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+
+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75221 ***
+
+
+
+
+
+
+ ÉTUDE
+ SUR
+ LA FRANC-MAÇONNERIE
+
+ PAR
+ Mgr L’ÉVÊQUE D’ORLÉANS
+
+ DEUXIÈME ÉDITION
+
+
+ PARIS
+ CHARLES DOUNIOL ET Cie LIBRAIRES-ÉDITEURS
+ 29, RUE DE TOURNON
+
+ 1875
+
+
+
+
+PARIS.--IMP. VICTOR GOUPY, 5, RUE GARANCIÈRE.
+
+
+
+
+ÉTUDE
+
+SUR
+
+LA FRANC-MAÇONNERIE
+
+
+Tout le monde connaît, au moins de nom, la Franc-Maçonnerie. Je la
+connaissais comme tout le monde: mais depuis longtemps déjà je désirais
+l’étudier de plus près; et je m’y sentais sollicité par diverses causes,
+depuis surtout la fameuse circulaire de M. de Persigny. Il est
+incontestable en effet qu’à dater de cette circulaire, la
+Franc-Maçonnerie, chez nous, est entrée dans une phase nouvelle.
+Jusque-là, enveloppée de mystère, elle n’agissait guère que dans
+l’ombre; mais à la faveur des hauts encouragements qu’elle reçut alors
+du gouvernement impérial, elle a fait en France, depuis cette époque,
+acte de vie publique, et son prosélytisme, toujours ardent quoique
+circonspect, est devenu plus ardent encore; elle a publié des livres et
+des organes périodiques, fondé de nouvelles Loges en grand nombre,
+recruté des adhérents, levé son drapeau; et naguère, dans une Loge, un
+franc-maçon signalait «le rapide envahissement du monde par la doctrine
+maçonnique[1]».
+
+ [1] _Le Monde-Maçonnique_, mai 1870, p. 118.--D’après un document,
+ probablement exagéré, publié par le même organe, «il existe en ce
+ moment en France 400,000 francs-maçons. Dans ce nombre les femmes ne
+ sont pas comprises».--_Ibid._, p. 212. _Le Monde-Maçonnique_, qui
+ publie ce document, ne le rectifie pas; et je lis dans la
+ Constitution maçonnique française, art. 5, que la «Franc-Maçonnerie
+ aspire à embrasser _tous les membres de l’humanité_».
+
+Il serait d’ailleurs superflu de nier ses progrès, ou de dissimuler son
+influence chaque jour croissante, et la part cachée, mais réelle, qui
+lui revient dans les révolutions contemporaines.
+
+Quand on voit le rôle prépondérant qu’elle joue au lendemain de ces
+catastrophes qui changent tout à coup profondément l’état politique et
+social d’un peuple; quand on considère la part qu’elle prend dans ces
+soudaines victoires de la violence où elle fournit au parti triomphant
+des chefs et des soldats, il est difficile de penser qu’elle n’y était
+pour rien, et l’étude que je viens de faire m’a prouvé, avec la dernière
+évidence, qu’il se rencontre là pour elle, à tout le moins, des
+solidarités étranges et de graves responsabilités.
+
+Il est donc impossible qu’une telle institution nous trouve inattentifs,
+ou que nous hésitions à dire nettement ce que nous croyons ici la
+vérité.
+
+L’heure est venue, où c’est un devoir pour nous, après nous être
+éclairés sérieusement nous-mêmes, d’éclairer aussi ceux qui ont besoin
+de l’être.
+
+Car la Franc-Maçonnerie a des déclarations décevantes, au moyen
+desquelles elle fait illusion, et qui expliquent jusqu’à un certain
+point l’entraînement singulier qui porte vers elle tant d’hommes
+trompés. Toujours en effet on a rencontré dans son sein deux sortes
+d’adeptes, ceux qui n’en connaissent pas le dernier mot, le but suprême,
+et les francs-maçons véritables, qui savent très-bien, eux, ce qu’ils
+font et ce qu’ils veulent.
+
+On m’a souvent posé, à l’occasion de la Franc-Maçonnerie, la question
+suivante:
+
+La Franc-Maçonnerie est-elle une institution hostile à la Religion?
+Est-il permis à un chrétien de se faire franc-maçon? Peut-on être à la
+fois franc-maçon et chrétien?
+
+Il y a quelques années, Mgr de Ketteler, évêque de Mayence, un des plus
+savants Évêques et des plus larges esprits de l’Allemagne, a été amené
+aussi à s’occuper de cette question, et il a publié un écrit spécial
+sous ce titre: _Un catholique peut-il être Franc-Maçon?_
+
+Sa réponse sera la mienne; et après l’étude approfondie que j’ai faite,
+je dirai comme lui: Non, un catholique, un chrétien, ne peut pas être
+franc-maçon.
+
+Pourquoi? Parce que la Franc-Maçonnerie est l’ennemie du Christianisme,
+et, dans ses profondeurs, une inconciliable ennemie.
+
+J’irai plus loin, et je demanderai: Un homme sérieux, un homme de bon
+sens peut-il être franc-maçon?
+
+Et je répondrai également: Non.
+
+Puis j’examinerai ce qu’est la Franc-Maçonnerie au point de vue de
+l’ordre politique et social.
+
+Mais je me hâte de l’ajouter: c’est de la Franc-Maçonnerie véritable que
+je parlerai, et non pas de ses nombreuses et honnêtes dupes, de ceux
+dont le Pape Pie IX écrivait, que dans leur erreur, ils pourraient aller
+jusqu’à croire «que cette société est inoffensive, qu’elle n’a de but
+que la bienfaisance, et qu’elle ne saurait, par conséquent, être un
+péril pour l’Église de Dieu». Laissant donc de côté les surfaces, les
+accessoires de l’institution, ce qui, sans doute, lui a attiré un
+certain nombre d’hommes abusés, j’irai au fond, au cœur de la Société,
+au but même, là où gît entre la Franc-Maçonnerie et la Religion
+l’antagonisme radical, inaperçu d’un certain nombre, mais non pas de
+tous.
+
+On a écrit des volumes sur cette institution, on peut en écrire encore.
+Je dois être plus court et plus simple, et n’étudierai que les points
+principaux, les grandes lignes qui décident de tout.
+
+Je n’ai donc pas à m’occuper ici des premières origines de la
+Franc-Maçonnerie, ni des phases successives de son histoire, ni de ses
+diverses attitudes vis-à-vis des gouvernements, ni de la politique des
+gouvernements vis-à-vis d’elle. Tout cela peut être objet de
+controverse, et je ne veux dire ici que des choses en dehors et
+au-dessus de toute contestation.
+
+Je dois avertir encore que c’est, non pas uniquement, mais
+principalement de la Franc-Maçonnerie française, et parfois aussi de sa
+voisine, la Franc-Maçonnerie belge, que je parlerai;
+
+Et l’Étude dont j’apporte ici le résultat, je l’ai faite aux vraies
+sources, dans la Franc-Maçonnerie elle-même;
+
+Dans le texte de sa constitution et de ses statuts;
+
+Dans les pièces authentiques émanées des Loges;
+
+Dans les discours tenus au sein des plus célèbres assemblées
+maçonniques;
+
+Dans les journaux et revues de la Franc-Maçonnerie;
+
+Et enfin dans son action extérieure et publique constatée.
+
+Une lumière sortira, je le crois, éclatante et simple, de cette claire
+exposition[2]:
+
+ [2] Beaucoup de ces documents, absolument incontestables, et
+ incontestés, se trouvent dans un très-remarquable ouvrage, publié à
+ Gand par un courageux et éloquent publiciste, M. A. Neut, sous ce
+ titre: _La Franc-Maçonnerie soumise au grand jour de la publicité, à
+ l’aide de documents authentiques_. 2 vol. in-8º.--J’ai puisé en
+ outre et principalement dans le _Monde-Maçonnique_, revue mensuelle
+ publiée par les francs-maçons; puis dans le _Rituel de l’Apprenti_,
+ par le F∴ Ragon; dans la _Revue-Maçonnique_, dans _La
+ Franc-Maçonnerie et la Révolution_, par le P. Gautrelet, etc.
+
+
+
+
+PREMIÈRE PARTIE
+
+Antagonisme radical de la Franc-Maçonnerie et de la religion.
+
+
+I
+
+POSITION DE LA QUESTION
+
+Peut-on être à la fois franc-maçon et chrétien?
+
+Je réponds: Non.
+
+Parce que la Franc-Maçonnerie, dans son esprit véritable, dans son
+essence même, dans son action dernière, est l’ennemie du Christianisme,
+et, par son principe fondamental, une inconciliable ennemie.
+
+Je n’ai pas ici à m’étendre sur ce qui peut se dire et se faire de bon
+ou d’indifférent dans les Loges, et qui suffit à expliquer la présence
+là, après comme avant 89, d’hommes absolument aveuglés sur le but
+dernier des véritables initiés. _Philanthropie_, _fraternité_,
+_humanité_, _progrès_, ces mots que je lis en tête de la première _Revue
+maçonnique_ imprimée en France sous le gouvernement de Juillet, pris
+dans leur vrai sens, loin d’être antichrétiens, appartiennent au
+contraire à la langue chrétienne: c’est de nous que le monde les a
+appris; mais la question est de savoir comment, dans la réalité, la
+Maçonnerie les entend et les pratique.
+
+L’article 1er de la constitution Maçonnique française, votée en
+1865, déclare la Maçonnerie une institution «essentiellement
+philanthropique».--Il est notable cependant, et c’est le
+_Monde-Maçonnique_ lui-même qui le déclare, que «la bienfaisance n’est
+pas _le but_, mais seulement un des caractères, et DES MOINS ESSENTIELS,
+de la Maçonnerie». _Des moins essentiels_; puisque ces Messieurs
+l’avouent, il ne le faut pas oublier; mais le but, les caractères
+essentiels, je le demande encore, quels sont-ils donc?
+
+Les Maçons disent: le progrès de l’humanité. Mais quel progrès? Je
+réponds: un prétendu progrès, sans la Religion, et contre la Religion.
+
+Mais ici tout d’abord, la Maçonnerie m’arrête, et me dit: La Religion,
+le Christianisme, mais lisez-donc mes constitutions! je ne m’en occupe
+pas. Je suis à côté, je ne suis pas contre. Je respecte la foi
+religieuse de chacun de mes disciples, et n’exclus personne pour ses
+croyances. Je suis autre chose que la religion, mais je ne suis pas
+l’irréligion.
+
+«Respecter toutes les religions, n’en attaquer aucune, ce seront là
+toujours les règles inviolables de la Maçonnerie»: voilà en effet ce que
+je trouve sans cesse dans les déclarations officielles; et l’art. 125
+d’un règlement maçonnique porte expressément: «On s’engage à ne jamais
+traiter dans les loges d’aucune question de controverse religieuse.»
+
+Mais aux déclarations, aux affiches de la Franc-Maçonnerie, j’oppose les
+déclarations faites, les discours tenus dans les Loges par les chefs des
+francs-maçons, et qui ont été enfin publiés, d’abord en Belgique, où
+depuis plus longtemps les Loges jouissent d’une liberté qui leur permet
+de tout dire; liberté dont elles n’ont commencé à jouir en France, que
+depuis la circulaire de M. de Persigny, en 1864[3]. J’écoute donc; et
+qu’est-ce que j’entends-là? Des explosions de haine, des cris de guerre
+incessants contre le Christianisme, qu’on doit, dit-on, _respecter_.
+
+ [3] La Franc-Maçonnerie, dit le F∴ Félix Pyat, a été longtemps société
+ secrète; mais le temps est venu où elle doit marcher tête levée, et
+ faire hautement son œuvre: «La société secrète, comme la vestale
+ antique, a gardé constamment le feu sacré à l’abri des coups de vent
+ du despotisme. Mais pour éclairer le monde, le soleil doit sortir du
+ nuage, la vérité du voile, _et l’œuvre de la Loge_.»--_Le Rappel_
+ cité par _le Monde-Maçonnique_, mai 1870, p. 162.
+
+
+II
+
+DÉCLARATIONS DES LOGES MAÇONNIQUES
+
+Le Christianisme, est-il dit sans cesse dans les Loges, c’est une
+religion _menteuse_, _bâtarde_, _répudiée par le bon sens_,
+_abrutissante_, et qu’il faut anéantir. C’est _un fatras de fables_, _un
+édifice vermoulu_, et qui doit tomber pour faire place au temple
+maçonnique. Voici quelques textes formels, choisis entre mille:
+
+«_Le Catholicisme est une formule usée, répudiée_ par tout homme qui
+pense sainement... _un édifice vermoulu!_... Au bout de dix-huit
+siècles, la conscience humaine se retrouve en présence de _cette
+religion bâtarde_, formulée par les successeurs des apôtres!»
+
+«Ce n’est point _la religion menteuse des faux prêtres du Christ_ qui
+guidera nos pas[4].»
+
+ [4] M. Neut, t. I, p. 142.
+
+Ainsi parlait, à l’installation de la loge _l’Espérance_, le
+_Grand-Orateur_ de la loge, le F∴ Lacomblé.
+
+Selon cet _orateur_, les ministres de l’Évangile sont «un parti qui a
+entrepris d’_enchaîner tout progrès_, d’_étouffer toute lumière_, de
+_détruire toute liberté_, pour régner avec quiétude sur _une population
+abrutie_ d’ignorants et d’esclaves».
+
+«Aujourd’hui», disait-il encore, «que la lumière luit, il faut avoir la
+force de faire bon marché de _tout ce fatras de fables_; dût le flambeau
+de la raison _réduire en cendre_ tout ce qui reste encore debout de ces
+_vestiges de l’ignorance et de l’obscurantisme_[5]».
+
+ [5] _Ibid._
+
+Voilà comment parle la Franc-Maçonnerie; voilà comment elle ne s’occupe
+pas du Christianisme, et comment elle le respecte, quand elle s’en
+occupe.
+
+Son thème est précisément celui que répète partout l’impiété; c’est ce
+qui est dit à satiété, par exemple, dans ces petits livres dont la
+Révolution et la Maçonnerie inondent Rome en ce moment, et que j’ai eus
+sous les yeux.
+
+Son thème, son mot d’ordre est précisément celui de Voltaire: _Écrasons
+l’infâme._
+
+C’est en effet ce que, à l’occasion de son installation, le Vénérable de
+la loge _la Fidélité_, à Gand, disait:
+
+«En vain, avec le XVIIIe siècle, nous flattions-nous d’avoir ÉCRASÉ
+L’INFAME; l’infâme renaît plus vigoureuse...[6]»
+
+ [6] M. Neut, t. I, p. 281.
+
+Tout le monde sait d’ailleurs que la Maçonnerie a reçu Voltaire dans ses
+loges, et s’est associée à son œuvre; et la preuve encore que, fidèle
+aux plus néfastes traditions, elle n’a jamais cessé de combattre avec
+Voltaire, tantôt sourdement, tantôt à ciel ouvert, mais avec une
+persévérance infatigable, les institutions catholiques et toute
+influence chrétienne, c’est ce que proclamait le F∴ Jean Macé, un des
+francs-maçons les plus considérés dans l’ordre, lorsque, dans un grand
+dîner maçonnique, à Strasbourg, il portait à Voltaire le toast que
+voici:
+
+«A la mémoire du F∴ Voltaire!... du F∴ Voltaire, infatigable soldat:
+toutes les batailles qu’il a livrées, il les a gagnées, M. F., à notre
+profit[7].»
+
+ [7] _Le Monde-Maçonnique_, mai 1867, p. 25.--On sait aussi que tous
+ les ateliers maçonniques de Paris, sauf un seul, ont souscrit à la
+ statue de Voltaire.
+
+Selon le F∴ Jean-Macé, _les religions révélées_ sont _un boulet_ que
+l’humanité traîne au pied; mais, heureusement, dit-il, la Maçonnerie est
+là _pour remplacer les croyances qui s’en vont_[8].
+
+ [8] _Le Monde-Maçonnique_, mai 1870, p. 118.
+
+Écoutons maintenant le dernier grand-maître de la Maçonnerie française,
+le F∴ Babaud-Laribière, nommé il y a trois ans préfet des
+Pyrénées-Orientales, et mort dans cette charge: _La Maçonnerie_, dit-il,
+_est supérieure à tous les dogmes_.--_Antérieure et supérieure aux
+religions_, c’est elle, suivant un autre frère, qui _doit donner
+l’impulsion au monde_[9].
+
+ [9] _Ibid._, 139.--_Ibid._ Novembre 1866, p. 132.
+
+Et en effet, disait, dans un autre discours, le même Babaud-Laribière:
+«Les dogmes périssent fatalement.» Il déclarait donc le dogme catholique
+mort, Rome, sa capitale, une ville morte, et il posait nettement la
+Maçonnerie en _adversaire_ irréconciliable du catholicisme: «Quelle est
+la doctrine fondamentale de _nos adversaires_? Un dogme immuable. Quelle
+est leur capitale? Une ville morte.» Et après cette insolence à
+l’endroit du Catholicisme, il proclamait Paris la capitale de la
+Maçonnerie et le Vatican du genre humain: «La Maçonnerie, _au
+contraire_, a établi _son Vatican_ ici même, dans ce Paris, où les idées
+bouillonnent et se purifient comme dans la fournaise[10].» Cela était
+dit et applaudi dans une assemblée générale du Grand-Orient.
+
+ [10] _Ibid._ Juillet 1869, p. 171.
+
+C’est donc la Maçonnerie qui doit _remplacer_ le Christianisme:
+
+Et elle le peut, si elle le veut. «ORGANISÉE COMME ELLE L’EST, disait le
+F∴ Félix Pyat, la Maçonnerie PEUT, SI ELLE VEUT, REMPLACER L’ÉGLISE
+CHRÉTIENNE[11].»
+
+ [11] _Le Rappel_, cité par _le Monde-Maçonnique_.
+
+Telles sont les déclarations de ces Messieurs.
+
+Mais continuons: la haine du Christianisme s’accentue de plus en plus et
+arrive, si je le puis dire, à son paroxysme:
+
+«Il faut de l’énergie pour porter ainsi le scalpel dans le sanctuaire de
+cette foi aveugle _que nous avons puisée au sein de_ NOS MÈRES... NON,
+LE DIEU RÉVÉLATEUR N’EST PAS[12]!»
+
+ [12] M. Neut, t. I, p. 144.
+
+Et à Gand, le vénérable de _la Fidélité_, disait:
+
+«Il faut élever AUTEL CONTRE AUTEL, enseignement contre enseignement...
+
+«Nous devons combattre; mais combattre avec la certitude de la
+victoire.»
+
+Puis il ajoutait:
+
+«A eux (aux prêtres du Christ) _la morale facile et_ PERVERSE! à eux _le
+fanatisme_! A nous la morale pure, le désintéressement, le dévoûment!»
+
+«La Maçonnerie rejette _les fantasmagories idolâtres_... La Maçonnerie
+est _au-dessus des religions_[13].»
+
+ [13] Discours prononcé par le F∴ Frantz Faider, à l’occasion de son
+ installation comme vénérable de la loge _la Fidélité_, de Gand.--A.
+ Neut, t. I, pag. 280 _et seq._
+
+Enfin: «Nous sommes NOS PROPRES DIEUX[14]!»
+
+ [14] _Ibid._
+
+Et la Vente suprême du carbonarisme, qui a eu de si intimes affinités
+avec la Maçonnerie, disait nettement:
+
+«Notre but final est celui de Voltaire et de la Révolution française:
+L’ANÉANTISSEMENT A TOUT JAMAIS DU CATHOLICISME, ET MÊME DE L’IDÉE
+CHRÉTIENNE[15].»
+
+ [15] Instruction secrète adressée à toutes les _Ventes_ par la _Vente
+ suprême_.--_L’Église en face de la Révolution_, t. II, p. 82.
+
+Ceux qui croient qu’on peut être à la fois chrétien et franc-maçon,
+doivent commencer à voir que cela est difficile.
+
+Mais la Maçonnerie ne s’en tient pas aux paroles qui retentissent dans
+ses Loges, et la guerre qu’elle fait au dehors à la Religion est aussi
+acharnée que sa haine.
+
+
+III
+
+QUELQUES TRAITS DE LA GUERRE FAITE A LA RELIGION PAR LA FRANC-MAÇONNERIE
+
+De cette guerre, qui est le fond, la pensée dernière de la Maçonnerie,
+je ne veux citer ici que trois faits, mais qui ne peuvent laisser
+subsister aucun doute sur le véritable esprit maçonnique.
+
+Je le demande d’abord: n’est-ce pas une profonde pensée de guerre qui,
+naguère, en 1869, faisait à la fois surgir, à Bruxelles, à Naples, à
+Paris ces _Convents_ (c’est le style des francs-maçons), ces Convents ou
+conciles maçonniques, EN FACE _du Concile œcuménique_? et tout récemment
+encore ce _convent_ qui essayait de se réunir à Rome même?
+
+On se souvient que le _Convent_ de Paris, était annoncé par une
+circulaire du Grand-Maître de l’Ordre, le général Mellinet, qui avait
+été en même temps, sous l’Empire, commandant en chef la garde nationale
+de Paris.
+
+Voici cette circulaire:
+
+ «TT∴ CC∴ FF∴ (cela veut dire: Très-chers frères).
+
+ «L’_Assemblée générale du Grand-Orient de France_, dans sa dernière
+ session, a été saisie de la proposition suivante:
+
+ «Les soussignés, considérant que, dans les circonstances présentes, EN
+ FACE _du Concile Œcuménique_ qui va s’ouvrir, _il importe_ à la
+ Franc-Maçonnerie d’AFFIRMER _solennellement ses grands principes_,
+ etc.
+
+ «Invitent le T∴ H∴ (très-haut) grand-maître et le conseil de l’Ordre à
+ convoquer, le 8 décembre prochain, un _Convent_ extraordinaire des
+ délégués des Ateliers de l’Obédience, de ceux des autres rites et des
+ Orients étrangers, pour élaborer et voter _un manifeste qui soit
+ l’expression de cette affirmation_.»
+
+ (_Suivent les signatures._)
+
+ Le Grand-Maître de l’Ordre,
+
+ _Signé_: MELLINET.
+
+Je ne veux remarquer ici qu’une chose, c’est dans quelle pensée ce
+_Convent_ était projeté: il s’agissait d’y _élaborer_ et d’y _voter_ UN
+MANIFESTE SOLENNEL, qui fut, quoi? Une _affirmation de principes_, qu’il
+_importait_, disait-on, de poser EN FACE _du Concile œcuménique_.
+Pouvait-on déclarer d’une manière plus expresse l’antagonisme flagrant
+entre la Franc-Maçonnerie et l’Église catholique?
+
+Et s’il était possible de conserver ici un doute quelconque ne
+suffirait-il pas, pour lever ce doute, de rappeler une lettre publiée
+alors par M. Michelet, et dans laquelle, selon M. Michelet, «les
+manifestations,--qu’il importait à la Franc-Maçonnerie de faire, «EN
+FACE du Concile œcuménique»,--seraient «LE VRAI CONCILE QUI JUGERAIT LE
+FAUX[16]».
+
+ [16] Lettre du 24 octobre 1869, publiée par tous les journaux.
+
+ * * * * *
+
+Le second fait où se révèle la guerre que la Maçonnerie a déclarée au
+Christianisme, ce sont les attaques sorties des Loges maçonniques contre
+les institutions religieuses du Christianisme, institutions qu’il faut
+écraser et EXTIRPER MÊME PAR LA FORCE: «L’HYDRE MONACALE», c’est ainsi
+que le Vénérable de la _Loge des Trois Amis_ les désignait; et un autre
+Vénérable reprenant, dans son discours d’installation à son _vénéralat_,
+cette _heureuse expression_: «L’HYDRE MONACALE, s’écriait-il, _si
+souvent écrasée_, nous menace de nouveau de ses têtes hideuses[17].»
+
+ [17] M. Neut, t. I, p. 280.
+
+Et un autre, au milieu d’applaudissement frénétiques, ajoutait:
+
+«Nous avons le droit et le devoir de nous en occuper et il faudra bien
+que le pays entier finisse par en faire justice, DÛT-IL MÊME EMPLOYER LA
+FORCE POUR SE GUÉRIR DE CETTE LÈPRE! (Bravos)[18].»
+
+ [18] _Discours du frère Bourlard au Grand-Orient de Belgique_, le 26
+ juin 1864.--Neut, t. I, p. 307.
+
+ * * * * *
+
+Et que dire, maintenant, de ces confréries maçonniques, où l’on s’engage
+formellement à ne vouloir ni baptême, ni mariage religieux; ni prêtre au
+lit des malades; où l’on va jusqu’à donner mandat aux confrères
+d’intervenir, par l’ingérence la plus odieuse, à la dernière heure,
+entre le mourant et sa famille; où l’adepte de la Franc-Maçonnerie
+s’enlève ainsi à lui-même, par ces engagements sacriléges, tout retour
+possible de la conscience!
+
+Où donc est née cette horrible secte des solidaires, qui semble s’être
+donné mission d’immoler l’espérance entre ce qu’elle appelle l’inconnu
+éternel qui précède la naissance, et le néant éternel qui suit la mort?
+Dans les Loges maçonniques de Belgique, d’où elle passa promptement dans
+les Loges maçonniques de France. Bientôt, en effet, une Loge de Paris,
+_l’Avenir_, à l’imitation des francs-maçons belges, créait également
+dans son sein un comité, une confrérie de ce genre. Voici le dixième
+article de ses statuts:
+
+«Art. 10.--Le libre penseur pouvant être empêché, au moment de la mort,
+par des influences _étrangères_ (les influences de la famille!), de
+remplir SES OBLIGATIONS VIS-A-VIS DU COMITÉ, remettra à trois de ses
+frères, pour faciliter _leur mission en ce cas_, UN MANDAT, fait au
+moins _en triple ampliation_, donnant _plein droit_ aux frères de
+_protester hautement_, dans le cas où, _pour quelque raison que ce
+soit_, on ne tiendrait pas compte de sa volonté formelle d’être _enterré
+en dehors de toute espèce de rite religieux_[19].»
+
+ [19] Cité dans le _Monde-Maçonnique_, t. IX.
+
+Et ils appellent cela le _libre-mourir_! Ils enchaînent ainsi d’avance
+la volonté de leur adepte! Ils instituent, sur eux-mêmes, et au sein de
+leur famille, cette révoltante intrusion, telle, que des francs-maçons,
+munis d’un _mandat en triple ampliation_, viendront là, dire à un père,
+à une mère, à une femme, à des enfants: «Ce mourant, ce mort nous
+appartient! Retirez-vous!»
+
+C’est donc le comité franc-maçon, lui seul, qui veillera au chevet des
+mourants; et il n’y aura plus, à sa dernière heure, pour le franc-maçon,
+ni père, ni mère, ni femme, ni enfant, ni frère, ni sœur, ni lien
+quelconque de la famille et de la religion; plus rien que ce comité et
+sa tyrannie!
+
+La Franc-Maçonnerie officielle, il est vrai, s’est émue en France de
+cette publique monstruosité, tolérée pendant trop longtemps. Pour des
+raisons d’ordre et de prudence, le Grand-Maître a voulu voir là une
+atteinte aux principes maçonniques, et il a suspendu pendant six mois la
+loge l’_Avenir_. Mais combien de fois, dans combien de loges et de
+journaux maçonniques, les principes de la loge l’_Avenir_ et des
+solidaires n’ont-ils pas été proclamés?
+
+Ce que les journaux francs-maçons, tel que le _Monde-Maçonnique_,
+exaltent le plus, c’est l’athéisme au lit des mourants; ce sont ces
+morts sans Dieu, ces départs pour l’éternité sans aucunes consolations
+religieuses, ces funérailles sans aucunes prières: voilà ce que ce
+journal appelle «mourir sans faiblesse[20]». Dans une seule de ses
+chroniques, je vois relatés et préconisés jusqu’à cinq morts et cinq
+enterrements solidaires, dont deux de femmes![21]. Et voici en quels
+termes: «Il est mort sans l’assistance des prêtres d’aucune religion...
+Il est mort fidèle à ses principes, et a été enterré sans prêtres...
+Inutile d’ajouter que les funérailles de Mme F... ont été purement
+civiles...» Et une autre fois: «Deux mille maçons suivaient le convoi de
+Mme S. C...»
+
+ [20] _Le Monde-Maçonnique_, novembre 1866.
+
+ [21] _Ibid._, décembre 1867, p. 496, et septembre 1868, p. 296.
+
+Ailleurs, dans la même _Revue_, je lis: «Dès 1868, le frère Bremond,
+trésorier de la Loge l’_Écho du Grand-Orient_, avait remis au vénérable
+de la Loge une lettre où il déclarait: «Je désire être enterré
+_civilement ET maçonniquement_[22].»
+
+ [22] _Ibid._, juillet 1873, p. 158.
+
+Aussi, ne suis-je pas surpris de lire dans le même _Monde-Maçonnique_,
+que la R∴ L∴ l’_École Mutuelle_, loge infatigable, dit cette _Revue_, et
+qui a pour premier Sur∴ (surveillant) le F∴ Tirard, que cette Loge,
+dis-je, a mis à l’ordre du jour des questions à étudier par elle,
+celle-ci:
+
+«De l’organisation des enterrements _civils ET maçonniques_[23].»
+
+ [23] _Ibid._, mai 1866, p. 30.
+
+Naturellement aussi le _Monde-Maçonnique_ ne pouvait qu’applaudir à ces
+vers de M. Laurent-Pichat:
+
+ Que j’aie été fourmi, que j’aie été géant,
+ S’il faut que je descende à la nuit du néant,
+ J’y descendrai sans peur...
+ Pas de cierges rangés au chœur en promenoir!
+ Pas de prêtres autour d’un catafalque noir!
+ Sur les murs de l’Église en deuil, pas de croix blanches[24]!
+
+ [24] _Ibid._, tom. XI, p. 197.
+
+Et quelles impiétés, hélas! et, je dois l’ajouter, quelles pauvretés, ne
+débitent pas d’ordinaire en ces occasions les orateurs des loges!
+
+Ainsi, aux funérailles du F∴ Bremond, dont nous parlions tout à l’heure,
+le F∴ Pinchenat s’écriait: «L’homme meurt, mais les idées ne meurent
+pas... Pauvre cher frère, tu revivras en nous!...»[25]
+
+ [25] _Ibid._, juillet 1873, p. 162.
+
+Grande consolation, pour ce pauvre frère Bremond, de revivre ainsi dans
+le cher frère Pinchenat!
+
+Qu’on ne parle donc plus de cette tolérance et de ce respect pour la
+Religion, inscrits, faut-il dire si hypocritement, au frontispice de la
+constitution maçonnique!
+
+
+IV
+
+LA FRANC-MAÇONNERIE ET L’EXISTENCE DE DIEU
+
+Serrons de plus près encore la question, et pour mieux montrer
+l’incompatibilité absolue du principe fondamental de la maçonnerie avec
+le Christianisme, voyons comment ils l’entendent, et jusqu’où ils sont,
+en fin de compte, obligés de le pousser: jusqu’à l’athéisme.
+
+Oui, le principe de la liberté de conscience absolue et illimitée que
+proclame la Maçonnerie, ne lui permet point de professer, sans
+inconséquence, je ne dis pas seulement le Christianisme, mais même
+l’existence de Dieu, ce dogme que certains Maçons ont cru primordial en
+Maçonnerie. En principe, la Franc-Maçonnerie est une société sans foi
+d’aucune sorte, sans aucune croyance, même en Dieu.
+
+C’est ce que de récents débats dans son sein ont démontré jusqu’à
+l’évidence, et ce que l’impérieuse logique proclame encore plus haut.
+
+Disons quelque chose de ces débats.
+
+Un historien, franc-maçon, membre aujourd’hui de l’Assemblée nationale,
+M. Henri Martin, avait eu le malheur d’écrire, en octobre 1866, dans _le
+Siècle_, les lignes suivantes:
+
+«La Franc-Maçonnerie est une société THÉISTE, recevant dans son sein les
+hommes de toute religion, à condition qu’ils professent le principe de
+la liberté religieuse.»
+
+«Son but, ajoutait M. Henri Martin, est le bien des hommes et le progrès
+du monde; et ses associés sont les ouvriers de Dieu dans cette œuvre. La
+Franc-Maçonnerie est cela ou n’est rien: effacer du programme maçonnique
+_le grand architecte de l’univers_, c’est effacer la Franc-Maçonnerie
+elle-même. Otez l’architecte, il n’y a plus ni temple ni maçons...
+
+«Les orthodoxes de la Maçonnerie sont dans leur droit en refusant le
+titre de maçons à ceux qui rejettent l’architecte, et abattent le
+temple.»
+
+Ces paroles soulevèrent une tempête dans la Maçonnerie; de tous côtés
+des maçons se levèrent, indignés qu’on eût pu présenter la
+Franc-Maçonnerie comme une société théiste, croyant à Dieu, _à
+l’architecte de l’univers_, et ils firent entendre les plus énergiques
+protestations.
+
+Un orateur d’une des Loges parisiennes, le F∴ Henri Brisson, qui est,
+lui aussi, membre de l’Assemblée nationale, accusa M. Henri Martin
+d’avoir, en proclamant la Franc-Maçonnerie une société théiste, et
+croyant en Dieu, parlé «un langage de SECTAIRE INTOLÉRANT». M. H. Martin
+n’a pas compris le principe fondamental de la Maçonnerie. «Si la
+reconnaissance de ce grand architecte était, comme M. H. Martin le dit
+par erreur, primordiale en maçonnerie, il n’y aurait chez les maçons ni
+liberté de conscience, ni liberté d’opinions[26].»
+
+ [26] _Le Temps_, 4 novembre 1866.
+
+Deux autres francs-maçons qui, à cette époque, étaient membres du
+Conseil de l’ordre, le F∴ Caubet, et le F∴ Massol, élu récemment membre
+du Conseil municipal de Paris, déclarèrent que si la Franc-Maçonnerie
+professait la croyance en Dieu, «la Maçonnerie ne serait qu’une secte
+religieuse, ayant, comme toutes les sectes, ses dogmes, son orthodoxie,
+sa profession de foi».
+
+Et ils citèrent à l’appui de leur argumentation «un _rapport émanant
+d’une COMMISSION GÉNÉRALE maçonnique de 1863, dont les CONCLUSIONS
+furent adoptées_». Ce rapport disait:
+
+«La Maçonnerie est une institution _soustraite à tout joug d’Église et
+de sacerdoce, à tous les caprices des révélations, et à toutes les
+hypothèses des mystiques_[27].»
+
+ [27] _Le Monde-Maçonnique_, novembre 1866, p. 439-441.
+
+Les _hypothèses des mystiques_, on sait que cela signifie simplement
+l’existence de Dieu, déclarée maintes fois par le F∴ Massol, par les
+partisans de la morale indépendante, par les positivistes et les
+Francs-Maçons, une _hypothèse invérifiable_.
+
+Ainsi donc, le rapport adopté par l’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE Maçonnique de
+1863 le déclare expressément: la Maçonnerie est une institution
+affranchie du joug non-seulement des croyances révélées, mais même de la
+simple croyance en Dieu.
+
+M. Henri Martin semblait cependant avoir d’autant plus raison de
+présenter la Franc-Maçonnerie comme une société théiste, que toutes ses
+_planches_, (c’est-à-dire ses pièces officielles,) devaient porter en
+tête la formule séculaire: _A la gloire du grand architecte de
+l’univers_; et que, de plus, la question semblait avoir été jugée en
+faveur du théisme l’année précédente même, dans le grand _convent_
+maçonnique de 1865.
+
+Ce _convent_ avait pour objet une œuvre capitale, l’élaboration d’une
+nouvelle constitution pour la Maçonnerie française. C’est à cette
+occasion que s’agitait avec une nouvelle ardeur la question déjà
+soulevée au sein de la Maçonnerie, à savoir si elle continuerait à
+maintenir en tête de ses _planches_ ses vieilles formules. Pendant que
+les Loges élaboraient la nouvelle constitution, sur 151 projets qui
+arrivèrent au Grand-Orient de Paris, 60 réclamèrent _l’abolition absolue
+de toutes formules affirmant l’existence de Dieu_.
+
+Néanmoins, après les plus vifs débats au sein du _convent_, la formule
+fut conservée.
+
+Mais, hélas! si la vieille formule se trouvait maintenue, la logique
+était contre elle; car, logiquement, cette abstraction de toute
+croyance, proclamée par la constitution maçonnique comme sa base
+fondamentale, ne lui permet pas, sans inconséquence, de prescrire comme
+obligatoire une formule où l’existence de Dieu est proclamée.
+
+Aussi de nombreuses protestations se firent-elles entendre au sein des
+Loges.
+
+Je lis, en effet, dans le _Monde-Maçonnique_:
+
+«Dans sa séance du 26 octobre, la première section de la grande Loge
+centrale (rite écossais), _composée des députés élus par chacune des
+Loges de cette obédience_, a déclaré que, dans sa pensée, la Maçonnerie
+n’avait pas à affirmer Dieu[28].»
+
+ [28] _Le Monde-Maçonnique_, novembre 1866, p. 412.
+
+La question revint donc à l’assemblée générale du Grand-Orient, présidée
+par le Grand-Maître, général Mellinet, le 13 juin 1867. Le débat fut
+plus vif encore que la première fois: et en effet: «La question, disait
+le _Monde-Maçonnique_, tient à l’existence même de la Maçonnerie, à ce
+qui constitue sa raison d’être, à ce qui est comme la moelle de ses
+os[29].»
+
+ [29] Avril 1867, p. 50.
+
+«Ils disent», s’écriait avec indignation le même journal, «ils disent:
+«Nous sommes déistes. La Franc-Maçonnerie est la fille aînée du déisme.»
+
+«La Maçonnerie souscrira-t-elle à cette proposition? Nous verrons bien!
+Nous verrons si elle est capable de SE COUVRIR DE HONTE, elle qui a
+proclamé si haut la _tolérance UNIVERSELLE_[30].»
+
+ [30] _Ibid._, août 1866, p. 220.
+
+Nous avons sous les yeux les curieux débats qui eurent lieu dans cette
+assemblée générale maçonnique, à laquelle assistaient «deux cent
+soixante-neuf délégués représentant cent quatre-vingt-trois ateliers».
+Les adversaires de la formule soutinrent: que «la Maçonnerie devait
+donner une définition de Dieu, ou ne plus en parler, car admettre tous
+les dieux, c’est une négation»; que «la morale n’a pas besoin de
+s’appuyer sur Dieu»; que la Maçonnerie «en affirmant cette idée de Dieu,
+passerait à l’état d’église[31]».
+
+ [31] Le _Monde-Maçonnique_, juillet 1867.
+
+Nonobstant cette logique, la tactique l’emporta. L’enseigne fut
+maintenue. Mais, au fond, que signifie ce vote? Et, pour qui entend les
+choses de la franc-maçonnerie, y a-t-il rien de plus vide? Annulée par
+cette tolérance maçonnique, qui _admettant tous les dieux, n’est qu’une
+négation_, c’est-à-dire l’athéisme, selon l’expression nette du F∴
+Pelletan, l’enseigne peut-elle être prise au sérieux? «Est-ce que»,
+comme l’expliquait au _Convent_ maçonnique un autre F∴, le F∴ Garisson,
+«est-ce que Proudhon, un des plus grands esprits de ce siècle, n’a pas
+été reçu maçon? Est-ce que les jeunes gens du Congrès de Liége n’ont pas
+été reçus maçons? Si, certainement; nous leur avons tendu la main et
+nous leur avons dit: _Travaillez avec nous!_» (Applaudissement)[32].
+
+ [32] _Ibid._
+
+Oui, tout cela était vrai: oui, Proudhon fut reçu franc-maçon, l’homme
+qui a dit: «Dieu, c’est le mal»; et qui, à cette question: «Que doit-on
+à Dieu?» répondit: «La guerre!»
+
+Et les jeunes gens du Congrès de Liége, qui poussèrent, on s’en
+souvient, ces cris sauvages: «Haine à Dieu! Guerre à Dieu! Il faut
+crever le ciel comme une voûte de papier!» ces jeunes gens furent
+reconnus d’excellents auxiliaires de la Maçonnerie, qui leur a tendu _la
+main_.
+
+Au surplus, les Francs-Maçons conséquents n’ont pas cessé de protester
+contre la formule, et espèrent bien arriver à la faire disparaître des
+règlements. «Nos contradicteurs», écrivait le _Monde-Maçonnique_, dans
+le numéro même où il relatait ce vote, «n’ont acquis que le droit d’être
+intolérants». Et la maçonnerie n’en reste pas moins «le temple universel
+éternellement ouvert _AUX ATHÉES aussi bien qu’aux PANTHÉISTES,
+etc._[33]»
+
+ [33] _Ibid._
+
+Et si l’on veut savoir d’ailleurs ce qui se cache sous la formule, pour
+ceux qui l’adoptent, c’est l’anéantissement de tous les cultes: qu’on
+lise, dans le _Rituel de l’apprenti maçon_ le commentaire qu’en donne le
+vénérable, à l’Apprenti récipiendaire:
+
+«Le déisme est la croyance en Dieu, _sans révélation ni culte_, c’est la
+religion de l’avenir, _destinée à remplacer les cultes_; etc.[34]»
+
+ [34] _Manuel de l’Apprenti maçon, contenant le cérémonial_, etc., par
+ J. M. Ragon, p. 45.
+
+Qu’on écoute aussi ces professions de foi péremptoires, faites dans de
+grandes assemblées maçonniques:
+
+«Je dirai que LE NOM DE DIEU EST UN MOT VIDE DE SENS[35].»
+
+ [35] Loge de Liége, 1865.--A. Neut, II, p. 287.
+
+«Il ne faut pas seulement nous placer au-dessus des différentes
+religions, Mais AU-DESSUS DE TOUTE CROYANCE EN UN DIEU QUELCONQUE[36].»
+
+ [36] _Ibid._, p. 223.
+
+«Seuls LES IMBÉCILES PARLENT ET RÊVENT ENCORE D’UN DIEU[37].»
+
+ [37] _Ibid._
+
+Ainsi donc, une étiquette déiste, qui n’est au fond qu’une déclaration
+de guerre ouverte contre toute religion positive; cette étiquette
+elle-même répudiée par la partie la plus active et la plus remuante de
+l’association, comme par la logique du principe; cette abstraction faite
+de tout dogme, ce principe de la liberté absolue et illimitée,
+c’est-à-dire de l’indifférentisme absolu, consacrant toutes les audaces
+de la négation, et emportant peu à peu les derniers restes d’une formule
+usée; les doctrines les plus nihilistes envahissant de plus en plus les
+Loges; et l’athéisme se proclamant, s’installant, si j’ose le dire, avec
+une suprême audace, sur les débris de toute croyance à Dieu: tel est, à
+l’heure actuelle, le bilan doctrinal de la Maçonnerie.
+
+Faut-il encore après cela poser la question si un chrétien peut être
+franc-maçon?
+
+
+V
+
+LA FRANC-MAÇONNERIE ET L’IMMORTALITÉ DE L’AME
+
+Il en est de la croyance à l’immortalité de l’âme comme de la croyance
+en Dieu: elle suscita au sein de la Maçonnerie les mêmes débats.
+
+Ainsi, quand mourut le dernier roi de Belgique, Léopold, bien qu’il eût
+reçu l’assistance du culte protestant, et renié, par conséquent, la
+Maçonnerie, la Maçonnerie belge voulut s’emparer de sa mémoire, et une
+grande cérémonie funèbre fut célébrée en son honneur au Grand-Orient de
+Belgique. Mais la maxime suivante avait été affichée au jubé du temple
+maçonnique par les ordonnateurs de la fête:
+
+«L’âme, émanée de Dieu, est immortelle.»
+
+Contre quoi, la loge _la Constance_, de Louvain, adressa au Grand-Orient
+la protestation que voici:
+
+«Considérant que la _libre pensée_ a été admise par les loges belges
+_comme principe fondamental_;
+
+«La loge _la Constance_, Orient de Louvain, proteste énergiquement
+contre l’atteinte portée par le Grand-Orient aux principes qui sont les
+bases de la Maçonnerie[38].»
+
+ [38] _Protestation de la Loge LA CONSTANCE, de Louvain, en date du 17e
+ jour, 1er mois 5866 (1866)_.--Citée par M. Neut.
+
+La protestation des francs-maçons de Louvain fut vivement applaudie en
+Angleterre et en France. Un journal maçonnique, _la Chaîne d’Union_, de
+Londres, écrivit:
+
+«Qui donc pourrait affirmer que l’âme émanée de Dieu est immortelle? Qui
+en a la preuve? Il y a des siècles que les Conciles et les Papes la
+cherchent, et ils ne l’ont pas encore trouvée... ils ne la trouveront
+jamais au ciel! Parce que L’AME HUMAINE SE CRÉE ELLE-MÊME...
+
+«Nous appuyons donc la protestation des frères de Louvain. C’est avec de
+pareilles phrases, toujours creuses et incohérentes, qui sont du domaine
+de la fantaisie et de l’imagination, qu’on arrive tôt ou tard à
+_encapuciner_ un pays.
+
+«Frères de Louvain, vous avez eu raison de protester[39]!»
+
+ [39] _La Chaîne d’Union_, Londres, 1er mai 1866.--Citée par le
+ _Monde-Maçonnique_.
+
+Et, de son côté, le _Monde-Maçonnique_ s’écria:
+
+«Comment le Grand-Orient de Belgique ne comprend-il pas qu’en affirmant
+publiquement par une devise l’immortalité de l’âme, il porte une
+atteinte sérieuse à la liberté de conscience[40]?»
+
+ [40] Le _Monde-Maçonnique_, novembre 1866, p. 421.
+
+Le Grand-Orient repoussa la protestation; mais comment? Fut-ce en
+maintenant l’affirmation de l’immortalité de l’âme? Non: Il déclara que
+cette formule n’est pas sérieuse, n’oblige personne, et n’est là, dans
+la Maçonnerie, que par égard pour de vieilles traditions; que d’ailleurs
+ces questions de Dieu et de l’âme ne peuvent recevoir _aucune solution_;
+enfin que l’essence de la Maçonnerie est de ne professer aucune
+croyance:
+
+«Déjà en 1837, le Grand-Orient de Belgique _dégageait la Maçonnerie
+nationale de tout dogme religieux ou philosophique_... Le Grand-Orient
+ne prescrit aucun dogme. Si le principe de l’immortalité de l’âme
+apparaît dans les rituels ou dans les formulaires, si l’idée de Dieu s’y
+produit sous la dénomination du Grand-Architecte de l’univers, _c’est
+que ce sont là les traditions de l’Ordre_. Mais cette _formule_
+n’enchaîne aucune conscience. De notre temps, il serait puéril de
+s’attacher à soulever _des questions qui ne peuvent conduire à aucune
+solution_[41].»
+
+ [41] _Ibid._
+
+Et pour mieux voir ce que cette incroyance permet de dire dans les Loges
+maçonniques, il suffit de citer encore quelques fragments des discours
+qui se débitent à l’enterrement des frères qui ont repoussé à leur lit
+de mort la religion:
+
+«Dans le recueillement suprême de sa conscience, il s’est avancé vers
+l’infini avec un calme antique.» Voilà ce qui est dit d’un franc-maçon
+mort comme il avait vécu, sans Christ et sans Dieu.
+
+«Un _vrai Maçon_ doit mourir comme il a vécu, en libre penseur, et loin
+de considérer une telle mort _comme une honte_, c’est _un titre_ qu’il
+faut franchement revendiquer...[42]»
+
+ [42] Discours du F∴ Ranwet, souv∴ Gr∴ Command., Neut, t. I, p. 155.
+
+Nous avons sous les yeux nombre de discours maçonniques, où fut tenu le
+même langage.
+
+Pour le F∴ Ragon, le fondateur de la Loge des Trinosophes à Paris,
+l’auteur du rituel que nous citions tout à l’heure, qu’est-ce que la
+mort et l’immortalité? La mort n’est autre chose que «la
+DÉPERSONNIFICATION de l’individu, dont les éléments matériels--poursuit
+le F∴ Ragon, et ceci est l’immortalité telle qu’il l’entend--se
+décomposent, s’unissent à des éléments analogues, et concourent aux
+transformations infinies de la matière toujours animée».
+
+Certes, il est impossible de professer plus crûment un plus grossier
+matérialisme, et un athéisme plus éhonté.
+
+Et que dire de ce singulier éloge funèbre prononcé sur la tombe du F∴
+Bourdet, de la R. L. _La Persévérance_, de l’O∴ d’Arles, par le F∴
+Coindre: «Frère Bourdet, chacune des parties de ton corps va disparaître
+pour nous, et retourner _au creuset universel_ d’où elles étaient
+sorties, pour concourir à la formation _d’une myriade_ d’autres
+corps[43].»
+
+ [43] _Le Monde-Maçonnique_, juillet 1867, p. 173.
+
+Voilà le F∴ Bourdet bien avancé. Et son âme! où va-t-elle?--De son âme,
+bien entendu, pas un mot.
+
+L’immortalité maçonnique, dans les théories que nous venons de voir, ce
+n’est donc pas l’immortalité de l’âme ni de la personne, puisque tout au
+contraire l’individu est DÉPERSONNIFIÉ par la mort; mais celle des
+éléments matériels non anéantis. C’est aussi celle de l’idée! _L’idée
+que le mort servait ne meurt pas avec lui; elle passe dans l’esprit de
+ceux qui demeurent_; et ils ajoutent gravement: EN SORTE QUE RIEN NE SE
+PERD...
+
+N’est-ce pas cacher sous de risibles et menteuses formules les plus
+misérables espérances?
+
+Ailleurs, sur la tombe du chef du Grand-Orient de Belgique, le F∴
+Verhagen:
+
+«Il ne fit pas précéder ses derniers instants par de _superstitieuses
+expiations_.»
+
+Voilà comment les francs-maçons traitent les consolations que la
+religion donne, et peut seule donner aux mourants, à ce moment
+redoutable où le monde s’évanouit à leurs regards pour les laisser seuls
+en face de l’avenir éternel. L’orateur continue:
+
+«Nos regrets ne sont pas troublés par de _vaines terreurs_; nos
+espérances ne reposent pas sur les _idées d’une vaine crédulité_...
+
+«Des _purifications emblématiques_ nous avertissent que le _feu
+créateur_ est _l’unique purificateur_ dans la nature[44].»
+
+ [44] M. Neut, t. I, p. 149.
+
+L’orateur, en effet, exposait cette belle théorie sur _le feu créateur
+et unique purificateur_, devant un monument «au pied duquel s’élevait un
+cyprès; en avant de l’estrade, sur un autel de forme cubique, se
+trouvaient des vases d’argent et de cristal, renfermant _le feu, les
+parfums, et l’eau lustrale_, etc.»
+
+Le feu, les parfums, l’eau lustrale, on le voit, c’est un culte complet:
+rien n’y manque. Et dans tous les récits de ces cérémonies funèbres, que
+les francs-maçons célèbrent entre eux, dans leurs temples, quel bizarre
+appareil! et au fond toujours quelle inanité! Des mots sonores
+recouvrant des idées creuses; de la pompe dans le vide.
+
+Je transcris textuellement ici un _tracé_ maçonnique, c’est-à-dire un
+récit officiel; il s’agit des honneurs rendus au F∴ Fontainas,
+bourgmestre de Bruxelles:
+
+«Lorsque le Suprême Conseil a pris la place qui lui est réservée, le
+Vénérable-Maître, en chaire, se recueille et dit:
+
+«Frère premier Surveillant, quelle heure est-il?
+
+«LE F∴ PREMIER SURVEILLANT: L’heure où la fin est devenue le
+commencement.
+
+«LE VÉNÉRABLE-MAITRE, en chaire: C’est la loi de la nature.» Grande
+vérité, en effet! «Mes frères, faisons notre devoir.
+
+«Il se dirige, suivi du Suprême Conseil, des députés des loges, et des
+frères qui décorent les colonnes à la suite du tombeau.
+
+«LE VÉNÉRABLE-MAITRE, en chaire: Frère André Fontainas, réponds-nous!
+
+«Vainement, les frères premier et deuxième Surveillants répètent-ils ce
+lugubre appel. La tombe reste muette. Le Vénérable dit alors: Le Maître
+reste sourd à la voix de ses frères.»
