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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Le vote des femmes - -Author: Hubertine Auclert - -Release Date: July 21, 2022 [eBook #68581] - -Language: French - -Produced by: Claudine Corbasson & the online Project Gutenberg team at - https://www.pgdpcanada.net (This file was produced from - images generously made available by the Bibliothèque - nationale de France (BnF/Gallica)) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE VOTE DES FEMMES *** - - - - - - Au lecteur - - Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version - originale. Les erreurs manifestes de typographie ont été corrigées. - Les mots entourés de _ sont en italique et ceux de = sont en gras - dans le texte original (sauf dans la partie Catalogue). - - La ponctuation a pu faire l'objet de quelques corrections mineures. - - - - -LE - -VOTE DES FEMMES - - - - -DU MÊME AUTEUR - - -=Les Femmes Arabes en Algérie.= 1 volume. - -=Le Droit Politique des Femmes.= 1 brochure (_Epuisée_). - -=L'Egalité Sociale et Politique de l'Homme et de la Femme.= 1 brochure. - -=L'Argent de la Femme.= 1 brochure. - -=Le Nom de la Femme.= 1 brochure. - - -SAINT-AMAND, CHER.--IMPRIMERIE BUSSIÈRE - - - - - HUBERTINE AUCLERT - - - LE - - VOTE des FEMMES - - - [Illustration] - - - PARIS (5e) - - V. GIARD & E. BRIÈRE - - LIBRAIRES-ÉDITEURS - - 16, RUE SOUFFLOT ET 12, RUE TOULLIER - - 1908 - - - - -AUX LECTEURS - - -Ce livre, qui relate les efforts faits en France depuis plus d'un -siècle pour faire entrer les femmes en possession de leurs droits -politiques; envisage le vote des femmes à tous les points de vue, -il réfute les objections qui y sont faites, démontre les avantages -qui résulteront de sa mise en pratique et amène à conclure que les -femmes--par la force du nombre de leurs bulletins de vote--pourront -seules faire triompher la raison de la folie; donc, donner à la nation -entière des garanties de sécurité et de bien-être. - -Ce livre mettra ceux qui le liront, à même de bien connaître; et, en -mesure de défendre, cette importante question du suffrage des femmes -qu'il va falloir résoudre, pour pouvoir modifier la société et faire se -réaliser la République. - - H. A. - - - - -LE VOTE DES FEMMES - - - - -LE SIMULACRE DU SUFFRAGE UNIVERSEL - - Le suffrage des femmes, c'est l'utilisation de l'intégralité de - l'intelligence et de l'énergie de la nation, pour réaliser son mieux - être. - - -Tout le monde connaît le monument élevé au promoteur du suffrage dit -universel. Qui n'a vu, place Voltaire, Ledru-Rollin et son urne? - -Aux jours glacés de l'hiver, comme en l'été brûlant, des hommes à la -figure have et ravinée, aux loques trouées laissant apercevoir la peau, -aux souliers percés qui montrent les pieds nus, s'appuient, exténués et -faméliques à la grille qui entoure le monument. - -Quels sont ces malheureux, sans gîte, sans travail et sans pain? - ---Ce sont des souverains! - ---? - ---Oui, des souverains... intermittents. - -Périodiquement, pendant tout un jour, ils sont rois! Le soir venu, -ils abdiquent, ou plutôt ils délèguent leur pouvoir à des charlatans -politiques qui se partagent leurs palais, l'or de leurs caisses et -laissent les souverains errants, pourchassés, privés d'abri et de -nourriture. - -Les mandataires se nantissent généreusement; mais, ils ne se -préoccupent pas de mettre leurs souverains en état de faire figure dans -le monde, ou de ne point mourir de faim. - -Le dénûment des électeurs sans travail s'offrant au regard, en même -temps que Ledru-Rollin et son urne, démontre au peuple l'amère dérision -du suffrage restreint pompeusement baptisé universel. - -Le penseur lui, interpelle l'organisateur du suffrage.--Pourquoi -dit-il, Ledru-Rollin, n'as-tu pas fait donner le bulletin de vote à la -femme instigatrice d'ordre social; et ainsi, rendu valable ce papier -pouvoir avec lequel les Français pourraient aussi sûrement qu'avec un -chèque obtenir du bien-être et de la liberté? - ---Pourquoi Ledru-Rollin n'as-tu pas fait confier à l'éducatrice -accordée à l'homme par la nature, le soin de lui donner conscience de -la valeur de son bulletin? La mission de lui inculquer que voter, c'est -pour l'opprimé initié, le pouvoir de réaliser sa volonté d'être libre -et heureux? - ---Pourquoi, Ledru-Rollin, n'as-tu pas fait appeler à voter, au lieu -de l'homme seul, le couple humain et ainsi précipité l'éducation -politique, rendu les Français aptes à garder en permanence leur -souveraineté, capables de se donner à eux-mêmes leur règle et leurs -lois? - - -Le suffrage est une machine à progrès, qui pour produire des effets, -doit être mise en mouvement par la volonté mâle et femelle de la -nation; mais qui seulement activée par un petit nombre d'hommes, est -faute de force motrice réduite à l'impuissance. - -Avant de déprécier le suffrage universel, qu'on le fasse fonctionner; -car, s'il ne donne les résultats promis, c'est parce qu'il est faussé -dans son principe, tronqué dans son application. - -De même que beaucoup d'inventions modernes, qui ne deviennent -utilisables qu'à l'aide de certaines combinaisons; le suffrage a besoin -de toutes les énergies féminines et masculines de la nation, pour -devenir l'instrument d'évolution capable de transformer l'état social. - -Pour tirer profit de l'excellente institution du suffrage, il faut -l'appliquer rigoureusement dans toute l'étendue qu'elle comporte en -l'universalisant. Il ne suffit pas de travestir les mots de notre -langue, de faire l'apothéose d'une contre vérité, pour donner à un -suffrage mutilé l'autorité et la puissance de celui qui engloberait -l'intégralité des Français et des Françaises. - -Le suffrage ne produira des résultats mathématiques, que quand pratiqué -par les deux sexes, il aura été soumis à un dressage qui le rendra -conscient. - -Actuellement, le suffrage universel n'est pas. Ce qui existe est un -suffrage de fantaisie, qui n'autorise à voter qu'une petite minorité -de la nation. Il exclut en bloc toutes les femmes, les savantes comme -les autres Françaises. Il exclut le grand nombre d'hommes qui sont -militaires, marins, voyageurs, touristes ou privés par jugement de -leurs droits politiques. - -En se déplaçant, l'électeur perd sa souveraineté... - -Est-ce que le papier-pouvoir ne devrait pas, comme le papier-monnaie, -avoir cours partout? - -Le suffrage réduit, faussé, fraudé ne donne pas même une vague idée de -ce que sera le suffrage réellement universel. - -Les votes émis ont si peu de poids, les électeurs ont si peu -d'autorité, qu'à chaque élection, les candidats rejetés par eux--pourvu -qu'ils soient gouvernementaux--sont ramassés par les ministres, qui -font un pied de nez aux électeurs souverains, en hissant à de bonnes -places les blackboulés. - -Si les élections les plus républicaines ne donnent que des résultats -stériles, si le suffrage fait faillite aux engagements pris en son nom, -c'est parce qu'il est une fiction et non point une réalité, c'est parce -qu'il ne s'appuie que sur une convention, au lieu de tirer sa puissance -de la force du nombre. - -Avec le suffrage restrictif, dénaturé qui existe, l'électeur n'a que -l'illusion de la souveraineté; tandis qu'avec le suffrage universel, -c'est-à-dire englobant la nation entière, les femmes comme les hommes, -l'électeur aura la matérialité de la souveraineté. - - - - -DÉGRADÉE CIVIQUE-NÉE - - Posséder le papier-pouvoir, facilite de palper le papier-monnaie. - - -Aucun homme n'est par son rôle si infime qu'il soit, exclu des -prérogatives de Français et de citoyen, pourquoi donc le rôle des -femmes les priverait-il de leurs droits de Françaises et de citoyennes? -La perpétuation de l'espèce humaine, les soins donnés aux affaires -domestiques sont-ils moins importants que l'attention apportée à -l'exercice d'un métier? - -«Celui de nous deux, dit Socrate, glorifiant le travail du ménage, qui -sera le plus industrieux économe, est celui qui apporte le plus en la -société.» - -Le devoir imposé à tous est différent pour chacun. Le droit inhérent à -l'individu est égal pour tous. - -Le sexe ne confère pas des prérogatives particulières attendu que les -qualités morales et intellectuelles sont indépendantes du sexe de -l'individu qui les possède. On ne peut aujourd'hui faire croire qu'être -homme, étend les facultés intellectuelles d'un individu et qu'être -femme, restreint les facultés intellectuelles d'un autre individu. - -La maternité que l'on objecte aux revendicatrices ne s'oppose pas plus -à l'exercice des droits politiques, qu'elle ne s'oppose à l'exercice -d'un art ou d'un commerce. - -Marie-Thérèse d'Autriche eut seize enfants, ce qui ne l'empêcha -point d'être un grand homme d'Etat auquel l'Autriche dût d'exister. -Pour elle, les Magnats hongrois tirèrent leur sabre du fourreau, en -s'écriant: «Mourons pour notre roi, Marie-Thérèse!» - -Mères ou non, mariées ou non mariées, toutes les femmes doivent exercer -leurs droits politiques afin de pouvoir mettre l'ordre dans la commune -et dans l'Etat. - - -_Restez femmes._ - -A l'idée que la femme va devenir son égale en droits, l'homme se cabre! -Au lieu de comprendre que c'est un auxiliaire qui lui vient pour -atteindre à une vie meilleure, il semble croire qu'on va lui enlever -quelque chose. - -Le Français adjure la Française de ne pas chercher à devenir citoyenne. -Il lui dit qu'elle n'aurait rien à gagner au suffrage universel, que sa -supériorité consiste à rester asservie. - -Un langage analogue était tenu par les censitaires à ceux qui ne -votaient pas avant 1848. Le «Restez femmes!» d'aujourd'hui, équivaut au -«Restez ouvriers!» d'alors et pareillement signifie: Demeurez inaptes à -améliorer votre condition. - -Les femmes qui voient quels avantages sociaux et économiques les -électeurs obtiennent, les femmes, qui constatent qu'en tous les pays -les hommes privés du suffrage s'acharnent à le réclamer; commencent à -comprendre que ce papier-pouvoir, le bulletin de vote, leur est aussi -nécessaire que le papier-monnaie, puisque posséder l'un rend plus -facile de palper l'autre. - -Ce sera la carte électorale qui fera rétribuer le travail ménager et -comprendre, parmi les retraités ouvriers, les ménagères. - -Les Françaises ne peuvent rester spoliées de la capacité politique, -qu'un député appelle, avec raison, «un commencement de capital». - -Le travail est, en effet, estimé suivant la condition de qui -l'accomplit. L'œuvre de la femme est si dépréciée, obtient un si -dérisoire salaire, parce que cette femme est une mise hors la loi, une -esclave dont l'effort n'est point jugé digne de récompense. Que l'on -fasse entrer la femme dans le droit commun politique et bientôt sa -situation économique sera changée; son labeur, ennobli par sa qualité -de citoyenne, obtiendra un salaire rémunérateur. - - * - * * - -Les femmes n'échapperont à l'oppression du mari, à l'exploitation du -patron, qu'en devenant, devant l'urne, leurs égales. - -La carte électorale dont la Française est privée, est un certificat -d'honorabilité qui assure la considération à quiconque peut le montrer. - -En l'état actuel de la société, le suffrage est pour l'humain la plus -sûre garantie de n'être lésé, ni diminué. C'est comme une assurance -prise pour obtenir droit et justice. Pourquoi la femme ne jouirait-elle -pas de cette assurance? - -En devenant citoyenne, la Française remplira encore mieux le devoir, -puisque son rôle d'éducatrice s'étendra de l'unité à la collectivité -humaine et que sa sollicitude maternelle embrassera la nation entière. - -La personne et la condition de la femme dépendant de la politique qui -de toute part l'enserre; dans son propre intérêt comme dans l'intérêt -général, la femme doit participer à la vie publique, coopérer à -la transformation de la société afin de s'assurer de n'être point -sacrifiée en l'organisation sociale future. - -On cite cette jolie phrase de M. Thiers que ceux qui dédaignent le -concours féminin feraient bien de méditer: - -«Pour régler cette affaire, disait M. Thiers, il me faut mes femmes» -(Mme Thiers et Mlle Dosne). Ces paroles prouvent que même l'homme -d'Etat, que les louanges purent rendre orgueilleux, reconnaissait aux -femmes des facultés particulières capables de compléter les siennes. -Si ces deux parties du tout humain, l'homme et la femme, semblaient -indispensables à M. Thiers pour régler une affaire privée difficile, -combien est donc plus indispensable encore le concours de l'homme et de -la femme, pour bien diriger les affaires publiques! - -Le suffrage des femmes, c'est l'utilisation de l'intégralité, de -l'intelligence et de l'énergie de la nation pour réaliser son mieux -être. - -Rapprocher hommes et femmes par la politique, ce sera faire s'établir -entre les sexes une émulation salutaire pour le progrès. - - - - -LA FEMME DANS LA COMMUNE - - -En constatant que dans la commune les hommes souvent sacrifient au -superflu, l'indispensable, on se demande s'il ne serait point sage de -faire s'appliquer tout l'effort humain à l'administration publique; et, -si ce n'est pas se montrer ennemi de son propre bien-être que de tenir -éloignées du gouvernement, du bourg ou de la ville, les femmes qui sont -particulièrement aptes à s'ingénier et à prévoir. - -Quant à propos d'adjudications de fournitures d'ustensiles ou de -provisions de ménage, on entend à l'Hôtel de ville des conseillers -municipaux discuter; chacun fait la réflexion que des femmes seraient -beaucoup plus capables que nos édiles d'apprécier ces matières. - -Les conseillers municipaux de Paris, ainsi d'ailleurs que ceux de -toutes les communes de France, sont forcés d'être à la fois hommes et -femmes. Ils doivent résoudre des difficultés qui auraient besoin d'être -élucidées par des matrones. - -Certes, ils se dépensent pour le bien public; seulement, réunissant -dans leurs mains les attributions masculines et féminines, on a à -déplorer dans leur administration des lacunes. - -Il n'est pas possible, en effet, d'être à la fois homme et femme. On -trouverait étrange qu'un homme cumulât dans la famille le rôle de père -et de mère et l'on admet que les hommes cumulent dans la commune ce -double rôle. - -Ne vaudrait-il pas mieux, dans l'intérêt général, que chacun des deux -facteurs qui concourent à former la population parisienne mette ses -aptitudes particulières au service de l'administration de la ville de -Paris? - -La femme, qui est contribuable, productrice et consommatrice, doit être -électeur et éligible dans la commune. - -Au temps où la loi, comme la monnaie et les mesures étaient spéciales à -chaque province, des Françaises délibéraient et votaient dans beaucoup -de villes et de communes. On ne peut les avoir privées à jamais, des -droits que de nombreuses Européennes exercent présentement. - -Dans presque tous les pays qui nous entourent, en Angleterre, en -Ecosse, en Russie, en Autriche, en Hongrie, en Suède, en Norvège, dans -plusieurs Etats de l'Allemagne, etc., les femmes participent, plus -ou moins complètement, à la gestion des affaires municipales. Seule -la France--oubliant les précédents--en compagnie de quelques Etats -enténébrés, exclut la femme de l'administration communale. - -En France, la femme qui possède les trois quarts du territoire de la -commune, n'est pas devant l'urne l'égale de son domestique mâle. Le -domestique vote, la propriétaire qui l'emploie ne vote pas. - -L'habitante qui a une résidence fixe, une industrie, des intérêts -engagés dans sa commune, n'a pas le droit qu'a le touriste qui s'arrête -là six mois, d'exercer--en votant--son influence dans l'administration -communale. - -La veuve chef de famille qui se trouve à la mort de son mari à la tête -d'une grande maison de commerce, n'a pas le droit de donner son avis -dans la commune. Ses ouvriers, ses employés, tous ceux qui dépendent -d'elle, ont le pouvoir de lui nuire en votant contre ses intérêts; il -lui est impossible de se défendre. Elle ne peut rien puisqu'elle n'est -pas électeur. - -Les Français se déprécient, en refusant aux femmes dont ils -proviennent, les prérogatives qu'ont les dames des nations voisines. - -Si, en effet, les femmes de France sont inférieures aux femmes des -autres pays et ne peuvent exercer les droits de celles-ci, il est bien -certain que leurs pères, leurs frères, leurs époux sont eux-mêmes -inférieurs aux hommes des autres pays. - -Si le Français continue à tenir dans un tel état d'infériorité, sa -mère, il finira par faire penser à ses contemporains étrangers qu'ils -ont sur lui une suprématie héréditaire; et par faire croire qu'au -lieu d'être né d'une femme, il pourrait bien être issu d'une guenon, -puisqu'il la laisse aussi loin, derrière lui. - -La compatriote que le Français comble d'humiliations et qu'il se -complaît à faire, à son détriment, déconsidérer, est, ô ironie! plus -qu'aucune femme au monde, intelligente, utile et agréable. - - * - * * - -En demandant que les femmes participent à l'administration municipale, -nous ne réclamons pas une innovation, mais simplement le retour à ce -qui fut de 1182 à 1789; la remise en vigueur et la généralisation, de -la _loy et coutume de Beaumont_. - -Cette loi rendue en 1182, à Beaumont en Argonne, se répandit dans tout -l'Est, dans le Nord et sur les pays Basques. Elle prescrivait que les -veuves, les filles ayant leur ménage et les femmes mariées en l'absence -de leurs maris prissent part aux délibérations et aux votes. - -Dans les documents qui mentionnent la part prise par les femmes à -l'administration des bourgs et des villes, elles sont traitées sur le -pied d'égalité avec l'homme, témoin cette finale: «Lesquels, _tous et -toutes_ firent, ordonnèrent et devisèrent entre eux.» - -Plus d'un siècle après la révolution, les communes où les femmes sont -les plus nombreuses et les plus imposées, n'ont pas même d'électeurs -du sexe féminin. La participation des femmes à la gestion municipale -décuplerait pourtant, la prospérité des localités auxquelles leurs -flancs fournissent sans cesse de nouveaux habitants. - - - - -VOIX DONNÉES AUX FEMMES - - -L'intervention des Françaises dans les affaires du pays est depuis -longtemps jugée si nécessaire, qu'en certaines élections municipales, -des femmes ont obtenu des voix sans avoir sollicité de mandat. - -Les bulletins portant inscrits des noms de femmes ont quelquefois été -comptés. - -En 1881, dans la commune de Grandpré (Ardennes), Mme Jules Lefebvre, -commerçante, mère de famille, eut son nom écrit sur bien des bulletins -électoraux. «En votant pour elle, disaient ses électeurs, nous avons -voulu choisir le plus capable parmi nous, à quelque sexe qu'il -appartienne.» Ce raisonnement de ruraux n'est-il pas propre à inciter -les citadins à réfléchir? - -Toujours en 1881, à Paris, Mme Léonie Rouzade, candidate dans le XIIe -arrondissement, obtint 57 voix. - -Peu après, à Thorey (Meurthe-et-Moselle), trois dames obtenaient -chacune cinq voix. Elles étaient, proclamaient leurs électeurs, les -plus dignes de nous représenter. - -En 1884, à Houquetôt (Seine-Inférieure) les électeurs accordèrent à une -femme huit voix de plus que la majorité des suffrages exprimés. - -Dans le (Lot-et-Garonne) les électeurs donnèrent à une femme -trente-quatre voix de majorité. - -A Vornay (Cher) Mme Gressin, propriétaire, obtint suffisamment de voix -pour être nommée conseillère municipale. - -En enregistrant ces succès qu'ils savaient dus à l'active propagande -faite par _La Citoyenne_, de grands quotidiens nous disaient de mettre -un bouquet à notre chapeau. - -Ces trois élections de femmes furent annulées; le suffrage dit -universel n'étant--pendant qu'il est restreint à la moitié de la -nation--qu'une institution de fantaisie que les gouvernants mutilent à -leur gré. - -Mais les voix accordées en tant de points du territoire à des femmes, -prouvent que les électeurs sont las de la fiction, qu'ils veulent dans -la commune une représentation réelle de la population. - -Tous les habitants de la commune doivent être déclarés égaux devant les -prérogatives, comme ils le sont devant les charges. - -Evincer de l'administration municipale, les Françaises qui savent avec -rien, faire régner le bien-être en la maison, c'est de gaieté de cœur -sacrifier le bonheur commun. - -La femme ne doit pas seulement être l'âme de la famille, il est -nécessaire qu'elle soit l'âme de la Cité, afin de pouvoir, en -décuplant et en ménageant ses ressources, faire resplendir de bien-être -le visage de chacun de ses habitants. - -A chaque élection, le suffrage bien que réduit, borné, faussé et mutilé -fait entendre un bégaiement de vérité. Ce serait trop long, de citer -toutes les circonscriptions électorales où les femmes ont obtenu des -voix. - -Voici, cependant, à propos de succès électoraux féminins ce qui s'est -passé en 1897 à Ménerville (Algérie). - -Le dépouillement du scrutin terminé, M. Vissonnaux, candidat, fit -observer que les bulletins, portant le nom de Mme Pellier-Le-Cerf, -ayant un caractère inconstitutionnel, devaient être considérés comme -nuls. Il demandait que sa déclaration fût inscrite au procès-verbal et -lesdits bulletins y annexés. - -Le maire trouvant l'observation bien fondée, s'empressait de jeter les -bulletins dans la cheminée et d'y mettre le feu. - -A ce moment, survint M. Bouayoume qui, voyant l'escamotage, donna de -grands coups de poing sur la table, protestant avec indignation contre -la suppression de bulletins sur lesquels était inscrit le nom de Mme -Pellier-Le-Cerf. Il flétrit énergiquement les procédés du bureau. - ---«Vous violez, dit-il, la liberté du suffrage universel en annulant -les voix données à une femme!» - -Aux élections municipales de 1908, Melle Jeanne Laloé, candidate à -Paris dans le 9e arrondissement obtint 987 voix, mais 527 bulletins -portant son nom furent seulement comptés. - -L'exclusion des Françaises de l'administration communale, fait qu'en la -cité le bien-être manque, comme en la maison où il n'y a pas de femme. - -Les édiles veulent Paris beau, ce dont chacun ne peut que les -féliciter; mais parce qu'ils sont exclusivement des hommes, leurs -efforts tendent seulement à faire de la capitale du monde le plaisir -des yeux; alors, que des hommes et des femmes réunis, la rendraient en -même temps qu'un séjour enchanteur, le pays de Cocagne souhaité. - - * - * * - -Il est inutile d'insister sur les inconvénients du gouvernement d'un -seul sexe, ni de parler des négligences dont souffrent les habitants -des villes et des villages seulement régis par les hommes; et où il n'y -a qu'une moitié de la sollicitude humaine éveillée, alors que l'espèce -entière devrait être appelée à tout prévoir. - -Avec l'administration des seuls hommes, nous avons de tout, seulement -l'apparence: les rues sont arrosées pendant que l'eau manque dans les -maisons. Avec l'administration des hommes et des femmes, l'illusion -deviendra réalité, les génératrices perpétuellement préoccupées -de conserver les êtres, d'entretenir la vie qu'elles donnent, -s'emploieront à accumuler à Paris l'air et l'eau. - -Au pays de la soif, la garde de l'eau vivifiante est confiée aux -femmes. A Ghat, seules les femmes disposent des sources. - -Tout ce qui a trait au boire et au manger est office de ménagère; -malheureusement, ceux qui parlent de laisser la femme à son rôle, le -lui dérobent ce rôle, dès qu'il rapporte des honneurs et de l'argent. - -Les hommes sont de mauvais ménagers, chacun se trouverait donc très -bien, que les femmes fassent avec eux la cuisine administrative. - -Les Françaises ont le sens de l'utilitarisme démocratique. Quand -elles seront électeurs et éligibles, elles forceront les assemblées -administratives et législatives à se pénétrer des besoins humains et à -les satisfaire. - - * - * * - -La République qui ne laisse pas en la métropole les femmes participer à -l'élection du conseil municipal de leur commune, a autorisé en Océanie, -des femmes à exercer les fonctions de Maire. - -En 1891, le gouvernement fit remettre par le gouverneur de Tahiti aux -huit cheffesses de districts de Tahiti et de Moréa, une écharpe aux -couleurs nationales; en même temps qu'il les fit rétablir en leurs -pouvoirs et dignités d'officières de l'état-civil, pour mettre fin aux -irrégularités constatées dans les actes de l'état-civil, depuis que -l'annexion leur avait fait retirer leur emploi. - -Les faits, forcent parfois les populations à reconnaître que la -femme exclue de l'électorat municipal, est supérieure aux élus de la -commune: A Rieufort de Randon (Lozère) momentanément privée de maire -et d'adjoints, on vit un jour une jeune fille remplir sans embarras le -rôle d'officier d'état-civil, procéder à un mariage à la place d'un -conseiller municipal qui se déclarait inapte à unir les futurs époux, -parce qu'il ignorait la loi et ne savait pas lire (_sic_). - -C'est seulement le couple humain, qui peut en tout accomplir exactement -ce qui convient dans la commune et dans l'Etat. - -Nous mettons au défi les hommes les meilleurs, de faire de la commune -la maison agrandie que chacun espère, sans le concours du cœur féminin. - - - - -LES FEMMES DANS L'ÉTAT - - -De même que pour appeler un être à la vie, il faut le couple humain, -pour instaurer un milieu approprié où cet être puisse s'épanouir -pleinement, la femme est autant que l'homme indispensable. - -«La femme et l'homme, ces deux parties du même tout, dit Benjamin -Franklin, c'est comme les deux branches d'une paire de ciseaux, l'une -ne sert de rien sans l'autre.» - -Les hommes sans les femmes, sont dans l'impossibilité d'organiser pour -l'humanité entière de bonnes conditions d'existence. Ce ne sera qu'en -s'adjoignant pour l'effort politique leurs compagnes, que les Français -pourront assurer l'ordre social et la prospérité publique. - -Interrogez à la campagne et à la ville des hommes de toutes conditions, -ils vous répondront qu'une maison sans femmes est la pire des choses; -cependant, ces mêmes hommes ne veulent point se rendre compte qu'une -commune et un Etat sans femmes, sont bien plus pitoyables encore que la -maison d'où l'élément féminin est absent, car le mal-être, restreint -ici à quelques individus, se généralise et est là, supporté par toute -la population. Présentement, les Françaises ne sont pas représentées -dans les assemblées administratives et législatives. - -Ce retranchement des femmes de la chose publique, cause au corps social -le préjudice et le malaise, que le retranchement d'un organe fait -éprouver au corps humain. - -Si vous avez un membre ou deux membres supprimés, toute votre personne -est affaiblie, amoindrie; de même, la nation, privée de l'activité de -la moitié de ses membres, a sa force et son intelligence réduites, est -endolorie, paralysée; finalement, voit se rapetisser sa destinée. - -Pour que l'individu et la collectivité puissent complètement exister, -la première des conditions est que tous les organes du corps humain -et que tous les organes du corps social fonctionnent. La république -amputée des femmes est aussi réduite à l'impuissance que l'individu -amputé d'une jambe et d'un bras. - -La population française, qui a deux yeux pour voir et deux pieds pour -marcher, se diminue en s'obstinant à ne voir que par le seul œil -masculin les difficultés à résoudre et à ne marcher que du seul pied -masculin vers les buts poursuivis. - -Ce que décide une minorité des Français dans des assemblées où un seul -sexe est représenté ne peut convenir à la nation tout entière. - -Les hommes clairvoyants se rendent compte de cela; aussi, le nombre -augmente de ceux qui osent proposer de s'adjoindre les femmes pour -combiner les arrangements sociaux. - -Les Françaises qui subissent les lois doivent contribuer à les faire. - -Comme le dit fort bien M. Jaurès: «C'est l'humanité complète qui doit -agir, penser, vivre, et l'on a bien tort de redouter que le suffrage -des femmes soit une puissance de réaction, quand c'est par leur -passivité et leur servitude qu'elles pèsent sur le progrès humain.» - - * - * * - -Les millions de femmes qui sont ouvrières, et les millions de femmes -qui sont ménagères doivent pouvoir, en votant, régler les relations -extérieures au point de vue économique et politique, en raison des -traités de commerce qui élèvent ou abaissent le prix des denrées et de -la main-d'œuvre. - -On a entendu un ministre des finances se plaindre de ne pas trouver -chez les députés le sens de l'économie. C'est que le sens de l'économie -n'est réellement possédé que par l'élément féminin. Or justement, -l'élément féminin est exclu de la Chambre. - -Si le Parlement, où nulle femme ne siège et où n'est entré aucun -mandaté des femmes, manque parfois de prudence et de prévoyance, il -manque aussi, on en conviendra, autant d'aptitude et d'autorité, -pour élaborer des lois réglant les rapports humains, que manquerait -d'aptitude et d'autorité, une Chambre exclusivement féminine pour -légiférer, sur ce qui concerne hommes et femmes; attendu que -l'homme absent serait, comme est aujourd'hui la femme absente du -Palais-Bourbon, victime de la partialité du sexe omnipotent. - -Les hommes ne peuvent, sans le concours du sexe féminin, juger, en même -temps, de ce qui leur convient à eux et de ce qu'il nous faut à nous? - -Les deux types qui forment l'espèce humaine doivent avoir voix au -chapitre, quand il s'agit de régler leur propre destinée. - - * - * * - -Les femmes faites citoyennes, régénèreront la politique et l'impulsion -qu'elles feront donner aux affaires permettra bientôt aux Français de -manifester la virilité des peuples neufs. - -Les sauvegardiennes de la probité morale affermiront la droiture -masculine en la vie publique. - -En dépit de délits spéciaux inventés pour elles, les femmes, si nous -en croyons les statistiques, faillissent moins que les hommes. Il y a -beaucoup plus d'inculpés que d'inculpées. - -Puisqu'il est établi que la femme résiste plus à l'excitation au mal, -que l'homme; pourquoi ne pas garantir celui-ci contre ses propres -défaillances en la lui adjoignant au gouvernail? - -Les maisons de secours se joignent aux statistiques, pour attester la -supériorité morale de la femme, frappée d'infériorité légale. - -Dans les établissements charitables, on rencontre surtout un public -d'hommes, c'est-à-dire le sexe qui a en la vie, l'argent et les -positions. - -L'homme a dans la société le monopole du travail lucratif, il gagne -plus souvent 8 francs que la femme 2 francs. Cependant, dès le premier -jour de chômage le voilà réduit à la mendicité. - -La femme qui est exclue des gros gains tend moins que l'homme la main. - -Est-ce parce qu'elle a plus de dignité et moins de vices? Ou est-ce -parce qu'avec des centimes elle trouve mieux le moyen de parer à la -disette que l'homme avec ses 8 francs quotidiens? - -Comment peut-on charger seul du soin de gouverner les autres, l'homme -sans prévoyance qui n'est point apte à se gouverner lui-même? - -Pour les Français aimant les lendemains sûrs, la gestion du sexe -masculin, qui avec son salaire convenable ne parvient à se suffire, -offre beaucoup moins de garanties que celle du sexe féminin qui, à -force d'ordre, d'ingéniosité, se tire d'affaire en sa perpétuelle -pénurie d'argent. - - - - -LES FEMMES ET LE BUDGET - - La puissance d'économie des femmes fera s'équilibrer les recettes et - les dépenses. - - -Puisqu'on reconnaît aux femmes, de réelles facultés d'épargne; et, -l'aptitude à augmenter la valeur d'emploi de l'argent, pourquoi ne -fait-on pas appel au concours féminin pour mettre fin aux déficits -budgétaires? - -Si les Françaises participaient à l'administration de l'Etat, elles -apprendraient aux membres du Parlement à être moins prodigues des fonds -publics, et les contribuables obtiendraient en payant moins d'impôts, -plus de garanties et de commodités. - -Les hommes ne savent faire face aux exigences sociales avec le gros -budget de la France, comme la femme sait faire face aux besoins de la -famille avec le petit budget du ménage. En l'Etat, les recettes énormes -ne couvrent pas les dépenses phénoménales. - -Pendant que législateurs et administrateurs municipaux déplorent que -le manque d'argent entrave tous les projets de réforme, des électeurs -avouent, s'ils sont commerçants, que sans leur femme, ils ne pourraient -faire honneur à leurs affaires... - -S'ils sont ouvriers, employés, médecins, avocats, petits rentiers, -confessent que, sans leur femme, ils ne parviendraient point à -équilibrer leur budget, à vivre. - -A la ville comme à la campagne, c'est quotidiennement que l'on entend -des Français dire: que cent francs ne valent pour l'homme que soixante -francs, tandis que pour la femme, cent francs sont l'équivalent de cent -vingt francs. - -Alors!... le voilà bien trouvé le moyen de mettre fin aux déficits -budgétaires et de rendre possibles les transformations sociales -souhaitées. - -Ce moyen consiste à confier aux femmes, qui ont de si grandes facultés -d'épargne, tout ce qui a rapport aux finances. - -Tout le monde a sous les yeux l'exemple d'hommes qui, en dépensant de -très grosses sommes, ne parviennent pas en la maison à réaliser le -bien-être que couramment les femmes y introduisent, avec peu d'argent. -Eh bien, l'Etat est une agglomération de maisons à administrer. Or, -n'est-ce pas imprudent de confier aux seuls hommes, qui se montrent -souvent inhabiles à équilibrer leur budget individuel, le budget -national? Attendra-t-on que la France ait déposé son bilan, pour -charger l'élément féminin d'introduire des réformes en nos finances? - -L'accroissement des dépenses, devrait susciter un patriotisme capable -de faire émettre par tous les groupes de la Chambre et du Sénat, la -proposition d'appeler les femmes au secours du pays. - -Nouvelles venues en la politique, elles trancheraient aisément dans -le vif du fonctionnarisme et préserveraient les Français des lourdes -charges et de la vie chère. - -Tous les contribuables doivent pouvoir mettre un frein à la -dilapidation des deniers publics. Exclure ces épargneuses--les -femmes--de la gestion sociale, c'est contraindre la République à -faillir à ses engagements. - -Si les femmes coopéraient à l'administration des biens de la nation, -les recettes excèderaient les dépenses. - -Les Françaises ont en elles développé, par l'obligation quotidienne de -partager un centime en quatre pour arriver à satisfaire de multiples -besoins familiaux, une aptitude administrative qui fera s'ouvrir une -ère de prospérité pour les populations qui l'utiliseront. - -On réaliserait de grandes économies, si le budget national était -épluché et passé au crible par les femmes, comme l'est le budget -familial. - -Le bien-être résulterait, de la remise à la femme de la clef de la -caisse publique. - - * - * * - -Les hommes point pressés de voir la Française échapper à la dégradation -civique, dont dérivent pour elle toutes les oppressions, toutes les -spoliations, trouvent que pour le sexe féminin l'heure n'est jamais -venue de posséder le bulletin affranchisseur. En 1789 et 1793, les -hommes disaient qu'il était prématuré de donner les droits politiques -aux femmes; en 1848, ils jugeaient également prématuré d'englober les -femmes dans le suffrage. Actuellement, ils sont d'avis qu'il serait -encore prématuré d'octroyer l'électorat aux femmes. - -Toute proposition de loi, ne devrait cependant venir en discussion, -qu'après que le suffrage aurait été attribué aux femmes. - -La France entière ayant seule l'intuition des besoins humains, la -France entière peut seule poser les bases d'une société meilleure en -votant des réformes fondamentales. - -Tenir les femmes hors des salles de vote où tout se projette et à -l'écart du Parlement où tout se résoud, c'est les désigner d'avance -pour être sacrifiées. - -Les femmes seront plus considérées, mieux rétribuées, quand elles -exerceront leurs droits politiques. Et, l'humanité entière a intérêt -à ce qu'elles exercent leurs droits politiques; car, on ne peut sans -nuire à l'espèce, sans amoindrir l'homme, garder infériorisée la femme, -qui imprime à la société sa marque de fabrique, puisque matrice de la -nation, elle est le moule qui forme tous les Français. - -Afin de se justifier d'annuler les femmes, les hommes spoliateurs -les incriminent d'attachement aux vieux usages; alors, qu'il est -surabondamment prouvé qu'en dépit de toutes les entraves, elles ne -sont pas plus qu'eux ennemies du progrès. - -Les femmes sont les premières à utiliser les innovations; on les a vues -adopter pour la locomotion tous les nouveaux systèmes. - -La femme que l'homme déprécie afin de pouvoir, en la spoliant de ses -droits, l'opprimer et l'exploiter, n'est pas plus que lui bornée, elle -doit donc être autant que lui électeur. - -Soutenir que la dégradée civique, que la serve obligée de singer son -maître peut avoir sur lui une influence occulte pour le bien, semble -être moins encore une erreur qu'une ironie. - -L'homme ne reçoit pas d'en bas ses impressions morales; et, aussi -longtemps que la femme sera au-dessous de lui, elle pourra l'amuser, -le charmer; non changer sa manière de voir et de faire, non le -métamorphoser; car si l'être dit supérieur condescend à demander à -l'être dit inférieur le secret du mal, jamais il ne lui demande le -secret du bien. - -Aussi, il paraît indispensable que pour accomplir la mission sociale -qu'on lui assigne, la femme ait le pouvoir que confère la souveraineté; -ce ne sera que ce pouvoir matériel, qui lui assurera l'autorité morale. - -Au lieu de restreindre en les partageant les prérogatives masculines, -les femmes les augmenteront; puisque le jour où il sera en les mains -de tous les ayants droit hommes et femmes, le bulletin octroiera aux -Français et Françaises la faculté de matérialiser leur volonté d'être -heureux et libres. - -C'est de peur de ne pouvoir faire parler comme on veut le suffrage -rendu conscient en même temps qu'il deviendrait universel, que l'on -écarte des affaires publiques cette force nationale, la femme. - - * - * * - -Ce ne sera qu'en unifiant la condition de l'homme et de la femme que -l'on unifiera la manière de voir des Français. - -Dire à la Française, de cesser d'être coquette, sans lui donner le -moyen d'améliorer son sort en votant, c'est la maintenir en une -immobilité mentale qui paralysera la marche en avant. - -La femme doit voter, car il n'y a place au soleil de la République que -pour qui dispose d'un vote. Et, ce ne sont pas seulement les femmes, -c'est la nation entière qui souffre de l'annulement politique des -Françaises. - -Les hommes n'ignorent point cela; cependant, à quelque parti qu'ils -appartiennent, réactionnaires et républicains, ils sont d'accord pour -faire envisager le vote des femmes comme un danger public. - -En notre France qui garde l'empreinte monarchiste de la loi salique, -le fantôme de la femme politique est aussi redouté que le spectre -rouge. Ce ne sera, cependant, qu'à l'aide de celle-ci que l'on pourra -triompher de celui-là. Les femmes étant seules assez nombreuses pour -mettre à la raison les perturbateurs. - - * - * * - -Bien que l'on sache, que les femmes sont pourvues de facultés qui -feront se transformer sans violences la société et que partout où les -femmes ont voté, elles ont mis leur zèle et leur énergie au service des -partis avancés, les révolutionnaires repoussent le bulletin pondérateur -de la femme, et les radicaux évolutionnistes ne s'empressent pas -d'utiliser ce bulletin pondérateur, qui leur assurerait le gouvernail -de la barque sociale. - -Si les hommes d'opinions si opposées s'entendent pour représenter comme -un épouvantail le vote des femmes, c'est qu'ils sont d'accord pour -continuer à accaparer les bénéfices électoraux; et, qu'ils trouvent -avantageux de tenir les sièges législatifs de la force du nombre des -femmes, sans avoir besoin d'obtenir leurs bulletins. - -Pour faire s'activer l'évolution de l'humanité, il faut mettre la -femme au niveau de l'homme, afin que les deux êtres équivalents qui se -complètent ne cheminant plus en des voies différentes, marchent du même -pas vers la justice sociale. - -La République cessera seulement d'être pour les Françaises une -bluffeuse, quand elle leur facilitera le combat pour la vie en les -armant du bulletin de vote. - - - - -L'ÉDUCATION POLITIQUE DES FRANÇAIS - - -L'étranger comprend l'horreur que le Français a pour la politique, en -entendant le camelot parisien faire ce boniment: «Dans mes journaux, il -n'y a pas de politique, tout n'est que blague et rigolade.» - -La politique, qui d'après le rusé marchand ferait se sauver les -acheteurs, joue cependant un rôle énorme, puisque c'est d'elle que -dépend la destinée humaine. - -Sous le nom de règlement et de répression, la politique prend à la -femme comme à l'homme sa liberté. Sous le nom de taxe, la politique -prend à la femme comme à l'homme, son argent. Sous le nom de guerre, la -politique prend à l'homme sa vie et à la femme plus que sa vie, la vie -de ceux qu'elle aime! - -Pourquoi donc cette question suprêmement intéressante répugne-t-elle -aux foules, au lieu d'être l'objet de leur constante préoccupation? - ---Parce qu'on ne la comprend pas. - -Un seul sexe étant admis à faire de la politique, il n'est point séant -d'en parler. De sorte que la politique, qui se réduit à sauvegarder ou -à mettre en péril les intérêts généraux et particuliers, est considérée -comme une science inaccessible même aux hommes qui se distinguent dans -leur art ou leur profession. Et l'indifférence pour les affaires du -pays menace de se perpétuer. - -Comment l'homme s'initierait-il à la politique, pendant que la femme, -avec laquelle il est sans cesse en tête à tête, n'est pas admise à en -chercher avec lui le mécanisme? - -Aussi longtemps que, comme des pestiférées en quarantaine, les femmes -seront tenues à l'écart de la politique, la nation sera sans éducation -politique. - -Pour que la politique cesse d'être pour l'homme chose ennuyeuse et -incompréhensible, il faut qu'elle s'introduise dans le ménage, où elle -deviendra une question d'autant plus familière qu'elle sera tous les -jours incidemment creusée. - -Bien loin d'être une source de division, la politique resserrera les -liens entre époux. En élargissant l'horizon intellectuel du _home_, -elle fera souvent succéder à l'amour envolé, l'amour du bien public. - -Quand les femmes jouiront des mêmes droits électoraux que les hommes, -le sein maternel ne sera plus un milieu où le cerveau s'atrophiera. -L'affranchissement de la mère soustraira l'homme à l'abâtardissement -utérin qui en fait plus un sujet qu'un citoyen. La maison familiale -deviendra une école où électeurs des deux sexes luttant d'émulation -feront ensemble, sans y penser, leur éducation politique. Alors, la -nation sera plus clairvoyante et aux phrases pompeuses qui retentissent -dans les réunions d'électeurs et d'élus, succéderont des émissions -d'idées, de plans, d'où pourront découler le bien de l'humanité. - - * - * * - -Présentement, les électeurs pétris du sang et de la chair de dégradées -civiques, vivant en tête-à-tête avec des repoussées de la vie publique, -sont, par l'atavisme et le milieu ambiant, maintenus en une telle -enfance politique qu'ils n'écoutent que les charlatans criant le plus -haut, sachant le mieux persuader qu'ils feront couler du bourgogne des -fontaines Wallace et tomber, rôties, du ciel les cailles. - -C'est seulement quand les femmes voteront, que Français et Françaises, -s'instruisant mutuellement en discutant ensemble des affaires -publiques, deviendront des électeurs souverains conscients. - -Assimiler les femmes aux hommes citoyens, épouvante le Français; nos -partisans d'indépendance électorale aiment mieux laisser escroquer -à l'électeur son vote que de le rendre promptement capable d'être -son propre maître en admettant sa compagne si divinatrice, si -investigatrice à coopérer avec lui aux affaires publiques. - -On reconnaît que la nation entière saurait mieux qu'une partie de la -nation organiser son bonheur; on affirme que les Françaises ont des -qualités propres qui complètent les qualités des Français. - -On dit que les tournants politiques cesseraient d'être dangereux, si la -masse électorale avait pour la guider le jugement sûr et le tact inné -de femmes. - -Pourtant, on reste privé de leur concours, on les élimine, au grand -préjudice de la généralité des êtres, puisque les femmes intuitives -seraient en arrivant sur la scène politique, les monitrices électorales -qui démêleraient les questions et dessilleraient les yeux. - -Il n'est pas possible de «marcher vers la justice sociale» sans d'abord -soustraire la moitié de l'humanité à l'oppression de l'autre moitié, en -la munissant de cette arme libératrice, le bulletin de vote. - -On comprime la nature en annihilant les femmes et en les contraignant -à jouer le rôle de traînardes paralysatrices d'efforts; alors, qu'il -convient si bien à leur tempérament d'être des avant-gardes du progrès, -faisant évoluer l'espèce. - -Quiconque se préoccupe de l'avancement humain, doit vouloir assurer à -la République, le concours des femmes, en les faisant citoyennes. - -Lorsque hommes et femmes gèreront ensemble les affaires publiques, ils -deviendront bientôt aptes à être eux-mêmes leurs représentants. Or, -quand les Français et les Françaises seront leurs propres députés, -ils économiseront avec les millions de l'indemnité parlementaire, -beaucoup d'autres millions dépensés pour satisfaire les grands -électeurs que chaque élu traîne après soi; et, l'on peut prévoir tout -ce qui résultera d'heureux pour la population, du gouvernement exercé -directement, par les Français et les Françaises. - - * - * * - -La mère qui a quarante ans d'expérience de la vie est bien plus -préparée à exercer ses droits politiques, que son fils électeur à vingt -et un ans. - -C'est en votant, que l'on apprend à bien voter. - -Les hommes gratifiés du suffrage en 1848 étaient beaucoup moins aptes -que ne le sont les femmes d'aujourd'hui à exercer le suffrage; et, -combien trouverait-on d'électeurs qui pourraient présentement offrir -les garanties que l'on demande au sexe féminin? Pas plus que le droit -de l'homme, le droit de la femme ne peut être soumis à des conditions, -ni être ajourné par une question d'opportunité. - -Les spoliateurs des Françaises qui feignent de redouter leur arrivée -dans la politique, savent fort bien que les femmes, au contraire, -réveilleront l'enthousiasme des masses pour la République, puisqu'elles -la rendront capable de réaliser les réformes attendues. - - * - * * - -Pourquoi toutes les révolutions ont-elles si peu amélioré le sort -humain? - ---Parce qu'elles ont passé par-dessus la tête des femmes sans les -affranchir, et, que l'asservissement féminin est le plus grand obstacle -au progrès. - -Les Françaises sont depuis si longtemps spoliées qu'elles ne peuvent -croire que leur entrée dans le droit commun est indispensable à -l'accélération de l'évolution humaine; elles ne seront persuadées -qu'elles ont des droits que lorsqu'on les appellera à exercer ces -droits. - -N'y aurait-il pas pour les hommes plus d'avantages à s'associer -immédiatement la femme, dans la commune et dans l'Etat, qu'à risquer -de se créer des difficultés, pour se donner la puérile satisfaction -de garder encore un peu de temps hors la loi, les vingt millions de -Françaises? - -Aucune unité de vues n'est possible entre Français et Françaises, avant -qu'ils ne soient appelés à se concerter sur ce qui mutuellement les -intéresse; c'est-à-dire, avant que ne soit substitué au jeu sans effet -du petit suffrage restreint, la toute puissance transformatrice du -grand suffrage universel. - -On dissipera l'incohérence politique, en élevant au niveau de l'homme, -la femme qui moule et façonne les électeurs. - -L'éducation politique du pays serait maintenant achevée, si les hommes -et les femmes avaient depuis 1848, appris à bien voter, en votant -ensemble; et, au lieu de redouter que l'ignorance, la servilité, -n'enrayent le progrès, on aurait la certitude que le bon sens général -l'accélèrerait; car, la nation serait moralement augmentée, si la serve -qui lui donne son empreinte était citoyenne. - - - - -LE VOTE DES FEMMES CÉLIBATAIRES - - -Toutes les restrictions apportées à l'exercice des droits politiques -de la femme étant préférables à l'exclusion du sexe féminin de la -politique, nous admettrions, au pis aller, que pendant qu'elle est dans -le mariage, la femme soit comme l'homme pendant qu'il est sous les -drapeaux, privée du droit de voter. - -Mais la femme affranchie de la tutelle maritale, la femme apte à gérer -toutes les affaires civiles et privées, n'est-elle pas apte aussi à -gérer les affaires politiques et publiques? - -Si nous proposons de demander le suffrage d'abord pour les femmes -instruites et pour les célibataires, c'est afin d'esquiver en même -temps que la demande d'autorisation maritale, l'objection que la femme -est une ignorante. - -En réclamant, dans l'intérêt du sexe entier, le pouvoir immédiat pour -les plus libres d'affranchir celles qui sont opprimées, on ne favorise -personne, attendu que les femmes mariées ne sont, pas plus que les -célibataires, dans un état immuable et permanent. - -Tous les jours, des épouses deviennent veuves, donc célibataires; tous -les jours, des filles majeures, des veuves, des divorcées deviennent -des femmes mariées. Alternativement, les Françaises se remplacent -dans leurs successives conditions; aussi, la tactique consistant à -revendiquer d'abord le suffrage pour les momentanément majeures, -c'est-à-dire pour les femmes ayant l'aptitude exigée des hommes pour -être électeur, ne peut être qualifiée de transaction. C'est un moyen -employé pour réussir. - - * - * * - -Il ne peut point être question de décider à quelle catégorie de femmes -on va donner le vote. Toutes les Françaises sont dans une situation -trop instable pour être classées par catégories, et toutes ont droit au -vote. - -Il s'agit de faire obtenir adroitement le suffrage au sexe féminin. -Si on le réclame pour la généralité des femmes, on jette sans profit -l'alarme au camp des maris. Si, au contraire, on introduit dans la -citadelle politique, afin qu'elles en ouvrent la porte à toutes -celles qui parmi les femmes n'ont pas leurs mouvements paralysés par -la puissance maritale, on aplanit les difficultés, on prévient les -objections et très promptement on triomphe. - -La revendication du suffrage pour les Françaises qui n'ont pas de -mari est un démenti donné à ceux qui affirment que les femmes sont -représentées à la Chambre par leur mari. - -M. Aulard, dans un de ses cours, a rappelé que les hommes ont commencé -à user de cette échappatoire pour s'abstenir de conférer le vote aux -femmes lors de la discussion de la Constitution de l'an III. - -A propos de l'abolition du suffrage universel, Rouzet, député de la -Haute-Garonne, prit la parole pour dire que le suffrage universel -n'avait pas existé puisque les femmes n'étaient pas admises au droit -politique. - -Lanjuinais, lui répondit que les femmes étaient représentées par leurs -maris. - -Depuis, les députés chargés de faire des rapports sur les pétitions -réclamant le suffrage des femmes se sont toujours tirés d'embarras en -répétant après Lanjuinais que les femmes étaient représentées par leurs -maris. - -Il était nécessaire d'arrêter sur les lèvres des législateurs cette -version erronée en demandant les droits électoraux pour les millions de -Françaises qui n'ont pas de mari. - - * - * * - -Quand on révise la loi électorale, des députés demandent quelquefois -d'assurer la représentation des épouses en accordant aux électeurs -mariés deux suffrages. - -Mais, jamais il n'a été question de charger quiconque de déposer un -bulletin pour les Françaises célibataires. C'est que ces femmes-là -sont des majeures devant le devoir public et que l'on ne peut contester -leur droit. - -Ce droit des célibataires, les hommes l'appellent même parfois au -secours de leurs privilèges; seulement, après qu'ils ont proclamé qu'il -est indispensable que les veuves et les filles majeures aient des -mandataires, ils leur disent qu'elles auraient l'esprit bien étroit si -elles croyaient qu'elles ont besoin de voter pour être représentées à -la Chambre. - - * - * * - -Demander de concéder d'abord le suffrage aux femmes qui ont les -qualités requises pour le posséder, ce n'est pas transiger, c'est -adapter le droit à l'aptitude. - -Quand on a donné l'électorat consulaire aux commerçantes, quand on -a accordé l'électorat et l'éligibilité aux conseils départementaux -d'enseignement et au conseil supérieur de l'instruction publique, aux -institutrices, on a adapté le droit à l'aptitude. - -Les épouses sous la tutelle de leur mari, qui ne seront pas -provisoirement comme les femmes majeures aptes à exercer leurs droits -politiques, ne se croiront pas plus déchues que les dames qui, n'étant -ni commerçantes, ni institutrices, ne peuvent de celles-ci partager les -privilèges. - -Les hommes sont-ils devenus tous à la fois électeurs?--Non. Avant que -le suffrage soit pour eux universalisé, étaient exclus du vote les -domestiques, les illettrés, les exemptés du service militaire, enfin -ceux qui ne payaient pas deux cents francs d'impôts. - -Les femmes n'obtiendront peut-être pas non plus, toutes en même temps -le suffrage; il est possible que ce ne soit que quand les veuves et les -filles majeures voteront déjà que les épouses, acquerront la capacité -électorale. - -La tactique consistant à réclamer d'abord l'électorat des célibataires, -a pour but d'obtenir plus vite les droits politiques aux femmes mariées. - -Est-il besoin de rappeler qu'en Angleterre le vote des célibataires a -précédé de vingt-cinq ans le vote des femmes mariées? C'est en 1869 -que l'électorat municipal a été octroyé aux Anglaises non mariées, et -ce n'est qu'en 1894 que ce même électorat municipal a été accordé aux -Anglaises mariées. - -L'éligibilité aux borough councils n'a encore été conférée qu'aux -Anglaises célibataires, veuves ou filles inscrites sur les listes -électorales de leur résidence. - -La ruse de guerre dont nous usons en demandant que la catégorie de -femmes qui n'est pas sous la puissance maritale, qui administre déjà -ses affaires particulières, puisse gérer ses affaires publiques, nous -a été suggérée par les législateurs qui ont rejeté nos pétitions -réclamant les droits politiques pour toutes les Françaises, en -alléguant que les femmes étaient représentées par leurs maris. - -Nous avons voulu savoir ce que les députés pourraient bien objecter -à la revendication du vote pour les nombreuses femmes n'ayant pas de -mari, donc n'étant pas représentées. - -Tel est le motif de la pétition suivante. - - «Messieurs les députés, - - «Nous vous prions de bien vouloir conférer le droit électoral aux - millions de Françaises célibataires--les filles majeures, les veuves, - les divorcées--qui sont maîtresses de leur personne, de leur fortune, - de leurs gains, afin qu'elles puissent, en votant, sauvegarder, dans - la commune et dans l'Etat, leurs intérêts qui sont actuellement - laissés à l'abandon.» - -Cette pétition déposée en 1901 sur le bureau de la chambre, fut -transformée en projet de loi par M. Gautret, député. - -Notre proposition d'attribuer d'abord l'électorat aux célibataires -excita l'indignation de quelques femmes mariées; l'une d'elles nous -écrivit: - -«Alors vous pensez que le mariage est une déchéance morale?» - -Le mariage n'est pas une déchéance morale, mais il est une déchéance -légale bien caractérisée, puisqu'il dépouille, annihile l'épouse, fait -redevenir mineure la femme, fût-elle depuis dix ans majeure quand elle -se maria. - -La participation du plus petit nombre de femmes à la politique -aurait de suite un résultat heureux pour tout le sexe, attendu -que les intérêts féminins étant identiques, les dames électeurs -sauvegarderaient avec les leurs, les intérêts des autres femmes. - -Il est bien entendu, que nous voulons le suffrage pour les épouses -comme pour les demoiselles, les veuves, les divorcées. Pendant que -toutes les femmes de la nation ne voteront point avec les hommes, le -suffrage ne sera pas en France universel, mais plus ou moins restreint, -réduit, émasculé. - -Ce principe posé, on reconnaîtra que c'est une tactique habile -d'employer les célibataires à faire une brèche en la forteresse des -privilèges masculins par où l'armée entière des femmes passera. Nul ne -peut nous blâmer de pousser vers les urnes les plus libres pour hâter -l'affranchissement de celles qui le sont le moins; car, en politique -comme à la guerre et au jeu, il faut savoir user de stratagème pour -être victorieux. - -Ne vaudrait-il pas mieux que les moins assujetties parmi les femmes -aient avec le bulletin le pouvoir d'arracher aux fers les triplement -enchaînées, que de les regarder souffrir sans avoir la possibilité de -leur porter secours? - -Les législateurs n'osent appeler à exercer leurs droits politiques, les -filles majeures, les veuves et les divorcées, parce qu'ils savent bien -que le sexe féminin, entier, aussitôt les suivrait dans la salle de -vote. - -Cependant, la très nette déclaration ci-dessous fut un jour faite à la -chambre par un orateur: «Il y a des personnes qui ne votent pas dans -la nation, mais qui ont des intérêts et des droits à être représentées. -Ces personnes ce sont les femmes célibataires et les veuves disposant -de leur fortune, ayant réellement des intérêts manifestes, ayant droit -à avoir des représentants de ces intérêts.» Les députés applaudirent. - -Quelle objection pourrait-on faire au droit des Françaises célibataires -de se nommer des représentants? Il est impossible de prétexter pour -elles d'empêchements naturels temporaires, ou de les dédaigner, car -leur nombre est considérable. Cette catégorie de femmes formerait un -Etat dans l'Etat. - -On compte en France près de six millions de demoiselles qui, avec les -légions de veuves et les divorcées, représentent un total imposant -d'individualités dont les intérêts ne sont pas même représentés -indirectement par un mari au Parlement, aux conseils généraux et -municipaux. - -Comme l'homme, la célibataire est maîtresse absolue de sa personne et -de sa fortune. Elle garde avec son nom sa personnalité, fait ce qu'elle -veut, vit comme elle l'entend. Pourquoi cette femme ne voterait-elle -pas? - -Il est de l'intérêt général que le droit électoral soit rendu -accessible aux célibataires dont l'activité et les facultés affectives -demeurent inutilisées, sont perdues pour la société, pendant qu'elles -ne peuvent se dépenser au profit du bien public. - - - - -VOUS N'ÊTES PAS MILITAIRES! - - -Quand les femmes demandent à voter, ceux mêmes qui parlent de supprimer -les armées permanentes leur répondent: «Vous ne pouvez jouir des -prérogatives politiques puisque vous ne portez pas le fusil». - -La loi de deux ans sert aux antiféministes de prétexte pour déclarer -que les femmes point astreintes aux obligations militaires imposées aux -hommes, ne peuvent être en la société leurs égales. - -C'est peine perdue de leur faire remarquer que la loi de neuf mois -renouvelable est plus dure pour les femmes que la loi de deux ans -pour les hommes; que beaucoup plus de femmes succombent sur le lit de -douleur pour l'œuvre de création, que d'hommes sur le champ de bataille -pour l'œuvre de destruction. - -Les femmes ne se battent pas; mais, tous les hommes non plus ne se -battent pas; il y a de par le monde une foule d'hommes impropres au -service militaire; on les appelle des réformés, ces réformés, jouissent -cependant de leurs droits civiques. - -Personne n'a jamais songé à contester le droit de vote à ceux que le -conseil de revision a repoussés. - -Il est donc bien singulier de voir se manifester quand le sexe féminin -réclame ses droits, des exigences que l'on n'a pas pour le sexe -masculin. - -Cette objection du service militaire n'est pas nouvelle. J'ai épinglé -dans mon cabinet de travail un numéro du _Grelot_ illustré, où sous ce -titre «Hubertinauclertinade», Alfred Le Petit a dessiné un militaire -qui interpelle ainsi une femme enceinte: - ---Eh! dites donc vous, la citoyenne, puisque vous voulez les mêmes -droits que nous, venez donc faire aussi vos vingt-huit jours? - ---Pourquoi pas, si vous voulez faire nos neuf mois?... répond la future -mère. - -Les plaisantins qui voudraient laisser la femme hors du droit commun, -parce qu'elle n'assume pas à la fois la peine de perpétuer la race -et celle de défendre le territoire, négligent de songer que, s'ils -exigeaient pour leur sexe pareil cumul, il serait infiniment moins -facile aux hommes d'être mères qu'aux femmes d'être soldats. - -Il y a déjà eu des femmes soldats: les Gauloises accompagnaient leurs -maris à la guerre, elles étaient si intrépides, elles maniaient avec -tant d'adresse le bouclier, qu'elles avaient reçu en présent de leur -fiancé, qu'un Gaulois pouvait, disait-on, terrasser six ennemis s'il -était secondé par sa femme dont les bras nerveux se raidissaient et -portaient des coups aussi terribles que ceux des pierres lancées par -des catapultes. - -Sous l'ancienne France des femmes se ceignaient virilement d'un habit -de guerre, combattaient, ou se précipitaient entre les bataillons -armés, pour les empêcher d'en venir aux mains en s'écriant: -«Gardez-vous de livrer un combat ou périra tout le bien du pays.» - -Les femmes se font soldats aux heures désespérées. - -Avant et après Jeanne Darc notre héroïne nationale, qui en 1429 arracha -la France aux Anglais en les forçant avec un réel génie militaire, à -lever le siège d'Orléans après les avoir vaincus à Patay--A toutes les -époques de l'histoire des femmes se sont distinguées par des actions -d'éclat. - -Jacqueline Robin, sauva la ville de Saint-Omer, en lui procurant des -vivres et des munitions. - -Jeanne Hachette, défendit héroïquement Beauvais, assiégée par -Charles-le-Téméraire. - -Mlles Ferny, se battirent si bien que la Convention leur envoya deux -chevaux caparaçonnés. - -Combien d'autres femmes se sont enrôlées dans les armées de la -République: Marie Pochelet, Madeleine Petit-Jean, Rose Marchand, Elisa -Quatresou, pour ne citer que celles-là, obtinrent de la Convention des -éloges et des pensions. - -Thérèse Figueur, qui fut dragon eut deux chevaux tués sous elle, fut -cinq fois blessée; se retira en 1815 après 22 ans de service militaire -avec 200 francs de pension. - -Virginie Ghesquière dite le «joli sergent,» s'engagea à la place de -son frère jumeau qui n'avait pas sa vigueur et se distingua à Wagram. - -Angélique Brûlon, nommée sous-lieutenant et décorée de la légion -d'honneur, fut après ses campagnes admise aux invalides. - -Marie Schellinck, frappée de six coups de sabre à Jemmapes, blessée à -Austerlitz et à Iéna eut une citation à l'ordre du jour de l'armée; -après Arcole fut nommée sous-lieutenant et décorée pour ses douze -campagnes et ses 17 ans de service. - -Ni les Conventionnels, ni Bonaparte, n'encourageaient l'enrôlement -des femmes dans les bataillons. On était porté à confondre ces braves -soldates, avec les troupeaux de filles qui de tous temps avaient -encombré les camps; et que les chefs d'armée, soucieux de la santé de -leurs troupes ordonnaient parfois de jeter dans la rivière. En 1760 le -maréchal de Broglie leur faisait noircir le visage avec une drogue qui -les marquait pour six mois. C'était un moyen préférable au fouet qui, -disait le maréchal, ne les empêche pas de revenir. - -Bonaparte eut recours au même système, il ordonna de passer au noir les -femmes qui venaient sans autorisation à l'armée. - -En 1870, une institutrice, Mlle Lix fit brillamment la campagne des -Vosges. - -D'autre part, Livingstone nous rapporte en le récit de ses voyages, que -dans le petit royaume de Bantam (Ile de Java) les capitaines et les -soldats sont des femmes. - -L'Amérique méridionale a le fleuve des _Amazones_, parce que sur les -rives de ce cours d'eau des femmes combattirent. - -En 1865, Lopez, pour lutter contre le Brésil, enrôla les Paraguayennes, -elles se battirent si vaillamment, et se firent tuer avec tant de -courage, qu'après la paix signée il n'y avait plus au Paraguay que des -hommes. - -Au Dahomey, l'armée permanente formée des femmes repoussa souvent nos -troupes; et, pour conquérir ce pays à la France, nos soldats durent -en 1892 énergiquement lutter contre les intrépides amazones dont ils -admiraient la bravoure. - -Les femmes ont un peu partout suffisamment prouvé qu'elles étaient -aptes à porter les armes, et qu'elles pourraient être avantageusement -utilisées par le département de la guerre. - -Avec les femmes «riz--pain--sel» nos soldats qui souvent souffrent -et meurent surtout des privations endurées, seraient certains d'être -toujours réconfortés, sustentés, car ils seraient l'objet de la -sollicitude de celles qui sachant seules ce qu'un homme coûte à faire, -comprennent réellement seules l'importance qu'il y a à le conserver. - -Les femmes pourraient augmenter l'effectif de l'armée en prenant dans -l'administration et l'intendance la place des hommes qui ont été -distraits des bataillons. - - * - * * - -Il faut prévoir--un conflit sérieux surgissant--la nécessité que tous -les hommes soient à la frontière et assurer le fonctionnement des -services de l'intendance au moyen de l'élément national qui ne porte -pas le fusil, au moyen des femmes. - -Au théâtre, pour parer à tout événement, on fait apprendre les rôles à -plusieurs acteurs, on a des artistes prêts à suppléer le chef d'emploi; -pourquoi donc, lorsqu'il s'agit non plus de comédie, mais de cette -effrayante réalité pour la France: être, ou ne pas être! oublie-t-on -la prévoyance, néglige-t-on d'assurer avec des remplaçants féminins -le fonctionnement de transports, d'approvisionnements de vivres et de -munitions? - -IL suffirait de diriger le dévouement que beaucoup de femmes prodiguent -durant les chocs sanglants, pour obtenir du sexe féminin une -coopération précieuse. - -Nulle guerre n'a eu lieu, sans que plusieurs Françaises bravent la -mort pour aider au ravitaillement des armées bloquées, pour porter -des munitions aux assiégés. En 1870, à Châteaudun, Mme Jarrethout -entretenait de munitions, sous le feu prussien, les combattants: -pendant qu'à Pithiviers Mlle Dodu subtilisait ingénieusement les -télégrammes allemands et ainsi sauvait un de nos corps d'armée. - -Ni la décision, ni le sang-froid, ni l'intrépidité, ne font défaut aux -femmes. Qu'on leur permette donc d'augmenter le nombre des hommes qui -se battent, en les remplaçant dans les services inactifs comme elles -les remplacent dans l'industrie, en continuant le commerce, dans -l'agriculture en faisant prospérer la ferme quand ils ne sont pas là. - -Les féministes ont depuis plus de 25 ans proposé d'utiliser les -Françaises dans les services auxiliaires de l'armée: L'intendance, la -manutention, l'équipement, l'infirmerie et tout ce qui a rapport aux -vivres et aux munitions. - -Lors de la campagne de Tunisie, tous les journaux publièrent une -lettre adressée au général Farre, ministre de la guerre, dont voici un -passage: «Nos soldats vaincraient vite l'ennemi et la maladie, si un -personnel dévoué, veillait à leur bien-être matériel. Qu'on appelle les -femmes à faire leur service humanitaire--pendant du service militaire -des hommes--et l'on aura ce personnel[1].» - - [1] _La citoyenne_, numéros 36 et 43. - -Après ces offres de service, comment peut-on oser dire aux femmes qu'il -faut qu'elles soient militaires pour avoir leur part de souveraineté? - -Les mères remplissent des charges au moins équivalentes aux obligations -des militaires et elles n'ont pas les avantages dont jouissent ceux-ci. - -La femme chargée de perpétuer la nation, devrait être traitée de même -que le soldat chargé de défendre le territoire; comme le soldat, la -mère devrait être logée, nourrie, vêtue par la société. - - - - -VOUS ÊTES CLÉRICALES! - - -Dès les temps les plus reculés, la ruse religieuse a aidé la force -gouvernementale à asservir, exploiter, spolier les femmes. - -Sans demander aux femmes de se soumettre à une quelconque formalité, -pouvoirs spirituels et pouvoirs temporels se sont entendus pour leur -confisquer leurs droits, les annuler. - -Les femmes accusées d'avoir causé la perte du genre humain, furent -vouées à l'opprobre par le christianisme qui sanctionna la tradition -juive de la chute de la femme. - -Au lieu d'élever à leur niveau la génératrice que les pères de l'Eglise -avaient mis sous leurs pieds, les laïques, qui rient de la légende -biblique, ont adopté le dogme religieux de l'infériorité de la femme; -et, l'exclue du sacerdoce a été exclue du suffrage. - -Pour évincer les femmes de la politique qui leur octroierait leur part -des avantages sociaux, les hommes prétextent qu'elles sont cléricales. - -La séparation de l'église et de l'Etat en ses divers incidents, a -révélé que ce croquemitaine le cléricalisme, avec lequel on impose -depuis si longtemps silence aux femmes, est un épouvantail aussi fictif -que ceux dont on se sert pour effrayer les enfants. - -Du moment que les ministres des différents cultes sont électeurs on n'a -pas d'objection à faire contre l'électorat des femmes fussent-elles -pratiquantes de ces cultes. - -Car, si le fait d'avoir les opinions religieuses est par lui-même -répréhensible, peu importe le sexe des personnes qui ont ces opinions. -On peut même soutenir que les actes religieux accomplis par les hommes -qui se sont attribué dans la société un rôle prépondérant, ont une -portée plus considérable que ceux accomplis par des femmes annulées. - -Pourquoi les femmes croyantes seraient-elles donc traitées avec plus de -rigueur que les hommes croyants? - -On ne demande pas aux hommes quelles sont leurs idées philosophiques -quand on leur délivre la carte électorale: les prêtres, les pasteurs, -les rabbins, la reçoivent, comme les libres-penseurs. - -Puisque les hommes ne sont pas spoliés de leurs droits pour cause -d'opinions, pourquoi les femmes le seraient-elles? - -Si la religiosité aide plutôt des hommes à s'élever dans la République -aux premières fonctions et dignités, comment cette religiosité -ferait-elle dégrader civiquement les femmes? - -Ceux qui excommunient les Françaises de la vie publique, entendent -substituer au déisme, le masculinisme. - ---Femmes! disent-ils, ne croyez pas à l'infaillibilité du pape, mais -admettez sans discussion l'infaillibilité de l'homme! - -Ce sont surtout les femmes malheureuses en ménage qui s'adonnent au -mysticisme. Cela m'a été tant de fois démontré, que dès qu'un citoyen -me confie que sa compagne légitime ou illégitime, tombe dans la -religiosité ou l'occultisme; avec la certitude d'avoir devant moi un -coupable, je lui demande aussitôt:--Qu'avez-vous fait à votre femme? - -Pendant qu'elles sont les embastillées des codes, s'occuper de -l'opinion des femmes, c'est comme si l'on s'occupait du chemin qu'un -prisonnier prendra quand il aura brisé ses chaînes. Tous les délivrés -de l'oppression courent du côté où ils voient le plus de liberté. - - * - * * - -On arrête le progrès en laissant à la loi l'empreinte cléricale qui lui -fait inférioriser le sexe pour lequel les pères de l'Eglise avaient une -haine contre nature. - -Ainsi que saint Jérôme et saint Cyprien, qui mutilaient leurs corps -pour s'abstenir de s'avilir avec la femme impure, les législateurs -libres-penseurs mutilent le corps social, retranchent la moitié de ses -membres, pour s'épargner l'impur contact féminin. - - * - * * - -Les détenteurs du pouvoir considérèrent toujours comme subversive -l'idée féministe. L'Eglise favorisa cette tendance en flétrissant au -concile de Paris «les dames qui au mépris de la constitution canonique, -se mêlent des choses de l'autel, manient effrontément les vases sacrés -et, ce qui est plus grave, plus indécent, plus inepte, offrent le corps -et le sang du Seigneur aux fidèles». - -Quand les hommes veulent se réserver le monopole d'une bonne place, que -ce soit celle de prêtre ou celle de député, ils sont d'accord, pour -dire à la femme que c'est inepte et indécent, de la leur disputer. - -Les libres-penseurs enlèvent aux femmes l'espoir d'être indemnisées au -ciel de leurs souffrances; mais, ils ne se hâtent point de leur donner -ici-bas tout leur dû. - -Laïciser la France, ce n'est pas seulement cesser de payer -pour enseigner des dogmes religieux, c'est rejeter la loi -cléricale--infériorisant la femme--qui découle de ces dogmes. - -Les apôtres de la foi civile qui dénient aux Françaises leurs droits -politiques, sont frères jumeaux des évêques du concile de Mâcon, qui se -demandaient si les femmes avaient une âme et faisaient partie du genre -humain. - - - - -LA RELIGION LAIQUE - - -Je fus un jour déléguée par une société de libres-penseurs pour prendre -la parole à un mariage civil. Aucun programme ne m'ayant été tracé, -je crus avoir carte blanche et après avoir entendu le maire lire aux -nouveaux époux les articles 213-214-215-217 du Code civil, je ne pus -m'empêcher de dire aux conjoints: - - «Il ne suffit pas que vous vous absteniez d'aller à l'Eglise faire - bénir votre union, vous devez encore réprouver le texte de la loi - basée sur l'esprit de l'Eglise qui consacre le principe d'autorité. - Si vous voulez être heureux dans le mariage, traitez-vous en amis! - en associés! en égaux!... Ne tenez pas plus compte de la loi qui - outrage et infériorise la femme, que vous n'avez tenu compte du - droit canonique qui vous enjoignait de vous marier à l'Eglise.» - -Le préfet de la Seine indigné qu'il soit fait des correctifs au Code, -adressa aux maires de Paris la circulaire suivante: - - LES MARIAGES CIVILS - - Paris, le 21 avril 1880. - - Messieurs et chers collaborateurs, - - Une de nos préoccupations communes les plus vives a été de maintenir - et d'accroître la dignité de la cérémonie du mariage civil. - - Mais il ne suffit pas, pour rendre à la loi le respect qu'elle - mérite, que la cérémonie s'accomplisse régulièrement et que l'ordre - matériel ne soit pas troublé il faut encore que les paroles - contraires au respect de la loi ne puissent s'élever dans le lieu - même où l'on vient rendre hommage à la loi. - - Nous voulons augmenter le prestige du mariage civil, et nous - laisserions critiquer publiquement la législation qui le consacre au - moment même où l'acte vient de s'accomplir. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - Il y a quelques jours, à la mairie du dixième arrondissement, à la - suite et à l'occasion d'un mariage civil, une personne dont on parle - beaucoup en ce moment a prononcé un discours dont le texte même - ne m'est pas connu, mais dont le fonds roulait sur les inégalités - établies entre le mari et la femme par les articles du Code civil - dont l'officier de l'état-civil venait de donner lecture quelques - instants auparavant. - - Vous sentez, messieurs et chers collaborateurs, sans que j'y insiste - de nouveau, à quel point de tels faits sont intolérables. - - Que la personne dont j'ai parlé développe ses idées dans des - réunions, qu'elle les communique aux journaux, nous n'avons rien à - dire à cela; qu'elle les transforme en réclamations administratives, - nous ne nous en plaignons pas; qu'elle demande son inscription sur - les listes électorales; qu'elle requière sa radiation du rôle des - contributions; qu'elle postule son admission sur les listes de - recrutement; elle use ou elle usera d'un droit et les inconvénients - sont nuls; les pouvoirs compétents ont statué ou statueront. - - Mais ici le cas est tout différent, il n'y a pas de droit; et, quant - aux inconvénients, ils éclatent d'eux-mêmes: demain, un partisan - d'idées opposées à celles qui ont été exposées à la mairie du dixième - arrondissement prendrait la parole; puis ce serait le tour d'un - autre, et la polémique et les discours des clubs s'établiraient dans - la maison de la loi et la transformeraient en lieu de trouble et - d'agitation, à la grande joie de nos ennemis. - - Toute personne n'a pas le droit de prendre la parole à un mariage - civil. Cela est bon à rappeler. - - Mais la condition essentielle qui constitue la seule garantie - véritable contre les incidents imprévus c'est la présence continue de - l'officier de l'état-civil. - - Il importe que vous soyez là, que vous y soyez jusqu'à la fin, pour - qu'au premier écart qui se produirait, vous déclariez la séance levée - et donniez l'ordre de faire évacuer la salle. - - Veuillez agréer, messieurs et chers collaborateurs, l'expression de - mes sentiments affectueux et dévoués. - - _Le sénateur, préfet de la Seine_, - - F. HÉROLD. - -«La personne avec laquelle M. Hérold polémique dit _Le Temps_ qui -s'occupe de la chose avec une douce gaieté, n'est autre que Mlle -Hubertine Auclert.» - -M. E. Lepelletier écrit dans _Le mot d'Ordre_: - - «Il s'agit on le sait de Mlle Hubertine Auclert, qui, à un mariage - civil au lieu de se borner à féliciter les nouveaux époux au nom - de la commission de la Libre-Pensée du 10e dont elle fait partie, - a paraît-il, parlé des inégalités entre mari et femme et critiqué - le texte du Code civil dont l'officier de l'état-civil venait de - donner lecture.» - -_La Justice_ demande «En quoi importe-t-il qu'il soit fait ou non, à la -suite de la célébration du mariage, des dissertations sur le rôle de la -femme dans la société? La loi en est-elle amoindrie? L'institution du -mariage est-elle atteinte par ces pratiques?--Evidemment non.» - -Les libres-penseurs furieux, que j'aie osé conseiller de transgresser -les dogmes légaux, déclarèrent qu'à l'avenir les hommes seuls seraient -les officiants de la religion laïque; néanmoins, les mairies leur -furent momentanément fermées. Ce ne fut que deux ans après cet -incident, qu'ils purent de nouveau discourir dans les salles des -mariages. J'écrivis alors au préfet de la Seine, M. Floquet la lettre -suivante: - - Paris, 4 septembre, 1882. - - Monsieur le Préfet, - - «J'apprends par les journaux qu'un libre-penseur a harangué des - nouveaux mariés dans une mairie de Paris, et je m'empresse de vous - remercier d'avoir levé l'interdit de M. Hérold, interdit motivé par - une allocution que j'avais faite en semblable occasion. - - «Je ne doute pas que la liberté d'adresser dans les mairies quelques - mots aux nouveaux mariés, liberté dont je serai heureuse d'user, - est octroyée aux femmes comme aux hommes, aux _féministes_, comme - aux libres-penseurs; car, il serait incompréhensible que les - libres-penseurs puissent aller à la mairie critiquer l'église sur - l'esprit de laquelle reposent les lois matrimoniales, alors que les - _féministes_ ne pourraient aller à cette même mairie critiquer les - lois matrimoniales qui sont basées sur l'esprit de l'église. - - Vous ne ferez pas de distinction, monsieur, entre ceux qui attaquent - l'effet et ceux qui attaquent la cause du moment qu'un partisan de la - libre-pensée a pu parler, les partisans du _Féminisme_ ont le droit - de parler. - - Veuillez agréer, monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération - très distinguée. - - «HUBERTINE AUCLERT» - - Directrice de «_La Citoyenne_.» - -En son numéro du 5 septembre 1882, _Le Temps_ en parlant de ma lettre -au préfet souligne le mot _Féministes_: «Mlle Hubertine Auclert a, -dit-il, réclamé au profit des femmes, ou plutôt, le mot est joli, des -_féministes_, un droit égal à celui que s'arrogent les libres-penseurs. -Pourquoi, en effet, les _féministes_, ne profiteraient-ils pas de ces -occasions-là pour prêcher leurs dogmes particuliers?» - -Les expressions: _Féminisme_, _Féministes_, ont été dès lors employées. - - - - -LES FEMMES ONT VOTÉ EN FRANCE - - -Le sexe féminin qui est aujourd'hui annulé dans la commune et dans -l'Etat, intervenait parfois jadis dans les affaires publiques. - -Tacite nous apprend, que les femmes Gauloises étaient appelées dans -toutes les assemblées délibérantes où les plus graves questions étaient -traitées et où elles discutaient et votaient. - -Les historiens, parlent de la sagesse du Sénat des femmes Gauloises. - -Plutarque nous dit, que les femmes Lyguriennes furent investies -d'une autorité politique supérieure à celle des hommes, à l'occasion -d'interminables querelles qui amenaient les Lyguriens à une guerre -civile. Déjà, les deux partis avaient couru aux armes, ils se -mesuraient des yeux sur le champ de bataille, lorsque les femmes se -précipitant entre eux voulurent connaître le sujet de leur discorde. -Elles le discutèrent et le jugèrent avec tant d'équité et de raison, -qu'une amitié de tous avec tous régna dès lors, non seulement dans -chaque cité, mais dans chaque famille. De là, naquit l'usage d'appeler -les femmes aux délibérations sur la paix et la guerre. - - -_Les Gaulois prenaient les femmes pour arbitres de leurs différends._ - -Quand les soldats d'Annibal, venant d'Espagne, voulurent passer les -Alpes pour envahir l'Italie, les Gaulois, qui se demandaient si ils -laisseraient le général Carthaginois traverser leur pays, prirent les -femmes pour arbitres et les chargèrent de régler les difficultés qui -pourraient surgir. Il fut stipulé dans le traité passé entre Annibal et -les Gaulois: «Que si les Carthaginois avaient à se plaindre de leurs -hôtes, ils exposeraient leurs griefs au tribunal des dames Gauloises -lesquelles en seraient juges.» (Fauchet) - -Annibal reconnut cette autorité féminine si nouvelle pour un -Carthaginois. Quelques femmes siégeant au bord du Tet, prononcèrent -en dernier ressort sur la demande et les plaintes de celui qui allait -ébranler Rome. Il n'eut, paraît-il, jamais qu'à se féliciter des arrêts -du tribunal féminin. - -Les Celtes ou Germains délibéraient aussi avec leurs femmes sur la paix -et la guerre; c'était avec les femmes--auxquelles ils attribuaient -une divination sacrée et prophétique--qu'ils éclaircissaient tous les -différends qui s'élevaient entre eux. - -Sous le règne de Cécrops, premier roi d'Athènes, les femmes avaient -voix dans les délibérations publiques. - -Dès les temps les plus reculés les femmes des populations de races -diverses habitant le territoire des Gaules étaient considérées et -jouaient un grand rôle. - -On attribuait aux Gauloises des lumières surnaturelles, l'art de la -divination. Les Druidesses Gauloises étaient célèbres: Velléda passait -pour une divinité 71 ans après J.-C. - -Mais la Gaule est envahie par les Francs, les Wisigoths; et le -vainqueur substitue aux lois et mœurs Gauloises, les siennes. - - - - -LA LOI SALIQUE - - -Les Francs-Saliens en leur législation barbare rédigée en latin -et publiée sous Clovis, Dagobert, Charlemagne, déclarèrent que la -propriété allodiale (héréditaire) ou terre salique, ne pouvait être -dévolue aux femmes, et que, par conséquent, celles-ci étaient inhabiles -à succéder au trône de France. - -Les Etats-Généraux de 1317 interprétèrent cette disposition des -anciennes coutumes des Francs-Saliens, dite _loi salique_, au détriment -de Jeanne fille de Louis X, en faveur de Philippe V. Et depuis, -fussent-elles reconnues supérieures aux fils de France, toutes les -filles de France furent exclues de la royauté. - -Pourtant, si les femmes ne pouvaient régner elles gouvernaient parfois, -en qualité de régentes, le royaume. - -Richilde, femme de Charles-le-Chauve, eut à la mort de son mari la -régence de l'empire (870). Elle prit place dans l'assemblée des évêques -et présida même un concile. - -Louis VI traitait sa femme Adélaïde en associée. Il voulait que son nom -figure avec le sien dans la rédaction des chartes et de tous les actes -publics (1120). - -Jeanne de Navarre, épouse de Philippe IV, gouverna fort bien la -Champagne et la Navarre qui lui appartenaient. Douée d'une intelligence -supérieure et d'une rare énergie, elle empêcha le comte de Bar -d'envahir la Champagne, le battit et le ramena prisonnier à Paris -(1297). - -Jeanne de Bourgogne femme de Philippe de Valois était associée aux -actes les plus importants de l'Etat. Son mari l'autorisait à tout -signer (1328). - -Anne de Beaujeu, fille aînée de Louis XI fut régente du royaume pendant -six ans, en raison de la minorité de son frère Charles VIII. Elle -prouva tellement qu'elle était une politique consommée, que la régence -et le pouvoir lui furent maintenus par les Etats de Tours (1484) à -l'exclusion du duc d'Orléans. - -Anne de Bretagne, qui épousa successivement Charles VIII et Louis XII, -prenait aux affaires publiques la part la plus active, elle recevait -les ambassadeurs et les princes dans de véritables cours plénières. - -Catherine de Médicis gouverna le royaume pendant les règnes de -François II, Charles IX et Henri III. - -Marie de Médicis fut régente. Anne d'Autriche fut régente. - -Les impératrices Marie-Louise et Eugénie de Montijo furent régentes. - - - - -LES PRÉROGATIVES DES FEMMES EN L'ANCIENNE FRANCE - - -La féodalité fit des femmes juges. On a conservé des arrêts rendus -par des femmes juges au XIIIe et XIVe siècle qui valent ceux de nos -meilleurs magistrats. - -Louis VII dit (le jeune) maintint dans ses droits contestés de -justicière, Ermengarde, vicomtesse de Narbonne. - -Au Moyen Age on vit des religieuses, comme dans l'ordre de Fontevrault, -avoir sous leur gouvernement des communautés d'hommes. - -Mais, de nos jours, ne voit-on pas des sœurs franc-maçonnes diriger en -qualité de vénérables des loges où siègent beaucoup plus d'hommes que -de femmes? - -Les abbesses de Remiremont et leurs doyennes jugeaient dans les -domaines de l'abbaye. - -La féodalité fit des femmes pairesses. La comtesse de Flandres siégea -en qualité de pairesse dans les conseils du roi Louis IX, quand se -discuta la possession du comté de Clermont. - -Au Moyen Age, les femmes nobles veuves ou célibataires qui possédaient -des fiefs, étaient dans l'étendue de ces fiefs investies du droit de -lever des troupes, de rendre la justice, de battre monnaie, d'imposer -des taxes, d'octroyer des chartes. - -Les clercs, révoltés de voir les détentrices de fiefs faire fonction -d'hommes, voulurent que leurs prérogatives leur fussent enlevées. Un -synode de Nantes contemporain des premières origines féodales injuria -à ce propos les femmes. Les peu galants ecclésiastiques assemblés -appelèrent les femmes «femmelettes». - -En l'ancienne France, ce n'était point seulement les femmes de qualité -qui participaient à la politique: les simples «vilaines» eurent dès -l'émancipation des communes le droit d'opiner dans leurs villes et -villages. - -Depuis les temps les plus anciens, dit Elisée Reclus, les habitants de -Besançon avaient le titre et le rang de citoyen et de citoyenne. Les -femmes dans les actes publics étaient qualifiées citoyennes. - -Dès 1182, la _loy de Beaumont_ ordonna aux veuves, aux filles ayant -leur ménage et aux femmes mariées en l'absence de leurs maris, de -prendre part aux délibérations et aux votes, non seulement lorsqu'il -s'agissait d'affaires administratives; mais même quand il fallait -décider des questions politiques et sociales. - -On retrouve dans les archives des Communes qui vivaient sous la _loy de -Beaumont_, les procès-verbaux des séances où les veuves, les filles et -les femmes, délibéraient avec les hommes. - -Dans une Commune des environs de Montpellier, à Cournontéral, le 8 août -1334, l'établissement du Consulat fut mis aux voix et sur 175 votants -pour cet établissement, on trouve 37 noms de femmes. - -Le suffrage était dans cette commune, réellement universel et de plus -obligatoire: Qui n'allait pas voter, payait une amende de _cinq sols_. - -La loy de Beaumont qui confiait aux femmes comme aux hommes, -l'administration municipale, fut en vigueur dans des milliers de -communes jusqu'à la révolution. - -Jusqu'à la révolution, les dames nobles veuves ou célibataires qui -possédaient des fiefs, et les communautés de femmes participèrent à -l'élection des députés. - -«Il arriva donc, dit M. A. Aulard, que des députés de la noblesse et -du clergé aux Etats-Généraux de 1789 durent leur élection à des voix -féminines[2].» - - [2] A. AULARD, _Le Féminisme pendant la Révolution Française_ (Revue - Bleue). - - -_Les Premiers Etats-Généraux._ - -Quand Philippe IV dit le Bel, fut excommunié par Boniface VIII, il -voulut faire prendre à la nation tout entière, parti pour lui contre -le pape; et convoqua les représentants du clergé, de la noblesse, du -Tiers-Etat, le 10 avril 1302 dans la cathédrale de Notre-Dame de -Paris. Ce furent les premiers Etats-Généraux. Les dames nobles détenant -des fiefs et les communautés de femmes étaient là représentées par les -nobles et les ecclésiastiques qu'elles avaient contribué à faire élire. - -Les femmes pouvaient être représentantes aux Etats Provinciaux: Anne -de Bretagne tint en personne les Etats de Bretagne où Mme de Sévigné -siégea. - -En 1576 trente-deux veuves siégeaient aux Etats de Franche-Comté. - -En ce temps-là, en imposant des taxes, en donnant des chartes, les -femmes sauvegardaient les places fortes, gouvernaient les villes: -Françoise de Cezelly, en l'absence de M. de la Barre son mari, -gouverneur de Leucate, défendit en 1589 si admirablement cette place -forte, que quand M. de la Barre fait prisonnier par les Espagnols eut -été étranglé dans sa prison, Henri IV garda Françoise de Cezelly comme -gouverneur de la ville qu'elle avait conservée à la France. - -Les femmes qui participaient aux affaires publiques se montraient -libérales: Aliénor d'Aquitaine donnait aux Aquitains la liberté du -commerce. - -Le bon sens des privilégiées qui n'étaient pas exclues du droit, -faisait prévaloir le courant d'opinions favorables au relèvement du -sexe féminin, sur la traditionnelle tendance à son abaissement; et, -incitait des écrivains à protester contre le préjugé assignant aux -femmes une activité sociale inférieure à celle de l'homme. - -Parmi ces précurseurs du féminisme, Poulain de la Barre s'est fait -remarquer. En son livre de _L'Egalité des Sexes_ publié en 1673, il -réclame avec énergie pour les femmes, l'égalité complète des droits -politiques et sociaux avec les hommes. - - «Il est, dit-il, aisé de conclure que si les femmes sont capables - de posséder souverainement, toute l'autorité publique, elles le - sont encore plus de n'en être que les ministres: Que pourrait-on - trouver raisonnablement à redire qu'une femme de bon sens et éclairée - présidât à la tête d'un parlement et de toute autre compagnie?... Il - faut reconnaître que les femmes sont propres à tout.» - - - Au XVIIe et au XVIIIe siècle, des femmes furent ambassadrices: Mme - Delahaye-Vanteley fut envoyée à Venise, Mme de Guébriant à Varsovie. - - * - * * - -En 1789, les femmes du Tiers-Etat adressèrent une pétition au roi pour -demander que les hommes ne puissent exercer les métiers de femmes: tels -que couturière, brodeuse, modiste. - -L'Assemblée Constituante, en avril 1791, par un décret-loi, donna aux -femmes le droit d'héritage, en supprimant les droits d'aînesse et de -masculinité dans le partage des successions. Mais en abolissant les -privilèges féodaux et coutumiers, cette même Assemblée Constituante -enleva à une catégorie de femmes, le droit qu'elle possédait de se -faire représenter aux assemblées politiques. - -A la suprématie nobiliaire, succéda alors la suprématie masculine, les -ex-détentrices de fiefs, de même que les «vilaines» furent exclues de -l'affranchissement général, c'est-à-dire que la majorité de la nation -fut mise hors la loi et hors l'humanité. - -En excluant les femmes des affaires publiques, on causa la faillite de -la révolution; car on faussa son principe égalitaire et on la priva des -agents qui pouvaient faire rapidement triompher ses idées. - -Les Françaises auxquelles on refusait leur part des conquêtes du -mouvement révolutionnaire, avaient en participant à l'effervescence -générale contribué à faire s'établir le conflit entre la nation et la -royauté. Souvent, elles avaient donné le signal de l'action, en sonnant -le tocsin dans les clochers. - -En 1788, à la Journée des Tuiles, on avait vu les Dauphinoises mêlées -aux Dauphinois, lancer en guise de projectiles des tuiles contre les -soldats du roi qui s'opposaient à la convocation des Etats-Provinciaux. - -Ces femmes, avaient les premières compris que Grenoble devait garder -le parlement dans ses murs, sous peine de déchoir et de voir se -restreindre sa prospérité. Aussi, elles s'en étaient constituées les -gardiennes, montant la garde, veillant en armes, autour du château -de Vizille où siégeaient les Etats du Dauphiné qui préparèrent la -révolution. - -Quand on convint d'obtenir de la cour, le retrait des troupes. -Ce fut à une de ces si vaillantes femmes et à un colonel, que fut -confiée la mission d'aller s'entendre, à ce sujet, avec le comte de -Clermont-Tonnerre. On affirmait ainsi, que le maintien du parlement à -Grenoble, était dû au sexe féminin. - - * - * * - -La petite fruitière Reine Audru et la fameuse Théroigne de Méricourt -reçurent, disent les historiens, un sabre d'honneur, en récompense de -la vaillance dont elles avaient fait preuve, à la prise de la Bastille -le 14 juillet 1789. - - - - -REVENDICATION DES FEMMES EN 1789 - - -En voyant proclamer l'égalité des droits entre le seigneur et le -vassal, le noir et le blanc, les femmes réclamèrent l'égalité des -sexes. Elles adressèrent pétitions sur pétitions pour demander -l'abrogation des privilèges masculins, la cessation de l'abus qui -les empêchait de siéger à l'Assemblée Nationale, à l'Assemblée -Constituante, à l'Assemblée Législative. - -Les femmes firent déposer sur le bureau de l'Assemblée Nationale ce -projet de décret: - - L'Assemblée Nationale[3] voulant réformer le plus grand des abus et - réparer les torts d'une injustice de six mille ans décrète ce qui - suit: - - «1º Tous les privilèges du sexe masculin sont entièrement et - irrévocablement abolis dans toute la France». - - «2º Le sexe féminin jouira toujours de la même liberté, des mêmes - avantages, des mêmes droits et des mêmes honneurs que le sexe - masculin.» - - [3] Amédée le Faure, «Le socialisme pendant la révolution». - -Nombreuses furent les femmes qui demandèrent leur part de la liberté et -de l'égalité, que tous proclamaient. Mais, ce fut surtout la brillante -improvisatrice Olympe de Gouges, qui formula avec précision les droits -du sexe féminin, en sa fameuse déclaration des «Droits de la Femme.» - - _Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne_ - - «La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droit. Les - distinctions sexuelles ne peuvent être fondées que sur l'utilité - commune. - - «Le but de toute association politique est la conservation des droits - naturels et imprescriptibles de la femme et de l'homme. Ces droits - sont la liberté, la prospérité, la sûreté et surtout la résistance à - l'oppression. - - «Ce principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la - nation qui n'est que la réunion de la femme et de l'homme. Nul corps, - nul individu, ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. - - «La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient - à autrui. Ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de - bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose. Ces bornes - doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison. - - «La loi doit être l'expression de la volonté générale. Toutes les - citoyennes, comme tous les citoyens doivent concourir personnellement - ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même - pour tous. - - «Toutes les citoyennes et tous les citoyens étant égaux à ses yeux, - doivent être également admissibles à toutes les dignités, places et - emplois publics selon leur capacité et sans autres distinctions que - celles de leurs vertus et de leurs talents. - - «La femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit avoir - également celui de monter à la tribune. - - «La garantie des droits de la femme est pour l'utilité de tous et non - pour l'avantage particulier de celle à qui elle est accordée. - - «La femme concourt ainsi que l'homme à l'impôt public; elle a le - droit, ainsi que lui de demander des comptes à tout agent public de - son administration.» - -Olympe de Gouges mourut sur l'échafaud en 1793 à l'âge de 38 ans. Elle -avait été traduite devant le tribunal révolutionnaire, non point pour -avoir revendiqué le droit des femmes; mais, parce qu'elle avait trop -pris fait et cause pour les partis politiques; s'était alternativement -déclarée royaliste ou révolutionnaire et avait osé attaquer Robespierre. - -La belle Liégeoise, Théroigne de Méricourt, qui le 5 octobre 1789, -avec sa redingote de soie rouge, son chapeau d'amazone et l'épée nue -au côté, séduisit le régiment de Flandres, aida à faire la royauté -prisonnière de la révolution. - -Cette courtisane si populaire qui n'aimait que les hommes austères, -enthousiasmait les révolutionnaires et personnifiait pour les Français, -la liberté. - -Afin de lui enlever son prestige, des ennemis politiques n'hésitèrent -pas en 1793 à relever ses jupes et dit Michelet à la fouetter comme -un enfant, devant la foule lâche qui riait. Cet outrage rendit folle -Théroigne qui mourut à la Salpêtrière en 1817 sans avoir recouvré la -raison. - -Les femmes de la révolution, s'employèrent bien plus à élever encore -l'homme au-dessus d'elles, en soutenant ses plus hardies prétentions, -qu'elles ne se dévouèrent à procurer à leur sexe l'égalité avec le sexe -masculin. - -Des femmes cependant étaient puissantes, elles étaient écoutées -de l'élite masculine qui se pressait dans leurs salons; mais, ni -Germaine Neker (Mme de Staël)--que la politique absorbait et qui -inspira à son père l'idée du suffrage universel. Ni Mme Roland (Manon -Phlipon) qui poussa son mari dans la voie républicaine et fut autant -que lui ministre de l'Intérieur--ne songèrent à tirer leur sexe de -l'asservissement. - -Pourtant, l'heure semblait si favorable, que les étrangères elles-mêmes -luttaient pour l'affranchissement féminin. - -En même temps que la Hollandaise Palm Aëlders envoyait à toutes les -villes de France sa brochure revendiquant le droit des femmes qui -lui fit décerner par la ville de Creil la médaille et le titre de -membre honoraire de la garde nationale; l'Anglaise miss Wolstonecraft -publiait son livre: _La défense des droits de la femme_ où il est dit: -que la femme devient un obstacle au progrès, si elle n'est pas autant -développée que l'homme». - -L'acte originel de la république est dû à Mme Keralio-Robert[4]. Cette -femme de lettres qui avait déjà appelé les femmes à l'action publique; -et, avait été l'inspiratrice du parti républicain fondé par les -sociétés des deux sexes, improvisa sur l'autel de la Patrie au Champ de -Mars le 17 juillet 1791, la pétition républicaine pour ne reconnaître -aucun roi. - - [4] MICHELET. - - * - * * - -Les femmes spoliées de leurs droits, eurent pour défenseurs -Condorcet, Siéyès, l'abbé Fauchet, Saint-Just... Malheureusement, -les protestations de ces hommes de principes furent étouffées par -Mirabeau, Danton, Robespierre qui ne considéraient la femme que comme -un instrument de plaisir charnel. - -Condorcet secrétaire de l'Académie des sciences, demanda publiquement -en 1788 que les femmes participent à l'élection des représentants[5]. - - [5] A. AULARD. - -Cet illustre philosophe qui réclama l'abolition de la royauté, la -proclamation de la république, posa le principe de l'égalité de la -femme et de l'homme qu'il regardait comme la base de la question -sociale. Condorcet fut donc en France un des précurseurs du féminisme; -et, sa statue quai Conti recevra avant longtemps, les périodiques -hommages des femmes reconnaissantes. - -Le 3 juillet 1790, Condorcet publia son fameux article sur l'admission -de la femme au droit de la cité dont voici un passage: - - «Au nom de quel droit, au nom de quel principe écarte-t-on dans un - état républicain les femmes du droit public? Je ne le sais pas. Le - mot représentation nationale signifie représentation de la nation. - Est-ce que les femmes ne font point partie de la nation? - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - «Plus on interroge le bon sens et les principes républicains, moins - on trouve un motif sérieux pour écarter les femmes de la politique. - L'objection capitale elle-même, celle qui se trouve dans toutes les - bouches, l'argument qui consiste à dire qu'ouvrir aux femmes la - carrière politique c'est les arracher à la famille, cet argument n'a - qu'une apparence de solidité; d'abord il ne s'applique pas au peuple - nombreux des femmes qui ne sont pas épouses ou qui ne le sont plus; - puis, s'il était décisif, il faudrait, au même titre, leur interdire - tous les états manuels et tous les états de commerce, car ces états - les arrachent par milliers aux devoirs de la famille.» - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Les droits des hommes résultent uniquement de ce qu'ils sont des - êtres sensibles susceptibles d'acquérir des idées morales et de - raisonner sur ces idées. Les femmes ayant ces mêmes qualités ont - nécessairement des droits égaux. Ou aucun individu de l'espèce - humaine n'a de véritables droits, ou tous ont les mêmes; et celui qui - vote contre le droit d'un autre, quels que soient sa religion, sa - couleur ou son sexe a dès lors abjuré les siens.» - -En plaidant aussi bien pour les femmes ce grand esprit n'espérait -point se les rendre sympathiques, au contraire: - - Je parle de leurs droits à l'égalité disait-il et non de leur empire. - On peut me soupçonner d'une envie secrète de le diminuer, et, depuis - que Rousseau a mérité leurs suffrages, en disant qu'elles n'étaient - faites que pour nous soigner et propres qu'à nous tourmenter, je ne - dois pas espérer qu'elles se déclareront en ma faveur. Mais il est - bon de dire la vérité dût-on s'exposer au ridicule.» - -Les idées de Condorcet furent exprimées dans plusieurs cahiers -de doléances; celui de Rennes notamment, demande d'admettre les -procurateurs des veuves, dont les maris auraient le droit de vote, à -être électeurs et éligibles. Mais, les requêtes de ces précurseurs du -féminisme ne furent pas entendues. - -Quand dans les réunions publiques quelqu'un parlait d'appeler les -femmes à exercer leurs droits; aussitôt, des cris et des hurlements -couvraient la voix de l'orateur et si l'on ne pouvait lui enlever la -parole, la séance était levée. - -La cabale des clubs contre les droits de la femme, fut bientôt -répercutée au sein de l'assemblée législative: La loi du 20 mai 1793 -fit exclure les femmes des tribunes de la Convention, et la loi du 26 -mai 1793 leur défendit d'assister aux assemblées politiques. - -Trois journaux: l'_Orateur du Peuple_, _Le Cercle Social_, _La Bouche -de Fer_, soutenaient le droit des femmes, aidaient les femmes à -organiser des réunions. Labenette dans son journal, _Les Droits de -l'Homme_, demande l'admission des femmes dans les assemblées. «Pendant -que vous vous tuez à délibérer, elles ont, dit-il, déjà saisi toutes -les nuances qui vous échappent.» - -Parmi les clubs de femmes _La Société Fraternelle des Patriotes des -Deux Sexes_, défenseurs de la Constitution dont Mme Roland était -membre, se fit surtout remarquer par ses protestations contre les -décrets de l'Assemblée Constituante. - -_La société des Femmes Républicaines et Révolutionnaires_ que présidait -l'actrice Rose Lacombe et dont faisait partie Mme Colombe imprimeur -de la feuille de Marat, dépassait les hommes en violence, quand il -s'agissait de prendre une détermination[6]. - - [6] LAIRTULLIER, _Les femmes célèbres de la Révolution_. - -Le 28 brumaire 1793, Rose Lacombe accompagnée d'une députation de -femmes révolutionnaires coiffées comme elle de bonnets rouges, força -l'entrée de la séance du conseil général de la commune--à ce moment, -la pétition orale était admise--cependant, en voyant ces femmes, le -procureur général Chaumette s'écria: - - «Je requiers mention civique au procès-verbal, des murmures - qui viennent d'éclater; c'est un hommage aux mœurs, c'est un - affermissement de la République! Et quoi! des êtres dégradés qui - veulent franchir et violer les lois de la nature, entreront dans les - lieux commis à la garde des citoyens et cette sentinelle vigilante ne - ferait pas son devoir! Citoyens, vous faites ici un grand acte de - raison: l'enceinte où délibèrent les magistrats du peuple doit être - interdite à tout individu qui outrage la nation! ... Et depuis quand - est-il permis aux femmes d'abjurer leur sexe, de se faire hommes? - Depuis quand est-il d'usage de voir les femmes abandonner les soins - pieux de leur ménage, le berceau de leurs enfants, pour venir sur la - place publique dans la tribune aux harangues, à la barre du Sénat, - dans les rangs de nos armées, remplir les devoirs que la nature a - répartis à l'homme seul? A qui donc cette mère commune a-t-elle - confié les soins domestiques? Est-ce à nous? Nous a-t-elle donné - des mamelles pour allaiter nos enfants? A-t-elle assez assoupli nos - muscles pour nous rendre propres aux soins de la hutte, de la cabane - ou du ménage? Non, elle a dit à l'homme: Sois homme! les courses, la - chasse, le labourage, les soins politiques, les fatigues de toute - espèce, voilà ton apanage. Elle a dit à la femme: Sois femme! les - soins dus à l'enfance, les détails du ménage, les douces inquiétudes - de la maternité, voilà tes travaux. - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - «Femmes imprudentes qui voulez devenir des hommes! n'êtes-vous pas - assez bien partagées? Que vous faut-il de plus? Vous dominez sur - tous nos sens; le législateur, le magistrat sont à vos pieds. Votre - despotisme est le seul que nos forces ne puissent abattre, puisqu'il - est celui de l'amour... - - «Autant nous vénérons la mère de famille qui met son bonheur à - élever, à soigner ses enfants, à filer les habits de son mari et - alléger ses fatigues par l'accomplissement des devoirs domestiques, - autant nous devons mépriser, conspuer la femme sans vergogne qui - endosse la tunique virile et fait le dégoûtant échange des charmes - que lui, donne la nature contre une pique et un bonnet rouge.--Je - requiers que le conseil ne reçoive plus de députation de femmes.» - -La proposition de Chaumette fut adoptée. - -En même temps que la femme était en la personne de l'actrice Rose -Lacombe, traitée par Chaumette d'être dégradé; la femme était élevée au -rang des dieux, en la personne de Mlle Maillard, actrice de l'Opéra, -qui remplissait le rôle de déesse de la liberté, dans la fête de la -raison célébrée dans l'église de Notre-Dame de Paris. - -Rose Lacombe protesta contre la décision du Conseil général de la -commune; et elle parvint à entraîner beaucoup de femmes à demander -leurs droits. - -Ces femmes étaient souvent battues par les très royalistes dames des -halles. Un jour que les républicaines, vêtues en hommes, reprochaient -aux marchandes de poissons de s'abstenir de porter la cocarde -nationale. Celles-ci les assaillirent et les fouettèrent publiquement. - -Les réunions des républicaines finirent par inquiéter le comité de -sûreté générale, qui chargea un de ses membres de révéler le fait à la -Convention. - -Le Conventionnel Amar monta à la tribune et dit: - - «Je vous dénonce un rassemblement de six mille femmes, soi-disant - jacobines, et d'une prétendue société révolutionnaire... Plusieurs, - sans doute, n'ont été égarées que par un excès de patriotisme; mais - d'autres ne sont que les ennemies de la chose publique et n'ont - pris le masque du patriotisme! que pour exciter une espèce de contre - révolution.» - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - «Les droits politiques du citoyen sont de discerner, de faire prendre - des résolutions relatives aux intérêts de l'Etat et de résister - à l'oppression. Les femmes ont-elles la force morale et physique - qu'exige l'exercice de l'un et de l'autre de ces droits? L'opinion - universelle repousse cette idée... - - Et puis la pudeur des femmes leur permet-elle de se montrer en - public, de lutter avec les hommes et de discuter à la face du peuple - sur des questions d'où dépend le salut de la République? Voulez-vous - que dans la République française on les voie venir au barreau, à - la tribune aux assemblées politiques comme l'homme, abandonnant la - retenue, source des vertus de ce sexe?». - -Il est curieux d'entendre ces révolutionnaires invoquer des lieux -communs et des préjugés surannés, pour maintenir les privilèges de -sexe, après que tous les privilèges de caste ont été abolis. C'est -d'autant plus révoltant, que dans l'épopée révolutionnaire, des femmes -se sont montrées à la hauteur des plus grands hommes et souvent les ont -inspirés et dirigés quand elles n'ont pas agi elles-mêmes. - -Après le discours d'Amar, un seul homme se leva des bancs de la -convention, le député Charlier qui soutint énergiquement que les femmes -avaient le droit de se réunir pour s'occuper des affaires publiques. -«A moins, dit-il, que l'on constate comme dans un ancien concile que -les femmes ne font pas partie du genre humain, on ne saurait leur ôter -ce droit commun à tout être pensant.» - -Mais la cause des femmes était perdue d'avance; la convention resta -sourde aux objurgations de Charlier et décréta que toutes les sociétés -de femmes, quelles que soient leurs dénominations, étaient supprimées -et dissoutes. - -Ceux qui dénient le droit commun aux autres, tiennent suspendue -au-dessus de leur tête la menace d'être à leur tour exclus du droit -commun. Les hommes, qui supprimèrent les clubs de femmes, eurent tous -leurs clubs fermés par Bonaparte. - -Les femmes qui voulaient que la révolution s'accomplisse au profit des -deux sexes, faisaient preuve de bien plus de sens pratique que les -Jacobins, qui en leur fermant les portes de la révolution, rejetèrent -les femmes dans la réaction. - -Cependant, la liberté eut encore des militantes: En 1799, sous le -Consulat, des femmes qui s'honorent du titre de «citoyenne» refusent -d'être appelées de nouveau «madame» et font acte d'indépendance -en s'assemblant rue de Thionville pour discourir sur leurs droits -méconnus[7]. - - [7] Gilbert STENGER, _La Société Française pendant le Consulat_. - - - - -APRÈS LA RÉVOLUTION - - -Les femmes, qui en donnant dans les salons l'essor aux idées -philosophiques avaient préparé la révolution et tant aidé à la faire, -furent indignées en se voyant exclues du droit commun et condamnées par -les révolutionnaires autocrates à rester dans la société nouvelle des -parias. - -Puisqu'il n'y avait pas de justice pour elles, il ne devait y en -avoir pour personne!... Et ces dupes de la révolution, ne songèrent -plus qu'à devenir des femmes de plaisir ayant pour unique souci de -paraître belles; à leur dissolvant contact, les hommes se déprimèrent, -rentrèrent vite sous le joug en se donnant pour maître Bonaparte. - -Napoléon sanctionna la servitude féminine que la révolution avait -conservée. Lors de la promulgation du Code, les femmes ne furent -comprises dans la législation nouvelle, sous le titre générique de -français, que dans les chapitres ayant trait à la compression, aux -charges; pour tout ce qui avait trait au droit et à la liberté, le mot -français ne s'appliquait pas à elles. - -Bonaparte, avait pour idéal la polygamie et déclarait que la femme -puisqu'elle donne des enfants, est la propriété de l'homme comme -l'arbre à fruit est celle du jardinier. «Il y a, disait-il, une chose -qui n'est pas française, c'est qu'une femme puisse faire ce qui lui -plaît.» - -Les femmes, cependant, manifestaient un fol enthousiasme pour le tyran. -A son retour après ses victoires, toutes voulaient le contempler et -jeter des fleurs sous ses pas. - -Mme de Staël (Germaine Neker) elle-même avait été son admiratrice -avant de devenir l'ennemie qu'il exila, en même temps qu'il condamna -au séjour forcé de Lyon, les duchesses de Chevreuse et de Luynes qui -avaient refusé de faire partie du cortège de l'impératrice. - -Napoléon si hostile à l'égalité de l'homme et de la femme, autorisa -pourtant la publication d'un journal féministe qui parut en 1808 sous -ce titre: l'_Athené des Dames_, il était exclusivement rédigé par des -femmes et avait pour directrice: Mme Sophie Senneterre de Renneville. - -Après la restauration, les femmes publièrent un manifeste, formulèrent -un plan d'émancipation où elles revendiquaient les droits politiques. - -Les Saint-Simoniens firent espérer qu'ils allaient aider à -l'affranchissement féminin; mais, en exaltant l'amour libre, en -faisant découler l'égalité des sexes de la liberté de l'amour, ils -prouvèrent que ce n'était que la liberté illimitée de l'égoïsme et de -l'immoralité de l'homme, qu'ils réclamaient. - -Le sociologue Fourier, avait lui, très nettement posé le principe de -l'égalité de l'homme et de la femme, en faisant dépendre les progrès -sociaux du progrès des femmes vers la liberté. - - Dans la «théorie des quatre mouvements», il explique que «si les - philosophes de la Grèce et de Rome dédaignaient les intérêts - des femmes et croyaient se déshonorer en les fréquentant, c'est - que depuis le vertueux Socrate jusqu'au délicat Anacréon, ils - n'affichaient que l'amour sodomite et le mépris des femmes». - - Ces goûts bizarres n'ayant pas pris chez les modernes, Fourier ajoute - qu'il y a lieu de s'étonner que nos philosophes aient hérité de la - haine que nos anciens savants portaient aux femmes et qu'ils aient - continué à ravaler le sexe féminin, alors que les femmes se montrent - supérieures aux hommes, quand elles peuvent déployer leurs moyens - naturels». - -Pendant que les derniers Saint-Simoniens annonçaient le règne de la -femme, chantaient le compagnonnage de la femme, Mmes Laure Bernard et -Fouqueau de Pussy écrivaient dans _Le Journal des Femmes_ des articles -offensants pour les Saint-Simoniens. - -Mme Poutret de Mauchamps fondatrice de la _Gazette des Femmes_ -(1836-1839) réclama l'électorat pour les femmes qui payaient 200 -francs d'impôts; et, elle pria Louis-Philippe de se déclarer roi des -Françaises comme il se déclarait roi des Français. - -En 1846, M. Emile Deschanel proposa que les veuves et les filles -majeures, inscrites sur les rôles des contributions comme propriétaires -foncières, fussent électrices. On était à ce moment-là, sous le régime -censitaire, pour pouvoir voter, il fallait payer 200 francs d'impôts. -M. Emile Deschanel ne faisait donc que revendiquer le droit commun pour -les femmes, lorsqu'il proposait de faire les propriétaires électeurs. - - - - -LES SUFFRAGISTES EN 1848 - - -Quand en 1848 l'électorat fut accordé à tous les hommes, aux pauvres -comme aux riches, aux ignorants comme aux instruits; les femmes -demandèrent à être englobées dans le suffrage universel. - -Victor Considérant fut le seul des neuf cents membres de l'Assemblée -Constituante qui soutint leurs prétentions, en proposant d'admettre les -femmes à exercer leurs droits politiques. - -Pierre Leroux présenta un amendement en faveur de l'électorat municipal -des femmes. - -Le pasteur Athanase Coquerel réclama lui, la loi d'exclusion, -retranchant de la politique le sexe féminin. - -La République avait été proclamée le 24 février, un mois après, le -23 mars, quatre déléguées des «Droits de la Femme» se présentèrent -à l'Hôtel-de-Ville pour solliciter: la liberté de participer au -gouvernement du pays. L'universalisation du suffrage. L'égalité de la -femme et de l'homme devant la loi. - -Ce fut Marrast membre du gouvernement provisoire, qui reçut cette -délégation féministe; il répondit à sa requête en encourageant ses -espérances. - -Mme Alix Bourgeois professeur d'histoire naturelle et beaucoup d'autres -dames, demandèrent individuellement au gouvernement, le droit électoral -pour le sexe féminin. - -A ce moment l'influence féminine était grande: George Sand rédigeait -avec Jules Favre le Bulletin de la République; et, il y avait dans la -masse populaire un tel sens de l'égalité, que quant à la prière d'une -revendicatrice, Cabet[8] posait dans un club qu'il présidait cette -question:--La femme est-elle l'égale de l'homme devant le droit social -et politique? - - [8] Jeanne DEROIN, _Almanach des Femmes_. - -Le communiste Cabet était déconcerté (_sic_) de voir presque toutes les -mains se lever pour l'affirmative. - -Proud'hon disait: «La République tombe en quenouille.» - -Pauline Roland, que Victor Hugo a qualifiée l'apôtre; Jeanne Deroin, -Anaïs Ségalas, Henriette Wild créèrent successivement trois journaux. -_La Politique des Femmes._ _La République des Femmes._ _L'opinion -des Femmes._ Les rédactrices de ces journaux s'entendirent avec Mmes -Eugénie Niboyet, E. Foa, Louise Collet, Adèle Esquiros qui avaient -fondé _La Voix des Femmes_, pour offrir à George Sand de porter sa -candidature. - -La grande romancière, répondit dans _La Réforme_: qu'elle ne -partageait point les idées des revendicatrices et ne connaissait pas -les dames qui formaient des clubs et rédigeaient des journaux.» - -Les femmes arrivées croient qu'elles n'appartiennent plus au sexe -féminin. - -Après George Sand refusant d'aider à l'affranchissement politique des -Françaises, on a vu Clémence Royer, la commentatrice de L'origine des -Espèces de Darwin, ne point vouloir que les droits politiques soient -conférés aux femmes et disant à M. Adolphe Brisson, rédacteur au -journal _Le Temps_: «Du jour où les femmes voteront nous sommes perdus.» - - * - * * - -Les dames obtenant difficilement la parole dans les clubs d'hommes -créèrent des clubs féminins. Le plus renommé, fut le Club des -Femmes, ouvert le 11 mai 1848 à la salle de spectacle du boulevard -Bonne-Nouvelle. La foule rendit les séances tumultueuses. Les femmes ne -purent bientôt plus parler dans ce club transformé en ménagerie où les -hommes aboyaient, miaulaient, beuglaient. - -Eugénie Niboyet qui présidait, dit dans _Le Vrai Livre des Femmes_: -«Une heure de pilori m'eût paru moins douloureuse que cinq minutes de -cette violente lutte. Toutes les clubistes qui avaient promis de me -seconder disparurent comme les feuilles sous le vent et laissèrent -peser sur moi la responsabilité de notre tentative.» - -Jeanne Deroin avait posé sa candidature à l'Assemblée Constituante pour -consacrer le principe de l'égalité politique des deux sexes; mais, elle -ne put parvenir à la faire admettre, partout les bureaux la rejetèrent -comme étant inconstitutionnelle. - -Les Françaises eurent de suite la preuve, que leur exclusion électorale -faisait d'elles des parias dans la société. Aussitôt, en effet, -après l'instauration de la République, les membres du gouvernement -provisoire avaient créé des ateliers nationaux pour les ouvriers en -chômage--électeurs--mais point pour les ouvrières en chômage non -électrices. - -Ces demi-réformateurs furent donc un peu gênés, quand de pauvres -ouvrières en chômage vinrent à l'Hôtel-de-Ville demander si elles -étaient comprises dans la proclamation du droit au travail; et, où -était l'atelier national des femmes? - -L'atelier national des femmes?... Mais... Il n'existait pas!... Les -femmes ne comptaient point en France puisqu'elles ne votaient pas! - - - - -JEAN MACÉ FÉMINISTE SUFFRAGISTE - - -Jean Macé[9] écrivait en 1850: - - «Du temps des 200 francs on avait fabriqué contre le suffrage du - pauvre toutes sortes de raisonnements qui resteraient sans emploi, - si cette question du droit électoral de la femme soulevée à son - tour par les esprits logiques, n'était venue à point pour les - remettre de service. - - [9] _L'Opinion des Femmes._ - - «Indifférence, ignorance, dépendance, inaptitude, ce qui - s'objectait hier, à propos du pauvre, s'objecte aujourd'hui à - propos de la femme. - - «Droit égal, intérêt égal. - - «Comment faire pour laisser la femme en dehors de la cité, quand on - a déclaré qu'on en ouvrait les portes à deux battants? Quand on a - écrit dans la loi que l'infamie seule ferait exception et que toute - âme humaine apportait au monde en naissant son droit de compter - pour un, dans les délibérations de la société? - - «Dénier l'égalité des droits à deux êtres égaux, en fait, en vérité - c'est se faire rire au nez, si l'on voulait se donner la peine - d'y réfléchir cinq minutes; et quand on pense que cette femme - soi-disant inférieure de nature à l'homme, condamnée comme telle - à l'infériorité de fonctions et de rôle social, quand on pense - qu'elle peut, sans qu'on souffle mot, donner sa cuisine à faire et - sa chambre à balayer, à tel domestique mâle si barbu qu'il soit - et que c'est une question de 400 francs par an avec les étrennes, - on se prend à douter de la raison humaine qui se permet une telle - débauche d'inconséquence. - - «Croyez-moi, ne parlez plus de votre loi de nature, ni du grand - principe de l'infériorité de la femme, non plus que de sa - destination culinaire, vous mettez le pied sur tout cela à chaque - pas, et la femme qui dans cette société est inférieure à l'homme, - est celle-là qui n'est pas assez riche pour être sa supérieure. - - «Expliquez-moi, comment vous permettez à l'homme qui fait la - cuisine que la femme devait faire, de laisser là à un jour donné sa - marmite et ses légumes pour aller voter avec vous. Si les détails - d'intérieur sont si absorbants qu'ils ne laissent place pour aucune - autre idée, pourquoi celui-là vote-t-il? S'ils ne le sont pas, - pourquoi celle-là ne vote-t-elle pas?» - - - - -LES FEMMES QUI AGISSENT ET QUI ÉCRIVENT - - -Bien que annihilées en politique, Jeanne Deroin, Pauline Roland et -d'autres militantes impliquées dans une affaire politique. «L'Union -des Associations» furent sans bénéfice pour notre cause, emprisonnées -expulsées, exilées. - -Plus tard, ont été déportées pour avoir participé à la Commune, ces -autres exclues de la politique: la révolutionnaire point suffragiste, -Louise Michel et ses sœurs insurgées. - -Lorsqu'on offrit à Louise Michel qui recommandait les candidatures de -morts, de poser sa candidature, elle répondit: - ---«Le progrès ajournant la révolution, le bulletin de vote n'est pas -mon arme». - - * - * * - -Après les femmes qui agissent, voici des femmes qui écrivent: -Juliette Lamber (Mme Adam) dans son livre sous ce titre: «_Idées -Anti Proud'honiennes_ sur l'amour, la femme, le mariage, réfuta -intelligemment Proud'hon. - -Mme Jenny d'Héricourt, pour combattre Michelet, Proud'hon, Auguste -Comte, E. de Girardin fit paraître en 1860 _La Femme Affranchie_. - -Vers la même époque Julie Daubié publia _La Femme Pauvre au XIXe -siècle_. - -Mme Olympe Audouard avec son journal _Le Papillon_. - -Mme André Léo avec ses romans en vogue, Mme M. L. Gagneur avec ses -livres, Mmes Angélique Arnaud, et Caroline de Barreau avec leurs -articles de journaux firent discuter la question des femmes, sur -laquelle l'homme d'Etat Stuart Mill, attira l'attention mondiale en -publiant: _L'assujettissement des Femmes_ et en déposant, dès 1866 à la -Chambre des Communes, des pétitions couvertes de signatures de femmes -demandant le suffrage. - - * - * * - -Un comité fut créé en 1866 pour s'occuper de refondre les Codes -napoléoniens et poser les bases d'une législation civile rationnelle. -Les réunions de ce comité se tenaient chez M. Jules Favre; elles -étaient composées de MM. Emile Acollas, Jules Favre, Jules Simon, Ch. -Vacherot, Frédéric Morin, Joseph Garnier, Courcelles-Seneuil, Ch. -Lemonnier, André Cochut, Hérold, Clamagéran, Paul Jozon, Jules Ferry, -Floquet, Paul Boiteau, Henri Brisson, Dr Clavel. - -Ce comité qui s'occupa de réformer le mariage, ne maintint dans le -chapitre VI que l'article 212. Les époux se doivent mutuellement -fidélité, secours, assistance. - -Le distingué jurisconsulte Emile Acollas, dont en 1878 et 1879 je -suivis le cours de droit, était l'avocat du sexe féminin dans le comité -pour la refonte des Codes. - - -_De 1868 à 1908._ - -En 1869 la société de _La Revendication des Droits de la Femme_ fut -fondée par Mlle Caroline Demars, M. et Mme Leval, M. Antide Martin, -Mme André Léo, M. Colfavru, M. et Mme Verdure, Mlle Toussaint, M. et -Mme Elie Reclus, M. Ernest Hendlé, M. G. Francolin, Mlle Marie David, -dans le but d'instituer des écoles de filles destinées à hâter la -reconnaissance légale des droits de la femme. - -Mais déjà Maria Deraismes et Léon Richer avaient entrepris une -campagne en faveur du sexe féminin. Ils ne réclamaient pas comme leurs -devanciers le droit intégral pour la femme, ils demandaient seulement -les droits civils disant, qu'afin de ne point effrayer il fallait bien -se garder de revendiquer les droits politiques qui ne pouvaient être -que le couronnement de l'affranchissement des femmes. - -Maria Deraismes qui a donné son nom à une rue de Paris et dont la -statue est place des Epinettes, fut une oratrice aussi éloquente -qu'érudite et spirituelle. Cette femme politique, qui ne parlait point -d'introduire son sexe dans la politique, n'était cependant pas toujours -satisfaite des législateurs mâles, puisqu'elle fit souvent blackbouler -les députés qu'elle avait fait élire. Maria Deraismes mourut en 1894 à -l'âge de 66 ans. - -Léon Richer, qui fut surnommé «L'homme des Femmes» avait abandonné les -professions de clerc de notaire et d'employé de chemins de fer, pour se -dévouer à faire rendre justice aux femmes opprimées. - -En 1869, il créa avec les sœurs Deraismes la société pour -«L'Amélioration du sort de la Femme et la revendication de ses Droits». - -En 1882, il fonda «La Ligue Française pour le Droit des Femmes» qui fut -présidée par Mme Maria Pognon de 1891 à 1903. - -Léon Richer, avec le concours financier de M. Arlès Dufour, fit -paraître, en 1869, le journal _Le Droit des Femmes_ qui après la guerre -devint la revue l'_Avenir des Femmes_ et plus tard reprit son premier -titre. Il organisa des banquets sensationnels. C'est à l'occasion d'un -de ces banquets que Victor Hugo écrivit en 1872: - - «Dans notre législation, la femme est sans droits politiques; - elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n'est pas. Il y a des - citoyens, il n'y a pas de citoyennes. C'est là un état violent: il - faut qu'il cesse.» - -En citant notre grand poète, la Presse a éveillé chez les spoliées -l'idée du droit et, un an après, je ne fus pas la seule conscrite, qui -vint de cent lieues s'enrôler dans l'armée féministe, où nous rejoignit -vers 1878 Eugénie Pierre. - -Léon Richer, défenseur des droits civils de la femme, ne souffrit point -que son programme s'élargît: Or, il y avait parmi ses disciples des -impatients qui entendaient réclamer de suite les droits politiques des -femmes; cela fit se produire une scission, dont d'ailleurs le parti -tira avantage. - -La société _Le Droit des Femmes_, dont les énergiques manifestations -firent tant de bruit, fut créée. _La Citoyenne_ parut et l'avant-garde -d'irréductibles entraîna, poussa en avant, les effrayés d'entendre -proposer de donner à la femme avec l'électorat et l'éligibilité le -pouvoir de se faire libre. - - * - * * - -En 1871, Mlle Julie Daubié fonda «L'association pour l'Emancipation de -la Femme» où était demandé le Suffrage des Femmes remis entre les mains -des veuves et des filles majeures. - -Julie Daubié fut en France la première bachelière[10]. Elle passa ses -examens devant la faculté des lettres de Lyon en 1862 à l'âge de 40 -ans, fut reçue avec grands éloges. - - [10] H. Wild, Jeanne Deroin et Julie Daubié. - -Après s'être difficilement fait admettre à passer son baccalauréat, -elle eut à soutenir une véritable lutte avec le ministre de -l'instruction publique pour obtenir son diplôme qui ne lui fut délivré -que grâce à l'intervention de M. Arlès Dufour. - -Elle fut reçue licenciée-ès-lettres en 1871, elle se préparait à -devenir docteur, quand en 1874 la mort la terrassa. - -Au 1er Congrès international des Droits de la Femme qui fut organisé en -1878 par Léon Richer et Maria Deraismes, il était défendu de parler des -droits politiques de la femme. - -Voici un passage du discours jugé subversif que je fis paraître sous ce -titre: - -«Le Droit Politique des Femmes, question interdite au Congrès des -Femmes de 1878.» - - «La collectivité des hommes et des femmes a les mêmes intérêts - sociaux et politiques. Pourquoi l'homme s'est-il arrogé à lui seul - le privilège de faire les lois? Se croit-il un roi infaillible? Vous - riez beaucoup, messieurs les libres-penseurs, vous riez beaucoup du - pape infaillible; mais dans la vie présente, vous tous, vous êtes des - papes infaillibles. Vous nous obligez, nous, la moitié de l'humanité, - et cela, sous peine de condamnation, à nous soumettre sans examen, - sans discussion, aux lois que vous nous faites.» - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - «Trouvez-vous juste, messieurs, que les femmes subissent les lois - sans les faire; qu'elles soient mineures devant les droits, majeures - devant les lois répressives; qu'elles n'aient pas le droit de - s'occuper de politique, et que, pour un écrit politique, elles - soient condamnées à la prison et à l'amende; qu'elles n'aient pas le - droit de cité et qu'elles soient admises à monter sur l'échafaud, - comme cette femme ministre, Mme Roland; qu'elles n'aient pas le - droit d'opter pour une forme de gouvernement et qu'elles aient celui - d'aller agoniser à Lambessa, comme cette mère de famille, Pauline - Roland. Trouvez-vous juste, messieurs, que les femmes n'aient pas le - droit d'affirmer leur opinion par un vote, quand, pour avoir prêché - les principes républicains, beaucoup ont été emprisonnées, exilées, - déportées? - -La société Le Droit des Femmes, fondée en 1876, ne voulut s'inféoder -à aucun système. En protestant contre les lois existantes faites -sans les femmes contre les femmes, elle a toujours rejeté l'idée -d'institutions futures élaborées sans le concours des femmes, parce que -ces institutions seraient encore faites contre elles. - -En 1879 eut lieu à Marseille, le congrès socialiste ouvrier qui vota -l'égalité de l'homme et de la femme, et ainsi fit inscrire dans le -programme du parti des travailleurs socialistes de France, art, 5. -«Egalité civile et politique de la femme». - -Voici un extrait du discours prononcé par moi à ce Congrès où la -société «Le Droit des Femmes» m'avait déléguée. - - «On trouve bon de faire des recherches scientifiques sur tout. On - multiplie les expériences tendant à tirer des bêtes tout l'utile, des - plantes tout le salutaire. Mais jamais encore on n'a songé à mettre - la femme dans une situation identique à celle de l'homme, de façon - à ce qu'elle puisse se mesurer avec lui et prouver l'équivalence de - ses facultés. On dépense en France des sommes folles pour obtenir - certaines qualités, souvent factices, chez des races d'animaux, et - jamais on n'a essayé d'expérimenter avec impartialité la valeur de - la femme et de l'homme. Jamais on n'a essayé de prendre un nombre - déterminé d'enfants des deux sexes, de les soumettre à la même - méthode d'éducation, aux mêmes conditions d'existence. - - - «Qu'on permette aux femmes d'exercer les droits dont jouissent - les hommes et qu'on enserre les hommes dans les préjugés à l'aide - desquels on a garrotté les femmes; bientôt les rapports entre la - valeur des sexes seront totalement renversés.» - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - «Pour édifier la société future de manière à ce que les femmes n'y - soient pas lésées, il leur faut le droit de travailler à l'édifier; - il leur faut l'outil qui se trouve au pouvoir de l'homme: le bulletin - de vote.......» - -La société «Le Droit des Femmes» toujours agissante, fit des -manifestes, des conférences, des pétitions, des manifestations. A la -première fête nationale, sa bannière bleue voilée de crêpe provoqua des -applaudissements et des critiques. - -Alors que les féministes de ce temps-là interrogeaient le vent; étaient -paralysés par la crainte du ridicule, restaient chez eux ironiques et -bras croisés; nous déployions sous les injures et les outrages, ce -drapeau programme du féminisme, _La Citoyenne_! - -Notre petit bataillon d'intrépides rénovateurs, devait à la fois -riposter à Léon Richer qui criait que «nous ne pouvions étant -si jeunes, voir juste, penser bien» et au _Figaro_, qui très -courtoisement, nous demandait: si après les femmes, les bœufs -voteraient? - -En 1883 la société «Le Droit des Femmes», prit le titre de société _Le -suffrage des Femmes_. - -«Le suffrage des Femmes», avec sa bannière rose et bleue fut acclamé -aux funérailles de Victor Hugo (1885). - -Alexandre Dumas qui avait éloquemment plaidé en faveur des droits -politiques du sexe féminin ayant été sollicité de devenir président de -la société _Le Suffrage des Femmes_ vint me faire cette réponse: - - «Je vous aiderai davantage en restant indépendant, si j'acceptais - la présidence que vous m'offrez, on me dirait:--Vous êtes avec - Hubertine Auclert... et je ne serais plus écouté à l'Académie!» - - * - * * - -La société voulut ouvrir un cercle du suffrage, elle loua à cet effet -un joli local occupant tout le premier étage 31, rue de Paradis; mais, -le propriétaire effrayé par notre titre, écrit en grosses lettres sur -son immeuble, nous donna immédiatement congé. - -Le Cercle du suffrage des femmes fut installé dans un magasin 8, -Galerie Bergère. Les femmes pouvaient venir là, lire, écrire, causer; -elles étaient chez elles. Des réunions hebdomadaires avaient lieu -l'après-midi ou le soir. - -Le 13 février 1881 parut _La Citoyenne_, journal hebdomadaire que -Léon Giraud docteur en droit et Antonin Lévrier licencié en droit, -journaliste, avaient avec moi fondé. Antonin Lévrier et Léon Giraud -véritables apôtres des droits de la femme, m'aidèrent à faire du -journal _La Citoyenne_ un initiateur que les suffragistes ont intérêt à -consulter[11]. - - [11] _La Citoyenne_ (1881 à 1891). - -L'article ci-dessous précise le but de ce journal dont le seul titre -est un manifeste: - -«LA CITOYENNE» - -Est _Citoyenne_--d'après Littré--la _femme_ qui jouit du droit de -cité dans un Etat. - -Pour ce journal, dont le but unique est de revendiquer l'égalité -de la femme et de l'homme, nous n'avons pas pensé trouver un -meilleur titre que _La Citoyenne_, car nous voulons pour la femme -non seulement la qualité civile du Français, mais encore la qualité -politique du citoyen, et même--cela paraîtra peut-être étrange à -quelques-uns-l'examen des événements passés et l'observation des -événements présents nous font subordonner l'affranchissement civil -de la femme à son affranchissement politique. - -Qu'entend-on par affranchissement civil de la femme? - -Par affranchissement civil de la femme on entend l'abrogation -d'une foule de lois vexatrices qui mettent la femme hors la justice -et hors le droit commun. - -Quels sont ceux qui peuvent abroger les lois iniques qui oppriment -les femmes dans la vie civile? Ce sont les électeurs et les -législateurs, c'est-à-dire ceux-là seuls qui font ou qui commandent -de faire les lois. Voilà un point bien établi. - -Maintenant, qu'est-ce que l'affranchissement politique de la femme? -C'est l'avènement de la femme au droit qui confère le pouvoir -de faire les lois: par soi-même, si l'on est élu député: par -délégation, si l'on est électeur. - -Donc, il ressort de toute évidence que le droit politique est pour -la femme la clef de voûte qui lui donnera tous les autres droits. - -Pendant que la femme ne possédera pas cette arme--le vote--elle -subira le régime du droit masculin. Tous ses efforts seront vains -pour conquérir ses libertés civiles et économiques. - -Ce qu'il faut aux femmes pour s'affranchir de la tyrannie -masculine--faite loi,--c'est la possession de leur part de -souveraineté; c'est le titre de _Citoyenne_ française, c'est le -bulletin de vote. - -La femme citoyenne: c'est-à-dire la femme investie des plus hauts -droits sociaux, aura, par la liberté, sa dignité rehaussée; par le -sentiment de la responsabilité, son caractère augmenté. - -La femme citoyenne se relèvera promptement de sa fâcheuse situation -économique, l'Etat et la législation ne l'infériorisant plus, toutes -les carrières, toutes les professions lui seront accessibles, et, -quel que soit son travail, elle ne le verra plus déprécié sous ce -prétexte ridicule qu'il émane d'une femme. - -Avant que la femme ait le pouvoir d'intervenir partout où ses -intérêts sont en jeu pour les défendre, un changement dans la -condition politique de la société ne remédierait pas au sort de la -femme. - -Un changement de l'ordre social économique n'affranchirait pas la -femme; car, bien que tous les jours la question économique soit -résolue pour un petit nombre de personnes, la condition de la femme -est, chez les favorisés de la fortune, le lendemain, la même que la -veille. En France, les femmes millionnaires sont soumises aux mêmes -lois tyranniques que les femmes pauvres. - -Toutes les femmes,--de quelque opinion et de quelque condition -qu'elles soient,--toutes les femmes souffrent ou peuvent souffrir de -la législation actuelle. Et sont intéressées à posséder le pouvoir -d'abroger les lois qui les infériorisent et les asservissent. - - -_La Citoyenne_ que des antiféministes représentaient comme un -épouvantail fut appréciée; ses articles furent souvent reproduits -par les grands quotidiens qui en discutant ses théories, louaient sa -modération et sa logique. - -Dès son 16e numéro _La Citoyenne_ adressait cette question aux -législateurs:--Quels sont les députés qui veulent que le suffrage soit -également exercé par les hommes et par les femmes? - -M. Alfred Talendier député et M. J. de Gasté député--qui proposa en -1890 qu'un nombre égal d'hommes et de femmes siègent à la chambre et -au sénat, nous répondirent:--qu'ils voulaient le suffrage réellement -universel, également exercé par les hommes et par les femmes». Beaucoup -d'autres législateurs, affirmèrent dans des conversations particulières -ce qu'ils n'osèrent dire publiquement. - -Quand vinrent les élections de 1885, il fut décidé au cercle du -suffrage des Femmes que la candidature unique de Maria Deraismes -serait posée; mais, celle-ci ne voulait ni dépenser ni payer de sa -personne. Sur ces entrefaites, des dames membres du cercle du suffrage -qui désiraient être candidates formèrent «La ligue de Protection des -Femmes» qui fit inscrire sur la liste de la Fédération Républicaine -socialiste une vingtaine de femmes candidates. Plusieurs de ces dames -déclinèrent l'honneur qui leur était fait et les suffragistes les plus -déterminées s'abstinrent de prendre part à cette manifestation. - - -En 1888 lors de mon départ pour l'Algérie, où mon mari Antonin Lévrier -était juge de paix, j'avais confié à une de mes collaboratrices la -direction de _La Citoyenne_ dont la publication était assurée par une -subvention de M. de Gasté; et, à laquelle je continuais à collaborer. -En décembre 1891, cette dame, en changeant le titre du journal -s'appropria _La Citoyenne_ et sa clientèle. - -Ce procédé indélicat, fit retirer par M. de Gasté sa subvention et lui -fit rayer de son testament, la donation qu'il avait faite pour hâter la -proclamation des droits de la femme. - -En 1889 eut lieu le congrès Français et international du Droit des -femmes. - - -_Programme Electoral des Femmes qui fut affiché à Paris pendant des -périodes électorales._ - -L'esclavage de la femme entrave la liberté de l'homme. - -La nation française est composée d'hommes et de femmes qui subissent -les mêmes lois et paient les mêmes impôts. Etant également -responsables et contribuables, tous les Français, sans distinction -de sexe, sont au même titre des ayants droit, à sauvegarder leurs -intérêts dans la société, en participant au gouvernement du pays. - -ARTICLE PREMIER.--Tous les Français, hommes et femmes, sont égaux -devant la loi, et jouissent de leurs droits civils et politiques. - -ART. 2.--Le suffrage réellement universel, c'est-à-dire exercé par -les femmes comme par les hommes, remplace le suffrage restreint aux -hommes. - -ART. 3.--Revision de la Constitution, par une assemblée composée -d'hommes et de femmes.--Revision des Codes, sanctionnée par un -_referendum_ englobant les femmes comme les hommes. - -ART. 4.--Question de paix et de guerre, budget national, soumis au -vote des Français et Françaises. - -ART. 5.--Ecoles mixtes. Egale facilité de développement intellectuel -et professionnel, pour tous les enfants et libre accès, sans -distinction de sexe, à tous les emplois et à toutes les fonctions -publiques. Equitable appréciation du travail; à production égale, -rétribution égale pour l'homme et pour la femme. - -ART. 6.--L'_Etat minotaure_ qui ne se manifeste que pour percevoir -des dîmes d'argent et de sang, est remplacé par l'Etat _maternel_, -qui assure par sa prévoyante sollicitude, sécurité et travail aux -Français valides, assistance aux enfants, vieillards, malades et -infirmes. - -L'Etat renseigné sur les besoins de production dans chaque industrie, -fait d'après ces données, l'enrôlement pour le travail et permet -aux individus de se classer dans la société, selon leurs aptitudes, -comme il les fait se classer dans l'armée, selon leur taille. L'Etat -Maternel n'est pas oppresseur, il entrave seulement la liberté de -mourir de faim. - -ART. 7.--La contribution proportionnée aux moyens de chacun. -Suppression des impôts de consommation, augmentation des taxes sur -les objets de luxe. - -ART. 8.--Allègement du fardeau des femmes qui ont charge et -responsabilité de vies humaines; allocation à toute mère, mariée ou -non mariée, d'une indemnité dite indemnité maternelle. - -ART. 9.--Service militaire obligatoire pour les hommes--service -humanitaire obligatoire pour les femmes.--La défense du territoire -confiée aux hommes.--L'assistance publique confiée aux femmes. - -ART. 10.--Liberté individuelle pour tous et toutes. Droit absolu de -penser et d'exprimer verbalement ou par écrit ses idées. - -ART. 11.--La justice gratuite et impartiale. Les tribunaux et les -jurys, composés d'hommes et de femmes. - -ART. 12.