent ici un charme infini de paix mystérieuse.</p> + +<p>Le temple de Khons, situé près de la rivière et au nord de celui de Mut, +est le mieux préservé des trois sanctuaires que Ramsès III fit +construire à Karnak. Bien qu'il n'ait pas été construit pendant la +meilleure période de l'architecture égyptienne, le temple de Khons offre +un intérêt tout particulier en ceci qu'il subsiste presque en entier. En le contemplant, nous pouvons imaginer ceux dont il ne reste que des -ruines. Comme le toit est demeur presque intact, nous remarquons -l'intrieur une lumire mystrieusement tamise qui manque dans les +ruines. Comme le toit est demeuré presque intact, nous remarquons à +l'intérieur une lumière mystérieusement tamisée qui manque dans les autres temples. Le grand portail d'Euergetes I se trouve un peu en avant du sanctuaire de Khons, et l'on y arrive par une avenue de sphinx qui -datent du dernier Ramss. Au del du <span class="pagenum"><a name="Page_226" id="Page_226">226</a></span> portail s'tend le village et -entre les dattiers s'lvent quelques sphinx tte de bouc.</p> +datent du dernier Ramsès. Au delà du <span class="pagenum"><a name="Page_226" id="Page_226">226</a></span> portail s'étend le village et +entre les dattiers s'élèvent quelques sphinx à tête de bouc.</p> -<p>Enfin, la chaleur de l't nous obligea nous diriger vers le nord, et -nous descendmes la rivire.</p> +<p>Enfin, la chaleur de l'été nous obligea à nous diriger vers le nord, et +nous descendîmes la rivière.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> @@ -4545,148 +4506,148 @@ nous descendmes la rivire.</p> LE TEMPLE DE DENDERA<a name="ch_19" id="ch_19"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">En descendant le Nil.</span> || <span class="smcap">La fertilit et le pittoresque de la campagne -gyptienne.</span> || <span class="smcap">Le fellah n'a pas la haine de l'tranger.</span> || <span class="smcap">Le temple -de Dendera et l'influence grecque dans l'architecture du I<sup>er</sup> sicle.</span></p> - -<p class="noindent"><span class="firstletter">M</span><span class="smcap">algr</span> la chaleur, notre voyage sur le Nil fut dlicieux. Avanant -raison de trois ou quatre milles l'heure, au plus, nous passions -souvent nos soires et nos nuits l'ancre, pour repartir au lever du -jour. Un sujet de tableau particulirement intressant nous retenait -parfois plusieurs jours au mme endroit, mais ds que le vent tournait -au sud, nous nous empressions d'en profiter. Nous avions notre atelier -bord, avec une grande quantit d'esquisses et de sujets mettre en +<p class="subtitle"><span class="smcap">En descendant le Nil.</span> || <span class="smcap">La fertilité et le pittoresque de la campagne +égyptienne.</span> || <span class="smcap">Le «fellah» n'a pas la haine de l'étranger.</span> || <span class="smcap">Le temple +de Dendera et l'influence grecque dans l'architecture du I<sup>er</sup> siècle.</span></p> + +<p class="noindent"><span class="firstletter">M</span><span class="smcap">algré</span> la chaleur, notre voyage sur le Nil fut délicieux. Avançant à +raison de trois ou quatre milles à l'heure, au plus, nous passions +souvent nos soirées et nos nuits à l'ancre, pour repartir au lever du +jour. Un sujet de tableau particulièrement intéressant nous retenait +parfois plusieurs jours au même endroit, mais dès que le vent tournait +au sud, nous nous empressions d'en profiter. Nous avions notre atelier à +bord, avec une grande quantité d'esquisses et de sujets à mettre en ordre, ce que nous faisions pendant que nous descendions lentement le -fleuve. Parfois, jetant l'ancre avant le soir, nous partions la -chasse, le fusil sur l'paule, ce qui, n'enrichissant pas toujours notre +fleuve. Parfois, jetant l'ancre avant le soir, nous partions à la +chasse, le fusil sur l'épaule, ce qui, n'enrichissant pas toujours notre <span class="pagenum"><a name="Page_228" id="Page_228">228</a></span> garde-manger, nous procurait du moins quelques heures d'un exercice -fort sain. Les criteaux <i>chasse garde</i> que nous rencontrons chaque -pas dans la mre patrie, n'existent pas ici. Chacun est libre d'errer -dans les champs, condition toutefois de respecter les rcoltes. Comme -nous tions discrets et que nous savions distinguer les pigeons +fort sain. Les écriteaux «<i>chasse gardée</i>» que nous rencontrons à chaque +pas dans la mère patrie, n'existent pas ici. Chacun est libre d'errer +dans les champs, à condition toutefois de respecter les récoltes. Comme +nous étions discrets et que nous savions distinguer les pigeons domestiques des pigeons sauvages qui nichent dans les columbariums, les -paysans nous aidaient complaisamment dans nos chasses. La foule indigne -est ici bien diffrente de celle des centres de tourisme. L'impertinence -de l'habitant de Luxor qui ne considre l'Europen que comme une source +paysans nous aidaient complaisamment dans nos chasses. La foule indigène +est ici bien différente de celle des centres de tourisme. L'impertinence +de l'habitant de Luxor qui ne considère l'Européen que comme une source de revenus, ne se rencontre pas ici. Il est bien rare qu'on entende -l'ternel cri de <i>baksheesh</i>, si obsdant au Caire et Assouan, et, -pour ma part, j'ai toujours trouv le <i>fellah</i> poli et complaisant. Il -est vrai que Nicol, qui a vcu de longues annes parmi ce peuple et qui -parle couramment l'arabe, contribua rendre nos relations agrables. Il -est difficile un Occidental de comprendre l'me orientale; pourtant, -m'aidant de l'exprience de mon ami, je fus mme de me former une -meilleure opinion de l'gyptien moderne, et aussi de me faire une ide -de l'impression que lui produit l'Europen. Des rumeurs, recueillies -Luxor, nous <span class="pagenum"><a name="Page_229" id="Page_229">229</a></span> avaient appris que la contre tait dans un tat -d'effervescence. L'incident de Denshaur avait excit les esprits au +l'éternel cri de <i>baksheesh</i>, si obsédant au Caire et à Assouan, et, +pour ma part, j'ai toujours trouvé le <i>fellah</i> poli et complaisant. Il +est vrai que Nicol, qui a vécu de longues années parmi ce peuple et qui +parle couramment l'arabe, contribua à rendre nos relations agréables. Il +est difficile à un Occidental de comprendre l'âme orientale; pourtant, +m'aidant de l'expérience de mon ami, je fus à même de me former une +meilleure opinion de l'Égyptien moderne, et aussi de me faire une idée +de l'impression que lui produit l'Européen. Des rumeurs, recueillies à +Luxor, nous <span class="pagenum"><a name="Page_229" id="Page_229">229</a></span> avaient appris que la contrée était dans un état +d'effervescence. L'incident de Denshaur avait excité les esprits au Caire et dans les villes du Delta, mais les bateliers du Nil et les habitants de la campagne semblaient n'en rien savoir. Tant que ceux-ci jouissent tranquillement de leurs possessions agricoles et qu'ils -trouvent un dbouch pour leurs produits, ils ne se soucient gure de la +trouvent un débouché pour leurs produits, ils ne se soucient guère de la politique de leur Gouvernement. Les bateliers ne semblent pas avoir -particip la prosprit que l'occupation britannique apporta leur -pays, mais ce sont des gens paisibles qui ne se rendent gure compte du -rle prpondrant que notre gouvernement joue en gypte. Au fur et -mesure que les produits agricoles trouvaient de nouveaux dbouchs, le -prix des articles de premire ncessit augmentait, mais, -particulirement en raison de la concurrence des chemins de fer, les -salaires des bateliers du Nil sont demeurs stationnaires, ce qui fait -que leur condition est pire qu'elle ne l'tait il y a dix ou quinze ans.</p> - -<p>Au bord du fleuve, se trouve Ks, importante cit du moyen ge, rduite -maintenant l'tat de simple village. Au del de Kuft,—l'ancien -Koptos—on rencontre de charmants paysages, et nous prfrmes <span class="pagenum"><a name="Page_230" id="Page_230">230</a></span> -errer la recherche de quelque gibier qui varierait notre ordinaire, -plutt que de visiter les ruines du temple de Min. Sur la rive est du -Nil, quelques <i>gayassa</i> charges de poteries de Balls attendaient un -vent favorable pour descendre le fleuve. Les dpts de terre glaise se -trouvent dans l'intrieur des terres, mais sur le bord du fleuve -s'levaient de hautes meules de Ballssa d'o le village tire son nom. -Notre station suivante fut prs d'un modeste petit village sur la rive -ouest, en face de Kaneh; l, nous nous arrtmes pour visiter le temple -de Dendera. Nicol cherchait un endroit de la rive qu'il pt donner comme -fond son tableau: <i>Les troupeaux l'abreuvoir</i>, et tout nous -indiquait qu'en cet endroit les <i>fellah</i> avaient coutume de dsaltrer -leurs bestiaux. Le temple se trouvait 5 ou 6 kilomtres dans -l'intrieur des terres, mais nous avions le temps d'aller le visiter et +participé à la prospérité que l'occupation britannique apporta à leur +pays, mais ce sont des gens paisibles qui ne se rendent guère compte du +rôle prépondérant que notre gouvernement joue en Égypte. Au fur et à +mesure que les produits agricoles trouvaient de nouveaux débouchés, le +prix des articles de première nécessité augmentait, mais, +particulièrement en raison de la concurrence des chemins de fer, les +salaires des bateliers du Nil sont demeurés stationnaires, ce qui fait +que leur condition est pire qu'elle ne l'était il y a dix ou quinze ans.</p> + +<p>Au bord du fleuve, se trouve Kûs, importante cité du moyen âge, réduite +maintenant à l'état de simple village. Au delà de Kuft,—l'ancien +Koptos—on rencontre de charmants paysages, et nous préférâmes <span class="pagenum"><a name="Page_230" id="Page_230">230</a></span> +errer à la recherche de quelque gibier qui varierait notre ordinaire, +plutôt que de visiter les ruines du temple de Min. Sur la rive est du +Nil, quelques <i>gayassa</i> chargées de poteries de Ballâs attendaient un +vent favorable pour descendre le fleuve. Les dépôts de terre glaise se +trouvent dans l'intérieur des terres, mais sur le bord du fleuve +s'élevaient de hautes meules de Ballâssa d'où le village tire son nom. +Notre station suivante fut près d'un modeste petit village sur la rive +ouest, en face de Kaneh; là, nous nous arrêtâmes pour visiter le temple +de Dendera. Nicol cherchait un endroit de la rive qu'il pût donner comme +fond à son tableau: <i>Les troupeaux à l'abreuvoir</i>, et tout nous +indiquait qu'en cet endroit les <i>fellah</i> avaient coutume de désaltérer +leurs bestiaux. Le temple se trouvait à 5 ou 6 kilomètres dans +l'intérieur des terres, mais nous avions le temps d'aller le visiter et de revenir avant la nuit.