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+ <title>The Project Gutenberg eBook of Le poème de Myrza, by Gaorge Sand</title>
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+The Project Gutenberg EBook of Le poëme de Myrza - Hamlet, by George Sand
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+Title: Le poëme de Myrza - Hamlet
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+Author: George Sand
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+Release Date: April 27, 2009 [EBook #28623]
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+Language: French
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+Character set encoding: ISO-8859-1
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE POËME DE MYRZA - HAMLET ***
+
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+
+Produced by Carlo Traverso, Rénald Lévesque and the Online
+Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
+
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+
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+
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+
+
+
+<br><br>
+
+
+
+
+
+<h1>LE POËME DE MYRZA</h1>
+
+<br><br>
+
+<p>Durant les quatre ou cinq siècles au milieu desquels
+est jeté le grand événement de la vie du Christ, l'intelligence
+humaine fut en proie aux douleurs et aux déchirements
+de l'enfantement. Les hommes supérieurs de
+la civilisation, sentant la nécessité d'un renouvellement
+total dans les idées et dans la conduite des nations,
+furent éclairés de ces lueurs divines dont Jésus fut le
+centre et le foyer. Les sectes se formèrent autour de sa
+courte et sublime apparition, comme des rayons plus ou
+moins chauds de son astre. Il y eut des caraïtes, des
+saducéens et des esséniens, des manichéens et des gnostiques,
+des épicuriens, des stoïciens et des cyniques,
+des philosophes et des prophètes, des devins et des astrologues,
+des solitaires et des martyrs: les uns partant
+du spiritualisme de Jésus, comme Origène et Manès; les
+autres essayant d'y aller, sur les pas de Platon et de
+Pythagore; tous escortant l'Évangile, soit devant, soit
+derrière, et travaillant par leur dévouement ou leur
+résistance à consolider son triomphe.</p>
+
+<p>Dans cette confusion de croyances, dans ce conflit de
+rêves, de travaux fiévreux de la pensée, de divinations
+maladives et de vertiges sublimes, une nouvelle forme
+fut donnée à certains esprits, une forme agréable, élastique,
+qui seule convenait aux esprits éclairés et aux
+caractères faciles: cette disposition de l'esprit humain
+qui domine dans tous les temps de dépravation, et chez
+toutes les nations très-civilisées, nous l'appellerons, pour
+nous servir d'une expression moderne, <i>éclectisme</i>, quoique
+cette dénomination n'ait pas eu dans tout temps le
+même sens; nous nous en tenons à celui qu'elle implique
+aujourd'hui, pour qualifier la situation morale
+des hommes qui n'appartenaient à aucune religion au
+temps dont il est question ici.</p>
+
+<p>Parmi ces éclectiques, on vit des hommes d'un caractère
+et d'un esprit tout opposés, des hommes graves et
+des hommes frivoles, des savants et des femmes; car
+cette doctrine, qui consistait dans l'absence de toute
+règle, accueillit toute sorte de pédantisme et toute sorte
+de poésie. Les rhéteurs s'y remplissaient l'estomac d'arguments,
+et les poëtes s'y gonflaient le cerveau de métaphores.
+L'Inde et la Chaldée, Homère et Moïse, tout
+était bon à ces esprits avides et curieux de nouveautés,
+indifférents en face des solutions: heureux caractères
+qui, Dieu merci, fleurirent toujours ici-bas au milieu de
+nos lourdes polémiques. Grands diseurs de sentences,
+sincères admirateurs de la vertu et de la foi, le tout par
+amour du beau et par estime de la sagesse, vrais épicuriens
+dans la pratique de la vie, prophètes élégants et
+joyeux, bardes demi-bibliques et demi-païens, intelligences
+saisissantes, fines, éclairées, pleines de crédulités
+poétiques et de scepticisme modeste; en un mot, ce
+que sont aujourd'hui nos véritables artistes.</p>
+
+<p>Le petit poëme qu'on va lire fut récité, en vers hébraïques,
+sous un portique de Césarée, par une femme
+nommée Myrza, laquelle était une des prophétesses de
+ce temps-là, espèce mixte entre la bohémienne et la sibylle,
+poëte en jupons comme il en existe encore, mais
+d'un caractère hardi et tranché qui s'est perdu dans le
+monde, aventurière sans patrie, sans famille et sans
+dieux, grande liseuse de romans et de psaumes, initiée
+successivement par ses amants et ses confesseurs aux
+diverses religions qui s'arrachaient lambeau par lambeau
+l'empire de l'esprit humain. Cette femme était belle,
+quoique n'appartenant plus à la première jeunesse; elle
+jouait habilement le luth et la cithare, et, changeant
+de rhythme, de croyance et de langage selon les pays
+qu'elle parcourait, elle traversait les querelles philosophiques
+et religieuses de son siècle, semant partout
+quelques fleurs de poésie, et laissant sur ses traces un
+étrange et vague parfum d'amour, de sainteté et de
+folie; bonne personne du reste, que les princes faisaient
+asseoir par curiosité à leur table, et que le peuple écoutait
+avec admiration sur la place publique. Voici son
+poëme tel que, de traduction en traduction, il a pu arriver
+jusqu'à nous. Nous osons parfaitement le livrer aux
+savants, aux poëtes et aux chrétiens de ce temps-ci,
+sachant le bon marché que notre siècle panthéiste fait de
+toutes choses, et la complaisance que son ennui lui
+inspire pour toutes sortes de rêves.</p>
+<br>
+<h3>I.</h3>
+
+<p>En ce temps-là, longtemps avant le commencement
+des jours que les hommes ont essayé de compter, Dieu
+appela devant lui quatre Esprits, qui parcouraient d'un
+vol capricieux les plaines de l'espace: Allez, leur dit-il,
+prenez-vous par la main, marchez ensemble, et travaillez
+de concert.</p>
+
+<p>Ils obéirent, et, ne se quittant plus, présidèrent
+chacun à une des oeuvres de Dieu; et un nouvel astre
+parut dans l'éther: cet astre est la terre que nous habitons
+aujourd'hui, et ces quatre Esprits sont les éléments
+qui la composent.</p>
+
+<p>Mais deux de ces Esprits, se sentant plus puissants,
+firent la guerre aux deux autres.</p>
+
+<p>L'eau et le feu ravagèrent la terre, et l'air fut tantôt
+infecté des vapeurs humides des marais, et tantôt embrasé
+des feux d'un soleil dévorant.</p>
+
+<p>Et pendant un nombre de siècles que l'homme ne sait
+pas, mais qui sont dans l'éternité de Dieu moins qu'une
+heure dans la vie de l'homme, notre globe bondit
+dans l'immensité, comme une cavale sauvage, sans
+guide et sans frein; sa course ne fut réglée que par le
+caprice des Esprits à qui Dieu l'avait abandonné; tantôt,
+emporté d'un essor fougueux, il s'approcha du soleil jusqu'à
+s'y brûler; tantôt il s'endormit languissant et morne,
+loin des rayons vivifiants que chaque printemps nous
+ramène. Il y eut des jours d'une année et des nuits d'un
+siècle. Le globe n'ayant pas encore arrêté sa forme, les
+froides régions qu'habitent le Calédonien et le Scandinave
+furent calcinées par des étés brûlants. Les contrées
+où la chaleur bronze les hommes se couvrirent de
+glaciers incommensurables. L'Esprit du feu descendit dans
+le sein de la terre; on eût dit qu'un démon enfonçait ses
+ongles et ses dents dans les entrailles du globe: des
+rugissements sourds s'échappaient des rochers ébranlés,
+et la terre s'agitait comme une femme dans les convulsions
+de l'enfantement. Quelquefois le monstre, en se
+retournant dans le ventre de sa mère, sapait les fondements
+d'une montagne, et creusait sous les vallées des
+voûtes sans appui. La montagne et la vallée disparaissaient
+ensemble, et des lacs de bitume s'étendaient en
+bouillonnant sur les débris amoncelés; une fumée âcre
+et fétide empoisonnait l'atmosphère; les plantes se desséchaient,
+et l'eau, appelée par le feu, ravageait à son
+tour le flanc déchiré de sa soeur.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"><br>
+Que le peuple écoutait sur la place publique.</p>
+
+<p>Enfin le feu s'ouvrit un passage à travers le roc et
+l'argile, et se répandit au dehors comme un fleuve débordé.
