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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 02:38:55 -0700 |
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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Ceci n'est pas un conte + +Author: Denis Diderot + +Editor: Jules Assézat + +Release Date: April 25, 2009 [EBook #28602] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CECI N'EST PAS UN CONTE *** + + + + +Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed +Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was +produced from images generously made available by the +Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + +[Extrait des OEuvres complètes de Diderot, éditées par Jules Assézat, +5ème volume, Paris, Garnier Frères, 1875.] + + + + +CECI N'EST PAS UN CONTE + +(Écrit vers 1772--Publié en 1798) + + + + +Ce conte se trouve dans la _Correspondance_ de Grimm, sous la date +d'avril 1773; mais il y est incomplet. Il y manque l'histoire de Tanié +et de la Reymer, et la fin de l'histoire de Mlle de La Chaux. + +M. A.-A. Barbier (_Dictionnaire des Anonymes_) a supposé que Diderot, en +attribuant à Mlle de La Chaux la traduction des «premiers essais de la +métaphysique, de Hume (ci-après p. 321)» et des _Essais sur +l'entendement humain_ (p. 328), avait été trompé par sa mémoire. Il n'en +est rien. Diderot a seulement, comme toujours, donné à l'ouvrage de +Hume, traduit par Mlle de La Chaux, un titre trop général. Il s'agit ici +des _Political discourses_, formant la deuxième partie des _Essays_. La +première traduction de cette partie (_Essais sur le commerce, le luxe, +l'argent_, Amsterdam, 1752, 1753, in-12; Paris et Lyon, in-12) est bien +de Mlle de La Chaux. Elle contient seulement sept des seize discours de +Hume, avec des réflexions du traducteur. L'abbé Le Blanc et ensuite +Mauvillon ne publièrent leurs travaux sur le même ouvrage qu'en 1754. La +traduction de Mlle de La Chaux des _Essais économiques_ de Hume a pris +place dans le tome XV de la _Collection des principaux économistes_. +Mlle de La Chaux mourut en 1755. + + + + +CECI N'EST PAS UN CONTE + + +Lorsqu'on fait un conte, c'est à quelqu'un qui l'écoute; et pour peu que +le conte dure, il est rare que le conteur ne soit pas interrompu +quelquefois par son auditeur. Voilà pourquoi j'ai introduit dans le +récit qu'on va lire, et qui n'est pas un conte, ou qui est un mauvais +conte, si vous vous en doutez, un personnage qui fasse à peu près le +rôle du lecteur; et je commence. + + * * * * * + +Et vous concluez de là? + +--Qu'un sujet aussi intéressant devait mettre nos têtes en l'air; +défrayer pendant un mois tous les cercles de la ville; y être tourné et +retourné jusqu'à l'insipidité: fournir à mille disputes, à vingt +brochures au moins, et à quelques centaines de pièces de vers pour ou +contre; et qu'en dépit de toute la finesse, de toutes les connaissances, +de tout l'esprit de l'auteur, puisque son ouvrage n'a excité aucune +fermentation violente, il est médiocre, et très-médiocre. + +--Mais il me semble que nous lui devons pourtant une soirée assez +agréable, et que cette lecture a amené... + +--Quoi! une litanie d'historiettes usées qu'on se décochait de part et +d'autre, et qui ne disaient qu'une chose connue de toute éternité, c'est +que l'homme et la femme sont deux bêtes très-malfaisantes. + +--Cependant l'épidémie vous a gagné, et vous avez payé votre écot tout +comme un autre. + +--C'est que bon gré, mal gré qu'on en ait, on se prête au ton donné; +qu'en entrant dans une société, d'usage, on arrange à la porte d'un +appartement jusqu'à sa physionomie sur celles qu'on voit; qu'on +contrefait le plaisant, quand on est triste; le triste, quand on serait +tenté d'être plaisant; qu'on ne veut être étranger à quoi que ce soit; +que le littérateur politique; que le politique métaphysique; que le +métaphysicien moralise; que le moraliste parle finance; le financier, +belles-lettres ou géométrie; que, plutôt que d'écouter ou se taire, +chacun bavarde de ce qu'il ignore, et que tous s'ennuient par sotte +vanité ou par politesse. + +--Vous avez de l'humeur. + +--À mon ordinaire. + +--Et je crois qu'il est à propos que je réserve mon historiette pour un +moment plus favorable. + +--C'est-à-dire que vous attendrez que je n'y sois pas. + +--Ce n'est pas cela. + +--Ou que vous craignez que je n'aie moins d'indulgence pour vous, tête à +tête, que je n'en aurais pour un indifférent en société. + +--Ce n'est pas cela. + +--Ayez donc pour agréable de me dire ce que c'est. + +--C'est que mon historiette ne prouve pas plus que celles qui vous ont +excédé. + +--Hé! dites toujours. + +--Non, non; vous en avez assez. + +--Savez-vous que de toutes les manières qu'ils ont de me faire enrager, +la vôtre m'est la plus antipathique? + +--Et quelle est la mienne? + +--Celle d'être prié de la chose que vous mourez d'envie de faire. Hé +bien, mon ami, je vous prie, je vous supplie de vouloir bien vous +satisfaire. + +--Me satisfaire! + +--Commencez, pour Dieu, commencez. + +--Je tâcherai d'être court. + +--Cela n'en sera pas plus mal. + +Ici, un peu par malice, je toussai, je crachai, je développai lentement +mon mouchoir, je me mouchai, j'ouvris ma tabatière, je pris une prise de +tabac; et j'entendais mon homme qui disait entre ses dents: «Si +l'histoire est courte, les préliminaires sont longs...» Il me prit envie +d'appeler un domestique, sous prétexte de quelque commission; mais je +n'en fis rien, et je dis: + + * * * * * + +«Il faut avouer qu'il y a des hommes bien bons, et des femmes bien +méchantes. + +--C'est ce qu'on voit tous les jours, et quelquefois sans sortir de chez +soi. Après? + +--Après? J'ai connu une Alsacienne belle, mais belle à faire accourir +les vieillards, et à arrêter tout court les jeunes gens. + +--Et moi aussi, je l'ai connue; elle s'appelait Mme Reymer. + +--Il est vrai. Un nouveau débarqué de Nancy, appelé Tanié, en devint +éperdument amoureux. Il était pauvre; c'était un de ces enfants perdus, +que la dureté des parents, qui ont une famille nombreuse, chasse de la +maison, et qui se jettent dans le monde sans savoir ce qu'ils +deviendront, par un instinct qui leur dit qu'ils n'y auront pas un sort +pire que celui qu'ils fuient. Tanié, amoureux de Mme Reymer, exalté par +une passion qui soutenait son courage et ennoblissait à ses yeux toutes +ses actions, se soumettait sans répugnance aux plus pénibles et aux plus +viles, pour soulager la misère de son amie. Le jour, il allait +travailler sur les ports; à la chute du jour, il mendiait dans les rues. + +--Cela était fort beau; mais cela ne pouvait durer. + +--Aussi Tanié, las de lutter contre le besoin, ou plutôt de retenir dans +l'indigence une femme charmante, obsédée d'hommes opulents qui la +pressaient de chasser ce gueux de Tanié... + +--Ce qu'elle aurait fait quinze jours, un mois plus tard. + +--Et d'accepter leurs richesses, résolut de la quitter, et d'aller +tenter la fortune au loin. Il sollicite, il obtient son passage sur un +vaisseau du roi. Le moment de son départ est venu. Il va prendre congé +de Mme Reymer. «Mon amie, lui dit-il, je ne saurais abuser plus +longtemps de votre tendresse. J'ai pris mon parti, je m'en vais.--Vous +vous en allez!--Oui...--Et où allez-vous?...--Aux îles. Vous êtes digne +d'un autre sort, et je ne saurais l'éloigner plus longtemps...» + +--Le bon Tanié!... + +«--Et que voulez-vous que je devienne?...» + +--La traîtresse!... + +«--Vous êtes environnée de gens qui cherchent à vous plaire. Je vous +rends vos promesses; je vous rends vos serments. Voyez celui d'entre ces +prétendants qui vous est le plus agréable; acceptez-le, c'est moi qui +vous en conjure...--Ah! Tanié, c'est vous qui me proposez...» + +--Je vous dispense de la pantomime de Mme Reymer. Je la vois, je la +sais... + +«--En m'éloignant, la seule grâce que j'exige de vous, c'est de ne +former aucun engagement qui nous sépare à jamais. Jurez-le-moi, ma belle +amie. Quelle que soit la contrée de la terre que j'habiterai, il faudra +que j'y sois bien malheureux s'il se passe une année sans vous donner +des preuves certaines de mon tendre attachement. Ne pleurez pas...» + +--Elles pleurent toutes quand elles veulent. + +--«... Et ne combattez pas un projet que les reproches de mon coeur +m'ont enfin inspiré, et auxquels ils ne tarderont pas à me ramener.» Et +voilà Tanié parti pour Saint-Domingue. + +--Et parti tout à temps pour Mme Reymer et pour lui. + +--Qu'en savez-vous? + +--Je sais, tout aussi bien qu'on le peut savoir, que quand Tanié lui +conseilla de faire un choix, il était fait. + +--Bon! + +--Continuez votre récit. + +--Tanié avait de l'esprit et une grande aptitude aux affaires. Il ne +tarda pas d'être connu. Il entra au conseil souverain du Cap. Il s'y +distingua par ses lumières et par son équité. Il n'ambitionnait pas une +grande fortune; il ne la désirait qu'honnête et rapide. Chaque année, il +en envoyait une portion à Mme Reymer. Il revint au bout... de neuf à dix +ans; non, je ne crois pas que son absence ait été plus longue... +présenter à son amie un petit portefeuille qui renfermait le produit de +ses vertus et de ses travaux... et heureusement pour Tanié, ce fut au +moment où elle venait de se séparer du dernier des successeurs de Tanié. + +--Du dernier? + +--Oui. + +--Il en avait donc eu plusieurs? + +--Assurément. + +--Allez, allez. + +--Mais je n'ai peut-être rien à vous dire que vous ne sachiez mieux que +moi. + +--Qu'importe, allez toujours. + +--Mme Reymer et Tanié occupaient un assez beau logement rue +Sainte-Marguerite, à ma porte. Je faisais grand cas de Tanié, et je +fréquentais sa maison, qui était, sinon opulente, du moins fort aisée. + +--Je puis vous assurer, moi, sans avoir compté avec la Reymer, qu'elle +avait mieux de quinze mille livres de rente avant le retour de Tanié. + +--À qui elle dissimulait sa fortune? + +--Oui. + +--Et pourquoi? + +--C'est qu'elle était avare et rapace. + +--Passe pour rapace; mais avare! une courtisane avare!... Il y avait +cinq à six ans que ces deux amants vivaient dans la meilleure +intelligence. + +--Grâce à l'extrême finesse de l'une et à la confiance sans bornes de +l'autre. + +--Oh! il est vrai qu'il était impossible à l'ombre d'un soupçon d'entrer +dans une âme aussi pure que celle de Tanié. La seule chose dont je me +sois quelquefois aperçu, c'est que Mme Reymer avait bientôt oublié sa +première indigence; qu'elle était tourmentée de l'amour du faste et de +la richesse; qu'elle était humiliée qu'une aussi belle femme allât à +pied. + +--Que n'allait-elle en carrosse? + +--Et que l'éclat du vice lui en dérobait la bassesse. Vous riez?... Ce +fut alors que M. de Maurepas[1] forma le projet d'établir au nord une +maison de commerce. Le succès de cette entreprise demandait un homme +actif et intelligent. Il jeta les yeux sur Tanié, à qui il avait confié +la conduite de plusieurs affaires importantes pendant son séjour au Cap, +et qui s'en était toujours acquitté à la satisfaction du ministre. Tanié +fut désolé de cette marque de distinction. Il était si content, si +heureux à côté de sa belle amie! Il aimait; il était ou il se croyait +aimé. + +--C'est bien dit. + +--Qu'est-ce que l'or pouvait ajouter à son bonheur? Rien. Cependant le +ministre insistait. Il fallait se déterminer, il fallait s'ouvrir à Mme +Reymer. J'arrivai chez lui précisément sur la fin de cette scène +fâcheuse. Le pauvre Tanié fondait en larmes. «Qu'avez-vous donc, lui +dis-je, mon ami?» Il me dit en sanglotant: «C'est cette femme!» Mme +Reymer travaillait tranquillement à un métier de tapisserie. Tanié se +leva brusquement et sortit. Je restai seul avec son amie, qui ne me +laissa pas ignorer ce qu'elle qualifiait de la déraison de Tanié. Elle +m'exagéra la modicité de son état; elle mit à son plaidoyer tout l'art +dont un esprit délié sait pallier les sophismes de l'ambition. «De quoi +s'agit-il? D'une absence de deux ou trois ans au plus.--C'est bien du +temps pour un homme que vous aimez et qui vous aime autant que +lui.--Lui, il m'aime? S'il m'aimait, balancerait-il à me +satisfaire?--Mais, madame, que ne le suivez-vous?--Moi! je ne vais point +là; et tout extravagant qu'il est, il ne s'est point avisé de me le +proposer. Doute-t-il de moi?--Je n'en crois rien.--Après l'avoir attendu +pendant douze ans, il peut bien s'en reposer deux ou trois sur ma bonne +foi. Monsieur, c'est que c'est une de ces occasions singulières qui ne +se présentent qu'une fois dans la vie; et je ne veux pas qu'il ait un +jour à se repentir et à me reprocher peut-être de l'avoir +manquée.--Tanié ne regrettera rien, tant qu'il aura le bonheur de vous +plaire.--Cela est fort honnête; mais soyez sûr qu'il sera très-content +d'être riche quand je serai vieille. Le travers des femmes est de ne +jamais penser à l'avenir; ce n'est pas le mien...» Le ministre était à +Paris. De la rue Sainte-Marguerite à son hôtel, il n'y avait qu'un pas. +Tanié y était allé, et s'était engagé. Il rentra l'oeil sec, mais l'âme +serrée. «Madame, lui dit-il, j'ai vu M. de Maurepas; il a ma parole. Je +m'en irai, je m'en irai; et vous serez satisfaite.