</p> -<p>Le paysage en gypte a un charme qui lui est absolument particulier; -parfois, en Palestine, vous dcouvrez quelque coin qui vous fait songer -au pays natal; le Liban prsente les particularits propres aux -districts montagneux. Mais les grandes plaines fertilises par le Nil -n'veillent point de comparaisons et <span class="pagenum"><a name="Page_231" id="Page_231">231</a></span> appartiennent bien la seule -gypte. Point de haies, seule la diffrence de couleurs indique qu'une -certaine culture est plus avance que l'autre, et les collines dsertes -de l'est et de l'ouest vous rappellent constamment que l'gypte est un -don de la rivire. Bien que nous ne fmes qu'au commencement de mai, -les moissons taient presque termines. De temps autre nous -rencontrions un couple de bœufs foulant le bl, pendant que quelques -paysans, profitant de la brise, sparaient le grain de la paille. Des -troupeaux de chvres et de brebis se dirigeaient lentement vers -l'endroit d'o nous venions, pour se dsaltrer dans le Nil.</p> - -<p>Nous approchions du temple; la poussire grise qui tourbillonne toujours +<p>Le paysage en Égypte a un charme qui lui est absolument particulier; +parfois, en Palestine, vous découvrez quelque coin qui vous fait songer +au pays natal; le Liban présente les particularités propres aux +districts montagneux. Mais les grandes plaines fertilisées par le Nil +n'éveillent point de comparaisons et <span class="pagenum"><a name="Page_231" id="Page_231">231</a></span> appartiennent bien à la seule +Égypte. Point de haies, seule la différence de couleurs indique qu'une +certaine culture est plus avancée que l'autre, et les collines désertes +de l'est et de l'ouest vous rappellent constamment que «l'Égypte est un +don de la rivière». Bien que nous ne fûmes qu'au commencement de mai, +les moissons étaient presque terminées. De temps à autre nous +rencontrions un couple de bœufs foulant le blé, pendant que quelques +paysans, profitant de la brise, séparaient le grain de la paille. Des +troupeaux de chèvres et de brebis se dirigeaient lentement vers +l'endroit d'où nous venions, pour se désaltérer dans le Nil.</p> + +<p>Nous approchions du temple; la poussière grise qui tourbillonne toujours sur les amas de ruines, voilait la vue, et nous distinguions vaguement -la faade. Le sol que recouvrent en partie les habitations en ruines -prs des temples, est vendu par le Service des Antiquits aux -<i>fellahn</i>, qui le jugent prcieux. C'est en labourant et en piochant -autour de ces ruines que les paysans trouvent parfois quelque scarabe -ou autre <i>antika</i> de valeur, et la possibilit de ces trouvailles entre -sans doute dans leurs calculs. Pendant l't, les nes qui, l'hiver, -portent le touriste, servent <span class="pagenum"><a name="Page_232" id="Page_232">232</a></span> transporter la poussire, du temple -aux champs, comme engrais. Cette poussire m'empcha souvent de -poursuivre mon travail. Heureusement que la faade du temple se trouvait -dblaye et nettoye, et nous pmes admirer l'aise sa symtrie et ses +la façade. Le sol que recouvrent en partie les habitations en ruines +près des temples, est vendu par le Service des Antiquités aux +<i>fellahîn</i>, qui le jugent précieux. C'est en labourant et en piochant +autour de ces ruines que les paysans trouvent parfois quelque scarabée +ou autre <i>antika</i> de valeur, et la possibilité de ces trouvailles entre +sans doute dans leurs calculs. Pendant l'été, les ânes qui, l'hiver, +portent le touriste, servent à <span class="pagenum"><a name="Page_232" id="Page_232">232</a></span> transporter la poussière, du temple +aux champs, comme engrais. Cette poussière m'empêcha souvent de +poursuivre mon travail. Heureusement que la façade du temple se trouvait +déblayée et nettoyée, et nous pûmes admirer à l'aise sa symétrie et ses belles proportions.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_42" id="pl_42"></a> -<img src="images/after-page-232.jpg" alt="COUR INTRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA" title="COUR INTRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA" width="400" height="606" /> +<img src="images/after-page-232.jpg" alt="COUR INTÉRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA" title="COUR INTÉRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA" width="400" height="606" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-232.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>L'influence grecque est trs marque dans l'architecture de ce temple. -Il fut construit au dbut du premier sicle, au moment de la conqute de -l'gypte par les Romains, et bien qu'lev par l'empereur Auguste, on le -regarde plutt comme un monument des Ptolmes que comme un monument -romain. L'effet de la faade est fort beau; comme dans la plupart des -monuments de cette priode, les dtails rappellent plutt l'œuvre +<p>L'influence grecque est très marquée dans l'architecture de ce temple. +Il fut construit au début du premier siècle, au moment de la conquête de +l'Égypte par les Romains, et bien qu'élevé par l'empereur Auguste, on le +regarde plutôt comme un monument des Ptolémées que comme un monument +romain. L'effet de la façade est fort beau; comme dans la plupart des +monuments de cette période, les détails rappellent plutôt l'œuvre d'un habile ouvrier que celle d'un artiste. Il est difficile de comparer -l'extrieur de ce temple avec celui de n'importe quel temple de la -dix-huitime dynastie, car nous avons ici l'avantage de voir un monument +l'extérieur de ce temple avec celui de n'importe quel temple de la +dix-huitième dynastie, car nous avons ici l'avantage de voir un monument dans son entier, tandis que les autres n'existent qu'en fragments. Six -colonnes tte de Hathor supportent l'architrave et la corniche -concave, au dessin trs hardi; un disque solaire ail surmonte la porte -d'entre. Les trois colonnes, de chaque ct de l'entre, sont runies -par une balustrade <span class="pagenum"><a name="Page_233" id="Page_233">233</a></span> qui monte jusqu' moiti des fts. Le pronaos, +colonnes à tête de Hathor supportent l'architrave et la corniche +concave, au dessin très hardi; un disque solaire ailé surmonte la porte +d'entrée. Les trois colonnes, de chaque côté de l'entrée, sont réunies +par une balustrade <span class="pagenum"><a name="Page_233" id="Page_233">233</a></span> qui monte jusqu'à moitié des fûts. Le pronaos, ou vestibule, est plus beau que ceux des temples de construction plus -ancienne; les dix-huit colonnes qui s'lancent du sol supportent le +ancienne; les dix-huit colonnes qui s'élancent du sol supportent le toit, et les chapiteaux sont perdus dans l'ombre.</p> -<p>Ce temple ne peut tre class parmi les monuments en ruines; les effets -d'ombre et de lumire, cherchs par l'architecte, existent encore. Les -monuments de la dix-huitime dynastie peuvent tre plus beaux, mais leur -tat lamentable ne nous permet pas de juger exactement de leur valeur +<p>Ce temple ne peut être classé parmi les monuments en ruines; les effets +d'ombre et de lumière, cherchés par l'architecte, existent encore. Les +monuments de la dix-huitième dynastie peuvent être plus beaux, mais leur +état lamentable ne nous permet pas de juger exactement de leur valeur architecturale. En examinant les inscriptions des murailles, on remarque -la dcadence de l'art de la sculpture, mais perdues et fondues dans les -effets d'ombre et de lumire, ces inscriptions paraissent remplir le but -artistique cherch par le sculpteur. Du centre du pronaos, le regard +la décadence de l'art de la sculpture, mais perdues et fondues dans les +effets d'ombre et de lumière, ces inscriptions paraissent remplir le but +artistique cherché par le sculpteur. Du centre du pronaos, le regard embrasse le hall hypostyle, avec les hautes colonnes supportant le toit, -les deux antichambres au del, et l'ombre croissante qui se perd enfin -dans l'obscurit du sanctuaire. Nous n'allumons pas de torches; nos yeux -s'habituent au clair-obscur et les ouvertures carres du toit admettent -assez de lumire pour que nous puissions distinguer les ttes de Hathor -des chapiteaux. Traversant les deux antichambres, nous arrivons <span class="pagenum"><a name="Page_234" id="Page_234">234</a></span> -la porte du sanctuaire o l'obscurit est complte. Un vestibule sur +les deux antichambres au delà, et l'ombre croissante qui se perd enfin +dans l'obscurité du sanctuaire. Nous n'allumons pas de torches; nos yeux +s'habituent au clair-obscur et les ouvertures carrées du toit admettent +assez de lumière pour que nous puissions distinguer les têtes de Hathor +des chapiteaux. Traversant les deux antichambres, nous arrivons <span class="pagenum"><a name="Page_234" id="Page_234">234</a></span> à +la porte du sanctuaire où l'obscurité est complète. Un vestibule sur lequel s'ouvrent onze chambres fait le tour du sanctuaire; l'une de ces -chambres, qui se trouve derrire le sanctuaire, est connue sous le nom -de chambre de Hathor. Elle renfermait autrefois un autel et une image -de la desse; maintenant elle sert d'abri une quantit innombrable de +chambres, qui se trouve derrière le sanctuaire, est connue sous le nom +de «chambre de Hathor». Elle renfermait autrefois un autel et une image +de la déesse; maintenant elle sert d'abri à une quantité innombrable de chauves-souris, et l'odeur y est insupportable. Du sanctuaire, nous voyons toute la perspective du temple, qui se prolonge sur quatre-vingts -mtres environ.</p> +mètres environ.</p> <p>Le paysage, au coucher du soleil, est fort imposant; il valait bien la -peine de notre longue course, avec le retour la <i>Mavis</i>, ttons, +peine de notre longue course, avec le retour à la <i>Mavis</i>, à tâtons, dans l'ombre du soir.