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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-15 04:48:26 -0700
committerRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-15 04:48:26 -0700
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+<title>The Project Gutenberg eBook of La Vénus d’Ille, by Prosper Mérimée</title>
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+<div style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of La Vénus d’Ille, by Prosper Mérimée</div>
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
+most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
+whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
+of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
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+<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: La Vénus d’Ille</div>
+<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Prosper Mérimée</div>
+<div style='display:block; margin:1em 0'>Release Date: July 7, 2005 [eBook #16240]<br />
+[Most recently updated: October 30, 2023]</div>
+<div style='display:block; margin:1em 0'>Language: French</div>
+<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA VÉNUS D’ILLE ***</div>
+
+<h2 class="no-break">Prosper Mérimée</h2>
+
+<h1>LA VÉNUS D’ILLE</h1>
+
+<p class="letter">
+Ἰλεως ἦν δ' ἐγώ, ἔστω ὁ ἀνδριὰς<br/>
+καὶ ἤπιος, οὔτως ἀνδρεῖος ὢν.<br/>
+<br/>
+ΛΟΥΚΙΑΝΟΥ ΦΙΛΟΨΕΥΔΗΣ.
+</p>
+
+<div class="chapter">
+
+<p>
+Je descendais le dernier coteau du Canigou, et, bien que le soleil fût déjà
+couché, je distinguais dans la plaine les maisons de la petite ville d’Ille,
+vers laquelle je me dirigeais.
+</p>
+
+<p>
+«Vous savez, dis-je au Catalan qui me servait de guide depuis la veille, vous
+savez sans doute où demeure M. de Peyrehorade?
+</p>
+
+<p>
+— Si je le sais! s’écria-t-il, je connais sa maison comme la mienne; et s’il ne
+faisait pas si noir, je vous la montrerais. C’est la plus belle d’Ille. Il a de
+l’argent, oui, M. de Peyrehorade; et il marie son fils à plus riche que lui
+encore.
+</p>
+
+<p>
+— Et ce mariage se fera-t-il bientôt? lui demandai-je.
+</p>
+
+<p>
+— Bientôt! il se peut que déjà les violons soient commandés pour la noce. Ce
+soir, peut-être, demain, après-demain, que sais-je! C’est à Puygarrig que ça se
+fera; car c’est mademoiselle de Puygarrig que monsieur le fils épouse. Ce sera
+beau, oui!»
+</p>
+
+<p>
+J’étais recommandé à M. de Peyrehorade par mon ami M. de P. C’était, m’avait-il
+dit, un antiquaire fort instruit et d’une complaisance à toute épreuve. Il se
+ferait un plaisir de me montrer toutes les ruines à dix lieues à la ronde. Or
+je comptais sur lui pour visiter les environs d’Ille, que je savais riches en
+monuments antiques et du Moyen Âge. Ce mariage, dont on me parlait alors pour
+la première fois, dérangeait tous mes plans.
+</p>
+
+<p>
+Je vais être un trouble-fête, me dis-je. Mais j’étais attendu; annoncé par M.
+de P., il fallait bien me présenter.
+</p>
+
+<p>
+«Gageons, monsieur, me dit mon guide, comme nous étions déjà dans la plaine,
+gageons un cigare que je devine ce que vous allez faire chez M. de Peyrehorade?
+</p>
+
+<p>
+— Mais, répondis-je en lui tendant un cigare, cela n’est pas bien difficile à
+deviner. À l’heure qu’il est, quand on a fait six lieues dans le Canigou, la
+grande affaire, c’est de souper.
+</p>
+
+<p>
+— Oui, mais demain?… Tenez, je parierais que vous venez à Ille pour voir
+l’idole? j’ai deviné cela à vous voir tirer en portrait les saints de
+Serrabona.
+</p>
+
+<p>
+— L’idole! quelle idole?» Ce mot avait excité ma curiosité.
+</p>
+
+<p>
+«Comment! on ne vous a pas conté, à Perpignan, comment M. de Peyrehorade avait
+trouvé une idole en terre?
+</p>
+
+<p>
+— Vous voulez dire une statue en terre cuite, en argile?
+</p>
+
+<p>
+— Non pas. Oui, bien en cuivre, et il y en a de quoi faire des gros sous. Elle
+vous pèse autant qu’une cloche d’église. C’est bien avant dans la terre, au
+pied d’un olivier, que nous l’avons eue.
+</p>
+
+<p>
+— Vous étiez donc présent à la découverte?
+</p>
+
+<p>
+— Oui, monsieur. M. de Peyrehorade nous dit, il y a quinze jours, à Jean Coll
+et à moi, de déraciner un vieil olivier qui était gelé de l’année dernière, car
+elle a été bien mauvaise, comme vous savez. Voilà donc qu’en travaillant Jean
+Coll qui y allait de tout cœur, il donne un coup de pioche, et j’entends bimm…
+comme s’il avait tapé sur une cloche. Qu’est-ce que c’est? que je dis. Nous
+piochons toujours, nous piochons, et voilà qu’il paraît une main noire, qui
+semblait la main d’un mort qui sortait de terre. Moi, la peur me prend. Je m’en
+vais à monsieur, et je lui dis: — Des morts, notre maître, qui sont sous
+l’olivier! Faut appeler le curé. — Quels morts? qu’il me dit. Il vient, et il
+n’a pas plutôt vu la main qu’il s’écrie: — Un antique! un antique! — Vous
+auriez cru qu’il avait trouvé un trésor. Et le voilà, avec la pioche, avec les
+mains, qui se démène et qui faisait quasiment autant d’ouvrage que nous deux.
+</p>
+
+<p>
+— Et enfin que trouvâtes-vous?
+</p>
+
+<p>
+— Une grande femme noire plus qu’à moitié nue, révérence parler, monsieur,
+toute en cuivre, et M. de Peyrehorade nous a dit que c’était une idole du temps
+des païens… du temps de Charlemagne, quoi!
+</p>
+
+<p>
+— Je vois ce que c’est… Quelque bonne Vierge en bronze d’un couvent détruit.
+</p>
+
+<p>
+— Une bonne Vierge! ah bien oui!… Je l’aurais bien reconnue, si ç’avait été une
+bonne Vierge. C’est une idole, vous dis-je; on le voit bien à son air. Elle
+vous fixe avec ses grands yeux blancs… On dirait qu’elle vous dévisage. On
+baisse les yeux, oui, en la regardant.
+</p>
+
+<p>
+— Des yeux blancs? Sans doute ils sont incrustés dans le bronze. Ce sera
+peut-être quelque statue romaine.
+</p>
+
+<p>
+— Romaine! c’est cela. M. de Peyrehorade dit que c’est une Romaine. Ah! je vois
+bien que vous êtes un savant comme lui.
+</p>
+
+<p>
+— Est-elle entière, bien conservée?
+</p>
+
+<p>
+— Oh! monsieur, il ne lui manque rien. C’est encore plus beau et mieux fini que
+le buste de Louis-Philippe, qui est à la mairie, en plâtre peint. Mais avec
+tout cela, la figure de cette idole ne me revient pas. Elle a l’air méchante…
+et elle l’est aussi.
+</p>
+
+<p>
+— Méchante! Quelle méchanceté vous a-t-elle faite?
+</p>
+
+<p>
+— Pas à moi précisément; mais vous allez voir. Nous nous étions mis à quatre
+pour la dresser debout, et M. de Peyrehorade, qui lui aussi tirait à la corde,
+bien qu’il n’ait guère plus de force qu’un poulet, le digne homme! Avec bien de
+la peine nous la mettons droite. J’amassais un tuileau pour la caler, quand,
+patatras! la voilà qui tombe à la renverse tout d’une masse. Je dis: Gare
+dessous! Pas assez vite pourtant, car Jean Coll n’a pas eu le temps de tirer sa
+jambe…
+</p>
+
+<p>
+— Et il a été blessé?
+</p>
+
+<p>
+— Cassée net comme un échalas, sa pauvre jambe! Pécaïre! quand j’ai vu cela,
+moi, j’étais furieux. Je voulais défoncer l’idole à coups de pioche, mais M. de
+Peyrehorade m’a retenu. Il a donné de l’argent à Jean Coll, qui tout de même
+est encore au lit depuis quinze jours que cela lui est arrivé, et le médecin
+dit qu’il ne marchera jamais de cette jambe-là comme de l’autre. C’est dommage,
+lui qui était notre meilleur coureur et, après monsieur le fils, le plus malin
+joueur de paume. C’est que M. Alphonse de Peyrehorade en a été triste, car
+c’est Coll qui faisait sa partie. Voilà qui était beau à voir comme ils se
+renvoyaient les balles. Paf! paf! Jamais elles ne touchaient terre.»
+</p>
+
+<p>
+Devisant de la sorte, nous entrâmes à Ille, et je me trouvai bientôt en
+présence de M. de Peyrehorade. C’était un petit vieillard vert encore et
+dispos, poudré, le nez rouge, l’air jovial et goguenard. Avant d’avoir ouvert
+la lettre de M. de P., il m’avait installé devant une table bien servie, et
+m’avait présenté à sa femme et à son fils comme un archéologue illustre, qui
+devait tirer le Roussillon de l’oubli où le laissait l’indifférence des
+savants.
+</p>
+
+<p>
+Tout en mangeant de bon appétit, car rien ne dispose mieux que l’air vif des
+montagnes, j’examinais mes hôtes. J’ai dit un mot de M. de Peyrehorade; je dois
+ajouter que c’était la vivacité même. Il parlait, mangeait, se levait, courait
+à sa bibliothèque, m’apportait des livres, me montrait des estampes, me versait
+à boire; il n’était jamais deux minutes en repos. Sa femme, un peu trop grasse,
+comme la plupart des Catalanes lorsqu’elles ont passé quarante ans, me parut
+une provinciale renforcée, uniquement occupée des soins de son ménage. Bien que
+le souper fût suffisant pour six personnes au moins, elle courut à la cuisine,
+fit tuer des pigeons, frire des miliasses, ouvrit je ne sais combien de pots de
+confitures. En un instant la table fut encombrée de plats et de bouteilles, et
+je serais certainement mort d’indigestion si j’avais goûté seulement à tout ce
+qu’on m’offrait. Cependant, à chaque plat que je refusais, c’étaient de
+nouvelles excuses. On craignait que je ne me trouvasse bien mal à Ille. Dans la
+province on a peu de ressources, et les Parisiens sont si difficiles!
