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-The Project Gutenberg eBook of Le vote des femmes, by Hubertine
-Auclert
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
-most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
-of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you
-will have to check the laws of the country where you are located before
-using this eBook.
-
-Title: Le vote des femmes
-
-Author: Hubertine Auclert
-
-Release Date: July 21, 2022 [eBook #68581]
-
-Language: French
-
-Produced by: Claudine Corbasson & the online Project Gutenberg team at
- https://www.pgdpcanada.net (This file was produced from
- images generously made available by the Bibliothèque
- nationale de France (BnF/Gallica))
-
-*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE VOTE DES FEMMES ***
-
-
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-
- Au lecteur
-
- Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version
- originale. Les erreurs manifestes de typographie ont été corrigées.
- Les mots entourés de _ sont en italique et ceux de = sont en gras
- dans le texte original (sauf dans la partie Catalogue).
-
- La ponctuation a pu faire l'objet de quelques corrections mineures.
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-
-
-LE
-
-VOTE DES FEMMES
-
-
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-
-DU MÊME AUTEUR
-
-
-=Les Femmes Arabes en Algérie.= 1 volume.
-
-=Le Droit Politique des Femmes.= 1 brochure (_Epuisée_).
-
-=L'Egalité Sociale et Politique de l'Homme et de la Femme.= 1 brochure.
-
-=L'Argent de la Femme.= 1 brochure.
-
-=Le Nom de la Femme.= 1 brochure.
-
-
-SAINT-AMAND, CHER.--IMPRIMERIE BUSSIÈRE
-
-
-
-
- HUBERTINE AUCLERT
-
-
- LE
-
- VOTE des FEMMES
-
-
- [Illustration]
-
-
- PARIS (5e)
-
- V. GIARD & E. BRIÈRE
-
- LIBRAIRES-ÉDITEURS
-
- 16, RUE SOUFFLOT ET 12, RUE TOULLIER
-
- 1908
-
-
-
-
-AUX LECTEURS
-
-
-Ce livre, qui relate les efforts faits en France depuis plus d'un
-siècle pour faire entrer les femmes en possession de leurs droits
-politiques; envisage le vote des femmes à tous les points de vue,
-il réfute les objections qui y sont faites, démontre les avantages
-qui résulteront de sa mise en pratique et amène à conclure que les
-femmes--par la force du nombre de leurs bulletins de vote--pourront
-seules faire triompher la raison de la folie; donc, donner à la nation
-entière des garanties de sécurité et de bien-être.
-
-Ce livre mettra ceux qui le liront, à même de bien connaître; et, en
-mesure de défendre, cette importante question du suffrage des femmes
-qu'il va falloir résoudre, pour pouvoir modifier la société et faire se
-réaliser la République.
-
- H. A.
-
-
-
-
-LE VOTE DES FEMMES
-
-
-
-
-LE SIMULACRE DU SUFFRAGE UNIVERSEL
-
- Le suffrage des femmes, c'est l'utilisation de l'intégralité de
- l'intelligence et de l'énergie de la nation, pour réaliser son mieux
- être.
-
-
-Tout le monde connaît le monument élevé au promoteur du suffrage dit
-universel. Qui n'a vu, place Voltaire, Ledru-Rollin et son urne?
-
-Aux jours glacés de l'hiver, comme en l'été brûlant, des hommes à la
-figure have et ravinée, aux loques trouées laissant apercevoir la peau,
-aux souliers percés qui montrent les pieds nus, s'appuient, exténués et
-faméliques à la grille qui entoure le monument.
-
-Quels sont ces malheureux, sans gîte, sans travail et sans pain?
-
---Ce sont des souverains!
-
---?
-
---Oui, des souverains... intermittents.
-
-Périodiquement, pendant tout un jour, ils sont rois! Le soir venu,
-ils abdiquent, ou plutôt ils délèguent leur pouvoir à des charlatans
-politiques qui se partagent leurs palais, l'or de leurs caisses et
-laissent les souverains errants, pourchassés, privés d'abri et de
-nourriture.
-
-Les mandataires se nantissent généreusement; mais, ils ne se
-préoccupent pas de mettre leurs souverains en état de faire figure dans
-le monde, ou de ne point mourir de faim.
-
-Le dénûment des électeurs sans travail s'offrant au regard, en même
-temps que Ledru-Rollin et son urne, démontre au peuple l'amère dérision
-du suffrage restreint pompeusement baptisé universel.
-
-Le penseur lui, interpelle l'organisateur du suffrage.--Pourquoi
-dit-il, Ledru-Rollin, n'as-tu pas fait donner le bulletin de vote à la
-femme instigatrice d'ordre social; et ainsi, rendu valable ce papier
-pouvoir avec lequel les Français pourraient aussi sûrement qu'avec un
-chèque obtenir du bien-être et de la liberté?
-
---Pourquoi Ledru-Rollin n'as-tu pas fait confier à l'éducatrice
-accordée à l'homme par la nature, le soin de lui donner conscience de
-la valeur de son bulletin? La mission de lui inculquer que voter, c'est
-pour l'opprimé initié, le pouvoir de réaliser sa volonté d'être libre
-et heureux?
-
---Pourquoi, Ledru-Rollin, n'as-tu pas fait appeler à voter, au lieu
-de l'homme seul, le couple humain et ainsi précipité l'éducation
-politique, rendu les Français aptes à garder en permanence leur
-souveraineté, capables de se donner à eux-mêmes leur règle et leurs
-lois?
-
-
-Le suffrage est une machine à progrès, qui pour produire des effets,
-doit être mise en mouvement par la volonté mâle et femelle de la
-nation; mais qui seulement activée par un petit nombre d'hommes, est
-faute de force motrice réduite à l'impuissance.
-
-Avant de déprécier le suffrage universel, qu'on le fasse fonctionner;
-car, s'il ne donne les résultats promis, c'est parce qu'il est faussé
-dans son principe, tronqué dans son application.
-
-De même que beaucoup d'inventions modernes, qui ne deviennent
-utilisables qu'à l'aide de certaines combinaisons; le suffrage a besoin
-de toutes les énergies féminines et masculines de la nation, pour
-devenir l'instrument d'évolution capable de transformer l'état social.
-
-Pour tirer profit de l'excellente institution du suffrage, il faut
-l'appliquer rigoureusement dans toute l'étendue qu'elle comporte en
-l'universalisant. Il ne suffit pas de travestir les mots de notre
-langue, de faire l'apothéose d'une contre vérité, pour donner à un
-suffrage mutilé l'autorité et la puissance de celui qui engloberait
-l'intégralité des Français et des Françaises.
-
-Le suffrage ne produira des résultats mathématiques, que quand pratiqué
-par les deux sexes, il aura été soumis à un dressage qui le rendra
-conscient.
-
-Actuellement, le suffrage universel n'est pas. Ce qui existe est un
-suffrage de fantaisie, qui n'autorise à voter qu'une petite minorité
-de la nation. Il exclut en bloc toutes les femmes, les savantes comme
-les autres Françaises. Il exclut le grand nombre d'hommes qui sont
-militaires, marins, voyageurs, touristes ou privés par jugement de
-leurs droits politiques.
-
-En se déplaçant, l'électeur perd sa souveraineté...
-
-Est-ce que le papier-pouvoir ne devrait pas, comme le papier-monnaie,
-avoir cours partout?
-
-Le suffrage réduit, faussé, fraudé ne donne pas même une vague idée de
-ce que sera le suffrage réellement universel.
-
-Les votes émis ont si peu de poids, les électeurs ont si peu
-d'autorité, qu'à chaque élection, les candidats rejetés par eux--pourvu
-qu'ils soient gouvernementaux--sont ramassés par les ministres, qui
-font un pied de nez aux électeurs souverains, en hissant à de bonnes
-places les blackboulés.
-
-Si les élections les plus républicaines ne donnent que des résultats
-stériles, si le suffrage fait faillite aux engagements pris en son nom,
-c'est parce qu'il est une fiction et non point une réalité, c'est parce
-qu'il ne s'appuie que sur une convention, au lieu de tirer sa puissance
-de la force du nombre.
-
-Avec le suffrage restrictif, dénaturé qui existe, l'électeur n'a que
-l'illusion de la souveraineté; tandis qu'avec le suffrage universel,
-c'est-à-dire englobant la nation entière, les femmes comme les hommes,
-l'électeur aura la matérialité de la souveraineté.
-
-
-
-
-DÉGRADÉE CIVIQUE-NÉE
-
- Posséder le papier-pouvoir, facilite de palper le papier-monnaie.
-
-
-Aucun homme n'est par son rôle si infime qu'il soit, exclu des
-prérogatives de Français et de citoyen, pourquoi donc le rôle des
-femmes les priverait-il de leurs droits de Françaises et de citoyennes?
-La perpétuation de l'espèce humaine, les soins donnés aux affaires
-domestiques sont-ils moins importants que l'attention apportée à
-l'exercice d'un métier?
-
-«Celui de nous deux, dit Socrate, glorifiant le travail du ménage, qui
-sera le plus industrieux économe, est celui qui apporte le plus en la
-société.»
-
-Le devoir imposé à tous est différent pour chacun. Le droit inhérent à
-l'individu est égal pour tous.
-
-Le sexe ne confère pas des prérogatives particulières attendu que les
-qualités morales et intellectuelles sont indépendantes du sexe de
-l'individu qui les possède. On ne peut aujourd'hui faire croire qu'être
-homme, étend les facultés intellectuelles d'un individu et qu'être
-femme, restreint les facultés intellectuelles d'un autre individu.
-
-La maternité que l'on objecte aux revendicatrices ne s'oppose pas plus
-à l'exercice des droits politiques, qu'elle ne s'oppose à l'exercice
-d'un art ou d'un commerce.
-
-Marie-Thérèse d'Autriche eut seize enfants, ce qui ne l'empêcha
-point d'être un grand homme d'Etat auquel l'Autriche dût d'exister.
-Pour elle, les Magnats hongrois tirèrent leur sabre du fourreau, en
-s'écriant: «Mourons pour notre roi, Marie-Thérèse!»
-
-Mères ou non, mariées ou non mariées, toutes les femmes doivent exercer
-leurs droits politiques afin de pouvoir mettre l'ordre dans la commune
-et dans l'Etat.
-
-
-_Restez femmes._
-
-A l'idée que la femme va devenir son égale en droits, l'homme se cabre!
-Au lieu de comprendre que c'est un auxiliaire qui lui vient pour
-atteindre à une vie meilleure, il semble croire qu'on va lui enlever
-quelque chose.
-
-Le Français adjure la Française de ne pas chercher à devenir citoyenne.
-Il lui dit qu'elle n'aurait rien à gagner au suffrage universel, que sa
-supériorité consiste à rester asservie.
-
-Un langage analogue était tenu par les censitaires à ceux qui ne
-votaient pas avant 1848. Le «Restez femmes!» d'aujourd'hui, équivaut au
-«Restez ouvriers!» d'alors et pareillement signifie: Demeurez inaptes à
-améliorer votre condition.
-
-Les femmes qui voient quels avantages sociaux et économiques les
-électeurs obtiennent, les femmes, qui constatent qu'en tous les pays
-les hommes privés du suffrage s'acharnent à le réclamer; commencent à
-comprendre que ce papier-pouvoir, le bulletin de vote, leur est aussi
-nécessaire que le papier-monnaie, puisque posséder l'un rend plus
-facile de palper l'autre.
-
-Ce sera la carte électorale qui fera rétribuer le travail ménager et
-comprendre, parmi les retraités ouvriers, les ménagères.
-
-Les Françaises ne peuvent rester spoliées de la capacité politique,
-qu'un député appelle, avec raison, «un commencement de capital».
-
-Le travail est, en effet, estimé suivant la condition de qui
-l'accomplit. L'œuvre de la femme est si dépréciée, obtient un si
-dérisoire salaire, parce que cette femme est une mise hors la loi, une
-esclave dont l'effort n'est point jugé digne de récompense. Que l'on
-fasse entrer la femme dans le droit commun politique et bientôt sa
-situation économique sera changée; son labeur, ennobli par sa qualité
-de citoyenne, obtiendra un salaire rémunérateur.
-
- *
- * *
-
-Les femmes n'échapperont à l'oppression du mari, à l'exploitation du
-patron, qu'en devenant, devant l'urne, leurs égales.
-
-La carte électorale dont la Française est privée, est un certificat
-d'honorabilité qui assure la considération à quiconque peut le montrer.
-
-En l'état actuel de la société, le suffrage est pour l'humain la plus
-sûre garantie de n'être lésé, ni diminué. C'est comme une assurance
-prise pour obtenir droit et justice. Pourquoi la femme ne jouirait-elle
-pas de cette assurance?
-
-En devenant citoyenne, la Française remplira encore mieux le devoir,
-puisque son rôle d'éducatrice s'étendra de l'unité à la collectivité
-humaine et que sa sollicitude maternelle embrassera la nation entière.
-
-La personne et la condition de la femme dépendant de la politique qui
-de toute part l'enserre; dans son propre intérêt comme dans l'intérêt
-général, la femme doit participer à la vie publique, coopérer à
-la transformation de la société afin de s'assurer de n'être point
-sacrifiée en l'organisation sociale future.
-
-On cite cette jolie phrase de M. Thiers que ceux qui dédaignent le
-concours féminin feraient bien de méditer:
-
-«Pour régler cette affaire, disait M. Thiers, il me faut mes femmes»
-(Mme Thiers et Mlle Dosne). Ces paroles prouvent que même l'homme
-d'Etat, que les louanges purent rendre orgueilleux, reconnaissait aux
-femmes des facultés particulières capables de compléter les siennes.
-Si ces deux parties du tout humain, l'homme et la femme, semblaient
-indispensables à M. Thiers pour régler une affaire privée difficile,
-combien est donc plus indispensable encore le concours de l'homme et de
-la femme, pour bien diriger les affaires publiques!
-
-Le suffrage des femmes, c'est l'utilisation de l'intégralité, de
-l'intelligence et de l'énergie de la nation pour réaliser son mieux
-être.
-
-Rapprocher hommes et femmes par la politique, ce sera faire s'établir
-entre les sexes une émulation salutaire pour le progrès.
-
-
-
-
-LA FEMME DANS LA COMMUNE
-
-
-En constatant que dans la commune les hommes souvent sacrifient au
-superflu, l'indispensable, on se demande s'il ne serait point sage de
-faire s'appliquer tout l'effort humain à l'administration publique; et,
-si ce n'est pas se montrer ennemi de son propre bien-être que de tenir
-éloignées du gouvernement, du bourg ou de la ville, les femmes qui sont
-particulièrement aptes à s'ingénier et à prévoir.
-
-Quant à propos d'adjudications de fournitures d'ustensiles ou de
-provisions de ménage, on entend à l'Hôtel de ville des conseillers
-municipaux discuter; chacun fait la réflexion que des femmes seraient
-beaucoup plus capables que nos édiles d'apprécier ces matières.
-
-Les conseillers municipaux de Paris, ainsi d'ailleurs que ceux de
-toutes les communes de France, sont forcés d'être à la fois hommes et
-femmes. Ils doivent résoudre des difficultés qui auraient besoin d'être
-élucidées par des matrones.
-
-Certes, ils se dépensent pour le bien public; seulement, réunissant
-dans leurs mains les attributions masculines et féminines, on a à
-déplorer dans leur administration des lacunes.
-
-Il n'est pas possible, en effet, d'être à la fois homme et femme. On
-trouverait étrange qu'un homme cumulât dans la famille le rôle de père
-et de mère et l'on admet que les hommes cumulent dans la commune ce
-double rôle.
-
-Ne vaudrait-il pas mieux, dans l'intérêt général, que chacun des deux
-facteurs qui concourent à former la population parisienne mette ses
-aptitudes particulières au service de l'administration de la ville de
-Paris?
-
-La femme, qui est contribuable, productrice et consommatrice, doit être
-électeur et éligible dans la commune.
-
-Au temps où la loi, comme la monnaie et les mesures étaient spéciales à
-chaque province, des Françaises délibéraient et votaient dans beaucoup
-de villes et de communes. On ne peut les avoir privées à jamais, des
-droits que de nombreuses Européennes exercent présentement.
-
-Dans presque tous les pays qui nous entourent, en Angleterre, en
-Ecosse, en Russie, en Autriche, en Hongrie, en Suède, en Norvège, dans
-plusieurs Etats de l'Allemagne, etc., les femmes participent, plus
-ou moins complètement, à la gestion des affaires municipales. Seule
-la France--oubliant les précédents--en compagnie de quelques Etats
-enténébrés, exclut la femme de l'administration communale.
-
-En France, la femme qui possède les trois quarts du territoire de la
-commune, n'est pas devant l'urne l'égale de son domestique mâle. Le
-domestique vote, la propriétaire qui l'emploie ne vote pas.
-
-L'habitante qui a une résidence fixe, une industrie, des intérêts
-engagés dans sa commune, n'a pas le droit qu'a le touriste qui s'arrête
-là six mois, d'exercer--en votant--son influence dans l'administration
-communale.
-
-La veuve chef de famille qui se trouve à la mort de son mari à la tête
-d'une grande maison de commerce, n'a pas le droit de donner son avis
-dans la commune. Ses ouvriers, ses employés, tous ceux qui dépendent
-d'elle, ont le pouvoir de lui nuire en votant contre ses intérêts; il
-lui est impossible de se défendre. Elle ne peut rien puisqu'elle n'est
-pas électeur.
-
-Les Français se déprécient, en refusant aux femmes dont ils
-proviennent, les prérogatives qu'ont les dames des nations voisines.
-
-Si, en effet, les femmes de France sont inférieures aux femmes des
-autres pays et ne peuvent exercer les droits de celles-ci, il est bien
-certain que leurs pères, leurs frères, leurs époux sont eux-mêmes
-inférieurs aux hommes des autres pays.
-
-Si le Français continue à tenir dans un tel état d'infériorité, sa
-mère, il finira par faire penser à ses contemporains étrangers qu'ils
-ont sur lui une suprématie héréditaire; et par faire croire qu'au
-lieu d'être né d'une femme, il pourrait bien être issu d'une guenon,
-puisqu'il la laisse aussi loin, derrière lui.
-
-La compatriote que le Français comble d'humiliations et qu'il se
-complaît à faire, à son détriment, déconsidérer, est, ô ironie! plus
-qu'aucune femme au monde, intelligente, utile et agréable.
-
- *
- * *
-
-En demandant que les femmes participent à l'administration municipale,
-nous ne réclamons pas une innovation, mais simplement le retour à ce
-qui fut de 1182 à 1789; la remise en vigueur et la généralisation, de
-la _loy et coutume de Beaumont_.
-
-Cette loi rendue en 1182, à Beaumont en Argonne, se répandit dans tout
-l'Est, dans le Nord et sur les pays Basques. Elle prescrivait que les
-veuves, les filles ayant leur ménage et les femmes mariées en l'absence
-de leurs maris prissent part aux délibérations et aux votes.
-
-Dans les documents qui mentionnent la part prise par les femmes à
-l'administration des bourgs et des villes, elles sont traitées sur le
-pied d'égalité avec l'homme, témoin cette finale: «Lesquels, _tous et
-toutes_ firent, ordonnèrent et devisèrent entre eux.»
-
-Plus d'un siècle après la révolution, les communes où les femmes sont
-les plus nombreuses et les plus imposées, n'ont pas même d'électeurs
-du sexe féminin. La participation des femmes à la gestion municipale
-décuplerait pourtant, la prospérité des localités auxquelles leurs
-flancs fournissent sans cesse de nouveaux habitants.
-
-
-
-
-VOIX DONNÉES AUX FEMMES
-
-
-L'intervention des Françaises dans les affaires du pays est depuis
-longtemps jugée si nécessaire, qu'en certaines élections municipales,
-des femmes ont obtenu des voix sans avoir sollicité de mandat.
-
-Les bulletins portant inscrits des noms de femmes ont quelquefois été
-comptés.
-
-En 1881, dans la commune de Grandpré (Ardennes), Mme Jules Lefebvre,
-commerçante, mère de famille, eut son nom écrit sur bien des bulletins
-électoraux. «En votant pour elle, disaient ses électeurs, nous avons
-voulu choisir le plus capable parmi nous, à quelque sexe qu'il
-appartienne.» Ce raisonnement de ruraux n'est-il pas propre à inciter
-les citadins à réfléchir?
-
-Toujours en 1881, à Paris, Mme Léonie Rouzade, candidate dans le XIIe
-arrondissement, obtint 57 voix.
-
-Peu après, à Thorey (Meurthe-et-Moselle), trois dames obtenaient
-chacune cinq voix. Elles étaient, proclamaient leurs électeurs, les
-plus dignes de nous représenter.
-
-En 1884, à Houquetôt (Seine-Inférieure) les électeurs accordèrent à une
-femme huit voix de plus que la majorité des suffrages exprimés.
-
-Dans le (Lot-et-Garonne) les électeurs donnèrent à une femme
-trente-quatre voix de majorité.
-
-A Vornay (Cher) Mme Gressin, propriétaire, obtint suffisamment de voix
-pour être nommée conseillère municipale.
-
-En enregistrant ces succès qu'ils savaient dus à l'active propagande
-faite par _La Citoyenne_, de grands quotidiens nous disaient de mettre
-un bouquet à notre chapeau.
-
-Ces trois élections de femmes furent annulées; le suffrage dit
-universel n'étant--pendant qu'il est restreint à la moitié de la
-nation--qu'une institution de fantaisie que les gouvernants mutilent à
-leur gré.
-
-Mais les voix accordées en tant de points du territoire à des femmes,
-prouvent que les électeurs sont las de la fiction, qu'ils veulent dans
-la commune une représentation réelle de la population.
-
-Tous les habitants de la commune doivent être déclarés égaux devant les
-prérogatives, comme ils le sont devant les charges.
-
-Evincer de l'administration municipale, les Françaises qui savent avec
-rien, faire régner le bien-être en la maison, c'est de gaieté de cœur
-sacrifier le bonheur commun.
-
-La femme ne doit pas seulement être l'âme de la famille, il est
-nécessaire qu'elle soit l'âme de la Cité, afin de pouvoir, en
-décuplant et en ménageant ses ressources, faire resplendir de bien-être
-le visage de chacun de ses habitants.
-
-A chaque élection, le suffrage bien que réduit, borné, faussé et mutilé
-fait entendre un bégaiement de vérité. Ce serait trop long, de citer
-toutes les circonscriptions électorales où les femmes ont obtenu des
-voix.
-
-Voici, cependant, à propos de succès électoraux féminins ce qui s'est
-passé en 1897 à Ménerville (Algérie).
-
-Le dépouillement du scrutin terminé, M. Vissonnaux, candidat, fit
-observer que les bulletins, portant le nom de Mme Pellier-Le-Cerf,
-ayant un caractère inconstitutionnel, devaient être considérés comme
-nuls. Il demandait que sa déclaration fût inscrite au procès-verbal et
-lesdits bulletins y annexés.
-
-Le maire trouvant l'observation bien fondée, s'empressait de jeter les
-bulletins dans la cheminée et d'y mettre le feu.
-
-A ce moment, survint M. Bouayoume qui, voyant l'escamotage, donna de
-grands coups de poing sur la table, protestant avec indignation contre
-la suppression de bulletins sur lesquels était inscrit le nom de Mme
-Pellier-Le-Cerf. Il flétrit énergiquement les procédés du bureau.
-
---«Vous violez, dit-il, la liberté du suffrage universel en annulant
-les voix données à une femme!»
-
-Aux élections municipales de 1908, Melle Jeanne Laloé, candidate à
-Paris dans le 9e arrondissement obtint 987 voix, mais 527 bulletins
-portant son nom furent seulement comptés.
-
-L'exclusion des Françaises de l'administration communale, fait qu'en la
-cité le bien-être manque, comme en la maison où il n'y a pas de femme.
-
-Les édiles veulent Paris beau, ce dont chacun ne peut que les
-féliciter; mais parce qu'ils sont exclusivement des hommes, leurs
-efforts tendent seulement à faire de la capitale du monde le plaisir
-des yeux; alors, que des hommes et des femmes réunis, la rendraient en
-même temps qu'un séjour enchanteur, le pays de Cocagne souhaité.
-
- *
- * *
-
-Il est inutile d'insister sur les inconvénients du gouvernement d'un
-seul sexe, ni de parler des négligences dont souffrent les habitants
-des villes et des villages seulement régis par les hommes; et où il n'y
-a qu'une moitié de la sollicitude humaine éveillée, alors que l'espèce
-entière devrait être appelée à tout prévoir.
-
-Avec l'administration des seuls hommes, nous avons de tout, seulement
-l'apparence: les rues sont arrosées pendant que l'eau manque dans les
-maisons. Avec l'administration des hommes et des femmes, l'illusion
-deviendra réalité, les génératrices perpétuellement préoccupées
-de conserver les êtres, d'entretenir la vie qu'elles donnent,
-s'emploieront à accumuler à Paris l'air et l'eau.
-
-Au pays de la soif, la garde de l'eau vivifiante est confiée aux
-femmes. A Ghat, seules les femmes disposent des sources.
-
-Tout ce qui a trait au boire et au manger est office de ménagère;
-malheureusement, ceux qui parlent de laisser la femme à son rôle, le
-lui dérobent ce rôle, dès qu'il rapporte des honneurs et de l'argent.
-
-Les hommes sont de mauvais ménagers, chacun se trouverait donc très
-bien, que les femmes fassent avec eux la cuisine administrative.
-
-Les Françaises ont le sens de l'utilitarisme démocratique. Quand
-elles seront électeurs et éligibles, elles forceront les assemblées
-administratives et législatives à se pénétrer des besoins humains et à
-les satisfaire.
-
- *
- * *
-
-La République qui ne laisse pas en la métropole les femmes participer à
-l'élection du conseil municipal de leur commune, a autorisé en Océanie,
-des femmes à exercer les fonctions de Maire.
-
-En 1891, le gouvernement fit remettre par le gouverneur de Tahiti aux
-huit cheffesses de districts de Tahiti et de Moréa, une écharpe aux
-couleurs nationales; en même temps qu'il les fit rétablir en leurs
-pouvoirs et dignités d'officières de l'état-civil, pour mettre fin aux
-irrégularités constatées dans les actes de l'état-civil, depuis que
-l'annexion leur avait fait retirer leur emploi.
-
-Les faits, forcent parfois les populations à reconnaître que la
-femme exclue de l'électorat municipal, est supérieure aux élus de la
-commune: A Rieufort de Randon (Lozère) momentanément privée de maire
-et d'adjoints, on vit un jour une jeune fille remplir sans embarras le
-rôle d'officier d'état-civil, procéder à un mariage à la place d'un
-conseiller municipal qui se déclarait inapte à unir les futurs époux,
-parce qu'il ignorait la loi et ne savait pas lire (_sic_).
-
-C'est seulement le couple humain, qui peut en tout accomplir exactement
-ce qui convient dans la commune et dans l'Etat.
-
-Nous mettons au défi les hommes les meilleurs, de faire de la commune
-la maison agrandie que chacun espère, sans le concours du cœur féminin.
-
-
-
-
-LES FEMMES DANS L'ÉTAT
-
-
-De même que pour appeler un être à la vie, il faut le couple humain,
-pour instaurer un milieu approprié où cet être puisse s'épanouir
-pleinement, la femme est autant que l'homme indispensable.
-
-«La femme et l'homme, ces deux parties du même tout, dit Benjamin
-Franklin, c'est comme les deux branches d'une paire de ciseaux, l'une
-ne sert de rien sans l'autre.»
-
-Les hommes sans les femmes, sont dans l'impossibilité d'organiser pour
-l'humanité entière de bonnes conditions d'existence. Ce ne sera qu'en
-s'adjoignant pour l'effort politique leurs compagnes, que les Français
-pourront assurer l'ordre social et la prospérité publique.
-
-Interrogez à la campagne et à la ville des hommes de toutes conditions,
-ils vous répondront qu'une maison sans femmes est la pire des choses;
-cependant, ces mêmes hommes ne veulent point se rendre compte qu'une
-commune et un Etat sans femmes, sont bien plus pitoyables encore que la
-maison d'où l'élément féminin est absent, car le mal-être, restreint
-ici à quelques individus, se généralise et est là, supporté par toute
-la population. Présentement, les Françaises ne sont pas représentées
-dans les assemblées administratives et législatives.
-
-Ce retranchement des femmes de la chose publique, cause au corps social
-le préjudice et le malaise, que le retranchement d'un organe fait
-éprouver au corps humain.
-
-Si vous avez un membre ou deux membres supprimés, toute votre personne
-est affaiblie, amoindrie; de même, la nation, privée de l'activité de
-la moitié de ses membres, a sa force et son intelligence réduites, est
-endolorie, paralysée; finalement, voit se rapetisser sa destinée.
-
-Pour que l'individu et la collectivité puissent complètement exister,
-la première des conditions est que tous les organes du corps humain
-et que tous les organes du corps social fonctionnent. La république
-amputée des femmes est aussi réduite à l'impuissance que l'individu
-amputé d'une jambe et d'un bras.
-
-La population française, qui a deux yeux pour voir et deux pieds pour
-marcher, se diminue en s'obstinant à ne voir que par le seul œil
-masculin les difficultés à résoudre et à ne marcher que du seul pied
-masculin vers les buts poursuivis.
-
-Ce que décide une minorité des Français dans des assemblées où un seul
-sexe est représenté ne peut convenir à la nation tout entière.
-
-Les hommes clairvoyants se rendent compte de cela; aussi, le nombre
-augmente de ceux qui osent proposer de s'adjoindre les femmes pour
-combiner les arrangements sociaux.
-
-Les Françaises qui subissent les lois doivent contribuer à les faire.
-
-Comme le dit fort bien M. Jaurès: «C'est l'humanité complète qui doit
-agir, penser, vivre, et l'on a bien tort de redouter que le suffrage
-des femmes soit une puissance de réaction, quand c'est par leur
-passivité et leur servitude qu'elles pèsent sur le progrès humain.»
-
- *
- * *
-
-Les millions de femmes qui sont ouvrières, et les millions de femmes
-qui sont ménagères doivent pouvoir, en votant, régler les relations
-extérieures au point de vue économique et politique, en raison des
-traités de commerce qui élèvent ou abaissent le prix des denrées et de
-la main-d'œuvre.
-
-On a entendu un ministre des finances se plaindre de ne pas trouver
-chez les députés le sens de l'économie. C'est que le sens de l'économie
-n'est réellement possédé que par l'élément féminin. Or justement,
-l'élément féminin est exclu de la Chambre.
-
-Si le Parlement, où nulle femme ne siège et où n'est entré aucun
-mandaté des femmes, manque parfois de prudence et de prévoyance, il
-manque aussi, on en conviendra, autant d'aptitude et d'autorité,
-pour élaborer des lois réglant les rapports humains, que manquerait
-d'aptitude et d'autorité, une Chambre exclusivement féminine pour
-légiférer, sur ce qui concerne hommes et femmes; attendu que
-l'homme absent serait, comme est aujourd'hui la femme absente du
-Palais-Bourbon, victime de la partialité du sexe omnipotent.
-
-Les hommes ne peuvent, sans le concours du sexe féminin, juger, en même
-temps, de ce qui leur convient à eux et de ce qu'il nous faut à nous?
-
-Les deux types qui forment l'espèce humaine doivent avoir voix au
-chapitre, quand il s'agit de régler leur propre destinée.
-
- *
- * *
-
-Les femmes faites citoyennes, régénèreront la politique et l'impulsion
-qu'elles feront donner aux affaires permettra bientôt aux Français de
-manifester la virilité des peuples neufs.
-
-Les sauvegardiennes de la probité morale affermiront la droiture
-masculine en la vie publique.
-
-En dépit de délits spéciaux inventés pour elles, les femmes, si nous
-en croyons les statistiques, faillissent moins que les hommes. Il y a
-beaucoup plus d'inculpés que d'inculpées.
-
-Puisqu'il est établi que la femme résiste plus à l'excitation au mal,
-que l'homme; pourquoi ne pas garantir celui-ci contre ses propres
-défaillances en la lui adjoignant au gouvernail?
-
-Les maisons de secours se joignent aux statistiques, pour attester la
-supériorité morale de la femme, frappée d'infériorité légale.
-
-Dans les établissements charitables, on rencontre surtout un public
-d'hommes, c'est-à-dire le sexe qui a en la vie, l'argent et les
-positions.
-
-L'homme a dans la société le monopole du travail lucratif, il gagne
-plus souvent 8 francs que la femme 2 francs. Cependant, dès le premier
-jour de chômage le voilà réduit à la mendicité.
-
-La femme qui est exclue des gros gains tend moins que l'homme la main.
-
-Est-ce parce qu'elle a plus de dignité et moins de vices? Ou est-ce
-parce qu'avec des centimes elle trouve mieux le moyen de parer à la
-disette que l'homme avec ses 8 francs quotidiens?
-
-Comment peut-on charger seul du soin de gouverner les autres, l'homme
-sans prévoyance qui n'est point apte à se gouverner lui-même?
-
-Pour les Français aimant les lendemains sûrs, la gestion du sexe
-masculin, qui avec son salaire convenable ne parvient à se suffire,
-offre beaucoup moins de garanties que celle du sexe féminin qui, à
-force d'ordre, d'ingéniosité, se tire d'affaire en sa perpétuelle
-pénurie d'argent.
-
-
-
-
-LES FEMMES ET LE BUDGET
-
- La puissance d'économie des femmes fera s'équilibrer les recettes et
- les dépenses.
-
-
-Puisqu'on reconnaît aux femmes, de réelles facultés d'épargne; et,
-l'aptitude à augmenter la valeur d'emploi de l'argent, pourquoi ne
-fait-on pas appel au concours féminin pour mettre fin aux déficits
-budgétaires?
-
-Si les Françaises participaient à l'administration de l'Etat, elles
-apprendraient aux membres du Parlement à être moins prodigues des fonds
-publics, et les contribuables obtiendraient en payant moins d'impôts,
-plus de garanties et de commodités.
-
-Les hommes ne savent faire face aux exigences sociales avec le gros
-budget de la France, comme la femme sait faire face aux besoins de la
-famille avec le petit budget du ménage. En l'Etat, les recettes énormes
-ne couvrent pas les dépenses phénoménales.
-
-Pendant que législateurs et administrateurs municipaux déplorent que
-le manque d'argent entrave tous les projets de réforme, des électeurs
-avouent, s'ils sont commerçants, que sans leur femme, ils ne pourraient
-faire honneur à leurs affaires...
-
-S'ils sont ouvriers, employés, médecins, avocats, petits rentiers,
-confessent que, sans leur femme, ils ne parviendraient point à
-équilibrer leur budget, à vivre.
-
-A la ville comme à la campagne, c'est quotidiennement que l'on entend
-des Français dire: que cent francs ne valent pour l'homme que soixante
-francs, tandis que pour la femme, cent francs sont l'équivalent de cent
-vingt francs.
-
-Alors!... le voilà bien trouvé le moyen de mettre fin aux déficits
-budgétaires et de rendre possibles les transformations sociales
-souhaitées.
-
-Ce moyen consiste à confier aux femmes, qui ont de si grandes facultés
-d'épargne, tout ce qui a rapport aux finances.
-
-Tout le monde a sous les yeux l'exemple d'hommes qui, en dépensant de
-très grosses sommes, ne parviennent pas en la maison à réaliser le
-bien-être que couramment les femmes y introduisent, avec peu d'argent.
-Eh bien, l'Etat est une agglomération de maisons à administrer. Or,
-n'est-ce pas imprudent de confier aux seuls hommes, qui se montrent
-souvent inhabiles à équilibrer leur budget individuel, le budget
-national? Attendra-t-on que la France ait déposé son bilan, pour
-charger l'élément féminin d'introduire des réformes en nos finances?
-
-L'accroissement des dépenses, devrait susciter un patriotisme capable
-de faire émettre par tous les groupes de la Chambre et du Sénat, la
-proposition d'appeler les femmes au secours du pays.
-
-Nouvelles venues en la politique, elles trancheraient aisément dans
-le vif du fonctionnarisme et préserveraient les Français des lourdes
-charges et de la vie chère.
-
-Tous les contribuables doivent pouvoir mettre un frein à la
-dilapidation des deniers publics. Exclure ces épargneuses--les
-femmes--de la gestion sociale, c'est contraindre la République à
-faillir à ses engagements.
-
-Si les femmes coopéraient à l'administration des biens de la nation,
-les recettes excèderaient les dépenses.
-
-Les Françaises ont en elles développé, par l'obligation quotidienne de
-partager un centime en quatre pour arriver à satisfaire de multiples
-besoins familiaux, une aptitude administrative qui fera s'ouvrir une
-ère de prospérité pour les populations qui l'utiliseront.
-
-On réaliserait de grandes économies, si le budget national était
-épluché et passé au crible par les femmes, comme l'est le budget
-familial.
-
-Le bien-être résulterait, de la remise à la femme de la clef de la
-caisse publique.
-
- *
- * *
-
-Les hommes point pressés de voir la Française échapper à la dégradation
-civique, dont dérivent pour elle toutes les oppressions, toutes les
-spoliations, trouvent que pour le sexe féminin l'heure n'est jamais
-venue de posséder le bulletin affranchisseur. En 1789 et 1793, les
-hommes disaient qu'il était prématuré de donner les droits politiques
-aux femmes; en 1848, ils jugeaient également prématuré d'englober les
-femmes dans le suffrage. Actuellement, ils sont d'avis qu'il serait
-encore prématuré d'octroyer l'électorat aux femmes.
-
-Toute proposition de loi, ne devrait cependant venir en discussion,
-qu'après que le suffrage aurait été attribué aux femmes.
-
-La France entière ayant seule l'intuition des besoins humains, la
-France entière peut seule poser les bases d'une société meilleure en
-votant des réformes fondamentales.
-
-Tenir les femmes hors des salles de vote où tout se projette et à
-l'écart du Parlement où tout se résoud, c'est les désigner d'avance
-pour être sacrifiées.
-
-Les femmes seront plus considérées, mieux rétribuées, quand elles
-exerceront leurs droits politiques. Et, l'humanité entière a intérêt
-à ce qu'elles exercent leurs droits politiques; car, on ne peut sans
-nuire à l'espèce, sans amoindrir l'homme, garder infériorisée la femme,
-qui imprime à la société sa marque de fabrique, puisque matrice de la
-nation, elle est le moule qui forme tous les Français.
-
-Afin de se justifier d'annuler les femmes, les hommes spoliateurs
-les incriminent d'attachement aux vieux usages; alors, qu'il est
-surabondamment prouvé qu'en dépit de toutes les entraves, elles ne
-sont pas plus qu'eux ennemies du progrès.
-
-Les femmes sont les premières à utiliser les innovations; on les a vues
-adopter pour la locomotion tous les nouveaux systèmes.
-
-La femme que l'homme déprécie afin de pouvoir, en la spoliant de ses
-droits, l'opprimer et l'exploiter, n'est pas plus que lui bornée, elle
-doit donc être autant que lui électeur.
-
-Soutenir que la dégradée civique, que la serve obligée de singer son
-maître peut avoir sur lui une influence occulte pour le bien, semble
-être moins encore une erreur qu'une ironie.
-
-L'homme ne reçoit pas d'en bas ses impressions morales; et, aussi
-longtemps que la femme sera au-dessous de lui, elle pourra l'amuser,
-le charmer; non changer sa manière de voir et de faire, non le
-métamorphoser; car si l'être dit supérieur condescend à demander à
-l'être dit inférieur le secret du mal, jamais il ne lui demande le
-secret du bien.
-
-Aussi, il paraît indispensable que pour accomplir la mission sociale
-qu'on lui assigne, la femme ait le pouvoir que confère la souveraineté;
-ce ne sera que ce pouvoir matériel, qui lui assurera l'autorité morale.
-
-Au lieu de restreindre en les partageant les prérogatives masculines,
-les femmes les augmenteront; puisque le jour où il sera en les mains
-de tous les ayants droit hommes et femmes, le bulletin octroiera aux
-Français et Françaises la faculté de matérialiser leur volonté d'être
-heureux et libres.
-
-C'est de peur de ne pouvoir faire parler comme on veut le suffrage
-rendu conscient en même temps qu'il deviendrait universel, que l'on
-écarte des affaires publiques cette force nationale, la femme.
-
- *
- * *
-
-Ce ne sera qu'en unifiant la condition de l'homme et de la femme que
-l'on unifiera la manière de voir des Français.
-
-Dire à la Française, de cesser d'être coquette, sans lui donner le
-moyen d'améliorer son sort en votant, c'est la maintenir en une
-immobilité mentale qui paralysera la marche en avant.
-
-La femme doit voter, car il n'y a place au soleil de la République que
-pour qui dispose d'un vote. Et, ce ne sont pas seulement les femmes,
-c'est la nation entière qui souffre de l'annulement politique des
-Françaises.
-
-Les hommes n'ignorent point cela; cependant, à quelque parti qu'ils
-appartiennent, réactionnaires et républicains, ils sont d'accord pour
-faire envisager le vote des femmes comme un danger public.
-
-En notre France qui garde l'empreinte monarchiste de la loi salique,
-le fantôme de la femme politique est aussi redouté que le spectre
-rouge. Ce ne sera, cependant, qu'à l'aide de celle-ci que l'on pourra
-triompher de celui-là. Les femmes étant seules assez nombreuses pour
-mettre à la raison les perturbateurs.
-
- *
- * *
-
-Bien que l'on sache, que les femmes sont pourvues de facultés qui
-feront se transformer sans violences la société et que partout où les
-femmes ont voté, elles ont mis leur zèle et leur énergie au service des
-partis avancés, les révolutionnaires repoussent le bulletin pondérateur
-de la femme, et les radicaux évolutionnistes ne s'empressent pas
-d'utiliser ce bulletin pondérateur, qui leur assurerait le gouvernail
-de la barque sociale.
-
-Si les hommes d'opinions si opposées s'entendent pour représenter comme
-un épouvantail le vote des femmes, c'est qu'ils sont d'accord pour
-continuer à accaparer les bénéfices électoraux; et, qu'ils trouvent
-avantageux de tenir les sièges législatifs de la force du nombre des
-femmes, sans avoir besoin d'obtenir leurs bulletins.
-
-Pour faire s'activer l'évolution de l'humanité, il faut mettre la
-femme au niveau de l'homme, afin que les deux êtres équivalents qui se
-complètent ne cheminant plus en des voies différentes, marchent du même
-pas vers la justice sociale.
-
-La République cessera seulement d'être pour les Françaises une
-bluffeuse, quand elle leur facilitera le combat pour la vie en les
-armant du bulletin de vote.
-
-
-
-
-L'ÉDUCATION POLITIQUE DES FRANÇAIS
-
-
-L'étranger comprend l'horreur que le Français a pour la politique, en
-entendant le camelot parisien faire ce boniment: «Dans mes journaux, il
-n'y a pas de politique, tout n'est que blague et rigolade.»
-
-La politique, qui d'après le rusé marchand ferait se sauver les
-acheteurs, joue cependant un rôle énorme, puisque c'est d'elle que
-dépend la destinée humaine.
-
-Sous le nom de règlement et de répression, la politique prend à la
-femme comme à l'homme sa liberté. Sous le nom de taxe, la politique
-prend à la femme comme à l'homme, son argent. Sous le nom de guerre, la
-politique prend à l'homme sa vie et à la femme plus que sa vie, la vie
-de ceux qu'elle aime!
-
-Pourquoi donc cette question suprêmement intéressante répugne-t-elle
-aux foules, au lieu d'être l'objet de leur constante préoccupation?
-
---Parce qu'on ne la comprend pas.
-
-Un seul sexe étant admis à faire de la politique, il n'est point séant
-d'en parler. De sorte que la politique, qui se réduit à sauvegarder ou
-à mettre en péril les intérêts généraux et particuliers, est considérée
-comme une science inaccessible même aux hommes qui se distinguent dans
-leur art ou leur profession. Et l'indifférence pour les affaires du
-pays menace de se perpétuer.
-
-Comment l'homme s'initierait-il à la politique, pendant que la femme,
-avec laquelle il est sans cesse en tête à tête, n'est pas admise à en
-chercher avec lui le mécanisme?
-
-Aussi longtemps que, comme des pestiférées en quarantaine, les femmes
-seront tenues à l'écart de la politique, la nation sera sans éducation
-politique.
-
-Pour que la politique cesse d'être pour l'homme chose ennuyeuse et
-incompréhensible, il faut qu'elle s'introduise dans le ménage, où elle
-deviendra une question d'autant plus familière qu'elle sera tous les
-jours incidemment creusée.
-
-Bien loin d'être une source de division, la politique resserrera les
-liens entre époux. En élargissant l'horizon intellectuel du _home_,
-elle fera souvent succéder à l'amour envolé, l'amour du bien public.
-
-Quand les femmes jouiront des mêmes droits électoraux que les hommes,
-le sein maternel ne sera plus un milieu où le cerveau s'atrophiera.
-L'affranchissement de la mère soustraira l'homme à l'abâtardissement
-utérin qui en fait plus un sujet qu'un citoyen. La maison familiale
-deviendra une école où électeurs des deux sexes luttant d'émulation
-feront ensemble, sans y penser, leur éducation politique. Alors, la
-nation sera plus clairvoyante et aux phrases pompeuses qui retentissent
-dans les réunions d'électeurs et d'élus, succéderont des émissions
-d'idées, de plans, d'où pourront découler le bien de l'humanité.
-
- *
- * *
-
-Présentement, les électeurs pétris du sang et de la chair de dégradées
-civiques, vivant en tête-à-tête avec des repoussées de la vie publique,
-sont, par l'atavisme et le milieu ambiant, maintenus en une telle
-enfance politique qu'ils n'écoutent que les charlatans criant le plus
-haut, sachant le mieux persuader qu'ils feront couler du bourgogne des
-fontaines Wallace et tomber, rôties, du ciel les cailles.
-
-C'est seulement quand les femmes voteront, que Français et Françaises,
-s'instruisant mutuellement en discutant ensemble des affaires
-publiques, deviendront des électeurs souverains conscients.
-
-Assimiler les femmes aux hommes citoyens, épouvante le Français; nos
-partisans d'indépendance électorale aiment mieux laisser escroquer
-à l'électeur son vote que de le rendre promptement capable d'être
-son propre maître en admettant sa compagne si divinatrice, si
-investigatrice à coopérer avec lui aux affaires publiques.
-
-On reconnaît que la nation entière saurait mieux qu'une partie de la
-nation organiser son bonheur; on affirme que les Françaises ont des
-qualités propres qui complètent les qualités des Français.
-
-On dit que les tournants politiques cesseraient d'être dangereux, si la
-masse électorale avait pour la guider le jugement sûr et le tact inné
-de femmes.
-
-Pourtant, on reste privé de leur concours, on les élimine, au grand
-préjudice de la généralité des êtres, puisque les femmes intuitives
-seraient en arrivant sur la scène politique, les monitrices électorales
-qui démêleraient les questions et dessilleraient les yeux.
-
-Il n'est pas possible de «marcher vers la justice sociale» sans d'abord
-soustraire la moitié de l'humanité à l'oppression de l'autre moitié, en
-la munissant de cette arme libératrice, le bulletin de vote.
-
-On comprime la nature en annihilant les femmes et en les contraignant
-à jouer le rôle de traînardes paralysatrices d'efforts; alors, qu'il
-convient si bien à leur tempérament d'être des avant-gardes du progrès,
-faisant évoluer l'espèce.
-
-Quiconque se préoccupe de l'avancement humain, doit vouloir assurer à
-la République, le concours des femmes, en les faisant citoyennes.
-
-Lorsque hommes et femmes gèreront ensemble les affaires publiques, ils
-deviendront bientôt aptes à être eux-mêmes leurs représentants. Or,
-quand les Français et les Françaises seront leurs propres députés,
-ils économiseront avec les millions de l'indemnité parlementaire,
-beaucoup d'autres millions dépensés pour satisfaire les grands
-électeurs que chaque élu traîne après soi; et, l'on peut prévoir tout
-ce qui résultera d'heureux pour la population, du gouvernement exercé
-directement, par les Français et les Françaises.
-
- *
- * *
-
-La mère qui a quarante ans d'expérience de la vie est bien plus
-préparée à exercer ses droits politiques, que son fils électeur à vingt
-et un ans.
-
-C'est en votant, que l'on apprend à bien voter.
-
-Les hommes gratifiés du suffrage en 1848 étaient beaucoup moins aptes
-que ne le sont les femmes d'aujourd'hui à exercer le suffrage; et,
-combien trouverait-on d'électeurs qui pourraient présentement offrir
-les garanties que l'on demande au sexe féminin? Pas plus que le droit
-de l'homme, le droit de la femme ne peut être soumis à des conditions,
-ni être ajourné par une question d'opportunité.
-
-Les spoliateurs des Françaises qui feignent de redouter leur arrivée
-dans la politique, savent fort bien que les femmes, au contraire,
-réveilleront l'enthousiasme des masses pour la République, puisqu'elles
-la rendront capable de réaliser les réformes attendues.
-
- *
- * *
-
-Pourquoi toutes les révolutions ont-elles si peu amélioré le sort
-humain?
-
---Parce qu'elles ont passé par-dessus la tête des femmes sans les
-affranchir, et, que l'asservissement féminin est le plus grand obstacle
-au progrès.
-
-Les Françaises sont depuis si longtemps spoliées qu'elles ne peuvent
-croire que leur entrée dans le droit commun est indispensable à
-l'accélération de l'évolution humaine; elles ne seront persuadées
-qu'elles ont des droits que lorsqu'on les appellera à exercer ces
-droits.
-
-N'y aurait-il pas pour les hommes plus d'avantages à s'associer
-immédiatement la femme, dans la commune et dans l'Etat, qu'à risquer
-de se créer des difficultés, pour se donner la puérile satisfaction
-de garder encore un peu de temps hors la loi, les vingt millions de
-Françaises?
-
-Aucune unité de vues n'est possible entre Français et Françaises, avant
-qu'ils ne soient appelés à se concerter sur ce qui mutuellement les
-intéresse; c'est-à-dire, avant que ne soit substitué au jeu sans effet
-du petit suffrage restreint, la toute puissance transformatrice du
-grand suffrage universel.
-
-On dissipera l'incohérence politique, en élevant au niveau de l'homme,
-la femme qui moule et façonne les électeurs.
-
-L'éducation politique du pays serait maintenant achevée, si les hommes
-et les femmes avaient depuis 1848, appris à bien voter, en votant
-ensemble; et, au lieu de redouter que l'ignorance, la servilité,
-n'enrayent le progrès, on aurait la certitude que le bon sens général
-l'accélèrerait; car, la nation serait moralement augmentée, si la serve
-qui lui donne son empreinte était citoyenne.
-
-
-
-
-LE VOTE DES FEMMES CÉLIBATAIRES
-
-
-Toutes les restrictions apportées à l'exercice des droits politiques
-de la femme étant préférables à l'exclusion du sexe féminin de la
-politique, nous admettrions, au pis aller, que pendant qu'elle est dans
-le mariage, la femme soit comme l'homme pendant qu'il est sous les
-drapeaux, privée du droit de voter.
-
-Mais la femme affranchie de la tutelle maritale, la femme apte à gérer
-toutes les affaires civiles et privées, n'est-elle pas apte aussi à
-gérer les affaires politiques et publiques?
-
-Si nous proposons de demander le suffrage d'abord pour les femmes
-instruites et pour les célibataires, c'est afin d'esquiver en même
-temps que la demande d'autorisation maritale, l'objection que la femme
-est une ignorante.
-
-En réclamant, dans l'intérêt du sexe entier, le pouvoir immédiat pour
-les plus libres d'affranchir celles qui sont opprimées, on ne favorise
-personne, attendu que les femmes mariées ne sont, pas plus que les
-célibataires, dans un état immuable et permanent.
-
-Tous les jours, des épouses deviennent veuves, donc célibataires; tous
-les jours, des filles majeures, des veuves, des divorcées deviennent
-des femmes mariées. Alternativement, les Françaises se remplacent
-dans leurs successives conditions; aussi, la tactique consistant à
-revendiquer d'abord le suffrage pour les momentanément majeures,
-c'est-à-dire pour les femmes ayant l'aptitude exigée des hommes pour
-être électeur, ne peut être qualifiée de transaction. C'est un moyen
-employé pour réussir.
-
- *
- * *
-
-Il ne peut point être question de décider à quelle catégorie de femmes
-on va donner le vote. Toutes les Françaises sont dans une situation
-trop instable pour être classées par catégories, et toutes ont droit au
-vote.
-
-Il s'agit de faire obtenir adroitement le suffrage au sexe féminin.
-Si on le réclame pour la généralité des femmes, on jette sans profit
-l'alarme au camp des maris. Si, au contraire, on introduit dans la
-citadelle politique, afin qu'elles en ouvrent la porte à toutes
-celles qui parmi les femmes n'ont pas leurs mouvements paralysés par
-la puissance maritale, on aplanit les difficultés, on prévient les
-objections et très promptement on triomphe.
-
-La revendication du suffrage pour les Françaises qui n'ont pas de
-mari est un démenti donné à ceux qui affirment que les femmes sont
-représentées à la Chambre par leur mari.
-
-M. Aulard, dans un de ses cours, a rappelé que les hommes ont commencé
-à user de cette échappatoire pour s'abstenir de conférer le vote aux
-femmes lors de la discussion de la Constitution de l'an III.
-
-A propos de l'abolition du suffrage universel, Rouzet, député de la
-Haute-Garonne, prit la parole pour dire que le suffrage universel
-n'avait pas existé puisque les femmes n'étaient pas admises au droit
-politique.
-
-Lanjuinais, lui répondit que les femmes étaient représentées par leurs
-maris.
-
-Depuis, les députés chargés de faire des rapports sur les pétitions
-réclamant le suffrage des femmes se sont toujours tirés d'embarras en
-répétant après Lanjuinais que les femmes étaient représentées par leurs
-maris.
-
-Il était nécessaire d'arrêter sur les lèvres des législateurs cette
-version erronée en demandant les droits électoraux pour les millions de
-Françaises qui n'ont pas de mari.
-
- *
- * *
-
-Quand on révise la loi électorale, des députés demandent quelquefois
-d'assurer la représentation des épouses en accordant aux électeurs
-mariés deux suffrages.
-
-Mais, jamais il n'a été question de charger quiconque de déposer un
-bulletin pour les Françaises célibataires. C'est que ces femmes-là
-sont des majeures devant le devoir public et que l'on ne peut contester
-leur droit.
-
-Ce droit des célibataires, les hommes l'appellent même parfois au
-secours de leurs privilèges; seulement, après qu'ils ont proclamé qu'il
-est indispensable que les veuves et les filles majeures aient des
-mandataires, ils leur disent qu'elles auraient l'esprit bien étroit si
-elles croyaient qu'elles ont besoin de voter pour être représentées à
-la Chambre.
-
- *
- * *
-
-Demander de concéder d'abord le suffrage aux femmes qui ont les
-qualités requises pour le posséder, ce n'est pas transiger, c'est
-adapter le droit à l'aptitude.
-
-Quand on a donné l'électorat consulaire aux commerçantes, quand on
-a accordé l'électorat et l'éligibilité aux conseils départementaux
-d'enseignement et au conseil supérieur de l'instruction publique, aux
-institutrices, on a adapté le droit à l'aptitude.
-
-Les épouses sous la tutelle de leur mari, qui ne seront pas
-provisoirement comme les femmes majeures aptes à exercer leurs droits
-politiques, ne se croiront pas plus déchues que les dames qui, n'étant
-ni commerçantes, ni institutrices, ne peuvent de celles-ci partager les
-privilèges.
-
-Les hommes sont-ils devenus tous à la fois électeurs?--Non. Avant que
-le suffrage soit pour eux universalisé, étaient exclus du vote les
-domestiques, les illettrés, les exemptés du service militaire, enfin
-ceux qui ne payaient pas deux cents francs d'impôts.
-
-Les femmes n'obtiendront peut-être pas non plus, toutes en même temps
-le suffrage; il est possible que ce ne soit que quand les veuves et les
-filles majeures voteront déjà que les épouses, acquerront la capacité
-électorale.
-
-La tactique consistant à réclamer d'abord l'électorat des célibataires,
-a pour but d'obtenir plus vite les droits politiques aux femmes mariées.
-
-Est-il besoin de rappeler qu'en Angleterre le vote des célibataires a
-précédé de vingt-cinq ans le vote des femmes mariées? C'est en 1869
-que l'électorat municipal a été octroyé aux Anglaises non mariées, et
-ce n'est qu'en 1894 que ce même électorat municipal a été accordé aux
-Anglaises mariées.
-
-L'éligibilité aux borough councils n'a encore été conférée qu'aux
-Anglaises célibataires, veuves ou filles inscrites sur les listes
-électorales de leur résidence.
-
-La ruse de guerre dont nous usons en demandant que la catégorie de
-femmes qui n'est pas sous la puissance maritale, qui administre déjà
-ses affaires particulières, puisse gérer ses affaires publiques, nous
-a été suggérée par les législateurs qui ont rejeté nos pétitions
-réclamant les droits politiques pour toutes les Françaises, en
-alléguant que les femmes étaient représentées par leurs maris.
-
-Nous avons voulu savoir ce que les députés pourraient bien objecter
-à la revendication du vote pour les nombreuses femmes n'ayant pas de
-mari, donc n'étant pas représentées.
-
-Tel est le motif de la pétition suivante.
-
- «Messieurs les députés,
-
- «Nous vous prions de bien vouloir conférer le droit électoral aux
- millions de Françaises célibataires--les filles majeures, les veuves,
- les divorcées--qui sont maîtresses de leur personne, de leur fortune,
- de leurs gains, afin qu'elles puissent, en votant, sauvegarder, dans
- la commune et dans l'Etat, leurs intérêts qui sont actuellement
- laissés à l'abandon.»
-
-Cette pétition déposée en 1901 sur le bureau de la chambre, fut
-transformée en projet de loi par M. Gautret, député.
-
-Notre proposition d'attribuer d'abord l'électorat aux célibataires
-excita l'indignation de quelques femmes mariées; l'une d'elles nous
-écrivit:
-
-«Alors vous pensez que le mariage est une déchéance morale?»
-
-Le mariage n'est pas une déchéance morale, mais il est une déchéance
-légale bien caractérisée, puisqu'il dépouille, annihile l'épouse, fait
-redevenir mineure la femme, fût-elle depuis dix ans majeure quand elle
-se maria.
-
-La participation du plus petit nombre de femmes à la politique
-aurait de suite un résultat heureux pour tout le sexe, attendu
-que les intérêts féminins étant identiques, les dames électeurs
-sauvegarderaient avec les leurs, les intérêts des autres femmes.
-
-Il est bien entendu, que nous voulons le suffrage pour les épouses
-comme pour les demoiselles, les veuves, les divorcées. Pendant que
-toutes les femmes de la nation ne voteront point avec les hommes, le
-suffrage ne sera pas en France universel, mais plus ou moins restreint,
-réduit, émasculé.
-
-Ce principe posé, on reconnaîtra que c'est une tactique habile
-d'employer les célibataires à faire une brèche en la forteresse des
-privilèges masculins par où l'armée entière des femmes passera. Nul ne
-peut nous blâmer de pousser vers les urnes les plus libres pour hâter
-l'affranchissement de celles qui le sont le moins; car, en politique
-comme à la guerre et au jeu, il faut savoir user de stratagème pour
-être victorieux.
-
-Ne vaudrait-il pas mieux que les moins assujetties parmi les femmes
-aient avec le bulletin le pouvoir d'arracher aux fers les triplement
-enchaînées, que de les regarder souffrir sans avoir la possibilité de
-leur porter secours?
-
-Les législateurs n'osent appeler à exercer leurs droits politiques, les
-filles majeures, les veuves et les divorcées, parce qu'ils savent bien
-que le sexe féminin, entier, aussitôt les suivrait dans la salle de
-vote.
-
-Cependant, la très nette déclaration ci-dessous fut un jour faite à la
-chambre par un orateur: «Il y a des personnes qui ne votent pas dans
-la nation, mais qui ont des intérêts et des droits à être représentées.
-Ces personnes ce sont les femmes célibataires et les veuves disposant
-de leur fortune, ayant réellement des intérêts manifestes, ayant droit
-à avoir des représentants de ces intérêts.» Les députés applaudirent.
-
-Quelle objection pourrait-on faire au droit des Françaises célibataires
-de se nommer des représentants? Il est impossible de prétexter pour
-elles d'empêchements naturels temporaires, ou de les dédaigner, car
-leur nombre est considérable. Cette catégorie de femmes formerait un
-Etat dans l'Etat.
-
-On compte en France près de six millions de demoiselles qui, avec les
-légions de veuves et les divorcées, représentent un total imposant
-d'individualités dont les intérêts ne sont pas même représentés
-indirectement par un mari au Parlement, aux conseils généraux et
-municipaux.
-
-Comme l'homme, la célibataire est maîtresse absolue de sa personne et
-de sa fortune. Elle garde avec son nom sa personnalité, fait ce qu'elle
-veut, vit comme elle l'entend. Pourquoi cette femme ne voterait-elle
-pas?
-
-Il est de l'intérêt général que le droit électoral soit rendu
-accessible aux célibataires dont l'activité et les facultés affectives
-demeurent inutilisées, sont perdues pour la société, pendant qu'elles
-ne peuvent se dépenser au profit du bien public.
-
-
-
-
-VOUS N'ÊTES PAS MILITAIRES!
-
-
-Quand les femmes demandent à voter, ceux mêmes qui parlent de supprimer
-les armées permanentes leur répondent: «Vous ne pouvez jouir des
-prérogatives politiques puisque vous ne portez pas le fusil».
-
-La loi de deux ans sert aux antiféministes de prétexte pour déclarer
-que les femmes point astreintes aux obligations militaires imposées aux
-hommes, ne peuvent être en la société leurs égales.
-
-C'est peine perdue de leur faire remarquer que la loi de neuf mois
-renouvelable est plus dure pour les femmes que la loi de deux ans
-pour les hommes; que beaucoup plus de femmes succombent sur le lit de
-douleur pour l'œuvre de création, que d'hommes sur le champ de bataille
-pour l'œuvre de destruction.
-
-Les femmes ne se battent pas; mais, tous les hommes non plus ne se
-battent pas; il y a de par le monde une foule d'hommes impropres au
-service militaire; on les appelle des réformés, ces réformés, jouissent
-cependant de leurs droits civiques.
-
-Personne n'a jamais songé à contester le droit de vote à ceux que le
-conseil de revision a repoussés.
-
-Il est donc bien singulier de voir se manifester quand le sexe féminin
-réclame ses droits, des exigences que l'on n'a pas pour le sexe
-masculin.
-
-Cette objection du service militaire n'est pas nouvelle. J'ai épinglé
-dans mon cabinet de travail un numéro du _Grelot_ illustré, où sous ce
-titre «Hubertinauclertinade», Alfred Le Petit a dessiné un militaire
-qui interpelle ainsi une femme enceinte:
-
---Eh! dites donc vous, la citoyenne, puisque vous voulez les mêmes
-droits que nous, venez donc faire aussi vos vingt-huit jours?
-
---Pourquoi pas, si vous voulez faire nos neuf mois?... répond la future
-mère.
-
-Les plaisantins qui voudraient laisser la femme hors du droit commun,
-parce qu'elle n'assume pas à la fois la peine de perpétuer la race
-et celle de défendre le territoire, négligent de songer que, s'ils
-exigeaient pour leur sexe pareil cumul, il serait infiniment moins
-facile aux hommes d'être mères qu'aux femmes d'être soldats.
-
-Il y a déjà eu des femmes soldats: les Gauloises accompagnaient leurs
-maris à la guerre, elles étaient si intrépides, elles maniaient avec
-tant d'adresse le bouclier, qu'elles avaient reçu en présent de leur
-fiancé, qu'un Gaulois pouvait, disait-on, terrasser six ennemis s'il
-était secondé par sa femme dont les bras nerveux se raidissaient et
-portaient des coups aussi terribles que ceux des pierres lancées par
-des catapultes.
-
-Sous l'ancienne France des femmes se ceignaient virilement d'un habit
-de guerre, combattaient, ou se précipitaient entre les bataillons
-armés, pour les empêcher d'en venir aux mains en s'écriant:
-«Gardez-vous de livrer un combat ou périra tout le bien du pays.»
-
-Les femmes se font soldats aux heures désespérées.
-
-Avant et après Jeanne Darc notre héroïne nationale, qui en 1429 arracha
-la France aux Anglais en les forçant avec un réel génie militaire, à
-lever le siège d'Orléans après les avoir vaincus à Patay--A toutes les
-époques de l'histoire des femmes se sont distinguées par des actions
-d'éclat.
-
-Jacqueline Robin, sauva la ville de Saint-Omer, en lui procurant des
-vivres et des munitions.
-
-Jeanne Hachette, défendit héroïquement Beauvais, assiégée par
-Charles-le-Téméraire.
-
-Mlles Ferny, se battirent si bien que la Convention leur envoya deux
-chevaux caparaçonnés.
-
-Combien d'autres femmes se sont enrôlées dans les armées de la
-République: Marie Pochelet, Madeleine Petit-Jean, Rose Marchand, Elisa
-Quatresou, pour ne citer que celles-là, obtinrent de la Convention des
-éloges et des pensions.
-
-Thérèse Figueur, qui fut dragon eut deux chevaux tués sous elle, fut
-cinq fois blessée; se retira en 1815 après 22 ans de service militaire
-avec 200 francs de pension.
-
-Virginie Ghesquière dite le «joli sergent,» s'engagea à la place de
-son frère jumeau qui n'avait pas sa vigueur et se distingua à Wagram.
-
-Angélique Brûlon, nommée sous-lieutenant et décorée de la légion
-d'honneur, fut après ses campagnes admise aux invalides.
-
-Marie Schellinck, frappée de six coups de sabre à Jemmapes, blessée à
-Austerlitz et à Iéna eut une citation à l'ordre du jour de l'armée;
-après Arcole fut nommée sous-lieutenant et décorée pour ses douze
-campagnes et ses 17 ans de service.
-
-Ni les Conventionnels, ni Bonaparte, n'encourageaient l'enrôlement
-des femmes dans les bataillons. On était porté à confondre ces braves
-soldates, avec les troupeaux de filles qui de tous temps avaient
-encombré les camps; et que les chefs d'armée, soucieux de la santé de
-leurs troupes ordonnaient parfois de jeter dans la rivière. En 1760 le
-maréchal de Broglie leur faisait noircir le visage avec une drogue qui
-les marquait pour six mois. C'était un moyen préférable au fouet qui,
-disait le maréchal, ne les empêche pas de revenir.
-
-Bonaparte eut recours au même système, il ordonna de passer au noir les
-femmes qui venaient sans autorisation à l'armée.
-
-En 1870, une institutrice, Mlle Lix fit brillamment la campagne des
-Vosges.
-
-D'autre part, Livingstone nous rapporte en le récit de ses voyages, que
-dans le petit royaume de Bantam (Ile de Java) les capitaines et les
-soldats sont des femmes.
-
-L'Amérique méridionale a le fleuve des _Amazones_, parce que sur les
-rives de ce cours d'eau des femmes combattirent.
-
-En 1865, Lopez, pour lutter contre le Brésil, enrôla les Paraguayennes,
-elles se battirent si vaillamment, et se firent tuer avec tant de
-courage, qu'après la paix signée il n'y avait plus au Paraguay que des
-hommes.
-
-Au Dahomey, l'armée permanente formée des femmes repoussa souvent nos
-troupes; et, pour conquérir ce pays à la France, nos soldats durent
-en 1892 énergiquement lutter contre les intrépides amazones dont ils
-admiraient la bravoure.
-
-Les femmes ont un peu partout suffisamment prouvé qu'elles étaient
-aptes à porter les armes, et qu'elles pourraient être avantageusement
-utilisées par le département de la guerre.
-
-Avec les femmes «riz--pain--sel» nos soldats qui souvent souffrent
-et meurent surtout des privations endurées, seraient certains d'être
-toujours réconfortés, sustentés, car ils seraient l'objet de la
-sollicitude de celles qui sachant seules ce qu'un homme coûte à faire,
-comprennent réellement seules l'importance qu'il y a à le conserver.
-
-Les femmes pourraient augmenter l'effectif de l'armée en prenant dans
-l'administration et l'intendance la place des hommes qui ont été
-distraits des bataillons.
-
- *
- * *
-
-Il faut prévoir--un conflit sérieux surgissant--la nécessité que tous
-les hommes soient à la frontière et assurer le fonctionnement des
-services de l'intendance au moyen de l'élément national qui ne porte
-pas le fusil, au moyen des femmes.
-
-Au théâtre, pour parer à tout événement, on fait apprendre les rôles à
-plusieurs acteurs, on a des artistes prêts à suppléer le chef d'emploi;
-pourquoi donc, lorsqu'il s'agit non plus de comédie, mais de cette
-effrayante réalité pour la France: être, ou ne pas être! oublie-t-on
-la prévoyance, néglige-t-on d'assurer avec des remplaçants féminins
-le fonctionnement de transports, d'approvisionnements de vivres et de
-munitions?
-
-IL suffirait de diriger le dévouement que beaucoup de femmes prodiguent
-durant les chocs sanglants, pour obtenir du sexe féminin une
-coopération précieuse.
-
-Nulle guerre n'a eu lieu, sans que plusieurs Françaises bravent la
-mort pour aider au ravitaillement des armées bloquées, pour porter
-des munitions aux assiégés. En 1870, à Châteaudun, Mme Jarrethout
-entretenait de munitions, sous le feu prussien, les combattants:
-pendant qu'à Pithiviers Mlle Dodu subtilisait ingénieusement les
-télégrammes allemands et ainsi sauvait un de nos corps d'armée.
-
-Ni la décision, ni le sang-froid, ni l'intrépidité, ne font défaut aux
-femmes. Qu'on leur permette donc d'augmenter le nombre des hommes qui
-se battent, en les remplaçant dans les services inactifs comme elles
-les remplacent dans l'industrie, en continuant le commerce, dans
-l'agriculture en faisant prospérer la ferme quand ils ne sont pas là.
-
-Les féministes ont depuis plus de 25 ans proposé d'utiliser les
-Françaises dans les services auxiliaires de l'armée: L'intendance, la
-manutention, l'équipement, l'infirmerie et tout ce qui a rapport aux
-vivres et aux munitions.
-
-Lors de la campagne de Tunisie, tous les journaux publièrent une
-lettre adressée au général Farre, ministre de la guerre, dont voici un
-passage: «Nos soldats vaincraient vite l'ennemi et la maladie, si un
-personnel dévoué, veillait à leur bien-être matériel. Qu'on appelle les
-femmes à faire leur service humanitaire--pendant du service militaire
-des hommes--et l'on aura ce personnel[1].»
-
- [1] _La citoyenne_, numéros 36 et 43.
-
-Après ces offres de service, comment peut-on oser dire aux femmes qu'il
-faut qu'elles soient militaires pour avoir leur part de souveraineté?
-
-Les mères remplissent des charges au moins équivalentes aux obligations
-des militaires et elles n'ont pas les avantages dont jouissent ceux-ci.
-
-La femme chargée de perpétuer la nation, devrait être traitée de même
-que le soldat chargé de défendre le territoire; comme le soldat, la
-mère devrait être logée, nourrie, vêtue par la société.
-
-
-
-
-VOUS ÊTES CLÉRICALES!
-
-
-Dès les temps les plus reculés, la ruse religieuse a aidé la force
-gouvernementale à asservir, exploiter, spolier les femmes.
-
-Sans demander aux femmes de se soumettre à une quelconque formalité,
-pouvoirs spirituels et pouvoirs temporels se sont entendus pour leur
-confisquer leurs droits, les annuler.
-
-Les femmes accusées d'avoir causé la perte du genre humain, furent
-vouées à l'opprobre par le christianisme qui sanctionna la tradition
-juive de la chute de la femme.
-
-Au lieu d'élever à leur niveau la génératrice que les pères de l'Eglise
-avaient mis sous leurs pieds, les laïques, qui rient de la légende
-biblique, ont adopté le dogme religieux de l'infériorité de la femme;
-et, l'exclue du sacerdoce a été exclue du suffrage.
-
-Pour évincer les femmes de la politique qui leur octroierait leur part
-des avantages sociaux, les hommes prétextent qu'elles sont cléricales.
-
-La séparation de l'église et de l'Etat en ses divers incidents, a
-révélé que ce croquemitaine le cléricalisme, avec lequel on impose
-depuis si longtemps silence aux femmes, est un épouvantail aussi fictif
-que ceux dont on se sert pour effrayer les enfants.
-
-Du moment que les ministres des différents cultes sont électeurs on n'a
-pas d'objection à faire contre l'électorat des femmes fussent-elles
-pratiquantes de ces cultes.
-
-Car, si le fait d'avoir les opinions religieuses est par lui-même
-répréhensible, peu importe le sexe des personnes qui ont ces opinions.
-On peut même soutenir que les actes religieux accomplis par les hommes
-qui se sont attribué dans la société un rôle prépondérant, ont une
-portée plus considérable que ceux accomplis par des femmes annulées.
-
-Pourquoi les femmes croyantes seraient-elles donc traitées avec plus de
-rigueur que les hommes croyants?
-
-On ne demande pas aux hommes quelles sont leurs idées philosophiques
-quand on leur délivre la carte électorale: les prêtres, les pasteurs,
-les rabbins, la reçoivent, comme les libres-penseurs.
-
-Puisque les hommes ne sont pas spoliés de leurs droits pour cause
-d'opinions, pourquoi les femmes le seraient-elles?
-
-Si la religiosité aide plutôt des hommes à s'élever dans la République
-aux premières fonctions et dignités, comment cette religiosité
-ferait-elle dégrader civiquement les femmes?
-
-Ceux qui excommunient les Françaises de la vie publique, entendent
-substituer au déisme, le masculinisme.
-
---Femmes! disent-ils, ne croyez pas à l'infaillibilité du pape, mais
-admettez sans discussion l'infaillibilité de l'homme!
-
-Ce sont surtout les femmes malheureuses en ménage qui s'adonnent au
-mysticisme. Cela m'a été tant de fois démontré, que dès qu'un citoyen
-me confie que sa compagne légitime ou illégitime, tombe dans la
-religiosité ou l'occultisme; avec la certitude d'avoir devant moi un
-coupable, je lui demande aussitôt:--Qu'avez-vous fait à votre femme?
-
-Pendant qu'elles sont les embastillées des codes, s'occuper de
-l'opinion des femmes, c'est comme si l'on s'occupait du chemin qu'un
-prisonnier prendra quand il aura brisé ses chaînes. Tous les délivrés
-de l'oppression courent du côté où ils voient le plus de liberté.
-
- *
- * *
-
-On arrête le progrès en laissant à la loi l'empreinte cléricale qui lui
-fait inférioriser le sexe pour lequel les pères de l'Eglise avaient une
-haine contre nature.
-
-Ainsi que saint Jérôme et saint Cyprien, qui mutilaient leurs corps
-pour s'abstenir de s'avilir avec la femme impure, les législateurs
-libres-penseurs mutilent le corps social, retranchent la moitié de ses
-membres, pour s'épargner l'impur contact féminin.
-
- *
- * *
-
-Les détenteurs du pouvoir considérèrent toujours comme subversive
-l'idée féministe. L'Eglise favorisa cette tendance en flétrissant au
-concile de Paris «les dames qui au mépris de la constitution canonique,
-se mêlent des choses de l'autel, manient effrontément les vases sacrés
-et, ce qui est plus grave, plus indécent, plus inepte, offrent le corps
-et le sang du Seigneur aux fidèles».
-
-Quand les hommes veulent se réserver le monopole d'une bonne place, que
-ce soit celle de prêtre ou celle de député, ils sont d'accord, pour
-dire à la femme que c'est inepte et indécent, de la leur disputer.
-
-Les libres-penseurs enlèvent aux femmes l'espoir d'être indemnisées au
-ciel de leurs souffrances; mais, ils ne se hâtent point de leur donner
-ici-bas tout leur dû.
-
-Laïciser la France, ce n'est pas seulement cesser de payer
-pour enseigner des dogmes religieux, c'est rejeter la loi
-cléricale--infériorisant la femme--qui découle de ces dogmes.