--Enfin, mêmes avantages sociaux pour la femme que pour -l'homme; et, affirmation de l'esprit égalitaire de nos institutions, -par la préférence donnée à l'utile et au nécessaire qui profite -à tous, sur l'agréable et le superflu dont ne bénéficient que -quelques-uns. - -Electeurs, pour que la malhonnêteté en politique cesse d'être de -règle, il faut que le droit cesse d'être chose arbitraire. - -Si vous êtes vraiment las de voir vos ordres méconnus; si vous voulez -que la nouvelle législature fasse époque dans l'histoire du progrès, -imposez ce programme aux candidats: l'égalité humaine qu'il préconise -est le but d'une République; car, République et Justice doivent être -synonymes. - - -Après avoir publié dans _La Libre Parole_ des articles sous ce titre: -«Les Droits de la Femme» je suis entrée en 1896 au journal _Le Radical_ -où sous cette rubrique «Le Féminisme» je réclame librement l'électorat -et l'éligibilité pour les femmes. - - -En 1900 eut lieu le Congrès International de la Condition et des Droits -de la Femme présidé par Mme Maria Pognon, où la question des droits -politiques de la femme ne fut pas discutée. - - - - -JOURNAUX ET SOCIÉTÉS FÉMINISTES - - -Avant de fonder la Maison-Maternelle, Mme Louise Koppe avait créé le -journal _La Femme_. - -Parmi les journaux féministes qui parurent après _La Citoyenne_, il -faut citer: - -_L'Harmonie Sociale_ dirigée par Aline Valette. - -_La Femme de L'avenir_ de Mme Astié de Valsayre. - -_La Revue Féministe_ de Mme Clotilde Dissard. - -_Les Droits de la Femme_, de Mme Gabrielle Rony. - -_Le Féminisme Chrétien_ de Mlle M. Maugeret. - -_La Fronde_, journal quotidien, qui eut pour directrice Mme Marguerite -Durand. - -_L'Abeille_, que fit paraître Mme Pauline Savari organisatrice de -l'exposition des Arts et des Métiers féminins en 1902. - -_L'Entente_, créée par Mmes Jeanne Oddo-Deflou et Héra Mirtel. - -_La Française_, fondée par Mme Jane Misme. - -_La Suffragiste_ de Mlle Madeleine Pelletier. - -Le parti féministe n'est pas encore organisé en France; cependant, -nombreuses sont les sociétés qui revendiquent les droits de la femme. -Il y a: - -La société pour _L'Amélioration du sort de la Femme_ et la -revendication de ses Droits, présidente Mme Feresse Deraismes. - -_Le Suffrage des Femmes_, secrétaire générale Hubertine Auclert. - -_La Ligue Française pour le Droit des Femmes_, présidente Mlle Marie -Bonnevial. - -_La Solidarité des Femmes_, présidente Mlle Madeleine Pelletier, -secrétaire Mme Caroline Kauffman. - -_L'Egalité_, présidente Mme Vincent qui a réclamé l'électorat et -l'éligibilité des femmes aux conseils des Prud'hommes. - -_L'avant-Courrière_, présidente Mme Jeanne Schmahl. C'est à -l'initiative et à l'opiniâtreté de Mme Jeanne Schmahl, que l'on doit la -loi autorisant la femme mariée à toucher le produit de son travail et à -en disposer. - -_Le Groupe Français d'Etudes Féministes_, présidente Mme Jeanne -Oddo-Deflou. - -_L'Union Fraternelle des Femmes_, présidente Mme Marbel. - -_L'Union de Pensée Féminine_, présidente Mme Lydie Martial. - -_L'Union Internationale des Femmes_, présidente Mlle J. Van Marcke de -Lummen. - -_Le Conseil National des Femmes_ (Fédération de groupes -philanthropiques et féministes), présidente Mlle Monod, secrétaire -générale Mme Avril de Sainte-Croix. - -A Lyon, il y a _La société d'Education et d'action Féministes_, -présidente Mme Desparmets-Ruello, secrétaire générale Mme Odette -Laguerre. - - * - * * - -Les efforts réunis de ces journaux et de ces sociétés, ont fait -s'atténuer l'annihilation de la femme. Une loi sur l'enseignement -secondaire des jeunes filles fut votée en 1880. - -La femme devint électeur et éligible aux conseils départementaux -d'enseignement en 1880. - -Electeur et éligible au conseil supérieur de l'Instruction publique en -1886. - -Apte à servir de témoin dans les actes civils et publics en 1897. - -La femme commerçante fut en 1898, admise à voter pour l'élection des -juges aux tribunaux de commerce. - -La femme licenciée en droit fut en 1900 autorisée à exercer la -profession d'avocat. Les doctoresses avaient pu vingt-cinq ans -auparavant exercer la médecine. A propos de leur admission à l'internat -des hôpitaux[12], il y eut le 2 février 1885 une grande discussion au -conseil municipal. - - [12] _La Citoyenne_ nº 94. - -Les femmes devinrent électeurs en 1899 et éligibles aux conseils -supérieurs du Travail en 1901. - -Les femmes devinrent électeurs aux conseils des Prud'hommes en 1907. - - - - -ETATS OU LES FEMMES EXERCENT LEURS DROITS POLITIQUES - - -Mais, les Françaises restent des dégradées civiques, alors qu'en trois -parties du monde des femmes exercent leurs droits politiques. - - -_Europe._ - -En l'île de Man, petite île anglaise de la mer d'Irlande (54.000 h.) -les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1881. - -En Finlande (2.781.000 h.) un ukase de 1906 conféra aux femmes la -plénitude des droits politiques, et en les élections de 1907 dix-neuf -Finlandaises ont été élues députées à la diète qui ne compte que 200 -députés. - -En Norvège (2.240.000 h.) les droits politiques ont été octroyés aux -femmes en 1907. - -En Danemark (2.450.000 h.) les droits politiques ont été accordés aux -femmes en 1908. - - -_Amérique._ - -En la République de l'Equateur (Etat de l'Amérique du Sud 1.272.000 h.) -les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1861. - -En le Wyoming (Etat de l'Amérique du Nord 100.000 h.) les femmes -jouissent de leurs droits politiques depuis 1869. - -En l'Utah (Etat de l'Amérique du Nord 277.000 h.) les femmes ont leurs -droits politiques. - -En le Colorado (Etat de l'Amérique du Nord 540.000 h.) les femmes -jouissent de leurs droits politiques depuis 1893. - -En l'Idaho (Etat de l'Amérique du Nord-Ouest 162.000 h,) les femmes -possèdent leurs droits politiques. - - -_Océanie._ - -En Nouvelle-Zélande (823.000 h.) les femmes possèdent leurs droits -politiques. - -En Australie (4.400,000 h.) les femmes jouissent de leurs droits -politiques. - - -Bien que spoliée encore en France du droit, la femme qui était hier -méprisée, semble être aujourd'hui le facteur indispensable sans lequel -on ne peut rien. L'élite intellectuelle combat pour la femme. Au -théâtre, dans les journaux, le talent se fait l'avocat de son bon droit. - - -La mairie du onzième arrondissement, située sur la place Voltaire où -l'on voit Ledru-Rollin mettre un bulletin dans l'urne électorale était -bien désignée pour contribuer à rendre réellement universel le suffrage -en favorisant la revendication de son extension aux femmes. - -Depuis 1900 la Société _Le Suffrage des Femmes_ tient à la mairie, -salle Parmentier des réunions où sont étudiées les questions qui -passionnent l'opinion, discutées les réformes et les projets de -lois--ces réunions sont une école où les femmes s'exercent à leur futur -rôle d'électrices. - -En 1901 la société _Le Suffrage des Femmes_ émit sa vignette _Droits de -la Femme_ qui fut très recherchée par les philatélistes; et, fit créer -le timbre du parti radical-socialiste et le timbre féministe américain. - -M. Alexandre Bérard, alors sous-secrétaire d'Etat aux Postes et -Télégraphes, par sa circulaire du 30 avril 1903 autorisa à coller sur -les lettres près du timbre légal, la vignette féministe, qu'un receveur -des Postes avait dénoncé comme étant un timbre contrefait. - -Le 29 octobre 1904, les féministes s'efforcèrent de brûler aux pieds -de la colonne Vendôme, un exemplaire du Code, pour protester contre la -célébration de son centenaire. - -En 1906, la société _Le Suffrage_ émit son timbre et sa carte postale -_Suffrage universel_ dont beaucoup de journaux donnèrent le fac-similé; -et, qui obtinrent tant de succès, qu'un artiste suisse, nous demanda -l'autorisation de graver l'éloquent dessin sur des montres et sur des -bijoux. - -En les périodes électorales, la société _Le Suffrage des Femmes_ fait -apposer des affiches où l'on voit un électeur et une électrice qui -déposent leur bulletin dans l'urne électorale. - -Une proposition de loi en faveur du suffrage administratif et politique -des femmes célibataires, veuves et divorcées a été présentée à la -Chambre en 1901 par M. Gautret. - -Un autre projet de loi donnant aux femmes le vote dans les élections -aux conseils municipaux, aux conseils d'arrondissements, aux conseils -généraux a été déposé à la Chambre en 1906 par M. Dussaussoy. - -Ces propositions ne sont pas venues en discussion. - - -En avril 1907 la lettre suivante fut adressée à chacun des députés et -des sénateurs. - - _Monsieur le législateur._ - - La Société «_Le Suffrage des Femmes_», qui lutte depuis vingt-neuf - ans pour faire admettre les Françaises à exercer leurs droits - politiques, vous prie instamment de proposer au Parlement de conférer - aux femmes--aux mêmes conditions qu'aux hommes--l'électorat et - l'éligibilité dans la Commune et dans l'État. - - Accorder aux femmes qui subissent les lois et paient les impôts, - le droit au droit commun, ce sera immédiatement élever, avec - la mentalité, le niveau moral de la France; donc, rendre moins - redoutables pour la prospérité individuelle et collective, les - conflits économiques entre individus et entre nations. - - Veuillez agréer, Monsieur le Législateur, l'assurance de notre - considération très distinguée. - - Pour la Société «Le suffrage des Femmes». - - Le Comité: - - Hubertine AUCLERT, Valentine OGER, Hermance PHILIPPE, Marie AUCLERT, - Julie AUBERLET, Marie GRAS, Françoise LE DOUIGOU, Delphine ADAM, - Jeanne AVÉZARD, Louise ARBAN. - -Le parti Radical-Socialiste a refusé d'adopter un vœu proposé par -MM. Jean-Bernard, Lucien Le Foyer, Ch. Roret pour l'électorat et -l'éligibilité des femmes. Nous avons néanmoins demandé à ce parti -d'inscrire à l'ordre du jour de ses congrès, la question: «De -l'extension aux femmes des droits politiques.» - -Le parti socialiste qui veut le suffrage réellement universel, promet -d'aider les femmes à conquérir le droit de vote. - - -_Le vœu des Conseillers Généraux de la Seine._ - -Dans sa séance du 20 novembre 1907, le Conseil général de la Seine a -émis le vœu «que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral, -pour les élections au conseil général et au conseil municipal». - -L'électorat politique aurait été compris dans ce vœu si le rapporteur -de ma pétition M. d'Aulan, n'avait point été hostile à la participation -des femmes à la politique. - -Voilà les Françaises en marche vers l'urne électorale, grâce à ce vœu -des Conseillers Généraux que les législateurs ne pourront se dispenser -de ratifier. - - -Après avoir employé tous les moyens légaux pour obtenir leurs droits -politiques, les féministes sont forcées de recourir aux moyens -révolutionnaires. - -Le 3 mai 1908, les suffragistes parisiennes envahirent la section -électorale de la rue Paul-Baudry, la section électorale de la mairie -du 2e arrondissement, la section électorale de la mairie du 1er -arrondissement, et l'une d'entre elles, mit la main sur les urnes et -tenta de les culbuter. - -Ce ne fut qu'à la section électorale de la place Baudoyer, 4e -arrondissement, qu'Hubertine Auclert parvint enfin à s'emparer de -l'urne qu'elle secoua, renversa et jeta violemment à terre en disant: -«Ces urnes sont illégales! elles ne contiennent que des bulletins de -votes masculins! alors que les femmes ont comme les hommes des intérêts -à défendre à l'Hôtel de Ville.» - -Immédiatement arrêtée, Hubertine Auclert fut conduite au commissariat -où procès-verbal fut dressé contre elle. - - -Les femmes peuvent précipiter l'entrée de leur sexe dans la salle de -vote; pour cela, il faut que de dilettantes, elles deviennent des -sectaires du féminisme. - -Les revendicatrices intensifieront leur propagande, si elles -substituent les efforts collectifs aux efforts individuels, en faisant -se fédérer tous les groupements suffragistes, en déterminant les femmes -de toutes opinions, de toutes conditions--pareillement opprimées -et spoliées par la loi--à s'unir pour exercer une pression sur les -pouvoirs publics et forcer l'entrée du droit commun politique. - - - - -L'INSCRIPTION SUR LES LISTES ÉLECTORALES - - «Une femme fait autrement la même chose qu'un homme.» - - -Les Françaises les plus dignes d'estime et de considération, sont -dans l'impossibilité d'obtenir une seule carte électorale; alors, que -les repris de justice peuvent parfois collectionner ces certificats -d'honorabilité. - -On jugeait dernièrement une affaire de vol dans laquelle était impliqué -un receleur qui avait engagé au Mont-de-Piété des objets volés. - ---Comment avez-vous procédé pour engager ces objets au Mont-de-Piété -demanda le juge au prévenu? - -Le prévenu.--En produisant ma carte d'électeur. - -Le président, avec stupéfaction.--Comment, vous avez été plusieurs -fois condamné pour vol--et une fois à treize mois de prison--vous êtes -électeur? - -Le prévenu.--Oui, je suis électeur. Mais je me borne à retirer ma carte -d'électeur. J'en ai cinq chez moi... - -Le président.--Il est bien bizarre qu'il y ait des électeurs de votre -espèce. - -Les hommes voleurs peuvent voter, tandis que les femmes intègres sont -frappées d'interdiction civique. - -Depuis longtemps nous réclamons contre cette anomalie. Dès 1880, dans -tous les arrondissements de Paris, des dames membres de la Société -«Le Droit des Femmes» ont demandé leur inscription sur les listes -électorales. - -Le maire du Xe arrondissement, motiva dans la lettre ci-dessous, son -refus d'inscrire les femmes. - - VILLE DE PARIS - - _Mairie du Xe arrondissement_ - - Nous, maire du Xe arrondissement de Paris, - - Vu la demande à nous présentée le 2 février courant, par Mlle - Hubertine Auclert, tendant à obtenir son inscription sur la liste - électorale du Xe arrondissement. - - Vu les motifs longuement développés sur lesquels cette demande est - fondée. - - Vu les lois électorales actuellement en vigueur, notamment le décret - organique du 2 février 1852, les lois des 7 juillet 1874 et 30 - novembre 1875. - - Considérant que, depuis 1789, jusqu'à nos jours, toutes les lois - électorales qui se sont succédé ont été sans exception aucune, - interprétées et appliquées en ce sens qu'elles ont conféré et - confèrent des droits seulement aux hommes et non aux femmes; - - Considérant que la prétention formulée par la réclamante de faire - ressortir du texte de ces lois une interprétation dont le résultat - serait de créer en faveur des femmes des droits d'électorat et - d'éligibilité identiques à ceux appartenant aux hommes, constitue dès - lors une innovation politique dont il n'est pas de notre compétence - de déterminer ni le mérite, ni la valeur légale. - - Considérant qu'il nous appartient encore moins par conséquent de - prendre sur nous d'en admettre la mise en pratique. - - Décidons qu'en l'état actuel de la législation, la demande de Mlle - Hubertine Auclert est déclarée inadmissible. - - Paris, le 4 février 1880. - - DEVISME. - -Les dames de la Société «Le Droit des Femmes» firent publier par toute -la presse cette protestation: - - «Nous soussignées, nées de parents français, remplissant tous les - devoirs et les obligations qui incombent aux Français, nous nous - sommes présentées munies de pièces justificatives établissant - notre identité, majorité, temps de séjour, à la mairie de nos - arrondissements respectifs, pour nous faire inscrire sur les - registres électoraux.» - - On nous a répondu que, parce que femmes, nous ne pouvions être - inscrites. - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - Nous en appelons à l'opinion, de l'injustice que consacre la - République après les autres régimes en nous maintenant esclaves.» - -Bien que notre demande eût été rejetée, nous persistâmes à réclamer -notre inscription électorale. - -En 1885, la commission (pour le quartier du faubourg Montmartre) -chargée de juger les réclamations électorales, formula ainsi son -refus d'admettre ma requête: - - «Considérant que la qualité d'électeur dérive de la qualité de - citoyen aux termes de toutes les constitutions et lois électorales - françaises; que toutes les constitutions et lois ne reconnaissent - qu'aux hommes la qualité de citoyen. - - «Considérant qu'en fait et par application de ce principe, les - femmes n'ont jamais été inscrites sur les listes électorales. - - «Considérant que l'application constante universelle et non - contestée d'une loi en constitue la meilleure interprétation. - - «La requête de Melle Hubertine Auclert demeurant Galerie Bergère, - 8, tendant à son inscription électorale ne saurait être admise. - - «La commission rejette. - - «Le Maire du IXe arrondissement. - - «E. FERRY.» - -Au XIe arrondissement la commission chargée de juger les réclamations -électorales nous a fait cette réponse: - - «Attendu qu'une loi a été reconnue nécessaire pour permettre aux - femmes d'être inscrites sur les listes électorales consulaires. - - «Attendu que les lois et décrets qui régissent les élections - politiques ne contiennent aucune disposition permettant aux femmes - d'être inscrite sur la liste électorale. Vu d'autre part, l'arrêt - de la cour de cassation de mars 1885, stipulant que les femmes ne - peuvent exercer des droits politiques, la demande d'inscription sur - les listes électorales de Mme Hubertine Auclert n'est pas admise. - - «Le maire du XIe arrondissement.» - -En nombre de villes et de communes, des citoyennes ont vainement -demandé leur inscription électorale. Les femmes du peuple, les -travailleuses, qui se laissent guider par la droite raison, ont depuis -longtemps dans différents départements réclamé leur inscription sur les -listes. - -«Nous avions, disent-elles, lu les affiches pour la revision de la -liste électorale et ignorant que les femmes n'étaient point électeurs, -nous sommes allées une bande à la mairie demander qu'on nous inscrive. - -Les hommes qui étaient là, se sont bien moqués de nous; nous leur avons -répondu qu'il n'y avait pas de quoi rire parce qu'on avait fait la -bêtise d'empêcher de voter les femmes.» - -Maintenant, quand les dames demandent à être électeurs on ne leur -répond plus comme autrefois. «Les chevaux et les bœufs voteront avant -les femmes.» On leur donne un récépissé de leur demande d'inscription. - -Dans les communes suburbaines comme à Paris, on consigne sur le -registre, les demandes d'inscription électorale des femmes. - -Celles qui possèdent le récépissé de leur requête et la réponse de la -commission chargée de juger les réclamations en matière électorale, -doivent garder précieusement ces papiers. Ce sont des parchemins -en valant bien d'autres, puisqu'ils établissent la supériorité -intellectuelle qui les a fait protester contre la mise de leur sexe -hors la loi. - -La loi stipule que sont électeurs tous les Français âgés de vingt-et-un -ans. Ces termes «tous les Français» englobent les femmes quand il -s'agit d'impôts à payer et de lois à subir; mais, lorsqu'il s'agit de -droits à exercer, ces mots «les Français» sont censés ne désigner que -les hommes. - -Les Françaises ont tout tenté, pour faire infirmer non point la loi -inexistante, mais l'usage qui les annule politiquement; elles sont -allées devant toutes les juridictions: devant le conseil de préfecture, -devant le Conseil d'Etat, devant la Cour de cassation, réclamer leur -droit électoral. - -Les juges de la Cour de cassation, pour stipuler que les femmes ne -devaient pas exercer de droits politiques, ont appelé à leur secours la -Constitution de 1791, qui ne reconnaissait qu'aux gens inscrits sur la -liste de la garde nationale, la capacité électorale. - -Or, comme pour pouvoir faire partie de la garde nationale, il fallait -payer 40 francs d'impôts, le droit électoral dérivait de l'obligation -d'être contribuable. - -La Constitution de 1791 a d'ailleurs été abrogée par celle de 1848, -dont la Cour de cassation n'a pas parlé, parce que justement, elle nous -est favorable, puisqu'elle déclare que «la souveraineté réside dans -l'universalité des Français, que cette souveraineté est inaliénable, -qu'aucun individu, ni aucune fraction d'individu ne peut s'en attribuer -l'exercice». - -Les juges de la Cour de cassation n'ignorent point que les hommes ne -peuvent s'approprier les droits des femmes; pourtant, ils nous ont -demandé de trouver un texte législatif autorisant les femmes à voter. - -Indiquez vous-mêmes, messieurs les juges, un texte législatif -interdisant aux femmes de voter. - - - - -LE PRIX D'UN VOTE DE FEMME - - -Sous la République, qui conserve la coutume salique excluant les femmes -du gouvernement, il est tellement interdit aux Françaises de s'immiscer -dans les affaires de leur pays, qu'un maire du département des Landes, -M. Dubedout, qui avait permis en 1885 à deux femmes de voter, fut -condamné pour ce fait à deux cents francs d'amende. Cent francs par -vote de femmes, c'est cher! - -On ne doit point se laisser effrayer par ce moyen d'intimidation, il -suffirait qu'un maire et une commission municipale soient déterminés -à faire de la _res hominum_ la _res publica_, pour que la question de -l'électorat féminin fût sans délai résolue. - - - - -LE BLUFF ÉLECTORAL - - -Pour refuser la carte électorale aux Françaises, on les cloue au pilori -d'infamie, en les assimilant aux hommes déchus de leurs droits. - -C'est avec les individus condamnés à des peines afflictives ou -infamantes, c'est avec les voleurs, les escrocs, les gens de mauvaises -mœurs, les assassins et les fous, que les femmes sont exclues de -l'électorat. - -En ce pays où le nombre fait loi, le suffrage ne comprenant pas les -femmes qui sont le nombre, n'exprime point la volonté de la France. - -Après l'argent, c'est le domicile qui vote et non le souverain. -L'électeur souverain ne circule pas avec sa souveraineté; c'est un -roi qui, quand il se déplace, s'arrache du front sa couronne pour la -confier au garde-meuble social jusqu'à nouvelle installation. - -Les difficultés dressées devant l'urne électorale, qui forcent des -hommes à recourir à la fraude pour voter, prouvent que le suffrage, -qui exclut en bloc toutes les femmes, c'est-à-dire la majorité de -la nation, doit s'universaliser aux deux sexes et pouvoir partout -s'exercer pour avoir droit de s'appeler universel. - -Les usurpateurs donnent à la loi électorale une interprétation -contradictoire. Après lui avoir fait dire que les femmes ne doivent -pas nommer de représentants pour défendre leurs intérêts, ils lui font -proclamer que les femmes ont le droit d'être représentées... - ---Représentées sans représentants? - -Parfaitement; ce subterfuge autorise à prendre pour base de l'élection -des députés cent mille habitants au lieu de cent mille électeurs. - -Les Françaises qui sont trouvées indignes d'envoyer des mandataires au -Parlement, sont trouvées dignes d'être comptées comme les brebis d'un -troupeau, pour faire nombre et permettre aux éligibles d'augmenter, -avec les sièges à la Chambre, leur chance d'être élus. - -Ce ne sont pas les habitants, mais les seuls électeurs qui doivent être -pris pour base de l'élection des députés. - -Si l'on exigeait pour l'élection d'un député, cent mille électeurs au -lieu de cent mille habitants, les femmes voteraient bientôt; attendu, -que les législateurs de tous les partis seraient d'accord pour leur -octroyer l'électorat. Aiguillonnés par l'intérêt, ils soutiendraient -que la nation n'est pas exactement représentée à la Chambre pendant que -les femmes ne votent pas; et, ils auraient vite mis le bulletin dans la -main des annulées afin de ne point perdre leur place au Parlement. - -Présentement, désintéressés de l'établissement du vrai suffrage -universel puisqu'ils bénéficient du nombre des femmes pour être élus, -sans que leurs actes aient à subir le contrôle féminin les députés -aiment mieux additionner un troupeau de muettes, que d'avoir à rendre -des comptes aux femmes électeurs. Des électeurs! ils en ont déjà trop! -Loin de chercher à les multiplier ils voudraient pouvoir les réduire, -comme les femmes, au rôle de moutons. Ah! ne représenter qu'un troupeau -masculin et féminin, dont on n'a point à se préoccuper des bêlements, -quel rêve! - -Les législateurs essaient de persuader aux parias Françaises, qu'elles -seraient lésées si la loi les libérait, en s'abstenant de les compter. - -Certes, les femmes contribuables ont le droit de compter dans la nation -puisqu'elles coopèrent à la prospérité du pays; seulement, elles -doivent être représentées non point comme des animaux recensés, mais -comme des êtres conscients, choisissant et nommant leurs représentants. - -Les femmes ne se soucient point de continuer à être confondues avec le -cheptel d'après lequel l'homme calcule sa richesse, en étant un bétail -dont il fait le dénombrement pour édifier sa fortune politique. - -En ce pays, où M. Thiers affirma que les chemins de fer ne pourraient -jamais fonctionner, il ne faut pas s'étonner si des hommes soutiennent -que les femmes ne doivent point participer aux affaires publiques. - -Un décret ministériel transformerait de suite les Françaises annihilées -en citoyennes actives. - -Puisqu'il n'est pas plus facile de faire admettre aux Français inquiets -de l'avenir, le suffrage des femmes qui les délivrerait de leurs -cauchemars, que de faire se soumettre les malades aux prescriptions -qui les guériraient, les ministres, qui, souvent, imposent par décret -des innovations coûteuses, ne pourraient-ils pas aussi, par décret, -imposer aux hommes d'être plus riches et plus heureux, en décidant que -le qualificatif «Français» comprend, les hommes et les femmes devant le -droit électoral, comme devant les charges publiques? - - - - -REFUS DE L'IMPOT - - -Les femmes qui s'étaient vu refuser la carte d'électeur, informèrent -leur préfet qu'elles ne voulaient plus coopérer aux dépenses de l'Etat -qui les annulait: - - «Monsieur le préfet, - - «J'ai reçu un avis relatif à mes contributions, comme je n'ai pas - l'intention de les acquitter, je viens vous en prévenir et vous prier - en même temps de rayer mon nom du rôle des contribuables. - - «Je me soumettais aux impositions, parce que je croyais que dans la - commune, dans le département, dans l'Etat, qui me trouvent bonne pour - supporter ma part de charges, je possédais ma part de droits. - - «Ayant voulu exercer mon droit de citoyenne française, ayant - demandé, pendant la période de revision, mon inscription sur les - listes électorales, on m'a répondu que «la loi conférait des droits - seulement aux hommes et non aux femmes.» - - «Je n'admets pas cette exclusion en masse des femmes, qui n'ont été - privées de leurs droits civiques par aucun jugement. En conséquence, - je laisse aux hommes qui s'arrogent le privilège de gouverner, - d'ordonner, de s'attribuer les budgets, le privilège de payer les - impôts qu'ils votent et répartissent à leur gré. - - «Puisque je n'ai pas le droit de contrôler l'emploi de mon argent, - je ne veux plus en donner. Je ne veux pas être, par ma complaisance, - complice de la vaste exploitation que l'autocratie masculine se croit - le droit d'exercer à l'égard des femmes. Je n'ai pas de droits, donc - je n'ai pas de charges; je ne vote pas, je ne paye pas. - - Recevez, etc. - - «HUBERTINE AUCLERT.» - -Cette lettre fut publiée par tous les journaux; les plus hostiles à -nos idées écrivirent: «La question se trouve par cette logique serrée -portée du coup sur son véritable terrain.» Dans une société où tout -repose sur le principe d'égalité, il est incompréhensible que les -droits que les femmes demandent ne leur soient pas accordés: Nous -payons des impôts disent-elles, nous devrions être autorisées à les -voter et à en surveiller l'emploi.» - -«Vous êtes dans l'impossibilité, d'opposer à ce raisonnement une seule -objection qui n'ait pas été réfutée déjà par les partisans de la -souveraineté populaire. - -«L'examen de ce qui se passe dans l'existence fournit d'excellents -arguments à l'appui de la théorie des femmes. Voilà par exemple une -dame d'intelligence et de volonté qui a fondé une importante maison -de commerce; elle occupe deux cents ouvriers et employés; elle verse -à l'Etat sous forme d'impôt des sommes considérables. Vous n'admettez -pas que cette femme ait le droit de discuter cet impôt, de peser par -sa voix sur certaines questions de tarif, d'apporter l'appui de son -expérience à des débats économiques. Ce droit, vous l'attribuez sans -hésiter à un rôdeur de barrière, qui n'a jamais gagné honnêtement un -liard de sa vie.» - -Sous ce titre: Grève des Contribuables M. Charles Bigot écrivit dans -_Le_ XIXe _siècle_: «On ne saurait contester à Mlle Hubertine Auclert -d'avoir eu une idée. Ni en Angleterre, ni en Amérique où les champions -du droit des femmes ne manquent pas cependant, le beau sexe n'avait -encore imaginé de protester contre l'exploitation de l'autocratie -masculine par le refus de l'impôt. Mlle Hubertine Auclert coupe les -vivres à une société qu'elle trouve injuste pour son sexe. Pas de -droits électoraux, pas d'argent. La déclaration est nette au moins.» - -Mais ce fut surtout une grêle d'injures qui plut sur ces énergiques -lutteuses pour leur faire lâcher pied. - -Dans _Le Petit Parisien_, Jean Frollo en louant la crânerie des -insurgées contre le fisc avait prévu les défections qui devaient se -produire. - -Sur les vingt femmes qui avaient refusé l'impôt, trois seulement, -Hubertine Auclert, Vve Bonnaire, Vve Leprou ne furent pas effrayées par -les papiers de toutes couleurs qu'elles reçurent, résistèrent aux -sommations du percepteur et les huissiers saisirent leurs meubles. - -«Je ne plains pas trop, écrivit Henry Fonquier, Mlle Hubertine Auclert, -elle a eu du bruit pour son argent. Il lui a suffi de ne pas payer -ses contributions pour devenir célèbre. Dans le pays où «paraître -est tout», elle a paru. Les curieux de l'avenir, qui voudront écrire -l'histoire du refus de l'impôt au XIXe siècle, ne pourront se -dispenser de parler d'elle. Elle appartient à l'histoire, en compagnie -de M. de Genoude, qui faisait vendre son fauteuil, et de M. Gambon, -qui faisait vendre sa vache. Ceci pourrait donner matière à un groupe -curieux, et il est bizarre de voir un catholique légitimiste, un -socialiste et une femme libre user du même procédé.» - -Dans «_Les Femmes qui tuent et les Femmes qui votent_,» Alexandre -Dumas parle de notre refus de payer l'impôt, il démontre qu'on ne peut -faire que des objections de fantaisie à nos revendications des droits -politiques. - -Tous les gens de bonne foi pensent bien que si l'on nous empêche -de contrôler les budgets, c'est-à-dire d'avoir l'œil ouvert sur -l'administration de nos affaires c'est afin de pouvoir mieux nous duper. - -En refusant l'impôt, les femmes ont voulu mettre l'Etat au défi de -fonctionner sans elles. Cette protestation est légitime, qui paie est -en droit de donner son avis. - - -_Qui paie la dépense doit la consentir._ - -En 1066 ses amis et conseillers dirent à Guillaume duc de Normandie: -«Il vous faut demander aide et conseil à la généralité des habitants de -ce pays; car, il est de droit que qui paie la dépense soit appelé à la -consentir.» - -«Raison est que qui paie l'escot il soit à l'asseoir.» - -C'est la première fois, au Moyen Age, que le droit politique est -exprimé avec cette netteté. - -Les femmes apportent plus que les hommes dans les caisses de l'Etat -puisqu'elles sont en ce pays la majorité. - -Il y a en France un million de femmes de plus que d'hommes, cependant, -le sexe masculin minorité en la nation gouverne seul et étant maître -absolu, s'attribue tous les bénéfices sociaux. - -Les Françaises spoliées et exploitées, auraient un bon moyen pour -forcer les hommes dictateurs à entrer en accommodement avec elles, ce -serait de refuser en masse l'impôt. - -Dans tous les temps et en tous les pays, le refus de l'impôt a toujours -été le grand levier des opprimés: - -En Angleterre, le patriote John Hampden qui sous Charles Ier refusa -l'impôt, à ce despote, fut incarcéré, plaida, replaida et finit par -provoquer un mouvement qui se termina par la défaite de Charles Ier -dont la tête roula sur l'échafaud. - -Sous Louis XIV des provinces s'insurgèrent contre les intendants -financiers, elles refusèrent les redevances; mais le faste royal -nécessitait trop d'or pour que l'on n'écrasât pas sous le pressoir du -fisc les rebelles. Les intendants furent investis du droit de vie et de -mort sur les contribuables récalcitrants. - -En 1787, la Bretagne et la Normandie, après avoir vainement réclamé -contre les vexations et les corvées, ne trouvèrent pas de moyens plus -pratiques pour faire cesser l'oppression, que de couper les vivres aux -oppresseurs; elles se liguèrent pour refuser l'impôt. - -L'exemple donné par ces deux grandes provinces à une époque où la -situation financière était si difficile, décida la réunion des états -généraux et hâta par conséquent la révolution. - -M. de Genoude légitimiste refusa l'impôt à Louis Philippe. On vendit -ses meubles. - -M. Gambon propriétaire de la Nièvre refusa de payer l'impôt à l'Empire. -On lui saisit une vache qui fut mise à l'enchère. - -En Amérique, le refus de payer la taxe des marchandises importées -d'Angleterre, a été le signal de la guerre de l'indépendance. Les -Américains ont mieux aimé détruire, jeter à la mer des cargaisons de -denrées alimentaires que de payer l'impôt qui les frappait. - - -Vingt-six ans après des Françaises, des Anglaises ont refusé -d'acquitter leurs contributions parce qu'elles ne sont, elles non plus, -point électeurs politiques. Si cette manifestation se généralisait, -elle jetterait l'inquiétude au camp des hommes, puisqu'elle menacerait -d'arrêter faute de munitions, la force motrice qui fait mouvoir la -machine gouvernementale. - -Les femmes peuvent-elles continuer à entretenir un état masculiniste où -elles ne sont admises qu'à titre de contribuables? - -Quand des individus s'associent dans un but quelconque, pourvu qu'ils -apportent le même numéraire, qu'ils soient hommes ou femmes, ils ont un -identique pouvoir administratif. Les impôts, qui sont la part apportée -dans les caisses publiques par chacun des Français et des Françaises, -ne peuvent donc, sans préjudice pour la nation, être livrés à -l'arbitraire masculin. Il est urgent que la collectivité féminine dise -à la collectivité masculine:--Nous n'avons point confiance en votre -administration, voilà pourquoi nous voulons examiner, discuter, voter -avec vous les budgets. - -Le préfet de la Seine qui avait répondu aux femmes que bien qu'elles -soient non électrices, elles restaient contribuables reçut cette lettre: - - «Monsieur le préfet, - - «Vous m'informez que, pour rejeter ma demande de dégrèvement d'impôt, - vous vous appuyez sur l'article 12 de la loi du 21 avril 1832, qui - déclare imposable à la contribution personnelle et mobiliaire tout - habitant français ou étranger non réputé indigent. - - «Il y a quelques mois, je m'appuyais sur une loi identique, mais de - date plus récente, la loi du 5 mai 1848, qui dit: «Art. 6.--Sont - électeurs tous français,» pour réclamer mon inscription sur les - listes électorales. - - «On m'a répondu que, devant le scrutin, «Français» ne signifiait pas - «Française». Si Français ne signifie pas Française devant le droit; - Français ne peut signifier Française devant l'impôt. - - «Je n'accepte pas cette anomalie qui fait mon sexe incapable de voter - et capable de payer. - - «Comme vous ne paraissez pas tenir compte des motifs qui me font - refuser la contribution, j'ai l'honneur de vous informer, monsieur le - préfet, que je désire user de mon droit de présenter des observations - orales à la séance publique du conseil de préfecture que vous voudrez - bien m'indiquer. Je m'y ferai assister par Me Antonin Lévrier. - - «Recevez, etc. - - «HUBERTINE AUCLERT». - - - - -POURVOI DEVANT LE CONSEIL DE PRÉFECTURE - - -A l'appel de l'affaire Hubertine Auclert contre le préfet de la Seine, -je me suis avancée vers le prétoire et avant que n'intervînt mon avocat -Antonin Lévrier, j'ai dit: - -Messieurs, vous savez, qu'il existe entre l'impôt et le vote une si -grande corrélation que jusqu'en 1848 le cens a été la condition du -vote. C'est un principe de notre droit français, que l'impôt doit être -voté par celui qui le paie. - -J'ai légalement revendiqué mon droit de vote, je suis dans les -conditions requises pour l'exercer, cependant, quand j'ai demandé ma -carte d'électeur on m'a répondu que je n'avais pas de droits, que je ne -comptais pas parce que j'étais une femme!.. - -Comment se fait-il alors qu'on me réclame, à moi qui ne compte pas, des -contributions? C'est illogique, attendu que je ne puis à la fois être -rien et quelqu'un. Je ne puis être inexistante quand il s'agit de voter -et existante quand il s'agit de payer. - -J'ai voulu porter cette question devant vous, messieurs, parce que vous -êtes un tribunal obligé de motiver vos jugements; et que la discussion -étant contradictoire entre l'organe du gouvernement et moi; vous et -par vous tout le public, devant ce débat porté si haut, sera obligé -de peser ce que valent les arguties de texte devant les arguments de -raison. - -Or, la raison enseigne que tout argent déboursé doit avoir son emploi -contrôlé par la personne qui le débourse. - -Je ne réclame pas de dégrèvements d'impôts pour avoir la satisfaction -de ne rien payer. Je ne demanderais pas mieux que de participer aux -charges qui incombent aux habitants de mon pays, mais je veux jouir des -droits qui découlent de ces charges. Si je suis contribuable; eh bien, -je veux être électeur. Ce ne sont pas ceux qui ont pour mission de -rendre la justice qui peuvent me blâmer de la demander. - -On vous dit, que si vous me dispensiez de payer les contributions, -l'année prochaine d'autres femmes réclameraient, puis d'autres et -d'autres encore; si bien, qu'en peu de temps, il se produirait un -sensible déficit dans les recettes de l'impôt. - -Tant mieux, si cela arrivait, car alors les hommes voyant qu'ils ne -peuvent se passer de notre apport se décideraient à compter avec nous, -à nous traiter en associées et non plus en esclaves rançonnées. Si un -déficit se produisait, les hommes s'empresseraient de remplacer le -régime de droit masculin existant, par une constitution réellement -basée sur l'égalité des hommes et des femmes devant le devoir. - -Vous penserez, messieurs, que l'avenir qui sûrement émancipera la femme -enregistrera l'arrêt que vous allez prononcer. Vous vous ferez un -honneur d'établir ce grand principe de justice sociale, à savoir: que -dans un Etat où les femmes n'ont pas de droits, les femmes ne peuvent -non plus avoir de charges. - -Me Antonin Lévrier, dans son langage concis et mesuré rappelle que -la question de l'impôt, de l'égale répartition de l'impôt, a été aux -grandes époques de notre histoire, le point de départ des réformes -dont nous jouissons. «Avant 1789, le tiers Etat contribuait seul aux -charges de l'Etat, la noblesse payant, disait-elle, de son sang, le -clergé de ses prières. L'égalité a enfin prévalu, mais elle n'est pas -encore ce qu'elle devrait être, puisque la femme est restée en tutelle, -sans indépendance et sans initiative. On la compte pour rien et on lui -demande l'impôt. - -Mlle Hubertine Auclert s'adresse à vous, messieurs, qui êtes juges des -différends entre l'Etat et les individus pour obtenir la réformation -d'un abus qui a trop duré.» - -Le Conseil a sur le rapport de M. Pasquier pris l'arrêté suivant: - - «Considérant que l'art. 12, § 1er de la loi du «21 avril 1832, décide - «que la contribution «personnelle et mobilière est due par chaque - habitant français et par chaque étranger de tout sexe jouissant de - ses droits et non réputé indigent.» - - »Que dans la disposition précitée, les mots _jouissant de ses droits_ - n'ont qu'un sens spécial et restreint; - - »Que d'après les termes exprès du § 2e de l'art. 12 survisé, il y - a lieu de comprendre au nombre des personnes jouissant de leurs - droits les garçons et les filles majeurs ou mineurs ayant des moyens - suffisants d'existence, soit par leur fortune personnelle, soit par - la profession qu'ils exercent; - - »Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle Auclert a des - moyens suffisants d'existence; - - »Qu'elle doit donc être réputée _jouir de ses droits_ dans le sens - attribué à cette expression par la loi du 21 avril 1832; - - »Que dès lors elle n'est pas fondée à demander la décharge de la - contribution personnelle et mobilière à laquelle elle a été imposée - au rôle de 1880, 12, rue, Cail, à Paris; - - »Arrête: - - »La requête de Mlle Hubertine Auclert est rejetée.» - -Nous en avons appelé de la juridiction du conseil de préfecture, à -la juridiction du conseil d'Etat, pour établir que les femmes sont -électeurs en même temps que contribuables. - - - - -POURVOI DEVANT LE CONSEIL D'ETAT - - - _A Messieurs les Conseillers d'Etat._ - - Messieurs, - - «J'en appelle à vous, de l'arrêt rendu contre moi, par le conseil de - préfecture de la Seine: Le conseil a rejeté ma demande en dégrèvement - d'impôts, en s'appuyant sur l'article 12 de la loi du 21 avril - 1832 ainsi conçu:--La contribution personnelle mobilière est due - par chaque habitant français et par chaque étranger de tout sexe, - _jouissant de ses droits_ et non réputé indigent. - - Je ne puis être visée par cet article qui stipule qu'il faut jouir de - ses droits pour payer la contribution; car moi, je ne jouis pas de - mes droits puisque je suis rangée parmi les exclus de l'électorat. - - «Le commissaire du gouvernement m'a dit, que je n'étais pas seule - à payer sans exercer de droits, que les étrangers, que les mineurs - étaient dans le même cas que moi et que cependant ils ne réclamaient - pas. - - Veuillez remarquer, Messieurs, que les mineurs et les étrangers, - qui sans exercer de droits contribuent aux charges publiques, n'ont - pas à subir le même dommage que les femmes. Sans légiférer, sans - administrer, ils sont servis par les mandataires de leur sexe qui - ont reçu mandat de s'employer pour la collectivité masculine. Les - étrangers et les hommes mineurs appartenant à cette collectivité, - bénéficient naturellement de tout ce qui lui revient d'heureux. Il - n'y a donc aucune analogie, entre les femmes privées à perpétuité de - leurs droits et les hommes qui en obtiennent ou par le temps, ou par - leur volonté, l'exercice. - - «Ce principe; que l'impôt doit être voté par celui qui le paie, qui - existe dans la loi de 1832, découle de la constitution de 1791 basée - sur «La déclaration des droits» qui dans son article 14 déclare - formellement que tous ceux qui paient l'impôt, ont le droit d'en - contrôler par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité. Que - tous ceux qui paient l'impôt, ont le droit de le consentir librement, - d'en suivre l'emploi, d'en déterminer la quotité, l'assiette, le - recouvrement et la durée.» Cet article, abonde dans mon sens. Ou - bien, comme je le soutiens, tous les imposés hommes et femmes, - doivent régler l'emploi des contributions; ou bien, les hommes qui - seuls contrôlent les dépenses, doivent les payer. - - «Les femmes, par la contribution directe et indirecte, apportent - la moitié des recettes dans les caisses de l'Etat; mais, elles ne - bénéficient point du quart des dépenses. - - «En examinant les différents chapitres du budget, on voit que les - hommes se sont presque tout attribué. Les deux tiers des sommes - allouées pour l'instruction publique leur sont accordés, afin - qu'ils puissent se donner cette supériorité du point de départ, le - développement intellectuel. - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - «Tous les budgets étant employés surtout à l'avantage du sexe - masculin. Ne l'ignorant pas, je suis naturellement amenée à vous - présenter ces conclusions que j'espère que vous agréerez. - - «Attendu, qu'il est bien démontré que je ne jouis pas de mes droits - et ne puis par conséquent être visée par l'article 12 de la loi du 21 - avril 1832 qui énumère expressément les conditions requises pour être - contribuable. - - «Attendu, qu'il est bien démontré que l'argent des contributions que - je verse profite presque exclusivement aux hommes. - - «Attendu, que je suis exclue de la loi qui donne pour garantie de - l'équité de la répartition des impôts, le droit à tout contribuable - de les répartir ou de les faire répartir par des mandataires légaux. - - «M'en référant à la déclaration des droits de 1789 et à la - Constitution de 1791 de laquelle découle toute la législation - postérieure relative à cet objet, je conclus que je dois pouvoir - contrôler, ou faire contrôler par des personnes mandatées par moi, - l'emploi de mon argent, ou que je dois être déchargée de toute - contribution. - - «Vous écouterez ma réclamation, Messieurs, vous rendrez un arrêt - équitable pour la moitié déshéritée de l'humanité et de la chambre du - Conseil d'Etat, sortira pour les femmes la réforme de la législation. - - «HUBERTINE AUCLERT.» - -Le Conseil d'Etat après avoir examiné notre affaire; a rendu l'arrêt -ci-dessous: - - - - -L'ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT - - - CABINET - - DU - - Sénateur Préfet de la Seine - - 1er Bureau - - =PRÉFECTURE= - - DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE - - =RÉPUBLIQUE FRANÇAISE= - - _CONSEIL D'ÉTAT_ - - Séance du 31 mars 1881. - - - Au nom du peuple Français. - - La section du contentieux du conseil d'Etat. - - Vu la requête présentée par la demoiselle Hubertine Auclert, - demeurant à Paris, tendant à ce qu'il plaise au conseil: annuler - un arrêté, en date du 11 août 1880, par lequel le conseil de - Préfecture du département de la Seine a rejeté sa demande de - décharge de la contribution personnelle et mobilière à laquelle - elle a été imposée, pour l'année 1880, sur le rôle de la ville de - Paris. - - Ce faisant, attendu qu'elle n'a pas la jouissance des droits - politiques; que, dès lors, elle ne jouit pas de ses droits dans - le sens de l'article 12 de la loi du 21 avril 1832, et ne doit - pas être imposée à la contribution personnelle et mobilière; lui - accorder la décharge demandée; - - Vu l'arrêté attaqué; - - Vu la réclamation de la demoiselle Hubertine Auclert devant le - conseil de Préfecture; - - Vu l'avis de la commission des contributions directes, et des - agents de l'administration des contributions directes; - - Vu la lettre, en date du 28 février 1881, par laquelle le Préfet de - la Seine, transmet le présent pourvoi; - - Ensemble le rapport du directeur des contributions directes; - - Vu les autres pièces produites et jointes au dossier; - - Vu la loi du 21 avril 1832; - - Ouï, M. Bonnieu, auditeur, en son rapport; - - Ouï, M. Chante-Grellet, maître des requêtes, commissaire du - Gouvernement, en ses conclusions; - - Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 21 avril - 1832, la contribution personnelle et mobilière est due par chaque - habitant français ou étranger de tout sexe jouissant de ses droits - et non réputé indigent; que d'après le même article, les garçons et - filles majeurs ou mineurs, ayant des moyens suffisants d'existence, - sont considérés comme jouissant de leurs droits; - - Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demoiselle - Hubertine Auclert jouit de ses droits dans le sens de l'article 12 - précité; que, dès lors; c'est avec raison qu'elle a été maintenue - par le conseil de Préfecture de la Seine, à la contribution - personnelle et mobilière à laquelle elle a été imposée pour 1880 - sur le rôle de la ville de Paris, - - Décide: - - Article 1er - - La requête de la demoiselle Hubertine Auclert est rejetée. - - Art. 2 - - Expédition de la présente décision sera transmise au ministre des - finances. - - Délibérée dans la séance du 31 mai 1881 où siégeaient MM. - Laferrière président; Bertout, Braun, Tirman, Colonna-Ceccaldi, - conseillers d'Etat, et Romieu, auditeur, rapporteur. - - Lue en séance publique le 8 avril 1881. - - Le président de la section du contentieux - - Signé: ED. LAFERRIÈRE. - -Le Conseil d'Etat invoque la subtilité de la loi qui me fait considérer -comme jouissant de mes droits lorsqu'il s'agit de payer les impôts, et -qui, quand je veux exercer ces droits, me les dénie. - -Si pour les élections je voulais essayer de voter, je suis certaine que -l'on me repousserait de l'urne électorale avec cette formule:--Vous ne -jouissez pas de vos droits! - -Dans tous les actes de la vie sociale et politique, on me dit que je -ne jouis pas de mes droits. Cependant quand arrive le moment de payer -l'impôt, que, pour ce motif, je demande à en être déchargée; on me -répond! «Que je suis considérée comme jouissant de mes droits.» - -Ainsi, moi qui ne jouis pas de mes droits pour voter l'impôt, je -jouirais de mes droits pour le payer? - -Je ne puis cependant être à la fois capable et incapable. Capable pour -donner mon argent; et incapable, pour contrôler l'emploi qu'on en fait. - - - - -LE DROIT POUR LES FEMMES DE PÉTITIONNER - - -_Pétitions remarquées._ - -Les Françaises doivent à Mme Jeanne Deroin, à MM. Schoelcher et -Crémieux, d'avoir conservé le droit de pétitionner. - -Quand en avril 1851 un député, M. Chapot, fit à l'assemblée législative -la proposition de supprimer pour les femmes le droit de pétition en -matière politique, Jeanne Deroin alors détenue politique, protesta du -fond de sa prison, pria les citoyens représentants de ne point enlever -aux femmes le droit de pétitionner. - -La question vint en discussion le 24 juin 1851[13]. Le rapporteur M. -Quantin-Bauchard, commença par trouver plaisant qu'une seule femme -réclamât contre l'interdiction du droit de pétitionner:--«Il s'agissait -pour elles, dit-il, de prouver qu'elles sont capables de se servir du -droit de pétition, en pétitionnant contre leur exclusion de ce droit. - ---A droite:--C'est cela! C'est cela! - -M. Quantin-Bauchard--Eh bien, il y a une femme, une seule, qui a -réclamé (explosion de rires), et c'est notre honorable collègue Laurent -de l'Ardèche, qui s'est fait l'avocat des dames pétitionnaires en -matière politique. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - ---Vous sentez que c'est là une question de décence publique, de dignité -parlementaire. Comment! il arrivera une pétition signée dans un sens -par le mari, signée dans un autre par la femme! Quels seraient donc -l'autorité et le sexe qui domineraient ici?» - - [13] Le _Moniteur_. - -Tout le monde cependant n'était pas convaincu, puisque le 2 juillet -M. Schoelcher proposa un amendement pour maintenir aux femmes le droit -de pétitionner. Cet amendement chaleureusement défendu par M. Crémieux, -fut adopté à l'unanimité au milieu de l'hilarité générale.--Ces députés -riaient d'avoir été empêchés de jouer un bon tour aux femmes spoliées, -en leur interdisant de réclamer. - - -_Pétition pour demander le droit de vote ou l'exonération de l'impôt._ - - «Messieurs les députés, - - «Nous nous sommes adressées à toutes les juridictions: Le maire, - le préfet, le conseil de préfecture, le conseil d'Etat, pour être - déchargées du devoir de payer les impôts ou être admises à exercer - notre droit de vote. Toutes les juridictions nous ont répondu que - leur compétence ne pouvait aller jusqu'à nous faire justice, que - nous devions nous adresser à vous. - - «Nous avons, messieurs, l'honneur de vous présenter notre requête. - La corrélation entre l'obligation de payer l'impôt et le droit de - le voter est indiscutable. Nous espérons que vous nous accorderez - le droit de voter, c'est-à-dire le pouvoir de contrôler ou de faire - contrôler l'emploi de notre argent, ou que vous nous dispenserez de - payer. - - «Si les hommes ont besoin de l'apport des femmes, qu'ils les traitent - en associées et non en esclaves rançonnées. Nous voulons bien - participer aux charges qui incombent aux habitants de notre pays, - mais nous voulons jouir des droits qui découlent de ces charges. Pour - être contribuables, nous voulons être électeurs. - - «L'impôt ne peut être consenti que par les ayants droit au vote; - pendant que nous ne sommes pas de ceux-ci, nous ne devons rien à - l'Etat. Vous aurez, messieurs, l'impartialité de le reconnaître et - d'établir ce grand principe de justice sociale, à savoir: que dans - un pays où les femmes n'ont pas de droits, les femmes ne peuvent non - plus avoir de charges. - - HUBERTINE AUCLERT,» - - 12, rue Cail, directrice de la _Citoyenne_. - - VEUVE BONNAIRE, - - 103, boulevard de la Gare, commerçante et propriétaire. - - VEUVE LEPROU, - - à Pontlieu (Sarthe), relieuse et propriétaire. - -Cette pétition a été écartée par l'ordre du jour. - -En 1882 au moment où il fut question de reviser la Constitution nous -demandâmes par la pétition suivante que les femmes coopèrent à cette -revision. - - Messieurs les Députés, - - «Permettez-nous d'introduire dans votre discussion sur la revision - intégrale ou partielle de la Constitution, une question bien - plus importante que toutes celles qui vous divisent: la question - d'admettre les femmes comme membres du Congrès, pour reviser la - Constitution. - - «Si vous voulez réellement faire une constitution républicaine, vous - devez décréter que vos mères, vos sœurs, vos épouses, vos filles, les - femmes qui portent le beau nom de Françaises--Franques, c'est-à-dire - libres--sont affranchies de l'esclavage et jouissent de toutes les - prérogatives qu'ont les hommes. - - «Vous trouvez mauvais que les femmes acceptent les dogmes, ne - serait-ce pas aussi mauvais que les femmes acceptent sans discussion, - sans examen, les lois qui sont au temporel ce que les dogmes sont - au spirituel? Pour que les femmes respectent la Constitution, pour - qu'elles s'y soumettent, il faut qu'elles participent à sa confection. - - «L'équité la plus élémentaire, vous conseille d'appeler les femmes - au Congrès, pour qu'elles y réclament l'exercice de leurs droits de - citoyennes. - - «Comment, pourriez-vous tenir plus longtemps en dehors de - l'administration des affaires publiques, les femmes sur lesquelles - reposent la sécurité et le crédit de la France? - - «Vous vous inspirerez de ces considérations sérieuses, messieurs, et - si vous voulez réellement fonder la République, vous laisserez aux - générations, une Constitution qui donne aux hommes et femmes, les - mêmes droits.» - -Le rapporteur de la commission des pétitions de la chambre, M. Frédéric -Thomas, conclut dans les termes suivants au rejet de la pétition: - - «La demoiselle Hubertine Auclert paraît remplie de confiance, elle - se flatte que les destinataires de sa pétition s'inspireront de ses - considérations sérieuses. L'épithète de sérieuse peut passer pour - une qualification ambitieuse; regardons-la, comme l'illusion d'un - cœur sensible et aventureux et ménageons-la, sans espérer la guérir - en la traitant, sinon par cette fin de non recevoir rigoureuse de la - question préalable, du moins par cette exception plus courtoise de - l'ordre du jour.» - -Ces injures ne nous découragèrent pas, et une nouvelle pétition -réclamant l'électorat et l'éligibilité pour les femmes fut déposée à la -chambre. - - -_Pétition pour demander que ces mots: «Les Français,» qui comprennent -les deux sexes comme contribuables, comprennent les deux sexes comme -électeurs_, - - «Messieurs les députés, - - «Ce fait que la représentation nationale est exclusivement composée - d'hommes, et d'hommes exclusivement mandatés par des hommes, cause un - préjudice moral et matériel considérable aux femmes. L'absence des - femmes de la législature produit l'injustice de la législation. - - «Dans la discussion et le vote des lois générales, les femmes n'ayant - personne pour prendre la défense de leurs intérêts, leurs intérêts - sont sacrifiés. - - «Dans la discussion et le vote des lois qui visent particulièrement - les femmes, les projets qui leur seraient favorables sont écartés, - pour ce principal motif qu'ils gênent l'autocratie masculine, ou - prennent pour les femmes un peu des budgets que les hommes se sont - presque exclusivement attribués. - - «Nous vous demandons, messieurs les députés, de décider que ces mots - «_Les Français_» soient interprétés dans la loi électorale comme ils - le sont dans la loi civile. Ces mots «_Les Français_» qui comprennent - les deux sexes comme contribuables doivent comprendre les deux sexes - comme électeurs, donc, leur conférer, au même titre, le droit au vote - municipal et politique, le droit à l'éligibilité. - - «Les femmes ont autant d'intérêt que les hommes à la confection des - bonnes lois, à la répartition équitable des budgets. Or, l'exercice - des droits civiques est le seul moyen pour elles de contrôler ce qui - se fait, de garantir à la fois leurs intérêts et leur liberté. - -Cette pétition couverte de plus de mille signatures fut rejetée par -l'ordre du jour. - -M. Cavaignac dit dans son rapport: «Il n'est pas permis de parler -légèrement d'une thèse dont des hommes éminents et parmi eux Stuart -Mill, se sont faits les défenseurs éloquents. Mais l'opinion n'est pas -suffisamment préparée, à voir siéger sur les bancs de nos assemblées, -un élément étranger au sexe masculin. Les femmes ne sont pas préparées -au maniement des affaires publiques.» - -Hé! ce ne sera qu'en votant et en légiférant que les femmes deviendront -d'habiles législatrices. - -Tous les journaux parlèrent de cette pétition. - -La _Presse_ trouva la réponse de la commission des pétitions -dangereuse. Elle semble, dit-elle, encourager Mlle Hubertine Auclert à -persévérer et à gagner l'opinion publique à une idée qui est fausse. - -Le _Figaro_ appuya notre revendication. - -«Comment, dit-il, n'être pas choqué à l'idée qu'une de ces femmes de -tête, comme on en compte par milliers dans le commerce ou l'industrie, -ou bien une de ces femmes de haut luxe, résumant en elle la culture -de vingt générations n'ait pas sur les affaires publiques, la part -d'influence que personne n'oserait contester aujourd'hui au charretier -de la marchande, ou au palefrenier de la grande dame. - -Changeons de monde si vous voulez; comparez la ménagère laborieuse, -économe, martyre du mariage et de la maternité, qui vient chercher le -jour de paie, à l'atelier, son mari ivrogne et qui tâche de sauver des -cabarets le modeste pécule de la maisonnée! L'être maculé de vin et de -boue, dégradé, abruti, immonde, qui heurte les murailles et qui bat sa -femme--c'est l'électeur. C'est lui dont on défend les droits, c'est lui -qu'il est urgent de représenter. - -La femme, la victime ne compte pas; elle n'est pas «suffisamment -préparée.» - -Dans La _Bataille_ M. Lissagaray réfuta en ces termes le rapport -de M. Cavaignac: «Le vote des femmes est le corollaire fatal du -suffrage universel, comme la vie politique est le corollaire de -l'affranchissement des noirs; où il y a identité absolue d'intérêt, il -ne saurait exister de différence dans le droit. - - -_Pétition au Congrès de Versailles_ -(_12 Août 1884_) - -_A Messieurs les membres du Congrès_ - - Messieurs, - - Nous venons rappeler à votre mémoire l'existence des femmes, - existence dont vous paraissez vouloir vous abstenir de tenir compte - en revisant la Constitution. - - Veuillez vous souvenir que les femmes sont la moitié de la nation. - - Responsables, contribuables, membres de la société, les femmes sont - au même titre que les hommes des ayants droit. - - Pour que la France entière soit représentée aux Chambres, pour que le - suffrage soit véritablement universel, il faut que les femmes soient - électrices. - - Vous voulez supprimer le suffrage restreint pour l'élection des - sénateurs, supprimez, en même temps, le suffrage restreint pour - l'élection des députés; appelez les femmes à voter comme les hommes. - - Nous vous prions, messieurs, d'introduire dans la nouvelle - Constitution, un paragraphe qui autorise les femmes à exercer leurs - droits de Françaises et de citoyennes. - - Vous ne feriez pas une Constitution républicaine, si vous conserviez - dans la loi, pour ces égaux devant les charges--les femmes et les - hommes--l'inégalité devant les droits. - - Une Constitution qui diviserait toujours la nation en deux camps, - celui des rois--les hommes souverains--et celui des esclaves--les - femmes exploitées--serait une Constitution autocratique et mort-née. - - Nous vous demandons, Messieurs, au nom des femmes de France, et dans - l'intérêt des hommes et des femmes, d'avoir le courage de faire une - Constitution qui donne à tous, Français et Françaises, avec les mêmes - devoirs, les mêmes droits. - - Pour le Cercle du Suffrage des Femmes: - - _La déléguée_ - - HUBERTINE AUCLERT. - -Cette pétition est venue à l'ordre du jour de la huitième séance, et, -chose curieuse, c'est un nègre, c'est-à-dire un homme qui, en raison de -la couleur de sa peau a été victime des préjugés, qui est monté à la -tribune proposer de maintenir les préjugés de sexe. - -Malgré le respect qu'elle professe pour les dames, a dit M. -Gerville-Réache (_rires_)[14], la commission ne croit pas nécessaire -de leur accorder des droits politiques et de leur imposer les devoirs -politiques qui appartiennent aux citoyens français. Elle ne croit -pas non plus que ce vœu soit celui de la majorité des Françaises. La -commission propose donc l'ordre du jour sur cette pétition. - - [14] Avant 1848 on riait aussi quand on parlait de donner le vote à - tous les hommes. - -Ce n'est pas galant s'écria un membre de la gauche. - -M. Raoul Duval ne s'explique pas pourquoi de simples aspirantes à -l'électorat sont traitées plus favorablement que des membres de -l'assemblée nationale. - - -_Opinion de la presse sur notre pétition._ - - _Le Temps_ - - On ne saurait reprocher à l'Assemblée nationale d'avoir manqué de - courtoisie envers les dames, Mlle Hubertine Auclert, directrice du - journal la _Citoyenne_, organe des droits sociaux et politiques de - la femme, plus heureuse que M. Barodet et nombre d'autres membres - du sexe laid, n'a pas eu à subir l'affront de la question préalable - pour sa pétition relative à l'électorat des femmes. Cette pétition - a eu les honneurs d'un rapport à la tribune et on ne lui a opposé - que l'ordre du jour pur et simple, ce qui, en pareille matière, est - presque un succès, car Mlle Auclert, quelle que soit la ferveur de - son apostolat, ne pouvait s'être fait cette illusion que le Congrès, - quittant toutes autres préoccupations, allait consacrer une partie de - son temps à discuter sérieusement le point de savoir si les femmes - seraient mises, pour l'exercice des droits politiques, sur le même - pied que les hommes. - - Mlle Hubertine Auclert doit donc se trouver très heureuse d'avoir - occupé, ne fût-ce que pendant quelques instants l'attention du - Congrès. Pareille fortune n'est pas advenue à tout le monde. - - - _Le XIXe siècle_ - - Mlle Hubertine Auclert ne cesse pas de revendiquer en faveur des - femmes. Sa pétition au Congrès demandait pour les femmes l'électorat - et l'éligibilité politiques. Elle était fort bien tournée, cette - pétition, et il est certain que si Mlle Hubertine Auclert triomphait, - les Congrès futurs offriraient un aspect plus agréable que les - Congrès d'aujourd'hui. Mais la pétition de Mlle Hubertine Auclert n'a - obtenu du Congrès que la question préalable, tout comme un amendement, - tempérée par un mot gracieux et galant du rapporteur. C'est à - recommencer et vous pouvez compter que la pétitionnaire recommencera. - Rien ne la lasse. Et elle tient à faire mentir les ennemis des - femmes qui prétendent que le sexe n'a pas l'esprit de suite dans ses - entreprises! - - HENRI FOUQUIER - - - _Le Soleil_ - - Dans une tribune quelques femmes ont applaudi le nom de Mlle - Hubertine. Auclert. Cette manifestation a été très vite réprimée sur - les ordres de la questure. - - - _Le Moniteur universel_ - - Mlle _Hubertine Auclert_ rappelle avec raison que les femmes sont au - même titre que les hommes des ayants droit. - - Voyez combien vous êtes injustes; vous inventez le suffrage - universel, et vous ne vous apercevez pas qu'il n'y a rien de moins - universel que ce suffrage. - - Vous avez exclu les femmes; pourquoi cela? - - Avez-vous donc peur qu'elles usent mal du droit de vote? - - J'en appelle à toutes les mères de famille; que font-elles donc du - matin au soir, si ce n'est d'exercer, comme on disait autrefois, un - véritable sacerdoce? - - Et quoi, une mère élève son enfant, et cet enfant lui doit tout ce - qu'il est; elle fait tout cela, et vous dites qu'elle est incapable - de nommer des députés? - - Laissez-moi vous le dire, quand on crée des hommes, on a bien le - moyen de faire des députés. - - On a même le moyen d'en faire de très bons; est-ce par hasard cela - qui vous fait peur? - - La femme est un être essentiellement civilisé: prenez-la dans un - tel milieu que vous voudrez; si défectueuse que soit son éducation, - si incomplète que soit son instruction, ce n'est jamais en vain que - vous ferez appel en elle à tout ce qu'il y a de noble et d'élevé dans - l'humaine nature. - - Ah! tenez, vous vous ôtez le plus clair de vos ressources et votre - arme la plus solide, quand vous vous privez du concours de la femme - dans vos luttes politiques. - - ROBINSON. - - - _Le Rappel._ - - Je crois que c'est moi qui ai publié le premier la pétition de Mlle - Hubertine Auclert demandant à l'Assemblée nationale «d'avoir le - courage de faire une Constitution qui donnerait à tous les Français - et Françaises avec les mêmes devoirs les mêmes droits civils et - politiques.» - - Mlle Hubertine Auclert a dit, entre autres, une chose à laquelle il - ne nous paraît pas très facile de trouver une réponse: c'est que nous - nous prétendons sous le régime du suffrage universel, et que c'est un - drôle de suffrage universel, que celui qui commence par destituer la - moitié du genre humain. - - M. Gerville-Réache a cru répondre en disant qu'il ne croyait pas - que la pétition de Mlle Hubertine Auclert répondît au sentiment et - au désir de la majorité des Françaises. M. Gerville-Réache croit-il - que l'émancipation des noirs répondît au sentiment et au désir de - la majorité des esclaves? L'état de sujétion est un état mou et - lâche auquel on tient par habitude et par hébétude, et le premier - mouvement est de reculer devant la liberté, c'est-à-dire devant - la responsabilité. Mais ce n'est pas une raison pour perpétuer la - servitude, il faut affranchir les esclaves et les femmes, même de - force. - - AUGUSTE VACQUERIE. - - - _Paris._ - - Quelques orateurs se sont couverts de gloire en _blaguant_ - l'honorable pétitionnaire. Etant donné que les novateurs ont toujours - tort, c'était une besogne trop facile. - - Il n'y a pas un argument sérieux pour combattre le vote des femmes. - On n'ose pas invoquer la question d'intelligence. Cela ferait rire - tous les gens de bonne foi. La femme la plus bête sera toujours plus - fine que l'homme le mieux doué. La femme possède un tact supérieur: - puisque le suffrage universel est entré dans nos mœurs, il faut, sous - peine d'illogisme, l'admettre tout entier. Dans quelque cinquante - ans d'ici, nos petits-neveux seront stupéfaits d'apprendre qu'on - aura attendu un long temps avant de donner à la femme des droits - politiques égaux à ceux de l'homme. Nous paraîtrons aux yeux des - citoyens de l'avenir, aussi stupides que les membres du concile de - Mâcon, qui, à la majorité d'une voix seulement, décrétèrent que la - femme avait une âme. - - ALBERT DELPIT. - - -_Le National._ - -L'admission des femmes au vote n'est plus qu'une question de temps. Qui -aurait cru, sous Louis XVI, alors que les paysans n'étaient encore que -«ces sortes d'animaux farouches» dont parle La Bruyère, qu'ils seraient -un jour, par le suffrage universel, les véritables souverains du pays? -Ne jetons pas la pierre à Mlle Hubertine Auclert, les idées qu'elle -défend feront leur chemin. - - PAUL FOUCHER. - - -_Pétitionnement organisé par le Journal «La Citoyenne» pour réclamer le -suffrage des femmes_ - - «Messieurs les députés, - - «Etant donné que non seulement les intérêts des femmes mais tous - les intérêts français sont gravement compromis par l'absence des - femmes de la législature. - - «Etant donné que, conciliatrices et pacificatrices par excellence, - les femmes rendront possibles sans révolutions les réformes - sociales, dès qu'elles participeront à la vie publique. - - «Etant donné, d'autre part, que les femmes, contribuables et - responsables, sont des ayants-droit qui doivent de concert avec les - hommes, administrer les fonds publics, faire les lois. - - «Nous vous prions, Messieurs les députés, de bien vouloir réformer - la loi électorale de manière qu'elle confère aux femmes les droits - politiques: vote et éligibilité.» - -Pour le rapporteur de cette pétition M. Escanyé, la question de -l'électorat et de l'éligibilité des femmes est digne des méditations -des philosophes et des publicistes, mais il trouve que le moment n'est -pas venu de lui donner une solution et fait rejeter notre pétition par -l'ordre du jour. - - -_Pétition au Conseil Général de la Seine._ - - Messieurs les conseillers généraux, - - Dans votre séance du 6 juillet, vous avez adopté un vœu d'amnistie en - faveur des falsificateurs et des fraudeurs destitués de leurs droits - civiques. - - Puisque vous êtes à ce point bons et généreux, permettez-moi - d'appeler votre attention sur une catégorie d'individus, bien plus - intéressante que celle qui a été l'objet de votre sollicitude, et de - vous demander d'émettre en faveur des vingt millions de Françaises, - arbitrairement privées de leurs droits de citoyennes, un vœu - d'amnistie qui les relève du crime d'être nées femmes. - - Vous ne pouvez, messieurs les conseillers, avoir moins de pitié pour - les femmes, innocentes victimes des préjugés, que pour les voleurs, - qui en falsifiant les aliments, ont altéré la santé de la nation et - assassiné lentement peut-être des milliers d'individus. - - Je vous prie de mettre fin au monstrueux déni de justice qui - déshonore la République, en émettant le vœu qu'avant les élections de - 1885 les femmes soient mises en possession de leurs droits électoraux. - - J'espère, messieurs les conseillers généraux, que vous voudrez bien - accueillir favorablement la requête que je vous adresse au nom de mon - sexe, et je vous prie d'agréer, avec mes remerciements anticipés, - l'hommage de ma haute considération. - - Hubertine AUCLERT, - - Directrice de La _Citoyenne_. - - -_Conseil Général de la Seine, séance du 2 décembre 1885._ - - ORDRE DU JOUR SUR UNE PÉTITION DE Mlle HUBERTINE AUCLERT DEMANDANT - QUE LES FEMMES SOIENT MISES EN POSSESSION DE LEURS DROITS ÉLECTORAUX - - _M. Georges Berry_ rapporteur.--Mlle Hubertine Auclert a adressé au - conseil général de la Seine une pétition ayant pour but de faire - appuyer, par un vœu de cette assemblée, les revendications qu'elle - ne cesse de faire au sujet du droit électoral des femmes. - - «Tout le monde connaît, en effet, les efforts mémorables de Mlle - Hubertine Auclert, qui a fait une agitation de tous les instants - autour de la question du vote des femmes. - - «Tantôt, elle réclame son inscription sur les listes électorales et - épuise en vain les juridictions sans se décourager. - - «Tantôt elle refuse de payer ses contributions, sous prétexte que - si elle n'a pas les droits d'un citoyen, elle ne saurait en avoir - les charges. - - «Tantôt, enfin, elle fait signer des pétitions pour le Sénat et la - Chambre des députés. - - «Aujourd'hui, c'est nous que Mlle Hubertine Auclert charge du soin - de saisir de nouveau les pouvoirs publics. - - «Les femmes, dit Mlle Auclert, ont les mêmes charges que les - hommes, pourquoi n'ont-elles pas les mêmes droits? Elles sont - en outre, au moins aussi intelligentes qu'eux? pourquoi dès - lors leur refuser de prendre part à la confection des lois, où, - entre parenthèse, elles sont abominablement sacrifiées, et à la - discussion d'un budget qui absorbe leurs finances? - - - «La nature de la femme dit M. Georges Berry, son caractère, son - rôle dans la vie, sont autant de motifs qui doivent la faire - exclure de la scène politique. - - «Chez la femme l'élément sensuel domine l'élément intellectuel. - Quels hommes d'affaires choisiront ces dames? - - «Si les femmes deviennent électeurs, elles deviendront du même - coup éligibles et je crains qu'elles soient aussi mauvais députés - qu'imparfaits électeurs. - - «La femme n'a aucune aptitude pour les fonctions publiques. Ce qui - prouve son incompétence en politique, c'est l'attraction qu'elle - subit de la part de tout ce qui est faux. - - «La véracité et la précision sont des traits caractéristiques - masculins!. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - quels gâchis! quelles intrigues indignes de la représentation - nationale! quelles lois contradictoires! quelle majorité versatile! - que de séances perdues, dans cette assemblée des deux sexes...» - - Quand M. Georges Berry a été las d'insulter les femmes, il s'est - excusé d'avoir été aussi grossier envers elles. «Si je leur ai dit - tant de choses désagréables, s'est-il écrié, c'est leur faute, - elles n'avaient qu'à ne pas réclamer leurs droits au conseil - général.» Aujourd'hui le gouvernement laisse tout dire et tout - faire aux petites filles d'Olympe de Gouges. Finalement il demande - de passer à l'ordre du jour sur la pétition de Mlle Hubertine - Auclert: - - _M. Cattiaux._--Messieurs, je ne viens pas réclamer aujourd'hui le - droit de vote en faveur des femmes, par cette seule raison que leur - éducation a été trop négligée. - - Quant à ce droit lui-même, il est incontestable (Réclamations) nous - ne pouvons qu'en retarder l'avènement. - - La femme a des charges comme les hommes; n'élève-t-elle pas - seule ses enfants après la mort de son mari ou quand elle est - fille-mère,--plutôt par la faute de l'homme que par la sienne. - - Or, vous ne faites pas pour elle ce que vous devriez faire: - laissez-lui donc alors revendiquer ses droits et puisqu'elle n'a - pas d'autre moyen de les faire triompher que le vote, donnez-lui le - pouvoir de voter? - - _M. Michelin._--Il s'agit de statuer sur le rapport de M. Georges - Berry.--Je viens combattre les conclusions de ce rapport et me - déclarer très nettement pour le droit des femmes. - - _M. Monteil._--Il faut dire cela à la Chambre. - - _M. Michelin._--Je suis disposé à le faire, Monsieur Monteil. - - J'estime que, dans une République, la femme doit être traitée - autrement que sous les lois de l'Eglise et de la monarchie._ - - _M. Maurice Binder._--Si les femmes votaient, la République n'en - aurait pas pour vingt-quatre heures! - - _M. Michelin._--Je sais qu'il est contraire aux principes de - l'Eglise de donner aux femmes des droits, et même un concile s'est - réuni pour étudier la question de savoir si la femme avait une âme. - - Il appartient à la société moderne d'émanciper la femme au point de - vue civil, au point de vue politique. - - Au point de vue municipal et politique, je demande que l'on - commence au moins par reconnaître le droit de vote des femmes dans - les élections communales. Des femmes ont souvent des intérêts - considérables dans une commune et l'on ne comprend pas qu'elles ne - soient pas appelées à voter, pour défendre ces intérêts. - - J'irai plus loin et je voterai l'admission des femmes aux droits - politiques. Nous ne devons pas établir deux catégories de citoyens. - Je sais très bien qu'aujourd'hui l'éducation de la femme est le - plus souvent cléricale; mais, fort heureusement, les idées marchent - et, avant peu, je l'espère, la femme sera complètement affranchie - du confessionnal et des superstitions du Moyen Age. Le meilleur - moyen de parvenir à ce résultat, est de reconnaître les droits de - la femme. - - Il est grandement temps, messieurs, de s'occuper de la condition de - la femme dans notre société moderne. - - Je suis convaincu que le Conseil général ne voudra pas sanctionner - le rapport très spirituel de M. Berry, mais qui vous propose des - conclusions contraires à l'équité; qu'il envisagera de haut cette - question et dira très nettement, que la femme, dans la société - moderne, n'a pas les droits qu'elle doit avoir. - - _M. le Président._--Le scrutin est ouvert sur les conclusions de la - Commission. - - Nombre de votants........ 48 - Majorité absolue......... 25 - - Onze ont voté contre le rapport de M. Georges Berry, c'est-à-dire - pour le suffrage des femmes: - - MM. Cattiaux, Chabert, Chassaing, Decorse, Desmoulins, Jacquet, - Michelin, Navarre, Piperaud, Rousselle, Paul Viguier. - - 37 ont voté pour le rapport réactionnaire de M. Berry. Voici les - noms de ces partisans de la royauté masculine. - - MM. Léopold Auguste, Bartholoni, Georges Berry, Maurice Binder, - Boll, Collin, Combes, Cusset, Darlot, Delhomme, Desalys, Després, - Dufaure, Gamard, Guichard, Ernest Hamel, Hattat, Jacques, Alfred - Lamoureux, Leclerc, Lefoullon, Lerolle, Stanislas Leven, Levraud, - Maillard, Mathé, Mayer, Millerand, Monteil, Patenne, Réty, Riant, - Robinet, Ruel Sauton, Simoneau, Weber. - - Excusés: - - MM. Hubbard, Rouzé, Songeon. - - Enfin, voici les noms des abstentionnistes qui ont eu peur de se - nuire en étant justes. - - MM. Armengaud, Boué, Braleret, Cernesson, Chautemps, Cochin, - Curé, Davoust, Delabrousse, Deligny, Depasse, Deschamps, Dreyfus, - Dujarrier, Frère, Gaufrès, Hervieux, Jobbé-Duval, Lefèvre, Narcisse - Leven, Lyon-Alemand, Marsoulan, Marius Martin, de Ménorval, - Mesureur, Muzet, Pichon, Emile Raspail, Aristide Rey, Reygeal, - Strauss, Stupuy, Vaillant, Vauthier, Villard, Voisin. - - - -_Pétition demandant l'électorat pour les célibataires et les veuves._ - - - «Messieurs les Sénateurs, - - «Messieurs les Députés, - - «Permettez-nous d'appeler votre attention sur la condition--de - mise hors le droit commun--qui est conservée à la femme sous la - République. - - «Les femmes responsables et contribuables--qui sont comme les - hommes des ayants droit à contrôler l'emploi de l'argent qu'elles - versent au Trésor et à faire les lois qu'elles subissent--sont - encore dans la société destituées de tous les droits. - - Nous vous demandons, Messieurs, d'accorder au moins à celles de ces - femmes--LES CÉLIBATAIRES ET LES VEUVES--dont les intérêts ne sont - représentés par personne dans les assemblées élues, le pouvoir de - garantir leur sécurité et de sauvegarder leurs affaires privées en - participant à la gestion des affaires publiques. - - Les femmes célibataires et veuves ne sont pas mineures, quant à - leurs biens personnels, pourquoi le seraient-elles relativement - à leur part indivise des biens de la Commune et de l'Etat? Le - pouvoir qu'elles ont d'administrer leur fortune privée doit--pour - être effectif--avoir pour corollaire le pouvoir d'administrer leur - fortune publique. - - Nous espérons, Messieurs, que vous accorderez à la moitié - déshéritée de la nation française un commencement de justice, en - autorisant les célibataires et les veuves à exercer leurs droits de - citoyennes.» - -Cette pétition, a été à la Chambre et au Sénat, écartée par l'ordre du -jour: - - -_A la Chambre des Députés._ - -M. de Lévis-Mirepoix, rapporteur, après avoir rappelé ma campagne en -faveur des droits politiques des femmes dit: - -«Aujourd'hui, dans une pétition différente en apparence, mais -absolument identique quant au fond, et avec une subtilité -d'imagination que nous ne voulons pas lui contester, la demoiselle -Hubertine Auclert, réduisant habilement ses prétentions à une classe -spéciale de femmes, sollicite l'exercice des droits politiques pour -les veuves et les célibataires dont les intérêts ne sont, dit-elle, -représentés par personne: elle espère ainsi, par une argumentation -spécieuse qui ne manque pas d'une certaine valeur, faire admettre -le principe cher à ses rêves, mais qui, une fois introduit dans la -législation, ne manquerait pas d'y prendre une dangereuse extension». - -«En effet, si ces arguments prévalaient, il faudrait étendre les mêmes -droits à toutes les femmes qui, pour des causes diverses, sont privées -de quelqu'un pouvant représenter leurs intérêts. La commission ne veut -pas s'appesantir sur les graves inconvénients qu'entraînerait une telle -innovation.» - -Au Sénat M. de la Sicotière, rapporteur, dit: «Tout en imitant la -courtoisie dont l'autre chambre a toujours fait preuve à l'endroit de -la pétitionnaire, nous avons le regret de ne pouvoir vous proposer que -l'ordre du jour. - -«Après les veuves et les célibataires, toutes les affranchies de la -tutelle maritale réclameraient l'exercice des droits civiques et par la -brèche ainsi ouverte, toutes les femmes finiraient par passer.» - -Les journaux trouvèrent cette pétition très juste.