+</p>
+
+<p>
+Au milieu des allées et venues de ses parents, M. Alphonse de Peyrehorade ne
+bougeait pas plus qu’un Terme. C’était un grand jeune homme de vingt-six ans,
+d’une physionomie belle et régulière, mais manquant d’expression. Sa taille et
+ses formes athlétiques justifiaient bien la réputation d’infatigable joueur de
+paume qu’on lui faisait dans le pays. Il était ce soir-là habillé avec
+élégance, exactement d’après la gravure du dernier numéro du <i>Journal des
+modes</i>. Mais il me semblait gêné dans ses vêtements; il était roide comme un
+piquet dans son col de velours, et ne se tournait que tout d’une pièce. Ses
+mains grosses et hâlées, ses ongles courts, contrastaient singulièrement avec
+son costume. C’étaient des mains de laboureur sortant des manches d’un dandy.
+D’ailleurs, bien qu’il me considérât de la tête aux pieds fort curieusement, en
+ma qualité de Parisien, il ne m’adressa qu’une seule fois la parole dans toute
+la soirée, ce fut pour me demander où j’avais acheté la chaîne de ma montre.
+</p>
+
+<p>
+«Ah çà! mon cher hôte, me dit M. de Peyrehorade, le souper tirant à sa fin,
+vous m’appartenez, vous êtes chez moi. Je ne vous lâche plus, sinon quand vous
+aurez vu tout ce que nous avons de curieux dans nos montagnes. Il faut que vous
+appreniez à connaître notre Roussillon, et que vous lui rendiez justice. Vous
+ne vous doutez pas de tout ce que nous allons vous montrer. Monuments
+phéniciens, celtiques, romains, arabes, byzantins, vous verrez tout, depuis le
+cèdre jusqu’à l’hysope. Je vous mènerai partout et ne vous ferai pas grâce
+d’une brique.»
+</p>
+
+<p>
+Un accès de toux l’obligea de s’arrêter. J’en profitai pour lui dire que je
+serais désolé de le déranger dans une circonstance aussi intéressante pour sa
+famille. S’il voulait bien me donner ses excellents conseils sur les excursions
+que j’aurais à faire, je pourrais, sans qu’il prît la peine de m’accompagner…
+</p>
+
+<p>
+«Ah! vous voulez parler du mariage de ce garçon-là, s’écria-t-il en
+m’interrompant. Bagatelle! ce sera fait après-demain. Vous ferez la noce avec
+nous, en famille, car la future est en deuil d’une tante dont elle hérite.
+Ainsi point de fête, point de bal… C’est dommage… vous auriez vu danser nos
+Catalanes… Elles sont jolies, et peut-être l’envie vous aurait-elle pris
+d’imiter mon Alphonse. Un mariage, dit-on, en amène d’autres… Samedi, les
+jeunes gens mariés, je suis libre, et nous nous mettons en course. Je vous
+demande pardon de vous donner l’ennui d’une noce de province. Pour un Parisien
+blasé sur les fêtes… et une noce sans bal encore! Pourtant, vous verrez une
+mariée… une mariée… vous m’en direz des nouvelles… Mais vous êtes un homme
+grave et vous ne regardez plus les femmes. J’ai mieux que cela à vous montrer.
+Je vous ferai voir quelque chose!… Je vous réserve une fière surprise pour
+demain.
+</p>
+
+<p>
+— Mon Dieu! lui dis-je, il est difficile d’avoir un trésor dans sa maison sans
+que le public en soit instruit. Je crois deviner la surprise que vous me
+préparez. Mais si c’est de votre statue qu’il s’agit, la description que mon
+guide m’en a faite n’a servi qu’à exciter ma curiosité et à me disposer à
+l’admiration.
+</p>
+
+<p>
+— Ah! il vous a parlé de l’idole, car c’est ainsi qu’ils appellent ma belle
+Vénus Tur… mais je ne veux rien vous dire. Demain, au grand jour, vous la
+verrez, et vous me direz si j’ai raison de la croire un chef-d’œuvre. Parbleu!
+vous ne pouviez arriver plus à propos! Il y a des inscriptions que moi, pauvre
+ignorant, j’explique à ma manière… mais un savant de Paris!… Vous vous moquerez
+peut-être de mon interprétation… car j’ai fait un mémoire… moi qui vous parle…
+vieil antiquaire de province, je me suis lancé… Je veux faire gémir la presse…
+Si vous vouliez bien me lire et me corriger, je pourrais espérer… Par exemple,
+je suis bien curieux de savoir comment vous traduirez cette inscription sur le
+socle: CAVE… Mais je ne veux rien vous demander encore! À demain, à demain! Pas
+un mot sur la Vénus aujourd’hui!
+</p>
+
+<p>
+— Tu as raison, Peyrehorade, dit sa femme, de laisser là ton idole. Tu devrais
+voir que tu empêches monsieur de manger. Va, monsieur a vu à Paris de bien plus
+belles statues que la tienne. Aux Tuileries, il y en a des douzaines, et en
+bronze aussi.
+</p>
+
+<p>
+— Voilà bien l’ignorance, la sainte ignorance de la province! interrompit M. de
+Peyrehorade. Comparer un antique admirable aux plates figures de Coustou!
+</p>
+
+<p class="center">
+Comme avec irrévérence<br/>
+Parle des dieux ma ménagère!
+</p>
+
+<p>
+Savez-vous que ma femme voulait que je fondisse ma statue pour en faire une
+cloche à notre église. C’est qu’elle en eût été la marraine. Un chef-d’œuvre de
+Myron, monsieur!
+</p>
+
+<p>
+— Chef-d’œuvre! chef-d’œuvre! un beau chef-d’œuvre qu’elle a fait! casser la
+jambe d’un homme!
+</p>
+
+<p>
+— Ma femme, vois-tu? dit M. de Peyrehorade d’un ton résolu, et tendant vers
+elle sa jambe droite dans un bas de soie chinée, si ma Vénus m’avait cassé
+cette jambe-là, je ne la regretterais pas.
+</p>
+
+<p>
+— Bon Dieu! Peyrehorade, comment peux-tu dire cela! Heureusement que l’homme va
+mieux… Et encore je ne peux pas prendre sur moi de regarder la statue qui fait
+des malheurs comme celui-là. Pauvre Jean Coll!
+</p>
+
+<p>
+— Blessé par Vénus, monsieur, dit M. de Peyrehorade riant d’un gros rire,
+blessé par Vénus, le maraud se plaint.
+</p>
+
+<p class="center">
+<i>Veneris nec præmia noris.</i>
+</p>
+
+<p>
+Qui n’a été blessé par Vénus?»
+</p>
+
+<p>
+M. Alphonse, qui comprenait le français mieux que le latin, cligna de l’œil
+d’un air d’intelligence, et me regarda comme pour me demander: Et vous,
+Parisien, comprenez-vous?
+</p>
+
+<p>
+Le souper finit. Il y avait une heure que je ne mangeais plus. J’étais fatigué,
+et je ne pouvais parvenir à cacher les fréquents bâillements qui m’échappaient.
+Madame de Peyrehorade s’en aperçut la première, et remarqua qu’il était temps
+d’aller dormir. Alors commencèrent de nouvelles excuses sur le mauvais gîte que
+j’allais avoir. Je ne serais pas comme à Paris. En province on est si mal! Il
+fallait de l’indulgence pour les Roussillonnais. J’avais beau protester
+qu’après une course dans les montagnes une botte de paille me serait un coucher
+délicieux, on me priait toujours de pardonner à de pauvres campagnards s’ils ne
+me traitaient aussi bien qu’ils l’eussent désiré. Je montai enfin à la chambre
+qui m’était destinée, accompagné de M. de Peyrehorade. L’escalier, dont les
+marches supérieures étaient en bois, aboutissait au milieu d’un corridor, sur
+lequel donnaient plusieurs chambres.
+</p>
+
+<p>
+«À droite, me dit mon hôte, c’est l’appartement que je destine à la future
+madame Alphonse. Votre chambre est au bout du corridor opposé. Vous sentez
+bien, ajouta-t-il d’un air qu’il voulait rendre fin, vous sentez bien qu’il
+faut isoler de nouveaux mariés. Vous êtes à un bout de la maison, eux à
+l’autre.»
+</p>
+
+<p>
+Nous entrâmes dans une chambre bien meublée, où le premier objet sur lequel je
+portai la vue fut un lit long de sept pieds, large de six, et si haut qu’il
+fallait un escabeau pour s’y guinder. Mon hôte m’ayant indiqué la position de
+la sonnette, et s’étant assuré par lui-même que le sucrier était plein, les
+flacons d’eau de Cologne dûment placés sur la toilette, après m’avoir demandé
+plusieurs fois si rien ne me manquait, me souhaita une bonne nuit et me laissa
+seul.
+</p>
+
+<p>
+Les fenêtres étaient fermées. Avant de me déshabiller, j’en ouvris une pour
+respirer l’air frais de la nuit, délicieux après un long souper. En face était
+le Canigou, d’un aspect admirable en tout temps, mais qui me parut ce soir-là
+la plus belle montagne du monde, éclairé qu’il était par une lune
+resplendissante. Je demeurai quelques minutes à contempler sa silhouette
+merveilleuse, et j’allais fermer ma fenêtre, lorsque, baissant les yeux,
+j’aperçus la statue sur un piédestal à une vingtaine de toises de la maison.
+Elle était placée à l’angle d’une haie vive qui séparait un petit jardin d’un
+vaste carré parfaitement uni, qui, je l’appris plus tard, était le jeu de paume
+de la ville. Ce terrain, propriété de M. de Peyrehorade, avait été cédé par lui
+à la commune, sur les pressantes sollicitations de son fils.
+</p>
+
+<p>
+À la distance où j’étais, il m’était difficile de distinguer l’attitude de la
+statue; je ne pouvais juger que de sa hauteur, qui me parut de six pieds
+environ. En ce moment, deux polissons de la ville passaient sur le jeu de
+paume, assez près de la haie, sifflant le joli air du Roussillon: <i>Montagnes
+régalades</i>. Ils s’arrêtèrent pour regarder la statue; un d’eux l’apostropha
+même à haute voix. Il parlait catalan; mais j’étais dans le Roussillon depuis
+assez longtemps pour pouvoir comprendre à peu près ce qu’il disait.
+</p>
+
+<p>
+«Te voilà donc, coquine! (Le terme catalan était plus énergique.) Te voilà!
+disait-il. C’est donc toi qui as cassé la jambe à Jean Coll! Si tu étais à moi,
+je te casserais le cou.