+
+Je le crois bien; depuis plusieurs jours déjà il était enterré.
+
+«A ces paroles, succèdent les sons lugubres du tam-tam, dont la
+vibration expire lentement sous la voûte du temple.
+
+«Le frère orateur prononce alors un morceau d’architecture.» (Un
+discours.) Nous en avons cité plus haut quelques paroles: «Un vrai Maçon
+doit mourir comme il a vécu, etc.»
+
+Puis, après les cérémonies, que j’abrége, on se rend au _temple de
+l’immortalité_, tout rempli de flambeaux allumés. C’est là qu’un autre
+frère orateur explique quelles sont les espérances maçonniques,
+délivrées, bien entendu, «des prisons du dogme catholique et de toutes
+les sectes particulières».
+
+Le _Monde-Maçonnique_ a donc parfaitement raison de caractériser ainsi
+les deux pompeuses formules de la Franc-Maçonnerie:
+
+«DIEU, le GRAND-ARCHITECTE DE L’UNIVERS, dénomination générique que tout
+le monde peut accepter, MÊME CEUX QUI NE CROIENT PAS A UN DIEU;
+
+«_L’immortalité de l’âme_, ou la perpétuité de _l’être_, SINON
+INDIVIDUEL, DU MOINS COLLECTIF[45]»: c’est-à-dire non pas l’immortalité
+de l’âme et de l’individu, mais la perpétuité de l’espèce.
+
+ [45] _Le Monde-Maçonnique_, t. IV, 657.
+
+Aussi le F∴ docteur Guépin a-t-il pu dire sans être démenti:
+
+«La majorité, qui a inscrit sur notre sanctuaire Dieu et l’immortalité
+de l’âme, a été intolérante.»
+
+Et le pasteur Zille, que nous citions tout à l’heure, ajoutait: «Seuls
+LES IMBÉCILES, ignorants et faibles d’esprit, rêvent encore d’un Dieu,
+ET DE L’IMMORTALITÉ.»
+
+
+VI
+
+INCOMPATIBILITÉ DU PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA FRANC-MAÇONNERIE AVEC
+TOUTE RELIGION
+
+Il est évident du reste, pour peu qu’on veuille y réfléchir, que le
+principe fondamental de la Franc-Maçonnerie implique non-seulement la
+négation formelle du christianisme, mais encore une flagrante erreur
+philosophique. C’est la formule même du scepticisme et de
+l’indifférentisme le plus complet.
+
+Ce principe, en effet, quel est-il? C’est la libre pensée: «La libre
+pensée est LE PRINCIPE FONDAMENTAL de la Maçonnerie[46]»; non pas la
+liberté RESTREINTE, mais COMPLÈTE[47], universelle; la liberté ABSOLUE,
+illimitée, _dans toute son étendue_[48]: «La liberté ABSOLUE de la
+conscience est l’UNIQUE BASE de la Maçonnerie[49].» La Maçonnerie, en
+effet, «est SUPÉRIEURE à TOUS les dogmes[50]»; elle est «AU-DESSUS des
+religions[51]»; «la liberté de la conscience est SUPÉRIEURE à TOUTES les
+croyances religieuses[52]»; quelles qu’elles soient, même à la croyance
+en Dieu: «La Maçonnerie est une institution soustraite à TOUTES LES
+HYPOTHÈSES DES MYSTIQUES[53]»; Les Francs-Maçons doivent en conséquence
+se placer non-seulement au-dessus des différentes religions, mais bien
+au-dessus de toute croyance EN UN DIEU QUELCONQUE[54].» Enfin ils vont
+jusqu’à dire: «Nous serons _nos propres prêtres_ et NOS PROPRES
+DIEUX[55]»; et cette liberté, non pas restreinte, mais complète,
+universelle, illimitée est un DROIT[56].
+
+ [46] A. Neut, t. I, p. 408.
+
+ [47] _Le Monde-Maçonnique_, novembre 1866, p. 441.
+
+ [48] _Ibid._, mai 1866, p. 22.
+
+ [49] _Ibid._
+
+ [50] _Ibid._
+
+ [51] M. Neut, t. I, p. 285.
+
+ [52] _Ibid._, t. II, p. 192.
+
+ [53] _Le Monde-Maçonnique_, novembre 1866, p. 441.
+
+ [54] Neut, t. II, p. 233.
+
+ [55] _Ibid._, p. 202.
+
+ [56] Const. maçonnique, art. 1er.
+
+Ainsi, la liberté, le droit, au point de vue non de la loi civile, mais
+du for intérieur de la conscience; la liberté, le droit universel,
+absolu, illimité, de croire ce qu’on voudra, comme on voudra, ou de ne
+rien croire du tout, ce droit, proclamé antérieur et supérieur à toute
+croyance religieuse: Voilà, d’après les Maçons que nous venons
+d’entendre, le principe fondamental, l’unique base de la Maçonnerie.
+
+Eh bien, il est manifeste d’abord que ce principe, ainsi entendu, est
+une flagrante erreur philosophique, et j’en demande bien pardon à ceux
+de MM. les Francs-Maçons qui croient en Dieu, c’est la négation
+implicite, même de la religion naturelle.
+
+En effet, si la religion naturelle existe, elle _oblige_, par elle-même,
+en principe et en droit; c’est cette _obligation_ qui est antérieure et
+supérieure à l’homme, et elle _limite_ sa liberté, elle lie sa
+conscience. En fait, l’homme, devant cette obligation, peut bien
+trouver, dans son ignorance ou sa bonne foi, pour son incroyance, une
+_excuse_, mais non pas un _droit_, _antérieur_ et _supérieur_ à la loi.
+Là est l’équivoque et l’erreur capitale du principe maçonnique. Certes,
+il ne suffit pas de nommer sa conscience pour avoir _le droit_ de tout
+faire et de tout nier.
+
+Et pour mettre ceci sous les yeux par un exemple frappant, il ne suffit
+pas, comme le disait très-bien à la tribune l’honorable M. Laboulaye au
+sujet des Mormons, il ne suffit pas, pour se dégager, qu’on puisse dire:
+«ma conscience exige que j’aie plusieurs femmes»; non cela ne suffit
+pas, ni vis-à-vis de la morale, ni vis-à-vis de la loi civile.
+
+Un raisonnement identique s’applique au Christianisme. S’il est une
+institution divine, il _oblige_, par lui-même, tous les hommes; et cette
+_obligation_, supérieure à l’individu, à moins qu’on ne proclame
+l’individu supérieur à Dieu, _limite_ sa liberté: là encore l’ignorance
+ou la bonne foi peuvent fournir une _excuse_, mais non pas créer _un
+droit_, _absolu_, _illimité_, _antérieur_ et _supérieur_ au
+Christianisme.
+
+Cette liberté, _absolue_ et _illimitée_, de la conscience, que les
+francs-maçons posent à la base de la Maçonnerie, n’existe donc pas;
+c’est là une des chimères de ce faux libéralisme, condamné par l’Église,
+et qui n’est autre chose que le scepticisme ou l’indifférentisme en
+matière de croyances; le proclamer, comme fait la Maçonnerie, c’est nier
+implicitement, mais réellement, toute religion, naturelle ou révélée.
+
+Donc le principe maçonnique est exclusif du Christianisme, et dès lors
+un chrétien ne peut pas être franc-maçon.
+
+Du reste, quand une institution se propose, comme la Maçonnerie, le
+progrès, non-seulement matériel, mais intellectuel et moral, de
+l’humanité, en dehors de la Religion, en dehors du Christianisme, que
+fait-elle encore autre chose que se substituer à la Religion, au
+Christianisme; le nier par conséquent? Car s’il est inutile et superflu
+pour une telle œuvre, les hommes n’en ont que faire: il est pour cela,
+ou il n’est rien.
+
+Quand donc _le Monde-Maçonnique_ vient nous dire que le propre de la
+Maçonnerie est de réunir tous les hommes, à quelque Religion qu’ils
+appartiennent, je lui demande encore bien pardon, mais _le
+Monde-Maçonnique_ ne s’entend pas lui-même: et pour peu qu’on ne se paye
+pas de mots, et qu’on aille au fond des choses, on verra que placer à la
+base des constitutions maçonniques un tel principe, et prétendre ensuite
+qu’on ne touche pas à la religion, c’est une contradiction et une
+duperie.
+
+C’est ce que reconnaissait, avec une franchise qui ne laisse rien à
+désirer, un haut dignitaire d’une loge allemande:
+
+«Maçonnerie et catholicisme, écrivait-il, s’excluent réciproquement: CE
+SONT LES ANTIPODES... Je demande comment un catholique peut rester
+fidèle à sa religion tout en professant les doctrines maçonniques... Un
+homme qui croit au symbole des apôtres, comment peut-il entendre dire
+qu’il est _libre_ et _qu’il n’est tenu à aucune croyance_?» Ce sont deux
+choses contradictoires.--Extrait de la brochure: Die gegenwart und
+Zukunft der Freimaurerei in Deutschland. (Leipzig, 1854, p. 116 et
+suiv.)»
+
+
+VII
+
+NOUVEAUX DÉTAILS SUR LA GUERRE FAITE AU CHRISTIANISME: LA MORALE SANS
+DIEU, L’ENSEIGNEMENT SANS RELIGION
+
+La Maçonnerie est donc une guerre profonde déclarée à toute religion.
+Mais le but odieux des Francs-Maçons apparaît surtout dans le zèle
+qu’ils déploient pour prêcher la morale sans Dieu, et, par suite,
+l’enseignement de la jeunesse séparé de toute croyance religieuse.
+
+La morale, disent-ils, c’est toute la Maçonnerie; mais cette morale, ils
+la veulent sans aucune religion. C’est dans les Loges que s’est
+élaborée, c’est des Loges qu’est sortie cette chimère impie qu’ils ont
+intitulée _la morale indépendante_, et qui n’est qu’une forme de
+l’athéisme.
+
+Pas si chimère pourtant, puisque la Commune triomphante à Paris se hâta
+de la réaliser, en faisant disparaître des écoles tout emblème, tout
+enseignement religieux, et que, tout récemment encore, revenant aux
+traditions de la Commune, le Conseil général de la Seine votait, dans le
+même sens et dans le même but, l’enseignement obligatoire et _laïque_.
+
+«La morale est indépendante de toute hypothèse religieuse[57].»
+
+ [57] _Le Monde-Maçonnique_, mai 1867, p. 51.
+
+Tel est l’axiome de la Maçonnerie. Et voici les conséquences qu’elle en
+tire: c’est que l’instruction religieuse _doit être supprimée_. Et la
+raison qu’elle en donne, c’est que les croyances religieuses sont
+inutiles pour l’éducation de la jeunesse, et de plus que la FOI EN DIEU
+ENLÈVE A L’HOMME SA DIGNITÉ, TROUBLE SA RAISON, et PEUT CONDUIRE A
+L’ABANDON DE TOUTE MORALE.
+
+C’est ce qui a été expressément déclaré dans la R∴ L∴ _La Rose du
+parfait silence_, à Paris. A cette question en effet: «L’instruction
+religieuse doit-elle être supprimée? Sans aucun doute, fut-il répondu;
+et l’orateur de la R∴ L∴ développa en ces termes cette réponse:
+
+«_Le principe d’autorité surnaturelle_, c’est-à-dire la foi en Dieu,
+_ENLÈVE A L’HOMME SA DIGNITÉ; est inutile pour discipliner les enfants;
+et il est même susceptible de LES CONDUIRE A L’ABANDON DE TOUTE
+MORALE_.»
+
+«_Le respect dû spécialement à l’enfant_, ajouta-t-il, _interdit de lui
+inculquer des doctrines QUI TROUBLENT SA RAISON[58]_.»
+
+ [58] _Ibid._, octobre 1866, p. 372, 373.
+
+Veut-on un autre témoignage? Je lis encore ceci dans _le
+Monde-Maçonnique_[59]:
+
+ [59] T. XIII, mai 1870, p. 40.
+
+«La R∴ Loge les _Amis de l’Ordre_, Orient de Paris, a posé dernièrement
+la question suivante:
+
+«_Quelle éducation un Maçon doit-il donner à ses enfants?_»
+
+«Tous les orateurs se sont montrés partisans d’une éducation libre,
+_laïque_, indépendante de l’étroitesse de l’enseignement religieux.»
+
+Et _le Monde-Maçonnique_ cite en entier un de ces discours, dont
+j’extrais le passage suivant:
+
+«Plus de cette instruction _bâtarde, faussée, basée sur des dogmes
+surannés..._ Cette méthode d’élever nos enfants a trop duré; _il est
+temps, grand temps qu’elle finisse..._ La base sur laquelle il faut
+fonder l’instruction de nos enfants, la voici: Apprenons-leur à admirer,
+à étudier les grands phénomènes de la nature, et l’orateur ajoute: «sans
+nous trop soucier de quel nom nous devons décorer ces belles
+choses[60].»
+
+ [60] _Ibid._, p. 14, 15.
+
+Mais voici un sentiment plus paternel encore, et qui inspire ces
+Messieurs dans l’éducation de leurs enfants:
+
+«La Maçonnerie», disait le F∴ Massol, dans une des séances de la session
+maçonnique _internationale_ tenue en Juillet 1867, «doit être et n’est
+qu’une école de morale, _indépendante de tous les dogmes religieux_.
+J’ai élevé des enfants, mais je ne leur ai jamais menti. CHAQUE FOIS
+QU’ILS M’ONT DEMANDÉ CE QUE C’ÉTAIT QUE DIEU, JE LEUR AI RÉPONDU: «JE
+N’EN SAIS RIEN.» C’EST AINSI QUE J’EN AI FAIT DES HOMMES[61].»
+
+ [61] _Le Monde-Maçonnique_, août 1867, p. 196-197.
+
+Voici du reste comment dans une poésie maçonnique du F∴ Lachambaudie,
+lue dans un banquet maçonnique, est traité le catéchisme chrétien:
+
+ «Quel est ce livre élémentaire?
+ «De superstitions, où la raison s’altère,
+ «C’est un tissu. . . . . .»[62]
+
+ [62] _Ibid._, avril 1867, p. 722.
+
+Les Loges belges ne se sont pas laissé devancer ici par les Loges
+françaises. Ainsi, en 1864, le _Grand-Orient_ de Belgique,--je ne cite
+pas, on le voit, du minces autorités maçonniques,--mit la même question
+_à l’ordre du jour_ de toutes les Loges de l’Obédience; les Loges lui
+répondirent, et voici jusqu’où la Loge d’Anvers en particulier ne
+craignait pas d’aller dans sa réponse:
+
+«L’ENSEIGNEMENT DU CATÉCHISME EST LE PLUS GRAND OBSTACLE AU
+DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS DE L’ENFANT.
+
+«L’INTERVENTION DU PRÊTRE _dans l’enseignement PRIVE LES ENFANTS DE TOUT
+ENSEIGNEMENT MORAL, logique et rationnel_[63].»
+
+ [63] _Journal de Bruxelles_, 28 novembre 1864.--Cité par M. Neut, t.
+ I, p. 347.
+
+Des diverses réponses envoyées par les Loges de son obédience au
+Grand-Orient de Belgique sortit donc un projet de loi en vingt-trois
+articles, dont l’art. 1er disait: SUPPRESSION DE TOUTE INSTRUCTION
+RELIGIEUSE; et l’art. 2: OBLIGATION POUR LE PÈRE ET POUR LA MÈRE VEUVE,
+de conduire DE FORCE ses enfants à l’école.
+
+Que l’on remarque bien la connexion redoutable de ces deux articles.
+Ainsi donc, si les vœux de ces grands libéraux sont exaucés, la loi
+FORCERA le père, la mère, la mère veuve, à conduire ses enfants à une
+école où toute instruction religieuse sera supprimée.
+
+Et voilà pourquoi à Paris comme à Bruxelles on réclame si ardemment
+l’enseignement laïque, gratuit et obligatoire: «C’est sur cette question
+que doivent se concentrer tous les efforts de la Franc-Maçonnerie[64]»,
+dit le _Monde-Maçonnique_; et pourquoi? Les Loges belges ne l’ont pas
+dissimulé: Pour que l’enfant soit élevé--DE FORCE--sans Dieu et sans
+aucune religion.
+
+ [64] _Le Monde-Maçonnique_, octobre 66, p. 358.
+
+Et la _Chaîne d’Union_, journal maçonnique de Londres, répondant à la
+Loge d’Anvers, au Grand-Orient de Belgique, et à _La Rose du parfait
+silence_ de Paris, en donnait la raison: elle déclarait que l’éducation
+religieuse est un poison, et demandait, en conséquence «que les parents
+_S’ENGAGEASSENT à soustraire leurs enfants AU VIRUS de l’éducation
+religieuse_[65]».
+
+ [65] _Ibid._, 1er mai 1866.
+
+Ainsi donc l’enfant N’APPARTIENDRA PLUS A SES PARENTS; et la loi les
+FORCERA de l’envoyer à des écoles, desquelles Dieu et tout enseignement
+religieux sera banni.
+
+Certes, s’il y a une odieuse, une exécrable tyrannie, c’est bien
+celle-là. Aussi, M. Ledru-Rollin lui-même, un jour, a-t-il trouvé, pour
+la flétrir, les énergiques paroles que voici: «Y a-t-il une souffrance
+plus grande pour l’individu que la déportation de ses fils dans les
+écoles qu’il regarde comme des lieux de perdition, que cette
+conscription de l’enfance traînée violemment dans un camp ennemi, et
+pour servir l’ennemi?[66]»
+
+ [66] Dit au Corps législatif, et cité par M. Neut, t. I, p. 350.
+
+Eh bien, c’est là, on ne saurait trop le redire, c’est sur ce point
+capital de l’enseignement OBLIGATOIRE ET ATHÉE, que la Maçonnerie en
+Belgique et en France, déploie aujourd’hui ses plus grands efforts. Le
+_Monde-Maçonnique_ le déclarait tout à l’heure; et ailleurs encore il
+s’écriait: «Un champ immense est ouvert à notre activité. L’ignorance et
+la superstition pèsent sur le monde; créons des _écoles_, des _chaires_,
+des _bibliothèques_.»
+
+Aussi, car MM. les Francs-Maçons sont gens qui agissent en même temps
+qu’ils parlent, la Maçonnerie adopte, comme elle dit, des enfants, et je
+ne suis pas surpris de lire, dans le _procès-verbal du protectorat
+international maçonnique_, qui a terminé, le 27 juillet 1867, la session
+organisée par les loges écossaises, les paroles que voici:
+
+«Soixante-dix-neuf enfants venaient, accompagnés de leurs familles,
+demander à la Maçonnerie asile et protection; soixante-dix-neuf enfants
+dont l’intelligence ne sera pas EMPOISONNÉE _par des théories
+rétrogrades_; soixante-dix-neuf enfants, POUR LA PLUPART DES FILLES, qui
+sèmeront _nos idées_ dans le champ fécond de l’avenir.»
+
+D’autre part, le convent maçonnique de 1870 prit, à l’unanimité, la
+décision suivante[67]:
+
+ [67] _Le Monde-Maçonnique_, t. X, p. 267.
+
+«La Maçonnerie française s’associe aux efforts faits dans notre pays
+pour rendre l’instruction gratuite, obligatoire et _laïque_[68].»
+_Laïque_; non pas seulement donnée par des laïques, mais, séparée de
+toute religion[69].
+
+ [68] _Le Monde-Maçonnique_, mai 1870, p. 202.
+
+ [69] C’est ce que ne débrouillait pas très-bien ce brave ouvrier dont
+ on me racontait ces jours-ci l’histoire: «Je veux, disait-il aux
+ frères, en leur amenant son petit garçon, que mon fils reçoive une
+ instruction laïque.» «Mais alors, lui dirent les chers frères, ce
+ n’est pas à nous qu’il faut le confier.» «Oh! si fait, répondit le
+ brave homme, je veux que mon fils reçoive une instruction laïque,
+ comme on dit au Conseil municipal; mais je veux tout de même aussi
+ qu’il soit élevé comme moi par les frères.»
+
+«On sait, ajoute le _Monde-Maçonnique_, que cette décision dut être
+renvoyée à M. Jules Simon pour qu’il l’appuyât au Corps législatif.»
+
+De même en Belgique, à la grande fête solsticiale-nationale célébrée à
+Bruxelles, le F. Bourlard s’écriait: «Quand des ministres viendront
+annoncer au pays comment ils entendent organiser l’éducation du peuple,
+je m’écrierai: A MOI MAÇON! A MOI LA QUESTION DE L’ENSEIGNEMENT; A MOI
+L’EXAMEN, A MOI LA SOLUTION!» (Applaudissements)[70].
+
+ [70] M. Neut, t. I, p. 306.
+
+Et ce prosélytisme impie a été solennellement pratiqué en Belgique et en
+France. A Bruxelles, le 10 octobre 1865, lors de l’inauguration d’une
+statue érigée au Grand-Maître de la Franc-Maçonnerie belge, M.
+Verhaegen, la Maçonnerie eut l’audace de faire venir là les enfants des
+écoles communales, et de faire chanter à ces enfants les strophes athées
+que voici:
+
+ LE CHŒUR
+
+ Ouvrez, ouvrez toutes les portes;
+ Le monument s’est élargi
+ Pour laisser entrer les cohortes
+ De l’_enseignement affranchi!_
+
+ PREMIER GROUPE
+
+ Ce temple de l’intelligence
+ Marque au progrès une ère immense
+ QUEL EST SON TEMPLE?
+
+ SECOND GROUPE
+
+ _La science._
+
+ PREMIER GROUPE
+
+ QUEL EST SON DIEU?
+
+ SECOND GROUPE
+
+ _La liberté._
+
+ PLUS DE DOGME, _aveugle lien_!
+ PLUS DE JOUGS, TYRANS, NI MESSIES!
+
+ CHŒUR GÉNÉRAL
+
+ Élève et maître, il faut qu’ensemble nous dotions
+ De mâles générations
+ LES PROCHAINES DÉMOCRATIES[71].
+
+ [71] Cité par M. Neut, t. I, p. 362.
+
+Ces doctrines, hélas! ont fait et font chaque jour leur chemin; et à
+Paris, pendant la Commune, à laquelle, nous l’avons vu, la Maçonnerie
+témoigna de si étranges sympathies, n’a-t-on pas fait monter dans la
+chaire de Saint-Sulpice un enfant de douze ans, proclamant, aux
+applaudissements d’un peuple en délire, qu’il n’y a pas de Dieu?
+
+
+VIII
+
+PROPAGANDE DE L’ENSEIGNEMENT SANS RELIGION PAR LES ÉCOLES
+D’ADULTES.--LES ÉCOLES PROFESSIONNELLES DE FILLES.--LA LIGUE DE
+L’ENSEIGNEMENT
+
+La Maçonnerie déploie une égale ardeur de prosélytisme pour s’emparer
+des adultes par l’enseignement athée: C’est ainsi que l’orateur
+maçonnique, qui, dans la loge _la Rose du parfait silence_, à Paris,
+déclarait l’enseignement religieux _inutile pour discipliner les
+enfants, et susceptible de les conduire à l’abandon de toute morale_,
+terminait son discours par ces paroles:
+
+«J’émets le vœu que des Maçons éloquents fassent aux ouvriers, dans
+toutes les villes de France, s’il est possible, des «cours de droit
+élémentaire et de morale universelle» sans qu’il y soit jamais question
+_d’un enseignement religieux susceptible de les conduire à l’abandon de
+toute morale_[72].»
+
+ [72] _Le Monde-Maçonnique_, octobre 1866, p. 374.
+
+Certes, il est temps que nous ayons autant de zèle, nous, catholiques,
+pour éclairer les ouvriers, que les Francs-Maçons pour les corrompre!
+
+Mais c’est surtout à conquérir, à pervertir les femmes chrétiennes que
+travaillent les Maçons: oui, cette conspiration effroyable, tentée de
+nos jours pour arracher la foi du cœur des femmes, quels en sont les
+promoteurs infatigables? Les francs-maçons.
+
+Écoutons ce que disait à ce sujet le F∴ Massol, dans la loge
+_Bienfaisance et Progrès_, à Boulogne, le 19 juillet 1867:
+
+«Par l’instruction, _les femmes_ parviendront à secouer _le joug
+clérical_, et à se débarrasser _des superstitions_ qui les empêchent de
+s’occuper d’_une éducation en rapport avec l’esprit moderne_. Pour n’en
+donner qu’une preuve, quelle est la femme anglaise, allemande ou
+américaine qui, aux deux questions religieuses que peuvent leur adresser
+leurs enfants: «Qui est-ce qui a créé le monde? Existe-t-on après la
+mort?» oserait répondre qu’elle n’en sait rien, et que personne n’en
+sait rien? Eh bien, cette audace, la femme française instruite
+l’aurait[73].»
+
+ [73] _Ibid._, Août 1867, p. 205.
+
+Est-ce clair?
+
+Et la raison de cette propagande, le F∴ Albert Leroy, naguère professeur
+de rhétorique, si je ne me trompe, au lycée de Versailles, sous le
+ministère de M. Jules Simon, l’exposait en ces termes dans une séance de
+la session maçonnique internationale d’août 1867, à Paris: «Sans la
+femme, tous les hommes réunis ne pourront jamais rien[74].»
+
+ [74] _Ibid._, août 1867.
+
+Deux faits, du reste, contemporains et éclatants, témoignent de cette
+activité de la Maçonnerie à propager l’enseignement athée et en dehors
+de toute religion, je veux parler de la création des _Écoles
+professionnelles de filles_ et de la _Ligue de l’Enseignement_.
+
+Les écoles professionnelles de filles--Sous l’Empire, dans un écrit que
+j’ai intitulé les _Alarmes de l’Épiscopat_, et auquel presque tous les
+évêques de France ont bien voulu adhérer par des lettres publiques, j’ai
+été amené à dénoncer cette institution comme une entreprise des plus
+dangereuses: j’ai démontré que la pensée d’où sont nées ces écoles était
+une pensée antireligieuse, antichrétienne; que, sous prétexte
+d’enseignement, c’était l’irréligion pratique que l’on s’efforçait
+d’inculquer aux jeunes filles; que l’on se proposait, positivement, d’en
+faire des libres-penseuses, vivant et mourant en dehors de tout
+christianisme et de toute religion. Rien de tout cela n’a été et ne
+pouvait être l’objet d’un démenti quelconque; je citais en effet les
+déclarations des fondatrices, et l’exemple trop décisif de leur vie et
+de leur mort; les discours impies prononcés sur leurs tombes en présence
+de leurs élèves; les termes formels des prospectus officiels; en un mot,
+je prouvais, péremptoirement, que l’institution avait deux faces:
+«l’une, sur laquelle était écrit, pour les dupes: _Enseignement
+professionnel_; c’était l’enseigne: l’autre sur laquelle on aurait pu
+écrire: _Plus de Christianisme, ni pendant la vie, ni à la mort_»;
+c’était le vrai but.
+
+Ce que j’ajoute ici, c’est que la Franc-Maçonnerie avait la main dans
+cette œuvre; c’est que les plus ardents propagateurs de ces écoles,
+c’étaient les Francs-Maçons et les journaux Francs-Maçons. Tout en effet
+ici était maçonnique: et le but, à savoir, l’éducation en dehors de
+toute religion, l’irréligion pratique; et le moyen, le grand moyen de
+propagande maçonnique, l’école, l’enseignement, la perversion des jeunes
+filles et de la femme par l’enseignement.
+
+Mais, plus formidable encore que les écoles professionnelles, parce que
+la diffusion, grâce à la légèreté publique, en a été rapide et
+universelle dans notre pays, c’est cette _Ligue_ dite _de
+l’enseignement_, fondée en Belgique par les Francs-Maçons solidaires, et
+importée de Belgique en France, par un Franc-Maçon célèbre, que j’ai
+déjà nommé, le F∴ Jean Macé.
+
+C’est en effet, ainsi qu’on peut le lire dans le 2e _bulletin de la
+Ligue_, «après avoir assisté à Liége à une séance de la ligue de
+l’enseignement belge», que le F∴ Jean Macé prit «la résolution de
+provoquer en France la formation d’une Ligue analogue».
+
+Cette origine, maçonnique et solidaire, de la _Ligue de l’enseignement_,
+en révèle assez clairement le but; et quant au F∴ Jean Macé lui-même,
+pour connaître quel esprit l’anime, il suffirait de son toast, porté
+lors de l’inauguration, à Strasbourg, d’un nouveau temple maçonnique: «A
+la mémoire du F∴ Voltaire[75]...»
+
+ [75] _Le Monde-Maçonnique_, mai 1867, p. 25.
+
+De même que les écoles professionnelles, la _Ligue de l’enseignement_ a
+deux buts, l’un proclamé, l’autre caché; le but avoué, c’est la
+diffusion de l’instruction: Mais quelle instruction? C’est ce qu’on dit
+beaucoup moins; l’instruction sans Dieu, en dehors de toute religion, et
+dont le résultat est d’amener l’homme à vivre comme si le Christianisme
+n’existait pas. Voilà la vraie pensée de l’œuvre.
+
+Que si une foule d’hommes inattentifs et trompés, en entrant dans cette
+Ligue, n’ont pas regardé jusque-là, et se sont arrêtés à l’enseigne;
+qu’ils écoutent ce que les journaux Francs-Maçons, qui savent bien ce
+qu’ils font et ce qu’ils disent, ont écrit à ce sujet:
+
+«Nous sommes heureux de constater», écrivait dans son numéro d’avril
+1867 le _Monde-Maçonnique_, «que LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT ET LA STATUE
+DU F∴ VOLTAIRE rencontrent DANS TOUTES NOS LOGES, les plus vives
+sympathies. On ne pouvait avoir deux souscriptions plus en harmonie:
+Voltaire, c’est-à-dire la destruction des préjugés et des superstitions
+(traduisez des religions); la Ligue de l’enseignement, c’est-à-dire
+l’édification _d’une société nouvelle, UNIQUEMENT basée sur la science
+et l’instruction_, (c’est-à-dire affranchie de toute religion). TOUS NOS
+F∴ LE COMPRENNENT AINSI».
+
+Et ailleurs encore: «_Les principes_ que nous professons, sont _en
+parfait accord_ avec CEUX QUI ONT INSPIRÉ LE PROJET DU F∴ JEAN MACÉ.»
+
+Qu’on le remarque bien, c’est le _Monde-Maçonnique_ qui dit cela, un
+journal qui, à toutes ses pages, déclare que les religions sont les
+ténèbres, que la Maçonnerie c’est la lumière, que Dieu, l’âme et la vie
+future, ne sont que des hypothèses, des fantômes; qu’en conséquence
+l’homme doit être élevé et le progrès réalisé, en dehors de tout
+Christianisme et de toute religion: c’est ce journal qui déclare _ses
+principes en parfait accord avec ceux qui ont inspiré LE PROJET du F∴
+Jean-Macé_, et qui ajoute: «Les Maçons doivent adhérer EN MASSE à la
+ligue de l’enseignement, et les Loges doivent étudier, dans la paix de
+leurs temples, les meilleurs moyens de la rendre EFFICACE.»
+
+C’est, du reste, ce que reconnaissait le F∴ Jean-Macé lui-même dans cet
+autre toast: _A l’alliance de la Ligue et de la Maçonnerie_, où il
+déclarait que tous les Maçons devaient être ligueurs, et tous les
+ligueurs, Maçons; que _le but_, _le principe_, et _le mot d’ordre de la
+Ligue et de la Maçonnerie_, sont identiques:
+
+«A l’entrée de tous les Maçons dans la Ligue;
+
+«A l’entrée dans la Maçonnerie de tous les ligueurs;
+
+«Au triomphe de la lumière, le mot d’ordre commun de la Ligue et de la
+Maçonnerie[76]!»
+
+ [76] _Ibid._, juillet 1869.
+
+Et cet appel était si bien entendu que dans un _Rapport sur la première
+année de propagande de la Ligue en France_, le F∴ Jean-Macé pouvait se
+glorifier que déjà tous les départements français, excepté douze, était
+enrôlés dans la Ligue; «et c’est ainsi, concluait-il, que la _Ligue
+française finira par devenir_ UNE GRANDE ARMÉE».
+
+Armée d’enseignement, certes, qu’aucun ministre de l’instruction
+publique ne gouvernera facilement.
+
+ * * * * *
+
+Devant de tels faits et de tels principes, devant un tel but, et une
+telle propagande, quels que soient les sentiments contraires de tels ou
+tels francs-maçons trompés, de telle ou telle loge moins avancée, y
+a-t-il lieu encore de discuter la question de savoir si un chrétien, si
+un catholique peut entrer dans une telle institution, et s’associer à
+une telle œuvre? Non, une telle solidarité est impossible. Et l’auteur
+franc-maçon d’une _Histoire de la Franc-Maçonnerie_, le F∴ Goffin, l’a
+proclamé avec sincérité: «Lorsque la Maçonnerie accorde l’entrée de ses
+temples à un juif, à un mahométan, à un catholique, à un protestant,
+c’est à la condition que celui-ci deviendra un homme nouveau, qu’il
+abjurera ses erreurs passées, qu’il déposera les superstitions dont on a
+bercé sa jeunesse. Sans cela, que vient-il faire dans nos assemblées
+maçonniques[77]?»
+
+ [77] _Histoire populaire de la Franc-Maçonnerie_, p. 517.
+
+Que pourrions-nous dire nous-même de plus fort? Et en vérité, ne
+faudrait-il pas avoir perdu complètement toute notion du Christianisme
+et tout sens commun, pour s’imaginer encore que la Maçonnerie et la foi
+chrétienne sont choses compatibles?
+
+
+
+
+DEUXIÈME PARTIE
+
+Un homme sérieux, et de bon sens, peut-il être Franc-Maçon?
+
+
+Je réponds sans hésiter: Non. Et voici mes raisons.
+
+Je dois donc maintenant regarder, par un autre côté, la
+Franc-Maçonnerie; et certes, elle nous en donne bien le droit: quand une
+secte affecte des prétentions aussi hautaines et ne se proclame rien
+moins que l’illuminatrice et la réformatrice du genre humain, il est
+bien permis d’examiner si elle est réellement ce qu’elle se vante
+d’être, si ce luxe d’éloges, cette emphase admirative, et tout cet
+étalage de vertus, qui décorent d’ordinaire les _morceaux
+d’architecture_ (les discours maçonniques), sont suffisamment justifiés;
+et si, par hasard, les profanes, regardés de si haut par MM. les Maçons,
+n’auraient pas le droit, à leur tour, de sourire au lieu d’admirer, et
+de leur renvoyer quelque chose de leurs dédains et de leur pitié.
+
+Rien, en effet, ne peut se comparer à l’exaltation et à la pompe de
+langage qui se rencontre à chaque page des journaux et des documents
+maçonniques que j’ai sous les yeux. La Franc-Maçonnerie, «c’est la
+divine Maçonnerie»; c’est «le phare de l’humanité»; c’est «le soleil du
+monde».
+
+«Gloire à toi, divine Maçonnerie!» s’écrient-ils. Puis ils chantent de
+concert:
+
+ Juste, humain, bienfaisant, voilà ce que nous sommes;
+ Et le parfait Maçon est le premier des hommes.
+
+Le premier des hommes pour les vertus, le premier pour les lumières,
+voilà ce qui se répète dans les banquets maçonniques. En dehors de la
+Maçonnerie, le genre humain est plongé dans les ténèbres. La Maçonnerie
+a toutes les lumières; la Maçonnerie a toutes les vertus: «Toute
+sagesse, toute perfection, toute vertu, toute philosophie s’enseignent
+dans les temples maçonniques[78].»
+
+ [78] _Le Monde maçonnique_, t. IX, p. 358.
+
+A la bonne heure. Mais cependant, lorsque, à la faveur des révélations
+qu’elle nous a faites d’elle-même, j’entre dans ses Ateliers et dans ses
+Loges, et que je contemple les Frères à l’œuvre, lorsque chez ces
+hommes, qui ne veulent plus de culte ni de religion, ou, comme ils
+disent, «de superstitions»; lorsque je vois toutes ces cérémonies, toute
+cette hiérarchie compliquée et bizarre, tous ces signes et ces insignes,
+toutes ces marches et contre-marches, ces rites singuliers; lorsque
+j’entends ce langage inconnu des _profanes_, lorsque j’assiste à ces
+initiations et à ces mystères, à ces travaux de table, comme ils les
+appellent, etc., etc., la divine Maçonnerie m’apparaît sous un aspect
+qui m’étonne, c’est le moins que je puisse dire; et, malgré mon désir de
+n’offenser personne, je ne puis m’empêcher de croire que tout cela, si
+ce n’est pas le voile suranné d’un but qu’on a eu longtemps intérêt de
+cacher, est bien peu digne d’hommes sérieux. Et le F∴ Félix Pyat,
+révolutionnaire en Maçonnerie comme en politique, me paraît avoir eu
+raison de trouver ces pratiques ridicules, et de les appeler «puériles»,
+ou «séniles»[79]. Pour moi, je me bornerai encore à faire ici une pure
+et simple exposition. Je m’adresse aux hommes de bons sens; le bon sens
+jugera.
+
+ [79] _Le Rappel_, cité plus haut.
+
+
+I
+
+HIÉRARCHIE, GRADES ET LANGAGE MAÇONNIQUES
+
+On sait qu’il y a plusieurs grands rites maçonniques, le rite Égyptien
+de Misraïm, le rite Écossais, celui du Grand-Orient de France; et peut
+être d’autres encore.
+
+Chacun des trois rites a trois degrés fondamentaux: les _apprentis_, les
+_compagnons_, les _maîtres_.
+
+Ceux qui ne sont Francs-Maçons à aucun degré, ils les nomment des
+_profanes_.
+
+En outre, chaque rite a ses _hauts grades_, et ses _mystères_. En
+Belgique et en France, le rite Écossais et le Grand-Orient ont chacun
+une échelle hiérarchique de trente-trois degrés. Je remarque parmi ces
+degrés:
+
+ _L’illustre élu des Quinze_;
+ _Le Sublime Chevalier élu_;
+ _Le Royal-Arche_;
+ _Le Prince du Tabernacle_;
+ _Le Maître des loges Symboliques_;
+ _Le Chevalier du Serpent d’Airain_;
+ _Le Rose-Croix_;
+ _Le Grand-Pontife_;
+ _Le Nouchite_;
+ _Le Chevalier Kadosch_;
+ _Le Grand-Inspecteur Inquisiteur_;
+ _Le Sublime Prince du Royal Secret_;
+ _Le Souverain Grand-Inspecteur Général_;
+
+Le rite Égyptien de Misraïm est plus riche encore, et ne compte pas
+moins de quatre-vingt-dix degrés; je n’en citerai non plus que
+quelques-uns:
+
+ _Le Chaos, premier discret_;
+ _Le Chaos, deuxième sage_;
+ _Le Chevalier du Soleil_;
+ _Le Suprême Commandeur des astres, etc._;
+ _Le Souverain des Souverains_;
+ _Le Prince Talmudin_;
+ _Le Souverain Prince Zakdim_;
+ _Le Souverain Grand-Prince Hasidim, etc._;
+
+Tels sont les grades et les noms bizarres, c’est le moins qu’on puisse
+dire, qui sont proposés à l’ambition suprême des adeptes de la
+Franc-Maçonnerie.
+
+Chaque grade a ses _insignes_ et ses _bijoux_ distinctifs. Il y a le
+_tablier_, la _truelle_, le _maillet_, le _compas_, l’_équerre_, les
+_cordons en sautoir_, avec _soleil d’or_, et autres emblèmes, etc.
+
+Mais, en vérité, pour des hommes qui professent si haut les théories
+égalitaires, toute cette hiérarchie de _grades_, _d’insignes_ et de
+_bijoux_, tous ces hochets de la vanité, sont une étrange contradiction.
+Plusieurs francs-maçons eux-mêmes en ont fait la remarque; mais les
+hochets n’en subsistent pas moins, avec toute leur puissance sur ces
+grands esprits.
+
+Les différentes sociétés maçonniques, dont se compose chacun des trois
+rites, se nomment _Loges_. Voici quelques-unes de ces loges; il y a:
+
+ _La Rose du parfait Silence_;
+ _Saint-Antoine du parfait Contentement_;
+ _La clémente Amitié cosmopolite_;
+ _Le Val d’amour_;
+ _La Jérusalem des Vallées égyptiennes_;
+ _L’heureuse rencontre de l’Union désirée_;
+ _Les Trinosophes_;
+ _Les Théphropotes ou Buveurs de Cendres_;
+ _Julienne aux trois Lions_;
+ _Auguste aux trois Flammes_;
+ _L’Absalon aux trois Orties_;
+ _Caroline aux trois Étoiles_;
+ _Minerve aux trois Palmiers_;
+ _Libanon aux trois Cèdres, etc._;
+
+Les Dignitaires des loges sont plus ou moins nombreux; il y a:
+
+ _Le Vénérable_;
+ _Le Très-Respectable_;
+ _Le Frère Sacrificateur_;
+ _Le Frère Terrible_;
+ _Les Frères surveillants_;
+ _Le Grand Expert_;
+ _Le Grand Orateur_;
+ _Le Tuileur_;
+ _Le Maître des Cérémonies, etc._
+
+Tels sont les noms, pompeux ou grotesques, qui se rencontrent sans cesse
+dans les journaux des francs-maçons, et dans les récits des _tenues_
+maçonniques, ainsi qu’ils appellent leurs séances. Car les francs-maçons
+ont une langue à eux, qui n’est pas celle des _profanes_, pour dire
+autrement les mêmes choses. Ainsi, l’orateur d’une loge maçonnique ne
+prononce pas un discours, mais un _morceau d’architecture_;--un
+franc-maçon ne mange pas, il _mastique_;--son verre n’est pas un verre,
+mais _un canon_;--et son assiette une _tuile_;--et son couteau _un
+glaive_;--_charger_, en terme de table, c’est mettre du vin dans son
+verre;--une loge n’interrompt pas ses séances, elle _se met en
+sommeil_;--une circulaire maçonnique s’appelle une _planche_;--un compte
+rendu est un _tracé_;--les applaudissements sont des _batteries_;--et
+les banquets des _travaux de table_.
+
+Les _cérémonies_, les _signes_, les _marches_, les _contre-marches_, les
+_honneurs funèbres_, les _travaux de table_, les _batteries_, etc., tout
+cela est réglé par les rituels maçonniques dans le plus minutieux
+détail, et demande assurément aux initiés une grande étude. Ils doivent,
+ces hommes graves, ces pères de famille, ces honorables commerçants, ces
+avocats, ces magistrats, ces membres des assemblées délibérantes, passer
+de longues heures à apprendre les cahiers de leurs grades, les
+prescriptions de leurs rituels, le mysticisme de leurs emblèmes, et tout
+ce qui compose enfin le culte, la religion des francs-maçons, car c’est
+ainsi qu’ils l’appellent eux-mêmes; ces hommes qui veulent éclairer le
+genre humain et le débarrasser de ce qu’ils nomment _superstitions_, ont
+eux-mêmes leurs _temples_, leurs _autels_, leurs _sacrificateurs_, leur
+_baptême_, leurs _sacrements_ et leurs _mystères_.
+
+Entrons plus avant dans l’institution.
+
+
+II
+
+INITIATION MAÇONNIQUE
+
+Comment est-on admis franc-maçon? Comment, pour parler leur langage,
+reçoit-on la lumière?
+
+J’ai lu, dans leurs rituels, la description de ces initiations
+maçonniques, et j’ai rencontré là des scènes, des terreurs, des
+serments, des épouvantails, vraiment bien extraordinaires.
+
+Voici d’abord ce que le compagnon récipiendaire, doit jurer:
+
+«Je jure de ne jamais révéler les secrets, les signes, les
+attouchements, les paroles, les doctrines ou les usages des
+francs-maçons... Dans le cas où je manquerais à ma parole, qu’on me
+brûle les lèvres avec un fer rouge, qu’on m’abatte la main, qu’on
+m’arrache la langue, qu’on me coupe la gorge, que mon cadavre soit pendu
+dans la loge pendant l’admission d’un nouveau frère, pour être la
+flétrissure de mon infidélité et l’effroi des autres, qu’on le brûle
+ensuite, et qu’on en jette les cendres au vent»[80].
+
+ [80] Extrait de l’écrit intitulé: _Die drei St.-Johannis-Grade der
+ grossen (Berliner) Mutterloge zu den drei Welthügeln_. Leipzig,
+ 1825. Cité par M. Neut, t. I, p. 208.
+
+Je n’examine pas encore ce qu’il y a au fond de ces mystères
+maçonniques, placés sous une telle garantie; mais je le demande au bon
+sens, à la bonne foi: comment se fait-il que des hommes raisonnables et
+sincères consentent à prononcer contre eux-mêmes de telles formules?
+
+Pour l’Apprenti, qui n’est encore qu’au seuil des mystères, on ne lui en
+demande pas tant: dans son serment tel que le F∴ Ragon le donne,
+l’Apprenti déclare simplement qu’il préfère «avoir la gorge coupée
+plutôt que de révéler les secrets de l’Ordre»[81]. La gorge coupée,
+c’est bien déjà quelque chose!
+
+ [81] _Rituel de l’Apprenti_, p. 54.
+
+Les serments toutefois n’empêchent pas que, par les révélations des
+francs-maçons eux-mêmes, les secrets ne soient aujourd’hui assez connus
+du monde profane. Quelque précieuse et inestimable que soit la faveur de
+recevoir «la lumière», et de porter «le tablier», je n’ai pu m’empêcher,
+je l’avoue, en lisant les «épreuves» que le F∴ Ragon raconte et
+interprète avec complaisance, de trouver que le _profane_ achète tout
+cela un peu cher.
+
+Ces épreuves sont longues et compliquées. Il y a d’abord la _chambre des
+réflexions_: «Lieu obscur, éclairé par une lampe sépulcrale. Les murs,
+peints en noir, sont chargés d’emblèmes funèbres... Le récipiendaire,
+devant passer _par les quatre éléments_ des anciens, subit sa première
+épreuve, celle de «la Terre», au sein de laquelle il est censé se
+trouver... Un squelette gît près de lui dans un cercueil ouvert. Si l’on
+manquait de squelette, on poserait sur la table une tête de mort[82].
+
+ [82] _Rituel de l’apprenti_, par le F∴ Ragon, p. 24, et seq.
+
+«Les inscriptions placées sur les murs sont celles-ci:
+
+«Si ton âme a senti l’effroi, ne va pas plus loin.
+
+«Si tu persévères, tu seras _purifié par les éléments_, tu sortiras de
+l’abîme des ténèbres, tu verras la lumière.»
+
+Le patient reste là un certain temps et doit répondre par écrit à trois
+questions, et puis faire son testament. Pendant que le Vénérable lit ses
+réponses en loge: «Le F∴ préparateur bande les yeux au récipiendaire, et
+le met dans l’état où il doit entrer en loge; c’est-à-dire qu’il est
+tête nue, la moitié du corps en chemise; il a le bras et le sein gauche
+découverts, le genou droit nu, le soulier gauche en pantoufle[83].»
+
+ [83] _Ibid._
+
+Alors le F∴ expert reçoit du Vénérable «l’importante mission de
+soumettre le profane aux épreuves physiques», c’est-à-dire de lui faire
+faire «les _trois voyages_, et de le faire passer par les éléments qui
+lui restent à traverser»[84]; l’air, l’eau et le feu.
+
+ [84] _Ibid._
+
+Puis, «le 2e Expert tire bruyamment les verroux et ouvre les deux
+battants de la porte, etc.[85]»
+
+ [85] _Ibid._, p. 32.
+
+Puis, après un long interrogatoire sur les préjugés, l’ignorance, le
+fanatisme et la superstition, etc., «le Vénérable dit d’une voix forte:
+_Faites faire le premier voyage!_»
+
+«Ce premier voyage doit être hérissé de difficultés; on lui dit:
+_Baissez-vous!_ comme pour entrer dans un souterrain. _Enjambez!_ pour
+franchir un fossé. _Levez le pied droit!_ pour monter sur une butte.
+_Baissez-vous!_--_Encore!_ Il est conduit de manière à ce qu’il ne
+puisse pas juger de la nature du sol qu’il parcourt; il monte _l’Échelle
+sans fin_; passe sur la _Bascule_. Pendant ce trajet, le bruit des
+assistants, _la grêle_ et _le tonnerre_ produisent leur effet; même la
+bouteille de Leyde[86].»
+
+ [86] _Ibid._, p. 44.
+
+Ce voyage constitue la purification par _l’air_; la purification par
+_l’eau_ se fait au 2e voyage, pendant lequel «le seul bruit que le
+récipendiaire entend est causé par quelques _rumeurs sourdes_ et par de
+légers _cliquetis de glaives_»... Puis, l’Expert lui plonge par trois
+fois le poignet gauche dans un «vase où il y a de l’eau[87]».
+
+ [87] _Ibid._, p. 46.
+
+L’épreuve par _le feu_ a lieu au 3e voyage, qui se fait «en silence et à
+pas précipités. On suit le récipiendaire en l’enveloppant, avec
+précaution, trois fois dans les flammes, jusqu’à sa place[88]».
+
+ [88] _Ibid._, p. 50.
+
+Puis on présente au profane «le breuvage d’amertume[89]»: et le
+Vénérable lui dit alors avec gravité:
+
+ [89] _Ibid._, p. 51.
+
+«Tout profane qui se fait recevoir maçon CESSE DE S’APPARTENIR. Il n’est
+plus à lui...»
+
+Les rituels nous apprennent qu’il existe, dans toutes les loges de
+l’univers, un sceau chargé de caractères hiéroglyphiques connus des
+seuls vrais maçons.
+
+«Ce sceau, _après avoir été rougi au feu_, étant appliqué sur le corps,
+y imprime une marque ineffaçable[90].»
+
+ [90] _Ibid._, p. 52.
+
+Si le patient consent à recevoir sur la partie de son corps qu’il
+indiquera lui-même cette glorieuse empreinte,--car le F∴ Ragon avertit
+que le Vénérable peut le dispenser de cette épreuve,--«le F∴ Expert
+frotte avec un linge sec la partie indiquée et y pose très-prestement un
+glaçon ou un corps froid[91]».
+
+ [91] _Ibid._, p. 52.
+
+Le moment alors est venu d’exiger du candidat le serment:
+
+«Les FF∴ sont debout, armés de glaives dont la pointe est tournée vers
+le récipiendaire. Le Vénérable frappe _trois coups lents_. Au troisième,
+le 2e Surveillant fait tomber le bandeau. Aussitôt l’Expert projette
+devant lui _une grande flamme_, à une distance inoffensive...
+
+«Après un instant de silence, le Vénérable dit:
+
+«Les glaives qui sont tournés vers vous... vous annoncent que vous ne
+trouveriez parmi nous que _des vengeurs de la Maçonnerie_... et que nous
+serions _toujours prêts à punir le parjure_[92].»
+
+ [92] _Ibid._, p. 55.
+
+«On le conduit alors à l’_autel_. Là, on lui met à la main gauche un
+_compas_ ouvert dont une des pointes est tournée vers _le sein gauche_;
+sa main droite est posée sur le glaive de l’ordre; il pose le genou sur
+une des marches, la jambe droite en équerre[93].»
+
+ [93] _Ibid._, p. 54.
+
+Le serment prêté, le Vénérable donne au profane devenu maçon le
+_tablier_, les _gants_ «que vous donnerez, dit-il, à la femme que vous
+estimez le plus[94]». Puis, il lui fait connaître les _mots_, _signe_ et
+_attouchement_; et lui explique le sens de ces choses.
+
+ [94] _Ibid._, p. 57.
+
+«Le _mot de passe_ est T... un des fils de Lameth... Bientôt vous
+apprendrez sa vraie signification:
+
+«Le mot d’_ordre_... vous apprendra _que nous faisons tout en
+équerre_...
+
+«L’_ordre_, en loge, est d’être debout, et de porter à plat la main
+droite sous la gorge, les quatre doigts serrés, et le pouce écarté, en
+forme d’équerre.
+
+«Le _Signe_ dit _guttural_ est de se mettre à l’ordre, de retirer la
+main horizontalement, et la laisser tomber perpendiculairement.
+
+«L’_Attouchement_ se fait en se prenant mutuellement les quatre doigts
+de la main droite; on pose le pouce sur la phalange de l’index, et par
+un mouvement invisible, on frappe les trois coups de l’apprenti.
