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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 02:47:02 -0700 |
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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Dictionnaire des calembours et des jeux de mots, lazzis, coqs-à-l'âne, quolibets, quiproquos, amphigouris, etc. + +Author: Baron de La Pointe + Eugène Le Gai + +Release Date: June 19, 2009 [EBook #29169] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DICTIONNAIRE DES CALEMBOURS *** + + + + +Produced by Laurent Vogel, Hugo Voisard, Rénald Lévesque +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque Nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + +DICTIONNAIRE +DES +CALEMBOURS + + + + +PARIS +IMPRIMERIE J. CLAYE, RUE SAINT-BENOIT, 7 + + + + +DICTIONNAIRE +DES +CALEMBOURS +ET DES +JEUX DE MOTS +LAZZIS, COQ-À-L'ÂNE, QUOLIBETS, QUIPROQUOS +AMPHIGOURIS, ETC. +RECUEILLIS +PAR LE BARON DE LA POINTE +ET +LE Dr EUGÈNE LE GAI + + Quel genre d'esprit faut-il avoir pour + deviner un calembour?--Il faut avoir + l'esprit devin. + + + + +PARIS +PASSARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR +7 RUE DES GRANDS-AUGUSTINS +Droits réservés. +1860 + + + + DICTIONNAIRE + DES + CALEMBOURS + ET DES + JEUX DE MOTS + LAZZIS, COQ-À-L'ÂNE, POINTES, QUIPROQUOS, + AMPHIGOURIS, ETC. + + + +A + +On présente en forme d'énigme ce jeu de lettres:--Je suis capitaine de +vingt-quatre soldats; sans moi _Paris_ serait _pris_.--On comprend que +ce capitaine est la lettre _a_. + +Quels sont les A les plus respectables?--Ce sont les Aloyaux. + +Quelles sont les plus vieilles de toutes les lettres?--Les lettres A G. + +Quelles sont les lettres les plus incommodes?--Les lettres A J T. + +ABBÉ + +Il y a, dans le pays wallon, un monsieur l'abbé Tise, à qui on conseille +de changer de nom. + +A B C exprime le sort que doit attendre celui qui s'exalte. + +ACCOMPLI + +On critiquait devant un bon curé ses paroissiennes.--Cependant, +répondit-il, je les vois presque toutes à Complies. Voyez +_Complimenteur_. + +ACCOUTUMÉS + +On conduisait un Picard et un Normand à la potence. Le Picard +pleurait.--Lâche! lui dit le Normand, qui ne pleurait pas.--Hélas! +répliqua le Picard, nous ne sommes pas accoutumés comme vous à être +pendus. + +ACROSTICHE + +Celui que nous citons ici offre un gracieux jeu de mots. + + L ouis est un héros sans peur et sans reproche. + O n désire le voir. Aussitôt qu'on l'approche, + U n sentiment d'amour enflamme tous les coeurs. + I l ne trouve chez nous que des adorateurs. + S on image est partout, excepté dans ma poche. + +Le comte de Marcellus, qui était poëte assurément, quoique dans les +seconds rangs, adressa un jour à M. de Bonald un acrostiche dont les +premières lettres formaient son nom. L'illustre écrivain, sortant de sa +haute philosophie, lui répondit par un autre acrostiche, que voici: + + M alheur à l'écrivain qui poursuit l'acrostiche! + A pollon ne veut pas que ses chers nourrissons, + R uminant sans honneur une rime postiche, + C ourent avec effort après quelque hémistiche, + E t dans ce froid labeur négligent ses leçons. + L e dieu du goût, ami, te donna le génie; + L e sentiment du beau, la grâce, l'harmonie. + U se de ses faveurs, mais n'en abuse pas; + S ois Rousseau, sois Horace, et non pas Du Bartas. + +ADAM + +On a fait à Adam Billaud, plus connu sous le nom de maître Adam, +menuisier à Nevers, mort en 1662, que quelques poésies légères ont rendu +célèbre, le petit compliment que voici: + + Ornement du siècle où nous sommes, + Je ne dis rien de vous, sinon + Que pour les vers et pour le nom + Vous êtes le premier des hommes. + +On appelait aussi maître Adam, _le Virgile au rabot_. Il y avait de son +temps, un pâtissier poëte, qui enveloppait ses biscuits de ses vers. Ce +pâtissier disait que si maître Adam travaillait avec plus de bruit, pour +lui il travaillait avec plus de feu. + +Un avocat de Toulouse, nommé Adam, faisait les harangues que devait +prononcer un président. Cet avocat fut obligé de faire un voyage à +Paris. Pendant son absence le président eut une harangue à faire, qu'il +composa le mieux qu'il put; comme il la prononçait, un conseiller, qui +le vit embarrassé, cita ces paroles de la Genèse: _Adam, ubi es?_ Où +êtes-vous, Adam? + +ADORÉS + +En quoi les doreurs sont-ils les plus fortunés des humains? + +À cette question, lady Stanhope répondit:--Parce qu'ils sont toujours _à +dorer_. + +ADMIRATION + +On demandait à des soldats en campagne si on pouvait compter sur eux et +quel était le thermomètre de leur enthousiasme: L'un d'eux +répondit:--Nous en sommes à _la demi-ration_. + +ADRESSE + +Un partageux disait en 1848: J'ai envoyé une adresse à Caussidière pour +l'engager à faire usage de la mienne.--Dans quel emploi?--Dans la police +politique.--Je lui donnerai les adresses de tous les aristos.--Ton +adresse n'est pas grande. Il fallait t'adresser à Sobrier. + +AFFAIRES + +Un homme, souvent gêné, habitait l'entre-sol d'une maison dont le +rez-de-chaussée était occupé par un commissionnaire du Mont-de-Piété. Il +y déposait de temps en temps ses effets, et disait alors qu'il était +au-dessus de ses affaires. + +Un laboureur demandait un maréchal ferrant. Sa femme répondit qu'il +était à ferrer.--Affairé, dit le bon homme, à quoi donc?--À ferrer les +chevaux. + +Un fermier général qui, sous l'ancien régime, s'était enrichi trop vite, +fut chassé de sa place.--On a tort de me destituer, dit-il: j'ai fait +mes affaires, j'allais faire celles de l'État. + +AGITATION + +En 1793, M. Monchenut fut arrêté, dans le faubourg Saint-Honoré, comme +agitateur.--Il avait quatre-vingts ans.--Hélas! dit-il, je ne puis +m'agiter moi-même.--Ce mot le fit relâcher. + +AIMER + +S'écrit avec deux lettres: ME. + +AÎNÉ + +Quel est de tous les animaux le plus respectable?--C'est le mouton, +parce qu'il est lainé. + +Pourquoi l'aîné d'une famille n'est-il pas ordinairement beau?--Parce +qu'il est laid-né. + +Le mot aîné s'écrit avec deux lettres dans les rébus: NE. + +AIR + +Un acteur d'opéra-comique, qui n'avait à paraître que dans le dialogue, +disait:--C'est singulier, je suis là entre deux airs.--Tu t'enrhumeras, +lui dit-on. + +Dans un moment où l'on venait de siffler une pièce intitulée la pièce +sans A, Brunet demandait à l'auteur de lui faire un vaudeville sans R. + +On faisait remarquer à une dame que ses enfants avaient l'air tristes et +malheureux: «C'est bien vrai, répondit-elle; je les fouette toute la +journée pour leur faire perdre cet air-là, et je ne puis pas y +parvenir.» + +Deux campagnards se rencontrant dans la rue, l'un dit à l'autre qu'il +venait d'apercevoir un vent.--Comment! apercevoir un vent?--Oui, je l'ai +vu, te dis-je.--Et quel air avait-il?--Il avait l'air de vouloir abattre +la cheminée. + +AIRAIN + +Un auteur médiocre et brutal, après avoir donné des coups de bâton à un +critique qui l'avait maltraité, disait:--Il m'a attaqué sur le papier, +je lui ai répondu sur _les reins_. + +AIR ÉLÉGANT + +On a _l'air et les gants_, lorsqu'on porte des gants troués. + +ALITÉ + +Un malade étendu sur sa couche disait qu'on négligeait un peu trop son +_individualité_. + +ALLER + +On demandait à Fontenelle mourant:--Comment cela va-t-il?--Cela ne va +pas, répondit-il, cela s'en va. + +Le père Bonhours, célèbre grammairien, comme on sait, fut attaqué d'une +maladie violente qui l'emporta en peu de jours. Se trouvant à +l'extrémité, il dit aux assistants: «Je vas ou je vais bientôt mourir, +l'un et l'autre se dit ou se disent.» + +ALLIÉS + +Pendant une alliance de l'Angleterre et de l'Autriche, on accola deux A +dans un cartel, en manière de rébus, qui signifiait les A liés. + +ALLUSION + +Un général, qui avait été battu en Allemagne et en Italie, aperçut un +jour, au-dessus de sa porte, un tambour qu'on y avait peint, avec cette +devise: «On me bat des deux côtés.» + +ALTÉRÉE + +Ma santé est bien altérée, disait un vieux viveur.--Quelqu'un lui +répondit:--Faites-la boire. + +ALTESSE + +«Je me suis trouvé, disait un quaker, avec une excellence et une +altesse. On ne saurait être plus bête que son excellence, et son altesse +n'avait pas quatre pieds huit pouces.» + +AMENDE + +Un homme, condamné à une amende qu'il croyait injuste, disait:--C'est +une amende amère! + +Un autre, obligé à réparer un scandale, s'écriait:--Voilà une amende +honorable qui ne m'honorera guère. + +AMER + +Quel est le fleuve le plus éloigné de la mer?--C'est le Doubs. + +AMIS + +On parlait de la rareté des amis et du peu de fond qu'on peut faire sur +ceux qui usurpent ce titre.--Comment! dit un interlocuteur bienveillant, +n'avez-vous pas tous, dans votre cuisine, un petit tamis dont vous êtes +sûr? + +Madame de Sévigné appelait les amis de ses amis, et qui n'étaient pour +elle à proprement parler que des connaissances, des amis par +réverbération. + +Un gentilhomme de Morges, passant devant la poste aux lettres de ce +pays, appela le directeur, et lui dit, d'un ton impoli: «L'ami, n'y +a-t-il rien pour moi? + +--Non, l'ami, il n'y a rien pour toi. + +--Et depuis quand, s'il vous plaît, ce ton de familiarité? + +--Depuis que nous sommes amis.» + +Non-seulement nous avons des amis en foule et nous en trouvons partout, +mais il n'y a pas même de nom plus prodigué, plus prostitué que celui +d'ami: il devient souvent dans notre langue un terme de familiarité ou +de mépris. + +--Mon ami, dit-on à un postillon, je te donne un écu si tu me mènes en +une heure à Versailles. + +--Mon ami, dit un passant à un polisson, vous irez au corps de garde si +vous faites du train. + +--Mon ami, dit un juge à un fripon, vous êtes acquitté cette fois faute +de preuves: mais si vous continuez, vous serez pendu. + +N'entendez-vous pas souvent un homme, pour affirmer une nouvelle, dire: +«Je la tiens d'un de mes amis, _que je connais beaucoup_.» + +Un jour, au Palais-Royal, le chevalier de C*** avait gagné 1,500 louis +qu'il tenait dans un chapeau. Quelqu'un s'approche et lui dit: «Mon cher +ami, de grâce prêtez-moi 100 louis.--Je le veux bien, mon cher ami, +répondit le chevalier, pourvu que vous me disiez comment je m'appelle.» +L'autre demeurant sans réponse à cette question: «Vous voyez bien, mon +cher ami, reprit le chevalier, que vous seriez trop embarrassé pour +trouver le moyen de me rendre ces 100 louis, si je vous les prêtais.» + +AMPHIGOURI + +En voici un modèle en vers: + + Un jour qu'il faisait nuit, je dormais éveillé, + Tout debout dans mon lit, sans avoir sommeillé, + Les yeux fermés, je vis le tonnerre en silence + Par des éclairs obscurs annoncer sa présence. + Tout s'enfuit, nul ne bouge, et ce muet fracas + Me fit voir en dormant que je ne dormais pas. + +En prose, on cite celui-ci d'un jeune paysan: + +«Il en avait de beaux, mon grand'père, des couteaux, quand il vivait, +dans une gaîne, Dieu veuille avoir son âme, pendue à sa ceinture.» + +AMUSER + +Le fils d'un paysan, qui se mourait, alla chercher son curé pour +l'assister; il était une heure du matin. Le pauvre garçon resta deux +grandes heures à la porte, l'appelant tout doucement, de peur de +l'éveiller brusquement. + +Quand le curé se leva et qu'il apprit la chose:--Mais, mon enfant, lui +dit-il, votre père à présent sera mort.--Oh! non, monsieur le curé, +Pierrot, notre voisin, m'a promis qu'il l'amuserait jusqu'à votre +arrivée. + +ÂNE + +Il y a eu, à Paris, sous le premier empire, une société littéraire qui +s'intitulait la Société des ânes. Chaque membre était _membrâne_. Un +épicier était l'âne à gramme, un bourgeois dont la femme s'appelait +Lise, l'âne à Lise; un professeur l'âne à thème, un compilateur +l'ânalecte, un rhéteur l'âne à logique, un médecin l'âne à peste, etc. + +Ces messieurs tenaient leurs séances à Montmartre. + +Un jour, au commencement du consulat, quatre officiers généraux +occupaient une loge à l'Opéra. C'étaient Bonaparte, Kilmène, Le Meunier +et Lannes, depuis duc de Montebello. Un curieux demandait qui étaient +ces messieurs, à son voisin qui lui répondit: «Lannes, Le Meunier, +Kilmène et Bonaparte.» + +Napoléon avait un faible pour les calembours. Il lui vint un jour une +députation nombreuse de la ville de Sézane, qui demandait un +sous-préfet. Quand on la lui annonça, il répondit de sorte qu'on +entendît: «Laissez entrer ces ânes.» + +On sait qu'en organisant l'empire il nomma gouverneur des pages le +général Gardane. + +Beffroy de Reigny a publié la chanson suivante, adressée à sa soeur Anne +pour sa fête. Elle se chante sur l'air des fraises: + + Je fus jadis moissonneur + Au Parnasse, où je glane; + Y trouverai-je une fleur + Pour en parer de bon coeur + Une Anne? (_ter._) + + Dis-moi pour quelle raison, + Ma soeur, tu me condamnes, + À cause de ton prénom, + À devenir l'Apollon + Des Annes? (_ter._) + + Il est vrai qu'en ce pays, + Tout peuplé de profanes, + J'ai vu cent paniers fleuris, + Et j'ai dit: Oh! dans Paris + Que d'Annes! (_ter._) + + Mais toi, voulant prévenir + Les mauvaises chicanes, + Tu pris ce nom à plaisir + Pour nous forcer à chérir + Les Annes (_ter._) + +ÂNERIES SIMULÉES + +Il y a longtemps que je cherchais à m'expliquer pourquoi on met plutôt +un coq qu'une poule au haut d'un clocher et je crois l'avoir trouvé, +disait un bedeau farceur; c'est que si l'on y mettait une poule et +qu'elle vînt à pondre, les oeufs se casseraient peut-être. + +ÂNONS + +On dénonça, en 1790, le couvent de la place Maubert comme détenant cinq +canons et vingt-cinq armes. Une perquisition fut décrétée; et on trouva +dans la maison _vingt-cinq carmes et cinq ânons_. + +ANNÉE + +Des Limousins fort simples, et qui croyaient que rien n'était impossible +au Saint-Siége, demandaient à un pape, qui était de leur nation, qu'il +leur accordât deux récoltes de blé dans une année.--Je le veux bien, +répondit le pape, et de plus vos années auront dorénavant vingt-quatre +mois. + +AOÛT + +Un prince allemand croyait qu'Augustus ne se traduisait jamais en +français que par Août. En conséquence, quand il parlait dans notre +langue du roi de Pologne Auguste, il ne l'appelait jamais que le roi +Août. + +APPARTEMENT + +Si vous voulez avoir chaud à peu de frais, en hiver, dans votre +appartement, achetez une statuette en plâtre du premier consul +Bonaparte; cassez-lui un bras, et vous aurez _un Bonaparte manchot_. + +APPELER + +Un Européen se promenant sur les bords du Mississipi qui, comme on sait, +est très-rapide, demanda à un passant comment on appelait ce fleuve.--Ma +foi, Monsieur, lui répondit le rustre, il n'y a pas besoin de l'appeler, +il vient déjà assez vite. + +APPÉTIT + +Un muet qui mourait de faim exprimait sa détresse par deux lettres, un +_G_ grand et un _a_ petit. + +APPLICATION + +On a appliqué aux médecins ce passage de l'Écriture sainte: _Non mortui +laudabunt te_. Les morts ne chanteront pas vos louanges. + +APPRÉCIATION + +Farinelli de musicien était devenu favori du roi d'Espagne Ferdinand VI, +fils de Philippe V. Cafarelli, autre musicien, disait «que Farinelli +était ministre et le méritait bien, car il était la plus belle voix de +l'univers.» + +AQUEUX + +Dans le temps du choléra, on défendait les légumes aqueux.--Nous +mangeons pourtant de l'oseille, dit une dame. Mais ça a des queues si +petites! + +ARAIGNÉE + +À cet hémistiche du _Siége de Paris_, tragédie de M. le vicomte +d'Arlincourt: + + On m'appelle _à régner_... + +Une voix du parterre cria: «C'est un vilain nom.» + +ARGOT + +Chaque profession a son argot et chaque métier son vocabulaire. Le +transport de cette langue spéciale hors de sa sphère produit un +singulier effet. + +Quinault était fils d'un boulanger; ce qui a donné lieu à cette tirade +de Furetière, qui ne l'aimait pas: «Quinault est la meilleure pâte +d'homme que Dieu ait jamais faite; il oublie généreusement les outrages +qu'il a soufferts de ses ennemis, et il ne lui en reste aucun levain sur +le coeur. Il a eu quatre ou cinq cents mots de la langue, pour son +partage, qu'il blute, qu'il sasse et ressasse, et qu'il pétrit le mieux +qu'il peut.» + +ARLEQUIN + +Le célèbre médecin Silva, mort à Paris en 1742, fut appelé près d'un +malade consumé d'une bile noire. «Je vous conseille, Monsieur, lui +dit-il, d'aller voir Arlequin; c'est le meilleur moyen de dissiper votre +bile.» Malheureusement le malade était le seul homme peut-être qui ne +pouvait user du remède. C'était Arlequin lui-même. + +ARRÊTÉ + +Un jour d'hiver, en 1856, un voyageur attardé arriva de nuit dans une +auberge de Privas. L'hôte, qui le connaissait, lui ayant demandé comment +il se faisait qu'il arrivât si tard, il répondit qu'il avait été arrêté +en traversant les montagnes de l'Ardèche. Là-dessus, il soupa, se coucha +et défendit qu'on le réveillât sous aucun prétexte, parce qu'il était +fatigué et voulait dormir. + +Cependant, le bruit de son aventure se répandit dans le voisinage: on +s'effraya de savoir que les voyageurs pouvaient être arrêtés si près de +la ville; la gendarmerie prit les armes, et alla en patrouille sur la +route qu'avait suivie le voyageur. + +La nuit s'écoula en recherches inutiles; on ne trouva pas le moindre +brigand. Le lendemain, comme le voyageur arrêté se chauffait +tranquillement au coin du feu de l'auberge, le brigadier de gendarmerie +entra: + +--Monsieur, lui dit-il, combien étaient-ils? + +--Qui? + +--Ceux qui vous ont demandé la bourse ou la vie. + +--Personne ne m'a demandé la bourse ou la vie. + +--Quoi! vous ne vous êtes donc pas plaint d'avoir été arrêté dans la +journée d'hier? + +--J'ai été arrêté en effet. + +--Par des voleurs? + +--Non, par un ruisseau débordé qui m'a forcé de faire un très-long +détour. + +--Monsieur, il fallait le dire. + +--Il fallait me le demander. + +ARROGANCE + +On en accuse les passementiers. Mais s'ils mettent de l'_art aux +ganses_, c'est qu'il le faut. + +ART + +Comment les voleurs et les guerriers sont-ils dans la classe des +artistes?--C'est que les premiers cultivent l'_art goth_ et les seconds +l'_art mûr_. + +ASNIÈRES + +Dans tous les recueils facétieux on ne manque pas de citer les +expressions singulières et les naïvetés d'un personnage probablement +composite qu'on appelle le baron d'Asnières. Nous ne pouvons nous +dispenser de rapporter ici ce qu'elles ont de plus saillant. + +Il demandait un jour à un jeune homme quel était le plus âgé de son aîné +ou de lui. + +Un de ses fermiers se plaignait de ce que les taupes lui gâtaient un +beau pré.--Vous êtes bien embarrassé, répondit-il; faites-le paver. + +En voyage, il fut obligé de s'arrêter dans une auberge pour y coucher. +On lui donne une chambre dont les cloisons étaient presque +entr'ouvertes: il s'en plaignit à l'hôtesse.--Cela est détestable, +dit-il, votre chambre est la plus mauvaise du monde; on y voit le jour +toute la nuit. + +Un jour il se coupa le doigt, et s'écria:--On me l'avait bien dit que ce +couteau coupait tout ce qu'il voyait! + +On lui contait d'un savant qu'il possédait huit langues.--Celui-là, +répondit-il, doit parler beaucoup. + +Il demanda un jour si les chiens du roi allaient à pied à la chasse. + +Dans une société il entend annoncer qu'il était arrivé deux vaisseaux +chargés de Terre-Neuve: il demanda si la vieille n'était pas aussi +bonne. + +Une dame, près d'un feu clair, racontait une histoire. Une étincelle +vola sur sa robe, et elle ne s'en aperçut que lorsque le feu eut fait +des progrès.--Je le voyais, Madame, dit-il, mais je ne voulais pas avoir +l'impolitesse d'interrompre votre récit. + +Quelqu'un lui contant qu'il avait dîné avec un poëte qui l'avait régalé +au dessert d'une excellente épigramme, il fit venir son cuisinier et lui +dit en colère: --D'où vient que tu ne m'as pas encore servi une +épigramme? + +Quelqu'un lui ayant annoncé qu'un de ses amis était mort, il +répondit:--Je n'en crois rien, car si cela était, il me l'aurait écrit. + +Il dînait, un jour de carême, chez un de ses amis. On servit des harengs +saurs. Il les trouva si bons, qu'il demanda où il pourrait en avoir pour +peupler ses étangs. + +ASSONANCES + +On en faisait assez du temps de Louis XVI. M. Gozlan en a fait +d'agréables. En voici un exemple emprunté à l'un des spirituels +écrivains de la _Gazette des Tribunaux_: + +La femme Dagobert a mis son bonnet à l'envers. Un vieux châle vert, +placé de travers, un jupon presque blanc composent son accoutrement. Le +président lui dit: + +--Avant-hier, quelqu'un vous vit, marché des Innocents, demander +l'aumône aux passants. + +--Mais... + +--C'est un délit; la loi l'interdit. + +--Alors que la loi me donne de quoi! Mon coeur reconnaissant bénira le +gouvernement. + +--Avez-vous des enfants? + +--J'en ai zévu trois dans le temps. + +--Où sont-ils? + +--Mais ils sont où tous les défunts s'en vont. + +--Et votre mari? + +--Le pauvre homme aussi. Je n'ai pour soutien que la charité des +chrétiens. + +Chacun plaint de concert la pauvre femme Dagobert, et le tribunal du +Code pénal usant sagement dans son jugement, applique seulement quatre +jours d'emprisonnement. + +Il est près de Paris, dans la ville de Saint-Denis, un lieu destiné à +tous les infortunés. Après sa prison, dans cette maison, la vieille aura +gratis un lit, la soupe et du pain bis. + +ATHÉE + +Un traité des preuves de l'existence de Dieu a paru en 1845, avec la +signature A. T. + +ATOUT + +Quand faut-il jouer pour être heureux aux cartes?--Quand on est enrhumé, +parce qu'on a toujours de la toux. + +ATTRAPER + +Savez-vous, dit Dasnières, une bonne manière d'attraper les pies? + +--Il y a plus d'une manière de les attraper: les lacets, la glue, les +appâts; que sais-je encore! + +--Vieux moyens; voici ma méthode: je mets un fromage dans mon jardin, un +fromage à la pie. L'oiseau vient et mange le fromage. Le lendemain, +nouveau fromage, nouveau régal. La pie s'y habitue. Le troisième jour, +je ne mets rien; la pie vient, croyant trouver un fromage: votre +serviteur! Elle est attrapée. + +AUDITEUR + +Un benêt, qui avait acheté une charge d'auditeur à la cour des comptes, +étant au sermon, se levait et faisait une inclination toutes les fois +que le prédicateur disait: Mon cher auditeur. + +AUTOMATE + +Un plaisant disait que sa cuisinière était aussi habile que Vaucanson, +puisqu'elle faisait des canards aux tomates. + +AVALER + +Un médecin, ayant écrit une ordonnance, la donna au malade en +disant:--Voilà ce que vous avalerez, demain matin. + +Le malade prit le papier du médecin, l'avala, et guérit. + +AVENT + +Quel est le jour de l'année qui n'en suit pas un autre?--L'Avent. + +AVEUGLE + +Il y a quelques mois, la princesse Mathilde avait commandé son portrait +à l'un de nos peintres les plus distingués. + +Heureuse d'échapper, pendant quelques instants, au cérémonial et à +l'étiquette, joyeuse de pouvoir se promener librement, comme une simple +jolie femme, dans les environs des Tuileries, la princesse se rendait +chaque matin, à pied, dans l'atelier de l'artiste privilégié. Un jour en +traversant le pont des Arts, elle entendit une voix lamentable qui +criait: + +--Ma belle dame charitable, ayez pitié d'un pauvre aveugle, s'il vous +plaît. + +Un pauvre diable assis sur un banc du pont, tenant entre ses jambes un +chien qui tendait une sébile, implorait la charité publique. La +princesse jeta dans la sébile une pièce blanche et passa. Le lendemain +matin, même don;--pendant plusieurs jours, même jeu. Mais un matin, la +princesse distraite oubliait en passant de faire son aumône, lorsqu'une +voix connue lui dit:--Eh quoi! madame la princesse oublie aujourd'hui +son pauvre aveugle!... + +La princesse étonnée s'arrête et interroge le mendiant, qui se tenait +debout en la regardant respectueusement.--Vous me connaissez donc, mon +brave homme?--Ah! oui, Madame, vous donnez la pièce chaque matin. Et +quand on vous a vue une fois, vous êtes si belle qu'on ne vous oublie +pas.--Mais comment pouvez-vous le savoir, puisque vous êtes +aveugle?--Oh! madame la princesse, ce n'est pas moi qui suis aveugle! +C'est mon pauvre chien... Je dis: Donnez pour le pauvre aveugle!... + +On demandait à Aristote pourquoi on avait tant d'amour pour la beauté; +il répondit: Voilà la question d'un aveugle. + +AVIS + +Odry fut arrêté un soir, rue de Richelieu, devant la Bibliothèque +impériale.--La bourse ou la vie! lui demanda le voleur.--Sans se +déconcerter, Odry lui répondit:--La Bourse, au bout de la première rue à +droite. Quant à l'avis, le meilleur que je puisse vous donner, c'est de +prendre un métier moins couru. + +AVOIR + +Un homme d'esprit disait en 1848:--Depuis cinquante ans la France fait, +défait, refait et redéfait. + +Jusqu'à présent nous n'avons pas encore la République, c'est la +République qui nous a. + +À VUE + +Un fripon se tira des instances qu'on lui faisait pour payer une dette +dont il ne s'occupait pas, en donnant à son créancier une traite à vue +sur un de ses amis qui le valait.--Or cet ami était aveugle. Quand on +lui présenta la traite:--Elle est à vue? dit-il; si vous voulez que je +la paie, faites-moi voir. + + + +B + +BADAUD + +L'expression de badaud qu'on applique aux Parisiens comme une injure, +vient, dit-on, d'un mot celtique qui signifie batelier, parce que les +Parisiens faisaient autrefois un grand commerce par eau. La ville de +Paris porte même un navire pour armoiries. + +Journel, qui était l'imprimeur de Ménage, ne voulait pas imprimer ce que +l'auteur avait écrit sur la badauderie des Parisiens, ce qui inspira à +Ménage ces quatre vers: + + De peur d'offenser sa patrie, + Journel, mon imprimeur, digne enfant de Paris, + Ne veut rien imprimer sur la badauderie. + Journel est bien de son pays. + +BAL + +Un fournisseur envoyant des caisses de schakos à l'armée, disait:--Voilà +des coiffures qui vont aux balles. + +BANQUEROUTE + +Le nègre du bailli J***, entendant dire à la table de son maître que +quand on faisait banqueroute, on ne donnait tout au plus que la moitié +de ce qu'on devait, résolut d'en faire son profit; il vola toute la +vaisselle, qui était considérable, et la renferma dans un coffre qu'il +descendit dans un vieux puits où il n'y avait pas d'eau. On chercha +longtemps et l'argenterie et le nègre; enfin on le découvrit au fond du +puits, assis sur le coffre.--Que fais-tu là avec ma vaisselle? lui +demanda son maître.--Monsieur, je fais banqueroute, moitié pour vous, +moitié pour moi. + +BARBARISME + +On demandait à une dame comment elle se portait.--Oh! répondit-elle, je +souffre beaucoup d'un rhumatisse.--En ce cas-là, Madame, lui dit-on, +faites beaucoup d'exercisme. + +BAS + +On dit que les bonnetiers doivent être discrets, parce qu'ils ont +coutume de parler bas. + +BAS LONGS + +On demandait à quelqu'un à quoi servaient les ballons. Il entendit mal +et répondit:--À chausser les grandes jambes. + +BASSE-COUR + +Sur le costume prescrit aux magistrats en 1790, on fit l'épigramme +suivante: + + Au lieu de robe et de simarre, + Accoutrement lourd et bizarre, + Dont s'affublaient nos anciens sénateurs, + Un décret veut que les nouveaux jugeurs, + En manteaux courts, en pourpoints lestes, + Au métier de Cujas soient plus prompts et plus prestes. + Puis supprimant encore et bonnets et mortiers, + Attributs surannés des Molés, des Séguiers, + L'ordonnance prescrit pour moderne costume + Que ces dandins auront à la toque une plume. + Tels emplumés, je crois, pourront avoir un jour, + Aux yeux de bien des gens, un air de basse-cour. + +BATISTE + +On donnait un jour au Théâtre-Français une pièce où jouait la famille +Batiste. Un provincial s'informait des noms des acteurs:--Eh! quel est +celui-là?--Batiste aîné, lui répondit-on.--Et celui-là?--Batiste +cadet.--Et celui-là?--Batiste jeune.--Et cette actrice?--C'est Mme +Batiste mère.--Et celle-ci?--C'est Mme Batiste bru. Ah mon Dieu! s'écria +le provincial, c'est donc là une pièce de batiste. + +BATTERIE + +Le marquis de Bièvre regardait deux marmitons qui se boxaient, et +quelqu'un lui ayant demandé ce que c'était que ce bruit:--Ce n'est rien, +répondit-il, c'est une batterie de cuisine. + +BAVAROISE + +Quand le prince Eugène de Beauharnais obtint la main d'une princesse de +Bavière, un soldat disait:--C'est un bel homme et un grand coeur. C'est +dommage qu'il n'ait plus de dents.--Bah! dit un autre, on n'a pas besoin +de dents pour prendre une bavaroise. + +BAZIRE ET CHABOT + +Relation d'une aventure de 1791: + + Un jour, chez un bourgeois, Bazire + S'en fut diner avec Chabot. + Chabot recommandait Bazire, + Bazire patronait Chabot; + On reçut assez bien Bazire; + Mais on lui préféra Chabot. + Si bien que le brillant Bazire + Arracha la barbe à Chabot. + Et la crinière de Bazire + Resta dans les mains de Chabot. + Les coups de poing du sieur Bazire + N'empêchaient pas ceux de Chabot. + Pour séparer le doux Bazire + D'avec le vertueux Chabot, + Le maître du lieu prit Bazire, + Ses gens empoignèrent Chabot; + Par la rampe on jeta Bazire + Et par la fenêtre Chabot. + Depuis ce temps, Monsieur Bazire + Dit du mal de Monsieur Chabot; + A son tour de Monsieur Bazire + Médit l'ex-capucin Chabot. + Mais en voyant Monsieur Bazire, + Ainsi que son ami Chabot, + On dit que Chabot vaut Bazire + Et que Bazire vaut Chabot. + +BEAU + +Les paysans futés aiment à faire ce compliment: Vous êtes _beau dès_ le +matin, _beau su'_ le midi, _encore beau_ le soir. + +Le gendre d'un de nos représentants de 1848, que nous ne voulons pas +chagriner en le nommant, disait:--J'ai une belle-mère qui n'est pas +belle et un beau-père qui est bien laid. + +BELLE LUNE + +Le maréchal Victor avait débuté en simple soldat dans la carrière qu'il +a illustrée; et lorsqu'il fit ses premières campagnes, ses camarades ne +le connaissaient que sous le sobriquet de Beausoleil. Quand l'empereur +Napoléon l'eut nommé maréchal de l'Empire, il l'appela et lui +dit:--Beausoleil, je te fais duc de Bellune. + +BÉTANCOUR + +M. de Bétancour, qui logeait près du Louvre, avait beaucoup à se +plaindre des blanchisseuses voisines qui, avec leurs battoirs sans cesse +en mouvement, l'empêchaient de dormir. Une fois, outré de colère, il +s'écria:--Si je ne me retenais pas, j'irais mettre le feu à la rivière. + +Un jour, voyant un homme qui louchait en lisant:--Cet homme-là, dit-il, +doit être doublement savant, car il lit deux pages à la fois. + +Il tomba malade; son médecin lui ayant demandé s'il n'avait rien pris +dans la journée:--Pardon, répondit-il, j'ai pris ce matin une puce. + +BEETHOVEN + +Pourquoi les sangsues passent-elles pour musiciennes?--Parce qu'elles +font des ouvertures de _bête aux veines_. + +BÊTISES + +On ferait sous ce titre bien des volumes. Une des plus grosses, dans le +bêtisiana moderne, est le compliment que Victor Hugo fit tout haut à +Louis-Philippe, dans une réception officielle:--Sire, Dieu a besoin de +vous... + + On vient de perdre un jeune chien + Lequel n'avait ni queue ni tête. + Ceux qui l'ont trouvé n'auront rien. + C'est une récompense honnête, + Sans queue aussi bien que sans tête. + +BIEN FAIT + +Un prédicateur disait en chaire que tout ce que Dieu a fait est bien +fait.--Voilà, pensa un bossu, une parole hasardée. Il attend le +prédicateur à la porte de l'église, et lui dit:--Mon père, vous avez +prêché que Dieu a bien fait toutes choses. Voyez donc comme je suis +bâti!--Mais, mon ami, répond le prédicateur, vous êtes bien fait pour un +bossu. + +BIÈRE + +De vieux littérateurs de l'Empire ont appelé le cercueil de Napoléon _la +bière de Mars_. + +Un brasseur parisien, du temps du calendrier républicain, appelait sa +bière de Mars _bière de Germinal_. + +On afficha en 1793 la tragédie de _Jean-sans-Terre_: quelques patriotes +du faubourg Saint-Antoine, croyant qu'on voulait jouer le général +Sans-Terre, qui était brasseur, arrachèrent toutes les affiches et se +portèrent en masse au théâtre de la République. On parvint à les apaiser +en leur donnant les premières places; mais l'on ne put en être maître, +lorsque Sans-Terre dit au tyran: + + Tu crois m'intimider en découvrant ma bière. + +--Je l'avais bien dit! s'écria un d'entre eux. A bas!... à bas!... à bas +les muscadins!... (On baissa la toile.) + +M. de Bièvre, voyant des hommes qui suaient pour mettre au cercueil un +homme dont on avait mal pris la mesure, leur dit:--C'est _en vain_ que +vous vous mettrez _en eau_ pour le mettre _en bière_. + +BIÈVRE + +A propos de M. de Bièvre, qui a fait tant de calembours, un amateur +demandait quelle différence il y avait entre M. de Bièvre et une +épingle. On ne devinait pas.--C'est, dit-il, qu'une épingle a une tête +et une pointe, tandis que M. de Bièvre a beaucoup de pointes, mais pas +de tête. + +Le marquis de Bièvre n'est mort qu'en 1789, époque où le calembour +allait faire place à des jeux plus sinistres. Il a publié quelques +petits ouvrages assez rares: l'_Ange Lure_, la _Fée Lure_, la lettre à +la comtesse Tation, par le sieur (scieur) de Bois-Flotté, étudiant en +droit-fil, l'_Almanach des calembours_, et quelques autres +plaisanteries. + +Si le marquis de Bièvre a introduit chez nous la manie des calembours, +il a quelquefois fourni des armes contre lui-même. Il était fils du +chirurgien du roi, nommé Maréchal. Dédaignant le nom de son père, il +acheta la terre de Bièvre. Un de ses amis, qui l'entendait annoncer sous +ce titre, lui dit:--Mais, mon ami, tu as mal fait de ne prendre que le +titre de marquis; il t'en aurait moins coûté de te faire appeler le +maréchal de Bièvre. + +BIGOT + +Napoléon, qui aimait les jeux de mots, fut charmé de nommer ministre des +cultes M. Bigot, qui signait: Bigot de Préameneu. + +BLANC + +Un procureur avait promis à un homme, accusé d'un crime de faux, que, +par ses soins, il sortirait de cette affaire blanc comme neige. +L'accusé, flatté de cette espérance, donnait au procureur tout l'argent +qu'il lui demandait. Cependant, il succomba et fut condamné à faire +amende honorable en chemise. Il dit alors au procureur: + +--Vous m'avez trompé par vos promesses. + +--Comment donc! répondit le procureur; je vous tiens parole: vous voilà +en chemise; n'est-ce pas sortir de là blanc comme neige? + +BOILEAU + +Le cardinal Janson disait à Boileau:--Pourquoi vous appelez-vous +Boileau? C'est un nom froid. J'aimerais mieux, à votre place, m'appeler +Boivin.--Et vous, Monseigneur, répondit le poëte, pourquoi vous +appelez-vous Janson? c'est un nom sec. A votre place, j'aimerais mieux +m'appeler Janfarine. + +BOIS + +Un gentilhomme breton disait au maréchal de La Meilleraye:--Si je ne +suis pas maréchal, je suis du bois dont on les fait.--Aussi le +deviendrez-vous, répondit La Meilleraye, quand on les fera de bois. + +BOITER + +Un homme qui venait d'acheter un cheval, à la vue, reconnut qu'il était +boiteux et voulut résilier son marché. Mais le vendeur témoigna qu'il +l'avait prévenu de ce défaut, en lui disant:--Il _boite_ et mange bien. + +BON + +Les marguilliers d'une paroisse de Paris, ayant appelé un orfévre +huguenot pour réparer une figure de saint Michel, l'orfévre, considérant +cette figure, leur dit:--Messieurs, votre diable est fort bon, mais +votre saint Michel ne vaut rien. + + Bonnes gens font les bons pays; + Bon coeur fait le bon caractère; + Bons comptes font les bons amis; + Bon fermier fait la bonne terre. + Bons livres font les bonnes moeurs, + Bons maîtres les bons serviteurs; + Bons maris font les bonnes femmes, + Bonnes femmes les bons maris, + Bonnes actions les bonnes âmes, + Bons sentiments les bons esprits. + Le bon goût fait les bons écrits; + Bonne foi les bonnes affaires, + Bonnes lois les bons citoyens; + Bons fils encor font les bons pères, + Bonnes filles les bonnes mères. + Dieu, qui tout est bon, fait tous biens. + +BONA + +Après la mort du pape Clément IX, beaucoup de grands personnages +désignaient pour son successeur le cardinal Bona, sur quoi se fit cette +pasquinade que _Papa Bona_ serait un solécisme. Le P. Daugières répondit +par le jeu de mots suivant: + + Grammaticæ leges plerumque Ecclesia spernit: + Fors erit ut liceat dicere Papa Bona. + Vana solæcismi ne te conturbet imago, + Esset Papa bonus, si Bona Papa foret. + +BONHEUR + +Le moyen d'être heureux en ménage, c'est de se marier au point du jour, +parce qu'alors on est sûr d'avoir fait un mariage de bonne heure. + +Une jeune fille, peu formée à l'orthographe, écrivait à son +fiancé:--Venez de bonne heure, vous ferez le mien. + +BONJOUR + +M. Casimir Bonjour, candidat à l'Académie, se présente un jour pour +faire sa visite à un des quarante. Une femme de chambre vient lui ouvrir +la porte.--Votre nom, Monsieur! dit-elle. Le candidat répond avec son +plus gracieux sourire:--Bonjour. Flattée de cette politesse, la jeune +fille répond:--Bonjour, Monsieur; voulez-vous me dire votre nom?--Je +vous dis Bonjour.--Et moi aussi, bonjour, Monsieur; qui faut-il que +j'annonce?--Eh Bonjour! c'est mon nom. La camériste comprit alors qu'au +lieu de dire: Bonjour, Monsieur, il fallait dire: Monsieur Bonjour. + +BONNET DE NUIT + +--Quels sont les vins qu'il convient de boire avant de se coucher pour +bien dormir? + +Les vins de _Beaune et de Nuits_. + +BONS MOTS + +Un meunier cheminait avec son âne. Un bel esprit le rencontre et se met +à crier: «Où allez-vous donc vous deux?--Chercher du foin pour nous +trois,» répond le meunier. + +Le président d'Ormesson, qui avait un nez énorme et des narines +extrêmement larges, causait avec le marquis de Villette dans une +embrasure et mettait beaucoup de chaleur dans cet entretien. Lorsque +Villette se rapprocha du cercle, il dit à quelqu'un:--Quand cet homme me +parle de près, j'ai toujours peur qu'il ne me renifle. + +BONTÉ + +M. de Kératry, qui avait assez de laideur, avec une belle âme, déjeunait +habituellement dans un café, et son déjeuner consistait toujours en ce +qu'on appelle une tasse de café à la crème. Pour lui seul, la dame du +comptoir affectait de dire, en le désignant:--Garçon, versez du café au +laid. + +--Madame, lui dit un jour M. de Kératry, vous avez d'excellent café, +mais vous n'avez assurément pas de _bon thé_. + +BORGNE + +Un borgne gageait contre un homme qui avait bonne vue, qu'il voyait plus +que lui. Le pari est accepté.--J'ai gagné, dit le borgne, car je vous +vois deux yeux, et vous ne m'en voyez qu'un. (Voyez _Yeux_.) + +BOTTES SANS COUTURES + +Dans quelques tombolas où se distribuent des lots plaisants, des +amateurs ont gagné une paire de bottes sans coutures. C'étaient deux +bottes d'oignons ou de navets. + +BOUFFLERS + +Quel est le poëte qui s'est nourri des aliments les plus +légers?--Boufflers. + +BOUILLON + +Un historien a dit que, dans les Croisades, Godefroi de Bouillon était +le général le plus _consommé_. + +BOURVALAIS + +Ce financier, qui avait amassé des biens immenses dans les affaires, +sous Louis XIV, ayant trouvé, dans un de ses étangs, un brochet d'une +grosseur extraordinaire, en fit présent à M. le premier président de +Harlay. Ce magistrat l'invita à en venir manger sa part. Comme tous les +conviés admiraient l'énormité de ce poisson monstre:--Messieurs, leur +dit le premier président, ne soyez pas surpris, c'est le bourvalais des +étangs de monsieur. + +BOUT + +Comment faire pour ne pas se crotter dans les rues de Paris?--Il faut ne +pas aller jusqu'aux boues. + +BRUNET + +Célébrité dans le bazar des calembours et des bêtises excentriques. Nous +ne citerons que quelques-unes de ses expressions singulières: + +«Il faisait un froid d'enfer, ce matin. J'en avais l'onglée au menton. + +«Voilà un événement qui va leur tailler bien des croupions. + +«Cet homme paraît plus vieux qu'il n'en a l'air. C'est peut-être son +oeil borgne qui en est cause. + +«On dit que Paris va sauter. Je crois qu'il serait prudent de fermer les +fenêtres. + +«Le soleil coule pour tout le monde. + +«Ce n'est pas de l'orient que vient cette étoffe de Perse; le marchand +assure que c'est du levant. + +«Si les écrevisses ne devenaient pas rouges en cuisant, il faudrait les +changer de nom.--Pourquoi?--parce qu'on dit: Rouge comme une écrevisse. + + + +C + +CACOPHONIE + +Un beau parleur, contant le naufrage d'un vaisseau, disait que le navire +avait pris le mors aux dents. + +Le même exprimait la marche rapide d'un ballon, en disant qu'il allait +ventre à terre. + +Il habitait Paris et se plaisait à dire qu'il y a de la rue de Tournon à +la rue de Richelieu un grand laps de temps. + +CALET + +On demandait à un Parisien s'il connaissait le Pas-de-Calais.--Je les +connais tous, répondit-il; il appliquait sa réponse aux pas du danseur +Calet. + +CAMARD + +Un homme, dont le nez était fort camard, étant venu à éternuer devant un +railleur, celui-ci le salua et ajouta:--Dieu vous conserve la vue. Celui +qui venait d'éternuer, surpris de ce voeu, lui demanda pourquoi il le +faisait.--Parce que, répondit le railleur, votre nez n'est pas propre à +porter des lunettes. + +CAMUS + +Guy Patin, médecin célèbre, fit un procès à Renaudot, célébrité d'un +autre genre, qui exerçait la médecine, à Paris, sans s'être fait agréer +au corps des médecins de cette capitale. Renaudot fut condamné.--Vous +avec perdu et gagné à la fois, lui dit Patin.--Comment gagné? répliqua +Renaudot.--Mais vous êtes entré camus au palais, et vous en sortez avec +un pied de nez. + +CAMPENON + +Lorsque Ducis mourut, MM. Michaud et Campenon se disputèrent son +fauteuil à l'Académie française. M. Campenon, prenant les devants, fit +cette épigramme contre son concurrent: + + Au fauteuil de Ducis on a porté Michaud, + Ma foi pour l'y placer il faut un ami chaud. + +Michaud répliqua: + + Au fauteuil de Delisle aspire Campenon; + Son talent suffit-il pour qu'il s'y campe? non. + +CANCAN + +Dans une société où l'on parlait du Général De Caen, une personne qui +l'avait connu à l'époque où il n'était encore qu'aide de camp de son +frère, raconta ce qui suit: + +En se rendant à l'armée, De Caen fut arrêté par la gendarmerie.--Comment +vous nommez-vous? lui demanda le brigadier.--De Caen.--D'où +êtes-vous?--De Caen.--D'où venez-vous?--De Caen.--Qui êtes-vous?--Aide +de camp.--De qui?--Du général de Caen.--Où allez-vous?--Au camp.--Assez +de cancans comme cela, dit le gendarme, je vous arrête. + +CARTE + +C'est un mot qui a plusieurs sens, nous empruntons ce couplet à une +chanson de M. Goulard: + + Le politique sur la carte + Visite le lieu des combats; + Le gourmand consulte la carte, + Pour faire choix d'un bon repas. + Souvent le fou sur une carte + Tout son argent voit emporté; + Et plus tard, si je perds la carte, + Je perds aussi la liberté. + +Les journaux racontaient, il y a trente ans, l'anecdote suivante à +propos des cartes de visite. Un maître de maison était monté en équipage +en compagnie de sa dame, lorsqu'il s'aperçoit qu'il a oublié ses cartes; +il dit au laquais nouvellement à son service d'aller les prendre sur la +cheminée de la salle à manger. Ce qui fut dit fut fait, et, fouette +cocher, les visites vont bon train. Au bout d'un certain temps, le +maître demande au groom s'il a encore beaucoup de cartes. + +--Monsieur, répond celui-ci, il me reste encore le roi de pique, le dix +de coeur et l'as de trèfle! Le pauvre garçon avait pris les cartes à +jouer au lieu des cartes de visite. + +CARTERON + +Un libraire de Lyon, nommé Carteron, avait pour enseigne une balance, +avec des petits poids d'un côté et des livres de l'autre. Ces mots +étaient au bas: «Les quarterons font les livres.» + +CAUSES + +Un particulier ayant dit à Garrick que l'avocat Barell avait laissé fort +peu d'_effets_ à sa mort:--Cela n'est pas étonnant, reprit ce comédien, +il avait fort peu de _causes_. + +CÉDEZ + +S'écrit avec les deux lettres: CD. + +CENSEURS + +Pourquoi faut-il prendre garde à ce qu'on dit devant les fils uniques? + +--Parce qu'ils sont _sans soeurs_. + +CENT ANS + +Un farceur disait:--Celui qui arrivera à tuer le temps vivra sans temps. + +CERCEAU + +Dans les farces du théâtre italien, Arlequin disait à un autre qui le +battait avec sa ceinture:--Tu te conduis comme un tonnelier; tu me +donnes des coups de _serre sot_. + +CERVELLE + +Deux Suisses, le sabre à la main, se battaient à outrance dans une +place. Un paysan passe par là, et le coeur ému de compassion, s'efforce +de les séparer; mais le pauvre diable, pour toute récompense de son +zèle, reçoit à la tête un coup de sabre qui le jette à la renverse. On +appelle un chirurgien qui veut voir si la cervelle est atteinte.--Ah! +dit le paysan, je n'en avais point lorsque je me suis trouvé dans cette +querelle. + +Le jeu de mots qui suit est dans le même sens: + +Au siége de Landrecies, en 1655, M. de La Feuillade fut blessé d'un coup +de mousquet à la tête. Les chirurgiens dirent que la blessure était +dangereuse et qu'on voyait la cervelle.--Eh bien! Messieurs, dit La +Feuillade, faites-moi le plaisir d'en prendre un peu tout proprement, +et, que je vive ou que je meure, de l'envoyer au cardinal Mazarin, qui a +coutume de répéter que je n'en ai pas. + +CÉSAR + +En Italie, comme on sait, les voiturins qui vous conduisent à Rome, vous +mènent, vous nourrissent et vous couchent dans la route, moyennant un +prix convenu. En France, dans de telles conditions, le voyageur qui fait +sa convention avec le voiturin lui donnerait des arrhes. En Italie, au +contraire, le voiturin donne des arrhes au voyageur pour se l'assurer. +Les voiturins sont chers aux artistes et aux gens qui veulent voir. Un +abbé, qui cherchait à gagner Rome en artiste, rentrait joyeusement +auprès de ses amis.--Avez-vous trouvé? lui dit-on.--Oui, répondit-il; je +suis engagé; et le voiturin m'a donné un napoléon pour _ses arrhes_. + +CHACAL + +«Un prêtre espagnol, rencontrant Thomas Campbell dont il avait fait la +connaissance à la table du général Trézel:--Excusez-moi, lui dit-il, si +je ne vous ai pas rendu visite hier; mais j'étais obligé d'assister à la +mort d'un chacal. + +--À merveille, mon père, répondit Campbell, et j'espère que vous vous +êtes amusé! + +--Comment, amusé? mais j'allais lui porter les tristes consolations de +notre sainte religion! + +--En vérité? + +--En vérité! et je vous assure qu'il est mort en chrétien repentant, +malgré la vie dissolue qu'il avait toujours menée. + +--Vous aimez à plaisanter, mon père! mais, parbleu, les chacals sont des +chacals! vous ne pouvez pas exiger d'une brute qu'elle règle ses +passions comme un animal raisonnable. Il n'est pas plus possible au +chacal d'imiter votre continence, qu'il ne l'eût été au compagnon de +Saint-Antoine d'imiter la sobriété de son patron. + +--Il était adonné à la boisson, et, voyant un autre chacal mettre de +l'argent dans sa poche, il le tua pour s'en emparer et acheter de +l'eau-de-vie. + +--Que diable me racontez-vous là, mon saint père! des chacals qui ont +des poches, qui boivent de l'eau-de-vie, qui meurent en chrétiens! Vous +êtes en joyeuse humeur, _mio padre_.» + +Ici mon Espagnol éclata de rire: «Quoi! vous ne savez pas que tous les +soldats d'infanterie légère ont reçu le sobriquet de chacal?» + +(THOMAS CAMPBELL, _Oran et ses environs_.) + +CHAIR + +M. Ch. Monselet, après avoir entendu M. Saisset, dans son cours de +philosophie à la Sorbonne, se retira en disant:--L'esprit est fort, mais +la _chaire_ est faible. + +CHALEUR + +Bautru se promenait le chapeau à la main, par un soleil ardent, avec +Gaston d'Orléans. Ce prince lui ayant dit qu'il aimait ses amis avec +chaleur:--Ma tête s'en aperçoit, répondit Bautru. + +CHANDELLE + +Les habitants de... présentèrent une adresse pompeuse à Jacques Ier, +successeur d'Élisabeth. Ils lui souhaitaient que son règne pût durer +aussi longtemps que le soleil, la lune et les étoiles. Il leur répondit +que «si leurs voeux étaient exaucés, son fils serait obligé de régner à +la chandelle.» + +CHANGER + +Ce mot a plus d'un sens. Un acteur débutait au Théâtre-Français par le +rôle de Mithridate, dans la tragédie de ce nom. Il n'était pas dépourvu +de talent; il avait même beaucoup d'intelligence et de feu; mais son +extérieur n'était rien moins qu'héroïque. Dans la scène où Monime dit à +Mithridate: + + Seigneur, vous changez de visage! + +Un plaisant cria: Laissez-le faire. + +CHANT + +On dit que le rossignol ne chante plus lorsqu'il est en cage, parce +qu'il a perdu la clef des champs. + +CHARABIA + +Tu sais bien, le voisin qui est si fier, hier il me visita, me fit +politesse, et je le reconduisa.--Avec un I?--Non, avec un bout de +chandelle. + +CHARMES + +On devait manger une dinde aux truffes à une table où se trouvait +Buffon. Avant le dîner, une vieille dame demande au Pline moderne où +croissent les truffes: + +--À vos pieds, Madame. + +La vieille ne comprend pas. On lui explique que c'est aux pieds des +charmes; elle trouve charmant le compliment et le complimenteur. + +Vers la fin du repas, quelqu'un fit la même question au savant +naturaliste, qui, ne faisant pas attention que la dame d'avant-diner se +trouvait là, dit naturellement: + +--Aux pieds des vieux charmes. + +La dame qui l'entendit ne le trouva plus si charmant. + +CHARRETTE + +Un postulant au théâtre devait prononcer cet hémistiche d'un vers: + + Arrête lâche, arrête. + +Il prononça si brièvement que tout le monde entendit: + + Arrête la charrette. + +CHASLES + +Tout en rendant justice à M. Chasles, les plaisants disent qu'on le +porte sur les épaules. + +CHAUDRON + +Brunet disait que le vase qu'on appelle chaudron ne s'appelait ainsi que +parce qu'il est chaud et rond. + +CHEMIN DE LA PRISON + +Un villageois demandait le chemin de Newgate (prison de Londres). Un +plaisant qui l'entendit s'offrit de le lui montrer.--Traversez le +ruisseau, lui dit-il, entrez chez le bijoutier en face, prenez deux +gobelets d'argent; décampez avec, et dans cinq minutes vous y serez. + +CHER + +C'est un département où l'on ne peut pas vivre à bon marché. + +CHEVAL + +Apprenez-moi, disait un Gascon, où demeure, dans cette rue, monsieur +Cheval.--Monsieur, lui dit un marchand, il n'y a point d'homme de ce nom +dans cette rue; mais vous êtes devant la porte de M. Poulain.--Eh! c'est +cela; mais depuis dix ans que je ne l'ai vu, il a bien eu le temps de +changer de nom, à moins qu'il ne fasse encore le jeune. + +CHEVEUX + +Ces jours derniers, un brave homme de la campagne fut élu maire dans sa +commune. + +Voulant, après l'élection, remercier ses futurs administrés du choix +qu'ils avaient bien voulu faire de lui, il rassembla tout le village, et +s'exprima ainsi: + +«Mes amis, croyez que je n'oublierai jamais le jour où vous avez daigné +mettre mes cheveux blancs à votre tête!...» + +CHICOT + +Deux faiseurs de calembours dînaient ensemble, à Paris, chez un +restaurateur. À la fin du repas, l'un dit à l'autre:--Je te parie que je +fais un calembour sur le premier mot que tu diras en sortant de +table.--Je parie que non.--Je parie que si.--Le prix du dîner?--Va pour +le dîner. + +Le parieur attend de pied ferme. L'autre cherche un mot sans équivoque; +il s'approche de la fenêtre et dit:--Il pleut.--Eh bien, chicot.--J'ai +perdu. + +Un étranger, témoin de cette scène, ne put comprendre le jeu de mots +qu'après avoir cherché dans son dictionnaire; il y trouva la définition +du mot chicot, _reste de dent_. «Ah! dit-il,--il pleut, reste +dedans.--Voilà des gaillards bien spirituels.» + +CHIEN + +Un homme d'esprit vaniteux disait à un homme qui le regardait +curieusement:--De quel droit me toisez-vous ainsi?--Un chien regarde +bien un évêque, répondit l'indiscret. À quoi l'homme d'esprit +répliqua:--Qui vous a dit que j'étais un évêque? + +Scarron, dans un recueil de ses poésies qu'il fit imprimer, ayant +adressé un madrigal à la petite chienne de sa soeur, mit pour titre: «À +la chienne de ma soeur.» Depuis, s'étant brouillé avec elle, il fit +mettre dans l'errata de son livre: «_Au lieu de_ à la chienne de ma +soeur, _lisez_ à ma chienne de soeur.» + +CI-DEVANT + +Un écrivain fit, en 1793, un livre qui parut sous le titre +d'Observations sur la chaîne des ci-devant montagnes d'Auvergne. + +Un nègre, ayant adressé alors une pétition à la Convention nationale, +signa: «Ziméo, ci-devant nègre.» + +CINQ + +Saint Denis est le saint des Français; saint Georges est le saint des +Anglais; celui des Genevois est le cinq pour cent. (À Genève le _q_ ne +se fait pas sentir.) + +Cinq cordeliers, sains de corps et sains d'esprit, étaient ceints d'une +corde et portaient sur leur sein un petit saint, muni du seing du +saint-père. + +CINQ ANS + +On disait à un bon homme qu'Abdel-Kader avait cinq camps lorsqu'on l'a +pris. Ce bon homme s'écria:--Comment, ce fameux guerrier n'est qu'un +enfant? + +CIVIL + +Le général D.... parlait avec chaleur dans un cercle où se trouvait M. +de Talleyrand, de diverses personnes qu'il qualifiait de pékins. + +--S'il vous plaît, général, lui dit le prince, qu'appelez-vous pékins? + +--Nous autres, répond le général, nous appelons pékin tout ce qui n'est +pas militaire. + +--Ah! fort bien! répond M. de Talleyrand; tout comme nous, nous appelons +militaire tout ce qui n'est pas civil. + +CLAIR DE LUNE + +Un jeune homme à qui on demandait quelle était sa position sociale +répondit:--Mon père est notaire, et mon oncle aussi. Ils ont chacun une +étude; je suis clerc de l'une. + +CLEF + +Le poëte Longchamps, devenu chambellan de Joachim Murat, roi de Naples, +regrettait si fort la campagne, qu'il demanda sa retraite et vint finir +ses jours à la campagne, près de Louviers. C'est à ce propos qu'il fit +le couplet suivant: + + Adieu, donc, stérile étiquette, + Adieu, petite vanité, + Graves riens, noble ennui, toilette, + Et grandes fêtes sans gaîté. + Adieu, clef d'or qu'ont au derrière + Mes collègues les chambellans, + Pour vivre enfin à ma manière, + Ma foi, j'ai pris la clef des champs. + +Combien les musiciens connaissent-ils de clefs?--Trois, la clef de +_sol_, la clef de _fa_ et la clef d'_ut_.--Il y en a une quatrième +qu'ils connaissent aussi, c'est la clef de la cave. + +CLOCHER + +Dans un écrit que publia M. de Talleyrand, alors évêque d'Autun (1790), +on prétendit qu'il n'y avait de lui que ce qui clochait.--On sait qu'il +était boiteux. + +COCHON + +Napoléon fit un jeu de mots en nommant M. Cochon préfet de Bayonne, la +ville aux jambons renommés. M. Cochon signait: Cochon de Lapparent. + +COCO + +Plusieurs Français, à Amsterdam, étaient réunis à une table d'hôte. Un +Anglais s'y trouvait aussi. Il mangeait, mangeait, mangeait, avec une +attention profonde. Déjà plusieurs fois un convive lui avait adressé ces +mots:--Monsieur, auriez-vous la bonté de me passer ce plat d'épinards? +Le sombre habitant des bords de la Tamise était incapable de la moindre +distraction. Alors le Français dit à un de ses amis:--Passe-moi donc le +plat d'épinards, car ce coco-là ne veut pas que j'en goûte. À ce mot, +les yeux de l'Anglais quittent enfin son assiette, et se portent +courroucés sur son interlocuteur; il se croit insulté. Un de ces +rendez-vous qu'on appelle d'honneur va être pris. Mais l'Anglais se +ravise; il ouvre son pocket-dictionnaire; ses yeux brillent. Il appelle +un domestique, demande du champagne, et invite son adversaire à trinquer +avec lui. + +--Monsieur le Français, dit-il, je étais dans le dérèglement (erreur). +Vous faites politesse à moi. Vous appelez moi coco. Lisez: «Coco, fruit +des Indes, doux et agréable.» Chacun partit d'un éclat de rire, et l'on +but le champagne à la santé des deux nations. + +COEUR + +Un banquier poursuivait de ses assiduités une jeune et riche héritière +dont il sollicitait la main. Le jour de la Toussaint il se rendit à +Saint-Roch, et là, placé à côté du bénitier, il attendait l'inhumaine, à +laquelle il offrit de l'eau bénite, en lui disant tout +bas:--Mademoiselle, que dois-je espérer?--Monsieur, lui répond la jeune +personne, vous êtes dans mon esprit comme le bénitier dans l'église; +près de la porte et loin du choeur. + +COMBLÉ + +Un très-gros homme, arrêté au bord d'un fossé, disait:--Je le sauterais +bien, mais j'aurais peur de tomber dedans.--Monsieur, lui dit une dame, +il serait comblé de vous recevoir. + +COMMUN + +Un jeune homme, voyant une belle dame qui avait une grande bouche, +disait:--Quel dommage qu'une si belle femme ait la bouche commune! Son +voisin lui répondit:--Si tu disais: comme deux! + +COMPARAISON + + L'existence est une pendule + Que par soi-même il faut guider. + Malheur à l'homme trop crédule + Qui la donne à raccommoder! + On croit qu'Esculape calcule, + Lorsqu'il s'agit d'y regarder, + Mais il l'avance sans scrupule + Ne pouvant pas la retarder! + +Cette autre comparaison est de M. Boniface. + + La chenille rampante, + Dans son premier état, + Végète sur la plante: + Voilà le candidat. + Sorti de la chenille, + Sur des ailes porté, + Un beau papillon brille: + Voilà le député. + +Un proverbe dit: Comparaison n'est pas raison. Un axiome dit aussi: +Toute comparaison cloche. + +COMPLAISANTES + +Odry disait un jour à Brunet:--Sais-tu pourquoi l'on se moque plutôt des +bons que des méchants? + +--Je ne sais pas. + +--Parce que les bonnes gens sont presque toujours des personnes qu'on +plaisante. + +COMPLET + +Un jeune soldat, originaire de Lyon, a adressé à sa famille, après la +bataille de Solferino, la lettre laconique suivante. C'est à la fois la +lettre d'un brave soldat et d'un bon fils: + +«Castiglione, 25 juin. + +«Chère mère, + +«Je suis encore vivant, très-vivant et bon vivant. + +«Seulement, je ne suis plus complet, comme un omnibus les jours de +pluie. + +«Le chirurgien du régiment vient de me couper la jambe. + +«Je m'étais habitué à l'avoir, et la séparation a été cruelle. + +«Mon sergent-major me dit, pour me consoler, que j'aurai maintenant une +jambe faite au tour. + +«Allons! bonne mère, ne pleure pas, songe que j'aurais pu être tué comme +une foule de mes braves camarades. C'est ceux-là ou plutôt la famille de +ces pauvres amis qu'il faut plaindre. + +«Réjouis-toi donc, au contraire, bonne mère, tout est profit pour toi: +je vais bientôt aller te rejoindre pour ne plus te quitter, ma jambe de +bois me forçant à rester près de toi; je ferai tout ce qu'il te plaira: +la chère partie de piquet. + +«Tiens, voilà une larme qui tombe sur ce papier; ce n'est point une +larme de regret, mais de bonheur, car je vais bientôt t'embrasser.» + +COMPLIMENTEUR + +On dit qu'un complimenteur est un accompli menteur. + +COMPTE + +Le prince de Ligne connaissait deux frères du nom de Montailleur, l'un +le marquis, et l'autre le comte. Le premier était aussi aimable et +spirituel que son frère était ennuyeux. Aussi le prince, quand son valet +de chambre lui annonçait M. de Montailleur, avait-il coutume de +dire:--Si c'est le marquis de Montailleur, à la bonne heure; mais si +c'est le compte de mon tailleur, je sais ce que c'est et je n'en veux +pas. + +CONFIDENT + +Qui peut nous expliquer les propriétés du liquide qu'on joint à l'huile +dans la salade?--Le cornichon, parce qu'il est _confit dans_ du +vinaigre. + +CONFIRE + +La différence qu'il y a entre un mari et un cornichon, c'est que le +premier se confie en sa moitié, et l'autre se confit en son entier. + +CONFRÈRE + +Un médecin, ayant un cheval malade, fit appeler un maréchal. Celui-ci +ayant guéri le cheval, le médecin lui dit:--Mon ami, qu'est-ce que je +vous dois?--Rien, répondit le maréchal: je ne prends jamais rien à mes +confrères. + +CONNAÎTRE + +L'évêque de Québec, au commencement de sa mission, s'était perdu au +Canada. Ceux qui étaient à sa recherche rencontrèrent une troupe de +sauvages auxquels ils demandèrent s'ils connaissaient cet évêque.--Si je +le connais! répondit l'un d'eux, j'en ai mangé. + +On disait d'une femme qui s'évanouissait:--Elle se trouve mal. Un +farceur répondit:--C'est qu'elle se connaît. + +CONSEIL + +Louis XI disait ordinairement que tout son conseil était dans sa tête, +parce qu'il ne consultait personne. L'amiral de Brézé, le voyant monter +sur un bidet très-faible, dit:--Il faut que ce cheval soit plus fort +qu'il ne paraît, puisqu'il porte le roi et son conseil. + +Quand on eut posé la statue de Louis XV sur des grues, afin de l'élever +à la place dite aujourd'hui de la Concorde, un mauvais plaisant dit:--Le +voilà au milieu de son conseil! + +CONSIDÉRER + +On donne souvent à ce mot des sens qu'il n'a pas trop. Une dame de +moeurs légères, sur qui un étranger arrêtait ses regards avec +persistance, lui dit:--Pourquoi, Monsieur, me considérez-vous +ainsi?--Madame, répondit l'autre, assez peu galamment, je vous regarde, +mais je ne vous considère pas. + +Voyez REGARDER. + +CONVENTION + +Un savant disait qu'il n'aimait pas qu'on l'appelât citoyen, parce que +c'est un style de convention qui ne convient pas à tout le monde. + +CONVOIS + +On présentait comme un parti convenable à une demoiselle un jeune +employé d'administration militaire. Il ne plut pas. La demoiselle lui +demanda ce qu'il faisait.--Je suis dans les convois, Mademoiselle.--Oh! +l'horreur!--Militaires, Mademoiselle!--Ou civils, peu importe! repassez +quand je serai morte. + +COQ-À-L'ÂNE + +Ménage dit que Marot a inventé l'expression coq-à-l'âne, en donnant ce +titre à une de ses épîtres. D'autres prétendent que ce mot vient d'une +vieille fable où l'on introduisait un coq raisonnant avec un âne. Comme +cette fiction n'avait pas le sens commun, on a donné le nom de +coq-à-l'âne à tous les raisonnements aussi absurdes. + +Une personne regardant le portail des Feuillants de la rue Saint-Honoré, +à Paris, et entendant dire qu'il était de l'ordre corinthien: «Je +croyais, dit-elle, qu'il était de l'ordre de Saint-Bernard.» + +Un homme très-crédule disait qu'il n'avait pas de confiance dans la +vaccine. «À quoi sert-elle, ajoute-t-il, je connais un enfant, beau +comme le jour, que sa famille avait fait vacciner... eh bien! il est +mort deux jours après...--Comment! deux jours après?...--Oui... il est +tombé du haut d'un arbre, et s'est tué roide... Faites donc vacciner vos +enfants, après cela!» + +On a dit que le char funèbre, genre antique, qui avait transporté Louis +XVIII à Saint-Denis, était le même qui avait traîné la liberté au Champ +de Mars, la déesse Raison à Notre-Dame et Voltaire au Panthéon; mais les +draperies, selon la circonstance, en déguisaient la carcasse. Quoi qu'il +en soit, lorsque le char, qui avait emporté le cercueil royal, revint à +sa remise rue Bergère, chargé de toutes les décorations mortuaires +entassées pèle-mêle, on lisait dessus, en grosses lettres: _Service des +menus plaisirs du roi_. + +Louis XV allant à Choisy, M. de Nédonchelles, officier des gardes du +corps, anglomane décidé, galopait à l'une des portières de la voiture; +et, comme il avait plu beaucoup, à tout moment il éclaboussait le roi, +qui avait baissé la glace.--Nédonchelles, lui cria le roi, vous me +crottez!--Oui, Sire, répondit l'officier, à l'anglaise. On devine que +Nédonchelles avait entendu: Vous trottez. Louis XV, ne saisissant pas la +méprise, leva la glace de mauvaise humeur, et dit à ceux qui +l'accompagnaient: «Parbleu! voilà un trait d'anglomanie qui est un peu +fort!» + +Frédéric le Grand avait coutume, toutes les fois qu'un nouveau soldat +paraissait au nombre de ses gardes, de lui faire ces trois questions: +«Quel âge avez-vous? Depuis combien de temps êtes-vous à mon service? +Recevez-vous votre paye et votre habillement comme vous le désirez?» + +Un jeune Français désira entrer dans la compagnie des gardes. Sa figure +le fit accepter sur-le-champ; mais il n'entendait pas l'allemand. Son +capitaine le prévint que le roi le questionnerait dès qu'il le verrait, +et lui recommanda d'apprendre par coeur, dans cette langue, les trois +réponses qu'il aurait à faire. Il les sut bientôt, et le lendemain +Frédéric vint à lui pour l'interroger; mais il commença par la seconde +question et lui demanda: «Combien y a-t-il que vous êtes à mon +service?--Vingt-un ans, répondit le soldat.» Le roi, frappé de sa +jeunesse qui ne laissait pas présumer qu'il eût porté le mousquet si +longtemps, lui dit d'un air de surprise: «Quel âge avez-vous?--Un an, +sous le bon plaisir de Votre Majesté.» Frédéric, encore plus étonné, +s'écria: «Vous ou moi avons perdu l'esprit.» Le soldat, qui prit ces +mots pour la dernière question, répliqua avec fermeté: «L'un et l'autre, +n'en déplaise à Votre Majesté.--Voilà, dit Frédéric, la première fois +que je me suis vu traiter de fou à la tête de mon armée.» + +Le soldat, qui avait épuisé sa provision d'allemand, garda pour lors le +silence; et quand le roi, se retournant vers lui, le questionna de +nouveau pour pénétrer ce mystère, il lui dit en français qu'il ne +comprenait pas un mot d'allemand. Frédéric, s'étant mis à rire, lui +conseilla d'apprendre la langue qu'on parlait dans ses États, et +l'exhorta d'un air de bonté à bien faire son devoir. + +Pièce copiée sur l'original affiché à Pontarlier. + +1º Il est défendu d'extraire de la pierre, du sable, des carrières du +territoire de la commune sans avoir prévenu les autorités, surtout de la +marne, les étrangers n'y sont pas admis. + +2º Les cabaretiers qui donneront à boire le dimanche sont prévenus qu'on +leur dressera procès-verbal pendant les offices, surtout de la messe, +qu'il est défendu d'y aller. + +3º Il est défendu de conduire le bétail sur le communal joignant le pic +des avoines, ni avec des brebis, chèvres ou autres, malgré qu'ils +seraient conduits par des personnes raisonnables, qui ne doivent pas +être pâturés. + +4º Dimanche, à l'issue de vêpres, il sera procédé à l'adjudication au +plus offrant et dernier enchérisseur des boues du village, en présence +du maire, qu'on devra racler proprement, assisté de deux membres du +conseil, provenant des égouts de la ville. Les articles sus-dits, +regardent aussi tous les habitants de tous les sexes, qui devront être +exécutés. + +Les habitants sont prévenus que, lundi prochain, on échenillera deux +personnes par maison, le curé excepté. + +_Le maire_ COLAS. + +Le 5 mars 1846. + +L'abbé Cherrier, censeur royal au commencement de la régence, publia un +volume de plaisanteries, qu'on retrouve pour la plupart dans diverses +compilations connues. Nous en extrairons ici le seul morceau qui soit un +peu rare. C'est un singulier faisceau d'équivoques. + +HISTOIRE DE L'HOMME INCONNU + +Je prie qu'on ne juge pas mon style avec la rigueur (_du grand hiver_). +S'il est un peu plat (_de terre_) et simple (_du jardin du roi_), vous +n'en apprendrez pas moins que mon héros avait un corps (_de garde_), une +tête (_d'épingle_), un cou (_de tonnerre_), des bras (_de mer_), un cul +(_de sac_), une haleine (_de savetier_), une âme (_de soufflet_). On lui +acheta une charge (_de cotterets_) qui le mit dans belle passe (_de +billard_). Il parlait en fort bons termes (_de Pâques ou de la +Saint-Jean_); il était fort bien vêtu, ayant de belles chemises de toile +(_d'araignée_), un magnifique rabat (_joie_) de point (_du jour_), une +jolie culotte (_de boeuf_). Sa maison était bâtie de pierres +(_philosophales_), soutenue de piliers (_de cabaret_); on y entrait par +deux cours (_de chimie_), d'où en montant vingt-cinq degrés (_de +chaleur_) on se trouvait dans une grande chambre (_de justice_), qui +donnait entrée dans douze pièces (_de Molière_), toutes ornées de +colonnes (_de chiffres_). + +L'homme inconnu se faisait servir dans chacune (_à spectacle_) tour à +tour une fricassée de coq-(_à-l'âne_), avec deux entrées (_de ballets_) +et deux poulets (_d'amants_). Son dessert était composé d'une compote de +coins (_de rue_), d'un pot de gelée (_de novembre_), de marrons +(_d'artifice_) et d'amendes (_honorables_). + +Après le repas, il courait à la chasse, suivi d'une meute de chiens +(_dent_), de quatre valets (_de pique_), et de deux pages (_de livre_), +montés sur des chevaux (_de frise_), portant des lacs (_d'amour_) et des +filets (_de canard_). + +Comme ce rare personnage avait souvent des tranchées (_de ville +assiégée_), on lui ordonna la diète (_de Ratisbonne_). + +Ayant perdu sa femme, il voyagea et mourut d'une chute (_d'eau_). + +Voici une autre plaisanterie de même genre: + +Mademoiselle Esprit d'Alambic avait une très-belle tête à papillotes, +une de ces figures de géométrie qui promettent; quoique demoiselle, elle +avait un superbe port de mer (_mère_); elle portait le fronteau (_front +haut_); elle avait un oeil de boeuf, un oeil de bouillon gras, un +négrillon (_nez grillon_) charmant, une bouche de canon dans laquelle +étaient des dents de loup et une langue de vipère, la laine +(_l'haleine_) d'un mérinos, une oreille de veau frite au sec, une +oreille de Midas, un couvert (_cou vert_), mais il était d'étain +(_dé__teint_), les pôles (_l'épaule_) du monde, un bras de fauteuil, un +bras dessus bras dessous, une main morte, un doigt de gaieté, un pouce +de terre, un point (_poing_) d'Angleterre, un poignet à jour, un +cou-de-pied, des côtes de fer, une anche (_hanche_) de basson, une anche +oie: on voyait toujours avec un plaisir nouveau sa jambe de cerf, sa +cheville ouvrière, son pied de table, son pied de grue, son talon de +passe-port; elle joignait à tous ces avantages celui d'une éloquence +rare, et l'on ne pouvait résister aux coups que portait sa patte étique +(_pathétique_); quoique d'une chair fraîche, elle avait une teinte +violette qui lui rendait la polaque (_peau laque_); c'était cependant +une police (_peau lisse_), car elle n'avait pas de chagrin, et elle +pouvait se vanter en tout temps d'avoir le cornet (_corps net_). + +Ce qui suit est encore dans le même genre: + +LES AVENTURES DU COURTISAN GROTESQUE. + +Le courtisan sortit un jour d'un palais (_de boeuf_) habillé de vert +(_de gris_), parfumé (_comme un jambon_) d'odeur (_de sainteté_), et +enveloppé d'un manteau (_de cheminée_). Il rencontre une dame +(_d'échecs_) parée d'une belle robe (_d'avocat_), d'une fine fraise (_de +veau_) et d'une riche côte (_de melon_), bordée d'un filet (_de +vinaigre_). + +Ah! ma reine, s'écria-t-il, jetez les yeux sur mon coeur (_d'opéra_). +Voyez les mille morts (_de bride_) que vos dédains me font souffrir. Par +pitié, accordez-moi (_comme une guitare_) un don (_prieur_). Laissez-moi +jouir à vos pieds (_destal_) de mon ravissement (_de Proserpine_). Vous +balancez (_sur la corde_). Ah! belle dame, ne craignez pas que je change +jamais (_mon argent blanc_). Je suis à vous pour la vie (_de parents_), +j'en fais à l'amour le plus doux des voeux (_de chasteté_). + +La dame (_d'échecs_), flattée des transports (_de marchandises_) du +courtisan, ne put retenir quelques souris (_de mon grenier_), et +quelques coups d'oeil en dessous (_main_). Celui-ci, enhardi par cette +faveur (_de filoselle blanche_) appelle la dame sa lumière (_de canon_), +son âme (_de violon_), l'attire sur un banc (_de mariage_), et la +conjure d'apaiser la violence du feu (_son père_) qui le consume. La +bonne dame (_d'échecs_) se laisse émouvoir par ses larmes (_de sapin_), +et le suit dans un lieu (_privé_) où l'on voyait de longues allées +d'arbres (_généalogiques_), qui, enlaçant leurs branches +(_collatérales_), donnaient beaucoup d'ombre (_des Champs-Élysées_). Les +parterres étaient émaillés de fleurs (_de rhétorique_). On y respirait +un air doux (_de clavecin_), et l'on se reposait sous de riants berceaux +(_d'enfants_), impénétrables aux chaleurs (_de poitrine_) et rafraîchis +par plusieurs bassins (_de barbiers_). + +Ce lieu charmant aiguisait l'appétit le plus malade. Le courtisan y fit +dresser une table (_de la loi_) et servir un coq (_de clocher_), entre +deux entrées (_aux barrières_) suivi d'un friand dessert, où l'on +remarquait de belles poires (_d'angoisses_) et d'excellentes pêches (_de +marée_). La dame fit honneur à cette collation (_de bénéfice_). Pour le +courtisan, il mangea peu, babilla beaucoup, conta (_par livres, sous et +deniers_) toutes ses bonnes fortunes (_du pot_), reconduisit ensuite +chez elle sa nouvelle conquête (_de l'Amérique_), et se retira (_comme +un parchemin_). + +Le lendemain, il prend un peu d'encre (_de navire_), taille quelques +plumes (_d'oreiller_), fait des vers (_à soie_) les plus galants du +monde, et vite en charge un courrier (_de Rome_), qui met ses bottes +(_de foin_), monte sur le cheval (_de Troie_), galope, ou plutôt vole +(_une tabatière_) chez la dame (_d'échecs_) et rapporte aussitôt à +l'amoureux sa réponse (_en salade_). + +Il le trouve couché dans un lit (_de rivière_), suant, se débattant et +ravi en extaxe jusqu'au ciel (_du lit_). Un bel esprit (_du cimetière_) +cherchait en vain à le distraire de ses pensées (_odoriférantes_). Notre +amoureux n'écouta point (_et virgule_) ce qu'il disait. Il lut la lettre +(_dominicale_) que venait de lui remettre le courrier; et enchanté il +prend les plus beaux habits de son coffre (_fort_) et va tout droit +(_romain_) chez sa mie (_de pain mollet_). + +Cependant, un ancien amoureux de la belle se livre à la jalousie (_d'une +fenêtre_), et ne pouvant souffrir que la dame (_d'échecs_) soit possédée +(_du démon_) par un autre que lui, il envoie au courtisan un appel +(_comme d'abus_). Les deux rivaux se trouvent sur le champ (_des +rossignols_), viennent aux prises (_de rhubarbe_), se portent tour à +tour plusieurs coups (_de vin_), frappent de pointe (_des cheveux_), de +revers (_de médaille_), enfin, après un long combat (_des passions_), le +courtisan allonge à son rival une terrible botte (_molle_); il le +blesse; le fait porter chez un esculape pour le faire panser (_à ses +affaires_), revient triomphant sur un char (_de fumier_) et se jette aux +genoux de sa bonne dame (_d'échecs_) qui le reçoit à bras ouverts (_par +trois cautères_) et lui accorde sa main (_de papier_), après lui avoir +donné quelques jours (_de vigile et jeûne_) pour se remettre. + +Quand les noces furent faites, on mit l'épousée dans une couche (_de +citrouilles_) bien mollement garnie de plumes (_d'écritoire_), puis l'on +dansa autour (_d'un couvent grillé_) au son (_de la farine_) que +rendaient mille instruments (_de mathématiques_). + +Nos époux donnèrent de grandes fêtes (_mobiles_), se divertirent pendant +quelques mois avec leurs connaissances (_littéraires_), visitèrent +ensuite leur château (_en Espagne_), leurs terres (_australes_), leurs +champs (_de bataille_), et ayant tiré de leurs fermiers différentes +sommes (_de saint Thomas_), ils parurent à la cour (_tille_). Le mari +acheta un office (_des morts_), devint officier (_d'office_), et par ses +grands talents (_d'or_), fut bientôt général (_des capucins_); il fit +alors de fameux exploits (_de sergent_), de belles actions (_de grâces_) +dont il fut loué (_à dix sous par jour_) et eut la gloire de mourir dans +une grande journée (_d'été_), laissant toute la terre dans la douleur +(_de l'enfantement_). + +On lui fit cet épitaphe: + + Ci-gît un courtisan grotesque + Un fantôme godeluresque; + Fils du mensonge décevant: + Il vécut sans corps et sans âme. + Passant, regarde sous sa lame, + Tu n'y trouveras que du vent. + +COQUELICOT + +Le mot coq doit se prononcer coque et non pas co, excepté dans coq +d'Inde, qui se prononce codinde. Cependant, un provincial, tenant à +l'usage de sa province, enseignait la prononciation de cette manière à +son fils qui le consultait: + +Écris _coq, lis co_. + +CORBEAU + + Tout alla bien, quand Talma prit Racine + Et dans Corneille il était encor beau. + Mais Manlius prépara sa ruine; + Et dans La Fosse il trouva son tombeau. + +CORDE + +Tout va bien, disait un représentant sous Louis-Philippe; j'ai mérité la +croix et les ministres _l'accordent_. + +CORPS + +Un musicien, qui jouait des fanfares à la Moskowa, fut attaqué par un +Russe, qui lui passa son sabre dans le cor, sans lui faire aucun mal. + +COSSES + +Les faiseurs de calembours disent que la patrie des poids, c'est +l'Écosse. + +COTON + +Le Père Cotton, jésuite, était le confesseur de Henri IV; il avait, par +son dévouement, pris un certain ascendant sur ce monarque, ce qui donna +lieu à cette pointe des protestants: Henri est assez bon prince, c'est +dommage qu'il ait du _coton_ dans les oreilles. + +COU + +On s'étonnait de l'effronterie d'un filou en guenilles, portant une +magnifique cravate, qu'il venait de voler.--Quelqu'un dit: il l'a mise +pour cacher son _coup_. + +COUCHE + +Le marquis de Bièvre dînant chez le financier Beaujon, on servit un +melon auquel les convives reprochèrent ses pâles couleurs: «C'est qu'il +relève de couche,» dit le marquis. + +COUPS + +Ce mot a beaucoup de sens, qui sont ingénieusement passés en revue dans +cette chanson de Désaugiers: + + Tout homme ici bas a sa part + Des coups qui menacent la vie; + Le joueur craint ceux du hasard, + Le riche craint ceux de l'envie. + L'ennemi craint ceux du canon, + Le poltron craint les coups de canne; + Et l'homme à talents est, dit-on, + Sujet au coup de pied de l'âne. + + Un coup de tête, bien souvent, + Aux jeunes gens devient funeste. + Un coup de langue est du méchant + L'arme qu'à bon droit on déteste. + L'espérance du laboureur + Par un coup de vent est trompée. + Un coup de patte à son auteur + Par fois attire un coup d'épée. + + Tous fiers de leurs nouveaux succès, + Nos riches, étonnés de l'être, + Se vantent que leurs coups d'essais + Ont été de vrais coups de maître. + Un coup de théâtre mal fait + Indispose tout un parterre, + Et l'auteur, au coup de sifflet, + Est frappé d'un coup de tonnerre. + + Chers amis, comme en vous chantant + Coup sur coup trois couplets, je tremble + D'avoir perdu les coups de dents, + Buvons au moins un coup ensemble. + Si de ma chanson sur les coups + L'assommante longueur vous lasse, + Je consens, par pitié pour vous, + A vous donner le coup de grâce. + +COURBE + +À propos des fêtes que l'on fit à Lons-le-Saulnier pour l'inauguration +de la statue du général Lecourbe, la _Sentinelle du Jura_ a remis en +lumière un quatrain composé à l'époque où, avec 9,000 hommes, ce général +parvint à faire 35,000 prisonniers et à arrêter court au pied des Alpes +les armées russes qui s'avançaient à grands pas pour envahir le +territoire de la République. + + Par trop d'emportement sujet à se méprendre, + Suwarow vers Paris prenait son chemin droit, + Quand, battu près Glaris, chacun dans cet endroit + Lui dit: C'était _le courbe_, ami, qu'il fallait prendre. + +COURTE-POINTE + +On prétendit, en 1780, que le marquis de Bièvre étant entré un jour +d'été chez le roi, le prince lui dit: «Marquis de Bièvre, faites-nous +une pointe qui soit bonne et courte.» Le marquis répondit: «Sire, il +fait trop chaud pour se charger de courtes-pointes.» + +COUVERT DE BOIS + +Quand est-ce que le dos d'un bûcheron est propre à retourner la salade? + +--Quand il est _couvert de bois_. + +COUVERTS D'ÉTAIN + +M. F. disait l'autre jour à M. G. S.-H.: Quels sont les animaux qui +savent se procurer des fourchettes et des cuillers? + +--Ni vu ni connu. + +--Ce sont les lapins quand ils sont à jeun, parce qu'ils cherchent +partout jusqu'à ce qu'ils aient _découvert des thyms_. + +COUVERTURES + +On a donné ce conseil à un frileux: «Vous louez un appartement dans +lequel se trouve une pièce ayant deux fenêtres et trois portes; vous les +ouvrez toutes et vous avez cinq ouvertures.» + +CRACHAT + +Ce mot a de très-singulières applications. Elles sont employées dans un +quatrain publié à l'entrée de 1789, sous le titre de _prophétie de +Nostradamus_: + + En quatre-vingt-neuf, grand combat. + Les Gaulois s'armeront les uns contre les autres. + Le seigneur d'Orléans y perdra son crachat; + Mais il sera couvert des nôtres. + +CROIRE + +Un demi-savant disait, dans un salon:--Je ne crois que ce que je +comprends.--Comprenez-vous, lui objecta le père Lacordaire, comment le +feu fait fondre le beurre et durcir les oeufs?--Non, je ne le comprends +pas.--Cependant, vous croyez à l'omelette. + +CROISÉS + +Un jeune homme cherchait à établir qu'un de ses aïeux s'était croisé du +temps de saint Louis.--C'est vrai, dit un de ses amis; il s'est même +croisé deux fois. La première fois, il s'est croisé les bras; la seconde +fois il s'est croisé les jambes. + +Un farceur demandait à quoi auraient ressemblé Tancrède et Godefroid de +Bouillon s'ils eussent pris du tabac. On lui répondit:--à des croisés à +tabatières. + +CROIX + +On avait donné à deux enfants un biscuit. C'était au seizième siècle. + +--Jouons-le à croix ou pile, dit le premier. Il tira un doublon et le +jeta en disant:--Moi, je prends la croix.--Et moi, dit le second, je +prends le biscuit,--et il le mangea. + +CRUCHES + +Rien de plus singulier, disait M. de Maurepas, alors ministre, que la +manière dont se tient le conseil chez quelques nations nègres; +représentez-vous une salle d'assemblée où sont placées une douzaine de +grandes cruches remplies d'eau: c'est là que, nus, et d'un pas grave, se +rendent une douzaine de conseillers d'État. Arrivés dans cette chambre +chacun saute dans sa cruche, s'y enfonce jusqu'au cou, et c'est dans +cette posture qu'on délibère sur les affaires d'État. + +Mais quoi! vous ne riez pas, ajouta Maurepas en se tournant vers le +prince de Ligne, son voisin. + +--C'est, répondit-il, que j'ai vu quelquefois une chose plus plaisante +encore. + +--Et quoi donc, s'il vous plaît? + +--C'est un pays où les cruches seules tiennent conseil. + +Dans les farces qu'il faisait, F... n'était pas toujours heureux. Il se +présenta un jour plus que gris à la barrière, et dit au commis de +l'octroi:--Je passe du vin que vous ne me ferez pas payer. + +--Monsieur, répondit un des employés, le vin en cruche ne paye pas. + +CUBES + +M. Pouillet disait l'autre jour à M. Cauchy: Quel est le personnage grec +qui aimait le mieux la géométrie? + +--Je ne sais pas, répondit M. Cauchy, et pourtant je voudrais bien le +savoir. + +--Eh bien... c'est Priam! + +--Et pourquoi. + +--Parce qu'il était amoureux d'Hécube (_des cubes_). + +CUIR + +Comment feriez-vous des bottes avec une pomme? Je la ferais cuire. + +CYRUS + +On annonçait chez un libraire les voyages de Cyrus; tous les Russes qui +en entendaient parler achetaient ce livre, croyant que c'étaient les +voyages de six de leurs compatriotes. + + + +D + +DATTES + +Un Anglais, qui aimait beaucoup les dattes, grognait contre les épiciers +qui les lui vendaient souvent avariées. En passant sur le quai des +Augustins, il lut à la fenêtre d'un libraire l'étiquette d'un in-folio. +C'était le savant travail des Bénédictins intitulé: l'_Art de vérifier +les dates_.--Voilà mon affaire, dit-il. Il acheta le livre, l'emporta, +et grogna de nouveau en n'y trouvant que les dates historiques qui +l'occupaient moins que les dattes du dattier. + +DÉCRET + +Un savant prétend que les mots décret et décréter ont été inventés par +Minos roi et législateur de la Crète. + +DEDANS + +On disait d'un merveilleux, qui avait perdu ses dents et qui se pavanait +comme un autre, que quand il se présentait devant un miroir, il ne se +voyait jamais _de dents_. + +Un autre se plaignait d'avoir un mal de dents qu'il ne pouvait pas +mettre dehors. + +DÉGOÛTER + +Pourquoi se plaint-on des jours pluvieux?--Parce qu'on _sent des +gouttes_. + +DÉMOCRATE + +Épigramme.--Anagramme. 1799. + + Ces jours passés, un fougueux démocrate, + Que l'anagramme en tout temps transporta. + Du vilain mot aristocrate + Avec labeur _iscariote_ ôta. + Un gros monsieur, habillé d'écarlate, + Dit en courroux: Quel butor est-ce là? + J'ai trouvé bien mieux que cela; + On en conviendra, je m'en flatte; + Car sans tricher d'un iota, + Démocrate _me décrota_. + +DÉROBÉ + +Le financier La Noue montrait une magnifique maison qu'il venait de +faire bâtir, à un seigneur qui savait bien qu'en penser. Après lui avoir +fait parcourir plusieurs beaux appartements:--Admirez, lui dit-il cet +escalier dérobé.--Le visiteur repartit:--Il est comme le reste de la +maison. + +DÉSASTRE + +Dans les derniers jours du Directoire, on trouva un matin, sur la porte +du Luxembourg, un magnifique soleil fraîchement peint, et portant au +milieu de ses rayons ce seul mot: _la République_. Les Parisiens +comprirent le rébus, et tout le monde le lisait. (La République dans le +plus grand des astres.) + +DESCARTES + +Le marquis de Saint-Aulaire, qui, à la fin du XVIIe siècle, fit les +délices de la cour de la duchesse du Maine, fut prié un jour par cette +princesse de lui expliquer le système de Newton. La sachant zélée +cartésienne, le spirituel marquis éluda la question en improvisant ce +petit couplet sur l'air _des fraises_: + + Princesse, détachons-nous + De Newton, de Descartes; + Ces deux espèces de fous + N'ont jamais vu le dessous + Des cartes, + Des cartes, + Des cartes. + +DÉTESTABLE + +On s'est réjoui beaucoup en 1858 d'avoir une si grande suite de jours +d'été stables. + +DÉTRESSE + +Plaignez les coiffeurs parce qu'ils vivent souvent avec _des tresses_. + +DEUX + +L'abbé Morellet disait: «Il faut être deux pour manger une dinde +truffée; je ne fais jamais autrement. J'en ai une aujourd'hui, nous +serons deux,--la dinde et moi.» + +Madame Denys était fort laide. Comme elle était encore au lit avec son +mari, qu'elle avait épousé après la mort de Voltaire, on introduisit +dans sa chambre un paysan qui lui apportait de l'argent. + +À la vue de ces deux têtes il ne sut à qui s'adresser.--Messieurs, leur +dit-il, lequel de vous deux est madame?» + +DEVANT + +Le comte de Lauraguais, ruiné, n'avait plus que mille écus de rente, et +il donnait trois mille livres à son coureur.--J'ai trouvé le moyen, +disait-il, d'avoir toujours une année de mes revenus devant moi. + +On raconte autrement la même chose: + +Bien jeune, le vicomte de Choiseul s'était fait remarquer par une +réponse à Louis XV. Ce monarque lui reprochant un jour des prodigalités +qui le menaçaient d'une ruine certaine, il lui répondit: «Sire, on m'a +calomnié auprès de votre Majesté, car j'ai toujours une année de mon +revenu devant moi.» Le vicomte disait vrai, il ne lui restait plus que +douze mille livres de rente, et la riche livrée de son coureur coûtait +douze mille francs. + +DEVIN + +Le marquis de Bièvre disait que l'esprit-de-vin était nécessaire pour +deviner un calembour. + +DEVOIR + +Une ville assez pauvre fit une dépense considérable en fêtes et en +illuminations au passage de son prince. Il en parut lui-même +étonné.--Elle n'a fait, dit un courtisan flatteur, que ce qu'elle +devait.--Cela est vrai, répliqua un seigneur mieux intentionné, mais +elle doit tout ce qu'elle a fait. + +Un Florentin connu de Pogge avait besoin d'un cheval. Il en trouva un +qu'on voulut lui vendre vingt-cinq ducats.--Je vous en donnerais quinze +comptant, dit-il au maquignon, et je serai votre débiteur du reste. Le +maquignon y consentit. Quelques jours après il alla demander ses dix +ducats.--Il faut, dit l'acheteur, vous en tenir à nos conventions. Je +vous ai dit que je vous devrais le reste, et je ne vous le devrais plus +si je vous le payais. + +Un oncle gourmandant son neveu sur ses folles dépenses, lui dit: «Tu +fais des dettes partout, tu dois à Dieu et à diable.--Précisément, mon +oncle, reprit le neveu, vous venez de citer les deux seuls êtres +auxquels je ne doive rien.» + +DIFFÉRENCES + +Madame la duchesse du Maine demanda un jour à quelques gens de beaucoup +d'esprit qui s'assemblaient chez elle: «Quelle différence y a-t-il entre +moi et une pendule?» Ces messieurs se trouvaient fort embarrassés pour +la réponse, lorsque M. de Fontenelle entra. La même question lui fut +faite par la princesse. Il répondit sur-le-champ: «La pendule marque les +heures, et votre altesse les fait oublier.» + +Sous ce titre de différences, les bonnes gens ont une série d'énigmes, +où le calembour et le jeu de mots se présentent quelquefois: + +Quelle différence y a-t-il entre une femme et une serrure? + +--Celle-ci, qu'une serrure est pleine de vis et une femme pleine de +vertus. + +Quelle différence y a-t-il entre un juge et une échelle? + +--C'est qu'un juge fait lever la main et qu'une échelle fait lever le +pied. + +Quelle différence y a-t-il entre Alexandre le Grand et un tonnelier? + +--C'est qu'Alexandre mit les Perses en pièces et qu'un tonnelier met les +pièces en perce. + +Quelle différence y a-t-il entre Louis XIV et un cuisinier? + +--Celle-ci, que Louis XIV était un potentat et qu'un cuisinier est un +tâte en pot. + +Quelle différence y a-t-il entre Frédéric II et son meunier de +Sans-Souci? + +--C'est que Frédéric II connaissait la tactique et son meunier le +tictac. + +DIFFICULTÉS + +Avant le 31 mai 1794, T... demandait à B... s'il n'y avait aucuns moyens +de rapprochement entre la Montagne et les Girondins.--Aucun répond +celui-ci; ces gens-là ont des têtes trop difficiles.--Difficiles, +répliqua T... Eh bien! on tranchera les difficultés. + +DIGÉRER + +Montmaur, le célèbre parasite, disait d'un financier chez qui tout le +monde allait pour sa table et que l'on trouvait très-ennuyeux: «On le +mange, mais on ne digère pas.» + +DIMINUER + +Que dit la miche quand on la coupe?--Elle diminue. + +DINDON + +Rossini avait fait un pari; je ne sais quel était le sujet du pari; mais +l'enjeu était une dinde truffée. Son adversaire le perdit, et comme il +ne se pressait pas de s'exécuter, Rossini lui dit un jour: «Eh bien! mon +cher, à quand donc la dinde?» L'autre: «Les truffes ne sont pas encore +bonnes.--Allons donc, dit le maestro, ce sont les dindons qui font +courir ce bruit-là.» + +DÎNER + +Quand est-ce qu'un priseur prend le plus de tabac?--Quand il a dix nez. + +DONNER + +Montesquieu disputait sur un fait avec un conseiller du parlement de +Bordeaux, qui avait de l'esprit, mais la tête un peu chaude. Celui-ci, à +la suite de plusieurs raisonnements débités avec fougue, dit: M. le +président, si cela n'est pas comme je vous le dis, je vous donne ma +tête.--Je l'accepte, répondit froidement Montesquieu, les petits +présents entretiennent l'amitié. + +Le mot _donner_ a beaucoup d'expressions singulières. Un fossoyeur +disait un jour:--Ça va mal; le mort ne donne pas. + +Une vieille dame demandait à son voisin, dans un salon: + +--Combien me donnez-vous d'années? + +--Vous en avez assez, Madame, répondit le voisin, sans que je vous en +donne encore. + +DOS + +Quelle différence y avait-il, avant la révolution, entre la reine de +France et son chat:--C'est que le chat faisait le gros dos, et la reine +le Dauphin. + +DOUBLE SENS + +On a fait plusieurs fois des vers qui ont un double sens, lorsqu'on les +lit dans l'idée de l'auteur. Nous n'en citerons qu'un exemple. C'est le +serment civique _à double face_ de 1792. Si on lit ces vers à pleine +ligne ils ont un sens, qui est démenti lorsqu'on les relit à deux +colonnes: + + À la nouvelle loi je veux être fidèle + Je renonce dans l'âme. au régime ancien. + Comme article de foi je crois la loi nouvelle + Je crois celle qu'on blâme. opposée à tout bien. + Dieu vous donne la paix messieurs les démocrates, + Noblesse désolée, au diable allez-vous-en, + Qu'il confonde à jamais tous les aristocrates + Messieurs de l'assemblée ont seuls le vrai bon sens. + +DOUCEUR + +Un complimenteur disait au salon de M. Thiers:--Une heure passée ici est +une douce heure. + +DROIT + +Quelqu'un ayant demandé à un homme qui avait les jambes crochues, quel +chemin il avait pris pour venir de Londres.--Je suis venu tout droit, +lui répondit-il.--En ce cas, Monsieur, reprit l'autre, vous avez +furieusement changé dans la route. + +DROMADAIRE + +Il est mâle et femelle. Lorsque la République de 1848 sollicita les +assentiments de la province, les notables républicains de Valence +envoyèrent au gouvernement provisoire cette adresse laconique: _la Drôme +adhère_. + +DUCIS + +Deux bibliomanes jouant aux dominos, l'un demanda: «As-tu du +six?...--Ducis? répondit l'autre. Non, mais mon libraire me l'apportera +demain. + +Il se préoccupait de Ducis, le poëte. + + + +E + +Les lettres les moins sémillantes sont les lettres E B T. Un E est aussi +la lettre qui porte le mieux les lunettes. + +EAU FINE + +Quelle est la fontaine de Paris qui fournit l'eau la plus délicate? + +--C'est la fontaine Dauphine. + +ÉCHELLES + +Un nouvelliste disait, dans un café de Paris, qu'il y avait une arche du +Pont-Euxin de tombée.--Cela est si vrai, reprit un autre, que le Grand +Seigneur a ordonné qu'on prît les échelles du Levant pour la rétablir. + +ÉCHO + +Quelques jeunes gens s'entretenaient d'un écho qui avait fait plaisir +dans la musique d'une pièce nouvelle. A cette occasion, on se mit à +parler d'échos qui rendaient deux, trois, quatre et cinq syllabes. +Chacun citait, exagérait même, lorsqu'un Gascon qui n'avait encore rien +dit, s'écria:--Qué mé dites-vous là, mes amis? Vive celui de mon pays! +On lui dit:--Écho, comment te portes-tu? Il répondit:--Jé mé porté bien. +Voilà un écho, céla. + +DIALOGUE ENTRE UN REPRÉSENTANT ET L'ÉCHO. + + Si je te parle, Écho, de toi serai-je ouï? Oui. + Qu'a-t-on dit que j'étais dans l'emploi de Solon? Long. + Eh! comment voulait-on que fussent mes discours? Courts. + On m'assure pourtant que je fus éloquent. Quand? + Que dit-on du _quantum_ que l'on me fait toucher? Cher. + Penses-tu que je sois regretté du vulgaire? Guère. + Renaîtrai-je de l'urne ainsi que le phénix? Nix. + L'électeur, que dit-il? Je suis sur mon départ. Pars. + Je vais donc te quitter, ô nation française? Aise. + Voilà de mon mandat un bien triste examen! _Amen._ + +L'ÉCHO À UN MINISTRE DE LA DYNASTIE DE JUILLET. + + On dit que vous aimez la guerre; + --Guère! + Que vous raffolez du canon; + --Non! + Que, nuit et jour, et sans relâche, + --Lâche, + À l'Anglais vous montrez le poing: + --Point! + Que, ne voulant ni paix ni trêve, + --Rêve! + Vous n'aspirez que le combat. + --Bah!... + Pritchard, qui vous trouve admirable + --Hable, + Et qui vous proclame charmant, + --Ment, + Prétend que votre coeur escompte + --Honte + Jusqu'à l'honneur évanoui; + --Oui; + Que votre gloire est colossale + --Sale, + Et qu'on bénira votre nom. + --Non!! + + _Capitaine_ CLÉVELAND. + +LES ÉCHOS DE LA MONTAGNE (1848). + + Vous parlez ab hoc et ab hâc + --Bac. + Vous ferez bien souvent, Chauffour, + --Four. + Votre parole est, Laclodure, + --Dure; + La vôtre n'est pas, Madesclaire, + --Claire; + Que vos discours sont donc, Charras, + --Ras; + Votre débit n'est pas, Cambon, + --Bon: + Économisez notre argent, + --Gent; + Parlez donc et votez, Crémieux, + --Mieux. + Enfin, pour paraître moins gauche, + --_Gauche_, + Faites surtout tous vos discours, + --Courts. + +ÉCLAIRER + +Un ferblantier de Besançon, s'étant passionné pour Voltaire à la lecture +de ses ouvrages, désira ardemment de le voir; il arrive à Ferney et +demande à être présenté au maître du château; les gens le refusent +durement; il insistait, lorsque le patriarche des philosophes, qui avait +vu arriver celui-ci à pied, mal vêtu, enfin dans un équipage par trop +philosophique, ouvre sa fenêtre et lui demande brusquement:--Qui +êtes-vous? Que faites-vous? Le ferblantier répond fièrement:--Je fais +comme vous, j'éclaire le monde..., je fais des lanternes. + +Cette plaisanterie lui valut, dit-on, un accueil favorable. + +ÉCRIRE + +Un savant, connu par un nasillement extraordinaire, assistait à la +lecture d'un ouvrage historique.--Cet ouvrage est mal écrit, +s'écria-t-il, un style prétentieux, plein d'affectation! Il faut avant +tout écrire comme on parle.--C'est fort bien, dit un ami de l'auteur, +mais alors, vous qui parlez du nez, vous devez écrire de même. + +L'abbé Alary fut reçu parmi les Quarante, quoiqu'il n'eût publié aucun +ouvrage. Lorsqu'il alla faire ses visites, il laissa son billet chez un +académicien de qualité, qui était sorti et qui n'avait jamais entendu +parler de lui. En rentrant avec un de ses amis, l'académicien trouva le +billet, le lut, et dit, avec le ton de la surprise: + +--L'abbé Alary! je ne le connais pas; qu'a-t-il écrit?--Son nom, reprit +l'autre. + +EFFORT + +Voyant un homme qui avait le nez très-gros, Odry disait:--En faisant cet +homme-là la nature a fait _un nez fort_. + +ÉGALITÉ + +Il y a sur ce mot quelques couplets dans la chanson du communisme, qui +se chante sur l'air: _Ah! le bel oiseau, maman._ Nous ne copions pas le +refrain: + + Pour être vraiment égaux, + Tous devront naître de même, + Ni plus forts, ni moins nigauds + Que les rêveurs du système. + + L'esprit n'est plus bon à rien; + Nous l'abolissons d'avance! + Nous savons, on le voit bien, + Nous passer d'intelligence. + + À quoi servent, ici-bas, + Les peintres et les poëtes? + Raphaël fera des bas + Et Corneille des chaussettes. + +EMPLOI + +Un capitaine qui avait été barbier, partant pour aller au siége d'une +ville, on lui dit:--Si l'on rase cette ville, vous pourrez bien y avoir +de l'emploi. + +EMPORTER + +Voici un proverbe: + +«Ne nous emportons pas, nous ne nous en porterons que mieux.» + +EN + +Prête au calembour dans plusieurs circonstances. Un riche bourgeois +disait, dans une réunion:--On doit du respect et des honneurs aux _gens +en place_.--Je suis dans ce cas-là, dit un jeune homme qu'on ne +remarquait pas, et je me contenterai d'un peu d'aide. + +--Dans quel cas êtes-vous? + +--Dans le cas assez triste des _gens sans place_. + +On a fait ce quatrain sans rime sur les bonnets de juge: + + L'huissier s'en glorifie; + Le procureur s'en pare; + L'avocat s'en joue; + Tandis que le juge s'endort. + +ENCORNÉ + +Un farceur se vantait d'avoir mangé d'un veau qui n'était pas _encorné_. + +ENCRE + +Un voyageur revenant d'Angleterre s'excusait auprès de sa femme de ne +lui avoir pas écrit.