+</p>
+
+<p>
+— Bah! avec quoi? dit l’autre. Elle est de cuivre, et si dure qu’Étienne a
+cassé sa lime dessus, essayant de l’entamer. C’est du cuivre du temps des
+païens; c’est plus dur que je ne sais quoi.
+</p>
+
+<p>
+— Si j’avais mon ciseau à froid (il paraît que c’était un apprenti serrurier),
+je lui ferais bientôt sauter ses grands yeux blancs, comme je tirerais une
+amande de sa coquille. Il y a pour plus de cent sous d’argent.»
+</p>
+
+<p>
+Ils firent quelques pas en s’éloignant.
+</p>
+
+<p>
+«Il faut que je souhaite le bonsoir à l’idole», dit le plus grand des
+apprentis, s’arrêtant tout à coup.
+</p>
+
+<p>
+Il se baissa, et probablement ramassa une pierre. Je le vis déployer le bras,
+lancer quelque chose, et aussitôt un coup sonore retentit sur le bronze. Au
+même instant l’apprenti porta la main à sa tête en poussant un cri de douleur.
+</p>
+
+<p>
+«Elle me l’a rejetée!» s’écria-t-il.
+</p>
+
+<p>
+Et mes deux polissons prirent la fuite à toutes jambes. Il était évident que la
+pierre avait rebondi sur le métal, et avait puni ce drôle de l’outrage qu’il
+faisait à la déesse.
+</p>
+
+<p>
+Je fermai la fenêtre en riant de bon cœur.
+</p>
+
+<p>
+«Encore un Vandale puni par Vénus! Puissent tous les destructeurs de nos vieux
+monuments avoir ainsi la tête cassée!» Sur ce souhait charitable, je
+m’endormis.
+</p>
+
+<p>
+Il était grand jour quand je me réveillai. Auprès de mon lit étaient d’un côté,
+M. de Peyrehorade, en robe de chambre; de l’autre, un domestique envoyé par sa
+femme, une tasse de chocolat à la main.
+</p>
+
+<p>
+«Allons, debout, Parisien! Voilà bien mes paresseux de la capitale! disait mon
+hôte pendant que je m’habillais à la hâte. Il est huit heures, et encore au
+lit! je suis levé, moi, depuis six heures. Voilà trois fois que je monte; je me
+suis approché de votre porte sur la pointe du pied: personne, nul signe de vie.
+Cela vous fera mal de trop dormir à votre âge. Et ma Vénus que vous n’avez pas
+encore vue! Allons, prenez-moi vite cette tasse de chocolat de Barcelone… Vraie
+contrebande… Du chocolat comme on n’en a pas à Paris. Prenez des forces, car
+lorsque vous serez devant ma Vénus, on ne pourra plus vous en arracher.»
+</p>
+
+<p>
+En cinq minutes je fus prêt, c’est-à-dire à moitié rasé, mal boutonné, et brûlé
+par le chocolat que j’avalai bouillant. Je descendis dans le jardin, et me
+trouvai devant une admirable statue.
+</p>
+
+<p>
+C’était bien une Vénus, et d’une merveilleuse beauté. Elle avait le haut du
+corps nu, comme les Anciens représentaient d’ordinaire les grandes divinités;
+la main droite, levée à la hauteur du sein, était tournée, la paume en dedans,
+le pouce et les deux premiers doigts étendus, les deux autres légèrement
+ployés. L’autre main, rapprochée de la hanche, soutenait la draperie qui
+couvrait la partie inférieure du corps. L’attitude de cette statue rappelait
+celle du Joueur de mourre qu’on désigne, je ne sais trop pourquoi, sous le nom
+de Germanicus. Peut-être avait-on voulu représenter la déesse jouant au jeu de
+mourre.
+</p>
+
+<p>
+Quoi qu’il en soit, il est impossible de voir quelque chose de plus parfait que
+le corps de cette Vénus; rien de plus suave, de plus voluptueux que ses
+contours; rien de plus élégant et de plus noble que sa draperie. Je m’attendais
+à quelque ouvrage du Bas- Empire; je voyais un chef-d’œuvre du meilleur temps
+de la statuaire. Ce qui me frappait surtout, c’était l’exquise vérité des
+formes, en sorte qu’on aurait pu les croire moulées sur nature, si la nature
+produisait d’aussi parfaits modèles.
+</p>
+
+<p>
+La chevelure, relevée sur le front, paraissait avoir été dorée autrefois. La
+tête, petite comme celle de presque toutes les statues grecques, était
+légèrement inclinée en avant. Quant à la figure, jamais je ne parviendrai à
+exprimer son caractère étrange, et dont le type ne se rapprochait de celui
+d’aucune statue antique dont il me souvienne. Ce n’était point cette beauté
+calme et sévère des sculpteurs grecs, qui, par système, donnaient à tous les
+traits une majestueuse immobilité. Ici, au contraire, j’observais avec surprise
+l’intention marquée de l’artiste de rendre la malice arrivant jusqu’à la
+méchanceté. Tous les traits étaient contractés légèrement: les yeux un peu
+obliques, la bouche relevée des coins, les narines quelque peu gonflées.
+Dédain, ironie, cruauté, se lisaient sur ce visage d’une incroyable beauté
+cependant. En vérité, plus on regardait cette admirable statue, et plus on
+éprouvait le sentiment pénible qu’une si merveilleuse beauté pût s’allier à
+l’absence de toute sensibilité.
+</p>
+
+<p>
+«Si le modèle a jamais existé, dis-je à M. de Peyrehorade, et je doute que le
+ciel ait jamais produit une telle femme, que je plains ses amants! Elle a dû se
+complaire à les faire mourir de désespoir. Il y a dans son expression quelque
+chose de féroce, et pourtant je n’ai jamais vu rien de si beau.
+</p>
+
+<p>
+— C’est Vénus tout entière à sa proie attachée!» s’écria M. de Peyrehorade,
+satisfait de mon enthousiasme.
+</p>
+
+<p>
+Cette expression d’ironie infernale était augmentée peut-être par le contraste
+de ses yeux incrustés d’argent et très brillants avec la patine d’un vert
+noirâtre que le temps avait donnée à toute la statue. Ces yeux brillants
+produisaient une certaine illusion qui rappelait la réalité, la vie. Je me
+souvins de ce que m’avait dit mon guide, qu’elle faisait baisser les yeux à
+ceux qui la regardaient. Cela était presque vrai, et je ne pus me défendre d’un
+mouvement de colère contre moi-même en me sentant un peu mal à mon aise devant
+cette figure de bronze.
+</p>
+
+<p>
+«Maintenant que vous avez tout admiré en détail, mon cher collègue en
+antiquaillerie, dit mon hôte, ouvrons, s’il vous plaît, une conférence
+scientifique. Que dites-vous de cette inscription, à laquelle vous n’avez point
+pris garde encore?»
+</p>
+
+<p>
+Il me montrait le socle de la statue, et j’y lus ces mots:
+</p>
+
+<p class="center">
+CAVE AMANTEM.
+</p>
+
+<p>
+«<i>Quid dicis, doctissime?</i> me demanda-t-il en se frottant les mains.
+Voyons si nous nous rencontrerons sur le sens de ce <i>cave amantem!</i>
+</p>
+
+<p>
+— Mais, répondis-je, il y a deux sens. On peut traduire: «Prends garde à celui
+qui t’aime, défie-toi des amants.» Mais, dans ce sens, je ne sais si <i>cave
+amantem</i> serait d’une bonne latinité. En voyant l’expression diabolique de
+la dame, je croirais plutôt que l’artiste a voulu mettre en garde le spectateur
+contre cette terrible beauté. Je traduirais donc: «Prends garde à toi si
+<i>elle</i> t’aime.»
+</p>
+
+<p>
+— Humph! dit M. de Peyrehorade, oui, c’est un sens admirable; mais, ne vous en
+déplaise, je préfère la première traduction, que je développerai pourtant. Vous
+connaissez l’amant de Vénus?
+</p>
+
+<p>
+— Il y en a plusieurs.
+</p>
+
+<p>
+— Oui; mais le premier, c’est Vulcain. N’a-t-on pas voulu dire: «Malgré toute
+ta beauté, ton air dédaigneux, tu auras un forgeron, un vilain boiteux pour
+amant!» Leçon profonde, monsieur, pour les coquettes!»
+</p>
+
+<p>
+Je ne pus m’empêcher de sourire, tant l’explication me parut tirée par les
+cheveux.
+</p>
+
+<p>
+«C’est une terrible langue que le latin avec sa concision, observai-je pour
+éviter de contredire formellement mon antiquaire, et je reculai de quelques pas
+afin de mieux contempler la statue.
+</p>
+
+<p>
+— Un instant, collègue! dit M. de Peyrehorade en m’arrêtant par le bras, vous
+n’avez pas tout vu. Il y a encore une autre inscription. Montez sur le socle et
+regardez au bras droit.»
+</p>
+
+<p>
+En parlant ainsi il m’aidait à monter.
+</p>
+
+<p>
+Je m’accrochai sans trop de façons au cou de la Vénus, avec laquelle je
+commençais à me familiariser. Je la regardai même un instant <i>sous le
+nez</i>, et la trouvai de près encore plus méchante et encore plus belle. Puis
+je reconnus qu’il y avait, gravés sur le bras, quelques caractères d’écriture
+cursive antique, à ce qu’il me sembla. À grand renfort de besicles j’épelai ce
+qui suit, et cependant M. de Peyrehorade répétait chaque mot à mesure que je le
+prononçais, approuvant du geste et de la voix. Je lus donc:
+</p>
+
+<p class="center">
+VENERI TVRBVL…<br/>
+EVTYCHES MYRO<br/>
+IMPERIO FECIT.
+</p>
+
+<p>
+Après ce mot TVRBVL de la première ligne, il me sembla qu’il y avait quelques
+lettres effacées; mais TVRBVL était parfaitement lisible.
+</p>
+
+<p>
+«Ce qui veut dire?…» me demanda mon hôte radieux et souriant avec malice, car
+il pensait bien que je ne me tirerais pas facilement de ce TVRBVL.
+</p>
+
+<p>
+«Il y a un mot que je ne m’explique pas encore, lui dis-je; tout le reste est
+facile. Eutychès Myron a fait cette offrande à Vénus par son ordre.
+</p>
+
+<p>
+— À merveille. Mais TVRBVL, qu’en faites-vous? Qu’est-ce que TVRBVL?
