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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 04:48:26 -0700 |
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You may copy it, give it away or re-use it under the terms +of the Project Gutenberg License included with this eBook or online +at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you +are not located in the United States, you will have to check the laws of the +country where you are located before using this eBook. +</div> +<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: La Vénus d’Ille</div> +<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Prosper Mérimée</div> +<div style='display:block; margin:1em 0'>Release Date: July 7, 2005 [eBook #16240]<br /> +[Most recently updated: October 30, 2023]</div> +<div style='display:block; margin:1em 0'>Language: French</div> +<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA VÉNUS D’ILLE ***</div> + +<h2 class="no-break">Prosper Mérimée</h2> + +<h1>LA VÉNUS D’ILLE</h1> + +<p class="letter"> +Ἰλεως ἦν δ' ἐγώ, ἔστω ὁ ἀνδριὰς<br/> +καὶ ἤπιος, οὔτως ἀνδρεῖος ὢν.<br/> +<br/> +ΛΟΥΚΙΑΝΟΥ ΦΙΛΟΨΕΥΔΗΣ. +</p> + +<div class="chapter"> + +<p> +Je descendais le dernier coteau du Canigou, et, bien que le soleil fût déjà +couché, je distinguais dans la plaine les maisons de la petite ville d’Ille, +vers laquelle je me dirigeais. +</p> + +<p> +«Vous savez, dis-je au Catalan qui me servait de guide depuis la veille, vous +savez sans doute où demeure M. de Peyrehorade? +</p> + +<p> +— Si je le sais! s’écria-t-il, je connais sa maison comme la mienne; et s’il ne +faisait pas si noir, je vous la montrerais. C’est la plus belle d’Ille. Il a de +l’argent, oui, M. de Peyrehorade; et il marie son fils à plus riche que lui +encore. +</p> + +<p> +— Et ce mariage se fera-t-il bientôt? lui demandai-je. +</p> + +<p> +— Bientôt! il se peut que déjà les violons soient commandés pour la noce. Ce +soir, peut-être, demain, après-demain, que sais-je! C’est à Puygarrig que ça se +fera; car c’est mademoiselle de Puygarrig que monsieur le fils épouse. Ce sera +beau, oui!» +</p> + +<p> +J’étais recommandé à M. de Peyrehorade par mon ami M. de P. C’était, m’avait-il +dit, un antiquaire fort instruit et d’une complaisance à toute épreuve. Il se +ferait un plaisir de me montrer toutes les ruines à dix lieues à la ronde. Or +je comptais sur lui pour visiter les environs d’Ille, que je savais riches en +monuments antiques et du Moyen Âge. Ce mariage, dont on me parlait alors pour +la première fois, dérangeait tous mes plans. +</p> + +<p> +Je vais être un trouble-fête, me dis-je. Mais j’étais attendu; annoncé par M. +de P., il fallait bien me présenter. +</p> + +<p> +«Gageons, monsieur, me dit mon guide, comme nous étions déjà dans la plaine, +gageons un cigare que je devine ce que vous allez faire chez M. de Peyrehorade? +</p> + +<p> +— Mais, répondis-je en lui tendant un cigare, cela n’est pas bien difficile à +deviner. À l’heure qu’il est, quand on a fait six lieues dans le Canigou, la +grande affaire, c’est de souper. +</p> + +<p> +— Oui, mais demain?… Tenez, je parierais que vous venez à Ille pour voir +l’idole? j’ai deviné cela à vous voir tirer en portrait les saints de +Serrabona. +</p> + +<p> +— L’idole! quelle idole?» Ce mot avait excité ma curiosité. +</p> + +<p> +«Comment! on ne vous a pas conté, à Perpignan, comment M. de Peyrehorade avait +trouvé une idole en terre? +</p> + +<p> +— Vous voulez dire une statue en terre cuite, en argile? +</p> + +<p> +— Non pas. Oui, bien en cuivre, et il y en a de quoi faire des gros sous. Elle +vous pèse autant qu’une cloche d’église. C’est bien avant dans la terre, au +pied d’un olivier, que nous l’avons eue. +</p> + +<p> +— Vous étiez donc présent à la découverte? +</p> + +<p> +— Oui, monsieur. M. de Peyrehorade nous dit, il y a quinze jours, à Jean Coll +et à moi, de déraciner un vieil olivier qui était gelé de l’année dernière, car +elle a été bien mauvaise, comme vous savez. Voilà donc qu’en travaillant Jean +Coll qui y allait de tout cœur, il donne un coup de pioche, et j’entends bimm… +comme s’il avait tapé sur une cloche. Qu’est-ce que c’est? que je dis. Nous +piochons toujours, nous piochons, et voilà qu’il paraît une main noire, qui +semblait la main d’un mort qui sortait de terre. Moi, la peur me prend. Je m’en +vais à monsieur, et je lui dis: — Des morts, notre maître, qui sont sous +l’olivier! Faut appeler le curé. — Quels morts? qu’il me dit. Il vient, et il +n’a pas plutôt vu la main qu’il s’écrie: — Un antique! un antique! — Vous +auriez cru qu’il avait trouvé un trésor. Et le voilà, avec la pioche, avec les +mains, qui se démène et qui faisait quasiment autant d’ouvrage que nous deux. +</p> + +<p> +— Et enfin que trouvâtes-vous? +</p> + +<p> +— Une grande femme noire plus qu’à moitié nue, révérence parler, monsieur, +toute en cuivre, et M. de Peyrehorade nous a dit que c’était une idole du temps +des païens… du temps de Charlemagne, quoi! +</p> + +<p> +— Je vois ce que c’est… Quelque bonne Vierge en bronze d’un couvent détruit. +</p> + +<p> +— Une bonne Vierge! ah bien oui!… Je l’aurais bien reconnue, si ç’avait été une +bonne Vierge. C’est une idole, vous dis-je; on le voit bien à son air. Elle +vous fixe avec ses grands yeux blancs… On dirait qu’elle vous dévisage. On +baisse les yeux, oui, en la regardant. +</p> + +<p> +— Des yeux blancs? Sans doute ils sont incrustés dans le bronze. Ce sera +peut-être quelque statue romaine. +</p> + +<p> +— Romaine! c’est cela. M. de Peyrehorade dit que c’est une Romaine. Ah! je vois +bien que vous êtes un savant comme lui. +</p> + +<p> +— Est-elle entière, bien conservée? +</p> + +<p> +— Oh! monsieur, il ne lui manque rien. C’est encore plus beau et mieux fini que +le buste de Louis-Philippe, qui est à la mairie, en plâtre peint. Mais avec +tout cela, la figure de cette idole ne me revient pas. Elle a l’air méchante… +et elle l’est aussi. +</p> + +<p> +— Méchante! Quelle méchanceté vous a-t-elle faite? +</p> + +<p> +— Pas à moi précisément; mais vous allez voir. Nous nous étions mis à quatre +pour la dresser debout, et M. de Peyrehorade, qui lui aussi tirait à la corde, +bien qu’il n’ait guère plus de force qu’un poulet, le digne homme! Avec bien de +la peine nous la mettons droite. J’amassais un tuileau pour la caler, quand, +patatras! la voilà qui tombe à la renverse tout d’une masse. Je dis: Gare +dessous! Pas assez vite pourtant, car Jean Coll n’a pas eu le temps de tirer sa +jambe… +</p> + +<p> +— Et il a été blessé? +</p> + +<p> +— Cassée net comme un échalas, sa pauvre jambe! Pécaïre! quand j’ai vu cela, +moi, j’étais furieux. Je voulais défoncer l’idole à coups de pioche, mais M. de +Peyrehorade m’a retenu. Il a donné de l’argent à Jean Coll, qui tout de même +est encore au lit depuis quinze jours que cela lui est arrivé, et le médecin +dit qu’il ne marchera jamais de cette jambe-là comme de l’autre. C’est dommage, +lui qui était notre meilleur coureur et, après monsieur le fils, le plus malin +joueur de paume. C’est que M. Alphonse de Peyrehorade en a été triste, car +c’est Coll qui faisait sa partie. Voilà qui était beau à voir comme ils se +renvoyaient les balles. Paf! paf! Jamais elles ne touchaient terre.» +</p> + +<p> +Devisant de la sorte, nous entrâmes à Ille, et je me trouvai bientôt en +présence de M. de Peyrehorade. C’était un petit vieillard vert encore et +dispos, poudré, le nez rouge, l’air jovial et goguenard. Avant d’avoir ouvert +la lettre de M. de P., il m’avait installé devant une table bien servie, et +m’avait présenté à sa femme et à son fils comme un archéologue illustre, qui +devait tirer le Roussillon de l’oubli où le laissait l’indifférence des +savants. +</p> + +<p> +Tout en mangeant de bon appétit, car rien ne dispose mieux que l’air vif des +montagnes, j’examinais mes hôtes. J’ai dit un mot de M. de Peyrehorade; je dois +ajouter que c’était la vivacité même. Il parlait, mangeait, se levait, courait +à sa bibliothèque, m’apportait des livres, me montrait des estampes, me versait +à boire; il n’était jamais deux minutes en repos. Sa femme, un peu trop grasse, +comme la plupart des Catalanes lorsqu’elles ont passé quarante ans, me parut +une provinciale renforcée, uniquement occupée des soins de son ménage. Bien