+
+«_Batterie_. Trois coups, _oo, o_.
+
+«Pour la _marche_: se mettre à l’ordre, le corps légèrement effacé,
+porter en avant le pied droit, approcher en travers le pied gauche,
+talon contre talon, en équerre. Répéter _ce pas_ par trois fois, et
+faire _le signe_ en guise de salut[95].
+
+ [95] _Ibid._, p. 58.
+
+Voilà comment les francs-maçons reçoivent _la lumière_.
+
+«La cordialité, prétend quelque part M. About[96], rachète les côtés
+enfantins du rite»; pour moi, quand je songe que ce sont parfois des
+hommes partout ailleurs sérieux qui pratiquent ces choses, et avec
+l’exaltation que je rencontre dans la plupart des discours maçonniques;
+et que c’est pour de tels rites, vides assurément du sens de Dieu, et de
+tout sens, qu’un si grand nombre de ces hommes s’éloignent de la
+religion véritable, du Dieu qui les a créés, de Jésus-Christ qui les a
+rachetés, je ne puis me défendre, je l’avoue, d’une compassion profonde.
+
+ [96] _Opinion nationale_, novembre 1865.
+
+Mais qu’êtes-vous donc, dirai-je à la Maçonnerie? Êtes-vous une Société
+à prétentions philosophiques? Pourquoi donc alors toute cette
+fantasmagorie. Une religion, un culte? Mais vous dites dans vos loges:
+«Débarrassons l’imposante majesté de Dieu de toutes les frivolités du
+culte extérieur, au moyen desquelles on enchaîne les ignorants et les
+faibles[97]!» Ou bien êtes-vous une Société secrète qui cache à dessein
+son secret sous des momeries? Faut-il le penser?
+
+ [97] Discours du Grand-Maître de la Maçonnerie belge, à l’installation
+ d’une loge, M. Neut., t. I, p. 143.
+
+J’ai regardé de près ces prétendus symboles, et les explications
+mystiques que vos écrivains en ont données: en fait de science et de
+lumière, qu’y a-t-il là? Rien, absolument rien; tout cela est creux et
+vide; ou si l’on peut dégager de là quelque chose, quelque pensée
+philanthropique, je le déclare, rien de cet enseignement si étrangement
+donné qui appartienne à la Maçonnerie; rien qui ne soit connu, vulgaire,
+passé même chez nous, on le peut dire, à l’état de lieu-commun, grâce au
+catéchisme.
+
+Puérilité donc, que cette prétendue initiation à la lumière! Puérilité
+que toutes ces cérémonies ridicules! _Puérilité_ et _sénilité_, comme le
+disait Félix Pyat! Je me trompe, ce qu’au fond cela signifie, c’est
+qu’on veut se passer de la religion, de la foi et du catéchisme
+chrétien; voilà pourquoi on se livre gravement à ces rites bizarres,...
+qui rappellent trop vraiment les vieux temps de la décadence païenne, et
+les initiations symboliques qui avaient lieu dans la caverne de Mithra,
+sous le Capitole[98]?
+
+ [98] Aussi est-ce sans étonnement que j’ai vu _le Monde-Maçonnique_
+ signaler la curieuse analogie de certains symboles mithriaques avec
+ les emblèmes de la maçonnerie.--Avril 1876, p. 592.
+
+Peut-être y a-t-il ici un autre motif: comme le disait un
+révolutionnaire italien, célèbre dans les Sociétés secrètes: «en
+apprenant tout cela au franc-maçon, on s’empare de la volonté, de
+l’intelligence, et de la liberté d’un homme. On en dispose, on le
+tourne, on l’étudie... Quand il est mur pour nous, on le dirige vers la
+Société secrète, dont la Franc-Maçonnerie n’est que l’antichambre[99]».
+
+ [99] Lettre du _Petit-Tigre_ à la _Vente piémontaise_, cité par
+ l’auteur de l’_Église romaine en face de la Révolution_, t. II, p.
+ 424.
+
+Mais n’anticipons pas sur ce grave sujet; et donnons encore quelques
+détails.
+
+
+III
+
+LES TRAVAUX DE TABLE, OU BANQUETS
+
+Les initiations ont quelque chose en apparence de terrible; mais pour
+reposer nos lecteurs, voici des détails moins sombres: je veux parler
+des _travaux de table_, c’est ainsi que se nomment les banquets
+maçonniques.--Ici encore je copie textuellement les rituels:
+
+Voici, selon le F∴ Ragon, et selon un autre écrivain franc-maçon, fort
+accrédité aussi dans l’ordre, le F∴ Clavel, comment se passent ces
+banquets:
+
+«La salle où se fait _la mastication_ doit être, comme la Loge, à l’abri
+des regards profanes. On la décore habituellement de guirlandes de
+fleurs[100].»
+
+ [100] _Ibid._, p. 76.
+
+«Le V∴ dit: «F∴, surv∴, prévenez vos FF∴ que les travaux sont suspendus
+et que nous allons nous livrer à la mastication[101].»
+
+ [101] _Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie_, par le F∴ Clavel,
+ Introd., p. 30.
+
+«Fr∴ 1er et 2e surv∴, invitez les FF∴ qui sont sous votre commandement à
+se disposer à _charger_ et à aligner pour la première santé
+d’obligation[102].»
+
+ [102] _Rituel de l’Apprenti_, p. 76, 77.
+
+«Pendant le repas, on tire _sept santés d’obligation_. Lorsqu’on tire
+les santés, _la mastication_ cesse»;--c’est-à-dire qu’on cesse de manger
+pour boire; et voici comment cela se fait. «Les frères se lèvent, se
+mettent _à l’ordre_, et jettent leur _drapeau_ (leur serviette) sur
+l’épaule gauche. Sur l’invitation du Vénérable les frères _chargent
+leurs canons_ (les verres) et quand tout cela est fait, le Vénérable
+dit: Mes frères, nous allons porter une santé... Nous y ferons feu, bon
+feu, le feu le plus vif et le plus pétillant de tous les feux.
+
+«Mes frères! La main droite au glaive (c’est le couteau)!
+
+«Haut le glaive!
+
+«Salut du glaive!
+
+«Le glaive dans la main gauche!»
+
+Tous les couteaux se lèvent et se saluent.
+
+Après ce mouvement brillant, on met la main _aux armes_, c’est-à-dire
+aux verres:
+
+«Haut les armes!
+
+«En joue!--Ici, les frères approchent le verre de leur bouche.
+
+«Feu!--On boit une partie de ce qu’il y a dans le verre.
+
+«Bon feu!--On boit encore une partie.
+
+«Le plus vif et le plus pétillant de tous les feux!--On vide le verre.»
+
+Pour annoncer la première santé, «Le Vénérable commande l’exercice
+ainsi:
+
+«Attention, mes FF∴! la main droite aux armes!
+
+«Haut les armes! En joue!
+
+«1er feu! A la santé de S. M. l’Empereur!
+
+«2e feu! A la santé du Prince Impérial, de l’Impératrice et de la
+Famille Impériale.
+
+«3e feu! A la gloire de la France[103]»!
+
+ [103] _Rituel de l’Apprenti_, p. 77.
+
+Et l’exercice se poursuit ainsi:
+
+«F∴ armes au repos!--On approche le verre de l’épaule droite.
+
+«En avant les armes! Signalons nos armes!
+
+«Un!--A ce commandement, on approche le verre de l’épaule gauche.
+
+«Deux!--On le ramène à l’épaule droite.
+
+«Trois!--On le reporte en avant.
+
+«Un! Deux! Trois!--A chacun de ces temps les frères font un mouvement
+par lequel ils descendent graduellement _le canon_ vers la table. Au
+troisième, ils le posent avec bruit et ensemble, de manière qu’on
+n’entende qu’un seul coup[104].»
+
+ [104] _Ibid._, p. 82.
+
+On en fait autant du _glaive_, c’est-à-dire du couteau.
+
+Vraiment, il est assez difficile ici, quelque gravité qu’on veuille
+apporter à cette étude, de ne pas sourire un peu. Et quand
+involontairement, en lisant ces choses, certains noms propres se
+présentent à la mémoire, et que, par la pensée, on voit là certains
+hommes qu’on croyait graves, on éprouve un triste étonnement.
+
+Et comment ne pas se rappeler aussi ces banquets de joyeux bons vivants,
+comme le siècle dernier en a tant vus dans les temples maçonniques,
+cette philanthropie _inter pocula_, et comme disait en 1852 le
+_Constitutionnel_, «ces bons drilles des loges maçonniques, célébrant
+l’amour et le vin aux soupers du caveau. Depuis lors, ajoutait le
+_Constitutionnel_, les choses ont bien changé; les drilles
+philosophiques et anacréontiques, endormis dans le vin versé par
+l’athéisme, se sont réveillés dans le sang versé par les
+révolutions...[105]»
+
+ [105] M. Neut, t. I, p. 285.
+
+Et comment ne pas sourire encore lorsqu’on entend ces grands
+réformateurs exposer la théorie maçonnique du plaisir, et présenter la
+Maçonnerie comme une espèce d’île de Calypso où règne un printemps
+éternel, que ne troublent jamais les orages?
+
+«La science a _ses moments d’intervalle_; l’homme est par nature _ami
+des plaisirs_; ceux que la Maçonnerie vous offrira satisferont et votre
+cœur et _vos sens_; là se trouve un asile _où règne un printemps
+éternel, où les fleurs s’épanouissent sans cesse, où la tempête ne mugit
+jamais_[106].»
+
+ [106] Discours prononcé par le F∴ Frantz Faider, à l’occasion de son
+ installation comme _Vénérable_ de la Loge de _la Fidélité_, de Gand,
+ 2 juillet 1846. M. Neut, t. I, p. 286.
+
+Mais c’est assez sur tout ceci: le moins qu’on puisse dire, assurément,
+c’est qu’il est permis de ne pas trop compter, pour le progrès réel de
+la vertu dans l’humanité, sur ce côté de la Maçonnerie.
+
+«Cela, disait le révolutionnaire italien que nous citions tout à
+l’heure, est trop pastoral et trop gastronomique; mais cela a UN BUT
+qu’il faut encourager sans cesse... C’est sur les loges que nous
+comptons pour doubler nos rangs.»
+
+Nous reviendrons sur ce BUT.
+
+
+IV
+
+LES RITES ET LES MYSTÈRES MAÇONNIQUES
+
+Nous entendions tout à l’heure les francs-maçons nous dire:
+«Débarrassons l’imposante majesté de Dieu _de toutes les frivolités du
+culte extérieur, de toutes les erreurs au moyen desquelles on enchaîne
+les ignorants et les faibles_. Il n’y a, en fait, _aucune religion que
+puisse embrasser l’être intelligent_[107].»
+
+ [107] Installation de la Loge _l’Espérance_, à Bruxelles, 26 novembre
+ 1848, discours du sérénissime Grand-Maître national de Facqz, cité
+ par M. Neut.
+
+Ils disent cela, et immédiatement ils se donnent le plus complet
+démenti; car ils ajoutent:
+
+«Cependant l’homme est essentiellement religieux. Il éprouve le besoin
+d’un culte qui soit digne de lui et de l’être supérieur auquel il le
+consacre.»
+
+«Eh bien! M∴ F∴, QUE LA MAÇONNERIE SOIT POUR NOUS CETTE RELIGION!...
+Soyons ses apôtres fervents; initions à SES MYSTÈRES[108]!»
+
+ [108] M. Neut, t. I, p. 142.
+
+Ses mystères: voyons-en donc quelque chose.
+
+Dans le _tracé_ officiel de la fête maçonnique célébrée en l’honneur de
+Léopold Ier, entre autres cérémonies, on vit le Grand-Maître se rendre
+_à l’autel_ où brûlait _le feu sacré_ (le feu, _cet unique
+purificateur_, comme ils disent), et offrir _à l’ombre vénérée_ des
+_libations_:
+
+«Ombre vénérée de notre auguste frère, entends ma voix! Au nom de tous
+les maçons réunis dans ce temple, je t’offre _l’eau_, je t’offre _le
+vin_, je offre _le lait_...[109]»
+
+ [109] M. Neut, t. I, p. 165.
+
+_L’eau_, _le vin_, _le lait_, voilà donc les hommages et les secours,
+aussi vides que solennels, que l’_ombre_ du roi des Belges reçut de ses
+confrères en maçonnerie.
+
+Ce goût des rites, des cérémonies, ils le poussent si loin qu’à ma
+grande surprise, j’ai trouvé dans les livres maçonniques jusqu’à la
+parodie de nos Sacrements, un _Baptême_, une _Confirmation_, une _Cène_!
+
+Oui, il y a un baptême _maçonnique_, car ils veulent prendre aussi, et
+comme ils disent, adopter les enfants. Et voici comment ils procèdent:
+je ne cite qu’un de ces rites: «... Le parrain tient de la main droite
+le fil d’un aplomb, de manière que l’extrémité inférieure de l’aplomb
+soit en face du cœur du Louveton (l’enfant); le premier surveillant
+touche de la main droite le côté du cœur du Louveton et dit: «Que la
+ligne verticale de l’aplomb t’enseigne à marcher droit[110].»
+
+ [110] _Histoire de la Franc-Maçonnerie_, par Dubreuil, t. 2, p, 139.
+
+Je reproduis ici textuellement le récit d’un baptême, tel qu’il est
+donné dans le _Monde-Maçonnique_:
+
+«La loge de _la Parfaite-Union_, à l’Orient de Rennes, célébrait le
+lundi, 13 septembre 1858, ce que les anciens Maçons appelaient un
+_baptême maçonnique_. Le F∴ Guillet, _Vénérable_, présidait cette
+cérémonie avec l’expérience que lui donnent trente-cinq ans de
+Maçonnerie... _Les portes du temple_ s’ouvrent... le Vénérable fait
+approcher l’enfant de _l’autel_. Sur une table placée au milieu du
+temple brillent, dans l’argent et le cristal, le pain, les fruits, l’eau
+et le vin, le miel et le lait, qui doivent servir _aux cérémonies de
+l’initiation_... Le Vénérable, en partageant _aux parrains_ ce repas,
+qui rappelle les agapes des premiers chrétiens, leur adresse quelques
+mots heureux, empreints d’une douce morale; il termine _en bénissant
+l’enfant_[111]. Etc.»
+
+ [111] _Le Monde-Maçonnique_, juillet 1872, p. 202.
+
+Le 16 juillet 1870, la Loge les _Amis-Réunis_, de Bordeaux, _adoptait_
+huit enfants: deux filles et huit garçons; et le F∴ Delboy leur disait:
+«Puissent vos esprits s’ouvrir à la lumière maçonnique! Que les rayons
+de la vérité illuminent vos esprits, comme font les rayons du soleil
+dans les cieux, quand se lève le matin.» Mais quelle est cette _lumière
+maçonnique_? Le prédicateur maçonnique l’expliquait: c’est, disait-il,
+_la liberté de penser_, qu’il faut mettre, ajoutait-il, _au-dessus de
+toutes choses_[112].
+
+ [112] _Le Monde-Maçonnique_, t. 1, p. 403.
+
+Voici maintenant une Confirmation. Après les épreuves préliminaires, on
+entend le bruit du tonnerre précédé d’éclairs, et on semble aussi
+entendre des murs s’écrouler avec fracas: «Le bruit et le fracas que
+vous avez entendus, dit le Vénérable, accompagnent ordinairement les
+premiers pas de ceux qui commencent à marcher dans la carrière
+maçonnique...»
+
+«Alors un cliquetis d’armes et des détonations d’armes à feu se font
+entendre de loin...
+
+«Le préparateur fait ensuite marcher l’initié à reculons, pour qu’il
+apprenne par là qu’on n’a rien sans peine.»
+
+On lui fait boire aussi le calice d’amertume, symbole de la peine qu’il
+y a à confesser ses défauts; car on a commencé par lui demander cette
+confession[113].
+
+ [113] _Histoire de la Franc-Maçonnerie_, par Dubreuil, t. II, p. 139
+ et suiv.
+
+Quelques détails maintenant sur la Cène maçonnique:
+
+«Au fond de la loge, vers l’Orient, est un triangle en forme de gloire,
+avec le nom de Jéhova, en caractères hébraïques; du côté du midi, dans
+un transparent, un soleil qui s’élève au-dessus d’un tombeau. Près de ce
+transparent, on place une table, sur laquelle il y a _un agneau_ en
+pâtisserie, un couteau, une coupe et un vase de vin... Un chandelier à
+trois branches est _sur l’autel_.
+
+«Le Vénérable, _encense_ différentes fois le chandelier à trois
+branches... Alors _le maître des cérémonies_ découpe _l’agneau_... Le
+Vénérable prend le plat sur lequel se trouve l’agneau découpé, et
+présente le plat au Frère qui est à sa droite en disant: «Prenez et
+mangez!...» Ensuite il prend la coupe, il boit, et la présente au Frère
+qui est à sa droite en disant: «Prenez et buvez!» Et il donne le baiser
+de paix[114].»
+
+ [114] _Ibid._
+
+Ainsi donc, ils sont Prêtres, ils sont Pontifes: ils baptisent, ils
+confirment, ils communient.
+
+O inconséquence de la pauvre humanité! ou plutôt, ô besoin éternel du
+cœur de l’homme que Dieu a fait religieux, et qui ne peut, quoi qu’il en
+ait, se passer de religion! S’il rejette celle que Dieu lui-même a
+donnée au monde, il sera forcé de s’en faire une autre à sa guise, bien
+étrange assurément, mais qui lui plaira, parce qu’elle sera de sa façon.
+Voilà donc des hommes dont beaucoup se croiraient humiliés, presque
+déchus de leur dignité d’hommes, si on les surprenait pratiquant les
+devoirs du Christianisme, et qui, entre eux, dans le secret de leurs
+mystères, observent gravement un culte et des rites, tels qu’il est
+difficile d’en imaginer de plus bizarres.
+
+Un souvenir nous revient ici à la mémoire.
+
+Robespierre, lui aussi, voulut un jour faire le Pontife. Il apparut,
+élégamment, solennellement vêtu, tenant à la main un bouquet de fleurs
+qu’il offrit à l’Être Suprême, fondateur de la république. «Et pourquoi
+pas? dit à ce propos le P. Lacordaire. Pourquoi un magistrat, couvert
+d’habits solennels, n’aurait-il pas offert à Dieu l’une des choses les
+plus pures et les plus aimables de la création, un bouquet de fleurs? Il
+tomba cependant sous le coup d’un ridicule accompli.»
+
+C’est qu’en effet la religion est un domaine réservé; et le sacrilége
+ici ne sauve pas la parodie du ridicule. Non, il ne suffit pas d’un
+cordon bleu et d’un soleil d’or sur la poitrine pour animer de vains
+simulacres, et sacrer des Pontifes sans caractère et sans mission. Si le
+culte, si les sacrements chrétiens sont augustes et vénérables,
+sachez-le, c’est qu’il y a là ce que Dieu seul y a mis, ce que Dieu seul
+y pouvait mettre. Mais vous, que pouvez-vous mettre dans vos rites
+bizarres et dans vos creux symboles? Voilà pourquoi, je le répète, vos
+pratiques sont ridicules, quand elles ne sont pas impies. La foi
+s’indigne, et le sens commun vous prend en pitié.
+
+Pauvres hommes, vous rejetez la réalité, et vous vous prenez à des
+ombres! Et ces ombres vous suffisent, parce que c’est vous qui les avez
+faites. Païens d’une nouvelle espèce, vous adorez les œuvres de vos
+mains. Mais votre temple, comme votre âme, est vide: on y cherche en
+vain la Divinité.
+
+
+V
+
+LE CHEVALIER KADOSCH
+
+Je voudrais quitter enfin ce triste sujet; je ne le puis pas, sans dire
+quelques mots des hauts grades maçonniques, ceux qu’on ne confère qu’aux
+Maçons éprouvés, dont l’éducation maçonnique est complète; et, sans
+vouloir trop regarder au fond de ces mystères, ni en rechercher le
+dernier mot; soit que ces mystères ne cachent rien du tout, soit qu’ils
+cachent quelque chose, je demande s’il y a rien de plus suspect, de plus
+absurde que toute cette fantasmagorie?
+
+M. Louis Blanc disait-il la vérité quand il écrivait: «Comme les trois
+grades de la Maçonnerie ordinaire (apprenti, compagnon, maître),
+comprenaient un grand nombre d’hommes opposés par état et par principes
+à tout projet de subversion sociale, les novateurs multiplièrent les
+degrés de l’échelle mystique à gravir; ils créèrent des arrière-loges
+réservées aux âmes ardentes; ils instituèrent les hauts grades d’_élu_,
+de _chevalier du Soleil_, de _la stricte observance_, de _Kadosch_ ou
+homme régénéré: sanctuaire ténébreux, dont les portes ne s’ouvraient à
+l’adepte qu’après une longue série d’épreuves, calculées de manière à
+constater les progrès de son éducation révolutionnaire, à éprouver la
+constance de sa foi, à essayer la trempe de son cœur. Là, au milieu des
+pratiques tantôt puériles, tantôt sinistres..., etc.[115]»
+
+ [115] _Histoire de dix ans_.
+
+Examinons donc un moment de près ces hauts grades de la Maçonnerie, et
+entre autres le grade de _Chevalier Kadosch_, celui dont les doctrines,
+dit le frère Ragon, «forment le complément essentiel de la _véritable_
+Maçonnerie».
+
+«Ce grade, dit-il encore, porte avec raison le titre de _nec plus
+ultra_: les trois degrés au-dessus ne sont qu’administratifs.»
+
+Eh bien, comment se fait l’Initiation à ce grade suprême?
+
+L’Élu traverse quatre appartements, l’initiation s’accomplit dans le
+quatrième:
+
+«Le _premier appartement_ est tendu en noir, éclairé par une seule lampe
+triangulaire, suspendue à la voûte. Il communique à un caveau, espèce de
+_cabinet de réflexion_, où se trouvent confondus _les symboles de la
+destruction et de la mort_...
+
+«_Deuxième appartement_. Il est tendu en blanc. Deux autels occupent le
+centre; sur l’un, est une urne pleine d’esprit de vin qui éclaire la
+salle; sur l’autre autel est un réchaud de feu avec de l’encens à
+côté...
+
+«_Troisième appartement_. La tenture est bleue, la voûte est étoilée, il
+n’est éclairé que par les trois bougies jaunes.
+
+«_Quatrième appartement_. Là se tient le conseil souverain des grands
+élus chevaliers _Kadosch_. Il est tendu en rouge, le local est éclairé
+de douze bougies jaunes.
+
+«Parvenu dans _ce divin sanctuaire_, le candidat apprend _les
+engagements qu’il contracte_; puis, on lui fait monter et descendre «une
+échelle mystérieuse, qui, par sa forme, rappelle le Delta».
+
+«Les emblèmes de ce grade sont «une croix», avec «un serpent à trois
+têtes».
+
+«Le _serpent_ désigne le mauvais principe. Les _trois têtes_ du serpent
+sont l’emblème du mal qui s’est introduit dans les _trois hautes classes
+de la société_. Une tête du serpent porte une _couronne_, et indique
+_les souverains_; une autre tête porte _une tiare_ ou _clef_, et indique
+_les papes_; une autre porte _un glaive_ et indique _l’armée_.
+
+«Le Grand-Initié doit veiller _à la répression de ces abus_...
+
+«Comme gage de _ses engagements_, le récipiendaire _abat, avec le
+poignard, les trois têtes du serpent_[116]»: c’est-à-dire la couronne,
+la tiare, et l’épée.
+
+ [116] Explication du grade de Grand-Élu, Chevalier Kadosch, par le F∴
+ Ragon. Ouvrage loué par le Grand-Orient.
+
+Le ridicule ici, on le voit, se mêle à l’horreur, et c’est bien le cas
+peut-être de redire avec le poète:
+
+ _Hæ nugæ seria ducunt!_
+
+
+
+
+TROISIÈME PARTIE
+
+Action politique et révolutionnaire de la Maçonnerie
+
+
+Ces initiations, ces degrés, ces épreuves successives, ont un but! Avant
+de confier son dernier secret à quelques rares élus, la Maçonnerie
+éprouve ses adeptes: elle veut savoir s’ils seront capables de descendre
+dans les mines qu’elle creuse sous les édifices sociaux: ce n’est pas
+nous qui parlons ainsi, c’est M. Louis Blanc dans son _Histoire de
+Dix-Ans_: à propos de la Franc-Maçonnerie, «il importe, dit-il,
+d’introduire le lecteur «dans LA MINE que creusaient alors, _sous les
+trônes, sous les autels_, DES RÉVOLUTIONNAIRES bien autrement profonds
+et agissants que les encyclopédistes».
+
+Le côté redoutable de la Franc-Maçonnerie le voici donc: c’est sa
+profonde et incessante action politique, sociale et révolutionnaire.
+Là-dessus, M. Henri Martin a dit le vrai mot: «_La Maçonnerie_, écrit
+l’auteur de l’_Histoire de France_[117], _est le laboratoire de la
+révolution_.» M. Félix Pyat, de son côté, appelle la Franc-Maçonnerie
+«_l’Église de la révolution_»[118].
+
+ [117] T. XVI, p. 595.
+
+ [118] _Le Rappel_, cité par le _Monde maçonnique_, mai 1870.
+
+Qu’on ne nous redise donc plus que la Maçonnerie fait de la
+bienfaisance: c’est possible, mais cela ne l’empêche pas de faire autre
+chose, et le _Monde-Maçonnique_ a pris soin de nous avertir que la
+bienfaisance n’est pas LE BUT, mais un des moyens, et DES MOINS
+ESSENTIELS, de la Maçonnerie.
+
+Qu’on ne nous oppose pas non plus les constitutions maçonniques qui
+disent: «La Franc-Maçonnerie ne s’occupe pas des constitutions des
+États; dans la sphère élevée où elle se place, elle respecte les
+sympathies politiques de chacun de ses membres; dans ses réunions, toute
+discussion à ce sujet est formellement interdite[119].» De même le
+règlement du Grand-Orient de Belgique portait textuellement, article
+135: «Les Loges ne peuvent en aucun cas s’occuper de matières
+politiques.»
+
+ [119] Article 2 de la Constitution française.
+
+Je reconnais ici encore les vieilles traditions de tactique et de
+mystère dont la Maçonnerie, à son origine, avait besoin de se couvrir
+pour tromper les gouvernements et la foule des dupes: mais dans la
+réalité, que sont aujourd’hui ces formules surannées? Contradiction ou
+mensonge.
+
+Qu’on ne vienne pas non plus nous dire: Les questions politiques et
+sociales, la Maçonnerie, si elle s’en occupe, elle ne le fait que d’une
+manière générale et inoffensive; jamais elle ne descend de la hauteur
+sereine des principes dans la région des faits, dans la sphère agitée
+des applications pratiques.
+
+Cela n’est pas, et ne peut pas être; en fait, et par la force des
+choses, la Maçonnerie est une société politique et révolutionnaire; elle
+exerce une influence directe sur les révolutions; elle les prépare, elle
+les fait, et ceux qui, dans la Maçonnerie, marchent à la tête du
+mouvement, et entraînent avec eux toute la masse des adeptes, ceux-là,
+qui sont vraiment le cœur et l’âme de la Maçonnerie, ont pour but
+suprême d’en faire, selon l’énergique et profonde expression de M. Henri
+Martin, le LABORATOIRE DE LA RÉVOLUTION, ou selon le F∴ Pyat, L’ÉGLISE
+DE LA RÉVOLUTION.
+
+En voici des preuves péremptoires:
+
+
+I
+
+TÉMOIGNAGES MAÇONNIQUES:
+
+M. LOUIS BLANC,--MAÇONS FRANÇAIS ET BELGES.
+
+Il y a, sur l’action politique et révolutionnaire de la Maçonnerie, un
+texte de M. Louis Blanc, dont nous citions tout à l’heure quelques
+paroles, et qui donne un premier démenti aux protestations des
+constitutions maçonniques:
+
+«Il plut à des souverains, au grand Frédéric, dit M. Louis Blanc, de
+prendre la _truelle_, et de ceindre le _tablier_; pourquoi non?
+_L’existence des hauts grades leur étant soigneusement dérobée, ils
+savaient seulement de la franc-maçonnerie ce qu’on en pouvait montrer
+sans péril._
+
+«Ils n’avaient point à s’en occuper, retenus qu’ils étaient dans les
+grades inférieurs, où ils ne voyaient qu’une occasion de divertissement,
+que des banquets joyeux, que des principes laissés et repris au seuil
+des loges, que des formules sans application à la vie ordinaire; en un
+mot, qu’une COMÉDIE de l’égalité. Mais en ces matières, _la comédie
+touche au drame_, et les princes et les nobles furent amenés à couvrir
+de leur nom, à servir aveuglément de leur influence, _les entreprises
+latentes dirigées contre eux-mêmes_.»
+
+Impossible de mieux peindre cette étonnante imprévoyance des princes et
+de l’ancienne noblesse française, qui se jetaient aveuglément dans la
+Maçonnerie, comme dans le philosophisme impie du XVIIIe siècle, et
+acceptaient le rôle ridicule de comparses dans cette grande _comédie_ de
+la liberté, de l’égalité et de la fraternité, sans prévoir la tragédie
+qui la devait suivre de si près: impossible aussi de révéler plus
+clairement le plan profond de la Maçonnerie, qui déguisait, sous des
+apparences séduisantes, ses _entreprises latentes_, son but secret et
+subversif, sa conspiration permanente.
+
+Et en effet, comme le disait encore M. Louis Blanc:
+
+«L’ombre, le mystère, un serment terrible à prononcer, un secret à
+apprendre pour mainte épreuve courageusement subie, un secret à garder
+sous peine d’être voué à l’exécration et à la mort, des signes
+particuliers auxquels les Frères se reconnaissaient aux deux bouts de la
+terre, des cérémonies qui se rapportaient à une histoire de meurtre, et
+semblaient couvrir des idées de vengeance: quoi de plus propre à former
+des conspirateurs!»
+
+Du reste, les maçons français et belges sont ici en parfait accord avec
+M. Louis Blanc.
+
+Ainsi, à la fête centenaire célébrée à l’Orient de Marseille, par la
+Loge _la Parfaite Sincérité_, un franc-maçon, influent dans l’ordre, le
+F∴ Brémond, esquissant l’histoire de la maçonnerie, disait:
+
+«Comment ne pas admirer la persévérance de ceux qui, au XVIIIe siècle,
+bravaient les préjugés religieux et SE PRÉPARAIENT _dans l’ombre et le
+silence_? ILS CONSPIRAIENT, a-t-on dit. C’est possible.» Et en effet,
+«lorsque du fond des loges sortirent ces trois mots: Liberté, Égalité,
+Fraternité, LA RÉVOLUTION ÉTAIT FAITE[120]».
+
+ [120] _Le Monde-Maçonnique_, février 1867, p. 613.
+
+Et le F∴ Brémond ajoutait: «Depuis quelque temps; un nouvel élan a été
+imprimé à la Maçonnerie... De toutes parts les maçons élèvent des
+temples, fondent des écoles, _s’affirment devant le monde profane_...
+Ils font plus encore: ils prennent UNE PART ACTIVE au mouvement du
+siècle[121].»
+
+ [121] _Ibid._
+
+Deux ans après, en juillet 1869, avait lieu à Paris une Assemblée
+générale du Grand-Orient, et là, le dernier grand-maître de la
+Maçonnerie française, le F∴ Babaud-Laribière, s’exprimait, dans un
+discours solennel, plus catégoriquement encore:
+
+«La Maçonnerie, disait-il, était _intimement mêlée à tous les actes
+civiques dans_ LES PREMIERS BEAUX JOURS DE LA RÉVOLUTION.
+
+«Philosophique avant la révolution, civique sous la Constituante,
+militaire sous l’empire, pendant la restauration, la Maçonnerie se
+trouve _mêlée directement à la politique_, ET LE CARBONARISME ENVAHIT LE
+PLUS SOUVENT LES LOGES.
+
+Allant plus loin encore, le F∴ Babaud-Laribière déclare que c’est à la
+Maçonnerie qu’on doit l’agitation POUR LA RÉFORME, qui amena la chute du
+Roi Louis-Philippe, et le SUFFRAGE UNIVERSEL:
+
+«Le SUFFRAGE UNIVERSEL ayant été mis en vigueur dans les ateliers, ce
+furent des Maçons qui demandèrent les premiers _son application dans le
+monde profane_: et l’on retrouverait encore leurs noms sur les
+_pétitions_ pour la _Réforme électorale_ dans les dernières années du
+règne de Louis-Philippe[122].»
+
+ [122] _Ibid._, juillet 1869, p. 169.
+
+Et enfin, il proclame «le besoin impérieux pour la Maçonnerie de prendre
+part au mouvement libéral et social», et déclare que «le véritable rôle
+de la Maçonnerie consiste à _devancer la société politique_».
+
+Et n’est-ce pas hier encore que, dans une des loges les plus influentes
+de Paris, les mêmes prétentions furent affichées? Là, on rendait les
+honneurs funèbres à la mémoire du docteur Montanier, vénérable de la
+Loge _le Progrès_, et préfet de M. Gambetta au 4 septembre; et on
+exaltait ses convictions maçonniques. Et quelles étaient ces
+convictions? C’était, avec _la guerre_ à la religion, _au surnaturel_,
+comme il le disait, _l’étude immédiate et constante_ DE LA QUESTION
+SOCIALE[123].
+
+ [123] _Ibid._, avril 1872, p. 724.
+
+C’est là ce que proclamait en son nom le F∴ Albert Joly, qui, lui-même,
+s’exaltant pour son compte, s’écriait, aux applaudissements de la loge
+tout entière:
+
+«Que la Maçonnerie se mette donc à l’œuvre: qu’elle CONTINUE de faire
+_la guerre au surnaturel_... et mette à l’étude, _mais sans aucun
+retard_, LA GRANDE QUESTION SOCIALE[124].»
+
+ [124] _Ibid._
+
+Que devant de pareilles déclarations les dupes de la Franc-Maçonnerie
+viennent donc encore nous citer les textes des constitutions
+maçonniques, qui défendent de s’occuper de religion et de politique! Je
+leur répondrai, moi, qu’ils ne peuvent continuer d’être dupes à ce
+point, sans devenir complices.
+
+Et, en effet, à quoi lui servirait sa vaste et puissante organisation,
+si ce n’était précisément à faire descendre de la hauteur des
+spéculations, pour les introduire dans le domaine des applications et
+des faits, les idées élaborées au sein des loges? C’est ce qui fut
+expressément et nombre de fois déclaré par des orateurs maçonniques.
+
+Écoutons la Maçonnerie belge: voici comment, par l’organe de ses
+représentants les plus autorisés, elle s’exprimait dans la grande fêle
+solsticiale du 24 juin 1854, où toutes les loges étaient représentées,
+et où, selon l’aveu de l’un des orateurs, on a dit tout haut ce que tout
+le monde dans la Maçonnerie pense tout bas:
+
+«Si la Maçonnerie devait se confiner dans ce cercle étroit (qui exclut
+la politique), à quoi servirait _la vaste organisation, l’immense
+développement_ qui lui sont donnés?... Je ne suis ici qu’un écho; je dis
+tout haut ce que tout le monde pense tout bas.»
+
+Et le même orateur poursuivait de la sorte:
+
+«Quand j’interroge le passé de notre institution, n’y vois-je pas que la
+Maçonnerie a été LA VIGIE ATTENTIVE QUI VEILLE A LA MARCHE DU VAISSEAU
+POLITIQUE?
+
+Parlant ensuite de la lutte de la Maçonnerie contre le gouvernement,
+l’orateur va jusqu’à avouer que, «dans les crises politiques, _chaque
+fois qu’il le fallait_, LE CENTRE, LE POINT D’APPUI DE LA RÉSISTANCE
+était là, dans la Maçonnerie».
+
+Aussi le même orateur ne craignit-il pas d’attribuer hautement à
+l’organisation et à l’activité de la Maçonnerie le triomphe de ses
+opinions dans le pays:
+
+«_Si notre opinion a triomphé, je dis que c’est à la Maçonnerie qu’elle
+le doit!_»
+
+«LA MAÇONNERIE, s’écriait-il encore, S’EST MÊLÉE ACTIVEMENT AUX LUTTES
+POLITIQUES[125].»
+
+ [125] M. Neut, t. I, p. 301.
+
+Certes, voilà, en dépit de tous les articles de constitution, des aveux,
+qu’on nous passe cette expression, aussi crus que possible.
+
+Mais voici qui va plus loin encore: dans une autre fête maçonnique, la
+fête de l’Ordre, célébrée le 15 juin 1845, l’orateur de la Loge, le F∴
+Émile Grisar, révélait, dans des termes et avec des images auxquels il
+est impossible de rien ajouter ce qu’est au vrai la Maçonnerie, ce qui
+en fait une Association si redoutable, aux étreintes de laquelle il est
+si difficile qu’un pays échappe, quand une fois elle l’a enlacé:
+
+«La Maçonnerie, disait-il, possède, _par ses affiliations, des
+ressources immenses_.» Et, pour enflammer le zèle des frères, il
+représentait la Maçonnerie comme «un CORPS ROBUSTE, un COLOSSE A MILLE
+TÊTES, A CENT MILLE BRAS, UN GRAND INSTRUMENT DE RÉFORMES SOCIALES, UN
+LABORATOIRE D’IDÉES NOUVELLES, et enfin _le précurseur de cet esprit
+démocratique qui s’avance_.»
+
+«Les cadres de _notre sainte milice_ S’ÉTENDENT DE JOUR EN JOUR,
+ajoutait-il, NOS BRAS SE MULTIPLIENT, et bientôt nous pourrons ÉTREINDRE
+TOUT LE PAYS[126].»
+
+ [126] _Ibid._, p. 290.
+
+Telle est donc la Maçonnerie; tel est son but, et sa vaste organisation:
+_colosse à mille têtes, à cent mille bras_, qui jette autour de lui,
+comme un réseau immense, _ses affiliations_, afin de préparer les
+_réformes sociales_, d’élaborer les _idées nouvelles_, et d’_étreindre_
+tout un pays.
+
+
+II
+
+LA QUESTION DU DROIT DES MAÇONS A S’OCCUPER DE POLITIQUE DISCUTÉE ET
+AFFIRMATIVEMENT RÉSOLUE DANS LES LOGES
+
+Mais ce qu’il faut bien remarquer ici, et les aveux si catégoriques que
+nous venons d’entendre ne permettent pas d’en douter, c’est que ce ne
+sont pas là des excès isolés ou démentis, dans la Maçonnerie; il y a
+plus: la question a été officiellement agitée et résolue par les
+autorités maçonniques; et des solutions données il résulte que la
+Maçonnerie n’entend pas être confinée dans ses loges, que son but est de
+s’emparer politiquement de la Société tout entière, et que ses loges ne
+lui servent qu’à former des hommes pour lutter dans l’arène politique.
+
+C’est ce que notamment le grand Orient de Belgique, «les colonnes
+consultées et le F∴ orateur entendu dans ses conclusions», a répondu:
+
+«La Maçonnerie n’a point pour but d’établir des principes à respecter,
+_seulement dans l’étroite enceinte de ses assemblées_: C’EST LA SOCIÉTÉ
+TOUT ENTIÈRE QU’ELLE A POUR OBJET; les loges sont DES ÉCOLES, où l’on
+doit _former des hommes_ aux convictions raisonnées, _afin qu’ils
+luttent ensuite avec vigueur dans le monde profane_, ET SURTOUT DANS
+L’ARÈNE POLITIQUE[127].»
+
+ [127] M. Neut, t. I, p. 267.
+
+Je trouve dans la Maçonnerie italienne les mêmes déclarations; j’ai en
+effet sous les yeux les procès-verbaux de l’Assemblée maçonnique
+constituante, réunie à Rome du 28 avril au 2 mai 1872; là aussi dans la
+séance du 2 mai, la même question a été posée, et il a été décidé, «à
+une grande majorité», que «les Loges ont la faculté de discuter les
+questions d’ordre religieux et politique, et que la Maçonnerie étudie
+les questions sociales, SANS RESTRICTION D’ESPÈCE OU DE DEGRÉ[128]...»
+
+ [128] _Le Monde Maçonnique_, t. XIV, p. 250.
+
+Mais d’ailleurs, est-ce que Garibaldi--complice, et agent peut-être en
+ce moment à Rome du grand persécuteur de l’Église en Allemagne--n’a pas
+été grand-maître de la Maçonnerie italienne? Et quand mourut le grand
+conspirateur Joseph Mazzini, que se passa-t-il? Les Loges italiennes
+prirent le deuil; quelques-unes envoyèrent des députations à ses
+funérailles; et le Grand-Orient d’Italie invita tous les Franc-Maçons, à
+quelque nation qu’ils appartinssent, qui se trouvaient alors dans la
+vallée du Tibre, à se rassembler sur la place du Peuple: «A l’heure
+indiquée, une foule de Frères entouraient la bannière maçonnique qui,
+pour la première fois, se montrait dans Rome, la suivirent, et
+accompagnèrent jusqu’au Capitole le buste de Mazzini[129].»
+
+ [129] _Ibid._, p. 30.
+
+Telle est donc, sans contestation possible, la Maçonnerie: et M. Félix
+Pyat avait raison de le dire, c’est l’ÉGLISE DE LA RÉVOLUTION, et le
+vestibule, ou comme disait ce révolutionnaire italien cité plus haut,
+l’_antichambre_ des sociétés secrètes.
+
+Je le veux bien, elle n’est pas précisément un de ces clubs où l’on
+discute chaque soir avec violence les questions politiques et sociales à
+l’ordre du jour. Elle n’est pas une de ces sociétés secrètes directement
+organisées pour préparer le triomphe de telle ou telle conspiration, à
+l’aide du poignard ou de la bombe. Elle se soumet même, quand il le
+faut, à voir nommer ses Grands-Maîtres par les gouvernements, ou à
+accepter dans son sein des personnages officiels. Elle l’a fait sous le
+premier et le second empires, elle l’a fait sous le roi
+Louis-Philippe[130]. Mais elle n’en est pas moins une conspiration
+permanente contre le fondement même, non pas tant de tel ou tel état, de
+tel ou tel culte, que de toute religion et de la société tout entière:
+selon la déclaration expresse des francs-maçons belges, C’EST LA SOCIÉTÉ
+TOUT ENTIÈRE QU’ELLE A POUR OBJET. Elle pose les principes dont les
+révolutions sont les conséquences; elle élabore les idées qui ensuite
+arment les bras. C’est ainsi que _les Loges sont DES ÉCOLES où l’on doit
+FORMER DES HOMMES qui luttent ensuite avec vigueur dans le monde
+profane, ET SURTOUT DANS L’ARÈNE POLITIQUE_; ou, comme le dit _le Monde
+Maçonnique_, «c’est ainsi que la Maçonnerie _façonne les hommes_; elle
+les élève et les rend propres AUX LUTTES DU DEHORS. C’est aux
+Maçons qu’il appartient ensuite de réaliser à l’extérieur ses
+conceptions[131]».
+
+ [130] Néanmoins le roi Louis-Philippe eut la sagesse de refuser pour
+ son fils aîné la grande maîtrise de l’Ordre, qui lui avait été
+ offerte.--_La Franc-Maçonnerie_ et la Révolution, par le P.
+ Gautrelet, p. 444.
+
+ [131] _Ibid._, t. X, p. 49.
+
+Ainsi donc, la Maçonnerie _forme et façonne_ ses adeptes, et les
+éprouve, avant de leur confier son dernier secret, afin de voir s’ils
+sont capables de la servir, et de descendre dans les _mines_ que, selon
+l’expression de M. Louis Blanc, «elle creuse», sous l’édifice social
+pour le faire sauter.
+
+
+III
+
+JUSQUE DANS QUELS DÉTAILS LA MAÇONNERIE S’OCCUPE DE POLITIQUE
+
+«Toutes les grandes questions de principes politiques, tout ce qui a
+trait à l’organisation, à l’existence et à la vie d’un État, oh! cela,
+oui CELA NOUS APPARTIENT EN PREMIÈRE LIGNE; tout cela est de notre
+domaine, pour le disséquer et le faire passer par le creuset de la
+raison et de l’intelligence.»
+
+Ainsi parlait le F∴ Bourlard, Grand Orateur du Grand-Orient, dans une
+occasion des plus solennelles, à la grande fête célébrée par le
+Grand-Orient de Belgique, le 24 juin 1854[132].
+
+ [132] M. Neut, t. I, p. 305.
+
+En effet, les questions d’élections, de réforme électorale et de
+suffrage universel, les pétitionnements et les agitations
+révolutionnaires, l’envahissement des fonctions publiques, les grands
+problèmes économiques, les plus redoutables questions sociales, telle
+que l’organisation du travail, les questions d’enseignement et de
+charité publique, les questions même de paix et de guerre, tout le
+détail en un mot de la plus ardente politique, voilà de quoi se mêle la
+Maçonnerie, et à quelles profondeurs sociales elle travaille.
+
+Donc, quand des élections se présentent, élections nationales,
+provinciales ou municipales, les Loges, en Belgique, choisissent des
+candidats, leur donnent un mandat impératif, leur font jurer de le
+remplir; cela fait, elles mettent au service du candidat élu et
+assermenté ces _ressources immenses_, ces _mille têtes_, ces _cent mille
+bras_, dont parlait tout à l’heure le F∴ Grisar. C’est ce qui est
+prescrit textuellement dans l’important document maçonnique que voici:
+
+«Un candidat Maçon sera d’abord proposé par la Loge, dans le ressort de
+laquelle se fera l’élection, à l’adoption du Grand-Orient, pour être
+ensuite IMPOSÉ _aux frères de l’obédience_.»
+
+«Dans l’élection, qu’elle soit _nationale_, _provinciale_ ou
+_municipale_, il n’importe, l’élection du Grand-Orient sera également
+réservée:
+
+«_Chaque Maçon_ JURERA d’employer _toute son influence pour faire
+réussir la candidature adoptée_;
+
+«L’élu de la Maçonnerie SERA ASTREINT à faire en loge _une profession de
+foi_ dont acte sera dressé.
+
+«Il sera invité à recourir aux lumières de cette Loge ou du Grand-Orient
+dans les occurrences graves qui peuvent se présenter pendant la durée de
+son mandat.
+
+«L’inexécution _de ses engagements_ l’exposera à _des peines sévères;
+même à l’exclusion de l’Ordre_.
+
+«Chaque Loge pouvant juger utile de s’aider de la publicité, devra se
+ménager des moyens d’insertion dans les journaux; mais le Grand-Orient
+lui recommande ceux de ces journaux qui auront sa confiance»[133].
+
+ [133] Document maçonnique cité par M. Neut, t. I, p. 267.
+
+Ce n’est pas tout, et si le candidat, une fois élu, manque à son mandat
+et à son serment, voici ce qu’alors a décidé le Grand-Orient, et de
+quels _droits_ il arme les Loges, quels _devoirs_ il leur intime:
+
+«Le Grand-Orient, sans hésitation, décide que non-seulement les Loges
+ont _LE DROIT de surveiller LES ACTES DE LA VIE PUBLIQUE de ceux de
+leurs membres QU’ELLES ONT FAIT ENTRER DANS LES FONCTIONS PUBLIQUES_, de
+réprimander, et même de retrancher du corps maçonnique les membres qui
+ont manqué _aux devoirs que leur qualité de Maçon leur impose_, SURTOUT
+DANS LA VIE PUBLIQUE, etc...[134]»
+
+ [134] _Ibid._
+
+Ainsi, non-seulement les loges s’occupent de politique, mais encore
+elles poussent leurs membres aux fonctions politiques; et, les y ayant
+poussés, elles réclament le droit de les diriger, de surveiller et juger
+de quelle façon ils s’en acquittent.
+
+Quant au détail même des questions que la Maçonnerie réclame comme lui
+_appartenant en première ligne_, écoutons les revendications suivantes:
+
+«Au maçon la question de l’enseignement; à lui l’examen, à lui la
+solution!
+
+«Lorsque bientôt des ministres viendront apporter au Parlement
+l’organisation de la charité... à moi, maçon, la question de la charité
+publique!
+
+«Le pays se couvre d’établissements qu’on appelle religieux... Il faudra
+bien que le pays entier finisse par en faire justice, DÛT-IL MÊME
+EMPLOYER LA FORCE[135]!»
+
+ [135] Discours maçonniques, cité par M. Neut, _passim_.
+
+Et à ces paroles les émeutes répondaient, à Bruxelles, à Mons, à Anvers,
+à Liége, à Verviers! Et il fallut toute la prudence du Roi pour échapper
+à une révolution.
+
+D’autres questions plus brûlantes encore sont réclamées et agitées par
+la Maçonnerie, les _questions sociales_ et en première ligne
+l’_organisation de travail_.
+
+Nous en trouvons une preuve, entre beaucoup d’autres, dans une
+importante pièce maçonnique, une _circulaire_ que la Loge _la
+Persévérance_ d’Anvers, en mars 1846, deux ans avant notre révolution du
+24 février 1848, adressait à toutes les Loges belges, pour _soumettre à
+leur sanction_ un projet développé à la fête de l’ordre par l’Orateur de
+cette Loge que nous citions tout à l’heure, le F∴ Grisar.
+
+«Il est temps, disait la circulaire, que la Maçonnerie s’occupe
+activement des grandes questions qui remuent toute la société moderne.
+
+«Travaillons, T∴ C∴ F∴, concluait la circulaire; étudions les grandes
+questions sociales, et le triomphe de notre cause est assuré...»
+
+Et en tête du projet, que trouvons-nous? _La question palpitante du
+travail_, L’ORGANISATION DU TRAVAIL; et en résumé TOUS LES PROBLÈMES
+DÉMOCRATIQUES.
+
+Aussi, la circulaire, en communiquant ses projets à toutes les Loges,
+ajoutait-elle:
+
+«IDENTIFIONS-NOUS AVEC LES IDÉES DÉMOCRATIQUES QUI TRIOMPHERONT[136].»
+
+ [136] M. Neut, t. I, p. 288.--Dans un discours prononcé à Liége, à la
+ fête solsticiale de l’ordre, et qui fut reproduit et distribué à
+ cinquante mille exemplaires, le F∴ Goffin développait le programme
+ suivant:
+
+ _Principes à réserver pour l’avenir._
+
+ Suffrage universel direct.
+
+ ABOLITION DES ARMÉES PERMANENTES, causes de ruine et d’oppression
+ pour les peuples.
+
+ SUPPRESSION DE LA MAGISTRATURE INAMOVIBLE, origine des injustices et
+ des procès scandaleux.
+
+ Abolition des traitements du clergé, désormais rétribué par les
+ croyants de chaque culte.
+
+ _Principes d’application immédiate._
+
+ Suffrage universel pour les élections provinciales et communales,
+ comme moyen d’habituer peu à peu la nation à l’exercice de son
+ pouvoir souverain.
+
+ _Instruction primaire, gratuite et obligatoire._
+
+ ABOLITION DE L’OCTROI _et de tous les impôts de consommation_,
+ remplacé par un impôt unique d’assurances.
+
+ Suppression de la _Banque nationale_ et établissement d’un vaste
+ système de _crédit foncier_, commercial et agricole.
+
+ DROIT AU TRAVAIL RÉSULTAT DU DROIT A L’EXISTENCE.
+
+ _Organisation du travail par la création de grandes associations
+ ouvrières._
+
+ Récompenses nationales accordées aux ouvriers laborieux et
+ intelligents.
+
+ _Réduction de tous les budgets et principalement de celui de la
+ guerre._
+
+ _Association pour rendre les derniers devoirs aux morts sans le
+ concours du clergé._
+
+ _Institution de crèches, écoles gardiennes, salles d’asiles_, bains,
+ lavoirs et chauffoirs publics, boucheries et boulangeries
+ économiques.
+
+ _Abolition de la peine de mort en matière politique et CRIMINELLE._
+
+ Tel doit être, selon moi, ajoutait l’orateur, l’ordre du jour de la
+ grande réunion M∴ qui aura lieu prochainement... VOULONS-NOUS
+ ÉCRASER L’INFAME ou le subir?» etc. etc.