-
-Les apôtres de la foi civile qui dénient aux Françaises leurs droits
-politiques, sont frères jumeaux des évêques du concile de Mâcon, qui se
-demandaient si les femmes avaient une âme et faisaient partie du genre
-humain.
-
-
-
-
-LA RELIGION LAIQUE
-
-
-Je fus un jour déléguée par une société de libres-penseurs pour prendre
-la parole à un mariage civil. Aucun programme ne m'ayant été tracé,
-je crus avoir carte blanche et après avoir entendu le maire lire aux
-nouveaux époux les articles 213-214-215-217 du Code civil, je ne pus
-m'empêcher de dire aux conjoints:
-
- «Il ne suffit pas que vous vous absteniez d'aller à l'Eglise faire
- bénir votre union, vous devez encore réprouver le texte de la loi
- basée sur l'esprit de l'Eglise qui consacre le principe d'autorité.
- Si vous voulez être heureux dans le mariage, traitez-vous en amis!
- en associés! en égaux!... Ne tenez pas plus compte de la loi qui
- outrage et infériorise la femme, que vous n'avez tenu compte du
- droit canonique qui vous enjoignait de vous marier à l'Eglise.»
-
-Le préfet de la Seine indigné qu'il soit fait des correctifs au Code,
-adressa aux maires de Paris la circulaire suivante:
-
- LES MARIAGES CIVILS
-
- Paris, le 21 avril 1880.
-
- Messieurs et chers collaborateurs,
-
- Une de nos préoccupations communes les plus vives a été de maintenir
- et d'accroître la dignité de la cérémonie du mariage civil.
-
- Mais il ne suffit pas, pour rendre à la loi le respect qu'elle
- mérite, que la cérémonie s'accomplisse régulièrement et que l'ordre
- matériel ne soit pas troublé il faut encore que les paroles
- contraires au respect de la loi ne puissent s'élever dans le lieu
- même où l'on vient rendre hommage à la loi.
-
- Nous voulons augmenter le prestige du mariage civil, et nous
- laisserions critiquer publiquement la législation qui le consacre au
- moment même où l'acte vient de s'accomplir.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- Il y a quelques jours, à la mairie du dixième arrondissement, à la
- suite et à l'occasion d'un mariage civil, une personne dont on parle
- beaucoup en ce moment a prononcé un discours dont le texte même
- ne m'est pas connu, mais dont le fonds roulait sur les inégalités
- établies entre le mari et la femme par les articles du Code civil
- dont l'officier de l'état-civil venait de donner lecture quelques
- instants auparavant.
-
- Vous sentez, messieurs et chers collaborateurs, sans que j'y insiste
- de nouveau, à quel point de tels faits sont intolérables.
-
- Que la personne dont j'ai parlé développe ses idées dans des
- réunions, qu'elle les communique aux journaux, nous n'avons rien à
- dire à cela; qu'elle les transforme en réclamations administratives,
- nous ne nous en plaignons pas; qu'elle demande son inscription sur
- les listes électorales; qu'elle requière sa radiation du rôle des
- contributions; qu'elle postule son admission sur les listes de
- recrutement; elle use ou elle usera d'un droit et les inconvénients
- sont nuls; les pouvoirs compétents ont statué ou statueront.
-
- Mais ici le cas est tout différent, il n'y a pas de droit; et, quant
- aux inconvénients, ils éclatent d'eux-mêmes: demain, un partisan
- d'idées opposées à celles qui ont été exposées à la mairie du dixième
- arrondissement prendrait la parole; puis ce serait le tour d'un
- autre, et la polémique et les discours des clubs s'établiraient dans
- la maison de la loi et la transformeraient en lieu de trouble et
- d'agitation, à la grande joie de nos ennemis.
-
- Toute personne n'a pas le droit de prendre la parole à un mariage
- civil. Cela est bon à rappeler.
-
- Mais la condition essentielle qui constitue la seule garantie
- véritable contre les incidents imprévus c'est la présence continue de
- l'officier de l'état-civil.
-
- Il importe que vous soyez là, que vous y soyez jusqu'à la fin, pour
- qu'au premier écart qui se produirait, vous déclariez la séance levée
- et donniez l'ordre de faire évacuer la salle.
-
- Veuillez agréer, messieurs et chers collaborateurs, l'expression de
- mes sentiments affectueux et dévoués.
-
- _Le sénateur, préfet de la Seine_,
-
- F. HÉROLD.
-
-«La personne avec laquelle M. Hérold polémique dit _Le Temps_ qui
-s'occupe de la chose avec une douce gaieté, n'est autre que Mlle
-Hubertine Auclert.»
-
-M. E. Lepelletier écrit dans _Le mot d'Ordre_:
-
- «Il s'agit on le sait de Mlle Hubertine Auclert, qui, à un mariage
- civil au lieu de se borner à féliciter les nouveaux époux au nom
- de la commission de la Libre-Pensée du 10e dont elle fait partie,
- a paraît-il, parlé des inégalités entre mari et femme et critiqué
- le texte du Code civil dont l'officier de l'état-civil venait de
- donner lecture.»
-
-_La Justice_ demande «En quoi importe-t-il qu'il soit fait ou non, à la
-suite de la célébration du mariage, des dissertations sur le rôle de la
-femme dans la société? La loi en est-elle amoindrie? L'institution du
-mariage est-elle atteinte par ces pratiques?--Evidemment non.»
-
-Les libres-penseurs furieux, que j'aie osé conseiller de transgresser
-les dogmes légaux, déclarèrent qu'à l'avenir les hommes seuls seraient
-les officiants de la religion laïque; néanmoins, les mairies leur
-furent momentanément fermées. Ce ne fut que deux ans après cet
-incident, qu'ils purent de nouveau discourir dans les salles des
-mariages. J'écrivis alors au préfet de la Seine, M. Floquet la lettre
-suivante:
-
- Paris, 4 septembre, 1882.
-
- Monsieur le Préfet,
-
- «J'apprends par les journaux qu'un libre-penseur a harangué des
- nouveaux mariés dans une mairie de Paris, et je m'empresse de vous
- remercier d'avoir levé l'interdit de M. Hérold, interdit motivé par
- une allocution que j'avais faite en semblable occasion.
-
- «Je ne doute pas que la liberté d'adresser dans les mairies quelques
- mots aux nouveaux mariés, liberté dont je serai heureuse d'user,
- est octroyée aux femmes comme aux hommes, aux _féministes_, comme
- aux libres-penseurs; car, il serait incompréhensible que les
- libres-penseurs puissent aller à la mairie critiquer l'église sur
- l'esprit de laquelle reposent les lois matrimoniales, alors que les
- _féministes_ ne pourraient aller à cette même mairie critiquer les
- lois matrimoniales qui sont basées sur l'esprit de l'église.
-
- Vous ne ferez pas de distinction, monsieur, entre ceux qui attaquent
- l'effet et ceux qui attaquent la cause du moment qu'un partisan de la
- libre-pensée a pu parler, les partisans du _Féminisme_ ont le droit
- de parler.
-
- Veuillez agréer, monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération
- très distinguée.
-
- «HUBERTINE AUCLERT»
-
- Directrice de «_La Citoyenne_.»
-
-En son numéro du 5 septembre 1882, _Le Temps_ en parlant de ma lettre
-au préfet souligne le mot _Féministes_: «Mlle Hubertine Auclert a,
-dit-il, réclamé au profit des femmes, ou plutôt, le mot est joli, des
-_féministes_, un droit égal à celui que s'arrogent les libres-penseurs.
-Pourquoi, en effet, les _féministes_, ne profiteraient-ils pas de ces
-occasions-là pour prêcher leurs dogmes particuliers?»
-
-Les expressions: _Féminisme_, _Féministes_, ont été dès lors employées.
-
-
-
-
-LES FEMMES ONT VOTÉ EN FRANCE
-
-
-Le sexe féminin qui est aujourd'hui annulé dans la commune et dans
-l'Etat, intervenait parfois jadis dans les affaires publiques.
-
-Tacite nous apprend, que les femmes Gauloises étaient appelées dans
-toutes les assemblées délibérantes où les plus graves questions étaient
-traitées et où elles discutaient et votaient.
-
-Les historiens, parlent de la sagesse du Sénat des femmes Gauloises.
-
-Plutarque nous dit, que les femmes Lyguriennes furent investies
-d'une autorité politique supérieure à celle des hommes, à l'occasion
-d'interminables querelles qui amenaient les Lyguriens à une guerre
-civile. Déjà, les deux partis avaient couru aux armes, ils se
-mesuraient des yeux sur le champ de bataille, lorsque les femmes se
-précipitant entre eux voulurent connaître le sujet de leur discorde.
-Elles le discutèrent et le jugèrent avec tant d'équité et de raison,
-qu'une amitié de tous avec tous régna dès lors, non seulement dans
-chaque cité, mais dans chaque famille. De là, naquit l'usage d'appeler
-les femmes aux délibérations sur la paix et la guerre.
-
-
-_Les Gaulois prenaient les femmes pour arbitres de leurs différends._
-
-Quand les soldats d'Annibal, venant d'Espagne, voulurent passer les
-Alpes pour envahir l'Italie, les Gaulois, qui se demandaient si ils
-laisseraient le général Carthaginois traverser leur pays, prirent les
-femmes pour arbitres et les chargèrent de régler les difficultés qui
-pourraient surgir. Il fut stipulé dans le traité passé entre Annibal et
-les Gaulois: «Que si les Carthaginois avaient à se plaindre de leurs
-hôtes, ils exposeraient leurs griefs au tribunal des dames Gauloises
-lesquelles en seraient juges.» (Fauchet)
-
-Annibal reconnut cette autorité féminine si nouvelle pour un
-Carthaginois. Quelques femmes siégeant au bord du Tet, prononcèrent
-en dernier ressort sur la demande et les plaintes de celui qui allait
-ébranler Rome. Il n'eut, paraît-il, jamais qu'à se féliciter des arrêts
-du tribunal féminin.
-
-Les Celtes ou Germains délibéraient aussi avec leurs femmes sur la paix
-et la guerre; c'était avec les femmes--auxquelles ils attribuaient
-une divination sacrée et prophétique--qu'ils éclaircissaient tous les
-différends qui s'élevaient entre eux.
-
-Sous le règne de Cécrops, premier roi d'Athènes, les femmes avaient
-voix dans les délibérations publiques.
-
-Dès les temps les plus reculés les femmes des populations de races
-diverses habitant le territoire des Gaules étaient considérées et
-jouaient un grand rôle.
-
-On attribuait aux Gauloises des lumières surnaturelles, l'art de la
-divination. Les Druidesses Gauloises étaient célèbres: Velléda passait
-pour une divinité 71 ans après J.-C.
-
-Mais la Gaule est envahie par les Francs, les Wisigoths; et le
-vainqueur substitue aux lois et mœurs Gauloises, les siennes.
-
-
-
-
-LA LOI SALIQUE
-
-
-Les Francs-Saliens en leur législation barbare rédigée en latin
-et publiée sous Clovis, Dagobert, Charlemagne, déclarèrent que la
-propriété allodiale (héréditaire) ou terre salique, ne pouvait être
-dévolue aux femmes, et que, par conséquent, celles-ci étaient inhabiles
-à succéder au trône de France.
-
-Les Etats-Généraux de 1317 interprétèrent cette disposition des
-anciennes coutumes des Francs-Saliens, dite _loi salique_, au détriment
-de Jeanne fille de Louis X, en faveur de Philippe V. Et depuis,
-fussent-elles reconnues supérieures aux fils de France, toutes les
-filles de France furent exclues de la royauté.
-
-Pourtant, si les femmes ne pouvaient régner elles gouvernaient parfois,
-en qualité de régentes, le royaume.
-
-Richilde, femme de Charles-le-Chauve, eut à la mort de son mari la
-régence de l'empire (870). Elle prit place dans l'assemblée des évêques
-et présida même un concile.
-
-Louis VI traitait sa femme Adélaïde en associée. Il voulait que son nom
-figure avec le sien dans la rédaction des chartes et de tous les actes
-publics (1120).
-
-Jeanne de Navarre, épouse de Philippe IV, gouverna fort bien la
-Champagne et la Navarre qui lui appartenaient. Douée d'une intelligence
-supérieure et d'une rare énergie, elle empêcha le comte de Bar
-d'envahir la Champagne, le battit et le ramena prisonnier à Paris
-(1297).
-
-Jeanne de Bourgogne femme de Philippe de Valois était associée aux
-actes les plus importants de l'Etat. Son mari l'autorisait à tout
-signer (1328).
-
-Anne de Beaujeu, fille aînée de Louis XI fut régente du royaume pendant
-six ans, en raison de la minorité de son frère Charles VIII. Elle
-prouva tellement qu'elle était une politique consommée, que la régence
-et le pouvoir lui furent maintenus par les Etats de Tours (1484) à
-l'exclusion du duc d'Orléans.
-
-Anne de Bretagne, qui épousa successivement Charles VIII et Louis XII,
-prenait aux affaires publiques la part la plus active, elle recevait
-les ambassadeurs et les princes dans de véritables cours plénières.
-
-Catherine de Médicis gouverna le royaume pendant les règnes de
-François II, Charles IX et Henri III.
-
-Marie de Médicis fut régente. Anne d'Autriche fut régente.
-
-Les impératrices Marie-Louise et Eugénie de Montijo furent régentes.
-
-
-
-
-LES PRÉROGATIVES DES FEMMES EN L'ANCIENNE FRANCE
-
-
-La féodalité fit des femmes juges. On a conservé des arrêts rendus
-par des femmes juges au XIIIe et XIVe siècle qui valent ceux de nos
-meilleurs magistrats.
-
-Louis VII dit (le jeune) maintint dans ses droits contestés de
-justicière, Ermengarde, vicomtesse de Narbonne.
-
-Au Moyen Age on vit des religieuses, comme dans l'ordre de Fontevrault,
-avoir sous leur gouvernement des communautés d'hommes.
-
-Mais, de nos jours, ne voit-on pas des sœurs franc-maçonnes diriger en
-qualité de vénérables des loges où siègent beaucoup plus d'hommes que
-de femmes?
-
-Les abbesses de Remiremont et leurs doyennes jugeaient dans les
-domaines de l'abbaye.
-
-La féodalité fit des femmes pairesses. La comtesse de Flandres siégea
-en qualité de pairesse dans les conseils du roi Louis IX, quand se
-discuta la possession du comté de Clermont.
-
-Au Moyen Age, les femmes nobles veuves ou célibataires qui possédaient
-des fiefs, étaient dans l'étendue de ces fiefs investies du droit de
-lever des troupes, de rendre la justice, de battre monnaie, d'imposer
-des taxes, d'octroyer des chartes.
-
-Les clercs, révoltés de voir les détentrices de fiefs faire fonction
-d'hommes, voulurent que leurs prérogatives leur fussent enlevées. Un
-synode de Nantes contemporain des premières origines féodales injuria
-à ce propos les femmes. Les peu galants ecclésiastiques assemblés
-appelèrent les femmes «femmelettes».
-
-En l'ancienne France, ce n'était point seulement les femmes de qualité
-qui participaient à la politique: les simples «vilaines» eurent dès
-l'émancipation des communes le droit d'opiner dans leurs villes et
-villages.
-
-Depuis les temps les plus anciens, dit Elisée Reclus, les habitants de
-Besançon avaient le titre et le rang de citoyen et de citoyenne. Les
-femmes dans les actes publics étaient qualifiées citoyennes.
-
-Dès 1182, la _loy de Beaumont_ ordonna aux veuves, aux filles ayant
-leur ménage et aux femmes mariées en l'absence de leurs maris, de
-prendre part aux délibérations et aux votes, non seulement lorsqu'il
-s'agissait d'affaires administratives; mais même quand il fallait
-décider des questions politiques et sociales.
-
-On retrouve dans les archives des Communes qui vivaient sous la _loy de
-Beaumont_, les procès-verbaux des séances où les veuves, les filles et
-les femmes, délibéraient avec les hommes.
-
-Dans une Commune des environs de Montpellier, à Cournontéral, le 8 août
-1334, l'établissement du Consulat fut mis aux voix et sur 175 votants
-pour cet établissement, on trouve 37 noms de femmes.
-
-Le suffrage était dans cette commune, réellement universel et de plus
-obligatoire: Qui n'allait pas voter, payait une amende de _cinq sols_.
-
-La loy de Beaumont qui confiait aux femmes comme aux hommes,
-l'administration municipale, fut en vigueur dans des milliers de
-communes jusqu'à la révolution.
-
-Jusqu'à la révolution, les dames nobles veuves ou célibataires qui
-possédaient des fiefs, et les communautés de femmes participèrent à
-l'élection des députés.
-
-«Il arriva donc, dit M. A. Aulard, que des députés de la noblesse et
-du clergé aux Etats-Généraux de 1789 durent leur élection à des voix
-féminines[2].»
-
- [2] A. AULARD, _Le Féminisme pendant la Révolution Française_ (Revue
- Bleue).
-
-
-_Les Premiers Etats-Généraux._
-
-Quand Philippe IV dit le Bel, fut excommunié par Boniface VIII, il
-voulut faire prendre à la nation tout entière, parti pour lui contre
-le pape; et convoqua les représentants du clergé, de la noblesse, du
-Tiers-Etat, le 10 avril 1302 dans la cathédrale de Notre-Dame de
-Paris. Ce furent les premiers Etats-Généraux. Les dames nobles détenant
-des fiefs et les communautés de femmes étaient là représentées par les
-nobles et les ecclésiastiques qu'elles avaient contribué à faire élire.
-
-Les femmes pouvaient être représentantes aux Etats Provinciaux: Anne
-de Bretagne tint en personne les Etats de Bretagne où Mme de Sévigné
-siégea.
-
-En 1576 trente-deux veuves siégeaient aux Etats de Franche-Comté.
-
-En ce temps-là, en imposant des taxes, en donnant des chartes, les
-femmes sauvegardaient les places fortes, gouvernaient les villes:
-Françoise de Cezelly, en l'absence de M. de la Barre son mari,
-gouverneur de Leucate, défendit en 1589 si admirablement cette place
-forte, que quand M. de la Barre fait prisonnier par les Espagnols eut
-été étranglé dans sa prison, Henri IV garda Françoise de Cezelly comme
-gouverneur de la ville qu'elle avait conservée à la France.
-
-Les femmes qui participaient aux affaires publiques se montraient
-libérales: Aliénor d'Aquitaine donnait aux Aquitains la liberté du
-commerce.
-
-Le bon sens des privilégiées qui n'étaient pas exclues du droit,
-faisait prévaloir le courant d'opinions favorables au relèvement du
-sexe féminin, sur la traditionnelle tendance à son abaissement; et,
-incitait des écrivains à protester contre le préjugé assignant aux
-femmes une activité sociale inférieure à celle de l'homme.
-
-Parmi ces précurseurs du féminisme, Poulain de la Barre s'est fait
-remarquer. En son livre de _L'Egalité des Sexes_ publié en 1673, il
-réclame avec énergie pour les femmes, l'égalité complète des droits
-politiques et sociaux avec les hommes.
-
- «Il est, dit-il, aisé de conclure que si les femmes sont capables
- de posséder souverainement, toute l'autorité publique, elles le
- sont encore plus de n'en être que les ministres: Que pourrait-on
- trouver raisonnablement à redire qu'une femme de bon sens et éclairée
- présidât à la tête d'un parlement et de toute autre compagnie?... Il
- faut reconnaître que les femmes sont propres à tout.»
-
-
- Au XVIIe et au XVIIIe siècle, des femmes furent ambassadrices: Mme
- Delahaye-Vanteley fut envoyée à Venise, Mme de Guébriant à Varsovie.
-
- *
- * *
-
-En 1789, les femmes du Tiers-Etat adressèrent une pétition au roi pour
-demander que les hommes ne puissent exercer les métiers de femmes: tels
-que couturière, brodeuse, modiste.
-
-L'Assemblée Constituante, en avril 1791, par un décret-loi, donna aux
-femmes le droit d'héritage, en supprimant les droits d'aînesse et de
-masculinité dans le partage des successions. Mais en abolissant les
-privilèges féodaux et coutumiers, cette même Assemblée Constituante
-enleva à une catégorie de femmes, le droit qu'elle possédait de se
-faire représenter aux assemblées politiques.
-
-A la suprématie nobiliaire, succéda alors la suprématie masculine, les
-ex-détentrices de fiefs, de même que les «vilaines» furent exclues de
-l'affranchissement général, c'est-à-dire que la majorité de la nation
-fut mise hors la loi et hors l'humanité.
-
-En excluant les femmes des affaires publiques, on causa la faillite de
-la révolution; car on faussa son principe égalitaire et on la priva des
-agents qui pouvaient faire rapidement triompher ses idées.
-
-Les Françaises auxquelles on refusait leur part des conquêtes du
-mouvement révolutionnaire, avaient en participant à l'effervescence
-générale contribué à faire s'établir le conflit entre la nation et la
-royauté. Souvent, elles avaient donné le signal de l'action, en sonnant
-le tocsin dans les clochers.
-
-En 1788, à la Journée des Tuiles, on avait vu les Dauphinoises mêlées
-aux Dauphinois, lancer en guise de projectiles des tuiles contre les
-soldats du roi qui s'opposaient à la convocation des Etats-Provinciaux.
-
-Ces femmes, avaient les premières compris que Grenoble devait garder
-le parlement dans ses murs, sous peine de déchoir et de voir se
-restreindre sa prospérité. Aussi, elles s'en étaient constituées les
-gardiennes, montant la garde, veillant en armes, autour du château
-de Vizille où siégeaient les Etats du Dauphiné qui préparèrent la
-révolution.
-
-Quand on convint d'obtenir de la cour, le retrait des troupes.
-Ce fut à une de ces si vaillantes femmes et à un colonel, que fut
-confiée la mission d'aller s'entendre, à ce sujet, avec le comte de
-Clermont-Tonnerre. On affirmait ainsi, que le maintien du parlement à
-Grenoble, était dû au sexe féminin.
-
- *
- * *
-
-La petite fruitière Reine Audru et la fameuse Théroigne de Méricourt
-reçurent, disent les historiens, un sabre d'honneur, en récompense de
-la vaillance dont elles avaient fait preuve, à la prise de la Bastille
-le 14 juillet 1789.
-
-
-
-
-REVENDICATION DES FEMMES EN 1789
-
-
-En voyant proclamer l'égalité des droits entre le seigneur et le
-vassal, le noir et le blanc, les femmes réclamèrent l'égalité des
-sexes. Elles adressèrent pétitions sur pétitions pour demander
-l'abrogation des privilèges masculins, la cessation de l'abus qui
-les empêchait de siéger à l'Assemblée Nationale, à l'Assemblée
-Constituante, à l'Assemblée Législative.
-
-Les femmes firent déposer sur le bureau de l'Assemblée Nationale ce
-projet de décret:
-
- L'Assemblée Nationale[3] voulant réformer le plus grand des abus et
- réparer les torts d'une injustice de six mille ans décrète ce qui
- suit:
-
- «1º Tous les privilèges du sexe masculin sont entièrement et
- irrévocablement abolis dans toute la France».
-
- «2º Le sexe féminin jouira toujours de la même liberté, des mêmes
- avantages, des mêmes droits et des mêmes honneurs que le sexe
- masculin.»
-
- [3] Amédée le Faure, «Le socialisme pendant la révolution».
-
-Nombreuses furent les femmes qui demandèrent leur part de la liberté et
-de l'égalité, que tous proclamaient. Mais, ce fut surtout la brillante
-improvisatrice Olympe de Gouges, qui formula avec précision les droits
-du sexe féminin, en sa fameuse déclaration des «Droits de la Femme.»
-
- _Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne_
-
- «La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droit. Les
- distinctions sexuelles ne peuvent être fondées que sur l'utilité
- commune.
-
- «Le but de toute association politique est la conservation des droits
- naturels et imprescriptibles de la femme et de l'homme. Ces droits
- sont la liberté, la prospérité, la sûreté et surtout la résistance à
- l'oppression.
-
- «Ce principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la
- nation qui n'est que la réunion de la femme et de l'homme. Nul corps,
- nul individu, ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
-
- «La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient
- à autrui. Ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de
- bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose. Ces bornes
- doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.
-
- «La loi doit être l'expression de la volonté générale. Toutes les
- citoyennes, comme tous les citoyens doivent concourir personnellement
- ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même
- pour tous.
-
- «Toutes les citoyennes et tous les citoyens étant égaux à ses yeux,
- doivent être également admissibles à toutes les dignités, places et
- emplois publics selon leur capacité et sans autres distinctions que
- celles de leurs vertus et de leurs talents.
-
- «La femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit avoir
- également celui de monter à la tribune.
-
- «La garantie des droits de la femme est pour l'utilité de tous et non
- pour l'avantage particulier de celle à qui elle est accordée.
-
- «La femme concourt ainsi que l'homme à l'impôt public; elle a le
- droit, ainsi que lui de demander des comptes à tout agent public de
- son administration.»
-
-Olympe de Gouges mourut sur l'échafaud en 1793 à l'âge de 38 ans. Elle
-avait été traduite devant le tribunal révolutionnaire, non point pour
-avoir revendiqué le droit des femmes; mais, parce qu'elle avait trop
-pris fait et cause pour les partis politiques; s'était alternativement
-déclarée royaliste ou révolutionnaire et avait osé attaquer Robespierre.
-
-La belle Liégeoise, Théroigne de Méricourt, qui le 5 octobre 1789,
-avec sa redingote de soie rouge, son chapeau d'amazone et l'épée nue
-au côté, séduisit le régiment de Flandres, aida à faire la royauté
-prisonnière de la révolution.
-
-Cette courtisane si populaire qui n'aimait que les hommes austères,
-enthousiasmait les révolutionnaires et personnifiait pour les Français,
-la liberté.
-
-Afin de lui enlever son prestige, des ennemis politiques n'hésitèrent
-pas en 1793 à relever ses jupes et dit Michelet à la fouetter comme
-un enfant, devant la foule lâche qui riait. Cet outrage rendit folle
-Théroigne qui mourut à la Salpêtrière en 1817 sans avoir recouvré la
-raison.
-
-Les femmes de la révolution, s'employèrent bien plus à élever encore
-l'homme au-dessus d'elles, en soutenant ses plus hardies prétentions,
-qu'elles ne se dévouèrent à procurer à leur sexe l'égalité avec le sexe
-masculin.
-
-Des femmes cependant étaient puissantes, elles étaient écoutées
-de l'élite masculine qui se pressait dans leurs salons; mais, ni
-Germaine Neker (Mme de Staël)--que la politique absorbait et qui
-inspira à son père l'idée du suffrage universel. Ni Mme Roland (Manon
-Phlipon) qui poussa son mari dans la voie républicaine et fut autant
-que lui ministre de l'Intérieur--ne songèrent à tirer leur sexe de
-l'asservissement.
-
-Pourtant, l'heure semblait si favorable, que les étrangères elles-mêmes
-luttaient pour l'affranchissement féminin.
-
-En même temps que la Hollandaise Palm Aëlders envoyait à toutes les
-villes de France sa brochure revendiquant le droit des femmes qui
-lui fit décerner par la ville de Creil la médaille et le titre de
-membre honoraire de la garde nationale; l'Anglaise miss Wolstonecraft
-publiait son livre: _La défense des droits de la femme_ où il est dit:
-que la femme devient un obstacle au progrès, si elle n'est pas autant
-développée que l'homme».
-
-L'acte originel de la république est dû à Mme Keralio-Robert[4]. Cette
-femme de lettres qui avait déjà appelé les femmes à l'action publique;
-et, avait été l'inspiratrice du parti républicain fondé par les
-sociétés des deux sexes, improvisa sur l'autel de la Patrie au Champ de
-Mars le 17 juillet 1791, la pétition républicaine pour ne reconnaître
-aucun roi.
-
- [4] MICHELET.
-
- *
- * *
-
-Les femmes spoliées de leurs droits, eurent pour défenseurs
-Condorcet, Siéyès, l'abbé Fauchet, Saint-Just... Malheureusement,
-les protestations de ces hommes de principes furent étouffées par
-Mirabeau, Danton, Robespierre qui ne considéraient la femme que comme
-un instrument de plaisir charnel.
-
-Condorcet secrétaire de l'Académie des sciences, demanda publiquement
-en 1788 que les femmes participent à l'élection des représentants[5].
-
- [5] A. AULARD.
-
-Cet illustre philosophe qui réclama l'abolition de la royauté, la
-proclamation de la république, posa le principe de l'égalité de la
-femme et de l'homme qu'il regardait comme la base de la question
-sociale. Condorcet fut donc en France un des précurseurs du féminisme;
-et, sa statue quai Conti recevra avant longtemps, les périodiques
-hommages des femmes reconnaissantes.
-
-Le 3 juillet 1790, Condorcet publia son fameux article sur l'admission
-de la femme au droit de la cité dont voici un passage:
-
- «Au nom de quel droit, au nom de quel principe écarte-t-on dans un
- état républicain les femmes du droit public? Je ne le sais pas. Le
- mot représentation nationale signifie représentation de la nation.
- Est-ce que les femmes ne font point partie de la nation?
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- «Plus on interroge le bon sens et les principes républicains, moins
- on trouve un motif sérieux pour écarter les femmes de la politique.
- L'objection capitale elle-même, celle qui se trouve dans toutes les
- bouches, l'argument qui consiste à dire qu'ouvrir aux femmes la
- carrière politique c'est les arracher à la famille, cet argument n'a
- qu'une apparence de solidité; d'abord il ne s'applique pas au peuple
- nombreux des femmes qui ne sont pas épouses ou qui ne le sont plus;
- puis, s'il était décisif, il faudrait, au même titre, leur interdire
- tous les états manuels et tous les états de commerce, car ces états
- les arrachent par milliers aux devoirs de la famille.»
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Les droits des hommes résultent uniquement de ce qu'ils sont des
- êtres sensibles susceptibles d'acquérir des idées morales et de
- raisonner sur ces idées. Les femmes ayant ces mêmes qualités ont
- nécessairement des droits égaux. Ou aucun individu de l'espèce
- humaine n'a de véritables droits, ou tous ont les mêmes; et celui qui
- vote contre le droit d'un autre, quels que soient sa religion, sa
- couleur ou son sexe a dès lors abjuré les siens.»
-
-En plaidant aussi bien pour les femmes ce grand esprit n'espérait
-point se les rendre sympathiques, au contraire:
-
- Je parle de leurs droits à l'égalité disait-il et non de leur empire.
- On peut me soupçonner d'une envie secrète de le diminuer, et, depuis
- que Rousseau a mérité leurs suffrages, en disant qu'elles n'étaient
- faites que pour nous soigner et propres qu'à nous tourmenter, je ne
- dois pas espérer qu'elles se déclareront en ma faveur. Mais il est
- bon de dire la vérité dût-on s'exposer au ridicule.»
-
-Les idées de Condorcet furent exprimées dans plusieurs cahiers
-de doléances; celui de Rennes notamment, demande d'admettre les
-procurateurs des veuves, dont les maris auraient le droit de vote, à
-être électeurs et éligibles. Mais, les requêtes de ces précurseurs du
-féminisme ne furent pas entendues.
-
-Quand dans les réunions publiques quelqu'un parlait d'appeler les
-femmes à exercer leurs droits; aussitôt, des cris et des hurlements
-couvraient la voix de l'orateur et si l'on ne pouvait lui enlever la
-parole, la séance était levée.
-
-La cabale des clubs contre les droits de la femme, fut bientôt
-répercutée au sein de l'assemblée législative: La loi du 20 mai 1793
-fit exclure les femmes des tribunes de la Convention, et la loi du 26
-mai 1793 leur défendit d'assister aux assemblées politiques.
-
-Trois journaux: l'_Orateur du Peuple_, _Le Cercle Social_, _La Bouche
-de Fer_, soutenaient le droit des femmes, aidaient les femmes à
-organiser des réunions. Labenette dans son journal, _Les Droits de
-l'Homme_, demande l'admission des femmes dans les assemblées. «Pendant
-que vous vous tuez à délibérer, elles ont, dit-il, déjà saisi toutes
-les nuances qui vous échappent.»
-
-Parmi les clubs de femmes _La Société Fraternelle des Patriotes des
-Deux Sexes_, défenseurs de la Constitution dont Mme Roland était
-membre, se fit surtout remarquer par ses protestations contre les
-décrets de l'Assemblée Constituante.
-
-_La société des Femmes Républicaines et Révolutionnaires_ que présidait
-l'actrice Rose Lacombe et dont faisait partie Mme Colombe imprimeur
-de la feuille de Marat, dépassait les hommes en violence, quand il
-s'agissait de prendre une détermination[6].
-
- [6] LAIRTULLIER, _Les femmes célèbres de la Révolution_.
-
-Le 28 brumaire 1793, Rose Lacombe accompagnée d'une députation de
-femmes révolutionnaires coiffées comme elle de bonnets rouges, força
-l'entrée de la séance du conseil général de la commune--à ce moment,
-la pétition orale était admise--cependant, en voyant ces femmes, le
-procureur général Chaumette s'écria:
-
- «Je requiers mention civique au procès-verbal, des murmures
- qui viennent d'éclater; c'est un hommage aux mœurs, c'est un
- affermissement de la République! Et quoi! des êtres dégradés qui
- veulent franchir et violer les lois de la nature, entreront dans les
- lieux commis à la garde des citoyens et cette sentinelle vigilante ne
- ferait pas son devoir! Citoyens, vous faites ici un grand acte de
- raison: l'enceinte où délibèrent les magistrats du peuple doit être
- interdite à tout individu qui outrage la nation! ... Et depuis quand
- est-il permis aux femmes d'abjurer leur sexe, de se faire hommes?
- Depuis quand est-il d'usage de voir les femmes abandonner les soins
- pieux de leur ménage, le berceau de leurs enfants, pour venir sur la
- place publique dans la tribune aux harangues, à la barre du Sénat,
- dans les rangs de nos armées, remplir les devoirs que la nature a
- répartis à l'homme seul? A qui donc cette mère commune a-t-elle
- confié les soins domestiques? Est-ce à nous? Nous a-t-elle donné
- des mamelles pour allaiter nos enfants? A-t-elle assez assoupli nos
- muscles pour nous rendre propres aux soins de la hutte, de la cabane
- ou du ménage? Non, elle a dit à l'homme: Sois homme! les courses, la
- chasse, le labourage, les soins politiques, les fatigues de toute
- espèce, voilà ton apanage. Elle a dit à la femme: Sois femme! les
- soins dus à l'enfance, les détails du ménage, les douces inquiétudes
- de la maternité, voilà tes travaux.
-
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- «Femmes imprudentes qui voulez devenir des hommes! n'êtes-vous pas
- assez bien partagées? Que vous faut-il de plus? Vous dominez sur
- tous nos sens; le législateur, le magistrat sont à vos pieds. Votre
- despotisme est le seul que nos forces ne puissent abattre, puisqu'il
- est celui de l'amour...
-
- «Autant nous vénérons la mère de famille qui met son bonheur à
- élever, à soigner ses enfants, à filer les habits de son mari et
- alléger ses fatigues par l'accomplissement des devoirs domestiques,
- autant nous devons mépriser, conspuer la femme sans vergogne qui
- endosse la tunique virile et fait le dégoûtant échange des charmes
- que lui, donne la nature contre une pique et un bonnet rouge.--Je
- requiers que le conseil ne reçoive plus de députation de femmes.»
-
-La proposition de Chaumette fut adoptée.
-
-En même temps que la femme était en la personne de l'actrice Rose
-Lacombe, traitée par Chaumette d'être dégradé; la femme était élevée au
-rang des dieux, en la personne de Mlle Maillard, actrice de l'Opéra,
-qui remplissait le rôle de déesse de la liberté, dans la fête de la
-raison célébrée dans l'église de Notre-Dame de Paris.
-
-Rose Lacombe protesta contre la décision du Conseil général de la
-commune; et elle parvint à entraîner beaucoup de femmes à demander
-leurs droits.
-
-Ces femmes étaient souvent battues par les très royalistes dames des
-halles. Un jour que les républicaines, vêtues en hommes, reprochaient
-aux marchandes de poissons de s'abstenir de porter la cocarde
-nationale. Celles-ci les assaillirent et les fouettèrent publiquement.
-
-Les réunions des républicaines finirent par inquiéter le comité de
-sûreté générale, qui chargea un de ses membres de révéler le fait à la
-Convention.
-
-Le Conventionnel Amar monta à la tribune et dit:
-
- «Je vous dénonce un rassemblement de six mille femmes, soi-disant
- jacobines, et d'une prétendue société révolutionnaire... Plusieurs,
- sans doute, n'ont été égarées que par un excès de patriotisme; mais
- d'autres ne sont que les ennemies de la chose publique et n'ont
- pris le masque du patriotisme! que pour exciter une espèce de contre
- révolution.»
-
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- «Les droits politiques du citoyen sont de discerner, de faire prendre
- des résolutions relatives aux intérêts de l'Etat et de résister
- à l'oppression. Les femmes ont-elles la force morale et physique
- qu'exige l'exercice de l'un et de l'autre de ces droits? L'opinion
- universelle repousse cette idée...
-
- Et puis la pudeur des femmes leur permet-elle de se montrer en
- public, de lutter avec les hommes et de discuter à la face du peuple
- sur des questions d'où dépend le salut de la République? Voulez-vous
- que dans la République française on les voie venir au barreau, à
- la tribune aux assemblées politiques comme l'homme, abandonnant la
- retenue, source des vertus de ce sexe?».
-
-Il est curieux d'entendre ces révolutionnaires invoquer des lieux
-communs et des préjugés surannés, pour maintenir les privilèges de
-sexe, après que tous les privilèges de caste ont été abolis. C'est
-d'autant plus révoltant, que dans l'épopée révolutionnaire, des femmes
-se sont montrées à la hauteur des plus grands hommes et souvent les ont
-inspirés et dirigés quand elles n'ont pas agi elles-mêmes.
-
-Après le discours d'Amar, un seul homme se leva des bancs de la
-convention, le député Charlier qui soutint énergiquement que les femmes
-avaient le droit de se réunir pour s'occuper des affaires publiques.
-«A moins, dit-il, que l'on constate comme dans un ancien concile que
-les femmes ne font pas partie du genre humain, on ne saurait leur ôter
-ce droit commun à tout être pensant.»
-
-Mais la cause des femmes était perdue d'avance; la convention resta
-sourde aux objurgations de Charlier et décréta que toutes les sociétés
-de femmes, quelles que soient leurs dénominations, étaient supprimées
-et dissoutes.
-
-Ceux qui dénient le droit commun aux autres, tiennent suspendue
-au-dessus de leur tête la menace d'être à leur tour exclus du droit
-commun. Les hommes, qui supprimèrent les clubs de femmes, eurent tous
-leurs clubs fermés par Bonaparte.
-
-Les femmes qui voulaient que la révolution s'accomplisse au profit des
-deux sexes, faisaient preuve de bien plus de sens pratique que les
-Jacobins, qui en leur fermant les portes de la révolution, rejetèrent
-les femmes dans la réaction.
-
-Cependant, la liberté eut encore des militantes: En 1799, sous le
-Consulat, des femmes qui s'honorent du titre de «citoyenne» refusent
-d'être appelées de nouveau «madame» et font acte d'indépendance
-en s'assemblant rue de Thionville pour discourir sur leurs droits
-méconnus[7].
-
- [7] Gilbert STENGER, _La Société Française pendant le Consulat_.
-
-
-
-
-APRÈS LA RÉVOLUTION
-
-
-Les femmes, qui en donnant dans les salons l'essor aux idées
-philosophiques avaient préparé la révolution et tant aidé à la faire,
-furent indignées en se voyant exclues du droit commun et condamnées par
-les révolutionnaires autocrates à rester dans la société nouvelle des
-parias.
-
-Puisqu'il n'y avait pas de justice pour elles, il ne devait y en
-avoir pour personne!... Et ces dupes de la révolution, ne songèrent
-plus qu'à devenir des femmes de plaisir ayant pour unique souci de
-paraître belles; à leur dissolvant contact, les hommes se déprimèrent,
-rentrèrent vite sous le joug en se donnant pour maître Bonaparte.
-
-Napoléon sanctionna la servitude féminine que la révolution avait
-conservée. Lors de la promulgation du Code, les femmes ne furent
-comprises dans la législation nouvelle, sous le titre générique de
-français, que dans les chapitres ayant trait à la compression, aux
-charges; pour tout ce qui avait trait au droit et à la liberté, le mot
-français ne s'appliquait pas à elles.
-
-Bonaparte, avait pour idéal la polygamie et déclarait que la femme
-puisqu'elle donne des enfants, est la propriété de l'homme comme
-l'arbre à fruit est celle du jardinier. «Il y a, disait-il, une chose
-qui n'est pas française, c'est qu'une femme puisse faire ce qui lui
-plaît.»
-
-Les femmes, cependant, manifestaient un fol enthousiasme pour le tyran.
-A son retour après ses victoires, toutes voulaient le contempler et
-jeter des fleurs sous ses pas.
-
-Mme de Staël (Germaine Neker) elle-même avait été son admiratrice
-avant de devenir l'ennemie qu'il exila, en même temps qu'il condamna
-au séjour forcé de Lyon, les duchesses de Chevreuse et de Luynes qui
-avaient refusé de faire partie du cortège de l'impératrice.
-
-Napoléon si hostile à l'égalité de l'homme et de la femme, autorisa
-pourtant la publication d'un journal féministe qui parut en 1808 sous
-ce titre: l'_Athené des Dames_, il était exclusivement rédigé par des
-femmes et avait pour directrice: Mme Sophie Senneterre de Renneville.
-
-Après la restauration, les femmes publièrent un manifeste, formulèrent
-un plan d'émancipation où elles revendiquaient les droits politiques.
-
-Les Saint-Simoniens firent espérer qu'ils allaient aider à
-l'affranchissement féminin; mais, en exaltant l'amour libre, en
-faisant découler l'égalité des sexes de la liberté de l'amour, ils
-prouvèrent que ce n'était que la liberté illimitée de l'égoïsme et de
-l'immoralité de l'homme, qu'ils réclamaient.
-
-Le sociologue Fourier, avait lui, très nettement posé le principe de
-l'égalité de l'homme et de la femme, en faisant dépendre les progrès
-sociaux du progrès des femmes vers la liberté.
-
- Dans la «théorie des quatre mouvements», il explique que «si les
- philosophes de la Grèce et de Rome dédaignaient les intérêts
- des femmes et croyaient se déshonorer en les fréquentant, c'est
- que depuis le vertueux Socrate jusqu'au délicat Anacréon, ils
- n'affichaient que l'amour sodomite et le mépris des femmes».
-
- Ces goûts bizarres n'ayant pas pris chez les modernes, Fourier ajoute
- qu'il y a lieu de s'étonner que nos philosophes aient hérité de la
- haine que nos anciens savants portaient aux femmes et qu'ils aient
- continué à ravaler le sexe féminin, alors que les femmes se montrent
- supérieures aux hommes, quand elles peuvent déployer leurs moyens
- naturels».
-
-Pendant que les derniers Saint-Simoniens annonçaient le règne de la
-femme, chantaient le compagnonnage de la femme, Mmes Laure Bernard et
-Fouqueau de Pussy écrivaient dans _Le Journal des Femmes_ des articles
-offensants pour les Saint-Simoniens.
-
-Mme Poutret de Mauchamps fondatrice de la _Gazette des Femmes_
-(1836-1839) réclama l'électorat pour les femmes qui payaient 200
-francs d'impôts; et, elle pria Louis-Philippe de se déclarer roi des
-Françaises comme il se déclarait roi des Français.
-
-En 1846, M. Emile Deschanel proposa que les veuves et les filles
-majeures, inscrites sur les rôles des contributions comme propriétaires
-foncières, fussent électrices. On était à ce moment-là, sous le régime
-censitaire, pour pouvoir voter, il fallait payer 200 francs d'impôts.
-M. Emile Deschanel ne faisait donc que revendiquer le droit commun pour
-les femmes, lorsqu'il proposait de faire les propriétaires électeurs.
-
-
-
-
-LES SUFFRAGISTES EN 1848
-
-
-Quand en 1848 l'électorat fut accordé à tous les hommes, aux pauvres
-comme aux riches, aux ignorants comme aux instruits; les femmes
-demandèrent à être englobées dans le suffrage universel.
-
-Victor Considérant fut le seul des neuf cents membres de l'Assemblée
-Constituante qui soutint leurs prétentions, en proposant d'admettre les
-femmes à exercer leurs droits politiques.
-
-Pierre Leroux présenta un amendement en faveur de l'électorat municipal
-des femmes.
-
-Le pasteur Athanase Coquerel réclama lui, la loi d'exclusion,
-retranchant de la politique le sexe féminin.
-
-La République avait été proclamée le 24 février, un mois après, le
-23 mars, quatre déléguées des «Droits de la Femme» se présentèrent
-à l'Hôtel-de-Ville pour solliciter: la liberté de participer au
-gouvernement du pays. L'universalisation du suffrage. L'égalité de la
-femme et de l'homme devant la loi.
-
-Ce fut Marrast membre du gouvernement provisoire, qui reçut cette
-délégation féministe; il répondit à sa requête en encourageant ses
-espérances.
-
-Mme Alix Bourgeois professeur d'histoire naturelle et beaucoup d'autres
-dames, demandèrent individuellement au gouvernement, le droit électoral
-pour le sexe féminin.
-
-A ce moment l'influence féminine était grande: George Sand rédigeait
-avec Jules Favre le Bulletin de la République; et, il y avait dans la
-masse populaire un tel sens de l'égalité, que quant à la prière d'une
-revendicatrice, Cabet[8] posait dans un club qu'il présidait cette
-question:--La femme est-elle l'égale de l'homme devant le droit social
-et politique?
-
- [8] Jeanne DEROIN, _Almanach des Femmes_.
-
-Le communiste Cabet était déconcerté (_sic_) de voir presque toutes les
-mains se lever pour l'affirmative.
-
-Proud'hon disait: «La République tombe en quenouille.»
-
-Pauline Roland, que Victor Hugo a qualifiée l'apôtre; Jeanne Deroin,
-Anaïs Ségalas, Henriette Wild créèrent successivement trois journaux.
-_La Politique des Femmes._ _La République des Femmes._ _L'opinion
-des Femmes._ Les rédactrices de ces journaux s'entendirent avec Mmes
-Eugénie Niboyet, E. Foa, Louise Collet, Adèle Esquiros qui avaient
-fondé _La Voix des Femmes_, pour offrir à George Sand de porter sa
-candidature.
-
-La grande romancière, répondit dans _La Réforme_: qu'elle ne
-partageait point les idées des revendicatrices et ne connaissait pas
-les dames qui formaient des clubs et rédigeaient des journaux.»
-
-Les femmes arrivées croient qu'elles n'appartiennent plus au sexe
-féminin.
-
-Après George Sand refusant d'aider à l'affranchissement politique des
-Françaises, on a vu Clémence Royer, la commentatrice de L'origine des
-Espèces de Darwin, ne point vouloir que les droits politiques soient
-conférés aux femmes et disant à M. Adolphe Brisson, rédacteur au
-journal _Le Temps_: «Du jour où les femmes voteront nous sommes perdus.»
-
- *
- * *
-
-Les dames obtenant difficilement la parole dans les clubs d'hommes
-créèrent des clubs féminins. Le plus renommé, fut le Club des
-Femmes, ouvert le 11 mai 1848 à la salle de spectacle du boulevard
-Bonne-Nouvelle. La foule rendit les séances tumultueuses. Les femmes ne
-purent bientôt plus parler dans ce club transformé en ménagerie où les
-hommes aboyaient, miaulaient, beuglaient.
-
-Eugénie Niboyet qui présidait, dit dans _Le Vrai Livre des Femmes_:
-«Une heure de pilori m'eût paru moins douloureuse que cinq minutes de
-cette violente lutte. Toutes les clubistes qui avaient promis de me
-seconder disparurent comme les feuilles sous le vent et laissèrent
-peser sur moi la responsabilité de notre tentative.»
-
-Jeanne Deroin avait posé sa candidature à l'Assemblée Constituante pour
-consacrer le principe de l'égalité politique des deux sexes; mais, elle
-ne put parvenir à la faire admettre, partout les bureaux la rejetèrent
-comme étant inconstitutionnelle.
-
-Les Françaises eurent de suite la preuve, que leur exclusion électorale
-faisait d'elles des parias dans la société. Aussitôt, en effet,
-après l'instauration de la République, les membres du gouvernement
-provisoire avaient créé des ateliers nationaux pour les ouvriers en
-chômage--électeurs--mais point pour les ouvrières en chômage non
-électrices.
-
-Ces demi-réformateurs furent donc un peu gênés, quand de pauvres
-ouvrières en chômage vinrent à l'Hôtel-de-Ville demander si elles
-étaient comprises dans la proclamation du droit au travail; et, où
-était l'atelier national des femmes?
-
-L'atelier national des femmes?... Mais... Il n'existait pas!... Les
-femmes ne comptaient point en France puisqu'elles ne votaient pas!
-
-
-
-
-JEAN MACÉ FÉMINISTE SUFFRAGISTE
-
-
-Jean Macé[9] écrivait en 1850:
-
- «Du temps des 200 francs on avait fabriqué contre le suffrage du
- pauvre toutes sortes de raisonnements qui resteraient sans emploi,
- si cette question du droit électoral de la femme soulevée à son
- tour par les esprits logiques, n'était venue à point pour les
- remettre de service.
-
- [9] _L'Opinion des Femmes._
-
- «Indifférence, ignorance, dépendance, inaptitude, ce qui
- s'objectait hier, à propos du pauvre, s'objecte aujourd'hui à
- propos de la femme.
-
- «Droit égal, intérêt égal.
-
- «Comment faire pour laisser la femme en dehors de la cité, quand on
- a déclaré qu'on en ouvrait les portes à deux battants? Quand on a
- écrit dans la loi que l'infamie seule ferait exception et que toute
- âme humaine apportait au monde en naissant son droit de compter
- pour un, dans les délibérations de la société?
-
- «Dénier l'égalité des droits à deux êtres égaux, en fait, en vérité
- c'est se faire rire au nez, si l'on voulait se donner la peine
- d'y réfléchir cinq minutes; et quand on pense que cette femme
- soi-disant inférieure de nature à l'homme, condamnée comme telle
- à l'infériorité de fonctions et de rôle social, quand on pense
- qu'elle peut, sans qu'on souffle mot, donner sa cuisine à faire et
- sa chambre à balayer, à tel domestique mâle si barbu qu'il soit
- et que c'est une question de 400 francs par an avec les étrennes,
- on se prend à douter de la raison humaine qui se permet une telle
- débauche d'inconséquence.
-
- «Croyez-moi, ne parlez plus de votre loi de nature, ni du grand
- principe de l'infériorité de la femme, non plus que de sa
- destination culinaire, vous mettez le pied sur tout cela à chaque
- pas, et la femme qui dans cette société est inférieure à l'homme,
- est celle-là qui n'est pas assez riche pour être sa supérieure.
-
- «Expliquez-moi, comment vous permettez à l'homme qui fait la
- cuisine que la femme devait faire, de laisser là à un jour donné sa
- marmite et ses légumes pour aller voter avec vous. Si les détails
- d'intérieur sont si absorbants qu'ils ne laissent place pour aucune
- autre idée, pourquoi celui-là vote-t-il? S'ils ne le sont pas,
- pourquoi celle-là ne vote-t-elle pas?»
-
-
-
-
-LES FEMMES QUI AGISSENT ET QUI ÉCRIVENT
-
-
-Bien que annihilées en politique, Jeanne Deroin, Pauline Roland et
-d'autres militantes impliquées dans une affaire politique. «L'Union
-des Associations» furent sans bénéfice pour notre cause, emprisonnées
-expulsées, exilées.
-
-Plus tard, ont été déportées pour avoir participé à la Commune, ces
-autres exclues de la politique: la révolutionnaire point suffragiste,
-Louise Michel et ses sœurs insurgées.
-
-Lorsqu'on offrit à Louise Michel qui recommandait les candidatures de
-morts, de poser sa candidature, elle répondit:
-
---«Le progrès ajournant la révolution, le bulletin de vote n'est pas
-mon arme».
-
- *
- * *
-
-Après les femmes qui agissent, voici des femmes qui écrivent:
-Juliette Lamber (Mme Adam) dans son livre sous ce titre: «_Idées
-Anti Proud'honiennes_ sur l'amour, la femme, le mariage, réfuta
-intelligemment Proud'hon.
-
-Mme Jenny d'Héricourt, pour combattre Michelet, Proud'hon, Auguste
-Comte, E. de Girardin fit paraître en 1860 _La Femme Affranchie_.
-
-Vers la même époque Julie Daubié publia _La Femme Pauvre au XIXe
-siècle_.
-
-Mme Olympe Audouard avec son journal _Le Papillon_.
-
-Mme André Léo avec ses romans en vogue, Mme M. L. Gagneur avec ses
-livres, Mmes Angélique Arnaud, et Caroline de Barreau avec leurs
-articles de journaux firent discuter la question des femmes, sur
-laquelle l'homme d'Etat Stuart Mill, attira l'attention mondiale en
-publiant: _L'assujettissement des Femmes_ et en déposant, dès 1866 à la
-Chambre des Communes, des pétitions couvertes de signatures de femmes
-demandant le suffrage.
-
- *
- * *
-
-Un comité fut créé en 1866 pour s'occuper de refondre les Codes
-napoléoniens et poser les bases d'une législation civile rationnelle.
-Les réunions de ce comité se tenaient chez M. Jules Favre; elles
-étaient composées de MM. Emile Acollas, Jules Favre, Jules Simon, Ch.
-Vacherot, Frédéric Morin, Joseph Garnier, Courcelles-Seneuil, Ch.
-Lemonnier, André Cochut, Hérold, Clamagéran, Paul Jozon, Jules Ferry,
-Floquet, Paul Boiteau, Henri Brisson, Dr Clavel.
-
-Ce comité qui s'occupa de réformer le mariage, ne maintint dans le
-chapitre VI que l'article 212. Les époux se doivent mutuellement
-fidélité, secours, assistance.
-
-Le distingué jurisconsulte Emile Acollas, dont en 1878 et 1879 je
-suivis le cours de droit, était l'avocat du sexe féminin dans le comité
-pour la refonte des Codes.
-
-
-_De 1868 à 1908._
-
-En 1869 la société de _La Revendication des Droits de la Femme_ fut
-fondée par Mlle Caroline Demars, M. et Mme Leval, M. Antide Martin,
-Mme André Léo, M. Colfavru, M. et Mme Verdure, Mlle Toussaint, M. et
-Mme Elie Reclus, M. Ernest Hendlé, M. G. Francolin, Mlle Marie David,
-dans le but d'instituer des écoles de filles destinées à hâter la
-reconnaissance légale des droits de la femme.
-
-Mais déjà Maria Deraismes et Léon Richer avaient entrepris une
-campagne en faveur du sexe féminin. Ils ne réclamaient pas comme leurs
-devanciers le droit intégral pour la femme, ils demandaient seulement
-les droits civils disant, qu'afin de ne point effrayer il fallait bien
-se garder de revendiquer les droits politiques qui ne pouvaient être
-que le couronnement de l'affranchissement des femmes.
-
-Maria Deraismes qui a donné son nom à une rue de Paris et dont la
-statue est place des Epinettes, fut une oratrice aussi éloquente
-qu'érudite et spirituelle. Cette femme politique, qui ne parlait point
-d'introduire son sexe dans la politique, n'était cependant pas toujours
-satisfaite des législateurs mâles, puisqu'elle fit souvent blackbouler
-les députés qu'elle avait fait élire. Maria Deraismes mourut en 1894 à
-l'âge de 66 ans.
-
-Léon Richer, qui fut surnommé «L'homme des Femmes» avait abandonné les
-professions de clerc de notaire et d'employé de chemins de fer, pour se
-dévouer à faire rendre justice aux femmes opprimées.
-
-En 1869, il créa avec les sœurs Deraismes la société pour
-«L'Amélioration du sort de la Femme et la revendication de ses Droits».
-
-En 1882, il fonda «La Ligue Française pour le Droit des Femmes» qui fut
-présidée par Mme Maria Pognon de 1891 à 1903.
-
-Léon Richer, avec le concours financier de M. Arlès Dufour, fit
-paraître, en 1869, le journal _Le Droit des Femmes_ qui après la guerre
-devint la revue l'_Avenir des Femmes_ et plus tard reprit son premier
-titre. Il organisa des banquets sensationnels. C'est à l'occasion d'un
-de ces banquets que Victor Hugo écrivit en 1872:
-
- «Dans notre législation, la femme est sans droits politiques;
- elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n'est pas. Il y a des
- citoyens, il n'y a pas de citoyennes. C'est là un état violent: il
- faut qu'il cesse.»
-
-En citant notre grand poète, la Presse a éveillé chez les spoliées
-l'idée du droit et, un an après, je ne fus pas la seule conscrite, qui
-vint de cent lieues s'enrôler dans l'armée féministe, où nous rejoignit
-vers 1878 Eugénie Pierre.
-
-Léon Richer, défenseur des droits civils de la femme, ne souffrit point
-que son programme s'élargît: Or, il y avait parmi ses disciples des
-impatients qui entendaient réclamer de suite les droits politiques des
-femmes; cela fit se produire une scission, dont d'ailleurs le parti
-tira avantage.
-
-La société _Le Droit des Femmes_, dont les énergiques manifestations
-firent tant de bruit, fut créée. _La Citoyenne_ parut et l'avant-garde
-d'irréductibles entraîna, poussa en avant, les effrayés d'entendre
-proposer de donner à la femme avec l'électorat et l'éligibilité le
-pouvoir de se faire libre.
-
- *
- * *
-
-En 1871, Mlle Julie Daubié fonda «L'association pour l'Emancipation de
-la Femme» où était demandé le Suffrage des Femmes remis entre les mains
-des veuves et des filles majeures.
-
-Julie Daubié fut en France la première bachelière[10]. Elle passa ses
-examens devant la faculté des lettres de Lyon en 1862 à l'âge de 40
-ans, fut reçue avec grands éloges.
-
- [10] H. Wild, Jeanne Deroin et Julie Daubié.
-
-Après s'être difficilement fait admettre à passer son baccalauréat,
-elle eut à soutenir une véritable lutte avec le ministre de
-l'instruction publique pour obtenir son diplôme qui ne lui fut délivré
-que grâce à l'intervention de M. Arlès Dufour.
-
-Elle fut reçue licenciée-ès-lettres en 1871, elle se préparait à
-devenir docteur, quand en 1874 la mort la terrassa.
-
-Au 1er Congrès international des Droits de la Femme qui fut organisé en
-1878 par Léon Richer et Maria Deraismes, il était défendu de parler des
-droits politiques de la femme.
-
-Voici un passage du discours jugé subversif que je fis paraître sous ce
-titre:
-
-«Le Droit Politique des Femmes, question interdite au Congrès des
-Femmes de 1878.»
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- «La collectivité des hommes et des femmes a les mêmes intérêts
- sociaux et politiques. Pourquoi l'homme s'est-il arrogé à lui seul
- le privilège de faire les lois? Se croit-il un roi infaillible? Vous
- riez beaucoup, messieurs les libres-penseurs, vous riez beaucoup du
- pape infaillible; mais dans la vie présente, vous tous, vous êtes des
- papes infaillibles. Vous nous obligez, nous, la moitié de l'humanité,
- et cela, sous peine de condamnation, à nous soumettre sans examen,
- sans discussion, aux lois que vous nous faites.»
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- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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- «Trouvez-vous juste, messieurs, que les femmes subissent les lois
- sans les faire; qu'elles soient mineures devant les droits, majeures
- devant les lois répressives; qu'elles n'aient pas le droit de
- s'occuper de politique, et que, pour un écrit politique, elles
- soient condamnées à la prison et à l'amende; qu'elles n'aient pas le
- droit de cité et qu'elles soient admises à monter sur l'échafaud,
- comme cette femme ministre, Mme Roland; qu'elles n'aient pas le
- droit d'opter pour une forme de gouvernement et qu'elles aient celui
- d'aller agoniser à Lambessa, comme cette mère de famille, Pauline
- Roland. Trouvez-vous juste, messieurs, que les femmes n'aient pas le
- droit d'affirmer leur opinion par un vote, quand, pour avoir prêché
- les principes républicains, beaucoup ont été emprisonnées, exilées,
- déportées?
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-La société Le Droit des Femmes, fondée en 1876, ne voulut s'inféoder
-à aucun système. En protestant contre les lois existantes faites
-sans les femmes contre les femmes, elle a toujours rejeté l'idée
-d'institutions futures élaborées sans le concours des femmes, parce que
-ces institutions seraient encore faites contre elles.
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-En 1879 eut lieu à Marseille, le congrès socialiste ouvrier qui vota
-l'égalité de l'homme et de la femme, et ainsi fit inscrire dans le
-programme du parti des travailleurs socialistes de France, art, 5.
-«Egalité civile et politique de la femme».
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-Voici un extrait du discours prononcé par moi à ce Congrès où la
-société «Le Droit des Femmes» m'avait déléguée.
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- «On trouve bon de faire des recherches scientifiques sur tout. On
- multiplie les expériences tendant à tirer des bêtes tout l'utile, des
- plantes tout le salutaire. Mais jamais encore on n'a songé à mettre
- la femme dans une situation identique à celle de l'homme, de façon
- à ce qu'elle puisse se mesurer avec lui et prouver l'équivalence de
- ses facultés. On dépense en France des sommes folles pour obtenir
- certaines qualités, souvent factices, chez des races d'animaux, et
- jamais on n'a essayé d'expérimenter avec impartialité la valeur de
- la femme et de l'homme. Jamais on n'a essayé de prendre un nombre
- déterminé d'enfants des deux sexes, de les soumettre à la même
- méthode d'éducation, aux mêmes conditions d'existence.
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- «Qu'on permette aux femmes d'exercer les droits dont jouissent
- les hommes et qu'on enserre les hommes dans les préjugés à l'aide
- desquels on a garrotté les femmes; bientôt les rapports entre la
- valeur des sexes seront totalement renversés.»
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- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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- «Pour édifier la société future de manière à ce que les femmes n'y
- soient pas lésées, il leur faut le droit de travailler à l'édifier;
- il leur faut l'outil qui se trouve au pouvoir de l'homme: le bulletin
- de vote.......»
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-La société «Le Droit des Femmes» toujours agissante, fit des
-manifestes, des conférences, des pétitions, des manifestations. A la
-première fête nationale, sa bannière bleue voilée de crêpe provoqua des
-applaudissements et des critiques.
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-Alors que les féministes de ce temps-là interrogeaient le vent; étaient
-paralysés par la crainte du ridicule, restaient chez eux ironiques et
-bras croisés; nous déployions sous les injures et les outrages, ce
-drapeau programme du féminisme, _La Citoyenne_!
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-Notre petit bataillon d'intrépides rénovateurs, devait à la fois
-riposter à Léon Richer qui criait que «nous ne pouvions étant
-si jeunes, voir juste, penser bien» et au _Figaro_, qui très
-courtoisement, nous demandait: si après les femmes, les bœufs
-voteraient?
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-En 1883 la société «Le Droit des Femmes», prit le titre de société _Le
-suffrage des Femmes_.
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-«Le suffrage des Femmes», avec sa bannière rose et bleue fut acclamé
-aux funérailles de Victor Hugo (1885).
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-Alexandre Dumas qui avait éloquemment plaidé en faveur des droits
-politiques du sexe féminin ayant été sollicité de devenir président de
-la société _Le Suffrage des Femmes_ vint me faire cette réponse:
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- «Je vous aiderai davantage en restant indépendant, si j'acceptais
- la présidence que vous m'offrez, on me dirait:--Vous êtes avec
- Hubertine Auclert... et je ne serais plus écouté à l'Académie!»
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- *
- * *
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-La société voulut ouvrir un cercle du suffrage, elle loua à cet effet
-un joli local occupant tout le premier étage 31, rue de Paradis; mais,
-le propriétaire effrayé par notre titre, écrit en grosses lettres sur
-son immeuble, nous donna immédiatement congé.
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-Le Cercle du suffrage des femmes fut installé dans un magasin 8,
-Galerie Bergère. Les femmes pouvaient venir là, lire, écrire, causer;
-elles étaient chez elles. Des réunions hebdomadaires avaient lieu
-l'après-midi ou le soir.
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-Le 13 février 1881 parut _La Citoyenne_, journal hebdomadaire que
-Léon Giraud docteur en droit et Antonin Lévrier licencié en droit,
-journaliste, avaient avec moi fondé. Antonin Lévrier et Léon Giraud
-véritables apôtres des droits de la femme, m'aidèrent à faire du
-journal _La Citoyenne_ un initiateur que les suffragistes ont intérêt à
-consulter[11].
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- [11] _La Citoyenne_ (1881 à 1891).
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-L'article ci-dessous précise le but de ce journal dont le seul titre
-est un manifeste:
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-«LA CITOYENNE»
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-Est _Citoyenne_--d'après Littré--la _femme_ qui jouit du droit de
-cité dans un Etat.
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-Pour ce journal, dont le but unique est de revendiquer l'égalité
-de la femme et de l'homme, nous n'avons pas pensé trouver un
-meilleur titre que _La Citoyenne_, car nous voulons pour la femme
-non seulement la qualité civile du Français, mais encore la qualité
-politique du citoyen, et même--cela paraîtra peut-être étrange à
-quelques-uns-l'examen des événements passés et l'observation des
-événements présents nous font subordonner l'affranchissement civil
-de la femme à son affranchissement politique.
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-Qu'entend-on par affranchissement civil de la femme?
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-Par affranchissement civil de la femme on entend l'abrogation
-d'une foule de lois vexatrices qui mettent la femme hors la justice
-et hors le droit commun.
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-Quels sont ceux qui peuvent abroger les lois iniques qui oppriment
-les femmes dans la vie civile? Ce sont les électeurs et les
-législateurs, c'est-à-dire ceux-là seuls qui font ou qui commandent
-de faire les lois. Voilà un point bien établi.
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-Maintenant, qu'est-ce que l'affranchissement politique de la femme?
-C'est l'avènement de la femme au droit qui confère le pouvoir
-de faire les lois: par soi-même, si l'on est élu député: par
-délégation, si l'on est électeur.
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-Donc, il ressort de toute évidence que le droit politique est pour
-la femme la clef de voûte qui lui donnera tous les autres droits.
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-Pendant que la femme ne possédera pas cette arme--le vote--elle
-subira le régime du droit masculin. Tous ses efforts seront vains
-pour conquérir ses libertés civiles et économiques.
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-Ce qu'il faut aux femmes pour s'affranchir de la tyrannie
-masculine--faite loi,--c'est la possession de leur part de
-souveraineté; c'est le titre de _Citoyenne_ française, c'est le
-bulletin de vote.
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-La femme citoyenne: c'est-à-dire la femme investie des plus hauts
-droits sociaux, aura, par la liberté, sa dignité rehaussée; par le
-sentiment de la responsabilité, son caractère augmenté.
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-La femme citoyenne se relèvera promptement de sa fâcheuse situation
-économique, l'Etat et la législation ne l'infériorisant plus, toutes
-les carrières, toutes les professions lui seront accessibles, et,
-quel que soit son travail, elle ne le verra plus déprécié sous ce
-prétexte ridicule qu'il émane d'une femme.
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-Avant que la femme ait le pouvoir d'intervenir partout où ses
-intérêts sont en jeu pour les défendre, un changement dans la
-condition politique de la société ne remédierait pas au sort de la
-femme.
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-Un changement de l'ordre social économique n'affranchirait pas la
-femme; car, bien que tous les jours la question économique soit
-résolue pour un petit nombre de personnes, la condition de la femme
-est, chez les favorisés de la fortune, le lendemain, la même que la
-veille. En France, les femmes millionnaires sont soumises aux mêmes
-lois tyranniques que les femmes pauvres.
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-Toutes les femmes,--de quelque opinion et de quelque condition
-qu'elles soient,--toutes les femmes souffrent ou peuvent souffrir de
-la législation actuelle. Et sont intéressées à posséder le pouvoir
-d'abroger les lois qui les infériorisent et les asservissent.
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-_La Citoyenne_ que des antiféministes représentaient comme un
-épouvantail fut appréciée; ses articles furent souvent reproduits
-par les grands quotidiens qui en discutant ses théories, louaient sa
-modération et sa logique.
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-Dès son 16e numéro _La Citoyenne_ adressait cette question aux
-législateurs:--Quels sont les députés qui veulent que le suffrage soit
-également exercé par les hommes et par les femmes?
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-M. Alfred Talendier député et M. J. de Gasté député--qui proposa en
-1890 qu'un nombre égal d'hommes et de femmes siègent à la chambre et
-au sénat, nous répondirent:--qu'ils voulaient le suffrage réellement
-universel, également exercé par les hommes et par les femmes». Beaucoup
-d'autres législateurs, affirmèrent dans des conversations particulières
-ce qu'ils n'osèrent dire publiquement.
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-Quand vinrent les élections de 1885, il fut décidé au cercle du
-suffrage des Femmes que la candidature unique de Maria Deraismes
-serait posée; mais, celle-ci ne voulait ni dépenser ni payer de sa
-personne. Sur ces entrefaites, des dames membres du cercle du suffrage
-qui désiraient être candidates formèrent «La ligue de Protection des
-Femmes» qui fit inscrire sur la liste de la Fédération Républicaine
-socialiste une vingtaine de femmes candidates. Plusieurs de ces dames
-déclinèrent l'honneur qui leur était fait et les suffragistes les plus
-déterminées s'abstinrent de prendre part à cette manifestation.
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-En 1888 lors de mon départ pour l'Algérie, où mon mari Antonin Lévrier
-était juge de paix, j'avais confié à une de mes collaboratrices la
-direction de _La Citoyenne_ dont la publication était assurée par une
-subvention de M. de Gasté; et, à laquelle je continuais à collaborer.
-En décembre 1891, cette dame, en changeant le titre du journal
-s'appropria _La Citoyenne_ et sa clientèle.
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-Ce procédé indélicat, fit retirer par M. de Gasté sa subvention et lui
-fit rayer de son testament, la donation qu'il avait faite pour hâter la
-proclamation des droits de la femme.
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-En 1889 eut lieu le congrès Français et international du Droit des
-femmes.
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-_Programme Electoral des Femmes qui fut affiché à Paris pendant des
-périodes électorales._
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-L'esclavage de la femme entrave la liberté de l'homme.
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-La nation française est composée d'hommes et de femmes qui subissent
-les mêmes lois et paient les mêmes impôts. Etant également
-responsables et contribuables, tous les Français, sans distinction
-de sexe, sont au même titre des ayants droit, à sauvegarder leurs
-intérêts dans la société, en participant au gouvernement du pays.
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-ARTICLE PREMIER.--Tous les Français, hommes et femmes, sont égaux
-devant la loi, et jouissent de leurs droits civils et politiques.
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-ART. 2.--Le suffrage réellement universel, c'est-à-dire exercé par
-les femmes comme par les hommes, remplace le suffrage restreint aux
-hommes.
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-ART. 3.--Revision de la Constitution, par une assemblée composée
-d'hommes et de femmes.--Revision des Codes, sanctionnée par un
-_referendum_ englobant les femmes comme les hommes.
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-ART. 4.--Question de paix et de guerre, budget national, soumis au
-vote des Français et Françaises.
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-ART. 5.--Ecoles mixtes. Egale facilité de développement intellectuel
-et professionnel, pour tous les enfants et libre accès, sans
-distinction de sexe, à tous les emplois et à toutes les fonctions
-publiques. Equitable appréciation du travail; à production égale,
-rétribution égale pour l'homme et pour la femme.
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-ART. 6.--L'_Etat minotaure_ qui ne se manifeste que pour percevoir
-des dîmes d'argent et de sang, est remplacé par l'Etat _maternel_,
-qui assure par sa prévoyante sollicitude, sécurité et travail aux
-Français valides, assistance aux enfants, vieillards, malades et
-infirmes.
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-L'Etat renseigné sur les besoins de production dans chaque industrie,
-fait d'après ces données, l'enrôlement pour le travail et permet
-aux individus de se classer dans la société, selon leurs aptitudes,
-comme il les fait se classer dans l'armée, selon leur taille. L'Etat
-Maternel n'est pas oppresseur, il entrave seulement la liberté de
-mourir de faim.
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-ART. 7.--La contribution proportionnée aux moyens de chacun.
-Suppression des impôts de consommation, augmentation des taxes sur
-les objets de luxe.
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-ART. 8.--Allègement du fardeau des femmes qui ont charge et
-responsabilité de vies humaines; allocation à toute mère, mariée ou
-non mariée, d'une indemnité dite indemnité maternelle.
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-ART. 9.--Service militaire obligatoire pour les hommes--service
-humanitaire obligatoire pour les femmes.--La défense du territoire
-confiée aux hommes.--L'assistance publique confiée aux femmes.
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-ART. 10.--Liberté individuelle pour tous et toutes. Droit absolu de
-penser et d'exprimer verbalement ou par écrit ses idées.
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-ART. 11.--La justice gratuite et impartiale. Les tribunaux et les
-jurys, composés d'hommes et de femmes.
-
-ART. 12.--Enfin, mêmes avantages sociaux pour la femme que pour
-l'homme; et, affirmation de l'esprit égalitaire de nos institutions,
-par la préférence donnée à l'utile et au nécessaire qui profite
-à tous, sur l'agréable et le superflu dont ne bénéficient que
-quelques-uns.
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-Electeurs, pour que la malhonnêteté en politique cesse d'être de
-règle, il faut que le droit cesse d'être chose arbitraire.
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-Si vous êtes vraiment las de voir vos ordres méconnus; si vous voulez
-que la nouvelle législature fasse époque dans l'histoire du progrès,
-imposez ce programme aux candidats: l'égalité humaine qu'il préconise
-est le but d'une République; car, République et Justice doivent être
-synonymes.
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-Après avoir publié dans _La Libre Parole_ des articles sous ce titre:
-«Les Droits de la Femme» je suis entrée en 1896 au journal _Le Radical_
-où sous cette rubrique «Le Féminisme» je réclame librement l'électorat
-et l'éligibilité pour les femmes.
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-En 1900 eut lieu le Congrès International de la Condition et des Droits
-de la Femme présidé par Mme Maria Pognon, où la question des droits
-politiques de la femme ne fut pas discutée.
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-
-
-JOURNAUX ET SOCIÉTÉS FÉMINISTES
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-Avant de fonder la Maison-Maternelle, Mme Louise Koppe avait créé le
-journal _La Femme_.
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-Parmi les journaux féministes qui parurent après _La Citoyenne_, il
-faut citer:
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-_L'Harmonie Sociale_ dirigée par Aline Valette.
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-_La Femme de L'avenir_ de Mme Astié de Valsayre.
-
-_La Revue Féministe_ de Mme Clotilde Dissard.
-
-_Les Droits de la Femme_, de Mme Gabrielle Rony.
-
-_Le Féminisme Chrétien_ de Mlle M. Maugeret.
-
-_La Fronde_, journal quotidien, qui eut pour directrice Mme Marguerite
-Durand.
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-_L'Abeille_, que fit paraître Mme Pauline Savari organisatrice de
-l'exposition des Arts et des Métiers féminins en 1902.
-
-_L'Entente_, créée par Mmes Jeanne Oddo-Deflou et Héra Mirtel.
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-_La Française_, fondée par Mme Jane Misme.
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-_La Suffragiste_ de Mlle Madeleine Pelletier.
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-Le parti féministe n'est pas encore organisé en France; cependant,
-nombreuses sont les sociétés qui revendiquent les droits de la femme.
-Il y a:
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-La société pour _L'Amélioration du sort de la Femme_ et la
-revendication de ses Droits, présidente Mme Feresse Deraismes.
-
-_Le Suffrage des Femmes_, secrétaire générale Hubertine Auclert.
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-_La Ligue Française pour le Droit des Femmes_, présidente Mlle Marie
-Bonnevial.
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-_La Solidarité des Femmes_, présidente Mlle Madeleine Pelletier,
-secrétaire Mme Caroline Kauffman.
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-_L'Egalité_, présidente Mme Vincent qui a réclamé l'électorat et
-l'éligibilité des femmes aux conseils des Prud'hommes.
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-_L'avant-Courrière_, présidente Mme Jeanne Schmahl. C'est à
-l'initiative et à l'opiniâtreté de Mme Jeanne Schmahl, que l'on doit la
-loi autorisant la femme mariée à toucher le produit de son travail et à
-en disposer.