--«On ne peut, dit le -_Figaro_, alléguer d'autres raisons que le préjugé contre le vote des -femmes célibataires et veuves qui ne sont pas mineures quant à leurs -biens personnels». - - -_Pétition réclamant le suffrage pour les filles majeures, les veuves, -les divorcées._ - - «Messieurs les Députés - - «Nous vous prions de conférer le droit électoral aux millions de - Françaises célibataires:--les filles majeures, les veuves, les - divorcées--qui sont maîtresses de leur personne, de leur fortune, de - leurs gains afin qu'elles puissent en votant, sauvegarder, dans la - commune et dans l'Etat, leurs intérêts qui sont actuellement laissés - à l'abandon.» - -Cette pétition circula avec succès dans les milieux les plus divers; -dans les cafés, les marchés, les halles en les galeries de l'exposition -de 1900, elle fut couverte de plus de trois mille signatures et déposée -par M. Clovis Hugues sur le bureau de la Chambre en 1901. - -M. Gautret qui avait signé cette pétition et avait demandé à la -déposer; sournoisement, la transforma en projet de loi, comme il avait -déjà transformé en projet de loi notre pétition réclamant la loi des -sièges. Il nous écrivit «qu'en agissant ainsi, il avait eu la ferme -intention d'aboutir plus vite.» Ne nous plaignons pas, que l'on trouve -bonnes nos idées. - -Notre pétition et la proposition de loi renvoyées à la commission du -suffrage universel, ne sont pas venues à l'ordre du jour. - - -_Pétition aux Conseillers généraux de la Seine._ - - «Messieurs les conseillers généraux, - - «Vos efforts pour faire progresser les êtres et les choses m'excitent - à croire que plus encore que les conseillers qui vous ont précédés, - vous êtes résolus à pousser en avant l'humanité. C'est donc avec - confiance que je viens vous prier--comme j'ai prié il y a vingt-et-un - ans vos prédécesseurs--d'émettre un vœu pour que les femmes soient - appelées à exercer leurs droits électoraux. - - «Ces droits, qui sont pour l'être humain les meilleurs instruments - d'émancipation, sont aussi la plus sûre garantie de n'être point - lésé, quand surviennent des changements dans l'ordre social et la - condition des individus. - - «Veuillez, messieurs, considérer que la question de la propriété - est à l'ordre du jour. Or, si le capital et la propriété étaient - socialisés avant que les femmes soient électeurs, ces malheureuses - ne récupéreraient pas en la société nouvelle ce qui leur aurait été - pris, attendu que les fonctions, les emplois, le bon travail seraient - monopolisés par les électeurs-souverains; donc, plus encore que - maintenant, les déshéritées du droit seraient des êtres de peine, des - bêtes à plaisir. - - «Sachant que les désirs que vous exprimez sont des ordres pour le - Parlement, vous ne voudrez pas vous soustraire au devoir de faire se - transformer la République de nom en République de fait, en aidant les - matrices de la nation à devenir citoyennes! - - «Vous voterez en 1906 la proposition qui fut examinée par vos - prédécesseurs en 1885, ainsi que l'atteste le Bulletin municipal - officiel du 3 décembre 1885. - - «Votre dévouement au bien public vous incitera à faire bénéficier le - pays de l'intégralité de l'intelligence de ses habitants de l'un et - de l'autre sexe; aussi, messieurs les conseillers généraux, j'espère - que vous accueillerez favorablement la requête que je vous adresse - au nom des Françaises, et je vous demande de vouloir bien agréer mes - remerciements anticipés. - - «Hubertine AUCLERT.» - - -_Conseil Général de la Seine, -séance du 20 novembre 1907._ - -Vœu relatif à la participation des femmes aux droits électoraux. - -M. d'Aulan rapporteur.--Messieurs, votre 4e commission m'a chargé de -rapporter favorablement un vœu présenté par Mme Hubertine Auclert en -faveur de la «participation des femmes aux droits électoraux.» - -Mme Hubertine Auclert exprime son espoir de voir obtenir un meilleur -sort au même vœu qu'elle présenta il y a 21 ans--et nous devons louer -sa persévérance-au Conseil Général. - -A cette époque que je n'ose dire lointaine--quelques-uns de nos -collègues déjà nubiles auraient pu apprécier la valeur de la requête -«en aidant les matrices de la nation à devenir citoyennes» selon -l'expression de Mme Hubertine Auclert. - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - -J'estime pour mon compte, messieurs, que le beau sexe ne doit pas se -mêler aux luttes politiques, ce serait trop souvent transformer son -sourire en grimace. - -_M. Thomas._--Pourquoi les femmes ne seraient-elles pas aussi capables -que les hommes en cette matière? Elles sont tout aussi intelligentes -qu'eux. - -_M. d'Aulan._--Mais j'estime aussi que les femmes qui gèrent des -intérêts de propriété, d'industrie ou de commerce ont droit à donner -leur opinion sur la façon dont nous gérons les intérêts de la ville ou -du département. - -Cela changera-t-il la composition de notre assemblée? Je ne le crois -pas. - -Dans le quartier qu'habite Mme Hubertine Auclert celui de la Roquette, -où l'on a quelquefois perdu la tête, notre collègue qui représente le -quartier récoltera le suffrage des dames, comme le feront de l'autre -côté du conseil, les conseillers de la rue Marbeuf ou de l'ex-rue Bréda. - -Aussi, au nom de votre 4e commission, ai-je l'honneur de vous proposer -de voter le vœu suivant: - -«Le Conseil Général. - -«Emet le vœu, - -«Que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral pour les -élections au conseil général et au conseil municipal. - -Adopté: - -_M. Landrin._--J'ai voté le vœu présenté par la 4e commission, mais il -me semble que cette question était suffisamment importante pour être -traitée d'une façon plus sérieuse par M. le rapporteur. - - -Tous les journaux ont parlé du vœu émis par le conseil général de la -Seine. - -Le _Temps_ dit: «Sur la demande de Mme Hubertine Auclert qui les -priait d'aider «les matrices de la nation à devenir citoyennes» les -conseillers généraux ont émis le vœu que les femmes soient appelées à -jouir du droit électoral. - -Ce vœu présenté avec une grâce toute dix-huitième par M. le comte -d'Aulan a été voté à main levée. Le débat court et vif fut empreint -d'une certaine gaieté.» - -Pour Le _Figaro_. «Le féminisme a remporté une petite victoire toute -platonique, d'ailleurs, mais flatteuse. - -MM. les conseillers généraux ont beaucoup ri et comme la gaieté est -gentille conseillère, le vœu féministe fut adopté à la majorité des -suffrages.» - -Le Petit _Journal_ pense que «Le conseil général a émis un vœu qui -marquera d'une pierre la route vers la conquête du droit de vote qu'ont -entreprise depuis longtemps déjà des groupes féministes...» - -Suivant L'_Eclair_ «le vote du conseil général est par le succès qu'il -souligne un des feuillets intéressants du livre d'or du féminisme.» - -L'_Echo de Paris_ fait remarquer que «c'est sans discussion que le -conseil général à mains levées a voté le vœu favorable au suffrage des -femmes. A la contre épreuve il n'y a même pas eu la moindre opposition. - -«Evidemment, les féministes préféreraient qu'un tel vœu eût été émis -par le Parlement; mais il y a commencement à tout et puisque les cent -un membres du conseil général se déclarent partisans du droit de -suffrage pour les deux sexes, c'est que l'idée a fait du chemin.» - -Parrhisia écrit dans La _Française_ «une journée qui sera marquée d'un -caillou blanc dans les annales du féminisme, car une grande victoire y -fut remportée, c'est celle où le conseil général adopta le vœu émanant -de Mme Hubertine Auclert et réclamant pour les femmes la participation -aux droits électoraux.» - - -_Pétition pour demander de rendre effectif le vœu émis par les -conseillers généraux de la Seine._ - - «Messieurs les députés, - - «Messieurs les sénateurs, - - «Dans sa séance du 20 novembre, le Conseil général de la Seine, a, - sur ma demande, émis le vœu que les femmes soient appelées à jouir du - droit électoral pour les élections au conseil général et au conseil - municipal. - - «Je vous prie de rendre effectif ce vœu, en étendant aux femmes - françaises les droits électoraux, que beaucoup d'Européennes - possèdent. - - «Veuillez, messieurs, considérer que les femmes qui sont à leur - grand préjudice, privées des droits électoraux, ont des facultés - d'épargne, sont aptes à s'ingénier, à prévoir, et vous voudrez, dans - l'intérêt général, utiliser leurs qualités. - - «HUBERTINE AUCLERT.» - -La commission des pétitions de la chambre, n'a pas même voulu examiner -la proposition de ratifier le vœu émis par le Conseil général de la -Seine et a passé à l'ordre du jour. - -Ne pouvant donner notre suffrage aux conseillers qui ont tenté de -soustraire les femmes à l'exclusion électorale, nous avons fait apposer -des affiches sur lesquelles on lit: - - - _Le Suffrage des Femmes, 151, rue de la Roquette._ - - «_Votez_, faites _voter_, pour les _Conseillers_ qui ont émis - un _vœu_ pour que les _Femmes_ soient _électeurs_. Les _Femmes - électeurs_ seront plus _considérées_, mieux _rétribuées_, leurs - facultés d'épargne rendront possibles toutes les _réformes_.» - - - - -UN SEXE EST-IL SUPÉRIEUR A L'AUTRE? - - -Le docteur Paul Topinard, dans _La Revue de la science politique_, dit: -«que la différence de volume du cerveau était moindre entre les sexes -aux âges préhistoriques et est moindre chez les sauvages, qu'elle n'est -dans les races civilisées. Le progrès fait s'accentuer l'inégalité -cérébrale. Le genre d'occupation de chacun crée des inégalités -physiques dans le cerveau et dans ses manifestations. - -«Il faut, conclut l'anthropologiste Paul Topinard, se préoccuper de la -femme, lui faire partager nos travaux, notre responsabilité, fournir un -aliment non futile à son activité cérébrale.» - -Selon le docteur Louis Büchner: - -«La prétendue infériorité de la femme, quant au volume cérébral, est -une notion tout à fait erronée. Ce n'est pas dans ses dimensions -absolues, mais dans ses dimensions relatives qu'il faut chercher la -valeur réelle du cerveau; c'est-à-dire dans sa masse comparée à la -masse totale du corps, et la qualité de la matière cérébrale. S'il -n'en était ainsi, l'homme occuperait alors dans l'échelle des êtres un -rang bien inférieur à celui de l'éléphant ou de la baleine, qui ont un -cerveau bien plus volumineux que le sien. - -«Si l'on observe que le développement matériel du corps de la femme, -reste en général de beaucoup au-dessous de celui de l'homme, on -trouvera (d'après plusieurs savants) que la grosseur relative du -cerveau de la femme, loin d'être inférieure à celle qu'offre l'homme, -lui serait plutôt sensiblement supérieure.» - -_Broca_, le fondateur de l'_Anthropologie en France_, écrivait en 1882: - -«La campagne dirigée contre la femme au point de vue anthropologique -ne trouve pas d'appui dans la crâniométrie. La diminution moyenne de -capacité crânienne chez la femme est en majeure partie due à sa taille. - -«Je crois avoir démontré qu'il y a égalité entre les sexes pour le -développement cérébral et même _on pourrait soutenir_, fait en rapport -avec ce que l'anatomie comparée indique comme constituant un véritable -progrès morphologique cérébral, _que la femme est plus avancée en -évolution que l'homme_.» - -M. Louis Lapique a fait cette communication à l'académie des sciences: -«Le poids du cerveau par rapport à l'intelligence, n'a pas plus -d'importance que le poids d'une horloge par rapport à la justesse des -heures qu'elle marque.» - -Des savants européens de l'un et de l'autre sexe, prétendent -pouvoir prouver scientifiquement que la femme est en raison de sa -sexualité, supérieure à l'homme; cependant, que des savants américains -prétendent que dans l'avenir: il y aura alternativement une période de -prédominance masculine et une période de prédominance féminine. - -En attendant que les hommes et les femmes l'emportent tour à tour, -les uns sur les autres, il se peut fort bien que le sexe féminin, -infériorisé aujourd'hui, soit durant un temps, considéré comme le sexe -supérieur. - -D'abord, le droit qui partout élève ceux qui le possèdent, fera -s'élargir la mentalité des Françaises, et il les rendra aptes à appeler -à la vie des êtres supérieurs. - -Pourtant, sous leur aspect différent, les deux parties du tout humain, -sont et resteront toujours équivalentes, comme la gauche et la droite -d'un même corps. - -Mais, quand une erreur a été longtemps accréditée, on ne réagit contre -elle qu'en tombant dans l'excès contraire. Pour établir l'égalité des -sexes, il est donc bien possible que l'on dépasse le but proposé, que -l'on exalte celle que l'on a tant dépréciée et rabaissée, en la voyant -prime-sautière, faire pour ascensionner dépense d'énergie. - -En France, il y a près d'un million de femmes de plus que d'hommes, -cependant, il naît beaucoup plus de garçons que de filles. - -Le sexe féminin naît mieux équipé que le sexe masculin d'après M. -Henry de Varigny. «Les reins, le foie, le cœur sont plus lourds chez -l'embryon féminin. La femelle est mieux pourvue que le mâle; elle est -physiologiquement plus parfaite que lui. Si la femelle n'a pas la -vigueur du mâle, elle a une force de résistance supérieure à la sienne. - -«La femme a plus de ténacité de vie que l'homme, elle supporte mieux -l'abstinence, elle mange moins, mais profite mieux de ce qu'elle mange. - -«La mortalité masculine l'emporte sur la mortalité féminine. Le sexe -fort, c'est le sexe féminin!» - - -Mieux organisées que les hommes, les femmes meurent beaucoup moins -facilement qu'eux. - -«Dès la plus tendre enfance, dit le docteur Perron, sur 1.000 décès de -petits garçons, on n'en compte pas 750 de petites filles. - -«Dira-t-on que les petits garçons ont été victimes de leurs passions, -de leurs fatigues, de leur intempérance?--Non: _La supériorité -organique du sexe féminin est native, physiologique_. - -«Cette supériorité est surtout manifeste pendant la vie embryonnaire; -sur huit avortements naturels, cinq sont d'enfants mâles.» - -Avant que ne soient faites ces observations scientifiques, ce -dicton:--«Le chagrin fait vivre la femme,» établissait, en même temps -que la longévité, la douloureuse destinée des femmes. - -Ce sont les femmes soustraites à l'oppression masculine: les veuves et -les célibataires, qui ont l'existence la plus longue. - -Ce sont les femmes mariées qui ont la vie la plus courte. - -Le cerveau de la femme restant inerte s'atrophie, tandis que le cerveau -de l'homme travaillant s'hypertrophie. On peut donc penser que si les -femmes étaient en la société dans les mêmes conditions que les hommes, -elles seraient loin d'être inférieures à ceux-ci. - - - - -Mme CURIE ET SA DÉCOUVERTE - - -Quand Mlle Sklodowska fut reçue docteur es-sciences physiques, sa thèse -avait pour objet, la recherche des substances radio-actives. Après -son mariage avec M. Curie, la fille du savant Sklodowski continua ses -recherches sur les substances radio-actives, trouva le radium; et, -cette manifestation du génie féminin embarrassa le sexe masculin. - -Le syndicat de la presse parisienne ayant décidé de répartir les cent -mille francs du prix Osiris entre les deux inventions qui avaient fait -à l'époque le plus d'honneur à la science française; 60,000 francs -furent donnés à Mme Curie pour le radium, 40.000 francs à M. Branly -pour la télégraphie sans fil. - -En dépit du prix Osiris, récompense sonnante décernée à Mme Curie pour -sa découverte, les hommes mirent la main sur la victoire scientifique -obtenue par elle. - -A ceux qui reprochent au sexe féminin de manquer de génie, de ne rien -inventer, il est à présent démontré que les découvertes faites par les -femmes sont mises à l'actif des hommes. - -M. Curie, qui fut associé à Mme Curie pour partager avec M. Becquerel -les cent mille couronnes du prix Nobel, n'était pas complice des gens -déterminés à déposséder sa compagne du résultat de son labeur pour le -gratifier de son mérite. En une conférence à la Sorbonne, il déclara -que le radium avait été découvert par son épouse; qu'il n'avait -abandonné ses travaux en cours pour se joindre à elle, qu'après qu'elle -fut parvenue à isoler le corps nouveau. - -Lorsque les roues d'une lourde voiture eurent enlevé à la vie M. Curie, -il fallut bien avouer la vérité, en nommant professeur à la Sorbonne -et en faisant monter dans la chaire créée en l'honneur du radium, la -savante jusque-là tenue dans l'ombre dissimulée derrière un homme. - -Seulement, n'est-ce pas une anomalie de charger la femme d'enseigner -les sciences et de lui interdire de faire les lois? - - - - -LA RÉFORME PRIMORDIALE - - Proclamer égaux devant le droit l'homme et la femme, est une réforme - qui facilitera toutes les autres. - - -Le progrès résulte surtout de l'aptitude des humains à l'accélérer; -or, pour obtenir des êtres propres à activer le progrès, la première -condition est de perfectionner le moule d'où ils sortent, de donner à -ce moule la possibilité de les produire. Ce ne sera qu'en faisant les -matrices de la nation citoyennes, qu'on les rendra capables de créer -des citoyens. - -L'usage, qui dans la vie sociale tend de plus en plus à assimiler -les femmes aux hommes, à laisser celles-ci exercer la profession de -ceux-là, incite à considérer comme d'un autre âge, le préjugé faisant -exclure des affaires publiques le sexe qui s'entend particulièrement à -gérer ses affaires privées. - -On est bien plus habitué aujourd'hui à l'idée de voir voter les femmes, -qu'on ne l'était en 1847 à celle de voir voter les non-censitaires. -Chacun, se rend tellement compte que l'exploitation du sexe majorité -est due à son exclusion politique, qu'à toutes injustices commises -envers les femmes, des hommes maintenant s'écrient: «Si les Françaises -votaient, on ne les traiterait pas de la sorte» et les journaux de -toutes opinions tiennent à l'occasion, ce même langage féministe. - -Cette unanimité à convenir que tant de maux découlent pour les -femmes de leur annihilement, forcera bientôt le bon sens français à -reconnaître que c'est à toute la nation, que l'exclusion politique des -génératrices préjudicie. - -L'affiche illustrée, la carte postale, le timbre, représentant un -homme et une femme qui se rencontrent devant l'urne électorale, pour -sauvegarder leurs intérêts publics, comme ils se rencontrent dans une -étude de notaire, pour sauvegarder leurs intérêts privés, obligent à -penser, que le droit de voter, est aussi indispensable au sexe féminin -qu'au sexe masculin. - -Si l'on demandait aux hommes pourquoi ils s'opposent à ce que les -femmes aient leur part des prérogatives conquises par nos aïeux; ils ne -parviendraient pas à donner d'explications valables, sachant bien que -les privilèges qu'ils s'arrogent sans les faire partager aux femmes, -ne sont pas plus légitimes, que ceux dont la noblesse et le clergé -jouissaient au détriment du peuple avant 1789. - - -_Un Précédent._ - -Autrefois, on avait pour la condition sociale, le mépris que l'on a -actuellement pour le sexe féminin. Avant 1848 les hommes des basses -classes et les bourgeois instruits mais non fortunés, ne pouvaient -pas plus que les femmes aujourd'hui, opiner sur les lois qu'ils -subissaient. Il a fallu que les ouvriers s'insurgent, fassent des -barricades en demandant la réforme, pour que le bulletin de vote fut -octroyé à de savants professeurs, à des membres de l'Institut qui -ne payaient point les deux cents francs d'impôts exigés pour être -électeurs. - -C'est encore avec une apparence de raison, que les monarchistes, imbus -du principe d'autorité, maintiennent la femme dans une condition -inférieure à celle de l'homme; mais, les républicains qui écrivent sur -les murs: Liberté! Egalité! se mettent en contradiction avec eux-mêmes, -en laissant le sexe masculin spolier le sexe féminin de ses droits. - -Les députés, voient sans déplaisir les électeurs s'amoindrir en -compagnie de serves, alors, que ceux-ci ont au contraire intérêt à -s'augmenter au contact de citoyennes, afin d'être à même de contrôler -les actes de leurs mandataires, de les nommer pour une période plus -courte, jusqu'à ce qu'ils puissent exercer directement le gouvernement. - -Quand tout le monde convient que hommes et femmes sont équivalents, -ont chacun des qualités propres, que les deux intelligences, les deux -énergies, masculine et féminine, sont aussi absolument indispensable -l'une que l'autre pour réaliser le mieux être souhaité; n'est-il point -temps pour l'homme, de renoncer au stupide préjugé qui fait de sa mère -qu'il aime tant, son inférieure? - -Si les Français comprenaient leurs véritables intérêts, la première -question résolue serait cette question motrice: l'universalisation du -suffrage aux femmes. - - - - -LES FEMMES SONT LES NÈGRES - - -Alors que les nègres votent, pourquoi les blanches ne votent-elles pas? - -Alors que des nègres siègent à la Chambre, pourquoi des femmes ne -peuvent-elles pas sauvegarder au Parlement les intérêts de leur sexe? - -Certes, nous applaudissons à l'assimilation des nègres aux blancs; -mais, on nous permettra de demander:--Qu'attend-on pour assimiler à -leur tour les femmes aux hommes blancs et noirs? - -En nos possessions lointaines, on fait voter un grand nombre de noirs, -qui ne sont intéressés ni à nos idées, ni à nos affaires; cependant que -l'on refuse aux femmes éclairées de la métropole le bulletin de vote, -qui les empêcherait d'être broyées dans l'engrenage social. - -Au Sénégal, en le corps électoral, il y a huit mille nègres, dont la -majeure partie ne comprend même pas la langue française. - -Les électeurs sont des moutons conduits aux urnes par ce berger: le -chef de village, qui opine pour eux. - -Aux Indes, soixante-douze mille électeurs indigènes ne parlent pas -notre langue, ne subissent pas nos lois, ne sont pas contribuables, -cependant ils votent, alors que les Françaises, qui fournissent -la moitié des budgets et facilitent aux hommes, par leur habileté -économique, le moyen d'apporter dans les caisses publiques leur -quote-part, sont exclues de l'électorat. - -Le pas donné aux nègres sauvages, sur les blanches cultivées de la -métropole, est une injure faite à la race blanche. - -Les hommes de couleur sont chez nous bien plus favorisés que les femmes. - -Pour les Français, les vrais nègres ne sont pas les noirs, ce sont les -femmes qui, partout, peinent et souffrent à leur place. - -Comme pour jouer le rôle de nègre, il ne faut pas avoir qualité pour -demander le remaniement du pacte social faisant une si anormale -répartition des droits et des devoirs, la femme, naturellement, est -privée du bulletin de vote. - -Les hommes qui se sont préoccupés de faire en nos possessions -lointaines, du suffrage une réalité pour les nègres, se sont -contentés, en France, de changer la signification des mots, d'appeler: -souveraineté du pays, la souveraineté des hommes, qui sont le -sexe-minorité, en ce pays. - -Cette mise en parallèle de nègres à moitié sauvages, sans charges ni -obligations, votant, et de femmes civilisées, contribuables et point -électeurs, démontre surabondamment, que les hommes ne conservent leur -omnipotence en face des femmes, qu'afin d'exploiter ces déshéritées. - -Pour empêcher les Français de traiter en nègres les Françaises, il est -indispensable d'octroyer aux femmes les privilèges dont jouissent les -hommes blancs et noirs. - - - - -LES FRUSTRÉES DU BULLETIN SONT PRIVÉES DES EMPLOIS, DU REPOS, DES -HONNEURS ET DES LEGS. - - -Parce qu'elles ne votent point, les femmes n'ont pas droit au droit -commun. On leur mesure le labeur payé, on les frustre des emplois, du -bon travail, du repos hebdomadaire, des honneurs et des héritages. - -Les Françaises non électrices sont à ce point des parias, qu'elles ne -peuvent jouir des réformes accomplies. - -Tout le monde, en France, se repose le dimanche: hormis les femmes. - -Parce que le sexe féminin mis au ban de la République ne vote pas, les -travailleuses, les artisanes, les petites bourgeoises, les ménagères -ne bénéficient point du repos hebdomadaire; attendu que les hommes -trouvent commode de se faire servir par leurs domestiques gratuites, -le dimanche comme les autres jours; et qu'ils abusent plus encore le -dimanche qu'en la semaine, de celles qui sont leurs instruments de -plaisir. - -Parce que le sexe féminin mis au ban de la république ne vote pas, les -travailleuses à domicile qui exercent une profession--tout en élevant -leurs enfants--ne bénéficieront point des retraites ouvrières; les -usurpateurs du droit des femmes, n'entendant pas diminuer la pension -de retraite des électeurs pour en allouer une aux sans bulletins, -qui peinent sans relâche, en même temps qu'elles perpétuent l'espèce -humaine. - -Parce que les femmes mises au ban de la République ne votent pas, elles -se voient enlever le pain de la bouche. Sous prétexte de sauvegarder -leur santé--en réalité pour réserver à l'homme le bon travail.--On leur -mesure le labeur rétribué, mais elles peuvent travailler gratuitement, -le jour, la nuit, les dimanches!... - -Les femmes auxquelles il est interdit de veiller pour faire un travail -bien payé ont la liberté de peiner, pourvu qu'elles ne gagnent rien en -s'épuisant. - -Lorsque les femmes voteront, elles jouiront du droit commun; et, pour -un travail égal, elles recevront un salaire égal à celui de l'homme. - -Beaucoup de femmes sont vaincues en la lutte pour l'existence, parce -qu'elles sont laissées sans armes politiques. L'exclusion du droit au -vote prive du droit au pain; l'homme s'étant attribué les gains en même -temps que le suffrage. - -L'émancipation économique du sexe féminin est liée à son émancipation -politique. Les femmes ne peuvent disputer aux hommes les bonnes places -pendant qu'elles ne possèdent point ce passe-partout--le vote--qui -ouvrirait la porte de toutes les carrières à leur activité productrice. - -Les Françaises, en vain, ont des mérites, possèdent des titres; ce -n'est pas le diplôme, c'est le bulletin qui fait employer. - -La dégradation civique amoindrit dans la main de la femme le -gagne-pain. Pour pouvoir prétendre à l'indépendance économique que le -bon travail procure, les femmes doivent devenir électeurs; et ainsi -faire que le suffrage universel soit une vérité. - -Actuellement, le système électoral ne fournit de la France qu'une -représentation défigurée. Plus de la moitié de la nation n'est pas -représentée pendant que les femmes ne votent point. - - -_Pas de droits, pas d'honneurs._ - -Dire aux femmes qu'elles ne sont pas aptes à voter, c'est leur déclarer -qu'elles ne sont pas dignes de porter la rosette. - -Quels actes surhumains doit accomplir une femme pour être décorée! -Encore, tous ses mérites sont-ils insuffisants, si elle n'est -chaleureusement recommandée aux distributeurs de croix. - -S'enrubanner conventionnellement, est partout un privilège mâle. - -La décoration, qui varie de forme et de couleur chez les différents -peuples, reste sous toutes les latitudes l'attribut de l'homme -orgueilleux. - -Les femmes peuvent en mille occasions s'être distinguées, leurs actes -seraient-ils sublimes, ils passent inaperçus. De même que sur le champ -de bataille toujours l'officier est décoré pour son régiment vainqueur, -en la société, toujours le mari obtient la récompense honorifique -méritée par son épouse. - -En toutes les expositions, des époux de commerçantes reçoivent la croix -à la place de la corsetière ou de la lingère émérite qui est leur -compagne. - -En temps de paix, l'intelligence de la femme assure la glorification de -l'homme. En temps de guerre, la femme augmente les efforts défensifs, -elle souffre, elle lutte, cependant, elle n'est pas décorée. - -L'homme et la femme--ont un sort si différent dans la société, parce -qu'ils sont régis par des lois différentes. - -Les hommes seuls étant législateurs, chacun comprend pourquoi tout est -défavorable au sexe féminin et favorable au sexe masculin. - -A l'homme qui a la belle destinée, le champ reste ouvert pour -l'améliorer encore. - -A la femme annulée et bâillonnée au point de vue politique, est dévolu -l'irrévocable. - -Quand les femmes auront été proclamées les égales des hommes devant le -droit, elles seront les égales des hommes devant les distinctions; et -à toutes distributions de croix elles recevront leur part de marques -honorifiques. - - -_Pas de droits, pas de donations._ - -Parce que la femme ne vote pas, il ne lui est point fait de legs. Les -dames n'exercent leur libéralité qu'envers les hommes, qui seuls sont -actuellement à même de reconnaître la générosité. - -Des féministes en mourant déshéritent leur sexe, pour laisser comme Mme -Griess-Traut 50,000 francs aux Fouriéristes. - -Mme Dimbour était elle aussi féministe. On trouve son nom au bas des -affiches électorales de la société «Le Droit des Femmes» et elle fit -un jour à un politicien qui lui recommandait une œuvre masculine cette -réponse:--Croyez-vous, que nous, femmes, nous allons chauffer le four -pour les hommes?» - -Cependant, quand elle sentit sa fin proche, ce fut aux hommes qu'elle -fournit une torche de cent mille francs pour allumer le four de la -verrerie d'Albi. - -Certes, propager la doctrine de Fourier et créer une verrerie ouvrière -sont œuvres excellentes; seulement, leur sexe opprimé criait aux -généreuses mourantes: «Au secours!» Le délivrer, n'était-ce pas ce -qu'il y avait de plus pressé à faire? - -Pourquoi toutes les femmes riches s'en vont-elles sans songer à leur -sexe? - -Parce que ce sexe n'a pas le pouvoir de faire honorer les donatrices. - -Les hommes ont immédiatement prouvé leur reconnaissance, en baptisant -une avenue de Carmaux, «avenue Dimbour.» Tandis qu'avec la meilleure -volonté, les femmes qui ne sont ni conseillères municipales, ni -députées, n'auraient pu donner à une rue le nom de leur bienfaitrice. - -Pour avoir part aux libéralités, des partantes, il faudrait que les -femmes puissent répartir la gloire fugitive. Or, pour atteindre à ce -pouvoir distributif, il est justement indispensable qu'elles reçoivent -beaucoup de dons... Qui est-ce qui tirera le féminisme de cette impasse? - ---Les Françaises ont à la fois la fortune et l'amour de la liberté. -Le cadastre atteste qu'elles possèdent la plus grande partie de la -propriété terrienne, pendant que la statistique apprend que, par esprit -d'indépendance, beaucoup de femmes riches se refusent au mariage. - -Eh bien, parmi les millionnaires de France, n'est-il donc point de -dames ou de demoiselles qui aient l'ambition de remplir le monde de -leur renommée, de donner leurs noms aux places publiques, de s'assurer -d'être perpétuellement honorées et glorifiées; qu'aucune encore n'est -venue dire:--Je veux être la rédemptrice de mon sexe? Voilà des -millions pour payer la lime briseuse de chaînes qui procurera aux -femmes la liberté? - -Les Françaises sont admirables de dévouement, beaucoup sacrifieraient -avec enthousiasme leur vie pour une idée; pourtant, dès qu'il s'agit -de débourser afin d'assurer le triomphe de cette idée, leur ardeur se -refroidit; elles se fient les unes sur les autres pour sortir de la -poche l'or libérateur. - -La crainte de dépenser les domine. - -Cette propension des femmes à une parcimonie frisant l'avarice, -qui, utilisée dans la commune et dans l'Etat donnerait d'heureux -résultats financiers, permettrait, en faisant mieux encore les choses -qu'aujourd'hui de réduire les dépenses publiques, de procurer un -mieux-être national; est absolument préjudiciable à l'émancipation des -femmes. - -L'économie excessive, qualité ou défaut qui profite aux autres, leur -nuit à elles-mêmes, en ce sens qu'elle les empêche d'apporter ce qui -en toute lutte constitue le principal élément du succès: les munitions -de guerre c'est-à-dire l'argent, qui crée les courants d'opinion et -détermine les enrôlements. - -Les femmes ne veulent rien dépenser pour démolir le piédestal du dieu -mâle. - -Les Françaises ne sont pas admises à l'Académie; cependant, aucune -riche lettrée ne crée, à l'imitation de MM. de Goncourt, une académie -spéciale aux évincées. - -Dans la guerre aux privilèges masculins, qui a toujours payé la poudre -et les cartouches? - ---Des femmes peu fortunées et des hommes, surtout des hommes. - -Les dames riches ne donnent rien pour empêcher leur sexe d'être sur la -roue et sous l'affront. - -Pour remonter le courant d'égoïsme et conquérir l'opinion à la -justice envers les femmes ce sera long; tandis qu'en quelques jours, -la législation qui opprime et infériorise la Française pourrait être -transformée. Quand on songe à quel point le changement de condition -de la femme améliorerait la situation politique et économique du -pays, on est surpris que les philanthropes n'emploient pas des sommes -considérables à réaliser l'affranchissement féminin. - - - - -LE FORÇAGE DES IDÉES - - -Les Françaises déprimées par la servitude ont peur de la liberté et -haïssent ceux qui veulent les affranchir. Il y a plus d'un siècle que -Condorcet fit de cela la remarque en disant: «que les femmes ne lui -pardonneraient point de réclamer leurs droits politiques.» - -Les Françaises ont une docilité de brebis qui surprend même les bergers. - -Eh bien! il suffirait qu'un berger entre-bâille devant ces brebis, les -femmes, la porte des gras pâturages politiques, pour que le troupeau -féminin entier s'efforce de s'y précipiter. Mais, qu'est-ce qui décidera -un berger, c'est-à-dire un député, à monter à la tribune de la Chambre, -pour demander que les femmes aient leur part des prérogatives dont les -hommes ont le monopole? - ---Les principes? L'égalité? - ---Hélas! tout cela est trop passé de mode pour pouvoir aiguillonner un -être et susciter un effort. - -Actuellement, la plus juste des causes reste en souffrance si l'on ne -gagne rien à la défendre. - -Les détenteurs du pouvoir n'ont aucun intérêt à servir les dégradées -civiques d'origine. - -Mais, cet intérêt, les femmes pourraient l'exciter en offrant des -primes au dévouement. Recourir à l'achat des vouloirs, négocier les -réformes souhaitées serait moins long, que de décider la masse des -électeurs à forcer, en notre faveur, la main aux députés. - -A notre époque de mercantilisme où tout s'acquiert à prix d'argent, -pourquoi les femmes riches n'achèteraient-elles pas avec des votes et -des projets de lois la liberté de leur sexe? - -Le droit s'achète, les réformes se négocient comme les affaires. Très -souvent au Parlement, des avantages sont offerts, par les ministres, -aux chefs de groupes, pour s'assurer en certaines circonstances, le -vote de ces groupes. - -Le seul mobile des actions humaines est l'intérêt, et c'est seulement -l'intérêt, qui sera le stimulant déterminant à prendre parti pour les -femmes. - -L'argent est un moteur plus puissant que le temps pour changer les -mentalités. Il est urgent que les revendicatrices aient un trésor -libérateur; afin d'être en mesure d'activer l'épanouissement du -féminisme, en appliquant aux idées le forçage que les jardiniers -appliquent aux plantes dont ils veulent hâter la floraison. - -Le jour où les Françaises seront à même d'encourager à vouloir les -affranchir, ceux qui ont le pouvoir de les affranchir; il est certain -qu'il se produira chez les hostiles à nos revendications un revirement, -que la question féministe deviendra passionnante et sera aussitôt -résolue. - - - - -INSTAURATRICES DE BIEN-ÊTRE - -Si l'homme est plus que la femme apte à créer de la richesse, la femme -est beaucoup plus capable que l'homme de tirer parti de cette richesse. - - -L'homme a des qualités que sa compagne ne possède pas: il est grand! -franc! généreux! La femme souvent use de ruse, de duplicité, de -finasserie. On l'accuse d'être ennemie de la vérité! On dit qu'il est -aussi dangereux de lui confier un secret qu'un projet; car elle révèle -l'un, elle s'approprie l'autre. - -Cette difformité morale du sexe féminin, qui fait se garer les femmes -les unes des autres et retarde le groupement émancipateur, est -cependant purement artificielle; c'est une déviation qui résulte de la -condition, une déformation due à l'état d'esclavage. - -De même que l'être physique privé d'air et de liberté, l'être moral -immobilisé dans la sujétion se tord et s'enlaidit. Que l'on soumette -la femme à l'action vivifiante du soleil de justice et ses mauvais -instincts disparaîtront. - -Toutefois, si la femme étale avec une sorte d'inconscience les vices de -l'esclave, il faut reconnaître qu'elle fait aussi montre de qualités -et, entre toutes, de cette aptitude à la prévoyance qui, en dépit du -dénûment, lui permet de subsister. - -Que ferait-on dans les ménages pauvres sans l'esprit précautionneux de -la femme? - -Si la prévoyance féminine, si précieuse pour la famille, était utilisée -pour la nation; si la femme ménagère dans la maison était ménagère dans -l'Etat. Toutes mesures seraient prises pour qu'on ne paie point cher -les aliments. - -Il est incompréhensible, que la femme chargée de ravitailler la maison -n'ait pas le pouvoir de rendre ce ravitaillement facile, en assurant -l'approvisionnement du marché. - -Si l'on ne retirait honneurs et profits quand on s'emploie dans l'Etat, -il est probable que le sexe masculin aurait laissé la prévoyance -féminine intensifier la vitalité et accroître le bien-être de la -nation. Mais comme il y a, pour qui est censé s'occuper du grand ménage -public, une bonne rétribution et des croix de la légion d'honneur, -les hommes ont dit: «Nous nous chargeons de préserver de la faim les -estomacs!» - -Or, l'alimentation des Français, même en temps normal, n'est point -assurée. - -Si les femmes contribuaient à répartir les budgets comme elles -contribuent à les former, elles ne laisseraient pas subsister pour la -majorité de la nation l'absence de garanties contre la mort par la -faim; et, pour la minorité, la profusion des jouissances, la vigilance -à prévenir les désirs. - -La prudence conseille de ne plus confier à l'homme, le soin d'assumer -seul, sans le concours de la femme, la responsabilité de la vie humaine. - -C'est parce que la ménagère est exclue des conseils de la nation, qu'il -y a souvent disette au lieu de surabondance. - - * - * * - -Le Français qui sacrifie dans l'Etat l'indispensable au superflu est -dans la maison un être très positif. Si pauvre qu'il soit, il veut le -bien-être: logement, vêtements chauds l'hiver, en toutes saisons bonne -table. - -Quand il s'agit de réaliser avec un maigre budget ce _desideratum_, -quel embarras dans le ménage! On calcule, on additionne, on soustrait; -l'homme se décourage, la femme s'ingénie, elle augmente la valeur -d'emploi de l'argent et parvient à faire face aux dépenses. - -Le mari, qui ne manque de rien, qui se trouve plutôt à son aise, finit -par se reposer complètement sur le savoir-faire de sa femme, il la -laisse pourvoir à tout. Point avare d'éloges d'ailleurs, il apprend à -chacun qu'avec peu d'argent, sa compagne lui fait une vie confortable. -La logique permettrait de supposer que tous les maris, plus satisfaits -les uns que les autres de la manière dont leurs épouses gèrent le -budget familial, vont proposer de mettre à profit leur habileté pour -la gestion du budget national. - -Profonde erreur, ces messieurs entendent se réserver le monopole -de la compétence, en matière administrative; et s'attribuer, à eux -exclusivement, toute fonction rétribuée. - -Le préjugé fait s'éterniser le masculinisme; cependant, nous ne serons -une démocratie que le jour où les femmes exerceront en France leurs -droits civiques comme les hommes; car «la démocratie est l'organisation -politique dans laquelle tout est véritablement fait _par tous_ et _pour -tous_.» - -Chacun ne comprend-il pas quel intérêt il y aurait à avoir, en même -temps qu'une commission d'hommes habitués à dépenser sans compter, une -commission de femmes rompues à l'économie, pour contrôler les budgets? - -Les Français sont dans l'erreur, lorsqu'ils pensent que la citoyenne -ferait disparaître la ménagère. C'est justement le contraire qui -aurait lieu; puisqu'il est impossible à la femme d'être une parfaite -ménagère, c'est-à-dire, une instauratrice de bien-être, sans devenir -une citoyenne. - -Pour que l'homme trouve chez lui le réconfort physique et moral que lui -procureront une saine habitation, une alimentation substantielle, il -est indispensable que sa compagne participe à l'administration de la -société, surveille dans la commune et dans l'Etat, la production et la -vente des choses nécessaires à l'existence. - -La plus habile préparation culinaire, n'étant point capable de donner -à la vache maigre, les qualités nutritives du bœuf en bon état; il est -pour réaliser le bien être familial, quelque chose de plus important -encore que de savoir sauter un poulet et arroser un gigot; c'est de -pouvoir d'abord se procurer ce gigot et ce poulet, de bonne qualité et -à bon compte. - -Or, comment les ménagères, ou plutôt les instauratrices de bien-être -parviendraient-elles à se procurer facilement des denrées comestibles -fraîches, de première qualité, à bas prix, pendant qu'elles n'ont ni -le droit d'opiner, ni le droit d'agir en la cité, pendant qu'elles -restent en France des annulées auxquelles il est interdit de s'occuper -de l'approvisionnement alimentaire? - -Place aux femmes! est la plateforme indiquée aux résolus à transformer -l'Etat social; car les héréditaires préjugés vont être obligés de -capituler devant les événements qui crient, qui hurlent, qu'il faut sur -la scène politique le concours du sexe féminin. - -Partout, les hommes sont actuellement dans un grand embarras: Pour -n'avoir pas poursuivi en même temps que le développement intellectuel, -l'amélioration des conditions d'existence des masses, les détenteurs du -pouvoir se trouvent aux prises avec des difficultés que le concours des -femmes, si intuitives et maternelles rendraient plus faciles à résoudre. - -L'heure psychologique semble donc venue d'appeler les femmes dans les -conseils de la nation, comme au moment du péril, on appelle sur les -champs de bataille la réserve, les régiments de renfort. - -Le sexe masculin ne peut suppléer le couple humain pour administrer la -société. Dans l'intérêt de l'ordre et de la prospérité publique, les -femmes doivent compléter les hommes au Palais-Bourbon et à l'Hôtel de -Ville? - -Les Français cumulent à leur préjudice, les rôles masculins et féminins -dans la République. Ce n'est pas seulement au détriment du bien -général, c'est au détriment de leur santé, de leur vie, que les hommes -s'obstinent à tout régir dans l'Etat. - -Pendant, en effet, qu'en leurs laboratoires des savants s'efforcent -de découvrir le moyen d'anéantir microbes et bacilles, de nombreux -organismes humains sont détériorés par une alimentation défectueuse. -C'est que par une de ces contradictions qui abondent en notre ordre -social, les femmes qui sont chargées de ravitailler la maison, -d'apprêter les aliments, ne peuvent contribuer à améliorer la manière -de sustenter l'humanité; elles ne sont pas plus admises à réglementer -les approvisionnements des marchés, qu'à inspecter les comestibles. - -Pourquoi les femmes ne siègent-elles pas dans les commissions -d'hygiène? Pourquoi les femmes ne sont-elles point désignées pour -surveiller le commerce des denrées alimentaires? - ---Parce qu'elles ne votent pas; et que même les emplois qui conviennent -particulièrement aux femmes, sont seulement donnés aux électeurs. - - - - -L'UNIVERSALISATION DU SUFFRAGE - -En notre société en travail de transformation, qui n'a pas voix au -chapitre, en ayant droit au vote, sera sacrifié demain et manque -aujourd'hui. - - -Les femmes riches seraient privées de leur fortune et les femmes -pauvres resteraient dans le besoin, si la propriété individuelle était -socialisée avant que le sexe féminin soit électeur et éligible, car, -les femmes dépouillées de ce qu'elles possèdent ne récupéreraient -point dans la société nouvelle ce qui leur aurait été pris; attendu, -que les fonctions, les emplois, le bon travail, appartiendraient aux -seuls électeurs. Les femmes restant déshéritées des droits politiques, -risquent donc d'être demain plus malheureuses encore qu'elles ne sont -aujourd'hui. - -Pour que la transformation sociale s'accomplisse au profit de toute -l'humanité, il est indispensable que hommes et femmes aient le droit de -participer à cette transformation et d'en bénéficier. - -C'est seulement l'égalité dans la société d'aujourd'hui qui garantira -aux femmes d'être traitées en équivalentes des hommes dans la société -de demain. - -On voit qu'il est important de se hâter de mettre en pratique, -l'égalité politique des deux sexes qui est écrite dans la loi. - -La loi sur l'électorat dit, en effet:--sont électeurs _tous les -Français_ âgés de 21 ans... - -Ces mots «les Français» qui comprennent les hommes et les femmes comme -contribuables, lorsqu'il s'agit de payer les impôts, comprennent -certainement aussi les hommes et les femmes comme électeurs, lorsqu'il -s'agit d'exercer l'électorat. - -Une louable équité a fait élargir l'interprétation du texte législatif -de la loi sur le jury et admettre les ouvriers à juger les criminels. -Pourquoi cette équité ne ferait-elle pas pareillement élargir -l'interprétation de la loi électorale et admettre les femmes à voter? - -Il vaut mieux avouer avoir mal interprété une loi, que de laisser la -législation de la République, exclure en bloc de la politique, les -femmes que les chartes royales d'avant 1789 admettaient partiellement à -y participer. - -En arrivant sur la scène politique, les femmes enrayeront le gaspillage -des fonds publics; donc, faciliteront de faire les réformes demandées. - -Quand les femmes qui ont dans l'Etat les mêmes intérêts que les hommes, -seront comme ceux-ci, armées des droits nécessaires, pour se protéger, -pour se défendre, pour ascensionner; la France, en possession de -l'intégralité de sa force cérébrale, prendra dans le monde un rôle -prépondérant. - -L'universalisation du suffrage aux femmes, décuplera la puissance de -la nation, accélérera l'évolution sociale, intensifiera la sollicitude -de la collectivité à l'égard de l'individu; et, fera s'ouvrir pour les -humains une ère de bonheur. - - HUBERTINE AUCLERT. - - - - -TABLE DES MATIÈRES - - - Aux Lecteurs 1 - - Le simulacre du suffrage universel 3 - - Dégradée civique-née 7 - - La femme dans la Commune 12 - - Voix données aux femmes 16 - - Les femmes dans l'Etat 22 - - Les femmes et le budget 27 - - L'éducation politique des français 34 - - Le vote des femmes célibataires 40 - - Vous n'êtes pas militaires! 48 - - Vous êtes cléricales! 55 - - La religion laïque 59 - - Les femmes ont voté en France 65 - - La loi salique 68 - - Les prérogatives des femmes en l'ancienne France 70 - - Revendication des femmes en 1789 77 - - Après la Révolution 89 - - Les suffragistes en 1848 93 - - Jean Macé féministe suffragiste 97 - - Les femmes qui agissent et qui écrivent 99 - - Journaux et sociétés féministes 115 - - Etats ou les femmes exercent leurs droits politiques 119 - - L'inscription sur les listes électorales 124 - - Le prix d'un vote de femme 131 - - Le bluff électoral 132 - - Refus de l'impôt 136 - - Pourvoi devant le Conseil de préfecture 144 - - Pourvoi devant le Conseil d'Etat 148 - - L'arrêt du Conseil d'Etat 152 - - Le droit pour les femmes de pétitionner 156 - - Un sexe est-il supérieur à l'autre? 185 - - Madame Curie et sa découverte 190 - - La réforme primordiale 192 - - Les femmes sont les nègres 196 - - Les frustrées du Bulletin 199 - - Le forçage des idées 207 - - Instauratrices de bien-être 210 - - L'universalisation du suffrage 216 - - -Saint-Amand (Cher).--Imprimerie BUSSIÈRE. - - - - -CATALOGUE - - - V. GIARD & E. BRIÈRE, LIBRAIRES-ÉDITEURS - - _16, rue Souflot, et 12, rue Toullier, PARIS_ - - - AUCLERT (Hubertine).--Le vote des Femmes=, 1908. - Un vol in-18. 2 fr. 50 - - AVRIL DE SAINTE CROIX (Me).--Le Féminisme, avec - préface de V. Marguerite, 1907. Un vol. in-18 relié - toile. 3 fr. »» - - BONNIER (CH.).--La question de la Femme, 1897. - Une brochure grand in-8º. 2 fr. »» - - CASTRO OSORIO (A. de).--Les femmes portugaises, - traduction de H. Faure, 1907. Une brochure grand - in-8º. 2 fr. 50 - - CHAUVIN (Mlle G.).--Etude historique sur les - professions accessibles aux femmes, 1892. - Un vol. in-8º. 6 fr. »» - - DISSARD (Clotilde).--Opinions féministes, 1896. - Une brochure grand in-8º. 1 fr. »» - - FRANCK (L.).--La femme-avocat, 1898. Un vol. in-8º. 6 fr. »» - - GERRITSEN.--La femme à travers les âges, 1901. Un - vol. in-4º cartonné. 6 fr. »» - - GUILLEMINOT (A.).--Femme, Enfant, Humanité. - Études sociales, 1896. Un vol. in-18. 1 fr. 25 - - HAUSER (H.).--Le travail des femmes aux XVe et - XVIe siècles, 1897. Une brochure grand in-8º. 1 fr. »» - - JORAN (Th.).--Le Féminisme à l'heure actuelle, - 1907. Une brochure grand in-8º. 1 fr. »» - - LEDUC (L.).--La Femme devant le Parlement, 1898. - Un vol. in-8º. 6 fr. »» - - LETOURNEAU (Ch.).--La condition de la Femme dans - les diverses races et civilisations, 1908. Un - vol. in-8º broché. 9 fr. »» - - LORIA (A.).--Le Féminisme au point de vue - sociologique, 1907. Une brochure grand in-8º. 1 fr. »» - - LOURBET (G.).--Le problème des sexes, 1900. Un - vol. in-8º broché. 5 fr. »» - - MADAY (A. de).--Le Droit des Femmes au travail, - 1905. Un vol. in-18. 3 fr. 50 - - NEERA..--Les Idées d'une femme sur le féminisme, - 1908. Un vol. in-18. 3 fr. »» - - PELLETIER (Dr-M.).--La Femme en lutte pour ses - droits, 1908. Un vol. in-18. 1 fr. »» - - POINSINET (L ).--le Rôle social de la femme, - 1906. Une brochure grand in-8º. 1 fr. »» - -SAINT-AMAND (CHER).--IMPRIMERIE BUSSIÈRE - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE VOTE DES FEMMES *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for an eBook, except by following -the terms of the trademark license, including paying royalties for use -of the Project Gutenberg trademark. 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Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you -are not located in the United States, you will have to check the laws of the -country where you are located before using this eBook. -</div> -</div> - -<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: <span lang='fr' xml:lang='fr'>Le vote des femmes</span></p> -<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Hubertine Auclert</p> -<p style='display:block; text-indent:0; margin:1em 0'>Release Date: July 21, 2022 [eBook #68581]</p> -<p style='display:block; text-indent:0; margin:1em 0'>Language: French</p> - <p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em; text-align:left'>Produced by: Claudine Corbasson & the online Project Gutenberg team at https://www.pgdpcanada.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))</p> -<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>LE VOTE DES FEMMES</span> ***</div> - -<hr class="full" /> - -<p><a href="#note_au_lecteur">Au lecteur</a></p> - -<p><a href="#notes">Notes</a></p> - -<p><a href="#table_des_matieres">Table des matières</a></p> - -<p><a href="#catalogue">Extrait du catalogue V. Giard & E. Brière</a></p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<h1><span class="small70">LE</span><br /> VOTE DES FEMMES</h1> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<p class="center margintop4">DU MÊME AUTEUR</p> - -<hr class="small2" /> - -<div class="center"> - <div class="biblio"> - <p><b>Les Femmes Arabes en Algérie.</b> 1 volume.</p> - - <p><b>Le Droit Politique des Femmes.</b> 1 brochure (<i>Epuisée</i>).</p> - - <p><b>L’Egalité Sociale et Politique de l’Homme et de la Femme.</b> 1 brochure.</p> - - <p><b>L’Argent de la Femme.</b> 1 brochure.</p> - - <p><b>Le Nom de la Femme.</b> 1 brochure.</p> - </div> -</div> - -<hr class="small3" /> - -<p class="center smcap">SAINT-AMAND, CHER.—IMPRIMERIE BUSSIÈRE</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="titlepage"> - <p class="title1">HUBERTINE AUCLERT</p> - - <hr class="small3" /> - - <p class="title2"><span class="small50">LE</span><br /> VOTE <span class="small50">des</span> FEMMES</p> - - <div class="figcenter2" style="width: 200px;"> - <img src="images/vignette.jpg" alt="" width="200" height="268" /> - </div> - - <p class="title3">PARIS (5<sup>e</sup>)</p> - - <p class="title4">V. GIARD & E. BRIÈRE</p> - - <p class="title5">LIBRAIRES-ÉDITEURS</p> - - <p class="title6">16, <span class="smcap2">RUE SOUFFLOT ET</span> 12, <span class="smcap2">RUE TOULLIER</span></p> - - <p class="center">—</p> - - <p class="center">1908</p> -</div> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_1">1</span></p> - <h2 id="ch_0">AUX LECTEURS</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Ce livre, qui relate les efforts faits en France depuis plus d’un -siècle pour faire entrer les femmes en possession de leurs droits -politiques; envisage le vote des femmes à tous les points de vue, -il réfute les objections qui y sont faites, démontre les avantages -qui résulteront de sa mise en pratique et amène à conclure que les -femmes—par la force du nombre de leurs bulletins de vote—pourront -seules faire triompher la raison de la folie; donc, donner à la nation -entière des garanties de sécurité et de bien-être.</p> - -<p>Ce livre mettra ceux qui le liront, à même de bien connaître; et, en -mesure de défendre, cette importante question du suffrage des femmes -qu’il va falloir résoudre, pour pouvoir modifier la société et faire se -réaliser la République.</p> - -<p class="rsignature">H. A.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_3">3</span></p> - <h2 id="ch_1">LE SIMULACRE DU SUFFRAGE UNIVERSEL</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p class="epigraph">Le suffrage des femmes, c’est l’utilisation de l’intégralité de -l’intelligence et de l’énergie de la nation, pour réaliser son mieux être.</p> - -<p>Tout le monde connaît le monument élevé au promoteur du suffrage dit -universel. Qui n’a vu, place Voltaire, Ledru-Rollin et son urne?</p> - -<p>Aux jours glacés de l’hiver, comme en l’été brûlant, des hommes à la -figure have et ravinée, aux loques trouées laissant apercevoir la peau, -aux souliers percés qui montrent les pieds nus, s’appuient, exténués et -faméliques à la grille qui entoure le monument.</p> - -<p>Quels sont ces malheureux, sans gîte, sans travail et sans pain?</p> - -<p>—Ce sont des souverains!</p> - -<p>—?</p> - -<p>—Oui, des souverains... intermittents.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_4">4</span></p> - -<p>Périodiquement, pendant tout un jour, ils sont rois! Le soir venu, -ils abdiquent, ou plutôt ils délèguent leur pouvoir à des charlatans -politiques qui se partagent leurs palais, l’or de leurs caisses et -laissent les souverains errants, pourchassés, privés d’abri et de -nourriture.</p> - -<p>Les mandataires se nantissent généreusement; mais, ils ne se -préoccupent pas de mettre leurs souverains en état de faire figure dans -le monde, ou de ne point mourir de faim.</p> - -<p>Le dénûment des électeurs sans travail s’offrant au regard, en même -temps que Ledru-Rollin et son urne, démontre au peuple l’amère dérision -du suffrage restreint pompeusement baptisé universel.</p> - -<p>Le penseur lui, interpelle l’organisateur du suffrage.—Pourquoi -dit-il, Ledru-Rollin, n’as-tu pas fait donner le bulletin de vote à la -femme instigatrice d’ordre social; et ainsi, rendu valable ce papier -pouvoir avec lequel les Français pourraient aussi sûrement qu’avec un -chèque obtenir du bien-être et de la liberté?</p> - -<p>—Pourquoi Ledru-Rollin n’as-tu pas fait confier à l’éducatrice -accordée à l’homme par la nature, le soin de lui donner conscience de -la valeur de son bulletin? La mission de lui inculquer que voter, c’est -pour l’opprimé initié, le pouvoir de réaliser sa volonté d’être libre -et heureux?</p> - -<p>—Pourquoi, Ledru-Rollin, n’as-tu pas fait appeler à voter, au lieu -de l’homme seul, le couple humain et ainsi précipité l’éducation -politique, rendu les Français <span class="pagenum" id="Page_5">5</span> aptes à garder en permanence leur -souveraineté, capables de se donner à eux-mêmes leur règle et leurs -lois?</p> - -<p class="br">Le suffrage est une machine à progrès, qui pour produire des effets, -doit être mise en mouvement par la volonté mâle et femelle de la -nation; mais qui seulement activée par un petit nombre d’hommes, est -faute de force motrice réduite à l’impuissance.</p> - -<p>Avant de déprécier le suffrage universel, qu’on le fasse fonctionner; -car, s’il ne donne les résultats promis, c’est parce qu’il est faussé -dans son principe, tronqué dans son application.</p> - -<p>De même que beaucoup d’inventions modernes, qui ne deviennent -utilisables qu’à l’aide de certaines combinaisons; le suffrage a besoin -de toutes les énergies féminines et masculines de la nation, pour -devenir l’instrument d’évolution capable de transformer l’état social.</p> - -<p>Pour tirer profit de l’excellente institution du suffrage, il faut -l’appliquer rigoureusement dans toute l’étendue qu’elle comporte en -l’universalisant. Il ne suffit pas de travestir les mots de notre -langue, de faire l’apothéose d’une contre vérité, pour donner à un -suffrage mutilé l’autorité et la puissance de celui qui engloberait -l’intégralité des Français et des Françaises.</p> - -<p>Le suffrage ne produira des résultats mathématiques, que quand pratiqué -par les deux sexes, il aura été soumis à un dressage qui le rendra -conscient.</p> - -<p>Actuellement, le suffrage universel n’est pas. Ce qui <span class="pagenum" id="Page_6">6</span> existe est -un suffrage de fantaisie, qui n’autorise à voter qu’une petite minorité -de la nation. Il exclut en bloc toutes les femmes, les savantes comme -les autres Françaises. Il exclut le grand nombre d’hommes qui sont -militaires, marins, voyageurs, touristes ou privés par jugement de -leurs droits politiques.</p> - -<p>En se déplaçant, l’électeur perd sa souveraineté...</p> - -<p>Est-ce que le papier-pouvoir ne devrait pas, comme le papier-monnaie, -avoir cours partout?</p> - -<p>Le suffrage réduit, faussé, fraudé ne donne pas même une vague idée de -ce que sera le suffrage réellement universel.</p> - -<p>Les votes émis ont si peu de poids, les électeurs ont si peu -d’autorité, qu’à chaque élection, les candidats rejetés par eux—pourvu -qu’ils soient gouvernementaux—sont ramassés par les ministres, qui -font un pied de nez aux électeurs souverains, en hissant à de bonnes -places les blackboulés.</p> - -<p>Si les élections les plus républicaines ne donnent que des résultats -stériles, si le suffrage fait faillite aux engagements pris en son nom, -c’est parce qu’il est une fiction et non point une réalité, c’est parce -qu’il ne s’appuie que sur une convention, au lieu de tirer sa puissance -de la force du nombre.</p> - -<p>Avec le suffrage restrictif, dénaturé qui existe, l’électeur n’a que -l’illusion de la souveraineté; tandis qu’avec le suffrage universel, -c’est-à-dire englobant la nation entière, les femmes comme les hommes, -l’électeur aura la matérialité de la souveraineté.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_7">7</span></p> - <h2 id="ch_2">DÉGRADÉE CIVIQUE-NÉE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p class="epigraph">Posséder le papier-pouvoir, facilite de palper le papier-monnaie.</p> - -<p>Aucun homme n’est par son rôle si infime qu’il soit, exclu des -prérogatives de Français et de citoyen, pourquoi donc le rôle des -femmes les priverait-il de leurs droits de Françaises et de citoyennes? -La perpétuation de l’espèce humaine, les soins donnés aux affaires -domestiques sont-ils moins importants que l’attention apportée à -l’exercice d’un métier?</p> - -<p>«Celui de nous deux, dit Socrate, glorifiant le travail du ménage, qui -sera le plus industrieux économe, est celui qui apporte le plus en la -société.»</p> - -<p>Le devoir imposé à tous est différent pour chacun. Le droit inhérent à -l’individu est égal pour tous.</p> - -<p>Le sexe ne confère pas des prérogatives particulières attendu que les -qualités morales et intellectuelles sont indépendantes du sexe de -l’individu qui les possède. On ne peut aujourd’hui faire croire qu’être -homme, <span class="pagenum" id="Page_8">8</span> étend les facultés intellectuelles d’un individu et qu’être -femme, restreint les facultés intellectuelles d’un autre individu.</p> - -<p>La maternité que l’on objecte aux revendicatrices ne s’oppose pas plus -à l’exercice des droits politiques, qu’elle ne s’oppose à l’exercice -d’un art ou d’un commerce.</p> - -<p>Marie-Thérèse d’Autriche eut seize enfants, ce qui ne l’empêcha -point d’être un grand homme d’Etat auquel l’Autriche dût d’exister. -Pour elle, les Magnats hongrois tirèrent leur sabre du fourreau, en -s’écriant: «Mourons pour notre roi, Marie-Thérèse!»</p> - -<p>Mères ou non, mariées ou non mariées, toutes les femmes doivent exercer -leurs droits politiques afin de pouvoir mettre l’ordre dans la commune -et dans l’Etat.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Restez femmes.</i></p> - -<p>A l’idée que la femme va devenir son égale en droits, l’homme se cabre! -Au lieu de comprendre que c’est un auxiliaire qui lui vient pour -atteindre à une vie meilleure, il semble croire qu’on va lui enlever -quelque chose.</p> - -<p>Le Français adjure la Française de ne pas chercher à devenir citoyenne. -Il lui dit qu’elle n’aurait rien à gagner au suffrage universel, que sa -supériorité consiste à rester asservie.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_9">9</span></p> - -<p>Un langage analogue était tenu par les censitaires à ceux qui ne -votaient pas avant 1848. Le «Restez femmes!» d’aujourd’hui, équivaut au -«Restez ouvriers!» d’alors et pareillement signifie: Demeurez inaptes à -améliorer votre condition.</p> - -<p>Les femmes qui voient quels avantages sociaux et économiques les -électeurs obtiennent, les femmes, qui constatent qu’en tous les pays -les hommes privés du suffrage s’acharnent à le réclamer; commencent à -comprendre que ce papier-pouvoir, le bulletin de vote, leur est aussi -nécessaire que le papier-monnaie, puisque posséder l’un rend plus -facile de palper l’autre.</p> - -<p>Ce sera la carte électorale qui fera rétribuer le travail ménager et -comprendre, parmi les retraités ouvriers, les ménagères.</p> - -<p>Les Françaises ne peuvent rester spoliées de la capacité politique, -qu’un député appelle, avec raison, «un commencement de capital».</p> - -<p>Le travail est, en effet, estimé suivant la condition de qui -l’accomplit. L’œuvre de la femme est si dépréciée, obtient un si -dérisoire salaire, parce que cette femme est une mise hors la loi, une -esclave dont l’effort n’est point jugé digne de récompense. Que l’on -fasse entrer la femme dans le droit commun politique et bientôt sa -situation économique sera changée; son labeur, ennobli par sa qualité -de citoyenne, obtiendra un salaire rémunérateur.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_10">10</span></p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Les femmes n’échapperont à l’oppression du mari, à l’exploitation du -patron, qu’en devenant, devant l’urne, leurs égales.</p> - -<p>La carte électorale dont la Française est privée, est un certificat -d’honorabilité qui assure la considération à quiconque peut le montrer.</p> - -<p>En l’état actuel de la société, le suffrage est pour l’humain la plus -sûre garantie de n’être lésé, ni diminué. C’est comme une assurance -prise pour obtenir droit et justice. Pourquoi la femme ne jouirait-elle -pas de cette assurance?</p> - -<p>En devenant citoyenne, la Française remplira encore mieux le devoir, -puisque son rôle d’éducatrice s’étendra de l’unité à la collectivité -humaine et que sa sollicitude maternelle embrassera la nation entière.</p> - -<p>La personne et la condition de la femme dépendant de la politique qui -de toute part l’enserre; dans son propre intérêt comme dans l’intérêt -général, la femme doit participer à la vie publique, coopérer à -la transformation de la société afin de s’assurer de n’être point -sacrifiée en l’organisation sociale future.</p> - -<p>On cite cette jolie phrase de M. Thiers que ceux qui dédaignent le -concours féminin feraient bien de méditer:</p> - -<p>«Pour régler cette affaire, disait M. Thiers, il me faut mes femmes» -(M<sup>me</sup> Thiers et M<sup>lle</sup> Dosne). Ces paroles <span class="pagenum" id="Page_11">11</span> prouvent que -même l’homme d’Etat, que les louanges purent rendre orgueilleux, -reconnaissait aux femmes des facultés particulières capables de -compléter les siennes. Si ces deux parties du tout humain, l’homme -et la femme, semblaient indispensables à M. Thiers pour régler une -affaire privée difficile, combien est donc plus indispensable encore -le concours de l’homme et de la femme, pour bien diriger les affaires -publiques!</p> - -<p>Le suffrage des femmes, c’est l’utilisation de l’intégralité, de -l’intelligence et de l’énergie de la nation pour réaliser son mieux -être.</p> - -<p>Rapprocher hommes et femmes par la politique, ce sera faire s’établir -entre les sexes une émulation salutaire pour le progrès.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_12">12</span></p> - <h2 id="ch_3">LA FEMME DANS LA COMMUNE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>En constatant que dans la commune les hommes souvent sacrifient au -superflu, l’indispensable, on se demande s’il ne serait point sage de -faire s’appliquer tout l’effort humain à l’administration publique; et, -si ce n’est pas se montrer ennemi de son propre bien-être que de tenir -éloignées du gouvernement, du bourg ou de la ville, les femmes qui sont -particulièrement aptes à s’ingénier et à prévoir.</p> - -<p>Quant à propos d’adjudications de fournitures d’ustensiles ou de -provisions de ménage, on entend à l’Hôtel de ville des conseillers -municipaux discuter; chacun fait la réflexion que des femmes seraient -beaucoup plus capables que nos édiles d’apprécier ces matières.</p> - -<p>Les conseillers municipaux de Paris, ainsi d’ailleurs que ceux de -toutes les communes de France, sont forcés d’être à la fois hommes et -femmes. Ils doivent résoudre des difficultés qui auraient besoin d’être -élucidées par des matrones.</p> - -<p>Certes, ils se dépensent pour le bien public; seulement, <span class="pagenum" id="Page_13">13</span> -réunissant dans leurs mains les attributions masculines et féminines, -on a à déplorer dans leur administration des lacunes.</p> - -<p>Il n’est pas possible, en effet, d’être à la fois homme et femme. On -trouverait étrange qu’un homme cumulât dans la famille le rôle de père -et de mère et l’on admet que les hommes cumulent dans la commune ce -double rôle.</p> - -<p>Ne vaudrait-il pas mieux, dans l’intérêt général, que chacun des deux -facteurs qui concourent à former la population parisienne mette ses -aptitudes particulières au service de l’administration de la ville de -Paris?</p> - -<p>La femme, qui est contribuable, productrice et consommatrice, doit être -électeur et éligible dans la commune.</p> - -<p>Au temps où la loi, comme la monnaie et les mesures étaient spéciales à -chaque province, des Françaises délibéraient et votaient dans beaucoup -de villes et de communes. On ne peut les avoir privées à jamais, des -droits que de nombreuses Européennes exercent présentement.</p> - -<p>Dans presque tous les pays qui nous entourent, en Angleterre, en -Ecosse, en Russie, en Autriche, en Hongrie, en Suède, en Norvège, dans -plusieurs Etats de l’Allemagne, etc., les femmes participent, plus -ou moins complètement, à la gestion des affaires municipales. Seule -la France—oubliant les précédents—en compagnie de quelques Etats -enténébrés, exclut la femme de l’administration communale.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_14">14</span></p> - -<p>En France, la femme qui possède les trois quarts du territoire de la -commune, n’est pas devant l’urne l’égale de son domestique mâle. Le -domestique vote, la propriétaire qui l’emploie ne vote pas.</p> - -<p>L’habitante qui a une résidence fixe, une industrie, des intérêts -engagés dans sa commune, n’a pas le droit qu’a le touriste qui s’arrête -là six mois, d’exercer—en votant—son influence dans l’administration -communale.</p> - -<p>La veuve chef de famille qui se trouve à la mort de son mari à la tête -d’une grande maison de commerce, n’a pas le droit de donner son avis -dans la commune. Ses ouvriers, ses employés, tous ceux qui dépendent -d’elle, ont le pouvoir de lui nuire en votant contre ses intérêts; il -lui est impossible de se défendre. Elle ne peut rien puisqu’elle n’est -pas électeur.</p> - -<p>Les Français se déprécient, en refusant aux femmes dont ils -proviennent, les prérogatives qu’ont les dames des nations voisines.</p> - -<p>Si, en effet, les femmes de France sont inférieures aux femmes des -autres pays et ne peuvent exercer les droits de celles-ci, il est bien -certain que leurs pères, leurs frères, leurs époux sont eux-mêmes -inférieurs aux hommes des autres pays.</p> - -<p>Si le Français continue à tenir dans un tel état d’infériorité, sa -mère, il finira par faire penser à ses contemporains étrangers qu’ils -ont sur lui une suprématie héréditaire; et par faire croire qu’au -lieu d’être né d’une femme, il pourrait bien être issu d’une guenon, -puisqu’il la laisse aussi loin, derrière lui.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_15">15</span></p> - -<p>La compatriote que le Français comble d’humiliations et qu’il se -complaît à faire, à son détriment, déconsidérer, est, ô ironie! plus -qu’aucune femme au monde, intelligente, utile et agréable.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>En demandant que les femmes participent à l’administration municipale, -nous ne réclamons pas une innovation, mais simplement le retour à ce -qui fut de 1182 à 1789; la remise en vigueur et la généralisation, de -la <i>loy et coutume de Beaumont</i>.</p> - -<p>Cette loi rendue en 1182, à Beaumont en Argonne, se répandit dans tout -l’Est, dans le Nord et sur les pays Basques. Elle prescrivait que les -veuves, les filles ayant leur ménage et les femmes mariées en l’absence -de leurs maris prissent part aux délibérations et aux votes.</p> - -<p>Dans les documents qui mentionnent la part prise par les femmes à -l’administration des bourgs et des villes, elles sont traitées sur le -pied d’égalité avec l’homme, témoin cette finale: «Lesquels, <i>tous et -toutes</i> firent, ordonnèrent et devisèrent entre eux.»</p> - -<p>Plus d’un siècle après la révolution, les communes où les femmes sont -les plus nombreuses et les plus imposées, n’ont pas même d’électeurs -du sexe féminin. La participation des femmes à la gestion municipale -décuplerait pourtant, la prospérité des localités auxquelles leurs -flancs fournissent sans cesse de nouveaux habitants.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_16">16</span></p> - <h2 id="ch_4">VOIX DONNÉES AUX FEMMES</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>L’intervention des Françaises dans les affaires du pays est depuis -longtemps jugée si nécessaire, qu’en certaines élections municipales, -des femmes ont obtenu des voix sans avoir sollicité de mandat.</p> - -<p>Les bulletins portant inscrits des noms de femmes ont quelquefois été -comptés.</p> - -<p>En 1881, dans la commune de Grandpré (Ardennes), M<sup>me</sup> Jules Lefebvre, -commerçante, mère de famille, eut son nom écrit sur bien des bulletins -électoraux. «En votant pour elle, disaient ses électeurs, nous avons -voulu choisir le plus capable parmi nous, à quelque sexe qu’il -appartienne.» Ce raisonnement de ruraux n’est-il pas propre à inciter -les citadins à réfléchir?</p> - -<p>Toujours en 1881, à Paris, M<sup>me</sup> Léonie Rouzade, candidate dans le -XII<sup>e</sup> arrondissement, obtint 57 voix.</p> - -<p>Peu après, à Thorey (Meurthe-et-Moselle), trois dames obtenaient -chacune cinq voix. Elles étaient, proclamaient leurs électeurs, les -plus dignes de nous représenter.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_17">17</span></p> - -<p>En 1884, à Houquetôt (Seine-Inférieure) les électeurs accordèrent à une -femme huit voix de plus que la majorité des suffrages exprimés.</p> - -<p>Dans le (Lot-et-Garonne) les électeurs donnèrent à une femme -trente-quatre voix de majorité.</p> - -<p>A Vornay (Cher) M<sup>me</sup> Gressin, propriétaire, obtint suffisamment de -voix pour être nommée conseillère municipale.</p> - -<p>En enregistrant ces succès qu’ils savaient dus à l’active propagande -faite par <i>La Citoyenne</i>, de grands quotidiens nous disaient de -mettre un bouquet à notre chapeau.</p> - -<p>Ces trois élections de femmes furent annulées; le suffrage dit -universel n’étant—pendant qu’il est restreint à la moitié de la -nation—qu’une institution de fantaisie que les gouvernants mutilent à -leur gré.</p> - -<p>Mais les voix accordées en tant de points du territoire à des femmes, -prouvent que les électeurs sont las de la fiction, qu’ils veulent dans -la commune une représentation réelle de la population.</p> - -<p>Tous les habitants de la commune doivent être déclarés égaux devant les -prérogatives, comme ils le sont devant les charges.</p> - -<p>Evincer de l’administration municipale, les Françaises qui savent avec -rien, faire régner le bien-être en la maison, c’est de gaieté de cœur -sacrifier le bonheur commun.</p> - -<p>La femme ne doit pas seulement être l’âme de la famille, il est -nécessaire qu’elle soit l’âme de la Cité, <span class="pagenum" id="Page_18">18</span> afin de pouvoir, en -décuplant et en ménageant ses ressources, faire resplendir de bien-être -le visage de chacun de ses habitants.