+
+On s’étonne quelquefois, au lendemain de certaines révolutions, de voir
+se poser tout à coup, dans la presse et dans le pays, des questions
+redoutables dont la masse du public ne se doutait pas la veille; par
+exemple l’organisation du travail, après la révolution de février;
+question qui fut traitée d’une façon si menaçante au palais du
+Luxembourg, par l’assemblée des ouvriers, présidée par M. Louis Blanc,
+et dont les journées de juin furent la suite; par exemple encore, la
+séparation de l’école et de la religion, question que la Commune trancha
+en chassant de partout les frères et les sœurs, en arrachant des écoles
+les crucifix, etc.; mais ces questions, qui éclatent ainsi tout à coup,
+s’agitaient depuis longtemps au sein des sociétés secrètes et des Loges
+maçonniques; après s’être produites dans ces _laboratoires de révolution
+et d’idées nouvelles_, dès qu’une occasion favorable se présente, elles
+font explosion au dehors; l’active propagande des Loges les porte
+partout; et puis, le _colosse aux mille têtes, aux cent mille bras_,
+pousse aux élections, _nationales_, _provinciales_ et _municipales_, les
+hommes en qui se personnifient ces idées. Ainsi se fait tout à coup cet
+enlacement et _cette étreinte d’un pays_, dont nous parlait tout à
+l’heure un orateur maçonnique. Puis enfin, à un moment donné, les
+catastrophes éclatent. C’est ainsi que derrière les acteurs immédiats
+des révolutions, il y en a d’autres, qui voyaient plus loin, et
+travaillaient à de plus grandes profondeurs: ceux-là étaient les vrais
+révolutionnaires, invisibles et cachés.
+
+
+IV
+
+FAITS PÉREMPTOIRES, EMPRUNTÉS A L’HISTOIRE CONTEMPORAINE
+
+Interrogeons de nouveau ici l’histoire, l’histoire contemporaine.
+
+Je viens de nommer la révolution de février: croit-on, par exemple,
+qu’elle n’ait eu pour auteurs que les organisateurs des banquets
+réformistes, et les pauvres gardes nationaux qui criaient _Vive la
+réforme!_ Ce serait une naïveté étrange de le penser. D’autres, qui
+n’attendaient pour se montrer que le moment favorable, l’avaient
+préparée dans l’ombre, et, la victoire remportée, se hâtèrent d’en
+revendiquer l’honneur; ce furent eux qui lui imprimèrent son vrai
+caractère, cet esprit socialiste, qui bientôt épouvanta la France et le
+monde, et fit couler dans Paris des flots de sang: au premier rang de
+ces ouvriers-là, étaient les francs-maçons.
+
+«Les combattants, écrivait le journal _le Franc-maçon_, n’ont eu besoin
+que de quelques heures de lutte pour conquérir _cette liberté que la
+Maçonnerie prêche depuis des siècles_. NOUS, OUVRIERS DE LA FRATERNITÉ,
+NOUS AVONS POSÉ LA PIERRE FONDAMENTALE DE LA RÉPUBLIQUE[137].»
+
+ [137] Cité par M. Neut, t. I, p. 333.
+
+On les vit, en effet dès les premiers jours qui suivirent la catastrophe
+de février, dès le 10 mars 1848, se lever, marcher dans Paris bannière
+déployée, se rendre à l’Hôtel-de-Ville, et là, au nombre de 300
+francs-maçons de tous les rites, représentant toute la Maçonnerie
+française, offrir cette bannière au gouvernement provisoire de la
+république, et réclamer hautement la part qui leur revenait dans cette
+glorieuse révolution.
+
+M. de Lamartine leur fit cette réponse qui enthousiasma les loges:
+
+«C’EST DU FOND DE VOS LOGES, QUE SONT ÉMANÉES D’ABORD DANS L’OMBRE, PUIS
+DANS LE DEMI-JOUR, ET ENFIN EN PLEINE LUMIÈRE, LES IDÉES QUI ONT JETÉ
+LES FONDEMENTS DES RÉVOLUTIONS DE 1789, DE 1830 ET DE 1848[138].»
+
+ [138] _Ibid._
+
+Ce n’était pas assez, et la Maçonnerie voulut faire une manifestation
+plus officielle encore que cette démonstration spontanée des
+francs-maçons de tous les rites. En conséquence, quinze jours plus tard,
+une nouvelle députation, composée de membres du Grand-Orient, revêtus de
+leurs cordons maçonniques, se rendait à l’Hôtel-de-Ville; elle fut reçue
+par M. Crémieux et par M. Garnier-Pagès, également revêtus de leurs
+cordons; le représentant du Grand-Maître porta la parole, et dit:
+
+«La Maçonnerie française n’a pu contenir l’élan universel de sa
+sympathie pour le grand mouvement national et social qui vient de
+s’opérer... Les francs-maçons saluent _le triomphe de leurs principes_,
+et s’applaudissent de pouvoir dire que _la patrie tout entière a reçu
+par vous la consécration maçonnique_. QUARANTE MILLE FRANCS-MAÇONS,
+RÉPARTIS DANS CINQ CENTS ATELIERS, N’ONT QU’UN CŒUR ET QU’UNE AME POUR
+VOUS ACCLAMER.»
+
+Le F∴ Crémieux, membre du gouvernement provisoire, répondit:
+
+«Citoyens et frères du Grand-Orient, le gouvernement provisoire accepte
+avec plaisir votre UTILE et COMPLÈTE adhésion... LA RÉPUBLIQUE EST DANS
+LA MAÇONNERIE... LA RÉPUBLIQUE FERA CE QUE FAIT LA MAÇONNERIE; elle
+deviendra le gage éclatant de l’_union des peuples sur tous les points
+du globe_, sur tous les côtés de notre triangle[139].»
+
+ [139] _Le Moniteur_, 25 mars 1848.
+
+_La République est dans la Maçonnerie_, dit le F∴ Crémieux, la
+République universelle, celle qui aujourd’hui parle de faire les
+États-Unis d’Europe. Eugène Sue y voyait encore autre chose; il y voyait
+_le socialisme_. En effet, la loge _la Persévérance_ d’Anvers ayant
+offert au _noble et courageux_ écrivain, à l’homme qui a été un des plus
+grands précurseurs chez nous de l’explosion socialiste de 1848, _une
+plume d’or_. Eugène Sue ne crut pas pouvoir mieux répondre à cette
+_sympathie flatteuse_ qu’en faisant de la Maçonnerie belge cet éloge:
+«Frères, par l’_extrême et juste influence_ que les Loges maçonniques
+acquièrent de jour en jour en Belgique, CES LOGES SONT A LA TÊTE DU
+PARTI LIBÉRAL SOCIALISTE[140].»
+
+ [140] M. Neut, t. I, p. 340.
+
+Et en effet, ne voyions-nous pas tout à l’heure les plus autorisés
+francs-maçons belges placer au premier rang des questions à élaborer
+dans les Loges, l’_organisation du travail_; cette question redoutable
+qui a été chez nous le cri de guerre des trop fameux ateliers nationaux
+organisés par M. Louis Blanc?
+
+Un tel triomphe assurément n’était pas fait pour ralentir l’activité des
+Loges; le coup d’État de 1852 vint les rappeler pour quelque temps à
+plus de prudence; toutefois si l’Empire, en s’introduisant dans la
+Maçonnerie, crut avoir dompté cette puissance formidable, grande et
+courte fut son illusion.
+
+Voici en effet de quelle sorte, et avec quel enthousiasme maçonnique
+s’exprimait, en 1856, l’orateur d’une des plus influentes Loges de
+Paris. Décrivant, telle qu’il la connaissait bien, la sourde
+fermentation de la démocratie contemporaine, et annonçant «qu’un _monde
+entier d’acteurs nouveaux_ se prépare à descendre sur la scène, que _des
+machines inouïes_ s’ajustent, que des _frémissements sans nom_
+avertissent que l’heure est proche»: «_Dans ce labeur effrayant de
+l’enfantement des sociétés futures_, s’écriait-il, glorifions-nous
+ensemble DE MARCHER AU PREMIER RANG DES OUVRIERS DE LA PENSÉE[141].»
+
+ [141] _Le Franc-Maçon_, mars 1857, t. VII, p. 24: «Ce bon et beau
+ discours, dit ce journal, a été couvert d’applaudissements, et
+ l’impression en a été votée à l’unanimité.»
+
+Et pour voir de plus près encore comment travaillent les _ouvriers de la
+pensée_, comment, de ces hauteurs, de ces principes généraux, où les
+dupes s’imaginent que la Maçonnerie plane inoffensive, les hommes des
+Loges descendent dans la polémique et la politique quotidiennes, disons
+un mot de la révolution de 1871 et de la Commune.
+
+Une solennelle manifestation maçonnique eut lieu pendant la Commune, un
+mois avant l’entrée des troupes dans Paris; mais fut-ce en faveur de
+Versailles et de l’armée nationale? Non certes; ce fut en faveur de
+l’effroyable insurrection communarde, _la plus grande révolution_, selon
+le franc-maçon Thirifocq, _qu’il ait été donné au monde de
+contempler_[142]. Le grand journal officiel de la Commune a raconté
+cette manifestation; le F∴ Thirifocq, un des principaux auteurs de la
+manifestation, l’a raconté de son côté, dans un curieux écrit publié en
+Belgique et que j’ai sous les yeux[143]: pas de doute possible sur
+l’esprit dont elle était animée. J’abrége les détails: je vais de suite
+au fait capital.
+
+ [142] _Appel aux francs-maçons de tous les rites_, par le F∴
+ Thirifocq.
+
+ [143] L’_Appel_ que nous citions tout à l’heure.
+
+Le 29 avril donc[144], sur un appel fait à toutes les Loges de l’Orient
+de Paris, une foule immense de francs-maçons déployant soixante-deux
+bannières maçonniques, se rendit, de la cour du Louvre à
+l’Hôtel-de-Ville, précédée par cinq membres de la Commune: la Commune
+tout entière se présenta au balcon d’honneur pour les recevoir. La
+statue de la république était là, «ceinte d’une écharpe rouge, et
+entourée par les trophées des drapeaux de la Commune: les soixante-deux
+bannières maçonniques vinrent se placer successivement sur les marches
+de l’escalier[145]». Les Frères maçons se massèrent dans la Cour.
+
+ [144] Le 26 avril, dans une réunion préparatoire de la grande
+ manifestation du 29, le citoyen Lefrançais, membre de la Commune,
+ avait fait la déclaration que voici: «J’étais de cœur avec la
+ Maçonnerie, lorsque j’ai été reçu dans la Loge 183, _une des plus
+ républicaines_, et je me suis assuré que LE BUT de la Maçonnerie et
+ de la Commune était LE MÊME.»--Cité par le F∴ Thirifocq.
+
+ [145] _Appel aux francs-maçons de tous les rites_, par le F∴
+ Thirifocq.
+
+«Dès que la cour fut pleine, dit le _Journal officiel_, les cris: vive
+la Commune! vive la maçonnerie! vive la République universelle! se
+firent entendre de tous côtés.»
+
+Puis, après un échange de discours, dans lesquels fut proclamée l’_Union
+inséparable de la Commune et de la maçonnerie_, et après que le F∴
+Thirifocq eut fait la déclaration suivante: «Si nous échouons dans notre
+tentative de paix, tous ensemble nous nous joindrons aux compagnies de
+guerre pour prendre part à la bataille...», les députations de la
+Franc-Maçonnerie, «accompagnées des membres de la Commune, sortent de
+l’Hôtel-de-Ville; l’orchestre joue la marseillaise».
+
+Dix mille francs-maçons étaient là se rendant de l’Hôtel-de-Ville à la
+Bastille; descendant ensuite toute la ligne des boulevards, et montant à
+travers les Champs-Élysées, cette immense colonne arrive aux remparts, y
+plante les soixante-deux bannières maçonniques, parlemente avec les
+généraux, à l’effet d’obtenir _une paix basée sur le programme de la
+Commune_.
+
+Et après le nécessaire insuccès d’une telle démarche, un appel aux armes
+fut lancé, au moyen de ballons, _par la fédération des francs-maçons et
+compagnons de Paris_, à tous les francs-maçons des départements. Cet
+appel aux armes se terminait par ce cri: _Vive la République! Vivent les
+Communes de France, fédérées avec celles de Paris!_
+
+Un tel fait n’a pas besoin de commentaires.
+
+Je sais bien que le Grand Orient, sans avoir un mot de blâme pour la
+manifestation, déclara que cette manifestation n’engageait _que les
+maçons qui y avaient personnellement adhéré_. Mais d’abord ils étaient
+dix mille. Et ensuite, qu’importe? Et qui peut, après de tels faits,
+douter de l’esprit qui anime les Loges parisiennes?
+
+Si la révolution de 1871 a été _athée_, comme on l’a écrit, si elle a,
+selon une autre horrible expression, _biffé Dieu_, ce mouvement
+d’athéisme, au bout duquel il y avait de si sanglantes horreurs, où
+a-t-il été plus secondé que dans ces Loges parisiennes, qui, elles
+aussi, ont _biffé Dieu_, et le veulent bannir du berceau des enfants
+comme de la tombe des morts, de l’école comme de la vie publique, de
+partout?
+
+J’écris ces lignes au milieu de l’agitation des élections municipales de
+Paris. Eh bien, sur quel terrain se débattent ces élections? Cela ne
+s’était jamais vu, du moins à ce degré: sur le terrain de la morale
+indépendante et de l’enseignement sans Dieu! Les candidats que les
+comités les plus démocratiques patronnent, qui sont-ils? Ceux qui ont
+inscrit dans leurs professions de foi l’enseignement _laïque_,
+c’est-à-dire _athée_. Et voilà parmi ces candidats un des hommes les
+plus considérables des Loges, membre du Grand-Orient, le F∴ Massol,
+celui dont nous avons cité de si violents discours maçonniques contre
+Dieu, et contre l’enseignement religieux: le voilà qui écrit dans sa
+circulaire électorale, et qui affiche sur les murs de Paris, ces
+doctrines; et son nom sort des urnes!
+
+Certes, que le pauvre peuple de Paris ait ainsi tout oublié, si peu de
+temps après les calamités effroyables que ces doctrines ont déchaînées
+sur lui, qu’il suive toujours les mêmes guides, écoute toujours les
+mêmes maîtres, et par ses votes, s’obstine à ressusciter pour ainsi dire
+légalement, sous les yeux de la France stupéfiée, la Commune!... non, je
+ne connais pas dans l’histoire plus effrayant exemple d’un incurable
+aveuglement. Mais je n’en connais pas non plus où il soit plus facile de
+toucher en quelque sorte du doigt le résultat du travail souterrain des
+Loges.
+
+Quand la Franc-Maçonnerie en est là, je comprends que ses membres les
+plus francs, se sentant assez forts maintenant, et assez avancés dans
+leur œuvre pour mettre de côté les anciennes précautions de langage,
+disent nettement ce qu’ils veulent et où ils vont, et réclament à grands
+cris, _tous les ans_, auprès du conseil de l’Ordre, l’abolition de ces
+restrictions hypocrites qui ne peuvent plus tromper personne. En effet,
+parmi les VŒUX exprimés tous les ans par les Loges les plus actives et
+que _le Monde-Maçonnique_ énumère avec complaisance, je vois cette
+réclamation décisive:
+
+Les loges réclament hautement LE DROIT de traiter LES QUESTIONS
+POLITIQUES ET RELIGIEUSES, et TOUS LES SUJETS QUI INTÉRESSENT
+L’HUMANITÉ[146]; elles veulent, en un mot, que ce qui est la pratique
+avérée des Loges et l’œuvre essentielle de la maçonnerie, devienne aussi
+le droit pour tous, la règle écrite, la loi.
+
+ [146] _Le Monde-Maçonnique_, t. XIV, p. 430.
+
+ * * * * *
+
+Telle est donc la vérité. Le but essentiel de la Maçonnerie, le voilà:
+c’est de miner tout ordre religieux et social; elle pousse,
+parallèlement, et à des profondeurs égales, ses travaux de sape et de
+démolition sous les autels et sous les trônes qui sont encore debout:
+trop aveugle qui ne le voit pas!
+
+Elle dit qu’elle porte un flambeau pour éclairer le monde; non, c’est
+une torche, pour l’incendie.
+
+La doctrine qui domine dans ses Loges, c’est l’impiété, c’est la
+négation radicale du christianisme; et la négation, implicite mais
+réelle, non pas seulement de Jésus-Christ, mais de Dieu; non pas
+seulement de la religion chrétienne, mais de toute religion, de tout
+culte. Les progrès qu’elle rêve pour l’humanité, les voilà.
+
+Et la forme politique qu’elle poursuit pour réaliser ces desseins, pour
+édifier cette société nouvelle, sans croyances, sans culte, sans Christ
+et sans Dieu, c’est la république partout substituée aux monarchies;
+mais la république démocratique et sociale.
+
+Voilà ce qu’il y a, par la force des choses, au fond de tout ce travail
+maçonnique, quelles que puissent être ici les illusions et les
+inconséquences de tel ou tel franc-maçon trop abusé.
+
+C’est le sens de ses plus hauts symboles;
+
+Ce sont là les idées qui s’élaborent dans les Loges, et qui, grâce à
+cette puissante organisation maçonnique, et à l’active propagande des
+Maçons dans le monde profane, se répandent, avec une rapidité
+effrayante, dans toutes les couches d’une société.
+
+Et, au jour donné, quand les idées ont fait leur chemin, les mines
+sautent.
+
+Voilà comment, à chaque bouleversement politique et social, les Maçons
+peuvent, comme au lendemain de février, _saluer le triomphe de leurs
+idées_; voilà comment la Maçonnerie _se mêle activement aux luttes
+quotidiennes, et descend dans l’arène politique_; voilà comment elle
+est, au vrai, et selon M. H. Martin, LE LABORATOIRE _de la révolution_.
+
+
+
+
+CONCLUSION
+
+
+I
+
+CONDAMNATION DE LA FRANC-MAÇONNERIE PAR L’ÉGLISE
+
+Peut-on s’étonner après tout cela que les Papes et les Évêques aient
+condamné la Franc-Maçonnerie? Et n’est-ce pas un grand devoir qu’ils ont
+rempli, un grand service qu’ils ont rendu à l’humanité?
+
+Depuis deux siècles déjà que la Franc-Maçonnerie s’est, je ne dis pas
+fondée, mais développée en Europe, les Papes n’ont pas cessé d’y être
+attentifs; et, au XVIIIe siècle, deux Souverains-Pontifes, Clément XII
+et le savant Benoît XIV; au XIXe, Pie VII, Léon XII, Grégoire XVI, et
+enfin Pie IX, ont prononcé contre cette association les condamnations
+les plus motivées et les plus solennelles.
+
+Qu’il me suffise de citer ici quelques passages de la célèbre Bulle,
+_Quo graviora_, de Léon XII, et d’une récente allocution de Pie IX.
+
+Le Pape Léon XII, dans cette Bulle, rappelle d’abord les condamnations
+portées contre la Franc-Maçonnerie, depuis Clément XII, déclare cette
+institution _ouvertement ennemie de l’Église catholique_, rappelle enfin
+la Bulle de Pie VII, son prédécesseur immédiat; puis, il renouvelle
+lui-même toutes ces condamnations:
+
+«Gardez-vous des séductions et des discours flatteurs qu’on emploie pour
+vous faire entrer dans ces sociétés. Soyez convaincus que personne ne
+peut y entrer sans se rendre coupable d’un péché très-grave.»
+
+Léon XII ajoutait, à l’adresse de ceux qui s’étaient fait illusion, les
+paroles suivantes:
+
+«Quoique l’on n’ait pas coutume de dévoiler ce qu’il y a là de plus
+blâmable à ceux qui ne sont pas parvenus aux grades éminents, il est
+cependant manifeste que la force de ces sociétés, si dangereuses à la
+Religion, s’accroît du nombre de ceux qui en font partie.»
+
+Ensuite, avec les accents de la plus vive charité, il conjurait ceux qui
+s’étaient laissé séduire, de s’éloigner au plus tôt des loges, et il
+défendait, sous les peines portées par ses prédécesseurs, de se faire
+initier à la Franc-Maçonnerie.
+
+Enfin Pie IX, pilote vigilant du vaisseau de l’Église, malgré les
+tempêtes qui l’assaillent lui-même, a parlé à son tour, et rappelant,
+dans son allocution du 25 septembre 1865, les avertissements donnés à la
+Franc-Maçonnerie par ses prédécesseurs, il poursuivait ainsi:
+«Malheureusement, ces avertissements n’ont pas eu le succès espéré, et
+Nous avons regardé comme un devoir de condamner de nouveau cette
+société; attendu que, par ignorance peut-être, pourrait surgir l’opinion
+fausse qu’elle est inoffensive, qu’elle n’a de but que la bienfaisance,
+et ne saurait, par conséquent, être un péril pour l’Église de Dieu.»
+
+C’est là, en effet, dans cette illusion, que se trouve le piége et
+l’appât de la Maçonnerie. Le Saint Père après l’avoir signalé, ajoute:
+
+«Nous condamnons cette société maçonnique--et les autres sociétés du
+même genre qui, tout en étant de forme différente, tendent au même
+but--sous les mêmes peines que celles spécifiées dans les constitutions
+de nos prédécesseurs; et cela regarde tous les chrétiens, de toute
+condition, de tout rang, de toute dignité, et par toute la terre.»
+
+C’est pourquoi tous les évêques de Belgique, dans une circulaire
+collective sur la Franc-Maçonnerie, faisaient la déclaration suivante:
+
+«Il est rigoureusement défendu d’y prendre part, et ceux qui le font
+sont indignes de recevoir l’absolution, aussi longtemps qu’ils n’y ont
+pas sincèrement renoncé[147].»
+
+ [147] Circulaire de l’Épiscopat belge, décembre 1837.
+
+C’est pourquoi encore les Évêques d’Irlande, réunis à Dublin, en avril
+1861, dans une lettre pastorale adressée au clergé et aux fidèles de
+leurs diocèses, signalaient, entre autres périls contemporains, la
+franc-maçonnerie, et disaient: «C’est pour nous un devoir sacré de vous
+éloigner de ces sociétés funestes, et nommément de celle des
+_francs-maçons_.»
+
+C’est pourquoi enfin, car ces citations suffisent, les Évêques de la
+libre Amérique du Nord, réunis en Concile à Baltimore, signalèrent aussi
+et condamnèrent, dans une lettre pastorale adressée à leurs diocésains,
+la société maçonnique.
+
+En France, combien de fois l’Épiscopat n’a-t-il pas élevé la voix pour
+redire les condamnations pontificales et dévoiler l’incompatibilité de
+la Maçonnerie, avec le Christianisme!
+
+Ce que les Évêques pensent de la Franc-Maçonnerie en France, en
+Belgique, en Angleterre, en Amérique, ils le pensent également en
+Allemagne. J’ai sous les yeux, en ce moment, l’écrit publié par Mgr de
+Ketteler. La conclusion de cette calme et savante discussion est
+celle-ci:
+
+«Voilà donc d’un côté l’Église catholique, et de l’autre la moderne
+Franc-Maçonnerie. Ici, l’œuvre de Dieu, l’œuvre du Christ, et de tous
+ceux qui croient en Jésus-Christ; là, l’œuvre des hommes qui renient
+Dieu et son Christ, ou du moins les abandonnent. Un catholique qui
+devient franc-maçon _déserte le temple du Dieu vivant pour travailler au
+temple d’une idole_.»
+
+Au reste, il y a des francs-maçons eux-mêmes qui en conviennent; ainsi
+le _Monde-Maçonnique_ cite ces paroles de Mgr l’Évêque d’Autun: «Si l’on
+veut rester franchement chrétien, on ne saurait être en même temps
+franc-maçon.» Puis le journal franc-maçon ajoute nettement et avec
+sincérité: «Le prélat A RAISON de parler ainsi. C’est son droit, c’est
+son devoir[148].»
+
+ [148] _Le Monde-Maçonnique_, mai 1866, p. 2.
+
+
+II
+
+QUE CONCLURE POUR LA PRATIQUE
+
+Voilà donc quels sont les faits. J’ai simplement exposé ce qui est, ce
+qui se dit, ce qui se fait, dans la Maçonnerie.
+
+Est-ce à dire cependant que toutes les choses maçonniques sont
+antichrétiennes, et tous les franc-maçons des impies?
+
+J’ai fait ici les distinctions et les réserves nécessaires.
+
+Oui, il y a des francs-maçons, qui ne savent pas même que l’Église a
+condamné la Franc-Maçonnerie; chez qui, _par ignorance_, comme le disait
+le Pape Pie IX, _a pu surgir l’opinion fausse que la Franc-Maçonnerie
+est inoffensive et n’a de but que la bienfaisance_, la philanthropie, et
+la morale; et qui, n’étant pas initiés aux profondeurs de la société
+maçonnique, n’aperçoivent pas, sous ces grands mots qui retentissent
+sans cesse dans les Loges, l’impiété, la guerre faite au Christianisme,
+l’appoint donné aux révolutions.
+
+Eh bien! dirai-je à ces francs-maçons non encore désabusés, si c’est la
+philanthropie qui vous attire, qu’avez-vous besoin d’être maçons? Soyez
+chrétiens, il suffit. Est-ce que toute bienfaisance n’est pas dans le
+Christianisme? N’est-ce pas lui qui a donné au monde la charité[149]? La
+charité, vertu plus féconde, qui apporte à l’homme des lumières et des
+dévoûments que la simple philanthropie n’égala jamais. Oui, la Charité
+porte la philanthropie à des sommets, où, d’elle-même, celle-ci ne
+serait jamais montée, et d’où elle lui découvre des horizons nouveaux et
+sans limites: en un mot, la Charité appuie le pauvre cœur humain sur le
+cœur de Dieu, et, sans écarter aucun des motifs purement humains d’aimer
+les hommes, elle donne à l’amour de l’homme pour l’homme l’idéal pur,
+fécond, infini, de l’amour même de Dieu pour l’humanité.
+
+ [149] Impossible de ne pas redire que les francs-maçons ont déclaré
+ que la Bienfaisance est _un des caractères les moins essentiels_ de
+ la Franc-Maçonnerie; et au fond rien de moins charitable que la
+ Maçonnerie, témoin les aveux de beaucoup de ses membres: le F∴
+ Accary père, membre du chapitre de la _Persévérante Amitié_, disait
+ naguère au Grand-Orient de France près duquel il était délégué: «La
+ Franc-Maçonnerie, d’après l’art. 1er de la constitution, a pour
+ objet la bienfaisance. Cependant, à l’exception de notre _Maison de
+ secours_ (dont les ressources sont si exiguës que je m’étonne
+ qu’elles soient mentionnées dans une fête solsticiable), _je ne vois
+ rien qui atteste la manière dont la Franc-Maçonnerie exerce la
+ bienfaisance_.»--Voir le _Globe_, revue maçonnique, t. III, p. 163.
+
+Et la morale! rendre les hommes plus vertueux! Certes à cette
+prétention, si elle est efficace, le Christianisme ne pourrait
+qu’applaudir; car c’est ce qu’il veut lui-même, avant la Maçonnerie, et
+plus que la Maçonnerie. Mais expliquons-nous: comment la morale chez
+vous est-elle entendue, je ne dis pas par tel ou tel franc-maçon trompé,
+qui n’a pas franchi tous les degrés de l’initiation et ne les franchira
+jamais, mais par la Franc-Maçonnerie et par ses chefs, dont j’ai cité
+les textes? Il s’agit d’une morale qui dispense de toute religion, d’une
+morale sans Dieu et sans aucune religion: en d’autre termes, la
+maçonnerie veut que l’homme vive sans culte, sans prières, sans autels,
+sans Dieu et sans Christ sur la terre.
+
+Eh bien! cette doctrine, qu’est-ce autre chose que l’athéisme pratique?
+
+Point donc de prétextes.
+
+De deux choses l’une: ou vous savez ce qu’est la Maçonnerie, ou retenus
+dans les grades inférieurs, vous ne le saurez jamais; et alors ou vous
+travaillerez efficacement à l’œuvre maçonnique, ou vous n’y travaillerez
+pas: dans le premier cas, vous trahissez évidemment votre conscience et
+la foi chrétienne; dans le second cas, que faites-vous là?
+
+Il faut vraiment des temps de décadence philosophique comme les nôtres
+pour passer par dessus de pareilles contradictions, et associer de
+telles incompatibilités.
+
+Si vous êtes chrétien, n’entrez donc jamais dans les loges, sous aucun
+prétexte; ou même si vous êtes simplement homme sérieux, ennemi des
+fantasmagories ridicules et des mystères suspects, éloignez-vous de là!
+ou si, séduit par l’enseigne, et par vos bonnes intentions, vous y avez
+mis le pied: retirez-vous.
+
+Il se fait là, malgré vous, une œuvre radicalement antichrétienne,
+lamentable pour le salut des âmes, et combien de fois n’avons-nous pas
+la douleur d’en voir de près les funestes résultats!
+
+Comment, d’ordinaire, entre-t-on dans les Loges? Un jeune homme a vingt
+ans; il est inexpérimenté, ardent, généreux; il a des amis, un peu plus
+âgés, qui déjà ont été recrutés par la propagande maçonnique. «Est-ce
+que, lui disent-ils, tu ne voudrais pas venir avec nous?» Le jeune homme
+d’abord hésite, «Que faites-vous là?» demande-t-il. On lui vante le but
+de la société, les amis qu’on y rencontre; on lui parle de philanthropie
+et de progrès; peu à peu on l’attire par ces grands mots; il consent
+enfin à se laisser faire; le voilà pris: et le premier pas une fois
+fait, l’initiation une fois reçue, peu à peu les liens se resserreront;
+et même quand il serait entré là avec quelques principes religieux
+encore, bientôt, l’esprit qui souffle dans les Loges le pénétrant, toute
+croyance s’en ira de son intelligence, et toute observance religieuse de
+sa vie.
+
+Et, en fait, dans la pratique quotidienne de la vie, que voyons-nous?
+C’est que, pour l’immense majorité de ses membres, la Maçonnerie tient
+lieu de toute religion; c’est que les hommes qui fréquentent les loges
+ne se rencontrent plus dans les temples chrétiens. La Loge remplace
+l’Église. C’est fini, plus de foi, plus de prière, plus d’Évangile, plus
+de sacrements. Pour eux, la religion n’existe plus. Ces vagues
+aspirations, cette morale sans Dieu, ces cérémonies vaines, ces creux
+symboles leur suffisent, et peu à peu ils se laissent aller à n’avoir
+plus d’autre religion, ni d’autre culte. Sont-ils initiés à quelque
+charge et décorés de quelques insignes maçonniques, c’est bien pire
+encore; les liens se resserrent et les enlacent de plus en plus;
+l’éloignement pour tout ce qui est religion augmente; la loge les
+enchaîne pour jamais; et quand vient l’heure de la mort, quand la
+famille, en larmes et en prières, les conjure de songer à leur salut et
+à leur âme, trop souvent, hélas! c’est en vain. J’en ai vu, de ces
+obstinations inexplicables, chez des hommes touchés d’ailleurs du zèle
+et de l’affection d’un bon prêtre, inclinés par lui au Christianisme, et
+à qui il ne manquait plus pour être tout à fait chrétiens, que ce
+dernier pas, cet acte de foi, cette nécessaire adoration de
+Jésus-Christ; mais non, et la cause secrète de ces résistances était là;
+pas ailleurs: la Maçonnerie avait mis la main sur eux, pesait sur leur
+âme, et ils n’osaient pas, même à leur lit de mort, se reconnaître et
+s’affranchir. Combien de familles chrétiennes savent que ce que je dis
+là n’est que trop vrai, et ont dû à la Maçonnerie cette suprême douleur!
+
+Pour nous, pasteurs des peuples, certes, ce n’en est pas une médiocre
+que de voir dans ce siècle tant d’âmes, si bien faites pour être
+chrétiennes, et si près de l’être, s’éloigner ainsi de nous, et chercher
+ailleurs, dans le vide et dans le faux, sans nous et contre nous, les
+lumières, les vertus, les progrès, dont la divine religion du Sauveur
+des hommes est la source féconde, la seule et puissante inspiratrice.
+
+Quel malheur, et quel sujet de larmes amères de voir tant d’hommes, que
+nous aimons, perdre ainsi leurs forces et leur vie à essayer de bâtir
+sans Dieu et contre Dieu!
+
+ * * * * *
+
+Je termine ici cette étude sur la Franc-Maçonnerie. Je l’ai faite sans
+amertume contre les personnes, mais non sans une tristesse profonde, en
+voyant les déplorables dissentiments de tant de nos contemporains, avec
+la Religion au sein de laquelle ils sont nés, et cette puissante
+organisation dans le monde de l’incroyance ou de l’indifférentisme
+religieux! Ce qui me cause aussi une inconsolable douleur, c’est de
+voir, par suite, tant de natures généreuses, tant d’efforts égarés; des
+bonnes volontés sincères se trompant d’objet; le progrès du monde pris à
+rebours, en sens contraire de sa direction véritable; la division enfin,
+au lieu de l’union, dans l’humanité. Ah! ce temple de la Fraternité et
+de l’Unité, que vous voulez, dites-vous, construire, ô nos frères
+abusés, il existe, mais c’est une construction faite de la main de Dieu,
+et non pas de la main des hommes; il n’a pas pour fondement la négation
+ruineuse, il repose sur la foi ferme et féconde. C’est la grande Église
+catholique. Venez-y donc, vous aussi, votre place y est marquée: ce
+temple de Dieu invite tous les hommes à s’abriter dans son sein.
+Jésus-Christ est mort pour vous comme pour nous: c’est lui le Sauveur,
+et l’illuminateur du genre humain. Venez donc à lui, et travaillez avec
+nous. Car, vous obstiner à bâtir sans Dieu et contre Dieu, je vous le
+répète, avec la parole divine elle-même, c’est un labeur qui sera
+éternellement stérile, aussi vain que coupable!
+
+NISI DOMINUS ÆDIFICAVERIT DOMUM, IN VANUM LABORAVERUNT QUI ÆDIFICANT
+EAM!
+
+
+
+
+TABLE DES MATIÈRES
+
+
+ AVANT-PROPOS 5
+
+ PREMIÈRE PARTIE
+ ANTAGONISME RADICAL DE LA FRANC-MAÇONNERIE ET DE LA RELIGION
+
+ I. Position de la question 9
+ II. Déclarations des Loges maçonniques 11
+ III. Quelques traits de la guerre faite à la religion par la
+ Franc-Maçonnerie 14
+ IV. La Franc-Maçonnerie et l’existence de Dieu 19
+ V. La Franc-Maçonnerie et l’immortalité de l’âme 24
+ VI. Incompatibilité du principe fondamental de la
+ Franc-Maçonnerie avec toute religion 29
+ VII. Nouveaux détails sur la guerre faite au Christianisme par
+ la Franc-Maçonnerie. La morale sans Dieu, l’enseignement
+ sans religion 32
+ VIII. Propagande de l’enseignement sans religion par les écoles
+ d’adultes.--Les écoles professionnelles de filles.--La
+ ligue de l’enseignement 38
+
+ DEUXIÈME PARTIE
+ UN HOMME SÉRIEUX, UN HOMME DE BON SENS PEUT-IL ÊTRE FRANC-MAÇON?
+
+ I. Hiérarchie, grades et langage maçonniques 44
+ II. Initiation maçonnique 48
+ III. Les travaux de table, ou banquets 54
+ IV. Les rites et les mystères maçonniques 57
+ V. Le chevalier Kadosch 60
+
+ TROISIÈME PARTIE
+ ACTION POLITIQUE ET RÉVOLUTIONNAIRE DE LA MAÇONNERIE
+
+ I. Témoignages maçonniques: M. Louis Blanc.--Maçons français
+ et belges 64
+ II. La question du droit des Maçons à s’occuper de politique
+ discutée et affirmativement résolue dans les Loges 69
+ III. Jusque dans quels détails la Maçonnerie s’occupe de
+ politique 71
+ IV. Faits péremptoires, empruntés à l’histoire contemporaine 76
+
+ CONCLUSION
+
+ I. Condamnation de la Franc-Maçonnerie par l’Église 83
+ II. Que conclure pour la pratique 86
+
+
+PARIS.--IMP. VICTOR GOUPY, 5, RUE GARANCIÈRE.
+
+
+
+
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75221 ***
diff --git a/75221-h/75221-h.htm b/75221-h/75221-h.htm
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+ <title>Étude sur la Franc-Maçonnerie | Project Gutenberg</title>
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+<div style='text-align:center'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75221 ***</div>
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+<div class="x-ebookmaker-drop break"></div>
+<h1 class="top2em">ÉTUDE<br>
+<span class="xsmall">SUR</span><br>
+<span class="large">LA FRANC-MAÇONNERIE</span></h1>
+
+<p class="c"><span class="xsmall">PAR</span><br>
+<span class="large">M<sup>gr</sup> L’ÉVÊQUE D’ORLÉANS</span></p>
+
+<p class="c small">DEUXIÈME ÉDITION</p>
+
+
+<p class="c gap"><span class="large">PARIS</span><br>
+CHARLES DOUNIOL ET C<sup>ie</sup> LIBRAIRES-ÉDITEURS<br>
+29, <span class="xsmall">RUE DE TOURNON</span></p>
+
+<p class="c">1875</p>
+
+<div class="break"></div>
+
+<p class="c top4em"><span class="xsmall">PARIS</span>. — <span class="xsmall">IMP</span>. <span class="xsmall">VICTOR GOUPY</span>, 5, <span class="xsmall">RUE GARANCIÈRE</span>.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<p class="c"><span class="large">ÉTUDE</span><br>
+<span class="xsmall">SUR</span><br>
+<span class="xlarge">LA FRANC-MAÇONNERIE</span></p>
+
+<h2 class="nobreak" title="Avant-Propos" id="c0">&nbsp;</h2>
+
+<p>Tout le monde connaît, au moins de nom, la Franc-Maçonnerie.
+Je la connaissais comme tout le monde : mais depuis longtemps
+déjà je désirais l’étudier de plus près ; et je m’y sentais
+sollicité par diverses causes, depuis surtout la fameuse circulaire
+de M. de Persigny. Il est incontestable en effet qu’à dater
+de cette circulaire, la Franc-Maçonnerie, chez nous, est entrée
+dans une phase nouvelle. Jusque-là, enveloppée de mystère,
+elle n’agissait guère que dans l’ombre ; mais à la faveur des
+hauts encouragements qu’elle reçut alors du gouvernement
+impérial, elle a fait en France, depuis cette époque, acte de
+vie publique, et son prosélytisme, toujours ardent quoique circonspect,
+est devenu plus ardent encore ; elle a publié des livres
+et des organes périodiques, fondé de nouvelles Loges en grand
+nombre, recruté des adhérents, levé son drapeau ; et naguère,
+dans une Loge, un franc-maçon signalait « le rapide envahissement
+du monde par la doctrine maçonnique<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, mai 1870, p. 118. — D’après un document, probablement
+exagéré, publié par le même organe, « il existe en ce moment en France
+400,000 francs-maçons. Dans ce nombre les femmes ne sont pas
+comprises ». — <i>Ibid.</i>, p. 212. <i>Le Monde-Maçonnique</i>, qui publie ce document, ne le rectifie
+pas ; et je lis dans la Constitution maçonnique française, art. 5, que la
+« Franc-Maçonnerie aspire à embrasser <i>tous les membres de l’humanité</i> ».</p>
+</div>
+<p>Il serait d’ailleurs superflu de nier ses progrès, ou de dissimuler
+son influence chaque jour croissante, et la part cachée, mais
+réelle, qui lui revient dans les révolutions contemporaines.</p>
+
+<p>Quand on voit le rôle prépondérant qu’elle joue au lendemain
+de ces catastrophes qui changent tout à coup profondément
+l’état politique et social d’un peuple ; quand on considère la part
+qu’elle prend dans ces soudaines victoires de la violence où
+elle fournit au parti triomphant des chefs et des soldats, il est
+difficile de penser qu’elle n’y était pour rien, et l’étude que je
+viens de faire m’a prouvé, avec la dernière évidence, qu’il se
+rencontre là pour elle, à tout le moins, des solidarités étranges
+et de graves responsabilités.</p>
+
+<p>Il est donc impossible qu’une telle institution nous trouve
+inattentifs, ou que nous hésitions à dire nettement ce que nous
+croyons ici la vérité.</p>
+
+<p>L’heure est venue, où c’est un devoir pour nous, après nous
+être éclairés sérieusement nous-mêmes, d’éclairer aussi ceux
+qui ont besoin de l’être.</p>
+
+<p>Car la Franc-Maçonnerie a des déclarations décevantes, au
+moyen desquelles elle fait illusion, et qui expliquent jusqu’à un
+certain point l’entraînement singulier qui porte vers elle tant
+d’hommes trompés. Toujours en effet on a rencontré dans son
+sein deux sortes d’adeptes, ceux qui n’en connaissent pas le
+dernier mot, le but suprême, et les francs-maçons véritables,
+qui savent très-bien, eux, ce qu’ils font et ce qu’ils veulent.</p>
+
+<p>On m’a souvent posé, à l’occasion de la Franc-Maçonnerie, la
+question suivante :</p>
+
+<p>La Franc-Maçonnerie est-elle une institution hostile à la
+Religion ? Est-il permis à un chrétien de se faire franc-maçon ?
+Peut-on être à la fois franc-maçon et chrétien ?</p>
+
+<p>Il y a quelques années, Mgr de Ketteler, évêque de Mayence,
+un des plus savants Évêques et des plus larges esprits de l’Allemagne,
+a été amené aussi à s’occuper de cette question, et il a
+publié un écrit spécial sous ce titre : <i>Un catholique peut-il être
+Franc-Maçon ?</i></p>
+
+<p>Sa réponse sera la mienne ; et après l’étude approfondie que
+j’ai faite, je dirai comme lui : Non, un catholique, un chrétien,
+ne peut pas être franc-maçon.</p>
+
+<p>Pourquoi ? Parce que la Franc-Maçonnerie est l’ennemie du
+Christianisme, et, dans ses profondeurs, une inconciliable ennemie.</p>
+
+<p>J’irai plus loin, et je demanderai : Un homme sérieux, un
+homme de bon sens peut-il être franc-maçon ?</p>
+
+<p>Et je répondrai également : Non.</p>
+
+<p>Puis j’examinerai ce qu’est la Franc-Maçonnerie au point
+de vue de l’ordre politique et social.</p>
+
+<p>Mais je me hâte de l’ajouter : c’est de la Franc-Maçonnerie
+véritable que je parlerai, et non pas de ses nombreuses et honnêtes
+dupes, de ceux dont le Pape Pie IX écrivait, que dans
+leur erreur, ils pourraient aller jusqu’à croire « que cette société
+est inoffensive, qu’elle n’a de but que la bienfaisance,
+et qu’elle ne saurait, par conséquent, être un péril pour l’Église
+de Dieu ». Laissant donc de côté les surfaces, les accessoires
+de l’institution, ce qui, sans doute, lui a attiré un
+certain nombre d’hommes abusés, j’irai au fond, au cœur
+de la Société, au but même, là où gît entre la Franc-Maçonnerie
+et la Religion l’antagonisme radical, inaperçu d’un certain
+nombre, mais non pas de tous.</p>
+
+<p>On a écrit des volumes sur cette institution, on peut en écrire
+encore. Je dois être plus court et plus simple, et n’étudierai
+que les points principaux, les grandes lignes qui décident de
+tout.</p>
+
+<p>Je n’ai donc pas à m’occuper ici des premières origines de la
+Franc-Maçonnerie, ni des phases successives de son histoire, ni
+de ses diverses attitudes vis-à-vis des gouvernements, ni de
+la politique des gouvernements vis-à-vis d’elle. Tout cela peut
+être objet de controverse, et je ne veux dire ici que des choses
+en dehors et au-dessus de toute contestation.</p>
+
+<p>Je dois avertir encore que c’est, non pas uniquement, mais
+principalement de la Franc-Maçonnerie française, et parfois
+aussi de sa voisine, la Franc-Maçonnerie belge, que je parlerai ;</p>
+
+<p>Et l’Étude dont j’apporte ici le résultat, je l’ai faite aux vraies
+sources, dans la Franc-Maçonnerie elle-même ;</p>
+
+<p>Dans le texte de sa constitution et de ses statuts ;</p>
+
+<p>Dans les pièces authentiques émanées des Loges ;</p>
+
+<p>Dans les discours tenus au sein des plus célèbres assemblées
+maçonniques ;</p>
+
+<p>Dans les journaux et revues de la Franc-Maçonnerie ;</p>
+
+<p>Et enfin dans son action extérieure et publique constatée.</p>
+
+<p>Une lumière sortira, je le crois, éclatante et simple, de cette
+claire exposition<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a> :</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> Beaucoup de ces documents, absolument incontestables, et incontestés, se
+trouvent dans un très-remarquable ouvrage, publié à Gand par un courageux
+et éloquent publiciste, M. A. Neut, sous ce titre : <i>La Franc-Maçonnerie soumise
+au grand jour de la publicité, à l’aide de documents authentiques</i>.
+2 vol. in-8<sup>o</sup>. — J’ai puisé en outre et principalement dans le <i>Monde-Maçonnique</i>,
+revue mensuelle publiée par les francs-maçons ; puis dans le <i>Rituel de l’Apprenti</i>,
+par le F∴ Ragon ; dans la <i>Revue-Maçonnique</i>, dans <i>La Franc-Maçonnerie
+et la Révolution</i>, par le P. Gautrelet, etc.</p>
+</div>
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak">PREMIÈRE PARTIE<br>
+Antagonisme radical de la Franc-Maçonnerie
+et de la religion.</h2>
+
+
+<h3 id="c1">I<br>
+<span class="xsmall">POSITION DE LA QUESTION</span></h3>
+
+<p>Peut-on être à la fois franc-maçon et chrétien ?</p>
+
+<p>Je réponds : Non.</p>
+
+<p>Parce que la Franc-Maçonnerie, dans son esprit véritable, dans
+son essence même, dans son action dernière, est l’ennemie du
+Christianisme, et, par son principe fondamental, une inconciliable
+ennemie.</p>
+
+<p>Je n’ai pas ici à m’étendre sur ce qui peut se dire et se
+faire de bon ou d’indifférent dans les Loges, et qui suffit à
+expliquer la présence là, après comme avant 89, d’hommes
+absolument aveuglés sur le but dernier des véritables initiés.
+<i>Philanthropie</i>, <i>fraternité</i>, <i>humanité</i>, <i>progrès</i>, ces mots que je
+lis en tête de la première <i>Revue maçonnique</i> imprimée en France
+sous le gouvernement de Juillet, pris dans leur vrai sens, loin
+d’être antichrétiens, appartiennent au contraire à la langue
+chrétienne : c’est de nous que le monde les a appris ; mais la
+question est de savoir comment, dans la réalité, la Maçonnerie
+les entend et les pratique.</p>
+
+<p>L’article 1<sup>er</sup> de la constitution Maçonnique française, votée
+en 1865, déclare la Maçonnerie une institution « essentiellement
+philanthropique ». — Il est notable cependant, et c’est le
+<i>Monde-Maçonnique</i> lui-même qui le déclare, que « la bienfaisance
+n’est pas <i>le but</i>, mais seulement un des caractères, et
+<span class="xsmall">DES MOINS ESSENTIELS</span>, de la Maçonnerie ». <i>Des moins essentiels</i> ;
+puisque ces Messieurs l’avouent, il ne le faut pas oublier ; mais
+le but, les caractères essentiels, je le demande encore, quels
+sont-ils donc ?</p>
+
+<p>Les Maçons disent : le progrès de l’humanité. Mais quel progrès ?
+Je réponds : un prétendu progrès, sans la Religion, et
+contre la Religion.</p>
+
+<p>Mais ici tout d’abord, la Maçonnerie m’arrête, et me dit :
+La Religion, le Christianisme, mais lisez-donc mes constitutions !
+je ne m’en occupe pas. Je suis à côté, je ne suis pas contre.
+Je respecte la foi religieuse de chacun de mes disciples, et
+n’exclus personne pour ses croyances. Je suis autre chose que la
+religion, mais je ne suis pas l’irréligion.</p>
+
+<p>« Respecter toutes les religions, n’en attaquer aucune, ce seront
+là toujours les règles inviolables de la Maçonnerie » :
+voilà en effet ce que je trouve sans cesse dans les déclarations
+officielles ; et l’art. 125 d’un règlement maçonnique porte expressément :
+« On s’engage à ne jamais traiter dans les loges d’aucune
+question de controverse religieuse. »</p>
+
+<p>Mais aux déclarations, aux affiches de la Franc-Maçonnerie,
+j’oppose les déclarations faites, les discours tenus dans les Loges
+par les chefs des francs-maçons, et qui ont été enfin publiés,
+d’abord en Belgique, où depuis plus longtemps les Loges
+jouissent d’une liberté qui leur permet de tout dire ; liberté
+dont elles n’ont commencé à jouir en France, que depuis la
+circulaire de M. de Persigny, en 1864<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>. J’écoute donc ; et
+qu’est-ce que j’entends-là ? Des explosions de haine, des cris
+de guerre incessants contre le Christianisme, qu’on doit, dit-on,
+<i>respecter</i>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> La Franc-Maçonnerie, dit le F∴ Félix Pyat, a été longtemps société
+secrète ; mais le temps est venu où elle doit marcher tête levée, et faire hautement
+son œuvre : « La société secrète, comme la vestale antique, a gardé constamment
+le feu sacré à l’abri des coups de vent du despotisme. Mais pour éclairer
+le monde, le soleil doit sortir du nuage, la vérité du voile, <i>et l’œuvre de la
+Loge</i>. » — <i>Le Rappel</i> cité par <i>le Monde-Maçonnique</i>, mai 1870, p. 162.</p>
+</div>
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c2">II<br>
+<span class="xsmall">DÉCLARATIONS DES LOGES MAÇONNIQUES</span></h3>
+
+<p>Le Christianisme, est-il dit sans cesse dans les Loges, c’est
+une religion <i>menteuse</i>, <i>bâtarde</i>, <i>répudiée par le bon sens</i>, <i>abrutissante</i>,
+et qu’il faut anéantir. C’est <i>un fatras de fables</i>, <i>un édifice
+vermoulu</i>, et qui doit tomber pour faire place au temple maçonnique.