--C'était mon intention, disait-il, mais je ne l'ai +pas pu, parce qu'en arrivant à Douvres on a jeté l'ancre. + +ÉNIGME + +CONTENANT QUELQUES CALEMBOURS + + Il faut qu'ici chacun devine + Qui je suis et quel est mon nom; + Sans moi, vous n'auriez pas Racine, + Sans moi, vous n'auriez pas Pradon. + C'est toujours par moi qu'on hérite; + Je renferme et sucre et poison; + Et je boirai cent ans de suite, + Sans jamais perdre la raison. + + Plus d'un critique impitoyable + M'emploie en son malin esprit; + Sans que je puisse être coupable, + On me déchire, on me noircit. + En France, en Russie, en Espagne, + J'ai des succès, j'ai des revers; + Si les uns perdent quand je gagne, + Les autres gagnent quand je perds. + + Quoiqu'assez gênant par ma forme, + Chacun m'emporte quand il sort: + Je suis mince; je suis énorme; + Je suis délicat; je suis fort. + Petit, je sers beaucoup aux dames. + Je suis Français, Grec, ou Romain; + Je fais des bateaux; j'ai des rames; + Et sans bras j'ai beaucoup de mains[1]. + +[Note 1: Le mot est le _papier_.] + +ENNEMIS + +Lorsque les Bourbons revinrent, ils firent ce calembour que Napoléon +avait des _N mis_ partout. On détruisit les N sur les monuments. Un +inspecteur, voyant un N sur la porte Saint-Denis, s'écria:--J'aperçois +là un N qu'il faut enlever.--Mais, lui dit-on, elle fait partie de +l'inscription _Ludovico Magno_: si vous l'ôtez, on lira _Ludovico mago_, +ce qui ne plaira peut-être pas à Louis XVIII. + +On remplaça les N par les L; et les plaisants dirent: Les chiffres +maintenant sont tous L. Mais quand vinrent les C de Charles X, on se +récria sur ce qu'on ne faisait plus que tous C. + +ENSEIGNES + +On remarquait, il y a quelque temps, rue des Petits-Champs, une pension +de jeunes filles et un charcutier dont les deux enseignes n'en faisaient +qu'une, si bien qu'on lisait sur la même ligne: Pension de jeunes +demoiselles. _À la Renommée des bonnes langues._ + +Une enseigne de marchand de ferrailles, au passage du Dragon portait: +_Au Juste pris_. Le tableau représentait un saint attaqué et pris par +d'affreux bandits. + +Le Chat qui _pèche_, est un chat qui fait la faute de ronger un fromage. + +Le Vert galant; ce n'est pas Henri IV, c'est un gobelet, un verre orné +de guirlandes de fleurs. + +Les Deux Amis sont deux A rangés sur la même ligne. + +Les Trois Forbans, qui vous annoncent la mer et des pirates, sont trois +escabeaux de bois solidement construits. Trois forts bancs. + +_Au Bon Coing_ est l'enseigne d'un marchand de vin, au coin d'une rue. + +On a remarqué dans Paris une enseigne ainsi conçue: T....., culottier de +la reine. + +On lisait sur une autre, en 1811; B....., chirurgien-accoucheur de la +grande armée. + +Et sur une autre, rue Dauphine: Grégoire, tailleur d'hommes. + +Dans la rue Chartière, près du Collége de France, on lisait sur la porte +d'une maîtresse d'école qui venait de déménager: Madame Prudent est +maintenant enceinte du Panthéon. + +Aux _Trois sans hommes_, à Arras, est un rébus au-dessous d'un tableau +où sont trois femmes seules. + +On disait, dans le même sens, que l'église de Saint-Denis, qui avait +cinq clochers, avait cinq clochers et quatre sans cloches. + +ENSEIGNER + +Un homme s'était piqué jusqu'au sang de la pointe d'une grosse alêne. +C'était un cordonnier.--Le voilà devenu professeur, dit un plaisant.--Et +comment cela? s'écria un témoin intrigué.--Mais, riposta le farceur, il +s'est piqué et il _en saigne_. + +ENTENDRE + +Dans une audience où l'on faisait beaucoup de bruit, le juge dit: + +--Huissier, imposez silence; il est étrange qu'on fasse tant de bruit. +Nous avons jugé je ne sais combien de causes sans les entendre. + +ENTERRER + +L'ancien usage de l'Académie était que le directeur fît les frais +d'enterrement de ceux de ses confrères qui décédaient sous son +directorat. Corneille mourut dans la nuit du jour où Racine devait +succéder au directeur Lavaux. Il y eut entre eux un combat de +générosité. Lavaux prétendait qu'étant encore directeur au moment où +Corneille avait expiré, il devait payer les frais d'inhumation; Racine +soutenait que cet honneur lui était dévolu, puisque l'inhumation n'avait +eu lieu que le jour qu'il avait été installé directeur. Lavaux +l'emporta; ce qui fit dire à Benserade:--Lavaux a enterré Corneille; +mais personne plus que Racine n'était fait pour l'enterrer. + +ENTRE DEUX + +Un bon maire de campagne se trouvait à table, à Paris, entre deux jeunes +étourdis qui cherchaient à le persifler.--Je vois bien, Messieurs, +dit-il, que vous voulez vous moquer de moi; je ne suis pourtant pas tout +à fait un sot ni un fat, je suis entre les deux. + +ENTRER + +Un vétéran de l'armée de Condé montrait un jour à Martainville un sonnet +commençant par ce prétendu vers: + + «Marie-Thérèse dont les vertus...» + +--Le début est heureux, dit Martainville; mais malheureusement +Marie-Thérèse ne peut pas entrer dans un vers.--Monsieur, répartit le +vétéran, je vous croyais bon royaliste, mais je me suis trompé. Vous +saurez, pour votre gouverne, que Marie-Thérèse peut entrer partout. + +Le comte de C., qui connaît beaucoup Vienne, racontait un fait qui +prouverait la bonhomie des soldats de police de la capitale de +l'Autriche. + +La consigne leur avait été donnée d'arrêter tous ceux qui, après une +certaine heure, feraient du tapage ou chanteraient trop bruyamment _en +rentrant chez eux_. Le comte revenait de l'Opéra; il fredonnait assez +haut un des airs qui lui avaient plu. Une patrouille le rencontre, lui +défend de chanter ainsi, et lui rappelle qu'il faut _rentrer_ chez soi +paisiblement et sans bruit.--C'est juste, dit le comte: mais je _ne +rentre pas_.--Oh! alors, c'est différent, dit le chef; et votre +excellence peut faire ce qu'elle voudra. + +Ce trait, que nous empruntons au _Journal des anecdotes_, qui ne paraît +plus, ne vous rappelle-t-il pas la naïveté de ce bon Suisse, à qui on +avait donné en garde une porte du palais de Versailles, avec défense de +laisser personne _entrer dedans_. Un grand seigneur, qui ne devait pas +être compris dans l'exclusion générale, et qu'on attendait, se présente. +Le Suisse barre le chemin.--Mais j'ai droit d'entrer.--Point, mon +sir.--Mais je suis le prince de Poix.--Quand vous seriez le roi des +haricots, vous point entrer dedans.--Mais qui vous parle de cela? dit le +gentilhomme intelligent. Je ne veux pas entrer, je veux sortir +dedans.--Sortir dedans? mon sir; ah! c'est autre chose. Allez. + +Et le grand seigneur sortit dedans. + +--Quand est-ce que les chiens entrent dans l'église?--Quand la porte est +ouverte. + +ENVIEUX + +Il y a des marchands en vieux qu'on n'évite pourtant pas et qui ne se +confessent pas du péché d'envie; ce sont les fripiers. + +ENVOYER + +Un paysan fin matois, qui avait reçu d'un avoué quelque bon conseil, +avait promis de lui envoyer un lièvre. L'homme de loi, ne voyant rien +venir, va chez le paysan, et lui demande quand il compte tenir sa +promesse.--Comment! monsieur, le lièvre n'est pas encore +arrivé?--Non.--C'est étonnant! je vous l'ai pourtant envoyé hier. Je +l'ai aperçu au bout de mon champ, et je lui ai crié: Va-t-en vite chez +mon avoué. + +ÉPICIERS + +En temps de moisson, on voit en campagne des masses d'épis sciés, dont +beaucoup sont en bottes. + +Nos pères avaient mis l'esprit pointu dans leurs enseignes. On voyait +encore, il y a quelques années, au boulevard du Temple, à Paris, +au-dessus d'un magasin d'épicerie, une enseigne qui représentait un +champ de blé où un homme sciait un épi; au-dessous on lisait: _À l'Épi +scié._ + +ÉPICTÈTE, ÉPICURE + +Louis XV demandait, dit-on, au marquis de Bièvre de quelle secte de +philosophes étaient les puces? Il répondit:--De celle des piqûres.--Et +les poux?--De celle des pique-têtes. + +ÉPIGRAMME + + Certain ministre avait la pierre, + On résolut de le tailler; + Chacun se permit de parler, + Et l'on égaya la matière. + --Mais comment, se demandait-on, + A-t-il pareille maladie? + --C'est que son coeur, dit Florimon, + Sera tombé dans sa vessie. + +ÉPOUVANTABLE + +On complimentait la femme d'un homme de lettres en disant qu'elle avait +un époux vanté. + +--Ce n'est que justice, répondit-elle; car il est époux vantable. + +ÉPOUVANTÉ + +Un jeune homme allait épouser une beauté. On lui dit:--Vous épousez une +femme charmante, dont vous serez bientôt époux vanté. + +ÉPOUX LAID + +Un mari, peu favorisé des dons de la nature, crut voir un calembour +insultant dans une parole de sa femme, qui disait qu'elle n'aimait pas +les poulets. + +ESPRIT + +--C'est agréable d'avoir de l'esprit, dit Alcide Tousez, on a toujours +quelques bêtises à dire. + +ESTROPIÉ + +Un homme était blessé à la main.--Vous êtes estropié, lui dit-on.--Non +pas, répondit-il, je suis estro-main. + +ÉTAIN + +Les Parisiens, en apprenant la mort de Pothier, ont fait cette +exclamation ingénieuse:--Voilà un potier d'éteint! + +ÉTAMAGE + +--Quelle est la place de Paris où les chaudronniers ne peuvent pas +étamer? + +--C'est la place Vendôme. On y lit en effet en grandes lettres: +_État-major de la place._ + +ÉTATS + +Louis XIV disait au duc de Vivonne:--Ne trouvez-vous pas surprenant que +M. de Schomberg, qui est né Allemand, se soit fait naturaliser +Hollandais, Anglais, Portugais et Français?--Sire, répondit le duc, +c'est tout simplement un homme qui essaie de tous les États pour vivre. + +ÉTÉ + +On boit tant de thé en hiver dans les soirées de Londres, qu'on a dit +que les Anglais faisaient de l'hiver la saison des thés. + +ÉTENDRE + +--Quel rapport y a-t-il entre un morceau de beurre frais, un avocat et +un paresseux? + +--C'est que le premier s'étend sur du pain, le second sur son sujet et +le troisième sur son lit. + +ÉTRILLE + +Un palefrenier se présentait comme choriste à l'Opéra, parce qu'on lui +avait dit qu'il était fort dans _les trilles_. + +EU + +On prétend que cette ville est celle où l'on fait le plus d'omelettes. + +On dit que son maire rougit toutes les fois qu'il est obligé d'exprimer +sa fonction. + +EUX + +Les cuisiniers font acte d'orgueil quand ils prétendent qu'on ne peut +pas faire d'omelettes sans _oeufs_. + +EXÉCUTIF + +Quand l'Assemblée constituante eut restreint, comme on sait, l'autorité +royale de Louis XVI, on fit cette épigramme: + + Entre savants, quelquefois on dispute. + D'où vient ce nom: _pouvoir exécutif_ + Que donne au roi le corps législatif? + Eh! le voici: trop faible pour la lutte, + C'est un pouvoir, hélas! qui s'exécute. + +EXERCICE + +Louis XIV raillait le duc de Vivonne sur son embonpoint excessif, en +présence du duc d'Aumont qui n'était pas moins gros, et lui reprochait +de ne point faire assez d'exercice.--Sire, répondit Vivonne, c'est une +médisance; il n'y a point de jour que je ne fasse au moins trois fois le +tour de mon cousin d'Aumont. + +EXPOSITION + +On a dit, à propos de l'exposition universelle de Londres, que ce qu'il +y avait de plus exposé au Palais de Cristal, c'étaient les poches des +visiteurs. + +EXPRESSIONS + +Fontenelle se trouvant à table avec deux jeunes poëtes avantageux, il +fut beaucoup question au dessert des différentes manières d'exprimer la +même chose en français. Nos deux étourdis lui demandèrent, sur le ton +badin, s'il était mieux de dire: Donnez-nous à boire, qu'apportez-nous à +boire. Fontenelle leur répondit en souriant:--Vous devez dire: +menez-nous boire. + + + +F + +Les lettres les plus embarrassantes sont les lettres F A C. + +FACÉTIES + +Un huissier qui voulait faire une chanson n'accoucha que du premier +vers, et il demandait si la rime était bonne. + +On voulait marier un épicier avec sa jeune tante.--Je ne le veux pas, +dit-il; car si j'épousais ma tante, je serais mon oncle. + +--Le pavé est bien fier, disait un bonhomme qui, par le verglas, s'était +laissé tomber.--Je ne le trouve pas fier du tout, dit un autre, car +voilà trois fois déjà qu'il me baise le derrière. + +On demandait à un homme un peu distrait:--Quel jour est-ce +demain?...--Ma foi, je ne vous dirais pas trop; tout ce que je sais, +c'est que c'est aujourd'hui samedi. + +Un homme riche, qui s'était marié trois fois, ayant perdu sa troisième +femme, répondit à quelqu'un qui lui proposait une fort aimable +demoiselle en quatrième noce:--J'accepte volontiers la demoiselle, même +sans dot, pourvu que vous fassiez stipuler dans le contrat qu'elle ne +mourra pas; car je suis las d'épouser des femmes qui meurent. + +On présenta à un maire de village, dans les premiers temps où l'état +civil fut confié à ces officiers ministériels, un enfant de trois ans, +qu'on avait négligé de faire inscrire sur le registre communal. Le maire +écrivit: «Aujourd'hui est né de légitime mariage un enfant âgé de trois +ans....» + +Une dame marchandant une chaise percée en offrait trop peu. Le bahutier, +pour l'engager davantage, la priait de considérer la bonté de la serrure +et de la clef.--Pour ce qui est de cela, dit la dame, je n'en fais pas +grand cas, car je n'ai pas peur qu'on me dérobe ce que j'ai dessein d'y +mettre. + +GYBLOTTE.--Si j'ai été obligé de quitter le poste, ce n'est pas ma +faute, je ne pouvais plus y revenir. + +LE PRÉSIDENT.--Pourquoi? + +GYBLOTTE.--J'étais cuit. (Rires.) J'étais rôti à point comme un jeune +dindonneau au sortir de la broche. (Rire général.) + +LE PRÉSIDENT.--Comment cela? + +GYBLOTTE.--Imaginez-vous que j'avais appris que l'on faisait des +portraits à la minute au daguerréotype. Comme j'éprouvais le désir de me +faire dessiner en garde national, je profitai de l'occasion de ma garde +pour me rendre chez l'artiste, je m'esquivai du poste. + +LE PRÉSIDENT.--Vous avez eu tort. + +GYBLOTTE.--J'en suis bien puni.--Monsieur, lui dis-je, faites-moi mon +portrait. + +--Voilà! Monsieur, me répond l'artiste. Mettez-vous le nez au soleil et +ne bougez pas. (Rire général.) Je me plaçai au vis-à-vis de cet astre, +et je le regardai en face... ce qui du reste ne laisse pas d'être fort +gênant. (Nouveaux rires.) Lorsque j'eus demeuré dix minutes dans cette +attitude, que je prendrai sur moi de nommer incommode, je sentis que ma +peau se gonflait par la chaleur... Je devenais croustillant. (Rire +général.) + +--Monsieur, dis-je à l'artiste, est-ce fini?--Pour l'amour de Dieu, ne +tournez pas la tête, me répondit-il; votre portrait sera ressemblant +comme deux gouttes d'eau. Des gouttes d'eau, il ne m'en manquait pas sur +le visage... Je demeure encore un quart d'heure au soleil; je +roussissais à vue d'oeil, je sentais mes sourcils qui grillaient comme +les plumes d'un poulet flambé.--Monsieur, dis-je alors au peintre par le +daguerréotype, je renonce à votre procédé; je ne veux pas être peint +dans l'attitude d'un rôti. (Hilarité générale.) Veuillez me rendre mon +chapeau.--Monsieur, dit cet homme, si vous vouliez rester encore une +petite minute, vous seriez frappant...--Frappant! m'écriai-je, +c'est-à-dire que je serais à l'étuvée: je sors d'en prendre. Et, en +disant cela, je me traînai à mon domicile, où je me couchai. + +LE PRÉSIDENT.--Pourquoi ne pas revenir au poste? + +GYBLOTTE.--Parce que je serais tombé en ruine. Je parie que l'on +m'aurait enlevé un bras ou une jambe rien qu'en me posant la fourchette +dans le dos. + +Le président condamne le délinquant à une garde hors de tour, et lui +recommande de se méfier à l'avenir des portraits à la minute. + +GYBLOTTE.--Quand j'y retournerai, il fera ch... non, il fera froid. +(Rire général.) + +--Un diseur d'anecdotes raconte les facéties suivantes: + +«J'ai lu autrefois, dans les Mémoires de M. le maréchal de ***, qu'il +examinait toujours le soir ce qu'il avait dépensé le jour; et comme il +avait donné cent écus au maître d'hôtel qui le servait, pour faire la +plus grande chère qu'il pourrait à sept ou huit personnes de l'un et de +l'autre sexe, et de qualité, ce maître d'hôtel lui porta ses comptes, +lorsqu'il était près de se coucher. Dans son mémoire, il ne trouva que +quatre-vingt-dix écus pour la dépense du repas, et M. le maréchal lui +dit après l'avoir lu: «Faites que le compte soit juste, si vous voulez +que je l'arrête.» Le maître d'hôtel descendit au même instant, rapporta +le compte après avoir ajouté au bas: «_Item_, dix écus pour faire les +cent écus.» + +Le savant Bouilleau, que son père, procureur, envoyait étudier à Paris, +fit un mémoire pour rendre compte des dépenses qui avaient employé +l'argent qu'il avait reçu. Il exagéra par plus de soixante _item_ +jusqu'aux moindres minuties, et, comme il n'y trouvait pas encore son +compte, il mit au bas d'un article: _Item, mon père, il faut vivre_.» + +--«Je suis si malheureux, disait Saint-Péraire, que si je me faisais +chapelier, personne n'aurait plus de tête.» + +--«Au 15 septembre 1848, _je paierais_ à M. Coquardeau la somme de trois +cents francs.» + +--Après? + +--Eh bien! payez-moi, c'est aujourd'hui le 15. + +--Impossible, je n'ai pas d'argent. + +--Que m'importe! vous m'avez souscrit un billet. + +--C'est vrai; mais il y a un _s_ à _je paierais_. + +--Après, Monsieur? + +--Après?... vous n'êtes pas fort: l'_s_ indique le conditionnel, par +conséquent, je ne vous paie pas, puisque c'était à condition... que +j'aurais de l'argent. + +--Quelqu'un, à Paris, pour se moquer d'un provincial, cherchait à lui +faire des questions singulières. Il lui demanda, un jour, en compagnie: +«Qu'est-ce qu'une obole, une faribole et une parabole?» Le provincial, +sans se déconcerter, lui répondit: «Une parabole est ce que vous +n'entendez pas; une faribole, ce que vous dites; une obole, ce que vous +valez.» + +LE PÈRE COUPE-TOUJOURS. + +LE JUGE, au marchand de galette.--Vous avez fait assigner le sieur +Bazoteau. Qu'avez-vous à dire? + +LE MARCHAND DE GALETTE.--J'ai à dire de lui que c'est indigne. Voilà ce +que j'ai à dire. + +LE JUGE.--Mais, encore, expliquez-vous. + +LE MARCHAND DE GALETTE.--Ah! mon Dieu! c'est tout expliqué; monsieur est +cause que j'ai perdu toutes mes pratiques... Voilà tout... Il me semble +que c'est bien assez, cristi! + +BAZOTEAU.--Allons donc! vous voulez rire. + +LE MARCHAND.--Du tout, du tout... Moi, un des principaux marchands de +galette du boulevard... vous m'avez mis dans le pétrin. (Rire général.) + +LE JUGE.--Comment cela? + +LE MARCHAND.--Monsieur est fabricant de lunettes... J'avais perdu les +miennes, il m'en fournit... Et v'lan! comme par enchantement, voilà +toutes mes pratiques qui filent chez le marchand d'à côté. + +LE JUGE.--Mais, enfin, pourquoi? + +LE MARCHAND.--Pourquoi! Parce que depuis ce moment je suis là à me +croiser les bras et les jambes comme un commissionnaire; je chauffe mon +four, je mets la main à la pâte, j'aiguise mes couteaux, et moi, _père +Coupe-Toujours_, je ne coupe plus rien du tout. Voilà pourquoi. (Longue +hilarité.) Du reste, en voici la raison. + +LE JUGE.--Ah! c'est bien heureux. + +LE MARCHAND.--Monsieur, que voilà, au lieu de me fournir du petit zéro, +qui est mon numéro, m'a mis des verres grossissants, oh! mais +grossissant au point que je trouvais les plus petits morceaux toujours +trop gros, et que je finissais par ne plus rien donner du tout de pâte +ferme pour deux sous... (Rire général.) + +BAZOTEAU.--Ah! c'est pour ça? + +LE MARCHAND.--Vous pensez bien que ce n'est pas le moyen de faire son +beurre; aussi je suis bientôt resté sur le flanc. (Rire.) On ne +m'appelait plus que le _père Coupe-Trop-Court_. (Rire général.) + +BAZOTEAU.--Ça ne me regarde pas, c'est votre femme qui m'a demandé les +verres que j'ai mis. Elle trouvait que vous serviez trop largement la +pratique. + +LE MARCHAND.--Elle est bien avancée, à présent que je ne la sers plus du +tout. (Nouveaux rires.) + +Pour comble de malheur, Bazoteau est renvoyé de la plainte, et le +marchand de galette est condamné aux dépens. + +LE PÈRE COUPE-TOUJOURS À SA FEMME.--Chaud! chaud! là, j'espère que vous +m'en faites avaler... des brioches... Pour une marchande de galette, +madame mon épouse, vous êtes une fameuse galette. (Longue et vive +hilarité.) + +--En creusant des fondations à Écouis (Eure), on a trouvé un squelette +et deux crânes dans un même tombeau. Les archéologues ont prétendu que +le squelette était celui de Pierre III de Roucherolles, seigneur +d'Écouis; mais comment expliquer les deux crânes? Le sieur P. a +découvert une solution; il a mis les deux crânes sur un rayon de sa +bibliothèque, et il explique gravement aux curieux «que le petit crâne +appartenait à Pierre de Roucherolles encore enfant, tandis que le plus +gros était sa tête lorsqu'il fut devenu homme!» + +--Un fermier écossais, qui ne savait ni lire ni écrire, et qui avait +quelques épargnes, voulut faire donner de l'instruction à son fils, et +l'envoya dans un pensionnat d'Édimbourg. Après y avoir passé deux +années, le jeune homme revint chez ses parents, et rentra dans la ferme +au moment où son père et sa mère se mettaient à table devant un plat de +viande et un plat de légumes. + +Après les embrassements d'usage, le fermier dit à son fils, tandis que +la mère préparait un troisième couvert:--Eh bien! garçon, as-tu bien +employé ton temps?--Es-tu devenu savant là-bas?--Oh! que oui, père, +répondit l'écolier avec suffisance.--Sais-tu compter, surtout, +garçon?--J'étais le plus fort en arithmétique, répondit encore le jeune +drôle, et je puis vous donner la preuve que je sais faire des comptes +que ne feriez pas vous-même.--Je ne dis pas non... Mais voyons la preuve +de ton savoir.--Voilà: Combien croyez-vous avoir de plats sur votre +table?--Deux, répondit le père: un plat de mouton, un autre de pommes de +terre.--Eh bien! vous vous trompez... Il y a trois plats sur votre +table.--Pardi je serais aise d'entendre ton raisonnement à l'appui de ce +compte-là.--Rien de plus facile; nous disons: plat de mouton, ça nous +fait un; plat de pommes de terre, ça nous fait deux; j'additionne, et je +dis: un et deux font trois.--C'est juste, dit le fermier. Pour lors, je +vais manger un plat, ta mère mangera le second, et toi tu mangeras le +troisième en récompense de ton savoir. + +--On lisait dans un journal de 1848: + +«En entendant les crieurs hurler sur le boulevard: _Le Journal_, par +Alphonse Karr et son supplément, on se demandait naturellement si ce +supplément était l'associé de M. Alphonse Karr, ou tout simplement une +double feuille de papier. Cette tournure de phrase nous rappelle +l'embarras de ce brave homme, propriétaire d'un bain sur la Seine, qui +passa toute sa vie à rédiger l'enseigne de son établissement et n'y put +jamais parvenir. Il avait d'abord trouvé _Bains à quatre sols pour les +femmes à fond de bois_. Mais il vit qu'on riait: il changea en _Bains à +fond de bois pour les femmes à quatre sous_. On rit encore plus, et sa +clientèle, se trouvant insultée, l'abandonna; il mourut de désespoir de +n'avoir pas pu rédiger son enseigne convenablement.» + +--J'ai lu autrefois, dans une publication périodique, intitulée avec un +peu de vanité _Recueil encyclopédique belge_, une page singulière, +intitulée _Pensées sur l'homme_. Il m'a semblé tout d'un coup que ces +pensées avaient été écrites par un homme marin. Vous allez juger comme +c'est liquide: + +Première pensée: «Vois le _ruisseau_; il fuit...; enfin il va se perdre +dans la _mer_.» N'est-il pas vrai que c'est là un début très-mouillé? + +Deuxième pensée: «Un _océan_ d'amertume environne l'esprit de l'homme, +comme l'immensité des _eaux_ enveloppe la terre.» C'est encore de +l'humidité. + +Quatrième pensée: «L'oubli passe l'_éponge_ sur le nom de l'égoïste.» On +voit que l'auteur est un homme qui se débarbouille. + +Cinquième pensée: «Le présomptueux s'embarrasse dans ses paroles, comme +le _poisson_ dans les filets; ils se prennent l'un et l'autre à +l'_hameçon_.» Le penseur, à coup sûr, vit dans l'eau. + +Dans la sixième pensée, il compare l'espérance aux feux follets qui +naissent dans les marécages; et il n'y a que huit pensées. + +Quand je vous disais que l'auteur est un homme marin! Il a signé; et il +s'appelle _De la Flotte_. + + Non loin du camp, la nuit, après certaine attaque, + Un soldat se mit à crier: + --Amis, j'ai fait un prisonnier, + Et je le tiens; c'est un Cosaque + Qui de son régiment vient de se détacher. + --Amène-le vers nous.--Mais il fait résistance. + --En ce cas, viens sans lui.--C'est bien à quoi je pense, + Mais il ne veut pas me lâcher. + + E. ARNAL. + +Aux élections de 1848, deux candidats étaient en présence à Pithiviers: +MM. Lejeune et Deloines. + +Deux auberges se disputaient les électeurs partagés entre ces deux +candidatures. + +Sur la porte de l'une d'elles on avait écrit ces vers: + + Votez tous pour monsieur Deloines. + Vous serez gras comme des moines. + +Et sur l'autre: + + Ceux qui voteront pour Lejeune. + Ne connaîtront jamais le jeûne. + +--Boulvot, originaire d'Éclavolle (Marne), ayant pour le quart d'heure +son domicile à Romilly-sur-Seine, est arrêté par la gendarmerie de +Saint-Aubin en flagrant délit de mendicité. Conduit devant M. le +procureur du roi de Nogent-sur-Seine. Boulvot prétend que, loin de +l'inquiéter, on devrait lui décerner une médaille.--Depuis plus de dix +ans, dit-il, je ne suis occupé qu'à poursuivre l'extinction de la +mendicité.--Comment, en mendiant?...--Eh! sans doute, mon procureur: on +m'arrête; n'est-ce pas un mendiant de moins?... + +--Un riche bourgeois marchandait dernièrement, avec son fils, une carte +de France dans la boutique d'un libraire. Le fils, voulant s'assurer de +l'exactitude de cette carte, y cherchait Moscou, et témoignait à son +père son étonnement de ne pas l'y trouver. «Comment, lui répondit +celui-ci, peux-tu chercher cette ville sur la carte! Tu devrais bien +savoir qu'elle a été brûlée.» + +--Le duc de Pembroke nourrissait un nombre considérable de porcs à la +terre de Wilthsire. Traversant sa basse-cour, il fut surpris de les voir +rassemblés autour d'une auge et faisant un bruit affreux. La curiosité +le porte à examiner quelle peut en être la cause; il s'approche et +aperçoit dans l'auge une cuiller d'argent. Dans ce moment arrive la +cuisinière, fort étonnée de tout ce bruit: «Sotte que vous êtes, lui dit +Sa Seigneurie, ils ont raison de grogner, les pauvres animaux! vous ne +leur avez donné qu'une cuiller pour eux tous.» + + Indécis autant qu'incertain, + Entre vos attraits et vos charmes, + Du sort je brave le destin + Et mêle mes pleurs à mes larmes. + Mon coeur ne saurait être heureux + Dans le veuvage de mon âme, + Et je ne connais que mes feux + Qui puissent égaler ma flamme. + +Dans un des arrondissements du Havre, un candidat ministériel venait +d'être repoussé avec perte du collége électoral. Son perruquier, appelé +pour lui faire la barbe, s'arrête tout à coup, l'examine avec attention, +et lui déclare qu'il ne veut plus dorénavant le raser au même prix, +attendu qu'il lui trouve la figure beaucoup plus longue que par le +passé. Ce fonctionnaire allait se fâcher, lorsqu'il sentit qu'il valait +mieux prendre du bon côté la plaisanterie du facétieux barbier: «Vous +pouvez, lui répondit-il, me raser à bon marché, car on vient de me faire +la queue pour rien.» + + Un jour qu'il était nuit, + Tout debout éveillé, je dormais dans mon lit, + Quand la foudre en silence + Par un éclair obscur m'annonça sa présence. + Nul ne bouge, tout fuit; + Le marbre épouvanté reste froid comme glace; + Le muet ne dit mot, le sourd n'entend plus rien; + Soudain la terre tourne, on n'en sent pas la trace; + Le cerf devient craintif, et devançant le chien + Il s'élance et bondit; quoiqu'il change de place, + Bientôt il est le prix de celui qui le chasse. + Mais ce muet fracas + Me fit voir, en dormant, que je ne dormais pas. + +Un Parisien qui se trouvait avec sa femme dans le convoi du chemin de +fer, lors de l'épouvantable catastrophe du 8 mai 1842, se sauva par +miracle; sa femme y resta et périt. Notre homme revint chez lui, mais il +s'aperçut en rentrant qu'il avait perdu son parapluie; il alla +sur-le-champ le réclamer à la préfecture de police.--On ne l'avait point +retrouvé.--Quand il raconte cette histoire, il ne manque jamais de dire: +«J'y ai perdu ma femme et mon parapluie; un parapluie tout neuf.» + +--Un directeur de spectacle de province écrivait à son correspondant à +Paris: «J'ai reçu par le bateau à vapeur la neige et la gelée que vous +avez chargées pour moi. Elles sont très-fraîches; mais il manquait une +aile à Zéphire, et le tonnerre ayant crevé en route, j'ai été forcé de +le faire ressouder: les éclairs, les deux fleuves et la mer qu'on avait +mis dans le panier de derrière la diligence, ont souffert de la chaleur. +Notre père noble ayant fait un trou à la lune, je n'ai pu m'en servir. +Envoyez-moi un torrent, car le mien a été brûlé: joignez, je vous prie, +à l'envoi que vous me ferez, mon manteau et une forteresse. Je ne +pourrai pas ouvrir avant huit jours, car mon petit amour a la +coqueluche, mon jeune premier a la goutte, et ma duègne vient d'être +vaccinée.» + +FAÇON + +Je vais vous dire ma façon de penser.--Dites-moi simplement votre +pensée; je ne tiens pas à la façon. + +FAGOTS + +Des économistes du dernier siècle vantaient dans une société la moderne +philosophie. + +--Quel bien a-t-elle donc fait?... demanda une dame. + +--Les philosophes, Madame, répondit d'Alembert, ont abattu la forêt des +préjugés. + +--Je ne suis plus surprise, répliqua cette dame en riant, que vous nous +débitiez tant de fagots. + +FAIM + +Quelle est l'occupation qui commence par la fin?--Un repas. + +Au commencement d'un grand festin, où tout le monde dévorait sans rien +dire, un convive s'écria:--Que signifie ce silence?--Il annonce la faim +du monde, répondit un autre. + +FAIRE + +Un musicien assez mal vêtu disait en parlant de sa voix, dont quelqu'un +faisait l'éloge:--Il est vrai que j'en fais ce que je veux.--Ma foi, +Monsieur, lui dit un plaisant, vous devriez bien vous en faire une +culotte. + +Un médecin anglais, se promenant un jour dans un jardin de M. Hamilton à +Cobham, lui exprima son étonnement de la crue prodigieuse de ses +arbres.--«Monsieur le docteur, reprit Hamilton, songez donc qu'ils n'ont +pas autre chose à faire.» + +Le Mariage du Poussin est le moins bon tableau des sept sacrements de ce +peintre: Tant, il est vrai, disait l'abbé Desaleurs, qu'il est difficile +de faire un bon mariage, même en peinture. + +Un observateur froid demandait, à propos de la révolution de 1789: +Qu'a-t-elle donc fait? Un autre lui répondit: Elle a beaucoup défait. + +Un Gascon sur une rosse tremblante rencontra, près le Pont-Neuf, un +seigneur qui montait un cheval magnifique:--Cadédis, lui dit-il, jé gage +dix louis qué jé fais faire à mon bidet cé qué lé votre né féra +pas.--Oui, je gage, dit le seigneur, en regardant d'un air de mépris le +rossinante. Aussitôt le Gascon prend son cheval dans ses bras, et le +jette dans la Seine; le gentilhomme fort étonné paya la gageure. + +Un garçon boucher écrivait à son père: «Je profite avec empressement de +l'occasion de la poste pour vous apprendre que j'ai un état. Dans un +mois il y aura six semaines que je suis garçon boucher. Mon maître est +très-content de moi; il m'a déjà fait tuer deux ou trois fois, et il me +fera écorcher à Pâques.» + +Pétition de Sans-Culottes du faubourg Saint-Antoine à l'Assemblée +nationale: + + Ah! que nous serions satisfaits, + Si, toujours patriotes, + Au lieu de faire des décrets, + Vous faisiez des culottes. + +(_Suivent les signatures._) + +Un acteur des boulevards voyant, au Musée de l'artillerie, l'armure du +roi François Ier, demanda à l'employé sous quel règne ce conquérant +faisait ses exploits. + +--Il faisait sous lui, répondit l'employé. + +Le maréchal de... menait des dames à l'Opéra; mais toutes les loges +avaient été retenues. Comme il en vit une remplie par un domestique qui +la gardait pour un bourgeois, il obligea le domestique de sortir et fit +entrer sa compagnie dans la loge. Le bourgeois arriva peu de temps après +avec des dames, et fut piqué, comme on le pense bien, de cette violence. +Force lui fut néanmoins de céder pour le moment; mais le lendemain, il +fit assigner son rival devant le tribunal des maréchaux de France, et +plaidant lui-même sa cause, dit: «Qu'il était bien malheureux d'être +obligé de se plaindre de l'un d'entre eux, qui de sa vie n'avait pris +que sa loge;» et demanda justice. Le président lui répondit: «Vous venez +de vous la _faire_.» + +A une partie de thé chez mistress Thrale, au moment où la compagnie +était engagée dans une conversation très-animée, la belle hôtesse, qui +avait été faire son thé à l'office, oublia de mettre dans la théière la +chose principale, c'est-à-dire du thé. Le docteur Johnson en fit +l'observation le premier, et lui dit:--Mistress Thrale, il est possible +que dans votre imagination vous croyez avoir été faire du thé, mais +l'opinion de vos amis est que vous avez été faire de l'eau. + +FAIRE VOIR + +Un maquignon, vendant un cheval, dit à l'acheteur:--Monsieur, faites-le +voir; je le garantis sans défaut. + +Ce cheval se trouvant aveugle, l'acheteur voulut obliger le maquignon à +le reprendre. Mais celui-ci soutint qu'il ne pouvait pas l'y +contraindre, puisqu'il l'avait averti de son infirmité, en +disant:--Faites-le voir; je le garantis sans défaut. + +FAIRE PARLER DE SOI + +Un membre de l'Académie de Soissons en racontait un jour toutes les +prérogatives; il finit par dire qu'elle était la fille aînée de +l'Académie française. Voltaire, qui l'écoutait, lui dit:--Assurément, +c'est une bonne fille; car elle n'a jamais fait parler d'elle. + +FAIT AU MOULE + +C'est une scène du conseil de discipline de la ci-devant garde +nationale. + +LE PRÉSIDENT.--Voici un rapport qui annonce que vous avez manqué pour la +troisième fois votre faction. Très-exact du reste, vous passez +régulièrement une partie de la journée au poste; mais quand vient +l'heure du dîner, vous disparaissez pour ne plus revenir. Avant-hier +encore, cela vous est arrivé. Vous passez donc tout votre temps à table? + +JUPIN.--C'est vrai, mais en voici la raison. Avant-hier je suis allé +dîner avec un ami, nous avons mangé des moules, et ça nous a fait enfler +(rire). Dame! que voulez-vous, je ne suis pas fait _aux moules_ (longue +hilarité). + +LE PRÉSIDENT.--Et l'avant-dernière fois, faut-il encore accuser les +moules? Non, je crois qu'il faut accuser le vin de Champagne. Il paraît +que vous l'aimez beaucoup, et en voici la preuve. C'est une lettre de +vous adressée à votre commandant, que je vais soumettre à l'approbation +du conseil. On verra qu'une lettre semblable n'est pas faite de +sang-froid. Le sans-gêne de cette dépêche explique l'excuse maladroite +d'un convive plus que joyeux qui déserte plutôt le poste que la salle du +festin. (Ici M. le président fait passer sous les yeux du conseil la +lettre adressée par le sieur Jupin. Nous transcrivons cette lettre qui, +probablement à défaut d'autre papier, se trouve tracée sur un feuillet +détaché de la carte du restaurant): + + «Mon cher camarade et commandant du + _Fricandeau à l'oseille._ + poste. Je suis retenu à dîner par un brave + _Dindon aux truffes._ + de mes amis, et je vous prie de ne pas compter sur une + _Mauviette_. + faction que je dois, d'après l'ordre, monter ce soir au + _Vol-au-vent._ + drapeau. Du reste je vous dirai que je me + _Riz de veau sauce tomate._ + corrigerai. Et buvant du Champagne à votre santé, + je suis, mon cher, + _Turbot._ + votre fidèle camarade qui dépose à vos + _Pieds de veau._ + genoux sa position de récalcitrant, tout en vous priant + de compter sur une + _Morue hollandaise._ + amélioration dans le service que je dois à la + _Limande._ + patrie. + + Signé: JUPIN.» + _Merlan au gratin._ + +Jupin est condamné à une garde hors de tour. + +FARDEAU + +Mme de Pompadour avait un pied-à-terre près de Ménars-le-Château, où +l'architecte Hupeau lui rendit visite un jour. Il était triste; il +venait de terminer le pont d'Orléans, et mille bruits défavorables +couraient sur la solidité de son oeuvre. Pour fermer la bouche aux +médisances, il osa proposer à la favorite de traverser son pont dans son +carrosse à six chevaux. Mme de Pompadour accepta, et, l'épreuve ayant +réussi, on dut se taire; mais les bavards, ne pouvant plus parler, +rimèrent l'épigramme que voici: + + Censeurs de notre pont, vous dont l'impertinence + Va jusqu'à la témérité, + Hupeau, par un seul fait, vous réduit au silence. + Bien solide est son pont; ce jour il a porté + Le plus lourd fardeau de la France. + +Mme de Pompadour lut l'épigramme; et, afin de ne plus repasser sur ce +pont, elle fit changer la direction de la route. + +FATALITÉ + +On attribue à Boileau ce faible calembour. On lui disait qu'un homme +dont il méprisait la fatuité était tombé malade.--Quelle fat alité! se +serait écrié l'auteur de la satire contre l'équivoque.--Mais nous ne le +croyons pas. + +FAUTES CONTRE LA LANGUE + +Un incendie dévora, en 1763, la salle de l'Opéra. Quelques heures après +l'événement, une grande dame, rencontrant Sophie Arnould, lui dit d'un +air effrayé: «Mademoiselle, racontez-moi ce qui s'est passé à _cette_ +terrible incendie.--Madame, lui répondit l'actrice, tout ce que je puis +vous dire, c'est qu'incendie est du masculin.» + +FAUTES D'IMPRESSION + +On lisait un matin, dans le _Journal du Havre_, à l'article +_Angleterre_: + +«A un repas diplomatique donné par lord Aberdeen, on distinguait entre +autres mets, sur la table de l'illustre amphitryon, plusieurs plats de +_seringues_ à la crème.» + +La lecture de cet article nous laisse vraiment dans une affligeante +incertitude. + +Est-ce une excentricité gastronomique, ou bien une distraction +typographique? + +Dans tous les cas, le mal est maintenant sans _remède_. + +Dans un livre où on louait les vertus d'une femme, l'auteur disait +qu'elle occupait activement ses moments de loisir à tricoter. Le +typographe mit une _f_ à la place du premier _t_. Et comme à la nouvelle +édition on voulut corriger la faute, cette fois on écrivit tripoter. + + Si vous lisez dans l'épitaphe + De Fabrice qu'il fut toujours homme de bien, + C'est une faute d'orthographe; + Passant, lisez homme de rien. + Si vous lisez qu'il aima la justice, + Qu'à tout le monde il l'a rendit, + C'est une faute encor, je connaissais Fabrice: + Passants, lisez qu'il l'a vendit. + + LEBRUN. + +FAUX + +Rameau, rendant visite à une belle dame, se lève tout à coup de sa +chaise, prend un petit chien qu'elle avait sur ses genoux et le jette +par la fenêtre. La dame épouvantée s'écrie:--Eh! que faites-vous, +Monsieur!--Il aboie faux, répondit Rameau avec l'indignation d'un grand +musicien dont l'oreille avait été déchirée. + +FAUX PAS + +Le marquis de Bièvre disait d'une dame boiteuse: «Voilà une femme qui a +fait bien des faux pas.» + +FÉDÉRATION + +Le jour de la première fédération, 14 juillet 1790, il faisait +très-chaud au Champ de Mars.--Ah! disait une dame, si une bonne fée +pouvait nous envoyer des rafraîchissements.--Adressez-vous, lui dit +quelqu'un, à la fée des rations. + +FENÊTRE + +Danières disait qu'une croisée s'appelle une fenêtre, parce que c'est +elle qui dans une chambre le jour _fait naître_... + +FERRAILLEUR + +Lorsqu'on expulsa les étalages de vieilles ferrailles du quai de la +Mégisserie, à Paris, on afficha ce distique: + + Allez donc tous, vieux ferrailleurs, + Vendre votre vieux fer ailleurs. + +FÊTE + +Une dame disait qu'il n'y a pas de fêtes sans lendemain.--Pardon, lui +dit quelqu'un, le faîte des grandeurs peut en avoir, mais le faîte d'une +maison n'en a pas. + +FEUILLETÉ + +En quoi les bons livres ressemblent-ils à la galette?--En ce qu'ils sont +feuilletés. + +FIÈVRE + +Dans une chanson de madame Constance Pipelet, il y a un couplet qui +exprime élégamment les divers emplois du mot _fièvre_. + + Ah! qu'il est beau pour un grand coeur + D'avoir la fièvre de la gloire! + C'est par sa fièvre qu'un auteur + S'inscrit au temple de Mémoire, + On voit peu d'hommes ici bas + Avoir la fièvre du génie; + Mais on en voit beaucoup, hélas! + Nourrir la fièvre de l'envie. + +FIL + +A UNE JEUNE MERCIÈRE. + +Air: _J'ai vu partout dans mes voyages._ + + On vante de votre boutique + L'ordre, la grâce et le bon goût; + Pour attirer une pratique, + Avec art vous parlez de tout. + Vos manières sont si gentilles, + Vous avez un si doux babil, + Que pour bien vendre vos aiguilles, + On dit que vous avez le fil. + +FLEURS (LANGAGE DES) + +Nous empruntons aux journaux qui s'occupent des tribunaux la facétie qui +suit; c'est une scène de la garde nationale, quand elle jouait au +soldat: + +LE CAPITAINE RAPPORTEUR.--M. Troupeau! + +Une femme se présente et dépose un énorme bouquet sur le bureau du +président. (Surprise générale.) + +LE PRÉSIDENT.--Qu'est-ce que cela signifie? + +LA FEMME.--Ça signifie, monsieur le président, que je suis la femme +Troupeau, que mon mari m'a ordonné de vous apporter ça... il a dit que +vous saviez bien ce que ça voulait dire. + +LE PRÉSIDENT.--Mais pas le moins du monde. Il est fou, votre mari. + +LA FEMME TROUPEAU.--Ah! mon Dieu! c'est tout comme depuis qu'il a eu la +bête d'idée de se fourrer dans une société d'horticulture... il ne parle +plus qu'avec des fleurs... C'est stupide... mais en bonne épouse je dois +flatter sa manie. + +LE PRÉSIDENT, souriant.--Mais qu'est-ce que vous voulez que le tribunal +comprenne... + +LA FEMME TROUPEAU.--Oh! je vas vous expliquer ça, moi. Depuis un an il +ne cause pas autrement avec moi; j'ai bien été forcée de comprendre; +voilà ce qu'il vous dit: _La mauve_ qu'est dans le bouquet signifie +qu'il vous parle avec _sincérité_..... et l'_immortelle_, l'_estime_ +qu'il a pour vous... Le _seringa_ veut dire _le regret_ qu'il a d'être, +par _la fleur de sureau_, malade; les sept branches de _réséda_, depuis +le 7 du mois... ce qui a mis (_églantier_) obstacle à son (_mouron_) +exactitude; (_guimauve_) cela soit dit sans (_pissenlit_) outrage, +(_oeillet d'Inde_) déguisement et avec (_giroflée_) vérité... (Ici le +rire qui s'est répandu dans la salle gagne le tribunal.) + +LE PRÉSIDENT, souriant.--Qu'est-ce que vous venez nous raconter là... +vous abusez des moments du conseil. + +LA FEMME TROUPEAU.--Dame! je vous explique son emblème à c't homme +(nouveaux rires). Mon Dieu, il n'est pas malade du tout! c'est pour +rester chez lui à cultiver ses fleurs. Qu'est-ce qui pourra donc le +guérir de ça... j'y donnerais une fameuse récompense à celui-là... +Figurez-vous, monsieur le président, que Troupeau me parle toujours +ainsi. Tenez, par exemple: quand il veut que j'aille chercher le dîner, +il m'envoie par la bonne une branche de cerfeuil, une gousse d'ail et +une botte d'échalottes (rires bruyants.) + +Au milieu de l'hilarité générale, le conseil de discipline passe outre +et condamne Troupeau, garde national, à six heures de prison... + +LA FEMME TROUPEAU.--Vous ne pourriez pas lui en mettre vingt-quatre +heures; ça m'obligerait bien. (Rires.) + +LE PRÉSIDENT.--Dans quel but? + +LA FEMME TROUPEAU.--Eh! c'est que, voyez-vous, vingt-quatre de haricots +ça pourrait bien le guérir un peu; dans tous les cas ça ne pourrait pas +lui faire de mal. + +Le président maintient la condamnation. + +LA FEMME TROUPEAU.--Allons, va pour six heures, ça lui fera peut-être du +bien. Voilà cependant où conduit le fanatisme de l'horticulture. Tenez, +monsieur le greffier, vous qui mettez en note les condamnations à la +prison, acceptez cette fois, de ma part, cette branche de myosotis; ça +veut dire: _ne l'oubliez pas_ (longue hilarité.) + +FOI + +Un homme, se plaignant de la trahison d'un de ses amis, disait: «il +manque à ce qu'il m'a cent fois promis. + +--C'est justement, lui dit-on, parce qu'il vous l'a promis sans foi.» + +FOLIE + +Nathaniel Lee, auteur de plusieurs drames, et dont la nation anglaise +n'a pas assez honoré la mémoire, finit ses jours à l'hôpital des fous, à +Londres. Ce fut là qu'il composa, quoiqu'en démence, sa tragédie des +_Reines rivales_. Il y travaillait, une nuit, au clair de la lune. Un +nuage léger en ayant tout à coup intercepté la lumière, il prononça d'un +ton impérieux: «Jupiter! lève-toi et mouche la lune.» Le nuage +s'épaississant, la lune disparut entièrement; alors il s'écria en +éclatant de rire: «L'étourdi! je lui dis de la moucher et il l'éteint.» + +FONDRE LA CLOCHE + +A propos d'un décret de la révolution, qui supprimait les cloches pour +en faire des sous: + + Rendons grâce au puissant génie + Qui, voyant notre pénurie, + Veut que l'on réduise en billon + Toute espèce de carillon: + Dès longtemps en effet tout cloche, + Les paiements vont cahin-caha; + Sitôt qu'on en est réduit là, + C'est le cas de fondre la cloche. + +FORT + +Deux prédicateurs prêchaient dans la même église; celui qui prêchait le +soir avait une voix très-forte. Quelqu'un dit que la différence entre le +prédicateur du matin et celui du soir, c'était que le premier prêchait +fort bien, et le second bien fort. + +FOSSE + +Potier est mort, disait un vaudevilliste, dans le café des Variétés; +j'ai vu les tentures à sa porte; et voici Odry qui prétend que c'est une +fausse nouvelle.--L'enterrera-t-on? dit Odry.--Assurément.--Eh bien! +n'est-ce pas, comme je l'ai dit, une fosse nouvelle? + +FOURMI + +Lorsque les fous, ayant recouvré leur raison, quittent Bicêtre, +qu'est-ce qu'ils sont!--Guéris.--Non, ce sont des _fous remis_. + +FRANC + +A présent pièce de vingt sous (vieux style), autrefois nom de peuple +porté par les conquérants des Gaules. Dans le _Siége de Paris_ de M. le +vicomte d'Arlincourt, ces deux vers furent mal compris: + + Pour chasser de ces murs les farouches Normands + Le roi Charles s'avance avec _vingt mille francs_. + +Un spectateur s'écria: «Ce n'est guère.» + +FRAPPÉ + +Un duel, dont les conséquences ont pensé être funestes à l'un des +combattants, prit dernièrement naissance dans la réplique suivante, à +une question fort simple. + +--Monsieur, en lisant le premier article du journal, n'avez-vous pas été +frappé?...--Frappé, monsieur? que voulez-vous dire? Croyez-vous que je +sois homme à me laisser frapper? + +FRISER + +Comment les cochers sont-ils plus coiffeurs que les coiffeurs eux-mêmes? + +--Parce qu'ils savent friser les bornes et raser les boutiques. + +FRIT + +Un plaisant nommé Turbot, étant près de mourir de violentes coliques, +son médecin demanda de l'huile et voulut lui en faire prendre pour +calmer ses douleurs. + +--Ah! docteur, lui dit le malade, remportez votre huile, car le pauvre +Turbot est frit. + +FRUITS + +Des ambassadeurs hollandais à la cour de France étaient invités à dîner +chez le ministre des finances. On servit, au dessert, du fromage de +Hollande. Le ministre, en l'apercevant, dit à l'un des envoyés: «Voilà +du fruit de votre pays.» L'ambassadeur tire de sa poche une poignée de +ducats, les jette au milieu de la salle et dit: «Ces fruits-là en sont +aussi.» + +En 1789 les désordres dans les spectacles commençaient déjà à devenir +habituels. Il arriva un soir, au Théâtre-Français, que le parti dit +patriote se battit à coups de poings dans le parterre contre le parti +aristocrate, à une représentation d'_Iphigénie_; et comme on supposait +que les loges étaient remplies principalement de ces aristocrates, on +jeta des pommes contre plusieurs. La duchesse de Biron, qui en reçut une +sur la tête, l'envoya le lendemain à M. de La Fayette en lui écrivant: +«Permettez, Monsieur, que je vous offre le premier fruit de la +révolution qui soit venu jusqu'à moi.» + +FUIR + +Une dame en visite disait à la dame du logis: «Prenez garde à votre +robe, votre petite chienne _fuit_. + +FUSILIER + +Pendant la guerre d'Orient, les journaux ont raconté l'anecdote que +voici: + +«Il y a quelques jours, à Valenciennes, une vieille femme demanda à un +jeune homme qu'elle rencontra dans la rue où elle pourrait escompter un +bon de 100 fr. sur le Trésor, que lui envoyait son fils, militaire en +Crimée. A la lecture du billet, le monsieur pâlit légèrement. Cependant, +il conduisit la dame au comptoir de MM. L. Dupont, Deparis et Cie. +Tandis que le caissier payait la somme souscrite, M. S... donnait les +marques de la plus vive émotion. Enfin, profitant du moment où la bonne +dame, tout heureuse, serrait dans son sac les 100 fr. de son excellent +fils, le jeune homme s'approche du caissier et lui dit, avec des larmes +dans la voix (car il pleurait, le bon jeune homme):--La joie de cette +femme ne vous fait-elle pas mal comme à moi, monsieur? Son fils vient +d'être fusillé, et je ne sais comment apprendre cette nouvelle à la +pauvre mère. Dites-la-lui, vous! Le caissier se récrie et refuse en +faisant entendre quelques mots d'étonnement; puis se ravisant, il +demande au jeune homme d'où il tient ce terrible malheur. Pour toute +réponse, M. S... retourne le billet escompté, et montrant du doigt le +nom du dernier endosseur, il dit:--Lisez, monsieur, lisez? Le caissier +lut: Jean-Baptiste Gillot, fusilier au 27e de ligne.--Vous le voyez, +monsieur: Jean-Baptiste Gillot, _fusilier_! Le pauvre garçon est bien +mort!--Qu'on se figure, si l'on peut, le fou rire qui s'empara à ces +mots et du caissier et de la caisse et de la banque. Les écus restèrent +seuls insensibles.» + + + +G + +GAGNER + +Deux vieux charpentiers, grands observateurs du saint Lundi s'étaient +rendus, comme de coutume, à la barrière et se livraient à d'abondantes +libations. Ils devisaient tous deux sur le moyen d'avoir de grands +profits:--Y a toujours moyen de gagner de l'argent, père Flottard!... Un +litre à la barrière, c'est six sous, au lieu de douze qu'on le paie à +Paris.--C'est vrai, père Bisaiguë, j'ai gagné comme ça trois francs +lundi dernier, et j'en gagnerai bien encore autant aujourd'hui! + +GALIMATHIAS + +Un boucher, maigre de corps comme d'esprit, étant entré un jour dans le +magasin d'un libraire où était l'abbé Maury, prit un volume de J. J., et +se mit à répéter, comme par affectation, et pour faire preuve de goût, +le passage suivant: + +«Qui commande à des hommes libres doit-être libre lui-même.» + +Puis, se tournant vers l'abbé: Que pensez-vous de cet adage, monsieur, +lui dit-il?--Il n'a pas le sens commun, reprit Maury, c'est comme si +l'on disait: + +Quiconque tue des boeufs gras doit-être gras lui-même. + +GAMME + +Chantée à Genève au citoyen Proudhon: + + _Ut_-opiste infernal, sans Dieu comme sans âme, + _Ré_-trograde prôneur d'un vieux système usé, + _Mi_-racle d'impudence en ce siècle abusé, + _Fa_-vorable aux fripons, dont tu fais la réclame, + _Sol_-eil dont la lumière est propice au voleur, + _La_ terre connaîtrait ta funeste valeur, + _Si_ tout homme de sens te chantait cette gamme, + _Ut_-opiste infernal, sans Dieu comme sans âme. + +GANACHE + +Un jour, Napoléon, fort mécontent à la lecture d'une dépêche de Vienne, +dit à Marie-Louise: Votre père est une ganache. L'impératrice, qui +ignorait beaucoup de termes français, s'adresse à un conseiller d'État +et lui demande la signification du mot ganache, en lui disant dans +quelle circonstance l'Empereur l'a employée.--À cette demande +inattendue, le courtisan balbutie que cela veut dire un homme sage, un +homme de poids, un homme de bon conseil. + +Quelques jours après, la mémoire encore fraîche de sa nouvelle +acquisition, Marie-Louise, présidant le conseil d'État et voyant la +discussion plus animée qu'elle ne voulait, interpelle, pour y mettre +fin, Cambacérès, qui, à ses côtés, bayait tant soit peu aux corneilles: +C'est à vous à nous mettre d'accord dans cette occasion importante, +dit-elle, vous serez notre oracle, car je vous tiens pour la première et +la meilleure ganache de l'Empire. + +Mais cette plaisanterie est, dit-on, un conte du faubourg Saint-Germain. + +GAND + +Charles-Quint, né dans cette ville, jouait avec son nom. Un jour qu'à la +suite d'une révolte, le duc d'Albe lui conseillait de détruire cette +fourmilière de séditieux, il le fit monter sur la tour du beffroi, et +lui faisant embrasser l'immense étendue de la ville:--Toutes vos peaux +d'Espagne, dit-il, ne suffiraient pas à refaire un gant de cette +grandeur. + +Lorsqu'il visita Paris, qui était plus resserré, il se plut à dire +encore:--Je mettrais Paris dans mon gant. + +GARÇON + +Frédéric Soulié disait à un garçon de café qui le servait mal: + +--Il faut vous marier.--Pourquoi cela?--Parce que vous n'êtes pas fait +pour rester garçon. + +La Bruyère appelle ceux qui briguent le nom de bel esprit «garçons bel +esprit,» comme qui dirait garçon tailleur. + +GARDE + +On lisait en décembre 1857, dans le _Moniteur du Calvados_: + +«Voici une interprétation originale de la loi portant taxe sur les +chiens. Un propriétaire d'une commune voisine aurait écrit au maire de +son endroit à peu près en ces termes: + + «Monsieur le Maire, + +«La loi divise les chiens en deux catégories: chiens de luxe ou +d'agrément, et chiens de garde; les premiers payant la taxe la plus +élevée, et les derniers la moindre. + +«J'ai l'honneur de vous informer que les deux chiens que j'ai dans ma +propriété appartiennent à mon garde. Je vous prie donc les inscrire, +comme chiens _de garde_, dans la deuxième catégorie.» + +«Or, il paraît que ces chiens sont deux magnifiques chiens de chasse.» + +GAUCHE + +Quatrain de Rivarol sur l'Assemblée nationale de 1789: + + Dans cette assemblée, où l'on fauche + Et le bons sens et le bon droit, + Le côté droit est toujours gauche, + Et le gauche n'est jamais droit. + +GAULES + +Quel profit remarquable eurent les Romains à prendre les Gaules?--La +facilité d'abattre les noix. + +GENDARMERIE + +Une chanson, populaire à Paris, commence ainsi: + + De la gendarmerie, + Lorsqu'un gendarme rit, + Dans la gendarmerie + Chaque gendarme rit. + +GENDEBIEN + +Ex-représentant de Belgique, dont le nom fit faire un +calembour.--Avez-vous beaucoup de _gens de bien_ à la Chambre? +demandait-on à une dame de Bruxelles.--Non, monsieur, répondit-elle. +Nous n'en avons qu'un. + +GÊNE + +Quel est le peuple le moins bien dans ses affaires?--Ce sont les Gênois, +qui vivent constamment dans l'État de _Gênes_. + +GÉNÉRALE + +On sait le mot de ce soldat de la République sur un de ses chefs qui +faisait mauvais ménage: + +--Notre général n'est qu'un tambour. + +--Pourquoi? + +--Parce qu'il bat la générale. + +GENTILHOMME + +Franklin prenait plaisir à répéter une observation de son nègre, auquel +il avait défini ce que c'était qu'un gentilhomme. + +--Massa, lui disait l'Africain, tout travaille dans ce pays: l'eau +travaille, le vent travaille, le feu travaille, la fumée travaille, les +chiens travaillent, le boeuf travaille, le cheval travaille, l'homme +travaille, tout travaille, excepté le cochon; il mange, il boit, il +dort, et ne fait rien de la journée. Le cochon est donc le seul +gentilhomme de l'Angleterre. + +GILET + +Un fermier de Saint-Julien-du-Sault étant très-malade, ses amis lui +conseillèrent de faire venir le médecin de l'endroit, qui se nommait +Gilet. «Ah bah! leur dit-il, je suis venu tout nu au monde, je m'en +retournerai bien sans gilet.» + +GLACÉS + +Un galant, présentant à une dame une paire de gants _glacés_, lui +disait:--C'est ce que j'ai trouvé de plus _frais_. + +GRAINS + +Donnons sur ce mot quelques jolis couplets de M. Jacinthe Leclère: + + Déjà maint critique s'avance + Impatient de me juger + Pour faire pencher la balance + Un grain est un sujet léger. + Mais à son jugement suprême + Je m'abandonne sans appel; + Heureux, si des grains que je sème, + Je recueille un seul grain de sel. + + Ce riche gourmand qui m'écoute, + Et déjà méprise mes grains, + Sait-il ce qu'un grain de blé coûte + Et de sueurs et de chagrins? + Ce chapon fin dont il se gorge + De grains dépeupla nos guérets; + Et de sa serviette à grains d'orge + Un grain de chanvre a fait les frais. + + Un grain de vent porte la foudre + Et des mers trouble le repos; + Et plus loin, quelques grains de poudre + Tranchent la trame des héros. + Un grain d'esprit rend plus jolie; + Un grain d'amour trouble les sens; + Et souvent un grain de folie + Fait passer un grain de bon sens. + + De mes grains j'ouvre une boutique, + Et j'en donne à tous mes voisins: + Aux parvenus, grains d'émétique, + Aux ivrognes grains de raisins, + Quelques grains d'or à l'alchimiste + Au malade, grains de santé, + Grains d'ellébore au journaliste, + Et grains d'encens à la beauté. + +GRAMMAIRE + +Un professeur de mathématiques, bon homme et vieux savant, que les +préoccupations de la science poursuivaient souvent jusque dans ses +fonctions les plus pieuses, avait l'habitude, lorsque les élèves +égaraient un livre ou quelque objet d'étude, d'en faire l'annonce à la +prière du soir. Un jour qu'il venait de réciter les oraisons communes, +un élève s'approchant lui dit à l'oreille:--Monsieur, voulez-vous +annoncer, s'il vous plaît, que j'ai perdu ma grammaire. + +Préoccupé sans doute par quelque problème, le savant, s'égarant sur le +mot, s'empressa de répéter tout haut: Un tel me prie de vous annoncer +qu'il a eu la douleur de perdre sa grand'mère. Nous la recommandons à +vos prières. + +Mais c'est ma grammaire grecque que j'ai perdue, répond le jeune homme +en riant du quiproquo. + +Messieurs, la pauvre femme était Grecque, ajoute aussitôt le professeur +avec émotion; Dieu veuille avoir son âme. + +GRAND + +Ce mot change de sens quelquefois en changeant de place: un grand homme +n'est pas toujours un homme grand, et souvent un homme grand n'est qu'un +petit homme. La grandeur mise en avant est la mesure de l'âme, mise en +arrière elle n'est que la taille du corps. + +La musique du _Jugement de Midas_, de Grétry, fut sifflée à la cour et +applaudie à Paris. C'est à ce sujet que Voltaire adressa au célèbre +compositeur le quatrain suivant: + + «La cour a dénigré tes chants + Dont Paris nous dit des merveilles, + Grétry, les oreilles des grands + Sont souvent de grandes oreilles.» + +Le chancelier Bacon disait: «Les gens de haute stature ressemblent +quelquefois aux maisons de quatre ou cinq étages, dont le plus haut +appartement est d'ordinaire le plus mal meublé.» + +Un des derniers rois d'Espagne, auquel le sort des armes avait enlevé +plusieurs places considérables recevait cependant, de la plupart de ses +courtisans, le titre de grand: «Sa Grandeur, dit un Espagnol, ressemble +à celle des fossés, qui deviennent grands à proportion des terres qu'on +leur ôte.» + +GRANDESSE + +Quelle est la lettre la plus estimée en Espagne?--La grande _S_. + +GRAND-LIVRE + +On lisait, chez la femme d'un banquier, l'Invocation de Milton à la +lumière. Un homme d'affaire, qui n'avait jusqu'alors donné qu'une faible +attention à cette lecture, se réveilla tout à coup à ce vers: + + Et pour moi le grand livre est fermé pour jamais! + +(Il s'agit là du grand livre de la nature.) + +--Eh quoi! s'écria le banquier, est-ce qu'on ne lui a pas payé ses +rentes? + +GREDIN + +Une épigramme de l'_Almanach des Aristocrates_ pour 1791: + + Certaine Anglaise, à certaine séance, + D'un certain club qui dirige la France, + Un certain soir, se trouvait par hasard. + --Oh! s'il vous plaît, dit-elle à sa voisine, + Sur cet fauteuil qu'est cet monsieur camard, + Qu'à droite, à gauche, ici chacun lutine? + --Milady, c'est monsieur le président, + Ce que chez vous l'orateur on appelle. + --Oh! l'orateur, fort bien cet mot s'entend. + Mais, s'il vous plaît, quel est, ajouta-t-elle, + Cet instrument que dans ses mains je vois? + --C'est de son rang l'éclatant interprète; + C'est là son sceptre, et nos augustes lois + Ne se font plus qu'à grands coups de sonnette. + --Oh! et que dit ce bruit original: + _Gredin! Gredin!_ dont toute l'assemblée + A, comme moi, la cervelle fêlée? + --Mais, Milady, c'est l'appel nominal. + +GUET-APENS + +Le roi des Turlupins était M. d'Armagnac. Ce seigneur se trouvant un +jour avec le duc (Henri-Jules), depuis prince de Condé, il lui demanda +pourquoi on disait guet-à-paon et non pas guet-à-dinde?--Par la même +raison, répondit le prince, qu'on ne dit pas, Monsieur d'Armagnac est un +_turluchêne_, mais un _turlupin_. + + + +H + +Quelles sont les lettres les plus menues?--Les lettres H E. + +HABILLER + +Une maîtresse de maison avait besoin d'un domestique; on lui envoya un +brave garçon qui arrivait en droite ligne de Limoges, en +Limousin.--Victor (c'était son nom) était muni des meilleurs +renseignements. + +--C'est bien, Victor, lui dit-elle, je vous prends à mon service; vous +aurez cent écus de gages, vous serez nourri, blanchi et je vous +habillerai. + +--Ainsi, madame m'habillera? + +--Oui. Faites porter vos effets et restez. + +Victor sortit, revint et fit son service. + +Le lendemain on attend Victor; point de Victor. On sonne, personne; on +resonne, personne encore. Deux heures se passent et Victor ne paraît +pas. + +Impatientée, la maîtresse du logis monte chez Victor. + +Il était pacifiquement couché, les yeux ouverts. + +--Mais, Victor, dit la dame, il est onze heures. + +--Je le sais, madame, répond Victor d'un air tranquille. + +--Vous n'avez donc pas entendu qu'on vous a sonné? + +--Au contraire. + +--Alors, pourquoi ne descendiez-vous pas? + +--Mais, madame m'avait dit hier qu'elle m'habillerait; j'attendais +qu'elle vint m'habiller. + +HACHÉES + +Quelles sont les lettres les plus maltraitées?--Les lettres H E. + +HACHER + +Madame de Sévigné disait des pendules à secondes, qu'elle ne les aimait +pas, parce qu'elles hachent la vie trop menu. + +HAINE AU BEURRE + +Quels sont les départements où l'on fait la cuisine à l'huile? + +Les voici: Aisne, Aube, Eure. + +HAINE AU HACHIS + +S'écrit en quatre lettres délicates, _n_, _o_, _h_, _i_. + +HALEINE + +Un cordonnier, président de section en 1793, prononçait un discours de +circonstance; une période, entre autres, se trouva si étendue que, +malgré la force de ses poumons, les derniers mots expiraient sur ses +lèvres. Un plaisant lui cria:--Citoyen, reprenez votre alène.» + +HARENG SAUR + +Cadet-Roussel, professeur de déclamation, remplit le rôle d'un tyran qui +a pour confident Aran; il le chasse en lui disant:--«_Aran, sors._» + +Citons aussi ce vers, du récit de la mort d'un vieillard, dans une +tragédie moderne: + + Il sortit d'ici-bas comme _un vieillard en sort_. + +HARMONIE + +Malherbe est auteur de ce vers: + + Enfin cette beauté m'a la place rendue. + +On dit un jour à ce poëte que Des Yveteaux l'appelait le poëte Malapla, +faisant allusion à ce dernier hémistiche: _m'a la place rendue_, qui, à +la vérité ne désigne pas une oreille sévère pour la cadence. + +--C'est bien à M. Des Yveteaux à trouver mauvais ce _m'a la pla_, dit +Malherhe, lui qui a fait _parabla ma fla_. + +Des Yveteaux, en effet, finit un vers par ces mots: + + Comparable à ma flamme. + +Le comte de Caylus avait demandé, en mourant, que son tombeau fût +surmonté d'une urne étrusque dans laquelle on renfermerait son coeur. Il +n'y avait que lui qui pût se faire cette épitaphe: + + Ci-gît un antiquaire, acariâtre et brusque. + Ah! qu'il est bien placé dans cette cruche étrusque. + +La Motte-Le-Vayer cite un homme qui fut vingt-quatre heures à rêver +comment il éviterait de dire _ce serait_, à cause de la ressemblance des +deux premières syllabes: ce n'est pas ce que nous conseillons ici. + +--Les vers suivants sont faits exprès: + + Quand un cordier cordant veut accorder sa corde, + Pour sa corde accorder trois cordons il accorde; + Mais si l'un des cordons de la corde décorde, + Le cordon décordant fait décorder la corde. + +HARNAIS + +L'industrie est une fort belle chose assurément; mais elle a une manie +d'envahissement parfois déplorable. Que lui ont fait les grands noms de +Condé, Turenne, Bayard, Montesquieu, pour qu'elle en fasse une enseigne? +N'a-t-elle pas des patrons plus naturels? Voici de quoi nous menace un +sellier. Il se propose d'écrire sur sa boutique: + + Au prince Eugène--Beaux-harnais. + +Qui oserait dire que la société n'est pas malade, lorsqu'il se produit +des cas aussi graves de calembour! + +HAUT ET VAIN + +On disait à un homme orgueilleux: vous avez bu de l'abondance, car vous +êtes _eau et vin_... + +HÉBÉTÉES + +Quelles sont les lettres les moins spirituelles?--Les lettres _e_, _b_, +_t_. + +HEURE + +Dans quel département peut-on le mieux se passer de montre?--Dans le +département de l'Eure. + +HISTORIOGRAPHE + +Moncrif avait fait une histoire des chats, sous le nom desquels il avait +plaisanté plusieurs personnages de la cour. Il était fort aimé du comte +d'Argenson. Il dit un jour au ministre:--Monseigneur, vous êtes le +maître de me faire donner le brevet d'historiographe de France. + +Malheureusement, M. d'Argenson se ressouvenait encore de l'histoire des +chats.--Historiographe? lui-dit-il, cela n'est pas possible; mais pour +historiogriffe, cela se pourrait faire. + +HOMARD + +Un des spirituels écrivains de ce temps-ci a dit, en parlant d'un +crustacé qu'il aime, à ce qu'il paraît: «Le homard, ce cardinal de la +mer.» Cet écrivain gastronome croit que le homard est rouge avant d'être +cuit. + +HOMME + +Un soldat ivre, disait à son caporal:--Tais-toi, tu n'es pas un +homme.--Je te prouverai le contraire, lui dit le caporal.--Jamais, +reprend le soldat, et c'est impossible: écoute le major, quand il +commande la garde, le matin à la parade. Ne dit-il pas toujours: pour +tel poste, six hommes et un caporal! Tu vois donc bien que les caporaux +ne sont pas des hommes. + +HONNÊTE + +Ce mot change de sens, comme grand, en changeant de place. Les gens +honnêtes n'annoncent pas toujours les honnêtes gens; et les démocrates +ne se lassaient pas de dire, sous la restauration, avec moins de raison +que d'envie peut-être: ceux qu'on appelle les honnêtes gens ne sont pas +ceux que nous appelons les gens honnêtes. + +HOSTILES + +Voilà un homme qui a des prétentions au style.--Comment hostiles! mais +c'est un homme très-doux. + +HOTEL + +Un Gascon, qui n'avait que ses bons mots pour vivre, étant tombé malade +à Paris, fut contraint de se faire porter à l'Hôtel-Dieu. Un de ses +anciens camarades vint le voir: + +--Eh! donc, mon cher enfant, lui dit-il, en quel état je te trouve! +Courage, mon ami, courage! + +--Pour du courage, lui répondit-il, les gens de notre pays n'en manquent +point. + +--Eh! qui le sait mieux que moi? lui dit celui qui le visitait. Au +reste, mon cher enfant, ajouta-t-il, tu me permets de te demander si tu +es bien avec Dieu? + +--Apparemment, lui répliqua le Gascon malade, je ne dois pas y être mal, +puisqu'il me donne un appartement dans son hôtel. + +HUMIDE + +Un médecin demanda à un malade comment il avait trouvé le bain qu'il lui +avait ordonné.--Un peu humide, répondit l'autre. + +Malherbe était affecté d'un bégaiement continuel, et de plus il crachait +très-fréquemment, cinq ou six fois au moins, en lisant une stance de +quatre vers. Cela fit dire très-plaisamment au cavalier Marini: «Je n'ai +jamais vu d'homme plus humide, ni de poëte plus sec.» + +HUPPÉES + +Quelles sont les lettres les plus fières?--Les lettres _u_, _p_. + + + +I + +Quel est le plus ancien des I.--L'I mage.--Et quel est le plus +froid?--L'I vert. + +I FIT GÉNIE + +De qui le génie a-t-il reçu le jour?--De la lettre I, car les anciens +ont écrit _Iphigénie_. + +IMITATION + +M. O. Leroy a raconté la petite anecdote que voici, dans les journaux de +septembre 1855. + +«Un bon vieux curé de campagne, qui avait entendu parler magnifiquement +des _Imitations_, l'une en latin, l'autre en vers français de Corneille, +réimprimées pour l'Exposition universelle, y était arrivé, uniquement +pour voir son livre de prédilection, bien décidé à repartir dès qu'il +l'aurait examiné sous ses nouvelles formes. Il ne doutait pas que ce +livre, qui remplit le monde de sa gloire, mais qui tient une si petite +place à l'Exposition universelle, ne fût là tout entier dans la tête de +chaque employé, ainsi qu'il était dans la sienne. Il s'adresse en +entrant à l'un d'eux: + +--Monsieur, voudriez-vous me dire ou sont les _Imitations_? + +--Les imitations en verre? + +--En vers, mon ami! Il y en a une en vers de Boisville, une autre de +Corneille à laquelle on a mis, dit-on, des peintures superbes et dignes +de l'auteur. + +--Ah! très-bien! je vois cela d'ici... Ça doit être dans les cristaux, +ou bien dans les émaux, se dit-il en lui-même... Monsieur l'abbé, vous +ferez du chemin, mais ne soyez pas rebuté, vous finirez par arriver, et +rien de si facile que de vous indiquer ce que vous demandez: vous allez +monter cet escalier. + +--Très-bien, mon ami. + +--Vous descendrez ensuite. + +--À merveille, mon cher. + +--Et vous irez toujours tout droit. Vous n'aurez pas fait une demi-lieue +que vous demanderez où sont les _Imitations en verre_; c'est connu de +tout le monde. + +--De tout le monde! dit avec joie le bon curé. Et l'on dit le siècle +prosaïque!... Je suis édifié, mon ami, et très-reconnaissant de vos +excellentes indications. + +--Il n'y a pas de quoi, Monsieur l'abbé. + +Voilà le pauvre prêtre qui se met en route, monte, descend, traverse les +longues galeries au milieu de la foule et de toutes les industries; il +ne voit rien que le but où il tend, et répète en lui-même les premiers +mots de son livre chéri: «Celui qui vous cherche, Seigneur, ne marche +point dans les ténèbres, _non ambulat in tenebris_.» Enfin, il s'arrête +et demande à quelques étourdis qui se trouvent sur son passage où sont +les _Imitations_. + +--Est-ce du plaqué que vous cherchez, monsieur l'abbé? répond l'un +d'eux. + +--Non, monsieur, c'est de l'A-kempis ou du Gerson, dont le grand +Corneille a traduit en vers l'_Imitation de Jésus-Christ_. + +--Ah! ce curé est adorable et à mettre sous verre! dit tout bas +l'étourdi, qui ajouta plus haut: Monsieur l'abbé, ces choses-là ne sont +pas de notre connaissance. + +--Tant pis, Messieurs! Quelqu'un a dit: Il est venu parmi les siens, ils +ne l'ont pas connu. + +Le prêtre attristé s'en allait, quand un jeune exposant, qui l'avait +entendu de son magasin où il était avec son père, vint lui dire: +Monsieur l'abbé, permettez-moi de vous conduire vers ce beau livre que +mon père a aussi dans sa bibliothèque et dont souvent il nous cite les +vers. + +Et le bon prêtre consolé, après avoir serré la main du père qui l'était +venu saluer, fut conduit par le fils au but de son voyage, à ses chères +_Imitations_, dont il lut avec âme quelques vers sublimes à son guide, +le remercia affectueusement, le bénit, et en s'en allant répéta ces vers +qu'il avait lus: + + Vous pouvez maintenant, Seigneur, + Rappeler votre serviteur. + +IMPÔTS + +On a renouvelé, à l'aspect de l'Assemblée constituante de 1848, ces +petits vers faits en 1790 pour sa devancière. + + Quel coup d'oeil ravissant! + Quel spectacle _imposant_! + Disait un démocrate. + Oui, réplique aussitôt + Un brave aristocrate: + Il va doubler l'_impôt_. + +INCUIT + +Ce gigot est incuit, disait à son hôte un homme qui faisait le beau +parleur.--Monsieur, répondit l'hôte, c'est par l'insoin de la +cuisinière. + +INRI + +Le marquis de Gèvres était vain et ignorant; du moins, on le dit. On +ajoute qu'il se compromettait souvent par là. Causant un jour dans les +cabinets du roi, et admirant plusieurs tableaux, entre autres des +crucifiements de différents maîtres, il décida que le même en avait fait +un grand nombre, entre autres tous ceux qui se trouvaient là. On se +moqua de lui, et on lui nomma les peintres, dont on reconnaissait la +manière.--Point du tout, s'écria-t-il, ce peintre s'appelait INRI. + +Ne voyez vous pas son nom sur tous ces tableaux?... + +Est-ce possible? + +INVENTER + +Quelqu'un disait devant madame Du Deffant, qui s'était brouillée avec +Voltaire, que ce dernier n'avait pas beaucoup inventé:--Que voulez-vous +de plus? dit-elle finement, il a inventé l'histoire! + + + +J + +JABOT + +Un élève en médecine se présente à l'examen de la Faculté, avec une +chemise à jabot qui faisait honneur à sa blanchisseuse. Cela sortait de +son gilet avec un éclat à faire loucher le professeur qui +l'interrogeait. + +Dans le fait, le vieux docteur en était tout offusqué, et il prononça +sur-le-champ, qu'un si beau jabot ne devait pas appartenir à un +récipiendaire bien savant. + +Monsieur, dit-il, pourriez-vous me dire ce que vous entendez par jabot? + +Le candidat troublé ouvre de grands yeux, les abaisse sur sa poitrine, +regarde le professeur et rougit. + +--Allons, vous ne savez pas ce que c'est qu'un jabot; c'est le troisième +estomac d'un dindon. + +J'AI FROID + +Quel est l'homme dont on prononce le plus souvent le nom en +hiver?--L'acteur _Geffroy_. + +JAMBON + +On disait à un touriste qu'il fallait se défier des Allemands, surtout +dans les provinces rhénanes.--Cela m'étonne, dit-il, car à mon dernier +voyage à Mayence, j'y ai vu beaucoup de _gens bons_. + +JÉRICHO + +Un marchand de tableaux présentait à un certain prince qu'on ne nomme +pas, un petit tableau précieux, en lui disant qu'il venait de +Géricault.--C'est prodigieux, dit le prince, que le tableau se soit si +bien conservé depuis l'écroulement de cette ville! + +JEUNESSE + +Dasnières disait que la jeunesse s'appelle ainsi parce qu'elle est l'âge +où les jeux naissent. + +JEUX DE MOTS + +À la fin de la campagne de 1761, où MM. les comtes de Fougère et de La +Luzerne commandaient la maison du roi, un garde du corps, que des +affaires instantes appelaient dans sa province, vint leur présenter sa +démission, et les prier de lui accorder son congé. + +Quoi! Monsieur, lui dirent d'un ton ironique ces deux généraux, vous +quittez le service pour aller planter vos choux! + +--Oui, Messieurs, répondit froidement l'honnête militaire; je vais +bêcher mon jardin, et je le cultiverai de manière qu'il n'y vienne ni +luzerne ni fougère. + +Un poëte médiocre croyait mettre ses vers à l'abri de la censure en +disant qu'ils étaient passables: + +--Oui, lui dit-on, il sont passables en tous sens: vous vous seriez bien +passé de les faire, nous nous serions bien passé de les lire, et la +mémoire en passera bien vite. + +Quelqu'un ayant dit à une femme que le suif était augmenté à cause de la +guerre:--Ah! dit-elle, apparemment que les armées se sont battues à la +chandelle. + +Le marquis de St*** ayant offensé un M. De Chambre, fut engagé par ses +amis à lui faire quelques excuses. Le marquis lui écrivit à peu près en +ces termes. + +«Ce que je me suis permis de dire à votre sujet est absolument sans +conséquence. La meilleure preuve que je puisse vous donner de mon +estime, c'est de vous demander à dîner pour le jour qu'il vous plaira de +m'assigner. Tout à vous. + +«LE MARQUIS DE ST***.» + +M. De Chambre répondit: + +«Vous m'avez laissé le choix du jour. Empressé de vous recevoir, je vous +invite pour mercredi, et vous prie de vouloir bien accepter la fortune +du pot. + +«DE CHAMBRE.» + +M. de Puymaurin, député de Toulouse pendant la restauration, se plaisait +à faire des jeux de mots. Un jour, M. Petou, député de la Còte-d'Or, +monta trois fois à la tribune dans la même séance.--Ah ça! dit M. de +Puymaurin, il faut donc toujours que M. Petou parle? + +--Je voudrais que mon fils sût un peu de tout, qu'il eût une teinture +des langues latine et grecque, une teinture d'histoire et de géographie, +une teinture des mathématiques, une teinture de dessin, etc.; mais je ne +sais pas pour cela quel maître lui donner. + +--Donnez-lui, madame, un maître teinturier. + +La présente liste a été trouvée, en 1848, à l'Assemblée nationale sous +le pupitre d'un montagnard facétieux, non moins connu par ses +calembredaines que par ses quinze perruques. Les noms qui y sont +inscrits étaient-ils destinés à _l'épuration_? Forment-ils au contraire +une liste de conciliation? Nos lecteurs jugeront sur la copie textuelle +que nous mettons sous leurs yeux: + +Armand Marrast, Mauvais, Marquis. + +Sénard, Mulé, Normand. + +Bastide, Canul, Rouillé. + +Porypapy, Noirot, Crépu. + +Buvignier, Casse-Carreau. + +Ledru-Rollin, Levet, Laissac, Dargent, Crémieux, Laydet, Découvrant, +Cécile, Lacroix, Lorette. + +Leyraud de Puyraveau, Daix, Gouttay, Lamartine. + +Leblanc, Mouton, Beslay, Considérant, Lherbette, Faucher. + +Joly père, Savy, A. Payer, Lebleu, Dargenteuil. + +Sallandrouze, Tendret, Lestapis. + +Pierre Leroux, Person, Toupet. + +Boulanger, Pézerat, Dupin. + +Labbé, de Lamenais, Vieillard, Boussingault. + +On lisait alors dans le _Corsaire_ cet autre amas de jeux de mots sur la +même Assemblée: + +«On a vu tous nos législateurs éclater de rire à l'aspect du bon M. +_Leboeuf_, montant à la tribune à propos d'une question de boucherie: +rien de mieux! Le coq-à-l'âne y était; mais dès lors il devient fort +difficile d'aborder les rostres pour peu qu'on ait un nom... Voyez +plutôt:--D'ici à peu de temps, on doit présenter un projet de loi sur la +boulangerie. Voilà donc la discussion interdite à la famille _Dupin_ et +à M. _Dufour_! Vienne le rapport de la commission des pâturages, et M. +_Lherbette_ est obligé de rester chez lui. S'agit-il du droit des vins, +le pauvre M. _Baune_ est réduit au silence, et M. _Lacave_ est bien +forcé de l'imiter. La discussion sur les ordonnances de chasse, entamée +par M. _Chasseloup_, va faire fuir M. _Dain_, qui sera fort heureux de +se cacher entre _Duparc_ et _Dubois_. Si l'on s'avise de réglementer les +perruquiers français, que diront MM. _Crépu_ et _Toupet-des-Vignes_; MM. +_Rateau_ et _Bineau_ auront-ils le droit de voter dans une question de +jardinage, et M. _Buffet_ dans une affaire de comestibles? Voyez-vous M. +_Pigeon_ prenant la parole contre _Lagrange_, dans une explication sur +les grains, défendus par M. _Moulin_?... Quand il s'agira de la fixation +de l'âge pour les listes électorales, est-ce M. _Vieillard_ qui osera se +déclarer incompétent? A propos du droit d'aînesse, que ferait l'amiral +_Lainé_? Et si jamais (cela peut arriver) _Hyacinthe_ comparaissait à la +barre de la Législative, pour crime politique, qui le jugerait, de M. +_Ney_ ou de M. _Camus_?... Il n'y aurait guère que M. _Troplong_ qui +pourrait hasarder son bulletin. MM. _Le Flô_ et _de Flotte_ seraient +bien vagues à propos de marine; M. _Failly_, fort suspect dans les +questions commerciales; M. _Lélut_ au moins superflu dans un projet +électoral, et M. _Bigot_ très-récusable dans l'examen du budget des +cultes, appuyés par M. _Legros-Dévot_... Est-ce que M. _Lemaire_ oserait +dire son mot sur les franchises municipales? S'il s'agissait des +monuments nationaux, M. _Conté_ se croirait-il appelé à faire de +l'histoire? En matière religieuse, _Pascal (Frédéric)_ combattrait-il M. +_Arnaud (de l'Ariège)_, sans craindre les allusions à _Port-Royal_? + +Un autre journal du même temps (_la Providence_) publia aussi une +charmante et spirituelle critique, qui a droit à figurer ici. + + On vous a raconté l'idée assez comique + De ce monsieur _Leroy_ qui, plein d'ardeur civique, + Prétendait l'autre jour, répudiant son nom, + Qu'on l'appelât: _le Peuple_... et cela tout de boni + C'était peut-être un comte... (ah! pardon, une histoire: + Le mot _comte_, je crois, est banni du grimoire.) + J'y pense, il est de fait que cela désormais, + Va changer diablement le langage français; + Voyez combien de mots le décret nous enlève: + Il supprime d'un coup l'ancien _roi_ de la fève, + Les _rênes_ de voiture et la _reine_ du bal; + Quant à la _reine Claude_, un arrêté légal + N'admet, dans ses rigueurs, d'exceptions aucunes, + Et la loi promulgée est faite pour les prunes. + Le _Grand-Duc_, ce rival du rapide faucon, + N'a qu'à bien se garder et qu'à changer de nom, + Et le _tigre royal_, s'il tient à sa peau lisse, + Doit cacher l'épithète à l'oeil de la police... + Et l'oiseau de passage, appelé _Chevalier_, + Quoi qu'en ait dit Buffon, n'est plus qu'un roturier; + Quant à Jules Janin que notre République + Proclama, dès longtemps, _prince_ de la critique, + Son esprit, son talent ne lui servent de rien: + C'est presqu'un _Vacquerie_... un simple citoyen... + Plus de distinctions, d'ordres, de privilèges! + Les _croix_... même d'honneur, sont choses sacriléges: + On les supprimera sur les dos des ânons: + Les souliers désormais n'auront plus de _cordons_, + Et l'on ne pourra plus mettre aux foyers de _plaques_. + On défend les _rubans_ aux bonnets comme aux claques; + Les théâtres sont pris dans ces proscriptions, + On joûra tout Chénier... sans _décorations_; + Et quand madame Hamel rôtira des mauviettes, + Défense à ses garçons d'en servir en _brochettes_: + Inutile de dire aux lecteurs pénétrants + Que les bottes, parbleu! n'auront pas de _tirans_; + Que les livres, ces rois assemblés en chapitres, + Paraîtront en public sans _pages_ et sans _titres_; + La lettre majuscule est proscrite à jamais: + L'égalité pour tous! Aux termes des décrets + Défense d'imprimer sur du papier _couronne_; + Ordre de démolir la barrière du _Trône_: + Le _sceptre_ de Neptune est brisé pour toujours; + Les fleuves couleront... comme ils pourront... sans _cours_. + . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . + On prétend que _Marquis_, l'homme des chocolats, + Le _Marquis_ praliné près des Panoramas. + Fait peindre, en ce moment, un panneau magnifique + Où l'on verra décrit en pastille gothique + Ce seul mot: _Ci-devant_... Et que monsieur Boissy + A, dit-on, résolu de l'adopter aussi. + _Leduc_, marchand de bois au boulevard du Temple, + Se range noblement à ce sublime exemple: + _Leprince_, cordonnier près de la rue aux Ours, + S'est citoyennisé déjà, depuis trois jours: + _Baron_, le bandagiste, adhère pour son compte; + Le passage Choiseul expulse monsieur _Comte_; + Honteuse avec raison, la maison _Chambellan_ + Biffe de son enseigne un nom de courtisan. + Au quartier Montorgueil, par le même principe, + On va voir effacer l'enseigne de _Philippe_; + Le nom vilipendé qu'il tient de son parrain + Disparaît..., et Philippe a nom _Ledru-Rollin_. + Quant à l'homme d'État, ce Solon... provisoire, + Attendu que _Rollin_ fut professeur d'histoire, + Et que, dans ses écrits, il flatta maintes fois + Les despotes de Rome et le pouvoir des rois, + Il abdique le nom d'un écrivain servile + Et l'immole à l'autel de son hôtel-de-ville; + Il reste désormais Ledru... Ledru tout court!... + Mais pourtant attendu qu'autrefois, à la cour, + Un sieur _Ledru-Comus_ professa la physique, + Et fut de Louis-Quinze un rampant domestique + Défense aux citoyens de parler des Ledrus, + Le ministre est ministre et ne s'appelle plus! + L'illustre _Louis Blanc_, l'écrivain populaire, + Ce Tacite français, cet orateur sincère, + Veut de son double nom s'affranchir à la fois. + Les _Louis_ trop longtemps nous ont servi de rois, + Le _blanc_ fut la couleur d'un drapeau qu'il abhorre. + Il va prendre le nom de _Vingt-Francs-Tricolore_. + +Un ancien philosophe avait coutume de dire que peu de chose donnait la +perfection, mais que la perfection n'était pas peu de chose. + +Un Gascon disait:--La boue de Paris a deux grands inconvénients: le +premier est de faire des taches noires sur les bas blancs; le second, de +faire des taches blanches sur les bas noirs. + +Un ami de Bautru étant allé le voir dans le temps qu'il avait la goutte, +le trouva mangeant du jambon:--Que faites-vous là? lui dit-il; ne +savez-vous pas que le jambon est contraire à la goutte?--Cela est vrai, +lui répondit froidement Bautru; il est contraire à la goutte, mais il +est bon pour le goutteux. + +Un procureur, en recevant d'un chapelier, sa partie, un chapeau, lui +dit:--Ne vous inquiétez point, allez; j'ai votre affaire en tête, j'en +aurai soin. + +Nous ne voulons pas oublier une petite pièce de vers de maître André le +perruquier: + + Les poëtes, les perruquiers + Ont entre eux quelque ressemblance; + Et vraiment, dans ces deux métiers + Je vois bien peu de différence + Pour réussir, à chacun d'eux, + Certe il ne faut pas être bête... + Compter des vers ou des cheveux, + C'est toujours un travail de tête. + +Nous ne pouvons omettre la harangue faite, à la porte d'une ville, à +l'un des généraux de Louis XIV, quoiqu'elle ait été souvent reproduite. + +«Monseigneur, tandis que Louis le Grand gêne les Gênois, berne les +Bernois et fait cantonner le reste des cantons: tandis qu'il fait aller +l'Empire de mal en pire, damner le Danemarck et suer la Suède; tandis +que son digne rejeton fait baver les Bavarois et rend les troupes de +Zelle sans zèle; tandis que Luxembourg fait fleurir la France à Fleurus, +met en flamme les Flamands, lie les Liégeois et fait danser Castana sans +castagnette; tandis que le Turc fait esclaves les Esclavons et réduit en +servitude la Servie; enfin, tandis que Catinat démonte les Piémontais, +que Saint-Ruch se rue sur les Savoyards et que Larré les arrête, vous, +Monseigneur, non content de faire sentir la pesanteur de vos doigts aux +Vaudois, vous faites encore la barbe aux Barbets, ce qui nous oblige +d'être, avec un profond respect, etc.» + +Remarquons que le mot _Barbets_ ne s'applique pas aux intéressants +quadrupèdes connus sous ce nom, mais bien aux habitants de diverses +vallées du Piémont et de la Suisse. + +JOCRISSE + +Personnage des farces modernes, dont les bêtises ont un cachet +particulier. Il aime beaucoup sa soeur et veut l'épouser.--Mais je ne +peux pas t'épouser, lui dit-elle: je suis ta soeur. Nous sommes trop +proches parents.--Quelle bêtise, dit Jocrisse, trop proches parents! Mon +père a bien épousé ma mère. + +Sa soeur en épouse donc un autre quelque temps après.--Ma soeur est +enceinte, dit-il, quel ennui! J'en ai pour neuf mois avant de savoir si +je serai un oncle ou une tante. Il veut dire: Si j'aurai un neveu ou une +nièce. C'est digne du commentaire sur la parenté. + +JOUER + +Un seigneur allemand, connu par les grâces et la finesse de son esprit, +alla un jour chez un prince de l'Empire: il y trouva nombreuse +compagnie, et s'amusa beaucoup de l'extrême vivacité avec laquelle +quelques petits princes, qui y étaient, se traitaient mutuellement +d'_altesse_. + +Sortant de là, il fut faire une autre visite, et revint chez lui. On lui +demanda comment il avait passé la soirée.--J'ai été dans deux maisons, +répondit-il: dans l'une, on jouait à l'_altesse_, et dans l'autre, au +_loto_. + +JOUEUR + +--Quatre joueurs ont joué toute une nuit dans une société, disait-on à +une dame, et le matin chaque joueur avait gagné dix francs. La dame ne +pouvait comprendre un tel fait pourtant bien simple; les quatre joueurs +étaient quatre joueurs de violon. + +JUSTE + +Un Allemand, dit-on, apprenant le français, vit dans un dictionnaire que +juste et équitable étaient synonymes. Il essaya des bottes qui le +gênaient:--Vous m'avez fait, dit-il à son cordonnier, des bottes qui +sont par trop équitables. + + + +K + +Les lettres K C et les lettres K O T sont désagréables au lecteur. + +K + +Un homme qui s'appelait Franqlin songea qu'il pourrait bien être le +parent de ce fameux Américain, que les philosophes ont si bien fait +mousser. Il alla donc trouver à Paris le neveu de Franklin et lui +présenta ses papiers.--Monsieur, lui répondit le jeune homme, faites un +K de votre Q, et vos papiers pourront alors vous servir. + +KARR + +On s'est amusé à chercher les aptitudes et les qualificatifs de M. +Alphonse Karr, qui a un esprit si original, et on a fait ces médiocres +calembours: + +Karr abat (_Carabas_), Karr casse (_carcasse_), Karr touche +(_Cartouche_), Karr aime (_carême_), Karr nage (_carnage_), etc. + +KANIFERSTANE + +Un Parisien, allant de La Haye à Amsterdam, remarqua une de ces riantes +maisons de campagne qui bordent la route (on allait encore alors en +diligences), et demanda en français à un Hollandais, son voisin: + +--A qui appartient ce délicieux château? Le Hollandais lui répondit: _Ik +kan niet verstaan_ (je ne comprends pas). Le Parisien traduisant cette +phrase comme il l'entendait prononcer, reprit:--Ah! cette belle demeure +appartient à M. Kaniferstane. C'est un mortel bien heureux. + +En entrant à Amsterdam, il vit passer trois charmantes jeunes filles et +demanda à un passant: Quelles sont ces demoiselles si brillantes? il ne +reçut pour réponse que la phrase de la route.--Ce sont les demoiselles +Kaniferstane, se dit-il. Cet homme est bien privilégié! + +Un des palais d'Amsterdam donna lieu à de nouvelles admirations.--Cet +homme, dit le Parisien, est vraiment le marquis de Carabas. + +En passant devant la loterie, il entendit sonner des fanfares, qui +annonçaient que le gros lot venait de sortir. Il voulut savoir qui +l'avait gagné; et comme on lui jeta encore l'_ik kan niet verstaan_, il +se récria de nouveau sur le bonheur-monstre de ce M. Kaniferstane. + +Un peu plus loin il rencontra un enterrement pompeux; il salua le convoi +et demanda qui était le défunt. Sur la réponse habituelle des Hollandais +qui n'entendent pas le français, il pensa que M. Kaniferstane avait +ici-bas une félicité trop grande pour qu'elle fût durable; et il gagna +son hôtel, en faisant de sages réflexions sur la fragilité des choses +d'ici-bas. + + + +L + +Quelles sont les lettres les plus agiles?--Les lettres L E. + +On a fait cette petite espièglerie pour la lettre L: + + Saint Louis l'a par devant, + Saint Michel l'a par derrière, + Les demoiselles l'ont deux fois, + Les dames l'ont perdue, + Les hommes ne l'ont pas. + +On dit proverbialement qu'un homme en a dans l'aile pour signifier qu'il +passe la cinquantaine, par une mauvaise allusion à la lettre L qui, dans +le chiffre romain, exprime cinquante. + +LA + +Une dame, gui chantait médiocrement dans une société, ne pouvant achever +son air, dit à un homme d'esprit qui se trouvait à côté d'elle:--Je vais +le reprendre en _mi_.--Non, Madame, répondit-il, restez-en _la_. + +LACHE + +Un Gascon se fit faire un bel habit, et il demanda à ses amis ce qu'il +leur en semblait. Un d'eux en mania le drap, qu'il trouva un peu lâche. + +--Comment lâche! reprit le Gascon, que l'on m'en cherche d'autre; je ne +veux rien de lâche autour de moi. + +Le cardinal de Richelieu ayant eu la patience d'entendre lire une +tragédie de La Calprenède, dit: «La pièce n'est pas mauvaise, mais les +vers sont lâches.--Comment, lâches, s'écria le rimeur gascon! cadédis! +il n'y a rien de lâche dans la maison de Calprenède.» + +LA-HAUT + +Dans les embarras de la république qui surgit en 1848, la femme de l'un +des utopistes d'alors reçut la visite d'une amie.--Bonjour, chère +citoyenne, je vois que tu es prospère, et ton mari?--Il travaille, ma +chère, dit la dame du logis en indiquant du doigt l'étage supérieur, où +son mari s'enfermait pour ses élucubrations.--Mais, reprit la visiteuse, +ne vois-tu pas comme tout va mal?--Je le vois trop. Tout le monde veut +gouverner.--Nous sommes en vérité dans un gâchis tel, qu'il n'y a que +celui qui est là-haut qui puisse nous en tirer.--Tu as bien raison, ma +chère; aussi je te dis qu'il y travaille.--Elle appliquait à son mari ce +que l'autre disait du bon Dieu. + +LAIDS + +Après qu'on eut nommé le département des Deux-Sèvres (pays de Niort), on +voulut nommer le pays de Fontenay département des Deux-Lays (de ses +principales rivières, le grand Lay et le petit Lay). + +MM. Buron et Mercier, deux députés de ce département, tous deux les plus +laids de l'assemblée, firent observer que si on adoptait ce nom pour +leur département, on en ferait contre eux un affreux calembour et qu'on +l'appellerait le département des deux laids. Ce qui fit qu'on l'appela +département de la Vendée, du nom d'une petite rivière qui est à sec la +moitié de l'année. + +LAINE + +Quelqu'un disait à un berger:--Ne faites jamais tondre vos moutons.--Et +pourquoi donc?--Parce qu'on devient poussif, lorsqu'on a perdu +l'haleine. + +On disait d'un homme qui avait la bouche malsaine:--Il est bon à tondre, +car il a l'haleine forte. + +Quel événement a fait renchérir les draps?--L'enlèvement d'Hélène. + +LAMICHODIÈRE + +Un étranger dînant chez M. de La Michodière, président de la cour royale +de Paris, et l'entendant appeler par ses familiers Lamichodière tout +court, ne crut pas pouvoir se permettre cette liberté et ne l'appela +pendant tout le repas que M. Chaudière. Ce qui divertit un peu les amis +conviés. + +LANGUES + +Madame Denis, la nièce de Voltaire, prenant une leçon d'anglais, disait +à son maître, fatiguée qu'elle était de la prononciation de cette rude +langue: «Vous écrivez _bread_, pourquoi prononcer _bred_? Ne serait-il +pas plus simple de dire tout bonnement _du pain_?» + +LAPIN + +Un farceur disait que la dynastie des lapins allait vite, que peu après +_la pincette_, on en était déjà à _l'appendix_. + +LARCIN + +Les naturalistes nous apprennent que les rats sont joyeux quand ils +peuvent vivre de lard sain. + +LAVER + +Un farceur demandant quelque chose à une femme lui disait:--Je crois, +Madame, que vous l'avez.--Non, Monsieur, répondit-elle, je ne lave pas. + +LÉPREUX + +Le public vit un calembour involontaire dans ce vers du _Siége de +Paris_, de M. le vicomte d'Arlincourt. + + Ce sont ces chevaliers que l'on nomme _les preux_. + +LETTRES + +On fait beaucoup de jeux de mots avec les lettres de l'alphabet. On a +publié celui-ci sous Louis XVIII: + + La liberté D. C. D. + Les doctrinaires A. I. + Les pairs E. B. T. + Deux cents députés H. T. + La gloire A. B. C + La dette O. C. + La liberté de la presse O.T. + Le crédit B. C. + La charte L. U. D. + +HISTOIRE D'HÉLÈNE. + + _L. n. n. e. o. p. y. L. i.a. t.t. l._ + Hélène est née au pays grec. Elle y a tété; elle + + _i.a.v.q. l. i.a.e.t. l.v. l. i.a.e.t.o.q.p._ + y a vécu. Elle y a été élevée; elle y a été occupée; + + _l. i.a.e.t. e.d. l. i.a. m.e. l. i.a._ + elle y a été aidée; elle y a aimé; elle y a + + _e.t. m.e. e. a.i. l. i.a.e.t. d. s. e. d.i.t. l._ + été aimée et haïe; elle y a été déesse et déité; elle + + _i.a. c.d. l. i.a.o.b.i. l. i.a.e.t. h.t. l._ + y a cédé; elle y a obéi; elle y a été achetée; elle + + _i.a.e.t.a.j.t. a. b. c. k. o. t. l. i.a. v.g.t._ + y a été agitée, abaissée, cahotée; elle y a végété. + + _l. i.a. r.i.t. e. l. i. e. d.c.d. a.g. e. k. c._ + Elle y a hérité, et elle y est décédée, âgée et cassée. + +LÉZARD + +Une vieille, voyant au-dessus de la porte d'un lycée de Paris: + + Les arts nourrissent l'homme et le consolent, + +s'écria:--Que ces gens-là mangent des lézards tant qu'ils voudront; je +ne ferai pas de tort à leur dîner. + +LIBERTÉ + +Dans le temps où les mots liberté, égalité, fraternité, cocarde +nationale, faisaient tourner la tête à tout le monde, les habitants d'un +village du Périgord obligèrent leur curé, non-seulement à mettre une +cocarde au Saint-Sacrement, mais encore à tenir le tabernacle ouvert +jour et nuit, par la raison que tout le monde étant, libre en France, +leur bon Dieu ne devait pas, plus que tout autre, demeurer enfermé. + +LIÉGE + +Quelles sont les femmes les plus légères?--Ce sont les femmes de Liége +et les femmes de Tulle. + +LIGNE + +Comment feriez-vous pour pêcher tous les poissons de la Seine? + +--Je prendrais un régiment de lignes. + +LISIÈRE + +Pourquoi ne mène-t-on pas les petits enfants dans les bois?--Parce qu'on +ne les mène alors qu'à la lisière. + +LOCUTIONS + +Lorsque le projet de loi de la translation des cendres de Napoléon fut +porté aux Chambres, un de nos honorables s'écria:--Les cendres! Est-ce +que ces gueux d'Anglais auraient eu l'infamie de brûler le grand homme? + +Des soldats de l'expédition d'Égypte disaient dans les sables:--Il fait +bien soif par ici. + +Le poëte Méry est très-frileux. Dans les grands froids, enveloppé de +couvertures, il s'enferme auprès d'un grand feu, ne sort plus, et fait +dire à ses amis qu'il est malade. Quand on vient le voir et qu'on lui +demande quel est son mal, il répond:--Hélas! j'ai l'hiver! (Voyez +_Mots_.) + +LOIN + +On disait à un enfant de Pontoise qui montrait d'heureuses +dispositions:--Mon enfant, vous irez loin.--Pas de sitôt, répondit-il; +maman ne veut pas même que j'aille jusqu'à Paris. + +LONDRES + +La ville des brouillards. Pendant un séjour que fit à Londres madame de +Staël, une de ses amies qui revenait en France lui demanda si elle avait +quelque commission à lui donner.--Aucune autre, répondit-elle, que de +faire mes compliments au soleil, quand vous le reverrez. + +LOUER + +Lorsque le duc d'Orléans, Philippe-Égalité, convertit son jardin en un +vaste bazar, et le couvrit de boutiques, il tomba sur lui un déluge de +quolibets et d'épigrammes. Son propre père s'en mêla, et il dit:--Je ne +sais pas d'où vient l'acharnement du public contre mon fils; j'y vois de +plus près que les autres, et je puis assurer que tout est à _louer_ chez +lui. + +LUMIÈRES + +Dans un repas donné par un nouveau parvenu, l'un des convives porta un +toast à la propagation des lumières. Les gens qui servaient à table +s'empressèrent de moucher les chandelles. + +LUSTRE + +Un plaisant, voyant deux hommes qui portaient un lustre, dit à ses +voisins:--Voilà cinq ans qui passent. + + + +M + +MAÇONNERIE + +Un charpentier critiquait un carillonneur sur sa manière:--Allez à vos +bûches, dit celui-ci, et ne vous mêlez pas de ma sonnerie. + +MADELEINE + +--Que faudrait-il pour bouleverser l'_amas de laine_? + +--Un _cardeur_. + +MAINTENON + +Sur la fin du règne de Louis XIV, le grand dauphin parut surpris de la +détresse qui semblait menacer le royaume:--Mon fils, dit le roi, nous +maintiendrons notre couronne.