</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> @@ -4698,209 +4659,209 @@ dans l'ombre du soir.</p> ROSETTA<a name="ch_20" id="ch_20"></a></h2> -<p class="subtitle"><span class="smcap">El-Raschid, la cit pittoresque mais inconfortable.</span> || <span class="smcap">L'Hotel Karalambo -et le bakkal.</span> || <span class="smcap">Du moins, les sujets de tableaux ne manquent point -dans cette vieille ville respecte des Europens.</span> || <span class="smcap">Le dernier minaret.</span></p> - -<p class="noindent"><span class="firstletter">E</span><span class="smcap">n</span> dpit de l'ordre chronologique de mes voyages, je prie le lecteur de -m'accompagner Rosetta, o je fis un court sjour il y a une dizaine -d'annes.</p> - -<p>Afin d'viter la chaleur de juillet au Caire, je transportai mon bagage -de peintre dans le Liban, o je demeurai assez longtemps pour permettre - Damas de devenir habitable. Pendant que j'tais dans cette dernire -ville, mon vieil ami, Henry Simpson, me fit savoir que Rosetta, o il -sjournait alors, tait une cit dlicieusement pittoresque et offrant -d'innombrables sujets un artiste. Je dcidai donc de me rendre -Rosetta ds que j'aurais termin mon travail Damas. <span class="pagenum"><a name="Page_236" id="Page_236">236</a></span> Je pris -Bert un bateau qui fait la cte jusqu' Alexandrie, d'o un train fort -lent me conduisit en cinq heures <i>El-Raschid</i>, nom par lequel on -m'apprit dsigner Rosetta. Proccup uniquement de la valeur -artistique de la ville, je n'avais pas song m'y faire prparer un -gte. Si j'avais consult mon guide, j'aurais vu la mention <i>Pas -d'Htel</i>. Cependant mon ami m'attendait la gare, et lorsque je lui -demandai si nous tions loin de l'htel, je crus voir qu'il souriait en -me rpondant que l'htel tait dix minutes de marche. J'eus bientt -l'explication de son amusement en voyant un btiment dmantel au milieu -de la vieille ville pittoresque. Le rez-de-chausse servait de magasin +<p class="subtitle"><span class="smcap">El-Raschid, la cité pittoresque mais inconfortable.</span> || <span class="smcap">L'Hotel Karalambo +et le «bakkal».</span> || <span class="smcap">Du moins, les sujets de tableaux ne manquent point +dans cette vieille ville respectée des Européens.</span> || <span class="smcap">Le dernier minaret.</span></p> + +<p class="noindent"><span class="firstletter">E</span><span class="smcap">n</span> dépit de l'ordre chronologique de mes voyages, je prie le lecteur de +m'accompagner à Rosetta, où je fis un court séjour il y a une dizaine +d'années.</p> + +<p>Afin d'éviter la chaleur de juillet au Caire, je transportai mon bagage +de peintre dans le Liban, où je demeurai assez longtemps pour permettre +à Damas de devenir habitable. Pendant que j'étais dans cette dernière +ville, mon vieil ami, Henry Simpson, me fit savoir que Rosetta, où il +séjournait alors, était une cité délicieusement pittoresque et offrant +d'innombrables sujets à un artiste. Je décidai donc de me rendre à +Rosetta dès que j'aurais terminé mon travail à Damas. <span class="pagenum"><a name="Page_236" id="Page_236">236</a></span> Je pris à +Berût un bateau qui fait la côte jusqu'à Alexandrie, d'où un train fort +lent me conduisit en cinq heures à <i>El-Raschid</i>, nom par lequel on +m'apprit à désigner Rosetta. Préoccupé uniquement de la valeur +artistique de la ville, je n'avais pas songé à m'y faire préparer un +gîte. Si j'avais consulté mon guide, j'aurais vu la mention <i>Pas +d'Hôtel</i>. Cependant mon ami m'attendait à la gare, et lorsque je lui +demandai si nous étions loin de l'hôtel, je crus voir qu'il souriait en +me répondant que l'hôtel était à dix minutes de marche. J'eus bientôt +l'explication de son amusement en voyant un bâtiment démantelé au milieu +de la vieille ville pittoresque. Le rez-de-chaussée servait de magasin pour certaines marchandises capables de supporter la chute possible de -l'tage suprieur. Je n'y vis gure qu'un peu de charbon et de paille o -couraient des rats. Simpson m'avertit que l'escalier, oubli par -l'architecte, et ajout ensuite au flanc de ce bizarre btiment, ne -supporterait qu'un de nous la fois. En effet, une large fissure me -donna penser que l'<i>htel</i> et l'<i>escalier</i> ne resteraient pas -longtemps unis, et je compris les apprhensions de mon ami. Ce fut pour -moi une occasion de me rjouir de mon peu de poids! Ce peu de poids, je -pus bientt juger, <span class="pagenum"><a name="Page_237" id="Page_237">237</a></span> d'aprs le menu du dner, que je ne courrais -aucun risque de l'augmenter tant que je sjournerais l'htel -Karalambo! M'tant rendu compte, l'aide d'une bougie, des endroits -dangereux de ma chambre, je plaai mes malles de manire qu'elles ne -fussent pas trop la porte des rats et des souris, et je priai Simpson -de me montrer le chemin de la salle manger, car je n'avais mang que -des dattes vertes depuis mon djeuner. Il me rpondit, mon grand -dsappointement, que nous prendrions nos repas au <i>bakkal</i>, du ct -oppos au square, et, l'un aprs l'autre, nous descendmes l'escalier -dangereux. Un <i>bakkal</i> est une combinaison d'picerie, de caf et de -restaurant, et comme il n'y avait pas l de chambres coucher, -Karalambo, le propritaire, avait lou le btiment que nous venions de +l'étage supérieur. Je n'y vis guère qu'un peu de charbon et de paille où +couraient des rats. Simpson m'avertit que l'escalier, oublié par +l'architecte, et ajouté ensuite au flanc de ce bizarre bâtiment, ne +supporterait qu'un de nous à la fois. En effet, une large fissure me +donna à penser que l'<i>hôtel</i> et l'<i>escalier</i> ne resteraient pas +longtemps unis, et je compris les appréhensions de mon ami. Ce fut pour +moi une occasion de me réjouir de mon peu de poids! Ce peu de poids, je +pus bientôt juger, <span class="pagenum"><a name="Page_237" id="Page_237">237</a></span> d'après le menu du dîner, que je ne courrais +aucun risque de l'augmenter tant que je séjournerais à l'hôtel +Karalambo! M'étant rendu compte, à l'aide d'une bougie, des endroits +dangereux de ma chambre, je plaçai mes malles de manière qu'elles ne +fussent pas trop à la portée des rats et des souris, et je priai Simpson +de me montrer le chemin de la salle à manger, car je n'avais mangé que +des dattes vertes depuis mon déjeuner. Il me répondit, à mon grand +désappointement, que nous prendrions nos repas au <i>bakkal</i>, du côté +opposé au square, et, l'un après l'autre, nous descendîmes l'escalier +dangereux. Un <i>bakkal</i> est une combinaison d'épicerie, de café et de +restaurant, et comme il n'y avait pas là de chambres à coucher, +Karalambo, le propriétaire, avait loué le bâtiment que nous venions de quitter, afin de recevoir les voyageurs assez braves pour ne pas reculer devant l'escalier.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_43" id="pl_43"></a> -<img src="images/after-page-236.jpg" alt="UNE COLE ARABE" title="UNE COLE ARABE" width="400" height="558" /> +<img src="images/after-page-236.jpg" alt="UNE ÉCOLE ARABE" title="UNE ÉCOLE ARABE" width="400" height="558" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-236.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Je fus prsent Karalambo qui essuya poliment ses doigts graisseux +<p>Je fus présenté à Karalambo qui essuya poliment ses doigts graisseux avant de me tendre la main. Puis ce fut le tour de Mme Karalambo, et -avant qu'une ratatouille fumante ft apporte sur notre table, j'avais -fait la connaissance des notabilits de Rosetta. Ce <i>bakkal</i> tait le -lieu de runion de l'lite de la ville et <span class="pagenum"><a name="Page_238" id="Page_238">238</a></span> tait rempli d'Arabes +avant qu'une ratatouille fumante fût apportée sur notre table, j'avais +fait la connaissance des notabilités de Rosetta. Ce <i>bakkal</i> était le +lieu de réunion de l'élite de la ville et <span class="pagenum"><a name="Page_238" id="Page_238">238</a></span> était rempli d'Arabes fumant leurs <i>nargilehs</i> et jouant au tric-trac. Je fus heureux de me -mettre table et n'essayai pas de deviner de quoi se composaient les +mettre à table et n'essayai pas de deviner de quoi se composaient les mets qu'on nous servait.</p> -<p>Le docteur indigne vint se joindre nous au moment du caf; c'tait un -joyeux garon, trs affable, qui parlait trs bien l'anglais. Bien qu'il -n'et jamais quitt l'gypte, il tait aussi instruit que si ses tudes -avaient t faites Paris ou Londres. Il nous raconta ses luttes -acharnes contre les prjugs de ses coreligionnaires et combien il lui -tait difficile, pour ne pas dire impossible, de donner des soins aux -femmes. Il tait pourtant arriv obtenir l'autorisation de quelques -maris, de tter le pouls ou de regarder la langue de leurs femmes, au -moyen d'une ouverture pratique dans un rideau. Gnralement, la maladie -tait bien avance lorsqu'on se dcidait l'appeler. Il nous invita -dner avec lui le jour suivant et nous abandonna au bas de notre +<p>Le docteur indigène vint se joindre à nous au moment du café; c'était un +joyeux garçon, très affable, qui parlait très bien l'anglais. Bien qu'il +n'eût jamais quitté l'Égypte, il était aussi instruit que si ses études +avaient été faites à Paris ou à Londres. Il nous raconta ses luttes +acharnées contre les préjugés de ses coreligionnaires et combien il lui +était difficile, pour ne pas dire impossible, de donner des soins aux +femmes. Il était pourtant arrivé à obtenir l'autorisation de quelques +maris, de tâter le pouls ou de regarder la langue de leurs femmes, au +moyen d'une ouverture pratiquée dans un rideau. Généralement, la maladie +était bien avancée lorsqu'on se décidait à l'appeler. Il nous invita à +dîner avec lui le jour suivant et nous abandonna au bas de notre dangereux escalier.