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-_Le Groupe Français d'Etudes Féministes_, présidente Mme Jeanne
-Oddo-Deflou.
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-_L'Union Fraternelle des Femmes_, présidente Mme Marbel.
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-_L'Union de Pensée Féminine_, présidente Mme Lydie Martial.
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-_L'Union Internationale des Femmes_, présidente Mlle J. Van Marcke de
-Lummen.
-
-_Le Conseil National des Femmes_ (Fédération de groupes
-philanthropiques et féministes), présidente Mlle Monod, secrétaire
-générale Mme Avril de Sainte-Croix.
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-A Lyon, il y a _La société d'Education et d'action Féministes_,
-présidente Mme Desparmets-Ruello, secrétaire générale Mme Odette
-Laguerre.
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- * *
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-Les efforts réunis de ces journaux et de ces sociétés, ont fait
-s'atténuer l'annihilation de la femme. Une loi sur l'enseignement
-secondaire des jeunes filles fut votée en 1880.
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-La femme devint électeur et éligible aux conseils départementaux
-d'enseignement en 1880.
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-Electeur et éligible au conseil supérieur de l'Instruction publique en
-1886.
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-Apte à servir de témoin dans les actes civils et publics en 1897.
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-La femme commerçante fut en 1898, admise à voter pour l'élection des
-juges aux tribunaux de commerce.
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-La femme licenciée en droit fut en 1900 autorisée à exercer la
-profession d'avocat. Les doctoresses avaient pu vingt-cinq ans
-auparavant exercer la médecine. A propos de leur admission à l'internat
-des hôpitaux[12], il y eut le 2 février 1885 une grande discussion au
-conseil municipal.
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- [12] _La Citoyenne_ nº 94.
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-Les femmes devinrent électeurs en 1899 et éligibles aux conseils
-supérieurs du Travail en 1901.
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-Les femmes devinrent électeurs aux conseils des Prud'hommes en 1907.
-
-
-
-
-ETATS OU LES FEMMES EXERCENT LEURS DROITS POLITIQUES
-
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-Mais, les Françaises restent des dégradées civiques, alors qu'en trois
-parties du monde des femmes exercent leurs droits politiques.
-
-
-_Europe._
-
-En l'île de Man, petite île anglaise de la mer d'Irlande (54.000 h.)
-les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1881.
-
-En Finlande (2.781.000 h.) un ukase de 1906 conféra aux femmes la
-plénitude des droits politiques, et en les élections de 1907 dix-neuf
-Finlandaises ont été élues députées à la diète qui ne compte que 200
-députés.
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-En Norvège (2.240.000 h.) les droits politiques ont été octroyés aux
-femmes en 1907.
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-En Danemark (2.450.000 h.) les droits politiques ont été accordés aux
-femmes en 1908.
-
-
-_Amérique._
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-En la République de l'Equateur (Etat de l'Amérique du Sud 1.272.000 h.)
-les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1861.
-
-En le Wyoming (Etat de l'Amérique du Nord 100.000 h.) les femmes
-jouissent de leurs droits politiques depuis 1869.
-
-En l'Utah (Etat de l'Amérique du Nord 277.000 h.) les femmes ont leurs
-droits politiques.
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-En le Colorado (Etat de l'Amérique du Nord 540.000 h.) les femmes
-jouissent de leurs droits politiques depuis 1893.
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-En l'Idaho (Etat de l'Amérique du Nord-Ouest 162.000 h,) les femmes
-possèdent leurs droits politiques.
-
-
-_Océanie._
-
-En Nouvelle-Zélande (823.000 h.) les femmes possèdent leurs droits
-politiques.
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-En Australie (4.400,000 h.) les femmes jouissent de leurs droits
-politiques.
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-
-Bien que spoliée encore en France du droit, la femme qui était hier
-méprisée, semble être aujourd'hui le facteur indispensable sans lequel
-on ne peut rien. L'élite intellectuelle combat pour la femme. Au
-théâtre, dans les journaux, le talent se fait l'avocat de son bon droit.
-
-
-La mairie du onzième arrondissement, située sur la place Voltaire où
-l'on voit Ledru-Rollin mettre un bulletin dans l'urne électorale était
-bien désignée pour contribuer à rendre réellement universel le suffrage
-en favorisant la revendication de son extension aux femmes.
-
-Depuis 1900 la Société _Le Suffrage des Femmes_ tient à la mairie,
-salle Parmentier des réunions où sont étudiées les questions qui
-passionnent l'opinion, discutées les réformes et les projets de
-lois--ces réunions sont une école où les femmes s'exercent à leur futur
-rôle d'électrices.
-
-En 1901 la société _Le Suffrage des Femmes_ émit sa vignette _Droits de
-la Femme_ qui fut très recherchée par les philatélistes; et, fit créer
-le timbre du parti radical-socialiste et le timbre féministe américain.
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-M. Alexandre Bérard, alors sous-secrétaire d'Etat aux Postes et
-Télégraphes, par sa circulaire du 30 avril 1903 autorisa à coller sur
-les lettres près du timbre légal, la vignette féministe, qu'un receveur
-des Postes avait dénoncé comme étant un timbre contrefait.
-
-Le 29 octobre 1904, les féministes s'efforcèrent de brûler aux pieds
-de la colonne Vendôme, un exemplaire du Code, pour protester contre la
-célébration de son centenaire.
-
-En 1906, la société _Le Suffrage_ émit son timbre et sa carte postale
-_Suffrage universel_ dont beaucoup de journaux donnèrent le fac-similé;
-et, qui obtinrent tant de succès, qu'un artiste suisse, nous demanda
-l'autorisation de graver l'éloquent dessin sur des montres et sur des
-bijoux.
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-En les périodes électorales, la société _Le Suffrage des Femmes_ fait
-apposer des affiches où l'on voit un électeur et une électrice qui
-déposent leur bulletin dans l'urne électorale.
-
-Une proposition de loi en faveur du suffrage administratif et politique
-des femmes célibataires, veuves et divorcées a été présentée à la
-Chambre en 1901 par M. Gautret.
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-Un autre projet de loi donnant aux femmes le vote dans les élections
-aux conseils municipaux, aux conseils d'arrondissements, aux conseils
-généraux a été déposé à la Chambre en 1906 par M. Dussaussoy.
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-Ces propositions ne sont pas venues en discussion.
-
-
-En avril 1907 la lettre suivante fut adressée à chacun des députés et
-des sénateurs.
-
- _Monsieur le législateur._
-
- La Société «_Le Suffrage des Femmes_», qui lutte depuis vingt-neuf
- ans pour faire admettre les Françaises à exercer leurs droits
- politiques, vous prie instamment de proposer au Parlement de conférer
- aux femmes--aux mêmes conditions qu'aux hommes--l'électorat et
- l'éligibilité dans la Commune et dans l'État.
-
- Accorder aux femmes qui subissent les lois et paient les impôts,
- le droit au droit commun, ce sera immédiatement élever, avec
- la mentalité, le niveau moral de la France; donc, rendre moins
- redoutables pour la prospérité individuelle et collective, les
- conflits économiques entre individus et entre nations.
-
- Veuillez agréer, Monsieur le Législateur, l'assurance de notre
- considération très distinguée.
-
- Pour la Société «Le suffrage des Femmes».
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- Le Comité:
-
- Hubertine AUCLERT, Valentine OGER, Hermance PHILIPPE, Marie AUCLERT,
- Julie AUBERLET, Marie GRAS, Françoise LE DOUIGOU, Delphine ADAM,
- Jeanne AVÉZARD, Louise ARBAN.
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-Le parti Radical-Socialiste a refusé d'adopter un vœu proposé par
-MM. Jean-Bernard, Lucien Le Foyer, Ch. Roret pour l'électorat et
-l'éligibilité des femmes. Nous avons néanmoins demandé à ce parti
-d'inscrire à l'ordre du jour de ses congrès, la question: «De
-l'extension aux femmes des droits politiques.»
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-Le parti socialiste qui veut le suffrage réellement universel, promet
-d'aider les femmes à conquérir le droit de vote.
-
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-_Le vœu des Conseillers Généraux de la Seine._
-
-Dans sa séance du 20 novembre 1907, le Conseil général de la Seine a
-émis le vœu «que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral,
-pour les élections au conseil général et au conseil municipal».
-
-L'électorat politique aurait été compris dans ce vœu si le rapporteur
-de ma pétition M. d'Aulan, n'avait point été hostile à la participation
-des femmes à la politique.
-
-Voilà les Françaises en marche vers l'urne électorale, grâce à ce vœu
-des Conseillers Généraux que les législateurs ne pourront se dispenser
-de ratifier.
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-
-Après avoir employé tous les moyens légaux pour obtenir leurs droits
-politiques, les féministes sont forcées de recourir aux moyens
-révolutionnaires.
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-Le 3 mai 1908, les suffragistes parisiennes envahirent la section
-électorale de la rue Paul-Baudry, la section électorale de la mairie
-du 2e arrondissement, la section électorale de la mairie du 1er
-arrondissement, et l'une d'entre elles, mit la main sur les urnes et
-tenta de les culbuter.
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-Ce ne fut qu'à la section électorale de la place Baudoyer, 4e
-arrondissement, qu'Hubertine Auclert parvint enfin à s'emparer de
-l'urne qu'elle secoua, renversa et jeta violemment à terre en disant:
-«Ces urnes sont illégales! elles ne contiennent que des bulletins de
-votes masculins! alors que les femmes ont comme les hommes des intérêts
-à défendre à l'Hôtel de Ville.»
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-Immédiatement arrêtée, Hubertine Auclert fut conduite au commissariat
-où procès-verbal fut dressé contre elle.
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-
-Les femmes peuvent précipiter l'entrée de leur sexe dans la salle de
-vote; pour cela, il faut que de dilettantes, elles deviennent des
-sectaires du féminisme.
-
-Les revendicatrices intensifieront leur propagande, si elles
-substituent les efforts collectifs aux efforts individuels, en faisant
-se fédérer tous les groupements suffragistes, en déterminant les femmes
-de toutes opinions, de toutes conditions--pareillement opprimées
-et spoliées par la loi--à s'unir pour exercer une pression sur les
-pouvoirs publics et forcer l'entrée du droit commun politique.
-
-
-
-
-L'INSCRIPTION SUR LES LISTES ÉLECTORALES
-
- «Une femme fait autrement la même chose qu'un homme.»
-
-
-Les Françaises les plus dignes d'estime et de considération, sont
-dans l'impossibilité d'obtenir une seule carte électorale; alors, que
-les repris de justice peuvent parfois collectionner ces certificats
-d'honorabilité.
-
-On jugeait dernièrement une affaire de vol dans laquelle était impliqué
-un receleur qui avait engagé au Mont-de-Piété des objets volés.
-
---Comment avez-vous procédé pour engager ces objets au Mont-de-Piété
-demanda le juge au prévenu?
-
-Le prévenu.--En produisant ma carte d'électeur.
-
-Le président, avec stupéfaction.--Comment, vous avez été plusieurs
-fois condamné pour vol--et une fois à treize mois de prison--vous êtes
-électeur?
-
-Le prévenu.--Oui, je suis électeur. Mais je me borne à retirer ma carte
-d'électeur. J'en ai cinq chez moi...
-
-Le président.--Il est bien bizarre qu'il y ait des électeurs de votre
-espèce.
-
-Les hommes voleurs peuvent voter, tandis que les femmes intègres sont
-frappées d'interdiction civique.
-
-Depuis longtemps nous réclamons contre cette anomalie. Dès 1880, dans
-tous les arrondissements de Paris, des dames membres de la Société
-«Le Droit des Femmes» ont demandé leur inscription sur les listes
-électorales.
-
-Le maire du Xe arrondissement, motiva dans la lettre ci-dessous, son
-refus d'inscrire les femmes.
-
- VILLE DE PARIS
-
- _Mairie du Xe arrondissement_
-
- Nous, maire du Xe arrondissement de Paris,
-
- Vu la demande à nous présentée le 2 février courant, par Mlle
- Hubertine Auclert, tendant à obtenir son inscription sur la liste
- électorale du Xe arrondissement.
-
- Vu les motifs longuement développés sur lesquels cette demande est
- fondée.
-
- Vu les lois électorales actuellement en vigueur, notamment le décret
- organique du 2 février 1852, les lois des 7 juillet 1874 et 30
- novembre 1875.
-
- Considérant que, depuis 1789, jusqu'à nos jours, toutes les lois
- électorales qui se sont succédé ont été sans exception aucune,
- interprétées et appliquées en ce sens qu'elles ont conféré et
- confèrent des droits seulement aux hommes et non aux femmes;
-
- Considérant que la prétention formulée par la réclamante de faire
- ressortir du texte de ces lois une interprétation dont le résultat
- serait de créer en faveur des femmes des droits d'électorat et
- d'éligibilité identiques à ceux appartenant aux hommes, constitue dès
- lors une innovation politique dont il n'est pas de notre compétence
- de déterminer ni le mérite, ni la valeur légale.
-
- Considérant qu'il nous appartient encore moins par conséquent de
- prendre sur nous d'en admettre la mise en pratique.
-
- Décidons qu'en l'état actuel de la législation, la demande de Mlle
- Hubertine Auclert est déclarée inadmissible.
-
- Paris, le 4 février 1880.
-
- DEVISME.
-
-Les dames de la Société «Le Droit des Femmes» firent publier par toute
-la presse cette protestation:
-
- «Nous soussignées, nées de parents français, remplissant tous les
- devoirs et les obligations qui incombent aux Français, nous nous
- sommes présentées munies de pièces justificatives établissant
- notre identité, majorité, temps de séjour, à la mairie de nos
- arrondissements respectifs, pour nous faire inscrire sur les
- registres électoraux.»
-
- On nous a répondu que, parce que femmes, nous ne pouvions être
- inscrites.
-
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- Nous en appelons à l'opinion, de l'injustice que consacre la
- République après les autres régimes en nous maintenant esclaves.»
-
-Bien que notre demande eût été rejetée, nous persistâmes à réclamer
-notre inscription électorale.
-
-En 1885, la commission (pour le quartier du faubourg Montmartre)
-chargée de juger les réclamations électorales, formula ainsi son
-refus d'admettre ma requête:
-
- «Considérant que la qualité d'électeur dérive de la qualité de
- citoyen aux termes de toutes les constitutions et lois électorales
- françaises; que toutes les constitutions et lois ne reconnaissent
- qu'aux hommes la qualité de citoyen.
-
- «Considérant qu'en fait et par application de ce principe, les
- femmes n'ont jamais été inscrites sur les listes électorales.
-
- «Considérant que l'application constante universelle et non
- contestée d'une loi en constitue la meilleure interprétation.
-
- «La requête de Melle Hubertine Auclert demeurant Galerie Bergère,
- 8, tendant à son inscription électorale ne saurait être admise.
-
- «La commission rejette.
-
- «Le Maire du IXe arrondissement.
-
- «E. FERRY.»
-
-Au XIe arrondissement la commission chargée de juger les réclamations
-électorales nous a fait cette réponse:
-
- «Attendu qu'une loi a été reconnue nécessaire pour permettre aux
- femmes d'être inscrites sur les listes électorales consulaires.
-
- «Attendu que les lois et décrets qui régissent les élections
- politiques ne contiennent aucune disposition permettant aux femmes
- d'être inscrite sur la liste électorale. Vu d'autre part, l'arrêt
- de la cour de cassation de mars 1885, stipulant que les femmes ne
- peuvent exercer des droits politiques, la demande d'inscription sur
- les listes électorales de Mme Hubertine Auclert n'est pas admise.
-
- «Le maire du XIe arrondissement.»
-
-En nombre de villes et de communes, des citoyennes ont vainement
-demandé leur inscription électorale. Les femmes du peuple, les
-travailleuses, qui se laissent guider par la droite raison, ont depuis
-longtemps dans différents départements réclamé leur inscription sur les
-listes.
-
-«Nous avions, disent-elles, lu les affiches pour la revision de la
-liste électorale et ignorant que les femmes n'étaient point électeurs,
-nous sommes allées une bande à la mairie demander qu'on nous inscrive.
-
-Les hommes qui étaient là, se sont bien moqués de nous; nous leur avons
-répondu qu'il n'y avait pas de quoi rire parce qu'on avait fait la
-bêtise d'empêcher de voter les femmes.»
-
-Maintenant, quand les dames demandent à être électeurs on ne leur
-répond plus comme autrefois. «Les chevaux et les bœufs voteront avant
-les femmes.» On leur donne un récépissé de leur demande d'inscription.
-
-Dans les communes suburbaines comme à Paris, on consigne sur le
-registre, les demandes d'inscription électorale des femmes.
-
-Celles qui possèdent le récépissé de leur requête et la réponse de la
-commission chargée de juger les réclamations en matière électorale,
-doivent garder précieusement ces papiers. Ce sont des parchemins
-en valant bien d'autres, puisqu'ils établissent la supériorité
-intellectuelle qui les a fait protester contre la mise de leur sexe
-hors la loi.
-
-La loi stipule que sont électeurs tous les Français âgés de vingt-et-un
-ans. Ces termes «tous les Français» englobent les femmes quand il
-s'agit d'impôts à payer et de lois à subir; mais, lorsqu'il s'agit de
-droits à exercer, ces mots «les Français» sont censés ne désigner que
-les hommes.
-
-Les Françaises ont tout tenté, pour faire infirmer non point la loi
-inexistante, mais l'usage qui les annule politiquement; elles sont
-allées devant toutes les juridictions: devant le conseil de préfecture,
-devant le Conseil d'Etat, devant la Cour de cassation, réclamer leur
-droit électoral.
-
-Les juges de la Cour de cassation, pour stipuler que les femmes ne
-devaient pas exercer de droits politiques, ont appelé à leur secours la
-Constitution de 1791, qui ne reconnaissait qu'aux gens inscrits sur la
-liste de la garde nationale, la capacité électorale.
-
-Or, comme pour pouvoir faire partie de la garde nationale, il fallait
-payer 40 francs d'impôts, le droit électoral dérivait de l'obligation
-d'être contribuable.
-
-La Constitution de 1791 a d'ailleurs été abrogée par celle de 1848,
-dont la Cour de cassation n'a pas parlé, parce que justement, elle nous
-est favorable, puisqu'elle déclare que «la souveraineté réside dans
-l'universalité des Français, que cette souveraineté est inaliénable,
-qu'aucun individu, ni aucune fraction d'individu ne peut s'en attribuer
-l'exercice».
-
-Les juges de la Cour de cassation n'ignorent point que les hommes ne
-peuvent s'approprier les droits des femmes; pourtant, ils nous ont
-demandé de trouver un texte législatif autorisant les femmes à voter.
-
-Indiquez vous-mêmes, messieurs les juges, un texte législatif
-interdisant aux femmes de voter.
-
-
-
-
-LE PRIX D'UN VOTE DE FEMME
-
-
-Sous la République, qui conserve la coutume salique excluant les femmes
-du gouvernement, il est tellement interdit aux Françaises de s'immiscer
-dans les affaires de leur pays, qu'un maire du département des Landes,
-M. Dubedout, qui avait permis en 1885 à deux femmes de voter, fut
-condamné pour ce fait à deux cents francs d'amende. Cent francs par
-vote de femmes, c'est cher!
-
-On ne doit point se laisser effrayer par ce moyen d'intimidation, il
-suffirait qu'un maire et une commission municipale soient déterminés
-à faire de la _res hominum_ la _res publica_, pour que la question de
-l'électorat féminin fût sans délai résolue.
-
-
-
-
-LE BLUFF ÉLECTORAL
-
-
-Pour refuser la carte électorale aux Françaises, on les cloue au pilori
-d'infamie, en les assimilant aux hommes déchus de leurs droits.
-
-C'est avec les individus condamnés à des peines afflictives ou
-infamantes, c'est avec les voleurs, les escrocs, les gens de mauvaises
-mœurs, les assassins et les fous, que les femmes sont exclues de
-l'électorat.
-
-En ce pays où le nombre fait loi, le suffrage ne comprenant pas les
-femmes qui sont le nombre, n'exprime point la volonté de la France.
-
-Après l'argent, c'est le domicile qui vote et non le souverain.
-L'électeur souverain ne circule pas avec sa souveraineté; c'est un
-roi qui, quand il se déplace, s'arrache du front sa couronne pour la
-confier au garde-meuble social jusqu'à nouvelle installation.
-
-Les difficultés dressées devant l'urne électorale, qui forcent des
-hommes à recourir à la fraude pour voter, prouvent que le suffrage,
-qui exclut en bloc toutes les femmes, c'est-à-dire la majorité de
-la nation, doit s'universaliser aux deux sexes et pouvoir partout
-s'exercer pour avoir droit de s'appeler universel.
-
-Les usurpateurs donnent à la loi électorale une interprétation
-contradictoire. Après lui avoir fait dire que les femmes ne doivent
-pas nommer de représentants pour défendre leurs intérêts, ils lui font
-proclamer que les femmes ont le droit d'être représentées...
-
---Représentées sans représentants?
-
-Parfaitement; ce subterfuge autorise à prendre pour base de l'élection
-des députés cent mille habitants au lieu de cent mille électeurs.
-
-Les Françaises qui sont trouvées indignes d'envoyer des mandataires au
-Parlement, sont trouvées dignes d'être comptées comme les brebis d'un
-troupeau, pour faire nombre et permettre aux éligibles d'augmenter,
-avec les sièges à la Chambre, leur chance d'être élus.
-
-Ce ne sont pas les habitants, mais les seuls électeurs qui doivent être
-pris pour base de l'élection des députés.
-
-Si l'on exigeait pour l'élection d'un député, cent mille électeurs au
-lieu de cent mille habitants, les femmes voteraient bientôt; attendu,
-que les législateurs de tous les partis seraient d'accord pour leur
-octroyer l'électorat. Aiguillonnés par l'intérêt, ils soutiendraient
-que la nation n'est pas exactement représentée à la Chambre pendant que
-les femmes ne votent pas; et, ils auraient vite mis le bulletin dans la
-main des annulées afin de ne point perdre leur place au Parlement.
-
-Présentement, désintéressés de l'établissement du vrai suffrage
-universel puisqu'ils bénéficient du nombre des femmes pour être élus,
-sans que leurs actes aient à subir le contrôle féminin les députés
-aiment mieux additionner un troupeau de muettes, que d'avoir à rendre
-des comptes aux femmes électeurs. Des électeurs! ils en ont déjà trop!
-Loin de chercher à les multiplier ils voudraient pouvoir les réduire,
-comme les femmes, au rôle de moutons. Ah! ne représenter qu'un troupeau
-masculin et féminin, dont on n'a point à se préoccuper des bêlements,
-quel rêve!
-
-Les législateurs essaient de persuader aux parias Françaises, qu'elles
-seraient lésées si la loi les libérait, en s'abstenant de les compter.
-
-Certes, les femmes contribuables ont le droit de compter dans la nation
-puisqu'elles coopèrent à la prospérité du pays; seulement, elles
-doivent être représentées non point comme des animaux recensés, mais
-comme des êtres conscients, choisissant et nommant leurs représentants.
-
-Les femmes ne se soucient point de continuer à être confondues avec le
-cheptel d'après lequel l'homme calcule sa richesse, en étant un bétail
-dont il fait le dénombrement pour édifier sa fortune politique.
-
-En ce pays, où M. Thiers affirma que les chemins de fer ne pourraient
-jamais fonctionner, il ne faut pas s'étonner si des hommes soutiennent
-que les femmes ne doivent point participer aux affaires publiques.
-
-Un décret ministériel transformerait de suite les Françaises annihilées
-en citoyennes actives.
-
-Puisqu'il n'est pas plus facile de faire admettre aux Français inquiets
-de l'avenir, le suffrage des femmes qui les délivrerait de leurs
-cauchemars, que de faire se soumettre les malades aux prescriptions
-qui les guériraient, les ministres, qui, souvent, imposent par décret
-des innovations coûteuses, ne pourraient-ils pas aussi, par décret,
-imposer aux hommes d'être plus riches et plus heureux, en décidant que
-le qualificatif «Français» comprend, les hommes et les femmes devant le
-droit électoral, comme devant les charges publiques?
-
-
-
-
-REFUS DE L'IMPOT
-
-
-Les femmes qui s'étaient vu refuser la carte d'électeur, informèrent
-leur préfet qu'elles ne voulaient plus coopérer aux dépenses de l'Etat
-qui les annulait:
-
- «Monsieur le préfet,
-
- «J'ai reçu un avis relatif à mes contributions, comme je n'ai pas
- l'intention de les acquitter, je viens vous en prévenir et vous prier
- en même temps de rayer mon nom du rôle des contribuables.
-
- «Je me soumettais aux impositions, parce que je croyais que dans la
- commune, dans le département, dans l'Etat, qui me trouvent bonne pour
- supporter ma part de charges, je possédais ma part de droits.
-
- «Ayant voulu exercer mon droit de citoyenne française, ayant
- demandé, pendant la période de revision, mon inscription sur les
- listes électorales, on m'a répondu que «la loi conférait des droits
- seulement aux hommes et non aux femmes.»
-
- «Je n'admets pas cette exclusion en masse des femmes, qui n'ont été
- privées de leurs droits civiques par aucun jugement. En conséquence,
- je laisse aux hommes qui s'arrogent le privilège de gouverner,
- d'ordonner, de s'attribuer les budgets, le privilège de payer les
- impôts qu'ils votent et répartissent à leur gré.
-
- «Puisque je n'ai pas le droit de contrôler l'emploi de mon argent,
- je ne veux plus en donner. Je ne veux pas être, par ma complaisance,
- complice de la vaste exploitation que l'autocratie masculine se croit
- le droit d'exercer à l'égard des femmes. Je n'ai pas de droits, donc
- je n'ai pas de charges; je ne vote pas, je ne paye pas.
-
- Recevez, etc.
-
- «HUBERTINE AUCLERT.»
-
-Cette lettre fut publiée par tous les journaux; les plus hostiles à
-nos idées écrivirent: «La question se trouve par cette logique serrée
-portée du coup sur son véritable terrain.» Dans une société où tout
-repose sur le principe d'égalité, il est incompréhensible que les
-droits que les femmes demandent ne leur soient pas accordés: Nous
-payons des impôts disent-elles, nous devrions être autorisées à les
-voter et à en surveiller l'emploi.»
-
-«Vous êtes dans l'impossibilité, d'opposer à ce raisonnement une seule
-objection qui n'ait pas été réfutée déjà par les partisans de la
-souveraineté populaire.
-
-«L'examen de ce qui se passe dans l'existence fournit d'excellents
-arguments à l'appui de la théorie des femmes. Voilà par exemple une
-dame d'intelligence et de volonté qui a fondé une importante maison
-de commerce; elle occupe deux cents ouvriers et employés; elle verse
-à l'Etat sous forme d'impôt des sommes considérables. Vous n'admettez
-pas que cette femme ait le droit de discuter cet impôt, de peser par
-sa voix sur certaines questions de tarif, d'apporter l'appui de son
-expérience à des débats économiques. Ce droit, vous l'attribuez sans
-hésiter à un rôdeur de barrière, qui n'a jamais gagné honnêtement un
-liard de sa vie.»
-
-Sous ce titre: Grève des Contribuables M. Charles Bigot écrivit dans
-_Le_ XIXe _siècle_: «On ne saurait contester à Mlle Hubertine Auclert
-d'avoir eu une idée. Ni en Angleterre, ni en Amérique où les champions
-du droit des femmes ne manquent pas cependant, le beau sexe n'avait
-encore imaginé de protester contre l'exploitation de l'autocratie
-masculine par le refus de l'impôt. Mlle Hubertine Auclert coupe les
-vivres à une société qu'elle trouve injuste pour son sexe. Pas de
-droits électoraux, pas d'argent. La déclaration est nette au moins.»
-
-Mais ce fut surtout une grêle d'injures qui plut sur ces énergiques
-lutteuses pour leur faire lâcher pied.
-
-Dans _Le Petit Parisien_, Jean Frollo en louant la crânerie des
-insurgées contre le fisc avait prévu les défections qui devaient se
-produire.
-
-Sur les vingt femmes qui avaient refusé l'impôt, trois seulement,
-Hubertine Auclert, Vve Bonnaire, Vve Leprou ne furent pas effrayées par
-les papiers de toutes couleurs qu'elles reçurent, résistèrent aux
-sommations du percepteur et les huissiers saisirent leurs meubles.
-
-«Je ne plains pas trop, écrivit Henry Fonquier, Mlle Hubertine Auclert,
-elle a eu du bruit pour son argent. Il lui a suffi de ne pas payer
-ses contributions pour devenir célèbre. Dans le pays où «paraître
-est tout», elle a paru. Les curieux de l'avenir, qui voudront écrire
-l'histoire du refus de l'impôt au XIXe siècle, ne pourront se
-dispenser de parler d'elle. Elle appartient à l'histoire, en compagnie
-de M. de Genoude, qui faisait vendre son fauteuil, et de M. Gambon,
-qui faisait vendre sa vache. Ceci pourrait donner matière à un groupe
-curieux, et il est bizarre de voir un catholique légitimiste, un
-socialiste et une femme libre user du même procédé.»
-
-Dans «_Les Femmes qui tuent et les Femmes qui votent_,» Alexandre
-Dumas parle de notre refus de payer l'impôt, il démontre qu'on ne peut
-faire que des objections de fantaisie à nos revendications des droits
-politiques.
-
-Tous les gens de bonne foi pensent bien que si l'on nous empêche
-de contrôler les budgets, c'est-à-dire d'avoir l'œil ouvert sur
-l'administration de nos affaires c'est afin de pouvoir mieux nous duper.
-
-En refusant l'impôt, les femmes ont voulu mettre l'Etat au défi de
-fonctionner sans elles. Cette protestation est légitime, qui paie est
-en droit de donner son avis.
-
-
-_Qui paie la dépense doit la consentir._
-
-En 1066 ses amis et conseillers dirent à Guillaume duc de Normandie:
-«Il vous faut demander aide et conseil à la généralité des habitants de
-ce pays; car, il est de droit que qui paie la dépense soit appelé à la
-consentir.»
-
-«Raison est que qui paie l'escot il soit à l'asseoir.»
-
-C'est la première fois, au Moyen Age, que le droit politique est
-exprimé avec cette netteté.
-
-Les femmes apportent plus que les hommes dans les caisses de l'Etat
-puisqu'elles sont en ce pays la majorité.
-
-Il y a en France un million de femmes de plus que d'hommes, cependant,
-le sexe masculin minorité en la nation gouverne seul et étant maître
-absolu, s'attribue tous les bénéfices sociaux.
-
-Les Françaises spoliées et exploitées, auraient un bon moyen pour
-forcer les hommes dictateurs à entrer en accommodement avec elles, ce
-serait de refuser en masse l'impôt.
-
-Dans tous les temps et en tous les pays, le refus de l'impôt a toujours
-été le grand levier des opprimés:
-
-En Angleterre, le patriote John Hampden qui sous Charles Ier refusa
-l'impôt, à ce despote, fut incarcéré, plaida, replaida et finit par
-provoquer un mouvement qui se termina par la défaite de Charles Ier
-dont la tête roula sur l'échafaud.
-
-Sous Louis XIV des provinces s'insurgèrent contre les intendants
-financiers, elles refusèrent les redevances; mais le faste royal
-nécessitait trop d'or pour que l'on n'écrasât pas sous le pressoir du
-fisc les rebelles. Les intendants furent investis du droit de vie et de
-mort sur les contribuables récalcitrants.
-
-En 1787, la Bretagne et la Normandie, après avoir vainement réclamé
-contre les vexations et les corvées, ne trouvèrent pas de moyens plus
-pratiques pour faire cesser l'oppression, que de couper les vivres aux
-oppresseurs; elles se liguèrent pour refuser l'impôt.
-
-L'exemple donné par ces deux grandes provinces à une époque où la
-situation financière était si difficile, décida la réunion des états
-généraux et hâta par conséquent la révolution.
-
-M. de Genoude légitimiste refusa l'impôt à Louis Philippe. On vendit
-ses meubles.
-
-M. Gambon propriétaire de la Nièvre refusa de payer l'impôt à l'Empire.
-On lui saisit une vache qui fut mise à l'enchère.
-
-En Amérique, le refus de payer la taxe des marchandises importées
-d'Angleterre, a été le signal de la guerre de l'indépendance. Les
-Américains ont mieux aimé détruire, jeter à la mer des cargaisons de
-denrées alimentaires que de payer l'impôt qui les frappait.
-
-
-Vingt-six ans après des Françaises, des Anglaises ont refusé
-d'acquitter leurs contributions parce qu'elles ne sont, elles non plus,
-point électeurs politiques. Si cette manifestation se généralisait,
-elle jetterait l'inquiétude au camp des hommes, puisqu'elle menacerait
-d'arrêter faute de munitions, la force motrice qui fait mouvoir la
-machine gouvernementale.
-
-Les femmes peuvent-elles continuer à entretenir un état masculiniste où
-elles ne sont admises qu'à titre de contribuables?
-
-Quand des individus s'associent dans un but quelconque, pourvu qu'ils
-apportent le même numéraire, qu'ils soient hommes ou femmes, ils ont un
-identique pouvoir administratif. Les impôts, qui sont la part apportée
-dans les caisses publiques par chacun des Français et des Françaises,
-ne peuvent donc, sans préjudice pour la nation, être livrés à
-l'arbitraire masculin. Il est urgent que la collectivité féminine dise
-à la collectivité masculine:--Nous n'avons point confiance en votre
-administration, voilà pourquoi nous voulons examiner, discuter, voter
-avec vous les budgets.
-
-Le préfet de la Seine qui avait répondu aux femmes que bien qu'elles
-soient non électrices, elles restaient contribuables reçut cette lettre:
-
- «Monsieur le préfet,
-
- «Vous m'informez que, pour rejeter ma demande de dégrèvement d'impôt,
- vous vous appuyez sur l'article 12 de la loi du 21 avril 1832, qui
- déclare imposable à la contribution personnelle et mobiliaire tout
- habitant français ou étranger non réputé indigent.
-
- «Il y a quelques mois, je m'appuyais sur une loi identique, mais de
- date plus récente, la loi du 5 mai 1848, qui dit: «Art. 6.--Sont
- électeurs tous français,» pour réclamer mon inscription sur les
- listes électorales.
-
- «On m'a répondu que, devant le scrutin, «Français» ne signifiait pas
- «Française». Si Français ne signifie pas Française devant le droit;
- Français ne peut signifier Française devant l'impôt.
-
- «Je n'accepte pas cette anomalie qui fait mon sexe incapable de voter
- et capable de payer.
-
- «Comme vous ne paraissez pas tenir compte des motifs qui me font
- refuser la contribution, j'ai l'honneur de vous informer, monsieur le
- préfet, que je désire user de mon droit de présenter des observations
- orales à la séance publique du conseil de préfecture que vous voudrez
- bien m'indiquer. Je m'y ferai assister par Me Antonin Lévrier.
-
- «Recevez, etc.
-
- «HUBERTINE AUCLERT».
-
-
-
-
-POURVOI DEVANT LE CONSEIL DE PRÉFECTURE
-
-
-A l'appel de l'affaire Hubertine Auclert contre le préfet de la Seine,
-je me suis avancée vers le prétoire et avant que n'intervînt mon avocat
-Antonin Lévrier, j'ai dit:
-
-Messieurs, vous savez, qu'il existe entre l'impôt et le vote une si
-grande corrélation que jusqu'en 1848 le cens a été la condition du
-vote. C'est un principe de notre droit français, que l'impôt doit être
-voté par celui qui le paie.
-
-J'ai légalement revendiqué mon droit de vote, je suis dans les
-conditions requises pour l'exercer, cependant, quand j'ai demandé ma
-carte d'électeur on m'a répondu que je n'avais pas de droits, que je ne
-comptais pas parce que j'étais une femme!..
-
-Comment se fait-il alors qu'on me réclame, à moi qui ne compte pas, des
-contributions? C'est illogique, attendu que je ne puis à la fois être
-rien et quelqu'un. Je ne puis être inexistante quand il s'agit de voter
-et existante quand il s'agit de payer.
-
-J'ai voulu porter cette question devant vous, messieurs, parce que vous
-êtes un tribunal obligé de motiver vos jugements; et que la discussion
-étant contradictoire entre l'organe du gouvernement et moi; vous et
-par vous tout le public, devant ce débat porté si haut, sera obligé
-de peser ce que valent les arguties de texte devant les arguments de
-raison.
-
-Or, la raison enseigne que tout argent déboursé doit avoir son emploi
-contrôlé par la personne qui le débourse.
-
-Je ne réclame pas de dégrèvements d'impôts pour avoir la satisfaction
-de ne rien payer. Je ne demanderais pas mieux que de participer aux
-charges qui incombent aux habitants de mon pays, mais je veux jouir des
-droits qui découlent de ces charges. Si je suis contribuable; eh bien,
-je veux être électeur. Ce ne sont pas ceux qui ont pour mission de
-rendre la justice qui peuvent me blâmer de la demander.
-
-On vous dit, que si vous me dispensiez de payer les contributions,
-l'année prochaine d'autres femmes réclameraient, puis d'autres et
-d'autres encore; si bien, qu'en peu de temps, il se produirait un
-sensible déficit dans les recettes de l'impôt.
-
-Tant mieux, si cela arrivait, car alors les hommes voyant qu'ils ne
-peuvent se passer de notre apport se décideraient à compter avec nous,
-à nous traiter en associées et non plus en esclaves rançonnées. Si un
-déficit se produisait, les hommes s'empresseraient de remplacer le
-régime de droit masculin existant, par une constitution réellement
-basée sur l'égalité des hommes et des femmes devant le devoir.
-
-Vous penserez, messieurs, que l'avenir qui sûrement émancipera la femme
-enregistrera l'arrêt que vous allez prononcer. Vous vous ferez un
-honneur d'établir ce grand principe de justice sociale, à savoir: que
-dans un Etat où les femmes n'ont pas de droits, les femmes ne peuvent
-non plus avoir de charges.
-
-Me Antonin Lévrier, dans son langage concis et mesuré rappelle que
-la question de l'impôt, de l'égale répartition de l'impôt, a été aux
-grandes époques de notre histoire, le point de départ des réformes
-dont nous jouissons. «Avant 1789, le tiers Etat contribuait seul aux
-charges de l'Etat, la noblesse payant, disait-elle, de son sang, le
-clergé de ses prières. L'égalité a enfin prévalu, mais elle n'est pas
-encore ce qu'elle devrait être, puisque la femme est restée en tutelle,
-sans indépendance et sans initiative. On la compte pour rien et on lui
-demande l'impôt.
-
-Mlle Hubertine Auclert s'adresse à vous, messieurs, qui êtes juges des
-différends entre l'Etat et les individus pour obtenir la réformation
-d'un abus qui a trop duré.»
-
-Le Conseil a sur le rapport de M. Pasquier pris l'arrêté suivant:
-
- «Considérant que l'art. 12, § 1er de la loi du «21 avril 1832, décide
- «que la contribution «personnelle et mobilière est due par chaque
- habitant français et par chaque étranger de tout sexe jouissant de
- ses droits et non réputé indigent.»
-
- »Que dans la disposition précitée, les mots _jouissant de ses droits_
- n'ont qu'un sens spécial et restreint;
-
- »Que d'après les termes exprès du § 2e de l'art. 12 survisé, il y
- a lieu de comprendre au nombre des personnes jouissant de leurs
- droits les garçons et les filles majeurs ou mineurs ayant des moyens
- suffisants d'existence, soit par leur fortune personnelle, soit par
- la profession qu'ils exercent;
-
- »Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle Auclert a des
- moyens suffisants d'existence;
-
- »Qu'elle doit donc être réputée _jouir de ses droits_ dans le sens
- attribué à cette expression par la loi du 21 avril 1832;
-
- »Que dès lors elle n'est pas fondée à demander la décharge de la
- contribution personnelle et mobilière à laquelle elle a été imposée
- au rôle de 1880, 12, rue, Cail, à Paris;
-
- »Arrête:
-
- »La requête de Mlle Hubertine Auclert est rejetée.»
-
-Nous en avons appelé de la juridiction du conseil de préfecture, à
-la juridiction du conseil d'Etat, pour établir que les femmes sont
-électeurs en même temps que contribuables.
-
-
-
-
-POURVOI DEVANT LE CONSEIL D'ETAT
-
-
- _A Messieurs les Conseillers d'Etat._
-
- Messieurs,
-
- «J'en appelle à vous, de l'arrêt rendu contre moi, par le conseil de
- préfecture de la Seine: Le conseil a rejeté ma demande en dégrèvement
- d'impôts, en s'appuyant sur l'article 12 de la loi du 21 avril
- 1832 ainsi conçu:--La contribution personnelle mobilière est due
- par chaque habitant français et par chaque étranger de tout sexe,
- _jouissant de ses droits_ et non réputé indigent.
-
- Je ne puis être visée par cet article qui stipule qu'il faut jouir de
- ses droits pour payer la contribution; car moi, je ne jouis pas de
- mes droits puisque je suis rangée parmi les exclus de l'électorat.
-
- «Le commissaire du gouvernement m'a dit, que je n'étais pas seule
- à payer sans exercer de droits, que les étrangers, que les mineurs
- étaient dans le même cas que moi et que cependant ils ne réclamaient
- pas.
-
- Veuillez remarquer, Messieurs, que les mineurs et les étrangers,
- qui sans exercer de droits contribuent aux charges publiques, n'ont
- pas à subir le même dommage que les femmes. Sans légiférer, sans
- administrer, ils sont servis par les mandataires de leur sexe qui
- ont reçu mandat de s'employer pour la collectivité masculine. Les
- étrangers et les hommes mineurs appartenant à cette collectivité,
- bénéficient naturellement de tout ce qui lui revient d'heureux. Il
- n'y a donc aucune analogie, entre les femmes privées à perpétuité de
- leurs droits et les hommes qui en obtiennent ou par le temps, ou par
- leur volonté, l'exercice.
-
- «Ce principe; que l'impôt doit être voté par celui qui le paie, qui
- existe dans la loi de 1832, découle de la constitution de 1791 basée
- sur «La déclaration des droits» qui dans son article 14 déclare
- formellement que tous ceux qui paient l'impôt, ont le droit d'en
- contrôler par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité. Que
- tous ceux qui paient l'impôt, ont le droit de le consentir librement,
- d'en suivre l'emploi, d'en déterminer la quotité, l'assiette, le
- recouvrement et la durée.» Cet article, abonde dans mon sens. Ou
- bien, comme je le soutiens, tous les imposés hommes et femmes,
- doivent régler l'emploi des contributions; ou bien, les hommes qui
- seuls contrôlent les dépenses, doivent les payer.
-
- «Les femmes, par la contribution directe et indirecte, apportent
- la moitié des recettes dans les caisses de l'Etat; mais, elles ne
- bénéficient point du quart des dépenses.
-
- «En examinant les différents chapitres du budget, on voit que les
- hommes se sont presque tout attribué. Les deux tiers des sommes
- allouées pour l'instruction publique leur sont accordés, afin
- qu'ils puissent se donner cette supériorité du point de départ, le
- développement intellectuel.
-
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- «Tous les budgets étant employés surtout à l'avantage du sexe
- masculin. Ne l'ignorant pas, je suis naturellement amenée à vous
- présenter ces conclusions que j'espère que vous agréerez.
-
- «Attendu, qu'il est bien démontré que je ne jouis pas de mes droits
- et ne puis par conséquent être visée par l'article 12 de la loi du 21
- avril 1832 qui énumère expressément les conditions requises pour être
- contribuable.
-
- «Attendu, qu'il est bien démontré que l'argent des contributions que
- je verse profite presque exclusivement aux hommes.
-
- «Attendu, que je suis exclue de la loi qui donne pour garantie de
- l'équité de la répartition des impôts, le droit à tout contribuable
- de les répartir ou de les faire répartir par des mandataires légaux.
-
- «M'en référant à la déclaration des droits de 1789 et à la
- Constitution de 1791 de laquelle découle toute la législation
- postérieure relative à cet objet, je conclus que je dois pouvoir
- contrôler, ou faire contrôler par des personnes mandatées par moi,
- l'emploi de mon argent, ou que je dois être déchargée de toute
- contribution.
-
- «Vous écouterez ma réclamation, Messieurs, vous rendrez un arrêt
- équitable pour la moitié déshéritée de l'humanité et de la chambre du
- Conseil d'Etat, sortira pour les femmes la réforme de la législation.
-
- «HUBERTINE AUCLERT.»
-
-Le Conseil d'Etat après avoir examiné notre affaire; a rendu l'arrêt
-ci-dessous:
-
-
-
-
-L'ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT
-
-
- CABINET
-
- DU
-
- Sénateur Préfet de la Seine
-
- 1er Bureau
-
- =PRÉFECTURE=
-
- DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE
-
- =RÉPUBLIQUE FRANÇAISE=
-
- _CONSEIL D'ÉTAT_
-
- Séance du 31 mars 1881.
-
-
- Au nom du peuple Français.
-
- La section du contentieux du conseil d'Etat.
-
- Vu la requête présentée par la demoiselle Hubertine Auclert,
- demeurant à Paris, tendant à ce qu'il plaise au conseil: annuler
- un arrêté, en date du 11 août 1880, par lequel le conseil de
- Préfecture du département de la Seine a rejeté sa demande de
- décharge de la contribution personnelle et mobilière à laquelle
- elle a été imposée, pour l'année 1880, sur le rôle de la ville de
- Paris.
-
- Ce faisant, attendu qu'elle n'a pas la jouissance des droits
- politiques; que, dès lors, elle ne jouit pas de ses droits dans
- le sens de l'article 12 de la loi du 21 avril 1832, et ne doit
- pas être imposée à la contribution personnelle et mobilière; lui
- accorder la décharge demandée;
-
- Vu l'arrêté attaqué;
-
- Vu la réclamation de la demoiselle Hubertine Auclert devant le
- conseil de Préfecture;
-
- Vu l'avis de la commission des contributions directes, et des
- agents de l'administration des contributions directes;
-
- Vu la lettre, en date du 28 février 1881, par laquelle le Préfet de
- la Seine, transmet le présent pourvoi;
-
- Ensemble le rapport du directeur des contributions directes;
-
- Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;
-
- Vu la loi du 21 avril 1832;
-
- Ouï, M. Bonnieu, auditeur, en son rapport;
-
- Ouï, M. Chante-Grellet, maître des requêtes, commissaire du
- Gouvernement, en ses conclusions;
-
- Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 21 avril
- 1832, la contribution personnelle et mobilière est due par chaque
- habitant français ou étranger de tout sexe jouissant de ses droits
- et non réputé indigent; que d'après le même article, les garçons et
- filles majeurs ou mineurs, ayant des moyens suffisants d'existence,
- sont considérés comme jouissant de leurs droits;
-
- Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demoiselle
- Hubertine Auclert jouit de ses droits dans le sens de l'article 12
- précité; que, dès lors; c'est avec raison qu'elle a été maintenue
- par le conseil de Préfecture de la Seine, à la contribution
- personnelle et mobilière à laquelle elle a été imposée pour 1880
- sur le rôle de la ville de Paris,
-
- Décide:
-
- Article 1er
-
- La requête de la demoiselle Hubertine Auclert est rejetée.
-
- Art. 2
-
- Expédition de la présente décision sera transmise au ministre des
- finances.
-
- Délibérée dans la séance du 31 mai 1881 où siégeaient MM.
- Laferrière président; Bertout, Braun, Tirman, Colonna-Ceccaldi,
- conseillers d'Etat, et Romieu, auditeur, rapporteur.
-
- Lue en séance publique le 8 avril 1881.
-
- Le président de la section du contentieux
-
- Signé: ED. LAFERRIÈRE.
-
-Le Conseil d'Etat invoque la subtilité de la loi qui me fait considérer
-comme jouissant de mes droits lorsqu'il s'agit de payer les impôts, et
-qui, quand je veux exercer ces droits, me les dénie.
-
-Si pour les élections je voulais essayer de voter, je suis certaine que
-l'on me repousserait de l'urne électorale avec cette formule:--Vous ne
-jouissez pas de vos droits!
-
-Dans tous les actes de la vie sociale et politique, on me dit que je
-ne jouis pas de mes droits. Cependant quand arrive le moment de payer
-l'impôt, que, pour ce motif, je demande à en être déchargée; on me
-répond! «Que je suis considérée comme jouissant de mes droits.»
-
-Ainsi, moi qui ne jouis pas de mes droits pour voter l'impôt, je
-jouirais de mes droits pour le payer?
-
-Je ne puis cependant être à la fois capable et incapable. Capable pour
-donner mon argent; et incapable, pour contrôler l'emploi qu'on en fait.
-
-
-
-
-LE DROIT POUR LES FEMMES DE PÉTITIONNER
-
-
-_Pétitions remarquées._
-
-Les Françaises doivent à Mme Jeanne Deroin, à MM. Schoelcher et
-Crémieux, d'avoir conservé le droit de pétitionner.
-
-Quand en avril 1851 un député, M. Chapot, fit à l'assemblée législative
-la proposition de supprimer pour les femmes le droit de pétition en
-matière politique, Jeanne Deroin alors détenue politique, protesta du
-fond de sa prison, pria les citoyens représentants de ne point enlever
-aux femmes le droit de pétitionner.
-
-La question vint en discussion le 24 juin 1851[13]. Le rapporteur M.
-Quantin-Bauchard, commença par trouver plaisant qu'une seule femme
-réclamât contre l'interdiction du droit de pétitionner:--«Il s'agissait
-pour elles, dit-il, de prouver qu'elles sont capables de se servir du
-droit de pétition, en pétitionnant contre leur exclusion de ce droit.
-
---A droite:--C'est cela! C'est cela!
-
-M. Quantin-Bauchard--Eh bien, il y a une femme, une seule, qui a
-réclamé (explosion de rires), et c'est notre honorable collègue Laurent
-de l'Ardèche, qui s'est fait l'avocat des dames pétitionnaires en
-matière politique.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
---Vous sentez que c'est là une question de décence publique, de dignité
-parlementaire. Comment! il arrivera une pétition signée dans un sens
-par le mari, signée dans un autre par la femme! Quels seraient donc
-l'autorité et le sexe qui domineraient ici?»
-
- [13] Le _Moniteur_.
-
-Tout le monde cependant n'était pas convaincu, puisque le 2 juillet
-M. Schoelcher proposa un amendement pour maintenir aux femmes le droit
-de pétitionner. Cet amendement chaleureusement défendu par M. Crémieux,
-fut adopté à l'unanimité au milieu de l'hilarité générale.--Ces députés
-riaient d'avoir été empêchés de jouer un bon tour aux femmes spoliées,
-en leur interdisant de réclamer.
-
-
-_Pétition pour demander le droit de vote ou l'exonération de l'impôt._
-
- «Messieurs les députés,
-
- «Nous nous sommes adressées à toutes les juridictions: Le maire,
- le préfet, le conseil de préfecture, le conseil d'Etat, pour être
- déchargées du devoir de payer les impôts ou être admises à exercer
- notre droit de vote. Toutes les juridictions nous ont répondu que
- leur compétence ne pouvait aller jusqu'à nous faire justice, que
- nous devions nous adresser à vous.
-
- «Nous avons, messieurs, l'honneur de vous présenter notre requête.
- La corrélation entre l'obligation de payer l'impôt et le droit de
- le voter est indiscutable. Nous espérons que vous nous accorderez
- le droit de voter, c'est-à-dire le pouvoir de contrôler ou de faire
- contrôler l'emploi de notre argent, ou que vous nous dispenserez de
- payer.
-
- «Si les hommes ont besoin de l'apport des femmes, qu'ils les traitent
- en associées et non en esclaves rançonnées. Nous voulons bien
- participer aux charges qui incombent aux habitants de notre pays,
- mais nous voulons jouir des droits qui découlent de ces charges. Pour
- être contribuables, nous voulons être électeurs.
-
- «L'impôt ne peut être consenti que par les ayants droit au vote;
- pendant que nous ne sommes pas de ceux-ci, nous ne devons rien à
- l'Etat. Vous aurez, messieurs, l'impartialité de le reconnaître et
- d'établir ce grand principe de justice sociale, à savoir: que dans
- un pays où les femmes n'ont pas de droits, les femmes ne peuvent non
- plus avoir de charges.
-
- HUBERTINE AUCLERT,»
-
- 12, rue Cail, directrice de la _Citoyenne_.
-
- VEUVE BONNAIRE,
-
- 103, boulevard de la Gare, commerçante et propriétaire.
-
- VEUVE LEPROU,
-
- à Pontlieu (Sarthe), relieuse et propriétaire.
-
-Cette pétition a été écartée par l'ordre du jour.
-
-En 1882 au moment où il fut question de reviser la Constitution nous
-demandâmes par la pétition suivante que les femmes coopèrent à cette
-revision.
-
- Messieurs les Députés,
-
- «Permettez-nous d'introduire dans votre discussion sur la revision
- intégrale ou partielle de la Constitution, une question bien
- plus importante que toutes celles qui vous divisent: la question
- d'admettre les femmes comme membres du Congrès, pour reviser la
- Constitution.
-
- «Si vous voulez réellement faire une constitution républicaine, vous
- devez décréter que vos mères, vos sœurs, vos épouses, vos filles, les
- femmes qui portent le beau nom de Françaises--Franques, c'est-à-dire
- libres--sont affranchies de l'esclavage et jouissent de toutes les
- prérogatives qu'ont les hommes.
-
- «Vous trouvez mauvais que les femmes acceptent les dogmes, ne
- serait-ce pas aussi mauvais que les femmes acceptent sans discussion,
- sans examen, les lois qui sont au temporel ce que les dogmes sont
- au spirituel? Pour que les femmes respectent la Constitution, pour
- qu'elles s'y soumettent, il faut qu'elles participent à sa confection.
-
- «L'équité la plus élémentaire, vous conseille d'appeler les femmes
- au Congrès, pour qu'elles y réclament l'exercice de leurs droits de
- citoyennes.
-
- «Comment, pourriez-vous tenir plus longtemps en dehors de
- l'administration des affaires publiques, les femmes sur lesquelles
- reposent la sécurité et le crédit de la France?
-
- «Vous vous inspirerez de ces considérations sérieuses, messieurs, et
- si vous voulez réellement fonder la République, vous laisserez aux
- générations, une Constitution qui donne aux hommes et femmes, les
- mêmes droits.»
-
-Le rapporteur de la commission des pétitions de la chambre, M. Frédéric
-Thomas, conclut dans les termes suivants au rejet de la pétition:
-
- «La demoiselle Hubertine Auclert paraît remplie de confiance, elle
- se flatte que les destinataires de sa pétition s'inspireront de ses
- considérations sérieuses. L'épithète de sérieuse peut passer pour
- une qualification ambitieuse; regardons-la, comme l'illusion d'un
- cœur sensible et aventureux et ménageons-la, sans espérer la guérir
- en la traitant, sinon par cette fin de non recevoir rigoureuse de la
- question préalable, du moins par cette exception plus courtoise de
- l'ordre du jour.»
-
-Ces injures ne nous découragèrent pas, et une nouvelle pétition
-réclamant l'électorat et l'éligibilité pour les femmes fut déposée à la
-chambre.
-
-
-_Pétition pour demander que ces mots: «Les Français,» qui comprennent
-les deux sexes comme contribuables, comprennent les deux sexes comme
-électeurs_,
-
- «Messieurs les députés,
-
- «Ce fait que la représentation nationale est exclusivement composée
- d'hommes, et d'hommes exclusivement mandatés par des hommes, cause un
- préjudice moral et matériel considérable aux femmes. L'absence des
- femmes de la législature produit l'injustice de la législation.
-
- «Dans la discussion et le vote des lois générales, les femmes n'ayant
- personne pour prendre la défense de leurs intérêts, leurs intérêts
- sont sacrifiés.
-
- «Dans la discussion et le vote des lois qui visent particulièrement
- les femmes, les projets qui leur seraient favorables sont écartés,
- pour ce principal motif qu'ils gênent l'autocratie masculine, ou
- prennent pour les femmes un peu des budgets que les hommes se sont
- presque exclusivement attribués.
-
- «Nous vous demandons, messieurs les députés, de décider que ces mots
- «_Les Français_» soient interprétés dans la loi électorale comme ils
- le sont dans la loi civile. Ces mots «_Les Français_» qui comprennent
- les deux sexes comme contribuables doivent comprendre les deux sexes
- comme électeurs, donc, leur conférer, au même titre, le droit au vote
- municipal et politique, le droit à l'éligibilité.
-
- «Les femmes ont autant d'intérêt que les hommes à la confection des
- bonnes lois, à la répartition équitable des budgets. Or, l'exercice
- des droits civiques est le seul moyen pour elles de contrôler ce qui
- se fait, de garantir à la fois leurs intérêts et leur liberté.
-
-Cette pétition couverte de plus de mille signatures fut rejetée par
-l'ordre du jour.
-
-M. Cavaignac dit dans son rapport: «Il n'est pas permis de parler
-légèrement d'une thèse dont des hommes éminents et parmi eux Stuart
-Mill, se sont faits les défenseurs éloquents. Mais l'opinion n'est pas
-suffisamment préparée, à voir siéger sur les bancs de nos assemblées,
-un élément étranger au sexe masculin. Les femmes ne sont pas préparées
-au maniement des affaires publiques.»
-
-Hé! ce ne sera qu'en votant et en légiférant que les femmes deviendront
-d'habiles législatrices.
-
-Tous les journaux parlèrent de cette pétition.
-
-La _Presse_ trouva la réponse de la commission des pétitions
-dangereuse. Elle semble, dit-elle, encourager Mlle Hubertine Auclert à
-persévérer et à gagner l'opinion publique à une idée qui est fausse.
-
-Le _Figaro_ appuya notre revendication.
-
-«Comment, dit-il, n'être pas choqué à l'idée qu'une de ces femmes de
-tête, comme on en compte par milliers dans le commerce ou l'industrie,
-ou bien une de ces femmes de haut luxe, résumant en elle la culture
-de vingt générations n'ait pas sur les affaires publiques, la part
-d'influence que personne n'oserait contester aujourd'hui au charretier
-de la marchande, ou au palefrenier de la grande dame.
-
-Changeons de monde si vous voulez; comparez la ménagère laborieuse,
-économe, martyre du mariage et de la maternité, qui vient chercher le
-jour de paie, à l'atelier, son mari ivrogne et qui tâche de sauver des
-cabarets le modeste pécule de la maisonnée! L'être maculé de vin et de
-boue, dégradé, abruti, immonde, qui heurte les murailles et qui bat sa
-femme--c'est l'électeur. C'est lui dont on défend les droits, c'est lui
-qu'il est urgent de représenter.
-
-La femme, la victime ne compte pas; elle n'est pas «suffisamment
-préparée.»
-
-Dans La _Bataille_ M. Lissagaray réfuta en ces termes le rapport
-de M. Cavaignac: «Le vote des femmes est le corollaire fatal du
-suffrage universel, comme la vie politique est le corollaire de
-l'affranchissement des noirs; où il y a identité absolue d'intérêt, il
-ne saurait exister de différence dans le droit.
-
-
-_Pétition au Congrès de Versailles_
-(_12 Août 1884_)
-
-_A Messieurs les membres du Congrès_
-
- Messieurs,
-
- Nous venons rappeler à votre mémoire l'existence des femmes,
- existence dont vous paraissez vouloir vous abstenir de tenir compte
- en revisant la Constitution.
-
- Veuillez vous souvenir que les femmes sont la moitié de la nation.
-
- Responsables, contribuables, membres de la société, les femmes sont
- au même titre que les hommes des ayants droit.
-
- Pour que la France entière soit représentée aux Chambres, pour que le
- suffrage soit véritablement universel, il faut que les femmes soient
- électrices.
-
- Vous voulez supprimer le suffrage restreint pour l'élection des
- sénateurs, supprimez, en même temps, le suffrage restreint pour
- l'élection des députés; appelez les femmes à voter comme les hommes.
-
- Nous vous prions, messieurs, d'introduire dans la nouvelle
- Constitution, un paragraphe qui autorise les femmes à exercer leurs
- droits de Françaises et de citoyennes.
-
- Vous ne feriez pas une Constitution républicaine, si vous conserviez
- dans la loi, pour ces égaux devant les charges--les femmes et les
- hommes--l'inégalité devant les droits.
-
- Une Constitution qui diviserait toujours la nation en deux camps,
- celui des rois--les hommes souverains--et celui des esclaves--les
- femmes exploitées--serait une Constitution autocratique et mort-née.
-
- Nous vous demandons, Messieurs, au nom des femmes de France, et dans
- l'intérêt des hommes et des femmes, d'avoir le courage de faire une
- Constitution qui donne à tous, Français et Françaises, avec les mêmes
- devoirs, les mêmes droits.
-
- Pour le Cercle du Suffrage des Femmes:
-
- _La déléguée_
-
- HUBERTINE AUCLERT.
-
-Cette pétition est venue à l'ordre du jour de la huitième séance, et,
-chose curieuse, c'est un nègre, c'est-à-dire un homme qui, en raison de
-la couleur de sa peau a été victime des préjugés, qui est monté à la
-tribune proposer de maintenir les préjugés de sexe.
-
-Malgré le respect qu'elle professe pour les dames, a dit M.
-Gerville-Réache (_rires_)[14], la commission ne croit pas nécessaire
-de leur accorder des droits politiques et de leur imposer les devoirs
-politiques qui appartiennent aux citoyens français. Elle ne croit
-pas non plus que ce vœu soit celui de la majorité des Françaises. La
-commission propose donc l'ordre du jour sur cette pétition.
-
- [14] Avant 1848 on riait aussi quand on parlait de donner le vote à
- tous les hommes.
-
-Ce n'est pas galant s'écria un membre de la gauche.
-
-M. Raoul Duval ne s'explique pas pourquoi de simples aspirantes à
-l'électorat sont traitées plus favorablement que des membres de
-l'assemblée nationale.
-
-
-_Opinion de la presse sur notre pétition._
-
- _Le Temps_
-
- On ne saurait reprocher à l'Assemblée nationale d'avoir manqué de
- courtoisie envers les dames, Mlle Hubertine Auclert, directrice du
- journal la _Citoyenne_, organe des droits sociaux et politiques de
- la femme, plus heureuse que M. Barodet et nombre d'autres membres
- du sexe laid, n'a pas eu à subir l'affront de la question préalable
- pour sa pétition relative à l'électorat des femmes. Cette pétition
- a eu les honneurs d'un rapport à la tribune et on ne lui a opposé
- que l'ordre du jour pur et simple, ce qui, en pareille matière, est
- presque un succès, car Mlle Auclert, quelle que soit la ferveur de
- son apostolat, ne pouvait s'être fait cette illusion que le Congrès,
- quittant toutes autres préoccupations, allait consacrer une partie de
- son temps à discuter sérieusement le point de savoir si les femmes
- seraient mises, pour l'exercice des droits politiques, sur le même
- pied que les hommes.
-
- Mlle Hubertine Auclert doit donc se trouver très heureuse d'avoir
- occupé, ne fût-ce que pendant quelques instants l'attention du
- Congrès. Pareille fortune n'est pas advenue à tout le monde.
-
-
- _Le XIXe siècle_
-
- Mlle Hubertine Auclert ne cesse pas de revendiquer en faveur des
- femmes. Sa pétition au Congrès demandait pour les femmes l'électorat
- et l'éligibilité politiques. Elle était fort bien tournée, cette
- pétition, et il est certain que si Mlle Hubertine Auclert triomphait,
- les Congrès futurs offriraient un aspect plus agréable que les
- Congrès d'aujourd'hui. Mais la pétition de Mlle Hubertine Auclert n'a
- obtenu du Congrès que la question préalable, tout comme un amendement,
- tempérée par un mot gracieux et galant du rapporteur. C'est à
- recommencer et vous pouvez compter que la pétitionnaire recommencera.
- Rien ne la lasse. Et elle tient à faire mentir les ennemis des
- femmes qui prétendent que le sexe n'a pas l'esprit de suite dans ses
- entreprises!
-
- HENRI FOUQUIER
-
-
- _Le Soleil_
-
- Dans une tribune quelques femmes ont applaudi le nom de Mlle
- Hubertine. Auclert. Cette manifestation a été très vite réprimée sur
- les ordres de la questure.
-
-
- _Le Moniteur universel_
-
- Mlle _Hubertine Auclert_ rappelle avec raison que les femmes sont au
- même titre que les hommes des ayants droit.
-
- Voyez combien vous êtes injustes; vous inventez le suffrage
- universel, et vous ne vous apercevez pas qu'il n'y a rien de moins
- universel que ce suffrage.
-
- Vous avez exclu les femmes; pourquoi cela?
-
- Avez-vous donc peur qu'elles usent mal du droit de vote?
-
- J'en appelle à toutes les mères de famille; que font-elles donc du
- matin au soir, si ce n'est d'exercer, comme on disait autrefois, un
- véritable sacerdoce?
-
- Et quoi, une mère élève son enfant, et cet enfant lui doit tout ce
- qu'il est; elle fait tout cela, et vous dites qu'elle est incapable
- de nommer des députés?
-
- Laissez-moi vous le dire, quand on crée des hommes, on a bien le
- moyen de faire des députés.
-
- On a même le moyen d'en faire de très bons; est-ce par hasard cela
- qui vous fait peur?
-
- La femme est un être essentiellement civilisé: prenez-la dans un
- tel milieu que vous voudrez; si défectueuse que soit son éducation,
- si incomplète que soit son instruction, ce n'est jamais en vain que
- vous ferez appel en elle à tout ce qu'il y a de noble et d'élevé dans
- l'humaine nature.
-
- Ah! tenez, vous vous ôtez le plus clair de vos ressources et votre
- arme la plus solide, quand vous vous privez du concours de la femme
- dans vos luttes politiques.
-
- ROBINSON.
-
-
- _Le Rappel._
-
- Je crois que c'est moi qui ai publié le premier la pétition de Mlle
- Hubertine Auclert demandant à l'Assemblée nationale «d'avoir le
- courage de faire une Constitution qui donnerait à tous les Français
- et Françaises avec les mêmes devoirs les mêmes droits civils et
- politiques.»
-
- Mlle Hubertine Auclert a dit, entre autres, une chose à laquelle il
- ne nous paraît pas très facile de trouver une réponse: c'est que nous
- nous prétendons sous le régime du suffrage universel, et que c'est un
- drôle de suffrage universel, que celui qui commence par destituer la
- moitié du genre humain.
-
- M. Gerville-Réache a cru répondre en disant qu'il ne croyait pas
- que la pétition de Mlle Hubertine Auclert répondît au sentiment et
- au désir de la majorité des Françaises. M. Gerville-Réache croit-il
- que l'émancipation des noirs répondît au sentiment et au désir de
- la majorité des esclaves? L'état de sujétion est un état mou et
- lâche auquel on tient par habitude et par hébétude, et le premier
- mouvement est de reculer devant la liberté, c'est-à-dire devant
- la responsabilité. Mais ce n'est pas une raison pour perpétuer la
- servitude, il faut affranchir les esclaves et les femmes, même de
- force.
-
- AUGUSTE VACQUERIE.
-
-
- _Paris._
-
- Quelques orateurs se sont couverts de gloire en _blaguant_
- l'honorable pétitionnaire. Etant donné que les novateurs ont toujours
- tort, c'était une besogne trop facile.
-
- Il n'y a pas un argument sérieux pour combattre le vote des femmes.
- On n'ose pas invoquer la question d'intelligence. Cela ferait rire
- tous les gens de bonne foi. La femme la plus bête sera toujours plus
- fine que l'homme le mieux doué. La femme possède un tact supérieur:
- puisque le suffrage universel est entré dans nos mœurs, il faut, sous
- peine d'illogisme, l'admettre tout entier. Dans quelque cinquante
- ans d'ici, nos petits-neveux seront stupéfaits d'apprendre qu'on
- aura attendu un long temps avant de donner à la femme des droits
- politiques égaux à ceux de l'homme. Nous paraîtrons aux yeux des
- citoyens de l'avenir, aussi stupides que les membres du concile de
- Mâcon, qui, à la majorité d'une voix seulement, décrétèrent que la
- femme avait une âme.
-
- ALBERT DELPIT.
-
-
-_Le National._
-
-L'admission des femmes au vote n'est plus qu'une question de temps. Qui
-aurait cru, sous Louis XVI, alors que les paysans n'étaient encore que
-«ces sortes d'animaux farouches» dont parle La Bruyère, qu'ils seraient
-un jour, par le suffrage universel, les véritables souverains du pays?
-Ne jetons pas la pierre à Mlle Hubertine Auclert, les idées qu'elle
-défend feront leur chemin.
-
- PAUL FOUCHER.
-
-
-_Pétitionnement organisé par le Journal «La Citoyenne» pour réclamer le
-suffrage des femmes_
-
- «Messieurs les députés,
-
- «Etant donné que non seulement les intérêts des femmes mais tous
- les intérêts français sont gravement compromis par l'absence des
- femmes de la législature.
-
- «Etant donné que, conciliatrices et pacificatrices par excellence,
- les femmes rendront possibles sans révolutions les réformes
- sociales, dès qu'elles participeront à la vie publique.
-
- «Etant donné, d'autre part, que les femmes, contribuables et
- responsables, sont des ayants-droit qui doivent de concert avec les
- hommes, administrer les fonds publics, faire les lois.
-
- «Nous vous prions, Messieurs les députés, de bien vouloir réformer
- la loi électorale de manière qu'elle confère aux femmes les droits
- politiques: vote et éligibilité.»
-
-Pour le rapporteur de cette pétition M. Escanyé, la question de
-l'électorat et de l'éligibilité des femmes est digne des méditations
-des philosophes et des publicistes, mais il trouve que le moment n'est
-pas venu de lui donner une solution et fait rejeter notre pétition par
-l'ordre du jour.
-
-
-_Pétition au Conseil Général de la Seine._
-
- Messieurs les conseillers généraux,
-
- Dans votre séance du 6 juillet, vous avez adopté un vœu d'amnistie en
- faveur des falsificateurs et des fraudeurs destitués de leurs droits
- civiques.
-
- Puisque vous êtes à ce point bons et généreux, permettez-moi
- d'appeler votre attention sur une catégorie d'individus, bien plus
- intéressante que celle qui a été l'objet de votre sollicitude, et de
- vous demander d'émettre en faveur des vingt millions de Françaises,
- arbitrairement privées de leurs droits de citoyennes, un vœu
- d'amnistie qui les relève du crime d'être nées femmes.
-
- Vous ne pouvez, messieurs les conseillers, avoir moins de pitié pour
- les femmes, innocentes victimes des préjugés, que pour les voleurs,
- qui en falsifiant les aliments, ont altéré la santé de la nation et
- assassiné lentement peut-être des milliers d'individus.
-
- Je vous prie de mettre fin au monstrueux déni de justice qui
- déshonore la République, en émettant le vœu qu'avant les élections de
- 1885 les femmes soient mises en possession de leurs droits électoraux.
-
- J'espère, messieurs les conseillers généraux, que vous voudrez bien
- accueillir favorablement la requête que je vous adresse au nom de mon
- sexe, et je vous prie d'agréer, avec mes remerciements anticipés,
- l'hommage de ma haute considération.
-
- Hubertine AUCLERT,
-
- Directrice de La _Citoyenne_.
-
-
-_Conseil Général de la Seine, séance du 2 décembre 1885._
-
- ORDRE DU JOUR SUR UNE PÉTITION DE Mlle HUBERTINE AUCLERT DEMANDANT
- QUE LES FEMMES SOIENT MISES EN POSSESSION DE LEURS DROITS ÉLECTORAUX
-
- _M. Georges Berry_ rapporteur.--Mlle Hubertine Auclert a adressé au
- conseil général de la Seine une pétition ayant pour but de faire
- appuyer, par un vœu de cette assemblée, les revendications qu'elle
- ne cesse de faire au sujet du droit électoral des femmes.
-
- «Tout le monde connaît, en effet, les efforts mémorables de Mlle
- Hubertine Auclert, qui a fait une agitation de tous les instants
- autour de la question du vote des femmes.
-
- «Tantôt, elle réclame son inscription sur les listes électorales et
- épuise en vain les juridictions sans se décourager.
-
- «Tantôt elle refuse de payer ses contributions, sous prétexte que
- si elle n'a pas les droits d'un citoyen, elle ne saurait en avoir
- les charges.
-
- «Tantôt, enfin, elle fait signer des pétitions pour le Sénat et la
- Chambre des députés.
-
- «Aujourd'hui, c'est nous que Mlle Hubertine Auclert charge du soin
- de saisir de nouveau les pouvoirs publics.
-
- «Les femmes, dit Mlle Auclert, ont les mêmes charges que les
- hommes, pourquoi n'ont-elles pas les mêmes droits? Elles sont
- en outre, au moins aussi intelligentes qu'eux? pourquoi dès
- lors leur refuser de prendre part à la confection des lois, où,
- entre parenthèse, elles sont abominablement sacrifiées, et à la
- discussion d'un budget qui absorbe leurs finances?
-
-
- «La nature de la femme dit M. Georges Berry, son caractère, son
- rôle dans la vie, sont autant de motifs qui doivent la faire
- exclure de la scène politique.
-
- «Chez la femme l'élément sensuel domine l'élément intellectuel.
- Quels hommes d'affaires choisiront ces dames?
-
- «Si les femmes deviennent électeurs, elles deviendront du même
- coup éligibles et je crains qu'elles soient aussi mauvais députés
- qu'imparfaits électeurs.
-
- «La femme n'a aucune aptitude pour les fonctions publiques. Ce qui
- prouve son incompétence en politique, c'est l'attraction qu'elle
- subit de la part de tout ce qui est faux.
-
- «La véracité et la précision sont des traits caractéristiques
- masculins!. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- quels gâchis! quelles intrigues indignes de la représentation
- nationale! quelles lois contradictoires! quelle majorité versatile!
- que de séances perdues, dans cette assemblée des deux sexes...»
-
- Quand M. Georges Berry a été las d'insulter les femmes, il s'est
- excusé d'avoir été aussi grossier envers elles. «Si je leur ai dit
- tant de choses désagréables, s'est-il écrié, c'est leur faute,
- elles n'avaient qu'à ne pas réclamer leurs droits au conseil
- général.» Aujourd'hui le gouvernement laisse tout dire et tout
- faire aux petites filles d'Olympe de Gouges. Finalement il demande
- de passer à l'ordre du jour sur la pétition de Mlle Hubertine
- Auclert:
-
- _M. Cattiaux._--Messieurs, je ne viens pas réclamer aujourd'hui le
- droit de vote en faveur des femmes, par cette seule raison que leur
- éducation a été trop négligée.
-
- Quant à ce droit lui-même, il est incontestable (Réclamations) nous
- ne pouvons qu'en retarder l'avènement.
-
- La femme a des charges comme les hommes; n'élève-t-elle pas
- seule ses enfants après la mort de son mari ou quand elle est
- fille-mère,--plutôt par la faute de l'homme que par la sienne.
-
- Or, vous ne faites pas pour elle ce que vous devriez faire:
- laissez-lui donc alors revendiquer ses droits et puisqu'elle n'a
- pas d'autre moyen de les faire triompher que le vote, donnez-lui le
- pouvoir de voter?
-
- _M. Michelin._--Il s'agit de statuer sur le rapport de M. Georges
- Berry.--Je viens combattre les conclusions de ce rapport et me
- déclarer très nettement pour le droit des femmes.
-
- _M. Monteil._--Il faut dire cela à la Chambre.
-
- _M. Michelin._--Je suis disposé à le faire, Monsieur Monteil.
-
- J'estime que, dans une République, la femme doit être traitée
- autrement que sous les lois de l'Eglise et de la monarchie._
-
- _M. Maurice Binder._--Si les femmes votaient, la République n'en
- aurait pas pour vingt-quatre heures!
-
- _M. Michelin._--Je sais qu'il est contraire aux principes de
- l'Eglise de donner aux femmes des droits, et même un concile s'est
- réuni pour étudier la question de savoir si la femme avait une âme.
-
- Il appartient à la société moderne d'émanciper la femme au point de
- vue civil, au point de vue politique.
-
- Au point de vue municipal et politique, je demande que l'on
- commence au moins par reconnaître le droit de vote des femmes dans
- les élections communales. Des femmes ont souvent des intérêts
- considérables dans une commune et l'on ne comprend pas qu'elles ne
- soient pas appelées à voter, pour défendre ces intérêts.