--Sire, répondit le dauphin, Maintenon l'a. + +MAIRE + +Le maire de Saintes écrivait à son fils, qui se conduisait +mal:--Respectez votre père et maire. + +Un bon cultivateur, maire de sa commune, se trouva dernièrement dans un +grand embarras, dont il se tira fort adroitement. Sa femme était +accouchée depuis trois jours, et l'adjoint de la commune venait de +partir pour un village assez éloigné. Il fallait cependant dresser +l'acte de naissance sur-le-champ. Le maire-père, après avoir mûrement +réfléchi, s'en acquitta de la manière suivante: + +«Ce jourd'hui, etc., étant accompagné de tels et tels, mes témoins, je +suis comparu devant moi, maire de la commune de..., à l'effet de me +déclarer que ma femme vient d'accoucher d'un enfant vivant et bien +constitué. + +«Sur la demande de quel sexe est l'enfant et quels étaient ses père et +mère, je me suis répondu qu'il est du sexe masculin et fils de moi, +François Piot, et de Madeleine Bidou, mon épouse; en foi de quoi, j'ai +signé le présent, avec moi, maire, et lesdits témoins. + + «_Signé_: François Piot, père, + «et François Piot, _maire_.» + +MAL + +Un dentiste disait à son fils qui voulait donner dans les +grandeurs:--Eh! Monsieur, ne cherchez pas à vous élever; faites comme +votre père: arrachez-moi de bonnes dents; j'en arrache; mon père en +arrachait, mon grand-père en a arraché, et nous n'avons jamais fait de +mal à personne. + +MALADE + +Henri IV, ayant appris que deux médecins avaient fait abjuration, dit à +Duplessis-Mornay:--Ventre Saint-Gris! monsieur Duplessis, votre religion +est bien malade; les médecins l'abandonnent. + +MANCHE + +On appelle ainsi le détroit qui sépare la France de l'Angleterre. +Lorsqu'on imprima, il y a quelques années, des cartes géographiques sur +foulard:--Je ne vois pas l'utilité de cette invention, dit un bonhomme, +si ce n'est que chacun peut avec cela se moucher proprement sur la +Manche. + +À propos de l'alliance conclue avec l'Angleterre pour la guerre +d'Orient, on a dit que les Anglais et les Français se tenaient par la +Manche. + +MANGER + +Un huissier ayant été signifier un exploit dans une ferme, on lâcha +après lui deux énormes chiens, qui lui firent prendre aisément la fuite; +et comme à son retour on lui demandait s'il avait été bien +reçu:--Parfaitement, dit-il; et la preuve, c'est qu'on a voulu me faire +manger. + +L'abbé de Choisy, passant devant le château de Balleroy, qu'il avait été +obligé de vendre, s'écria:--Ah! que je te mangerais bien encore! + +Montmaur étant un jour à table avec grande compagnie de ses amis, qui +parlaient, chantaient et riaient tout ensemble:--Eh! Messieurs, +s'écria-t-il, un peu de silence; on ne sait ce qu'on mange. + +MANQUER + +Gourville, rencontrant au bois de Boulogne un médecin de ses amis qui +avait un fusil, lui dit:--Où allez-vous donc?--Voir un malade à +Auteuil.--Il paraît, répliqua Gourville, que vous avez peur de le +manquer. + +MANTEAU + +On demandait à Londres à un ambassadeur belge:--Quel est le manteau le +plus chaud? Il répondit:--C'est le manteau de la cheminée. + +MARCA + +Pierre de Marca fut nommé à l'archevêché de Paris, et mourut en 1662, le +jour même que ses bulles arrivèrent. Colletet lui fit cette épitaphe: + + Ci-gît monseigneur de Marca, + Que le roi sagement marqua + Pour le prélat de son Église; + Mais la mort qui le remarqua, + Et qui se plaît à la surprise, + Tout aussitôt le démarqua. + +MARCHAND + +Un vagabond, à qui le tribunal demandait quel était son état, répondit +qu'il était marchant, attendu qu'il ne voyageait qu'à pied. + +MARÉCHAL + +Un maréchal ferrait un des chevaux d'un maréchal de France qui passait +sur la route. Pendant l'opération, il entendit les domestiques qui +appelaient l'illustre voyageur monsieur le maréchal; et, quand on fut +pour le payer, il refusa, en faisant observer qu'il ne prenait rien d'un +confrère. + +MARÉCHAUSSÉE + +Une poissarde de la rue Montorgueil, à Paris, avait pour enseigne un +merlan dans une botte, avec la légende: _A la marée chaussée_. + +MATIGNON + +On a beaucoup dit sur la simplicité d'un certain M. de Matignon. On a +dit qu'il avait fait paver son pré pour empêcher les taupes d'y +fouiller; qu'il avait fait reculer la cheminée, parce que de l'endroit +où il se plaçait, le feu lui brûlait les jambes; qu'un mouton étant trop +gros pour régaler ses amis, il n'en avait fait tuer que la moitié, etc. + +Un autre ingénu avait pris un pot de terre en guise d'oreiller, et, le +trouvant trop dur, il le rembourra de paille. + +MÉDECINE + +--Qu'est-ce que la médecine? demande Bobèche à l'un de ses amis. + +--La médecine, répond celui-ci, c'est l'art de guérir les maladies; +c'est une science... + +--Du tout, tu n'y es pas, répond Bobèche: la _médecine, c'est la femme +du médecin_. + +MÉGARDE + +Un colonel, défendant son fils accusé, disait aux juges:--Je puis vous +prouver que le délit dont mon fils est accusé a été commis par +_mégarde_.--C'est différent, dit le juge; alors nous allons assigner vos +gardes. + +MELON + +Un incident singulier a égayé un jour l'audience de la justice de paix +du sixième arrondissement. M. L..., marchand grainetier et sergent-major +de la garde nationale, accusait M. B..., professeur suppléant d'histoire +dans un collége de Paris, de l'avoir appelé _melon_ à la suite d'un coup +mal joué dans une partie de dominos à quatre. Le plaignant exigeait une +rétractation formelle et des dommages-intérêts considérables. + +L'accusé présenta ainsi sa défense: + +Sous le règne de Constantin le Grand... + +--Au fait, Monsieur, au fait, dit le magistrat qui voit poindre une +harangue interminable. + +--J'y arrive. Sous le règne, dis-je, de Constantin le Grand, vivait à +Lugdunum Horatius Melo, illustre praticien qui, après s'être couvert de +gloire en introduisant dans la Gaule le savoureux tubercule auquel il a +donné son nom... + +Le juge sourit et le front du plaignant se dérida à vue d'oeil. + +--Mon honorable ami L..., continue l'orateur avec feu, a donc grand tort +de s'offenser d'une épithète qui prouve au contraire le grand cas que je +fais de ses vertus civiles et militaires. + +Le grainetier, quittant précipitamment son siége, serre avec effusion la +main du professeur, et, abjurant toute rancune, lui promet de donner à +son premier enfant les glorieux surnoms d'Horatius Melo. + +Il suffira de quelques procès de cette nature pour réhabiliter dans +l'opinion publique le cornichon, le concombre, et tous les membres de la +grande famille des citrouilles. + +MÉMOIRE + +C'est encore ici une scène de tribunal; et celle-ci à propos d'une +distribution de prix. + +LE JUGE.--Monsieur Blondel, vous avez payé d'avance et pour un an la +pension de votre fils? + +BLONDEL.--C'est vrai, mais il n'en est pas moins bête comme un âne. + +LE JUGE.--Et maintenant vous voulez qu'on vous rende votre argent? + +LE MAÎTRE D'ÉCOLE.--C'est contraire à l'usage, on ne rend jamais +l'argent chez moi. + +BLONDEL.--Cependant je veux le mien, je ne veux pas laisser mon fils en +pension chez vous. + +LE JUGE.--Pourquoi donc? + +BLONDEL.--À cause de la distribution des prix. + +LE JUGE.--Expliquez-vous. + +BLONDEL.--Imaginez-vous, mon juge, que mon enfant, qui aura onze ans à +la Saint-Nicaise, allait en classe chez cet homme contre lequel je +plaide. Il y apprenait à ravir... la manière d'arracher sa culotte et de +se fourrer des barbes de plumes dans les narines. (Rire général.) Bref, +je croyais qu'à part ces connaissances spéciales, mon enfant aurait fait +quelques progrès dans les sciences... le maître d'école que je +consultais à ce sujet, la veille de la distribution des prix, me +répétait qu'il serait récompensé selon son mérite. + +LE MAITRE D'ÉCOLE.--Il a eu un prix, il l'a été, récompensé; donc pas de +reproche à me faire. + +BLONDEL.--Joliment ma foi. Vous saurez que, n'ayant pas eu le temps +d'aller voir couronner mon fils, je l'envoyai le jour de la distribution +des prix se faire couronner tout seul. Mon petit bonhomme revient avec +une couronne atroce (rire), grosse comme le bras, de quoi orner le front +d'un géant; quand il la mettait sur sa tête, elle lui tombait sur le +ventre. (Rire général.) «Quel prix as-tu eu? lui dis-je.--Ah! papa, j'ai +oublié mon prix.--Mais enfin quel prix était-ce?--J'sais pas, +papa.--Diable d'enfant! ne pas savoir le prix qu'on a remporté... Est-ce +d'orthographe?--Non, p'pa.--C'est peut-être d'écriture?--Non, p'pa.--De +calcul?-Non p'pa.--Quelle pauvre tête!... ne pas se souvenir de son +prix!... Je vais à la pension moi-même pour le chercher... Savez-vous +quel prix mon fils avait remporté? + +LE JUGE.--Lequel donc? + +BLONDEL.--Le prix de mémoire. (Longue et bruyante hilarité.) + +Le maître d'école, pendant le rire général, rend à M. Blondel le montant +de la pension de son fils, et sort furieux du prétoire. + +MENER + +François II, empereur d'Allemagne se rendait à Luxembourg, forteresse +curieuse élevée au milieu d'un lac. Sans suite et sans gardes, il +s'amusait à conduire lui-même une barque. Il y en a beaucoup sur ses +rives. Un villageois s'approche et l'appelle; il le prend pour un +batelier. «Ohé! passez-moi! lui crie-t-il.--Volontiers,» répond le +monarque. + +Le paysan s'assied tranquillement dans la nacelle; et le souverain la +dirige. «Combien vous faut-il maintenant? dit le rustre arrivé au but, +et tirant sa bourse.--Rien, mon ami, répond l'empereur...--Vous ne menez +donc pas par état?--Si fait, je mène... mon empire.» + +MENTON + +Un Anglais et un Français se battaient au pistolet. Le premier, au +moment de tirer, n'étant pas encore bien décidé à se battre, dit: +«Parlementons.--Soit,» dit l'autre. Et la balle vint traverser la +mâchoire inférieure de son adversaire. + +MERLAN + +Un chercheur d'esprit disait, en passant devant une mairie où les +affaires n'allaient pas vite: «On peut faire maigre là tous les jours, +car on y trouve à tout heure un maire lent.» + +MERVEILLE + +En 1812, il y avait dans la rue Saint-Honoré un confiseur qui s'appelait +Veille. Dès qu'il eut un fils, il fit savoir au public qu'on pouvait +venir chez lui admirer la mère Veille. + +MESSIDOR + +Quel est le mois que les juifs aiment le mieux?--Le mois de juillet, qui +dans la république leur amenait un _Messie d'or_. + +MESURE + +On dit des musiciens que quand il s'agit de payer, ils sont rarement en +mesure. + +MILLE ANS + +Napoléon Ier aimait assez les calembours. + +En 1796, lorsqu'il sollicitait le commandement en chef de l'armée +d'Italie, il n'avait que vingt-sept ans; et, lui opposant son âge, on +balançait à le nommer. «Vous me trouvez trop jeune, dit-il, pour +commander en chef; eh bien, accordez-moi ma demande, et je vous réponds +que dans six mois j'aurai Milan.» + +MINE + +Guillot-Gorjus disait à Turlupin:--Tu m'as fait la mine.--Non, répondit +Turlupin, si je te l'avais faite, tu l'aurais plus belle. + +MOITIÉ + +Deux villageois avaient acheté un cochon en commun; au bout de six mois, +l'un voulait le tuer, l'autre ne voulait pas. «Si vous ne voulez pas +tuer votre moitié, dit le premier, laissez moi tuer la mienne.» + +MONARCHIEN + +Les dictionnaires nous apprennent que monarchien signifie, comme +monarchiste, partisan de la monarchie. En 1793, un boucher, nommé Monar, +était dur aux pauvres gens, auxquels, dans la détresse générale, il +refusait tout crédit. Un pauvre homme, fâché, écrivit sur sa porte +_monar chien_. C'était une dénonciation. Il fut arrêté comme suspect, et +sans son ami Henri, le boucher historique, il eût pu y passer. + +MONDE + +Un bonhomme disait: «Je ne connais pas d'endroit où il se passe plus de +choses que dans le monde.» + +MONORIMES + +Un des plus curieux tours de force en monorimes, employant les cinq +voyelles dans leur plus rare situation, a été fait par l'abbé de +Latteignant; on le chantait jadis sur l'air: «_En quatre mots je vais +vous dire ça._» + + I + + Je hais les dés, les cartes, le trictrac; + Je ne bois jamais de scubac + Ni de punch, ni de rack. + Par peur de la moindre claque, + Je fuis sitôt qu'on m'attaque + Plus vite qu'un brac. + Je ne vais pas courtiser Bergerac; + Et pour grossir mon sac + Je ne fais nul micmac. + Je n'ai d'horloge et d'almanach + Que mon seul estomac. + + II + + Je suis ravi du bon vieillard Issec. + Son langage est un vrai sorbec. + Malgré son vilain bec + J'irais le voir à la Mecque + Et rendre à ce vrai Sénèque + Un salamalec. + Près de lui j'aime autant un hareng pec + Blême du pain tout sec, + Que perdrix et vin grec. + O mort, si tu le fais échec, + Viens m'enlever avec + + III + + Je suis charmé, quand je suis en pic-nic. + On est libre; c'est là le hic, + En payant ric à ric. + Je fais quelques vers lyriques, + Mais jamais de satiriques; + Ce n'est pas là mon tic. + Je crains bien moins la langue d'un aspic, + Les yeux d'un basilic, + Que le blâme public. + Je ne fais nul honteux trafic; + Je suis dans mon district + + IV + + Je ne voudrais, pour l'or du monde en bloc, + Le sort m'eût-il remis au soc, + D'aucun bien être escroc. + D'un ami rien ne me choque; + S'il me raille, je m'en moque, + Sans livrer le choc. + Et j'aime autant un forban de Maroc + Que le grand monsieur Roch, + Tant il a l'air d'un croc; + Contre un turban ferais-je troc? + Non, plutôt contre un froc + + V + + Je hais les eaux de Forge et Balaruc. + Je ne porte point chez Colduc + D'ordonnance d'Astruc. + Je ne veux, sous ma perruque, + Porter cautère à la nuque, + Dussé-je être duc. + Car de son corps qui fait un aqueduc + Devient bientôt caduc, + Fût-il un gros heiduc. + Mais le vin est, si j'en crois Luc, + De tous le meilleur suc. + +On a fait aussi sur ces mêmes rimes isolées cinq adages que voici: + + Le thésauriseur cherche le sac. + Le promeneur cherche le sec. + Le biographe cherche le sic. + Le laboureur cherche le soc. + Le gourmand cherche le suc. + +On a publié, en février 1849, sur les désordres de l'Assemblée nationale +constituante, les vers monorimes suivants: + + En voyant cet affreux micmac, + On dit partout, même à Cognac, + À Bergerac, à Ribérac, + Que la république, au bissac, + Fait un déplorable tic-tac, + Qui peut finir par un cric-crac, + Comme en a produit Polignac. + Que voulez-vous? Proudhon et Bac, + Ledru-Rollin et Cavaignac + La poussent dans un cul-de-sac, + Où, par quelque coup de Jarnac, + On renversera son hamac. + Que Dieu conserve son cornac! + +MONSIEUR + +Ce nom autrefois indiquait une seigneurie. On disait: M. de Mayence, +pour l'électeur de Mayence. M. de Paris, pour l'archevêque de Paris. On +appelait Bossuet M. de Meaux, et, ce qui est assez singulier, Mme de +Sévigné, en parlant du pape, disait: M. de Rome. + +Un officier gascon, étant à l'armée, quitte un de ses camarades, et lui +dit assez haut et d'un ton important:--Je vais dîner chez Villars. Le +maréchal, qui se trouvait derrière cet officier, lui dit avec honte:--À +cause de mon rang et non à cause de mon mérite dites: Monsieur de +Villars.--Cadédis! répond le Gascon sans s'émouvoir, on ne dit pas +monsieur de César. + +Le grand Condé, ennuyé d'entendre un fat parler sans cesse de monsieur +son père et de madame sa mère, appela un de ses gens, et lui +dit:--Monsieur mon laquais, dites à monsieur mon cocher de mettre +messieurs mes chevaux à monsieur mon carrosse. + +MONTER + +Une servante apporte le mémoire du mois à son maître; il y remarque pour +trente francs de lait.--Comment! dit-il, je dois tant que ça à la +laitière?--Mon Dieu oui, Monsieur; c'est qu'il n'y a rien qui monte +comme le lait. + +MONTRER + +Une princesse passait tous les matins à apprendre l'hébreu. Un jour que +son maître de langue était entré chez elle avec une culotte déchirée, le +prince son mari lui demanda ce que cet homme venait faire dans sa +chambre. La princesse lui dit:--Il me montre l'hébreu. + +--Madame, répondit le prince, il vous montrera bientôt le derrière. + +MORCEAUX D'ENCENS + +On demandait à M. Castil-Blaze quels étaient les morceaux de musique qui +avaient la meilleure odeur. Il répondit:--Ce sont les morceaux dansants. + +MORDANT + +On demande pourquoi les gens décédés mangent du bois.--Parce qu'on les +trouve _morts dans_ leurs bières. + +MORT + +Trois députés des États de Bretagne étant venus pour haranguer le roi, +l'évêque, qui était le premier, oublia sa harangue, et ne put dire un +seul mot. Le gentilhomme qui le suivait, se croyant obligé de prendre la +parole, s'écria:--Sire, mon grand-père, mon père et moi sommes tous +morts à votre service. + +Un plaisant en fiacre, voyant passer un convoi funèbre qui s'en allait +au cimetière du Père-Lachaise, dit au cocher:--Retenez vos chevaux et +empêchez-les de prendre le _mort aux dents_. + +De tous les genres de mort dont on avait donné le choix à Arlequin, il +préféra celui de mourir de vieillesse ou d'indigestion. + +MOTS + +Un célibataire venait d'acheter une paire de mouchettes; sa gouvernante +lui ayant fait observer qu'elles étaient bien petites, il répondit +qu'elles étaient bien assez grandes pour une personne seule. + +Une ronde arriva près d'un poste. Un seul homme se trouvait présent à ce +moment, c'était le factionnaire. Le capitaine de la ronde, furieux, +s'avance sur lui en disant:--Comment, tas de coquins, vous n'êtes qu'un? + +Une femme d'esprit disait d'un orateur boursouflé qui avait une certaine +réputation d'éloquence:--Il est vrai qu'il trouve facilement ses +phrases; mais quand il les a trouvées, il est obligé de chercher ce +qu'il mettra dedans. + +Un Américain, ayant vu six Anglais séparés de leur troupe, eut l'audace +de leur courir sus, d'en blesser deux, de désarmer les autres et de les +amener au général Washington. Le général lui demanda comment il avait pu +faire pour se rendre maître de six hommes.--Aussitôt que je les ai vus, +répondit-il, j'ai couru sur eux et je les ai enveloppés. + +Un bourreau, conduisant au gibet un pauvre diable, lui dit:--Écoutez, je +ferai de mon mieux; mais je dois vous prévenir que je n'ai jamais +pendu.--Ma foi, répond le patient, je vous avouerai également que je +n'ai jamais été pendu non plus; mais, que voulez-vous! nous y mettrons +chacun du nôtre. Il faut espérer que nous nous en tirerons. + +Le deuxième consul, Cambacérès, donnait une fête à laquelle se +trouvaient beaucoup d'artistes. Elle touchait à sa fin, lorsque +Cambacérès invita Garat à chanter. Celui-ci, piqué de ce que l'on ne se +fût pas adressé plutôt à lui, tire sa montre et répond:--Impossible, +citoyen consul; il est minuit: ma voix est couchée. + +L'expression «à faire trembler» est si familière aux Gascons, qu'ils +l'emploient à tout propos. Quelqu'un faisait observer ce gasconisme à un +officier gascon, qui répondit par cette gasconnade:--Que l'expression +«cela fait trembler» est la plus forte qu'un Gascon puisse employer en +quelque circonstance que ce soit, parce qu'il n'y a rien dans la nature +qui soit au-dessus de ce qui fait trembler un Gascon. + +Le mot «au contraire» pour _non_ est encore très-usité par les Gascons. +Les députés des États du Languedoc étant à Versailles à l'audience du +roi, un Gascon du cortège trébucha et tomba. Comme tout le monde lui +demandait s'il s'était fait mal en tombant, il dit gaiement en se +relevant:--_Au contraire._ Cette manière de parler fit rire ceux qui +étaient présents. Les uns prétendaient que c'étaient un gasconisme, les +autres une gasconnade. C'était l'un et l'autre. + +Dans un grand dîner que donnait Louis XVIII, le vieux roi, s'adressant à +un seigneur, vieux aussi, lui demanda si un certain mets qu'il lui +désignait, et que le roi aimait fort, était de son goût.--Sire, lui +répondit le courtisan, je ne fais jamais attention à ce que je +mange.--C'est un tort que vous avez, reprit le roi; à tout âge il faut +faire attention à ce qu'on mange, et au vôtre à ce qu'on dit. + +M. le comte de Mailly de Beaupré portait toujours à l'armée son chapeau +à la tapageuse, en sorte que la cocarde se trouvait derrière.--Voilà, +disait un de ses officiers, une cocarde qui a bien souvent vu l'ennemi. + +Un conseiller borgne, voulant décider seul une contestation épineuse, +une autre espèce de turlupin lui dit:--Croyez-moi, empruntez les +lumières d'un de vos confrères; deux yeux valent mieux qu'un. + +Un célèbre buveur, étant à l'article de la mort, pria un de ses amis, +qui était à côté de son lit, d'y faire apporter un verre d'eau, en +disant:--A la mort, il faut se réconcilier avec ses ennemis. + +Le poëte Bret, qui a fait sur Molière des commentaires assez estimés, +alla voir, dans sa jeunesse, un seigneur bourguignon, qui, enflé de sa +fortune et de ses titres, lui dit que ses vassaux ne s'asseyaient et ne +se couvraient jamais devant lui.--Corbleu! réplique Bret en enfonçant +son chapeau sur ses oreilles et se jetant dans un grand fauteuil, ces +gens-là n'ont donc ni cul ni tête? + +La basse bohème, à Paris, emploie une langue à part. Après s'être +traités, dans une dispute, de polichinelle et de caricature empaillée, +les deux casseurs d'assiettes se retroussent les manches pour se donner +ce qu'ils appellent une raclée, une peignée, une rincée, et le plus +rageur dit à l'autre:--Numérote tes os, que je te démolisse! On arrive +alors, et on les sépare, à moins que ce ne soient des Auvergnats. + +MOURIR + +Un malade interrogé pourquoi il n'appelait pas un médecin: «C'est, +répondit-il, parce que je n'ai pas encore envie de mourir.» + +MOUSSES + +On demande pourquoi les marins font tant de cas du vin de +Champagne.--C'est pourtant bien clair. Leur raison est que c'est le vin +qui produit le plus de mousse. + +MULE + +Voici un exemple de la tolérance et des lumières des ennemis +systématiques de Rome. Un journal anglais a donné, il y a dix ans, à ses +lecteurs un récit tronqué du voyage de S. S. Grégoire XVI à Ancône. +L'auteur de ce récit, copié d'après les feuilles françaises, a traduit +la mule du pape par _mule_, animal. Mais, non content de commettre cette +grossière méprise, il y ajoute quelque chose de sa façon. Ainsi, il +raconte que «Sa Sainteté était assise sur un trône, un de ses pieds +reposait sur un tabouret recouvert de velours rouge; la mule, RICHEMENT +CAPARAÇONNÉE DE MÊME COULEUR, se trouvait à ses côtés. Toutes les +personnes, ajoute-t-il, qui étaient admises dans le salon, +s'agenouillèrent trois fois et allèrent baiser la mule.» + +L'écrivain accompagne ce récit des commentaires les plus ridicules; il +s'élève contre la superstition des catholiques qui s'avilissent au point +de baiser de vils animaux. C'est là de l'idolâtrie, du fétichisme, etc. +Il conclut en faisant l'éloge de la réforme, qui a aboli le culte des +mules, etc. + +Si des journalistes se trompent à ce point sur ce qui concerne le chef +visible de l'Église, est-il étonnant que tant de réformés, en Angleterre +comme en Allemagne, nourrissent des préjugés absurdes contre le +catholicisme? + +MUR + +Lorsque les fermiers généraux enfermèrent Paris d'un mur d'enceinte en +1785, cette innovation triste souleva presque autant de clameurs que +l'enceinte continue en 1840. On fit là-dessus le vers qui suit: + + Le mur murant Paris rend Paris murmurant. + + + +N + +NACELLE + +Quel est l'âne qui va le mieux à l'eau?--C'est _l'âne à selle_. + +NAIN + +La vie que menait, au dernier siècle, le prince d'Hénin, lui attira +cette épigramme de Champcenetz: + + Prince, à te juger par ton train, + Tu fais un rôle des plus minces; + Tu n'es plus le prince d'_Hénin_, + Mais seulement le nain des princes. + +NAIVETÉ + +On recommandait à une dame malade de boire de l'eau de sedlitz, et on +lui disait: «Il n'y a que le premier verre qui coûte à boire.--Eh bien! +dit la malade, je ne prendrai que le second.» + +M. de D*** recommanda très-instamment qu'on l'ouvrît, et en donna la +raison suivante: «Les médecins n'ayant pu s'accorder entre eux sur le +genre de ma maladie, je ne serais pas fâché de savoir à quoi m'en tenir +sur la cause de ma mort.» + +Un conseiller disait à un ami: «Si j'avais quelque chose de bon, je vous +dirais de dîner avec moi.» Le domestique qui le suivait lui dit à +demi-voix: «Monsieur, vous avez une tête de veau.» + +Un banquier anglais, nommé Fer ou Fair, fut accusé d'avoir fait une +conspiration pour enlever le roi (George III), et le transporter à +Philadelphie. Amené devant ses juges, il leur dit: «Je sais très-bien ce +qu'un roi peut faire d'un banquier, mais j'ignore ce qu'un banquier peut +faire d'un roi.» + +Un dame de la cour dit un jour: «C'est bien dommage que l'aventure de la +Tour de Babel ait produit la confusion des langues; sans cela, tout le +monde aurait toujours parlé français.» + +On pressait une femme lancée dans l'esprit et dans les sciences, et qui +devait aller à l'Observatoire voir une éclipse de lune. «Ne vous +inquiétez pas, dit-elle, M. de Lalande a beaucoup de bontés pour moi; si +c'est fini quand nous arriverons, il fera recommencer.» + +Un provincial, étant à Saint-Cloud, vit Napoléon dans ses jardins: + +«Je l'ai vu, dit-il, ce grand empereur, qui se promenait lui-même.» + +NERF DE BOEUF + +On disait d'un homme colère qu'il ne s'expliquait jamais qu'avec un air +de boeuf. + +NÉRON + +Dans le temps où quelques hommes changeaient de nom pour prendre les +noms de Brutus, de Scévola, de Fabricius, Publicola, etc., un membre de +la section des Tuileries disait à la tribune: «Et moi aussi je veux +prendre un nom romain, afin que l'on ne doute plus de mon patriotisme; +je veux m'appeler comme celui qui mit le feu dans la commune de Rome +pour faire brûler les aristocrates, et qui manqua d'être la victime +d'Épicharis et de Séjan... celui... Parbleu!... Aidez-moi donc... +celui... qui... pardienne, vous n'en connaissez pas d'autre, celui qui +n'avait pas comme gui dirait un nez pointu... + +--Que t'es bête, lui dit un collègue, c'est _nez rond_. + +--Oui, c'est ça, je me baptise Nez rond. + +NEUF + +Ah! mon cher ami, que je suis aise de vous rencontrer. Savez-vous ce +qu'on dit de neuf? + +--Non, eh bien? + +--Eh bien, on dit que c'est la moitié de dix-huit. + +NEZ + +Un camus annonçait à ses amis que sa femme venait d'accoucher.--Ah! tant +mieux, lui répondit-on, tu auras un _nouveau-né_. + +Quel événement a ruiné les marchands de tabac? + +--La descente d'Énée aux enfers. (Voyez _Diné_.) + +M. Fouquier-Long, n'ayant pas été réélu par le département de la +Seine-Inférieure, son épouse signa depuis ses lettres et billets: Femme +Fouquier, _née Long_. + +Dans la petite pièce intitulée: _le Sourd_, le papa Doliban donne ainsi +le signalement de son gendre futur: «Front large, cheveux châtains, nez +aquilin...» + +--Comment, né à Quilin! papa, vous vous trompez; vous savez bien que je +suis né à Châlons-sur-Marne. + +M. Renaudot, médecin à Montpellier, avait le nez camus. Il perdit contre +Guy-Patin, médecin de Paris, un procès et s'en plaignait fort en sortant +de l'audience. Guy-Patin lui dit: «Si vous avez perdu d'un côté, vous +avez gagné de l'autre; car vous étiez entré ici avec le nez camus, et +maintenant vous avez _un pied de nez_.» + +On doit à Désaugiers le joyeux pot-pourri de la bouche et du nez, qui +est farci de quelques jeux de mots. Nous le donnons ici: + + POT-POURRI DE LA BOUCHE ET DU NEZ + + Air: _Mon père était pot._ + + Jugez si je fus étonné + Lorsque, la nuit dernière, + Je sentis ma bouche et mon nez + S'agiter en colère. + Qui donc en sursaut, + Me dis-je aussitôt, + Si matin me réveille? + Le nez se moucha, + La bouche cracha, + Et je prêtais l'oreille. + + LA BOUCHE, bâillant. + + Air: _Je suis né natif de Ferrare._ + + Maudit nez! Le diable t'emporte + Ronfla-t-on jamais de la sorte! + + LE NEZ. + + Morbleu! quel démon m'installa + Près de cette bavarde-là? + + LA BOUCHE. + + Et c'est au milieu du visage + Qu'on loge un si sot personnage! + + LE NEZ. + + Tout sot que je suis, je me croi + Encor moins mâchoire que toi. + + LA BOUCHE, piquée. + + Air de _la Fanfare de Saint-Cloud_. + + Que m'importent ta colère + Et tes sarcasmes mordants! + + LE NEZ. + + Est-ce pour me faire taire + Que tu me montres les dents? + + LA BOUCHE. + + Va, je ris de tes sottises; + Entends-tu, vilain camus? + + LE NEZ. + + Quelque chose que tu dises, + J'aurai toujours le dessus. + + LA BOUCHE. + + Air: _Réveillez-vous, belle endormie._ + + Nécessaire autant qu'agréable, + Je sers l'enfant et le barbon; + Et de toi, qui fais le capable, + On ne peut rien tirer de bon. + + LE NEZ. + + Air: _La bonne aventure au gué!_ + + De quelque titre plâtré + Que tu t'autorises. + Jamais je ne souffrirai + Que tu me maîtrises. + Si tu le veux, fâche-toi, + Je n'ai jamais craint, ma foi, + D'en venir aux prises, + Moi... + D'en venir aux prises. + + LA BOUCHE. + + Air: _Si Dorilas._ + + Je suis utile à mille choses. + + LE NEZ. + + De ses dons le ciel m'a comblé. + C'est pour moi qu'on plante les roses. + + LA BOUCHE. + + C'est pour moi qu'on sème le blé. (_bis._) + + LE NEZ. + + Par moi l'on respire sur terre. + + LA BOUCHE. + + C'est moi qui préside aux repas. + + LE NEZ. + + L'homme, sans moi, ne vivrait guère. + + LA BOUCHE. + + L'homme, sans moi, ne vivrait pas (_bis._) + + LE NEZ. + + Air de _l'Avare et son ami_. + + Dans une maison, lorsqu'on entre, + À l'instant même du dîner, + Ne dit-on pas, frappant son ventre: + Ma foi! je vois que j'ai bon nez? + + LA BOUCHE. + + De tous les mets auxquels on touche, + Celui qu'on croit de meilleur goût + N'est-il pas celui que partout + On garde pour la bonne bouche? (_bis._) + + LE NEZ. + + Air: _Jeunes filles, jeunes garçons_. + + Tu conviens pourtant que jamais + Tu ne cessas d'être gourmande? (_bis._) + + LA BOUCHE. + + C'est bien toi que tout affriande, + Jusqu'à la seule odeur des mets. + + LE NEZ. + + Oui, leur parfum me touche; + J'en dois faire l'aveu; + En tout temps, en tout lieu, + Je fus toujours un peu + Sur la bouche (_bis._) + + LA BOUCHE. + + Air: _Dans la vigne à Claudine_. + + As-tu juré de mettre + Ma patience à bout? + C'est trop me compromettre + Avec ce marabout. + + LE NEZ. + + En vain tu voudrais feindre; + J'ai su te battre... + + LA BOUCHE. + + Moi! + Que puis-je avoir à craindre + D'un morveux comme toi? (_trois fois._) + + LE NEZ, rouge de fureur. + + Air: _Tenez, moi, je suis un bon homme_. + + Qui? moi, morveux! dans ma colère, + Je vais te prouver sans pitié, + Que le nez est un adversaire + Qui ne se mouche pas du pied. + (Après un moment de réflexion.) + Je me salis, si je te touche... + Il vaut bien mieux nous séparer... + Et, d'ailleurs, le nez et la bouche + Sont-ils faits pour se mesurer? + + LA BOUCHE. + + Air: _Bon voyage, cher Dumollet._ + + Bon voyage, + Mon cher voisin! + Nous en ferons tous deux meilleur ménage. + Bon voyage, + Mon cher voisin! + Loin l'un de l'autre, on est toujours cousin. + + LE NEZ, se détachant et lui tournant les talons. + + Tu vas savoir si du nez l'on se passe. + + LA BOUCHE. + + Dans quel quartier vas-tu donc demeurer? + + LE NEZ. + + Je ne tiens pas une si grande place + Que je ne trouve enfin où me fourrer. + + LA BOUCHE. + + Bon voyage, + Mon cher voisin! + Nous en ferons tous deux meilleur ménage. + Bon voyage, + Mon cher voisin! + Loin l'un de l'autre, on est toujours cousin. + (Le nez sort par une vitre cassée.) + + LA BOUCHE, se regardant au miroir. + + Oh! grand Dieu! sans nez que je suis laide! + J'ai tort, j'en conviens. + Cher nez, reviens + Vite à mon aide. + Oh! grand Dieu! sans nez que je suis laide! + Je sens qu'en effet + La nature avait tout bien fait. + + LE NEZ, dehors, cherchant où se poser. + + Mais où donc faut-il que je me place? + Mon oeil étonné + Rencontre un nez + Sur chaque face. + Mais où donc faut-il que je me place? + Où donc me jucher? + Où me nicher? où me percher? + + LA BOUCHE, au désespoir. + + Oh! grand Dieu! sans nez que je suis laide! + J'ai tort; j'en conviens. + Cher nez, reviens + Vite à mon aide. + Oh! grand Dieu! sans nez que je suis laide! + Je sens qu'en effet + La nature avait tout bien fait. + + LE NEZ, un peu honteux, reprenant sa place. + + Air: _Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il tonne!_ + + Je voulais faire un coup de tête... + Mais toute réflexion faite, + Je reste où le destin m'a mis. + Peut-être ailleurs serais-je pis. + + FINAL. + + Air: _Aussitôt que la lumière._ + + À ces mots ils s'embrassèrent; + Et, se tenant par la main, + Tous les deux ils se jurèrent + Alliance, accord sans fin. + C'est ainsi que, sur la terre, + Me dis-je alors en secret, + La discorde sait se taire, + A la voix de l'intérêt. + +NICHES + +Pourquoi les saints n'aiment-ils pas trop les maçons?--Parce qu'ils leur +font des niches. + +NOIRCEUR + +Un bourgeois facétieux, passant devant un couvent de femmes, +disait:--Voilà une maison pleine de noires soeurs. + +NOMS + +Un journal de Lyon mentionnait, il y a quelque temps, quelques +associations de noms propres qui donnent lieu à de plaisants jeux de +mots. Ainsi, il y a eu dans cette ville une maison de commerce célèbre +sous la raison de: _Lajoie_, _Rigodon_, _Vidon et Cie_. Viennent ensuite +MM. _Hyver_, marchand de charbons; _Gilet_, marchand de bas; _Mouton_, +boucher; Mlle _Quinquet_, veilleuse. Tout cela, du reste, n'est rien à +côté de l'adresse d'une, lettre dont le _Salut public_ garantit +l'authenticité: _A Monsieur Vermine, au dépôt de Mendicité, place de la +Misère, à La Charité_. M. Vermine a été longtemps concierge du dépôt de +mendicité de la Charité-sur-Loire, et peut-être l'est-il encore. (Voyez +_Jeux de mots et facéties_.) + +On a imprimé au dernier siècle un assez mauvais roman; les héros +portaient des noms à prétentions allégoriques. C'étaient le père +Vertisseur, le père Manant, le père Nicieux, le père Foré, le père +Hoquet, le père Sonnel, le père Fide, le père Lé, etc. Dans les femmes, +c'était la mère Veille, la mère Tume, la mère Idienne, la mère Curiale, +la mère Ida, la mère Ingue, Puis des Anglais et des Anglaises: lord +Gueil, lord Nière, lord Ange, lord Dinaire, lord Igine, lord Tie, lord +Gane, lord Seille, lady Arrhée, lady Scorde, lady Gestion, lady Spense, +lady Forme, lady Aphane. Des plaisanteries de ce genre n'auraient +peut-être pas grande vogue aujourd'hui. + +Trois Anglais, dont les noms étaient: _Singulier_, _Davantage_ et +_Juste_ (Strange, More, Right), s'étant trouvés ensemble à souper dans +une taverne, le dernier dit aux autres:--Il y a un voleur parmi nous; +c'est Singulier.--Cela est vrai, reprit Singulier; mais pourquoi pas +Davantage?--Oui, reprit Davantage, il faut être Juste. + +Le docteur Drawell ayant rencontré un de ses amis la veille d'une +exécution qui devait se faire à Tyburn, lui demanda s'il savait le nom +du criminel.--Pas trop, reprit l'autre; c'est un certain +Pronom.--Comment! un Pronom?--Rien n'est plus vrai; mais on assure que +ce n'est ni vous ni moi. + +NORMANDS + +Le Gascon par excellence, Cyrano Bergerac, dit, dans son _Pédant +joué_:--Et la seconde objection que je fais est que vous êtes Normand: +Normandie _quasi_ venue du _Nord_ pour _mendier_. De votre nation les +serviteurs sont traîtres, les égaux insolents, les maîtres +insupportables. Jadis le blason de cette province était trois faux, pour +montrer les trois espèces de faux qu'engendre ce climat: _Scilicet_, +faux sauniers, faux témoins, faux monnayeurs. Je ne veux point de +faussaires en ma maison. + +NOTAIRE + +Un plaisant disait que la métempsycose ne le surprenait pas, puisque +lui-même pouvait faire avec _un os taire_ un chien. + +NOUS + +Un grand seigneur de la cour, qui aimait beaucoup les chevaux, fut +extrêmement surpris de ce que son écuyer lui vint dire un matin que le +cheval qu'il avait monté la veille était mort.--Quoi, dit-il, le cheval +que j'avais hier à la chasse?--Oui, Monsieur.--Ce cheval bai que j'ai eu +de M. de Barradas?--Oui, Monsieur.--Qui n'avait que six ans?--Oui, +Monsieur.--Qui mangeait si bien?--Oui, Monsieur, celui-là même, répondit +l'écuyer.--Eh! bon Dieu! écria le maître, qu'est-ce que c'est que de +nous! + +NUMA POMPILIUS + +On parlait à une dame bel esprit de ce gracieux roman-poëme de Florian. + +--L'avez-vous lu? lui disait-on. + +--Certainement, répondit-elle avec assurance; et j'en avais prévu le +dénoûment dès le début. + +--Quel dénoûment? + +--Mon Dieu, comme toujours, un mariage: Pompilius qui finit par épouser +Numa. + + + +O + +Quel est le plus agréable des O?--l'O riant.--l'O est aussi la lettre la +plus humide. + +L'O était chez les anciens l'emblème de l'éternité. Il est le sujet de +l'énigme suivante: + + Je sais de l'Éternel la figure et l'emblème: + Mortel, que ferais-tu sans mon pouvoir suprême? + Rien. Le monde sans moi n'aurait plus de soutien; + Je suis utile à tout, sans être propre à rien. + +OBÉISSEZ + +S'écrit avec les quatre lettres OBIC. + +OBSERVER + +Le grammairien Urbain Domergue était retenu au lit par un abcès à la +gorge, qui menaçait de le suffoquer. Son médecin s'approche et lui +dit:--Si vous ne prenez ce que je vous ordonne, je vous observe que... + +--Et moi, je vous fais observer, s'écrie le moribond, transporté d'une +scientifique colère, que c'est bien assez de m'empoisonner par vos +remèdes, sans qu'à mon dernier moment vous veniez m'étouffer par vos +solécismes! + +À ces mots prononcés avec impétuosité, l'abcès crève, la gorge se +débarrasse, et grâce au solécisme, l'irascible grammairien est guéri. + +ODRY + +Un médecin fashionable disait, il y a dix ans, à un malade +triste:--prenez de l'_odry_.--Le malade prit de l'_eau de riz_, et n'en +fut que plus resserré. + +Nous avons cité plusieurs calembourgs d'Odry. Voici deux chansons de sa +façon. + + I. + + --Papa, ces p'tits bateaux + Qui vont sur l'eau + Ç'a-t-il des jambes? + --Mais s'ils n'en avaient pas, + Petit bêtat, + Ils n'iraient pas. + + II. + + Petit-Jean, hausse-moi, + Pour voir les fusées volantes; + Petit-Jean, hausse-moi, + Pour voir les fusées voler. + + Petit-Jean m'a haussé, + J'ai vu les fusées volantes. + Petit-Jean m'a haussé, + J'ai vu les fusées voler. + +OEUF + +Bobèche disait que le mariage, les premiers jours, est _un noeud frais_, +au bout d'un an _un noeud dur_, et quelquefois _un noeud brouillé_. + +OEUFS + +Quel est le pays où l'on mange le plus d'omelettes?--La ville d'_Eu_. + +OIE + +Un républicain, à dîner chez un de ses amis, vit servir un foie de veau +piqué et une oie à la broche.--À la bonne heure! dit-il, on ne pourra +plus vous accuser de n'avoir ni foi, ni loi. + +OMBRE + +Un homme surpris par un bataillon de ses ennemis, quelque brave qu'il +soit, peut avoir peur de son nombre. + +ONCE + +Quel était la voiture la plus légère au baptême du prince impérial? + +--La voiture du Nonce. + +ORDRE + +Comme le chevalier Taylor racontait les honneurs qu'il avait reçus des +différentes cours de l'Europe, et les ordres dont il avait été décoré +par un grand nombre de souverains, un membre du parlement, qui se +trouvait près de lui, observa qu'il n'avait pas nommé le roi de Prusse, +et il ajouta:--Je présume qu'il ne vous a jamais donné aucun +ordre.--Pardonnez-moi monsieur, reprit le chevalier, il m'a donné +l'ordre de quitter ses États. + +OREMUS + +Quel est le plus poli d'_Oremus_ et de _Quæsumus_. + +--C'est _Oremus_, car on dit souvent: _Oremus visita Quæsumus_; et on ne +voit pas que _Quæsumus_ ait visité _Oremus_. + +On repoussa, au théâtre français, en 1814. une tragédie de _Romulus_, +dont le premier vers commençait par ces mots: _ô Remus_. Des plaisants +citent ainsi le vers entier: + + _O Remus, dominez_ sur les remparts de Rome. + +ORIGINAL + +Un doyen anglais, qui n'était pas d'un très-grand génie, acheta un jour, +d'un homme de lettres, un sermon qu'il prêcha avec beaucoup de succès +dans une grande chapelle de Londres. Le dimanche suivant, il alla dans +une autre église pour assister à l'office, et eut le désagrément +d'entendre un autre ecclésiastique prêcher le même sermon que le sien, +devant une nombreuse assemblée qui couvrait d'applaudissements le +prédicateur. Courroucé de ce que l'auteur avait abusé sa bonne foi, il +lui fit reproche, dans les termes les plus vifs, de lui avoir vendu une +copie pour un original. «Vous vous trompez grandement, lui repartit +l'auteur, car c'est l'autre prédicateur qui a la copie, et vous avez +l'original.» + +OS + +Quelqu'un disait, en voyant jouer une actrice fort maigre: il n'est pas +besoin d'aller à Versailles ou à Saint-Cloud pour voir jouer les os. + +OU + +Le célèbre Daniel Burgess dînait un jour en ville, chez une personne de +sa connaissance. Lorsqu'on en fut au dessert, on servit un grand fromage +du Cheshire. + +--Où l'entamerai-je, demanda Daniel? + +--Où vous voudrez, reprit le maître de la maison? + +Là-dessus, Daniel, appelant un des domestiques qui servaient à +table:--Portez, dit-il, ce fromage chez moi; je l'entamerai à la maison. + +OURAGAN + +L'empereur Nicolas disait un jour au prince Dolgorouki: Devine quel est +le moment où M. Guizot a le plus tempêté. + +--Je ne sais pas. + +--Eh bien... c'est quand il a suivi Louis XVIII dans les Cent Jours, +qu'il a fait un petit tour à Gand. + +OURSINS + +M. Prud'homme a constaté que les ours sains sont ceux qui généralement +se portent le mieux. + +OUVRIR LA BOUCHE + +Montmaur était avocat et professeur en langue grecque; c'est pour cela +qu'on l'appelait le Grec. Quoiqu'il fût fort riche, il voulait ajouter +au plaisir de faire bonne chère, celui de ne rien dépenser; il tenait un +registre de toutes les bonnes tables de Paris, et cherchait les moyens +de s'y introduire--Il était d'un naturel satirique; dès qu'il se +trouvait avec de grands seigneurs, il se déchaînait contre tous les +auteurs et les savants. Ses habitudes de parasite et sa médisance firent +dire de lui «qu'il n'ouvrait jamais la bouche qu'aux dépens d'autrui.» + + + +P + +PAGES + +On proposait au directeur de la troupe des comédiens de Versailles de +laisser entrer tous les pages du roi, de la reine et des princes. Il +objecta, avec raison, que beaucoup de pages font un gros volume. + +PAIN ET BOUILLI + +Bouilly est connu par quelques ouvrages médiocres, parmi lesquels on +citera, si vous voulez, _les Contes à ma fille_, deux volumes que +donnait en prix, tous les ans, madame Campan, à la maison d'Écouen. +Joseph. Pain ne manquait pas de faire, pour cette solennité, des vers +que l'on distribuait également aux jeunes pensionnaires. Un plaisant +dit, à ce sujet, que les filles (d'Écouen), quand elles se conduisaient +bien, recevaient tous les ans deux livres de bouilli et un morceau de +pain. + +PAIR + +Le jour de l'apparition des trois ordonnances (juillet 1830), un balourd +empressé se rencontre avec M. de Sesmaisons au tourniquet de Saint-Jean, +et, comme il le gênait en passant, il lui dit: Excusez, gros +père.--Allons, s'écria l'ex-honorable député, on ne peut plus garder son +incognito dans cette ville; cet homme sait déjà que je suis pair de +France. + +Un Gascon, voyant un duc perdre au jeu, s'écria:--Il est _duc et perd_. + +ÉPIGRAMME DE 1790. + + Par un arrêt plein de sens, de raison, + Les douze cents majestés de la France, + En corrigeant l'impertinence + Des magistrats du bon peuple breton, + Les ont, pour le bien de leurs âmes, + Déclarés tous séditieux, pervers, + Félons, coquins, traîtres, infâmes... + C'est un jugement de leurs pairs. + +PALAIS + +On appelle palais la partie intérieure de la bouche, qui en est la +voûte. + +Le Palais de Justice ayant été incendié dans le siècle dernier, les +Parisiens, qui rient de tout, même de leur propre malheur, se passèrent +de main en main le quatrain suivant: + + Certes, ce fut un triste jeu, + Quand à Paris, dame justice, + Pour avoir mangé trop d'épice, + Se mit le palais tout en feu. + +--Quelle différence y a-t-il entre les princes et les huîtres? + +--C'est que les huîtres ne font que traverser le palais, et que les +princes y résident. + +Cette solution rappelle un des calembours de M. de Bièvre. Il revenait +de Versailles où il avait assisté au déjeuner de Louis XV, et on lui +demandait ce qu'il y avait remarqué. + +--J'ai vu, dit-il, une huître traverser le palais royal. + +PAON + +--Quels sont les paons les plus lourds?--Ce sont les plus gras.--Non, ce +sont les pans de murailles, comme les plus légers sont les pans +d'habits, et les plus crottés les pantalons. + +On annonçait un jour, en objet à vendre, une volière ayant huit pans. Un +amateur de paons l'alla voir. C'était une volière octogone. + +PAPIER + +Ce mot a plusieurs sens, qu'il est inutile d'exposer. On comprendra +aisément ce qu'il veut dire ici. Ces vers ont paru en 1790. + + L'or, l'argent et l'airain, aussi bien que le fer + Chez nos premiers aïeux ont eu chacun leur âge. + Celui-ci doit son nom au charlatan Necker; + Et du peuple français l'auguste aréopage, + Secondant les projets du ministre banquier, + Veut que l'âge présent soit l'âge du papier. + +PARAPET + +Un homme passant avec sa femme sur le pont Royal, à Paris, pont +très-fréquenté, laissa échapper un de ces soupirs intérieurs dont on +rougit toujours un peu.--Prends-donc garde à ce que tu fais, lui dit sa +femme.--Ne crains rien, répondit-il; tu vois bien qu'il y a ici des +parapets. + +PARDON + +À Messine, où commandait le maréchal de Vivonne, un officier vint le +réveiller pour lui dire quelque chose. Il commença ainsi: «Monseigneur, +je vous demande pardon, si je viens vous réveiller.--Et moi, lui +repartit le maréchal, je vous demande pardon si je me rendors.» + +PAREIL + +Un bourgeois qui avait un attelage de deux chevaux bruns perdit l'une de +ses bêtes, et chargea le domestique de rappareiller le survivant. Le +domestique chercha, découvrit et vint dire à son maître:--Monsieur, j'ai +trouvé votre pareil. + +PARLEMENT + +Montmaur dit, dans sa requête au Parlement: + + De la cour du grand parlement + Tout homme qui mal parle ment. + +PAROLE + +Ménage se trouvait dans le cloître des Chartreux lorsqu'on y faisait +voir le tableau de saint Bruno. Quelqu'un dit: «Il ne lui manque que la +parole.--En ce cas, dit Ménage, il est parfait; car il ne pourrait +parler sans manquer à la règle.» + +PARTIR + +Potier dit un jour à un de ses amis qu'il avait eu jadis des fusils +excellents: «En quoi étaient-ils donc si merveilleux? reprit +l'autre.--C'est qu'ils partaient aussitôt qu'il entrait des voleurs chez +moi, quoiqu'ils ne fussent pas chargés.--Et comment cela?--Parce que les +voleurs les emportaient pour eux.» + +Quand la brillante société de Paris s'échappe au beau temps pour les +eaux et la compagne, les pointus disent qu'il y a dans la capitale +beaucoup d'_esprit de parti_. + +PAS + +Au commencement de 1793, les gazettes allemandes ayant répandu le bruit +que le prince de Brunswick avançait à pas de géant sur Paris, un soldat +de l'armée parisienne lit l'impromptu suivant: + + Monsieur l'imprimeur allemand, + Rendez-nous un petit service; + Effacez: À pas de géant, + Et mettez: À pas d'écrevisse. + +Un poëte de village a placé sur la porte du cimetière de sa commune +l'inscription suivante: + + Tous tes pas sont faux pas; tu ne fais pas de pas + Que tes pas, pas à pas, n'amènent ton trépas. + +PASSER + +Sur la porte du passage de l'église de Saint-Séverin, qui menait +autrefois du cimetière à la rue de la Parcheminerie, on lisait ces vers: + + Passant, penses-tu pas passer par ce passage, + Où passant j'ai passé? + Si tu n'y penses pas, passant, tu n'es pas sage; + Car, en n'y pensant pas, tu te verras passé. + +Un ignorant, bel esprit et quelque peu farceur, se présente à +l'université de Reims pour y passer maître ès arts. Il y est reçu. +Surpris de la facilité avec laquelle il avait acquis ce grade, il va de +nouveau trouver le président de la Faculté, et lui dit: «Monsieur, +pendant que je suis en cette ville, je voudrais profiter de l'occasion, +et faire aussi passer mon cheval maître ès arts.--Monsieur, lui répondit +le président, je suis fâché de ne pouvoir vous obliger davantage, mais +nous ne recevons ici que les ânes.» + +PATAQUIÈS OU PATAQU'EST-CE + +Lorsqu'en 1857 on distribua la médaille de Sainte-Hélène, les journaux +citèrent la lettre suivante, adressée à l'Empereur, au camp de Châlons: + +«Sire, + +«J'ai contracté sous votre cher oncle deux blessures mortelles, qui, +depuis 30 ans, font l'ornement de ma vie, l'une à la cuisse droite, +l'autre à Wagram. Si ces deux anecdotes vous paraissent susceptibles de +la croix d'honneur, j'ai bien celui de vous en remercier d'avance. + +«_Signé_: ANTOINE BONNIOT, «_Caporal honoraire à l'ex-jeune garde_. + +«_P. S._ Mme Bonniot sera bien sensible à votre amabilité. +«Affranchir la réponse, s'il vous plaît. +«Ci-joint les pièces amplificatives.» + +PATTE ÉTHIQUE + +Une actrice qui avait la main décharnée, se présenta sur le théâtre où +elle joignait, à une déclamation forte, de grands gestes, en déployant +de grands bras. + +--Quel pathétique! s'écria un des spectateurs. + +PAUVRE + +Le collége des Grassins, à Paris, a été fondé pour les pauvres écoliers +du diocèse de Sens. Il y avait autrefois, au-dessus de la porte: +_Collège des Grassins, fondé pour les Pauvres de Sens_. Cette +inscription fit croire que c'était un hôpital de fous. On fut obligé de +la supprimer. + +Un ami de Bayle s'entretenait avec ce philosophe sur la pauvreté des +gens de lettres: «Ah! mon ami, lui dit Bayle, le nombre des auteurs +pauvres est presque aussi considérable que le nombre des pauvres +auteurs.» + +Un pauvre diable qui passait par un village alla, pressé par la faim, +heurter à la porte d'un seigneur: + +--Qui êtes-vous? lui demanda-t-on. + +--Je suis un pauvre musicien qui demande la passade. + +--Entrez. + +Entré qu'il fut, le seigneur le fit dîner avec lui. Ce seigneur était +mélomane; et il avait fait apprendre la musique à ses enfants, garçons +et filles. Après le dîner, il fait apporter des livres de chant; il les +distribue, un à l'étranger, et les autres à ses enfants. Ceux-ci se +mirent à chanter; le seigneur qui n'entendait rien dire au passant, +croyait qu'il voulait écouter un moment. À la fin, comme le silence +continuait: + +--Vous ne chantez point? lui dit-il. + +--Non, monsieur. + +--Pourquoi? + +--Monsieur, ne vous ai-je pas dit que j'étais un pauvre musicien? Eh +bien! je suis si pauvre musicien, qu'en fait de musique je n'y entends +rien du tout. + +Un bourgeois de Londres fut pareillement arrêté dans la rue par un homme +qui lui demanda l'aumône, en se qualifiant de pauvre savant. Le +bourgeois lui donna un schelling, en lui parlant latin.--Ah! Monsieur, +lui répondit le mendiant, je me suis qualifié de pauvre savant, et je +suis tellement pauvre savant que je n'ai pas même appris mon alphabet. + +PÊCHER + +Dès les premiers jours de la Révolution, le gouvernement provisoire a +envoyé M. Auguste Luchet à Fontainebleau, en qualité de gouverneur de +l'ex-château royal. + +Il n'y avait rien du tout à gouverner dans le splendide palais bâti par +le génie de Primatice.--Il n'y avait qu'à se promener dans le parc et à +prendre du ventre. + +M. Auguste Luchet, qui est romancier, se promena, rêva, digéra, et, au +bout du compte, se chercha un autre passe-temps.--Il découvrit alors ce +fameux vivier où sont des carpes dont plusieurs ont de la barbe et sont, +dit-on, contemporaines de François Ier.--Il imagina d'y goûter; il +pêcha, trouva l'exercice bon, et, depuis lors, il pêche toujours. + +Les habitants de Fontainebleau s'alarmèrent d'un labeur si +terrible.--Ils écrivirent au général Cavaignac une lettre dans laquelle +on trouvait ce passage: + +«Citoyen général, nos prédicateurs disent que le juste pèche au moins +sept fois par jour. Or, M. Auguste Luchet pèche du matin au soir, sans +discontinuer. Jugez s'il est juste.» + +PEINDRE + +--Pendant que mon mari peignait notre corridor, disait une Parisienne, +je peignais nos enfants; nos enfants étaient bien peignés, mais notre +corridor était mal peint. + +On sait que Wateau était, au dernier siècle, un peintre célèbre. Un +autre Wateau était coiffeur renommé. Un bourgeois de Paris, invité à la +cour, envoyant chercher Wateau le coiffeur, qu'il ne connaissait pas, +dit à son domestique: + +--Va-t'en me chercher Wateau; il faut qu'il me peigne tout de suite. Le +domestique, qui entendait tous les jours vanter le peintre, courut chez +lui, et Watteau arriva. + +--Bonjour, monsieur Wateau, dit le bourgeois, je vais à la cour et j'ai +besoin de vos talents. A quel prix me peignez-vous? + +--Mais, monsieur, dit l'artiste, pour que vous soyez convenable, vous me +donnerez cinquante louis. + +Le bourgeois sauta en l'air: + +--Comment, cinquante louis! Renaud me peigne pour quinze sous en +perfection. + +L'artiste rit longtemps du quiproquo. + +PÊNE + +Qu'est-ce qui ressemble le plus à une serrure?--C'est une femme +malheureuse, parce qu'elle n'est jamais sans peine. + +PENSER + +On sait que l'ordre de la jarretière a pour devise: _Honni soit qui mal +y pense._ Les marquis de Mesgrigny à leur château de Villebertain ont +fait écrire en lettres d'or, au-dessus de la grande porte de leurs +écuries: _Honni soit qui mal y panse._ + +Le comte de Lauraguais revenait de l'Angleterre. Louis XV, le revoyant à +Versailles, lui demanda d'où il arrivait. + +--De Londres, Sire. + +--Et qu'êtes-vous allé faire là? + +--Apprendre à penser. + +--A panser les chevaux, répliqua le roi. + +En 1815, une noble marquise des environs de Valenciennes se casse la +jambe en descendant de voiture, dans la cour des Tuileries. Son époux +désolé commande à l'un de ses gens d'aller au plus vite chercher un +chirurgien. + +--Lequel, monsieur, dit le domestique? + +--N'importe, pourvu qu'il pense bien. Le laquais court, et ramène un +Esculape dont les bons principes étaient connus; deux jours après, +madame était morte: Hélas! ce brave docteur pensait bien, mais il +pansait mal. + +PEPIN + +Quelle différence y a-t-il entre l'histoire de France et une poire +d'Angleterre. + +--L'histoire de France n'a qu'un Pépin et la poire en a plusieurs. + +C'est un calembour de M. de Bièvre. + +PÉQUIN OU PÉKIN + +Mot injurieux par lequel les militaires désignaient autrefois un +bourgeois. Lorsque Martainville fut accusé d'avoir livré le pont du Pecq +près Saint-Germain aux alliés, on fit courir ces vers, où l'application +de péquin est plus juste: + + À Scipion, sa république, + Pour avoir dompté l'Afrique, + Donna le nom d'Africain. + Nommons donc cette âme vile, + Qui du Pecq livra la ville, + Martainville le _Pecquin_. + +PERÇANT + +Un faiseur de calembours a soutenu que les Perses avaient introduit dans +le monde _les cris persans_. + +Le même prétend que le roi Persée, prisonnier des Romains, avait charmé +les ennuis de sa captivité, en fabriquant ces sortes de chaises qui +portent son nom. + +PERDRE + +Un ecclésiastique de Troyes, prêchant, perdit la mémoire; un plaisant se +leva et dit:--Qu'on ferme la porte; il n'y a ici que d'honnêtes gens; il +faut que la mémoire de monsieur se retrouve. + +PERDRIX + +Un plaisant, voyant deux ris de veau sur la table, chez Véry, +embarrassait le garçon de service en lui disant:--Faites-moi le plaisir +de me passer cette _paire de ris_. + +PÉROU + +On parlait dans une société du mariage du doge de Venise avec la mer +Adriatique.--Il y a, dit quelqu'un, un fait plus singulier, c'est +l'union indissoluble de père Ou et de la mère Ique. + +PERRUQUE + +Pendant les guerres de l'empire, un Troyen, entendant annoncer que le +général Baville avait pris perruque, demanda où cette ville était +située. Un vieil abbé lui répondit: Sur la nuque. + +PERRUQUIER + +L'argot de cette profession a fourni à un membre de la corporation une +série de calembours à propos de la guerre d'Italie.--Les autrichiens, +dit-il, sont des _perruques_. Ils espéraient que le Piémont manquerait +de _toupet_ au moment de _se prendre aux cheveux_ et de se _donner un +coup de peigne_. Mais nous sommes là, _le fer_ à la main; nous ne +laisserons pas _faire la barbe_ à nos alliés, et l'Autriche, après avoir +reçu un _savon_ et _un coup de brosse_, pourra bien _friser_ sa ruine. + +PEUPLIER + +On a trouvé un calembour, dans ce vers d'un poëte, qui donne de sages +conseils: + + Au fort de la tempête, il faut un peu plier. + +PEUR + +On parlait devant Charles-Quint d'un capitaine espagnol qui se vantait +de n'avoir jamais eu peur.--Il faut, dit l'empereur, que cet homme n'ait +jamais mouché la chandelle avec ses doigts; car il aurait eu peur de se +brûler. + +PEUREUX + +On disait à un joueur qui gagnait toujours:--Vous n'iriez pas la nuit +dans un cimetière; vous êtes trop heureux. + +PET + +Un perruquier de campagne réfléchissait assis sur le coin de sa porte. +Un monsieur passe et lui demande s'il a un fer à toupet.--Oui, monsieur +répond avec empressement l'artiste campagnard.--Eh bien! frisez-moi +celui-là, dit le meunier en laissant échapper un bruit monstrueux. +(Voyez _parapet_.) + +PIÈCE + +Quelle est la première pièce du théâtre Français?--Le vestibule. + +Quelles sont les pièces qui vont toujours?--Les pièces de cinq francs. + +Fabert, maréchal de France, ayant été blessé au siége de Turin d'un coup +de mousquet à la cuisse, Turenne et le cardinal de La Valette, le +conjurèrent de se la laisser couper, selon l'avis de tous les +chirurgiens. Le maréchal leur répondit:--Je ne veux pas mourir par +pièces; la mort m'aura tout entier, ou elle n'aura rien, et il guérit de +sa blessure. + +PIED + +Un grenadier, qui s'appelait la Paix de Dieu, fut blessé: on allait lui +couper une jambe. Pendant les préparatifs de cette cruelle opération, il +disait:--Eh! la Paix de Dieu, mon ami, que va-t-on dire de toi, quand on +saura que tu as lâché pied. + +Lorsqu'il fut question de proclamer Louis XVI, le restaurateur de la +liberté française, un avocat voulait que l'hommage de la nation fût +porté humblement aux pieds de Sa Majesté.--La majesté n'a point de +pieds, s'écria Mirabeau, et chacun éclata de rire, ce qui fit tomber la +motion. + +Le journal de Lille racontait, il n'y a pas longtemps, l'anecdote +suivante: + +Madame N..., bonne vieille dame, n'a jamais pu se mettre au fait des +nouvelles mesures: les dénominations de mètre, gramme, stère, etc., lui +ont toujours semblé des monstres, et elle ne comprend pas qu'on préfère +ces noms barbares aux anciens. Cependant, poussée par un caprice (car +les femmes en ont à tout âge), elle voulut dernièrement essayer de se +mettre au niveau des idées modernes, et elle écrivit bravement à son +boucher de lui envoyer un mètre de veau. + +--Je verrai bien ce que ça fera, se disait-elle, et cela me guidera pour +une autre fois. Sa lettre tomba dans les mains d'un nouveau garçon, +encore peu expérimenté, à qui le patron avait recommandé, quand il +serait absent, de consulter un tableau de comparaison entre les mesures +anciennes et les nouvelles, afin de ne pas commettre d'erreurs. Le jeune +homme ne manqua pas de suivre ce bon conseil, et ayant lu sur son +tableau qu'un mètre valait trois pieds, il envoya avec satisfaction +trois énormes pieds de veau à madame N..., qui ne peut souffrir cette +partie de l'animal. + +Quand l'emploi des mesures nouvelles fut discuté à l'Académie française, +un des membres de la commission du Dictionnaire proposa de substituer à +cette expression proverbiale: Avoir _un pied de nez_, celle-ci: Avoir +trente-trois centimètres de nez. Comme M. Villemain s'y opposait:--Je +sais bien, dit M. de Jouy, que l'expression n'est pas exacte, et qu'il +faudrait ajouter une fraction. + +PILE + +Nos soldats font des calembours. Un chasseur disait après la bataille de +Solferino:--Les Autrichiens ont l'air de vouloir prendre Volta.--Non, +non, dit l'autre, ils ont trop peur de la _pile_. + +PLACE + +M. de Villèle ayant rencontré M. de La Bourdonnaye, lui fit quelques +caresses bien franches.--Comment, mon cher confrère, vous me boudez! +Vous ne savez donc pas combien le poste est difficile à tenir. +Mettez-vous à ma place...--Eh! c'est tout ce que je demande, répondit M. +de La Bourdonnaye. + +Un jeune homme qui possède un petit bien dans le comté de Gloucester, se +décida à quitter sa campagne et à venir à la ville solliciter un emploi, +comptant sur le duc de Newcastle, qui avait promis de le servir, et qui +pendant plusieurs mois, exerça, on ne peut mieux, sa patience. Las +d'attendre inutilement, l'homme des champs alla trouver son protecteur, +et lui dit qu'à la fin, il s'était procuré une place. + +--Je vous fais mon compliment de votre bonne fortune, lui dit le duc; et +où est cette place, je vous prie? + +--Dans le coche de Gloucester, je m'en suis assuré hier soir, et vous +m'avez guéri, monseigneur, d'une plus haute ambition. + +PLAINE + +Quelle est la plaine la plus haute?--La pleine lune. + +PLAISIR + +Garçon! un beefsteak, disait un Anglais au café de Paris.--Oui, +monsieur, avec plaisir.--Non pas avec plaisir, avec des pommes de terre. + +On invitait Pothier à un dîner.--Dois-je venir avec plaisir? +dit-il.--Certainement.--Il amena avec lui Plaisir, coiffeur célèbre de +la rue Richelieu. + +PLAN + +Je ne possède plus rien, s'écriait un pauvre diable à un de ses +confrères; j'avais une petite rente, j'ai été forcé de m'en défaire; +j'avais une tirelire assez bien garnie, je ne l'ai plus.--Ainsi, lui +répond l'autre, la situation est rente en plan, tirelire en plan. + +PLANCHE + +Les faiseurs de jeux de mots disent que M. Planche est le plus plat de +nos écrivains. + +Ce qui n'est vrai que dans son nom. + +PLANTE + +Quelle est la plante la plus utile à l'homme?--La plante des pieds. + +PLAT + +Piron, un jour au parterre du Théâtre-Français, suait à grosses gouttes. +Ses deux voisins se disaient à l'oreille: + +--Voilà Piron qui cuit dans son jus.--«Ce n'est pas étonnant, dit Piron, +sans se retourner, je suis entre deux plats.» + + Vous habitez un pays âpre et rude, + Disait un bon Flamand au Suisse Frenkestel, + Et votre caractère aussi doit être tel; + De son pays toujours on saisit l'habitude + --Ce propos n'est pas délicat, + Reprend le Suisse. En ce moment j'y pense, + Vous habitez un pays plat; + Dois-je en tirer la même conséquence? + +PLATE-BANDE + +Dans le temps qu'on imposait aux enfants des noms recherchés, un bon +homme qui aimait son jardin, se vantait d'avoir donné aux siens des noms +plus convenables. Mes trois filles, disait-il, s'appellent Rose, +Jacinthe et Marguerite, et mon fils Narcisse.--Ainsi, lui répondit-on, +vous faites de vos enfants une plate-bande. + +PLOMB + +Dans la dernière guerre d'Italie, un officier aussi fou qu'il était +brave, ayant reçu une balle dans la tête, dit: «Je savais bien que j'y +avais besoin de plomb; mais la dose est un peu trop forte.» Et il mourut +sur-le-champ. + +POËTE + +On dit que les poëtes sautent parfaitement les ruisseaux, parce qu'ils +sont habitués aux _enjambements_. + +Quel est le poëte qui fait la barbe à tous les autres?--M. Barbier. + +POIDS + +Une dame, le jour des rois, eut la fève; elle la passa à son mari.--Que +voulez-vous que je fasse de cela? dit-il.--Ne savez-vous pas qu'en +France, répondit la dame, la couronne ne peut tomber en quenouille, et +que c'est l'homme qui doit se charger du poids de la royauté. + +POINGS + +Pourquoi les poissardes ne mettent-elles pas les points sur les I? + +--Parce qu'elles les ont ordinairement sur les hanches. + +POINT + +Autrefois les dames portaient un genre de bracelet qu'elles nommaient +sentiment. M. ***, voyant un de ces bijoux au bras gauche de +mademoiselle Bourgoing, lui dit: «Je ne croyais pas que vous portiez le +sentiment à ce poing-là.» + +POIS + +Un bourgeois, qui avait passé une notable partie de sa vie à dire des +facéties plus ou moins fines, était moribond. Sa soeur, qui l'assistait +dans ces tristes moments, lui ayant demandé s'il ne se sentait pas un +poids sur l'estomac:--Non, ma soeur, dit-il, je ne sens ni pois ni fève. + +Sous Louis XV, un factionnaire de la garde avait été placé à l'une des +grilles de la cour des Tuileries, avec la consigne de ne laisser +pénétrer personne par cette voie. Un homme se présente pour entrer, le +factionnaire lui oppose sa consigne. L'individu insiste en disant: + +--Tu ne me reconnais donc pas? Je suis le prince de Poix. + +--Quand vous seriez le roi des haricots, répliqua le soldat, vous ne +passeriez pas! + +POISSARDES + +On accuse de férocité le roi de Sardaigne: et en effet, il mange +quelquefois des pois sardes. + +POLI + +Un ami d'Odry le trouvant encore au lit à onze heures, le blâmait de se +lever si lard.--Je ne m'attendais pas à des reproches, répondit-il, pour +avoir été _trop au lit_. + +L'autre jour, M. T... était furieux. Il venait d'inviter à dîner un de +ses amis, qui avait accepté. + +--Fiez-vous donc aux amis, s'écriait-il! Je l'invite à manger la soupe +avec moi, je l'invite de la façon la plus polie, la plus gracieuse, la +plus délicate,--et il accepte. + +--Eh bien? lui dit le confident de ses peines. + +--Eh bien! il devait refuser. Que diable! une politesse en vaut une +autre. + +PORC FRAIS + +Le directeur du grand théâtre de Saint-Pétersbourg ayant laissé reposer +le danseur Duport pendant tout le carême, quelqu'un dit que sans doute +il voulait avoir _Duport frais_ à Pâques. + +PORTE + +Une dame demandait à son mari, qui sollicitait un consulat, le succès de +ses démarches. Il répondit:--On vient de me mettre à la Porte.--Et vous +souffrez cela? reprit-elle indignée. Elle ne se calma que lorsqu'elle +comprit que la Porte, la sublime Porte était Constantinople. + +POSTÉRITÉ + +Brunet disait:--Je connais un enfant de cinq ans qui a déjà de la _poste +hérité_. C'était le fils d'un maître de poste défunt. + +POSTHUME + +Papa, qu'est-ce que c'est donc qu'un ouvrage posthume?--Mon fils, c'est +un ouvrage que l'auteur publie après sa mort. + +POT + +Quel est, demandait Odry, le pays où l'on mange le plus de +bouillon?--C'est l'Italie!--Parce que?--Parce que la Providence y a mis +le Pô. + +Le dialogue suivant a eu lieu, lorsque la Savoie demanda, en 1848, notre +intervention armée en Italie. + +--Es-tu pour l'intervention, toi? + +--Non. + +--Pourquoi? parce que je vois _la manigance_. + +--Quelle manigance? + +--Écoute, les élections arrivent; les rouges veulent nous envoyer là-bas +pour être maîtres par ici; et alors, ce ne sont pas ceux qui seraient le +plus près du Pô qui mangeraient la soupe. + +Un saltimbanque, appelé chez le commissaire et sommé de décliner son +nom, déploya ses papiers où le magistrat reconnut qu'il portait le nom +de Pot.--Singulier nom! dit le commissaire. + +--C'est vrai, monsieur; mais c'est un nom qui ne manque pas de +célébrité; mon père était soldat, et même on le fit sergent, attendu, +disent les rapports, qu'on voyait toujours dans les combats Pot au feu +le premier. Pour une faute de discipline, on lui ôta son grade et on lui +donna son congé. Pot, cassé, se mit à faire le commerce; il y réussit, +mal et se noya. Une fois Pot à l'eau, il perdit ses chagrins et devint +fou, car on le retira, et on ne l'appela plus que Pot fêlé. Pot, âgé +alors de cinquante ans, mourut six mois après. + +POUDRE + +Un maître parfumeur demandait à son garçon de boutique s'il avait fait +toutes les commissions dont il l'avait chargé.--Oui, monsieur,--As-tu +porté un échantillon de mes poudres à cet étranger en question?--Oui, +monsieur.--Et quelle poudre a-t-il prise?--Monsieur, il a pris la poudre +d'escampette. + +POULE + +Lorsque l'abbé Poule, aux sermons duquel tout Paris avait couru, fut +pourvu d'une riche abbaye, il cessa de prêcher: ce qui fit dire à Louis +XVI, qui l'avait si bien doté:--Quand la poule est grasse, elle ne pond +plus. + +PRATIQUE + +On donne ce nom à un petit instrument qu'on se met dans la bouche pour +faire parler Polichinelle. Un jour, Charles Nodier, qui aimait beaucoup +le théâtre des marionnettes, demanda au maître du spectacle à voir la +pratique; et pour essayer s'il ferait aussi bien que le bateleur la voix +singulière du matamore napolitain, il se la mit dans la bouche. Content +de cette expérience, il rendit la pièce au bon homme en disant, c'est +ingénieux, mais c'est si petit qu'il doit y avoir quelquefois danger de +l'avaler.--Oui, monsieur, répondit le bateleur: mais cela ne fait aucun +mal. Celle que vous venez d'essayer a déjà été avalée huit ou dix fois. + +PRAULT + +Le libraire Prault pria un jour M. de Bièvre qui entrait chez lui, de +lui faire un calembour sur lui-même ou sur sa femme. Le marquis de +Bièvre répliqua sur-le-champ:--Vous êtes un _prault-blème_ et votre +femme une _prault-fanée_. + +PRENDRE + +Le célèbre apothicaire Baumé était occupé, dans son laboratoire, à des +opérations de chimie. On l'appelle pour une personne qui voulait lui +parler. Cette personne lui fait un long détail du commencement, des +progrès et de l'état actuel d'une maladie dont elle se dit attaquée. + +--Eh bien, monsieur, que me demandez-vous? dit Baume impatient de +retourner à ses alambics. + +--Monsieur, je viens vous consulter pour savoir ce qu'il faut que je +prenne pour me guérir. + +--Ce qu'il faut que vous preniez? mais prenez un médecin ou un +chirurgien. + +--Monsieur, est-ce en infusion ou en décoction qu'il me faudra les +prendre?... + +En 1776, les médecins de Paris recommandèrent, comme une précaution +utile contre la grippe, dont beaucoup de personnes se trouvaient +attaquées cette année-là, de ne pas sortir à jeun. Un pasteur des +environs, instruit de la recette, crut devoir en recommander l'usage à +ses paroissiens. Il leur dit donc, le dimanche suivant, au prône, qu'ils +feraient bien de ne pas sortir le matin, qu'ils n'eussent pris quelque +chose auparavant. Le lendemain il trouva chez lui 25 louis de moins. Son +domestique, qui était sorti le matin, ne reparut plus. Aux premières +recherches il ne fut pas difficile de s'apercevoir qu'il était le voleur +des 25 louis. Arrêté, interrogé sur le fait, il s'avoua l'auteur du vol; +mais il s'excusa en disant avoir obéi à son maître et curé, qui, d'après +l'ordonnance de la Faculté, avait défendu au prône de sortir le matin +sans avoir pris quelque chose, et qu'il ne l'avait fait que pour se +préserver de la grippe. + +--Mon père, disait dans un café un petit garçon à un filou, +prendrez-vous une demi-tasse aujourd'hui?--Non, mon fils, reprit le +père, je prendrai une cuiller. + +LE PARTISAN DES ASSIGNATS. + + L'autre jour, sous le toit du grand aréopage + Où maint gredin, à face de proscrit, + Pour quinze sous applaudit, fait tapage + En faveur de tout ce que dit + Ou Barnave le doux, ou Mirabeau le sage. + Un citoyen actif, qui n'avait pas d'habit, + Vantait les assignats et prônait leur débit: + --On n'en sent pas assez, criait-il, l'avantage; + Sans eux l'état périt. Pour moi, je jure bien, + Messieurs, que j'en prendrai.--Tout beau, maître Desroches, + Dit un quidam, qui connaît mon vaurien, + On sait quel est votre moyen: + Vous en prendrez, mais dans les poches. + +On montrait à un paysan tout ce qu'un maréchal de France avait pris; les +villes, les pays, tout cela était dans un tableau.--Morgué! tout ce +qu'il a pris n'est pas là, dit le paysan, car je n'y vois pas mon pré. + +--Je viens de prendre une heure de promenade, où j'ai pris un plaisir +extrême; mais comme le jour prend son déclin, je me retire chez moi pour +aller prendre l'air du feu; car si je tardais davantage, j'aurais peur +de prendre un rhume. Et vous, monsieur, quel parti prenez-vous?--Mais +vous le voyez, monsieur, je prends le parti de prendre patience. + +L'hiver dernier était si violent, que tout se gelait, tout se prenait, +même les bourses et les manteaux. + +Un Gascon, qui avait perdu son argent au jeu, coucha avec celui qui le +lui avait gagné. La nuit, il glissa la main sous le chevet de son +compagnon pour reprendre son argent. L'autre le surprit, et lui demanda +ce qu'il faisait.--Mon ami, répondit le Gascon, je prends ma revanche. + +Le cardinal de Fleury voulait passer pour faire mauvaise chère. Il +demandait un jour à un courtisan très-délié, qui dînait chez son +Éminence:--Prenez-vous du café?--Monseigneur, je n'en prends que quand +je dîne. + +On demandait à un médecin octogénaire qui jouissait encore de la +meilleure santé, comment il faisait pour se porter si bien.--Je vis de +mes remèdes, répondit-il, et je n'en prends pas. + +On connaît cette épigramme de Scarron: + + Ci-gît qui se plut tant à prendre, + Et qui l'avait si bien appris, + Qu'il trépassa de peur de rendre + Un lavement qu'il avait pris. + +PRÈS + +Un Anglais se plaignait à tout venant, dans un café, d'une chute qu'il +avait faite, et qui lui causait de vives douleurs. + +--Monsieur, lui dit un chirurgien qui était à côté de lui, est-ce près +des vertèbres que vous vous êtes fait mal? + +--Non, monsieur, reprit le malade, c'est près de l'obélisque. + +PRÉSENT + +Dans des fiançailles célébrées avec beaucoup d'éclat, on remarquait deux +choses: la laideur de l'époux et l'opulence de la corbeille. Le présent +faisait oublier le futur. + +PROFESSION + +Louis XVI périt juridiquement assassiné, contre le voeu formel de la +nation, le 21 janvier 1793. Le réclame qui voudra, ce crime n'appartient +point à la France. Cependant, ce qui est affreux, et ce qui existe, +c'est que sur les registres des actes civils de la ville de Paris on ait +laissé subsister: «Capet (Louis), etc., etc., profession de dernier +tyran des Français.» + +PRONONCIATION + +Un étranger demandait à des savants comment on doit prononcer le mot +pétition? + +--D'après la règle qui veut qu'un _t_ entre deux _i_ se prononce _ci_, +répondit un grammairien. + +--Faites-moi donc l'_amicié_ de prendre _picié_ de mon ignorance, et de +me répéter la _moicié_ de ce que vous venez de dire, répliqua +sur-le-champ Charles Nodier. + +PROPRE + +M. Salot voulait changer de nom, parce que le sien, disait-il, était un +nom _commun_, et qu'il désirait un nom _propre_. + +PUNCH + +M. R***, préfet d'un riche département français, avait si bien mérité de +ses administrateurs, que, dans leur reconnaissance, ils avaient donné +son nom à un pont construit sous son administration. Un jour qu'il se +louait de ce témoignage de gratitude, un de ses amis lui dit:--R***, +c'est dommage que tu ne te nommes pas Chauvin.--Pourquoi cela?--Parce +que ton pont, au lieu de s'appeler pont R***, s'appellerait pont Chauvin +(punch au vin), et que ce serait plus drôle. + + + +Q + +QUAND + +Un homme qui arrivait de Belgique disait:--J'ai vu avec plaisir la ville +de Gand. Comme on lui demandait: Quand? il crut qu'on avait mal entendu, +et répondit:--Caen est en Normandie. + +QUARTERON + +Il m'est tombé entre les mains, dit quelque part M. Louis de Verrières, +un vieux et grand livre contenant la vie de plusieurs saints. Ma mémoire +ne me fournit point la date de son impression; la veuve du libraire +Carteron, après la préface, met la devise de sa maison; je pourrais +presque dire ses armoiries. Voici en quoi elles consistent: un dessin +représente une balance, tenue, ce me semble, par une main (je dirais +_dextrochère_ ou _senextrochère_ si je voulais faire le savant; mais je +rappellerais ceux qui dénigrent le calembour). Dans cette balance on +aperçoit des _quarts_ de _livre_, qu'on nommait alors quarterons; et la +devise qui accompagne donne l'explication aux lecteurs qui n'ont pas +l'_esprit des sots_, ou l'_esprit de ceux qui n'en ont point: Les +quarterons font les livres_. + +De nos jours le système décimal contrarierait singulièrement ces +libraires, venus au beau temps de la _livre_ et des _onces_. Que +feraient-ils avec des _kilogrammes_ et des _décagrammes_? Cela leur +paraîtrait un peu _lourd_; et j'ajoute à cette opinion le poids de mon +assentiment. + +QUARTIER + +Quelqu'un voyant passer un laideron disait:--Voilà la plus belle fille +du cartier. Tous les auditeurs, entendant, étaient scandalisés. Mais ils +apprirent qu'il y avait dans l'endroit un faiseur de cartes qui avait +deux filles. + +QUASI + +On fit usage de cet adverbe, en 1830, dans le couplet suivant: + + Le peuple est quasi souverain; + Philippe est quasi légitime; + L'ouvrier est quasi sans pain; + La France est quasi dans l'abîme; + Les pairs quasi déracinés + Ont l'air quasi démocratique; + Nous sommes quasi ruinés + Par une quasi république. + +QUATRE + +Piron passait dans le Louvre avec un de ses amis:--Tenez, dit-il en +montrant l'Académie française; ils sont là quarante qui ont de l'esprit +comme quatre. + +Cette boutade a sans doute inspiré les quatre vers spirituels que +Boufflers adressa à Mme de Staël, qui lui demandait pourquoi il n'était +pas de l'Académie: + + Je vois l'Académie où vous êtes présente; + Si vous m'y recevez mon sort est assez beau. + Nous aurons de l'esprit à nous deux pour quarante, + Vous comme quatre et moi comme zéro. + +Un sot se vantait devant Rivarol de savoir quatre langues.--Je vous en +félicite, lui dit-il; vous avez quatre mots contre une idée. + +QUATREMER + +M. Quatremer demanda à Louis XV l'autorisation d'ajouter le _de_ à son +nom.--Volontiers, répondit le roi, pourvu que vous le mettiez à la fin. + +Et nous avons eu Quatremer de Quincy. + +QUELQUE + +Une femme, qui courait follement après les airs, accoste un jour La +Popelinière qu'on venait d'annoncer, et lui dit:--Il me semble, +monsieur, vous avoir vu quelque part.--Il est vrai, madame, lui +répliqua-t-il, qu'il m'est arrivé d'y aller quelquefois. + +QUESTIONS GROTESQUES + +Pourquoi les pompiers n'aiment-ils pas César?--Parce qu'ils sont engagés +pour pomper. + +Quel est le jeu que préfèrent les domestiques? + +--Le gage touché. + +Pourquoi le soleil se lève-t-il tard en hiver? + +--Parce qu'il fait si froid qu'il ne peut se résoudre à se lever matin. + +Quelle est la partie plus grande que le tout? + +--La peau d'un boeuf. + +Qu'est-ce qui fait tourner le dos au plus brave guerrier? + +--Une seringue. + +Que faut-il faire pour ne plus avoir le mal de dents? + +--Le mal dedans, il faut le mettre dehors. + +Que font trois poules sur un mur? + +--Un nombre impair. + +Pourquoi les journalistes craignent-ils l'automne? + +A cette question de M. Guizot, M. Bertin de Vaux répondit:--Parce que +l'automne amène la chute des feuilles. + +Pourquoi la lettre A est-elle plus intelligente que la lettre B? + +--Parce qu'elle est bien plus avancée (avant C). + +Quels sont les poissons sans arêtes? + +--Les poissons d'avril. + +Où avez-vous la main quand vous dormez? + +--Au bout du bras. + +Qu'est-ce qui passe sous le soleil sans faire de l'ombre? + +--Le son de la cloche. + +Quel est le premier homme du monde? + +--Le rhum de la Jamaïque. + +Quelle différence y a-t-il entre le ciel et la terre? + +--C'est que le ciel a saint Paul, et que la terre n'en a que deux: le +pôle arctique et le pôle antarctique. + +Quel fut l'empereur romain le moins gênant? + +--L'empereur Commode. + +Quand est-ce qu'une demoiselle peut nous éclairer? + +--Lorsqu'elle chante, parce qu'on a des _chants d'elle_. + +Quelles sont les plus vénérables lettres de l'alphabet? + +--Les lettres AG. + +Quel est l'ami le plus désagréable? + +--La migraine. + +Quels sont en Angleterre les lords et les ladys les moins commodes? + +--L'orgueil et l'ortie, la dyssenterie et la disette; avec la +dissimulation et la discorde. + +Quel est le moyen d'empêcher les cheminées de fumer? + +--C'est de n'y point faire de feu. + +Pourquoi met-on les fours dans les villes? + +--Parce qu'on ne peut pas mettre les villes dans les fours. + +Pourquoi les forts de la halle mettent-ils des chapeaux blancs? + +--Pour se couvrir la tête. + +Les villageois malins vous diront:--Quand notre curé dit la messe et que +notre maître d'école la chante avec les enfants, qu'est-ce qu'ils +font?--Mais ils ne prononcent pas l, vous répondrez:--Ils font +l'office;--gros rire alors, à travers lequel on vous répliquera:--Ce qui +fond, c'est la cire. + +QUEUE + +Un bonhomme entendant parler de _que retranché_, dans les modes de la +langue latine:--Je comprends, dit-il, la queue retranchée, c'est la +Titus, une coiffure qui nous est revenue sous l'empire. + +Dernièrement une Anglaise se promenait au Jardin-des-Plantes. Elle dit à +sa femme de chambre qui la suivait:--Achetez un pain et donnez-le à +l'éléphant. La camériste revient, le pain à la main: Milady, dit-elle, +par quel bout faut-il lui donner cela? il a deux queues! + +Un paysan, ayant tué d'un coup de hallebarde un chien qui voulait le +mordre, fut cité devant le juge, qui lui demanda pourquoi il n'avait pas +opposé le manche de la hallebarde.--Je l'aurais fait, répondit le +paysan, s'il m'eût mordu de la queue; mais il me mordait avec ses dents. + +QUIPROQUO + +Un pauvre ministre de la secte anglicane avait chargé Dick, son +domestique, d'aller prendre, chez David Black, le boucher, une fraise de +veau à crédit pour son diner. Comme Dick entrait dans le temple après sa +commission faite, le pasteur en chaire s'écriait:--Quelles sont à ce +propos les paroles de David, mes frères? que dit David?--Monsieur, +s'écria Dick, David a dit: «Pas d'argent, pas de fraises!» + +On lisait dernièrement dans un petit journal de Bruxelles:--Un incident +joyeux a ajouté un supplément de gaieté, vendredi, au théâtre des +Variétés amusantes, à Bruxelles. Je ne sais quel merle du parterre +s'avisa de siffler pendant la représentation du _Monsieur seul_. +L'officier de police se lève et demande de sa plus belle voix:--Qui se +permet de siffler? + +--C'est un droit qu'à la porte on achète en entrant, riposte une voix +qui part de la galerie. + +Le policeman, intrigué et indigné, cherche des yeux ce nouvel +interrupteur.--Qui a dit ça? hurle-t-il. + +--C'est Boileau, répond un plaisant des stalles. + +--Que Boileau sorte de la salle à l'instant! + +Celui-ci a paru dans l'ancien _Corsaire_. + +Ma chère, disait Mme F..... à son inséparable Mme X., avez-vous vu les +bêtes féroces de Mme Leprince, derrière le Château-d'Eau. + +--Non, ma toute belle. + +--Vous avez tort; c'est un spectacle très-curieux et qui m'a rappelé +malgré moi l'histoire du _Lion de Damoclès_. + +--Et vous, ma bonne, avez-vous souscrit à l'épée d'honneur du colonel +Forestier? + +--Non, ma chérie. + +--Il faut y souscrire. Ce sera un glaive magnifique et qui rappellera +chaque jour à la réaction l'_épée d'Androclès_. + +Un grave espagnol arrivait, de nuit, dans un village de France qui +n'avait qu'une seule hôtellerie. Il était plus de minuit; il frappa +longtemps à la porte de cette hôtellerie, avant de pouvoir réveiller +l'hôte; à la fin il le fit lever.--Qui est là? cria l'hôte par la +fenêtre--C'est, dit l'espagnol, don Juan Pédro Hernandez Rodriguez de +Villa-Nova, conde de Malafra, caballero de Santiago y d'Alcantara. + +L'hôte répondit aussitôt en fermant la fenêtre:--Monsieur, j'en suis +bien fâché, mais nous n'avons pas assez de chambres pour loger tous ces +messieurs-là. + +En 1758, au moment où l'on attendait d'heure en heure la mort du roi +d'Espagne, qui était à toute extrémité, le duc de Newcastle, alors +chancelier de l'échiquier, donna ordre à ses gens, s'il venait un exprès +pour lui parler, fût-il deux heures du matin, de le laisser entrer. Sur +les trois heures après minuit, un homme frappe à la porte de la cour; on +l'introduisit sur-le-champ dans la chambre à coucher du duc:--Hé bien, +mon ami, lui dit le lord en se hâtant de mettre ses bas et en fixant ses +regards sur cet homme qui était crotté jusqu'aux épaules, vous devez +être venu grand train?--Oh! oui, milord, je n'ai pas fermé l'oeil depuis +mon départ!--Vous êtes sûr donc qu'il est mort?--Oh! très-sûr, le pauvre +diable est délivré des peines de ce monde!--Dites-moi, quand avez-vous +quitté Madrid?--Madrid! reprit l'homme avec la plus grande surprise; +moi, milord, je n'y suis allé de ma vie.--Eh! d'où diable venez-vous +donc?--De Richemond, comté d'York, et j'accours pour vous informer de la +mort de Samuel Dickinson, le receveur de la barrière, dont votre +seigneurie, lors de la dernière élection, m'a promis la place aussitôt +qu'il fermerait l'oeil. + +Extrait littéral d'une séance du 22 juin 1792: + +Un membre demande la parole pour faire un rapport:--Il y a quelques +jours, dit-il, que la municipalité de Langres arrêta des chevaux qui lui +parurent suspects dans leur marche. + +On rit.--Comment, des chevaux suspects? + +--Ils comparurent devant la municipalité. + +Comment, dit-on, ces chevaux comparurent? + +L'orateur continue sans s'apercevoir de sa méprise:--On reconnut par +leur interrogatoire... + +L'interrogatoire des chevaux! + +--Non, dit l'orateur, ce sont les conducteurs qui furent interrogés... + +L'assemblée rit très-fort et passa à l'ordre du jour. + +Dans un discours, (seconde République) P. Leroux a cité le proverbe +latin: _Tot capita, tot sensus._ Greppo l'a immédiatement traduit par +ces mots: «Autant de capitalistes, autant de sangsues.» + +Et dans la Republique de 1793, en parlant du coup d'État qui venait de +renverser Robespierre, un orateur de la convention disait à la +tribune:--Citoyens, la belle journée que la nuit du 9 thermidor! + +Un étranger très-riche, Suderland, naturalisé russe, était le banquier +de la cour, et jouissait d'une assez grande faveur. Un matin, on lui +annonce que sa maison est entourée de gardes, et que le maître de la +police demande à lui parler. + +Cet officier, nommé Reliew, entre avec l'air consterné.--Monsieur +Suderland, dit-il, je me vois, avec un vrai chagrin, chargé par ma +gracieuse souveraine d'exécuter un ordre dont la sévérité m'effraie; et +j'ignore par quelle faute ou par quel délit vous avez excité à ce point +le ressentiment de Sa Majesté. + +--Moi! monsieur, répond le banquier, je l'ignore autant et plus que +vous; ma surprise surpasse la vôtre. Mais enfin, quel est cet ordre? + +--Monsieur, reprend l'officier, en vérité le courage me manque pour vous +le faire connaître. + +--Eh quoi! aurais-je perdu la confiance de l'impératrice? + +--Si ce n'était que cela, vous ne me verriez pas si désolé. La confiance +peut revenir; une place peut être rendue. + +--Mais, s'agit-il donc de me renvoyer dans mon pays? + +--Ce serait une contrariété; mais avec vos richesses, on est bien +partout. + +--Ah! mon Dieu! s'écrie Suderland tremblant, est-il question de m'exiler +en Sibérie? + +--Hélas! on en revient. + +--De me jeter en prison? + +--Si ce n'était encore que cela, on en sort. + +--Bonté divine! voudrait-on me knouter? + +--Ce supplice est affreux, mais il ne tue pas. + +--Eh quoi! dit le banquier en sanglotant, ma vie est-elle en péril? +l'impératrice si bonne, si clémente, qui me parlait encore si doucement +il y a deux jours, elle voudrait.... Mais, je ne puis le croire. Ah! de +grâce, achevez; la mort serait moins cruelle que cette attente +insupportable. + +--Eh bien! mon cher, dit enfin l'officier de police avec une voix +lamentable, ma gracieuse souveraine m'a donné l'ordre de vous faire +empailler. + +--Empailler? s'écrie Suderland, en regardant fixement son interlocuteur. +Mais vous avez perdu la raison, ou l'impératrice n'a pas conservé la +sienne; enfin vous n'avez pas reçu un pareil ordre sans en faire sentir +la barbarie et l'extravagance? + +--Hélas! mon pauvre ami, j'ai fait ce qu'ordinairement nous n'osons +jamais tenter. J'ai marqué ma surprise, ma douleur; j'allais hasarder +d'humbles remontrances, mais mon auguste souveraine, d'un ton irrité, en +me reprochant mon hésitation, m'a commandé de sortir et d'exécuter +sur-le-champ l'ordre qu'elle m'avait donné. + +Il serait impossible de peindre l'étonnement, la colère, le tremblement, +le désespoir du pauvre banquier. Après avoir laissé quelque temps un +libre cours à sa douleur, le maître de la police lui accorde un quart +d'heure pour mettre ordre à ses affaires. + +Alors Suderland le prie, le conjure, le presse longtemps en vain de lui +laisser écrire un billet à l'impératrice pour implorer sa pitié. Le +magistrat, vaincu par ses supplications, cède en tremblant à ses +prières, se charge de son billet, sort, et n'osant aller au palais, se +rend précipitamment chez le comte de Bruce. Celui-ci croit que le maître +de la police est devenu fou; il lui dit de le suivre, de l'attendre dans +le palais, et court sans tarder chez l'impératrice. Introduit chez cette +princesse, il lui expose le fait. + +Catherine, en entendant cet étrange récit, s'écrie:--Juste ciel! quelle +horreur! en vérité, Reliew a perdu la tête. Comte, partez, courez et +ordonnez à cet insensé d'aller tout de suite délivrer mon pauvre +banquier de ses folles terreurs, et de le mettre en liberté. + +Le comte sort, exécute l'ordre, revient, et trouve avec surprise +Catherine riant aux éclats. + +«Je vois à présent, dit-elle, la cause d'une scène aussi burlesque +qu'inconcevable. J'avais, depuis quelques années, un joli chien que +j'aimais beaucoup, et je lui avais donné le nom de Suderland, parce que +c'était celui d'un anglais qui m'en avait fait présent. Ce chien vient +de mourir; j'ai ordonné à Reliew de le faire empailler, et, comme il +hésitait, je me suis mise en colère contre lui, pensant que, par une +vanité sotte, il croyait une telle commission au-dessous de sa dignité. +Voilà le mot de cette ridicule énigme.» + +QUINT + +Brunet disait:--La famille _Quint, qui n'a_ pas manqué de faire du +bruit, n'a pourtant produit que trois grands hommes:--Quint-Curce, +Charles-Quint et Sixte-Quint. + +QUOLIBET + +Caprice plus ou moins piquant. On en trouve de temps en temps dans les +journaux, exemple: + +Un jeune berger des environs d'Yvetot n'a jamais pu apprendre le _Pater +Noster_, quoiqu'il sache parfaitement _Notre Père_.--Comment, lui dit, +il y a environ six semaines, le bon curé de sa commune, tu ne veux pas +incruster dans ta mémoire l'oraison dominicale en latin?--Je peux point, +moussieu le curai.--Veux-tu que je t'enseigne le moyen de +l'apprendre?--Je veux bien, moussieu le curai.--Eh bien, il faut nommer +tes moutons par les mots que tu ne peux pas retenir; ainsi, par exemple, +ce grand cornu s'appellera _Pater_: cet autre gros et gras, _Noster_; ce +tout petit, _qui es_, etc.; de manière que ta mémoire, guidée par ces +mois...--J'entends, j'entends, moussieu le curai, et pis d'ailleurs ma +soeur Jeanneton sait lire; alle m'enseignera. + +Avant-hier, le bon curé l'aperçoit conduisant ses moutons...--Ah! +voyons, lui dit-il, puisque ton troupeau est là, si tu sais ton +_Pater_.--Si je l'sais, moussieu l'curai! j'crais bien! allais marchais, +je les appelons si bien, qu'on dirait que j'lis tout +coursement--Voyons...--_Pater_...--Bon!--_Noster_...--Bon!--_Nomen!_... +_Tuum!_...--Un instant, un instant!... et _Sanctificetur_?--Ah! pardon +excuse, mon bon moussieu le curai! J'ons oublié de vo dire que +nout'-maître a vendu et livré _Sanctificetur_ à deux de ses vésins pour +leur mardi gras!... + +Des plaisants ont attribué au maire d'une commune, dont on ne trouve pas +le nom sur la carte, l'affiche suivante: + +ART. 1.--Toutes les fois qu'un habitant et des chiens non muselés se +rencontreront, on devra les tuer. + +ART. 2.--Tout le monde, sans exception, est tenu d'obéir au précédent +article, et de massacrer les chiens, excepté M. l'adjoint. + +ART. 3.--Les habitants majeurs et vaccinés devront également, dimanche +prochain, se rendre sur la place, moins les malades, pour nettoyer +l'égout, en présence de l'adjoint, qu'on devra racler proprement, et du +garde-champêtre, parce qu'il est obstrué par les immondices. + +Ajoutons aussi cette lettre d'un père à son fils. + +«Mon fils, l'objet de la présente est de te prévenir que je suis fort +mécontent de toi, et que si les coups de bâton s'écrivaient, tu +recevrais souvent de mes nouvelles. Ta mère te gâte toujours; et pour +preuve, tu trouveras ci-joint cinq francs, qu'elle t'envoie à mon insu.» + +Un homme qui n'avait qu'un pantalon et qui l'avait donné à sa +blanchisseuse disait:--j'irais bien chercher mon pantalon, mais pour +l'aller chercher il faudrait que je l'eusse. + +Cette tournure de phrase rappelle un autre mot d'Odry:--Je n'aime pas +les épinards; et c'est heureux, car si je les aimais, j'en mangerais; et +je ne peux pas les souffrir. + + + +R + +Un paillasse disait:--J'aime mieux être railleur que tailleur, parce que +l'un prend l'R, et que l'autre ne prend que le T. + +RACINE + +Dans un cabaret, un commis voyageur combattant les propositions d'un +paysan bel esprit, lui disait:--Écoutez là-dessus l'opinion de Racine... + +--Quelle racine? interrompit le paysan; est-ce la racine grecque? j'en +ai entendu parler; mais je ne sais pas ce que c'est. Est-ce la racine +radix qui guérit les maux de dents? Est-ce la racine cube ou la racine +carrée, qui sont dans la bouche du maître d'école? Est-ce la racine des +cheveux? la racine de tremble? la racine d'avoine? la racine du buis? la +racine des choux?... + +Le bavard allait poursuivre longtemps encore, lorsque le commis voyageur +s'écria: + +--Racine est un poëte. + +--Singulier nom pour un poëte. Qu'est-ce qu'il faisait ou qu'est-ce +qu'il fait, s'il est vivant? + +--Il n'est plus vivant. Il faisait des vers. + +--Des verres à vin ou des verres à bière? des verres à vitres? des... + +--Taisez-vous donc et laissez-moi placer un mot. Si vous refusez +d'acheter mon vin aujourd'hui, parce que vous comptez sur une +température qui fera baisser les prix, ne vous y fiez pas; car Racine +disait. + + Ma foi sur l'avenir bien fou qui se fiera: + Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. + +Lorsqu'on eut joué avec applaudissements au Théâtre-Français la tragédie +d'_Hernani_ de M. Victor Hugo, les partisans du romantique, quand même, +s'écrièrent que la tragédie était _déracinée_. + +Mais peu après, la vogue de Mlle Rachel fit voir que Racine ne se +_déracine_ pas. + +RACOLLEUR + +Un marchand de Paris avait pour enseigne un rat qui collait une affiche, +avec cette légende: _Au rat colleur._ + +RACCOMMODEMENTS + +En affections troublées, les raccommodements ne sont que des +raccommodages. + +RADIS + +Lord Palmerston demandait un jour en société:--Pourquoi les radis +sont-ils d'un grand poids dans la balance de la justice? + +--Parce qu'ils sont toujours crus, répondit M. le comte d'Aberdeen, qui +aime passionnément ce genre de légumes. + +RAISON + +Le duc de Vendôme disait assez plaisamment:--Dans la marche des armées, +j'ai souvent examiné les querelles des mulets et des muletiers; et j'ai +remarqué qu'à la honte de l'humanité, la raison était presque toujours +du côté des mulets. + +Deux paysans terminaient un procès par un arrangement:--Celui qui avait +tort s'obligeait à livrer à l'autre, dans trois mois, pour l'indemniser, +un cochon?--Mais, quel cochon? demanda l'arbitre. Un petit cochon n'en +vaut pas un gros. Quel poids aura-t-il?--Écrivez, répondit le premier: +«Un cochon raisonnable.» + +RAMPON + +Quand le premier consul Bonaparte voulut récompenser les services qui +avaient illustré depuis dix ans la carrière militaire du général Rampon, +il fit savoir au conseil des Cinq Cents, qui, dans la constitution +d'alors, avait le privilège de présenter une liste de trois noms, parmi +lesquels le premier consul choisissait celui qu'il jugeait digne du +titre de sénateur, qu'il désirait qu'on portât le général Rampon. +L'assemblée accueillit cette communication avec sympathie. Mais il y +avait alors dans les Cinq Cents un prêtre marié nommé Lecerf, dont les +opinions républicaines conservaient la teinte de 93. Il crut faire acte +de courage et de malice, en écrivant sur son bulletin: _Puisqu'il faut +ramper_, RAMPON. Le premier consul ne fit que rire du calembour. + +RASER + +Peu de jours après son arrivée à la Bastille, Linguet voit entrer dans +sa chambre un grand homme sec qui lui cause quelque frayeur. + +--Qui êtes-vous, monsieur? lui dit-il. + +--Je suis le barbier de la Bastille. + +--Parbleu! vous auriez bien dû la raser. + +RASSIS + +Un épicier, sur le boulevard du Temple, à Paris, avait pour enseigne un +tableau représentant deux rats sciant un pain de sucre, avec cette +devise: _Au pain de sucre rats scient_. + +RATAFIA ET BARNABÉ + +--Quels sont les inventeurs des deux premières lettres de +l'alphabet?--Rata et Barna. _Rata fit_ A et _Barna_ B. + +RÉBUS + +Farce énigmatique, aujourd'hui plus en vogue que jamais, composée de +figures et de lettres dont l'arrangement, le nombre, la couleur, +expriment un mot, un nom ou une pensée. Pour signifier _vieux +parchemin_, on peint un vieillard qui chemine, appuyé sur un bâton. Pour +exprimer ces paroles: _J'ai soupé entre six et sept_, on a mis un G sous +un P, entre les deux chiffres 6 et 7. + +Le Français, né malin, emploie quelquefois le rébus avec finesse. Parmi +les hiéroglyphes ou caricatures qui tapissaient, en l'an VII, les +boutiques des marchands d'estampes, on en distinguait une à qui +l'événement donna, en quelque sorte, le mérite de la prophétie. Le +dessinateur avait représenté les membres du Directoire, et, au-dessous, +une lancette, une laitue et un rat; ce qui, aux yeux des connaisseurs, +signifiait: _L'an_ VII _les tuera_. + +En effet, en l'an VII (nouveau style), Bonaparte revint tout à coup +d'Égypte; et si ce retour inopiné ne tua point les directeurs, il tua le +directoire. + +M. Flamand, médecin, ne montait jamais sa garde, c'est un fait reconnu; +mais, en revanche, lorsqu'il était cité devant le conseil de discipline, +il y envoyait des missives originales. En voici une: + +LE PRÉSIDENT.--Messieurs, le docteur Flamand, assigné pour avoir manqué +sa garde, me fait parvenir le billet suivant, que je livre à vos +méditations, n'y comprenant rien du tout: + + Aves Par suite de plusieurs Aves + Prendre Je n'ai pu, messieurs, Prendre + Nous De monter la garde; Nous + Pot Je n'ai pu quitter l' Pot + E Où mon vin était E + Voir Pourtant on me fait Voir + Ainés Que vous allez être Ainés + Quatre murs A me mettre Quatre murs + Ouverte Voyant ma prison Ouverte + Vue J'ai différé notre Vue + Mise D'un ami j'ai pris l' Mise + Faites Espérant sur ces Faites + Ailles Ne pas vous trouver sans Ailles. + +Après avoir longtemps examiné le billet, le conseil interpelle un +monsieur qui l'a apporté, et demande ce que c'est. + +LE MONSIEUR.