que +le souper fût suffisant pour six personnes au moins, elle courut à la cuisine, +fit tuer des pigeons, frire des miliasses, ouvrit je ne sais combien de pots de +confitures. En un instant la table fut encombrée de plats et de bouteilles, et +je serais certainement mort d’indigestion si j’avais goûté seulement à tout ce +qu’on m’offrait. Cependant, à chaque plat que je refusais, c’étaient de +nouvelles excuses. On craignait que je ne me trouvasse bien mal à Ille. Dans la +province on a peu de ressources, et les Parisiens sont si difficiles! +</p> + +<p> +Au milieu des allées et venues de ses parents, M. Alphonse de Peyrehorade ne +bougeait pas plus qu’un Terme. C’était un grand jeune homme de vingt-six ans, +d’une physionomie belle et régulière, mais manquant d’expression. Sa taille et +ses formes athlétiques justifiaient bien la réputation d’infatigable joueur de +paume qu’on lui faisait dans le pays. Il était ce soir-là habillé avec +élégance, exactement d’après la gravure du dernier numéro du <i>Journal des +modes</i>. Mais il me semblait gêné dans ses vêtements; il était roide comme un +piquet dans son col de velours, et ne se tournait que tout d’une pièce. Ses +mains grosses et hâlées, ses ongles courts, contrastaient singulièrement avec +son costume. C’étaient des mains de laboureur sortant des manches d’un dandy. +D’ailleurs, bien qu’il me considérât de la tête aux pieds fort curieusement, en +ma qualité de Parisien, il ne m’adressa qu’une seule fois la parole dans toute +la soirée, ce fut pour me demander où j’avais acheté la chaîne de ma montre. +</p> + +<p> +«Ah çà! mon cher hôte, me dit M. de Peyrehorade, le souper tirant à sa fin, +vous m’appartenez, vous êtes chez moi. Je ne vous lâche plus, sinon quand vous +aurez vu tout ce que nous avons de curieux dans nos montagnes. Il faut que vous +appreniez à connaître notre Roussillon, et que vous lui rendiez justice. Vous +ne vous doutez pas de tout ce que nous allons vous montrer. Monuments +phéniciens, celtiques, romains, arabes, byzantins, vous verrez tout, depuis le +cèdre jusqu’à l’hysope. Je vous mènerai partout et ne vous ferai pas grâce +d’une brique.» +</p> + +<p> +Un accès de toux l’obligea de s’arrêter. J’en profitai pour lui dire que je +serais désolé de le déranger dans une circonstance aussi intéressante pour sa +famille. S’il voulait bien me donner ses excellents conseils sur les excursions +que j’aurais à faire, je pourrais, sans qu’il prît la peine de m’accompagner… +</p> + +<p> +«Ah! vous voulez parler du mariage de ce garçon-là, s’écria-t-il en +m’interrompant. Bagatelle! ce sera fait après-demain. Vous ferez la noce avec +nous, en famille, car la future est en deuil d’une tante dont elle hérite. +Ainsi point de fête, point de bal… C’est dommage… vous auriez vu danser nos +Catalanes… Elles sont jolies, et peut-être l’envie vous aurait-elle pris +d’imiter mon Alphonse. Un mariage, dit-on, en amène d’autres… Samedi, les +jeunes gens mariés, je suis libre, et nous nous mettons en course. Je vous +demande pardon de vous donner l’ennui d’une noce de province. Pour un Parisien +blasé sur les fêtes… et une noce sans bal encore! Pourtant, vous verrez une +mariée… une mariée… vous m’en direz des nouvelles… Mais vous êtes un homme +grave et vous ne regardez plus les femmes. J’ai mieux que cela à vous montrer. +Je vous ferai voir quelque chose!… Je vous réserve une fière surprise pour +demain. +</p> + +<p> +— Mon Dieu! lui dis-je, il est difficile d’avoir un trésor dans sa maison sans +que le public en soit instruit. Je crois deviner la surprise que vous me +préparez. Mais si c’est de votre statue qu’il s’agit, la description que mon +guide m’en a faite n’a servi qu’à exciter ma curiosité et à me disposer à +l’admiration. +</p> + +<p> +— Ah! il vous a parlé de l’idole, car c’est ainsi qu’ils appellent ma belle +Vénus Tur… mais je ne veux rien vous dire. Demain, au grand jour, vous la +verrez, et vous me direz si j’ai raison de la croire un chef-d’œuvre. Parbleu! +vous ne pouviez arriver plus à propos! Il y a des inscriptions que moi, pauvre +ignorant, j’explique à ma manière… mais un savant de Paris!… Vous vous moquerez +peut-être de mon interprétation… car j’ai fait un mémoire… moi qui vous parle… +vieil antiquaire de province, je me suis lancé… Je veux faire gémir la presse… +Si vous vouliez bien me lire et me corriger, je pourrais espérer… Par exemple, +je suis bien curieux de savoir comment vous traduirez cette inscription sur le +socle: CAVE… Mais je ne veux rien vous demander encore! À demain, à demain! Pas +un mot sur la Vénus aujourd’hui! +</p> + +<p> +— Tu as raison, Peyrehorade, dit sa femme, de laisser là ton idole. Tu devrais +voir que tu empêches monsieur de manger. Va, monsieur a vu à Paris de bien plus +belles statues que la tienne. Aux Tuileries, il y en a des douzaines, et en +bronze aussi. +</p> + +<p> +— Voilà bien l’ignorance, la sainte ignorance de la province! interrompit M. de +Peyrehorade. Comparer un antique admirable aux plates figures de Coustou! +</p> + +<p class="center"> +Comme avec irrévérence<br/> +Parle des dieux ma ménagère! +</p> + +<p> +Savez-vous que ma femme voulait que je fondisse ma statue pour en faire une +cloche à notre église. C’est qu’elle en eût été la marraine. Un chef-d’œuvre de +Myron, monsieur! +</p> + +<p> +— Chef-d’œuvre! chef-d’œuvre! un beau chef-d’œuvre qu’elle a fait! casser la +jambe d’un homme! +</p> + +<p> +— Ma femme, vois-tu? dit M. de Peyrehorade d’un ton résolu, et tendant vers +elle sa jambe droite dans un bas de soie chinée, si ma Vénus m’avait cassé +cette jambe-là, je ne la regretterais pas. +</p> + +<p> +— Bon Dieu! Peyrehorade, comment peux-tu dire cela! Heureusement que l’homme va +mieux… Et encore je ne peux pas prendre sur moi de regarder la statue qui fait +des malheurs comme celui-là. Pauvre Jean Coll! +</p> + +<p> +— Blessé par Vénus, monsieur, dit M. de Peyrehorade riant d’un gros rire, +blessé par Vénus, le maraud se plaint. +</p> + +<p class="center"> +<i>Veneris nec præmia noris.</i> +</p> + +<p> +Qui n’a été blessé par Vénus?» +</p> + +<p> +M. Alphonse, qui comprenait le français mieux que le latin, cligna de l’œil +d’un air d’intelligence, et me regarda comme pour me demander: Et vous, +Parisien, comprenez-vous? +</p> + +<p> +Le souper finit. Il y avait une heure que je ne mangeais plus. J’étais fatigué, +et je ne pouvais parvenir à cacher les fréquents bâillements qui m’échappaient. +Madame de Peyrehorade s’en aperçut la première, et remarqua qu’il était temps +d’aller dormir. Alors commencèrent de nouvelles excuses sur le mauvais gîte que +j’allais avoir. Je ne serais pas comme à Paris. En province on est si mal! Il +fallait de l’indulgence pour les Roussillonnais. J’avais beau protester +qu’après une course dans les montagnes une botte de paille me serait un coucher +délicieux, on me priait toujours de pardonner à de pauvres campagnards s’ils ne +me traitaient aussi bien qu’ils l’eussent désiré. Je montai enfin à la chambre +qui m’était destinée, accompagné de M. de Peyrehorade. L’escalier, dont les +marches supérieures étaient en bois, aboutissait au milieu d’un corridor, sur +lequel donnaient plusieurs chambres. +</p> + +<p> +«À droite, me dit mon hôte, c’est l’appartement que je destine à la future +madame Alphonse. Votre chambre est au bout du corridor opposé. Vous sentez +bien, ajouta-t-il d’un air qu’il voulait rendre fin, vous sentez bien qu’il +faut isoler de nouveaux mariés. Vous êtes à un bout de la maison, eux à +l’autre.» +</p> + +<p> +Nous entrâmes dans une chambre bien meublée, où le premier objet sur lequel je +portai la vue fut un lit long de sept pieds, large de six, et si haut qu’il +fallait un escabeau pour s’y guinder. Mon hôte m’ayant indiqué la position de +la sonnette, et s’étant assuré par lui-même que le sucrier était plein, les +flacons d’eau de Cologne dûment placés sur la toilette, après m’avoir demandé +plusieurs fois si rien ne me manquait, me souhaita une bonne nuit et me laissa +seul. +</p> + +<p> +Les fenêtres étaient fermées. Avant de me déshabiller, j’en ouvris une pour +respirer l’air frais de la nuit, délicieux après un long souper. En face était +le Canigou, d’un aspect admirable en tout temps, mais qui me parut ce soir-là +la plus belle montagne du