</p> <p>Rosetta, en tant que source d'inspirations artistiques, justifia tous -mes espoirs. Les bazars taient dans tout leur clat; les talages +mes espoirs. Les bazars étaient dans tout leur éclat; les étalages s'ouvraient, remplis de fruits de Syrie et des pays environnants. Rien -ici ne rappelle l'Europe, et peu d'indignes ont abandonn <span class="pagenum"><a name="Page_239" id="Page_239">239</a></span> le -costume national. On remarque et l des colonnes d'anciens temples ou -des premires glises chrtiennes, employes pour soutenir un tage ou -<i>finir</i> le coin d'un btiment. Les maisons sont construites en briques -longues et troites, laissant un vide entre elles; elles sont d'une -riche couleur brun rouge. On trouve beaucoup d'ouvrages en bois sculpt, -mais la <i>meshrebiya</i> est plus grossire qu'au Caire. La mosque de Sidi -Sakhln est fort imposante avec sa vote supporte par d'antiques -colonnes de marbre. D'autres mosques, plus petites et bien dlabres, -offrent nanmoins de jolis sujets de tableaux. Les fontaines, les bains, -les coles sont plus modestes qu'au Caire, mais nulle part ici l'on ne -trouve les illogismes que l'on rencontre si souvent dans la grande cit.</p> - -<p>Simpson fit quelques dlicieux tableaux dans plusieurs des petits cafs, -et j'espre que Londres connatra bientt ces exquises aquarelles. La -priode de Rosetta est, mon avis, la meilleure de son art.</p> - -<p>Malgr le manque de confortable de mon installation, je dcidai de -sjourner Rosetta aussi longtemps que possible, car cet endroit est +ici ne rappelle l'Europe, et peu d'indigènes ont abandonné <span class="pagenum"><a name="Page_239" id="Page_239">239</a></span> le +costume national. On remarque çà et là des colonnes d'anciens temples ou +des premières églises chrétiennes, employées pour soutenir un étage ou +<i>finir</i> le coin d'un bâtiment. Les maisons sont construites en briques +longues et étroites, laissant un vide entre elles; elles sont d'une +riche couleur brun rouge. On trouve beaucoup d'ouvrages en bois sculpté, +mais la <i>meshrebiya</i> est plus grossière qu'au Caire. La mosquée de Sidi +Sakhlûn est fort imposante avec sa voûte supportée par d'antiques +colonnes de marbre. D'autres mosquées, plus petites et bien délabrées, +offrent néanmoins de jolis sujets de tableaux. Les fontaines, les bains, +les écoles sont plus modestes qu'au Caire, mais nulle part ici l'on ne +trouve les illogismes que l'on rencontre si souvent dans la grande cité.</p> + +<p>Simpson fit quelques délicieux tableaux dans plusieurs des petits cafés, +et j'espère que Londres connaîtra bientôt ces exquises aquarelles. La +période de Rosetta est, à mon avis, la meilleure de son art.</p> + +<p>Malgré le manque de confortable de mon installation, je décidai de +séjourner à Rosetta aussi longtemps que possible, car cet endroit est vraiment un joyau. Je fus assez heureux pour pouvoir engager un gardien -de nuit qui, pendant que je travaillais, me protgea <span class="pagenum"><a name="Page_240" id="Page_240">240</a></span> de la foule -curieuse et des chiens. Les talages des fruitiers m'attirrent tout -d'abord. Les oranges et les citrons, en normes monceaux, attendaient la -vente la crie. De longues grappes de dattes, des corbeilles dbordant -de grenades, des piles de cannes sucre et des tas d'artichauts -formaient un tableau pittoresque de tons vifs. Les tons de lumire de -ces bazars sont trs beaux. Les rayons de soleil tamiss par les nattes -et les treillis qui protgent l'talage, ne baignent de clart que -l'extrieur, tandis que les fruits sont clairs d'une douce lumire -d'un brun chaud. Naturellement, ces sujets doivent tre peints -rapidement, car le tas de citrons d'aujourd'hui peut tre remplac +de nuit qui, pendant que je travaillais, me protégea <span class="pagenum"><a name="Page_240" id="Page_240">240</a></span> de la foule +curieuse et des chiens. Les étalages des fruitiers m'attirèrent tout +d'abord. Les oranges et les citrons, en énormes monceaux, attendaient la +vente à la criée. De longues grappes de dattes, des corbeilles débordant +de grenades, des piles de cannes à sucre et des tas d'artichauts +formaient un tableau pittoresque de tons vifs. Les tons de lumière de +ces bazars sont très beaux. Les rayons de soleil tamisés par les nattes +et les treillis qui protègent l'étalage, ne baignent de clarté que +l'extérieur, tandis que les fruits sont éclairés d'une douce lumière +d'un brun chaud. Naturellement, ces sujets doivent être peints +rapidement, car le tas de citrons d'aujourd'hui peut être remplacé demain par une pile de grenades. En outre, la vue est continuellement -interrompue par les alles et venues du vendeur et des clients. Mon -labeur, au moment o la crue du Nil rendait l'air chaud et humide, tait -extrmement fatigant.</p> - -<p>Aprs deux jours de travail avec un tal de fruitier comme modle, je -commenai l'intrieur d'une mosque. Un ordre du Mahmoor (le gouverneur -de la ville) au Cheik, aplanit toutes difficults, et il nous fut permis -de placer nos chevalets devant l'autel de Sidi Sakhln. La vie de ce -saint personnage m'a t <span class="pagenum"><a name="Page_241" id="Page_241">241</a></span> raconte, mais elle se confond tellement -dans mon esprit avec celle des autres clbrits musulmanes, que je ne -me hasarderai pas la redire.</p> - -<p>Un autre saint de la localit repose sous le dme d'une mosque situe -au bord du dsert qui spare Rosetta de la baie d'Aboukir. Les vents de -la mer ont amoncel le sable un tel point que cet difice est moiti -enseveli, et l'on est constamment oblig de dblayer le portail pour -permettre aux fidles d'y pntrer. Le cimetire actuel se trouve plus -de dix pieds au-dessus du niveau du sol de la mosque. J'ai fait le -dessin reproduit dans la gravure ci-contre durant le mois de <i>Shanwl</i> -qui succde au jene du Ramadn. Il est d'usage pour les femmes, ce -moment-l, d'aller visiter les tombes de leurs dfunts et de les orner -de feuilles de palmiers. Elles demeurent au cimetire toute la journe, -les unes pleurant une mort rcente, tandis que d'autres, accroupies en -rond, passent leur temps discuter les affaires de leurs voisines.</p> - -<p>Une attaque de fivre intermittente me retint pendant prs d'une semaine -dans mon taudis de l'htel Karalambo. Notre ami le mdecin s'institua +interrompue par les allées et venues du vendeur et des clients. Mon +labeur, au moment où la crue du Nil rendait l'air chaud et humide, était +extrêmement fatigant.</p> + +<p>Après deux jours de travail avec un étal de fruitier comme modèle, je +commençai l'intérieur d'une mosquée. Un ordre du Mahmoor (le gouverneur +de la ville) au Cheik, aplanit toutes difficultés, et il nous fut permis +de placer nos chevalets devant l'autel de Sidi Sakhlûn. La vie de ce +saint personnage m'a été <span class="pagenum"><a name="Page_241" id="Page_241">241</a></span> racontée, mais elle se confond tellement +dans mon esprit avec celle des autres célébrités musulmanes, que je ne +me hasarderai pas à la redire.</p> + +<p>Un autre saint de la localité repose sous le dôme d'une mosquée située +au bord du désert qui sépare Rosetta de la baie d'Aboukir. Les vents de +la mer ont amoncelé le sable à un tel point que cet édifice est à moitié +enseveli, et l'on est constamment obligé de déblayer le portail pour +permettre aux fidèles d'y pénétrer. Le cimetière actuel se trouve à plus +de dix pieds au-dessus du niveau du sol de la mosquée. J'ai fait le +dessin reproduit dans la gravure ci-contre durant le mois de <i>Shanwâl</i> +qui succède au jeûne du Ramadân. Il est d'usage pour les femmes, à ce +moment-là, d'aller visiter les tombes de leurs défunts et de les orner +de feuilles de palmiers. Elles demeurent au cimetière toute la journée, +les unes pleurant une mort récente, tandis que d'autres, accroupies en +rond, passent leur temps à discuter les affaires de leurs voisines.</p> + +<p>Une attaque de fièvre intermittente me retint pendant près d'une semaine +dans mon taudis de l'hôtel Karalambo. Notre ami le médecin s'institua encore infirmier, et surveilla la cuisine de Mme Karalambo. <span class="pagenum"><a name="Page_242" id="Page_242">242</a></span> Ses -visites duraient le temps d'un gros cigare. Lorsque le cigare arrivait +visites duraient le temps d'un gros cigare. Lorsque le cigare arrivait à sa fin, le joyeux petit <i>hakim</i> se souvenait brusquement d'un autre malade qui l'attendait et filait prestement, en me promettant de revenir -dans le courant de la journe. Lorsque je pus enfin me lever, je ne me -sentais gure la force de travailler, et la maigre chre de notre htel -n'tait pas faite pour me rconforter. La saison des pluies ayant -commenc, je m'aperus que le plafond de ma chambre tait aussi crevass -que le parquet. Une douche glace ou le bruit d'un morceau de pltre qui -se dtachait du plafond, m'veillait en pleine nuit. De fortes pluies -sont trs frquentes la fin de l'automne sur la cte gyptienne, et je -craignis que notre escalier, emport par l'eau, ne tombt tout fait. -Je me dcidai enfin quitter Rosetta et retourner au Caire. Simpson, -rest Rosetta pour terminer une srie d'aquarelles, me rejoignit -bientt. J'espre avoir l'occasion de peindre encore dans cette ville +dans le courant de la journée. Lorsque je pus enfin me lever, je ne me +sentais guère la force de travailler, et la maigre chère de notre hôtel +n'était pas faite pour me réconforter. La saison des pluies ayant +commencé, je m'aperçus que le plafond de ma chambre était aussi crevassé +que le parquet. Une douche glacée ou le bruit d'un morceau de plâtre qui +se détachait du plafond, m'éveillait en pleine nuit. De fortes pluies +sont très fréquentes à la fin de l'automne sur la côte égyptienne, et je +craignis que notre escalier, emporté par l'eau, ne tombât tout à fait. +Je me décidai enfin à quitter Rosetta et à retourner au Caire. Simpson, +resté à Rosetta pour terminer une série d'aquarelles, me rejoignit +bientôt. J'espère avoir l'occasion de peindre encore dans cette ville pittoresque, mais je me promets de camper ou de demeurer en <i>dahabiyeh</i>, -car j'ai dix ans de plus maintenant, et je ne pourrais plus me rsoudre - vivre dans un <i>bakkal</i> grec.</p> +car j'ai dix ans de plus maintenant, et je ne pourrais plus me résoudre +à vivre dans un <i>bakkal</i> grec.