+</p>
+
+<p>
+— TVRBVL m’embarrasse fort. Je cherche en vain quelque épithète connue de Vénus
+qui puisse m’aider. Voyons, que diriez-vous de TVRBVLENTA? Vénus qui trouble,
+qui agite… Vous vous apercevez que je suis toujours préoccupé de son expression
+méchante. TVRBVLENTA, ce n’est point une trop mauvaise épithète pour Vénus»,
+ajoutai-je d’un ton modeste, car je n’étais pas moi-même fort satisfait de mon
+explication.
+</p>
+
+<p>
+«Vénus turbulente! Vénus la tapageuse! Ah! vous croyez donc que ma Vénus est
+une Vénus de cabaret? Point du tout, monsieur; c’est une Vénus de bonne
+compagnie. Mais je vais vous expliquer ce TVRBVL… Au moins vous me promettez de
+ne point divulguer ma découverte avant l’impression de mon mémoire. C’est que,
+voyez-vous, je m’en fais gloire, de cette trouvaille-là… Il faut bien que vous
+nous laissiez quelques épis à glaner, à nous autres pauvres diables de
+provinciaux. Vous êtes si riches, messieurs les savants de Paris!»
+</p>
+
+<p>
+Du haut du piédestal, où j’étais toujours perché, je lui promis solennellement
+que je n’aurais jamais l’indignité de lui voler sa découverte.
+</p>
+
+<p>
+«TVRBVL…, monsieur, dit-il en se rapprochant et baissant la voix de peur qu’un
+autre que moi ne pût l’entendre, lisez TVRBVLNERÆ.
+</p>
+
+<p>
+— Je ne comprends pas davantage.
+</p>
+
+<p>
+— Écoutez bien. À une lieue d’ici, au pied de la montagne, il y a un village
+qui s’appelle Boulternère. C’est une corruption du mot latin TVRBVLNERA. Rien
+de plus commun que ces inversions. Boulternère, monsieur, a été une ville
+romaine. Je m’en étais toujours douté, mais jamais je n’en avais eu la preuve.
+La preuve, la voilà. Cette Vénus était la divinité topique de la cité de
+Boulternère; et ce mot de Boulternère, que je viens de démontrer d’origine
+antique, prouve une chose bien plus curieuse, c’est que Boulternère, avant
+d’être une ville romaine, a été une ville phénicienne!»
+</p>
+
+<p>
+Il s’arrêta un moment pour respirer et jouir de ma surprise. Je parvins à
+réprimer une forte envie de rire.
+</p>
+
+<p>
+«En effet, poursuivit-il, TVRBVLNERA est pur phénicien, TVR, prononcez TOUR…
+TOUR et SOUR, même mot, n’est-ce pas? SOUR est le nom phénicien de Tyr; je n’ai
+pas besoin de vous en rappeler le sens. BVL, c’est Baal; Bâl, Bel, Bul, légères
+différences de prononciation. Quant à NERA, cela me donne un peu de peine. Je
+suis tenté de croire, faute de trouver un mot phénicien, que cela vient du grec
+νηρός, humide, marécageux. Ce serait donc un mot hybride. Pour justifier νηρός,
+je vous montrerai à Boulternère comment les ruisseaux de la montagne y forment
+des mares infectes. D’autre part, la terminaison NERA aurait pu être ajoutée
+beaucoup plus tard en l’honneur de Nera Pivesuvia, femme de Tétricus, laquelle
+aurait fait quelque bien à la cité de Turbul. Mais, à cause des mares, je
+préfère l’étymologie de νηρός.»
+</p>
+
+<p>
+Il prit une prise de tabac d’un air satisfait.
+</p>
+
+<p>
+«Mais laissons les Phéniciens, et revenons à l’inscription. Je traduis donc: “À
+Vénus de Boulternère Myron dédie par son ordre cette statue, son ouvrage.”«
+</p>
+
+<p>
+Je me gardai bien de critiquer son étymologie, mais je voulus à mon tour faire
+preuve de pénétration, et je lui dis:
+</p>
+
+<p>
+«Halte-là, monsieur. Myron a consacré quelque chose, mais je ne vois nullement
+que ce soit cette statue.
+</p>
+
+<p>
+— Comment! s’écria-t-il, Myron n’était-il pas un fameux sculpteur grec? Le
+talent se sera perpétué dans sa famille: c’est un de ses descendants qui aura
+fait cette statue. Il n’y a rien de plus sûr.
+</p>
+
+<p>
+— Mais, répliquai-je, je vois sur le bras un petit trou. Je pense qu’il a servi
+à fixer quelque chose, un bracelet, par exemple, que ce Myron donna à Vénus en
+offrande expiatoire. Myron était un amant malheureux. Vénus était irritée
+contre lui: il l’apaisa en lui consacrant un bracelet d’or. Remarquez que fecit
+se prend fort souvent pour <i>consecravit</i>. Ce sont termes synonymes. Je
+vous en montrerais plus d’un exemple si j’avais sous la main Gruter ou bien
+Orelli. Il est naturel qu’un amoureux voie Vénus en rêve, qu’il s’imagine
+qu’elle lui commande de donner un bracelet d’or à sa statue. Myron lui consacra
+un bracelet… Puis les barbares ou bien quelque voleur sacrilège…
+</p>
+
+<p>
+— Ah! qu’on voit bien que vous avez fait des romans! s’écria mon hôte en me
+donnant la main pour descendre. Non, monsieur, c’est un ouvrage de l’école de
+Myron. Regardez seulement le travail, et vous en conviendrez.»
+</p>
+
+<p>
+M’étant fait une loi de ne jamais contredire à outrance les antiquaires
+entêtés, je baissai la tête d’un air convaincu en disant:
+</p>
+
+<p>
+«C’est un admirable morceau.
+</p>
+
+<p>
+— Ah! mon Dieu, s’écria M. de Peyrehorade, encore un trait de vandalisme! On
+aura jeté une pierre à ma statue!»
+</p>
+
+<p>
+Il venait d’apercevoir une marque blanche un peu au-dessus du sein de la Vénus.
+Je remarquai une trace semblable sur les doigts de la main droite, qui, je le
+supposai alors, avaient été touchés dans le trajet de la pierre, ou bien un
+fragment s’en était détaché par le choc et avait ricoché sur la main. Je contai
+à mon hôte l’insulte dont j’avais été témoin et la prompte punition qui s’en
+était suivie. Il en rit beaucoup, et, comparant l’apprenti à Diomède, il lui
+souhaita de voir, comme le héros grec, tous ses compagnons changés en oiseaux
+blancs.
+</p>
+
+<p>
+La cloche du déjeuner interrompit cet entretien classique, et, de même que la
+veille, je fus obligé de manger comme quatre. Puis vinrent des fermiers de M.
+de Peyrehorade; et pendant qu’il leur donnait audience, son fils me mena voir
+une calèche qu’il avait achetée à Toulouse pour sa fiancée, et que j’admirai,
+cela va sans dire. Ensuite j’entrai avec lui dans l’écurie, où il me tint une
+demi-heure à me vanter ses chevaux, à me faire leur généalogie, à me conter les
+prix qu’ils avaient gagnés aux courses du département. Enfin il en vint à me
+parler de sa future, par la transition d’une jument grise qu’il lui destinait.
+</p>
+
+<p>
+«Nous la verrons aujourd’hui, dit-il. Je ne sais si vous la trouverez jolie.
+Vous êtes difficiles, à Paris; mais tout le monde, ici et à Perpignan, la
+trouve charmante. Le bon, c’est qu’elle est fort riche. Sa tante de Prades lui
+a laissé son bien. Oh! je vais être fort heureux.»
+</p>
+
+<p>
+Je fus profondément choqué de voir un jeune homme paraître plus touché de la
+dot que des beaux yeux de sa future.
+</p>
+
+<p>
+«Vous vous connaissez en bijoux, poursuivit M. Alphonse, comment trouvez-vous
+ceci? Voici l’anneau que je lui donnerai demain.»
+</p>
+
+<p>
+En parlant ainsi, il tirait de la première phalange de son petit doigt une
+grosse bague enrichie de diamants, et formée de deux mains entrelacées;
+allusion qui me parut infiniment poétique. Le travail en était ancien, mais je
+jugeai qu’on l’avait retouchée pour enchâsser les diamants. Dans l’intérieur de
+la bague se lisaient ces mots en lettres gothiques: <i>Sempr’ ab ti</i>,
+c’est-à-dire, toujours avec toi.
+</p>
+
+<p>
+«C’est une jolie bague, lui dis-je; mais ces diamants ajoutés lui ont fait
+perdre un peu de son caractère.
+</p>
+
+<p>
+— Oh! elle est bien plus belle comme cela, répondit-il en souriant. Il y a là
+pour douze cents francs de diamants. C’est ma mère qui me l’a donnée. C’était
+une bague de famille, très ancienne… du temps de la chevalerie. Elle avait
+servi à ma grand-mère, qui la tenait de la sienne. Dieu sait quand cela a été
+fait.
+</p>
+
+<p>
+— L’usage à Paris, lui dis-je, est de donner un anneau tout simple,
+ordinairement composé de deux métaux différents, comme de l’or et du platine.
+Tenez, cette autre bague, que vous avez à ce doigt, serait fort convenable.
+Celle-ci, avec ses diamants et ses mains en relief, est si grosse, qu’on ne
+pourrait mettre un gant par-dessus.
+</p>
+
+<p>
+— Oh! madame Alphonse s’arrangera comme elle voudra. Je crois qu’elle sera
+toujours bien contente de l’avoir. Douze cents francs au doigt, c’est agréable.
+Cette petite bague-là, ajouta-t-il en regardant d’un air de satisfaction
+l’anneau tout uni qu’il portait à la main, celle-là, c’est une femme à Paris
+qui me l’a donnée un jour de mardi gras. Ah! comme je m’en suis donné quand
+j’étais à Paris, il y a deux ans! C’est là qu’on s’amuse!…» Et il soupira de
+regret.
+</p>
+
+<p>
+Nous devions dîner ce jour-là à Puygarrig, chez les parents de la future; nous
+montâmes en calèche, et nous nous rendîmes au château éloigné d’Ille d’environ
+une lieue et demie. Je fus présenté et accueilli comme l’ami de la famille. Je
+ne parlerai pas du dîner ni de la conversation qui s’ensuivit, et à laquelle je
+pris peu de part. M. Alphonse, placé à côté de sa future, lui disait un mot à
+l’oreille tous les quarts d’heure. Pour elle, elle ne levait guère les yeux,
+et, chaque fois que son prétendu lui parlait, elle rougissait avec modestie,
+mais lui répondait sans embarras.