--C'est un rébus (Rires.) + +LE PRÉSIDENT.--Encore faut-il en avoir la clef? + +LE MONSIEUR.--C'est facile. Voici comment l'excuse de mon ami se lit: + +«Par suite de plusieurs entraves, je n'ai pu, Messieurs, entreprendre de +monter la garde; entre nous, je n'ai pu quitter l'entrepôt où mon vin +était entré. Pourtant on me fait entrevoir que vous allez être entraînés +à me mettre entre quatre murs: voyant ma prison entr'ouverte, j'ai +différé notre entrevue. D'un ami j'ai pris l'entremise, espérant, sur +ces entrefaites, ne pas vous trouver sans entrailles.» + +Au milieu du rire général, l'officieux ami du docteur Flamand entend +condamner ce savant à vingt-quatre heures de prison. + +RECEVOIR + +Un marchand présentait une requête à un très-grand seigneur pour être +payé de ses fournitures.--Est-ce que vous n'avez rien reçu, mon ami, sur +votre mémoire?--Je vous demande pardon, Monseigneur, j'ai reçu un +soufflet de votre intendant. + +RÉCHAUD + +Une jeune fille répétait une ariette.--Voilà un _ré_ trop froid, lui dit +son maître de musique.--Si vous voulez un _ré chaud_, répondit la jeune +fille, on le trouve à la cuisine. + +RECONNAISSANCE + +On donne ce nom aux reçus du Mont-de-Piété, lorsqu'on y a déposé des +gages. + +--L'ingratitude est à son comble dans Paris, dit un mauvais plaisant; +sans le Mont-de-Piété, on n'y trouverait plus de reconnaissance. + +RECONNAITRE + +Terme de l'argot militaire. En voici l'application, qui fut faite par la +feue garde nationale de Louis-Philippe: + +Un capitaine de ronde s'était arrêté devant un poste de la garde +nationale et attendait que le chef de poste vînt le reconnaître: + +Il attendit dix minutes... Personne ne venait. + +Impatienté, il pousse la porte et s'écrie: + +--Ah ça! viendrez-vous me reconnaître? + +--Impossible! fit un caporal qui gardait le poste, le lieutenant est +parti. + +--Eh bien? + +--Eh bien! comment voulez-vous que je vous reconnaisse, moi? Je ne vous +ai jamais vu! + +RECULER + +_Avance, Hercule!_ dit Cadet Roussel, professeur de déclamation, dans +une leçon qu'il donne à son élève. + +--Comment! _avance et recule_, répond l'autre, qui ne comprend pas qu'on +s'adresse au plus redoutable des demi-dieux. + +Un Gascon disait qu'il n'avait jamais achevé les leçons de danse que son +maître avait commencé à lui donner, parce que, quand il avait fallu +former le pas en arrière, il n'avait pu s'y déterminer, de peur qu'il ne +fût dit qu'une fois en sa vie il avait reculé. + +REDONDANCE + +Commerson a dit:--Aujourd'hui tout le monde pose. L'homme propose; la +femme dispose; l'industrie expose; le commerce dépose; les consciences +composent; les grands hommes se reposent. + +Il pourrait ajouter ce qu'un amateur oppose: Que le chimiste décompose; +que le conspirateur suppose; que l'État impose; que le mauvais vin +indispose; que les compilateurs transposent. + +REDRESSER + +Un bossu, qui se lançait dans le monde, disait à son ami: + +--Si tu me vois faire quelque chose de gauche, redresse-moi. + +--Je t'avertirai, dit l'autre; mais je ne pourrais pas te redresser. + +RÉFLÉCHIR + +--Pourquoi un miroir est-il muet?--Parce qu'il réfléchit. + +REGARDER + +Ce mot a plusieurs sens. On sait que Lacondamine était très-indiscret. +Un jour qu'il jetait un regard curieux sur une lettre qu'un de ses amis +écrivait, celui-ci lui dit:--Mon ami, tu regardes ce qui ne te regarde +pas. + +RELEVER + +Un homme que l'on avait placé en faction, et qui était gris, tomba par +terre et y resta; le caporal, passant par là, lui dit:--Malheureux! que +fais-tu là? Si l'officier te voyait, tu irais en prison.--Pourquoi? +répondit le soldat; quel mal ai-je fait en me mettant par terre, +puisqu'on m'a dit que toutes les deux heures on relevait les +sentinelles. + +RELIRE ET RELIER + +Un homme riche, qui ne lisait guère, disait:--Je relis Montaigne pour la +sixième fois.--Monsieur est relieur? lui dit un auditeur qui le +connaissait. + +REMISE + +--Vous allez vous marier, Monsieur?--Oui, Jocrisse; et j'y vais sans +remise, entends-tu bien.--Là-dessus, Jocrisse descend et dit à la +portière:--Allez chercher une voiture; et, comme Monsieur ne veut pas de +_remise_, amenez un fiacre. + +REMONTER + +Un ménage avait descendu ses meubles à Paris, du troisième étage au +rez-de-chaussée. Au bout de quelques jours, on dit à une fille de +boutique un peu obtuse:--Prudence, il faut remonter la pendule.--Elle la +remonta au troisième étage. + +RENDRE + +Une femme, ayant reçu un soufflet de son mari, alla consulter un avocat +pour savoir si elle pourrait à cause de ce fait obtenir sa séparation. +Le mari, sachant qu'elle avait fait cette démarche, lui demanda d'un air +goguenard quel parti elle allait tirer de son soufflet! + +--Comme on m'a dit que je n'en pourrais rien faire, répliqua-t-elle, je +vous le rends. + +Ce qu'elle fit et fit bien. + +DIATRIBE SUR LE MOT RENDRE. + + Le mot de rendre est bon, je le sais bien; + Mais coup sur coup le répéter sans cesse, + Autre chose est. Alors il ne vaut rien. + Il faut, dis-tu, rendre à chacun le sien; + Ce fonds rend tant. Quand un lavement presse, + Il faut le rendre; Alain se rend chartreux; + Jean voit Lisette, il s'en rend amoureux; + Le roi se rend à Mons, qui va se rendre; + Il se rendra tôt maître de la Flandre. + Tu rends en cour mille respects aux grands, + En ta maison mille soins à ta femme; + Fèves pour pois tu fais bien rendre aux gens, + Rendeur bavard, qui tant de choses rends, + L'un de ces jours puisses-tu rendre l'âme! + +RENIER + +Au bas de la statue pédestre élevée à la gloire de Louis XIV, au milieu +de la place des Victoires, à Paris, on lisait d'assez mauvais vers faits +par un nommé Renier, de l'Académie française. Quand on demandait à +Santeul ce qu'il pensait de ces vers, il disait:--Ce sont des vers à +Renier. + +REPAS + +Quels sont les hommes les plus sobres?--Les couteliers, parce qu'ils +font des repassages. + +RÉPLIQUES + +Un capitaine de vaisseau, ayant besoin de la protection d'un premier +commis de la marine, qui avait une merveilleuse adresse à tirer parti de +sa place, lui envoya une balle de café. + +--Qu'est-ce que cela? demanda le bureaucrate au domestique qui +accompagnait le message. + +--Monsieur, c'est une balle de café moka que mon maître vous prie +d'accepter. + +--C'est bon; laissez cela là, et allez dire à votre maître que je ne +prends pas mon café sans sucre. + +Louis XIV parlait un jour du pouvoir que les rois ont sur leurs sujets; +le comte de Guiche osa prétendre que ce pouvoir avait des bornes; mais +le roi n'en voulant admettre aucune, lui dit avec emportement:--Si je +vous ordonnais de vous jeter à la mer, vous devriez, sans hésiter, y +sauter la tête la première. Le comte, au lieu de répliquer, se retourna +brusquement et prit le chemin de la porte. Le roi lui demanda avec +étonnement où il allait.--Apprendre à nager, sire, lui répondit-il. +Louis XIV se mit à rire, et la conversation en resta là. + +Mais ce récit n'est qu'un conte. + +On répétait, devant Martainville, cette maxime si connue: Qui paie ses +dettes s'enrichit.--Bah! bah! répondit-il; c'est un bruit que les +créanciers font courir. + +--O Julie, disait sentimentalement un jeune amoureux, la première fois +que vous me parlerez ainsi, je me tuerai à vos pieds!--Et la seconde +fois? répondit la demoiselle. + +Piron, dînant chez madame ***, se livra à quelques sarcasmes violents +qui déplurent.--Vous êtes un cheval, lui dit cette dame. Le poëte se +lève de table, tenant sa serviette à la main. + +--Où allez-vous donc?--A l'écurie.--Vous n'avez pas besoin de serviette. + +Un petit prince d'Italie envoya dire à un étranger de sortir dans +vingt-quatre heures de ses États.--Il me fait trop de grâce, répondit +celui-ci; je n'ai besoin que de trois quarts d'heure pour en être +dehors. + +Un matin, sur un banc du Luxembourg, un jeune homme timide, qui voulait +engager conversation avec une jeune personne placée à côté de lui, +saisit adroitement le moment où un insecte montait sur son châle pour +dire:--Mademoiselle, je vous préviens que vous avez une bête derrière +vous.--Ah! mon Dieu! monsieur, dit la dame en se retournant étonnée et +comme effrayée, je ne vous savais pas là. + +On reprochait à l'abbé Terrai qu'une de ses opérations ressemblait fort +à prendre l'argent dans les poches. Il répondit:--Eh! où voulez-vous +donc que je le prenne? + +A Naples, un commandeur de Malte, homme riche et avare, laissait user sa +livrée au point qu'un savetier du voisinage, voyant les habits de ses +gens tout troués, s'en moquait. Ils s'en plaignirent à leur maître, qui +fit venir le savetier et le tança sur son insolence.--Moi! Monseigneur, +c'est une calomnie. Je sais trop le respect que je dois à Votre +Excellence, pour me moquer de sa livrée.--On dit pourtant que tu ris +sans cesse en voyant les habits de mes gens.--Il est vrai, Monseigneur; +mais c'est des trous que je ris, et à ces trous il n'y a pas de livrée. + +--Mon ami, n'êtes-vous pas janséniste? disait un confesseur à son +pénitent.--Non, mon père, je suis ébéniste. + +Le comte d'Alets, passant par Lyon, fut conduit chez le lieutenant du +roi, qui, ne le connaissant pas, le reçut avec hauteur et lui dit: + +--Mon ami, que disait-on à Paris quand vous en êtes sorti? + +--Des messes, répondit le comte d'Alets. + +--Mais je vous demande ce qu'il y a de nouveau? + +--Des pois-verts. + +--Mon ami, vous êtes plaisant. Comment vous appelez-vous. + +--À Lyon, les sots m'appellent mon ami; à Paris, on m'appelle le comte +d'Alets. + +REPOS + +Une actrice nouvelle, qui jouait à Londres le rôle de lady Anne dans la +tragédie de Richard III, ayant répété ce passage: + + Ah! quand aurai-je un peu de repos! + +Un de ses créanciers qui était au parterre lui cria:--Jamais, si vous ne +me payez pas les trente schellings que vous me devez. + +REPRÉSENTÉ + +On disait à un représentant, avant le 18 brumaire, qu'il y avait parmi +eux de grands scélérats. Il répondit que dans un grand État il fallait +que tout le monde fût représenté. + +RESSORT + +Ce mot a plusieurs sens, comme on le voit dans cette boutade faite au +milieu du XVIIe siècle contre le parlement. L'esprit alors n'était pas +si délicat qu'aujourd'hui: + + Emmitouflés de robes rouges, + Qui jugez souverainement, + Auguste et grave parlement, + Qui faites vos lois dans vos bouges, + Croyez-vous être bien bravés + Quand vous dites que vous avez + Quantité de ressorts en France? + Un avantage si commun + N'est pas de grande conséquence: + Mon tourne-broche en a bien un. + +RESTAURER + +Le dîner splendide que le duc de Penthièvre donna aux membres de +l'Académie, le lendemain de la réception du chevalier de Florian, valut +à ce prince le titre de _restaurateur_ de l'Académie française. + +RESTER + +Je vois douze pigeons sur un arbre, je tire sur eux, j'en tue cinq. +Combien en reste-t-il? + +--Il en est resté sept. + +--Non, il n'en reste point, parce que les autres se sont envolés. + +RETARD + +--Ma montre retarde de deux heures, disait un étudiant à un autre +étudiant.--La mienne, répond celui-ci, retarde de 200 francs. + +Il l'avait mise au Mont-de-Piété. + +RÉUNION + +On lisait dernièrement dans un journal du Bas-Rhin cette phrase +textuelle: «De magnifiques fêtes se préparent à Strasbourg, en l'honneur +de l'anniversaire de _la réunion de la France à l'Alsace_.» + +Cette manière d'entendre cette réunion nous rappelle la joie naïve de ce +Génevois qui, à l'époque où sa ville natale devenait la capitale du +département du Lac-Léman, s'écriait avec une satisfaction enthousiaste: + +--Dieu me damne! la nouvelle est bonne. On vient de réunir la France à +Genève. + +RHUBARBE + +Lorsqu'en 1793 on eut supprimé les saints à Paris, on ôta cette +désignation aux écriteaux des rues. On appela donc la rue Saint-Antoine +rue Antoine, la rue Sainte-Barbe, rue Barbe et ainsi des autres. Un +provincial demandait un jour au commissionnaire du coin la rue Barbe. + +--La _rhubarbe_, répondit l'autre; entrez là chez l'apothicaire. + +RIME ET RAISON + +La comtesse de La Suze, que ses poésies ont rendue célèbre, plaidait au +Parlement de Paris contre la duchesse de Châtillon. Ces deux dames se +rencontrèrent dans la grande salle du Palais. Le duc de la Feuillade +donnait la main à la duchesse; il dit à Madame de La Suze, qui était +accompagnée de Benserade et de quelques autres poëtes: + +--Madame, si vous avez la rime de votre côté, nous avons la raison du +nôtre. + +La comtesse repartit aussitôt: + +--Ce n'est donc pas sans rime ni raison que nous plaidons. + +RICHELIEU + +Dans les épigrammes que subit ce grand ministre, nous avons toujours +remarqué celle-ci, à cause du jeu de mots: + + Jésus-Christ vint de pauvre lieu + Apportant la paix sur la terre. + S'il fût venu de Richelieu, + Il nous eût amené la guerre. + +RIVAROL + +Il disait de M. Le Tonnelier de Breteuil, ambassadeur de France à +Vienne:--Il aurait dû raccommoder les cercles de l'empire. + +Il disait en parlant d'Arnaud Baculard:--Ses idées ressemblent à des +carreaux de vitre entassés dans le panier d'un vitrier, claires une à +une, et obscures toutes ensemble. + +RIVE + +Après, la mort de l'acteur Lekain, tragédien renommé, Larive fut choisi +pour le remplacer dans les grands rôles. Les critiques dirent +bientôt:--Lekain, en passant le Styx, n'a pas laissé son talent à la +_rive_. + +ROGNER LES LIVRES + +Jobin plaidait contre son relieur. Son débat ayant produit de curieux +contre-sens par suite de mots rognés, nous en citons ici quelques +passages que les journaux ont rapportés: + +LE JUGE.--Reconnaissez-vous que le demandeur a travaillé pour vous? + +JOBIN.--Joli travail... Je lui en ferai mon compliment un de ces jours, +quand il repassera... C'est du propre... En vérité, je ne comprends pas +l'audace de ce Monsieur... c'est comme si, après m'avoir jeté un pot à +fleurs sur la tête, il me demandait une indemnité pour la casse... il +peut en rire... Permettez-moi d'en rire. + +LE JUGE.--Mais enfin, que lui reprochez-vous? + +JOBIN.--Voici le fait; il est odieux... Je suis abonné au _Corsaire_ +depuis cinq ans... cette feuille me plaît... elle est fort gaie, je suis +fort gai, nous sommes faits l'un pour l'autre. (Rires.) Un jour, il me +prit l'envie de faire relier ma collection... j'ai eu l'imprudence de la +confier à cet être (il montre son adversaire). Ça s'intitule relieur, +ça... si ça ne fait pas suer... Faites des bottes de foin, mon cher, +reliez des asperges... mais des livres, plus souvent! (On rit). + +LE JUGE.--Modérez-vous, et n'insultez personne. + +JOBIN.--C'est vrai, je m'exalte, j'ai tort... Je reviens au fait. Ce +délicieux, ce charmant, cet adorable relieur... c'est écrit sur sa +boutique, parole d'honneur: _M. D..._, _relieur_... Enfin, ce délicieux, +ce charmant, cet adorable relieur me garda ma collection trois mois: +premier grief... Je continue. Au bout de ce laps de temps, il me la +rapporte _rognée_, à ce qu'il disait; j'examine la fourniture... Au +dehors, ça pouvait encore passer... mais voilà que je m'avise d'ouvrir +un volume... (Élevant la voix.) Oh! grands dieux! que vois-je? pas de +marge, pas la moindre petite marge... Bien mieux, l'impression même +était rognée... l'instrument tranchant avait mordu sur presque toutes +les colonnes. + +LE RELIEUR.--C'est faux! + +JOBIN.--Ah! c'est faux... Je suis enchanté que vous ayez dit ça... J'ai +ici la preuve; j'ai apporté un volume de ma malheureuse collection. (Au +juge.) Vous allez voir dans quel état il l'a mise... et si ça ne crie +pas vengeance... Tenez, je vais vous citer des exemples sur différentes +divisions du journal. Commençons par la politique; je lis, page 30: _Le +gouvernement marchera toujours mal avec un cor_... (On rit.) Il y avait +avec un cortège de flatteurs.» Mais ce n'est rien encore. Passons à la +politique extérieure; je lis page 203: «_En ce moment la Grèce doit_...» +(Hilarité.) Je vous demande pardon du calembour... Monsieur a rogné la +suite: «La Grèce doit... veiller à ses intérêts» J'arrive à l'article +théâtre où je trouve: _La voix de Madame Stolz est tous les jours en +progrès, c'est la voix d'une sy_... (Rires.) Le reste est coupé... «La +voix d'une syrène.» Je termine par deux autres citations. Dans un +article de modes, on peut lire: _Le salon des Modes Françaises, 20, rue +d'Antin, est toujours cité par ses cha_... (Grande hilarité.) +Sous-entendu «peaux.» Et enfin, dans un article de critique littéraire, +je vois: _Madame Anaïs Ségalas vient encore de mettre au four un petit +vo_... (Explosion de rires.) La fin manque... L'auteur a voulu dire +_volume_. (On rit.) Je crois n'avoir pas besoin de vous en dire +davantage, et vous comprendrez maintenant pourquoi je refuse de payer à +Monsieur le montant de sa facture. Quant aux dommages-intérêts auxquels +j'aurais droit... eh bien, voyons, je suis généreux, j'y renonce, j'y +renonce, (avec éclat) j'y renonce! (On rit.) + +La demande du relieur est repoussée. + +ROGNER LES ONGLES + +Charles Lameth, en 1790, eut un duel où il fut blessé à la main. On +publia ce quatrain sous le titre de «Dernier Bulletin de M. Lameth»: + + --Faudra-t-il à Lameth couper quelques phalanges? + Demandait à Dufouarre un patriote ardent. + + --Non, dit le médecin, transporté jusqu'aux anges, + Il lui faudra rogner les ongles seulement. + +ROI ET SAVETIER + +Un acteur comique de bas étage s'avisa de jouer un rôle de roi: il fut +atrocement sifflé. L'acteur, contraint de retourner à son véritable +emploi, joua le lendemain un rôle de savetier et fut couvert +d'applaudissements--Cela prouve, lui dit un de ses camarades, que tu as +joué le roi comme un savetier, et le savetier comme un roi. + +ROIS + +Pour la fête de l'Épiphanie, la grande solennité des Gentils, qui la +célèbrent si imparfaitement chez nous, et qui a pourtant laissé de +grandes affections dans les familles, un de nos démocrates les plus +foncés invita, en 1849, plusieurs de ses amis et ennemis politiques à +venir _tirer les rois_. + +Seulement, au moment de l'apparition du gâteau, il a prévenu ses +convives qu'au haricot consacré il avait fait substituer une épingle. +Interrogé sur le motif de cette substitution: + +--C'est pour étrangler les prétendants, a-t-il répondu d'une voix +caverneuse. + +ROUGES + +Brunet disait, en parlant des personnes qui ont les cheveux rouges:--Les +rouges sont mes bêtes noires. + +Un chasseur, qui avait couru quelques périls dans une partie de chasse +où il avait tué des perdrix rouges, disait:--Voilà des perdrix rouges +qui m'en ont fait voir des grises! + +ROUTE + +Pascal a dit:--Un fleuve est une grande route qui marche. Un homme moins +profond demandait:--Qui va de Paris à Strasbourg sans faire un pas? Un +Alsacien répondit:--La grande route. + +RUDIMENT + +M. de Rothschild disait l'autre jour à M. Maurice Alhoy:--Je vous +prêterai un million pour relever le théâtre Saint-Antoine, si vous me +devinez quand le chef d'une mosquée ressemble à une grammaire. + +--Je ne sais pas. + +--Eh bien... c'est quand il a des manières rudes, parce qu'alors c'est +un _rude iman_. + + + +S + +SAGE + +Ménage, attaqué d'une pleurésie, demanda qu'on lui fît venir le Père +Airaut, jésuite, son parent. À peine le religieux est entré dans la +chambre du malade, qu'il l'embrasse, lui témoigne sa douleur, le console +et l'exhorte à la mort. Ménage, édifié de tout ce que le Père Airaut lui +dit des miséricordes de Dieu, dit en soupirant:--Je vois s'accomplir la +pensée que j'ai toujours eue: qu'on a besoin d'une sage-femme pour +entrer dans le monde, et d'un homme sage pour en sortir. + +SALUT + +Un homme se plaignait à un de ses amis de n'avoir pas été salué par lui, +à la sortie de l'église. Celui-ci lui répondit:--Mon cher, hors de +l'église, point de salut! + +SANG + +Santeul disputant un jour avec le grand Condé sur quelque ouvrage +d'esprit, le prince dit au poëte:--Savez-vous, Santeul, que je suis +prince du sang?--Oui, Monseigneur, je le sais; mais moi je suis prince +du bon sens; ce qui est préférable. + +SANGUIN + +Un négociant qui faisait mal ses affaires disait:--On se trompe sur mon +tempérament; on me croit flegmatique et je suis _sans gain_. + +SAPEURS + +Quand le dernier roi s'enfuit, on dit qu'il s'en allait accompagné de +_sa peur_. + +Ce mot a produit plusieurs fois un même calembour, dont voici la plus +récente application: + + Que dit-on donc?... que Ledru, dans sa fuite, + Est parti seul, sans suite?... O grave erreur!... + Il s'est sauvé, j'en conviens, au plus vite, + Mais il était escorté de... sa peur!... + +SAVOIR + +Une troupe de comédiens ambulants venait de jouer _le Misanthrope_ dans +une petite ville de Normandie. L'acteur qui avait rempli le rôle +d'Alceste, et qui l'avait joué de moitié avec le souffleur, s'avance +après la représentation et dit:--Messieurs, nous aurons l'honneur de +vous donner demain _le Philosophe sans le savoir_.--Non pas! non pas! +s'écrie le maire tout furieux; vous venez de jouer _le Misanthrope_ sans +le savoir, et vous saurez demain, s'il vous plaît, _le Philosophe_ pour +le jouer. + +Le maréchal de Villeroi, gouverneur de Louis XIV, écrivait d'une manière +absolument illisible. Il écrivit un jour une lettre au cardinal de +Fleuri, précepteur du jeune monarque; l'instituteur ne put déchiffrer un +mot de ce que le gouverneur voulait lui dire. Il le pria de vouloir bien +lui communiquer sa pensée d'une manière plus lisible. Le maréchal +écrivit une seconde lettre, à laquelle Fleuri répondit:--Votre seconde +lettre n'est pas beaucoup plus lisible que la première. Au surplus, pour +notre honneur commun, cessez de m'écrire, afin qu'on ne dise pas dans le +monde que le roi a un gouverneur qui ne sait pas écrire, et un +précepteur qui ne sait pas lire. + +SCHILLER + +Quel est le poëte dont les sécrétions ont été les plus +légères?--Schiller. + +SECOUER + +Un apothicaire de Newcastle, s'étant chargé du traitement d'un malade +qui était à l'article de la mort, lui envoya une fiole de médecine, avec +ces mots: _bien secouer avant de faire prendre_. Le lendemain, il alla +voir l'effet de son remède. En entrant chez le malade, il demanda à un +domestique comment se portait son maître. Celui-ci ne répondit que par +des larmes.--Quoi! est-ce qu'il est plus mal?--Oui, monsieur; mais comme +vous nous avez dit de le secouer avant de lui faire prendre votre +médicament, nous avons suivi vos ordres et il est passé dans nos bras. + +SEIGNEUR + +On demande à Arlequin pourquoi il se permet de prendre place parmi des +gentilshommes?--Je suis fils d'un _saigneur_, dit-il. Son père en effet +était chirurgien. + +SEINE + +Un homme lisant au bas des personnages d'une pièce cette +indication:--_La scène est à Constantinople_;--Voilà, dit-il, une +rivière qui fait bien du chemin. + +SEIZE + +On disait d'un homme âgé, pour rassurer une jeune fille qui l'épousait, +que ce monsieur n'avait que _ses ans_. + +SEL + +Montmaur était riche, mais avare; il aimait mieux diner chez les autres +que de donner à manger chez lui; et comme il savait assaisonner la +conversation de beaucoup de traits piquants, il disait à ses +amis:--Fournissez la viande et le vin, je fournirai le sel. + +S'EN REPENTIR + +Le pléonasme qui suit a un double sens assez juste:--Qui verse le sang, +s'en repent. + +SENS + +Quelles sont en France les femmes les plus raisonnables?--Les femmes de +Sens. + +SENSÉ + +Lorsqu'on eut sifflé la pièce sans A, Brunet pria l'auteur de lui faire +un drame sans C. + +SEPT VEINES + +Quelle est le pays où le sang circule le mieux? À cette question de M. +Dupin, M. Guizot répondit:--Les Cévennes. + +SERIN + +Quand peut-on mettre le temps en cage? + +--Quand il est serein. + +SERMENT + +Une jeune fille, épousant contre son gré, prononça le oui si froidement +que quelqu'un dit:--Le pauvre mari n'a là qu'un serment de bouche.--Et, +riposta un autre, la pauvre femme a un serrement de coeur. + +SERPENT + +Une cause singulière s'est présentée il y a quelque temps au tribunal de +simple police de Fontaine-Libeau (Seine-Inférieure). M. le curé, +prêchant sur le péché originel, avait plusieurs fois répété: + +«C'est le serpent maudit qui a causé vos malheurs, mes frères, c'est lui +qui est la cause de la perte de tant d'âmes.» + +Un serpent, non pas un boa, mais un de ces virtuoses en surplis qui +musicient de toutes leurs forces, et écorchent quelquefois les oreilles +des fidèles, le serpent donc de la paroisse se lève tout à coup, et, +interrompant le vénérable pasteur, d'un ton moitié furieux, moitié +stupéfait: + +--Moi! j'ai causé tout ce mal-là! s'écria-t-il; apprenez que depuis 50 +ans que je suis serpent de père en fils, je n'ai jamais fait de tort à +personne; je ne suis qu'un serpent, mais je suis honnête. + +Ayant adressé quelques injures à M. le curé, qui tentait vainement de +lui donner les explications les plus satisfaisantes, le susceptible +serpent a été traduit en simple police et condamné à deux jours de +prison. + +SERVANTE + +On raconte qu'une actrice, causant littérature avec une de ses +camarades, se mit à dire que _Don Quichotte_ n'était qu'un roman de +cuisinière.--Comment, répliqua son interlocutrice fort étonnée, _Don +Quichotte_, mais c'est un des ouvrages les plus ingénieux qui aient +jamais été écrits.--Je n'en parle que d'après notre directeur, répliqua +la première, c'est lui qui m'a certifié hier que _Don Quichotte_ était +un roman de Cervantes. + +SERVICE + +Au nombre des hommes éminents promus à une des plus hautes dignités de +la dernière république, il se trouvait un ancien marchand de +porcelaines.--Qu'a-t-il donc fait pour mériter cette récompense? demanda +quelqu'un qui entendait prononcer le nom du nouveau dignitaire pour la +première fois. Est-ce qu'il a rendu des services?--Non, il en a vendu, +répondit M. le baron T... + +SE TAIRE + +Cadet Roussel, professeur de déclamation, dit dans une leçon: il faut +_parler Esther_.--Comment! _parler et se taire_, dit un élève, qui ne +voit pas qu'on s'adresse à la nièce de Mardochée. + +SIFFLEUR + +Lorsqu'on joua la comédie du _Persiffleur_ de Sauvigny, les plaisants, +les faiseurs de calembours, les siffleurs enfin, dirent que le père +siffleur avait tous ses enfants au parterre. + +SINGE + +Une pimbêche d'importance, qui avait un procès, était venue solliciter +en sa faveur le premier président de Harlay. Comme ce magistrat ne lui +avait pas fait l'accueil qu'elle croyait lui être dû, elle dit, en +passant dans l'antichambre, mais assez haut pour être entendue du +président: + +--Peste soit du vieux singe! + +Le lendemain néanmoins l'affaire fut appelée, et cette dame gagna son +procès. Elle courut aussitôt remercier le président, qui, pour toute +vengeance, se contenta de lui dire: + +--Sachez madame, une autre fois, qu'un vieux singe est toujours disposé +à faire plaisir aux guenons. + +SOL + +Quelles sont les notes de musique que les frotteurs d'appartements +aiment le mieux? + +--Les notes _sol fa si la si ré_. + +SON + +ÉPIGRAMME SUR FAUCHET + +ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL DE PARIS (1791) + + Ce janséniste cannibale, + Fauchet, un jour, longuement pérora + Sur les bouffons et l'Opéra, + Dans la tourbe municipale. + Or le prêtre-bourreau prétend + Que tout théâtre dit chantant + Envoie un jour par mois ses acteurs à la halle + Pour y chanter, hurler, baller + Et de chansons le peuple régaler. + Pour cet avis très-fortement j'opine, + Reprit Warville, aimable polisson; + Du moins, s'il manque de farine, + Le peuple aura toujours du son. + +On demandait dernièrement: Pourquoi la musique, qui charme les chevaux +désole-t-elle les chiens? L'auteur des sphinx du petit journal pour rire +répondit:--C'est que les chevaux aiment le son et que les chiens l'ont +en dégoût. + +SONNET + +Pourquoi un sot devient-il poëte en prenant un bain? + +--Parce qu'il fait un _sot net_. + +SORTIR + +Des femmes de Paris qui avaient été voir des fous demandèrent à l'un +d'eux de leur donner trois numéros pour la loterie. C'était une +croyance, à Paris, dans les classes peu instruites, que les fous sont +doués d'une sorte de divination. + +Le fou écrivit trois numéros sur un papier, l'avala, et leur +dit:--Mesdames, repassez demain, vos numéros seront sortis. + +Un certain marquis connu par ses singularités, vantait à la feue reine +de France un remède dont il avait le secret, et qu'il disait avoir fait +prendre à un de ses amis fort malade. L'a-t-il guérie? demanda la reine. + +--Madame, dès le lendemain j'allai pour le voir; il était sorti. + +--Comment! déjà sorti! + +--Oui, madame, il était allé se faire enterrer à Saint-Sulpice. + +SOTS + +Du temps où florissait le régime parlementaire, un député s'excusait de +s'être fait attendre en disant qu'il était avec le garde des sceaux. On +lui répondit:--Il vous a gardé bien longtemps. + +Le marquis de Cahusac, jouant au piquet, reconnut, par ses cartes de +rentrée, qu'il avait mal écarté, et s'écria:--je suis un franc Goussaut! + +Le président Goussaut, renommé par sa stupidité, se trouvait par hasard +derrière le joueur, et lui dit: + +--Vous êtes un sot! + +--Vous avez raison, repartit Cahusac, c'est ce que je voulais dire. + +SOU + +Le Pont-des-Arts, disait Odry, lorsqu'on payait un sou le passage, le +Pont-des-Arts a cela de particulier qu'il n'y a pas plus de personnes +dessus que de _sous_. + +--Et il ajoutait, en parlant des receveurs au péage de ce pont.--Ils +doivent avoir beaucoup de mémoire, à force de voir des _sous venir_. + +SOUFFLET + +Deux personnes qui s'étaient mutuellement souffletées allaient se +battre. On pria M. de Bièvre de les réconcilier.--Me prenez-vous, +dit-il, pour un raccommodeur de soufflets? + +SOUFFRER + +Quelles sont les gens les plus à plaindre? + +Les faiseurs d'allumettes, parce qu'ils souffrent pour tout le monde. + +SOUL + +Un écolier à qui on avait donné un sou pour la promenade rentra avec des +coliques, causées par une intempérance de coco. Son maître lui +reprochait cet excès, en lui disant qu'il n'avait pas besoin d'avaler +deux énormes verres à deux liards.--Ce n'est pas ma faute, reprit +l'enfant, la cocotière n'avait pas de monnaie à me rendre, alors j'ai bu +tout mon _sou_. + +SOULIER + +Quel est l'auteur le plus crotté?--Soulié. + +SOURD + +Quelles sont les gens qui entendent le moins la plaisanterie?--Ce sont +les sourds. + +SPA + +On conte que le marquis de Bièvre, étant allé prendre les eaux de Spa, +ne voulut pas quitter cette gracieuse ville champêtre sans lui laisser +un calembour; il partit en disant:--Je m'en vais de _ce pas_. + +STYLE + +«Gallophile de tout temps, mon coeur est sans fard et mon âme est +sans-culotte.» + +C'était avec des phrases aussi barbares, aussi ridicules et aussi +ineptes que le Prussien Anacharsis Clootz, collègues et consorts se +prétendaient des patriotes exclusifs. + +«Petit pape, petit papelin, vous êtes un âne, un ânon; allez doucement, +il fait glacé, vous vous rompriez les jambes, et on dirait: que diable +est-ce ceci? Le petit ânon de papelin est estropié, un âne sait qu'il +est un âne, une pierre sait qu'elle est une pierre; mais ces petits +ânons de papes ne savent pas qu'ils sont ânons.» + +Tel était le style dans lequel Luther écrivait au pape Léon X, le +restaurateur des arts et des lettres. + +J'admire, disait un membre d'assemblée populaire, à propos de la force, +j'admire celle de Samson qui, avec une mâchoire d'âne, passa mille +Philistins au fil de l'épée. + +Dryden se trouvant un jour, après boire, avec le duc de Buckingham, le +comte de Rochester et le lord Dorset, la conversation vint à tomber sur +la langue anglaise, sur l'harmonie du nombre, sur l'élégance du style, +sorte de mérite auquel chacun des trois seigneurs prétendait +exclusivement et sans partage. On discute, on s'échauffe, on convient +enfin d'en venir à la preuve, et de prendre un juge. Ce juge fut Dryden. +La preuve consista à écrire, isolément et sans désemparer, sur le +premier sujet venu, et de mettre les trois thèmes sous le chandelier. On +se met à l'ouvrage... Le duc et le comte font des efforts de génie. Le +lord Dorset trace négligemment quelques lignes. Quand chacun eut fini et +placé son chef-d'oeuvre sous le chandelier, Dryden procède à l'examen. +Dès qu'il eut achevé la lecture des trois pièces: «Messieurs, dit-il au +duc de Buckingham et au comte de Rochester, votre style m'a plu, mais +celui du lord m'a ravi. Écoutez; c'est vous qu'à présent je fais juges.» +Dryden lit: «Au premier de mai prochain (fixe) je paierai à John Dryden, +ou à son ordre, la somme de cinq cents livres sterling, valeur reçue; 15 +avril 1686. Signé Dorset.» Après avoir entendu ces expressions, +Rochester et Buckingham ne purent disconvenir que ce style ne l'emportât +sur tout autre. + +Nous empruntons à la _Gazette des Tribunaux_ un modèle du style soldat: + +Bourjot, bijoutier jeune France, est assis sur les bancs de la police +correctionnelle (7e chambre), et Combes, soldat du centre, s'avance au +pied du tribunal pour déposer contre lui; il se met au port d'armes, +adresse un petit sourire d'amitié au prévenu, et attend que M. le +président l'interroge. + +M. LE PRÉSIDENT.--Voyons... que savez-vous sur les faits de la plainte? + +COMBES.--Je sais que Bourjot est un bon enfant... là... mais un bon +enfant... Il avait seulement un peu siroté ce jour-là... ça peut arriver +à tout le monde... + +M. LE PRÉSIDENT.--Bourjot est accusé d'avoir frappé un agent de la force +publique dans l'exercice de ses fonctions... + +LE TÉMOIN.--C'est moi qu'étais dans l'exercice de ma faction. + +M. LE PRÉSIDENT.--Expliquez-vous. + +LE TÉMOIN.--Voilà, mon colonel... Je m'embêtais le 1er janvier au poste +du canal Saint-Martin, poste peu récréatif au point de vue du vent qui +vous coupe la figure et des particuliers qui descendent de la barrière +en faisant des zigzags et en nécessitant par leurs cris et autres +déportements l'intervention du caporal et de la patrouille... J'étais +donc là à murmurer crânement, je puis le dire, et à trouver que le +coquin de sort m'envoyait de fichues étrennes, lorsqu'un cafetier tout +effarouché vient nous dire qu'un Bédouin mettait son établissement sens +dessus dessous. + +Nous courons au pas de charge à l'endroit susdit, moi, le petit Normand +et Briquet, mon voisin de lit... Qué que nous voyons?... Bourjot, le +criminel ci-inclus... il voulait empêcher, à lui tout seul, plusieurs +autres citoyens de pincer leur partie de carambolage et faisait la garde +autour du billard avec une queue à procédé sur les épaules... Il avait +bu plus d'une bouteille et paraissait légèrement ému... Nous le sommons +de débarrasser le tapis vert... il nous envoie promener... nous le +sommons de nous suivre au poste... il nous envoie derechef là où vous +savez... Alors nous l'empoignons... il se révolutionne et fait pour 5 +francs 75 centimes de casse qu'il paie incontinent avec un pourboire +pour la fille... En voilà un bon garçon!... + +M. LE PRÉSIDENT.--Mais les coups que vous auriez reçus?... + +LE TÉMOIN.--Ça va venir... je ne suis pas pressé. (On rit.) Pour lors, +nous l'insérons au violon. Mais, avant d'y entrer, il se tourne comme ça +vers moi... je le tenais par le bras gauche... et il me dit: «Vous, si +jamais je vous rencontre derrière un mur, je vous décorerai avec une +pomme de terre.» (Hilarité.) Il faut lui pardonner... c'est le vin à +douze qui parlait pour lui. C'est un fameux bon garçon, allez! + +M. LE PRÉSIDENT.--Mais arrivez donc au fait principal. + +LE TÉMOIN.--J'y arrive du pied gauche. Pour lors le caporal me plante de +faction. J'étais tranquillement à flâner en long et en large, quand +voilà Bourjot qui sort du corps de garde. L'autorité compétente +l'envoyait dehors pour cuver son liquide. Il s'approche de moi, me passe +la jambe, et me voilà tout de mon long par terre, avec mon fusil entre +les jambes et mon schako derrière les épaules en guise d'oreiller. +Bourjot aurait pu me repasser quelques taloches pendant que j'étais dans +cette position humiliante et peu militaire. Mais bah! il filait son +noeud à toute jambes; c'est un si bon garçon! + +M. LE PRÉSIDENT.--Vous êtes bien sûr qu'il ne vous a pas porté de coups? + +LE TÉMOIN.--Pas le moindre. Un simple billet de parterre. Faites-lui +bonne mesure, mon colonel... vrai, c'est un bon garçon. + +Le tribunal, prenant en considération les bons antécédents de Bourjot et +l'état d'ivresse dans lequel il se trouvait, ne le condamne qu'à 15 +francs d'amende. + +SUIVRE + +On propose en société l'énigme que voici: + + Je ne suis pas ce que je suis; + Car si j'étais ce que je suis, + Je ne serais pas ce que je suis. + +Solution: c'est un valet, qui n'est pas le maître qu'il suit; car s'il +était le maître qu'il suit, il ne serait pas le valet. + +SUJET + +Marquis, disait un jour Louis XVI au marquis de Bièvre, vous qui faites +des calembours sur tout, faites-en un sur moi.--Sire, lui répondit le +marquis, vous n'êtes pas un sujet. + +SUR + +Va mettre ma montre sur l'horloge de l'hôtel de ville, dit M. Duval.--Et +Jocrisse s'en va porter la montre au haut du clocher. + +Un pâtissier, dont un poëte avait exalté la pâtisserie dans un ouvrage +en vers, crut devoir reconnaître cette honnêteté en lui faisant cadeau +d'un pâté. Le poëte, ayant remarqué que la feuille de papier qui +couvrait le fond de ce pâté faisait partie de sa production, en fit de +vifs reproches à son protégé. + +--Qu'avez-vous à me reprocher? lui dit celui-ci; nous sommes maintenant +à deux de jeu; vous avez fait des vers sur mes pâtés, et moi j'ai fait +des pâtés sur vos vers. + +SURE + +Danière disait que la rue la plus sûre de Paris est la rue de l'Oseille. + +SUSPECT + +Ce fut à l'occasion de la désignation des suspects qu'un plaisant +enfermé au Luxembourg, au moment où Chaumette y fut lui-même conduit à +son tour par ordre du comité de salut public, dit en allant à sa +rencontre: «Citoyen, je suis suspect, tu es suspect, il est suspect (en +montrant un des prisonniers), nous sommes suspects, vous êtes suspects, +ils sont suspects.» Puis tournant le dos au nouvel arrivé, il le laissa +consterné de son sort, et honteux de se trouver au milieu de ses +victimes. + +Un plaisant, qui voulait partir avec l'aéronaute Blanchard, s'en fut +demander à sa municipalité un passe-port pour la banlieue de la terre: +la municipalité assembla le conseil de la commune, et le pétitionnaire +fut refusé comme suspect d'émigration. + + + +T + +On conte, dans le pays wallon, cette petite anecdote sur deux +magistrats, nommés l'un M. Baude, et l'autre M. Buchet.--Baude est allé +chez M. Buchet et y a pris le T.--Eh bien! dit l'interlocuteur, qui +entend le thé, que s'ensuit-il?--Qu'ils se sont quittés remis à leur +place, Baude devenu Baudet, et Buchet devenu Buche. + +La correspondance la plus laconique que l'on ait connue se composait +d'un (?), voulant dire: Y a-t-il quelque nouvelle? et d'un (0), +répondant: Il n'y en a pas. Un épicier de Hottingham (Flandres) vient de +faire du laconisme plus remarquable encore. Il a peint sur sa vitrine +deux grands T, l'un peint en noir, l'autre en vert, pour indiquer qu'il +vend du thé noir et du thé vert. + +TABLE + +On sait que la loi des Douze Tables, publiée à Rome sur douze tables de +pierre, par les décemvirs, est devenue depuis le fondement de la +jurisprudence romaine. Elle a donné lieu au quatrain suivant: + + Un avocat, dont les destins + Font un juge des plus notables, + Croit que la loi des Douze Tables + N'était que pour les grands festins. + +TAILLES + +Ce nom, qu'on donnait autrefois aux impôts, a produit un jeu de mots. + +Une princesse du sang, sous ce qu'on appelle l'ancien régime, passait +par une ville de province; toutes les corporations s'empressèrent de +l'aller complimenter. Celle de l'élection n'était représentée que par +trois membres.--Madame, lui dit le chef de cette juridiction, nous +sommes dans ce moment une preuve sensible de cette vérité sacrée: +Beaucoup d'appelés et peu d'élus. Notre devoir est de prononcer sur le +fait des tailles, et nous certifierons à tout le monde que la vôtre est +des plus élégantes. + +TAILLEUR + +On disait à un homme distrait:--Votre esprit fait des +culottes?--Pourquoi?--Parce qu'il est ailleurs. + +TAMBOUR + +Quels sont les châles qui font le plus de bruit? + +--Ceux qui _sont en bourre_. + +TA MÈRE + +Belval, mangeant une salade de chicorée, appela sa cuisinière et lui +dit:--Es-tu donc la fille de cette salade-là?--Comment, Monsieur?--C'est +qu'elle _est amère_. + +TEINTURE + +--Je voudrais, disait une dame, que mon fils sût un peu de tout, qu'il +eût une teinture des langues latine et grecque, une teinture d'histoire +et de géographie, une teinture des mathématiques, une teinture du +dessin, etc.; mais je ne sais pas pour cela quel maître lui donner. + +--Donnez-lui, Madame, un maître teinturier. + +TENDRE + +UNE PETITE SCÈNE DE TRIBUNAL + +D. Vous ne niez pas avoir mendié?--R. Si j'avais reçu de la nature la +faveur de l'éloquence... + +D. Répondez par oui ou par non.--R. Je réponds par oui; mais n'ayant pas +reçu la faveur de l'éloquence, je vous demande la grâce de vous faire +lecture de mon excuse écrite. C'est la description en raccourci de ma +vie, en douze vers de poésie, pas un de plus, pas un de moins. (Il lit.) + + Le sort pour moi fut un bourreau; + Conscrit de l'an mil huit cent seize, + J'ai tiré le numéro treize + Qui m'envoya sous le drapeau. + Sorti des rangs, sans sou ni maille, + On me traita de rien qui vaille; + Ce qui fait qu'un jour, ayant faim, + J'ai mendié sur mon chemin. + Condamné, j'ai subi ma peine, + Mais de mon sort qu'on se souvienne! + Si l'on m'avait tendu la main, + Je n'aurais pas tendu la mienne. + +TÊTE-A-TÊTE + +Quelqu'un entrant chez un gourmand qui dînait seul devant une tête de +veau, lui dit:--Pardon, Monsieur, je ne croyais pas que vous fussiez en +tête-à-tête. + +Armand Gouffé a mis ce mot en vers: + + N'avez-vous pas connu Beauveau? + C'était un gourmand respectable. + Un jour il était seul à table + Devant une tête de veau: + On annonce madame Hortense: + «Ah! parbleu, je suis occupé, + Dit Beauveau d'un air d'importance; + Revenez quand j'aurai soupé. + --Je vois pourquoi monsieur tempête, + Reprit la dame sans bouger; + Il est fâcheux de déranger + Un aussi joli tête-à-tête.» + +TÉTER + +--J'ai-t-été à Paris, j'ai-t-été à Bordeaux, j'ai-t-été à Bruxelles, +disait un parleur incorrect.--Vous avez _tété_ une truie, lui répondit +quelqu'un, car vous parlez comme un cochon. + +THÉ + +Quelle est la lettre la plus anglaise?--Le _T_. + +Un membre de l'Université, d'une excessive rigidité sur les formes +grammaticales, était venu passer quelques jours de vacances à Paris. +Avant de quitter son hôtel, il vérifiait sa note. La dame du lieu, qui +le suivait de l'oeil dans sa lecture, le voit tout à coup +soubresauter.--Y aurait-il une erreur, Monsieur?--Comment, Madame, mais +une erreur très-grave!... Je lis ici, pour mon déjeuner, une omelette +avec un seul T. Mais il en faut deux!...--C'est facile à rectifier, +Monsieur. Et la maîtresse d'hôtel écrit en surcharge: Une omelette et +deux thés. + +Un marchand de thé, à Paris, avait, entre autres annonces, sur sa +vitrine, celle-ci, écrite comme les autres en lettres d'or sur une +caisse de thé de Chine: _Thé impérial_. En 1814, un agent de la +maladroite police des Bourbons vint lui dire:--Otez cela; il n'y a plus +d'empire.--Pardon, Monsieur, dit le marchand, il y a encore l'empire de +la Chine, et le thé impérial. + +Il fallut toutefois ôter l'annonce. + +THERMOMÈTRE + + On ne nous parle que de mètre, + Chaque femme frémit du mot. + J'entends prononcer kilomètre, + Et reste ébahi comme un sot. + Le terme de myriamètres + Me trouve souvent en défaut; + Pour nous entendre comme il faut, + Si nous mettions un terme aux mètres! + +Dans la parodie de _Cricri et ses mitrons_, plaisante imitation du +_Henri III_ de M. Dumas, on assomme un personnage, en menaçant de le +traiter comme Léonidas jadis aux Thermopyles. + +Le pauvre diable demanda grâce, en criant:--Un _terme aux piles_. + +TIRE TON BAS + +Un poëte, récitant à son jeune fils qui allait se coucher un poëme qui +commençait ainsi: + + Tyr tomba... + +l'enfant s'empressa de se déchausser. + +TITRES + +Louis XIV avait une si haute idée du jugement de madame de Maintenon, +qu'il lui disait un jour: «On appelle les papes Votre Sainteté; les +rois, Votre Majesté; les princes, Votre Sérénité; pour vous, Madame, on +devrait vous appeler Votre Solidité.» + +TOMBÉ + +M. de L... se trouvait dernièrement dans une petite réunion de membres +de l'ex-Constituante. + +Pendant la soirée, il s'approcha d'un groupe de dames dont la +conversation paraissait très-animée. + +--Tenez, Monsieur, dit Mme de C..., justement nous parlions de vous! + +--Vraiment! fit le célèbre membre de feu le gouvernement provisoire, je +suis bien tombé! + +--C'est ce que nous disions, répondit Mme de C... + +TOM JONES + +Dans le vaudeville de _M. Vautour_, Brunet se trouvait tout de jaune +habillé. S'étant caché dans une bibliothèque, il dit en sortant:--Je +devais avoir là dedans l'air d'un _tome jaune_. + +TONNERRE + +La voiture de M. de Pontchartrain se rencontra dans un passage étroit +avec celle de M. de Clermont-Tonnerre. Le cocher du premier, voulant +faire reculer l'autre, crut lui imposer en nommant le seigneur qu'il +conduisait. Le second répliqua:--Je me moque de ton _pont_, de ton +_char_ et de ton _train_; je mène le Tonnerre, et c'est à toi de +reculer. + +TOUCHER + +Une demoiselle Lange, qui avait obtenu un logement au château de +Versailles, sachant que Charles X y arrivait, se mit à sa fenêtre avec +une pétition qu'elle avait préparée, et quand le roi passa elle lança sa +pétition qui tomba sur le visage de Charles X. Le prince dit en riant: +«On ne dira pas que cette pétition ne m'a pas touché!» Et il accorda une +pension de 1,000 fr. + +TOUR + +Quels sont les plus gros pruneaux? + +--Les pruneaux d'une lieue et demie de Tours. + +TOURNEBROCHE + +Un homme qui était fort pour la bombance, étant à dîner dans un endroit +où il se trouva beaucoup de musiciens, on loua l'excellence des +instruments; et chacun, suivant son goût, estima le piano, le violon, la +flûte, etc. Au moment où on demanda l'avis du parasite:--Ah! Messieurs, +dit-il, le bel instrument que le tournebroche! + +TOUSSAINT + +Dans le temps du premier empire, on avait repris les usages anciens de +payer à la Saint-Jean, à la Saint-Martin, à la Saint-Pierre, à la +Saint-Laurent, etc. Un homme de mauvaise foi, ayant acheté un cheval à +un paysan, lui fit son billet à la Saint-Négo et s'en alla. + +Le paysan, le lendemain, montra son billet à ses voisins, leur demandant +quel jour ce saint arrivait. Mais personne ne le trouvait dans le +calendrier. Le bonhomme se rendit chez son acheteur qui lui rit au nez, +en disant je vous paierai au jour dit; cherchez-le. + +C'était en Champagne, dans le canton de Méry. L'attrapé alla trouver le +juge de paix, qui cita le créateur du billet. Devant sa réponse qu'il +paierait au jour de Saint-Négo, le cas était embarrassant. Mais le juge +s'en tira.--Vous êtes un coquin, dit-il à l'acheteur; mais vous êtes +pris, car il y a un jour où tous les saints sont fêtés. Et il dut payer +le jour de la Toussaint. + +TOUSSANT + +On a dit que les gens les plus enrhumés de Paris sont les cochers de +fiacre, parce qu'ils parcourent la ville en tous sens. + +TOUT VERT + +De quelle couleur est un coffre-fort quand on le vide?--Il _est ouvert_. + +TRADUCTION + +Un enfant qui traduisait du latin de septième, en vacances et sous +l'aide de sa mère, était embarrassé devant ces mots: _Marcus Tullius +Cicero_. + +--Je ne les trouve pas dans mon dictionnaire, disait-il en s'adressant à +la maman. + +--Mon enfant, disait-elle, _Marcus Tullius Cicero_... _Marcus_, c'est un +marchand; _Tullius_ doit signifier de la toile... Tu peux mettre: +Marchand de toile cirée; et je serais bien surprise si je me trompais. + +Un autre enfant, qui se faisait remarquer par une audace intrépide, +traduisit ces deux vers de Lucain: + + Phoenices primi, si famæ creditur, ausi + Mansuram rudibus vocem signare figuris. + +par cette phrase narrative: + +Les phénix, dans la primeur, ont si faim qu'on croit qu'ils osent manger +les rudiments, les volumes, le signet et les figures. + +Lorsque Voltaire donna sa tragédie d'_Oreste_, on avait mis sur les +billets du parterre, on ne sait trop pourquoi, les lettres initiales de +ce vers d'Horace: + + Omne Tulit Punctum Qui Miscuit Utile Dulci. + +O. T. P. Q. M. U. D., ainsi qu'elles se trouvaient écrites dans ce temps +sur la toile du théâtre. Les faiseurs de calembours du temps +interprétèrent ces initiales par: Oreste, Tragédie Pitoyable Que +Monsieur Voltaire Donne. + +Après l'avènement de George Ier au trône, le maire de Leicester qui +avait toujours supposé que _anno Domini_ signifiait la reine Anne, ayant +entendu son secrétaire lire une ordonnance municipale, s'écria avec +chaleur, lorsqu'il en fut à _anno Domini_.--Pourquoi ne dites-vous pas +_Georgio Domini_? vous ne savez jamais ce que vous faites! + +TRAIN + +Un farceur fit un jour marcher le poste du quai Saint-Bernard, en lui +annonçant qu'il y avait beaucoup de train au bout du pont. C'étaient des +trains de bois. + +TRAVAILLER + +Du temps de Cromwel, il fut rendu un décret qui défendait de brasser de +la bière le samedi, de peur qu'elle ne _travaillât_ le dimanche. + +TREIZE + +Une femme, qui avait eu déjà douze enfants, venait d'accoucher encore. +Un plaisant dit au mari:--A présent vous voilà _à votre aise_. + +TRÈS-ÉTROIT + +--J'ai un habit qui me gêne.--C'est un habit seize.--Comment?--C'est +qu'il est _treize et trois_ et que treize et trois font seize. + +TRIBUN + +Dans le temps du tribunat, on proposait à Brunet de se mettre sur les +rangs pour être membre du tribunat.--Je ne veux pas être tribun, +répondit-il, parce que ma femme serait tribune, ce qui ne lui plairait +pas, et que nos enfants seraient de petits tribunaux, ce qui fait trop +de bruit. + +TRIOLET + +Un plaisant voyant passer trois coquettes, à la fois laides et +prétentieuses, disait que c'était un trio laid. + +TROUVER + +On lisait il y a quelques temps dans les _Petites Affiches_, +ordinairement si sérieuses, cette espèce de facétie:--Un particulier +très-connu désire trouver une somme de cinquante mille francs, n'importe +en quel endroit; il consentira à la partager avec la personne qui la lui +indiquera. + +Le lord Colburn avait un domestique aussi expert en balourdises qu'il en +fut jamais. Milord l'ayant chargé un jour de porter à un magistrat de sa +connaissance un présent, celui-ci, en retour, lui envoya une +demi-douzaine de perdrix vivantes, avec une lettre. Ces perdrix s'étant +débattues en route, il n'eut rien de plus empressé que de lever le +couvercle du panier, mais aussitôt elles prirent leur volée. Tant mieux, +s'écria le rustre, que le diable les emporte! Mais à son retour à la +maison, son maître ayant décacheté la missive.--Oh! oh! dit-il, je +trouve dans la lettre six perdrix.--Est-il bien vrai? s'écria John. Je +suis charmé, mon maître, que vous les trouviez dans la lettre, car elles +se sont toutes envolées du panier. + +Le vicomte de S... aborda un jour M. de Vaines en ces termes:--Est-il +vrai, Monsieur, que dans une maison où l'on avait eu la bonté de me +trouver de l'esprit, vous avez dit que je n'en avais point?--Il n'y a +pas un mot de vrai, répondit M. de Vaines, je n'ai jamais été dans +aucune maison où l'on vous trouvât de l'esprit. + +Ajoutons ici un petit conte en vers de Capelle: + + Dans un moment de grand orage, + Sur un frêle et mince bateau, + Un petit-maître, passant l'eau, + Perdait déjà tout son courage. + «Mon ami, dit-il au passeur, + Assurément je n'ai pas peur; + Mais avez-vous la connaissance + Qu'en une telle circonstance + De ce vent le souffle importun + Vous ait fait perdre ici quelqu'un? + --Du tout. La semaine dernière, + Nicolas, mon cousin germain. + S'est laissé choir dans la rivière; + Je l'ons trouvé le lendemain.» + +TRUITES + +En 1826, on licencia la 5e compagnie des gardes du corps, qui portait, +suivant l'usage, le nom de son capitaine, le duc de Rivière. Lorsqu'on +vint lire l'ordonnance aux gardes assemblés, l'un d'entre eux +s'écria:--La compagnie de Rivière est la compagnie détruite! + +TULLE + +Quelle est la population la plus légère en France?--La population de +Tulle. + +TURCOMAN + +Dans une diligence, un bon bourgeois demandait à un commis voyageur, qui +avait l'air de tout savoir, ce que c'était qu'un Turcoman?--Un Turc au +Mans, répondit le farceur, c'est un Turc qui se trouve pour l'instant au +chef-lieu du département de la Sarthe. + + + +U + +Pourquoi appelle-t-on l'U une lettre cérémonieuse?--Parce qu'il est +toujours _après T_. + +Quelles sont les lettres les plus riches?--Les lettres U P. + +UNE VOIX + +Ce mot a plus d'un sens. Lorsque la France acclamait Napoléon III, on a +dit qu'il n'y avait là qu'une voix chez nous; l'expression alors voulait +dire l'unanimité. Lorsque le duc d'Orléans Philippe-Égalité voulut se +faire nommer maire de Paris, il n'eut pour lui, dans sa section, qu'un +seul votant. On afficha ces deux vers à sa porte: + + Saluez, citoyens, le rival de nos rois, + La ville de Paris n'a pour lui qu'une voix. + +Ce jeu de mots a été répété à propos de quelques aspirants au fauteuil +académique. + +UNIVERS + +La reine, chaussée de mules en satin vert uni, demanda au marquis de +Bièvre un calembour.--Madame, dit-il, l'_uni vert_ est à vos pieds. + +UNIVERSITÉ + +Un écrivain de quelque mérite, mais qui n'a pas pu être reçu bachelier, +a cependant publié des livres qui ont fait grand bruit; et comme il +produit aussi des calembours, il a mis au-dessous de son portrait ces +deux vers: + + Quoique je ne sois pas de l'Université, + On me voit néanmoins dans l'univers cité. + +UN NEZ + +Quelle est la lettre qui peut se servir aux lunettes?--C'est un _e_. + +USAGE + +Sous la dernière république, le _Corsaire_, qui en combattait les +tendances, a donné ce spirituel article: + +«Un cordonnier communiste lisait une feuille rouge lorsqu'une de ses +pratiques entra. + +--Que lisez-vous donc, monsieur Crépin? dit le chaland. + +--Je lis le _Socialiste_. En voici un qui est l'ami du peuple! +Écoutez-moi ça: + +--Usage pour usage, propriété pour propriété, voilà l'égal échange. En +d'autres termes, pour que l'échange soit égal, il faudrait que le +locataire reprît son argent quand le propriétaire reprendrait sa maison; +car alors le propriétaire aurait eu l'usage de l'argent du locataire, et +le locataire l'usage de la maison du propriétaire; mais quand l'un +reprendrait la propriété de sa maison, l'autre reprendrait la propriété +de son argent: l'échange serait égal. + +Voilà qui n'est pas bête, hein! dit le cordonnier en terminant. + +--Non, répondit sa pratique, et cela me fait naître une idée. Il y a +trois mois, je vous ai acheté et payé une paire de bottes: vous avez +fait usage de mon argent, j'ai fait usage de vos bottes. Rendez-moi mon +argent, je vais vous rendre vos bottes: en vertu de l'égal échange, nous +serons quittes à ce compte.» + +USÉE + +--Oh! je suis bien rusée, disait une femme au marquis de Bièvre.--Ah! +Madame, c'est sûrement un R que vous vous donnez. + + + +V + +VALET + +Instrument de menuisier. On disait d'un de ces utiles industriels qu'il +était dans la misère et qu'il gardait dix valets à son service. + +VAN + +En entendant citer un jeune homme qui avait vingt-neuf ans et dont le +père n'en avait que cinq, un bon bourgeois ouvrait d'énormes oreilles. + +--Comment cela se peut-il? + +--Rien de plus simple. Ce sont deux vaniers; le fils a vingt-neuf vans +tout faits, le père, en ce moment, n'en a que cinq, ayant vendu les +autres. + +VAUDEVILLE + +Qu'y a-t-il de poétique dans la cuisine?--Le _veau de ville_. + +Qu'est-ce que font les vaches à Paris?--Elles font des _veaux de ville_. + +VAUT + +Quel est l'équivalent de _Dominus_?--C'est _biscum_.--Comment +cela?--C'est qu'on dit souvent _Dominus vobiscum_. + +VENIR + +Papa Doliban, dit d'Asnières, dans la comédie du _Sourd_, j'avais semé +des pommes de terre dans mon jardin, savez-vous ce qui y est +venu?--Parbleu! répond Doliban, voilà une belle question! il y est venu +des pommes de terre.--Point du tout: il est venu un cochon qui a mangé +mes semences. + +Mais cette facétie est pillée d'un souvenir historique. + +Louis XIV faisant la revue de ses gardes françaises et suisses dans la +plaine d'Ouille, un paysan, qui avait semé des pois dans son champ, le +trouva ce jour-là couvert d'un bataillon de Suisses, qui foulaient aux +pieds ses pois. Il se mit aussitôt à crier:--Miracle! Miracle! + +--Qu'avez-vous, bonhomme, lui dit un officier, à crier miracle? + +Le paysan ne répondit qu'en continuant à crier miracle jusqu'à ce qu'il +pût être entendu de Louis XIV, qui le fit approcher et lui demanda +pourquoi il criait miracle.--C'est, dit-il, Sire, que j'avais semé des +pois sur ce terrain, et qu'il y est venu des Suisses. + +Cette saillie fit rire le roi, qui le fit généreusement dédommager. + +VENT + +N'y avait-il pas au baptême du prince impérial une voiture plus légère +que celle du nonce?--Oui, celle qui était devant. + +VERRE + +Maynard, fils d'un gentilhomme verrier, était fier de sa noblesse. +Saint-Amand lui fit cette épigramme: + + Votre noblesse est mince, + Et ce n'est pas d'un prince, + Daphnis, que vous sortez. + Gentilhomme de verre, + Si vous tombez à terre, + Adieu vos qualités. + +Pourquoi les vitriers sont-ils si chers aux cabaretiers?--Parce qu'ils +ont toujours le verre à la main? + +Un joyeux compère à qui on citait ce vers de Boileau: + + Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée + Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée. + +répliqua:--Pour moi, le verre le mieux rempli me plaît toujours. + +VERS + +Un plaisant, au risque de dire un mauvais mot, prétendait que les vers +du fromage n'étaient autre chose que des vers à sa louange, parce qu'ils +ne s'y viennent loger que quand il est de bonne qualité. + +QUELQUES VERS SINGULIERS. + + Dans un broc qui, pour l'ordinaire, + A Grégoire servait de verre, + Une souris un jour tomba + Et se noya, la chose est claire. + L'ivrogne, en buvant, la goba; + Mais en traversant l'oesophage, + Elle fit sentir son passage, + Et Grégoire en toussant dit: «Hein! + Ma petite femme, ma mie, + Mettez en perce, je vous prie, + Un nouveau tonneau; car ce vin + Est arrivé près de sa lie, + Je viens d'avaler un pépin.» + + BANSET. + +VIE DE M. CLÉMENT. + + Il se lève tranquillement, + Déjeune raisonnablement; + Dans le Luxembourg fréquemment + Promène son désoeuvrement; + Lit la gazette exactement; + Quand il a dîné largement, + Chez sa voisine Clidament + S'en va causer très-longuement; + Revient souper légèrement, + Rentre dans son appartement, + Dit son pater dévotement, + Se déshabille lentement, + Se met au lit tout doucement, + Et dort bientôt profondément. + Ah! le pauvre monsieur Clément! + + + Autrefois un Romain s'en vint, fort affligé, + Raconter à Caton que, la nuit précédente, + Son soulier des souris avait été rongé, + Chose qui lui semblait tout à fait effrayante. + «Mon ami, dit Caton, reprenez vos esprits, + Cet accident en soi n'a rien d'épouvantable; + Mais si votre soulier eût rongé les souris, + Ç'aurait été, sans doute, un prodige effroyable.» + +Il y avait, sous la régence, à Saint-Eustache, un suisse nommé Mardoche. +Il mourut en 1727. Son ami Bombel, petit marchand mercier, voulut lui +faire une épitaphe, et il pensa que, pour plus de dignité, elle devait +être en vers. Il consulta un écrivain public des Halles, qu'il jugeait +capable de l'initier à l'art poétique. Celui-ci, ne voulant pas le +fatiguer d'un travail pénible, ne lui donna qu'une règle: c'est qu'il +fallait que chaque vers rimât avec son double et que, pour rimer, chaque +vers devait se terminer par les trois mêmes dernières lettres. + +Bombel se mit à l'oeuvre et produisit l'épitaphe qui suit, et qui a été +conservée: + + Ci-gît mon ami Mardoche. + Il a voulu être enterré à Saint-Eustache. + Il y a porté trente-deux ans la hallebarde. + Dieu lui fasse miséricorde! + + _Par son ami_ J.-D. BOMBEL. 1727. + +VERT + +Une dame de qualité, vieille et sèche, se trouvait à un bal que donnait +Henri IV. Elle était vêtue d'une robe verte. Le roi la remarqua et lui +dit plaisamment:--Madame, je vois que, pour nous faire honneur, vous +avez employé le vert et le sec. + +Un jeune homme, qui avait dissipé en peu de temps une fortune +considérable, tomba malade et fut saigné. Le médecin trouva le sang +vert. + +--Il peut bien être vert, répondit le malade, car j'ai mangé tout mon +bien en _herbe_. + +VETO + +A Versailles, on entendit, en 1790, un orateur des groupes dire au +peuple:--Voici ce que c'est que le veto. Imaginez-vous qu'au moment où +vous mangez votre soupe, un homme vient, de la part du roi, dire: +_Veto_, et voilà que votre soupe n'est plus à vous. + +C'est ainsi qu'on instruisait le peuple. + +VIDER + +Un dissipateur disait pour se procurer du crédit:--_Je vis de mes +rentes_. Un jour que ses créanciers le trouvèrent ruiné, ils lui +reprochèrent de les avoir trompés.--Pas du tout, répondit-il, je vous ai +toujours dit que je _vidais_ mes rentes. + +Un juge remettait une cause à la huitaine. L'avocat sollicitait pour +qu'elle fût entendue tout de suite. + +--De quoi s'agit-il donc? dit le magistrat. + +--Monseigneur, de six pièces de vin. + +--Oh! la cour, en effet, peut aisément vider cela. + +VIGILANCE + +Cicéron disait de Caninius Revitius, qui n'avait été consul qu'un seul +jour:--Nous avons un consul si vigilant, qu'il n'a pas dormi une seule +nuit pendant son consulat. + +VIN + +Dans une chanson de M. Gerbois sur les vins, l'annonce d'un cabaret +nouveau contient ces deux couplets: + + Vin de Liège pour les enfants, + Vin de Meaux pour tous les artistes, + Bon vin de Sens pour les savants, + Vin d'Asnières pour les copistes. + Vin de Pantin pour les danseurs, + Pour les coquets vin de Cologne, + Vin de Courbevoie aux trompeurs, + Et vin d'Avallon pour l'ivrogne. + + Pour les vieilles, vin de Milan; + Vin de Talan à nos poëtes; + Pour les poltrons, vin de Cachan; + Vin de Constance aux girouettes. + Bon vin de Nuits pour les voleurs; + Au pauvre homme, vin de Santerre, + Du vin de Plaisance aux rieurs; + Pour les braves, vin de Tonnerre. + +VINCENT + +Les paysans se proposent cette énigme: Vingt cent mille ânes dans un pré +et cent vingt dans un autre. + +Ce qui s'explique en écrivant: Vincent mit l'âne dans un pré et s'en +vint dans un autre. + +VINGT + +Savez-vous, disait quelqu'un à Désaugiers, que les Autrichiens sont +maîtres de Mâcon?--Hélas! oui; et cela devait être.--Pourquoi?--Parce +que l'ennemi a attaqué avec des pièces de vingt-quatre, et les habitants +n'avaient que des pièces de vin pour se défendre. + +VINGTIÈME + +Nom d'un impôt au dernier siècle. + +Une veuve qui avait dix-neuf enfants, et qui n'était pas en état de +payer l'impôt annuel dû au roi, lui présenta un placet conçu en ces +termes: + +«Sire, j'ai donné _dix-neuf_ sujets à l'État; je supplie votre Majesté +de vouloir bien m'exempter du _vingtième_.» + +VINGT SCÈNES + +Si vous êtes embarrassé pour faire un vaudeville, prenez la voiture de +Saint-Maur.--Et puis?--Et puis, vous trouverez _Vincennes_ en chemin. + +C'est vieux. Aujourd'hui on prend le chemin de fer. + +VIVRE + +Le duc d'Orléans, régent, demandait à Lagrange-Chancel, l'auteur des +_Philippiques_, pourquoi il faisait de sa plume un instrument de +scandale:--Monseigneur, répondit celui-ci, il faut bien que je vive.--Je +n'en vois pas la nécessité, répliqua le prince. + +VOIR + +Beauzée, le grammairien, était malade. Un homme qui louchait lui +demanda:--Comment vous portez-vous?--Comme vous voyez, repartit +l'inexorable savant. + +Un officier présentait à Henri IV un placet dans lequel il exposait +qu'ayant reçu un grand nombre de blessures à son service, il avait +besoin de ses secours. Le roi, après avoir lu le placet, dit:--Nous +verrons.--Il ne tient qu'à vous de voir à l'instant, dit le +pétitionnaire en ouvrant son justaucorps et sa chemise, et en montrant +les cicatrices dont il était couvert. + +VOITURE + +Un entrepreneur de roulage envoya un de ses commis lui acheter des +lettres de voiture. Le commis entra chez un libraire, qui lui répondit +que les _Lettres de Voiture_ n'étaient plus dans le commerce, mais qu'il +pouvait lui offrir celles de madame de Sévigné. + +VOIX + +Le comte Molé disait d'une femme qui chantait avec beaucoup de +suavité:--C'est une voix douce comme du lait. Quelqu'un reprit:--C'est +donc la voie lactée. + +On demande aussi, dans le même but:--Quelle est la voie la plus +haute?--Et on répond, c'est la voie lactée. + +A la fin d'un dîner où le dessert était mince, on disait du chanteur +célèbre qui le donnait:--Cet homme fait de sa voix tout ce qu'il +veut.--Qu'il nous en fasse donc un _biscuit de sa voix_, dit un convive. + +VOLER + +Le baron Vollant fut un jour présenté à l'empereur Napoléon Ier. C'était +dans un bon moment.--Ah! ah! Monsieur le baron Vollant, se prit à dire +Napoléon; un beau nom pour un ordonnateur!--Sire, répondit gravement M. +Vollant, il y a deux L à mon nom.--Eh bien! Monsieur, c'est une raison +pour mieux voler. + +On demandait à Alexandre Dumas:--Que pensez-vous des communistes +icariens? Il répondit:--Les communistes icariens sont les disciples d'un +certain _Grec_ qui a voulu _voler_. + +Un tailleur avait fait peindre au-dessus de sa porte une paire de +ciseaux armés de deux ailes déployées, et fait écrire au bas _Aux +ciseaux volants_.--Voilà, dit un plaisant, ce que l'on peut appeler une +enseigne parlante. + +Dans une petite ville de Normandie, il y avait un juge en très-mauvaise +odeur, et qui passait pour le plus grand voleur de son pays. Un jour +qu'il donnait à manger, il fit venir un traiteur et lui demanda, entre +autres mets, des canards de rivière. + +Le traiteur s'excusa sur ce que la saison n'était pas encore assez +avancée. + +--Quoi, lui dit le juge, il y a deux jours que j'en ai vu une compagnie +de deux douzaines qui volaient! + +--Cela se peut, Monsieur, mais vous savez que tous ceux qui volent ne +sont pas pris. + +VOLTAIRE + +En sortant de la représentation d'une de ses pièces qui avait été +sifflée, Piron fit le quatrain suivant: + + Piron prend un vol trop haut + Pour les badauds du parterre; + Ce n'est qu'un _vol terre à terre_ + Qu'il leur faut. + +VRAIMENT SOT + +Un jeune homme du Mans ne trouvait rien de bon à Paris. Les spectacles, +les monuments publics, les moeurs, les usages, tout le choquait.--Vive +la ville du Mans! disait-il à un Parisien, voilà un vrai pays de +Cocagne!--Monsieur lui dit le Parisien, vous êtes _vrai Manceau_. + + + +W + +WIGH ET TORY + +Expliquez-moi, je vous prie, dit un jour Louis XV à M. de Vergennes, la +différence qu'il y a entre un Whigh et un Tory, en Angleterre. + +La différence n'est que dans le nom, reprit le ministre: les Torys sont +Wighs, quand ils ont besoin de places, et les Wighs sont Torys, quand +ils les ont obtenues. + + + +X + +C'est la lettre de l'alphabet qui ressemble le plus aux flots agités, +parce qu'elle est toujours _sous le V_. + + + +Y + +YEUX + +Un vieil avare, pour attacher à son service un laquais qui ne vivait +chez lui que trop frugalement, avait fait ce testament: «Je donne et +lègue au domestique qui me fermera les yeux douze cents livres tournois +et mon domaine de Varac.» + +Le maître mourut enfin. Le domestique demanda aux héritiers la +délivrance du legs qu'il lui avait fait. Un d'eux voulut voir le +testament. En lisant ces mots, qui me fermera _les yeux_, il s'écria +avec joie:--La donation est nulle. + +--Et pourquoi donc, Monsieur? + +--Mon ami, mon oncle était borgne. Tu n'as donc pu lui fermer _les +yeux_. + +Un officier étranger ne put s'empêcher, dans une visite qu'il fit au roi +de Prusse, Frédéric II, à Sans-Souci, de lui marquer sa surprise de ce +qu'il voyait le portrait de l'empereur d'Allemagne dans tous les +appartements du château, et il demanda à Sa Majesté pour quelle raison +il faisait cet honneur à son ennemi naturel. Ah! dit le roi, l'empereur +est un jeune souverain, actif et entreprenant, j'ai cru nécessaire +d'avoir toujours les yeux sur lui. + +On dit _faire les yeux doux_ à une dame pour exprimer qu'on en est +épris. Une dame, qui avait le regard rude, se trouvant dans une +compagnie, un jeune homme demanda à son voisin qui elle était.--C'est, +dit-il, la marquise de T., à qui le duc de *** a fait les yeux doux.--Il +a bien mal réussi, dit le jeune homme. + +Un dilettante s'extasiait, au Café de Paris, sur la beauté de la +charmante Henriette Sontag, qui venait de débuter aux Bouffes. Un +monsieur, qui avait écouté l'enthousiaste, se hasarda à dire que +mademoiselle Sontag était en effet très-jolie, mais qu'elle avait un +oeil plus petit que l'autre.--Un oeil plus petit! s'écria le +sontagolâtre, vous ne l'avez pas vue, elle en a au contraire un plus +grand. + + + +Z + +ZÉLÉ + +Dans un dîner modeste à ses confrères, un bon curé servait deux +canards.--Ce sont là de vos paroissiens, dit un des convives.--Et ce ne +sont pas les moins ailés, répliqua un spirituel abbé. + +ZÉRO + +Un Gascon fit un jour un mémoire à présenter au conseil des Cinq Cents; +il l'avait énoncé ainsi: «Mémoire au conseil des 500,000.» Un de ses +amis, auquel il en fit part, lui représenta qu'il avait mis trois zéros +de trop:--Sandis, dit le Gascon, je n'en mettrai jamais autant qu'il y +en a. + +On aura peut-être peine à croire que ce soit contre La Bruyère, qui ne +fut admis au fauteuil académique qu'avec la plus grande difficulté, que +fut composé le quatrain suivant: + + Quand La Bruyère se présente, + Pourquoi faut-il crier haro? + Pour faire un nombre de quarante + Ne fallait-il pas un zéro? + + + +FIN. + + + +PARIS.--IMP. J. CLAYE, RUE SAINT-BENOIT, 7. + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Dictionnaire des calembours et des +jeux de mots, lazzis, coqs-à-l'âne, quolibets, quiproquos, amphigouris, etc., by Baron de La Pointe and Eugène Le Gai + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DICTIONNAIRE DES CALEMBOURS *** + +***** This file should be named 29169-8.txt or 29169-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/2/9/1/6/29169/ + +Produced by Laurent Vogel, Hugo Voisard, Rénald Lévesque +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque Nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Dictionnaire des calembours et des jeux de mots, lazzis, coqs-à-l'âne, quolibets, quiproquos, amphigouris, etc. + +Author: Baron de La Pointe + Eugène Le Gai + +Release Date: June 19, 2009 [EBook #29169] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DICTIONNAIRE DES CALEMBOURS *** + + + + +Produced by Laurent Vogel, Hugo Voisard, Rénald Lévesque +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque Nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + +</pre> + + + + +<br><br> + + + + + +<h4>DICTIONNAIRE</h4> + +<h5>DES</h5> + +<h1>CALEMBOURS</h1> +<br><br><br> + +<h5>PARIS<br> +IMPRIMERIE J. CLAYE, RUE SAINT-BENOIT, 7</h5> + +<br><br><br> + +<h2>DICTIONNAIRE</h2> + +<h5>DES</h5> + +<h1>CALEMBOURS</h1> + +<h5>ET DES</h5> + +<h2>JEUX DE MOTS</h2> + +<h4>LAZZIS, COQ-À-L'ÂNE, QUOLIBETS, QUIPROQUOS</h4> + +<h4>AMPHIGOURIS, ETC.</h4> + +<h5>RECUEILLIS</h5> + +<h3>PAR LE BARON DE LA POINTE</h3> + +<h5>ET</h5> + +<h3>LE Dr EUGÈNE LE GAI</h3> + + +<p class="rig"> +Quel genre d'esprit faut-il avoir pour<br> +deviner un calembour?--Il faut avoir<br> +l'esprit devin. +</p> +<br><br><br><br><br> + +<hr class="short"> + +<br><br><br> + +<p class="mid">PARIS<br> + +PASSARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR<br> + +7 RUE DES GRANDS-AUGUSTINS</p> +<hr class="short"> +<h5>Droits réservés.</h5> + +<h4>1860</h4> +<br><br><br> + + +<h2>DICTIONNAIRE</h2> +<h5>DES</h5> +<h1>CALEMBOURS</h1> +<h5>ET DES</h5> +<h2>JEUX DE MOTS</h2> +<h4>LAZZIS, COQ-À-L'ÂNE, POINTES, QUIPROQUOS,</h4> +<h4>AMPHIGOURIS, ETC.</h4> +<hr> + +<br> +<h2>A</h2> + +<p>On présente en forme d'énigme ce jeu de lettres:--Je +suis capitaine de vingt-quatre soldats; sans moi +<i>Paris</i> serait <i>pris</i>.--On comprend que ce capitaine est +la lettre <i>a</i>.</p> + +<p>Quels sont les A les plus respectables?--Ce sont +les Aloyaux.</p> + +<p>Quelles sont les plus vieilles de toutes les lettres?--Les +lettres A G.</p> + +<p>Quelles sont les lettres les plus incommodes?--Les +lettres A J T.</p> + +<h4>ABBÉ</h4> + +<p>Il y a, dans le pays wallon, un monsieur l'abbé +Tise, à qui on conseille de changer de nom.</p> + +<p>A B C exprime le sort que doit attendre celui qui +s'exalte.</p> + +<h4>ACCOMPLI</h4> + +<p>On critiquait devant un bon curé ses paroissiennes.--Cependant, +répondit-il, je les vois presque toutes à +Complies. Voyez <i>Complimenteur</i>.</p> + +<h4>ACCOUTUMÉS</h4> + +<p>On conduisait un Picard et un Normand à la potence. +Le Picard pleurait.--Lâche! lui dit le Normand, qui +ne pleurait pas.--Hélas! répliqua le Picard, nous ne +sommes pas accoutumés comme vous à être pendus.</p> + +<h4>ACROSTICHE</h4> + +<p>Celui que nous citons ici offre un gracieux jeu de mots.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16"><b>L</b> ouis est un héros sans peur et sans reproche.</p> +<p class="i16"><b>O</b> n désire le voir. Aussitôt qu'on l'approche,</p> +<p class="i16"><b>U</b> n sentiment d'amour enflamme tous les coeurs.</p> +<p class="i16"><b>I</b> l ne trouve chez nous que des adorateurs.</p> +<p class="i16"><b>S</b> on image est partout, excepté dans ma poche.</p> +</div></div> + +<p>Le comte de Marcellus, qui était poëte assurément, +quoique dans les seconds rangs, adressa un jour à +M. de Bonald un acrostiche dont les premières lettres +formaient son nom. L'illustre écrivain, sortant de sa +haute philosophie, lui répondit par un autre acrostiche, +que voici:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16"><b>M</b> alheur à l'écrivain qui poursuit l'acrostiche!</p> +<p class="i16"><b>A</b> pollon ne veut pas que ses chers nourrissons,</p> +<p class="i16"><b>R</b> uminant sans honneur une rime postiche,</p> +<p class="i16"><b>C</b> ourent avec effort après quelque hémistiche,</p> +<p class="i16"><b>E</b> t dans ce froid labeur négligent ses leçons.</p> +<p class="i16"><b>L</b> e dieu du goût, ami, te donna le génie;</p> +<p class="i16"><b>L</b> e sentiment du beau, la grâce, l'harmonie.</p> +<p class="i16"><b>U</b> se de ses faveurs, mais n'en abuse pas;</p> +<p class="i16"><b>S</b> ois Rousseau, sois Horace, et non pas Du Bartas.</p> +</div></div> + +<h4>ADAM</h4> + +<p>On a fait à Adam Billaud, plus connu sous le nom +de maître Adam, menuisier à Nevers, mort en 1662, +que quelques poésies légères ont rendu célèbre, le petit +compliment que voici:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Ornement du siècle où nous sommes,</p> +<p class="i20">Je ne dis rien de vous, sinon</p> +<p class="i20">Que pour les vers et pour le nom</p> +<p class="i20">Vous êtes le premier des hommes.</p> +</div></div> + +<p>On appelait aussi maître Adam, <i>le Virgile au rabot</i>. +Il y avait de son temps, un pâtissier poëte, qui enveloppait +ses biscuits de ses vers. Ce pâtissier disait que +si maître Adam travaillait avec plus de bruit, pour lui +il travaillait avec plus de feu.</p> + +<p>Un avocat de Toulouse, nommé Adam, faisait les +harangues que devait prononcer un président. Cet +avocat fut obligé de faire un voyage à Paris. Pendant +son absence le président eut une harangue à faire, +qu'il composa le mieux qu'il put; comme il la prononçait, +un conseiller, qui le vit embarrassé, cita ces +paroles de la Genèse: <i>Adam, ubi es?</i> Où êtes-vous, +Adam?</p> + +<h4>ADORÉS</h4> + +<p>En quoi les doreurs sont-ils les plus fortunés des +humains?</p> + +<p>À cette question, lady Stanhope répondit:--Parce +qu'ils sont toujours <i>à dorer</i>.</p> + +<h4>ADMIRATION</h4> + +<p>On demandait à des soldats en campagne si on pouvait +compter sur eux et quel était le thermomètre de +leur enthousiasme: L'un d'eux répondit:--Nous en +sommes à <i>la demi-ration</i>.</p> + +<h4>ADRESSE</h4> + +<p>Un partageux disait en 1848: J'ai envoyé une adresse +à Caussidière pour l'engager à faire usage de la mienne.--Dans +quel emploi?--Dans la police politique.--Je +lui donnerai les adresses de tous les aristos.--Ton +adresse n'est pas grande. Il fallait t'adresser à +Sobrier.</p> + +<h4>AFFAIRES</h4> + +<p>Un homme, souvent gêné, habitait l'entre-sol d'une +maison dont le rez-de-chaussée était occupé par un +commissionnaire du Mont-de-Piété. Il y déposait de +temps en temps ses effets, et disait alors qu'il était au-dessus +de ses affaires.</p> + +<p>Un laboureur demandait un maréchal ferrant. Sa +femme répondit qu'il était à ferrer.--Affairé, dit le +bon homme, à quoi donc?--À ferrer les chevaux.</p> + +<p>Un fermier général qui, sous l'ancien régime, s'était +enrichi trop vite, fut chassé de sa place.--On a tort +de me destituer, dit-il: j'ai fait mes affaires, j'allais +faire celles de l'État.</p> + +<h4>AGITATION</h4> + +<p>En 1793, M. Monchenut fut arrêté, dans le faubourg +Saint-Honoré, comme agitateur.--Il avait quatre-vingts +ans.--Hélas! dit-il, je ne puis m'agiter moi-même.--Ce +mot le fit relâcher.</p> + +<h4>AIMER</h4> + +<p>S'écrit avec deux lettres: ME.</p> + +<h4>AÎNÉ</h4> + +<p>Quel est de tous les animaux le plus respectable?--C'est +le mouton, parce qu'il est lainé.</p> + +<p>Pourquoi l'aîné d'une famille n'est-il pas ordinairement +beau?--Parce qu'il est laid-né.</p> + +<p>Le mot aîné s'écrit avec deux lettres dans les rébus: +NE.</p> + +<h4>AIR</h4> + +<p>Un acteur d'opéra-comique, qui n'avait à paraître +que dans le dialogue, disait:--C'est singulier, je suis +là entre deux airs.--Tu t'enrhumeras, lui dit-on.</p> + +<p>Dans un moment où l'on venait de siffler une pièce +intitulée la pièce sans A, Brunet demandait à l'auteur +de lui faire un vaudeville sans R.</p> + +<p>On faisait remarquer à une dame que ses enfants +avaient l'air tristes et malheureux: «C'est bien vrai, +répondit-elle; je les fouette toute la journée pour leur +faire perdre cet air-là, et je ne puis pas y parvenir.»</p> + +<p>Deux campagnards se rencontrant dans la rue, l'un +dit à l'autre qu'il venait d'apercevoir un vent.--Comment! +apercevoir un vent?--Oui, je l'ai vu, te dis-je.--Et +quel air avait-il?--Il avait l'air de vouloir +abattre la cheminée.</p> + +<h4>AIRAIN</h4> + +<p>Un auteur médiocre et brutal, après avoir donné +des coups de bâton à un critique qui l'avait maltraité, +disait:--Il m'a attaqué sur le papier, je lui ai répondu +sur <i>les reins</i>.</p> + +<h4>AIR ÉLÉGANT</h4> + +<p>On a <i>l'air et les gants</i>, lorsqu'on porte des gants +troués.</p> + +<h4>ALITÉ</h4> + +<p>Un malade étendu sur sa couche disait qu'on négligeait +un peu trop son <i>individualité</i>.</p> + +<h4>ALLER</h4> + +<p>On demandait à Fontenelle mourant:--Comment +cela va-t-il?--Cela ne va pas, répondit-il, cela s'en va.</p> + +<p>Le père Bonhours, célèbre grammairien, comme +on sait, fut attaqué d'une maladie violente qui l'emporta +en peu de jours. Se trouvant à l'extrémité, il dit aux +assistants: «Je vas ou je vais bientôt mourir, l'un +et l'autre se dit ou se disent.»</p> + +<h4>ALLIÉS</h4> + +<p>Pendant une alliance de l'Angleterre et de l'Autriche, +on accola deux A dans un cartel, en manière de rébus, +qui signifiait les A liés.</p> + +<h4>ALLUSION</h4> + +<p>Un général, qui avait été battu en Allemagne et en +Italie, aperçut un jour, au-dessus de sa porte, un tambour +qu'on y avait peint, avec cette devise: «On me +bat des deux côtés.»</p> + +<h4>ALTÉRÉE</h4> + +<p>Ma santé est bien altérée, disait un vieux viveur.--Quelqu'un +lui répondit:--Faites-la boire.</p> + +<h4>ALTESSE</h4> + +<p>«Je me suis trouvé, disait un quaker, avec une +excellence et une altesse. On ne saurait être plus bête +que son excellence, et son altesse n'avait pas quatre +pieds huit pouces.»</p> + +<h4>AMENDE</h4> + +<p>Un homme, condamné à une amende qu'il croyait +injuste, disait:--C'est une amende amère!</p> + +<p>Un autre, obligé à réparer un scandale, s'écriait:--Voilà +une amende honorable qui ne m'honorera guère.</p> + +<h4>AMER</h4> + +<p>Quel est le fleuve le plus éloigné de la mer?--C'est +le Doubs.</p> + +<h4>AMIS</h4> + +<p>On parlait de la rareté des amis et du peu de fond +qu'on peut faire sur ceux qui usurpent ce titre.--Comment! +dit un interlocuteur bienveillant, +n'avez-vous pas tous, dans votre cuisine, un petit tamis +dont vous êtes sûr?</p> + +<p>Madame de Sévigné appelait les amis de ses amis, et +qui n'étaient pour elle à proprement parler que des +connaissances, des amis par réverbération.</p> + +<p>Un gentilhomme de Morges, passant devant la poste +aux lettres de ce pays, appela le directeur, et lui dit, +d'un ton impoli: «L'ami, n'y a-t-il rien pour moi?</p> + +<p>--Non, l'ami, il n'y a rien pour toi.</p> + +<p>--Et depuis quand, s'il vous plaît, ce ton de familiarité?</p> + +<p>--Depuis que nous sommes amis.»</p> + +<p>Non-seulement nous avons des amis en foule et +nous en trouvons partout, mais il n'y a pas même de +nom plus prodigué, plus prostitué que celui d'ami: +il devient souvent dans notre langue un terme de familiarité +ou de mépris.</p> + +<p>--Mon ami, dit-on à un postillon, je te donne un +écu si tu me mènes en une heure à Versailles.</p> + +<p>--Mon ami, dit un passant à un polisson, vous +irez au corps de garde si vous faites du train.</p> + +<p>--Mon ami, dit un juge à un fripon, vous êtes acquitté +cette fois faute de preuves: mais si vous continuez, +vous serez pendu.</p> + +<p>N'entendez-vous pas souvent un homme, pour +affirmer une nouvelle, dire: «Je la tiens d'un de mes +amis, <i>que je connais beaucoup</i>.»</p> + +<p>Un jour, au Palais-Royal, le chevalier de C*** avait +gagné 1,500 louis qu'il tenait dans un chapeau. Quelqu'un +s'approche et lui dit: «Mon cher ami, de grâce +prêtez-moi 100 louis.--Je le veux bien, mon cher +ami, répondit le chevalier, pourvu que vous me disiez +comment je m'appelle.» L'autre demeurant sans réponse +à cette question: «Vous voyez bien, mon cher +ami, reprit le chevalier, que vous seriez trop embarrassé +pour trouver le moyen de me rendre ces 100 +louis, si je vous les prêtais.»</p> + +<h4>AMPHIGOURI</h4> + +<p>En voici un modèle en vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Un jour qu'il faisait nuit, je dormais éveillé,</p> +<p class="i16">Tout debout dans mon lit, sans avoir sommeillé,</p> +<p class="i16">Les yeux fermés, je vis le tonnerre en silence</p> +<p class="i16">Par des éclairs obscurs annoncer sa présence.</p> +<p class="i16">Tout s'enfuit, nul ne bouge, et ce muet fracas</p> +<p class="i16">Me fit voir en dormant que je ne dormais pas.</p> +</div></div> + +<p>En prose, on cite celui-ci d'un jeune paysan:</p> + +<p>«Il en avait de beaux, mon grand'père, des couteaux, +quand il vivait, dans une gaîne, Dieu veuille +avoir son âme, pendue à sa ceinture.»</p> + +<h4>AMUSER</h4> + +<p>Le fils d'un paysan, qui se mourait, alla chercher +son curé pour l'assister; il était une heure du matin. +Le pauvre garçon resta deux grandes heures à la porte, +l'appelant tout doucement, de peur de l'éveiller brusquement.</p> + +<p>Quand le curé se leva et qu'il apprit la chose:--Mais, +mon enfant, lui dit-il, votre père à présent +sera mort.--Oh! non, monsieur le curé, Pierrot, notre +voisin, m'a promis qu'il l'amuserait jusqu'à votre +arrivée.</p> + +<h4>ÂNE</h4> + +<p>Il y a eu, à Paris, sous le premier empire, une société +littéraire qui s'intitulait la Société des ânes. +Chaque membre était <i>membrâne</i>. Un épicier était l'âne +à gramme, un bourgeois dont la femme s'appelait +Lise, l'âne à Lise; un professeur l'âne à thème, un +compilateur l'ânalecte, un rhéteur l'âne à logique, +un médecin l'âne à peste, etc.</p> + +<p>Ces messieurs tenaient leurs séances à Montmartre.</p> + +<p>Un jour, au commencement du consulat, quatre +officiers généraux occupaient une loge à l'Opéra. C'étaient +Bonaparte, Kilmène, Le Meunier et Lannes, +depuis duc de Montebello. Un curieux demandait qui +étaient ces messieurs, à son voisin qui lui répondit: +«Lannes, Le Meunier, Kilmène et Bonaparte.»</p> + +<p>Napoléon avait un faible pour les calembours. Il +lui vint un jour une députation nombreuse de la ville +de Sézane, qui demandait un sous-préfet. Quand on +la lui annonça, il répondit de sorte qu'on entendît: +«Laissez entrer ces ânes.»</p> + +<p>On sait qu'en organisant l'empire il nomma gouverneur +des pages le général Gardane.</p> + +<p>Beffroy de Reigny a publié la chanson suivante, +adressée à sa soeur Anne pour sa fête. Elle se chante +sur l'air des fraises:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Je fus jadis moissonneur</p> +<p class="i16">Au Parnasse, où je glane;</p> +<p class="i16">Y trouverai-je une fleur</p> +<p class="i16">Pour en parer de bon coeur</p> +<p class="i20"> Une Anne? (<i>ter.</i>)</p> +<br> +<p class="i16">Dis-moi pour quelle raison,</p> +<p class="i16">Ma soeur, tu me condamnes,</p> +<p class="i16">À cause de ton prénom,</p> +<p class="i16">À devenir l'Apollon</p> +<p class="i20"> Des Annes? (<i>ter.</i>)</p> +<br> +<p class="i16">Il est vrai qu'en ce pays,</p> +<p class="i16">Tout peuplé de profanes,</p> +<p class="i16">J'ai vu cent paniers fleuris,</p> +<p class="i16">Et j'ai dit: Oh! dans Paris</p> +<p class="i20"> Que d'Annes! (<i>ter.</i>)</p> +<br> +<p class="i16">Mais toi, voulant prévenir</p> +<p class="i16">Les mauvaises chicanes,</p> +<p class="i16">Tu pris ce nom à plaisir</p> +<p class="i16">Pour nous forcer à chérir</p> +<p class="i20"> Les Annes (<i>ter.</i>)</p> +</div></div> + +<h4>ÂNERIES SIMULÉES</h4> + +<p>Il y a longtemps que je cherchais à m'expliquer +pourquoi on met plutôt un coq qu'une poule au haut +d'un clocher et je crois l'avoir trouvé, disait un bedeau +farceur; c'est que si l'on y mettait une poule et qu'elle +vînt à pondre, les oeufs se casseraient peut-être.</p> + +<h4>ÂNONS</h4> + +<p>On dénonça, en 1790, le couvent de la place Maubert +comme détenant cinq canons et vingt-cinq armes. +Une perquisition fut décrétée; et on trouva dans la +maison <i>vingt-cinq carmes et cinq ânons</i>.</p> + +<h4>ANNÉE</h4> + +<p>Des Limousins fort simples, et qui croyaient que +rien n'était impossible au Saint-Siége, demandaient à +un pape, qui était de leur nation, qu'il leur accordât +deux récoltes de blé dans une année.--Je le veux bien, +répondit le pape, et de plus vos années auront dorénavant +vingt-quatre mois.</p> + +<h4>AOÛT</h4> + +<p>Un prince allemand croyait qu'Augustus ne se traduisait +jamais en français que par Août. En conséquence, +quand il parlait dans notre langue du roi de +Pologne Auguste, il ne l'appelait jamais que le roi +Août.</p> + +<h4>APPARTEMENT</h4> + +<p>Si vous voulez avoir chaud à peu de frais, en hiver, +dans votre appartement, achetez une statuette en +plâtre du premier consul Bonaparte; cassez-lui un +bras, et vous aurez <i>un Bonaparte manchot</i>.</p> + +<h4>APPELER</h4> + +<p>Un Européen se promenant sur les bords du Mississipi +qui, comme on sait, est très-rapide, demanda à +un passant comment on appelait ce fleuve.--Ma foi, +Monsieur, lui répondit le rustre, il n'y a pas besoin +de l'appeler, il vient déjà assez vite.</p> + +<h4>APPÉTIT</h4> + +<p>Un muet qui mourait de faim exprimait sa détresse +par deux lettres, un <i>G</i> grand et un <i>a</i> petit.</p> + +<h4>APPLICATION</h4> + +<p>On a appliqué aux médecins ce passage de l'Écriture +sainte: <i>Non mortui laudabunt te</i>. Les morts ne chanteront +pas vos louanges.</p> + +<h4>APPRÉCIATION</h4> + +<p>Farinelli de musicien était devenu favori du roi +d'Espagne Ferdinand VI, fils de Philippe V. Cafarelli, +autre musicien, disait «que Farinelli était ministre et +le méritait bien, car il était la plus belle voix de l'univers.»</p> + +<h4>AQUEUX</h4> + +<p>Dans le temps du choléra, on défendait les légumes +aqueux.--Nous mangeons pourtant de l'oseille, dit +une dame. Mais ça a des queues si petites!</p> + +<h4>ARAIGNÉE</h4> + +<p>À cet hémistiche du <i>Siége de Paris</i>, tragédie de +M. le vicomte d'Arlincourt:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">On m'appelle <i>à régner</i>...</p> +</div></div> + +<p>Une voix du parterre cria: «C'est un vilain nom.»</p> + +<h4>ARGOT</h4> + +<p>Chaque profession a son argot et chaque métier son +vocabulaire. Le transport de cette langue spéciale hors +de sa sphère produit un singulier effet.</p> + +<p>Quinault était fils d'un boulanger; ce qui a donné +lieu à cette tirade de Furetière, qui ne l'aimait pas: +«Quinault est la meilleure pâte d'homme que Dieu +ait jamais faite; il oublie généreusement les outrages +qu'il a soufferts de ses ennemis, et il ne lui en reste +aucun levain sur le coeur. Il a eu quatre ou cinq cents +mots de la langue, pour son partage, qu'il blute, qu'il +sasse et ressasse, et qu'il pétrit le mieux qu'il peut.»</p> + +<h4>ARLEQUIN</h4> + +<p>Le célèbre médecin Silva, mort à Paris en 1742, fut +appelé près d'un malade consumé d'une bile noire. +«Je vous conseille, Monsieur, lui dit-il, d'aller voir +Arlequin; c'est le meilleur moyen de dissiper votre +bile.» Malheureusement le malade était le seul homme +peut-être qui ne pouvait user du remède. C'était Arlequin +lui-même.</p> + +<h4>ARRÊTÉ</h4> + +<p>Un jour d'hiver, en 1856, un voyageur attardé arriva +de nuit dans une auberge de Privas. L'hôte, qui le +connaissait, lui ayant demandé comment il se faisait +qu'il arrivât si tard, il répondit qu'il avait été arrêté +en traversant les montagnes de l'Ardèche. Là-dessus, +il soupa, se coucha et défendit qu'on le réveillât sous +aucun prétexte, parce qu'il était fatigué et voulait +dormir.</p> + +<p>Cependant, le bruit de son aventure se répandit +dans le voisinage: on s'effraya de savoir que les voyageurs +pouvaient être arrêtés si près de la ville; la +gendarmerie prit les armes, et alla en patrouille sur +la route qu'avait suivie le voyageur.</p> + +<p>La nuit s'écoula en recherches inutiles; on ne trouva +pas le moindre brigand. Le lendemain, comme le +voyageur arrêté se chauffait tranquillement au coin du +feu de l'auberge, le brigadier de gendarmerie entra:</p> + +<p>--Monsieur, lui dit-il, combien étaient-ils?</p> + +<p>--Qui?</p> + +<p>--Ceux qui vous ont demandé la bourse ou la vie.</p> + +<p>--Personne ne m'a demandé la bourse ou la vie.</p> + +<p>--Quoi! vous ne vous êtes donc pas plaint d'avoir +été arrêté dans la journée d'hier?</p> + +<p>--J'ai été arrêté en effet.</p> + +<p>--Par des voleurs?</p> + +<p>--Non, par un ruisseau débordé qui m'a forcé de +faire un très-long détour.</p> + +<p>--Monsieur, il fallait le dire.</p> + +<p>--Il fallait me le demander.</p> + +<p>ARROGANCE</p> + +<p>On en accuse les passementiers. Mais s'ils mettent +de l'<i>art aux ganses</i>, c'est qu'il le faut.</p> + +<h4>ART</h4> + +<p>Comment les voleurs et les guerriers sont-ils dans la +classe des artistes?--C'est que les premiers cultivent +l'<i>art goth</i> et les seconds l'<i>art mûr</i>.</p> + +<h4>ASNIÈRES</h4> + +<p>Dans tous les recueils facétieux on ne manque pas +de citer les expressions singulières et les naïvetés d'un +personnage probablement composite qu'on appelle le +baron d'Asnières. Nous ne pouvons nous dispenser de +rapporter ici ce qu'elles ont de plus saillant.</p> + +<p>Il demandait un jour à un jeune homme quel était le +plus âgé de son aîné ou de lui.</p> + +<p>Un de ses fermiers se plaignait de ce que les taupes +lui gâtaient un beau pré.--Vous êtes bien embarrassé, +répondit-il; faites-le paver.</p> + +<p>En voyage, il fut obligé de s'arrêter dans une +auberge pour y coucher. On lui donne une chambre +dont les cloisons étaient presque entr'ouvertes: il s'en +plaignit à l'hôtesse.--Cela est détestable, dit-il, votre +chambre est la plus mauvaise du monde; on y voit +le jour toute la nuit.</p> + +<p>Un jour il se coupa le doigt, et s'écria:--On me +l'avait bien dit que ce couteau coupait tout ce qu'il +voyait!</p> + +<p>On lui contait d'un savant qu'il possédait huit +langues.--Celui-là, répondit-il, doit parler beaucoup.</p> + +<p>Il demanda un jour si les chiens du roi allaient à +pied à la chasse.</p> + +<p>Dans une société il entend annoncer qu'il était arrivé +deux vaisseaux chargés de Terre-Neuve: il demanda +si la vieille n'était pas aussi bonne.</p> + +<p>Une dame, près d'un feu clair, racontait une histoire. +Une étincelle vola sur sa robe, et elle ne s'en +aperçut que lorsque le feu eut fait des progrès.--Je +le voyais, Madame, dit-il, mais je ne voulais pas +avoir l'impolitesse d'interrompre votre récit.</p> + +<p>Quelqu'un lui contant qu'il avait dîné avec un poëte +qui l'avait régalé au dessert d'une excellente épigramme, +il fit venir son cuisinier et lui dit en colère: +--D'où vient que tu ne m'as pas encore servi une +épigramme?</p> + +<p>Quelqu'un lui ayant annoncé qu'un de ses amis +était mort, il répondit:--Je n'en crois rien, car si +cela était, il me l'aurait écrit.</p> + +<p>Il dînait, un jour de carême, chez un de ses amis. +On servit des harengs saurs. Il les trouva si bons, qu'il +demanda où il pourrait en avoir pour peupler ses +étangs.</p> + +<h4>ASSONANCES</h4> + +<p>On en faisait assez du temps de Louis XVI. M. Gozlan +en a fait d'agréables. En voici un exemple emprunté +à l'un des spirituels écrivains de la <i>Gazette des Tribunaux</i>:</p> + +<p>La femme Dagobert a mis son bonnet à l'envers. Un +vieux châle vert, placé de travers, un jupon presque +blanc composent son accoutrement. Le président lui dit:</p> + +<p>--Avant-hier, quelqu'un vous vit, marché des Innocents, +demander l'aumône aux passants.</p> + +<p>--Mais...</p> + +<p>--C'est un délit; la loi l'interdit.</p> + +<p>--Alors que la loi me donne de quoi! Mon coeur +reconnaissant bénira le gouvernement.</p> + +<p>--Avez-vous des enfants?</p> + +<p>--J'en ai zévu trois dans le temps.</p> + +<p>--Où sont-ils?</p> + +<p>--Mais ils sont où tous les défunts s'en vont.</p> + +<p>--Et votre mari?</p> + +<p>--Le pauvre homme aussi. Je n'ai pour soutien que +la charité des chrétiens.</p> + +<p>Chacun plaint de concert la pauvre femme Dagobert, +et le tribunal du Code pénal usant sagement dans +son jugement, applique seulement quatre jours d'emprisonnement.</p> + +<p>Il est près de Paris, dans la ville de Saint-Denis, un +lieu destiné à tous les infortunés. Après sa prison, dans +cette maison, la vieille aura gratis un lit, la soupe et +du pain bis.</p> + +<h4>ATHÉE</h4> + +<p>Un traité des preuves de l'existence de Dieu a paru +en 1845, avec la signature A. T.</p> + +<h4>ATOUT</h4> + +<p>Quand faut-il jouer pour être heureux aux cartes?--Quand +on est enrhumé, parce qu'on a toujours de +la toux.</p> + +<h4>ATTRAPER</h4> + +<p>Savez-vous, dit Dasnières, une bonne manière d'attraper +les pies?</p> + +<p>--Il y a plus d'une manière de les attraper: les +lacets, la glue, les appâts; que sais-je encore!</p> + +<p>--Vieux moyens; voici ma méthode: je mets un +fromage dans mon jardin, un fromage à la pie. L'oiseau +vient et mange le fromage. Le lendemain, nouveau +fromage, nouveau régal. La pie s'y habitue. Le troisième +jour, je ne mets rien; la pie vient, croyant +trouver un fromage: votre serviteur! Elle est attrapée.</p> + +<h4>AUDITEUR</h4> + +<p>Un benêt, qui avait acheté une charge d'auditeur à +la cour des comptes, étant au sermon, se levait et faisait +une inclination toutes les fois que le prédicateur +disait: Mon cher auditeur.</p> + +<h4>AUTOMATE</h4> + +<p>Un plaisant disait que sa cuisinière était aussi habile +que Vaucanson, puisqu'elle faisait des canards aux +tomates.</p> + +<h4>AVALER</h4> + +<p>Un médecin, ayant écrit une ordonnance, la donna +au malade en disant:--Voilà ce que vous avalerez, +demain matin.</p> + +<p>Le malade prit le papier du médecin, l'avala, et +guérit.</p> + +<h4>AVENT</h4> + +<p>Quel est le jour de l'année qui n'en suit pas un +autre?--L'Avent.</p> + +<h4>AVEUGLE</h4> + +<p>Il y a quelques mois, la princesse Mathilde avait +commandé son portrait à l'un de nos peintres les plus +distingués.</p> + +<p>Heureuse d'échapper, pendant quelques instants, au +cérémonial et à l'étiquette, joyeuse de pouvoir se promener +librement, comme une simple jolie femme, dans +les environs des Tuileries, la princesse se rendait chaque +matin, à pied, dans l'atelier de l'artiste privilégié. +Un jour en traversant le pont des Arts, elle entendit +une voix lamentable qui criait:</p> + +<p>--Ma belle dame charitable, ayez pitié d'un pauvre +aveugle, s'il vous plaît.</p> + +<p>Un pauvre diable assis sur un banc du pont, tenant +entre ses jambes un chien qui tendait une sébile, +implorait la charité publique. La princesse jeta dans +la sébile une pièce blanche et passa. Le lendemain +matin, même don;--pendant plusieurs jours, même +jeu. Mais un matin, la princesse distraite oubliait en +passant de faire son aumône, lorsqu'une voix connue +lui dit:--Eh quoi! madame la princesse oublie aujourd'hui +son pauvre aveugle!...</p> + +<p>La princesse étonnée s'arrête et interroge le mendiant, +qui se tenait debout en la regardant respectueusement.