monde, éclairé qu’il était par une lune +resplendissante. Je demeurai quelques minutes à contempler sa silhouette +merveilleuse, et j’allais fermer ma fenêtre, lorsque, baissant les yeux, +j’aperçus la statue sur un piédestal à une vingtaine de toises de la maison. +Elle était placée à l’angle d’une haie vive qui séparait un petit jardin d’un +vaste carré parfaitement uni, qui, je l’appris plus tard, était le jeu de paume +de la ville. Ce terrain, propriété de M. de Peyrehorade, avait été cédé par lui +à la commune, sur les pressantes sollicitations de son fils. +</p> + +<p> +À la distance où j’étais, il m’était difficile de distinguer l’attitude de la +statue; je ne pouvais juger que de sa hauteur, qui me parut de six pieds +environ. En ce moment, deux polissons de la ville passaient sur le jeu de +paume, assez près de la haie, sifflant le joli air du Roussillon: <i>Montagnes +régalades</i>. Ils s’arrêtèrent pour regarder la statue; un d’eux l’apostropha +même à haute voix. Il parlait catalan; mais j’étais dans le Roussillon depuis +assez longtemps pour pouvoir comprendre à peu près ce qu’il disait. +</p> + +<p> +«Te voilà donc, coquine! (Le terme catalan était plus énergique.) Te voilà! +disait-il. C’est donc toi qui as cassé la jambe à Jean Coll! Si tu étais à moi, +je te casserais le cou. +</p> + +<p> +— Bah! avec quoi? dit l’autre. Elle est de cuivre, et si dure qu’Étienne a +cassé sa lime dessus, essayant de l’entamer. C’est du cuivre du temps des +païens; c’est plus dur que je ne sais quoi. +</p> + +<p> +— Si j’avais mon ciseau à froid (il paraît que c’était un apprenti serrurier), +je lui ferais bientôt sauter ses grands yeux blancs, comme je tirerais une +amande de sa coquille. Il y a pour plus de cent sous d’argent.» +</p> + +<p> +Ils firent quelques pas en s’éloignant. +</p> + +<p> +«Il faut que je souhaite le bonsoir à l’idole», dit le plus grand des +apprentis, s’arrêtant tout à coup. +</p> + +<p> +Il se baissa, et probablement ramassa une pierre. Je le vis déployer le bras, +lancer quelque chose, et aussitôt un coup sonore retentit sur le bronze. Au +même instant l’apprenti porta la main à sa tête en poussant un cri de douleur. +</p> + +<p> +«Elle me l’a rejetée!» s’écria-t-il. +</p> + +<p> +Et mes deux polissons prirent la fuite à toutes jambes. Il était évident que la +pierre avait rebondi sur le métal, et avait puni ce drôle de l’outrage qu’il +faisait à la déesse. +</p> + +<p> +Je fermai la fenêtre en riant de bon cœur. +</p> + +<p> +«Encore un Vandale puni par Vénus! Puissent tous les destructeurs de nos vieux +monuments avoir ainsi la tête cassée!» Sur ce souhait charitable, je +m’endormis. +</p> + +<p> +Il était grand jour quand je me réveillai. Auprès de mon lit étaient d’un côté, +M. de Peyrehorade, en robe de chambre; de l’autre, un domestique envoyé par sa +femme, une tasse de chocolat à la main. +</p> + +<p> +«Allons, debout, Parisien! Voilà bien mes paresseux de la capitale! disait mon +hôte pendant que je m’habillais à la hâte. Il est huit heures, et encore au +lit! je suis levé, moi, depuis six heures. Voilà trois fois que je monte; je me +suis approché de votre porte sur la pointe du pied: personne, nul signe de vie. +Cela vous fera mal de trop dormir à votre âge. Et ma Vénus que vous n’avez pas +encore vue! Allons, prenez-moi vite cette tasse de chocolat de Barcelone… Vraie +contrebande… Du chocolat comme on n’en a pas à Paris. Prenez des forces, car +lorsque vous serez devant ma Vénus, on ne pourra plus vous en arracher.» +</p> + +<p> +En cinq minutes je fus prêt, c’est-à-dire à moitié rasé, mal boutonné, et brûlé +par le chocolat que j’avalai bouillant. Je descendis dans le jardin, et me +trouvai devant une admirable statue. +</p> + +<p> +C’était bien une Vénus, et d’une merveilleuse beauté. Elle avait le haut du +corps nu, comme les Anciens représentaient d’ordinaire les grandes divinités; +la main droite, levée à la hauteur du sein, était tournée, la paume en dedans, +le pouce et les deux premiers doigts étendus, les deux autres légèrement +ployés. L’autre main, rapprochée de la hanche, soutenait la draperie qui +couvrait la partie inférieure du corps. L’attitude de cette statue rappelait +celle du Joueur de mourre qu’on désigne, je ne sais trop pourquoi, sous le nom +de Germanicus. Peut-être avait-on voulu représenter la déesse jouant au jeu de +mourre. +</p> + +<p> +Quoi qu’il en soit, il est impossible de voir quelque chose de plus parfait que +le corps de cette Vénus; rien de plus suave, de plus voluptueux que ses +contours; rien de plus élégant et de plus noble que sa draperie. Je m’attendais +à quelque ouvrage du Bas- Empire; je voyais un chef-d’œuvre du meilleur temps +de la statuaire. Ce qui me frappait surtout, c’était l’exquise vérité des +formes, en sorte qu’on aurait pu les croire moulées sur nature, si la nature +produisait d’aussi parfaits modèles. +</p> + +<p> +La chevelure, relevée sur le front, paraissait avoir été dorée autrefois. La +tête, petite comme celle de presque toutes les statues grecques, était +légèrement inclinée en avant. Quant à la figure, jamais je ne parviendrai à +exprimer son caractère étrange, et dont le type ne se rapprochait de celui +d’aucune statue antique dont il me souvienne. Ce n’était point cette beauté +calme et sévère des sculpteurs grecs, qui, par système, donnaient à tous les +traits une majestueuse immobilité. Ici, au contraire, j’observais avec surprise +l’intention marquée de l’artiste de rendre la malice arrivant jusqu’à la +méchanceté. Tous les traits étaient contractés légèrement: les yeux un peu +obliques, la bouche relevée des coins, les narines quelque peu gonflées. +Dédain, ironie, cruauté, se lisaient sur ce visage d’une incroyable beauté +cependant. En vérité, plus on regardait cette admirable statue, et plus on +éprouvait le sentiment pénible qu’une si merveilleuse beauté pût s’allier à +l’absence de toute sensibilité. +</p> + +<p> +«Si le modèle a jamais existé, dis-je à M. de Peyrehorade, et je doute que le +ciel ait jamais produit une telle femme, que je plains ses amants! Elle a dû se +complaire à les faire mourir de désespoir. Il y a dans son expression quelque +chose de féroce, et pourtant je n’ai jamais vu rien de si beau. +</p> + +<p> +— C’est Vénus tout entière à sa proie attachée!» s’écria M. de Peyrehorade, +satisfait de mon enthousiasme. +</p> + +<p> +Cette expression d’ironie infernale était augmentée peut-être par le contraste +de ses yeux incrustés d’argent et très brillants avec la patine d’un vert +noirâtre que le temps avait donnée à toute la statue. Ces yeux brillants +produisaient une certaine illusion qui rappelait la réalité, la vie. Je me +souvins de ce que m’avait dit mon guide, qu’elle faisait baisser les yeux à +ceux qui la regardaient. Cela était presque vrai, et je ne pus me défendre d’un +mouvement de colère contre moi-même en me sentant un peu mal à mon aise devant +cette figure de bronze. +</p> + +<p> +«Maintenant que vous avez tout admiré en détail, mon cher collègue en +antiquaillerie, dit mon hôte, ouvrons, s’il vous plaît, une conférence +scientifique. Que dites-vous de cette inscription, à laquelle vous n’avez point +pris garde encore?» +</p> + +<p> +Il me montrait le socle de la statue, et j’y lus ces mots: +</p> + +<p class="center"> +CAVE AMANTEM. +</p> + +<p> +«<i>Quid dicis, doctissime?</i> me demanda-t-il en se frottant les mains. +Voyons si nous nous rencontrerons sur le sens de ce <i>cave amantem!