+</p>
+
+<p>
+Mademoiselle de Puygarrig avait dix-huit ans; sa taille souple et délicate
+contrastait avec les formes osseuses de son robuste fiancé. Elle était non
+seulement belle, mais séduisante. J’admirais le naturel parfait de toutes ses
+réponses; et son air de bonté, qui pourtant n’était pas exempt d’une légère
+teinte de malice, me rappela, malgré moi, la Vénus de mon hôte. Dans cette
+comparaison que je fis en moi-même, je me demandais si la supériorité de beauté
+qu’il fallait bien accorder à la statue ne tenait pas, en grande partie, à son
+expression de tigresse; car l’énergie, même dans les mauvaises passions, excite
+toujours en nous un étonnement et une espèce d’admiration involontaire.
+</p>
+
+<p>
+«Quel dommage, me dis-je en quittant Puygarrig, qu’une si aimable personne soit
+riche, et que sa dot la fasse rechercher par un homme indigne d’elle!»
+</p>
+
+<p>
+En revenant à Ille, et ne sachant trop que dire à madame de Peyrehorade, à qui
+je croyais convenable d’adresser quelquefois la parole:
+</p>
+
+<p>
+«Vous êtes bien esprits forts en Roussillon! m’écriai-je; comment, madame, vous
+faites un mariage un vendredi! À Paris nous aurions plus de superstition;
+personne n’oserait prendre femme un tel jour.
+</p>
+
+<p>
+— Mon Dieu! ne m’en parlez pas, me dit-elle, si cela n’avait dépendu que de
+moi, certes on eût choisi un autre jour. Mais Peyrehorade l’a voulu, et il a
+fallu lui céder. Cela me fait de la peine pourtant. S’il arrivait quelque
+malheur? Il faut bien qu’il y ait une raison, car enfin pourquoi tout le monde
+a-t-il peur du vendredi?
+</p>
+
+<p>
+— Vendredi! s’écria son mari, c’est le jour de Vénus! Bon jour pour un mariage!
+Vous le voyez, mon cher collègue, je ne pense qu’à ma Vénus. D’honneur! c’est à
+cause d’elle que j’ai choisi le vendredi. Demain, si vous voulez, avant la
+noce, nous lui ferons un petit sacrifice; nous sacrifierons deux palombes, et
+si je savais où trouver de l’encens…
+</p>
+
+<p>
+— Fi donc, Peyrehorade! interrompit sa femme scandalisée au dernier point.
+Encenser une idole! Ce serait une abomination! Que dirait-on de nous dans le
+pays?
+</p>
+
+<p>
+— Au moins, dit M. de Peyrehorade, tu me permettras de lui mettre sur la tête
+une couronne de roses et de lis:
+</p>
+
+<p class="center">
+<i>Manibus date lilia plenis.</i>
+</p>
+
+<p>
+Vous le voyez, monsieur, la charte est un vain mot. Nous n’avons pas la liberté
+des cultes!»
+</p>
+
+<p>
+Les arrangements du lendemain furent réglés de la manière suivante. Tout le
+monde devait être prêt et en toilette à dix heures précises. Le chocolat pris,
+on se rendrait en voiture à Puygarrig. Le mariage civil devait se faire à la
+mairie du village, et la cérémonie religieuse dans la chapelle du château.
+Viendrait ensuite un déjeuner. Après le déjeuner on passerait le temps comme
+l’on pourrait jusqu’à sept heures. À sept heures, on retournerait à Ille, chez
+M. de Peyrehorade, où devaient souper les deux familles réunies. Le reste
+s’ensuit naturellement. Ne pouvant danser, on avait voulu manger le plus
+possible.
+</p>
+
+<p>
+Dès huit heures j’étais assis devant la Vénus, un crayon à la main,
+recommençant pour la vingtième fois la tête de la statue, sans pouvoir parvenir
+à en saisir l’expression. M. de Peyrehorade allait et venait autour de moi, me
+donnait des conseils, me répétait ses étymologies phéniciennes; puis disposait
+des roses du Bengale sur le piédestal de la statue, et d’un ton tragi-comique
+lui adressait des vœux pour le couple qui allait vivre sous son toit. Vers neuf
+heures il rentra pour songer à sa toilette, et en même temps parut M. Alphonse,
+bien serré dans un habit neuf, en gants blancs, souliers vernis, boutons
+ciselés, une rose à la boutonnière.
+</p>
+
+<p>
+«Vous ferez le portrait de ma femme? me dit-il en se penchant sur mon dessin.
+Elle est jolie aussi.»
+</p>
+
+<p>
+En ce moment commençait, sur le jeu de paume dont j’ai parlé, une partie qui,
+sur-le-champ, attira l’attention de M. Alphonse. Et moi, fatigué, et
+désespérant de rendre cette diabolique figure, je quittai bientôt mon dessin
+pour regarder les joueurs. Il y avait parmi eux quelques muletiers espagnols
+arrivés de la veille. C’étaient des Aragonais et des Navarrois, presque tous
+d’une adresse merveilleuse. Aussi les Illois, bien qu’encouragés par la
+présence et les conseils de M. Alphonse, furent-ils assez promptement battus
+par ces nouveaux champions. Les spectateurs nationaux étaient consternés. M.
+Alphonse regarda à sa montre. Il n’était encore que neuf heures et demie. Sa
+mère n’était pas coiffée. Il n’hésita plus: il ôta son habit, demanda une
+veste, et défia les Espagnols. Je le regardais faire en souriant, et un peu
+surpris.
+</p>
+
+<p>
+«Il faut soutenir l’honneur du pays», dit-il.
+</p>
+
+<p>
+Alors je le trouvai vraiment beau. Il était passionné. Sa toilette, qui
+l’occupait si fort tout à l’heure, n’était plus rien pour lui. Quelques minutes
+avant il eût craint de tourner la tête de peur de déranger sa cravate.
+Maintenant il ne pensait plus à ses cheveux frisés ni à son jabot si bien
+plissé. Et sa fiancée?… Ma foi, si cela eût été nécessaire, il aurait, je
+crois, fait ajourner le mariage. Je le vis chausser à la hâte une paire de
+sandales, retrousser ses manches, et, d’un air assuré, se mettre à la tête du
+parti vaincu, comme César ralliant ses soldats à Dyrrachium. Je sautai la haie,
+et me plaçai commodément à l’ombre d’un micocoulier, de façon à bien voir les
+deux camps.
+</p>
+
+<p>
+Contre l’attente générale, M. Alphonse manqua la première balle; il est vrai
+qu’elle vint rasant la terre et lancée avec une force surprenante par un
+Aragonais qui paraissait être le chef des Espagnols.
+</p>
+
+<p>
+C’était un homme d’une quarantaine d’années, sec et nerveux, haut de six pieds,
+et sa peau olivâtre avait une teinte presque aussi foncée que le bronze de la
+Vénus.
+</p>
+
+<p>
+M. Alphonse jeta sa raquette à terre avec fureur. «C’est cette maudite bague,
+s’écria-t-il, qui me serre le doigt, et me fait manquer une balle sûre!»
+</p>
+
+<p>
+Il ôta, non sans peine, sa bague de diamants: je m’approchais pour la recevoir;
+mais il me prévint, courut à la Vénus, lui passa la bague au doigt annulaire,
+et reprit son poste à la tête des Illois. Il était pâle, mais calme et résolu.
+Dès lors il ne fit plus une seule faute, et les Espagnols furent battus
+complètement. Ce fut un beau spectacle que l’enthousiasme des spectateurs: les
+uns poussaient mille cris de joie en jetant leurs bonnets en l’air; d’autres
+lui serraient les mains, l’appelant l’honneur du pays. S’il eût repoussé une
+invasion, je doute qu’il eût reçu des félicitations plus vives et plus
+sincères. Le chagrin des vaincus ajoutait encore à l’éclat de sa victoire.
+</p>
+
+<p>
+«Nous ferons d’autres parties, mon brave, dit-il à l’Aragonais d’un ton de
+supériorité; mais je vous rendrai des points.»
+</p>
+
+<p>
+J’aurais désiré que M. Alphonse fût plus modeste, et je fus presque peiné de
+l’humiliation de son rival.
+</p>
+
+<p>
+Le géant espagnol ressentit profondément cette insulte. Je le vis pâlir sous sa
+peau basanée. Il regardait d’un air morne sa raquette en serrant les dents;
+puis, d’une voix étouffée, il dit tout bas: <i>Me lo pagarás</i>.
+</p>
+
+<p>
+La voix de M. de Peyrehorade troubla le triomphe de son fils; mon hôte, fort
+étonné de ne point le trouver présidant aux apprêts de la calèche neuve, le fut
+bien plus encore en le voyant tout en sueur, la raquette à la main. M. Alphonse
+courut à la maison, se lava la figure et les mains, remit son habit neuf et ses
+souliers vernis, et cinq minutes après nous étions au grand trot sur la route
+de Puygarrig. Tous les joueurs de paume de la ville et grand nombre de
+spectateurs nous suivirent avec des cris de joie. À peine les chevaux vigoureux
+qui nous traînaient pouvaient-ils maintenir leur avance sur ces intrépides
+Catalans.
+</p>
+
+<p>
+Nous étions à Puygarrig, et le cortège allait se mettre en marche pour la
+mairie, lorsque M. Alphonse, se frappant le front, me dit tout bas:
+</p>
+
+<p>
+«Quelle brioche! J’ai oublié la bague! Elle est au doigt de la Vénus, que le
+diable puisse emporter! Ne le dites pas à ma mère au moins. Peut-être qu’elle
+ne s’apercevra de rien.
+</p>
+
+<p>
+— Vous pourriez envoyer quelqu’un, lui dis-je.
+</p>
+
+<p>
+— Bah! mon domestique est resté à Ille. Ceux-ci, je ne m’y fie guère. Douze
+cents francs de diamants! cela pourrait en tenter plus d’un. D’ailleurs que
+penserait-on ici de ma distraction? Ils se moqueraient trop de moi. Ils
+m’appelleraient le mari de la statue… Pourvu qu’on ne me la vole pas!
+Heureusement que l’idole fait peur à mes coquins. Ils n’osent l’approcher à
+longueur de bras. Bah! ce n’est rien; j’ai une autre bague.»