+La mer, brisant ses digues de la veille, fit chaque
+jour de nouvelles invasions, et chaque jour déserta
+ses nouveaux rivages comme un lit trop étroit. On voyait,
+dans l'espace d'une nuit, s'élever des montagnes de
+fange ou de cendre, que le soleil et le vent façonnaient
+à leur gré; des ravins se creusaient tels que la vie d'un
+homme voyageant le jour et la nuit n'eût pas suffi pour
+en trouver le fond; des météores gigantesques erraient
+sur les eaux comme des soleils détachés de la voûte céleste,
+et les vagues de l'océan roulaient sur les sommets
+que les nuages enveloppent aujourd'hui bien loin au-dessus
+de la demeure des hommes.</p>
+
+<p>Dans cette lutte, la terre et l'eau, jalouses l'une de
+l'autre, se mirent à créer des plantes et des animaux qui
+à leur tour se firent la guerre entre eux; des lianes immenses
+essayèrent d'arrêter le cours des fleuves, mais les
+fleuves enfantèrent des polypes monstrueux, qui saisirent
+les lianes dans leurs bras vivants, et leur étreinte fut
+telle, que des myriades de races d'animaux s'y arrêtèrent
+et y périrent; et de tous ces débris se forma le sol que
+nous foulons aujourd'hui, et sous lequel a disparu
+l'ancien monde.</p>
+
+<p>Cependant à toutes ces existences d'un jour succédaient
+d'autres existences; les races se perdaient et se
+renouvelaient; la matière inépuisable se reproduisait
+sous mille formes. Du sein des mers sortaient les baleines
+semblables à des îles, et les léviathans hideux
+rampant sur le sable avec des crocodiles de vingt bras,
+ses. Nul ne sait le nombre et la forme des espèces tombées
+en poussière; l'imagination de l'homme ne saurait
+les reconstruire; si elle le pouvait, l'homme mourrait
+d'épouvante à la seule idée de les voir. L'abeille fut
+peut-être la soeur de l'éléphant; peut-être une race
+d'insectes, aujourd'hui perdue, détruisit celle du mammouth,
+que l'homme appelle le colosse de la création.
+Dans ces marécages qui couvraient des continents entiers,
+il dut naître des serpents qui, en se déroulant,
+faisaient le tour du globe, et les aigles de ces montagnes,
+infranchissables pour nos gazelles abâtardies, enlevaient
+dans leurs serres des rhinocéros de cent coudées.
+En même temps que les dragons ailés arrivaient
+des nuages de l'orient, les licornes indomptables descendaient
+de l'occident, et quand une troisième race de
+monstres, poussée par le vent du sud, avait dévoré les
+deux autres, elle périssait gorgée de nourriture, et
+l'odeur de la corruption appelait l'hyène du nord, des
+vautours plus grands que l'hyène, et des fourmis plus
+grandes que les vautours; et sur ces montagnes de cadavres,
+parmi ces lacs de sang livide, au milieu de ces
+bêtes immondes, dévorées et dévorantes, des arbres
+sans nom élevaient jusqu'aux nues la profusion de leurs
+rameaux splendides, et des roses plus belles et plus
+grandes que les filles des hommes ne le furent jamais,
+exhalaient des parfums dont s'enivraient les esprits de
+la terre, couverts de robes diaprées, aujourd'hui réduits
+à la taille du papillon, et aux trois grains d'or de l'étamine
+de nos fleurs.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002.png"><br>
+ L'ange du sommeil l'appela.</p>
+
+<p>Ces volcans, ces déluges, ces cataclysmes, cet ouvrage
+informe du temps et de la matière, les saintes
+Écritures l'appellent l'âge du chaos. Or, tandis que les
+quatre Esprits se livraient à la guerre, il arriva qu'ils
+passèrent près du char de Dieu, et, frappés de terreur,
+ils s'arrêtèrent. Dieu les appela et leur dit: Qu'avez-vous
+fait? Pourquoi ce monde que je vous ai confié
+marche-t-il comme s'il était ivre? Avez-vous bu la coupe
+de l'orgueil? Prétendez-vous faire les oeuvres de l'Éternel?
+Un esprit plus puissant que vous va se lever à ma voix; il
+vous enchaînera, et vous forcera de vivre en paix.</p>
+
+<p>L'Éternel passa; et quand les quatre Esprits virent
+s'effacer dans l'espace le cercle de feu que traçaient les
+roues de son char, ils reprirent courage, et, se regardant,
+ils se dirent: Pourquoi ne résisterions-nous pas à
+l'Éternel? Ne sommes-nous pas éternels, nous aussi? Il
+nous a créés, mais il ne peut nous détruire, car il nous a
+dit: Vous n'aurez pas de fin. L'Éternel ne peut reprendre
+sa parole. Il nous a donné ce monde. Mais c'est nous
+qui l'avons couvert de plantes et d'animaux. Nous aussi,
+nous sommes créateurs. Unissons-nous, armons nos
+volcans en guerre. Que l'océan gronde, que la lave
+bouillonne, que la foudre sillonne les airs, et vienne
+l'Éternel pour nous donner des lois!</p>
+
+<p>En parlant ainsi, ils cessèrent de se haïr; et, abaissant
+leur vol sur les montagnes les plus élevées de la
+terre: Nous allons, dirent-ils, entasser ces monts les
+uns sur les autres, et nous atteindrons ainsi à la demeure
+de Dieu. Nous le renverserons, et nous régnerons sur
+tous les mondes.</p>
+
+<p>Mais comme ils commençaient leur travail insensé,
+un ange envoyé par le Seigneur versa sur eux la coupe
+du mépris, et, saisis de torpeur, ils s'endormirent
+comme des hommes pris de vin.</p>
+
+<p>Et quand ils se réveillèrent, ils virent sur la mousse
+un être inconnu, plus beau qu'eux, quoique délicat et
+frêle. Sa tête n'était pas flamboyante, et son corps n'était
+pas couvert d'une armure d'écailles de serpent; le ver à
+soie semblait avoir filé l'or de sa chevelure, et sa peau
+était lisse et blanche comme le tissu des lis.</p>
+
+<p>Les Esprits étonnés l'entourèrent pour le contempler,
+s'émerveillant de sa beauté, et se demandant l'un à
+l'autre si c'était là un esprit ou un corps. Cependant
+cette créature dormait paisiblement sur la mousse, et
+les fleurs se penchaient sur elle comme pour l'admirer;
+les oiseaux et les insectes voltigeaient autour d'elle,
+n'osant becqueter ses lèvres de pourpre, et formant un
+rideau d'ailes doucement agitées entre son visage et le
+soleil du matin, qui semblait jaloux aussi de le regarder.
+Alors l'Esprit des eaux:--Quel est celui-ci? et qui de
+nous l'a produit à l'insu des autres? Si c'est de la terre
+qu'il est sorti, d'où vient que les vapeurs de mes rives
+n'en savent rien? et où est le feu qui l'a fécondé? Est-ce
+une plante, pour qu'il soit sans plumes, et sans fourrure,
+et sans écaille? Et si c'est une plante, d'où vient que
+je n'ai point arrosé son germe, d'où vient que l'air n'a
+pas aidé sa tige à s'élever et son calice à se colorer? Si
+c'est une créature, où est son créateur? Si c'est un esprit,
+de quel droit vient-il s'établir dans notre empire,
+et comment souffrons-nous qu'il s'y repose? Enchaînons le,
+et que la bouche des volcans se referme derrière
+lui, car il faut qu'il aille au fond de la terre et qu'il n'en
+sorte plus.</p>
+
+<p>L'Esprit de la terre répondit: Ceci est un corps, car
+le sommeil l'engourdit et le gouverne comme les animaux;
+ce n'est pas une plante, car il respire et semble
+destiné au mouvement comme l'oiseau ou le quadrupède:
+cependant il n'a point d'ailes, et ne saurait voler;
+il n'a pas les défenses du sanglier, ni les ongles du tigre
+pour combattre, ni même l'écaille de la tortue pour
+s'abriter. C'est un animal faible, que le moindre de nos
+animaux pourrait empêcher de se reproduire et d'exister.
+Et puisque aucun de nous ne l'a créé, il faut que ce soit
+l'Éternel qui, par dérision, l'ait fait éclore, afin de nous
+surprendre et de nous effrayer; mais il suffira du froid
+pour lui donner la mort.</p>
+
+<p>--Ne nous en inquiétons point, dirent les autres, il est
+en notre pouvoir, éveillons-le, et voyons comme il
+marche et comme il se nourrit. Puisqu'il n'a ni ailes,
+ni nageoires, ni arme d'aucune espèce, pour s'ouvrir
+un chemin et se construire une demeure, il ne saurait
+vivre dans aucun élément.</p>
+
+<p>Et les quatre Esprits de révolte se mirent à railler et
+à mépriser l'oeuvre du Dieu tout-puissant.</p>
+
+<p>Alors cet être nouveau s'éveilla, et, à leur grande
+surprise, il ne se mit ni à fuir, ni à ramper comme les
+serpents, ni à marcher comme les quadrupèdes; il se
+dressa sur ses pieds, et sa tête se trouvant tournée vers
+le ciel, il éleva son regard, et les Esprits de révolte
+virent, dans sa prunelle, étinceler un feu divin. Quel
+est, dirent-ils, celui-ci, qui ne rampe, ni ne vole, et
+qui a un rayon du soleil dans les yeux? Va-t-il monter
+vers le ciel comme une fumée? et d'où vient qu'avec
+un corps si chétif il est plus beau que le plus beau des
+anges du ciel?--Alors ils furent saisis de crainte, et
+l'interrogèrent en tremblant.</p>
+
+<p>Mais celle créature ne les entendit pas; on eût dit
+que ses yeux ne pouvaient distinguer leur forme, car
+elle ne leur donna aucun signe d'attention, et ne répondit
+rien à leurs questions.</p>
+
+<p>Ils se réjouirent donc de nouveau, en disant: Cette
+bête n'a ni le sens de l'ouïe, ni le sens de la vue; elle
+ne saurait faire entendre aucun cri, elle est plus stupide
+que les autres bêtes. Celles-ci ne nous comprennent
+pas et ne nous voient pas non plus; mais l'instinct les
+avertit de notre présence; et un tressaillement secret
+s'empare du plus petit oiseau, lorsque le volcan gronde,
+ou lorsque l'orage s'approche; l'ours et le chien s'enfuient
+en hurlant, le dauphin s'éloigne des rivages, et
+le dragon se réfugie sur les arbres les plus élevés des
+forêts; mais cette bête n'a pas de sens, et les polypes
+seuls suffiront pour la dévorer.</p>
+
+<p>Alors la créature inconnue éleva la voix, une voix plus
+douce que celle des oiseaux les plus mélodieux, et elle
+chanta un cantique d'actions de grâces au Seigneur, dans
+une langue que les Esprits de révolte ne comprirent pas.</p>
+
+<p>Et leur colère fut grande, car ils se crurent insultés
+par cette langue mystérieuse, et ces accents d'amour et
+de ferveur remplirent leur sein de haine et de rage. Ils
+voulurent saisir leur ennemi; mais l'ennemi, ne daignant
+pas les voir, se prosterna devant l'Éternel, puis
+se releva avec un front rempli d'allégresse, et se mit à
+descendre vers la vallée, sans cesser d'être debout, et
+posant ses pieds sur le bord des abîmes avec autant d'adresse
+et de tranquillité que l'antilope ou le renard.