</p> - -<p>A chaque élection, le suffrage bien que réduit, borné, faussé et mutilé -fait entendre un bégaiement de vérité. Ce serait trop long, de citer -toutes les circonscriptions électorales où les femmes ont obtenu des -voix.</p> - -<p>Voici, cependant, à propos de succès électoraux féminins ce qui s’est -passé en 1897 à Ménerville (Algérie).</p> - -<p>Le dépouillement du scrutin terminé, M. Vissonnaux, candidat, fit -observer que les bulletins, portant le nom de M<sup>me</sup> Pellier-Le-Cerf, -ayant un caractère inconstitutionnel, devaient être considérés comme -nuls. Il demandait que sa déclaration fût inscrite au procès-verbal et -lesdits bulletins y annexés.</p> - -<p>Le maire trouvant l’observation bien fondée, s’empressait de jeter les -bulletins dans la cheminée et d’y mettre le feu.</p> - -<p>A ce moment, survint M. Bouayoume qui, voyant l’escamotage, donna de -grands coups de poing sur la table, protestant avec indignation contre -la suppression de bulletins sur lesquels était inscrit le nom de M<sup>me</sup> -Pellier-Le-Cerf. Il flétrit énergiquement les procédés du bureau. -—«Vous violez, dit-il, la liberté du suffrage universel en annulant -les voix données à une femme!»</p> - -<p>Aux élections municipales de 1908, M<sup>elle</sup> Jeanne Laloé, candidate à -Paris dans le 9<sup>e</sup> arrondissement obtint 987 voix, mais 527 bulletins -portant son nom furent seulement comptés.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_19">19</span></p> - -<p>L’exclusion des Françaises de l’administration communale, fait qu’en la -cité le bien-être manque, comme en la maison où il n’y a pas de femme.</p> - -<p>Les édiles veulent Paris beau, ce dont chacun ne peut que les -féliciter; mais parce qu’ils sont exclusivement des hommes, leurs -efforts tendent seulement à faire de la capitale du monde le plaisir -des yeux; alors, que des hommes et des femmes réunis, la rendraient en -même temps qu’un séjour enchanteur, le pays de Cocagne souhaité.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Il est inutile d’insister sur les inconvénients du gouvernement d’un -seul sexe, ni de parler des négligences dont souffrent les habitants -des villes et des villages seulement régis par les hommes; et où il n’y -a qu’une moitié de la sollicitude humaine éveillée, alors que l’espèce -entière devrait être appelée à tout prévoir.</p> - -<p>Avec l’administration des seuls hommes, nous avons de tout, seulement -l’apparence: les rues sont arrosées pendant que l’eau manque dans les -maisons. Avec l’administration des hommes et des femmes, l’illusion -deviendra réalité, les génératrices perpétuellement préoccupées -de conserver les êtres, d’entretenir la vie qu’elles donnent, -s’emploieront à accumuler à Paris l’air et l’eau.</p> - -<p>Au pays de la soif, la garde de l’eau vivifiante est <span class="pagenum" id="Page_20">20</span> confiée aux -femmes. A Ghat, seules les femmes disposent des sources.</p> - -<p>Tout ce qui a trait au boire et au manger est office de ménagère; -malheureusement, ceux qui parlent de laisser la femme à son rôle, le -lui dérobent ce rôle, dès qu’il rapporte des honneurs et de l’argent.</p> - -<p>Les hommes sont de mauvais ménagers, chacun se trouverait donc très -bien, que les femmes fassent avec eux la cuisine administrative.</p> - -<p>Les Françaises ont le sens de l’utilitarisme démocratique. Quand -elles seront électeurs et éligibles, elles forceront les assemblées -administratives et législatives à se pénétrer des besoins humains et à -les satisfaire.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>La République qui ne laisse pas en la métropole les femmes participer à -l’élection du conseil municipal de leur commune, a autorisé en Océanie, -des femmes à exercer les fonctions de Maire.</p> - -<p>En 1891, le gouvernement fit remettre par le gouverneur de Tahiti aux -huit cheffesses de districts de Tahiti et de Moréa, une écharpe aux -couleurs nationales; en même temps qu’il les fit rétablir en leurs -pouvoirs et dignités d’officières de l’état-civil, pour mettre fin aux -irrégularités constatées dans les actes de l’état-civil, depuis que -l’annexion leur avait fait retirer leur emploi.</p> - -<p>Les faits, forcent parfois les populations à reconnaître <span class="pagenum" id="Page_21">21</span> que la -femme exclue de l’électorat municipal, est supérieure aux élus de la -commune: A Rieufort de Randon (Lozère) momentanément privée de maire -et d’adjoints, on vit un jour une jeune fille remplir sans embarras le -rôle d’officier d’état-civil, procéder à un mariage à la place d’un -conseiller municipal qui se déclarait inapte à unir les futurs époux, -parce qu’il ignorait la loi et ne savait pas lire (<i>sic</i>).</p> - -<p>C’est seulement le couple humain, qui peut en tout accomplir exactement -ce qui convient dans la commune et dans l’Etat.</p> - -<p>Nous mettons au défi les hommes les meilleurs, de faire de la commune -la maison agrandie que chacun espère, sans le concours du cœur féminin.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_22">22</span></p> - <h2 id="ch_5">LES FEMMES DANS L’ÉTAT</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>De même que pour appeler un être à la vie, il faut le couple humain, -pour instaurer un milieu approprié où cet être puisse s’épanouir -pleinement, la femme est autant que l’homme indispensable.</p> - -<p>«La femme et l’homme, ces deux parties du même tout, dit Benjamin -Franklin, c’est comme les deux branches d’une paire de ciseaux, l’une -ne sert de rien sans l’autre.»</p> - -<p>Les hommes sans les femmes, sont dans l’impossibilité d’organiser pour -l’humanité entière de bonnes conditions d’existence. Ce ne sera qu’en -s’adjoignant pour l’effort politique leurs compagnes, que les Français -pourront assurer l’ordre social et la prospérité publique.</p> - -<p>Interrogez à la campagne et à la ville des hommes de toutes conditions, -ils vous répondront qu’une maison sans femmes est la pire des choses; -cependant, ces mêmes hommes ne veulent point se rendre compte <span class="pagenum" id="Page_23">23</span> -qu’une commune et un Etat sans femmes, sont bien plus pitoyables encore -que la maison d’où l’élément féminin est absent, car le mal-être, -restreint ici à quelques individus, se généralise et est là, supporté -par toute la population. Présentement, les Françaises ne sont pas -représentées dans les assemblées administratives et législatives.</p> - -<p>Ce retranchement des femmes de la chose publique, cause au corps social -le préjudice et le malaise, que le retranchement d’un organe fait -éprouver au corps humain.</p> - -<p>Si vous avez un membre ou deux membres supprimés, toute votre personne -est affaiblie, amoindrie; de même, la nation, privée de l’activité de -la moitié de ses membres, a sa force et son intelligence réduites, est -endolorie, paralysée; finalement, voit se rapetisser sa destinée.</p> - -<p>Pour que l’individu et la collectivité puissent complètement exister, -la première des conditions est que tous les organes du corps humain -et que tous les organes du corps social fonctionnent. La république -amputée des femmes est aussi réduite à l’impuissance que l’individu -amputé d’une jambe et d’un bras.</p> - -<p>La population française, qui a deux yeux pour voir et deux pieds pour -marcher, se diminue en s’obstinant à ne voir que par le seul œil -masculin les difficultés à résoudre et à ne marcher que du seul pied -masculin vers les buts poursuivis.</p> - -<p>Ce que décide une minorité des Français dans des <span class="pagenum" id="Page_24">24</span> assemblées où un -seul sexe est représenté ne peut convenir à la nation tout entière.</p> - -<p>Les hommes clairvoyants se rendent compte de cela; aussi, le nombre -augmente de ceux qui osent proposer de s’adjoindre les femmes pour -combiner les arrangements sociaux.</p> - -<p>Les Françaises qui subissent les lois doivent contribuer à les faire.</p> - -<p>Comme le dit fort bien M. Jaurès: «C’est l’humanité complète qui doit -agir, penser, vivre, et l’on a bien tort de redouter que le suffrage -des femmes soit une puissance de réaction, quand c’est par leur -passivité et leur servitude qu’elles pèsent sur le progrès humain.»</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Les millions de femmes qui sont ouvrières, et les millions de femmes -qui sont ménagères doivent pouvoir, en votant, régler les relations -extérieures au point de vue économique et politique, en raison des -traités de commerce qui élèvent ou abaissent le prix des denrées et de -la main-d’œuvre.</p> - -<p>On a entendu un ministre des finances se plaindre de ne pas trouver -chez les députés le sens de l’économie. C’est que le sens de l’économie -n’est réellement possédé que par l’élément féminin. Or justement, -l’élément féminin est exclu de la Chambre.</p> - -<p>Si le Parlement, où nulle femme ne siège et où n’est <span class="pagenum" id="Page_25">25</span> entré aucun -mandaté des femmes, manque parfois de prudence et de prévoyance, il -manque aussi, on en conviendra, autant d’aptitude et d’autorité, -pour élaborer des lois réglant les rapports humains, que manquerait -d’aptitude et d’autorité, une Chambre exclusivement féminine pour -légiférer, sur ce qui concerne hommes et femmes; attendu que -l’homme absent serait, comme est aujourd’hui la femme absente du -Palais-Bourbon, victime de la partialité du sexe omnipotent.</p> - -<p>Les hommes ne peuvent, sans le concours du sexe féminin, juger, en même -temps, de ce qui leur convient à eux et de ce qu’il nous faut à nous?</p> - -<p>Les deux types qui forment l’espèce humaine doivent avoir voix au -chapitre, quand il s’agit de régler leur propre destinée.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Les femmes faites citoyennes, régénèreront la politique et l’impulsion -qu’elles feront donner aux affaires permettra bientôt aux Français de -manifester la virilité des peuples neufs.</p> - -<p>Les sauvegardiennes de la probité morale affermiront la droiture -masculine en la vie publique.</p> - -<p>En dépit de délits spéciaux inventés pour elles, les femmes, si nous -en croyons les statistiques, faillissent moins que les hommes. Il y a -beaucoup plus d’inculpés que d’inculpées.</p> - -<p>Puisqu’il est établi que la femme résiste plus à l’excitation <span class="pagenum" id="Page_26">26</span> au -mal, que l’homme; pourquoi ne pas garantir celui-ci contre ses propres -défaillances en la lui adjoignant au gouvernail?</p> - -<p>Les maisons de secours se joignent aux statistiques, pour attester la -supériorité morale de la femme, frappée d’infériorité légale.</p> - -<p>Dans les établissements charitables, on rencontre surtout un public -d’hommes, c’est-à-dire le sexe qui a en la vie, l’argent et les -positions.</p> - -<p>L’homme a dans la société le monopole du travail lucratif, il gagne -plus souvent 8 francs que la femme 2 francs. Cependant, dès le premier -jour de chômage le voilà réduit à la mendicité.</p> - -<p>La femme qui est exclue des gros gains tend moins que l’homme la main.</p> - -<p>Est-ce parce qu’elle a plus de dignité et moins de vices? Ou est-ce -parce qu’avec des centimes elle trouve mieux le moyen de parer à la -disette que l’homme avec ses 8 francs quotidiens?</p> - -<p>Comment peut-on charger seul du soin de gouverner les autres, l’homme -sans prévoyance qui n’est point apte à se gouverner lui-même?</p> - -<p>Pour les Français aimant les lendemains sûrs, la gestion du sexe -masculin, qui avec son salaire convenable ne parvient à se suffire, -offre beaucoup moins de garanties que celle du sexe féminin qui, à -force d’ordre, d’ingéniosité, se tire d’affaire en sa perpétuelle -pénurie d’argent.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_27">27</span></p> - <h2 id="ch_6">LES FEMMES ET LE BUDGET</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p class="epigraph">La puissance d’économie des femmes fera s’équilibrer les recettes -et les dépenses.</p> - -<p>Puisqu’on reconnaît aux femmes, de réelles facultés d’épargne; et, -l’aptitude à augmenter la valeur d’emploi de l’argent, pourquoi ne -fait-on pas appel au concours féminin pour mettre fin aux déficits -budgétaires?</p> - -<p>Si les Françaises participaient à l’administration de l’Etat, elles -apprendraient aux membres du Parlement à être moins prodigues des fonds -publics, et les contribuables obtiendraient en payant moins d’impôts, -plus de garanties et de commodités.</p> - -<p>Les hommes ne savent faire face aux exigences sociales avec le gros -budget de la France, comme la femme sait faire face aux besoins de la -famille avec le petit budget du ménage. En l’Etat, les recettes énormes -ne couvrent pas les dépenses phénoménales.</p> - -<p>Pendant que législateurs et administrateurs municipaux déplorent que le -manque d’argent entrave tous <span class="pagenum" id="Page_28">28</span> les projets de réforme, des électeurs -avouent, s’ils sont commerçants, que sans leur femme, ils ne pourraient -faire honneur à leurs affaires...</p> - -<p>S’ils sont ouvriers, employés, médecins, avocats, petits rentiers, -confessent que, sans leur femme, ils ne parviendraient point à -équilibrer leur budget, à vivre.</p> - -<p>A la ville comme à la campagne, c’est quotidiennement que l’on entend -des Français dire: que cent francs ne valent pour l’homme que soixante -francs, tandis que pour la femme, cent francs sont l’équivalent de cent -vingt francs.</p> - -<p>Alors!... le voilà bien trouvé le moyen de mettre fin aux déficits -budgétaires et de rendre possibles les transformations sociales -souhaitées.</p> - -<p>Ce moyen consiste à confier aux femmes, qui ont de si grandes facultés -d’épargne, tout ce qui a rapport aux finances.</p> - -<p>Tout le monde a sous les yeux l’exemple d’hommes qui, en dépensant de -très grosses sommes, ne parviennent pas en la maison à réaliser le -bien-être que couramment les femmes y introduisent, avec peu d’argent. -Eh bien, l’Etat est une agglomération de maisons à administrer. Or, -n’est-ce pas imprudent de confier aux seuls hommes, qui se montrent -souvent inhabiles à équilibrer leur budget individuel, le budget -national? Attendra-t-on que la France ait déposé son bilan, pour -charger l’élément féminin d’introduire des réformes en nos finances?</p> - -<p>L’accroissement des dépenses, devrait susciter un patriotisme <span class="pagenum" id="Page_29">29</span> -capable de faire émettre par tous les groupes de la Chambre et du -Sénat, la proposition d’appeler les femmes au secours du pays.</p> - -<p>Nouvelles venues en la politique, elles trancheraient aisément dans -le vif du fonctionnarisme et préserveraient les Français des lourdes -charges et de la vie chère.</p> - -<p>Tous les contribuables doivent pouvoir mettre un frein à la -dilapidation des deniers publics. Exclure ces épargneuses—les -femmes—de la gestion sociale, c’est contraindre la République à -faillir à ses engagements.</p> - -<p>Si les femmes coopéraient à l’administration des biens de la nation, -les recettes excèderaient les dépenses.</p> - -<p>Les Françaises ont en elles développé, par l’obligation quotidienne de -partager un centime en quatre pour arriver à satisfaire de multiples -besoins familiaux, une aptitude administrative qui fera s’ouvrir une -ère de prospérité pour les populations qui l’utiliseront.</p> - -<p>On réaliserait de grandes économies, si le budget national était -épluché et passé au crible par les femmes, comme l’est le budget -familial.</p> - -<p>Le bien-être résulterait, de la remise à la femme de la clef de la -caisse publique.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Les hommes point pressés de voir la Française échapper à la dégradation -civique, dont dérivent pour elle toutes les oppressions, toutes les -spoliations, trouvent <span class="pagenum" id="Page_30">30</span> que pour le sexe féminin l’heure n’est -jamais venue de posséder le bulletin affranchisseur. En 1789 et -1793, les hommes disaient qu’il était prématuré de donner les droits -politiques aux femmes; en 1848, ils jugeaient également prématuré -d’englober les femmes dans le suffrage. Actuellement, ils sont d’avis -qu’il serait encore prématuré d’octroyer l’électorat aux femmes.</p> - -<p>Toute proposition de loi, ne devrait cependant venir en discussion, -qu’après que le suffrage aurait été attribué aux femmes.</p> - -<p>La France entière ayant seule l’intuition des besoins humains, la -France entière peut seule poser les bases d’une société meilleure en -votant des réformes fondamentales.</p> - -<p>Tenir les femmes hors des salles de vote où tout se projette et à -l’écart du Parlement où tout se résoud, c’est les désigner d’avance -pour être sacrifiées.</p> - -<p>Les femmes seront plus considérées, mieux rétribuées, quand elles -exerceront leurs droits politiques. Et, l’humanité entière a intérêt -à ce qu’elles exercent leurs droits politiques; car, on ne peut sans -nuire à l’espèce, sans amoindrir l’homme, garder infériorisée la femme, -qui imprime à la société sa marque de fabrique, puisque matrice de la -nation, elle est le moule qui forme tous les Français.</p> - -<p>Afin de se justifier d’annuler les femmes, les hommes spoliateurs -les incriminent d’attachement aux vieux usages; alors, qu’il est -surabondamment prouvé qu’en <span class="pagenum" id="Page_31">31</span> dépit de toutes les entraves, elles ne -sont pas plus qu’eux ennemies du progrès.</p> - -<p>Les femmes sont les premières à utiliser les innovations; on les a vues -adopter pour la locomotion tous les nouveaux systèmes.</p> - -<p>La femme que l’homme déprécie afin de pouvoir, en la spoliant de ses -droits, l’opprimer et l’exploiter, n’est pas plus que lui bornée, elle -doit donc être autant que lui électeur.</p> - -<p>Soutenir que la dégradée civique, que la serve obligée de singer son -maître peut avoir sur lui une influence occulte pour le bien, semble -être moins encore une erreur qu’une ironie.</p> - -<p>L’homme ne reçoit pas d’en bas ses impressions morales; et, aussi -longtemps que la femme sera au-dessous de lui, elle pourra l’amuser, -le charmer; non changer sa manière de voir et de faire, non le -métamorphoser; car si l’être dit supérieur condescend à demander à -l’être dit inférieur le secret du mal, jamais il ne lui demande le -secret du bien.</p> - -<p>Aussi, il paraît indispensable que pour accomplir la mission sociale -qu’on lui assigne, la femme ait le pouvoir que confère la souveraineté; -ce ne sera que ce pouvoir matériel, qui lui assurera l’autorité morale.</p> - -<p>Au lieu de restreindre en les partageant les prérogatives masculines, -les femmes les augmenteront; puisque le jour où il sera en les mains -de tous les ayants droit hommes et femmes, le bulletin octroiera aux -Français <span class="pagenum" id="Page_32">32</span> et Françaises la faculté de matérialiser leur volonté -d’être heureux et libres.</p> - -<p>C’est de peur de ne pouvoir faire parler comme on veut le suffrage -rendu conscient en même temps qu’il deviendrait universel, que l’on -écarte des affaires publiques cette force nationale, la femme.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Ce ne sera qu’en unifiant la condition de l’homme et de la femme que -l’on unifiera la manière de voir des Français.</p> - -<p>Dire à la Française, de cesser d’être coquette, sans lui donner le -moyen d’améliorer son sort en votant, c’est la maintenir en une -immobilité mentale qui paralysera la marche en avant.</p> - -<p>La femme doit voter, car il n’y a place au soleil de la République que -pour qui dispose d’un vote. Et, ce ne sont pas seulement les femmes, -c’est la nation entière qui souffre de l’annulement politique des -Françaises.</p> - -<p>Les hommes n’ignorent point cela; cependant, à quelque parti qu’ils -appartiennent, réactionnaires et républicains, ils sont d’accord pour -faire envisager le vote des femmes comme un danger public.</p> - -<p>En notre France qui garde l’empreinte monarchiste de la loi salique, -le fantôme de la femme politique est aussi redouté que le spectre -rouge. Ce ne sera, cependant, qu’à l’aide de celle-ci que l’on pourra -triompher <span class="pagenum" id="Page_33">33</span> de celui-là. Les femmes étant seules assez nombreuses -pour mettre à la raison les perturbateurs.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Bien que l’on sache, que les femmes sont pourvues de facultés qui -feront se transformer sans violences la société et que partout où les -femmes ont voté, elles ont mis leur zèle et leur énergie au service des -partis avancés, les révolutionnaires repoussent le bulletin pondérateur -de la femme, et les radicaux évolutionnistes ne s’empressent pas -d’utiliser ce bulletin pondérateur, qui leur assurerait le gouvernail -de la barque sociale.</p> - -<p>Si les hommes d’opinions si opposées s’entendent pour représenter comme -un épouvantail le vote des femmes, c’est qu’ils sont d’accord pour -continuer à accaparer les bénéfices électoraux; et, qu’ils trouvent -avantageux de tenir les sièges législatifs de la force du nombre des -femmes, sans avoir besoin d’obtenir leurs bulletins.</p> - -<p>Pour faire s’activer l’évolution de l’humanité, il faut mettre la -femme au niveau de l’homme, afin que les deux êtres équivalents qui se -complètent ne cheminant plus en des voies différentes, marchent du même -pas vers la justice sociale.</p> - -<p>La République cessera seulement d’être pour les Françaises une -bluffeuse, quand elle leur facilitera le combat pour la vie en les -armant du bulletin de vote.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_34">34</span></p> - <h2 id="ch_7">L’ÉDUCATION POLITIQUE DES FRANÇAIS</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>L’étranger comprend l’horreur que le Français a pour la politique, en -entendant le camelot parisien faire ce boniment: «Dans mes journaux, il -n’y a pas de politique, tout n’est que blague et rigolade.»</p> - -<p>La politique, qui d’après le rusé marchand ferait se sauver les -acheteurs, joue cependant un rôle énorme, puisque c’est d’elle que -dépend la destinée humaine.</p> - -<p>Sous le nom de règlement et de répression, la politique prend à la -femme comme à l’homme sa liberté. Sous le nom de taxe, la politique -prend à la femme comme à l’homme, son argent. Sous le nom de guerre, la -politique prend à l’homme sa vie et à la femme plus que sa vie, la vie -de ceux qu’elle aime!</p> - -<p>Pourquoi donc cette question suprêmement intéressante répugne-t-elle -aux foules, au lieu d’être l’objet de leur constante préoccupation?</p> - -<p>—Parce qu’on ne la comprend pas.</p> - -<p>Un seul sexe étant admis à faire de la politique, il <span class="pagenum" id="Page_35">35</span> n’est -point séant d’en parler. De sorte que la politique, qui se réduit à -sauvegarder ou à mettre en péril les intérêts généraux et particuliers, -est considérée comme une science inaccessible même aux hommes qui se -distinguent dans leur art ou leur profession. Et l’indifférence pour -les affaires du pays menace de se perpétuer.</p> - -<p>Comment l’homme s’initierait-il à la politique, pendant que la femme, -avec laquelle il est sans cesse en tête à tête, n’est pas admise à en -chercher avec lui le mécanisme?</p> - -<p>Aussi longtemps que, comme des pestiférées en quarantaine, les femmes -seront tenues à l’écart de la politique, la nation sera sans éducation -politique.</p> - -<p>Pour que la politique cesse d’être pour l’homme chose ennuyeuse et -incompréhensible, il faut qu’elle s’introduise dans le ménage, où elle -deviendra une question d’autant plus familière qu’elle sera tous les -jours incidemment creusée.</p> - -<p>Bien loin d’être une source de division, la politique resserrera -les liens entre époux. En élargissant l’horizon intellectuel du -<i>home</i>, elle fera souvent succéder à l’amour envolé, l’amour du -bien public.</p> - -<p>Quand les femmes jouiront des mêmes droits électoraux que les hommes, -le sein maternel ne sera plus un milieu où le cerveau s’atrophiera. -L’affranchissement de la mère soustraira l’homme à l’abâtardissement -utérin qui en fait plus un sujet qu’un citoyen. La maison familiale -deviendra une école où électeurs <span class="pagenum" id="Page_36">36</span> des deux sexes luttant -d’émulation feront ensemble, sans y penser, leur éducation politique. -Alors, la nation sera plus clairvoyante et aux phrases pompeuses qui -retentissent dans les réunions d’électeurs et d’élus, succéderont -des émissions d’idées, de plans, d’où pourront découler le bien de -l’humanité.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Présentement, les électeurs pétris du sang et de la chair de dégradées -civiques, vivant en tête-à-tête avec des repoussées de la vie publique, -sont, par l’atavisme et le milieu ambiant, maintenus en une telle -enfance politique qu’ils n’écoutent que les charlatans criant le plus -haut, sachant le mieux persuader qu’ils feront couler du bourgogne des -fontaines Wallace et tomber, rôties, du ciel les cailles.</p> - -<p>C’est seulement quand les femmes voteront, que Français et Françaises, -s’instruisant mutuellement en discutant ensemble des affaires -publiques, deviendront des électeurs souverains conscients.</p> - -<p>Assimiler les femmes aux hommes citoyens, épouvante le Français; nos -partisans d’indépendance électorale aiment mieux laisser escroquer -à l’électeur son vote que de le rendre promptement capable d’être -son propre maître en admettant sa compagne si divinatrice, si -investigatrice à coopérer avec lui aux affaires publiques.</p> - -<p>On reconnaît que la nation entière saurait mieux <span class="pagenum" id="Page_37">37</span> qu’une partie de -la nation organiser son bonheur; on affirme que les Françaises ont des -qualités propres qui complètent les qualités des Français.</p> - -<p>On dit que les tournants politiques cesseraient d’être dangereux, si la -masse électorale avait pour la guider le jugement sûr et le tact inné -de femmes.</p> - -<p>Pourtant, on reste privé de leur concours, on les élimine, au grand -préjudice de la généralité des êtres, puisque les femmes intuitives -seraient en arrivant sur la scène politique, les monitrices électorales -qui démêleraient les questions et dessilleraient les yeux.</p> - -<p>Il n’est pas possible de «marcher vers la justice sociale» sans d’abord -soustraire la moitié de l’humanité à l’oppression de l’autre moitié, en -la munissant de cette arme libératrice, le bulletin de vote.</p> - -<p>On comprime la nature en annihilant les femmes et en les contraignant -à jouer le rôle de traînardes paralysatrices d’efforts; alors, qu’il -convient si bien à leur tempérament d’être des avant-gardes du progrès, -faisant évoluer l’espèce.</p> - -<p>Quiconque se préoccupe de l’avancement humain, doit vouloir assurer à -la République, le concours des femmes, en les faisant citoyennes.</p> - -<p>Lorsque hommes et femmes gèreront ensemble les affaires publiques, ils -deviendront bientôt aptes à être eux-mêmes leurs représentants. Or, -quand les Français et les Françaises seront leurs propres députés, -ils économiseront avec les millions de l’indemnité parlementaire, -beaucoup d’autres millions dépensés pour satisfaire <span class="pagenum" id="Page_38">38</span> les grands -électeurs que chaque élu traîne après soi; et, l’on peut prévoir tout -ce qui résultera d’heureux pour la population, du gouvernement exercé -directement, par les Français et les Françaises.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>La mère qui a quarante ans d’expérience de la vie est bien plus -préparée à exercer ses droits politiques, que son fils électeur à vingt -et un ans.</p> - -<p>C’est en votant, que l’on apprend à bien voter.</p> - -<p>Les hommes gratifiés du suffrage en 1848 étaient beaucoup moins aptes -que ne le sont les femmes d’aujourd’hui à exercer le suffrage; et, -combien trouverait-on d’électeurs qui pourraient présentement offrir -les garanties que l’on demande au sexe féminin? Pas plus que le droit -de l’homme, le droit de la femme ne peut être soumis à des conditions, -ni être ajourné par une question d’opportunité.</p> - -<p>Les spoliateurs des Françaises qui feignent de redouter leur arrivée -dans la politique, savent fort bien que les femmes, au contraire, -réveilleront l’enthousiasme des masses pour la République, puisqu’elles -la rendront capable de réaliser les réformes attendues.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Pourquoi toutes les révolutions ont-elles si peu amélioré le sort -humain?</p> - -<p>—Parce qu’elles ont passé par-dessus la tête des <span class="pagenum" id="Page_39">39</span> femmes sans les -affranchir, et, que l’asservissement féminin est le plus grand obstacle -au progrès.</p> - -<p>Les Françaises sont depuis si longtemps spoliées qu’elles ne peuvent -croire que leur entrée dans le droit commun est indispensable à -l’accélération de l’évolution humaine; elles ne seront persuadées -qu’elles ont des droits que lorsqu’on les appellera à exercer ces -droits.</p> - -<p>N’y aurait-il pas pour les hommes plus d’avantages à s’associer -immédiatement la femme, dans la commune et dans l’Etat, qu’à risquer -de se créer des difficultés, pour se donner la puérile satisfaction -de garder encore un peu de temps hors la loi, les vingt millions de -Françaises?</p> - -<p>Aucune unité de vues n’est possible entre Français et Françaises, avant -qu’ils ne soient appelés à se concerter sur ce qui mutuellement les -intéresse; c’est-à-dire, avant que ne soit substitué au jeu sans effet -du petit suffrage restreint, la toute puissance transformatrice du -grand suffrage universel.</p> - -<p>On dissipera l’incohérence politique, en élevant au niveau de l’homme, -la femme qui moule et façonne les électeurs.</p> - -<p>L’éducation politique du pays serait maintenant achevée, si les hommes -et les femmes avaient depuis 1848, appris à bien voter, en votant -ensemble; et, au lieu de redouter que l’ignorance, la servilité, -n’enrayent le progrès, on aurait la certitude que le bon sens général -l’accélèrerait; car, la nation serait moralement augmentée, si la serve -qui lui donne son empreinte était citoyenne.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_40">40</span></p> - <h2 id="ch_8">LE VOTE DES FEMMES CÉLIBATAIRES</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Toutes les restrictions apportées à l’exercice des droits politiques -de la femme étant préférables à l’exclusion du sexe féminin de la -politique, nous admettrions, au pis aller, que pendant qu’elle est dans -le mariage, la femme soit comme l’homme pendant qu’il est sous les -drapeaux, privée du droit de voter.</p> - -<p>Mais la femme affranchie de la tutelle maritale, la femme apte à gérer -toutes les affaires civiles et privées, n’est-elle pas apte aussi à -gérer les affaires politiques et publiques?</p> - -<p>Si nous proposons de demander le suffrage d’abord pour les femmes -instruites et pour les célibataires, c’est afin d’esquiver en même -temps que la demande d’autorisation maritale, l’objection que la femme -est une ignorante.</p> - -<p>En réclamant, dans l’intérêt du sexe entier, le pouvoir immédiat pour -les plus libres d’affranchir celles qui sont opprimées, on ne favorise -personne, attendu <span class="pagenum" id="Page_41">41</span> que les femmes mariées ne sont, pas plus que les -célibataires, dans un état immuable et permanent.</p> - -<p>Tous les jours, des épouses deviennent veuves, donc célibataires; tous -les jours, des filles majeures, des veuves, des divorcées deviennent -des femmes mariées. Alternativement, les Françaises se remplacent -dans leurs successives conditions; aussi, la tactique consistant à -revendiquer d’abord le suffrage pour les momentanément majeures, -c’est-à-dire pour les femmes ayant l’aptitude exigée des hommes pour -être électeur, ne peut être qualifiée de transaction. C’est un moyen -employé pour réussir.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Il ne peut point être question de décider à quelle catégorie de femmes -on va donner le vote. Toutes les Françaises sont dans une situation -trop instable pour être classées par catégories, et toutes ont droit au -vote.</p> - -<p>Il s’agit de faire obtenir adroitement le suffrage au sexe féminin. -Si on le réclame pour la généralité des femmes, on jette sans profit -l’alarme au camp des maris. Si, au contraire, on introduit dans la -citadelle politique, afin qu’elles en ouvrent la porte à toutes -celles qui parmi les femmes n’ont pas leurs mouvements paralysés par -la puissance maritale, on aplanit les difficultés, on prévient les -objections et très promptement on triomphe.</p> - -<p>La revendication du suffrage pour les Françaises qui <span class="pagenum" id="Page_42">42</span> n’ont pas -de mari est un démenti donné à ceux qui affirment que les femmes sont -représentées à la Chambre par leur mari.</p> - -<p>M. Aulard, dans un de ses cours, a rappelé que les hommes ont commencé -à user de cette échappatoire pour s’abstenir de conférer le vote aux -femmes lors de la discussion de la Constitution de l’an III.</p> - -<p>A propos de l’abolition du suffrage universel, Rouzet, député de la -Haute-Garonne, prit la parole pour dire que le suffrage universel -n’avait pas existé puisque les femmes n’étaient pas admises au droit -politique.</p> - -<p>Lanjuinais, lui répondit que les femmes étaient représentées par leurs -maris.</p> - -<p>Depuis, les députés chargés de faire des rapports sur les pétitions -réclamant le suffrage des femmes se sont toujours tirés d’embarras en -répétant après Lanjuinais que les femmes étaient représentées par leurs -maris.</p> - -<p>Il était nécessaire d’arrêter sur les lèvres des législateurs cette -version erronée en demandant les droits électoraux pour les millions de -Françaises qui n’ont pas de mari.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Quand on révise la loi électorale, des députés demandent quelquefois -d’assurer la représentation des épouses en accordant aux électeurs -mariés deux suffrages.</p> - -<p>Mais, jamais il n’a été question de charger quiconque de déposer un -bulletin pour les Françaises célibataires. <span class="pagenum" id="Page_43">43</span> C’est que ces femmes-là -sont des majeures devant le devoir public et que l’on ne peut contester -leur droit.</p> - -<p>Ce droit des célibataires, les hommes l’appellent même parfois au -secours de leurs privilèges; seulement, après qu’ils ont proclamé qu’il -est indispensable que les veuves et les filles majeures aient des -mandataires, ils leur disent qu’elles auraient l’esprit bien étroit si -elles croyaient qu’elles ont besoin de voter pour être représentées à -la Chambre.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Demander de concéder d’abord le suffrage aux femmes qui ont les -qualités requises pour le posséder, ce n’est pas transiger, c’est -adapter le droit à l’aptitude.</p> - -<p>Quand on a donné l’électorat consulaire aux commerçantes, quand on -a accordé l’électorat et l’éligibilité aux conseils départementaux -d’enseignement et au conseil supérieur de l’instruction publique, aux -institutrices, on a adapté le droit à l’aptitude.</p> - -<p>Les épouses sous la tutelle de leur mari, qui ne seront pas -provisoirement comme les femmes majeures aptes à exercer leurs droits -politiques, ne se croiront pas plus déchues que les dames qui, n’étant -ni commerçantes, ni institutrices, ne peuvent de celles-ci partager les -privilèges.</p> - -<p>Les hommes sont-ils devenus tous à la fois électeurs?—Non. Avant que -le suffrage soit pour eux <span class="pagenum" id="Page_44">44</span> universalisé, étaient exclus du vote les -domestiques, les illettrés, les exemptés du service militaire, enfin -ceux qui ne payaient pas deux cents francs d’impôts.</p> - -<p>Les femmes n’obtiendront peut-être pas non plus, toutes en même temps -le suffrage; il est possible que ce ne soit que quand les veuves et les -filles majeures voteront déjà que les épouses, acquerront la capacité -électorale.</p> - -<p>La tactique consistant à réclamer d’abord l’électorat des célibataires, -a pour but d’obtenir plus vite les droits politiques aux femmes mariées.</p> - -<p>Est-il besoin de rappeler qu’en Angleterre le vote des célibataires a -précédé de vingt-cinq ans le vote des femmes mariées? C’est en 1869 -que l’électorat municipal a été octroyé aux Anglaises non mariées, et -ce n’est qu’en 1894 que ce même électorat municipal a été accordé aux -Anglaises mariées.</p> - -<p>L’éligibilité aux borough councils n’a encore été conférée qu’aux -Anglaises célibataires, veuves ou filles inscrites sur les listes -électorales de leur résidence.</p> - -<p>La ruse de guerre dont nous usons en demandant que la catégorie de -femmes qui n’est pas sous la puissance maritale, qui administre déjà -ses affaires particulières, puisse gérer ses affaires publiques, nous -a été suggérée par les législateurs qui ont rejeté nos pétitions -réclamant les droits politiques pour toutes les Françaises, en -alléguant que les femmes étaient représentées par leurs maris.</p> - -<p>Nous avons voulu savoir ce que les députés pourraient <span class="pagenum" id="Page_45">45</span> bien -objecter à la revendication du vote pour les nombreuses femmes n’ayant -pas de mari, donc n’étant pas représentées.</p> - -<p>Tel est le motif de la pétition suivante.</p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p> - - <p>«Nous vous prions de bien vouloir conférer le droit électoral aux - millions de Françaises célibataires—les filles majeures, les - veuves, les divorcées—qui sont maîtresses de leur personne, de - leur fortune, de leurs gains, afin qu’elles puissent, en votant, - sauvegarder, dans la commune et dans l’Etat, leurs intérêts qui - sont actuellement laissés à l’abandon.»</p> -</div> - -<p>Cette pétition déposée en 1901 sur le bureau de la chambre, fut -transformée en projet de loi par M. Gautret, député.</p> - -<p>Notre proposition d’attribuer d’abord l’électorat aux célibataires -excita l’indignation de quelques femmes mariées; l’une d’elles nous -écrivit:</p> - -<p>«Alors vous pensez que le mariage est une déchéance morale?»</p> - -<p>Le mariage n’est pas une déchéance morale, mais il est une déchéance -légale bien caractérisée, puisqu’il dépouille, annihile l’épouse, fait -redevenir mineure la femme, fût-elle depuis dix ans majeure quand elle -se maria.</p> - -<p>La participation du plus petit nombre de femmes à <span class="pagenum" id="Page_46">46</span> la politique -aurait de suite un résultat heureux pour tout le sexe, attendu -que les intérêts féminins étant identiques, les dames électeurs -sauvegarderaient avec les leurs, les intérêts des autres femmes.</p> - -<p>Il est bien entendu, que nous voulons le suffrage pour les épouses -comme pour les demoiselles, les veuves, les divorcées. Pendant que -toutes les femmes de la nation ne voteront point avec les hommes, le -suffrage ne sera pas en France universel, mais plus ou moins restreint, -réduit, émasculé.</p> - -<p>Ce principe posé, on reconnaîtra que c’est une tactique habile -d’employer les célibataires à faire une brèche en la forteresse des -privilèges masculins par où l’armée entière des femmes passera. Nul ne -peut nous blâmer de pousser vers les urnes les plus libres pour hâter -l’affranchissement de celles qui le sont le moins; car, en politique -comme à la guerre et au jeu, il faut savoir user de stratagème pour -être victorieux.</p> - -<p>Ne vaudrait-il pas mieux que les moins assujetties parmi les femmes -aient avec le bulletin le pouvoir d’arracher aux fers les triplement -enchaînées, que de les regarder souffrir sans avoir la possibilité de -leur porter secours?</p> - -<p>Les législateurs n’osent appeler à exercer leurs droits politiques, les -filles majeures, les veuves et les divorcées, parce qu’ils savent bien -que le sexe féminin, entier, aussitôt les suivrait dans la salle de -vote.</p> - -<p>Cependant, la très nette déclaration ci-dessous fut un jour faite à -la chambre par un orateur: «Il y a des <span class="pagenum" id="Page_47">47</span> personnes qui ne votent -pas dans la nation, mais qui ont des intérêts et des droits à être -représentées. Ces personnes ce sont les femmes célibataires et les -veuves disposant de leur fortune, ayant réellement des intérêts -manifestes, ayant droit à avoir des représentants de ces intérêts.» Les -députés applaudirent.</p> - -<p>Quelle objection pourrait-on faire au droit des Françaises célibataires -de se nommer des représentants? Il est impossible de prétexter pour -elles d’empêchements naturels temporaires, ou de les dédaigner, car -leur nombre est considérable. Cette catégorie de femmes formerait un -Etat dans l’Etat.</p> - -<p>On compte en France près de six millions de demoiselles qui, avec les -légions de veuves et les divorcées, représentent un total imposant -d’individualités dont les intérêts ne sont pas même représentés -indirectement par un mari au Parlement, aux conseils généraux et -municipaux.</p> - -<p>Comme l’homme, la célibataire est maîtresse absolue de sa personne et -de sa fortune. Elle garde avec son nom sa personnalité, fait ce qu’elle -veut, vit comme elle l’entend. Pourquoi cette femme ne voterait-elle -pas?</p> - -<p>Il est de l’intérêt général que le droit électoral soit rendu -accessible aux célibataires dont l’activité et les facultés affectives -demeurent inutilisées, sont perdues pour la société, pendant qu’elles -ne peuvent se dépenser au profit du bien public.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_48">48</span></p> - <h2 id="ch_9">VOUS N’ÊTES PAS MILITAIRES!</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Quand les femmes demandent à voter, ceux mêmes qui parlent de supprimer -les armées permanentes leur répondent: «Vous ne pouvez jouir des -prérogatives politiques puisque vous ne portez pas le fusil».</p> - -<p>La loi de deux ans sert aux antiféministes de prétexte pour déclarer -que les femmes point astreintes aux obligations militaires imposées aux -hommes, ne peuvent être en la société leurs égales.</p> - -<p>C’est peine perdue de leur faire remarquer que la loi de neuf mois -renouvelable est plus dure pour les femmes que la loi de deux ans -pour les hommes; que beaucoup plus de femmes succombent sur le lit de -douleur pour l’œuvre de création, que d’hommes sur le champ de bataille -pour l’œuvre de destruction.</p> - -<p>Les femmes ne se battent pas; mais, tous les hommes non plus ne se -battent pas; il y a de par le monde une foule d’hommes impropres au -service militaire; on les appelle des réformés, ces réformés, jouissent -cependant de leurs droits civiques.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_49">49</span></p> - -<p>Personne n’a jamais songé à contester le droit de vote à ceux que le -conseil de revision a repoussés.</p> - -<p>Il est donc bien singulier de voir se manifester quand le sexe féminin -réclame ses droits, des exigences que l’on n’a pas pour le sexe -masculin.</p> - -<p>Cette objection du service militaire n’est pas nouvelle. J’ai épinglé -dans mon cabinet de travail un numéro du <i>Grelot</i> illustré, où -sous ce titre «Hubertinauclertinade», Alfred Le Petit a dessiné un -militaire qui interpelle ainsi une femme enceinte:</p> - -<p>—Eh! dites donc vous, la citoyenne, puisque vous voulez les mêmes -droits que nous, venez donc faire aussi vos vingt-huit jours?</p> - -<p>—Pourquoi pas, si vous voulez faire nos neuf mois?... répond la future -mère.</p> - -<p>Les plaisantins qui voudraient laisser la femme hors du droit commun, -parce qu’elle n’assume pas à la fois la peine de perpétuer la race -et celle de défendre le territoire, négligent de songer que, s’ils -exigeaient pour leur sexe pareil cumul, il serait infiniment moins -facile aux hommes d’être mères qu’aux femmes d’être soldats.</p> - -<p>Il y a déjà eu des femmes soldats: les Gauloises accompagnaient leurs -maris à la guerre, elles étaient si intrépides, elles maniaient avec -tant d’adresse le bouclier, qu’elles avaient reçu en présent de leur -fiancé, qu’un Gaulois pouvait, disait-on, terrasser six ennemis s’il -était secondé par sa femme dont les bras nerveux se raidissaient et -portaient des coups aussi terribles que ceux des pierres lancées par -des catapultes.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_50">50</span></p> - -<p>Sous l’ancienne France des femmes se ceignaient virilement d’un habit -de guerre, combattaient, ou se précipitaient entre les bataillons -armés, pour les empêcher d’en venir aux mains en s’écriant: -«Gardez-vous de livrer un combat ou périra tout le bien du pays.»</p> - -<p>Les femmes se font soldats aux heures désespérées.</p> - -<p>Avant et après Jeanne Darc notre héroïne nationale, qui en 1429 arracha -la France aux Anglais en les forçant avec un réel génie militaire, à -lever le siège d’Orléans après les avoir vaincus à Patay—A toutes les -époques de l’histoire des femmes se sont distinguées par des actions -d’éclat.</p> - -<p>Jacqueline Robin, sauva la ville de Saint-Omer, en lui procurant des -vivres et des munitions.</p> - -<p>Jeanne Hachette, défendit héroïquement Beauvais, assiégée par -Charles-le-Téméraire.</p> - -<p>M<sup>lles</sup> Ferny, se battirent si bien que la Convention leur envoya deux -chevaux caparaçonnés.</p> - -<p>Combien d’autres femmes se sont enrôlées dans les armées de la -République: Marie Pochelet, Madeleine Petit-Jean, Rose Marchand, Elisa -Quatresou, pour ne citer que celles-là, obtinrent de la Convention des -éloges et des pensions.</p> - -<p>Thérèse Figueur, qui fut dragon eut deux chevaux tués sous elle, fut -cinq fois blessée; se retira en 1815 après 22 ans de service militaire -avec 200 francs de pension.</p> - -<p>Virginie Ghesquière dite le «joli sergent,» s’engagea <span class="pagenum" id="Page_51">51</span> à la place -de son frère jumeau qui n’avait pas sa vigueur et se distingua à Wagram.</p> - -<p>Angélique Brûlon, nommée sous-lieutenant et décorée de la légion -d’honneur, fut après ses campagnes admise aux invalides.</p> - -<p>Marie Schellinck, frappée de six coups de sabre à Jemmapes, blessée à -Austerlitz et à Iéna eut une citation à l’ordre du jour de l’armée; -après Arcole fut nommée sous-lieutenant et décorée pour ses douze -campagnes et ses 17 ans de service.</p> - -<p>Ni les Conventionnels, ni Bonaparte, n’encourageaient l’enrôlement -des femmes dans les bataillons. On était porté à confondre ces braves -soldates, avec les troupeaux de filles qui de tous temps avaient -encombré les camps; et que les chefs d’armée, soucieux de la santé de -leurs troupes ordonnaient parfois de jeter dans la rivière. En 1760 le -maréchal de Broglie leur faisait noircir le visage avec une drogue qui -les marquait pour six mois. C’était un moyen préférable au fouet qui, -disait le maréchal, ne les empêche pas de revenir.</p> - -<p>Bonaparte eut recours au même système, il ordonna de passer au noir les -femmes qui venaient sans autorisation à l’armée.</p> - -<p>En 1870, une institutrice, M<sup>lle</sup> Lix fit brillamment la campagne des -Vosges.</p> - -<p>D’autre part, Livingstone nous rapporte en le récit de ses voyages, que -dans le petit royaume de Bantam (Ile de Java) les capitaines et les -soldats sont des femmes.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_52">52</span></p> - -<p>L’Amérique méridionale a le fleuve des <i>Amazones</i>, parce que sur -les rives de ce cours d’eau des femmes combattirent.</p> - -<p>En 1865, Lopez, pour lutter contre le Brésil, enrôla les Paraguayennes, -elles se battirent si vaillamment, et se firent tuer avec tant de -courage, qu’après la paix signée il n’y avait plus au Paraguay que des -hommes.</p> - -<p>Au Dahomey, l’armée permanente formée des femmes repoussa souvent nos -troupes; et, pour conquérir ce pays à la France, nos soldats durent -en 1892 énergiquement lutter contre les intrépides amazones dont ils -admiraient la bravoure.</p> - -<p>Les femmes ont un peu partout suffisamment prouvé qu’elles étaient -aptes à porter les armes, et qu’elles pourraient être avantageusement -utilisées par le département de la guerre.</p> - -<p>Avec les femmes «riz—pain—sel» nos soldats qui souvent souffrent -et meurent surtout des privations endurées, seraient certains d’être -toujours réconfortés, sustentés, car ils seraient l’objet de la -sollicitude de celles qui sachant seules ce qu’un homme coûte à faire, -comprennent réellement seules l’importance qu’il y a à le conserver.</p> - -<p>Les femmes pourraient augmenter l’effectif de l’armée en prenant dans -l’administration et l’intendance la place des hommes qui ont été -distraits des bataillons.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Il faut prévoir—un conflit sérieux surgissant—la <span class="pagenum" id="Page_53">53</span> nécessité que -tous les hommes soient à la frontière et assurer le fonctionnement des -services de l’intendance au moyen de l’élément national qui ne porte -pas le fusil, au moyen des femmes.</p> - -<p>Au théâtre, pour parer à tout événement, on fait apprendre les rôles à -plusieurs acteurs, on a des artistes prêts à suppléer le chef d’emploi; -pourquoi donc, lorsqu’il s’agit non plus de comédie, mais de cette -effrayante réalité pour la France: être, ou ne pas être! oublie-t-on -la prévoyance, néglige-t-on d’assurer avec des remplaçants féminins -le fonctionnement de transports, d’approvisionnements de vivres et de -munitions?</p> - -<p>IL suffirait de diriger le dévouement que beaucoup de femmes prodiguent -durant les chocs sanglants, pour obtenir du sexe féminin une -coopération précieuse.</p> - -<p>Nulle guerre n’a eu lieu, sans que plusieurs Françaises bravent la -mort pour aider au ravitaillement des armées bloquées, pour porter -des munitions aux assiégés. En 1870, à Châteaudun, M<sup>me</sup> Jarrethout -entretenait de munitions, sous le feu prussien, les combattants: -pendant qu’à Pithiviers M<sup>lle</sup> Dodu subtilisait ingénieusement les -télégrammes allemands et ainsi sauvait un de nos corps d’armée.</p> - -<p>Ni la décision, ni le sang-froid, ni l’intrépidité, ne font défaut aux -femmes. Qu’on leur permette donc d’augmenter le nombre des hommes qui -se battent, en les remplaçant dans les services inactifs comme elles -les remplacent dans l’industrie, en continuant le commerce, <span class="pagenum" id="Page_54">54</span> dans -l’agriculture en faisant prospérer la ferme quand ils ne sont pas là.</p> - -<p>Les féministes ont depuis plus de 25 ans proposé d’utiliser les -Françaises dans les services auxiliaires de l’armée: L’intendance, la -manutention, l’équipement, l’infirmerie et tout ce qui a rapport aux -vivres et aux munitions.</p> - -<p>Lors de la campagne de Tunisie, tous les journaux publièrent une -lettre adressée au général Farre, ministre de la guerre, dont voici un -passage: «Nos soldats vaincraient vite l’ennemi et la maladie, si un -personnel dévoué, veillait à leur bien-être matériel. Qu’on appelle les -femmes à faire leur service humanitaire—pendant du service militaire -des hommes—et l’on aura ce personnel<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>.»</p> - -<p>Après ces offres de service, comment peut-on oser dire aux femmes qu’il -faut qu’elles soient militaires pour avoir leur part de souveraineté?</p> - -<p>Les mères remplissent des charges au moins équivalentes aux obligations -des militaires et elles n’ont pas les avantages dont jouissent ceux-ci.</p> - -<p>La femme chargée de perpétuer la nation, devrait être traitée de même -que le soldat chargé de défendre le territoire; comme le soldat, la -mère devrait être logée, nourrie, vêtue par la société.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_55">55</span></p> - <h2 id="ch_10">VOUS ÊTES CLÉRICALES!</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Dès les temps les plus reculés, la ruse religieuse a aidé la force -gouvernementale à asservir, exploiter, spolier les femmes.</p> - -<p>Sans demander aux femmes de se soumettre à une quelconque formalité, -pouvoirs spirituels et pouvoirs temporels se sont entendus pour leur -confisquer leurs droits, les annuler.</p> - -<p>Les femmes accusées d’avoir causé la perte du genre humain, furent -vouées à l’opprobre par le christianisme qui sanctionna la tradition -juive de la chute de la femme.</p> - -<p>Au lieu d’élever à leur niveau la génératrice que les pères de l’Eglise -avaient mis sous leurs pieds, les laïques, qui rient de la légende -biblique, ont adopté le dogme religieux de l’infériorité de la femme; -et, l’exclue du sacerdoce a été exclue du suffrage.</p> - -<p>Pour évincer les femmes de la politique qui leur octroierait leur part -des avantages sociaux, les hommes prétextent qu’elles sont cléricales.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_56">56</span></p> - -<p>La séparation de l’église et de l’Etat en ses divers incidents, a -révélé que ce croquemitaine le cléricalisme, avec lequel on impose -depuis si longtemps silence aux femmes, est un épouvantail aussi fictif -que ceux dont on se sert pour effrayer les enfants.</p> - -<p>Du moment que les ministres des différents cultes sont électeurs on n’a -pas d’objection à faire contre l’électorat des femmes fussent-elles -pratiquantes de ces cultes.</p> - -<p>Car, si le fait d’avoir les opinions religieuses est par lui-même -répréhensible, peu importe le sexe des personnes qui ont ces opinions. -On peut même soutenir que les actes religieux accomplis par les hommes -qui se sont attribué dans la société un rôle prépondérant, ont une -portée plus considérable que ceux accomplis par des femmes annulées.</p> - -<p>Pourquoi les femmes croyantes seraient-elles donc traitées avec plus de -rigueur que les hommes croyants?</p> - -<p>On ne demande pas aux hommes quelles sont leurs idées philosophiques -quand on leur délivre la carte électorale: les prêtres, les pasteurs, -les rabbins, la reçoivent, comme les libres-penseurs.</p> - -<p>Puisque les hommes ne sont pas spoliés de leurs droits pour cause -d’opinions, pourquoi les femmes le seraient-elles?</p> - -<p>Si la religiosité aide plutôt des hommes à s’élever dans la République -aux premières fonctions et dignités, comment cette religiosité -ferait-elle dégrader civiquement les femmes?</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_57">57</span></p> - -<p>Ceux qui excommunient les Françaises de la vie publique, entendent -substituer au déisme, le masculinisme.</p> - -<p>—Femmes! disent-ils, ne croyez pas à l’infaillibilité du pape, mais -admettez sans discussion l’infaillibilité de l’homme!</p> - -<p>Ce sont surtout les femmes malheureuses en ménage qui s’adonnent au -mysticisme. Cela m’a été tant de fois démontré, que dès qu’un citoyen -me confie que sa compagne légitime ou illégitime, tombe dans la -religiosité ou l’occultisme; avec la certitude d’avoir devant moi un -coupable, je lui demande aussitôt:—Qu’avez-vous fait à votre femme?</p> - -<p>Pendant qu’elles sont les embastillées des codes, s’occuper de -l’opinion des femmes, c’est comme si l’on s’occupait du chemin qu’un -prisonnier prendra quand il aura brisé ses chaînes. Tous les délivrés -de l’oppression courent du côté où ils voient le plus de liberté.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>On arrête le progrès en laissant à la loi l’empreinte cléricale qui lui -fait inférioriser le sexe pour lequel les pères de l’Eglise avaient une -haine contre nature.</p> - -<p>Ainsi que saint Jérôme et saint Cyprien, qui mutilaient leurs corps -pour s’abstenir de s’avilir avec la femme impure, les législateurs -libres-penseurs mutilent le corps social, retranchent la moitié de ses -membres, pour s’épargner l’impur contact féminin.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_58">58</span></p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Les détenteurs du pouvoir considérèrent toujours comme subversive -l’idée féministe. L’Eglise favorisa cette tendance en flétrissant au -concile de Paris «les dames qui au mépris de la constitution canonique, -se mêlent des choses de l’autel, manient effrontément les vases sacrés -et, ce qui est plus grave, plus indécent, plus inepte, offrent le corps -et le sang du Seigneur aux fidèles».</p> - -<p>Quand les hommes veulent se réserver le monopole d’une bonne place, que -ce soit celle de prêtre ou celle de député, ils sont d’accord, pour -dire à la femme que c’est inepte et indécent, de la leur disputer.</p> - -<p>Les libres-penseurs enlèvent aux femmes l’espoir d’être indemnisées au -ciel de leurs souffrances; mais, ils ne se hâtent point de leur donner -ici-bas tout leur dû.</p> - -<p>Laïciser la France, ce n’est pas seulement cesser de payer -pour enseigner des dogmes religieux, c’est rejeter la loi -cléricale—infériorisant la femme—qui découle de ces dogmes.</p> - -<p>Les apôtres de la foi civile qui dénient aux Françaises leurs droits -politiques, sont frères jumeaux des évêques du concile de Mâcon, qui se -demandaient si les femmes avaient une âme et faisaient partie du genre -humain.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_59">59</span></p> - <h2 id="ch_11">LA RELIGION LAIQUE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Je fus un jour déléguée par une société de libres-penseurs pour prendre -la parole à un mariage civil. Aucun programme ne m’ayant été tracé, -je crus avoir carte blanche et après avoir entendu le maire lire aux -nouveaux époux les articles 213-214-215-217 du Code civil, je ne pus -m’empêcher de dire aux conjoints:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Il ne suffit pas que vous vous absteniez d’aller à l’Eglise faire - bénir votre union, vous devez encore réprouver le texte de la loi - basée sur l’esprit de l’Eglise qui consacre le principe d’autorité. - Si vous voulez être heureux dans le mariage, traitez-vous en amis! en - associés! en égaux!... Ne tenez pas plus compte de la loi qui outrage - et infériorise la femme, que vous n’avez tenu compte du droit canonique - qui vous enjoignait de vous marier à l’Eglise.»</p> -</div> - -<p>Le préfet de la Seine indigné qu’il soit fait des correctifs au Code, -adressa aux maires de Paris la circulaire suivante:</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_60">60</span></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="center">LES MARIAGES CIVILS</p> - - <p class="rdate">Paris, le 21 avril 1880.</p> - - <p class="ldestinataire">Messieurs et chers collaborateurs,</p> - - <p>Une de nos préoccupations communes les plus vives a été de - maintenir et d’accroître la dignité de la cérémonie du mariage - civil.</p> - - <p>Mais il ne suffit pas, pour rendre à la loi le respect qu’elle - mérite, que la cérémonie s’accomplisse régulièrement et que l’ordre - matériel ne soit pas troublé il faut encore que les paroles - contraires au respect de la loi ne puissent s’élever dans le lieu - même où l’on vient rendre hommage à la loi.</p> - - <p>Nous voulons augmenter le prestige du mariage civil, et nous - laisserions critiquer publiquement la législation qui le consacre - au moment même où l’acte vient de s’accomplir.</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>Il y a quelques jours, à la mairie du dixième arrondissement, à - la suite et à l’occasion d’un mariage civil, une personne dont - on parle beaucoup en ce moment a prononcé un discours dont le - texte même ne m’est pas connu, mais dont le fonds roulait sur les - inégalités établies entre le mari et la femme par les articles du - Code civil dont l’officier de l’état-civil venait de donner lecture - quelques instants auparavant.</p> - - <p>Vous sentez, messieurs et chers collaborateurs, sans que j’y - insiste de nouveau, à quel point de tels faits sont intolérables.</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_61">61</span></p> - - <p>Que la personne dont j’ai parlé développe ses idées dans des - réunions, qu’elle les communique aux journaux, nous n’avons - rien à dire à cela; qu’elle les transforme en réclamations - administratives, nous ne nous en plaignons pas; qu’elle demande - son inscription sur les listes électorales; qu’elle requière sa - radiation du rôle des contributions; qu’elle postule son admission - sur les listes de recrutement; elle use ou elle usera d’un droit et - les inconvénients sont nuls; les pouvoirs compétents ont statué ou - statueront.</p> - - <p>Mais ici le cas est tout différent, il n’y a pas de droit; et, - quant aux inconvénients, ils éclatent d’eux-mêmes: demain, un - partisan d’idées opposées à celles qui ont été exposées à la mairie - du dixième arrondissement prendrait la parole; puis ce serait - le tour d’un autre, et la polémique et les discours des clubs - s’établiraient dans la maison de la loi et la transformeraient en - lieu de trouble et d’agitation, à la grande joie de nos ennemis.</p> - - <p>Toute personne n’a pas le droit de prendre la parole à un mariage - civil. Cela est bon à rappeler.</p> - - <p>Mais la condition essentielle qui constitue la seule garantie - véritable contre les incidents imprévus c’est la présence continue - de l’officier de l’état-civil.</p> - - <p>Il importe que vous soyez là, que vous y soyez jusqu’à la fin, pour - qu’au premier écart qui se produirait, vous déclariez la séance - levée et donniez l’ordre de faire évacuer la salle.</p> - - <p>Veuillez agréer, messieurs et chers collaborateurs, l’expression de - mes sentiments affectueux et dévoués.</p> - - <p class="rsignature"><i>Le sénateur, préfet de la Seine</i>,</p> - - <p class="rsignature2"><span class="smcap">F. HÉROLD</span>.</p> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_62">62</span></p> - -<p>«La personne avec laquelle M. Hérold polémique dit <i>Le Temps</i> qui -s’occupe de la chose avec une douce gaieté, n’est autre que M<sup>lle</sup> -Hubertine Auclert.»</p> - -<p>M. E. Lepelletier écrit dans <i>Le mot d’Ordre</i>:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Il s’agit on le sait de M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert, qui, à un mariage - civil au lieu de se borner à féliciter les nouveaux époux au nom de - la commission de la Libre-Pensée du 10<sup>e</sup> dont elle fait partie, a - paraît-il, parlé des inégalités entre mari et femme et critiqué le texte - du Code civil dont l’officier de l’état-civil venait de donner lecture.»</p> -</div> - -<p><i>La Justice</i> demande «En quoi importe-t-il qu’il soit fait ou -non, à la suite de la célébration du mariage, des dissertations -sur le rôle de la femme dans la société? La loi en est-elle -amoindrie? L’institution du mariage est-elle atteinte par ces -pratiques?—Evidemment non.»</p> - -<p>Les libres-penseurs furieux, que j’aie osé conseiller de transgresser -les dogmes légaux, déclarèrent qu’à l’avenir les hommes seuls seraient -les officiants de la religion laïque; néanmoins, les mairies leur -furent momentanément fermées. Ce ne fut que deux ans après cet -incident, qu’ils purent de nouveau discourir dans les salles des -mariages. J’écrivis alors au préfet de la Seine, M. Floquet la lettre -suivante:</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_63">63</span></p> - -<div class="quote"> - <p class="rdate">Paris, 4 septembre, 1882.</p> - - <p class="ldestinataire">Monsieur le Préfet,</p> - - <p>«J’apprends par les journaux qu’un libre-penseur a harangué des - nouveaux mariés dans une mairie de Paris, et je m’empresse de vous - remercier d’avoir levé l’interdit de M. Hérold, interdit motivé par - une allocution que j’avais faite en semblable occasion.</p> - - <p>«Je ne doute pas que la liberté d’adresser dans les mairies - quelques mots aux nouveaux mariés, liberté dont je serai - heureuse d’user, est octroyée aux femmes comme aux hommes, aux - <i>féministes</i>, comme aux libres-penseurs; car, il serait - incompréhensible que les libres-penseurs puissent aller à la - mairie critiquer l’église sur l’esprit de laquelle reposent les - lois matrimoniales, alors que les <i>féministes</i> ne pourraient - aller à cette même mairie critiquer les lois matrimoniales qui sont - basées sur l’esprit de l’église.</p> - - <p>Vous ne ferez pas de distinction, monsieur, entre ceux qui - attaquent l’effet et ceux qui attaquent la cause du moment - qu’un partisan de la libre-pensée a pu parler, les partisans du - <i>Féminisme</i> ont le droit de parler.</p> - - <p>Veuillez agréer, monsieur le Préfet, l’assurance de ma - considération très distinguée.</p> - - <p class="rsignature3">«<span class="smcap">Hubertine Auclert</span>»</p> - - <p class="rsignature">Directrice de «<i>La Citoyenne</i>.»</p> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_64">64</span></p> - -<p>En son numéro du 5 septembre 1882, <i>Le Temps</i> en parlant de ma -lettre au préfet souligne le mot <i>Féministes</i>: «M<sup>lle</sup> Hubertine -Auclert a, dit-il, réclamé au profit des femmes, ou plutôt, le mot -est joli, des <i>féministes</i>, un droit égal à celui que s’arrogent -les libres-penseurs. Pourquoi, en effet, les <i>féministes</i>, ne -profiteraient-ils pas de ces occasions-là pour prêcher leurs dogmes -particuliers?»</p> - -<p>Les expressions: <i>Féminisme</i>, <i>Féministes</i>, ont été dès lors -employées.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_65">65</span></p> - <h2 id="ch_12">LES FEMMES ONT VOTÉ EN FRANCE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Le sexe féminin qui est aujourd’hui annulé dans la commune et dans -l’Etat, intervenait parfois jadis dans les affaires publiques.</p> - -<p>Tacite nous apprend, que les femmes Gauloises étaient appelées dans -toutes les assemblées délibérantes où les plus graves questions étaient -traitées et où elles discutaient et votaient.</p> - -<p>Les historiens, parlent de la sagesse du Sénat des femmes Gauloises.</p> - -<p>Plutarque nous dit, que les femmes Lyguriennes furent investies -d’une autorité politique supérieure à celle des hommes, à l’occasion -d’interminables querelles qui amenaient les Lyguriens à une guerre -civile. Déjà, les deux partis avaient couru aux armes, ils se -mesuraient des yeux sur le champ de bataille, lorsque les femmes se -précipitant entre eux voulurent connaître le sujet de leur discorde. -Elles le discutèrent et le jugèrent avec tant d’équité et de raison, -qu’une amitié de tous avec tous régna dès lors, non seulement <span class="pagenum" id="Page_66">66</span> dans -chaque cité, mais dans chaque famille. De là, naquit l’usage d’appeler -les femmes aux délibérations sur la paix et la guerre.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Les Gaulois prenaient les femmes pour arbitres de leurs -différends.</i></p> - -<p>Quand les soldats d’Annibal, venant d’Espagne, voulurent passer les -Alpes pour envahir l’Italie, les Gaulois, qui se demandaient si ils -laisseraient le général Carthaginois traverser leur pays, prirent les -femmes pour arbitres et les chargèrent de régler les difficultés qui -pourraient surgir. Il fut stipulé dans le traité passé entre Annibal et -les Gaulois: «Que si les Carthaginois avaient à se plaindre de leurs -hôtes, ils exposeraient leurs griefs au tribunal des dames Gauloises -lesquelles en seraient juges.» (Fauchet)</p> - -<p>Annibal reconnut cette autorité féminine si nouvelle pour un -Carthaginois. Quelques femmes siégeant au bord du Tet, prononcèrent -en dernier ressort sur la demande et les plaintes de celui qui allait -ébranler Rome. Il n’eut, paraît-il, jamais qu’à se féliciter des arrêts -du tribunal féminin.</p> - -<p>Les Celtes ou Germains délibéraient aussi avec leurs femmes sur la paix -et la guerre; c’était avec les femmes—auxquelles ils attribuaient -une divination sacrée et prophétique—qu’ils éclaircissaient tous les -différends qui s’élevaient entre eux.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_67">67</span></p> - -<p>Sous le règne de Cécrops, premier roi d’Athènes, les femmes avaient -voix dans les délibérations publiques.</p> - -<p>Dès les temps les plus reculés les femmes des populations de races -diverses habitant le territoire des Gaules étaient considérées et -jouaient un grand rôle.</p> - -<p>On attribuait aux Gauloises des lumières surnaturelles, l’art de la -divination. Les Druidesses Gauloises étaient célèbres: Velléda passait -pour une divinité 71 ans après J.-C.</p> - -<p>Mais la Gaule est envahie par les Francs, les Wisigoths; et le -vainqueur substitue aux lois et mœurs Gauloises, les siennes.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_68">68</span></p> - <h2 id="ch_13">LA LOI SALIQUE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Les Francs-Saliens en leur législation barbare rédigée en latin -et publiée sous Clovis, Dagobert, Charlemagne, déclarèrent que la -propriété allodiale (héréditaire) ou terre salique, ne pouvait être -dévolue aux femmes, et que, par conséquent, celles-ci étaient inhabiles -à succéder au trône de France.</p> - -<p>Les Etats-Généraux de 1317 interprétèrent cette disposition des -anciennes coutumes des Francs-Saliens, dite <i>loi salique</i>, au -détriment de Jeanne fille de Louis X, en faveur de Philippe V. Et -depuis, fussent-elles reconnues supérieures aux fils de France, toutes -les filles de France furent exclues de la royauté.</p> - -<p>Pourtant, si les femmes ne pouvaient régner elles gouvernaient parfois, -en qualité de régentes, le royaume.</p> - -<p>Richilde, femme de Charles-le-Chauve, eut à la mort de son mari la -régence de l’empire (870). Elle prit place dans l’assemblée des évêques -et présida même un concile.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_69">69</span></p> - -<p>Louis VI traitait sa femme Adélaïde en associée. Il voulait que son nom -figure avec le sien dans la rédaction des chartes et de tous les actes -publics (1120).</p> - -<p>Jeanne de Navarre, épouse de Philippe IV, gouverna fort bien la -Champagne et la Navarre qui lui appartenaient. Douée d’une intelligence -supérieure et d’une rare énergie, elle empêcha le comte de Bar -d’envahir la Champagne, le battit et le ramena prisonnier à Paris -(1297).</p> - -<p>Jeanne de Bourgogne femme de Philippe de Valois était associée aux -actes les plus importants de l’Etat. Son mari l’autorisait à tout -signer (1328).</p> - -<p>Anne de Beaujeu, fille aînée de Louis XI fut régente du royaume pendant -six ans, en raison de la minorité de son frère Charles VIII. Elle -prouva tellement qu’elle était une politique consommée, que la régence -et le pouvoir lui furent maintenus par les Etats de Tours (1484) à -l’exclusion du duc d’Orléans.</p> - -<p>Anne de Bretagne, qui épousa successivement Charles VIII et Louis XII, -prenait aux affaires publiques la part la plus active, elle recevait -les ambassadeurs et les princes dans de véritables cours plénières.</p> - -<p>Catherine de Médicis gouverna le royaume pendant les règnes de François -II, Charles IX et Henri III.</p> - -<p>Marie de Médicis fut régente. Anne d’Autriche fut régente.</p> - -<p>Les impératrices Marie-Louise et Eugénie de Montijo furent régentes.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_70">70</span></p> - <h2 id="ch_14">LES PRÉROGATIVES DES FEMMES EN L’ANCIENNE FRANCE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>La féodalité fit des femmes juges. On a conservé des arrêts rendus par -des femmes juges au XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècle qui valent ceux de nos -meilleurs magistrats.</p> - -<p>Louis VII dit (le jeune) maintint dans ses droits contestés de -justicière, Ermengarde, vicomtesse de Narbonne.</p> - -<p>Au Moyen Age on vit des religieuses, comme dans l’ordre de Fontevrault, -avoir sous leur gouvernement des communautés d’hommes.</p> - -<p>Mais, de nos jours, ne voit-on pas des sœurs franc-maçonnes diriger en -qualité de vénérables des loges où siègent beaucoup plus d’hommes que -de femmes?</p> - -<p>Les abbesses de Remiremont et leurs doyennes jugeaient dans les -domaines de l’abbaye.</p> - -<p>La féodalité fit des femmes pairesses. La comtesse de Flandres siégea -en qualité de pairesse dans les conseils du roi Louis IX, quand se -discuta la possession du comté de Clermont.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_71">71</span></p> - -<p>Au Moyen Age, les femmes nobles veuves ou célibataires qui possédaient -des fiefs, étaient dans l’étendue de ces fiefs investies du droit de -lever des troupes, de rendre la justice, de battre monnaie, d’imposer -des taxes, d’octroyer des chartes.</p> - -<p>Les clercs, révoltés de voir les détentrices de fiefs faire fonction -d’hommes, voulurent que leurs prérogatives leur fussent enlevées. Un -synode de Nantes contemporain des premières origines féodales injuria -à ce propos les femmes. Les peu galants ecclésiastiques assemblés -appelèrent les femmes «femmelettes».</p> - -<p>En l’ancienne France, ce n’était point seulement les femmes de qualité -qui participaient à la politique: les simples «vilaines» eurent dès -l’émancipation des communes le droit d’opiner dans leurs villes et -villages.</p> - -<p>Depuis les temps les plus anciens, dit Elisée Reclus, les habitants de -Besançon avaient le titre et le rang de citoyen et de citoyenne. Les -femmes dans les actes publics étaient qualifiées citoyennes.</p> - -<p>Dès 1182, la <i>loy de Beaumont</i> ordonna aux veuves, aux filles -ayant leur ménage et aux femmes mariées en l’absence de leurs maris, de -prendre part aux délibérations et aux votes, non seulement lorsqu’il -s’agissait d'affaires administratives; mais même quand il fallait -décider des questions politiques et sociales.</p> - -<p>On retrouve dans les archives des Communes qui vivaient sous la <i>loy -de Beaumont</i>, les procès-verbaux des séances où les veuves, les -filles et les femmes, délibéraient avec les hommes.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_72">72</span></p> - -<p>Dans une Commune des environs de Montpellier, à Cournontéral, le 8 août -1334, l’établissement du Consulat fut mis aux voix et sur 175 votants -pour cet établissement, on trouve 37 noms de femmes.</p> - -<p>Le suffrage était dans cette commune, réellement universel et de plus -obligatoire: Qui n’allait pas voter, payait une amende de <i>cinq -sols</i>.