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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Dans l’abîme - Triomphes d’un Taxidermiste; La Pomme; L’homme volant - -Author: Herbert George Wells - -Editor: Louis Figuier - -Translator: Henry Durand Davray - -Release Date: February 18, 2021 [eBook #64590] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -Produced by: Laura Natal Rodrigues at Free Literature (Images generously - made available by Gallica, Bibliothèque nationale de France.) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DANS L’ABÎME *** - -LA SCIENCE ILLUSTRÉE - - -JOURNAL HEBDOMADAIRE - -FONDÉ SOUS LA DIRECTION - -DE - -LOUIS FIGUIER - -06 DÉCEMBRE 1902 - -À - -30 MAI 1903 - - -EXPOSITION INTERNATIONALE (1900) - -PARIS - - - - -DANS L'ABÎME - -H.-G. WELLS - -TRADUIT DE L'ANGLAIS - -PAR - -HENRY-D. DAVRAY - - - - -TABLE DES MATIÈRES -DANS L'ABÎME -LES TRIOMPHES D'UN TAXIDERMISTE -LA POMME -L'HOMME VOLANT - - - - -DANS L'ABÎME - - -Le lieutenant se tenait debout devant la sphère d'acier et mordillait -un éclat de bois. - ---Que pensez-vous de ça, Steevens? demanda-t-il. - ---C'est une idée comme une autre, dit Steevens, du ton de quelqu'un qui -veut se faire une opinion sincère. - ---Je crois que ça s'écrasera à plat, continua le lieutenant. - ---Il semble avoir calculé son affaire soigneusement, dit Steevens -encore impartial. - ---Mais pensez à la pression, insista le lieutenant. À la surface de -l'eau, elle est de quatorze livres par pouce; trente pieds plus bas, -elle est double; soixante, triple; quatre-vingt-dix, quadruple; neuf -cents, quarante fois plus grande; cinq-mille pieds, trois-cents fois... -c'est-à-dire qu'à un mille de profondeur la pression est de deux cent -quarante fois quatorze livres; c'est-à-dire... attendez... un -quintal... une tonne et demie, Steevens, _une tonne et demie_ par pouce -carré. Et l'Océan a ici cinq milles de profondeur. Il subira une -pression de sept tonnes et demie... - ---Un joli sondage! dit Steevens. Mais il est protégé aussi par une -jolie épaisseur d'acier. - -Le lieutenant ne répondit pas et se mit à mâchonner son bout de bois. -L'objet de leur conversation était une immense boule d'acier, d'un -diamètre extérieur d'environ neuf pieds, et qui semblait être le -projectile de quelque titanique pièce d'artillerie; elle était fort -laborieusement nichée dans un échafaudage monstrueux, élevé dans la -charpente du vaisseau, et les espars gigantesques qui allaient bientôt -la faire glisser par-dessus bord donnaient à l'arrière du navire un -aspect qui avait excité la curiosité de tout honnête marin, depuis le -_pool_ de Londres jusqu'au tropique du Capricorne. En deux endroits, -l'un au-dessus de l'autre, l'acier faisait place à une couple de -fenêtres circulaires, fermées d'une paroi de verre d'une épaisseur -énorme, et l'une d'elles, enchâssée dans un cadre d'acier d'une -grande solidité, se trouvait pour l'instant en partie dévissée. - -Le matin même, les deux hommes avaient vu, pour la première fois, -l'intérieur de ce globe. Il était soigneusement matelassé de coussins -à air, garnis de petits boutons fixés entre les saillies, et qui -constituaient le simple mécanisme de la chose. Tous les objets -étaient, de même, soigneusement capitonnés, même l'appareil Myers, -qui devait absorber l'acide carbonique et remplacer l'oxygène inspiré -par l'habitant du globe, quand, s'y étant introduit, l'ouverture -vitrée aurait été vissée. - -Tout était si parfaitement capitonné qu'un être humain aurait pu -supporter, en toute sécurité, d'être lancé avec la sphère par un -canon. Et il fallait qu'il en fût ainsi, car bientôt un homme allait -s'insinuer par l'ouverture; il serait enfermé solidement à -l'intérieur et lancé par-dessus bord pour s'en foncer dans l'Océan -jusqu'à une profondeur de cinq milles, comme le lieutenant l'avait dit. -L'imagination de ce dernier était exclusivement occupée de cet objet; -c'était devenu pour lui une obsession, même aux repas, et Steevens, le -nouveau venu, était un compagnon inattendu auquel il allait pouvoir à -son aise causer de sa préoccupation. - ---J'ai idée, dit le lieutenant, que ces hublots de verre fléchiront -simplement, crèveront et s'écraseront sous une pression pareille. -Daubrée a liquéfié des rochers sous des pressions énormes... et, -remarquez bien ceci... - ---Si le verre casse, fit Steevens, qu'arrivera-t-il? - ---L'eau entrera comme un jet de fer. Avez-vous jamais reçu, bien droit, -un jet à haute pression? Ça frappe comme un boulet. Il serait -simplement écrasé et aplati. L'eau entrerait dans sa gorge, dans ses -poumons, pénétrerait dans ses oreilles... - ---Quelle imagination détaillée! s'écria Steevens, qui se -représentait vivement les choses. - ---C'est le simple exposé d'une chose inévitable, dit le lieutenant... - ---Et le globe? - ---Il laisserait s'échapper quelques petites bulles et s'installerait -confortablement, jusqu'au jour du jugement, parmi la vase et le limon du -fond... avec le pauvre Elstead étalé sur ces coussins aplatis, comme -du beurre sur du pain. - -Il répéta cette image, comme si elle lui eût plu beaucoup: - ---Comme du beurre sur du pain. - ---Un coup d'œil au tape-cul, fit une voix. - -Et Elstead parut derrière eux, vêtu d'un complet blanc, une cigarette -aux lèvres et les yeux souriants sous les amples bords de son chapeau. - ---Qu'est-ce que vous dites, à propos de pain et de beurre, Weybridge? -Vous grommelez, comme d'habitude sur la paye insuffisante des officiers -de marine?... Il n'y a plus qu'un jour à attendre avant que je parte -maintenant. Les élingues vont être prêtes aujourd'hui. Ce beau ciel -et cette houle tranquille sont juste ce qu'il faut pour lancer -par-dessus bord une douzaine de tonnes de plomb et de fer, n'est-ce pas? - ---Vous ne vous apercevrez pas beaucoup de la houle, dit Weybridge. - ---Non. À soixante ou quatre-vingts pieds de profondeur... et j'y serai -dans dix à douze secondes... pas une molécule ne bougera, quand le -vent hurlerait et que l'eau s'élèverait jusqu'aux nuages. Non. Là, au -fond... - -Il s'avança jusqu'au bastingage, et les deux autres le suivirent. Tous -trois se penchèrent sur leurs coudes et contemplèrent l'eau, d'un vert -jaunâtre. - ---... La paix, dit. Elstead, en achevant tout haut sa pensée. - ---Êtes-vous absolument certain que le mouvement d'horlogerie marchera? -demanda tout à coup Weybridge. - ---Il a marché trente-cinq fois, dit Elstead. Il est tenu de marcher. - ---Mais s'il ne fonctionne pas? - ---Pourquoi ne fonctionnerait-il pas? - ---Je ne voudrais pas, pour vingt mille livres, descendre dans cette -maudite machine, dit Weybridge. - ---Vous êtes tout à fait encourageant, remarqua Elstead. - ---Je ne comprends pas encore de quelle façon vous pourrez faire -fonctionner la chose, dit Steevens. - ---Eh bien! d'abord, j'entre dans la sphère, et l'on visse l'ouverture, -commença Elstead. Et quand, trois fois de suite, j'ai allumé et -éteint la lumière électrique pour montrer que tout va bien, je suis -lancé par-dessus le bastingage par cette grue, avec tous ces gros -fonceurs de plomb suspendus au-dessous de moi. Le gros poids de plomb, -qui est fixé sur le dessus, est muni d'un cylindre sur lequel -s'enroulent cent toises de solide cordage, et c'est tout ce qui lie les -fonceurs à la sphère, sauf les élingues qui seront coupées quand la -sphère tombera. Je me sers de cordes plutôt que de câbles de fer, -parce que c'est plus facile à couper et plus flottant, conditions -nécessaires, comme vous allez voir. Vous remarquez que tous ces -fonceurs de plomb sont percés d'un trou; une tringle de fer y sera -adaptée, qui dépassera de six pieds sur la face inférieure. Dès que -cette tringle sera en contact avec le fond, elle frappera sur un levier -qui déclenchera le mouvement d'horlogerie placé sur le côté du -cylindre sur lequel les cordes s'enroulent... Vous suivez? On descend -gentiment dans l'eau tout le système. La sphère flotte... avec l'air -qu'elle renferme, elle est plus légère que l'eau... mais les poids de -plomb continuent à s'en foncer, et la corde se déroule jusqu'au bout. -Quand la corde est entièrement filée, la sphère s'enfonce aussi. - ---Mais à quoi sert la corde? demanda Steevens. Pourquoi ne pas fixer -directement les poids à la sphère? - ---Mais à cause du choc probable au fond. La sphère et ses poids vont -s'enfoncer rapidement, atteindre peu à peu une vitesse vertigineuse. -Elle serait mise en pièces en touchant le fond, si ce n'était de cette -corde. Mais, dès que les poids reposeront sur le fond, la légèreté -de la sphère entrera en jeu. Elle continuera à s'enfoncer de plus en -plus lentement, s'arrêtera enfin, puis se mettra à remonter. C'est là -que le mouvement d'horlogerie intervient. Aussitôt que les fonceurs -s'aplatiront sur le fond de la mer, la tringle sera heurtée et -déclenchera le mouvement et la corde s'enroulera de nouveau sur le -cylindre. Je serai ainsi amené jusqu'au fond. Là, je resterai une -demi-heure, la lumière électrique allumée, examinant ce que j'aurai -autour de moi. Puis le mouvement d'horlogerie mettra enjeu un couteau à -ressort, la corde sera coupée, et je remonterai à la surface, comme -une bulle dans un siphon. La corde elle-même aidera la flottaison. - ---Et si, par hasard, vous remontiez sous un navire? demanda Weybridge. - ---J'arriverais avec une telle vitesse que je passerais simplement au -travers comme un boulet de canon, dit Elstead. Vous n'avez pas besoin de -vous tourmenter à ce sujet. - ---Supposez que quelque actif petit crustacé s'insinue dans votre -mouvement d'horlogerie... - ---Ce serait pour moi une espèce d'invitation un peu pressante à rester -en leur compagnie, dit Elstead en tournant le dos à la mer et -contemplant la sphère. - - * - -* * - -On avait jeté Elstead par-dessus bord à onze heures. C'était une -journée calme et brillamment sereine, et l'horizon se perdait dans la -brume. L'éclat des lampes électriques avait joyeusement, par trois -fois, apparu dans le petit compartiment supérieur. Alors on l'avait -descendu lentement jusqu'à la surface de l'eau, et un matelot se tenait -près des sabords d'arrière prêt à couper le palan qui retenait l'ensemble -des fonceurs et de la sphère. La sphère, qui sur le pont avait -paru si énorme, semblait maintenant un inimaginable petit objet sous -l'arrière du navire. - - -[Figure 01: DANS L'ABÎME.--Ses deux hublots sombres, au dessus -de la ligne de flottaison, semblaient des yeux ahuris.] - - -Elle se balança un peu, et ses deux hublots sombres au-dessus de la -ligne de flottaison semblaient des yeux ahuris contemplant l'équipage -qui se pressait contre le bord. Une voix s'éleva, demandant ce -qu'Elstead devait penser de ce balancement. - ---Êtes-vous prêts? fit le commandant. - ---Oui, capitaine. - ---Lâchez tout. - -Le câble du palan se raidit contre la lame et fut coupé. Un remous -tourbillonna sur la sphère d'une façon grotesquement impuissante. -Quelqu'un agita un mouchoir; un autre tenta une acclamation vaine; un -quartier maître compta lentement... huit, neuf, dix. Il y eut un autre -remous, puis, avec un bruyant clapotis et un large éclaboussement, la -sphère reprit son aplomb. - -Elle sembla rester stationnaire un instant, puis devenir rapidement plus -petite; enfin l'eau la recouvrit, et elle resta visible au-dessous de la -surface, imprécise et agrandie par la réfraction. Avant qu'on ait pu -compter jusqu'à trois, elle avait disparu. Il y eut, dans les -profondeurs de l'eau, un tremblement de lumière blanche qui diminua -jusqu'à n'être plus qu'un point et s'évanouit. Puis, il n'y eut plus -rien que l'abîme des eaux ténébreuses dans lequel un requin nageait. - -Soudain l'hélice du croiseur se mit en mouvement; l'eau bouillonna; le -requin disparut dans la convulsion des vagues, et un torrent d'écume -s'étendit sur la cristalline limpidité qui avait englouti Elstead. - ---Qu'est-ce qu'on fait maintenant? dit un matelot à un autre. - ---On va s'éloigner d'une couple de milles pour ne pas nous trouver sur -son chemin quand il remontera, répondit son camarade. - -Le navire gagna lentement sa nouvelle position. À bord, tous ceux qui -n'étaient pas occupés restaient à surveiller l'endroit houleux où la -sphère s'était enfoncée. Pendant la demi-heure qui suivit, il est -douteux qu'un seul mot ait été prononcé qui n'eût pas rapport à -Elstead. Le soleil de décembre était maintenant haut dans le ciel, et -la chaleur était fort grande. - ---Je crois qu'il n'aura pas trop chaud là-dessous, dit Weybridge. On -prétend que, passé une certaine profondeur, l'eau de la mer est -presque toujours à une température glaciale. - ---À quel endroit va-t-il ressortir? demanda Steevens. - ---C'est là-bas, dit le commandant, qui s'enorgueillissait de son -omniscience. Il indiqua d'un doigt précis le sud-est. Et, ajouta-t-il, -il ne va pas tarder maintenant. Il y a déjà trente-cinq minutes. - ---Combien de temps faut-il pour atteindre le fond de l'Océan? -interrogea Steevens. - ---Pour une profondeur de cinq milles, en tenant compte, comme nous -l'avons fait, d'une accélération de deux pieds par seconde, à la fois -à l'aller et au retour, il lui faut environ trois quarts de minute. - ---Alors, il est en retard, fit Weybridge. - ---Mais... presque, dit le commandant. Je suppose qu'il faut quelques -minutes pour que sa corde s'enroule. - ---J'avais oublié cela, dit Weybridge, évidemment soulagé. - -Alors commença l'attente. Lentement, une minute s'écoula, et aucune -sphère ne sortit des flots. Une autre minute suivit, et rien ne vint -rompre la houle huileuse. Les matelots s'expliquaient les uns aux autres -l'importance de l'enroulement de la corde. Les agrès étaient pleins de -figures attentives. - ---Montez, Elstead, montez! cria impatiemment un matelot à la poitrine -velue, et les autres reprirent et crièrent comme s'ils réclamaient la -levée du rideau au théâtre. - -Le commandant leur lança un regard irrité. - ---Naturellement, si l'accélération est moindre que deux, dit-il, il -sera plus longtemps. Nous ne sommes pas absolument certains que ce soit -là une donnée exacte. Je ne crois pas aveuglément aux calculs. - -Steevens donna brièvement son assentiment. Personne sur le gaillard -d'arrière ne parla pendant une couple de minutes. Alors l'étui de la -montre de Steevens cliqua. - -Lorsque, vingt et une minutes plus tard, le soleil atteignit le zénith, -ils attendaient encore l'apparition de la sphère, et pas un homme à -bord n'avait osé murmurer que tout espoir était perdu. Ce fut -Weybridge qui, le premier, exprima cette certitude. - ---Je n'ai jamais eu confiance dans ces hublots, dit-il tout à coup à -Steevens. - ---Grand Dieu! s'écria Steevens, vous ne croyez pas que... - ---Ma foi... fit Weybridge, et il laissa le reste à son imagination. - ---Je n'ai pas grande foi dans les calculs de ce genre, déclara le -commandant sur un ton de doute, de sorte que je n'ai pas encore perdu -tout espoir. - -À minuit, le croiseur évoluait lentement autour de l'endroit où la -sphère s'était enfoncée. Le rayon blanc du foyer électrique se -promenait et s'arrêtait indiscontinûment sur l'étendue des eaux -phosphorescentes, tandis, que scintillaient de minuscules étoiles. - ---Si