+Comme les pierres et les épines offensaient sa peau, il
+cueillit des herbes et des feuilles, et se fit une chaussure
+avec tant de promptitude et d'industrie, que les
+Esprits de révolte prirent plaisir à le regarder.</p>
+
+<p>Cependant, à mesure que la créature de Dieu marchait,
+la terre semblait devenir plus riante, et la nature
+se parait de mille grâces nouvelles. Les plantes exhalaient
+de plus doux parfums, et la créature, comme
+saisie d'un amour universel, se courbait, respirait les
+fleurs, se penchait sur les cailloux transparents, souriait
+aux oiseaux, aux arbres, aux vents du matin. Et
+le vent caressait mollement sa poitrine; les oiseaux la
+suivaient avec des chants de joie; les papillons venaient
+se poser sur les fleurs qu'elle leur présentait; les arbres
+se courbaient vers elle et lui offraient leurs fruits à
+l'envi l'un de l'autre. Elle mangeait les fruits, et, loin de
+dévorer avidement comme les bêtes, semblait savourer
+avec délices les sucs parfumés de l'orange et de la grenade.
+Une biche, suivie de son faon, vint à elle, et lui offrit
+son lait qu'elle recueillit dans une conque de nacre,
+qu'elle porta joyeusement à ses lèvres en caressant la
+biche; puis elle présenta la coquille au faon, qui but
+après elle, et qui la suivit, ainsi que sa mère.</p>
+
+<p>Les Esprits suivaient en silence, et ne concevaient
+rien à ce qu'ils voyaient; enfin ils se réveillèrent de leur
+stupeur et dirent: C'est assez nous laisser insulter par
+une oeuvre de ténèbres et d'ignorance; ce vain fantôme
+d'ange a un corps et se repaît comme les bêtes; il doit
+être, comme elles, sujet à la mort et à la pourriture. Si
+la biche et son faon, si l'oiseau et l'insecte, si l'arbre et
+son fruit, si l'herbe et la brise se soumettent à lui, voici
+venir le léopard et la panthère qui vont le déchirer.</p>
+
+<p>Mais le léopard passa sans toucher à la créature de
+Dieu, et la panthère, l'ayant regardée un instant avec
+méfiance, vint offrir son dos souple et doux à la main
+caressante de son nouveau maître.</p>
+
+<p>--Voici le serpent qui va le couvrir de morsures empoisonnées,
+dirent les Esprits de haine. Le serpent dormait
+sur le sable. La créature divine l'appela dans cette
+langue inconnue qu'elle avait parlée à l'Éternel, et le
+serpent, déroulant ses anneaux, vint mettre sa tête humiliée
+sous le pied du maître, qui se détourna sans lui
+faire ni mal ni injure. L'éléphant s'approchant, les Esprits
+espérèrent qu'il les débarrasserait de l'étranger,
+mais l'éléphant, ayant pris des fruits dans sa main, le
+suivit, obéissant à sa parole, et cueillant à son tour les
+fruits et les fleurs sur les branches les plus élevées pour
+les lui offrir avec sa trompe. Le chameau arriva, et,
+pliant les genoux, offrit son dos à l'étranger, et le porta
+dans la vallée. Alors les Esprits, transportés de colère,
+s'assemblèrent sur une cime élevée; ils réunirent leurs
+efforts pour créer un monstre qui surpassât en laideur,
+en force et en cruauté les monstres les plus hideux
+qu'eût produits la terre. Mais comme le Seigneur, qui
+jusqu'alors avait habité avec eux, s'était retiré, ils ne
+purent rien créer d'abord. Enfin, après beaucoup de conjurations
+adressées aux éléments qu'ils croyaient gouverner,
+ils firent sortir de terre un dragon redoutable,
+et le forcèrent avec des menaces de marcher contre la
+créature de Dieu. Mais celle-ci, le voyant venir, monta
+sur le cheval, appela l'hippopotame, le taureau, et tous
+les animaux forts de la terre et de la mer, et les oiseaux
+forts du ciel, et tous se rangèrent autour d'elle comme
+une armée. Le cheval bondit d'orgueil sous son maître,
+et le porta comme un roi à la rencontre de l'ennemi.
+Alors le dragon épouvanté revint vers ceux qui l'avaient
+envoyé, et leur dit:--Vous voyez ce qui arrive; toutes
+les créatures se rangent sous sa loi, celui-ci est le roi de
+la terre, et l'esprit de Dieu est en lui.--Et le dragon
+étendant ses ailes, l'Esprit de ténèbres qui était en lui
+s'envola, et sa dépouille restant par terre, l'étranger la
+ramassa, la regarda, et s'en fit un vêtement pour traverser
+les régions froides.</p>
+
+<p>Car elle continua sa course vers le nord, et parcourut
+le monde entier, se construisant partout des chariots
+avec les arbres des forêts et les métaux de la terre; mangeant
+de tous les fruits; se faisant aimer et servir par
+toutes les créatures; traversant les fleuves à la nage, ou
+sur des nacelles que son adresse improvisait; s'habituant
+à tous les climats; prenant son sommeil à l'ombre des
+forêts, à l'abri dans les grottes, ou dans des tentes de
+feuillage qu'elle dressait au coucher du soleil; sachant
+tirer le feu d'un caillou ou d'une branche sèche, et partout
+louant l'Éternel, chantant ses bienfaits, et implorant
+son appui.</p>
+
+<p>Quand cet être singulier eut fait le tour de la terre et
+s'y fut installé comme dans son domaine, les Esprits de
+révolte, enchaînés jusque-là par la curiosité, résolurent
+de détruire ce qu'ils croyaient être leur ouvrage, et de
+bouleverser le globe, afin d'anéantir leur ennemi avec
+lui.--Ouvre une crevasse sous ses pieds, dirent-ils à la
+terre, et dévore-le dans la gueule béante de tes abîmes.--Mais
+la terre refusa d'obéir, et répondit: Celui-ci est
+l'envoyé de Dieu, le roi de la création. Ils dirent au volcan
+de l'envelopper d'un lac de feu et de faire pleuvoir
+sur lui des pierres embrasées; mais le volcan refusa, et
+répondit comme la terre. La mer refusa d'inonder, et
+l'air de laisser passer la foudre. Alors les Esprits virent
+qu'ils n'avaient plus de pouvoir, et, feignant de se soumettre
+à l'envoyé de Dieu, ils s'offrirent au Seigneur
+pour être les ministres de son favori. Mais Dieu, connaissant
+leur dessein, répondit: La mer ne sortira plus
+de ses bornes, la terre ne quittera plus la voie que je lui
+ai tracée dans l'espace, le soleil ne s'éteindra plus, l'air
+ne sera plus infecté de miasmes fétides; vous serez
+enchaînés à jamais, et vous obéirez en esclaves, non
+pas à mon envoyé, mais à l'ordre que je vous assigne,
+et qui est ma parole, la loi éternelle de l'univers.
+Quant à celui-ci, que vous ne connaissez pas, c'est mon
+oeuvre, et je l'ai faite en souriant pour vous railler et
+vous montrer que par vous-mêmes vous ne pouvez rien.
+Je lui ai donné les besoins des animaux, un corps frêle,
+sans défense et sans vêtement; je l'ai mise nue sur la
+terre. Et vous voyez qu'en un jour elle a eu des chaussures,
+des vêtements, des esclaves, de quoi pourvoir à
+tous ses besoins, et régner sur la force sans posséder la
+force. Vous n'avez pas compris où était sa puissance, et
+voyant qu'elle n'avait les avantages naturels d'aucun
+animal, vous vous êtes demandé comment elle savait
+gouverner l'instinct de tous les animaux et leur commander.
+C'est que j'ai mis en elle une étincelle de mon
+esprit, et qu'elle est à la fois corps et intelligence, matière
+et lumière. Allez, et que le monde soit son héritage.
+Elle ne vous commandera pas, car elle pourrait,
+comme vous, s'enivrer d'orgueil et succomber à son tour.
+Allez, et sachez le nom du plus beau de mes anges, c'est
+l'homme.</p>
+<br>
+<h3>II</h3>
+
+<p>La terre devint donc l'apanage de l'homme: il n'avait
+ni ailes d'or, ni auréole de lumière; il ne pouvait contempler
+les splendeurs du tabernacle de Jéhovah; mais
+la part d'intelligence qu'il avait reçue était si grande,
+qu'il savait toutes les merveilles de l'univers sans les
+avoir jamais vues, et qu'il aimait Dieu et le servait mieux
+que les Séraphins brûlants qui environnent son trône.