</i> +</p> + +<p> +— Mais, répondis-je, il y a deux sens. On peut traduire: «Prends garde à celui +qui t’aime, défie-toi des amants.» Mais, dans ce sens, je ne sais si <i>cave +amantem</i> serait d’une bonne latinité. En voyant l’expression diabolique de +la dame, je croirais plutôt que l’artiste a voulu mettre en garde le spectateur +contre cette terrible beauté. Je traduirais donc: «Prends garde à toi si +<i>elle</i> t’aime.» +</p> + +<p> +— Humph! dit M. de Peyrehorade, oui, c’est un sens admirable; mais, ne vous en +déplaise, je préfère la première traduction, que je développerai pourtant. Vous +connaissez l’amant de Vénus? +</p> + +<p> +— Il y en a plusieurs. +</p> + +<p> +— Oui; mais le premier, c’est Vulcain. N’a-t-on pas voulu dire: «Malgré toute +ta beauté, ton air dédaigneux, tu auras un forgeron, un vilain boiteux pour +amant!» Leçon profonde, monsieur, pour les coquettes!» +</p> + +<p> +Je ne pus m’empêcher de sourire, tant l’explication me parut tirée par les +cheveux. +</p> + +<p> +«C’est une terrible langue que le latin avec sa concision, observai-je pour +éviter de contredire formellement mon antiquaire, et je reculai de quelques pas +afin de mieux contempler la statue. +</p> + +<p> +— Un instant, collègue! dit M. de Peyrehorade en m’arrêtant par le bras, vous +n’avez pas tout vu. Il y a encore une autre inscription. Montez sur le socle et +regardez au bras droit.» +</p> + +<p> +En parlant ainsi il m’aidait à monter. +</p> + +<p> +Je m’accrochai sans trop de façons au cou de la Vénus, avec laquelle je +commençais à me familiariser. Je la regardai même un instant <i>sous le +nez</i>, et la trouvai de près encore plus méchante et encore plus belle. Puis +je reconnus qu’il y avait, gravés sur le bras, quelques caractères d’écriture +cursive antique, à ce qu’il me sembla. À grand renfort de besicles j’épelai ce +qui suit, et cependant M. de Peyrehorade répétait chaque mot à mesure que je le +prononçais, approuvant du geste et de la voix. Je lus donc: +</p> + +<p class="center"> +VENERI TVRBVL…<br/> +EVTYCHES MYRO<br/> +IMPERIO FECIT. +</p> + +<p> +Après ce mot TVRBVL de la première ligne, il me sembla qu’il y avait quelques +lettres effacées; mais TVRBVL était parfaitement lisible. +</p> + +<p> +«Ce qui veut dire?…» me demanda mon hôte radieux et souriant avec malice, car +il pensait bien que je ne me tirerais pas facilement de ce TVRBVL. +</p> + +<p> +«Il y a un mot que je ne m’explique pas encore, lui dis-je; tout le reste est +facile. Eutychès Myron a fait cette offrande à Vénus par son ordre. +</p> + +<p> +— À merveille. Mais TVRBVL, qu’en faites-vous? Qu’est-ce que TVRBVL? +</p> + +<p> +— TVRBVL m’embarrasse fort. Je cherche en vain quelque épithète connue de Vénus +qui puisse m’aider. Voyons, que diriez-vous de TVRBVLENTA? Vénus qui trouble, +qui agite… Vous vous apercevez que je suis toujours préoccupé de son expression +méchante. TVRBVLENTA, ce n’est point une trop mauvaise épithète pour Vénus», +ajoutai-je d’un ton modeste, car je n’étais pas moi-même fort satisfait de mon +explication. +</p> + +<p> +«Vénus turbulente! Vénus la tapageuse! Ah! vous croyez donc que ma Vénus est +une Vénus de cabaret? Point du tout, monsieur; c’est une Vénus de bonne +compagnie. Mais je vais vous expliquer ce TVRBVL… Au moins vous me promettez de +ne point divulguer ma découverte avant l’impression de mon mémoire. C’est que, +voyez-vous, je m’en fais gloire, de cette trouvaille-là… Il faut bien que vous +nous laissiez quelques épis à glaner, à nous autres pauvres diables de +provinciaux. Vous êtes si riches, messieurs les savants de Paris!» +</p> + +<p> +Du haut du piédestal, où j’étais toujours perché, je lui promis solennellement +que je n’aurais jamais l’indignité de lui voler sa découverte. +</p> + +<p> +«TVRBVL…, monsieur, dit-il en se rapprochant et baissant la voix de peur qu’un +autre que moi ne pût l’entendre, lisez TVRBVLNERÆ. +</p> + +<p> +— Je ne comprends pas davantage. +</p> + +<p> +— Écoutez bien. À une lieue d’ici, au pied de la montagne, il y a un village +qui s’appelle Boulternère. C’est une corruption du mot latin TVRBVLNERA. Rien +de plus commun que ces inversions. Boulternère, monsieur, a été une ville +romaine. Je m’en étais toujours douté, mais jamais je n’en avais eu la preuve. +La preuve, la voilà. Cette Vénus était la divinité topique de la cité de +Boulternère; et ce mot de Boulternère, que je viens de démontrer d’origine +antique, prouve une chose bien plus curieuse, c’est que Boulternère, avant +d’être une ville romaine, a été une ville phénicienne!» +</p> + +<p> +Il s’arrêta un moment pour respirer et jouir de ma surprise. Je parvins à +réprimer une forte envie de rire. +</p> + +<p> +«En effet, poursuivit-il, TVRBVLNERA est pur phénicien, TVR, prononcez TOUR… +TOUR et SOUR, même mot, n’est-ce pas? SOUR est le nom phénicien de Tyr; je n’ai +pas besoin de vous en rappeler le sens. BVL, c’est Baal; Bâl, Bel, Bul, légères +différences de prononciation. Quant à NERA, cela me donne un peu de peine. Je +suis tenté de croire, faute de trouver un mot phénicien, que cela vient du grec +νηρός, humide, marécageux. Ce serait donc un mot hybride. Pour justifier νηρός, +je vous montrerai à Boulternère comment les ruisseaux de la montagne y forment +des mares infectes. D’autre part, la terminaison NERA aurait pu être ajoutée +beaucoup plus tard en l’honneur de Nera Pivesuvia, femme de Tétricus, laquelle +aurait fait quelque bien à la cité de Turbul. Mais, à cause des mares, je +préfère l’étymologie de νηρός.» +</p> + +<p> +Il prit une prise de tabac d’un air satisfait. +</p> + +<p> +«Mais laissons les Phéniciens, et revenons à l’inscription. Je traduis donc: “À +Vénus de Boulternère Myron dédie par son ordre cette statue, son ouvrage.”« +</p> + +<p> +Je me gardai bien de critiquer son étymologie, mais je voulus à mon tour faire +preuve de pénétration, et je lui dis: +</p> + +<p> +«Halte-là, monsieur. Myron a consacré quelque chose, mais je ne vois nullement +que ce soit cette statue. +</p> + +<p> +— Comment! s’écria-t-il, Myron n’était-il pas un fameux sculpteur grec? Le +talent se sera perpétué dans sa famille: c’est un de ses descendants qui aura +fait cette statue. Il n’y a rien de plus sûr. +</p> + +<p> +— Mais, répliquai-je, je vois sur le bras un petit trou. Je pense qu’il a servi +à fixer quelque chose, un bracelet, par exemple, que ce Myron donna à Vénus en +offrande expiatoire. Myron était un amant malheureux. Vénus était irritée +contre lui: il l’apaisa en lui consacrant un bracelet d’or. Remarquez que fecit +se prend fort souvent pour <i>consecravit</i>. Ce sont termes synonymes. Je +vous en montrerais plus d’un exemple si j’avais sous la main Gruter ou bien +Orelli. Il est naturel qu’un amoureux voie Vénus en rêve, qu’il s’imagine +qu’elle lui commande de donner un bracelet d’or à sa statue. Myron lui consacra +un bracelet… Puis les barbares ou bien quelque voleur sacrilège… +</p> + +<p> +— Ah! qu’on voit bien que vous avez fait des romans! s’écria mon hôte en me +donnant la main pour descendre. Non, monsieur, c’est un ouvrage de l’école de +Myron. Regardez seulement le travail, et vous en conviendrez.» +</p> + +<p> +M’étant fait une loi de ne jamais contredire à outrance les antiquaires +entêtés, je baissai la tête d’un air convaincu en disant: +</p> + +<p> +«C’est un admirable morceau. +</p> + +<p> +— Ah! mon Dieu, s’écria M. de Peyrehorade, encore un trait de vandalisme! On +aura jeté une pierre à ma statue!» +</p> + +<p> +Il venait d’apercevoir une marque blanche un peu au-dessus du sein de la Vénus. +Je remarquai une trace semblable sur les doigts de la main droite, qui, je le +supposai alors, avaient été touchés dans le trajet de la pierre, ou bien un +fragment s’en était détaché par le choc et avait ricoché sur la main. Je contai +à mon hôte l’insulte dont j’avais été témoin et la prompte punition qui s’en +était suivie. Il en rit beaucoup, et, comparant l’apprenti à Diomède, il lui +souhaita de voir, comme le héros grec, tous ses compagnons changés en oiseaux +blancs. +</p> + +<p> +La cloche du déjeuner interrompit cet entretien classique, et, de même que la +veille, je fus obligé de manger comme quatre. Puis vinrent des fermiers de M. +de Peyrehorade; et pendant qu’il leur donnait audience, son fils me mena voir +une calèche qu’il avait achetée à Toulouse pour sa fiancée, et que j’admirai, +cela va sans dire. Ensuite j’entrai avec lui dans l’écurie, où il me tint une +demi-heure à me vanter ses chevaux, à me faire leur généalogie, à me conter les +prix qu’ils avaient gagnés aux courses du département. Enfin il en vint à me +parler de sa future, par la transition d’une jument grise qu’il lui destinait. +</p> + +<p> +«Nous la verrons aujourd’hui, dit-il. Je ne sais si vous la trouverez jolie. +Vous êtes difficiles, à Paris; mais tout le monde, ici et à Perpignan, la +trouve charmante. Le bon, c’est qu’elle est fort riche. Sa tante de Prades lui +a laissé son bien. Oh! je vais être fort heureux.» +</p> + +<p> +Je fus profondément choqué de voir un jeune homme paraître plus touché de la +dot que des beaux yeux