sa fenêtre n'a pas cédé et qu'il ne soit pas écrasé, dit -Weybridge, sa maudite situation est pire encore, car alors ce serait son -mouvement d'horlogerie qui n'aurait pas fonctionné, et il serait -maintenant vivant à cinq milles sous nos pieds, là-dessous, dans le -froid et les ténèbres, à l'ancre dans sa petite boule d'acier, là -où jamais un rayon de lumière n'a brillé, ni un être humain vécu -depuis que les eaux se sont rassemblées. Il est là sans nourriture, -souffrant de la faim et de la soif, épouvanté et se demandant s'il -mourra de faim ou d'étouffement. Laquelle de ces deux morts sera-ce? -L'appareil Myers doit s'épuiser, je suppose. Combien de temps peut-il -durer? - ---Tonnerre! s'exclama-t-il, quelles petites choses nous sommes! quels -audacieux petits diables! Dans l'abîme! Des milles et des milles de -liquide... rien que de l'eau au-dessous de nous et autour de nous, et ce -ciel! Des gouffres! - -Il leva les bras, et au même moment une petite traînée blanche monta -sans bruit dans le ciel, ralentit peu à peu sa course, s'arrêta, -devint un petit point immobile, comme si une nouvelle étoile avait pris -place dans le ciel. Puis cela se mit à dégringoler et se perdit -bientôt dans les réflexions des étoiles et dans la pâle et brumeuse -phosphorescence de la mer. - -À cette vue, il resta stupéfait, le bras tendu et la bouche ouverte. -Puis il ferma sa bouche, l'ouvrit de nouveau, et agita ses bras avec des -gestes désordonnés. Enfin, il se tourna et cria: «Elstead, ohé!» à -la première vigie, et courut jusqu'à Lindley, puis au foyer -électrique. - ---Je l'ai vu, criait-il, à tribord, là-bas! Ses lampes sont allumées. -Et il vient juste de sortir. Cherchez de ce côté avec le rayon. Nous -allons bien le voir flotter quand il réapparaîtra à la surface. - -Mais ils ne le trouvèrent pas avant l'aurore. Même alors ils -manquèrent de le couler bas. La grue fut préparée, et avec une -chaloupe, on agrafa les chaînes à la sphère. Quand ils l'eurent -remontée à bord, ils en dévissèrent l'ouverture et explorèrent des -yeux l'obscurité de l'intérieur, car la chambre du foyer électrique -était arrangée de façon à illuminer l'eau seulement autour de la -sphère et était interceptée de la cavité générale. - -L'atmosphère intérieure était très surchauffée, et la gutta-percha -qui garnissait les bords de l'ouverture était molle. Leurs questions -impatientes restèrent sans réponse et aucun bruit ne leur parvint. -Elstead était inanimé, replié sur lui-même au fond de sa cabine. Le -médecin du bord s'y introduisit et le passa à ceux de l'extérieur. -Pendant un certain temps, ils ne purent se rendre compte si Elstead -était vivant ou mort. Sa figure, à la lueur jaunâtre des lampes, -était toute brillante de transpiration. On le descendit dans sa cabine. - -Il n'était pas mort, comme ils purent bientôt s'en apercevoir, mais -dans un état d'affaissement nerveux absolu et, de plus, cruellement -contusionné. Il lui fallut, pendant plusieurs jours, rester couché et -parfaitement tranquille. Une semaine se passa avant qu'il pût raconter -ses expériences. - -Dès les premiers mots, il déclara qu'il allait recommencer. La sphère -avait besoin d'être perfectionnée, dit-il, afin de lui permettre de se -débarrasser de la corde, s'il le fallait, et c'était tout. Ç'avait -été la plus merveilleuse aventure. - ---Vous pensiez, dit-il, que je ne trouverais rien que de la vase. Vous -vous moquiez de mes explorations, et j'ai découvert un nouveau monde. - -Il raconta son histoire par fragments sans suite, et presque toujours en -commençant par la fin, de sorte qu'il est impossible de la répéter -dans ses propres termes. Mais ce qui suit en est l'exacte narration. - -«Son voyage commença atrocement. Avant que la corde fût entièrement -filée, la sphère ne cessa de ballotter. Il eut la sensation d'être -une grenouille enfermée dans un ballon sur lequel on s'acharne à coups -de pieds. Il ne pouvait voir que la grue et le ciel au-dessus de sa -tête, avec un coup d'œil occasionnel sur les gens qui garnissaient le -bastingage, et il était incapable de prévoir de quel côté allait se -balancer la sphère. Tantôt, il levait le pied pour marcher et il -était culbuté en tous sens contre les coussins. Toute autre forme eût -été plus confortable, mais aucune n'aurait pu supporter l'immense -pression de l'abîme. Soudain le balancement cessa; la sphère se mit en -équilibre, et, quand il fut relevé, il aperçut tout autour de lui le -bleu verdâtre des flots avec la lumière du jour atténuée filtrant de -la surface et une multitude de petites choses flottantes qui passaient -vertigineusement contre les vitres, montant, lui semble-t-il, vers la -lumière. Puis, à mesure qu'il regardait, l'obscurité s'accrut -jusqu'à ce que l'eau fût, au-dessus de sa tête, aussi sombre que le -ciel de minuit, bien que d'une teinte plus verte, et, au-dessous de lui, -absolument noire. De temps en temps, de petites choses transparentes -avec un scintillement lumineux faisaient au long des hublots de -légères traînées verdâtres. - -«Et la sensation de chute! Elle rappelait le départ soudain d'un -ascenseur, avec cette différence qu'elle durait plus longtemps. Il faut -réfléchir un instant pour réaliser ce que ce doit être. Ce fut alors -et seulement qu'Elstead se repentit d'avoir tenté cette aventure. Il -vit sous un aspect entièrement nouveau les chances qui se dressaient -contre lui. Il pensa aux énormes poissons à scie qui existent dans les -profondeurs moyennes, à ces spécimens terribles qu'on trouve parfois -à demi digérés dans l'estomac des grands cétacés ou flot tant -morts, décomposés et à demi dévorés. - -«Il s'imagina l'un d'entre eux s'attaquant à la sphère et ne voulant -plus la lâcher. Et le mouvement d'horlogerie, l'avait-il suffisamment -éprouvé? Mais qu'il voulut maintenant descendre ou remonter, c'était -absolument la même chose. - - -[Figure 02: DANS L'ABÎME.--Dans le rayon de son foyer électrique -apparaissaient des poissons.] - - -«Au bout de cinquante secondes, tout, à l'extérieur, fut aussi noir -que la nuit, sauf ce que le rayon de son foyer électrique éclairait et -dans quoi apparaissaient de temps à autre des poissons et passaient -quelques fragments d'objets qui s'enfonçaient. Tout cela disparaissait -trop vite pour qu'il lui fût possible de distinguer ce que c'était. -Une fois, il crut voir un requin. À ce moment, la sphère commença à -s'échauffer par le frottement. Il lui parut que cette donnée n'avait -pas été suffisamment évaluée. La première chose qu'il put remarquer -fut qu'il transpirait; puis il perçut sous ses pieds une sorte de -sifflement qui s'accrut, et il vit une foule de petites bulles, de très -petites bulles qui montaient en éventail vers la surface. De la vapeur! - -«Il tâta le hublot: la vitre était brûlante. Immédiatement, il -alluma la lampe électrique qui éclairait sa cabine, regarda la montre -encastrée dans le capitonnage, et il vit que son voyage durait déjà -depuis deux minutes. Il lui vint à l'esprit que le hublot pouvait -craquer dans le conflit des températures, car il savait que les eaux -dans les grandes profondeurs sont glaciales. Puis, tout à coup, la -paroi de la sphère sembla presser le dessous de ses pieds; au-dehors la -course des bulles se ralentit et le sifflement diminua. La sphère se -balança légèrement. Le hublot n'avait pas craqué, rien n'avait -cédé, et il savait que, dans tous les cas, le danger de couler bas -était passé. - -«Encore une minute et il reposerait sur le fond de l'abîme. Il songea, -dit-il, à Steevens, à Weybridge et aux autres qui étaient à cinq -milles au-dessus de sa tête, plus haut pour lui que ne le furent jamais -au-dessus de nous les plus élevés des nuages qui flottent dans le -ciel, à eux tous navigant lentement, cherchant à pénétrer la -profondeur des eaux et se demandant ce qui pouvait lui être arrivé. - -«Il se mit à regarder par le hublot. Il n'y avait plus de bulles -maintenant, et le sifflement avait cessé. Au dehors, c'étaient de -profondes ténèbres d'un noir épais comme un velours, sauf là où le -rayon électrique pénétrait l'eau et en montrait la couleur: un gris -jaunâtre. Alors, trois choses, comme des formes de feu, nagèrent en se -suivant. Il ne pouvait distinguer si elles étaient petites ou énormes -et éloignées. - -«Chacune d'elles se dessinait avec des contours bleuâtres, presque -aussi brillants que les feux d'une barque de pêche, des feux qui -semblaient répandre beaucoup de fumée, et ils avaient, de chaque -côté, des taches de cette lumière, comme des sabords de navire. Leur -phosphorescence sembla s'éteindre quand ils entrèrent dans le -rayonnement lumineux de sa lampe; et il vit alors que c'étaient de -petits poissons de quelque étrange espèce, avec des yeux énormes, et -dont les corps et les queues se terminaient brusquement. Leurs yeux -étaient tournés vers lui, et il jugea qu'ils suivaient sa descente, -les supposant attirés par sa clarté. - -«D'autres du même genre se joignirent bientôt à eux. À mesure qu'il -descendait, il remarquait que l'eau prenait une teinte pallide et que de -petites taches de lumière scintillaient dans son rayonnement comme des -atomes dans un rai de soleil. Cela était probablement dû aux nuages de -vase et de boue que la chute de ses fonceurs de plomb avait produits. - -«Pendant tout le temps qu'il fut entraîné vers le fond par ses poids -de plomb, il se trouva dans une sorte de brouillard blanc si dense que -son projecteur électrique ne réussissait pas entièrement à le percer -au delà de quelques pieds. Et il se passa quelques minutes avant que -les couches de sédiment en suspension fussent retombées au fond. -Alors, à la lueur de ses lampes électriques et à la passagère -phosphorescence d'un banc éloigné de poissons, il lui fut possible de -voir, sous l'immense obscurité des eaux supérieures, une surface -ondulante de vase d'un blanc grisâtre, rompue çà et là par des -fourrés enchevêtrés de lis de mer agitant leurs tentacules affamés. - -«Plus loin se trouvaient les gracieux et transparents contours d'un -groupe d'épongés gigantesques. Sur ce sol étaient dispersées un -grand nombre de touffes hérissées et plates d'une riche couleur -pourpre et noire qu'il décida devoir être quelque espèce d'oursin, et -de petites choses avec des yeux très larges ou aveugles ayant une -curieuse ressemblance, les unes avec les cloportes, les autres avec les -homards, rampaient paresseusement dans la traînée de lumière et -disparaissaient de nouveau dans l'obscurité en laissant derrière eux -des sillons dans la vase. - -«Soudain la multitude voltigeante de petits poissons vira et s'avança -vers lui comme une volée d'étourneaux pourrait le faire. Ils -passèrent au-dessus de lui comme une neige phosphorescente, et alors, -derrière eux, une créature de dimensions il vit plus grandes qui -s'avançait vers la sphère. - -«D'abord, il ne put la distinguer que vaguement, figure aux mouvements -indécis et suggérant de loin un homme en marche; puis elle entra dans -le rayonnement lumineux que projetait la lampe. Au moment où la -lumière la frappa, elle ferma les yeux, éblouie. Elstead la contempla -avec stupéfaction. - -«C'était un étrange animal vertébré. Sa tête d'un pourpre sombre, -rappelait vaguement celle d'un caméléon, mais le front était si -élevé et la boîte crânienne si développée qu'aucun reptile n'en -possédait encore de semblables. L'équilibre vertical de sa face lui -donnait la plus extraordinaire ressemblance avec celle d'un être -humain. Deux yeux larges et saillants se projetaient des orbites à la -façon d'un caméléon et sous ses petites narines s'ouvrait une large -bouche reptilienne aux lèvres cornées. À l'endroit des oreilles -étaient deux énormes ouïes hors desquelles flottaient des filaments -nombreux d'un rouge de corail, rappelant les ouïes que possèdent les -très jeunes raies et les requins. - -«Mais ce que sa face avait d'humain n'était pas le trait le plus -extraordinaire qu'offrait cette créature. Elle était bipède; son -corps, presque sphérique, était en équilibre sur une sorte de -trépied composé de deux jambes comme celles des grenouilles et d'une -longue queue épaisse, et ses membres supérieurs, qui caricaturaient -grotesquement les bras humains, beaucoup à la manière des grenouilles, -portaient un long dard osseux garni de cuivre. La couleur de cette -créature était, variée: sa tête, ses mains et ses jambes étaient -pourpres, mais sa peau, qui pendait flottante autour de son corps comme -des vêtements le feraient, était d'un gris phosphorescent. Elle -restait là, aveuglée par la lumière. - - -[Figure 03: DANS L'ABÎME.--Cet habitant inconnu de l'abîme -cligna des yeux et les écarquilla.] - - -À la fin, cet habitant inconnu de l'abîme cligna des paupières et les -écarquilla; puis, portant sa main libre au-dessus de ses yeux, il -ouvrit la bouche et articula à la façon humaine un cri qui pénétra -même l'enveloppe d'acier et le capitonnage intérieur de la sphère. -Comment un cri peut être poussé sans poumons, Elstead ne se préoccupa -pas de l'expliquer. La créature sortit alors du rayonnement, rentra -dans le mystère ténébreux qui le bordait de chaque côté, et Elstead -la sentit plutôt qu'il ne la vit venir vers lui. Certain que la -lumière l'avait attirée, il interrompit le courant. Un moment après, -des coups sourds résonnèrent contre l'acier, et la sphère se -balança. - -«Alors le cri fut répété. Et il sembla à Elstead qu'un écho -lointain y répondait. Les coups sourds reprirent et la sphère se -balança de nouveau et grinça contre le pivot sur lequel la corde -était enroulée. Il demeura dans les ténèbres, cherchant à -pénétrer du regard l'éternelle nuit de l'abîme. Et bientôt il vit, -très faibles et lointaines, d'autres formes phosphorescentes et -quasi-humaines se hâter vers lui. - -Sachant à peine ce qu'il faisait, il tâta contre les parois de sa -prison instable pour trouver le bouton du projecteur électrique -extérieur et pressa accidentellement celui de la petite lampe qui -éclairait sa cabine capitonnée. La sphère roula et il fut renversé. -Il entendit comme des cris de surprise, et quand il fut relevé, il vit -deux yeux attentifs qui regardaient par le hublot inférieur et qui en -réfléchissaient la clarté. - -«Au même instant, des mains heurtaient vigoureusement l'enveloppe -d'acier et il entendit, impression suffisamment horrible dans sa -position, des heurts réitérés sur l'enveloppe de métal, qui -protégeait le mouvement d'horlogerie. À ce bruit, vraiment, l'angoisse -l'étrangla; car, si ces étranges créatures parvenaient à arrêter le -mouvement, sa délivrance était impossible. À peine avait-il pensé -cela, qu'il sentit la sphère se balancer et la paroi sembla peser -lourdement contre ses pieds. - -«Il éteignit la petite lampe intérieure et rétablit le courant du -réflecteur extérieur. Le fond vaseux et les créatures quasi-humaines -avaient disparu, et une couple de poissons se poursuivant soudain -passèrent contre le hublot. - -«Il pensa aussitôt que ces étranges habitants avaient rompu la corde -et qu'il avait échappé. Il remontait de plus en plus vite, puis il -s'arrêta avec une secousse qui l'envoya heurter la paroi capitonnée de -sa prison. Pendant une demi-minute, peut