+Son âme voyait ce que les yeux de son corps ne pouvaient
+apercevoir. Il devinait par la réflexion les plus
+profonds mystères de la nature, et sa pensée était plus
+rapide que l'éclair.</p>
+
+<p>Ce que voyant, les Esprits jaloux se disaient entre
+eux: Dieu a fait pour celui-ci plus que pour nous tous.
+Le plus petit insecte, il est vrai, s'élève plus haut que
+lui dans l'air qu'il respire; mais le plus puissant des
+Archanges ne saurait monter aussi hardiment et aussi
+vite dans l'éther de l'immensité que l'esprit de l'homme
+par sa volonté.</p>
+
+<p>Et Dieu, se complaisant dans son ouvrage, créa beaucoup
+d'autres hommes semblables au premier, et en
+couvrit la face de la terre, en leur disant: La terre est à
+vous, cultivez-la, et vivez de ses fruits. Gouvernez les
+animaux; les espèces ne périront plus, la terre ne sera
+plus ravagée, les plantes et les animaux se reproduiront
+toujours, et vous, vous ne mourrez point.</p>
+
+<p>Les hommes vivaient ensemble, et ils étaient heureux;
+ils ne connaissaient pas le mal, et ils étaient purs, sans
+avoir la vanité de savoir qu'ils l'étaient; car ils l'étaient
+tous également, et ils ne s'imaginaient point que la source
+de leur grandeur fût en eux-mêmes. Ils adoraient le
+Seigneur, et se servaient de ses dons avec frugalité. Ils
+respectaient la vie des animaux, et n'employaient leur
+dépouille à leur usage que lorsque les animaux mouraient
+selon les lois de la nature. Ils considéraient les
+bêtes comme des productions choisies de la matière,
+qui, étant douées de sensibilité et d'une sorte de volonté,
+avaient des droits sacrés à leur protection. Les bêtes ne
+s'enfuyaient pas à leur approche, et comme le chien
+obéit encore aujourd'hui à son maître et comprend ses
+ordres, le lion, le castor et tous les autres animaux comprenaient
+le geste, le regard et l'autorité de l'homme; ils
+l'aidaient à bâtir des maisons, des temples, à exécuter
+des migrations sur les continents, à cultiver la terre, à
+travailler les métaux et à les façonner, non en vile monnaie
+ou en armes cruelles, mais en instruments de travail
+et en ornements pour les temples.</p>
+
+<p>Or, tout était commun parmi les hommes, le travail et
+les fruits de la terre. Ils se regardaient tous comme
+vivant sous la volonté de Dieu, chargés de veiller à l'équilibre
+de cette nature dont ils étaient rois; ils s'occupaient
+sans cesse à réparer les ravages des précédents
+cataclysmes, à dessécher les marais fétides qui corrompaient
+l'air et engendraient trop de reptiles et d'insectes,
+à ouvrir des canaux pour l'écoulement des lacs et
+des étangs, à rassembler en troupeaux les animaux trop
+nombreux sur certains points du globe, et à les conduire
+vers d'autres régions désertes, à distribuer de
+même la végétation selon les climats qui lui convenaient;
+car, avant l'homme, la matière, livrée à sa vorace faculté
+de produire, s'épuisait sans cesse, et, renaissant de ses
+propres débris, offrait partout des ruines auprès des
+créations nouvelles. Cet homme, que les Esprits des terribles
+éléments avaient pris d'abord pour un souffle
+débile dans le corps d'une bête avortée, devint donc,
+sans autre magie et sans autre prestige que sa patience
+et son industrie, plus puissant que les éléments eux-mêmes.
+La terre fut bientôt un jardin si beau et si fécond,
+que les anges du ciel venaient s'y promener, et
+ne pouvant converser directement avec les hommes,
+parce que Dieu l'avait défendu, ils chantaient doucement
+dans les brises et dans les flots, et les hommes les
+voyaient alors en songe avec les yeux de l'âme.</p>
+
+<p>Mais il arriva que, la terre étant pacifiée et embellie,
+et l'ordre des saisons réglé, le travail devint moins actif.
+Les hommes eurent plus de temps à donner à la prière
+et à la méditation: leur nombre n'augmentait pas et ne
+diminuait pas; il avait été calculé par l'Eternel, pour
+opérer les grands travaux, qui se terminaient maintenant,
+et l'esprit humain commençait à souffrir de sa
+propre force, et à désirer quelque chose au delà de ce
+qu'il possédait. Les hommes voulaient, pour faire cesser
+leur inquiétude, que Dieu leur accordât un don; mais
+ils ne savaient lequel, car ils ne souffraient que parce
+qu'ils ne manquaient plus de rien.</p>
+
+<p>Leur sommeil devint moins paisible; durant les belles
+nuits d'été, ils s'asseyaient par groupes sur les hauteurs,
+et au lieu de contempler avec bonheur, comme autrefois,
+le cours des astres et la beauté de la voûte céleste,
+ils soupiraient tristement, et dans leurs cantiques éplorés
+ils demandaient à Dieu de faire cesser leur ennui.</p>
+
+<p>Alors il y en eut qui dirent:--Les bêtes souffrent les
+maladies du corps, et elles meurent; les hommes ne
+sont pas soumis aux maux de la chair, et ne meurent
+pas. Bénissons Dieu. Mais l'esprit de l'homme souffre
+une douleur dont il ne sait pas le remède. Demandons à
+Dieu qu'il nous ôte la réflexion, et nous laisse seulement
+l'intelligence nécessaire pour commander aux animaux.</p>
+
+<p>Mais cet avis fut combattu par quelques-uns, qui
+considéraient la richesse de leur intelligence comme ce
+qu'ils avaient de plus précieux au monde.</p>
+
+<p>Il y en eut alors d'autres qui s'avisèrent d'un désir
+plus noble, et dirent:--Nous avons comparé le sommeil
+paisible des bêtes aux aspirations de nos veilles
+brûlantes, et nous avons découvert les causes de nos
+ennuis; dépêchons les oiseaux en messagers aux hommes
+de tous les pays. Et quand la foule, accourue de toutes
+parts, se fut réunie autour de ces sages, debout sous le
+portique des temples, ils parlèrent ainsi:</p>
+
+<p>--Le malheur de l'homme ne vient pas d'une cause
+accidentelle; cette cause est son organisation défectueuse
+et le triste destin qu'il accomplit dans l'univers. C'est
+un être borné dans ses jouissances, quoique infini dans
+ses désirs. Il souffre, et ne sait comment se guérir: cela
+est injuste, car les animaux connaissent la plante qui
+doit leur rendre l'appétit lorsqu'ils l'ont perdu, et l'âme
+de l'homme ne peut embrasser le but de ses vagues désirs.
+Mais ce n'est pas le seul avantage que les bêtes
+aient sur nous. Elles sont divisées en sexes différents;
+c'est pourquoi elles se cherchent, se rapprochent et
+s'unissent dans une extase qui les élève au-dessus d'elles-mêmes,
+et qui nous est inconnue. Le charme qui les
+attire est si puissant, qu'il n'est aucune caresse, aucune
+menace de l'homme, aucun attrait de la gourmandise,
+aucune injonction de la faim qui les empêche de courir
+au fond des bois et des vallées à la suite les unes des autres.
+Le tigre ou le lion enfermé loin de sa compagne se
+couche en rugissant, et semble renoncer à la vie, car il
+refuse toute nourriture. Le cheval séparé de la cavale,
+le taureau de la génisse, au temps de leurs amours,
+deviennent indociles, et brisent les chariots. Tous devinent
+l'approche de leur compagne: le loup sent venir la
+louve du fond des forêts ténébreuses, le chien hurle et
+tressaille à l'arrivée de la lice sans la voir ni l'entendre;
+l'oiseau sait se frayer une route au travers des plaines
+immenses de l'air pour aller rejoindre sa compagne: il
+n'a vu qu'un point noir vers l'horizon, et pourtant il ne
+se trompe pas; l'ibis ne court point après la grue, ni le
+chardonneret après la mésange. Qui donc leur enseigne
+ces merveilleux instincts qui ne sont pas donnés à
+l'homme? C'est l'amour qu'ils ont pour un sexe différent
+du leur.</p>
+
+<p>Quant à nous, nous ne connaissons pas ces sublimes
+extases, ces transports de joie et ces caresses enivrantes:
+nous aimons à converser ensemble, à partager nos
+repas; mais cette amitié n'est pas assez puissante pour
+que la séparation soit désespérée, ni pour que le battement
+du coeur nous annonce l'approche de l'ami absent.
+Nous n'avons que des peines légères et des joies tièdes.