--Vous +me connaissez donc, mon brave +homme?--Ah! oui, Madame, vous donnez la pièce +chaque matin. Et quand on vous a vue une fois, vous +êtes si belle qu'on ne vous oublie pas.--Mais comment +pouvez-vous le savoir, puisque vous êtes aveugle?--Oh! +madame la princesse, ce n'est pas moi qui suis +aveugle! C'est mon pauvre chien... Je dis: Donnez +pour le pauvre aveugle!...</p> + +<p>On demandait à Aristote pourquoi on avait tant +d'amour pour la beauté; il répondit: Voilà la question +d'un aveugle.</p> + +<h4>AVIS</h4> + +<p>Odry fut arrêté un soir, rue de Richelieu, devant la +Bibliothèque impériale.--La bourse ou la vie! lui +demanda le voleur.--Sans se déconcerter, Odry lui +répondit:--La Bourse, au bout de la première rue à +droite. Quant à l'avis, le meilleur que je puisse vous +donner, c'est de prendre un métier moins couru.</p> + +<h4>AVOIR</h4> + +<p>Un homme d'esprit disait en 1848:--Depuis cinquante +ans la France fait, défait, refait et redéfait.</p> + +<p>Jusqu'à présent nous n'avons pas encore la République, +c'est la République qui nous a.</p> + +<h4>À VUE</h4> + +<p>Un fripon se tira des instances qu'on lui faisait pour +payer une dette dont il ne s'occupait pas, en donnant +à son créancier une traite à vue sur un de ses amis +qui le valait.--Or cet ami était aveugle. Quand on +lui présenta la traite:--Elle est à vue? dit-il; si vous +voulez que je la paie, faites-moi voir.</p> + +<br> +<h2>B</h2> + +<h4>BADAUD</h4> + +<p>L'expression de badaud qu'on applique aux Parisiens +comme une injure, vient, dit-on, d'un mot celtique +qui signifie batelier, parce que les Parisiens +faisaient autrefois un grand commerce par eau. La +ville de Paris porte même un navire pour armoiries.</p> + +<p>Journel, qui était l'imprimeur de Ménage, ne voulait +pas imprimer ce que l'auteur avait écrit sur la badauderie +des Parisiens, ce qui inspira à Ménage ces quatre +vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> De peur d'offenser sa patrie,</p> +<p class="i16">Journel, mon imprimeur, digne enfant de Paris,</p> +<p class="i16">Ne veut rien imprimer sur la badauderie.</p> +<p class="i20"> Journel est bien de son pays.</p> +</div></div> + +<h4>BAL</h4> + +<p>Un fournisseur envoyant des caisses de schakos à +l'armée, disait:--Voilà des coiffures qui vont aux +balles.</p> + +<h4>BANQUEROUTE</h4> + +<p>Le nègre du bailli J***, entendant dire à la table de +son maître que quand on faisait banqueroute, on ne +donnait tout au plus que la moitié de ce qu'on devait, +résolut d'en faire son profit; il vola toute la vaisselle, +qui était considérable, et la renferma dans un coffre +qu'il descendit dans un vieux puits où il n'y avait pas +d'eau. On chercha longtemps et l'argenterie et le +nègre; enfin on le découvrit au fond du puits, assis +sur le coffre.--Que fais-tu là avec ma vaisselle? lui demanda +son maître.--Monsieur, je fais banqueroute, +moitié pour vous, moitié pour moi.</p> + +<h4>BARBARISME</h4> + +<p>On demandait à une dame comment elle se portait.--Oh! +répondit-elle, je souffre beaucoup d'un rhumatisse.--En +ce cas-là, Madame, lui dit-on, faites beaucoup +d'exercisme.</p> + +<h4>BAS</h4> + +<p>On dit que les bonnetiers doivent être discrets, +parce qu'ils ont coutume de parler bas.</p> + +<h4>BAS LONGS</h4> + +<p>On demandait à quelqu'un à quoi servaient les ballons. +Il entendit mal et répondit:--À chausser les +grandes jambes.</p> + +<h4>BASSE-COUR</h4> + +<p>Sur le costume prescrit aux magistrats en 1790, on +fit l'épigramme suivante:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Au lieu de robe et de simarre,</p> +<p class="i16">Accoutrement lourd et bizarre,</p> +<p class="i20"> Dont s'affublaient nos anciens sénateurs,</p> +<p class="i20"> Un décret veut que les nouveaux jugeurs,</p> +<p class="i20"> En manteaux courts, en pourpoints lestes,</p> +<p class="i16">Au métier de Cujas soient plus prompts et plus prestes.</p> +<p class="i16">Puis supprimant encore et bonnets et mortiers,</p> +<p class="i16">Attributs surannés des Molés, des Séguiers,</p> +<p class="i16">L'ordonnance prescrit pour moderne costume</p> +<p class="i16">Que ces dandins auront à la toque une plume.</p> +<p class="i16">Tels emplumés, je crois, pourront avoir un jour,</p> +<p class="i16">Aux yeux de bien des gens, un air de basse-cour.</p> +</div></div> + +<h4>BATISTE</h4> + +<p>On donnait un jour au Théâtre-Français une pièce +où jouait la famille Batiste. Un provincial s'informait +des noms des acteurs:--Eh! quel est celui-là?--Batiste +aîné, lui répondit-on.--Et celui-là?--Batiste +cadet.--Et celui-là?--Batiste jeune.--Et cette actrice?--C'est +Mme Batiste mère.--Et celle-ci?--C'est +Mme Batiste bru. Ah mon Dieu! s'écria le provincial, +c'est donc là une pièce de batiste.</p> + +<h4>BATTERIE</h4> + +<p>Le marquis de Bièvre regardait deux marmitons +qui se boxaient, et quelqu'un lui ayant demandé ce +que c'était que ce bruit:--Ce n'est rien, répondit-il, +c'est une batterie de cuisine.</p> + +<h4>BAVAROISE</h4> + +<p>Quand le prince Eugène de Beauharnais obtint la +main d'une princesse de Bavière, un soldat disait:--C'est +un bel homme et un grand coeur. C'est dommage +qu'il n'ait plus de dents.--Bah! dit un autre, +on n'a pas besoin de dents pour prendre une bavaroise.</p> + +<h4>BAZIRE ET CHABOT</h4> + +<p>Relation d'une aventure de 1791:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Un jour, chez un bourgeois, Bazire</p> +<p class="i16">S'en fut diner avec Chabot.</p> +<p class="i16">Chabot recommandait Bazire,</p> +<p class="i16">Bazire patronait Chabot;</p> +<p class="i16">On reçut assez bien Bazire;</p> +<p class="i16">Mais on lui préféra Chabot.</p> +<p class="i16">Si bien que le brillant Bazire</p> +<p class="i16">Arracha la barbe à Chabot.</p> +<p class="i16">Et la crinière de Bazire</p> +<p class="i16">Resta dans les mains de Chabot.</p> +<p class="i16">Les coups de poing du sieur Bazire</p> +<p class="i16">N'empêchaient pas ceux de Chabot.</p> +<p class="i16">Pour séparer le doux Bazire</p> +<p class="i16">D'avec le vertueux Chabot,</p> +<p class="i16">Le maître du lieu prit Bazire,</p> +<p class="i16">Ses gens empoignèrent Chabot;</p> +<p class="i16">Par la rampe on jeta Bazire</p> +<p class="i16">Et par la fenêtre Chabot.</p> +<p class="i16">Depuis ce temps, Monsieur Bazire</p> +<p class="i16">Dit du mal de Monsieur Chabot;</p> +<p class="i16">A son tour de Monsieur Bazire</p> +<p class="i16">Médit l'ex-capucin Chabot.</p> +<p class="i16">Mais en voyant Monsieur Bazire,</p> +<p class="i16">Ainsi que son ami Chabot,</p> +<p class="i16">On dit que Chabot vaut Bazire</p> +<p class="i16">Et que Bazire vaut Chabot.</p> +</div></div> + +<h4>BEAU</h4> + +<p>Les paysans futés aiment à faire ce compliment: +Vous êtes <i>beau dès</i> le matin, <i>beau su'</i> le midi, <i>encore +beau</i> le soir.</p> + +<p>Le gendre d'un de nos représentants de 1848, que +nous ne voulons pas chagriner en le nommant, disait:--J'ai +une belle-mère qui n'est pas belle et un +beau-père qui est bien laid.</p> + +<h4>BELLE LUNE</h4> + +<p>Le maréchal Victor avait débuté en simple soldat +dans la carrière qu'il a illustrée; et lorsqu'il fit ses +premières campagnes, ses camarades ne le connaissaient +que sous le sobriquet de Beausoleil. Quand l'empereur +Napoléon l'eut nommé maréchal de l'Empire, +il l'appela et lui dit:--Beausoleil, je te fais duc de +Bellune.</p> + +<h4>BÉTANCOUR</h4> + +<p>M. de Bétancour, qui logeait près du Louvre, avait +beaucoup à se plaindre des blanchisseuses voisines qui, +avec leurs battoirs sans cesse en mouvement, l'empêchaient +de dormir. Une fois, outré de colère, il s'écria:--Si +je ne me retenais pas, j'irais mettre le feu +à la rivière.</p> + +<p>Un jour, voyant un homme qui louchait en lisant:--Cet +homme-là, dit-il, doit être doublement savant, +car il lit deux pages à la fois.</p> + +<p>Il tomba malade; son médecin lui ayant demandé +s'il n'avait rien pris dans la journée:--Pardon, répondit-il, +j'ai pris ce matin une puce.</p> + +<h4>BEETHOVEN</h4> + +<p>Pourquoi les sangsues passent-elles pour musiciennes?--Parce +qu'elles font des ouvertures de <i>bête +aux veines</i>.</p> + +<h4>BÊTISES</h4> + +<p>On ferait sous ce titre bien des volumes. Une des +plus grosses, dans le bêtisiana moderne, est le compliment +que Victor Hugo fit tout haut à Louis-Philippe, +dans une réception officielle:--Sire, Dieu a +besoin de vous...</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">On vient de perdre un jeune chien</p> +<p class="i20">Lequel n'avait ni queue ni tête.</p> +<p class="i20">Ceux qui l'ont trouvé n'auront rien.</p> +<p class="i20">C'est une récompense honnête,</p> +<p class="i20">Sans queue aussi bien que sans tête.</p> +</div></div> + +<h4>BIEN FAIT</h4> + +<p>Un prédicateur disait en chaire que tout ce que +Dieu a fait est bien fait.--Voilà, pensa un bossu, une +parole hasardée. Il attend le prédicateur à la porte de +l'église, et lui dit:--Mon père, vous avez prêché +que Dieu a bien fait toutes choses. Voyez donc comme +je suis bâti!--Mais, mon ami, répond le prédicateur, +vous êtes bien fait pour un bossu.</p> + +<h4>BIÈRE</h4> + +<p>De vieux littérateurs de l'Empire ont appelé le cercueil +de Napoléon <i>la bière de Mars</i>.</p> + +<p>Un brasseur parisien, du temps du calendrier républicain, +appelait sa bière de Mars <i>bière de Germinal</i>.</p> + +<p>On afficha en 1793 la tragédie de <i>Jean-sans-Terre</i>: +quelques patriotes du faubourg Saint-Antoine, croyant +qu'on voulait jouer le général Sans-Terre, qui était +brasseur, arrachèrent toutes les affiches et se portèrent +en masse au théâtre de la République. On parvint à +les apaiser en leur donnant les premières places; +mais l'on ne put en être maître, lorsque Sans-Terre +dit au tyran:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Tu crois m'intimider en découvrant ma bière.</p> +</div></div> + +<p>--Je l'avais bien dit! s'écria un d'entre eux. A +bas!... à bas!... à bas les muscadins!... (On baissa la +toile.)</p> + +<p>M. de Bièvre, voyant des hommes qui suaient pour +mettre au cercueil un homme dont on avait mal pris +la mesure, leur dit:--C'est <i>en vain</i> que vous vous +mettrez <i>en eau</i> pour le mettre <i>en bière</i>.</p> + +<h4>BIÈVRE</h4> + +<p>A propos de M. de Bièvre, qui a fait tant de calembours, +un amateur demandait quelle différence il y +avait entre M. de Bièvre et une épingle. On ne devinait +pas.--C'est, dit-il, qu'une épingle a une tête et +une pointe, tandis que M. de Bièvre a beaucoup de +pointes, mais pas de tête.</p> + +<p>Le marquis de Bièvre n'est mort qu'en 1789, époque +où le calembour allait faire place à des jeux plus sinistres. +Il a publié quelques petits ouvrages assez rares: +l'<i>Ange Lure</i>, la <i>Fée Lure</i>, la lettre à la comtesse Tation, +par le sieur (scieur) de Bois-Flotté, étudiant en droit-fil, +l'<i>Almanach des calembours</i>, et quelques autres +plaisanteries.</p> + +<p>Si le marquis de Bièvre a introduit chez nous la +manie des calembours, il a quelquefois fourni des armes +contre lui-même. Il était fils du chirurgien du +roi, nommé Maréchal. Dédaignant le nom de son +père, il acheta la terre de Bièvre. Un de ses amis, qui +l'entendait annoncer sous ce titre, lui dit:--Mais, +mon ami, tu as mal fait de ne prendre que le titre de +marquis; il t'en aurait moins coûté de te faire appeler +le maréchal de Bièvre.</p> + +<h4>BIGOT</h4> + +<p>Napoléon, qui aimait les jeux de mots, fut charmé +de nommer ministre des cultes M. Bigot, qui signait: +Bigot de Préameneu.</p> + +<h4>BLANC</h4> + +<p>Un procureur avait promis à un homme, accusé d'un +crime de faux, que, par ses soins, il sortirait de cette +affaire blanc comme neige. L'accusé, flatté de cette espérance, +donnait au procureur tout l'argent qu'il lui +demandait. Cependant, il succomba et fut condamné à +faire amende honorable en chemise. Il dit alors au +procureur:</p> + +<p>--Vous m'avez trompé par vos promesses.</p> + +<p>--Comment donc! répondit le procureur; je vous +tiens parole: vous voilà en chemise; n'est-ce pas +sortir de là blanc comme neige?</p> + +<h4>BOILEAU</h4> + +<p>Le cardinal Janson disait à Boileau:--Pourquoi +vous appelez-vous Boileau? C'est un nom froid. J'aimerais +mieux, à votre place, m'appeler Boivin.--Et +vous, Monseigneur, répondit le poëte, pourquoi vous +appelez-vous Janson? c'est un nom sec. A votre +place, j'aimerais mieux m'appeler Janfarine.</p> + +<h4>BOIS</h4> + +<p>Un gentilhomme breton disait au maréchal de La +Meilleraye:--Si je ne suis pas maréchal, je suis du +bois dont on les fait.--Aussi le deviendrez-vous, répondit +La Meilleraye, quand on les fera de bois.</p> + +<h4>BOITER</h4> + +<p>Un homme qui venait d'acheter un cheval, à la vue, +reconnut qu'il était boiteux et voulut résilier son marché. +Mais le vendeur témoigna qu'il l'avait prévenu de +ce défaut, en lui disant:--Il <i>boite</i> et mange bien.</p> + +<h4>BON</h4> + +<p>Les marguilliers d'une paroisse de Paris, ayant +appelé un orfévre huguenot pour réparer une figure +de saint Michel, l'orfévre, considérant cette figure, +leur dit:--Messieurs, votre diable est fort bon, mais +votre saint Michel ne vaut rien.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Bonnes gens font les bons pays;</p> +<p class="i20">Bon coeur fait le bon caractère;</p> +<p class="i20">Bons comptes font les bons amis;</p> +<p class="i20">Bon fermier fait la bonne terre.</p> +<p class="i20">Bons livres font les bonnes moeurs,</p> +<p class="i20">Bons maîtres les bons serviteurs;</p> +<p class="i20">Bons maris font les bonnes femmes,</p> +<p class="i20">Bonnes femmes les bons maris,</p> +<p class="i20">Bonnes actions les bonnes âmes,</p> +<p class="i20">Bons sentiments les bons esprits.</p> +<p class="i20">Le bon goût fait les bons écrits;</p> +<p class="i20">Bonne foi les bonnes affaires,</p> +<p class="i20">Bonnes lois les bons citoyens;</p> +<p class="i20">Bons fils encor font les bons pères,</p> +<p class="i20">Bonnes filles les bonnes mères.</p> +<p class="i20">Dieu, qui tout est bon, fait tous biens.</p> +</div></div> + +<h4>BONA</h4> + +<p>Après la mort du pape Clément IX, beaucoup de +grands personnages désignaient pour son successeur +le cardinal Bona, sur quoi se fit cette pasquinade que +<i>Papa Bona</i> serait un solécisme. Le P. Daugières répondit +par le jeu de mots suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Grammaticæ leges plerumque Ecclesia spernit:</p> +<p class="i20">Fors erit ut liceat dicere Papa Bona.</p> +<p class="i20">Vana solæcismi ne te conturbet imago,</p> +<p class="i20">Esset Papa bonus, si Bona Papa foret.</p> +</div></div> + +<h4>BONHEUR</h4> + +<p>Le moyen d'être heureux en ménage, c'est de se +marier au point du jour, parce qu'alors on est sûr +d'avoir fait un mariage de bonne heure.</p> + +<p>Une jeune fille, peu formée à l'orthographe, écrivait +à son fiancé:--Venez de bonne heure, vous ferez +le mien.</p> + +<h4>BONJOUR</h4> + +<p>M. Casimir Bonjour, candidat à l'Académie, se présente +un jour pour faire sa visite à un des quarante. +Une femme de chambre vient lui ouvrir la porte.--Votre +nom, Monsieur! dit-elle. Le candidat répond +avec son plus gracieux sourire:--Bonjour. Flattée de +cette politesse, la jeune fille répond:--Bonjour, Monsieur; +voulez-vous me dire votre nom?--Je vous dis +Bonjour.--Et moi aussi, bonjour, Monsieur; qui +faut-il que j'annonce?--Eh Bonjour! c'est mon +nom. La camériste comprit alors qu'au lieu de dire: +Bonjour, Monsieur, il fallait dire: Monsieur Bonjour.</p> + +<h4>BONNET DE NUIT</h4> + +<p>--Quels sont les vins qu'il convient de boire avant +de se coucher pour bien dormir?</p> + +<p>Les vins de <i>Beaune et de Nuits</i>.</p> + +<h4>BONS MOTS</h4> + +<p>Un meunier cheminait avec son âne. Un bel esprit le +rencontre et se met à crier: «Où allez-vous donc vous +deux?--Chercher du foin pour nous trois,» répond +le meunier.</p> + +<p>Le président d'Ormesson, qui avait un nez énorme +et des narines extrêmement larges, causait avec le +marquis de Villette dans une embrasure et mettait +beaucoup de chaleur dans cet entretien. Lorsque +Villette se rapprocha du cercle, il dit à quelqu'un:--Quand +cet homme me parle de près, j'ai toujours peur +qu'il ne me renifle.</p> + +<h4>BONTÉ</h4> + +<p>M. de Kératry, qui avait assez de laideur, avec une +belle âme, déjeunait habituellement dans un café, et +son déjeuner consistait toujours en ce qu'on appelle +une tasse de café à la crème. Pour lui seul, la dame du +comptoir affectait de dire, en le désignant:--Garçon, +versez du café au laid.</p> + +<p>--Madame, lui dit un jour M. de Kératry, vous +avez d'excellent café, mais vous n'avez assurément +pas de <i>bon thé</i>.</p> + +<h4>BORGNE</h4> + +<p>Un borgne gageait contre un homme qui avait +bonne vue, qu'il voyait plus que lui. Le pari est accepté.--J'ai +gagné, dit le borgne, car je vous vois +deux yeux, et vous ne m'en voyez qu'un. (Voyez <i>Yeux</i>.)</p> + +<h4>BOTTES SANS COUTURES</h4> + +<p>Dans quelques tombolas où se distribuent des lots +plaisants, des amateurs ont gagné une paire de bottes +sans coutures. C'étaient deux bottes d'oignons ou de +navets.</p> + +<h4>BOUFFLERS</h4> + +<p>Quel est le poëte qui s'est nourri des aliments les +plus légers?--Boufflers.</p> + +<h4>BOUILLON</h4> + +<p>Un historien a dit que, dans les Croisades, Godefroi +de Bouillon était le général le plus <i>consommé</i>.</p> + +<h4>BOURVALAIS</h4> + +<p>Ce financier, qui avait amassé des biens immenses +dans les affaires, sous Louis XIV, ayant trouvé, dans +un de ses étangs, un brochet d'une grosseur extraordinaire, +en fit présent à M. le premier président de +Harlay. Ce magistrat l'invita à en venir manger sa +part. Comme tous les conviés admiraient l'énormité +de ce poisson monstre:--Messieurs, leur dit le premier +président, ne soyez pas surpris, c'est le bourvalais +des étangs de monsieur.</p> + +<h4>BOUT</h4> + +<p>Comment faire pour ne pas se crotter dans les rues +de Paris?--Il faut ne pas aller jusqu'aux boues.</p> + +<h4>BRUNET</h4> + +<p>Célébrité dans le bazar des calembours et des bêtises +excentriques. Nous ne citerons que quelques-unes +de ses expressions singulières:</p> + +<p>«Il faisait un froid d'enfer, ce matin. J'en avais +l'onglée au menton.</p> + +<p>«Voilà un événement qui va leur tailler bien des +croupions.</p> + +<p>«Cet homme paraît plus vieux qu'il n'en a l'air. +C'est peut-être son oeil borgne qui en est cause.</p> + +<p>«On dit que Paris va sauter. Je crois qu'il serait +prudent de fermer les fenêtres.</p> + +<p>«Le soleil coule pour tout le monde.</p> + +<p>«Ce n'est pas de l'orient que vient cette étoffe de +Perse; le marchand assure que c'est du levant.</p> + +<p>«Si les écrevisses ne devenaient pas rouges en +cuisant, il faudrait les changer de nom.--Pourquoi?--parce +qu'on dit: Rouge comme une écrevisse.</p> +<br> +<h2>C</h2> + +<h4>CACOPHONIE</h4> + +<p>Un beau parleur, contant le naufrage d'un vaisseau, +disait que le navire avait pris le mors aux +dents.</p> + +<p>Le même exprimait la marche rapide d'un ballon, +en disant qu'il allait ventre à terre.</p> + +<p>Il habitait Paris et se plaisait à dire qu'il y a de la +rue de Tournon à la rue de Richelieu un grand laps +de temps.</p> + +<h4>CALET</h4> + +<p>On demandait à un Parisien s'il connaissait le Pas-de-Calais.--Je +les connais tous, répondit-il; il appliquait +sa réponse aux pas du danseur Calet.</p> + +<h4>CAMARD</h4> + +<p>Un homme, dont le nez était fort camard, étant +venu à éternuer devant un railleur, celui-ci le salua +et ajouta:--Dieu vous conserve la vue. Celui qui venait +d'éternuer, surpris de ce voeu, lui demanda pourquoi +il le faisait.--Parce que, répondit le railleur, votre nez +n'est pas propre à porter des lunettes.</p> + +<h4>CAMUS</h4> + +<p>Guy Patin, médecin célèbre, fit un procès à Renaudot, +célébrité d'un autre genre, qui exerçait la médecine, +à Paris, sans s'être fait agréer au corps des médecins +de cette capitale. Renaudot fut condamné.--Vous +avec perdu et gagné à la fois, lui dit Patin.--Comment +gagné? répliqua Renaudot.--Mais vous +êtes entré camus au palais, et vous en sortez avec un +pied de nez.</p> + +<h4>CAMPENON</h4> + +<p>Lorsque Ducis mourut, MM. Michaud et Campenon +se disputèrent son fauteuil à l'Académie française. +M. Campenon, prenant les devants, fit cette épigramme +contre son concurrent:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i18">Au fauteuil de Ducis on a porté Michaud,</p> +<p class="i18">Ma foi pour l'y placer il faut un ami chaud.</p> +</div></div> + +<p>Michaud répliqua:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i18">Au fauteuil de Delisle aspire Campenon;</p> +<p class="i18">Son talent suffit-il pour qu'il s'y campe? non.</p> +</div></div> + +<h4>CANCAN</h4> + +<p>Dans une société où l'on parlait du Général De Caen, +une personne qui l'avait connu à l'époque où il +n'était encore qu'aide de camp de son frère, raconta +ce qui suit:</p> + +<p>En se rendant à l'armée, De Caen fut arrêté par la +gendarmerie.--Comment vous nommez-vous? lui +demanda le brigadier.--De Caen.--D'où êtes-vous?--De +Caen.--D'où venez-vous?--De Caen.--Qui +êtes-vous?--Aide de camp.--De qui?--Du général +de Caen.--Où allez-vous?--Au camp.--Assez de +cancans comme cela, dit le gendarme, je vous +arrête.</p> + +<h4>CARTE</h4> + +<p>C'est un mot qui a plusieurs sens, nous empruntons +ce couplet à une chanson de M. Goulard:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Le politique sur la carte</p> +<p class="i20">Visite le lieu des combats;</p> +<p class="i20">Le gourmand consulte la carte,</p> +<p class="i20">Pour faire choix d'un bon repas.</p> +<p class="i20">Souvent le fou sur une carte</p> +<p class="i20">Tout son argent voit emporté;</p> +<p class="i20">Et plus tard, si je perds la carte,</p> +<p class="i20">Je perds aussi la liberté.</p> +</div></div> + +<p>Les journaux racontaient, il y a trente ans, l'anecdote +suivante à propos des cartes de visite. Un maître +de maison était monté en équipage en compagnie +de sa dame, lorsqu'il s'aperçoit qu'il a oublié ses +cartes; il dit au laquais nouvellement à son service +d'aller les prendre sur la cheminée de la salle à manger. +Ce qui fut dit fut fait, et, fouette cocher, les visites +vont bon train. Au bout d'un certain temps, le +maître demande au groom s'il a encore beaucoup de +cartes.</p> + +<p>--Monsieur, répond celui-ci, il me reste encore le +roi de pique, le dix de coeur et l'as de trèfle! Le +pauvre garçon avait pris les cartes à jouer au lieu +des cartes de visite.</p> + +<h4>CARTERON</h4> + +<p>Un libraire de Lyon, nommé Carteron, avait pour +enseigne une balance, avec des petits poids d'un côté +et des livres de l'autre. Ces mots étaient au bas: «Les +quarterons font les livres.»</p> + +<h4>CAUSES</h4> + +<p>Un particulier ayant dit à Garrick que l'avocat +Barell avait laissé fort peu d'<i>effets</i> à sa mort:--Cela +n'est pas étonnant, reprit ce comédien, il avait fort +peu de <i>causes</i>.</p> + +<h4>CÉDEZ</h4> + +<p>S'écrit avec les deux lettres: CD.</p> + +<h4>CENSEURS</h4> + +<p>Pourquoi faut-il prendre garde à ce qu'on dit devant +les fils uniques?</p> + +<p>--Parce qu'ils sont <i>sans soeurs</i>.</p> + +<h4>CENT ANS</h4> + +<p>Un farceur disait:--Celui qui arrivera à tuer le +temps vivra sans temps.</p> + +<h4>CERCEAU</h4> + +<p>Dans les farces du théâtre italien, Arlequin disait à +un autre qui le battait avec sa ceinture:--Tu te +conduis comme un tonnelier; tu me donnes des coups +de <i>serre sot</i>.</p> + +<h4>CERVELLE</h4> + +<p>Deux Suisses, le sabre à la main, se battaient à outrance +dans une place. Un paysan passe par là, et le +coeur ému de compassion, s'efforce de les séparer; mais +le pauvre diable, pour toute récompense de son zèle, +reçoit à la tête un coup de sabre qui le jette à la renverse. +On appelle un chirurgien qui veut voir si la +cervelle est atteinte.--Ah! dit le paysan, je n'en +avais point lorsque je me suis trouvé dans cette querelle.</p> + +<p>Le jeu de mots qui suit est dans le même sens:</p> + +<p>Au siége de Landrecies, en 1655, M. de La Feuillade +fut blessé d'un coup de mousquet à la tête. Les chirurgiens +dirent que la blessure était dangereuse et +qu'on voyait la cervelle.--Eh bien! Messieurs, dit +La Feuillade, faites-moi le plaisir d'en prendre un peu +tout proprement, et, que je vive ou que je meure, +de l'envoyer au cardinal Mazarin, qui a coutume de +répéter que je n'en ai pas.</p> + +<h4>CÉSAR</h4> + +<p>En Italie, comme on sait, les voiturins qui vous +conduisent à Rome, vous mènent, vous nourrissent et +vous couchent dans la route, moyennant un prix convenu. +En France, dans de telles conditions, le voyageur +qui fait sa convention avec le voiturin lui donnerait +des arrhes. En Italie, au contraire, le voiturin donne +des arrhes au voyageur pour se l'assurer. Les voiturins +sont chers aux artistes et aux gens qui veulent voir. +Un abbé, qui cherchait à gagner Rome en artiste, rentrait +joyeusement auprès de ses amis.--Avez-vous +trouvé? lui dit-on.--Oui, répondit-il; je suis engagé; +et le voiturin m'a donné un napoléon pour <i>ses arrhes</i>.</p> + +<h4>CHACAL</h4> + +<p>«Un prêtre espagnol, rencontrant Thomas Campbell +dont il avait fait la connaissance à la table du général +Trézel:--Excusez-moi, lui dit-il, si je ne vous ai +pas rendu visite hier; mais j'étais obligé d'assister à +la mort d'un chacal.</p> + +<p>--À merveille, mon père, répondit Campbell, et +j'espère que vous vous êtes amusé!</p> + +<p>--Comment, amusé? mais j'allais lui porter les +tristes consolations de notre sainte religion!</p> + +<p>--En vérité?</p> + +<p>--En vérité! et je vous assure qu'il est mort en +chrétien repentant, malgré la vie dissolue qu'il avait +toujours menée.</p> + +<p>--Vous aimez à plaisanter, mon père! mais, parbleu, +les chacals sont des chacals! vous ne pouvez pas +exiger d'une brute qu'elle règle ses passions comme +un animal raisonnable. Il n'est pas plus possible au +chacal d'imiter votre continence, qu'il ne l'eût été au +compagnon de Saint-Antoine d'imiter la sobriété de +son patron.</p> + +<p>--Il était adonné à la boisson, et, voyant un autre +chacal mettre de l'argent dans sa poche, il le tua pour +s'en emparer et acheter de l'eau-de-vie.</p> + +<p>--Que diable me racontez-vous là, mon saint père! +des chacals qui ont des poches, qui boivent de l'eau-de-vie, +qui meurent en chrétiens! Vous êtes en joyeuse +humeur, <i>mio padre</i>.»</p> + +<p>Ici mon Espagnol éclata de rire: «Quoi! vous ne +savez pas que tous les soldats d'infanterie légère ont +reçu le sobriquet de chacal?»</p> + +<p>(<span class="sc">Thomas Campbell</span>, <i>Oran et ses environs</i>.)</p> + +<h4>CHAIR</h4> + +<p>M. Ch. Monselet, après avoir entendu M. Saisset, +dans son cours de philosophie à la Sorbonne, se retira +en disant:--L'esprit est fort, mais la <i>chaire</i> est +faible.</p> + +<h4>CHALEUR</h4> + +<p>Bautru se promenait le chapeau à la main, par un +soleil ardent, avec Gaston d'Orléans. Ce prince lui +ayant dit qu'il aimait ses amis avec chaleur:--Ma +tête s'en aperçoit, répondit Bautru.</p> + +<h4>CHANDELLE</h4> + +<p>Les habitants de... présentèrent une adresse pompeuse +à Jacques Ier, successeur d'Élisabeth. Ils lui souhaitaient +que son règne pût durer aussi longtemps que +le soleil, la lune et les étoiles. Il leur répondit que +«si leurs voeux étaient exaucés, son fils serait obligé +de régner à la chandelle.»</p> + +<h4>CHANGER</h4> + +<p>Ce mot a plus d'un sens. Un acteur débutait au +Théâtre-Français par le rôle de Mithridate, dans la tragédie +de ce nom. Il n'était pas dépourvu de talent; il +avait même beaucoup d'intelligence et de feu; mais +son extérieur n'était rien moins qu'héroïque. Dans la +scène où Monime dit à Mithridate:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Seigneur, vous changez de visage!</p> +</div></div> + +<p>Un plaisant cria: Laissez-le faire.</p> + +<h4>CHANT</h4> + +<p>On dit que le rossignol ne chante plus lorsqu'il +est en cage, parce qu'il a perdu la clef des champs.</p> + +<h4>CHARABIA</h4> + +<p>Tu sais bien, le voisin qui est si fier, hier il me +visita, me fit politesse, et je le reconduisa.--Avec +un I?--Non, avec un bout de chandelle.</p> + +<h4>CHARMES</h4> + +<p>On devait manger une dinde aux truffes à une table +où se trouvait Buffon. Avant le dîner, une vieille dame +demande au Pline moderne où croissent les truffes:</p> + +<p>--À vos pieds, Madame.</p> + +<p>La vieille ne comprend pas. On lui explique que +c'est aux pieds des charmes; elle trouve charmant le +compliment et le complimenteur.</p> + +<p>Vers la fin du repas, quelqu'un fit la même question +au savant naturaliste, qui, ne faisant pas attention +que la dame d'avant-diner se trouvait là, dit naturellement:</p> + +<p>--Aux pieds des vieux charmes.</p> + +<p>La dame qui l'entendit ne le trouva plus si charmant.</p> + +<h4>CHARRETTE</h4> + +<p>Un postulant au théâtre devait prononcer cet hémistiche +d'un vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Arrête lâche, arrête.</p> +</div></div> + +<p>Il prononça si brièvement que tout le monde entendit:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Arrête la charrette.</p> +</div></div> + +<h4>CHASLES</h4> + +<p>Tout en rendant justice à M. Chasles, les plaisants +disent qu'on le porte sur les épaules.</p> + +<h4>CHAUDRON</h4> + +<p>Brunet disait que le vase qu'on appelle chaudron ne +s'appelait ainsi que parce qu'il est chaud et rond.</p> + +<h4>CHEMIN DE LA PRISON</h4> + +<p>Un villageois demandait le chemin de Newgate +(prison de Londres). Un plaisant qui l'entendit s'offrit +de le lui montrer.--Traversez le ruisseau, lui dit-il, +entrez chez le bijoutier en face, prenez deux gobelets +d'argent; décampez avec, et dans cinq minutes vous +y serez.</p> + +<h4>CHER</h4> + +<p>C'est un département où l'on ne peut pas vivre à +bon marché.</p> + +<h4>CHEVAL</h4> + +<p>Apprenez-moi, disait un Gascon, où demeure, dans +cette rue, monsieur Cheval.--Monsieur, lui dit un marchand, +il n'y a point d'homme de ce nom dans cette +rue; mais vous êtes devant la porte de M. Poulain.--Eh! +c'est cela; mais depuis dix ans que je ne l'ai vu, +il a bien eu le temps de changer de nom, à moins qu'il +ne fasse encore le jeune.</p> + +<h4>CHEVEUX</h4> + +<p>Ces jours derniers, un brave homme de la campagne +fut élu maire dans sa commune.</p> + +<p>Voulant, après l'élection, remercier ses futurs administrés +du choix qu'ils avaient bien voulu faire de lui, +il rassembla tout le village, et s'exprima ainsi:</p> + +<p>«Mes amis, croyez que je n'oublierai jamais le jour +où vous avez daigné mettre mes cheveux blancs à +votre tête!...»</p> + +<h4>CHICOT</h4> + +<p>Deux faiseurs de calembours dînaient ensemble, à +Paris, chez un restaurateur. À la fin du repas, l'un +dit à l'autre:--Je te parie que je fais un calembour +sur le premier mot que tu diras en sortant de table.--Je +parie que non.--Je parie que si.--Le prix du +dîner?--Va pour le dîner.</p> + +<p>Le parieur attend de pied ferme. L'autre cherche un +mot sans équivoque; il s'approche de la fenêtre et dit:--Il +pleut.--Eh bien, chicot.--J'ai perdu.</p> + +<p>Un étranger, témoin de cette scène, ne put comprendre +le jeu de mots qu'après avoir cherché dans son +dictionnaire; il y trouva la définition du mot chicot, +<i>reste de dent</i>. «Ah! dit-il,--il pleut, reste dedans.--Voilà +des gaillards bien spirituels.»</p> + +<h4>CHIEN</h4> + +<p>Un homme d'esprit vaniteux disait à un homme +qui le regardait curieusement:--De quel droit me +toisez-vous ainsi?--Un chien regarde bien un évêque, +répondit l'indiscret. À quoi l'homme d'esprit +répliqua:--Qui vous a dit que j'étais un évêque?</p> + +<p>Scarron, dans un recueil de ses poésies qu'il fit imprimer, +ayant adressé un madrigal à la petite chienne +de sa soeur, mit pour titre: «À la chienne de +ma soeur.» Depuis, s'étant brouillé avec elle, il fit +mettre dans l'errata de son livre: «<i>Au lieu de</i> à la +chienne de ma soeur, <i>lisez</i> à ma chienne de soeur.»</p> + +<h4>CI-DEVANT</h4> + +<p>Un écrivain fit, en 1793, un livre qui parut sous le +titre d'Observations sur la chaîne des ci-devant montagnes +d'Auvergne.</p> + +<p>Un nègre, ayant adressé alors une pétition à la +Convention nationale, signa: «Ziméo, ci-devant +nègre.»</p> + +<h4>CINQ</h4> + +<p>Saint Denis est le saint des Français; saint Georges +est le saint des Anglais; celui des Genevois est le cinq +pour cent. (À Genève le <i>q</i> ne se fait pas sentir.)</p> + +<p>Cinq cordeliers, sains de corps et sains d'esprit, +étaient ceints d'une corde et portaient sur leur sein +un petit saint, muni du seing du saint-père.</p> + +<h4>CINQ ANS</h4> + +<p>On disait à un bon homme qu'Abdel-Kader avait +cinq camps lorsqu'on l'a pris. Ce bon homme s'écria:--Comment, +ce fameux guerrier n'est qu'un +enfant?</p> + +<h4>CIVIL</h4> + +<p>Le général D.... parlait avec chaleur dans un cercle +où se trouvait M. de Talleyrand, de diverses personnes +qu'il qualifiait de pékins.</p> + +<p>--S'il vous plaît, général, lui dit le prince, qu'appelez-vous +pékins?</p> + +<p>--Nous autres, répond le général, nous appelons +pékin tout ce qui n'est pas militaire.</p> + +<p>--Ah! fort bien! répond M. de Talleyrand; tout +comme nous, nous appelons militaire tout ce qui n'est +pas civil.</p> + +<h4>CLAIR DE LUNE</h4> + +<p>Un jeune homme à qui on demandait quelle était +sa position sociale répondit:--Mon père est notaire, +et mon oncle aussi. Ils ont chacun une étude; je suis +clerc de l'une.</p> + +<h4>CLEF</h4> + +<p>Le poëte Longchamps, devenu chambellan de Joachim +Murat, roi de Naples, regrettait si fort la campagne, +qu'il demanda sa retraite et vint finir ses jours +à la campagne, près de Louviers. C'est à ce propos +qu'il fit le couplet suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Adieu, donc, stérile étiquette,</p> +<p class="i20">Adieu, petite vanité,</p> +<p class="i20">Graves riens, noble ennui, toilette,</p> +<p class="i20">Et grandes fêtes sans gaîté.</p> +<p class="i20">Adieu, clef d'or qu'ont au derrière</p> +<p class="i20">Mes collègues les chambellans,</p> +<p class="i20">Pour vivre enfin à ma manière,</p> +<p class="i20">Ma foi, j'ai pris la clef des champs.</p> +</div></div> + +<p>Combien les musiciens connaissent-ils de clefs?--Trois, +la clef de <i>sol</i>, la clef de <i>fa</i> et la clef d'<i>ut</i>.--Il +y en a une quatrième qu'ils connaissent aussi, c'est la +clef de la cave.</p> + +<h4>CLOCHER</h4> + +<p>Dans un écrit que publia M. de Talleyrand, alors +évêque d'Autun (1790), on prétendit qu'il n'y avait +de lui que ce qui clochait.--On sait qu'il était boiteux.</p> + +<h4>COCHON</h4> + +<p>Napoléon fit un jeu de mots en nommant M. Cochon +préfet de Bayonne, la ville aux jambons renommés. +M. Cochon signait: Cochon de Lapparent.</p> + +<h4>COCO</h4> + +<p>Plusieurs Français, à Amsterdam, étaient réunis à +une table d'hôte. Un Anglais s'y trouvait aussi. Il +mangeait, mangeait, mangeait, avec une attention +profonde. Déjà plusieurs fois un convive lui avait +adressé ces mots:--Monsieur, auriez-vous la bonté +de me passer ce plat d'épinards? Le sombre habitant +des bords de la Tamise était incapable de la moindre +distraction. Alors le Français dit à un de ses amis:--Passe-moi +donc le plat d'épinards, car ce coco-là ne +veut pas que j'en goûte. À ce mot, les yeux de l'Anglais +quittent enfin son assiette, et se portent courroucés +sur son interlocuteur; il se croit insulté. Un de ces +rendez-vous qu'on appelle d'honneur va être pris. +Mais l'Anglais se ravise; il ouvre son pocket-dictionnaire; +ses yeux brillent. Il appelle un domestique, +demande du champagne, et invite son adversaire à +trinquer avec lui.</p> + +<p>--Monsieur le Français, dit-il, je étais dans le dérèglement +(erreur). Vous faites politesse à moi. Vous +appelez moi coco. Lisez: «Coco, fruit des Indes, doux +et agréable.» Chacun partit d'un éclat de rire, et l'on +but le champagne à la santé des deux nations.</p> + +<h4>COEUR</h4> + +<p>Un banquier poursuivait de ses assiduités une jeune +et riche héritière dont il sollicitait la main. Le jour +de la Toussaint il se rendit à Saint-Roch, et là, placé +à côté du bénitier, il attendait l'inhumaine, à laquelle +il offrit de l'eau bénite, en lui disant tout bas:--Mademoiselle, +que dois-je espérer?--Monsieur, lui répond +la jeune personne, vous êtes dans mon esprit +comme le bénitier dans l'église; près de la porte et +loin du choeur.</p> + +<h4>COMBLÉ</h4> + +<p>Un très-gros homme, arrêté au bord d'un fossé, +disait:--Je le sauterais bien, mais j'aurais peur de +tomber dedans.--Monsieur, lui dit une dame, il +serait comblé de vous recevoir.</p> + +<h4>COMMUN</h4> + +<p>Un jeune homme, voyant une belle dame qui avait +une grande bouche, disait:--Quel dommage qu'une +si belle femme ait la bouche commune! Son voisin +lui répondit:--Si tu disais: comme deux!</p> + +<h4>COMPARAISON</h4> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">L'existence est une pendule</p> +<p class="i20">Que par soi-même il faut guider.</p> +<p class="i20">Malheur à l'homme trop crédule</p> +<p class="i20">Qui la donne à raccommoder!</p> +<p class="i20">On croit qu'Esculape calcule,</p> +<p class="i20">Lorsqu'il s'agit d'y regarder,</p> +<p class="i20">Mais il l'avance sans scrupule</p> +<p class="i20">Ne pouvant pas la retarder!</p> +</div></div> + +<p>Cette autre comparaison est de M. Boniface.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">La chenille rampante,</p> +<p class="i20">Dans son premier état,</p> +<p class="i20">Végète sur la plante:</p> +<p class="i20">Voilà le candidat.</p> +<p class="i20">Sorti de la chenille,</p> +<p class="i20">Sur des ailes porté,</p> +<p class="i20">Un beau papillon brille:</p> +<p class="i20">Voilà le député.</p> +</div></div> + +<p>Un proverbe dit: Comparaison n'est pas raison. Un +axiome dit aussi: Toute comparaison cloche.</p> + +<h4>COMPLAISANTES</h4> + +<p>Odry disait un jour à Brunet:--Sais-tu pourquoi +l'on se moque plutôt des bons que des méchants?</p> + +<p>--Je ne sais pas.</p> + +<p>--Parce que les bonnes gens sont presque toujours +des personnes qu'on plaisante.</p> + +<h4>COMPLET</h4> + +<p>Un jeune soldat, originaire de Lyon, a adressé à sa +famille, après la bataille de Solferino, la lettre laconique +suivante. C'est à la fois la lettre d'un brave soldat +et d'un bon fils:</p> + +<p>«Castiglione, 25 juin.</p> + +<p>«Chère mère,</p> + +<p>«Je suis encore vivant, très-vivant et bon vivant.</p> + +<p>«Seulement, je ne suis plus complet, comme un +omnibus les jours de pluie.</p> + +<p>«Le chirurgien du régiment vient de me couper la +jambe.</p> + +<p>«Je m'étais habitué à l'avoir, et la séparation a été +cruelle.</p> + +<p>«Mon sergent-major me dit, pour me consoler, que +j'aurai maintenant une jambe faite au tour.</p> + +<p>«Allons! bonne mère, ne pleure pas, songe que +j'aurais pu être tué comme une foule de mes braves +camarades. C'est ceux-là ou plutôt la famille de ces +pauvres amis qu'il faut plaindre.</p> + +<p>«Réjouis-toi donc, au contraire, bonne mère, tout +est profit pour toi: je vais bientôt aller te rejoindre +pour ne plus te quitter, ma jambe de bois me forçant +à rester près de toi; je ferai tout ce qu'il te plaira: la +chère partie de piquet.</p> + +<p>«Tiens, voilà une larme qui tombe sur ce papier; +ce n'est point une larme de regret, mais de bonheur, +car je vais bientôt t'embrasser.»</p> + +<h4>COMPLIMENTEUR</h4> + +<p>On dit qu'un complimenteur est un accompli menteur.</p> + +<h4>COMPTE</h4> + +<p>Le prince de Ligne connaissait deux frères du nom +de Montailleur, l'un le marquis, et l'autre le comte. Le +premier était aussi aimable et spirituel que son frère +était ennuyeux. Aussi le prince, quand son valet de +chambre lui annonçait M. de Montailleur, avait-il +coutume de dire:--Si c'est le marquis de Montailleur, +à la bonne heure; mais si c'est le compte de mon +tailleur, je sais ce que c'est et je n'en veux pas.</p> + +<h4>CONFIDENT</h4> + +<p>Qui peut nous expliquer les propriétés du liquide +qu'on joint à l'huile dans la salade?--Le cornichon, +parce qu'il est <i>confit dans</i> du vinaigre.</p> + +<h4>CONFIRE</h4> + +<p>La différence qu'il y a entre un mari et un cornichon, +c'est que le premier se confie en sa moitié, et +l'autre se confit en son entier.</p> + +<h4>CONFRÈRE</h4> + +<p>Un médecin, ayant un cheval malade, fit appeler +un maréchal. Celui-ci ayant guéri le cheval, le médecin +lui dit:--Mon ami, qu'est-ce que je vous dois?--Rien, +répondit le maréchal: je ne prends jamais rien +à mes confrères.</p> + +<h4>CONNAÎTRE</h4> + +<p>L'évêque de Québec, au commencement de sa mission, +s'était perdu au Canada. Ceux qui étaient à sa +recherche rencontrèrent une troupe de sauvages auxquels +ils demandèrent s'ils connaissaient cet évêque.--Si +je le connais! répondit l'un d'eux, j'en ai +mangé.</p> + +<p>On disait d'une femme qui s'évanouissait:--Elle +se trouve mal. Un farceur répondit:--C'est qu'elle se +connaît.</p> + +<h4>CONSEIL</h4> + +<p>Louis XI disait ordinairement que tout son conseil +était dans sa tête, parce qu'il ne consultait personne. +L'amiral de Brézé, le voyant monter sur un bidet très-faible, +dit:--Il faut que ce cheval soit plus fort qu'il +ne paraît, puisqu'il porte le roi et son conseil.</p> + +<p>Quand on eut posé la statue de Louis XV sur des +grues, afin de l'élever à la place dite aujourd'hui de la +Concorde, un mauvais plaisant dit:--Le voilà au +milieu de son conseil!</p> + +<h4>CONSIDÉRER</h4> + +<p>On donne souvent à ce mot des sens qu'il n'a pas +trop. Une dame de moeurs légères, sur qui un étranger +arrêtait ses regards avec persistance, lui dit:--Pourquoi, +Monsieur, me considérez-vous ainsi?--Madame, +répondit l'autre, assez peu galamment, je vous regarde, +mais je ne vous considère pas.</p> + +<p>Voyez <span class="sc">Regarder</span>.</p> + +<h4>CONVENTION</h4> + +<p>Un savant disait qu'il n'aimait pas qu'on l'appelât +citoyen, parce que c'est un style de convention qui +ne convient pas à tout le monde.</p> + +<h4>CONVOIS</h4> + +<p>On présentait comme un parti convenable à une +demoiselle un jeune employé d'administration militaire. +Il ne plut pas. La demoiselle lui demanda ce +qu'il faisait.--Je suis dans les convois, Mademoiselle.--Oh! +l'horreur!--Militaires, Mademoiselle!--Ou +civils, peu importe! repassez quand je serai morte.</p> + +<h4>COQ-À-L'ÂNE</h4> + +<p>Ménage dit que Marot a inventé l'expression coq-à-l'âne, +en donnant ce titre à une de ses épîtres. D'autres +prétendent que ce mot vient d'une vieille fable où l'on +introduisait un coq raisonnant avec un âne. Comme +cette fiction n'avait pas le sens commun, on a donné +le nom de coq-à-l'âne à tous les raisonnements aussi +absurdes.</p> + +<p>Une personne regardant le portail des Feuillants de +la rue Saint-Honoré, à Paris, et entendant dire qu'il +était de l'ordre corinthien: «Je croyais, dit-elle, qu'il +était de l'ordre de Saint-Bernard.»</p> + +<p>Un homme très-crédule disait qu'il n'avait pas de +confiance dans la vaccine. «À quoi sert-elle, ajoute-t-il, +je connais un enfant, beau comme le jour, que +sa famille avait fait vacciner... eh bien! il est mort +deux jours après...--Comment! deux jours après?...--Oui... +il est tombé du haut d'un arbre, et s'est tué +roide... Faites donc vacciner vos enfants, après cela!»</p> + +<p>On a dit que le char funèbre, genre antique, qui +avait transporté Louis XVIII à Saint-Denis, était le +même qui avait traîné la liberté au Champ de Mars, +la déesse Raison à Notre-Dame et Voltaire au Panthéon; +mais les draperies, selon la circonstance, en +déguisaient la carcasse. Quoi qu'il en soit, lorsque le +char, qui avait emporté le cercueil royal, revint à sa +remise rue Bergère, chargé de toutes les décorations +mortuaires entassées pèle-mêle, on lisait dessus, en +grosses lettres: <i>Service des menus plaisirs du roi</i>.</p> + +<p>Louis XV allant à Choisy, M. de Nédonchelles, officier +des gardes du corps, anglomane décidé, galopait +à l'une des portières de la voiture; et, comme il avait +plu beaucoup, à tout moment il éclaboussait le roi, +qui avait baissé la glace.--Nédonchelles, lui cria le +roi, vous me crottez!--Oui, Sire, répondit l'officier, +à l'anglaise. On devine que Nédonchelles avait entendu: +Vous trottez. Louis XV, ne saisissant pas la +méprise, leva la glace de mauvaise humeur, et dit à +ceux qui l'accompagnaient: «Parbleu! voilà un trait +d'anglomanie qui est un peu fort!»</p> + +<p>Frédéric le Grand avait coutume, toutes les fois +qu'un nouveau soldat paraissait au nombre de ses +gardes, de lui faire ces trois questions: «Quel âge +avez-vous? Depuis combien de temps êtes-vous à mon +service? Recevez-vous votre paye et votre habillement +comme vous le désirez?»</p> + +<p>Un jeune Français désira entrer dans la compagnie +des gardes. Sa figure le fit accepter sur-le-champ; +mais il n'entendait pas l'allemand. Son capitaine le +prévint que le roi le questionnerait dès qu'il le verrait, +et lui recommanda d'apprendre par coeur, dans cette +langue, les trois réponses qu'il aurait à faire. Il les +sut bientôt, et le lendemain Frédéric vint à lui pour +l'interroger; mais il commença par la seconde question +et lui demanda: «Combien y a-t-il que vous +êtes à mon service?--Vingt-un ans, répondit le soldat.» +Le roi, frappé de sa jeunesse qui ne laissait pas +présumer qu'il eût porté le mousquet si longtemps, +lui dit d'un air de surprise: «Quel âge avez-vous?--Un +an, sous le bon plaisir de Votre Majesté.» Frédéric, +encore plus étonné, s'écria: «Vous ou moi avons +perdu l'esprit.» Le soldat, qui prit ces mots pour la +dernière question, répliqua avec fermeté: «L'un et +l'autre, n'en déplaise à Votre Majesté.--Voilà, dit +Frédéric, la première fois que je me suis vu traiter +de fou à la tête de mon armée.»</p> + +<p>Le soldat, qui avait épuisé sa provision d'allemand, +garda pour lors le silence; et quand le roi, se retournant +vers lui, le questionna de nouveau pour pénétrer +ce mystère, il lui dit en français qu'il ne comprenait +pas un mot d'allemand. Frédéric, s'étant mis à rire, +lui conseilla d'apprendre la langue qu'on parlait dans +ses États, et l'exhorta d'un air de bonté à bien faire +son devoir.</p> + +<p>Pièce copiée sur l'original affiché à Pontarlier.</p> + +<p>1º Il est défendu d'extraire de la pierre, du sable, +des carrières du territoire de la commune sans avoir +prévenu les autorités, surtout de la marne, les étrangers +n'y sont pas admis.</p> + +<p>2º Les cabaretiers qui donneront à boire le dimanche +sont prévenus qu'on leur dressera procès-verbal +pendant les offices, surtout de la messe, qu'il +est défendu d'y aller.</p> + +<p>3º Il est défendu de conduire le bétail sur le communal +joignant le pic des avoines, ni avec des brebis, +chèvres ou autres, malgré qu'ils seraient conduits +par des personnes raisonnables, qui ne doivent pas +être pâturés.</p> + +<p>4º Dimanche, à l'issue de vêpres, il sera procédé à +l'adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur +des boues du village, en présence du maire, qu'on devra +racler proprement, assisté de deux membres du conseil, +provenant des égouts de la ville. Les articles sus-dits, +regardent aussi tous les habitants de tous les +sexes, qui devront être exécutés.</p> + +<p>Les habitants sont prévenus que, lundi prochain, +on échenillera deux personnes par maison, le curé +excepté.</p> + +<p><i>Le maire</i> <span class="sc">Colas</span>.</p> + +<p>Le 5 mars 1846.</p> + +<p>L'abbé Cherrier, censeur royal au commencement de +la régence, publia un volume de plaisanteries, qu'on +retrouve pour la plupart dans diverses compilations +connues. Nous en extrairons ici le seul morceau qui +soit un peu rare. C'est un singulier faisceau d'équivoques.</p> + +<p class="mid">HISTOIRE DE L'HOMME INCONNU</p> + +<p>Je prie qu'on ne juge pas mon style avec la rigueur +(<i>du grand hiver</i>). S'il est un peu plat (<i>de terre</i>) et simple +(<i>du jardin du roi</i>), vous n'en apprendrez pas moins +que mon héros avait un corps (<i>de garde</i>), une tête +(<i>d'épingle</i>), un cou (<i>de tonnerre</i>), des bras (<i>de mer</i>), un +cul (<i>de sac</i>), une haleine (<i>de savetier</i>), une âme (<i>de +soufflet</i>). On lui acheta une charge (<i>de cotterets</i>) qui +le mit dans belle passe (<i>de billard</i>). Il parlait en fort +bons termes (<i>de Pâques ou de la Saint-Jean</i>); il était +fort bien vêtu, ayant de belles chemises de toile (<i>d'araignée</i>), +un magnifique rabat (<i>joie</i>) de point (<i>du jour</i>), +une jolie culotte (<i>de boeuf</i>). Sa maison était bâtie de +pierres (<i>philosophales</i>), soutenue de piliers (<i>de cabaret</i>); +on y entrait par deux cours (<i>de chimie</i>), d'où en +montant vingt-cinq degrés (<i>de chaleur</i>) on se trouvait +dans une grande chambre (<i>de justice</i>), qui donnait +entrée dans douze pièces (<i>de Molière</i>), toutes ornées de +colonnes (<i>de chiffres</i>).</p> + +<p>L'homme inconnu se faisait servir dans chacune (<i>à +spectacle</i>) tour à tour une fricassée de coq-(<i>à-l'âne</i>), +avec deux entrées (<i>de ballets</i>) et deux poulets (<i>d'amants</i>). +Son dessert était composé d'une compote de +coins (<i>de rue</i>), d'un pot de gelée (<i>de novembre</i>), de +marrons (<i>d'artifice</i>) et d'amendes (<i>honorables</i>).</p> + +<p>Après le repas, il courait à la chasse, suivi d'une +meute de chiens (<i>dent</i>), de quatre valets (<i>de pique</i>), et +de deux pages (<i>de livre</i>), montés sur des chevaux (<i>de +frise</i>), portant des lacs (<i>d'amour</i>) et des filets (<i>de canard</i>).</p> + +<p>Comme ce rare personnage avait souvent des tranchées +(<i>de ville assiégée</i>), on lui ordonna la diète (<i>de +Ratisbonne</i>).</p> + +<p>Ayant perdu sa femme, il voyagea et mourut d'une +chute (<i>d'eau</i>).</p> + +<p>Voici une autre plaisanterie de même genre:</p> + +<p>Mademoiselle Esprit d'Alambic avait une très-belle +tête à papillotes, une de ces figures de géométrie qui +promettent; quoique demoiselle, elle avait un superbe +port de mer (<i>mère</i>); elle portait le fronteau (<i>front +haut</i>); elle avait un oeil de boeuf, un oeil de bouillon +gras, un négrillon (<i>nez grillon</i>) charmant, une bouche +de canon dans laquelle étaient des dents de loup et +une langue de vipère, la laine (<i>l'haleine</i>) d'un mérinos, +une oreille de veau frite au sec, une oreille de +Midas, un couvert (<i>cou vert</i>), mais il était d'étain (<i>dé</i><i>teint</i>), +les pôles (<i>l'épaule</i>) du monde, un bras de fauteuil, +un bras dessus bras dessous, une main morte, +un doigt de gaieté, un pouce de terre, un point +(<i>poing</i>) d'Angleterre, un poignet à jour, un cou-de-pied, +des côtes de fer, une anche (<i>hanche</i>) de basson, +une anche oie: on voyait toujours avec un plaisir nouveau +sa jambe de cerf, sa cheville ouvrière, son pied +de table, son pied de grue, son talon de passe-port; +elle joignait à tous ces avantages celui d'une éloquence +rare, et l'on ne pouvait résister aux coups que portait +sa patte étique (<i>pathétique</i>); quoique d'une chair +fraîche, elle avait une teinte violette qui lui rendait la +polaque (<i>peau laque</i>); c'était cependant une police +(<i>peau lisse</i>), car elle n'avait pas de chagrin, et elle pouvait +se vanter en tout temps d'avoir le cornet (<i>corps +net</i>).</p> + +<p>Ce qui suit est encore dans le même genre:</p> + +<p class="mid">LES AVENTURES DU COURTISAN GROTESQUE.</p> + +<p>Le courtisan sortit un jour d'un palais (<i>de boeuf</i>) +habillé de vert (<i>de gris</i>), parfumé (<i>comme un jambon</i>) +d'odeur (<i>de sainteté</i>), et enveloppé d'un manteau (<i>de +cheminée</i>). Il rencontre une dame (<i>d'échecs</i>) parée d'une +belle robe (<i>d'avocat</i>), d'une fine fraise (<i>de veau</i>) et +d'une riche côte (<i>de melon</i>), bordée d'un filet (<i>de vinaigre</i>).</p> + +<p>Ah! ma reine, s'écria-t-il, jetez les yeux sur mon +coeur (<i>d'opéra</i>). Voyez les mille morts (<i>de bride</i>) que +vos dédains me font souffrir. Par pitié, accordez-moi +(<i>comme une guitare</i>) un don (<i>prieur</i>). Laissez-moi +jouir à vos pieds (<i>destal</i>) de mon ravissement (<i>de Proserpine</i>). +Vous balancez (<i>sur la corde</i>). Ah! belle dame, +ne craignez pas que je change jamais (<i>mon argent +blanc</i>). Je suis à vous pour la vie (<i>de parents</i>), j'en +fais à l'amour le plus doux des voeux (<i>de chasteté</i>).</p> + +<p>La dame (<i>d'échecs</i>), flattée des transports (<i>de marchandises</i>) +du courtisan, ne put retenir quelques souris +(<i>de mon grenier</i>), et quelques coups d'oeil en dessous +(<i>main</i>). Celui-ci, enhardi par cette faveur (<i>de filoselle +blanche</i>) appelle la dame sa lumière (<i>de canon</i>), son âme +(<i>de violon</i>), l'attire sur un banc (<i>de mariage</i>), et la +conjure d'apaiser la violence du feu (<i>son père</i>) qui le +consume. La bonne dame (<i>d'échecs</i>) se laisse émouvoir +par ses larmes (<i>de sapin</i>), et le suit dans un lieu +(<i>privé</i>) où l'on voyait de longues allées d'arbres +(<i>généalogiques</i>), qui, enlaçant leurs branches (<i>collatérales</i>), +donnaient beaucoup d'ombre (<i>des Champs-Élysées</i>). +Les parterres étaient émaillés de fleurs (<i>de +rhétorique</i>). On y respirait un air doux (<i>de clavecin</i>), +et l'on se reposait sous de riants berceaux (<i>d'enfants</i>), +impénétrables aux chaleurs (<i>de poitrine</i>) et rafraîchis +par plusieurs bassins (<i>de barbiers</i>).</p> + +<p>Ce lieu charmant aiguisait l'appétit le plus malade. +Le courtisan y fit dresser une table (<i>de la loi</i>) et servir +un coq (<i>de clocher</i>), entre deux entrées (<i>aux barrières</i>) +suivi d'un friand dessert, où l'on remarquait de belles +poires (<i>d'angoisses</i>) et d'excellentes pêches (<i>de marée</i>). +La dame fit honneur à cette collation (<i>de bénéfice</i>). +Pour le courtisan, il mangea peu, babilla beaucoup, +conta (<i>par livres, sous et deniers</i>) toutes ses bonnes +fortunes (<i>du pot</i>), reconduisit ensuite chez elle sa +nouvelle conquête (<i>de l'Amérique</i>), et se retira (<i>comme +un parchemin</i>).</p> + +<p>Le lendemain, il prend un peu d'encre (<i>de navire</i>), +taille quelques plumes (<i>d'oreiller</i>), fait des vers (<i>à +soie</i>) les plus galants du monde, et vite en charge un +courrier (<i>de Rome</i>), qui met ses bottes (<i>de foin</i>), monte +sur le cheval (<i>de Troie</i>), galope, ou plutôt vole (<i>une +tabatière</i>) chez la dame (<i>d'échecs</i>) et rapporte aussitôt +à l'amoureux sa réponse (<i>en salade</i>).</p> + +<p>Il le trouve couché dans un lit (<i>de rivière</i>), suant, se +débattant et ravi en extaxe jusqu'au ciel (<i>du lit</i>). Un +bel esprit (<i>du cimetière</i>) cherchait en vain à le distraire +de ses pensées (<i>odoriférantes</i>). Notre amoureux n'écouta +point (<i>et virgule</i>) ce qu'il disait. Il lut la lettre +(<i>dominicale</i>) que venait de lui remettre le courrier; et +enchanté il prend les plus beaux habits de son coffre +(<i>fort</i>) et va tout droit (<i>romain</i>) chez sa mie (<i>de pain +mollet</i>).</p> + +<p>Cependant, un ancien amoureux de la belle se livre +à la jalousie (<i>d'une fenêtre</i>), et ne pouvant souffrir +que la dame (<i>d'échecs</i>) soit possédée (<i>du démon</i>) par +un autre que lui, il envoie au courtisan un appel +(<i>comme d'abus</i>). Les deux rivaux se trouvent sur le +champ (<i>des rossignols</i>), viennent aux prises (<i>de rhubarbe</i>), +se portent tour à tour plusieurs coups (<i>de vin</i>), +frappent de pointe (<i>des cheveux</i>), de revers (<i>de médaille</i>), +enfin, après un long combat (<i>des passions</i>), le +courtisan allonge à son rival une terrible botte (<i>molle</i>); +il le blesse; le fait porter chez un esculape pour le faire +panser (<i>à ses affaires</i>), revient triomphant sur un +char (<i>de fumier</i>) et se jette aux genoux de sa bonne +dame (<i>d'échecs</i>) qui le reçoit à bras ouverts (<i>par trois +cautères</i>) et lui accorde sa main (<i>de papier</i>), après lui +avoir donné quelques jours (<i>de vigile et jeûne</i>) pour +se remettre.</p> + +<p>Quand les noces furent faites, on mit l'épousée dans +une couche (<i>de citrouilles</i>) bien mollement garnie de +plumes (<i>d'écritoire</i>), puis l'on dansa autour (<i>d'un couvent +grillé</i>) au son (<i>de la farine</i>) que rendaient mille +instruments (<i>de mathématiques</i>).</p> + +<p>Nos époux donnèrent de grandes fêtes (<i>mobiles</i>), se +divertirent pendant quelques mois avec leurs connaissances +(<i>littéraires</i>), visitèrent ensuite leur château +(<i>en Espagne</i>), leurs terres (<i>australes</i>), leurs champs +(<i>de bataille</i>), et ayant tiré de leurs fermiers différentes +sommes (<i>de saint Thomas</i>), ils parurent à la +cour (<i>tille</i>). Le mari acheta un office (<i>des morts</i>), devint +officier (<i>d'office</i>), et par ses grands talents (<i>d'or</i>), +fut bientôt général (<i>des capucins</i>); il fit alors de +fameux exploits (<i>de sergent</i>), de belles actions (<i>de +grâces</i>) dont il fut loué (<i>à dix sous par jour</i>) et eut la +gloire de mourir dans une grande journée (<i>d'été</i>), +laissant toute la terre dans la douleur (<i>de l'enfantement</i>).</p> + +<p>On lui fit cet épitaphe:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Ci-gît un courtisan grotesque</p> +<p class="i20">Un fantôme godeluresque;</p> +<p class="i20">Fils du mensonge décevant:</p> +<p class="i20">Il vécut sans corps et sans âme.</p> +<p class="i20">Passant, regarde sous sa lame,</p> +<p class="i20">Tu n'y trouveras que du vent.</p> +</div></div> + +<h4>COQUELICOT</h4> + +<p>Le mot coq doit se prononcer coque et non pas co, +excepté dans coq d'Inde, qui se prononce codinde. +Cependant, un provincial, tenant à l'usage de sa province, +enseignait la prononciation de cette manière à +son fils qui le consultait:</p> + +<p>Écris <i>coq, lis co</i>.</p> + +<h4>CORBEAU</h4> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Tout alla bien, quand Talma prit Racine</p> +<p class="i20">Et dans Corneille il était encor beau.</p> +<p class="i20">Mais Manlius prépara sa ruine;</p> +<p class="i20">Et dans La Fosse il trouva son tombeau.</p> +</div></div> + +<h4>CORDE</h4> + +<p>Tout va bien, disait un représentant sous Louis-Philippe; +j'ai mérité la croix et les ministres <i>l'accordent</i>.</p> + +<h4>CORPS</h4> + +<p>Un musicien, qui jouait des fanfares à la Moskowa, +fut attaqué par un Russe, qui lui passa son sabre dans +le cor, sans lui faire aucun mal.</p> + +<h4>COSSES</h4> + +<p>Les faiseurs de calembours disent que la patrie des +poids, c'est l'Écosse.</p> + +<h4>COTON</h4> + +<p>Le Père Cotton, jésuite, était le confesseur de +Henri IV; il avait, par son dévouement, pris un certain +ascendant sur ce monarque, ce qui donna lieu à cette +pointe des protestants: Henri est assez bon prince, +c'est dommage qu'il ait du <i>coton</i> dans les oreilles.</p> + +<h4>COU</h4> + +<p>On s'étonnait de l'effronterie d'un filou en guenilles, +portant une magnifique cravate, qu'il venait de voler.--Quelqu'un +dit: il l'a mise pour cacher son <i>coup</i>.</p> + +<h4>COUCHE</h4> + +<p>Le marquis de Bièvre dînant chez le financier Beaujon, +on servit un melon auquel les convives reprochèrent +ses pâles couleurs: «C'est qu'il relève de +couche,» dit le marquis.</p> + +<h4>COUPS</h4> + +<p>Ce mot a beaucoup de sens, qui sont ingénieusement +passés en revue dans cette chanson de Désaugiers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Tout homme ici bas a sa part</p> +<p class="i20">Des coups qui menacent la vie;</p> +<p class="i20">Le joueur craint ceux du hasard,</p> +<p class="i20">Le riche craint ceux de l'envie.</p> +<p class="i20">L'ennemi craint ceux du canon,</p> +<p class="i20">Le poltron craint les coups de canne;</p> +<p class="i20">Et l'homme à talents est, dit-on,</p> +<p class="i20">Sujet au coup de pied de l'âne.</p> +<br> +<p class="i20">Un coup de tête, bien souvent,</p> +<p class="i20">Aux jeunes gens devient funeste.</p> +<p class="i20">Un coup de langue est du méchant</p> +<p class="i20">L'arme qu'à bon droit on déteste.</p> +<p class="i20">L'espérance du laboureur</p> +<p class="i20">Par un coup de vent est trompée.</p> +<p class="i20">Un coup de patte à son auteur</p> +<p class="i20">Par fois attire un coup d'épée.</p> +<br> +<p class="i20">Tous fiers de leurs nouveaux succès,</p> +<p class="i20">Nos riches, étonnés de l'être,</p> +<p class="i20">Se vantent que leurs coups d'essais</p> +<p class="i20">Ont été de vrais coups de maître.</p> +<p class="i20">Un coup de théâtre mal fait</p> +<p class="i20">Indispose tout un parterre,</p> +<p class="i20">Et l'auteur, au coup de sifflet,</p> +<p class="i20">Est frappé d'un coup de tonnerre.</p> +<br> +<p class="i20">Chers amis, comme en vous chantant</p> +<p class="i20">Coup sur coup trois couplets, je tremble</p> +<p class="i20">D'avoir perdu les coups de dents,</p> +<p class="i20">Buvons au moins un coup ensemble.</p> +<p class="i20">Si de ma chanson sur les coups</p> +<p class="i20">L'assommante longueur vous lasse,</p> +<p class="i20">Je consens, par pitié pour vous,</p> +<p class="i20">A vous donner le coup de grâce.</p> +</div></div> + +<h4>COURBE</h4> + +<p>À propos des fêtes que l'on fit à Lons-le-Saulnier +pour l'inauguration de la statue du général Lecourbe, +la <i>Sentinelle du Jura</i> a remis en lumière un quatrain +composé à l'époque où, avec 9,000 hommes, ce général +parvint à faire 35,000 prisonniers et à arrêter court +au pied des Alpes les armées russes qui s'avançaient +à grands pas pour envahir le territoire de la République.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Par trop d'emportement sujet à se méprendre,</p> +<p class="i16">Suwarow vers Paris prenait son chemin droit,</p> +<p class="i16">Quand, battu près Glaris, chacun dans cet endroit</p> +<p class="i16">Lui dit: C'était <i>le courbe</i>, ami, qu'il fallait prendre.</p> +</div></div> + +<h4>COURTE-POINTE</h4> + +<p>On prétendit, en 1780, que le marquis de Bièvre +étant entré un jour d'été chez le roi, le prince lui dit: +«Marquis de Bièvre, faites-nous une pointe qui soit +bonne et courte.» Le marquis répondit: «Sire, il +fait trop chaud pour se charger de courtes-pointes.»</p> + +<h4>COUVERT DE BOIS</h4> + +<p>Quand est-ce que le dos d'un bûcheron est propre +à retourner la salade?</p> + +<p>--Quand il est <i>couvert de bois</i>.</p> + +<h4>COUVERTS D'ÉTAIN</h4> + +<p>M. F. disait l'autre jour à M. G. S.-H.: Quels sont +les animaux qui savent se procurer des fourchettes et +des cuillers?</p> + +<p>--Ni vu ni connu.</p> + +<p>--Ce sont les lapins quand ils sont à jeun, parce +qu'ils cherchent partout jusqu'à ce qu'ils aient <i>découvert +des thyms</i>.</p> + +<h4>COUVERTURES</h4> + +<p>On a donné ce conseil à un frileux: «Vous louez +un appartement dans lequel se trouve une pièce ayant +deux fenêtres et trois portes; vous les ouvrez toutes +et vous avez cinq ouvertures.»</p> + +<h4>CRACHAT</h4> + +<p>Ce mot a de très-singulières applications. Elles sont +employées dans un quatrain publié à l'entrée de 1789, +sous le titre de <i>prophétie de Nostradamus</i>:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> En quatre-vingt-neuf, grand combat.</p> +<p class="i16">Les Gaulois s'armeront les uns contre les autres.</p> +<p class="i16">Le seigneur d'Orléans y perdra son crachat;</p> +<p class="i20"> Mais il sera couvert des nôtres.</p> +</div></div> + +<h4>CROIRE</h4> + +<p>Un demi-savant disait, dans un salon:--Je ne +crois que ce que je comprends.--Comprenez-vous, lui +objecta le père Lacordaire, comment le feu fait fondre +le beurre et durcir les oeufs?--Non, je ne le comprends +pas.--Cependant, vous croyez à l'omelette.</p> + +<h4>CROISÉS</h4> + +<p>Un jeune homme cherchait à établir qu'un de ses +aïeux s'était croisé du temps de saint Louis.--C'est +vrai, dit un de ses amis; il s'est même croisé deux +fois. La première fois, il s'est croisé les bras; la seconde +fois il s'est croisé les jambes.</p> + +<p>Un farceur demandait à quoi auraient ressemblé +Tancrède et Godefroid de Bouillon s'ils eussent pris +du tabac. On lui répondit:--à des croisés à tabatières.</p> + +<h4>CROIX</h4> + +<p>On avait donné à deux enfants un biscuit. C'était +au seizième siècle.</p> + +<p>--Jouons-le à croix ou pile, dit le premier. Il tira +un doublon et le jeta en disant:--Moi, je prends la +croix.--Et moi, dit le second, je prends le biscuit,--et +il le mangea.</p> + +<h4>CRUCHES</h4> + +<p>Rien de plus singulier, disait M. de Maurepas, alors +ministre, que la manière dont se tient le conseil chez +quelques nations nègres; représentez-vous une salle +d'assemblée où sont placées une douzaine de grandes +cruches remplies d'eau: c'est là que, nus, et d'un pas +grave, se rendent une douzaine de conseillers d'État. +Arrivés dans cette chambre chacun saute dans sa +cruche, s'y enfonce jusqu'au cou, et c'est dans cette +posture qu'on délibère sur les affaires d'État.</p> + +<p>Mais quoi! vous ne riez pas, ajouta Maurepas en se +tournant vers le prince de Ligne, son voisin.</p> + +<p>--C'est, répondit-il, que j'ai vu quelquefois une +chose plus plaisante encore.</p> + +<p>--Et quoi donc, s'il vous plaît?</p> + +<p>--C'est un pays où les cruches seules tiennent conseil.</p> + +<p>Dans les farces qu'il faisait, F... n'était pas toujours +heureux. Il se présenta un jour plus que gris +à la barrière, et dit au commis de l'octroi:--Je passe +du vin que vous ne me ferez pas payer.</p> + +<p>--Monsieur, répondit un des employés, le vin en +cruche ne paye pas.</p> + +<h4>CUBES</h4> + +<p>M. Pouillet disait l'autre jour à M. Cauchy: Quel +est le personnage grec qui aimait le mieux la géométrie?</p> + +<p>--Je ne sais pas, répondit M. Cauchy, et pourtant +je voudrais bien le savoir.</p> + +<p>--Eh bien... c'est Priam!</p> + +<p>--Et pourquoi.</p> + +<p>--Parce qu'il était amoureux d'Hécube (<i>des cubes</i>).</p> + +<h4>CUIR</h4> + +<p>Comment feriez-vous des bottes avec une pomme? +Je la ferais cuire.</p> + +<h4>CYRUS</h4> + +<p>On annonçait chez un libraire les voyages de Cyrus; +tous les Russes qui en entendaient parler achetaient +ce livre, croyant que c'étaient les voyages de +six de leurs compatriotes.</p> +<br> +<h2>D</h2> + +<h4>DATTES</h4> + +<p>Un Anglais, qui aimait beaucoup les dattes, grognait +contre les épiciers qui les lui vendaient souvent avariées. +En passant sur le quai des Augustins, il lut à la +fenêtre d'un libraire l'étiquette d'un in-folio. C'était +le savant travail des Bénédictins intitulé: l'<i>Art de +vérifier les dates</i>.--Voilà mon affaire, dit-il. Il acheta +le livre, l'emporta, et grogna de nouveau en n'y trouvant +que les dates historiques qui l'occupaient moins +que les dattes du dattier.</p> + +<h4>DÉCRET</h4> + +<p>Un savant prétend que les mots décret et décréter ont +été inventés par Minos roi et législateur de la Crète.</p> + +<h4>DEDANS</h4> + +<p>On disait d'un merveilleux, qui avait perdu ses +dents et qui se pavanait comme un autre, que quand +il se présentait devant un miroir, il ne se voyait +jamais <i>de dents</i>.</p> + +<p>Un autre se plaignait d'avoir un mal de dents qu'il +ne pouvait pas mettre dehors.</p> + +<h4>DÉGOÛTER</h4> + +<p>Pourquoi se plaint-on des jours pluvieux?--Parce +qu'on <i>sent des gouttes</i>.</p> + +<h4>DÉMOCRATE</h4> + +<p>Épigramme.--Anagramme. 1799.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Ces jours passés, un fougueux démocrate,</p> +<p class="i16">Que l'anagramme en tout temps transporta.</p> +<p class="i20"> Du vilain mot aristocrate</p> +<p class="i20"> Avec labeur <i>iscariote</i> ôta.</p> +<p class="i16">Un gros monsieur, habillé d'écarlate,</p> +<p class="i16">Dit en courroux: Quel butor est-ce là?</p> +<p class="i16">J'ai trouvé bien mieux que cela;</p> +<p class="i16">On en conviendra, je m'en flatte;</p> +<p class="i20"> Car sans tricher d'un iota,</p> +<p class="i20"> Démocrate <i>me décrota</i>.</p> +</div></div> + +<h4>DÉROBÉ</h4> + +<p>Le financier La Noue montrait une magnifique +maison qu'il venait de faire bâtir, à un seigneur qui +savait bien qu'en penser. Après lui avoir fait parcourir +plusieurs beaux appartements:--Admirez, lui dit-il +cet escalier dérobé.--Le visiteur repartit:--Il est +comme le reste de la maison.</p> + +<h4>DÉSASTRE</h4> + +<p>Dans les derniers jours du Directoire, on trouva un +matin, sur la porte du Luxembourg, un magnifique +soleil fraîchement peint, et portant au milieu de ses +rayons ce seul mot: <i>la République</i>. Les Parisiens +comprirent le rébus, et tout le monde le lisait. (La +République dans le plus grand des astres.)</p> + +<h4>DESCARTES</h4> + +<p>Le marquis de Saint-Aulaire, qui, à la fin du +XVIIe siècle, fit les délices de la cour de la duchesse +du Maine, fut prié un jour par cette princesse de lui +expliquer le système de Newton. La sachant zélée +cartésienne, le spirituel marquis éluda la question en +improvisant ce petit couplet sur l'air <i>des fraises</i>:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i14">Princesse, détachons-nous</p> +<p class="i14">De Newton, de Descartes;</p> +<p class="i14">Ces deux espèces de fous</p> +<p class="i14">N'ont jamais vu le dessous</p> +<p class="i20"> Des cartes,</p> +<p class="i20"> Des cartes,</p> +<p class="i20"> Des cartes.</p> +</div></div> + +<h4>DÉTESTABLE</h4> + +<p>On s'est réjoui beaucoup en 1858 d'avoir une si +grande suite de jours d'été stables.</p> + +<h4>DÉTRESSE</h4> + +<p>Plaignez les coiffeurs parce qu'ils vivent souvent +avec <i>des tresses</i>.</p> + +<h4>DEUX</h4> + +<p>L'abbé Morellet disait: «Il faut être deux pour +manger une dinde truffée; je ne fais jamais autrement. +J'en ai une aujourd'hui, nous serons deux,--la +dinde et moi.»</p> + +<p>Madame Denys était fort laide. Comme elle était +encore au lit avec son mari, qu'elle avait épousé après +la mort de Voltaire, on introduisit dans sa chambre +un paysan qui lui apportait de l'argent.</p> + +<p>À la vue de ces deux têtes il ne sut à qui s'adresser.--Messieurs, +leur dit-il, lequel de vous deux est madame?»</p> + +<h4>DEVANT</h4> + +<p>Le comte de Lauraguais, ruiné, n'avait plus que +mille écus de rente, et il donnait trois mille livres +à son coureur.--J'ai trouvé le moyen, disait-il, +d'avoir toujours une année de mes revenus devant +moi.</p> + +<p>On raconte autrement la même chose:</p> + +<p>Bien jeune, le vicomte de Choiseul s'était fait remarquer +par une réponse à Louis XV. Ce monarque lui +reprochant un jour des prodigalités qui le menaçaient +d'une ruine certaine, il lui répondit: «Sire, on m'a +calomnié auprès de votre Majesté, car j'ai toujours une +année de mon revenu devant moi.» Le vicomte disait +vrai, il ne lui restait plus que douze mille livres de +rente, et la riche livrée de son coureur coûtait douze +mille francs.</p> + +<h4>DEVIN</h4> + +<p>Le marquis de Bièvre disait que l'esprit-de-vin était +nécessaire pour deviner un calembour.</p> + +<h4>DEVOIR</h4> + +<p>Une ville assez pauvre fit une dépense considérable +en fêtes et en illuminations au passage de son prince. +Il en parut lui-même étonné.--Elle n'a fait, dit un +courtisan flatteur, que ce qu'elle devait.--Cela est +vrai, répliqua un seigneur mieux intentionné, mais +elle doit tout ce qu'elle a fait.</p> + +<p>Un Florentin connu de Pogge avait besoin d'un cheval. +Il en trouva un qu'on voulut lui vendre vingt-cinq +ducats.--Je vous en donnerais quinze comptant, dit-il +au maquignon, et je serai votre débiteur du reste. +Le maquignon y consentit. Quelques jours après il +alla demander ses dix ducats.--Il faut, dit l'acheteur, +vous en tenir à nos conventions. Je vous ai dit que je +vous devrais le reste, et je ne vous le devrais plus si je +vous le payais.</p> + +<p>Un oncle gourmandant son neveu sur ses folles dépenses, +lui dit: «Tu fais des dettes partout, tu dois à +Dieu et à diable.--Précisément, mon oncle, reprit +le neveu, vous venez de citer les deux seuls êtres +auxquels je ne doive rien.»</p> + +<h4>DIFFÉRENCES</h4> + +<p>Madame la duchesse du Maine demanda un jour à +quelques gens de beaucoup d'esprit qui s'assemblaient +chez elle: «Quelle différence y a-t-il entre moi et une +pendule?» Ces messieurs se trouvaient fort embarrassés +pour la réponse, lorsque M. de Fontenelle entra. +La même question lui fut faite par la princesse. Il +répondit sur-le-champ: «La pendule marque les +heures, et votre altesse les fait oublier.»</p> + +<p>Sous ce titre de différences, les bonnes gens ont une +série d'énigmes, où le calembour et le jeu de mots se +présentent quelquefois:</p> + +<p>Quelle différence y a-t-il entre une femme et une +serrure?</p> + +<p>--Celle-ci, qu'une serrure est pleine de vis et une +femme pleine de vertus.</p> + +<p>Quelle différence y a-t-il entre un juge et une +échelle?</p> + +<p>--C'est qu'un juge fait lever la main et qu'une +échelle fait lever le pied.</p> + +<p>Quelle différence y a-t-il entre Alexandre le Grand +et un tonnelier?</p> + +<p>--C'est qu'Alexandre mit les Perses en pièces et +qu'un tonnelier met les pièces en perce.</p> + +<p>Quelle différence y a-t-il entre Louis XIV et un cuisinier?</p> + +<p>--Celle-ci, que Louis XIV était un potentat et qu'un +cuisinier est un tâte en pot.</p> + +<p>Quelle différence y a-t-il entre Frédéric II et son +meunier de Sans-Souci?</p> + +<p>--C'est que Frédéric II connaissait la tactique et +son meunier le tictac.</p> + +<h4>DIFFICULTÉS</h4> + +<p>Avant le 31 mai 1794, T... demandait à B... s'il n'y +avait aucuns moyens de rapprochement entre la Montagne +et les Girondins.--Aucun répond celui-ci; ces +gens-là ont des têtes trop difficiles.--Difficiles, répliqua +T... Eh bien! on tranchera les difficultés.</p> + +<h4>DIGÉRER</h4> + +<p>Montmaur, le célèbre parasite, disait d'un financier +chez qui tout le monde allait pour sa table et que l'on +trouvait très-ennuyeux: «On le mange, mais on ne +digère pas.»</p> + +<h4>DIMINUER</h4> + +<p>Que dit la miche quand on la coupe?--Elle diminue.</p> + +<h4>DINDON</h4> + +<p>Rossini avait fait un pari; je ne sais quel était le sujet +du pari; mais l'enjeu était une dinde truffée. Son adversaire +le perdit, et comme il ne se pressait pas de s'exécuter, +Rossini lui dit un jour: «Eh bien! mon cher, +à quand donc la dinde?» L'autre: «Les truffes ne +sont pas encore bonnes.--Allons donc, dit le maestro, +ce sont les dindons qui font courir ce bruit-là.»</p> + +<h4>DÎNER</h4> + +<p>Quand est-ce qu'un priseur prend le plus de tabac?--Quand +il a dix nez.</p> + +<h4>DONNER</h4> + +<p>Montesquieu disputait sur un fait avec un conseiller +du parlement de Bordeaux, qui avait de l'esprit, mais +la tête un peu chaude. Celui-ci, à la suite de plusieurs +raisonnements débités avec fougue, dit: M. le président, +si cela n'est pas comme je vous le dis, je vous +donne ma tête.--Je l'accepte, répondit froidement +Montesquieu, les petits présents entretiennent l'amitié.</p> + +<p>Le mot <i>donner</i> a beaucoup d'expressions singulières. +Un fossoyeur disait un jour:--Ça va mal; le mort ne +donne pas.</p> + +<p>Une vieille dame demandait à son voisin, dans un +salon:</p> + +<p>--Combien me donnez-vous d'années?</p> + +<p>--Vous en avez assez, Madame, répondit le voisin, +sans que je vous en donne encore.</p> + +<h4>DOS</h4> + +<p>Quelle différence y avait-il, avant la révolution, +entre la reine de France et son chat:--C'est que le +chat faisait le gros dos, et la reine le Dauphin.</p> + +<h4>DOUBLE SENS</h4> + +<p>On a fait plusieurs fois des vers qui ont un double +sens, lorsqu'on les lit dans l'idée de l'auteur. Nous n'en +citerons qu'un exemple. C'est le serment civique <i>à +double face</i> de 1792. Si on lit ces vers à pleine ligne +ils ont un sens, qui est démenti lorsqu'on les relit +à deux colonnes:</p> + +<pre> + À la nouvelle loi je veux être fidèle + Je renonce dans l'âme. au régime ancien. + Comme article de foi je crois la loi nouvelle + Je crois celle qu'on blâme. opposée à tout bien. + Dieu vous donne la paix messieurs les démocrates, + Noblesse désolée, au diable allez-vous-en, + Qu'il confonde à jamais tous les aristocrates + Messieurs de l'assemblée ont seuls le vrai bon sens. +</pre> + +<h4>DOUCEUR</h4> + +<p>Un complimenteur disait au salon de M. Thiers:--Une +heure passée ici est une douce heure.</p> + +<h4>DROIT</h4> + +<p>Quelqu'un ayant demandé à un homme qui avait +les jambes crochues, quel chemin il avait pris pour +venir de Londres.--Je suis venu tout droit, lui répondit-il.--En +ce cas, Monsieur, reprit l'autre, vous +avez furieusement changé dans la route.</p> + +<h4>DROMADAIRE</h4> + +<p>Il est mâle et femelle. Lorsque la République de 1848 +sollicita les assentiments de la province, les notables +républicains de Valence envoyèrent au gouvernement +provisoire cette adresse laconique: <i>la Drôme adhère</i>.</p> + +<h4>DUCIS</h4> + +<p>Deux bibliomanes jouant aux dominos, l'un demanda: +«As-tu du six?...--Ducis? répondit l'autre. +Non, mais mon libraire me l'apportera demain.</p> + +<p>Il se préoccupait de Ducis, le poëte.</p> +<br> +<h2>E</h2> + +<p>Les lettres les moins sémillantes sont les lettres +E B T. Un E est aussi la lettre qui porte le mieux les +lunettes.</p> + +<h4>EAU FINE</h4> + +<p>Quelle est la fontaine de Paris qui fournit l'eau la +plus délicate?</p> + +<p>--C'est la fontaine Dauphine.</p> + +<h4>ÉCHELLES</h4> + +<p>Un nouvelliste disait, dans un café de Paris, qu'il y +avait une arche du Pont-Euxin de tombée.--Cela est +si vrai, reprit un autre, que le Grand Seigneur a +ordonné qu'on prît les échelles du Levant pour la +rétablir.</p> + +<h4>ÉCHO</h4> + +<p>Quelques jeunes gens s'entretenaient d'un écho qui +avait fait plaisir dans la musique d'une pièce nouvelle. +A cette occasion, on se mit à parler d'échos qui rendaient +deux, trois, quatre et cinq syllabes. Chacun +citait, exagérait même, lorsqu'un Gascon qui n'avait +encore rien dit, s'écria:--Qué mé dites-vous là, mes +amis? Vive celui de mon pays! On lui dit:--Écho, +comment te portes-tu? Il répondit:--Jé mé porté bien. +Voilà un écho, céla.</p> + +<p class="mid">DIALOGUE ENTRE UN REPRÉSENTANT ET L'ÉCHO.</p> + +<pre> +Si je te parle, Écho, de toi serai-je ouï? Oui. +Qu'a-t-on dit que j'étais dans l'emploi de Solon? Long. +Eh! comment voulait-on que fussent mes discours? Courts. +On m'assure pourtant que je fus éloquent. Quand? +Que dit-on du <i>quantum</i> que l'on me fait toucher? Cher. +Penses-tu que je sois regretté du vulgaire? Guère. +Renaîtrai-je de l'urne ainsi que le phénix? Nix. +L'électeur, que dit-il? Je suis sur mon départ. Pars. +Je vais donc te quitter, ô nation française? Aise. +Voilà de mon mandat un bien triste examen! <i>Amen.</i> +</pre> + +<p class="mid">L'ÉCHO À UN MINISTRE DE LA DYNASTIE DE JUILLET.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i12">On dit que vous aimez la guerre;</p> +<p class="i20"> --Guère!</p> +<p class="i12">Que vous raffolez du canon;</p> +<p class="i20"> --Non!</p> +<p class="i12">Que, nuit et jour, et sans relâche,</p> +<p class="i20"> --Lâche,</p> +<p class="i12">À l'Anglais vous montrez le poing:</p> +<p class="i20"> --Point!</p> +<p class="i12">Que, ne voulant ni paix ni trêve,</p> +<p class="i20"> --Rêve!</p> +<p class="i12">Vous n'aspirez que le combat.</p> +<p class="i20"> --Bah!...</p> +<p class="i12">Pritchard, qui vous trouve admirable</p> +<p class="i20"> --Hable,</p> +<p class="i12">Et qui vous proclame charmant,</p> +<p class="i20"> --Ment,</p> +<p class="i12">Prétend que votre coeur escompte</p> +<p class="i20"> --Honte</p> +<p class="i12">Jusqu'à l'honneur évanoui;</p> +<p class="i20"> --Oui;</p> +<p class="i12">Que votre gloire est colossale</p> +<p class="i20"> --Sale,</p> +<p class="i12">Et qu'on bénira votre nom.</p> +<p class="i20"> --Non!!</p> +<br> +<p class="i20"><i>Capitaine</i> <span class="sc">Cléveland</span>.</p> +</div></div> + +<p class="mid">LES ÉCHOS DE LA MONTAGNE (1848).</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i14">Vous parlez ab hoc et ab hâc</p> +<p class="i20"> --Bac.</p> +<p class="i14">Vous ferez bien souvent, Chauffour,</p> +<p class="i20"> --Four.</p> +<p class="i14">Votre parole est, Laclodure,</p> +<p class="i20"> --Dure;</p> +<p class="i14">La vôtre n'est pas, Madesclaire,</p> +<p class="i20"> --Claire;</p> +<p class="i14">Que vos discours sont donc, Charras,</p> +<p class="i20"> --Ras;</p> +<p class="i14">Votre débit n'est pas, Cambon,</p> +<p class="i20"> --Bon:</p> +<p class="i14">Économisez notre argent,</p> +<p class="i20"> --Gent;</p> +<p class="i14">Parlez donc et votez, Crémieux,</p> +<p class="i20"> --Mieux.</p> +<p class="i14">Enfin, pour paraître moins gauche,</p> +<p class="i20"> --<i>Gauche</i>,</p> +<p class="i14">Faites surtout tous vos discours,</p> +<p class="i20"> --Courts.</p> +</div></div> + +<h4>ÉCLAIRER</h4> + +<p>Un ferblantier de Besançon, s'étant passionné pour +Voltaire à la lecture de ses ouvrages, désira ardemment +de le voir; il arrive à Ferney et demande à être +présenté au maître du château; les gens le refusent +durement; il insistait, lorsque le patriarche des philosophes, +qui avait vu arriver celui-ci à pied, mal vêtu, +enfin dans un équipage par trop philosophique, ouvre +sa fenêtre et lui demande brusquement:--Qui êtes-vous? +Que faites-vous? Le ferblantier répond fièrement:--Je +fais comme vous, j'éclaire le monde..., +je fais des lanternes.</p> + +<p>Cette plaisanterie lui valut, dit-on, un accueil favorable.</p> + +<h4>ÉCRIRE</h4> + +<p>Un savant, connu par un nasillement extraordinaire, +assistait à la lecture d'un ouvrage historique.--Cet +ouvrage est mal écrit, s'écria-t-il, un style prétentieux, +plein d'affectation! Il faut avant tout écrire comme +on parle.--C'est fort bien, dit un ami de l'auteur, +mais alors, vous qui parlez du nez, vous devez écrire +de même.</p> + +<p>L'abbé Alary fut reçu parmi les Quarante, quoiqu'il +n'eût publié aucun ouvrage. Lorsqu'il alla faire ses +visites, il laissa son billet chez un académicien de +qualité, qui était sorti et qui n'avait jamais entendu +parler de lui. En rentrant avec un de ses amis, l'académicien +trouva le billet, le lut, et dit, avec le ton de +la surprise:</p> + +<p>--L'abbé Alary! je ne le connais pas; qu'a-t-il +écrit?--Son nom, reprit l'autre.</p> + +<h4>EFFORT</h4> + +<p>Voyant un homme qui avait le nez très-gros, Odry +disait:--En faisant cet homme-là la nature a fait +<i>un nez fort</i>.</p> + +<h4>ÉGALITÉ</h4> + +<p>Il y a sur ce mot quelques couplets dans la chanson +du communisme, qui se chante sur l'air: <i>Ah! le bel +oiseau, maman.</i> Nous ne copions pas le refrain:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Pour être vraiment égaux,</p> +<p class="i20">Tous devront naître de même,</p> +<p class="i20">Ni plus forts, ni moins nigauds</p> +<p class="i20">Que les rêveurs du système.</p> +<br> +<p class="i20">L'esprit n'est plus bon à rien;</p> +<p class="i20">Nous l'abolissons d'avance!</p> +<p class="i20">Nous savons, on le voit bien,</p> +<p class="i20">Nous passer d'intelligence.</p> +<br> +<p class="i20">À quoi servent, ici-bas,</p> +<p class="i20">Les peintres et les poëtes?</p> +<p class="i20">Raphaël fera des bas</p> +<p class="i20">Et Corneille des chaussettes.</p> +</div></div> + +<h4>EMPLOI</h4> + +<p>Un capitaine qui avait été barbier, partant pour +aller au siége d'une ville, on lui dit:--Si l'on rase +cette ville, vous pourrez bien y avoir de l'emploi.</p> + +<h4>EMPORTER</h4> + +<p>Voici un proverbe:</p> + +<p>«Ne nous emportons pas, nous ne nous en porterons +que mieux.»</p> + +<h4>EN</h4> + +<p>Prête au calembour dans plusieurs circonstances. Un +riche bourgeois disait, dans une réunion:--On doit +du respect et des honneurs aux <i>gens en place</i>.--Je +suis dans ce cas-là, dit un jeune homme qu'on ne remarquait +pas, et je me contenterai d'un peu d'aide.</p> + +<p>--Dans quel cas êtes-vous?</p> + +<p>--Dans le cas assez triste des <i>gens sans place</i>.</p> + +<p>On a fait ce quatrain sans rime sur les bonnets de +juge:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">L'huissier s'en glorifie;</p> +<p class="i20">Le procureur s'en pare;</p> +<p class="i20">L'avocat s'en joue;</p> +<p class="i20">Tandis que le juge s'endort.</p> +</div></div> + +<h4>ENCORNÉ</h4> + +<p>Un farceur se vantait d'avoir mangé d'un veau qui +n'était pas <i>encorné</i>.</p> + +<h4>ENCRE</h4> + +<p>Un voyageur revenant d'Angleterre s'excusait auprès +de sa femme de ne lui avoir pas écrit.--C'était +mon intention, disait-il, mais je ne l'ai pas pu, parce +qu'en arrivant à Douvres on a jeté l'ancre.</p> + +<h4>ÉNIGME</h4> + +<p class="mid">CONTENANT QUELQUES CALEMBOURS</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Il faut qu'ici chacun devine</p> +<p class="i20">Qui je suis et quel est mon nom;</p> +<p class="i20">Sans moi, vous n'auriez pas Racine,</p> +<p class="i20">Sans moi, vous n'auriez pas Pradon.</p> +<p class="i20">C'est toujours par moi qu'on hérite;</p> +<p class="i20">Je renferme et sucre et poison;</p> +<p class="i20">Et je boirai cent ans de suite,</p> +<p class="i20">Sans jamais perdre la raison.</p> +<br> +<p class="i20">Plus d'un critique impitoyable</p> +<p class="i20">M'emploie en son malin esprit;</p> +<p class="i20">Sans que je puisse être coupable,</p> +<p class="i20">On me déchire, on me noircit.</p> +<p class="i20">En France, en Russie, en Espagne,</p> +<p class="i20">J'ai des succès, j'ai des revers;</p> +<p class="i20">Si les uns perdent quand je gagne,</p> +<p class="i20">Les autres gagnent quand je perds.</p> +<br> +<p class="i20">Quoiqu'assez gênant par ma forme,</p> +<p class="i20">Chacun m'emporte quand il sort:</p> +<p class="i20">Je suis mince; je suis énorme;</p> +<p class="i20">Je suis délicat; je suis fort.</p> +<p class="i20">Petit, je sers beaucoup aux dames.</p> +<p class="i20">Je suis Français, Grec, ou Romain;</p> +<p class="i20">Je fais des bateaux; j'ai des rames;</p> +<p class="i20">Et sans bras j'ai beaucoup de mains<a id="footnotetag1" name="footnotetag1"></a> +<a href="#footnote1"><sup class="sml">1</sup></a>.</p> +</div></div> + +<blockquote class="footnote"><a id="footnote1" +name="footnote1"><b>Note 1: </b></a><a href="#footnotetag1"> +(retour) </a> + Le mot est le <i>papier</i>.</blockquote> + +<h4>ENNEMIS</h4> + +<p>Lorsque les Bourbons revinrent, ils firent ce calembour +que Napoléon avait des <i>N mis</i> partout. On +détruisit les N sur les monuments. Un inspecteur, +voyant un N sur la porte Saint-Denis, s'écria:--J'aperçois +là un N qu'il faut enlever.--Mais, lui dit-on, +elle fait partie de l'inscription <i>Ludovico Magno</i>: +si vous l'ôtez, on lira <i>Ludovico mago</i>, ce qui ne +plaira peut-être pas à Louis XVIII.</p> + +<p>On remplaça les N par les L; et les plaisants dirent: +Les chiffres maintenant sont tous L. Mais quand vinrent +les C de Charles X, on se récria sur ce qu'on ne +faisait plus que tous C.</p> + +<h4>ENSEIGNES</h4> + +<p>On remarquait, il y a quelque temps, rue des Petits-Champs, +une pension de jeunes filles et un charcutier +dont les deux enseignes n'en faisaient qu'une, si bien +qu'on lisait sur la même ligne: Pension de jeunes +demoiselles. <i>À la Renommée des bonnes langues.</i></p> + +<p>Une enseigne de marchand de ferrailles, au passage +du Dragon portait: <i>Au Juste pris</i>. Le tableau représentait +un saint attaqué et pris par d'affreux bandits.</p> + +<p>Le Chat qui <i>pèche</i>, est un chat qui fait la faute de +ronger un fromage.</p> + +<p>Le Vert galant; ce n'est pas Henri IV, c'est un gobelet, +un verre orné de guirlandes de fleurs.</p> + +<p>Les Deux Amis sont deux A rangés sur la même +ligne.</p> + +<p>Les Trois Forbans, qui vous annoncent la mer et des +pirates, sont trois escabeaux de bois solidement construits. +Trois forts bancs.</p> + +<p><i>Au Bon Coing</i> est l'enseigne d'un marchand de vin, +au coin d'une rue.</p> + +<p>On a remarqué dans Paris une enseigne ainsi conçue: +T....., culottier de la reine.</p> + +<p>On lisait sur une autre, en 1811; B....., chirurgien-accoucheur +de la grande armée.</p> + +<p>Et sur une autre, rue Dauphine: Grégoire, tailleur +d'hommes.</p> + +<p>Dans la rue Chartière, près du Collége de France, +on lisait sur la porte d'une maîtresse d'école qui venait +de déménager: Madame Prudent est maintenant +enceinte du Panthéon.</p> + +<p>Aux <i>Trois sans hommes</i>, à Arras, est un rébus au-dessous +d'un tableau où sont trois femmes seules.</p> + +<p>On disait, dans le même sens, que l'église de Saint-Denis, +qui avait cinq clochers, avait cinq clochers et +quatre sans cloches.</p> + +<h4>ENSEIGNER</h4> + +<p>Un homme s'était piqué jusqu'au sang de la pointe +d'une grosse alêne. C'était un cordonnier.--Le voilà +devenu professeur, dit un plaisant.--Et comment +cela? s'écria un témoin intrigué.--Mais, riposta le +farceur, il s'est piqué et il <i>en saigne</i>.</p> + +<h4>ENTENDRE</h4> + +<p>Dans une audience où l'on faisait beaucoup de +bruit, le juge dit:</p> + +<p>--Huissier, imposez silence; il est étrange qu'on +fasse tant de bruit. Nous avons jugé je ne sais combien +de causes sans les entendre.</p> + +<h4>ENTERRER</h4> + +<p>L'ancien usage de l'Académie était que le directeur +fît les frais d'enterrement de ceux de ses confrères qui +décédaient sous son directorat. Corneille mourut dans +la nuit du jour où Racine devait succéder au directeur +Lavaux. Il y eut entre eux un combat de générosité. +Lavaux prétendait qu'étant encore directeur au moment +où Corneille avait expiré, il devait payer les +frais d'inhumation; Racine soutenait que cet honneur +lui était dévolu, puisque l'inhumation n'avait eu lieu +que le jour qu'il avait été installé directeur. Lavaux +l'emporta; ce qui fit dire à Benserade:--Lavaux a +enterré Corneille; mais personne plus que Racine n'était +fait pour l'enterrer.</p> + +<h4>ENTRE DEUX</h4> + +<p>Un bon maire de campagne se trouvait à table, à +Paris, entre deux jeunes étourdis qui cherchaient à le +persifler.--Je vois bien, Messieurs, dit-il, que vous +voulez vous moquer de moi; je ne suis pourtant pas +tout à fait un sot ni un fat, je suis entre les deux.</p> + +<h4>ENTRER</h4> + +<p>Un vétéran de l'armée de Condé montrait un jour à +Martainville un sonnet commençant par ce prétendu +vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">«Marie-Thérèse dont les vertus...»</p> +</div></div> + +<p>--Le début est heureux, dit Martainville; mais +malheureusement Marie-Thérèse ne peut pas entrer +dans un vers.--Monsieur, répartit le vétéran, je +vous croyais bon royaliste, mais je me suis trompé. +Vous saurez, pour votre gouverne, que Marie-Thérèse +peut entrer partout.</p> + +<p>Le comte de C., qui connaît beaucoup Vienne, racontait +un fait qui prouverait la bonhomie des soldats +de police de la capitale de l'Autriche.</p> + +<p>La consigne leur avait été donnée d'arrêter tous +ceux qui, après une certaine heure, feraient du tapage +ou chanteraient trop bruyamment <i>en rentrant chez +eux</i>. Le comte revenait de l'Opéra; il fredonnait assez +haut un des airs qui lui avaient plu. Une patrouille le +rencontre, lui défend de chanter ainsi, et lui rappelle +qu'il faut <i>rentrer</i> chez soi paisiblement et sans bruit.--C'est +juste, dit le comte: mais je <i>ne rentre pas</i>.--Oh! +alors, c'est différent, dit le chef; et votre excellence +peut faire ce qu'elle voudra.</p> + +<p>Ce trait, que nous empruntons au <i>Journal des anecdotes</i>, +qui ne paraît plus, ne vous rappelle-t-il pas la +naïveté de ce bon Suisse, à qui on avait donné en +garde une porte du palais de Versailles, avec défense +de laisser personne <i>entrer dedans</i>. Un grand seigneur, +qui ne devait pas être compris dans l'exclusion générale, +et qu'on attendait, se présente. Le Suisse barre +le chemin.--Mais j'ai droit d'entrer.--Point, mon +sir.--Mais je suis le prince de Poix.--Quand vous +seriez le roi des haricots, vous point entrer dedans.--Mais +qui vous parle de cela? dit le gentilhomme +intelligent. Je ne veux pas entrer, je veux sortir dedans.--Sortir +dedans? mon sir; ah! c'est autre chose. +Allez.</p> + +<p>Et le grand seigneur sortit dedans.</p> + +<p>--Quand est-ce que les chiens entrent dans l'église?--Quand +la porte est ouverte.</p> + +<h4>ENVIEUX</h4> + +<p>Il y a des marchands en vieux qu'on n'évite pourtant +pas et qui ne se confessent pas du péché d'envie; +ce sont les fripiers.</p> + +<h4>ENVOYER</h4> + +<p>Un paysan fin matois, qui avait reçu d'un avoué +quelque bon conseil, avait promis de lui envoyer un +lièvre. L'homme de loi, ne voyant rien venir, va chez +le paysan, et lui demande quand il compte tenir sa +promesse.--Comment! monsieur, le lièvre n'est pas +encore arrivé?--Non.--C'est étonnant! je vous l'ai +pourtant envoyé hier. Je l'ai aperçu au bout de mon +champ, et je lui ai crié: Va-t-en vite chez mon +avoué.</p> + +<h4>ÉPICIERS</h4> + +<p>En temps de moisson, on voit en campagne des +masses d'épis sciés, dont beaucoup sont en bottes.</p> + +<p>Nos pères avaient mis l'esprit pointu dans leurs enseignes. +On voyait encore, il y a quelques années, +au boulevard du Temple, à Paris, au-dessus d'un magasin +d'épicerie, une enseigne qui représentait un +champ de blé où un homme sciait un épi; au-dessous +on lisait: <i>À l'Épi scié.</i></p> + +<h4>ÉPICTÈTE, ÉPICURE</h4> + +<p>Louis XV demandait, dit-on, au marquis de Bièvre +de quelle secte de philosophes étaient les puces? Il +répondit:--De celle des piqûres.--Et les poux?--De +celle des pique-têtes.</p> + +<h4>ÉPIGRAMME</h4> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Certain ministre avait la pierre,</p> +<p class="i20">On résolut de le tailler;</p> +<p class="i20">Chacun se permit de parler,</p> +<p class="i20">Et l'on égaya la matière.</p> +<p class="i20">--Mais comment, se demandait-on,</p> +<p class="i20">A-t-il pareille maladie?</p> +<p class="i20">--C'est que son coeur, dit Florimon,</p> +<p class="i20">Sera tombé dans sa vessie.</p> +</div></div> + +<h4>ÉPOUVANTABLE</h4> + +<p>On complimentait la femme d'un homme de lettres +en disant qu'elle avait un époux vanté.</p> + +<p>--Ce n'est que justice, répondit-elle; car il est +époux vantable.</p> + +<h4>ÉPOUVANTÉ</h4> + +<p>Un jeune homme allait épouser une beauté. On lui +dit:--Vous épousez une femme charmante, dont +vous serez bientôt époux vanté.</p> + +<h4>ÉPOUX LAID</h4> + +<p>Un mari, peu favorisé des dons de la nature, crut +voir un calembour insultant dans une parole de sa +femme, qui disait qu'elle n'aimait pas les poulets.</p> + +<h4>ESPRIT</h4> + +<p>--C'est agréable d'avoir de l'esprit, dit Alcide Tousez, +on a toujours quelques bêtises à dire.</p> + +<h4>ESTROPIÉ</h4> + +<p>Un homme était blessé à la main.--Vous êtes estropié, +lui dit-on.--Non pas, répondit-il, je suis estro-main.</p> + +<h4>ÉTAIN</h4> + +<p>Les Parisiens, en apprenant la mort de Pothier, ont +fait cette exclamation ingénieuse:--Voilà un potier +d'éteint!</p> + +<h4>ÉTAMAGE</h4> + +<p>--Quelle est la place de Paris où les chaudronniers +ne peuvent pas étamer?</p> + +<p>--C'est la place Vendôme. On y lit en effet en +grandes lettres: <i>État-major de la place.</i></p> + +<h4>ÉTATS</h4> + +<p>Louis XIV disait au duc de Vivonne:--Ne trouvez-vous +pas surprenant que M. de Schomberg, qui est né +Allemand, se soit fait naturaliser Hollandais, Anglais, +Portugais et Français?--Sire, répondit le duc, c'est +tout simplement un homme qui essaie de tous les +États pour vivre.</p> + +<h4>ÉTÉ</h4> + +<p>On boit tant de thé en hiver dans les soirées de Londres, +qu'on a dit que les Anglais faisaient de l'hiver +la saison des thés.</p> + +<h4>ÉTENDRE</h4> + +<p>--Quel rapport y a-t-il entre un morceau de beurre +frais, un avocat et un paresseux?</p> + +<p>--C'est que le premier s'étend sur du pain, le second +sur son sujet et le troisième sur son lit.</p> + +<h4>ÉTRILLE</h4> + +<p>Un palefrenier se présentait comme choriste à +l'Opéra, parce qu'on lui avait dit qu'il était fort dans +<i>les trilles</i>.</p> + +<h4>EU</h4> + +<p>On prétend que cette ville est celle où l'on fait le +plus d'omelettes.</p> + +<p>On dit que son maire rougit toutes les fois qu'il est +obligé d'exprimer sa fonction.</p> + +<h4>EUX</h4> + +<p>Les cuisiniers font acte d'orgueil quand ils prétendent +qu'on ne peut pas faire d'omelettes sans <i>oeufs</i>.</p> + +<h4>EXÉCUTIF</h4> + +<p>Quand l'Assemblée constituante eut restreint, comme +on sait, l'autorité royale de Louis XVI, on fit cette épigramme:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Entre savants, quelquefois on dispute.</p> +<p class="i16">D'où vient ce nom: <i>pouvoir exécutif</i></p> +<p class="i16">Que donne au roi le corps législatif?</p> +<p class="i16">Eh! le voici: trop faible pour la lutte,</p> +<p class="i16">C'est un pouvoir, hélas! qui s'exécute.</p> +</div></div> + +<h4>EXERCICE</h4> + +<p>Louis XIV raillait le duc de Vivonne sur son embonpoint +excessif, en présence du duc d'Aumont qui +n'était pas moins gros, et lui reprochait de ne point +faire assez d'exercice.--Sire, répondit Vivonne, c'est +une médisance; il n'y a point de jour que je ne fasse +au moins trois fois le tour de mon cousin d'Aumont.</p> + +<h4>EXPOSITION</h4> + +<p>On a dit, à propos de l'exposition universelle de +Londres, que ce qu'il y avait de plus exposé au Palais +de Cristal, c'étaient les poches des visiteurs.