être, il fut trop étonné -pour réfléchir. - -«Alors il sentit que la sphère tournait lentement sur elle-même avec -une sorte de balancement, et il lui sembla aussi qu'il avançait -horizontalement dans l'eau. En se blottissant, tout contre le hublot, il -parvint à rétablir de son poids et à ramener l'équilibre vers le -fond cette partie de la sphère; mais il ne put rien voir que le pâle -rayonnement de son réflecteur frappant inutilement les ténèbres. Il -lui vint à l'idée qu'il pourrait mieux voir s'il éteignait la lampe. - -«En ceci, il fut sage. Au bout de quelques minutes les ténèbres -veloutées devinrent une sorte d'obscurité translucide, et alors, dans -le lointain, et aussi imprécises que la lumière zodiacale d'un soir -d'été, il vit des formes se mouvoir au-dessous de lui. Il jugea que -ces créatures avaient détaché son câble et le remorquaient au long -du fond de la mer. - -«Alors, par-delà les ondulations de la plaine sous-marine, vague et -lointaine, il vit un immense horizon d'une luminosité pâle qui -s'étendait de chaque côté aussi loin que sa petite fenêtre lui -permettait d'apercevoir. Vers cet horizon, il était remorqué comme un -ballon qu'on ramènerait de la plaine vers la ville. Il en approchait -très lentement, et très lentement la vague irradiation se précisait -en des formes plus définies. - -«Il était presque cinq heures lorsqu'il atteignit cette aire -lumineuse; et, vers ce moment, il put distinguer une sorte d'arrangement -qui suggérait des rues et des maisons groupées à l'entour d'un vaste -édifice sans toit, qui rappelait grotesquement une abbaye en ruines. -Tout cela s'étendait au-dessous de lui comme une carte. Les maisons -étaient toutes des enclos de murs sans toits, et leur substance -étant, comme il le vit plus tard, d'os phosphorescents, donnait à cet -endroit l'apparence d'être bâti avec du clair de lune noyé. - -«Parmi les cavités inférieures, des végétations crinoïdes -étendaient leurs tentacules, et de grandes, sveltes et fragiles -éponges surgissaient comme des minarets brillants et comme des lis de -lumière membraneuse hors de la clarté génitale de la cité. Dans les -espaces ouverts, il pouvait voir une agitation comme de foules de gens, -mais il se trouvait trop élevé pour distinguer les personnages qui -composaient ces foules. Alors, lentement, il se sentit tiré vers le -fond, et, à mesure, les détails des lieux apparurent plus clairement -à sa vue. Il distingua que les rangées de bâtiments nuageux étaient -délimitées par des lignes pointillées d'objets ronds, et il -s'aperçut qu'en plusieurs endroits au-dessous de lui, en de larges -espaces ouverts, étaient des formes semblables à des carcasses -pétrifiées de navires. - -«Lentement et sûrement il descendait, et les formes au-dessous de lui -devenaient plus brillantes, plus claires et plus distinctes. On le -dirigeait vers le large édifice qui occupait le centre de la ville, et -de temps en temps il pouvait apercevoir la multitude de formes qui -tiraient sur sa corde. Il fut étonné de voir que le gréement de l'un -des vaisseaux qui formait un des principaux traits de la place était -couvert d'une quantité d'êtres gesticulants qui le regardaient, puis -les murs du grand édifice montèrent silencieusement autour de lui et -lui cachèrent la vue de la cité. - -«Les murs étaient de bois durci par l'eau, de câbles de fer tressés, -d'espars de cuivre et de fer, d'os et de crânes de naufragés. Les -crânes couraient au long des murs de l'édifice en zigzags, en spirales -et en courbes fantastiques. Dans leurs orbites vides, et sur toute la -surface des murs jouaient et se cachaient une multitude de petits -poissons argentés. Soudain ses oreilles s'emplirent d'un bourdonnement -sourd, d'un bruit comme le son violent des cors, auquel succédèrent -bientôt de fantastiques clameurs. La sphère s'enfonçait toujours, -passant devant d'immenses fenêtres en pointe, à travers lesquelles il -apercevait vaguement, le regardant, un grand nombre de ces étrangers et -fantomatiques créatures. Et il vint enfin se poser, lui sembla-t-il, -sur une sorte d'autel au centre de la place. - - -[Figure 04: DANS L'ABÎME.--Il s'aperçut qu'ils se prosternaient -tous devant lui, sauf un.] - - -«Maintenant il se trouvait à un niveau qui lui permettait de voir -distinctement ces étranges habitants de l'abîme. À son grand -étonnement, il s'aperçut qu'ils se prosternaient devant lui, tous, -sauf un, vêtu, semblait-il, d'une robe d'écaillés superposées et -couronné d'un diadème lumineux, et qui se tenait debout, ouvrant et -fermant alternativement sa bouche de reptile, comme s'il dirigeait les -cantiques des adorateurs. - -«Une curieuse impulsion fit allumer à Elstead sa lampe intérieure, de -sorte qu'il devint visible à ces habitants de l'abîme et que cette -clarté les fit immédiatement disparaître dans l'obscurité. À cette -soudaine transformation, les cantiques firent place à un tumulte -d'acclamations exultantes, et Elstead, préférant les observer, -interrompit le courant et s'évanouit à leurs yeux. Mais, pendant un -moment, il fut trop aveuglé pour percevoir ce qu'ils faisaient et quand -enfin il put les distinguer, ils étaient de nouveau agenouillés. Ils -continuèrent à l'adorer ainsi sans répit ni relâche pendant trois -heures. - -«Elstead fit un récit des plus circonstanciés de cette cité -surprenante et de ces gens qui n'ont jamais vu ni soleil, ni lune, ni -étoile, aucune végétation verte, ni aucune créature respirante, qui -ne savent rien du feu, et ne connaissent d'autre lumière que la clarté -phosphorescente d'organismes vivants. - -«Si saisissante que soit son histoire, il est encore plus saisissant de -trouver que des hommes de science aussi éminents que Adams et Jenkins -n'y découvrent rien d'incroyable. Ils m'ont dit qu'ils ne voyaient -aucune raison pour que des créatures vertébrées, intelligentes et -respirant l'eau, accoutumées à une température très basse, à une -pression énorme, et d'une structure si pesante que, vivants ou morts, -ils ne peuvent flotter, que de tels êtres ne pussent vivre au sein de -la mer profonde, inconnus de nous, et, comme nous, descendants du grand -Thériomorphe de l'âge de la Terre Rouge. - -«Ils doivent nous connaître cependant comme des créatures étranges -et météoriques, accoutumées à dégringoler, accidentellement mortes, -à travers les mystérieuses ténèbres de leur ciel liquide, et non -seulement nous-mêmes, mais nos vaisseaux, nos métaux, nos appareils -qui pleuvent incessamment dans leur nuit. Quelquefois, des objets dans -leur chute doivent les atteindre, les écraser comme par le jugement de -quelque invisible pouvoir supérieur, et parfois il doit leur en venir -d'une rareté ou d'une utilité inappréciables, ou de formes -suggestives et inspiratrices. On peut comprendre, jusqu'à un certain -point, leur conduite à l'arrivée d'un homme vivant, si l'on pense à -ce qu'un peuple barbare ferait pense à une créature brillante et -auréolée qui descendrait soudain dans notre ciel. - -«Elstead dut probablement compléter une fois ou l'autre aux officiers -du _Ptarmigan_ chaque détail de son étrange séjour de douze heures -dans l'abîme. Il est certain aussi qu'il eut l'intention d'en rédiger -le récit, mais qu'il ne le fit jamais. Et il nous faut donc -malheureusement rassembler les fragments disjoints de son histoire -d'après les souvenirs et les réminiscences du commandant Simmons, de -Weybridge, de Steevens, de Lindley et des autres. Nous pouvons nous -représenter vaguement, par images fragmentaires, l'immense et lugubre -édifice, les gens agenouillés et chantants, avec leur sombre tête de -caméléon, leur espèce de vêtement faiblement lumineux, et Elstead, -ayant de nouveau allumé sa lampe intérieure, essayant vainement de -leur faire comprendre qu'il fallait détacher la corde qui retenait la -sphère. Une à une, les minutes passaient, et Elstead, regardant sa -montre, découvrit avec terreur qu'il ne lui restait d'oxygène que pour -quatre heures encore. Mais les cantiques en son honneur continuaient, -aussi impitoyables que s'ils avaient été l'hymne funèbre de sa mort -prochaine. - -«Il ne comprit jamais de quelle façon il fut délivré, mais, à en -juger par l'extrémité de la corde qui restait attachée à la sphère, -elle avait dû être coupée par le constant frottement contre le rebord -de l'autel. Tout à coup la sphère roula, et il bondit hors de leur -monde, comme une créature éthérée, enveloppée de vide, traverserait -notre atmosphère pour retournera son éther natal. Il dut disparaître -à leurs yeux comme une bulle d'hydrogène monte dans l'air. Et ce dut -leur paraître une étrange ascension. - -«La sphère montait avec une vélocité plus grande encore que celle de -la descente, quand elle était alourdie par les fonceurs de plomb. Elle -devint excessivement chaude. Elle montait, les hublots en l'air, et il -se rappelle le torrent de bulles qui écumait contre la vitre. À chaque -instant, il s'attendait à la voir voler en éclats. Tout à coup, -quelque chose comme une immense roue sembla se mettre à tourbillonner -dans sa tête, le compartiment capitonné commença à tourner autour de -lui, et il s'évanouit. Puis ses souvenirs cessent jusqu'au moment où -il se retrouva dans la cabine et entendit la voix du docteur.» - -Telle est la substance de l'extraordinaire histoire qu'Elstead narra par -fragments aux officiers du _Ptarmigan_. Il promit de la fixer par écrit -plus tard, mais son esprit était surtout préoccupé par les -améliorations de son appareil, améliorations qui furent exécutées à -Rio. - -Il nous reste simplement à dire que, le 2 février 1896, il opéra sa -seconde descente dans l'abîme de l'Océan, avec les perfectionnements -que sa première expérience lui avait suggérés. On ne saura -probablement jamais ce qui est arrivé. Il n'est pas revenu. Le -_Ptarmigan_ louvoya autour du point de sa submersion, le cherchant en -vain, pendant treize jours. Puis il revint à Rio, et la nouvelle fut -télégraphiée à ses amis. L'affaire en reste là pour le présent. -Mais il est peu probable qu'aucune nouvelle tentative soit faite pour -vérifier cette étrange histoire des cités jusqu'ici insoupçonnées -de l'abîme des mers. - - - - -LES TRIOMPHES D'UN TAXIDERMISTE - - -Voici quelques-uns des secrets de la taxidermie. Ils me furent -révélés par un taxidermiste, dans un moment d'expansion. Il me les -conta entre son premier et son quatrième verre de whisky, moment où -l'homme perd toute circonspection et, cependant, n'est pas encore ivre. -Nous étions dans son taudis, qui était à la fois sa bibliothèque, -son salon et sa salle à manger, et séparé, du moins quant à la vue, -par un rideau de bambous japonais, du fétide réduit dans lequel il -s'adonnait à ses travaux. - -Il était assis sur un fauteuil pliant, et, quand il ne s'en servait pas -pour cogner dans la cheminée les morceaux de charbon réfractaires, il -mettait ses pieds, lesquels étaient revêtus, en manière de sandales, -des saintes reliques d'une paire de pantoufles en tapisserie, loin du -plancher, sur le manteau de la cheminée, parmi les yeux en verre. Son -pantalon, entre parenthèses, bien qu'il n'ait rien à faire avec ses -triomphes, était d'une étoffe écossaise d'un jaune des plus horribles -et tel qu'on les faisait quand nos pères portaient des favoris et que -les crinolines se promenaient par les rues. De plus, sa chevelure était -noire, sa figure rose et son œil fauve ardent; son veston consistait -surtout en graisse sur une base de velours. Sa pipe avait un fourneau de -porcelaine représentant les trois Grâces; ses lunettes étaient -toujours de travers; l'œil gauche, petit et pénétrant, vous regardait -fixement par-dessus la monture, et l'œil droit s'apercevait vaguement -de l'autre côté du verre, agrandi et adouci. Il discourait en ces -termes: - - -[Figure 05: LES TRIOMPHES D'UN TAXIDERMISTE--«Il n'y a jamais eu -d'homme qui sache empailler comme moi!»] - - -«Il n'y a jamais eu d'homme, mon cher Bellows, qui sache empailler -comme moi, jamais! J'ai empaillé des éléphants et j'ai empaillé des -phalènes! Et ils n'en paraissaient que plus vivants et mieux faits. -J'ai empaillé des êtres humains, surtout pour les ornithologues -amateurs. Même une fois, j'ai empaillé un nègre... - -«Non, il n'y a pas de loi qui le défende; je l'avais fait avec les -doigts écartés et m'en servais comme de porte-manteau; mais cet -imbécile de Homersby lui chercha querelle un soir, très tard, et le -démolit. Cela se passait avant que je ne vous connusse. C'est difficile -d'avoir des peaux, sans cela j'en aurais fait un autre. - -«Désagréable? Ma foi non! Il me semble que la taxidermie pourra plus -tard être substituée avec avantage aux inhumations et aux crémations. -Vous pourriez conserver auprès de vous tous ceux qui vous sont chers. -Un bric-à-brac de ce genre, disposé à travers la maison, vaudrait -autant que n'importe quelle compagnie et serait moins coûteux. Vous -pourriez les agencer avec des mouvements d'horlogerie et leur faire -des choses... - -«Évidemment il faudrait les vernir, mais il ne serait pas nécessaire -de les rendre plus brillants que ne le sont en nature des masses de -gens. Le crâne chauve du vieux Maningtree... Quoi qu'il en soit, on -pourrait causer avec eux sans être interrompu... même avec ses -vieilles tantes. Il y a un grand avenir réservé à la taxidermie, -croyez-le bien. Il y a les fossiles...» - -Il se tut soudain. - -«Non, il ne faut pas que je vous le dise...» - -Il tira méditativement quelques bouffées de sa pipe. - -«Oui, merci... pas trop d'eau... Vous savez, ce que je vais vous dire -doit rester entre nous. Vous n'ignorez pas que j'ai empaillé quelques -_dodos_ et un grand pingouin? Comment? Non? Vous n'êtes évidemment -qu'un amateur en taxidermie. Mon cher monsieur, la moitié des pingouins -du monde sont à peu près aussi authentiques que le mouchoir de sainte -Véronique ou la Sainte Tunique de Trêves. Nous les faisons avec des -plumes de grèbes et autres oiseaux semblables. Et les œufs des grands -pingouins aussi!... Bon Dieu!... Oui, nous les faisons avec de la -porcelaine tendre... je vous avoue que cela en vaut la peine... Ils -atteignent... Ainsi, l'autre jour, il y en a un qui est monté jusqu'à -7500 francs. Je crois qu'il était réellement authentique, mais... on -ne peut jamais en être certain. C'est du très bel ouvrage, et puis... -après... il faut les empoussiérer, car aucun de ceux qui possèdent un -de ces œufs n'aurait la témérité de le nettoyer. C'est là la -beauté de l'affaire. Même s'ils avaient des soupçons sur leur œuf, -ils n'oseraient pas l'examiner de trop près. C'est, en somme, un -capital si fragile. - -«Vous ne saviez pas que la taxidermie pouvait s'élever à des hauteurs -pareilles... Mon pauvre garçon!... J'ai rivalisé avec la nature -elle-même! L'un des grands pingouins _authentiques_ (sa voix n'était -plus qu'un murmure), l'un des grands pingouins _authentiques a été -fait par moi!