+Voici quelques textes formels, choisis entre mille :</p>
+
+<p>« <i>Le Catholicisme est une formule usée, répudiée</i> par tout
+homme qui pense sainement… <i>un édifice vermoulu !</i>… Au bout
+de dix-huit siècles, la conscience humaine se retrouve en
+présence de <i>cette religion bâtarde</i>, formulée par les successeurs
+des apôtres ! »</p>
+
+<p>« Ce n’est point <i>la religion menteuse des faux prêtres du Christ</i>
+qui guidera nos pas<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4"><span class="label">[4]</span></a> M. Neut, t. I, p. 142.</p>
+</div>
+<p>Ainsi parlait, à l’installation de la loge <i>l’Espérance</i>, le <i>Grand-Orateur</i>
+de la loge, le F∴ Lacomblé.</p>
+
+<p>Selon cet <i>orateur</i>, les ministres de l’Évangile sont « un parti
+qui a entrepris d’<i>enchaîner tout progrès</i>, d’<i>étouffer toute lumière</i>,
+de <i>détruire toute liberté</i>, pour régner avec quiétude sur <i>une
+population abrutie</i> d’ignorants et d’esclaves ».</p>
+
+<p>« Aujourd’hui », disait-il encore, « que la lumière luit, il faut
+avoir la force de faire bon marché de <i>tout ce fatras de fables</i> ;
+dût le flambeau de la raison <i>réduire en cendre</i> tout ce qui
+reste encore debout de ces <i>vestiges de l’ignorance et de
+l’obscurantisme</i><a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5"><span class="label">[5]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Voilà comment parle la Franc-Maçonnerie ; voilà comment
+elle ne s’occupe pas du Christianisme, et comment elle le respecte,
+quand elle s’en occupe.</p>
+
+<p>Son thème est précisément celui que répète partout l’impiété ;
+c’est ce qui est dit à satiété, par exemple, dans ces petits livres
+dont la Révolution et la Maçonnerie inondent Rome en ce moment,
+et que j’ai eus sous les yeux.</p>
+
+<p>Son thème, son mot d’ordre est précisément celui de Voltaire :
+<i>Écrasons l’infâme.</i></p>
+
+<p>C’est en effet ce que, à l’occasion de son installation, le Vénérable
+de la loge <i>la Fidélité</i>, à Gand, disait :</p>
+
+<p>« En vain, avec le <small>XVIII</small><sup>e</sup> siècle, nous flattions-nous d’avoir
+<span class="xsmall">ÉCRASÉ L’INFAME</span> ; l’infâme renaît plus vigoureuse…<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6"><span class="label">[6]</span></a> M. Neut, t. I, p. 281.</p>
+</div>
+<p>Tout le monde sait d’ailleurs que la Maçonnerie a reçu Voltaire
+dans ses loges, et s’est associée à son œuvre ; et la preuve encore
+que, fidèle aux plus néfastes traditions, elle n’a jamais cessé de
+combattre avec Voltaire, tantôt sourdement, tantôt à ciel ouvert,
+mais avec une persévérance infatigable, les institutions catholiques
+et toute influence chrétienne, c’est ce que proclamait le
+F∴ Jean Macé, un des francs-maçons les plus considérés dans
+l’ordre, lorsque, dans un grand dîner maçonnique, à Strasbourg,
+il portait à Voltaire le toast que voici :</p>
+
+<p>« A la mémoire du F∴ Voltaire !… du F∴ Voltaire, infatigable
+soldat : toutes les batailles qu’il a livrées, il les a gagnées,
+M. F., à notre profit<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7"><span class="label">[7]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, mai 1867, p. 25. — On sait aussi que tous les
+ateliers maçonniques de Paris, sauf un seul, ont souscrit à la statue de Voltaire.</p>
+</div>
+<p>Selon le F∴ Jean-Macé, <i>les religions révélées</i> sont <i>un boulet</i>
+que l’humanité traîne au pied ; mais, heureusement, dit-il, la
+Maçonnerie est là <i>pour remplacer les croyances qui s’en vont</i><a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8"><span class="label">[8]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, mai 1870, p. 118.</p>
+</div>
+<p>Écoutons maintenant le dernier grand-maître de la Maçonnerie
+française, le F∴ Babaud-Laribière, nommé il y a trois ans
+préfet des Pyrénées-Orientales, et mort dans cette charge : <i>La
+Maçonnerie</i>, dit-il, <i>est supérieure à tous les dogmes</i>. — <i>Antérieure
+et supérieure aux religions</i>, c’est elle, suivant un autre frère, qui
+<i>doit donner l’impulsion au monde</i><a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9"><span class="label">[9]</span></a> <i>Ibid.</i>, 139. — <i>Ibid.</i> Novembre 1866, p. 132.</p>
+</div>
+<p>Et en effet, disait, dans un autre discours, le même Babaud-Laribière :
+« Les dogmes périssent fatalement. » Il déclarait
+donc le dogme catholique mort, Rome, sa capitale, une ville
+morte, et il posait nettement la Maçonnerie en <i>adversaire</i> irréconciliable
+du catholicisme : « Quelle est la doctrine fondamentale de
+<i>nos adversaires</i> ? Un dogme immuable. Quelle est leur capitale ?
+Une ville morte. » Et après cette insolence à l’endroit du Catholicisme,
+il proclamait Paris la capitale de la Maçonnerie et le
+Vatican du genre humain : « La Maçonnerie, <i>au contraire</i>, a
+établi <i>son Vatican</i> ici même, dans ce Paris, où les idées bouillonnent
+et se purifient comme dans la fournaise<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>. » Cela
+était dit et applaudi dans une assemblée générale du Grand-Orient.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10"><span class="label">[10]</span></a> <i>Ibid.</i> Juillet 1869, p. 171.</p>
+</div>
+<p>C’est donc la Maçonnerie qui doit <i>remplacer</i> le Christianisme :</p>
+
+<p>Et elle le peut, si elle le veut. « <span class="xsmall">ORGANISÉE COMME ELLE L’EST</span>,
+disait le F∴ Félix Pyat, la Maçonnerie <span class="xsmall">PEUT</span>, <span class="xsmall">SI ELLE VEUT</span>,
+<span class="xsmall">REMPLACER L</span>’É<span class="xsmall">GLISE CHRÉTIENNE</span><a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11"><span class="label">[11]</span></a> <i>Le Rappel</i>, cité par <i>le Monde-Maçonnique</i>.</p>
+</div>
+<p>Telles sont les déclarations de ces Messieurs.</p>
+
+<p>Mais continuons : la haine du Christianisme s’accentue de
+plus en plus et arrive, si je le puis dire, à son paroxysme :</p>
+
+<p>« Il faut de l’énergie pour porter ainsi le scalpel dans le
+sanctuaire de cette foi aveugle <i>que nous avons puisée au sein de</i>
+<span class="xsmall">NOS MÈRES</span>… N<span class="xsmall">ON</span>, <span class="xsmall">LE</span> D<span class="xsmall">IEU RÉVÉLATEUR N’EST PAS</span><a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a> ! »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12"><span class="label">[12]</span></a> M. Neut, t. I, p. 144.</p>
+</div>
+<p>Et à Gand, le vénérable de <i>la Fidélité</i>, disait :</p>
+
+<p>« Il faut élever <span class="xsmall">AUTEL CONTRE AUTEL</span>, enseignement contre enseignement…</p>
+
+<p>« Nous devons combattre ; mais combattre avec la certitude
+de la victoire. »</p>
+
+<p>Puis il ajoutait :</p>
+
+<p>« A eux (aux prêtres du Christ) <i>la morale facile et</i> <span class="xsmall">PERVERSE</span> ! à
+eux <i>le fanatisme</i> ! A nous la morale pure, le désintéressement,
+le dévoûment ! »</p>
+
+<p>« La Maçonnerie rejette <i>les fantasmagories idolâtres</i>… La Maçonnerie
+est <i>au-dessus des religions</i><a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13"><span class="label">[13]</span></a> Discours prononcé par le F∴ Frantz Faider, à l’occasion de son installation
+comme vénérable de la loge <i>la Fidélité</i>, de Gand. — A. Neut, t. I, pag. 280
+<i lang="la" xml:lang="la">et seq.</i></p>
+</div>
+<p>Enfin : « Nous sommes <span class="xsmall">NOS PROPRES DIEUX</span><a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a> ! »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14"><span class="label">[14]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Et la Vente suprême du carbonarisme, qui a eu de si intimes
+affinités avec la Maçonnerie, disait nettement :</p>
+
+<p>« Notre but final est celui de Voltaire et de la Révolution
+française : <span class="xsmall">L’ANÉANTISSEMENT A TOUT JAMAIS DU CATHOLICISME</span>,
+<span class="xsmall">ET MÊME DE L’IDÉE CHRÉTIENNE</span><a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">[15]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15"><span class="label">[15]</span></a> Instruction secrète adressée à toutes les <i>Ventes</i> par la <i>Vente suprême</i>. — <i>L’Église
+en face de la Révolution</i>, t. II, p. 82.</p>
+</div>
+<p>Ceux qui croient qu’on peut être à la fois chrétien et franc-maçon,
+doivent commencer à voir que cela est difficile.</p>
+
+<p>Mais la Maçonnerie ne s’en tient pas aux paroles qui retentissent
+dans ses Loges, et la guerre qu’elle fait au dehors à la
+Religion est aussi acharnée que sa haine.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c3">III<br>
+<span class="xsmall">QUELQUES TRAITS DE LA GUERRE FAITE A LA RELIGION PAR LA
+FRANC-MAÇONNERIE</span></h3>
+
+<p>De cette guerre, qui est le fond, la pensée dernière de la Maçonnerie,
+je ne veux citer ici que trois faits, mais qui ne peuvent
+laisser subsister aucun doute sur le véritable esprit maçonnique.</p>
+
+<p>Je le demande d’abord : n’est-ce pas une profonde pensée de
+guerre qui, naguère, en 1869, faisait à la fois surgir, à Bruxelles,
+à Naples, à Paris ces <i>Convents</i> (c’est le style des francs-maçons),
+ces Convents ou conciles maçonniques, <span class="xsmall">EN FACE</span> <i>du Concile œcuménique</i> ?
+et tout récemment encore ce <i>convent</i> qui essayait de
+se réunir à Rome même ?</p>
+
+<p>On se souvient que le <i>Convent</i> de Paris, était annoncé par
+une circulaire du Grand-Maître de l’Ordre, le général Mellinet,
+qui avait été en même temps, sous l’Empire, commandant en
+chef la garde nationale de Paris.</p>
+
+<p>Voici cette circulaire :</p>
+
+<blockquote>
+<p>« TT∴ CC∴ FF∴ (cela veut dire : Très-chers frères).</p>
+
+<p>« L’<i>Assemblée générale du Grand-Orient de France</i>, dans sa dernière
+session, a été saisie de la proposition suivante :</p>
+
+<p class="ugap">« Les soussignés, considérant que, dans les circonstances présentes,
+<span class="xsmall">EN FACE</span> <i>du Concile Œcuménique</i> qui va s’ouvrir, <i>il importe</i> à la Franc-Maçonnerie
+d’<span class="xsmall">AFFIRMER</span> <i>solennellement ses grands principes</i>, etc.</p>
+
+<p>« Invitent le T∴ H∴ (très-haut) grand-maître et le conseil de l’Ordre
+à convoquer, le 8 décembre prochain, un <i>Convent</i> extraordinaire des
+délégués des Ateliers de l’Obédience, de ceux des autres rites et des
+Orients étrangers, pour élaborer et voter <i>un manifeste qui soit l’expression
+de cette affirmation</i>. »</p>
+
+<p class="sign">(<i>Suivent les signatures.</i>)</p>
+
+<p class="c">Le Grand-Maître de l’Ordre,</p>
+
+<p class="sign"><i>Signé</i> : M<span class="xsmall">ELLINET</span>.</p>
+</blockquote>
+
+<p>Je ne veux remarquer ici qu’une chose, c’est dans quelle
+pensée ce <i>Convent</i> était projeté : il s’agissait d’y <i>élaborer</i> et
+d’y <i>voter</i> <span class="xsmall">UN MANIFESTE SOLENNEL</span>, qui fut, quoi ? Une <i>affirmation
+de principes</i>, qu’il <i>importait</i>, disait-on, de poser <span class="xsmall">EN FACE</span> <i>du Concile
+œcuménique</i>. Pouvait-on déclarer d’une manière plus expresse
+l’antagonisme flagrant entre la Franc-Maçonnerie et l’Église
+catholique ?</p>
+
+<p>Et s’il était possible de conserver ici un doute quelconque
+ne suffirait-il pas, pour lever ce doute, de rappeler une lettre
+publiée alors par M. Michelet, et dans laquelle, selon M. Michelet,
+« les manifestations, — qu’il importait à la Franc-Maçonnerie
+de faire, « <span class="xsmall">EN FACE</span> du Concile œcuménique », — seraient « <span class="xsmall">LE
+VRAI CONCILE QUI JUGERAIT LE FAUX</span><a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">[16]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16"><span class="label">[16]</span></a> Lettre du 24 octobre 1869, publiée par tous les journaux.</p>
+</div>
+<hr>
+
+
+<p>Le second fait où se révèle la guerre que la Maçonnerie a déclarée
+au Christianisme, ce sont les attaques sorties des Loges
+maçonniques contre les institutions religieuses du Christianisme,
+institutions qu’il faut écraser et <span class="xsmall">EXTIRPER MÊME PAR LA
+FORCE</span> : « L’<span class="xsmall">HYDRE MONACALE</span> », c’est ainsi que le Vénérable de
+la <i>Loge des Trois Amis</i> les désignait ; et un autre Vénérable reprenant,
+dans son discours d’installation à son <i>vénéralat</i>, cette
+<i>heureuse expression</i> : « L’<span class="xsmall">HYDRE MONACALE</span>, s’écriait-il, <i>si souvent
+écrasée</i>, nous menace de nouveau de ses têtes hideuses<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">[17]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17"><span class="label">[17]</span></a> M. Neut, t. I, p. 280.</p>
+</div>
+<p>Et un autre, au milieu d’applaudissement frénétiques, ajoutait :</p>
+
+<p>« Nous avons le droit et le devoir de nous en occuper
+et il faudra bien que le pays entier finisse par en faire justice,
+<span class="xsmall">DÛT-IL MÊME EMPLOYER LA FORCE POUR SE GUÉRIR DE CETTE
+LÈPRE</span> ! (Bravos)<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">[18]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18"><span class="label">[18]</span></a> <i>Discours du frère Bourlard au Grand-Orient de Belgique</i>, le 26 juin 1864. — Neut,
+t. I, p. 307.</p>
+</div>
+<hr>
+
+
+<p>Et que dire, maintenant, de ces confréries maçonniques, où
+l’on s’engage formellement à ne vouloir ni baptême, ni mariage
+religieux ; ni prêtre au lit des malades ; où l’on va jusqu’à
+donner mandat aux confrères d’intervenir, par l’ingérence la
+plus odieuse, à la dernière heure, entre le mourant et sa famille ;
+où l’adepte de la Franc-Maçonnerie s’enlève ainsi à lui-même,
+par ces engagements sacriléges, tout retour possible de la conscience !</p>
+
+<p>Où donc est née cette horrible secte des solidaires, qui
+semble s’être donné mission d’immoler l’espérance entre ce
+qu’elle appelle l’inconnu éternel qui précède la naissance, et
+le néant éternel qui suit la mort ? Dans les Loges maçonniques
+de Belgique, d’où elle passa promptement dans les Loges maçonniques
+de France. Bientôt, en effet, une Loge de Paris,
+<i>l’Avenir</i>, à l’imitation des francs-maçons belges, créait également
+dans son sein un comité, une confrérie de ce genre. Voici
+le dixième article de ses statuts :</p>
+
+<p>« Art. 10. — Le libre penseur pouvant être empêché, au moment
+de la mort, par des influences <i>étrangères</i> (les influences
+de la famille !), de remplir <span class="xsmall">SES OBLIGATIONS VIS-A-VIS DU COMITÉ</span>,
+remettra à trois de ses frères, pour faciliter <i>leur mission
+en ce cas</i>, <span class="xsmall">UN MANDAT</span>, fait au moins <i>en triple ampliation</i>,
+donnant <i>plein droit</i> aux frères de <i>protester hautement</i>, dans le
+cas où, <i>pour quelque raison que ce soit</i>, on ne tiendrait pas
+compte de sa volonté formelle d’être <i>enterré en dehors de toute
+espèce de rite religieux</i><a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">[19]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19"><span class="label">[19]</span></a> Cité dans le <i>Monde-Maçonnique</i>, t. IX.</p>
+</div>
+<p>Et ils appellent cela le <i>libre-mourir</i> ! Ils enchaînent ainsi
+d’avance la volonté de leur adepte ! Ils instituent, sur eux-mêmes,
+et au sein de leur famille, cette révoltante intrusion,
+telle, que des francs-maçons, munis d’un <i>mandat en triple ampliation</i>,
+viendront là, dire à un père, à une mère, à une femme,
+à des enfants : « Ce mourant, ce mort nous appartient ! Retirez-vous ! »</p>
+
+<p>C’est donc le comité franc-maçon, lui seul, qui veillera au
+chevet des mourants ; et il n’y aura plus, à sa dernière heure,
+pour le franc-maçon, ni père, ni mère, ni femme, ni enfant,
+ni frère, ni sœur, ni lien quelconque de la famille et de la religion ;
+plus rien que ce comité et sa tyrannie !</p>
+
+<p>La Franc-Maçonnerie officielle, il est vrai, s’est émue en
+France de cette publique monstruosité, tolérée pendant trop
+longtemps. Pour des raisons d’ordre et de prudence, le Grand-Maître
+a voulu voir là une atteinte aux principes maçonniques,
+et il a suspendu pendant six mois la loge l’<i>Avenir</i>. Mais combien
+de fois, dans combien de loges et de journaux maçonniques, les
+principes de la loge l’<i>Avenir</i> et des solidaires n’ont-ils pas été
+proclamés ?</p>
+
+<p>Ce que les journaux francs-maçons, tel que le <i>Monde-Maçonnique</i>,
+exaltent le plus, c’est l’athéisme au lit des mourants ; ce
+sont ces morts sans Dieu, ces départs pour l’éternité sans
+aucunes consolations religieuses, ces funérailles sans aucunes
+prières : voilà ce que ce journal appelle « mourir sans faiblesse<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">[20]</a> ».
+Dans une seule de ses chroniques, je vois
+relatés et préconisés jusqu’à cinq morts et cinq enterrements
+solidaires, dont deux de femmes !<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">[21]</a>. Et voici en quels
+termes : « Il est mort sans l’assistance des prêtres d’aucune
+religion… Il est mort fidèle à ses principes, et a été enterré sans
+prêtres… Inutile d’ajouter que les funérailles de M<sup>me</sup> F… ont
+été purement civiles… » Et une autre fois : « Deux mille maçons
+suivaient le convoi de M<sup>me</sup> S. C… »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20"><span class="label">[20]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, novembre 1866.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21"><span class="label">[21]</span></a> <i>Ibid.</i>, décembre 1867, p. 496, et septembre 1868, p. 296.</p>
+</div>
+<p>Ailleurs, dans la même <i>Revue</i>, je lis : « Dès 1868, le frère Bremond,
+trésorier de la Loge l’<i>Écho du Grand-Orient</i>, avait remis
+au vénérable de la Loge une lettre où il déclarait : « Je
+désire être enterré <i>civilement <span class="xsmall">ET</span> maçonniquement</i><a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">[22]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22"><span class="label">[22]</span></a> <i>Ibid.</i>, juillet 1873, p. 158.</p>
+</div>
+<p>Aussi, ne suis-je pas surpris de lire dans le même <i>Monde-Maçonnique</i>,
+que la R∴ L∴ l’<i>École Mutuelle</i>, loge infatigable,
+dit cette <i>Revue</i>, et qui a pour premier Sur∴ (surveillant) le
+F∴ Tirard, que cette Loge, dis-je, a mis à l’ordre du jour des
+questions à étudier par elle, celle-ci :</p>
+
+<p>« De l’organisation des enterrements <i>civils <span class="xsmall">ET</span> maçonniques</i><a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">[23]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23"><span class="label">[23]</span></a> <i>Ibid.</i>, mai 1866, p. 30.</p>
+</div>
+<p>Naturellement aussi le <i>Monde-Maçonnique</i> ne pouvait qu’applaudir
+à ces vers de M. Laurent-Pichat :</p>
+
+<div class="flex">
+<div class="poetry">
+<div class="verse">Que j’aie été fourmi, que j’aie été géant,</div>
+<div class="verse">S’il faut que je descende à la nuit du néant,</div>
+<div class="verse">J’y descendrai sans peur…</div>
+<div class="verse">Pas de cierges rangés au chœur en promenoir !</div>
+<div class="verse">Pas de prêtres autour d’un catafalque noir !</div>
+<div class="verse">Sur les murs de l’Église en deuil, pas de croix blanches<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">[24]</a> !</div>
+</div>
+
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24"><span class="label">[24]</span></a> <i>Ibid.</i>, tom. XI, p. 197.</p>
+</div>
+<p>Et quelles impiétés, hélas ! et, je dois l’ajouter, quelles pauvretés,
+ne débitent pas d’ordinaire en ces occasions les orateurs
+des loges !</p>
+
+<p>Ainsi, aux funérailles du F∴ Bremond, dont nous parlions
+tout à l’heure, le F∴ Pinchenat s’écriait : « L’homme meurt,
+mais les idées ne meurent pas… Pauvre cher frère, tu revivras
+en nous !… »<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">[25]</a></p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25"><span class="label">[25]</span></a> <i>Ibid.</i>, juillet 1873, p. 162.</p>
+</div>
+<p>Grande consolation, pour ce pauvre frère Bremond, de revivre
+ainsi dans le cher frère Pinchenat !</p>
+
+<p>Qu’on ne parle donc plus de cette tolérance et de ce respect
+pour la Religion, inscrits, faut-il dire si hypocritement, au
+frontispice de la constitution maçonnique !</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c4">IV<br>
+<span class="xsmall">LA FRANC-MAÇONNERIE ET L’EXISTENCE DE DIEU</span></h3>
+
+<p>Serrons de plus près encore la question, et pour mieux montrer
+l’incompatibilité absolue du principe fondamental de la maçonnerie
+avec le Christianisme, voyons comment ils l’entendent,
+et jusqu’où ils sont, en fin de compte, obligés de le pousser : jusqu’à
+l’athéisme.</p>
+
+<p>Oui, le principe de la liberté de conscience absolue et illimitée
+que proclame la Maçonnerie, ne lui permet point de professer,
+sans inconséquence, je ne dis pas seulement le Christianisme,
+mais même l’existence de Dieu, ce dogme que certains
+Maçons ont cru primordial en Maçonnerie. En principe, la
+Franc-Maçonnerie est une société sans foi d’aucune sorte, sans
+aucune croyance, même en Dieu.</p>
+
+<p>C’est ce que de récents débats dans son sein ont démontré
+jusqu’à l’évidence, et ce que l’impérieuse logique proclame
+encore plus haut.</p>
+
+<p>Disons quelque chose de ces débats.</p>
+
+<p>Un historien, franc-maçon, membre aujourd’hui de l’Assemblée
+nationale, M. Henri Martin, avait eu le malheur d’écrire,
+en octobre 1866, dans <i>le Siècle</i>, les lignes suivantes :</p>
+
+<p>« La Franc-Maçonnerie est une société <span class="xsmall">THÉISTE</span>, recevant dans
+son sein les hommes de toute religion, à condition qu’ils professent
+le principe de la liberté religieuse. »</p>
+
+<p>« Son but, ajoutait M. Henri Martin, est le bien des hommes
+et le progrès du monde ; et ses associés sont les ouvriers de Dieu
+dans cette œuvre. La Franc-Maçonnerie est cela ou n’est rien :
+effacer du programme maçonnique <i>le grand architecte de
+l’univers</i>, c’est effacer la Franc-Maçonnerie elle-même. Otez
+l’architecte, il n’y a plus ni temple ni maçons…</p>
+
+<p>« Les orthodoxes de la Maçonnerie sont dans leur droit en
+refusant le titre de maçons à ceux qui rejettent l’architecte, et
+abattent le temple. »</p>
+
+<p>Ces paroles soulevèrent une tempête dans la Maçonnerie ; de
+tous côtés des maçons se levèrent, indignés qu’on eût pu présenter
+la Franc-Maçonnerie comme une société théiste, croyant
+à Dieu, <i>à l’architecte de l’univers</i>, et ils firent entendre les plus
+énergiques protestations.</p>
+
+<p>Un orateur d’une des Loges parisiennes, le F∴ Henri Brisson,
+qui est, lui aussi, membre de l’Assemblée nationale, accusa
+M. Henri Martin d’avoir, en proclamant la Franc-Maçonnerie
+une société théiste, et croyant en Dieu, parlé « un langage
+de <span class="xsmall">SECTAIRE INTOLÉRANT</span> ». M. H. Martin n’a pas compris le principe
+fondamental de la Maçonnerie. « Si la reconnaissance de ce
+grand architecte était, comme M. H. Martin le dit par erreur,
+primordiale en maçonnerie, il n’y aurait chez les maçons
+ni liberté de conscience, ni liberté d’opinions<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">[26]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26"><span class="label">[26]</span></a> <i>Le Temps</i>, 4 novembre 1866.</p>
+</div>
+<p>Deux autres francs-maçons qui, à cette époque, étaient membres
+du Conseil de l’ordre, le F∴ Caubet, et le F∴ Massol,
+élu récemment membre du Conseil municipal de Paris, déclarèrent
+que si la Franc-Maçonnerie professait la croyance en
+Dieu, « la Maçonnerie ne serait qu’une secte religieuse, ayant,
+comme toutes les sectes, ses dogmes, son orthodoxie, sa
+profession de foi ».</p>
+
+<p>Et ils citèrent à l’appui de leur argumentation « un <i>rapport
+émanant d’une <span class="xsmall">COMMISSION GÉNÉRALE</span> maçonnique de <span class="rm">1863,</span> dont
+les <span class="xsmall">CONCLUSIONS</span> furent adoptées</i> ». Ce rapport disait :</p>
+
+<p>« La Maçonnerie est une institution <i>soustraite à tout joug d’Église
+et de sacerdoce, à tous les caprices des révélations, et à toutes
+les hypothèses des mystiques</i><a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">[27]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27"><span class="label">[27]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, novembre 1866, p. 439-441.</p>
+</div>
+<p>Les <i>hypothèses des mystiques</i>, on sait que cela signifie simplement
+l’existence de Dieu, déclarée maintes fois par le F∴ Massol,
+par les partisans de la morale indépendante, par les positivistes
+et les Francs-Maçons, une <i>hypothèse invérifiable</i>.</p>
+
+<p>Ainsi donc, le rapport adopté par l’<span class="xsmall">ASSEMBLÉE GÉNÉRALE</span> Maçonnique
+de 1863 le déclare expressément : la Maçonnerie est
+une institution affranchie du joug non-seulement des croyances
+révélées, mais même de la simple croyance en Dieu.</p>
+
+<p>M. Henri Martin semblait cependant avoir d’autant plus raison
+de présenter la Franc-Maçonnerie comme une société théiste, que
+toutes ses <i>planches</i>, (c’est-à-dire ses pièces officielles,) devaient
+porter en tête la formule séculaire : <i>A la gloire du grand architecte
+de l’univers</i> ; et que, de plus, la question semblait avoir été
+jugée en faveur du théisme l’année précédente même, dans le
+grand <i>convent</i> maçonnique de 1865.</p>
+
+<p>Ce <i>convent</i> avait pour objet une œuvre capitale, l’élaboration
+d’une nouvelle constitution pour la Maçonnerie française.
+C’est à cette occasion que s’agitait avec une nouvelle ardeur la
+question déjà soulevée au sein de la Maçonnerie, à savoir si
+elle continuerait à maintenir en tête de ses <i>planches</i> ses vieilles
+formules. Pendant que les Loges élaboraient la nouvelle constitution,
+sur 151 projets qui arrivèrent au Grand-Orient de Paris,
+60 réclamèrent <i>l’abolition absolue de toutes formules affirmant
+l’existence de Dieu</i>.</p>
+
+<p>Néanmoins, après les plus vifs débats au sein du <i>convent</i>, la
+formule fut conservée.</p>
+
+<p>Mais, hélas ! si la vieille formule se trouvait maintenue, la logique
+était contre elle ; car, logiquement, cette abstraction
+de toute croyance, proclamée par la constitution maçonnique
+comme sa base fondamentale, ne lui permet pas, sans inconséquence,
+de prescrire comme obligatoire une formule où l’existence
+de Dieu est proclamée.</p>
+
+<p>Aussi de nombreuses protestations se firent-elles entendre au
+sein des Loges.</p>
+
+<p>Je lis, en effet, dans le <i>Monde-Maçonnique</i> :</p>
+
+<p>« Dans sa séance du 26 octobre, la première section de la
+grande Loge centrale (rite écossais), <i>composée des députés élus
+par chacune des Loges de cette obédience</i>, a déclaré que, dans sa
+pensée, la Maçonnerie n’avait pas à affirmer Dieu<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">[28]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28"><span class="label">[28]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, novembre 1866, p. 412.</p>
+</div>
+<p>La question revint donc à l’assemblée générale du Grand-Orient,
+présidée par le Grand-Maître, général Mellinet, le
+13 juin 1867. Le débat fut plus vif encore que la première fois :
+et en effet : « La question, disait le <i>Monde-Maçonnique</i>, tient à
+l’existence même de la Maçonnerie, à ce qui constitue sa raison
+d’être, à ce qui est comme la moelle de ses os<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor">[29]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29"><span class="label">[29]</span></a> Avril 1867, p. 50.</p>
+</div>
+<p>« Ils disent », s’écriait avec indignation le même journal,
+« ils disent : « Nous sommes déistes. La Franc-Maçonnerie est
+la fille aînée du déisme. »</p>
+
+<p>« La Maçonnerie souscrira-t-elle à cette proposition ? Nous
+verrons bien ! Nous verrons si elle est capable de <span class="xsmall">SE COUVRIR
+DE HONTE</span>, elle qui a proclamé si haut la <i>tolérance <span class="xsmall">UNIVERSELLE</span></i><a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor">[30]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30"><span class="label">[30]</span></a> <i>Ibid.</i>, août 1866, p. 220.</p>
+</div>
+<p>Nous avons sous les yeux les curieux débats qui eurent lieu
+dans cette assemblée générale maçonnique, à laquelle assistaient
+« deux cent soixante-neuf délégués représentant cent
+quatre-vingt-trois ateliers ». Les adversaires de la formule
+soutinrent : que « la Maçonnerie devait donner une définition de
+Dieu, ou ne plus en parler, car admettre tous les dieux, c’est
+une négation » ; que « la morale n’a pas besoin de s’appuyer
+sur Dieu » ; que la Maçonnerie « en affirmant cette idée de
+Dieu, passerait à l’état d’église<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor">[31]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31"><span class="label">[31]</span></a> Le <i>Monde-Maçonnique</i>, juillet 1867.</p>
+</div>
+<p>Nonobstant cette logique, la tactique l’emporta. L’enseigne
+fut maintenue. Mais, au fond, que signifie ce vote ? Et, pour qui
+entend les choses de la franc-maçonnerie, y a-t-il rien de plus
+vide ? Annulée par cette tolérance maçonnique, qui <i>admettant
+tous les dieux, n’est qu’une négation</i>, c’est-à-dire l’athéisme, selon
+l’expression nette du F∴ Pelletan, l’enseigne peut-elle être
+prise au sérieux ? « Est-ce que », comme l’expliquait au <i>Convent</i>
+maçonnique un autre F∴, le F∴ Garisson, « est-ce que
+Proudhon, un des plus grands esprits de ce siècle, n’a pas
+été reçu maçon ? Est-ce que les jeunes gens du Congrès
+de Liége n’ont pas été reçus maçons ? Si, certainement ; nous
+leur avons tendu la main et nous leur avons dit : <i>Travaillez
+avec nous !</i> » (Applaudissement)<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor">[32]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32"><span class="label">[32]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Oui, tout cela était vrai : oui, Proudhon fut reçu franc-maçon,
+l’homme qui a dit : « Dieu, c’est le mal » ; et qui, à cette
+question : « Que doit-on à Dieu ? » répondit : « La guerre ! »</p>
+
+<p>Et les jeunes gens du Congrès de Liége, qui poussèrent, on
+s’en souvient, ces cris sauvages : « Haine à Dieu ! Guerre à
+Dieu ! Il faut crever le ciel comme une voûte de papier ! »
+ces jeunes gens furent reconnus d’excellents auxiliaires de la
+Maçonnerie, qui leur a tendu <i>la main</i>.</p>
+
+<p>Au surplus, les Francs-Maçons conséquents n’ont pas cessé
+de protester contre la formule, et espèrent bien arriver à la
+faire disparaître des règlements. « Nos contradicteurs », écrivait
+le <i>Monde-Maçonnique</i>, dans le numéro même où il relatait
+ce vote, « n’ont acquis que le droit d’être intolérants ». Et la
+maçonnerie n’en reste pas moins « le temple universel éternellement
+ouvert <i><span class="xsmall">AUX ATHÉES</span> aussi bien qu’aux <span class="xsmall">PANTHÉISTES</span>,
+etc.</i><a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor">[33]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33"><span class="label">[33]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Et si l’on veut savoir d’ailleurs ce qui se cache sous la formule,
+pour ceux qui l’adoptent, c’est l’anéantissement de tous
+les cultes : qu’on lise, dans le <i>Rituel de l’apprenti maçon</i> le commentaire
+qu’en donne le vénérable, à l’Apprenti récipiendaire :</p>
+
+<p>« Le déisme est la croyance en Dieu, <i>sans révélation ni
+culte</i>, c’est la religion de l’avenir, <i>destinée à remplacer les
+cultes</i> ; etc.<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor">[34]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34"><span class="label">[34]</span></a> <i>Manuel de l’Apprenti maçon, contenant le cérémonial</i>, etc., par J. M. Ragon,
+p. 45.</p>
+</div>
+<p>Qu’on écoute aussi ces professions de foi péremptoires, faites
+dans de grandes assemblées maçonniques :</p>
+
+<p>« Je dirai que <span class="xsmall">LE NOM DE</span> D<span class="xsmall">IEU EST UN MOT VIDE DE SENS</span><a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor">[35]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35"><span class="label">[35]</span></a> Loge de Liége, 1865. — A. Neut, II, p. 287.</p>
+</div>
+<p>« Il ne faut pas seulement nous placer au-dessus des différentes
+religions, Mais <span class="xsmall">AU-DESSUS DE TOUTE CROYANCE EN UN</span>
+D<span class="xsmall">IEU QUELCONQUE</span><a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor">[36]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36"><span class="label">[36]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 223.</p>
+</div>
+<p>« Seuls <span class="xsmall">LES IMBÉCILES PARLENT ET RÊVENT ENCORE D’UN</span> D<span class="xsmall">IEU</span><a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor">[37]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37"><span class="label">[37]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Ainsi donc, une étiquette déiste, qui n’est au fond qu’une
+déclaration de guerre ouverte contre toute religion positive ;
+cette étiquette elle-même répudiée par la partie la plus active
+et la plus remuante de l’association, comme par la logique du
+principe ; cette abstraction faite de tout dogme, ce principe de
+la liberté absolue et illimitée, c’est-à-dire de l’indifférentisme
+absolu, consacrant toutes les audaces de la négation, et emportant
+peu à peu les derniers restes d’une formule usée ; les doctrines
+les plus nihilistes envahissant de plus en plus les Loges ;
+et l’athéisme se proclamant, s’installant, si j’ose le dire, avec
+une suprême audace, sur les débris de toute croyance à Dieu :
+tel est, à l’heure actuelle, le bilan doctrinal de la Maçonnerie.</p>
+
+<p>Faut-il encore après cela poser la question si un chrétien
+peut être franc-maçon ?</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c5">V<br>
+<span class="xsmall">LA FRANC-MAÇONNERIE ET L’IMMORTALITÉ DE L’AME</span></h3>
+
+<p>Il en est de la croyance à l’immortalité de l’âme comme de
+la croyance en Dieu : elle suscita au sein de la Maçonnerie les
+mêmes débats.</p>
+
+<p>Ainsi, quand mourut le dernier roi de Belgique, Léopold,
+bien qu’il eût reçu l’assistance du culte protestant, et renié, par
+conséquent, la Maçonnerie, la Maçonnerie belge voulut s’emparer
+de sa mémoire, et une grande cérémonie funèbre fut célébrée
+en son honneur au Grand-Orient de Belgique. Mais la maxime
+suivante avait été affichée au jubé du temple maçonnique par
+les ordonnateurs de la fête :</p>
+
+<p>« L’âme, émanée de Dieu, est immortelle. »</p>
+
+<p>Contre quoi, la loge <i>la Constance</i>, de Louvain, adressa au
+Grand-Orient la protestation que voici :</p>
+
+<p>« Considérant que la <i>libre pensée</i> a été admise par les loges
+belges <i>comme principe fondamental</i> ;</p>
+
+<p>« La loge <i>la Constance</i>, Orient de Louvain, proteste énergiquement
+contre l’atteinte portée par le Grand-Orient aux
+principes qui sont les bases de la Maçonnerie<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor">[38]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38"><span class="label">[38]</span></a> <i>Protestation de la Loge <span class="rm">L<span class="xsmall">A</span> C<span class="xsmall">ONSTANCE</span></span>, de Louvain, en date du <span class="rm">17<sup>e</sup></span> jour,
+<span class="rm">1<sup>er</sup></span> mois <span class="rm">5866 (1866)</span></i>. — Citée par M. Neut.</p>
+</div>
+<p>La protestation des francs-maçons de Louvain fut vivement
+applaudie en Angleterre et en France. Un journal maçonnique,
+<i>la Chaîne d’Union</i>, de Londres, écrivit :</p>
+
+<p>« Qui donc pourrait affirmer que l’âme émanée de Dieu est
+immortelle ? Qui en a la preuve ? Il y a des siècles que les
+Conciles et les Papes la cherchent, et ils ne l’ont pas encore
+trouvée… ils ne la trouveront jamais au ciel ! Parce que <span class="xsmall">L’AME
+HUMAINE SE CRÉE ELLE-MÊME</span>…</p>
+
+<p>« Nous appuyons donc la protestation des frères de Louvain.
+C’est avec de pareilles phrases, toujours creuses et incohérentes,
+qui sont du domaine de la fantaisie et de l’imagination,
+qu’on arrive tôt ou tard à <i>encapuciner</i> un pays.</p>
+
+<p>« Frères de Louvain, vous avez eu raison de protester<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor">[39]</a> ! »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39"><span class="label">[39]</span></a> <i>La Chaîne d’Union</i>, Londres, 1<sup>er</sup> mai 1866. — Citée par le <i>Monde-Maçonnique</i>.</p>
+</div>
+<p>Et, de son côté, le <i>Monde-Maçonnique</i> s’écria :</p>
+
+<p>« Comment le Grand-Orient de Belgique ne comprend-il
+pas qu’en affirmant publiquement par une devise l’immortalité
+de l’âme, il porte une atteinte sérieuse à la liberté de
+conscience<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor">[40]</a> ? »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40"><span class="label">[40]</span></a> Le <i>Monde-Maçonnique</i>, novembre 1866, p. 421.</p>
+</div>
+<p>Le Grand-Orient repoussa la protestation ; mais comment ?
+Fut-ce en maintenant l’affirmation de l’immortalité de l’âme ?
+Non : Il déclara que cette formule n’est pas sérieuse,
+n’oblige personne, et n’est là, dans la Maçonnerie, que par
+égard pour de vieilles traditions ; que d’ailleurs ces questions de
+Dieu et de l’âme ne peuvent recevoir <i>aucune solution</i> ; enfin que
+l’essence de la Maçonnerie est de ne professer aucune croyance :</p>
+
+<p>« Déjà en 1837, le Grand-Orient de Belgique <i>dégageait la
+Maçonnerie nationale de tout dogme religieux ou philosophique</i>…
+Le Grand-Orient ne prescrit aucun dogme. Si le principe de
+l’immortalité de l’âme apparaît dans les rituels ou dans les
+formulaires, si l’idée de Dieu s’y produit sous la dénomination
+du Grand-Architecte de l’univers, <i>c’est que ce sont là les
+traditions de l’Ordre</i>. Mais cette <i>formule</i> n’enchaîne aucune conscience.
+De notre temps, il serait puéril de s’attacher à soulever
+<i>des questions qui ne peuvent conduire à aucune solution</i><a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor">[41]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41"><span class="label">[41]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Et pour mieux voir ce que cette incroyance permet de dire
+dans les Loges maçonniques, il suffit de citer encore quelques
+fragments des discours qui se débitent à l’enterrement des
+frères qui ont repoussé à leur lit de mort la religion :</p>
+
+<p>« Dans le recueillement suprême de sa conscience, il s’est
+avancé vers l’infini avec un calme antique. » Voilà ce qui
+est dit d’un franc-maçon mort comme il avait vécu, sans Christ
+et sans Dieu.</p>
+
+<p>« Un <i>vrai Maçon</i> doit mourir comme il a vécu, en libre penseur,
+et loin de considérer une telle mort <i>comme une honte</i>,
+c’est <i>un titre</i> qu’il faut franchement revendiquer…<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor">[42]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42"><span class="label">[42]</span></a> Discours du F∴ Ranwet, souv∴ Gr∴ Command., Neut, t. I, p. 155.</p>
+</div>
+<p>Nous avons sous les yeux nombre de discours maçonniques,
+où fut tenu le même langage.</p>
+
+<p>Pour le F∴ Ragon, le fondateur de la Loge des Trinosophes
+à Paris, l’auteur du rituel que nous citions tout à l’heure,
+qu’est-ce que la mort et l’immortalité ? La mort n’est autre chose
+que « la <span class="xsmall">DÉPERSONNIFICATION</span> de l’individu, dont les éléments
+matériels — poursuit le F∴ Ragon, et ceci est l’immortalité
+telle qu’il l’entend — se décomposent, s’unissent à des éléments
+analogues, et concourent aux transformations infinies
+de la matière toujours animée ».</p>
+
+<p>Certes, il est impossible de professer plus crûment un plus
+grossier matérialisme, et un athéisme plus éhonté.</p>
+
+<p>Et que dire de ce singulier éloge funèbre prononcé sur la
+tombe du F∴ Bourdet, de la R. L. <i>La Persévérance</i>, de l’O∴
+d’Arles, par le F∴ Coindre : « Frère Bourdet, chacune des
+parties de ton corps va disparaître pour nous, et retourner <i>au
+creuset universel</i> d’où elles étaient sorties, pour concourir à
+la formation <i>d’une myriade</i> d’autres corps<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor">[43]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43"><span class="label">[43]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, juillet 1867, p. 173.</p>
+</div>
+<p>Voilà le F∴ Bourdet bien avancé. Et son âme ! où va-t-elle ? — De
+son âme, bien entendu, pas un mot.</p>
+
+<p>L’immortalité maçonnique, dans les théories que nous venons
+de voir, ce n’est donc pas l’immortalité de l’âme ni de la personne,
+puisque tout au contraire l’individu est <span class="xsmall">DÉPERSONNIFIÉ</span> par
+la mort ; mais celle des éléments matériels non anéantis.