</p> + +<h4>EXPRESSIONS</h4> + +<p>Fontenelle se trouvant à table avec deux jeunes +poëtes avantageux, il fut beaucoup question au dessert +des différentes manières d'exprimer la même +chose en français. Nos deux étourdis lui demandèrent, +sur le ton badin, s'il était mieux de dire: Donnez-nous +à boire, qu'apportez-nous à boire. Fontenelle +leur répondit en souriant:--Vous devez dire: menez-nous +boire.</p> +<br> + +<h2>F</h2> + +<p>Les lettres les plus embarrassantes sont les lettres +F A C.</p> + +<h4>FACÉTIES</h4> + +<p>Un huissier qui voulait faire une chanson n'accoucha +que du premier vers, et il demandait si la rime +était bonne.</p> + +<p>On voulait marier un épicier avec sa jeune tante.--Je +ne le veux pas, dit-il; car si j'épousais ma tante, +je serais mon oncle.</p> + +<p>--Le pavé est bien fier, disait un bonhomme qui, +par le verglas, s'était laissé tomber.--Je ne le trouve +pas fier du tout, dit un autre, car voilà trois fois déjà +qu'il me baise le derrière.</p> + +<p>On demandait à un homme un peu distrait:--Quel +jour est-ce demain?...--Ma foi, je ne vous dirais +pas trop; tout ce que je sais, c'est que c'est aujourd'hui +samedi.</p> + +<p>Un homme riche, qui s'était marié trois fois, ayant +perdu sa troisième femme, répondit à quelqu'un qui +lui proposait une fort aimable demoiselle en quatrième +noce:--J'accepte volontiers la demoiselle, même sans +dot, pourvu que vous fassiez stipuler dans le contrat +qu'elle ne mourra pas; car je suis las d'épouser des +femmes qui meurent.</p> + +<p>On présenta à un maire de village, dans les premiers +temps où l'état civil fut confié à ces officiers ministériels, +un enfant de trois ans, qu'on avait négligé de +faire inscrire sur le registre communal. Le maire écrivit: +«Aujourd'hui est né de légitime mariage un enfant +âgé de trois ans....»</p> + +<p>Une dame marchandant une chaise percée en offrait +trop peu. Le bahutier, pour l'engager davantage, la +priait de considérer la bonté de la serrure et de la +clef.--Pour ce qui est de cela, dit la dame, je n'en +fais pas grand cas, car je n'ai pas peur qu'on me dérobe +ce que j'ai dessein d'y mettre.</p> + +<p><span class="sc">Gyblotte</span>.--Si j'ai été obligé de quitter le poste, ce +n'est pas ma faute, je ne pouvais plus y revenir.</p> + +<p><span class="sc">Le président</span>.--Pourquoi?</p> + +<p><span class="sc">Gyblotte</span>.--J'étais cuit. (Rires.) J'étais rôti à point +comme un jeune dindonneau au sortir de la broche. +(Rire général.)</p> + +<p><span class="sc">Le président</span>.--Comment cela?</p> + +<p><span class="sc">Gyblotte</span>.--Imaginez-vous que j'avais appris que +l'on faisait des portraits à la minute au daguerréotype. +Comme j'éprouvais le désir de me faire dessiner +en garde national, je profitai de l'occasion de ma garde +pour me rendre chez l'artiste, je m'esquivai du poste.</p> + +<p><span class="sc">Le président</span>.--Vous avez eu tort.</p> + +<p><span class="sc">Gyblotte</span>.--J'en suis bien puni.--Monsieur, lui +dis-je, faites-moi mon portrait.</p> + +<p>--Voilà! Monsieur, me répond l'artiste. Mettez-vous +le nez au soleil et ne bougez pas. (Rire général.) +Je me plaçai au vis-à-vis de cet astre, et je le regardai +en face... ce qui du reste ne laisse pas d'être fort gênant. +(Nouveaux rires.) Lorsque j'eus demeuré dix +minutes dans cette attitude, que je prendrai sur moi +de nommer incommode, je sentis que ma peau se +gonflait par la chaleur... Je devenais croustillant. +(Rire général.)</p> + +<p>--Monsieur, dis-je à l'artiste, est-ce fini?--Pour +l'amour de Dieu, ne tournez pas la tête, me répondit-il; +votre portrait sera ressemblant comme deux +gouttes d'eau. Des gouttes d'eau, il ne m'en manquait +pas sur le visage... Je demeure encore un quart d'heure +au soleil; je roussissais à vue d'oeil, je sentais mes +sourcils qui grillaient comme les plumes d'un poulet +flambé.--Monsieur, dis-je alors au peintre par le daguerréotype, +je renonce à votre procédé; je ne veux +pas être peint dans l'attitude d'un rôti. (Hilarité générale.) +Veuillez me rendre mon chapeau.--Monsieur, +dit cet homme, si vous vouliez rester encore +une petite minute, vous seriez frappant...--Frappant! +m'écriai-je, c'est-à-dire que je serais à l'étuvée: je sors +d'en prendre. Et, en disant cela, je me traînai à mon +domicile, où je me couchai.</p> + +<p><span class="sc">Le président</span>.--Pourquoi ne pas revenir au +poste?</p> + +<p><span class="sc">Gyblotte</span>.--Parce que je serais tombé en ruine. +Je parie que l'on m'aurait enlevé un bras ou une +jambe rien qu'en me posant la fourchette dans le dos.</p> + +<p>Le président condamne le délinquant à une garde +hors de tour, et lui recommande de se méfier à l'avenir +des portraits à la minute.</p> + +<p><span class="sc">Gyblotte</span>.--Quand j'y retournerai, il fera ch... +non, il fera froid. (Rire général.)</p> + +<p>--Un diseur d'anecdotes raconte les facéties suivantes:</p> + +<p>«J'ai lu autrefois, dans les Mémoires de M. le maréchal +de ***, qu'il examinait toujours le soir ce qu'il +avait dépensé le jour; et comme il avait donné cent +écus au maître d'hôtel qui le servait, pour faire la plus +grande chère qu'il pourrait à sept ou huit personnes +de l'un et de l'autre sexe, et de qualité, ce maître +d'hôtel lui porta ses comptes, lorsqu'il était près de se +coucher. Dans son mémoire, il ne trouva que quatre-vingt-dix +écus pour la dépense du repas, et M. le maréchal +lui dit après l'avoir lu: «Faites que le compte +soit juste, si vous voulez que je l'arrête.» Le maître +d'hôtel descendit au même instant, rapporta le compte +après avoir ajouté au bas: «<i>Item</i>, dix écus pour faire +les cent écus.»</p> + +<p>Le savant Bouilleau, que son père, procureur, envoyait +étudier à Paris, fit un mémoire pour rendre +compte des dépenses qui avaient employé l'argent +qu'il avait reçu. Il exagéra par plus de soixante <i>item</i> +jusqu'aux moindres minuties, et, comme il n'y trouvait +pas encore son compte, il mit au bas d'un article: +<i>Item, mon père, il faut vivre</i>.»</p> + +<p>--«Je suis si malheureux, disait Saint-Péraire, que +si je me faisais chapelier, personne n'aurait plus de +tête.»</p> + +<p>--«Au 15 septembre 1848, <i>je paierais</i> à M. Coquardeau +la somme de trois cents francs.»</p> + +<p>--Après?</p> + +<p>--Eh bien! payez-moi, c'est aujourd'hui le 15.</p> + +<p>--Impossible, je n'ai pas d'argent.</p> + +<p>--Que m'importe! vous m'avez souscrit un billet.</p> + +<p>--C'est vrai; mais il y a un <i>s</i> à <i>je paierais</i>.</p> + +<p>--Après, Monsieur?</p> + +<p>--Après?... vous n'êtes pas fort: l'<i>s</i> indique le conditionnel, +par conséquent, je ne vous paie pas, puisque +c'était à condition... que j'aurais de l'argent.</p> + +<p>--Quelqu'un, à Paris, pour se moquer d'un provincial, +cherchait à lui faire des questions singulières. +Il lui demanda, un jour, en compagnie: «Qu'est-ce +qu'une obole, une faribole et une parabole?» Le provincial, +sans se déconcerter, lui répondit: «Une parabole +est ce que vous n'entendez pas; une faribole, +ce que vous dites; une obole, ce que vous valez.»</p> + +<p>LE PÈRE COUPE-TOUJOURS.</p> + +<p><span class="sc">Le juge</span>, au marchand de galette.--Vous avez fait +assigner le sieur Bazoteau. Qu'avez-vous à dire?</p> + +<p><span class="sc">Le marchand de galette</span>.--J'ai à dire de lui que +c'est indigne. Voilà ce que j'ai à dire.</p> + +<p><span class="sc">Le juge</span>.--Mais, encore, expliquez-vous.</p> + +<p><span class="sc">Le marchand de galette</span>.--Ah! mon Dieu! c'est +tout expliqué; monsieur est cause que j'ai perdu toutes +mes pratiques... Voilà tout... Il me semble que c'est +bien assez, cristi!</p> + +<p><span class="sc">Bazoteau</span>.--Allons donc! vous voulez rire.</p> + +<p><span class="sc">Le marchand</span>.--Du tout, du tout... Moi, un des +principaux marchands de galette du boulevard... vous +m'avez mis dans le pétrin. (Rire général.)</p> + +<p><span class="sc">Le juge</span>.--Comment cela?</p> + +<p><span class="sc">Le marchand</span>.--Monsieur est fabricant de lunettes... +J'avais perdu les miennes, il m'en fournit... Et v'lan! +comme par enchantement, voilà toutes mes pratiques +qui filent chez le marchand d'à côté.</p> + +<p><span class="sc">Le juge</span>.--Mais, enfin, pourquoi?</p> + +<p><span class="sc">Le marchand</span>.--Pourquoi! Parce que depuis ce +moment je suis là à me croiser les bras et les jambes +comme un commissionnaire; je chauffe mon four, je +mets la main à la pâte, j'aiguise mes couteaux, et moi, +<i>père Coupe-Toujours</i>, je ne coupe plus rien du tout. +Voilà pourquoi. (Longue hilarité.) Du reste, en voici +la raison.</p> + +<p><span class="sc">Le juge</span>.--Ah! c'est bien heureux.</p> + +<p><span class="sc">Le marchand</span>.--Monsieur, que voilà, au lieu de +me fournir du petit zéro, qui est mon numéro, m'a +mis des verres grossissants, oh! mais grossissant au +point que je trouvais les plus petits morceaux toujours +trop gros, et que je finissais par ne plus rien +donner du tout de pâte ferme pour deux sous... (Rire +général.)</p> + +<p><span class="sc">Bazoteau</span>.--Ah! c'est pour ça?</p> + +<p><span class="sc">Le marchand</span>.--Vous pensez bien que ce n'est pas +le moyen de faire son beurre; aussi je suis bientôt resté +sur le flanc. (Rire.) On ne m'appelait plus que le <i>père +Coupe-Trop-Court</i>. (Rire général.)</p> + +<p><span class="sc">Bazoteau</span>.--Ça ne me regarde pas, c'est votre +femme qui m'a demandé les verres que j'ai mis. Elle +trouvait que vous serviez trop largement la pratique.</p> + +<p><span class="sc">Le marchand</span>.--Elle est bien avancée, à présent +que je ne la sers plus du tout. (Nouveaux rires.)</p> + +<p>Pour comble de malheur, Bazoteau est renvoyé de +la plainte, et le marchand de galette est condamné +aux dépens.</p> + +<p><span class="sc">Le père Coupe-Toujours à sa femme</span>.--Chaud! +chaud! là, j'espère que vous m'en faites avaler... des +brioches... Pour une marchande de galette, madame +mon épouse, vous êtes une fameuse galette. (Longue +et vive hilarité.)</p> + +<p>--En creusant des fondations à Écouis (Eure), on a +trouvé un squelette et deux crânes dans un même +tombeau. Les archéologues ont prétendu que le squelette +était celui de Pierre III de Roucherolles, seigneur +d'Écouis; mais comment expliquer les deux crânes? +Le sieur P. a découvert une solution; il a mis les deux +crânes sur un rayon de sa bibliothèque, et il explique +gravement aux curieux «que le petit crâne appartenait +à Pierre de Roucherolles encore enfant, tandis que +le plus gros était sa tête lorsqu'il fut devenu homme!»</p> + +<p>--Un fermier écossais, qui ne savait ni lire ni +écrire, et qui avait quelques épargnes, voulut faire donner +de l'instruction à son fils, et l'envoya dans un pensionnat +d'Édimbourg. Après y avoir passé deux années, +le jeune homme revint chez ses parents, et rentra dans +la ferme au moment où son père et sa mère se mettaient +à table devant un plat de viande et un plat de +légumes.</p> + +<p>Après les embrassements d'usage, le fermier dit à +son fils, tandis que la mère préparait un troisième +couvert:--Eh bien! garçon, as-tu bien employé ton +temps?--Es-tu devenu savant là-bas?--Oh! que +oui, père, répondit l'écolier avec suffisance.--Sais-tu +compter, surtout, garçon?--J'étais le plus fort en +arithmétique, répondit encore le jeune drôle, et je +puis vous donner la preuve que je sais faire des +comptes que ne feriez pas vous-même.--Je ne dis pas +non... Mais voyons la preuve de ton savoir.--Voilà: +Combien croyez-vous avoir de plats sur votre table?--Deux, +répondit le père: un plat de mouton, un +autre de pommes de terre.--Eh bien! vous vous +trompez... Il y a trois plats sur votre table.--Pardi +je serais aise d'entendre ton raisonnement à l'appui +de ce compte-là.--Rien de plus facile; nous disons: +plat de mouton, ça nous fait un; plat de pommes de +terre, ça nous fait deux; j'additionne, et je dis: un +et deux font trois.--C'est juste, dit le fermier. Pour +lors, je vais manger un plat, ta mère mangera le second, +et toi tu mangeras le troisième en récompense +de ton savoir.</p> + +<p>--On lisait dans un journal de 1848:</p> + +<p>«En entendant les crieurs hurler sur le boulevard: +<i>Le Journal</i>, par Alphonse Karr et son supplément, on +se demandait naturellement si ce supplément était +l'associé de M. Alphonse Karr, ou tout simplement une +double feuille de papier. Cette tournure de phrase +nous rappelle l'embarras de ce brave homme, propriétaire +d'un bain sur la Seine, qui passa toute sa +vie à rédiger l'enseigne de son établissement et n'y +put jamais parvenir. Il avait d'abord trouvé <i>Bains à +quatre sols pour les femmes à fond de bois</i>. Mais il +vit qu'on riait: il changea en <i>Bains à fond de bois +pour les femmes à quatre sous</i>. On rit encore plus, et +sa clientèle, se trouvant insultée, l'abandonna; il +mourut de désespoir de n'avoir pas pu rédiger son +enseigne convenablement.»</p> + +<p>--J'ai lu autrefois, dans une publication périodique, +intitulée avec un peu de vanité <i>Recueil encyclopédique +belge</i>, une page singulière, intitulée <i>Pensées sur +l'homme</i>. Il m'a semblé tout d'un coup que ces pensées +avaient été écrites par un homme marin. Vous allez +juger comme c'est liquide:</p> + +<p>Première pensée: «Vois le <i>ruisseau</i>; il fuit...; enfin +il va se perdre dans la <i>mer</i>.» N'est-il pas vrai que c'est +là un début très-mouillé?</p> + +<p>Deuxième pensée: «Un <i>océan</i> d'amertume environne +l'esprit de l'homme, comme l'immensité des +<i>eaux</i> enveloppe la terre.» C'est encore de l'humidité.</p> + +<p>Quatrième pensée: «L'oubli passe l'<i>éponge</i> sur le +nom de l'égoïste.» On voit que l'auteur est un homme +qui se débarbouille.</p> + +<p>Cinquième pensée: «Le présomptueux s'embarrasse +dans ses paroles, comme le <i>poisson</i> dans les filets; ils +se prennent l'un et l'autre à l'<i>hameçon</i>.» Le penseur, +à coup sûr, vit dans l'eau.</p> + +<p>Dans la sixième pensée, il compare l'espérance aux +feux follets qui naissent dans les marécages; et il n'y +a que huit pensées.</p> + +<p>Quand je vous disais que l'auteur est un homme +marin! Il a signé; et il s'appelle <i>De la Flotte</i>.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Non loin du camp, la nuit, après certaine attaque,</p> +<p class="i18"> Un soldat se mit à crier:</p> +<p class="i18"> --Amis, j'ai fait un prisonnier,</p> +<p class="i18"> Et je le tiens; c'est un Cosaque</p> +<p class="i16">Qui de son régiment vient de se détacher.</p> +<p class="i16">--Amène-le vers nous.--Mais il fait résistance.</p> +<p class="i16">--En ce cas, viens sans lui.--C'est bien à quoi je pense,</p> +<p class="i16"> Mais il ne veut pas me lâcher.</p> +<br> +<p class="i30"><span class="sc">E. Arnal.</span></p> +</div></div> + +<p>Aux élections de 1848, deux candidats étaient en +présence à Pithiviers: MM. Lejeune et Deloines.</p> + +<p>Deux auberges se disputaient les électeurs partagés +entre ces deux candidatures.</p> + +<p>Sur la porte de l'une d'elles on avait écrit ces vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Votez tous pour monsieur Deloines.</p> +<p class="i20">Vous serez gras comme des moines.</p> +</div></div> + +<p>Et sur l'autre:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Ceux qui voteront pour Lejeune.</p> +<p class="i20">Ne connaîtront jamais le jeûne.</p> +</div></div> + +<p>--Boulvot, originaire d'Éclavolle (Marne), ayant pour +le quart d'heure son domicile à Romilly-sur-Seine, est +arrêté par la gendarmerie de Saint-Aubin en flagrant +délit de mendicité. Conduit devant M. le procureur du +roi de Nogent-sur-Seine. Boulvot prétend que, loin de +l'inquiéter, on devrait lui décerner une médaille.--Depuis +plus de dix ans, dit-il, je ne suis occupé qu'à +poursuivre l'extinction de la mendicité.--Comment, +en mendiant?...--Eh! sans doute, mon procureur: +on m'arrête; n'est-ce pas un mendiant de moins?...</p> + +<p>--Un riche bourgeois marchandait dernièrement, +avec son fils, une carte de France dans la boutique d'un +libraire. Le fils, voulant s'assurer de l'exactitude de +cette carte, y cherchait Moscou, et témoignait à son +père son étonnement de ne pas l'y trouver. «Comment, +lui répondit celui-ci, peux-tu chercher cette ville +sur la carte! Tu devrais bien savoir qu'elle a été +brûlée.»</p> + +<p>--Le duc de Pembroke nourrissait un nombre considérable +de porcs à la terre de Wilthsire. Traversant sa +basse-cour, il fut surpris de les voir rassemblés autour +d'une auge et faisant un bruit affreux. La curiosité +le porte à examiner quelle peut en être la cause; il +s'approche et aperçoit dans l'auge une cuiller d'argent. +Dans ce moment arrive la cuisinière, fort étonnée +de tout ce bruit: «Sotte que vous êtes, lui dit Sa Seigneurie, +ils ont raison de grogner, les pauvres animaux! +vous ne leur avez donné qu'une cuiller pour +eux tous.»</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Indécis autant qu'incertain,</p> +<p class="i20">Entre vos attraits et vos charmes,</p> +<p class="i20">Du sort je brave le destin</p> +<p class="i20">Et mêle mes pleurs à mes larmes.</p> +<p class="i20">Mon coeur ne saurait être heureux</p> +<p class="i20">Dans le veuvage de mon âme,</p> +<p class="i20">Et je ne connais que mes feux</p> +<p class="i20">Qui puissent égaler ma flamme.</p> +</div></div> + +<p>Dans un des arrondissements du Havre, un candidat +ministériel venait d'être repoussé avec perte du collége +électoral. Son perruquier, appelé pour lui faire la +barbe, s'arrête tout à coup, l'examine avec attention, +et lui déclare qu'il ne veut plus dorénavant le raser au +même prix, attendu qu'il lui trouve la figure beaucoup +plus longue que par le passé. Ce fonctionnaire allait +se fâcher, lorsqu'il sentit qu'il valait mieux prendre +du bon côté la plaisanterie du facétieux barbier: +«Vous pouvez, lui répondit-il, me raser à bon marché, +car on vient de me faire la queue pour rien.»</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Un jour qu'il était nuit,</p> +<p class="i16">Tout debout éveillé, je dormais dans mon lit,</p> +<p class="i20"> Quand la foudre en silence</p> +<p class="i16">Par un éclair obscur m'annonça sa présence.</p> +<p class="i20"> Nul ne bouge, tout fuit;</p> +<p class="i16">Le marbre épouvanté reste froid comme glace;</p> +<p class="i16">Le muet ne dit mot, le sourd n'entend plus rien;</p> +<p class="i16">Soudain la terre tourne, on n'en sent pas la trace;</p> +<p class="i16">Le cerf devient craintif, et devançant le chien</p> +<p class="i16">Il s'élance et bondit; quoiqu'il change de place,</p> +<p class="i16">Bientôt il est le prix de celui qui le chasse.</p> +<p class="i20"> Mais ce muet fracas</p> +<p class="i16">Me fit voir, en dormant, que je ne dormais pas.</p> +</div></div> + +<p>Un Parisien qui se trouvait avec sa femme dans le +convoi du chemin de fer, lors de l'épouvantable catastrophe +du 8 mai 1842, se sauva par miracle; sa femme +y resta et périt. Notre homme revint chez lui, mais +il s'aperçut en rentrant qu'il avait perdu son parapluie; +il alla sur-le-champ le réclamer à la préfecture +de police.--On ne l'avait point retrouvé.--Quand +il raconte cette histoire, il ne manque jamais de dire: +«J'y ai perdu ma femme et mon parapluie; un parapluie +tout neuf.»</p> + +<p>--Un directeur de spectacle de province écrivait à +son correspondant à Paris: «J'ai reçu par le bateau à +vapeur la neige et la gelée que vous avez chargées pour +moi. Elles sont très-fraîches; mais il manquait une aile +à Zéphire, et le tonnerre ayant crevé en route, j'ai été +forcé de le faire ressouder: les éclairs, les deux fleuves +et la mer qu'on avait mis dans le panier de derrière la +diligence, ont souffert de la chaleur. Notre père noble +ayant fait un trou à la lune, je n'ai pu m'en servir. +Envoyez-moi un torrent, car le mien a été brûlé: joignez, +je vous prie, à l'envoi que vous me ferez, mon +manteau et une forteresse. Je ne pourrai pas ouvrir +avant huit jours, car mon petit amour a la coqueluche, +mon jeune premier a la goutte, et ma duègne +vient d'être vaccinée.»</p> + +<h4>FAÇON</h4> + +<p>Je vais vous dire ma façon de penser.--Dites-moi +simplement votre pensée; je ne tiens pas à la façon.</p> + +<h4>FAGOTS</h4> + +<p>Des économistes du dernier siècle vantaient dans +une société la moderne philosophie.</p> + +<p>--Quel bien a-t-elle donc fait?... demanda une +dame.</p> + +<p>--Les philosophes, Madame, répondit d'Alembert, +ont abattu la forêt des préjugés.</p> + +<p>--Je ne suis plus surprise, répliqua cette dame en +riant, que vous nous débitiez tant de fagots.</p> + +<h4>FAIM</h4> + +<p>Quelle est l'occupation qui commence par la fin?--Un +repas.</p> + +<p>Au commencement d'un grand festin, où tout le +monde dévorait sans rien dire, un convive s'écria:--Que +signifie ce silence?--Il annonce la faim du +monde, répondit un autre.</p> + +<h4>FAIRE</h4> + +<p>Un musicien assez mal vêtu disait en parlant de sa +voix, dont quelqu'un faisait l'éloge:--Il est vrai que +j'en fais ce que je veux.--Ma foi, Monsieur, lui dit +un plaisant, vous devriez bien vous en faire une +culotte.</p> + +<p>Un médecin anglais, se promenant un jour dans un +jardin de M. Hamilton à Cobham, lui exprima son +étonnement de la crue prodigieuse de ses arbres.--«Monsieur +le docteur, reprit Hamilton, songez donc qu'ils +n'ont pas autre chose à faire.»</p> + +<p>Le Mariage du Poussin est le moins bon tableau des +sept sacrements de ce peintre: Tant, il est vrai, disait +l'abbé Desaleurs, qu'il est difficile de faire un bon mariage, +même en peinture.</p> + +<p>Un observateur froid demandait, à propos de la révolution +de 1789: Qu'a-t-elle donc fait? Un autre lui +répondit: Elle a beaucoup défait.</p> + +<p>Un Gascon sur une rosse tremblante rencontra, près +le Pont-Neuf, un seigneur qui montait un cheval magnifique:--Cadédis, +lui dit-il, jé gage dix louis qué +jé fais faire à mon bidet cé qué lé votre né féra pas.--Oui, +je gage, dit le seigneur, en regardant d'un air +de mépris le rossinante. Aussitôt le Gascon prend son +cheval dans ses bras, et le jette dans la Seine; le gentilhomme +fort étonné paya la gageure.</p> + +<p>Un garçon boucher écrivait à son père: «Je profite +avec empressement de l'occasion de la poste pour vous +apprendre que j'ai un état. Dans un mois il y aura +six semaines que je suis garçon boucher. Mon maître +est très-content de moi; il m'a déjà fait tuer deux ou +trois fois, et il me fera écorcher à Pâques.»</p> + +<p>Pétition de Sans-Culottes du faubourg Saint-Antoine +à l'Assemblée nationale:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i18">Ah! que nous serions satisfaits,</p> +<p class="i20"> Si, toujours patriotes,</p> +<p class="i18">Au lieu de faire des décrets,</p> +<p class="i20"> Vous faisiez des culottes.</p> +</div></div> + +<p>(<i>Suivent les signatures.</i>)</p> + +<p>Un acteur des boulevards voyant, au Musée de l'artillerie, +l'armure du roi François Ier, demanda à l'employé +sous quel règne ce conquérant faisait ses exploits.</p> + +<p>--Il faisait sous lui, répondit l'employé.</p> + +<p>Le maréchal de... menait des dames à l'Opéra; mais +toutes les loges avaient été retenues. Comme il en vit +une remplie par un domestique qui la gardait pour +un bourgeois, il obligea le domestique de sortir et fit +entrer sa compagnie dans la loge. Le bourgeois arriva +peu de temps après avec des dames, et fut piqué, comme +on le pense bien, de cette violence. Force lui fut néanmoins +de céder pour le moment; mais le lendemain, +il fit assigner son rival devant le tribunal des maréchaux +de France, et plaidant lui-même sa cause, dit: +«Qu'il était bien malheureux d'être obligé de se +plaindre de l'un d'entre eux, qui de sa vie n'avait pris +que sa loge;» et demanda justice. Le président lui +répondit: «Vous venez de vous la <i>faire</i>.»</p> + +<p>A une partie de thé chez mistress Thrale, au moment +où la compagnie était engagée dans une conversation +très-animée, la belle hôtesse, qui avait été faire son +thé à l'office, oublia de mettre dans la théière la chose +principale, c'est-à-dire du thé. Le docteur Johnson en +fit l'observation le premier, et lui dit:--Mistress Thrale, +il est possible que dans votre imagination vous croyez +avoir été faire du thé, mais l'opinion de vos amis est +que vous avez été faire de l'eau.</p> + +<h4>FAIRE VOIR</h4> + +<p>Un maquignon, vendant un cheval, dit à l'acheteur:--Monsieur, +faites-le voir; je le garantis sans +défaut.</p> + +<p>Ce cheval se trouvant aveugle, l'acheteur voulut +obliger le maquignon à le reprendre. Mais celui-ci soutint +qu'il ne pouvait pas l'y contraindre, puisqu'il +l'avait averti de son infirmité, en disant:--Faites-le +voir; je le garantis sans défaut.</p> + +<h4>FAIRE PARLER DE SOI</h4> + +<p>Un membre de l'Académie de Soissons en racontait +un jour toutes les prérogatives; il finit par dire qu'elle +était la fille aînée de l'Académie française. Voltaire, +qui l'écoutait, lui dit:--Assurément, c'est une bonne +fille; car elle n'a jamais fait parler d'elle.</p> + +<h4>FAIT AU MOULE</h4> + +<p>C'est une scène du conseil de discipline de la ci-devant +garde nationale.</p> + +<p><span class="sc">Le président</span>.--Voici un rapport qui annonce que +vous avez manqué pour la troisième fois votre faction. +Très-exact du reste, vous passez régulièrement une +partie de la journée au poste; mais quand vient l'heure +du dîner, vous disparaissez pour ne plus revenir. +Avant-hier encore, cela vous est arrivé. Vous passez +donc tout votre temps à table?</p> + +<p><span class="sc">Jupin</span>.--C'est vrai, mais en voici la raison. Avant-hier +je suis allé dîner avec un ami, nous avons mangé +des moules, et ça nous a fait enfler (rire). Dame! que +voulez-vous, je ne suis pas fait <i>aux moules</i> (longue +hilarité).</p> + +<p><span class="sc">Le président</span>.--Et l'avant-dernière fois, faut-il +encore accuser les moules? Non, je crois qu'il faut accuser +le vin de Champagne. Il paraît que vous l'aimez +beaucoup, et en voici la preuve. C'est une lettre de +vous adressée à votre commandant, que je vais soumettre +à l'approbation du conseil. On verra qu'une +lettre semblable n'est pas faite de sang-froid. Le sans-gêne +de cette dépêche explique l'excuse maladroite +d'un convive plus que joyeux qui déserte plutôt le +poste que la salle du festin. (Ici M. le président fait +passer sous les yeux du conseil la lettre adressée par +le sieur Jupin. Nous transcrivons cette lettre qui, probablement +à défaut d'autre papier, se trouve tracée +sur un feuillet détaché de la carte du restaurant):</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">«Mon cher camarade et commandant du</p> +<p class="i20"> <i>Fricandeau à l'oseille.</i></p> +<p class="i16">poste. Je suis retenu à dîner par un brave</p> +<p class="i20"> <i>Dindon aux truffes.</i></p> +<p class="i16">de mes amis, et je vous prie de ne pas compter sur une</p> +<p class="i20"> <i>Mauviette</i>.</p> +<p class="i16">faction que je dois, d'après l'ordre, monter ce soir au</p> +<p class="i20"> <i>Vol-au-vent.</i></p> +<p class="i16">drapeau. Du reste je vous dirai que je me</p> +<p class="i20"> <i>Riz de veau sauce tomate.</i></p> +<p class="i16">corrigerai. Et buvant du Champagne à votre santé,</p> +<p class="i16">je suis, mon cher,</p> +<p class="i20"> <i>Turbot.</i></p> +<p class="i16">votre fidèle camarade qui dépose à vos</p> +<p class="i20"> <i>Pieds de veau.</i></p> +<p class="i16">genoux sa position de récalcitrant, tout en vous priant</p> +<p class="i16">de compter sur une</p> +<p class="i20"> <i>Morue hollandaise.</i></p> +<p class="i16">amélioration dans le service que je dois à la</p> +<p class="i20"> <i>Limande.</i></p> +<p class="i16">patrie.</p> +<br> +<p>Signé: <span class="sc">Jupin</span>.»</p> +<p> <i>Merlan au gratin.</i></p> +</div></div> + +<p>Jupin est condamné à une garde hors de tour.</p> + +<h4>FARDEAU</h4> + +<p>Mme de Pompadour avait un pied-à-terre près de +Ménars-le-Château, où l'architecte Hupeau lui rendit +visite un jour. Il était triste; il venait de terminer le +pont d'Orléans, et mille bruits défavorables couraient +sur la solidité de son oeuvre. Pour fermer la bouche +aux médisances, il osa proposer à la favorite de traverser +son pont dans son carrosse à six chevaux. +Mme de Pompadour accepta, et, l'épreuve ayant réussi, +on dut se taire; mais les bavards, ne pouvant plus +parler, rimèrent l'épigramme que voici:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Censeurs de notre pont, vous dont l'impertinence</p> +<p class="i18"> Va jusqu'à la témérité,</p> +<p class="i16">Hupeau, par un seul fait, vous réduit au silence.</p> +<p class="i16">Bien solide est son pont; ce jour il a porté</p> +<p class="i18">Le plus lourd fardeau de la France.</p> +</div></div> + +<p>Mme de Pompadour lut l'épigramme; et, afin de ne +plus repasser sur ce pont, elle fit changer la direction +de la route.</p> + +<h4>FATALITÉ</h4> + +<p>On attribue à Boileau ce faible calembour. On lui +disait qu'un homme dont il méprisait la fatuité était +tombé malade.--Quelle fat alité! se serait écrié l'auteur +de la satire contre l'équivoque.--Mais nous ne +le croyons pas.</p> + +<h4>FAUTES CONTRE LA LANGUE</h4> + +<p>Un incendie dévora, en 1763, la salle de l'Opéra. +Quelques heures après l'événement, une grande dame, +rencontrant Sophie Arnould, lui dit d'un air effrayé: +«Mademoiselle, racontez-moi ce qui s'est passé à <i>cette</i> +terrible incendie.--Madame, lui répondit l'actrice, +tout ce que je puis vous dire, c'est qu'incendie est du +masculin.»</p> + +<h4>FAUTES D'IMPRESSION</h4> + +<p>On lisait un matin, dans le <i>Journal du Havre</i>, à +l'article <i>Angleterre</i>:</p> + +<p>«A un repas diplomatique donné par lord Aberdeen, +on distinguait entre autres mets, sur la table +de l'illustre amphitryon, plusieurs plats de <i>seringues</i> +à la crème.»</p> + +<p>La lecture de cet article nous laisse vraiment dans +une affligeante incertitude.</p> + +<p>Est-ce une excentricité gastronomique, ou bien une +distraction typographique?</p> + +<p>Dans tous les cas, le mal est maintenant sans <i>remède</i>.</p> + +<p>Dans un livre où on louait les vertus d'une femme, +l'auteur disait qu'elle occupait activement ses moments +de loisir à tricoter. Le typographe mit une <i>f</i> à la place +du premier <i>t</i>. Et comme à la nouvelle édition on voulut +corriger la faute, cette fois on écrivit tripoter.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Si vous lisez dans l'épitaphe</p> +<p class="i16">De Fabrice qu'il fut toujours homme de bien,</p> +<p class="i20"> C'est une faute d'orthographe;</p> +<p class="i20"> Passant, lisez homme de rien.</p> +<p class="i16">Si vous lisez qu'il aima la justice,</p> +<p class="i20"> Qu'à tout le monde il l'a rendit,</p> +<p class="i16">C'est une faute encor, je connaissais Fabrice:</p> +<p class="i20"> Passants, lisez qu'il l'a vendit.</p> +<br> +<p class="i30"><span class="sc">Lebrun.</span></p> +</div></div> + +<h4>FAUX</h4> + +<p>Rameau, rendant visite à une belle dame, se lève +tout à coup de sa chaise, prend un petit chien qu'elle +avait sur ses genoux et le jette par la fenêtre. La dame +épouvantée s'écrie:--Eh! que faites-vous, Monsieur!--Il +aboie faux, répondit Rameau avec l'indignation +d'un grand musicien dont l'oreille avait été déchirée.</p> + +<h4>FAUX PAS</h4> + +<p>Le marquis de Bièvre disait d'une dame boiteuse: +«Voilà une femme qui a fait bien des faux pas.»</p> + +<h4>FÉDÉRATION</h4> + +<p>Le jour de la première fédération, 14 juillet 1790, il +faisait très-chaud au Champ de Mars.--Ah! disait +une dame, si une bonne fée pouvait nous envoyer des +rafraîchissements.--Adressez-vous, lui dit quelqu'un, +à la fée des rations.</p> + +<h4>FENÊTRE</h4> + +<p>Danières disait qu'une croisée s'appelle une fenêtre, +parce que c'est elle qui dans une chambre le jour <i>fait +naître</i>...</p> + +<h4>FERRAILLEUR</h4> + +<p>Lorsqu'on expulsa les étalages de vieilles ferrailles +du quai de la Mégisserie, à Paris, on afficha ce distique:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Allez donc tous, vieux ferrailleurs,</p> +<p class="i20">Vendre votre vieux fer ailleurs.</p> +</div></div> + +<h4>FÊTE</h4> + +<p>Une dame disait qu'il n'y a pas de fêtes sans lendemain.--Pardon, +lui dit quelqu'un, le faîte des +grandeurs peut en avoir, mais le faîte d'une maison +n'en a pas.</p> + +<h4>FEUILLETÉ</h4> + +<p>En quoi les bons livres ressemblent-ils à la galette?--En +ce qu'ils sont feuilletés.</p> + +<h4>FIÈVRE</h4> + +<p>Dans une chanson de madame Constance Pipelet, il +y a un couplet qui exprime élégamment les divers +emplois du mot <i>fièvre</i>.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Ah! qu'il est beau pour un grand coeur</p> +<p class="i20">D'avoir la fièvre de la gloire!</p> +<p class="i20">C'est par sa fièvre qu'un auteur</p> +<p class="i20">S'inscrit au temple de Mémoire,</p> +<p class="i20">On voit peu d'hommes ici bas</p> +<p class="i20">Avoir la fièvre du génie;</p> +<p class="i20">Mais on en voit beaucoup, hélas!</p> +<p class="i20">Nourrir la fièvre de l'envie.</p> +</div></div> + +<h4>FIL</h4> + +<p class="mid">A UNE JEUNE MERCIÈRE.</p> + +<p class="mid">Air: <i>J'ai vu partout dans mes voyages.</i></p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">On vante de votre boutique</p> +<p class="i20">L'ordre, la grâce et le bon goût;</p> +<p class="i20">Pour attirer une pratique,</p> +<p class="i20">Avec art vous parlez de tout.</p> +<p class="i20">Vos manières sont si gentilles,</p> +<p class="i20">Vous avez un si doux babil,</p> +<p class="i20">Que pour bien vendre vos aiguilles,</p> +<p class="i20">On dit que vous avez le fil.</p> +</div></div> + +<h4>FLEURS (LANGAGE DES)</h4> + +<p>Nous empruntons aux journaux qui s'occupent des +tribunaux la facétie qui suit; c'est une scène de la +garde nationale, quand elle jouait au soldat:</p> + +<p><span class="sc">Le capitaine rapporteur.</span>--M. Troupeau!</p> + +<p>Une femme se présente et dépose un énorme bouquet +sur le bureau du président. (Surprise générale.)</p> + +<p><span class="sc">Le président.</span>--Qu'est-ce que cela signifie?</p> + +<p><span class="sc">La femme.</span>--Ça signifie, monsieur le président, que +je suis la femme Troupeau, que mon mari m'a ordonné +de vous apporter ça... il a dit que vous saviez +bien ce que ça voulait dire.</p> + +<p><span class="sc">Le président.</span>--Mais pas le moins du monde. Il est +fou, votre mari.</p> + +<p><span class="sc">La femme Troupeau.</span>--Ah! mon Dieu! c'est tout +comme depuis qu'il a eu la bête d'idée de se fourrer +dans une société d'horticulture... il ne parle plus +qu'avec des fleurs... C'est stupide... mais en bonne +épouse je dois flatter sa manie.</p> + +<p><span class="sc">Le président</span>, souriant.--Mais qu'est-ce que vous voulez +que le tribunal comprenne...</p> + +<p><span class="sc">La femme Troupeau.</span>--Oh! je vas vous expliquer +ça, moi. Depuis un an il ne cause pas autrement avec +moi; j'ai bien été forcée de comprendre; voilà ce qu'il +vous dit: <i>La mauve</i> qu'est dans le bouquet signifie +qu'il vous parle avec <i>sincérité</i>..... et l'<i>immortelle</i>, l'<i>estime</i> +qu'il a pour vous... Le <i>seringa</i> veut dire <i>le regret</i> +qu'il a d'être, par <i>la fleur de sureau</i>, malade; +les sept branches de <i>réséda</i>, depuis le 7 du mois... +ce qui a mis (<i>églantier</i>) obstacle à son (<i>mouron</i>) exactitude; +(<i>guimauve</i>) cela soit dit sans (<i>pissenlit</i>) outrage, +(<i>oeillet d'Inde</i>) déguisement et avec (<i>giroflée</i>) vérité... +(Ici le rire qui s'est répandu dans la salle gagne le +tribunal.)</p> + +<p><span class="sc">Le président</span>, souriant.--Qu'est-ce que vous venez +nous raconter là... vous abusez des moments du conseil.</p> + +<p><span class="sc">La femme Troupeau.</span>--Dame! je vous explique son +emblème à c't homme (nouveaux rires). Mon Dieu, il +n'est pas malade du tout! c'est pour rester chez lui à +cultiver ses fleurs. Qu'est-ce qui pourra donc le guérir +de ça... j'y donnerais une fameuse récompense à +celui-là... Figurez-vous, monsieur le président, que +Troupeau me parle toujours ainsi. Tenez, par exemple: +quand il veut que j'aille chercher le dîner, il +m'envoie par la bonne une branche de cerfeuil, une +gousse d'ail et une botte d'échalottes (rires bruyants.)</p> + +<p>Au milieu de l'hilarité générale, le conseil de discipline +passe outre et condamne Troupeau, garde national, +à six heures de prison...</p> + +<p><span class="sc">La femme Troupeau.</span>--Vous ne pourriez pas lui +en mettre vingt-quatre heures; ça m'obligerait bien. +(Rires.)</p> + +<p><span class="sc">Le président.</span>--Dans quel but?</p> + +<p><span class="sc">La femme Troupeau.</span>--Eh! c'est que, voyez-vous, +vingt-quatre de haricots ça pourrait bien le guérir un +peu; dans tous les cas ça ne pourrait pas lui faire de +mal.</p> + +<p>Le président maintient la condamnation.</p> + +<p><span class="sc">La femme Troupeau.</span>--Allons, va pour six heures, +ça lui fera peut-être du bien. Voilà cependant où conduit +le fanatisme de l'horticulture. Tenez, monsieur le +greffier, vous qui mettez en note les condamnations à +la prison, acceptez cette fois, de ma part, cette branche +de myosotis; ça veut dire: <i>ne l'oubliez pas</i> (longue +hilarité.)</p> + +<h4>FOI</h4> + +<p>Un homme, se plaignant de la trahison d'un de ses +amis, disait: «il manque à ce qu'il m'a cent fois promis.</p> + +<p>--C'est justement, lui dit-on, parce qu'il vous l'a +promis sans foi.»</p> + +<h4>FOLIE</h4> + +<p>Nathaniel Lee, auteur de plusieurs drames, et dont +la nation anglaise n'a pas assez honoré la mémoire, +finit ses jours à l'hôpital des fous, à Londres. Ce fut +là qu'il composa, quoiqu'en démence, sa tragédie des +<i>Reines rivales</i>. Il y travaillait, une nuit, au clair de +la lune. Un nuage léger en ayant tout à coup intercepté +la lumière, il prononça d'un ton impérieux: +«Jupiter! lève-toi et mouche la lune.» Le nuage +s'épaississant, la lune disparut entièrement; alors il +s'écria en éclatant de rire: «L'étourdi! je lui dis de la +moucher et il l'éteint.»</p> + +<h4>FONDRE LA CLOCHE</h4> + +<p>A propos d'un décret de la révolution, qui supprimait +les cloches pour en faire des sous:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Rendons grâce au puissant génie</p> +<p class="i20">Qui, voyant notre pénurie,</p> +<p class="i20">Veut que l'on réduise en billon</p> +<p class="i20">Toute espèce de carillon:</p> +<p class="i20">Dès longtemps en effet tout cloche,</p> +<p class="i20">Les paiements vont cahin-caha;</p> +<p class="i20">Sitôt qu'on en est réduit là,</p> +<p class="i20">C'est le cas de fondre la cloche.</p> +</div></div> + +<h4>FORT</h4> + +<p>Deux prédicateurs prêchaient dans la même église; +celui qui prêchait le soir avait une voix très-forte. +Quelqu'un dit que la différence entre le prédicateur du +matin et celui du soir, c'était que le premier prêchait +fort bien, et le second bien fort.</p> + +<h4>FOSSE</h4> + +<p>Potier est mort, disait un vaudevilliste, dans le café +des Variétés; j'ai vu les tentures à sa porte; et voici +Odry qui prétend que c'est une fausse nouvelle.--L'enterrera-t-on? +dit Odry.--Assurément.--Eh bien! +n'est-ce pas, comme je l'ai dit, une fosse nouvelle?</p> + +<h4>FOURMI</h4> + +<p>Lorsque les fous, ayant recouvré leur raison, quittent +Bicêtre, qu'est-ce qu'ils sont!--Guéris.--Non, ce +sont des <i>fous remis</i>.</p> + +<h4>FRANC</h4> + +<p>A présent pièce de vingt sous (vieux style), autrefois +nom de peuple porté par les conquérants des Gaules. +Dans le <i>Siége de Paris</i> de M. le vicomte d'Arlincourt, +ces deux vers furent mal compris:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Pour chasser de ces murs les farouches Normands</p> +<p class="i16">Le roi Charles s'avance avec <i>vingt mille francs</i>.</p> +</div></div> + +<p>Un spectateur s'écria: «Ce n'est guère.»</p> + +<h4>FRAPPÉ</h4> + +<p>Un duel, dont les conséquences ont pensé être funestes +à l'un des combattants, prit dernièrement naissance +dans la réplique suivante, à une question fort +simple.</p> + +<p>--Monsieur, en lisant le premier article du journal, +n'avez-vous pas été frappé?...--Frappé, monsieur? +que voulez-vous dire? Croyez-vous que je sois +homme à me laisser frapper?</p> + +<h4>FRISER</h4> + +<p>Comment les cochers sont-ils plus coiffeurs que les +coiffeurs eux-mêmes?</p> + +<p>--Parce qu'ils savent friser les bornes et raser les +boutiques.</p> + +<h4>FRIT</h4> + +<p>Un plaisant nommé Turbot, étant près de mourir de +violentes coliques, son médecin demanda de l'huile +et voulut lui en faire prendre pour calmer ses douleurs.</p> + +<p>--Ah! docteur, lui dit le malade, remportez votre +huile, car le pauvre Turbot est frit.</p> + +<h4>FRUITS</h4> + +<p>Des ambassadeurs hollandais à la cour de France +étaient invités à dîner chez le ministre des finances. +On servit, au dessert, du fromage de Hollande. Le ministre, +en l'apercevant, dit à l'un des envoyés: +«Voilà du fruit de votre pays.» L'ambassadeur tire de +sa poche une poignée de ducats, les jette au milieu de +la salle et dit: «Ces fruits-là en sont aussi.»</p> + +<p>En 1789 les désordres dans les spectacles commençaient +déjà à devenir habituels. Il arriva un soir, au +Théâtre-Français, que le parti dit patriote se battit à +coups de poings dans le parterre contre le parti aristocrate, +à une représentation d'<i>Iphigénie</i>; et comme +on supposait que les loges étaient remplies principalement +de ces aristocrates, on jeta des pommes contre +plusieurs. La duchesse de Biron, qui en reçut une sur +la tête, l'envoya le lendemain à M. de La Fayette en +lui écrivant: «Permettez, Monsieur, que je vous offre +le premier fruit de la révolution qui soit venu jusqu'à +moi.»</p> + +<h4>FUIR</h4> + +<p>Une dame en visite disait à la dame du logis: «Prenez +garde à votre robe, votre petite chienne <i>fuit</i>.</p> + +<h4>FUSILIER</h4> + +<p>Pendant la guerre d'Orient, les journaux ont raconté +l'anecdote que voici:</p> + +<p>«Il y a quelques jours, à Valenciennes, une vieille +femme demanda à un jeune homme qu'elle rencontra +dans la rue où elle pourrait escompter un bon de 100 fr. +sur le Trésor, que lui envoyait son fils, militaire en +Crimée. A la lecture du billet, le monsieur pâlit légèrement. +Cependant, il conduisit la dame au comptoir de +MM. L. Dupont, Deparis et Cie. Tandis que le caissier +payait la somme souscrite, M. S... donnait les marques +de la plus vive émotion. Enfin, profitant du moment +où la bonne dame, tout heureuse, serrait dans son +sac les 100 fr. de son excellent fils, le jeune homme +s'approche du caissier et lui dit, avec des larmes dans +la voix (car il pleurait, le bon jeune homme):--La +joie de cette femme ne vous fait-elle pas mal comme +à moi, monsieur? Son fils vient d'être fusillé, et je ne +sais comment apprendre cette nouvelle à la pauvre +mère. Dites-la-lui, vous! Le caissier se récrie et refuse +en faisant entendre quelques mots d'étonnement; puis +se ravisant, il demande au jeune homme d'où il tient +ce terrible malheur. Pour toute réponse, M. S... retourne +le billet escompté, et montrant du doigt le nom +du dernier endosseur, il dit:--Lisez, monsieur, +lisez? Le caissier lut: Jean-Baptiste Gillot, fusilier au +27e de ligne.--Vous le voyez, monsieur: Jean-Baptiste +Gillot, <i>fusilier</i>! Le pauvre garçon est bien mort!--Qu'on +se figure, si l'on peut, le fou rire qui s'empara +à ces mots et du caissier et de la caisse et de la +banque. Les écus restèrent seuls insensibles.»</p> +<br> + +<h2>G</h2> + +<h4>GAGNER</h4> + +<p>Deux vieux charpentiers, grands observateurs du +saint Lundi s'étaient rendus, comme de coutume, à la +barrière et se livraient à d'abondantes libations. Ils +devisaient tous deux sur le moyen d'avoir de grands +profits:--Y a toujours moyen de gagner de l'argent, +père Flottard!... Un litre à la barrière, c'est six sous, +au lieu de douze qu'on le paie à Paris.--C'est vrai, +père Bisaiguë, j'ai gagné comme ça trois francs lundi +dernier, et j'en gagnerai bien encore autant aujourd'hui!</p> + +<h4>GALIMATHIAS</h4> + +<p>Un boucher, maigre de corps comme d'esprit, étant +entré un jour dans le magasin d'un libraire où était +l'abbé Maury, prit un volume de J. J., et se mit à +répéter, comme par affectation, et pour faire preuve +de goût, le passage suivant:</p> + +<p>«Qui commande à des hommes libres doit-être libre +lui-même.»</p> + +<p>Puis, se tournant vers l'abbé: Que pensez-vous de +cet adage, monsieur, lui dit-il?--Il n'a pas le sens +commun, reprit Maury, c'est comme si l'on disait:</p> + +<p>Quiconque tue des boeufs gras doit-être gras lui-même.</p> + +<h4>GAMME</h4> + +<p>Chantée à Genève au citoyen Proudhon:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16"><i>Ut</i>-opiste infernal, sans Dieu comme sans âme,</p> +<p class="i16"><i>Ré</i>-trograde prôneur d'un vieux système usé,</p> +<p class="i16"><i>Mi</i>-racle d'impudence en ce siècle abusé,</p> +<p class="i16"><i>Fa</i>-vorable aux fripons, dont tu fais la réclame,</p> +<p class="i16"><i>Sol</i>-eil dont la lumière est propice au voleur,</p> +<p class="i16"><i>La</i> terre connaîtrait ta funeste valeur,</p> +<p class="i16"><i>Si</i> tout homme de sens te chantait cette gamme,</p> +<p class="i16"><i>Ut</i>-opiste infernal, sans Dieu comme sans âme.</p> +</div></div> + +<h4>GANACHE</h4> + +<p>Un jour, Napoléon, fort mécontent à la lecture d'une +dépêche de Vienne, dit à Marie-Louise: Votre père est +une ganache. L'impératrice, qui ignorait beaucoup de +termes français, s'adresse à un conseiller d'État et lui +demande la signification du mot ganache, en lui disant +dans quelle circonstance l'Empereur l'a employée.--À +cette demande inattendue, le courtisan balbutie que +cela veut dire un homme sage, un homme de poids, +un homme de bon conseil.</p> + +<p>Quelques jours après, la mémoire encore fraîche de +sa nouvelle acquisition, Marie-Louise, présidant le conseil +d'État et voyant la discussion plus animée qu'elle +ne voulait, interpelle, pour y mettre fin, Cambacérès, +qui, à ses côtés, bayait tant soit peu aux corneilles: +C'est à vous à nous mettre d'accord dans cette occasion +importante, dit-elle, vous serez notre oracle, car +je vous tiens pour la première et la meilleure ganache +de l'Empire.</p> + +<p>Mais cette plaisanterie est, dit-on, un conte du faubourg +Saint-Germain.</p> + +<h4>GAND</h4> + +<p>Charles-Quint, né dans cette ville, jouait avec son +nom. Un jour qu'à la suite d'une révolte, le duc d'Albe +lui conseillait de détruire cette fourmilière de séditieux, +il le fit monter sur la tour du beffroi, et lui +faisant embrasser l'immense étendue de la ville:--Toutes +vos peaux d'Espagne, dit-il, ne suffiraient pas +à refaire un gant de cette grandeur.</p> + +<p>Lorsqu'il visita Paris, qui était plus resserré, il se +plut à dire encore:--Je mettrais Paris dans mon +gant.</p> + +<h4>GARÇON</h4> + +<p>Frédéric Soulié disait à un garçon de café qui le +servait mal:</p> + +<p>--Il faut vous marier.--Pourquoi cela?--Parce +que vous n'êtes pas fait pour rester garçon.</p> + +<p>La Bruyère appelle ceux qui briguent le nom de bel +esprit «garçons bel esprit,» comme qui dirait garçon +tailleur.</p> + +<h4>GARDE</h4> + +<p>On lisait en décembre 1857, dans le <i>Moniteur du +Calvados</i>:</p> + +<p>«Voici une interprétation originale de la loi portant +taxe sur les chiens. Un propriétaire d'une commune +voisine aurait écrit au maire de son endroit à peu près +en ces termes:</p> + +<p>«Monsieur le Maire,</p> + +<p>«La loi divise les chiens en deux catégories: chiens +de luxe ou d'agrément, et chiens de garde; les premiers +payant la taxe la plus élevée, et les derniers la +moindre.</p> + +<p>«J'ai l'honneur de vous informer que les deux +chiens que j'ai dans ma propriété appartiennent à +mon garde. Je vous prie donc les inscrire, comme +chiens <i>de garde</i>, dans la deuxième catégorie.»</p> + +<p>«Or, il paraît que ces chiens sont deux magnifiques +chiens de chasse.»</p> + +<h4>GAUCHE</h4> + +<p>Quatrain de Rivarol sur l'Assemblée nationale de +1789:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Dans cette assemblée, où l'on fauche</p> +<p class="i20">Et le bons sens et le bon droit,</p> +<p class="i20">Le côté droit est toujours gauche,</p> +<p class="i20">Et le gauche n'est jamais droit.</p> +</div></div> + +<h4>GAULES</h4> + +<p>Quel profit remarquable eurent les Romains à prendre +les Gaules?--La facilité d'abattre les noix.</p> + +<h4>GENDARMERIE</h4> + +<p>Une chanson, populaire à Paris, commence ainsi:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">De la gendarmerie,</p> +<p class="i20">Lorsqu'un gendarme rit,</p> +<p class="i20">Dans la gendarmerie</p> +<p class="i20">Chaque gendarme rit.</p> +</div></div> + +<h4>GENDEBIEN</h4> + +<p>Ex-représentant de Belgique, dont le nom fit faire +un calembour.--Avez-vous beaucoup de <i>gens de +bien</i> à la Chambre? demandait-on à une dame de +Bruxelles.--Non, monsieur, répondit-elle. Nous n'en +avons qu'un.</p> + +<h4>GÊNE</h4> + +<p>Quel est le peuple le moins bien dans ses affaires?--Ce +sont les Gênois, qui vivent constamment dans +l'État de <i>Gênes</i>.</p> + +<h4>GÉNÉRALE</h4> + +<p>On sait le mot de ce soldat de la République sur un +de ses chefs qui faisait mauvais ménage:</p> + +<p>--Notre général n'est qu'un tambour.</p> + +<p>--Pourquoi?</p> + +<p>--Parce qu'il bat la générale.</p> + +<h4>GENTILHOMME</h4> + +<p>Franklin prenait plaisir à répéter une observation +de son nègre, auquel il avait défini ce que c'était qu'un +gentilhomme.</p> + +<p>--Massa, lui disait l'Africain, tout travaille dans +ce pays: l'eau travaille, le vent travaille, le feu travaille, +la fumée travaille, les chiens travaillent, le +boeuf travaille, le cheval travaille, l'homme travaille, +tout travaille, excepté le cochon; il mange, il boit, +il dort, et ne fait rien de la journée. Le cochon est donc +le seul gentilhomme de l'Angleterre.</p> + +<h4>GILET</h4> + +<p>Un fermier de Saint-Julien-du-Sault étant très-malade, +ses amis lui conseillèrent de faire venir le médecin +de l'endroit, qui se nommait Gilet. «Ah bah! leur +dit-il, je suis venu tout nu au monde, je m'en retournerai +bien sans gilet.»</p> + +<h4>GLACÉS</h4> + +<p>Un galant, présentant à une dame une paire de +gants <i>glacés</i>, lui disait:--C'est ce que j'ai trouvé de +plus <i>frais</i>.</p> + +<h4>GRAINS</h4> + +<p>Donnons sur ce mot quelques jolis couplets de +M. Jacinthe Leclère:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Déjà maint critique s'avance</p> +<p class="i20">Impatient de me juger</p> +<p class="i20">Pour faire pencher la balance</p> +<p class="i20">Un grain est un sujet léger.</p> +<p class="i20">Mais à son jugement suprême</p> +<p class="i20">Je m'abandonne sans appel;</p> +<p class="i20">Heureux, si des grains que je sème,</p> +<p class="i20">Je recueille un seul grain de sel.</p> +<br> +<p class="i20">Ce riche gourmand qui m'écoute,</p> +<p class="i20">Et déjà méprise mes grains,</p> +<p class="i20">Sait-il ce qu'un grain de blé coûte</p> +<p class="i20">Et de sueurs et de chagrins?</p> +<p class="i20">Ce chapon fin dont il se gorge</p> +<p class="i20">De grains dépeupla nos guérets;</p> +<p class="i20">Et de sa serviette à grains d'orge</p> +<p class="i20">Un grain de chanvre a fait les frais.</p> +<br> +<p class="i20">Un grain de vent porte la foudre</p> +<p class="i20">Et des mers trouble le repos;</p> +<p class="i20">Et plus loin, quelques grains de poudre</p> +<p class="i20">Tranchent la trame des héros.</p> +<p class="i20">Un grain d'esprit rend plus jolie;</p> +<p class="i20">Un grain d'amour trouble les sens;</p> +<p class="i20">Et souvent un grain de folie</p> +<p class="i20">Fait passer un grain de bon sens.</p> +<br> +<p class="i20">De mes grains j'ouvre une boutique,</p> +<p class="i20">Et j'en donne à tous mes voisins:</p> +<p class="i20">Aux parvenus, grains d'émétique,</p> +<p class="i20">Aux ivrognes grains de raisins,</p> +<p class="i20">Quelques grains d'or à l'alchimiste</p> +<p class="i20">Au malade, grains de santé,</p> +<p class="i20">Grains d'ellébore au journaliste,</p> +<p class="i20">Et grains d'encens à la beauté.</p> +</div></div> + +<h4>GRAMMAIRE</h4> + +<p>Un professeur de mathématiques, bon homme et +vieux savant, que les préoccupations de la science +poursuivaient souvent jusque dans ses fonctions les +plus pieuses, avait l'habitude, lorsque les élèves égaraient +un livre ou quelque objet d'étude, d'en faire +l'annonce à la prière du soir. Un jour qu'il venait de +réciter les oraisons communes, un élève s'approchant +lui dit à l'oreille:--Monsieur, voulez-vous annoncer, +s'il vous plaît, que j'ai perdu ma grammaire.</p> + +<p>Préoccupé sans doute par quelque problème, le savant, +s'égarant sur le mot, s'empressa de répéter tout +haut: Un tel me prie de vous annoncer qu'il a eu la +douleur de perdre sa grand'mère. Nous la recommandons +à vos prières.</p> + +<p>Mais c'est ma grammaire grecque que j'ai perdue, +répond le jeune homme en riant du quiproquo.</p> + +<p>Messieurs, la pauvre femme était Grecque, ajoute +aussitôt le professeur avec émotion; Dieu veuille avoir +son âme.</p> + +<h4>GRAND</h4> + +<p>Ce mot change de sens quelquefois en changeant de +place: un grand homme n'est pas toujours un homme +grand, et souvent un homme grand n'est qu'un petit +homme. La grandeur mise en avant est la mesure de +l'âme, mise en arrière elle n'est que la taille du corps.</p> + +<p>La musique du <i>Jugement de Midas</i>, de Grétry, fut +sifflée à la cour et applaudie à Paris. C'est à ce sujet +que Voltaire adressa au célèbre compositeur le quatrain +suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">«La cour a dénigré tes chants</p> +<p class="i20">Dont Paris nous dit des merveilles,</p> +<p class="i20">Grétry, les oreilles des grands</p> +<p class="i20">Sont souvent de grandes oreilles.»</p> +</div></div> + +<p>Le chancelier Bacon disait: «Les gens de haute stature +ressemblent quelquefois aux maisons de quatre +ou cinq étages, dont le plus haut appartement est +d'ordinaire le plus mal meublé.»</p> + +<p>Un des derniers rois d'Espagne, auquel le sort des +armes avait enlevé plusieurs places considérables +recevait cependant, de la plupart de ses courtisans, le +titre de grand: «Sa Grandeur, dit un Espagnol, ressemble +à celle des fossés, qui deviennent grands à proportion +des terres qu'on leur ôte.»</p> + +<h4>GRANDESSE</h4> + +<p>Quelle est la lettre la plus estimée en Espagne?--La +grande <i>S</i>.</p> + +<h4>GRAND-LIVRE</h4> + +<p>On lisait, chez la femme d'un banquier, l'Invocation +de Milton à la lumière. Un homme d'affaire, qui n'avait +jusqu'alors donné qu'une faible attention à cette +lecture, se réveilla tout à coup à ce vers:</p> + +<p class="mid">Et pour moi le grand livre est fermé pour jamais!</p> + +<p>(Il s'agit là du grand livre de la nature.)</p> + +<p>--Eh quoi! s'écria le banquier, est-ce qu'on ne lui +a pas payé ses rentes?</p> + +<h4>GREDIN</h4> + +<p>Une épigramme de l'<i>Almanach des Aristocrates</i> +pour 1791:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Certaine Anglaise, à certaine séance,</p> +<p class="i16">D'un certain club qui dirige la France,</p> +<p class="i16">Un certain soir, se trouvait par hasard.</p> +<p class="i16">--Oh! s'il vous plaît, dit-elle à sa voisine,</p> +<p class="i16">Sur cet fauteuil qu'est cet monsieur camard,</p> +<p class="i16">Qu'à droite, à gauche, ici chacun lutine?</p> +<p class="i16">--Milady, c'est monsieur le président,</p> +<p class="i16">Ce que chez vous l'orateur on appelle.</p> +<p class="i16">--Oh! l'orateur, fort bien cet mot s'entend.</p> +<p class="i16">Mais, s'il vous plaît, quel est, ajouta-t-elle,</p> +<p class="i16">Cet instrument que dans ses mains je vois?</p> +<p class="i16">--C'est de son rang l'éclatant interprète;</p> +<p class="i16">C'est là son sceptre, et nos augustes lois</p> +<p class="i16">Ne se font plus qu'à grands coups de sonnette.</p> +<p class="i16">--Oh! et que dit ce bruit original:</p> +<p class="i16"><i>Gredin! Gredin!</i> dont toute l'assemblée</p> +<p class="i16">A, comme moi, la cervelle fêlée?</p> +<p class="i16">--Mais, Milady, c'est l'appel nominal.</p> +</div></div> + +<h4>GUET-APENS</h4> + +<p>Le roi des Turlupins était M. d'Armagnac. Ce seigneur +se trouvant un jour avec le duc (Henri-Jules), +depuis prince de Condé, il lui demanda pourquoi on +disait guet-à-paon et non pas guet-à-dinde?--Par la +même raison, répondit le prince, qu'on ne dit pas, +Monsieur d'Armagnac est un <i>turluchêne</i>, mais un <i>turlupin</i>.</p> +<br> + +<h2>H</h2> + +<p>Quelles sont les lettres les plus menues?--Les +lettres H E.</p> + +<h4>HABILLER</h4> + +<p>Une maîtresse de maison avait besoin d'un domestique; +on lui envoya un brave garçon qui arrivait en +droite ligne de Limoges, en Limousin.--Victor (c'était +son nom) était muni des meilleurs renseignements.</p> + +<p>--C'est bien, Victor, lui dit-elle, je vous prends à +mon service; vous aurez cent écus de gages, vous +serez nourri, blanchi et je vous habillerai.</p> + +<p>--Ainsi, madame m'habillera?</p> + +<p>--Oui. Faites porter vos effets et restez.</p> + +<p>Victor sortit, revint et fit son service.</p> + +<p>Le lendemain on attend Victor; point de Victor. On +sonne, personne; on resonne, personne encore. Deux +heures se passent et Victor ne paraît pas.</p> + +<p>Impatientée, la maîtresse du logis monte chez +Victor.</p> + +<p>Il était pacifiquement couché, les yeux ouverts.</p> + +<p>--Mais, Victor, dit la dame, il est onze heures.</p> + +<p>--Je le sais, madame, répond Victor d'un air tranquille.</p> + +<p>--Vous n'avez donc pas entendu qu'on vous a +sonné?</p> + +<p>--Au contraire.</p> + +<p>--Alors, pourquoi ne descendiez-vous pas?</p> + +<p>--Mais, madame m'avait dit hier qu'elle m'habillerait; +j'attendais qu'elle vint m'habiller.</p> + +<h4>HACHÉES</h4> + +<p>Quelles sont les lettres les plus maltraitées?--Les +lettres H E.</p> + +<h4>HACHER</h4> + +<p>Madame de Sévigné disait des pendules à secondes, +qu'elle ne les aimait pas, parce qu'elles hachent la vie +trop menu.</p> + +<h4>HAINE AU BEURRE</h4> + +<p>Quels sont les départements où l'on fait la cuisine à +l'huile?</p> + +<p>Les voici: Aisne, Aube, Eure.</p> + +<h4>HAINE AU HACHIS</h4> + +<p>S'écrit en quatre lettres délicates, <i>n</i>, <i>o</i>, <i>h</i>, <i>i</i>.</p> + +<h4>HALEINE</h4> + +<p>Un cordonnier, président de section en 1793, prononçait +un discours de circonstance; une période, +entre autres, se trouva si étendue que, malgré la force +de ses poumons, les derniers mots expiraient sur ses +lèvres. Un plaisant lui cria:--Citoyen, reprenez +votre alène.»</p> + +<h4>HARENG SAUR</h4> + +<p>Cadet-Roussel, professeur de déclamation, remplit +le rôle d'un tyran qui a pour confident Aran; il le +chasse en lui disant:--«<i>Aran, sors.</i>»</p> + +<p>Citons aussi ce vers, du récit de la mort d'un vieillard, +dans une tragédie moderne:</p> + +<p class="mid">Il sortit d'ici-bas comme <i>un vieillard en sort</i>.</p> + +<h4>HARMONIE</h4> + +<p>Malherbe est auteur de ce vers:</p> + +<p class="mid">Enfin cette beauté m'a la place rendue.</p> + +<p>On dit un jour à ce poëte que Des Yveteaux l'appelait +le poëte Malapla, faisant allusion à ce dernier hémistiche: +<i>m'a la place rendue</i>, qui, à la vérité ne +désigne pas une oreille sévère pour la cadence.</p> + +<p>--C'est bien à M. Des Yveteaux à trouver mauvais +ce <i>m'a la pla</i>, dit Malherhe, lui qui a fait <i>parabla +ma fla</i>.</p> + +<p>Des Yveteaux, en effet, finit un vers par ces mots:</p> + +<p class="mid">Comparable à ma flamme.</p> + +<p>Le comte de Caylus avait demandé, en mourant, +que son tombeau fût surmonté d'une urne étrusque +dans laquelle on renfermerait son coeur. Il n'y avait +que lui qui pût se faire cette épitaphe:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Ci-gît un antiquaire, acariâtre et brusque.</p> +<p class="i16">Ah! qu'il est bien placé dans cette cruche étrusque.</p> +</div></div> + +<p>La Motte-Le-Vayer cite un homme qui fut vingt-quatre +heures à rêver comment il éviterait de dire <i>ce +serait</i>, à cause de la ressemblance des deux premières +syllabes: ce n'est pas ce que nous conseillons ici.</p> + +<p>--Les vers suivants sont faits exprès:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Quand un cordier cordant veut accorder sa corde,</p> +<p class="i16">Pour sa corde accorder trois cordons il accorde;</p> +<p class="i16">Mais si l'un des cordons de la corde décorde,</p> +<p class="i16">Le cordon décordant fait décorder la corde.</p> +</div></div> + +<h4>HARNAIS</h4> + +<p>L'industrie est une fort belle chose assurément; mais +elle a une manie d'envahissement parfois déplorable. +Que lui ont fait les grands noms de Condé, Turenne, +Bayard, Montesquieu, pour qu'elle en fasse une enseigne? +N'a-t-elle pas des patrons plus naturels? Voici de +quoi nous menace un sellier. Il se propose d'écrire sur +sa boutique:</p> + +<p class="mid">Au prince Eugène--Beaux-harnais.</p> + +<p>Qui oserait dire que la société n'est pas malade, +lorsqu'il se produit des cas aussi graves de calembour!</p> + +<h4>HAUT ET VAIN</h4> + +<p>On disait à un homme orgueilleux: vous avez bu +de l'abondance, car vous êtes <i>eau et vin</i>...</p> + +<h4>HÉBÉTÉES</h4> + +<p>Quelles sont les lettres les moins spirituelles?--Les +lettres <i>e</i>, <i>b</i>, <i>t</i>.</p> + +<h4>HEURE</h4> + +<p>Dans quel département peut-on le mieux se passer +de montre?--Dans le département de l'Eure.</p> + +<h4>HISTORIOGRAPHE</h4> + +<p>Moncrif avait fait une histoire des chats, sous le +nom desquels il avait plaisanté plusieurs personnages +de la cour. Il était fort aimé du comte d'Argenson. Il +dit un jour au ministre:--Monseigneur, vous êtes +le maître de me faire donner le brevet d'historiographe +de France.</p> + +<p>Malheureusement, M. d'Argenson se ressouvenait +encore de l'histoire des chats.--Historiographe? lui-dit-il, +cela n'est pas possible; mais pour historiogriffe, +cela se pourrait faire.</p> + +<h4>HOMARD</h4> + +<p>Un des spirituels écrivains de ce temps-ci a dit, en +parlant d'un crustacé qu'il aime, à ce qu'il paraît: +«Le homard, ce cardinal de la mer.» Cet écrivain +gastronome croit que le homard est rouge avant +d'être cuit.</p> + +<h4>HOMME</h4> + +<p>Un soldat ivre, disait à son caporal:--Tais-toi, tu +n'es pas un homme.--Je te prouverai le contraire, +lui dit le caporal.--Jamais, reprend le soldat, et +c'est impossible: écoute le major, quand il commande +la garde, le matin à la parade. Ne dit-il pas toujours: +pour tel poste, six hommes et un caporal! Tu vois +donc bien que les caporaux ne sont pas des hommes.</p> + +<h4>HONNÊTE</h4> + +<p>Ce mot change de sens, comme grand, en changeant +de place. Les gens honnêtes n'annoncent pas toujours +les honnêtes gens; et les démocrates ne se lassaient +pas de dire, sous la restauration, avec moins de raison +que d'envie peut-être: ceux qu'on appelle les honnêtes +gens ne sont pas ceux que nous appelons les +gens honnêtes.</p> + +<h4>HOSTILES</h4> + +<p>Voilà un homme qui a des prétentions au style.--Comment +hostiles! mais c'est un homme très-doux.</p> + +<h4>HOTEL</h4> + +<p>Un Gascon, qui n'avait que ses bons mots pour vivre, +étant tombé malade à Paris, fut contraint de se faire +porter à l'Hôtel-Dieu. Un de ses anciens camarades +vint le voir:</p> + +<p>--Eh! donc, mon cher enfant, lui dit-il, en quel +état je te trouve! Courage, mon ami, courage!</p> + +<p>--Pour du courage, lui répondit-il, les gens de +notre pays n'en manquent point.</p> + +<p>--Eh! qui le sait mieux que moi? lui dit celui qui +le visitait. Au reste, mon cher enfant, ajouta-t-il, tu +me permets de te demander si tu es bien avec Dieu?</p> + +<p>--Apparemment, lui répliqua le Gascon malade, je +ne dois pas y être mal, puisqu'il me donne un appartement +dans son hôtel.</p> + +<h4>HUMIDE</h4> + +<p>Un médecin demanda à un malade comment il avait +trouvé le bain qu'il lui avait ordonné.--Un peu humide, +répondit l'autre.</p> + +<p>Malherbe était affecté d'un bégaiement continuel, +et de plus il crachait très-fréquemment, cinq ou six +fois au moins, en lisant une stance de quatre vers. Cela +fit dire très-plaisamment au cavalier Marini: «Je n'ai +jamais vu d'homme plus humide, ni de poëte plus +sec.»</p> + +<h4>HUPPÉES</h4> + +<p>Quelles sont les lettres les plus fières?--Les lettres +<i>u</i>, <i>p</i>.</p> +<br> + +<h2>I</h2> + +<p>Quel est le plus ancien des I.--L'I mage.--Et +quel est le plus froid?--L'I vert.</p> + +<h4>I FIT GÉNIE</h4> + +<p>De qui le génie a-t-il reçu le jour?--De la lettre I, +car les anciens ont écrit <i>Iphigénie</i>.</p> + +<h4>IMITATION</h4> + +<p>M. O. Leroy a raconté la petite anecdote que voici, +dans les journaux de septembre 1855.</p> + +<p>«Un bon vieux curé de campagne, qui avait entendu +parler magnifiquement des <i>Imitations</i>, l'une en latin, +l'autre en vers français de Corneille, réimprimées +pour l'Exposition universelle, y était arrivé, uniquement +pour voir son livre de prédilection, bien décidé +à repartir dès qu'il l'aurait examiné sous ses nouvelles +formes. Il ne doutait pas que ce livre, qui remplit +le monde de sa gloire, mais qui tient une si petite +place à l'Exposition universelle, ne fût là tout entier +dans la tête de chaque employé, ainsi qu'il était dans +la sienne. Il s'adresse en entrant à l'un d'eux:</p> + +<p>--Monsieur, voudriez-vous me dire ou sont les +<i>Imitations</i>?</p> + +<p>--Les imitations en verre?</p> + +<p>--En vers, mon ami! Il y en a une en vers de +Boisville, une autre de Corneille à laquelle on a mis, +dit-on, des peintures superbes et dignes de l'auteur.</p> + +<p>--Ah! très-bien! je vois cela d'ici... Ça doit être +dans les cristaux, ou bien dans les émaux, se dit-il +en lui-même... Monsieur l'abbé, vous ferez du chemin, +mais ne soyez pas rebuté, vous finirez par arriver, et +rien de si facile que de vous indiquer ce que vous +demandez: vous allez monter cet escalier.</p> + +<p>--Très-bien, mon ami.</p> + +<p>--Vous descendrez ensuite.</p> + +<p>--À merveille, mon cher.</p> + +<p>--Et vous irez toujours tout droit. Vous n'aurez +pas fait une demi-lieue que vous demanderez où sont +les <i>Imitations en verre</i>; c'est connu de tout le monde.</p> + +<p>--De tout le monde! dit avec joie le bon curé. Et +l'on dit le siècle prosaïque!... Je suis édifié, mon ami, +et très-reconnaissant de vos excellentes indications.</p> + +<p>--Il n'y a pas de quoi, Monsieur l'abbé.</p> + +<p>Voilà le pauvre prêtre qui se met en route, monte, +descend, traverse les longues galeries au milieu de la +foule et de toutes les industries; il ne voit rien que le +but où il tend, et répète en lui-même les premiers +mots de son livre chéri: «Celui qui vous cherche, +Seigneur, ne marche point dans les ténèbres, <i>non ambulat +in tenebris</i>.» Enfin, il s'arrête et demande à +quelques étourdis qui se trouvent sur son passage où +sont les <i>Imitations</i>.</p> + +<p>--Est-ce du plaqué que vous cherchez, monsieur +l'abbé? répond l'un d'eux.</p> + +<p>--Non, monsieur, c'est de l'A-kempis ou du Gerson, +dont le grand Corneille a traduit en vers l'<i>Imitation +de Jésus-Christ</i>.</p> + +<p>--Ah! ce curé est adorable et à mettre sous verre! +dit tout bas l'étourdi, qui ajouta plus haut: Monsieur +l'abbé, ces choses-là ne sont pas de notre connaissance.</p> + +<p>--Tant pis, Messieurs! Quelqu'un a dit: Il est venu +parmi les siens, ils ne l'ont pas connu.</p> + +<p>Le prêtre attristé s'en allait, quand un jeune exposant, +qui l'avait entendu de son magasin où il était +avec son père, vint lui dire: Monsieur l'abbé, permettez-moi +de vous conduire vers ce beau livre que mon +père a aussi dans sa bibliothèque et dont souvent il +nous cite les vers.</p> + +<p>Et le bon prêtre consolé, après avoir serré la main +du père qui l'était venu saluer, fut conduit par le fils +au but de son voyage, à ses chères <i>Imitations</i>, dont il +lut avec âme quelques vers sublimes à son guide, le +remercia affectueusement, le bénit, et en s'en allant +répéta ces vers qu'il avait lus:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Vous pouvez maintenant, Seigneur,</p> +<p class="i20">Rappeler votre serviteur.</p> +</div></div> + +<h4>IMPÔTS</h4> + +<p>On a renouvelé, à l'aspect de l'Assemblée constituante +de 1848, ces petits vers faits en 1790 pour sa +devancière.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Quel coup d'oeil ravissant!</p> +<p class="i20">Quel spectacle <i>imposant</i>!</p> +<p class="i20">Disait un démocrate.</p> +<p class="i20">Oui, réplique aussitôt</p> +<p class="i20">Un brave aristocrate:</p> +<p class="i20">Il va doubler l'<i>impôt</i>.</p> +</div></div> + +<h4>INCUIT</h4> + +<p>Ce gigot est incuit, disait à son hôte un homme +qui faisait le beau parleur.--Monsieur, répondit +l'hôte, c'est par l'insoin de la cuisinière.</p> + +<h4>INRI</h4> + +<p>Le marquis de Gèvres était vain et ignorant; du +moins, on le dit. On ajoute qu'il se compromettait +souvent par là. Causant un jour dans les cabinets du +roi, et admirant plusieurs tableaux, entre autres des +crucifiements de différents maîtres, il décida que le +même en avait fait un grand nombre, entre autres +tous ceux qui se trouvaient là. On se moqua de lui, et +on lui nomma les peintres, dont on reconnaissait la +manière.--Point du tout, s'écria-t-il, ce peintre +s'appelait INRI.</p> + +<p>Ne voyez vous pas son nom sur tous ces tableaux?...</p> + +<p>Est-ce possible?</p> + +<h4>INVENTER</h4> + +<p>Quelqu'un disait devant madame Du Deffant, qui +s'était brouillée avec Voltaire, que ce dernier n'avait +pas beaucoup inventé:--Que voulez-vous de plus? +dit-elle finement, il a inventé l'histoire!</p> +<br> +<h2>J</h2> + +<h4>JABOT</h4> + +<p>Un élève en médecine se présente à l'examen de la +Faculté, avec une chemise à jabot qui faisait honneur +à sa blanchisseuse. Cela sortait de son gilet avec un +éclat à faire loucher le professeur qui l'interrogeait.</p> + +<p>Dans le fait, le vieux docteur en était tout offusqué, +et il prononça sur-le-champ, qu'un si beau jabot +ne devait pas appartenir à un récipiendaire bien +savant.</p> + +<p>Monsieur, dit-il, pourriez-vous me dire ce que vous +entendez par jabot?</p> + +<p>Le candidat troublé ouvre de grands yeux, les +abaisse sur sa poitrine, regarde le professeur et +rougit.</p> + +<p>--Allons, vous ne savez pas ce que c'est qu'un +jabot; c'est le troisième estomac d'un dindon.</p> + +<h4>J'AI FROID</h4> + +<p>Quel est l'homme dont on prononce le plus souvent +le nom en hiver?--L'acteur <i>Geffroy</i>.</p> + +<h4>JAMBON</h4> + +<p>On disait à un touriste qu'il fallait se défier des +Allemands, surtout dans les provinces rhénanes.--Cela +m'étonne, dit-il, car à mon dernier voyage à +Mayence, j'y ai vu beaucoup de <i>gens bons</i>.</p> + +<h4>JÉRICHO</h4> + +<p>Un marchand de tableaux présentait à un certain +prince qu'on ne nomme pas, un petit tableau précieux, +en lui disant qu'il venait de Géricault.--C'est +prodigieux, dit le prince, que le tableau se soit si bien +conservé depuis l'écroulement de cette ville!</p> + +<h4>JEUNESSE</h4> + +<p>Dasnières disait que la jeunesse s'appelle ainsi +parce qu'elle est l'âge où les jeux naissent.</p> + +<h4>JEUX DE MOTS</h4> + +<p>À la fin de la campagne de 1761, où MM. les comtes +de Fougère et de La Luzerne commandaient la maison +du roi, un garde du corps, que des affaires instantes +appelaient dans sa province, vint leur présenter +sa démission, et les prier de lui accorder son +congé.</p> + +<p>Quoi! Monsieur, lui dirent d'un ton ironique ces +deux généraux, vous quittez le service pour aller +planter vos choux!</p> + +<p>--Oui, Messieurs, répondit froidement l'honnête +militaire; je vais bêcher mon jardin, et je le cultiverai +de manière qu'il n'y vienne ni luzerne ni fougère.</p> + +<p>Un poëte médiocre croyait mettre ses vers à l'abri +de la censure en disant qu'ils étaient passables:</p> + +<p>--Oui, lui dit-on, il sont passables en tous sens: +vous vous seriez bien passé de les faire, nous nous +serions bien passé de les lire, et la mémoire en passera +bien vite.</p> + +<p>Quelqu'un ayant dit à une femme que le suif était +augmenté à cause de la guerre:--Ah! dit-elle, +apparemment que les armées se sont battues à la +chandelle.</p> + +<p>Le marquis de St*** ayant offensé un M. De Chambre, +fut engagé par ses amis à lui faire quelques excuses. +Le marquis lui écrivit à peu près en ces termes.</p> + +<p>«Ce que je me suis permis de dire à votre sujet est +absolument sans conséquence. La meilleure preuve +que je puisse vous donner de mon estime, c'est de +vous demander à dîner pour le jour qu'il vous plaira +de m'assigner. Tout à vous.</p> + +<p>«<span class="sc">Le marquis de St***.</span>»</p> + +<p>M. De Chambre répondit:</p> + +<p>«Vous m'avez laissé le choix du jour. Empressé +de vous recevoir, je vous invite pour mercredi, et +vous prie de vouloir bien accepter la fortune du +pot.</p> + +<p>«<span class="sc">De Chambre.</span>»</p> + +<p>M. de Puymaurin, député de Toulouse pendant la +restauration, se plaisait à faire des jeux de mots. Un +jour, M. Petou, député de la Còte-d'Or, monta trois +fois à la tribune dans la même séance.--Ah ça! dit +M. de Puymaurin, il faut donc toujours que M. Petou +parle?</p> + +<p>--Je voudrais que mon fils sût un peu de tout, qu'il +eût une teinture des langues latine et grecque, une +teinture d'histoire et de géographie, une teinture des +mathématiques, une teinture de dessin, etc.; mais je +ne sais pas pour cela quel maître lui donner.</p> + +<p>--Donnez-lui, madame, un maître teinturier.</p> + +<p>La présente liste a été trouvée, en 1848, à l'Assemblée +nationale sous le pupitre d'un montagnard facétieux, +non moins connu par ses calembredaines que +par ses quinze perruques. Les noms qui y sont inscrits +étaient-ils destinés à <i>l'épuration</i>? Forment-ils au contraire +une liste de conciliation? Nos lecteurs jugeront +sur la copie textuelle que nous mettons sous leurs +yeux:</p> + +<p>Armand Marrast, Mauvais, Marquis.</p> + +<p>Sénard, Mulé, Normand.</p> + +<p>Bastide, Canul, Rouillé.</p> + +<p>Porypapy, Noirot, Crépu.</p> + +<p>Buvignier, Casse-Carreau.</p> + +<p>Ledru-Rollin, Levet, Laissac, Dargent, Crémieux, +Laydet, Découvrant, Cécile, Lacroix, Lorette.</p> + +<p>Leyraud de Puyraveau, Daix, Gouttay, Lamartine.</p> + +<p>Leblanc, Mouton, Beslay, Considérant, Lherbette, +Faucher.</p> + +<p>Joly père, Savy, A. Payer, Lebleu, Dargenteuil.</p> + +<p>Sallandrouze, Tendret, Lestapis.</p> + +<p>Pierre Leroux, Person, Toupet.</p> + +<p>Boulanger, Pézerat, Dupin.</p> + +<p>Labbé, de Lamenais, Vieillard, Boussingault.</p> + +<p>On lisait alors dans le <i>Corsaire</i> cet autre amas de +jeux de mots sur la même Assemblée:</p> + +<p>«On a vu tous nos législateurs éclater de rire à l'aspect +du bon M. <i>Leboeuf</i>, montant à la tribune à propos +d'une question de boucherie: rien de mieux! Le coq-à-l'âne +y était; mais dès lors il devient fort difficile d'aborder +les rostres pour peu qu'on ait un nom... Voyez +plutôt:--D'ici à peu de temps, on doit présenter un +projet de loi sur la boulangerie. Voilà donc la discussion +interdite à la famille <i>Dupin</i> et à M. <i>Dufour</i>! +Vienne le rapport de la commission des pâturages, et +M. <i>Lherbette</i> est obligé de rester chez lui. S'agit-il du +droit des vins, le pauvre M. <i>Baune</i> est réduit au silence, +et M. <i>Lacave</i> est bien forcé de l'imiter. La discussion +sur les ordonnances de chasse, entamée par +M. <i>Chasseloup</i>, va faire fuir M. <i>Dain</i>, qui sera fort +heureux de se cacher entre <i>Duparc</i> et <i>Dubois</i>. Si l'on +s'avise de réglementer les perruquiers français, que +diront MM. <i>Crépu</i> et <i>Toupet-des-Vignes</i>; MM. <i>Rateau</i> +et <i>Bineau</i> auront-ils le droit de voter dans une question +de jardinage, et M. <i>Buffet</i> dans une affaire de +comestibles? Voyez-vous M. <i>Pigeon</i> prenant la parole +contre <i>Lagrange</i>, dans une explication sur les grains, +défendus par M. <i>Moulin</i>?... Quand il s'agira de la +fixation de l'âge pour les listes électorales, est-ce +M. <i>Vieillard</i> qui osera se déclarer incompétent? A +propos du droit d'aînesse, que ferait l'amiral <i>Lainé</i>? +Et si jamais (cela peut arriver) <i>Hyacinthe</i> comparaissait +à la barre de la Législative, pour crime politique, +qui le jugerait, de M. <i>Ney</i> ou de M. <i>Camus</i>?... Il n'y +aurait guère que M. <i>Troplong</i> qui pourrait hasarder +son bulletin. MM. <i>Le Flô</i> et <i>de Flotte</i> seraient bien vagues +à propos de marine; M. <i>Failly</i>, fort suspect dans +les questions commerciales; M. <i>Lélut</i> au moins superflu +dans un projet électoral, et M. <i>Bigot</i> très-récusable +dans l'examen du budget des cultes, appuyés par +M. <i>Legros-Dévot</i>... Est-ce que M. <i>Lemaire</i> oserait dire +son mot sur les franchises municipales? S'il s'agissait +des monuments nationaux, M. <i>Conté</i> se croirait-il appelé +à faire de l'histoire? En matière religieuse, <i>Pascal +(Frédéric)</i> combattrait-il M. <i>Arnaud (de l'Ariège)</i>, +sans craindre les allusions à <i>Port-Royal</i>?</p> + +<p>Un autre journal du même temps (<i>la Providence</i>) +publia aussi une charmante et spirituelle critique, qui +a droit à figurer ici.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">On vous a raconté l'idée assez comique</p> +<p class="i16">De ce monsieur <i>Leroy</i> qui, plein d'ardeur civique,</p> +<p class="i16">Prétendait l'autre jour, répudiant son nom,</p> +<p class="i16">Qu'on l'appelât: <i>le Peuple</i>... et cela tout de boni</p> +<p class="i16">C'était peut-être un comte... (ah! pardon, une histoire:</p> +<p class="i16">Le mot <i>comte</i>, je crois, est banni du grimoire.)</p> +<p class="i16">J'y pense, il est de fait que cela désormais,</p> +<p class="i16">Va changer diablement le langage français;</p> +<p class="i16">Voyez combien de mots le décret nous enlève:</p> +<p class="i16">Il supprime d'un coup l'ancien <i>roi</i> de la fève,</p> +<p class="i16">Les <i>rênes</i> de voiture et la <i>reine</i> du bal;</p> +<p class="i16">Quant à la <i>reine Claude</i>, un arrêté légal</p> +<p class="i16">N'admet, dans ses rigueurs, d'exceptions aucunes,</p> +<p class="i16">Et la loi promulgée est faite pour les prunes.</p> +<p class="i16">Le <i>Grand-Duc</i>, ce rival du rapide faucon,</p> +<p class="i16">N'a qu'à bien se garder et qu'à changer de nom,</p> +<p class="i16">Et le <i>tigre royal</i>, s'il tient à sa peau lisse,</p> +<p class="i16">Doit cacher l'épithète à l'oeil de la police...</p> +<p class="i16">Et l'oiseau de passage, appelé <i>Chevalier</i>,</p> +<p class="i16">Quoi qu'en ait dit Buffon, n'est plus qu'un roturier;</p> +<p class="i16">Quant à Jules Janin que notre République</p> +<p class="i16">Proclama, dès longtemps, <i>prince</i> de la critique,</p> +<p class="i16">Son esprit, son talent ne lui servent de rien:</p> +<p class="i16">C'est presqu'un <i>Vacquerie</i>... un simple citoyen...</p> +<p class="i16">Plus de distinctions, d'ordres, de privilèges!</p> +<p class="i16">Les <i>croix</i>... même d'honneur, sont choses sacriléges:</p> +<p class="i16">On les supprimera sur les dos des ânons:</p> +<p class="i16">Les souliers désormais n'auront plus de <i>cordons</i>,</p> +<p class="i16">Et l'on ne pourra plus mettre aux foyers de <i>plaques</i>.</p> +<p class="i16">On défend les <i>rubans</i> aux bonnets comme aux claques;</p> +<p class="i16">Les théâtres sont pris dans ces proscriptions,</p> +<p class="i16">On joûra tout Chénier... sans <i>décorations</i>;</p> +<p class="i16">Et quand madame Hamel rôtira des mauviettes,</p> +<p class="i16">Défense à ses garçons d'en servir en <i>brochettes</i>:</p> +<p class="i16">Inutile de dire aux lecteurs pénétrants</p> +<p class="i16">Que les bottes, parbleu! n'auront pas de <i>tirans</i>;</p> +<p class="i16">Que les livres, ces rois assemblés en chapitres,</p> +<p class="i16">Paraîtront en public sans <i>pages</i> et sans <i>titres</i>;</p> +<p class="i16">La lettre majuscule est proscrite à jamais:</p> +<p class="i16">L'égalité pour tous! Aux termes des décrets</p> +<p class="i16">Défense d'imprimer sur du papier <i>couronne</i>;</p> +<p class="i16">Ordre de démolir la barrière du <i>Trône</i>:</p> +<p class="i16">Le <i>sceptre</i> de Neptune est brisé pour toujours;</p> +<p class="i16">Les fleuves couleront... comme ils pourront... sans <i>cours</i>.</p> +<p class="i16">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</p> +<p class="i16">On prétend que <i>Marquis</i>, l'homme des chocolats,</p> +<p class="i16">Le <i>Marquis</i> praliné près des Panoramas.</p> +<p class="i16">Fait peindre, en ce moment, un panneau magnifique</p> +<p class="i16">Où l'on verra décrit en pastille gothique</p> +<p class="i16">Ce seul mot: <i>Ci-devant</i>... Et que monsieur Boissy</p> +<p class="i16">A, dit-on, résolu de l'adopter aussi.</p> +<p class="i16"><i>Leduc</i>, marchand de bois au boulevard du Temple,</p> +<p class="i16">Se range noblement à ce sublime exemple:</p> +<p class="i16"><i>Leprince</i>, cordonnier près de la rue aux Ours,</p> +<p class="i16">S'est citoyennisé déjà, depuis trois jours:</p> +<p class="i16"><i>Baron</i>, le bandagiste, adhère pour son compte;</p> +<p class="i16">Le passage Choiseul expulse monsieur <i>Comte</i>;</p> +<p class="i16">Honteuse avec raison, la maison <i>Chambellan</i></p> +<p class="i16">Biffe de son enseigne un nom de courtisan.</p> +<p class="i16">Au quartier Montorgueil, par le même principe,</p> +<p class="i16">On va voir effacer l'enseigne de <i>Philippe</i>;</p> +<p class="i16">Le nom vilipendé qu'il tient de son parrain</p> +<p class="i16">Disparaît..., et Philippe a nom <i>Ledru-Rollin</i>.</p> +<p class="i16">Quant à l'homme d'État, ce Solon... provisoire,</p> +<p class="i16">Attendu que <i>Rollin</i> fut professeur d'histoire,</p> +<p class="i16">Et que, dans ses écrits, il flatta maintes fois</p> +<p class="i16">Les despotes de Rome et le pouvoir des rois,</p> +<p class="i16">Il abdique le nom d'un écrivain servile</p> +<p class="i16">Et l'immole à l'autel de son hôtel-de-ville;</p> +<p class="i16">Il reste désormais Ledru... Ledru tout court!...</p> +<p class="i16">Mais pourtant attendu qu'autrefois, à la cour,</p> +<p class="i16">Un sieur <i>Ledru-Comus</i> professa la physique,</p> +<p class="i16">Et fut de Louis-Quinze un rampant domestique</p> +<p class="i16">Défense aux citoyens de parler des Ledrus,</p> +<p class="i16">Le ministre est ministre et ne s'appelle plus!</p> +<p class="i16">L'illustre <i>Louis Blanc</i>, l'écrivain populaire,</p> +<p class="i16">Ce Tacite français, cet orateur sincère,</p> +<p class="i16">Veut de son double nom s'affranchir à la fois.</p> +<p class="i16">Les <i>Louis</i> trop longtemps nous ont servi de rois,</p> +<p class="i16">Le <i>blanc</i> fut la couleur d'un drapeau qu'il abhorre.</p> +<p class="i16">Il va prendre le nom de <i>Vingt-Francs-Tricolore</i>.</p> +</div></div> + +<p>Un ancien philosophe avait coutume de dire que +peu de chose donnait la perfection, mais que la perfection +n'était pas peu de chose.</p> + +<p>Un Gascon disait:--La boue de Paris a deux grands +inconvénients: le premier est de faire des taches +noires sur les bas blancs; le second, de faire des taches +blanches sur les bas noirs.</p> + +<p>Un ami de Bautru étant allé le voir dans le temps +qu'il avait la goutte, le trouva mangeant du jambon:--Que +faites-vous là? lui dit-il; ne savez-vous pas que +le jambon est contraire à la goutte?--Cela est vrai, +lui répondit froidement Bautru; il est contraire à la +goutte, mais il est bon pour le goutteux.</p> + +<p>Un procureur, en recevant d'un chapelier, sa partie, +un chapeau, lui dit:--Ne vous inquiétez point, allez; +j'ai votre affaire en tête, j'en aurai soin.</p> + +<p>Nous ne voulons pas oublier une petite pièce de +vers de maître André le perruquier:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Les poëtes, les perruquiers</p> +<p class="i20">Ont entre eux quelque ressemblance;</p> +<p class="i20">Et vraiment, dans ces deux métiers</p> +<p class="i20">Je vois bien peu de différence</p> +<p class="i20">Pour réussir, à chacun d'eux,</p> +<p class="i20">Certe il ne faut pas être bête...</p> +<p class="i20">Compter des vers ou des cheveux,</p> +<p class="i20">C'est toujours un travail de tête.</p> +</div></div> + +<p>Nous ne pouvons omettre la harangue faite, à la +porte d'une ville, à l'un des généraux de Louis XIV, +quoiqu'elle ait été souvent reproduite.</p> + +<p>«Monseigneur, tandis que Louis le Grand gêne les +Gênois, berne les Bernois et fait cantonner le reste des +cantons: tandis qu'il fait aller l'Empire de mal en pire, +damner le Danemarck et suer la Suède; tandis que +son digne rejeton fait baver les Bavarois et rend les +troupes de Zelle sans zèle; tandis que Luxembourg +fait fleurir la France à Fleurus, met en flamme les Flamands, +lie les Liégeois et fait danser Castana sans +castagnette; tandis que le Turc fait esclaves les Esclavons +et réduit en servitude la Servie; enfin, tandis +que Catinat démonte les Piémontais, que Saint-Ruch +se rue sur les Savoyards et que Larré les arrête, vous, +Monseigneur, non content de faire sentir la pesanteur +de vos doigts aux Vaudois, vous faites encore la barbe +aux Barbets, ce qui nous oblige d'être, avec un profond +respect, etc.»</p> + +<p>Remarquons que le mot <i>Barbets</i> ne s'applique pas +aux intéressants quadrupèdes connus sous ce nom, +mais bien aux habitants de diverses vallées du Piémont +et de la Suisse.</p> + +<h4>JOCRISSE</h4> + +<p>Personnage des farces modernes, dont les bêtises +ont un cachet particulier. Il aime beaucoup sa soeur et +veut l'épouser.--Mais je ne peux pas t'épouser, lui +dit-elle: je suis ta soeur. Nous sommes trop proches +parents.--Quelle bêtise, dit Jocrisse, trop proches +parents! Mon père a bien épousé ma mère.</p> + +<p>Sa soeur en épouse donc un autre quelque temps +après.--Ma soeur est enceinte, dit-il, quel ennui! J'en +ai pour neuf mois avant de savoir si je serai un oncle +ou une tante. Il veut dire: Si j'aurai un neveu ou une +nièce. C'est digne du commentaire sur la parenté.</p> + +<h4>JOUER</h4> + +<p>Un seigneur allemand, connu par les grâces et la finesse +de son esprit, alla un jour chez un prince de +l'Empire: il y trouva nombreuse compagnie, et s'amusa +beaucoup de l'extrême vivacité avec laquelle +quelques petits princes, qui y étaient, se traitaient +mutuellement d'<i>altesse</i>.</p> + +<p>Sortant de là, il fut faire une autre visite, et revint +chez lui. On lui demanda comment il avait passé la +soirée.--J'ai été dans deux maisons, répondit-il: +dans l'une, on jouait à l'<i>altesse</i>, et dans l'autre, au +<i>loto</i>.</p> + +<h4>JOUEUR</h4> + +<p>--Quatre joueurs ont joué toute une nuit dans une +société, disait-on à une dame, et le matin chaque +joueur avait gagné dix francs. La dame ne pouvait +comprendre un tel fait pourtant bien simple; les +quatre joueurs étaient quatre joueurs de violon.</p> + +<h4>JUSTE</h4> + +<p>Un Allemand, dit-on, apprenant le français, vit dans +un dictionnaire que juste et équitable étaient synonymes. +Il essaya des bottes qui le gênaient:--Vous +m'avez fait, dit-il à son cordonnier, des bottes qui +sont par trop équitables.</p> +<br> +<h2>K</h2> + +<p>Les lettres K C et les lettres K O T sont désagréables +au lecteur.</p> + +<h4>K</h4> + +<p>Un homme qui s'appelait Franqlin songea qu'il pourrait +bien être le parent de ce fameux Américain, que +les philosophes ont si bien fait mousser. Il alla donc +trouver à Paris le neveu de Franklin et lui présenta +ses papiers.--Monsieur, lui répondit le jeune homme, +faites un K de votre Q, et vos papiers pourront alors +vous servir.</p> + +<h4>KARR</h4> + +<p>On s'est amusé à chercher les aptitudes et les qualificatifs +de M. Alphonse Karr, qui a un esprit si original, +et on a fait ces médiocres calembours:</p> + +<p>Karr abat (<i>Carabas</i>), Karr casse (<i>carcasse</i>), Karr +touche (<i>Cartouche</i>), Karr aime (<i>carême</i>), Karr nage +(<i>carnage</i>), etc.</p> + +<h4>KANIFERSTANE</h4> + +<p>Un Parisien, allant de La Haye à Amsterdam, remarqua +une de ces riantes maisons de campagne qui +bordent la route (on allait encore alors en diligences), +et demanda en français à un Hollandais, son +voisin:</p> + +<p>--A qui appartient ce délicieux château? Le Hollandais +lui répondit: <i>Ik kan niet verstaan</i> (je ne comprends +pas). Le Parisien traduisant cette phrase comme +il l'entendait prononcer, reprit:--Ah! cette belle demeure +appartient à M. Kaniferstane. C'est un mortel +bien heureux.</p> + +<p>En entrant à Amsterdam, il vit passer trois charmantes +jeunes filles et demanda à un passant: Quelles +sont ces demoiselles si brillantes? il ne reçut pour +réponse que la phrase de la route.--Ce sont les demoiselles +Kaniferstane, se dit-il. Cet homme est bien +privilégié!</p> + +<p>Un des palais d'Amsterdam donna lieu à de nouvelles +admirations.--Cet homme, dit le Parisien, est +vraiment le marquis de Carabas.</p> + +<p>En passant devant la loterie, il entendit sonner des +fanfares, qui annonçaient que le gros lot venait de +sortir. Il voulut savoir qui l'avait gagné; et comme +on lui jeta encore l'<i>ik kan niet verstaan</i>, il se récria +de nouveau sur le bonheur-monstre de ce M. Kaniferstane.</p> + +<p>Un peu plus loin il rencontra un enterrement pompeux; +il salua le convoi et demanda qui était le défunt. +Sur la réponse habituelle des Hollandais qui n'entendent +pas le français, il pensa que M. Kaniferstane +avait ici-bas une félicité trop grande pour qu'elle fût +durable; et il gagna son hôtel, en faisant de sages +réflexions sur la fragilité des choses d'ici-bas.</p> +<br> +<h2>L</h2> + +<p>Quelles sont les lettres les plus agiles?--Les lettres +L E.</p> + +<p>On a fait cette petite espièglerie pour la lettre L:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Saint Louis l'a par devant,</p> +<p class="i20">Saint Michel l'a par derrière,</p> +<p class="i20">Les demoiselles l'ont deux fois,</p> +<p class="i20">Les dames l'ont perdue,</p> +<p class="i20">Les hommes ne l'ont pas.</p> +</div></div> + +<p>On dit proverbialement qu'un homme en a dans +l'aile pour signifier qu'il passe la cinquantaine, par +une mauvaise allusion à la lettre L qui, dans le chiffre +romain, exprime cinquante.</p> + +<h4>LA</h4> + +<p>Une dame, gui chantait médiocrement dans une +société, ne pouvant achever son air, dit à un homme +d'esprit qui se trouvait à côté d'elle:--Je vais le reprendre +en <i>mi</i>.--Non, Madame, répondit-il, restez-en +<i>la</i>.</p> + +<h4>LACHE</h4> + +<p>Un Gascon se fit faire un bel habit, et il demanda +à ses amis ce qu'il leur en semblait. Un d'eux en +mania le drap, qu'il trouva un peu lâche.</p> + +<p>--Comment lâche! reprit le Gascon, que l'on m'en +cherche d'autre; je ne veux rien de lâche autour +de moi.</p> + +<p>Le cardinal de Richelieu ayant eu la patience d'entendre +lire une tragédie de La Calprenède, dit: «La +pièce n'est pas mauvaise, mais les vers sont lâches.--Comment, +lâches, s'écria le rimeur gascon! cadédis! +il n'y a rien de lâche dans la maison de Calprenède.»</p> + +<h4>LA-HAUT</h4> + +<p>Dans les embarras de la république qui surgit en +1848, la femme de l'un des utopistes d'alors reçut la +visite d'une amie.--Bonjour, chère citoyenne, je vois +que tu es prospère, et ton mari?--Il travaille, ma +chère, dit la dame du logis en indiquant du doigt +l'étage supérieur, où son mari s'enfermait pour ses +élucubrations.--Mais, reprit la visiteuse, ne vois-tu +pas comme tout va mal?--Je le vois trop. Tout le +monde veut gouverner.--Nous sommes en vérité dans +un gâchis tel, qu'il n'y a que celui qui est là-haut qui +puisse nous en tirer.--Tu as bien raison, ma chère; +aussi je te dis qu'il y travaille.--Elle appliquait à +son mari ce que l'autre disait du bon Dieu.</p> + +<h4>LAIDS</h4> + +<p>Après qu'on eut nommé le département des Deux-Sèvres +(pays de Niort), on voulut nommer le pays de +Fontenay département des Deux-Lays (de ses principales +rivières, le grand Lay et le petit Lay).</p> + +<p>MM. Buron et Mercier, deux députés de ce département, +tous deux les plus laids de l'assemblée, firent +observer que si on adoptait ce nom pour leur département, +on en ferait contre eux un affreux calembour +et qu'on l'appellerait le département des deux laids. +Ce qui fit qu'on l'appela département de la Vendée, +du nom d'une petite rivière qui est à sec la moitié de +l'année.</p> + +<h4>LAINE</h4> + +<p>Quelqu'un disait à un berger:--Ne faites jamais +tondre vos moutons.--Et pourquoi donc?--Parce +qu'on devient poussif, lorsqu'on a perdu l'haleine.</p> + +<p>On disait d'un homme qui avait la bouche malsaine:--Il +est bon à tondre, car il a l'haleine forte.</p> + +<p>Quel événement a fait renchérir les draps?--L'enlèvement +d'Hélène.</p> + +<h4>LAMICHODIÈRE</h4> + +<p>Un étranger dînant chez M. de La Michodière, président +de la cour royale de Paris, et l'entendant appeler +par ses familiers Lamichodière tout court, ne crut pas +pouvoir se permettre cette liberté et ne l'appela pendant +tout le repas que M. Chaudière. Ce qui divertit +un peu les amis conviés.</p> + +<h4>LANGUES</h4> + +<p>Madame Denis, la nièce de Voltaire, prenant une +leçon d'anglais, disait à son maître, fatiguée qu'elle +était de la prononciation de cette rude langue: «Vous +écrivez <i>bread</i>, pourquoi prononcer <i>bred</i>? Ne serait-il +pas plus simple de dire tout bonnement <i>du pain</i>?»</p> + +<h4>LAPIN</h4> + +<p>Un farceur disait que la dynastie des lapins allait +vite, que peu après <i>la pincette</i>, on en était déjà à +<i>l'appendix</i>.</p> + +<h4>LARCIN</h4> + +<p>Les naturalistes nous apprennent que les rats sont +joyeux quand ils peuvent vivre de lard sain.</p> + +<h4>LAVER</h4> + +<p>Un farceur demandant quelque chose à une femme +lui disait:--Je crois, Madame, que vous l'avez.--Non, +Monsieur, répondit-elle, je ne lave pas.</p> + +<h4>LÉPREUX</h4> + +<p>Le public vit un calembour involontaire dans ce +vers du <i>Siége de Paris</i>, de M. le vicomte d'Arlincourt.</p> + +<p class="mid">Ce sont ces chevaliers que l'on nomme <i>les preux</i>.</p> + +<h4>LETTRES</h4> + +<p>On fait beaucoup de jeux de mots avec les lettres +de l'alphabet. On a publié celui-ci sous Louis XVIII:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">La liberté D. C. D.</p> +<p class="i20">Les doctrinaires A. I.</p> +<p class="i20">Les pairs E. B. T.</p> +<p class="i20">Deux cents députés H. T.</p> +<p class="i20">La gloire A. B. C</p> +<p class="i20">La dette O. C.</p> +<p class="i20">La liberté de la presse O.T.</p> +<p class="i20">Le crédit B. C.</p> +<p class="i20">La charte L. U. D.</p> +</div></div> + +<h4>HISTOIRE D'HÉLÈNE.</h4> + +<pre> + <i>L. n. n. e. o. p. y. L. i.a. t.t. l.</i> +Hélène est née au pays grec. Elle y a tété; elle + +<i>i.a.v.q. l. i.a.e.t. l.v. l. i.a.e.t.o.q.p.</i> +y a vécu. Elle y a été élevée; elle y a été occupée; + +<i> l. i.a.e.t. e.d. l. i.a. m.e. l. i.a.</i> +elle y a été aidée; elle y a aimé; elle y a + +<i>e.t. m.e. e. a.i. l. i.a.e.t. d. s. e. d.i.t. l.</i> +été aimée et haïe; elle y a été déesse et déité; elle + +<i>i.a. c.d. l. i.a.o.b.i. l. i.a.e.t. h.t. l.</i> +y a cédé; elle y a obéi; elle y a été achetée; elle + +<i>i.a.e.t.a.j.t. a. b. c. k. o. t. l. i.a. v.g.t.</i> +y a été agitée, abaissée, cahotée; elle y a végété. + +<i> l. i.a. r.i.t. e. l. i. e. d.c.d. a.g. e. k. c.</i> +Elle y a hérité, et elle y est décédée, âgée et cassée. +</pre> + +<h4>LÉZARD</h4> + +<p>Une vieille, voyant au-dessus de la porte d'un lycée +de Paris:</p> + +<p class="mid">Les arts nourrissent l'homme et le consolent,</p> + +<p>s'écria:--Que ces gens-là mangent des lézards tant +qu'ils voudront; je ne ferai pas de tort à leur dîner.</p> + +<h4>LIBERTÉ</h4> + +<p>Dans le temps où les mots liberté, égalité, fraternité, +cocarde nationale, faisaient tourner la tête à tout le +monde, les habitants d'un village du Périgord obligèrent +leur curé, non-seulement à mettre une cocarde +au Saint-Sacrement, mais encore à tenir le tabernacle +ouvert jour et nuit, par la raison que tout le monde +étant, libre en France, leur bon Dieu ne devait pas, +plus que tout autre, demeurer enfermé.</p> + +<h4>LIÉGE</h4> + +<p>Quelles sont les femmes les plus légères?--Ce sont +les femmes de Liége et les femmes de Tulle.</p> + +<h4>LIGNE</h4> + +<p>Comment feriez-vous pour pêcher tous les poissons +de la Seine?</p> + +<p>--Je prendrais un régiment de lignes.</p> + +<h4>LISIÈRE</h4> + +<p>Pourquoi ne mène-t-on pas les petits enfants dans +les bois?--Parce qu'on ne les mène alors qu'à la +lisière.</p> + +<h4>LOCUTIONS</h4> + +<p>Lorsque le projet de loi de la translation des cendres +de Napoléon fut porté aux Chambres, un de nos honorables +s'écria:--Les cendres! Est-ce que ces gueux +d'Anglais auraient eu l'infamie de brûler le grand +homme?</p> + +<p>Des soldats de l'expédition d'Égypte disaient dans +les sables:--Il fait bien soif par ici.</p> + +<p>Le poëte Méry est très-frileux. Dans les grands froids, +enveloppé de couvertures, il s'enferme auprès d'un +grand feu, ne sort plus, et fait dire à ses amis qu'il +est malade. Quand on vient le voir et qu'on lui demande +quel est son mal, il répond:--Hélas! j'ai +l'hiver! (Voyez <i>Mots</i>.)