_ - -«Ah! mais non! Vous n'avez qu'à étudier l'ornithologie et trouver -vous-même lequel c'est. Et, ce qui est mieux, un syndicat de marchands -m'a proposé de pourvoir de spécimens une des régions inexplorées du -nord de l'Islande. Je le ferai peut-être un jour. Mais juste en ce -moment, j'ai une autre petite chose en mains. Avez-vous entendu parler -du _dinornis_? «C'est l'un de ces grands oiseaux dont l'espèce a -récemment disparu en Nouvelle-Zélande. On l'appelle communément Feuh, -sans doute parce qu'il est éteint. Vous comprenez?... Eh bien! on s'est -procuré de ses os, et on a même trouvé dans les marais des plumes et -des morceaux de peaux sèches. Et maintenant, je vais fabriquer--ma foi -ce n'est pas la peine d'en faire mystère--je vais fabriquer un Feuh -entièrement empaillé. Je connais quelqu'un là-bas qui prétendra -l'avoir découvert dans une sorte de marécage antiseptique et dira -qu'il l'a empaillé immédiatement parce qu'il menaçait de se -corrompre. Les plumes sont quelque chose de particulier, mais j'ai -trouvé un moyen simplement délicieux de les imiter avec des fragments -de plumes d'autruche passés à la flamme. Oui, c'est là l'odeur -nouvelle que vous avez remarquée. On ne pourrait se rendre compte de la -fraude qu'avec un microscope, et personne ne se soucierait de gâter -pour cela un beau spécimen. - -«De cette façon, vous voyez, je donne un petit coup d'épaule au -progrès de la science. Mais tout ceci n'est qu'une simple imitation de -la nature. De mon jeune temps, j'ai fait mieux que cela. Je l'ai... je -l'ai battue....». - -Il ramena ses pieds à terre et se percha confidentiellement vers moi. - -«J'ai _créé_ des oiseaux, dit-il à voix basse, de _nouveaux_ -oiseaux, des oiseaux comme on n'en avait encore jamais vu.» - -Il replaça ses pieds sur le manteau de la cheminée pendant un silence -impressionnant. - -«Enrichir l'univers... plutôt! quelques-uns des oiseaux que j'ai -fabriqués étaient des espèces nouvelles de colibris et de fort jolies -petites choses, mais quelques-uns étaient simplement fantaisistes. Le -plus drôle de ceux-là fut, je crois: l'Anomatoptéryx-Jejuna... -Jejunus-Jejuna-Jejunum--vide--ainsi appelé parce qu'il n'y avait -réellement rien dedans. Un oiseau absolument vide, à part la bourre. -C'est le vieux Jawers qui le possède maintenant et je suppose qu'il en -est presque aussi fier que moi. C'est un chef d'œuvre, Bellows! Il a -toute la niaise gaucherie du pélican, tout le solennel manque de -dignité du perroquet, la dégaine maigre et dégingandée du flamant, -avec tout l'extravagant conflit chromatique du canard mandarin. Un -oiseau pareil! Je l'ai fabriqué avec des fragments de squelettes -provenant d'une cigogne et d'un toucan, et un lot de plumes acheté -d'occasion. Ce genre de taxidermie, Bellows, est pour le véritable -artiste une joie sans mélange. - -«Comment j'en vins à le faire? C'est assez simple, comme toutes les -grandes inventions. L'un de ces jeunes génies qui rédige pour les -journaux des notes scientifiques, mit la main sur une brochure allemande -concernant les oiseaux de la Nouvelle-Zélande et la traduisit au moyen -d'un dictionnaire et de ses facultés naturelles; il s'embrouilla, -grâce à ces dernières, dans l'aptéryx vivant et l'anomatoptéryx -disparu, parla d'un oiseau haut de cinq pieds, vivant dans les jungles -de la Zélande septentrionale, dont les spécimens rares et timides -étaient difficiles à obtenir et ainsi de suite... Savary, qui, même -pour un collectionneur, est un homme miraculeusement ignorant, lut ces -paragraphes et jura qu'il aurait la chose à tout prix. Il tourmenta de -ses questions tous les marchands. Cela montre ce qu'un homme peut faire -avec de la persistance... avec de la volonté... Voilà un -collectionneur d'oiseaux jurant qu'il aurait un spécimen d'un oiseau -qui n'existe pas, qui n'avait jamais existé et qui, à la honte même -de sa dégaine profane, ne pourrait probablement pas exister maintenant -si on lui donnait la vie, et il l'obtint! - -«Encore un peu de whisky, Bellows?--fit le taxidermiste s'éveillant -d'une passagère contemplation des mystères de la volonté et de -l'esprit collectionneur, et, rasséréné, il continua à me conter -comment il avait façonné une sirène des plus séduisantes et comment -un prédicateur errant, qu'elle empêchait d'avoir un auditoire, la -détruisit sous prétexte d'idolâtrie. Mais comme la conversation des -personnages qui prirent part à cette transaction: créateur, acheteur -et destructeur, était uniformément impropre à la publication, ce -joyeux incident ne sera pas rédigé. - -Les lecteurs peu familiers avec les obscures méthodes des -collectionneurs seront peut-être enclins à douter du récit de mon -taxidermiste; mais pour ce qui concerne les œufs du grand pingouin et -les faux oiseaux empaillés, ses dires ont été confirmés par de -distingués ornithologistes; et les notes concernant l'oiseau de la -Nouvelle-Zélande ont paru de fait dans un journal du matin, d'une -réputation au-dessus de tout soupçon, car le taxidermiste en conserve -un exemplaire qu'il m'a montré. - - - - -LA POMME - - ---Il faut que je me débarrasse!--fit l'homme assis dans le coin du -compartiment, rompant brusquement le silence. - -M. Hinchcliff leva la tête, n'ayant qu'imparfaitement compris. Il -avait été jusqu'ici perdu dans la contemplation de sa cape -d'étudiant liée par un cordon aux poignées de sa valise, signe -extérieur et visible de sa position pédagogique récemment obtenue; il -était resté plongé dans le ravissement que lui causait cette cape et -les agréables perspectives qu'elle découvrait. Car M. Hinchcliff -venait de lui s'inscrire à l'Université de Londres et allait -rejoindre une place de sous-maître à l'école préparatoire -d'Holmwood--situation fort enviable. Il regarda avec étonnement son -compagnon de voyage à l'autre bout du compartiment. - ---Pourquoi ne pas la donner?--disait ce personnage.--La donner!... -pourquoi pas? - -C'était un homme de haute taille au teint mat et hâlé. Il avait les -bras nerveusement croisés sur la poitrine et il avait posé les pieds -sur la banquette qui lui faisait face. Il se mit à tirer sa moustache -noire et très longue, les yeux fixés sur le bout de ses bottines. - ---Pourquoi pas?--dit-il encore. - -M. Hinchcliff toussa. - -L'étranger leva les yeux--c'étaient des yeux gris foncé, très -perçants--et, pendant une minute, peut être, il fixa M. Hinchcliff -d'un air morne. Puis son visage sembla prendre une expression -d'intérêt. - ---Oui,--fit-il lentement,--pourquoi pas? Et en finir. - ---Je ne vous saisis, pas très bien, dit M. Hinchcliff en toussant une -seconde fois. - ---Vous ne me suivez pas très bien,--répliqua mécaniquement -l'étranger tandis que ses yeux bizarres erraient de M. Hinchcliff à -la valise d'où pendait avec ostentation la cape et revenaient à la -figure duveteuse de M. Hinchcliff. - ---Vos paroles sont si décousues, vous comprenez...--s'excusa M. -Hinchcliff. - ---Pourquoi pas!--dit l'étranger suivant sa pensée--Vous êtes -étudiant?--fit-il en s'adressant à M. Hinchcliff. - ---Je suis étudiant par correspondance à l'Université de -Londres.--dit M. Hinchcliff avec un orgueil non déguisé et portant -d'un geste nerveux sa main à sa cravate. - ---À la poursuite de la science,--dit l'étranger. Et il retira -soudain ses pieds de dessus la banquette, posa son poing sur son genou, -et contempla, M. Hinchcliff comme s'il n'avait jamais vu -d'étudiant de sa vie. - ---Oui!--et il fit un geste avec l'index tendu. - -Puis il se leva, prit dans le filet un sac de cuir qu'il ouvrit. Sans -le moindre mot il en tira un objet de forme ronde enveloppé d'une -quantité de papier d'argent qu'il déplia soigneusement. Il tendit -la chose à M. Hinchcliff: c'était un petit fruit d'un jaune doré -et très doux au toucher. - -M. Hinchcliff demeura un instant la bouche et les yeux grands ouverts. -Il n'essaya pas de prendre cet objet, même si on le lui offrait pour -qu'il le prît. - ---Ceci,--dit le fantastique étranger en articulant très -lentement,--est la Pomme de l'Arbre de la Connaissance. Regardez-la: -petite, brillante, merveilleuse... la Connaissance!... et je vais vous -la donner. - -L'esprit de M. Hinchcliff eut une minute de pénible effort, puis -l'explication évidente: fou, traversa son cerveau et éclaira toute -la situation; un fou d'humeur joyeuse. Il pencha un peu la tête. - ---La Pomme de l'Arbre de la Connaissance, hein?...--dit M. Hinchcliff -regardant le fruit, feignant un air d'extrême intérêt et reportant -ensuite ses regards sur son interlocuteur.--Mais pourquoi ne le -mangez-vous pas vous-même?...... Et d'ailleurs comment est-il venu en -votre possession? - ---Elle ne se flétrit jamais! Il y a trois mois que je la possède, et -elle est toujours brillante, et lisse, et mûre, et désirable comme -vous la voyez. - -Il posa sa main sur son genou et considéra la pomme d'un air rêveur, -puis il se mit à l'envelopper de nouveau dans ses papiers comme -s'il avait modifié son intention de la donner. - ---Mais comment l'avez-vous obtenue?--demanda M. Hinchcliff qui avait -l'esprit argumentatif--et comment savez-vous que c'est le fruit de -l'Arbre? - - -[Figure 6: LA POMME--Il vit, derrière lui, les herbes en feu.] - - ---J'ai acheté ce fruit,--dit l'étranger,--il y a trois mois, pour -une gorgée d'eau et une croûte de pain. L'homme qui me la céda, -parce que mes soins lui avaient conservé la vie, était Arménien. -L'Arménie! cette contrée merveilleuse! la première de toutes les -contrées! où l'Arche de Noé est restée, jusqu'à ce jour, -ensevelie dans les glaciers du mont Ararat. Cet homme, dis-je, fuyant -avec d'autres devant les Kurdes qui les avaient surpris, parvint en -des endroits déserts dans des montagnes... en des endroits que nul au -monde ne connaît. Fuyant devant ceux qui les poursuivaient, ils -arrivèrent sur un haut plateau entre les pics des montagnes. Il y -croissait une herbe verte dont les brins étaient comme des lames, qui -coupaient et déchiraient impitoyablement tous ceux qui s'aventuraient -à les traverser. Les Kurdes étaient à leurs trousses et il ne leur -restait d'autre chance de salut que de s'enfoncer dans ces herbes et le -pire fut que les sentiers qu'ils tracèrent au prix de leur sang -servirent aux Kurdes pour les suivre. Tous les fugitifs furent tués, -sauf cet Arménien et un autre. Il entendit les cris et les -gémissements de ses compagnons et le bruissement des herbes autour de -ceux qui les poursuivaient, car ces herbes s'élevaient presque à -hauteur d'homme. Il entendit des appels et des imprécations, et quand, -enfin, il s'arrêta, tout était silencieux. Il poussa de l'avant -quand même sans comprendre, déchiré et sanglant, jusqu'à ce -qu'il arrivât à une muraille de rocher au-dessous d'un précipice -d'où il vit, derrière lui, les herbes en feu et les fumées -s'élever comme un voile entre lui et ses ennemis. - -L'étranger s'arrêta. - ---Oui?--dit M. Hinchcliff,--et puis?... - ---Il se trouvait donc là, tout blessé et déchiré par les herbes -tranchantes, les rochers brûlants sous les rayons du soleil et la -fumée de l'incendie s'avançant vers lui. Il n'osa pas y rester. -Peu lui importait la mort, mais la torture!... Au loin, par delà la -fumée, il entendit des clameurs et des plaintes. Des femmes criaient. -Il se mit à escalader une gorge dans les rochers entre lesquels -poussaient des buissons aux branches sèches, qui sortaient comme des -épines entre les feuilles, et il se cacha dans une sorte -d'excavation. Il rencontra là son compagnon, un berger qui avait -aussi échappé au massacre. Estimant peu de chose le froid, la faim et -la soif à côté de la cruauté des Kurdes, ils continuèrent à -escalader les hauteurs parmi les neiges et les glaces. Ils errèrent -ainsi pendant trois longs jours. Le troisième jour, ils eurent une -vision. Je crois que les gens affamés ont souvent des visions, mais -dans le cas présent nous avons ce fruit. - -Il leva dans sa main le fruit enveloppé d'argent. - ---J'ai entendu ce récit de la bouche d'autres montagnards qui -savaient la légende. C'était le soir, à l'heure où le nombre des -étoiles augmente; ils descendaient, une pente de rocs lisses qui menait -vers une immense vallée sombre dans laquelle croissaient des arbres -bizarrement tordus, et de ces arbres pendaient de petits globes -phosphores cents comme des vers luisants, étranges lumières rondes et -jaunes. Soudain la vallée s'éclaira au loin, tout au loin d'une -flamme dorée qui s'avançait lentement, faisant paraître les arbres -rabougris aussi noirs que la nuit et jetant sur les pentes et les -contours des choses des reflets d'or. À cette vision, les deux -hommes, instruits des légendes des montagnes, surent qu'ils voyaient -l'Éden ou la sentinelle de l'Éden, prosternèrent leur visage contre -terre comme des hommes frappés de mort... Quand ils osèrent lever les -yeux, la vallée était de nouveau dans l'obscurité, puis la clarté -reparût venant vers eux, transparente comme l'ambre... Le berger, à -cette vue, bondit sur ses pieds et avec un grand cri se mit à courir à -toutes jambes vers la lumière, mais l'autre était trop effrayé pour -le suivre. Il demeurait étourdi, frappé de stupeur, terrifié, -regardant son compagnon s'éloigner vers la lueur mouvante. À peine -le berger avait-il pris sa course qu'il y eut un bruit comme un coup -de tonnerre, le battement d'ailes invisibles au-dessus de la vallée -et une épouvante indicible; en me contant la chose l'homme qui me -donna le fruit regardait anxieusement comme s'il cherchait encore -autour de lui à se sauver. Remontant la pente aussi vite qu'il le -pouvait, avec ce tumulte courant derrière lui, il se heurta contre un -de ces arbres rabougris et un fruit mûr tomba dans sa main: celui-ci. -Immédiatement il fut entouré d'un bruit d'ailes et de tonnerre. Il -tomba et s'évanouit, et, quand il reprit ses sens, il se retrouva au -milieu des ruines noircies et fumantes de son village où, avec -d'autres personnes, je donnais mes soins aux blessés. Une vision? -Mais il tenait encore serré dans sa main le fruit doré de l'arbre. -Il y avait là d'autres gens qui connaissaient la légende, qui -savaient ce qu'était cet étrange fruit. - -Il se tut. - ---Et le voici,--fit-il après un silence. - -C'était une histoire très extraordinaire pour être racontée dans -un compartiment de troisième classe sur une petite ligne de chemin de -fer du Surrey. On eût pu croire que le réel n'était qu'un voile -pour le fantastique et ici le fantastique était assez évident. - ---Vraiment!--fut tout ce que put répondre M. Hinchcliff. - ---La légende,--reprit l'étranger,--conte que ces fourrés d'arbres -nains croissant autour du jardin viennent de la pomme qu'Adam tenait -à la main quand Ève et lui furent chassés du paradis. Il sentit -quelque chose dans sa main, aperçut la pomme à demi mangée et la jeta -au loin avec colère. Là, depuis, croissent ces arbres, dans ce vallon -désolé, entouré de neiges éternelles, à l'entrée duquel les -épées de flammes montent la garde jusqu'au jour du jugement. - ---Je pensais,--dit M. Hinchcliff--que tous ces racontars étaient... des -fables... des paraboles... plutôt. Voulez-vous dire que là-bas en -Arménie... - -L'étranger répondit à la question inachevée en tendant le fruit -dans sa main ouverte. - ---Mais vous n'avez aucune certitude,--dit M. Hinchcliff,--que c'est -là le Fruit de l'Arbre de la Connaissance. L'homme peut avoir eu... -une sorte de mirage pourrait-on dire, supposons... - ---Regardez-le,--fit l'étranger. - -C'était, à coup sûr, un globe d'aspect étrange, non pas -exactement une pomme, comme M. Hinchcliff put s'en rendre compte, mais -un fruit d'une couleur dorée, brillant curieusement, comme si la -lumière elle-même faisait partie de sa substance. Tout en la -considérant, il se représentait plus vivement le vallon désolé au -milieu des montagnes, les épées de flammes qui le gardaient et tous -les étranges détails de l'histoire qu'il venait d'entendre. Il -se frotta les vigoureusement yeux. - ---Mais...