--Ah! mon ami!...» Mme +Reymer écarte son métier, s'élance vers Tanié, jette ses bras autour de +son cou, l'accable de caresses et de propos doux. «Ah! c'est pour cette +fois que je vois que je vous suis chère.» Tanié lui répondait +froidement: «Vous voulez être riche.» + +--Elle l'était, la coquine, dix fois plus qu'elle ne méritait.... + +«--Et vous le serez. Puisque c'est l'or que vous aimez, il faut aller +vous chercher de l'or.» C'était le mardi; et le ministre avait fixé son +départ au vendredi, sans délai. J'allai lui faire mes adieux au moment +où il luttait avec lui-même, où il tâchait de s'arracher des bras de la +belle, indigne et cruelle Reymer. C'était un désordre d'idées, un +désespoir, une agonie, dont je n'ai jamais vu un second exemple. Ce +n'était pas de la plainte; c'était un long cri. Mme Reymer était encore +au lit. Il tenait une de ses mains. Il ne cessait de dire et de répéter: +«Cruelle femme! femme cruelle! que te faut-il de plus que l'aisance dont +tu jouis, et un ami, un amant tel que moi? J'ai été lui chercher la +fortune dans les contrées brûlantes de l'Amérique; elle veut que j'aille +la lui chercher encore au milieu des glaces du Nord. Mon ami, je sens +que cette femme est folle; je sens que je suis un insensé; mais il m'est +moins affreux de mourir que de la contrister. Tu veux que je te quitte; +je vais te quitter.» Il était à genoux au bord de son lit, la bouche +collée sur sa main et le visage caché dans les couvertures, qui, en +étouffant son murmure, ne le rendaient que plus triste et plus +effrayant. La porte de la chambre s'ouvrit; il releva brusquement la +tête; il vit le postillon qui venait lui annoncer que les chevaux +étaient à la chaise. Il fit un cri, et recacha son visage sur les +couvertures. Après un moment de silence, il se leva; il dit à son amie: +«Embrassez-moi, madame; embrasse-moi encore une fois, car tu ne me +verras plus.» Son pressentiment n'était que trop vrai. Il partit. Il +arriva à Pétersbourg, et, trois jours après, il fut attaqué d'une fièvre +dont il mourut le quatrième. + +--Je savais tout cela. + +--Vous avez peut-être été un des successeurs de Tanié? + +--Vous l'avez dit; et c'est avec cette belle abominable que j'ai dérangé +mes affaires. + +--Ce pauvre Tanié! + +--Il y a des gens dans le monde qui vous diront que c'est un sot. + +--Je ne le défendrai pas; mais je souhaiterai au fond de mon coeur que +leur mauvais destin les adresse à une femme aussi belle et aussi +artificieuse que Mme Reymer. + +--Vous êtes cruel dans vos vengeances. + +--Et puis, s'il y a des femmes méchantes et des hommes très-bons, il y a +aussi des femmes très-bonnes et des hommes très-méchants; et ce que je +vais ajouter n'est pas plus un conte[2] que ce qui précède. + +--J'en suis convaincu. + +--M. d'Hérouville... + +--Celui qui vit encore? le lieutenant général des armées du roi? celui +qui épousa cette charmante créature appelée Lolotte[3]? + +--Lui-même. + +--C'est un galant homme, ami des sciences. + +--Et des savants. Il s'est longtemps occupé d'une histoire générale de +la guerre dans tous les siècles et chez toutes les nations. + +--Le projet est vaste. + +--Pour le remplir, il avait appelé autour de lui quelques jeunes gens +d'un mérite distingué, tels que M. de Montucla[5], l'auteur de +l'_Histoire des Mathématiques_. + +--Diable! en avait-il beaucoup de cette force-là? + +--Mais celui qui se nommait Gardeil, le héros de l'aventure que je vais +vous raconter, ne lui cédait guère dans sa partie. Une fureur commune +pour l'étude de la langue grecque commença, entre Gardeil et moi, une +liaison que le temps, la réciprocité des conseils, le goût de la +retraite, et surtout la facilité de se voir, conduisirent à une assez +grande intimité. + +--Vous demeuriez alors à l'Estrapade. + +--Lui, rue Sainte-Hyacinthe, et son amie, Mlle de La Chaux, place +Saint-Michel. Je la nomme de son propre nom, parce que la pauvre +malheureuse n'est plus, parce que sa vie ne peut que l'honorer dans tous +les esprits bien faits et lui mériter l'admiration, les regrets et les +larmes de ceux que la nature aura favorisés ou punis d'une petite +portion de la sensibilité de son âme. + +--Mais votre voix s'entrecoupe, et je crois que vous pleurez. + +--Il me semble encore que je vois ses grands yeux noirs, brillants et +doux, et que le son de sa voix touchante retentisse dans mon oreille et +trouble mon coeur. Créature charmante! créature unique! tu n'es plus! Il +y a près de vingt ans que tu n'es plus; et mon coeur se serre encore à +ton souvenir. + +--Vous l'avez aimée? + +--Non. Ô La Chaux! ô Gardeil! Vous fûtes l'un et l'autre deux prodiges; +vous, de la tendresse de la femme; vous, de l'ingratitude de l'homme. +Mlle de La Chaux était d'une famille honnête. Elle quitta ses parents +pour se jeter entre les bras de Gardeil. Gardeil n'avait rien, Mlle de +La Chaux jouissait de quelque bien; et ce bien fut entièrement sacrifié +aux besoins et aux fantaisies de Gardeil. Elle ne regretta ni sa fortune +dissipée, ni son honneur flétri. Son amant lui tenait lieu de tout. + +--Ce Gardeil était donc bien séduisant, bien aimable? + +--Point du tout. Un petit homme bourru, taciturne et caustique; le +visage sec, le teint basané; en tout, une figure mince et chétive; laid, +si un homme peut l'être avec la physionomie de l'esprit. + +--Et voilà ce qui avait renversé la tête à une fille charmante? + +--Et cela vous surprend? + +--Toujours. + +--Vous? + +--Moi. + +--Mais vous ne vous rappelez donc plus votre aventure avec la Deschamps +et le profond désespoir où vous tombâtes lorsque cette créature vous +ferma sa porte? + +--Laissons cela; continuez. + +--Je vous disais: «Elle est donc bien belle?» Et vous me répondiez +tristement: «Non.--Elle a donc bien de l'esprit?--C'est une sotte.--Ce +sont donc ses talents qui vous entraînent?--Elle n'en a qu'un.--Et ce +rare, ce sublime, ce merveilleux talent?--C'est de me rendre plus +heureux entre ses bras que je ne le fus jamais entre les bras d'aucune +autre femme.» Mais Mlle de La Chaux, l'honnête, la sensible Mlle de La +Chaux se promettait secrètement, d'instinct, à son insu, le bonheur que +vous connaissiez, et qui vous faisait dire de la Deschamps: «Si cette +malheureuse, si cette infâme s'obstine à me chasser de chez elle, je +prends un pistolet, et je me brise la cervelle dans son antichambre.» +L'avez-vous dit, ou non? + +--Je l'ai dit; et même à présent, je ne sais pourquoi je ne l'ai pas +fait. + +--Convenez donc. + +--Je conviens de tout ce qu'il vous plaira. + +--Mon ami, le plus sage d'entre nous est bien heureux de n'avoir pas +rencontré la femme belle ou laide, spirituelle ou sotte, qui l'aurait +rendu fou à enfermer aux Petites-Maisons. Plaignons beaucoup les hommes, +blâmons-les sobrement; regardons nos années passées comme autant de +moments dérobés à la méchanceté qui nous suit; et ne pensons jamais +qu'en tremblant à la violence de certains attraits de nature, surtout +pour les âmes chaudes et les imaginations ardentes. L'étincelle qui +tombe fortuitement sur un baril de poudre ne produit pas un effet plus +terrible. Le doigt prêt à secouer sur vous ou sur moi cette fatale +étincelle est peut-être levé. + +M. d'Hérouville, jaloux d'accélérer son ouvrage, excédait de fatigue ses +coopérateurs. La santé de Gardeil en fut altérée. Pour alléger sa tâche, +Mlle de La Chaux apprit l'hébreu; et tandis que son ami reposait, elle +passait une partie de la nuit à interpréter et transcrire des lambeaux +d'auteurs hébreux. Le temps de dépouiller les auteurs grecs arriva; Mlle +de La Chaux se hâta de se perfectionner dans cette langue dont elle +avait déjà quelque teinture: et tandis que Gardeil dormait elle était +occupée à traduire et à copier des passages de Xénophon et de Thucydide. +À la connaissance du grec et de l'hébreu, elle joignit celle de +l'italien et de l'anglais. Elle posséda l'anglais au point de rendre en +français les premiers essais de la métaphysique de Hume; ouvrage où la +difficulté de la matière ajoutait infiniment à celle de l'idiome. +Lorsque l'étude avait épuisé ses forces, elle s'amusait à graver de la +musique. Lorsqu'elle craignait que l'ennui ne s'emparât de son amant, +elle chantait. Je n'exagère rien, j'en atteste M. Le Camus, docteur en +médecine, qui l'a consolée dans ses peines et secourue dans son +indigence; qui lui a rendu les services les plus continus; qui l'a +suivie dans un grenier où sa pauvreté l'avait reléguée, et qui lui a +fermé les yeux quand elle est morte. Mais j'oublie un de ses premiers +malheurs; c'est la persécution qu'elle eut à souffrir d'une famille +indignée d'un attachement public et scandaleux. On employa et la vérité +et le mensonge, pour disposer de sa liberté d'une manière infamante. Ses +parents et les prêtres la poursuivirent de quartier en quartier, de +maison en maison, et la réduisirent plusieurs années à vivre seule et +cachée. Elle passait les journées à travailler pour Gardeil. Nous lui +apparaissions la nuit; et à la présence de son amant, tout son chagrin, +toute son inquiétude était évanouie. + +--Quoi! jeune, pusillanime, sensible au milieu de tant de traverse, elle +était heureuse. + +--Heureuse! Oui elle ne cessa de l'être que quand Gardeil fut ingrat. + +--Mais il est impossible que l'ingratitude ait été la récompense de tant +de qualités rares, tant de marques de tendresse, tant de sacrifices de +toute espèce. + +--Vous vous trompez, Gardeil fut ingrat. Un jour, Mlle de La Chaux se +trouva seule dans ce monde, sans honneur, sans fortune, sans appui. Je +vous en impose, je lui restai pendant quelque temps. Le docteur Le Camus +lui resta toujours. + +--Ô les hommes, les hommes! + +--De qui parlez-vous? + +--De Gardeil. + +--Vous regardez le méchant; et vous ne voyez pas tout à côté l'homme de +bien. Ce jour de douleur et de désespoir, elle accourut chez moi. +C'était le matin. Elle était pâle comme la mort. Elle ne savait son sort +que de la veille, et elle offrait l'image des longues souffrances. Elle +ne pleurait pas; mais on voyait qu'elle avait beaucoup pleuré. Elle se +jeta dans un fauteuil; elle ne parlait pas; elle ne pouvait parler; elle +me tendait les bras, et en même temps elle poussait des cris. «Qu'est-ce +qu'il y a, lui dis-je? Est-ce qu'il est mort?...--C'est pis: il ne +m'aime plus; il m'abandonne...» + +--Allez donc. + +--Je ne saurais; je la vois, je l'entends; et mes yeux se remplissent de +pleurs. «Il ne vous aime plus?...--Non.--Il vous abandonne!--Eh! oui. +Après tout ce que j'ai fait!... Monsieur, ma tête s'embarrasse; ayez +pitié de moi; ne me quittez pas... surtout ne me quittez pas...» En +prononçant ces mots, elle m'avait saisi le bras, qu'elle me serrait +fortement, comme s'il y avait eu près d'elle quelqu'un qui la menaçât de +l'arracher et de l'entraîner... «Ne craignez rien, mademoiselle.--Je ne +crains que moi.--Que faut-il faire pour vous?--D'abord, me sauver de +moi-même... Il ne m'aime plus! je le fatigue! je l'excède! je l'ennuie! +il me hait! il m'abandonne! il me laisse! il me laisse!» À ce mot répété +succéda un silence profond; et à ce silence, des éclats d'un rire +convulsif plus effrayants mille fois que les accents du désespoir ou le +râle de l'agonie. Ce furent ensuite des pleurs, des cris, des mots +inarticulés, des regards tournés vers le ciel, des lèvres tremblantes, +un torrent de douleurs qu'il fallait abandonner à son cours; ce que je +fis: et je ne commençai à m'adresser à sa raison, que quand je vis son +âme brisée et stupide. Alors je repris: «Il vous hait, il vous laisse! +et qui est-ce qui vous l'a dit?--Lui.--Allons, mademoiselle, un peu +d'espérance et de courage. Ce n'est pas un monstre...--Vous ne le +connaissez pas; vous le connaîtrez. C'est un monstre comme il n'y en a +point, comme il n'y en eut jamais.--Je ne saurais le croire.--Vous le +verrez.--Est-ce qu'il aime ailleurs?--Non.--Ne lui avez-vous donné aucun +soupçon, aucun mécontentement?--Aucun, aucun.--Qu'est-ce donc?--Mon +inutilité. Je n'ai plus rien. Je ne suis plus bonne à rien. Son +ambition; il a toujours été ambitieux. La perte de ma santé, celle de +mes charmes: j'ai tant souffert et tant fatigué; l'ennui, le dégoût.--On +cesse d'être amants, mais on reste amis.--Je suis devenue un objet +insupportable; ma présence lui pèse, ma vue l'afflige et le blesse. Si +vous saviez ce qu'il m'a dit! Oui, monsieur, il m'a dit que s'il était +condamné à passer vingt-quatre heures avec moi, il se jetterait par les +fenêtres.--Mais cette aversion n'est pas l'ouvrage d'un moment.--Que +sais-je? Il est naturellement si dédaigneux! si indifférent! si froid! +Il est si difficile de lire au fond de ces âmes! et l'on a tant de +répugnance à lire son arrêt de mort! Il me l'a prononcé, et avec quelle +dureté!--Je n'y conçois rien.--J'ai une grâce à vous demander, et c'est +pour cela que je suis venue: me l'accorderez-vous?--Quelle qu'elle +soit.--Écoutez. Il vous respecte; vous savez tout ce qu'il me doit. +Peut-être rougira-t-il de se montrer à vous tel qu'il est. Non, je ne +crois pas qu'il en ait le front ni la force. Je ne suis qu'une femme, et +vous êtes un homme. Un homme tendre, honnête et juste en impose. Vous +lui en imposerez. Donnez-moi le bras, et ne refusez pas de m'accompagner +chez lui. Je veux lui parler devant vous. Qui sait ce que ma douleur et +votre présence pourront faire sur lui? Vous +m'accompagnerez?--Très-volontiers.