</p> + +<h4>LOIN</h4> + +<p>On disait à un enfant de Pontoise qui montrait +d'heureuses dispositions:--Mon enfant, vous irez +loin.--Pas de sitôt, répondit-il; maman ne veut pas +même que j'aille jusqu'à Paris.</p> + +<h4>LONDRES</h4> + +<p>La ville des brouillards. Pendant un séjour que fit +à Londres madame de Staël, une de ses amies qui revenait +en France lui demanda si elle avait quelque +commission à lui donner.--Aucune autre, répondit-elle, +que de faire mes compliments au soleil, quand +vous le reverrez.</p> + +<h4>LOUER</h4> + +<p>Lorsque le duc d'Orléans, Philippe-Égalité, convertit +son jardin en un vaste bazar, et le couvrit de boutiques, +il tomba sur lui un déluge de quolibets et d'épigrammes. +Son propre père s'en mêla, et il dit:--Je +ne sais pas d'où vient l'acharnement du public contre +mon fils; j'y vois de plus près que les autres, et je +puis assurer que tout est à <i>louer</i> chez lui.</p> + +<h4>LUMIÈRES</h4> + +<p>Dans un repas donné par un nouveau parvenu, l'un +des convives porta un toast à la propagation des lumières. +Les gens qui servaient à table s'empressèrent +de moucher les chandelles.</p> + +<h4>LUSTRE</h4> + +<p>Un plaisant, voyant deux hommes qui portaient un +lustre, dit à ses voisins:--Voilà cinq ans qui passent.</p> +<br> + +<h2>M</h2> + +<h4>MAÇONNERIE</h4> + +<p>Un charpentier critiquait un carillonneur sur sa +manière:--Allez à vos bûches, dit celui-ci, et ne vous +mêlez pas de ma sonnerie.</p> + +<h4>MADELEINE</h4> + +<p>--Que faudrait-il pour bouleverser l'<i>amas de laine</i>?</p> + +<p>--Un <i>cardeur</i>.</p> + +<h4>MAINTENON</h4> + +<p>Sur la fin du règne de Louis XIV, le grand dauphin +parut surpris de la détresse qui semblait menacer le +royaume:--Mon fils, dit le roi, nous maintiendrons +notre couronne.--Sire, répondit le dauphin, Maintenon +l'a.</p> + +<h4>MAIRE</h4> + +<p>Le maire de Saintes écrivait à son fils, qui se conduisait +mal:--Respectez votre père et maire.</p> + +<p>Un bon cultivateur, maire de sa commune, se trouva +dernièrement dans un grand embarras, dont il se tira +fort adroitement. Sa femme était accouchée depuis +trois jours, et l'adjoint de la commune venait de partir +pour un village assez éloigné. Il fallait cependant +dresser l'acte de naissance sur-le-champ. Le maire-père, +après avoir mûrement réfléchi, s'en acquitta de +la manière suivante:</p> + +<p>«Ce jourd'hui, etc., étant accompagné de tels et +tels, mes témoins, je suis comparu devant moi, maire +de la commune de..., à l'effet de me déclarer que ma +femme vient d'accoucher d'un enfant vivant et bien +constitué.</p> + +<p>«Sur la demande de quel sexe est l'enfant et quels +étaient ses père et mère, je me suis répondu qu'il est +du sexe masculin et fils de moi, François Piot, et de +Madeleine Bidou, mon épouse; en foi de quoi, j'ai signé +le présent, avec moi, maire, et lesdits témoins.</p> + +<p>«<i>Signé</i>: François Piot, père,<br> +«et François Piot, <i>maire</i>.»</p> + +<h4>MAL</h4> + +<p>Un dentiste disait à son fils qui voulait donner dans +les grandeurs:--Eh! Monsieur, ne cherchez pas à +vous élever; faites comme votre père: arrachez-moi +de bonnes dents; j'en arrache; mon père en arrachait, +mon grand-père en a arraché, et nous n'avons jamais +fait de mal à personne.</p> + +<h4>MALADE</h4> + +<p>Henri IV, ayant appris que deux médecins avaient +fait abjuration, dit à Duplessis-Mornay:--Ventre +Saint-Gris! monsieur Duplessis, votre religion est +bien malade; les médecins l'abandonnent.</p> + +<h4>MANCHE</h4> + +<p>On appelle ainsi le détroit qui sépare la France de +l'Angleterre. Lorsqu'on imprima, il y a quelques +années, des cartes géographiques sur foulard:--Je +ne vois pas l'utilité de cette invention, dit un bonhomme, +si ce n'est que chacun peut avec cela se moucher +proprement sur la Manche.</p> + +<p>À propos de l'alliance conclue avec l'Angleterre pour +la guerre d'Orient, on a dit que les Anglais et les Français +se tenaient par la Manche.</p> + +<h4>MANGER</h4> + +<p>Un huissier ayant été signifier un exploit dans une +ferme, on lâcha après lui deux énormes chiens, qui +lui firent prendre aisément la fuite; et comme à son +retour on lui demandait s'il avait été bien reçu:--Parfaitement, +dit-il; et la preuve, c'est qu'on a voulu me +faire manger.</p> + +<p>L'abbé de Choisy, passant devant le château de Balleroy, +qu'il avait été obligé de vendre, s'écria:--Ah! +que je te mangerais bien encore!</p> + +<p>Montmaur étant un jour à table avec grande compagnie +de ses amis, qui parlaient, chantaient et riaient +tout ensemble:--Eh! Messieurs, s'écria-t-il, un peu +de silence; on ne sait ce qu'on mange.</p> + +<h4>MANQUER</h4> + +<p>Gourville, rencontrant au bois de Boulogne un médecin +de ses amis qui avait un fusil, lui dit:--Où +allez-vous donc?--Voir un malade à Auteuil.--Il +paraît, répliqua Gourville, que vous avez peur de le +manquer.</p> + +<h4>MANTEAU</h4> + +<p>On demandait à Londres à un ambassadeur belge:--Quel +est le manteau le plus chaud? Il répondit:--C'est +le manteau de la cheminée.</p> + +<h4>MARCA</h4> + +<p>Pierre de Marca fut nommé à l'archevêché de Paris, +et mourut en 1662, le jour même que ses bulles arrivèrent. +Colletet lui fit cette épitaphe:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Ci-gît monseigneur de Marca,</p> +<p class="i20">Que le roi sagement marqua</p> +<p class="i20">Pour le prélat de son Église;</p> +<p class="i20">Mais la mort qui le remarqua,</p> +<p class="i20">Et qui se plaît à la surprise,</p> +<p class="i20">Tout aussitôt le démarqua.</p> +</div></div> + +<h4>MARCHAND</h4> + +<p>Un vagabond, à qui le tribunal demandait quel était +son état, répondit qu'il était marchant, attendu qu'il +ne voyageait qu'à pied.</p> + +<h4>MARÉCHAL</h4> + +<p>Un maréchal ferrait un des chevaux d'un maréchal +de France qui passait sur la route. Pendant l'opération, +il entendit les domestiques qui appelaient l'illustre +voyageur monsieur le maréchal; et, quand on fut +pour le payer, il refusa, en faisant observer qu'il ne +prenait rien d'un confrère.</p> + +<h4>MARÉCHAUSSÉE</h4> + +<p>Une poissarde de la rue Montorgueil, à Paris, avait +pour enseigne un merlan dans une botte, avec la légende: +<i>A la marée chaussée</i>.</p> + +<h4>MATIGNON</h4> + +<p>On a beaucoup dit sur la simplicité d'un certain +M. de Matignon. On a dit qu'il avait fait paver son pré +pour empêcher les taupes d'y fouiller; qu'il avait fait +reculer la cheminée, parce que de l'endroit où il se +plaçait, le feu lui brûlait les jambes; qu'un mouton +étant trop gros pour régaler ses amis, il n'en avait fait +tuer que la moitié, etc.</p> + +<p>Un autre ingénu avait pris un pot de terre en guise +d'oreiller, et, le trouvant trop dur, il le rembourra de +paille.</p> + +<h4>MÉDECINE</h4> + +<p>--Qu'est-ce que la médecine? demande Bobèche à +l'un de ses amis.</p> + +<p>--La médecine, répond celui-ci, c'est l'art de guérir +les maladies; c'est une science...</p> + +<p>--Du tout, tu n'y es pas, répond Bobèche: la <i>médecine, +c'est la femme du médecin</i>.</p> + +<h4>MÉGARDE</h4> + +<p>Un colonel, défendant son fils accusé, disait aux +juges:--Je puis vous prouver que le délit dont mon +fils est accusé a été commis par <i>mégarde</i>.--C'est +différent, dit le juge; alors nous allons assigner vos +gardes.</p> + +<h4>MELON</h4> + +<p>Un incident singulier a égayé un jour l'audience de +la justice de paix du sixième arrondissement. M. L..., +marchand grainetier et sergent-major de la garde +nationale, accusait M. B..., professeur suppléant +d'histoire dans un collége de Paris, de l'avoir appelé +<i>melon</i> à la suite d'un coup mal joué dans une partie +de dominos à quatre. Le plaignant exigeait une rétractation +formelle et des dommages-intérêts considérables.</p> + +<p>L'accusé présenta ainsi sa défense:</p> + +<p>Sous le règne de Constantin le Grand...</p> + +<p>--Au fait, Monsieur, au fait, dit le magistrat qui +voit poindre une harangue interminable.</p> + +<p>--J'y arrive. Sous le règne, dis-je, de Constantin le +Grand, vivait à Lugdunum Horatius Melo, illustre +praticien qui, après s'être couvert de gloire en introduisant +dans la Gaule le savoureux tubercule auquel il +a donné son nom...</p> + +<p>Le juge sourit et le front du plaignant se dérida à +vue d'oeil.</p> + +<p>--Mon honorable ami L..., continue l'orateur avec +feu, a donc grand tort de s'offenser d'une épithète qui +prouve au contraire le grand cas que je fais de ses +vertus civiles et militaires.</p> + +<p>Le grainetier, quittant précipitamment son siége, +serre avec effusion la main du professeur, et, abjurant +toute rancune, lui promet de donner à son premier +enfant les glorieux surnoms d'Horatius Melo.</p> + +<p>Il suffira de quelques procès de cette nature pour +réhabiliter dans l'opinion publique le cornichon, le +concombre, et tous les membres de la grande famille +des citrouilles.</p> + +<h4>MÉMOIRE</h4> + +<p>C'est encore ici une scène de tribunal; et celle-ci à +propos d'une distribution de prix.</p> + +<p>LE JUGE.--Monsieur Blondel, vous avez payé +d'avance et pour un an la pension de votre fils?</p> + +<p>BLONDEL.--C'est vrai, mais il n'en est pas moins +bête comme un âne.</p> + +<p>LE JUGE.--Et maintenant vous voulez qu'on vous +rende votre argent?</p> + +<p>LE MAÎTRE D'ÉCOLE.--C'est contraire à l'usage, on +ne rend jamais l'argent chez moi.</p> + +<p>BLONDEL.--Cependant je veux le mien, je ne veux +pas laisser mon fils en pension chez vous.</p> + +<p>LE JUGE.--Pourquoi donc?</p> + +<p>BLONDEL.--À cause de la distribution des prix.</p> + +<p>LE JUGE.--Expliquez-vous.</p> + +<p>BLONDEL.--Imaginez-vous, mon juge, que mon +enfant, qui aura onze ans à la Saint-Nicaise, allait en +classe chez cet homme contre lequel je plaide. Il y +apprenait à ravir... la manière d'arracher sa culotte +et de se fourrer des barbes de plumes dans les narines. +(Rire général.) Bref, je croyais qu'à part ces connaissances +spéciales, mon enfant aurait fait quelques progrès +dans les sciences... le maître d'école que je consultais +à ce sujet, la veille de la distribution des prix, +me répétait qu'il serait récompensé selon son mérite.</p> + +<p>LE MAITRE D'ÉCOLE.--Il a eu un prix, il l'a été, +récompensé; donc pas de reproche à me faire.</p> + +<p>BLONDEL.--Joliment ma foi. Vous saurez que, +n'ayant pas eu le temps d'aller voir couronner mon +fils, je l'envoyai le jour de la distribution des prix se +faire couronner tout seul. Mon petit bonhomme revient +avec une couronne atroce (rire), grosse comme le bras, +de quoi orner le front d'un géant; quand il la mettait +sur sa tête, elle lui tombait sur le ventre. (Rire +général.) «Quel prix as-tu eu? lui dis-je.--Ah! papa, +j'ai oublié mon prix.--Mais enfin quel prix était-ce?--J'sais +pas, papa.--Diable d'enfant! ne pas savoir +le prix qu'on a remporté... Est-ce d'orthographe?--Non, +p'pa.--C'est peut-être d'écriture?--Non, p'pa.--De +calcul?-Non p'pa.--Quelle pauvre tête!... ne +pas se souvenir de son prix!... Je vais à la pension +moi-même pour le chercher... Savez-vous quel prix +mon fils avait remporté?</p> + +<p>LE JUGE.--Lequel donc?</p> + +<p>BLONDEL.--Le prix de mémoire. (Longue et bruyante +hilarité.)</p> + +<p>Le maître d'école, pendant le rire général, rend à +M. Blondel le montant de la pension de son fils, et +sort furieux du prétoire.</p> + +<h4>MENER</h4> + +<p>François II, empereur d'Allemagne se rendait à +Luxembourg, forteresse curieuse élevée au milieu d'un +lac. Sans suite et sans gardes, il s'amusait à conduire +lui-même une barque. Il y en a beaucoup sur ses +rives. Un villageois s'approche et l'appelle; il le prend +pour un batelier. «Ohé! passez-moi! lui crie-t-il.--Volontiers,» +répond le monarque.</p> + +<p>Le paysan s'assied tranquillement dans la nacelle; +et le souverain la dirige. «Combien vous faut-il maintenant? +dit le rustre arrivé au but, et tirant sa bourse.--Rien, +mon ami, répond l'empereur...--Vous ne +menez donc pas par état?--Si fait, je mène... mon +empire.»</p> + +<h4>MENTON</h4> + +<p>Un Anglais et un Français se battaient au pistolet. +Le premier, au moment de tirer, n'étant pas encore +bien décidé à se battre, dit: «Parlementons.--Soit,» +dit l'autre. Et la balle vint traverser la mâchoire +inférieure de son adversaire.</p> + +<h4>MERLAN</h4> + +<p>Un chercheur d'esprit disait, en passant devant une +mairie où les affaires n'allaient pas vite: «On peut +faire maigre là tous les jours, car on y trouve à tout +heure un maire lent.»</p> + +<h4>MERVEILLE</h4> + +<p>En 1812, il y avait dans la rue Saint-Honoré un +confiseur qui s'appelait Veille. Dès qu'il eut un fils, +il fit savoir au public qu'on pouvait venir chez lui +admirer la mère Veille.</p> + +<h4>MESSIDOR</h4> + +<p>Quel est le mois que les juifs aiment le mieux?--Le +mois de juillet, qui dans la république leur amenait +un <i>Messie d'or</i>.</p> + +<h4>MESURE</h4> + +<p>On dit des musiciens que quand il s'agit de payer, +ils sont rarement en mesure.</p> + +<h4>MILLE ANS</h4> + +<p>Napoléon Ier aimait assez les calembours.</p> + +<p>En 1796, lorsqu'il sollicitait le commandement en +chef de l'armée d'Italie, il n'avait que vingt-sept ans; +et, lui opposant son âge, on balançait à le nommer. +«Vous me trouvez trop jeune, dit-il, pour commander +en chef; eh bien, accordez-moi ma demande, et je +vous réponds que dans six mois j'aurai Milan.»</p> + +<h4>MINE</h4> + +<p>Guillot-Gorjus disait à Turlupin:--Tu m'as fait la +mine.--Non, répondit Turlupin, si je te l'avais faite, +tu l'aurais plus belle.</p> + +<h4>MOITIÉ</h4> + +<p>Deux villageois avaient acheté un cochon en commun; +au bout de six mois, l'un voulait le tuer, +l'autre ne voulait pas. «Si vous ne voulez pas tuer +votre moitié, dit le premier, laissez moi tuer la +mienne.»</p> + +<h4>MONARCHIEN</h4> + +<p>Les dictionnaires nous apprennent que monarchien +signifie, comme monarchiste, partisan de la monarchie. +En 1793, un boucher, nommé Monar, était dur +aux pauvres gens, auxquels, dans la détresse générale, +il refusait tout crédit. Un pauvre homme, fâché, +écrivit sur sa porte <i>monar chien</i>. C'était une dénonciation. +Il fut arrêté comme suspect, et sans son ami +Henri, le boucher historique, il eût pu y passer.</p> + +<h4>MONDE</h4> + +<p>Un bonhomme disait: «Je ne connais pas d'endroit +où il se passe plus de choses que dans le monde.»</p> + +<h4>MONORIMES</h4> + +<p>Un des plus curieux tours de force en monorimes, +employant les cinq voyelles dans leur plus rare situation, +a été fait par l'abbé de Latteignant; on le chantait +jadis sur l'air: «<i>En quatre mots je vais vous +dire ça.</i>»</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> + +<p class="mid">I</p> +<br> +<p class="i16">Je hais les dés, les cartes, le trictrac;</p> +<p class="i18"> Je ne bois jamais de scubac</p> +<p class="i20"> Ni de punch, ni de rack.</p> +<p class="i18"> Par peur de la moindre claque,</p> +<p class="i18"> Je fuis sitôt qu'on m'attaque</p> +<p class="i20"> Plus vite qu'un brac.</p> +<p class="i16">Je ne vais pas courtiser Bergerac;</p> +<p class="i20"> Et pour grossir mon sac</p> +<p class="i20"> Je ne fais nul micmac.</p> +<p class="i18"> Je n'ai d'horloge et d'almanach</p> +<p class="i20"> Que mon seul estomac.</p> +<br> +<p class="mid">II</p> +<br> +<p class="i16">Je suis ravi du bon vieillard Issec.</p> +<p class="i18"> Son langage est un vrai sorbec.</p> +<p class="i20">Malgré son vilain bec</p> +<p class="i18"> J'irais le voir à la Mecque</p> +<p class="i18"> Et rendre à ce vrai Sénèque</p> +<p class="i20"> Un salamalec.</p> +<p class="i16">Près de lui j'aime autant un hareng pec</p> +<p class="i20"> Blême du pain tout sec,</p> +<p class="i20"> Que perdrix et vin grec.</p> +<p class="i18"> O mort, si tu le fais échec,</p> +<p class="i20"> Viens m'enlever avec</p> +<br> +<p class="mid">III</p> +<br> +<p class="i16">Je suis charmé, quand je suis en pic-nic.</p> +<p class="i18"> On est libre; c'est là le hic,</p> +<p class="i20"> En payant ric à ric.</p> +<p class="i18"> Je fais quelques vers lyriques,</p> +<p class="i18"> Mais jamais de satiriques;</p> +<p class="i20"> Ce n'est pas là mon tic.</p> +<p class="i16">Je crains bien moins la langue d'un aspic,</p> +<p class="i20"> Les yeux d'un basilic,</p> +<p class="i20"> Que le blâme public.</p> +<p class="i18"> Je ne fais nul honteux trafic;</p> +<p class="i20"> Je suis dans mon district</p> +<br> +<p class="mid">IV</p> +<br> +<p class="i16">Je ne voudrais, pour l'or du monde en bloc,</p> +<p class="i18"> Le sort m'eût-il remis au soc,</p> +<p class="i20"> D'aucun bien être escroc.</p> +<p class="i18"> D'un ami rien ne me choque;</p> +<p class="i18"> S'il me raille, je m'en moque,</p> +<p class="i20"> Sans livrer le choc.</p> +<p class="i16">Et j'aime autant un forban de Maroc</p> +<p class="i20"> Que le grand monsieur Roch,</p> +<p class="i20"> Tant il a l'air d'un croc;</p> +<p class="i18"> Contre un turban ferais-je troc?</p> +<p class="i20"> Non, plutôt contre un froc</p> +<br> +<p class="mid">V</p> +<br> +<p class="i16">Je hais les eaux de Forge et Balaruc.</p> +<p class="i18"> Je ne porte point chez Colduc</p> +<p class="i20"> D'ordonnance d'Astruc.</p> +<p class="i18"> Je ne veux, sous ma perruque,</p> +<p class="i18"> Porter cautère à la nuque,</p> +<p class="i20"> Dussé-je être duc.</p> +<p class="i16">Car de son corps qui fait un aqueduc</p> +<p class="i20"> Devient bientôt caduc,</p> +<p class="i20"> Fût-il un gros heiduc.</p> +<p class="i18"> Mais le vin est, si j'en crois Luc,</p> +<p class="i20"> De tous le meilleur suc.</p> +</div></div> + +<p>On a fait aussi sur ces mêmes rimes isolées cinq +adages que voici:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Le thésauriseur cherche le sac.</p> +<p class="i20">Le promeneur cherche le sec.</p> +<p class="i20">Le biographe cherche le sic.</p> +<p class="i20">Le laboureur cherche le soc.</p> +<p class="i20">Le gourmand cherche le suc.</p> +</div></div> + +<p>On a publié, en février 1849, sur les désordres de +l'Assemblée nationale constituante, les vers monorimes +suivants:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">En voyant cet affreux micmac,</p> +<p class="i20">On dit partout, même à Cognac,</p> +<p class="i20">À Bergerac, à Ribérac,</p> +<p class="i20">Que la république, au bissac,</p> +<p class="i20">Fait un déplorable tic-tac,</p> +<p class="i20">Qui peut finir par un cric-crac,</p> +<p class="i20">Comme en a produit Polignac.</p> +<p class="i20">Que voulez-vous? Proudhon et Bac,</p> +<p class="i20">Ledru-Rollin et Cavaignac</p> +<p class="i20">La poussent dans un cul-de-sac,</p> +<p class="i20">Où, par quelque coup de Jarnac,</p> +<p class="i20">On renversera son hamac.</p> +<p class="i20">ue Dieu conserve son cornac!</p> +</div></div> + +<h4>MONSIEUR</h4> + +<p>Ce nom autrefois indiquait une seigneurie. On disait: +M. de Mayence, pour l'électeur de Mayence. +M. de Paris, pour l'archevêque de Paris. On appelait +Bossuet M. de Meaux, et, ce qui est assez singulier, +Mme de Sévigné, en parlant du pape, disait: M. de +Rome.</p> + +<p>Un officier gascon, étant à l'armée, quitte un de ses +camarades, et lui dit assez haut et d'un ton important:--Je +vais dîner chez Villars. Le maréchal, qui se +trouvait derrière cet officier, lui dit avec honte:--À +cause de mon rang et non à cause de mon mérite +dites: Monsieur de Villars.--Cadédis! répond le +Gascon sans s'émouvoir, on ne dit pas monsieur +de César.</p> + +<p>Le grand Condé, ennuyé d'entendre un fat parler +sans cesse de monsieur son père et de madame sa +mère, appela un de ses gens, et lui dit:--Monsieur +mon laquais, dites à monsieur mon cocher de mettre +messieurs mes chevaux à monsieur mon carrosse.</p> + +<h4>MONTER</h4> + +<p>Une servante apporte le mémoire du mois à son +maître; il y remarque pour trente francs de lait.--Comment! +dit-il, je dois tant que ça à la laitière?--Mon +Dieu oui, Monsieur; c'est qu'il n'y a rien qui +monte comme le lait.</p> + +<h4>MONTRER</h4> + +<p>Une princesse passait tous les matins à apprendre +l'hébreu. Un jour que son maître de langue était entré +chez elle avec une culotte déchirée, le prince son +mari lui demanda ce que cet homme venait faire dans +sa chambre. La princesse lui dit:--Il me montre +l'hébreu.</p> + +<p>--Madame, répondit le prince, il vous montrera +bientôt le derrière.</p> + +<h4>MORCEAUX D'ENCENS</h4> + +<p>On demandait à M. Castil-Blaze quels étaient les +morceaux de musique qui avaient la meilleure odeur. +Il répondit:--Ce sont les morceaux dansants.</p> + +<h4>MORDANT</h4> + +<p>On demande pourquoi les gens décédés mangent du +bois.--Parce qu'on les trouve <i>morts dans</i> leurs +bières.</p> + +<h4>MORT</h4> + +<p>Trois députés des États de Bretagne étant venus pour +haranguer le roi, l'évêque, qui était le premier, oublia +sa harangue, et ne put dire un seul mot. Le gentilhomme +qui le suivait, se croyant obligé de prendre la +parole, s'écria:--Sire, mon grand-père, mon père et +moi sommes tous morts à votre service.</p> + +<p>Un plaisant en fiacre, voyant passer un convoi funèbre +qui s'en allait au cimetière du Père-Lachaise, +dit au cocher:--Retenez vos chevaux et empêchez-les +de prendre le <i>mort aux dents</i>.</p> + +<p>De tous les genres de mort dont on avait donné le +choix à Arlequin, il préféra celui de mourir de vieillesse +ou d'indigestion.</p> + +<h4>MOTS</h4> + +<p>Un célibataire venait d'acheter une paire de mouchettes; +sa gouvernante lui ayant fait observer qu'elles +étaient bien petites, il répondit qu'elles étaient bien +assez grandes pour une personne seule.</p> + +<p>Une ronde arriva près d'un poste. Un seul homme +se trouvait présent à ce moment, c'était le factionnaire. +Le capitaine de la ronde, furieux, s'avance sur +lui en disant:--Comment, tas de coquins, vous +n'êtes qu'un?</p> + +<p>Une femme d'esprit disait d'un orateur boursouflé +qui avait une certaine réputation d'éloquence:--Il +est vrai qu'il trouve facilement ses phrases; mais +quand il les a trouvées, il est obligé de chercher ce +qu'il mettra dedans.</p> + +<p>Un Américain, ayant vu six Anglais séparés de leur +troupe, eut l'audace de leur courir sus, d'en blesser +deux, de désarmer les autres et de les amener au général +Washington. Le général lui demanda comment +il avait pu faire pour se rendre maître de six hommes.--Aussitôt +que je les ai vus, répondit-il, j'ai couru sur +eux et je les ai enveloppés.</p> + +<p>Un bourreau, conduisant au gibet un pauvre diable, +lui dit:--Écoutez, je ferai de mon mieux; mais je +dois vous prévenir que je n'ai jamais pendu.--Ma +foi, répond le patient, je vous avouerai également que +je n'ai jamais été pendu non plus; mais, que voulez-vous! +nous y mettrons chacun du nôtre. Il faut espérer +que nous nous en tirerons.</p> + +<p>Le deuxième consul, Cambacérès, donnait une fête +à laquelle se trouvaient beaucoup d'artistes. Elle touchait +à sa fin, lorsque Cambacérès invita Garat à +chanter. Celui-ci, piqué de ce que l'on ne se fût pas +adressé plutôt à lui, tire sa montre et répond:--Impossible, +citoyen consul; il est minuit: ma voix est +couchée.</p> + +<p>L'expression «à faire trembler» est si familière aux +Gascons, qu'ils l'emploient à tout propos. Quelqu'un +faisait observer ce gasconisme à un officier gascon, +qui répondit par cette gasconnade:--Que l'expression +«cela fait trembler» est la plus forte qu'un Gascon +puisse employer en quelque circonstance que ce +soit, parce qu'il n'y a rien dans la nature qui soit au-dessus +de ce qui fait trembler un Gascon.</p> + +<p>Le mot «au contraire» pour <i>non</i> est encore très-usité +par les Gascons. Les députés des États du Languedoc +étant à Versailles à l'audience du roi, un Gascon du cortège +trébucha et tomba. Comme tout le monde lui demandait +s'il s'était fait mal en tombant, il dit gaiement +en se relevant:--<i>Au contraire.</i> Cette manière de parler +fit rire ceux qui étaient présents. Les uns prétendaient +que c'étaient un gasconisme, les autres une gasconnade. +C'était l'un et l'autre.</p> + +<p>Dans un grand dîner que donnait Louis XVIII, le +vieux roi, s'adressant à un seigneur, vieux aussi, lui +demanda si un certain mets qu'il lui désignait, et que +le roi aimait fort, était de son goût.--Sire, lui répondit +le courtisan, je ne fais jamais attention à ce +que je mange.--C'est un tort que vous avez, reprit +le roi; à tout âge il faut faire attention à ce qu'on +mange, et au vôtre à ce qu'on dit.</p> + +<p>M. le comte de Mailly de Beaupré portait toujours à +l'armée son chapeau à la tapageuse, en sorte que la +cocarde se trouvait derrière.--Voilà, disait un de ses +officiers, une cocarde qui a bien souvent vu l'ennemi.</p> + +<p>Un conseiller borgne, voulant décider seul une +contestation épineuse, une autre espèce de turlupin +lui dit:--Croyez-moi, empruntez les lumières d'un +de vos confrères; deux yeux valent mieux qu'un.</p> + +<p>Un célèbre buveur, étant à l'article de la mort, pria +un de ses amis, qui était à côté de son lit, d'y faire +apporter un verre d'eau, en disant:--A la mort, +il faut se réconcilier avec ses ennemis.</p> + +<p>Le poëte Bret, qui a fait sur Molière des commentaires +assez estimés, alla voir, dans sa jeunesse, un +seigneur bourguignon, qui, enflé de sa fortune et de +ses titres, lui dit que ses vassaux ne s'asseyaient et ne +se couvraient jamais devant lui.--Corbleu! réplique +Bret en enfonçant son chapeau sur ses oreilles et se +jetant dans un grand fauteuil, ces gens-là n'ont donc +ni cul ni tête?</p> + +<p>La basse bohème, à Paris, emploie une langue à +part. Après s'être traités, dans une dispute, de polichinelle +et de caricature empaillée, les deux casseurs +d'assiettes se retroussent les manches pour se donner +ce qu'ils appellent une raclée, une peignée, une rincée, +et le plus rageur dit à l'autre:--Numérote tes +os, que je te démolisse! On arrive alors, et on les sépare, +à moins que ce ne soient des Auvergnats.</p> + +<h4>MOURIR</h4> + +<p>Un malade interrogé pourquoi il n'appelait pas un +médecin: «C'est, répondit-il, parce que je n'ai pas +encore envie de mourir.»</p> + +<h4>MOUSSES</h4> + +<p>On demande pourquoi les marins font tant de cas du +vin de Champagne.--C'est pourtant bien clair. Leur +raison est que c'est le vin qui produit le plus de +mousse.</p> + +<h4>MULE</h4> + +<p>Voici un exemple de la tolérance et des lumières des +ennemis systématiques de Rome. Un journal anglais a +donné, il y a dix ans, à ses lecteurs un récit tronqué du +voyage de S. S. Grégoire XVI à Ancône. L'auteur de ce +récit, copié d'après les feuilles françaises, a traduit la +mule du pape par <i>mule</i>, animal. Mais, non content +de commettre cette grossière méprise, il y ajoute quelque +chose de sa façon. Ainsi, il raconte que «Sa Sainteté +était assise sur un trône, un de ses pieds reposait +sur un tabouret recouvert de velours rouge; la mule, +RICHEMENT CAPARAÇONNÉE DE MÊME COULEUR, se +trouvait à ses côtés. Toutes les personnes, ajoute-t-il, +qui étaient admises dans le salon, s'agenouillèrent +trois fois et allèrent baiser la mule.»</p> + +<p>L'écrivain accompagne ce récit des commentaires les +plus ridicules; il s'élève contre la superstition des catholiques +qui s'avilissent au point de baiser de vils +animaux. C'est là de l'idolâtrie, du fétichisme, etc. Il +conclut en faisant l'éloge de la réforme, qui a aboli le +culte des mules, etc.</p> + +<p>Si des journalistes se trompent à ce point sur ce qui +concerne le chef visible de l'Église, est-il étonnant que +tant de réformés, en Angleterre comme en Allemagne, +nourrissent des préjugés absurdes contre le catholicisme?</p> + +<h4>MUR</h4> + +<p>Lorsque les fermiers généraux enfermèrent Paris +d'un mur d'enceinte en 1785, cette innovation triste +souleva presque autant de clameurs que l'enceinte +continue en 1840. On fit là-dessus le vers qui suit:</p> + +<p class="mid">Le mur murant Paris rend Paris murmurant.</p> + +<br> + +<h2>N</h2> + +<h4>NACELLE</h4> + +<p>Quel est l'âne qui va le mieux à l'eau?--C'est <i>l'âne +à selle</i>.</p> + +<h4>NAIN</h4> + +<p>La vie que menait, au dernier siècle, le prince d'Hénin, +lui attira cette épigramme de Champcenetz:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Prince, à te juger par ton train,</p> +<p class="i16">Tu fais un rôle des plus minces;</p> +<p class="i16">Tu n'es plus le prince d'<i>Hénin</i>,</p> +<p class="i16">Mais seulement le nain des princes.</p> +</div></div> + +<h4>NAIVETÉ</h4> + +<p>On recommandait à une dame malade de boire de +l'eau de sedlitz, et on lui disait: «Il n'y a que le premier +verre qui coûte à boire.--Eh bien! dit la malade, +je ne prendrai que le second.»</p> + +<p>M. de D*** recommanda très-instamment qu'on +l'ouvrît, et en donna la raison suivante: «Les médecins +n'ayant pu s'accorder entre eux sur le genre de ma +maladie, je ne serais pas fâché de savoir à quoi m'en +tenir sur la cause de ma mort.»</p> + +<p>Un conseiller disait à un ami: «Si j'avais quelque +chose de bon, je vous dirais de dîner avec moi.» Le +domestique qui le suivait lui dit à demi-voix: «Monsieur, +vous avez une tête de veau.»</p> + +<p>Un banquier anglais, nommé Fer ou Fair, fut accusé +d'avoir fait une conspiration pour enlever le roi +(George III), et le transporter à Philadelphie. Amené +devant ses juges, il leur dit: «Je sais très-bien ce +qu'un roi peut faire d'un banquier, mais j'ignore ce +qu'un banquier peut faire d'un roi.»</p> + +<p>Un dame de la cour dit un jour: «C'est bien dommage +que l'aventure de la Tour de Babel ait produit +la confusion des langues; sans cela, tout le monde +aurait toujours parlé français.»</p> + +<p>On pressait une femme lancée dans l'esprit et dans +les sciences, et qui devait aller à l'Observatoire voir +une éclipse de lune. «Ne vous inquiétez pas, dit-elle, +M. de Lalande a beaucoup de bontés pour moi; si c'est +fini quand nous arriverons, il fera recommencer.»</p> + +<p>Un provincial, étant à Saint-Cloud, vit Napoléon +dans ses jardins:</p> + +<p>«Je l'ai vu, dit-il, ce grand empereur, qui se promenait +lui-même.»</p> + +<h4>NERF DE BOEUF</h4> + +<p>On disait d'un homme colère qu'il ne s'expliquait +jamais qu'avec un air de boeuf.</p> + +<h4>NÉRON</h4> + +<p>Dans le temps où quelques hommes changeaient de +nom pour prendre les noms de Brutus, de Scévola, de +Fabricius, Publicola, etc., un membre de la section +des Tuileries disait à la tribune: «Et moi aussi je +veux prendre un nom romain, afin que l'on ne doute +plus de mon patriotisme; je veux m'appeler comme +celui qui mit le feu dans la commune de Rome pour +faire brûler les aristocrates, et qui manqua d'être la +victime d'Épicharis et de Séjan... celui... Parbleu!... +Aidez-moi donc... celui... qui... pardienne, vous n'en +connaissez pas d'autre, celui qui n'avait pas comme +gui dirait un nez pointu...</p> + +<p>--Que t'es bête, lui dit un collègue, c'est <i>nez rond</i>.</p> + +<p>--Oui, c'est ça, je me baptise Nez rond.</p> + +<h4>NEUF</h4> + +<p>Ah! mon cher ami, que je suis aise de vous rencontrer. +Savez-vous ce qu'on dit de neuf?</p> + +<p>--Non, eh bien?</p> + +<p>--Eh bien, on dit que c'est la moitié de dix-huit.</p> + +<h4>NEZ</h4> + +<p>Un camus annonçait à ses amis que sa femme venait +d'accoucher.--Ah! tant mieux, lui répondit-on, tu +auras un <i>nouveau-né</i>.</p> + +<p>Quel événement a ruiné les marchands de tabac?</p> + +<p>--La descente d'Énée aux enfers. (Voyez <i>Diné</i>.)</p> + +<p>M. Fouquier-Long, n'ayant pas été réélu par le département +de la Seine-Inférieure, son épouse signa +depuis ses lettres et billets: Femme Fouquier, <i>née +Long</i>.</p> + +<p>Dans la petite pièce intitulée: <i>le Sourd</i>, le papa Doliban +donne ainsi le signalement de son gendre futur: +«Front large, cheveux châtains, nez aquilin...»</p> + +<p>--Comment, né à Quilin! papa, vous vous trompez; +vous savez bien que je suis né à Châlons-sur-Marne.</p> + +<p>M. Renaudot, médecin à Montpellier, avait le nez +camus. Il perdit contre Guy-Patin, médecin de Paris, +un procès et s'en plaignait fort en sortant de l'audience. +Guy-Patin lui dit: «Si vous avez perdu d'un +côté, vous avez gagné de l'autre; car vous étiez entré +ici avec le nez camus, et maintenant vous avez <i>un +pied de nez</i>.»</p> + +<p>On doit à Désaugiers le joyeux pot-pourri de la +bouche et du nez, qui est farci de quelques jeux de +mots. Nous le donnons ici:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="mid">POT-POURRI DE LA BOUCHE ET DU NEZ</p> + +<p class="mid">Air: <i>Mon père était pot.</i></p> +<br> +<p class="i16">Jugez si je fus étonné</p> +<p class="i18"> Lorsque, la nuit dernière,</p> +<p class="i16">Je sentis ma bouche et mon nez</p> +<p class="i18"> S'agiter en colère.</p> +<p class="i20"> Qui donc en sursaut,</p> +<p class="i20"> Me dis-je aussitôt,</p> +<p class="i18"> Si matin me réveille?</p> +<p class="i20"> Le nez se moucha,</p> +<p class="i20"> La bouche cracha,</p> +<p class="i18"> Et je prêtais l'oreille.</p> +<br> +<p class="mid"> BOUCHE, bâillant.</p> + +<p class="mid">Air: <i>Je suis né natif de Ferrare.</i></p> +<br> +<p class="i18">Maudit nez! Le diable t'emporte</p> +<p class="i18">Ronfla-t-on jamais de la sorte!</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">Morbleu! quel démon m'installa</p> +<p class="i18">Près de cette bavarde-là?</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">Et c'est au milieu du visage</p> +<p class="i18">Qu'on loge un si sot personnage!</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">Tout sot que je suis, je me croi</p> +<p class="i18">Encor moins mâchoire que toi.</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE, piquée.</p> +<p class="mid">Air de <i>la Fanfare de Saint-Cloud</i>.</p> +<br> +<p class="i18">Que m'importent ta colère</p> +<p class="i18">Et tes sarcasmes mordants!</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">Est-ce pour me faire taire</p> +<p class="i18">Que tu me montres les dents?</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">Va, je ris de tes sottises;</p> +<p class="i18">Entends-tu, vilain camus?</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">Quelque chose que tu dises,</p> +<p class="i18">J'aurai toujours le dessus.</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> + +<p class="mid">Air: <i>Réveillez-vous, belle endormie.</i></p> +<br> +<p class="i18">Nécessaire autant qu'agréable,</p> +<p class="i18">Je sers l'enfant et le barbon;</p> +<p class="i18">Et de toi, qui fais le capable,</p> +<p class="i18">On ne peut rien tirer de bon.</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<p class="mid">Air: <i>La bonne aventure au gué!</i></p> +<br> +<p class="i18">De quelque titre plâtré</p> +<p class="i20"> Que tu t'autorises.</p> +<p class="i18">Jamais je ne souffrirai</p> +<p class="i20"> Que tu me maîtrises.</p> +<p class="i18">Si tu le veux, fâche-toi,</p> +<p class="i18">Je n'ai jamais craint, ma foi,</p> +<p class="i18">D'en venir aux prises,</p> +<p class="i20"> Moi...</p> +<p class="i18">D'en venir aux prises.</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> + +<p class="mid">Air: <i>Si Dorilas.</i></p> +<br> +<p class="i18">Je suis utile à mille choses.</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">De ses dons le ciel m'a comblé.</p> +<p class="i18">C'est pour moi qu'on plante les roses.</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">C'est pour moi qu'on sème le blé. (<i>bis.</i>)</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">Par moi l'on respire sur terre.</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">C'est moi qui préside aux repas.</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">L'homme, sans moi, ne vivrait guère.</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">L'homme, sans moi, ne vivrait pas (<i>bis.</i>)</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> + +<p class="mid">Air de <i>l'Avare et son ami</i>.</p> +<br> +<p class="i18">Dans une maison, lorsqu'on entre,</p> +<p class="i18">À l'instant même du dîner,</p> +<p class="i18">Ne dit-on pas, frappant son ventre:</p> +<p class="i18">Ma foi! je vois que j'ai bon nez?</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">De tous les mets auxquels on touche,</p> +<p class="i18">Celui qu'on croit de meilleur goût</p> +<p class="i18">N'est-il pas celui que partout</p> +<p class="i18">On garde pour la bonne bouche? (<i>bis.</i>)</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> + +<p class="mid">Air: <i>Jeunes filles, jeunes garçons</i>.</p> +<br> +<p class="i18">Tu conviens pourtant que jamais</p> +<p class="i18">Tu ne cessas d'être gourmande? (<i>bis.</i>)</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">C'est bien toi que tout affriande,</p> +<p class="i18">Jusqu'à la seule odeur des mets.</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">Oui, leur parfum me touche;</p> +<p class="i18">J'en dois faire l'aveu;</p> +<p class="i18">En tout temps, en tout lieu,</p> +<p class="i18">Je fus toujours un peu</p> +<p class="i18">Sur la bouche (<i>bis.</i>)</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> + +<p class="mid">Air: <i>Dans la vigne à Claudine</i>.</p> +<br> +<p class="i18">As-tu juré de mettre</p> +<p class="i18">Ma patience à bout?</p> +<p class="i18">C'est trop me compromettre</p> +<p class="i18">Avec ce marabout.</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">En vain tu voudrais feindre;</p> +<p class="i18">J'ai su te battre...</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i30"> Moi!</p> +<p class="i18">Que puis-je avoir à craindre</p> +<p class="i18">D'un morveux comme toi? (<i>trois fois.</i>)</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ, rouge de fureur.</p> +<p class="mid">Air: <i>Tenez, moi, je suis un bon homme</i>.</p> +<br> +<p class="i18">Qui? moi, morveux! dans ma colère,</p> +<p class="i18">Je vais te prouver sans pitié,</p> +<p class="i18">Que le nez est un adversaire</p> +<p class="i18">Qui ne se mouche pas du pied.</p> +<p class="mid"> (Après un moment de réflexion.)</p> +<p class="i18">Je me salis, si je te touche...</p> +<p class="i18">Il vaut bien mieux nous séparer...</p> +<p class="i18">Et, d'ailleurs, le nez et la bouche</p> +<p class="i18">Sont-ils faits pour se mesurer?</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> + +<p class="mid">Air: <i>Bon voyage, cher Dumollet.</i></p> +<br> +<p class="i18">Bon voyage,</p> +<p class="i18">Mon cher voisin!</p> +<p class="i18">Nous en ferons tous deux meilleur ménage.</p> +<p class="i18">Bon voyage,</p> +<p class="i18">Mon cher voisin!</p> +<p class="i18">Loin l'un de l'autre, on est toujours cousin.</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ, se détachant et lui tournant les talons.</p> +<br> +<p class="i18">Tu vas savoir si du nez l'on se passe.</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">Dans quel quartier vas-tu donc demeurer?</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ.</p> +<br> +<p class="i18">Je ne tiens pas une si grande place</p> +<p class="i18">Que je ne trouve enfin où me fourrer.</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE.</p> +<br> +<p class="i18">Bon voyage,</p> +<p class="i18">Mon cher voisin!</p> +<p class="i18">Nous en ferons tous deux meilleur ménage.</p> +<p class="i18">Bon voyage,</p> +<p class="i18">Mon cher voisin!</p> +<p class="i18">Loin l'un de l'autre, on est toujours cousin.</p> +<p class="mid"> (Le nez sort par une vitre cassée.)</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE, se regardant au miroir.</p> +<br> +<p class="i18">Oh! grand Dieu! sans nez que je suis laide!</p> +<p class="i18">J'ai tort, j'en conviens.</p> +<p class="i20"> Cher nez, reviens</p> +<p class="i20"> Vite à mon aide.</p> +<p class="i18">Oh! grand Dieu! sans nez que je suis laide!</p> +<p class="i20"> Je sens qu'en effet</p> + <p class="i20"> La nature avait tout bien fait.</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ, dehors, cherchant où se poser.</p> +<br> +<p class="i18">Mais où donc faut-il que je me place?</p> +<p class="i20"> Mon oeil étonné</p> +<p class="i20"> Rencontre un nez</p> +<p class="i20"> Sur chaque face.</p> +<p class="i18">Mais où donc faut-il que je me place?</p> +<p class="i18">Où donc me jucher?</p> +<p class="i18"> Où me nicher? où me percher?</p> +<br> +<p class="mid">LA BOUCHE, au désespoir.</p> +<br> +<p class="i18">Oh! grand Dieu! sans nez que je suis laide!</p> +<p class="i20"> J'ai tort; j'en conviens.</p> +<p class="i20"> Cher nez, reviens</p> +<p class="i20"> Vite à mon aide.</p> +<p class="i18">Oh! grand Dieu! sans nez que je suis laide!</p> +<p class="i20"> Je sens qu'en effet</p> +<p class="i20"> La nature avait tout bien fait.</p> +<br> +<p class="mid">LE NEZ, un peu honteux, reprenant sa place.</p> +<p class="mid">Air: <i>Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il tonne!</i></p> +<br> +<p class="i18">Je voulais faire un coup de tête...</p> +<p class="i18">Mais toute réflexion faite,</p> +<p class="i20"> Je reste où le destin m'a mis.</p> +<p class="i20"> Peut-être ailleurs serais-je pis.</p> +<br> +<p class="mid">FINAL.</p> + +<p class="mid">Air: <i>Aussitôt que la lumière.</i></p> +<br> +<p class="i18">À ces mots ils s'embrassèrent;</p> +<p class="i18">Et, se tenant par la main,</p> +<p class="i18">Tous les deux ils se jurèrent</p> +<p class="i18">Alliance, accord sans fin.</p> +<p class="i18">C'est ainsi que, sur la terre,</p> +<p class="i18">Me dis-je alors en secret,</p> +<p class="i18">La discorde sait se taire,</p> +<p class="i18">A la voix de l'intérêt.</p> +</div></div> + +<h4>NICHES</h4> + +<p>Pourquoi les saints n'aiment-ils pas trop les maçons?--Parce +qu'ils leur font des niches.</p> + +<h4>NOIRCEUR</h4> + +<p>Un bourgeois facétieux, passant devant un couvent +de femmes, disait:--Voilà une maison pleine de +noires soeurs.</p> + +<h4>NOMS</h4> + +<p>Un journal de Lyon mentionnait, il y a quelque +temps, quelques associations de noms propres qui +donnent lieu à de plaisants jeux de mots. Ainsi, il y +a eu dans cette ville une maison de commerce célèbre +sous la raison de: <i>Lajoie</i>, <i>Rigodon</i>, <i>Vidon et Cie</i>. +Viennent ensuite MM. <i>Hyver</i>, marchand de charbons; +<i>Gilet</i>, marchand de bas; <i>Mouton</i>, boucher; Mlle <i>Quinquet</i>, +veilleuse. Tout cela, du reste, n'est rien à côté de +l'adresse d'une, lettre dont le <i>Salut public</i> garantit +l'authenticité: <i>A Monsieur Vermine, au dépôt de +Mendicité, place de la Misère, à La Charité</i>. M. Vermine +a été longtemps concierge du dépôt de mendicité +de la Charité-sur-Loire, et peut-être l'est-il encore. +(Voyez <i>Jeux de mots et facéties</i>.)</p> + +<p>On a imprimé au dernier siècle un assez mauvais +roman; les héros portaient des noms à prétentions +allégoriques. C'étaient le père Vertisseur, le père Manant, +le père Nicieux, le père Foré, le père Hoquet, le +père Sonnel, le père Fide, le père Lé, etc. Dans les +femmes, c'était la mère Veille, la mère Tume, la mère +Idienne, la mère Curiale, la mère Ida, la mère Ingue, +Puis des Anglais et des Anglaises: lord Gueil, lord +Nière, lord Ange, lord Dinaire, lord Igine, lord Tie, +lord Gane, lord Seille, lady Arrhée, lady Scorde, lady +Gestion, lady Spense, lady Forme, lady Aphane. Des +plaisanteries de ce genre n'auraient peut-être pas +grande vogue aujourd'hui.</p> + +<p>Trois Anglais, dont les noms étaient: <i>Singulier</i>, +<i>Davantage</i> et <i>Juste</i> (Strange, More, Right), s'étant +trouvés ensemble à souper dans une taverne, le dernier +dit aux autres:--Il y a un voleur parmi nous; +c'est Singulier.--Cela est vrai, reprit Singulier; mais +pourquoi pas Davantage?--Oui, reprit Davantage, +il faut être Juste.</p> + +<p>Le docteur Drawell ayant rencontré un de ses amis +la veille d'une exécution qui devait se faire à Tyburn, +lui demanda s'il savait le nom du criminel.--Pas +trop, reprit l'autre; c'est un certain Pronom.--Comment! +un Pronom?--Rien n'est plus vrai; mais on +assure que ce n'est ni vous ni moi.</p> + +<h4>NORMANDS</h4> + +<p>Le Gascon par excellence, Cyrano Bergerac, dit, +dans son <i>Pédant joué</i>:--Et la seconde objection que +je fais est que vous êtes Normand: Normandie <i>quasi</i> +venue du <i>Nord</i> pour <i>mendier</i>. De votre nation les serviteurs +sont traîtres, les égaux insolents, les maîtres +insupportables. Jadis le blason de cette province était +trois faux, pour montrer les trois espèces de faux +qu'engendre ce climat: <i>Scilicet</i>, faux sauniers, faux +témoins, faux monnayeurs. Je ne veux point de faussaires +en ma maison.</p> + +<h4>NOTAIRE</h4> + +<p>Un plaisant disait que la métempsycose ne le surprenait +pas, puisque lui-même pouvait faire avec <i>un os +taire</i> un chien.</p> + +<h4>NOUS</h4> + +<p>Un grand seigneur de la cour, qui aimait beaucoup +les chevaux, fut extrêmement surpris de ce que son +écuyer lui vint dire un matin que le cheval qu'il avait +monté la veille était mort.--Quoi, dit-il, le cheval +que j'avais hier à la chasse?--Oui, Monsieur.--Ce +cheval bai que j'ai eu de M. de Barradas?--Oui, +Monsieur.--Qui n'avait que six ans?--Oui, Monsieur.--Qui +mangeait si bien?--Oui, Monsieur, +celui-là même, répondit l'écuyer.--Eh! bon Dieu! +écria le maître, qu'est-ce que c'est que de nous!</p> + +<h4>NUMA POMPILIUS</h4> + +<p>On parlait à une dame bel esprit de ce gracieux +roman-poëme de Florian.</p> + +<p>--L'avez-vous lu? lui disait-on.</p> + +<p>--Certainement, répondit-elle avec assurance; et +j'en avais prévu le dénoûment dès le début.</p> + +<p>--Quel dénoûment?</p> + +<p>--Mon Dieu, comme toujours, un mariage: Pompilius +qui finit par épouser Numa.</p> + +<br> + +<h2>O</h2> + +<p>Quel est le plus agréable des O?--l'O riant.--l'O +est aussi la lettre la plus humide.</p> + +<p>L'O était chez les anciens l'emblème de l'éternité. +Il est le sujet de l'énigme suivante:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Je sais de l'Éternel la figure et l'emblème:</p> +<p class="i16">Mortel, que ferais-tu sans mon pouvoir suprême?</p> +<p class="i16">Rien. Le monde sans moi n'aurait plus de soutien;</p> +<p class="i16">Je suis utile à tout, sans être propre à rien.</p> +</div></div> + +<h4>OBÉISSEZ</h4> + +<p>S'écrit avec les quatre lettres OBIC.</p> + +<h4>OBSERVER</h4> + +<p>Le grammairien Urbain Domergue était retenu au +lit par un abcès à la gorge, qui menaçait de le suffoquer. +Son médecin s'approche et lui dit:--Si vous +ne prenez ce que je vous ordonne, je vous observe +que...</p> + +<p>--Et moi, je vous fais observer, s'écrie le moribond, +transporté d'une scientifique colère, que c'est bien +assez de m'empoisonner par vos remèdes, sans qu'à +mon dernier moment vous veniez m'étouffer par vos +solécismes!</p> + +<p>À ces mots prononcés avec impétuosité, l'abcès +crève, la gorge se débarrasse, et grâce au solécisme, +l'irascible grammairien est guéri.</p> + +<h4>ODRY</h4> + +<p>Un médecin fashionable disait, il y a dix ans, à un +malade triste:--prenez de l'<i>odry</i>.--Le malade prit +de l'<i>eau de riz</i>, et n'en fut que plus resserré.</p> + +<p>Nous avons cité plusieurs calembourgs d'Odry. +Voici deux chansons de sa façon.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="mid">I.</p> +<br> +<p class="i18">--Papa, ces p'tits bateaux</p> +<p class="i20"> Qui vont sur l'eau</p> +<p class="i20"> Ç'a-t-il des jambes?</p> +<p class="i18">--Mais s'ils n'en avaient pas,</p> +<p class="i20"> Petit bêtat,</p> +<p class="i20"> Ils n'iraient pas.</p> +<br> +<p class="mid">II.</p> +<br> +<p class="i20"> Petit-Jean, hausse-moi,</p> +<p class="i18">Pour voir les fusées volantes;</p> +<p class="i20">Petit-Jean, hausse-moi,</p> +<p class="i18">Pour voir les fusées voler.</p> +<br> +<p class="i20"> Petit-Jean m'a haussé,</p> +<p class="i18">J'ai vu les fusées volantes.</p> +<p class="i20"> Petit-Jean m'a haussé,</p> +<p class="i18">J'ai vu les fusées voler.</p> +</div></div> + +<h4>OEUF</h4> + +<p>Bobèche disait que le mariage, les premiers jours, +est <i>un noeud frais</i>, au bout d'un an <i>un noeud dur</i>, et +quelquefois <i>un noeud brouillé</i>.</p> + +<h4>OEUFS</h4> + +<p>Quel est le pays où l'on mange le plus d'omelettes?--La +ville d'<i>Eu</i>.</p> + +<h4>OIE</h4> + +<p>Un républicain, à dîner chez un de ses amis, vit +servir un foie de veau piqué et une oie à la broche.--À +la bonne heure! dit-il, on ne pourra plus vous +accuser de n'avoir ni foi, ni loi.</p> + +<h4>OMBRE</h4> + +<p>Un homme surpris par un bataillon de ses ennemis, +quelque brave qu'il soit, peut avoir peur de son +nombre.</p> + +<h4>ONCE</h4> + +<p>Quel était la voiture la plus légère au baptême du +prince impérial?</p> + +<p>--La voiture du Nonce.</p> + +<h4>ORDRE</h4> + +<p>Comme le chevalier Taylor racontait les honneurs +qu'il avait reçus des différentes cours de l'Europe, et +les ordres dont il avait été décoré par un grand nombre +de souverains, un membre du parlement, qui se trouvait +près de lui, observa qu'il n'avait pas nommé le +roi de Prusse, et il ajouta:--Je présume qu'il ne +vous a jamais donné aucun ordre.--Pardonnez-moi +monsieur, reprit le chevalier, il m'a donné l'ordre de +quitter ses États.</p> + +<h4>OREMUS</h4> + +<p>Quel est le plus poli d'<i>Oremus</i> et de <i>Quæsumus</i>.</p> + +<p>--C'est <i>Oremus</i>, car on dit souvent: <i>Oremus visita +Quæsumus</i>; et on ne voit pas que <i>Quæsumus</i> ait visité +<i>Oremus</i>.</p> + +<p>On repoussa, au théâtre français, en 1814. une tragédie +de <i>Romulus</i>, dont le premier vers commençait +par ces mots: <i>ô Remus</i>. Des plaisants citent ainsi le +vers entier:</p> + +<p class="mid"><i>O Remus, dominez</i> sur les remparts de Rome.</p> + +<h4>ORIGINAL</h4> + +<p>Un doyen anglais, qui n'était pas d'un très-grand +génie, acheta un jour, d'un homme de lettres, un sermon +qu'il prêcha avec beaucoup de succès dans une +grande chapelle de Londres. Le dimanche suivant, il +alla dans une autre église pour assister à l'office, et +eut le désagrément d'entendre un autre ecclésiastique +prêcher le même sermon que le sien, devant une nombreuse +assemblée qui couvrait d'applaudissements le +prédicateur. Courroucé de ce que l'auteur avait abusé +sa bonne foi, il lui fit reproche, dans les termes les +plus vifs, de lui avoir vendu une copie pour un original. +«Vous vous trompez grandement, lui repartit +l'auteur, car c'est l'autre prédicateur qui a la copie, +et vous avez l'original.»</p> + +<h4>OS</h4> + +<p>Quelqu'un disait, en voyant jouer une actrice fort +maigre: il n'est pas besoin d'aller à Versailles ou à +Saint-Cloud pour voir jouer les os.</p> + +<h4>OÙ</h4> + +<p>Le célèbre Daniel Burgess dînait un jour en ville, +chez une personne de sa connaissance. Lorsqu'on en +fut au dessert, on servit un grand fromage du Cheshire.</p> + +<p>--Où l'entamerai-je, demanda Daniel?</p> + +<p>--Où vous voudrez, reprit le maître de la maison?</p> + +<p>Là-dessus, Daniel, appelant un des domestiques qui +servaient à table:--Portez, dit-il, ce fromage chez +moi; je l'entamerai à la maison.</p> + +<h4>OURAGAN</h4> + +<p>L'empereur Nicolas disait un jour au prince Dolgorouki: +Devine quel est le moment où M. Guizot a le +plus tempêté.</p> + +<p>--Je ne sais pas.</p> + +<p>--Eh bien... c'est quand il a suivi Louis XVIII dans +les Cent Jours, qu'il a fait un petit tour à Gand.</p> + +<h4>OURSINS</h4> + +<p>M. Prud'homme a constaté que les ours sains sont +ceux qui généralement se portent le mieux.</p> + +<h4>OUVRIR LA BOUCHE</h4> + +<p>Montmaur était avocat et professeur en langue +grecque; c'est pour cela qu'on l'appelait le Grec. Quoiqu'il +fût fort riche, il voulait ajouter au plaisir de +faire bonne chère, celui de ne rien dépenser; il tenait +un registre de toutes les bonnes tables de Paris, et +cherchait les moyens de s'y introduire--Il était d'un +naturel satirique; dès qu'il se trouvait avec de grands +seigneurs, il se déchaînait contre tous les auteurs et +les savants. Ses habitudes de parasite et sa médisance +firent dire de lui «qu'il n'ouvrait jamais la bouche +qu'aux dépens d'autrui.»</p> + + +<br> +<h2>P</h2> + +<h4>PAGES</h4> + +<p>On proposait au directeur de la troupe des comédiens +de Versailles de laisser entrer tous les pages du roi, de +la reine et des princes. Il objecta, avec raison, que +beaucoup de pages font un gros volume.</p> + +<h4>PAIN ET BOUILLI</h4> + +<p>Bouilly est connu par quelques ouvrages médiocres, +parmi lesquels on citera, si vous voulez, <i>les Contes à +ma fille</i>, deux volumes que donnait en prix, tous les +ans, madame Campan, à la maison d'Écouen. Joseph. +Pain ne manquait pas de faire, pour cette solennité, +des vers que l'on distribuait également aux jeunes +pensionnaires. Un plaisant dit, à ce sujet, que les filles +(d'Écouen), quand elles se conduisaient bien, recevaient +tous les ans deux livres de bouilli et un morceau de +pain.</p> + +<h4>PAIR</h4> + +<p>Le jour de l'apparition des trois ordonnances (juillet +1830), un balourd empressé se rencontre avec M. de +Sesmaisons au tourniquet de Saint-Jean, et, comme +il le gênait en passant, il lui dit: Excusez, gros père.--Allons, +s'écria l'ex-honorable député, on ne peut +plus garder son incognito dans cette ville; cet homme +sait déjà que je suis pair de France.</p> + +<p>Un Gascon, voyant un duc perdre au jeu, s'écria:--Il +est <i>duc et perd</i>.</p> + +<h4>ÉPIGRAMME DE 1790.</h4> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Par un arrêt plein de sens, de raison,</p> +<p class="i16">Les douze cents majestés de la France,</p> +<p class="i20"> En corrigeant l'impertinence</p> +<p class="i16">Des magistrats du bon peuple breton,</p> +<p class="i20"> Les ont, pour le bien de leurs âmes,</p> +<p class="i16">Déclarés tous séditieux, pervers,</p> +<p class="i20"> Félons, coquins, traîtres, infâmes...</p> +<p class="i20"> C'est un jugement de leurs pairs.</p> +</div></div> + +<h4>PALAIS</h4> + +<p>On appelle palais la partie intérieure de la bouche, +qui en est la voûte.</p> + +<p>Le Palais de Justice ayant été incendié dans le siècle +dernier, les Parisiens, qui rient de tout, même de leur +propre malheur, se passèrent de main en main le +quatrain suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Certes, ce fut un triste jeu,</p> +<p class="i16">Quand à Paris, dame justice,</p> +<p class="i16">Pour avoir mangé trop d'épice,</p> +<p class="i16">Se mit le palais tout en feu.</p> +</div></div> + +<p>--Quelle différence y a-t-il entre les princes et les +huîtres?</p> + +<p>--C'est que les huîtres ne font que traverser le palais, +et que les princes y résident.</p> + +<p>Cette solution rappelle un des calembours de M. de +Bièvre. Il revenait de Versailles où il avait assisté au +déjeuner de Louis XV, et on lui demandait ce qu'il y +avait remarqué.</p> + +<p>--J'ai vu, dit-il, une huître traverser le palais +royal.</p> + +<h4>PAON</h4> + +<p>--Quels sont les paons les plus lourds?--Ce sont +les plus gras.--Non, ce sont les pans de murailles, +comme les plus légers sont les pans d'habits, et les +plus crottés les pantalons.</p> + +<p>On annonçait un jour, en objet à vendre, une volière +ayant huit pans. Un amateur de paons l'alla voir. +C'était une volière octogone.</p> + +<h4>PAPIER</h4> + +<p>Ce mot a plusieurs sens, qu'il est inutile d'exposer. +On comprendra aisément ce qu'il veut dire ici. Ces +vers ont paru en 1790.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">L'or, l'argent et l'airain, aussi bien que le fer</p> +<p class="i16">Chez nos premiers aïeux ont eu chacun leur âge.</p> +<p class="i16">Celui-ci doit son nom au charlatan Necker;</p> +<p class="i16">Et du peuple français l'auguste aréopage,</p> +<p class="i16">Secondant les projets du ministre banquier,</p> +<p class="i16">Veut que l'âge présent soit l'âge du papier.</p> +</div></div> + +<h4>PARAPET</h4> + +<p>Un homme passant avec sa femme sur le pont Royal, +à Paris, pont très-fréquenté, laissa échapper un de ces +soupirs intérieurs dont on rougit toujours un peu.--Prends-donc +garde à ce que tu fais, lui dit sa femme.--Ne +crains rien, répondit-il; tu vois bien qu'il y a +ici des parapets.</p> + +<h4>PARDON</h4> + +<p>À Messine, où commandait le maréchal de Vivonne, +un officier vint le réveiller pour lui dire quelque chose. +Il commença ainsi: «Monseigneur, je vous demande +pardon, si je viens vous réveiller.--Et moi, lui repartit +le maréchal, je vous demande pardon si je me +rendors.»</p> + +<h4>PAREIL</h4> + +<p>Un bourgeois qui avait un attelage de deux chevaux +bruns perdit l'une de ses bêtes, et chargea le domestique +de rappareiller le survivant. Le domestique chercha, +découvrit et vint dire à son maître:--Monsieur, +j'ai trouvé votre pareil.</p> + +<h4>PARLEMENT</h4> + +<p>Montmaur dit, dans sa requête au Parlement:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i18">De la cour du grand parlement</p> +<p class="i18">Tout homme qui mal parle ment.</p> +</div></div> + +<h4>PAROLE</h4> + +<p>Ménage se trouvait dans le cloître des Chartreux +lorsqu'on y faisait voir le tableau de saint Bruno. +Quelqu'un dit: «Il ne lui manque que la parole.--En +ce cas, dit Ménage, il est parfait; car il ne pourrait +parler sans manquer à la règle.»</p> + +<h4>PARTIR</h4> + +<p>Potier dit un jour à un de ses amis qu'il avait eu +jadis des fusils excellents: «En quoi étaient-ils donc +si merveilleux? reprit l'autre.--C'est qu'ils partaient +aussitôt qu'il entrait des voleurs chez moi, quoiqu'ils +ne fussent pas chargés.--Et comment cela?--Parce +que les voleurs les emportaient pour eux.»</p> + +<p>Quand la brillante société de Paris s'échappe au +beau temps pour les eaux et la compagne, les pointus +disent qu'il y a dans la capitale beaucoup d'<i>esprit de +parti</i>.</p> + +<h4>PAS</h4> + +<p>Au commencement de 1793, les gazettes allemandes +ayant répandu le bruit que le prince de Brunswick +avançait à pas de géant sur Paris, un soldat de l'armée +parisienne lit l'impromptu suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Monsieur l'imprimeur allemand,</p> +<p class="i20">Rendez-nous un petit service;</p> +<p class="i20">Effacez: À pas de géant,</p> +<p class="i20">Et mettez: À pas d'écrevisse.</p> +</div></div> + +<p>Un poëte de village a placé sur la porte du cimetière +de sa commune l'inscription suivante:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Tous tes pas sont faux pas; tu ne fais pas de pas</p> +<p class="i16">Que tes pas, pas à pas, n'amènent ton trépas.</p> +</div></div> + +<h4>PASSER</h4> + +<p>Sur la porte du passage de l'église de Saint-Séverin, +qui menait autrefois du cimetière à la rue de la Parcheminerie, +on lisait ces vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Passant, penses-tu pas passer par ce passage,</p> +<p class="i20"> Où passant j'ai passé?</p> +<p class="i16">Si tu n'y penses pas, passant, tu n'es pas sage;</p> +<p class="i16">Car, en n'y pensant pas, tu te verras passé.</p> +</div></div> + +<p>Un ignorant, bel esprit et quelque peu farceur, se +présente à l'université de Reims pour y passer maître +ès arts. Il y est reçu. Surpris de la facilité avec laquelle +il avait acquis ce grade, il va de nouveau trouver le +président de la Faculté, et lui dit: «Monsieur, pendant +que je suis en cette ville, je voudrais profiter de +l'occasion, et faire aussi passer mon cheval maître ès +arts.--Monsieur, lui répondit le président, je suis +fâché de ne pouvoir vous obliger davantage, mais +nous ne recevons ici que les ânes.»</p> + +<h4>PATAQUIÈS OU PATAQU'EST-CE</h4> + +<p>Lorsqu'en 1857 on distribua la médaille de Sainte-Hélène, +les journaux citèrent la lettre suivante, adressée +à l'Empereur, au camp de Châlons:</p> + +<p>«Sire,</p> + +<p>«J'ai contracté sous votre cher oncle deux blessures +mortelles, qui, depuis 30 ans, font l'ornement de ma +vie, l'une à la cuisse droite, l'autre à Wagram. Si ces +deux anecdotes vous paraissent susceptibles de la croix +d'honneur, j'ai bien celui de vous en remercier d'avance.</p> + +<p class="rig">«<i>Signé</i>: ANTOINE BONNIOT,<br> +«<i>Caporal honoraire à l'ex-jeune garde</i>.</p> +<br><br><br> + +<p>«<i>P. S.</i> Mme Bonniot sera bien sensible à votre amabilité.</p> + +<p>«Affranchir la réponse, s'il vous plaît.</p> + +<p>«Ci-joint les pièces amplificatives.»</p> + +<h4>PATTE ÉTHIQUE</h4> + +<p>Une actrice qui avait la main décharnée, se présenta +sur le théâtre où elle joignait, à une déclamation forte, +de grands gestes, en déployant de grands bras.</p> + +<p>--Quel pathétique! s'écria un des spectateurs.</p> + +<h4>PAUVRE</h4> + +<p>Le collége des Grassins, à Paris, a été fondé pour les +pauvres écoliers du diocèse de Sens. Il y avait autrefois, +au-dessus de la porte: <i>Collège des Grassins, fondé +pour les Pauvres de Sens</i>. Cette inscription fit croire +que c'était un hôpital de fous. On fut obligé de la +supprimer.</p> + +<p>Un ami de Bayle s'entretenait avec ce philosophe +sur la pauvreté des gens de lettres: «Ah! mon ami, +lui dit Bayle, le nombre des auteurs pauvres est presque +aussi considérable que le nombre des pauvres auteurs.»</p> + +<p>Un pauvre diable qui passait par un village alla, +pressé par la faim, heurter à la porte d'un seigneur:</p> + +<p>--Qui êtes-vous? lui demanda-t-on.</p> + +<p>--Je suis un pauvre musicien qui demande la passade.</p> + +<p>--Entrez.</p> + +<p>Entré qu'il fut, le seigneur le fit dîner avec lui. Ce +seigneur était mélomane; et il avait fait apprendre la +musique à ses enfants, garçons et filles. Après le dîner, +il fait apporter des livres de chant; il les distribue, +un à l'étranger, et les autres à ses enfants. Ceux-ci se +mirent à chanter; le seigneur qui n'entendait rien +dire au passant, croyait qu'il voulait écouter un moment. +À la fin, comme le silence continuait:</p> + +<p>--Vous ne chantez point? lui dit-il.</p> + +<p>--Non, monsieur.</p> + +<p>--Pourquoi?</p> + +<p>--Monsieur, ne vous ai-je pas dit que j'étais un +pauvre musicien? Eh bien! je suis si pauvre musicien, +qu'en fait de musique je n'y entends rien du tout.</p> + +<p>Un bourgeois de Londres fut pareillement arrêté +dans la rue par un homme qui lui demanda l'aumône, +en se qualifiant de pauvre savant. Le bourgeois lui +donna un schelling, en lui parlant latin.--Ah! Monsieur, +lui répondit le mendiant, je me suis qualifié de +pauvre savant, et je suis tellement pauvre savant que +je n'ai pas même appris mon alphabet.</p> + +<h4>PÊCHER</h4> + +<p>Dès les premiers jours de la Révolution, le gouvernement +provisoire a envoyé M. Auguste Luchet à Fontainebleau, +en qualité de gouverneur de l'ex-château +royal.</p> + +<p>Il n'y avait rien du tout à gouverner dans le splendide +palais bâti par le génie de Primatice.--Il n'y +avait qu'à se promener dans le parc et à prendre du +ventre.</p> + +<p>M. Auguste Luchet, qui est romancier, se promena, +rêva, digéra, et, au bout du compte, se chercha un +autre passe-temps.--Il découvrit alors ce fameux vivier +où sont des carpes dont plusieurs ont de la barbe +et sont, dit-on, contemporaines de François Ier.--Il +imagina d'y goûter; il pêcha, trouva l'exercice bon, +et, depuis lors, il pêche toujours.</p> + +<p>Les habitants de Fontainebleau s'alarmèrent d'un +labeur si terrible.--Ils écrivirent au général Cavaignac +une lettre dans laquelle on trouvait ce passage:</p> + +<p>«Citoyen général, nos prédicateurs disent que le +juste pèche au moins sept fois par jour. Or, M. Auguste +Luchet pèche du matin au soir, sans discontinuer. +Jugez s'il est juste.»</p> + +<h4>PEINDRE</h4> + +<p>--Pendant que mon mari peignait notre corridor, +disait une Parisienne, je peignais nos enfants; nos +enfants étaient bien peignés, mais notre corridor était +mal peint.</p> + +<p>On sait que Wateau était, au dernier siècle, un +peintre célèbre. Un autre Wateau était coiffeur renommé. +Un bourgeois de Paris, invité à la cour, envoyant +chercher Wateau le coiffeur, qu'il ne connaissait +pas, dit à son domestique:</p> + +<p>--Va-t'en me chercher Wateau; il faut qu'il me +peigne tout de suite. Le domestique, qui entendait +tous les jours vanter le peintre, courut chez lui, et +Watteau arriva.</p> + +<p>--Bonjour, monsieur Wateau, dit le bourgeois, je +vais à la cour et j'ai besoin de vos talents. A quel prix +me peignez-vous?</p> + +<p>--Mais, monsieur, dit l'artiste, pour que vous soyez +convenable, vous me donnerez cinquante louis.</p> + +<p>Le bourgeois sauta en l'air:</p> + +<p>--Comment, cinquante louis! Renaud me peigne +pour quinze sous en perfection.</p> + +<p>L'artiste rit longtemps du quiproquo.</p> + +<h4>PÊNE</h4> + +<p>Qu'est-ce qui ressemble le plus à une serrure?--C'est +une femme malheureuse, parce qu'elle n'est jamais +sans peine.</p> + +<h4>PENSER</h4> + +<p>On sait que l'ordre de la jarretière a pour devise: +<i>Honni soit qui mal y pense.</i> Les marquis de Mesgrigny +à leur château de Villebertain ont fait écrire en lettres +d'or, au-dessus de la grande porte de leurs écuries: +<i>Honni soit qui mal y panse.</i></p> + +<p>Le comte de Lauraguais revenait de l'Angleterre. +Louis XV, le revoyant à Versailles, lui demanda d'où +il arrivait.</p> + +<p>--De Londres, Sire.</p> + +<p>--Et qu'êtes-vous allé faire là?</p> + +<p>--Apprendre à penser.</p> + +<p>--A panser les chevaux, répliqua le roi.</p> + +<p>En 1815, une noble marquise des environs de Valenciennes +se casse la jambe en descendant de voiture, +dans la cour des Tuileries. Son époux désolé commande +à l'un de ses gens d'aller au plus vite chercher un +chirurgien.</p> + +<p>--Lequel, monsieur, dit le domestique?</p> + +<p>--N'importe, pourvu qu'il pense bien. Le laquais +court, et ramène un Esculape dont les bons principes +étaient connus; deux jours après, madame était morte: +Hélas! ce brave docteur pensait bien, mais il pansait +mal.</p> + +<h4>PEPIN</h4> + +<p>Quelle différence y a-t-il entre l'histoire de France +et une poire d'Angleterre.</p> + +<p>--L'histoire de France n'a qu'un Pépin et la poire +en a plusieurs.</p> + +<p>C'est un calembour de M. de Bièvre.</p> + +<h4>PÉQUIN OU PÉKIN</h4> + +<p>Mot injurieux par lequel les militaires désignaient +autrefois un bourgeois. Lorsque Martainville fut accusé +d'avoir livré le pont du Pecq près Saint-Germain aux +alliés, on fit courir ces vers, où l'application de péquin +est plus juste:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">À Scipion, sa république,</p> +<p class="i20">Pour avoir dompté l'Afrique,</p> +<p class="i20">Donna le nom d'Africain.</p> +<p class="i20">Nommons donc cette âme vile,</p> +<p class="i20">Qui du Pecq livra la ville,</p> +<p class="i20">Martainville le <i>Pecquin</i>.</p> +</div></div> + +<h4>PERÇANT</h4> + +<p>Un faiseur de calembours a soutenu que les Perses +avaient introduit dans le monde <i>les cris persans</i>.</p> + +<p>Le même prétend que le roi Persée, prisonnier des +Romains, avait charmé les ennuis de sa captivité, en +fabriquant ces sortes de chaises qui portent son nom.</p> + +<h4>PERDRE</h4> + +<p>Un ecclésiastique de Troyes, prêchant, perdit la mémoire; +un plaisant se leva et dit:--Qu'on ferme la +porte; il n'y a ici que d'honnêtes gens; il faut que +la mémoire de monsieur se retrouve.</p> + +<h4>PERDRIX</h4> + +<p>Un plaisant, voyant deux ris de veau sur la table, +chez Véry, embarrassait le garçon de service en lui +disant:--Faites-moi le plaisir de me passer cette +<i>paire de ris</i>.</p> + +<h4>PÉROU</h4> + +<p>On parlait dans une société du mariage du doge de +Venise avec la mer Adriatique.--Il y a, dit quelqu'un, +un fait plus singulier, c'est l'union indissoluble de +père Ou et de la mère Ique.</p> + +<h4>PERRUQUE</h4> + +<p>Pendant les guerres de l'empire, un Troyen, entendant +annoncer que le général Baville avait pris perruque, +demanda où cette ville était située. Un vieil +abbé lui répondit: Sur la nuque.</p> + +<h4>PERRUQUIER</h4> + +<p>L'argot de cette profession a fourni à un membre +de la corporation une série de calembours à propos de +la guerre d'Italie.--Les autrichiens, dit-il, sont des +<i>perruques</i>. Ils espéraient que le Piémont manquerait +de <i>toupet</i> au moment de <i>se prendre aux cheveux</i> et +de se <i>donner un coup de peigne</i>. Mais nous sommes là, +<i>le fer</i> à la main; nous ne laisserons pas <i>faire la barbe</i> +à nos alliés, et l'Autriche, après avoir reçu un <i>savon</i> et +<i>un coup de brosse</i>, pourra bien <i>friser</i> sa ruine.</p> + +<h4>PEUPLIER</h4> + +<p>On a trouvé un calembour, dans ce vers d'un poëte, +qui donne de sages conseils:</p> + +<p class="mid"> +Au fort de la tempête, il faut un peu plier. +</p> + +<h4>PEUR</h4> + +<p>On parlait devant Charles-Quint d'un capitaine +espagnol qui se vantait de n'avoir jamais eu peur.--Il +faut, dit l'empereur, que cet homme n'ait jamais +mouché la chandelle avec ses doigts; car il aurait eu +peur de se brûler.</p> + +<h4>PEUREUX</h4> + +<p>On disait à un joueur qui gagnait toujours:--Vous +n'iriez pas la nuit dans un cimetière; vous êtes trop +heureux.</p> + +<h4>PET</h4> + +<p>Un perruquier de campagne réfléchissait assis sur +le coin de sa porte. Un monsieur passe et lui demande +s'il a un fer à toupet.--Oui, monsieur répond avec +empressement l'artiste campagnard.--Eh bien! frisez-moi +celui-là, dit le meunier en laissant échapper +un bruit monstrueux. (Voyez <i>parapet</i>.)</p> + +<h4>PIÈCE</h4> + +<p>Quelle est la première pièce du théâtre Français?--Le +vestibule.</p> + +<p>Quelles sont les pièces qui vont toujours?--Les +pièces de cinq francs.</p> + +<p>Fabert, maréchal de France, ayant été blessé au +siége de Turin d'un coup de mousquet à la cuisse, +Turenne et le cardinal de La Valette, le conjurèrent de +se la laisser couper, selon l'avis de tous les chirurgiens. +Le maréchal leur répondit:--Je ne veux pas mourir +par pièces; la mort m'aura tout entier, ou elle n'aura +rien, et il guérit de sa blessure.</p> + +<h4>PIED</h4> + +<p>Un grenadier, qui s'appelait la Paix de Dieu, fut +blessé: on allait lui couper une jambe. Pendant les +préparatifs de cette cruelle opération, il disait:--Eh! +la Paix de Dieu, mon ami, que va-t-on dire de +toi, quand on saura que tu as lâché pied.</p> + +<p>Lorsqu'il fut question de proclamer Louis XVI, le +restaurateur de la liberté française, un avocat voulait +que l'hommage de la nation fût porté humblement +aux pieds de Sa Majesté.--La majesté n'a point de +pieds, s'écria Mirabeau, et chacun éclata de rire, ce +qui fit tomber la motion.</p> + +<p>Le journal de Lille racontait, il n'y a pas longtemps, +l'anecdote suivante:</p> + +<p>Madame N..., bonne vieille dame, n'a jamais pu se +mettre au fait des nouvelles mesures: les dénominations +de mètre, gramme, stère, etc., lui ont toujours +semblé des monstres, et elle ne comprend pas qu'on +préfère ces noms barbares aux anciens. Cependant, +poussée par un caprice (car les femmes en ont à tout +âge), elle voulut dernièrement essayer de se mettre +au niveau des idées modernes, et elle écrivit bravement +à son boucher de lui envoyer un mètre de +veau.</p> + +<p>--Je verrai bien ce que ça fera, se disait-elle, et cela +me guidera pour une autre fois. Sa lettre tomba dans +les mains d'un nouveau garçon, encore peu expérimenté, +à qui le patron avait recommandé, quand il +serait absent, de consulter un tableau de comparaison +entre les mesures anciennes et les nouvelles, afin de +ne pas commettre d'erreurs. Le jeune homme ne manqua +pas de suivre ce bon conseil, et ayant lu sur son +tableau qu'un mètre valait trois pieds, il envoya avec +satisfaction trois énormes pieds de veau à madame N..., +qui ne peut souffrir cette partie de l'animal.</p> + +<p>Quand l'emploi des mesures nouvelles fut discuté à +l'Académie française, un des membres de la commission +du Dictionnaire proposa de substituer à cette +expression proverbiale: Avoir <i>un pied de nez</i>, celle-ci: +Avoir trente-trois centimètres de nez. Comme M. Villemain +s'y opposait:--Je sais bien, dit M. de Jouy, que +l'expression n'est pas exacte, et qu'il faudrait ajouter +une fraction.</p> + +<h4>PILE</h4> + +<p>Nos soldats font des calembours. Un chasseur disait +après la bataille de Solferino:--Les Autrichiens ont +l'air de vouloir prendre Volta.--Non, non, dit l'autre, +ils ont trop peur de la <i>pile</i>.</p> + +<h4>PLACE</h4> + +<p>M. de Villèle ayant rencontré M. de La Bourdonnaye, +lui fit quelques caresses bien franches.--Comment, +mon cher confrère, vous me boudez! Vous ne savez +donc pas combien le poste est difficile à tenir. Mettez-vous +à ma place...--Eh! c'est tout ce que je demande, +répondit M. de La Bourdonnaye.</p> + +<p>Un jeune homme qui possède un petit bien dans le +comté de Gloucester, se décida à quitter sa campagne +et à venir à la ville solliciter un emploi, comptant sur +le duc de Newcastle, qui avait promis de le servir, et +qui pendant plusieurs mois, exerça, on ne peut mieux, +sa patience. Las d'attendre inutilement, l'homme des +champs alla trouver son protecteur, et lui dit qu'à la +fin, il s'était procuré une place.</p> + +<p>--Je vous fais mon compliment de votre bonne +fortune, lui dit le duc; et où est cette place, je vous +prie?</p> + +<p>--Dans le coche de Gloucester, je m'en suis assuré +hier soir, et vous m'avez guéri, monseigneur, d'une +plus haute ambition.</p> + +<h4>PLAINE</h4> + +<p>Quelle est la plaine la plus haute?--La pleine +lune.</p> + +<h4>PLAISIR</h4> + +<p>Garçon! un beefsteak, disait un Anglais au café +de Paris.--Oui, monsieur, avec plaisir.--Non pas +avec plaisir, avec des pommes de terre.</p> + +<p>On invitait Pothier à un dîner.--Dois-je venir avec +plaisir? dit-il.--Certainement.--Il amena avec lui +Plaisir, coiffeur célèbre de la rue Richelieu.</p> + +<h4>PLAN</h4> + +<p>Je ne possède plus rien, s'écriait un pauvre diable +à un de ses confrères; j'avais une petite rente, j'ai été +forcé de m'en défaire; j'avais une tirelire assez bien +garnie, je ne l'ai plus.--Ainsi, lui répond l'autre, la +situation est rente en plan, tirelire en plan.</p> + +<h4>PLANCHE</h4> + +<p>Les faiseurs de jeux de mots disent que M. Planche +est le plus plat de nos écrivains.</p> + +<p>Ce qui n'est vrai que dans son nom.</p> + +<h4>PLANTE</h4> + +<p>Quelle est la plante la plus utile à l'homme?--La +plante des pieds.</p> + +<h4>PLAT</h4> + +<p>Piron, un jour au parterre du Théâtre-Français, suait +à grosses gouttes. Ses deux voisins se disaient à +l'oreille:</p> + +<p>--Voilà Piron qui cuit dans son jus.--«Ce n'est +pas étonnant, dit Piron, sans se retourner, je suis +entre deux plats.»</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i18"> Vous habitez un pays âpre et rude,</p> +<p class="i16">Disait un bon Flamand au Suisse Frenkestel,</p> +<p class="i16">Et votre caractère aussi doit être tel;</p> +<p class="i16">De son pays toujours on saisit l'habitude</p> +<p class="i20"> --Ce propos n'est pas délicat,</p> +<p class="i18"> Reprend le Suisse. En ce moment j'y pense,</p> +<p class="i20"> Vous habitez un pays plat;</p> +<p class="i18"> Dois-je en tirer la même conséquence?</p> +</div></div> + +<h4>PLATE-BANDE</h4> + +<p>Dans le temps qu'on imposait aux enfants des noms +recherchés, un bon homme qui aimait son jardin, se +vantait d'avoir donné aux siens des noms plus convenables. +Mes trois filles, disait-il, s'appellent Rose, +Jacinthe et Marguerite, et mon fils Narcisse.--Ainsi, +lui répondit-on, vous faites de vos enfants une plate-bande.</p> + +<h4>PLOMB</h4> + +<p>Dans la dernière guerre d'Italie, un officier aussi +fou qu'il était brave, ayant reçu une balle dans la tête, +dit: «Je savais bien que j'y avais besoin de plomb; +mais la dose est un peu trop forte.» Et il mourut +sur-le-champ.</p> + +<h4>POËTE</h4> + +<p>On dit que les poëtes sautent parfaitement les ruisseaux, +parce qu'ils sont habitués aux <i>enjambements</i>.</p> + +<p>Quel est le poëte qui fait la barbe à tous les autres?--M. +Barbier.</p> + +<h4>POIDS</h4> + +<p>Une dame, le jour des rois, eut la fève; elle la passa +à son mari.--Que voulez-vous que je fasse de cela? +dit-il.--Ne savez-vous pas qu'en France, répondit la +dame, la couronne ne peut tomber en quenouille, et +que c'est l'homme qui doit se charger du poids de la +royauté.</p> + +<h4>POINGS</h4> + +<p>Pourquoi les poissardes ne mettent-elles pas les +points sur les I?</p> + +<p>--Parce qu'elles les ont ordinairement sur les hanches.</p> + +<h4>POINT</h4> + +<p>Autrefois les dames portaient un genre de bracelet +qu'elles nommaient sentiment. M. ***, voyant un de +ces bijoux au bras gauche de mademoiselle Bourgoing, +lui dit: «Je ne croyais pas que vous portiez le +sentiment à ce poing-là.»</p> + +<h4>POIS</h4> + +<p>Un bourgeois, qui avait passé une notable partie de sa +vie à dire des facéties plus ou moins fines, était moribond. +Sa soeur, qui l'assistait dans ces tristes moments, +lui ayant demandé s'il ne se sentait pas un poids sur +l'estomac:--Non, ma soeur, dit-il, je ne sens ni pois +ni fève.</p> + +<p>Sous Louis XV, un factionnaire de la garde avait +été placé à l'une des grilles de la cour des Tuileries, +avec la consigne de ne laisser pénétrer personne par +cette voie. Un homme se présente pour entrer, le factionnaire +lui oppose sa consigne. L'individu insiste +en disant:</p> + +<p>--Tu ne me reconnais donc pas? Je suis le prince +de Poix.</p> + +<p>--Quand vous seriez le roi des haricots, répliqua +le soldat, vous ne passeriez pas!</p> + +<h4>POISSARDES</h4> + +<p>On accuse de férocité le roi de Sardaigne: et en +effet, il mange quelquefois des pois sardes.</p> + +<h4>POLI</h4> + +<p>Un ami d'Odry le trouvant encore au lit à onze +heures, le blâmait de se lever si lard.--Je ne m'attendais +pas à des reproches, répondit-il, pour avoir +été <i>trop au lit</i>.</p> + +<p>L'autre jour, M. T... était furieux. Il venait d'inviter +à dîner un de ses amis, qui avait accepté.</p> + +<p>--Fiez-vous donc aux amis, s'écriait-il! Je l'invite +à manger la soupe avec moi, je l'invite de la façon la +plus polie, la plus gracieuse, la plus délicate,--et il +accepte.</p> + +<p>--Eh bien? lui dit le confident de ses peines.</p> + +<p>--Eh bien! il devait refuser. Que diable! une politesse +en vaut une autre.</p> + +<h4>PORC FRAIS</h4> + +<p>Le directeur du grand théâtre de Saint-Pétersbourg +ayant laissé reposer le danseur Duport pendant tout +le carême, quelqu'un dit que sans doute il voulait +avoir <i>Duport frais</i> à Pâques.</p> + +<h4>PORTE</h4> + +<p>Une dame demandait à son mari, qui sollicitait un +consulat, le succès de ses démarches. Il répondit:--On +vient de me mettre à la Porte.--Et vous souffrez +cela? reprit-elle indignée. Elle ne se calma que lorsqu'elle +comprit que la Porte, la sublime Porte était +Constantinople.</p> + +<h4>POSTÉRITÉ</h4> + +<p>Brunet disait:--Je connais un enfant de cinq ans +qui a déjà de la <i>poste hérité</i>. C'était le fils d'un maître +de poste défunt.</p> + +<h4>POSTHUME</h4> + +<p>Papa, qu'est-ce que c'est donc qu'un ouvrage posthume?--Mon +fils, c'est un ouvrage que l'auteur +publie après sa mort.</p> + +<h4>POT</h4> + +<p>Quel est, demandait Odry, le pays où l'on mange le +plus de bouillon?--C'est l'Italie!--Parce que?--Parce +que la Providence y a mis le Pô.</p> + +<p>Le dialogue suivant a eu lieu, lorsque la Savoie +demanda, en 1848, notre intervention armée en +Italie.</p> + +<p>--Es-tu pour l'intervention, toi?</p> + +<p>--Non.</p> + +<p>--Pourquoi? parce que je vois <i>la manigance</i>.</p> + +<p>--Quelle manigance?</p> + +<p>--Écoute, les élections arrivent; les rouges veulent +nous envoyer là-bas pour être maîtres par ici; et alors, +ce ne sont pas ceux qui seraient le plus près du Pô qui +mangeraient la soupe.</p> + +<p>Un saltimbanque, appelé chez le commissaire et +sommé de décliner son nom, déploya ses papiers où +le magistrat reconnut qu'il portait le nom de Pot.--Singulier +nom! dit le commissaire.</p> + +<p>--C'est vrai, monsieur; mais c'est un nom qui ne +manque pas de célébrité; mon père était soldat, et +même on le fit sergent, attendu, disent les rapports, +qu'on voyait toujours dans les combats Pot au feu le +premier. Pour une faute de discipline, on lui ôta son +grade et on lui donna son congé. Pot, cassé, se mit à +faire le commerce; il y réussit, mal et se noya. Une +fois Pot à l'eau, il perdit ses chagrins et devint fou, +car on le retira, et on ne l'appela plus que Pot fêlé. +Pot, âgé alors de cinquante ans, mourut six mois +après.</p> + +<h4>POUDRE</h4> + +<p>Un maître parfumeur demandait à son garçon de +boutique s'il avait fait toutes les commissions dont il +l'avait chargé.--Oui, monsieur,--As-tu porté un +échantillon de mes poudres à cet étranger en question?--Oui, +monsieur.--Et quelle poudre a-t-il +prise?--Monsieur, il a pris la poudre d'escampette.</p> + +<h4>POULE</h4> + +<p>Lorsque l'abbé Poule, aux sermons duquel tout +Paris avait couru, fut pourvu d'une riche abbaye, il +cessa de prêcher: ce qui fit dire à Louis XVI, qui +l'avait si bien doté:--Quand la poule est grasse, elle +ne pond plus.</p> + +<h4>PRATIQUE</h4> + +<p>On donne ce nom à un petit instrument qu'on se +met dans la bouche pour faire parler Polichinelle. Un +jour, Charles Nodier, qui aimait beaucoup le théâtre +des marionnettes, demanda au maître du spectacle à +voir la pratique; et pour essayer s'il ferait aussi bien +que le bateleur la voix singulière du matamore napolitain, +il se la mit dans la bouche. Content de cette +expérience, il rendit la pièce au bon homme en disant, +c'est ingénieux, mais c'est si petit qu'il doit y avoir +quelquefois danger de l'avaler.--Oui, monsieur, répondit +le bateleur: mais cela ne fait aucun mal. Celle +que vous venez d'essayer a déjà été avalée huit ou +dix fois.</p> + +<h4>PRAULT</h4> + +<p>Le libraire Prault pria un jour M. de Bièvre qui entrait +chez lui, de lui faire un calembour sur lui-même +ou sur sa femme. Le marquis de Bièvre répliqua sur-le-champ:--Vous +êtes un <i>prault-blème</i> et votre +femme une <i>prault-fanée</i>.</p> + +<h4>PRENDRE</h4> + +<p>Le célèbre apothicaire Baumé était occupé, dans son +laboratoire, à des opérations de chimie. On l'appelle +pour une personne qui voulait lui parler. Cette personne +lui fait un long détail du commencement, des +progrès et de l'état actuel d'une maladie dont elle se +dit attaquée.</p> + +<p>--Eh bien, monsieur, que me demandez-vous? dit +Baume impatient de retourner à ses alambics.</p> + +<p>--Monsieur, je viens vous consulter pour savoir +ce qu'il faut que je prenne pour me guérir.</p> + +<p>--Ce qu'il faut que vous preniez? mais prenez un +médecin ou un chirurgien.</p> + +<p>--Monsieur, est-ce en infusion ou en décoction +qu'il me faudra les prendre?...</p> + +<p>En 1776, les médecins de Paris recommandèrent, +comme une précaution utile contre la grippe, dont +beaucoup de personnes se trouvaient attaquées cette +année-là, de ne pas sortir à jeun. Un pasteur des environs, +instruit de la recette, crut devoir en recommander +l'usage à ses paroissiens. Il leur dit donc, +le dimanche suivant, au prône, qu'ils feraient bien +de ne pas sortir le matin, qu'ils n'eussent pris quelque +chose auparavant. Le lendemain il trouva chez lui +25 louis de moins. Son domestique, qui était sorti +le matin, ne reparut plus. Aux premières recherches +il ne fut pas difficile de s'apercevoir qu'il était le +voleur des 25 louis. Arrêté, interrogé sur le fait, il +s'avoua l'auteur du vol; mais il s'excusa en disant +avoir obéi à son maître et curé, qui, d'après l'ordonnance +de la Faculté, avait défendu au prône de sortir +le matin sans avoir pris quelque chose, et qu'il ne +l'avait fait que pour se préserver de la grippe.</p> + +<p>--Mon père, disait dans un café un petit garçon à +un filou, prendrez-vous une demi-tasse aujourd'hui?--Non, +mon fils, reprit le père, je prendrai une +cuiller.</p> + +<p class="mid">LE PARTISAN DES ASSIGNATS.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">L'autre jour, sous le toit du grand aréopage</p> +<p class="i18"> Où maint gredin, à face de proscrit,</p> +<p class="i18"> Pour quinze sous applaudit, fait tapage</p> +<p class="i20"> En faveur de tout ce que dit</p> +<p class="i16">Ou Barnave le doux, ou Mirabeau le sage.</p> +<p class="i16">Un citoyen actif, qui n'avait pas d'habit,</p> +<p class="i16">Vantait les assignats et prônait leur débit:</p> +<p class="i16">--On n'en sent pas assez, criait-il, l'avantage;</p> +<p class="i16">Sans eux l'état périt. Pour moi, je jure bien,</p> +<p class="i16">Messieurs, que j'en prendrai.--Tout beau, maître Desroches,</p> +<p class="i18"> Dit un quidam, qui connaît mon vaurien,</p> +<p class="i20"> On sait quel est votre moyen:</p> +<p class="i20"> Vous en prendrez, mais dans les poches.</p> +</div></div> + +<p>On montrait à un paysan tout ce qu'un maréchal +de France avait pris; les villes, les pays, tout cela était +dans un tableau.--Morgué! tout ce qu'il a pris +n'est pas là, dit le paysan, car je n'y vois pas mon pré.</p> + +<p>--Je viens de prendre une heure de promenade, +où j'ai pris un plaisir extrême; mais comme le jour +prend son déclin, je me retire chez moi pour aller +prendre l'air du feu; car si je tardais davantage, j'aurais +peur de prendre un rhume. Et vous, monsieur, +quel parti prenez-vous?--Mais vous le voyez, monsieur, +je prends le parti de prendre patience.</p> + +<p>L'hiver dernier était si violent, que tout se gelait, +tout se prenait, même les bourses et les manteaux.</p> + +<p>Un Gascon, qui avait perdu son argent au jeu, coucha +avec celui qui le lui avait gagné. La nuit, il glissa +la main sous le chevet de son compagnon pour reprendre +son argent. L'autre le surprit, et lui demanda +ce qu'il faisait.--Mon ami, répondit le Gascon, je +prends ma revanche.</p> + +<p>Le cardinal de Fleury voulait passer pour faire +mauvaise chère. Il demandait un jour à un courtisan +très-délié, qui dînait chez son Éminence:--Prenez-vous +du café?--Monseigneur, je n'en prends que +quand je dîne.</p> + +<p>On demandait à un médecin octogénaire qui jouissait +encore de la meilleure santé, comment il faisait +pour se porter si bien.--Je vis de mes remèdes, répondit-il, +et je n'en prends pas.</p> + +<p>On connaît cette épigramme de Scarron:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Ci-gît qui se plut tant à prendre,</p> +<p class="i20">Et qui l'avait si bien appris,</p> +<p class="i20">Qu'il trépassa de peur de rendre</p> +<p class="i20">Un lavement qu'il avait pris.</p> +</div></div> + +<h4>PRÈS</h4> + +<p>Un Anglais se plaignait à tout venant, dans un +café, d'une chute qu'il avait faite, et qui lui causait de +vives douleurs.</p> + +<p>--Monsieur, lui dit un chirurgien qui était à côté +de lui, est-ce près des vertèbres que vous vous êtes +fait mal?</p> + +<p>--Non, monsieur, reprit le malade, c'est près de +l'obélisque.</p> + +<h4>PRÉSENT</h4> + +<p>Dans des fiançailles célébrées avec beaucoup d'éclat, +on remarquait deux choses: la laideur de l'époux et +l'opulence de la corbeille. Le présent faisait oublier le +futur.</p> + +<h4>PROFESSION</h4> + +<p>Louis XVI périt juridiquement assassiné, contre le +voeu formel de la nation, le 21 janvier 1793. Le réclame +qui voudra, ce crime n'appartient point à la +France. Cependant, ce qui est affreux, et ce qui existe, +c'est que sur les registres des actes civils de la ville de +Paris on ait laissé subsister: «Capet (Louis), etc., etc., +profession de dernier tyran des Français.»</p> + +<h4>PRONONCIATION</h4> + +<p>Un étranger demandait à des savants comment on +doit prononcer le mot pétition?</p> + +<p>--D'après la règle qui veut qu'un <i>t</i> entre deux <i>i</i> se +prononce <i>ci</i>, répondit un grammairien.</p> + +<p>--Faites-moi donc l'<i>amicié</i> de prendre <i>picié</i> de mon +ignorance, et de me répéter la <i>moicié</i> de ce que vous +venez de dire, répliqua sur-le-champ Charles Nodier.</p> + +<h4>PROPRE</h4> + +<p>M. Salot voulait changer de nom, parce que le sien, +disait-il, était un nom <i>commun</i>, et qu'il désirait un +nom <i>propre</i>.</p> + +<h4>PUNCH</h4> + +<p>M. R***, préfet d'un riche département français, +avait si bien mérité de ses administrateurs, que, dans +leur reconnaissance, ils avaient donné son nom à un +pont construit sous son administration. Un jour qu'il +se louait de ce témoignage de gratitude, un de ses +amis lui dit:--R***, c'est dommage que tu ne te +nommes pas Chauvin.--Pourquoi cela?--Parce que +ton pont, au lieu de s'appeler pont R***, s'appellerait +pont Chauvin (punch au vin), et que ce serait plus +drôle.</p> +<br> + +<h2>Q</h2> + +<h4>QUAND</h4> + +<p>Un homme qui arrivait de Belgique disait:--J'ai +vu avec plaisir la ville de Gand. Comme on lui demandait: +Quand? il crut qu'on avait mal entendu, et répondit:--Caen +est en Normandie.</p> + +<h4>QUARTERON</h4> + +<p>Il m'est tombé entre les mains, dit quelque part +M. Louis de Verrières, un vieux et grand livre contenant +la vie de plusieurs saints. Ma mémoire ne me +fournit point la date de son impression; la veuve du +libraire Carteron, après la préface, met la devise de sa +maison; je pourrais presque dire ses armoiries. Voici +en quoi elles consistent: un dessin représente une +balance, tenue, ce me semble, par une main (je dirais +<i>dextrochère</i> ou <i>senextrochère</i> si je voulais faire le savant; +mais je rappellerais ceux qui dénigrent le calembour). +Dans cette balance on aperçoit des <i>quarts</i> +de <i>livre</i>, qu'on nommait alors quarterons; et la devise +qui accompagne donne l'explication aux lecteurs qui +n'ont pas l'<i>esprit des sots</i>, ou l'<i>esprit de ceux qui n'en +ont point: Les quarterons font les livres</i>.</p> + +<p>De nos jours le système décimal contrarierait singulièrement +ces libraires, venus au beau temps de la +<i>livre</i> et des <i>onces</i>. Que feraient-ils avec des <i>kilogrammes</i> +et des <i>décagrammes</i>? Cela leur paraîtrait un +peu <i>lourd</i>; et j'ajoute à cette opinion le poids de mon +assentiment.</p> + +<h4>QUARTIER</h4> + +<p>Quelqu'un voyant passer un laideron disait:--Voilà +la plus belle fille du cartier. Tous les auditeurs, +entendant, étaient scandalisés. Mais ils apprirent qu'il +y avait dans l'endroit un faiseur de cartes qui avait +deux filles.</p> + +<h4>QUASI</h4> + +<p>On fit usage de cet adverbe, en 1830, dans le couplet +suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Le peuple est quasi souverain;</p> +<p class="i20">Philippe est quasi légitime;</p> +<p class="i20">L'ouvrier est quasi sans pain;</p> +<p class="i20">La France est quasi dans l'abîme;</p> +<p class="i20">Les pairs quasi déracinés</p> +<p class="i20">Ont l'air quasi démocratique;</p> +<p class="i20">Nous sommes quasi ruinés</p> +<p class="i20">Par une quasi république.</p> +</div></div> + +<h4>QUATRE</h4> + +<p>Piron passait dans le Louvre avec un de ses amis:--Tenez, +dit-il en montrant l'Académie française; ils +sont là quarante qui ont de l'esprit comme quatre.</p> + +<p>Cette boutade a sans doute inspiré les quatre vers +spirituels que Boufflers adressa à Mme de Staël, qui lui +demandait pourquoi il n'était pas de l'Académie:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Je vois l'Académie où vous êtes présente;</p> +<p class="i16">Si vous m'y recevez mon sort est assez beau.</p> +<p class="i16">Nous aurons de l'esprit à nous deux pour quarante,</p> +<p class="i18"> Vous comme quatre et moi comme zéro.</p> +</div></div> + +<p>Un sot se vantait devant Rivarol de savoir quatre +langues.--Je vous en félicite, lui dit-il; vous avez +quatre mots contre une idée.</p> + +<h4>QUATREMER</h4> + +<p>M. Quatremer demanda à Louis XV l'autorisation +d'ajouter le <i>de</i> à son nom.--Volontiers, répondit le +roi, pourvu que vous le mettiez à la fin.</p> + +<p>Et nous avons eu Quatremer de Quincy.</p> + +<h4>QUELQUE</h4> + +<p>Une femme, qui courait follement après les airs, accoste +un jour La Popelinière qu'on venait d'annoncer, +et lui dit:--Il me semble, monsieur, vous avoir vu +quelque part.--Il est vrai, madame, lui répliqua-t-il, +qu'il m'est arrivé d'y aller quelquefois.</p> + +<h4>QUESTIONS GROTESQUES</h4> + +<p>Pourquoi les pompiers n'aiment-ils pas César?--Parce +qu'ils sont engagés pour pomper.</p> + +<p>Quel est le jeu que préfèrent les domestiques?</p> + +<p>--Le gage touché.</p> + +<p>Pourquoi le soleil se lève-t-il tard en hiver?</p> + +<p>--Parce qu'il fait si froid qu'il ne peut se résoudre +à se lever matin.</p> + +<p>Quelle est la partie plus grande que le tout?</p> + +<p>--La peau d'un boeuf.</p> + +<p>Qu'est-ce qui fait tourner le dos au plus brave +guerrier?</p> + +<p>--Une seringue.</p> + +<p>Que faut-il faire pour ne plus avoir le mal de dents?</p> + +<p>--Le mal dedans, il faut le mettre dehors.</p> + +<p>Que font trois poules sur un mur?</p> + +<p>--Un nombre impair.</p> + +<p>Pourquoi les journalistes craignent-ils l'automne?</p> + +<p>A cette question de M. Guizot, M. Bertin de Vaux +répondit:--Parce que l'automne amène la chute des +feuilles.</p> + +<p>Pourquoi la lettre A est-elle plus intelligente que la +lettre B?</p> + +<p>--Parce qu'elle est bien plus avancée (avant C).</p> + +<p>Quels sont les poissons sans arêtes?</p> + +<p>--Les poissons d'avril.</p> + +<p>Où avez-vous la main quand vous dormez?</p> + +<p>--Au bout du bras.</p> + +<p>Qu'est-ce qui passe sous le soleil sans faire de +l'ombre?</p> + +<p>--Le son de la cloche.</p> + +<p>Quel est le premier homme du monde?</p> + +<p>--Le rhum de la Jamaïque.</p> + +<p>Quelle différence y a-t-il entre le ciel et la terre?</p> + +<p>--C'est que le ciel a saint Paul, et que la terre n'en +a que deux: le pôle arctique et le pôle antarctique.</p> + +<p>Quel fut l'empereur romain le moins gênant?</p> + +<p>--L'empereur Commode.</p> + +<p>Quand est-ce qu'une demoiselle peut nous éclairer?</p> + +<p>--Lorsqu'elle chante, parce qu'on a des <i>chants +d'elle</i>.</p> + +<p>Quelles sont les plus vénérables lettres de l'alphabet?</p> + +<p>--Les lettres AG.</p> + +<p>Quel est l'ami le plus désagréable?</p> + +<p>--La migraine.</p> + +<p>Quels sont en Angleterre les lords et les ladys les +moins commodes?</p> + +<p>--L'orgueil et l'ortie, la dyssenterie et la disette; +avec la dissimulation et la discorde.</p> + +<p>Quel est le moyen d'empêcher les cheminées de +fumer?</p> + +<p>--C'est de n'y point faire de feu.</p> + +<p>Pourquoi met-on les fours dans les villes?</p> + +<p>--Parce qu'on ne peut pas mettre les villes dans les +fours.</p> + +<p>Pourquoi les forts de la halle mettent-ils des chapeaux +blancs?</p> + +<p>--Pour se couvrir la tête.</p> + +<p>Les villageois malins vous diront:--Quand notre +curé dit la messe et que notre maître d'école la chante +avec les enfants, qu'est-ce qu'ils font?--Mais ils ne +prononcent pas l, vous répondrez:--Ils font l'office;--gros +rire alors, à travers lequel on vous répliquera:--Ce +qui fond, c'est la cire.</p> + +<h4>QUEUE</h4> + +<p>Un bonhomme entendant parler de <i>que retranché</i>, +dans les modes de la langue latine:--Je comprends, +dit-il, la queue retranchée, c'est la Titus, une coiffure +qui nous est revenue sous l'empire.</p> + +<p>Dernièrement une Anglaise se promenait au Jardin-des-Plantes. +Elle dit à sa femme de chambre qui la +suivait:--Achetez un pain et donnez-le à l'éléphant. +La camériste revient, le pain à la main: Milady, dit-elle, +par quel bout faut-il lui donner cela? il a deux +queues!</p> + +<p>Un paysan, ayant tué d'un coup de hallebarde un +chien qui voulait le mordre, fut cité devant le juge, +qui lui demanda pourquoi il n'avait pas opposé le +manche de la hallebarde.--Je l'aurais fait, répondit +le paysan, s'il m'eût mordu de la queue; mais il me +mordait avec ses dents.</p> + +<h4>QUIPROQUO</h4> + +<p>Un pauvre ministre de la secte anglicane avait +chargé Dick, son domestique, d'aller prendre, chez +David Black, le boucher, une fraise de veau à crédit +pour son diner. Comme Dick entrait dans le temple +après sa commission faite, le pasteur en chaire +s'écriait:--Quelles sont à ce propos les paroles de +David, mes frères? que dit David?--Monsieur, s'écria +Dick, David a dit: «Pas d'argent, pas de fraises!»</p> + +<p>On lisait dernièrement dans un petit journal de +Bruxelles:--Un incident joyeux a ajouté un supplément +de gaieté, vendredi, au théâtre des Variétés amusantes, +à Bruxelles. Je ne sais quel merle du parterre +s'avisa de siffler pendant la représentation du <i>Monsieur +seul</i>. L'officier de police se lève et demande de sa +plus belle voix:--Qui se permet de siffler?</p> + +<p>--C'est un droit qu'à la porte on achète en entrant, +riposte une voix qui part de la galerie.</p> + +<p>Le policeman, intrigué et indigné, cherche des yeux +ce nouvel interrupteur.--Qui a dit ça? hurle-t-il.</p> + +<p>--C'est Boileau, répond un plaisant des stalles.</p> + +<p>--Que Boileau sorte de la salle à l'instant!</p> + +<p>Celui-ci a paru dans l'ancien <i>Corsaire</i>.</p> + +<p>Ma chère, disait Mme F..... à son inséparable Mme X., +avez-vous vu les bêtes féroces de Mme Leprince, derrière +le Château-d'Eau.</p> + +<p>--Non, ma toute belle.</p> + +<p>--Vous avez tort; c'est un spectacle très-curieux et +qui m'a rappelé malgré moi l'histoire du <i>Lion de Damoclès</i>.</p> + +<p>--Et vous, ma bonne, avez-vous souscrit à l'épée +d'honneur du colonel Forestier?</p> + +<p>--Non, ma chérie.</p> + +<p>--Il faut y souscrire. Ce sera un glaive magnifique +et qui rappellera chaque jour à la réaction l'<i>épée +d'Androclès</i>.</p> + +<p>Un grave espagnol arrivait, de nuit, dans un village +de France qui n'avait qu'une seule hôtellerie. Il était +plus de minuit; il frappa longtemps à la porte de +cette hôtellerie, avant de pouvoir réveiller l'hôte; à la +fin il le fit lever.