+Dieu seul, Dieu notre immortel principe, nous ravit
+d'une joie inaccoutumée; mais pouvons-nous toujours
+penser à lui? Sa grandeur, que nous adorons, nous
+défend-elle de comparer notre destinée à celle des autres
+créatures, et de leur envier les biens que nous n'avons pas?</p>
+
+<p>D'autres hommes se levèrent à leur tour, et dirent:--Les
+bêtes ont encore un avantage que nous n'avons
+pas. Elles se reproduisent d'elles-mêmes, elles donnent
+la vie à des créatures de leur espèce, qui sont leur chair
+et leur sang. Il y a plusieurs siècles, avant que la terre
+fût tranquille et féconde, la reproduction nous semblait
+une tâche pénible, un sceau de misère imprimé à la
+matière. Nous avions compassion de la jument obligée
+de porter son fruit dans son flanc durant le cours de
+plusieurs lunes, de la perdrix forcée de couver patiemment
+ses oeufs et de les féconder par la chaleur de son
+sein. Nous pensions que l'homme avait assez de cultiver
+la terre et de protéger les animaux; que Dieu, dans sa
+sagesse, l'avait dispensé du rude travail de la génération,
+et lui avait donné l'immortalité, la jeunesse et la
+santé éternelle, pour marquer sa royauté sur la terre.
+Mais aujourd'hui nos grands travaux sont accomplis.
+Les animaux, libres et paisibles sous notre domination,
+s'aiment avec plus de bonheur encore, et nous voyons
+en eux des joies et des forces que nous n'avons pas.
+Nous admirons le soin avec lequel l'hirondelle nourrit
+sa compagne accroupie sur ses oeufs, nous admirons
+surtout la mère qui décrit de grands cercles dans les
+cieux pour attraper une pauvre mouche, dont elle se
+prive afin de l'apporter à ses enfants, car les oiseaux à
+cette époque sont maigres et malades; mais le gazouillement
+de leurs oisillons semble les réjouir plus que toutes
+les graines d'un champ, et plus encore peut-être que
+les caresses de l'amour. Les plus faibles créatures acquièrent
+alors une folle audace pour la défense de ce
+qu'elles ont de plus cher: la brebis défend son agneau
+contre le loup, et la poule, cachant ses poussins sous
+son aile, glousse avec colère quand le renard approche;
+c'est elle qui meurt la première, et l'ennemi est forcé
+de passer sur son cadavre pour s'emparer de la famille
+abandonnée.</p>
+
+<p>Tout cela n'est-il pas digne d'admiration? et s'il y a
+des fatigues et des douleurs attachées à ces devoirs, n'y
+a-t-il pas des ravissements et des émotions qui les rachètent?
+Quand ce ne serait que pour chasser l'ennui que
+nous éprouvons, ne devrions-nous pas les demander à
+Dieu?</p>
+
+<p>Quand ceux-là eurent dit, il y en eut d'autres qui
+répondirent:--Avez-vous songé à ce que vous proposez?
+Si l'homme se reproduisait sans cesser d'être immortel,
+la terre ne pourrait bientôt lui suffire. Voulez-vous
+accepter la maladie, la vieillesse et la mort en
+échange des biens et des maux dont vous parlez? Lequel
+de nous peut concevoir l'idée de mourir? N'est-ce
+pas demander à Dieu qu'il fasse de nous la dernière
+créature du monde? Lequel de nous voudra renoncer à
+être ange?</p>
+
+<p>--Nous ne sommes pas des anges, reprirent les premiers.
+Les anges que nous voyons dans nos rêves ont
+des ailes pour parcourir l'immensité, et quoiqu'ils se
+révèlent à nous sous une forme à peu près semblable à
+la nôtre, cette forme n'est pas saisissable; nous ne pouvons
+les retenir au matin, lorsqu'ils s'éloignent; nous
+embrassons le vide, ils nous échappent comme notre
+ombre au soleil. Ils n'ont de commun avec nous que
+l'esprit, lequel n'est que la moitié de nous-mêmes. Nous
+appartenons à la terre où notre corps est à jamais fixé.
+Si nous sommes condamnés à la misère d'exister corporellement,
+pouvons-nous sans injustice être privés
+des avantages accordés aux autres animaux? Pourquoi
+serions-nous imparfaits et déshérités du bonheur qui leur
+est échu?</p>
+
+<p>Ces différents avis excitèrent dans l'esprit des hommes
+une douloureuse inquiétude. Les uns pensaient qu'en
+effet la partie physique était incomplète chez eux; les
+autres répondaient que l'immortalité, l'absence de maladie
+et de caducité, étaient des compensations suffisantes
+à cette absence de sexe.</p>
+
+<p>Et, en effet, rien n'était plus suave et plus paisible
+en ce temps-là que le sort de l'homme. N'éprouvant
+que des besoins immédiatement satisfaits par la fécondité
+de la terre et la liberté commune, la faim, la soif
+et le sommeil étaient pour lui une source de jouissance
+douce et jamais de douleur. La privation était inconnue;
+aucun despotisme social n'imposait les corvées et la fatigue;
+il n'y avait ni larmes, ni jalousies, ni injustices,
+ni violences. Rien n'était un sujet de rivalité ou de contestation.
+L'abondance régnait avec l'amitié et la bienveillance.</p>
+
+<p>Mais cette secrète inquiétude, qui est la cause de
+toutes les grandeurs et de toutes les misères de l'esprit,
+tourmentait presque également ceux qui désiraient un
+changement dans leur sort et ceux qui le redoutaient.</p>
+
+<p>Alors les hommes firent de grandes prières dans les
+temples, et ils invoquèrent Dieu afin qu'il daignât se
+manifester.</p>
+
+<p>Mais l'Eternel garda le silence; car il veut que les
+hommes et les anges soient librement placés entre l'erreur
+et la vérité. Autrement l'ange et l'homme seraient
+Dieu.</p>
+<br>
+<h3>III.</h3>
+
+<p>Mais comme le coeur de l'homme était humble et doux
+en ce temps-là, la sagesse éternelle fut touchée; car les
+hommes ne disaient pas:--Il nous faut cela, fais-le;
+mais ils disaient:--Tu sais ce qui nous convient, sois
+béni;--et ils souffraient sans blasphémer.</p>
+
+<p>La Sagesse, la Miséricorde et la Nécessité, les trois
+essences infinies du Dieu vivant, tinrent conseil dans le
+sein de l'Eternel; et comme il fallait que l'homme connût
+l'amour ou la mort, la matière ne pouvant s'augmenter
+indéfiniment, l'Esprit saint dit par la bouche de la Sagesse:</p>
+
+<p>«Livrons l'homme aux chances de sa destinée; que
+sa vie sur la terre soit éphémère et douloureuse, qu'il
+connaisse le bien et le mal, et qu'entre les deux il soit
+libre de choisir.»</p>
+
+<p>Alors le Verbe de miséricorde ajouta: «Que dans la
+douleur il ait pour remède l'espérance, et dans le bonheur
+pour loi la charité.»</p>
+
+<p>Jéhovah envoya donc ses anges sur la terre en leur
+disant: «Qu'il soit fait à chaque homme selon son désir.»</p>
+
+<p>Et l'ange étant entré la nuit dans la demeure des
+hommes, et au nom de l'Eternel ayant interrogé leurs
+pensées, il n'en trouva qu'un seul qui désirât l'amour
+au point d'accepter la mort sans crainte. C'était un de
+ceux qui n'avaient jamais rien demandé au Seigneur.