-
- J'irai plus loin et je voterai l'admission des femmes aux droits
- politiques. Nous ne devons pas établir deux catégories de citoyens.
- Je sais très bien qu'aujourd'hui l'éducation de la femme est le
- plus souvent cléricale; mais, fort heureusement, les idées marchent
- et, avant peu, je l'espère, la femme sera complètement affranchie
- du confessionnal et des superstitions du Moyen Age. Le meilleur
- moyen de parvenir à ce résultat, est de reconnaître les droits de
- la femme.
-
- Il est grandement temps, messieurs, de s'occuper de la condition de
- la femme dans notre société moderne.
-
- Je suis convaincu que le Conseil général ne voudra pas sanctionner
- le rapport très spirituel de M. Berry, mais qui vous propose des
- conclusions contraires à l'équité; qu'il envisagera de haut cette
- question et dira très nettement, que la femme, dans la société
- moderne, n'a pas les droits qu'elle doit avoir.
-
- _M. le Président._--Le scrutin est ouvert sur les conclusions de la
- Commission.
-
- Nombre de votants........ 48
- Majorité absolue......... 25
-
- Onze ont voté contre le rapport de M. Georges Berry, c'est-à-dire
- pour le suffrage des femmes:
-
- MM. Cattiaux, Chabert, Chassaing, Decorse, Desmoulins, Jacquet,
- Michelin, Navarre, Piperaud, Rousselle, Paul Viguier.
-
- 37 ont voté pour le rapport réactionnaire de M. Berry. Voici les
- noms de ces partisans de la royauté masculine.
-
- MM. Léopold Auguste, Bartholoni, Georges Berry, Maurice Binder,
- Boll, Collin, Combes, Cusset, Darlot, Delhomme, Desalys, Després,
- Dufaure, Gamard, Guichard, Ernest Hamel, Hattat, Jacques, Alfred
- Lamoureux, Leclerc, Lefoullon, Lerolle, Stanislas Leven, Levraud,
- Maillard, Mathé, Mayer, Millerand, Monteil, Patenne, Réty, Riant,
- Robinet, Ruel Sauton, Simoneau, Weber.
-
- Excusés:
-
- MM. Hubbard, Rouzé, Songeon.
-
- Enfin, voici les noms des abstentionnistes qui ont eu peur de se
- nuire en étant justes.
-
- MM. Armengaud, Boué, Braleret, Cernesson, Chautemps, Cochin,
- Curé, Davoust, Delabrousse, Deligny, Depasse, Deschamps, Dreyfus,
- Dujarrier, Frère, Gaufrès, Hervieux, Jobbé-Duval, Lefèvre, Narcisse
- Leven, Lyon-Alemand, Marsoulan, Marius Martin, de Ménorval,
- Mesureur, Muzet, Pichon, Emile Raspail, Aristide Rey, Reygeal,
- Strauss, Stupuy, Vaillant, Vauthier, Villard, Voisin.
-
-
-
-_Pétition demandant l'électorat pour les célibataires et les veuves._
-
-
- «Messieurs les Sénateurs,
-
- «Messieurs les Députés,
-
- «Permettez-nous d'appeler votre attention sur la condition--de
- mise hors le droit commun--qui est conservée à la femme sous la
- République.
-
- «Les femmes responsables et contribuables--qui sont comme les
- hommes des ayants droit à contrôler l'emploi de l'argent qu'elles
- versent au Trésor et à faire les lois qu'elles subissent--sont
- encore dans la société destituées de tous les droits.
-
- Nous vous demandons, Messieurs, d'accorder au moins à celles de ces
- femmes--LES CÉLIBATAIRES ET LES VEUVES--dont les intérêts ne sont
- représentés par personne dans les assemblées élues, le pouvoir de
- garantir leur sécurité et de sauvegarder leurs affaires privées en
- participant à la gestion des affaires publiques.
-
- Les femmes célibataires et veuves ne sont pas mineures, quant à
- leurs biens personnels, pourquoi le seraient-elles relativement
- à leur part indivise des biens de la Commune et de l'Etat? Le
- pouvoir qu'elles ont d'administrer leur fortune privée doit--pour
- être effectif--avoir pour corollaire le pouvoir d'administrer leur
- fortune publique.
-
- Nous espérons, Messieurs, que vous accorderez à la moitié
- déshéritée de la nation française un commencement de justice, en
- autorisant les célibataires et les veuves à exercer leurs droits de
- citoyennes.»
-
-Cette pétition, a été à la Chambre et au Sénat, écartée par l'ordre du
-jour:
-
-
-_A la Chambre des Députés._
-
-M. de Lévis-Mirepoix, rapporteur, après avoir rappelé ma campagne en
-faveur des droits politiques des femmes dit:
-
-«Aujourd'hui, dans une pétition différente en apparence, mais
-absolument identique quant au fond, et avec une subtilité
-d'imagination que nous ne voulons pas lui contester, la demoiselle
-Hubertine Auclert, réduisant habilement ses prétentions à une classe
-spéciale de femmes, sollicite l'exercice des droits politiques pour
-les veuves et les célibataires dont les intérêts ne sont, dit-elle,
-représentés par personne: elle espère ainsi, par une argumentation
-spécieuse qui ne manque pas d'une certaine valeur, faire admettre
-le principe cher à ses rêves, mais qui, une fois introduit dans la
-législation, ne manquerait pas d'y prendre une dangereuse extension».
-
-«En effet, si ces arguments prévalaient, il faudrait étendre les mêmes
-droits à toutes les femmes qui, pour des causes diverses, sont privées
-de quelqu'un pouvant représenter leurs intérêts. La commission ne veut
-pas s'appesantir sur les graves inconvénients qu'entraînerait une telle
-innovation.»
-
-Au Sénat M. de la Sicotière, rapporteur, dit: «Tout en imitant la
-courtoisie dont l'autre chambre a toujours fait preuve à l'endroit de
-la pétitionnaire, nous avons le regret de ne pouvoir vous proposer que
-l'ordre du jour.
-
-«Après les veuves et les célibataires, toutes les affranchies de la
-tutelle maritale réclameraient l'exercice des droits civiques et par la
-brèche ainsi ouverte, toutes les femmes finiraient par passer.»
-
-Les journaux trouvèrent cette pétition très juste.--«On ne peut, dit le
-_Figaro_, alléguer d'autres raisons que le préjugé contre le vote des
-femmes célibataires et veuves qui ne sont pas mineures quant à leurs
-biens personnels».
-
-
-_Pétition réclamant le suffrage pour les filles majeures, les veuves,
-les divorcées._
-
- «Messieurs les Députés
-
- «Nous vous prions de conférer le droit électoral aux millions de
- Françaises célibataires:--les filles majeures, les veuves, les
- divorcées--qui sont maîtresses de leur personne, de leur fortune, de
- leurs gains afin qu'elles puissent en votant, sauvegarder, dans la
- commune et dans l'Etat, leurs intérêts qui sont actuellement laissés
- à l'abandon.»
-
-Cette pétition circula avec succès dans les milieux les plus divers;
-dans les cafés, les marchés, les halles en les galeries de l'exposition
-de 1900, elle fut couverte de plus de trois mille signatures et déposée
-par M. Clovis Hugues sur le bureau de la Chambre en 1901.
-
-M. Gautret qui avait signé cette pétition et avait demandé à la
-déposer; sournoisement, la transforma en projet de loi, comme il avait
-déjà transformé en projet de loi notre pétition réclamant la loi des
-sièges. Il nous écrivit «qu'en agissant ainsi, il avait eu la ferme
-intention d'aboutir plus vite.» Ne nous plaignons pas, que l'on trouve
-bonnes nos idées.
-
-Notre pétition et la proposition de loi renvoyées à la commission du
-suffrage universel, ne sont pas venues à l'ordre du jour.
-
-
-_Pétition aux Conseillers généraux de la Seine._
-
- «Messieurs les conseillers généraux,
-
- «Vos efforts pour faire progresser les êtres et les choses m'excitent
- à croire que plus encore que les conseillers qui vous ont précédés,
- vous êtes résolus à pousser en avant l'humanité. C'est donc avec
- confiance que je viens vous prier--comme j'ai prié il y a vingt-et-un
- ans vos prédécesseurs--d'émettre un vœu pour que les femmes soient
- appelées à exercer leurs droits électoraux.
-
- «Ces droits, qui sont pour l'être humain les meilleurs instruments
- d'émancipation, sont aussi la plus sûre garantie de n'être point
- lésé, quand surviennent des changements dans l'ordre social et la
- condition des individus.
-
- «Veuillez, messieurs, considérer que la question de la propriété
- est à l'ordre du jour. Or, si le capital et la propriété étaient
- socialisés avant que les femmes soient électeurs, ces malheureuses
- ne récupéreraient pas en la société nouvelle ce qui leur aurait été
- pris, attendu que les fonctions, les emplois, le bon travail seraient
- monopolisés par les électeurs-souverains; donc, plus encore que
- maintenant, les déshéritées du droit seraient des êtres de peine, des
- bêtes à plaisir.
-
- «Sachant que les désirs que vous exprimez sont des ordres pour le
- Parlement, vous ne voudrez pas vous soustraire au devoir de faire se
- transformer la République de nom en République de fait, en aidant les
- matrices de la nation à devenir citoyennes!
-
- «Vous voterez en 1906 la proposition qui fut examinée par vos
- prédécesseurs en 1885, ainsi que l'atteste le Bulletin municipal
- officiel du 3 décembre 1885.
-
- «Votre dévouement au bien public vous incitera à faire bénéficier le
- pays de l'intégralité de l'intelligence de ses habitants de l'un et
- de l'autre sexe; aussi, messieurs les conseillers généraux, j'espère
- que vous accueillerez favorablement la requête que je vous adresse
- au nom des Françaises, et je vous demande de vouloir bien agréer mes
- remerciements anticipés.
-
- «Hubertine AUCLERT.»
-
-
-_Conseil Général de la Seine,
-séance du 20 novembre 1907._
-
-Vœu relatif à la participation des femmes aux droits électoraux.
-
-M. d'Aulan rapporteur.--Messieurs, votre 4e commission m'a chargé de
-rapporter favorablement un vœu présenté par Mme Hubertine Auclert en
-faveur de la «participation des femmes aux droits électoraux.»
-
-Mme Hubertine Auclert exprime son espoir de voir obtenir un meilleur
-sort au même vœu qu'elle présenta il y a 21 ans--et nous devons louer
-sa persévérance-au Conseil Général.
-
-A cette époque que je n'ose dire lointaine--quelques-uns de nos
-collègues déjà nubiles auraient pu apprécier la valeur de la requête
-«en aidant les matrices de la nation à devenir citoyennes» selon
-l'expression de Mme Hubertine Auclert.
-
-. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
-J'estime pour mon compte, messieurs, que le beau sexe ne doit pas se
-mêler aux luttes politiques, ce serait trop souvent transformer son
-sourire en grimace.
-
-_M. Thomas._--Pourquoi les femmes ne seraient-elles pas aussi capables
-que les hommes en cette matière? Elles sont tout aussi intelligentes
-qu'eux.
-
-_M. d'Aulan._--Mais j'estime aussi que les femmes qui gèrent des
-intérêts de propriété, d'industrie ou de commerce ont droit à donner
-leur opinion sur la façon dont nous gérons les intérêts de la ville ou
-du département.
-
-Cela changera-t-il la composition de notre assemblée? Je ne le crois
-pas.
-
-Dans le quartier qu'habite Mme Hubertine Auclert celui de la Roquette,
-où l'on a quelquefois perdu la tête, notre collègue qui représente le
-quartier récoltera le suffrage des dames, comme le feront de l'autre
-côté du conseil, les conseillers de la rue Marbeuf ou de l'ex-rue Bréda.
-
-Aussi, au nom de votre 4e commission, ai-je l'honneur de vous proposer
-de voter le vœu suivant:
-
-«Le Conseil Général.
-
-«Emet le vœu,
-
-«Que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral pour les
-élections au conseil général et au conseil municipal.
-
-Adopté:
-
-_M. Landrin._--J'ai voté le vœu présenté par la 4e commission, mais il
-me semble que cette question était suffisamment importante pour être
-traitée d'une façon plus sérieuse par M. le rapporteur.
-
-
-Tous les journaux ont parlé du vœu émis par le conseil général de la
-Seine.
-
-Le _Temps_ dit: «Sur la demande de Mme Hubertine Auclert qui les
-priait d'aider «les matrices de la nation à devenir citoyennes» les
-conseillers généraux ont émis le vœu que les femmes soient appelées à
-jouir du droit électoral.
-
-Ce vœu présenté avec une grâce toute dix-huitième par M. le comte
-d'Aulan a été voté à main levée. Le débat court et vif fut empreint
-d'une certaine gaieté.»
-
-Pour Le _Figaro_. «Le féminisme a remporté une petite victoire toute
-platonique, d'ailleurs, mais flatteuse.
-
-MM. les conseillers généraux ont beaucoup ri et comme la gaieté est
-gentille conseillère, le vœu féministe fut adopté à la majorité des
-suffrages.»
-
-Le Petit _Journal_ pense que «Le conseil général a émis un vœu qui
-marquera d'une pierre la route vers la conquête du droit de vote qu'ont
-entreprise depuis longtemps déjà des groupes féministes...»
-
-Suivant L'_Eclair_ «le vote du conseil général est par le succès qu'il
-souligne un des feuillets intéressants du livre d'or du féminisme.»
-
-L'_Echo de Paris_ fait remarquer que «c'est sans discussion que le
-conseil général à mains levées a voté le vœu favorable au suffrage des
-femmes. A la contre épreuve il n'y a même pas eu la moindre opposition.
-
-«Evidemment, les féministes préféreraient qu'un tel vœu eût été émis
-par le Parlement; mais il y a commencement à tout et puisque les cent
-un membres du conseil général se déclarent partisans du droit de
-suffrage pour les deux sexes, c'est que l'idée a fait du chemin.»
-
-Parrhisia écrit dans La _Française_ «une journée qui sera marquée d'un
-caillou blanc dans les annales du féminisme, car une grande victoire y
-fut remportée, c'est celle où le conseil général adopta le vœu émanant
-de Mme Hubertine Auclert et réclamant pour les femmes la participation
-aux droits électoraux.»
-
-
-_Pétition pour demander de rendre effectif le vœu émis par les
-conseillers généraux de la Seine._
-
- «Messieurs les députés,
-
- «Messieurs les sénateurs,
-
- «Dans sa séance du 20 novembre, le Conseil général de la Seine, a,
- sur ma demande, émis le vœu que les femmes soient appelées à jouir du
- droit électoral pour les élections au conseil général et au conseil
- municipal.
-
- «Je vous prie de rendre effectif ce vœu, en étendant aux femmes
- françaises les droits électoraux, que beaucoup d'Européennes
- possèdent.
-
- «Veuillez, messieurs, considérer que les femmes qui sont à leur
- grand préjudice, privées des droits électoraux, ont des facultés
- d'épargne, sont aptes à s'ingénier, à prévoir, et vous voudrez, dans
- l'intérêt général, utiliser leurs qualités.
-
- «HUBERTINE AUCLERT.»
-
-La commission des pétitions de la chambre, n'a pas même voulu examiner
-la proposition de ratifier le vœu émis par le Conseil général de la
-Seine et a passé à l'ordre du jour.
-
-Ne pouvant donner notre suffrage aux conseillers qui ont tenté de
-soustraire les femmes à l'exclusion électorale, nous avons fait apposer
-des affiches sur lesquelles on lit:
-
-
- _Le Suffrage des Femmes, 151, rue de la Roquette._
-
- «_Votez_, faites _voter_, pour les _Conseillers_ qui ont émis
- un _vœu_ pour que les _Femmes_ soient _électeurs_. Les _Femmes
- électeurs_ seront plus _considérées_, mieux _rétribuées_, leurs
- facultés d'épargne rendront possibles toutes les _réformes_.»
-
-
-
-
-UN SEXE EST-IL SUPÉRIEUR A L'AUTRE?
-
-
-Le docteur Paul Topinard, dans _La Revue de la science politique_, dit:
-«que la différence de volume du cerveau était moindre entre les sexes
-aux âges préhistoriques et est moindre chez les sauvages, qu'elle n'est
-dans les races civilisées. Le progrès fait s'accentuer l'inégalité
-cérébrale. Le genre d'occupation de chacun crée des inégalités
-physiques dans le cerveau et dans ses manifestations.
-
-«Il faut, conclut l'anthropologiste Paul Topinard, se préoccuper de la
-femme, lui faire partager nos travaux, notre responsabilité, fournir un
-aliment non futile à son activité cérébrale.»
-
-Selon le docteur Louis Büchner:
-
-«La prétendue infériorité de la femme, quant au volume cérébral, est
-une notion tout à fait erronée. Ce n'est pas dans ses dimensions
-absolues, mais dans ses dimensions relatives qu'il faut chercher la
-valeur réelle du cerveau; c'est-à-dire dans sa masse comparée à la
-masse totale du corps, et la qualité de la matière cérébrale. S'il
-n'en était ainsi, l'homme occuperait alors dans l'échelle des êtres un
-rang bien inférieur à celui de l'éléphant ou de la baleine, qui ont un
-cerveau bien plus volumineux que le sien.
-
-«Si l'on observe que le développement matériel du corps de la femme,
-reste en général de beaucoup au-dessous de celui de l'homme, on
-trouvera (d'après plusieurs savants) que la grosseur relative du
-cerveau de la femme, loin d'être inférieure à celle qu'offre l'homme,
-lui serait plutôt sensiblement supérieure.»
-
-_Broca_, le fondateur de l'_Anthropologie en France_, écrivait en 1882:
-
-«La campagne dirigée contre la femme au point de vue anthropologique
-ne trouve pas d'appui dans la crâniométrie. La diminution moyenne de
-capacité crânienne chez la femme est en majeure partie due à sa taille.
-
-«Je crois avoir démontré qu'il y a égalité entre les sexes pour le
-développement cérébral et même _on pourrait soutenir_, fait en rapport
-avec ce que l'anatomie comparée indique comme constituant un véritable
-progrès morphologique cérébral, _que la femme est plus avancée en
-évolution que l'homme_.»
-
-M. Louis Lapique a fait cette communication à l'académie des sciences:
-«Le poids du cerveau par rapport à l'intelligence, n'a pas plus
-d'importance que le poids d'une horloge par rapport à la justesse des
-heures qu'elle marque.»
-
-Des savants européens de l'un et de l'autre sexe, prétendent
-pouvoir prouver scientifiquement que la femme est en raison de sa
-sexualité, supérieure à l'homme; cependant, que des savants américains
-prétendent que dans l'avenir: il y aura alternativement une période de
-prédominance masculine et une période de prédominance féminine.
-
-En attendant que les hommes et les femmes l'emportent tour à tour,
-les uns sur les autres, il se peut fort bien que le sexe féminin,
-infériorisé aujourd'hui, soit durant un temps, considéré comme le sexe
-supérieur.
-
-D'abord, le droit qui partout élève ceux qui le possèdent, fera
-s'élargir la mentalité des Françaises, et il les rendra aptes à appeler
-à la vie des êtres supérieurs.
-
-Pourtant, sous leur aspect différent, les deux parties du tout humain,
-sont et resteront toujours équivalentes, comme la gauche et la droite
-d'un même corps.
-
-Mais, quand une erreur a été longtemps accréditée, on ne réagit contre
-elle qu'en tombant dans l'excès contraire. Pour établir l'égalité des
-sexes, il est donc bien possible que l'on dépasse le but proposé, que
-l'on exalte celle que l'on a tant dépréciée et rabaissée, en la voyant
-prime-sautière, faire pour ascensionner dépense d'énergie.
-
-En France, il y a près d'un million de femmes de plus que d'hommes,
-cependant, il naît beaucoup plus de garçons que de filles.
-
-Le sexe féminin naît mieux équipé que le sexe masculin d'après M.
-Henry de Varigny. «Les reins, le foie, le cœur sont plus lourds chez
-l'embryon féminin. La femelle est mieux pourvue que le mâle; elle est
-physiologiquement plus parfaite que lui. Si la femelle n'a pas la
-vigueur du mâle, elle a une force de résistance supérieure à la sienne.
-
-«La femme a plus de ténacité de vie que l'homme, elle supporte mieux
-l'abstinence, elle mange moins, mais profite mieux de ce qu'elle mange.
-
-«La mortalité masculine l'emporte sur la mortalité féminine. Le sexe
-fort, c'est le sexe féminin!»
-
-
-Mieux organisées que les hommes, les femmes meurent beaucoup moins
-facilement qu'eux.
-
-«Dès la plus tendre enfance, dit le docteur Perron, sur 1.000 décès de
-petits garçons, on n'en compte pas 750 de petites filles.
-
-«Dira-t-on que les petits garçons ont été victimes de leurs passions,
-de leurs fatigues, de leur intempérance?--Non: _La supériorité
-organique du sexe féminin est native, physiologique_.
-
-«Cette supériorité est surtout manifeste pendant la vie embryonnaire;
-sur huit avortements naturels, cinq sont d'enfants mâles.»
-
-Avant que ne soient faites ces observations scientifiques, ce
-dicton:--«Le chagrin fait vivre la femme,» établissait, en même temps
-que la longévité, la douloureuse destinée des femmes.
-
-Ce sont les femmes soustraites à l'oppression masculine: les veuves et
-les célibataires, qui ont l'existence la plus longue.
-
-Ce sont les femmes mariées qui ont la vie la plus courte.
-
-Le cerveau de la femme restant inerte s'atrophie, tandis que le cerveau
-de l'homme travaillant s'hypertrophie. On peut donc penser que si les
-femmes étaient en la société dans les mêmes conditions que les hommes,
-elles seraient loin d'être inférieures à ceux-ci.
-
-
-
-
-Mme CURIE ET SA DÉCOUVERTE
-
-
-Quand Mlle Sklodowska fut reçue docteur es-sciences physiques, sa thèse
-avait pour objet, la recherche des substances radio-actives. Après
-son mariage avec M. Curie, la fille du savant Sklodowski continua ses
-recherches sur les substances radio-actives, trouva le radium; et,
-cette manifestation du génie féminin embarrassa le sexe masculin.
-
-Le syndicat de la presse parisienne ayant décidé de répartir les cent
-mille francs du prix Osiris entre les deux inventions qui avaient fait
-à l'époque le plus d'honneur à la science française; 60,000 francs
-furent donnés à Mme Curie pour le radium, 40.000 francs à M. Branly
-pour la télégraphie sans fil.
-
-En dépit du prix Osiris, récompense sonnante décernée à Mme Curie pour
-sa découverte, les hommes mirent la main sur la victoire scientifique
-obtenue par elle.
-
-A ceux qui reprochent au sexe féminin de manquer de génie, de ne rien
-inventer, il est à présent démontré que les découvertes faites par les
-femmes sont mises à l'actif des hommes.
-
-M. Curie, qui fut associé à Mme Curie pour partager avec M. Becquerel
-les cent mille couronnes du prix Nobel, n'était pas complice des gens
-déterminés à déposséder sa compagne du résultat de son labeur pour le
-gratifier de son mérite. En une conférence à la Sorbonne, il déclara
-que le radium avait été découvert par son épouse; qu'il n'avait
-abandonné ses travaux en cours pour se joindre à elle, qu'après qu'elle
-fut parvenue à isoler le corps nouveau.
-
-Lorsque les roues d'une lourde voiture eurent enlevé à la vie M. Curie,
-il fallut bien avouer la vérité, en nommant professeur à la Sorbonne
-et en faisant monter dans la chaire créée en l'honneur du radium, la
-savante jusque-là tenue dans l'ombre dissimulée derrière un homme.
-
-Seulement, n'est-ce pas une anomalie de charger la femme d'enseigner
-les sciences et de lui interdire de faire les lois?
-
-
-
-
-LA RÉFORME PRIMORDIALE
-
- Proclamer égaux devant le droit l'homme et la femme, est une réforme
- qui facilitera toutes les autres.
-
-
-Le progrès résulte surtout de l'aptitude des humains à l'accélérer;
-or, pour obtenir des êtres propres à activer le progrès, la première
-condition est de perfectionner le moule d'où ils sortent, de donner à
-ce moule la possibilité de les produire. Ce ne sera qu'en faisant les
-matrices de la nation citoyennes, qu'on les rendra capables de créer
-des citoyens.
-
-L'usage, qui dans la vie sociale tend de plus en plus à assimiler
-les femmes aux hommes, à laisser celles-ci exercer la profession de
-ceux-là, incite à considérer comme d'un autre âge, le préjugé faisant
-exclure des affaires publiques le sexe qui s'entend particulièrement à
-gérer ses affaires privées.
-
-On est bien plus habitué aujourd'hui à l'idée de voir voter les femmes,
-qu'on ne l'était en 1847 à celle de voir voter les non-censitaires.
-Chacun, se rend tellement compte que l'exploitation du sexe majorité
-est due à son exclusion politique, qu'à toutes injustices commises
-envers les femmes, des hommes maintenant s'écrient: «Si les Françaises
-votaient, on ne les traiterait pas de la sorte» et les journaux de
-toutes opinions tiennent à l'occasion, ce même langage féministe.
-
-Cette unanimité à convenir que tant de maux découlent pour les
-femmes de leur annihilement, forcera bientôt le bon sens français à
-reconnaître que c'est à toute la nation, que l'exclusion politique des
-génératrices préjudicie.
-
-L'affiche illustrée, la carte postale, le timbre, représentant un
-homme et une femme qui se rencontrent devant l'urne électorale, pour
-sauvegarder leurs intérêts publics, comme ils se rencontrent dans une
-étude de notaire, pour sauvegarder leurs intérêts privés, obligent à
-penser, que le droit de voter, est aussi indispensable au sexe féminin
-qu'au sexe masculin.
-
-Si l'on demandait aux hommes pourquoi ils s'opposent à ce que les
-femmes aient leur part des prérogatives conquises par nos aïeux; ils ne
-parviendraient pas à donner d'explications valables, sachant bien que
-les privilèges qu'ils s'arrogent sans les faire partager aux femmes,
-ne sont pas plus légitimes, que ceux dont la noblesse et le clergé
-jouissaient au détriment du peuple avant 1789.
-
-
-_Un Précédent._
-
-Autrefois, on avait pour la condition sociale, le mépris que l'on a
-actuellement pour le sexe féminin. Avant 1848 les hommes des basses
-classes et les bourgeois instruits mais non fortunés, ne pouvaient
-pas plus que les femmes aujourd'hui, opiner sur les lois qu'ils
-subissaient. Il a fallu que les ouvriers s'insurgent, fassent des
-barricades en demandant la réforme, pour que le bulletin de vote fut
-octroyé à de savants professeurs, à des membres de l'Institut qui
-ne payaient point les deux cents francs d'impôts exigés pour être
-électeurs.
-
-C'est encore avec une apparence de raison, que les monarchistes, imbus
-du principe d'autorité, maintiennent la femme dans une condition
-inférieure à celle de l'homme; mais, les républicains qui écrivent sur
-les murs: Liberté! Egalité! se mettent en contradiction avec eux-mêmes,
-en laissant le sexe masculin spolier le sexe féminin de ses droits.
-
-Les députés, voient sans déplaisir les électeurs s'amoindrir en
-compagnie de serves, alors, que ceux-ci ont au contraire intérêt à
-s'augmenter au contact de citoyennes, afin d'être à même de contrôler
-les actes de leurs mandataires, de les nommer pour une période plus
-courte, jusqu'à ce qu'ils puissent exercer directement le gouvernement.
-
-Quand tout le monde convient que hommes et femmes sont équivalents,
-ont chacun des qualités propres, que les deux intelligences, les deux
-énergies, masculine et féminine, sont aussi absolument indispensable
-l'une que l'autre pour réaliser le mieux être souhaité; n'est-il point
-temps pour l'homme, de renoncer au stupide préjugé qui fait de sa mère
-qu'il aime tant, son inférieure?
-
-Si les Français comprenaient leurs véritables intérêts, la première
-question résolue serait cette question motrice: l'universalisation du
-suffrage aux femmes.
-
-
-
-
-LES FEMMES SONT LES NÈGRES
-
-
-Alors que les nègres votent, pourquoi les blanches ne votent-elles pas?
-
-Alors que des nègres siègent à la Chambre, pourquoi des femmes ne
-peuvent-elles pas sauvegarder au Parlement les intérêts de leur sexe?
-
-Certes, nous applaudissons à l'assimilation des nègres aux blancs;
-mais, on nous permettra de demander:--Qu'attend-on pour assimiler à
-leur tour les femmes aux hommes blancs et noirs?
-
-En nos possessions lointaines, on fait voter un grand nombre de noirs,
-qui ne sont intéressés ni à nos idées, ni à nos affaires; cependant que
-l'on refuse aux femmes éclairées de la métropole le bulletin de vote,
-qui les empêcherait d'être broyées dans l'engrenage social.
-
-Au Sénégal, en le corps électoral, il y a huit mille nègres, dont la
-majeure partie ne comprend même pas la langue française.
-
-Les électeurs sont des moutons conduits aux urnes par ce berger: le
-chef de village, qui opine pour eux.
-
-Aux Indes, soixante-douze mille électeurs indigènes ne parlent pas
-notre langue, ne subissent pas nos lois, ne sont pas contribuables,
-cependant ils votent, alors que les Françaises, qui fournissent
-la moitié des budgets et facilitent aux hommes, par leur habileté
-économique, le moyen d'apporter dans les caisses publiques leur
-quote-part, sont exclues de l'électorat.
-
-Le pas donné aux nègres sauvages, sur les blanches cultivées de la
-métropole, est une injure faite à la race blanche.
-
-Les hommes de couleur sont chez nous bien plus favorisés que les femmes.
-
-Pour les Français, les vrais nègres ne sont pas les noirs, ce sont les
-femmes qui, partout, peinent et souffrent à leur place.
-
-Comme pour jouer le rôle de nègre, il ne faut pas avoir qualité pour
-demander le remaniement du pacte social faisant une si anormale
-répartition des droits et des devoirs, la femme, naturellement, est
-privée du bulletin de vote.
-
-Les hommes qui se sont préoccupés de faire en nos possessions
-lointaines, du suffrage une réalité pour les nègres, se sont
-contentés, en France, de changer la signification des mots, d'appeler:
-souveraineté du pays, la souveraineté des hommes, qui sont le
-sexe-minorité, en ce pays.
-
-Cette mise en parallèle de nègres à moitié sauvages, sans charges ni
-obligations, votant, et de femmes civilisées, contribuables et point
-électeurs, démontre surabondamment, que les hommes ne conservent leur
-omnipotence en face des femmes, qu'afin d'exploiter ces déshéritées.
-
-Pour empêcher les Français de traiter en nègres les Françaises, il est
-indispensable d'octroyer aux femmes les privilèges dont jouissent les
-hommes blancs et noirs.
-
-
-
-
-LES FRUSTRÉES DU BULLETIN SONT PRIVÉES DES EMPLOIS, DU REPOS, DES
-HONNEURS ET DES LEGS.
-
-
-Parce qu'elles ne votent point, les femmes n'ont pas droit au droit
-commun. On leur mesure le labeur payé, on les frustre des emplois, du
-bon travail, du repos hebdomadaire, des honneurs et des héritages.
-
-Les Françaises non électrices sont à ce point des parias, qu'elles ne
-peuvent jouir des réformes accomplies.
-
-Tout le monde, en France, se repose le dimanche: hormis les femmes.
-
-Parce que le sexe féminin mis au ban de la République ne vote pas, les
-travailleuses, les artisanes, les petites bourgeoises, les ménagères
-ne bénéficient point du repos hebdomadaire; attendu que les hommes
-trouvent commode de se faire servir par leurs domestiques gratuites,
-le dimanche comme les autres jours; et qu'ils abusent plus encore le
-dimanche qu'en la semaine, de celles qui sont leurs instruments de
-plaisir.
-
-Parce que le sexe féminin mis au ban de la république ne vote pas, les
-travailleuses à domicile qui exercent une profession--tout en élevant
-leurs enfants--ne bénéficieront point des retraites ouvrières; les
-usurpateurs du droit des femmes, n'entendant pas diminuer la pension
-de retraite des électeurs pour en allouer une aux sans bulletins,
-qui peinent sans relâche, en même temps qu'elles perpétuent l'espèce
-humaine.
-
-Parce que les femmes mises au ban de la République ne votent pas, elles
-se voient enlever le pain de la bouche. Sous prétexte de sauvegarder
-leur santé--en réalité pour réserver à l'homme le bon travail.--On leur
-mesure le labeur rétribué, mais elles peuvent travailler gratuitement,
-le jour, la nuit, les dimanches!...
-
-Les femmes auxquelles il est interdit de veiller pour faire un travail
-bien payé ont la liberté de peiner, pourvu qu'elles ne gagnent rien en
-s'épuisant.
-
-Lorsque les femmes voteront, elles jouiront du droit commun; et, pour
-un travail égal, elles recevront un salaire égal à celui de l'homme.
-
-Beaucoup de femmes sont vaincues en la lutte pour l'existence, parce
-qu'elles sont laissées sans armes politiques. L'exclusion du droit au
-vote prive du droit au pain; l'homme s'étant attribué les gains en même
-temps que le suffrage.
-
-L'émancipation économique du sexe féminin est liée à son émancipation
-politique. Les femmes ne peuvent disputer aux hommes les bonnes places
-pendant qu'elles ne possèdent point ce passe-partout--le vote--qui
-ouvrirait la porte de toutes les carrières à leur activité productrice.
-
-Les Françaises, en vain, ont des mérites, possèdent des titres; ce
-n'est pas le diplôme, c'est le bulletin qui fait employer.
-
-La dégradation civique amoindrit dans la main de la femme le
-gagne-pain. Pour pouvoir prétendre à l'indépendance économique que le
-bon travail procure, les femmes doivent devenir électeurs; et ainsi
-faire que le suffrage universel soit une vérité.
-
-Actuellement, le système électoral ne fournit de la France qu'une
-représentation défigurée. Plus de la moitié de la nation n'est pas
-représentée pendant que les femmes ne votent point.
-
-
-_Pas de droits, pas d'honneurs._
-
-Dire aux femmes qu'elles ne sont pas aptes à voter, c'est leur déclarer
-qu'elles ne sont pas dignes de porter la rosette.
-
-Quels actes surhumains doit accomplir une femme pour être décorée!
-Encore, tous ses mérites sont-ils insuffisants, si elle n'est
-chaleureusement recommandée aux distributeurs de croix.
-
-S'enrubanner conventionnellement, est partout un privilège mâle.
-
-La décoration, qui varie de forme et de couleur chez les différents
-peuples, reste sous toutes les latitudes l'attribut de l'homme
-orgueilleux.
-
-Les femmes peuvent en mille occasions s'être distinguées, leurs actes
-seraient-ils sublimes, ils passent inaperçus. De même que sur le champ
-de bataille toujours l'officier est décoré pour son régiment vainqueur,
-en la société, toujours le mari obtient la récompense honorifique
-méritée par son épouse.
-
-En toutes les expositions, des époux de commerçantes reçoivent la croix
-à la place de la corsetière ou de la lingère émérite qui est leur
-compagne.
-
-En temps de paix, l'intelligence de la femme assure la glorification de
-l'homme. En temps de guerre, la femme augmente les efforts défensifs,
-elle souffre, elle lutte, cependant, elle n'est pas décorée.
-
-L'homme et la femme--ont un sort si différent dans la société, parce
-qu'ils sont régis par des lois différentes.
-
-Les hommes seuls étant législateurs, chacun comprend pourquoi tout est
-défavorable au sexe féminin et favorable au sexe masculin.
-
-A l'homme qui a la belle destinée, le champ reste ouvert pour
-l'améliorer encore.
-
-A la femme annulée et bâillonnée au point de vue politique, est dévolu
-l'irrévocable.
-
-Quand les femmes auront été proclamées les égales des hommes devant le
-droit, elles seront les égales des hommes devant les distinctions; et
-à toutes distributions de croix elles recevront leur part de marques
-honorifiques.
-
-
-_Pas de droits, pas de donations._
-
-Parce que la femme ne vote pas, il ne lui est point fait de legs. Les
-dames n'exercent leur libéralité qu'envers les hommes, qui seuls sont
-actuellement à même de reconnaître la générosité.
-
-Des féministes en mourant déshéritent leur sexe, pour laisser comme Mme
-Griess-Traut 50,000 francs aux Fouriéristes.
-
-Mme Dimbour était elle aussi féministe. On trouve son nom au bas des
-affiches électorales de la société «Le Droit des Femmes» et elle fit
-un jour à un politicien qui lui recommandait une œuvre masculine cette
-réponse:--Croyez-vous, que nous, femmes, nous allons chauffer le four
-pour les hommes?»
-
-Cependant, quand elle sentit sa fin proche, ce fut aux hommes qu'elle
-fournit une torche de cent mille francs pour allumer le four de la
-verrerie d'Albi.
-
-Certes, propager la doctrine de Fourier et créer une verrerie ouvrière
-sont œuvres excellentes; seulement, leur sexe opprimé criait aux
-généreuses mourantes: «Au secours!» Le délivrer, n'était-ce pas ce
-qu'il y avait de plus pressé à faire?
-
-Pourquoi toutes les femmes riches s'en vont-elles sans songer à leur
-sexe?
-
-Parce que ce sexe n'a pas le pouvoir de faire honorer les donatrices.
-
-Les hommes ont immédiatement prouvé leur reconnaissance, en baptisant
-une avenue de Carmaux, «avenue Dimbour.» Tandis qu'avec la meilleure
-volonté, les femmes qui ne sont ni conseillères municipales, ni
-députées, n'auraient pu donner à une rue le nom de leur bienfaitrice.
-
-Pour avoir part aux libéralités, des partantes, il faudrait que les
-femmes puissent répartir la gloire fugitive. Or, pour atteindre à ce
-pouvoir distributif, il est justement indispensable qu'elles reçoivent
-beaucoup de dons... Qui est-ce qui tirera le féminisme de cette impasse?
-
---Les Françaises ont à la fois la fortune et l'amour de la liberté.
-Le cadastre atteste qu'elles possèdent la plus grande partie de la
-propriété terrienne, pendant que la statistique apprend que, par esprit
-d'indépendance, beaucoup de femmes riches se refusent au mariage.
-
-Eh bien, parmi les millionnaires de France, n'est-il donc point de
-dames ou de demoiselles qui aient l'ambition de remplir le monde de
-leur renommée, de donner leurs noms aux places publiques, de s'assurer
-d'être perpétuellement honorées et glorifiées; qu'aucune encore n'est
-venue dire:--Je veux être la rédemptrice de mon sexe? Voilà des
-millions pour payer la lime briseuse de chaînes qui procurera aux
-femmes la liberté?
-
-Les Françaises sont admirables de dévouement, beaucoup sacrifieraient
-avec enthousiasme leur vie pour une idée; pourtant, dès qu'il s'agit
-de débourser afin d'assurer le triomphe de cette idée, leur ardeur se
-refroidit; elles se fient les unes sur les autres pour sortir de la
-poche l'or libérateur.
-
-La crainte de dépenser les domine.
-
-Cette propension des femmes à une parcimonie frisant l'avarice,
-qui, utilisée dans la commune et dans l'Etat donnerait d'heureux
-résultats financiers, permettrait, en faisant mieux encore les choses
-qu'aujourd'hui de réduire les dépenses publiques, de procurer un
-mieux-être national; est absolument préjudiciable à l'émancipation des
-femmes.
-
-L'économie excessive, qualité ou défaut qui profite aux autres, leur
-nuit à elles-mêmes, en ce sens qu'elle les empêche d'apporter ce qui
-en toute lutte constitue le principal élément du succès: les munitions
-de guerre c'est-à-dire l'argent, qui crée les courants d'opinion et
-détermine les enrôlements.
-
-Les femmes ne veulent rien dépenser pour démolir le piédestal du dieu
-mâle.
-
-Les Françaises ne sont pas admises à l'Académie; cependant, aucune
-riche lettrée ne crée, à l'imitation de MM. de Goncourt, une académie
-spéciale aux évincées.
-
-Dans la guerre aux privilèges masculins, qui a toujours payé la poudre
-et les cartouches?
-
---Des femmes peu fortunées et des hommes, surtout des hommes.
-
-Les dames riches ne donnent rien pour empêcher leur sexe d'être sur la
-roue et sous l'affront.
-
-Pour remonter le courant d'égoïsme et conquérir l'opinion à la
-justice envers les femmes ce sera long; tandis qu'en quelques jours,
-la législation qui opprime et infériorise la Française pourrait être
-transformée. Quand on songe à quel point le changement de condition
-de la femme améliorerait la situation politique et économique du
-pays, on est surpris que les philanthropes n'emploient pas des sommes
-considérables à réaliser l'affranchissement féminin.
-
-
-
-
-LE FORÇAGE DES IDÉES
-
-
-Les Françaises déprimées par la servitude ont peur de la liberté et
-haïssent ceux qui veulent les affranchir. Il y a plus d'un siècle que
-Condorcet fit de cela la remarque en disant: «que les femmes ne lui
-pardonneraient point de réclamer leurs droits politiques.»
-
-Les Françaises ont une docilité de brebis qui surprend même les bergers.
-
-Eh bien! il suffirait qu'un berger entre-bâille devant ces brebis, les
-femmes, la porte des gras pâturages politiques, pour que le troupeau
-féminin entier s'efforce de s'y précipiter. Mais, qu'est-ce qui décidera
-un berger, c'est-à-dire un député, à monter à la tribune de la Chambre,
-pour demander que les femmes aient leur part des prérogatives dont les
-hommes ont le monopole?
-
---Les principes? L'égalité?
-
---Hélas! tout cela est trop passé de mode pour pouvoir aiguillonner un
-être et susciter un effort.
-
-Actuellement, la plus juste des causes reste en souffrance si l'on ne
-gagne rien à la défendre.
-
-Les détenteurs du pouvoir n'ont aucun intérêt à servir les dégradées
-civiques d'origine.
-
-Mais, cet intérêt, les femmes pourraient l'exciter en offrant des
-primes au dévouement. Recourir à l'achat des vouloirs, négocier les
-réformes souhaitées serait moins long, que de décider la masse des
-électeurs à forcer, en notre faveur, la main aux députés.
-
-A notre époque de mercantilisme où tout s'acquiert à prix d'argent,
-pourquoi les femmes riches n'achèteraient-elles pas avec des votes et
-des projets de lois la liberté de leur sexe?
-
-Le droit s'achète, les réformes se négocient comme les affaires. Très
-souvent au Parlement, des avantages sont offerts, par les ministres,
-aux chefs de groupes, pour s'assurer en certaines circonstances, le
-vote de ces groupes.
-
-Le seul mobile des actions humaines est l'intérêt, et c'est seulement
-l'intérêt, qui sera le stimulant déterminant à prendre parti pour les
-femmes.
-
-L'argent est un moteur plus puissant que le temps pour changer les
-mentalités. Il est urgent que les revendicatrices aient un trésor
-libérateur; afin d'être en mesure d'activer l'épanouissement du
-féminisme, en appliquant aux idées le forçage que les jardiniers
-appliquent aux plantes dont ils veulent hâter la floraison.
-
-Le jour où les Françaises seront à même d'encourager à vouloir les
-affranchir, ceux qui ont le pouvoir de les affranchir; il est certain
-qu'il se produira chez les hostiles à nos revendications un revirement,
-que la question féministe deviendra passionnante et sera aussitôt
-résolue.
-
-
-
-
-INSTAURATRICES DE BIEN-ÊTRE
-
-Si l'homme est plus que la femme apte à créer de la richesse, la femme
-est beaucoup plus capable que l'homme de tirer parti de cette richesse.
-
-
-L'homme a des qualités que sa compagne ne possède pas: il est grand!
-franc! généreux! La femme souvent use de ruse, de duplicité, de
-finasserie. On l'accuse d'être ennemie de la vérité! On dit qu'il est
-aussi dangereux de lui confier un secret qu'un projet; car elle révèle
-l'un, elle s'approprie l'autre.
-
-Cette difformité morale du sexe féminin, qui fait se garer les femmes
-les unes des autres et retarde le groupement émancipateur, est
-cependant purement artificielle; c'est une déviation qui résulte de la
-condition, une déformation due à l'état d'esclavage.
-
-De même que l'être physique privé d'air et de liberté, l'être moral
-immobilisé dans la sujétion se tord et s'enlaidit. Que l'on soumette
-la femme à l'action vivifiante du soleil de justice et ses mauvais
-instincts disparaîtront.
-
-Toutefois, si la femme étale avec une sorte d'inconscience les vices de
-l'esclave, il faut reconnaître qu'elle fait aussi montre de qualités
-et, entre toutes, de cette aptitude à la prévoyance qui, en dépit du
-dénûment, lui permet de subsister.
-
-Que ferait-on dans les ménages pauvres sans l'esprit précautionneux de
-la femme?
-
-Si la prévoyance féminine, si précieuse pour la famille, était utilisée
-pour la nation; si la femme ménagère dans la maison était ménagère dans
-l'Etat. Toutes mesures seraient prises pour qu'on ne paie point cher
-les aliments.
-
-Il est incompréhensible, que la femme chargée de ravitailler la maison
-n'ait pas le pouvoir de rendre ce ravitaillement facile, en assurant
-l'approvisionnement du marché.
-
-Si l'on ne retirait honneurs et profits quand on s'emploie dans l'Etat,
-il est probable que le sexe masculin aurait laissé la prévoyance
-féminine intensifier la vitalité et accroître le bien-être de la
-nation. Mais comme il y a, pour qui est censé s'occuper du grand ménage
-public, une bonne rétribution et des croix de la légion d'honneur,
-les hommes ont dit: «Nous nous chargeons de préserver de la faim les
-estomacs!»
-
-Or, l'alimentation des Français, même en temps normal, n'est point
-assurée.
-
-Si les femmes contribuaient à répartir les budgets comme elles
-contribuent à les former, elles ne laisseraient pas subsister pour la
-majorité de la nation l'absence de garanties contre la mort par la
-faim; et, pour la minorité, la profusion des jouissances, la vigilance
-à prévenir les désirs.
-
-La prudence conseille de ne plus confier à l'homme, le soin d'assumer
-seul, sans le concours de la femme, la responsabilité de la vie humaine.
-
-C'est parce que la ménagère est exclue des conseils de la nation, qu'il
-y a souvent disette au lieu de surabondance.
-
- *
- * *
-
-Le Français qui sacrifie dans l'Etat l'indispensable au superflu est
-dans la maison un être très positif. Si pauvre qu'il soit, il veut le
-bien-être: logement, vêtements chauds l'hiver, en toutes saisons bonne
-table.
-
-Quand il s'agit de réaliser avec un maigre budget ce _desideratum_,
-quel embarras dans le ménage! On calcule, on additionne, on soustrait;
-l'homme se décourage, la femme s'ingénie, elle augmente la valeur
-d'emploi de l'argent et parvient à faire face aux dépenses.
-
-Le mari, qui ne manque de rien, qui se trouve plutôt à son aise, finit
-par se reposer complètement sur le savoir-faire de sa femme, il la
-laisse pourvoir à tout. Point avare d'éloges d'ailleurs, il apprend à
-chacun qu'avec peu d'argent, sa compagne lui fait une vie confortable.
-La logique permettrait de supposer que tous les maris, plus satisfaits
-les uns que les autres de la manière dont leurs épouses gèrent le
-budget familial, vont proposer de mettre à profit leur habileté pour
-la gestion du budget national.
-
-Profonde erreur, ces messieurs entendent se réserver le monopole
-de la compétence, en matière administrative; et s'attribuer, à eux
-exclusivement, toute fonction rétribuée.
-
-Le préjugé fait s'éterniser le masculinisme; cependant, nous ne serons
-une démocratie que le jour où les femmes exerceront en France leurs
-droits civiques comme les hommes; car «la démocratie est l'organisation
-politique dans laquelle tout est véritablement fait _par tous_ et _pour
-tous_.»
-
-Chacun ne comprend-il pas quel intérêt il y aurait à avoir, en même
-temps qu'une commission d'hommes habitués à dépenser sans compter, une
-commission de femmes rompues à l'économie, pour contrôler les budgets?
-
-Les Français sont dans l'erreur, lorsqu'ils pensent que la citoyenne
-ferait disparaître la ménagère. C'est justement le contraire qui
-aurait lieu; puisqu'il est impossible à la femme d'être une parfaite
-ménagère, c'est-à-dire, une instauratrice de bien-être, sans devenir
-une citoyenne.
-
-Pour que l'homme trouve chez lui le réconfort physique et moral que lui
-procureront une saine habitation, une alimentation substantielle, il
-est indispensable que sa compagne participe à l'administration de la
-société, surveille dans la commune et dans l'Etat, la production et la
-vente des choses nécessaires à l'existence.
-
-La plus habile préparation culinaire, n'étant point capable de donner
-à la vache maigre, les qualités nutritives du bœuf en bon état; il est
-pour réaliser le bien être familial, quelque chose de plus important
-encore que de savoir sauter un poulet et arroser un gigot; c'est de
-pouvoir d'abord se procurer ce gigot et ce poulet, de bonne qualité et
-à bon compte.
-
-Or, comment les ménagères, ou plutôt les instauratrices de bien-être
-parviendraient-elles à se procurer facilement des denrées comestibles
-fraîches, de première qualité, à bas prix, pendant qu'elles n'ont ni
-le droit d'opiner, ni le droit d'agir en la cité, pendant qu'elles
-restent en France des annulées auxquelles il est interdit de s'occuper
-de l'approvisionnement alimentaire?
-
-Place aux femmes! est la plateforme indiquée aux résolus à transformer
-l'Etat social; car les héréditaires préjugés vont être obligés de
-capituler devant les événements qui crient, qui hurlent, qu'il faut sur
-la scène politique le concours du sexe féminin.
-
-Partout, les hommes sont actuellement dans un grand embarras: Pour
-n'avoir pas poursuivi en même temps que le développement intellectuel,
-l'amélioration des conditions d'existence des masses, les détenteurs du
-pouvoir se trouvent aux prises avec des difficultés que le concours des
-femmes, si intuitives et maternelles rendraient plus faciles à résoudre.
-
-L'heure psychologique semble donc venue d'appeler les femmes dans les
-conseils de la nation, comme au moment du péril, on appelle sur les
-champs de bataille la réserve, les régiments de renfort.
-
-Le sexe masculin ne peut suppléer le couple humain pour administrer la
-société. Dans l'intérêt de l'ordre et de la prospérité publique, les
-femmes doivent compléter les hommes au Palais-Bourbon et à l'Hôtel de
-Ville?
-
-Les Français cumulent à leur préjudice, les rôles masculins et féminins
-dans la République. Ce n'est pas seulement au détriment du bien
-général, c'est au détriment de leur santé, de leur vie, que les hommes
-s'obstinent à tout régir dans l'Etat.
-
-Pendant, en effet, qu'en leurs laboratoires des savants s'efforcent
-de découvrir le moyen d'anéantir microbes et bacilles, de nombreux
-organismes humains sont détériorés par une alimentation défectueuse.
-C'est que par une de ces contradictions qui abondent en notre ordre
-social, les femmes qui sont chargées de ravitailler la maison,
-d'apprêter les aliments, ne peuvent contribuer à améliorer la manière
-de sustenter l'humanité; elles ne sont pas plus admises à réglementer
-les approvisionnements des marchés, qu'à inspecter les comestibles.
-
-Pourquoi les femmes ne siègent-elles pas dans les commissions
-d'hygiène? Pourquoi les femmes ne sont-elles point désignées pour
-surveiller le commerce des denrées alimentaires?
-
---Parce qu'elles ne votent pas; et que même les emplois qui conviennent
-particulièrement aux femmes, sont seulement donnés aux électeurs.
-
-
-
-
-L'UNIVERSALISATION DU SUFFRAGE
-
-En notre société en travail de transformation, qui n'a pas voix au
-chapitre, en ayant droit au vote, sera sacrifié demain et manque
-aujourd'hui.
-
-
-Les femmes riches seraient privées de leur fortune et les femmes
-pauvres resteraient dans le besoin, si la propriété individuelle était
-socialisée avant que le sexe féminin soit électeur et éligible, car,
-les femmes dépouillées de ce qu'elles possèdent ne récupéreraient
-point dans la société nouvelle ce qui leur aurait été pris; attendu,
-que les fonctions, les emplois, le bon travail, appartiendraient aux
-seuls électeurs. Les femmes restant déshéritées des droits politiques,
-risquent donc d'être demain plus malheureuses encore qu'elles ne sont
-aujourd'hui.
-
-Pour que la transformation sociale s'accomplisse au profit de toute
-l'humanité, il est indispensable que hommes et femmes aient le droit de
-participer à cette transformation et d'en bénéficier.
-
-C'est seulement l'égalité dans la société d'aujourd'hui qui garantira
-aux femmes d'être traitées en équivalentes des hommes dans la société
-de demain.
-
-On voit qu'il est important de se hâter de mettre en pratique,
-l'égalité politique des deux sexes qui est écrite dans la loi.
-
-La loi sur l'électorat dit, en effet:--sont électeurs _tous les
-Français_ âgés de 21 ans...
-
-Ces mots «les Français» qui comprennent les hommes et les femmes comme
-contribuables, lorsqu'il s'agit de payer les impôts, comprennent
-certainement aussi les hommes et les femmes comme électeurs, lorsqu'il
-s'agit d'exercer l'électorat.
-
-Une louable équité a fait élargir l'interprétation du texte législatif
-de la loi sur le jury et admettre les ouvriers à juger les criminels.
-Pourquoi cette équité ne ferait-elle pas pareillement élargir
-l'interprétation de la loi électorale et admettre les femmes à voter?
-
-Il vaut mieux avouer avoir mal interprété une loi, que de laisser la
-législation de la République, exclure en bloc de la politique, les
-femmes que les chartes royales d'avant 1789 admettaient partiellement à
-y participer.
-
-En arrivant sur la scène politique, les femmes enrayeront le gaspillage
-des fonds publics; donc, faciliteront de faire les réformes demandées.
-
-Quand les femmes qui ont dans l'Etat les mêmes intérêts que les hommes,
-seront comme ceux-ci, armées des droits nécessaires, pour se protéger,
-pour se défendre, pour ascensionner; la France, en possession de
-l'intégralité de sa force cérébrale, prendra dans le monde un rôle
-prépondérant.
-
-L'universalisation du suffrage aux femmes, décuplera la puissance de
-la nation, accélérera l'évolution sociale, intensifiera la sollicitude
-de la collectivité à l'égard de l'individu; et, fera s'ouvrir pour les
-humains une ère de bonheur.
-
- HUBERTINE AUCLERT.
-
-
-
-
-TABLE DES MATIÈRES
-
-
- Aux Lecteurs 1
-
- Le simulacre du suffrage universel 3
-
- Dégradée civique-née 7
-
- La femme dans la Commune 12
-
- Voix données aux femmes 16
-
- Les femmes dans l'Etat 22
-
- Les femmes et le budget 27
-
- L'éducation politique des français 34
-
- Le vote des femmes célibataires 40
-
- Vous n'êtes pas militaires! 48
-
- Vous êtes cléricales! 55
-
- La religion laïque 59
-
- Les femmes ont voté en France 65
-
- La loi salique 68
-
- Les prérogatives des femmes en l'ancienne France 70
-
- Revendication des femmes en 1789 77
-
- Après la Révolution 89
-
- Les suffragistes en 1848 93
-
- Jean Macé féministe suffragiste 97
-
- Les femmes qui agissent et qui écrivent 99
-
- Journaux et sociétés féministes 115
-
- Etats ou les femmes exercent leurs droits politiques 119
-
- L'inscription sur les listes électorales 124
-
- Le prix d'un vote de femme 131
-
- Le bluff électoral 132
-
- Refus de l'impôt 136
-
- Pourvoi devant le Conseil de préfecture 144
-
- Pourvoi devant le Conseil d'Etat 148
-
- L'arrêt du Conseil d'Etat 152
-
- Le droit pour les femmes de pétitionner 156
-
- Un sexe est-il supérieur à l'autre? 185
-
- Madame Curie et sa découverte 190
-
- La réforme primordiale 192
-
- Les femmes sont les nègres 196
-
- Les frustrées du Bulletin 199
-
- Le forçage des idées 207
-
- Instauratrices de bien-être 210
-
- L'universalisation du suffrage 216
-
-
-Saint-Amand (Cher).--Imprimerie BUSSIÈRE.
-
-
-
-
-CATALOGUE
-
-
- V. GIARD & E. BRIÈRE, LIBRAIRES-ÉDITEURS
-
- _16, rue Souflot, et 12, rue Toullier, PARIS_
-
-
- AUCLERT (Hubertine).--Le vote des Femmes=, 1908.
- Un vol in-18. 2 fr. 50
-
- AVRIL DE SAINTE CROIX (Me).--Le Féminisme, avec
- préface de V. Marguerite, 1907. Un vol. in-18 relié
- toile. 3 fr. »»
-
- BONNIER (CH.).--La question de la Femme, 1897.
- Une brochure grand in-8º. 2 fr. »»
-
- CASTRO OSORIO (A. de).--Les femmes portugaises,
- traduction de H. Faure, 1907. Une brochure grand
- in-8º. 2 fr. 50
-
- CHAUVIN (Mlle G.).--Etude historique sur les
- professions accessibles aux femmes, 1892.
- Un vol. in-8º. 6 fr. »»
-
- DISSARD (Clotilde).--Opinions féministes, 1896.
- Une brochure grand in-8º. 1 fr. »»
-
- FRANCK (L.).--La femme-avocat, 1898. Un vol. in-8º. 6 fr. »»
-
- GERRITSEN.--La femme à travers les âges, 1901. Un
- vol. in-4º cartonné. 6 fr. »»
-
- GUILLEMINOT (A.).--Femme, Enfant, Humanité.
- Études sociales, 1896. Un vol. in-18. 1 fr. 25
-
- HAUSER (H.).--Le travail des femmes aux XVe et
- XVIe siècles, 1897. Une brochure grand in-8º. 1 fr. »»
-
- JORAN (Th.).--Le Féminisme à l'heure actuelle,
- 1907. Une brochure grand in-8º. 1 fr. »»
-
- LEDUC (L.).--La Femme devant le Parlement, 1898.
- Un vol. in-8º. 6 fr. »»
-
- LETOURNEAU (Ch.).--La condition de la Femme dans
- les diverses races et civilisations, 1908. Un
- vol. in-8º broché. 9 fr. »»
-
- LORIA (A.).--Le Féminisme au point de vue
- sociologique, 1907. Une brochure grand in-8º. 1 fr. »»
-
- LOURBET (G.).--Le problème des sexes, 1900. Un
- vol. in-8º broché. 5 fr. »»
-
- MADAY (A. de).--Le Droit des Femmes au travail,
- 1905. Un vol. in-18. 3 fr. 50
-
- NEERA..--Les Idées d'une femme sur le féminisme,
- 1908. Un vol. in-18. 3 fr. »»
-
- PELLETIER (Dr-M.).--La Femme en lutte pour ses
- droits, 1908. Un vol. in-18. 1 fr. »»
-
- POINSINET (L ).--le Rôle social de la femme,
- 1906. Une brochure grand in-8º. 1 fr. »»
-
-SAINT-AMAND (CHER).--IMPRIMERIE BUSSIÈRE
-
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-works in the collection are in the public domain in the United
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- </head>
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-<div lang='en' xml:lang='en'>
-<p style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of <span lang='fr' xml:lang='fr'>Le vote des femmes</span>, by Hubertine Auclert</p>
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
-most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
-of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
-at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you
-are not located in the United States, you will have to check the laws of the
-country where you are located before using this eBook.
-</div>
-</div>
-
-<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: <span lang='fr' xml:lang='fr'>Le vote des femmes</span></p>
-<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Hubertine Auclert</p>
-<p style='display:block; text-indent:0; margin:1em 0'>Release Date: July 21, 2022 [eBook #68581]</p>
-<p style='display:block; text-indent:0; margin:1em 0'>Language: French</p>
- <p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em; text-align:left'>Produced by: Claudine Corbasson &amp; the online Project Gutenberg team at https://www.pgdpcanada.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))</p>
-<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>LE VOTE DES FEMMES</span> ***</div>
-
-<hr class="full" />
-
-<p><a href="#note_au_lecteur">Au lecteur</a></p>
-
-<p><a href="#notes">Notes</a></p>
-
-<p><a href="#table_des_matieres">Table des matières</a></p>
-
-<p><a href="#catalogue">Extrait du catalogue V. Giard &amp; E. Brière</a></p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<h1><span class="small70">LE</span><br /> VOTE DES FEMMES</h1>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<p class="center margintop4">DU MÊME AUTEUR</p>
-
-<hr class="small2" />
-
-<div class="center">
- <div class="biblio">
- <p><b>Les Femmes Arabes en Algérie.</b> 1 volume.</p>
-
- <p><b>Le Droit Politique des Femmes.</b> 1 brochure (<i>Epuisée</i>).</p>
-
- <p><b>L’Egalité Sociale et Politique de l’Homme et de la Femme.</b> 1 brochure.</p>
-
- <p><b>L’Argent de la Femme.</b> 1 brochure.</p>
-
- <p><b>Le Nom de la Femme.</b> 1 brochure.</p>
- </div>
-</div>
-
-<hr class="small3" />
-
-<p class="center smcap">SAINT-AMAND, CHER.—IMPRIMERIE BUSSIÈRE</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="titlepage">
- <p class="title1">HUBERTINE AUCLERT</p>
-
- <hr class="small3" />
-
- <p class="title2"><span class="small50">LE</span><br /> VOTE <span class="small50">des</span> FEMMES</p>
-
- <div class="figcenter2" style="width: 200px;">
- <img src="images/vignette.jpg" alt="" width="200" height="268" />
- </div>
-
- <p class="title3">PARIS (5<sup>e</sup>)</p>
-
- <p class="title4">V. GIARD &amp; E. BRIÈRE</p>
-
- <p class="title5">LIBRAIRES-ÉDITEURS</p>
-
- <p class="title6">16, <span class="smcap2">RUE SOUFFLOT ET</span> 12, <span class="smcap2">RUE TOULLIER</span></p>
-
- <p class="center">—</p>
-
- <p class="center">1908</p>
-</div>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_1">1</span></p>
- <h2 id="ch_0">AUX LECTEURS</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Ce livre, qui relate les efforts faits en France depuis plus d’un
-siècle pour faire entrer les femmes en possession de leurs droits
-politiques; envisage le vote des femmes à tous les points de vue,
-il réfute les objections qui y sont faites, démontre les avantages
-qui résulteront de sa mise en pratique et amène à conclure que les
-femmes—par la force du nombre de leurs bulletins de vote—pourront
-seules faire triompher la raison de la folie; donc, donner à la nation
-entière des garanties de sécurité et de bien-être.</p>
-
-<p>Ce livre mettra ceux qui le liront, à même de bien connaître; et, en
-mesure de défendre, cette importante question du suffrage des femmes
-qu’il va falloir résoudre, pour pouvoir modifier la société et faire se
-réaliser la République.</p>
-
-<p class="rsignature">H. A.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_3">3</span></p>
- <h2 id="ch_1">LE SIMULACRE DU SUFFRAGE UNIVERSEL</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p class="epigraph">Le suffrage des femmes, c’est l’utilisation de l’intégralité de
-l’intelligence et de l’énergie de la nation, pour réaliser son mieux être.</p>
-
-<p>Tout le monde connaît le monument élevé au promoteur du suffrage dit
-universel. Qui n’a vu, place Voltaire, Ledru-Rollin et son urne?</p>
-
-<p>Aux jours glacés de l’hiver, comme en l’été brûlant, des hommes à la
-figure have et ravinée, aux loques trouées laissant apercevoir la peau,
-aux souliers percés qui montrent les pieds nus, s’appuient, exténués et
-faméliques à la grille qui entoure le monument.</p>
-
-<p>Quels sont ces malheureux, sans gîte, sans travail et sans pain?</p>
-
-<p>—Ce sont des souverains!</p>
-
-<p>—?</p>
-
-<p>—Oui, des souverains... intermittents.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_4">4</span></p>
-
-<p>Périodiquement, pendant tout un jour, ils sont rois! Le soir venu,
-ils abdiquent, ou plutôt ils délèguent leur pouvoir à des charlatans
-politiques qui se partagent leurs palais, l’or de leurs caisses et
-laissent les souverains errants, pourchassés, privés d’abri et de
-nourriture.</p>
-
-<p>Les mandataires se nantissent généreusement; mais, ils ne se
-préoccupent pas de mettre leurs souverains en état de faire figure dans
-le monde, ou de ne point mourir de faim.</p>
-
-<p>Le dénûment des électeurs sans travail s’offrant au regard, en même
-temps que Ledru-Rollin et son urne, démontre au peuple l’amère dérision
-du suffrage restreint pompeusement baptisé universel.</p>
-
-<p>Le penseur lui, interpelle l’organisateur du suffrage.—Pourquoi
-dit-il, Ledru-Rollin, n’as-tu pas fait donner le bulletin de vote à la
-femme instigatrice d’ordre social; et ainsi, rendu valable ce papier
-pouvoir avec lequel les Français pourraient aussi sûrement qu’avec un
-chèque obtenir du bien-être et de la liberté?</p>
-
-<p>—Pourquoi Ledru-Rollin n’as-tu pas fait confier à l’éducatrice
-accordée à l’homme par la nature, le soin de lui donner conscience de
-la valeur de son bulletin? La mission de lui inculquer que voter, c’est
-pour l’opprimé initié, le pouvoir de réaliser sa volonté d’être libre
-et heureux?</p>
-
-<p>—Pourquoi, Ledru-Rollin, n’as-tu pas fait appeler à voter, au lieu
-de l’homme seul, le couple humain et ainsi précipité l’éducation
-politique, rendu les Français <span class="pagenum" id="Page_5">5</span> aptes à garder en permanence leur
-souveraineté, capables de se donner à eux-mêmes leur règle et leurs
-lois?</p>
-
-<p class="br">Le suffrage est une machine à progrès, qui pour produire des effets,
-doit être mise en mouvement par la volonté mâle et femelle de la
-nation; mais qui seulement activée par un petit nombre d’hommes, est
-faute de force motrice réduite à l’impuissance.</p>
-
-<p>Avant de déprécier le suffrage universel, qu’on le fasse fonctionner;
-car, s’il ne donne les résultats promis, c’est parce qu’il est faussé
-dans son principe, tronqué dans son application.</p>
-
-<p>De même que beaucoup d’inventions modernes, qui ne deviennent
-utilisables qu’à l’aide de certaines combinaisons; le suffrage a besoin
-de toutes les énergies féminines et masculines de la nation, pour
-devenir l’instrument d’évolution capable de transformer l’état social.</p>
-
-<p>Pour tirer profit de l’excellente institution du suffrage, il faut
-l’appliquer rigoureusement dans toute l’étendue qu’elle comporte en
-l’universalisant. Il ne suffit pas de travestir les mots de notre
-langue, de faire l’apothéose d’une contre vérité, pour donner à un
-suffrage mutilé l’autorité et la puissance de celui qui engloberait
-l’intégralité des Français et des Françaises.</p>
-
-<p>Le suffrage ne produira des résultats mathématiques, que quand pratiqué
-par les deux sexes, il aura été soumis à un dressage qui le rendra
-conscient.</p>
-
-<p>Actuellement, le suffrage universel n’est pas. Ce qui <span class="pagenum" id="Page_6">6</span> existe est
-un suffrage de fantaisie, qui n’autorise à voter qu’une petite minorité
-de la nation. Il exclut en bloc toutes les femmes, les savantes comme
-les autres Françaises. Il exclut le grand nombre d’hommes qui sont
-militaires, marins, voyageurs, touristes ou privés par jugement de
-leurs droits politiques.</p>
-
-<p>En se déplaçant, l’électeur perd sa souveraineté...</p>
-
-<p>Est-ce que le papier-pouvoir ne devrait pas, comme le papier-monnaie,
-avoir cours partout?</p>
-
-<p>Le suffrage réduit, faussé, fraudé ne donne pas même une vague idée de
-ce que sera le suffrage réellement universel.</p>
-
-<p>Les votes émis ont si peu de poids, les électeurs ont si peu
-d’autorité, qu’à chaque élection, les candidats rejetés par eux—pourvu
-qu’ils soient gouvernementaux—sont ramassés par les ministres, qui
-font un pied de nez aux électeurs souverains, en hissant à de bonnes
-places les blackboulés.</p>
-
-<p>Si les élections les plus républicaines ne donnent que des résultats
-stériles, si le suffrage fait faillite aux engagements pris en son nom,
-c’est parce qu’il est une fiction et non point une réalité, c’est parce
-qu’il ne s’appuie que sur une convention, au lieu de tirer sa puissance
-de la force du nombre.</p>
-
-<p>Avec le suffrage restrictif, dénaturé qui existe, l’électeur n’a que
-l’illusion de la souveraineté; tandis qu’avec le suffrage universel,
-c’est-à-dire englobant la nation entière, les femmes comme les hommes,
-l’électeur aura la matérialité de la souveraineté.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_7">7</span></p>
- <h2 id="ch_2">DÉGRADÉE CIVIQUE-NÉE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p class="epigraph">Posséder le papier-pouvoir, facilite de palper le papier-monnaie.</p>
-
-<p>Aucun homme n’est par son rôle si infime qu’il soit, exclu des
-prérogatives de Français et de citoyen, pourquoi donc le rôle des
-femmes les priverait-il de leurs droits de Françaises et de citoyennes?
-La perpétuation de l’espèce humaine, les soins donnés aux affaires
-domestiques sont-ils moins importants que l’attention apportée à
-l’exercice d’un métier?</p>
-
-<p>«Celui de nous deux, dit Socrate, glorifiant le travail du ménage, qui
-sera le plus industrieux économe, est celui qui apporte le plus en la
-société.»</p>
-
-<p>Le devoir imposé à tous est différent pour chacun. Le droit inhérent à
-l’individu est égal pour tous.</p>
-
-<p>Le sexe ne confère pas des prérogatives particulières attendu que les
-qualités morales et intellectuelles sont indépendantes du sexe de
-l’individu qui les possède. On ne peut aujourd’hui faire croire qu’être
-homme, <span class="pagenum" id="Page_8">8</span> étend les facultés intellectuelles d’un individu et qu’être
-femme, restreint les facultés intellectuelles d’un autre individu.</p>
-
-<p>La maternité que l’on objecte aux revendicatrices ne s’oppose pas plus
-à l’exercice des droits politiques, qu’elle ne s’oppose à l’exercice
-d’un art ou d’un commerce.</p>
-
-<p>Marie-Thérèse d’Autriche eut seize enfants, ce qui ne l’empêcha
-point d’être un grand homme d’Etat auquel l’Autriche dût d’exister.
-Pour elle, les Magnats hongrois tirèrent leur sabre du fourreau, en
-s’écriant: «Mourons pour notre roi, Marie-Thérèse!»</p>
-
-<p>Mères ou non, mariées ou non mariées, toutes les femmes doivent exercer
-leurs droits politiques afin de pouvoir mettre l’ordre dans la commune
-et dans l’Etat.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Restez femmes.</i></p>
-
-<p>A l’idée que la femme va devenir son égale en droits, l’homme se cabre!
-Au lieu de comprendre que c’est un auxiliaire qui lui vient pour
-atteindre à une vie meilleure, il semble croire qu’on va lui enlever
-quelque chose.</p>
-
-<p>Le Français adjure la Française de ne pas chercher à devenir citoyenne.