de sa future. +</p> + +<p> +«Vous vous connaissez en bijoux, poursuivit M. Alphonse, comment trouvez-vous +ceci? Voici l’anneau que je lui donnerai demain.» +</p> + +<p> +En parlant ainsi, il tirait de la première phalange de son petit doigt une +grosse bague enrichie de diamants, et formée de deux mains entrelacées; +allusion qui me parut infiniment poétique. Le travail en était ancien, mais je +jugeai qu’on l’avait retouchée pour enchâsser les diamants. Dans l’intérieur de +la bague se lisaient ces mots en lettres gothiques: <i>Sempr’ ab ti</i>, +c’est-à-dire, toujours avec toi. +</p> + +<p> +«C’est une jolie bague, lui dis-je; mais ces diamants ajoutés lui ont fait +perdre un peu de son caractère. +</p> + +<p> +— Oh! elle est bien plus belle comme cela, répondit-il en souriant. Il y a là +pour douze cents francs de diamants. C’est ma mère qui me l’a donnée. C’était +une bague de famille, très ancienne… du temps de la chevalerie. Elle avait +servi à ma grand-mère, qui la tenait de la sienne. Dieu sait quand cela a été +fait. +</p> + +<p> +— L’usage à Paris, lui dis-je, est de donner un anneau tout simple, +ordinairement composé de deux métaux différents, comme de l’or et du platine. +Tenez, cette autre bague, que vous avez à ce doigt, serait fort convenable. +Celle-ci, avec ses diamants et ses mains en relief, est si grosse, qu’on ne +pourrait mettre un gant par-dessus. +</p> + +<p> +— Oh! madame Alphonse s’arrangera comme elle voudra. Je crois qu’elle sera +toujours bien contente de l’avoir. Douze cents francs au doigt, c’est agréable. +Cette petite bague-là, ajouta-t-il en regardant d’un air de satisfaction +l’anneau tout uni qu’il portait à la main, celle-là, c’est une femme à Paris +qui me l’a donnée un jour de mardi gras. Ah! comme je m’en suis donné quand +j’étais à Paris, il y a deux ans! C’est là qu’on s’amuse!…» Et il soupira de +regret. +</p> + +<p> +Nous devions dîner ce jour-là à Puygarrig, chez les parents de la future; nous +montâmes en calèche, et nous nous rendîmes au château éloigné d’Ille d’environ +une lieue et demie. Je fus présenté et accueilli comme l’ami de la famille. Je +ne parlerai pas du dîner ni de la conversation qui s’ensuivit, et à laquelle je +pris peu de part. M. Alphonse, placé à côté de sa future, lui disait un mot à +l’oreille tous les quarts d’heure. Pour elle, elle ne levait guère les yeux, +et, chaque fois que son prétendu lui parlait, elle rougissait avec modestie, +mais lui répondait sans embarras. +</p> + +<p> +Mademoiselle de Puygarrig avait dix-huit ans; sa taille souple et délicate +contrastait avec les formes osseuses de son robuste fiancé. Elle était non +seulement belle, mais séduisante. J’admirais le naturel parfait de toutes ses +réponses; et son air de bonté, qui pourtant n’était pas exempt d’une légère +teinte de malice, me rappela, malgré moi, la Vénus de mon hôte. Dans cette +comparaison que je fis en moi-même, je me demandais si la supériorité de beauté +qu’il fallait bien accorder à la statue ne tenait pas, en grande partie, à son +expression de tigresse; car l’énergie, même dans les mauvaises passions, excite +toujours en nous un étonnement et une espèce d’admiration involontaire. +</p> + +<p> +«Quel dommage, me dis-je en quittant Puygarrig, qu’une si aimable personne soit +riche, et que sa dot la fasse rechercher par un homme indigne d’elle!» +</p> + +<p> +En revenant à Ille, et ne sachant trop que dire à madame de Peyrehorade, à qui +je croyais convenable d’adresser quelquefois la parole: +</p> + +<p> +«Vous êtes bien esprits forts en Roussillon! m’écriai-je; comment, madame, vous +faites un mariage un vendredi! À Paris nous aurions plus de superstition; +personne n’oserait prendre femme un tel jour. +</p> + +<p> +— Mon Dieu! ne m’en parlez pas, me dit-elle, si cela n’avait dépendu que de +moi, certes on eût choisi un autre jour. Mais Peyrehorade l’a voulu, et il a +fallu lui céder. Cela me fait de la peine pourtant. S’il arrivait quelque +malheur? Il faut bien qu’il y ait une raison, car enfin pourquoi tout le monde +a-t-il peur du vendredi? +</p> + +<p> +— Vendredi! s’écria son mari, c’est le jour de Vénus! Bon jour pour un mariage! +Vous le voyez, mon cher collègue, je ne pense qu’à ma Vénus. D’honneur! c’est à +cause d’elle que j’ai choisi le vendredi. Demain, si vous voulez, avant la +noce, nous lui ferons un petit sacrifice; nous sacrifierons deux palombes, et +si je savais où trouver de l’encens… +</p> + +<p> +— Fi donc, Peyrehorade! interrompit sa femme scandalisée au dernier point. +Encenser une idole! Ce serait une abomination! Que dirait-on de nous dans le +pays? +</p> + +<p> +— Au moins, dit M. de Peyrehorade, tu me permettras de lui mettre sur la tête +une couronne de roses et de lis: +</p> + +<p class="center"> +<i>Manibus date lilia plenis.</i> +</p> + +<p> +Vous le voyez, monsieur, la charte est un vain mot. Nous n’avons pas la liberté +des cultes!» +</p> + +<p> +Les arrangements du lendemain furent réglés de la manière suivante. Tout le +monde devait être prêt et en toilette à dix heures précises. Le chocolat pris, +on se rendrait en voiture à Puygarrig. Le mariage civil devait se faire à la +mairie du village, et la cérémonie religieuse dans la chapelle du château. +Viendrait ensuite un déjeuner. Après le déjeuner on passerait le temps comme +l’on pourrait jusqu’à sept heures. À sept heures, on retournerait à Ille, chez +M. de Peyrehorade, où devaient souper les deux familles réunies. Le reste +s’ensuit naturellement. Ne pouvant danser, on avait voulu manger le plus +possible. +</p> + +<p> +Dès huit heures j’étais assis devant la Vénus, un crayon à la main, +recommençant pour la vingtième fois la tête de la statue, sans pouvoir parvenir +à en saisir l’expression. M. de Peyrehorade allait et venait autour de moi, me +donnait des conseils, me répétait ses étymologies phéniciennes; puis disposait +des roses du Bengale sur le piédestal de la statue, et d’un ton tragi-comique +lui adressait des vœux pour le couple qui allait vivre sous son toit. Vers neuf +heures il rentra pour songer à sa toilette, et en même temps parut M. Alphonse, +bien serré dans un habit neuf, en gants blancs, souliers vernis, boutons +ciselés, une rose à la boutonnière. +</p> + +<p> +«Vous ferez le portrait de ma femme? me dit-il en se penchant sur mon dessin. +Elle est jolie aussi.» +</p> + +<p> +En ce moment commençait, sur le jeu de paume dont j’ai parlé, une partie qui, +sur-le-champ, attira l’attention de M. Alphonse. Et moi, fatigué, et +désespérant de rendre cette diabolique figure, je quittai bientôt mon dessin +pour regarder les joueurs. Il y avait parmi eux quelques muletiers espagnols +arrivés de la veille. C’étaient des Aragonais et des Navarrois, presque tous +d’une adresse merveilleuse. Aussi les Illois, bien qu’encouragés par la +présence et les conseils de M. Alphonse, furent-ils assez promptement battus +par ces nouveaux champions. Les spectateurs nationaux étaient consternés. M. +Alphonse regarda à sa montre. Il n’était encore que neuf heures et demie. Sa +mère n’était pas coiffée. Il n’hésita plus: il ôta son habit, demanda une +veste, et défia les Espagnols. Je le regardais faire en souriant, et un peu +surpris. +</p> + +<p> +«Il faut soutenir l’honneur du pays», dit-il. +</p> + +<p> +Alors je le trouvai vraiment beau. Il était passionné. Sa toilette, qui +l’occupait si fort tout à l’heure, n’était plus rien pour lui. Quelques minutes +avant il eût craint de tourner la tête de peur de déranger sa cravate. +Maintenant il ne pensait plus à ses cheveux frisés ni à son jabot si bien +plissé. Et sa fiancée?