+</p>
+
+<p>
+Les deux cérémonies civile et religieuse s’accomplirent avec la pompe
+convenable; et mademoiselle de Puygarrig reçut l’anneau d’une modiste de Paris,
+sans se douter que son fiancé lui faisait le sacrifice d’un gage amoureux. Puis
+on se mit à table, où l’on but, mangea, chanta même, le tout fort longuement.
+Je souffrais pour la mariée de la grosse joie qui éclatait autour d’elle;
+pourtant elle faisait meilleure contenance que je ne l’aurais espéré, et son
+embarras n’était ni de la gaucherie ni de l’affectation.
+</p>
+
+<p>
+Peut-être le courage vient-il avec les situations difficiles.
+</p>
+
+<p>
+Le déjeuner terminé quand il plut à Dieu, il était quatre heures; les hommes
+allèrent se promener dans le parc, qui était magnifique, ou regardèrent danser
+sur la pelouse du château les paysannes de Puygarrig, parées de leurs habits de
+fête. De la sorte, nous employâmes quelques heures. Cependant les femmes
+étaient fort empressées autour de la mariée, qui leur faisait admirer sa
+corbeille. Puis elle changea de toilette, et je remarquai qu’elle couvrit ses
+beaux cheveux d’un bonnet et d’un chapeau à plumes, car les femmes n’ont rien
+de plus pressé que de prendre, aussitôt qu’elles le peuvent, les parures que
+l’usage leur défend de porter quand elles sont encore demoiselles.
+</p>
+
+<p>
+Il était près de huit heures quand on se disposa à partir pour Ille. Mais
+d’abord eut lieu une scène pathétique. La tante de mademoiselle de Puygarrig,
+qui lui servait de mère, femme très âgée et fort dévote, ne devait point aller
+avec nous à la ville. Au départ, elle fit à sa nièce un sermon touchant sur ses
+devoirs d’épouse, duquel sermon résulta un torrent de larmes et des
+embrassements sans fin. M. de Peyrehorade comparait cette séparation à
+l’enlèvement des Sabines. Nous partîmes pourtant, et, pendant la route, chacun
+s’évertua pour distraire la mariée et la faire rire; mais ce fut en vain.
+</p>
+
+<p>
+À Ille, le souper nous attendait, et quel souper! Si la grosse joie du matin
+m’avait choqué, je le fus bien davantage des équivoques et des plaisanteries
+dont le marié et la mariée surtout furent l’objet. Le marié, qui avait disparu
+un instant avant de se mettre à table, était pâle et d’un sérieux de glace. Il
+buvait à chaque instant du vieux vin de Collioure presque aussi fort que de
+l’eau-de-vie. J’étais à côté de lui, et me crus obligé de l’avertir:
+</p>
+
+<p>
+«Prenez garde! on dit que le vin…»
+</p>
+
+<p>
+Je ne sais quelle sottise je lui dis pour me mettre à l’unisson des convives.
+</p>
+
+<p>
+Il me poussa le genou, et très bas il me dit:
+</p>
+
+<p>
+«Quand on se lèvera de table…, que je puisse vous dire deux mots.»
+</p>
+
+<p>
+Son ton solennel me surprit. Je le regardai plus attentivement, et je remarquai
+l’étrange altération de ses traits.
+</p>
+
+<p>
+«Vous sentez-vous indisposé? lui demandai-je.
+</p>
+
+<p>
+— Non.»
+</p>
+
+<p>
+Et il se remit à boire.
+</p>
+
+<p>
+Cependant, au milieu des cris et des battements de mains, un enfant de onze
+ans, qui s’était glissé sous la table, montrait aux assistants un joli ruban
+blanc et rose qu’il venait de détacher de la cheville de la mariée. On appelle
+cela sa jarretière. Elle fut aussitôt coupée par morceaux et distribuée aux
+jeunes gens, qui en ornèrent leur boutonnière, suivant un antique usage qui se
+conserve encore dans quelques familles patriarcales. Ce fut pour la mariée une
+occasion de rougir jusqu’au blanc des yeux. Mais son trouble fut au comble
+lorsque M. de Peyrehorade, ayant réclamé le silence, lui chanta quelques vers
+catalans, impromptus, disait-il. En voici le sens, si je l’ai bien compris:
+</p>
+
+<p>
+«Qu’est-ce donc, mes amis? Le vin que j’ai bu me fait-il voir double? Il y a
+deux Vénus ici…»
+</p>
+
+<p>
+Le marié tourna brusquement la tête d’un air effaré, qui fit rire tout le
+monde.
+</p>
+
+<p>
+«Oui, poursuivit M. de Peyrehorade, il y a deux Vénus sous mon toit. L’une, je
+l’ai trouvée dans la terre comme une truffe; l’autre, descendue des cieux,
+vient de nous partager sa ceinture.»
+</p>
+
+<p>
+Il voulait dire sa jarretière.
+</p>
+
+<p>
+«Mon fils, choisis de la Vénus romaine ou de la catalane celle que tu préfères.
+Le maraud prend la catalane, et sa part est la meilleure. La romaine est noire,
+la catalane est blanche. La romaine est froide, la catalane enflamme tout ce
+qui l’approche.»
+</p>
+
+<p>
+Cette chute excita un tel hourra, des applaudissements si bruyants et des rires
+si sonores, que je crus que le plafond allait nous tomber sur la tête. Autour
+de la table il n’y avait que trois visages sérieux, ceux des mariés et le mien.
+J’avais un grand mal de tête; et puis, je ne sais pourquoi, un mariage
+m’attriste toujours. Celui-là, en outre, me dégoûtait un peu.
+</p>
+
+<p>
+Les derniers couplets ayant été chantés par l’adjoint du maire, et ils étaient
+fort lestes, je dois le dire, on passa dans le salon pour jouir du départ de la
+mariée, qui devait être bientôt conduite à sa chambre, car il était près de
+minuit.
+</p>
+
+<p>
+M. Alphonse me tira dans l’embrasure d’une fenêtre, et me dit en détournant les
+yeux: «Vous allez vous moquer de moi… Mais je ne sais ce que j’ai… je suis
+ensorcelé! le diable m’emporte!»
+</p>
+
+<p>
+La première pensée qui me vint fut qu’il se croyait menacé de quelque malheur
+du genre de ceux dont parlent Montaigne et madame de Sévigné:
+</p>
+
+<p>
+«Tout l’empire amoureux est plein d’histoires tragiques», etc. Je croyais que
+ces sortes d’accidents n’arrivaient qu’aux gens d’esprit, me dis-je à moi-même.
+</p>
+
+<p>
+«Vous avez trop bu de vin de Collioure, mon cher monsieur Alphonse, lui dis-je.
+Je vous avais prévenu.
+</p>
+
+<p>
+— Oui, peut-être. Mais c’est quelque chose de bien plus terrible.»
+</p>
+
+<p>
+Il avait la voix entrecoupée. Je le crus tout à fait ivre.
+</p>
+
+<p>
+«Vous savez bien mon anneau? poursuivit-il après un silence.
+</p>
+
+<p>
+— Eh bien! on l’a pris?
+</p>
+
+<p>
+— Non.
+</p>
+
+<p>
+— En ce cas, vous l’avez?
+</p>
+
+<p>
+— Non… je… Je ne puis l’ôter du doigt de cette diable de Vénus.
+</p>
+
+<p>
+— Bon! vous n’avez pas tiré assez fort.
+</p>
+
+<p>
+— Si fait… Mais la Vénus… elle a serré le doigt.»
+</p>
+
+<p>
+Il me regardait fixement d’un air hagard, s’appuyant à l’espagnolette pour ne
+pas tomber.
+</p>
+
+<p>
+«Quel conte! lui dis-je. Vous avez trop enfoncé l’anneau. Demain vous l’aurez
+avec des tenailles. Mais prenez garde de gâter la statue.
+</p>
+
+<p>
+— Non, vous dis-je. Le doigt de la Vénus est retiré, reployé; elle serre la
+main, m’entendez-vous?… C’est ma femme, apparemment, puisque je lui ai donné
+mon anneau… Elle ne veut plus le rendre.»
+</p>
+
+<p>
+J’éprouvai un frisson subit, et j’eus un instant la chair de poule. Puis, un
+grand soupir qu’il fit m’envoya une bouffée de vin, et toute émotion disparut.
+</p>
+
+<p>
+Le misérable, pensai-je, est complètement ivre.
+</p>
+
+<p>
+«Vous êtes antiquaire, monsieur, ajouta le marié d’un ton lamentable; vous
+connaissez ces statues-là… il y a peut-être quelque ressort, quelque diablerie,
+que je ne connais point… Si vous alliez voir?
+</p>
+
+<p>
+— Volontiers, dis-je. Venez avec moi.
+</p>
+
+<p>
+— Non, j’aime mieux que vous y alliez seul.»
+</p>
+
+<p>
+Je sortis du salon.
+</p>
+
+<p>
+Le temps avait changé pendant le souper, et la pluie commençait à tomber avec
+force. J’allais demander un parapluie, lorsqu’une réflexion m’arrêta. Je serais
+un bien grand sot, me dis-je, d’aller vérifier ce que m’a dit un homme ivre!
+Peut-être, d’ailleurs, a-t-il voulu me faire quelque méchante plaisanterie pour
+apprêter à rire à ces honnêtes provinciaux; et le moins qu’il puisse m’en
+arriver, c’est d’être trempé jusqu’aux os et d’attraper un bon rhume.
+</p>
+
+<p>
+De la porte je jetai un coup d’œil sur la statue ruisselante d’eau, et je
+montai dans ma chambre sans rentrer dans le salon. Je me couchai; mais le
+sommeil fut long à venir. Toutes les scènes de la journée se représentaient à
+mon esprit. Je pensais à cette jeune fille si belle et si pure abandonnée à un
+ivrogne brutal. Quelle odieuse chose, me disais-je, qu’un mariage de
+convenance! Un maire revêt une écharpe tricolore, un curé une étole, et voilà
+la plus honnête fille du monde livrée au Minotaure! Deux êtres qui ne s’aiment
+pas, que peuvent-ils se dire dans un pareil moment, que deux amants
+achèteraient au prix de leur existence? Une femme peut-elle jamais aimer un
+homme qu’elle aura vu grossier une fois? Les premières impressions ne
+s’effacent pas, et j’en suis sûr ce M. Alphonse méritera bien d’être haï…
+</p>
+
+<p>
+Durant mon monologue, que j’abrège beaucoup, j’avais entendu force allées et
+venues dans la maison, les portes s’ouvrir et se fermer, des voitures partir;
+puis il me semblait avoir entendu sur l’escalier les pas légers de plusieurs
+femmes se dirigeant vers l’extrémité du corridor opposé à ma chambre. C’était
+probablement le cortège de la mariée qu’on menait au lit. Ensuite on avait
+redescendu l’escalier. La porte de madame de Peyrehorade s’était fermée. Que
+cette pauvre fille, me dis-je, doit être troublée et mal à son aise! Je me
+tournais dans mon lit de mauvaise humeur. Un garçon joue un sot rôle dans une
+maison où s’accomplit un mariage.