-Il lui dit qu’elle n’aurait rien à gagner au suffrage universel, que sa
-supériorité consiste à rester asservie.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_9">9</span></p>
-
-<p>Un langage analogue était tenu par les censitaires à ceux qui ne
-votaient pas avant 1848. Le «Restez femmes!» d’aujourd’hui, équivaut au
-«Restez ouvriers!» d’alors et pareillement signifie: Demeurez inaptes à
-améliorer votre condition.</p>
-
-<p>Les femmes qui voient quels avantages sociaux et économiques les
-électeurs obtiennent, les femmes, qui constatent qu’en tous les pays
-les hommes privés du suffrage s’acharnent à le réclamer; commencent à
-comprendre que ce papier-pouvoir, le bulletin de vote, leur est aussi
-nécessaire que le papier-monnaie, puisque posséder l’un rend plus
-facile de palper l’autre.</p>
-
-<p>Ce sera la carte électorale qui fera rétribuer le travail ménager et
-comprendre, parmi les retraités ouvriers, les ménagères.</p>
-
-<p>Les Françaises ne peuvent rester spoliées de la capacité politique,
-qu’un député appelle, avec raison, «un commencement de capital».</p>
-
-<p>Le travail est, en effet, estimé suivant la condition de qui
-l’accomplit. L’œuvre de la femme est si dépréciée, obtient un si
-dérisoire salaire, parce que cette femme est une mise hors la loi, une
-esclave dont l’effort n’est point jugé digne de récompense. Que l’on
-fasse entrer la femme dans le droit commun politique et bientôt sa
-situation économique sera changée; son labeur, ennobli par sa qualité
-de citoyenne, obtiendra un salaire rémunérateur.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_10">10</span></p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Les femmes n’échapperont à l’oppression du mari, à l’exploitation du
-patron, qu’en devenant, devant l’urne, leurs égales.</p>
-
-<p>La carte électorale dont la Française est privée, est un certificat
-d’honorabilité qui assure la considération à quiconque peut le montrer.</p>
-
-<p>En l’état actuel de la société, le suffrage est pour l’humain la plus
-sûre garantie de n’être lésé, ni diminué. C’est comme une assurance
-prise pour obtenir droit et justice. Pourquoi la femme ne jouirait-elle
-pas de cette assurance?</p>
-
-<p>En devenant citoyenne, la Française remplira encore mieux le devoir,
-puisque son rôle d’éducatrice s’étendra de l’unité à la collectivité
-humaine et que sa sollicitude maternelle embrassera la nation entière.</p>
-
-<p>La personne et la condition de la femme dépendant de la politique qui
-de toute part l’enserre; dans son propre intérêt comme dans l’intérêt
-général, la femme doit participer à la vie publique, coopérer à
-la transformation de la société afin de s’assurer de n’être point
-sacrifiée en l’organisation sociale future.</p>
-
-<p>On cite cette jolie phrase de M. Thiers que ceux qui dédaignent le
-concours féminin feraient bien de méditer:</p>
-
-<p>«Pour régler cette affaire, disait M. Thiers, il me faut mes femmes»
-(M<sup>me</sup> Thiers et M<sup>lle</sup> Dosne). Ces paroles <span class="pagenum" id="Page_11">11</span> prouvent que
-même l’homme d’Etat, que les louanges purent rendre orgueilleux,
-reconnaissait aux femmes des facultés particulières capables de
-compléter les siennes. Si ces deux parties du tout humain, l’homme
-et la femme, semblaient indispensables à M. Thiers pour régler une
-affaire privée difficile, combien est donc plus indispensable encore
-le concours de l’homme et de la femme, pour bien diriger les affaires
-publiques!</p>
-
-<p>Le suffrage des femmes, c’est l’utilisation de l’intégralité, de
-l’intelligence et de l’énergie de la nation pour réaliser son mieux
-être.</p>
-
-<p>Rapprocher hommes et femmes par la politique, ce sera faire s’établir
-entre les sexes une émulation salutaire pour le progrès.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_12">12</span></p>
- <h2 id="ch_3">LA FEMME DANS LA COMMUNE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>En constatant que dans la commune les hommes souvent sacrifient au
-superflu, l’indispensable, on se demande s’il ne serait point sage de
-faire s’appliquer tout l’effort humain à l’administration publique; et,
-si ce n’est pas se montrer ennemi de son propre bien-être que de tenir
-éloignées du gouvernement, du bourg ou de la ville, les femmes qui sont
-particulièrement aptes à s’ingénier et à prévoir.</p>
-
-<p>Quant à propos d’adjudications de fournitures d’ustensiles ou de
-provisions de ménage, on entend à l’Hôtel de ville des conseillers
-municipaux discuter; chacun fait la réflexion que des femmes seraient
-beaucoup plus capables que nos édiles d’apprécier ces matières.</p>
-
-<p>Les conseillers municipaux de Paris, ainsi d’ailleurs que ceux de
-toutes les communes de France, sont forcés d’être à la fois hommes et
-femmes. Ils doivent résoudre des difficultés qui auraient besoin d’être
-élucidées par des matrones.</p>
-
-<p>Certes, ils se dépensent pour le bien public; seulement, <span class="pagenum" id="Page_13">13</span>
-réunissant dans leurs mains les attributions masculines et féminines,
-on a à déplorer dans leur administration des lacunes.</p>
-
-<p>Il n’est pas possible, en effet, d’être à la fois homme et femme. On
-trouverait étrange qu’un homme cumulât dans la famille le rôle de père
-et de mère et l’on admet que les hommes cumulent dans la commune ce
-double rôle.</p>
-
-<p>Ne vaudrait-il pas mieux, dans l’intérêt général, que chacun des deux
-facteurs qui concourent à former la population parisienne mette ses
-aptitudes particulières au service de l’administration de la ville de
-Paris?</p>
-
-<p>La femme, qui est contribuable, productrice et consommatrice, doit être
-électeur et éligible dans la commune.</p>
-
-<p>Au temps où la loi, comme la monnaie et les mesures étaient spéciales à
-chaque province, des Françaises délibéraient et votaient dans beaucoup
-de villes et de communes. On ne peut les avoir privées à jamais, des
-droits que de nombreuses Européennes exercent présentement.</p>
-
-<p>Dans presque tous les pays qui nous entourent, en Angleterre, en
-Ecosse, en Russie, en Autriche, en Hongrie, en Suède, en Norvège, dans
-plusieurs Etats de l’Allemagne, etc., les femmes participent, plus
-ou moins complètement, à la gestion des affaires municipales. Seule
-la France—oubliant les précédents—en compagnie de quelques Etats
-enténébrés, exclut la femme de l’administration communale.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_14">14</span></p>
-
-<p>En France, la femme qui possède les trois quarts du territoire de la
-commune, n’est pas devant l’urne l’égale de son domestique mâle. Le
-domestique vote, la propriétaire qui l’emploie ne vote pas.</p>
-
-<p>L’habitante qui a une résidence fixe, une industrie, des intérêts
-engagés dans sa commune, n’a pas le droit qu’a le touriste qui s’arrête
-là six mois, d’exercer—en votant—son influence dans l’administration
-communale.</p>
-
-<p>La veuve chef de famille qui se trouve à la mort de son mari à la tête
-d’une grande maison de commerce, n’a pas le droit de donner son avis
-dans la commune. Ses ouvriers, ses employés, tous ceux qui dépendent
-d’elle, ont le pouvoir de lui nuire en votant contre ses intérêts; il
-lui est impossible de se défendre. Elle ne peut rien puisqu’elle n’est
-pas électeur.</p>
-
-<p>Les Français se déprécient, en refusant aux femmes dont ils
-proviennent, les prérogatives qu’ont les dames des nations voisines.</p>
-
-<p>Si, en effet, les femmes de France sont inférieures aux femmes des
-autres pays et ne peuvent exercer les droits de celles-ci, il est bien
-certain que leurs pères, leurs frères, leurs époux sont eux-mêmes
-inférieurs aux hommes des autres pays.</p>
-
-<p>Si le Français continue à tenir dans un tel état d’infériorité, sa
-mère, il finira par faire penser à ses contemporains étrangers qu’ils
-ont sur lui une suprématie héréditaire; et par faire croire qu’au
-lieu d’être né d’une femme, il pourrait bien être issu d’une guenon,
-puisqu’il la laisse aussi loin, derrière lui.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_15">15</span></p>
-
-<p>La compatriote que le Français comble d’humiliations et qu’il se
-complaît à faire, à son détriment, déconsidérer, est, ô ironie! plus
-qu’aucune femme au monde, intelligente, utile et agréable.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>En demandant que les femmes participent à l’administration municipale,
-nous ne réclamons pas une innovation, mais simplement le retour à ce
-qui fut de 1182 à 1789; la remise en vigueur et la généralisation, de
-la <i>loy et coutume de Beaumont</i>.</p>
-
-<p>Cette loi rendue en 1182, à Beaumont en Argonne, se répandit dans tout
-l’Est, dans le Nord et sur les pays Basques. Elle prescrivait que les
-veuves, les filles ayant leur ménage et les femmes mariées en l’absence
-de leurs maris prissent part aux délibérations et aux votes.</p>
-
-<p>Dans les documents qui mentionnent la part prise par les femmes à
-l’administration des bourgs et des villes, elles sont traitées sur le
-pied d’égalité avec l’homme, témoin cette finale: «Lesquels, <i>tous et
-toutes</i> firent, ordonnèrent et devisèrent entre eux.»</p>
-
-<p>Plus d’un siècle après la révolution, les communes où les femmes sont
-les plus nombreuses et les plus imposées, n’ont pas même d’électeurs
-du sexe féminin. La participation des femmes à la gestion municipale
-décuplerait pourtant, la prospérité des localités auxquelles leurs
-flancs fournissent sans cesse de nouveaux habitants.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_16">16</span></p>
- <h2 id="ch_4">VOIX DONNÉES AUX FEMMES</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>L’intervention des Françaises dans les affaires du pays est depuis
-longtemps jugée si nécessaire, qu’en certaines élections municipales,
-des femmes ont obtenu des voix sans avoir sollicité de mandat.</p>
-
-<p>Les bulletins portant inscrits des noms de femmes ont quelquefois été
-comptés.</p>
-
-<p>En 1881, dans la commune de Grandpré (Ardennes), M<sup>me</sup> Jules Lefebvre,
-commerçante, mère de famille, eut son nom écrit sur bien des bulletins
-électoraux. «En votant pour elle, disaient ses électeurs, nous avons
-voulu choisir le plus capable parmi nous, à quelque sexe qu’il
-appartienne.» Ce raisonnement de ruraux n’est-il pas propre à inciter
-les citadins à réfléchir?</p>
-
-<p>Toujours en 1881, à Paris, M<sup>me</sup> Léonie Rouzade, candidate dans le
-XII<sup>e</sup> arrondissement, obtint 57 voix.</p>
-
-<p>Peu après, à Thorey (Meurthe-et-Moselle), trois dames obtenaient
-chacune cinq voix. Elles étaient, proclamaient leurs électeurs, les
-plus dignes de nous représenter.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_17">17</span></p>
-
-<p>En 1884, à Houquetôt (Seine-Inférieure) les électeurs accordèrent à une
-femme huit voix de plus que la majorité des suffrages exprimés.</p>
-
-<p>Dans le (Lot-et-Garonne) les électeurs donnèrent à une femme
-trente-quatre voix de majorité.</p>
-
-<p>A Vornay (Cher) M<sup>me</sup> Gressin, propriétaire, obtint suffisamment de
-voix pour être nommée conseillère municipale.</p>
-
-<p>En enregistrant ces succès qu’ils savaient dus à l’active propagande
-faite par <i>La Citoyenne</i>, de grands quotidiens nous disaient de
-mettre un bouquet à notre chapeau.</p>
-
-<p>Ces trois élections de femmes furent annulées; le suffrage dit
-universel n’étant—pendant qu’il est restreint à la moitié de la
-nation—qu’une institution de fantaisie que les gouvernants mutilent à
-leur gré.</p>
-
-<p>Mais les voix accordées en tant de points du territoire à des femmes,
-prouvent que les électeurs sont las de la fiction, qu’ils veulent dans
-la commune une représentation réelle de la population.</p>
-
-<p>Tous les habitants de la commune doivent être déclarés égaux devant les
-prérogatives, comme ils le sont devant les charges.</p>
-
-<p>Evincer de l’administration municipale, les Françaises qui savent avec
-rien, faire régner le bien-être en la maison, c’est de gaieté de cœur
-sacrifier le bonheur commun.</p>
-
-<p>La femme ne doit pas seulement être l’âme de la famille, il est
-nécessaire qu’elle soit l’âme de la Cité, <span class="pagenum" id="Page_18">18</span> afin de pouvoir, en
-décuplant et en ménageant ses ressources, faire resplendir de bien-être
-le visage de chacun de ses habitants.</p>
-
-<p>A chaque élection, le suffrage bien que réduit, borné, faussé et mutilé
-fait entendre un bégaiement de vérité. Ce serait trop long, de citer
-toutes les circonscriptions électorales où les femmes ont obtenu des
-voix.</p>
-
-<p>Voici, cependant, à propos de succès électoraux féminins ce qui s’est
-passé en 1897 à Ménerville (Algérie).</p>
-
-<p>Le dépouillement du scrutin terminé, M. Vissonnaux, candidat, fit
-observer que les bulletins, portant le nom de M<sup>me</sup> Pellier-Le-Cerf,
-ayant un caractère inconstitutionnel, devaient être considérés comme
-nuls. Il demandait que sa déclaration fût inscrite au procès-verbal et
-lesdits bulletins y annexés.</p>
-
-<p>Le maire trouvant l’observation bien fondée, s’empressait de jeter les
-bulletins dans la cheminée et d’y mettre le feu.</p>
-
-<p>A ce moment, survint M. Bouayoume qui, voyant l’escamotage, donna de
-grands coups de poing sur la table, protestant avec indignation contre
-la suppression de bulletins sur lesquels était inscrit le nom de M<sup>me</sup>
-Pellier-Le-Cerf. Il flétrit énergiquement les procédés du bureau.
-—«Vous violez, dit-il, la liberté du suffrage universel en annulant
-les voix données à une femme!»</p>
-
-<p>Aux élections municipales de 1908, M<sup>elle</sup> Jeanne Laloé, candidate à
-Paris dans le 9<sup>e</sup> arrondissement obtint 987 voix, mais 527 bulletins
-portant son nom furent seulement comptés.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_19">19</span></p>
-
-<p>L’exclusion des Françaises de l’administration communale, fait qu’en la
-cité le bien-être manque, comme en la maison où il n’y a pas de femme.</p>
-
-<p>Les édiles veulent Paris beau, ce dont chacun ne peut que les
-féliciter; mais parce qu’ils sont exclusivement des hommes, leurs
-efforts tendent seulement à faire de la capitale du monde le plaisir
-des yeux; alors, que des hommes et des femmes réunis, la rendraient en
-même temps qu’un séjour enchanteur, le pays de Cocagne souhaité.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Il est inutile d’insister sur les inconvénients du gouvernement d’un
-seul sexe, ni de parler des négligences dont souffrent les habitants
-des villes et des villages seulement régis par les hommes; et où il n’y
-a qu’une moitié de la sollicitude humaine éveillée, alors que l’espèce
-entière devrait être appelée à tout prévoir.</p>
-
-<p>Avec l’administration des seuls hommes, nous avons de tout, seulement
-l’apparence: les rues sont arrosées pendant que l’eau manque dans les
-maisons. Avec l’administration des hommes et des femmes, l’illusion
-deviendra réalité, les génératrices perpétuellement préoccupées
-de conserver les êtres, d’entretenir la vie qu’elles donnent,
-s’emploieront à accumuler à Paris l’air et l’eau.</p>
-
-<p>Au pays de la soif, la garde de l’eau vivifiante est <span class="pagenum" id="Page_20">20</span> confiée aux
-femmes. A Ghat, seules les femmes disposent des sources.</p>
-
-<p>Tout ce qui a trait au boire et au manger est office de ménagère;
-malheureusement, ceux qui parlent de laisser la femme à son rôle, le
-lui dérobent ce rôle, dès qu’il rapporte des honneurs et de l’argent.</p>
-
-<p>Les hommes sont de mauvais ménagers, chacun se trouverait donc très
-bien, que les femmes fassent avec eux la cuisine administrative.</p>
-
-<p>Les Françaises ont le sens de l’utilitarisme démocratique. Quand
-elles seront électeurs et éligibles, elles forceront les assemblées
-administratives et législatives à se pénétrer des besoins humains et à
-les satisfaire.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>La République qui ne laisse pas en la métropole les femmes participer à
-l’élection du conseil municipal de leur commune, a autorisé en Océanie,
-des femmes à exercer les fonctions de Maire.</p>
-
-<p>En 1891, le gouvernement fit remettre par le gouverneur de Tahiti aux
-huit cheffesses de districts de Tahiti et de Moréa, une écharpe aux
-couleurs nationales; en même temps qu’il les fit rétablir en leurs
-pouvoirs et dignités d’officières de l’état-civil, pour mettre fin aux
-irrégularités constatées dans les actes de l’état-civil, depuis que
-l’annexion leur avait fait retirer leur emploi.</p>
-
-<p>Les faits, forcent parfois les populations à reconnaître <span class="pagenum" id="Page_21">21</span> que la
-femme exclue de l’électorat municipal, est supérieure aux élus de la
-commune: A Rieufort de Randon (Lozère) momentanément privée de maire
-et d’adjoints, on vit un jour une jeune fille remplir sans embarras le
-rôle d’officier d’état-civil, procéder à un mariage à la place d’un
-conseiller municipal qui se déclarait inapte à unir les futurs époux,
-parce qu’il ignorait la loi et ne savait pas lire (<i>sic</i>).</p>
-
-<p>C’est seulement le couple humain, qui peut en tout accomplir exactement
-ce qui convient dans la commune et dans l’Etat.</p>
-
-<p>Nous mettons au défi les hommes les meilleurs, de faire de la commune
-la maison agrandie que chacun espère, sans le concours du cœur féminin.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_22">22</span></p>
- <h2 id="ch_5">LES FEMMES DANS L’ÉTAT</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>De même que pour appeler un être à la vie, il faut le couple humain,
-pour instaurer un milieu approprié où cet être puisse s’épanouir
-pleinement, la femme est autant que l’homme indispensable.</p>
-
-<p>«La femme et l’homme, ces deux parties du même tout, dit Benjamin
-Franklin, c’est comme les deux branches d’une paire de ciseaux, l’une
-ne sert de rien sans l’autre.»</p>
-
-<p>Les hommes sans les femmes, sont dans l’impossibilité d’organiser pour
-l’humanité entière de bonnes conditions d’existence. Ce ne sera qu’en
-s’adjoignant pour l’effort politique leurs compagnes, que les Français
-pourront assurer l’ordre social et la prospérité publique.</p>
-
-<p>Interrogez à la campagne et à la ville des hommes de toutes conditions,
-ils vous répondront qu’une maison sans femmes est la pire des choses;
-cependant, ces mêmes hommes ne veulent point se rendre compte <span class="pagenum" id="Page_23">23</span>
-qu’une commune et un Etat sans femmes, sont bien plus pitoyables encore
-que la maison d’où l’élément féminin est absent, car le mal-être,
-restreint ici à quelques individus, se généralise et est là, supporté
-par toute la population. Présentement, les Françaises ne sont pas
-représentées dans les assemblées administratives et législatives.</p>
-
-<p>Ce retranchement des femmes de la chose publique, cause au corps social
-le préjudice et le malaise, que le retranchement d’un organe fait
-éprouver au corps humain.</p>
-
-<p>Si vous avez un membre ou deux membres supprimés, toute votre personne
-est affaiblie, amoindrie; de même, la nation, privée de l’activité de
-la moitié de ses membres, a sa force et son intelligence réduites, est
-endolorie, paralysée; finalement, voit se rapetisser sa destinée.</p>
-
-<p>Pour que l’individu et la collectivité puissent complètement exister,
-la première des conditions est que tous les organes du corps humain
-et que tous les organes du corps social fonctionnent. La république
-amputée des femmes est aussi réduite à l’impuissance que l’individu
-amputé d’une jambe et d’un bras.</p>
-
-<p>La population française, qui a deux yeux pour voir et deux pieds pour
-marcher, se diminue en s’obstinant à ne voir que par le seul œil
-masculin les difficultés à résoudre et à ne marcher que du seul pied
-masculin vers les buts poursuivis.</p>
-
-<p>Ce que décide une minorité des Français dans des <span class="pagenum" id="Page_24">24</span> assemblées où un
-seul sexe est représenté ne peut convenir à la nation tout entière.</p>
-
-<p>Les hommes clairvoyants se rendent compte de cela; aussi, le nombre
-augmente de ceux qui osent proposer de s’adjoindre les femmes pour
-combiner les arrangements sociaux.</p>
-
-<p>Les Françaises qui subissent les lois doivent contribuer à les faire.</p>
-
-<p>Comme le dit fort bien M. Jaurès: «C’est l’humanité complète qui doit
-agir, penser, vivre, et l’on a bien tort de redouter que le suffrage
-des femmes soit une puissance de réaction, quand c’est par leur
-passivité et leur servitude qu’elles pèsent sur le progrès humain.»</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Les millions de femmes qui sont ouvrières, et les millions de femmes
-qui sont ménagères doivent pouvoir, en votant, régler les relations
-extérieures au point de vue économique et politique, en raison des
-traités de commerce qui élèvent ou abaissent le prix des denrées et de
-la main-d’œuvre.</p>
-
-<p>On a entendu un ministre des finances se plaindre de ne pas trouver
-chez les députés le sens de l’économie. C’est que le sens de l’économie
-n’est réellement possédé que par l’élément féminin. Or justement,
-l’élément féminin est exclu de la Chambre.</p>
-
-<p>Si le Parlement, où nulle femme ne siège et où n’est <span class="pagenum" id="Page_25">25</span> entré aucun
-mandaté des femmes, manque parfois de prudence et de prévoyance, il
-manque aussi, on en conviendra, autant d’aptitude et d’autorité,
-pour élaborer des lois réglant les rapports humains, que manquerait
-d’aptitude et d’autorité, une Chambre exclusivement féminine pour
-légiférer, sur ce qui concerne hommes et femmes; attendu que
-l’homme absent serait, comme est aujourd’hui la femme absente du
-Palais-Bourbon, victime de la partialité du sexe omnipotent.</p>
-
-<p>Les hommes ne peuvent, sans le concours du sexe féminin, juger, en même
-temps, de ce qui leur convient à eux et de ce qu’il nous faut à nous?</p>
-
-<p>Les deux types qui forment l’espèce humaine doivent avoir voix au
-chapitre, quand il s’agit de régler leur propre destinée.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Les femmes faites citoyennes, régénèreront la politique et l’impulsion
-qu’elles feront donner aux affaires permettra bientôt aux Français de
-manifester la virilité des peuples neufs.</p>
-
-<p>Les sauvegardiennes de la probité morale affermiront la droiture
-masculine en la vie publique.</p>
-
-<p>En dépit de délits spéciaux inventés pour elles, les femmes, si nous
-en croyons les statistiques, faillissent moins que les hommes. Il y a
-beaucoup plus d’inculpés que d’inculpées.</p>
-
-<p>Puisqu’il est établi que la femme résiste plus à l’excitation <span class="pagenum" id="Page_26">26</span> au
-mal, que l’homme; pourquoi ne pas garantir celui-ci contre ses propres
-défaillances en la lui adjoignant au gouvernail?</p>
-
-<p>Les maisons de secours se joignent aux statistiques, pour attester la
-supériorité morale de la femme, frappée d’infériorité légale.</p>
-
-<p>Dans les établissements charitables, on rencontre surtout un public
-d’hommes, c’est-à-dire le sexe qui a en la vie, l’argent et les
-positions.</p>
-
-<p>L’homme a dans la société le monopole du travail lucratif, il gagne
-plus souvent 8 francs que la femme 2 francs. Cependant, dès le premier
-jour de chômage le voilà réduit à la mendicité.</p>
-
-<p>La femme qui est exclue des gros gains tend moins que l’homme la main.</p>
-
-<p>Est-ce parce qu’elle a plus de dignité et moins de vices? Ou est-ce
-parce qu’avec des centimes elle trouve mieux le moyen de parer à la
-disette que l’homme avec ses 8 francs quotidiens?</p>
-
-<p>Comment peut-on charger seul du soin de gouverner les autres, l’homme
-sans prévoyance qui n’est point apte à se gouverner lui-même?</p>
-
-<p>Pour les Français aimant les lendemains sûrs, la gestion du sexe
-masculin, qui avec son salaire convenable ne parvient à se suffire,
-offre beaucoup moins de garanties que celle du sexe féminin qui, à
-force d’ordre, d’ingéniosité, se tire d’affaire en sa perpétuelle
-pénurie d’argent.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_27">27</span></p>
- <h2 id="ch_6">LES FEMMES ET LE BUDGET</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p class="epigraph">La puissance d’économie des femmes fera s’équilibrer les recettes
-et les dépenses.</p>
-
-<p>Puisqu’on reconnaît aux femmes, de réelles facultés d’épargne; et,
-l’aptitude à augmenter la valeur d’emploi de l’argent, pourquoi ne
-fait-on pas appel au concours féminin pour mettre fin aux déficits
-budgétaires?</p>
-
-<p>Si les Françaises participaient à l’administration de l’Etat, elles
-apprendraient aux membres du Parlement à être moins prodigues des fonds
-publics, et les contribuables obtiendraient en payant moins d’impôts,
-plus de garanties et de commodités.</p>
-
-<p>Les hommes ne savent faire face aux exigences sociales avec le gros
-budget de la France, comme la femme sait faire face aux besoins de la
-famille avec le petit budget du ménage. En l’Etat, les recettes énormes
-ne couvrent pas les dépenses phénoménales.</p>
-
-<p>Pendant que législateurs et administrateurs municipaux déplorent que le
-manque d’argent entrave tous <span class="pagenum" id="Page_28">28</span> les projets de réforme, des électeurs
-avouent, s’ils sont commerçants, que sans leur femme, ils ne pourraient
-faire honneur à leurs affaires...</p>
-
-<p>S’ils sont ouvriers, employés, médecins, avocats, petits rentiers,
-confessent que, sans leur femme, ils ne parviendraient point à
-équilibrer leur budget, à vivre.</p>
-
-<p>A la ville comme à la campagne, c’est quotidiennement que l’on entend
-des Français dire: que cent francs ne valent pour l’homme que soixante
-francs, tandis que pour la femme, cent francs sont l’équivalent de cent
-vingt francs.</p>
-
-<p>Alors!... le voilà bien trouvé le moyen de mettre fin aux déficits
-budgétaires et de rendre possibles les transformations sociales
-souhaitées.</p>
-
-<p>Ce moyen consiste à confier aux femmes, qui ont de si grandes facultés
-d’épargne, tout ce qui a rapport aux finances.</p>
-
-<p>Tout le monde a sous les yeux l’exemple d’hommes qui, en dépensant de
-très grosses sommes, ne parviennent pas en la maison à réaliser le
-bien-être que couramment les femmes y introduisent, avec peu d’argent.
-Eh bien, l’Etat est une agglomération de maisons à administrer. Or,
-n’est-ce pas imprudent de confier aux seuls hommes, qui se montrent
-souvent inhabiles à équilibrer leur budget individuel, le budget
-national? Attendra-t-on que la France ait déposé son bilan, pour
-charger l’élément féminin d’introduire des réformes en nos finances?</p>
-
-<p>L’accroissement des dépenses, devrait susciter un patriotisme <span class="pagenum" id="Page_29">29</span>
-capable de faire émettre par tous les groupes de la Chambre et du
-Sénat, la proposition d’appeler les femmes au secours du pays.</p>
-
-<p>Nouvelles venues en la politique, elles trancheraient aisément dans
-le vif du fonctionnarisme et préserveraient les Français des lourdes
-charges et de la vie chère.</p>
-
-<p>Tous les contribuables doivent pouvoir mettre un frein à la
-dilapidation des deniers publics. Exclure ces épargneuses—les
-femmes—de la gestion sociale, c’est contraindre la République à
-faillir à ses engagements.</p>
-
-<p>Si les femmes coopéraient à l’administration des biens de la nation,
-les recettes excèderaient les dépenses.</p>
-
-<p>Les Françaises ont en elles développé, par l’obligation quotidienne de
-partager un centime en quatre pour arriver à satisfaire de multiples
-besoins familiaux, une aptitude administrative qui fera s’ouvrir une
-ère de prospérité pour les populations qui l’utiliseront.</p>
-
-<p>On réaliserait de grandes économies, si le budget national était
-épluché et passé au crible par les femmes, comme l’est le budget
-familial.</p>
-
-<p>Le bien-être résulterait, de la remise à la femme de la clef de la
-caisse publique.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Les hommes point pressés de voir la Française échapper à la dégradation
-civique, dont dérivent pour elle toutes les oppressions, toutes les
-spoliations, trouvent <span class="pagenum" id="Page_30">30</span> que pour le sexe féminin l’heure n’est
-jamais venue de posséder le bulletin affranchisseur. En 1789 et
-1793, les hommes disaient qu’il était prématuré de donner les droits
-politiques aux femmes; en 1848, ils jugeaient également prématuré
-d’englober les femmes dans le suffrage. Actuellement, ils sont d’avis
-qu’il serait encore prématuré d’octroyer l’électorat aux femmes.</p>
-
-<p>Toute proposition de loi, ne devrait cependant venir en discussion,
-qu’après que le suffrage aurait été attribué aux femmes.</p>
-
-<p>La France entière ayant seule l’intuition des besoins humains, la
-France entière peut seule poser les bases d’une société meilleure en
-votant des réformes fondamentales.</p>
-
-<p>Tenir les femmes hors des salles de vote où tout se projette et à
-l’écart du Parlement où tout se résoud, c’est les désigner d’avance
-pour être sacrifiées.</p>
-
-<p>Les femmes seront plus considérées, mieux rétribuées, quand elles
-exerceront leurs droits politiques. Et, l’humanité entière a intérêt
-à ce qu’elles exercent leurs droits politiques; car, on ne peut sans
-nuire à l’espèce, sans amoindrir l’homme, garder infériorisée la femme,
-qui imprime à la société sa marque de fabrique, puisque matrice de la
-nation, elle est le moule qui forme tous les Français.</p>
-
-<p>Afin de se justifier d’annuler les femmes, les hommes spoliateurs
-les incriminent d’attachement aux vieux usages; alors, qu’il est
-surabondamment prouvé qu’en <span class="pagenum" id="Page_31">31</span> dépit de toutes les entraves, elles ne
-sont pas plus qu’eux ennemies du progrès.</p>
-
-<p>Les femmes sont les premières à utiliser les innovations; on les a vues
-adopter pour la locomotion tous les nouveaux systèmes.</p>
-
-<p>La femme que l’homme déprécie afin de pouvoir, en la spoliant de ses
-droits, l’opprimer et l’exploiter, n’est pas plus que lui bornée, elle
-doit donc être autant que lui électeur.</p>
-
-<p>Soutenir que la dégradée civique, que la serve obligée de singer son
-maître peut avoir sur lui une influence occulte pour le bien, semble
-être moins encore une erreur qu’une ironie.</p>
-
-<p>L’homme ne reçoit pas d’en bas ses impressions morales; et, aussi
-longtemps que la femme sera au-dessous de lui, elle pourra l’amuser,
-le charmer; non changer sa manière de voir et de faire, non le
-métamorphoser; car si l’être dit supérieur condescend à demander à
-l’être dit inférieur le secret du mal, jamais il ne lui demande le
-secret du bien.</p>
-
-<p>Aussi, il paraît indispensable que pour accomplir la mission sociale
-qu’on lui assigne, la femme ait le pouvoir que confère la souveraineté;
-ce ne sera que ce pouvoir matériel, qui lui assurera l’autorité morale.</p>
-
-<p>Au lieu de restreindre en les partageant les prérogatives masculines,
-les femmes les augmenteront; puisque le jour où il sera en les mains
-de tous les ayants droit hommes et femmes, le bulletin octroiera aux
-Français <span class="pagenum" id="Page_32">32</span> et Françaises la faculté de matérialiser leur volonté
-d’être heureux et libres.</p>
-
-<p>C’est de peur de ne pouvoir faire parler comme on veut le suffrage
-rendu conscient en même temps qu’il deviendrait universel, que l’on
-écarte des affaires publiques cette force nationale, la femme.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Ce ne sera qu’en unifiant la condition de l’homme et de la femme que
-l’on unifiera la manière de voir des Français.</p>
-
-<p>Dire à la Française, de cesser d’être coquette, sans lui donner le
-moyen d’améliorer son sort en votant, c’est la maintenir en une
-immobilité mentale qui paralysera la marche en avant.</p>
-
-<p>La femme doit voter, car il n’y a place au soleil de la République que
-pour qui dispose d’un vote. Et, ce ne sont pas seulement les femmes,
-c’est la nation entière qui souffre de l’annulement politique des
-Françaises.</p>
-
-<p>Les hommes n’ignorent point cela; cependant, à quelque parti qu’ils
-appartiennent, réactionnaires et républicains, ils sont d’accord pour
-faire envisager le vote des femmes comme un danger public.</p>
-
-<p>En notre France qui garde l’empreinte monarchiste de la loi salique,
-le fantôme de la femme politique est aussi redouté que le spectre
-rouge. Ce ne sera, cependant, qu’à l’aide de celle-ci que l’on pourra
-triompher <span class="pagenum" id="Page_33">33</span> de celui-là. Les femmes étant seules assez nombreuses
-pour mettre à la raison les perturbateurs.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Bien que l’on sache, que les femmes sont pourvues de facultés qui
-feront se transformer sans violences la société et que partout où les
-femmes ont voté, elles ont mis leur zèle et leur énergie au service des
-partis avancés, les révolutionnaires repoussent le bulletin pondérateur
-de la femme, et les radicaux évolutionnistes ne s’empressent pas
-d’utiliser ce bulletin pondérateur, qui leur assurerait le gouvernail
-de la barque sociale.</p>
-
-<p>Si les hommes d’opinions si opposées s’entendent pour représenter comme
-un épouvantail le vote des femmes, c’est qu’ils sont d’accord pour
-continuer à accaparer les bénéfices électoraux; et, qu’ils trouvent
-avantageux de tenir les sièges législatifs de la force du nombre des
-femmes, sans avoir besoin d’obtenir leurs bulletins.</p>
-
-<p>Pour faire s’activer l’évolution de l’humanité, il faut mettre la
-femme au niveau de l’homme, afin que les deux êtres équivalents qui se
-complètent ne cheminant plus en des voies différentes, marchent du même
-pas vers la justice sociale.</p>
-
-<p>La République cessera seulement d’être pour les Françaises une
-bluffeuse, quand elle leur facilitera le combat pour la vie en les
-armant du bulletin de vote.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_34">34</span></p>
- <h2 id="ch_7">L’ÉDUCATION POLITIQUE DES FRANÇAIS</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>L’étranger comprend l’horreur que le Français a pour la politique, en
-entendant le camelot parisien faire ce boniment: «Dans mes journaux, il
-n’y a pas de politique, tout n’est que blague et rigolade.»</p>
-
-<p>La politique, qui d’après le rusé marchand ferait se sauver les
-acheteurs, joue cependant un rôle énorme, puisque c’est d’elle que
-dépend la destinée humaine.</p>
-
-<p>Sous le nom de règlement et de répression, la politique prend à la
-femme comme à l’homme sa liberté. Sous le nom de taxe, la politique
-prend à la femme comme à l’homme, son argent. Sous le nom de guerre, la
-politique prend à l’homme sa vie et à la femme plus que sa vie, la vie
-de ceux qu’elle aime!</p>
-
-<p>Pourquoi donc cette question suprêmement intéressante répugne-t-elle
-aux foules, au lieu d’être l’objet de leur constante préoccupation?</p>
-
-<p>—Parce qu’on ne la comprend pas.</p>
-
-<p>Un seul sexe étant admis à faire de la politique, il <span class="pagenum" id="Page_35">35</span> n’est
-point séant d’en parler. De sorte que la politique, qui se réduit à
-sauvegarder ou à mettre en péril les intérêts généraux et particuliers,
-est considérée comme une science inaccessible même aux hommes qui se
-distinguent dans leur art ou leur profession. Et l’indifférence pour
-les affaires du pays menace de se perpétuer.</p>
-
-<p>Comment l’homme s’initierait-il à la politique, pendant que la femme,
-avec laquelle il est sans cesse en tête à tête, n’est pas admise à en
-chercher avec lui le mécanisme?</p>
-
-<p>Aussi longtemps que, comme des pestiférées en quarantaine, les femmes
-seront tenues à l’écart de la politique, la nation sera sans éducation
-politique.</p>
-
-<p>Pour que la politique cesse d’être pour l’homme chose ennuyeuse et
-incompréhensible, il faut qu’elle s’introduise dans le ménage, où elle
-deviendra une question d’autant plus familière qu’elle sera tous les
-jours incidemment creusée.</p>
-
-<p>Bien loin d’être une source de division, la politique resserrera
-les liens entre époux. En élargissant l’horizon intellectuel du
-<i>home</i>, elle fera souvent succéder à l’amour envolé, l’amour du
-bien public.</p>
-
-<p>Quand les femmes jouiront des mêmes droits électoraux que les hommes,
-le sein maternel ne sera plus un milieu où le cerveau s’atrophiera.
-L’affranchissement de la mère soustraira l’homme à l’abâtardissement
-utérin qui en fait plus un sujet qu’un citoyen. La maison familiale
-deviendra une école où électeurs <span class="pagenum" id="Page_36">36</span> des deux sexes luttant
-d’émulation feront ensemble, sans y penser, leur éducation politique.
-Alors, la nation sera plus clairvoyante et aux phrases pompeuses qui
-retentissent dans les réunions d’électeurs et d’élus, succéderont
-des émissions d’idées, de plans, d’où pourront découler le bien de
-l’humanité.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Présentement, les électeurs pétris du sang et de la chair de dégradées
-civiques, vivant en tête-à-tête avec des repoussées de la vie publique,
-sont, par l’atavisme et le milieu ambiant, maintenus en une telle
-enfance politique qu’ils n’écoutent que les charlatans criant le plus
-haut, sachant le mieux persuader qu’ils feront couler du bourgogne des
-fontaines Wallace et tomber, rôties, du ciel les cailles.</p>
-
-<p>C’est seulement quand les femmes voteront, que Français et Françaises,
-s’instruisant mutuellement en discutant ensemble des affaires
-publiques, deviendront des électeurs souverains conscients.</p>
-
-<p>Assimiler les femmes aux hommes citoyens, épouvante le Français; nos
-partisans d’indépendance électorale aiment mieux laisser escroquer
-à l’électeur son vote que de le rendre promptement capable d’être
-son propre maître en admettant sa compagne si divinatrice, si
-investigatrice à coopérer avec lui aux affaires publiques.</p>
-
-<p>On reconnaît que la nation entière saurait mieux <span class="pagenum" id="Page_37">37</span> qu’une partie de
-la nation organiser son bonheur; on affirme que les Françaises ont des
-qualités propres qui complètent les qualités des Français.</p>
-
-<p>On dit que les tournants politiques cesseraient d’être dangereux, si la
-masse électorale avait pour la guider le jugement sûr et le tact inné
-de femmes.</p>
-
-<p>Pourtant, on reste privé de leur concours, on les élimine, au grand
-préjudice de la généralité des êtres, puisque les femmes intuitives
-seraient en arrivant sur la scène politique, les monitrices électorales
-qui démêleraient les questions et dessilleraient les yeux.</p>
-
-<p>Il n’est pas possible de «marcher vers la justice sociale» sans d’abord
-soustraire la moitié de l’humanité à l’oppression de l’autre moitié, en
-la munissant de cette arme libératrice, le bulletin de vote.</p>
-
-<p>On comprime la nature en annihilant les femmes et en les contraignant
-à jouer le rôle de traînardes paralysatrices d’efforts; alors, qu’il
-convient si bien à leur tempérament d’être des avant-gardes du progrès,
-faisant évoluer l’espèce.</p>
-
-<p>Quiconque se préoccupe de l’avancement humain, doit vouloir assurer à
-la République, le concours des femmes, en les faisant citoyennes.</p>
-
-<p>Lorsque hommes et femmes gèreront ensemble les affaires publiques, ils
-deviendront bientôt aptes à être eux-mêmes leurs représentants. Or,
-quand les Français et les Françaises seront leurs propres députés,
-ils économiseront avec les millions de l’indemnité parlementaire,
-beaucoup d’autres millions dépensés pour satisfaire <span class="pagenum" id="Page_38">38</span> les grands
-électeurs que chaque élu traîne après soi; et, l’on peut prévoir tout
-ce qui résultera d’heureux pour la population, du gouvernement exercé
-directement, par les Français et les Françaises.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>La mère qui a quarante ans d’expérience de la vie est bien plus
-préparée à exercer ses droits politiques, que son fils électeur à vingt
-et un ans.</p>
-
-<p>C’est en votant, que l’on apprend à bien voter.</p>
-
-<p>Les hommes gratifiés du suffrage en 1848 étaient beaucoup moins aptes
-que ne le sont les femmes d’aujourd’hui à exercer le suffrage; et,
-combien trouverait-on d’électeurs qui pourraient présentement offrir
-les garanties que l’on demande au sexe féminin? Pas plus que le droit
-de l’homme, le droit de la femme ne peut être soumis à des conditions,
-ni être ajourné par une question d’opportunité.</p>
-
-<p>Les spoliateurs des Françaises qui feignent de redouter leur arrivée
-dans la politique, savent fort bien que les femmes, au contraire,
-réveilleront l’enthousiasme des masses pour la République, puisqu’elles
-la rendront capable de réaliser les réformes attendues.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Pourquoi toutes les révolutions ont-elles si peu amélioré le sort
-humain?</p>
-
-<p>—Parce qu’elles ont passé par-dessus la tête des <span class="pagenum" id="Page_39">39</span> femmes sans les
-affranchir, et, que l’asservissement féminin est le plus grand obstacle
-au progrès.</p>
-
-<p>Les Françaises sont depuis si longtemps spoliées qu’elles ne peuvent
-croire que leur entrée dans le droit commun est indispensable à
-l’accélération de l’évolution humaine; elles ne seront persuadées
-qu’elles ont des droits que lorsqu’on les appellera à exercer ces
-droits.</p>
-
-<p>N’y aurait-il pas pour les hommes plus d’avantages à s’associer
-immédiatement la femme, dans la commune et dans l’Etat, qu’à risquer
-de se créer des difficultés, pour se donner la puérile satisfaction
-de garder encore un peu de temps hors la loi, les vingt millions de
-Françaises?</p>
-
-<p>Aucune unité de vues n’est possible entre Français et Françaises, avant
-qu’ils ne soient appelés à se concerter sur ce qui mutuellement les
-intéresse; c’est-à-dire, avant que ne soit substitué au jeu sans effet
-du petit suffrage restreint, la toute puissance transformatrice du
-grand suffrage universel.</p>
-
-<p>On dissipera l’incohérence politique, en élevant au niveau de l’homme,
-la femme qui moule et façonne les électeurs.</p>
-
-<p>L’éducation politique du pays serait maintenant achevée, si les hommes
-et les femmes avaient depuis 1848, appris à bien voter, en votant
-ensemble; et, au lieu de redouter que l’ignorance, la servilité,
-n’enrayent le progrès, on aurait la certitude que le bon sens général
-l’accélèrerait; car, la nation serait moralement augmentée, si la serve
-qui lui donne son empreinte était citoyenne.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_40">40</span></p>
- <h2 id="ch_8">LE VOTE DES FEMMES CÉLIBATAIRES</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Toutes les restrictions apportées à l’exercice des droits politiques
-de la femme étant préférables à l’exclusion du sexe féminin de la
-politique, nous admettrions, au pis aller, que pendant qu’elle est dans
-le mariage, la femme soit comme l’homme pendant qu’il est sous les
-drapeaux, privée du droit de voter.</p>
-
-<p>Mais la femme affranchie de la tutelle maritale, la femme apte à gérer
-toutes les affaires civiles et privées, n’est-elle pas apte aussi à
-gérer les affaires politiques et publiques?</p>
-
-<p>Si nous proposons de demander le suffrage d’abord pour les femmes
-instruites et pour les célibataires, c’est afin d’esquiver en même
-temps que la demande d’autorisation maritale, l’objection que la femme
-est une ignorante.</p>
-
-<p>En réclamant, dans l’intérêt du sexe entier, le pouvoir immédiat pour
-les plus libres d’affranchir celles qui sont opprimées, on ne favorise
-personne, attendu <span class="pagenum" id="Page_41">41</span> que les femmes mariées ne sont, pas plus que les
-célibataires, dans un état immuable et permanent.</p>
-
-<p>Tous les jours, des épouses deviennent veuves, donc célibataires; tous
-les jours, des filles majeures, des veuves, des divorcées deviennent
-des femmes mariées. Alternativement, les Françaises se remplacent
-dans leurs successives conditions; aussi, la tactique consistant à
-revendiquer d’abord le suffrage pour les momentanément majeures,
-c’est-à-dire pour les femmes ayant l’aptitude exigée des hommes pour
-être électeur, ne peut être qualifiée de transaction. C’est un moyen
-employé pour réussir.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Il ne peut point être question de décider à quelle catégorie de femmes
-on va donner le vote. Toutes les Françaises sont dans une situation
-trop instable pour être classées par catégories, et toutes ont droit au
-vote.</p>
-
-<p>Il s’agit de faire obtenir adroitement le suffrage au sexe féminin.
-Si on le réclame pour la généralité des femmes, on jette sans profit
-l’alarme au camp des maris. Si, au contraire, on introduit dans la
-citadelle politique, afin qu’elles en ouvrent la porte à toutes
-celles qui parmi les femmes n’ont pas leurs mouvements paralysés par
-la puissance maritale, on aplanit les difficultés, on prévient les
-objections et très promptement on triomphe.</p>
-
-<p>La revendication du suffrage pour les Françaises qui <span class="pagenum" id="Page_42">42</span> n’ont pas
-de mari est un démenti donné à ceux qui affirment que les femmes sont
-représentées à la Chambre par leur mari.</p>
-
-<p>M. Aulard, dans un de ses cours, a rappelé que les hommes ont commencé
-à user de cette échappatoire pour s’abstenir de conférer le vote aux
-femmes lors de la discussion de la Constitution de l’an III.</p>
-
-<p>A propos de l’abolition du suffrage universel, Rouzet, député de la
-Haute-Garonne, prit la parole pour dire que le suffrage universel
-n’avait pas existé puisque les femmes n’étaient pas admises au droit
-politique.</p>
-
-<p>Lanjuinais, lui répondit que les femmes étaient représentées par leurs
-maris.</p>
-
-<p>Depuis, les députés chargés de faire des rapports sur les pétitions
-réclamant le suffrage des femmes se sont toujours tirés d’embarras en
-répétant après Lanjuinais que les femmes étaient représentées par leurs
-maris.</p>
-
-<p>Il était nécessaire d’arrêter sur les lèvres des législateurs cette
-version erronée en demandant les droits électoraux pour les millions de
-Françaises qui n’ont pas de mari.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Quand on révise la loi électorale, des députés demandent quelquefois
-d’assurer la représentation des épouses en accordant aux électeurs
-mariés deux suffrages.</p>
-
-<p>Mais, jamais il n’a été question de charger quiconque de déposer un
-bulletin pour les Françaises célibataires. <span class="pagenum" id="Page_43">43</span> C’est que ces femmes-là
-sont des majeures devant le devoir public et que l’on ne peut contester
-leur droit.</p>
-
-<p>Ce droit des célibataires, les hommes l’appellent même parfois au
-secours de leurs privilèges; seulement, après qu’ils ont proclamé qu’il
-est indispensable que les veuves et les filles majeures aient des
-mandataires, ils leur disent qu’elles auraient l’esprit bien étroit si
-elles croyaient qu’elles ont besoin de voter pour être représentées à
-la Chambre.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Demander de concéder d’abord le suffrage aux femmes qui ont les
-qualités requises pour le posséder, ce n’est pas transiger, c’est
-adapter le droit à l’aptitude.</p>
-
-<p>Quand on a donné l’électorat consulaire aux commerçantes, quand on
-a accordé l’électorat et l’éligibilité aux conseils départementaux
-d’enseignement et au conseil supérieur de l’instruction publique, aux
-institutrices, on a adapté le droit à l’aptitude.</p>
-
-<p>Les épouses sous la tutelle de leur mari, qui ne seront pas
-provisoirement comme les femmes majeures aptes à exercer leurs droits
-politiques, ne se croiront pas plus déchues que les dames qui, n’étant
-ni commerçantes, ni institutrices, ne peuvent de celles-ci partager les
-privilèges.</p>
-
-<p>Les hommes sont-ils devenus tous à la fois électeurs?—Non. Avant que
-le suffrage soit pour eux <span class="pagenum" id="Page_44">44</span> universalisé, étaient exclus du vote les
-domestiques, les illettrés, les exemptés du service militaire, enfin
-ceux qui ne payaient pas deux cents francs d’impôts.</p>
-
-<p>Les femmes n’obtiendront peut-être pas non plus, toutes en même temps
-le suffrage; il est possible que ce ne soit que quand les veuves et les
-filles majeures voteront déjà que les épouses, acquerront la capacité
-électorale.</p>
-
-<p>La tactique consistant à réclamer d’abord l’électorat des célibataires,
-a pour but d’obtenir plus vite les droits politiques aux femmes mariées.</p>
-
-<p>Est-il besoin de rappeler qu’en Angleterre le vote des célibataires a
-précédé de vingt-cinq ans le vote des femmes mariées? C’est en 1869
-que l’électorat municipal a été octroyé aux Anglaises non mariées, et
-ce n’est qu’en 1894 que ce même électorat municipal a été accordé aux
-Anglaises mariées.</p>
-
-<p>L’éligibilité aux borough councils n’a encore été conférée qu’aux
-Anglaises célibataires, veuves ou filles inscrites sur les listes
-électorales de leur résidence.</p>
-
-<p>La ruse de guerre dont nous usons en demandant que la catégorie de
-femmes qui n’est pas sous la puissance maritale, qui administre déjà
-ses affaires particulières, puisse gérer ses affaires publiques, nous
-a été suggérée par les législateurs qui ont rejeté nos pétitions
-réclamant les droits politiques pour toutes les Françaises, en
-alléguant que les femmes étaient représentées par leurs maris.</p>
-
-<p>Nous avons voulu savoir ce que les députés pourraient <span class="pagenum" id="Page_45">45</span> bien
-objecter à la revendication du vote pour les nombreuses femmes n’ayant
-pas de mari, donc n’étant pas représentées.</p>
-
-<p>Tel est le motif de la pétition suivante.</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p>
-
- <p>«Nous vous prions de bien vouloir conférer le droit électoral aux
- millions de Françaises célibataires—les filles majeures, les
- veuves, les divorcées—qui sont maîtresses de leur personne, de
- leur fortune, de leurs gains, afin qu’elles puissent, en votant,
- sauvegarder, dans la commune et dans l’Etat, leurs intérêts qui
- sont actuellement laissés à l’abandon.»</p>
-</div>
-
-<p>Cette pétition déposée en 1901 sur le bureau de la chambre, fut
-transformée en projet de loi par M. Gautret, député.</p>
-
-<p>Notre proposition d’attribuer d’abord l’électorat aux célibataires
-excita l’indignation de quelques femmes mariées; l’une d’elles nous
-écrivit:</p>
-
-<p>«Alors vous pensez que le mariage est une déchéance morale?»</p>
-
-<p>Le mariage n’est pas une déchéance morale, mais il est une déchéance
-légale bien caractérisée, puisqu’il dépouille, annihile l’épouse, fait
-redevenir mineure la femme, fût-elle depuis dix ans majeure quand elle
-se maria.</p>
-
-<p>La participation du plus petit nombre de femmes à <span class="pagenum" id="Page_46">46</span> la politique
-aurait de suite un résultat heureux pour tout le sexe, attendu
-que les intérêts féminins étant identiques, les dames électeurs
-sauvegarderaient avec les leurs, les intérêts des autres femmes.</p>
-
-<p>Il est bien entendu, que nous voulons le suffrage pour les épouses
-comme pour les demoiselles, les veuves, les divorcées. Pendant que
-toutes les femmes de la nation ne voteront point avec les hommes, le
-suffrage ne sera pas en France universel, mais plus ou moins restreint,
-réduit, émasculé.</p>
-
-<p>Ce principe posé, on reconnaîtra que c’est une tactique habile
-d’employer les célibataires à faire une brèche en la forteresse des
-privilèges masculins par où l’armée entière des femmes passera. Nul ne
-peut nous blâmer de pousser vers les urnes les plus libres pour hâter
-l’affranchissement de celles qui le sont le moins; car, en politique
-comme à la guerre et au jeu, il faut savoir user de stratagème pour
-être victorieux.</p>
-
-<p>Ne vaudrait-il pas mieux que les moins assujetties parmi les femmes
-aient avec le bulletin le pouvoir d’arracher aux fers les triplement
-enchaînées, que de les regarder souffrir sans avoir la possibilité de
-leur porter secours?</p>
-
-<p>Les législateurs n’osent appeler à exercer leurs droits politiques, les
-filles majeures, les veuves et les divorcées, parce qu’ils savent bien
-que le sexe féminin, entier, aussitôt les suivrait dans la salle de
-vote.</p>
-
-<p>Cependant, la très nette déclaration ci-dessous fut un jour faite à
-la chambre par un orateur: «Il y a des <span class="pagenum" id="Page_47">47</span> personnes qui ne votent
-pas dans la nation, mais qui ont des intérêts et des droits à être
-représentées. Ces personnes ce sont les femmes célibataires et les
-veuves disposant de leur fortune, ayant réellement des intérêts
-manifestes, ayant droit à avoir des représentants de ces intérêts.» Les
-députés applaudirent.</p>
-
-<p>Quelle objection pourrait-on faire au droit des Françaises célibataires
-de se nommer des représentants? Il est impossible de prétexter pour
-elles d’empêchements naturels temporaires, ou de les dédaigner, car
-leur nombre est considérable. Cette catégorie de femmes formerait un
-Etat dans l’Etat.</p>
-
-<p>On compte en France près de six millions de demoiselles qui, avec les
-légions de veuves et les divorcées, représentent un total imposant
-d’individualités dont les intérêts ne sont pas même représentés
-indirectement par un mari au Parlement, aux conseils généraux et
-municipaux.</p>
-
-<p>Comme l’homme, la célibataire est maîtresse absolue de sa personne et
-de sa fortune. Elle garde avec son nom sa personnalité, fait ce qu’elle
-veut, vit comme elle l’entend. Pourquoi cette femme ne voterait-elle
-pas?</p>
-
-<p>Il est de l’intérêt général que le droit électoral soit rendu
-accessible aux célibataires dont l’activité et les facultés affectives
-demeurent inutilisées, sont perdues pour la société, pendant qu’elles
-ne peuvent se dépenser au profit du bien public.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_48">48</span></p>
- <h2 id="ch_9">VOUS N’ÊTES PAS MILITAIRES!</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Quand les femmes demandent à voter, ceux mêmes qui parlent de supprimer
-les armées permanentes leur répondent: «Vous ne pouvez jouir des
-prérogatives politiques puisque vous ne portez pas le fusil».</p>
-
-<p>La loi de deux ans sert aux antiféministes de prétexte pour déclarer
-que les femmes point astreintes aux obligations militaires imposées aux
-hommes, ne peuvent être en la société leurs égales.</p>
-
-<p>C’est peine perdue de leur faire remarquer que la loi de neuf mois
-renouvelable est plus dure pour les femmes que la loi de deux ans
-pour les hommes; que beaucoup plus de femmes succombent sur le lit de
-douleur pour l’œuvre de création, que d’hommes sur le champ de bataille
-pour l’œuvre de destruction.</p>
-
-<p>Les femmes ne se battent pas; mais, tous les hommes non plus ne se
-battent pas; il y a de par le monde une foule d’hommes impropres au
-service militaire; on les appelle des réformés, ces réformés, jouissent
-cependant de leurs droits civiques.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_49">49</span></p>
-
-<p>Personne n’a jamais songé à contester le droit de vote à ceux que le
-conseil de revision a repoussés.</p>
-
-<p>Il est donc bien singulier de voir se manifester quand le sexe féminin
-réclame ses droits, des exigences que l’on n’a pas pour le sexe
-masculin.</p>
-
-<p>Cette objection du service militaire n’est pas nouvelle. J’ai épinglé
-dans mon cabinet de travail un numéro du <i>Grelot</i> illustré, où
-sous ce titre «Hubertinauclertinade», Alfred Le Petit a dessiné un
-militaire qui interpelle ainsi une femme enceinte:</p>
-
-<p>—Eh! dites donc vous, la citoyenne, puisque vous voulez les mêmes
-droits que nous, venez donc faire aussi vos vingt-huit jours?</p>
-
-<p>—Pourquoi pas, si vous voulez faire nos neuf mois?... répond la future
-mère.</p>
-
-<p>Les plaisantins qui voudraient laisser la femme hors du droit commun,
-parce qu’elle n’assume pas à la fois la peine de perpétuer la race
-et celle de défendre le territoire, négligent de songer que, s’ils
-exigeaient pour leur sexe pareil cumul, il serait infiniment moins
-facile aux hommes d’être mères qu’aux femmes d’être soldats.</p>
-
-<p>Il y a déjà eu des femmes soldats: les Gauloises accompagnaient leurs
-maris à la guerre, elles étaient si intrépides, elles maniaient avec
-tant d’adresse le bouclier, qu’elles avaient reçu en présent de leur
-fiancé, qu’un Gaulois pouvait, disait-on, terrasser six ennemis s’il
-était secondé par sa femme dont les bras nerveux se raidissaient et
-portaient des coups aussi terribles que ceux des pierres lancées par
-des catapultes.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_50">50</span></p>
-
-<p>Sous l’ancienne France des femmes se ceignaient virilement d’un habit
-de guerre, combattaient, ou se précipitaient entre les bataillons
-armés, pour les empêcher d’en venir aux mains en s’écriant:
-«Gardez-vous de livrer un combat ou périra tout le bien du pays.»</p>
-
-<p>Les femmes se font soldats aux heures désespérées.</p>
-
-<p>Avant et après Jeanne Darc notre héroïne nationale, qui en 1429 arracha
-la France aux Anglais en les forçant avec un réel génie militaire, à
-lever le siège d’Orléans après les avoir vaincus à Patay—A toutes les
-époques de l’histoire des femmes se sont distinguées par des actions
-d’éclat.</p>
-
-<p>Jacqueline Robin, sauva la ville de Saint-Omer, en lui procurant des
-vivres et des munitions.</p>
-
-<p>Jeanne Hachette, défendit héroïquement Beauvais, assiégée par
-Charles-le-Téméraire.</p>
-
-<p>M<sup>lles</sup> Ferny, se battirent si bien que la Convention leur envoya deux
-chevaux caparaçonnés.</p>
-
-<p>Combien d’autres femmes se sont enrôlées dans les armées de la
-République: Marie Pochelet, Madeleine Petit-Jean, Rose Marchand, Elisa
-Quatresou, pour ne citer que celles-là, obtinrent de la Convention des
-éloges et des pensions.</p>
-
-<p>Thérèse Figueur, qui fut dragon eut deux chevaux tués sous elle, fut
-cinq fois blessée; se retira en 1815 après 22 ans de service militaire
-avec 200 francs de pension.</p>
-
-<p>Virginie Ghesquière dite le «joli sergent,» s’engagea <span class="pagenum" id="Page_51">51</span> à la place
-de son frère jumeau qui n’avait pas sa vigueur et se distingua à Wagram.</p>
-
-<p>Angélique Brûlon, nommée sous-lieutenant et décorée de la légion
-d’honneur, fut après ses campagnes admise aux invalides.</p>
-
-<p>Marie Schellinck, frappée de six coups de sabre à Jemmapes, blessée à
-Austerlitz et à Iéna eut une citation à l’ordre du jour de l’armée;
-après Arcole fut nommée sous-lieutenant et décorée pour ses douze
-campagnes et ses 17 ans de service.</p>
-
-<p>Ni les Conventionnels, ni Bonaparte, n’encourageaient l’enrôlement
-des femmes dans les bataillons. On était porté à confondre ces braves
-soldates, avec les troupeaux de filles qui de tous temps avaient
-encombré les camps; et que les chefs d’armée, soucieux de la santé de
-leurs troupes ordonnaient parfois de jeter dans la rivière. En 1760 le
-maréchal de Broglie leur faisait noircir le visage avec une drogue qui
-les marquait pour six mois. C’était un moyen préférable au fouet qui,
-disait le maréchal, ne les empêche pas de revenir.</p>
-
-<p>Bonaparte eut recours au même système, il ordonna de passer au noir les
-femmes qui venaient sans autorisation à l’armée.</p>
-
-<p>En 1870, une institutrice, M<sup>lle</sup> Lix fit brillamment la campagne des
-Vosges.</p>
-
-<p>D’autre part, Livingstone nous rapporte en le récit de ses voyages, que
-dans le petit royaume de Bantam (Ile de Java) les capitaines et les
-soldats sont des femmes.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_52">52</span></p>
-
-<p>L’Amérique méridionale a le fleuve des <i>Amazones</i>, parce que sur
-les rives de ce cours d’eau des femmes combattirent.</p>
-
-<p>En 1865, Lopez, pour lutter contre le Brésil, enrôla les Paraguayennes,
-elles se battirent si vaillamment, et se firent tuer avec tant de
-courage, qu’après la paix signée il n’y avait plus au Paraguay que des
-hommes.</p>
-
-<p>Au Dahomey, l’armée permanente formée des femmes repoussa souvent nos
-troupes; et, pour conquérir ce pays à la France, nos soldats durent
-en 1892 énergiquement lutter contre les intrépides amazones dont ils
-admiraient la bravoure.</p>
-
-<p>Les femmes ont un peu partout suffisamment prouvé qu’elles étaient
-aptes à porter les armes, et qu’elles pourraient être avantageusement
-utilisées par le département de la guerre.</p>
-
-<p>Avec les femmes «riz—pain—sel» nos soldats qui souvent souffrent
-et meurent surtout des privations endurées, seraient certains d’être
-toujours réconfortés, sustentés, car ils seraient l’objet de la
-sollicitude de celles qui sachant seules ce qu’un homme coûte à faire,
-comprennent réellement seules l’importance qu’il y a à le conserver.</p>
-
-<p>Les femmes pourraient augmenter l’effectif de l’armée en prenant dans
-l’administration et l’intendance la place des hommes qui ont été
-distraits des bataillons.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Il faut prévoir—un conflit sérieux surgissant—la <span class="pagenum" id="Page_53">53</span> nécessité que
-tous les hommes soient à la frontière et assurer le fonctionnement des
-services de l’intendance au moyen de l’élément national qui ne porte
-pas le fusil, au moyen des femmes.</p>
-
-<p>Au théâtre, pour parer à tout événement, on fait apprendre les rôles à
-plusieurs acteurs, on a des artistes prêts à suppléer le chef d’emploi;
-pourquoi donc, lorsqu’il s’agit non plus de comédie, mais de cette
-effrayante réalité pour la France: être, ou ne pas être! oublie-t-on
-la prévoyance, néglige-t-on d’assurer avec des remplaçants féminins
-le fonctionnement de transports, d’approvisionnements de vivres et de
-munitions?</p>
-
-<p>IL suffirait de diriger le dévouement que beaucoup de femmes prodiguent
-durant les chocs sanglants, pour obtenir du sexe féminin une
-coopération précieuse.</p>
-
-<p>Nulle guerre n’a eu lieu, sans que plusieurs Françaises bravent la
-mort pour aider au ravitaillement des armées bloquées, pour porter
-des munitions aux assiégés. En 1870, à Châteaudun, M<sup>me</sup> Jarrethout
-entretenait de munitions, sous le feu prussien, les combattants:
-pendant qu’à Pithiviers M<sup>lle</sup> Dodu subtilisait ingénieusement les
-télégrammes allemands et ainsi sauvait un de nos corps d’armée.</p>
-
-<p>Ni la décision, ni le sang-froid, ni l’intrépidité, ne font défaut aux
-femmes. Qu’on leur permette donc d’augmenter le nombre des hommes qui
-se battent, en les remplaçant dans les services inactifs comme elles
-les remplacent dans l’industrie, en continuant le commerce, <span class="pagenum" id="Page_54">54</span> dans
-l’agriculture en faisant prospérer la ferme quand ils ne sont pas là.</p>
-
-<p>Les féministes ont depuis plus de 25 ans proposé d’utiliser les
-Françaises dans les services auxiliaires de l’armée: L’intendance, la
-manutention, l’équipement, l’infirmerie et tout ce qui a rapport aux
-vivres et aux munitions.</p>
-
-<p>Lors de la campagne de Tunisie, tous les journaux publièrent une
-lettre adressée au général Farre, ministre de la guerre, dont voici un
-passage: «Nos soldats vaincraient vite l’ennemi et la maladie, si un
-personnel dévoué, veillait à leur bien-être matériel. Qu’on appelle les
-femmes à faire leur service humanitaire—pendant du service militaire
-des hommes—et l’on aura ce personnel<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>.»</p>
-
-<p>Après ces offres de service, comment peut-on oser dire aux femmes qu’il
-faut qu’elles soient militaires pour avoir leur part de souveraineté?</p>
-
-<p>Les mères remplissent des charges au moins équivalentes aux obligations
-des militaires et elles n’ont pas les avantages dont jouissent ceux-ci.</p>
-
-<p>La femme chargée de perpétuer la nation, devrait être traitée de même
-que le soldat chargé de défendre le territoire; comme le soldat, la
-mère devrait être logée, nourrie, vêtue par la société.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_55">55</span></p>
- <h2 id="ch_10">VOUS ÊTES CLÉRICALES!</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Dès les temps les plus reculés, la ruse religieuse a aidé la force
-gouvernementale à asservir, exploiter, spolier les femmes.</p>
-
-<p>Sans demander aux femmes de se soumettre à une quelconque formalité,
-pouvoirs spirituels et pouvoirs temporels se sont entendus pour leur
-confisquer leurs droits, les annuler.</p>
-
-<p>Les femmes accusées d’avoir causé la perte du genre humain, furent
-vouées à l’opprobre par le christianisme qui sanctionna la tradition
-juive de la chute de la femme.</p>
-
-<p>Au lieu d’élever à leur niveau la génératrice que les pères de l’Eglise
-avaient mis sous leurs pieds, les laïques, qui rient de la légende
-biblique, ont adopté le dogme religieux de l’infériorité de la femme;
-et, l’exclue du sacerdoce a été exclue du suffrage.</p>
-
-<p>Pour évincer les femmes de la politique qui leur octroierait leur part
-des avantages sociaux, les hommes prétextent qu’elles sont cléricales.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_56">56</span></p>
-
-<p>La séparation de l’église et de l’Etat en ses divers incidents, a
-révélé que ce croquemitaine le cléricalisme, avec lequel on impose
-depuis si longtemps silence aux femmes, est un épouvantail aussi fictif
-que ceux dont on se sert pour effrayer les enfants.</p>
-
-<p>Du moment que les ministres des différents cultes sont électeurs on n’a
-pas d’objection à faire contre l’électorat des femmes fussent-elles
-pratiquantes de ces cultes.</p>
-
-<p>Car, si le fait d’avoir les opinions religieuses est par lui-même
-répréhensible, peu importe le sexe des personnes qui ont ces opinions.
-On peut même soutenir que les actes religieux accomplis par les hommes
-qui se sont attribué dans la société un rôle prépondérant, ont une
-portée plus considérable que ceux accomplis par des femmes annulées.</p>
-
-<p>Pourquoi les femmes croyantes seraient-elles donc traitées avec plus de
-rigueur que les hommes croyants?</p>
-
-<p>On ne demande pas aux hommes quelles sont leurs idées philosophiques
-quand on leur délivre la carte électorale: les prêtres, les pasteurs,
-les rabbins, la reçoivent, comme les libres-penseurs.</p>
-
-<p>Puisque les hommes ne sont pas spoliés de leurs droits pour cause
-d’opinions, pourquoi les femmes le seraient-elles?</p>
-
-<p>Si la religiosité aide plutôt des hommes à s’élever dans la République
-aux premières fonctions et dignités, comment cette religiosité
-ferait-elle dégrader civiquement les femmes?</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_57">57</span></p>
-
-<p>Ceux qui excommunient les Françaises de la vie publique, entendent
-substituer au déisme, le masculinisme.</p>
-
-<p>—Femmes! disent-ils, ne croyez pas à l’infaillibilité du pape, mais
-admettez sans discussion l’infaillibilité de l’homme!</p>
-
-<p>Ce sont surtout les femmes malheureuses en ménage qui s’adonnent au
-mysticisme. Cela m’a été tant de fois démontré, que dès qu’un citoyen
-me confie que sa compagne légitime ou illégitime, tombe dans la
-religiosité ou l’occultisme; avec la certitude d’avoir devant moi un
-coupable, je lui demande aussitôt:—Qu’avez-vous fait à votre femme?</p>
-
-<p>Pendant qu’elles sont les embastillées des codes, s’occuper de
-l’opinion des femmes, c’est comme si l’on s’occupait du chemin qu’un
-prisonnier prendra quand il aura brisé ses chaînes. Tous les délivrés
-de l’oppression courent du côté où ils voient le plus de liberté.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>On arrête le progrès en laissant à la loi l’empreinte cléricale qui lui
-fait inférioriser le sexe pour lequel les pères de l’Eglise avaient une
-haine contre nature.</p>
-
-<p>Ainsi que saint Jérôme et saint Cyprien, qui mutilaient leurs corps
-pour s’abstenir de s’avilir avec la femme impure, les législateurs
-libres-penseurs mutilent le corps social, retranchent la moitié de ses
-membres, pour s’épargner l’impur contact féminin.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_58">58</span></p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Les détenteurs du pouvoir considérèrent toujours comme subversive
-l’idée féministe. L’Eglise favorisa cette tendance en flétrissant au
-concile de Paris «les dames qui au mépris de la constitution canonique,
-se mêlent des choses de l’autel, manient effrontément les vases sacrés
-et, ce qui est plus grave, plus indécent, plus inepte, offrent le corps
-et le sang du Seigneur aux fidèles».</p>
-
-<p>Quand les hommes veulent se réserver le monopole d’une bonne place, que
-ce soit celle de prêtre ou celle de député, ils sont d’accord, pour
-dire à la femme que c’est inepte et indécent, de la leur disputer.</p>
-
-<p>Les libres-penseurs enlèvent aux femmes l’espoir d’être indemnisées au
-ciel de leurs souffrances; mais, ils ne se hâtent point de leur donner
-ici-bas tout leur dû.</p>
-
-<p>Laïciser la France, ce n’est pas seulement cesser de payer
-pour enseigner des dogmes religieux, c’est rejeter la loi
-cléricale—infériorisant la femme—qui découle de ces dogmes.</p>
-
-<p>Les apôtres de la foi civile qui dénient aux Françaises leurs droits
-politiques, sont frères jumeaux des évêques du concile de Mâcon, qui se
-demandaient si les femmes avaient une âme et faisaient partie du genre
-humain.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_59">59</span></p>
- <h2 id="ch_11">LA RELIGION LAIQUE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Je fus un jour déléguée par une société de libres-penseurs pour prendre
-la parole à un mariage civil. Aucun programme ne m’ayant été tracé,
-je crus avoir carte blanche et après avoir entendu le maire lire aux
-nouveaux époux les articles 213-214-215-217 du Code civil, je ne pus
-m’empêcher de dire aux conjoints:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Il ne suffit pas que vous vous absteniez d’aller à l’Eglise faire
- bénir votre union, vous devez encore réprouver le texte de la loi
- basée sur l’esprit de l’Eglise qui consacre le principe d’autorité.
- Si vous voulez être heureux dans le mariage, traitez-vous en amis! en
- associés! en égaux!... Ne tenez pas plus compte de la loi qui outrage
- et infériorise la femme, que vous n’avez tenu compte du droit canonique
- qui vous enjoignait de vous marier à l’Eglise.»</p>
-</div>
-
-<p>Le préfet de la Seine indigné qu’il soit fait des correctifs au Code,
-adressa aux maires de Paris la circulaire suivante:</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_60">60</span></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center">LES MARIAGES CIVILS</p>
-
- <p class="rdate">Paris, le 21 avril 1880.</p>
-
- <p class="ldestinataire">Messieurs et chers collaborateurs,</p>
-
- <p>Une de nos préoccupations communes les plus vives a été de
- maintenir et d’accroître la dignité de la cérémonie du mariage
- civil.</p>
-
- <p>Mais il ne suffit pas, pour rendre à la loi le respect qu’elle
- mérite, que la cérémonie s’accomplisse régulièrement et que l’ordre
- matériel ne soit pas troublé il faut encore que les paroles
- contraires au respect de la loi ne puissent s’élever dans le lieu
- même où l’on vient rendre hommage à la loi.</p>
-
- <p>Nous voulons augmenter le prestige du mariage civil, et nous
- laisserions critiquer publiquement la législation qui le consacre
- au moment même où l’acte vient de s’accomplir.</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>Il y a quelques jours, à la mairie du dixième arrondissement, à
- la suite et à l’occasion d’un mariage civil, une personne dont
- on parle beaucoup en ce moment a prononcé un discours dont le
- texte même ne m’est pas connu, mais dont le fonds roulait sur les
- inégalités établies entre le mari et la femme par les articles du
- Code civil dont l’officier de l’état-civil venait de donner lecture
- quelques instants auparavant.</p>
-
- <p>Vous sentez, messieurs et chers collaborateurs, sans que j’y
- insiste de nouveau, à quel point de tels faits sont intolérables.</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_61">61</span></p>
-
- <p>Que la personne dont j’ai parlé développe ses idées dans des
- réunions, qu’elle les communique aux journaux, nous n’avons
- rien à dire à cela; qu’elle les transforme en réclamations
- administratives, nous ne nous en plaignons pas; qu’elle demande
- son inscription sur les listes électorales; qu’elle requière sa
- radiation du rôle des contributions; qu’elle postule son admission
- sur les listes de recrutement; elle use ou elle usera d’un droit et
- les inconvénients sont nuls; les pouvoirs compétents ont statué ou
- statueront.</p>
-
- <p>Mais ici le cas est tout différent, il n’y a pas de droit; et,
- quant aux inconvénients, ils éclatent d’eux-mêmes: demain, un
- partisan d’idées opposées à celles qui ont été exposées à la mairie
- du dixième arrondissement prendrait la parole; puis ce serait
- le tour d’un autre, et la polémique et les discours des clubs
- s’établiraient dans la maison de la loi et la transformeraient en
- lieu de trouble et d’agitation, à la grande joie de nos ennemis.</p>
-
- <p>Toute personne n’a pas le droit de prendre la parole à un mariage
- civil. Cela est bon à rappeler.</p>
-
- <p>Mais la condition essentielle qui constitue la seule garantie
- véritable contre les incidents imprévus c’est la présence continue
- de l’officier de l’état-civil.</p>
-
- <p>Il importe que vous soyez là, que vous y soyez jusqu’à la fin, pour
- qu’au premier écart qui se produirait, vous déclariez la séance
- levée et donniez l’ordre de faire évacuer la salle.</p>
-
- <p>Veuillez agréer, messieurs et chers collaborateurs, l’expression de
- mes sentiments affectueux et dévoués.</p>
-
- <p class="rsignature"><i>Le sénateur, préfet de la Seine</i>,</p>
-
- <p class="rsignature2"><span class="smcap">F. HÉROLD</span>.</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_62">62</span></p>
-
-<p>«La personne avec laquelle M. Hérold polémique dit <i>Le Temps</i> qui
-s’occupe de la chose avec une douce gaieté, n’est autre que M<sup>lle</sup>
-Hubertine Auclert.»</p>
-
-<p>M. E. Lepelletier écrit dans <i>Le mot d’Ordre</i>:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Il s’agit on le sait de M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert, qui, à un mariage
- civil au lieu de se borner à féliciter les nouveaux époux au nom de
- la commission de la Libre-Pensée du 10<sup>e</sup> dont elle fait partie, a
- paraît-il, parlé des inégalités entre mari et femme et critiqué le texte
- du Code civil dont l’officier de l’état-civil venait de donner lecture.»</p>
-</div>
-
-<p><i>La Justice</i> demande «En quoi importe-t-il qu’il soit fait ou
-non, à la suite de la célébration du mariage, des dissertations
-sur le rôle de la femme dans la société? La loi en est-elle
-amoindrie? L’institution du mariage est-elle atteinte par ces
-pratiques?—Evidemment non.»</p>
-
-<p>Les libres-penseurs furieux, que j’aie osé conseiller de transgresser
-les dogmes légaux, déclarèrent qu’à l’avenir les hommes seuls seraient
-les officiants de la religion laïque; néanmoins, les mairies leur
-furent momentanément fermées. Ce ne fut que deux ans après cet
-incident, qu’ils purent de nouveau discourir dans les salles des
-mariages. J’écrivis alors au préfet de la Seine, M. Floquet la lettre
-suivante:</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_63">63</span></p>
-
-<div class="quote">
- <p class="rdate">Paris, 4 septembre, 1882.</p>
-
- <p class="ldestinataire">Monsieur le Préfet,</p>
-
- <p>«J’apprends par les journaux qu’un libre-penseur a harangué des
- nouveaux mariés dans une mairie de Paris, et je m’empresse de vous
- remercier d’avoir levé l’interdit de M. Hérold, interdit motivé par
- une allocution que j’avais faite en semblable occasion.</p>
-
- <p>«Je ne doute pas que la liberté d’adresser dans les mairies
- quelques mots aux nouveaux mariés, liberté dont je serai
- heureuse d’user, est octroyée aux femmes comme aux hommes, aux
- <i>féministes</i>, comme aux libres-penseurs; car, il serait
- incompréhensible que les libres-penseurs puissent aller à la
- mairie critiquer l’église sur l’esprit de laquelle reposent les
- lois matrimoniales, alors que les <i>féministes</i> ne pourraient
- aller à cette même mairie critiquer les lois matrimoniales qui sont
- basées sur l’esprit de l’église.</p>
-
- <p>Vous ne ferez pas de distinction, monsieur, entre ceux qui
- attaquent l’effet et ceux qui attaquent la cause du moment
- qu’un partisan de la libre-pensée a pu parler, les partisans du
- <i>Féminisme</i> ont le droit de parler.</p>
-
- <p>Veuillez agréer, monsieur le Préfet, l’assurance de ma
- considération très distinguée.</p>
-
- <p class="rsignature3">«<span class="smcap">Hubertine Auclert</span>»</p>
-
- <p class="rsignature">Directrice de «<i>La Citoyenne</i>.»</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_64">64</span></p>
-
-<p>En son numéro du 5 septembre 1882, <i>Le Temps</i> en parlant de ma
-lettre au préfet souligne le mot <i>Féministes</i>: «M<sup>lle</sup> Hubertine
-Auclert a, dit-il, réclamé au profit des femmes, ou plutôt, le mot
-est joli, des <i>féministes</i>, un droit égal à celui que s’arrogent
-les libres-penseurs. Pourquoi, en effet, les <i>féministes</i>, ne
-profiteraient-ils pas de ces occasions-là pour prêcher leurs dogmes
-particuliers?»</p>
-
-<p>Les expressions: <i>Féminisme</i>, <i>Féministes</i>, ont été dès lors
-employées.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_65">65</span></p>
- <h2 id="ch_12">LES FEMMES ONT VOTÉ EN FRANCE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Le sexe féminin qui est aujourd’hui annulé dans la commune et dans
-l’Etat, intervenait parfois jadis dans les affaires publiques.</p>
-
-<p>Tacite nous apprend, que les femmes Gauloises étaient appelées dans
-toutes les assemblées délibérantes où les plus graves questions étaient
-traitées et où elles discutaient et votaient.</p>
-
-<p>Les historiens, parlent de la sagesse du Sénat des femmes Gauloises.</p>
-
-<p>Plutarque nous dit, que les femmes Lyguriennes furent investies
-d’une autorité politique supérieure à celle des hommes, à l’occasion
-d’interminables querelles qui amenaient les Lyguriens à une guerre
-civile. Déjà, les deux partis avaient couru aux armes, ils se
-mesuraient des yeux sur le champ de bataille, lorsque les femmes se
-précipitant entre eux voulurent connaître le sujet de leur discorde.