+Il vivait retiré sur une montagne, occupé le soir à contempler
+les étoiles, et le jour à nourrir les chevrettes
+et les chamois. C'était une âme forte et un des plus beaux
+parmi les anges terrestres.</p>
+
+<p>L'ange du sommeil l'appela, et lui dit comme aux
+autres hommes:--Fils de Dieu, demandes-tu la fille
+de Dieu? Et cet homme, au lieu de répondre en frissonnant
+comme les autres: Que la volonté de Dieu soit
+faite, s'écria, en se soulevant sur sa couche:--Où est
+la fille de Dieu? L'ange lui répondit:--Sors de ta demeure,
+tu la trouveras au bord de la source, elle vient
+vers toi, elle vient du sein de Dieu.</p>
+
+<p>Alors l'ange disparut, et l'homme, s'étant levé plein
+de surprise, se sentit accablé d'une grande tristesse;
+car il pensa que c'était un vain songe, et que la fille de
+Dieu n'était pas au bord de la source.</p>
+
+<p>Cependant il se leva et sortit de sa demeure, et il
+trouva la fille de Dieu qui marchait vers lui, mais qui,
+le voyant venir, s'arrêta tremblante au bord de la
+source.</p>
+
+<p>Et comme la source était sombre, et qu'il distinguait
+à peine une forme vague, il lui dit:--Etes-vous la fille
+de Dieu?--Oui, répondit-elle, et je cherche le fils de
+Dieu.</p>
+
+<p>--Je suis le fils de Dieu, reprit l'homme, vous êtes
+ma soeur et mon amour. Que venez-vous m'annoncer de
+la part de Dieu?</p>
+
+<p>--Rien, répondit la femme, car Dieu ne m'a rien
+enseigné, et je ne sais pourquoi il m'envoie. Il y a un
+instant que j'existe; j'ai entendu une voix qui m'a dit:
+«Fille de Dieu, va sur la terre, et tu trouveras le fils
+de Dieu qui t'attend.» J'ai reconnu que c'était la voix
+de l'Eternel, et je suis venue.</p>
+
+<p>L'homme lui dit:--Suis-moi, car tu es le don de
+Dieu, et tout ce qui m'appartient t'appartient.</p>
+
+<p>Il marcha devant elle, et elle le suivit jusqu'à la porte
+de sa demeure, qui était faite de bois de cèdre et recouverte
+d'écorce de palmier. Il y avait un lit de mousse
+fraîche; l'homme cueillit les fleurs d'un rosier qui tapissait
+le seuil, et, les effeuillant sur sa couche, il y fit
+asseoir la femme en lui disant:--L'Eternel soit béni.</p>
+
+<p>Et, allumant une torche de mélèze, il la regarda, et
+la trouva si belle qu'il pleura, et il ne sut quelle rosée
+tombait de ses yeux, car jusque-là l'homme n'avait jamais
+pleuré.</p>
+
+<p>Et l'homme connut la femme dans les pleurs et dans
+la joie.</p>
+
+<p>Quand l'étoile du matin vint à pâlir sur la mer,
+l'homme s'éveilla, il ne faisait pas encore jour dans sa
+demeure. Se souvenant de ce qui lui était arrivé, il
+n'osait point tâter sa couche, car il craignait d'avoir fait
+un rêve, et il attendit le jour, désirant et redoutant ce
+qu'il attendait.</p>
+
+<p>Mais la femme, qui s'était éveillée, lui parla, et sa
+voix fut plus douce à l'homme que celle de l'alouette qui
+venait chanter sur sa fenêtre au lever de l'aube.</p>
+
+<p>Mais aussitôt il se mit à verser des pleurs d'amertume
+et de désolation.</p>
+
+<p>Ce que voyant, elle pleura aussi, et lui dit:--Pourquoi
+pleures-tu?</p>
+
+<p>--C'est, dit l'homme, que je t'ai, et que bientôt je
+ne t'aurai plus, car il faut que je meure; c'est à ce prix
+que je t'ai reçue de l'Eternel. Avant de te voir, je ne
+m'inquiétais pas de mourir; la faiblesse et la peur sont
+entrées en moi avec l'amour. Car tu vaux mieux que la
+vie, et pourtant je te perdrai avec elle.</p>
+
+<p>La femme cessa de pleurer, et, avec un sourire qui
+fit passer dans le coeur de l'homme une espérance inconnue,
+elle lui dit:--Si tu dois mourir, je mourrai
+aussi, et j'aime mieux un seul jour avec toi que l'éternité
+sans toi.</p>
+
+<p>Cette parole de la femme endormit la douleur de
+l'homme. Il courut chercher des fruits et du lait pour la
+nourrir, et des fleurs pour la parer. Et, dans le jour,
+quand il se remit au travail, il planta de nouveaux arbres
+fruitiers, en songeant au surcroît de besoins que la présence
+d'un nouvel être apportait dans sa retraite, sans
+songer qu'un arbre serait moins prompt à grandir que
+lui et la femme à mourir.</p>
+
+<p>Cependant le souci avait pénétré chez lui avec la
+femme. La pensée de la mort empoisonnait toutes ses
+joies. Il priait Dieu avec plus de crainte que d'amour;
+les moindres bruits de la nuit l'effrayaient, et, au lieu
+d'écouter avec une religieuse admiration les murmures
+des grandes mers, il tressaillait sur son lit, comme si la
+voix des éléments eût pleuré à son oreille, comme si les
+oiseaux de la tempête lui eussent apporté des nouvelles
+funèbres. La femme était plus courageuse ou plus imprévoyante.
+Ses faibles membres se fatiguaient vite, et,
+quand son époux trouvait dans le travail une excitation
+douloureuse, elle s'étendait nonchalante sur les fleurs de
+la montagne, et s'endormait dans une sainte langueur en
+murmurant des paroles de bénédiction pour son époux et
+pour son Dieu.</p>
+
+<p>Elle ne savait rien des choses de la terre où elle venait
+d'être jetée; elle trouvait partout de la joie, et ne
+s'effrayait de rien. La brièveté de la vie, si terrible pour
+l'homme, lui semblait un bienfait de la Providence.
+L'homme la contemplait chaque jour avec une surprise
+et une admiration nouvelles. Il la regardait comme supérieure
+à lui, malgré sa faiblesse, et souvent il lui disait:--Tu
+n'es pas ma soeur, tu n'es pas ma femme, tu es
+un ange que Dieu m'a envoyé pour me consoler, et qu'il
+me reprendra peut-être dans quelques jours, car il est
+impossible que tu meures. Une si belle création ne peut
+pas être anéantie. Promets-moi que, si tu me vois mourir,
+tu retourneras aux cieux pour n'appartenir à personne
+après moi.</p>
+
+<p>Et elle promettait en souriant tout ce qu'il voulait, car
+elle ne savait pas si elle était immortelle, elle ne s'en inquiétait
+pas, pourvu que son époux lui répétât sans cesse
+qu'il l'aimait plus que sa vie.</p>
+
+<p>Or, ils vivaient sur une montagne élevée, loin des
+lieux habités par les autres hommes; car l'époux de la
+femme, tourmenté de crainte, avait transporté sa demeure
+et ses troupeaux dans le désert, afin de mieux
+cacher le trésor qui faisait son bonheur et ses angoisses.--Je
+ne comprends pas, lui disait-il, le sentiment que
+vous m'avez inspiré pour mes frères. Je les chérissais
+avant de vous connaître, et, malgré mon goût pour la
+solitude, j'aurais tout partagé volontiers avec eux. Quand
+je descendais dans la vallée aux jours de fête, leur vue
+réjouissait mon âme, et je priais avec plus de ferveur
+prosterné au milieu d'eux dans le temple. Aujourd'hui
+leur approche m'est odieuse, et quand je les vois de loin
+je me cache, de peur qu'ils ne m'abordent et ne cherchent
+à pénétrer aux lieux où vous êtes. A la seule idée
+qu'un de mes frères pourrait vous apercevoir, je frissonne
+comme si l'heure de ma mort était venue. L'autre jour
+j'ai vu près d'ici la trace d'un pied humain sur le sable,
+et j'aurais voulu être un rocher pour attendre au bord du
+sentier l'audacieux qui pouvait revenir, et l'écraser à son
+passage. Mais, hélas! ajoutait-il, les autres hommes sont
+immortels, et seul je puis craindre la chute d'un rocher.
+Si je tombais dans un précipice, vous descendriez dans
+la vallée pour être nourrie et protégée par un autre
+homme, et vous m'auriez bientôt oublié; car il n'est pas
+un de ces immortels qui ne fît le sacrifice de son immortalité
+pour vous posséder. C'est pourquoi, malgré mon
+amour pour vous, je ne puis m'empêcher de désirer que
+la mort vous atteigne aussi tôt que moi.</p>
+
+<p>Et la femme lui répondait:--Si tu tombais dans un
+ravin, je m'y jetterais après toi; et si Dieu me refusait la
+mort, je mutilerais mon corps et je détruirais ma beauté
+pour ne pas plaire à un autre.</p>
+
+<p>Lorsque la femme mit au monde son premier-né, il
+lui sembla que sa mort était proche, car elle sentait de
+grandes douleurs; et comme son époux criait avec angoisses
+vers le Seigneur, elle lui dit:--Ne pleurez point
+et réjouissez-vous, car mon corps se brise, et mon âme
+est heureuse de ce qui m'arrive; je sens que je ne suis
+pas immortelle, et que je ne resterai pas sans vous sur
+la terre.</p>
+
+<p>L'époux de la femme fut rencontré dans les montagnes
+par quelques-uns de ses frères, et ceux-ci virent qu'il
+était pâle et maigri, et qu'une singulière inquiétude était
+répandue sur sa figure. Ils racontèrent ce qu'ils avaient
+vu; et comme jusque-là les fatigues et l'ennui n'avaient
+point été assez rudes à l'esprit de l'homme pour que son
+corps indestructible pût en recevoir une telle altération,
+chacun s'étonna de ce qu'il entendait de la bouche de ces
+témoins, comme s'ils eussent annoncé l'apparition d'une
+nouvelle race dans le monde, ou une perturbation dans
+l'ordre de la nature.</p>
+
+<p>Plusieurs, entraînés par la curiosité, s'enfoncèrent
+dans les montagnes pour chercher leur frère; mais il
+avait si bien caché sa demeure derrière les lianes des
+forêts et les pics des rochers, qu'il se passa plusieurs
+années avant qu'on la découvrît. Enfin il fut rencontré, et
+ceux qui le virent s'écrièrent:--Homme, quel mal as-tu
+fait pour être ainsi vieilli et malade comme les animaux
+périssables? Il répondit:--Je ne ressemble pas à mes
+frères, mais je n'ai fait aucun mal, et Dieu m'a visité et
+révélé plusieurs secrets que je vous enseignerai. Il parlait
+ainsi pour donner le change à leur curiosité, et pendant
+la nuit il essaya de transporter sa famille dans un lieu
+encore plus inaccessible. Mais le jour le surprit avant
+qu'il fût parvenu à sa nouvelle retraite, et il fut rencontré