--commença-t-il. - ---Il est resté tel que cela, lisse et frais pendant trois mois, un peu -plus longtemps que cela même, sans se dessécher, sans se flétrir, -sans se corrompre. - ---Mais... vous... vous-même... croyez vous réellement que...! - ---C'est le Fruit Défendu. - -Il n'y avait pas moyen de se méprendre sur la sincérité de ton et -sur la parfaite lucidité d'esprit de l'homme. - ---Le Fruit de la Connaissance,--dit-il. - ---Bien, admettons-le,--dit M. Hinchcliff après une pause et les yeux -toujours fixés sur le fruit,--mais après tout,--continua-t-il, ce -n'est pas mon genre de connaissances, le genre de science qu'il me -faut acquérir; d'ailleurs Adam et Ève l'ont déjà mangée. - ---Nous avons hérité de leur péché et non de leur -connaissance,--répliqua l'étranger.--Si nous y goûtions maintenant -tout serait de nouveau clair et pur. Nous verrions au fond de toutes -choses, nous comprendrions les plus secrètes significations... - ---Pourquoi ne le mangez-vous pas, alors?--questionna M. Hinchcliff, -soudainement inspiré. - ---C'est dans cette intention que je l'avais pris,--dit -l'étranger.--L'homme est déchu. Seulement manger à nouveau le -fruit pourrait difficilement... - ---Savoir, c'est pouvoir!--dit M. Hinchcliff. - ---Mais est-ce le bonheur? Je suis plus vieux que vous, j'ai plus que -deux fois votre âge. Maintes et maintes fois j'ai tenu ceci dans ma -main et chaque fois le cœur m'a manqué à la pensée de tout ce -qu'on pourrait savoir... à pourrait savoir... à cette redoutable -lucidité... Supposez que tout à coup le monde entier vous devienne -impitoyablement clair? - ---Cela, je pense, serait en somme un grand avantage,--assura M. -Hinchcliff. - ---Supposez que vous puissiez voir dans les cœurs et les esprits de ceux -qui vous entourent, dans les recoins les plus secrets... des gens que -vous aimez, à l'amour de qui vous tenez? - ---On trouverait bien vite la comédie,--dit M. Hinchcliff, grandement -frappé par cette idée. - ---Et chose pire... se connaître soi-même... dépouillé de ses plus -intimes illusions... se voir soi même à sa place... voilà tout ce que -les désirs et les faiblesses nous ont empêché de faire... sans la -moindre indulgente atténuation... - ---Mais cela serait une chose excellente... Connais-toi toi-même!... -Vous souvenez-vous? - ---Vous êtes jeune!--dit l'étranger. - ---Si vous ne vous souciez pas de le manger et qu'il vous soit à -charge, pourquoi ne le jetez-vous pas, tout simplement? - ---Ici encore, sans doute, vous ne me comprendrez pas. Pour moi, je me -demande comment on pourrait jeter une chose comme celle-là, brillante, -merveilleuse? Une fois qu'on l'a, on est lié. Mais d'un autre -côté: la donner à quelqu'un qui ait soif de connaissances, qui -n'éprouverait aucune terreur à la pensée de cette claire -perception... - ---D'ailleurs,--risqua pensivement M. Hinchcliff,--ce peut être -quelque fruit vénéneux. À ce moment son œil aperçut par la fenêtre -du compartiment quelque chose d'immobile, l'extrémité d'un grand -écriteau blanc avec des lettres noires:... MWOOD. À cette vue, il -tressaillit: - ---Bon sang!--s'exclama-t-il,--Holmwood!... - -La réalité présente chassa soudain les imaginations mystiques -auxquelles il s'était abandonné. Il ouvrit la portière, sa valise -à la main. Déjà le chef de train donnait le signal du départ. M. -Hinchcliff sauta sur le quai. - ---Tenez!--fit une voix derrière lui. - -Il vit les yeux brillants et sombres de l'étranger et le fruit doré, -velouté et tentant sur la main ouverte de l'homme. Il le prit -instinctivement et le train s'ébranla. - ---Non!--cria l'étranger en faisant un geste comme pour le reprendre. - ---Attention!--cria un employé se précipitant pour fermer la portière. - -L'étranger, la tête et le bras passés à travers le carreau, cria -quelque chose que Hinchcliff ne comprit pas. Puis, l'ombre du pont le -cacha et en un clin d'œil il eut disparu. M. Hinchcliff, abasourdi et -le fruit merveilleux dans la main, regardait le dernier wagon du train -disparaître au tournant de la voie. L'espace d'une minute, son -esprit demeura confus; puis il se rendit compte que deux ou trois -personnes sur le quai l'examinaient avec intérêt. N'était-il pas -le nouveau maître de l'École Préparatoire, débutant dans ses -fonctions? Il lui vint à l'idée que le fruit pouvait très bien leur -paraître la naïve emplette d'une orange rafraîchissante. Cette -pensée le fit rougir et il enfonça le fruit dans la poche de son -veston où il fit une bosse ridicule. Mais il n'y avait pas moyen de -faire autrement et il se dirigea vers les gens qui l'observaient, -essayant maladroitement de dissimuler son embarras. Il s'enquit du -chemin qui devait le mener à l'École Préparatoire et des moyens de -faire porter sa valise, et les deux petites malles de fer qui étaient -là-bas au bout du quai. Oh! l'ennui de s'occuper de ces détails -vulgaires. - -On lui transporterait ses bagages sur une brouette pour dix sous et il -pouvait les précéder à pied. Il se figura surprendre une certaine -ironie dans les voix de ses interlocuteurs. Il éprouvait un sentiment -de gêne à la pensée de son aspect. - -Le ton de sincérité de son compagnon de voyage et le magique attrait -de son récit avaient, pendant un instant, détourné le cours des -pensées de M. Hinchcliff. Tout cela s'était interposé comme un -nuage lui dissimulant ses intérêts immédiats. Des flammes qui -erraient çà et là! La préoccupation de sa position nouvelle et de -l'impression qu'il lui fallait produire sur Holmwooden, en -général, et l'École en particulier, reprit totalement possession et -rasséréna son atmosphère mentale avant qu'il eût quitté la gare. -Mais il est extraordinaire, combien, pour un jeune homme sensé et -endimanché, peut être gênant d'avoir, en sus, un fruit doux au -toucher et délicatement doré, avec à peine trois pouces de diamètre. -Dans la poche de son veston noir, il faisait une bosse terrible gâtant -complètement la ligne. Il rencontra une vieille petite dame en noir -dont le regard fut attiré immédiatement par l'excroissance de sa -poche. Dans sa main gauche gantée, il tenait son autre gant et dans la -droite sa canne, de sorte que porter ostensiblement le fruit lui était -impossible. En un endroit où le chemin paraissait convenablement -désert il retira de sa poche l'encombrant objet et essaya de le -mettre sous son chapeau. La pomme était juste un peu trop grosse; le -chapeau dansait d'une façon grotesque et, au moment où il la -retirait, un garçon boucher tourna le coin de la route avec sa voiture. - ---Sacrebleu!--exclama M. Hinchcliff. - -Il l'aurait mangée incontinent, acquérant l'omniscience, mais il -eût été si stupide d'entrer en ville en suçant un fruit juteux car -évidemment il devait l'être. Si l'un des élèves venait à -passer, cela pourrait porter un sérieux dommage à son autorité -d'être vu dans cette posture. Ou bien le jus pourrait lui poisser la -figure et tacher ses manchettes. Ou bien encore ce pouvait être un jus -acide aussi fort que celui du citron et qui décolorerait ses -vêtements... - -Puis, au détour du chemin ensoleillé, il aperçut deux jolies filles. -Elles marchaient à petits pas vers la ville, bavardant, et à tout -moment elles pouvaient se retourner et dévisager derrière elles un -jeune homme à la figure rouge et portant à la main une tomate jaune -phosphorescente! Sûrement elles éclateraient de rire. - - -[Figure 7: LA POMME--D'un geste rapide, il envoya le fruit encombrant -par dessus le mur d'un verger.] - - ---Flûte!--dit M. Hinchcliff et d'un geste rapide, il envoya le fruit -encombrant par-dessus le mur de pierre d'un verger qui bordait la route. - -Au moment où la pomme disparut, il éprouva de cette perte un vague -regret qui dura quelques secondes. Il reprit avec aisance sa canne et -son gant et se mit à marcher droit et satisfait pour dépasser les -jeunes filles. - -Mais dans les ténèbres de la nuit, M. Hinchcliff eut un rêve. Il vit -la vallée, les épées de flammes, les arbres rabougris et il sut que -c'était réellement le fruit de la Connaissance qu'il avait si -inconsidérément jeté, et il s'éveilla fort malheureux. - -Dans la matinée, son regret disparut, mais plus tard. Il revint le -tourmenter, jamais néanmoins lorsqu'il était heureux ou très -occupé. - -Enfin par une nuit de lune, vers onze heures, quand tout Holmwood fut -endormi, ses regrets reparurent avec une force redoublée et avec eux la -tentation de courir les aventures. Il se glissa hors de la maison, -escalada le mur, gagna à travers la ville silencieuse le chemin de la -gare et pénétra dans le verger où il avait jeté le fruit, mais il ne -put rien trouver parmi l'herbe humide et les fragiles globes de -pissenlits. - - - - -L'HOMME VOLANT - - -L'ethnologue considéra pensivement la plume de Bhimraj. - ---Il semblait ne guère tenir à s'en séparer, dit—il. - ---Elle est sacrée pour les chefs, répondit le lieutenant, comme la -soie jaune est sacrée pour l'empereur de Chine. - -L'ethnologue ne répondit pas. Il hésitait; puis entrant brusquement -en matière, il demanda: - ---Quel est ce conte à dormir debout, qu'ils racontent à propos -d'un homme volant? - -Le lieutenant eut un faible sourire. - ---Que vous ont-ils dit? - ---Je vois, fit l'ethnologue, que vous êtes au courant de votre -renommée. - -Le lieutenant se mit à rouler une cigarette. - ---J'aimerais bien entendre une fois de plus cette histoire, fit-il, pour -voir où elle en est maintenant. - ---Elle est si stupidement enfantine! reprit l'ethnologue quelque peu -irrité. Comment leur avez-vous joué ce tour-là. - -Le lieutenant garda le silence et, toujours souriant, se renversa dans -son fauteuil. - ---Voici donc que j'ai fait un détour de cinq cents kilomètres pour -recueillir le folklore que ces gens ont pu conserver, avant qu'ils ne -soient complètement démoralisés par les missionnaires et les -militaires, et je ne trouve qu'un tas de légendes impossibles au sujet -d'un diable de lieutenant d'infanterie à tête rousse. Comment il -est invulnérable, comment il peut sauter par-dessus les éléphants, -comment il peut voler! Et bien d'autres sottises! Un respectable -vieillard m'a décrit vos ailes disant qu'elles étaient d'un -plumage noir, mais pas tout à fait aussi long qu'une mule. Il -prétend qu'il vous a vu souvent au clair de lune voltiger au-dessus des -collines vers le pays de Shendon. Que le diable vous emporte!... - -Le lieutenant éclata de rire gaiement. - ---Continuez, dit-il, continuez... - -L'ethnologue continua jusqu'à ce qu'il en eût assez. - ---En faire accroire pareillement à ces enfants des montagnes encore -ingénus! Comment avez-vous pu faire cela? - ---J'en suis très fâché, dit le lieutenant, mais vraiment j'y fus -bien obligé. Je puis vous affirmer que la chose s'imposait et je -n'avais pas alors, la moindre idée de la façon dont l'imagination -de ces gens la prendrait. - -«Pas la moindre curiosité non plus. Je puis seulement invoquer que ce -fut une indiscrétion et nullement la malice qui m'a fait remplacer le -folklore par une nouvelle légende. Mais comme vous semblez chagriné, -je vais essayer de vous expliquer l'affaire. - -«C'était à l'époque de l'avant-dernière expédition contre -les Lou-Chaï, et Walters croyait que ces gens que vous venez de visiter -étaient animés pour nous d'intentions amicales; aussi, avec une -allègre confiance dans mes capacités à me tirer d'affaire, il -m'envoya là-haut, dans la gorge, à vingt kilomètres d'ici, avec -trois soldats européens, une douzaine de cipayes, deux mules et sa -bénédiction, pour me rendre compte des sentiments populaires du -village que vous avez visité. Une troupe forte de dix hommes sans -compter les mules, vingt kilomètres à faire et en temps -d'hostilité! Vous avez vu la route? - ---La route! fit l'ethnologue. - ---Elle est meilleure maintenant qu'elle ne l'était autrefois. Il -nous fallut suivre le lit de la rivière pendant quinze cents mètres à -l'endroit où la vallée se rétrécit. Il y avait un courant rapide -qui écumait autour de nos genoux et roulait sur des pierres aussi -glissantes que de la glace. C'est là que je laissai tomber ma -carabine. Plus tard, les sapeurs firent sauter le rocher à la dynamite -pour faire la voie plus commode que vous connaissez. Dans ce temps-là, -on suivait par le bas, au long des hauts rochers à pic et il fallait -sans cesse contourner la rivière, sans compter qu'on devait la -traverser une douzaine de fois sur une longueur de trois kilomètres. - -«Nous arrivâmes en vue de la place le lendemain matin de bonne heure. -Vous savez où elle se trouve! Sur un contrefort à mi-chemin entre les -hauteurs, et comme nous commencions à apprécier la trompeuse -tranquillité du village ensoleillé, nous nous arrêtâmes pour tenir -conseil. - -«Alors en guise de bienvenue, ils nous envoyèrent un morceau d'idole -de cuivre: le bloc descendit la pente droite, passa à un pouce de mon -épaule et tamponna la mule qui portait les provisions et les -ustensiles. - -«Jamais, ni avant cela, ni depuis, je n'entendis de pareil vacarme. -À ce moment nous aperçûmes un certain nombre de gentlemen portant des -fusils à pierre, revêtus d'espèces de torchons à carreaux de -couleurs, et faisant un détour au long d'un sentier entre le village -et les hauteurs, vers l'est. - ---«Volte-face! commandai-je, et espacez-vous. - -«Avec cet encouragement, mon expédition de dix hommes fit demi-tour et -se mit à redescendre la vallée d'un trot leste. Nous ne nous -attardâmes pas à sauver la moindre chose de la charge de notre -mort,--mais, par un sentiment d'amitié, nous emmenâmes avec nous la -seconde mule, qui portait ma tente et diverses hardes. - -«Ainsi se termina la bataille--sans gloire! Jetant un coup d'œil en -arrière, je vis la vallée toute parsemée de vainqueurs qui poussaient -des cris et nous tiraient dessus. Mais personne ne fut atteint. Ces gens -ne sont guère à craindre avec leurs fusils; ils ne savent toucher -qu'un but fixe. Il leur faut se mettre en joue et viser pendant des -heures, et quand ils tirent en courant, c'est simplement pour faire du -tapage. Hooker, l'un de mes soldats blancs, se croyait bon tireur, et -il s'arrêta une demi-minute pour risquer la chance d'en abattre un, -mais il nous rattrapa bredouille. - -«Je ne suis pas un Xénophon pour débiter une longue histoire sur mon -armée en retraite. Pendant les deux ou trois kilomètres qui suivirent, -il nous fallut par deux fois arrêter l'ennemi qui nous pressait un -peu trop, et échanger quelques coups de feu. Mais l'affaire fût, en -somme, assez monotone--on s'essoufflait seulement--jusqu'à ce que -nous fussions parvenus à l'endroit où les hauteurs descendent vers -la rivière et resserrent la vallée en un simple défilé. Là, fort -heureusement, j'aperçus une