--Allons...» + +--Je crains bien que sa douleur et sa présence n'y fassent que de l'eau +claire. Le dégoût! c'est une terrible chose que le dégoût en amour, et +d'une femme!... + +--J'envoyai chercher une chaise à porteurs; car elle n'était guère en +état de marcher. Nous arrivons chez Gardeil, à cette grande maison +neuve, la seule qu'il y ait à droite dans la rue Hyacinthe, en entrant +par la place Saint-Michel. Là, les porteurs arrêtent; ils ouvrent. +J'attends. Elle ne sort point. Je m'approche, et je vois une femme +saisie d'un tremblement universel; ses dents se frappaient comme dans le +frisson de la fièvre; ses genoux se battaient l'un contre l'autre. «Un +moment, monsieur; je vous demande pardon; je ne saurais... Que vais-je +faire là? Je vous aurai dérangé de vos affaires inutilement; j'en suis +fâchée; je vous demande pardon...» Cependant je lui tendais le bras. +Elle le prit, elle essaya de se lever; elle ne le put. «Encore un +moment, monsieur, me dit-elle; je vous fais peine; vous pâtissez de mon +état...» Enfin elle se rassura un peu; et en sortant de la chaise, elle +ajouta tout bas: «Il faut entrer; il faut le voir. Que sait-on? j'y +mourrai peut-être...» Voilà la cour traversée; nous voilà à la porte de +l'appartement; nous voilà dans le cabinet de Gardeil. Il était à son +bureau, en robe de chambre, en bonnet de nuit. Il me fit un salut de la +main, et continua le travail qu'il avait commencé. Ensuite il vint à +moi, et me dit: «Convenez, monsieur, que les femmes sont bien +incommodes. Je vous fais mille excuses des extravagances de +mademoiselle.» Puis s'adressant à la pauvre créature, qui était plus +morte que vive: «Mademoiselle, lui dit-il, que prétendez-vous encore de +moi? Il me semble qu'après la manière nette et précise dont je me suis +expliqué, tout doit être fini entre nous. Je vous ai dit que je ne vous +aimais plus; je vous l'ai dit seul à seul; votre dessein est apparemment +que je vous le répète devant monsieur: eh bien, mademoiselle, je ne vous +aime plus. L'amour est un sentiment éteint dans mon coeur pour vous; et +j'ajouterai, si cela peut vous consoler, pour toute autre femme.--Mais +apprenez-moi pourquoi vous ne m'aimez plus?--Je l'ignore; tout ce que je +sais, c'est que j'ai commencé sans savoir pourquoi; que j'ai cessé sans +savoir pourquoi; et que je sens qu'il est impossible que cette passion +revienne. C'est une gourme que j'ai jetée, et dont je me crois et me +félicite d'être parfaitement guéri.--Quels sont mes torts?--Vous n'en +avez aucun.--Auriez-vous quelque objection secrète à faire à ma +conduite?--Pas la moindre; vous avez été la femme la plus constante, la +plus honnête, la plus tendre qu'un homme pût désirer.--Ai-je omis +quelque chose qu'il fût en mon pouvoir de faire?--Rien.--Ne vous ai-je +pas sacrifié mes parents?--Il est vrai.--Ma fortune.--J'en suis au +désespoir.--Ma santé?--Cela se peut.--Mon honneur, ma réputation, mon +repos?--Tout ce qu'il vous plaira.--Et je te suis odieuse!--Cela est dur +à dire, dur à entendre, mais puisque cela est, il faut en convenir.--Je +lui suis odieuse!... Je le sens, et ne m'en estime pas davantage!... +Odieuse! ah! dieux!...» À ces mots une pâleur mortelle se répandit sur +son visage; ses lèvres se décolorèrent; les gouttes d'une sueur froide, +qui se formait sur ses joues, se mêlaient aux larmes qui descendaient de +ses yeux; ils étaient fermés; sa tête se renversa sur le dos de son +fauteuil; ses dents se serrèrent; tous ses membres tressaillaient; à ce +tressaillement succéda une défaillance qui me parut l'accomplissement de +l'espérance qu'elle avait conçue à la porte de cette maison. La durée de +cet état acheva de m'effrayer. Je lui ôtai son mantelet; je desserrai +les cordons de sa robe; je relâchai ceux de ses jupons, et je lui jetai +quelques gouttes d'eau fraîche sur le visage. Ses yeux se rouvrirent à +demi; il se fit entendre un murmure sourd dans sa gorge; elle voulait +prononcer: Je lui suis odieuse; et elle n'articulait que les dernières +syllabes du mot; puis elle poussait un cri aigu. Ses paupières +s'abaissaient; et l'évanouissement reprenait. Gardeil, froidement assis +dans son fauteuil, son coude appuyé sur la table et sa tête appuyée sur +sa main, la regardait sans émotion, et me laissait le soin de la +secourir. Je lui dis à plusieurs reprises: «Mais, monsieur, elle se +meurt... il faudrait appeler.» Il me répondit en souriant et haussant +les épaules: «Les femmes ont la vie dure; elles ne meurent pas pour si +peu; ce n'est rien; cela se passera. Vous ne les connaissez pas; elles +font de leur corps tout ce qu'elles veulent...--Elle se meurt, vous +dis-je.» En effet, son corps était comme sans force et sans vie; il +s'échappait de dessus son fauteuil, et elle serait tombée à terre de +droite ou de gauche, si je ne l'avais retenue. Cependant Gardeil s'était +levé brusquement; et en se promenant dans son appartement, il disait +d'un ton d'impatience et d'humeur: «Je me serais bien passé de cette +maussade scène; mais j'espère bien que ce sera la dernière. À qui diable +en veut cette créature? Je l'ai aimée; je me battrais la tête contre le +mur qu'il n'en serait ni plus ni moins. Je ne l'aime plus; elle le sait +à présent, ou elle ne le saura jamais. Tout est dit...--Non, monsieur, +tout n'est pas dit. Quoi! vous croyez qu'un homme de bien n'a qu'à +dépouiller une femme de tout ce qu'elle a, et la laisser.--Que +voulez-vous que je fasse? je suis aussi gueux qu'elle.--Ce que je veux +que vous fassiez? que vous associiez votre misère à celle où vous l'avez +réduite.--Cela vous plaît à dire. Elle n'en serait pas mieux, et j'en +serais beaucoup plus mal.--En useriez-vous ainsi avec un ami qui vous +aurait tout sacrifié?--Un ami! un ami! je n'ai pas grande foi aux amis; +et cette expérience m'a appris à n'en avoir aucune aux passions. Je suis +fâché de ne l'avoir pas su plus tôt.--Et il est juste que cette +malheureuse soit la victime de l'erreur de votre coeur.--Et qui vous a +dit qu'un mois, un jour plus tard, je ne l'aurais pas été, moi, tout +aussi cruellement, de l'erreur du sien?--Qui me l'a dit? tout ce qu'elle +a fait pour vous, et l'état où vous la voyez.--Ce qu'elle a fait pour +moi!... Oh! pardieu, il est acquitté de reste par la perte de mon +temps.--Ah! monsieur Gardeil, quelle comparaison de votre temps et de +toutes les choses sans prix que vous lui avez enlevées!--Je n'ai rien +fait, je ne suis rien, j'ai trente ans; il est temps ou jamais de penser +à soi, et d'apprécier toutes ces fadaises-là ce qu'elles valent...» + +Cependant la pauvre demoiselle était un peu revenue à elle-même. À ces +derniers mots, elle reprit avec assez de vivacité: «Qu'a-t-il dit de la +perte de son temps? J'ai appris quatre langues, pour le soulager dans +ses travaux; j'ai lu mille volumes; j'ai écrit, traduit, copié les jours +et les nuits; j'ai épuisé mes forces, usé mes yeux, brûlé mon sang; j'ai +contracté une maladie fâcheuse, dont je ne guérirai peut-être jamais. La +cause de son dégoût, il n'ose l'avouer; mais vous allez la connaître.» À +l'instant elle arrache son fichu; elle sort un de ses bras de sa robe; +elle met son épaule à nu; et, me montrant une tache érysipélateuse: «La +raison de son changement, la voilà, me dit-elle, la voilà; voilà l'effet +des nuits que j'ai veillées. Il arrivait le matin avec ses rouleaux de +parchemin. M. d'Hérouville, me disait-il, est très-pressé de savoir ce +qu'il y a là dedans; il faudrait que cette besogne fût faite demain; et +elle l'était...» Dans ce moment, nous entendîmes le pas de quelqu'un qui +s'avançait vers la porte; c'était un domestique qui annonçait l'arrivée +de M. d'Hérouville. Gardeil en pâlit. J'invitai Mlle de La Chaux à se +rajuster et à se retirer... «Non, dit-elle, non; je reste. Je veux +démasquer l'indigne. J'attendrai M. d'Hérouville, je lui parlerai.--Et à +quoi cela servira-t-il?--À rien, me répondit-elle; vous avez +raison.--Demain vous en seriez désolée. Laissez-lui tous ses torts; +c'est une vengeance digne de vous.--Mais est-elle digne de lui? Est-ce +que vous ne voyez pas que cet homme-là n'est... Partons, monsieur, +partons vite; car je ne puis répondre ni de ce que je ferais, ni de ce +que je dirais...» Mlle de La Chaux répara en un clin d'oeil le désordre +que cette scène avait mis dans ses vêtements, s'élança comme un trait +hors du cabinet de Gardeil. Je la suivis, et j'entendis la porte qui se +fermait sur nous avec violence. Depuis, j'ai appris qu'on avait donné +son signalement au portier. + +Je la conduisis chez elle, où je trouvai le docteur Le Camus, qui nous +attendait. La passion qu'il avait prise pour cette jeune fille différait +peu de celle qu'elle ressentait pour Gardeil. Je lui fis le récit de +notre visite; et tout à travers les signes de sa colère, de sa douleur, +de son indignation... + +--Il n'était pas trop difficile de démêler sur son visage que votre peu +de succès ne lui déplaisait pas trop. + +--Il est vrai. + +--Voilà l'homme. Il n'est pas meilleur que cela. + +--Cette rupture fut suivie d'une maladie violente, pendant laquelle le +bon, l'honnête, le tendre et délicat docteur lui rendait des soins qu'il +n'aurait pas eus pour la plus grande dame de France. Il venait trois, +quatre fois par jour. Tant qu'il y eut du péril, il coucha dans sa +chambre, sur un lit de sangle. C'est un bonheur qu'une maladie dans les +grands chagrins. + +--En nous rapprochant de nous, elle écarte le souvenir des autres. Et +puis c'est un prétexte pour s'affliger sans indiscrétion et sans +contrainte. + +--Cette réflexion, juste d'ailleurs, n'était pas applicable à Mlle de La +Chaux. + +Pendant sa convalescence, nous arrangeâmes l'emploi de son temps. Elle +avait de l'esprit, de l'imagination, du goût, des connaissances, plus +qu'il n'en fallait pour être admise à l'Académie des inscriptions. Elle +nous avait tant et tant entendus métaphysiquer, que les matières les +plus abstraites lui étaient devenues familières; et sa première +tentative littéraire fut la traduction des _Essais sur l'entendement +humain_, de Hume. Je la revis; et, en vérité, elle m'avait laissé bien +peu de chose à rectifier. Cette traduction fut imprimée en Hollande et +bien accueillie du public. + +Ma Lettre sur les Sourds et Muets parut presque en même temps. Quelques +objections très-fines qu'elle me proposa donnèrent lieu à une addition +qui lui fut dédiée[6]. Cette addition n'est pas ce que j'ai fait de plus +mal. + +La gaieté de Mlle de La Chaux était un peu revenue. Le docteur nous +donnait quelquefois à manger, et ces dîners n'étaient pas trop tristes. +Depuis l'éloignement de Gardeil, la passion de Le Camus avait fait de +merveilleux progrès. Un jour, à table, au dessert, qu'il s'en expliquait +avec toute l'honnêteté, toute la sensibilité, toute la naïveté d'un +enfant, toute la finesse d'un homme d'esprit, elle lui dit, avec une +franchise qui me plut infiniment, mais qui déplaira peut-être à +d'autres: «Docteur, il est impossible que l'estime que j'ai pour vous +s'accroisse jamais. Je suis comblée de vos services; et je serais aussi +noire que le monstre de la rue Hyacinthe, si je n'étais pénétrée de la +plus vive reconnaissance. Votre tour d'esprit me plaît on ne saurait +davantage. Vous me parlez de votre passion avec tant de délicatesse et +de grâce, que je serais, je crois, fâchée que vous ne m'en parlassiez +plus. La seule idée de perdre votre société ou d'être privée de votre +amitié suffirait pour me rendre malheureuse. Vous êtes un homme de bien, +s'il en fut jamais. Vous êtes d'une bonté et d'une douceur de caractère +incomparables. Je ne crois pas qu'un coeur puisse tomber en de +meilleures mains. Je prêche le mien du matin au soir en votre faveur; +mais a beau prêcher qui n'a envie de bien faire. Je n'en avance pas +davantage. Cependant vous souffrez; et j'en ressens une peine cruelle. +Je ne connais personne qui soit plus digne que vous du bonheur que vous +sollicitez, et je ne sais ce que je n'oserais pas pour vous rendre +heureux. Tout le possible, sans exception. Tenez, docteur, j'irais... +oui, j'irais jusqu'à coucher... jusque-là inclusivement. Voulez-vous +coucher avec moi? vous n'avez qu'à dire. Voilà tout ce que je puis faire +pour votre service; mais vous voulez être aimé, et c'est ce que je ne +saurais.» + +Le docteur l'écoutait, lui prenait la main, la baisait, la mouillait de +ses larmes; et moi, je ne savais si je devais rire ou pleurer. Mlle de +La Chaux connaissait bien le docteur; et le lendemain que je lui disais: +«Mais, mademoiselle, si le docteur vous eût prise au mot?» elle me +répondit: «J'aurais tenu ma parole; mais cela ne pouvait arriver; mes +offres n'étaient pas de nature à pouvoir être acceptées par un homme tel +que lui...--Pourquoi non? Il me semble qu'à la place du docteur, +j'aurais espéré que le reste viendrait après.