</p> <div class="figcenter2" style="width: 400px;"><a name="pl_44" id="pl_44"></a> -<img src="images/after-page-242.jpg" alt="LA MOSQUE D'ABOUKIR" title="LA MOSQUE D'ABOUKIR" width="400" height="576" /> +<img src="images/after-page-242.jpg" alt="LA MOSQUÉE D'ABOUKIR" title="LA MOSQUÉE D'ABOUKIR" width="400" height="576" /> <span class="link"><a href="images/x-after-page-242.jpg">Image plus grande</a></span></div> -<p>Quelques annes aprs mon sjour Rosetta, un concours d'heureuses -circonstances me ramena <span class="pagenum"><a name="Page_243" id="Page_243">243</a></span> proximit de cette ville. Mon ami -Simpson passait la fin de l't sur la <i>dahabiyeh</i> de M. G. R. Alderson, -un membre influent de la colonie anglaise d'Alexandrie. <i>No</i>, ainsi que -le nomment ses familiers, m'invita passer quelque temps dans son -<i>arche</i>, avant mon dpart pour la Haute gypte. Cette arche, jadis un -petit navire de guerre, avait t transforme en une confortable et -spacieuse habitation flottante. Elle tait ancre dans la baie -d'Aboukir, en face de la villa entoure de palmiers o habitait la fille -de notre hte, Mrs. Richmond. Nous venions prendre nos repas la villa, -mais nous passions nos nuits bord. Je passai une dlicieuse semaine -dans ce paradis terrestre. Le temps tait exquis, juste assez chaud pour -nous permettre d'apprcier la brise de la mer et l'ombre des palmiers. -Les arbres taient couverts d'immenses grappes de dattes, variant de -couleurs, de l'or le plus ple un brun riche, suivant leur exposition -au soleil. J'tais heureux de pouvoir en faire quelques tudes, mais -notre hte m'assura que j'tais arriv une semaine trop tard pour les -voir dans toute leur splendeur, car beaucoup de fruits dj avaient t +<p>Quelques années après mon séjour à Rosetta, un concours d'heureuses +circonstances me ramena à <span class="pagenum"><a name="Page_243" id="Page_243">243</a></span> proximité de cette ville. Mon ami +Simpson passait la fin de l'été sur la <i>dahabiyeh</i> de M. G. R. Alderson, +un membre influent de la colonie anglaise d'Alexandrie. <i>Noé</i>, ainsi que +le nomment ses familiers, m'invita à passer quelque temps dans son +<i>arche</i>, avant mon départ pour la Haute Égypte. Cette arche, jadis un +petit navire de guerre, avait été transformée en une confortable et +spacieuse habitation flottante. Elle était ancrée dans la baie +d'Aboukir, en face de la villa entourée de palmiers où habitait la fille +de notre hôte, Mrs. Richmond. Nous venions prendre nos repas à la villa, +mais nous passions nos nuits à bord. Je passai une délicieuse semaine +dans ce paradis terrestre. Le temps était exquis, juste assez chaud pour +nous permettre d'apprécier la brise de la mer et l'ombre des palmiers. +Les arbres étaient couverts d'immenses grappes de dattes, variant de +couleurs, de l'or le plus pâle à un brun riche, suivant leur exposition +au soleil. J'étais heureux de pouvoir en faire quelques études, mais +notre hôte m'assura que j'étais arrivé une semaine trop tard pour les +voir dans toute leur splendeur, car beaucoup de fruits déjà avaient été cueillis.</p> -<p>Le minaret que l'on aperoit entre les palmiers sur la gravure -ci-jointe, est de construction rcente et n'a <span class="pagenum"><a name="Page_244" id="Page_244">244</a></span> point connu les jours -historiques d'Aboukir. Il a pourtant son intrt, car il est -probablement le seul difice construit par un chrtien en hommage un -peuple d'une foi diffrente. Cette mosque ajoute au pittoresque de +<p>Le minaret que l'on aperçoit entre les palmiers sur la gravure +ci-jointe, est de construction récente et n'a <span class="pagenum"><a name="Page_244" id="Page_244">244</a></span> point connu les jours +historiques d'Aboukir. Il a pourtant son intérêt, car il est +probablement le seul édifice construit par un chrétien en hommage à un +peuple d'une foi différente. Cette mosquée ajoute au pittoresque de l'endroit et nous prouve que ce n'est pas seulement le temps qui donne -leur beaut aux œuvres antiques. Si les proportions sont bonnes et -l'architecture en harmonie avec l'entourage, l'difice sera beau par -lui-mme, mais si ces qualits font dfaut, le temps ne l'embellira -jamais, tout au plus aidera-t-il dguiser les imperfections.</p> - -<p>Cependant, comme mes travaux m'appelaient ailleurs, je dus prendre cong -de mes charmants htes et m'engager dans le pays. Comme je traversais le -village pour la dernire fois, l'appel la prire attira encore mon -attention sur le minaret, et dans mon dernier souvenir de ce dlicieux -endroit sonne la voix vibrante du muezzin clamant: Allah akbar, Allah -akbar!</p> +leur beauté aux œuvres antiques. Si les proportions sont bonnes et +l'architecture en harmonie avec l'entourage, l'édifice sera beau par +lui-même, mais si ces qualités font défaut, le temps ne l'embellira +jamais, tout au plus aidera-t-il à déguiser les imperfections.</p> + +<p>Cependant, comme mes travaux m'appelaient ailleurs, je dus prendre congé +de mes charmants hôtes et m'engager dans le pays. Comme je traversais le +village pour la dernière fois, l'appel à la prière attira encore mon +attention sur le minaret, et dans mon dernier souvenir de ce délicieux +endroit sonne la voix vibrante du muezzin clamant: «Allah akbar, Allah +akbar!»</p> <div class="figcenter3" style="width: 54px;"> <img src="images/lotus.jpg" alt="" title="" width="54" height="67" /></div> <p><span class="pagenum"><a name="Page_245" id="Page_245">245</a></span></p> -<h2><a name="index" id="index"></a>INDEX ALPHABTIQUE</h2> +<h2><a name="index" id="index"></a>INDEX ALPHABÉTIQUE</h2> <ul> <li><span class="smcap">Abd-el-Kurnah</span> (<span class="smcap">Le Cheik</span>), <a href='#Page_148'>148</a>, <a href='#Page_196'>196</a>.</li> @@ -4913,9 +4874,9 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Akhnaton</span>, <a href='#Page_181'>181</a>.</li> - <li><span class="smcap">Aksunkur</span> (<span class="smcap">La Mosque</span>), <a href='#Page_91'>91</a>.</li> + <li><span class="smcap">Aksunkur</span> (<span class="smcap">La Mosquée</span>), <a href='#Page_91'>91</a>.</li> - <li><span class="smcap">Alexandre</span> (<span class="smcap">L'vque</span>), <a href='#Page_112'>112</a>.</li> + <li><span class="smcap">Alexandre</span> (<span class="smcap">L'Évêque</span>), <a href='#Page_112'>112</a>.</li> <li><span class="smcap">Alexandrie</span>, <a href='#Page_111'>111</a>, <a href='#Page_119'>119</a>, <a href='#Page_135'>135</a>, <a href='#Page_138'>138</a>.</li> @@ -4947,13 +4908,13 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Bab-el-Nasr</span>, <a href='#Page_100'>100</a>, <a href='#Page_103'>103</a>.</li> - <li><span class="smcap">Bab-ez-Zuwleh</span>, <a href='#Page_41'>41</a>, <a href='#Page_45'>45</a>, <a href='#Page_94'>94</a>, <a href='#Page_103'>103</a>.</li> + <li><span class="smcap">Bab-ez-Zuwêleh</span>, <a href='#Page_41'>41</a>, <a href='#Page_45'>45</a>, <a href='#Page_94'>94</a>, <a href='#Page_103'>103</a>.</li> <li><span class="smcap">Babylone</span>, <a href='#Page_109'>109</a>, <a href='#Page_115'>115</a>, <a href='#Page_116'>116</a>.</li> <li><span class="smcap">Balliana</span>, <a href='#Page_116'>116</a>.</li> - <li><span class="smcap">Barkuk</span> (<span class="smcap">La Mosque du Sultan</span>), <a href='#Page_19'>19</a>, <a href='#Page_100'>100</a>.</li> + <li><span class="smcap">Barkuk</span> (<span class="smcap">La Mosquée du Sultan</span>), <a href='#Page_19'>19</a>, <a href='#Page_100'>100</a>.</li> <li><span class="smcap">Barnak</span>, <a href='#Page_143'>143</a>.</li> @@ -4981,7 +4942,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Caire</span> (<span class="smcap">Le</span>), <a href='#Page_5'>5</a>, <a href='#Page_6'>6</a>, <a href='#Page_7'>7</a>, <a href='#Page_8'>8</a>, <a href='#Page_9'>9</a>, <a href='#Page_11'>11</a>, <a href='#Page_12'>12</a>, <a href='#Page_13'>13</a>, <a href='#Page_14'>14</a>, <a href='#Page_18'>18</a>, <a href='#Page_31'>31</a>, <a href='#Page_41'>41</a>, <a href='#Page_42'>42</a>, <a href='#Page_65'>65</a>, <a href='#Page_67'>67</a>, <a href='#Page_69'>69</a>, <a href='#Page_93'>93</a>, <a href='#Page_97'>97</a>, <a href='#Page_100'>100</a>, <a href='#Page_103'>103</a>, <a href='#Page_105'>105</a>, <a href='#Page_109'>109</a>, <a href='#Page_116'>116</a>, <a href='#Page_118'>118</a>, <a href='#Page_132'>132</a>, <a href='#Page_133'>133</a>, <a href='#Page_134'>134</a>, <a href='#Page_135'>135</a>, <a href='#Page_139'>139</a>, <a href='#Page_157'>157</a>.</li> - <li><span class="smcap">Clment</span>, <a href='#Page_111'>111</a>.</li> + <li><span class="smcap">Clément</span>, <a href='#Page_111'>111</a>.</li> <li><span class="smcap">Chalcedon</span>, <a href='#Page_112'>112</a>.</li> @@ -4993,7 +4954,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Dargham</span> (<span class="smcap">Le Vizir</span>), <a href='#Page_42'>42</a>.</li> - <li><span class="smcap">Dmtrius</span>, <a href='#Page_111'>111</a>.</li> + <li><span class="smcap">Démétrius</span>, <a href='#Page_111'>111</a>.</li> <li><span class="smcap">Dendera</span>, <a href='#Page_173'>173</a>, <a href='#Page_227'>227</a>.</li> @@ -5007,7 +4968,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Derb-el-Jehudupeh</span>, <a href='#Page_97'>97</a>.</li> - <li><span class="smcap">Dr-el-Medineh</span>, <a href='#Page_172'>172</a>.<br /><br /></li> + <li><span class="smcap">Dêr-el-Medineh</span>, <a href='#Page_172'>172</a>.<br /><br /></li> <li><span class="smcap">Edfu</span>, <a href='#Page_173'>173</a>.</li> @@ -5015,7 +4976,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Euergetes</span> I, <a href='#Page_225'>225</a>.</li> - <li><span class="smcap">Ezbek-el-Yusifi</span> (<span class="smcap">La Mosque</span>), <a href='#Page_69'>69</a>.</li> + <li><span class="smcap">Ezbek-el-Yusifi</span> (<span class="smcap">La Mosquée</span>), <a href='#Page_69'>69</a>.</li> <li><span class="smcap">Ezbekiyeh</span>, <a href='#Page_11'>11</a>, <a href='#Page_53'>53</a>.<br /><br /></li> @@ -5039,7 +5000,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Gebel Turra</span>, <a href='#Page_133'>133</a>.</li> - <li><span class="smcap">Ghuri</span> (<span class="smcap">Mosque de</span>), <a href='#Page_39'>39</a>.</li> + <li><span class="smcap">Ghuri</span> (<span class="smcap">Mosquée de</span>), <a href='#Page_39'>39</a>.</li> <li><span class="smcap">Giyushi</span>, <a href='#Page_122'>122</a>.<br /><br /></li> @@ -5049,7 +5010,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Hasan</span> (<span class="smcap">Le Sultan</span>), <a href='#Page_40'>40</a>, <a href='#Page_44'>44</a>, <a href='#Page_83'>83</a>, <a href='#Page_84'>84</a>, <a href='#Page_85'>85</a>.