-Elles le discutèrent et le jugèrent avec tant d’équité et de raison,
-qu’une amitié de tous avec tous régna dès lors, non seulement <span class="pagenum" id="Page_66">66</span> dans
-chaque cité, mais dans chaque famille. De là, naquit l’usage d’appeler
-les femmes aux délibérations sur la paix et la guerre.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Les Gaulois prenaient les femmes pour arbitres de leurs
-différends.</i></p>
-
-<p>Quand les soldats d’Annibal, venant d’Espagne, voulurent passer les
-Alpes pour envahir l’Italie, les Gaulois, qui se demandaient si ils
-laisseraient le général Carthaginois traverser leur pays, prirent les
-femmes pour arbitres et les chargèrent de régler les difficultés qui
-pourraient surgir. Il fut stipulé dans le traité passé entre Annibal et
-les Gaulois: «Que si les Carthaginois avaient à se plaindre de leurs
-hôtes, ils exposeraient leurs griefs au tribunal des dames Gauloises
-lesquelles en seraient juges.» (Fauchet)</p>
-
-<p>Annibal reconnut cette autorité féminine si nouvelle pour un
-Carthaginois. Quelques femmes siégeant au bord du Tet, prononcèrent
-en dernier ressort sur la demande et les plaintes de celui qui allait
-ébranler Rome. Il n’eut, paraît-il, jamais qu’à se féliciter des arrêts
-du tribunal féminin.</p>
-
-<p>Les Celtes ou Germains délibéraient aussi avec leurs femmes sur la paix
-et la guerre; c’était avec les femmes—auxquelles ils attribuaient
-une divination sacrée et prophétique—qu’ils éclaircissaient tous les
-différends qui s’élevaient entre eux.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_67">67</span></p>
-
-<p>Sous le règne de Cécrops, premier roi d’Athènes, les femmes avaient
-voix dans les délibérations publiques.</p>
-
-<p>Dès les temps les plus reculés les femmes des populations de races
-diverses habitant le territoire des Gaules étaient considérées et
-jouaient un grand rôle.</p>
-
-<p>On attribuait aux Gauloises des lumières surnaturelles, l’art de la
-divination. Les Druidesses Gauloises étaient célèbres: Velléda passait
-pour une divinité 71 ans après J.-C.</p>
-
-<p>Mais la Gaule est envahie par les Francs, les Wisigoths; et le
-vainqueur substitue aux lois et mœurs Gauloises, les siennes.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_68">68</span></p>
- <h2 id="ch_13">LA LOI SALIQUE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Les Francs-Saliens en leur législation barbare rédigée en latin
-et publiée sous Clovis, Dagobert, Charlemagne, déclarèrent que la
-propriété allodiale (héréditaire) ou terre salique, ne pouvait être
-dévolue aux femmes, et que, par conséquent, celles-ci étaient inhabiles
-à succéder au trône de France.</p>
-
-<p>Les Etats-Généraux de 1317 interprétèrent cette disposition des
-anciennes coutumes des Francs-Saliens, dite <i>loi salique</i>, au
-détriment de Jeanne fille de Louis X, en faveur de Philippe V. Et
-depuis, fussent-elles reconnues supérieures aux fils de France, toutes
-les filles de France furent exclues de la royauté.</p>
-
-<p>Pourtant, si les femmes ne pouvaient régner elles gouvernaient parfois,
-en qualité de régentes, le royaume.</p>
-
-<p>Richilde, femme de Charles-le-Chauve, eut à la mort de son mari la
-régence de l’empire (870). Elle prit place dans l’assemblée des évêques
-et présida même un concile.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_69">69</span></p>
-
-<p>Louis VI traitait sa femme Adélaïde en associée. Il voulait que son nom
-figure avec le sien dans la rédaction des chartes et de tous les actes
-publics (1120).</p>
-
-<p>Jeanne de Navarre, épouse de Philippe IV, gouverna fort bien la
-Champagne et la Navarre qui lui appartenaient. Douée d’une intelligence
-supérieure et d’une rare énergie, elle empêcha le comte de Bar
-d’envahir la Champagne, le battit et le ramena prisonnier à Paris
-(1297).</p>
-
-<p>Jeanne de Bourgogne femme de Philippe de Valois était associée aux
-actes les plus importants de l’Etat. Son mari l’autorisait à tout
-signer (1328).</p>
-
-<p>Anne de Beaujeu, fille aînée de Louis XI fut régente du royaume pendant
-six ans, en raison de la minorité de son frère Charles VIII. Elle
-prouva tellement qu’elle était une politique consommée, que la régence
-et le pouvoir lui furent maintenus par les Etats de Tours (1484) à
-l’exclusion du duc d’Orléans.</p>
-
-<p>Anne de Bretagne, qui épousa successivement Charles VIII et Louis XII,
-prenait aux affaires publiques la part la plus active, elle recevait
-les ambassadeurs et les princes dans de véritables cours plénières.</p>
-
-<p>Catherine de Médicis gouverna le royaume pendant les règnes de François
-II, Charles IX et Henri III.</p>
-
-<p>Marie de Médicis fut régente. Anne d’Autriche fut régente.</p>
-
-<p>Les impératrices Marie-Louise et Eugénie de Montijo furent régentes.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_70">70</span></p>
- <h2 id="ch_14">LES PRÉROGATIVES DES FEMMES EN L’ANCIENNE FRANCE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>La féodalité fit des femmes juges. On a conservé des arrêts rendus par
-des femmes juges au XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècle qui valent ceux de nos
-meilleurs magistrats.</p>
-
-<p>Louis VII dit (le jeune) maintint dans ses droits contestés de
-justicière, Ermengarde, vicomtesse de Narbonne.</p>
-
-<p>Au Moyen Age on vit des religieuses, comme dans l’ordre de Fontevrault,
-avoir sous leur gouvernement des communautés d’hommes.</p>
-
-<p>Mais, de nos jours, ne voit-on pas des sœurs franc-maçonnes diriger en
-qualité de vénérables des loges où siègent beaucoup plus d’hommes que
-de femmes?</p>
-
-<p>Les abbesses de Remiremont et leurs doyennes jugeaient dans les
-domaines de l’abbaye.</p>
-
-<p>La féodalité fit des femmes pairesses. La comtesse de Flandres siégea
-en qualité de pairesse dans les conseils du roi Louis IX, quand se
-discuta la possession du comté de Clermont.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_71">71</span></p>
-
-<p>Au Moyen Age, les femmes nobles veuves ou célibataires qui possédaient
-des fiefs, étaient dans l’étendue de ces fiefs investies du droit de
-lever des troupes, de rendre la justice, de battre monnaie, d’imposer
-des taxes, d’octroyer des chartes.</p>
-
-<p>Les clercs, révoltés de voir les détentrices de fiefs faire fonction
-d’hommes, voulurent que leurs prérogatives leur fussent enlevées. Un
-synode de Nantes contemporain des premières origines féodales injuria
-à ce propos les femmes. Les peu galants ecclésiastiques assemblés
-appelèrent les femmes «femmelettes».</p>
-
-<p>En l’ancienne France, ce n’était point seulement les femmes de qualité
-qui participaient à la politique: les simples «vilaines» eurent dès
-l’émancipation des communes le droit d’opiner dans leurs villes et
-villages.</p>
-
-<p>Depuis les temps les plus anciens, dit Elisée Reclus, les habitants de
-Besançon avaient le titre et le rang de citoyen et de citoyenne. Les
-femmes dans les actes publics étaient qualifiées citoyennes.</p>
-
-<p>Dès 1182, la <i>loy de Beaumont</i> ordonna aux veuves, aux filles
-ayant leur ménage et aux femmes mariées en l’absence de leurs maris, de
-prendre part aux délibérations et aux votes, non seulement lorsqu’il
-s’agissait d'affaires administratives; mais même quand il fallait
-décider des questions politiques et sociales.</p>
-
-<p>On retrouve dans les archives des Communes qui vivaient sous la <i>loy
-de Beaumont</i>, les procès-verbaux des séances où les veuves, les
-filles et les femmes, délibéraient avec les hommes.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_72">72</span></p>
-
-<p>Dans une Commune des environs de Montpellier, à Cournontéral, le 8 août
-1334, l’établissement du Consulat fut mis aux voix et sur 175 votants
-pour cet établissement, on trouve 37 noms de femmes.</p>
-
-<p>Le suffrage était dans cette commune, réellement universel et de plus
-obligatoire: Qui n’allait pas voter, payait une amende de <i>cinq
-sols</i>.</p>
-
-<p>La loy de Beaumont qui confiait aux femmes comme aux hommes,
-l’administration municipale, fut en vigueur dans des milliers de
-communes jusqu’à la révolution.</p>
-
-<p>Jusqu’à la révolution, les dames nobles veuves ou célibataires qui
-possédaient des fiefs, et les communautés de femmes participèrent à
-l’élection des députés.</p>
-
-<p>«Il arriva donc, dit M. A. Aulard, que des députés de la noblesse et
-du clergé aux Etats-Généraux de 1789 durent leur élection à des voix
-féminines<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>.»</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Les Premiers Etats-Généraux.</i></p>
-
-<p>Quand Philippe IV dit le Bel, fut excommunié par Boniface VIII, il
-voulut faire prendre à la nation tout entière, parti pour lui contre
-le pape; et convoqua les représentants du clergé, de la noblesse, du
-Tiers-Etat, <span class="pagenum" id="Page_73">73</span> le 10 avril 1302 dans la cathédrale de Notre-Dame de
-Paris. Ce furent les premiers Etats-Généraux. Les dames nobles détenant
-des fiefs et les communautés de femmes étaient là représentées par les
-nobles et les ecclésiastiques qu’elles avaient contribué à faire élire.</p>
-
-<p>Les femmes pouvaient être représentantes aux Etats Provinciaux: Anne de
-Bretagne tint en personne les Etats de Bretagne où M<sup>me</sup> de Sévigné
-siégea.</p>
-
-<p>En 1576 trente-deux veuves siégeaient aux Etats de Franche-Comté.</p>
-
-<p>En ce temps-là, en imposant des taxes, en donnant des chartes, les
-femmes sauvegardaient les places fortes, gouvernaient les villes:
-Françoise de Cezelly, en l’absence de M. de la Barre son mari,
-gouverneur de Leucate, défendit en 1589 si admirablement cette place
-forte, que quand M. de la Barre fait prisonnier par les Espagnols eut
-été étranglé dans sa prison, Henri IV garda Françoise de Cezelly comme
-gouverneur de la ville qu’elle avait conservée à la France.</p>
-
-<p>Les femmes qui participaient aux affaires publiques se montraient
-libérales: Aliénor d’Aquitaine donnait aux Aquitains la liberté du
-commerce.</p>
-
-<p>Le bon sens des privilégiées qui n’étaient pas exclues du droit,
-faisait prévaloir le courant d’opinions favorables au relèvement du
-sexe féminin, sur la traditionnelle tendance à son abaissement; et,
-incitait des écrivains à protester contre le préjugé assignant aux
-femmes une activité sociale inférieure à celle de l’homme.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_74">74</span></p>
-
-<p>Parmi ces précurseurs du féminisme, Poulain de la Barre s’est fait
-remarquer. En son livre de <i>L’Egalité des Sexes</i> publié en 1673,
-il réclame avec énergie pour les femmes, l’égalité complète des droits
-politiques et sociaux avec les hommes.</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p>«Il est, dit-il, aisé de conclure que si les femmes sont capables
- de posséder souverainement, toute l’autorité publique, elles le
- sont encore plus de n’en être que les ministres: Que pourrait-on
- trouver raisonnablement à redire qu’une femme de bon sens et
- éclairée présidât à la tête d’un parlement et de toute autre
- compagnie?... Il faut reconnaître que les femmes sont propres à
- tout.»</p>
-
- <p>Au XVII<sup>e</sup> et au XVIII<sup>e</sup> siècle, des femmes furent ambassadrices:
- M<sup>me</sup> Delahaye-Vanteley fut envoyée à Venise, M<sup>me</sup> de Guébriant à
- Varsovie.</p>
-</div>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>En 1789, les femmes du Tiers-Etat adressèrent une pétition au roi pour
-demander que les hommes ne puissent exercer les métiers de femmes: tels
-que couturière, brodeuse, modiste.</p>
-
-<p>L’Assemblée Constituante, en avril 1791, par un décret-loi, donna aux
-femmes le droit d’héritage, en supprimant les droits d’aînesse et de
-masculinité dans le partage des successions. Mais en abolissant les
-privilèges féodaux et coutumiers, cette même Assemblée Constituante
-enleva à une catégorie de femmes, le droit <span class="pagenum" id="Page_75">75</span> qu’elle possédait de se
-faire représenter aux assemblées politiques.</p>
-
-<p>A la suprématie nobiliaire, succéda alors la suprématie masculine, les
-ex-détentrices de fiefs, de même que les «vilaines» furent exclues de
-l’affranchissement général, c’est-à-dire que la majorité de la nation
-fut mise hors la loi et hors l’humanité.</p>
-
-<p>En excluant les femmes des affaires publiques, on causa la faillite de
-la révolution; car on faussa son principe égalitaire et on la priva des
-agents qui pouvaient faire rapidement triompher ses idées.</p>
-
-<p>Les Françaises auxquelles on refusait leur part des conquêtes du
-mouvement révolutionnaire, avaient en participant à l’effervescence
-générale contribué à faire s’établir le conflit entre la nation et la
-royauté. Souvent, elles avaient donné le signal de l’action, en sonnant
-le tocsin dans les clochers.</p>
-
-<p>En 1788, à la Journée des Tuiles, on avait vu les Dauphinoises mêlées
-aux Dauphinois, lancer en guise de projectiles des tuiles contre les
-soldats du roi qui s’opposaient à la convocation des Etats-Provinciaux.</p>
-
-<p>Ces femmes, avaient les premières compris que Grenoble devait garder
-le parlement dans ses murs, sous peine de déchoir et de voir se
-restreindre sa prospérité. Aussi, elles s’en étaient constituées les
-gardiennes, montant la garde, veillant en armes, autour du château
-de Vizille où siégeaient les Etats du Dauphiné qui préparèrent la
-révolution.</p>
-
-<p>Quand on convint d’obtenir de la cour, le retrait des <span class="pagenum" id="Page_76">76</span> troupes.
-Ce fut à une de ces si vaillantes femmes et à un colonel, que fut
-confiée la mission d’aller s’entendre, à ce sujet, avec le comte de
-Clermont-Tonnerre. On affirmait ainsi, que le maintien du parlement à
-Grenoble, était dû au sexe féminin.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>La petite fruitière Reine Audru et la fameuse Théroigne de Méricourt
-reçurent, disent les historiens, un sabre d’honneur, en récompense de
-la vaillance dont elles avaient fait preuve, à la prise de la Bastille
-le 14 juillet 1789.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_77">77</span></p>
- <h2 id="ch_15">REVENDICATION DES FEMMES EN 1789</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>En voyant proclamer l’égalité des droits entre le seigneur et le
-vassal, le noir et le blanc, les femmes réclamèrent l’égalité des
-sexes. Elles adressèrent pétitions sur pétitions pour demander
-l’abrogation des privilèges masculins, la cessation de l’abus qui
-les empêchait de siéger à l’Assemblée Nationale, à l’Assemblée
-Constituante, à l’Assemblée Législative.</p>
-
-<p>Les femmes firent déposer sur le bureau de l’Assemblée Nationale ce
-projet de décret:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>L’Assemblée Nationale<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a> voulant réformer le plus grand des abus et
- réparer les torts d’une injustice de six mille ans décrète ce qui suit:</p>
-
- <p>«1º Tous les privilèges du sexe masculin sont entièrement et
- irrévocablement abolis dans toute la France».</p>
-
- <p>«2º Le sexe féminin jouira toujours de la même liberté, des mêmes
- avantages, des mêmes droits et des mêmes honneurs que le sexe
- masculin.»</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_78">78</span></p>
-
-<p>Nombreuses furent les femmes qui demandèrent leur part de la liberté et
-de l’égalité, que tous proclamaient. Mais, ce fut surtout la brillante
-improvisatrice Olympe de Gouges, qui formula avec précision les droits
-du sexe féminin, en sa fameuse déclaration des «Droits de la Femme.»</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p><i>Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne</i></p>
-
- <p>«La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droit. Les
- distinctions sexuelles ne peuvent être fondées que sur l’utilité
- commune.</p>
-
- <p>«Le but de toute association politique est la conservation des
- droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l’homme. Ces
- droits sont la liberté, la prospérité, la sûreté et surtout la
- résistance à l’oppression.</p>
-
- <p>«Ce principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la
- nation qui n’est que la réunion de la femme et de l’homme. Nul
- corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane
- expressément.</p>
-
- <p>«La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui
- appartient à autrui. Ainsi l’exercice des droits naturels de la
- femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui
- oppose. Ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature
- et de la raison.</p>
-
- <p>«La loi doit être l’expression de la volonté générale. Toutes
- les citoyennes, comme tous les citoyens doivent concourir
- personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle
- doit être la même pour tous.</p>
-
- <p>«Toutes les citoyennes et tous les citoyens étant égaux à <span class="pagenum" id="Page_79">79</span> ses
- yeux, doivent être également admissibles à toutes les dignités,
- places et emplois publics selon leur capacité et sans autres
- distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.</p>
-
- <p>«La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir
- également celui de monter à la tribune.</p>
-
- <p>«La garantie des droits de la femme est pour l’utilité de tous et
- non pour l’avantage particulier de celle à qui elle est accordée.</p>
-
- <p>«La femme concourt ainsi que l’homme à l’impôt public; elle a le
- droit, ainsi que lui de demander des comptes à tout agent public de
- son administration.»</p>
-</div>
-
-<p>Olympe de Gouges mourut sur l’échafaud en 1793 à l’âge de 38 ans. Elle
-avait été traduite devant le tribunal révolutionnaire, non point pour
-avoir revendiqué le droit des femmes; mais, parce qu’elle avait trop
-pris fait et cause pour les partis politiques; s’était alternativement
-déclarée royaliste ou révolutionnaire et avait osé attaquer Robespierre.</p>
-
-<p>La belle Liégeoise, Théroigne de Méricourt, qui le 5 octobre 1789,
-avec sa redingote de soie rouge, son chapeau d’amazone et l’épée nue
-au côté, séduisit le régiment de Flandres, aida à faire la royauté
-prisonnière de la révolution.</p>
-
-<p>Cette courtisane si populaire qui n’aimait que les hommes austères,
-enthousiasmait les révolutionnaires et personnifiait pour les Français,
-la liberté.</p>
-
-<p>Afin de lui enlever son prestige, des ennemis politiques n’hésitèrent
-pas en 1793 à relever ses jupes et <span class="pagenum" id="Page_80">80</span> dit Michelet à la fouetter
-comme un enfant, devant la foule lâche qui riait. Cet outrage rendit
-folle Théroigne qui mourut à la Salpêtrière en 1817 sans avoir recouvré
-la raison.</p>
-
-<p>Les femmes de la révolution, s’employèrent bien plus à élever encore
-l’homme au-dessus d’elles, en soutenant ses plus hardies prétentions,
-qu’elles ne se dévouèrent à procurer à leur sexe l’égalité avec le sexe
-masculin.</p>
-
-<p>Des femmes cependant étaient puissantes, elles étaient écoutées de
-l’élite masculine qui se pressait dans leurs salons; mais, ni Germaine
-Neker (M<sup>me</sup> de Staël)—que la politique absorbait et qui inspira
-à son père l’idée du suffrage universel. Ni M<sup>me</sup> Roland (Manon
-Phlipon) qui poussa son mari dans la voie républicaine et fut autant
-que lui ministre de l’Intérieur—ne songèrent à tirer leur sexe de
-l’asservissement.</p>
-
-<p>Pourtant, l’heure semblait si favorable, que les étrangères elles-mêmes
-luttaient pour l’affranchissement féminin.</p>
-
-<p>En même temps que la Hollandaise Palm Aëlders envoyait à toutes les
-villes de France sa brochure revendiquant le droit des femmes qui lui
-fit décerner par la ville de Creil la médaille et le titre de membre
-honoraire de la garde nationale; l’Anglaise miss Wolstonecraft publiait
-son livre: <i>La défense des droits de la femme</i> où il est dit:
-que la femme devient un obstacle au progrès, si elle n’est pas autant
-développée que l’homme».</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_81">81</span></p>
-
-<p>L’acte originel de la république est dû à M<sup>me</sup> Keralio-Robert<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>.
-Cette femme de lettres qui avait déjà appelé les femmes à l’action
-publique; et, avait été l’inspiratrice du parti républicain fondé par
-les sociétés des deux sexes, improvisa sur l’autel de la Patrie au
-Champ de Mars le 17 juillet 1791, la pétition républicaine pour ne
-reconnaître aucun roi.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Les femmes spoliées de leurs droits, eurent pour défenseurs
-Condorcet, Siéyès, l’abbé Fauchet, Saint-Just... Malheureusement,
-les protestations de ces hommes de principes furent étouffées par
-Mirabeau, Danton, Robespierre qui ne considéraient la femme que comme
-un instrument de plaisir charnel.</p>
-
-<p>Condorcet secrétaire de l’Académie des sciences, demanda publiquement
-en 1788 que les femmes participent à l’élection des représentants<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>.</p>
-
-<p>Cet illustre philosophe qui réclama l’abolition de la royauté, la
-proclamation de la république, posa le principe de l’égalité de la
-femme et de l’homme qu’il regardait comme la base de la question
-sociale. Condorcet fut donc en France un des précurseurs du féminisme;
-et, sa statue quai Conti recevra avant longtemps, les périodiques
-hommages des femmes reconnaissantes.</p>
-
-<p>Le 3 juillet 1790, Condorcet publia son fameux article <span class="pagenum" id="Page_82">82</span> sur
-l’admission de la femme au droit de la cité dont voici un passage:</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p>«Au nom de quel droit, au nom de quel principe écarte-t-on dans un
- état républicain les femmes du droit public? Je ne le sais pas. Le
- mot représentation nationale signifie représentation de la nation.
- Est-ce que les femmes ne font point partie de la nation?</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>«Plus on interroge le bon sens et les principes républicains,
- moins on trouve un motif sérieux pour écarter les femmes de la
- politique. L’objection capitale elle-même, celle qui se trouve dans
- toutes les bouches, l’argument qui consiste à dire qu’ouvrir aux
- femmes la carrière politique c’est les arracher à la famille, cet
- argument n’a qu’une apparence de solidité; d’abord il ne s’applique
- pas au peuple nombreux des femmes qui ne sont pas épouses ou qui
- ne le sont plus; puis, s’il était décisif, il faudrait, au même
- titre, leur interdire tous les états manuels et tous les états de
- commerce, car ces états les arrachent par milliers aux devoirs de
- la famille.»</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>Les droits des hommes résultent uniquement de ce qu’ils sont des
- êtres sensibles susceptibles d’acquérir des idées morales et de
- raisonner sur ces idées. Les femmes ayant ces mêmes qualités ont
- nécessairement des droits égaux. Ou aucun individu de l’espèce
- humaine n’a de véritables droits, ou tous ont les mêmes; et celui
- qui vote contre le droit d’un autre, quels que soient sa religion,
- sa couleur ou son sexe a dès lors abjuré les siens.»</p>
-</div>
-
-<p>En plaidant aussi bien pour les femmes ce grand esprit <span class="pagenum" id="Page_83">83</span> n’espérait
-point se les rendre sympathiques, au contraire:</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p>Je parle de leurs droits à l’égalité disait-il et non de leur
- empire. On peut me soupçonner d’une envie secrète de le diminuer,
- et, depuis que Rousseau a mérité leurs suffrages, en disant
- qu’elles n’étaient faites que pour nous soigner et propres qu’à
- nous tourmenter, je ne dois pas espérer qu’elles se déclareront en
- ma faveur. Mais il est bon de dire la vérité dût-on s’exposer au
- ridicule.»</p>
-</div>
-
-<p>Les idées de Condorcet furent exprimées dans plusieurs cahiers
-de doléances; celui de Rennes notamment, demande d’admettre les
-procurateurs des veuves, dont les maris auraient le droit de vote, à
-être électeurs et éligibles. Mais, les requêtes de ces précurseurs du
-féminisme ne furent pas entendues.</p>
-
-<p>Quand dans les réunions publiques quelqu’un parlait d’appeler les
-femmes à exercer leurs droits; aussitôt, des cris et des hurlements
-couvraient la voix de l’orateur et si l’on ne pouvait lui enlever la
-parole, la séance était levée.</p>
-
-<p>La cabale des clubs contre les droits de la femme, fut bientôt
-répercutée au sein de l’assemblée législative: La loi du 20 mai 1793
-fit exclure les femmes des tribunes de la Convention, et la loi du 26
-mai 1793 leur défendit d’assister aux assemblées politiques.</p>
-
-<p>Trois journaux: l’<i>Orateur du Peuple</i>, <i>Le Cercle Social</i>,
-<i>La Bouche de Fer</i>, soutenaient le droit des femmes, aidaient
-les femmes à organiser des réunions. Labenette <span class="pagenum" id="Page_84">84</span> dans son journal,
-<i>Les Droits de l’Homme</i>, demande l’admission des femmes dans les
-assemblées. «Pendant que vous vous tuez à délibérer, elles ont, dit-il,
-déjà saisi toutes les nuances qui vous échappent.»</p>
-
-<p>Parmi les clubs de femmes <i>La Société Fraternelle des Patriotes des
-Deux Sexes</i>, défenseurs de la Constitution dont M<sup>me</sup> Roland était
-membre, se fit surtout remarquer par ses protestations contre les
-décrets de l’Assemblée Constituante.</p>
-
-<p><i>La société des Femmes Républicaines et Révolutionnaires</i> que
-présidait l’actrice Rose Lacombe et dont faisait partie M<sup>me</sup> Colombe
-imprimeur de la feuille de Marat, dépassait les hommes en violence,
-quand il s’agissait de prendre une détermination<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>.</p>
-
-<p>Le 28 brumaire 1793, Rose Lacombe accompagnée d’une députation de
-femmes révolutionnaires coiffées comme elle de bonnets rouges, força
-l’entrée de la séance du conseil général de la commune—à ce moment,
-la pétition orale était admise—cependant, en voyant ces femmes, le
-procureur général Chaumette s’écria:</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p>«Je requiers mention civique au procès-verbal, des murmures
- qui viennent d’éclater; c’est un hommage aux mœurs, c’est un
- affermissement de la République! Et quoi! des êtres dégradés qui
- veulent franchir et violer les lois de la nature, entreront dans
- les lieux commis à la garde des citoyens et cette sentinelle
- vigilante ne ferait pas son devoir! Citoyens, vous faites ici un
- grand acte de <span class="pagenum" id="Page_85">85</span> raison: l’enceinte où délibèrent les magistrats
- du peuple doit être interdite à tout individu qui outrage la
- nation! ...Et depuis quand est-il permis aux femmes d’abjurer leur
- sexe, de se faire hommes? Depuis quand est-il d’usage de voir les
- femmes abandonner les soins pieux de leur ménage, le berceau de
- leurs enfants, pour venir sur la place publique dans la tribune
- aux harangues, à la barre du Sénat, dans les rangs de nos armées,
- remplir les devoirs que la nature a répartis à l’homme seul? A qui
- donc cette mère commune a-t-elle confié les soins domestiques?
- Est-ce à nous? Nous a-t-elle donné des mamelles pour allaiter nos
- enfants? A-t-elle assez assoupli nos muscles pour nous rendre
- propres aux soins de la hutte, de la cabane ou du ménage? Non,
- elle a dit à l’homme: Sois homme! les courses, la chasse, le
- labourage, les soins politiques, les fatigues de toute espèce,
- voilà ton apanage. Elle a dit à la femme: Sois femme! les soins dus
- à l’enfance, les détails du ménage, les douces inquiétudes de la
- maternité, voilà tes travaux.</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>«Femmes imprudentes qui voulez devenir des hommes! n’êtes-vous
- pas assez bien partagées? Que vous faut-il de plus? Vous dominez
- sur tous nos sens; le législateur, le magistrat sont à vos pieds.
- Votre despotisme est le seul que nos forces ne puissent abattre,
- puisqu’il est celui de l’amour...</p>
-
- <p>«Autant nous vénérons la mère de famille qui met son bonheur à
- élever, à soigner ses enfants, à filer les habits de son mari et
- alléger ses fatigues par l’accomplissement des devoirs domestiques,
- autant nous devons mépriser, conspuer la femme sans vergogne qui
- endosse la tunique virile et fait le dégoûtant échange des charmes
- que lui, <span class="pagenum" id="Page_86">86</span> donne la nature contre une pique et un bonnet
- rouge.—Je requiers que le conseil ne reçoive plus de députation de
- femmes.»</p>
-</div>
-
-<p>La proposition de Chaumette fut adoptée.</p>
-
-<p>En même temps que la femme était en la personne de l’actrice Rose
-Lacombe, traitée par Chaumette d’être dégradé; la femme était élevée au
-rang des dieux, en la personne de M<sup>lle</sup> Maillard, actrice de l’Opéra,
-qui remplissait le rôle de déesse de la liberté, dans la fête de la
-raison célébrée dans l’église de Notre-Dame de Paris.</p>
-
-<p>Rose Lacombe protesta contre la décision du Conseil général de la
-commune; et elle parvint à entraîner beaucoup de femmes à demander
-leurs droits.</p>
-
-<p>Ces femmes étaient souvent battues par les très royalistes dames des
-halles. Un jour que les républicaines, vêtues en hommes, reprochaient
-aux marchandes de poissons de s’abstenir de porter la cocarde
-nationale. Celles-ci les assaillirent et les fouettèrent publiquement.</p>
-
-<p>Les réunions des républicaines finirent par inquiéter le comité de
-sûreté générale, qui chargea un de ses membres de révéler le fait à la
-Convention.</p>
-
-<p>Le Conventionnel Amar monta à la tribune et dit:</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p>«Je vous dénonce un rassemblement de six mille femmes, soi-disant
- jacobines, et d’une prétendue société révolutionnaire... Plusieurs,
- sans doute, n’ont été égarées que par un excès de patriotisme; mais
- d’autres ne sont que <span class="pagenum" id="Page_87">87</span> les ennemies de la chose publique et
- n’ont pris le masque du patriotisme! que pour exciter une espèce de
- contre révolution.»</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>«Les droits politiques du citoyen sont de discerner, de faire
- prendre des résolutions relatives aux intérêts de l’Etat et de
- résister à l’oppression. Les femmes ont-elles la force morale et
- physique qu’exige l’exercice de l’un et de l’autre de ces droits?
- L’opinion universelle repousse cette idée...</p>
-
- <p>Et puis la pudeur des femmes leur permet-elle de se montrer en
- public, de lutter avec les hommes et de discuter à la face du
- peuple sur des questions d’où dépend le salut de la République?
- Voulez-vous que dans la République française on les voie venir au
- barreau, à la tribune aux assemblées politiques comme l’homme,
- abandonnant la retenue, source des vertus de ce sexe?».</p>
-</div>
-
-<p>Il est curieux d’entendre ces révolutionnaires invoquer des lieux
-communs et des préjugés surannés, pour maintenir les privilèges de
-sexe, après que tous les privilèges de caste ont été abolis. C’est
-d’autant plus révoltant, que dans l’épopée révolutionnaire, des femmes
-se sont montrées à la hauteur des plus grands hommes et souvent les ont
-inspirés et dirigés quand elles n’ont pas agi elles-mêmes.</p>
-
-<p>Après le discours d’Amar, un seul homme se leva des bancs de la
-convention, le député Charlier qui soutint énergiquement que les femmes
-avaient le droit de se réunir pour s’occuper des affaires publiques. «A
-<span class="pagenum" id="Page_88">88</span> moins, dit-il, que l’on constate comme dans un ancien concile que
-les femmes ne font pas partie du genre humain, on ne saurait leur ôter
-ce droit commun à tout être pensant.»</p>
-
-<p>Mais la cause des femmes était perdue d’avance; la convention resta
-sourde aux objurgations de Charlier et décréta que toutes les sociétés
-de femmes, quelles que soient leurs dénominations, étaient supprimées
-et dissoutes.</p>
-
-<p>Ceux qui dénient le droit commun aux autres, tiennent suspendue
-au-dessus de leur tête la menace d’être à leur tour exclus du droit
-commun. Les hommes, qui supprimèrent les clubs de femmes, eurent tous
-leurs clubs fermés par Bonaparte.</p>
-
-<p>Les femmes qui voulaient que la révolution s’accomplisse au profit des
-deux sexes, faisaient preuve de bien plus de sens pratique que les
-Jacobins, qui en leur fermant les portes de la révolution, rejetèrent
-les femmes dans la réaction.</p>
-
-<p>Cependant, la liberté eut encore des militantes: En 1799, sous le
-Consulat, des femmes qui s’honorent du titre de «citoyenne» refusent
-d’être appelées de nouveau «madame» et font acte d’indépendance
-en s’assemblant rue de Thionville pour discourir sur leurs droits
-méconnus<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_89">89</span></p>
- <h2 id="ch_16">APRÈS LA RÉVOLUTION</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Les femmes, qui en donnant dans les salons l’essor aux idées
-philosophiques avaient préparé la révolution et tant aidé à la faire,
-furent indignées en se voyant exclues du droit commun et condamnées par
-les révolutionnaires autocrates à rester dans la société nouvelle des
-parias.</p>
-
-<p>Puisqu’il n’y avait pas de justice pour elles, il ne devait y en
-avoir pour personne!... Et ces dupes de la révolution, ne songèrent
-plus qu’à devenir des femmes de plaisir ayant pour unique souci de
-paraître belles; à leur dissolvant contact, les hommes se déprimèrent,
-rentrèrent vite sous le joug en se donnant pour maître Bonaparte.</p>
-
-<p>Napoléon sanctionna la servitude féminine que la révolution avait
-conservée. Lors de la promulgation du Code, les femmes ne furent
-comprises dans la législation nouvelle, sous le titre générique de
-français, que dans les chapitres ayant trait à la compression, aux <span class="pagenum" id="Page_90">90</span>
-charges; pour tout ce qui avait trait au droit et à la liberté, le mot
-français ne s’appliquait pas à elles.</p>
-
-<p>Bonaparte, avait pour idéal la polygamie et déclarait que la femme
-puisqu’elle donne des enfants, est la propriété de l’homme comme
-l’arbre à fruit est celle du jardinier. «Il y a, disait-il, une chose
-qui n’est pas française, c’est qu’une femme puisse faire ce qui lui
-plaît.»</p>
-
-<p>Les femmes, cependant, manifestaient un fol enthousiasme pour le tyran.
-A son retour après ses victoires, toutes voulaient le contempler et
-jeter des fleurs sous ses pas.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> de Staël (Germaine Neker) elle-même avait été son admiratrice
-avant de devenir l’ennemie qu’il exila, en même temps qu’il condamna
-au séjour forcé de Lyon, les duchesses de Chevreuse et de Luynes qui
-avaient refusé de faire partie du cortège de l’impératrice.</p>
-
-<p>Napoléon si hostile à l’égalité de l’homme et de la femme, autorisa
-pourtant la publication d’un journal féministe qui parut en 1808 sous
-ce titre: l’<i>Athené des Dames</i>, il était exclusivement rédigé
-par des femmes et avait pour directrice: M<sup>me</sup> Sophie Senneterre de
-Renneville.</p>
-
-<p>Après la restauration, les femmes publièrent un manifeste, formulèrent
-un plan d’émancipation où elles revendiquaient les droits politiques.</p>
-
-<p>Les Saint-Simoniens firent espérer qu’ils allaient aider à
-l’affranchissement féminin; mais, en exaltant l’amour libre, en faisant
-découler l’égalité des sexes de la liberté de l’amour, ils prouvèrent
-que ce n’était que <span class="pagenum" id="Page_91">91</span> la liberté illimitée de l’égoïsme et de
-l’immoralité de l’homme, qu’ils réclamaient.</p>
-
-<p>Le sociologue Fourier, avait lui, très nettement posé le principe de
-l’égalité de l’homme et de la femme, en faisant dépendre les progrès
-sociaux du progrès des femmes vers la liberté.</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p>Dans la «théorie des quatre mouvements», il explique que «si les
- philosophes de la Grèce et de Rome dédaignaient les intérêts
- des femmes et croyaient se déshonorer en les fréquentant, c’est
- que depuis le vertueux Socrate jusqu’au délicat Anacréon, ils
- n’affichaient que l’amour sodomite et le mépris des femmes».</p>
-
- <p>Ces goûts bizarres n’ayant pas pris chez les modernes, Fourier
- ajoute qu’il y a lieu de s’étonner que nos philosophes aient hérité
- de la haine que nos anciens savants portaient aux femmes et qu’ils
- aient continué à ravaler le sexe féminin, alors que les femmes se
- montrent supérieures aux hommes, quand elles peuvent déployer leurs
- moyens naturels».</p>
-</div>
-
-<p>Pendant que les derniers Saint-Simoniens annonçaient le règne de la
-femme, chantaient le compagnonnage de la femme, M<sup>mes</sup> Laure Bernard
-et Fouqueau de Pussy écrivaient dans <i>Le Journal des Femmes</i> des
-articles offensants pour les Saint-Simoniens.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> Poutret de Mauchamps fondatrice de la <i>Gazette des Femmes</i>
-(1836-1839) réclama l’électorat pour les femmes qui payaient 200
-francs d’impôts; et, elle pria Louis-Philippe de se déclarer roi des
-Françaises comme il se déclarait roi des Français.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_92">92</span></p>
-
-<p>En 1846, M. Emile Deschanel proposa que les veuves et les filles
-majeures, inscrites sur les rôles des contributions comme propriétaires
-foncières, fussent électrices. On était à ce moment-là, sous le régime
-censitaire, pour pouvoir voter, il fallait payer 200 francs d’impôts.
-M. Emile Deschanel ne faisait donc que revendiquer le droit commun pour
-les femmes, lorsqu’il proposait de faire les propriétaires électeurs.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_93">93</span></p>
- <h2 id="ch_17">LES SUFFRAGISTES EN 1848</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Quand en 1848 l’électorat fut accordé à tous les hommes, aux pauvres
-comme aux riches, aux ignorants comme aux instruits; les femmes
-demandèrent à être englobées dans le suffrage universel.</p>
-
-<p>Victor Considérant fut le seul des neuf cents membres de l’Assemblée
-Constituante qui soutint leurs prétentions, en proposant d’admettre les
-femmes à exercer leurs droits politiques.</p>
-
-<p>Pierre Leroux présenta un amendement en faveur de l’électorat municipal
-des femmes.</p>
-
-<p>Le pasteur Athanase Coquerel réclama lui, la loi d’exclusion,
-retranchant de la politique le sexe féminin.</p>
-
-<p>La République avait été proclamée le 24 février, un mois après, le
-23 mars, quatre déléguées des «Droits de la Femme» se présentèrent
-à l’Hôtel-de-Ville pour solliciter: la liberté de participer au
-gouvernement du pays. L’universalisation du suffrage. L’égalité de la
-femme et de l’homme devant la loi.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_94">94</span></p>
-
-<p>Ce fut Marrast membre du gouvernement provisoire, qui reçut cette
-délégation féministe; il répondit à sa requête en encourageant ses
-espérances.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> Alix Bourgeois professeur d’histoire naturelle et beaucoup
-d’autres dames, demandèrent individuellement au gouvernement, le droit
-électoral pour le sexe féminin.</p>
-
-<p>A ce moment l’influence féminine était grande: George Sand rédigeait
-avec Jules Favre le Bulletin de la République; et, il y avait dans la
-masse populaire un tel sens de l’égalité, que quant à la prière d’une
-revendicatrice, Cabet<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a> posait dans un club qu’il présidait cette
-question:—La femme est-elle l’égale de l’homme devant le droit social
-et politique?</p>
-
-<p>Le communiste Cabet était déconcerté (<i>sic</i>) de voir presque
-toutes les mains se lever pour l’affirmative.</p>
-
-<p>Proud’hon disait: «La République tombe en quenouille.»</p>
-
-<p>Pauline Roland, que Victor Hugo a qualifiée l’apôtre; Jeanne Deroin,
-Anaïs Ségalas, Henriette Wild créèrent successivement trois journaux.
-<i>La Politique des Femmes.</i> <i>La République des Femmes.</i>
-<i>L’opinion des Femmes.</i> Les rédactrices de ces journaux
-s’entendirent avec M<sup>mes</sup> Eugénie Niboyet, E. Foa, Louise Collet,
-Adèle Esquiros qui avaient fondé <i>La Voix des Femmes</i>, pour offrir
-à George Sand de porter sa candidature.</p>
-
-<p>La grande romancière, répondit dans <i>La Réforme</i>: <span class="pagenum" id="Page_95">95</span> qu’elle ne
-partageait point les idées des revendicatrices et ne connaissait pas
-les dames qui formaient des clubs et rédigeaient des journaux.»</p>
-
-<p>Les femmes arrivées croient qu’elles n’appartiennent plus au sexe
-féminin.</p>
-
-<p>Après George Sand refusant d’aider à l’affranchissement politique des
-Françaises, on a vu Clémence Royer, la commentatrice de L’origine des
-Espèces de Darwin, ne point vouloir que les droits politiques soient
-conférés aux femmes et disant à M. Adolphe Brisson, rédacteur au
-journal <i>Le Temps</i>: «Du jour où les femmes voteront nous sommes
-perdus.»</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Les dames obtenant difficilement la parole dans les clubs d’hommes
-créèrent des clubs féminins. Le plus renommé, fut le Club des
-Femmes, ouvert le 11 mai 1848 à la salle de spectacle du boulevard
-Bonne-Nouvelle. La foule rendit les séances tumultueuses. Les femmes ne
-purent bientôt plus parler dans ce club transformé en ménagerie où les
-hommes aboyaient, miaulaient, beuglaient.</p>
-
-<p>Eugénie Niboyet qui présidait, dit dans <i>Le Vrai Livre des
-Femmes</i>: «Une heure de pilori m’eût paru moins douloureuse que cinq
-minutes de cette violente lutte. Toutes les clubistes qui avaient
-promis de me seconder disparurent comme les feuilles sous le vent et
-laissèrent peser sur moi la responsabilité de notre tentative.»</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_96">96</span></p>
-
-<p>Jeanne Deroin avait posé sa candidature à l’Assemblée Constituante pour
-consacrer le principe de l’égalité politique des deux sexes; mais, elle
-ne put parvenir à la faire admettre, partout les bureaux la rejetèrent
-comme étant inconstitutionnelle.</p>
-
-<p>Les Françaises eurent de suite la preuve, que leur exclusion électorale
-faisait d’elles des parias dans la société. Aussitôt, en effet,
-après l’instauration de la République, les membres du gouvernement
-provisoire avaient créé des ateliers nationaux pour les ouvriers en
-chômage—électeurs—mais point pour les ouvrières en chômage non
-électrices.</p>
-
-<p>Ces demi-réformateurs furent donc un peu gênés, quand de pauvres
-ouvrières en chômage vinrent à l’Hôtel-de-Ville demander si elles
-étaient comprises dans la proclamation du droit au travail; et, où
-était l’atelier national des femmes?</p>
-
-<p>L’atelier national des femmes?... Mais... Il n’existait pas!... Les
-femmes ne comptaient point en France puisqu’elles ne votaient pas!</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_97">97</span></p>
- <h2 id="ch_18">JEAN MACÉ FÉMINISTE SUFFRAGISTE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Jean Macé<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a> écrivait en 1850:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Du temps des 200 francs on avait fabriqué contre le suffrage du pauvre
- toutes sortes de raisonnements qui resteraient sans emploi, si cette
- question du droit électoral de la femme soulevée à son tour par les
- esprits logiques, n’était venue à point pour les remettre de service.</p>
-
- <p>«Indifférence, ignorance, dépendance, inaptitude, ce qui s’objectait
- hier, à propos du pauvre, s’objecte aujourd’hui à propos de la femme.</p>
-
- <p>«Droit égal, intérêt égal.</p>
-
- <p>«Comment faire pour laisser la femme en dehors de la cité, quand on a
- déclaré qu’on en ouvrait les portes à deux battants? Quand on a écrit
- dans la loi que l’infamie seule ferait exception et que toute âme
- humaine apportait au monde en naissant son droit de compter pour un,
- dans les délibérations de la société?</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_98">98</span></p>
-
- <p>«Dénier l’égalité des droits à deux êtres égaux, en fait, en vérité
- c’est se faire rire au nez, si l’on voulait se donner la peine d’y
- réfléchir cinq minutes; et quand on pense que cette femme soi-disant
- inférieure de nature à l’homme, condamnée comme telle à l’infériorité
- de fonctions et de rôle social, quand on pense qu’elle peut, sans qu’on
- souffle mot, donner sa cuisine à faire et sa chambre à balayer, à tel
- domestique mâle si barbu qu’il soit et que c’est une question de 400
- francs par an avec les étrennes, on se prend à douter de la raison
- humaine qui se permet une telle débauche d’inconséquence.</p>
-
- <p>«Croyez-moi, ne parlez plus de votre loi de nature, ni du grand
- principe de l’infériorité de la femme, non plus que de sa destination
- culinaire, vous mettez le pied sur tout cela à chaque pas, et la femme
- qui dans cette société est inférieure à l’homme, est celle-là qui n’est
- pas assez riche pour être sa supérieure.</p>
-
- <p>«Expliquez-moi, comment vous permettez à l’homme qui fait la cuisine
- que la femme devait faire, de laisser là à un jour donné sa marmite
- et ses légumes pour aller voter avec vous. Si les détails d’intérieur
- sont si absorbants qu’ils ne laissent place pour aucune autre idée,
- pourquoi celui-là vote-t-il? S’ils ne le sont pas, pourquoi celle-là ne
- vote-t-elle pas?»</p>
-</div>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_99">99</span></p>
- <h2 id="ch_19">LES FEMMES QUI AGISSENT ET QUI ÉCRIVENT</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Bien que annihilées en politique, Jeanne Deroin, Pauline Roland et
-d’autres militantes impliquées dans une affaire politique. «L’Union
-des Associations» furent sans bénéfice pour notre cause, emprisonnées
-expulsées, exilées.</p>
-
-<p>Plus tard, ont été déportées pour avoir participé à la Commune, ces
-autres exclues de la politique: la révolutionnaire point suffragiste,
-Louise Michel et ses sœurs insurgées.</p>
-
-<p>Lorsqu’on offrit à Louise Michel qui recommandait les candidatures de
-morts, de poser sa candidature, elle répondit:</p>
-
-<p>—«Le progrès ajournant la révolution, le bulletin de vote n’est pas
-mon arme».</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Après les femmes qui agissent, voici des femmes qui écrivent: Juliette
-Lamber (M<sup>me</sup> Adam) dans son livre <span class="pagenum" id="Page_100">100</span> sous ce titre: «<i>Idées
-Anti Proud’honiennes</i> sur l’amour, la femme, le mariage, réfuta
-intelligemment Proud’hon.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> Jenny d’Héricourt, pour combattre Michelet, Proud’hon, Auguste
-Comte, E. de Girardin fit paraître en 1860 <i>La Femme Affranchie</i>.</p>
-
-<p>Vers la même époque Julie Daubié publia <i>La Femme Pauvre au XIX<sup>e</sup>
-siècle</i>.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> Olympe Audouard avec son journal <i>Le Papillon</i>.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> André Léo avec ses romans en vogue, M<sup>me</sup> M. L. Gagneur avec
-ses livres, M<sup>mes</sup> Angélique Arnaud, et Caroline de Barreau avec
-leurs articles de journaux firent discuter la question des femmes, sur
-laquelle l’homme d’Etat Stuart Mill, attira l’attention mondiale en
-publiant: <i>L’assujettissement des Femmes</i> et en déposant, dès 1866
-à la Chambre des Communes, des pétitions couvertes de signatures de
-femmes demandant le suffrage.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Un comité fut créé en 1866 pour s’occuper de refondre les Codes
-napoléoniens et poser les bases d’une législation civile rationnelle.
-Les réunions de ce comité se tenaient chez M. Jules Favre; elles
-étaient composées de MM. Emile Acollas, Jules Favre, Jules Simon, Ch.
-Vacherot, Frédéric Morin, Joseph Garnier, Courcelles-Seneuil, Ch.
-Lemonnier, André Cochut, Hérold, <span class="pagenum" id="Page_101">101</span> Clamagéran, Paul Jozon, Jules
-Ferry, Floquet, Paul Boiteau, Henri Brisson, D<sup>r</sup> Clavel.</p>
-
-<p>Ce comité qui s’occupa de réformer le mariage, ne maintint dans le
-chapitre VI que l’article 212. Les époux se doivent mutuellement
-fidélité, secours, assistance.</p>
-
-<p>Le distingué jurisconsulte Emile Acollas, dont en 1878 et 1879 je
-suivis le cours de droit, était l’avocat du sexe féminin dans le comité
-pour la refonte des Codes.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>De 1868 à 1908.</i></p>
-
-<p>En 1869 la société de <i>La Revendication des Droits de la Femme</i>
-fut fondée par M<sup>lle</sup> Caroline Demars, M. et M<sup>me</sup> Leval, M. Antide
-Martin, M<sup>me</sup> André Léo, M. Colfavru, M. et M<sup>me</sup> Verdure, M<sup>lle</sup>
-Toussaint, M. et M<sup>me</sup> Elie Reclus, M. Ernest Hendlé, M. G. Francolin,
-M<sup>lle</sup> Marie David, dans le but d’instituer des écoles de filles
-destinées à hâter la reconnaissance légale des droits de la femme.</p>
-
-<p>Mais déjà Maria Deraismes et Léon Richer avaient entrepris une
-campagne en faveur du sexe féminin. Ils ne réclamaient pas comme leurs
-devanciers le droit intégral pour la femme, ils demandaient seulement
-les droits civils disant, qu’afin de ne point effrayer il fallait bien
-se garder de revendiquer les droits politiques qui ne pouvaient être
-que le couronnement de l’affranchissement des femmes.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_102">102</span></p>
-
-<p>Maria Deraismes qui a donné son nom à une rue de Paris et dont la
-statue est place des Epinettes, fut une oratrice aussi éloquente
-qu’érudite et spirituelle. Cette femme politique, qui ne parlait point
-d’introduire son sexe dans la politique, n’était cependant pas toujours
-satisfaite des législateurs mâles, puisqu’elle fit souvent blackbouler
-les députés qu’elle avait fait élire. Maria Deraismes mourut en 1894 à
-l’âge de 66 ans.</p>
-
-<p>Léon Richer, qui fut surnommé «L’homme des Femmes» avait abandonné les
-professions de clerc de notaire et d’employé de chemins de fer, pour se
-dévouer à faire rendre justice aux femmes opprimées.</p>
-
-<p>En 1869, il créa avec les sœurs Deraismes la société pour
-«L’Amélioration du sort de la Femme et la revendication de ses Droits».</p>
-
-<p>En 1882, il fonda «La Ligue Française pour le Droit des Femmes» qui fut
-présidée par M<sup>me</sup> Maria Pognon de 1891 à 1903.</p>
-
-<p>Léon Richer, avec le concours financier de M. Arlès Dufour, fit
-paraître, en 1869, le journal <i>Le Droit des Femmes</i> qui après la
-guerre devint la revue l’<i>Avenir des Femmes</i> et plus tard reprit
-son premier titre. Il organisa des banquets sensationnels. C’est à
-l’occasion d’un de ces banquets que Victor Hugo écrivit en 1872:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Dans notre législation, la femme est sans droits politiques; elle ne
- vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. Il y a des citoyens, il
- n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent: il faut qu’il cesse.»</p>
-</div>
-
-<p>En citant notre grand poète, la Presse a éveillé chez <span class="pagenum" id="Page_103">103</span> les spoliées
-l’idée du droit et, un an après, je ne fus pas la seule conscrite, qui
-vint de cent lieues s’enrôler dans l’armée féministe, où nous rejoignit
-vers 1878 Eugénie Pierre.</p>
-
-<p>Léon Richer, défenseur des droits civils de la femme, ne souffrit point
-que son programme s’élargît: Or, il y avait parmi ses disciples des
-impatients qui entendaient réclamer de suite les droits politiques des
-femmes; cela fit se produire une scission, dont d’ailleurs le parti
-tira avantage.</p>
-
-<p>La société <i>Le Droit des Femmes</i>, dont les énergiques
-manifestations firent tant de bruit, fut créée. <i>La Citoyenne</i>
-parut et l’avant-garde d’irréductibles entraîna, poussa en avant, les
-effrayés d’entendre proposer de donner à la femme avec l’électorat et
-l’éligibilité le pouvoir de se faire libre.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>En 1871, M<sup>lle</sup> Julie Daubié fonda «L’association pour l’Emancipation
-de la Femme» où était demandé le Suffrage des Femmes remis entre les
-mains des veuves et des filles majeures.</p>
-
-<p>Julie Daubié fut en France la première bachelière<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>. Elle passa ses
-examens devant la faculté des lettres de Lyon en 1862 à l’âge de 40
-ans, fut reçue avec grands éloges.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_104">104</span></p>
-
-<p>Après s’être difficilement fait admettre à passer son baccalauréat,
-elle eut à soutenir une véritable lutte avec le ministre de
-l’instruction publique pour obtenir son diplôme qui ne lui fut délivré
-que grâce à l’intervention de M. Arlès Dufour.</p>
-
-<p>Elle fut reçue licenciée-ès-lettres en 1871, elle se préparait à
-devenir docteur, quand en 1874 la mort la terrassa.</p>
-
-<p>Au 1<sup>er</sup> Congrès international des Droits de la Femme qui fut organisé
-en 1878 par Léon Richer et Maria Deraismes, il était défendu de parler
-des droits politiques de la femme.</p>
-
-<p>Voici un passage du discours jugé subversif que je fis paraître sous ce
-titre:</p>
-
-<p>«Le Droit Politique des Femmes, question interdite au Congrès des
-Femmes de 1878.»</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p>«La collectivité des hommes et des femmes a les mêmes intérêts
- sociaux et politiques. Pourquoi l’homme s’est-il arrogé à lui seul
- le privilège de faire les lois? Se croit-il un roi infaillible?
- Vous riez beaucoup, messieurs les libres-penseurs, vous riez
- beaucoup du pape infaillible; mais dans la vie présente, vous
- tous, vous êtes des papes infaillibles. Vous nous obligez, nous,
- la moitié de l’humanité, et cela, sous peine de condamnation, à
- nous soumettre sans examen, sans discussion, aux lois que vous nous
- faites.»</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>«Trouvez-vous juste, messieurs, que les femmes subissent les
- lois sans les faire; qu’elles soient mineures devant les droits,
- majeures devant les lois répressives; qu’elles n’aient <span class="pagenum" id="Page_105">105</span> pas le
- droit de s’occuper de politique, et que, pour un écrit politique,
- elles soient condamnées à la prison et à l’amende; qu’elles n’aient
- pas le droit de cité et qu’elles soient admises à monter sur
- l’échafaud, comme cette femme ministre, M<sup>me</sup> Roland; qu’elles
- n’aient pas le droit d’opter pour une forme de gouvernement et
- qu’elles aient celui d’aller agoniser à Lambessa, comme cette mère
- de famille, Pauline Roland. Trouvez-vous juste, messieurs, que les
- femmes n’aient pas le droit d’affirmer leur opinion par un vote,
- quand, pour avoir prêché les principes républicains, beaucoup ont
- été emprisonnées, exilées, déportées?</p>
-</div>
-
-<p>La société Le Droit des Femmes, fondée en 1876, ne voulut s’inféoder
-à aucun système. En protestant contre les lois existantes faites
-sans les femmes contre les femmes, elle a toujours rejeté l’idée
-d’institutions futures élaborées sans le concours des femmes, parce que
-ces institutions seraient encore faites contre elles.</p>
-
-<p>En 1879 eut lieu à Marseille, le congrès socialiste ouvrier qui vota
-l’égalité de l’homme et de la femme, et ainsi fit inscrire dans le
-programme du parti des travailleurs socialistes de France, art, 5.
-«Egalité civile et politique de la femme».</p>
-
-<p>Voici un extrait du discours prononcé par moi à ce Congrès où la
-société «Le Droit des Femmes» m’avait déléguée.</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p>«On trouve bon de faire des recherches scientifiques sur tout. On
- multiplie les expériences tendant à tirer des bêtes tout l’utile,
- des plantes tout le salutaire. Mais jamais encore <span class="pagenum" id="Page_106">106</span> on n’a songé
- à mettre la femme dans une situation identique à celle de l’homme,
- de façon à ce qu’elle puisse se mesurer avec lui et prouver
- l’équivalence de ses facultés. On dépense en France des sommes
- folles pour obtenir certaines qualités, souvent factices, chez
- des races d’animaux, et jamais on n’a essayé d’expérimenter avec
- impartialité la valeur de la femme et de l’homme. Jamais on n’a
- essayé de prendre un nombre déterminé d’enfants des deux sexes, de
- les soumettre à la même méthode d’éducation, aux mêmes conditions
- d’existence.</p>
-
- <p>«Qu’on permette aux femmes d’exercer les droits dont jouissent les
- hommes et qu’on enserre les hommes dans les préjugés à l’aide desquels
- on a garrotté les femmes; bientôt les rapports entre la valeur des
- sexes seront totalement renversés.»</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>«Pour édifier la société future de manière à ce que les femmes n’y
- soient pas lésées, il leur faut le droit de travailler à l’édifier;
- il leur faut l’outil qui se trouve au pouvoir de l’homme: le
- bulletin de vote.......»</p>
-</div>
-
-<p>La société «Le Droit des Femmes» toujours agissante, fit des
-manifestes, des conférences, des pétitions, des manifestations. A la
-première fête nationale, sa bannière bleue voilée de crêpe provoqua des
-applaudissements et des critiques.</p>
-
-<p>Alors que les féministes de ce temps-là interrogeaient le vent; étaient
-paralysés par la crainte du ridicule, restaient chez eux ironiques et
-bras croisés; nous déployions <span class="pagenum" id="Page_107">107</span> sous les injures et les outrages, ce
-drapeau programme du féminisme, <i>La Citoyenne</i>!</p>
-
-<p>Notre petit bataillon d’intrépides rénovateurs, devait à la fois
-riposter à Léon Richer qui criait que «nous ne pouvions étant si
-jeunes, voir juste, penser bien» et au <i>Figaro</i>, qui très
-courtoisement, nous demandait: si après les femmes, les bœufs
-voteraient?</p>
-
-<p>En 1883 la société «Le Droit des Femmes», prit le titre de société
-<i>Le suffrage des Femmes</i>.</p>
-
-<p>«Le suffrage des Femmes», avec sa bannière rose et bleue fut acclamé
-aux funérailles de Victor Hugo (1885).</p>
-
-<p>Alexandre Dumas qui avait éloquemment plaidé en faveur des droits
-politiques du sexe féminin ayant été sollicité de devenir président de
-la société <i>Le Suffrage des Femmes</i> vint me faire cette réponse:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Je vous aiderai davantage en restant indépendant, si j’acceptais la
- présidence que vous m’offrez, on me dirait:—Vous êtes avec Hubertine
- Auclert... et je ne serais plus écouté à l’Académie!»</p>
-</div>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>La société voulut ouvrir un cercle du suffrage, elle loua à cet effet
-un joli local occupant tout le premier étage 31, rue de Paradis; mais,
-le propriétaire effrayé par notre titre, écrit en grosses lettres sur
-son immeuble, nous donna immédiatement congé.</p>
-
-<p>Le Cercle du suffrage des femmes fut installé dans un magasin 8,
-Galerie Bergère. Les femmes pouvaient <span class="pagenum" id="Page_108">108</span> venir là, lire, écrire,
-causer; elles étaient chez elles. Des réunions hebdomadaires avaient
-lieu l’après-midi ou le soir.</p>
-
-<p>Le 13 février 1881 parut <i>La Citoyenne</i>, journal hebdomadaire que
-Léon Giraud docteur en droit et Antonin Lévrier licencié en droit,
-journaliste, avaient avec moi fondé. Antonin Lévrier et Léon Giraud
-véritables apôtres des droits de la femme, m’aidèrent à faire du
-journal <i>La Citoyenne</i> un initiateur que les suffragistes ont
-intérêt à consulter<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>.</p>
-
-<p>L’article ci-dessous précise le but de ce journal dont le seul titre
-est un manifeste:</p>
-
-<p class="center br">«<span class="smcap">LA CITOYENNE</span>»</p>
-
-<p>Est <i>Citoyenne</i>—d’après Littré—la <i>femme</i> qui jouit du
-droit de cité dans un Etat.</p>
-
-<p>Pour ce journal, dont le but unique est de revendiquer l’égalité de
-la femme et de l’homme, nous n’avons pas pensé trouver un meilleur
-titre que <i>La Citoyenne</i>, car nous voulons pour la femme non
-seulement la qualité civile du Français, mais encore la qualité
-politique du citoyen, et même—cela paraîtra peut-être étrange à
-quelques-uns-l’examen des événements passés et l’observation des
-événements présents nous font subordonner l’affranchissement civil
-de la femme à son affranchissement politique.</p>
-
-<p>Qu’entend-on par affranchissement civil de la femme?</p>
-
-<p>Par affranchissement civil de la femme on entend l’abrogation <span class="pagenum" id="Page_109">109</span>
-d’une foule de lois vexatrices qui mettent la femme hors la justice
-et hors le droit commun.</p>
-
-<p>Quels sont ceux qui peuvent abroger les lois iniques qui oppriment
-les femmes dans la vie civile? Ce sont les électeurs et les
-législateurs, c’est-à-dire ceux-là seuls qui font ou qui commandent
-de faire les lois. Voilà un point bien établi.</p>
-
-<p>Maintenant, qu’est-ce que l’affranchissement politique de la femme?
-C’est l’avènement de la femme au droit qui confère le pouvoir
-de faire les lois: par soi-même, si l’on est élu député: par
-délégation, si l’on est électeur.</p>
-
-<p>Donc, il ressort de toute évidence que le droit politique est pour
-la femme la clef de voûte qui lui donnera tous les autres droits.</p>
-
-<p>Pendant que la femme ne possédera pas cette arme—le vote—elle
-subira le régime du droit masculin. Tous ses efforts seront vains
-pour conquérir ses libertés civiles et économiques.</p>
-
-<p>Ce qu’il faut aux femmes pour s’affranchir de la tyrannie
-masculine—faite loi,—c’est la possession de leur part de
-souveraineté; c’est le titre de <i>Citoyenne</i> française, c’est
-le bulletin de vote.</p>
-
-<p>La femme citoyenne: c’est-à-dire la femme investie des plus hauts
-droits sociaux, aura, par la liberté, sa dignité rehaussée; par le
-sentiment de la responsabilité, son caractère augmenté.</p>
-
-<p>La femme citoyenne se relèvera promptement de sa fâcheuse
-situation économique, l’Etat et la législation ne l’infériorisant
-plus, toutes les carrières, toutes les professions lui seront
-accessibles, et, quel que soit son travail, elle ne le verra plus
-déprécié sous ce prétexte ridicule qu’il émane d’une femme.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_110">110</span></p>
-
-<p>Avant que la femme ait le pouvoir d’intervenir partout où ses
-intérêts sont en jeu pour les défendre, un changement dans la
-condition politique de la société ne remédierait pas au sort de la
-femme.</p>
-
-<p>Un changement de l’ordre social économique n’affranchirait pas la
-femme; car, bien que tous les jours la question économique soit
-résolue pour un petit nombre de personnes, la condition de la femme
-est, chez les favorisés de la fortune, le lendemain, la même que la
-veille. En France, les femmes millionnaires sont soumises aux mêmes
-lois tyranniques que les femmes pauvres.</p>
-
-<p>Toutes les femmes,—de quelque opinion et de quelque condition
-qu’elles soient,—toutes les femmes souffrent ou peuvent souffrir
-de la législation actuelle. Et sont intéressées à posséder
-le pouvoir d’abroger les lois qui les infériorisent et les
-asservissent.</p>
-
-<p class="br"><i>La Citoyenne</i> que des antiféministes représentaient comme un
-épouvantail fut appréciée; ses articles furent souvent reproduits
-par les grands quotidiens qui en discutant ses théories, louaient sa
-modération et sa logique.</p>
-
-<p>Dès son 16<sup>e</sup> numéro <i>La Citoyenne</i> adressait cette question aux
-législateurs:—Quels sont les députés qui veulent que le suffrage soit
-également exercé par les hommes et par les femmes?</p>
-
-<p>M. Alfred Talendier député et M. J. de Gasté député—qui proposa en
-1890 qu’un nombre égal d’hommes et de femmes siègent à la chambre et au
-sénat, nous répondirent:—qu’ils voulaient le suffrage réellement <span class="pagenum" id="Page_111">111</span>
-universel, également exercé par les hommes et par les femmes». Beaucoup
-d’autres législateurs, affirmèrent dans des conversations particulières
-ce qu’ils n’osèrent dire publiquement.</p>
-
-<p>Quand vinrent les élections de 1885, il fut décidé au cercle du
-suffrage des Femmes que la candidature unique de Maria Deraismes
-serait posée; mais, celle-ci ne voulait ni dépenser ni payer de sa
-personne. Sur ces entrefaites, des dames membres du cercle du suffrage
-qui désiraient être candidates formèrent «La ligue de Protection des
-Femmes» qui fit inscrire sur la liste de la Fédération Républicaine
-socialiste une vingtaine de femmes candidates. Plusieurs de ces dames
-déclinèrent l’honneur qui leur était fait et les suffragistes les plus
-déterminées s’abstinrent de prendre part à cette manifestation.</p>
-
-<p class="br">En 1888 lors de mon départ pour l’Algérie, où mon mari Antonin Lévrier
-était juge de paix, j’avais confié à une de mes collaboratrices la
-direction de <i>La Citoyenne</i> dont la publication était assurée
-par une subvention de M. de Gasté; et, à laquelle je continuais à
-collaborer. En décembre 1891, cette dame, en changeant le titre du
-journal s’appropria <i>La Citoyenne</i> et sa clientèle.</p>
-
-<p>Ce procédé indélicat, fit retirer par M. de Gasté sa subvention et lui
-fit rayer de son testament, la donation qu’il avait faite pour hâter la
-proclamation des droits de la femme.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_112">112</span></p>
-
-<p>En 1889 eut lieu le congrès Français et international du Droit des
-femmes.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Programme Electoral des Femmes qui fut affiché à Paris pendant
-des périodes électorales.</i></p>
-
-<p>L’esclavage de la femme entrave la liberté de l’homme.</p>
-
-<p>La nation française est composée d’hommes et de femmes qui
-subissent les mêmes lois et paient les mêmes impôts. Etant
-également responsables et contribuables, tous les Français,
-sans distinction de sexe, sont au même titre des ayants droit,
-à sauvegarder leurs intérêts dans la société, en participant au
-gouvernement du pays.</p>
-
-<p><span class="smcap">Article Premier.</span>—Tous les Français, hommes et femmes,
-sont égaux devant la loi, et jouissent de leurs droits civils et
-politiques.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 2.</span>—Le suffrage réellement universel, c’est-à-dire
-exercé par les femmes comme par les hommes, remplace le suffrage
-restreint aux hommes.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 3.</span>—Revision de la Constitution, par une assemblée
-composée d’hommes et de femmes.—Revision des Codes, sanctionnée
-par un <i>referendum</i> englobant les femmes comme les hommes.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 4.</span>—Question de paix et de guerre, budget national,
-soumis au vote des Français et Françaises.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 5.</span>—Ecoles mixtes. Egale facilité de développement
-intellectuel et professionnel, pour tous les enfants et libre
-accès, sans distinction de sexe, à tous les emplois et à toutes
-les fonctions publiques. Equitable appréciation du travail; à
-production égale, rétribution égale pour l’homme et pour la femme.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_113">113</span></p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 6.</span>—L’<i>Etat minotaure</i> qui ne se manifeste que
-pour percevoir des dîmes d’argent et de sang, est remplacé par
-l’Etat <i>maternel</i>, qui assure par sa prévoyante sollicitude,
-sécurité et travail aux Français valides, assistance aux enfants,
-vieillards, malades et infirmes.</p>
-
-<p>L’Etat renseigné sur les besoins de production dans chaque
-industrie, fait d’après ces données, l’enrôlement pour le travail
-et permet aux individus de se classer dans la société, selon leurs
-aptitudes, comme il les fait se classer dans l’armée, selon leur
-taille. L’Etat Maternel n’est pas oppresseur, il entrave seulement
-la liberté de mourir de faim.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 7.</span>—La contribution proportionnée aux moyens de
-chacun. Suppression des impôts de consommation, augmentation des
-taxes sur les objets de luxe.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 8.</span>—Allègement du fardeau des femmes qui ont charge
-et responsabilité de vies humaines; allocation à toute mère, mariée
-ou non mariée, d’une indemnité dite indemnité maternelle.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 9.</span>—Service militaire obligatoire pour les
-hommes—service humanitaire obligatoire pour les femmes.—La
-défense du territoire confiée aux hommes.—L’assistance publique
-confiée aux femmes.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 10.</span>—Liberté individuelle pour tous et toutes. Droit
-absolu de penser et d’exprimer verbalement ou par écrit ses idées.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 11.</span>—La justice gratuite et impartiale. Les tribunaux
-et les jurys, composés d’hommes et de femmes.</p>
-
-<p><span class="smcap">Art. 12.</span>—Enfin, mêmes avantages sociaux pour la femme
-que pour l’homme; et, affirmation de l’esprit égalitaire de nos
-institutions, par la préférence donnée à l’utile et au nécessaire
-qui profite à tous, sur l’agréable et le superflu dont ne
-bénéficient que quelques-uns.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_114">114</span></p>
-
-<p>Electeurs, pour que la malhonnêteté en politique cesse d’être de
-règle, il faut que le droit cesse d’être chose arbitraire.</p>
-
-<p>Si vous êtes vraiment las de voir vos ordres méconnus; si vous
-voulez que la nouvelle législature fasse époque dans l’histoire
-du progrès, imposez ce programme aux candidats: l’égalité humaine
-qu’il préconise est le but d’une République; car, République et
-Justice doivent être synonymes.</p>
-
-<p class="br">Après avoir publié dans <i>La Libre Parole</i> des articles sous ce
-titre: «Les Droits de la Femme» je suis entrée en 1896 au journal <i>Le
-Radical</i> où sous cette rubrique «Le Féminisme» je réclame librement
-l’électorat et l’éligibilité pour les femmes.</p>
-
-<p class="br">En 1900 eut lieu le Congrès International de la Condition et des Droits
-de la Femme présidé par M<sup>me</sup> Maria Pognon, où la question des droits
-politiques de la femme ne fut pas discutée.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_115">115</span></p>
- <h2 id="ch_20">JOURNAUX ET SOCIÉTÉS FÉMINISTES</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Avant de fonder la Maison-Maternelle, M<sup>me</sup> Louise Koppe avait créé le
-journal <i>La Femme</i>.</p>
-
-<p>Parmi les journaux féministes qui parurent après <i>La Citoyenne</i>,
-il faut citer:</p>
-
-<p><i>L’Harmonie Sociale</i> dirigée par Aline Valette.</p>
-
-<p><i>La Femme de L’avenir</i> de M<sup>me</sup> Astié de Valsayre.</p>
-
-<p><i>La Revue Féministe</i> de M<sup>me</sup> Clotilde Dissard.</p>
-
-<p><i>Les Droits de la Femme</i>, de M<sup>me</sup> Gabrielle Rony.</p>
-
-<p><i>Le Féminisme Chrétien</i> de M<sup>lle</sup> M. Maugeret.</p>
-
-<p><i>La Fronde</i>, journal quotidien, qui eut pour directrice M<sup>me</sup>
-Marguerite Durand.</p>
-
-<p><i>L’Abeille</i>, que fit paraître M<sup>me</sup> Pauline Savari
-organisatrice de l’exposition des Arts et des Métiers féminins en
-1902.</p>
-
-<p><i>L’Entente</i>, créée par M<sup>mes</sup> Jeanne Oddo-Deflou et Héra
-Mirtel.</p>
-
-<p><i>La Française</i>, fondée par M<sup>me</sup> Jane Misme.</p>
-
-<p><i>La Suffragiste</i> de M<sup>lle</sup> Madeleine Pelletier.</p>
-
-<p class="br">Le parti féministe n’est pas encore organisé en <span class="pagenum" id="Page_116">116</span> France; cependant,
-nombreuses sont les sociétés qui revendiquent les droits de la femme.
-Il y a:</p>
-
-<p>La société pour <i>L’Amélioration du sort de la Femme</i> et la
-revendication de ses Droits, présidente M<sup>me</sup> Feresse Deraismes.</p>
-
-<p><i>Le Suffrage des Femmes</i>, secrétaire générale Hubertine Auclert.</p>
-
-<p><i>La Ligue Française pour le Droit des Femmes</i>, présidente M<sup>lle</sup>
-Marie Bonnevial.</p>
-
-<p><i>La Solidarité des Femmes</i>, présidente M<sup>lle</sup> Madeleine
-Pelletier, secrétaire M<sup>me</sup> Caroline Kauffman.</p>
-
-<p><i>L’Egalité</i>, présidente M<sup>me</sup> Vincent qui a réclamé l’électorat
-et l’éligibilité des femmes aux conseils des Prud’hommes.</p>
-
-<p><i>L’avant-Courrière</i>, présidente M<sup>me</sup> Jeanne Schmahl. C’est à
-l’initiative et à l’opiniâtreté de M<sup>me</sup> Jeanne Schmahl, que l’on doit
-la loi autorisant la femme mariée à toucher le produit de son travail
-et à en disposer.</p>
-
-<p><i>Le Groupe Français d’Etudes Féministes</i>, présidente M<sup>me</sup> Jeanne
-Oddo-Deflou.</p>
-
-<p><i>L’Union Fraternelle des Femmes</i>, présidente M<sup>me</sup> Marbel.</p>
-
-<p><i>L’Union de Pensée Féminine</i>, présidente M<sup>me</sup> Lydie Martial.</p>
-
-<p><i>L’Union Internationale des Femmes</i>, présidente M<sup>lle</sup> J. Van
-Marcke de Lummen.</p>
-
-<p><i>Le Conseil National des Femmes</i> (Fédération de groupes
-philanthropiques et féministes), présidente M<sup>lle</sup> Monod, secrétaire
-générale M<sup>me</sup> Avril de Sainte-Croix.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_117">117</span></p>
-
-<p>A Lyon, il y a <i>La société d’Education et d’action Féministes</i>,
-présidente M<sup>me</sup> Desparmets-Ruello, secrétaire générale M<sup>me</sup> Odette
-Laguerre.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Les efforts réunis de ces journaux et de ces sociétés, ont fait
-s’atténuer l’annihilation de la femme. Une loi sur l’enseignement
-secondaire des jeunes filles fut votée en 1880.</p>
-
-<p>La femme devint électeur et éligible aux conseils départementaux
-d’enseignement en 1880.</p>
-
-<p>Electeur et éligible au conseil supérieur de l’Instruction publique en
-1886.</p>
-
-<p>Apte à servir de témoin dans les actes civils et publics en 1897.</p>
-
-<p>La femme commerçante fut en 1898, admise à voter pour l’élection des
-juges aux tribunaux de commerce.</p>
-
-<p>La femme licenciée en droit fut en 1900 autorisée à exercer la
-profession d’avocat. Les doctoresses avaient pu vingt-cinq ans
-auparavant exercer la médecine. A propos de leur admission à l’internat
-des hôpitaux<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a>, il y eut le 2 février 1885 une grande discussion au
-conseil municipal.</p>
-
-<p>Les femmes devinrent électeurs en 1899 et éligibles aux conseils
-supérieurs du Travail en 1901.</p>
-
-<p>Les femmes devinrent électeurs aux conseils des Prud’hommes en 1907.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_118">118</span></p>
- <h2 id="ch_21">ETATS OU LES FEMMES EXERCENT LEURS DROITS POLITIQUES</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Mais, les Françaises restent des dégradées civiques, alors qu’en trois
-parties du monde des femmes exercent leurs droits politiques.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Europe.</i></p>
-
-<p>En l’île de Man, petite île anglaise de la mer d’Irlande (54.000 h.)
-les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1881.</p>
-
-<p>En Finlande (2.781.000 h.) un ukase de 1906 conféra aux femmes la
-plénitude des droits politiques, et en les élections de 1907 dix-neuf
-Finlandaises ont été élues députées à la diète qui ne compte que 200
-députés.</p>
-
-<p>En Norvège (2.240.000 h.) les droits politiques ont été octroyés aux
-femmes en 1907.</p>
-
-<p>En Danemark (2.450.000 h.) les droits politiques ont été accordés aux
-femmes en 1908.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Amérique.</i></p>
-
-<p>En la République de l’Equateur (Etat de l’Amérique du Sud 1.272.000 h.)