… Ma foi, si cela eût été nécessaire, il aurait, je +crois, fait ajourner le mariage. Je le vis chausser à la hâte une paire de +sandales, retrousser ses manches, et, d’un air assuré, se mettre à la tête du +parti vaincu, comme César ralliant ses soldats à Dyrrachium. Je sautai la haie, +et me plaçai commodément à l’ombre d’un micocoulier, de façon à bien voir les +deux camps. +</p> + +<p> +Contre l’attente générale, M. Alphonse manqua la première balle; il est vrai +qu’elle vint rasant la terre et lancée avec une force surprenante par un +Aragonais qui paraissait être le chef des Espagnols. +</p> + +<p> +C’était un homme d’une quarantaine d’années, sec et nerveux, haut de six pieds, +et sa peau olivâtre avait une teinte presque aussi foncée que le bronze de la +Vénus. +</p> + +<p> +M. Alphonse jeta sa raquette à terre avec fureur. «C’est cette maudite bague, +s’écria-t-il, qui me serre le doigt, et me fait manquer une balle sûre!» +</p> + +<p> +Il ôta, non sans peine, sa bague de diamants: je m’approchais pour la recevoir; +mais il me prévint, courut à la Vénus, lui passa la bague au doigt annulaire, +et reprit son poste à la tête des Illois. Il était pâle, mais calme et résolu. +Dès lors il ne fit plus une seule faute, et les Espagnols furent battus +complètement. Ce fut un beau spectacle que l’enthousiasme des spectateurs: les +uns poussaient mille cris de joie en jetant leurs bonnets en l’air; d’autres +lui serraient les mains, l’appelant l’honneur du pays. S’il eût repoussé une +invasion, je doute qu’il eût reçu des félicitations plus vives et plus +sincères. Le chagrin des vaincus ajoutait encore à l’éclat de sa victoire. +</p> + +<p> +«Nous ferons d’autres parties, mon brave, dit-il à l’Aragonais d’un ton de +supériorité; mais je vous rendrai des points.» +</p> + +<p> +J’aurais désiré que M. Alphonse fût plus modeste, et je fus presque peiné de +l’humiliation de son rival. +</p> + +<p> +Le géant espagnol ressentit profondément cette insulte. Je le vis pâlir sous sa +peau basanée. Il regardait d’un air morne sa raquette en serrant les dents; +puis, d’une voix étouffée, il dit tout bas: <i>Me lo pagarás</i>. +</p> + +<p> +La voix de M. de Peyrehorade troubla le triomphe de son fils; mon hôte, fort +étonné de ne point le trouver présidant aux apprêts de la calèche neuve, le fut +bien plus encore en le voyant tout en sueur, la raquette à la main. M. Alphonse +courut à la maison, se lava la figure et les mains, remit son habit neuf et ses +souliers vernis, et cinq minutes après nous étions au grand trot sur la route +de Puygarrig. Tous les joueurs de paume de la ville et grand nombre de +spectateurs nous suivirent avec des cris de joie. À peine les chevaux vigoureux +qui nous traînaient pouvaient-ils maintenir leur avance sur ces intrépides +Catalans. +</p> + +<p> +Nous étions à Puygarrig, et le cortège allait se mettre en marche pour la +mairie, lorsque M. Alphonse, se frappant le front, me dit tout bas: +</p> + +<p> +«Quelle brioche! J’ai oublié la bague! Elle est au doigt de la Vénus, que le +diable puisse emporter! Ne le dites pas à ma mère au moins. Peut-être qu’elle +ne s’apercevra de rien. +</p> + +<p> +— Vous pourriez envoyer quelqu’un, lui dis-je. +</p> + +<p> +— Bah! mon domestique est resté à Ille. Ceux-ci, je ne m’y fie guère. Douze +cents francs de diamants! cela pourrait en tenter plus d’un. D’ailleurs que +penserait-on ici de ma distraction? Ils se moqueraient trop de moi. Ils +m’appelleraient le mari de la statue… Pourvu qu’on ne me la vole pas! +Heureusement que l’idole fait peur à mes coquins. Ils n’osent l’approcher à +longueur de bras. Bah! ce n’est rien; j’ai une autre bague.» +</p> + +<p> +Les deux cérémonies civile et religieuse s’accomplirent avec la pompe +convenable; et mademoiselle de Puygarrig reçut l’anneau d’une modiste de Paris, +sans se douter que son fiancé lui faisait le sacrifice d’un gage amoureux. Puis +on se mit à table, où l’on but, mangea, chanta même, le tout fort longuement. +Je souffrais pour la mariée de la grosse joie qui éclatait autour d’elle; +pourtant elle faisait meilleure contenance que je ne l’aurais espéré, et son +embarras n’était ni de la gaucherie ni de l’affectation. +</p> + +<p> +Peut-être le courage vient-il avec les situations difficiles. +</p> + +<p> +Le déjeuner terminé quand il plut à Dieu, il était quatre heures; les hommes +allèrent se promener dans le parc, qui était magnifique, ou regardèrent danser +sur la pelouse du château les paysannes de Puygarrig, parées de leurs habits de +fête. De la sorte, nous employâmes quelques heures. Cependant les femmes +étaient fort empressées autour de la mariée, qui leur faisait admirer sa +corbeille. Puis elle changea de toilette, et je remarquai qu’elle couvrit ses +beaux cheveux d’un bonnet et d’un chapeau à plumes, car les femmes n’ont rien +de plus pressé que de prendre, aussitôt qu’elles le peuvent, les parures que +l’usage leur défend de porter quand elles sont encore demoiselles. +</p> + +<p> +Il était près de huit heures quand on se disposa à partir pour Ille. Mais +d’abord eut lieu une scène pathétique. La tante de mademoiselle de Puygarrig, +qui lui servait de mère, femme très âgée et fort dévote, ne devait point aller +avec nous à la ville. Au départ, elle fit à sa nièce un sermon touchant sur ses +devoirs d’épouse, duquel sermon résulta un torrent de larmes et des +embrassements sans fin. M. de Peyrehorade comparait cette séparation à +l’enlèvement des Sabines. Nous partîmes pourtant, et, pendant la route, chacun +s’évertua pour distraire la mariée et la faire rire; mais ce fut en vain. +</p> + +<p> +À Ille, le souper nous attendait, et quel souper! Si la grosse joie du matin +m’avait choqué, je le fus bien davantage des équivoques et des plaisanteries +dont le marié et la mariée surtout furent l’objet. Le marié, qui avait disparu +un instant avant de se mettre à table, était pâle et d’un sérieux de glace. Il +buvait à chaque instant du vieux vin de Collioure presque aussi fort que de +l’eau-de-vie. J’étais à côté de lui, et me crus obligé de l’avertir: +</p> + +<p> +«Prenez garde! on dit que le vin…» +</p> + +<p> +Je ne sais quelle sottise je lui dis pour me mettre à l’unisson des convives. +</p> + +<p> +Il me poussa le genou, et très bas il me dit: +</p> + +<p> +«Quand on se lèvera de table…, que je puisse vous dire deux mots.» +</p> + +<p> +Son ton solennel me surprit. Je le regardai plus attentivement, et je remarquai +l’étrange altération de ses traits. +</p> + +<p> +«Vous sentez-vous indisposé? lui demandai-je. +</p> + +<p> +— Non.» +</p> + +<p> +Et il se remit à boire. +</p> + +<p> +Cependant, au milieu des cris et des battements de mains, un enfant de onze +ans, qui s’était glissé sous la table, montrait aux assistants un joli ruban +blanc et rose qu’il venait de détacher de la cheville de la mariée. On appelle +cela sa jarretière. Elle fut aussitôt coupée par morceaux et distribuée aux +jeunes gens, qui en ornèrent leur boutonnière, suivant un antique usage qui se +conserve encore dans quelques familles patriarcales. Ce fut pour la mariée une +occasion de rougir jusqu’au blanc des yeux. Mais son trouble fut au comble +lorsque M. de Peyrehorade, ayant réclamé le silence, lui chanta quelques vers +catalans, impromptus, disait-il. En voici le sens, si je l’ai bien compris: +</p> + +<p> +«Qu’est-ce donc, mes amis? Le vin que j’ai bu me fait-il voir double? Il y a +deux Vénus ici…» +</p> + +<p> +Le marié tourna brusquement la tête d’un air effaré, qui fit rire tout le +monde. +</p> + +<p> +«Oui, poursuivit M. de Peyrehorade, il y a deux Vénus sous mon toit. L’une, je +l’ai trouvée dans la terre comme une truffe; l’autre, descendue des cieux, +vient de nous partager sa ceinture.» +</p> + +<p> +Il voulait dire sa jarretière. +</p> + +<p> +«Mon fils, choisis de la Vénus romaine ou de la catalane celle que tu préfères. +Le maraud prend la catalane, et sa part est la meilleure. La romaine est noire, +la catalane est blanche. La romaine est froide, la catalane enflamme tout ce +qui l’approche.» +</p> + +<p> +Cette chute excita un tel hourra, des applaudissements si bruyants et des rires +si sonores, que je crus que le plafond allait nous tomber sur la tête. Autour +de la table il n’y avait que trois visages sérieux, ceux des mariés et le mien. +J’avais un grand mal de tête; et puis, je ne sais pourquoi, un mariage +m’attriste toujours. Celui-là, en outre, me dégoûtait un peu. +</p> + +<p> +Les derniers couplets ayant été chantés par l’adjoint du maire, et ils étaient +fort lestes, je dois le dire, on passa dans le salon pour jouir du départ de la +mariée, qui devait être bientôt conduite à sa chambre, car il était près de +minuit. +</p> + +<p> +M. Alphonse me tira dans l’embrasure d’une fenêtre, et me dit en détournant les +yeux: «Vous allez vous moquer de moi… Mais je ne sais ce que j’ai… je suis +ensorcelé! le diable m’emporte!» +</p> + +<p> +La première pensée qui me vint fut qu’il se croyait