</li> - <li><span class="smcap">Hasan</span> (<span class="smcap">La Mosque de</span>), <a href='#Page_64'>64</a>, <a href='#Page_65'>65</a>, <a href='#Page_88'>88</a>, <a href='#Page_126'>126</a>.</li> + <li><span class="smcap">Hasan</span> (<span class="smcap">La Mosquée de</span>), <a href='#Page_64'>64</a>, <a href='#Page_65'>65</a>, <a href='#Page_88'>88</a>, <a href='#Page_126'>126</a>.</li> <li><span class="smcap">Hathor</span>, <a href='#Page_158'>158</a>, <a href='#Page_160'>160</a>, <a href='#Page_173'>173</a>, <a href='#Page_208'>208</a>.</li> @@ -5057,11 +5018,11 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Helouan</span>, <a href='#Page_133'>133</a>.</li> - <li><span class="smcap">Hrodote</span>, <a href='#Page_127'>127</a>.</li> + <li><span class="smcap">Hérodote</span>, <a href='#Page_127'>127</a>.</li> <li><span class="smcap">Herz Bey</span>, <a href='#Page_36'>36</a>, <a href='#Page_47'>47</a>, <a href='#Page_100'>100</a>.<br /></li> - <li><span class="smcap">Ibn-Tulun</span> (<span class="smcap">La Mosque</span>), <a href='#Page_69'>69</a>, <a href='#Page_83'>83</a>, <a href='#Page_104'>104</a>.</li> + <li><span class="smcap">Ibn-Tulun</span> (<span class="smcap">La Mosquée</span>), <a href='#Page_69'>69</a>, <a href='#Page_83'>83</a>, <a href='#Page_104'>104</a>.</li> <li><span class="smcap">Ibn Yubeyr</span>, <a href='#Page_99'>99</a>.</li> @@ -5111,7 +5072,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Le Strange</span> (<span class="smcap">M. Guy</span>), <a href='#Page_99'>99</a>.</li> - <li><span class="smcap">Libye</span> (<span class="smcap">Dsert de</span>), <a href='#Page_81'>81</a>.</li> + <li><span class="smcap">Libye</span> (<span class="smcap">Désert de</span>), <a href='#Page_81'>81</a>.</li> <li><span class="smcap">Luxor</span>, <a href='#Page_143'>143</a>, <a href='#Page_145'>145</a>, <a href='#Page_171'>171</a>, <a href='#Page_182'>182</a>, <a href='#Page_184'>184</a>, <a href='#Page_200'>200</a>, <a href='#Page_208'>208</a>.<br /><br /></li> @@ -5155,9 +5116,9 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Mohamet Ali</span>, <a href='#Page_54'>54</a>, <a href='#Page_66'>66</a>, <a href='#Page_79'>79</a>.</li> - <li><span class="smcap">Mohamet Ali</span> (<span class="smcap">La Mosque</span>), <a href='#Page_75'>75</a>.</li> + <li><span class="smcap">Mohamet Ali</span> (<span class="smcap">La Mosquée</span>), <a href='#Page_75'>75</a>.</li> - <li><span class="smcap">Mose</span>, <a href='#Page_70'>70</a>.</li> + <li><span class="smcap">Moïse</span>, <a href='#Page_70'>70</a>.</li> <li><span class="smcap">Mokattam</span> (<span class="smcap">Les Collines</span>), <a href='#Page_70'>70</a>, <a href='#Page_74'>74</a>. <a href='#Page_122'>122</a>. <a href='#Page_127'>127</a>, <a href='#Page_133'>133</a>.</li> @@ -5179,7 +5140,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Nakht</span>, <a href='#Page_196'>196</a>, <a href='#Page_197'>197</a>, <a href='#Page_199'>199</a>.</li> - <li><span class="smcap">Napolon</span>, <a href='#Page_103'>103</a>.</li> + <li><span class="smcap">Napoléon</span>, <a href='#Page_103'>103</a>.</li> <li><span class="smcap">Nasir</span> (<span class="smcap">El</span>), <a href='#Page_81'>81</a>, <a href='#Page_91'>91</a>.</li> @@ -5197,11 +5158,11 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Osiris</span>, <a href='#Page_205'>205</a>, <a href='#Page_214'>214</a>.<br /><br /></li> - <li><span class="smcap">Pantnus</span>, <a href='#Page_111'>111</a>.</li> + <li><span class="smcap">Pantænus</span>, <a href='#Page_111'>111</a>.</li> <li><span class="smcap">Pont</span>, <a href='#Page_165'>165</a>, <a href='#Page_166'>166</a>, <a href='#Page_196'>196</a>, <a href='#Page_199'>199</a>.</li> - <li><span class="smcap">Port-Sad</span>, <a href='#Page_1'>1</a>, <a href='#Page_3'>3</a>, <a href='#Page_5'>5</a>, <a href='#Page_6'>6</a>, <a href='#Page_135'>135</a>.</li> + <li><span class="smcap">Port-Saïd</span>, <a href='#Page_1'>1</a>, <a href='#Page_3'>3</a>, <a href='#Page_5'>5</a>, <a href='#Page_6'>6</a>, <a href='#Page_135'>135</a>.</li> <li><span class="smcap">Pyramides</span> (<span class="smcap">Les</span>), <a href='#Page_3'>3</a>, <a href='#Page_7'>7</a>, <a href='#Page_74'>74</a>, <a href='#Page_81'>81</a>, <a href='#Page_123'>123</a>.<br /><br /></li> @@ -5209,17 +5170,17 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Ramesseum</span>, <a href='#Page_146'>146</a>, <a href='#Page_171'>171</a>.</li> - <li><span class="smcap">Ramss II</span>, <a href='#Page_131'>131</a>, <a href='#Page_132'>132</a>, <a href='#Page_160'>160</a>, <a href='#Page_169'>169</a>, <a href='#Page_174'>174</a>, <a href='#Page_201'>201</a>, <a href='#Page_204'>204</a>, <a href='#Page_222'>222</a>, <a href='#Page_223'>223</a>.</li> + <li><span class="smcap">Ramsès II</span>, <a href='#Page_131'>131</a>, <a href='#Page_132'>132</a>, <a href='#Page_160'>160</a>, <a href='#Page_169'>169</a>, <a href='#Page_174'>174</a>, <a href='#Page_201'>201</a>, <a href='#Page_204'>204</a>, <a href='#Page_222'>222</a>, <a href='#Page_223'>223</a>.</li> - <li><span class="smcap">Ramss III</span>, <a href='#Page_174'>174</a>, <a href='#Page_175'>175</a>, <a href='#Page_178'>178</a>.</li> + <li><span class="smcap">Ramsès III</span>, <a href='#Page_174'>174</a>, <a href='#Page_175'>175</a>, <a href='#Page_178'>178</a>.</li> <li><span class="smcap">Raschid</span> (<span class="smcap">El</span>), <a href='#Page_236'>236</a>.</li> - <li><span class="smcap">Refaiyeh</span> (<span class="smcap">La Mosque</span>), <a href='#Page_88'>88</a>.</li> + <li><span class="smcap">Refaiyeh</span> (<span class="smcap">La Mosquée</span>), <a href='#Page_88'>88</a>.</li> <li><span class="smcap">Rekhmere</span>, <a href='#Page_199'>199</a>.</li> - <li><span class="smcap">Rosetta</span>, <a href='#Page_138'>138</a>, <a href='#Page_235'>235</a> <a href='#Page_244'>244</a>.</li> + <li><span class="smcap">Rosetta</span>, <a href='#Page_138'>138</a>, <a href='#Page_235'>235</a> à <a href='#Page_244'>244</a>.</li> <li><span class="smcap">Rumeleh</span>, <a href='#Page_79'>79</a>.<br /><br /></li> @@ -5233,7 +5194,7 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Sebil Abd-er-Kahman</span>, <a href='#Page_14'>14</a>, <a href='#Page_100'>100</a>.</li> - <li><span class="smcap">Srapenen</span>, <a href='#Page_130'>130</a>.</li> + <li><span class="smcap">Sérapenen</span>, <a href='#Page_130'>130</a>.</li> <li><span class="smcap">Seti</span>, <a href='#Page_201'>201</a>, <a href='#Page_203'>203</a>, <a href='#Page_204'>204</a>, <a href='#Page_206'>206</a>, <a href='#Page_210'>210</a>, <a href='#Page_212'>212</a>.</li> @@ -5263,7 +5224,7 @@ akbar!</p> <li><span class="pagenum"><a name="Page_248" id="Page_248">248</a></span></li> - <li><span class="smcap">Suk-es-Sagh</span>, <a href='#Page_23'>23</a>.</li> + <li><span class="smcap">Suk-es-Saïgh</span>, <a href='#Page_23'>23</a>.</li> <li><span class="smcap">Suk-ez-Salat</span>, <a href='#Page_11'>11</a>, <a href='#Page_13'>13</a>.<br /><br /></li> @@ -5273,11 +5234,11 @@ akbar!</p> <li><span class="smcap">Tell-el-Amarna</span>, <a href='#Page_185'>185</a>.</li> - <li><span class="smcap">Thbes</span>, <a href='#Page_91'>91</a>, <a href='#Page_141'>141</a>, <a href='#Page_142'>142</a>, <a href='#Page_145'>145</a>.</li> + <li><span class="smcap">Thèbes</span>, <a href='#Page_91'>91</a>, <a href='#Page_141'>141</a>, <a href='#Page_142'>142</a>, <a href='#Page_145'>145</a>.</li> <li><span class="smcap">Theodosius</span>, <a href='#Page_112'>112</a>.</li> - <li><span class="smcap">Thothms</span>, <a href='#Page_162'>162</a>, <a href='#Page_163'>163</a>, <a href='#Page_169'>169</a>, <a href='#Page_170'>170</a>, <a href='#Page_175'>175</a>, <a href='#Page_213'>213</a>, <a href='#Page_217'>217</a>.</li> + <li><span class="smcap">Thothmès</span>, <a href='#Page_162'>162</a>, <a href='#Page_163'>163</a>, <a href='#Page_169'>169</a>, <a href='#Page_170'>170</a>, <a href='#Page_175'>175</a>, <a href='#Page_213'>213</a>, <a href='#Page_217'>217</a>.</li> <li><span class="smcap">Tyi</span>, <a href='#Page_130'>130</a>, <a href='#Page_131'>131</a>, <a href='#Page_179'>179</a>, <a href='#Page_180'>180</a>, <a href='#Page_181'>181</a>, <a href='#Page_187'>187</a>, <a href='#Page_188'>188</a>, <a href='#Page_189'>189</a>.<br /><br /></li> @@ -5327,7 +5288,7 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 3.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_3">LA MAISON-MOSQUE DE NAHASSIN, AU CAIRE</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_3">LA MAISON-MOSQUÉE DE NAHASSIN, AU CAIRE</a></td> <td class="tdr">16</td> </tr> <tr> @@ -5341,14 +5302,14 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 5.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_5">APRS LA PRIRE DE MIDI</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_5">APRÈS LA PRIÈRE DE MIDI</a></td> <td class="tdr">36</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 6.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_6">UNE RUELLE PRS DE LA PORTE DE ZUWLEH</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_6">UNE RUELLE PRÈS DE LA PORTE DE ZUWÊLEH</a></td> <td class="tdr">40</td> </tr> <tr> @@ -5376,14 +5337,14 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 10.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_10">UNE COLE KHDIVIALE</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_10">UNE ÉCOLE KHÉDIVIALE</a></td> <td class="tdr">60</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 11.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_11">COUR INTRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_11">COUR INTÉRIEURE DANS UNE MAISON DU CAIRE</a></td> <td class="tdr">64</td> </tr> <tr> @@ -5397,28 +5358,28 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 13.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_13">UNE RUE PRS DE LA CITADELLE, AU CAIRE</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_13">UNE RUE PRÈS DE LA CITADELLE, AU CAIRE</a></td> <td class="tdr">80</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 14.