--Oui; mais à la place du +docteur, Mlle de La Chaux ne vous aurait pas fait la même proposition.» + +La traduction de Hume ne lui avait pas rendu grand argent. Les +Hollandais impriment tant qu'on veut, pourvu qu'ils ne payent rien. + +--Heureusement pour nous; car, avec les entraves qu'on donne à l'esprit, +s'ils s'avisent une fois de payer les auteurs, ils attireront chez eux +tout le commerce de la librairie. + +--Nous lui conseillâmes de faire un ouvrage d'agrément, auquel il y +aurait moins d'honneur et plus de profit. Elle s'en occupa pendant +quatre à cinq mois, au bout desquels elle m'apporta un petit roman +historique, intitulé: _les Trois Favorites_. Il y avait de la légèreté +de style, de la finesse et de l'intérêt; mais, sans qu'elle s'en fût +doutée, car elle était incapable d'aucune malice, il était parsemé d'une +multitude de traits applicables à la maîtresse du souverain, la marquise +de Pompadour; et je ne lui dissimulai pas que, quelque sacrifice qu'elle +fît, soit en adoucissant, soit en supprimant ces endroits, il était +presque impossible que son ouvrage parût sans la compromettre, et que le +chagrin de gâter ce qui était bien ne la garantirait pas d'un autre. + +Elle sentit toute la justesse de mon observation et n'en fut que plus +affligée. Le bon docteur prévenait tous ses besoins; mais elle usait de +sa bienfaisance avec d'autant plus de réserve, qu'elle se sentait moins +disposée à la sorte de reconnaissance qu'il en pouvait espérer. +D'ailleurs, le docteur[7] n'était pas riche alors; et il n'était pas +trop fait pour le devenir. De temps en temps, elle tirait son manuscrit +de son portefeuille; et elle me disait tristement: «Eh bien! il n'y a +donc pas moyen d'en rien faire; et il faut qu'il reste là.» Je lui +donnai un conseil singulier, ce fut d'envoyer l'ouvrage tel qu'il était, +sans adoucir, sans changer, à Mme de Pompadour même, avec un bout de +lettre qui la mît au fait de cet envoi. Cette idée lui plut. Elle +écrivit une lettre charmante de tous points, mais surtout par un ton de +vérité auquel il était impossible de se refuser. Deux ou trois mois +s'écoulèrent sans qu'elle entendît parler de rien; et elle tenait la +tentative pour infructueuse, lorsqu'une croix de Saint-Louis se présenta +chez elle avec une réponse de la marquise. L'ouvrage y était loué comme +il le méritait; on remerciait du sacrifice; on convenait des +applications, on n'en était point offensée; et l'on invitait l'auteur à +venir à Versailles, où l'on trouverait une femme reconnaissante et +disposée à rendre les services qui dépendraient d'elle. L'envoyé, en +sortant de chez Mlle de La Chaux, laissa adroitement sur sa cheminée un +rouleau de cinquante louis. + +Nous la pressâmes, le docteur et moi, de profiter de la bienveillance de +Mme de Pompadour; mais nous avions affaire à une fille dont la modestie +et la timidité égalaient le mérite. Comment se présenter là avec ses +haillons? Le docteur leva tout de suite cette difficulté. Après les +habits, ce furent d'autres prétextes, et puis d'autres prétextes encore. +Le voyage de Versailles fut différé de jour en jour, jusqu'à ce qu'il ne +convenait presque plus de le faire. Il y avait déjà du temps que nous ne +lui en parlions pas, lorsque le même émissaire revint, avec une seconde +lettre remplie des reproches les plus obligeants et une autre +gratification équivalente à la première et offerte avec le même +ménagement. Cette action généreuse de Mme de Pompadour n'a point été +connue. J'en ai parlé à M. Collin, son homme de confiance et le +distributeur de ses grâces secrètes. Il l'ignorait; et j'aime à me +persuader que ce n'est pas la seule que sa tombe recèle. + +Ce fut ainsi que Mlle de La Chaux manqua deux fois l'occasion de se +tirer de la détresse. + +Depuis, elle transporta sa demeure sur les extrémités de la ville, et je +la perdis tout à fait de vue. Ce que j'ai su du reste de sa vie, c'est +qu'il n'a été qu'un tissu de chagrins, d'infirmités et de misère. Les +portes de sa famille lui furent opiniâtrement fermées. Elle sollicita +inutilement l'intercession de ces saints personnages qui l'avaient +persécutée avec tant de zèle. + +--Cela est dans la règle. + +--Le docteur ne l'abandonna point. Elle mourut sur la paille, dans un +grenier, tandis que le petit tigre de la rue Hyacinthe, le seul amant +qu'elle ait eu, exerçait la médecine à Montpellier ou à Toulouse, et +jouissait, dans la plus grande aisance, de la réputation méritée +d'habile homme, et de la réputation usurpée d'honnête homme. + +--Mais cela est encore à peu près dans la règle. S'il y a un bon et +honnête Tanié, c'est à une Reymer que la Providence l'envoie; s'il y a +une bonne et honnête de La Chaux, elle deviendra le partage d'un +Gardeil[8], afin que tout soit fait pour le mieux. + +Mais on me dira peut-être que c'est aller trop vite que de prononcer +définitivement sur le caractère d'un homme d'après une seule action; +qu'une règle aussi sévère réduirait le nombre des gens de bien au point +d'en laisser moins sur la terre que l'Évangile du chrétien n'admet +d'élus dans le ciel; qu'on peut être inconstant en amour, se piquer même +de peu de religion avec les femmes, sans être dépourvu d'honneur et de +probité; qu'on n'est le maître ni d'arrêter une passion qui s'allume, ni +d'en prolonger une qui s'éteint; qu'il y a déjà assez d'hommes dans les +maisons et les rues qui méritent à juste titre le nom de coquins, sans +inventer des crimes imaginaires qui les multiplieraient à l'infini. On +me demandera si je n'ai jamais ni trahi, ni trompé, ni délaissé aucune +femme sans sujet. Si je voulais répondre à ces questions, ma réponse ne +demeurerait pas sans réplique, et ce serait une dispute à ne finir qu'au +jugement dernier. Mais mettez la main sur la conscience, et dites-moi, +vous, monsieur l'apologiste des trompeurs et des infidèles, si vous +prendriez le docteur de Toulouse pour votre ami?... Vous hésitez? Tout +est dit; et sur ce, je prie Dieu de tenir en sa sainte garde toute femme +à qui il vous prendra fantaisie d'adresser votre hommage. + + + + +NOTES + + +[Note du transcripteur: Les mentions (N.) et (BR.) désignent les notes +tirées respectivement des écrits et de l'édition de Naigeon, et de +l'édition de Brière. Les notes d'Assézat ne portent pas de marque +particulière.] + + [1] En 1749, M. de Maurepas, encore ministre de la marine, remit à + Louis XV un mémoire dans lequel il développait les moyens d'ouvrir, + par l'intérieur du Canada, un commerce avec les colonies anglaises. + Ce projet fut adopté par la suite, et Maurepas le vit exécuté avant + sa mort. (BR.) + + [2] Ce mot seul suffirait pour ôter au lecteur toute confiance dans le + récit qui va suivre; et cependant il est littéralement vrai. Diderot + n'ajoute rien ni aux événements, ni au caractère des personnages + qu'il met en scène. La passion de Mlle de La Chaux pour Gardeil, + l'ingratitude monstrueuse de son amant, les détails de son entrevue + avec lui, de leur conversation en présence de Diderot, qui l'avait + accompagnée chez cette bête féroce; le désespoir touchant de cette + femme trahie, délaissée par celui à qui elle avait sacrifié son + repos, sa fortune, sa réputation, sa santé, et jusqu'aux charmes + mêmes par lesquels elle l'avait séduit: tout cela est de la plus + grande exactitude. Comme Diderot avait particulièrement connu les + acteurs de ce drame, et que les faits dont il avait été témoin, ou + que l'amitié lui avait confiés, étaient encore récents lorsqu'il + résolut de les écrire, son imagination n'avait pas eu le temps de + les altérer, en ajoutant ou en retranchant quelque circonstance pour + produire un plus grand effet: et c'est encore ici un de ces cas + assez rares dans l'histoire de sa vie, où il n'a dit que ce qu'il + avait vu, et où il n'a vu que ce qui était. + + Aux particularités curieuses qu'il avait recueillies sur Mlle de La + Chaux, et qu'il a consignées dans cet écrit, je n'ajouterai qu'un + fait, qu'il a omis par oubli et qui mérite d'être conservé; c'est + que cette femme si tendre, si passionnée, si intéressante par son + extrême sensibilité et par ses malheurs, si digne surtout d'un + meilleur sort, avait eu aussi pour amis D'Alembert et l'abbé de + Condillac. Elle était en état d'entendre et de juger les ouvrages de + ces deux philosophes; elle avait même donné au dernier, dont elle + avait lu l'_Essai sur l'origine des connaissances humaines_, le + conseil très-sage de revenir sur ses premières pensées, et, pour me + servir de son expression, _de commencer par le commencement_; + c'est-à-dire de rejeter avec Hobbes l'hypothèse absurde de la + distinction des deux substances dans l'homme. J'ose dire que cette + vue très-philosophique, cette seule idée de Mlle de La Chaux suppose + plus d'étendue, de justesse et de profondeur dans l'esprit, que + toute la métaphysique de Condillac, dans laquelle il y a en effet un + vice radical et destructeur qui influe sur tout le système, et qui + en rend les résultats plus ou moins vagues et incertains. On voit + que Mlle de La Chaux l'avait senti; et l'on regrette que Condillac, + plus docile aux conseils judicieux de cette femme éclairée et d'une + pénétration peu commune, n'ait pas suivi la route qu'elle lui + indiquait. Il n'aurait pas semé de tant d'erreurs celle qu'il s'est + tracée, et sur laquelle on ne peut que s'égarer avec lui, comme cela + arrive tous les jours à ceux qui le prennent pour guide. Voyez, sur + ce philosophe, les réflexions préliminaires qui servent + d'introduction à son article, dans l'ENCYCLOPÉDIE MÉTHODIQUE, + _Dictionnaire de la Philosophie ancienne et moderne_, t. II, et ce + que j'en ai dit encore dans mes _Mémoires historiques et + philosophiques sur la vie et les ouvrages de Diderot_. (N.) + + [3] Antoine de Ricouart, comte d'Hérouville, né à Paris en 1713, est + auteur du _Traité des Légions_, qui porte le nom du maréchal de + Saxe[4]. Paris, 1757. Il a fourni des Mémoires curieux aux + rédacteurs de l'_Encyclopédie_. On voulut le porter au ministère + sous Louis XV, mais un mariage _inégal_ l'en fit exclure. Il mourut + en 1782. (BR.) + + [4] Dans les trois premières éditions seulement. L'ouvrage avait été + imprimé d'abord sur une copie communiquée au maréchal, et trouvée + dans ses papiers. + + [5] Montucla n'avait que trente ans lorsqu'il publia son _Histoire des + Mathématiques_. Paris, 1758. Elle a été revue et achevée par + Lalande. Paris, 1799-1802. (BR.) + + [6] Voir t. 1er, p. 399. + + [7] Le Camus (Antoine), qui a laissé après lui d'autres souvenirs de + bienfaisance, était né à Paris en 1722. + + On lui doit un grand nombre d'ouvrages de médecine et de + littérature. Nous citerons seulement: _La Médecine de l'Esprit_, + Paris, 1753. _Projet d'anéantir la petite vérole_, 1767. _Médecine + pratique rendue plus simple, plus sûre et plus méthodique_, 1769. + Plusieurs Mémoires sur différents sujets de médecine. _Abdéker, ou + l'Art de conserver la beauté_, 1754-1756. _L'Amour et l'Amitié_, + comédie, 1763. _Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé_, + traduites du grec de Longus, par Amyot, avec une double traduction, + Paris, 1757. Cette nouvelle traduction de Le Camus mérite encore + d'être lue après celle que vient de publier M. Courier à + Sainte-Pélagie, où il était détenu pour un écrit sur l'acquisition + du domaine de Chambord. Paris, 1821. (BR.) + + [8] Gardeil est mort le 19 avril 1808, à l'âge de quatre-vingt-deux + ans. On a de lui une _Traduction des OEuvres médicales + d'Hippocrate_, sur le texte grec, d'après l'édition de Foës; + Toulouse, 1801. (BR.)--C'est à Montpellier qu'il exerçait. + + + + + + +End of Project Gutenberg's Ceci n'est pas un conte, by Denis Diderot + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CECI N'EST PAS UN CONTE *** + +***** This file should be named 28602-8.txt or 28602-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + https://www.gutenberg.org/2/8/6/0/28602/ + +Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed +Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was +produced from images generously made available by the +Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at https://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. 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Donations are accepted in a number of other +ways including including checks, online payments and credit card +donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + https://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/28602-8.zip b/28602-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..e735c8f --- /dev/null +++ b/28602-8.zip diff --git a/28602-h.zip b/28602-h.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..0416d29 --- /dev/null +++ b/28602-h.zip diff --git a/28602-h/28602-h.htm b/28602-h/28602-h.htm new file mode 100644 index 0000000..c28954f --- /dev/null +++ b/28602-h/28602-h.htm @@ -0,0 +1,1514 @@ +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN"> +<html lang="fr"> +<head> + <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=ISO-8859-1"> + <title>The Project Gutenberg ebook of Ceci n'est pas un conte, by Denis Diderot.</title> + +<style type="text/css"> +<!-- +body { margin-left: 10%; margin-right: 10%; } +h1, h2, .c { text-align: center; line-height: 1.5em; } +h1, h2 { margin-top: 2em; } +p { text-align: justify; line-height: 1.2em; } +.sc { font-variant: small-caps; } +hr { text-align: center; width: 50%; margin-left: auto; margin-right: auto; + margin-top: 1.2em; margin-bottom: 1.2em; } +.fnanchor { font-size: 80%; vertical-align: 0.35em; padding: 0 .15em; + text-decoration: none; +} +.footnote .label { float: left; text-align: left; width: 2em; } +.footnote a { text-decoration: none; } +.pagenum { + position: absolute; + left: 94%; + font-size: smaller; font-style: normal; + text-align: right; +} +.trnote { font-size: 95%; padding: .5em; margin-left: 5%; + margin-right: 5%; border: dotted 1px; } +sup { font-size: smaller; vertical-align: 20% } +--> +</style> +</head> +<body> + + +<pre> + +The Project Gutenberg EBook of Ceci n'est pas un conte, by Denis Diderot + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Ceci n'est pas un conte + +Author: Denis Diderot + +Editor: Jules Assézat + +Release Date: April 25, 2009 [EBook #28602] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CECI N'EST PAS UN CONTE *** + + + + +Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed +Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was +produced from images generously made available by the +Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + + + + + +</pre> + +<p class="c">[Extrait des Œuvres complètes de Diderot, éditées par Jules Assézat, 5<sup>ème</sup> volume, Paris, Garnier Frères, 1875.]</p> + + + + +<h1>CECI N'EST PAS UN CONTE</h1> + +<p class="c">(Écrit vers 1772—Publié en 1798)</p> + + + + +<p>Ce conte se trouve dans la <i>Correspondance</i> de Grimm, sous la date +d'avril 1773; mais il y est incomplet. Il y manque l'histoire de Tanié et +de la Reymer, et la fin de l'histoire de M<sup>lle</sup> de La Chaux.</p> + +<p>M. A.-A. Barbier (<i>Dictionnaire des Anonymes</i>) a supposé que Diderot, +en attribuant à M<sup>lle</sup> de La Chaux la traduction des «premiers essais de +la métaphysique, de Hume (ci-après p. <a href="#p321">321</a>)» et des <i>Essais sur l'entendement +humain</i> (p. <a href="#p328">328</a>), avait été trompé par sa mémoire. Il n'en est +rien. Diderot a seulement, comme toujours, donné à l'ouvrage de +Hume, traduit par M<sup>lle</sup> de La Chaux, un titre trop général. Il s'agit +ici des <i>Political discourses</i>, formant la deuxième partie des <i>Essays</i>. +La première traduction de cette partie (<i>Essais sur le commerce, +le luxe, l'argent</i>, Amsterdam, 1752, 1753, in-12; Paris et Lyon, in-12) +est bien de M<sup>lle</sup> de La Chaux. Elle contient seulement sept des seize +discours de Hume, avec des réflexions du traducteur. L'abbé Le Blanc +et ensuite Mauvillon ne publièrent leurs travaux sur le même ouvrage +qu'en 1754. La traduction de M<sup>lle</sup> de La Chaux des <i>Essais économiques</i> +de Hume a pris place dans le tome XV de la <i>Collection des principaux +économistes</i>. M<sup>lle</sup> de La Chaux mourut en 1755.