menacé de quelque malheur +du genre de ceux dont parlent Montaigne et madame de Sévigné: +</p> + +<p> +«Tout l’empire amoureux est plein d’histoires tragiques», etc. Je croyais que +ces sortes d’accidents n’arrivaient qu’aux gens d’esprit, me dis-je à moi-même. +</p> + +<p> +«Vous avez trop bu de vin de Collioure, mon cher monsieur Alphonse, lui dis-je. +Je vous avais prévenu. +</p> + +<p> +— Oui, peut-être. Mais c’est quelque chose de bien plus terrible.» +</p> + +<p> +Il avait la voix entrecoupée. Je le crus tout à fait ivre. +</p> + +<p> +«Vous savez bien mon anneau? poursuivit-il après un silence. +</p> + +<p> +— Eh bien! on l’a pris? +</p> + +<p> +— Non. +</p> + +<p> +— En ce cas, vous l’avez? +</p> + +<p> +— Non… je… Je ne puis l’ôter du doigt de cette diable de Vénus. +</p> + +<p> +— Bon! vous n’avez pas tiré assez fort. +</p> + +<p> +— Si fait… Mais la Vénus… elle a serré le doigt.» +</p> + +<p> +Il me regardait fixement d’un air hagard, s’appuyant à l’espagnolette pour ne +pas tomber. +</p> + +<p> +«Quel conte! lui dis-je. Vous avez trop enfoncé l’anneau. Demain vous l’aurez +avec des tenailles. Mais prenez garde de gâter la statue. +</p> + +<p> +— Non, vous dis-je. Le doigt de la Vénus est retiré, reployé; elle serre la +main, m’entendez-vous?… C’est ma femme, apparemment, puisque je lui ai donné +mon anneau… Elle ne veut plus le rendre.» +</p> + +<p> +J’éprouvai un frisson subit, et j’eus un instant la chair de poule. Puis, un +grand soupir qu’il fit m’envoya une bouffée de vin, et toute émotion disparut. +</p> + +<p> +Le misérable, pensai-je, est complètement ivre. +</p> + +<p> +«Vous êtes antiquaire, monsieur, ajouta le marié d’un ton lamentable; vous +connaissez ces statues-là… il y a peut-être quelque ressort, quelque diablerie, +que je ne connais point… Si vous alliez voir? +</p> + +<p> +— Volontiers, dis-je. Venez avec moi. +</p> + +<p> +— Non, j’aime mieux que vous y alliez seul.» +</p> + +<p> +Je sortis du salon. +</p> + +<p> +Le temps avait changé pendant le souper, et la pluie commençait à tomber avec +force. J’allais demander un parapluie, lorsqu’une réflexion m’arrêta. Je serais +un bien grand sot, me dis-je, d’aller vérifier ce que m’a dit un homme ivre! +Peut-être, d’ailleurs, a-t-il voulu me faire quelque méchante plaisanterie pour +apprêter à rire à ces honnêtes provinciaux; et le moins qu’il puisse m’en +arriver, c’est d’être trempé jusqu’aux os et d’attraper un bon rhume. +</p> + +<p> +De la porte je jetai un coup d’œil sur la statue ruisselante d’eau, et je +montai dans ma chambre sans rentrer dans le salon. Je me couchai; mais le +sommeil fut long à venir. Toutes les scènes de la journée se représentaient à +mon esprit. Je pensais à cette jeune fille si belle et si pure abandonnée à un +ivrogne brutal. Quelle odieuse chose, me disais-je, qu’un mariage de +convenance! Un maire revêt une écharpe tricolore, un curé une étole, et voilà +la plus honnête fille du monde livrée au Minotaure! Deux êtres qui ne s’aiment +pas, que peuvent-ils se dire dans un pareil moment, que deux amants +achèteraient au prix de leur existence? Une femme peut-elle jamais aimer un +homme qu’elle aura vu grossier une fois? Les premières impressions ne +s’effacent pas, et j’en suis sûr ce M. Alphonse méritera bien d’être haï… +</p> + +<p> +Durant mon monologue, que j’abrège beaucoup, j’avais entendu force allées et +venues dans la maison, les portes s’ouvrir et se fermer, des voitures partir; +puis il me semblait avoir entendu sur l’escalier les pas légers de plusieurs +femmes se dirigeant vers l’extrémité du corridor opposé à ma chambre. C’était +probablement le cortège de la mariée qu’on menait au lit. Ensuite on avait +redescendu l’escalier. La porte de madame de Peyrehorade s’était fermée. Que +cette pauvre fille, me dis-je, doit être troublée et mal à son aise! Je me +tournais dans mon lit de mauvaise humeur. Un garçon joue un sot rôle dans une +maison où s’accomplit un mariage. +</p> + +<p> +Le silence régnait depuis quelque temps lorsqu’il fut troublé par des pas +lourds qui montaient l’escalier. Les marches de bois craquèrent fortement. +</p> + +<p> +«Quel butor! m’écriai-je. Je parie qu’il va tomber dans l’escalier.» +</p> + +<p> +Tout redevint tranquille. Je pris un livre pour changer le cours de mes idées. +C’était une statistique du département, ornée d’un mémoire de M. de Peyrehorade +sur les monuments druidiques de l’arrondissement de Prades. Je m’assoupis à la +troisième page. +</p> + +<p> +Je dormis mal et me réveillai plusieurs fois. Il pouvait être cinq heures du +matin, et j’étais éveillé depuis plus de vingt minutes lorsque le coq chanta. +Le jour allait se lever. Alors j’entendis distinctement les mêmes pas lourds, +le même craquement de l’escalier que j’avais entendus avant de m’endormir. Cela +me parut singulier. J’essayai, en bâillant, de deviner pourquoi M. Alphonse se +levait si matin. Je n’imaginais rien de vraisemblable. J’allais refermer les +yeux lorsque mon attention fut de nouveau excitée par des trépignements +étranges auxquels se mêlèrent bientôt le tintement des sonnettes et le bruit de +portes qui s’ouvraient avec fracas, puis je distinguai des cris confus. +</p> + +<p> +Mon ivrogne aura mis le feu quelque part! pensais-je en sautant à bas de mon +lit. +</p> + +<p> +Je m’habillai rapidement et j’entrai dans le corridor. De l’extrémité opposée +partaient des cris et des lamentations, et une voix déchirante dominait toutes +les autres: «Mon fils! mon fils!» Il était évident qu’un malheur était arrivé à +M. Alphonse. Je courus à la chambre nuptiale: elle était pleine de monde. Le +premier spectacle qui frappa ma vue fut le jeune homme à demi-vêtu, étendu en +travers sur le lit dont le bois était brisé. Il était livide, sans mouvement. +Sa mère pleurait et criait à côté de lui. M. de Peyrehorade s’agitait, lui +frottait les tempes avec de l’eau de Cologne, ou lui mettait des sels sous le +nez. Hélas! depuis longtemps son fils était mort. Sur un canapé, à l’autre bout +de la chambre, était la mariée, en proie à d’horribles convulsions. Elle +poussait des cris inarticulés, et deux robustes servantes avaient toutes les +peines du monde à la contenir. +</p> + +<p> +«Mon Dieu! m’écriai-je, qu’est-il donc arrivé?» +</p> + +<p> +Je m’approchai du lit et soulevai le corps du malheureux jeune homme; il était +déjà roide et froid. Ses dents serrées et sa figure noircie exprimaient les +plus affreuses angoisses. Il paraissait assez que sa mort avait été violente et +son agonie terrible. Nulle trace de sang cependant sur ses habits. J’écartai sa +chemise et vis sur sa poitrine une empreinte livide qui se prolongeait sur les +côtes et le dos. On eût dit qu’il avait été étreint dans un cercle de fer. Mon +pied posa sur quelque chose de dur qui se trouvait sur le tapis; je me baissai +et vis la bague de diamants. +</p> + +<p> +J’entraînai M. de Peyrehorade et sa femme dans leur chambre; puis j’y fis +porter la mariée. «Vous avez encore une fille, leur dis-je, vous lui devez vos +soins.» Alors je les laissai seuls. +</p> + +<p> +Il ne me paraissait pas douteux que M. Alphonse n’eût été victime d’un +assassinat dont les auteurs avaient trouvé moyen de s’introduire la nuit dans +la chambre de la mariée. Ces meurtrissures à la poitrine, leur direction +circulaire m’embarrassaient beaucoup pourtant, car un bâton ou une barre de fer +n’aurait pu les produire. Tout d’un coup je me souvins d’avoir entendu dire +qu’à Valence des braves se servaient de longs sacs de cuir remplis de sable fin +pour assommer les gens dont on leur avait payé la mort. Aussitôt je me rappelai +le muletier aragonais et sa menace; toutefois j’osais à peine penser qu’il eût +tiré une si terrible vengeance d’une plaisanterie légère. +</p> + +<p> +J’allais dans la maison, cherchant partout des traces d’effraction, et n’en +trouvant nulle part. Je descendis dans le jardin pour voir si les assassins +avaient pu s’introduire de ce côté; mais je ne trouvai aucun indice certain. La +pluie de la veille avait d’ailleurs tellement détrempé le sol, qu’il n’aurait +pu garder d’empreinte bien nette. J’observai pourtant quelques pas profondément +imprimés dans la terre: il y en avait dans deux directions contraires, mais sur +une même ligne, partant de l’angle de la