--Qui est là? cria l'hôte par la +fenêtre--C'est, dit l'espagnol, don Juan Pédro Hernandez +Rodriguez de Villa-Nova, conde de Malafra, +caballero de Santiago y d'Alcantara.</p> + +<p>L'hôte répondit aussitôt en fermant la fenêtre:--Monsieur, +j'en suis bien fâché, mais nous n'avons pas +assez de chambres pour loger tous ces messieurs-là.</p> + +<p>En 1758, au moment où l'on attendait d'heure en +heure la mort du roi d'Espagne, qui était à toute +extrémité, le duc de Newcastle, alors chancelier de +l'échiquier, donna ordre à ses gens, s'il venait un +exprès pour lui parler, fût-il deux heures du matin, +de le laisser entrer. Sur les trois heures après minuit, +un homme frappe à la porte de la cour; on l'introduisit +sur-le-champ dans la chambre à coucher du +duc:--Hé bien, mon ami, lui dit le lord en se hâtant +de mettre ses bas et en fixant ses regards sur cet +homme qui était crotté jusqu'aux épaules, vous devez +être venu grand train?--Oh! oui, milord, je n'ai pas +fermé l'oeil depuis mon départ!--Vous êtes sûr donc +qu'il est mort?--Oh! très-sûr, le pauvre diable est +délivré des peines de ce monde!--Dites-moi, quand +avez-vous quitté Madrid?--Madrid! reprit l'homme avec +la plus grande surprise; moi, milord, je n'y suis allé +de ma vie.--Eh! d'où diable venez-vous donc?--De Richemond, +comté d'York, et j'accours pour vous +informer de la mort de Samuel Dickinson, le receveur +de la barrière, dont votre seigneurie, lors de la dernière +élection, m'a promis la place aussitôt qu'il fermerait +l'oeil.</p> + +<p>Extrait littéral d'une séance du 22 juin 1792:</p> + +<p>Un membre demande la parole pour faire un rapport:--Il +y a quelques jours, dit-il, que la municipalité +de Langres arrêta des chevaux qui lui parurent +suspects dans leur marche.</p> + +<p>On rit.--Comment, des chevaux suspects?</p> + +<p>--Ils comparurent devant la municipalité.</p> + +<p>Comment, dit-on, ces chevaux comparurent?</p> + +<p>L'orateur continue sans s'apercevoir de sa méprise:--On +reconnut par leur interrogatoire...</p> + +<p>L'interrogatoire des chevaux!</p> + +<p>--Non, dit l'orateur, ce sont les conducteurs qui +furent interrogés...</p> + +<p>L'assemblée rit très-fort et passa à l'ordre du jour.</p> + +<p>Dans un discours, (seconde République) P. Leroux +a cité le proverbe latin: <i>Tot capita, tot sensus.</i> +Greppo l'a immédiatement traduit par ces mots: +«Autant de capitalistes, autant de sangsues.»</p> + +<p>Et dans la Republique de 1793, en parlant du coup +d'État qui venait de renverser Robespierre, un orateur +de la convention disait à la tribune:--Citoyens, la +belle journée que la nuit du 9 thermidor!</p> + +<p>Un étranger très-riche, Suderland, naturalisé russe, +était le banquier de la cour, et jouissait d'une assez +grande faveur. Un matin, on lui annonce que sa maison +est entourée de gardes, et que le maître de la police +demande à lui parler.</p> + +<p>Cet officier, nommé Reliew, entre avec l'air consterné.--Monsieur +Suderland, dit-il, je me vois, avec +un vrai chagrin, chargé par ma gracieuse souveraine +d'exécuter un ordre dont la sévérité m'effraie; et +j'ignore par quelle faute ou par quel délit vous avez +excité à ce point le ressentiment de Sa Majesté.</p> + +<p>--Moi! monsieur, répond le banquier, je l'ignore +autant et plus que vous; ma surprise surpasse la +vôtre. Mais enfin, quel est cet ordre?</p> + +<p>--Monsieur, reprend l'officier, en vérité le courage +me manque pour vous le faire connaître.</p> + +<p>--Eh quoi! aurais-je perdu la confiance de l'impératrice?</p> + +<p>--Si ce n'était que cela, vous ne me verriez pas si désolé. +La confiance peut revenir; une place peut être +rendue.</p> + +<p>--Mais, s'agit-il donc de me renvoyer dans mon +pays?</p> + +<p>--Ce serait une contrariété; mais avec vos richesses, +on est bien partout.</p> + +<p>--Ah! mon Dieu! s'écrie Suderland tremblant, +est-il question de m'exiler en Sibérie?</p> + +<p>--Hélas! on en revient.</p> + +<p>--De me jeter en prison?</p> + +<p>--Si ce n'était encore que cela, on en sort.</p> + +<p>--Bonté divine! voudrait-on me knouter?</p> + +<p>--Ce supplice est affreux, mais il ne tue pas.</p> + +<p>--Eh quoi! dit le banquier en sanglotant, ma vie +est-elle en péril? l'impératrice si bonne, si clémente, +qui me parlait encore si doucement il y a deux jours, +elle voudrait.... Mais, je ne puis le croire. Ah! de +grâce, achevez; la mort serait moins cruelle que cette +attente insupportable.</p> + +<p>--Eh bien! mon cher, dit enfin l'officier de police +avec une voix lamentable, ma gracieuse souveraine +m'a donné l'ordre de vous faire empailler.</p> + +<p>--Empailler? s'écrie Suderland, en regardant fixement +son interlocuteur. Mais vous avez perdu la raison, +ou l'impératrice n'a pas conservé la sienne; enfin +vous n'avez pas reçu un pareil ordre sans en faire +sentir la barbarie et l'extravagance?</p> + +<p>--Hélas! mon pauvre ami, j'ai fait ce qu'ordinairement +nous n'osons jamais tenter. J'ai marqué ma +surprise, ma douleur; j'allais hasarder d'humbles +remontrances, mais mon auguste souveraine, d'un +ton irrité, en me reprochant mon hésitation, m'a +commandé de sortir et d'exécuter sur-le-champ l'ordre +qu'elle m'avait donné.</p> + +<p>Il serait impossible de peindre l'étonnement, la +colère, le tremblement, le désespoir du pauvre banquier. +Après avoir laissé quelque temps un libre cours +à sa douleur, le maître de la police lui accorde un +quart d'heure pour mettre ordre à ses affaires.</p> + +<p>Alors Suderland le prie, le conjure, le presse longtemps +en vain de lui laisser écrire un billet à l'impératrice +pour implorer sa pitié. Le magistrat, vaincu +par ses supplications, cède en tremblant à ses prières, +se charge de son billet, sort, et n'osant aller au palais, +se rend précipitamment chez le comte de Bruce. Celui-ci +croit que le maître de la police est devenu fou; il +lui dit de le suivre, de l'attendre dans le palais, et +court sans tarder chez l'impératrice. Introduit chez +cette princesse, il lui expose le fait.</p> + +<p>Catherine, en entendant cet étrange récit, s'écrie:--Juste +ciel! quelle horreur! en vérité, Reliew a +perdu la tête. Comte, partez, courez et ordonnez à cet +insensé d'aller tout de suite délivrer mon pauvre banquier +de ses folles terreurs, et de le mettre en liberté.</p> + +<p>Le comte sort, exécute l'ordre, revient, et trouve +avec surprise Catherine riant aux éclats.</p> + +<p>«Je vois à présent, dit-elle, la cause d'une scène +aussi burlesque qu'inconcevable. J'avais, depuis quelques +années, un joli chien que j'aimais beaucoup, et +je lui avais donné le nom de Suderland, parce que +c'était celui d'un anglais qui m'en avait fait présent. +Ce chien vient de mourir; j'ai ordonné à Reliew de +le faire empailler, et, comme il hésitait, je me suis +mise en colère contre lui, pensant que, par une vanité +sotte, il croyait une telle commission au-dessous +de sa dignité. Voilà le mot de cette ridicule énigme.»</p> + +<h4>QUINT</h4> + +<p>Brunet disait:--La famille <i>Quint, qui n'a</i> pas +manqué de faire du bruit, n'a pourtant produit que +trois grands hommes:--Quint-Curce, Charles-Quint +et Sixte-Quint.</p> + +<h4>QUOLIBET</h4> + +<p>Caprice plus ou moins piquant. On en trouve de +temps en temps dans les journaux, exemple:</p> + +<p>Un jeune berger des environs d'Yvetot n'a jamais +pu apprendre le <i>Pater Noster</i>, quoiqu'il sache parfaitement +<i>Notre Père</i>.--Comment, lui dit, il y a environ +six semaines, le bon curé de sa commune, tu ne veux +pas incruster dans ta mémoire l'oraison dominicale +en latin?--Je peux point, moussieu le curai.--Veux-tu +que je t'enseigne le moyen de l'apprendre?--Je +veux bien, moussieu le curai.--Eh bien, il +faut nommer tes moutons par les mots que tu ne +peux pas retenir; ainsi, par exemple, ce grand cornu +s'appellera <i>Pater</i>: cet autre gros et gras, <i>Noster</i>; ce +tout petit, <i>qui es</i>, etc.; de manière que ta mémoire, +guidée par ces mois...--J'entends, j'entends, moussieu +le curai, et pis d'ailleurs ma soeur Jeanneton sait +lire; alle m'enseignera.</p> + +<p>Avant-hier, le bon curé l'aperçoit conduisant ses +moutons...--Ah! voyons, lui dit-il, puisque ton troupeau +est là, si tu sais ton <i>Pater</i>.--Si je l'sais, moussieu +l'curai! j'crais bien! allais marchais, je les appelons +si bien, qu'on dirait que j'lis tout coursement--Voyons...--<i>Pater</i>...--Bon!--<i>Noster</i>...--Bon!--<i>Nomen!</i>... +<i>Tuum!</i>...--Un instant, un instant!... +et <i>Sanctificetur</i>?--Ah! pardon excuse, mon bon +moussieu le curai! J'ons oublié de vo dire que nout'-maître +a vendu et livré <i>Sanctificetur</i> à deux de ses +vésins pour leur mardi gras!...</p> + +<p>Des plaisants ont attribué au maire d'une commune, +dont on ne trouve pas le nom sur la carte, l'affiche +suivante:</p> + +<p><span class="sc">Art. 1.</span>--Toutes les fois qu'un habitant et des +chiens non muselés se rencontreront, on devra les tuer.</p> + +<p><span class="sc">Art. 2.</span>--Tout le monde, sans exception, est tenu +d'obéir au précédent article, et de massacrer les chiens, +excepté M. l'adjoint.</p> + +<p><span class="sc">Art. 3.</span>--Les habitants majeurs et vaccinés devront +également, dimanche prochain, se rendre sur la place, +moins les malades, pour nettoyer l'égout, en présence +de l'adjoint, qu'on devra racler proprement, et du +garde-champêtre, parce qu'il est obstrué par les immondices.</p> + +<p>Ajoutons aussi cette lettre d'un père à son fils.</p> + +<p>«Mon fils, l'objet de la présente est de te prévenir +que je suis fort mécontent de toi, et que si les coups +de bâton s'écrivaient, tu recevrais souvent de mes +nouvelles. Ta mère te gâte toujours; et pour preuve, +tu trouveras ci-joint cinq francs, qu'elle t'envoie à +mon insu.»</p> + +<p>Un homme qui n'avait qu'un pantalon et qui l'avait +donné à sa blanchisseuse disait:--j'irais bien chercher +mon pantalon, mais pour l'aller chercher il faudrait +que je l'eusse.</p> + +<p>Cette tournure de phrase rappelle un autre mot +d'Odry:--Je n'aime pas les épinards; et c'est heureux, +car si je les aimais, j'en mangerais; et je ne +peux pas les souffrir.</p> +<br> +<h2>R</h2> + +<p>Un paillasse disait:--J'aime mieux être railleur +que tailleur, parce que l'un prend l'R, et que l'autre +ne prend que le T.</p> + +<h4>RACINE</h4> + +<p>Dans un cabaret, un commis voyageur combattant +les propositions d'un paysan bel esprit, lui disait:--Écoutez +là-dessus l'opinion de Racine...</p> + +<p>--Quelle racine? interrompit le paysan; est-ce la +racine grecque? j'en ai entendu parler; mais je ne +sais pas ce que c'est. Est-ce la racine radix qui guérit +les maux de dents? Est-ce la racine cube ou la racine +carrée, qui sont dans la bouche du maître d'école? +Est-ce la racine des cheveux? la racine de tremble? +la racine d'avoine? la racine du buis? la racine des +choux?...</p> + +<p>Le bavard allait poursuivre longtemps encore, lorsque +le commis voyageur s'écria:</p> + +<p>--Racine est un poëte.</p> + +<p>--Singulier nom pour un poëte. Qu'est-ce qu'il faisait +ou qu'est-ce qu'il fait, s'il est vivant?</p> + +<p>--Il n'est plus vivant. Il faisait des vers.</p> + +<p>--Des verres à vin ou des verres à bière? des verres +à vitres? des...</p> + +<p>--Taisez-vous donc et laissez-moi placer un mot. +Si vous refusez d'acheter mon vin aujourd'hui, parce +que vous comptez sur une température qui fera baisser +les prix, ne vous y fiez pas; car Racine disait.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Ma foi sur l'avenir bien fou qui se fiera:</p> +<p class="i16">Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.</p> +</div></div> + +<p>Lorsqu'on eut joué avec applaudissements au Théâtre-Français +la tragédie d'<i>Hernani</i> de M. Victor Hugo, +les partisans du romantique, quand même, s'écrièrent +que la tragédie était <i>déracinée</i>.</p> + +<p>Mais peu après, la vogue de Mlle Rachel fit voir que +Racine ne se <i>déracine</i> pas.</p> + +<h4>RACOLLEUR</h4> + +<p>Un marchand de Paris avait pour enseigne un rat +qui collait une affiche, avec cette légende: <i>Au rat +colleur.</i></p> + +<h4>RACCOMMODEMENTS</h4> + +<p>En affections troublées, les raccommodements ne +sont que des raccommodages.</p> + +<h4>RADIS</h4> + +<p>Lord Palmerston demandait un jour en société:--Pourquoi +les radis sont-ils d'un grand poids dans +la balance de la justice?</p> + +<p>--Parce qu'ils sont toujours crus, répondit M. le +comte d'Aberdeen, qui aime passionnément ce genre +de légumes.</p> + +<h4>RAISON</h4> + +<p>Le duc de Vendôme disait assez plaisamment:--Dans +la marche des armées, j'ai souvent examiné les +querelles des mulets et des muletiers; et j'ai remarqué +qu'à la honte de l'humanité, la raison était presque +toujours du côté des mulets.</p> + +<p>Deux paysans terminaient un procès par un arrangement:--Celui +qui avait tort s'obligeait à livrer +à l'autre, dans trois mois, pour l'indemniser, un +cochon?--Mais, quel cochon? demanda l'arbitre. +Un petit cochon n'en vaut pas un gros. Quel poids +aura-t-il?--Écrivez, répondit le premier: «Un +cochon raisonnable.»</p> + +<h4>RAMPON</h4> + +<p>Quand le premier consul Bonaparte voulut récompenser +les services qui avaient illustré depuis dix ans +la carrière militaire du général Rampon, il fit savoir +au conseil des Cinq Cents, qui, dans la constitution +d'alors, avait le privilège de présenter une liste de +trois noms, parmi lesquels le premier consul choisissait +celui qu'il jugeait digne du titre de sénateur, qu'il +désirait qu'on portât le général Rampon. L'assemblée +accueillit cette communication avec sympathie. Mais +il y avait alors dans les Cinq Cents un prêtre marié +nommé Lecerf, dont les opinions républicaines conservaient +la teinte de 93. Il crut faire acte de courage +et de malice, en écrivant sur son bulletin: <i>Puisqu'il +faut ramper</i>, <span class="sc">Rampon</span>. Le premier consul ne fit que +rire du calembour.</p> + +<h4>RASER</h4> + +<p>Peu de jours après son arrivée à la Bastille, Linguet +voit entrer dans sa chambre un grand homme sec qui +lui cause quelque frayeur.</p> + +<p>--Qui êtes-vous, monsieur? lui dit-il.</p> + +<p>--Je suis le barbier de la Bastille.</p> + +<p>--Parbleu! vous auriez bien dû la raser.</p> + +<h4>RASSIS</h4> + +<p>Un épicier, sur le boulevard du Temple, à Paris, avait +pour enseigne un tableau représentant deux rats sciant +un pain de sucre, avec cette devise: <i>Au pain de sucre +rats scient</i>.</p> + +<h4>RATAFIA ET BARNABÉ</h4> + +<p>--Quels sont les inventeurs des deux premières +lettres de l'alphabet?--Rata et Barna. <i>Rata fit</i> A et +<i>Barna</i> B.</p> + +<h4>RÉBUS</h4> + +<p>Farce énigmatique, aujourd'hui plus en vogue que +jamais, composée de figures et de lettres dont l'arrangement, +le nombre, la couleur, expriment un mot, un +nom ou une pensée. Pour signifier <i>vieux parchemin</i>, +on peint un vieillard qui chemine, appuyé sur un +bâton. Pour exprimer ces paroles: <i>J'ai soupé entre +six et sept</i>, on a mis un G sous un P, entre les deux +chiffres 6 et 7.</p> + +<p>Le Français, né malin, emploie quelquefois le rébus +avec finesse. Parmi les hiéroglyphes ou caricatures qui +tapissaient, en l'an VII, les boutiques des marchands +d'estampes, on en distinguait une à qui l'événement +donna, en quelque sorte, le mérite de la prophétie. Le +dessinateur avait représenté les membres du Directoire, +et, au-dessous, une lancette, une laitue et un +rat; ce qui, aux yeux des connaisseurs, signifiait: +<i>L'an</i> VII <i>les tuera</i>.</p> + +<p>En effet, en l'an VII (nouveau style), Bonaparte revint +tout à coup d'Égypte; et si ce retour inopiné ne +tua point les directeurs, il tua le directoire.</p> + +<p>M. Flamand, médecin, ne montait jamais sa garde, +c'est un fait reconnu; mais, en revanche, lorsqu'il +était cité devant le conseil de discipline, il y envoyait +des missives originales. En voici une:</p> + +<p><span class="sc">Le président.</span>--Messieurs, le docteur Flamand, +assigné pour avoir manqué sa garde, me fait parvenir +le billet suivant, que je livre à vos méditations, n'y +comprenant rien du tout:</p> + +<pre> +Aves Par suite de plusieurs Aves +Prendre Je n'ai pu, messieurs, Prendre +Nous De monter la garde; Nous +Pot Je n'ai pu quitter l' Pot +E Où mon vin était E +Voir Pourtant on me fait Voir +Ainés Que vous allez être Ainés +Quatre murs A me mettre Quatre murs +Ouverte Voyant ma prison Ouverte +Vue J'ai différé notre Vue +Mise D'un ami j'ai pris l' Mise +Faites Espérant sur ces Faites +Ailles Ne pas vous trouver sans Ailles. +</pre> + +<p>Après avoir longtemps examiné le billet, le conseil +interpelle un monsieur qui l'a apporté, et demande ce +que c'est.</p> + +<p><span class="sc">Le monsieur.</span>--C'est un rébus (Rires.)</p> + +<p><span class="sc">Le président.</span>--Encore faut-il en avoir la clef?</p> + +<p><span class="sc">Le monsieur.</span>--C'est facile. Voici comment l'excuse +de mon ami se lit:</p> + +<p>«Par suite de plusieurs entraves, je n'ai pu, Messieurs, +entreprendre de monter la garde; entre nous, +je n'ai pu quitter l'entrepôt où mon vin était entré. +Pourtant on me fait entrevoir que vous allez être entraînés +à me mettre entre quatre murs: voyant ma +prison entr'ouverte, j'ai différé notre entrevue. D'un +ami j'ai pris l'entremise, espérant, sur ces entrefaites, +ne pas vous trouver sans entrailles.»</p> + +<p>Au milieu du rire général, l'officieux ami du docteur +Flamand entend condamner ce savant à vingt-quatre +heures de prison.</p> + +<h4>RECEVOIR</h4> + +<p>Un marchand présentait une requête à un très-grand +seigneur pour être payé de ses fournitures.--Est-ce +que vous n'avez rien reçu, mon ami, sur votre mémoire?--Je +vous demande pardon, Monseigneur, j'ai +reçu un soufflet de votre intendant.</p> + +<h4>RÉCHAUD</h4> + +<p>Une jeune fille répétait une ariette.--Voilà un <i>ré</i> +trop froid, lui dit son maître de musique.--Si vous +voulez un <i>ré chaud</i>, répondit la jeune fille, on le trouve +à la cuisine.</p> + +<h4>RECONNAISSANCE</h4> + +<p>On donne ce nom aux reçus du Mont-de-Piété, lorsqu'on +y a déposé des gages.</p> + +<p>--L'ingratitude est à son comble dans Paris, dit un +mauvais plaisant; sans le Mont-de-Piété, on n'y trouverait +plus de reconnaissance.</p> + +<h4>RECONNAITRE</h4> + +<p>Terme de l'argot militaire. En voici l'application, +qui fut faite par la feue garde nationale de Louis-Philippe:</p> + +<p>Un capitaine de ronde s'était arrêté devant un poste +de la garde nationale et attendait que le chef de poste +vînt le reconnaître:</p> + +<p>Il attendit dix minutes... Personne ne venait.</p> + +<p>Impatienté, il pousse la porte et s'écrie:</p> + +<p>--Ah ça! viendrez-vous me reconnaître?</p> + +<p>--Impossible! fit un caporal qui gardait le poste, +le lieutenant est parti.</p> + +<p>--Eh bien?</p> + +<p>--Eh bien! comment voulez-vous que je vous reconnaisse, +moi? Je ne vous ai jamais vu!</p> + +<h4>RECULER</h4> + +<p><i>Avance, Hercule!</i> dit Cadet Roussel, professeur +de déclamation, dans une leçon qu'il donne à son +élève.</p> + +<p>--Comment! <i>avance et recule</i>, répond l'autre, qui +ne comprend pas qu'on s'adresse au plus redoutable +des demi-dieux.</p> + +<p>Un Gascon disait qu'il n'avait jamais achevé les leçons +de danse que son maître avait commencé à lui +donner, parce que, quand il avait fallu former le pas +en arrière, il n'avait pu s'y déterminer, de peur qu'il +ne fût dit qu'une fois en sa vie il avait reculé.</p> + +<h4>REDONDANCE</h4> + +<p>Commerson a dit:--Aujourd'hui tout le monde +pose. L'homme propose; la femme dispose; l'industrie +expose; le commerce dépose; les consciences composent; +les grands hommes se reposent.</p> + +<p>Il pourrait ajouter ce qu'un amateur oppose: Que +le chimiste décompose; que le conspirateur suppose; +que l'État impose; que le mauvais vin indispose; que +les compilateurs transposent.</p> + +<h4>REDRESSER</h4> + +<p>Un bossu, qui se lançait dans le monde, disait à son +ami:</p> + +<p>--Si tu me vois faire quelque chose de gauche, +redresse-moi.</p> + +<p>--Je t'avertirai, dit l'autre; mais je ne pourrais +pas te redresser.</p> + +<h4>RÉFLÉCHIR</h4> + +<p>--Pourquoi un miroir est-il muet?--Parce qu'il +réfléchit.</p> + +<h4>REGARDER</h4> + +<p>Ce mot a plusieurs sens. On sait que Lacondamine +était très-indiscret. Un jour qu'il jetait un regard +curieux sur une lettre qu'un de ses amis écrivait, celui-ci +lui dit:--Mon ami, tu regardes ce qui ne te +regarde pas.</p> + +<h4>RELEVER</h4> + +<p>Un homme que l'on avait placé en faction, et qui +était gris, tomba par terre et y resta; le caporal, passant +par là, lui dit:--Malheureux! que fais-tu là? Si +l'officier te voyait, tu irais en prison.--Pourquoi? répondit +le soldat; quel mal ai-je fait en me mettant par +terre, puisqu'on m'a dit que toutes les deux heures on +relevait les sentinelles.</p> + +<h4>RELIRE ET RELIER</h4> + +<p>Un homme riche, qui ne lisait guère, disait:--Je +relis Montaigne pour la sixième fois.--Monsieur est +relieur? lui dit un auditeur qui le connaissait.</p> + +<h4>REMISE</h4> + +<p>--Vous allez vous marier, Monsieur?--Oui, Jocrisse; +et j'y vais sans remise, entends-tu bien.--Là-dessus, +Jocrisse descend et dit à la portière:--Allez chercher +une voiture; et, comme Monsieur ne veut pas de <i>remise</i>, +amenez un fiacre.</p> + +<h4>REMONTER</h4> + +<p>Un ménage avait descendu ses meubles à Paris, du +troisième étage au rez-de-chaussée. Au bout de quelques +jours, on dit à une fille de boutique un peu obtuse:--Prudence, +il faut remonter la pendule.--Elle +la remonta au troisième étage.</p> + +<h4>RENDRE</h4> + +<p>Une femme, ayant reçu un soufflet de son mari, alla +consulter un avocat pour savoir si elle pourrait à +cause de ce fait obtenir sa séparation. Le mari, sachant +qu'elle avait fait cette démarche, lui demanda d'un +air goguenard quel parti elle allait tirer de son soufflet!</p> + +<p>--Comme on m'a dit que je n'en pourrais rien +faire, répliqua-t-elle, je vous le rends.</p> + +<p>Ce qu'elle fit et fit bien.</p> + +<p class="mid">DIATRIBE SUR LE MOT RENDRE.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Le mot de rendre est bon, je le sais bien;</p> +<p class="i16">Mais coup sur coup le répéter sans cesse,</p> +<p class="i16">Autre chose est. Alors il ne vaut rien.</p> +<p class="i16">Il faut, dis-tu, rendre à chacun le sien;</p> +<p class="i16">Ce fonds rend tant. Quand un lavement presse,</p> +<p class="i16">Il faut le rendre; Alain se rend chartreux;</p> +<p class="i16">Jean voit Lisette, il s'en rend amoureux;</p> +<p class="i16">Le roi se rend à Mons, qui va se rendre;</p> +<p class="i16">Il se rendra tôt maître de la Flandre.</p> +<p class="i16">Tu rends en cour mille respects aux grands,</p> +<p class="i16">En ta maison mille soins à ta femme;</p> +<p class="i16">Fèves pour pois tu fais bien rendre aux gens,</p> +<p class="i16">Rendeur bavard, qui tant de choses rends,</p> +<p class="i16">L'un de ces jours puisses-tu rendre l'âme!</p> +</div></div> + +<h4>RENIER</h4> + +<p>Au bas de la statue pédestre élevée à la gloire de +Louis XIV, au milieu de la place des Victoires, à Paris, +on lisait d'assez mauvais vers faits par un nommé +Renier, de l'Académie française. Quand on demandait +à Santeul ce qu'il pensait de ces vers, il disait:--Ce +sont des vers à Renier.</p> + +<h4>REPAS</h4> + +<p>Quels sont les hommes les plus sobres?--Les couteliers, +parce qu'ils font des repassages.</p> + +<h4>RÉPLIQUES</h4> + +<p>Un capitaine de vaisseau, ayant besoin de la protection +d'un premier commis de la marine, qui avait +une merveilleuse adresse à tirer parti de sa place, lui +envoya une balle de café.</p> + +<p>--Qu'est-ce que cela? demanda le bureaucrate au +domestique qui accompagnait le message.</p> + +<p>--Monsieur, c'est une balle de café moka que mon +maître vous prie d'accepter.</p> + +<p>--C'est bon; laissez cela là, et allez dire à votre +maître que je ne prends pas mon café sans sucre.</p> + +<p>Louis XIV parlait un jour du pouvoir que les rois +ont sur leurs sujets; le comte de Guiche osa prétendre +que ce pouvoir avait des bornes; mais le roi n'en voulant +admettre aucune, lui dit avec emportement:--Si +je vous ordonnais de vous jeter à la mer, vous +devriez, sans hésiter, y sauter la tête la première. Le +comte, au lieu de répliquer, se retourna brusquement +et prit le chemin de la porte. Le roi lui demanda avec +étonnement où il allait.--Apprendre à nager, sire, +lui répondit-il. Louis XIV se mit à rire, et la conversation +en resta là.</p> + +<p>Mais ce récit n'est qu'un conte.</p> + +<p>On répétait, devant Martainville, cette maxime si +connue: Qui paie ses dettes s'enrichit.--Bah! bah! +répondit-il; c'est un bruit que les créanciers font +courir.</p> + +<p>--O Julie, disait sentimentalement un jeune amoureux, +la première fois que vous me parlerez ainsi, je +me tuerai à vos pieds!--Et la seconde fois? répondit +la demoiselle.</p> + +<p>Piron, dînant chez madame ***, se livra à quelques +sarcasmes violents qui déplurent.--Vous êtes un +cheval, lui dit cette dame. Le poëte se lève de table, +tenant sa serviette à la main.</p> + +<p>--Où allez-vous donc?--A l'écurie.--Vous n'avez +pas besoin de serviette.</p> + +<p>Un petit prince d'Italie envoya dire à un étranger +de sortir dans vingt-quatre heures de ses États.--Il +me fait trop de grâce, répondit celui-ci; je n'ai +besoin que de trois quarts d'heure pour en être dehors.</p> + +<p>Un matin, sur un banc du Luxembourg, un jeune +homme timide, qui voulait engager conversation avec +une jeune personne placée à côté de lui, saisit adroitement +le moment où un insecte montait sur son +châle pour dire:--Mademoiselle, je vous préviens +que vous avez une bête derrière vous.--Ah! mon +Dieu! monsieur, dit la dame en se retournant étonnée +et comme effrayée, je ne vous savais pas là.</p> + +<p>On reprochait à l'abbé Terrai qu'une de ses opérations +ressemblait fort à prendre l'argent dans les +poches. Il répondit:--Eh! où voulez-vous donc que +je le prenne?</p> + +<p>A Naples, un commandeur de Malte, homme riche +et avare, laissait user sa livrée au point qu'un savetier +du voisinage, voyant les habits de ses gens tout +troués, s'en moquait. Ils s'en plaignirent à leur maître, +qui fit venir le savetier et le tança sur son insolence.--Moi! +Monseigneur, c'est une calomnie. Je sais trop le +respect que je dois à Votre Excellence, pour me moquer +de sa livrée.--On dit pourtant que tu ris sans cesse +en voyant les habits de mes gens.--Il est vrai, +Monseigneur; mais c'est des trous que je ris, et à +ces trous il n'y a pas de livrée.</p> + +<p>--Mon ami, n'êtes-vous pas janséniste? disait un +confesseur à son pénitent.--Non, mon père, je suis +ébéniste.</p> + +<p>Le comte d'Alets, passant par Lyon, fut conduit +chez le lieutenant du roi, qui, ne le connaissant pas, +le reçut avec hauteur et lui dit:</p> + +<p>--Mon ami, que disait-on à Paris quand vous en +êtes sorti?</p> + +<p>--Des messes, répondit le comte d'Alets.</p> + +<p>--Mais je vous demande ce qu'il y a de nouveau?</p> + +<p>--Des pois-verts.</p> + +<p>--Mon ami, vous êtes plaisant. Comment vous appelez-vous.</p> + +<p>--À Lyon, les sots m'appellent mon ami; à Paris, +on m'appelle le comte d'Alets.</p> + +<h4>REPOS</h4> + +<p>Une actrice nouvelle, qui jouait à Londres le rôle +de lady Anne dans la tragédie de Richard III, ayant +répété ce passage:</p> + +<p class="mid">Ah! quand aurai-je un peu de repos!</p> + +<p>Un de ses créanciers qui était au parterre lui cria:--Jamais, +si vous ne me payez pas les trente schellings +que vous me devez.</p> + +<h4>REPRÉSENTÉ</h4> + +<p>On disait à un représentant, avant le 18 brumaire, +qu'il y avait parmi eux de grands scélérats. Il répondit +que dans un grand État il fallait que tout le monde +fût représenté.</p> + +<h4>RESSORT</h4> + +<p>Ce mot a plusieurs sens, comme on le voit dans +cette boutade faite au milieu du XVIIe siècle contre le +parlement. L'esprit alors n'était pas si délicat qu'aujourd'hui:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Emmitouflés de robes rouges,</p> +<p class="i20">Qui jugez souverainement,</p> +<p class="i20">Auguste et grave parlement,</p> +<p class="i20">Qui faites vos lois dans vos bouges,</p> +<p class="i20">Croyez-vous être bien bravés</p> +<p class="i20">Quand vous dites que vous avez</p> +<p class="i20">Quantité de ressorts en France?</p> +<p class="i20">Un avantage si commun</p> +<p class="i20">N'est pas de grande conséquence:</p> +<p class="i20">Mon tourne-broche en a bien un.</p> +</div></div> + +<h4>RESTAURER</h4> + +<p>Le dîner splendide que le duc de Penthièvre donna +aux membres de l'Académie, le lendemain de la réception +du chevalier de Florian, valut à ce prince le +titre de <i>restaurateur</i> de l'Académie française.</p> + +<h4>RESTER</h4> + +<p>Je vois douze pigeons sur un arbre, je tire sur eux, +j'en tue cinq. Combien en reste-t-il?</p> + +<p>--Il en est resté sept.</p> + +<p>--Non, il n'en reste point, parce que les autres se +sont envolés.</p> + +<h4>RETARD</h4> + +<p>--Ma montre retarde de deux heures, disait un +étudiant à un autre étudiant.--La mienne, répond +celui-ci, retarde de 200 francs.</p> + +<p>Il l'avait mise au Mont-de-Piété.</p> + +<h4>RÉUNION</h4> + +<p>On lisait dernièrement dans un journal du Bas-Rhin +cette phrase textuelle: «De magnifiques fêtes se préparent +à Strasbourg, en l'honneur de l'anniversaire +de <i>la réunion de la France à l'Alsace</i>.»</p> + +<p>Cette manière d'entendre cette réunion nous rappelle +la joie naïve de ce Génevois qui, à l'époque où sa +ville natale devenait la capitale du département du +Lac-Léman, s'écriait avec une satisfaction enthousiaste:</p> + +<p>--Dieu me damne! la nouvelle est bonne. On +vient de réunir la France à Genève.</p> + +<h4>RHUBARBE</h4> + +<p>Lorsqu'en 1793 on eut supprimé les saints à Paris, +on ôta cette désignation aux écriteaux des rues. On +appela donc la rue Saint-Antoine rue Antoine, la rue +Sainte-Barbe, rue Barbe et ainsi des autres. Un provincial +demandait un jour au commissionnaire du +coin la rue Barbe.</p> + +<p>--La <i>rhubarbe</i>, répondit l'autre; entrez là chez +l'apothicaire.</p> + +<h4>RIME ET RAISON</h4> + +<p>La comtesse de La Suze, que ses poésies ont rendue +célèbre, plaidait au Parlement de Paris contre la duchesse +de Châtillon. Ces deux dames se rencontrèrent +dans la grande salle du Palais. Le duc de la Feuillade +donnait la main à la duchesse; il dit à Madame de La +Suze, qui était accompagnée de Benserade et de quelques +autres poëtes:</p> + +<p>--Madame, si vous avez la rime de votre côté, +nous avons la raison du nôtre.</p> + +<p>La comtesse repartit aussitôt:</p> + +<p>--Ce n'est donc pas sans rime ni raison que nous +plaidons.</p> + +<h4>RICHELIEU</h4> + +<p>Dans les épigrammes que subit ce grand ministre, +nous avons toujours remarqué celle-ci, à cause du jeu +de mots:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Jésus-Christ vint de pauvre lieu</p> +<p class="i20">Apportant la paix sur la terre.</p> +<p class="i20">S'il fût venu de Richelieu,</p> +<p class="i20">Il nous eût amené la guerre.</p> +</div></div> + +<h4>RIVAROL</h4> + +<p>Il disait de M. Le Tonnelier de Breteuil, ambassadeur +de France à Vienne:--Il aurait dû raccommoder +les cercles de l'empire.</p> + +<p>Il disait en parlant d'Arnaud Baculard:--Ses idées +ressemblent à des carreaux de vitre entassés dans le +panier d'un vitrier, claires une à une, et obscures +toutes ensemble.</p> + +<h4>RIVE</h4> + +<p>Après, la mort de l'acteur Lekain, tragédien renommé, +Larive fut choisi pour le remplacer dans les grands +rôles. Les critiques dirent bientôt:--Lekain, en passant +le Styx, n'a pas laissé son talent à la <i>rive</i>.</p> + +<h4>ROGNER LES LIVRES</h4> + +<p>Jobin plaidait contre son relieur. Son débat ayant +produit de curieux contre-sens par suite de mots rognés, +nous en citons ici quelques passages que les +journaux ont rapportés:</p> + +<p><span class="sc">Le Juge.</span>--Reconnaissez-vous que le demandeur a +travaillé pour vous?</p> + +<p><span class="sc">Jobin.</span>--Joli travail... Je lui en ferai mon compliment +un de ces jours, quand il repassera... C'est du +propre... En vérité, je ne comprends pas l'audace de ce +Monsieur... c'est comme si, après m'avoir jeté un pot +à fleurs sur la tête, il me demandait une indemnité +pour la casse... il peut en rire... Permettez-moi d'en +rire.</p> + +<p><span class="sc">Le Juge.</span>--Mais enfin, que lui reprochez-vous?</p> + +<p><span class="sc">Jobin.</span>--Voici le fait; il est odieux... Je suis abonné +au <i>Corsaire</i> depuis cinq ans... cette feuille me plaît... +elle est fort gaie, je suis fort gai, nous sommes faits +l'un pour l'autre. (Rires.) Un jour, il me prit l'envie de +faire relier ma collection... j'ai eu l'imprudence de la +confier à cet être (il montre son adversaire). Ça s'intitule +relieur, ça... si ça ne fait pas suer... Faites des +bottes de foin, mon cher, reliez des asperges... mais +des livres, plus souvent! (On rit).</p> + +<p><span class="sc">Le Juge.</span>--Modérez-vous, et n'insultez personne.</p> + +<p><span class="sc">Jobin.</span>--C'est vrai, je m'exalte, j'ai tort... Je reviens +au fait. Ce délicieux, ce charmant, cet adorable relieur... +c'est écrit sur sa boutique, parole d'honneur: +<i>M. D...</i>, <i>relieur</i>... Enfin, ce délicieux, ce charmant, +cet adorable relieur me garda ma collection trois mois: +premier grief... Je continue. Au bout de ce laps de +temps, il me la rapporte <i>rognée</i>, à ce qu'il disait; +j'examine la fourniture... Au dehors, ça pouvait encore +passer... mais voilà que je m'avise d'ouvrir un +volume... (Élevant la voix.) Oh! grands dieux! que +vois-je? pas de marge, pas la moindre petite marge... +Bien mieux, l'impression même était rognée... l'instrument +tranchant avait mordu sur presque toutes les +colonnes.</p> + +<p><span class="sc">Le Relieur.</span>--C'est faux!</p> + +<p><span class="sc">Jobin.</span>--Ah! c'est faux... Je suis enchanté que vous +ayez dit ça... J'ai ici la preuve; j'ai apporté un volume +de ma malheureuse collection. (Au juge.) Vous +allez voir dans quel état il l'a mise... et si ça ne crie +pas vengeance... Tenez, je vais vous citer des exemples +sur différentes divisions du journal. Commençons par +la politique; je lis, page 30: <i>Le gouvernement marchera +toujours mal avec un cor</i>... (On rit.) Il y avait +avec un cortège de flatteurs.» Mais ce n'est rien encore. +Passons à la politique extérieure; je lis page 203: +«<i>En ce moment la Grèce doit</i>...» (Hilarité.) Je vous +demande pardon du calembour... Monsieur a rogné +la suite: «La Grèce doit... veiller à ses intérêts» +J'arrive à l'article théâtre où je trouve: <i>La voix de +Madame Stolz est tous les jours en progrès, c'est la +voix d'une sy</i>... (Rires.) Le reste est coupé... «La voix +d'une syrène.» Je termine par deux autres citations. +Dans un article de modes, on peut lire: <i>Le salon des +Modes Françaises, 20, rue d'Antin, est toujours cité +par ses cha</i>... (Grande hilarité.) Sous-entendu «peaux.» +Et enfin, dans un article de critique littéraire, je +vois: <i>Madame Anaïs Ségalas vient encore de mettre +au four un petit vo</i>... (Explosion de rires.) La fin manque... +L'auteur a voulu dire <i>volume</i>. (On rit.) Je crois +n'avoir pas besoin de vous en dire davantage, et vous +comprendrez maintenant pourquoi je refuse de payer +à Monsieur le montant de sa facture. Quant aux dommages-intérêts +auxquels j'aurais droit... eh bien, +voyons, je suis généreux, j'y renonce, j'y renonce, +(avec éclat) j'y renonce! (On rit.)</p> + +<p>La demande du relieur est repoussée.</p> + +<h4>ROGNER LES ONGLES</h4> + +<p>Charles Lameth, en 1790, eut un duel où il fut +blessé à la main. On publia ce quatrain sous le titre +de «Dernier Bulletin de M. Lameth»:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">--Faudra-t-il à Lameth couper quelques phalanges?</p> +<p class="i16">Demandait à Dufouarre un patriote ardent.</p> +<br> +<p class="i16">--Non, dit le médecin, transporté jusqu'aux anges,</p> +<p class="i16">Il lui faudra rogner les ongles seulement.</p> +</div></div> + +<h4>ROI ET SAVETIER</h4> + +<p>Un acteur comique de bas étage s'avisa de jouer un +rôle de roi: il fut atrocement sifflé. L'acteur, contraint +de retourner à son véritable emploi, joua le +lendemain un rôle de savetier et fut couvert d'applaudissements--Cela +prouve, lui dit un de ses camarades, +que tu as joué le roi comme un savetier, et le +savetier comme un roi.</p> + +<h4>ROIS</h4> + +<p>Pour la fête de l'Épiphanie, la grande solennité des +Gentils, qui la célèbrent si imparfaitement chez nous, +et qui a pourtant laissé de grandes affections dans les +familles, un de nos démocrates les plus foncés invita, +en 1849, plusieurs de ses amis et ennemis politiques +à venir <i>tirer les rois</i>.</p> + +<p>Seulement, au moment de l'apparition du gâteau, +il a prévenu ses convives qu'au haricot consacré il +avait fait substituer une épingle. Interrogé sur le +motif de cette substitution:</p> + +<p>--C'est pour étrangler les prétendants, a-t-il répondu +d'une voix caverneuse.</p> + +<h4>ROUGES</h4> + +<p>Brunet disait, en parlant des personnes qui ont les +cheveux rouges:--Les rouges sont mes bêtes noires.</p> + +<p>Un chasseur, qui avait couru quelques périls dans +une partie de chasse où il avait tué des perdrix rouges, +disait:--Voilà des perdrix rouges qui m'en ont fait +voir des grises!</p> + +<h4>ROUTE</h4> + +<p>Pascal a dit:--Un fleuve est une grande route qui +marche. Un homme moins profond demandait:--Qui +va de Paris à Strasbourg sans faire un pas? Un Alsacien +répondit:--La grande route.</p> + +<h4>RUDIMENT</h4> + +<p>M. de Rothschild disait l'autre jour à M. Maurice +Alhoy:--Je vous prêterai un million pour relever le +théâtre Saint-Antoine, si vous me devinez quand le +chef d'une mosquée ressemble à une grammaire.</p> + +<p>--Je ne sais pas.</p> + +<p>--Eh bien... c'est quand il a des manières rudes, +parce qu'alors c'est un <i>rude iman</i>.</p> +<br> + +<h2>S</h2> + +<h4>SAGE</h4> + +<p>Ménage, attaqué d'une pleurésie, demanda qu'on lui +fît venir le Père Airaut, jésuite, son parent. À peine le +religieux est entré dans la chambre du malade, qu'il +l'embrasse, lui témoigne sa douleur, le console et +l'exhorte à la mort. Ménage, édifié de tout ce que le +Père Airaut lui dit des miséricordes de Dieu, dit en +soupirant:--Je vois s'accomplir la pensée que j'ai +toujours eue: qu'on a besoin d'une sage-femme pour +entrer dans le monde, et d'un homme sage pour en +sortir.</p> + +<h4>SALUT</h4> + +<p>Un homme se plaignait à un de ses amis de n'avoir +pas été salué par lui, à la sortie de l'église. Celui-ci +lui répondit:--Mon cher, hors de l'église, point de +salut!</p> + +<h4>SANG</h4> + +<p>Santeul disputant un jour avec le grand Condé sur +quelque ouvrage d'esprit, le prince dit au poëte:--Savez-vous, +Santeul, que je suis prince du sang?--Oui, +Monseigneur, je le sais; mais moi je suis prince +du bon sens; ce qui est préférable.</p> + +<h4>SANGUIN</h4> + +<p>Un négociant qui faisait mal ses affaires disait:--On +se trompe sur mon tempérament; on me croit +flegmatique et je suis <i>sans gain</i>.</p> + +<h4>SAPEURS</h4> + +<p>Quand le dernier roi s'enfuit, on dit qu'il s'en allait +accompagné de <i>sa peur</i>.</p> + +<p>Ce mot a produit plusieurs fois un même calembour, +dont voici la plus récente application:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Que dit-on donc?... que Ledru, dans sa fuite,</p> +<p class="i16">Est parti seul, sans suite?... O grave erreur!...</p> +<p class="i16">Il s'est sauvé, j'en conviens, au plus vite,</p> +<p class="i16">Mais il était escorté de... sa peur!...</p> +</div></div> + +<h4>SAVOIR</h4> + +<p>Une troupe de comédiens ambulants venait de jouer +<i>le Misanthrope</i> dans une petite ville de Normandie. +L'acteur qui avait rempli le rôle d'Alceste, et qui +l'avait joué de moitié avec le souffleur, s'avance après +la représentation et dit:--Messieurs, nous aurons +l'honneur de vous donner demain <i>le Philosophe sans +le savoir</i>.--Non pas! non pas! s'écrie le maire tout +furieux; vous venez de jouer <i>le Misanthrope</i> sans le +savoir, et vous saurez demain, s'il vous plaît, <i>le Philosophe</i> +pour le jouer.</p> + +<p>Le maréchal de Villeroi, gouverneur de Louis XIV, +écrivait d'une manière absolument illisible. Il écrivit +un jour une lettre au cardinal de Fleuri, précepteur du +jeune monarque; l'instituteur ne put déchiffrer un mot +de ce que le gouverneur voulait lui dire. Il le pria de +vouloir bien lui communiquer sa pensée d'une manière +plus lisible. Le maréchal écrivit une seconde +lettre, à laquelle Fleuri répondit:--Votre seconde +lettre n'est pas beaucoup plus lisible que la première. +Au surplus, pour notre honneur commun, cessez de +m'écrire, afin qu'on ne dise pas dans le monde que le +roi a un gouverneur qui ne sait pas écrire, et un précepteur +qui ne sait pas lire.</p> + +<h4>SCHILLER</h4> + +<p>Quel est le poëte dont les sécrétions ont été les plus +légères?--Schiller.</p> + +<h4>SECOUER</h4> + +<p>Un apothicaire de Newcastle, s'étant chargé du traitement +d'un malade qui était à l'article de la mort, +lui envoya une fiole de médecine, avec ces mots: <i>bien +secouer avant de faire prendre</i>. Le lendemain, il alla +voir l'effet de son remède. En entrant chez le malade, +il demanda à un domestique comment se portait son +maître. Celui-ci ne répondit que par des larmes.--Quoi! +est-ce qu'il est plus mal?--Oui, monsieur; +mais comme vous nous avez dit de le secouer avant +de lui faire prendre votre médicament, nous avons +suivi vos ordres et il est passé dans nos bras.</p> + +<h4>SEIGNEUR</h4> + +<p>On demande à Arlequin pourquoi il se permet de +prendre place parmi des gentilshommes?--Je suis +fils d'un <i>saigneur</i>, dit-il. Son père en effet était chirurgien.</p> + +<h4>SEINE</h4> + +<p>Un homme lisant au bas des personnages d'une +pièce cette indication:--<i>La scène est à Constantinople</i>;--Voilà, +dit-il, une rivière qui fait bien du +chemin.</p> + +<h4>SEIZE</h4> + +<p>On disait d'un homme âgé, pour rassurer une jeune +fille qui l'épousait, que ce monsieur n'avait que <i>ses +ans</i>.</p> + +<h4>SEL</h4> + +<p>Montmaur était riche, mais avare; il aimait mieux +diner chez les autres que de donner à manger chez +lui; et comme il savait assaisonner la conversation de +beaucoup de traits piquants, il disait à ses amis:--Fournissez +la viande et le vin, je fournirai le sel.</p> + +<h4>S'EN REPENTIR</h4> + +<p>Le pléonasme qui suit a un double sens assez juste:--Qui +verse le sang, s'en repent.</p> + +<h4>SENS</h4> + +<p>Quelles sont en France les femmes les plus raisonnables?--Les +femmes de Sens.</p> + +<h4>SENSÉ</h4> + +<p>Lorsqu'on eut sifflé la pièce sans A, Brunet pria +l'auteur de lui faire un drame sans C.</p> + +<h4>SEPT VEINES</h4> + +<p>Quelle est le pays où le sang circule le mieux? À +cette question de M. Dupin, M. Guizot répondit:--Les +Cévennes.</p> + +<h4>SERIN</h4> + +<p>Quand peut-on mettre le temps en cage?</p> + +<p>--Quand il est serein.</p> + +<h4>SERMENT</h4> + +<p>Une jeune fille, épousant contre son gré, prononça +le oui si froidement que quelqu'un dit:--Le pauvre +mari n'a là qu'un serment de bouche.--Et, riposta +un autre, la pauvre femme a un serrement de coeur.</p> + +<h4>SERPENT</h4> + +<p>Une cause singulière s'est présentée il y a quelque +temps au tribunal de simple police de Fontaine-Libeau +(Seine-Inférieure). M. le curé, prêchant sur le péché +originel, avait plusieurs fois répété:</p> + +<p>«C'est le serpent maudit qui a causé vos malheurs, +mes frères, c'est lui qui est la cause de la perte +de tant d'âmes.»</p> + +<p>Un serpent, non pas un boa, mais un de ces virtuoses +en surplis qui musicient de toutes leurs forces, +et écorchent quelquefois les oreilles des fidèles, le serpent +donc de la paroisse se lève tout à coup, et, interrompant +le vénérable pasteur, d'un ton moitié furieux, +moitié stupéfait:</p> + +<p>--Moi! j'ai causé tout ce mal-là! s'écria-t-il; +apprenez que depuis 50 ans que je suis serpent de +père en fils, je n'ai jamais fait de tort à personne; je +ne suis qu'un serpent, mais je suis honnête.</p> + +<p>Ayant adressé quelques injures à M. le curé, qui +tentait vainement de lui donner les explications les +plus satisfaisantes, le susceptible serpent a été traduit +en simple police et condamné à deux jours de prison.</p> + +<h4>SERVANTE</h4> + +<p>On raconte qu'une actrice, causant littérature avec +une de ses camarades, se mit à dire que <i>Don Quichotte</i> +n'était qu'un roman de cuisinière.--Comment, répliqua +son interlocutrice fort étonnée, <i>Don Quichotte</i>, +mais c'est un des ouvrages les plus ingénieux qui aient +jamais été écrits.--Je n'en parle que d'après notre +directeur, répliqua la première, c'est lui qui m'a certifié +hier que <i>Don Quichotte</i> était un roman de Cervantes.</p> + +<h4>SERVICE</h4> + +<p>Au nombre des hommes éminents promus à une +des plus hautes dignités de la dernière république, il +se trouvait un ancien marchand de porcelaines.--Qu'a-t-il +donc fait pour mériter cette récompense? +demanda quelqu'un qui entendait prononcer le nom +du nouveau dignitaire pour la première fois. Est-ce +qu'il a rendu des services?--Non, il en a vendu, +répondit M. le baron T...</p> + +<h4>SE TAIRE</h4> + +<p>Cadet Roussel, professeur de déclamation, dit dans +une leçon: il faut <i>parler Esther</i>.--Comment! +<i>parler et se taire</i>, dit un élève, qui ne voit pas qu'on +s'adresse à la nièce de Mardochée.</p> + +<h4>SIFFLEUR</h4> + +<p>Lorsqu'on joua la comédie du <i>Persiffleur</i> de Sauvigny, +les plaisants, les faiseurs de calembours, les +siffleurs enfin, dirent que le père siffleur avait tous +ses enfants au parterre.</p> + +<h4>SINGE</h4> + +<p>Une pimbêche d'importance, qui avait un procès, +était venue solliciter en sa faveur le premier président +de Harlay. Comme ce magistrat ne lui avait pas +fait l'accueil qu'elle croyait lui être dû, elle dit, en +passant dans l'antichambre, mais assez haut pour être +entendue du président:</p> + +<p>--Peste soit du vieux singe!</p> + +<p>Le lendemain néanmoins l'affaire fut appelée, et +cette dame gagna son procès. Elle courut aussitôt +remercier le président, qui, pour toute vengeance, se +contenta de lui dire:</p> + +<p>--Sachez madame, une autre fois, qu'un vieux +singe est toujours disposé à faire plaisir aux guenons.</p> + +<h4>SOL</h4> + +<p>Quelles sont les notes de musique que les frotteurs +d'appartements aiment le mieux?</p> + +<p>--Les notes <i>sol fa si la si ré</i>.</p> + +<h4>SON</h4> + +<p class="mid">ÉPIGRAMME SUR FAUCHET<br> + +ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL DE PARIS (1791)</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Ce janséniste cannibale,</p> +<p class="i16">Fauchet, un jour, longuement pérora</p> +<p class="i20"> Sur les bouffons et l'Opéra,</p> +<p class="i20"> Dans la tourbe municipale.</p> +<p class="i20"> Or le prêtre-bourreau prétend</p> +<p class="i20"> Que tout théâtre dit chantant</p> +<p class="i16">Envoie un jour par mois ses acteurs à la halle</p> +<p class="i20"> Pour y chanter, hurler, baller</p> +<p class="i18"> Et de chansons le peuple régaler.</p> +<p class="i18"> Pour cet avis très-fortement j'opine,</p> +<p class="i18"> Reprit Warville, aimable polisson;</p> +<p class="i20"> Du moins, s'il manque de farine,</p> +<p class="i20"> Le peuple aura toujours du son.</p> +</div></div> + +<p>On demandait dernièrement: Pourquoi la musique, +qui charme les chevaux désole-t-elle les chiens? L'auteur +des sphinx du petit journal pour rire répondit:--C'est +que les chevaux aiment le son et que les +chiens l'ont en dégoût.</p> + +<h4>SONNET</h4> + +<p>Pourquoi un sot devient-il poëte en prenant un +bain?</p> + +<p>--Parce qu'il fait un <i>sot net</i>.</p> + +<h4>SORTIR</h4> + +<p>Des femmes de Paris qui avaient été voir des fous +demandèrent à l'un d'eux de leur donner trois numéros +pour la loterie. C'était une croyance, à Paris, +dans les classes peu instruites, que les fous sont doués +d'une sorte de divination.</p> + +<p>Le fou écrivit trois numéros sur un papier, l'avala, +et leur dit:--Mesdames, repassez demain, vos numéros +seront sortis.</p> + +<p>Un certain marquis connu par ses singularités, +vantait à la feue reine de France un remède dont il +avait le secret, et qu'il disait avoir fait prendre à un +de ses amis fort malade. L'a-t-il guérie? demanda la +reine.</p> + +<p>--Madame, dès le lendemain j'allai pour le voir; il +était sorti.</p> + +<p>--Comment! déjà sorti!</p> + +<p>--Oui, madame, il était allé se faire enterrer à +Saint-Sulpice.</p> + +<h4>SOTS</h4> + +<p>Du temps où florissait le régime parlementaire, un +député s'excusait de s'être fait attendre en disant qu'il +était avec le garde des sceaux. On lui répondit:--Il +vous a gardé bien longtemps.</p> + +<p>Le marquis de Cahusac, jouant au piquet, reconnut, +par ses cartes de rentrée, qu'il avait mal écarté, et +s'écria:--je suis un franc Goussaut!</p> + +<p>Le président Goussaut, renommé par sa stupidité, +se trouvait par hasard derrière le joueur, et lui dit:</p> + +<p>--Vous êtes un sot!</p> + +<p>--Vous avez raison, repartit Cahusac, c'est ce que +je voulais dire.</p> + +<h4>SOU</h4> + +<p>Le Pont-des-Arts, disait Odry, lorsqu'on payait un +sou le passage, le Pont-des-Arts a cela de particulier +qu'il n'y a pas plus de personnes dessus que de +<i>sous</i>.</p> + +<p>--Et il ajoutait, en parlant des receveurs au péage +de ce pont.--Ils doivent avoir beaucoup de mémoire, +à force de voir des <i>sous venir</i>.</p> + +<h4>SOUFFLET</h4> + +<p>Deux personnes qui s'étaient mutuellement souffletées +allaient se battre. On pria M. de Bièvre de les +réconcilier.--Me prenez-vous, dit-il, pour un raccommodeur +de soufflets?</p> + +<h4>SOUFFRER</h4> + +<p>Quelles sont les gens les plus à plaindre?</p> + +<p>Les faiseurs d'allumettes, parce qu'ils souffrent pour +tout le monde.</p> + +<h4>SOUL</h4> + +<p>Un écolier à qui on avait donné un sou pour la +promenade rentra avec des coliques, causées par une +intempérance de coco. Son maître lui reprochait cet +excès, en lui disant qu'il n'avait pas besoin d'avaler +deux énormes verres à deux liards.--Ce n'est pas +ma faute, reprit l'enfant, la cocotière n'avait pas de +monnaie à me rendre, alors j'ai bu tout mon <i>sou</i>.</p> + +<h4>SOULIER</h4> + +<p>Quel est l'auteur le plus crotté?--Soulié.</p> + +<h4>SOURD</h4> + +<p>Quelles sont les gens qui entendent le moins la plaisanterie?--Ce +sont les sourds.</p> + +<h4>SPA</h4> + +<p>On conte que le marquis de Bièvre, étant allé +prendre les eaux de Spa, ne voulut pas quitter cette +gracieuse ville champêtre sans lui laisser un calembour; +il partit en disant:--Je m'en vais de <i>ce pas</i>.</p> + +<h4>STYLE</h4> + +<p>«Gallophile de tout temps, mon coeur est sans fard +et mon âme est sans-culotte.»</p> + +<p>C'était avec des phrases aussi barbares, aussi ridicules +et aussi ineptes que le Prussien Anacharsis +Clootz, collègues et consorts se prétendaient des patriotes +exclusifs.</p> + +<p>«Petit pape, petit papelin, vous êtes un âne, un +ânon; allez doucement, il fait glacé, vous vous rompriez +les jambes, et on dirait: que diable est-ce ceci? +Le petit ânon de papelin est estropié, un âne sait +qu'il est un âne, une pierre sait qu'elle est une pierre; +mais ces petits ânons de papes ne savent pas qu'ils +sont ânons.»</p> + +<p>Tel était le style dans lequel Luther écrivait au +pape Léon X, le restaurateur des arts et des lettres.</p> + +<p>J'admire, disait un membre d'assemblée populaire, +à propos de la force, j'admire celle de Samson qui, +avec une mâchoire d'âne, passa mille Philistins au +fil de l'épée.</p> + +<p>Dryden se trouvant un jour, après boire, avec le +duc de Buckingham, le comte de Rochester et le lord +Dorset, la conversation vint à tomber sur la langue +anglaise, sur l'harmonie du nombre, sur l'élégance +du style, sorte de mérite auquel chacun des trois seigneurs +prétendait exclusivement et sans partage. On +discute, on s'échauffe, on convient enfin d'en venir à +la preuve, et de prendre un juge. Ce juge fut Dryden. +La preuve consista à écrire, isolément et sans désemparer, +sur le premier sujet venu, et de mettre les trois +thèmes sous le chandelier. On se met à l'ouvrage... Le +duc et le comte font des efforts de génie. Le lord Dorset +trace négligemment quelques lignes. Quand chacun +eut fini et placé son chef-d'oeuvre sous le chandelier, +Dryden procède à l'examen. Dès qu'il eut achevé la +lecture des trois pièces: «Messieurs, dit-il au duc de +Buckingham et au comte de Rochester, votre style m'a +plu, mais celui du lord m'a ravi. Écoutez; c'est vous +qu'à présent je fais juges.» Dryden lit: «Au premier +de mai prochain (fixe) je paierai à John Dryden, ou +à son ordre, la somme de cinq cents livres sterling, +valeur reçue; 15 avril 1686. Signé Dorset.» Après +avoir entendu ces expressions, Rochester et Buckingham +ne purent disconvenir que ce style ne l'emportât +sur tout autre.</p> + +<p>Nous empruntons à la <i>Gazette des Tribunaux</i> un +modèle du style soldat:</p> + +<p>Bourjot, bijoutier jeune France, est assis sur les bancs +de la police correctionnelle (7e chambre), et Combes, +soldat du centre, s'avance au pied du tribunal pour +déposer contre lui; il se met au port d'armes, adresse +un petit sourire d'amitié au prévenu, et attend que +M. le président l'interroge.</p> + +<p><span class="sc">M. le président.</span>--Voyons... que savez-vous sur +les faits de la plainte?</p> + +<p><span class="sc">Combes.</span>--Je sais que Bourjot est un bon enfant... +là... mais un bon enfant... Il avait seulement un peu +siroté ce jour-là... ça peut arriver à tout le monde...</p> + +<p><span class="sc">M. le président.</span>--Bourjot est accusé d'avoir +frappé un agent de la force publique dans l'exercice +de ses fonctions...</p> + +<p><span class="sc">Le témoin.</span>--C'est moi qu'étais dans l'exercice de +ma faction.</p> + +<p><span class="sc">M. le président.</span>--Expliquez-vous.</p> + +<p><span class="sc">Le témoin.</span>--Voilà, mon colonel... Je m'embêtais +le 1er janvier au poste du canal Saint-Martin, poste +peu récréatif au point de vue du vent qui vous coupe +la figure et des particuliers qui descendent de la barrière +en faisant des zigzags et en nécessitant par leurs +cris et autres déportements l'intervention du caporal +et de la patrouille... J'étais donc là à murmurer crânement, +je puis le dire, et à trouver que le coquin de +sort m'envoyait de fichues étrennes, lorsqu'un cafetier +tout effarouché vient nous dire qu'un Bédouin mettait +son établissement sens dessus dessous.</p> + +<p>Nous courons au pas de charge à l'endroit susdit, +moi, le petit Normand et Briquet, mon voisin de lit... +Qué que nous voyons?... Bourjot, le criminel ci-inclus... +il voulait empêcher, à lui tout seul, plusieurs +autres citoyens de pincer leur partie de carambolage +et faisait la garde autour du billard avec une queue à +procédé sur les épaules... Il avait bu plus d'une bouteille +et paraissait légèrement ému... Nous le sommons +de débarrasser le tapis vert... il nous envoie promener... +nous le sommons de nous suivre au poste... +il nous envoie derechef là où vous savez... Alors +nous l'empoignons... il se révolutionne et fait pour +5 francs 75 centimes de casse qu'il paie incontinent +avec un pourboire pour la fille... En voilà un bon +garçon!...</p> + +<p><span class="sc">M. le président.</span>--Mais les coups que vous auriez +reçus?...</p> + +<p><span class="sc">Le témoin.</span>--Ça va venir... je ne suis pas pressé. +(On rit.) Pour lors, nous l'insérons au violon. Mais, +avant d'y entrer, il se tourne comme ça vers moi... +je le tenais par le bras gauche... et il me dit: «Vous, +si jamais je vous rencontre derrière un mur, je vous +décorerai avec une pomme de terre.» (Hilarité.) Il +faut lui pardonner... c'est le vin à douze qui parlait +pour lui. C'est un fameux bon garçon, allez!</p> + +<p><span class="sc">M. le président.</span>--Mais arrivez donc au fait +principal.</p> + +<p><span class="sc">Le témoin.</span>--J'y arrive du pied gauche. Pour lors +le caporal me plante de faction. J'étais tranquillement +à flâner en long et en large, quand voilà +Bourjot qui sort du corps de garde. L'autorité compétente +l'envoyait dehors pour cuver son liquide. Il +s'approche de moi, me passe la jambe, et me voilà +tout de mon long par terre, avec mon fusil entre les +jambes et mon schako derrière les épaules en guise +d'oreiller. Bourjot aurait pu me repasser quelques +taloches pendant que j'étais dans cette position humiliante +et peu militaire. Mais bah! il filait son noeud à +toute jambes; c'est un si bon garçon!</p> + +<p><span class="sc">M. le président.</span>--Vous êtes bien sûr qu'il ne +vous a pas porté de coups?</p> + +<p><span class="sc">Le témoin.</span>--Pas le moindre. Un simple billet de +parterre. Faites-lui bonne mesure, mon colonel... +vrai, c'est un bon garçon.</p> + +<p>Le tribunal, prenant en considération les bons antécédents +de Bourjot et l'état d'ivresse dans lequel +il se trouvait, ne le condamne qu'à 15 francs d'amende.</p> + +<h4>SUIVRE</h4> + +<p>On propose en société l'énigme que voici:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Je ne suis pas ce que je suis;</p> +<p class="i20">Car si j'étais ce que je suis,</p> +<p class="i20">Je ne serais pas ce que je suis.</p> +</div></div> + +<p>Solution: c'est un valet, qui n'est pas le maître +qu'il suit; car s'il était le maître qu'il suit, il ne serait +pas le valet.</p> + +<h4>SUJET</h4> + +<p>Marquis, disait un jour Louis XVI au marquis de +Bièvre, vous qui faites des calembours sur tout, faites-en +un sur moi.--Sire, lui répondit le marquis, vous +n'êtes pas un sujet.</p> + +<h4>SUR</h4> + +<p>Va mettre ma montre sur l'horloge de l'hôtel de +ville, dit M. Duval.--Et Jocrisse s'en va porter la +montre au haut du clocher.</p> + +<p>Un pâtissier, dont un poëte avait exalté la pâtisserie +dans un ouvrage en vers, crut devoir reconnaître cette +honnêteté en lui faisant cadeau d'un pâté. Le poëte, +ayant remarqué que la feuille de papier qui couvrait +le fond de ce pâté faisait partie de sa production, en +fit de vifs reproches à son protégé.</p> + +<p>--Qu'avez-vous à me reprocher? lui dit celui-ci; +nous sommes maintenant à deux de jeu; vous avez +fait des vers sur mes pâtés, et moi j'ai fait des pâtés +sur vos vers.</p> + +<h4>SURE</h4> + +<p>Danière disait que la rue la plus sûre de Paris est +la rue de l'Oseille.</p> + +<h4>SUSPECT</h4> + +<p>Ce fut à l'occasion de la désignation des suspects +qu'un plaisant enfermé au Luxembourg, au moment +où Chaumette y fut lui-même conduit à son tour par +ordre du comité de salut public, dit en allant à sa +rencontre: «Citoyen, je suis suspect, tu es suspect, +il est suspect (en montrant un des prisonniers), nous +sommes suspects, vous êtes suspects, ils sont suspects.» +Puis tournant le dos au nouvel arrivé, il le +laissa consterné de son sort, et honteux de se trouver +au milieu de ses victimes.</p> + +<p>Un plaisant, qui voulait partir avec l'aéronaute +Blanchard, s'en fut demander à sa municipalité un +passe-port pour la banlieue de la terre: la municipalité +assembla le conseil de la commune, et le pétitionnaire +fut refusé comme suspect d'émigration.</p> + +<br> + +<h2>T</h2> + +<p>On conte, dans le pays wallon, cette petite anecdote +sur deux magistrats, nommés l'un M. Baude, et +l'autre M. Buchet.--Baude est allé chez M. Buchet et +y a pris le T.--Eh bien! dit l'interlocuteur, qui entend +le thé, que s'ensuit-il?--Qu'ils se sont quittés +remis à leur place, Baude devenu Baudet, et Buchet +devenu Buche.</p> + +<p>La correspondance la plus laconique que l'on ait +connue se composait d'un (?), voulant dire: Y a-t-il +quelque nouvelle? et d'un (0), répondant: Il n'y en a +pas. Un épicier de Hottingham (Flandres) vient de faire +du laconisme plus remarquable encore. Il a peint sur +sa vitrine deux grands T, l'un peint en noir, l'autre +en vert, pour indiquer qu'il vend du thé noir et du +thé vert.</p> + +<h4>TABLE</h4> + +<p>On sait que la loi des Douze Tables, publiée à Rome +sur douze tables de pierre, par les décemvirs, est devenue +depuis le fondement de la jurisprudence romaine. +Elle a donné lieu au quatrain suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Un avocat, dont les destins</p> +<p class="i20">Font un juge des plus notables,</p> +<p class="i20">Croit que la loi des Douze Tables</p> +<p class="i20">N'était que pour les grands festins.</p> +</div></div> + +<h4>TAILLES</h4> + +<p>Ce nom, qu'on donnait autrefois aux impôts, a produit +un jeu de mots.</p> + +<p>Une princesse du sang, sous ce qu'on appelle l'ancien +régime, passait par une ville de province; toutes les +corporations s'empressèrent de l'aller complimenter. +Celle de l'élection n'était représentée que par trois +membres.--Madame, lui dit le chef de cette juridiction, +nous sommes dans ce moment une preuve sensible +de cette vérité sacrée: Beaucoup d'appelés et peu +d'élus. Notre devoir est de prononcer sur le fait des +tailles, et nous certifierons à tout le monde que la +vôtre est des plus élégantes.</p> + +<h4>TAILLEUR</h4> + +<p>On disait à un homme distrait:--Votre esprit fait +des culottes?--Pourquoi?--Parce qu'il est ailleurs.</p> + +<h4>TAMBOUR</h4> + +<p>Quels sont les châles qui font le plus de bruit?</p> + +<p>--Ceux qui <i>sont en bourre</i>.</p> + +<h4>TA MÈRE</h4> + +<p>Belval, mangeant une salade de chicorée, appela sa +cuisinière et lui dit:--Es-tu donc la fille de cette salade-là?--Comment, +Monsieur?--C'est qu'elle <i>est +amère</i>.</p> + +<h4>TEINTURE</h4> + +<p>--Je voudrais, disait une dame, que mon fils sût un +peu de tout, qu'il eût une teinture des langues latine +et grecque, une teinture d'histoire et de géographie, +une teinture des mathématiques, une teinture du dessin, +etc.; mais je ne sais pas pour cela quel maître lui +donner.</p> + +<p>--Donnez-lui, Madame, un maître teinturier.</p> + +<h4>TENDRE</h4> + +<p class="mid">UNE PETITE SCÈNE DE TRIBUNAL</p> + +<p>D. Vous ne niez pas avoir mendié?--R. Si j'avais +reçu de la nature la faveur de l'éloquence...</p> + +<p>D. Répondez par oui ou par non.--R. Je réponds +par oui; mais n'ayant pas reçu la faveur de l'éloquence, +je vous demande la grâce de vous faire lecture de mon +excuse écrite. C'est la description en raccourci de ma +vie, en douze vers de poésie, pas un de plus, pas un +de moins. (Il lit.)</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Le sort pour moi fut un bourreau;</p> +<p class="i20">Conscrit de l'an mil huit cent seize,</p> +<p class="i20">J'ai tiré le numéro treize</p> +<p class="i20">Qui m'envoya sous le drapeau.</p> +<p class="i20">Sorti des rangs, sans sou ni maille,</p> +<p class="i20">On me traita de rien qui vaille;</p> +<p class="i20">Ce qui fait qu'un jour, ayant faim,</p> +<p class="i20">J'ai mendié sur mon chemin.</p> +<p class="i20">Condamné, j'ai subi ma peine,</p> +<p class="i20">Mais de mon sort qu'on se souvienne!</p> +<p class="i20">Si l'on m'avait tendu la main,</p> +<p class="i20">Je n'aurais pas tendu la mienne.</p> +</div></div> + +<h4>TÊTE-A-TÊTE</h4> + +<p>Quelqu'un entrant chez un gourmand qui dînait +seul devant une tête de veau, lui dit:--Pardon, Monsieur, +je ne croyais pas que vous fussiez en tête-à-tête.</p> + +<p>Armand Gouffé a mis ce mot en vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">N'avez-vous pas connu Beauveau?</p> +<p class="i20">C'était un gourmand respectable.</p> +<p class="i20">Un jour il était seul à table</p> +<p class="i20">Devant une tête de veau:</p> +<p class="i20">On annonce madame Hortense:</p> +<p class="i20">«Ah! parbleu, je suis occupé,</p> +<p class="i20">Dit Beauveau d'un air d'importance;</p> +<p class="i20">Revenez quand j'aurai soupé.</p> +<p class="i20">--Je vois pourquoi monsieur tempête,</p> +<p class="i20">Reprit la dame sans bouger;</p> +<p class="i20">Il est fâcheux de déranger</p> +<p class="i20">Un aussi joli tête-à-tête.»</p> +</div></div> + +<h4>TÉTER</h4> + +<p>--J'ai-t-été à Paris, j'ai-t-été à Bordeaux, j'ai-t-été +à Bruxelles, disait un parleur incorrect.--Vous avez +<i>tété</i> une truie, lui répondit quelqu'un, car vous parlez +comme un cochon.</p> + +<h4>THÉ</h4> + +<p>Quelle est la lettre la plus anglaise?--Le <i>T</i>.</p> + +<p>Un membre de l'Université, d'une excessive rigidité +sur les formes grammaticales, était venu passer quelques +jours de vacances à Paris. Avant de quitter son +hôtel, il vérifiait sa note. La dame du lieu, qui le suivait +de l'oeil dans sa lecture, le voit tout à coup soubresauter.--Y +aurait-il une erreur, Monsieur?--Comment, +Madame, mais une erreur très-grave!... Je +lis ici, pour mon déjeuner, une omelette avec un seul T. +Mais il en faut deux!...--C'est facile à rectifier, Monsieur. +Et la maîtresse d'hôtel écrit en surcharge: Une +omelette et deux thés.</p> + +<p>Un marchand de thé, à Paris, avait, entre autres +annonces, sur sa vitrine, celle-ci, écrite comme les +autres en lettres d'or sur une caisse de thé de Chine: +<i>Thé impérial</i>. En 1814, un agent de la maladroite +police des Bourbons vint lui dire:--Otez cela; il n'y +a plus d'empire.--Pardon, Monsieur, dit le marchand, +il y a encore l'empire de la Chine, et le thé impérial.</p> + +<p>Il fallut toutefois ôter l'annonce.</p> + +<h4>THERMOMÈTRE</h4> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">On ne nous parle que de mètre,</p> +<p class="i20">Chaque femme frémit du mot.</p> +<p class="i20">J'entends prononcer kilomètre,</p> +<p class="i20">Et reste ébahi comme un sot.</p> +<p class="i20">Le terme de myriamètres</p> +<p class="i20">Me trouve souvent en défaut;</p> +<p class="i20">Pour nous entendre comme il faut,</p> +<p class="i20">Si nous mettions un terme aux mètres!</p> +</div></div> + +<p>Dans la parodie de <i>Cricri et ses mitrons</i>, plaisante +imitation du <i>Henri III</i> de M. Dumas, on assomme un +personnage, en menaçant de le traiter comme Léonidas +jadis aux Thermopyles.</p> + +<p>Le pauvre diable demanda grâce, en criant:--Un +<i>terme aux piles</i>.</p> + +<h4>TIRE TON BAS</h4> + +<p>Un poëte, récitant à son jeune fils qui allait se +coucher un poëme qui commençait ainsi:</p> + +<p class="mid">Tyr tomba...</p> + +<p>l'enfant s'empressa de se déchausser.</p> + +<h4>TITRES</h4> + +<p>Louis XIV avait une si haute idée du jugement de +madame de Maintenon, qu'il lui disait un jour: «On +appelle les papes Votre Sainteté; les rois, Votre Majesté; +les princes, Votre Sérénité; pour vous, Madame, +on devrait vous appeler Votre Solidité.»</p> + +<h4>TOMBÉ</h4> + +<p>M. de L... se trouvait dernièrement dans une petite +réunion de membres de l'ex-Constituante.</p> + +<p>Pendant la soirée, il s'approcha d'un groupe de +dames dont la conversation paraissait très-animée.</p> + +<p>--Tenez, Monsieur, dit Mme de C..., justement nous +parlions de vous!</p> + +<p>--Vraiment! fit le célèbre membre de feu le gouvernement +provisoire, je suis bien tombé!</p> + +<p>--C'est ce que nous disions, répondit Mme de C...</p> + +<h4>TOM JONES</h4> + +<p>Dans le vaudeville de <i>M. Vautour</i>, Brunet se trouvait +tout de jaune habillé. S'étant caché dans une +bibliothèque, il dit en sortant:--Je devais avoir là +dedans l'air d'un <i>tome jaune</i>.</p> + +<h4>TONNERRE</h4> + +<p>La voiture de M. de Pontchartrain se rencontra dans +un passage étroit avec celle de M. de Clermont-Tonnerre. +Le cocher du premier, voulant faire reculer l'autre, crut +lui imposer en nommant le seigneur qu'il conduisait. +Le second répliqua:--Je me moque de ton <i>pont</i>, de +ton <i>char</i> et de ton <i>train</i>; je mène le Tonnerre, et c'est +à toi de reculer.</p> + +<h4>TOUCHER</h4> + +<p>Une demoiselle Lange, qui avait obtenu un logement +au château de Versailles, sachant que Charles X y +arrivait, se mit à sa fenêtre avec une pétition qu'elle +avait préparée, et quand le roi passa elle lança sa pétition +qui tomba sur le visage de Charles X. Le prince +dit en riant: «On ne dira pas que cette pétition ne m'a +pas touché!» Et il accorda une pension de 1,000 fr.</p> + +<h4>TOUR</h4> + +<p>Quels sont les plus gros pruneaux?</p> + +<p>--Les pruneaux d'une lieue et demie de Tours.</p> + +<h4>TOURNEBROCHE</h4> + +<p>Un homme qui était fort pour la bombance, étant à +dîner dans un endroit où il se trouva beaucoup de +musiciens, on loua l'excellence des instruments; et +chacun, suivant son goût, estima le piano, le violon, +la flûte, etc. Au moment où on demanda l'avis du parasite:--Ah! +Messieurs, dit-il, le bel instrument +que le tournebroche!</p> + +<h4>TOUSSAINT</h4> + +<p>Dans le temps du premier empire, on avait repris +les usages anciens de payer à la Saint-Jean, à la Saint-Martin, +à la Saint-Pierre, à la Saint-Laurent, etc. Un +homme de mauvaise foi, ayant acheté un cheval à un +paysan, lui fit son billet à la Saint-Négo et s'en alla.</p> + +<p>Le paysan, le lendemain, montra son billet à ses +voisins, leur demandant quel jour ce saint arrivait. +Mais personne ne le trouvait dans le calendrier. Le +bonhomme se rendit chez son acheteur qui lui rit au +nez, en disant je vous paierai au jour dit; cherchez-le.</p> + +<p>C'était en Champagne, dans le canton de Méry. L'attrapé +alla trouver le juge de paix, qui cita le créateur +du billet. Devant sa réponse qu'il paierait au jour de +Saint-Négo, le cas était embarrassant. Mais le juge +s'en tira.--Vous êtes un coquin, dit-il à l'acheteur; +mais vous êtes pris, car il y a un jour où tous les +saints sont fêtés. Et il dut payer le jour de la Toussaint.</p> + +<h4>TOUSSANT</h4> + +<p>On a dit que les gens les plus enrhumés de Paris +sont les cochers de fiacre, parce qu'ils parcourent la +ville en tous sens.</p> + +<h4>TOUT VERT</h4> + +<p>De quelle couleur est un coffre-fort quand on le vide?--Il +<i>est ouvert</i>.</p> + +<h4>TRADUCTION</h4> + +<p>Un enfant qui traduisait du latin de septième, en +vacances et sous l'aide de sa mère, était embarrassé +devant ces mots: <i>Marcus Tullius Cicero</i>.</p> + +<p>--Je ne les trouve pas dans mon dictionnaire, +disait-il en s'adressant à la maman.</p> + +<p>--Mon enfant, disait-elle, <i>Marcus Tullius Cicero</i>... +<i>Marcus</i>, c'est un marchand; <i>Tullius</i> doit signifier de +la toile... Tu peux mettre: Marchand de toile cirée; +et je serais bien surprise si je me trompais.</p> + +<p>Un autre enfant, qui se faisait remarquer par une +audace intrépide, traduisit ces deux vers de Lucain:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i18">Phoenices primi, si famæ creditur, ausi</p> +<p class="i18">Mansuram rudibus vocem signare figuris.</p> +</div></div> + +<p>par cette phrase narrative:</p> + +<p>Les phénix, dans la primeur, ont si faim qu'on croit +qu'ils osent manger les rudiments, les volumes, le +signet et les figures.</p> + +<p>Lorsque Voltaire donna sa tragédie d'<i>Oreste</i>, on +avait mis sur les billets du parterre, on ne sait trop +pourquoi, les lettres initiales de ce vers d'Horace:</p> + +<p class="mid">Omne Tulit Punctum Qui Miscuit Utile Dulci.</p> + +<p>O. T. P. Q. M. U. D., ainsi qu'elles se trouvaient +écrites dans ce temps sur la toile du théâtre. Les faiseurs +de calembours du temps interprétèrent ces initiales +par: Oreste, Tragédie Pitoyable Que Monsieur Voltaire +Donne.</p> + +<p>Après l'avènement de George Ier au trône, le maire +de Leicester qui avait toujours supposé que <i>anno +Domini</i> signifiait la reine Anne, ayant entendu son +secrétaire lire une ordonnance municipale, s'écria +avec chaleur, lorsqu'il en fut à <i>anno Domini</i>.--Pourquoi +ne dites-vous pas <i>Georgio Domini</i>? vous ne savez +jamais ce que vous faites!</p> + +<h4>TRAIN</h4> + +<p>Un farceur fit un jour marcher le poste du quai +Saint-Bernard, en lui annonçant qu'il y avait beaucoup +de train au bout du pont. C'étaient des trains +de bois.</p> + +<h4>TRAVAILLER</h4> + +<p>Du temps de Cromwel, il fut rendu un décret qui +défendait de brasser de la bière le samedi, de peur +qu'elle ne <i>travaillât</i> le dimanche.</p> + +<h4>TREIZE</h4> + +<p>Une femme, qui avait eu déjà douze enfants, venait +d'accoucher encore. Un plaisant dit au mari:--A +présent vous voilà <i>à votre aise</i>.</p> + +<h4>TRÈS-ÉTROIT</h4> + +<p>--J'ai un habit qui me gêne.--C'est un habit seize.--Comment?--C'est +qu'il est <i>treize et trois</i> et que +treize et trois font seize.</p> + +<h4>TRIBUN</h4> + +<p>Dans le temps du tribunat, on proposait à Brunet +de se mettre sur les rangs pour être membre du tribunat.--Je +ne veux pas être tribun, répondit-il, +parce que ma femme serait tribune, ce qui ne lui +plairait pas, et que nos enfants seraient de petits tribunaux, +ce qui fait trop de bruit.</p> + +<h4>TRIOLET</h4> + +<p>Un plaisant voyant passer trois coquettes, à la fois +laides et prétentieuses, disait que c'était un trio laid.</p> + +<h4>TROUVER</h4> + +<p>On lisait il y a quelques temps dans les <i>Petites +Affiches</i>, ordinairement si sérieuses, cette espèce de +facétie:--Un particulier très-connu désire trouver +une somme de cinquante mille francs, n'importe en +quel endroit; il consentira à la partager avec la personne +qui la lui indiquera.</p> + +<p>Le lord Colburn avait un domestique aussi expert +en balourdises qu'il en fut jamais. Milord l'ayant +chargé un jour de porter à un magistrat de sa connaissance +un présent, celui-ci, en retour, lui envoya +une demi-douzaine de perdrix vivantes, avec une +lettre. Ces perdrix s'étant débattues en route, il n'eut +rien de plus empressé que de lever le couvercle du +panier, mais aussitôt elles prirent leur volée. Tant +mieux, s'écria le rustre, que le diable les emporte! +Mais à son retour à la maison, son maître ayant décacheté +la missive.--Oh! oh! dit-il, je trouve dans +la lettre six perdrix.--Est-il bien vrai? s'écria John. +Je suis charmé, mon maître, que vous les trouviez +dans la lettre, car elles se sont toutes envolées du +panier.</p> + +<p>Le vicomte de S... aborda un jour M. de Vaines en ces +termes:--Est-il vrai, Monsieur, que dans une maison +où l'on avait eu la bonté de me trouver de l'esprit, +vous avez dit que je n'en avais point?--Il n'y a pas +un mot de vrai, répondit M. de Vaines, je n'ai jamais +été dans aucune maison où l'on vous trouvât de +l'esprit.</p> + +<p>Ajoutons ici un petit conte en vers de Capelle:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Dans un moment de grand orage,</p> +<p class="i20">Sur un frêle et mince bateau,</p> +<p class="i20">Un petit-maître, passant l'eau,</p> +<p class="i20">Perdait déjà tout son courage.</p> +<p class="i20">«Mon ami, dit-il au passeur,</p> +<p class="i20">Assurément je n'ai pas peur;</p> +<p class="i20">Mais avez-vous la connaissance</p> +<p class="i20">Qu'en une telle circonstance</p> +<p class="i20">De ce vent le souffle importun</p> +<p class="i20">Vous ait fait perdre ici quelqu'un?</p> +<p class="i20">--Du tout. La semaine dernière,</p> +<p class="i20">Nicolas, mon cousin germain.</p> +<p class="i20">S'est laissé choir dans la rivière;</p> +<p class="i20">Je l'ons trouvé le lendemain.»</p> +</div></div> + +<h4>TRUITES</h4> + +<p>En 1826, on licencia la 5e compagnie des gardes du +corps, qui portait, suivant l'usage, le nom de son capitaine, +le duc de Rivière. Lorsqu'on vint lire l'ordonnance +aux gardes assemblés, l'un d'entre eux s'écria:--La +compagnie de Rivière est la compagnie détruite!</p> + +<h4>TULLE</h4> + +<p>Quelle est la population la plus légère en France?--La +population de Tulle.</p> + +<h4>TURCOMAN</h4> + +<p>Dans une diligence, un bon bourgeois demandait à +un commis voyageur, qui avait l'air de tout savoir, +ce que c'était qu'un Turcoman?--Un Turc au Mans, +répondit le farceur, c'est un Turc qui se trouve pour +l'instant au chef-lieu du département de la Sarthe.</p> +<br> + +<h2>U</h2> + +<p>Pourquoi appelle-t-on l'U une lettre cérémonieuse?--Parce +qu'il est toujours <i>après T</i>.</p> + +<p>Quelles sont les lettres les plus riches?--Les lettres +U P.</p> + +<h4>UNE VOIX</h4> + +<p>Ce mot a plus d'un sens. Lorsque la France acclamait +Napoléon III, on a dit qu'il n'y avait là qu'une +voix chez nous; l'expression alors voulait dire l'unanimité. +Lorsque le duc d'Orléans Philippe-Égalité voulut +se faire nommer maire de Paris, il n'eut pour lui, +dans sa section, qu'un seul votant. On afficha ces deux +vers à sa porte:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i18">Saluez, citoyens, le rival de nos rois,</p> +<p class="i18">La ville de Paris n'a pour lui qu'une voix.</p> +</div></div> + +<p>Ce jeu de mots a été répété à propos de quelques +aspirants au fauteuil académique.</p> + +<h4>UNIVERS</h4> + +<p>La reine, chaussée de mules en satin vert uni, demanda +au marquis de Bièvre un calembour.--Madame, +dit-il, l'<i>uni vert</i> est à vos pieds.</p> + +<h4>UNIVERSITÉ</h4> + +<p>Un écrivain de quelque mérite, mais qui n'a pas pu +être reçu bachelier, a cependant publié des livres qui +ont fait grand bruit; et comme il produit aussi des +calembours, il a mis au-dessous de son portrait ces +deux vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i18">Quoique je ne sois pas de l'Université,</p> +<p class="i18">On me voit néanmoins dans l'univers cité.</p> +</div></div> + +<h4>UN NEZ</h4> + +<p>Quelle est la lettre qui peut se servir aux lunettes?--C'est +un <i>e</i>.</p> + +<h4>USAGE</h4> + +<p>Sous la dernière république, le <i>Corsaire</i>, qui en +combattait les tendances, a donné ce spirituel article:</p> + +<p>«Un cordonnier communiste lisait une feuille rouge +lorsqu'une de ses pratiques entra.</p> + +<p>--Que lisez-vous donc, monsieur Crépin? dit le +chaland.</p> + +<p>--Je lis le <i>Socialiste</i>. En voici un qui est l'ami du +peuple! Écoutez-moi ça:</p> + +<p>--Usage pour usage, propriété pour propriété, voilà +l'égal échange. En d'autres termes, pour que l'échange +soit égal, il faudrait que le locataire reprît son argent +quand le propriétaire reprendrait sa maison; car +alors le propriétaire aurait eu l'usage de l'argent du +locataire, et le locataire l'usage de la maison du propriétaire; +mais quand l'un reprendrait la propriété +de sa maison, l'autre reprendrait la propriété de son +argent: l'échange serait égal.</p> + +<p>Voilà qui n'est pas bête, hein! dit le cordonnier en +terminant.</p> + +<p>--Non, répondit sa pratique, et cela me fait naître +une idée. Il y a trois mois, je vous ai acheté et payé +une paire de bottes: vous avez fait usage de mon argent, +j'ai fait usage de vos bottes. Rendez-moi mon +argent, je vais vous rendre vos bottes: en vertu de +l'égal échange, nous serons quittes à ce compte.»</p> + +<h4>USÉE</h4> + +<p>--Oh! je suis bien rusée, disait une femme au marquis +de Bièvre.--Ah! Madame, c'est sûrement un R +que vous vous donnez.</p> +<br> +<h2>V</h2> + +<h4>VALET</h4> + +<p>Instrument de menuisier. On disait d'un de ces utiles +industriels qu'il était dans la misère et qu'il gardait +dix valets à son service.</p> + +<h4>VAN</h4> + +<p>En entendant citer un jeune homme qui avait vingt-neuf +ans et dont le père n'en avait que cinq, un bon +bourgeois ouvrait d'énormes oreilles.</p> + +<p>--Comment cela se peut-il?</p> + +<p>--Rien de plus simple. Ce sont deux vaniers; le +fils a vingt-neuf vans tout faits, le père, en ce moment, +n'en a que cinq, ayant vendu les autres.</p> + +<h4>VAUDEVILLE</h4> + +<p>Qu'y a-t-il de poétique dans la cuisine?--Le <i>veau +de ville</i>.</p> + +<p>Qu'est-ce que font les vaches à Paris?--Elles font +des <i>veaux de ville</i>.</p> + +<h4>VAUT</h4> + +<p>Quel est l'équivalent de <i>Dominus</i>?--C'est <i>biscum</i>.--Comment +cela?--C'est qu'on dit souvent <i>Dominus +vobiscum</i>.</p> + +<h4>VENIR</h4> + +<p>Papa Doliban, dit d'Asnières, dans la comédie du +<i>Sourd</i>, j'avais semé des pommes de terre dans mon +jardin, savez-vous ce qui y est venu?--Parbleu! répond +Doliban, voilà une belle question! il y est venu +des pommes de terre.--Point du tout: il est venu un +cochon qui a mangé mes semences.</p> + +<p>Mais cette facétie est pillée d'un souvenir historique.</p> + +<p>Louis XIV faisant la revue de ses gardes françaises +et suisses dans la plaine d'Ouille, un paysan, qui avait +semé des pois dans son champ, le trouva ce jour-là +couvert d'un bataillon de Suisses, qui foulaient aux +pieds ses pois. Il se mit aussitôt à crier:--Miracle! +Miracle!</p> + +<p>--Qu'avez-vous, bonhomme, lui dit un officier, à +crier miracle?</p> + +<p>Le paysan ne répondit qu'en continuant à crier +miracle jusqu'à ce qu'il pût être entendu de Louis XIV, +qui le fit approcher et lui demanda pourquoi il criait +miracle.--C'est, dit-il, Sire, que j'avais semé des +pois sur ce terrain, et qu'il y est venu des Suisses.</p> + +<p>Cette saillie fit rire le roi, qui le fit généreusement +dédommager.</p> + +<h4>VENT</h4> + +<p>N'y avait-il pas au baptême du prince impérial une +voiture plus légère que celle du nonce?--Oui, celle +qui était devant.</p> + +<h4>VERRE</h4> + +<p>Maynard, fils d'un gentilhomme verrier, était fier +de sa noblesse. Saint-Amand lui fit cette épigramme:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Votre noblesse est mince,</p> +<p class="i20">Et ce n'est pas d'un prince,</p> +<p class="i20">Daphnis, que vous sortez.</p> +<p class="i20">Gentilhomme de verre,</p> +<p class="i20">Si vous tombez à terre,</p> +<p class="i20">Adieu vos qualités.</p> +</div></div> + +<p>Pourquoi les vitriers sont-ils si chers aux cabaretiers?--Parce +qu'ils ont toujours le verre à la main?</p> + +<p>Un joyeux compère à qui on citait ce vers de +Boileau:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée</p> +<p class="i16">Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée.</p> +</div></div> + +<p>répliqua:--Pour moi, le verre le mieux rempli me +plaît toujours.</p> + +<h4>VERS</h4> + +<p>Un plaisant, au risque de dire un mauvais mot, prétendait +que les vers du fromage n'étaient autre chose +que des vers à sa louange, parce qu'ils ne s'y viennent +loger que quand il est de bonne qualité.</p> + +<p class="mid">QUELQUES VERS SINGULIERS.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Dans un broc qui, pour l'ordinaire,</p> +<p class="i20">A Grégoire servait de verre,</p> +<p class="i20">Une souris un jour tomba</p> +<p class="i20">Et se noya, la chose est claire.</p> +<p class="i20">L'ivrogne, en buvant, la goba;</p> +<p class="i20">Mais en traversant l'oesophage,</p> +<p class="i20">Elle fit sentir son passage,</p> +<p class="i20">Et Grégoire en toussant dit: «Hein!</p> +<p class="i20">Ma petite femme, ma mie,</p> +<p class="i20">Mettez en perce, je vous prie,</p> +<p class="i20">Un nouveau tonneau; car ce vin</p> +<p class="i20">Est arrivé près de sa lie,</p> +<p class="i20">Je viens d'avaler un pépin.»</p> +<br> +<p class="i30"> <span class="sc">Banset.</span></p> +</div></div> + +<p class="mid">VIE DE M. CLÉMENT.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Il se lève tranquillement,</p> +<p class="i20">Déjeune raisonnablement;</p> +<p class="i20">Dans le Luxembourg fréquemment</p> +<p class="i20">Promène son désoeuvrement;</p> +<p class="i20">Lit la gazette exactement;</p> +<p class="i20">Quand il a dîné largement,</p> +<p class="i20">Chez sa voisine Clidament</p> +<p class="i20">S'en va causer très-longuement;</p> +<p class="i20">Revient souper légèrement,</p> +<p class="i20">Rentre dans son appartement,</p> +<p class="i20">Dit son pater dévotement,</p> +<p class="i20">Se déshabille lentement,</p> +<p class="i20">Se met au lit tout doucement,</p> +<p class="i20">Et dort bientôt profondément.</p> +<p class="i20">Ah! le pauvre monsieur Clément!</p> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Autrefois un Romain s'en vint, fort affligé,</p> +<p class="i16">Raconter à Caton que, la nuit précédente,</p> +<p class="i16">Son soulier des souris avait été rongé,</p> +<p class="i16">Chose qui lui semblait tout à fait effrayante.</p> +<p class="i16">«Mon ami, dit Caton, reprenez vos esprits,</p> +<p class="i16">Cet accident en soi n'a rien d'épouvantable;</p> +<p class="i16">Mais si votre soulier eût rongé les souris,</p> +<p class="i16">Ç'aurait été, sans doute, un prodige effroyable.»</p> +</div></div> + +<p>Il y avait, sous la régence, à Saint-Eustache, un +suisse nommé Mardoche. Il mourut en 1727. Son ami +Bombel, petit marchand mercier, voulut lui faire une +épitaphe, et il pensa que, pour plus de dignité, elle +devait être en vers. Il consulta un écrivain public +des Halles, qu'il jugeait capable de l'initier à l'art +poétique. Celui-ci, ne voulant pas le fatiguer d'un +travail pénible, ne lui donna qu'une règle: c'est qu'il +fallait que chaque vers rimât avec son double et que, +pour rimer, chaque vers devait se terminer par les +trois mêmes dernières lettres.</p> + +<p>Bombel se mit à l'oeuvre et produisit l'épitaphe qui +suit, et qui a été conservée:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Ci-gît mon ami Mardoche.</p> +<p class="i16">Il a voulu être enterré à Saint-Eustache.</p> +<p class="i16">Il y a porté trente-deux ans la hallebarde.</p> +<p class="i20"> Dieu lui fasse miséricorde!</p> + +<p class="i30"> <i>Par son ami</i> <span class="sc">J.-D. Bombel</span>. 1727.</p> +</div></div> + +<h4>VERT</h4> + +<p>Une dame de qualité, vieille et sèche, se trouvait à +un bal que donnait Henri IV. Elle était vêtue d'une +robe verte. Le roi la remarqua et lui dit plaisamment:--Madame, +je vois que, pour nous faire honneur, vous +avez employé le vert et le sec.</p> + +<p>Un jeune homme, qui avait dissipé en peu de temps +une fortune considérable, tomba malade et fut saigné. +Le médecin trouva le sang vert.</p> + +<p>--Il peut bien être vert, répondit le malade, car +j'ai mangé tout mon bien en <i>herbe</i>.</p> + +<h4>VETO</h4> + +<p>A Versailles, on entendit, en 1790, un orateur des +groupes dire au peuple:--Voici ce que c'est que le +veto. Imaginez-vous qu'au moment où vous mangez +votre soupe, un homme vient, de la part du roi, dire: +<i>Veto</i>, et voilà que votre soupe n'est plus à vous.</p> + +<p>C'est ainsi qu'on instruisait le peuple.</p> + +<h4>VIDER</h4> + +<p>Un dissipateur disait pour se procurer du crédit:--<i>Je +vis de mes rentes</i>. Un jour que ses créanciers le trouvèrent +ruiné, ils lui reprochèrent de les avoir trompés.--Pas +du tout, répondit-il, je vous ai toujours dit que +je <i>vidais</i> mes rentes.</p> + +<p>Un juge remettait une cause à la huitaine. L'avocat +sollicitait pour qu'elle fût entendue tout de suite.</p> + +<p>--De quoi s'agit-il donc? dit le magistrat.</p> + +<p>--Monseigneur, de six pièces de vin.</p> + +<p>--Oh! la cour, en effet, peut aisément vider cela.</p> + +<h4>VIGILANCE</h4> + +<p>Cicéron disait de Caninius Revitius, qui n'avait été +consul qu'un seul jour:--Nous avons un consul si +vigilant, qu'il n'a pas dormi une seule nuit pendant +son consulat.</p> + +<h4>VIN</h4> + +<p>Dans une chanson de M. Gerbois sur les vins, +l'annonce d'un cabaret nouveau contient ces deux +couplets:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Vin de Liège pour les enfants,</p> +<p class="i20">Vin de Meaux pour tous les artistes,</p> +<p class="i20">Bon vin de Sens pour les savants,</p> +<p class="i20">Vin d'Asnières pour les copistes.</p> +<p class="i20">Vin de Pantin pour les danseurs,</p> +<p class="i20">Pour les coquets vin de Cologne,</p> +<p class="i20">Vin de Courbevoie aux trompeurs,</p> +<p class="i20">Et vin d'Avallon pour l'ivrogne.</p> +<br> +<p class="i20">Pour les vieilles, vin de Milan;</p> +<p class="i20">Vin de Talan à nos poëtes;</p> +<p class="i20">Pour les poltrons, vin de Cachan;</p> +<p class="i20">Vin de Constance aux girouettes.</p> +<p class="i20">Bon vin de Nuits pour les voleurs;</p> +<p class="i20">Au pauvre homme, vin de Santerre,</p> +<p class="i20">Du vin de Plaisance aux rieurs;</p> +<p class="i20">Pour les braves, vin de Tonnerre.</p> +</div></div> + +<h4>VINCENT</h4> + +<p>Les paysans se proposent cette énigme: Vingt cent +mille ânes dans un pré et cent vingt dans un autre.</p> + +<p>Ce qui s'explique en écrivant: Vincent mit l'âne +dans un pré et s'en vint dans un autre.</p> + +<h4>VINGT</h4> + +<p>Savez-vous, disait quelqu'un à Désaugiers, que les +Autrichiens sont maîtres de Mâcon?--Hélas! oui; et +cela devait être.--Pourquoi?--Parce que l'ennemi a +attaqué avec des pièces de vingt-quatre, et les habitants +n'avaient que des pièces de vin pour se défendre.</p> + +<h4>VINGTIÈME</h4> + +<p>Nom d'un impôt au dernier siècle.</p> + +<p>Une veuve qui avait dix-neuf enfants, et qui n'était +pas en état de payer l'impôt annuel dû au roi, lui présenta +un placet conçu en ces termes:</p> + +<p>«Sire, j'ai donné <i>dix-neuf</i> sujets à l'État; je supplie +votre Majesté de vouloir bien m'exempter du +<i>vingtième</i>.»</p> + +<h4>VINGT SCÈNES</h4> + +<p>Si vous êtes embarrassé pour faire un vaudeville, +prenez la voiture de Saint-Maur.--Et puis?--Et +puis, vous trouverez <i>Vincennes</i> en chemin.</p> + +<p>C'est vieux. Aujourd'hui on prend le chemin de +fer.</p> + +<h4>VIVRE</h4> + +<p>Le duc d'Orléans, régent, demandait à Lagrange-Chancel, +l'auteur des <i>Philippiques</i>, pourquoi il faisait +de sa plume un instrument de scandale:--Monseigneur, +répondit celui-ci, il faut bien que je vive.--Je +n'en vois pas la nécessité, répliqua le prince.</p> + +<h4>VOIR</h4> + +<p>Beauzée, le grammairien, était malade. Un homme +qui louchait lui demanda:--Comment vous portez-vous?--Comme +vous voyez, repartit l'inexorable +savant.</p> + +<p>Un officier présentait à Henri IV un placet dans lequel +il exposait qu'ayant reçu un grand nombre de +blessures à son service, il avait besoin de ses secours. +Le roi, après avoir lu le placet, dit:--Nous verrons.--Il +ne tient qu'à vous de voir à l'instant, dit le pétitionnaire +en ouvrant son justaucorps et sa chemise, et +en montrant les cicatrices dont il était couvert.</p> + +<h4>VOITURE</h4> + +<p>Un entrepreneur de roulage envoya un de ses commis +lui acheter des lettres de voiture. Le commis entra +chez un libraire, qui lui répondit que les <i>Lettres de +Voiture</i> n'étaient plus dans le commerce, mais qu'il +pouvait lui offrir celles de madame de Sévigné.</p> + +<h4>VOIX</h4> + +<p>Le comte Molé disait d'une femme qui chantait avec +beaucoup de suavité:--C'est une voix douce comme +du lait. Quelqu'un reprit:--C'est donc la voie lactée.</p> + +<p>On demande aussi, dans le même but:--Quelle est +la voie la plus haute?--Et on répond, c'est la voie +lactée.</p> + +<p>A la fin d'un dîner où le dessert était mince, on +disait du chanteur célèbre qui le donnait:--Cet +homme fait de sa voix tout ce qu'il veut.--Qu'il nous +en fasse donc un <i>biscuit de sa voix</i>, dit un convive.</p> + +<h4>VOLER</h4> + +<p>Le baron Vollant fut un jour présenté à l'empereur +Napoléon Ier. C'était dans un bon moment.--Ah! ah! +Monsieur le baron Vollant, se prit à dire Napoléon; un +beau nom pour un ordonnateur!--Sire, répondit +gravement M. Vollant, il y a deux L à mon nom.--Eh +bien! Monsieur, c'est une raison pour mieux voler.</p> + +<p>On demandait à Alexandre Dumas:--Que pensez-vous +des communistes icariens? Il répondit:--Les +communistes icariens sont les disciples d'un certain +<i>Grec</i> qui a voulu <i>voler</i>.</p> + +<p>Un tailleur avait fait peindre au-dessus de sa porte +une paire de ciseaux armés de deux ailes déployées, +et fait écrire au bas <i>Aux ciseaux volants</i>.--Voilà, dit +un plaisant, ce que l'on peut appeler une enseigne +parlante.</p> + +<p>Dans une petite ville de Normandie, il y avait un +juge en très-mauvaise odeur, et qui passait pour le +plus grand voleur de son pays. Un jour qu'il donnait +à manger, il fit venir un traiteur et lui demanda, +entre autres mets, des canards de rivière.</p> + +<p>Le traiteur s'excusa sur ce que la saison n'était pas +encore assez avancée.</p> + +<p>--Quoi, lui dit le juge, il y a deux jours que +j'en ai vu une compagnie de deux douzaines qui volaient!</p> + +<p>--Cela se peut, Monsieur, mais vous savez que +tous ceux qui volent ne sont pas pris.</p> + +<h4>VOLTAIRE</h4> + +<p>En sortant de la représentation d'une de ses pièces +qui avait été sifflée, Piron fit le quatrain suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i16">Piron prend un vol trop haut</p> +<p class="i16">Pour les badauds du parterre;</p> +<p class="i16">Ce n'est qu'un <i>vol terre à terre</i></p> +<p class="i20"> Qu'il leur faut.</p> +</div></div> + +<h4>VRAIMENT SOT</h4> + +<p>Un jeune homme du Mans ne trouvait rien de bon +à Paris. Les spectacles, les monuments publics, les +moeurs, les usages, tout le choquait.--Vive la ville +du Mans! disait-il à un Parisien, voilà un vrai pays +de Cocagne!--Monsieur lui dit le Parisien, vous êtes +<i>vrai Manceau</i>.</p> +<br> +<h2>W</h2> + +<h4>WIGH ET TORY</h4> + +<p>Expliquez-moi, je vous prie, dit un jour Louis XV +à M. de Vergennes, la différence qu'il y a entre un +Whigh et un Tory, en Angleterre.</p> + +<p>La différence n'est que dans le nom, reprit le ministre: +les Torys sont Wighs, quand ils ont besoin de +places, et les Wighs sont Torys, quand ils les ont +obtenues.</p> +<br> +<h2>X</h2> + +<p>C'est la lettre de l'alphabet qui ressemble le plus +aux flots agités, parce qu'elle est toujours <i>sous le V</i>.</p> +<br> +<h2>Y</h2> + +<h4>YEUX</h4> + +<p>Un vieil avare, pour attacher à son service un +laquais qui ne vivait chez lui que trop frugalement, +avait fait ce testament: «Je donne et lègue au domestique +qui me fermera les yeux douze cents livres +tournois et mon domaine de Varac.»</p> + +<p>Le maître mourut enfin. Le domestique demanda +aux héritiers la délivrance du legs qu'il lui avait fait. +Un d'eux voulut voir le testament. En lisant ces mots, +qui me fermera <i>les yeux</i>, il s'écria avec joie:--La +donation est nulle.</p> + +<p>--Et pourquoi donc, Monsieur?</p> + +<p>--Mon ami, mon oncle était borgne. Tu n'as donc +pu lui fermer <i>les yeux</i>.</p> + +<p>Un officier étranger ne put s'empêcher, dans une +visite qu'il fit au roi de Prusse, Frédéric II, à Sans-Souci, +de lui marquer sa surprise de ce qu'il voyait le portrait +de l'empereur d'Allemagne dans tous les appartements +du château, et il demanda à Sa Majesté +pour quelle raison il faisait cet honneur à son ennemi +naturel. Ah! dit le roi, l'empereur est un jeune souverain, +actif et entreprenant, j'ai cru nécessaire d'avoir +toujours les yeux sur lui.</p> + +<p>On dit <i>faire les yeux doux</i> à une dame pour exprimer +qu'on en est épris. Une dame, qui avait le regard +rude, se trouvant dans une compagnie, un jeune +homme demanda à son voisin qui elle était.--C'est, +dit-il, la marquise de T., à qui le duc de *** a fait +les yeux doux.--Il a bien mal réussi, dit le jeune +homme.</p> + +<p>Un dilettante s'extasiait, au Café de Paris, sur la +beauté de la charmante Henriette Sontag, qui venait +de débuter aux Bouffes. Un monsieur, qui avait écouté +l'enthousiaste, se hasarda à dire que mademoiselle +Sontag était en effet très-jolie, mais qu'elle avait un +oeil plus petit que l'autre.--Un oeil plus petit! s'écria +le sontagolâtre, vous ne l'avez pas vue, elle en a au +contraire un plus grand.</p> +<br> +<h2>Z</h2> + +<h4>ZÉLÉ</h4> + +<p>Dans un dîner modeste à ses confrères, un bon curé +servait deux canards.--Ce sont là de vos paroissiens, +dit un des convives.--Et ce ne sont pas les moins +ailés, répliqua un spirituel abbé.</p> + +<h4>ZÉRO</h4> + +<p>Un Gascon fit un jour un mémoire à présenter au +conseil des Cinq Cents; il l'avait énoncé ainsi: «Mémoire +au conseil des 500,000.» Un de ses amis, auquel +il en fit part, lui représenta qu'il avait mis trois +zéros de trop:--Sandis, dit le Gascon, je n'en mettrai +jamais autant qu'il y en a.</p> + +<p>On aura peut-être peine à croire que ce soit contre +La Bruyère, qui ne fut admis au fauteuil académique +qu'avec la plus grande difficulté, que fut composé le +quatrain suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20">Quand La Bruyère se présente,</p> +<p class="i20">Pourquoi faut-il crier haro?</p> +<p class="i20">Pour faire un nombre de quarante</p> +<p class="i20">Ne fallait-il pas un zéro?</p> +</div></div> +<br> +<p class="mid">FIN.</p> +<br><br><br> +<p class="mid">PARIS.--IMP. J. CLAYE, RUE SAINT-BENOIT, 7.</p> + + + + + +<br><br> + + + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Dictionnaire des calembours et des +jeux de mots, lazzis, coqs-à-l'âne, quolibets, quiproquos, amphigouris, etc., by Baron de La Pointe and Eugène Le Gai + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DICTIONNAIRE DES CALEMBOURS *** + +***** This file should be named 29169-h.htm or 29169-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/2/9/1/6/29169/ + +Produced by Laurent Vogel, Hugo Voisard, Rénald Lévesque +and the Online Distributed Proofreading Team at +http://www.pgdp.net (This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque Nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. 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Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + + +</pre> + +</body> +</html> + + diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. 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