</p> + + + + +<h2>CECI N'EST PAS UN CONTE</h2> + + +<p>Lorsqu'on fait un conte, c'est à quelqu'un qui l'écoute; et +pour peu que le conte dure, il est rare que le conteur ne soit +pas interrompu quelquefois par son auditeur. Voilà pourquoi +j'ai introduit dans le récit qu'on va lire, et qui n'est pas un +conte, ou qui est un mauvais conte, si vous vous en doutez, +un personnage qui fasse à peu près le rôle du lecteur; et je +commence.</p> + +<hr> + + +<p>Et vous concluez de là?</p> + +<p>—Qu'un sujet aussi intéressant devait mettre nos têtes en +l'air; défrayer pendant un mois tous les cercles de la ville; y +être tourné et retourné jusqu'à l'insipidité: fournir à mille disputes, +à vingt brochures au moins, et à quelques centaines de +pièces de vers pour ou contre; et qu'en dépit de toute la +finesse, de toutes les connaissances, de tout l'esprit de l'auteur, +puisque son ouvrage n'a excité aucune fermentation violente, +il est médiocre, et très-médiocre.</p> + +<p>—Mais il me semble que nous lui devons pourtant une +soirée assez agréable, et que cette lecture a amené...</p> + +<p>—Quoi! une litanie d'historiettes usées qu'on se décochait +de part et d'autre, et qui ne disaient qu'une chose connue de +<span class="pagenum"> -<a name="p312" id="p312">312</a>- </span> +toute éternité, c'est que l'homme et la femme sont deux bêtes +très-malfaisantes.</p> + +<p>—Cependant l'épidémie vous a gagné, et vous avez payé +votre écot tout comme un autre.</p> + +<p>—C'est que bon gré, mal gré qu'on en ait, on se prête au +ton donné; qu'en entrant dans une société, d'usage, on arrange +à la porte d'un appartement jusqu'à sa physionomie sur celles +qu'on voit; qu'on contrefait le plaisant, quand on est triste; le +triste, quand on serait tenté d'être plaisant; qu'on ne veut être +étranger à quoi que ce soit; que le littérateur politique; que le +politique métaphysique; que le métaphysicien moralise; que le +moraliste parle finance; le financier, belles-lettres ou géométrie; +que, plutôt que d'écouter ou se taire, chacun bavarde de +ce qu'il ignore, et que tous s'ennuient par sotte vanité ou par +politesse.</p> + +<p>—Vous avez de l'humeur.</p> + +<p>—À mon ordinaire.</p> + +<p>—Et je crois qu'il est à propos que je réserve mon historiette +pour un moment plus favorable.</p> + +<p>—C'est-à-dire que vous attendrez que je n'y sois pas.</p> + +<p>—Ce n'est pas cela.</p> + +<p>—Ou que vous craignez que je n'aie moins d'indulgence +pour vous, tête à tête, que je n'en aurais pour un indifférent +en société.</p> + +<p>—Ce n'est pas cela.</p> + +<p>—Ayez donc pour agréable de me dire ce que c'est.</p> + +<p>—C'est que mon historiette ne prouve pas plus que celles +qui vous ont excédé.</p> + +<p>—Hé! dites toujours.</p> + +<p>—Non, non; vous en avez assez.</p> + +<p>—Savez-vous que de toutes les manières qu'ils ont de me +faire enrager, la vôtre m'est la plus antipathique?</p> + +<p>—Et quelle est la mienne?</p> + +<p>—Celle d'être prié de la chose que vous mourez d'envie de +faire. Hé bien, mon ami, je vous prie, je vous supplie de vouloir +bien vous satisfaire.</p> + +<p>—Me satisfaire!</p> + +<p>—Commencez, pour Dieu, commencez.</p> + +<p>—Je tâcherai d'être court.</p> + +<p><span class="pagenum"> -<a name="p313" id="p313">313</a>- </span>—Cela n'en sera pas plus mal.</p> + +<p>Ici, un peu par malice, je toussai, je crachai, je développai +lentement mon mouchoir, je me mouchai, j'ouvris ma tabatière, +je pris une prise de tabac; et j'entendais mon homme +qui disait entre ses dents: «Si l'histoire est courte, les préliminaires +sont longs...» Il me prit envie d'appeler un domestique, +sous prétexte de quelque commission; mais je n'en fis +rien, et je dis:</p> + +<hr> + + +<p>«Il faut avouer qu'il y a des hommes bien bons, et des +femmes bien méchantes.</p> + +<p>—C'est ce qu'on voit tous les jours, et quelquefois sans +sortir de chez soi. Après?</p> + +<p>—Après? J'ai connu une Alsacienne belle, mais belle à faire +accourir les vieillards, et à arrêter tout court les jeunes gens.</p> + +<p>—Et moi aussi, je l'ai connue; elle s'appelait M<sup>me</sup> Reymer.</p> + +<p>—Il est vrai. Un nouveau débarqué de Nancy, appelé Tanié, +en devint éperdument amoureux. Il était pauvre; c'était un de +ces enfants perdus, que la dureté des parents, qui ont une +famille nombreuse, chasse de la maison, et qui se jettent dans +le monde sans savoir ce qu'ils deviendront, par un instinct qui +leur dit qu'ils n'y auront pas un sort pire que celui qu'ils +fuient. Tanié, amoureux de M<sup>me</sup> Reymer, exalté par une passion +qui soutenait son courage et ennoblissait à ses yeux toutes ses +actions, se soumettait sans répugnance aux plus pénibles et aux +plus viles, pour soulager la misère de son amie. Le jour, il allait +travailler sur les ports; à la chute du jour, il mendiait dans +les rues.</p> + +<p>—Cela était fort beau; mais cela ne pouvait durer.</p> + +<p>—Aussi Tanié, las de lutter contre le besoin, ou plutôt +de retenir dans l'indigence une femme charmante, obsédée +d'hommes opulents qui la pressaient de chasser ce gueux de +Tanié...</p> + +<p>—Ce qu'elle aurait fait quinze jours, un mois plus tard.</p> + +<p>—Et d'accepter leurs richesses, résolut de la quitter, et +d'aller tenter la fortune au loin. Il sollicite, il obtient son passage +sur un vaisseau du roi. Le moment de son départ est venu. +Il va prendre congé de M<sup>me</sup> Reymer. «Mon amie, lui dit-il, je +ne saurais abuser plus longtemps de votre tendresse. J'ai pris +<span class="pagenum"> -<a name="p314" id="p314">314</a>- </span>mon parti, je m'en vais.—Vous vous en allez!—Oui...—Et +où allez-vous?...—Aux îles. Vous êtes digne d'un autre +sort, et je ne saurais l'éloigner plus longtemps...»</p> + +<p>—Le bon Tanié!...</p> + +<p>«—Et que voulez-vous que je devienne?...»</p> + +<p>—La traîtresse!...</p> + +<p>«—Vous êtes environnée de gens qui cherchent à vous +plaire. Je vous rends vos promesses; je vous rends vos serments. +Voyez celui d'entre ces prétendants qui vous est le +plus agréable; acceptez-le, c'est moi qui vous en conjure...—Ah! +Tanié, c'est vous qui me proposez...»</p> + +<p>—Je vous dispense de la pantomime de M<sup>me</sup> Reymer. Je la +vois, je la sais...</p> + +<p>«—En m'éloignant, la seule grâce que j'exige de vous, +c'est de ne former aucun engagement qui nous sépare à +jamais. Jurez-le-moi, ma belle amie. Quelle que soit la contrée +de la terre que j'habiterai, il faudra que j'y sois bien malheureux +s'il se passe une année sans vous donner des preuves +certaines de mon tendre attachement. Ne pleurez pas...»</p> + +<p>—Elles pleurent toutes quand elles veulent.</p> + +<p>—«... Et ne combattez pas un projet que les reproches de +mon cœur m'ont enfin inspiré, et auxquels ils ne tarderont +pas à me ramener.» Et voilà Tanié parti pour Saint-Domingue.</p> + +<p>—Et parti tout à temps pour M<sup>me</sup> Reymer et pour lui.</p> + +<p>—Qu'en savez-vous?</p> + +<p>—Je sais, tout aussi bien qu'on le peut savoir, que quand +Tanié lui conseilla de faire un choix, il était fait.</p> + +<p>—Bon!</p> + +<p>—Continuez votre récit.</p> + +<p>—Tanié avait de l'esprit et une grande aptitude aux affaires. +Il ne tarda pas d'être connu. Il entra au conseil souverain du +Cap. Il s'y distingua par ses lumières et par son équité. Il n'ambitionnait +pas une grande fortune; il ne la désirait qu'honnête +et rapide. Chaque année, il en envoyait une portion à M<sup>me</sup> Reymer. +Il revint au bout... de neuf à dix ans; non, je ne crois +pas que son absence ait été plus longue... présenter à son amie +un petit portefeuille qui renfermait le produit de ses vertus et +de ses travaux... et heureusement pour Tanié, ce fut au moment +où elle venait de se séparer du dernier des successeurs de Tanié.</p> + +<p><span class="pagenum"> -<a name="p315" id="p315">315</a>- </span>—Du dernier?</p> + +<p>—Oui.</p> + +<p>—Il en avait donc eu plusieurs?</p> + +<p>—Assurément.</p> + +<p>—Allez, allez.</p> + +<p>—Mais je n'ai peut-être rien à vous dire que vous ne sachiez +mieux que moi.</p> + +<p>—Qu'importe, allez toujours.</p> + +<p>—M<sup>me</sup> Reymer et Tanié occupaient un assez beau logement +rue Sainte-Marguerite, à ma porte. Je faisais grand cas de Tanié, +et je fréquentais sa maison, qui était, sinon opulente, du moins +fort aisée.</p> + +<p>—Je puis vous assurer, moi, sans avoir compté avec la Reymer, +qu'elle avait mieux de quinze mille livres de rente avant +le retour de Tanié.</p> + +<p>—À qui elle dissimulait sa fortune?</p> + +<p>—Oui.</p> + +<p>—Et pourquoi?</p> + +<p>—C'est qu'elle était avare et rapace.</p> + +<p>—Passe pour rapace; mais avare! une courtisane avare!... +Il y avait cinq à six ans que ces deux amants vivaient dans la +meilleure intelligence.</p> + +<p>—Grâce à l'extrême finesse de l'une et à la confiance sans +bornes de l'autre.</p> + +<p>—Oh! il est vrai qu'il était impossible à l'ombre d'un soupçon +d'entrer dans une âme aussi pure que celle de Tanié. La +seule chose dont je me sois quelquefois aperçu, c'est que +M<sup>me</sup> Reymer avait bientôt oublié sa première indigence; qu'elle +était tourmentée de l'amour du faste et de la richesse; qu'elle +était humiliée qu'une aussi belle femme allât à pied.</p> + +<p>—Que n'allait-elle en carrosse?</p> + +<p>—Et que l'éclat du vice lui en dérobait la bassesse. Vous +riez?... Ce fut alors que M. de Maurepas<a id="FNanchor_1" name="FNanchor_1"></a><a href="#Footnote_1" class="fnanchor">1</a> forma le projet d'établir +au nord une maison de commerce. Le succès de cette entreprise +demandait un homme actif et intelligent. Il jeta les yeux +<span class="pagenum"> -<a name="p316" id="p316">316</a>- </span>sur Tanié, à qui il avait confié la conduite de plusieurs affaires +importantes pendant son séjour au Cap, et qui s'en était toujours +acquitté à la satisfaction du ministre. Tanié fut désolé de cette +marque de distinction. Il était si content, si heureux à côté de +sa belle amie! Il aimait; il était ou il se croyait aimé.</p> + +<p>—C'est bien dit.</p> + +<p>—Qu'est-ce que l'or pouvait ajouter à son bonheur? Rien. +Cependant le ministre insistait. Il fallait se déterminer, il fallait +s'ouvrir à M<sup>me</sup> Reymer. J'arrivai chez lui précisément sur la fin de +cette scène fâcheuse. Le pauvre Tanié fondait en larmes. +«Qu'avez-vous donc, lui dis-je, mon ami?» Il me dit en sanglotant: +«C'est cette femme!» M<sup>me</sup> Reymer travaillait tranquillement +à un métier de tapisserie. Tanié se leva brusquement et +sortit. Je restai seul avec son amie, qui ne me laissa pas ignorer +ce qu'elle qualifiait de la déraison de Tanié. Elle m'exagéra la +modicité de son état; elle mit à son plaidoyer tout l'art dont un +esprit délié sait pallier les sophismes de l'ambition. «De quoi +s'agit-il? D'une absence de deux ou trois ans au plus.—C'est +bien du temps pour un homme que vous aimez et qui vous +aime autant que lui.—Lui, il m'aime? S'il m'aimait, balancerait-il +à me satisfaire?—Mais, madame, que ne le suivez-vous?—Moi! +je ne vais point là; et tout extravagant qu'il +est, il ne s'est point avisé de me le proposer. Doute-t-il de +moi?—Je n'en crois rien.—Après l'avoir attendu pendant +douze ans, il peut bien s'en reposer deux ou trois sur ma +bonne foi. Monsieur, c'est que c'est une de ces occasions singulières +qui ne se présentent qu'une fois dans la vie; et je ne +veux pas qu'il ait un jour à se repentir et à me reprocher peut-être +de l'avoir manquée.—Tanié ne regrettera rien, tant qu'il +aura le bonheur de vous plaire.—Cela est fort honnête; mais +soyez sûr qu'il sera très-content d'être riche quand je serai +vieille. Le travers des femmes est de ne jamais penser à l'avenir; +ce n'est pas le mien...» Le ministre était à Paris. De la +rue Sainte-Marguerite à son hôtel, il n'y avait qu'un pas. Tanié +y était allé, et s'était engagé. Il rentra l'œil sec, mais l'âme serrée. +«Madame, lui dit-il, j'ai vu M. de Maurepas; il a ma parole. +Je m'en irai, je m'en irai; et vous serez satisfaite.—Ah! mon +ami!...» M<sup>me</sup> Reymer écarte son métier, s'élance vers Tanié, +jette ses bras autour de son cou, l'accable de caresses et de propos +<span class="pagenum"> -<a name="p317" id="p317">317</a>- </span>doux. «Ah! c'est pour cette fois que je vois que je vous +suis chère.» Tanié lui répondait froidement: «Vous voulez +être riche.»</p> + +<p>—Elle l'était, la coquine, dix fois plus qu'elle ne méritait....