</p> - -<p>La loy de Beaumont qui confiait aux femmes comme aux hommes, -l’administration municipale, fut en vigueur dans des milliers de -communes jusqu’à la révolution.</p> - -<p>Jusqu’à la révolution, les dames nobles veuves ou célibataires qui -possédaient des fiefs, et les communautés de femmes participèrent à -l’élection des députés.</p> - -<p>«Il arriva donc, dit M. A. Aulard, que des députés de la noblesse et -du clergé aux Etats-Généraux de 1789 durent leur élection à des voix -féminines<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>.»</p> - -<p class="souschapitre"><i>Les Premiers Etats-Généraux.</i></p> - -<p>Quand Philippe IV dit le Bel, fut excommunié par Boniface VIII, il -voulut faire prendre à la nation tout entière, parti pour lui contre -le pape; et convoqua les représentants du clergé, de la noblesse, du -Tiers-Etat, <span class="pagenum" id="Page_73">73</span> le 10 avril 1302 dans la cathédrale de Notre-Dame de -Paris. Ce furent les premiers Etats-Généraux. Les dames nobles détenant -des fiefs et les communautés de femmes étaient là représentées par les -nobles et les ecclésiastiques qu’elles avaient contribué à faire élire.</p> - -<p>Les femmes pouvaient être représentantes aux Etats Provinciaux: Anne de -Bretagne tint en personne les Etats de Bretagne où M<sup>me</sup> de Sévigné -siégea.</p> - -<p>En 1576 trente-deux veuves siégeaient aux Etats de Franche-Comté.</p> - -<p>En ce temps-là, en imposant des taxes, en donnant des chartes, les -femmes sauvegardaient les places fortes, gouvernaient les villes: -Françoise de Cezelly, en l’absence de M. de la Barre son mari, -gouverneur de Leucate, défendit en 1589 si admirablement cette place -forte, que quand M. de la Barre fait prisonnier par les Espagnols eut -été étranglé dans sa prison, Henri IV garda Françoise de Cezelly comme -gouverneur de la ville qu’elle avait conservée à la France.</p> - -<p>Les femmes qui participaient aux affaires publiques se montraient -libérales: Aliénor d’Aquitaine donnait aux Aquitains la liberté du -commerce.</p> - -<p>Le bon sens des privilégiées qui n’étaient pas exclues du droit, -faisait prévaloir le courant d’opinions favorables au relèvement du -sexe féminin, sur la traditionnelle tendance à son abaissement; et, -incitait des écrivains à protester contre le préjugé assignant aux -femmes une activité sociale inférieure à celle de l’homme.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_74">74</span></p> - -<p>Parmi ces précurseurs du féminisme, Poulain de la Barre s’est fait -remarquer. En son livre de <i>L’Egalité des Sexes</i> publié en 1673, -il réclame avec énergie pour les femmes, l’égalité complète des droits -politiques et sociaux avec les hommes.</p> - -<div class="blockquote"> - <p>«Il est, dit-il, aisé de conclure que si les femmes sont capables - de posséder souverainement, toute l’autorité publique, elles le - sont encore plus de n’en être que les ministres: Que pourrait-on - trouver raisonnablement à redire qu’une femme de bon sens et - éclairée présidât à la tête d’un parlement et de toute autre - compagnie?... Il faut reconnaître que les femmes sont propres à - tout.»</p> - - <p>Au XVII<sup>e</sup> et au XVIII<sup>e</sup> siècle, des femmes furent ambassadrices: - M<sup>me</sup> Delahaye-Vanteley fut envoyée à Venise, M<sup>me</sup> de Guébriant à - Varsovie.</p> -</div> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>En 1789, les femmes du Tiers-Etat adressèrent une pétition au roi pour -demander que les hommes ne puissent exercer les métiers de femmes: tels -que couturière, brodeuse, modiste.</p> - -<p>L’Assemblée Constituante, en avril 1791, par un décret-loi, donna aux -femmes le droit d’héritage, en supprimant les droits d’aînesse et de -masculinité dans le partage des successions. Mais en abolissant les -privilèges féodaux et coutumiers, cette même Assemblée Constituante -enleva à une catégorie de femmes, le droit <span class="pagenum" id="Page_75">75</span> qu’elle possédait de se -faire représenter aux assemblées politiques.</p> - -<p>A la suprématie nobiliaire, succéda alors la suprématie masculine, les -ex-détentrices de fiefs, de même que les «vilaines» furent exclues de -l’affranchissement général, c’est-à-dire que la majorité de la nation -fut mise hors la loi et hors l’humanité.</p> - -<p>En excluant les femmes des affaires publiques, on causa la faillite de -la révolution; car on faussa son principe égalitaire et on la priva des -agents qui pouvaient faire rapidement triompher ses idées.</p> - -<p>Les Françaises auxquelles on refusait leur part des conquêtes du -mouvement révolutionnaire, avaient en participant à l’effervescence -générale contribué à faire s’établir le conflit entre la nation et la -royauté. Souvent, elles avaient donné le signal de l’action, en sonnant -le tocsin dans les clochers.</p> - -<p>En 1788, à la Journée des Tuiles, on avait vu les Dauphinoises mêlées -aux Dauphinois, lancer en guise de projectiles des tuiles contre les -soldats du roi qui s’opposaient à la convocation des Etats-Provinciaux.</p> - -<p>Ces femmes, avaient les premières compris que Grenoble devait garder -le parlement dans ses murs, sous peine de déchoir et de voir se -restreindre sa prospérité. Aussi, elles s’en étaient constituées les -gardiennes, montant la garde, veillant en armes, autour du château -de Vizille où siégeaient les Etats du Dauphiné qui préparèrent la -révolution.</p> - -<p>Quand on convint d’obtenir de la cour, le retrait des <span class="pagenum" id="Page_76">76</span> troupes. -Ce fut à une de ces si vaillantes femmes et à un colonel, que fut -confiée la mission d’aller s’entendre, à ce sujet, avec le comte de -Clermont-Tonnerre. On affirmait ainsi, que le maintien du parlement à -Grenoble, était dû au sexe féminin.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>La petite fruitière Reine Audru et la fameuse Théroigne de Méricourt -reçurent, disent les historiens, un sabre d’honneur, en récompense de -la vaillance dont elles avaient fait preuve, à la prise de la Bastille -le 14 juillet 1789.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_77">77</span></p> - <h2 id="ch_15">REVENDICATION DES FEMMES EN 1789</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>En voyant proclamer l’égalité des droits entre le seigneur et le -vassal, le noir et le blanc, les femmes réclamèrent l’égalité des -sexes. Elles adressèrent pétitions sur pétitions pour demander -l’abrogation des privilèges masculins, la cessation de l’abus qui -les empêchait de siéger à l’Assemblée Nationale, à l’Assemblée -Constituante, à l’Assemblée Législative.</p> - -<p>Les femmes firent déposer sur le bureau de l’Assemblée Nationale ce -projet de décret:</p> - -<div class="quote"> - <p>L’Assemblée Nationale<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a> voulant réformer le plus grand des abus et - réparer les torts d’une injustice de six mille ans décrète ce qui suit:</p> - - <p>«1º Tous les privilèges du sexe masculin sont entièrement et - irrévocablement abolis dans toute la France».</p> - - <p>«2º Le sexe féminin jouira toujours de la même liberté, des mêmes - avantages, des mêmes droits et des mêmes honneurs que le sexe - masculin.»</p> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_78">78</span></p> - -<p>Nombreuses furent les femmes qui demandèrent leur part de la liberté et -de l’égalité, que tous proclamaient. Mais, ce fut surtout la brillante -improvisatrice Olympe de Gouges, qui formula avec précision les droits -du sexe féminin, en sa fameuse déclaration des «Droits de la Femme.»</p> - -<div class="blockquote"> - <p><i>Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne</i></p> - - <p>«La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droit. Les - distinctions sexuelles ne peuvent être fondées que sur l’utilité - commune.</p> - - <p>«Le but de toute association politique est la conservation des - droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l’homme. Ces - droits sont la liberté, la prospérité, la sûreté et surtout la - résistance à l’oppression.</p> - - <p>«Ce principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la - nation qui n’est que la réunion de la femme et de l’homme. Nul - corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane - expressément.</p> - - <p>«La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui - appartient à autrui. Ainsi l’exercice des droits naturels de la - femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui - oppose. Ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature - et de la raison.</p> - - <p>«La loi doit être l’expression de la volonté générale. Toutes - les citoyennes, comme tous les citoyens doivent concourir - personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle - doit être la même pour tous.</p> - - <p>«Toutes les citoyennes et tous les citoyens étant égaux à <span class="pagenum" id="Page_79">79</span> ses - yeux, doivent être également admissibles à toutes les dignités, - places et emplois publics selon leur capacité et sans autres - distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.</p> - - <p>«La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir - également celui de monter à la tribune.</p> - - <p>«La garantie des droits de la femme est pour l’utilité de tous et - non pour l’avantage particulier de celle à qui elle est accordée.</p> - - <p>«La femme concourt ainsi que l’homme à l’impôt public; elle a le - droit, ainsi que lui de demander des comptes à tout agent public de - son administration.»</p> -</div> - -<p>Olympe de Gouges mourut sur l’échafaud en 1793 à l’âge de 38 ans. Elle -avait été traduite devant le tribunal révolutionnaire, non point pour -avoir revendiqué le droit des femmes; mais, parce qu’elle avait trop -pris fait et cause pour les partis politiques; s’était alternativement -déclarée royaliste ou révolutionnaire et avait osé attaquer Robespierre.</p> - -<p>La belle Liégeoise, Théroigne de Méricourt, qui le 5 octobre 1789, -avec sa redingote de soie rouge, son chapeau d’amazone et l’épée nue -au côté, séduisit le régiment de Flandres, aida à faire la royauté -prisonnière de la révolution.</p> - -<p>Cette courtisane si populaire qui n’aimait que les hommes austères, -enthousiasmait les révolutionnaires et personnifiait pour les Français, -la liberté.</p> - -<p>Afin de lui enlever son prestige, des ennemis politiques n’hésitèrent -pas en 1793 à relever ses jupes et <span class="pagenum" id="Page_80">80</span> dit Michelet à la fouetter -comme un enfant, devant la foule lâche qui riait. Cet outrage rendit -folle Théroigne qui mourut à la Salpêtrière en 1817 sans avoir recouvré -la raison.</p> - -<p>Les femmes de la révolution, s’employèrent bien plus à élever encore -l’homme au-dessus d’elles, en soutenant ses plus hardies prétentions, -qu’elles ne se dévouèrent à procurer à leur sexe l’égalité avec le sexe -masculin.</p> - -<p>Des femmes cependant étaient puissantes, elles étaient écoutées de -l’élite masculine qui se pressait dans leurs salons; mais, ni Germaine -Neker (M<sup>me</sup> de Staël)—que la politique absorbait et qui inspira -à son père l’idée du suffrage universel. Ni M<sup>me</sup> Roland (Manon -Phlipon) qui poussa son mari dans la voie républicaine et fut autant -que lui ministre de l’Intérieur—ne songèrent à tirer leur sexe de -l’asservissement.</p> - -<p>Pourtant, l’heure semblait si favorable, que les étrangères elles-mêmes -luttaient pour l’affranchissement féminin.</p> - -<p>En même temps que la Hollandaise Palm Aëlders envoyait à toutes les -villes de France sa brochure revendiquant le droit des femmes qui lui -fit décerner par la ville de Creil la médaille et le titre de membre -honoraire de la garde nationale; l’Anglaise miss Wolstonecraft publiait -son livre: <i>La défense des droits de la femme</i> où il est dit: -que la femme devient un obstacle au progrès, si elle n’est pas autant -développée que l’homme».</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_81">81</span></p> - -<p>L’acte originel de la république est dû à M<sup>me</sup> Keralio-Robert<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>. -Cette femme de lettres qui avait déjà appelé les femmes à l’action -publique; et, avait été l’inspiratrice du parti républicain fondé par -les sociétés des deux sexes, improvisa sur l’autel de la Patrie au -Champ de Mars le 17 juillet 1791, la pétition républicaine pour ne -reconnaître aucun roi.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Les femmes spoliées de leurs droits, eurent pour défenseurs -Condorcet, Siéyès, l’abbé Fauchet, Saint-Just... Malheureusement, -les protestations de ces hommes de principes furent étouffées par -Mirabeau, Danton, Robespierre qui ne considéraient la femme que comme -un instrument de plaisir charnel.</p> - -<p>Condorcet secrétaire de l’Académie des sciences, demanda publiquement -en 1788 que les femmes participent à l’élection des représentants<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>.</p> - -<p>Cet illustre philosophe qui réclama l’abolition de la royauté, la -proclamation de la république, posa le principe de l’égalité de la -femme et de l’homme qu’il regardait comme la base de la question -sociale. Condorcet fut donc en France un des précurseurs du féminisme; -et, sa statue quai Conti recevra avant longtemps, les périodiques -hommages des femmes reconnaissantes.</p> - -<p>Le 3 juillet 1790, Condorcet publia son fameux article <span class="pagenum" id="Page_82">82</span> sur -l’admission de la femme au droit de la cité dont voici un passage:</p> - -<div class="blockquote"> - <p>«Au nom de quel droit, au nom de quel principe écarte-t-on dans un - état républicain les femmes du droit public? Je ne le sais pas. Le - mot représentation nationale signifie représentation de la nation. - Est-ce que les femmes ne font point partie de la nation?</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>«Plus on interroge le bon sens et les principes républicains, - moins on trouve un motif sérieux pour écarter les femmes de la - politique. L’objection capitale elle-même, celle qui se trouve dans - toutes les bouches, l’argument qui consiste à dire qu’ouvrir aux - femmes la carrière politique c’est les arracher à la famille, cet - argument n’a qu’une apparence de solidité; d’abord il ne s’applique - pas au peuple nombreux des femmes qui ne sont pas épouses ou qui - ne le sont plus; puis, s’il était décisif, il faudrait, au même - titre, leur interdire tous les états manuels et tous les états de - commerce, car ces états les arrachent par milliers aux devoirs de - la famille.»</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>Les droits des hommes résultent uniquement de ce qu’ils sont des - êtres sensibles susceptibles d’acquérir des idées morales et de - raisonner sur ces idées. Les femmes ayant ces mêmes qualités ont - nécessairement des droits égaux. Ou aucun individu de l’espèce - humaine n’a de véritables droits, ou tous ont les mêmes; et celui - qui vote contre le droit d’un autre, quels que soient sa religion, - sa couleur ou son sexe a dès lors abjuré les siens.»</p> -</div> - -<p>En plaidant aussi bien pour les femmes ce grand esprit <span class="pagenum" id="Page_83">83</span> n’espérait -point se les rendre sympathiques, au contraire:</p> - -<div class="blockquote"> - <p>Je parle de leurs droits à l’égalité disait-il et non de leur - empire. On peut me soupçonner d’une envie secrète de le diminuer, - et, depuis que Rousseau a mérité leurs suffrages, en disant - qu’elles n’étaient faites que pour nous soigner et propres qu’à - nous tourmenter, je ne dois pas espérer qu’elles se déclareront en - ma faveur. Mais il est bon de dire la vérité dût-on s’exposer au - ridicule.»</p> -</div> - -<p>Les idées de Condorcet furent exprimées dans plusieurs cahiers -de doléances; celui de Rennes notamment, demande d’admettre les -procurateurs des veuves, dont les maris auraient le droit de vote, à -être électeurs et éligibles. Mais, les requêtes de ces précurseurs du -féminisme ne furent pas entendues.</p> - -<p>Quand dans les réunions publiques quelqu’un parlait d’appeler les -femmes à exercer leurs droits; aussitôt, des cris et des hurlements -couvraient la voix de l’orateur et si l’on ne pouvait lui enlever la -parole, la séance était levée.</p> - -<p>La cabale des clubs contre les droits de la femme, fut bientôt -répercutée au sein de l’assemblée législative: La loi du 20 mai 1793 -fit exclure les femmes des tribunes de la Convention, et la loi du 26 -mai 1793 leur défendit d’assister aux assemblées politiques.</p> - -<p>Trois journaux: l’<i>Orateur du Peuple</i>, <i>Le Cercle Social</i>, -<i>La Bouche de Fer</i>, soutenaient le droit des femmes, aidaient -les femmes à organiser des réunions. Labenette <span class="pagenum" id="Page_84">84</span> dans son journal, -<i>Les Droits de l’Homme</i>, demande l’admission des femmes dans les -assemblées. «Pendant que vous vous tuez à délibérer, elles ont, dit-il, -déjà saisi toutes les nuances qui vous échappent.»</p> - -<p>Parmi les clubs de femmes <i>La Société Fraternelle des Patriotes des -Deux Sexes</i>, défenseurs de la Constitution dont M<sup>me</sup> Roland était -membre, se fit surtout remarquer par ses protestations contre les -décrets de l’Assemblée Constituante.</p> - -<p><i>La société des Femmes Républicaines et Révolutionnaires</i> que -présidait l’actrice Rose Lacombe et dont faisait partie M<sup>me</sup> Colombe -imprimeur de la feuille de Marat, dépassait les hommes en violence, -quand il s’agissait de prendre une détermination<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>.</p> - -<p>Le 28 brumaire 1793, Rose Lacombe accompagnée d’une députation de -femmes révolutionnaires coiffées comme elle de bonnets rouges, força -l’entrée de la séance du conseil général de la commune—à ce moment, -la pétition orale était admise—cependant, en voyant ces femmes, le -procureur général Chaumette s’écria:</p> - -<div class="blockquote"> - <p>«Je requiers mention civique au procès-verbal, des murmures - qui viennent d’éclater; c’est un hommage aux mœurs, c’est un - affermissement de la République! Et quoi! des êtres dégradés qui - veulent franchir et violer les lois de la nature, entreront dans - les lieux commis à la garde des citoyens et cette sentinelle - vigilante ne ferait pas son devoir! Citoyens, vous faites ici un - grand acte de <span class="pagenum" id="Page_85">85</span> raison: l’enceinte où délibèrent les magistrats - du peuple doit être interdite à tout individu qui outrage la - nation! ...Et depuis quand est-il permis aux femmes d’abjurer leur - sexe, de se faire hommes? Depuis quand est-il d’usage de voir les - femmes abandonner les soins pieux de leur ménage, le berceau de - leurs enfants, pour venir sur la place publique dans la tribune - aux harangues, à la barre du Sénat, dans les rangs de nos armées, - remplir les devoirs que la nature a répartis à l’homme seul? A qui - donc cette mère commune a-t-elle confié les soins domestiques? - Est-ce à nous? Nous a-t-elle donné des mamelles pour allaiter nos - enfants? A-t-elle assez assoupli nos muscles pour nous rendre - propres aux soins de la hutte, de la cabane ou du ménage? Non, - elle a dit à l’homme: Sois homme! les courses, la chasse, le - labourage, les soins politiques, les fatigues de toute espèce, - voilà ton apanage. Elle a dit à la femme: Sois femme! les soins dus - à l’enfance, les détails du ménage, les douces inquiétudes de la - maternité, voilà tes travaux.</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>«Femmes imprudentes qui voulez devenir des hommes! n’êtes-vous - pas assez bien partagées? Que vous faut-il de plus? Vous dominez - sur tous nos sens; le législateur, le magistrat sont à vos pieds. - Votre despotisme est le seul que nos forces ne puissent abattre, - puisqu’il est celui de l’amour...</p> - - <p>«Autant nous vénérons la mère de famille qui met son bonheur à - élever, à soigner ses enfants, à filer les habits de son mari et - alléger ses fatigues par l’accomplissement des devoirs domestiques, - autant nous devons mépriser, conspuer la femme sans vergogne qui - endosse la tunique virile et fait le dégoûtant échange des charmes - que lui, <span class="pagenum" id="Page_86">86</span> donne la nature contre une pique et un bonnet - rouge.—Je requiers que le conseil ne reçoive plus de députation de - femmes.»</p> -</div> - -<p>La proposition de Chaumette fut adoptée.</p> - -<p>En même temps que la femme était en la personne de l’actrice Rose -Lacombe, traitée par Chaumette d’être dégradé; la femme était élevée au -rang des dieux, en la personne de M<sup>lle</sup> Maillard, actrice de l’Opéra, -qui remplissait le rôle de déesse de la liberté, dans la fête de la -raison célébrée dans l’église de Notre-Dame de Paris.</p> - -<p>Rose Lacombe protesta contre la décision du Conseil général de la -commune; et elle parvint à entraîner beaucoup de femmes à demander -leurs droits.</p> - -<p>Ces femmes étaient souvent battues par les très royalistes dames des -halles. Un jour que les républicaines, vêtues en hommes, reprochaient -aux marchandes de poissons de s’abstenir de porter la cocarde -nationale. Celles-ci les assaillirent et les fouettèrent publiquement.</p> - -<p>Les réunions des républicaines finirent par inquiéter le comité de -sûreté générale, qui chargea un de ses membres de révéler le fait à la -Convention.</p> - -<p>Le Conventionnel Amar monta à la tribune et dit:</p> - -<div class="blockquote"> - <p>«Je vous dénonce un rassemblement de six mille femmes, soi-disant - jacobines, et d’une prétendue société révolutionnaire... Plusieurs, - sans doute, n’ont été égarées que par un excès de patriotisme; mais - d’autres ne sont que <span class="pagenum" id="Page_87">87</span> les ennemies de la chose publique et - n’ont pris le masque du patriotisme! que pour exciter une espèce de - contre révolution.»</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>«Les droits politiques du citoyen sont de discerner, de faire - prendre des résolutions relatives aux intérêts de l’Etat et de - résister à l’oppression. Les femmes ont-elles la force morale et - physique qu’exige l’exercice de l’un et de l’autre de ces droits? - L’opinion universelle repousse cette idée...</p> - - <p>Et puis la pudeur des femmes leur permet-elle de se montrer en - public, de lutter avec les hommes et de discuter à la face du - peuple sur des questions d’où dépend le salut de la République? - Voulez-vous que dans la République française on les voie venir au - barreau, à la tribune aux assemblées politiques comme l’homme, - abandonnant la retenue, source des vertus de ce sexe?».</p> -</div> - -<p>Il est curieux d’entendre ces révolutionnaires invoquer des lieux -communs et des préjugés surannés, pour maintenir les privilèges de -sexe, après que tous les privilèges de caste ont été abolis. C’est -d’autant plus révoltant, que dans l’épopée révolutionnaire, des femmes -se sont montrées à la hauteur des plus grands hommes et souvent les ont -inspirés et dirigés quand elles n’ont pas agi elles-mêmes.</p> - -<p>Après le discours d’Amar, un seul homme se leva des bancs de la -convention, le député Charlier qui soutint énergiquement que les femmes -avaient le droit de se réunir pour s’occuper des affaires publiques. «A -<span class="pagenum" id="Page_88">88</span> moins, dit-il, que l’on constate comme dans un ancien concile que -les femmes ne font pas partie du genre humain, on ne saurait leur ôter -ce droit commun à tout être pensant.»</p> - -<p>Mais la cause des femmes était perdue d’avance; la convention resta -sourde aux objurgations de Charlier et décréta que toutes les sociétés -de femmes, quelles que soient leurs dénominations, étaient supprimées -et dissoutes.</p> - -<p>Ceux qui dénient le droit commun aux autres, tiennent suspendue -au-dessus de leur tête la menace d’être à leur tour exclus du droit -commun. Les hommes, qui supprimèrent les clubs de femmes, eurent tous -leurs clubs fermés par Bonaparte.</p> - -<p>Les femmes qui voulaient que la révolution s’accomplisse au profit des -deux sexes, faisaient preuve de bien plus de sens pratique que les -Jacobins, qui en leur fermant les portes de la révolution, rejetèrent -les femmes dans la réaction.</p> - -<p>Cependant, la liberté eut encore des militantes: En 1799, sous le -Consulat, des femmes qui s’honorent du titre de «citoyenne» refusent -d’être appelées de nouveau «madame» et font acte d’indépendance -en s’assemblant rue de Thionville pour discourir sur leurs droits -méconnus<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_89">89</span></p> - <h2 id="ch_16">APRÈS LA RÉVOLUTION</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Les femmes, qui en donnant dans les salons l’essor aux idées -philosophiques avaient préparé la révolution et tant aidé à la faire, -furent indignées en se voyant exclues du droit commun et condamnées par -les révolutionnaires autocrates à rester dans la société nouvelle des -parias.</p> - -<p>Puisqu’il n’y avait pas de justice pour elles, il ne devait y en -avoir pour personne!... Et ces dupes de la révolution, ne songèrent -plus qu’à devenir des femmes de plaisir ayant pour unique souci de -paraître belles; à leur dissolvant contact, les hommes se déprimèrent, -rentrèrent vite sous le joug en se donnant pour maître Bonaparte.</p> - -<p>Napoléon sanctionna la servitude féminine que la révolution avait -conservée. Lors de la promulgation du Code, les femmes ne furent -comprises dans la législation nouvelle, sous le titre générique de -français, que dans les chapitres ayant trait à la compression, aux <span class="pagenum" id="Page_90">90</span> -charges; pour tout ce qui avait trait au droit et à la liberté, le mot -français ne s’appliquait pas à elles.</p> - -<p>Bonaparte, avait pour idéal la polygamie et déclarait que la femme -puisqu’elle donne des enfants, est la propriété de l’homme comme -l’arbre à fruit est celle du jardinier. «Il y a, disait-il, une chose -qui n’est pas française, c’est qu’une femme puisse faire ce qui lui -plaît.»</p> - -<p>Les femmes, cependant, manifestaient un fol enthousiasme pour le tyran. -A son retour après ses victoires, toutes voulaient le contempler et -jeter des fleurs sous ses pas.</p> - -<p>M<sup>me</sup> de Staël (Germaine Neker) elle-même avait été son admiratrice -avant de devenir l’ennemie qu’il exila, en même temps qu’il condamna -au séjour forcé de Lyon, les duchesses de Chevreuse et de Luynes qui -avaient refusé de faire partie du cortège de l’impératrice.</p> - -<p>Napoléon si hostile à l’égalité de l’homme et de la femme, autorisa -pourtant la publication d’un journal féministe qui parut en 1808 sous -ce titre: l’<i>Athené des Dames</i>, il était exclusivement rédigé -par des femmes et avait pour directrice: M<sup>me</sup> Sophie Senneterre de -Renneville.</p> - -<p>Après la restauration, les femmes publièrent un manifeste, formulèrent -un plan d’émancipation où elles revendiquaient les droits politiques.</p> - -<p>Les Saint-Simoniens firent espérer qu’ils allaient aider à -l’affranchissement féminin; mais, en exaltant l’amour libre, en faisant -découler l’égalité des sexes de la liberté de l’amour, ils prouvèrent -que ce n’était que <span class="pagenum" id="Page_91">91</span> la liberté illimitée de l’égoïsme et de -l’immoralité de l’homme, qu’ils réclamaient.</p> - -<p>Le sociologue Fourier, avait lui, très nettement posé le principe de -l’égalité de l’homme et de la femme, en faisant dépendre les progrès -sociaux du progrès des femmes vers la liberté.</p> - -<div class="blockquote"> - <p>Dans la «théorie des quatre mouvements», il explique que «si les - philosophes de la Grèce et de Rome dédaignaient les intérêts - des femmes et croyaient se déshonorer en les fréquentant, c’est - que depuis le vertueux Socrate jusqu’au délicat Anacréon, ils - n’affichaient que l’amour sodomite et le mépris des femmes».</p> - - <p>Ces goûts bizarres n’ayant pas pris chez les modernes, Fourier - ajoute qu’il y a lieu de s’étonner que nos philosophes aient hérité - de la haine que nos anciens savants portaient aux femmes et qu’ils - aient continué à ravaler le sexe féminin, alors que les femmes se - montrent supérieures aux hommes, quand elles peuvent déployer leurs - moyens naturels».</p> -</div> - -<p>Pendant que les derniers Saint-Simoniens annonçaient le règne de la -femme, chantaient le compagnonnage de la femme, M<sup>mes</sup> Laure Bernard -et Fouqueau de Pussy écrivaient dans <i>Le Journal des Femmes</i> des -articles offensants pour les Saint-Simoniens.</p> - -<p>M<sup>me</sup> Poutret de Mauchamps fondatrice de la <i>Gazette des Femmes</i> -(1836-1839) réclama l’électorat pour les femmes qui payaient 200 -francs d’impôts; et, elle pria Louis-Philippe de se déclarer roi des -Françaises comme il se déclarait roi des Français.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_92">92</span></p> - -<p>En 1846, M. Emile Deschanel proposa que les veuves et les filles -majeures, inscrites sur les rôles des contributions comme propriétaires -foncières, fussent électrices. On était à ce moment-là, sous le régime -censitaire, pour pouvoir voter, il fallait payer 200 francs d’impôts. -M. Emile Deschanel ne faisait donc que revendiquer le droit commun pour -les femmes, lorsqu’il proposait de faire les propriétaires électeurs.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_93">93</span></p> - <h2 id="ch_17">LES SUFFRAGISTES EN 1848</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Quand en 1848 l’électorat fut accordé à tous les hommes, aux pauvres -comme aux riches, aux ignorants comme aux instruits; les femmes -demandèrent à être englobées dans le suffrage universel.</p> - -<p>Victor Considérant fut le seul des neuf cents membres de l’Assemblée -Constituante qui soutint leurs prétentions, en proposant d’admettre les -femmes à exercer leurs droits politiques.</p> - -<p>Pierre Leroux présenta un amendement en faveur de l’électorat municipal -des femmes.</p> - -<p>Le pasteur Athanase Coquerel réclama lui, la loi d’exclusion, -retranchant de la politique le sexe féminin.</p> - -<p>La République avait été proclamée le 24 février, un mois après, le -23 mars, quatre déléguées des «Droits de la Femme» se présentèrent -à l’Hôtel-de-Ville pour solliciter: la liberté de participer au -gouvernement du pays. L’universalisation du suffrage. L’égalité de la -femme et de l’homme devant la loi.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_94">94</span></p> - -<p>Ce fut Marrast membre du gouvernement provisoire, qui reçut cette -délégation féministe; il répondit à sa requête en encourageant ses -espérances.</p> - -<p>M<sup>me</sup> Alix Bourgeois professeur d’histoire naturelle et beaucoup -d’autres dames, demandèrent individuellement au gouvernement, le droit -électoral pour le sexe féminin.</p> - -<p>A ce moment l’influence féminine était grande: George Sand rédigeait -avec Jules Favre le Bulletin de la République; et, il y avait dans la -masse populaire un tel sens de l’égalité, que quant à la prière d’une -revendicatrice, Cabet<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a> posait dans un club qu’il présidait cette -question:—La femme est-elle l’égale de l’homme devant le droit social -et politique?</p> - -<p>Le communiste Cabet était déconcerté (<i>sic</i>) de voir presque -toutes les mains se lever pour l’affirmative.</p> - -<p>Proud’hon disait: «La République tombe en quenouille.»</p> - -<p>Pauline Roland, que Victor Hugo a qualifiée l’apôtre; Jeanne Deroin, -Anaïs Ségalas, Henriette Wild créèrent successivement trois journaux. -<i>La Politique des Femmes.</i> <i>La République des Femmes.</i> -<i>L’opinion des Femmes.</i> Les rédactrices de ces journaux -s’entendirent avec M<sup>mes</sup> Eugénie Niboyet, E. Foa, Louise Collet, -Adèle Esquiros qui avaient fondé <i>La Voix des Femmes</i>, pour offrir -à George Sand de porter sa candidature.</p> - -<p>La grande romancière, répondit dans <i>La Réforme</i>: <span class="pagenum" id="Page_95">95</span> qu’elle ne -partageait point les idées des revendicatrices et ne connaissait pas -les dames qui formaient des clubs et rédigeaient des journaux.»</p> - -<p>Les femmes arrivées croient qu’elles n’appartiennent plus au sexe -féminin.</p> - -<p>Après George Sand refusant d’aider à l’affranchissement politique des -Françaises, on a vu Clémence Royer, la commentatrice de L’origine des -Espèces de Darwin, ne point vouloir que les droits politiques soient -conférés aux femmes et disant à M. Adolphe Brisson, rédacteur au -journal <i>Le Temps</i>: «Du jour où les femmes voteront nous sommes -perdus.»</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Les dames obtenant difficilement la parole dans les clubs d’hommes -créèrent des clubs féminins. Le plus renommé, fut le Club des -Femmes, ouvert le 11 mai 1848 à la salle de spectacle du boulevard -Bonne-Nouvelle. La foule rendit les séances tumultueuses. Les femmes ne -purent bientôt plus parler dans ce club transformé en ménagerie où les -hommes aboyaient, miaulaient, beuglaient.</p> - -<p>Eugénie Niboyet qui présidait, dit dans <i>Le Vrai Livre des -Femmes</i>: «Une heure de pilori m’eût paru moins douloureuse que cinq -minutes de cette violente lutte. Toutes les clubistes qui avaient -promis de me seconder disparurent comme les feuilles sous le vent et -laissèrent peser sur moi la responsabilité de notre tentative.»</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_96">96</span></p> - -<p>Jeanne Deroin avait posé sa candidature à l’Assemblée Constituante pour -consacrer le principe de l’égalité politique des deux sexes; mais, elle -ne put parvenir à la faire admettre, partout les bureaux la rejetèrent -comme étant inconstitutionnelle.</p> - -<p>Les Françaises eurent de suite la preuve, que leur exclusion électorale -faisait d’elles des parias dans la société. Aussitôt, en effet, -après l’instauration de la République, les membres du gouvernement -provisoire avaient créé des ateliers nationaux pour les ouvriers en -chômage—électeurs—mais point pour les ouvrières en chômage non -électrices.</p> - -<p>Ces demi-réformateurs furent donc un peu gênés, quand de pauvres -ouvrières en chômage vinrent à l’Hôtel-de-Ville demander si elles -étaient comprises dans la proclamation du droit au travail; et, où -était l’atelier national des femmes?</p> - -<p>L’atelier national des femmes?... Mais... Il n’existait pas!... Les -femmes ne comptaient point en France puisqu’elles ne votaient pas!</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_97">97</span></p> - <h2 id="ch_18">JEAN MACÉ FÉMINISTE SUFFRAGISTE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Jean Macé<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a> écrivait en 1850:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Du temps des 200 francs on avait fabriqué contre le suffrage du pauvre - toutes sortes de raisonnements qui resteraient sans emploi, si cette - question du droit électoral de la femme soulevée à son tour par les - esprits logiques, n’était venue à point pour les remettre de service.</p> - - <p>«Indifférence, ignorance, dépendance, inaptitude, ce qui s’objectait - hier, à propos du pauvre, s’objecte aujourd’hui à propos de la femme.</p> - - <p>«Droit égal, intérêt égal.</p> - - <p>«Comment faire pour laisser la femme en dehors de la cité, quand on a - déclaré qu’on en ouvrait les portes à deux battants? Quand on a écrit - dans la loi que l’infamie seule ferait exception et que toute âme - humaine apportait au monde en naissant son droit de compter pour un, - dans les délibérations de la société?</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_98">98</span></p> - - <p>«Dénier l’égalité des droits à deux êtres égaux, en fait, en vérité - c’est se faire rire au nez, si l’on voulait se donner la peine d’y - réfléchir cinq minutes; et quand on pense que cette femme soi-disant - inférieure de nature à l’homme, condamnée comme telle à l’infériorité - de fonctions et de rôle social, quand on pense qu’elle peut, sans qu’on - souffle mot, donner sa cuisine à faire et sa chambre à balayer, à tel - domestique mâle si barbu qu’il soit et que c’est une question de 400 - francs par an avec les étrennes, on se prend à douter de la raison - humaine qui se permet une telle débauche d’inconséquence.</p> - - <p>«Croyez-moi, ne parlez plus de votre loi de nature, ni du grand - principe de l’infériorité de la femme, non plus que de sa destination - culinaire, vous mettez le pied sur tout cela à chaque pas, et la femme - qui dans cette société est inférieure à l’homme, est celle-là qui n’est - pas assez riche pour être sa supérieure.</p> - - <p>«Expliquez-moi, comment vous permettez à l’homme qui fait la cuisine - que la femme devait faire, de laisser là à un jour donné sa marmite - et ses légumes pour aller voter avec vous. Si les détails d’intérieur - sont si absorbants qu’ils ne laissent place pour aucune autre idée, - pourquoi celui-là vote-t-il? S’ils ne le sont pas, pourquoi celle-là ne - vote-t-elle pas?»</p> -</div> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_99">99</span></p> - <h2 id="ch_19">LES FEMMES QUI AGISSENT ET QUI ÉCRIVENT</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Bien que annihilées en politique, Jeanne Deroin, Pauline Roland et -d’autres militantes impliquées dans une affaire politique. «L’Union -des Associations» furent sans bénéfice pour notre cause, emprisonnées -expulsées, exilées.</p> - -<p>Plus tard, ont été déportées pour avoir participé à la Commune, ces -autres exclues de la politique: la révolutionnaire point suffragiste, -Louise Michel et ses sœurs insurgées.</p> - -<p>Lorsqu’on offrit à Louise Michel qui recommandait les candidatures de -morts, de poser sa candidature, elle répondit:</p> - -<p>—«Le progrès ajournant la révolution, le bulletin de vote n’est pas -mon arme».</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Après les femmes qui agissent, voici des femmes qui écrivent: Juliette -Lamber (M<sup>me</sup> Adam) dans son livre <span class="pagenum" id="Page_100">100</span> sous ce titre: «<i>Idées -Anti Proud’honiennes</i> sur l’amour, la femme, le mariage, réfuta -intelligemment Proud’hon.</p> - -<p>M<sup>me</sup> Jenny d’Héricourt, pour combattre Michelet, Proud’hon, Auguste -Comte, E. de Girardin fit paraître en 1860 <i>La Femme Affranchie</i>.</p> - -<p>Vers la même époque Julie Daubié publia <i>La Femme Pauvre au XIX<sup>e</sup> -siècle</i>.</p> - -<p>M<sup>me</sup> Olympe Audouard avec son journal <i>Le Papillon</i>.</p> - -<p>M<sup>me</sup> André Léo avec ses romans en vogue, M<sup>me</sup> M. L. Gagneur avec -ses livres, M<sup>mes</sup> Angélique Arnaud, et Caroline de Barreau avec -leurs articles de journaux firent discuter la question des femmes, sur -laquelle l’homme d’Etat Stuart Mill, attira l’attention mondiale en -publiant: <i>L’assujettissement des Femmes</i> et en déposant, dès 1866 -à la Chambre des Communes, des pétitions couvertes de signatures de -femmes demandant le suffrage.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Un comité fut créé en 1866 pour s’occuper de refondre les Codes -napoléoniens et poser les bases d’une législation civile rationnelle. -Les réunions de ce comité se tenaient chez M. Jules Favre; elles -étaient composées de MM. Emile Acollas, Jules Favre, Jules Simon, Ch. -Vacherot, Frédéric Morin, Joseph Garnier, Courcelles-Seneuil, Ch. -Lemonnier, André Cochut, Hérold, <span class="pagenum" id="Page_101">101</span> Clamagéran, Paul Jozon, Jules -Ferry, Floquet, Paul Boiteau, Henri Brisson, D<sup>r</sup> Clavel.</p> - -<p>Ce comité qui s’occupa de réformer le mariage, ne maintint dans le -chapitre VI que l’article 212. Les époux se doivent mutuellement -fidélité, secours, assistance.</p> - -<p>Le distingué jurisconsulte Emile Acollas, dont en 1878 et 1879 je -suivis le cours de droit, était l’avocat du sexe féminin dans le comité -pour la refonte des Codes.</p> - -<p class="souschapitre"><i>De 1868 à 1908.</i></p> - -<p>En 1869 la société de <i>La Revendication des Droits de la Femme</i> -fut fondée par M<sup>lle</sup> Caroline Demars, M. et M<sup>me</sup> Leval, M. Antide -Martin, M<sup>me</sup> André Léo, M. Colfavru, M. et M<sup>me</sup> Verdure, M<sup>lle</sup> -Toussaint, M. et M<sup>me</sup> Elie Reclus, M. Ernest Hendlé, M. G. Francolin, -M<sup>lle</sup> Marie David, dans le but d’instituer des écoles de filles -destinées à hâter la reconnaissance légale des droits de la femme.</p> - -<p>Mais déjà Maria Deraismes et Léon Richer avaient entrepris une -campagne en faveur du sexe féminin. Ils ne réclamaient pas comme leurs -devanciers le droit intégral pour la femme, ils demandaient seulement -les droits civils disant, qu’afin de ne point effrayer il fallait bien -se garder de revendiquer les droits politiques qui ne pouvaient être -que le couronnement de l’affranchissement des femmes.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_102">102</span></p> - -<p>Maria Deraismes qui a donné son nom à une rue de Paris et dont la -statue est place des Epinettes, fut une oratrice aussi éloquente -qu’érudite et spirituelle. Cette femme politique, qui ne parlait point -d’introduire son sexe dans la politique, n’était cependant pas toujours -satisfaite des législateurs mâles, puisqu’elle fit souvent blackbouler -les députés qu’elle avait fait élire. Maria Deraismes mourut en 1894 à -l’âge de 66 ans.</p> - -<p>Léon Richer, qui fut surnommé «L’homme des Femmes» avait abandonné les -professions de clerc de notaire et d’employé de chemins de fer, pour se -dévouer à faire rendre justice aux femmes opprimées.</p> - -<p>En 1869, il créa avec les sœurs Deraismes la société pour -«L’Amélioration du sort de la Femme et la revendication de ses Droits».</p> - -<p>En 1882, il fonda «La Ligue Française pour le Droit des Femmes» qui fut -présidée par M<sup>me</sup> Maria Pognon de 1891 à 1903.</p> - -<p>Léon Richer, avec le concours financier de M. Arlès Dufour, fit -paraître, en 1869, le journal <i>Le Droit des Femmes</i> qui après la -guerre devint la revue l’<i>Avenir des Femmes</i> et plus tard reprit -son premier titre. Il organisa des banquets sensationnels. C’est à -l’occasion d’un de ces banquets que Victor Hugo écrivit en 1872:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Dans notre législation, la femme est sans droits politiques; elle ne - vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. Il y a des citoyens, il - n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent: il faut qu’il cesse.»</p> -</div> - -<p>En citant notre grand poète, la Presse a éveillé chez <span class="pagenum" id="Page_103">103</span> les spoliées -l’idée du droit et, un an après, je ne fus pas la seule conscrite, qui -vint de cent lieues s’enrôler dans l’armée féministe, où nous rejoignit -vers 1878 Eugénie Pierre.</p> - -<p>Léon Richer, défenseur des droits civils de la femme, ne souffrit point -que son programme s’élargît: Or, il y avait parmi ses disciples des -impatients qui entendaient réclamer de suite les droits politiques des -femmes; cela fit se produire une scission, dont d’ailleurs le parti -tira avantage.</p> - -<p>La société <i>Le Droit des Femmes</i>, dont les énergiques -manifestations firent tant de bruit, fut créée. <i>La Citoyenne</i> -parut et l’avant-garde d’irréductibles entraîna, poussa en avant, les -effrayés d’entendre proposer de donner à la femme avec l’électorat et -l’éligibilité le pouvoir de se faire libre.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>En 1871, M<sup>lle</sup> Julie Daubié fonda «L’association pour l’Emancipation -de la Femme» où était demandé le Suffrage des Femmes remis entre les -mains des veuves et des filles majeures.</p> - -<p>Julie Daubié fut en France la première bachelière<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>. Elle passa ses -examens devant la faculté des lettres de Lyon en 1862 à l’âge de 40 -ans, fut reçue avec grands éloges.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_104">104</span></p> - -<p>Après s’être difficilement fait admettre à passer son baccalauréat, -elle eut à soutenir une véritable lutte avec le ministre de -l’instruction publique pour obtenir son diplôme qui ne lui fut délivré -que grâce à l’intervention de M. Arlès Dufour.</p> - -<p>Elle fut reçue licenciée-ès-lettres en 1871, elle se préparait à -devenir docteur, quand en 1874 la mort la terrassa.</p> - -<p>Au 1<sup>er</sup> Congrès international des Droits de la Femme qui fut organisé -en 1878 par Léon Richer et Maria Deraismes, il était défendu de parler -des droits politiques de la femme.</p> - -<p>Voici un passage du discours jugé subversif que je fis paraître sous ce -titre:</p> - -<p>«Le Droit Politique des Femmes, question interdite au Congrès des -Femmes de 1878.»</p> - -<div class="blockquote"> - <p>«La collectivité des hommes et des femmes a les mêmes intérêts - sociaux et politiques. Pourquoi l’homme s’est-il arrogé à lui seul - le privilège de faire les lois? Se croit-il un roi infaillible? - Vous riez beaucoup, messieurs les libres-penseurs, vous riez - beaucoup du pape infaillible; mais dans la vie présente, vous - tous, vous êtes des papes infaillibles. Vous nous obligez, nous, - la moitié de l’humanité, et cela, sous peine de condamnation, à - nous soumettre sans examen, sans discussion, aux lois que vous nous - faites.»</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>«Trouvez-vous juste, messieurs, que les femmes subissent les - lois sans les faire; qu’elles soient mineures devant les droits, - majeures devant les lois répressives; qu’elles n’aient <span class="pagenum" id="Page_105">105</span> pas le - droit de s’occuper de politique, et que, pour un écrit politique, - elles soient condamnées à la prison et à l’amende; qu’elles n’aient - pas le droit de cité et qu’elles soient admises à monter sur - l’échafaud, comme cette femme ministre, M<sup>me</sup> Roland; qu’elles - n’aient pas le droit d’opter pour une forme de gouvernement et - qu’elles aient celui d’aller agoniser à Lambessa, comme cette mère - de famille, Pauline Roland. Trouvez-vous juste, messieurs, que les - femmes n’aient pas le droit d’affirmer leur opinion par un vote, - quand, pour avoir prêché les principes républicains, beaucoup ont - été emprisonnées, exilées, déportées?</p> -</div> - -<p>La société Le Droit des Femmes, fondée en 1876, ne voulut s’inféoder -à aucun système. En protestant contre les lois existantes faites -sans les femmes contre les femmes, elle a toujours rejeté l’idée -d’institutions futures élaborées sans le concours des femmes, parce que -ces institutions seraient encore faites contre elles.</p> - -<p>En 1879 eut lieu à Marseille, le congrès socialiste ouvrier qui vota -l’égalité de l’homme et de la femme, et ainsi fit inscrire dans le -programme du parti des travailleurs socialistes de France, art, 5. -«Egalité civile et politique de la femme».</p> - -<p>Voici un extrait du discours prononcé par moi à ce Congrès où la -société «Le Droit des Femmes» m’avait déléguée.</p> - -<div class="blockquote"> - <p>«On trouve bon de faire des recherches scientifiques sur tout. On - multiplie les expériences tendant à tirer des bêtes tout l’utile, - des plantes tout le salutaire. Mais jamais encore <span class="pagenum" id="Page_106">106</span> on n’a songé - à mettre la femme dans une situation identique à celle de l’homme, - de façon à ce qu’elle puisse se mesurer avec lui et prouver - l’équivalence de ses facultés. On dépense en France des sommes - folles pour obtenir certaines qualités, souvent factices, chez - des races d’animaux, et jamais on n’a essayé d’expérimenter avec - impartialité la valeur de la femme et de l’homme. Jamais on n’a - essayé de prendre un nombre déterminé d’enfants des deux sexes, de - les soumettre à la même méthode d’éducation, aux mêmes conditions - d’existence.</p> - - <p>«Qu’on permette aux femmes d’exercer les droits dont jouissent les - hommes et qu’on enserre les hommes dans les préjugés à l’aide desquels - on a garrotté les femmes; bientôt les rapports entre la valeur des - sexes seront totalement renversés.»</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>«Pour édifier la société future de manière à ce que les femmes n’y - soient pas lésées, il leur faut le droit de travailler à l’édifier; - il leur faut l’outil qui se trouve au pouvoir de l’homme: le - bulletin de vote.......»</p> -</div> - -<p>La société «Le Droit des Femmes» toujours agissante, fit des -manifestes, des conférences, des pétitions, des manifestations. A la -première fête nationale, sa bannière bleue voilée de crêpe provoqua des -applaudissements et des critiques.</p> - -<p>Alors que les féministes de ce temps-là interrogeaient le vent; étaient -paralysés par la crainte du ridicule, restaient chez eux ironiques et -bras croisés; nous déployions <span class="pagenum" id="Page_107">107</span> sous les injures et les outrages, ce -drapeau programme du féminisme, <i>La Citoyenne</i>!</p> - -<p>Notre petit bataillon d’intrépides rénovateurs, devait à la fois -riposter à Léon Richer qui criait que «nous ne pouvions étant si -jeunes, voir juste, penser bien» et au <i>Figaro</i>, qui très -courtoisement, nous demandait: si après les femmes, les bœufs -voteraient?</p> - -<p>En 1883 la société «Le Droit des Femmes», prit le titre de société -<i>Le suffrage des Femmes</i>.</p> - -<p>«Le suffrage des Femmes», avec sa bannière rose et bleue fut acclamé -aux funérailles de Victor Hugo (1885).</p> - -<p>Alexandre Dumas qui avait éloquemment plaidé en faveur des droits -politiques du sexe féminin ayant été sollicité de devenir président de -la société <i>Le Suffrage des Femmes</i> vint me faire cette réponse:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Je vous aiderai davantage en restant indépendant, si j’acceptais la - présidence que vous m’offrez, on me dirait:—Vous êtes avec Hubertine - Auclert... et je ne serais plus écouté à l’Académie!»</p> -</div> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>La société voulut ouvrir un cercle du suffrage, elle loua à cet effet -un joli local occupant tout le premier étage 31, rue de Paradis; mais, -le propriétaire effrayé par notre titre, écrit en grosses lettres sur -son immeuble, nous donna immédiatement congé.</p> - -<p>Le Cercle du suffrage des femmes fut installé dans un magasin 8, -Galerie Bergère. Les femmes pouvaient <span class="pagenum" id="Page_108">108</span> venir là, lire, écrire, -causer; elles étaient chez elles. Des réunions hebdomadaires avaient -lieu l’après-midi ou le soir.</p> - -<p>Le 13 février 1881 parut <i>La Citoyenne</i>, journal hebdomadaire que -Léon Giraud docteur en droit et Antonin Lévrier licencié en droit, -journaliste, avaient avec moi fondé. Antonin Lévrier et Léon Giraud -véritables apôtres des droits de la femme, m’aidèrent à faire du -journal <i>La Citoyenne</i> un initiateur que les suffragistes ont -intérêt à consulter<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>.</p> - -<p>L’article ci-dessous précise le but de ce journal dont le seul titre -est un manifeste:</p> - -<p class="center br">«<span class="smcap">LA CITOYENNE</span>»</p> - -<p>Est <i>Citoyenne</i>—d’après Littré—la <i>femme</i> qui jouit du -droit de cité dans un Etat.</p> - -<p>Pour ce journal, dont le but unique est de revendiquer l’égalité de -la femme et de l’homme, nous n’avons pas pensé trouver un meilleur -titre que <i>La Citoyenne</i>, car nous voulons pour la femme non -seulement la qualité civile du Français, mais encore la qualité -politique du citoyen, et même—cela paraîtra peut-être étrange à -quelques-uns-l’examen des événements passés et l’observation des -événements présents nous font subordonner l’affranchissement civil -de la femme à son affranchissement politique.</p> - -<p>Qu’entend-on par affranchissement civil de la femme?</p> - -<p>Par affranchissement civil de la femme on entend l’abrogation <span class="pagenum" id="Page_109">109</span> -d’une foule de lois vexatrices qui mettent la femme hors la justice -et hors le droit commun.</p> - -<p>Quels sont ceux qui peuvent abroger les lois iniques qui oppriment -les femmes dans la vie civile? Ce sont les électeurs et les -législateurs, c’est-à-dire ceux-là seuls qui font ou qui commandent -de faire les lois. Voilà un point bien établi.</p> - -<p>Maintenant, qu’est-ce que l’affranchissement politique de la femme? -C’est l’avènement de la femme au droit qui confère le pouvoir -de faire les lois: par soi-même, si l’on est élu député: par -délégation, si l’on est électeur.</p> - -<p>Donc, il ressort de toute évidence que le droit politique est pour -la femme la clef de voûte qui lui donnera tous les autres droits.</p> - -<p>Pendant que la femme ne possédera pas cette arme—le vote—elle -subira le régime du droit masculin. Tous ses efforts seront vains -pour conquérir ses libertés civiles et économiques.</p> - -<p>Ce qu’il faut aux femmes pour s’affranchir de la tyrannie -masculine—faite loi,—c’est la possession de leur part de -souveraineté; c’est le titre de <i>Citoyenne</i> française, c’est -le bulletin de vote.</p> - -<p>La femme citoyenne: c’est-à-dire la femme investie des plus hauts -droits sociaux, aura, par la liberté, sa dignité rehaussée; par le -sentiment de la responsabilité, son caractère augmenté.</p> - -<p>La femme citoyenne se relèvera promptement de sa fâcheuse -situation économique, l’Etat et la législation ne l’infériorisant -plus, toutes les carrières, toutes les professions lui seront -accessibles, et, quel que soit son travail, elle ne le verra plus -déprécié sous ce prétexte ridicule qu’il émane d’une femme.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_110">110</span></p> - -<p>Avant que la femme ait le pouvoir d’intervenir partout où ses -intérêts sont en jeu pour les défendre, un changement dans la -condition politique de la société ne remédierait pas au sort de la -femme.</p> - -<p>Un changement de l’ordre social économique n’affranchirait pas la -femme; car, bien que tous les jours la question économique soit -résolue pour un petit nombre de personnes, la condition de la femme -est, chez les favorisés de la fortune, le lendemain, la même que la -veille. En France, les femmes millionnaires sont soumises aux mêmes -lois tyranniques que les femmes pauvres.</p> - -<p>Toutes les femmes,—de quelque opinion et de quelque condition -qu’elles soient,—toutes les femmes souffrent ou peuvent souffrir -de la législation actuelle. Et sont intéressées à posséder -le pouvoir d’abroger les lois qui les infériorisent et les -asservissent.</p> - -<p class="br"><i>La Citoyenne</i> que des antiféministes représentaient comme un -épouvantail fut appréciée; ses articles furent souvent reproduits -par les grands quotidiens qui en discutant ses théories, louaient sa -modération et sa logique.</p> - -<p>Dès son 16<sup>e</sup> numéro <i>La Citoyenne</i> adressait cette question aux -législateurs:—Quels sont les députés qui veulent que le suffrage soit -également exercé par les hommes et par les femmes?</p> - -<p>M. Alfred Talendier député et M. J. de Gasté député—qui proposa en -1890 qu’un nombre égal d’hommes et de femmes siègent à la chambre et au -sénat, nous répondirent:—qu’ils voulaient le suffrage réellement <span class="pagenum" id="Page_111">111</span> -universel, également exercé par les hommes et par les femmes». Beaucoup -d’autres législateurs, affirmèrent dans des conversations particulières -ce qu’ils n’osèrent dire publiquement.</p> - -<p>Quand vinrent les élections de 1885, il fut décidé au cercle du -suffrage des Femmes que la candidature unique de Maria Deraismes -serait posée; mais, celle-ci ne voulait ni dépenser ni payer de sa -personne. Sur ces entrefaites, des dames membres du cercle du suffrage -qui désiraient être candidates formèrent «La ligue de Protection des -Femmes» qui fit inscrire sur la liste de la Fédération Républicaine -socialiste une vingtaine de femmes candidates. Plusieurs de ces dames -déclinèrent l’honneur qui leur était fait et les suffragistes les plus -déterminées s’abstinrent de prendre part à cette manifestation.</p> - -<p class="br">En 1888 lors de mon départ pour l’Algérie, où mon mari Antonin Lévrier -était juge de paix, j’avais confié à une de mes collaboratrices la -direction de <i>La Citoyenne</i> dont la publication était assurée -par une subvention de M. de Gasté; et, à laquelle je continuais à -collaborer. En décembre 1891, cette dame, en changeant le titre du -journal s’appropria <i>La Citoyenne</i> et sa clientèle.</p> - -<p>Ce procédé indélicat, fit retirer par M. de Gasté sa subvention et lui -fit rayer de son testament, la donation qu’il avait faite pour hâter la -proclamation des droits de la femme.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_112">112</span></p> - -<p>En 1889 eut lieu le congrès Français et international du Droit des -femmes.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Programme Electoral des Femmes qui fut affiché à Paris pendant -des périodes électorales.</i></p> - -<p>L’esclavage de la femme entrave la liberté de l’homme.</p> - -<p>La nation française est composée d’hommes et de femmes qui -subissent les mêmes lois et paient les mêmes impôts. Etant -également responsables et contribuables, tous les Français, -sans distinction de sexe, sont au même titre des ayants droit, -à sauvegarder leurs intérêts dans la société, en participant au -gouvernement du pays.</p> - -<p><span class="smcap">Article Premier.</span>—Tous les Français, hommes et femmes, -sont égaux devant la loi, et jouissent de leurs droits civils et -politiques.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 2.</span>—Le suffrage réellement universel, c’est-à-dire -exercé par les femmes comme par les hommes, remplace le suffrage -restreint aux hommes.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 3.</span>—Revision de la Constitution, par une assemblée -composée d’hommes et de femmes.—Revision des Codes, sanctionnée -par un <i>referendum</i> englobant les femmes comme les hommes.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 4.</span>—Question de paix et de guerre, budget national, -soumis au vote des Français et Françaises.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 5.</span>—Ecoles mixtes. Egale facilité de développement -intellectuel et professionnel, pour tous les enfants et libre -accès, sans distinction de sexe, à tous les emplois et à toutes -les fonctions publiques. Equitable appréciation du travail; à -production égale, rétribution égale pour l’homme et pour la femme.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_113">113</span></p> - -<p><span class="smcap">Art. 6.</span>—L’<i>Etat minotaure</i> qui ne se manifeste que -pour percevoir des dîmes d’argent et de sang, est remplacé par -l’Etat <i>maternel</i>, qui assure par sa prévoyante sollicitude, -sécurité et travail aux Français valides, assistance aux enfants, -vieillards, malades et infirmes.</p> - -<p>L’Etat renseigné sur les besoins de production dans chaque -industrie, fait d’après ces données, l’enrôlement pour le travail -et permet aux individus de se classer dans la société, selon leurs -aptitudes, comme il les fait se classer dans l’armée, selon leur -taille. L’Etat Maternel n’est pas oppresseur, il entrave seulement -la liberté de mourir de faim.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 7.</span>—La contribution proportionnée aux moyens de -chacun. Suppression des impôts de consommation, augmentation des -taxes sur les objets de luxe.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 8.</span>—Allègement du fardeau des femmes qui ont charge -et responsabilité de vies humaines; allocation à toute mère, mariée -ou non mariée, d’une indemnité dite indemnité maternelle.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 9.</span>—Service militaire obligatoire pour les -hommes—service humanitaire obligatoire pour les femmes.—La -défense du territoire confiée aux hommes.—L’assistance publique -confiée aux femmes.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 10.</span>—Liberté individuelle pour tous et toutes. Droit -absolu de penser et d’exprimer verbalement ou par écrit ses idées.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 11.</span>—La justice gratuite et impartiale. Les tribunaux -et les jurys, composés d’hommes et de femmes.</p> - -<p><span class="smcap">Art. 12.</span>—Enfin, mêmes avantages sociaux pour la femme -que pour l’homme; et, affirmation de l’esprit égalitaire de nos -institutions, par la préférence donnée à l’utile et au nécessaire -qui profite à tous, sur l’agréable et le superflu dont ne -bénéficient que quelques-uns.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_114">114</span></p> - -<p>Electeurs, pour que la malhonnêteté en politique cesse d’être de -règle, il faut que le droit cesse d’être chose arbitraire.</p> - -<p>Si vous êtes vraiment las de voir vos ordres méconnus; si vous -voulez que la nouvelle législature fasse époque dans l’histoire -du progrès, imposez ce programme aux candidats: l’égalité humaine -qu’il préconise est le but d’une République; car, République et -Justice doivent être synonymes.</p> - -<p class="br">Après avoir publié dans <i>La Libre Parole</i> des articles sous ce -titre: «Les Droits de la Femme» je suis entrée en 1896 au journal <i>Le -Radical</i> où sous cette rubrique «Le Féminisme» je réclame librement -l’électorat et l’éligibilité pour les femmes.</p> - -<p class="br">En 1900 eut lieu le Congrès International de la Condition et des Droits -de la Femme présidé par M<sup>me</sup> Maria Pognon, où la question des droits -politiques de la femme ne fut pas discutée.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_115">115</span></p> - <h2 id="ch_20">JOURNAUX ET SOCIÉTÉS FÉMINISTES</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Avant de fonder la Maison-Maternelle, M<sup>me</sup> Louise Koppe avait créé le -journal <i>La Femme</i>.</p> - -<p>Parmi les journaux féministes qui parurent après <i>La Citoyenne</i>, -il faut citer:</p> - -<p><i>L’Harmonie Sociale</i> dirigée par Aline Valette.</p> - -<p><i>La Femme de L’avenir</i> de M<sup>me</sup> Astié de Valsayre.</p> - -<p><i>La Revue Féministe</i> de M<sup>me</sup> Clotilde Dissard.</p> - -<p><i>Les Droits de la Femme</i>, de M<sup>me</sup> Gabrielle Rony.</p> - -<p><i>Le Féminisme Chrétien</i> de M<sup>lle</sup> M. Maugeret.</p> - -<p><i>La Fronde</i>, journal quotidien, qui eut pour directrice M<sup>me</sup> -Marguerite Durand.</p> - -<p><i>L’Abeille</i>, que fit paraître M<sup>me</sup> Pauline Savari -organisatrice de l’exposition des Arts et des Métiers féminins en -1902.</p> - -<p><i>L’Entente</i>, créée par M<sup>mes</sup> Jeanne Oddo-Deflou et Héra -Mirtel.</p> - -<p><i>La Française</i>, fondée par M<sup>me</sup> Jane Misme.</p> - -<p><i>La Suffragiste</i> de M<sup>lle</sup> Madeleine Pelletier.</p> - -<p class="br">Le parti féministe n’est pas encore organisé en <span class="pagenum" id="Page_116">116</span> France; cependant, -nombreuses sont les sociétés qui revendiquent les droits de la femme. -Il y a:</p> - -<p>La société pour <i>L’Amélioration du sort de la Femme</i> et la -revendication de ses Droits, présidente M<sup>me</sup> Feresse Deraismes.</p> - -<p><i>Le Suffrage des Femmes</i>, secrétaire générale Hubertine Auclert.</p> - -<p><i>La Ligue Française pour le Droit des Femmes</i>, présidente M<sup>lle</sup> -Marie Bonnevial.</p> - -<p><i>La Solidarité des Femmes</i>, présidente M<sup>lle</sup> Madeleine -Pelletier, secrétaire M<sup>me</sup> Caroline Kauffman.</p> - -<p><i>L’Egalité</i>, présidente M<sup>me</sup> Vincent qui a réclamé l’électorat -et l’éligibilité des femmes aux conseils des Prud’hommes.</p> - -<p><i>L’avant-Courrière</i>, présidente M<sup>me</sup> Jeanne Schmahl. C’est à -l’initiative et à l’opiniâtreté de M<sup>me</sup> Jeanne Schmahl, que l’on doit -la loi autorisant la femme mariée à toucher le produit de son travail -et à en disposer.</p> - -<p><i>Le Groupe Français d’Etudes Féministes</i>, présidente M<sup>me</sup> Jeanne -Oddo-Deflou.</p> - -<p><i>L’Union Fraternelle des Femmes</i>, présidente M<sup>me</sup> Marbel.</p> - -<p><i>L’Union de Pensée Féminine</i>, présidente M<sup>me</sup> Lydie Martial.</p> - -<p><i>L’Union Internationale des Femmes</i>, présidente M<sup>lle</sup> J. Van -Marcke de Lummen.</p> - -<p><i>Le Conseil National des Femmes</i> (Fédération de groupes -philanthropiques et féministes), présidente M<sup>lle</sup> Monod, secrétaire -générale M<sup>me</sup> Avril de Sainte-Croix.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_117">117</span></p> - -<p>A Lyon, il y a <i>La société d’Education et d’action Féministes</i>, -présidente M<sup>me</sup> Desparmets-Ruello, secrétaire générale M<sup>me</sup> Odette -Laguerre.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Les efforts réunis de ces journaux et de ces sociétés, ont fait -s’atténuer l’annihilation de la femme. Une loi sur l’enseignement -secondaire des jeunes filles fut votée en 1880.</p> - -<p>La femme devint électeur et éligible aux conseils départementaux -d’enseignement en 1880.</p> - -<p>Electeur et éligible au conseil supérieur de l’Instruction publique en -1886.</p> - -<p>Apte à servir de témoin dans les actes civils et publics en 1897.</p> - -<p>La femme commerçante fut en 1898, admise à voter pour l’élection des -juges aux tribunaux de commerce.</p> - -<p>La femme licenciée en droit fut en 1900 autorisée à exercer la -profession d’avocat. Les doctoresses avaient pu vingt-cinq ans -auparavant exercer la médecine. A propos de leur admission à l’internat -des hôpitaux<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a>, il y eut le 2 février 1885 une grande discussion au -conseil municipal.</p> - -<p>Les femmes devinrent électeurs en 1899 et éligibles aux conseils -supérieurs du Travail en 1901.</p> - -<p>Les femmes devinrent électeurs aux conseils des Prud’hommes en 1907.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_118">118</span></p> - <h2 id="ch_21">ETATS OU LES FEMMES EXERCENT LEURS DROITS POLITIQUES</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Mais, les Françaises restent des dégradées civiques, alors qu’en trois -parties du monde des femmes exercent leurs droits politiques.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Europe.</i></p> - -<p>En l’île de Man, petite île anglaise de la mer d’Irlande (54.000 h.) -les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1881.</p> - -<p>En Finlande (2.781.000 h.) un ukase de 1906 conféra aux femmes la -plénitude des droits politiques, et en les élections de 1907 dix-neuf -Finlandaises ont été élues députées à la diète qui ne compte que 200 -députés.</p> - -<p>En Norvège (2.240.000 h.) les droits politiques ont été octroyés aux -femmes en 1907.</p> - -<p>En Danemark (2.450.000 h.) les droits politiques ont été accordés aux -femmes en 1908.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Amérique.</i></p> - -<p>En la République de l’Equateur (Etat de l’Amérique du Sud 1.272.000 h.) -les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1861.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_119">119</span></p> - -<p>En le Wyoming (Etat de l’Amérique du Nord 100.000 h.) les femmes -jouissent de leurs droits politiques depuis 1869.</p> - -<p>En l’Utah (Etat de l’Amérique du Nord 277.000 h.) les femmes ont leurs -droits politiques.</p> - -<p>En le Colorado (Etat de l’Amérique du Nord 540.000 h.) les femmes -jouissent de leurs droits politiques depuis 1893.</p> - -<p>En l’Idaho (Etat de l’Amérique du Nord-Ouest 162.000 h,) les femmes -possèdent leurs droits politiques.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Océanie.</i></p> - -<p>En Nouvelle-Zélande (823.000 h.) les femmes possèdent leurs droits -politiques.</p> - -<p>En Australie (4.400,000 h.) les femmes jouissent de leurs droits -politiques.</p> - -<p class="br">Bien que spoliée encore en France du droit, la femme qui était hier -méprisée, semble être aujourd’hui le facteur indispensable sans lequel -on ne peut rien. L’élite intellectuelle combat pour la femme. Au -théâtre, dans les journaux, le talent se fait l’avocat de son bon droit.</p> - -<p class="br">La mairie du onzième arrondissement, située sur la place Voltaire où -l’on voit Ledru-Rollin mettre un bulletin dans l’urne électorale était -bien désignée pour contribuer à rendre réellement universel le suffrage -en favorisant la revendication de son extension aux femmes.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_120">120</span></p> - -<p>Depuis 1900 la Société <i>Le Suffrage des Femmes</i> tient à la -mairie, salle Parmentier des réunions où sont étudiées les questions -qui passionnent l’opinion, discutées les réformes et les projets de -lois—ces réunions sont une école où les femmes s’exercent à leur futur -rôle d’électrices.</p> - -<p>En 1901 la société <i>Le Suffrage des Femmes</i> émit sa vignette -<i>Droits de la Femme</i> qui fut très recherchée par les -philatélistes; et, fit créer le timbre du parti radical-socialiste et -le timbre féministe américain.</p> - -<p>M. Alexandre Bérard, alors sous-secrétaire d’Etat aux Postes et -Télégraphes, par sa circulaire du 30 avril 1903 autorisa à coller sur -les lettres près du timbre légal, la vignette féministe, qu’un receveur -des Postes avait dénoncé comme étant un timbre contrefait.</p> - -<p>Le 29 octobre 1904, les féministes s’efforcèrent de brûler aux pieds -de la colonne Vendôme, un exemplaire du Code, pour protester contre la -célébration de son centenaire.</p> - -<p>En 1906, la société <i>Le Suffrage</i> émit son timbre et sa carte -postale <i>Suffrage universel</i> dont beaucoup de journaux donnèrent -le fac-similé; et, qui obtinrent tant de succès, qu’un artiste suisse, -nous demanda l’autorisation de graver l’éloquent dessin sur des montres -et sur des bijoux.</p> - -<p>En les périodes électorales, la société <i>Le Suffrage des Femmes</i> -fait apposer des affiches où l’on voit un électeur et une électrice qui -déposent leur bulletin dans l’urne électorale.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_121">121</span></p> - -<p>Une proposition de loi en faveur du suffrage administratif et politique -des femmes célibataires, veuves et divorcées a été présentée à la -Chambre en 1901 par M. Gautret.</p> - -<p>Un autre projet de loi donnant aux femmes le vote dans les élections -aux conseils municipaux, aux conseils d’arrondissements, aux conseils -généraux a été déposé à la Chambre en 1906 par M. Dussaussoy.</p> - -<p>Ces propositions ne sont pas venues en discussion.</p> - -<p class="br">En avril 1907 la lettre suivante fut adressée à chacun des députés et -des sénateurs.</p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire"><i>Monsieur le législateur.</i></p> - - <p>La Société «<i>Le Suffrage des Femmes</i>», qui lutte depuis - vingt-neuf ans pour faire admettre les Françaises à exercer - leurs droits politiques, vous prie instamment de proposer au - Parlement de conférer aux femmes—aux mêmes conditions qu’aux - hommes—l’électorat et l’éligibilité dans la Commune et dans l’État.</p> - - <p>Accorder aux femmes qui subissent les lois et paient les impôts, - le droit au droit commun, ce sera immédiatement élever, avec - la mentalité, le niveau moral de la France; donc, rendre moins - redoutables pour la prospérité individuelle et collective, les - conflits économiques entre individus et entre nations.</p> - - <p>Veuillez agréer, Monsieur le Législateur, l’assurance de notre - considération très distinguée.</p> - - <p class="indent3">Pour la Société «Le suffrage des Femmes».</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_122">122</span></p> - - <p class="center">Le Comité:</p> - - <p class="center hang">Hubertine <span class="smcap">Auclert</span>, Valentine <span class="smcap">Oger</span>, Hermance - <span class="smcap">Philippe</span>, Marie <span class="smcap">Auclert</span>, Julie <span class="smcap">Auberlet</span>, - Marie <span class="smcap">Gras</span>, Françoise <span class="smcap">Le Douigou</span>, Delphine - <span class="smcap">Adam</span>, Jeanne <span class="smcap">Avézard</span>, Louise <span class="smcap">Arban</span>.</p> -</div> - -<p>Le parti Radical-Socialiste a refusé d’adopter un vœu proposé par -MM. Jean-Bernard, Lucien Le Foyer, Ch. Roret pour l’électorat et -l’éligibilité des femmes. Nous avons néanmoins demandé à ce parti -d’inscrire à l’ordre du jour de ses congrès, la question: «De -l’extension aux femmes des droits politiques.»</p> - -<p>Le parti socialiste qui veut le suffrage réellement universel, promet -d’aider les femmes à conquérir le droit de vote.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Le vœu des Conseillers Généraux de la Seine.</i></p> - -<p>Dans sa séance du 20 novembre 1907, le Conseil général de la Seine a -émis le vœu «que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral, -pour les élections au conseil général et au conseil municipal».</p> - -<p>L’électorat politique aurait été compris dans ce vœu si le rapporteur -de ma pétition M. d’Aulan, n’avait point été hostile à la participation -des femmes à la politique.</p> - -<p>Voilà les Françaises en marche vers l’urne électorale, grâce à ce vœu -des Conseillers Généraux que les législateurs ne pourront se dispenser -de ratifier.</p> - -<p class="br">Après avoir employé tous les moyens légaux pour <span class="pagenum" id="Page_123">123</span> obtenir leurs -droits politiques, les féministes sont forcées de recourir aux moyens -révolutionnaires.</p> - -<p>Le 3 mai 1908, les suffragistes parisiennes envahirent la section -électorale de la rue Paul-Baudry, la section électorale de la mairie -du 2<sup>e</sup> arrondissement, la section électorale de la mairie du 1<sup>er</sup> -arrondissement, et l’une d’entre elles, mit la main sur les urnes et -tenta de les culbuter.