+C’est aussi celle de l’idée ! <i>L’idée que le mort servait ne meurt
+pas avec lui ; elle passe dans l’esprit de ceux qui demeurent</i> ;
+et ils ajoutent gravement : <span class="xsmall">EN SORTE QUE RIEN NE SE PERD</span>…</p>
+
+<p>N’est-ce pas cacher sous de risibles et menteuses formules les
+plus misérables espérances ?</p>
+
+<p>Ailleurs, sur la tombe du chef du Grand-Orient de Belgique,
+le F∴ Verhagen :</p>
+
+<p>« Il ne fit pas précéder ses derniers instants par de <i>superstitieuses
+expiations</i>. »</p>
+
+<p>Voilà comment les francs-maçons traitent les consolations
+que la religion donne, et peut seule donner aux mourants,
+à ce moment redoutable où le monde s’évanouit à leurs regards
+pour les laisser seuls en face de l’avenir éternel. L’orateur continue :</p>
+
+<p>« Nos regrets ne sont pas troublés par de <i>vaines terreurs</i> ; nos
+espérances ne reposent pas sur les <i>idées d’une vaine crédulité</i>…</p>
+
+<p>« Des <i>purifications emblématiques</i> nous avertissent que le
+<i>feu créateur</i> est <i>l’unique purificateur</i> dans la nature<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor">[44]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44"><span class="label">[44]</span></a> M. Neut, t. I, p. 149.</p>
+</div>
+<p>L’orateur, en effet, exposait cette belle théorie sur <i>le feu
+créateur et unique purificateur</i>, devant un monument « au pied
+duquel s’élevait un cyprès ; en avant de l’estrade, sur un autel
+de forme cubique, se trouvaient des vases d’argent et de
+cristal, renfermant <i>le feu, les parfums, et l’eau lustrale</i>, etc. »</p>
+
+<p>Le feu, les parfums, l’eau lustrale, on le voit, c’est un culte
+complet : rien n’y manque. Et dans tous les récits de ces cérémonies
+funèbres, que les francs-maçons célèbrent entre eux,
+dans leurs temples, quel bizarre appareil ! et au fond toujours
+quelle inanité ! Des mots sonores recouvrant des idées creuses ;
+de la pompe dans le vide.</p>
+
+<p>Je transcris textuellement ici un <i>tracé</i> maçonnique, c’est-à-dire
+un récit officiel ; il s’agit des honneurs rendus au F∴ Fontainas,
+bourgmestre de Bruxelles :</p>
+
+<p>« Lorsque le Suprême Conseil a pris la place qui lui est réservée,
+le Vénérable-Maître, en chaire, se recueille et dit :</p>
+
+<p>« Frère premier Surveillant, quelle heure est-il ?</p>
+
+<p>« L<span class="xsmall">E</span> F∴ <span class="xsmall">PREMIER SURVEILLANT</span> : L’heure où la fin est devenue
+le commencement.</p>
+
+<p>« L<span class="xsmall">E</span> V<span class="xsmall">ÉNÉRABLE</span>-M<span class="xsmall">AITRE</span>, en chaire : C’est la loi de la nature. »
+Grande vérité, en effet ! « Mes frères, faisons notre devoir.</p>
+
+<p>« Il se dirige, suivi du Suprême Conseil, des députés des
+loges, et des frères qui décorent les colonnes à la suite du
+tombeau.</p>
+
+<p>« L<span class="xsmall">E</span> V<span class="xsmall">ÉNÉRABLE</span>-M<span class="xsmall">AITRE</span>, en chaire : Frère André Fontainas,
+réponds-nous !</p>
+
+<p>« Vainement, les frères premier et deuxième Surveillants
+répètent-ils ce lugubre appel. La tombe reste muette. Le
+Vénérable dit alors : Le Maître reste sourd à la voix de ses
+frères. »</p>
+
+<p>Je le crois bien ; depuis plusieurs jours déjà il était enterré.</p>
+
+<p>« A ces paroles, succèdent les sons lugubres du tam-tam,
+dont la vibration expire lentement sous la voûte du temple.</p>
+
+<p>« Le frère orateur prononce alors un morceau d’architecture. »
+(Un discours.) Nous en avons cité plus haut quelques paroles :
+« Un vrai Maçon doit mourir comme il a vécu, etc. »</p>
+
+<p>Puis, après les cérémonies, que j’abrége, on se rend au <i>temple
+de l’immortalité</i>, tout rempli de flambeaux allumés. C’est là qu’un
+autre frère orateur explique quelles sont les espérances maçonniques,
+délivrées, bien entendu, « des prisons du dogme catholique
+et de toutes les sectes particulières ».</p>
+
+<p>Le <i>Monde-Maçonnique</i> a donc parfaitement raison de caractériser
+ainsi les deux pompeuses formules de la Franc-Maçonnerie :</p>
+
+<p>« D<span class="xsmall">IEU</span>, le G<span class="xsmall">RAND</span>-A<span class="xsmall">RCHITECTE DE L</span>’U<span class="xsmall">NIVERS</span>, dénomination
+générique que tout le monde peut accepter, <span class="xsmall">MÊME CEUX QUI
+NE CROIENT PAS A UN</span> D<span class="xsmall">IEU</span> ;</p>
+
+<p>« <i>L’immortalité de l’âme</i>, ou la perpétuité de <i>l’être</i>, <span class="xsmall">SINON
+INDIVIDUEL, DU MOINS COLLECTIF</span><a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor">[45]</a> » : c’est-à-dire non pas l’immortalité
+de l’âme et de l’individu, mais la perpétuité de l’espèce.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45"><span class="label">[45]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, t. IV, 657.</p>
+</div>
+<p>Aussi le F∴ docteur Guépin a-t-il pu dire sans être démenti :</p>
+
+<p>« La majorité, qui a inscrit sur notre sanctuaire Dieu et l’immortalité
+de l’âme, a été intolérante. »</p>
+
+<p>Et le pasteur Zille, que nous citions tout à l’heure, ajoutait :
+« Seuls <span class="xsmall">LES IMBÉCILES</span>, ignorants et faibles d’esprit, rêvent
+encore d’un Dieu, <span class="xsmall">ET DE L’IMMORTALITÉ</span>. »</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c6">VI<br>
+<span class="xsmall">INCOMPATIBILITÉ DU PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA FRANC-MAÇONNERIE
+AVEC TOUTE RELIGION</span></h3>
+
+<p>Il est évident du reste, pour peu qu’on veuille y réfléchir,
+que le principe fondamental de la Franc-Maçonnerie implique
+non-seulement la négation formelle du christianisme, mais encore
+une flagrante erreur philosophique. C’est la formule même
+du scepticisme et de l’indifférentisme le plus complet.</p>
+
+<p>Ce principe, en effet, quel est-il ? C’est la libre pensée : « La
+libre pensée est <span class="xsmall">LE PRINCIPE FONDAMENTAL</span> de la Maçonnerie<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor">[46]</a> » ;
+non pas la liberté <span class="xsmall">RESTREINTE</span>, mais <span class="xsmall">COMPLÈTE</span><a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor">[47]</a>, universelle ; la
+liberté <span class="xsmall">ABSOLUE</span>, illimitée, <i>dans toute son étendue</i><a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor">[48]</a> : « La liberté
+<span class="xsmall">ABSOLUE</span> de la conscience est l’<span class="xsmall">UNIQUE BASE</span> de la Maçonnerie<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor">[49]</a>. »
+La Maçonnerie, en effet, « est <span class="xsmall">SUPÉRIEURE</span> à <span class="xsmall">TOUS</span> les dogmes<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor">[50]</a> » ;
+elle est « <span class="xsmall">AU-DESSUS</span> des religions<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor">[51]</a> » ; « la liberté de
+la conscience est <span class="xsmall">SUPÉRIEURE</span> à <span class="xsmall">TOUTES</span> les croyances religieuses<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor">[52]</a> » ;
+quelles qu’elles soient, même à la croyance en
+Dieu : « La Maçonnerie est une institution soustraite à <span class="xsmall">TOUTES
+LES HYPOTHÈSES DES MYSTIQUES</span><a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor">[53]</a> » ; Les Francs-Maçons doivent
+en conséquence se placer non-seulement au-dessus des
+différentes religions, mais bien au-dessus de toute croyance
+<span class="xsmall">EN UN</span> D<span class="xsmall">IEU QUELCONQUE</span><a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor">[54]</a>. » Enfin ils vont jusqu’à dire :
+« Nous serons <i>nos propres prêtres</i> et <span class="xsmall">NOS PROPRES DIEUX</span><a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor">[55]</a> » ;
+et cette liberté, non pas restreinte, mais complète, universelle,
+illimitée est un <span class="xsmall">DROIT</span><a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor">[56]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46"><span class="label">[46]</span></a> A. Neut, t. I, p. 408.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47"><span class="label">[47]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, novembre 1866, p. 441.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48"><span class="label">[48]</span></a> <i>Ibid.</i>, mai 1866, p. 22.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49"><span class="label">[49]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50"><span class="label">[50]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51"><span class="label">[51]</span></a> M. Neut, t. I, p. 285.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52"><span class="label">[52]</span></a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 192.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53"><span class="label">[53]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, novembre 1866, p. 441.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54"><span class="label">[54]</span></a> Neut, t. II, p. 233.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55"><span class="label">[55]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 202.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56"><span class="label">[56]</span></a> Const. maçonnique, art. 1<sup>er</sup>.</p>
+</div>
+<p>Ainsi, la liberté, le droit, au point de vue non de la loi civile,
+mais du for intérieur de la conscience ; la liberté, le droit universel,
+absolu, illimité, de croire ce qu’on voudra, comme on
+voudra, ou de ne rien croire du tout, ce droit, proclamé antérieur
+et supérieur à toute croyance religieuse : Voilà, d’après les
+Maçons que nous venons d’entendre, le principe fondamental,
+l’unique base de la Maçonnerie.</p>
+
+<p>Eh bien, il est manifeste d’abord que ce principe, ainsi entendu,
+est une flagrante erreur philosophique, et j’en demande
+bien pardon à ceux de MM. les Francs-Maçons qui croient en
+Dieu, c’est la négation implicite, même de la religion naturelle.</p>
+
+<p>En effet, si la religion naturelle existe, elle <i>oblige</i>, par elle-même,
+en principe et en droit ; c’est cette <i>obligation</i> qui est
+antérieure et supérieure à l’homme, et elle <i>limite</i> sa liberté, elle
+lie sa conscience. En fait, l’homme, devant cette obligation,
+peut bien trouver, dans son ignorance ou sa bonne foi, pour son
+incroyance, une <i>excuse</i>, mais non pas un <i>droit</i>, <i>antérieur</i> et
+<i>supérieur</i> à la loi. Là est l’équivoque et l’erreur capitale du
+principe maçonnique. Certes, il ne suffit pas de nommer sa
+conscience pour avoir <i>le droit</i> de tout faire et de tout nier.</p>
+
+<p>Et pour mettre ceci sous les yeux par un exemple frappant,
+il ne suffit pas, comme le disait très-bien à la tribune l’honorable
+M. Laboulaye au sujet des Mormons, il ne suffit pas, pour
+se dégager, qu’on puisse dire : « ma conscience exige que j’aie
+plusieurs femmes » ; non cela ne suffit pas, ni vis-à-vis de la
+morale, ni vis-à-vis de la loi civile.</p>
+
+<p>Un raisonnement identique s’applique au Christianisme. S’il
+est une institution divine, il <i>oblige</i>, par lui-même, tous les hommes ;
+et cette <i>obligation</i>, supérieure à l’individu, à moins
+qu’on ne proclame l’individu supérieur à Dieu, <i>limite</i> sa liberté :
+là encore l’ignorance ou la bonne foi peuvent fournir une <i>excuse</i>,
+mais non pas créer <i>un droit</i>, <i>absolu</i>, <i>illimité</i>, <i>antérieur</i>
+et <i>supérieur</i> au Christianisme.</p>
+
+<p>Cette liberté, <i>absolue</i> et <i>illimitée</i>, de la conscience, que les
+francs-maçons posent à la base de la Maçonnerie, n’existe donc
+pas ; c’est là une des chimères de ce faux libéralisme, condamné
+par l’Église, et qui n’est autre chose que le scepticisme ou l’indifférentisme
+en matière de croyances ; le proclamer, comme
+fait la Maçonnerie, c’est nier implicitement, mais réellement,
+toute religion, naturelle ou révélée.</p>
+
+<p>Donc le principe maçonnique est exclusif du Christianisme,
+et dès lors un chrétien ne peut pas être franc-maçon.</p>
+
+<p>Du reste, quand une institution se propose, comme la Maçonnerie,
+le progrès, non-seulement matériel, mais intellectuel
+et moral, de l’humanité, en dehors de la Religion, en dehors du
+Christianisme, que fait-elle encore autre chose que se substituer
+à la Religion, au Christianisme ; le nier par conséquent ? Car s’il
+est inutile et superflu pour une telle œuvre, les hommes n’en
+ont que faire : il est pour cela, ou il n’est rien.</p>
+
+<p>Quand donc <i>le Monde-Maçonnique</i> vient nous dire que le propre
+de la Maçonnerie est de réunir tous les hommes, à quelque Religion
+qu’ils appartiennent, je lui demande encore bien pardon,
+mais <i>le Monde-Maçonnique</i> ne s’entend pas lui-même : et pour peu
+qu’on ne se paye pas de mots, et qu’on aille au fond des choses,
+on verra que placer à la base des constitutions maçonniques
+un tel principe, et prétendre ensuite qu’on ne touche pas à la
+religion, c’est une contradiction et une duperie.</p>
+
+<p>C’est ce que reconnaissait, avec une franchise qui ne laisse
+rien à désirer, un haut dignitaire d’une loge allemande :</p>
+
+<p>« Maçonnerie et catholicisme, écrivait-il, s’excluent réciproquement :
+<span class="xsmall">CE SONT LES ANTIPODES</span>… Je demande comment un
+catholique peut rester fidèle à sa religion tout en professant les
+doctrines maçonniques… Un homme qui croit au symbole des
+apôtres, comment peut-il entendre dire qu’il est <i>libre</i> et <i>qu’il
+n’est tenu à aucune croyance</i> ? » Ce sont deux choses contradictoires. — Extrait
+de la brochure : <span lang="de" xml:lang="de">Die gegenwart und Zukunft der
+Freimaurerei in Deutschland.</span> (Leipzig, 1854, p. 116 et suiv.) »</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c7">VII<br>
+<span class="xsmall">NOUVEAUX DÉTAILS SUR LA GUERRE FAITE AU CHRISTIANISME</span> :
+<span class="xsmall">LA MORALE SANS DIEU, L’ENSEIGNEMENT SANS RELIGION</span></h3>
+
+<p>La Maçonnerie est donc une guerre profonde déclarée à toute
+religion. Mais le but odieux des Francs-Maçons apparaît surtout
+dans le zèle qu’ils déploient pour prêcher la morale sans Dieu,
+et, par suite, l’enseignement de la jeunesse séparé de toute
+croyance religieuse.</p>
+
+<p>La morale, disent-ils, c’est toute la Maçonnerie ; mais cette
+morale, ils la veulent sans aucune religion. C’est dans les Loges
+que s’est élaborée, c’est des Loges qu’est sortie cette chimère
+impie qu’ils ont intitulée <i>la morale indépendante</i>, et qui n’est
+qu’une forme de l’athéisme.</p>
+
+<p>Pas si chimère pourtant, puisque la Commune triomphante à
+Paris se hâta de la réaliser, en faisant disparaître des écoles tout
+emblème, tout enseignement religieux, et que, tout récemment
+encore, revenant aux traditions de la Commune, le Conseil général
+de la Seine votait, dans le même sens et dans le même but,
+l’enseignement obligatoire et <i>laïque</i>.</p>
+
+<p>« La morale est indépendante de toute hypothèse religieuse<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor">[57]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57"><span class="label">[57]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, mai 1867, p. 51.</p>
+</div>
+<p>Tel est l’axiome de la Maçonnerie. Et voici les conséquences
+qu’elle en tire : c’est que l’instruction religieuse <i>doit être
+supprimée</i>. Et la raison qu’elle en donne, c’est que les croyances
+religieuses sont inutiles pour l’éducation de la jeunesse, et de
+plus que la <span class="xsmall">FOI EN DIEU ENLÈVE A L’HOMME SA DIGNITÉ</span>, <span class="xsmall">TROUBLE SA
+RAISON</span>, et <span class="xsmall">PEUT CONDUIRE A L’ABANDON DE TOUTE MORALE</span>.</p>
+
+<p>C’est ce qui a été expressément déclaré dans la R∴ L∴ <i>La
+Rose du parfait silence</i>, à Paris. A cette question en effet : « L’instruction
+religieuse doit-elle être supprimée ? Sans aucun
+doute, fut-il répondu ; et l’orateur de la R∴ L∴ développa en
+ces termes cette réponse :</p>
+
+<p>« <i>Le principe d’autorité surnaturelle</i>, c’est-à-dire la foi en Dieu,
+<i><span class="xsmall">ENLÈVE A L’HOMME SA DIGNITÉ</span> ; est inutile pour discipliner les enfants ;
+et il est même susceptible de <span class="xsmall">LES CONDUIRE A L’ABANDON DE
+TOUTE MORALE</span></i>. »</p>
+
+<p>« <i>Le respect dû spécialement à l’enfant</i>, ajouta-t-il, <i>interdit de
+lui inculquer des doctrines <span class="xsmall">QUI TROUBLENT SA RAISON</span><a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor">[58]</a></i>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58"><span class="label">[58]</span></a> <i>Ibid.</i>, octobre 1866, p. 372, 373.</p>
+</div>
+<p>Veut-on un autre témoignage ? Je lis encore ceci dans <i>le
+Monde-Maçonnique</i><a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor">[59]</a> :</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59"><span class="label">[59]</span></a> T. XIII, mai 1870, p. 40.</p>
+</div>
+<p>« La R∴ Loge les <i>Amis de l’Ordre</i>, Orient de Paris, a posé
+dernièrement la question suivante :</p>
+
+<p>« <i>Quelle éducation un Maçon doit-il donner à ses enfants ?</i> »</p>
+
+<p>« Tous les orateurs se sont montrés partisans d’une éducation
+libre, <i>laïque</i>, indépendante de l’étroitesse de l’enseignement
+religieux. »</p>
+
+<p>Et <i>le Monde-Maçonnique</i> cite en entier un de ces discours,
+dont j’extrais le passage suivant :</p>
+
+<p>« Plus de cette instruction <i>bâtarde, faussée, basée sur des
+dogmes surannés…</i> Cette méthode d’élever nos enfants a trop
+duré ; <i>il est temps, grand temps qu’elle finisse…</i> La base sur
+laquelle il faut fonder l’instruction de nos enfants, la voici :
+Apprenons-leur à admirer, à étudier les grands phénomènes
+de la nature, et l’orateur ajoute : « sans nous trop soucier de
+quel nom nous devons décorer ces belles choses<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor">[60]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60"><span class="label">[60]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 14, 15.</p>
+</div>
+<p>Mais voici un sentiment plus paternel encore, et qui inspire
+ces Messieurs dans l’éducation de leurs enfants :</p>
+
+<p>« La Maçonnerie », disait le F∴ Massol, dans une des séances
+de la session maçonnique <i>internationale</i> tenue en Juillet 1867,
+« doit être et n’est qu’une école de morale, <i>indépendante de tous
+les dogmes religieux</i>. J’ai élevé des enfants, mais je ne leur
+ai jamais menti. C<span class="xsmall">HAQUE FOIS QU’ILS M’ONT DEMANDÉ CE QUE C’ÉTAIT
+QUE</span> D<span class="xsmall">IEU</span>, <span class="xsmall">JE LEUR AI RÉPONDU</span> : « J<span class="xsmall">E N’EN SAIS RIEN</span>. »
+<span class="xsmall">C’EST AINSI QUE J’EN AI FAIT DES HOMMES</span><a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor">[61]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61"><span class="label">[61]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, août 1867, p. 196-197.</p>
+</div>
+<p>Voici du reste comment dans une poésie maçonnique du F∴
+Lachambaudie, lue dans un banquet maçonnique, est traité le
+catéchisme chrétien :</p>
+
+<div class="flex">
+<div class="poetry">
+<div class="verse">« Quel est ce livre élémentaire ?</div>
+<div class="verse">« De superstitions, où la raison s’altère,</div>
+<div class="verse">« C’est un tissu<b>. . . . .</b> »<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor">[62]</a></div>
+</div>
+
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62"><span class="label">[62]</span></a> <i>Ibid.</i>, avril 1867, p. 722.</p>
+</div>
+<p>Les Loges belges ne se sont pas laissé devancer ici par les
+Loges françaises. Ainsi, en 1864, le <i>Grand-Orient</i> de Belgique, — je
+ne cite pas, on le voit, du minces autorités maçonniques, — mit
+la même question <i>à l’ordre du jour</i> de toutes les Loges de
+l’Obédience ; les Loges lui répondirent, et voici jusqu’où la
+Loge d’Anvers en particulier ne craignait pas d’aller dans sa
+réponse :</p>
+
+<p>« L’<span class="xsmall">ENSEIGNEMENT DU CATÉCHISME EST LE PLUS GRAND OBSTACLE AU
+DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS DE L’ENFANT</span>.</p>
+
+<p>« L’<span class="xsmall">INTERVENTION DU PRÊTRE</span> <i>dans l’enseignement <span class="xsmall">PRIVE LES ENFANTS
+DE TOUT ENSEIGNEMENT MORAL</span>, logique et rationnel</i><a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor">[63]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63"><span class="label">[63]</span></a> <i>Journal de Bruxelles</i>, 28 novembre 1864. — Cité par M. Neut, t. I, p. 347.</p>
+</div>
+<p>Des diverses réponses envoyées par les Loges de son obédience
+au Grand-Orient de Belgique sortit donc un projet de
+loi en vingt-trois articles, dont l’art. 1<sup>er</sup> disait : <span class="xsmall">SUPPRESSION DE
+TOUTE INSTRUCTION RELIGIEUSE</span> ; et l’art. 2 : <span class="xsmall">OBLIGATION POUR LE
+PÈRE ET POUR LA MÈRE VEUVE</span>, de conduire <span class="xsmall">DE FORCE</span> ses enfants
+à l’école.</p>
+
+<p>Que l’on remarque bien la connexion redoutable de ces deux
+articles. Ainsi donc, si les vœux de ces grands libéraux sont
+exaucés, la loi <span class="xsmall">FORCERA</span> le père, la mère, la mère veuve, à conduire
+ses enfants à une école où toute instruction religieuse sera
+supprimée.</p>
+
+<p>Et voilà pourquoi à Paris comme à Bruxelles on réclame si
+ardemment l’enseignement laïque, gratuit et obligatoire : « C’est
+sur cette question que doivent se concentrer tous les efforts
+de la Franc-Maçonnerie<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor">[64]</a> », dit le <i>Monde-Maçonnique</i> ; et
+pourquoi ? Les Loges belges ne l’ont pas dissimulé : Pour que
+l’enfant soit élevé — <span class="xsmall">DE FORCE</span> — sans Dieu et sans aucune religion.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64"><span class="label">[64]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, octobre 66, p. 358.</p>
+</div>
+<p>Et la <i>Chaîne d’Union</i>, journal maçonnique de Londres, répondant
+à la Loge d’Anvers, au Grand-Orient de Belgique, et
+à <i>La Rose du parfait silence</i> de Paris, en donnait la raison : elle
+déclarait que l’éducation religieuse est un poison, et demandait,
+en conséquence « que les parents <i><span class="xsmall">S’ENGAGEASSENT</span> à soustraire
+leurs enfants <span class="xsmall">AU VIRUS</span> de l’éducation religieuse</i><a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor">[65]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65"><span class="label">[65]</span></a> <i>Ibid.</i>, 1<sup>er</sup> mai 1866.</p>
+</div>
+<p>Ainsi donc l’enfant <span class="xsmall">N’APPARTIENDRA PLUS A SES PARENTS</span> ; et la
+loi les <span class="xsmall">FORCERA</span> de l’envoyer à des écoles, desquelles Dieu et
+tout enseignement religieux sera banni.</p>
+
+<p>Certes, s’il y a une odieuse, une exécrable tyrannie, c’est bien
+celle-là. Aussi, M. Ledru-Rollin lui-même, un jour, a-t-il trouvé,
+pour la flétrir, les énergiques paroles que voici : « Y a-t-il une
+souffrance plus grande pour l’individu que la déportation
+de ses fils dans les écoles qu’il regarde comme des lieux de
+perdition, que cette conscription de l’enfance traînée violemment
+dans un camp ennemi, et pour servir l’ennemi ?<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor">[66]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66"><span class="label">[66]</span></a> Dit au Corps législatif, et cité par M. Neut, t. I, p. 350.</p>
+</div>
+<p>Eh bien, c’est là, on ne saurait trop le redire, c’est sur ce point
+capital de l’enseignement <span class="xsmall">OBLIGATOIRE ET ATHÉE</span>, que la Maçonnerie
+en Belgique et en France, déploie aujourd’hui ses plus
+grands efforts. Le <i>Monde-Maçonnique</i> le déclarait tout à l’heure ;
+et ailleurs encore il s’écriait : « Un champ immense est ouvert
+à notre activité. L’ignorance et la superstition pèsent sur
+le monde ; créons des <i>écoles</i>, des <i>chaires</i>, des <i>bibliothèques</i>. »</p>
+
+<p>Aussi, car MM. les Francs-Maçons sont gens qui agissent
+en même temps qu’ils parlent, la Maçonnerie adopte, comme elle
+dit, des enfants, et je ne suis pas surpris de lire, dans le <i>procès-verbal
+du protectorat international maçonnique</i>, qui a terminé, le
+27 juillet 1867, la session organisée par les loges écossaises,
+les paroles que voici :</p>
+
+<p>« Soixante-dix-neuf enfants venaient, accompagnés de leurs
+familles, demander à la Maçonnerie asile et protection ;
+soixante-dix-neuf enfants dont l’intelligence ne sera pas <span class="xsmall">EMPOISONNÉE</span>
+<i>par des théories rétrogrades</i> ; soixante-dix-neuf enfants,
+<span class="xsmall">POUR LA PLUPART DES FILLES</span>, qui sèmeront <i>nos idées</i> dans le
+champ fécond de l’avenir. »</p>
+
+<p>D’autre part, le convent maçonnique de 1870 prit, à l’unanimité,
+la décision suivante<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor">[67]</a> :</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67"><span class="label">[67]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, t. X, p. 267.</p>
+</div>
+<p>« La Maçonnerie française s’associe aux efforts faits dans
+notre pays pour rendre l’instruction gratuite, obligatoire et
+<i>laïque</i><a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor">[68]</a>. » <i>Laïque</i> ; non pas seulement donnée par des laïques,
+mais, séparée de toute religion<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor">[69]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68"><span class="label">[68]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, mai 1870, p. 202.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69"><span class="label">[69]</span></a> C’est ce que ne débrouillait pas très-bien ce brave ouvrier dont on me
+racontait ces jours-ci l’histoire : « Je veux, disait-il aux frères, en leur amenant
+son petit garçon, que mon fils reçoive une instruction laïque. » « Mais alors,
+lui dirent les chers frères, ce n’est pas à nous qu’il faut le confier. » « Oh !
+si fait, répondit le brave homme, je veux que mon fils reçoive une instruction
+laïque, comme on dit au Conseil municipal ; mais je veux tout de même aussi
+qu’il soit élevé comme moi par les frères. »</p>
+</div>
+<p>« On sait, ajoute le <i>Monde-Maçonnique</i>, que cette décision dut
+être renvoyée à M. Jules Simon pour qu’il l’appuyât au Corps
+législatif. »</p>
+
+<p>De même en Belgique, à la grande fête solsticiale-nationale
+célébrée à Bruxelles, le F. Bourlard s’écriait : « Quand des ministres
+viendront annoncer au pays comment ils entendent
+organiser l’éducation du peuple, je m’écrierai : <span class="xsmall">A MOI</span> M<span class="xsmall">AÇON</span> !
+<span class="xsmall">A MOI LA QUESTION DE L’ENSEIGNEMENT</span> ; <span class="xsmall">A MOI L’EXAMEN</span>, <span class="xsmall">A MOI
+LA SOLUTION</span> ! » (Applaudissements)<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor">[70]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70"><span class="label">[70]</span></a> M. Neut, t. I, p. 306.</p>
+</div>
+<p>Et ce prosélytisme impie a été solennellement pratiqué en
+Belgique et en France. A Bruxelles, le 10 octobre 1865, lors de
+l’inauguration d’une statue érigée au Grand-Maître de la Franc-Maçonnerie
+belge, M. Verhaegen, la Maçonnerie eut l’audace
+de faire venir là les enfants des écoles communales, et de faire
+chanter à ces enfants les strophes athées que voici :</p>
+
+<div class="flex">
+<div class="poetry">
+<div class="verse c xsmall">LE CHŒUR</div>
+
+<div class="verse stanza">Ouvrez, ouvrez toutes les portes ;</div>
+<div class="verse">Le monument s’est élargi</div>
+<div class="verse">Pour laisser entrer les cohortes</div>
+<div class="verse">De l’<i>enseignement affranchi !</i></div>
+
+<div class="verse stanza c xsmall">PREMIER GROUPE</div>
+
+<div class="verse stanza">Ce temple de l’intelligence</div>
+<div class="verse">Marque au progrès une ère immense</div>
+<div class="verse"><span class="xsmall">QUEL EST SON TEMPLE</span> ?</div>
+
+<div class="verse stanza c xsmall">SECOND GROUPE</div>
+
+<div class="verse i10 stanza"><i>La science.</i></div>
+
+<div class="verse stanza c xsmall">PREMIER GROUPE</div>
+
+<div class="verse stanza"><span class="xsmall">QUEL EST SON</span> D<span class="xsmall">IEU</span> ?</div>
+
+<div class="verse stanza c xsmall">SECOND GROUPE</div>
+
+<div class="verse i10 stanza"><i>La liberté.</i></div>
+
+<div class="verse stanza"><span class="xsmall">PLUS DE DOGME</span>, <i>aveugle lien</i> !</div>
+<div class="verse"><span class="xsmall">PLUS DE JOUGS, TYRANS, NI MESSIES</span> !</div>
+
+<div class="verse stanza c xsmall">CHŒUR GÉNÉRAL</div>
+
+<div class="verse stanza">Élève et maître, il faut qu’ensemble nous dotions</div>
+<div class="verse i2">De mâles générations</div>
+<div class="verse i2"><span class="xsmall">LES PROCHAINES DÉMOCRATIES</span><a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor">[71]</a>.</div>
+</div>
+
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71"><span class="label">[71]</span></a> Cité par M. Neut, t. I, p. 362.</p>
+</div>
+<p>Ces doctrines, hélas ! ont fait et font chaque jour leur chemin ;
+et à Paris, pendant la Commune, à laquelle, nous l’avons
+vu, la Maçonnerie témoigna de si étranges sympathies, n’a-t-on
+pas fait monter dans la chaire de Saint-Sulpice un enfant
+de douze ans, proclamant, aux applaudissements d’un peuple
+en délire, qu’il n’y a pas de Dieu ?</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c8">VIII<br>
+P<span class="xsmall">ROPAGANDE DE L’ENSEIGNEMENT SANS RELIGION PAR LES ÉCOLES
+D’ADULTES</span>. — L<span class="xsmall">ES ÉCOLES PROFESSIONNELLES DE FILLES</span>. — L<span class="xsmall">A
+LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT</span></h3>
+
+<p>La Maçonnerie déploie une égale ardeur de prosélytisme pour
+s’emparer des adultes par l’enseignement athée : C’est ainsi que
+l’orateur maçonnique, qui, dans la loge <i>la Rose du parfait silence</i>,
+à Paris, déclarait l’enseignement religieux <i>inutile pour
+discipliner les enfants, et susceptible de les conduire à l’abandon de
+toute morale</i>, terminait son discours par ces paroles :</p>
+
+<p>« J’émets le vœu que des Maçons éloquents fassent aux ouvriers,
+dans toutes les villes de France, s’il est possible, des
+« cours de droit élémentaire et de morale universelle » sans qu’il
+y soit jamais question <i>d’un enseignement religieux susceptible de les
+conduire à l’abandon de toute morale</i><a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor">[72]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72"><span class="label">[72]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, octobre 1866, p. 374.</p>
+</div>
+<p>Certes, il est temps que nous ayons autant de zèle, nous,
+catholiques, pour éclairer les ouvriers, que les Francs-Maçons
+pour les corrompre !</p>
+
+<p>Mais c’est surtout à conquérir, à pervertir les femmes chrétiennes
+que travaillent les Maçons : oui, cette conspiration
+effroyable, tentée de nos jours pour arracher la foi du cœur des
+femmes, quels en sont les promoteurs infatigables ? Les francs-maçons.</p>
+
+<p>Écoutons ce que disait à ce sujet le F∴ Massol, dans la loge
+<i>Bienfaisance et Progrès</i>, à Boulogne, le 19 juillet 1867 :</p>
+
+<p>« Par l’instruction, <i>les femmes</i> parviendront à secouer <i>le joug
+clérical</i>, et à se débarrasser <i>des superstitions</i> qui les empêchent
+de s’occuper d’<i>une éducation en rapport avec l’esprit moderne</i>.
+Pour n’en donner qu’une preuve, quelle est la femme
+anglaise, allemande ou américaine qui, aux deux questions
+religieuses que peuvent leur adresser leurs enfants : « Qui
+est-ce qui a créé le monde ? Existe-t-on après la mort ? » oserait
+répondre qu’elle n’en sait rien, et que personne n’en sait
+rien ? Eh bien, cette audace, la femme française instruite
+l’aurait<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor">[73]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73"><span class="label">[73]</span></a> <i>Ibid.</i>, Août 1867, p. 205.</p>
+</div>
+<p>Est-ce clair ?</p>
+
+<p>Et la raison de cette propagande, le F∴ Albert Leroy, naguère
+professeur de rhétorique, si je ne me trompe, au lycée
+de Versailles, sous le ministère de M. Jules Simon, l’exposait
+en ces termes dans une séance de la session maçonnique internationale
+d’août 1867, à Paris : « Sans la femme, tous les hommes
+réunis ne pourront jamais rien<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor">[74]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74"><span class="label">[74]</span></a> <i>Ibid.</i>, août 1867.</p>
+</div>
+<p>Deux faits, du reste, contemporains et éclatants, témoignent
+de cette activité de la Maçonnerie à propager l’enseignement
+athée et en dehors de toute religion, je veux parler de la création
+des <i>Écoles professionnelles de filles</i> et de la <i>Ligue de l’Enseignement</i>.</p>
+
+<p>Les écoles professionnelles de filles — Sous l’Empire, dans un
+écrit que j’ai intitulé les <i>Alarmes de l’Épiscopat</i>, et auquel presque
+tous les évêques de France ont bien voulu adhérer par des lettres
+publiques, j’ai été amené à dénoncer cette institution comme
+une entreprise des plus dangereuses : j’ai démontré que la pensée
+d’où sont nées ces écoles était une pensée antireligieuse, antichrétienne ;
+que, sous prétexte d’enseignement, c’était l’irréligion
+pratique que l’on s’efforçait d’inculquer aux jeunes filles ;
+que l’on se proposait, positivement, d’en faire des libres-penseuses,
+vivant et mourant en dehors de tout christianisme et de
+toute religion. Rien de tout cela n’a été et ne pouvait être l’objet
+d’un démenti quelconque ; je citais en effet les déclarations des
+fondatrices, et l’exemple trop décisif de leur vie et de leur mort ;
+les discours impies prononcés sur leurs tombes en présence de
+leurs élèves ; les termes formels des prospectus officiels ; en un
+mot, je prouvais, péremptoirement, que l’institution avait deux
+faces : « l’une, sur laquelle était écrit, pour les dupes : <i>Enseignement
+professionnel</i> ; c’était l’enseigne : l’autre sur laquelle on
+aurait pu écrire : <i>Plus de Christianisme, ni pendant la vie, ni à la
+mort</i> » ; c’était le vrai but.</p>
+
+<p>Ce que j’ajoute ici, c’est que la Franc-Maçonnerie avait la
+main dans cette œuvre ; c’est que les plus ardents propagateurs
+de ces écoles, c’étaient les Francs-Maçons et les journaux
+Francs-Maçons. Tout en effet ici était maçonnique : et le but, à
+savoir, l’éducation en dehors de toute religion, l’irréligion pratique ;
+et le moyen, le grand moyen de propagande maçonnique,
+l’école, l’enseignement, la perversion des jeunes filles et de la
+femme par l’enseignement.</p>
+
+<p>Mais, plus formidable encore que les écoles professionnelles,
+parce que la diffusion, grâce à la légèreté publique, en a été
+rapide et universelle dans notre pays, c’est cette <i>Ligue</i> dite <i>de
+l’enseignement</i>, fondée en Belgique par les Francs-Maçons solidaires,
+et importée de Belgique en France, par un Franc-Maçon
+célèbre, que j’ai déjà nommé, le F∴ Jean Macé.</p>
+
+<p>C’est en effet, ainsi qu’on peut le lire dans le 2<sup>e</sup> <i>bulletin de la
+Ligue</i>, « après avoir assisté à Liége à une séance de la ligue de
+l’enseignement belge », que le F∴ Jean Macé prit « la résolution
+de provoquer en France la formation d’une Ligue analogue ».</p>
+
+<p>Cette origine, maçonnique et solidaire, de la <i>Ligue de l’enseignement</i>,
+en révèle assez clairement le but ; et quant au F∴ Jean Macé
+lui-même, pour connaître quel esprit l’anime, il suffirait de son
+toast, porté lors de l’inauguration, à Strasbourg, d’un nouveau
+temple maçonnique : « A la mémoire du F∴ Voltaire<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor">[75]</a>… »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75"><span class="label">[75]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, mai 1867, p. 25.</p>
+</div>
+<p>De même que les écoles professionnelles, la <i>Ligue de l’enseignement</i>
+a deux buts, l’un proclamé, l’autre caché ; le but
+avoué, c’est la diffusion de l’instruction : Mais quelle instruction ?
+C’est ce qu’on dit beaucoup moins ; l’instruction sans Dieu,
+en dehors de toute religion, et dont le résultat est d’amener
+l’homme à vivre comme si le Christianisme n’existait pas. Voilà
+la vraie pensée de l’œuvre.</p>
+
+<p>Que si une foule d’hommes inattentifs et trompés, en entrant
+dans cette Ligue, n’ont pas regardé jusque-là, et se sont arrêtés
+à l’enseigne ; qu’ils écoutent ce que les journaux Francs-Maçons,
+qui savent bien ce qu’ils font et ce qu’ils disent, ont écrit à ce
+sujet :</p>
+
+<p>« Nous sommes heureux de constater », écrivait dans son numéro
+d’avril 1867 le <i>Monde-Maçonnique</i>, « que <span class="xsmall">LA</span> L<span class="xsmall">IGUE DE L’ENSEIGNEMENT
+ET LA STATUE DU</span> F∴ V<span class="xsmall">OLTAIRE</span> rencontrent <span class="xsmall">DANS
+TOUTES NOS LOGES</span>, les plus vives sympathies. On ne pouvait
+avoir deux souscriptions plus en harmonie : Voltaire, c’est-à-dire
+la destruction des préjugés et des superstitions (traduisez
+des religions) ; la Ligue de l’enseignement, c’est-à-dire l’édification
+<i>d’une société nouvelle, <span class="xsmall">UNIQUEMENT</span> basée sur la science et
+l’instruction</i>, (c’est-à-dire affranchie de toute religion). T<span class="xsmall">OUS NOS
+F</span>∴ <span class="xsmall">LE COMPRENNENT AINSI</span> ».</p>
+
+<p>Et ailleurs encore : « <i>Les principes</i> que nous professons, sont
+<i>en parfait accord</i> avec <span class="xsmall">CEUX QUI ONT INSPIRÉ LE PROJET DU
+F</span>∴ <span class="xsmall">JEAN MACÉ</span>. »</p>
+
+<p>Qu’on le remarque bien, c’est le <i>Monde-Maçonnique</i> qui dit
+cela, un journal qui, à toutes ses pages, déclare que les religions
+sont les ténèbres, que la Maçonnerie c’est la lumière, que
+Dieu, l’âme et la vie future, ne sont que des hypothèses,
+des fantômes ; qu’en conséquence l’homme doit être élevé et le
+progrès réalisé, en dehors de tout Christianisme et de toute
+religion : c’est ce journal qui déclare <i>ses principes en parfait accord
+avec ceux qui ont inspiré <span class="xsmall">LE PROJET</span> du F∴ Jean-Macé</i>, et qui
+ajoute : « Les Maçons doivent adhérer <span class="xsmall">EN MASSE</span> à la ligue de
+l’enseignement, et les Loges doivent étudier, dans la paix de
+leurs temples, les meilleurs moyens de la rendre <span class="xsmall">EFFICACE</span>. »</p>
+
+<p>C’est, du reste, ce que reconnaissait le F∴ Jean-Macé lui-même
+dans cet autre toast : <i>A l’alliance de la Ligue et de la
+Maçonnerie</i>, où il déclarait que tous les Maçons devaient être
+ligueurs, et tous les ligueurs, Maçons ; que <i>le but</i>, <i>le principe</i>,
+et <i>le mot d’ordre de la Ligue et de la Maçonnerie</i>, sont identiques :</p>
+
+<p>« A l’entrée de tous les Maçons dans la Ligue ;</p>
+
+<p>« A l’entrée dans la Maçonnerie de tous les ligueurs ;</p>
+
+<p>« Au triomphe de la lumière, le mot d’ordre commun de la
+Ligue et de la Maçonnerie<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor">[76]</a> ! »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76"><span class="label">[76]</span></a> <i>Ibid.</i>, juillet 1869.</p>
+</div>
+<p>Et cet appel était si bien entendu que dans un <i>Rapport sur la
+première année de propagande de la Ligue en France</i>, le F∴ Jean-Macé
+pouvait se glorifier que déjà tous les départements français,
+excepté douze, était enrôlés dans la Ligue ; « et c’est ainsi,
+concluait-il, que la <i>Ligue française finira par devenir</i> <span class="xsmall">UNE GRANDE
+ARMÉE</span> ».</p>
+
+<p>Armée d’enseignement, certes, qu’aucun ministre de l’instruction
+publique ne gouvernera facilement.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Devant de tels faits et de tels principes, devant un tel but,
+et une telle propagande, quels que soient les sentiments contraires
+de tels ou tels francs-maçons trompés, de telle ou telle
+loge moins avancée, y a-t-il lieu encore de discuter la question
+de savoir si un chrétien, si un catholique peut entrer dans une
+telle institution, et s’associer à une telle œuvre ? Non, une telle
+solidarité est impossible. Et l’auteur franc-maçon d’une <i>Histoire
+de la Franc-Maçonnerie</i>, le F∴ Goffin, l’a proclamé avec sincérité :
+« Lorsque la Maçonnerie accorde l’entrée de ses temples
+à un juif, à un mahométan, à un catholique, à un protestant,
+c’est à la condition que celui-ci deviendra un homme nouveau,
+qu’il abjurera ses erreurs passées, qu’il déposera les
+superstitions dont on a bercé sa jeunesse. Sans cela, que
+vient-il faire dans nos assemblées maçonniques<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor">[77]</a> ? »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77"><span class="label">[77]</span></a> <i>Histoire populaire de la Franc-Maçonnerie</i>, p. 517.</p>
+</div>
+<p>Que pourrions-nous dire nous-même de plus fort ? Et en vérité,
+ne faudrait-il pas avoir perdu complètement toute notion du
+Christianisme et tout sens commun, pour s’imaginer encore que
+la Maçonnerie et la foi chrétienne sont choses compatibles ?</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak">DEUXIÈME PARTIE<br>
+Un homme sérieux, et de bon sens, peut-il être
+Franc-Maçon ?</h2>
+
+
+<p>Je réponds sans hésiter : Non. Et voici mes raisons.</p>
+
+<p>Je dois donc maintenant regarder, par un autre côté, la Franc-Maçonnerie ;
+et certes, elle nous en donne bien le droit : quand
+une secte affecte des prétentions aussi hautaines et ne se proclame
+rien moins que l’illuminatrice et la réformatrice du genre humain,
+il est bien permis d’examiner si elle est réellement ce qu’elle se
+vante d’être, si ce luxe d’éloges, cette emphase admirative, et
+tout cet étalage de vertus, qui décorent d’ordinaire les <i>morceaux
+d’architecture</i> (les discours maçonniques), sont suffisamment justifiés ;
+et si, par hasard, les profanes, regardés de si haut par
+MM. les Maçons, n’auraient pas le droit, à leur tour, de sourire
+au lieu d’admirer, et de leur renvoyer quelque chose de leurs
+dédains et de leur pitié.</p>
+
+<p>Rien, en effet, ne peut se comparer à l’exaltation et à la pompe
+de langage qui se rencontre à chaque page des journaux et des
+documents maçonniques que j’ai sous les yeux. La Franc-Maçonnerie,
+« c’est la divine Maçonnerie » ; c’est « le phare de
+l’humanité » ; c’est « le soleil du monde ».</p>
+
+<p>« Gloire à toi, divine Maçonnerie ! » s’écrient-ils. Puis ils
+chantent de concert :</p>
+
+<div class="flex">
+<div class="poetry">
+<div class="verse">Juste, humain, bienfaisant, voilà ce que nous sommes ;</div>
+<div class="verse">Et le parfait Maçon est le premier des hommes.</div>
+</div>
+
+</div>
+<p>Le premier des hommes pour les vertus, le premier pour
+les lumières, voilà ce qui se répète dans les banquets maçonniques.
+En dehors de la Maçonnerie, le genre humain est plongé
+dans les ténèbres. La Maçonnerie a toutes les lumières ; la
+Maçonnerie a toutes les vertus : « Toute sagesse, toute perfection,
+toute vertu, toute philosophie s’enseignent dans les
+temples maçonniques<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor">[78]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78"><span class="label">[78]</span></a> <i>Le Monde maçonnique</i>, t. IX, p. 358.</p>
+</div>
+<p>A la bonne heure. Mais cependant, lorsque, à la faveur des
+révélations qu’elle nous a faites d’elle-même, j’entre dans ses Ateliers
+et dans ses Loges, et que je contemple les Frères à l’œuvre,
+lorsque chez ces hommes, qui ne veulent plus de culte ni de religion,
+ou, comme ils disent, « de superstitions » ; lorsque je vois
+toutes ces cérémonies, toute cette hiérarchie compliquée et
+bizarre, tous ces signes et ces insignes, toutes ces marches et
+contre-marches, ces rites singuliers ; lorsque j’entends ce langage
+inconnu des <i>profanes</i>, lorsque j’assiste à ces initiations et à
+ces mystères, à ces travaux de table, comme ils les appellent,
+etc., etc., la divine Maçonnerie m’apparaît sous un aspect qui
+m’étonne, c’est le moins que je puisse dire ; et, malgré mon
+désir de n’offenser personne, je ne puis m’empêcher de croire
+que tout cela, si ce n’est pas le voile suranné d’un but qu’on a
+eu longtemps intérêt de cacher, est bien peu digne d’hommes
+sérieux. Et le F∴ Félix Pyat, révolutionnaire en Maçonnerie
+comme en politique, me paraît avoir eu raison de trouver ces
+pratiques ridicules, et de les appeler « puériles », ou « séniles »<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor">[79]</a>.
+Pour moi, je me bornerai encore à faire ici une pure et
+simple exposition. Je m’adresse aux hommes de bons sens ; le
+bon sens jugera.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79"><span class="label">[79]</span></a> <i>Le Rappel</i>, cité plus haut.</p>
+</div>
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c9">I<br>
+<span class="xsmall">HIÉRARCHIE, GRADES ET LANGAGE MAÇONNIQUES</span></h3>
+
+<p>On sait qu’il y a plusieurs grands rites maçonniques, le rite
+Égyptien de Misraïm, le rite Écossais, celui du Grand-Orient
+de France ; et peut être d’autres encore.</p>
+
+<p>Chacun des trois rites a trois degrés fondamentaux : les <i>apprentis</i>,
+les <i>compagnons</i>, les <i>maîtres</i>.</p>
+
+<p>Ceux qui ne sont Francs-Maçons à aucun degré, ils les nomment
+des <i>profanes</i>.</p>
+
+<p>En outre, chaque rite a ses <i>hauts grades</i>, et ses <i>mystères</i>. En
+Belgique et en France, le rite Écossais et le Grand-Orient ont
+chacun une échelle hiérarchique de trente-trois degrés. Je remarque
+parmi ces degrés :</p>
+
+<ul>
+<li><i>L’illustre élu des Quinze</i> ;</li>
+<li><i>Le Sublime Chevalier élu</i> ;</li>
+<li><i>Le Royal-Arche</i> ;</li>
+<li><i>Le Prince du Tabernacle</i> ;</li>
+<li><i>Le Maître des loges Symboliques</i> ;</li>
+<li><i>Le Chevalier du Serpent d’Airain</i> ;</li>
+<li><i>Le Rose-Croix</i> ;</li>
+<li><i>Le Grand-Pontife</i> ;</li>
+<li><i>Le Nouchite</i> ;</li>
+<li><i>Le Chevalier Kadosch</i> ;</li>
+<li><i>Le Grand-Inspecteur Inquisiteur</i> ;</li>
+<li><i>Le Sublime Prince du Royal Secret</i> ;</li>
+<li><i>Le Souverain Grand-Inspecteur Général</i> ;</li>
+</ul>
+<p>Le rite Égyptien de Misraïm est plus riche encore, et ne
+compte pas moins de quatre-vingt-dix degrés ; je n’en citerai
+non plus que quelques-uns :</p>
+
+<ul>
+<li><i>Le Chaos, premier discret</i> ;</li>
+<li><i>Le Chaos, deuxième sage</i> ;</li>
+<li><i>Le Chevalier du Soleil</i> ;</li>
+<li><i>Le Suprême Commandeur des astres, etc.</i> ;</li>
+<li><i>Le Souverain des Souverains</i> ;</li>
+<li><i>Le Prince Talmudin</i> ;</li>
+<li><i>Le Souverain Prince Zakdim</i> ;</li>
+<li><i>Le Souverain Grand-Prince Hasidim, etc.</i> ;</li>
+</ul>
+<p>Tels sont les grades et les noms bizarres, c’est le moins qu’on
+puisse dire, qui sont proposés à l’ambition suprême des adeptes
+de la Franc-Maçonnerie.</p>
+
+<p>Chaque grade a ses <i>insignes</i> et ses <i>bijoux</i> distinctifs. Il y a le
+<i>tablier</i>, la <i>truelle</i>, le <i>maillet</i>, le <i>compas</i>,
+l’<i>équerre</i>, les <i>cordons en
+sautoir</i>, avec <i>soleil d’or</i>, et autres emblèmes, etc.</p>
+
+<p>Mais, en vérité, pour des hommes qui professent si haut les
+théories égalitaires, toute cette hiérarchie de <i>grades</i>, <i>d’insignes</i>
+et de <i>bijoux</i>, tous ces hochets de la vanité, sont une étrange
+contradiction. Plusieurs francs-maçons eux-mêmes en ont fait
+la remarque ; mais les hochets n’en subsistent pas moins, avec
+toute leur puissance sur ces grands esprits.</p>
+
+<p>Les différentes sociétés maçonniques, dont se compose chacun
+des trois rites, se nomment <i>Loges</i>. Voici quelques-unes de ces
+loges ; il y a :</p>
+
+<ul>
+<li><i>La Rose du parfait Silence</i> ;</li>
+<li><i>Saint-Antoine du parfait Contentement</i> ;</li>
+<li><i>La clémente Amitié cosmopolite</i> ;</li>
+<li><i>Le Val d’amour</i> ;</li>
+<li><i>La Jérusalem des Vallées égyptiennes</i> ;</li>
+<li><i>L’heureuse rencontre de l’Union désirée</i> ;</li>
+<li><i>Les Trinosophes</i> ;</li>
+<li><i>Les Théphropotes ou Buveurs de Cendres</i> ;</li>
+<li><i>Julienne aux trois Lions</i> ;</li>
+<li><i>Auguste aux trois Flammes</i> ;</li>
+<li><i>L’Absalon aux trois Orties</i> ;</li>
+<li><i>Caroline aux trois Étoiles</i> ;</li>
+<li><i>Minerve aux trois Palmiers</i> ;</li>
+<li><i>Libanon aux trois Cèdres, etc.</i> ;</li>
+</ul>
+<p>Les Dignitaires des loges sont plus ou moins nombreux ; il
+y a :</p>
+
+<ul>
+<li><i>Le Vénérable</i> ;</li>
+<li><i>Le Très-Respectable</i> ;</li>
+<li><i>Le Frère Sacrificateur</i> ;</li>
+<li><i>Le Frère Terrible</i> ;</li>
+<li><i>Les Frères surveillants</i> ;</li>
+<li><i>Le Grand Expert</i> ;</li>
+<li><i>Le Grand Orateur</i> ;</li>
+<li><i>Le Tuileur</i> ;</li>
+<li><i>Le Maître des Cérémonies, etc.</i></li>
+</ul>
+<p>Tels sont les noms, pompeux ou grotesques, qui se rencontrent
+sans cesse dans les journaux des francs-maçons,
+et dans les récits des <i>tenues</i> maçonniques, ainsi qu’ils appellent
+leurs séances. Car les francs-maçons ont une langue
+à eux, qui n’est pas celle des <i>profanes</i>, pour dire autrement
+les mêmes choses. Ainsi, l’orateur d’une loge maçonnique ne
+prononce pas un discours, mais un <i>morceau d’architecture</i> ; — un
+franc-maçon ne mange pas, il <i>mastique</i> ; — son verre n’est
+pas un verre, mais <i>un canon</i> ; — et son assiette une <i>tuile</i> ; — et
+son couteau <i>un glaive</i> ; — <i>charger</i>, en terme de table, c’est
+mettre du vin dans son verre ; — une loge n’interrompt pas ses
+séances, elle <i>se met en sommeil</i> ; — une circulaire maçonnique
+s’appelle une <i>planche</i> ; — un compte rendu est un <i>tracé</i> ; — les
+applaudissements sont des <i>batteries</i> ; — et les banquets des
+<i>travaux de table</i>.</p>
+
+<p>Les <i>cérémonies</i>, les <i>signes</i>, les <i>marches</i>, les <i>contre-marches</i>,
+les <i>honneurs funèbres</i>, les <i>travaux de table</i>, les <i>batteries</i>, etc.,
+tout cela est réglé par les rituels maçonniques dans le plus
+minutieux détail, et demande assurément aux initiés une
+grande étude. Ils doivent, ces hommes graves, ces pères de famille,
+ces honorables commerçants, ces avocats, ces magistrats,
+ces membres des assemblées délibérantes, passer de
+longues heures à apprendre les cahiers de leurs grades, les
+prescriptions de leurs rituels, le mysticisme de leurs emblèmes,
+et tout ce qui compose enfin le culte, la religion des francs-maçons,
+car c’est ainsi qu’ils l’appellent eux-mêmes ; ces hommes
+qui veulent éclairer le genre humain et le débarrasser de ce
+qu’ils nomment <i>superstitions</i>, ont eux-mêmes leurs <i>temples</i>, leurs
+<i>autels</i>, leurs <i>sacrificateurs</i>, leur <i>baptême</i>, leurs <i>sacrements</i> et leurs
+<i>mystères</i>.</p>
+
+<p>Entrons plus avant dans l’institution.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c10">II<br>
+<span class="xsmall">INITIATION MAÇONNIQUE</span></h3>
+
+<p>Comment est-on admis franc-maçon ? Comment, pour parler
+leur langage, reçoit-on la lumière ?</p>
+
+<p>J’ai lu, dans leurs rituels, la description de ces initiations maçonniques,
+et j’ai rencontré là des scènes, des terreurs, des serments,
+des épouvantails, vraiment bien extraordinaires.</p>
+
+<p>Voici d’abord ce que le compagnon récipiendaire, doit jurer :</p>
+
+<p>« Je jure de ne jamais révéler les secrets, les signes, les attouchements,
+les paroles, les doctrines ou les usages des francs-maçons…
+Dans le cas où je manquerais à ma parole, qu’on me
+brûle les lèvres avec un fer rouge, qu’on m’abatte la main,
+qu’on m’arrache la langue, qu’on me coupe la gorge, que mon
+cadavre soit pendu dans la loge pendant l’admission d’un nouveau
+frère, pour être la flétrissure de mon infidélité et l’effroi
+des autres, qu’on le brûle ensuite, et qu’on en jette les cendres
+au vent »<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor">[80]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80"><span class="label">[80]</span></a> Extrait de l’écrit intitulé : <i lang="de" xml:lang="de">Die drei St.-Johannis-Grade der grossen <span class="rm">(Berliner)</span>
+Mutterloge zu den drei Welthügeln</i>. Leipzig, 1825. Cité par M. Neut,
+t. I, p. 208.</p>
+</div>
+<p>Je n’examine pas encore ce qu’il y a au fond de ces mystères
+maçonniques, placés sous une telle garantie ; mais je le demande
+au bon sens, à la bonne foi : comment se fait-il que
+des hommes raisonnables et sincères consentent à prononcer
+contre eux-mêmes de telles formules ?</p>
+
+<p>Pour l’Apprenti, qui n’est encore qu’au seuil des mystères, on
+ne lui en demande pas tant : dans son serment tel que le
+F∴ Ragon le donne, l’Apprenti déclare simplement qu’il préfère
+« avoir la gorge coupée plutôt que de révéler les secrets de
+l’Ordre »<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor">[81]</a>. La gorge coupée, c’est bien déjà quelque chose !</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81"><span class="label">[81]</span></a> <i>Rituel de l’Apprenti</i>, p. 54.</p>
+</div>
+<p>Les serments toutefois n’empêchent pas que, par les révélations
+des francs-maçons eux-mêmes, les secrets ne soient aujourd’hui
+assez connus du monde profane. Quelque précieuse et inestimable
+que soit la faveur de recevoir « la lumière », et de porter
+« le tablier », je n’ai pu m’empêcher, je l’avoue, en lisant les
+« épreuves » que le F∴ Ragon raconte et interprète avec
+complaisance, de trouver que le <i>profane</i> achète tout cela un
+peu cher.</p>
+
+<p>Ces épreuves sont longues et compliquées. Il y a d’abord la
+<i>chambre des réflexions</i> : « Lieu obscur, éclairé par une lampe sépulcrale.
+Les murs, peints en noir, sont chargés d’emblèmes
+funèbres… Le récipiendaire, devant passer <i>par les quatre éléments</i>
+des anciens, subit sa première épreuve, celle de « la
+Terre », au sein de laquelle il est censé se trouver… Un squelette
+gît près de lui dans un cercueil ouvert. Si l’on manquait
+de squelette, on poserait sur la table une tête de mort<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor">[82]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82"><span class="label">[82]</span></a> <i>Rituel de l’apprenti</i>, par le F∴ Ragon, p. 24, et seq.</p>
+</div>
+<p>« Les inscriptions placées sur les murs sont celles-ci :</p>
+
+<p>« Si ton âme a senti l’effroi, ne va pas plus loin.</p>
+
+<p>« Si tu persévères, tu seras <i>purifié par les éléments</i>, tu sortiras
+de l’abîme des ténèbres, tu verras la lumière. »</p>
+
+<p>Le patient reste là un certain temps et doit répondre par écrit
+à trois questions, et puis faire son testament. Pendant que le
+Vénérable lit ses réponses en loge : « Le F∴ préparateur bande
+les yeux au récipiendaire, et le met dans l’état où il doit entrer
+en loge ; c’est-à-dire qu’il est tête nue, la moitié du corps
+en chemise ; il a le bras et le sein gauche découverts, le genou
+droit nu, le soulier gauche en pantoufle<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor">[83]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83"><span class="label">[83]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Alors le F∴ expert reçoit du Vénérable « l’importante mission
+de soumettre le profane aux épreuves physiques »,
+c’est-à-dire de lui faire faire « les <i>trois voyages</i>, et de le faire
+passer par les éléments qui lui restent à traverser »<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor">[84]</a> ; l’air,
+l’eau et le feu.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84"><span class="label">[84]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Puis, « le 2<sup>e</sup> Expert tire bruyamment les verroux et ouvre les
+deux battants de la porte, etc.<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor">[85]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85"><span class="label">[85]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 32.</p>
+</div>
+<p>Puis, après un long interrogatoire sur les préjugés, l’ignorance,
+le fanatisme et la superstition, etc., « le Vénérable dit
+d’une voix forte : <i>Faites faire le premier voyage !</i> »</p>
+
+<p>« Ce premier voyage doit être hérissé de difficultés ; on lui
+dit : <i>Baissez-vous !</i> comme pour entrer dans un souterrain.
+<i>Enjambez !</i> pour franchir un fossé. <i>Levez le pied droit !</i> pour
+monter sur une butte. <i>Baissez-vous !</i> — <i>Encore !</i> Il est conduit
+de manière à ce qu’il ne puisse pas juger de la nature du
+sol qu’il parcourt ; il monte <i>l’Échelle sans fin</i> ; passe sur la
+<i>Bascule</i>. Pendant ce trajet, le bruit des assistants, <i>la grêle</i>
+et <i>le tonnerre</i> produisent leur effet ; même la bouteille de
+Leyde<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor">[86]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86"><span class="label">[86]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 44.</p>
+</div>
+<p>Ce voyage constitue la purification par <i>l’air</i> ; la purification
+par <i>l’eau</i> se fait au 2<sup>e</sup> voyage, pendant lequel « le seul bruit que
+le récipendiaire entend est causé par quelques <i>rumeurs sourdes</i>
+et par de légers <i>cliquetis de glaives</i> »… Puis, l’Expert lui plonge
+par trois fois le poignet gauche dans un « vase où il y a de
+l’eau<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor">[87]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87"><span class="label">[87]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 46.</p>
+</div>
+<p>L’épreuve par <i>le feu</i> a lieu au 3<sup>e</sup> voyage, qui se fait « en silence
+et à pas précipités. On suit le récipiendaire en l’enveloppant,
+avec précaution, trois fois dans les flammes, jusqu’à
+sa place<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor">[88]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88"><span class="label">[88]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 50.</p>
+</div>
+<p>Puis on présente au profane « le breuvage d’amertume<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor">[89]</a> » :
+et le Vénérable lui dit alors avec gravité :</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89"><span class="label">[89]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 51.</p>
+</div>
+<p>« Tout profane qui se fait recevoir maçon <span class="xsmall">CESSE DE S’APPARTENIR</span>.
+Il n’est plus à lui… »</p>
+
+<p>Les rituels nous apprennent qu’il existe, dans toutes les loges
+de l’univers, un sceau chargé de caractères hiéroglyphiques
+connus des seuls vrais maçons.</p>
+
+<p>« Ce sceau, <i>après avoir été rougi au feu</i>, étant appliqué sur le
+corps, y imprime une marque ineffaçable<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor">[90]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90"><span class="label">[90]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 52.</p>
+</div>
+<p>Si le patient consent à recevoir sur la partie de son corps qu’il
+indiquera lui-même cette glorieuse empreinte, — car le F∴ Ragon
+avertit que le Vénérable peut le dispenser de cette épreuve, — « le
+F∴ Expert frotte avec un linge sec la partie indiquée et
+y pose très-prestement un glaçon ou un corps froid<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor">[91]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91"><span class="label">[91]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 52.</p>
+</div>
+<p>Le moment alors est venu d’exiger du candidat le serment :</p>
+
+<p>« Les FF∴ sont debout, armés de glaives dont la pointe est
+tournée vers le récipiendaire. Le Vénérable frappe <i>trois coups
+lents</i>. Au troisième, le 2<sup>e</sup> Surveillant fait tomber le bandeau.