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_14">LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUE DU SULTAN HASAN</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_14">LE SANCTUAIRE DE LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN</a></td> <td class="tdr">86</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 15.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_15">LA TOMBE-MOSQUE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_15">LA TOMBE-MOSQUÉE DE ARBOUGHAN, AU CAIRE</a></td> <td class="tdr">88</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 16.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_16">L'INTRIEUR DE LA MOSQUE BLEUE, AU CAIRE</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_16">L'INTÉRIEUR DE LA MOSQUÉE BLEUE, AU CAIRE</a></td> <td class="tdr">92</td> </tr> <tr> @@ -5439,7 +5400,7 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 19.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_19">UNE GLISE COPTE PRS D'ABYDOS</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_19">UNE ÉGLISE COPTE PRÈS D'ABYDOS</a></td> <td class="tdr">112</td> </tr> <tr> @@ -5460,14 +5421,14 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 22.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_22">AAHMES, MRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_22">AAHMES, MÈRE DE HASTHEPSU, TEMPLE DE DER-EL-BAHRI</a></td> <td class="tdr">132</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 23.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_23">LE RAMESSEUM, A THBES</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_23">LE RAMESSEUM, A THÈBES</a></td> <td class="tdr">146</td> </tr> <tr> @@ -5481,21 +5442,21 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 25.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_25">STATUE DE RHAMSS II, AU TEMPLE DE LUXOR</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_25">STATUE DE RHAMSÈS II, AU TEMPLE DE LUXOR</a></td> <td class="tdr">150</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 26.</span><span class="pagenum"><a name="Page_251" id="Page_251">251</a></span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_26">LES COLOSSES DE THBES</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_26">LES COLOSSES DE THÈBES</a></td> <td class="tdr">152</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 27.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_27">RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THBES</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_27">RUINES DU TEMPLE DE MENTUHOTEP, A THÈBES</a></td> <td class="tdr">158</td> </tr> <tr> @@ -5509,35 +5470,35 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 29.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_29">COUR INTRIEURE DE TEMPLE, A MDINET-HABU</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_29">COUR INTÉRIEURE DE TEMPLE, A MÉDINET-HABU</a></td> <td class="tdr">170</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 30.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_30">TEMPLE DE DR-EL-MEDINET, A THBES</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_30">TEMPLE DE DÊR-EL-MEDINET, A THÈBES</a></td> <td class="tdr">172</td> </tr> <tr> <td class="dl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 31.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_31">VUE INTRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSS III, MEDINET-HABU</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_31">VUE INTÉRIEURE DU TEMPLE DE RHAMSÈS III, MEDINET-HABU</a></td> <td class="tdr">176</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 32.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_32">LES PYLONES DES PTOLMES, MEDINET-HABU</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_32">LES PYLONES DES PTOLÉMÉES, MEDINET-HABU</a></td> <td class="tdr">180</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 33.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_33">KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE SETI I<sup>er</sup>, A THBES</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_33">KHNUM, KEPR, RA, DANS LA TOMBE DE SETI I<sup>er</sup>, A THÈBES</a></td> <td class="tdr">186</td> </tr> <tr> @@ -5551,14 +5512,14 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 35.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_35">PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THBES</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_35">PEINTURES MURALES DANS LA TOMBE DE NACHT, A THÈBES</a></td> <td class="tdr">196</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 36.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_36">STI I<sup>er</sup> OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VRIT, BAS-RELIEF DU + <td class="tdl1"><a href="#pl_36">SÉTI I<sup>er</sup> OFFRANT A OSIRIS UNE IMAGE DE LA VÉRITÉ, BAS-RELIEF DU TEMPLE D'ABYDOS</a></td> <td class="tdr">200</td> </tr> @@ -5566,7 +5527,7 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 37.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_37">ISIS ALLAITANT STI I<sup>er</sup>, ABYDOS</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_37">ISIS ALLAITANT SÉTI I<sup>er</sup>, ABYDOS</a></td> <td class="tdr">204</td> </tr> <tr> @@ -5601,21 +5562,21 @@ akbar!</p> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 42.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_42">COUR INTRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_42">COUR INTÉRIEURE D'UN TEMPLE, A DENDERA</a></td> <td class="tdr">232</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 43.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_43">UNE COLE ARABE</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_43">UNE ÉCOLE ARABE</a></td> <td class="tdr">236</td> </tr> <tr> <td class="tdl" colspan="2"><span class="smcap"><i>PLANCHE</i> 44.</span></td> </tr> <tr> - <td class="tdl1"><a href="#pl_44">LA MOSQUE D'ABOUKIR</a></td> + <td class="tdl1"><a href="#pl_44">LA MOSQUÉE D'ABOUKIR</a></td> <td class="tdr">242</td> </tr> </tbody> @@ -5632,12 +5593,12 @@ akbar!</p> </colgroup> <tbody> <tr> - <td class="tdl">CHAPITRE I.—PORT-SAD</td> + <td class="tdl">CHAPITRE I.—PORT-SAÏD</td> <td class="tdr"><a href="#ch_1">1</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>L'ARRIVE DANS LES EAUX GYPTIENNES.—PREMIRES IMPRESSIONS.—UNE - GYPTE RALISTE.—EN CHEMIN DE FER VERS LE CAIRE.—LE + <td class="tdl2"><i>L'ARRIVÉE DANS LES EAUX ÉGYPTIENNES.—PREMIÈRES IMPRESSIONS.—UNE + ÉGYPTE RÉALISTE.—EN CHEMIN DE FER VERS LE CAIRE.—LE MIRAGE.—LES PYRAMIDES DE GIZEH.</i></td> </tr> <tr> @@ -5645,18 +5606,18 @@ akbar!</p> <td class="tdr"><a href="#ch_2">9</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>MODERN-CAIRO ET LE VIEUX CAIRE.—INFLUENCES EUROPENNES.—ART - MAURESQUE ET ART NOUVEAU.—LES BOIS SCULPTS DES - ANCIENNES FENTRES.—LES FONTAINES PUBLIQUES.—LA MAISON - MOSQUE.</i></td> + <td class="tdl2"><i>«MODERN-CAIRO» ET LE VIEUX CAIRE.—INFLUENCES EUROPÉENNES.—ART + MAURESQUE ET ART NOUVEAU.—LES BOIS SCULPTÉS DES + ANCIENNES FENÊTRES.—LES FONTAINES PUBLIQUES.—LA MAISON + MOSQUÉE.</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE III.—DANS LES BAZARS</td> <td class="tdr"><a href="#ch_3">21</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"> <i>LE MARCH AUX CUIVRES.—LE BAZAR DES ORFVRES.—LE BAZAR - TURC.—L'ART DE VENDRE BIEN, OU LES PETITES HABILETS DES + <td class="tdl2"> <i>LE MARCHÉ AUX CUIVRES.—LE BAZAR DES ORFÈVRES.—LE BAZAR + TURC.—L'ART DE VENDRE BIEN, OU LES PETITES HABILETÉS DES MARCHANDS CAIROTES.—UN SUJET DE TABLEAU QUI NE VEUT PAS SE LAISSER PEINDRE.</i> </td> </tr> @@ -5666,8 +5627,8 @@ akbar!</p> </tr> <tr> <td class="tdl2"><i>GAMIA EL AZHAR.—L'ART DE RESTAURER LES MONUMENTS.—LES - MEDRESSEH.—LE BAZAR DES PARFUMS ET CELUI DES PICES.—LA - GRANDE MOSQUEEL-MUAIYAD.—UNE PORTE HISTORIQUE.—L'HOMME-FONTAINE.—LE + «MEDRESSEH».—LE BAZAR DES PARFUMS ET CELUI DES ÉPICES.—LA + GRANDE MOSQUÉE«EL-MUAIYAD».—UNE PORTE HISTORIQUE.—L'HOMME-FONTAINE.—LE PORTRAIT DE L'EUNUQUE.</i></td> </tr> <tr> @@ -5675,45 +5636,45 @@ akbar!</p> <td class="tdr"><a href="#ch_5">53</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>LE PROGRS DESTRUCTEUR.—LE SPECTACLE DE LA RUE: LES FRUITIERS - ET LEURS TALAGES AUX VIVES COULEURS.—LE COMPLET ANGLAIS - DES PETITS COLIERS.—LA MAISON DU CHEIK SADAAT.—L'ARCHITECTURE + <td class="tdl2"><i>LE PROGRÈS DESTRUCTEUR.—LE SPECTACLE DE LA RUE: LES FRUITIERS + ET LEURS ÉTALAGES AUX VIVES COULEURS.—LE COMPLET ANGLAIS + DES PETITS ÉCOLIERS.—LA MAISON DU CHEIK SADAAT.—L'ARCHITECTURE ARABE.</i></td> </tr> <tr> - <td class="tdl">CHAPITRE VI.—LA MOSQUE IBN-TULUN</td> + <td class="tdl">CHAPITRE VI.—LA MOSQUÉE IBN-TULUN</td> <td class="tdr"><a href="#ch_6">69</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>UN LIEU HISTORIQUE ET LGENDAIRE.—UNE MERVEILLE ARCHITECTURALE.—UN - CORTGE PITTORESQUE.—MARIAGE A LA TURQUE.—LA - MOSQUE ABANDONNE.—LE PUITS DE JOSEPH.</i></td> + <td class="tdl2"><i>UN LIEU HISTORIQUE ET LÉGENDAIRE.—UNE MERVEILLE ARCHITECTURALE.—UN + CORTÈGE PITTORESQUE.—MARIAGE A LA TURQUE.—LA + MOSQUÉE ABANDONNÉE.—LE PUITS DE JOSEPH.</i></td> </tr> <tr> - <td class="tdl">CHAPITRE VII.—LA MOSQUE DU SULTAN HASAN<span class="pagenum"><a name="Page_254" id="Page_254">254</a></span></td> + <td class="tdl">CHAPITRE VII.—LA MOSQUÉE DU SULTAN HASAN<span class="pagenum"><a name="Page_254" id="Page_254">254</a></span></td> <td class="tdr"><a href="#ch_7">83</a></td> </tr> <tr> <td class="tdl2"><i>LE PLUS BEAU MONUMENT DU CAIRE.—L'EXODE DES LAMPADAIRES.—LE SUPPLICE - D'UN ARCHITECTE TROP GNIAL.—ENTERREMENTS ET PLEUREUSES DE - PROFESSION.—LA MOSQUE BLEUE.</i></td> + D'UN ARCHITECTE TROP GÉNIAL.—ENTERREMENTS ET PLEUREUSES DE + PROFESSION.—LA MOSQUÉE BLEUE.</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE VIII.—AU HASARD DES RUES</td> <td class="tdr"><a href="#ch_8">97</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>LE QUARTIER JUIF.—LE MURISTAN DE KALAUN.—LE DPEAGE D'UN CHAMEAU - VIVANT.—DEUX PORTES MONUMENTALES DU XI<sup>e</sup> SICLE.—GUIGNOL - GYPTIEN.—AUTOUR D'UN CIMETIRE.</i></td> + <td class="tdl2"><i>LE QUARTIER JUIF.