</p> + +<p>«—Et vous le serez. Puisque c'est l'or que vous aimez, il +faut aller vous chercher de l'or.» C'était le mardi; et le +ministre avait fixé son départ au vendredi, sans délai. J'allai lui +faire mes adieux au moment où il luttait avec lui-même, où il +tâchait de s'arracher des bras de la belle, indigne et cruelle +Reymer. C'était un désordre d'idées, un désespoir, une agonie, +dont je n'ai jamais vu un second exemple. Ce n'était pas de la +plainte; c'était un long cri. M<sup>me</sup> Reymer était encore au lit. Il +tenait une de ses mains. Il ne cessait de dire et de répéter: +«Cruelle femme! femme cruelle! que te faut-il de plus que l'aisance +dont tu jouis, et un ami, un amant tel que moi? J'ai été +lui chercher la fortune dans les contrées brûlantes de l'Amérique; +elle veut que j'aille la lui chercher encore au milieu des +glaces du Nord. Mon ami, je sens que cette femme est folle; je +sens que je suis un insensé; mais il m'est moins affreux de +mourir que de la contrister. Tu veux que je te quitte; je vais +te quitter.» Il était à genoux au bord de son lit, la bouche +collée sur sa main et le visage caché dans les couvertures, qui, +en étouffant son murmure, ne le rendaient que plus triste et plus +effrayant. La porte de la chambre s'ouvrit; il releva brusquement +la tête; il vit le postillon qui venait lui annoncer que les +chevaux étaient à la chaise. Il fit un cri, et recacha son visage +sur les couvertures. Après un moment de silence, il se leva; il +dit à son amie: «Embrassez-moi, madame; embrasse-moi +encore une fois, car tu ne me verras plus.» Son pressentiment +n'était que trop vrai. Il partit. Il arriva à Pétersbourg, et, +trois jours après, il fut attaqué d'une fièvre dont il mourut le +quatrième.</p> + +<p>—Je savais tout cela.</p> + +<p>—Vous avez peut-être été un des successeurs de Tanié?</p> + +<p>—Vous l'avez dit; et c'est avec cette belle abominable que +j'ai dérangé mes affaires.</p> + +<p>—Ce pauvre Tanié!</p> + +<p>—Il y a des gens dans le monde qui vous diront que c'est +un sot.</p> + +<p><span class="pagenum"> -<a name="p318" id="p318">318</a>- </span>—Je ne le défendrai pas; mais je souhaiterai au fond de +mon cœur que leur mauvais destin les adresse à une femme aussi +belle et aussi artificieuse que M<sup>me</sup> Reymer.</p> + +<p>—Vous êtes cruel dans vos vengeances.</p> + +<p>—Et puis, s'il y a des femmes méchantes et des hommes +très-bons, il y a aussi des femmes très-bonnes et des hommes +très-méchants; et ce que je vais ajouter n'est pas plus un conte<a id="FNanchor_2" name="FNanchor_2"></a><a href="#Footnote_2" class="fnanchor">2</a> +que ce qui précède.</p> + +<p>—J'en suis convaincu.</p> + +<p>—M. d'Hérouville...</p> + +<p><span class="pagenum"> -<a name="p319" id="p319">319</a>- </span>—Celui qui vit encore? le lieutenant général des armées du +roi? celui qui épousa cette charmante créature appelée Lolotte<a id="FNanchor_3" name="FNanchor_3"></a><a href="#Footnote_3" class="fnanchor">3</a>?</p> + +<p>—Lui-même.</p> + +<p>—C'est un galant homme, ami des sciences.</p> + +<p>—Et des savants. Il s'est longtemps occupé d'une histoire +générale de la guerre dans tous les siècles et chez toutes les +nations.</p> + +<p>—Le projet est vaste.</p> + +<p>—Pour le remplir, il avait appelé autour de lui quelques +jeunes gens d'un mérite distingué, tels que M. de Montucla<a id="FNanchor_5" name="FNanchor_5"></a><a href="#Footnote_5" class="fnanchor">5</a>, +l'auteur de l'<i>Histoire des Mathématiques</i>.</p> + +<p>—Diable! en avait-il beaucoup de cette force-là?</p> + +<p>—Mais celui qui se nommait Gardeil, le héros de l'aventure +que je vais vous raconter, ne lui cédait guère dans sa partie. +Une fureur commune pour l'étude de la langue grecque commença, +entre Gardeil et moi, une liaison que le temps, la réciprocité +des conseils, le goût de la retraite, et surtout la facilité +de se voir, conduisirent à une assez grande intimité.</p> + +<p>—Vous demeuriez alors à l'Estrapade.</p> + +<p>—Lui, rue Sainte-Hyacinthe, et son amie, M<sup>lle</sup> de La Chaux, +place Saint-Michel. Je la nomme de son propre nom, parce que +la pauvre malheureuse n'est plus, parce que sa vie ne peut que +l'honorer dans tous les esprits bien faits et lui mériter l'admiration, +les regrets et les larmes de ceux que la nature aura favorisés +ou punis d'une petite portion de la sensibilité de son +âme.</p> + +<p>—Mais votre voix s'entrecoupe, et je crois que vous pleurez.</p> + +<p>—Il me semble encore que je vois ses grands yeux noirs, +brillants et doux, et que le son de sa voix touchante retentisse +dans mon oreille et trouble mon cœur. Créature charmante! +<span class="pagenum"> -<a name="p320" id="p320">320</a>- </span>créature unique! tu n'es plus! Il y a près de vingt ans que tu +n'es plus; et mon cœur se serre encore à ton souvenir.</p> + +<p>—Vous l'avez aimée?</p> + +<p>—Non. Ô La Chaux! ô Gardeil! Vous fûtes l'un et l'autre +deux prodiges; vous, de la tendresse de la femme; vous, de l'ingratitude +de l'homme. M<sup>lle</sup> de La Chaux était d'une famille honnête. +Elle quitta ses parents pour se jeter entre les bras de +Gardeil. Gardeil n'avait rien, M<sup>lle</sup> de La Chaux jouissait de quelque +bien; et ce bien fut entièrement sacrifié aux besoins et aux +fantaisies de Gardeil. Elle ne regretta ni sa fortune dissipée, ni +son honneur flétri. Son amant lui tenait lieu de tout.</p> + +<p>—Ce Gardeil était donc bien séduisant, bien aimable?</p> + +<p>—Point du tout. Un petit homme bourru, taciturne et caustique; +le visage sec, le teint basané; en tout, une figure mince +et chétive; laid, si un homme peut l'être avec la physionomie de +l'esprit.</p> + +<p>—Et voilà ce qui avait renversé la tête à une fille charmante?</p> + +<p>—Et cela vous surprend?</p> + +<p>—Toujours.</p> + +<p>—Vous?</p> + +<p>—Moi.</p> + +<p>—Mais vous ne vous rappelez donc plus votre aventure avec +la Deschamps et le profond désespoir où vous tombâtes lorsque +cette créature vous ferma sa porte?</p> + +<p>—Laissons cela; continuez.</p> + +<p>—Je vous disais: «Elle est donc bien belle?» Et vous me +répondiez tristement: «Non.—Elle a donc bien de l'esprit?—C'est +une sotte.—Ce sont donc ses talents qui vous entraînent?—Elle +n'en a qu'un.—Et ce rare, ce sublime, ce merveilleux +talent?—C'est de me rendre plus heureux entre ses bras +que je ne le fus jamais entre les bras d'aucune autre femme.» +Mais M<sup>lle</sup> de La Chaux, l'honnête, la sensible M<sup>lle</sup> de La Chaux +se promettait secrètement, d'instinct, à son insu, le bonheur +que vous connaissiez, et qui vous faisait dire de la Deschamps: +«Si cette malheureuse, si cette infâme s'obstine à me chasser de +chez elle, je prends un pistolet, et je me brise la cervelle dans +son antichambre.» L'avez-vous dit, ou non?</p> + +<p>—Je l'ai dit; et même à présent, je ne sais pourquoi je ne +l'ai pas fait.</p> + +<p><span class="pagenum"> -<a name="p321" id="p321">321</a>- </span>—Convenez donc.</p> + +<p>—Je conviens de tout ce qu'il vous plaira.</p> + +<p>—Mon ami, le plus sage d'entre nous est bien heureux de +n'avoir pas rencontré la femme belle ou laide, spirituelle ou +sotte, qui l'aurait rendu fou à enfermer aux Petites-Maisons. +Plaignons beaucoup les hommes, blâmons-les sobrement; +regardons nos années passées comme autant de moments dérobés +à la méchanceté qui nous suit; et ne pensons jamais qu'en +tremblant à la violence de certains attraits de nature, surtout +pour les âmes chaudes et les imaginations ardentes. L'étincelle +qui tombe fortuitement sur un baril de poudre ne produit pas +un effet plus terrible. Le doigt prêt à secouer sur vous ou sur +moi cette fatale étincelle est peut-être levé.</p> + +<p>M. d'Hérouville, jaloux d'accélérer son ouvrage, excédait de +fatigue ses coopérateurs. La santé de Gardeil en fut altérée. +Pour alléger sa tâche, M<sup>lle</sup> de La Chaux apprit l'hébreu; +et tandis que son ami reposait, elle passait une partie de +la nuit à interpréter et transcrire des lambeaux d'auteurs +hébreux. Le temps de dépouiller les auteurs grecs arriva; M<sup>lle</sup> de +La Chaux se hâta de se perfectionner dans cette langue dont +elle avait déjà quelque teinture: et tandis que Gardeil dormait +elle était occupée à traduire et à copier des passages de Xénophon +et de Thucydide. À la connaissance du grec et de l'hébreu, elle +joignit celle de l'italien et de l'anglais. Elle posséda l'anglais au +point de rendre en français les premiers essais de la métaphysique +de Hume; ouvrage où la difficulté de la matière ajoutait +infiniment à celle de l'idiome. Lorsque l'étude avait épuisé ses +forces, elle s'amusait à graver de la musique. Lorsqu'elle craignait +que l'ennui ne s'emparât de son amant, elle chantait. Je +n'exagère rien, j'en atteste M. Le Camus, docteur en médecine, +qui l'a consolée dans ses peines et secourue dans son indigence; +qui lui a rendu les services les plus continus; qui l'a suivie +dans un grenier où sa pauvreté l'avait reléguée, et qui lui a +fermé les yeux quand elle est morte. Mais j'oublie un de ses +premiers malheurs; c'est la persécution qu'elle eut à souffrir +d'une famille indignée d'un attachement public et scandaleux. +On employa et la vérité et le mensonge, pour disposer de sa +liberté d'une manière infamante. Ses parents et les prêtres la +poursuivirent de quartier en quartier, de maison en maison, et +<span class="pagenum"> -<a name="p322" id="p322">322</a>- </span>la réduisirent plusieurs années à vivre seule et cachée. Elle +passait les journées à travailler pour Gardeil. Nous lui apparaissions +la nuit; et à la présence de son amant, tout son chagrin, +toute son inquiétude était évanouie.</p> + +<p>—Quoi! jeune, pusillanime, sensible au milieu de tant de +traverse, elle était heureuse.</p> + +<p>—Heureuse! Oui elle ne cessa de l'être que quand Gardeil +fut ingrat.</p> + +<p>—Mais il est impossible que l'ingratitude ait été la récompense +de tant de qualités rares, tant de marques de tendresse, +tant de sacrifices de toute espèce.</p> + +<p>—Vous vous trompez, Gardeil fut ingrat. Un jour, M<sup>lle</sup> de +La Chaux se trouva seule dans ce monde, sans honneur, sans +fortune, sans appui. Je vous en impose, je lui restai pendant +quelque temps. Le docteur Le Camus lui resta toujours.</p> + +<p>—Ô les hommes, les hommes!</p> + +<p>—De qui parlez-vous?</p> + +<p>—De Gardeil.</p> + +<p>—Vous regardez le méchant; et vous ne voyez pas tout à +côté l'homme de bien. Ce jour de douleur et de désespoir, elle +accourut chez moi. C'était le matin. Elle était pâle comme la +mort. Elle ne savait son sort que de la veille, et elle offrait +l'image des longues souffrances. Elle ne pleurait pas; mais on +voyait qu'elle avait beaucoup pleuré. Elle se jeta dans un fauteuil; +elle ne parlait pas; elle ne pouvait parler; elle me tendait +les bras, et en même temps elle poussait des cris. «Qu'est-ce +qu'il y a, lui dis-je? Est-ce qu'il est mort?...—C'est pis: il +ne m'aime plus; il m'abandonne...»</p> + +<p>—Allez donc.</p> + +<p>—Je ne saurais; je la vois, je l'entends; et mes yeux se +remplissent de pleurs. «Il ne vous aime plus?...—Non.—Il +vous abandonne!—Eh! oui. Après tout ce que j'ai fait!... +Monsieur, ma tête s'embarrasse; ayez pitié de moi; ne me +quittez pas... surtout ne me quittez pas...» En prononçant ces +mots, elle m'avait saisi le bras, qu'elle me serrait fortement, +comme s'il y avait eu près d'elle quelqu'un qui la menaçât de +l'arracher et de l'entraîner... «Ne craignez rien, mademoiselle.—Je +ne crains que moi.—Que faut-il faire pour vous?—D'abord, +me sauver de moi-même... Il ne m'aime plus! je le +<span class="pagenum"> -<a name="p323" id="p323">323</a>- </span>fatigue! je l'excède! je l'ennuie! il me hait! il m'abandonne! il +me laisse! il me laisse!» À ce mot répété succéda un silence +profond; et à ce silence, des éclats d'un rire convulsif plus +effrayants mille fois que les accents du désespoir ou le râle de +l'agonie. Ce furent ensuite des pleurs, des cris, des mots inarticulés, +des regards tournés vers le ciel, des lèvres tremblantes, +un torrent de douleurs qu'il fallait abandonner à son cours; ce +que je fis: et je ne commençai à m'adresser à sa raison, que +quand je vis son âme brisée et stupide. Alors je repris: «Il vous +hait, il vous laisse! et qui est-ce qui vous l'a dit?—Lui.—Allons, +mademoiselle, un peu d'espérance et de courage. Ce +n'est pas un monstre...—Vous ne le connaissez pas; vous le +connaîtrez. C'est un monstre comme il n'y en a point, comme +il n'y en eut jamais.—Je ne saurais le croire.—Vous le +verrez.—Est-ce qu'il aime ailleurs?—Non.—Ne lui avez-vous +donné aucun soupçon, aucun mécontentement?—Aucun, +aucun.—Qu'est-ce donc?—Mon inutilité. Je n'ai plus rien. +Je ne suis plus bonne à rien. Son ambition; il a toujours été +ambitieux. La perte de ma santé, celle de mes charmes: j'ai +tant souffert et tant fatigué; l'ennui, le dégoût.—On cesse +d'être amants, mais on reste amis.—Je suis devenue un objet +insupportable; ma présence lui pèse, ma vue l'afflige et le +blesse. Si vous saviez ce qu'il m'a dit! Oui, monsieur, il m'a +dit que s'il était condamné à passer vingt-quatre heures avec +moi, il se jetterait par les fenêtres.—Mais cette aversion n'est +pas l'ouvrage d'un moment.—Que sais-je? Il est naturellement +si dédaigneux! si indifférent! si froid! Il est si difficile de lire +au fond de ces âmes! et l'on a tant de répugnance à lire son +arrêt de mort! Il me l'a prononcé, et avec quelle dureté!—Je +n'y conçois rien.—J'ai une grâce à vous demander, et +c'est pour cela que je suis venue: me l'accorderez-vous?—Quelle +qu'elle soit.—Écoutez. Il vous respecte; vous savez +tout ce qu'il me doit. Peut-être rougira-t-il de se montrer à +vous tel qu'il est. Non, je ne crois pas qu'il en ait le front ni la +force. Je ne suis qu'une femme, et vous êtes un homme. Un +homme tendre, honnête et juste en impose. Vous lui en imposerez. +Donnez-moi le bras, et ne refusez pas de m'accompagner +chez lui. Je veux lui parler devant vous. Qui sait ce +que ma douleur et votre présence pourront faire sur lui? +<span class="pagenum"> -<a name="p324" id="p324">324</a>- </span>Vous m'accompagnerez?—Très-volontiers.—Allons...»</p> + +<p>—Je crains bien que sa douleur et sa présence n'y fassent +que de l'eau claire. Le dégoût! c'est une terrible chose que le +dégoût en amour, et d'une femme!...