+</p>
+
+<p>
+Le silence régnait depuis quelque temps lorsqu’il fut troublé par des pas
+lourds qui montaient l’escalier. Les marches de bois craquèrent fortement.
+</p>
+
+<p>
+«Quel butor! m’écriai-je. Je parie qu’il va tomber dans l’escalier.»
+</p>
+
+<p>
+Tout redevint tranquille. Je pris un livre pour changer le cours de mes idées.
+C’était une statistique du département, ornée d’un mémoire de M. de Peyrehorade
+sur les monuments druidiques de l’arrondissement de Prades. Je m’assoupis à la
+troisième page.
+</p>
+
+<p>
+Je dormis mal et me réveillai plusieurs fois. Il pouvait être cinq heures du
+matin, et j’étais éveillé depuis plus de vingt minutes lorsque le coq chanta.
+Le jour allait se lever. Alors j’entendis distinctement les mêmes pas lourds,
+le même craquement de l’escalier que j’avais entendus avant de m’endormir. Cela
+me parut singulier. J’essayai, en bâillant, de deviner pourquoi M. Alphonse se
+levait si matin. Je n’imaginais rien de vraisemblable. J’allais refermer les
+yeux lorsque mon attention fut de nouveau excitée par des trépignements
+étranges auxquels se mêlèrent bientôt le tintement des sonnettes et le bruit de
+portes qui s’ouvraient avec fracas, puis je distinguai des cris confus.
+</p>
+
+<p>
+Mon ivrogne aura mis le feu quelque part! pensais-je en sautant à bas de mon
+lit.
+</p>
+
+<p>
+Je m’habillai rapidement et j’entrai dans le corridor. De l’extrémité opposée
+partaient des cris et des lamentations, et une voix déchirante dominait toutes
+les autres: «Mon fils! mon fils!» Il était évident qu’un malheur était arrivé à
+M. Alphonse. Je courus à la chambre nuptiale: elle était pleine de monde. Le
+premier spectacle qui frappa ma vue fut le jeune homme à demi-vêtu, étendu en
+travers sur le lit dont le bois était brisé. Il était livide, sans mouvement.
+Sa mère pleurait et criait à côté de lui. M. de Peyrehorade s’agitait, lui
+frottait les tempes avec de l’eau de Cologne, ou lui mettait des sels sous le
+nez. Hélas! depuis longtemps son fils était mort. Sur un canapé, à l’autre bout
+de la chambre, était la mariée, en proie à d’horribles convulsions. Elle
+poussait des cris inarticulés, et deux robustes servantes avaient toutes les
+peines du monde à la contenir.
+</p>
+
+<p>
+«Mon Dieu! m’écriai-je, qu’est-il donc arrivé?»
+</p>
+
+<p>
+Je m’approchai du lit et soulevai le corps du malheureux jeune homme; il était
+déjà roide et froid. Ses dents serrées et sa figure noircie exprimaient les
+plus affreuses angoisses. Il paraissait assez que sa mort avait été violente et
+son agonie terrible. Nulle trace de sang cependant sur ses habits. J’écartai sa
+chemise et vis sur sa poitrine une empreinte livide qui se prolongeait sur les
+côtes et le dos. On eût dit qu’il avait été étreint dans un cercle de fer. Mon
+pied posa sur quelque chose de dur qui se trouvait sur le tapis; je me baissai
+et vis la bague de diamants.
+</p>
+
+<p>
+J’entraînai M. de Peyrehorade et sa femme dans leur chambre; puis j’y fis
+porter la mariée. «Vous avez encore une fille, leur dis-je, vous lui devez vos
+soins.» Alors je les laissai seuls.
+</p>
+
+<p>
+Il ne me paraissait pas douteux que M. Alphonse n’eût été victime d’un
+assassinat dont les auteurs avaient trouvé moyen de s’introduire la nuit dans
+la chambre de la mariée. Ces meurtrissures à la poitrine, leur direction
+circulaire m’embarrassaient beaucoup pourtant, car un bâton ou une barre de fer
+n’aurait pu les produire. Tout d’un coup je me souvins d’avoir entendu dire
+qu’à Valence des braves se servaient de longs sacs de cuir remplis de sable fin
+pour assommer les gens dont on leur avait payé la mort. Aussitôt je me rappelai
+le muletier aragonais et sa menace; toutefois j’osais à peine penser qu’il eût
+tiré une si terrible vengeance d’une plaisanterie légère.
+</p>
+
+<p>
+J’allais dans la maison, cherchant partout des traces d’effraction, et n’en
+trouvant nulle part. Je descendis dans le jardin pour voir si les assassins
+avaient pu s’introduire de ce côté; mais je ne trouvai aucun indice certain. La
+pluie de la veille avait d’ailleurs tellement détrempé le sol, qu’il n’aurait
+pu garder d’empreinte bien nette. J’observai pourtant quelques pas profondément
+imprimés dans la terre: il y en avait dans deux directions contraires, mais sur
+une même ligne, partant de l’angle de la haie contiguë au jeu de paume et
+aboutissant à la porte de la maison. Ce pouvaient être les pas de M. Alphonse
+lorsqu’il était allé chercher son anneau au doigt de la statue. D’un autre
+côté, la haie, en cet endroit, étant moins fourrée qu’ailleurs, ce devait être
+sur ce point que les meurtriers l’auraient franchie. Passant et repassant
+devant la statue, je m’arrêtai un instant pour la considérer. Cette fois, je
+l’avouerai, je ne pus contempler sans effroi son expression de méchanceté
+ironique; et, la tête toute pleine des scènes horribles dont je venais d’être
+le témoin, il me sembla voir une divinité infernale applaudissant au malheur
+qui frappait cette maison.
+</p>
+
+<p>
+Je regagnai ma chambre et j’y restai jusqu’à midi. Alors je sortis et demandai
+des nouvelles de mes hôtes. Ils étaient un peu plus calmes. Mademoiselle de
+Puygarrig, je devrais dire la veuve de M. Alphonse, avait repris connaissance.
+Elle avait même parlé au procureur du roi de Perpignan, alors en tournée à
+Ille, et ce magistrat avait reçu sa déposition. Il me demanda la mienne. Je lui
+dis ce que je savais, et ne lui cachai pas mes soupçons contre le muletier
+aragonais. Il ordonna qu’il fût arrêté sur-le-champ.
+</p>
+
+<p>
+«Avez-vous appris quelque chose de madame Alphonse?» demandai-je au procureur
+du roi, lorsque ma déposition fut écrite et signée.
+</p>
+
+<p>
+«Cette malheureuse jeune personne est devenue folle, me dit-il en souriant
+tristement. Folle! tout à fait folle. Voici ce qu’elle conte:
+</p>
+
+<p>
+«Elle était couchée, dit-elle, depuis quelques minutes, les rideaux tirés,
+lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit, et quelqu’un entra. Alors madame
+Alphonse était dans la ruelle du lit, la figure tournée vers la muraille. Elle
+ne fit pas un mouvement, persuadée que c’était son mari. Au bout d’un instant
+le lit cria comme s’il était chargé d’un poids énorme. Elle eut grand’peur,
+mais n’osa pas tourner la tête. Cinq minutes, dix minutes peut-être… elle ne
+peut se rendre compte du temps, se passèrent de la sorte. Puis elle fit un
+mouvement involontaire, ou bien la personne qui était dans le lit en fit un, et
+elle sentit le contact de quelque chose de froid comme la glace, ce sont ses
+expressions. Elle s’enfonça dans la ruelle tremblant de tous ses membres. Peu
+après, la porte s’ouvrit une seconde fois, et quelqu’un entra, qui dit:
+Bonsoir, ma petite femme. Bientôt après on tira les rideaux. Elle entendit un
+cri étouffé. La personne qui était dans le lit, à côté d’elle, se leva sur son
+séant et parut étendre les bras en avant. Elle tourna la tête alors… et vit,
+dit-elle, son mari à genoux auprès du lit, la tête à la hauteur de l’oreiller,
+entre les bras d’une espèce de géant verdâtre qui l’étreignait avec force. Elle
+dit, et m’a répété vingt fois, pauvre femme!… elle dit qu’elle a reconnu…
+devinez-vous? la Vénus de bronze, la statue de M. de Peyrehorade… Depuis
+qu’elle est dans le pays, tout le monde en rêve. Mais je reprends le récit de
+la malheureuse folle. À ce spectacle, elle perdit connaissance, et probablement
+depuis quelques instants elle avait perdu la raison. Elle ne peut en aucune
+façon dire combien de temps elle demeura évanouie. Revenue à elle, elle revit
+le fantôme, ou la statue, comme elle dit toujours, immobile, les jambes et le
+bas du corps dans le lit, le buste et les bras étendus en avant, et entre ses
+bras son mari, sans mouvement. Un coq chanta. Alors la statue sortit du lit,
+laissa tomber le cadavre et sortit. Mme Alphonse se pendit à la sonnette, et
+vous savez le reste.»
+</p>
+
+<p>
+On amena l’Espagnol; il était calme, et se défendit avec beaucoup de sang-froid
+et de présence d’esprit. Du reste, il ne nia pas le propos que j’avais entendu;
+mais il l’expliquait, prétendant qu’il n’avait voulu dire autre chose, sinon
+que le lendemain, reposé qu’il serait, il aurait gagné une partie de paume à
+son vainqueur. Je me rappelle qu’il ajouta:
+</p>
+
+<p>
+«Un Aragonais, lorsqu’il est outragé, n’attend pas au lendemain pour se venger.
+Si j’avais cru que M. Alphonse eût voulu m’insulter, je lui aurais sur-le-champ
+donné de mon couteau dans le ventre.»
+</p>
+
+<p>
+On compara ses souliers avec les empreintes de pas dans le jardin; ses souliers
+étaient beaucoup plus grands.
+</p>
+
+<p>
+Enfin l’hôtelier chez qui cet homme était logé assura qu’il avait passé toute
+la nuit à frotter et à médicamenter un de ses mulets qui était malade.