</p> - -<p>Ce ne fut qu’à la section électorale de la place Baudoyer, 4<sup>e</sup> -arrondissement, qu’Hubertine Auclert parvint enfin à s’emparer de -l’urne qu’elle secoua, renversa et jeta violemment à terre en disant: -«Ces urnes sont illégales! elles ne contiennent que des bulletins de -votes masculins! alors que les femmes ont comme les hommes des intérêts -à défendre à l’Hôtel de Ville.»</p> - -<p>Immédiatement arrêtée, Hubertine Auclert fut conduite au commissariat -où procès-verbal fut dressé contre elle.</p> - -<p class="br">Les femmes peuvent précipiter l’entrée de leur sexe dans la salle de -vote; pour cela, il faut que de dilettantes, elles deviennent des -sectaires du féminisme.</p> - -<p>Les revendicatrices intensifieront leur propagande, si elles -substituent les efforts collectifs aux efforts individuels, en faisant -se fédérer tous les groupements suffragistes, en déterminant les femmes -de toutes opinions, de toutes conditions—pareillement opprimées -et spoliées par la loi—à s’unir pour exercer une pression sur les -pouvoirs publics et forcer l’entrée du droit commun politique.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_124">124</span></p> - <h2 id="ch_22">L’INSCRIPTION SUR LES LISTES ÉLECTORALES</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p class="epigraph">«Une femme fait autrement la même chose qu’un -homme.»</p> - -<p>Les Françaises les plus dignes d’estime et de considération, sont -dans l’impossibilité d’obtenir une seule carte électorale; alors, que -les repris de justice peuvent parfois collectionner ces certificats -d’honorabilité.</p> - -<p>On jugeait dernièrement une affaire de vol dans laquelle était impliqué -un receleur qui avait engagé au Mont-de-Piété des objets volés.</p> - -<p>—Comment avez-vous procédé pour engager ces objets au Mont-de-Piété -demanda le juge au prévenu?</p> - -<p>Le prévenu.—En produisant ma carte d’électeur.</p> - -<p>Le président, avec stupéfaction.—Comment, vous avez été plusieurs -fois condamné pour vol—et une fois à treize mois de prison—vous êtes -électeur?</p> - -<p>Le prévenu.—Oui, je suis électeur. Mais je me borne à retirer ma carte -d’électeur. J’en ai cinq chez moi...</p> - -<p>Le président.—Il est bien bizarre qu’il y ait des électeurs de votre -espèce.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_125">125</span></p> - -<p>Les hommes voleurs peuvent voter, tandis que les femmes intègres sont -frappées d’interdiction civique.</p> - -<p>Depuis longtemps nous réclamons contre cette anomalie. Dès 1880, dans -tous les arrondissements de Paris, des dames membres de la Société -«Le Droit des Femmes» ont demandé leur inscription sur les listes -électorales.</p> - -<p>Le maire du X<sup>e</sup> arrondissement, motiva dans la lettre ci-dessous, son -refus d’inscrire les femmes.</p> - -<div class="blockquote"> - <p class="center">VILLE DE PARIS</p> - - <p class="center"><i>Mairie du X<sup>e</sup> arrondissement</i></p> - - <p>Nous, maire du X<sup>e</sup> arrondissement de Paris,</p> - - <p>Vu la demande à nous présentée le 2 février courant, par M<sup>lle</sup> - Hubertine Auclert, tendant à obtenir son inscription sur la liste - électorale du X<sup>e</sup> arrondissement.</p> - - <p>Vu les motifs longuement développés sur lesquels cette demande est - fondée.</p> - - <p>Vu les lois électorales actuellement en vigueur, notamment le - décret organique du 2 février 1852, les lois des 7 juillet 1874 et - 30 novembre 1875.</p> - - <p>Considérant que, depuis 1789, jusqu’à nos jours, toutes les lois - électorales qui se sont succédé ont été sans exception aucune, - interprétées et appliquées en ce sens qu’elles ont conféré et - confèrent des droits seulement aux hommes et non aux femmes;</p> - - <p>Considérant que la prétention formulée par la réclamante de faire - ressortir du texte de ces lois une interprétation dont le résultat - serait de créer en faveur des femmes des <span class="pagenum" id="Page_126">126</span> droits d’électorat et - d’éligibilité identiques à ceux appartenant aux hommes, constitue - dès lors une innovation politique dont il n’est pas de notre - compétence de déterminer ni le mérite, ni la valeur légale.</p> - - <p>Considérant qu’il nous appartient encore moins par conséquent de - prendre sur nous d’en admettre la mise en pratique.</p> - - <p>Décidons qu’en l’état actuel de la législation, la demande de - M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert est déclarée inadmissible.</p> - - <p class="ldate">Paris, le 4 février 1880.</p> - - <p class="rsignature4"><span class="smcap">Devisme.</span></p> -</div> - -<p>Les dames de la Société «Le Droit des Femmes» firent publier par toute -la presse cette protestation:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Nous soussignées, nées de parents français, remplissant tous les - devoirs et les obligations qui incombent aux Français, nous nous - sommes présentées munies de pièces justificatives établissant - notre identité, majorité, temps de séjour, à la mairie de nos - arrondissements respectifs, pour nous faire inscrire sur les - registres électoraux.»</p> - - <p>On nous a répondu que, parce que femmes, nous ne pouvions être - inscrites.</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>Nous en appelons à l’opinion, de l’injustice que consacre la - République après les autres régimes en nous maintenant esclaves.»</p> -</div> - -<p>Bien que notre demande eût été rejetée, nous persistâmes à réclamer -notre inscription électorale.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_127">127</span></p> - -<p>En 1885, la commission (pour le quartier du faubourg Montmartre) -chargée de juger les réclamations électorales, formula ainsi son -refus d’admettre ma requête:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Considérant que la qualité d’électeur dérive de la qualité de - citoyen aux termes de toutes les constitutions et lois électorales - françaises; que toutes les constitutions et lois ne reconnaissent - qu’aux hommes la qualité de citoyen.</p> - - <p>«Considérant qu’en fait et par application de ce principe, les - femmes n’ont jamais été inscrites sur les listes électorales.</p> - - <p>«Considérant que l’application constante universelle et non - contestée d’une loi en constitue la meilleure interprétation.</p> - - <p>«La requête de M<sup>elle</sup> Hubertine Auclert demeurant - Galerie Bergère, 8, tendant à son inscription électorale ne saurait - être admise.</p> - - <p>«La commission rejette.</p> - - <p class="rsignature">«Le Maire du IX<sup>e</sup> arrondissement.</p> - - <p class="rsignature2">«<span class="smcap">E. Ferry.</span>»</p> -</div> - -<p>Au XI<sup>e</sup> arrondissement la commission chargée de juger les -réclamations électorales nous a fait cette réponse:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Attendu qu’une loi a été reconnue nécessaire pour permettre aux -femmes d’être inscrites sur les listes électorales consulaires.</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_128">128</span></p> - - <p>«Attendu que les lois et décrets qui régissent les élections - politiques ne contiennent aucune disposition permettant aux femmes - d’être inscrite sur la liste électorale. Vu d’autre part, l’arrêt - de la cour de cassation de mars 1885, stipulant que les femmes ne - peuvent exercer des droits politiques, la demande d’inscription sur - les listes électorales de M<sup>me</sup> Hubertine Auclert n’est pas admise.</p> - - <p class="rsignature4">«Le maire du XI<sup>e</sup> arrondissement.»</p> -</div> - -<p>En nombre de villes et de communes, des citoyennes ont vainement -demandé leur inscription électorale. Les femmes du peuple, les -travailleuses, qui se laissent guider par la droite raison, ont depuis -longtemps dans différents départements réclamé leur inscription sur les -listes.</p> - -<p>«Nous avions, disent-elles, lu les affiches pour la revision de la -liste électorale et ignorant que les femmes n’étaient point électeurs, -nous sommes allées une bande à la mairie demander qu’on nous inscrive.</p> - -<p>Les hommes qui étaient là, se sont bien moqués de nous; nous leur avons -répondu qu’il n’y avait pas de quoi rire parce qu’on avait fait la -bêtise d’empêcher de voter les femmes.»</p> - -<p>Maintenant, quand les dames demandent à être électeurs on ne leur -répond plus comme autrefois. «Les chevaux et les bœufs voteront avant -les femmes.» On leur donne un récépissé de leur demande d’inscription.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_129">129</span></p> - -<p>Dans les communes suburbaines comme à Paris, on consigne sur le -registre, les demandes d’inscription électorale des femmes.</p> - -<p>Celles qui possèdent le récépissé de leur requête et la réponse de la -commission chargée de juger les réclamations en matière électorale, -doivent garder précieusement ces papiers. Ce sont des parchemins -en valant bien d’autres, puisqu’ils établissent la supériorité -intellectuelle qui les a fait protester contre la mise de leur sexe -hors la loi.</p> - -<p>La loi stipule que sont électeurs tous les Français âgés de vingt-et-un -ans. Ces termes «tous les Français» englobent les femmes quand il -s’agit d’impôts à payer et de lois à subir; mais, lorsqu’il s’agit de -droits à exercer, ces mots «les Français» sont censés ne désigner que -les hommes.</p> - -<p>Les Françaises ont tout tenté, pour faire infirmer non point la loi -inexistante, mais l’usage qui les annule politiquement; elles sont -allées devant toutes les juridictions: devant le conseil de préfecture, -devant le Conseil d’Etat, devant la Cour de cassation, réclamer leur -droit électoral.</p> - -<p>Les juges de la Cour de cassation, pour stipuler que les femmes ne -devaient pas exercer de droits politiques, ont appelé à leur secours la -Constitution de 1791, qui ne reconnaissait qu’aux gens inscrits sur la -liste de la garde nationale, la capacité électorale.</p> - -<p>Or, comme pour pouvoir faire partie de la garde nationale, il fallait -payer 40 francs d’impôts, le <span class="pagenum" id="Page_130">130</span> droit électoral dérivait de -l’obligation d’être contribuable.</p> - -<p>La Constitution de 1791 a d’ailleurs été abrogée par celle de 1848, -dont la Cour de cassation n’a pas parlé, parce que justement, elle nous -est favorable, puisqu’elle déclare que «la souveraineté réside dans -l’universalité des Français, que cette souveraineté est inaliénable, -qu’aucun individu, ni aucune fraction d’individu ne peut s’en attribuer -l’exercice».</p> - -<p>Les juges de la Cour de cassation n’ignorent point que les hommes ne -peuvent s’approprier les droits des femmes; pourtant, ils nous ont -demandé de trouver un texte législatif autorisant les femmes à voter.</p> - -<p>Indiquez vous-mêmes, messieurs les juges, un texte législatif -interdisant aux femmes de voter.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_131">131</span></p> - <h2 id="ch_23">LE PRIX D’UN VOTE DE FEMME</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Sous la République, qui conserve la coutume salique excluant les femmes -du gouvernement, il est tellement interdit aux Françaises de s’immiscer -dans les affaires de leur pays, qu’un maire du département des Landes, -M. Dubedout, qui avait permis en 1885 à deux femmes de voter, fut -condamné pour ce fait à deux cents francs d’amende. Cent francs par -vote de femmes, c’est cher!</p> - -<p>On ne doit point se laisser effrayer par ce moyen d’intimidation, il -suffirait qu’un maire et une commission municipale soient déterminés -à faire de la <i>res hominum</i> la <i>res publica</i>, pour que la -question de l’électorat féminin fût sans délai résolue.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_132">132</span></p> - <h2 id="ch_24">LE BLUFF ÉLECTORAL</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Pour refuser la carte électorale aux Françaises, on les cloue au pilori -d’infamie, en les assimilant aux hommes déchus de leurs droits.</p> - -<p>C’est avec les individus condamnés à des peines afflictives ou -infamantes, c’est avec les voleurs, les escrocs, les gens de mauvaises -mœurs, les assassins et les fous, que les femmes sont exclues de -l’électorat.</p> - -<p>En ce pays où le nombre fait loi, le suffrage ne comprenant pas les -femmes qui sont le nombre, n’exprime point la volonté de la France.</p> - -<p>Après l’argent, c’est le domicile qui vote et non le souverain. -L’électeur souverain ne circule pas avec sa souveraineté; c’est un -roi qui, quand il se déplace, s’arrache du front sa couronne pour la -confier au garde-meuble social jusqu’à nouvelle installation.</p> - -<p>Les difficultés dressées devant l’urne électorale, qui forcent des -hommes à recourir à la fraude pour voter, prouvent que le suffrage, -qui exclut en bloc toutes les femmes, c’est-à-dire la majorité de la -nation, doit s’universaliser <span class="pagenum" id="Page_133">133</span> aux deux sexes et pouvoir partout -s’exercer pour avoir droit de s’appeler universel.</p> - -<p>Les usurpateurs donnent à la loi électorale une interprétation -contradictoire. Après lui avoir fait dire que les femmes ne doivent -pas nommer de représentants pour défendre leurs intérêts, ils lui font -proclamer que les femmes ont le droit d’être représentées...</p> - -<p>—Représentées sans représentants?</p> - -<p>Parfaitement; ce subterfuge autorise à prendre pour base de l’élection -des députés cent mille habitants au lieu de cent mille électeurs.</p> - -<p>Les Françaises qui sont trouvées indignes d’envoyer des mandataires au -Parlement, sont trouvées dignes d’être comptées comme les brebis d’un -troupeau, pour faire nombre et permettre aux éligibles d’augmenter, -avec les sièges à la Chambre, leur chance d’être élus.</p> - -<p>Ce ne sont pas les habitants, mais les seuls électeurs qui doivent être -pris pour base de l’élection des députés.</p> - -<p>Si l’on exigeait pour l’élection d’un député, cent mille électeurs au -lieu de cent mille habitants, les femmes voteraient bientôt; attendu, -que les législateurs de tous les partis seraient d’accord pour leur -octroyer l’électorat. Aiguillonnés par l’intérêt, ils soutiendraient -que la nation n’est pas exactement représentée à la Chambre pendant que -les femmes ne votent pas; et, ils auraient vite mis le bulletin dans la -main des annulées afin de ne point perdre leur place au Parlement.</p> - -<p>Présentement, désintéressés de l’établissement du <span class="pagenum" id="Page_134">134</span> vrai suffrage -universel puisqu’ils bénéficient du nombre des femmes pour être élus, -sans que leurs actes aient à subir le contrôle féminin les députés -aiment mieux additionner un troupeau de muettes, que d’avoir à rendre -des comptes aux femmes électeurs. Des électeurs! ils en ont déjà trop! -Loin de chercher à les multiplier ils voudraient pouvoir les réduire, -comme les femmes, au rôle de moutons. Ah! ne représenter qu’un troupeau -masculin et féminin, dont on n’a point à se préoccuper des bêlements, -quel rêve!</p> - -<p>Les législateurs essaient de persuader aux parias Françaises, qu’elles -seraient lésées si la loi les libérait, en s’abstenant de les compter.</p> - -<p>Certes, les femmes contribuables ont le droit de compter dans la nation -puisqu’elles coopèrent à la prospérité du pays; seulement, elles -doivent être représentées non point comme des animaux recensés, mais -comme des êtres conscients, choisissant et nommant leurs représentants.</p> - -<p>Les femmes ne se soucient point de continuer à être confondues avec le -cheptel d’après lequel l’homme calcule sa richesse, en étant un bétail -dont il fait le dénombrement pour édifier sa fortune politique.</p> - -<p>En ce pays, où M. Thiers affirma que les chemins de fer ne pourraient -jamais fonctionner, il ne faut pas s’étonner si des hommes soutiennent -que les femmes ne doivent point participer aux affaires publiques.</p> - -<p>Un décret ministériel transformerait de suite les Françaises annihilées -en citoyennes actives.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_135">135</span></p> - -<p>Puisqu’il n’est pas plus facile de faire admettre aux Français inquiets -de l’avenir, le suffrage des femmes qui les délivrerait de leurs -cauchemars, que de faire se soumettre les malades aux prescriptions -qui les guériraient, les ministres, qui, souvent, imposent par décret -des innovations coûteuses, ne pourraient-ils pas aussi, par décret, -imposer aux hommes d’être plus riches et plus heureux, en décidant que -le qualificatif «Français» comprend, les hommes et les femmes devant le -droit électoral, comme devant les charges publiques?</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_136">136</span></p> - <h2 id="ch_25">REFUS DE L’IMPOT</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Les femmes qui s’étaient vu refuser la carte d’électeur, informèrent -leur préfet qu’elles ne voulaient plus coopérer aux dépenses de l’Etat -qui les annulait:</p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Monsieur le préfet,</p> - - <p>«J’ai reçu un avis relatif à mes contributions, comme je n’ai pas - l’intention de les acquitter, je viens vous en prévenir et vous - prier en même temps de rayer mon nom du rôle des contribuables.</p> - - <p>«Je me soumettais aux impositions, parce que je croyais que dans la - commune, dans le département, dans l’Etat, qui me trouvent bonne - pour supporter ma part de charges, je possédais ma part de droits.</p> - - <p>«Ayant voulu exercer mon droit de citoyenne française, ayant - demandé, pendant la période de revision, mon inscription sur les - listes électorales, on m’a répondu que «la loi conférait des droits - seulement aux hommes et non aux femmes.»</p> - - <p>«Je n’admets pas cette exclusion en masse des femmes, qui n’ont - été privées de leurs droits civiques par aucun jugement. <span class="pagenum" id="Page_137">137</span> En - conséquence, je laisse aux hommes qui s’arrogent le privilège de - gouverner, d’ordonner, de s’attribuer les budgets, le privilège de - payer les impôts qu’ils votent et répartissent à leur gré.</p> - - <p>«Puisque je n’ai pas le droit de contrôler l’emploi de mon - argent, je ne veux plus en donner. Je ne veux pas être, par ma - complaisance, complice de la vaste exploitation que l’autocratie - masculine se croit le droit d’exercer à l’égard des femmes. Je n’ai - pas de droits, donc je n’ai pas de charges; je ne vote pas, je ne - paye pas.</p> - - <p>Recevez, etc.</p> - - <p class="rsignature4">«<span class="smcap">Hubertine Auclert.</span>»</p> -</div> - -<p>Cette lettre fut publiée par tous les journaux; les plus hostiles à -nos idées écrivirent: «La question se trouve par cette logique serrée -portée du coup sur son véritable terrain.» Dans une société où tout -repose sur le principe d’égalité, il est incompréhensible que les -droits que les femmes demandent ne leur soient pas accordés: Nous -payons des impôts disent-elles, nous devrions être autorisées à les -voter et à en surveiller l’emploi.»</p> - -<p>«Vous êtes dans l’impossibilité, d’opposer à ce raisonnement une seule -objection qui n’ait pas été réfutée déjà par les partisans de la -souveraineté populaire.</p> - -<p>«L’examen de ce qui se passe dans l’existence fournit d’excellents -arguments à l’appui de la théorie des femmes. Voilà par exemple une -dame d’intelligence et de volonté qui a fondé une importante maison de -commerce; <span class="pagenum" id="Page_138">138</span> elle occupe deux cents ouvriers et employés; elle verse -à l’Etat sous forme d’impôt des sommes considérables. Vous n’admettez -pas que cette femme ait le droit de discuter cet impôt, de peser par -sa voix sur certaines questions de tarif, d’apporter l’appui de son -expérience à des débats économiques. Ce droit, vous l’attribuez sans -hésiter à un rôdeur de barrière, qui n’a jamais gagné honnêtement un -liard de sa vie.»</p> - -<p>Sous ce titre: Grève des Contribuables M. Charles Bigot écrivit dans -<i>Le</i> <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> <i>siècle</i>: «On ne saurait contester -à M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert d’avoir eu une idée. Ni en Angleterre, -ni en Amérique où les champions du droit des femmes ne manquent pas -cependant, le beau sexe n’avait encore imaginé de protester contre -l’exploitation de l’autocratie masculine par le refus de l’impôt. -M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert coupe les vivres à une société qu’elle trouve -injuste pour son sexe. Pas de droits électoraux, pas d’argent. La -déclaration est nette au moins.»</p> - -<p>Mais ce fut surtout une grêle d’injures qui plut sur ces énergiques -lutteuses pour leur faire lâcher pied.</p> - -<p>Dans <i>Le Petit Parisien</i>, Jean Frollo en louant la crânerie des -insurgées contre le fisc avait prévu les défections qui devaient se -produire.</p> - -<p>Sur les vingt femmes qui avaient refusé l’impôt, trois seulement, -Hubertine Auclert, V<sup>ve</sup> Bonnaire, V<sup>ve</sup> Leprou ne furent pas -effrayées par les papiers de toutes couleurs <span class="pagenum" id="Page_139">139</span> qu’elles reçurent, -résistèrent aux sommations du percepteur et les huissiers saisirent -leurs meubles.</p> - -<p>«Je ne plains pas trop, écrivit Henry Fonquier, M<sup>lle</sup> Hubertine -Auclert, elle a eu du bruit pour son argent. Il lui a suffi de ne pas -payer ses contributions pour devenir célèbre. Dans le pays où «paraître -est tout», elle a paru. Les curieux de l’avenir, qui voudront écrire -l’histoire du refus de l’impôt au <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> siècle, ne pourront -se dispenser de parler d’elle. Elle appartient à l’histoire, en -compagnie de M. de Genoude, qui faisait vendre son fauteuil, et de M. -Gambon, qui faisait vendre sa vache. Ceci pourrait donner matière à un -groupe curieux, et il est bizarre de voir un catholique légitimiste, un -socialiste et une femme libre user du même procédé.»</p> - -<p>Dans «<i>Les Femmes qui tuent et les Femmes qui votent</i>,» Alexandre -Dumas parle de notre refus de payer l’impôt, il démontre qu’on ne peut -faire que des objections de fantaisie à nos revendications des droits -politiques.</p> - -<p>Tous les gens de bonne foi pensent bien que si l’on nous empêche -de contrôler les budgets, c’est-à-dire d’avoir l’œil ouvert sur -l’administration de nos affaires c’est afin de pouvoir mieux nous duper.</p> - -<p>En refusant l’impôt, les femmes ont voulu mettre l’Etat au défi de -fonctionner sans elles. Cette protestation est légitime, qui paie est -en droit de donner son avis.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_140">140</span></p> - -<p class="souschapitre"><i>Qui paie la dépense doit la consentir.</i></p> - -<p>En 1066 ses amis et conseillers dirent à Guillaume duc de Normandie: -«Il vous faut demander aide et conseil à la généralité des habitants de -ce pays; car, il est de droit que qui paie la dépense soit appelé à la -consentir.»</p> - -<p>«Raison est que qui paie l’escot il soit à l’asseoir.»</p> - -<p>C’est la première fois, au Moyen Age, que le droit politique est -exprimé avec cette netteté.</p> - -<p>Les femmes apportent plus que les hommes dans les caisses de l’Etat -puisqu’elles sont en ce pays la majorité.</p> - -<p>Il y a en France un million de femmes de plus que d’hommes, cependant, -le sexe masculin minorité en la nation gouverne seul et étant maître -absolu, s’attribue tous les bénéfices sociaux.</p> - -<p>Les Françaises spoliées et exploitées, auraient un bon moyen pour -forcer les hommes dictateurs à entrer en accommodement avec elles, ce -serait de refuser en masse l’impôt.</p> - -<p>Dans tous les temps et en tous les pays, le refus de l’impôt a toujours -été le grand levier des opprimés:</p> - -<p>En Angleterre, le patriote John Hampden qui sous Charles I<sup>er</sup> refusa -l’impôt, à ce despote, fut incarcéré, plaida, replaida et finit par -provoquer un mouvement <span class="pagenum" id="Page_141">141</span> qui se termina par la défaite de Charles -I<sup>er</sup> dont la tête roula sur l’échafaud.</p> - -<p>Sous Louis XIV des provinces s’insurgèrent contre les intendants -financiers, elles refusèrent les redevances; mais le faste royal -nécessitait trop d’or pour que l’on n’écrasât pas sous le pressoir du -fisc les rebelles. Les intendants furent investis du droit de vie et de -mort sur les contribuables récalcitrants.</p> - -<p>En 1787, la Bretagne et la Normandie, après avoir vainement réclamé -contre les vexations et les corvées, ne trouvèrent pas de moyens plus -pratiques pour faire cesser l’oppression, que de couper les vivres aux -oppresseurs; elles se liguèrent pour refuser l’impôt.</p> - -<p>L’exemple donné par ces deux grandes provinces à une époque où la -situation financière était si difficile, décida la réunion des états -généraux et hâta par conséquent la révolution.</p> - -<p>M. de Genoude légitimiste refusa l’impôt à Louis Philippe. On vendit -ses meubles.</p> - -<p>M. Gambon propriétaire de la Nièvre refusa de payer l’impôt à l’Empire. -On lui saisit une vache qui fut mise à l’enchère.</p> - -<p>En Amérique, le refus de payer la taxe des marchandises importées -d’Angleterre, a été le signal de la guerre de l’indépendance. Les -Américains ont mieux aimé détruire, jeter à la mer des cargaisons de -denrées alimentaires que de payer l’impôt qui les frappait.</p> - -<p class="br">Vingt-six ans après des Françaises, des Anglaises ont <span class="pagenum" id="Page_142">142</span> refusé -d’acquitter leurs contributions parce qu’elles ne sont, elles non plus, -point électeurs politiques. Si cette manifestation se généralisait, -elle jetterait l’inquiétude au camp des hommes, puisqu’elle menacerait -d’arrêter faute de munitions, la force motrice qui fait mouvoir la -machine gouvernementale.</p> - -<p>Les femmes peuvent-elles continuer à entretenir un état masculiniste où -elles ne sont admises qu’à titre de contribuables?</p> - -<p>Quand des individus s’associent dans un but quelconque, pourvu qu’ils -apportent le même numéraire, qu’ils soient hommes ou femmes, ils ont un -identique pouvoir administratif. Les impôts, qui sont la part apportée -dans les caisses publiques par chacun des Français et des Françaises, -ne peuvent donc, sans préjudice pour la nation, être livrés à -l’arbitraire masculin. Il est urgent que la collectivité féminine dise -à la collectivité masculine:—Nous n’avons point confiance en votre -administration, voilà pourquoi nous voulons examiner, discuter, voter -avec vous les budgets.</p> - -<p>Le préfet de la Seine qui avait répondu aux femmes que bien qu’elles -soient non électrices, elles restaient contribuables reçut cette lettre:</p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Monsieur le préfet,</p> - - <p>«Vous m’informez que, pour rejeter ma demande de dégrèvement - d’impôt, vous vous appuyez sur l’article 12 de la loi du 21 avril - 1832, qui déclare imposable à la contribution <span class="pagenum" id="Page_143">143</span> personnelle et - mobiliaire tout habitant français ou étranger non réputé indigent.</p> - - <p>«Il y a quelques mois, je m’appuyais sur une loi identique, mais de - date plus récente, la loi du 5 mai 1848, qui dit: «Art. 6.—Sont - électeurs tous français,» pour réclamer mon inscription sur les - listes électorales.</p> - - <p>«On m’a répondu que, devant le scrutin, «Français» ne signifiait - pas «Française». Si Français ne signifie pas Française devant le - droit; Français ne peut signifier Française devant l’impôt.</p> - - <p>«Je n’accepte pas cette anomalie qui fait mon sexe incapable de - voter et capable de payer.</p> - - <p>«Comme vous ne paraissez pas tenir compte des motifs qui me font - refuser la contribution, j’ai l’honneur de vous informer, monsieur - le préfet, que je désire user de mon droit de présenter des - observations orales à la séance publique du conseil de préfecture - que vous voudrez bien m’indiquer. Je m’y ferai assister par M<sup>e</sup> - Antonin Lévrier.</p> - - <p>«Recevez, etc.</p> - - <p class="rsignature4">«<span class="smcap">Hubertine Auclert</span>».</p> -</div> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_144">144</span></p> - <h2 id="ch_26">POURVOI DEVANT LE CONSEIL DE PRÉFECTURE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>A l’appel de l’affaire Hubertine Auclert contre le préfet de la Seine, -je me suis avancée vers le prétoire et avant que n’intervînt mon avocat -Antonin Lévrier, j’ai dit:</p> - -<p>Messieurs, vous savez, qu’il existe entre l’impôt et le vote une si -grande corrélation que jusqu’en 1848 le cens a été la condition du -vote. C’est un principe de notre droit français, que l’impôt doit être -voté par celui qui le paie.</p> - -<p>J’ai légalement revendiqué mon droit de vote, je suis dans les -conditions requises pour l’exercer, cependant, quand j’ai demandé ma -carte d’électeur on m’a répondu que je n’avais pas de droits, que je ne -comptais pas parce que j’étais une femme!..</p> - -<p>Comment se fait-il alors qu’on me réclame, à moi qui ne compte pas, des -contributions? C’est illogique, attendu que je ne puis à la fois être -rien et quelqu’un. Je ne puis être inexistante quand il s’agit de voter -et existante quand il s’agit de payer.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_145">145</span></p> - -<p>J’ai voulu porter cette question devant vous, messieurs, parce que vous -êtes un tribunal obligé de motiver vos jugements; et que la discussion -étant contradictoire entre l’organe du gouvernement et moi; vous et -par vous tout le public, devant ce débat porté si haut, sera obligé -de peser ce que valent les arguties de texte devant les arguments de -raison.</p> - -<p>Or, la raison enseigne que tout argent déboursé doit avoir son emploi -contrôlé par la personne qui le débourse.</p> - -<p>Je ne réclame pas de dégrèvements d’impôts pour avoir la satisfaction -de ne rien payer. Je ne demanderais pas mieux que de participer aux -charges qui incombent aux habitants de mon pays, mais je veux jouir des -droits qui découlent de ces charges. Si je suis contribuable; eh bien, -je veux être électeur. Ce ne sont pas ceux qui ont pour mission de -rendre la justice qui peuvent me blâmer de la demander.</p> - -<p>On vous dit, que si vous me dispensiez de payer les contributions, -l’année prochaine d’autres femmes réclameraient, puis d’autres et -d’autres encore; si bien, qu’en peu de temps, il se produirait un -sensible déficit dans les recettes de l’impôt.</p> - -<p>Tant mieux, si cela arrivait, car alors les hommes voyant qu’ils ne -peuvent se passer de notre apport se décideraient à compter avec nous, -à nous traiter en associées et non plus en esclaves rançonnées. Si un -déficit se produisait, les hommes s’empresseraient de remplacer le -régime de droit masculin existant, par une <span class="pagenum" id="Page_146">146</span> constitution réellement -basée sur l’égalité des hommes et des femmes devant le devoir.</p> - -<p>Vous penserez, messieurs, que l’avenir qui sûrement émancipera la femme -enregistrera l’arrêt que vous allez prononcer. Vous vous ferez un -honneur d’établir ce grand principe de justice sociale, à savoir: que -dans un Etat où les femmes n’ont pas de droits, les femmes ne peuvent -non plus avoir de charges.</p> - -<p>M<sup>e</sup> Antonin Lévrier, dans son langage concis et mesuré rappelle que -la question de l’impôt, de l’égale répartition de l’impôt, a été aux -grandes époques de notre histoire, le point de départ des réformes -dont nous jouissons. «Avant 1789, le tiers Etat contribuait seul aux -charges de l’Etat, la noblesse payant, disait-elle, de son sang, le -clergé de ses prières. L’égalité a enfin prévalu, mais elle n’est pas -encore ce qu’elle devrait être, puisque la femme est restée en tutelle, -sans indépendance et sans initiative. On la compte pour rien et on lui -demande l’impôt.</p> - -<p>M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert s’adresse à vous, messieurs, qui êtes -juges des différends entre l’Etat et les individus pour obtenir la -réformation d’un abus qui a trop duré.»</p> - -<p>Le Conseil a sur le rapport de M. Pasquier pris l’arrêté suivant:</p> - -<div class="quote"> - <p>«Considérant que l’art. 12, § 1<sup>er</sup> de la loi du «21 avril 1832, - décide «que la contribution «personnelle et mobilière est due par - chaque habitant français <span class="pagenum" id="Page_147">147</span> et par chaque étranger de tout sexe - jouissant de ses droits et non réputé indigent.»</p> - - <p>»Que dans la disposition précitée, les mots <i>jouissant de ses - droits</i> n’ont qu’un sens spécial et restreint;</p> - - <p>»Que d’après les termes exprès du § 2<sup>e</sup> de l’art. 12 survisé, il - y a lieu de comprendre au nombre des personnes jouissant de leurs - droits les garçons et les filles majeurs ou mineurs ayant des - moyens suffisants d’existence, soit par leur fortune personnelle, - soit par la profession qu’ils exercent;</p> - - <p>»Considérant qu’il résulte de l’instruction que M<sup>lle</sup> Auclert a - des moyens suffisants d’existence;</p> - - <p>»Qu’elle doit donc être réputée <i>jouir de ses droits</i> dans le - sens attribué à cette expression par la loi du 21 avril 1832;</p> - - <p>»Que dès lors elle n’est pas fondée à demander la décharge de la - contribution personnelle et mobilière à laquelle elle a été imposée - au rôle de 1880, 12, rue, Cail, à Paris;</p> - - <p>»Arrête:</p> - - <p>»La requête de M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert est rejetée.»</p> -</div> - -<p>Nous en avons appelé de la juridiction du conseil de préfecture, à -la juridiction du conseil d’Etat, pour établir que les femmes sont -électeurs en même temps que contribuables.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_148">148</span></p> - <h2 id="ch_27">POURVOI DEVANT LE CONSEIL D’ETAT</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<div class="quote"> - <p class="center"><i>A Messieurs les Conseillers d’Etat.</i></p> - - <p class="ldestinataire">Messieurs,</p> - - <p>«J’en appelle à vous, de l’arrêt rendu contre moi, par le conseil - de préfecture de la Seine: Le conseil a rejeté ma demande en - dégrèvement d’impôts, en s’appuyant sur l’article 12 de la loi du - 21 avril 1832 ainsi conçu:—La contribution personnelle mobilière - est due par chaque habitant français et par chaque étranger de tout - sexe, <i>jouissant de ses droits</i> et non réputé indigent.</p> - - <p>Je ne puis être visée par cet article qui stipule qu’il faut jouir - de ses droits pour payer la contribution; car moi, je ne jouis - pas de mes droits puisque je suis rangée parmi les exclus de - l’électorat.</p> - - <p>«Le commissaire du gouvernement m’a dit, que je n’étais pas - seule à payer sans exercer de droits, que les étrangers, que les - mineurs étaient dans le même cas que moi et que cependant ils ne - réclamaient pas.</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_149">149</span></p> - - <p>Veuillez remarquer, Messieurs, que les mineurs et les étrangers, - qui sans exercer de droits contribuent aux charges publiques, n’ont - pas à subir le même dommage que les femmes. Sans légiférer, sans - administrer, ils sont servis par les mandataires de leur sexe qui - ont reçu mandat de s’employer pour la collectivité masculine. Les - étrangers et les hommes mineurs appartenant à cette collectivité, - bénéficient naturellement de tout ce qui lui revient d’heureux. Il - n’y a donc aucune analogie, entre les femmes privées à perpétuité - de leurs droits et les hommes qui en obtiennent ou par le temps, ou - par leur volonté, l’exercice.</p> - - <p>«Ce principe; que l’impôt doit être voté par celui qui le paie, - qui existe dans la loi de 1832, découle de la constitution de - 1791 basée sur «La déclaration des droits» qui dans son article - 14 déclare formellement que tous ceux qui paient l’impôt, ont le - droit d’en contrôler par eux-mêmes ou par leurs représentants - la nécessité. Que tous ceux qui paient l’impôt, ont le droit de - le consentir librement, d’en suivre l’emploi, d’en déterminer - la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.» Cet - article, abonde dans mon sens. Ou bien, comme je le soutiens, - tous les imposés hommes et femmes, doivent régler l’emploi des - contributions; ou bien, les hommes qui seuls contrôlent les - dépenses, doivent les payer.</p> - - <p>«Les femmes, par la contribution directe et indirecte, apportent la - moitié des recettes dans les caisses <span class="pagenum" id="Page_150">150</span> de l’Etat; mais, elles ne - bénéficient point du quart des dépenses.</p> - - <p>«En examinant les différents chapitres du budget, on voit que les - hommes se sont presque tout attribué. Les deux tiers des sommes - allouées pour l’instruction publique leur sont accordés, afin - qu’ils puissent se donner cette supériorité du point de départ, le - développement intellectuel.</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>«Tous les budgets étant employés surtout à l’avantage du sexe - masculin. Ne l’ignorant pas, je suis naturellement amenée à vous - présenter ces conclusions que j’espère que vous agréerez.</p> - - <p>«Attendu, qu’il est bien démontré que je ne jouis pas de mes droits - et ne puis par conséquent être visée par l’article 12 de la loi du - 21 avril 1832 qui énumère expressément les conditions requises pour - être contribuable.</p> - - <p>«Attendu, qu’il est bien démontré que l’argent des contributions - que je verse profite presque exclusivement aux hommes.</p> - - <p>«Attendu, que je suis exclue de la loi qui donne pour garantie de - l’équité de la répartition des impôts, le droit à tout contribuable - de les répartir ou de les faire répartir par des mandataires légaux.</p> - - <p>«M’en référant à la déclaration des droits de 1789 et à la - Constitution de 1791 de laquelle découle toute la législation - postérieure relative à cet objet, je conclus que je dois pouvoir - contrôler, ou faire contrôler par <span class="pagenum" id="Page_151">151</span> des personnes mandatées par - moi, l’emploi de mon argent, ou que je dois être déchargée de toute - contribution.</p> - - <p>«Vous écouterez ma réclamation, Messieurs, vous rendrez un arrêt - équitable pour la moitié déshéritée de l’humanité et de la chambre - du Conseil d’Etat, sortira pour les femmes la réforme de la - législation.</p> - - <p class="rsignature4">«<span class="smcap">Hubertine Auclert.</span>»</p> -</div> - -<p>Le Conseil d’Etat après avoir examiné notre affaire; a rendu l’arrêt -ci-dessous:</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop hidden" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_152">152</span></p> - <h2 id="ch_28">L’ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<div class="blockquote"> - <p class="center">CABINET</p> - - <p class="center smcap">DU</p> - - <p class="center">Sénateur Préfet de la Seine</p> - - <p class="center">1<sup>er</sup> Bureau</p> - - <p class="center"><b>PRÉFECTURE</b></p> - - <p class="center smcap">DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE</p> - - <p class="center"><b>RÉPUBLIQUE FRANÇAISE</b></p> - - <p class="center"><i>CONSEIL D’ÉTAT</i></p> - - <p class="center">Séance du 31 mars 1881.</p> - - <p class="center">Au nom du peuple Français.</p> - - <p>La section du contentieux du conseil d’Etat.</p> - - <p>Vu la requête présentée par la demoiselle Hubertine Auclert, - demeurant à Paris, tendant à ce qu’il plaise au conseil: annuler un - arrêté, en date du 11 août 1880, par lequel le conseil de Préfecture - du département de la Seine a rejeté sa demande de décharge de la - contribution personnelle et mobilière à laquelle elle a été imposée, - pour l’année 1880, sur le rôle de la ville de Paris.</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_153">153</span></p> - - <p>Ce faisant, attendu qu’elle n’a pas la jouissance des droits - politiques; que, dès lors, elle ne jouit pas de ses droits dans le sens - de l’article 12 de la loi du 21 avril 1832, et ne doit pas être imposée - à la contribution personnelle et mobilière; lui accorder la décharge - demandée;</p> - - <p>Vu l’arrêté attaqué;</p> - - <p>Vu la réclamation de la demoiselle Hubertine Auclert devant le conseil - de Préfecture;</p> - - <p>Vu l’avis de la commission des contributions directes, et des agents de - l’administration des contributions directes;</p> - - <p>Vu la lettre, en date du 28 février 1881, par laquelle le Préfet de la - Seine, transmet le présent pourvoi;</p> - - <p>Ensemble le rapport du directeur des contributions directes;</p> - - <p>Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;</p> - - <p>Vu la loi du 21 avril 1832;</p> - - <p>Ouï, M. Bonnieu, auditeur, en son rapport;</p> - - <p>Ouï, M. Chante-Grellet, maître des requêtes, commissaire du - Gouvernement, en ses conclusions;</p> - - <p>Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 21 avril 1832, - la contribution personnelle et mobilière est due par chaque habitant - français ou étranger de tout sexe jouissant de ses droits et non réputé - indigent; que d’après le même article, les garçons et filles majeurs ou - mineurs, ayant des moyens suffisants d’existence, sont considérés comme - jouissant de leurs droits;</p> - - <p>Considérant qu’il résulte de l’instruction que la demoiselle <span class="pagenum" id="Page_154">154</span> - Hubertine Auclert jouit de ses droits dans le sens de l’article 12 - précité; que, dès lors; c’est avec raison qu’elle a été maintenue par - le conseil de Préfecture de la Seine, à la contribution personnelle et - mobilière à laquelle elle a été imposée pour 1880 sur le rôle de la - ville de Paris,</p> - - <p>Décide:</p> - - <p class="center">Article 1<sup>er</sup></p> - - <p>La requête de la demoiselle Hubertine Auclert est rejetée.</p> - - <p class="center">Art. 2</p> - - <p>Expédition de la présente décision sera transmise au ministre des - finances.</p> - - <p>Délibérée dans la séance du 31 mai 1881 où siégeaient MM. - Laferrière président; Bertout, Braun, Tirman, Colonna-Ceccaldi, - conseillers d’Etat, et Romieu, auditeur, rapporteur.</p> - - <p>Lue en séance publique le 8 avril 1881.</p> - - <p class="rsignature">Le président de la section du contentieux</p> - - <p class="rsignature4">Signé: <span class="smcap">Ed. Laferrière</span>.</p> -</div> - -<p>Le Conseil d’Etat invoque la subtilité de la loi qui me fait considérer -comme jouissant de mes droits lorsqu’il s’agit de payer les impôts, et -qui, quand je veux exercer ces droits, me les dénie.</p> - -<p>Si pour les élections je voulais essayer de voter, je suis certaine -que l’on me repousserait de l’urne électorale <span class="pagenum" id="Page_155">155</span> avec cette -formule:—Vous ne jouissez pas de vos droits!</p> - -<p>Dans tous les actes de la vie sociale et politique, on me dit que je -ne jouis pas de mes droits. Cependant quand arrive le moment de payer -l’impôt, que, pour ce motif, je demande à en être déchargée; on me -répond! «Que je suis considérée comme jouissant de mes droits.»</p> - -<p>Ainsi, moi qui ne jouis pas de mes droits pour voter l’impôt, je -jouirais de mes droits pour le payer?</p> - -<p>Je ne puis cependant être à la fois capable et incapable. Capable pour -donner mon argent; et incapable, pour contrôler l’emploi qu’on en fait.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_156">156</span></p> - <h2 id="ch_29">LE DROIT POUR LES FEMMES DE PÉTITIONNER</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p class="souschapitre"><i>Pétitions remarquées.</i></p> - -<p>Les Françaises doivent à M<sup>me</sup> Jeanne Deroin, à MM. Schoelcher et -Crémieux, d’avoir conservé le droit de pétitionner.</p> - -<p>Quand en avril 1851 un député, M. Chapot, fit à l’assemblée législative -la proposition de supprimer pour les femmes le droit de pétition en -matière politique, Jeanne Deroin alors détenue politique, protesta du -fond de sa prison, pria les citoyens représentants de ne point enlever -aux femmes le droit de pétitionner.</p> - -<p>La question vint en discussion le 24 juin 1851<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>. Le rapporteur M. -Quantin-Bauchard, commença par trouver plaisant qu’une seule femme -réclamât contre l’interdiction du droit de pétitionner:—«Il s’agissait -pour elles, dit-il, de prouver qu’elles sont capables de se servir du -droit de pétition, en pétitionnant contre leur exclusion de ce droit.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_157">157</span></p> - -<p>—A droite:—C’est cela! C’est cela!</p> - -<p>M. Quantin-Bauchard—Eh bien, il y a une femme, une seule, qui a -réclamé (explosion de rires), et c’est notre honorable collègue Laurent -de l’Ardèche, qui s’est fait l’avocat des dames pétitionnaires en -matière politique.</p> - -<p class="dottedline"> </p> - -<p>—Vous sentez que c’est là une question de décence publique, de dignité -parlementaire. Comment! il arrivera une pétition signée dans un sens -par le mari, signée dans un autre par la femme! Quels seraient donc -l’autorité et le sexe qui domineraient ici?»</p> - -<p>Tout le monde cependant n’était pas convaincu, puisque le 2 juillet M. -Schoelcher proposa un amendement pour maintenir aux femmes le droit de -pétitionner. Cet amendement chaleureusement défendu par M. Crémieux, -fut adopté à l’unanimité au milieu de l’hilarité générale.—Ces députés -riaient d’avoir été empêchés de jouer un bon tour aux femmes spoliées, -en leur interdisant de réclamer.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Pétition pour demander le droit de vote ou l’exonération de -l’impôt.</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p> - - <p>«Nous nous sommes adressées à toutes les juridictions: Le maire, - le préfet, le conseil de préfecture, le conseil d’Etat, pour être - déchargées du devoir de payer les impôts ou être admises à exercer - notre droit de vote. Toutes les juridictions nous ont répondu que - leur compétence ne <span class="pagenum" id="Page_158">158</span> pouvait aller jusqu’à nous faire justice, - que nous devions nous adresser à vous.</p> - - <p>«Nous avons, messieurs, l’honneur de vous présenter notre requête. - La corrélation entre l’obligation de payer l’impôt et le droit de - le voter est indiscutable. Nous espérons que vous nous accorderez - le droit de voter, c’est-à-dire le pouvoir de contrôler ou de faire - contrôler l’emploi de notre argent, ou que vous nous dispenserez de - payer.</p> - - <p>«Si les hommes ont besoin de l’apport des femmes, qu’ils les - traitent en associées et non en esclaves rançonnées. Nous voulons - bien participer aux charges qui incombent aux habitants de notre - pays, mais nous voulons jouir des droits qui découlent de ces - charges. Pour être contribuables, nous voulons être électeurs.</p> - - <p>«L’impôt ne peut être consenti que par les ayants droit au vote; - pendant que nous ne sommes pas de ceux-ci, nous ne devons rien à - l’Etat. Vous aurez, messieurs, l’impartialité de le reconnaître et - d’établir ce grand principe de justice sociale, à savoir: que dans - un pays où les femmes n’ont pas de droits, les femmes ne peuvent - non plus avoir de charges.</p> - - <p class="rsignature3"><span class="smcap">Hubertine Auclert</span>,»</p> - - <p class="rsignature4">12, rue Cail, directrice de la <i>Citoyenne</i>.</p> - - <p class="rsignature3"><span class="smcap">Veuve Bonnaire</span>,</p> - - <p class="rsignature4">103, boulevard de la Gare, commerçante et prop<sup>re</sup>.</p> - - <p class="rsignature3"><span class="smcap">Veuve Leprou</span>,</p> - - <p class="rsignature4">à Pontlieu (Sarthe), relieuse et propriétaire.</p> -</div> - -<p>Cette pétition a été écartée par l’ordre du jour.</p> - -<p>En 1882 au moment où il fut question de reviser la <span class="pagenum" id="Page_159">159</span> Constitution -nous demandâmes par la pétition suivante que les femmes coopèrent à -cette revision.</p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">Messieurs les Députés,</p> - - <p>«Permettez-nous d’introduire dans votre discussion sur la revision - intégrale ou partielle de la Constitution, une question bien - plus importante que toutes celles qui vous divisent: la question - d’admettre les femmes comme membres du Congrès, pour reviser la - Constitution.</p> - - <p>«Si vous voulez réellement faire une constitution républicaine, - vous devez décréter que vos mères, vos sœurs, vos épouses, vos - filles, les femmes qui portent le beau nom de Françaises—Franques, - c’est-à-dire libres—sont affranchies de l’esclavage et jouissent - de toutes les prérogatives qu’ont les hommes.</p> - - <p>«Vous trouvez mauvais que les femmes acceptent les dogmes, - ne serait-ce pas aussi mauvais que les femmes acceptent sans - discussion, sans examen, les lois qui sont au temporel ce que - les dogmes sont au spirituel? Pour que les femmes respectent la - Constitution, pour qu’elles s’y soumettent, il faut qu’elles - participent à sa confection.</p> - - <p>«L’équité la plus élémentaire, vous conseille d’appeler les femmes - au Congrès, pour qu’elles y réclament l’exercice de leurs droits de - citoyennes.</p> - - <p>«Comment, pourriez-vous tenir plus longtemps en dehors de - l’administration des affaires publiques, les femmes sur lesquelles - reposent la sécurité et le crédit de la France?</p> - - <p>«Vous vous inspirerez de ces considérations sérieuses, messieurs, - et si vous voulez réellement fonder la République, vous laisserez - aux générations, une Constitution qui donne aux hommes et femmes, - les mêmes droits.»</p> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_160">160</span></p> - -<p>Le rapporteur de la commission des pétitions de la chambre, M. Frédéric -Thomas, conclut dans les termes suivants au rejet de la pétition:</p> - -<div class="quote"> - <p>«La demoiselle Hubertine Auclert paraît remplie de confiance, elle - se flatte que les destinataires de sa pétition s’inspireront de ses - considérations sérieuses. L’épithète de sérieuse peut passer pour une - qualification ambitieuse; regardons-la, comme l’illusion d’un cœur - sensible et aventureux et ménageons-la, sans espérer la guérir en la - traitant, sinon par cette fin de non recevoir rigoureuse de la question - préalable, du moins par cette exception plus courtoise de l’ordre du - jour.»</p> -</div> - -<p>Ces injures ne nous découragèrent pas, et une nouvelle pétition -réclamant l’électorat et l’éligibilité pour les femmes fut déposée à la -chambre.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Pétition pour demander que ces mots: «Les Français,» qui -comprennent les deux sexes comme contribuables, comprennent les -deux sexes comme électeurs</i>,</p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p> - - <p>«Ce fait que la représentation nationale est exclusivement composée - d’hommes, et d’hommes exclusivement mandatés par des hommes, cause - un préjudice moral et matériel considérable aux femmes. L’absence - des femmes de la législature produit l’injustice de la législation.</p> - - <p>«Dans la discussion et le vote des lois générales, les femmes - n’ayant personne pour prendre la défense de leurs intérêts, leurs - intérêts sont sacrifiés.</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_161">161</span></p> - - <p>«Dans la discussion et le vote des lois qui visent particulièrement - les femmes, les projets qui leur seraient favorables sont écartés, - pour ce principal motif qu’ils gênent l’autocratie masculine, ou - prennent pour les femmes un peu des budgets que les hommes se sont - presque exclusivement attribués.</p> - - <p>«Nous vous demandons, messieurs les députés, de décider que - ces mots «<i>Les Français</i>» soient interprétés dans la loi - électorale comme ils le sont dans la loi civile. Ces mots «<i>Les - Français</i>» qui comprennent les deux sexes comme contribuables - doivent comprendre les deux sexes comme électeurs, donc, leur - conférer, au même titre, le droit au vote municipal et politique, - le droit à l’éligibilité.</p> - - <p>«Les femmes ont autant d’intérêt que les hommes à la confection des - bonnes lois, à la répartition équitable des budgets. Or, l’exercice - des droits civiques est le seul moyen pour elles de contrôler ce - qui se fait, de garantir à la fois leurs intérêts et leur liberté.</p> -</div> - -<p>Cette pétition couverte de plus de mille signatures fut rejetée par -l’ordre du jour.</p> - -<p>M. Cavaignac dit dans son rapport: «Il n’est pas permis de parler -légèrement d’une thèse dont des hommes éminents et parmi eux Stuart -Mill, se sont faits les défenseurs éloquents. Mais l’opinion n’est pas -suffisamment préparée, à voir siéger sur les bancs de nos assemblées, -un élément étranger au sexe masculin. Les femmes ne sont pas préparées -au maniement des affaires publiques.»</p> - -<p>Hé! ce ne sera qu’en votant et en légiférant que les femmes deviendront -d’habiles législatrices.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_162">162</span></p> - -<p>Tous les journaux parlèrent de cette pétition.</p> - -<p>La <i>Presse</i> trouva la réponse de la commission des pétitions -dangereuse. Elle semble, dit-elle, encourager M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert -à persévérer et à gagner l’opinion publique à une idée qui est fausse.</p> - -<p>Le <i>Figaro</i> appuya notre revendication.</p> - -<p>«Comment, dit-il, n’être pas choqué à l’idée qu’une de ces femmes de -tête, comme on en compte par milliers dans le commerce ou l’industrie, -ou bien une de ces femmes de haut luxe, résumant en elle la culture -de vingt générations n’ait pas sur les affaires publiques, la part -d’influence que personne n’oserait contester aujourd’hui au charretier -de la marchande, ou au palefrenier de la grande dame.</p> - -<p>Changeons de monde si vous voulez; comparez la ménagère laborieuse, -économe, martyre du mariage et de la maternité, qui vient chercher le -jour de paie, à l’atelier, son mari ivrogne et qui tâche de sauver des -cabarets le modeste pécule de la maisonnée! L’être maculé de vin et de -boue, dégradé, abruti, immonde, qui heurte les murailles et qui bat sa -femme—c’est l’électeur. C’est lui dont on défend les droits, c’est lui -qu’il est urgent de représenter.</p> - -<p>La femme, la victime ne compte pas; elle n’est pas «suffisamment -préparée.»</p> - -<p>Dans La <i>Bataille</i> M. Lissagaray réfuta en ces termes le -rapport de M. Cavaignac: «Le vote des femmes est le corollaire fatal -du suffrage universel, comme la vie politique est le corollaire -de l’affranchissement des <span class="pagenum" id="Page_163">163</span> noirs; où il y a identité absolue -d’intérêt, il ne saurait exister de différence dans le droit.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Pétition au Congrès de Versailles</i><br /> -(<i>12 Août 1884</i>)<br /><br /> -<i>A Messieurs les membres du Congrès</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">Messieurs,</p> - - <p>Nous venons rappeler à votre mémoire l’existence des femmes, - existence dont vous paraissez vouloir vous abstenir de tenir compte - en revisant la Constitution.</p> - - <p>Veuillez vous souvenir que les femmes sont la moitié de la nation.</p> - - <p>Responsables, contribuables, membres de la société, les femmes sont - au même titre que les hommes des ayants droit.</p> - - <p>Pour que la France entière soit représentée aux Chambres, pour que - le suffrage soit véritablement universel, il faut que les femmes - soient électrices.</p> - - <p>Vous voulez supprimer le suffrage restreint pour l’élection des - sénateurs, supprimez, en même temps, le suffrage restreint pour - l’élection des députés; appelez les femmes à voter comme les hommes.</p> - - <p>Nous vous prions, messieurs, d’introduire dans la nouvelle - Constitution, un paragraphe qui autorise les femmes à exercer leurs - droits de Françaises et de citoyennes.</p> - - <p>Vous ne feriez pas une Constitution républicaine, si vous - conserviez dans la loi, pour ces égaux devant les charges—les - femmes et les hommes—l’inégalité devant les droits.</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_164">164</span></p> - - <p>Une Constitution qui diviserait toujours la nation en deux camps, - celui des rois—les hommes souverains—et celui des esclaves—les - femmes exploitées—serait une Constitution autocratique et mort-née.</p> - - <p>Nous vous demandons, Messieurs, au nom des femmes de France, et - dans l’intérêt des hommes et des femmes, d’avoir le courage de - faire une Constitution qui donne à tous, Français et Françaises, - avec les mêmes devoirs, les mêmes droits.</p> - - <p>Pour le Cercle du Suffrage des Femmes:</p> - - <p class="rsignature3"><i>La déléguée</i></p> - - <p class="rsignature4"><span class="smcap">Hubertine Auclert</span>.</p> -</div> - -<p>Cette pétition est venue à l’ordre du jour de la huitième séance, et, -chose curieuse, c’est un nègre, c’est-à-dire un homme qui, en raison de -la couleur de sa peau a été victime des préjugés, qui est monté à la -tribune proposer de maintenir les préjugés de sexe.</p> - -<p>Malgré le respect qu’elle professe pour les dames, a dit M. -Gerville-Réache (<i>rires</i>)<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a>, la commission ne croit pas -nécessaire de leur accorder des droits politiques et de leur imposer -les devoirs politiques qui appartiennent aux citoyens français. Elle ne -croit pas non plus que ce vœu soit celui de la majorité des Françaises. -La commission propose donc l’ordre du jour sur cette pétition.</p> - -<p>Ce n’est pas galant s’écria un membre de la gauche.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_165">165</span></p> - -<p>M. Raoul Duval ne s’explique pas pourquoi de simples aspirantes à -l’électorat sont traitées plus favorablement que des membres de -l’assemblée nationale.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Opinion de la presse sur notre pétition.</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="center"><i>Le Temps</i></p> - - <p>On ne saurait reprocher à l’Assemblée nationale d’avoir manqué de - courtoisie envers les dames, M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert, directrice - du journal la <i>Citoyenne</i>, organe des droits sociaux et - politiques de la femme, plus heureuse que M. Barodet et nombre - d’autres membres du sexe laid, n’a pas eu à subir l’affront de - la question préalable pour sa pétition relative à l’électorat - des femmes. Cette pétition a eu les honneurs d’un rapport à la - tribune et on ne lui a opposé que l’ordre du jour pur et simple, - ce qui, en pareille matière, est presque un succès, car M<sup>lle</sup> - Auclert, quelle que soit la ferveur de son apostolat, ne pouvait - s’être fait cette illusion que le Congrès, quittant toutes autres - préoccupations, allait consacrer une partie de son temps à discuter - sérieusement le point de savoir si les femmes seraient mises, pour - l’exercice des droits politiques, sur le même pied que les hommes.</p> - - <p>M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert doit donc se trouver très heureuse - d’avoir occupé, ne fût-ce que pendant quelques instants l’attention - du Congrès. Pareille fortune n’est pas advenue à tout le monde.</p> -</div> - -<div class="blockquote"> - <p class="center"><i>Le XIX<sup>e</sup> siècle</i></p> - - <p>M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert ne cesse pas de revendiquer en faveur - des femmes. Sa pétition au Congrès demandait pour les femmes - l’électorat et l’éligibilité politiques. Elle était <span class="pagenum" id="Page_166">166</span> fort bien - tournée, cette pétition, et il est certain que si M<sup>lle</sup> Hubertine - Auclert triomphait, les Congrès futurs offriraient un aspect plus - agréable que les Congrès d’aujourd’hui. Mais la pétition de M<sup>lle</sup> - Hubertine Auclert n’a obtenu du Congrès que la question préalable, - tout comme un amendement, tempérée par un mot gracieux et galant - du rapporteur. C’est à recommencer et vous pouvez compter que la - pétitionnaire recommencera. Rien ne la lasse. Et elle tient à faire - mentir les ennemis des femmes qui prétendent que le sexe n’a pas - l’esprit de suite dans ses entreprises!</p> - - <p class="rsignature4"><span class="smcap">Henri Fouquier</span></p> -</div> - -<div class="blockquote"> - <p class="center"><i>Le Soleil</i></p> - - <p>Dans une tribune quelques femmes ont applaudi le nom de M<sup>lle</sup> - Hubertine. Auclert. Cette manifestation a été très vite réprimée - sur les ordres de la questure.</p> -</div> - -<div class="blockquote"> - <p class="center"><i>Le Moniteur universel</i></p> - - <p>M<sup>lle</sup> <i>Hubertine Auclert</i> rappelle avec raison que les - femmes sont au même titre que les hommes des ayants droit.</p> - - <p>Voyez combien vous êtes injustes; vous inventez le suffrage - universel, et vous ne vous apercevez pas qu’il n’y a rien de moins - universel que ce suffrage.</p> - - <p>Vous avez exclu les femmes; pourquoi cela?</p> - - <p>Avez-vous donc peur qu’elles usent mal du droit de vote?</p> - - <p>J’en appelle à toutes les mères de famille; que font-elles donc du - matin au soir, si ce n’est d’exercer, comme on disait autrefois, un - véritable sacerdoce?</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_167">167</span></p> - - <p>Et quoi, une mère élève son enfant, et cet enfant lui doit tout ce - qu’il est; elle fait tout cela, et vous dites qu’elle est incapable - de nommer des députés?</p> - - <p>Laissez-moi vous le dire, quand on crée des hommes, on a bien le - moyen de faire des députés.</p> - - <p>On a même le moyen d’en faire de très bons; est-ce par hasard cela - qui vous fait peur?</p> - - <p>La femme est un être essentiellement civilisé: prenez-la dans un - tel milieu que vous voudrez; si défectueuse que soit son éducation, - si incomplète que soit son instruction, ce n’est jamais en vain que - vous ferez appel en elle à tout ce qu’il y a de noble et d’élevé - dans l’humaine nature.</p> - - <p>Ah! tenez, vous vous ôtez le plus clair de vos ressources et votre - arme la plus solide, quand vous vous privez du concours de la femme - dans vos luttes politiques.</p> - - <p class="rsignature4"><span class="smcap">Robinson.</span></p> -</div> - -<div class="blockquote"> - <p class="center"><i>Le Rappel.</i></p> - - <p>Je crois que c’est moi qui ai publié le premier la pétition de - M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert demandant à l’Assemblée nationale - «d’avoir le courage de faire une Constitution qui donnerait à tous - les Français et Françaises avec les mêmes devoirs les mêmes droits - civils et politiques.»</p> - - <p>M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert a dit, entre autres, une chose à laquelle - il ne nous paraît pas très facile de trouver une réponse: c’est que - nous nous prétendons sous le régime du suffrage universel, et que - c’est un drôle de suffrage universel, que celui qui commence par - destituer la moitié du genre humain.</p> - - <p>M. Gerville-Réache a cru répondre en disant qu’il ne croyait - pas que la pétition de M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert répondît <span class="pagenum" id="Page_168">168</span> - au sentiment et au désir de la majorité des Françaises. M. - Gerville-Réache croit-il que l’émancipation des noirs répondît - au sentiment et au désir de la majorité des esclaves? L’état de - sujétion est un état mou et lâche auquel on tient par habitude et - par hébétude, et le premier mouvement est de reculer devant la - liberté, c’est-à-dire devant la responsabilité. Mais ce n’est pas - une raison pour perpétuer la servitude, il faut affranchir les - esclaves et les femmes, même de force.</p> - - <p class="rsignature4"><span class="smcap">Auguste Vacquerie.</span></p> -</div> - -<div class="blockquote"> - <p class="center"><i>Paris.</i></p> - - <p>Quelques orateurs se sont couverts de gloire en <i>blaguant</i> - l’honorable pétitionnaire. Etant donné que les novateurs ont - toujours tort, c’était une besogne trop facile.</p> - - <p>Il n’y a pas un argument sérieux pour combattre le vote des femmes. - On n’ose pas invoquer la question d’intelligence. Cela ferait rire - tous les gens de bonne foi. La femme la plus bête sera toujours - plus fine que l’homme le mieux doué. La femme possède un tact - supérieur: puisque le suffrage universel est entré dans nos mœurs, - il faut, sous peine d’illogisme, l’admettre tout entier. Dans - quelque cinquante ans d’ici, nos petits-neveux seront stupéfaits - d’apprendre qu’on aura attendu un long temps avant de donner à - la femme des droits politiques égaux à ceux de l’homme. Nous - paraîtrons aux yeux des citoyens de l’avenir, aussi stupides que - les membres du concile de Mâcon, qui, à la majorité d’une voix - seulement, décrétèrent que la femme avait une âme.</p> - - <p class="rsignature4"><span class="smcap">Albert Delpit.</span></p> -</div> - - <p><span class="pagenum" id="Page_169">169</span></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="center"><i>Le National.</i></p> - - <p>L’admission des femmes au vote n’est plus qu’une question de temps. - Qui aurait cru, sous Louis XVI, alors que les paysans n’étaient - encore que «ces sortes d’animaux farouches» dont parle La Bruyère, - qu’ils seraient un jour, par le suffrage universel, les véritables - souverains du pays? Ne jetons pas la pierre à M<sup>lle</sup> Hubertine - Auclert, les idées qu’elle défend feront leur chemin.</p> - - <p class="rsignature4"><span class="smcap">Paul Foucher.</span></p> -</div> - -<p class="souschapitre"><i>Pétitionnement organisé par le Journal «La Citoyenne» pour -réclamer le suffrage des femmes</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p> - - <p>«Etant donné que non seulement les intérêts des femmes mais tous - les intérêts français sont gravement compromis par l’absence des - femmes de la législature.</p> - - <p>«Etant donné que, conciliatrices et pacificatrices par excellence, - les femmes rendront possibles sans révolutions les réformes - sociales, dès qu’elles participeront à la vie publique.</p> - - <p>«Etant donné, d’autre part, que les femmes, contribuables et - responsables, sont des ayants-droit qui doivent de concert avec les - hommes, administrer les fonds publics, faire les lois.</p> - - <p>«Nous vous prions, Messieurs les députés, de bien vouloir réformer - la loi électorale de manière qu’elle confère aux femmes les droits - politiques: vote et éligibilité.»</p> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_170">170</span></p> - -<p>Pour le rapporteur de cette pétition M. Escanyé, la question de -l’électorat et de l’éligibilité des femmes est digne des méditations -des philosophes et des publicistes, mais il trouve que le moment n’est -pas venu de lui donner une solution et fait rejeter notre pétition par -l’ordre du jour.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Pétition au Conseil Général de la Seine.</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">Messieurs les conseillers généraux,</p> - - <p>Dans votre séance du 6 juillet, vous avez adopté un vœu d’amnistie - en faveur des falsificateurs et des fraudeurs destitués de leurs - droits civiques.</p> - - <p>Puisque vous êtes à ce point bons et généreux, permettez-moi - d’appeler votre attention sur une catégorie d’individus, bien plus - intéressante que celle qui a été l’objet de votre sollicitude, - et de vous demander d’émettre en faveur des vingt millions de - Françaises, arbitrairement privées de leurs droits de citoyennes, - un vœu d’amnistie qui les relève du crime d’être nées femmes.</p> - - <p>Vous ne pouvez, messieurs les conseillers, avoir moins de pitié - pour les femmes, innocentes victimes des préjugés, que pour les - voleurs, qui en falsifiant les aliments, ont altéré la santé de la - nation et assassiné lentement peut-être des milliers d’individus.</p> - - <p>Je vous prie de mettre fin au monstrueux déni de justice qui - déshonore la République, en émettant le vœu qu’avant les élections - de 1885 les femmes soient mises en possession de leurs droits - électoraux.</p> - - <p>J’espère, messieurs les conseillers généraux, que vous <span class="pagenum" id="Page_171">171</span> voudrez - bien accueillir favorablement la requête que je vous adresse au - nom de mon sexe, et je vous prie d’agréer, avec mes remerciements - anticipés, l’hommage de ma haute considération.</p> - - <p class="rsignature3">Hubertine <span class="smcap">Auclert</span>,</p> - - <p class="rsignature4">Directrice de La <i>Citoyenne</i>.</p> -</div> - -<p class="souschapitre"><i>Conseil Général de la Seine, séance du 2 décembre 1885.</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="hang">ORDRE DU JOUR SUR UNE PÉTITION DE M<sup>lle</sup> HUBERTINE AUCLERT - DEMANDANT QUE LES FEMMES SOIENT MISES EN POSSESSION DE LEURS DROITS - ÉLECTORAUX</p> - - <p><i>M. Georges Berry</i> rapporteur.—M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert a - adressé au conseil général de la Seine une pétition ayant pour but - de faire appuyer, par un vœu de cette assemblée, les revendications - qu’elle ne cesse de faire au sujet du droit électoral des femmes.</p> - - <p>«Tout le monde connaît, en effet, les efforts mémorables de M<sup>lle</sup> - Hubertine Auclert, qui a fait une agitation de tous les instants autour - de la question du vote des femmes.</p> - - <p>«Tantôt, elle réclame son inscription sur les listes électorales et - épuise en vain les juridictions sans se décourager.</p> - - <p>«Tantôt elle refuse de payer ses contributions, sous prétexte que si - elle n’a pas les droits d’un citoyen, elle ne saurait en avoir les - charges.</p> - - <p>«Tantôt, enfin, elle fait signer des pétitions pour le Sénat et la - Chambre des députés.</p> - - <p>«Aujourd’hui, c’est nous que M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert <span class="pagenum" id="Page_172">172</span> charge du - soin de saisir de nouveau les pouvoirs publics.</p> - - <p>«Les femmes, dit M<sup>lle</sup> Auclert, ont les mêmes charges que les hommes, - pourquoi n’ont-elles pas les mêmes droits? Elles sont en outre, au - moins aussi intelligentes qu’eux? pourquoi dès lors leur refuser de - prendre part à la confection des lois, où, entre parenthèse, elles sont - abominablement sacrifiées, et à la discussion d’un budget qui absorbe - leurs finances?</p> - - <p class="br">«La nature de la femme dit M. Georges Berry, son caractère, son rôle - dans la vie, sont autant de motifs qui doivent la faire exclure de la - scène politique.</p> - - <p>«Chez la femme l’élément sensuel domine l’élément intellectuel. Quels - hommes d’affaires choisiront ces dames?</p> - - <p>«Si les femmes deviennent électeurs, elles deviendront du même - coup éligibles et je crains qu’elles soient aussi mauvais députés - qu’imparfaits électeurs.</p> - - <p>«La femme n’a aucune aptitude pour les fonctions publiques. Ce qui - prouve son incompétence en politique, c’est l’attraction qu’elle subit - de la part de tout ce qui est faux.</p> - - <p>«La véracité et la précision sont des traits caractéristiques - masculins!...</p> - - <p class="dottedline"> </p> - - <p>quels gâchis! quelles intrigues indignes de la représentation - nationale! quelles lois contradictoires! quelle majorité versatile! que - de séances perdues, dans cette assemblée des deux sexes...»</p> - - <p>Quand M. Georges Berry a été las d’insulter les femmes, il s’est excusé - d’avoir été aussi grossier envers elles. «Si je leur ai dit tant de - choses désagréables, s’est-il écrié, c’est leur faute, elles n’avaient - qu’à ne pas réclamer leurs droits au conseil général.» Aujourd’hui le - gouvernement <span class="pagenum" id="Page_173">173</span> laisse tout dire et tout faire aux petites filles - d’Olympe de Gouges. Finalement il demande de passer à l’ordre du jour - sur la pétition de M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert:</p> - - <p><i>M. Cattiaux.</i>—Messieurs, je ne viens pas réclamer aujourd’hui - le droit de vote en faveur des femmes, par cette seule raison que leur - éducation a été trop négligée.</p> - - <p>Quant à ce droit lui-même, il est incontestable (Réclamations) nous ne - pouvons qu’en retarder l’avènement.</p> - - <p>La femme a des charges comme les hommes; n’élève-t-elle pas seule ses - enfants après la mort de son mari ou quand elle est fille-mère,—plutôt - par la faute de l’homme que par la sienne.</p> - - <p>Or, vous ne faites pas pour elle ce que vous devriez faire: laissez-lui - donc alors revendiquer ses droits et puisqu’elle n’a pas d’autre moyen - de les faire triompher que le vote, donnez-lui le pouvoir de voter?</p> - - <p><i>M. Michelin.</i>—Il s’agit de statuer sur le rapport de M. Georges - Berry.—Je viens combattre les conclusions de ce rapport et me déclarer - très nettement pour le droit des femmes.</p> - - <p><i>M. Monteil.</i>—Il faut dire cela à la Chambre.</p> - - <p><i>M. Michelin.</i>—Je suis disposé à le faire, Monsieur Monteil.</p> - - <p>J’estime que, dans une République, la femme doit être traitée autrement - que sous les lois de l’Eglise et de la monarchie.</p> - - <p><i>M. Maurice Binder.</i>—Si les femmes votaient, la République n’en - aurait pas pour vingt-quatre heures!</p> - - <p><i>M. Michelin.</i>—Je sais qu’il est contraire aux principes de - l’Eglise de donner aux femmes des droits, et même un concile s’est - réuni pour étudier la question de savoir si la femme avait une âme.</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_174">174</span></p> - - <p>Il appartient à la société moderne d’émanciper la femme au point de vue - civil, au point de vue politique.</p> - - <p>Au point de vue municipal et politique, je demande que l’on commence au - moins par reconnaître le droit de vote des femmes dans les élections - communales. Des femmes ont souvent des intérêts considérables dans - une commune et l’on ne comprend pas qu’elles ne soient pas appelées à - voter, pour défendre ces intérêts.</p> - - <p>J’irai plus loin et je voterai l’admission des femmes aux droits - politiques. Nous ne devons pas établir deux catégories de citoyens. - Je sais très bien qu’aujourd’hui l’éducation de la femme est le plus - souvent cléricale; mais, fort heureusement, les idées marchent et, - avant peu, je l’espère, la femme sera complètement affranchie du - confessionnal et des superstitions du Moyen Age. Le meilleur moyen de - parvenir à ce résultat, est de reconnaître les droits de la femme.