-les femmes jouissent de leurs droits politiques depuis 1861.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_119">119</span></p>
-
-<p>En le Wyoming (Etat de l’Amérique du Nord 100.000 h.) les femmes
-jouissent de leurs droits politiques depuis 1869.</p>
-
-<p>En l’Utah (Etat de l’Amérique du Nord 277.000 h.) les femmes ont leurs
-droits politiques.</p>
-
-<p>En le Colorado (Etat de l’Amérique du Nord 540.000 h.) les femmes
-jouissent de leurs droits politiques depuis 1893.</p>
-
-<p>En l’Idaho (Etat de l’Amérique du Nord-Ouest 162.000 h,) les femmes
-possèdent leurs droits politiques.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Océanie.</i></p>
-
-<p>En Nouvelle-Zélande (823.000 h.) les femmes possèdent leurs droits
-politiques.</p>
-
-<p>En Australie (4.400,000 h.) les femmes jouissent de leurs droits
-politiques.</p>
-
-<p class="br">Bien que spoliée encore en France du droit, la femme qui était hier
-méprisée, semble être aujourd’hui le facteur indispensable sans lequel
-on ne peut rien. L’élite intellectuelle combat pour la femme. Au
-théâtre, dans les journaux, le talent se fait l’avocat de son bon droit.</p>
-
-<p class="br">La mairie du onzième arrondissement, située sur la place Voltaire où
-l’on voit Ledru-Rollin mettre un bulletin dans l’urne électorale était
-bien désignée pour contribuer à rendre réellement universel le suffrage
-en favorisant la revendication de son extension aux femmes.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_120">120</span></p>
-
-<p>Depuis 1900 la Société <i>Le Suffrage des Femmes</i> tient à la
-mairie, salle Parmentier des réunions où sont étudiées les questions
-qui passionnent l’opinion, discutées les réformes et les projets de
-lois—ces réunions sont une école où les femmes s’exercent à leur futur
-rôle d’électrices.</p>
-
-<p>En 1901 la société <i>Le Suffrage des Femmes</i> émit sa vignette
-<i>Droits de la Femme</i> qui fut très recherchée par les
-philatélistes; et, fit créer le timbre du parti radical-socialiste et
-le timbre féministe américain.</p>
-
-<p>M. Alexandre Bérard, alors sous-secrétaire d’Etat aux Postes et
-Télégraphes, par sa circulaire du 30 avril 1903 autorisa à coller sur
-les lettres près du timbre légal, la vignette féministe, qu’un receveur
-des Postes avait dénoncé comme étant un timbre contrefait.</p>
-
-<p>Le 29 octobre 1904, les féministes s’efforcèrent de brûler aux pieds
-de la colonne Vendôme, un exemplaire du Code, pour protester contre la
-célébration de son centenaire.</p>
-
-<p>En 1906, la société <i>Le Suffrage</i> émit son timbre et sa carte
-postale <i>Suffrage universel</i> dont beaucoup de journaux donnèrent
-le fac-similé; et, qui obtinrent tant de succès, qu’un artiste suisse,
-nous demanda l’autorisation de graver l’éloquent dessin sur des montres
-et sur des bijoux.</p>
-
-<p>En les périodes électorales, la société <i>Le Suffrage des Femmes</i>
-fait apposer des affiches où l’on voit un électeur et une électrice qui
-déposent leur bulletin dans l’urne électorale.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_121">121</span></p>
-
-<p>Une proposition de loi en faveur du suffrage administratif et politique
-des femmes célibataires, veuves et divorcées a été présentée à la
-Chambre en 1901 par M. Gautret.</p>
-
-<p>Un autre projet de loi donnant aux femmes le vote dans les élections
-aux conseils municipaux, aux conseils d’arrondissements, aux conseils
-généraux a été déposé à la Chambre en 1906 par M. Dussaussoy.</p>
-
-<p>Ces propositions ne sont pas venues en discussion.</p>
-
-<p class="br">En avril 1907 la lettre suivante fut adressée à chacun des députés et
-des sénateurs.</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire"><i>Monsieur le législateur.</i></p>
-
- <p>La Société «<i>Le Suffrage des Femmes</i>», qui lutte depuis
- vingt-neuf ans pour faire admettre les Françaises à exercer
- leurs droits politiques, vous prie instamment de proposer au
- Parlement de conférer aux femmes—aux mêmes conditions qu’aux
- hommes—l’électorat et l’éligibilité dans la Commune et dans l’État.</p>
-
- <p>Accorder aux femmes qui subissent les lois et paient les impôts,
- le droit au droit commun, ce sera immédiatement élever, avec
- la mentalité, le niveau moral de la France; donc, rendre moins
- redoutables pour la prospérité individuelle et collective, les
- conflits économiques entre individus et entre nations.</p>
-
- <p>Veuillez agréer, Monsieur le Législateur, l’assurance de notre
- considération très distinguée.</p>
-
- <p class="indent3">Pour la Société «Le suffrage des Femmes».</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_122">122</span></p>
-
- <p class="center">Le Comité:</p>
-
- <p class="center hang">Hubertine <span class="smcap">Auclert</span>, Valentine <span class="smcap">Oger</span>, Hermance
- <span class="smcap">Philippe</span>, Marie <span class="smcap">Auclert</span>, Julie <span class="smcap">Auberlet</span>,
- Marie <span class="smcap">Gras</span>, Françoise <span class="smcap">Le Douigou</span>, Delphine
- <span class="smcap">Adam</span>, Jeanne <span class="smcap">Avézard</span>, Louise <span class="smcap">Arban</span>.</p>
-</div>
-
-<p>Le parti Radical-Socialiste a refusé d’adopter un vœu proposé par
-MM. Jean-Bernard, Lucien Le Foyer, Ch. Roret pour l’électorat et
-l’éligibilité des femmes. Nous avons néanmoins demandé à ce parti
-d’inscrire à l’ordre du jour de ses congrès, la question: «De
-l’extension aux femmes des droits politiques.»</p>
-
-<p>Le parti socialiste qui veut le suffrage réellement universel, promet
-d’aider les femmes à conquérir le droit de vote.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Le vœu des Conseillers Généraux de la Seine.</i></p>
-
-<p>Dans sa séance du 20 novembre 1907, le Conseil général de la Seine a
-émis le vœu «que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral,
-pour les élections au conseil général et au conseil municipal».</p>
-
-<p>L’électorat politique aurait été compris dans ce vœu si le rapporteur
-de ma pétition M. d’Aulan, n’avait point été hostile à la participation
-des femmes à la politique.</p>
-
-<p>Voilà les Françaises en marche vers l’urne électorale, grâce à ce vœu
-des Conseillers Généraux que les législateurs ne pourront se dispenser
-de ratifier.</p>
-
-<p class="br">Après avoir employé tous les moyens légaux pour <span class="pagenum" id="Page_123">123</span> obtenir leurs
-droits politiques, les féministes sont forcées de recourir aux moyens
-révolutionnaires.</p>
-
-<p>Le 3 mai 1908, les suffragistes parisiennes envahirent la section
-électorale de la rue Paul-Baudry, la section électorale de la mairie
-du 2<sup>e</sup> arrondissement, la section électorale de la mairie du 1<sup>er</sup>
-arrondissement, et l’une d’entre elles, mit la main sur les urnes et
-tenta de les culbuter.</p>
-
-<p>Ce ne fut qu’à la section électorale de la place Baudoyer, 4<sup>e</sup>
-arrondissement, qu’Hubertine Auclert parvint enfin à s’emparer de
-l’urne qu’elle secoua, renversa et jeta violemment à terre en disant:
-«Ces urnes sont illégales! elles ne contiennent que des bulletins de
-votes masculins! alors que les femmes ont comme les hommes des intérêts
-à défendre à l’Hôtel de Ville.»</p>
-
-<p>Immédiatement arrêtée, Hubertine Auclert fut conduite au commissariat
-où procès-verbal fut dressé contre elle.</p>
-
-<p class="br">Les femmes peuvent précipiter l’entrée de leur sexe dans la salle de
-vote; pour cela, il faut que de dilettantes, elles deviennent des
-sectaires du féminisme.</p>
-
-<p>Les revendicatrices intensifieront leur propagande, si elles
-substituent les efforts collectifs aux efforts individuels, en faisant
-se fédérer tous les groupements suffragistes, en déterminant les femmes
-de toutes opinions, de toutes conditions—pareillement opprimées
-et spoliées par la loi—à s’unir pour exercer une pression sur les
-pouvoirs publics et forcer l’entrée du droit commun politique.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_124">124</span></p>
- <h2 id="ch_22">L’INSCRIPTION SUR LES LISTES ÉLECTORALES</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p class="epigraph">«Une femme fait autrement la même chose qu’un
-homme.»</p>
-
-<p>Les Françaises les plus dignes d’estime et de considération, sont
-dans l’impossibilité d’obtenir une seule carte électorale; alors, que
-les repris de justice peuvent parfois collectionner ces certificats
-d’honorabilité.</p>
-
-<p>On jugeait dernièrement une affaire de vol dans laquelle était impliqué
-un receleur qui avait engagé au Mont-de-Piété des objets volés.</p>
-
-<p>—Comment avez-vous procédé pour engager ces objets au Mont-de-Piété
-demanda le juge au prévenu?</p>
-
-<p>Le prévenu.—En produisant ma carte d’électeur.</p>
-
-<p>Le président, avec stupéfaction.—Comment, vous avez été plusieurs
-fois condamné pour vol—et une fois à treize mois de prison—vous êtes
-électeur?</p>
-
-<p>Le prévenu.—Oui, je suis électeur. Mais je me borne à retirer ma carte
-d’électeur. J’en ai cinq chez moi...</p>
-
-<p>Le président.—Il est bien bizarre qu’il y ait des électeurs de votre
-espèce.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_125">125</span></p>
-
-<p>Les hommes voleurs peuvent voter, tandis que les femmes intègres sont
-frappées d’interdiction civique.</p>
-
-<p>Depuis longtemps nous réclamons contre cette anomalie. Dès 1880, dans
-tous les arrondissements de Paris, des dames membres de la Société
-«Le Droit des Femmes» ont demandé leur inscription sur les listes
-électorales.</p>
-
-<p>Le maire du X<sup>e</sup> arrondissement, motiva dans la lettre ci-dessous, son
-refus d’inscrire les femmes.</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center">VILLE DE PARIS</p>
-
- <p class="center"><i>Mairie du X<sup>e</sup> arrondissement</i></p>
-
- <p>Nous, maire du X<sup>e</sup> arrondissement de Paris,</p>
-
- <p>Vu la demande à nous présentée le 2 février courant, par M<sup>lle</sup>
- Hubertine Auclert, tendant à obtenir son inscription sur la liste
- électorale du X<sup>e</sup> arrondissement.</p>
-
- <p>Vu les motifs longuement développés sur lesquels cette demande est
- fondée.</p>
-
- <p>Vu les lois électorales actuellement en vigueur, notamment le
- décret organique du 2 février 1852, les lois des 7 juillet 1874 et
- 30 novembre 1875.</p>
-
- <p>Considérant que, depuis 1789, jusqu’à nos jours, toutes les lois
- électorales qui se sont succédé ont été sans exception aucune,
- interprétées et appliquées en ce sens qu’elles ont conféré et
- confèrent des droits seulement aux hommes et non aux femmes;</p>
-
- <p>Considérant que la prétention formulée par la réclamante de faire
- ressortir du texte de ces lois une interprétation dont le résultat
- serait de créer en faveur des femmes des <span class="pagenum" id="Page_126">126</span> droits d’électorat et
- d’éligibilité identiques à ceux appartenant aux hommes, constitue
- dès lors une innovation politique dont il n’est pas de notre
- compétence de déterminer ni le mérite, ni la valeur légale.</p>
-
- <p>Considérant qu’il nous appartient encore moins par conséquent de
- prendre sur nous d’en admettre la mise en pratique.</p>
-
- <p>Décidons qu’en l’état actuel de la législation, la demande de
- M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert est déclarée inadmissible.</p>
-
- <p class="ldate">Paris, le 4 février 1880.</p>
-
- <p class="rsignature4"><span class="smcap">Devisme.</span></p>
-</div>
-
-<p>Les dames de la Société «Le Droit des Femmes» firent publier par toute
-la presse cette protestation:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Nous soussignées, nées de parents français, remplissant tous les
- devoirs et les obligations qui incombent aux Français, nous nous
- sommes présentées munies de pièces justificatives établissant
- notre identité, majorité, temps de séjour, à la mairie de nos
- arrondissements respectifs, pour nous faire inscrire sur les
- registres électoraux.»</p>
-
- <p>On nous a répondu que, parce que femmes, nous ne pouvions être
- inscrites.</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>Nous en appelons à l’opinion, de l’injustice que consacre la
- République après les autres régimes en nous maintenant esclaves.»</p>
-</div>
-
-<p>Bien que notre demande eût été rejetée, nous persistâmes à réclamer
-notre inscription électorale.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_127">127</span></p>
-
-<p>En 1885, la commission (pour le quartier du faubourg Montmartre)
-chargée de juger les réclamations électorales, formula ainsi son
-refus d’admettre ma requête:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Considérant que la qualité d’électeur dérive de la qualité de
- citoyen aux termes de toutes les constitutions et lois électorales
- françaises; que toutes les constitutions et lois ne reconnaissent
- qu’aux hommes la qualité de citoyen.</p>
-
- <p>«Considérant qu’en fait et par application de ce principe, les
- femmes n’ont jamais été inscrites sur les listes électorales.</p>
-
- <p>«Considérant que l’application constante universelle et non
- contestée d’une loi en constitue la meilleure interprétation.</p>
-
- <p>«La requête de M<sup>elle</sup> Hubertine Auclert demeurant
- Galerie Bergère, 8, tendant à son inscription électorale ne saurait
- être admise.</p>
-
- <p>«La commission rejette.</p>
-
- <p class="rsignature">«Le Maire du IX<sup>e</sup> arrondissement.</p>
-
- <p class="rsignature2">«<span class="smcap">E. Ferry.</span>»</p>
-</div>
-
-<p>Au XI<sup>e</sup> arrondissement la commission chargée de juger les
-réclamations électorales nous a fait cette réponse:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Attendu qu’une loi a été reconnue nécessaire pour permettre aux
-femmes d’être inscrites sur les listes électorales consulaires.</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_128">128</span></p>
-
- <p>«Attendu que les lois et décrets qui régissent les élections
- politiques ne contiennent aucune disposition permettant aux femmes
- d’être inscrite sur la liste électorale. Vu d’autre part, l’arrêt
- de la cour de cassation de mars 1885, stipulant que les femmes ne
- peuvent exercer des droits politiques, la demande d’inscription sur
- les listes électorales de M<sup>me</sup> Hubertine Auclert n’est pas admise.</p>
-
- <p class="rsignature4">«Le maire du XI<sup>e</sup> arrondissement.»</p>
-</div>
-
-<p>En nombre de villes et de communes, des citoyennes ont vainement
-demandé leur inscription électorale. Les femmes du peuple, les
-travailleuses, qui se laissent guider par la droite raison, ont depuis
-longtemps dans différents départements réclamé leur inscription sur les
-listes.</p>
-
-<p>«Nous avions, disent-elles, lu les affiches pour la revision de la
-liste électorale et ignorant que les femmes n’étaient point électeurs,
-nous sommes allées une bande à la mairie demander qu’on nous inscrive.</p>
-
-<p>Les hommes qui étaient là, se sont bien moqués de nous; nous leur avons
-répondu qu’il n’y avait pas de quoi rire parce qu’on avait fait la
-bêtise d’empêcher de voter les femmes.»</p>
-
-<p>Maintenant, quand les dames demandent à être électeurs on ne leur
-répond plus comme autrefois. «Les chevaux et les bœufs voteront avant
-les femmes.» On leur donne un récépissé de leur demande d’inscription.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_129">129</span></p>
-
-<p>Dans les communes suburbaines comme à Paris, on consigne sur le
-registre, les demandes d’inscription électorale des femmes.</p>
-
-<p>Celles qui possèdent le récépissé de leur requête et la réponse de la
-commission chargée de juger les réclamations en matière électorale,
-doivent garder précieusement ces papiers. Ce sont des parchemins
-en valant bien d’autres, puisqu’ils établissent la supériorité
-intellectuelle qui les a fait protester contre la mise de leur sexe
-hors la loi.</p>
-
-<p>La loi stipule que sont électeurs tous les Français âgés de vingt-et-un
-ans. Ces termes «tous les Français» englobent les femmes quand il
-s’agit d’impôts à payer et de lois à subir; mais, lorsqu’il s’agit de
-droits à exercer, ces mots «les Français» sont censés ne désigner que
-les hommes.</p>
-
-<p>Les Françaises ont tout tenté, pour faire infirmer non point la loi
-inexistante, mais l’usage qui les annule politiquement; elles sont
-allées devant toutes les juridictions: devant le conseil de préfecture,
-devant le Conseil d’Etat, devant la Cour de cassation, réclamer leur
-droit électoral.</p>
-
-<p>Les juges de la Cour de cassation, pour stipuler que les femmes ne
-devaient pas exercer de droits politiques, ont appelé à leur secours la
-Constitution de 1791, qui ne reconnaissait qu’aux gens inscrits sur la
-liste de la garde nationale, la capacité électorale.</p>
-
-<p>Or, comme pour pouvoir faire partie de la garde nationale, il fallait
-payer 40 francs d’impôts, le <span class="pagenum" id="Page_130">130</span> droit électoral dérivait de
-l’obligation d’être contribuable.</p>
-
-<p>La Constitution de 1791 a d’ailleurs été abrogée par celle de 1848,
-dont la Cour de cassation n’a pas parlé, parce que justement, elle nous
-est favorable, puisqu’elle déclare que «la souveraineté réside dans
-l’universalité des Français, que cette souveraineté est inaliénable,
-qu’aucun individu, ni aucune fraction d’individu ne peut s’en attribuer
-l’exercice».</p>
-
-<p>Les juges de la Cour de cassation n’ignorent point que les hommes ne
-peuvent s’approprier les droits des femmes; pourtant, ils nous ont
-demandé de trouver un texte législatif autorisant les femmes à voter.</p>
-
-<p>Indiquez vous-mêmes, messieurs les juges, un texte législatif
-interdisant aux femmes de voter.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_131">131</span></p>
- <h2 id="ch_23">LE PRIX D’UN VOTE DE FEMME</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Sous la République, qui conserve la coutume salique excluant les femmes
-du gouvernement, il est tellement interdit aux Françaises de s’immiscer
-dans les affaires de leur pays, qu’un maire du département des Landes,
-M. Dubedout, qui avait permis en 1885 à deux femmes de voter, fut
-condamné pour ce fait à deux cents francs d’amende. Cent francs par
-vote de femmes, c’est cher!</p>
-
-<p>On ne doit point se laisser effrayer par ce moyen d’intimidation, il
-suffirait qu’un maire et une commission municipale soient déterminés
-à faire de la <i>res hominum</i> la <i>res publica</i>, pour que la
-question de l’électorat féminin fût sans délai résolue.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_132">132</span></p>
- <h2 id="ch_24">LE BLUFF ÉLECTORAL</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Pour refuser la carte électorale aux Françaises, on les cloue au pilori
-d’infamie, en les assimilant aux hommes déchus de leurs droits.</p>
-
-<p>C’est avec les individus condamnés à des peines afflictives ou
-infamantes, c’est avec les voleurs, les escrocs, les gens de mauvaises
-mœurs, les assassins et les fous, que les femmes sont exclues de
-l’électorat.</p>
-
-<p>En ce pays où le nombre fait loi, le suffrage ne comprenant pas les
-femmes qui sont le nombre, n’exprime point la volonté de la France.</p>
-
-<p>Après l’argent, c’est le domicile qui vote et non le souverain.
-L’électeur souverain ne circule pas avec sa souveraineté; c’est un
-roi qui, quand il se déplace, s’arrache du front sa couronne pour la
-confier au garde-meuble social jusqu’à nouvelle installation.</p>
-
-<p>Les difficultés dressées devant l’urne électorale, qui forcent des
-hommes à recourir à la fraude pour voter, prouvent que le suffrage,
-qui exclut en bloc toutes les femmes, c’est-à-dire la majorité de la
-nation, doit s’universaliser <span class="pagenum" id="Page_133">133</span> aux deux sexes et pouvoir partout
-s’exercer pour avoir droit de s’appeler universel.</p>
-
-<p>Les usurpateurs donnent à la loi électorale une interprétation
-contradictoire. Après lui avoir fait dire que les femmes ne doivent
-pas nommer de représentants pour défendre leurs intérêts, ils lui font
-proclamer que les femmes ont le droit d’être représentées...</p>
-
-<p>—Représentées sans représentants?</p>
-
-<p>Parfaitement; ce subterfuge autorise à prendre pour base de l’élection
-des députés cent mille habitants au lieu de cent mille électeurs.</p>
-
-<p>Les Françaises qui sont trouvées indignes d’envoyer des mandataires au
-Parlement, sont trouvées dignes d’être comptées comme les brebis d’un
-troupeau, pour faire nombre et permettre aux éligibles d’augmenter,
-avec les sièges à la Chambre, leur chance d’être élus.</p>
-
-<p>Ce ne sont pas les habitants, mais les seuls électeurs qui doivent être
-pris pour base de l’élection des députés.</p>
-
-<p>Si l’on exigeait pour l’élection d’un député, cent mille électeurs au
-lieu de cent mille habitants, les femmes voteraient bientôt; attendu,
-que les législateurs de tous les partis seraient d’accord pour leur
-octroyer l’électorat. Aiguillonnés par l’intérêt, ils soutiendraient
-que la nation n’est pas exactement représentée à la Chambre pendant que
-les femmes ne votent pas; et, ils auraient vite mis le bulletin dans la
-main des annulées afin de ne point perdre leur place au Parlement.</p>
-
-<p>Présentement, désintéressés de l’établissement du <span class="pagenum" id="Page_134">134</span> vrai suffrage
-universel puisqu’ils bénéficient du nombre des femmes pour être élus,
-sans que leurs actes aient à subir le contrôle féminin les députés
-aiment mieux additionner un troupeau de muettes, que d’avoir à rendre
-des comptes aux femmes électeurs. Des électeurs! ils en ont déjà trop!
-Loin de chercher à les multiplier ils voudraient pouvoir les réduire,
-comme les femmes, au rôle de moutons. Ah! ne représenter qu’un troupeau
-masculin et féminin, dont on n’a point à se préoccuper des bêlements,
-quel rêve!</p>
-
-<p>Les législateurs essaient de persuader aux parias Françaises, qu’elles
-seraient lésées si la loi les libérait, en s’abstenant de les compter.</p>
-
-<p>Certes, les femmes contribuables ont le droit de compter dans la nation
-puisqu’elles coopèrent à la prospérité du pays; seulement, elles
-doivent être représentées non point comme des animaux recensés, mais
-comme des êtres conscients, choisissant et nommant leurs représentants.</p>
-
-<p>Les femmes ne se soucient point de continuer à être confondues avec le
-cheptel d’après lequel l’homme calcule sa richesse, en étant un bétail
-dont il fait le dénombrement pour édifier sa fortune politique.</p>
-
-<p>En ce pays, où M. Thiers affirma que les chemins de fer ne pourraient
-jamais fonctionner, il ne faut pas s’étonner si des hommes soutiennent
-que les femmes ne doivent point participer aux affaires publiques.</p>
-
-<p>Un décret ministériel transformerait de suite les Françaises annihilées
-en citoyennes actives.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_135">135</span></p>
-
-<p>Puisqu’il n’est pas plus facile de faire admettre aux Français inquiets
-de l’avenir, le suffrage des femmes qui les délivrerait de leurs
-cauchemars, que de faire se soumettre les malades aux prescriptions
-qui les guériraient, les ministres, qui, souvent, imposent par décret
-des innovations coûteuses, ne pourraient-ils pas aussi, par décret,
-imposer aux hommes d’être plus riches et plus heureux, en décidant que
-le qualificatif «Français» comprend, les hommes et les femmes devant le
-droit électoral, comme devant les charges publiques?</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_136">136</span></p>
- <h2 id="ch_25">REFUS DE L’IMPOT</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Les femmes qui s’étaient vu refuser la carte d’électeur, informèrent
-leur préfet qu’elles ne voulaient plus coopérer aux dépenses de l’Etat
-qui les annulait:</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Monsieur le préfet,</p>
-
- <p>«J’ai reçu un avis relatif à mes contributions, comme je n’ai pas
- l’intention de les acquitter, je viens vous en prévenir et vous
- prier en même temps de rayer mon nom du rôle des contribuables.</p>
-
- <p>«Je me soumettais aux impositions, parce que je croyais que dans la
- commune, dans le département, dans l’Etat, qui me trouvent bonne
- pour supporter ma part de charges, je possédais ma part de droits.</p>
-
- <p>«Ayant voulu exercer mon droit de citoyenne française, ayant
- demandé, pendant la période de revision, mon inscription sur les
- listes électorales, on m’a répondu que «la loi conférait des droits
- seulement aux hommes et non aux femmes.»</p>
-
- <p>«Je n’admets pas cette exclusion en masse des femmes, qui n’ont
- été privées de leurs droits civiques par aucun jugement. <span class="pagenum" id="Page_137">137</span> En
- conséquence, je laisse aux hommes qui s’arrogent le privilège de
- gouverner, d’ordonner, de s’attribuer les budgets, le privilège de
- payer les impôts qu’ils votent et répartissent à leur gré.</p>
-
- <p>«Puisque je n’ai pas le droit de contrôler l’emploi de mon
- argent, je ne veux plus en donner. Je ne veux pas être, par ma
- complaisance, complice de la vaste exploitation que l’autocratie
- masculine se croit le droit d’exercer à l’égard des femmes. Je n’ai
- pas de droits, donc je n’ai pas de charges; je ne vote pas, je ne
- paye pas.</p>
-
- <p>Recevez, etc.</p>
-
- <p class="rsignature4">«<span class="smcap">Hubertine Auclert.</span>»</p>
-</div>
-
-<p>Cette lettre fut publiée par tous les journaux; les plus hostiles à
-nos idées écrivirent: «La question se trouve par cette logique serrée
-portée du coup sur son véritable terrain.» Dans une société où tout
-repose sur le principe d’égalité, il est incompréhensible que les
-droits que les femmes demandent ne leur soient pas accordés: Nous
-payons des impôts disent-elles, nous devrions être autorisées à les
-voter et à en surveiller l’emploi.»</p>
-
-<p>«Vous êtes dans l’impossibilité, d’opposer à ce raisonnement une seule
-objection qui n’ait pas été réfutée déjà par les partisans de la
-souveraineté populaire.</p>
-
-<p>«L’examen de ce qui se passe dans l’existence fournit d’excellents
-arguments à l’appui de la théorie des femmes. Voilà par exemple une
-dame d’intelligence et de volonté qui a fondé une importante maison de
-commerce; <span class="pagenum" id="Page_138">138</span> elle occupe deux cents ouvriers et employés; elle verse
-à l’Etat sous forme d’impôt des sommes considérables. Vous n’admettez
-pas que cette femme ait le droit de discuter cet impôt, de peser par
-sa voix sur certaines questions de tarif, d’apporter l’appui de son
-expérience à des débats économiques. Ce droit, vous l’attribuez sans
-hésiter à un rôdeur de barrière, qui n’a jamais gagné honnêtement un
-liard de sa vie.»</p>
-
-<p>Sous ce titre: Grève des Contribuables M. Charles Bigot écrivit dans
-<i>Le</i> <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> <i>siècle</i>: «On ne saurait contester
-à M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert d’avoir eu une idée. Ni en Angleterre,
-ni en Amérique où les champions du droit des femmes ne manquent pas
-cependant, le beau sexe n’avait encore imaginé de protester contre
-l’exploitation de l’autocratie masculine par le refus de l’impôt.
-M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert coupe les vivres à une société qu’elle trouve
-injuste pour son sexe. Pas de droits électoraux, pas d’argent. La
-déclaration est nette au moins.»</p>
-
-<p>Mais ce fut surtout une grêle d’injures qui plut sur ces énergiques
-lutteuses pour leur faire lâcher pied.</p>
-
-<p>Dans <i>Le Petit Parisien</i>, Jean Frollo en louant la crânerie des
-insurgées contre le fisc avait prévu les défections qui devaient se
-produire.</p>
-
-<p>Sur les vingt femmes qui avaient refusé l’impôt, trois seulement,
-Hubertine Auclert, V<sup>ve</sup> Bonnaire, V<sup>ve</sup> Leprou ne furent pas
-effrayées par les papiers de toutes couleurs <span class="pagenum" id="Page_139">139</span> qu’elles reçurent,
-résistèrent aux sommations du percepteur et les huissiers saisirent
-leurs meubles.</p>
-
-<p>«Je ne plains pas trop, écrivit Henry Fonquier, M<sup>lle</sup> Hubertine
-Auclert, elle a eu du bruit pour son argent. Il lui a suffi de ne pas
-payer ses contributions pour devenir célèbre. Dans le pays où «paraître
-est tout», elle a paru. Les curieux de l’avenir, qui voudront écrire
-l’histoire du refus de l’impôt au <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup> siècle, ne pourront
-se dispenser de parler d’elle. Elle appartient à l’histoire, en
-compagnie de M. de Genoude, qui faisait vendre son fauteuil, et de M.
-Gambon, qui faisait vendre sa vache. Ceci pourrait donner matière à un
-groupe curieux, et il est bizarre de voir un catholique légitimiste, un
-socialiste et une femme libre user du même procédé.»</p>
-
-<p>Dans «<i>Les Femmes qui tuent et les Femmes qui votent</i>,» Alexandre
-Dumas parle de notre refus de payer l’impôt, il démontre qu’on ne peut
-faire que des objections de fantaisie à nos revendications des droits
-politiques.</p>
-
-<p>Tous les gens de bonne foi pensent bien que si l’on nous empêche
-de contrôler les budgets, c’est-à-dire d’avoir l’œil ouvert sur
-l’administration de nos affaires c’est afin de pouvoir mieux nous duper.</p>
-
-<p>En refusant l’impôt, les femmes ont voulu mettre l’Etat au défi de
-fonctionner sans elles. Cette protestation est légitime, qui paie est
-en droit de donner son avis.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_140">140</span></p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Qui paie la dépense doit la consentir.</i></p>
-
-<p>En 1066 ses amis et conseillers dirent à Guillaume duc de Normandie:
-«Il vous faut demander aide et conseil à la généralité des habitants de
-ce pays; car, il est de droit que qui paie la dépense soit appelé à la
-consentir.»</p>
-
-<p>«Raison est que qui paie l’escot il soit à l’asseoir.»</p>
-
-<p>C’est la première fois, au Moyen Age, que le droit politique est
-exprimé avec cette netteté.</p>
-
-<p>Les femmes apportent plus que les hommes dans les caisses de l’Etat
-puisqu’elles sont en ce pays la majorité.</p>
-
-<p>Il y a en France un million de femmes de plus que d’hommes, cependant,
-le sexe masculin minorité en la nation gouverne seul et étant maître
-absolu, s’attribue tous les bénéfices sociaux.</p>
-
-<p>Les Françaises spoliées et exploitées, auraient un bon moyen pour
-forcer les hommes dictateurs à entrer en accommodement avec elles, ce
-serait de refuser en masse l’impôt.</p>
-
-<p>Dans tous les temps et en tous les pays, le refus de l’impôt a toujours
-été le grand levier des opprimés:</p>
-
-<p>En Angleterre, le patriote John Hampden qui sous Charles I<sup>er</sup> refusa
-l’impôt, à ce despote, fut incarcéré, plaida, replaida et finit par
-provoquer un mouvement <span class="pagenum" id="Page_141">141</span> qui se termina par la défaite de Charles
-I<sup>er</sup> dont la tête roula sur l’échafaud.</p>
-
-<p>Sous Louis XIV des provinces s’insurgèrent contre les intendants
-financiers, elles refusèrent les redevances; mais le faste royal
-nécessitait trop d’or pour que l’on n’écrasât pas sous le pressoir du
-fisc les rebelles. Les intendants furent investis du droit de vie et de
-mort sur les contribuables récalcitrants.</p>
-
-<p>En 1787, la Bretagne et la Normandie, après avoir vainement réclamé
-contre les vexations et les corvées, ne trouvèrent pas de moyens plus
-pratiques pour faire cesser l’oppression, que de couper les vivres aux
-oppresseurs; elles se liguèrent pour refuser l’impôt.</p>
-
-<p>L’exemple donné par ces deux grandes provinces à une époque où la
-situation financière était si difficile, décida la réunion des états
-généraux et hâta par conséquent la révolution.</p>
-
-<p>M. de Genoude légitimiste refusa l’impôt à Louis Philippe. On vendit
-ses meubles.</p>
-
-<p>M. Gambon propriétaire de la Nièvre refusa de payer l’impôt à l’Empire.
-On lui saisit une vache qui fut mise à l’enchère.</p>
-
-<p>En Amérique, le refus de payer la taxe des marchandises importées
-d’Angleterre, a été le signal de la guerre de l’indépendance. Les
-Américains ont mieux aimé détruire, jeter à la mer des cargaisons de
-denrées alimentaires que de payer l’impôt qui les frappait.</p>
-
-<p class="br">Vingt-six ans après des Françaises, des Anglaises ont <span class="pagenum" id="Page_142">142</span> refusé
-d’acquitter leurs contributions parce qu’elles ne sont, elles non plus,
-point électeurs politiques. Si cette manifestation se généralisait,
-elle jetterait l’inquiétude au camp des hommes, puisqu’elle menacerait
-d’arrêter faute de munitions, la force motrice qui fait mouvoir la
-machine gouvernementale.</p>
-
-<p>Les femmes peuvent-elles continuer à entretenir un état masculiniste où
-elles ne sont admises qu’à titre de contribuables?</p>
-
-<p>Quand des individus s’associent dans un but quelconque, pourvu qu’ils
-apportent le même numéraire, qu’ils soient hommes ou femmes, ils ont un
-identique pouvoir administratif. Les impôts, qui sont la part apportée
-dans les caisses publiques par chacun des Français et des Françaises,
-ne peuvent donc, sans préjudice pour la nation, être livrés à
-l’arbitraire masculin. Il est urgent que la collectivité féminine dise
-à la collectivité masculine:—Nous n’avons point confiance en votre
-administration, voilà pourquoi nous voulons examiner, discuter, voter
-avec vous les budgets.</p>
-
-<p>Le préfet de la Seine qui avait répondu aux femmes que bien qu’elles
-soient non électrices, elles restaient contribuables reçut cette lettre:</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Monsieur le préfet,</p>
-
- <p>«Vous m’informez que, pour rejeter ma demande de dégrèvement
- d’impôt, vous vous appuyez sur l’article 12 de la loi du 21 avril
- 1832, qui déclare imposable à la contribution <span class="pagenum" id="Page_143">143</span> personnelle et
- mobiliaire tout habitant français ou étranger non réputé indigent.</p>
-
- <p>«Il y a quelques mois, je m’appuyais sur une loi identique, mais de
- date plus récente, la loi du 5 mai 1848, qui dit: «Art. 6.—Sont
- électeurs tous français,» pour réclamer mon inscription sur les
- listes électorales.</p>
-
- <p>«On m’a répondu que, devant le scrutin, «Français» ne signifiait
- pas «Française». Si Français ne signifie pas Française devant le
- droit; Français ne peut signifier Française devant l’impôt.</p>
-
- <p>«Je n’accepte pas cette anomalie qui fait mon sexe incapable de
- voter et capable de payer.</p>
-
- <p>«Comme vous ne paraissez pas tenir compte des motifs qui me font
- refuser la contribution, j’ai l’honneur de vous informer, monsieur
- le préfet, que je désire user de mon droit de présenter des
- observations orales à la séance publique du conseil de préfecture
- que vous voudrez bien m’indiquer. Je m’y ferai assister par M<sup>e</sup>
- Antonin Lévrier.</p>
-
- <p>«Recevez, etc.</p>
-
- <p class="rsignature4">«<span class="smcap">Hubertine Auclert</span>».</p>
-</div>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_144">144</span></p>
- <h2 id="ch_26">POURVOI DEVANT LE CONSEIL DE PRÉFECTURE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>A l’appel de l’affaire Hubertine Auclert contre le préfet de la Seine,
-je me suis avancée vers le prétoire et avant que n’intervînt mon avocat
-Antonin Lévrier, j’ai dit:</p>
-
-<p>Messieurs, vous savez, qu’il existe entre l’impôt et le vote une si
-grande corrélation que jusqu’en 1848 le cens a été la condition du
-vote. C’est un principe de notre droit français, que l’impôt doit être
-voté par celui qui le paie.</p>
-
-<p>J’ai légalement revendiqué mon droit de vote, je suis dans les
-conditions requises pour l’exercer, cependant, quand j’ai demandé ma
-carte d’électeur on m’a répondu que je n’avais pas de droits, que je ne
-comptais pas parce que j’étais une femme!..</p>
-
-<p>Comment se fait-il alors qu’on me réclame, à moi qui ne compte pas, des
-contributions? C’est illogique, attendu que je ne puis à la fois être
-rien et quelqu’un. Je ne puis être inexistante quand il s’agit de voter
-et existante quand il s’agit de payer.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_145">145</span></p>
-
-<p>J’ai voulu porter cette question devant vous, messieurs, parce que vous
-êtes un tribunal obligé de motiver vos jugements; et que la discussion
-étant contradictoire entre l’organe du gouvernement et moi; vous et
-par vous tout le public, devant ce débat porté si haut, sera obligé
-de peser ce que valent les arguties de texte devant les arguments de
-raison.</p>
-
-<p>Or, la raison enseigne que tout argent déboursé doit avoir son emploi
-contrôlé par la personne qui le débourse.</p>
-
-<p>Je ne réclame pas de dégrèvements d’impôts pour avoir la satisfaction
-de ne rien payer. Je ne demanderais pas mieux que de participer aux
-charges qui incombent aux habitants de mon pays, mais je veux jouir des
-droits qui découlent de ces charges. Si je suis contribuable; eh bien,
-je veux être électeur. Ce ne sont pas ceux qui ont pour mission de
-rendre la justice qui peuvent me blâmer de la demander.</p>
-
-<p>On vous dit, que si vous me dispensiez de payer les contributions,
-l’année prochaine d’autres femmes réclameraient, puis d’autres et
-d’autres encore; si bien, qu’en peu de temps, il se produirait un
-sensible déficit dans les recettes de l’impôt.</p>
-
-<p>Tant mieux, si cela arrivait, car alors les hommes voyant qu’ils ne
-peuvent se passer de notre apport se décideraient à compter avec nous,
-à nous traiter en associées et non plus en esclaves rançonnées. Si un
-déficit se produisait, les hommes s’empresseraient de remplacer le
-régime de droit masculin existant, par une <span class="pagenum" id="Page_146">146</span> constitution réellement
-basée sur l’égalité des hommes et des femmes devant le devoir.</p>
-
-<p>Vous penserez, messieurs, que l’avenir qui sûrement émancipera la femme
-enregistrera l’arrêt que vous allez prononcer. Vous vous ferez un
-honneur d’établir ce grand principe de justice sociale, à savoir: que
-dans un Etat où les femmes n’ont pas de droits, les femmes ne peuvent
-non plus avoir de charges.</p>
-
-<p>M<sup>e</sup> Antonin Lévrier, dans son langage concis et mesuré rappelle que
-la question de l’impôt, de l’égale répartition de l’impôt, a été aux
-grandes époques de notre histoire, le point de départ des réformes
-dont nous jouissons. «Avant 1789, le tiers Etat contribuait seul aux
-charges de l’Etat, la noblesse payant, disait-elle, de son sang, le
-clergé de ses prières. L’égalité a enfin prévalu, mais elle n’est pas
-encore ce qu’elle devrait être, puisque la femme est restée en tutelle,
-sans indépendance et sans initiative. On la compte pour rien et on lui
-demande l’impôt.</p>
-
-<p>M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert s’adresse à vous, messieurs, qui êtes
-juges des différends entre l’Etat et les individus pour obtenir la
-réformation d’un abus qui a trop duré.»</p>
-
-<p>Le Conseil a sur le rapport de M. Pasquier pris l’arrêté suivant:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«Considérant que l’art. 12, § 1<sup>er</sup> de la loi du «21 avril 1832,
- décide «que la contribution «personnelle et mobilière est due par
- chaque habitant français <span class="pagenum" id="Page_147">147</span> et par chaque étranger de tout sexe
- jouissant de ses droits et non réputé indigent.»</p>
-
- <p>»Que dans la disposition précitée, les mots <i>jouissant de ses
- droits</i> n’ont qu’un sens spécial et restreint;</p>
-
- <p>»Que d’après les termes exprès du § 2<sup>e</sup> de l’art. 12 survisé, il
- y a lieu de comprendre au nombre des personnes jouissant de leurs
- droits les garçons et les filles majeurs ou mineurs ayant des
- moyens suffisants d’existence, soit par leur fortune personnelle,
- soit par la profession qu’ils exercent;</p>
-
- <p>»Considérant qu’il résulte de l’instruction que M<sup>lle</sup> Auclert a
- des moyens suffisants d’existence;</p>
-
- <p>»Qu’elle doit donc être réputée <i>jouir de ses droits</i> dans le
- sens attribué à cette expression par la loi du 21 avril 1832;</p>
-
- <p>»Que dès lors elle n’est pas fondée à demander la décharge de la
- contribution personnelle et mobilière à laquelle elle a été imposée
- au rôle de 1880, 12, rue, Cail, à Paris;</p>
-
- <p>»Arrête:</p>
-
- <p>»La requête de M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert est rejetée.»</p>
-</div>
-
-<p>Nous en avons appelé de la juridiction du conseil de préfecture, à
-la juridiction du conseil d’Etat, pour établir que les femmes sont
-électeurs en même temps que contribuables.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_148">148</span></p>
- <h2 id="ch_27">POURVOI DEVANT LE CONSEIL D’ETAT</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<div class="quote">
- <p class="center"><i>A Messieurs les Conseillers d’Etat.</i></p>
-
- <p class="ldestinataire">Messieurs,</p>
-
- <p>«J’en appelle à vous, de l’arrêt rendu contre moi, par le conseil
- de préfecture de la Seine: Le conseil a rejeté ma demande en
- dégrèvement d’impôts, en s’appuyant sur l’article 12 de la loi du
- 21 avril 1832 ainsi conçu:—La contribution personnelle mobilière
- est due par chaque habitant français et par chaque étranger de tout
- sexe, <i>jouissant de ses droits</i> et non réputé indigent.</p>
-
- <p>Je ne puis être visée par cet article qui stipule qu’il faut jouir
- de ses droits pour payer la contribution; car moi, je ne jouis
- pas de mes droits puisque je suis rangée parmi les exclus de
- l’électorat.</p>
-
- <p>«Le commissaire du gouvernement m’a dit, que je n’étais pas
- seule à payer sans exercer de droits, que les étrangers, que les
- mineurs étaient dans le même cas que moi et que cependant ils ne
- réclamaient pas.</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_149">149</span></p>
-
- <p>Veuillez remarquer, Messieurs, que les mineurs et les étrangers,
- qui sans exercer de droits contribuent aux charges publiques, n’ont
- pas à subir le même dommage que les femmes. Sans légiférer, sans
- administrer, ils sont servis par les mandataires de leur sexe qui
- ont reçu mandat de s’employer pour la collectivité masculine. Les
- étrangers et les hommes mineurs appartenant à cette collectivité,
- bénéficient naturellement de tout ce qui lui revient d’heureux. Il
- n’y a donc aucune analogie, entre les femmes privées à perpétuité
- de leurs droits et les hommes qui en obtiennent ou par le temps, ou
- par leur volonté, l’exercice.</p>
-
- <p>«Ce principe; que l’impôt doit être voté par celui qui le paie,
- qui existe dans la loi de 1832, découle de la constitution de
- 1791 basée sur «La déclaration des droits» qui dans son article
- 14 déclare formellement que tous ceux qui paient l’impôt, ont le
- droit d’en contrôler par eux-mêmes ou par leurs représentants
- la nécessité. Que tous ceux qui paient l’impôt, ont le droit de
- le consentir librement, d’en suivre l’emploi, d’en déterminer
- la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.» Cet
- article, abonde dans mon sens. Ou bien, comme je le soutiens,
- tous les imposés hommes et femmes, doivent régler l’emploi des
- contributions; ou bien, les hommes qui seuls contrôlent les
- dépenses, doivent les payer.</p>
-
- <p>«Les femmes, par la contribution directe et indirecte, apportent la
- moitié des recettes dans les caisses <span class="pagenum" id="Page_150">150</span> de l’Etat; mais, elles ne
- bénéficient point du quart des dépenses.</p>
-
- <p>«En examinant les différents chapitres du budget, on voit que les
- hommes se sont presque tout attribué. Les deux tiers des sommes
- allouées pour l’instruction publique leur sont accordés, afin
- qu’ils puissent se donner cette supériorité du point de départ, le
- développement intellectuel.</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>«Tous les budgets étant employés surtout à l’avantage du sexe
- masculin. Ne l’ignorant pas, je suis naturellement amenée à vous
- présenter ces conclusions que j’espère que vous agréerez.</p>
-
- <p>«Attendu, qu’il est bien démontré que je ne jouis pas de mes droits
- et ne puis par conséquent être visée par l’article 12 de la loi du
- 21 avril 1832 qui énumère expressément les conditions requises pour
- être contribuable.</p>
-
- <p>«Attendu, qu’il est bien démontré que l’argent des contributions
- que je verse profite presque exclusivement aux hommes.</p>
-
- <p>«Attendu, que je suis exclue de la loi qui donne pour garantie de
- l’équité de la répartition des impôts, le droit à tout contribuable
- de les répartir ou de les faire répartir par des mandataires légaux.</p>
-
- <p>«M’en référant à la déclaration des droits de 1789 et à la
- Constitution de 1791 de laquelle découle toute la législation
- postérieure relative à cet objet, je conclus que je dois pouvoir
- contrôler, ou faire contrôler par <span class="pagenum" id="Page_151">151</span> des personnes mandatées par
- moi, l’emploi de mon argent, ou que je dois être déchargée de toute
- contribution.</p>
-
- <p>«Vous écouterez ma réclamation, Messieurs, vous rendrez un arrêt
- équitable pour la moitié déshéritée de l’humanité et de la chambre
- du Conseil d’Etat, sortira pour les femmes la réforme de la
- législation.</p>
-
- <p class="rsignature4">«<span class="smcap">Hubertine Auclert.</span>»</p>
-</div>
-
-<p>Le Conseil d’Etat après avoir examiné notre affaire; a rendu l’arrêt
-ci-dessous:</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop hidden" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_152">152</span></p>
- <h2 id="ch_28">L’ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center">CABINET</p>
-
- <p class="center smcap">DU</p>
-
- <p class="center">Sénateur Préfet de la Seine</p>
-
- <p class="center">1<sup>er</sup> Bureau</p>
-
- <p class="center"><b>PRÉFECTURE</b></p>
-
- <p class="center smcap">DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE</p>
-
- <p class="center"><b>RÉPUBLIQUE FRANÇAISE</b></p>
-
- <p class="center"><i>CONSEIL D’ÉTAT</i></p>
-
- <p class="center">Séance du 31 mars 1881.</p>
-
- <p class="center">Au nom du peuple Français.</p>
-
- <p>La section du contentieux du conseil d’Etat.</p>
-
- <p>Vu la requête présentée par la demoiselle Hubertine Auclert,
- demeurant à Paris, tendant à ce qu’il plaise au conseil: annuler un
- arrêté, en date du 11 août 1880, par lequel le conseil de Préfecture
- du département de la Seine a rejeté sa demande de décharge de la
- contribution personnelle et mobilière à laquelle elle a été imposée,
- pour l’année 1880, sur le rôle de la ville de Paris.</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_153">153</span></p>
-
- <p>Ce faisant, attendu qu’elle n’a pas la jouissance des droits
- politiques; que, dès lors, elle ne jouit pas de ses droits dans le sens
- de l’article 12 de la loi du 21 avril 1832, et ne doit pas être imposée
- à la contribution personnelle et mobilière; lui accorder la décharge
- demandée;</p>
-
- <p>Vu l’arrêté attaqué;</p>
-
- <p>Vu la réclamation de la demoiselle Hubertine Auclert devant le conseil
- de Préfecture;</p>
-
- <p>Vu l’avis de la commission des contributions directes, et des agents de
- l’administration des contributions directes;</p>
-
- <p>Vu la lettre, en date du 28 février 1881, par laquelle le Préfet de la
- Seine, transmet le présent pourvoi;</p>
-
- <p>Ensemble le rapport du directeur des contributions directes;</p>
-
- <p>Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;</p>
-
- <p>Vu la loi du 21 avril 1832;</p>
-
- <p>Ouï, M. Bonnieu, auditeur, en son rapport;</p>
-
- <p>Ouï, M. Chante-Grellet, maître des requêtes, commissaire du
- Gouvernement, en ses conclusions;</p>
-
- <p>Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 21 avril 1832,
- la contribution personnelle et mobilière est due par chaque habitant
- français ou étranger de tout sexe jouissant de ses droits et non réputé
- indigent; que d’après le même article, les garçons et filles majeurs ou
- mineurs, ayant des moyens suffisants d’existence, sont considérés comme
- jouissant de leurs droits;</p>
-
- <p>Considérant qu’il résulte de l’instruction que la demoiselle <span class="pagenum" id="Page_154">154</span>
- Hubertine Auclert jouit de ses droits dans le sens de l’article 12
- précité; que, dès lors; c’est avec raison qu’elle a été maintenue par
- le conseil de Préfecture de la Seine, à la contribution personnelle et
- mobilière à laquelle elle a été imposée pour 1880 sur le rôle de la
- ville de Paris,</p>
-
- <p>Décide:</p>
-
- <p class="center">Article 1<sup>er</sup></p>
-
- <p>La requête de la demoiselle Hubertine Auclert est rejetée.</p>
-
- <p class="center">Art. 2</p>
-
- <p>Expédition de la présente décision sera transmise au ministre des
- finances.</p>
-
- <p>Délibérée dans la séance du 31 mai 1881 où siégeaient MM.
- Laferrière président; Bertout, Braun, Tirman, Colonna-Ceccaldi,
- conseillers d’Etat, et Romieu, auditeur, rapporteur.</p>
-
- <p>Lue en séance publique le 8 avril 1881.</p>
-
- <p class="rsignature">Le président de la section du contentieux</p>
-
- <p class="rsignature4">Signé: <span class="smcap">Ed. Laferrière</span>.</p>
-</div>
-
-<p>Le Conseil d’Etat invoque la subtilité de la loi qui me fait considérer
-comme jouissant de mes droits lorsqu’il s’agit de payer les impôts, et
-qui, quand je veux exercer ces droits, me les dénie.</p>
-
-<p>Si pour les élections je voulais essayer de voter, je suis certaine
-que l’on me repousserait de l’urne électorale <span class="pagenum" id="Page_155">155</span> avec cette
-formule:—Vous ne jouissez pas de vos droits!</p>
-
-<p>Dans tous les actes de la vie sociale et politique, on me dit que je
-ne jouis pas de mes droits. Cependant quand arrive le moment de payer
-l’impôt, que, pour ce motif, je demande à en être déchargée; on me
-répond! «Que je suis considérée comme jouissant de mes droits.»</p>
-
-<p>Ainsi, moi qui ne jouis pas de mes droits pour voter l’impôt, je
-jouirais de mes droits pour le payer?</p>
-
-<p>Je ne puis cependant être à la fois capable et incapable. Capable pour
-donner mon argent; et incapable, pour contrôler l’emploi qu’on en fait.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_156">156</span></p>
- <h2 id="ch_29">LE DROIT POUR LES FEMMES DE PÉTITIONNER</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétitions remarquées.</i></p>
-
-<p>Les Françaises doivent à M<sup>me</sup> Jeanne Deroin, à MM. Schoelcher et
-Crémieux, d’avoir conservé le droit de pétitionner.</p>
-
-<p>Quand en avril 1851 un député, M. Chapot, fit à l’assemblée législative
-la proposition de supprimer pour les femmes le droit de pétition en
-matière politique, Jeanne Deroin alors détenue politique, protesta du
-fond de sa prison, pria les citoyens représentants de ne point enlever
-aux femmes le droit de pétitionner.</p>
-
-<p>La question vint en discussion le 24 juin 1851<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>. Le rapporteur M.
-Quantin-Bauchard, commença par trouver plaisant qu’une seule femme
-réclamât contre l’interdiction du droit de pétitionner:—«Il s’agissait
-pour elles, dit-il, de prouver qu’elles sont capables de se servir du
-droit de pétition, en pétitionnant contre leur exclusion de ce droit.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_157">157</span></p>
-
-<p>—A droite:—C’est cela! C’est cela!</p>
-
-<p>M. Quantin-Bauchard—Eh bien, il y a une femme, une seule, qui a
-réclamé (explosion de rires), et c’est notre honorable collègue Laurent
-de l’Ardèche, qui s’est fait l’avocat des dames pétitionnaires en
-matière politique.</p>
-
-<p class="dottedline">&#160;</p>
-
-<p>—Vous sentez que c’est là une question de décence publique, de dignité
-parlementaire. Comment! il arrivera une pétition signée dans un sens
-par le mari, signée dans un autre par la femme! Quels seraient donc
-l’autorité et le sexe qui domineraient ici?»</p>
-
-<p>Tout le monde cependant n’était pas convaincu, puisque le 2 juillet M.
-Schoelcher proposa un amendement pour maintenir aux femmes le droit de
-pétitionner. Cet amendement chaleureusement défendu par M. Crémieux,
-fut adopté à l’unanimité au milieu de l’hilarité générale.—Ces députés
-riaient d’avoir été empêchés de jouer un bon tour aux femmes spoliées,
-en leur interdisant de réclamer.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétition pour demander le droit de vote ou l’exonération de
-l’impôt.</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p>
-
- <p>«Nous nous sommes adressées à toutes les juridictions: Le maire,
- le préfet, le conseil de préfecture, le conseil d’Etat, pour être
- déchargées du devoir de payer les impôts ou être admises à exercer
- notre droit de vote. Toutes les juridictions nous ont répondu que
- leur compétence ne <span class="pagenum" id="Page_158">158</span> pouvait aller jusqu’à nous faire justice,
- que nous devions nous adresser à vous.</p>
-
- <p>«Nous avons, messieurs, l’honneur de vous présenter notre requête.
- La corrélation entre l’obligation de payer l’impôt et le droit de
- le voter est indiscutable. Nous espérons que vous nous accorderez
- le droit de voter, c’est-à-dire le pouvoir de contrôler ou de faire
- contrôler l’emploi de notre argent, ou que vous nous dispenserez de
- payer.</p>
-
- <p>«Si les hommes ont besoin de l’apport des femmes, qu’ils les
- traitent en associées et non en esclaves rançonnées. Nous voulons
- bien participer aux charges qui incombent aux habitants de notre
- pays, mais nous voulons jouir des droits qui découlent de ces
- charges. Pour être contribuables, nous voulons être électeurs.</p>
-
- <p>«L’impôt ne peut être consenti que par les ayants droit au vote;
- pendant que nous ne sommes pas de ceux-ci, nous ne devons rien à
- l’Etat. Vous aurez, messieurs, l’impartialité de le reconnaître et
- d’établir ce grand principe de justice sociale, à savoir: que dans
- un pays où les femmes n’ont pas de droits, les femmes ne peuvent
- non plus avoir de charges.</p>
-
- <p class="rsignature3"><span class="smcap">Hubertine Auclert</span>,»</p>
-
- <p class="rsignature4">12, rue Cail, directrice de la <i>Citoyenne</i>.</p>
-
- <p class="rsignature3"><span class="smcap">Veuve Bonnaire</span>,</p>
-
- <p class="rsignature4">103, boulevard de la Gare, commerçante et prop<sup>re</sup>.</p>
-
- <p class="rsignature3"><span class="smcap">Veuve Leprou</span>,</p>
-
- <p class="rsignature4">à Pontlieu (Sarthe), relieuse et propriétaire.</p>
-</div>
-
-<p>Cette pétition a été écartée par l’ordre du jour.</p>
-
-<p>En 1882 au moment où il fut question de reviser la <span class="pagenum" id="Page_159">159</span> Constitution
-nous demandâmes par la pétition suivante que les femmes coopèrent à
-cette revision.</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">Messieurs les Députés,</p>
-
- <p>«Permettez-nous d’introduire dans votre discussion sur la revision
- intégrale ou partielle de la Constitution, une question bien
- plus importante que toutes celles qui vous divisent: la question
- d’admettre les femmes comme membres du Congrès, pour reviser la
- Constitution.</p>
-
- <p>«Si vous voulez réellement faire une constitution républicaine,
- vous devez décréter que vos mères, vos sœurs, vos épouses, vos
- filles, les femmes qui portent le beau nom de Françaises—Franques,
- c’est-à-dire libres—sont affranchies de l’esclavage et jouissent
- de toutes les prérogatives qu’ont les hommes.</p>
-
- <p>«Vous trouvez mauvais que les femmes acceptent les dogmes,
- ne serait-ce pas aussi mauvais que les femmes acceptent sans
- discussion, sans examen, les lois qui sont au temporel ce que
- les dogmes sont au spirituel? Pour que les femmes respectent la
- Constitution, pour qu’elles s’y soumettent, il faut qu’elles
- participent à sa confection.</p>
-
- <p>«L’équité la plus élémentaire, vous conseille d’appeler les femmes
- au Congrès, pour qu’elles y réclament l’exercice de leurs droits de
- citoyennes.</p>
-
- <p>«Comment, pourriez-vous tenir plus longtemps en dehors de
- l’administration des affaires publiques, les femmes sur lesquelles
- reposent la sécurité et le crédit de la France?</p>
-
- <p>«Vous vous inspirerez de ces considérations sérieuses, messieurs,
- et si vous voulez réellement fonder la République, vous laisserez
- aux générations, une Constitution qui donne aux hommes et femmes,
- les mêmes droits.»</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_160">160</span></p>
-
-<p>Le rapporteur de la commission des pétitions de la chambre, M. Frédéric
-Thomas, conclut dans les termes suivants au rejet de la pétition:</p>
-
-<div class="quote">
- <p>«La demoiselle Hubertine Auclert paraît remplie de confiance, elle
- se flatte que les destinataires de sa pétition s’inspireront de ses
- considérations sérieuses. L’épithète de sérieuse peut passer pour une
- qualification ambitieuse; regardons-la, comme l’illusion d’un cœur
- sensible et aventureux et ménageons-la, sans espérer la guérir en la
- traitant, sinon par cette fin de non recevoir rigoureuse de la question
- préalable, du moins par cette exception plus courtoise de l’ordre du
- jour.»</p>
-</div>
-
-<p>Ces injures ne nous découragèrent pas, et une nouvelle pétition
-réclamant l’électorat et l’éligibilité pour les femmes fut déposée à la
-chambre.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétition pour demander que ces mots: «Les Français,» qui
-comprennent les deux sexes comme contribuables, comprennent les
-deux sexes comme électeurs</i>,</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p>
-
- <p>«Ce fait que la représentation nationale est exclusivement composée
- d’hommes, et d’hommes exclusivement mandatés par des hommes, cause
- un préjudice moral et matériel considérable aux femmes. L’absence
- des femmes de la législature produit l’injustice de la législation.</p>
-
- <p>«Dans la discussion et le vote des lois générales, les femmes
- n’ayant personne pour prendre la défense de leurs intérêts, leurs
- intérêts sont sacrifiés.</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_161">161</span></p>
-
- <p>«Dans la discussion et le vote des lois qui visent particulièrement
- les femmes, les projets qui leur seraient favorables sont écartés,
- pour ce principal motif qu’ils gênent l’autocratie masculine, ou
- prennent pour les femmes un peu des budgets que les hommes se sont
- presque exclusivement attribués.</p>
-
- <p>«Nous vous demandons, messieurs les députés, de décider que
- ces mots «<i>Les Français</i>» soient interprétés dans la loi
- électorale comme ils le sont dans la loi civile. Ces mots «<i>Les
- Français</i>» qui comprennent les deux sexes comme contribuables
- doivent comprendre les deux sexes comme électeurs, donc, leur
- conférer, au même titre, le droit au vote municipal et politique,
- le droit à l’éligibilité.</p>
-
- <p>«Les femmes ont autant d’intérêt que les hommes à la confection des
- bonnes lois, à la répartition équitable des budgets. Or, l’exercice
- des droits civiques est le seul moyen pour elles de contrôler ce
- qui se fait, de garantir à la fois leurs intérêts et leur liberté.</p>
-</div>
-
-<p>Cette pétition couverte de plus de mille signatures fut rejetée par
-l’ordre du jour.</p>
-
-<p>M. Cavaignac dit dans son rapport: «Il n’est pas permis de parler
-légèrement d’une thèse dont des hommes éminents et parmi eux Stuart
-Mill, se sont faits les défenseurs éloquents. Mais l’opinion n’est pas
-suffisamment préparée, à voir siéger sur les bancs de nos assemblées,
-un élément étranger au sexe masculin. Les femmes ne sont pas préparées
-au maniement des affaires publiques.»</p>
-
-<p>Hé! ce ne sera qu’en votant et en légiférant que les femmes deviendront
-d’habiles législatrices.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_162">162</span></p>
-
-<p>Tous les journaux parlèrent de cette pétition.</p>
-
-<p>La <i>Presse</i> trouva la réponse de la commission des pétitions
-dangereuse. Elle semble, dit-elle, encourager M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert
-à persévérer et à gagner l’opinion publique à une idée qui est fausse.</p>
-
-<p>Le <i>Figaro</i> appuya notre revendication.</p>
-
-<p>«Comment, dit-il, n’être pas choqué à l’idée qu’une de ces femmes de
-tête, comme on en compte par milliers dans le commerce ou l’industrie,
-ou bien une de ces femmes de haut luxe, résumant en elle la culture
-de vingt générations n’ait pas sur les affaires publiques, la part
-d’influence que personne n’oserait contester aujourd’hui au charretier
-de la marchande, ou au palefrenier de la grande dame.</p>
-
-<p>Changeons de monde si vous voulez; comparez la ménagère laborieuse,
-économe, martyre du mariage et de la maternité, qui vient chercher le
-jour de paie, à l’atelier, son mari ivrogne et qui tâche de sauver des
-cabarets le modeste pécule de la maisonnée! L’être maculé de vin et de
-boue, dégradé, abruti, immonde, qui heurte les murailles et qui bat sa
-femme—c’est l’électeur. C’est lui dont on défend les droits, c’est lui
-qu’il est urgent de représenter.</p>
-
-<p>La femme, la victime ne compte pas; elle n’est pas «suffisamment
-préparée.»</p>
-
-<p>Dans La <i>Bataille</i> M. Lissagaray réfuta en ces termes le
-rapport de M. Cavaignac: «Le vote des femmes est le corollaire fatal
-du suffrage universel, comme la vie politique est le corollaire
-de l’affranchissement des <span class="pagenum" id="Page_163">163</span> noirs; où il y a identité absolue
-d’intérêt, il ne saurait exister de différence dans le droit.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétition au Congrès de Versailles</i><br />
-(<i>12 Août 1884</i>)<br /><br />
-<i>A Messieurs les membres du Congrès</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">Messieurs,</p>
-
- <p>Nous venons rappeler à votre mémoire l’existence des femmes,
- existence dont vous paraissez vouloir vous abstenir de tenir compte
- en revisant la Constitution.</p>
-
- <p>Veuillez vous souvenir que les femmes sont la moitié de la nation.</p>
-
- <p>Responsables, contribuables, membres de la société, les femmes sont
- au même titre que les hommes des ayants droit.</p>
-
- <p>Pour que la France entière soit représentée aux Chambres, pour que
- le suffrage soit véritablement universel, il faut que les femmes
- soient électrices.</p>
-
- <p>Vous voulez supprimer le suffrage restreint pour l’élection des
- sénateurs, supprimez, en même temps, le suffrage restreint pour
- l’élection des députés; appelez les femmes à voter comme les hommes.</p>
-
- <p>Nous vous prions, messieurs, d’introduire dans la nouvelle
- Constitution, un paragraphe qui autorise les femmes à exercer leurs
- droits de Françaises et de citoyennes.</p>
-
- <p>Vous ne feriez pas une Constitution républicaine, si vous
- conserviez dans la loi, pour ces égaux devant les charges—les
- femmes et les hommes—l’inégalité devant les droits.</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_164">164</span></p>
-
- <p>Une Constitution qui diviserait toujours la nation en deux camps,
- celui des rois—les hommes souverains—et celui des esclaves—les
- femmes exploitées—serait une Constitution autocratique et mort-née.</p>
-
- <p>Nous vous demandons, Messieurs, au nom des femmes de France, et
- dans l’intérêt des hommes et des femmes, d’avoir le courage de
- faire une Constitution qui donne à tous, Français et Françaises,
- avec les mêmes devoirs, les mêmes droits.</p>
-
- <p>Pour le Cercle du Suffrage des Femmes:</p>
-
- <p class="rsignature3"><i>La déléguée</i></p>
-
- <p class="rsignature4"><span class="smcap">Hubertine Auclert</span>.</p>
-</div>
-
-<p>Cette pétition est venue à l’ordre du jour de la huitième séance, et,
-chose curieuse, c’est un nègre, c’est-à-dire un homme qui, en raison de
-la couleur de sa peau a été victime des préjugés, qui est monté à la
-tribune proposer de maintenir les préjugés de sexe.</p>
-
-<p>Malgré le respect qu’elle professe pour les dames, a dit M.
-Gerville-Réache (<i>rires</i>)<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a>, la commission ne croit pas
-nécessaire de leur accorder des droits politiques et de leur imposer
-les devoirs politiques qui appartiennent aux citoyens français. Elle ne
-croit pas non plus que ce vœu soit celui de la majorité des Françaises.
-La commission propose donc l’ordre du jour sur cette pétition.</p>
-
-<p>Ce n’est pas galant s’écria un membre de la gauche.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_165">165</span></p>
-
-<p>M. Raoul Duval ne s’explique pas pourquoi de simples aspirantes à
-l’électorat sont traitées plus favorablement que des membres de
-l’assemblée nationale.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Opinion de la presse sur notre pétition.</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center"><i>Le Temps</i></p>
-
- <p>On ne saurait reprocher à l’Assemblée nationale d’avoir manqué de
- courtoisie envers les dames, M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert, directrice
- du journal la <i>Citoyenne</i>, organe des droits sociaux et
- politiques de la femme, plus heureuse que M. Barodet et nombre
- d’autres membres du sexe laid, n’a pas eu à subir l’affront de
- la question préalable pour sa pétition relative à l’électorat
- des femmes. Cette pétition a eu les honneurs d’un rapport à la
- tribune et on ne lui a opposé que l’ordre du jour pur et simple,
- ce qui, en pareille matière, est presque un succès, car M<sup>lle</sup>
- Auclert, quelle que soit la ferveur de son apostolat, ne pouvait
- s’être fait cette illusion que le Congrès, quittant toutes autres
- préoccupations, allait consacrer une partie de son temps à discuter
- sérieusement le point de savoir si les femmes seraient mises, pour
- l’exercice des droits politiques, sur le même pied que les hommes.</p>
-
- <p>M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert doit donc se trouver très heureuse
- d’avoir occupé, ne fût-ce que pendant quelques instants l’attention
- du Congrès. Pareille fortune n’est pas advenue à tout le monde.</p>
-</div>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center"><i>Le XIX<sup>e</sup> siècle</i></p>
-
- <p>M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert ne cesse pas de revendiquer en faveur
- des femmes. Sa pétition au Congrès demandait pour les femmes
- l’électorat et l’éligibilité politiques. Elle était <span class="pagenum" id="Page_166">166</span> fort bien
- tournée, cette pétition, et il est certain que si M<sup>lle</sup> Hubertine
- Auclert triomphait, les Congrès futurs offriraient un aspect plus
- agréable que les Congrès d’aujourd’hui. Mais la pétition de M<sup>lle</sup>
- Hubertine Auclert n’a obtenu du Congrès que la question préalable,
- tout comme un amendement, tempérée par un mot gracieux et galant
- du rapporteur. C’est à recommencer et vous pouvez compter que la
- pétitionnaire recommencera. Rien ne la lasse. Et elle tient à faire
- mentir les ennemis des femmes qui prétendent que le sexe n’a pas
- l’esprit de suite dans ses entreprises!</p>
-
- <p class="rsignature4"><span class="smcap">Henri Fouquier</span></p>
-</div>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center"><i>Le Soleil</i></p>
-
- <p>Dans une tribune quelques femmes ont applaudi le nom de M<sup>lle</sup>
- Hubertine. Auclert. Cette manifestation a été très vite réprimée
- sur les ordres de la questure.</p>
-</div>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center"><i>Le Moniteur universel</i></p>
-
- <p>M<sup>lle</sup> <i>Hubertine Auclert</i> rappelle avec raison que les
- femmes sont au même titre que les hommes des ayants droit.</p>
-
- <p>Voyez combien vous êtes injustes; vous inventez le suffrage
- universel, et vous ne vous apercevez pas qu’il n’y a rien de moins
- universel que ce suffrage.</p>
-
- <p>Vous avez exclu les femmes; pourquoi cela?</p>
-
- <p>Avez-vous donc peur qu’elles usent mal du droit de vote?</p>
-
- <p>J’en appelle à toutes les mères de famille; que font-elles donc du
- matin au soir, si ce n’est d’exercer, comme on disait autrefois, un
- véritable sacerdoce?</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_167">167</span></p>
-
- <p>Et quoi, une mère élève son enfant, et cet enfant lui doit tout ce
- qu’il est; elle fait tout cela, et vous dites qu’elle est incapable
- de nommer des députés?</p>
-
- <p>Laissez-moi vous le dire, quand on crée des hommes, on a bien le
- moyen de faire des députés.</p>
-
- <p>On a même le moyen d’en faire de très bons; est-ce par hasard cela
- qui vous fait peur?</p>
-
- <p>La femme est un être essentiellement civilisé: prenez-la dans un
- tel milieu que vous voudrez; si défectueuse que soit son éducation,
- si incomplète que soit son instruction, ce n’est jamais en vain que
- vous ferez appel en elle à tout ce qu’il y a de noble et d’élevé
- dans l’humaine nature.</p>
-
- <p>Ah! tenez, vous vous ôtez le plus clair de vos ressources et votre
- arme la plus solide, quand vous vous privez du concours de la femme
- dans vos luttes politiques.</p>
-
- <p class="rsignature4"><span class="smcap">Robinson.</span></p>
-</div>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center"><i>Le Rappel.</i></p>
-
- <p>Je crois que c’est moi qui ai publié le premier la pétition de
- M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert demandant à l’Assemblée nationale
- «d’avoir le courage de faire une Constitution qui donnerait à tous
- les Français et Françaises avec les mêmes devoirs les mêmes droits
- civils et politiques.»</p>
-
- <p>M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert a dit, entre autres, une chose à laquelle
- il ne nous paraît pas très facile de trouver une réponse: c’est que
- nous nous prétendons sous le régime du suffrage universel, et que
- c’est un drôle de suffrage universel, que celui qui commence par
- destituer la moitié du genre humain.</p>
-
- <p>M. Gerville-Réache a cru répondre en disant qu’il ne croyait
- pas que la pétition de M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert répondît <span class="pagenum" id="Page_168">168</span>
- au sentiment et au désir de la majorité des Françaises. M.
- Gerville-Réache croit-il que l’émancipation des noirs répondît
- au sentiment et au désir de la majorité des esclaves? L’état de
- sujétion est un état mou et lâche auquel on tient par habitude et
- par hébétude, et le premier mouvement est de reculer devant la
- liberté, c’est-à-dire devant la responsabilité. Mais ce n’est pas
- une raison pour perpétuer la servitude, il faut affranchir les
- esclaves et les femmes, même de force.</p>
-
- <p class="rsignature4"><span class="smcap">Auguste Vacquerie.</span></p>
-</div>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center"><i>Paris.</i></p>
-
- <p>Quelques orateurs se sont couverts de gloire en <i>blaguant</i>
- l’honorable pétitionnaire. Etant donné que les novateurs ont
- toujours tort, c’était une besogne trop facile.</p>
-
- <p>Il n’y a pas un argument sérieux pour combattre le vote des femmes.
- On n’ose pas invoquer la question d’intelligence. Cela ferait rire
- tous les gens de bonne foi. La femme la plus bête sera toujours
- plus fine que l’homme le mieux doué. La femme possède un tact
- supérieur: puisque le suffrage universel est entré dans nos mœurs,
- il faut, sous peine d’illogisme, l’admettre tout entier. Dans
- quelque cinquante ans d’ici, nos petits-neveux seront stupéfaits
- d’apprendre qu’on aura attendu un long temps avant de donner à
- la femme des droits politiques égaux à ceux de l’homme. Nous
- paraîtrons aux yeux des citoyens de l’avenir, aussi stupides que
- les membres du concile de Mâcon, qui, à la majorité d’une voix
- seulement, décrétèrent que la femme avait une âme.</p>
-
- <p class="rsignature4"><span class="smcap">Albert Delpit.</span></p>
-</div>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_169">169</span></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="center"><i>Le National.</i></p>
-
- <p>L’admission des femmes au vote n’est plus qu’une question de temps.