+avec sa femme montée sur un âne sauvage, et ses enfants,
+dont le plus jeune était dans ses bras.</p>
+
+<p>A cette vue, les voyageurs se prosternèrent; la femme
+leur parut si belle qu'ils la prirent pour un ange; et,
+malgré la résistance de l'époux, ils l'entraînèrent dans
+la vallée, la firent entrer dans le temple, et, lui élevant
+un autel, ils l'adorèrent. Ce fut la première idolâtrie.</p>
+
+<p>L'époux espérait que le respect les empêcherait de
+convoiter cette femme; mais elle, craignant d'offenser
+le Seigneur, brisa les liens de fleurs dont on l'avait enlacée,
+et tomba dans les bras de son époux en s'écriant:--Je
+ne suis point une divinité, mais une esclave de
+Dieu, une créature périssable et faible, la femme et la
+soeur de cet homme. Je lui appartiens, parce que Dieu
+m'a envoyée vers lui; si vous essayez de m'en séparer,
+je me briserai la tête contre cet autel, et vous me verrez
+mourir, car je suis mortelle, et mon époux l'est aussi.</p>
+
+<p>A ces mots, les voyageurs éprouvèrent une émotion
+inconnue, et furent saisis d'une sympathie étrange pour
+ces deux infortunés; comme ils étaient bons et justes,
+ils respectèrent la fidélité de la femme. Ils la contemplèrent
+avec admiration, prirent ses enfants dans leurs
+bras, et, ravis de leur beauté délicate et de leurs naïves
+paroles, ils se mirent à les aimer.</p>
+
+<p>Alors le peuple immortel, tombant à genoux, s'écria:--O
+Dieu, ôte-nous l'immortalité, et donne à chacun
+de nous une femme comme celle-ci; nous aimerons ses
+enfants, et nous travaillerons pour notre famille jusqu'à
+l'heure où tu nous enverras la mort; nous te bénirons
+tous les jours si tu exauces notre voeu.</p>
+
+<p>La voûte du temple fut enlevée par une main invisible,
+un escalier ardent, dont chaque marche était une nuance
+de l'arc-en-ciel, parut se dérouler jusqu'à la terre. Du sommet
+invisible de cet escalier, on vit descendre des formes
+vagues et lumineuses, qui peu à peu se dessinèrent en
+se rapprochant; des choeurs de femmes plus belles que
+toutes les fleurs de la terre et toutes les étoiles des cieux
+remplirent le sanctuaire en chantant; un ange était
+venu s'abattre sur le dernier degré, et à chaque femme
+qui le franchissait, il appelait un homme qu'il choisissait
+selon les desseins de Dieu, et mettait la main de l'époux
+dans la sienne.</p>
+
+<p>Quelques hommes, cependant, voulurent conserver
+leur immortalité. Mais l'amour de la femme était si enivrant
+et si précieux, qu'ils ne purent résister au désir
+de le goûter, et qu'ils essayèrent de séduire les femmes
+de leurs frères. Mais ils moururent de mort violente;
+Dieu les châtia, afin que le premier crime commis sur
+la terre n'eût point d'imitateurs.</p>
+
+<p>Pendant longtemps, malgré les souffrances de cette
+race éphémère, l'âge d'or régna parmi les hommes, et
+la fidélité fut observée entre les époux.</p>
+
+<p>Mais peu à peu le principe divin et immortel qui avait
+animé les premiers hommes s'affaiblissant de génération
+en génération, l'adultère, la haine, la jalousie, la violence,
+le meurtre et tous les maux de la race présente
+se répandirent dans l'humanité; Dieu fut obligé de voiler
+sa face et de rappeler à lui ses anges. La Providence devint
+de plus en plus mystérieuse et muette, la terre
+moins féconde, l'homme plus débile, et sa conscience
+plus voilée et plus incertaine. Les sociétés inventèrent,
+pour se maintenir, des lois qui hâtèrent leur chute; la
+vertu devint difficile et se réfugia dans quelques âmes
+choisies. Mais Dieu infligea pour châtiment éternel à cette
+race perverse le besoin d'aimer. A mesure que les lois
+plus absurdes ou plus cruelles multipliaient l'adultère,
+l'instinct de mutuelle fidélité devenait de jour en jour
+plus impérieux: aujourd'hui encore il fait le tourment
+et le regret des coeurs les plus corrompus. Les courtisanes
+se retirent au désert pour pleurer l'amour qu'elles
+n'ont plus droit d'attendre de l'homme, et la demandent
+à Dieu. Les libertins se désolent dans la débauche et
+appellent avec des sanglots furieux une femme chaste et
+fidèle qu'ils ne peuvent trouver. L'homme a oublié son
+immortalité; il s'est consolé de ne plus être l'égal des
+anges, mais il ne se consolera jamais d'avoir perdu
+l'amour, l'amour qui avait amené la mort par la main, et
+si beau qu'il avait obtenu grâce pour la laideur de cette
+soeur terrible: il ne sera guéri qu'en le retrouvant. Car,
+écoutez les Juifs: ils disent que la femme a apporté en
+dot le péché et la mort, mais ils disent aussi qu'au dernier
+jour elle écrasera la tête du serpent, qui est le génie
+du mal....</p>
+
+<p>Comme Myrza achevait les derniers versets de son
+poëme, des prophètes austères, qui l'avaient entendue,
+dirent au peuple assemblé autour d'elle:--Lapidez cette
+femme impie; elle insulte à la vraie religion et à toutes
+les religions, en confondant sous la forme allégorique les
+dogmes et les principes de toutes les genèses. Elle joue
+sur les cordes de son luth avec les choses les plus saintes,
+et la poésie qu'elle chante est un poison subtil qui égare
+les hommes. Ramassez des pierres et lapidez cette
+femme de mauvaise vie, qui ose venir ici prêcher les
+vertus qu'elle a foulées aux pieds; lapidez-la, car ses
+lèvres souillées profanent les noms de divinité et de
+chasteté.</p>
+
+<p>Mais le peuple refusa de lapider Myrza.--La vertu,
+répondit un vieux prêtre d'Esculape, est comme la
+science: elle est toujours belle, utile et sainte, quelle
+que soit la bouche qui l'annonce, et nous tirons des
+plantes les plus humbles que chaque jour le passant foule
+sur les chemins un baume précieux pour les blessures.
+Laissez partir cette sibylle; elle vient souvent ici, nous la
+connaissons et nous l'aimons. Ses fictions nous plaisent, à
+nous, vieux adorateurs des puissants dieux de l'Olympe,
+et les jeunes partisans des religions nouvelles y trouvent
+un fonds de saine morale et de douce philosophie.
+Nous l'écoutons en souriant, et nos femmes lui font
+d'innocents présents de jeunes agneaux et de robes de
+laine sans tache. Qu'elle parle et qu'elle revienne, nous
+ne la maudissons point; et si ses voies sont mauvaises,
+que Minerve les redresse et l'accompagne.</p>
+
+<p>--Mais nous parlons au nom de la vertu, reprirent les
+prophètes; nous avons fait serment de ne jamais connaître
+un embrassement féminin.....</p>
+
+<p>--Hier, interrompit une femme, d'autres prophètes
+nous engageaient, au nom de je sais quel nouveau dieu,
+à nous abandonner à notre appétit; et la veille, d'autres
+nous disaient d'être esclaves d'un seul maître: les uns
+fixent la chasteté d'une femme au nombre de sept maris,
+les autres veulent qu'elle n'en ait point, nous ne savons
+plus à qui entendre. Mais ce que dit cette Myrza
+nous plaît: elle nous amuse et ne nous enseigne point.
+Que ses fautes soient oubliées, et qu'elle soit vêtue d'une
+robe de pourpre, pour être conduite au temple du Destin,
+qui est le dieu des dieux.</p>
+
+<p>Et comme les disciples des prophètes furieux s'acharnaient
+à la maudire, et ramassaient de la boue et des
+pierres, le peuple prit parti pour elle, et voulut la porter
+en triomphe. Mais elle se dégagea, et, montant sur le
+dromadaire qui l'avait amenée, elle dit à ce peuple en
+le quittant:--Laissez-moi partir, et si ces hommes vous
+disent quelque chose de bon, écoutez-le, et recueillez-le
+de quelque part qu'il vienne. Pour moi, je vous ai dit
+ma foi, c'est l'amour. Et voyez pourtant que je suis
+seule, que j'arrive seule, et que je pars seule.... Alors
+Myrza répandit beaucoup de larmes, puis elle ajouta:--Comprenez-vous
+mes pleurs, et savez-vous où je
+vais?</p>
+
+<p>Et elle s'en alla par la route qui mène au désert de
+Thébaïde.
+
+<span class="rig">GEORGE SAND.</span></p>
+<br><br><br>
+
+<h1>HAMLET.</h1>
+
+<p>O Hamlet, dis-nous le secret de ta douleur immense, et
+pourquoi nous nous sentons vibrer autour de toi, comme
+autant d'échos de ta plainte mystérieuse? Est-ce seulement
+qu'on a assassiné ton père, et que tu ne te sens pas
+la force de le venger? C'est là une destinée tragique, mais
+exceptionnelle et bizarre, qui se peint seulement à notre
+imagination et qui ne remuerait guère nos coeurs, s'il n'y
+avait pas en toi autre chose qu'un souvenir, une vision
+et un serment. Hamlet le danois<a id="footnotetag1" name="footnotetag1"></a>
+<a href="#footnote1"><sup class="sml">1</sup></a>, que nous importe à
+nous, hommes d'aujourd'hui, le crime d'une reine, le
+meurtre d'un roi, et la colère d'un prince dépossédé? Nous
+avons vu bien d'autres drames de sang que ce drame
+imaginaire où ton prestige nous entraîne. Quel mystère
+de poignante sympathie le poëte qui t'a donné l'être, a-t-il
+donc enfermé dans ton sein et comme attaché à ton nom?</p>
+
+<blockquote class="footnote"><a id="footnote1"
+name="footnote1"><b>Note 1: </b></a><a href="#footnotetag1">
+(retour) </a> This is I. Hamlet the dane!...</blockquote>
+
+<p>Création sublime, n'est-ce donc pas que tu résumes en
+toi toutes les souffrances d'une âme pure jetée au milieu
+de la corruption et condamnée à lutter contre le mal qui
+l'étreint et la brise? Il n'y a pas d'autre fatalité dans ta
+vie, Hamlet, et ton délire n'a pas d'autre cause. Jeune,
+tendre et confiant, l'âme ouverte à l'amour et à l'amitié,
+la découverte du crime commis dans ta maison vient bouleverser
+toutes tes affections, toutes tes croyances. Tu
+pleurais un mort chéri, et tu t'étonnais de le pleurer seul.