</p> - - <p>Il est grandement temps, messieurs, de s’occuper de la condition de la - femme dans notre société moderne.</p> - - <p>Je suis convaincu que le Conseil général ne voudra pas sanctionner - le rapport très spirituel de M. Berry, mais qui vous propose des - conclusions contraires à l’équité; qu’il envisagera de haut cette - question et dira très nettement, que la femme, dans la société moderne, - n’a pas les droits qu’elle doit avoir.</p> - - <p><i>M. le Président.</i>—Le scrutin est ouvert sur les conclusions de - la Commission.</p> - - <table class="tablematieres" id="table01" summary=""> - <colgroup span="2"> - <col width="90%" /> - <col width="10%" /> - </colgroup> - <tbody> - <tr> - <td class="tdlbl">Nombre de votants</td> - <td class="tdrb">48</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Majorité absolue</td> - <td class="tdrb">25</td> - </tr> - </tbody> - </table> - - <p>Onze ont voté contre le rapport de M. Georges Berry, c’est-à-dire pour - le suffrage des femmes:</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_175">175</span></p> - - <p>MM. Cattiaux, Chabert, Chassaing, Decorse, Desmoulins, Jacquet, - Michelin, Navarre, Piperaud, Rousselle, Paul Viguier.</p> - - <p>37 ont voté pour le rapport réactionnaire de M. Berry. Voici les noms - de ces partisans de la royauté masculine.</p> - - <p>MM. Léopold Auguste, Bartholoni, Georges Berry, Maurice Binder, Boll, - Collin, Combes, Cusset, Darlot, Delhomme, Desalys, Després, Dufaure, - Gamard, Guichard, Ernest Hamel, Hattat, Jacques, Alfred Lamoureux, - Leclerc, Lefoullon, Lerolle, Stanislas Leven, Levraud, Maillard, Mathé, - Mayer, Millerand, Monteil, Patenne, Réty, Riant, Robinet, Ruel Sauton, - Simoneau, Weber.</p> - - <p>Excusés:</p> - - <p>MM. Hubbard, Rouzé, Songeon.</p> - - <p>Enfin, voici les noms des abstentionnistes qui ont eu peur de se nuire - en étant justes.</p> - - <p>MM. Armengaud, Boué, Braleret, Cernesson, Chautemps, Cochin, Curé, - Davoust, Delabrousse, Deligny, Depasse, Deschamps, Dreyfus, Dujarrier, - Frère, Gaufrès, Hervieux, Jobbé-Duval, Lefèvre, Narcisse Leven, - Lyon-Alemand, Marsoulan, Marius Martin, de Ménorval, Mesureur, Muzet, - Pichon, Emile Raspail, Aristide Rey, Reygeal, Strauss, Stupuy, - Vaillant, Vauthier, Villard, Voisin.</p> -</div> - -<p class="souschapitre"><i>Pétition demandant l’électorat pour les célibataires et les -veuves.</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Messieurs les Sénateurs,</p> - - <p class="ldestinataire">«Messieurs les Députés,</p> - - <p>«Permettez-nous d’appeler votre attention sur la condition—de mise - hors le droit commun—qui est conservée à la femme sous la République.</p> - - <p><span class="pagenum" id="Page_176">176</span></p> - - <p>«Les femmes responsables et contribuables—qui sont comme les hommes - des ayants droit à contrôler l’emploi de l’argent qu’elles versent au - Trésor et à faire les lois qu’elles subissent—sont encore dans la - société destituées de tous les droits.</p> - - <p>Nous vous demandons, Messieurs, d’accorder au moins à celles de ces - femmes—<span class="smcap">LES CÉLIBATAIRES ET LES VEUVES</span>—dont les intérêts ne - sont représentés par personne dans les assemblées élues, le pouvoir - de garantir leur sécurité et de sauvegarder leurs affaires privées en - participant à la gestion des affaires publiques.</p> - - <p>Les femmes célibataires et veuves ne sont pas mineures, quant à leurs - biens personnels, pourquoi le seraient-elles relativement à leur part - indivise des biens de la Commune et de l’Etat? Le pouvoir qu’elles ont - d’administrer leur fortune privée doit—pour être effectif—avoir pour - corollaire le pouvoir d’administrer leur fortune publique.</p> - - <p>Nous espérons, Messieurs, que vous accorderez à la moitié déshéritée - de la nation française un commencement de justice, en autorisant les - célibataires et les veuves à exercer leurs droits de citoyennes.»</p> -</div> - -<p>Cette pétition, a été à la Chambre et au Sénat, écartée par l’ordre du -jour:</p> - -<p class="souschapitre"><i>A la Chambre des Députés.</i></p> - -<p>M. de Lévis-Mirepoix, rapporteur, après avoir rappelé ma campagne en -faveur des droits politiques des femmes dit:</p> - -<p>«Aujourd’hui, dans une pétition différente en apparence, mais -absolument identique quant au fond, et <span class="pagenum" id="Page_177">177</span> avec une subtilité -d’imagination que nous ne voulons pas lui contester, la demoiselle -Hubertine Auclert, réduisant habilement ses prétentions à une classe -spéciale de femmes, sollicite l’exercice des droits politiques pour -les veuves et les célibataires dont les intérêts ne sont, dit-elle, -représentés par personne: elle espère ainsi, par une argumentation -spécieuse qui ne manque pas d’une certaine valeur, faire admettre -le principe cher à ses rêves, mais qui, une fois introduit dans la -législation, ne manquerait pas d’y prendre une dangereuse extension».</p> - -<p>«En effet, si ces arguments prévalaient, il faudrait étendre les mêmes -droits à toutes les femmes qui, pour des causes diverses, sont privées -de quelqu’un pouvant représenter leurs intérêts. La commission ne veut -pas s’appesantir sur les graves inconvénients qu’entraînerait une telle -innovation.»</p> - -<p>Au Sénat M. de la Sicotière, rapporteur, dit: «Tout en imitant la -courtoisie dont l’autre chambre a toujours fait preuve à l’endroit de -la pétitionnaire, nous avons le regret de ne pouvoir vous proposer que -l’ordre du jour.</p> - -<p>«Après les veuves et les célibataires, toutes les affranchies de la -tutelle maritale réclameraient l’exercice des droits civiques et par la -brèche ainsi ouverte, toutes les femmes finiraient par passer.»</p> - -<p>Les journaux trouvèrent cette pétition très juste.—«On ne peut, dit le -<i>Figaro</i>, alléguer d’autres raisons que le préjugé contre le vote -des femmes célibataires <span class="pagenum" id="Page_178">178</span> et veuves qui ne sont pas mineures quant à -leurs biens personnels».</p> - -<p class="souschapitre"><i>Pétition réclamant le suffrage pour les filles majeures, les veuves, -les divorcées.</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Messieurs les Députés</p> - - <p>«Nous vous prions de conférer le droit électoral aux millions de - Françaises célibataires:—les filles majeures, les veuves, les - divorcées—qui sont maîtresses de leur personne, de leur fortune, - de leurs gains afin qu’elles puissent en votant, sauvegarder, dans - la commune et dans l’Etat, leurs intérêts qui sont actuellement - laissés à l’abandon.»</p> -</div> - -<p>Cette pétition circula avec succès dans les milieux les plus divers; -dans les cafés, les marchés, les halles en les galeries de l’exposition -de 1900, elle fut couverte de plus de trois mille signatures et déposée -par M. Clovis Hugues sur le bureau de la Chambre en 1901.</p> - -<p>M. Gautret qui avait signé cette pétition et avait demandé à la -déposer; sournoisement, la transforma en projet de loi, comme il avait -déjà transformé en projet de loi notre pétition réclamant la loi des -sièges. Il nous écrivit «qu’en agissant ainsi, il avait eu la ferme -intention d’aboutir plus vite.» Ne nous plaignons pas, que l’on trouve -bonnes nos idées.</p> - -<p>Notre pétition et la proposition de loi renvoyées à la commission du -suffrage universel, ne sont pas venues à l’ordre du jour.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_179">179</span></p> - -<p class="souschapitre"><i>Pétition aux Conseillers généraux de la Seine.</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Messieurs les conseillers généraux,</p> - - <p>«Vos efforts pour faire progresser les êtres et les choses - m’excitent à croire que plus encore que les conseillers qui vous - ont précédés, vous êtes résolus à pousser en avant l’humanité. - C’est donc avec confiance que je viens vous prier—comme j’ai prié - il y a vingt-et-un ans vos prédécesseurs—d’émettre un vœu pour que - les femmes soient appelées à exercer leurs droits électoraux.</p> - - <p>«Ces droits, qui sont pour l’être humain les meilleurs instruments - d’émancipation, sont aussi la plus sûre garantie de n’être point - lésé, quand surviennent des changements dans l’ordre social et la - condition des individus.</p> - - <p>«Veuillez, messieurs, considérer que la question de la propriété - est à l’ordre du jour. Or, si le capital et la propriété étaient - socialisés avant que les femmes soient électeurs, ces malheureuses - ne récupéreraient pas en la société nouvelle ce qui leur aurait - été pris, attendu que les fonctions, les emplois, le bon travail - seraient monopolisés par les électeurs-souverains; donc, plus - encore que maintenant, les déshéritées du droit seraient des êtres - de peine, des bêtes à plaisir.</p> - - <p>«Sachant que les désirs que vous exprimez sont des ordres pour le - Parlement, vous ne voudrez pas vous soustraire au devoir de faire - se transformer la République de nom en République de fait, en - aidant les matrices de la nation à devenir citoyennes!</p> - - <p>«Vous voterez en 1906 la proposition qui fut examinée <span class="pagenum" id="Page_180">180</span> par vos - prédécesseurs en 1885, ainsi que l’atteste le Bulletin municipal - officiel du 3 décembre 1885.</p> - - <p>«Votre dévouement au bien public vous incitera à faire bénéficier - le pays de l’intégralité de l’intelligence de ses habitants de l’un - et de l’autre sexe; aussi, messieurs les conseillers généraux, - j’espère que vous accueillerez favorablement la requête que je vous - adresse au nom des Françaises, et je vous demande de vouloir bien - agréer mes remerciements anticipés.</p> - - <p class="rsignature4">«Hubertine <span class="smcap">Auclert</span>.»</p> -</div> - -<p class="center"><i>Conseil Général de la Seine,<br /> -séance du 20 novembre 1907.</i></p> - -<p>Vœu relatif à la participation des femmes aux droits électoraux.</p> - -<p>M. d’Aulan rapporteur.—Messieurs, votre 4<sup>e</sup> commission m’a chargé de -rapporter favorablement un vœu présenté par M<sup>me</sup> Hubertine Auclert en -faveur de la «participation des femmes aux droits électoraux.»</p> - -<p>M<sup>me</sup> Hubertine Auclert exprime son espoir de voir obtenir un meilleur -sort au même vœu qu’elle présenta il y a 21 ans—et nous devons louer -sa persévérance-au Conseil Général.</p> - -<p>A cette époque que je n’ose dire lointaine—quelques-uns de nos -collègues déjà nubiles auraient pu apprécier la valeur de la requête -«en aidant les matrices <span class="pagenum" id="Page_181">181</span> de la nation à devenir citoyennes» selon -l’expression de M<sup>me</sup> Hubertine Auclert.</p> - -<p class="dottedline"> </p> - -<p>J’estime pour mon compte, messieurs, que le beau sexe ne doit pas se -mêler aux luttes politiques, ce serait trop souvent transformer son -sourire en grimace.</p> - -<p><i>M. Thomas.</i>—Pourquoi les femmes ne seraient-elles pas aussi -capables que les hommes en cette matière? Elles sont tout aussi -intelligentes qu’eux.</p> - -<p><i>M. d’Aulan.</i>—Mais j’estime aussi que les femmes qui gèrent des -intérêts de propriété, d’industrie ou de commerce ont droit à donner -leur opinion sur la façon dont nous gérons les intérêts de la ville ou -du département.</p> - -<p>Cela changera-t-il la composition de notre assemblée? Je ne le crois -pas.</p> - -<p>Dans le quartier qu’habite M<sup>me</sup> Hubertine Auclert celui de la -Roquette, où l’on a quelquefois perdu la tête, notre collègue qui -représente le quartier récoltera le suffrage des dames, comme le feront -de l’autre côté du conseil, les conseillers de la rue Marbeuf ou de -l’ex-rue Bréda.</p> - -<p>Aussi, au nom de votre 4<sup>e</sup> commission, ai-je l’honneur de vous -proposer de voter le vœu suivant:</p> - -<p>«Le Conseil Général.</p> - -<p>«Emet le vœu,</p> - -<p>«Que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral pour les -élections au conseil général et au conseil municipal.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_182">182</span></p> - -<p>Adopté:</p> - -<p><i>M. Landrin.</i>—J’ai voté le vœu présenté par la 4<sup>e</sup> commission, -mais il me semble que cette question était suffisamment importante pour -être traitée d’une façon plus sérieuse par M. le rapporteur.</p> - -<p class="br">Tous les journaux ont parlé du vœu émis par le conseil général de la -Seine.</p> - -<p>Le <i>Temps</i> dit: «Sur la demande de M<sup>me</sup> Hubertine Auclert qui -les priait d’aider «les matrices de la nation à devenir citoyennes» les -conseillers généraux ont émis le vœu que les femmes soient appelées à -jouir du droit électoral.</p> - -<p>Ce vœu présenté avec une grâce toute dix-huitième par M. le comte -d’Aulan a été voté à main levée. Le débat court et vif fut empreint -d’une certaine gaieté.»</p> - -<p>Pour Le <i>Figaro</i>. «Le féminisme a remporté une petite victoire -toute platonique, d’ailleurs, mais flatteuse.</p> - -<p>MM. les conseillers généraux ont beaucoup ri et comme la gaieté est -gentille conseillère, le vœu féministe fut adopté à la majorité des -suffrages.»</p> - -<p>Le Petit <i>Journal</i> pense que «Le conseil général a émis un vœu qui -marquera d’une pierre la route vers la conquête du droit de vote qu’ont -entreprise depuis longtemps déjà des groupes féministes...»</p> - -<p>Suivant L’<i>Eclair</i> «le vote du conseil général est par le -succès qu’il souligne un des feuillets intéressants du livre d’or du -féminisme.»</p> - -<p>L’<i>Echo de Paris</i> fait remarquer que «c’est sans discussion -<span class="pagenum" id="Page_183">183</span> que le conseil général à mains levées a voté le vœu favorable -au suffrage des femmes. A la contre épreuve il n’y a même pas eu la -moindre opposition.</p> - -<p>«Evidemment, les féministes préféreraient qu’un tel vœu eût été émis -par le Parlement; mais il y a commencement à tout et puisque les cent -un membres du conseil général se déclarent partisans du droit de -suffrage pour les deux sexes, c’est que l’idée a fait du chemin.»</p> - -<p>Parrhisia écrit dans La <i>Française</i> «une journée qui sera marquée -d’un caillou blanc dans les annales du féminisme, car une grande -victoire y fut remportée, c’est celle où le conseil général adopta le -vœu émanant de M<sup>me</sup> Hubertine Auclert et réclamant pour les femmes la -participation aux droits électoraux.»</p> - -<p class="souschapitre"><i>Pétition pour demander de rendre effectif le vœu émis par les -conseillers généraux de la Seine.</i></p> - -<div class="blockquote"> - <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p> - - <p class="ldestinataire">«Messieurs les sénateurs,</p> - - <p>«Dans sa séance du 20 novembre, le Conseil général de la Seine, a, - sur ma demande, émis le vœu que les femmes soient appelées à jouir - du droit électoral pour les élections au conseil général et au - conseil municipal.</p> - - <p>«Je vous prie de rendre effectif ce vœu, en étendant aux femmes - françaises les droits électoraux, que beaucoup d’Européennes - possèdent.</p> - - <p>«Veuillez, messieurs, considérer que les femmes qui sont <span class="pagenum" id="Page_184">184</span> - à leur grand préjudice, privées des droits électoraux, ont des - facultés d’épargne, sont aptes à s’ingénier, à prévoir, et vous - voudrez, dans l’intérêt général, utiliser leurs qualités.</p> - - <p class="rsignature">«<span class="smcap">Hubertine Auclert.</span>»</p> -</div> - -<p>La commission des pétitions de la chambre, n’a pas même voulu examiner -la proposition de ratifier le vœu émis par le Conseil général de la -Seine et a passé à l’ordre du jour.</p> - -<p>Ne pouvant donner notre suffrage aux conseillers qui ont tenté de -soustraire les femmes à l’exclusion électorale, nous avons fait apposer -des affiches sur lesquelles on lit:</p> - -<div class="blockquote"> - <p><i>Le Suffrage des Femmes, 151, rue de la Roquette.</i></p> - - <p class="br">«<i>Votez</i>, faites <i>voter</i>, pour les <i>Conseillers</i> - qui ont émis un <i>vœu</i> pour que les <i>Femmes</i> soient - <i>électeurs</i>. Les <i>Femmes électeurs</i> seront plus - <i>considérées</i>, mieux <i>rétribuées</i>, leurs facultés - d’épargne rendront possibles toutes les <i>réformes</i>.»</p> -</div> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_185">185</span></p> - <h2 id="ch_30">UN SEXE EST-IL SUPÉRIEUR A L’AUTRE?</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Le docteur Paul Topinard, dans <i>La Revue de la science politique</i>, -dit: «que la différence de volume du cerveau était moindre entre -les sexes aux âges préhistoriques et est moindre chez les sauvages, -qu’elle n’est dans les races civilisées. Le progrès fait s’accentuer -l’inégalité cérébrale. Le genre d’occupation de chacun crée des -inégalités physiques dans le cerveau et dans ses manifestations.</p> - -<p>«Il faut, conclut l’anthropologiste Paul Topinard, se préoccuper de la -femme, lui faire partager nos travaux, notre responsabilité, fournir un -aliment non futile à son activité cérébrale.»</p> - -<p>Selon le docteur Louis Büchner:</p> - -<p>«La prétendue infériorité de la femme, quant au volume cérébral, est -une notion tout à fait erronée. Ce n’est pas dans ses dimensions -absolues, mais dans ses dimensions relatives qu’il faut chercher la -valeur réelle du cerveau; c’est-à-dire dans sa masse comparée à la -masse totale du corps, et la qualité de la matière cérébrale. <span class="pagenum" id="Page_186">186</span> S’il -n’en était ainsi, l’homme occuperait alors dans l’échelle des êtres un -rang bien inférieur à celui de l’éléphant ou de la baleine, qui ont un -cerveau bien plus volumineux que le sien.</p> - -<p>«Si l’on observe que le développement matériel du corps de la femme, -reste en général de beaucoup au-dessous de celui de l’homme, on -trouvera (d’après plusieurs savants) que la grosseur relative du -cerveau de la femme, loin d’être inférieure à celle qu’offre l’homme, -lui serait plutôt sensiblement supérieure.»</p> - -<p><i>Broca</i>, le fondateur de l’<i>Anthropologie en France</i>, -écrivait en 1882:</p> - -<p>«La campagne dirigée contre la femme au point de vue anthropologique -ne trouve pas d’appui dans la crâniométrie. La diminution moyenne de -capacité crânienne chez la femme est en majeure partie due à sa taille.</p> - -<p>«Je crois avoir démontré qu’il y a égalité entre les sexes pour le -développement cérébral et même <i>on pourrait soutenir</i>, fait en -rapport avec ce que l’anatomie comparée indique comme constituant un -véritable progrès morphologique cérébral, <i>que la femme est plus -avancée en évolution que l’homme</i>.»</p> - -<p>M. Louis Lapique a fait cette communication à l’académie des sciences: -«Le poids du cerveau par rapport à l’intelligence, n’a pas plus -d’importance que le poids d’une horloge par rapport à la justesse des -heures qu’elle marque.»</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_187">187</span></p> - -<p>Des savants européens de l’un et de l’autre sexe, prétendent -pouvoir prouver scientifiquement que la femme est en raison de sa -sexualité, supérieure à l’homme; cependant, que des savants américains -prétendent que dans l’avenir: il y aura alternativement une période de -prédominance masculine et une période de prédominance féminine.</p> - -<p>En attendant que les hommes et les femmes l’emportent tour à tour, -les uns sur les autres, il se peut fort bien que le sexe féminin, -infériorisé aujourd’hui, soit durant un temps, considéré comme le sexe -supérieur.</p> - -<p>D’abord, le droit qui partout élève ceux qui le possèdent, fera -s’élargir la mentalité des Françaises, et il les rendra aptes à appeler -à la vie des êtres supérieurs.</p> - -<p>Pourtant, sous leur aspect différent, les deux parties du tout humain, -sont et resteront toujours équivalentes, comme la gauche et la droite -d’un même corps.</p> - -<p>Mais, quand une erreur a été longtemps accréditée, on ne réagit contre -elle qu’en tombant dans l’excès contraire. Pour établir l’égalité des -sexes, il est donc bien possible que l’on dépasse le but proposé, que -l’on exalte celle que l’on a tant dépréciée et rabaissée, en la voyant -prime-sautière, faire pour ascensionner dépense d’énergie.</p> - -<p>En France, il y a près d’un million de femmes de plus que d’hommes, -cependant, il naît beaucoup plus de garçons que de filles.</p> - -<p>Le sexe féminin naît mieux équipé que le sexe masculin <span class="pagenum" id="Page_188">188</span> d’après -M. Henry de Varigny. «Les reins, le foie, le cœur sont plus lourds -chez l’embryon féminin. La femelle est mieux pourvue que le mâle; elle -est physiologiquement plus parfaite que lui. Si la femelle n’a pas la -vigueur du mâle, elle a une force de résistance supérieure à la sienne.</p> - -<p>«La femme a plus de ténacité de vie que l’homme, elle supporte mieux -l’abstinence, elle mange moins, mais profite mieux de ce qu’elle mange.</p> - -<p>«La mortalité masculine l’emporte sur la mortalité féminine. Le sexe -fort, c’est le sexe féminin!»</p> - -<p class="br">Mieux organisées que les hommes, les femmes meurent beaucoup moins -facilement qu’eux.</p> - -<p>«Dès la plus tendre enfance, dit le docteur Perron, sur 1.000 décès de -petits garçons, on n’en compte pas 750 de petites filles.</p> - -<p>«Dira-t-on que les petits garçons ont été victimes de leurs passions, -de leurs fatigues, de leur intempérance?—Non: <i>La supériorité -organique du sexe féminin est native, physiologique</i>.</p> - -<p>«Cette supériorité est surtout manifeste pendant la vie embryonnaire; -sur huit avortements naturels, cinq sont d’enfants mâles.»</p> - -<p>Avant que ne soient faites ces observations scientifiques, ce -dicton:—«Le chagrin fait vivre la femme,» établissait, en même temps -que la longévité, la douloureuse destinée des femmes.</p> - -<p>Ce sont les femmes soustraites à l’oppression masculine: <span class="pagenum" id="Page_189">189</span> les -veuves et les célibataires, qui ont l’existence la plus longue.</p> - -<p>Ce sont les femmes mariées qui ont la vie la plus courte.</p> - -<p>Le cerveau de la femme restant inerte s’atrophie, tandis que le cerveau -de l’homme travaillant s’hypertrophie. On peut donc penser que si les -femmes étaient en la société dans les mêmes conditions que les hommes, -elles seraient loin d’être inférieures à ceux-ci.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_190">190</span></p> - <h2 id="ch_31">M<sup>me</sup> CURIE ET SA DÉCOUVERTE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Quand M<sup>lle</sup> Sklodowska fut reçue docteur es-sciences physiques, sa -thèse avait pour objet, la recherche des substances radio-actives. -Après son mariage avec M. Curie, la fille du savant Sklodowski continua -ses recherches sur les substances radio-actives, trouva le radium; et, -cette manifestation du génie féminin embarrassa le sexe masculin.</p> - -<p>Le syndicat de la presse parisienne ayant décidé de répartir les cent -mille francs du prix Osiris entre les deux inventions qui avaient fait -à l’époque le plus d’honneur à la science française; 60,000 francs -furent donnés à M<sup>me</sup> Curie pour le radium, 40.000 francs à M. Branly -pour la télégraphie sans fil.</p> - -<p>En dépit du prix Osiris, récompense sonnante décernée à M<sup>me</sup> -Curie pour sa découverte, les hommes mirent la main sur la victoire -scientifique obtenue par elle.</p> - -<p>A ceux qui reprochent au sexe féminin de manquer de génie, de ne rien -inventer, il est à présent démontré <span class="pagenum" id="Page_191">191</span> que les découvertes faites par -les femmes sont mises à l’actif des hommes.</p> - -<p>M. Curie, qui fut associé à M<sup>me</sup> Curie pour partager avec M. -Becquerel les cent mille couronnes du prix Nobel, n’était pas complice -des gens déterminés à déposséder sa compagne du résultat de son labeur -pour le gratifier de son mérite. En une conférence à la Sorbonne, il -déclara que le radium avait été découvert par son épouse; qu’il n’avait -abandonné ses travaux en cours pour se joindre à elle, qu’après qu’elle -fut parvenue à isoler le corps nouveau.</p> - -<p>Lorsque les roues d’une lourde voiture eurent enlevé à la vie M. Curie, -il fallut bien avouer la vérité, en nommant professeur à la Sorbonne -et en faisant monter dans la chaire créée en l’honneur du radium, la -savante jusque-là tenue dans l’ombre dissimulée derrière un homme.</p> - -<p>Seulement, n’est-ce pas une anomalie de charger la femme d’enseigner -les sciences et de lui interdire de faire les lois?</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum" id="Page_192">192</span></p> - <h2 id="ch_32">LA RÉFORME PRIMORDIALE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p class="epigraph">Proclamer égaux devant le droit l’homme et la femme, est une -réforme qui facilitera toutes les autres.</p> - -<p>Le progrès résulte surtout de l’aptitude des humains à l’accélérer; -or, pour obtenir des êtres propres à activer le progrès, la première -condition est de perfectionner le moule d’où ils sortent, de donner à -ce moule la possibilité de les produire. Ce ne sera qu’en faisant les -matrices de la nation citoyennes, qu’on les rendra capables de créer -des citoyens.</p> - -<p>L’usage, qui dans la vie sociale tend de plus en plus à assimiler -les femmes aux hommes, à laisser celles-ci exercer la profession de -ceux-là, incite à considérer comme d’un autre âge, le préjugé faisant -exclure des affaires publiques le sexe qui s’entend particulièrement à -gérer ses affaires privées.</p> - -<p>On est bien plus habitué aujourd’hui à l’idée de voir voter les femmes, -qu’on ne l’était en 1847 à celle de voir voter les non-censitaires. -Chacun, se rend tellement <span class="pagenum" id="Page_193">193</span> compte que l’exploitation du sexe -majorité est due à son exclusion politique, qu’à toutes injustices -commises envers les femmes, des hommes maintenant s’écrient: «Si les -Françaises votaient, on ne les traiterait pas de la sorte» et les -journaux de toutes opinions tiennent à l’occasion, ce même langage -féministe.</p> - -<p>Cette unanimité à convenir que tant de maux découlent pour les -femmes de leur annihilement, forcera bientôt le bon sens français à -reconnaître que c’est à toute la nation, que l’exclusion politique des -génératrices préjudicie.</p> - -<p>L’affiche illustrée, la carte postale, le timbre, représentant un -homme et une femme qui se rencontrent devant l’urne électorale, pour -sauvegarder leurs intérêts publics, comme ils se rencontrent dans une -étude de notaire, pour sauvegarder leurs intérêts privés, obligent à -penser, que le droit de voter, est aussi indispensable au sexe féminin -qu’au sexe masculin.</p> - -<p>Si l’on demandait aux hommes pourquoi ils s’opposent à ce que les -femmes aient leur part des prérogatives conquises par nos aïeux; ils ne -parviendraient pas à donner d’explications valables, sachant bien que -les privilèges qu’ils s’arrogent sans les faire partager aux femmes, -ne sont pas plus légitimes, que ceux dont la noblesse et le clergé -jouissaient au détriment du peuple avant 1789.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_194">194</span></p> - -<p class="souschapitre"><i>Un Précédent.</i></p> - -<p>Autrefois, on avait pour la condition sociale, le mépris que l’on a -actuellement pour le sexe féminin. Avant 1848 les hommes des basses -classes et les bourgeois instruits mais non fortunés, ne pouvaient -pas plus que les femmes aujourd’hui, opiner sur les lois qu’ils -subissaient. Il a fallu que les ouvriers s’insurgent, fassent des -barricades en demandant la réforme, pour que le bulletin de vote fut -octroyé à de savants professeurs, à des membres de l’Institut qui -ne payaient point les deux cents francs d’impôts exigés pour être -électeurs.</p> - -<p>C’est encore avec une apparence de raison, que les monarchistes, imbus -du principe d’autorité, maintiennent la femme dans une condition -inférieure à celle de l’homme; mais, les républicains qui écrivent sur -les murs: Liberté! Egalité! se mettent en contradiction avec eux-mêmes, -en laissant le sexe masculin spolier le sexe féminin de ses droits.</p> - -<p>Les députés, voient sans déplaisir les électeurs s’amoindrir en -compagnie de serves, alors, que ceux-ci ont au contraire intérêt à -s’augmenter au contact de citoyennes, afin d’être à même de contrôler -les actes de leurs mandataires, de les nommer pour une période plus -courte, jusqu’à ce qu’ils puissent exercer directement le gouvernement.</p> - -<p>Quand tout le monde convient que hommes et <span class="pagenum" id="Page_195">195</span> femmes sont -équivalents, ont chacun des qualités propres, que les deux -intelligences, les deux énergies, masculine et féminine, sont aussi -absolument indispensable l’une que l’autre pour réaliser le mieux être -souhaité; n’est-il point temps pour l’homme, de renoncer au stupide -préjugé qui fait de sa mère qu’il aime tant, son inférieure?</p> - -<p>Si les Français comprenaient leurs véritables intérêts, la première -question résolue serait cette question motrice: l’universalisation du -suffrage aux femmes.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum" id="Page_196">196</span></p> - <h2 id="ch_33">LES FEMMES SONT LES NÈGRES</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Alors que les nègres votent, pourquoi les blanches ne votent-elles pas?</p> - -<p>Alors que des nègres siègent à la Chambre, pourquoi des femmes ne -peuvent-elles pas sauvegarder au Parlement les intérêts de leur sexe?</p> - -<p>Certes, nous applaudissons à l’assimilation des nègres aux blancs; -mais, on nous permettra de demander:—Qu’attend-on pour assimiler à -leur tour les femmes aux hommes blancs et noirs?</p> - -<p>En nos possessions lointaines, on fait voter un grand nombre de noirs, -qui ne sont intéressés ni à nos idées, ni à nos affaires; cependant que -l’on refuse aux femmes éclairées de la métropole le bulletin de vote, -qui les empêcherait d’être broyées dans l’engrenage social.</p> - -<p>Au Sénégal, en le corps électoral, il y a huit mille nègres, dont la -majeure partie ne comprend même pas la langue française.</p> - -<p>Les électeurs sont des moutons conduits aux urnes par ce berger: le -chef de village, qui opine pour eux.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_197">197</span></p> - -<p>Aux Indes, soixante-douze mille électeurs indigènes ne parlent pas -notre langue, ne subissent pas nos lois, ne sont pas contribuables, -cependant ils votent, alors que les Françaises, qui fournissent -la moitié des budgets et facilitent aux hommes, par leur habileté -économique, le moyen d’apporter dans les caisses publiques leur -quote-part, sont exclues de l’électorat.</p> - -<p>Le pas donné aux nègres sauvages, sur les blanches cultivées de la -métropole, est une injure faite à la race blanche.</p> - -<p>Les hommes de couleur sont chez nous bien plus favorisés que les femmes.</p> - -<p>Pour les Français, les vrais nègres ne sont pas les noirs, ce sont les -femmes qui, partout, peinent et souffrent à leur place.</p> - -<p>Comme pour jouer le rôle de nègre, il ne faut pas avoir qualité pour -demander le remaniement du pacte social faisant une si anormale -répartition des droits et des devoirs, la femme, naturellement, est -privée du bulletin de vote.</p> - -<p>Les hommes qui se sont préoccupés de faire en nos possessions -lointaines, du suffrage une réalité pour les nègres, se sont -contentés, en France, de changer la signification des mots, d’appeler: -souveraineté du pays, la souveraineté des hommes, qui sont le -sexe-minorité, en ce pays.</p> - -<p>Cette mise en parallèle de nègres à moitié sauvages, sans charges -ni obligations, votant, et de femmes civilisées, contribuables et -point électeurs, démontre surabondamment, <span class="pagenum" id="Page_198">198</span> que les hommes ne -conservent leur omnipotence en face des femmes, qu’afin d’exploiter ces -déshéritées.</p> - -<p>Pour empêcher les Français de traiter en nègres les Françaises, il est -indispensable d’octroyer aux femmes les privilèges dont jouissent les -hommes blancs et noirs.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_199">199</span></p> - <h2 id="ch_34">LES FRUSTRÉES DU BULLETIN SONT PRIVÉES DES EMPLOIS, DU REPOS, DES - HONNEURS ET DES LEGS.</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Parce qu’elles ne votent point, les femmes n’ont pas droit au droit -commun. On leur mesure le labeur payé, on les frustre des emplois, du -bon travail, du repos hebdomadaire, des honneurs et des héritages.</p> - -<p>Les Françaises non électrices sont à ce point des parias, qu’elles ne -peuvent jouir des réformes accomplies.</p> - -<p>Tout le monde, en France, se repose le dimanche: hormis les femmes.</p> - -<p>Parce que le sexe féminin mis au ban de la République ne vote pas, les -travailleuses, les artisanes, les petites bourgeoises, les ménagères -ne bénéficient point du repos hebdomadaire; attendu que les hommes -trouvent commode de se faire servir par leurs domestiques gratuites, -le dimanche comme les autres jours; et qu’ils abusent plus encore le -dimanche qu’en la semaine, de celles qui sont leurs instruments de -plaisir.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_200">200</span></p> - -<p>Parce que le sexe féminin mis au ban de la république ne vote pas, les -travailleuses à domicile qui exercent une profession—tout en élevant -leurs enfants—ne bénéficieront point des retraites ouvrières; les -usurpateurs du droit des femmes, n’entendant pas diminuer la pension -de retraite des électeurs pour en allouer une aux sans bulletins, -qui peinent sans relâche, en même temps qu’elles perpétuent l’espèce -humaine.</p> - -<p>Parce que les femmes mises au ban de la République ne votent pas, elles -se voient enlever le pain de la bouche. Sous prétexte de sauvegarder -leur santé—en réalité pour réserver à l’homme le bon travail.—On leur -mesure le labeur rétribué, mais elles peuvent travailler gratuitement, -le jour, la nuit, les dimanches!...</p> - -<p>Les femmes auxquelles il est interdit de veiller pour faire un travail -bien payé ont la liberté de peiner, pourvu qu’elles ne gagnent rien en -s’épuisant.</p> - -<p>Lorsque les femmes voteront, elles jouiront du droit commun; et, pour -un travail égal, elles recevront un salaire égal à celui de l’homme.</p> - -<p>Beaucoup de femmes sont vaincues en la lutte pour l’existence, parce -qu’elles sont laissées sans armes politiques. L’exclusion du droit au -vote prive du droit au pain; l’homme s’étant attribué les gains en même -temps que le suffrage.</p> - -<p>L’émancipation économique du sexe féminin est liée à son émancipation -politique. Les femmes ne peuvent disputer aux hommes les bonnes places -pendant qu’elles <span class="pagenum" id="Page_201">201</span> ne possèdent point ce passe-partout—le vote—qui -ouvrirait la porte de toutes les carrières à leur activité productrice.</p> - -<p>Les Françaises, en vain, ont des mérites, possèdent des titres; ce -n’est pas le diplôme, c’est le bulletin qui fait employer.</p> - -<p>La dégradation civique amoindrit dans la main de la femme le -gagne-pain. Pour pouvoir prétendre à l’indépendance économique que le -bon travail procure, les femmes doivent devenir électeurs; et ainsi -faire que le suffrage universel soit une vérité.</p> - -<p>Actuellement, le système électoral ne fournit de la France qu’une -représentation défigurée. Plus de la moitié de la nation n’est pas -représentée pendant que les femmes ne votent point.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Pas de droits, pas d’honneurs.</i></p> - -<p>Dire aux femmes qu’elles ne sont pas aptes à voter, c’est leur déclarer -qu’elles ne sont pas dignes de porter la rosette.</p> - -<p>Quels actes surhumains doit accomplir une femme pour être décorée! -Encore, tous ses mérites sont-ils insuffisants, si elle n’est -chaleureusement recommandée aux distributeurs de croix.</p> - -<p>S’enrubanner conventionnellement, est partout un privilège mâle.</p> - -<p>La décoration, qui varie de forme et de couleur chez <span class="pagenum" id="Page_202">202</span> les différents -peuples, reste sous toutes les latitudes l’attribut de l’homme -orgueilleux.</p> - -<p>Les femmes peuvent en mille occasions s’être distinguées, leurs actes -seraient-ils sublimes, ils passent inaperçus. De même que sur le champ -de bataille toujours l’officier est décoré pour son régiment vainqueur, -en la société, toujours le mari obtient la récompense honorifique -méritée par son épouse.</p> - -<p>En toutes les expositions, des époux de commerçantes reçoivent la croix -à la place de la corsetière ou de la lingère émérite qui est leur -compagne.</p> - -<p>En temps de paix, l’intelligence de la femme assure la glorification de -l’homme. En temps de guerre, la femme augmente les efforts défensifs, -elle souffre, elle lutte, cependant, elle n’est pas décorée.</p> - -<p>L’homme et la femme—ont un sort si différent dans la société, parce -qu’ils sont régis par des lois différentes.</p> - -<p>Les hommes seuls étant législateurs, chacun comprend pourquoi tout est -défavorable au sexe féminin et favorable au sexe masculin.</p> - -<p>A l’homme qui a la belle destinée, le champ reste ouvert pour -l’améliorer encore.</p> - -<p>A la femme annulée et bâillonnée au point de vue politique, est dévolu -l’irrévocable.</p> - -<p>Quand les femmes auront été proclamées les égales des hommes devant le -droit, elles seront les égales des hommes devant les distinctions; et à -toutes distributions <span class="pagenum" id="Page_203">203</span> de croix elles recevront leur part de marques -honorifiques.</p> - -<p class="souschapitre"><i>Pas de droits, pas de donations.</i></p> - -<p>Parce que la femme ne vote pas, il ne lui est point fait de legs. Les -dames n’exercent leur libéralité qu’envers les hommes, qui seuls sont -actuellement à même de reconnaître la générosité.</p> - -<p>Des féministes en mourant déshéritent leur sexe, pour laisser comme -M<sup>me</sup> Griess-Traut 50,000 francs aux Fouriéristes.</p> - -<p>M<sup>me</sup> Dimbour était elle aussi féministe. On trouve son nom au bas des -affiches électorales de la société «Le Droit des Femmes» et elle fit -un jour à un politicien qui lui recommandait une œuvre masculine cette -réponse:—Croyez-vous, que nous, femmes, nous allons chauffer le four -pour les hommes?»</p> - -<p>Cependant, quand elle sentit sa fin proche, ce fut aux hommes qu’elle -fournit une torche de cent mille francs pour allumer le four de la -verrerie d’Albi.</p> - -<p>Certes, propager la doctrine de Fourier et créer une verrerie ouvrière -sont œuvres excellentes; seulement, leur sexe opprimé criait aux -généreuses mourantes: «Au secours!» Le délivrer, n’était-ce pas ce -qu’il y avait de plus pressé à faire?</p> - -<p>Pourquoi toutes les femmes riches s’en vont-elles sans songer à leur -sexe?</p> - -<p>Parce que ce sexe n’a pas le pouvoir de faire honorer les donatrices.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_204">204</span></p> - -<p>Les hommes ont immédiatement prouvé leur reconnaissance, en baptisant -une avenue de Carmaux, «avenue Dimbour.» Tandis qu’avec la meilleure -volonté, les femmes qui ne sont ni conseillères municipales, ni -députées, n’auraient pu donner à une rue le nom de leur bienfaitrice.</p> - -<p>Pour avoir part aux libéralités, des partantes, il faudrait que les -femmes puissent répartir la gloire fugitive. Or, pour atteindre à ce -pouvoir distributif, il est justement indispensable qu’elles reçoivent -beaucoup de dons... Qui est-ce qui tirera le féminisme de cette impasse?</p> - -<p>—Les Françaises ont à la fois la fortune et l’amour de la liberté. -Le cadastre atteste qu’elles possèdent la plus grande partie de la -propriété terrienne, pendant que la statistique apprend que, par esprit -d’indépendance, beaucoup de femmes riches se refusent au mariage.</p> - -<p>Eh bien, parmi les millionnaires de France, n’est-il donc point de -dames ou de demoiselles qui aient l’ambition de remplir le monde de -leur renommée, de donner leurs noms aux places publiques, de s’assurer -d’être perpétuellement honorées et glorifiées; qu’aucune encore n’est -venue dire:—Je veux être la rédemptrice de mon sexe? Voilà des -millions pour payer la lime briseuse de chaînes qui procurera aux -femmes la liberté?</p> - -<p>Les Françaises sont admirables de dévouement, beaucoup sacrifieraient -avec enthousiasme leur vie <span class="pagenum" id="Page_205">205</span> pour une idée; pourtant, dès qu’il -s’agit de débourser afin d’assurer le triomphe de cette idée, leur -ardeur se refroidit; elles se fient les unes sur les autres pour sortir -de la poche l’or libérateur.</p> - -<p>La crainte de dépenser les domine.</p> - -<p>Cette propension des femmes à une parcimonie frisant l’avarice, -qui, utilisée dans la commune et dans l’Etat donnerait d’heureux -résultats financiers, permettrait, en faisant mieux encore les choses -qu’aujourd’hui de réduire les dépenses publiques, de procurer un -mieux-être national; est absolument préjudiciable à l’émancipation des -femmes.</p> - -<p>L’économie excessive, qualité ou défaut qui profite aux autres, leur -nuit à elles-mêmes, en ce sens qu’elle les empêche d’apporter ce qui -en toute lutte constitue le principal élément du succès: les munitions -de guerre c’est-à-dire l’argent, qui crée les courants d’opinion et -détermine les enrôlements.</p> - -<p>Les femmes ne veulent rien dépenser pour démolir le piédestal du dieu -mâle.</p> - -<p>Les Françaises ne sont pas admises à l’Académie; cependant, aucune -riche lettrée ne crée, à l’imitation de MM. de Goncourt, une académie -spéciale aux évincées.</p> - -<p>Dans la guerre aux privilèges masculins, qui a toujours payé la poudre -et les cartouches?</p> - -<p>—Des femmes peu fortunées et des hommes, surtout des hommes.</p> - -<p>Les dames riches ne donnent rien pour empêcher leur sexe d’être sur la -roue et sous l’affront.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_206">206</span></p> - -<p>Pour remonter le courant d’égoïsme et conquérir l’opinion à la -justice envers les femmes ce sera long; tandis qu’en quelques jours, -la législation qui opprime et infériorise la Française pourrait être -transformée. Quand on songe à quel point le changement de condition -de la femme améliorerait la situation politique et économique du -pays, on est surpris que les philanthropes n’emploient pas des sommes -considérables à réaliser l’affranchissement féminin.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_207">207</span></p> - <h2 id="ch_35">LE FORÇAGE DES IDÉES</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p>Les Françaises déprimées par la servitude ont peur de la liberté et -haïssent ceux qui veulent les affranchir. Il y a plus d’un siècle que -Condorcet fit de cela la remarque en disant: «que les femmes ne lui -pardonneraient point de réclamer leurs droits politiques.»</p> - -<p>Les Françaises ont une docilité de brebis qui surprend même les bergers.</p> - -<p>Eh bien! il suffirait qu’un berger entre-bâille devant ces brebis, les -femmes, la porte des gras pâturages politiques, pour que le troupeau -féminin entier s’efforce de s’y précipiter. Mais, qu’est-ce qui -décidera un berger, c’est-à-dire un député, à monter à la tribune de la -Chambre, pour demander que les femmes aient leur part des prérogatives -dont les hommes ont le monopole?</p> - -<p>—Les principes? L’égalité?</p> - -<p>—Hélas! tout cela est trop passé de mode pour pouvoir aiguillonner un -être et susciter un effort.</p> - -<p>Actuellement, la plus juste des causes reste en souffrance si l’on ne -gagne rien à la défendre.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_208">208</span></p> - -<p>Les détenteurs du pouvoir n’ont aucun intérêt à servir les dégradées -civiques d’origine.</p> - -<p>Mais, cet intérêt, les femmes pourraient l’exciter en offrant des -primes au dévouement. Recourir à l’achat des vouloirs, négocier les -réformes souhaitées serait moins long, que de décider la masse des -électeurs à forcer, en notre faveur, la main aux députés.</p> - -<p>A notre époque de mercantilisme où tout s’acquiert à prix d’argent, -pourquoi les femmes riches n’achèteraient-elles pas avec des votes et -des projets de lois la liberté de leur sexe?</p> - -<p>Le droit s’achète, les réformes se négocient comme les affaires. Très -souvent au Parlement, des avantages sont offerts, par les ministres, -aux chefs de groupes, pour s’assurer en certaines circonstances, le -vote de ces groupes.</p> - -<p>Le seul mobile des actions humaines est l’intérêt, et c’est seulement -l’intérêt, qui sera le stimulant déterminant à prendre parti pour les -femmes.</p> - -<p>L’argent est un moteur plus puissant que le temps pour changer les -mentalités. Il est urgent que les revendicatrices aient un trésor -libérateur; afin d’être en mesure d’activer l’épanouissement du -féminisme, en appliquant aux idées le forçage que les jardiniers -appliquent aux plantes dont ils veulent hâter la floraison.</p> - -<p>Le jour où les Françaises seront à même d’encourager <span class="pagenum" id="Page_209">209</span> à vouloir les -affranchir, ceux qui ont le pouvoir de les affranchir; il est certain -qu’il se produira chez les hostiles à nos revendications un revirement, -que la question féministe deviendra passionnante et sera aussitôt -résolue.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_210">210</span></p> - <h2 id="ch_36">INSTAURATRICES DE BIEN-ÊTRE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p class="epigraph">Si l’homme est plus que la femme apte à créer de la richesse, la -femme est beaucoup plus capable que l’homme de tirer parti de cette -richesse.</p> - -<p>L’homme a des qualités que sa compagne ne possède pas: il est grand! -franc! généreux! La femme souvent use de ruse, de duplicité, de -finasserie. On l’accuse d’être ennemie de la vérité! On dit qu’il est -aussi dangereux de lui confier un secret qu’un projet; car elle révèle -l’un, elle s’approprie l’autre.</p> - -<p>Cette difformité morale du sexe féminin, qui fait se garer les femmes -les unes des autres et retarde le groupement émancipateur, est -cependant purement artificielle; c’est une déviation qui résulte de la -condition, une déformation due à l’état d’esclavage.</p> - -<p>De même que l’être physique privé d’air et de liberté, l’être moral -immobilisé dans la sujétion se tord et s’enlaidit. Que l’on soumette -la femme à l’action vivifiante du soleil de justice et ses mauvais -instincts disparaîtront.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_211">211</span></p> - -<p>Toutefois, si la femme étale avec une sorte d’inconscience les vices de -l’esclave, il faut reconnaître qu’elle fait aussi montre de qualités -et, entre toutes, de cette aptitude à la prévoyance qui, en dépit du -dénûment, lui permet de subsister.</p> - -<p>Que ferait-on dans les ménages pauvres sans l’esprit précautionneux de -la femme?</p> - -<p>Si la prévoyance féminine, si précieuse pour la famille, était utilisée -pour la nation; si la femme ménagère dans la maison était ménagère dans -l’Etat. Toutes mesures seraient prises pour qu’on ne paie point cher -les aliments.</p> - -<p>Il est incompréhensible, que la femme chargée de ravitailler la maison -n’ait pas le pouvoir de rendre ce ravitaillement facile, en assurant -l’approvisionnement du marché.</p> - -<p>Si l’on ne retirait honneurs et profits quand on s’emploie dans l’Etat, -il est probable que le sexe masculin aurait laissé la prévoyance -féminine intensifier la vitalité et accroître le bien-être de la -nation. Mais comme il y a, pour qui est censé s’occuper du grand ménage -public, une bonne rétribution et des croix de la légion d’honneur, -les hommes ont dit: «Nous nous chargeons de préserver de la faim les -estomacs!»</p> - -<p>Or, l’alimentation des Français, même en temps normal, n’est point -assurée.</p> - -<p>Si les femmes contribuaient à répartir les budgets comme elles -contribuent à les former, elles ne laisseraient pas subsister pour la -majorité de la nation l’absence <span class="pagenum" id="Page_212">212</span> de garanties contre la mort par la -faim; et, pour la minorité, la profusion des jouissances, la vigilance -à prévenir les désirs.</p> - -<p>La prudence conseille de ne plus confier à l’homme, le soin d’assumer -seul, sans le concours de la femme, la responsabilité de la vie humaine.</p> - -<p>C’est parce que la ménagère est exclue des conseils de la nation, qu’il -y a souvent disette au lieu de surabondance.</p> - -<p class="asterix">*<br /> -*  *</p> - -<p>Le Français qui sacrifie dans l’Etat l’indispensable au superflu est -dans la maison un être très positif. Si pauvre qu’il soit, il veut le -bien-être: logement, vêtements chauds l’hiver, en toutes saisons bonne -table.</p> - -<p>Quand il s’agit de réaliser avec un maigre budget ce -<i>desideratum</i>, quel embarras dans le ménage! On calcule, on -additionne, on soustrait; l’homme se décourage, la femme s’ingénie, -elle augmente la valeur d’emploi de l’argent et parvient à faire face -aux dépenses.</p> - -<p>Le mari, qui ne manque de rien, qui se trouve plutôt à son aise, finit -par se reposer complètement sur le savoir-faire de sa femme, il la -laisse pourvoir à tout. Point avare d’éloges d’ailleurs, il apprend à -chacun qu’avec peu d’argent, sa compagne lui fait une vie confortable. -La logique permettrait de supposer que tous les maris, plus satisfaits -les uns que les autres de la manière dont leurs épouses gèrent le -budget familial, vont <span class="pagenum" id="Page_213">213</span> proposer de mettre à profit leur habileté -pour la gestion du budget national.</p> - -<p>Profonde erreur, ces messieurs entendent se réserver le monopole -de la compétence, en matière administrative; et s’attribuer, à eux -exclusivement, toute fonction rétribuée.</p> - -<p>Le préjugé fait s’éterniser le masculinisme; cependant, nous ne serons -une démocratie que le jour où les femmes exerceront en France leurs -droits civiques comme les hommes; car «la démocratie est l’organisation -politique dans laquelle tout est véritablement fait <i>par tous</i> et -<i>pour tous</i>.»</p> - -<p>Chacun ne comprend-il pas quel intérêt il y aurait à avoir, en même -temps qu’une commission d’hommes habitués à dépenser sans compter, une -commission de femmes rompues à l’économie, pour contrôler les budgets?</p> - -<p>Les Français sont dans l’erreur, lorsqu’ils pensent que la citoyenne -ferait disparaître la ménagère. C’est justement le contraire qui -aurait lieu; puisqu’il est impossible à la femme d’être une parfaite -ménagère, c’est-à-dire, une instauratrice de bien-être, sans devenir -une citoyenne.</p> - -<p>Pour que l’homme trouve chez lui le réconfort physique et moral que lui -procureront une saine habitation, une alimentation substantielle, il -est indispensable que sa compagne participe à l’administration de la -société, surveille dans la commune et dans l’Etat, la production et la -vente des choses nécessaires à l’existence.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_214">214</span></p> - -<p>La plus habile préparation culinaire, n’étant point capable de donner -à la vache maigre, les qualités nutritives du bœuf en bon état; il est -pour réaliser le bien être familial, quelque chose de plus important -encore que de savoir sauter un poulet et arroser un gigot; c’est de -pouvoir d’abord se procurer ce gigot et ce poulet, de bonne qualité et -à bon compte.</p> - -<p>Or, comment les ménagères, ou plutôt les instauratrices de bien-être -parviendraient-elles à se procurer facilement des denrées comestibles -fraîches, de première qualité, à bas prix, pendant qu’elles n’ont ni -le droit d’opiner, ni le droit d’agir en la cité, pendant qu’elles -restent en France des annulées auxquelles il est interdit de s’occuper -de l’approvisionnement alimentaire?</p> - -<p>Place aux femmes! est la plateforme indiquée aux résolus à transformer -l’Etat social; car les héréditaires préjugés vont être obligés de -capituler devant les événements qui crient, qui hurlent, qu’il faut sur -la scène politique le concours du sexe féminin.</p> - -<p>Partout, les hommes sont actuellement dans un grand embarras: Pour -n’avoir pas poursuivi en même temps que le développement intellectuel, -l’amélioration des conditions d’existence des masses, les détenteurs du -pouvoir se trouvent aux prises avec des difficultés que le concours des -femmes, si intuitives et maternelles rendraient plus faciles à résoudre.</p> - -<p>L’heure psychologique semble donc venue d’appeler les femmes dans les -conseils de la nation, comme au <span class="pagenum" id="Page_215">215</span> moment du péril, on appelle sur -les champs de bataille la réserve, les régiments de renfort.</p> - -<p>Le sexe masculin ne peut suppléer le couple humain pour administrer la -société. Dans l’intérêt de l’ordre et de la prospérité publique, les -femmes doivent compléter les hommes au Palais-Bourbon et à l’Hôtel de -Ville?</p> - -<p>Les Français cumulent à leur préjudice, les rôles masculins et féminins -dans la République. Ce n’est pas seulement au détriment du bien -général, c’est au détriment de leur santé, de leur vie, que les hommes -s’obstinent à tout régir dans l’Etat.</p> - -<p>Pendant, en effet, qu’en leurs laboratoires des savants s’efforcent -de découvrir le moyen d’anéantir microbes et bacilles, de nombreux -organismes humains sont détériorés par une alimentation défectueuse. -C’est que par une de ces contradictions qui abondent en notre ordre -social, les femmes qui sont chargées de ravitailler la maison, -d’apprêter les aliments, ne peuvent contribuer à améliorer la manière -de sustenter l’humanité; elles ne sont pas plus admises à réglementer -les approvisionnements des marchés, qu’à inspecter les comestibles.</p> - -<p>Pourquoi les femmes ne siègent-elles pas dans les commissions -d’hygiène? Pourquoi les femmes ne sont-elles point désignées pour -surveiller le commerce des denrées alimentaires?</p> - -<p>—Parce qu’elles ne votent pas; et que même les emplois qui conviennent -particulièrement aux femmes, sont seulement donnés aux électeurs.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_216">216</span></p> - <h2 id="ch_37">L’UNIVERSALISATION DU SUFFRAGE</h2> - <hr class="small3" /> -</div> - -<p class="epigraph">En notre société en travail de transformation, qui n’a pas voix au -chapitre, en ayant droit au vote, sera sacrifié demain et manque -aujourd’hui.</p> - -<p>Les femmes riches seraient privées de leur fortune et les femmes -pauvres resteraient dans le besoin, si la propriété individuelle était -socialisée avant que le sexe féminin soit électeur et éligible, car, -les femmes dépouillées de ce qu’elles possèdent ne récupéreraient -point dans la société nouvelle ce qui leur aurait été pris; attendu, -que les fonctions, les emplois, le bon travail, appartiendraient aux -seuls électeurs. Les femmes restant déshéritées des droits politiques, -risquent donc d’être demain plus malheureuses encore qu’elles ne sont -aujourd’hui.</p> - -<p>Pour que la transformation sociale s’accomplisse au profit de toute -l’humanité, il est indispensable que hommes et femmes aient le droit de -participer à cette transformation et d’en bénéficier.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_217">217</span></p> - -<p>C’est seulement l’égalité dans la société d’aujourd’hui qui garantira -aux femmes d’être traitées en équivalentes des hommes dans la société -de demain.</p> - -<p>On voit qu’il est important de se hâter de mettre en pratique, -l’égalité politique des deux sexes qui est écrite dans la loi.</p> - -<p>La loi sur l’électorat dit, en effet:—sont électeurs <i>tous les -Français</i> âgés de 21 ans...</p> - -<p>Ces mots «les Français» qui comprennent les hommes et les femmes comme -contribuables, lorsqu’il s’agit de payer les impôts, comprennent -certainement aussi les hommes et les femmes comme électeurs, lorsqu’il -s’agit d’exercer l’électorat.</p> - -<p>Une louable équité a fait élargir l’interprétation du texte législatif -de la loi sur le jury et admettre les ouvriers à juger les criminels. -Pourquoi cette équité ne ferait-elle pas pareillement élargir -l’interprétation de la loi électorale et admettre les femmes à voter?</p> - -<p>Il vaut mieux avouer avoir mal interprété une loi, que de laisser la -législation de la République, exclure en bloc de la politique, les -femmes que les chartes royales d’avant 1789 admettaient partiellement à -y participer.</p> - -<p>En arrivant sur la scène politique, les femmes enrayeront le gaspillage -des fonds publics; donc, faciliteront de faire les réformes demandées.</p> - -<p>Quand les femmes qui ont dans l’Etat les mêmes intérêts que les hommes, -seront comme ceux-ci, armées des droits nécessaires, pour se protéger, -pour se <span class="pagenum" id="Page_218">218</span> défendre, pour ascensionner; la France, en possession de -l’intégralité de sa force cérébrale, prendra dans le monde un rôle -prépondérant.</p> - -<p>L’universalisation du suffrage aux femmes, décuplera la puissance de -la nation, accélérera l’évolution sociale, intensifiera la sollicitude -de la collectivité à l’égard de l’individu; et, fera s’ouvrir pour les -humains une ère de bonheur.</p> - -<p class="rsignature4"><span class="smcap">Hubertine Auclert.</span></p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter margintop4"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_219">219</span></p> - - <div class="footnotes"> - <h2 id="notes">NOTES</h2> - <hr class="small3" /> - - <p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> <i>La citoyenne</i>, n<sup>os</sup> 36 et 43.</p> - - <p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> <span class="smcap">A. Aulard</span>, <i>Le Féminisme pendant la Révolution - Française</i> (Revue Bleue).</p> - - <p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> Amédée le Faure, «Le socialisme pendant la révolution».</p> - - <p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4"><span class="label">[4]</span></a> <span class="smcap">Michelet.</span></p> - - <p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5"><span class="label">[5]</span></a> <span class="smcap">A. Aulard.</span></p> - - <p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6"><span class="label">[6]</span></a> <span class="smcap">Lairtullier</span>, <i>Les femmes célèbres de la - Révolution</i>.</p> - - <p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7"><span class="label">[7]</span></a> Gilbert <span class="smcap">Stenger</span>, <i>La Société Française pendant le - Consulat</i>.</p> - - <p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8"><span class="label">[8]</span></a> Jeanne <span class="smcap">Deroin</span>, <i>Almanach des Femmes</i>.</p> - - <p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9"><span class="label">[9]</span></a> <i>L’Opinion des Femmes.</i></p> - - <p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10"><span class="label">[10]</span></a> H. Wild, Jeanne Deroin et Julie Daubié.</p> - - <p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11"><span class="label">[11]</span></a> <i>La Citoyenne</i> (1881 à 1891).</p> - - <p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12"><span class="label">[12]</span></a> <i>La Citoyenne</i> n<sup>o</sup> 94.</p> - - <p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13"><span class="label">[13]</span></a> Le <i>Moniteur</i>.</p> - - <p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14"><span class="label">[14]</span></a> Avant 1848 on riait aussi quand on parlait de donner le - vote à tous les hommes.</p> - </div> -</div> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_221">221</span></p> - <table class="tablematieres" id="table_des_matieres" summary=""> - <colgroup span="2"> - <col width="90%" /> - <col width="10%" /> - </colgroup> - <tbody> - <tr> - <td colspan="2" class="tdc1"><h2>TABLE DES MATIÈRES</h2></td> - </tr> - <tr> - <td colspan="2" class="tdc2"><hr class="small4" /></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Aux Lecteurs</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_0">1</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Le simulacre du suffrage universel</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_1">3</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Dégradée civique-née</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_2">7</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">La femme dans la Commune</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_3">12</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Voix données aux femmes</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_4">16</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Les femmes dans l’Etat</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_5">22</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Les femmes et le budget</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_6">27</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">L’éducation politique des français</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_7">34</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Le vote des femmes célibataires</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_8">40</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Vous n’êtes pas militaires!</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_9">48</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Vous êtes cléricales!</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_10">55</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">La religion laïque</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_11">59</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Les femmes ont voté en France</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_12">65</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">La loi salique</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_13">68</a></td> - </tr> <tr> - <td class="tdlbl">Les prérogatives des femmes en l’ancienne France</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_14">70</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Revendication des femmes en 1789</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_15">77</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Après la Révolution</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_16">89</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Les suffragistes en 1848</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_17">93</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Jean Macé féministe suffragiste</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_18">97</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Les femmes qui agissent et qui écrivent</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_19">99</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Journaux et sociétés féministes</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_20">115</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Etats ou les femmes exercent leurs droits politiques</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_21">119</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">L’inscription sur les listes électorales</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_22">124</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Le prix d’un vote de femme</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_23">131</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Le bluff électoral</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_24">132</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Refus de l’impôt</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_25">136</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Pourvoi devant le Conseil de préfecture</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_26">144</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Pourvoi devant le Conseil d’Etat</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_27">148</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">L’arrêt du Conseil d’Etat</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_28">152</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Le droit pour les femmes de pétitionner</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_29">156</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Un sexe est-il supérieur à l’autre?</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_30">185</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Madame Curie et sa découverte</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_31">190</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">La réforme primordiale</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_32">192</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Les femmes sont les nègres</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_33">196</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Les frustrées du Bulletin</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_34">199</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Le forçage des idées</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_35">207</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">Instauratrices de bien-être</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_36">210</a></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl">L’universalisation du suffrage</td> - <td class="tdrb"><a href="#ch_37">216</a></td> - </tr> - </tbody> - </table> -</div> - -<p class="center">Saint-Amand (Cher).—Imprimerie BUSSIÈRE.</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop margintop4" /> - -<div class="chapter"> - <p><span class="pagenum hidden" id="Page_222">222</span></p> - <table id="catalogue" summary=""> - <colgroup span="2"> - <col width="80%" /> - <col width="20%" /> - </colgroup> - <tbody> - <tr> - <td colspan="2" class="tdc3"><h2>V. GIARD & E. BRIÈRE, LIBRAIRES-ÉDITEURS</h2></td> - </tr> - <tr> - <td colspan="2" class="tdc4"><i>16, rue Souflot, et 12, rue Toullier, PARIS</i></td> - </tr> - <tr> - <td colspan="2" class="tdc3"><hr class="small3" /></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Auclert</span> (Hubertine).—<b>Le vote des Femmes</b>, 1908. Un vol in-18.</td> - <td class="tdrb"><b>2</b> fr. <b>50</b></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Avril de Sainte Croix</span> (M<sup>e</sup>).—<b>Le Féminisme</b>, - avec préface de V. Marguerite, 1907. Un vol. in-18 relié toile.</td> - <td class="tdrb"><b>3</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Bonnier</span> (<span class="smcap">Ch.</span>).—<b>La question de la Femme</b>, 1897. - Une brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>2</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Castro Osorio</span> (A. de).—<b>Les femmes portugaises</b>, traduction - de H. Faure, 1907. Une brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>2</b> fr. <b>50</b></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Chauvin</span> (Mlle G.).—<b>Etude historique sur les professions - accessibles aux femmes</b>, 1892. Un vol. in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>6</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Dissard</span> (Clotilde).—<b>Opinions féministes</b>, 1896. Une brochure - grand in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Franck</span> (L.).—<b>La femme-avocat</b>, 1898. Un vol. in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>6</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Gerritsen</span>.—<b>La femme à travers les âges</b>, 1901. Un vol. - in-4<sup>o</sup> cartonné.</td> - <td class="tdrb"><b>6</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Guilleminot</span> (A.).—<b>Femme, Enfant, Humanité.</b> Études - sociales, 1896. Un vol. in-18.</td> - <td class="tdrb"><b>1</b> fr. <b>25</b></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Hauser</span> (H ).—<b>Le travail des femmes aux XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> - siècles</b>, 1897. Une brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Joran</span> (Th.).—<b>Le Féminisme à l'heure actuelle</b>, 1907. Une - brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Leduc</span> (L.).—<b>La Femme devant le Parlement</b>, 1898. Un - vol. in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>6</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Letourneau</span> (Ch.).—<b>La condition de la Femme dans les - diverses races et civilisations</b>, 1908. Un vol. in-8<sup>o</sup> broché.</td> - <td class="tdrb"><b>9</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Loria</span> (A.).—<b>Le Féminisme au point de vue sociologique</b>, 1907. - Une brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Lourbet</span> (G.).—<b>Le problème des sexes</b>, 1900. Un vol. in-8<sup>o</sup> - broché.</td> - <td class="tdrb"><b>5</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Maday</span> (A. de).—<b>Le Droit des Femmes au travail</b>, 1905. - Un vol. in-18.</td> - <td class="tdrb"><b>3</b> fr. <b>50</b></td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Neera</span>.—<b>Les Idées d'une femme sur le féminisme</b>, 1908. - Un vol. in-18.</td> - <td class="tdrb"><b>3</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Pelletier</span> (D<sup>r</sup>-M.).—<b>La Femme en lutte pour ses droits</b>, - 1908. Un vol. in-18.</td> - <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdlbl"><span class="smcap">Poinsinet</span> (L ).—<b>le Rôle social de la femme</b>, 1906. Une - brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td> - <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td> - </tr> - </tbody> - </table> -</div> - -<p class="center">SAINT-AMAND (CHER).—IMPRIMERIE BUSSIÈRE</p> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> - <span class="pagenum hidden" id="Page_266">266</span> - <div class="tnote"> - <h2 id="note_au_lecteur" class="h2note">Au lecteur</h2> - - <p class="fontnote">Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version - originale. Les erreurs manifestes de typographie ont été corrigées.</p> - - <p class="fontnote">La ponctuation a pu faire l’objet de quelques corrections mineures.</p> - </div> - </div> - -<hr class="full" /> - -<div lang='en' xml:lang='en'> -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>LE VOTE DES FEMMES</span> ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin-top:1em; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE</div> -<div style='text-align:center;font-size:0.9em'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE</div> -<div style='text-align:center;font-size:0.9em'>PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™ -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all -the terms of this agreement, you must cease using and return or -destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your -possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a -Project Gutenberg™ electronic work and you do not agree to be bound -by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person -or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.B. “Project Gutenberg” is a registered trademark. It may only be -used on or associated in any way with an electronic work by people who -agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few -things that you can do with most Project Gutenberg™ electronic works -even without complying with the full terms of this agreement. See -paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project -Gutenberg™ electronic works if you follow the terms of this -agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg™ -electronic works. See paragraph 1.E below. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (“the -Foundation” or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection -of Project Gutenberg™ electronic works. Nearly all the individual -works in the collection are in the public domain in the United -States. 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The following sentence, with active links to, or other -immediate access to, the full Project Gutenberg™ License must appear -prominently whenever any copy of a Project Gutenberg™ work (any work -on which the phrase “Project Gutenberg” appears, or with which the -phrase “Project Gutenberg” is associated) is accessed, displayed, -performed, viewed, copied or distributed: -</div> - -<blockquote> - <div style='display:block; margin:1em 0'> - This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most - other parts of the world at no cost and with almost no restrictions - whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms - of the Project Gutenberg License included with this eBook or online - at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. 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If an individual Project Gutenberg™ electronic work is posted -with the permission of the copyright holder, your use and distribution -must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any -additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms -will be linked to the Project Gutenberg™ License for all works -posted with the permission of the copyright holder found at the -beginning of this work. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg™ -License terms from this work, or any files containing a part of this -work or any other work associated with Project Gutenberg™. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.E.5. 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Information about the Mission of Project Gutenberg™ -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s -goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg™ and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state’s laws. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, -Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up -to date contact information can be found at the Foundation’s website -and official page at www.gutenberg.org/contact -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. 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