</p> + +<p>—J'envoyai chercher une chaise à porteurs; car elle n'était +guère en état de marcher. Nous arrivons chez Gardeil, à cette +grande maison neuve, la seule qu'il y ait à droite dans la rue +Hyacinthe, en entrant par la place Saint-Michel. Là, les porteurs +arrêtent; ils ouvrent. J'attends. Elle ne sort point. Je m'approche, +et je vois une femme saisie d'un tremblement universel; +ses dents se frappaient comme dans le frisson de la fièvre; ses +genoux se battaient l'un contre l'autre. «Un moment, monsieur; +je vous demande pardon; je ne saurais... Que vais-je faire là? +Je vous aurai dérangé de vos affaires inutilement; j'en suis +fâchée; je vous demande pardon...» Cependant je lui tendais +le bras. Elle le prit, elle essaya de se lever; elle ne le put. +«Encore un moment, monsieur, me dit-elle; je vous fais peine; +vous pâtissez de mon état...» Enfin elle se rassura un peu; et +en sortant de la chaise, elle ajouta tout bas: «Il faut entrer; +il faut le voir. Que sait-on? j'y mourrai peut-être...» Voilà la +cour traversée; nous voilà à la porte de l'appartement; nous +voilà dans le cabinet de Gardeil. Il était à son bureau, en robe +de chambre, en bonnet de nuit. Il me fit un salut de la main, +et continua le travail qu'il avait commencé. Ensuite il vint à +moi, et me dit: «Convenez, monsieur, que les femmes sont bien +incommodes. Je vous fais mille excuses des extravagances de +mademoiselle.» Puis s'adressant à la pauvre créature, qui était +plus morte que vive: «Mademoiselle, lui dit-il, que prétendez-vous +encore de moi? Il me semble qu'après la manière nette et +précise dont je me suis expliqué, tout doit être fini entre nous. +Je vous ai dit que je ne vous aimais plus; je vous l'ai dit seul +à seul; votre dessein est apparemment que je vous le répète +devant monsieur: eh bien, mademoiselle, je ne vous aime plus. +L'amour est un sentiment éteint dans mon cœur pour vous; et +j'ajouterai, si cela peut vous consoler, pour toute autre femme.—Mais +apprenez-moi pourquoi vous ne m'aimez plus?—Je +l'ignore; tout ce que je sais, c'est que j'ai commencé sans +savoir pourquoi; que j'ai cessé sans savoir pourquoi; et que je +sens qu'il est impossible que cette passion revienne. C'est une +<span class="pagenum"> -<a name="p325" id="p325">325</a>- </span>gourme que j'ai jetée, et dont je me crois et me félicite d'être +parfaitement guéri.—Quels sont mes torts?—Vous n'en +avez aucun.—Auriez-vous quelque objection secrète à faire à +ma conduite?—Pas la moindre; vous avez été la femme la +plus constante, la plus honnête, la plus tendre qu'un homme +pût désirer.—Ai-je omis quelque chose qu'il fût en mon +pouvoir de faire?—Rien.—Ne vous ai-je pas sacrifié mes +parents?—Il est vrai.—Ma fortune.—J'en suis au désespoir.—Ma +santé?—Cela se peut.—Mon honneur, ma +réputation, mon repos?—Tout ce qu'il vous plaira.—Et je +te suis odieuse!—Cela est dur à dire, dur à entendre, mais +puisque cela est, il faut en convenir.—Je lui suis odieuse!... +Je le sens, et ne m'en estime pas davantage!... Odieuse! ah! +dieux!...» À ces mots une pâleur mortelle se répandit sur son +visage; ses lèvres se décolorèrent; les gouttes d'une sueur +froide, qui se formait sur ses joues, se mêlaient aux larmes qui +descendaient de ses yeux; ils étaient fermés; sa tête se renversa +sur le dos de son fauteuil; ses dents se serrèrent; tous ses +membres tressaillaient; à ce tressaillement succéda une défaillance +qui me parut l'accomplissement de l'espérance qu'elle +avait conçue à la porte de cette maison. La durée de cet état +acheva de m'effrayer. Je lui ôtai son mantelet; je desserrai les +cordons de sa robe; je relâchai ceux de ses jupons, et je lui +jetai quelques gouttes d'eau fraîche sur le visage. Ses yeux se +rouvrirent à demi; il se fit entendre un murmure sourd dans +sa gorge; elle voulait prononcer: Je lui suis odieuse; et elle +n'articulait que les dernières syllabes du mot; puis elle poussait +un cri aigu. Ses paupières s'abaissaient; et l'évanouissement +reprenait. Gardeil, froidement assis dans son fauteuil, son +coude appuyé sur la table et sa tête appuyée sur sa main, +la regardait sans émotion, et me laissait le soin de la +secourir. Je lui dis à plusieurs reprises: «Mais, monsieur, +elle se meurt... il faudrait appeler.» Il me répondit en +souriant et haussant les épaules: «Les femmes ont la vie +dure; elles ne meurent pas pour si peu; ce n'est rien; cela se +passera. Vous ne les connaissez pas; elles font de leur corps +tout ce qu'elles veulent...—Elle se meurt, vous dis-je.» En +effet, son corps était comme sans force et sans vie; il s'échappait +de dessus son fauteuil, et elle serait tombée à terre de droite +<span class="pagenum"> -<a name="p326" id="p326">326</a>- </span>ou de gauche, si je ne l'avais retenue. Cependant Gardeil s'était +levé brusquement; et en se promenant dans son appartement, +il disait d'un ton d'impatience et d'humeur: «Je me serais bien +passé de cette maussade scène; mais j'espère bien que ce sera +la dernière. À qui diable en veut cette créature? Je l'ai aimée; +je me battrais la tête contre le mur qu'il n'en serait ni plus ni +moins. Je ne l'aime plus; elle le sait à présent, ou elle ne le +saura jamais. Tout est dit...—Non, monsieur, tout n'est pas +dit. Quoi! vous croyez qu'un homme de bien n'a qu'à dépouiller +une femme de tout ce qu'elle a, et la laisser.—Que voulez-vous +que je fasse? je suis aussi gueux qu'elle.—Ce que je +veux que vous fassiez? que vous associiez votre misère à celle +où vous l'avez réduite.—Cela vous plaît à dire. Elle n'en +serait pas mieux, et j'en serais beaucoup plus mal.—En +useriez-vous ainsi avec un ami qui vous aurait tout sacrifié?—Un +ami! un ami! je n'ai pas grande foi aux amis; et cette +expérience m'a appris à n'en avoir aucune aux passions. Je suis +fâché de ne l'avoir pas su plus tôt.—Et il est juste que cette +malheureuse soit la victime de l'erreur de votre cœur.—Et +qui vous a dit qu'un mois, un jour plus tard, je ne l'aurais pas +été, moi, tout aussi cruellement, de l'erreur du sien?—Qui +me l'a dit? tout ce qu'elle a fait pour vous, et l'état où vous la +voyez.—Ce qu'elle a fait pour moi!... Oh! pardieu, il est +acquitté de reste par la perte de mon temps.—Ah! monsieur +Gardeil, quelle comparaison de votre temps et de toutes les choses +sans prix que vous lui avez enlevées!—Je n'ai rien fait, je ne +suis rien, j'ai trente ans; il est temps ou jamais de penser à soi, +et d'apprécier toutes ces fadaises-là ce qu'elles valent...»</p> + +<p>Cependant la pauvre demoiselle était un peu revenue à elle-même. +À ces derniers mots, elle reprit avec assez de vivacité: +«Qu'a-t-il dit de la perte de son temps? J'ai appris quatre +langues, pour le soulager dans ses travaux; j'ai lu mille +volumes; j'ai écrit, traduit, copié les jours et les nuits; +j'ai épuisé mes forces, usé mes yeux, brûlé mon sang; j'ai contracté +une maladie fâcheuse, dont je ne guérirai peut-être +jamais. La cause de son dégoût, il n'ose l'avouer; mais vous +allez la connaître.» À l'instant elle arrache son fichu; elle sort +un de ses bras de sa robe; elle met son épaule à nu; et, me +montrant une tache érysipélateuse: «La raison de son changement, +<span class="pagenum"> -<a name="p327" id="p327">327</a>- </span>la voilà, me dit-elle, la voilà; voilà l'effet des nuits que +j'ai veillées. Il arrivait le matin avec ses rouleaux de parchemin. +M. d'Hérouville, me disait-il, est très-pressé de savoir ce +qu'il y a là dedans; il faudrait que cette besogne fût faite +demain; et elle l'était...» Dans ce moment, nous entendîmes le +pas de quelqu'un qui s'avançait vers la porte; c'était un domestique +qui annonçait l'arrivée de M. d'Hérouville. Gardeil en +pâlit. J'invitai M<sup>lle</sup> de La Chaux à se rajuster et à se retirer... +«Non, dit-elle, non; je reste. Je veux démasquer l'indigne. +J'attendrai M. d'Hérouville, je lui parlerai.—Et à quoi cela +servira-t-il?—À rien, me répondit-elle; vous avez raison.—Demain +vous en seriez désolée. Laissez-lui tous ses torts; +c'est une vengeance digne de vous.—Mais est-elle digne de +lui? Est-ce que vous ne voyez pas que cet homme-là n'est... +Partons, monsieur, partons vite; car je ne puis répondre ni de +ce que je ferais, ni de ce que je dirais...» M<sup>lle</sup> de La Chaux +répara en un clin d'œil le désordre que cette scène avait mis +dans ses vêtements, s'élança comme un trait hors du cabinet +de Gardeil. Je la suivis, et j'entendis la porte qui se fermait +sur nous avec violence. Depuis, j'ai appris qu'on avait donné +son signalement au portier.</p> + +<p>Je la conduisis chez elle, où je trouvai le docteur Le Camus, +qui nous attendait. La passion qu'il avait prise pour cette jeune +fille différait peu de celle qu'elle ressentait pour Gardeil. Je lui +fis le récit de notre visite; et tout à travers les signes de sa +colère, de sa douleur, de son indignation...</p> + +<p>—Il n'était pas trop difficile de démêler sur son visage que +votre peu de succès ne lui déplaisait pas trop.</p> + +<p>—Il est vrai.</p> + +<p>—Voilà l'homme. Il n'est pas meilleur que cela.</p> + +<p>—Cette rupture fut suivie d'une maladie violente, pendant +laquelle le bon, l'honnête, le tendre et délicat docteur lui rendait +des soins qu'il n'aurait pas eus pour la plus grande dame +de France. Il venait trois, quatre fois par jour. Tant qu'il y eut +du péril, il coucha dans sa chambre, sur un lit de sangle. C'est +un bonheur qu'une maladie dans les grands chagrins.</p> + +<p>—En nous rapprochant de nous, elle écarte le souvenir +des autres. Et puis c'est un prétexte pour s'affliger sans indiscrétion +et sans contrainte.</p> + +<p><span class="pagenum"> -<a name="p328" id="p328">328</a>- </span>—Cette réflexion, juste d'ailleurs, n'était pas applicable à +M<sup>lle</sup> de La Chaux.</p> + +<p>Pendant sa convalescence, nous arrangeâmes l'emploi de +son temps. Elle avait de l'esprit, de l'imagination, du goût, des +connaissances, plus qu'il n'en fallait pour être admise à l'Académie +des inscriptions. Elle nous avait tant et tant entendus +métaphysiquer, que les matières les plus abstraites lui étaient +devenues familières; et sa première tentative littéraire fut la +traduction des <i>Essais sur l'entendement humain</i>, de Hume. Je +la revis; et, en vérité, elle m'avait laissé bien peu de chose à +rectifier. Cette traduction fut imprimée en Hollande et bien +accueillie du public.</p> + +<p>Ma Lettre sur les Sourds et Muets parut presque en même +temps. Quelques objections très-fines qu'elle me proposa donnèrent +lieu à une addition qui lui fut dédiée<a id="FNanchor_6" name="FNanchor_6"></a><a href="#Footnote_6" class="fnanchor">6</a>. Cette addition +n'est pas ce que j'ai fait de plus mal.</p> + +<p>La gaieté de M<sup>lle</sup> de La Chaux était un peu revenue. Le docteur +nous donnait quelquefois à manger, et ces dîners n'étaient +pas trop tristes. Depuis l'éloignement de Gardeil, la passion de +Le Camus avait fait de merveilleux progrès. Un jour, à table, +au dessert, qu'il s'en expliquait avec toute l'honnêteté, toute la +sensibilité, toute la naïveté d'un enfant, toute la finesse d'un +homme d'esprit, elle lui dit, avec une franchise qui me plut +infiniment, mais qui déplaira peut-être à d'autres: «Docteur, +il est impossible que l'estime que j'ai pour vous s'accroisse +jamais. Je suis comblée de vos services; et je serais aussi noire +que le monstre de la rue Hyacinthe, si je n'étais pénétrée de la +plus vive reconnaissance. Votre tour d'esprit me plaît on ne +saurait davantage. Vous me parlez de votre passion avec tant +de délicatesse et de grâce, que je serais, je crois, fâchée que +vous ne m'en parlassiez plus. La seule idée de perdre votre +société ou d'être privée de votre amitié suffirait pour me rendre +malheureuse. Vous êtes un homme de bien, s'il en fut jamais. +Vous êtes d'une bonté et d'une douceur de caractère incomparables. +Je ne crois pas qu'un cœur puisse tomber en de meilleures +mains. Je prêche le mien du matin au soir en votre +faveur; mais a beau prêcher qui n'a envie de bien faire. Je n'en +avance pas davantage. Cependant vous souffrez; et j'en ressens +une peine cruelle. Je ne connais personne qui soit plus digne +que vous du bonheur que vous sollicitez, et je ne sais ce que je +n'oserais pas pour vous rendre heureux. Tout le possible, sans +exception. Tenez, docteur, j'irais... oui, j'irais jusqu'à coucher... +jusque-là inclusivement. Voulez-vous coucher avec +moi? vous n'avez qu'à dire. Voilà tout ce que je puis faire pour +votre service; mais vous voulez être aimé, et c'est ce que je ne +saurais.»</p> + +<p>Le docteur l'écoutait, lui prenait la main, la baisait, la +mouillait de ses larmes; et moi, je ne savais si je devais rire +ou pleurer. M<sup>lle</sup> de La Chaux connaissait bien le docteur; et le +lendemain que je lui disais: «Mais, mademoiselle, si le docteur +vous eût prise au mot?» elle me répondit: «J'aurais tenu +ma parole; mais cela ne pouvait arriver; mes offres n'étaient +pas de nature à pouvoir être acceptées par un homme tel que +lui...—Pourquoi non? Il me semble qu'à la place du docteur, +j'aurais espéré que le reste viendrait après.—Oui; mais +à la place du docteur, M<sup>lle</sup> de La Chaux ne vous aurait pas fait +la même proposition.»</p> + +<p>La traduction de Hume ne lui avait pas rendu grand argent. +Les Hollandais impriment tant qu'on veut, pourvu qu'ils ne +payent rien.</p> + +<p>—Heureusement pour nous; car, avec les entraves qu'on +donne à l'esprit, s'ils s'avisent une fois de payer les auteurs, ils +attireront chez eux tout le commerce de la librairie.</p> + +<p>—Nous lui conseillâmes de faire un ouvrage d'agrément, +auquel il y aurait moins d'honneur et plus de profit. Elle s'en +occupa pendant quatre à cinq mois, au bout desquels elle +m'apporta un petit roman historique, intitulé: <i>les Trois Favorites</i>. +Il y avait de la légèreté de style, de la finesse et de +l'intérêt; mais, sans qu'elle s'en fût doutée, car elle était incapable +d'aucune malice, il était parsemé d'une multitude de +traits applicables à la maîtresse du souverain, la marquise de +Pompadour; et je ne lui dissimulai pas que, quelque sacrifice +qu'elle fît, soit en adoucissant, soit en supprimant ces endroits, +il était presque impossible que son ouvrage parût sans la compromettre, +et que le chagrin de gâter ce qui était bien ne la +garantirait pas d'un autre.