+</p>
+
+<p>
+D’ailleurs cet Aragonais était un homme bien famé, fort connu dans le pays, où
+il venait tous les ans pour son commerce. On le relâcha donc en lui faisant des
+excuses.
+</p>
+
+<p>
+J’oubliais la déposition d’un domestique qui le dernier avait vu M. Alphonse
+vivant. C’était au moment qu’il allait monter chez sa femme, et, appelant cet
+homme, il lui demanda d’un air d’inquiétude s’il savait où j’étais. Le
+domestique répondit qu’il ne m’avait point vu. Alors M. Alphonse fit un soupir
+et resta plus d’une minute sans parler, puis il dit: <i>Allons! le diable
+l’aura emporté aussi!</i>
+</p>
+
+<p>
+Je demandai à cet homme si M. Alphonse avait sa bague de diamants, lorsqu’il
+lui parla. Le domestique hésita pour répondre; enfin il dit qu’il ne le croyait
+pas, qu’il n’y avait fait au reste aucune attention. «S’il avait eu cette bague
+au doigt, ajouta-t-il en se reprenant, je l’aurais sans doute remarquée, car je
+croyais qu’il l’avait donnée à madame Alphonse.»
+</p>
+
+<p>
+En questionnant cet homme je ressentais un peu de la terreur superstitieuse que
+la déposition de Mme Alphonse avait répandue dans toute la maison. Le procureur
+du roi me regarda en souriant, et je me gardai bien d’insister.
+</p>
+
+<p>
+Quelques heures après les funérailles de M. Alphonse, je me disposai à quitter
+Ille. La voiture de M. de Peyrehorade devait me conduire à Perpignan. Malgré
+son état de faiblesse, le pauvre vieillard voulut m’accompagner jusqu’à la
+porte de son jardin. Nous le traversâmes en silence, lui se traînant à peine,
+appuyé sur mon bras. Au moment de nous séparer, je jetai un dernier regard sur
+la Vénus. Je prévoyais bien que mon hôte, quoiqu’il ne partageât point les
+terreurs et les haines qu’elle inspirait à une partie de sa famille, voudrait
+se défaire d’un objet qui lui rappellerait sans cesse un malheur affreux. Mon
+intention était de l’engager à la placer dans un musée. J’hésitais pour entrer
+en matière, quand M. de Peyrehorade tourna machinalement la tête du côté où il
+me voyait regarder fixement. Il aperçut la statue et aussitôt fondit en larmes.
+Je l’embrassai, et, sans oser lui dire un seul mot, je montai dans la voiture.
+</p>
+
+<p>
+Depuis mon départ je n’ai point appris que quelque jour nouveau soit venu
+éclairer cette mystérieuse catastrophe.
+</p>
+
+<p>
+M. de Peyrehorade mourut quelques mois après son fils. Par son testament il m’a
+légué ses manuscrits, que je publierai peut-être un jour. Je n’y ai point
+trouvé le mémoire relatif aux inscriptions de la Vénus.
+</p>
+
+<p>
+<i>P. S.</i> Mon ami M. de P. vient de m’écrire que la statue n’existe plus.
+Après la mort de son mari, le premier soin de Madame de Peyrehorade fut de la
+faire fondre en cloche, et sous cette nouvelle forme elle sert à l’église
+d’Ille. Mais, ajoute M. de P., il semble qu’un mauvais sort poursuive ceux qui
+possèdent ce bronze. Depuis que cette cloche sonne à l’Ille, les vignes ont
+gelé deux fois.
+</p>
+
+<p>
+1837.
+</p>
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA VÉNUS D’ILLE ***</div>
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+
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+of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for
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+easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation
+of derivative works, reports, performances and research. Project
+Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away&#8212;you may
+do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected
+by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark
+license, especially commercial redistribution.
+</div>
+
+<div style='margin-top:1em; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE</div>
+<div style='text-align:center;font-size:0.9em'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE</div>
+<div style='text-align:center;font-size:0.9em'>PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+To protect the Project Gutenberg&#8482; mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase &#8220;Project
+Gutenberg&#8221;), you agree to comply with all the terms of the Full
+Project Gutenberg&#8482; License available with this file or online at
+www.gutenberg.org/license.
+</div>
+
+<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg&#8482; electronic works
+</div>
+
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+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg&#8482;
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
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+the terms of this agreement, you must cease using and return or
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+possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
+Project Gutenberg&#8482; electronic work and you do not agree to be bound
+by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person
+or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+</div>
+
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+1.B. &#8220;Project Gutenberg&#8221; is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
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+things that you can do with most Project Gutenberg&#8482; electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg&#8482; electronic works if you follow the terms of this
+agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg&#8482;
+electronic works. See paragraph 1.E below.
+</div>
+
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+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (&#8220;the
+Foundation&#8221; or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
+of Project Gutenberg&#8482; electronic works. Nearly all the individual
+works in the collection are in the public domain in the United
+States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
+United States and you are located in the United States, we do not
+claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
+displaying or creating derivative works based on the work as long as
+all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
+that you will support the Project Gutenberg&#8482; mission of promoting
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+comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
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+</div>
+
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+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
+in a constant state of change. If you are outside the United States,
+check the laws of your country in addition to the terms of this
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+representations concerning the copyright status of any work in any
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+</div>
+
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+</div>
+
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+prominently whenever any copy of a Project Gutenberg&#8482; work (any work
+on which the phrase &#8220;Project Gutenberg&#8221; appears, or with which the
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+</div>
+
+<blockquote>
+ <div style='display:block; margin:1em 0'>
+ This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
+ other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
+ whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
+ of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
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+ are not located in the United States, you will have to check the laws
+ of the country where you are located before using this eBook.
+ </div>
+</blockquote>
+
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+1.E.2. If an individual Project Gutenberg&#8482; electronic work is
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+copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
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+redistributing or providing access to a work with the phrase &#8220;Project
+Gutenberg&#8221; associated with or appearing on the work, you must comply
+either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
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+</div>
+
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+1.E.3. If an individual Project Gutenberg&#8482; electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
+additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
+will be linked to the Project Gutenberg&#8482; License for all works
+posted with the permission of the copyright holder found at the
+beginning of this work.
+</div>
+
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+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg&#8482;
+License terms from this work, or any files containing a part of this
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+</div>
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+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
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+</div>
+
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+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
+any word processing or hypertext form. However, if you provide access
+to or distribute copies of a Project Gutenberg&#8482; work in a format
+other than &#8220;Plain Vanilla ASCII&#8221; or other format used in the official
+version posted on the official Project Gutenberg&#8482; website
+(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
+to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
+of obtaining a copy upon request, of the work in its original &#8220;Plain
+Vanilla ASCII&#8221; or other form. Any alternate format must include the
+full Project Gutenberg&#8482; License as specified in paragraph 1.E.1.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg&#8482; works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg&#8482; electronic works
+provided that:
+</div>
+
+<div style='margin-left:0.7em;'>
+ <div style='text-indent:-0.7em'>
+ &#8226; You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg&#8482; works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
+ to the owner of the Project Gutenberg&#8482; trademark, but he has
+ agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
+ Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
+ within 60 days following each date on which you prepare (or are
+ legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
+ payments should be clearly marked as such and sent to the Project
+ Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
+ Section 4, &#8220;Information about donations to the Project Gutenberg
+ Literary Archive Foundation.&#8221;
+ </div>
+
+ <div style='text-indent:-0.7em'>
+ &#8226; You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg&#8482;
+ License. You must require such a user to return or destroy all
+ copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
+ all use of and all access to other copies of Project Gutenberg&#8482;
+ works.
+ </div>
+
+ <div style='text-indent:-0.7em'>
+ &#8226; You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
+ any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
+ receipt of the work.
+ </div>
+
+ <div style='text-indent:-0.7em'>
+ &#8226; You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg&#8482; works.
+ </div>
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
+Gutenberg&#8482; electronic work or group of works on different terms than
+are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
+from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of
+the Project Gutenberg&#8482; trademark. Contact the Foundation as set
+forth in Section 3 below.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.F.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
+Gutenberg&#8482; collection. Despite these efforts, Project Gutenberg&#8482;
+electronic works, and the medium on which they may be stored, may
+contain &#8220;Defects,&#8221; such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
+or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
+intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
+other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
+cannot be read by your equipment.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the &#8220;Right
+of Replacement or Refund&#8221; described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg&#8482; trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg&#8482; electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium
+with your written explanation. The person or entity that provided you
+with the defective work may elect to provide a replacement copy in
+lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
+or entity providing it to you may choose to give you a second
+opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
+the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
+without further opportunities to fix the problem.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you &#8216;AS-IS&#8217;, WITH NO
+OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
+LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of
+damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
+violates the law of the state applicable to this agreement, the
+agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
+limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
+unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
+remaining provisions.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg&#8482; electronic works in
+accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
+production, promotion and distribution of Project Gutenberg&#8482;
+electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
+including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
+the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
+or any Project Gutenberg&#8482; work, (b) alteration, modification, or
+additions or deletions to any Project Gutenberg&#8482; work, and (c) any
+Defect you cause.
+</div>
+
+<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg&#8482;
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+Project Gutenberg&#8482; is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of
+computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
+exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
+from people in all walks of life.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg&#8482;&#8217;s
+goals and ensuring that the Project Gutenberg&#8482; collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg&#8482; and future
+generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
+Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.
+</div>
+
+<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation&#8217;s EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
+U.S. federal laws and your state&#8217;s laws.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+The Foundation&#8217;s business office is located at 809 North 1500 West,
+Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
+to date contact information can be found at the Foundation&#8217;s website
+and official page at www.gutenberg.org/contact.
+</div>
+
+<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+Project Gutenberg&#8482; depends upon and cannot survive without widespread
+public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
+DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state
+visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations. To
+donate, please visit: www.gutenberg.org/donate.
+</div>
+
+<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
+Section 5. General Information About Project Gutenberg&#8482; electronic works
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
+Gutenberg&#8482; concept of a library of electronic works that could be
+freely shared with anyone. For forty years, he produced and
+distributed Project Gutenberg&#8482; eBooks with only a loose network of
+volunteer support.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+Project Gutenberg&#8482; eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
+the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
+necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
+edition.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+Most people start at our website which has the main PG search
+facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>.
+</div>
+
+<div style='display:block; margin:1em 0'>
+This website includes information about Project Gutenberg&#8482;,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+</div>
+
+</div>
+
+</body>
+
+</html>
+