+Aussitôt l’Expert projette devant lui <i>une grande flamme</i>, à une
+distance inoffensive…</p>
+
+<p>« Après un instant de silence, le Vénérable dit :</p>
+
+<p>« Les glaives qui sont tournés vers vous… vous annoncent
+que vous ne trouveriez parmi nous que <i>des vengeurs de la
+Maçonnerie</i>… et que nous serions <i>toujours prêts à punir le parjure</i><a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor">[92]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92"><span class="label">[92]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 55.</p>
+</div>
+<p>« On le conduit alors à l’<i>autel</i>. Là, on lui met à la main
+gauche un <i>compas</i> ouvert dont une des pointes est tournée
+vers <i>le sein gauche</i> ; sa main droite est posée sur le glaive de
+l’ordre ; il pose le genou sur une des marches, la jambe droite
+en équerre<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor">[93]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93"><span class="label">[93]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 54.</p>
+</div>
+<p>Le serment prêté, le Vénérable donne au profane devenu
+maçon le <i>tablier</i>, les <i>gants</i> « que vous donnerez, dit-il, à la femme
+que vous estimez le plus<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor">[94]</a> ». Puis, il lui fait connaître les <i>mots</i>,
+<i>signe</i> et <i>attouchement</i> ; et lui explique le sens de ces choses.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94"><span class="label">[94]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 57.</p>
+</div>
+<p>« Le <i>mot de passe</i> est T… un des fils de Lameth… Bientôt
+vous apprendrez sa vraie signification :</p>
+
+<p>« Le mot d’<i>ordre</i>… vous apprendra <i>que nous faisons tout en
+équerre</i>…</p>
+
+<p>« L’<i>ordre</i>, en loge, est d’être debout, et de porter à plat la
+main droite sous la gorge, les quatre doigts serrés, et le pouce
+écarté, en forme d’équerre.</p>
+
+<p>« Le <i>Signe</i> dit <i>guttural</i> est de se mettre à l’ordre, de retirer
+la main horizontalement, et la laisser tomber perpendiculairement.</p>
+
+<p>« L’<i>Attouchement</i> se fait en se prenant mutuellement les
+quatre doigts de la main droite ; on pose le pouce sur la phalange
+de l’index, et par un mouvement invisible, on frappe
+les trois coups de l’apprenti.</p>
+
+<p>« <i>Batterie</i>. Trois coups, <i>oo, o</i>.</p>
+
+<p>« Pour la <i>marche</i> : se mettre à l’ordre, le corps légèrement
+effacé, porter en avant le pied droit, approcher en travers le
+pied gauche, talon contre talon, en équerre. Répéter <i>ce pas</i>
+par trois fois, et faire <i>le signe</i> en guise de salut<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor">[95]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95"><span class="label">[95]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 58.</p>
+</div>
+<p>Voilà comment les francs-maçons reçoivent <i>la lumière</i>.</p>
+
+<p>« La cordialité, prétend quelque part M. About<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor">[96]</a>, rachète
+les côtés enfantins du rite » ; pour moi, quand je songe que
+ce sont parfois des hommes partout ailleurs sérieux qui pratiquent
+ces choses, et avec l’exaltation que je rencontre dans la
+plupart des discours maçonniques ; et que c’est pour de tels
+rites, vides assurément du sens de Dieu, et de tout sens,
+qu’un si grand nombre de ces hommes s’éloignent de la religion
+véritable, du Dieu qui les a créés, de Jésus-Christ qui les
+a rachetés, je ne puis me défendre, je l’avoue, d’une compassion
+profonde.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96"><span class="label">[96]</span></a> <i>Opinion nationale</i>, novembre 1865.</p>
+</div>
+<p>Mais qu’êtes-vous donc, dirai-je à la Maçonnerie ? Êtes-vous
+une Société à prétentions philosophiques ? Pourquoi donc alors
+toute cette fantasmagorie. Une religion, un culte ? Mais vous
+dites dans vos loges : « Débarrassons l’imposante majesté de
+Dieu de toutes les frivolités du culte extérieur, au moyen
+desquelles on enchaîne les ignorants et les faibles<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor">[97]</a> ! » Ou
+bien êtes-vous une Société secrète qui cache à dessein son secret
+sous des momeries ? Faut-il le penser ?</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97"><span class="label">[97]</span></a> Discours du Grand-Maître de la Maçonnerie belge, à l’installation d’une
+loge, M. Neut., t. I, p. 143.</p>
+</div>
+<p>J’ai regardé de près ces prétendus symboles, et les explications
+mystiques que vos écrivains en ont données : en fait
+de science et de lumière, qu’y a-t-il là ? Rien, absolument rien ;
+tout cela est creux et vide ; ou si l’on peut dégager de là quelque
+chose, quelque pensée philanthropique, je le déclare, rien
+de cet enseignement si étrangement donné qui appartienne à
+la Maçonnerie ; rien qui ne soit connu, vulgaire, passé même
+chez nous, on le peut dire, à l’état de lieu-commun, grâce au
+catéchisme.</p>
+
+<p>Puérilité donc, que cette prétendue initiation à la lumière !
+Puérilité que toutes ces cérémonies ridicules ! <i>Puérilité</i> et <i>sénilité</i>,
+comme le disait Félix Pyat ! Je me trompe, ce qu’au fond
+cela signifie, c’est qu’on veut se passer de la religion, de la
+foi et du catéchisme chrétien ; voilà pourquoi on se livre gravement
+à ces rites bizarres,… qui rappellent trop vraiment les
+vieux temps de la décadence païenne, et les initiations symboliques
+qui avaient lieu dans la caverne de Mithra, sous le
+Capitole<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor">[98]</a> ?</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98"><span class="label">[98]</span></a> Aussi est-ce sans étonnement que j’ai vu <i>le Monde-Maçonnique</i> signaler
+la curieuse analogie de certains symboles mithriaques avec les emblèmes de la
+maçonnerie. — Avril 1876, p. 592.</p>
+</div>
+<p>Peut-être y a-t-il ici un autre motif : comme le disait un révolutionnaire
+italien, célèbre dans les Sociétés secrètes : « en
+apprenant tout cela au franc-maçon, on s’empare de la volonté,
+de l’intelligence, et de la liberté d’un homme. On en
+dispose, on le tourne, on l’étudie… Quand il est mur pour
+nous, on le dirige vers la Société secrète, dont la Franc-Maçonnerie
+n’est que l’antichambre<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor">[99]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99"><span class="label">[99]</span></a> Lettre du <i>Petit-Tigre</i> à la <i>Vente piémontaise</i>, cité par l’auteur de l’<i>Église
+romaine en face de la Révolution</i>, t. II, p. 424.</p>
+</div>
+<p>Mais n’anticipons pas sur ce grave sujet ; et donnons encore
+quelques détails.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c11">III<br>
+<span class="xsmall">LES TRAVAUX DE TABLE, OU BANQUETS</span></h3>
+
+<p>Les initiations ont quelque chose en apparence de terrible ;
+mais pour reposer nos lecteurs, voici des détails moins sombres :
+je veux parler des <i>travaux de table</i>, c’est ainsi que se nomment
+les banquets maçonniques. — Ici encore je copie textuellement
+les rituels :</p>
+
+<p>Voici, selon le F∴ Ragon, et selon un autre écrivain franc-maçon,
+fort accrédité aussi dans l’ordre, le F∴ Clavel, comment
+se passent ces banquets :</p>
+
+<p>« La salle où se fait <i>la mastication</i> doit être, comme la Loge,
+à l’abri des regards profanes. On la décore habituellement de
+guirlandes de fleurs<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor">[100]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100"><span class="label">[100]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 76.</p>
+</div>
+<p>« Le V∴ dit : « F∴, surv∴, prévenez vos FF∴ que les
+travaux sont suspendus et que nous allons nous livrer à la
+mastication<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor">[101]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101"><span class="label">[101]</span></a> <i>Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie</i>, par le F∴ Clavel, Introd.,
+p. 30.</p>
+</div>
+<p>« Fr∴ 1<sup>er</sup> et 2<sup>e</sup> surv∴, invitez les FF∴ qui sont sous votre
+commandement à se disposer à <i>charger</i> et à aligner pour la
+première santé d’obligation<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor">[102]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102"><span class="label">[102]</span></a> <i>Rituel de l’Apprenti</i>, p. 76, 77.</p>
+</div>
+<p>« Pendant le repas, on tire <i>sept santés d’obligation</i>. Lorsqu’on
+tire les santés, <i>la mastication</i> cesse » ; — c’est-à-dire qu’on
+cesse de manger pour boire ; et voici comment cela se fait. « Les
+frères se lèvent, se mettent <i>à l’ordre</i>, et jettent leur <i>drapeau</i>
+(leur serviette) sur l’épaule gauche. Sur l’invitation du Vénérable
+les frères <i>chargent leurs canons</i> (les verres) et quand tout
+cela est fait, le Vénérable dit : Mes frères, nous allons porter
+une santé… Nous y ferons feu, bon feu, le feu le plus vif et le
+plus pétillant de tous les feux.</p>
+
+<p>« Mes frères ! La main droite au glaive (c’est le couteau) !</p>
+
+<p>« Haut le glaive !</p>
+
+<p>« Salut du glaive !</p>
+
+<p>« Le glaive dans la main gauche ! »</p>
+
+<p>Tous les couteaux se lèvent et se saluent.</p>
+
+<p>Après ce mouvement brillant, on met la main <i>aux armes</i>,
+c’est-à-dire aux verres :</p>
+
+<p>« Haut les armes !</p>
+
+<p>« En joue ! — Ici, les frères approchent le verre de leur
+bouche.</p>
+
+<p>« Feu ! — On boit une partie de ce qu’il y a dans le verre.</p>
+
+<p>« Bon feu ! — On boit encore une partie.</p>
+
+<p>« Le plus vif et le plus pétillant de tous les feux ! — On vide
+le verre. »</p>
+
+<p>Pour annoncer la première santé, « Le Vénérable commande
+l’exercice ainsi :</p>
+
+<p>« Attention, mes FF∴! la main droite aux armes !</p>
+
+<p>« Haut les armes ! En joue !</p>
+
+<p>« 1<sup>er</sup> feu ! A la santé de S. M. l’Empereur !</p>
+
+<p>« 2<sup>e</sup> feu ! A la santé du Prince Impérial, de l’Impératrice et de
+la Famille Impériale.</p>
+
+<p>« 3<sup>e</sup> feu ! A la gloire de la France<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor">[103]</a> » !</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103"><span class="label">[103]</span></a> <i>Rituel de l’Apprenti</i>, p. 77.</p>
+</div>
+<p>Et l’exercice se poursuit ainsi :</p>
+
+<p>« F∴ armes au repos ! — On approche le verre de l’épaule
+droite.</p>
+
+<p>« En avant les armes ! Signalons nos armes !</p>
+
+<p>« Un ! — A ce commandement, on approche le verre de
+l’épaule gauche.</p>
+
+<p>« Deux ! — On le ramène à l’épaule droite.</p>
+
+<p>« Trois ! — On le reporte en avant.</p>
+
+<p>« Un ! Deux ! Trois ! — A chacun de ces temps les frères font
+un mouvement par lequel ils descendent graduellement <i>le
+canon</i> vers la table. Au troisième, ils le posent avec bruit et
+ensemble, de manière qu’on n’entende qu’un seul coup<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor">[104]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104"><span class="label">[104]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 82.</p>
+</div>
+<p>On en fait autant du <i>glaive</i>, c’est-à-dire du couteau.</p>
+
+<p>Vraiment, il est assez difficile ici, quelque gravité qu’on veuille
+apporter à cette étude, de ne pas sourire un peu. Et quand involontairement,
+en lisant ces choses, certains noms propres se
+présentent à la mémoire, et que, par la pensée, on voit là certains
+hommes qu’on croyait graves, on éprouve un triste étonnement.</p>
+
+<p>Et comment ne pas se rappeler aussi ces banquets de joyeux
+bons vivants, comme le siècle dernier en a tant vus dans les
+temples maçonniques, cette philanthropie <i lang="la" xml:lang="la">inter pocula</i>, et comme
+disait en 1852 le <i>Constitutionnel</i>, « ces bons drilles des loges
+maçonniques, célébrant l’amour et le vin aux soupers du caveau.
+Depuis lors, ajoutait le <i>Constitutionnel</i>, les choses ont
+bien changé ; les drilles philosophiques et anacréontiques,
+endormis dans le vin versé par l’athéisme, se sont réveillés
+dans le sang versé par les révolutions…<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor">[105]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105"><span class="label">[105]</span></a> M. Neut, t. I, p. 285.</p>
+</div>
+<p>Et comment ne pas sourire encore lorsqu’on entend ces grands
+réformateurs exposer la théorie maçonnique du plaisir, et présenter
+la Maçonnerie comme une espèce d’île de Calypso où
+règne un printemps éternel, que ne troublent jamais les orages ?</p>
+
+<p>« La science a <i>ses moments d’intervalle</i> ; l’homme est par nature
+<i>ami des plaisirs</i> ; ceux que la Maçonnerie vous offrira satisferont
+et votre cœur et <i>vos sens</i> ; là se trouve un asile <i>où
+règne un printemps éternel, où les fleurs s’épanouissent sans cesse,
+où la tempête ne mugit jamais</i><a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor">[106]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106"><span class="label">[106]</span></a> Discours prononcé par le F∴ Frantz Faider, à l’occasion de son installation
+comme <i>Vénérable</i> de la Loge de <i>la Fidélité</i>, de Gand, 2 juillet 1846.
+M. Neut, t. I, p. 286.</p>
+</div>
+<p>Mais c’est assez sur tout ceci : le moins qu’on puisse dire,
+assurément, c’est qu’il est permis de ne pas trop compter, pour
+le progrès réel de la vertu dans l’humanité, sur ce côté de la
+Maçonnerie.</p>
+
+<p>« Cela, disait le révolutionnaire italien que nous citions tout
+à l’heure, est trop pastoral et trop gastronomique ; mais cela
+a <span class="xsmall">UN BUT</span> qu’il faut encourager sans cesse… C’est sur les loges
+que nous comptons pour doubler nos rangs. »</p>
+
+<p>Nous reviendrons sur ce <span class="xsmall">BUT</span>.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c12">IV<br>
+<span class="xsmall">LES RITES ET LES MYSTÈRES MAÇONNIQUES</span></h3>
+
+<p>Nous entendions tout à l’heure les francs-maçons nous dire :
+« Débarrassons l’imposante majesté de Dieu <i>de toutes les frivolités
+du culte extérieur, de toutes les erreurs au moyen desquelles
+on enchaîne les ignorants et les faibles</i>. Il n’y a, en fait,
+<i>aucune religion que puisse embrasser l’être intelligent</i><a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor">[107]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107"><span class="label">[107]</span></a> Installation de la Loge <i>l’Espérance</i>, à Bruxelles, 26 novembre 1848, discours
+du sérénissime Grand-Maître national de Facqz, cité par M. Neut.</p>
+</div>
+<p>Ils disent cela, et immédiatement ils se donnent le plus
+complet démenti ; car ils ajoutent :</p>
+
+<p>« Cependant l’homme est essentiellement religieux. Il
+éprouve le besoin d’un culte qui soit digne de lui et de l’être
+supérieur auquel il le consacre. »</p>
+
+<p>« Eh bien ! M∴ F∴, <span class="xsmall">QUE LA MAÇONNERIE SOIT POUR NOUS
+CETTE RELIGION</span> !… Soyons ses apôtres fervents ; initions à <span class="xsmall">SES
+MYSTÈRES</span><a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor">[108]</a> ! »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108"><span class="label">[108]</span></a> M. Neut, t. I, p. 142.</p>
+</div>
+<p>Ses mystères : voyons-en donc quelque chose.</p>
+
+<p>Dans le <i>tracé</i> officiel de la fête maçonnique célébrée en l’honneur
+de Léopold I<sup>er</sup>, entre autres cérémonies, on vit le Grand-Maître
+se rendre <i>à l’autel</i> où brûlait <i>le feu sacré</i> (le feu, <i>cet unique purificateur</i>,
+comme ils disent), et offrir <i>à l’ombre vénérée</i> des <i>libations</i> :</p>
+
+<p>« Ombre vénérée de notre auguste frère, entends ma voix ! Au
+nom de tous les maçons réunis dans ce temple, je t’offre <i>l’eau</i>,
+je t’offre <i>le vin</i>, je offre <i>le lait</i>…<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor">[109]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109"><span class="label">[109]</span></a> M. Neut, t. I, p. 165.</p>
+</div>
+<p><i>L’eau</i>, <i>le vin</i>, <i>le lait</i>, voilà donc les hommages et les secours,
+aussi vides que solennels, que l’<i>ombre</i> du roi des Belges reçut
+de ses confrères en maçonnerie.</p>
+
+<p>Ce goût des rites, des cérémonies, ils le poussent si loin qu’à
+ma grande surprise, j’ai trouvé dans les livres maçonniques
+jusqu’à la parodie de nos Sacrements, un <i>Baptême</i>, une <i>Confirmation</i>,
+une <i>Cène</i> !</p>
+
+<p>Oui, il y a un baptême <i>maçonnique</i>, car ils veulent prendre
+aussi, et comme ils disent, adopter les enfants. Et voici comment
+ils procèdent : je ne cite qu’un de ces rites : « … Le parrain
+tient de la main droite le fil d’un aplomb, de manière que l’extrémité
+inférieure de l’aplomb soit en face du cœur du Louveton
+(l’enfant) ; le premier surveillant touche de la main
+droite le côté du cœur du Louveton et dit : « Que la ligne verticale
+de l’aplomb t’enseigne à marcher droit<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor">[110]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110"><span class="label">[110]</span></a> <i>Histoire de la Franc-Maçonnerie</i>, par Dubreuil, t. 2, p, 139.</p>
+</div>
+<p>Je reproduis ici textuellement le récit d’un baptême, tel qu’il
+est donné dans le <i>Monde-Maçonnique</i> :</p>
+
+<p>« La loge de <i>la Parfaite-Union</i>, à l’Orient de Rennes, célébrait
+le lundi, 13 septembre 1858, ce que les anciens Maçons
+appelaient un <i>baptême maçonnique</i>. Le F∴ Guillet, <i>Vénérable</i>,
+présidait cette cérémonie avec l’expérience que lui
+donnent trente-cinq ans de Maçonnerie… <i>Les portes du temple</i>
+s’ouvrent… le Vénérable fait approcher l’enfant de <i>l’autel</i>.
+Sur une table placée au milieu du temple brillent, dans l’argent
+et le cristal, le pain, les fruits, l’eau et le vin, le miel
+et le lait, qui doivent servir <i>aux cérémonies de l’initiation</i>…
+Le Vénérable, en partageant <i>aux parrains</i> ce repas, qui rappelle
+les agapes des premiers chrétiens, leur adresse quelques
+mots heureux, empreints d’une douce morale ; il termine <i>en
+bénissant l’enfant</i><a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor">[111]</a>. Etc. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111"><span class="label">[111]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, juillet 1872, p. 202.</p>
+</div>
+<p>Le 16 juillet 1870, la Loge les <i>Amis-Réunis</i>, de Bordeaux,
+<i>adoptait</i> huit enfants : deux filles et huit garçons ; et le F∴ Delboy
+leur disait : « Puissent vos esprits s’ouvrir à la lumière maçonnique !
+Que les rayons de la vérité illuminent vos esprits,
+comme font les rayons du soleil dans les cieux, quand se lève
+le matin. » Mais quelle est cette <i>lumière maçonnique</i> ? Le prédicateur
+maçonnique l’expliquait : c’est, disait-il, <i>la liberté de
+penser</i>, qu’il faut mettre, ajoutait-il, <i>au-dessus de toutes choses</i><a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor">[112]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112"><span class="label">[112]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, t. 1, p. 403.</p>
+</div>
+<p>Voici maintenant une Confirmation. Après les épreuves préliminaires,
+on entend le bruit du tonnerre précédé d’éclairs, et
+on semble aussi entendre des murs s’écrouler avec fracas : « Le
+bruit et le fracas que vous avez entendus, dit le Vénérable,
+accompagnent ordinairement les premiers pas de ceux qui
+commencent à marcher dans la carrière maçonnique… »</p>
+
+<p>« Alors un cliquetis d’armes et des détonations d’armes à feu
+se font entendre de loin…</p>
+
+<p>« Le préparateur fait ensuite marcher l’initié à reculons,
+pour qu’il apprenne par là qu’on n’a rien sans peine. »</p>
+
+<p>On lui fait boire aussi le calice d’amertume, symbole de la
+peine qu’il y a à confesser ses défauts ; car on a commencé par
+lui demander cette confession<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor">[113]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113"><span class="label">[113]</span></a> <i>Histoire de la Franc-Maçonnerie</i>, par Dubreuil, t. II, p. 139 et suiv.</p>
+</div>
+<p>Quelques détails maintenant sur la Cène maçonnique :</p>
+
+<p>« Au fond de la loge, vers l’Orient, est un triangle en forme
+de gloire, avec le nom de Jéhova, en caractères hébraïques ;
+du côté du midi, dans un transparent, un soleil qui s’élève au-dessus
+d’un tombeau. Près de ce transparent, on place une
+table, sur laquelle il y a <i>un agneau</i> en pâtisserie, un couteau,
+une coupe et un vase de vin… Un chandelier à trois branches
+est <i>sur l’autel</i>.</p>
+
+<p>« Le Vénérable, <i>encense</i> différentes fois le chandelier à trois
+branches… Alors <i>le maître des cérémonies</i> découpe <i>l’agneau</i>…
+Le Vénérable prend le plat sur lequel se trouve l’agneau découpé,
+et présente le plat au Frère qui est à sa droite en disant :
+« Prenez et mangez !… » Ensuite il prend la coupe, il
+boit, et la présente au Frère qui est à sa droite en disant :
+« Prenez et buvez ! » Et il donne le baiser de paix<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor">[114]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114"><span class="label">[114]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Ainsi donc, ils sont Prêtres, ils sont Pontifes : ils baptisent,
+ils confirment, ils communient.</p>
+
+<p>O inconséquence de la pauvre humanité ! ou plutôt, ô besoin
+éternel du cœur de l’homme que Dieu a fait religieux, et qui ne
+peut, quoi qu’il en ait, se passer de religion ! S’il rejette celle
+que Dieu lui-même a donnée au monde, il sera forcé de s’en
+faire une autre à sa guise, bien étrange assurément, mais qui lui
+plaira, parce qu’elle sera de sa façon. Voilà donc des hommes
+dont beaucoup se croiraient humiliés, presque déchus de leur
+dignité d’hommes, si on les surprenait pratiquant les devoirs du
+Christianisme, et qui, entre eux, dans le secret de leurs mystères,
+observent gravement un culte et des rites, tels qu’il est
+difficile d’en imaginer de plus bizarres.</p>
+
+<p>Un souvenir nous revient ici à la mémoire.</p>
+
+<p>Robespierre, lui aussi, voulut un jour faire le Pontife. Il apparut,
+élégamment, solennellement vêtu, tenant à la main un
+bouquet de fleurs qu’il offrit à l’Être Suprême, fondateur de la
+république. « Et pourquoi pas ? dit à ce propos le P. Lacordaire.
+Pourquoi un magistrat, couvert d’habits solennels,
+n’aurait-il pas offert à Dieu l’une des choses les plus pures
+et les plus aimables de la création, un bouquet de fleurs ?
+Il tomba cependant sous le coup d’un ridicule accompli. »</p>
+
+<p>C’est qu’en effet la religion est un domaine réservé ; et
+le sacrilége ici ne sauve pas la parodie du ridicule. Non,
+il ne suffit pas d’un cordon bleu et d’un soleil d’or sur la poitrine
+pour animer de vains simulacres, et sacrer des Pontifes
+sans caractère et sans mission. Si le culte, si les sacrements
+chrétiens sont augustes et vénérables, sachez-le, c’est qu’il
+y a là ce que Dieu seul y a mis, ce que Dieu seul y pouvait
+mettre. Mais vous, que pouvez-vous mettre dans vos rites bizarres
+et dans vos creux symboles ? Voilà pourquoi, je le répète,
+vos pratiques sont ridicules, quand elles ne sont pas impies.
+La foi s’indigne, et le sens commun vous prend en pitié.</p>
+
+<p>Pauvres hommes, vous rejetez la réalité, et vous vous prenez
+à des ombres ! Et ces ombres vous suffisent, parce que c’est
+vous qui les avez faites. Païens d’une nouvelle espèce, vous
+adorez les œuvres de vos mains. Mais votre temple, comme
+votre âme, est vide : on y cherche en vain la Divinité.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c13">V<br>
+<span class="xsmall">LE CHEVALIER KADOSCH</span></h3>
+
+<p>Je voudrais quitter enfin ce triste sujet ; je ne le puis pas, sans
+dire quelques mots des hauts grades maçonniques, ceux qu’on
+ne confère qu’aux Maçons éprouvés, dont l’éducation maçonnique
+est complète ; et, sans vouloir trop regarder au fond de ces mystères,
+ni en rechercher le dernier mot ; soit que ces mystères
+ne cachent rien du tout, soit qu’ils cachent quelque chose, je
+demande s’il y a rien de plus suspect, de plus absurde que toute
+cette fantasmagorie ?</p>
+
+<p>M. Louis Blanc disait-il la vérité quand il écrivait : « Comme
+les trois grades de la Maçonnerie ordinaire (apprenti, compagnon,
+maître), comprenaient un grand nombre d’hommes
+opposés par état et par principes à tout projet de subversion
+sociale, les novateurs multiplièrent les degrés de l’échelle
+mystique à gravir ; ils créèrent des arrière-loges réservées
+aux âmes ardentes ; ils instituèrent les hauts grades d’<i>élu</i>, de
+<i>chevalier du Soleil</i>, de <i>la stricte observance</i>, de <i>Kadosch</i> ou
+homme régénéré : sanctuaire ténébreux, dont les portes ne
+s’ouvraient à l’adepte qu’après une longue série d’épreuves,
+calculées de manière à constater les progrès de son éducation
+révolutionnaire, à éprouver la constance de sa foi, à essayer
+la trempe de son cœur. Là, au milieu des pratiques tantôt
+puériles, tantôt sinistres…, etc.<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor">[115]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115"><span class="label">[115]</span></a> <i>Histoire de dix ans</i>.</p>
+</div>
+<p>Examinons donc un moment de près ces hauts grades de
+la Maçonnerie, et entre autres le grade de <i>Chevalier Kadosch</i>, celui
+dont les doctrines, dit le frère Ragon, « forment le complément
+essentiel de la <i>véritable</i> Maçonnerie ».</p>
+
+<p>« Ce grade, dit-il encore, porte avec raison le titre de <i lang="la" xml:lang="la">nec plus
+ultra</i> : les trois degrés au-dessus ne sont qu’administratifs. »</p>
+
+<p>Eh bien, comment se fait l’Initiation à ce grade suprême ?</p>
+
+<p>L’Élu traverse quatre appartements, l’initiation s’accomplit
+dans le quatrième :</p>
+
+<p>« Le <i>premier appartement</i> est tendu en noir, éclairé par une
+seule lampe triangulaire, suspendue à la voûte. Il communique
+à un caveau, espèce de <i>cabinet de réflexion</i>, où se
+trouvent confondus <i>les symboles de la destruction et de la mort</i>…</p>
+
+<p>« <i>Deuxième appartement</i>. Il est tendu en blanc. Deux autels
+occupent le centre ; sur l’un, est une urne pleine d’esprit de
+vin qui éclaire la salle ; sur l’autre autel est un réchaud de feu
+avec de l’encens à côté…</p>
+
+<p>« <i>Troisième appartement</i>. La tenture est bleue, la voûte est
+étoilée, il n’est éclairé que par les trois bougies jaunes.</p>
+
+<p>« <i>Quatrième appartement</i>. Là se tient le conseil souverain des
+grands élus chevaliers <i>Kadosch</i>. Il est tendu en rouge, le
+local est éclairé de douze bougies jaunes.</p>
+
+<p>« Parvenu dans <i>ce divin sanctuaire</i>, le candidat apprend <i>les
+engagements qu’il contracte</i> ; puis, on lui fait monter et descendre
+« une échelle mystérieuse, qui, par sa forme, rappelle
+le Delta ».</p>
+
+<p>« Les emblèmes de ce grade sont « une croix », avec « un
+serpent à trois têtes ».</p>
+
+<p>« Le <i>serpent</i> désigne le mauvais principe. Les <i>trois têtes</i> du
+serpent sont l’emblème du mal qui s’est introduit dans les
+<i>trois hautes classes de la société</i>. Une tête du serpent porte une
+<i>couronne</i>, et indique <i>les souverains</i> ; une autre tête porte <i>une
+tiare</i> ou <i>clef</i>, et indique <i>les papes</i> ; une autre porte <i>un glaive</i> et
+indique <i>l’armée</i>.</p>
+
+<p>« Le Grand-Initié doit veiller <i>à la répression de ces abus</i>…</p>
+
+<p>« Comme gage de <i>ses engagements</i>, le récipiendaire <i>abat, avec
+le poignard, les trois têtes du serpent</i><a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor">[116]</a> » : c’est-à-dire la couronne,
+la tiare, et l’épée.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116"><span class="label">[116]</span></a> Explication du grade de Grand-Élu, Chevalier Kadosch, par le F∴ Ragon.
+Ouvrage loué par le Grand-Orient.</p>
+</div>
+<p>Le ridicule ici, on le voit, se mêle à l’horreur, et c’est bien le
+cas peut-être de redire avec le poète :</p>
+
+<div class="flex">
+<div class="poetry">
+<div class="verse"><i lang="la" xml:lang="la">Hæ nugæ seria ducunt !</i></div>
+</div>
+
+</div>
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak">TROISIÈME PARTIE<br>
+Action politique et révolutionnaire de la
+Maçonnerie</h2>
+
+
+<p>Ces initiations, ces degrés, ces épreuves successives, ont un
+but ! Avant de confier son dernier secret à quelques rares élus,
+la Maçonnerie éprouve ses adeptes : elle veut savoir s’ils seront
+capables de descendre dans les mines qu’elle creuse sous
+les édifices sociaux : ce n’est pas nous qui parlons ainsi, c’est
+M. Louis Blanc dans son <i>Histoire de Dix-Ans</i> : à propos de la
+Franc-Maçonnerie, « il importe, dit-il, d’introduire le lecteur
+« dans <span class="xsmall">LA MINE</span> que creusaient alors, <i>sous les trônes, sous les autels</i>,
+<span class="xsmall">DES RÉVOLUTIONNAIRES</span> bien autrement profonds et agissants
+que les encyclopédistes ».</p>
+
+<p>Le côté redoutable de la Franc-Maçonnerie le voici donc :
+c’est sa profonde et incessante action politique, sociale et révolutionnaire.
+Là-dessus, M. Henri Martin a dit le vrai mot :
+« <i>La Maçonnerie</i>, écrit l’auteur de l’<i>Histoire de France</i><a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor">[117]</a>, <i>est le
+laboratoire de la révolution</i>. » M. Félix Pyat, de son côté, appelle
+la Franc-Maçonnerie « <i>l’Église de la révolution</i> »<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor">[118]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117"><span class="label">[117]</span></a> T. <small>XVI</small>, p. 595.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118"><span class="label">[118]</span></a> <i>Le Rappel</i>, cité par le <i>Monde maçonnique</i>, mai 1870.</p>
+</div>
+<p>Qu’on ne nous redise donc plus que la Maçonnerie fait de la
+bienfaisance : c’est possible, mais cela ne l’empêche pas de faire
+autre chose, et le <i>Monde-Maçonnique</i> a pris soin de nous avertir
+que la bienfaisance n’est pas <span class="xsmall">LE BUT</span>, mais un des moyens, et
+<span class="xsmall">DES MOINS ESSENTIELS</span>, de la Maçonnerie.</p>
+
+<p>Qu’on ne nous oppose pas non plus les constitutions maçonniques
+qui disent : « La Franc-Maçonnerie ne s’occupe pas
+des constitutions des États ; dans la sphère élevée où elle se
+place, elle respecte les sympathies politiques de chacun de ses
+membres ; dans ses réunions, toute discussion à ce sujet est
+formellement interdite<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor">[119]</a>. » De même le règlement du
+Grand-Orient de Belgique portait textuellement, article 135 :
+« Les Loges ne peuvent en aucun cas s’occuper de matières
+politiques. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119"><span class="label">[119]</span></a> Article 2 de la Constitution française.</p>
+</div>
+<p>Je reconnais ici encore les vieilles traditions de tactique et de
+mystère dont la Maçonnerie, à son origine, avait besoin de se
+couvrir pour tromper les gouvernements et la foule des dupes :
+mais dans la réalité, que sont aujourd’hui ces formules surannées ?
+Contradiction ou mensonge.</p>
+
+<p>Qu’on ne vienne pas non plus nous dire : Les questions politiques
+et sociales, la Maçonnerie, si elle s’en occupe, elle ne le
+fait que d’une manière générale et inoffensive ; jamais elle ne
+descend de la hauteur sereine des principes dans la région des
+faits, dans la sphère agitée des applications pratiques.</p>
+
+<p>Cela n’est pas, et ne peut pas être ; en fait, et par la force des
+choses, la Maçonnerie est une société politique et révolutionnaire ;
+elle exerce une influence directe sur les révolutions ; elle
+les prépare, elle les fait, et ceux qui, dans la Maçonnerie, marchent
+à la tête du mouvement, et entraînent avec eux toute la
+masse des adeptes, ceux-là, qui sont vraiment le cœur et l’âme
+de la Maçonnerie, ont pour but suprême d’en faire, selon l’énergique
+et profonde expression de M. Henri Martin, le <span class="xsmall">LABORATOIRE
+DE LA RÉVOLUTION</span>, ou selon le F∴ Pyat, <span class="xsmall">L’ÉGLISE DE LA RÉVOLUTION</span>.</p>
+
+<p>En voici des preuves péremptoires :</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c14">I<br>
+<span class="xsmall">TÉMOIGNAGES MAÇONNIQUES</span> :<br>
+<span class="xsmall">M. LOUIS BLANC</span>, — <span class="xsmall">MAÇONS FRANÇAIS ET BELGES</span>.</h3>
+
+<p>Il y a, sur l’action politique et révolutionnaire de la Maçonnerie,
+un texte de M. Louis Blanc, dont nous citions tout à
+l’heure quelques paroles, et qui donne un premier démenti aux
+protestations des constitutions maçonniques :</p>
+
+<p>« Il plut à des souverains, au grand Frédéric, dit M. Louis
+Blanc, de prendre la <i>truelle</i>, et de ceindre le <i>tablier</i> ; pourquoi
+non ? <i>L’existence des hauts grades leur étant soigneusement dérobée,
+ils savaient seulement de la franc-maçonnerie ce qu’on en
+pouvait montrer sans péril.</i></p>
+
+<p>« Ils n’avaient point à s’en occuper, retenus qu’ils étaient dans
+les grades inférieurs, où ils ne voyaient qu’une occasion de
+divertissement, que des banquets joyeux, que des principes
+laissés et repris au seuil des loges, que des formules sans application
+à la vie ordinaire ; en un mot, qu’une <span class="xsmall">COMÉDIE</span> de
+l’égalité. Mais en ces matières, <i>la comédie touche au drame</i>,
+et les princes et les nobles furent amenés à couvrir de leur
+nom, à servir aveuglément de leur influence, <i>les entreprises
+latentes dirigées contre eux-mêmes</i>. »</p>
+
+<p>Impossible de mieux peindre cette étonnante imprévoyance
+des princes et de l’ancienne noblesse française, qui se jetaient
+aveuglément dans la Maçonnerie, comme dans le philosophisme
+impie du <small>XVIII</small><sup>e</sup> siècle, et acceptaient le rôle ridicule de comparses
+dans cette grande <i>comédie</i> de la liberté, de l’égalité et de
+la fraternité, sans prévoir la tragédie qui la devait suivre de si
+près : impossible aussi de révéler plus clairement le plan profond
+de la Maçonnerie, qui déguisait, sous des apparences séduisantes,
+ses <i>entreprises latentes</i>, son but secret et subversif, sa
+conspiration permanente.</p>
+
+<p>Et en effet, comme le disait encore M. Louis Blanc :</p>
+
+<p>« L’ombre, le mystère, un serment terrible à prononcer, un
+secret à apprendre pour mainte épreuve courageusement
+subie, un secret à garder sous peine d’être voué à l’exécration
+et à la mort, des signes particuliers auxquels les Frères se
+reconnaissaient aux deux bouts de la terre, des cérémonies
+qui se rapportaient à une histoire de meurtre, et semblaient
+couvrir des idées de vengeance : quoi de plus propre à former
+des conspirateurs ! »</p>
+
+<p>Du reste, les maçons français et belges sont ici en parfait accord
+avec M. Louis Blanc.</p>
+
+<p>Ainsi, à la fête centenaire célébrée à l’Orient de Marseille, par
+la Loge <i>la Parfaite Sincérité</i>, un franc-maçon, influent dans
+l’ordre, le F∴ Brémond, esquissant l’histoire de la maçonnerie,
+disait :</p>
+
+<p>« Comment ne pas admirer la persévérance de ceux qui, au
+<small>XVIII</small><sup>e</sup> siècle, bravaient les préjugés religieux et <span class="xsmall">SE PRÉPARAIENT</span>
+<i>dans l’ombre et le silence</i> ? I<span class="xsmall">LS CONSPIRAIENT</span>, a-t-on dit. C’est
+possible. » Et en effet, « lorsque du fond des loges sortirent
+ces trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité, <span class="xsmall">LA RÉVOLUTION
+ÉTAIT FAITE</span><a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor">[120]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120"><span class="label">[120]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, février 1867, p. 613.</p>
+</div>
+<p>Et le F∴ Brémond ajoutait : « Depuis quelque temps ; un nouvel
+élan a été imprimé à la Maçonnerie… De toutes parts les
+maçons élèvent des temples, fondent des écoles, <i>s’affirment
+devant le monde profane</i>… Ils font plus encore : ils prennent
+<span class="xsmall">UNE PART ACTIVE</span> au mouvement du siècle<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor">[121]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121"><span class="label">[121]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Deux ans après, en juillet 1869, avait lieu à Paris une Assemblée
+générale du Grand-Orient, et là, le dernier grand-maître de
+la Maçonnerie française, le F∴ Babaud-Laribière, s’exprimait,
+dans un discours solennel, plus catégoriquement encore :</p>
+
+<p>« La Maçonnerie, disait-il, était <i>intimement mêlée à tous les
+actes civiques dans</i> <span class="xsmall">LES PREMIERS BEAUX JOURS DE LA RÉVOLUTION</span>.</p>
+
+<p>« Philosophique avant la révolution, civique sous la Constituante,
+militaire sous l’empire, pendant la restauration, la
+Maçonnerie se trouve <i>mêlée directement à la politique</i>, <span class="xsmall">ET LE
+CARBONARISME ENVAHIT LE PLUS SOUVENT LES LOGES</span>.</p>
+
+<p>Allant plus loin encore, le F∴ Babaud-Laribière déclare que
+c’est à la Maçonnerie qu’on doit l’agitation <span class="xsmall">POUR LA RÉFORME</span>,
+qui amena la chute du Roi Louis-Philippe, et le <span class="xsmall">SUFFRAGE UNIVERSEL</span> :</p>
+
+<p>« Le <span class="xsmall">SUFFRAGE UNIVERSEL</span> ayant été mis en vigueur dans les
+ateliers, ce furent des Maçons qui demandèrent les premiers
+<i>son application dans le monde profane</i> : et l’on retrouverait encore
+leurs noms sur les <i>pétitions</i> pour la <i>Réforme électorale</i> dans les
+dernières années du règne de Louis-Philippe<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor">[122]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122"><span class="label">[122]</span></a> <i>Ibid.</i>, juillet 1869, p. 169.</p>
+</div>
+<p>Et enfin, il proclame « le besoin impérieux pour la Maçonnerie
+de prendre part au mouvement libéral et social », et déclare
+que « le véritable rôle de la Maçonnerie consiste à <i>devancer
+la société politique</i> ».</p>
+
+<p>Et n’est-ce pas hier encore que, dans une des loges les plus
+influentes de Paris, les mêmes prétentions furent affichées ? Là,
+on rendait les honneurs funèbres à la mémoire du docteur Montanier,
+vénérable de la Loge <i>le Progrès</i>, et préfet de M. Gambetta
+au 4 septembre ; et on exaltait ses convictions maçonniques.
+Et quelles étaient ces convictions ? C’était, avec <i>la guerre</i>
+à la religion, <i>au surnaturel</i>, comme il le disait, <i>l’étude immédiate
+et constante</i> <span class="xsmall">DE LA QUESTION SOCIALE</span><a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor">[123]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123"><span class="label">[123]</span></a> <i>Ibid.</i>, avril 1872, p. 724.</p>
+</div>
+<p>C’est là ce que proclamait en son nom le F∴ Albert Joly, qui,
+lui-même, s’exaltant pour son compte, s’écriait, aux applaudissements
+de la loge tout entière :</p>
+
+<p>« Que la Maçonnerie se mette donc à l’œuvre : qu’elle <span class="xsmall">CONTINUE</span>
+de faire <i>la guerre au surnaturel</i>… et mette à l’étude,
+<i>mais sans aucun retard</i>, <span class="xsmall">LA GRANDE QUESTION SOCIALE</span><a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor">[124]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124"><span class="label">[124]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Que devant de pareilles déclarations les dupes de la Franc-Maçonnerie
+viennent donc encore nous citer les textes des
+constitutions maçonniques, qui défendent de s’occuper de religion
+et de politique ! Je leur répondrai, moi, qu’ils ne peuvent
+continuer d’être dupes à ce point, sans devenir complices.</p>
+
+<p>Et, en effet, à quoi lui servirait sa vaste et puissante organisation,
+si ce n’était précisément à faire descendre de la hauteur
+des spéculations, pour les introduire dans le domaine des applications
+et des faits, les idées élaborées au sein des loges ? C’est ce
+qui fut expressément et nombre de fois déclaré par des orateurs
+maçonniques.</p>
+
+<p>Écoutons la Maçonnerie belge : voici comment, par l’organe
+de ses représentants les plus autorisés, elle s’exprimait dans la
+grande fêle solsticiale du 24 juin 1854, où toutes les loges
+étaient représentées, et où, selon l’aveu de l’un des orateurs,
+on a dit tout haut ce que tout le monde dans la Maçonnerie
+pense tout bas :</p>
+
+<p>« Si la Maçonnerie devait se confiner dans ce cercle étroit
+(qui exclut la politique), à quoi servirait <i>la vaste organisation,
+l’immense développement</i> qui lui sont donnés ?… Je ne suis ici
+qu’un écho ; je dis tout haut ce que tout le monde pense tout
+bas. »</p>
+
+<p>Et le même orateur poursuivait de la sorte :</p>
+
+<p>« Quand j’interroge le passé de notre institution, n’y vois-je
+pas que la Maçonnerie a été <span class="xsmall">LA VIGIE ATTENTIVE QUI VEILLE A
+LA MARCHE DU VAISSEAU POLITIQUE</span> ?</p>
+
+<p>Parlant ensuite de la lutte de la Maçonnerie contre le gouvernement,
+l’orateur va jusqu’à avouer que, « dans les crises
+politiques, <i>chaque fois qu’il le fallait</i>, <span class="xsmall">LE CENTRE</span>, <span class="xsmall">LE POINT D’APPUI
+DE LA RÉSISTANCE</span> était là, dans la Maçonnerie ».</p>
+
+<p>Aussi le même orateur ne craignit-il pas d’attribuer hautement
+à l’organisation et à l’activité de la Maçonnerie le triomphe
+de ses opinions dans le pays :</p>
+
+<p>« <i>Si notre opinion a triomphé, je dis que c’est à la Maçonnerie
+qu’elle le doit !</i> »</p>
+
+<p>« L<span class="xsmall">A</span> M<span class="xsmall">AÇONNERIE</span>, s’écriait-il encore, <span class="xsmall">S’EST MÊLÉE ACTIVEMENT
+AUX LUTTES POLITIQUES</span><a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor">[125]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125"><span class="label">[125]</span></a> M. Neut, t. I, p. 301.</p>
+</div>
+<p>Certes, voilà, en dépit de tous les articles de constitution, des
+aveux, qu’on nous passe cette expression, aussi crus que possible.</p>
+
+<p>Mais voici qui va plus loin encore : dans une autre fête maçonnique,
+la fête de l’Ordre, célébrée le 15 juin 1845, l’orateur de
+la Loge, le F∴ Émile Grisar, révélait, dans des termes et avec
+des images auxquels il est impossible de rien ajouter ce qu’est
+au vrai la Maçonnerie, ce qui en fait une Association si redoutable,
+aux étreintes de laquelle il est si difficile qu’un pays
+échappe, quand une fois elle l’a enlacé :</p>
+
+<p>« La Maçonnerie, disait-il, possède, <i>par ses affiliations, des
+ressources immenses</i>. » Et, pour enflammer le zèle des frères,
+il représentait la Maçonnerie comme « un <span class="xsmall">CORPS ROBUSTE</span>, un
+<span class="xsmall">COLOSSE A MILLE TÊTES</span>, <span class="xsmall">A CENT MILLE BRAS</span>, <span class="xsmall">UN GRAND INSTRUMENT
+DE RÉFORMES SOCIALES</span>, <span class="xsmall">UN LABORATOIRE D’IDÉES NOUVELLES</span>,
+et enfin <i>le précurseur de cet esprit démocratique qui s’avance</i>. »</p>
+
+<p>« Les cadres de <i>notre sainte milice</i> <span class="xsmall">S’ÉTENDENT DE JOUR EN JOUR</span>,
+ajoutait-il, <span class="xsmall">NOS BRAS SE MULTIPLIENT</span>, et bientôt nous pourrons
+<span class="xsmall">ÉTREINDRE TOUT LE PAYS</span><a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor">[126]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126"><span class="label">[126]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 290.</p>
+</div>
+<p>Telle est donc la Maçonnerie ; tel est son but, et sa vaste organisation :
+<i>colosse à mille têtes, à cent mille bras</i>, qui jette autour de
+lui, comme un réseau immense, <i>ses affiliations</i>, afin de préparer
+les <i>réformes sociales</i>, d’élaborer les <i>idées nouvelles</i>, et d’<i>étreindre</i> tout
+un pays.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c15">II<br>
+<span class="xsmall">LA QUESTION DU DROIT DES MAÇONS A S’OCCUPER DE POLITIQUE
+DISCUTÉE ET AFFIRMATIVEMENT RÉSOLUE DANS LES LOGES</span></h3>
+
+<p>Mais ce qu’il faut bien remarquer ici, et les aveux si catégoriques
+que nous venons d’entendre ne permettent pas d’en
+douter, c’est que ce ne sont pas là des excès isolés ou démentis,
+dans la Maçonnerie ; il y a plus : la question a été officiellement
+agitée et résolue par les autorités maçonniques ; et
+des solutions données il résulte que la Maçonnerie n’entend pas
+être confinée dans ses loges, que son but est de s’emparer politiquement
+de la Société tout entière, et que ses loges ne lui servent
+qu’à former des hommes pour lutter dans l’arène politique.</p>
+
+<p>C’est ce que notamment le grand Orient de Belgique, « les
+colonnes consultées et le F∴ orateur entendu dans ses conclusions »,
+a répondu :</p>
+
+<p>« La Maçonnerie n’a point pour but d’établir des principes à
+respecter, <i>seulement dans l’étroite enceinte de ses assemblées</i> : <span class="xsmall">C’EST
+LA SOCIÉTÉ TOUT ENTIÈRE QU’ELLE A POUR OBJET</span> ; les loges sont
+<span class="xsmall">DES ÉCOLES</span>, où l’on doit <i>former des hommes</i> aux convictions raisonnées,
+<i>afin qu’ils luttent ensuite avec vigueur dans le monde
+profane</i>, <span class="xsmall">ET SURTOUT DANS L’ARÈNE POLITIQUE</span><a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor">[127]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127"><span class="label">[127]</span></a> M. Neut, t. I, p. 267.</p>
+</div>
+<p>Je trouve dans la Maçonnerie italienne les mêmes déclarations ;
+j’ai en effet sous les yeux les procès-verbaux de l’Assemblée
+maçonnique constituante, réunie à Rome du 28 avril au 2 mai
+1872 ; là aussi dans la séance du 2 mai, la même question a été
+posée, et il a été décidé, « à une grande majorité », que « les
+Loges ont la faculté de discuter les questions d’ordre religieux
+et politique, et que la Maçonnerie étudie les questions
+sociales, <span class="xsmall">SANS RESTRICTION D’ESPÈCE OU DE DEGRÉ</span><a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor">[128]</a>… »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128"><span class="label">[128]</span></a> <i>Le Monde Maçonnique</i>, t. XIV, p. 250.</p>
+</div>
+<p>Mais d’ailleurs, est-ce que Garibaldi — complice, et agent
+peut-être en ce moment à Rome du grand persécuteur de
+l’Église en Allemagne — n’a pas été grand-maître de la Maçonnerie
+italienne ? Et quand mourut le grand conspirateur
+Joseph Mazzini, que se passa-t-il ? Les Loges italiennes prirent
+le deuil ; quelques-unes envoyèrent des députations à ses funérailles ;
+et le Grand-Orient d’Italie invita tous les Franc-Maçons,
+à quelque nation qu’ils appartinssent, qui se trouvaient alors
+dans la vallée du Tibre, à se rassembler sur la place du Peuple :
+« A l’heure indiquée, une foule de Frères entouraient la bannière
+maçonnique qui, pour la première fois, se montrait
+dans Rome, la suivirent, et accompagnèrent jusqu’au Capitole
+le buste de Mazzini<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor">[129]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129"><span class="label">[129]</span></a> <i>Ibid.</i>, p. 30.</p>
+</div>
+<p>Telle est donc, sans contestation possible, la Maçonnerie :
+et M. Félix Pyat avait raison de le dire, c’est l’<span class="xsmall">ÉGLISE DE LA RÉVOLUTION</span>,
+et le vestibule, ou comme disait ce révolutionnaire
+italien cité plus haut, l’<i>antichambre</i> des sociétés secrètes.</p>
+
+<p>Je le veux bien, elle n’est pas précisément un de ces clubs où
+l’on discute chaque soir avec violence les questions politiques et
+sociales à l’ordre du jour. Elle n’est pas une de ces sociétés secrètes
+directement organisées pour préparer le triomphe de telle ou telle
+conspiration, à l’aide du poignard ou de la bombe. Elle se soumet
+même, quand il le faut, à voir nommer ses Grands-Maîtres
+par les gouvernements, ou à accepter dans son sein des personnages
+officiels. Elle l’a fait sous le premier et le second
+empires, elle l’a fait sous le roi Louis-Philippe<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor">[130]</a>. Mais elle n’en
+est pas moins une conspiration permanente contre le fondement
+même, non pas tant de tel ou tel état, de tel ou tel culte, que
+de toute religion et de la société tout entière : selon la déclaration
+expresse des francs-maçons belges, <span class="xsmall">C’EST LA SOCIÉTÉ
+TOUT ENTIÈRE QU’ELLE A POUR OBJET</span>. Elle pose les principes
+dont les révolutions sont les conséquences ; elle élabore les
+idées qui ensuite arment les bras. C’est ainsi que <i>les Loges sont
+<span class="xsmall">DES ÉCOLES</span> où l’on doit <span class="xsmall">FORMER DES HOMMES</span> qui luttent ensuite avec
+vigueur dans le monde profane, <span class="xsmall">ET SURTOUT DANS L’ARÈNE POLITIQUE</span></i> ;
+ou, comme le dit <i>le Monde Maçonnique</i>, « c’est ainsi que
+la Maçonnerie <i>façonne les hommes</i> ; elle les élève et les rend
+propres <span class="xsmall">AUX LUTTES DU DEHORS</span>. C’est aux Maçons qu’il appartient
+ensuite de réaliser à l’extérieur ses conceptions<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor">[131]</a> ».</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130"><span class="label">[130]</span></a> Néanmoins le roi Louis-Philippe eut la sagesse de refuser pour son fils
+aîné la grande maîtrise de l’Ordre, qui lui avait été offerte. — <i>La Franc-Maçonnerie</i>
+et la Révolution, par le P. Gautrelet, p. 444.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131"><span class="label">[131]</span></a> <i>Ibid.</i>, t. X, p. 49.</p>
+</div>
+<p>Ainsi donc, la Maçonnerie <i>forme et façonne</i> ses adeptes, et les
+éprouve, avant de leur confier son dernier secret, afin de voir
+s’ils sont capables de la servir, et de descendre dans les <i>mines</i>
+que, selon l’expression de M. Louis Blanc, « elle creuse », sous
+l’édifice social pour le faire sauter.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c16">III<br>
+<span class="xsmall">JUSQUE DANS QUELS DÉTAILS LA MAÇONNERIE S’OCCUPE DE POLITIQUE</span></h3>
+
+<p>« Toutes les grandes questions de principes politiques, tout ce
+qui a trait à l’organisation, à l’existence et à la vie d’un État,
+oh ! cela, oui <span class="xsmall">CELA NOUS APPARTIENT EN PREMIÈRE LIGNE</span> ; tout
+cela est de notre domaine, pour le disséquer et le faire passer
+par le creuset de la raison et de l’intelligence. »</p>
+
+<p>Ainsi parlait le F∴ Bourlard, Grand Orateur du Grand-Orient,
+dans une occasion des plus solennelles, à la grande fête célébrée
+par le Grand-Orient de Belgique, le 24 juin 1854<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor">[132]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132"><span class="label">[132]</span></a> M. Neut, t. I, p. 305.</p>
+</div>
+<p>En effet, les questions d’élections, de réforme électorale et
+de suffrage universel, les pétitionnements et les agitations révolutionnaires,
+l’envahissement des fonctions publiques, les
+grands problèmes économiques, les plus redoutables questions
+sociales, telle que l’organisation du travail, les questions d’enseignement
+et de charité publique, les questions même de
+paix et de guerre, tout le détail en un mot de la plus ardente
+politique, voilà de quoi se mêle la Maçonnerie, et à quelles
+profondeurs sociales elle travaille.</p>
+
+<p>Donc, quand des élections se présentent, élections nationales,
+provinciales ou municipales, les Loges, en Belgique, choisissent
+des candidats, leur donnent un mandat impératif, leur font
+jurer de le remplir ; cela fait, elles mettent au service du candidat
+élu et assermenté ces <i>ressources immenses</i>, ces <i>mille têtes</i>,
+ces <i>cent mille bras</i>, dont parlait tout à l’heure le F∴ Grisar.