- Qui aurait cru, sous Louis XVI, alors que les paysans n’étaient
- encore que «ces sortes d’animaux farouches» dont parle La Bruyère,
- qu’ils seraient un jour, par le suffrage universel, les véritables
- souverains du pays? Ne jetons pas la pierre à M<sup>lle</sup> Hubertine
- Auclert, les idées qu’elle défend feront leur chemin.</p>
-
- <p class="rsignature4"><span class="smcap">Paul Foucher.</span></p>
-</div>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétitionnement organisé par le Journal «La Citoyenne» pour
-réclamer le suffrage des femmes</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p>
-
- <p>«Etant donné que non seulement les intérêts des femmes mais tous
- les intérêts français sont gravement compromis par l’absence des
- femmes de la législature.</p>
-
- <p>«Etant donné que, conciliatrices et pacificatrices par excellence,
- les femmes rendront possibles sans révolutions les réformes
- sociales, dès qu’elles participeront à la vie publique.</p>
-
- <p>«Etant donné, d’autre part, que les femmes, contribuables et
- responsables, sont des ayants-droit qui doivent de concert avec les
- hommes, administrer les fonds publics, faire les lois.</p>
-
- <p>«Nous vous prions, Messieurs les députés, de bien vouloir réformer
- la loi électorale de manière qu’elle confère aux femmes les droits
- politiques: vote et éligibilité.»</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_170">170</span></p>
-
-<p>Pour le rapporteur de cette pétition M. Escanyé, la question de
-l’électorat et de l’éligibilité des femmes est digne des méditations
-des philosophes et des publicistes, mais il trouve que le moment n’est
-pas venu de lui donner une solution et fait rejeter notre pétition par
-l’ordre du jour.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétition au Conseil Général de la Seine.</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">Messieurs les conseillers généraux,</p>
-
- <p>Dans votre séance du 6 juillet, vous avez adopté un vœu d’amnistie
- en faveur des falsificateurs et des fraudeurs destitués de leurs
- droits civiques.</p>
-
- <p>Puisque vous êtes à ce point bons et généreux, permettez-moi
- d’appeler votre attention sur une catégorie d’individus, bien plus
- intéressante que celle qui a été l’objet de votre sollicitude,
- et de vous demander d’émettre en faveur des vingt millions de
- Françaises, arbitrairement privées de leurs droits de citoyennes,
- un vœu d’amnistie qui les relève du crime d’être nées femmes.</p>
-
- <p>Vous ne pouvez, messieurs les conseillers, avoir moins de pitié
- pour les femmes, innocentes victimes des préjugés, que pour les
- voleurs, qui en falsifiant les aliments, ont altéré la santé de la
- nation et assassiné lentement peut-être des milliers d’individus.</p>
-
- <p>Je vous prie de mettre fin au monstrueux déni de justice qui
- déshonore la République, en émettant le vœu qu’avant les élections
- de 1885 les femmes soient mises en possession de leurs droits
- électoraux.</p>
-
- <p>J’espère, messieurs les conseillers généraux, que vous <span class="pagenum" id="Page_171">171</span> voudrez
- bien accueillir favorablement la requête que je vous adresse au
- nom de mon sexe, et je vous prie d’agréer, avec mes remerciements
- anticipés, l’hommage de ma haute considération.</p>
-
- <p class="rsignature3">Hubertine <span class="smcap">Auclert</span>,</p>
-
- <p class="rsignature4">Directrice de La <i>Citoyenne</i>.</p>
-</div>
-
-<p class="souschapitre"><i>Conseil Général de la Seine, séance du 2 décembre 1885.</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="hang">ORDRE DU JOUR SUR UNE PÉTITION DE M<sup>lle</sup> HUBERTINE AUCLERT
- DEMANDANT QUE LES FEMMES SOIENT MISES EN POSSESSION DE LEURS DROITS
- ÉLECTORAUX</p>
-
- <p><i>M. Georges Berry</i> rapporteur.—M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert a
- adressé au conseil général de la Seine une pétition ayant pour but
- de faire appuyer, par un vœu de cette assemblée, les revendications
- qu’elle ne cesse de faire au sujet du droit électoral des femmes.</p>
-
- <p>«Tout le monde connaît, en effet, les efforts mémorables de M<sup>lle</sup>
- Hubertine Auclert, qui a fait une agitation de tous les instants autour
- de la question du vote des femmes.</p>
-
- <p>«Tantôt, elle réclame son inscription sur les listes électorales et
- épuise en vain les juridictions sans se décourager.</p>
-
- <p>«Tantôt elle refuse de payer ses contributions, sous prétexte que si
- elle n’a pas les droits d’un citoyen, elle ne saurait en avoir les
- charges.</p>
-
- <p>«Tantôt, enfin, elle fait signer des pétitions pour le Sénat et la
- Chambre des députés.</p>
-
- <p>«Aujourd’hui, c’est nous que M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert <span class="pagenum" id="Page_172">172</span> charge du
- soin de saisir de nouveau les pouvoirs publics.</p>
-
- <p>«Les femmes, dit M<sup>lle</sup> Auclert, ont les mêmes charges que les hommes,
- pourquoi n’ont-elles pas les mêmes droits? Elles sont en outre, au
- moins aussi intelligentes qu’eux? pourquoi dès lors leur refuser de
- prendre part à la confection des lois, où, entre parenthèse, elles sont
- abominablement sacrifiées, et à la discussion d’un budget qui absorbe
- leurs finances?</p>
-
- <p class="br">«La nature de la femme dit M. Georges Berry, son caractère, son rôle
- dans la vie, sont autant de motifs qui doivent la faire exclure de la
- scène politique.</p>
-
- <p>«Chez la femme l’élément sensuel domine l’élément intellectuel. Quels
- hommes d’affaires choisiront ces dames?</p>
-
- <p>«Si les femmes deviennent électeurs, elles deviendront du même
- coup éligibles et je crains qu’elles soient aussi mauvais députés
- qu’imparfaits électeurs.</p>
-
- <p>«La femme n’a aucune aptitude pour les fonctions publiques. Ce qui
- prouve son incompétence en politique, c’est l’attraction qu’elle subit
- de la part de tout ce qui est faux.</p>
-
- <p>«La véracité et la précision sont des traits caractéristiques
- masculins!...</p>
-
- <p class="dottedline">&#160;</p>
-
- <p>quels gâchis! quelles intrigues indignes de la représentation
- nationale! quelles lois contradictoires! quelle majorité versatile! que
- de séances perdues, dans cette assemblée des deux sexes...»</p>
-
- <p>Quand M. Georges Berry a été las d’insulter les femmes, il s’est excusé
- d’avoir été aussi grossier envers elles. «Si je leur ai dit tant de
- choses désagréables, s’est-il écrié, c’est leur faute, elles n’avaient
- qu’à ne pas réclamer leurs droits au conseil général.» Aujourd’hui le
- gouvernement <span class="pagenum" id="Page_173">173</span> laisse tout dire et tout faire aux petites filles
- d’Olympe de Gouges. Finalement il demande de passer à l’ordre du jour
- sur la pétition de M<sup>lle</sup> Hubertine Auclert:</p>
-
- <p><i>M. Cattiaux.</i>—Messieurs, je ne viens pas réclamer aujourd’hui
- le droit de vote en faveur des femmes, par cette seule raison que leur
- éducation a été trop négligée.</p>
-
- <p>Quant à ce droit lui-même, il est incontestable (Réclamations) nous ne
- pouvons qu’en retarder l’avènement.</p>
-
- <p>La femme a des charges comme les hommes; n’élève-t-elle pas seule ses
- enfants après la mort de son mari ou quand elle est fille-mère,—plutôt
- par la faute de l’homme que par la sienne.</p>
-
- <p>Or, vous ne faites pas pour elle ce que vous devriez faire: laissez-lui
- donc alors revendiquer ses droits et puisqu’elle n’a pas d’autre moyen
- de les faire triompher que le vote, donnez-lui le pouvoir de voter?</p>
-
- <p><i>M. Michelin.</i>—Il s’agit de statuer sur le rapport de M. Georges
- Berry.—Je viens combattre les conclusions de ce rapport et me déclarer
- très nettement pour le droit des femmes.</p>
-
- <p><i>M. Monteil.</i>—Il faut dire cela à la Chambre.</p>
-
- <p><i>M. Michelin.</i>—Je suis disposé à le faire, Monsieur Monteil.</p>
-
- <p>J’estime que, dans une République, la femme doit être traitée autrement
- que sous les lois de l’Eglise et de la monarchie.</p>
-
- <p><i>M. Maurice Binder.</i>—Si les femmes votaient, la République n’en
- aurait pas pour vingt-quatre heures!</p>
-
- <p><i>M. Michelin.</i>—Je sais qu’il est contraire aux principes de
- l’Eglise de donner aux femmes des droits, et même un concile s’est
- réuni pour étudier la question de savoir si la femme avait une âme.</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_174">174</span></p>
-
- <p>Il appartient à la société moderne d’émanciper la femme au point de vue
- civil, au point de vue politique.</p>
-
- <p>Au point de vue municipal et politique, je demande que l’on commence au
- moins par reconnaître le droit de vote des femmes dans les élections
- communales. Des femmes ont souvent des intérêts considérables dans
- une commune et l’on ne comprend pas qu’elles ne soient pas appelées à
- voter, pour défendre ces intérêts.</p>
-
- <p>J’irai plus loin et je voterai l’admission des femmes aux droits
- politiques. Nous ne devons pas établir deux catégories de citoyens.
- Je sais très bien qu’aujourd’hui l’éducation de la femme est le plus
- souvent cléricale; mais, fort heureusement, les idées marchent et,
- avant peu, je l’espère, la femme sera complètement affranchie du
- confessionnal et des superstitions du Moyen Age. Le meilleur moyen de
- parvenir à ce résultat, est de reconnaître les droits de la femme.</p>
-
- <p>Il est grandement temps, messieurs, de s’occuper de la condition de la
- femme dans notre société moderne.</p>
-
- <p>Je suis convaincu que le Conseil général ne voudra pas sanctionner
- le rapport très spirituel de M. Berry, mais qui vous propose des
- conclusions contraires à l’équité; qu’il envisagera de haut cette
- question et dira très nettement, que la femme, dans la société moderne,
- n’a pas les droits qu’elle doit avoir.</p>
-
- <p><i>M. le Président.</i>—Le scrutin est ouvert sur les conclusions de
- la Commission.</p>
-
- <table class="tablematieres" id="table01" summary="">
- <colgroup span="2">
- <col width="90%" />
- <col width="10%" />
- </colgroup>
- <tbody>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Nombre de votants</td>
- <td class="tdrb">48</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Majorité absolue</td>
- <td class="tdrb">25</td>
- </tr>
- </tbody>
- </table>
-
- <p>Onze ont voté contre le rapport de M. Georges Berry, c’est-à-dire pour
- le suffrage des femmes:</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_175">175</span></p>
-
- <p>MM. Cattiaux, Chabert, Chassaing, Decorse, Desmoulins, Jacquet,
- Michelin, Navarre, Piperaud, Rousselle, Paul Viguier.</p>
-
- <p>37 ont voté pour le rapport réactionnaire de M. Berry. Voici les noms
- de ces partisans de la royauté masculine.</p>
-
- <p>MM. Léopold Auguste, Bartholoni, Georges Berry, Maurice Binder, Boll,
- Collin, Combes, Cusset, Darlot, Delhomme, Desalys, Després, Dufaure,
- Gamard, Guichard, Ernest Hamel, Hattat, Jacques, Alfred Lamoureux,
- Leclerc, Lefoullon, Lerolle, Stanislas Leven, Levraud, Maillard, Mathé,
- Mayer, Millerand, Monteil, Patenne, Réty, Riant, Robinet, Ruel Sauton,
- Simoneau, Weber.</p>
-
- <p>Excusés:</p>
-
- <p>MM. Hubbard, Rouzé, Songeon.</p>
-
- <p>Enfin, voici les noms des abstentionnistes qui ont eu peur de se nuire
- en étant justes.</p>
-
- <p>MM. Armengaud, Boué, Braleret, Cernesson, Chautemps, Cochin, Curé,
- Davoust, Delabrousse, Deligny, Depasse, Deschamps, Dreyfus, Dujarrier,
- Frère, Gaufrès, Hervieux, Jobbé-Duval, Lefèvre, Narcisse Leven,
- Lyon-Alemand, Marsoulan, Marius Martin, de Ménorval, Mesureur, Muzet,
- Pichon, Emile Raspail, Aristide Rey, Reygeal, Strauss, Stupuy,
- Vaillant, Vauthier, Villard, Voisin.</p>
-</div>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétition demandant l’électorat pour les célibataires et les
-veuves.</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les Sénateurs,</p>
-
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les Députés,</p>
-
- <p>«Permettez-nous d’appeler votre attention sur la condition—de mise
- hors le droit commun—qui est conservée à la femme sous la République.</p>
-
- <p><span class="pagenum" id="Page_176">176</span></p>
-
- <p>«Les femmes responsables et contribuables—qui sont comme les hommes
- des ayants droit à contrôler l’emploi de l’argent qu’elles versent au
- Trésor et à faire les lois qu’elles subissent—sont encore dans la
- société destituées de tous les droits.</p>
-
- <p>Nous vous demandons, Messieurs, d’accorder au moins à celles de ces
- femmes—<span class="smcap">LES CÉLIBATAIRES ET LES VEUVES</span>—dont les intérêts ne
- sont représentés par personne dans les assemblées élues, le pouvoir
- de garantir leur sécurité et de sauvegarder leurs affaires privées en
- participant à la gestion des affaires publiques.</p>
-
- <p>Les femmes célibataires et veuves ne sont pas mineures, quant à leurs
- biens personnels, pourquoi le seraient-elles relativement à leur part
- indivise des biens de la Commune et de l’Etat? Le pouvoir qu’elles ont
- d’administrer leur fortune privée doit—pour être effectif—avoir pour
- corollaire le pouvoir d’administrer leur fortune publique.</p>
-
- <p>Nous espérons, Messieurs, que vous accorderez à la moitié déshéritée
- de la nation française un commencement de justice, en autorisant les
- célibataires et les veuves à exercer leurs droits de citoyennes.»</p>
-</div>
-
-<p>Cette pétition, a été à la Chambre et au Sénat, écartée par l’ordre du
-jour:</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>A la Chambre des Députés.</i></p>
-
-<p>M. de Lévis-Mirepoix, rapporteur, après avoir rappelé ma campagne en
-faveur des droits politiques des femmes dit:</p>
-
-<p>«Aujourd’hui, dans une pétition différente en apparence, mais
-absolument identique quant au fond, et <span class="pagenum" id="Page_177">177</span> avec une subtilité
-d’imagination que nous ne voulons pas lui contester, la demoiselle
-Hubertine Auclert, réduisant habilement ses prétentions à une classe
-spéciale de femmes, sollicite l’exercice des droits politiques pour
-les veuves et les célibataires dont les intérêts ne sont, dit-elle,
-représentés par personne: elle espère ainsi, par une argumentation
-spécieuse qui ne manque pas d’une certaine valeur, faire admettre
-le principe cher à ses rêves, mais qui, une fois introduit dans la
-législation, ne manquerait pas d’y prendre une dangereuse extension».</p>
-
-<p>«En effet, si ces arguments prévalaient, il faudrait étendre les mêmes
-droits à toutes les femmes qui, pour des causes diverses, sont privées
-de quelqu’un pouvant représenter leurs intérêts. La commission ne veut
-pas s’appesantir sur les graves inconvénients qu’entraînerait une telle
-innovation.»</p>
-
-<p>Au Sénat M. de la Sicotière, rapporteur, dit: «Tout en imitant la
-courtoisie dont l’autre chambre a toujours fait preuve à l’endroit de
-la pétitionnaire, nous avons le regret de ne pouvoir vous proposer que
-l’ordre du jour.</p>
-
-<p>«Après les veuves et les célibataires, toutes les affranchies de la
-tutelle maritale réclameraient l’exercice des droits civiques et par la
-brèche ainsi ouverte, toutes les femmes finiraient par passer.»</p>
-
-<p>Les journaux trouvèrent cette pétition très juste.—«On ne peut, dit le
-<i>Figaro</i>, alléguer d’autres raisons que le préjugé contre le vote
-des femmes célibataires <span class="pagenum" id="Page_178">178</span> et veuves qui ne sont pas mineures quant à
-leurs biens personnels».</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétition réclamant le suffrage pour les filles majeures, les veuves,
-les divorcées.</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les Députés</p>
-
- <p>«Nous vous prions de conférer le droit électoral aux millions de
- Françaises célibataires:—les filles majeures, les veuves, les
- divorcées—qui sont maîtresses de leur personne, de leur fortune,
- de leurs gains afin qu’elles puissent en votant, sauvegarder, dans
- la commune et dans l’Etat, leurs intérêts qui sont actuellement
- laissés à l’abandon.»</p>
-</div>
-
-<p>Cette pétition circula avec succès dans les milieux les plus divers;
-dans les cafés, les marchés, les halles en les galeries de l’exposition
-de 1900, elle fut couverte de plus de trois mille signatures et déposée
-par M. Clovis Hugues sur le bureau de la Chambre en 1901.</p>
-
-<p>M. Gautret qui avait signé cette pétition et avait demandé à la
-déposer; sournoisement, la transforma en projet de loi, comme il avait
-déjà transformé en projet de loi notre pétition réclamant la loi des
-sièges. Il nous écrivit «qu’en agissant ainsi, il avait eu la ferme
-intention d’aboutir plus vite.» Ne nous plaignons pas, que l’on trouve
-bonnes nos idées.</p>
-
-<p>Notre pétition et la proposition de loi renvoyées à la commission du
-suffrage universel, ne sont pas venues à l’ordre du jour.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_179">179</span></p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétition aux Conseillers généraux de la Seine.</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les conseillers généraux,</p>
-
- <p>«Vos efforts pour faire progresser les êtres et les choses
- m’excitent à croire que plus encore que les conseillers qui vous
- ont précédés, vous êtes résolus à pousser en avant l’humanité.
- C’est donc avec confiance que je viens vous prier—comme j’ai prié
- il y a vingt-et-un ans vos prédécesseurs—d’émettre un vœu pour que
- les femmes soient appelées à exercer leurs droits électoraux.</p>
-
- <p>«Ces droits, qui sont pour l’être humain les meilleurs instruments
- d’émancipation, sont aussi la plus sûre garantie de n’être point
- lésé, quand surviennent des changements dans l’ordre social et la
- condition des individus.</p>
-
- <p>«Veuillez, messieurs, considérer que la question de la propriété
- est à l’ordre du jour. Or, si le capital et la propriété étaient
- socialisés avant que les femmes soient électeurs, ces malheureuses
- ne récupéreraient pas en la société nouvelle ce qui leur aurait
- été pris, attendu que les fonctions, les emplois, le bon travail
- seraient monopolisés par les électeurs-souverains; donc, plus
- encore que maintenant, les déshéritées du droit seraient des êtres
- de peine, des bêtes à plaisir.</p>
-
- <p>«Sachant que les désirs que vous exprimez sont des ordres pour le
- Parlement, vous ne voudrez pas vous soustraire au devoir de faire
- se transformer la République de nom en République de fait, en
- aidant les matrices de la nation à devenir citoyennes!</p>
-
- <p>«Vous voterez en 1906 la proposition qui fut examinée <span class="pagenum" id="Page_180">180</span> par vos
- prédécesseurs en 1885, ainsi que l’atteste le Bulletin municipal
- officiel du 3 décembre 1885.</p>
-
- <p>«Votre dévouement au bien public vous incitera à faire bénéficier
- le pays de l’intégralité de l’intelligence de ses habitants de l’un
- et de l’autre sexe; aussi, messieurs les conseillers généraux,
- j’espère que vous accueillerez favorablement la requête que je vous
- adresse au nom des Françaises, et je vous demande de vouloir bien
- agréer mes remerciements anticipés.</p>
-
- <p class="rsignature4">«Hubertine <span class="smcap">Auclert</span>.»</p>
-</div>
-
-<p class="center"><i>Conseil Général de la Seine,<br />
-séance du 20 novembre 1907.</i></p>
-
-<p>Vœu relatif à la participation des femmes aux droits électoraux.</p>
-
-<p>M. d’Aulan rapporteur.—Messieurs, votre 4<sup>e</sup> commission m’a chargé de
-rapporter favorablement un vœu présenté par M<sup>me</sup> Hubertine Auclert en
-faveur de la «participation des femmes aux droits électoraux.»</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> Hubertine Auclert exprime son espoir de voir obtenir un meilleur
-sort au même vœu qu’elle présenta il y a 21 ans—et nous devons louer
-sa persévérance-au Conseil Général.</p>
-
-<p>A cette époque que je n’ose dire lointaine—quelques-uns de nos
-collègues déjà nubiles auraient pu apprécier la valeur de la requête
-«en aidant les matrices <span class="pagenum" id="Page_181">181</span> de la nation à devenir citoyennes» selon
-l’expression de M<sup>me</sup> Hubertine Auclert.</p>
-
-<p class="dottedline">&#160;</p>
-
-<p>J’estime pour mon compte, messieurs, que le beau sexe ne doit pas se
-mêler aux luttes politiques, ce serait trop souvent transformer son
-sourire en grimace.</p>
-
-<p><i>M. Thomas.</i>—Pourquoi les femmes ne seraient-elles pas aussi
-capables que les hommes en cette matière? Elles sont tout aussi
-intelligentes qu’eux.</p>
-
-<p><i>M. d’Aulan.</i>—Mais j’estime aussi que les femmes qui gèrent des
-intérêts de propriété, d’industrie ou de commerce ont droit à donner
-leur opinion sur la façon dont nous gérons les intérêts de la ville ou
-du département.</p>
-
-<p>Cela changera-t-il la composition de notre assemblée? Je ne le crois
-pas.</p>
-
-<p>Dans le quartier qu’habite M<sup>me</sup> Hubertine Auclert celui de la
-Roquette, où l’on a quelquefois perdu la tête, notre collègue qui
-représente le quartier récoltera le suffrage des dames, comme le feront
-de l’autre côté du conseil, les conseillers de la rue Marbeuf ou de
-l’ex-rue Bréda.</p>
-
-<p>Aussi, au nom de votre 4<sup>e</sup> commission, ai-je l’honneur de vous
-proposer de voter le vœu suivant:</p>
-
-<p>«Le Conseil Général.</p>
-
-<p>«Emet le vœu,</p>
-
-<p>«Que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral pour les
-élections au conseil général et au conseil municipal.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_182">182</span></p>
-
-<p>Adopté:</p>
-
-<p><i>M. Landrin.</i>—J’ai voté le vœu présenté par la 4<sup>e</sup> commission,
-mais il me semble que cette question était suffisamment importante pour
-être traitée d’une façon plus sérieuse par M. le rapporteur.</p>
-
-<p class="br">Tous les journaux ont parlé du vœu émis par le conseil général de la
-Seine.</p>
-
-<p>Le <i>Temps</i> dit: «Sur la demande de M<sup>me</sup> Hubertine Auclert qui
-les priait d’aider «les matrices de la nation à devenir citoyennes» les
-conseillers généraux ont émis le vœu que les femmes soient appelées à
-jouir du droit électoral.</p>
-
-<p>Ce vœu présenté avec une grâce toute dix-huitième par M. le comte
-d’Aulan a été voté à main levée. Le débat court et vif fut empreint
-d’une certaine gaieté.»</p>
-
-<p>Pour Le <i>Figaro</i>. «Le féminisme a remporté une petite victoire
-toute platonique, d’ailleurs, mais flatteuse.</p>
-
-<p>MM. les conseillers généraux ont beaucoup ri et comme la gaieté est
-gentille conseillère, le vœu féministe fut adopté à la majorité des
-suffrages.»</p>
-
-<p>Le Petit <i>Journal</i> pense que «Le conseil général a émis un vœu qui
-marquera d’une pierre la route vers la conquête du droit de vote qu’ont
-entreprise depuis longtemps déjà des groupes féministes...»</p>
-
-<p>Suivant L’<i>Eclair</i> «le vote du conseil général est par le
-succès qu’il souligne un des feuillets intéressants du livre d’or du
-féminisme.»</p>
-
-<p>L’<i>Echo de Paris</i> fait remarquer que «c’est sans discussion
-<span class="pagenum" id="Page_183">183</span> que le conseil général à mains levées a voté le vœu favorable
-au suffrage des femmes. A la contre épreuve il n’y a même pas eu la
-moindre opposition.</p>
-
-<p>«Evidemment, les féministes préféreraient qu’un tel vœu eût été émis
-par le Parlement; mais il y a commencement à tout et puisque les cent
-un membres du conseil général se déclarent partisans du droit de
-suffrage pour les deux sexes, c’est que l’idée a fait du chemin.»</p>
-
-<p>Parrhisia écrit dans La <i>Française</i> «une journée qui sera marquée
-d’un caillou blanc dans les annales du féminisme, car une grande
-victoire y fut remportée, c’est celle où le conseil général adopta le
-vœu émanant de M<sup>me</sup> Hubertine Auclert et réclamant pour les femmes la
-participation aux droits électoraux.»</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pétition pour demander de rendre effectif le vœu émis par les
-conseillers généraux de la Seine.</i></p>
-
-<div class="blockquote">
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les députés,</p>
-
- <p class="ldestinataire">«Messieurs les sénateurs,</p>
-
- <p>«Dans sa séance du 20 novembre, le Conseil général de la Seine, a,
- sur ma demande, émis le vœu que les femmes soient appelées à jouir
- du droit électoral pour les élections au conseil général et au
- conseil municipal.</p>
-
- <p>«Je vous prie de rendre effectif ce vœu, en étendant aux femmes
- françaises les droits électoraux, que beaucoup d’Européennes
- possèdent.</p>
-
- <p>«Veuillez, messieurs, considérer que les femmes qui sont <span class="pagenum" id="Page_184">184</span>
- à leur grand préjudice, privées des droits électoraux, ont des
- facultés d’épargne, sont aptes à s’ingénier, à prévoir, et vous
- voudrez, dans l’intérêt général, utiliser leurs qualités.</p>
-
- <p class="rsignature">«<span class="smcap">Hubertine Auclert.</span>»</p>
-</div>
-
-<p>La commission des pétitions de la chambre, n’a pas même voulu examiner
-la proposition de ratifier le vœu émis par le Conseil général de la
-Seine et a passé à l’ordre du jour.</p>
-
-<p>Ne pouvant donner notre suffrage aux conseillers qui ont tenté de
-soustraire les femmes à l’exclusion électorale, nous avons fait apposer
-des affiches sur lesquelles on lit:</p>
-
-<div class="blockquote">
- <p><i>Le Suffrage des Femmes, 151, rue de la Roquette.</i></p>
-
- <p class="br">«<i>Votez</i>, faites <i>voter</i>, pour les <i>Conseillers</i>
- qui ont émis un <i>vœu</i> pour que les <i>Femmes</i> soient
- <i>électeurs</i>. Les <i>Femmes électeurs</i> seront plus
- <i>considérées</i>, mieux <i>rétribuées</i>, leurs facultés
- d’épargne rendront possibles toutes les <i>réformes</i>.»</p>
-</div>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_185">185</span></p>
- <h2 id="ch_30">UN SEXE EST-IL SUPÉRIEUR A L’AUTRE?</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Le docteur Paul Topinard, dans <i>La Revue de la science politique</i>,
-dit: «que la différence de volume du cerveau était moindre entre
-les sexes aux âges préhistoriques et est moindre chez les sauvages,
-qu’elle n’est dans les races civilisées. Le progrès fait s’accentuer
-l’inégalité cérébrale. Le genre d’occupation de chacun crée des
-inégalités physiques dans le cerveau et dans ses manifestations.</p>
-
-<p>«Il faut, conclut l’anthropologiste Paul Topinard, se préoccuper de la
-femme, lui faire partager nos travaux, notre responsabilité, fournir un
-aliment non futile à son activité cérébrale.»</p>
-
-<p>Selon le docteur Louis Büchner:</p>
-
-<p>«La prétendue infériorité de la femme, quant au volume cérébral, est
-une notion tout à fait erronée. Ce n’est pas dans ses dimensions
-absolues, mais dans ses dimensions relatives qu’il faut chercher la
-valeur réelle du cerveau; c’est-à-dire dans sa masse comparée à la
-masse totale du corps, et la qualité de la matière cérébrale. <span class="pagenum" id="Page_186">186</span> S’il
-n’en était ainsi, l’homme occuperait alors dans l’échelle des êtres un
-rang bien inférieur à celui de l’éléphant ou de la baleine, qui ont un
-cerveau bien plus volumineux que le sien.</p>
-
-<p>«Si l’on observe que le développement matériel du corps de la femme,
-reste en général de beaucoup au-dessous de celui de l’homme, on
-trouvera (d’après plusieurs savants) que la grosseur relative du
-cerveau de la femme, loin d’être inférieure à celle qu’offre l’homme,
-lui serait plutôt sensiblement supérieure.»</p>
-
-<p><i>Broca</i>, le fondateur de l’<i>Anthropologie en France</i>,
-écrivait en 1882:</p>
-
-<p>«La campagne dirigée contre la femme au point de vue anthropologique
-ne trouve pas d’appui dans la crâniométrie. La diminution moyenne de
-capacité crânienne chez la femme est en majeure partie due à sa taille.</p>
-
-<p>«Je crois avoir démontré qu’il y a égalité entre les sexes pour le
-développement cérébral et même <i>on pourrait soutenir</i>, fait en
-rapport avec ce que l’anatomie comparée indique comme constituant un
-véritable progrès morphologique cérébral, <i>que la femme est plus
-avancée en évolution que l’homme</i>.»</p>
-
-<p>M. Louis Lapique a fait cette communication à l’académie des sciences:
-«Le poids du cerveau par rapport à l’intelligence, n’a pas plus
-d’importance que le poids d’une horloge par rapport à la justesse des
-heures qu’elle marque.»</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_187">187</span></p>
-
-<p>Des savants européens de l’un et de l’autre sexe, prétendent
-pouvoir prouver scientifiquement que la femme est en raison de sa
-sexualité, supérieure à l’homme; cependant, que des savants américains
-prétendent que dans l’avenir: il y aura alternativement une période de
-prédominance masculine et une période de prédominance féminine.</p>
-
-<p>En attendant que les hommes et les femmes l’emportent tour à tour,
-les uns sur les autres, il se peut fort bien que le sexe féminin,
-infériorisé aujourd’hui, soit durant un temps, considéré comme le sexe
-supérieur.</p>
-
-<p>D’abord, le droit qui partout élève ceux qui le possèdent, fera
-s’élargir la mentalité des Françaises, et il les rendra aptes à appeler
-à la vie des êtres supérieurs.</p>
-
-<p>Pourtant, sous leur aspect différent, les deux parties du tout humain,
-sont et resteront toujours équivalentes, comme la gauche et la droite
-d’un même corps.</p>
-
-<p>Mais, quand une erreur a été longtemps accréditée, on ne réagit contre
-elle qu’en tombant dans l’excès contraire. Pour établir l’égalité des
-sexes, il est donc bien possible que l’on dépasse le but proposé, que
-l’on exalte celle que l’on a tant dépréciée et rabaissée, en la voyant
-prime-sautière, faire pour ascensionner dépense d’énergie.</p>
-
-<p>En France, il y a près d’un million de femmes de plus que d’hommes,
-cependant, il naît beaucoup plus de garçons que de filles.</p>
-
-<p>Le sexe féminin naît mieux équipé que le sexe masculin <span class="pagenum" id="Page_188">188</span> d’après
-M. Henry de Varigny. «Les reins, le foie, le cœur sont plus lourds
-chez l’embryon féminin. La femelle est mieux pourvue que le mâle; elle
-est physiologiquement plus parfaite que lui. Si la femelle n’a pas la
-vigueur du mâle, elle a une force de résistance supérieure à la sienne.</p>
-
-<p>«La femme a plus de ténacité de vie que l’homme, elle supporte mieux
-l’abstinence, elle mange moins, mais profite mieux de ce qu’elle mange.</p>
-
-<p>«La mortalité masculine l’emporte sur la mortalité féminine. Le sexe
-fort, c’est le sexe féminin!»</p>
-
-<p class="br">Mieux organisées que les hommes, les femmes meurent beaucoup moins
-facilement qu’eux.</p>
-
-<p>«Dès la plus tendre enfance, dit le docteur Perron, sur 1.000 décès de
-petits garçons, on n’en compte pas 750 de petites filles.</p>
-
-<p>«Dira-t-on que les petits garçons ont été victimes de leurs passions,
-de leurs fatigues, de leur intempérance?—Non: <i>La supériorité
-organique du sexe féminin est native, physiologique</i>.</p>
-
-<p>«Cette supériorité est surtout manifeste pendant la vie embryonnaire;
-sur huit avortements naturels, cinq sont d’enfants mâles.»</p>
-
-<p>Avant que ne soient faites ces observations scientifiques, ce
-dicton:—«Le chagrin fait vivre la femme,» établissait, en même temps
-que la longévité, la douloureuse destinée des femmes.</p>
-
-<p>Ce sont les femmes soustraites à l’oppression masculine: <span class="pagenum" id="Page_189">189</span> les
-veuves et les célibataires, qui ont l’existence la plus longue.</p>
-
-<p>Ce sont les femmes mariées qui ont la vie la plus courte.</p>
-
-<p>Le cerveau de la femme restant inerte s’atrophie, tandis que le cerveau
-de l’homme travaillant s’hypertrophie. On peut donc penser que si les
-femmes étaient en la société dans les mêmes conditions que les hommes,
-elles seraient loin d’être inférieures à ceux-ci.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_190">190</span></p>
- <h2 id="ch_31">M<sup>me</sup> CURIE ET SA DÉCOUVERTE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Quand M<sup>lle</sup> Sklodowska fut reçue docteur es-sciences physiques, sa
-thèse avait pour objet, la recherche des substances radio-actives.
-Après son mariage avec M. Curie, la fille du savant Sklodowski continua
-ses recherches sur les substances radio-actives, trouva le radium; et,
-cette manifestation du génie féminin embarrassa le sexe masculin.</p>
-
-<p>Le syndicat de la presse parisienne ayant décidé de répartir les cent
-mille francs du prix Osiris entre les deux inventions qui avaient fait
-à l’époque le plus d’honneur à la science française; 60,000 francs
-furent donnés à M<sup>me</sup> Curie pour le radium, 40.000 francs à M. Branly
-pour la télégraphie sans fil.</p>
-
-<p>En dépit du prix Osiris, récompense sonnante décernée à M<sup>me</sup>
-Curie pour sa découverte, les hommes mirent la main sur la victoire
-scientifique obtenue par elle.</p>
-
-<p>A ceux qui reprochent au sexe féminin de manquer de génie, de ne rien
-inventer, il est à présent démontré <span class="pagenum" id="Page_191">191</span> que les découvertes faites par
-les femmes sont mises à l’actif des hommes.</p>
-
-<p>M. Curie, qui fut associé à M<sup>me</sup> Curie pour partager avec M.
-Becquerel les cent mille couronnes du prix Nobel, n’était pas complice
-des gens déterminés à déposséder sa compagne du résultat de son labeur
-pour le gratifier de son mérite. En une conférence à la Sorbonne, il
-déclara que le radium avait été découvert par son épouse; qu’il n’avait
-abandonné ses travaux en cours pour se joindre à elle, qu’après qu’elle
-fut parvenue à isoler le corps nouveau.</p>
-
-<p>Lorsque les roues d’une lourde voiture eurent enlevé à la vie M. Curie,
-il fallut bien avouer la vérité, en nommant professeur à la Sorbonne
-et en faisant monter dans la chaire créée en l’honneur du radium, la
-savante jusque-là tenue dans l’ombre dissimulée derrière un homme.</p>
-
-<p>Seulement, n’est-ce pas une anomalie de charger la femme d’enseigner
-les sciences et de lui interdire de faire les lois?</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum" id="Page_192">192</span></p>
- <h2 id="ch_32">LA RÉFORME PRIMORDIALE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p class="epigraph">Proclamer égaux devant le droit l’homme et la femme, est une
-réforme qui facilitera toutes les autres.</p>
-
-<p>Le progrès résulte surtout de l’aptitude des humains à l’accélérer;
-or, pour obtenir des êtres propres à activer le progrès, la première
-condition est de perfectionner le moule d’où ils sortent, de donner à
-ce moule la possibilité de les produire. Ce ne sera qu’en faisant les
-matrices de la nation citoyennes, qu’on les rendra capables de créer
-des citoyens.</p>
-
-<p>L’usage, qui dans la vie sociale tend de plus en plus à assimiler
-les femmes aux hommes, à laisser celles-ci exercer la profession de
-ceux-là, incite à considérer comme d’un autre âge, le préjugé faisant
-exclure des affaires publiques le sexe qui s’entend particulièrement à
-gérer ses affaires privées.</p>
-
-<p>On est bien plus habitué aujourd’hui à l’idée de voir voter les femmes,
-qu’on ne l’était en 1847 à celle de voir voter les non-censitaires.
-Chacun, se rend tellement <span class="pagenum" id="Page_193">193</span> compte que l’exploitation du sexe
-majorité est due à son exclusion politique, qu’à toutes injustices
-commises envers les femmes, des hommes maintenant s’écrient: «Si les
-Françaises votaient, on ne les traiterait pas de la sorte» et les
-journaux de toutes opinions tiennent à l’occasion, ce même langage
-féministe.</p>
-
-<p>Cette unanimité à convenir que tant de maux découlent pour les
-femmes de leur annihilement, forcera bientôt le bon sens français à
-reconnaître que c’est à toute la nation, que l’exclusion politique des
-génératrices préjudicie.</p>
-
-<p>L’affiche illustrée, la carte postale, le timbre, représentant un
-homme et une femme qui se rencontrent devant l’urne électorale, pour
-sauvegarder leurs intérêts publics, comme ils se rencontrent dans une
-étude de notaire, pour sauvegarder leurs intérêts privés, obligent à
-penser, que le droit de voter, est aussi indispensable au sexe féminin
-qu’au sexe masculin.</p>
-
-<p>Si l’on demandait aux hommes pourquoi ils s’opposent à ce que les
-femmes aient leur part des prérogatives conquises par nos aïeux; ils ne
-parviendraient pas à donner d’explications valables, sachant bien que
-les privilèges qu’ils s’arrogent sans les faire partager aux femmes,
-ne sont pas plus légitimes, que ceux dont la noblesse et le clergé
-jouissaient au détriment du peuple avant 1789.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_194">194</span></p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Un Précédent.</i></p>
-
-<p>Autrefois, on avait pour la condition sociale, le mépris que l’on a
-actuellement pour le sexe féminin. Avant 1848 les hommes des basses
-classes et les bourgeois instruits mais non fortunés, ne pouvaient
-pas plus que les femmes aujourd’hui, opiner sur les lois qu’ils
-subissaient. Il a fallu que les ouvriers s’insurgent, fassent des
-barricades en demandant la réforme, pour que le bulletin de vote fut
-octroyé à de savants professeurs, à des membres de l’Institut qui
-ne payaient point les deux cents francs d’impôts exigés pour être
-électeurs.</p>
-
-<p>C’est encore avec une apparence de raison, que les monarchistes, imbus
-du principe d’autorité, maintiennent la femme dans une condition
-inférieure à celle de l’homme; mais, les républicains qui écrivent sur
-les murs: Liberté! Egalité! se mettent en contradiction avec eux-mêmes,
-en laissant le sexe masculin spolier le sexe féminin de ses droits.</p>
-
-<p>Les députés, voient sans déplaisir les électeurs s’amoindrir en
-compagnie de serves, alors, que ceux-ci ont au contraire intérêt à
-s’augmenter au contact de citoyennes, afin d’être à même de contrôler
-les actes de leurs mandataires, de les nommer pour une période plus
-courte, jusqu’à ce qu’ils puissent exercer directement le gouvernement.</p>
-
-<p>Quand tout le monde convient que hommes et <span class="pagenum" id="Page_195">195</span> femmes sont
-équivalents, ont chacun des qualités propres, que les deux
-intelligences, les deux énergies, masculine et féminine, sont aussi
-absolument indispensable l’une que l’autre pour réaliser le mieux être
-souhaité; n’est-il point temps pour l’homme, de renoncer au stupide
-préjugé qui fait de sa mère qu’il aime tant, son inférieure?</p>
-
-<p>Si les Français comprenaient leurs véritables intérêts, la première
-question résolue serait cette question motrice: l’universalisation du
-suffrage aux femmes.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum" id="Page_196">196</span></p>
- <h2 id="ch_33">LES FEMMES SONT LES NÈGRES</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Alors que les nègres votent, pourquoi les blanches ne votent-elles pas?</p>
-
-<p>Alors que des nègres siègent à la Chambre, pourquoi des femmes ne
-peuvent-elles pas sauvegarder au Parlement les intérêts de leur sexe?</p>
-
-<p>Certes, nous applaudissons à l’assimilation des nègres aux blancs;
-mais, on nous permettra de demander:—Qu’attend-on pour assimiler à
-leur tour les femmes aux hommes blancs et noirs?</p>
-
-<p>En nos possessions lointaines, on fait voter un grand nombre de noirs,
-qui ne sont intéressés ni à nos idées, ni à nos affaires; cependant que
-l’on refuse aux femmes éclairées de la métropole le bulletin de vote,
-qui les empêcherait d’être broyées dans l’engrenage social.</p>
-
-<p>Au Sénégal, en le corps électoral, il y a huit mille nègres, dont la
-majeure partie ne comprend même pas la langue française.</p>
-
-<p>Les électeurs sont des moutons conduits aux urnes par ce berger: le
-chef de village, qui opine pour eux.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_197">197</span></p>
-
-<p>Aux Indes, soixante-douze mille électeurs indigènes ne parlent pas
-notre langue, ne subissent pas nos lois, ne sont pas contribuables,
-cependant ils votent, alors que les Françaises, qui fournissent
-la moitié des budgets et facilitent aux hommes, par leur habileté
-économique, le moyen d’apporter dans les caisses publiques leur
-quote-part, sont exclues de l’électorat.</p>
-
-<p>Le pas donné aux nègres sauvages, sur les blanches cultivées de la
-métropole, est une injure faite à la race blanche.</p>
-
-<p>Les hommes de couleur sont chez nous bien plus favorisés que les femmes.</p>
-
-<p>Pour les Français, les vrais nègres ne sont pas les noirs, ce sont les
-femmes qui, partout, peinent et souffrent à leur place.</p>
-
-<p>Comme pour jouer le rôle de nègre, il ne faut pas avoir qualité pour
-demander le remaniement du pacte social faisant une si anormale
-répartition des droits et des devoirs, la femme, naturellement, est
-privée du bulletin de vote.</p>
-
-<p>Les hommes qui se sont préoccupés de faire en nos possessions
-lointaines, du suffrage une réalité pour les nègres, se sont
-contentés, en France, de changer la signification des mots, d’appeler:
-souveraineté du pays, la souveraineté des hommes, qui sont le
-sexe-minorité, en ce pays.</p>
-
-<p>Cette mise en parallèle de nègres à moitié sauvages, sans charges
-ni obligations, votant, et de femmes civilisées, contribuables et
-point électeurs, démontre surabondamment, <span class="pagenum" id="Page_198">198</span> que les hommes ne
-conservent leur omnipotence en face des femmes, qu’afin d’exploiter ces
-déshéritées.</p>
-
-<p>Pour empêcher les Français de traiter en nègres les Françaises, il est
-indispensable d’octroyer aux femmes les privilèges dont jouissent les
-hommes blancs et noirs.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_199">199</span></p>
- <h2 id="ch_34">LES FRUSTRÉES DU BULLETIN SONT PRIVÉES DES EMPLOIS, DU REPOS, DES
- HONNEURS ET DES LEGS.</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Parce qu’elles ne votent point, les femmes n’ont pas droit au droit
-commun. On leur mesure le labeur payé, on les frustre des emplois, du
-bon travail, du repos hebdomadaire, des honneurs et des héritages.</p>
-
-<p>Les Françaises non électrices sont à ce point des parias, qu’elles ne
-peuvent jouir des réformes accomplies.</p>
-
-<p>Tout le monde, en France, se repose le dimanche: hormis les femmes.</p>
-
-<p>Parce que le sexe féminin mis au ban de la République ne vote pas, les
-travailleuses, les artisanes, les petites bourgeoises, les ménagères
-ne bénéficient point du repos hebdomadaire; attendu que les hommes
-trouvent commode de se faire servir par leurs domestiques gratuites,
-le dimanche comme les autres jours; et qu’ils abusent plus encore le
-dimanche qu’en la semaine, de celles qui sont leurs instruments de
-plaisir.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_200">200</span></p>
-
-<p>Parce que le sexe féminin mis au ban de la république ne vote pas, les
-travailleuses à domicile qui exercent une profession—tout en élevant
-leurs enfants—ne bénéficieront point des retraites ouvrières; les
-usurpateurs du droit des femmes, n’entendant pas diminuer la pension
-de retraite des électeurs pour en allouer une aux sans bulletins,
-qui peinent sans relâche, en même temps qu’elles perpétuent l’espèce
-humaine.</p>
-
-<p>Parce que les femmes mises au ban de la République ne votent pas, elles
-se voient enlever le pain de la bouche. Sous prétexte de sauvegarder
-leur santé—en réalité pour réserver à l’homme le bon travail.—On leur
-mesure le labeur rétribué, mais elles peuvent travailler gratuitement,
-le jour, la nuit, les dimanches!...</p>
-
-<p>Les femmes auxquelles il est interdit de veiller pour faire un travail
-bien payé ont la liberté de peiner, pourvu qu’elles ne gagnent rien en
-s’épuisant.</p>
-
-<p>Lorsque les femmes voteront, elles jouiront du droit commun; et, pour
-un travail égal, elles recevront un salaire égal à celui de l’homme.</p>
-
-<p>Beaucoup de femmes sont vaincues en la lutte pour l’existence, parce
-qu’elles sont laissées sans armes politiques. L’exclusion du droit au
-vote prive du droit au pain; l’homme s’étant attribué les gains en même
-temps que le suffrage.</p>
-
-<p>L’émancipation économique du sexe féminin est liée à son émancipation
-politique. Les femmes ne peuvent disputer aux hommes les bonnes places
-pendant qu’elles <span class="pagenum" id="Page_201">201</span> ne possèdent point ce passe-partout—le vote—qui
-ouvrirait la porte de toutes les carrières à leur activité productrice.</p>
-
-<p>Les Françaises, en vain, ont des mérites, possèdent des titres; ce
-n’est pas le diplôme, c’est le bulletin qui fait employer.</p>
-
-<p>La dégradation civique amoindrit dans la main de la femme le
-gagne-pain. Pour pouvoir prétendre à l’indépendance économique que le
-bon travail procure, les femmes doivent devenir électeurs; et ainsi
-faire que le suffrage universel soit une vérité.</p>
-
-<p>Actuellement, le système électoral ne fournit de la France qu’une
-représentation défigurée. Plus de la moitié de la nation n’est pas
-représentée pendant que les femmes ne votent point.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pas de droits, pas d’honneurs.</i></p>
-
-<p>Dire aux femmes qu’elles ne sont pas aptes à voter, c’est leur déclarer
-qu’elles ne sont pas dignes de porter la rosette.</p>
-
-<p>Quels actes surhumains doit accomplir une femme pour être décorée!
-Encore, tous ses mérites sont-ils insuffisants, si elle n’est
-chaleureusement recommandée aux distributeurs de croix.</p>
-
-<p>S’enrubanner conventionnellement, est partout un privilège mâle.</p>
-
-<p>La décoration, qui varie de forme et de couleur chez <span class="pagenum" id="Page_202">202</span> les différents
-peuples, reste sous toutes les latitudes l’attribut de l’homme
-orgueilleux.</p>
-
-<p>Les femmes peuvent en mille occasions s’être distinguées, leurs actes
-seraient-ils sublimes, ils passent inaperçus. De même que sur le champ
-de bataille toujours l’officier est décoré pour son régiment vainqueur,
-en la société, toujours le mari obtient la récompense honorifique
-méritée par son épouse.</p>
-
-<p>En toutes les expositions, des époux de commerçantes reçoivent la croix
-à la place de la corsetière ou de la lingère émérite qui est leur
-compagne.</p>
-
-<p>En temps de paix, l’intelligence de la femme assure la glorification de
-l’homme. En temps de guerre, la femme augmente les efforts défensifs,
-elle souffre, elle lutte, cependant, elle n’est pas décorée.</p>
-
-<p>L’homme et la femme—ont un sort si différent dans la société, parce
-qu’ils sont régis par des lois différentes.</p>
-
-<p>Les hommes seuls étant législateurs, chacun comprend pourquoi tout est
-défavorable au sexe féminin et favorable au sexe masculin.</p>
-
-<p>A l’homme qui a la belle destinée, le champ reste ouvert pour
-l’améliorer encore.</p>
-
-<p>A la femme annulée et bâillonnée au point de vue politique, est dévolu
-l’irrévocable.</p>
-
-<p>Quand les femmes auront été proclamées les égales des hommes devant le
-droit, elles seront les égales des hommes devant les distinctions; et à
-toutes distributions <span class="pagenum" id="Page_203">203</span> de croix elles recevront leur part de marques
-honorifiques.</p>
-
-<p class="souschapitre"><i>Pas de droits, pas de donations.</i></p>
-
-<p>Parce que la femme ne vote pas, il ne lui est point fait de legs. Les
-dames n’exercent leur libéralité qu’envers les hommes, qui seuls sont
-actuellement à même de reconnaître la générosité.</p>
-
-<p>Des féministes en mourant déshéritent leur sexe, pour laisser comme
-M<sup>me</sup> Griess-Traut 50,000 francs aux Fouriéristes.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> Dimbour était elle aussi féministe. On trouve son nom au bas des
-affiches électorales de la société «Le Droit des Femmes» et elle fit
-un jour à un politicien qui lui recommandait une œuvre masculine cette
-réponse:—Croyez-vous, que nous, femmes, nous allons chauffer le four
-pour les hommes?»</p>
-
-<p>Cependant, quand elle sentit sa fin proche, ce fut aux hommes qu’elle
-fournit une torche de cent mille francs pour allumer le four de la
-verrerie d’Albi.</p>
-
-<p>Certes, propager la doctrine de Fourier et créer une verrerie ouvrière
-sont œuvres excellentes; seulement, leur sexe opprimé criait aux
-généreuses mourantes: «Au secours!» Le délivrer, n’était-ce pas ce
-qu’il y avait de plus pressé à faire?</p>
-
-<p>Pourquoi toutes les femmes riches s’en vont-elles sans songer à leur
-sexe?</p>
-
-<p>Parce que ce sexe n’a pas le pouvoir de faire honorer les donatrices.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_204">204</span></p>
-
-<p>Les hommes ont immédiatement prouvé leur reconnaissance, en baptisant
-une avenue de Carmaux, «avenue Dimbour.» Tandis qu’avec la meilleure
-volonté, les femmes qui ne sont ni conseillères municipales, ni
-députées, n’auraient pu donner à une rue le nom de leur bienfaitrice.</p>
-
-<p>Pour avoir part aux libéralités, des partantes, il faudrait que les
-femmes puissent répartir la gloire fugitive. Or, pour atteindre à ce
-pouvoir distributif, il est justement indispensable qu’elles reçoivent
-beaucoup de dons... Qui est-ce qui tirera le féminisme de cette impasse?</p>
-
-<p>—Les Françaises ont à la fois la fortune et l’amour de la liberté.
-Le cadastre atteste qu’elles possèdent la plus grande partie de la
-propriété terrienne, pendant que la statistique apprend que, par esprit
-d’indépendance, beaucoup de femmes riches se refusent au mariage.</p>
-
-<p>Eh bien, parmi les millionnaires de France, n’est-il donc point de
-dames ou de demoiselles qui aient l’ambition de remplir le monde de
-leur renommée, de donner leurs noms aux places publiques, de s’assurer
-d’être perpétuellement honorées et glorifiées; qu’aucune encore n’est
-venue dire:—Je veux être la rédemptrice de mon sexe? Voilà des
-millions pour payer la lime briseuse de chaînes qui procurera aux
-femmes la liberté?</p>
-
-<p>Les Françaises sont admirables de dévouement, beaucoup sacrifieraient
-avec enthousiasme leur vie <span class="pagenum" id="Page_205">205</span> pour une idée; pourtant, dès qu’il
-s’agit de débourser afin d’assurer le triomphe de cette idée, leur
-ardeur se refroidit; elles se fient les unes sur les autres pour sortir
-de la poche l’or libérateur.</p>
-
-<p>La crainte de dépenser les domine.</p>
-
-<p>Cette propension des femmes à une parcimonie frisant l’avarice,
-qui, utilisée dans la commune et dans l’Etat donnerait d’heureux
-résultats financiers, permettrait, en faisant mieux encore les choses
-qu’aujourd’hui de réduire les dépenses publiques, de procurer un
-mieux-être national; est absolument préjudiciable à l’émancipation des
-femmes.</p>
-
-<p>L’économie excessive, qualité ou défaut qui profite aux autres, leur
-nuit à elles-mêmes, en ce sens qu’elle les empêche d’apporter ce qui
-en toute lutte constitue le principal élément du succès: les munitions
-de guerre c’est-à-dire l’argent, qui crée les courants d’opinion et
-détermine les enrôlements.</p>
-
-<p>Les femmes ne veulent rien dépenser pour démolir le piédestal du dieu
-mâle.</p>
-
-<p>Les Françaises ne sont pas admises à l’Académie; cependant, aucune
-riche lettrée ne crée, à l’imitation de MM. de Goncourt, une académie
-spéciale aux évincées.</p>
-
-<p>Dans la guerre aux privilèges masculins, qui a toujours payé la poudre
-et les cartouches?</p>
-
-<p>—Des femmes peu fortunées et des hommes, surtout des hommes.</p>
-
-<p>Les dames riches ne donnent rien pour empêcher leur sexe d’être sur la
-roue et sous l’affront.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_206">206</span></p>
-
-<p>Pour remonter le courant d’égoïsme et conquérir l’opinion à la
-justice envers les femmes ce sera long; tandis qu’en quelques jours,
-la législation qui opprime et infériorise la Française pourrait être
-transformée. Quand on songe à quel point le changement de condition
-de la femme améliorerait la situation politique et économique du
-pays, on est surpris que les philanthropes n’emploient pas des sommes
-considérables à réaliser l’affranchissement féminin.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_207">207</span></p>
- <h2 id="ch_35">LE FORÇAGE DES IDÉES</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p>Les Françaises déprimées par la servitude ont peur de la liberté et
-haïssent ceux qui veulent les affranchir. Il y a plus d’un siècle que
-Condorcet fit de cela la remarque en disant: «que les femmes ne lui
-pardonneraient point de réclamer leurs droits politiques.»</p>
-
-<p>Les Françaises ont une docilité de brebis qui surprend même les bergers.</p>
-
-<p>Eh bien! il suffirait qu’un berger entre-bâille devant ces brebis, les
-femmes, la porte des gras pâturages politiques, pour que le troupeau
-féminin entier s’efforce de s’y précipiter. Mais, qu’est-ce qui
-décidera un berger, c’est-à-dire un député, à monter à la tribune de la
-Chambre, pour demander que les femmes aient leur part des prérogatives
-dont les hommes ont le monopole?</p>
-
-<p>—Les principes? L’égalité?</p>
-
-<p>—Hélas! tout cela est trop passé de mode pour pouvoir aiguillonner un
-être et susciter un effort.</p>
-
-<p>Actuellement, la plus juste des causes reste en souffrance si l’on ne
-gagne rien à la défendre.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_208">208</span></p>
-
-<p>Les détenteurs du pouvoir n’ont aucun intérêt à servir les dégradées
-civiques d’origine.</p>
-
-<p>Mais, cet intérêt, les femmes pourraient l’exciter en offrant des
-primes au dévouement. Recourir à l’achat des vouloirs, négocier les
-réformes souhaitées serait moins long, que de décider la masse des
-électeurs à forcer, en notre faveur, la main aux députés.</p>
-
-<p>A notre époque de mercantilisme où tout s’acquiert à prix d’argent,
-pourquoi les femmes riches n’achèteraient-elles pas avec des votes et
-des projets de lois la liberté de leur sexe?</p>
-
-<p>Le droit s’achète, les réformes se négocient comme les affaires. Très
-souvent au Parlement, des avantages sont offerts, par les ministres,
-aux chefs de groupes, pour s’assurer en certaines circonstances, le
-vote de ces groupes.</p>
-
-<p>Le seul mobile des actions humaines est l’intérêt, et c’est seulement
-l’intérêt, qui sera le stimulant déterminant à prendre parti pour les
-femmes.</p>
-
-<p>L’argent est un moteur plus puissant que le temps pour changer les
-mentalités. Il est urgent que les revendicatrices aient un trésor
-libérateur; afin d’être en mesure d’activer l’épanouissement du
-féminisme, en appliquant aux idées le forçage que les jardiniers
-appliquent aux plantes dont ils veulent hâter la floraison.</p>
-
-<p>Le jour où les Françaises seront à même d’encourager <span class="pagenum" id="Page_209">209</span> à vouloir les
-affranchir, ceux qui ont le pouvoir de les affranchir; il est certain
-qu’il se produira chez les hostiles à nos revendications un revirement,
-que la question féministe deviendra passionnante et sera aussitôt
-résolue.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_210">210</span></p>
- <h2 id="ch_36">INSTAURATRICES DE BIEN-ÊTRE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p class="epigraph">Si l’homme est plus que la femme apte à créer de la richesse, la
-femme est beaucoup plus capable que l’homme de tirer parti de cette
-richesse.</p>
-
-<p>L’homme a des qualités que sa compagne ne possède pas: il est grand!
-franc! généreux! La femme souvent use de ruse, de duplicité, de
-finasserie. On l’accuse d’être ennemie de la vérité! On dit qu’il est
-aussi dangereux de lui confier un secret qu’un projet; car elle révèle
-l’un, elle s’approprie l’autre.</p>
-
-<p>Cette difformité morale du sexe féminin, qui fait se garer les femmes
-les unes des autres et retarde le groupement émancipateur, est
-cependant purement artificielle; c’est une déviation qui résulte de la
-condition, une déformation due à l’état d’esclavage.</p>
-
-<p>De même que l’être physique privé d’air et de liberté, l’être moral
-immobilisé dans la sujétion se tord et s’enlaidit. Que l’on soumette
-la femme à l’action vivifiante du soleil de justice et ses mauvais
-instincts disparaîtront.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_211">211</span></p>
-
-<p>Toutefois, si la femme étale avec une sorte d’inconscience les vices de
-l’esclave, il faut reconnaître qu’elle fait aussi montre de qualités
-et, entre toutes, de cette aptitude à la prévoyance qui, en dépit du
-dénûment, lui permet de subsister.</p>
-
-<p>Que ferait-on dans les ménages pauvres sans l’esprit précautionneux de
-la femme?</p>
-
-<p>Si la prévoyance féminine, si précieuse pour la famille, était utilisée
-pour la nation; si la femme ménagère dans la maison était ménagère dans
-l’Etat. Toutes mesures seraient prises pour qu’on ne paie point cher
-les aliments.</p>
-
-<p>Il est incompréhensible, que la femme chargée de ravitailler la maison
-n’ait pas le pouvoir de rendre ce ravitaillement facile, en assurant
-l’approvisionnement du marché.</p>
-
-<p>Si l’on ne retirait honneurs et profits quand on s’emploie dans l’Etat,
-il est probable que le sexe masculin aurait laissé la prévoyance
-féminine intensifier la vitalité et accroître le bien-être de la
-nation. Mais comme il y a, pour qui est censé s’occuper du grand ménage
-public, une bonne rétribution et des croix de la légion d’honneur,
-les hommes ont dit: «Nous nous chargeons de préserver de la faim les
-estomacs!»</p>
-
-<p>Or, l’alimentation des Français, même en temps normal, n’est point
-assurée.</p>
-
-<p>Si les femmes contribuaient à répartir les budgets comme elles
-contribuent à les former, elles ne laisseraient pas subsister pour la
-majorité de la nation l’absence <span class="pagenum" id="Page_212">212</span> de garanties contre la mort par la
-faim; et, pour la minorité, la profusion des jouissances, la vigilance
-à prévenir les désirs.</p>
-
-<p>La prudence conseille de ne plus confier à l’homme, le soin d’assumer
-seul, sans le concours de la femme, la responsabilité de la vie humaine.</p>
-
-<p>C’est parce que la ménagère est exclue des conseils de la nation, qu’il
-y a souvent disette au lieu de surabondance.</p>
-
-<p class="asterix">*<br />
-*&#160;&#160;*</p>
-
-<p>Le Français qui sacrifie dans l’Etat l’indispensable au superflu est
-dans la maison un être très positif. Si pauvre qu’il soit, il veut le
-bien-être: logement, vêtements chauds l’hiver, en toutes saisons bonne
-table.</p>
-
-<p>Quand il s’agit de réaliser avec un maigre budget ce
-<i>desideratum</i>, quel embarras dans le ménage! On calcule, on
-additionne, on soustrait; l’homme se décourage, la femme s’ingénie,
-elle augmente la valeur d’emploi de l’argent et parvient à faire face
-aux dépenses.</p>
-
-<p>Le mari, qui ne manque de rien, qui se trouve plutôt à son aise, finit
-par se reposer complètement sur le savoir-faire de sa femme, il la
-laisse pourvoir à tout. Point avare d’éloges d’ailleurs, il apprend à
-chacun qu’avec peu d’argent, sa compagne lui fait une vie confortable.
-La logique permettrait de supposer que tous les maris, plus satisfaits
-les uns que les autres de la manière dont leurs épouses gèrent le
-budget familial, vont <span class="pagenum" id="Page_213">213</span> proposer de mettre à profit leur habileté
-pour la gestion du budget national.</p>
-
-<p>Profonde erreur, ces messieurs entendent se réserver le monopole
-de la compétence, en matière administrative; et s’attribuer, à eux
-exclusivement, toute fonction rétribuée.</p>
-
-<p>Le préjugé fait s’éterniser le masculinisme; cependant, nous ne serons
-une démocratie que le jour où les femmes exerceront en France leurs
-droits civiques comme les hommes; car «la démocratie est l’organisation
-politique dans laquelle tout est véritablement fait <i>par tous</i> et
-<i>pour tous</i>.»</p>
-
-<p>Chacun ne comprend-il pas quel intérêt il y aurait à avoir, en même
-temps qu’une commission d’hommes habitués à dépenser sans compter, une
-commission de femmes rompues à l’économie, pour contrôler les budgets?</p>
-
-<p>Les Français sont dans l’erreur, lorsqu’ils pensent que la citoyenne
-ferait disparaître la ménagère. C’est justement le contraire qui
-aurait lieu; puisqu’il est impossible à la femme d’être une parfaite
-ménagère, c’est-à-dire, une instauratrice de bien-être, sans devenir
-une citoyenne.</p>
-
-<p>Pour que l’homme trouve chez lui le réconfort physique et moral que lui
-procureront une saine habitation, une alimentation substantielle, il
-est indispensable que sa compagne participe à l’administration de la
-société, surveille dans la commune et dans l’Etat, la production et la
-vente des choses nécessaires à l’existence.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_214">214</span></p>
-
-<p>La plus habile préparation culinaire, n’étant point capable de donner
-à la vache maigre, les qualités nutritives du bœuf en bon état; il est
-pour réaliser le bien être familial, quelque chose de plus important
-encore que de savoir sauter un poulet et arroser un gigot; c’est de
-pouvoir d’abord se procurer ce gigot et ce poulet, de bonne qualité et
-à bon compte.</p>
-
-<p>Or, comment les ménagères, ou plutôt les instauratrices de bien-être
-parviendraient-elles à se procurer facilement des denrées comestibles
-fraîches, de première qualité, à bas prix, pendant qu’elles n’ont ni
-le droit d’opiner, ni le droit d’agir en la cité, pendant qu’elles
-restent en France des annulées auxquelles il est interdit de s’occuper
-de l’approvisionnement alimentaire?</p>
-
-<p>Place aux femmes! est la plateforme indiquée aux résolus à transformer
-l’Etat social; car les héréditaires préjugés vont être obligés de
-capituler devant les événements qui crient, qui hurlent, qu’il faut sur
-la scène politique le concours du sexe féminin.</p>
-
-<p>Partout, les hommes sont actuellement dans un grand embarras: Pour
-n’avoir pas poursuivi en même temps que le développement intellectuel,
-l’amélioration des conditions d’existence des masses, les détenteurs du
-pouvoir se trouvent aux prises avec des difficultés que le concours des
-femmes, si intuitives et maternelles rendraient plus faciles à résoudre.</p>
-
-<p>L’heure psychologique semble donc venue d’appeler les femmes dans les
-conseils de la nation, comme au <span class="pagenum" id="Page_215">215</span> moment du péril, on appelle sur
-les champs de bataille la réserve, les régiments de renfort.</p>
-
-<p>Le sexe masculin ne peut suppléer le couple humain pour administrer la
-société. Dans l’intérêt de l’ordre et de la prospérité publique, les
-femmes doivent compléter les hommes au Palais-Bourbon et à l’Hôtel de
-Ville?</p>
-
-<p>Les Français cumulent à leur préjudice, les rôles masculins et féminins
-dans la République. Ce n’est pas seulement au détriment du bien
-général, c’est au détriment de leur santé, de leur vie, que les hommes
-s’obstinent à tout régir dans l’Etat.</p>
-
-<p>Pendant, en effet, qu’en leurs laboratoires des savants s’efforcent
-de découvrir le moyen d’anéantir microbes et bacilles, de nombreux
-organismes humains sont détériorés par une alimentation défectueuse.
-C’est que par une de ces contradictions qui abondent en notre ordre
-social, les femmes qui sont chargées de ravitailler la maison,
-d’apprêter les aliments, ne peuvent contribuer à améliorer la manière
-de sustenter l’humanité; elles ne sont pas plus admises à réglementer
-les approvisionnements des marchés, qu’à inspecter les comestibles.</p>
-
-<p>Pourquoi les femmes ne siègent-elles pas dans les commissions
-d’hygiène? Pourquoi les femmes ne sont-elles point désignées pour
-surveiller le commerce des denrées alimentaires?</p>
-
-<p>—Parce qu’elles ne votent pas; et que même les emplois qui conviennent
-particulièrement aux femmes, sont seulement donnés aux électeurs.</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_216">216</span></p>
- <h2 id="ch_37">L’UNIVERSALISATION DU SUFFRAGE</h2>
- <hr class="small3" />
-</div>
-
-<p class="epigraph">En notre société en travail de transformation, qui n’a pas voix au
-chapitre, en ayant droit au vote, sera sacrifié demain et manque
-aujourd’hui.</p>
-
-<p>Les femmes riches seraient privées de leur fortune et les femmes
-pauvres resteraient dans le besoin, si la propriété individuelle était
-socialisée avant que le sexe féminin soit électeur et éligible, car,
-les femmes dépouillées de ce qu’elles possèdent ne récupéreraient
-point dans la société nouvelle ce qui leur aurait été pris; attendu,
-que les fonctions, les emplois, le bon travail, appartiendraient aux
-seuls électeurs. Les femmes restant déshéritées des droits politiques,
-risquent donc d’être demain plus malheureuses encore qu’elles ne sont
-aujourd’hui.</p>
-
-<p>Pour que la transformation sociale s’accomplisse au profit de toute
-l’humanité, il est indispensable que hommes et femmes aient le droit de
-participer à cette transformation et d’en bénéficier.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_217">217</span></p>
-
-<p>C’est seulement l’égalité dans la société d’aujourd’hui qui garantira
-aux femmes d’être traitées en équivalentes des hommes dans la société
-de demain.</p>
-
-<p>On voit qu’il est important de se hâter de mettre en pratique,
-l’égalité politique des deux sexes qui est écrite dans la loi.</p>
-
-<p>La loi sur l’électorat dit, en effet:—sont électeurs <i>tous les
-Français</i> âgés de 21 ans...</p>
-
-<p>Ces mots «les Français» qui comprennent les hommes et les femmes comme
-contribuables, lorsqu’il s’agit de payer les impôts, comprennent
-certainement aussi les hommes et les femmes comme électeurs, lorsqu’il
-s’agit d’exercer l’électorat.</p>
-
-<p>Une louable équité a fait élargir l’interprétation du texte législatif
-de la loi sur le jury et admettre les ouvriers à juger les criminels.
-Pourquoi cette équité ne ferait-elle pas pareillement élargir
-l’interprétation de la loi électorale et admettre les femmes à voter?</p>
-
-<p>Il vaut mieux avouer avoir mal interprété une loi, que de laisser la
-législation de la République, exclure en bloc de la politique, les
-femmes que les chartes royales d’avant 1789 admettaient partiellement à
-y participer.</p>
-
-<p>En arrivant sur la scène politique, les femmes enrayeront le gaspillage
-des fonds publics; donc, faciliteront de faire les réformes demandées.</p>
-
-<p>Quand les femmes qui ont dans l’Etat les mêmes intérêts que les hommes,
-seront comme ceux-ci, armées des droits nécessaires, pour se protéger,
-pour se <span class="pagenum" id="Page_218">218</span> défendre, pour ascensionner; la France, en possession de
-l’intégralité de sa force cérébrale, prendra dans le monde un rôle
-prépondérant.</p>
-
-<p>L’universalisation du suffrage aux femmes, décuplera la puissance de
-la nation, accélérera l’évolution sociale, intensifiera la sollicitude
-de la collectivité à l’égard de l’individu; et, fera s’ouvrir pour les
-humains une ère de bonheur.</p>
-
-<p class="rsignature4"><span class="smcap">Hubertine Auclert.</span></p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter margintop4">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_219">219</span></p>
-
- <div class="footnotes">
- <h2 id="notes">NOTES</h2>
- <hr class="small3" />
-
- <p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> <i>La citoyenne</i>, n<sup>os</sup> 36 et 43.</p>
-
- <p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> <span class="smcap">A. Aulard</span>, <i>Le Féminisme pendant la Révolution
- Française</i> (Revue Bleue).</p>
-
- <p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> Amédée le Faure, «Le socialisme pendant la révolution».</p>
-
- <p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4"><span class="label">[4]</span></a> <span class="smcap">Michelet.</span></p>
-
- <p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5"><span class="label">[5]</span></a> <span class="smcap">A. Aulard.</span></p>
-
- <p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6"><span class="label">[6]</span></a> <span class="smcap">Lairtullier</span>, <i>Les femmes célèbres de la
- Révolution</i>.</p>
-
- <p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7"><span class="label">[7]</span></a> Gilbert <span class="smcap">Stenger</span>, <i>La Société Française pendant le
- Consulat</i>.</p>
-
- <p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8"><span class="label">[8]</span></a> Jeanne <span class="smcap">Deroin</span>, <i>Almanach des Femmes</i>.</p>
-
- <p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9"><span class="label">[9]</span></a> <i>L’Opinion des Femmes.</i></p>
-
- <p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10"><span class="label">[10]</span></a> H. Wild, Jeanne Deroin et Julie Daubié.</p>
-
- <p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11"><span class="label">[11]</span></a> <i>La Citoyenne</i> (1881 à 1891).</p>
-
- <p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12"><span class="label">[12]</span></a> <i>La Citoyenne</i> n<sup>o</sup> 94.</p>
-
- <p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13"><span class="label">[13]</span></a> Le <i>Moniteur</i>.</p>
-
- <p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14"><span class="label">[14]</span></a> Avant 1848 on riait aussi quand on parlait de donner le
- vote à tous les hommes.</p>
- </div>
-</div>
-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_221">221</span></p>
- <table class="tablematieres" id="table_des_matieres" summary="">
- <colgroup span="2">
- <col width="90%" />
- <col width="10%" />
- </colgroup>
- <tbody>
- <tr>
- <td colspan="2" class="tdc1"><h2>TABLE DES MATIÈRES</h2></td>
- </tr>
- <tr>
- <td colspan="2" class="tdc2"><hr class="small4" /></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Aux Lecteurs</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_0">1</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Le simulacre du suffrage universel</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_1">3</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Dégradée civique-née</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_2">7</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">La femme dans la Commune</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_3">12</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Voix données aux femmes</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_4">16</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Les femmes dans l’Etat</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_5">22</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Les femmes et le budget</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_6">27</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">L’éducation politique des français</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_7">34</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Le vote des femmes célibataires</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_8">40</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Vous n’êtes pas militaires!</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_9">48</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Vous êtes cléricales!</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_10">55</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">La religion laïque</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_11">59</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Les femmes ont voté en France</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_12">65</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">La loi salique</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_13">68</a></td>
- </tr> <tr>
- <td class="tdlbl">Les prérogatives des femmes en l’ancienne France</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_14">70</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Revendication des femmes en 1789</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_15">77</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Après la Révolution</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_16">89</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Les suffragistes en 1848</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_17">93</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Jean Macé féministe suffragiste</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_18">97</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Les femmes qui agissent et qui écrivent</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_19">99</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Journaux et sociétés féministes</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_20">115</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Etats ou les femmes exercent leurs droits politiques</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_21">119</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">L’inscription sur les listes électorales</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_22">124</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Le prix d’un vote de femme</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_23">131</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Le bluff électoral</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_24">132</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Refus de l’impôt</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_25">136</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Pourvoi devant le Conseil de préfecture</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_26">144</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Pourvoi devant le Conseil d’Etat</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_27">148</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">L’arrêt du Conseil d’Etat</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_28">152</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Le droit pour les femmes de pétitionner</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_29">156</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Un sexe est-il supérieur à l’autre?</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_30">185</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Madame Curie et sa découverte</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_31">190</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">La réforme primordiale</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_32">192</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Les femmes sont les nègres</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_33">196</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Les frustrées du Bulletin</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_34">199</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Le forçage des idées</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_35">207</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">Instauratrices de bien-être</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_36">210</a></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl">L’universalisation du suffrage</td>
- <td class="tdrb"><a href="#ch_37">216</a></td>
- </tr>
- </tbody>
- </table>
-</div>
-
-<p class="center">Saint-Amand (Cher).—Imprimerie BUSSIÈRE.</p>
-
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-
-<div class="chapter">
- <p><span class="pagenum hidden" id="Page_222">222</span></p>
- <table id="catalogue" summary="">
- <colgroup span="2">
- <col width="80%" />
- <col width="20%" />
- </colgroup>
- <tbody>
- <tr>
- <td colspan="2" class="tdc3"><h2>V. GIARD &amp; E. BRIÈRE, LIBRAIRES-ÉDITEURS</h2></td>
- </tr>
- <tr>
- <td colspan="2" class="tdc4"><i>16, rue Souflot, et 12, rue Toullier, PARIS</i></td>
- </tr>
- <tr>
- <td colspan="2" class="tdc3"><hr class="small3" /></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Auclert</span> (Hubertine).—<b>Le vote des Femmes</b>, 1908. Un vol in-18.</td>
- <td class="tdrb"><b>2</b> fr. <b>50</b></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Avril de Sainte Croix</span> (M<sup>e</sup>).—<b>Le Féminisme</b>,
- avec préface de V. Marguerite, 1907. Un vol. in-18 relié toile.</td>
- <td class="tdrb"><b>3</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Bonnier</span> (<span class="smcap">Ch.</span>).—<b>La question de la Femme</b>, 1897.
- Une brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>2</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Castro Osorio</span> (A. de).—<b>Les femmes portugaises</b>, traduction
- de H. Faure, 1907. Une brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>2</b> fr. <b>50</b></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Chauvin</span> (Mlle G.).—<b>Etude historique sur les professions
- accessibles aux femmes</b>, 1892. Un vol. in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>6</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Dissard</span> (Clotilde).—<b>Opinions féministes</b>, 1896. Une brochure
- grand in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Franck</span> (L.).—<b>La femme-avocat</b>, 1898. Un vol. in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>6</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Gerritsen</span>.—<b>La femme à travers les âges</b>, 1901. Un vol.
- in-4<sup>o</sup> cartonné.</td>
- <td class="tdrb"><b>6</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Guilleminot</span> (A.).—<b>Femme, Enfant, Humanité.</b> Études
- sociales, 1896. Un vol. in-18.</td>
- <td class="tdrb"><b>1</b> fr. <b>25</b></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Hauser</span> (H ).—<b>Le travail des femmes aux XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup>
- siècles</b>, 1897. Une brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Joran</span> (Th.).—<b>Le Féminisme à l'heure actuelle</b>, 1907. Une
- brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Leduc</span> (L.).—<b>La Femme devant le Parlement</b>, 1898. Un
- vol. in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>6</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Letourneau</span> (Ch.).—<b>La condition de la Femme dans les
- diverses races et civilisations</b>, 1908. Un vol. in-8<sup>o</sup> broché.</td>
- <td class="tdrb"><b>9</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Loria</span> (A.).—<b>Le Féminisme au point de vue sociologique</b>, 1907.
- Une brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Lourbet</span> (G.).—<b>Le problème des sexes</b>, 1900. Un vol. in-8<sup>o</sup>
- broché.</td>
- <td class="tdrb"><b>5</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Maday</span> (A. de).—<b>Le Droit des Femmes au travail</b>, 1905.
- Un vol. in-18.</td>
- <td class="tdrb"><b>3</b> fr. <b>50</b></td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Neera</span>.—<b>Les Idées d'une femme sur le féminisme</b>, 1908.
- Un vol. in-18.</td>
- <td class="tdrb"><b>3</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Pelletier</span> (D<sup>r</sup>-M.).—<b>La Femme en lutte pour ses droits</b>,
- 1908. Un vol. in-18.</td>
- <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td>
- </tr>
- <tr>
- <td class="tdlbl"><span class="smcap">Poinsinet</span> (L ).—<b>le Rôle social de la femme</b>, 1906. Une
- brochure grand in-8<sup>o</sup>.</td>
- <td class="tdrb"><b>1</b> fr. »»</td>
- </tr>
- </tbody>
- </table>
-</div>
-
-<p class="center">SAINT-AMAND (CHER).—IMPRIMERIE BUSSIÈRE</p>
-
-<hr class="chap x-ebookmaker-drop" />
-
-<div class="chapter">
- <span class="pagenum hidden" id="Page_266">266</span>
- <div class="tnote">
- <h2 id="note_au_lecteur" class="h2note">Au lecteur</h2>
-
- <p class="fontnote">Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version
- originale. Les erreurs manifestes de typographie ont été corrigées.</p>
-
- <p class="fontnote">La ponctuation a pu faire l’objet de quelques corrections mineures.</p>
- </div>
- </div>
-
-<hr class="full" />
-
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-<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>LE VOTE DES FEMMES</span> ***</div>
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-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg&#8482; electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
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-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg&#8482;
-</div>
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-Project Gutenberg&#8482; is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-</div>
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-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg&#8482;&#8217;s
-goals and ensuring that the Project Gutenberg&#8482; collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg&#8482; and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation&#8217;s EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state&#8217;s laws.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Foundation&#8217;s business office is located at 809 North 1500 West,
-Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
-to date contact information can be found at the Foundation&#8217;s website
-and official page at www.gutenberg.org/contact
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; depends upon and cannot survive without widespread
-public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state
-visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 5. General Information About Project Gutenberg&#8482; electronic works
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg&#8482; concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg&#8482; eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Most people start at our website which has the main PG search
-facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-This website includes information about Project Gutenberg&#8482;,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
-</div>
-
-</div>
-</div>
- </body>
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