—LE MURISTAN DE KALAUN.—LE DÉPEÇAGE D'UN CHAMEAU + VIVANT.—DEUX PORTES MONUMENTALES DU XI<sup>e</sup> SIÈCLE.—GUIGNOL + ÉGYPTIEN.—AUTOUR D'UN CIMETIÈRE.</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE IX.—DANS LE QUARTIER COPTE</td> <td class="tdr"><a href="#ch_9">111</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>UN PEU D'HISTOIRE.—L'GLISE CHRTIENNE SAINT-GEORGES.—UN COUVENT - COPTE.—LA LGENDE DE LA TOURTERELLE.—LA PREMIRE MOSQUE D'GYPTE.—LA + <td class="tdl2"><i>UN PEU D'HISTOIRE.—L'ÉGLISE CHRÉTIENNE SAINT-GEORGES.—UN COUVENT + COPTE.—LA LÉGENDE DE LA TOURTERELLE.—LA PREMIÈRE MOSQUÉE D'ÉGYPTE.—LA COLONNE MERVEILLEUSE.</i></td> </tr> <tr> @@ -5721,9 +5682,9 @@ akbar!</p> <td class="tdr"><a href="#ch_10">123</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>LA DCOUVERTE DES GANTS DE PIERRE.—QUELQUES CURIEUSES VALUATIONS - MATRIELLES.—LE SPHINX.—LES GATE-PLAISIR.—DES PYRAMIDES DE GISEH AU - SAKKARA.—LA TOMBE DE TYI.—RETOUR DANS LE SOIR COLOR.</i></td> + <td class="tdl2"><i>LA «DÉCOUVERTE» DES GÉANTS DE PIERRE.—QUELQUES CURIEUSES ÉVALUATIONS + MATÉRIELLES.—LE SPHINX.—LES «GATE-PLAISIR».—DES PYRAMIDES DE GISEH AU + SAKKARA.—LA TOMBE DE TYI.—RETOUR DANS LE SOIR COLORÉ.</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE XI.—D'ALEXANDRIE AU CAIRE</td> @@ -5731,17 +5692,17 @@ akbar!</p> </tr> <tr> <td class="tdl2"><i>LA ROUTE DU CAIRE, VIA ALEXANDRIE.—LES ANTIQUES PAYSAGES DU DELTA.—LE - SPULCRE DU SAINT SEYID-EL-BEDAWI.—UNE MISSION DLICATE.—VOYAGE EN - DAHABIYEH.</i></td> + SÉPULCRE DU SAINT SEYID-EL-BEDAWI.—UNE MISSION DÉLICATE.—VOYAGE EN + «DAHABIYEH».</i></td> </tr> <tr> - <td class="tdl">CHAPITRE XII.—THBES</td> + <td class="tdl">CHAPITRE XII.—THÈBES</td> <td class="tdr"><a href="#ch_12">145</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>EN ROUTE POUR LE CAMPEMENT, DANS LA CIT DES RUINES.—LE VILLAGE DE - KURNAH.—LES TOMBES VIVANTES.—LA HUTTE DE PIERRE, PRS DU TEMPLE DE - HATSHEPSU.—MON INSTALLATION.—UNE PREMIRE NUIT A LA BELLE TOILE.</i></td> + <td class="tdl2"><i>EN ROUTE POUR LE CAMPEMENT, DANS LA CITÉ DES RUINES.—LE VILLAGE DE + KURNAH.—LES TOMBES VIVANTES.—LA HUTTE DE PIERRE, PRÈS DU TEMPLE DE + HATSHEPSU.—MON INSTALLATION.—UNE PREMIÈRE NUIT A LA BELLE ÉTOILE.</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE XIII.—LE TEMPLE D'AMMON</td> @@ -5749,8 +5710,8 @@ akbar!</p> </tr> <tr> <td class="tdl2"><i>COMMENT ON OBTIENT UNE EMPREINTE D'UN BAS-RELIEF.—UNE PYRAMIDE SUR UN - TEMPLE.—LA MYSTRIEUSE VACHE DE HATHOR.—QUELQUES DTAILS HISTORIQUES - AUTOUR DU TEMPLE DE LA REINE HATSHEPSU.—L'EXPDITION EN PONT.</i></td> + TEMPLE.—LA MYSTÉRIEUSE VACHE DE HATHOR.—QUELQUES DÉTAILS HISTORIQUES + AUTOUR DU TEMPLE DE LA REINE HATSHEPSU.—«L'EXPÉDITION EN PONT.»</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE XIV.—PARMI LES TEMPLES</td> @@ -5758,27 +5719,27 @@ akbar!</p> </tr> <tr> <td class="tdl2"><i>LES TEMPLES ONT SUCCESSIVEMENT SERVI A DES CULTES - DIVERS.—L'INSCRIPTION D'UN PRTRE CHRTIEN.—LE PETIT TEMPLE DE - DER-EL-MEDINEH.—DTAILS ARCHOLOGIQUES.—CE MONDE N'EST PAS UNE VILLE - DURABLE.</i></td> + DIVERS.—L'INSCRIPTION D'UN PRÊTRE CHRÉTIEN.—LE PETIT TEMPLE DE + DER-EL-MEDINEH.—DÉTAILS ARCHÉOLOGIQUES.—«CE MONDE N'EST PAS UNE VILLE + DURABLE».</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE XV.—LA TOMBE DE LA REINE TYI</td> <td class="tdr"><a href="#ch_15">179</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>COMMENT LES INDIGNES JUGENT LES ARCHOLOGUES.—DU ROLE DE LA REINE TYI + <td class="tdl2"><i>COMMENT LES INDIGÈNES JUGENT LES ARCHÉOLOGUES.—DU ROLE DE LA REINE TYI DANS L'HISTOIRE DES PHARAONS.—LE DIEU NOUVEAU.—VISITE A LA TOMBE - MYSTRIEUSE.—SIC TRANSIT GLORIA MUNDI.—UNE CRUELLE DSILLUSION.</i></td> + MYSTÉRIEUSE.—«SIC TRANSIT GLORIA MUNDI.»—UNE CRUELLE DÉSILLUSION.</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE XVI.—LE TEMPLE DE MENTUHOTEP</td> <td class="tdr"><a href="#ch_16">191</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>ENCORE DES TOMBES, DES SARCOPHAGES, DES MOMIES.—ANTIQUITS - MODERNES...—L'HONNTE VOLEUR.—DANS LE CLAIR-OBSCUR DES CAVEAUX.—LES - PEINTURES DE LA TOMBE DE NAKHT: SCNES DE LA VIE D'UN GENTILHOMME + <td class="tdl2"><i>ENCORE DES TOMBES, DES SARCOPHAGES, DES MOMIES.—ANTIQUITÉS + MODERNES...—L'HONNÊTE VOLEUR.—DANS LE CLAIR-OBSCUR DES CAVEAUX.—LES + PEINTURES DE LA TOMBE DE NAKHT: SCÈNES DE LA VIE D'UN GENTILHOMME CAMPAGNARD.—VERS LE TEMPLE DE SETI.</i></td> </tr> <tr> @@ -5787,8 +5748,8 @@ akbar!</p> </tr> <tr> <td class="tdl2"><i>UNE VISITE AU TEMPLE DE SETI.—LES PLUS BEAUX DOCUMENTS DE L'ART - DCORATIF GYPTIEN.—LE KHAMSIN OU LE DSERT INCENDI.—JE REGAGNE - LUXOR POUR ALLER ENSUITE A KARNAK.—UNE CIT DE RUINES, TOUTES EN + DÉCORATIF ÉGYPTIEN.—LE «KHAMSIN» OU LE DÉSERT INCENDIÉ.—JE REGAGNE + LUXOR POUR ALLER ENSUITE A KARNAK.—UNE CITÉ DE RUINES, TOUTES EN COLONNADES GRANDIOSES.—LE MONOLITHE DE GRANIT ROSE.</i></td> </tr> <tr> @@ -5797,8 +5758,8 @@ akbar!</p> </tr> <tr> <td class="tdl2"><i>LA PROMENADE MERVEILLEUSE PARMI LES RUINES DE KARNAK CONTINUE.—LE - PETIT SANCTUAIRE DU ROI THIOPIEN, SHABAKO.—LE JEUNE PHARAON COURONN - DE LOTUS.—LA DESSE A TTE DE LIONNE.—LE LAC SACR ET L'AVENUE DES + PETIT SANCTUAIRE DU ROI ÉTHIOPIEN, SHABAKO.—LE JEUNE PHARAON COURONNÉ + DE LOTUS.—LA DÉESSE A TÊTE DE LIONNE.—LE LAC SACRÉ ET L'AVENUE DES SPHINX.</i></td> </tr> <tr> @@ -5806,21 +5767,21 @@ akbar!</p> <td class="tdr"><a href="#ch_19">227</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>EN DESCENDANT LE NIL.—LA FERTILIT ET LE PITTORESQUE DE LA CAMPAGNE - GYPTIENNE.—LE FELLAH N'A PAS LA HAINE DE L'TRANGER.—LE TEMPLE DE - DENDERA ET L'INFLUENCE GRECQUE DANS L'ARCHITECTURE DU I<sup>e</sup> SICLE.</i></td> + <td class="tdl2"><i>EN DESCENDANT LE NIL.—LA FERTILITÉ ET LE PITTORESQUE DE LA CAMPAGNE + ÉGYPTIENNE.—LE «FELLAH» N'A PAS LA HAINE DE L'ÉTRANGER.—LE TEMPLE DE + DENDERA ET L'INFLUENCE GRECQUE DANS L'ARCHITECTURE DU I<sup>e</sup> SIÈCLE.</i></td> </tr> <tr> <td class="tdl">CHAPITRE XX.—ROSETTA</td> <td class="tdr"><a href="#ch_20">235</a></td> </tr> <tr> - <td class="tdl2"><i>EL-RASCHID, LA CIT PITTORESQUE MAIS INCONFORTABLE.—L'HOTEL KARALAMBO - ET LE BAKKAL.—DU MOINS, LES SUJETS DE TABLEAUX NE MANQUENT POINT DANS - CETTE VIEILLE VILLE RESPECTE DES EUROPENS.—LE DERNIER MINARET.</i></td> + <td class="tdl2"><i>EL-RASCHID, LA CITÉ PITTORESQUE MAIS INCONFORTABLE.—L'HOTEL KARALAMBO + ET LE «BAKKAL».—DU MOINS, LES SUJETS DE TABLEAUX NE MANQUENT POINT DANS + CETTE VIEILLE VILLE RESPECTÉE DES EUROPÉENS.—LE DERNIER MINARET.</i></td> </tr> <tr> - <td class="tdl">INDEX ALPHABTIQUE</td> + <td class="tdl">INDEX ALPHABÉTIQUE</td> <td class="tdr"><a href="#index">245</a></td> </tr> <tr> @@ -5830,7 +5791,7 @@ akbar!</p> </tbody> </table> -<p class="center">CORBEIL.—IMPRIMERIE CRT.</p> +<p class="center">CORBEIL.—IMPRIMERIE CRÉTÉ.</p> <hr class="small" /> @@ -5839,12 +5800,12 @@ akbar!</p> <div class="footnotes"> <div class="footnote"> -<p><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> L'Orient est l'Orient et l'Occident est l'Occident, et les -deux ne se rencontreront jamais.</p> +<p><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> «L'Orient est l'Orient et l'Occident est l'Occident, et les +deux ne se rencontreront jamais.»</p> <p><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> Fontaine.</p> -<p><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> Machines trs primitives pour monter l'eau du Nil au niveau +<p><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> Machines très primitives pour monter l'eau du Nil au niveau des champs et des fermes.</p> </div> </div> @@ -5853,396 +5814,19 @@ des champs et des fermes.</p> <div class="tnote"><a name="note" id="note"></a><h3>Au lecteur</h3> - <p>Cette version lectronique reproduit dans son intgralit + <p>Cette version électronique reproduit dans son intégralité la version originale.</p> - <p>La ponctuation n'a pas t modifie hormis quelques corrections + <p>La ponctuation n'a pas été modifiée hormis quelques corrections mineures.</p> - <p>L'orthographe a t conserve. Seuls quelques mots ont t modifis. - Ils sont souligns par des <ins class="correction" title="orthographe initiale">pointills</ins>. - Positionner la souris sur le mot soulign pour visualiser l'orthographe initiale.</p> + <p>L'orthographe a été conservée. Seuls quelques mots ont été modifiés. + Ils sont soulignés par des <ins class="correction" title="orthographe initiale">pointillés</ins>. + Positionner la souris sur le mot souligné pour visualiser l'orthographe initiale.</p> </div> <hr class="full" /> - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of L'gypte, by Walter Tyndale - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'GYPTE *** - -***** This file should be named 41155-h.htm or 41155-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/4/1/1/5/41155/ - -Produced by The Online Distributed Proofreading Team at -http://www.pgdp.net (This file was produced from images -generously made available by The Internet Archive/Canadian -Libraries) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. 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Redistribution is -subject to the trademark license, especially commercial -redistribution. - - - -*** START: FULL LICENSE *** - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project -Gutenberg-tm License available with this file or online at - www.gutenberg.org/license. - - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm -electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. 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Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm -concept of a library of electronic works that could be freely shared -with anyone. For forty years, he produced and distributed Project -Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. -unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily -keep eBooks in compliance with any particular paper edition. - -Most people start at our Web site which has the main PG search facility: - - www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. - - - -</pre> - - </body> +<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 41155 ***</div> +</body> </html> |