demi-douzaine de têtes noires qui -venaient nous prendre en écharpe du haut des rochers, sur la gauche--à -l'est, en réalité. - -«À cette vue, je commandai halte. - -«--Attention maintenant. Qu'allons-nous faire? dis-je à Hooker et -aux autres, en indiquant les têtes noires. - -«--Je veux bien être nègre, si nous ne sommes pas chipés, dit l'un -des hommes. - -«--Nous le serons, répondit un autre. Tu connais les façons de ces -bougres, hein, Georges? - -«--Ils vont nous tirer au gîte à cinquante mètres, déclara Hooker, -à l'endroit où la rivière s'étrangle. Autant se suicider que de -continuer à descendre. - -«Je regardai la hauteur à notre droite. Elle tombait presque à pic au -bas de la vallée, mais elle paraissait pouvoir être escaladée et tous -les ennemis que nous avions vus jusqu'ici étaient de l'autre côté -de l'eau. - -«--C'est cela, ou s'arrêter! fit l'un des cipayes. - - -[Figure 8: L'HOMME VOLANT--Je retournai vers l'homme qu'une balle -avait atteint à la jambe, et je le pris dans mes bras.] - - -«Nous nous mîmes à grimper obliquement la colline. Il y avait une -sorte de vague sentier qui montait en biais et nous le suivîmes. -Bientôt, quelques ennemis parurent en vue vers le haut de la vallée, -et j'entendis quelques coups de feu. J'aperçus alors un des cipayes -qui s'était assis à trente mètres plus bas. Il s'était arrêté, -sans un mot, pour ne pas donner d'inquiétude apparemment. De nouveau, -je commandai halte. Je dis à Hooker d'essayer d'abattre quelques -ennemis et je retournai vers l'homme qu'une balle avait atteint à -la jambe. Je le pris dans mes bras et le portai jusqu'à la mule sur -laquelle je l'installai,--la pauvre bête était déjà suffisamment -chargée avec la tente et les autres fourbis que nous n'avions pas le -temps de détacher. Quand j'eus rejoint le reste de la troupe, Hooker -avait sa carabine vide à la main et indiquait, en riant, vers le haut -de la vallée, une tache noire immobile. Tous les autres ennemis -s'étaient dissimulés derrière des roches ou avaient fui au delà de -la courbe. - -«--À cinq cents mètres, fit Hooker; et je parie que je l'ai touché -en pleine tête. - -«Je l'engageai à recommencer un aussi beau coup, et nous nous -remîmes en route. - -«La pente maintenant devenait plus abrupte, et le sentier moins marqué -à mesure que nous montions. Bientôt, au-dessus et au-dessous de nous, -ce furent plus que des falaises. - -«C'est le plus beau chemin que j'aie vu dans ce pays de Lou-Chaï, -dis-je pour encourager les hommes, mais, en moi-même, je redoutais ce -qui allait arriver. - -«Au bout de quelques minutes, le chemin tournait court autour de la -falaise. Puis c'était tout: le sentier se terminait là. - -«En se rendant compte de la position, l'un des hommes se mit à jurer -et à maudire le piège dans lequel nous avions donné. Nous nous -trouvions sur une sorte de plate-forme qui devait être, au plus, large -de dix mètres. Les rochers s'élevaient en surplombant au-dessus de -nous de sorte qu'on ne pouvait nous fusiller d'en haut, et devant -nous s'ouvrait un précipice de deux ou trois cents pieds de -profondeur. En nous couchant contre le sol, nous étions invisibles pour -ceux qui auraient été de l'autre côté du ravin. - -«La seule approche que nous pussions craindre était au long du -passage, et un homme bien embusqué à l'entrée valait une armée. -Nous étions dans une forteresse naturelle, avec un seul désavantage: -nos uniques provisions contre la faim et la soif était une mule -vivante. Cependant, nous étions éloignés de douze ou quinze -kilomètres du gros de l'expédition, mais sans doute, quand ils nous -verraient absents un jour ou deux, ils enverraient à notre recherche si -nous ne rentrions pas. Au bout d'un jour ou deux...» - -Le lieutenant se tut soudain. - -«--Avez-vous jamais eu soif, Graham? - -«--Jamais de cette façon-là, répondit l'ethnologue. - -«--Hum! nous avons eu soif pendant toute cette journée, pendant la -nuit suivante et tout le lendemain avec seulement quelques gouttes de -rosée obtenues en tordant divers linges et la tente. Au-dessous de -nous, la rivière coulait avec des glouglous contre un rocher qui se -dressait au milieu du courant. Jamais je n'ai vu une pareille absence -d'incidents et une pareille intensité de sensation. Le soleil -obéissait sans doute encore à l'ordre de Josué, car il ne bougeait -guère; il flamboyait comme une fournaise ardente. Vers le soir du -premier jour, l'un des deux soldats blancs marmotta quelque chose que -personne ne comprit, et il s'en alla en suivant le chemin par où nous -étions venus. Nous entendîmes des coups de feu, et quand Hooker alla -voir à l'entrée du passage, l'homme avait disparu. Le lendemain -matin le cipaye blessé eut le délire et il sauta, ou il tomba, dans le -ravin; alors nous abattîmes la mule et elle aussi dégringola, dans ses -dernières secousses, au bas du précipice, et nous restâmes huit. - -«Nous apercevions, tout au fond du gouffre, le corps du cipaye, dont la -tête plongeait dans l'eau. Il était à plat ventre, et autant -qu'on pouvait s'en rendre compte il paraissait fort peu meurtri. -Malgré tout le désir de l'ennemi d'avoir cette tête. Il -n'osèrent pas s'approcher avant la nuit. - -«D'abord, nous parlâmes des chances qu'il y avait que le gros de -la troupe ait entendu notre fusillade, et nous tâchions de supputer à -quel moment ils remarqueraient notre retard, et mille autres choses. -Mais nous nous desséchions réellement à mesure que les heures -passaient. Les cipayes jouèrent entre eux avec des cailloux, puis -racontèrent des histoires. La nuit fut assez froide. Le second jour -personne ne parla. Nos lèvres étaient noires et nos gosiers en feu: et -nous restions étendus sous la roche, nous regardant les uns les autres. -L'un des réguliers se mit à tracer sur le rocher avec un morceau de -tuyau de pipe des blasphèmes et des invectives comme une sorte de -testament et je dus le faire cesser. Tandis que je regardais, au fond de -la vallée, la rivière couler et bouillonner, J'étais presque tenté -de suivre le cipaye. Cela semblait attirant et désirable de -dégringoler le long de la pente, avec au bas quelque chose à -boire--ou, du moins, plus de soif du tout. Cependant, je me souvins à -temps que je commandais le détachement et que mon devoir était de -donner le bon exemple, et cela m'empêcha de commettre une sottise. - -«C'est en pensant à cela qu'une idée me vint. Je me levai et -examinai la tente et, ses cordes, et je m'étonnai de n'y avoir pas -pensé plus haut. Puis, j'allai jusqu'au bord de la falaise mesurer -de l'œil la distance. Cette fois la hauteur me sembla plus grande et -la pose du cipaye quelque peu plus pénible. Mais il n'y avait que ce -moyen ou rien... et, pour vous le dire sans plus de détour, je -descendis en parachute. - -«Je pris un grand cercle de toile de la tente, environ trois fois grand -comme ce tapis de table. Je fis un trou dans le milieu, je liai huit -cordes autour qui se réunissaient au centre pour former un parachute. -Les autres me regardaient, croyant sans doute à quelque nouveau genre -de délire. Alors j'expliquai mon plan aux deux réguliers, et, -aussitôt que le rapide crépuscule fut devenu nuit pleine, je risquai -l'expérience. Les deux hommes tinrent l'instrument élevé et je -pris mon élan de toute la longueur de la plate-forme. Mon parachute -s'emplit d'air comme une voile, mais je dois avouer qu'arrivé au -bord j'eus la venette et je m'arrêtai court. - -«Mais j'eus aussitôt honte de moi-même; je retournai à -l'extrémité de la plate-forme et me lançai de nouveau. Cette fois, -je sautai--avec une sorte de sanglot, je me le rappelle--je sautai en -plein dans le vide, avec la grande voile, blanche qui se gonflait -au-dessus de moi. - - -[Figure 9: L'HOMME VOLANT--«À cette vue, j'aurais bien voulu -pouvoir remonter.»] - - -«Mes pensées durent se précipiter avec une vitesse effrayante. Il -sembla s'écouler un long moment avant que je pusse être sûr que mon -instrument resterait droit. D'abord il se balança de côté et -d'autre. Puis, je remarquai la muraille de rocs qui semblait monter -devant mes yeux, pendant que je me figurais rester immobile. Je regardai -au-dessous de moi, et je vis les eaux sombres de la rivière et le -cadavre du cipaye qui venaient, à ma rencontre. Mais dans -l'indistincte clarté, je discernai aussi trois ennemis, ahuris de me -voir arriver, et le cipaye décapité. À cette vue j'aurais bien -voulu pouvoir remonter. - -Au même instant, ma botte entrait dans la bouche d'un des ennemis, et -lui et moi ne formions plus qu'un seul tas avec la toile qui -s'abattait sur nous en se dégonflant. Sans doute, j'avais dû faire -jaillir la cervelle de l'homme sous mon pied. Je n'attendais rien -d'autre que d'être à mon tour massacré, mais les pauvres païens, -qui n'avaient jamais entendu parler de Baldwin, prirent immédiatement -la fuite. - -«Je me dépêtrai de la toile et du cadavre et jetai un regard autour -de moi. À environ dix pas se trouvait la tête du cipaye, les yeux -fixes, au clair de lune. Puis, j'aperçus l'eau et je courus boire. -Il n'y avait d'autre bruit au monde que celui de la retraite -précipitée des ennemis, un faible cri qui me parvint d'en haut et le -murmure du courant. Dès que j'eus bu tout mon soûl, je descendis au -long de la rivière. - -«Telle est l'explication de l'histoire de l'homme volant. Pendant -les douze kilomètres que je fis pour rejoindre l'expédition, je ne -rencontrai âme qui vive. J'arrivai au camp de Walters vers dix heures -et le stupide imbécile qui était de faction eut le toupet de me tirer -dessus lorsque je surgis au trot hors des ténèbres. Aussitôt que je -fus parvenu à faire entrer mon récit dans le crâne épais de Walters, -cinquante hommes se mirent en route pour aller débarrasser la vallée -des ennemis et ramener nos hommes. Mais j'avais eu pour ma part -suffisamment soif pour ne pas aller la provoquer de nouveau en les -accompagnant. - -«Vous avez entendu quelle sorte de légende ils ont fabriquée avec -cela. Des ailes grandes comme une mule, hein? et des plumes noires? Le -bon lieutenant transformé en oiseau. Bon! bon!» - -Un instant le lieutenant resta plongé dans quelque joyeuse méditation, -puis il ajouta: - ---Vous ne le croiriez pas, mais quand ils arrivèrent à la plate-forme, -deux cipayes avalent sauté en bas. - ---Le reste allait bien? demanda l'ethnologue. - ---Le reste allait bien, à part la soif. Et à ce souvenir le lieutenant -se versa un nouveau verre de whisky et de soda. - - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DANS L’ABÎME *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. 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G. Wells. - </title> - <style type="text/css"> - -body { - margin-left: 10%; - margin-right: 10%; -} - - h1,h2,h3,h4,h5,h6 { - text-align: center; /* all headings centered */ - clear: both; -} - -p { - margin-top: .51em; - text-align: justify; - margin-bottom: .49em; -} - -.p2 {margin-top: 2em;} -.p4 {margin-top: 4em;} -.p6 {margin-top: 6em;} - -hr { - width: 33%; - margin-top: 2em; - margin-bottom: 2em; - margin-left: auto; - margin-right: auto; - clear: both; -} - -hr.tb {width: 45%;} -hr.chap {width: 65%} -hr.full {width: 95%;} - -hr.r5 {width: 5%; margin-top: 1em; margin-bottom: 1em;} -hr.r65 {width: 65%; margin-top: 3em; margin-bottom: 3em;} - -ul.index { list-style-type: none; } -li.ifrst { margin-top: 1em; } -li.indx { margin-top: .5em; } -li.isub1 {text-indent: 1em;} -li.isub2 {text-indent: 2em;} -li.isub3 {text-indent: 3em;} - -table { - margin-left: auto; - margin-right: auto; -} - - .tdl {text-align: left;} - .tdr {text-align: right;} - .tdc {text-align: center;} - table.poem { margin-left: 3em;} -td.original { font-style: italic; text-align: left } -td.translated { text-align: left } - -.pagenum { /* uncomment the next line for invisible page numbers */ - /* visibility: hidden; */ - position: absolute; - left: 92%; - font-size: smaller; - text-align: right; -} /* page numbers */ - -.linenum { - position: absolute; - top: auto; - right: 10%; -} /* poetry number */ - -.blockquot { - margin-left: 5%; - margin-right: 10%; -} - -.blockquot-half { - padding-top: 2em; - padding-bottom: 2em; - margin-left: 50%; -} - -.sidenote { - width: 10%; - padding-bottom: .5em; - padding-top: .5em; - padding-left: .5em; - padding-right: .5em; - margin-left: .5em; - float: left; - clear: left; - margin-top: .5em; - font-size: smaller; - color: black; - background: #eeeeee; - border: dashed 1px; -} - -.bb {border-bottom: solid 2px;} - -.bl {border-left: solid 2px;} - -.bt {border-top: solid 2px;} - -.br {border-right: solid 2px;} - -.bbox {border: solid 2px;} - -.center {text-align: center;} - -.right {text-align: right;} - -.smcap {font-variant: small-caps;} - -.u {text-decoration: underline;} - -.gesperrt -{ - letter-spacing: 0.2em; - margin-right: -0.2em; -} - -em.gesperrt -{ - font-style: normal; -} - -.caption {font-weight: normal; - font-size: 90%; - text-align: right; - padding-bottom: 1em;} - -/* Images */ -.figcenter { - margin: auto; - text-align: center; -} - -.figleft { - float: left; - clear: left; - margin-left: 0; - margin-bottom: 1em; - margin-top: 1em; - margin-right: 1em; - padding: 0; - text-align: center; -} - -.figright { - float: right; - clear: right; - margin-left: 1em; - margin-bottom: - 1em; - margin-top: 1em; - margin-right: 0; - padding: 0; - text-align: center; -} - -/* Notes */ -.footnotes {margin-top:2em; border: dashed 1px;} - -.footnote {margin-left: 10%; margin-right: 10%; font-size: 0.9em;} - -.footnote .label {position: absolute; right: 84%; text-align: right;} - -.fnanchor { - vertical-align: super; - font-size: .8em; - text-decoration: - none; -} - -.actor {font-size: 0.8em; - text-align: center;} - -/* Poetry */ -.poem { - margin-left:10%; - margin-right:10%; - text-align: left; -} - -.poem br {display: none;} - -.poem .stanza {margin: 1em 0em 1em 0em;} - - -/* Transcriber's notes */ -.transnote {background-color: #E6E6FA; - color: black; - font-size:smaller; - padding:0.5em; - margin-bottom:5em; - margin-top:2em; - font-family:sans-serif, serif; } - - </style> - </head> -<body> - -<div style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of Dans l’abîme, by Herbert George Wells</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and -most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. 