</p> + +<p><span class="pagenum"> -<a name="p330" id="p330">330</a>- </span>Elle sentit toute la justesse de mon observation et n'en fut +que plus affligée. Le bon docteur prévenait tous ses besoins; +mais elle usait de sa bienfaisance avec d'autant plus de réserve, +qu'elle se sentait moins disposée à la sorte de reconnaissance +qu'il en pouvait espérer. D'ailleurs, le docteur<a id="FNanchor_7" name="FNanchor_7"></a><a href="#Footnote_7" class="fnanchor">7</a> n'était pas riche +alors; et il n'était pas trop fait pour le devenir. De temps en +temps, elle tirait son manuscrit de son portefeuille; et elle me +disait tristement: «Eh bien! il n'y a donc pas moyen d'en rien +faire; et il faut qu'il reste là.» Je lui donnai un conseil singulier, +ce fut d'envoyer l'ouvrage tel qu'il était, sans adoucir, sans +changer, à M<sup>me</sup> de Pompadour même, avec un bout de lettre +qui la mît au fait de cet envoi. Cette idée lui plut. Elle écrivit +une lettre charmante de tous points, mais surtout par un ton +de vérité auquel il était impossible de se refuser. Deux ou trois +mois s'écoulèrent sans qu'elle entendît parler de rien; et elle +tenait la tentative pour infructueuse, lorsqu'une croix de Saint-Louis +se présenta chez elle avec une réponse de la marquise. +L'ouvrage y était loué comme il le méritait; on remerciait du +sacrifice; on convenait des applications, on n'en était point +offensée; et l'on invitait l'auteur à venir à Versailles, où l'on +trouverait une femme reconnaissante et disposée à rendre les +services qui dépendraient d'elle. L'envoyé, en sortant de chez +M<sup>lle</sup> de La Chaux, laissa adroitement sur sa cheminée un rouleau +de cinquante louis.</p> + +<p>Nous la pressâmes, le docteur et moi, de profiter de la bienveillance +de M<sup>me</sup> de Pompadour; mais nous avions affaire à une +fille dont la modestie et la timidité égalaient le mérite. Comment +se présenter là avec ses haillons? Le docteur leva tout de +suite cette difficulté. Après les habits, ce furent d'autres prétextes, +<span class="pagenum"> -<a name="p331" id="p331">331</a>- </span>et puis d'autres prétextes encore. Le voyage de Versailles +fut différé de jour en jour, jusqu'à ce qu'il ne convenait presque +plus de le faire. Il y avait déjà du temps que nous ne lui en +parlions pas, lorsque le même émissaire revint, avec une +seconde lettre remplie des reproches les plus obligeants et une +autre gratification équivalente à la première et offerte avec le +même ménagement. Cette action généreuse de M<sup>me</sup> de Pompadour +n'a point été connue. J'en ai parlé à M. Collin, son homme +de confiance et le distributeur de ses grâces secrètes. Il l'ignorait; +et j'aime à me persuader que ce n'est pas la seule que sa +tombe recèle.</p> + +<p>Ce fut ainsi que M<sup>lle</sup> de La Chaux manqua deux fois l'occasion +de se tirer de la détresse.</p> + +<p>Depuis, elle transporta sa demeure sur les extrémités de la +ville, et je la perdis tout à fait de vue. Ce que j'ai su du reste +de sa vie, c'est qu'il n'a été qu'un tissu de chagrins, d'infirmités +et de misère. Les portes de sa famille lui furent opiniâtrement +fermées. Elle sollicita inutilement l'intercession de ces +saints personnages qui l'avaient persécutée avec tant de zèle.</p> + +<p>—Cela est dans la règle.</p> + +<p>—Le docteur ne l'abandonna point. Elle mourut sur la +paille, dans un grenier, tandis que le petit tigre de la rue Hyacinthe, +le seul amant qu'elle ait eu, exerçait la médecine à Montpellier +ou à Toulouse, et jouissait, dans la plus grande aisance, +de la réputation méritée d'habile homme, et de la réputation +usurpée d'honnête homme.</p> + +<p>—Mais cela est encore à peu près dans la règle. S'il y a un +bon et honnête Tanié, c'est à une Reymer que la Providence +l'envoie; s'il y a une bonne et honnête de La Chaux, elle +deviendra le partage d'un Gardeil<a id="FNanchor_8" name="FNanchor_8"></a><a href="#Footnote_8" class="fnanchor">8</a>, afin que tout soit fait pour +le mieux.</p> + +<p>Mais on me dira peut-être que c'est aller trop vite que de +prononcer définitivement sur le caractère d'un homme d'après +une seule action; qu'une règle aussi sévère réduirait le nombre +des gens de bien au point d'en laisser moins sur la terre que +l'Évangile du chrétien n'admet d'élus dans le ciel; qu'on peut +être inconstant en amour, se piquer même de peu de religion +avec les femmes, sans être dépourvu d'honneur et de probité; +qu'on n'est le maître ni d'arrêter une passion qui s'allume, ni +d'en prolonger une qui s'éteint; qu'il y a déjà assez d'hommes +dans les maisons et les rues qui méritent à juste titre le nom +de coquins, sans inventer des crimes imaginaires qui les multiplieraient +à l'infini. On me demandera si je n'ai jamais ni trahi, +ni trompé, ni délaissé aucune femme sans sujet. Si je voulais +répondre à ces questions, ma réponse ne demeurerait pas sans +réplique, et ce serait une dispute à ne finir qu'au jugement +dernier. Mais mettez la main sur la conscience, et dites-moi, +vous, monsieur l'apologiste des trompeurs et des infidèles, si +vous prendriez le docteur de Toulouse pour votre ami?... Vous +hésitez? Tout est dit; et sur ce, je prie Dieu de tenir en sa +sainte garde toute femme à qui il vous prendra fantaisie +d'adresser votre hommage.</p> + + + + +<h2>NOTES</h2> + + +<div class="trnote"> +Note +du transcripteur: Les mentions (N.) et (<span class="sc">Br.</span>) désignent les +notes tirées respectivement des écrits et de l'édition de Naigeon, et +de l'édition de Brière. Les notes d'Assézat ne portent pas de marque +particulière. +</div> +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_1" id="Footnote_1"></a> +<a href="#FNanchor_1"> +<span class="label">[1]</span></a> En 1749, M. de Maurepas, encore ministre de la marine, remit à Louis XV un +mémoire dans lequel il développait les moyens d'ouvrir, par l'intérieur du Canada, +un commerce avec les colonies anglaises. Ce projet fut adopté par la suite, et Maurepas +le vit exécuté avant sa mort. (<span class="sc">Br.</span>)</p> +</div> +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_2" id="Footnote_2"></a> +<a href="#FNanchor_2"> +<span class="label">[2]</span></a> Ce mot seul suffirait pour ôter au lecteur toute confiance dans le récit qui +va suivre; et cependant il est littéralement vrai. Diderot n'ajoute rien ni aux événements, +ni au caractère des personnages qu'il met en scène. La passion de M<sup>lle</sup> de +La Chaux pour Gardeil, l'ingratitude monstrueuse de son amant, les détails de son +entrevue avec lui, de leur conversation en présence de Diderot, qui l'avait accompagnée +chez cette bête féroce; le désespoir touchant de cette femme trahie, délaissée +par celui à qui elle avait sacrifié son repos, sa fortune, sa réputation, sa santé, +et jusqu'aux charmes mêmes par lesquels elle l'avait séduit: tout cela est de la +plus grande exactitude. Comme Diderot avait particulièrement connu les acteurs de +ce drame, et que les faits dont il avait été témoin, ou que l'amitié lui avait confiés, +étaient encore récents lorsqu'il résolut de les écrire, son imagination n'avait +pas eu le temps de les altérer, en ajoutant ou en retranchant quelque circonstance +pour produire un plus grand effet: et c'est encore ici un de ces cas assez rares dans +l'histoire de sa vie, où il n'a dit que ce qu'il avait vu, et où il n'a vu que ce qui était.</p> + +<p>Aux particularités curieuses qu'il avait recueillies sur M<sup>lle</sup> de La Chaux, et qu'il +a consignées dans cet écrit, je n'ajouterai qu'un fait, qu'il a omis par oubli et qui +mérite d'être conservé; c'est que cette femme si tendre, si passionnée, si intéressante +par son extrême sensibilité et par ses malheurs, si digne surtout d'un meilleur +sort, avait eu aussi pour amis D'Alembert et l'abbé de Condillac. Elle était en +état d'entendre et de juger les ouvrages de ces deux philosophes; elle avait même +donné au dernier, dont elle avait lu l'<i>Essai sur l'origine des connaissances humaines</i>, +le conseil très-sage de revenir sur ses premières pensées, et, pour me servir +de son expression, <i>de commencer par le commencement</i>; c'est-à-dire de rejeter +avec Hobbes l'hypothèse absurde de la distinction des deux substances dans +l'homme. J'ose dire que cette vue très-philosophique, cette seule idée de M<sup>lle</sup> de La +Chaux suppose plus d'étendue, de justesse et de profondeur dans l'esprit, que toute +la métaphysique de Condillac, dans laquelle il y a en effet un vice radical et destructeur +qui influe sur tout le système, et qui en rend les résultats plus ou moins +vagues et incertains. On voit que M<sup>lle</sup> de La Chaux l'avait senti; et l'on regrette +que Condillac, plus docile aux conseils judicieux de cette femme éclairée et d'une +pénétration peu commune, n'ait pas suivi la route qu'elle lui indiquait. Il n'aurait +pas semé de tant d'erreurs celle qu'il s'est tracée, et sur laquelle on ne peut que +s'égarer avec lui, comme cela arrive tous les jours à ceux qui le prennent pour guide. +Voyez, sur ce philosophe, les réflexions préliminaires qui servent d'introduction à +son article, dans l'<span class="sc">Encyclopédie méthodique</span>, <i>Dictionnaire de la Philosophie ancienne +et moderne</i>, t. II, et ce que j'en ai dit encore dans mes <i>Mémoires historiques et philosophiques +sur la vie et les ouvrages de Diderot</i>. (N.)</p> +</div> +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_3" id="Footnote_3"></a> +<a href="#FNanchor_3"> +<span class="label">[3]</span></a> Antoine de Ricouart, comte d'Hérouville, né à Paris en 1713, est auteur du +<i>Traité des Légions</i>, qui porte le nom du maréchal de Saxe<a id="FNanchor_4" name="FNanchor_4"></a><a href="#Footnote_4" class="fnanchor">4</a>. Paris, 1757. Il a fourni +des Mémoires curieux aux rédacteurs de l'<i>Encyclopédie</i>. On voulut le porter au +ministère sous Louis XV, mais un mariage <i>inégal</i> l'en fit exclure. Il mourut +en 1782. (<span class="sc">Br.</span>)</p> +</div> +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_4" id="Footnote_4"></a> +<a href="#FNanchor_4"> +<span class="label">[4]</span></a> Dans les trois premières éditions seulement. L'ouvrage avait été imprimé d'abord sur une +copie communiquée au maréchal, et trouvée dans ses papiers.</p> +</div> +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_5" id="Footnote_5"></a> +<a href="#FNanchor_5"> +<span class="label">[5]</span></a> Montucla n'avait que trente ans lorsqu'il publia son <i>Histoire des Mathématiques</i>. +Paris, 1758. Elle a été revue et achevée par Lalande. Paris, 1799-1802. (<span class="sc">Br.</span>)</p> +</div> +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_6" id="Footnote_6"></a> +<a href="#FNanchor_6"> +<span class="label">[6]</span></a> Voir t. 1<sup>er</sup>, p. 399.</p> +</div> +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_7" id="Footnote_7"></a> +<a href="#FNanchor_7"> +<span class="label">[7]</span></a> Le Camus (Antoine), qui a laissé après lui d'autres souvenirs de bienfaisance, +était né à Paris en 1722.</p> + +<p>On lui doit un grand nombre d'ouvrages de médecine et de littérature. Nous +citerons seulement: <i>La Médecine de l'Esprit</i>, Paris, 1753. <i>Projet d'anéantir la petite +vérole</i>, 1767. <i>Médecine pratique rendue plus simple, plus sûre et plus méthodique</i>, +1769. Plusieurs Mémoires sur différents sujets de médecine. <i>Abdéker, ou +l'Art de conserver la beauté</i>, 1754-1756. <i>L'Amour et l'Amitié</i>, comédie, 1763. <i>Les +Amours pastorales de Daphnis et Chloé</i>, traduites du grec de Longus, par Amyot, +avec une double traduction, Paris, 1757. Cette nouvelle traduction de Le Camus +mérite encore d'être lue après celle que vient de publier M. Courier à Sainte-Pélagie, +où il était détenu pour un écrit sur l'acquisition du domaine de Chambord. +Paris, 1821. (<span class="sc">Br.</span>)</p> +</div> +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_8" id="Footnote_8"></a> +<a href="#FNanchor_8"> +<span class="label">[8]</span></a> Gardeil est mort le 19 avril 1808, à l'âge de quatre-vingt-deux ans. On a de lui +une <i>Traduction des Œuvres médicales d'Hippocrate</i>, sur le texte grec, d'après +l'édition de Foës; Toulouse, 1801. (<span class="sc">Br.</span>)—C'est à Montpellier qu'il exerçait.</p> +</div> + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of Project Gutenberg's Ceci n'est pas un conte, by Denis Diderot + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CECI N'EST PAS UN CONTE *** + +***** This file should be named 28602-h.htm or 28602-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + https://www.gutenberg.org/2/8/6/0/28602/ + +Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed +Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was +produced from images generously made available by the +Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at https://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. 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Donations are accepted in a number of other +ways including including checks, online payments and credit card +donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + https://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + + +</pre> + +</body> +</html> diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. 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