+C’est ce qui est prescrit textuellement dans l’important document
+maçonnique que voici :</p>
+
+<p>« Un candidat Maçon sera d’abord proposé par la Loge, dans
+le ressort de laquelle se fera l’élection, à l’adoption du Grand-Orient,
+pour être ensuite <span class="xsmall">IMPOSÉ</span> <i>aux frères de l’obédience</i>. »</p>
+
+<p>« Dans l’élection, qu’elle soit <i>nationale</i>, <i>provinciale</i> ou <i>municipale</i>,
+il n’importe, l’élection du Grand-Orient sera également réservée :</p>
+
+<p>« <i>Chaque Maçon</i> <span class="xsmall">JURERA</span> d’employer <i>toute son influence pour
+faire réussir la candidature adoptée</i> ;</p>
+
+<p>« L’élu de la Maçonnerie <span class="xsmall">SERA ASTREINT</span> à faire en loge <i>une
+profession de foi</i> dont acte sera dressé.</p>
+
+<p>« Il sera invité à recourir aux lumières de cette Loge ou du
+Grand-Orient dans les occurrences graves qui peuvent se présenter
+pendant la durée de son mandat.</p>
+
+<p>« L’inexécution <i>de ses engagements</i> l’exposera à <i>des peines
+sévères ; même à l’exclusion de l’Ordre</i>.</p>
+
+<p>« Chaque Loge pouvant juger utile de s’aider de la publicité,
+devra se ménager des moyens d’insertion dans les journaux ;
+mais le Grand-Orient lui recommande ceux de ces journaux
+qui auront sa confiance »<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor">[133]</a>.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133"><span class="label">[133]</span></a> Document maçonnique cité par M. Neut, t. I, p. 267.</p>
+</div>
+<p>Ce n’est pas tout, et si le candidat, une fois élu, manque à
+son mandat et à son serment, voici ce qu’alors a décidé le
+Grand-Orient, et de quels <i>droits</i> il arme les Loges, quels
+<i>devoirs</i> il leur intime :</p>
+
+<p>« Le Grand-Orient, sans hésitation, décide que non-seulement
+les Loges ont <i><span class="xsmall">LE DROIT</span> de surveiller <span class="xsmall">LES ACTES DE LA VIE
+PUBLIQUE</span> de ceux de leurs membres <span class="xsmall">QU’ELLES ONT FAIT ENTRER
+DANS LES FONCTIONS PUBLIQUES</span></i>, de réprimander, et même de
+retrancher du corps maçonnique les membres qui ont
+manqué <i>aux devoirs que leur qualité de Maçon leur impose</i>,
+<span class="xsmall">SURTOUT DANS LA VIE PUBLIQUE</span>, etc…<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor">[134]</a> »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134"><span class="label">[134]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Ainsi, non-seulement les loges s’occupent de politique, mais
+encore elles poussent leurs membres aux fonctions politiques ;
+et, les y ayant poussés, elles réclament le droit de les diriger,
+de surveiller et juger de quelle façon ils s’en acquittent.</p>
+
+<p>Quant au détail même des questions que la Maçonnerie réclame
+comme lui <i>appartenant en première ligne</i>, écoutons les
+revendications suivantes :</p>
+
+<p>« Au maçon la question de l’enseignement ; à lui l’examen,
+à lui la solution !</p>
+
+<p>« Lorsque bientôt des ministres viendront apporter au Parlement
+l’organisation de la charité… à moi, maçon, la question
+de la charité publique !</p>
+
+<p>« Le pays se couvre d’établissements qu’on appelle religieux…
+Il faudra bien que le pays entier finisse par en faire justice,
+<span class="xsmall">DÛT-IL MÊME EMPLOYER LA FORCE</span><a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor">[135]</a> ! »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135"><span class="label">[135]</span></a> Discours maçonniques, cité par M. Neut, <i>passim</i>.</p>
+</div>
+<p>Et à ces paroles les émeutes répondaient, à Bruxelles, à Mons,
+à Anvers, à Liége, à Verviers ! Et il fallut toute la prudence du
+Roi pour échapper à une révolution.</p>
+
+<p>D’autres questions plus brûlantes encore sont réclamées et
+agitées par la Maçonnerie, les <i>questions sociales</i> et en première
+ligne l’<i>organisation de travail</i>.</p>
+
+<p>Nous en trouvons une preuve, entre beaucoup d’autres, dans
+une importante pièce maçonnique, une <i>circulaire</i> que la Loge
+<i>la Persévérance</i> d’Anvers, en mars 1846, deux ans avant notre
+révolution du 24 février 1848, adressait à toutes les Loges belges,
+pour <i>soumettre à leur sanction</i> un projet développé à la fête
+de l’ordre par l’Orateur de cette Loge que nous citions tout à
+l’heure, le F∴ Grisar.</p>
+
+<p>« Il est temps, disait la circulaire, que la Maçonnerie s’occupe
+activement des grandes questions qui remuent toute la société
+moderne.</p>
+
+<p>« Travaillons, T∴ C∴ F∴, concluait la circulaire ; étudions
+les grandes questions sociales, et le triomphe de notre
+cause est assuré… »</p>
+
+<p>Et en tête du projet, que trouvons-nous ? <i>La question palpitante
+du travail</i>, <span class="xsmall">L’ORGANISATION DU TRAVAIL</span> ; et en résumé <span class="xsmall">TOUS LES PROBLÈMES
+DÉMOCRATIQUES</span>.</p>
+
+<p>Aussi, la circulaire, en communiquant ses projets à toutes les
+Loges, ajoutait-elle :</p>
+
+<p>« I<span class="xsmall">DENTIFIONS-NOUS AVEC LES IDÉES DÉMOCRATIQUES QUI TRIOMPHERONT</span><a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor">[136]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136"><span class="label">[136]</span></a> M. Neut, t. I, p. 288. — Dans un discours prononcé à Liége, à la fête
+solsticiale de l’ordre, et qui fut reproduit et distribué à cinquante mille exemplaires,
+le F∴ Goffin développait le programme suivant :</p>
+
+<p class="c"><i>Principes à réserver pour l’avenir.</i></p>
+
+<p>Suffrage universel direct.</p>
+
+<p><span class="xsmall">ABOLITION DES ARMÉES PERMANENTES</span>, causes de ruine et d’oppression pour
+les peuples.</p>
+
+<p><span class="xsmall">SUPPRESSION DE LA MAGISTRATURE INAMOVIBLE</span>, origine des injustices et des
+procès scandaleux.</p>
+
+<p>Abolition des traitements du clergé, désormais rétribué par les croyants de
+chaque culte.</p>
+
+<p class="c"><i>Principes d’application immédiate.</i></p>
+
+<p>Suffrage universel pour les élections provinciales et communales, comme
+moyen d’habituer peu à peu la nation à l’exercice de son pouvoir souverain.</p>
+
+<p><i>Instruction primaire, gratuite et obligatoire.</i></p>
+
+<p><span class="xsmall">ABOLITION DE L’OCTROI</span> <i>et de tous les impôts de consommation</i>, remplacé par
+un impôt unique d’assurances.</p>
+
+<p>Suppression de la <i>Banque nationale</i> et établissement d’un vaste système de
+<i>crédit foncier</i>, commercial et agricole.</p>
+
+<p><span class="xsmall">DROIT AU TRAVAIL RÉSULTAT DU DROIT A L’EXISTENCE.</span></p>
+
+<p><i>Organisation du travail par la création de grandes associations ouvrières.</i></p>
+
+<p>Récompenses nationales accordées aux ouvriers laborieux et intelligents.</p>
+
+<p><i>Réduction de tous les budgets et principalement de celui de la guerre.</i></p>
+
+<p><i>Association pour rendre les derniers devoirs aux morts sans le concours du
+clergé.</i></p>
+
+<p><i>Institution de crèches, écoles gardiennes, salles d’asiles</i>, bains, lavoirs et
+chauffoirs publics, boucheries et boulangeries économiques.</p>
+
+<p><i>Abolition de la peine de mort en matière politique et <span class="xsmall">CRIMINELLE</span>.</i></p>
+
+<p>Tel doit être, selon moi, ajoutait l’orateur, l’ordre du jour de la grande réunion
+M∴ qui aura lieu prochainement… V<span class="xsmall">OULONS-NOUS ÉCRASER L’INFAME</span> ou
+le subir ? » etc. etc.</p>
+</div>
+<p>On s’étonne quelquefois, au lendemain de certaines révolutions,
+de voir se poser tout à coup, dans la presse et dans le
+pays, des questions redoutables dont la masse du public ne se
+doutait pas la veille ; par exemple l’organisation du travail, après
+la révolution de février ; question qui fut traitée d’une façon
+si menaçante au palais du Luxembourg, par l’assemblée des ouvriers,
+présidée par M. Louis Blanc, et dont les journées de juin
+furent la suite ; par exemple encore, la séparation de l’école et
+de la religion, question que la Commune trancha en chassant de
+partout les frères et les sœurs, en arrachant des écoles les crucifix,
+etc. ; mais ces questions, qui éclatent ainsi tout à coup,
+s’agitaient depuis longtemps au sein des sociétés secrètes et
+des Loges maçonniques ; après s’être produites dans ces <i>laboratoires
+de révolution et d’idées nouvelles</i>, dès qu’une occasion
+favorable se présente, elles font explosion au dehors ; l’active
+propagande des Loges les porte partout ; et puis, le <i>colosse aux
+mille têtes, aux cent mille bras</i>, pousse aux élections, <i>nationales</i>,
+<i>provinciales</i> et <i>municipales</i>, les hommes en qui se personnifient
+ces idées. Ainsi se fait tout à coup cet enlacement et <i>cette étreinte
+d’un pays</i>, dont nous parlait tout à l’heure un orateur maçonnique.
+Puis enfin, à un moment donné, les catastrophes
+éclatent. C’est ainsi que derrière les acteurs immédiats des
+révolutions, il y en a d’autres, qui voyaient plus loin, et travaillaient
+à de plus grandes profondeurs : ceux-là étaient les
+vrais révolutionnaires, invisibles et cachés.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c17">IV<br>
+<span class="xsmall">FAITS PÉREMPTOIRES, EMPRUNTÉS A L’HISTOIRE CONTEMPORAINE</span></h3>
+
+<p>Interrogeons de nouveau ici l’histoire, l’histoire contemporaine.</p>
+
+<p>Je viens de nommer la révolution de février : croit-on, par
+exemple, qu’elle n’ait eu pour auteurs que les organisateurs des
+banquets réformistes, et les pauvres gardes nationaux qui criaient
+<i>Vive la réforme !</i> Ce serait une naïveté étrange de le penser.
+D’autres, qui n’attendaient pour se montrer que le moment favorable,
+l’avaient préparée dans l’ombre, et, la victoire remportée,
+se hâtèrent d’en revendiquer l’honneur ; ce furent eux
+qui lui imprimèrent son vrai caractère, cet esprit socialiste, qui
+bientôt épouvanta la France et le monde, et fit couler dans Paris
+des flots de sang : au premier rang de ces ouvriers-là,
+étaient les francs-maçons.</p>
+
+<p>« Les combattants, écrivait le journal <i>le Franc-maçon</i>, n’ont
+eu besoin que de quelques heures de lutte pour conquérir
+<i>cette liberté que la Maçonnerie prêche depuis des siècles</i>. N<span class="xsmall">OUS</span>,
+<span class="xsmall">OUVRIERS DE LA FRATERNITÉ</span>, <span class="xsmall">NOUS AVONS POSÉ LA PIERRE FONDAMENTALE
+DE LA RÉPUBLIQUE</span><a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor">[137]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137"><span class="label">[137]</span></a> Cité par M. Neut, t. I, p. 333.</p>
+</div>
+<p>On les vit, en effet dès les premiers jours qui suivirent la
+catastrophe de février, dès le 10 mars 1848, se lever, marcher
+dans Paris bannière déployée, se rendre à l’Hôtel-de-Ville, et là,
+au nombre de 300 francs-maçons de tous les rites, représentant
+toute la Maçonnerie française, offrir cette bannière au gouvernement
+provisoire de la république, et réclamer hautement la
+part qui leur revenait dans cette glorieuse révolution.</p>
+
+<p>M. de Lamartine leur fit cette réponse qui enthousiasma les
+loges :</p>
+
+<p>« <span class="xsmall">C’EST DU FOND DE VOS LOGES</span>, <span class="xsmall">QUE SONT ÉMANÉES D’ABORD DANS
+L’OMBRE</span>, <span class="xsmall">PUIS DANS LE DEMI-JOUR</span>, <span class="xsmall">ET ENFIN EN PLEINE LUMIÈRE</span>,
+<span class="xsmall">LES IDÉES QUI ONT JETÉ LES FONDEMENTS DES RÉVOLUTIONS
+DE</span> 1789, <span class="xsmall">DE</span> 1830 <span class="xsmall">ET DE</span> 1848<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor">[138]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138"><span class="label">[138]</span></a> <i>Ibid.</i></p>
+</div>
+<p>Ce n’était pas assez, et la Maçonnerie voulut faire une manifestation
+plus officielle encore que cette démonstration spontanée
+des francs-maçons de tous les rites. En conséquence, quinze
+jours plus tard, une nouvelle députation, composée de membres
+du Grand-Orient, revêtus de leurs cordons maçonniques, se
+rendait à l’Hôtel-de-Ville ; elle fut reçue par M. Crémieux et par
+M. Garnier-Pagès, également revêtus de leurs cordons ; le représentant
+du Grand-Maître porta la parole, et dit :</p>
+
+<p>« La Maçonnerie française n’a pu contenir l’élan universel de
+sa sympathie pour le grand mouvement national et social qui
+vient de s’opérer… Les francs-maçons saluent <i>le triomphe de
+leurs principes</i>, et s’applaudissent de pouvoir dire que <i>la patrie
+tout entière a reçu par vous la consécration maçonnique</i>. Q<span class="xsmall">UARANTE
+MILLE FRANCS-MAÇONS</span>, <span class="xsmall">RÉPARTIS DANS CINQ CENTS ATELIERS</span>,
+<span class="xsmall">N’ONT QU’UN CŒUR ET QU’UNE AME POUR VOUS ACCLAMER</span>. »</p>
+
+<p>Le F∴ Crémieux, membre du gouvernement provisoire, répondit :</p>
+
+<p>« Citoyens et frères du Grand-Orient, le gouvernement provisoire
+accepte avec plaisir votre <span class="xsmall">UTILE</span> et <span class="xsmall">COMPLÈTE</span> adhésion…
+L<span class="xsmall">A</span> R<span class="xsmall">ÉPUBLIQUE EST DANS LA</span> M<span class="xsmall">AÇONNERIE</span>… L<span class="xsmall">A</span> R<span class="xsmall">ÉPUBLIQUE
+FERA CE QUE FAIT LA</span> M<span class="xsmall">AÇONNERIE</span> ; elle deviendra le gage
+éclatant de l’<i>union des peuples sur tous les points du globe</i>, sur
+tous les côtés de notre triangle<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor">[139]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139"><span class="label">[139]</span></a> <i>Le Moniteur</i>, 25 mars 1848.</p>
+</div>
+<p><i>La République est dans la Maçonnerie</i>, dit le F∴ Crémieux, la
+République universelle, celle qui aujourd’hui parle de faire les
+États-Unis d’Europe. Eugène Sue y voyait encore autre chose ;
+il y voyait <i>le socialisme</i>. En effet, la loge <i>la Persévérance</i> d’Anvers
+ayant offert au <i>noble et courageux</i> écrivain, à l’homme qui a été un
+des plus grands précurseurs chez nous de l’explosion socialiste
+de 1848, <i>une plume d’or</i>. Eugène Sue ne crut pas pouvoir mieux
+répondre à cette <i>sympathie flatteuse</i> qu’en faisant de la Maçonnerie
+belge cet éloge : « Frères, par l’<i>extrême et juste influence</i> que les
+Loges maçonniques acquièrent de jour en jour en Belgique,
+<span class="xsmall">CES LOGES SONT A LA TÊTE DU PARTI LIBÉRAL SOCIALISTE</span><a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor">[140]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140"><span class="label">[140]</span></a> M. Neut, t. I, p. 340.</p>
+</div>
+<p>Et en effet, ne voyions-nous pas tout à l’heure les plus autorisés
+francs-maçons belges placer au premier rang des questions à
+élaborer dans les Loges, l’<i>organisation du travail</i> ; cette question
+redoutable qui a été chez nous le cri de guerre des trop fameux
+ateliers nationaux organisés par M. Louis Blanc ?</p>
+
+<p>Un tel triomphe assurément n’était pas fait pour ralentir l’activité
+des Loges ; le coup d’État de 1852 vint les rappeler pour
+quelque temps à plus de prudence ; toutefois si l’Empire, en
+s’introduisant dans la Maçonnerie, crut avoir dompté cette puissance
+formidable, grande et courte fut son illusion.</p>
+
+<p>Voici en effet de quelle sorte, et avec quel enthousiasme maçonnique
+s’exprimait, en 1856, l’orateur d’une des plus influentes
+Loges de Paris. Décrivant, telle qu’il la connaissait bien,
+la sourde fermentation de la démocratie contemporaine, et annonçant
+« qu’un <i>monde entier d’acteurs nouveaux</i> se prépare à
+descendre sur la scène, que <i>des machines inouïes</i> s’ajustent, que
+des <i>frémissements sans nom</i> avertissent que l’heure est proche » :
+« <i>Dans ce labeur effrayant de l’enfantement des sociétés futures</i>,
+s’écriait-il, glorifions-nous ensemble <span class="xsmall">DE MARCHER AU PREMIER
+RANG DES OUVRIERS DE LA PENSÉE</span><a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor">[141]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141"><span class="label">[141]</span></a> <i>Le Franc-Maçon</i>, mars 1857, t. VII, p. 24 : « Ce bon et beau discours, dit
+ce journal, a été couvert d’applaudissements, et l’impression en a été votée à
+l’unanimité. »</p>
+</div>
+<p>Et pour voir de plus près encore comment travaillent les <i>ouvriers
+de la pensée</i>, comment, de ces hauteurs, de ces principes généraux,
+où les dupes s’imaginent que la Maçonnerie plane inoffensive,
+les hommes des Loges descendent dans la polémique et
+la politique quotidiennes, disons un mot de la révolution de
+1871 et de la Commune.</p>
+
+<p>Une solennelle manifestation maçonnique eut lieu pendant
+la Commune, un mois avant l’entrée des troupes dans Paris ;
+mais fut-ce en faveur de Versailles et de l’armée nationale ?
+Non certes ; ce fut en faveur de l’effroyable insurrection communarde,
+<i>la plus grande révolution</i>, selon le franc-maçon Thirifocq,
+<i>qu’il ait été donné au monde de contempler</i><a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor">[142]</a>. Le grand journal
+officiel de la Commune a raconté cette manifestation ; le
+F∴ Thirifocq, un des principaux auteurs de la manifestation,
+l’a raconté de son côté, dans un curieux écrit publié en Belgique
+et que j’ai sous les yeux<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor">[143]</a> : pas de doute possible sur
+l’esprit dont elle était animée. J’abrége les détails : je vais de
+suite au fait capital.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142"><span class="label">[142]</span></a> <i>Appel aux francs-maçons de tous les rites</i>, par le F∴ Thirifocq.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143"><span class="label">[143]</span></a> L’<i>Appel</i> que nous citions tout à l’heure.</p>
+</div>
+<p>Le 29 avril donc<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor">[144]</a>, sur un appel fait à toutes les Loges de
+l’Orient de Paris, une foule immense de francs-maçons déployant
+soixante-deux bannières maçonniques, se rendit, de la
+cour du Louvre à l’Hôtel-de-Ville, précédée par cinq membres
+de la Commune : la Commune tout entière se présenta au balcon
+d’honneur pour les recevoir. La statue de la république était là,
+« ceinte d’une écharpe rouge, et entourée par les trophées des
+drapeaux de la Commune : les soixante-deux bannières maçonniques
+vinrent se placer successivement sur les marches de
+l’escalier<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor">[145]</a> ». Les Frères maçons se massèrent dans la Cour.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144"><span class="label">[144]</span></a> Le 26 avril, dans une réunion préparatoire de la grande manifestation du
+29, le citoyen Lefrançais, membre de la Commune, avait fait la déclaration que
+voici : « J’étais de cœur avec la Maçonnerie, lorsque j’ai été reçu dans la Loge
+183, <i>une des plus républicaines</i>, et je me suis assuré que <span class="xsmall">LE BUT</span> de la Maçonnerie
+et de la Commune était <span class="xsmall">LE MÊME</span>. » — Cité par le F∴ Thirifocq.</p>
+</div>
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145"><span class="label">[145]</span></a> <i>Appel aux francs-maçons de tous les rites</i>, par le F∴ Thirifocq.</p>
+</div>
+<p>« Dès que la cour fut pleine, dit le <i>Journal officiel</i>, les cris :
+vive la Commune ! vive la maçonnerie ! vive la République
+universelle ! se firent entendre de tous côtés. »</p>
+
+<p>Puis, après un échange de discours, dans lesquels fut proclamée
+l’<i>Union inséparable de la Commune et de la maçonnerie</i>,
+et après que le F∴ Thirifocq eut fait la déclaration suivante :
+« Si nous échouons dans notre tentative de paix, tous ensemble
+nous nous joindrons aux compagnies de guerre pour prendre
+part à la bataille… », les députations de la Franc-Maçonnerie,
+« accompagnées des membres de la Commune, sortent de
+l’Hôtel-de-Ville ; l’orchestre joue la marseillaise ».</p>
+
+<p>Dix mille francs-maçons étaient là se rendant de l’Hôtel-de-Ville
+à la Bastille ; descendant ensuite toute la ligne des boulevards,
+et montant à travers les Champs-Élysées, cette immense
+colonne arrive aux remparts, y plante les soixante-deux
+bannières maçonniques, parlemente avec les généraux, à l’effet
+d’obtenir <i>une paix basée sur le programme de la Commune</i>.</p>
+
+<p>Et après le nécessaire insuccès d’une telle démarche, un appel
+aux armes fut lancé, au moyen de ballons, <i>par la fédération des
+francs-maçons et compagnons de Paris</i>, à tous les francs-maçons
+des départements. Cet appel aux armes se terminait par ce cri :
+<i>Vive la République ! Vivent les Communes de France, fédérées avec
+celles de Paris !</i></p>
+
+<p>Un tel fait n’a pas besoin de commentaires.</p>
+
+<p>Je sais bien que le Grand Orient, sans avoir un mot de blâme
+pour la manifestation, déclara que cette manifestation n’engageait
+<i>que les maçons qui y avaient personnellement adhéré</i>. Mais
+d’abord ils étaient dix mille. Et ensuite, qu’importe ? Et qui
+peut, après de tels faits, douter de l’esprit qui anime les Loges
+parisiennes ?</p>
+
+<p>Si la révolution de 1871 a été <i>athée</i>, comme on l’a écrit, si
+elle a, selon une autre horrible expression, <i>biffé Dieu</i>, ce
+mouvement d’athéisme, au bout duquel il y avait de si sanglantes
+horreurs, où a-t-il été plus secondé que dans ces Loges parisiennes,
+qui, elles aussi, ont <i>biffé Dieu</i>, et le veulent bannir
+du berceau des enfants comme de la tombe des morts, de
+l’école comme de la vie publique, de partout ?</p>
+
+<p>J’écris ces lignes au milieu de l’agitation des élections municipales
+de Paris. Eh bien, sur quel terrain se débattent ces élections ?
+Cela ne s’était jamais vu, du moins à ce degré : sur le
+terrain de la morale indépendante et de l’enseignement sans
+Dieu ! Les candidats que les comités les plus démocratiques
+patronnent, qui sont-ils ? Ceux qui ont inscrit dans leurs professions
+de foi l’enseignement <i>laïque</i>, c’est-à-dire <i>athée</i>. Et voilà
+parmi ces candidats un des hommes les plus considérables des
+Loges, membre du Grand-Orient, le F∴ Massol, celui dont
+nous avons cité de si violents discours maçonniques contre
+Dieu, et contre l’enseignement religieux : le voilà qui écrit
+dans sa circulaire électorale, et qui affiche sur les murs de
+Paris, ces doctrines ; et son nom sort des urnes !</p>
+
+<p>Certes, que le pauvre peuple de Paris ait ainsi tout oublié, si
+peu de temps après les calamités effroyables que ces doctrines
+ont déchaînées sur lui, qu’il suive toujours les mêmes guides,
+écoute toujours les mêmes maîtres, et par ses votes, s’obstine à
+ressusciter pour ainsi dire légalement, sous les yeux de la
+France stupéfiée, la Commune !… non, je ne connais pas dans
+l’histoire plus effrayant exemple d’un incurable aveuglement.
+Mais je n’en connais pas non plus où il soit plus facile de
+toucher en quelque sorte du doigt le résultat du travail souterrain
+des Loges.</p>
+
+<p>Quand la Franc-Maçonnerie en est là, je comprends que ses
+membres les plus francs, se sentant assez forts maintenant, et
+assez avancés dans leur œuvre pour mettre de côté les anciennes
+précautions de langage, disent nettement ce qu’ils veulent
+et où ils vont, et réclament à grands cris, <i>tous les ans</i>, auprès du
+conseil de l’Ordre, l’abolition de ces restrictions hypocrites qui
+ne peuvent plus tromper personne. En effet, parmi les <span class="xsmall">VŒUX</span>
+exprimés tous les ans par les Loges les plus actives et que <i>le
+Monde-Maçonnique</i> énumère avec complaisance, je vois cette
+réclamation décisive :</p>
+
+<p>Les loges réclament hautement <span class="xsmall">LE DROIT</span> de traiter <span class="xsmall">LES QUESTIONS
+POLITIQUES ET RELIGIEUSES</span>, et <span class="xsmall">TOUS LES SUJETS QUI INTÉRESSENT
+L’HUMANITÉ</span><a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor">[146]</a> ; elles veulent, en un mot, que ce qui
+est la pratique avérée des Loges et l’œuvre essentielle de la
+maçonnerie, devienne aussi le droit pour tous, la règle écrite,
+la loi.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146"><span class="label">[146]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, t. XIV, p. 430.</p>
+</div>
+<hr>
+
+
+<p>Telle est donc la vérité. Le but essentiel de la Maçonnerie, le
+voilà : c’est de miner tout ordre religieux et social ; elle pousse,
+parallèlement, et à des profondeurs égales, ses travaux de sape
+et de démolition sous les autels et sous les trônes qui sont
+encore debout : trop aveugle qui ne le voit pas !</p>
+
+<p>Elle dit qu’elle porte un flambeau pour éclairer le monde ;
+non, c’est une torche, pour l’incendie.</p>
+
+<p>La doctrine qui domine dans ses Loges, c’est l’impiété, c’est
+la négation radicale du christianisme ; et la négation, implicite
+mais réelle, non pas seulement de Jésus-Christ, mais de Dieu ;
+non pas seulement de la religion chrétienne, mais de toute religion,
+de tout culte. Les progrès qu’elle rêve pour l’humanité, les
+voilà.</p>
+
+<p>Et la forme politique qu’elle poursuit pour réaliser ces
+desseins, pour édifier cette société nouvelle, sans croyances,
+sans culte, sans Christ et sans Dieu, c’est la république partout
+substituée aux monarchies ; mais la république démocratique
+et sociale.</p>
+
+<p>Voilà ce qu’il y a, par la force des choses, au fond de tout ce
+travail maçonnique, quelles que puissent être ici les illusions et
+les inconséquences de tel ou tel franc-maçon trop abusé.</p>
+
+<p>C’est le sens de ses plus hauts symboles ;</p>
+
+<p>Ce sont là les idées qui s’élaborent dans les Loges, et qui,
+grâce à cette puissante organisation maçonnique, et à l’active
+propagande des Maçons dans le monde profane, se répandent,
+avec une rapidité effrayante, dans toutes les couches
+d’une société.</p>
+
+<p>Et, au jour donné, quand les idées ont fait leur chemin, les
+mines sautent.</p>
+
+<p>Voilà comment, à chaque bouleversement politique et social,
+les Maçons peuvent, comme au lendemain de février, <i>saluer le
+triomphe de leurs idées</i> ; voilà comment la Maçonnerie <i>se mêle
+activement aux luttes quotidiennes, et descend dans l’arène politique</i> ;
+voilà comment elle est, au vrai, et selon M. H. Martin, <span class="xsmall">LE LABORATOIRE</span>
+<i>de la révolution</i>.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak">CONCLUSION</h2>
+
+
+<h3 id="c18">I<br>
+<span class="xsmall">CONDAMNATION DE LA FRANC-MAÇONNERIE PAR L’ÉGLISE</span></h3>
+
+<p>Peut-on s’étonner après tout cela que les Papes et les Évêques
+aient condamné la Franc-Maçonnerie ? Et n’est-ce pas un grand
+devoir qu’ils ont rempli, un grand service qu’ils ont rendu à
+l’humanité ?</p>
+
+<p>Depuis deux siècles déjà que la Franc-Maçonnerie s’est, je
+ne dis pas fondée, mais développée en Europe, les Papes n’ont
+pas cessé d’y être attentifs ; et, au <small>XVIII</small><sup>e</sup> siècle, deux Souverains-Pontifes,
+Clément XII et le savant Benoît XIV ; au <small>XIX</small><sup>e</sup>,
+Pie VII, Léon XII, Grégoire XVI, et enfin Pie IX, ont prononcé
+contre cette association les condamnations les plus motivées
+et les plus solennelles.</p>
+
+<p>Qu’il me suffise de citer ici quelques passages de la célèbre
+Bulle, <i lang="la" xml:lang="la">Quo graviora</i>, de Léon XII, et d’une récente allocution de
+Pie IX.</p>
+
+<p>Le Pape Léon XII, dans cette Bulle, rappelle d’abord les condamnations
+portées contre la Franc-Maçonnerie, depuis Clément
+XII, déclare cette institution <i>ouvertement ennemie de
+l’Église catholique</i>, rappelle enfin la Bulle de Pie VII, son prédécesseur
+immédiat ; puis, il renouvelle lui-même toutes ces
+condamnations :</p>
+
+<p>« Gardez-vous des séductions et des discours flatteurs qu’on
+emploie pour vous faire entrer dans ces sociétés. Soyez convaincus
+que personne ne peut y entrer sans se rendre coupable
+d’un péché très-grave. »</p>
+
+<p>Léon XII ajoutait, à l’adresse de ceux qui s’étaient fait illusion,
+les paroles suivantes :</p>
+
+<p>« Quoique l’on n’ait pas coutume de dévoiler ce qu’il y a là
+de plus blâmable à ceux qui ne sont pas parvenus aux grades
+éminents, il est cependant manifeste que la force de ces sociétés,
+si dangereuses à la Religion, s’accroît du nombre de
+ceux qui en font partie. »</p>
+
+<p>Ensuite, avec les accents de la plus vive charité, il conjurait
+ceux qui s’étaient laissé séduire, de s’éloigner au plus tôt des
+loges, et il défendait, sous les peines portées par ses prédécesseurs,
+de se faire initier à la Franc-Maçonnerie.</p>
+
+<p>Enfin Pie IX, pilote vigilant du vaisseau de l’Église, malgré
+les tempêtes qui l’assaillent lui-même, a parlé à son tour, et
+rappelant, dans son allocution du 25 septembre 1865, les avertissements
+donnés à la Franc-Maçonnerie par ses prédécesseurs,
+il poursuivait ainsi : « Malheureusement, ces avertissements
+n’ont pas eu le succès espéré, et Nous avons
+regardé comme un devoir de condamner de nouveau cette
+société ; attendu que, par ignorance peut-être, pourrait surgir
+l’opinion fausse qu’elle est inoffensive, qu’elle n’a de but
+que la bienfaisance, et ne saurait, par conséquent, être un
+péril pour l’Église de Dieu. »</p>
+
+<p>C’est là, en effet, dans cette illusion, que se trouve le
+piége et l’appât de la Maçonnerie. Le Saint Père après l’avoir
+signalé, ajoute :</p>
+
+<p>« Nous condamnons cette société maçonnique — et les autres
+sociétés du même genre qui, tout en étant de forme différente,
+tendent au même but — sous les mêmes peines que celles
+spécifiées dans les constitutions de nos prédécesseurs ; et cela
+regarde tous les chrétiens, de toute condition, de tout rang,
+de toute dignité, et par toute la terre. »</p>
+
+<p>C’est pourquoi tous les évêques de Belgique, dans une circulaire
+collective sur la Franc-Maçonnerie, faisaient la déclaration
+suivante :</p>
+
+<p>« Il est rigoureusement défendu d’y prendre part, et ceux
+qui le font sont indignes de recevoir l’absolution, aussi longtemps
+qu’ils n’y ont pas sincèrement renoncé<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor">[147]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147"><span class="label">[147]</span></a> Circulaire de l’Épiscopat belge, décembre 1837.</p>
+</div>
+<p>C’est pourquoi encore les Évêques d’Irlande, réunis à
+Dublin, en avril 1861, dans une lettre pastorale adressée
+au clergé et aux fidèles de leurs diocèses, signalaient, entre
+autres périls contemporains, la franc-maçonnerie, et disaient :
+« C’est pour nous un devoir sacré de vous éloigner de ces sociétés
+funestes, et nommément de celle des <i>francs-maçons</i>. »</p>
+
+<p>C’est pourquoi enfin, car ces citations suffisent, les Évêques
+de la libre Amérique du Nord, réunis en Concile à Baltimore,
+signalèrent aussi et condamnèrent, dans une lettre pastorale
+adressée à leurs diocésains, la société maçonnique.</p>
+
+<p>En France, combien de fois l’Épiscopat n’a-t-il pas élevé la
+voix pour redire les condamnations pontificales et dévoiler
+l’incompatibilité de la Maçonnerie, avec le Christianisme !</p>
+
+<p>Ce que les Évêques pensent de la Franc-Maçonnerie en
+France, en Belgique, en Angleterre, en Amérique, ils le pensent
+également en Allemagne. J’ai sous les yeux, en ce moment,
+l’écrit publié par Mgr de Ketteler. La conclusion de cette calme
+et savante discussion est celle-ci :</p>
+
+<p>« Voilà donc d’un côté l’Église catholique, et de l’autre la
+moderne Franc-Maçonnerie. Ici, l’œuvre de Dieu, l’œuvre du
+Christ, et de tous ceux qui croient en Jésus-Christ ; là, l’œuvre
+des hommes qui renient Dieu et son Christ, ou du moins
+les abandonnent. Un catholique qui devient franc-maçon <i>déserte
+le temple du Dieu vivant pour travailler au temple d’une
+idole</i>. »</p>
+
+<p>Au reste, il y a des francs-maçons eux-mêmes qui en conviennent ;
+ainsi le <i>Monde-Maçonnique</i> cite ces paroles de Mgr l’Évêque
+d’Autun : « Si l’on veut rester franchement chrétien, on ne
+saurait être en même temps franc-maçon. » Puis le journal
+franc-maçon ajoute nettement et avec sincérité : « Le prélat
+<span class="xsmall">A RAISON</span> de parler ainsi. C’est son droit, c’est son devoir<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor">[148]</a>. »</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148"><span class="label">[148]</span></a> <i>Le Monde-Maçonnique</i>, mai 1866, p. 2.</p>
+</div>
+<div class="chapter"></div>
+<h3 id="c19">II<br>
+<span class="xsmall">QUE CONCLURE POUR LA PRATIQUE</span></h3>
+
+<p>Voilà donc quels sont les faits. J’ai simplement exposé ce qui
+est, ce qui se dit, ce qui se fait, dans la Maçonnerie.</p>
+
+<p>Est-ce à dire cependant que toutes les choses maçonniques
+sont antichrétiennes, et tous les franc-maçons des impies ?</p>
+
+<p>J’ai fait ici les distinctions et les réserves nécessaires.</p>
+
+<p>Oui, il y a des francs-maçons, qui ne savent pas même que
+l’Église a condamné la Franc-Maçonnerie ; chez qui, <i>par ignorance</i>,
+comme le disait le Pape Pie IX, <i>a pu surgir l’opinion fausse
+que la Franc-Maçonnerie est inoffensive et n’a de but que la bienfaisance</i>,
+la philanthropie, et la morale ; et qui, n’étant pas initiés
+aux profondeurs de la société maçonnique, n’aperçoivent pas,
+sous ces grands mots qui retentissent sans cesse dans les Loges,
+l’impiété, la guerre faite au Christianisme, l’appoint donné aux
+révolutions.</p>
+
+<p>Eh bien ! dirai-je à ces francs-maçons non encore désabusés,
+si c’est la philanthropie qui vous attire, qu’avez-vous besoin
+d’être maçons ? Soyez chrétiens, il suffit. Est-ce que toute
+bienfaisance n’est pas dans le Christianisme ? N’est-ce pas lui
+qui a donné au monde la charité<a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor">[149]</a> ? La charité, vertu plus féconde,
+qui apporte à l’homme des lumières et des dévoûments
+que la simple philanthropie n’égala jamais. Oui, la Charité
+porte la philanthropie à des sommets, où, d’elle-même, celle-ci
+ne serait jamais montée, et d’où elle lui découvre des horizons
+nouveaux et sans limites : en un mot, la Charité appuie le pauvre
+cœur humain sur le cœur de Dieu, et, sans écarter aucun
+des motifs purement humains d’aimer les hommes, elle donne
+à l’amour de l’homme pour l’homme l’idéal pur, fécond, infini,
+de l’amour même de Dieu pour l’humanité.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149"><span class="label">[149]</span></a> Impossible de ne pas redire que les francs-maçons ont déclaré que la
+Bienfaisance est <i>un des caractères les moins essentiels</i> de la Franc-Maçonnerie ;
+et au fond rien de moins charitable que la Maçonnerie, témoin les aveux de
+beaucoup de ses membres : le F∴ Accary père, membre du chapitre de la <i>Persévérante
+Amitié</i>, disait naguère au Grand-Orient de France près duquel il était
+délégué : « La Franc-Maçonnerie, d’après l’art. 1<sup>er</sup> de la constitution, a pour
+objet la bienfaisance. Cependant, à l’exception de notre <i>Maison de secours</i>
+(dont les ressources sont si exiguës que je m’étonne qu’elles soient mentionnées
+dans une fête solsticiable), <i>je ne vois rien qui atteste la manière dont
+la Franc-Maçonnerie exerce la bienfaisance</i>. » — Voir le <i>Globe</i>, revue maçonnique,
+t. III, p. 163.</p>
+</div>
+<p>Et la morale ! rendre les hommes plus vertueux ! Certes à
+cette prétention, si elle est efficace, le Christianisme ne pourrait
+qu’applaudir ; car c’est ce qu’il veut lui-même, avant la Maçonnerie,
+et plus que la Maçonnerie. Mais expliquons-nous :
+comment la morale chez vous est-elle entendue, je ne dis pas
+par tel ou tel franc-maçon trompé, qui n’a pas franchi tous les
+degrés de l’initiation et ne les franchira jamais, mais par la
+Franc-Maçonnerie et par ses chefs, dont j’ai cité les textes ? Il
+s’agit d’une morale qui dispense de toute religion, d’une morale
+sans Dieu et sans aucune religion : en d’autre termes, la maçonnerie
+veut que l’homme vive sans culte, sans prières, sans autels,
+sans Dieu et sans Christ sur la terre.</p>
+
+<p>Eh bien ! cette doctrine, qu’est-ce autre chose que l’athéisme
+pratique ?</p>
+
+<p>Point donc de prétextes.</p>
+
+<p>De deux choses l’une : ou vous savez ce qu’est la Maçonnerie,
+ou retenus dans les grades inférieurs, vous ne le saurez jamais ;
+et alors ou vous travaillerez efficacement à l’œuvre maçonnique,
+ou vous n’y travaillerez pas : dans le premier cas, vous trahissez
+évidemment votre conscience et la foi chrétienne ; dans le second
+cas, que faites-vous là ?</p>
+
+<p>Il faut vraiment des temps de décadence philosophique comme
+les nôtres pour passer par dessus de pareilles contradictions, et
+associer de telles incompatibilités.</p>
+
+<p>Si vous êtes chrétien, n’entrez donc jamais dans les loges,
+sous aucun prétexte ; ou même si vous êtes simplement homme
+sérieux, ennemi des fantasmagories ridicules et des mystères
+suspects, éloignez-vous de là ! ou si, séduit par l’enseigne, et
+par vos bonnes intentions, vous y avez mis le pied : retirez-vous.</p>
+
+<p>Il se fait là, malgré vous, une œuvre radicalement antichrétienne,
+lamentable pour le salut des âmes, et combien de fois
+n’avons-nous pas la douleur d’en voir de près les funestes résultats !</p>
+
+<p>Comment, d’ordinaire, entre-t-on dans les Loges ? Un jeune
+homme a vingt ans ; il est inexpérimenté, ardent, généreux ; il
+a des amis, un peu plus âgés, qui déjà ont été recrutés par la
+propagande maçonnique. « Est-ce que, lui disent-ils, tu ne voudrais
+pas venir avec nous ? » Le jeune homme d’abord hésite,
+« Que faites-vous là ? » demande-t-il. On lui vante le but de la
+société, les amis qu’on y rencontre ; on lui parle de philanthropie
+et de progrès ; peu à peu on l’attire par ces grands mots ; il
+consent enfin à se laisser faire ; le voilà pris : et le premier pas
+une fois fait, l’initiation une fois reçue, peu à peu les liens se
+resserreront ; et même quand il serait entré là avec quelques
+principes religieux encore, bientôt, l’esprit qui souffle dans les
+Loges le pénétrant, toute croyance s’en ira de son intelligence,
+et toute observance religieuse de sa vie.</p>
+
+<p>Et, en fait, dans la pratique quotidienne de la vie, que
+voyons-nous ? C’est que, pour l’immense majorité de ses
+membres, la Maçonnerie tient lieu de toute religion ; c’est
+que les hommes qui fréquentent les loges ne se rencontrent
+plus dans les temples chrétiens. La Loge remplace l’Église.
+C’est fini, plus de foi, plus de prière, plus d’Évangile, plus
+de sacrements. Pour eux, la religion n’existe plus. Ces vagues
+aspirations, cette morale sans Dieu, ces cérémonies vaines,
+ces creux symboles leur suffisent, et peu à peu ils se laissent
+aller à n’avoir plus d’autre religion, ni d’autre culte. Sont-ils initiés
+à quelque charge et décorés de quelques insignes maçonniques,
+c’est bien pire encore ; les liens se resserrent et les
+enlacent de plus en plus ; l’éloignement pour tout ce qui est
+religion augmente ; la loge les enchaîne pour jamais ; et quand
+vient l’heure de la mort, quand la famille, en larmes et en prières,
+les conjure de songer à leur salut et à leur âme, trop souvent,
+hélas ! c’est en vain. J’en ai vu, de ces obstinations
+inexplicables, chez des hommes touchés d’ailleurs du zèle
+et de l’affection d’un bon prêtre, inclinés par lui au Christianisme,
+et à qui il ne manquait plus pour être tout à fait chrétiens,
+que ce dernier pas, cet acte de foi, cette nécessaire adoration
+de Jésus-Christ ; mais non, et la cause secrète de ces
+résistances était là ; pas ailleurs : la Maçonnerie avait mis la
+main sur eux, pesait sur leur âme, et ils n’osaient pas, même à
+leur lit de mort, se reconnaître et s’affranchir. Combien de familles
+chrétiennes savent que ce que je dis là n’est que trop
+vrai, et ont dû à la Maçonnerie cette suprême douleur !</p>
+
+<p>Pour nous, pasteurs des peuples, certes, ce n’en est pas
+une médiocre que de voir dans ce siècle tant d’âmes, si bien
+faites pour être chrétiennes, et si près de l’être, s’éloigner ainsi
+de nous, et chercher ailleurs, dans le vide et dans le faux, sans
+nous et contre nous, les lumières, les vertus, les progrès, dont
+la divine religion du Sauveur des hommes est la source féconde,
+la seule et puissante inspiratrice.</p>
+
+<p>Quel malheur, et quel sujet de larmes amères de voir tant
+d’hommes, que nous aimons, perdre ainsi leurs forces et leur
+vie à essayer de bâtir sans Dieu et contre Dieu !</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Je termine ici cette étude sur la Franc-Maçonnerie. Je l’ai
+faite sans amertume contre les personnes, mais non sans une
+tristesse profonde, en voyant les déplorables dissentiments de
+tant de nos contemporains, avec la Religion au sein de laquelle
+ils sont nés, et cette puissante organisation dans le monde de
+l’incroyance ou de l’indifférentisme religieux ! Ce qui me
+cause aussi une inconsolable douleur, c’est de voir, par suite,
+tant de natures généreuses, tant d’efforts égarés ; des bonnes
+volontés sincères se trompant d’objet ; le progrès du monde
+pris à rebours, en sens contraire de sa direction véritable ; la
+division enfin, au lieu de l’union, dans l’humanité. Ah ! ce temple
+de la Fraternité et de l’Unité, que vous voulez, dites-vous,
+construire, ô nos frères abusés, il existe, mais c’est une construction
+faite de la main de Dieu, et non pas de la main des
+hommes ; il n’a pas pour fondement la négation ruineuse, il
+repose sur la foi ferme et féconde. C’est la grande Église catholique.
+Venez-y donc, vous aussi, votre place y est marquée : ce
+temple de Dieu invite tous les hommes à s’abriter dans son sein.
+Jésus-Christ est mort pour vous comme pour nous : c’est lui le
+Sauveur, et l’illuminateur du genre humain. Venez donc à lui,
+et travaillez avec nous. Car, vous obstiner à bâtir sans Dieu et
+contre Dieu, je vous le répète, avec la parole divine elle-même,
+c’est un labeur qui sera éternellement stérile, aussi vain que
+coupable !</p>
+
+<p class="ugap" lang="la" xml:lang="la">N<span class="xsmall">ISI</span> D<span class="xsmall">OMINUS ÆDIFICAVERIT DOMUM</span>, <span class="xsmall">IN VANUM LABORAVERUNT QUI
+ÆDIFICANT EAM</span> !</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak">TABLE DES MATIÈRES</h2>
+
+
+<div class="flex">
+<table>
+<tr><td colspan="2" class="drap">A<span class="xsmall">VANT-PROPOS</span></td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c0">5</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="3" class="c"><div>PREMIÈRE PARTIE<br>
+<span class="xsmall">ANTAGONISME RADICAL DE LA FRANC-MAÇONNERIE ET DE LA RELIGION</span></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
+<td class="drap">Position de la question</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c1">9</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
+<td class="drap">Déclarations des Loges maçonniques</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c2">11</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>III.</div></td>
+<td class="drap">Quelques traits de la guerre faite à la religion par la
+Franc-Maçonnerie</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c3">14</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>IV.</div></td>
+<td class="drap">La Franc-Maçonnerie et l’existence de Dieu</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c4">19</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>V.</div></td>
+<td class="drap">La Franc-Maçonnerie et l’immortalité de l’âme</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c5">24</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VI.</div></td>
+<td class="drap">Incompatibilité du principe fondamental de la Franc-Maçonnerie
+avec toute religion</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c6">29</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VII.</div></td>
+<td class="drap">Nouveaux détails sur la guerre faite au Christianisme par la Franc-Maçonnerie.
+La morale sans Dieu, l’enseignement sans religion</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c7">32</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VIII.</div></td>
+<td class="drap">Propagande de l’enseignement sans religion par les écoles d’adultes. — Les
+écoles professionnelles de filles. — La ligue de l’enseignement</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c8">38</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="3" class="c"><div>DEUXIÈME PARTIE<br>
+<span class="xsmall">UN HOMME SÉRIEUX, UN HOMME DE BON SENS PEUT-IL ÊTRE FRANC-MAÇON ?</span></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
+<td class="drap">Hiérarchie, grades et langage maçonniques</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c9">44</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
+<td class="drap">Initiation maçonnique</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c10">48</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>III.</div></td>
+<td class="drap">Les travaux de table, ou banquets</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c11">54</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>IV.</div></td>
+<td class="drap">Les rites et les mystères maçonniques</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c12">57</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>V.</div></td>
+<td class="drap">Le chevalier Kadosch</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c13">60</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="3" class="c"><div>TROISIÈME PARTIE<br>
+<span class="xsmall">ACTION POLITIQUE ET RÉVOLUTIONNAIRE DE LA MAÇONNERIE</span></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
+<td class="drap">Témoignages maçonniques : M. Louis Blanc. — Maçons français et
+belges</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c14">64</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
+<td class="drap">La question du droit des Maçons à s’occuper de politique discutée
+et affirmativement résolue dans les Loges</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c15">69</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>III.</div></td>
+<td class="drap">Jusque dans quels détails la Maçonnerie s’occupe de politique</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c16">71</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>IV.</div></td>
+<td class="drap">Faits péremptoires, empruntés à l’histoire contemporaine</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c17">76</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="3" class="c"><div>CONCLUSION</div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
+<td class="drap">Condamnation de la Franc-Maçonnerie par l’Église</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c18">83</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
+<td class="drap">Que conclure pour la pratique</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c19">86</a></div></td></tr>
+</table>
+</div>
+
+<p class="c gap xsmall">PARIS. — IMP. VICTOR GOUPY, 5, RUE GARANCIÈRE.</p>
+
+
+
+<div style='text-align:center'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75221 ***</div>
+</body>
+</html>
+
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