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WELLS</h3> - -<h4>TRADUIT DE L'ANGLAIS</h4> - -<h5>PAR</h5> - -<h3>HENRY-D. DAVRAY</h3> - -<hr class="r5" /> - - -<h4>TABLE DES MATIÈRES</h4> -<p><a href="#DANS_LABIME">DANS L'ABÎME</a><br /> -<a href="#LES_TRIOMPHES_DUN_TAXIDERMISTE">LES TRIOMPHES D'UN TAXIDERMISTE</a><br /> -<a href="#LA_POMME">LA POMME</a><br /> -<a href="#LHOMME_VOLANT">L'HOMME VOLANT</a></p> - - -<hr class="r5" /> - -<h4><a id="DANS_LABIME">DANS L'ABÎME</a></h4> - -<p> -Le lieutenant se tenait debout devant la sphère d'acier et mordillait -un éclat de bois. -</p> - -<p> -—Que pensez-vous de ça, Steevens? demanda-t-il. -</p> - -<p> -—C'est une idée comme une autre, dit Steevens, du ton de quelqu'un -qui veut se faire une opinion sincère. -</p> - -<p> -—Je crois que ça s'écrasera à plat, continua le lieutenant. -</p> - -<p> -—Il semble avoir calculé son affaire soigneusement, dit Steevens -encore impartial. -</p> - -<p> -—Mais pensez à la pression, insista le lieutenant. À la surface de -l'eau, elle est de quatorze livres par pouce; trente pieds plus bas, -elle est double; soixante, triple; quatre-vingt-dix, quadruple; neuf -cents, quarante fois plus grande; cinq-mille pieds, trois-cents fois... -c'est-à-dire qu'à un mille de profondeur la pression est de deux cent -quarante fois quatorze livres; c'est-à-dire... attendez... un -quintal... une tonne et demie, Steevens, <i>une tonne et demie</i> par -pouce carré. Et l'Océan a ici cinq milles de profondeur. Il subira une -pression de sept tonnes et demie... -</p> - -<p> -—Un joli sondage! dit Steevens. Mais il est protégé aussi par une -jolie épaisseur d'acier. -</p> - -<p> -Le lieutenant ne répondit pas et se mit à mâchonner son bout de bois. -L'objet de leur conversation était une immense boule d'acier, d'un -diamètre extérieur d'environ neuf pieds, et qui semblait être le -projectile de quelque titanique pièce d'artillerie; elle était fort -laborieusement nichée dans un échafaudage monstrueux, élevé dans la -charpente du vaisseau, et les espars gigantesques qui allaient bientôt -la faire glisser par-dessus bord donnaient à l'arrière du navire un -aspect qui avait excité la curiosité de tout honnête marin, depuis le -<i>pool</i> de Londres jusqu'au tropique du Capricorne. En deux endroits, -l'un au-dessus de l'autre, l'acier faisait place à une couple de -fenêtres circulaires, fermées d'une paroi de verre d'une épaisseur -énorme, et l'une d'elles, enchâssée dans un cadre d'acier d'une -grande solidité, se trouvait pour l'instant en partie dévissée. -</p> - -<p> -Le matin même, les deux hommes avaient vu, pour la première fois, -l'intérieur de ce globe. Il était soigneusement matelassé de coussins -à air, garnis de petits boutons fixés entre les saillies, et qui -constituaient le simple mécanisme de la chose. Tous les objets -étaient, de même, soigneusement capitonnés, même l'appareil Myers, -qui devait absorber l'acide carbonique et remplacer l'oxygène inspiré -par l'habitant du globe, quand, s'y étant introduit, l'ouverture -vitrée aurait été vissée. -</p> - -<p> -Tout était si parfaitement capitonné qu'un être humain aurait pu -supporter, en toute sécurité, d'être lancé avec la sphère par un -canon. Et il fallait qu'il en fût ainsi, car bientôt un homme allait -s'insinuer par l'ouverture; il serait enfermé solidement à -l'intérieur et lancé par-dessus bord pour s'en foncer dans l'Océan -jusqu'à une profondeur de cinq milles, comme le lieutenant l'avait dit. -L'imagination de ce dernier était exclusivement occupée de cet objet; -c'était devenu pour lui une obsession, même aux repas, et Steevens, le -nouveau venu, était un compagnon inattendu auquel il allait pouvoir à -son aise causer de sa préoccupation. -</p> - -<p> -—J'ai idée, dit le lieutenant, que ces hublots de verre fléchiront -simplement, crèveront et s'écraseront sous une pression pareille. -Daubrée a liquéfié des rochers sous des pressions énormes... et, -remarquez bien ceci... -</p> - -<p> -—Si le verre casse, fit Steevens, qu'arrivera-t-il? -</p> - -<p> -—L'eau entrera comme un jet de fer. Avez-vous jamais reçu, bien -droit, un jet à haute pression? Ça frappe comme un boulet. Il serait -simplement écrasé et aplati. L'eau entrerait dans sa gorge, dans ses -poumons, pénétrerait dans ses oreilles... -</p> - -<p> -—Quelle imagination détaillée! s'écria Steevens, qui se -représentait vivement les choses. -</p> - -<p> -—C'est le simple exposé d'une chose inévitable, dit le lieutenant... -</p> - -<p> -—Et le globe? -</p> - -<p> -—Il laisserait s'échapper quelques petites bulles et s'installerait -confortablement, jusqu'au jour du jugement, parmi la vase et le limon du -fond... avec le pauvre Elstead étalé sur ces coussins aplatis, comme -du beurre sur du pain. -</p> - -<p> -Il répéta cette image, comme si elle lui eût plu beaucoup: -</p> - -<p> -—Comme du beurre sur du pain. -</p> - -<p> -—Un coup d'œil au tape-cul, fit une voix. -</p> - -<p> -Et Elstead parut derrière eux, vêtu d'un complet blanc, une cigarette -aux lèvres et les yeux souriants sous les amples bords de son chapeau. -</p> - -<p> -—Qu'est-ce que vous dites, à propos de pain et de beurre, Weybridge? -Vous grommelez, comme d'habitude sur la paye insuffisante des officiers -de marine?... Il n'y a plus qu'un jour à attendre avant que je parte -maintenant. Les élingues vont être prêtes aujourd'hui. Ce beau ciel -et cette houle tranquille sont juste ce qu'il faut pour lancer -par-dessus bord une douzaine de tonnes de plomb et de fer, n'est-ce pas? -</p> - -<p> -—Vous ne vous apercevrez pas beaucoup de la houle, dit Weybridge. -</p> - -<p> -—Non. À soixante ou quatre-vingts pieds de profondeur... et j'y serai -dans dix à douze secondes... pas une molécule ne bougera, quand le -vent hurlerait et que l'eau s'élèverait jusqu'aux nuages. Non. Là, au -fond... -</p> - -<p> -Il s'avança jusqu'au bastingage, et les deux autres le suivirent. Tous -trois se penchèrent sur leurs coudes et contemplèrent l'eau, d'un vert -jaunâtre. -</p> - -<p> -—... La paix, dit. Elstead, en achevant tout haut sa pensée. -</p> - -<p> -—Êtes-vous absolument certain que le mouvement d'horlogerie marchera? -demanda tout à coup Weybridge. -</p> - -<p> -—Il a marché trente-cinq fois, dit Elstead. Il est tenu de marcher. -</p> - -<p> -—Mais s'il ne fonctionne pas? -</p> - -<p> -—Pourquoi ne fonctionnerait-il pas? -</p> - -<p> -—Je ne voudrais pas, pour vingt mille livres, descendre dans cette -maudite machine, dit Weybridge. -</p> - -<p> -—Vous êtes tout à fait encourageant, remarqua Elstead. -</p> - -<p> -—Je ne comprends pas encore de quelle façon vous pourrez faire -fonctionner la chose, dit Steevens. -</p> - -<p> -—Eh bien! d'abord, j'entre dans la sphère, et l'on visse l'ouverture, -commença Elstead. Et quand, trois fois de suite, j'ai allumé et -éteint la lumière électrique pour montrer que tout va bien, je suis -lancé par-dessus le bastingage par cette grue, avec tous ces gros -fonceurs de plomb suspendus au-dessous de moi. Le gros poids de plomb, -qui est fixé sur le dessus, est muni d'un cylindre sur lequel -s'enroulent cent toises de solide cordage, et c'est tout ce qui lie les -fonceurs à la sphère, sauf les élingues qui seront coupées quand la -sphère tombera. Je me sers de cordes plutôt que de câbles de fer, -parce que c'est plus facile à couper et plus flottant, conditions -nécessaires, comme vous allez voir. Vous remarquez que tous ces -fonceurs de plomb sont percés d'un trou; une tringle de fer y sera -adaptée, qui dépassera de six pieds sur la face inférieure. Dès que -cette tringle sera en contact avec le fond, elle frappera sur un levier -qui déclenchera le mouvement d'horlogerie placé sur le côté du -cylindre sur lequel les cordes s'enroulent... Vous suivez? On descend -gentiment dans l'eau tout le système. La sphère flotte... avec l'air -qu'elle renferme, elle est plus légère que l'eau... mais les poids de -plomb continuent à s'en foncer, et la corde se déroule jusqu'au bout. -Quand la corde est entièrement filée, la sphère s'enfonce aussi. -</p> - -<p> -—Mais à quoi sert la corde? demanda Steevens. Pourquoi ne pas fixer -directement les poids à la sphère? -</p> - -<p> -—Mais à cause du choc probable au fond. La sphère et ses poids vont -s'enfoncer rapidement, atteindre peu à peu une vitesse vertigineuse. -Elle serait mise en pièces en touchant le fond, si ce n'était de cette -corde. Mais, dès que les poids reposeront sur le fond, la légèreté -de la sphère entrera en jeu. Elle continuera à s'enfoncer de plus en -plus lentement, s'arrêtera enfin, puis se mettra à remonter. C'est là -que le mouvement d'horlogerie intervient. Aussitôt que les fonceurs -s'aplatiront sur le fond de la mer, la tringle sera heurtée et -déclenchera le mouvement et la corde s'enroulera de nouveau sur le -cylindre. Je serai ainsi amené jusqu'au fond. Là, je resterai une -demi-heure, la lumière électrique allumée, examinant ce que j'aurai -autour de moi. Puis le mouvement d'horlogerie mettra enjeu un couteau à -ressort, la corde sera coupée, et je remonterai à la surface, comme -une bulle dans un siphon. La corde elle-même aidera la flottaison. -</p> - -<p> -—Et si, par hasard, vous remontiez sous un navire? demanda Weybridge. -</p> - -<p> -—J'arriverais avec une telle vitesse que je passerais simplement au -travers comme un boulet de canon, dit Elstead. Vous n'avez pas besoin de -vous tourmenter à ce sujet. -</p> - -<p> -—Supposez que quelque actif petit crustacé s'insinue dans votre -mouvement d'horlogerie... -</p> - -<p> -—Ce serait pour moi une espèce d'invitation un peu pressante à rester -en leur compagnie, dit Elstead en tournant le dos à la mer et -contemplant la sphère. -</p> - -<p class="center"> *<br /> -* *</p> - -<p> -On avait jeté Elstead par-dessus bord à onze heures. C'était une -journée calme et brillamment sereine, et l'horizon se perdait dans la -brume. L'éclat des lampes électriques avait joyeusement, par trois -fois, apparu dans le petit compartiment supérieur. Alors on l'avait -descendu lentement jusqu'à la surface de l'eau, et un matelot se tenait -près des sabords d'arrière prêt à couper le palan qui retenait l'ensemble -des fonceurs et de la sphère. La sphère, qui sur le pont avait -paru si énorme, semblait maintenant un inimaginable petit objet sous -l'arrière du navire. -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure01.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">DANS L'ABÎME.—Ses deux hublots sombres, au dessus -de la ligne de flottaison, semblaient des yeux ahuris.</p> -</div></div> - - -<p> -Elle se balança un peu, et ses deux hublots sombres au-dessus de la -ligne de flottaison semblaient des yeux ahuris contemplant l'équipage -qui se pressait contre le bord. Une voix s'éleva, demandant ce -qu'Elstead devait penser de ce balancement. -</p> - -<p> -—Êtes-vous prêts? fit le commandant. -</p> - -<p> -—Oui, capitaine. -</p> - -<p> -—Lâchez tout. -</p> - -<p> -Le câble du palan se raidit contre la lame et fut coupé. Un remous -tourbillonna sur la sphère d'une façon grotesquement impuissante. -Quelqu'un agita un mouchoir; un autre tenta une acclamation vaine; un -quartier maître compta lentement... huit, neuf, dix. Il y eut un autre -remous, puis, avec un bruyant clapotis et un large éclaboussement, la -sphère reprit son aplomb. -</p> - -<p> -Elle sembla rester stationnaire un instant, puis devenir rapidement plus -petite; enfin l'eau la recouvrit, et elle resta visible au-dessous de la -surface, imprécise et agrandie par la réfraction. Avant qu'on ait pu -compter jusqu'à trois, elle avait disparu. Il y eut, dans les -profondeurs de l'eau, un tremblement de lumière blanche qui diminua -jusqu'à n'être plus qu'un point et s'évanouit. Puis, il n'y eut plus -rien que l'abîme des eaux ténébreuses dans lequel un requin nageait. -</p> - -<p> -Soudain l'hélice du croiseur se mit en mouvement; l'eau bouillonna; le -requin disparut dans la convulsion des vagues, et un torrent d'écume -s'étendit sur la cristalline limpidité qui avait englouti Elstead. -</p> - -<p> -—Qu'est-ce qu'on fait maintenant? dit un matelot à un autre. -</p> - -<p> -—On va s'éloigner d'une couple de milles pour ne pas nous trouver sur -son chemin quand il remontera, répondit son camarade. -</p> - -<p> -Le navire gagna lentement sa nouvelle position. À bord, tous ceux qui -n'étaient pas occupés restaient à surveiller l'endroit houleux où la -sphère s'était enfoncée. Pendant la demi-heure qui suivit, il est -douteux qu'un seul mot ait été prononcé qui n'eût pas rapport à -Elstead. Le soleil de décembre était maintenant haut dans le ciel, et -la chaleur était fort grande. -</p> - -<p> -—Je crois qu'il n'aura pas trop chaud là-dessous, dit Weybridge. On -prétend que, passé une certaine profondeur, l'eau de la mer est -presque toujours à une température glaciale. -</p> - -<p> -—À quel endroit va-t-il ressortir? demanda Steevens. -</p> - -<p> -—C'est là-bas, dit le commandant, qui s'enorgueillissait de son -omniscience. Il indiqua d'un doigt précis le sud-est. Et, ajouta-t-il, -il ne va pas tarder maintenant. Il y a déjà trente-cinq minutes. -</p> - -<p> -—Combien de temps faut-il pour atteindre le fond de l'Océan? -interrogea Steevens. -</p> - -<p> -—Pour une profondeur de cinq milles, en tenant compte, comme nous -l'avons fait, d'une accélération de deux pieds par seconde, à la fois -à l'aller et au retour, il lui faut environ trois quarts de minute. -</p> - -<p> -—Alors, il est en retard, fit Weybridge. -</p> - -<p> -—Mais... presque, dit le commandant. Je suppose qu'il faut quelques -minutes pour que sa corde s'enroule. -</p> - -<p> -—J'avais oublié cela, dit Weybridge, évidemment soulagé. -</p> - -<p> -Alors commença l'attente. Lentement, une minute s'écoula, et aucune -sphère ne sortit des flots. Une autre minute suivit, et rien ne vint -rompre la houle huileuse. Les matelots s'expliquaient les uns aux autres -l'importance de l'enroulement de la corde. Les agrès étaient pleins de -figures attentives. -</p> - -<p> -—Montez, Elstead, montez! cria impatiemment un matelot à la poitrine -velue, et les autres reprirent et crièrent comme s'ils réclamaient la -levée du rideau au théâtre. -</p> - -<p> -Le commandant leur lança un regard irrité. -</p> - -<p> -—Naturellement, si l'accélération est moindre que deux, dit-il, il -sera plus longtemps. Nous ne sommes pas absolument certains que ce soit -là une donnée exacte. Je ne crois pas aveuglément aux calculs. -</p> - -<p> -Steevens donna brièvement son assentiment. Personne sur le gaillard -d'arrière ne parla pendant une couple de minutes. Alors l'étui de la -montre de Steevens cliqua. -</p> - -<p> -Lorsque, vingt et une minutes plus tard, le soleil atteignit le zénith, -ils attendaient encore l'apparition de la sphère, et pas un homme à -bord n'avait osé murmurer que tout espoir était perdu. Ce fut -Weybridge qui, le premier, exprima cette certitude. -</p> - -<p> -—Je n'ai jamais eu confiance dans ces hublots, dit-il tout à coup à -Steevens. -</p> - -<p> -—Grand Dieu! s'écria Steevens, vous ne croyez pas que... -</p> - -<p> -—Ma foi... fit Weybridge, et il laissa le reste à son imagination. -</p> - -<p> -—Je n'ai pas grande foi dans les calculs de ce genre, déclara le -commandant sur un ton de doute, de sorte que je n'ai pas encore perdu -tout espoir. -</p> - -<p> -À minuit, le croiseur évoluait lentement autour de l'endroit où la -sphère s'était enfoncée. Le rayon blanc du foyer électrique se -promenait et s'arrêtait indiscontinûment sur l'étendue des eaux -phosphorescentes, tandis, que scintillaient de minuscules étoiles. -</p> - -<p> -—Si sa fenêtre n'a pas cédé et qu'il ne soit pas écrasé, dit -Weybridge, sa maudite situation est pire encore, car alors ce serait son -mouvement d'horlogerie qui n'aurait pas fonctionné, et il serait -maintenant vivant à cinq milles sous nos pieds, là-dessous, dans le -froid et les ténèbres, à l'ancre dans sa petite boule d'acier, là -où jamais un rayon de lumière n'a brillé, ni un être humain vécu -depuis que les eaux se sont rassemblées. Il est là sans nourriture, -souffrant de la faim