+Un vague soupçon planait à peine sur ton esprit: tout à
+coup ce soupçon devient certitude; une vision déchirante,
+un songe peut-être, t'a éclairé, et dès lors, frappé de vertige,
+tu sens ta raison ébranlée, et ta vie n'est plus qu'un
+accès de délire amer et sombre.</p>
+
+<p>Car tu es fou, Hamlet, et tu ne mens pas quand tu dis:</p>
+
+<p class="mid"><i>His madness is poor Hamlet's ennemy.</i></p>
+
+<p>On ne se joue pas impunément avec la folie, et, d'ailleurs,
+le choix de ton rôle de fou atteste que tu es dominé
+par la préoccupation, l'angoisse et la terreur de la démence.
+Tu ne feins pas à la manière de Brutus, car tu
+n'es pas l'austère Brutus. Amoureux et poëte, rêveur
+tendre et studieux écolier, tu n'as rien de cette nature
+implacable et patiente du conspirateur. Pauvre Hamlet,
+ton âme est trop fière et trop aimante pour supporter la
+douleur et couver la vengeance. Te voilà forcé de haïr les
+hommes, toi qui naquis pour les aimer, et dès ce premier
+choc te voilà brisé sans retour. C'est l'horreur du crime,
+le mépris du mensonge et l'effroi du mal, qui mettent
+tous les éléments de ton être en guerre les uns contre les
+autres. Oh! qui ne te plaindrait d'être ainsi détourné de
+tes voies et lancé sur une pente fatale!</p>
+
+<p>L'harmonie de tes facultés est bien amèrement troublée,
+ô victime de l'iniquité! Aux heures où tu philosophes
+sur la vie et sur la mort, sur le mystère de la tombe et
+la peur de l'inconnu, tu sembles avoir retrouvé toutes les
+lumières de ton intelligence: mais c'est à ces heures-là
+même que nous devinons le mieux ton désastre, ce désastre
+moral dont tu ne peux plus mesurer l'étendue, et
+qui se voile en vain sous de brillantes et solennelles
+paroles. Plus que jamais divisé contre toi-même, peut-on
+dire que, dans ces moments de rêverie où ton âme quitte
+la terre, tu t'appartiennes réellement? Non, car alors le
+souvenir de tes maux et de tes excès est comme effacé de
+ta mémoire affaiblie, et la moitié de ton âme est paralysée.
+Lorsque tu te demandes ce que c'est qu'<i>être ou
+n'être pas, mourir ou dormir... ou rêver!...</i> tu ne vois
+pas Ophélia agenouillée près de toi; et lorsque tu songes
+au destin d'Alexandre et au néant de la gloire, en soulevant
+le crâne d'Yorick, tu ne te souviens pas du meurtre
+que tu as commis, et de ton amante que tu as rendue
+folle. Tu n'as même pas songé à t'enquérir de son sort;
+tu ne te doutes pas que c'est sa fosse que tu regardes
+creuser. Il est donc des heures où ton pauvre coeur est
+mort, et alors ton intelligence se perd dans des abstractions
+où tu n'as pas la notion distincte de ton propre malheur.
+Est-ce un état de raison que celui où le cerveau
+fonctionne dans l'oubli absolu des déchirements du coeur?
+L'homme n'est-il pas décomplété quand il ne peut plus
+penser et sentir que séparément et tour à tour?</p>
+
+<p>Qu'on ne nous dise donc plus que tu n'es pas fou, car
+tu serais odieux, et nous sentons si bien au contraire que
+tu ne t'appartiens plus, que ta violence et ta cruauté
+nous font plus souffrir que toi-même.</p>
+
+<p>Le noble Hamlet brise la frêle Ophélia en brisant l'amour
+dans son propre sein, et il ne comprend pas qu'il
+la tue. Il ne la reconnaît que dans son linceul, et ses regrets
+disent sa surprise et son repentir. Le noble Hamlet
+brise l'orgueil impuni de sa mère, et son propre coeur se
+brise de remords et de pitié en accomplissant ce devoir
+effroyable. Le noble Hamlet raille et insulte Laërte, et
+bientôt il s'accuse et se repent devant lui, mais sans paraître
+se rendre compte du mal qu'il lui a fait, et en lui
+disant: «Le ciel m'est témoin que je vous ai toujours
+aimé.» Partout Hamlet est noble et bon, mais aussi partout
+Hamlet est hors de lui et gouverné par la démence,
+démence rêveuse et accablante quand il est seul ou avec
+Horatio, démence furieuse et méprisante quand il est en
+contact avec les sots et les méchants de ce monde.</p>
+
+<p>La folie est toujours ou si repoussante, ou si navrante,
+que nous en détournons les yeux avec effroi. La pauvre
+Ophélia elle-même, si pure, si douce et si belle, n'a le
+don de nous intéresser qu'un instant, après que sa raison
+l'a abandonnée. Son délire est trop complet, bien qu'inoffensif.
+Ce n'est là qu'une douleur toute personnelle. D'où
+vient donc, ô triste Hamlet, que ta folie, à toi, nous attache
+et nous passionne du commencement à la fin? C'est
+à cause que ta douleur est la nôtre à tous, et c'est cela
+qui la fait si humaine et si vraie. C'est ce dessèchement
+qui se fait en toi de toutes les sources de la vie, l'amour,
+la confiance, la franchise et la bonté. C'est ce déplorable
+adieu que tu es forcé de dire à la paix de la conscience
+et aux instincts de ta tendresse. C'est cette nécessité de
+devenir ombrageux, hautain, violent, ironique, vindicatif
+et cruel. C'est cette fatalité qui arme contre ton semblable
+ta main loyale et brave. C'est cet amour même du vrai et du
+juste qui te condamne à devenir stupide ou méchant; et, ne
+pouvant être ni l'un ni l'autre, tu te sens devenir fou:</p>
+
+<p class="mid">
+ <i>They fool me to the top of my bent<br>
+They compell me to play the fool till I can endure to do it no longer.</i>
+</p>
+
+<p>Hélas! cette amertume de ta vie, ce désespoir tour à
+tour furieux et morne se résument en un cri intérieur
+dont le retentissement se fait en nous tous, et qui peut
+se traduire ainsi: Mon Dieu, pourquoi des méchants
+parmi nous? Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi le mal dans
+ton oeuvre?</p>
+
+<p>Oui, te voilà tout entier, Hamlet, dans ce cri de l'humanité
+révoltée contre elle-même. Voilà le secret de tes
+larmes, de tes fureurs et de tes épouvantes. Voilà le secret
+de notre pitié, de notre tendresse et de notre effroi
+pour ton mal. Lequel de nous oserait dire, quand il contemple
+l'étendue de ce mal auquel la terre est livrée, qu'il
+sera plus fort, plus juste et plus patient que toi? Lequel
+de nous, quand il s'égare aux abstractions de la métaphysique,
+ou, quand il s'abandonne aux entraînements de la
+réalité, aux jouissances de l'esprit, aux amusements de
+la jeunesse, aux espérances de l'amour, oserait s'assurer
+qu'il n'est pas un fou, un esprit débile et troublé en qui
+le souvenir de l'inévitable fatalité s'efface trop aisément,
+en qui le moi égoïste ou frivole étouffe le sentiment de la
+vérité et le culte de la sagesse? Soit que nous cherchions
+dans les livres la cause du malheur et de l'impuissance
+de l'homme, soit que nous demandions ce secret fatal à
+la rêverie, soit que nous tâchions de nous y soustraire
+par l'étourdissement du plaisir, nous sommes toujours
+des infirmes de corps et d'esprit, dominés par d'insondables
+mystères, épouvantés avec excès, oublieux avec
+ivresse, poltrons ou fanfarons, prompts à épuiser la coupe
+de nos joies, prompts à nous lasser de la recherche du
+vrai, et tristes surtout, toujours tristes!</p>
+
+<p>Pleure, Hamlet, pleure! Il n'y a vraiment que des sujets
+de larmes ici-bas! Tremble aussi; car il n'est rien de si
+effrayant que notre destinée en ce monde. Tue et meurs,
+détruis et disparais: c'est le sort de l'homme. Depuis le
+berceau jusqu'à la tombe, depuis Adam jusqu'à toi,
+Hamlet, depuis tes jours jusqu'aux nôtres, la voix de la
+terre est un éternel sanglot qui se perd dans l'éternel
+silence des cieux.<span class="rig">GEORGE SAND.</span></p>
+
+
+
+
+
+
+
+
+<br><br>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's Le poëme de Myrza - Hamlet, by George Sand
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+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ https://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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