haie contiguë au jeu de paume et +aboutissant à la porte de la maison. Ce pouvaient être les pas de M. Alphonse +lorsqu’il était allé chercher son anneau au doigt de la statue. D’un autre +côté, la haie, en cet endroit, étant moins fourrée qu’ailleurs, ce devait être +sur ce point que les meurtriers l’auraient franchie. Passant et repassant +devant la statue, je m’arrêtai un instant pour la considérer. Cette fois, je +l’avouerai, je ne pus contempler sans effroi son expression de méchanceté +ironique; et, la tête toute pleine des scènes horribles dont je venais d’être +le témoin, il me sembla voir une divinité infernale applaudissant au malheur +qui frappait cette maison. +</p> + +<p> +Je regagnai ma chambre et j’y restai jusqu’à midi. Alors je sortis et demandai +des nouvelles de mes hôtes. Ils étaient un peu plus calmes. Mademoiselle de +Puygarrig, je devrais dire la veuve de M. Alphonse, avait repris connaissance. +Elle avait même parlé au procureur du roi de Perpignan, alors en tournée à +Ille, et ce magistrat avait reçu sa déposition. Il me demanda la mienne. Je lui +dis ce que je savais, et ne lui cachai pas mes soupçons contre le muletier +aragonais. Il ordonna qu’il fût arrêté sur-le-champ. +</p> + +<p> +«Avez-vous appris quelque chose de madame Alphonse?» demandai-je au procureur +du roi, lorsque ma déposition fut écrite et signée. +</p> + +<p> +«Cette malheureuse jeune personne est devenue folle, me dit-il en souriant +tristement. Folle! tout à fait folle. Voici ce qu’elle conte: +</p> + +<p> +«Elle était couchée, dit-elle, depuis quelques minutes, les rideaux tirés, +lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit, et quelqu’un entra. Alors madame +Alphonse était dans la ruelle du lit, la figure tournée vers la muraille. Elle +ne fit pas un mouvement, persuadée que c’était son mari. Au bout d’un instant +le lit cria comme s’il était chargé d’un poids énorme. Elle eut grand’peur, +mais n’osa pas tourner la tête. Cinq minutes, dix minutes peut-être… elle ne +peut se rendre compte du temps, se passèrent de la sorte. Puis elle fit un +mouvement involontaire, ou bien la personne qui était dans le lit en fit un, et +elle sentit le contact de quelque chose de froid comme la glace, ce sont ses +expressions. Elle s’enfonça dans la ruelle tremblant de tous ses membres. Peu +après, la porte s’ouvrit une seconde fois, et quelqu’un entra, qui dit: +Bonsoir, ma petite femme. Bientôt après on tira les rideaux. Elle entendit un +cri étouffé. La personne qui était dans le lit, à côté d’elle, se leva sur son +séant et parut étendre les bras en avant. Elle tourna la tête alors… et vit, +dit-elle, son mari à genoux auprès du lit, la tête à la hauteur de l’oreiller, +entre les bras d’une espèce de géant verdâtre qui l’étreignait avec force. Elle +dit, et m’a répété vingt fois, pauvre femme!… elle dit qu’elle a reconnu… +devinez-vous? la Vénus de bronze, la statue de M. de Peyrehorade… Depuis +qu’elle est dans le pays, tout le monde en rêve. Mais je reprends le récit de +la malheureuse folle. À ce spectacle, elle perdit connaissance, et probablement +depuis quelques instants elle avait perdu la raison. Elle ne peut en aucune +façon dire combien de temps elle demeura évanouie. Revenue à elle, elle revit +le fantôme, ou la statue, comme elle dit toujours, immobile, les jambes et le +bas du corps dans le lit, le buste et les bras étendus en avant, et entre ses +bras son mari, sans mouvement. Un coq chanta. Alors la statue sortit du lit, +laissa tomber le cadavre et sortit. Mme Alphonse se pendit à la sonnette, et +vous savez le reste.» +</p> + +<p> +On amena l’Espagnol; il était calme, et se défendit avec beaucoup de sang-froid +et de présence d’esprit. Du reste, il ne nia pas le propos que j’avais entendu; +mais il l’expliquait, prétendant qu’il n’avait voulu dire autre chose, sinon +que le lendemain, reposé qu’il serait, il aurait gagné une partie de paume à +son vainqueur. Je me rappelle qu’il ajouta: +</p> + +<p> +«Un Aragonais, lorsqu’il est outragé, n’attend pas au lendemain pour se venger. +Si j’avais cru que M. Alphonse eût voulu m’insulter, je lui aurais sur-le-champ +donné de mon couteau dans le ventre.» +</p> + +<p> +On compara ses souliers avec les empreintes de pas dans le jardin; ses souliers +étaient beaucoup plus grands. +</p> + +<p> +Enfin l’hôtelier chez qui cet homme était logé assura qu’il avait passé toute +la nuit à frotter et à médicamenter un de ses mulets qui était malade. +</p> + +<p> +D’ailleurs cet Aragonais était un homme bien famé, fort connu dans le pays, où +il venait tous les ans pour son commerce. On le relâcha donc en lui faisant des +excuses. +</p> + +<p> +J’oubliais la déposition d’un domestique qui le dernier avait vu M. Alphonse +vivant. C’était au moment qu’il allait monter chez sa femme, et, appelant cet +homme, il lui demanda d’un air d’inquiétude s’il savait où j’étais. Le +domestique répondit qu’il ne m’avait point vu. Alors M. Alphonse fit un soupir +et resta plus d’une minute sans parler, puis il dit: <i>Allons! le diable +l’aura emporté aussi!</i> +</p> + +<p> +Je demandai à cet homme si M. Alphonse avait sa bague de diamants, lorsqu’il +lui parla. Le domestique hésita pour répondre; enfin il dit qu’il ne le croyait +pas, qu’il n’y avait fait au reste aucune attention. «S’il avait eu cette bague +au doigt, ajouta-t-il en se reprenant, je l’aurais sans doute remarquée, car je +croyais qu’il l’avait donnée à madame Alphonse.» +</p> + +<p> +En questionnant cet homme je ressentais un peu de la terreur superstitieuse que +la déposition de Mme Alphonse avait répandue dans toute la maison. Le procureur +du roi me regarda en souriant, et je me gardai bien d’insister. +</p> + +<p> +Quelques heures après les funérailles de M. Alphonse, je me disposai à quitter +Ille. La voiture de M. de Peyrehorade devait me conduire à Perpignan. Malgré +son état de faiblesse, le pauvre vieillard voulut m’accompagner jusqu’à la +porte de son jardin. Nous le traversâmes en silence, lui se traînant à peine, +appuyé sur mon bras. Au moment de nous séparer, je jetai un dernier regard sur +la Vénus. Je prévoyais bien que mon hôte, quoiqu’il ne partageât point les +terreurs et les haines qu’elle inspirait à une partie de sa famille, voudrait +se défaire d’un objet qui lui rappellerait sans cesse un malheur affreux. Mon +intention était de l’engager à la placer dans un musée. J’hésitais pour entrer +en matière, quand M. de Peyrehorade tourna machinalement la tête du côté où il +me voyait regarder fixement. Il aperçut la statue et aussitôt fondit en larmes. +Je l’embrassai, et, sans oser lui dire un seul mot, je montai dans la voiture. +</p> + +<p> +Depuis mon départ je n’ai point appris que quelque jour nouveau soit venu +éclairer cette mystérieuse catastrophe. +</p> + +<p> +M. de Peyrehorade mourut quelques mois après son fils. Par son testament il m’a +légué ses manuscrits, que je publierai peut-être un jour. Je n’y ai point +trouvé le mémoire relatif aux inscriptions de la Vénus. +</p> + +<p> +<i>P. S.</i> Mon ami M. de P. vient de m’écrire que la statue n’existe plus. +Après la mort de son mari, le premier soin de Madame de Peyrehorade fut de la +faire fondre en cloche, et sous cette nouvelle forme elle sert à l’église +d’Ille. Mais, ajoute M. de P., il semble qu’un mauvais sort poursuive ceux qui +possèdent ce bronze. Depuis que cette cloche sonne à l’Ille, les vignes ont +gelé deux fois. +</p> + +<p> +1837. +</p> + +</div><!--end chapter--> + +<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA VÉNUS D’ILLE ***</div> +<div style='text-align:left'> + +<div style='display:block; margin:1em 0'> +Updated editions will replace the previous one—the old editions will +be renamed. +</div> + +<div style='display:block; margin:1em 0'> +Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright +law means that no one owns a United States copyright in these works, +so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United +States without permission and without paying copyright +royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part +of this license, apply to copying and distributing Project +Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ +concept and trademark. 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