et de la soif, épouvanté et se demandant s'il -mourra de faim ou d'étouffement. Laquelle de ces deux morts sera-ce? -L'appareil Myers doit s'épuiser, je suppose. Combien de temps peut-il -durer? -</p> - -<p> -—Tonnerre! s'exclama-t-il, quelles petites choses nous sommes! quels -audacieux petits diables! Dans l'abîme! Des milles et des milles de -liquide... rien que de l'eau au-dessous de nous et autour de nous, et ce -ciel! Des gouffres! -</p> - -<p> -Il leva les bras, et au même moment une petite traînée blanche monta -sans bruit dans le ciel, ralentit peu à peu sa course, s'arrêta, -devint un petit point immobile, comme si une nouvelle étoile avait pris -place dans le ciel. Puis cela se mit à dégringoler et se perdit -bientôt dans les réflexions des étoiles et dans la pâle et brumeuse -phosphorescence de la mer. -</p> - -<p> -À cette vue, il resta stupéfait, le bras tendu et la bouche ouverte. -Puis il ferma sa bouche, l'ouvrit de nouveau, et agita ses bras avec des -gestes désordonnés. Enfin, il se tourna et cria: «Elstead, ohé!» à -la première vigie, et courut jusqu'à Lindley, puis au foyer -électrique. -</p> - -<p> -—Je l'ai vu, criait-il, à tribord, là-bas! Ses lampes sont allumées. -Et il vient juste de sortir. Cherchez de ce côté avec le rayon. Nous -allons bien le voir flotter quand il réapparaîtra à la surface. -</p> - -<p> -Mais ils ne le trouvèrent pas avant l'aurore. Même alors ils -manquèrent de le couler bas. La grue fut préparée, et avec une -chaloupe, on agrafa les chaînes à la sphère. Quand ils l'eurent -remontée à bord, ils en dévissèrent l'ouverture et explorèrent des -yeux l'obscurité de l'intérieur, car la chambre du foyer électrique -était arrangée de façon à illuminer l'eau seulement autour de la -sphère et était interceptée de la cavité générale. -</p> - -<p> -L'atmosphère intérieure était très surchauffée, et la gutta-percha -qui garnissait les bords de l'ouverture était molle. Leurs questions -impatientes restèrent sans réponse et aucun bruit ne leur parvint. -Elstead était inanimé, replié sur lui-même au fond de sa cabine. Le -médecin du bord s'y introduisit et le passa à ceux de l'extérieur. -Pendant un certain temps, ils ne purent se rendre compte si Elstead -était vivant ou mort. Sa figure, à la lueur jaunâtre des lampes, -était toute brillante de transpiration. On le descendit dans sa cabine. -</p> - -<p> -Il n'était pas mort, comme ils purent bientôt s'en apercevoir, mais -dans un état d'affaissement nerveux absolu et, de plus, cruellement -contusionné. Il lui fallut, pendant plusieurs jours, rester couché et -parfaitement tranquille. Une semaine se passa avant qu'il pût raconter -ses expériences. -</p> - -<p> -Dès les premiers mots, il déclara qu'il allait recommencer. La sphère -avait besoin d'être perfectionnée, dit-il, afin de lui permettre de se -débarrasser de la corde, s'il le fallait, et c'était tout. Ç'avait -été la plus merveilleuse aventure. -</p> - -<p> -—Vous pensiez, dit-il, que je ne trouverais rien que de la vase. Vous -vous moquiez de mes explorations, et j'ai découvert un nouveau monde. -</p> - -<p> -Il raconta son histoire par fragments sans suite, et presque toujours en -commençant par la fin, de sorte qu'il est impossible de la répéter -dans ses propres termes. Mais ce qui suit en est l'exacte narration. -</p> - -<p> -«Son voyage commença atrocement. Avant que la corde fût entièrement -filée, la sphère ne cessa de ballotter. Il eut la sensation d'être -une grenouille enfermée dans un ballon sur lequel on s'acharne à coups -de pieds. Il ne pouvait voir que la grue et le ciel au-dessus de sa -tête, avec un coup d'œil occasionnel sur les gens qui garnissaient le -bastingage, et il était incapable de prévoir de quel côté allait se -balancer la sphère. Tantôt, il levait le pied pour marcher et il -était culbuté en tous sens contre les coussins. Toute autre forme eût -été plus confortable, mais aucune n'aurait pu supporter l'immense -pression de l'abîme. Soudain le balancement cessa; la sphère se mit en -équilibre, et, quand il fut relevé, il aperçut tout autour de lui le -bleu verdâtre des flots avec la lumière du jour atténuée filtrant de -la surface et une multitude de petites choses flottantes qui passaient -vertigineusement contre les vitres, montant, lui semble-t-il, vers la -lumière. Puis, à mesure qu'il regardait, l'obscurité s'accrut -jusqu'à ce que l'eau fût, au-dessus de sa tête, aussi sombre que le -ciel de minuit, bien que d'une teinte plus verte, et, au-dessous de lui, -absolument noire. De temps en temps, de petites choses transparentes -avec un scintillement lumineux faisaient au long des hublots de -légères traînées verdâtres. -</p> - -<p> -«Et la sensation de chute! Elle rappelait le départ soudain d'un -ascenseur, avec cette différence qu'elle durait plus longtemps. Il faut -réfléchir un instant pour réaliser ce que ce doit être. Ce fut alors -et seulement qu'Elstead se repentit d'avoir tenté cette aventure. Il -vit sous un aspect entièrement nouveau les chances qui se dressaient -contre lui. Il pensa aux énormes poissons à scie qui existent dans les -profondeurs moyennes, à ces spécimens terribles qu'on trouve parfois -à demi digérés dans l'estomac des grands cétacés ou flot tant -morts, décomposés et à demi dévorés. -</p> - -<p> -«Il s'imagina l'un d'entre eux s'attaquant à la sphère et ne voulant -plus la lâcher. Et le mouvement d'horlogerie, l'avait-il suffisamment -éprouvé? Mais qu'il voulut maintenant descendre ou remonter, c'était -absolument la même chose. -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure02.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">DANS L'ABÎME.—Dans le rayon de son foyer électrique -apparaissaient des poissons.</p> -</div></div> - - -<p> -«Au bout de cinquante secondes, tout, à l'extérieur, fut aussi noir -que la nuit, sauf ce que le rayon de son foyer électrique éclairait et -dans quoi apparaissaient de temps à autre des poissons et passaient -quelques fragments d'objets qui s'enfonçaient. Tout cela disparaissait -trop vite pour qu'il lui fût possible de distinguer ce que c'était. -Une fois, il crut voir un requin. À ce moment, la sphère commença à -s'échauffer par le frottement. Il lui parut que cette donnée n'avait -pas été suffisamment évaluée. La première chose qu'il put remarquer -fut qu'il transpirait; puis il perçut sous ses pieds une sorte de -sifflement qui s'accrut, et il vit une foule de petites bulles, de très -petites bulles qui montaient en éventail vers la surface. De la vapeur! -</p> - -<p> -«Il tâta le hublot: la vitre était brûlante. Immédiatement, il -alluma la lampe électrique qui éclairait sa cabine, regarda la montre -encastrée dans le capitonnage, et il vit que son voyage durait déjà -depuis deux minutes. Il lui vint à l'esprit que le hublot pouvait -craquer dans le conflit des températures, car il savait que les eaux -dans les grandes profondeurs sont glaciales. Puis, tout à coup, la -paroi de la sphère sembla presser le dessous de ses pieds; au-dehors la -course des bulles se ralentit et le sifflement diminua. La sphère se -balança légèrement. Le hublot n'avait pas craqué, rien n'avait -cédé, et il savait que, dans tous les cas, le danger de couler bas -était passé. -</p> - -<p> -«Encore une minute et il reposerait sur le fond de l'abîme. Il songea, -dit-il, à Steevens, à Weybridge et aux autres qui étaient à cinq -milles au-dessus de sa tête, plus haut pour lui que ne le furent jamais -au-dessus de nous les plus élevés des nuages qui flottent dans le -ciel, à eux tous navigant lentement, cherchant à pénétrer la -profondeur des eaux et se demandant ce qui pouvait lui être arrivé. -</p> - -<p> -«Il se mit à regarder par le hublot. Il n'y avait plus de bulles -maintenant, et le sifflement avait cessé. Au dehors, c'étaient de -profondes ténèbres d'un noir épais comme un velours, sauf là où le -rayon électrique pénétrait l'eau et en montrait la couleur: un gris -jaunâtre. Alors, trois choses, comme des formes de feu, nagèrent en se -suivant. Il ne pouvait distinguer si elles étaient petites ou énormes -et éloignées. -</p> - -<p> -«Chacune d'elles se dessinait avec des contours bleuâtres, presque -aussi brillants que les feux d'une barque de pêche, des feux qui -semblaient répandre beaucoup de fumée, et ils avaient, de chaque -côté, des taches de cette lumière, comme des sabords de navire. Leur -phosphorescence sembla s'éteindre quand ils entrèrent dans le -rayonnement lumineux de sa lampe; et il vit alors que c'étaient de -petits poissons de quelque étrange espèce, avec des yeux énormes, et -dont les corps et les queues se terminaient brusquement. Leurs yeux -étaient tournés vers lui, et il jugea qu'ils suivaient sa descente, -les supposant attirés par sa clarté. -</p> - -<p> -«D'autres du même genre se joignirent bientôt à eux. À mesure qu'il -descendait, il remarquait que l'eau prenait une teinte pallide et que de -petites taches de lumière scintillaient dans son rayonnement comme des -atomes dans un rai de soleil. Cela était probablement dû aux nuages de -vase et de boue que la chute de ses fonceurs de plomb avait produits. -</p> - -<p> -«Pendant tout le temps qu'il fut entraîné vers le fond par ses poids -de plomb, il se trouva dans une sorte de brouillard blanc si dense que -son projecteur électrique ne réussissait pas entièrement à le percer -au delà de quelques pieds. Et il se passa quelques minutes avant que -les couches de sédiment en suspension fussent retombées au fond. -Alors, à la lueur de ses lampes électriques et à la passagère -phosphorescence d'un banc éloigné de poissons, il lui fut possible de -voir, sous l'immense obscurité des eaux supérieures, une surface -ondulante de vase d'un blanc grisâtre, rompue çà et là par des -fourrés enchevêtrés de lis de mer agitant leurs tentacules affamés. -</p> - -<p> -«Plus loin se trouvaient les gracieux et transparents contours d'un -groupe d'épongés gigantesques. Sur ce sol étaient dispersées un -grand nombre de touffes hérissées et plates d'une riche couleur -pourpre et noire qu'il décida devoir être quelque espèce d'oursin, et -de petites choses avec des yeux très larges ou aveugles ayant une -curieuse ressemblance, les unes avec les cloportes, les autres avec les -homards, rampaient paresseusement dans la traînée de lumière et -disparaissaient de nouveau dans l'obscurité en laissant derrière eux -des sillons dans la vase. -</p> - -<p> -«Soudain la multitude voltigeante de petits poissons vira et s'avança -vers lui comme une volée d'étourneaux pourrait le faire. Ils -passèrent au-dessus de lui comme une neige phosphorescente, et alors, -derrière eux, une créature de dimensions il vit plus grandes qui -s'avançait vers la sphère. -</p> - -<p> -«D'abord, il ne put la distinguer que vaguement, figure aux mouvements -indécis et suggérant de loin un homme en marche; puis elle entra dans -le rayonnement lumineux que projetait la lampe. Au moment où la -lumière la frappa, elle ferma les yeux, éblouie. Elstead la contempla -avec stupéfaction. -</p> - -<p> -«C'était un étrange animal vertébré. Sa tête d'un pourpre sombre, -rappelait vaguement celle d'un caméléon, mais le front était si -élevé et la boîte crânienne si développée qu'aucun reptile n'en -possédait encore de semblables. L'équilibre vertical de sa face lui -donnait la plus extraordinaire ressemblance avec celle d'un être -humain. Deux yeux larges et saillants se projetaient des orbites à la -façon d'un caméléon et sous ses petites narines s'ouvrait une large -bouche reptilienne aux lèvres cornées. À l'endroit des oreilles -étaient deux énormes ouïes hors desquelles flottaient des filaments -nombreux d'un rouge de corail, rappelant les ouïes que possèdent les -très jeunes raies et les requins. -</p> - -<p> -«Mais ce que sa face avait d'humain n'était pas le trait le plus -extraordinaire qu'offrait cette créature. Elle était bipède; son -corps, presque sphérique, était en équilibre sur une sorte de -trépied composé de deux jambes comme celles des grenouilles et d'une -longue queue épaisse, et ses membres supérieurs, qui caricaturaient -grotesquement les bras humains, beaucoup à la manière des grenouilles, -portaient un long dard osseux garni de cuivre. La couleur de cette -créature était, variée: sa tête, ses mains et ses jambes étaient -pourpres, mais sa peau, qui pendait flottante autour de son corps comme -des vêtements le feraient, était d'un gris phosphorescent. Elle -restait là, aveuglée par la lumière. -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure03.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">DANS L'ABÎME.—Cet habitant inconnu de l'abîme -cligna des yeux et les écarquilla.</p> -</div></div> - -<p> -À la fin, cet habitant inconnu de l'abîme cligna des paupières et les -écarquilla; puis, portant sa main libre au-dessus de ses yeux, il -ouvrit la bouche et articula à la façon humaine un cri qui pénétra -même l'enveloppe d'acier et le capitonnage intérieur de la sphère. -Comment un cri peut être poussé sans poumons, Elstead ne se préoccupa -pas de l'expliquer. La créature sortit alors du rayonnement, rentra -dans le mystère ténébreux qui le bordait de chaque côté, et Elstead -la sentit plutôt qu'il ne la vit venir vers lui. Certain que la -lumière l'avait attirée, il interrompit le courant. Un moment après, -des coups sourds résonnèrent contre l'acier, et la sphère se -balança. -</p> - -<p> -«Alors le cri fut répété. Et il sembla à Elstead qu'un écho -lointain y répondait. Les coups sourds reprirent et la sphère se -balança de nouveau et grinça contre le pivot sur lequel la corde -était enroulée. Il demeura dans les ténèbres, cherchant à -pénétrer du regard l'éternelle nuit de l'abîme. Et bientôt il vit, -très faibles et lointaines, d'autres formes phosphorescentes et -quasi-humaines se hâter vers lui. -</p> - -<p> -Sachant à peine ce qu'il faisait, il tâta contre les parois de sa -prison instable pour trouver le bouton du projecteur électrique -extérieur et pressa accidentellement celui de la petite lampe qui -éclairait sa cabine capitonnée. La sphère roula et il fut renversé. -Il entendit comme des cris de surprise, et quand il fut relevé, il vit -deux yeux attentifs qui regardaient par le hublot inférieur et qui en -réfléchissaient la clarté. -</p> - -<p> -«Au même instant, des mains heurtaient vigoureusement l'enveloppe -d'acier et il entendit, impression suffisamment horrible dans sa -position, des heurts réitérés sur l'enveloppe de métal, qui -protégeait le mouvement d'horlogerie. À ce bruit, vraiment, l'angoisse -l'étrangla; car, si ces étranges créatures parvenaient à arrêter le -mouvement, sa délivrance était impossible. À peine avait-il pensé -cela, qu'il sentit la sphère se balancer et la paroi sembla peser -lourdement contre ses pieds. -</p> - -<p> -«Il éteignit la petite lampe intérieure et rétablit le courant du -réflecteur extérieur. Le fond vaseux et les créatures quasi-humaines -avaient disparu, et une couple de poissons se poursuivant soudain -passèrent contre le hublot. -</p> - -<p> -«Il pensa aussitôt que ces étranges habitants avaient rompu la corde -et qu'il avait échappé. Il remontait de plus en plus vite, puis il -s'arrêta avec une secousse qui l'envoya heurter la paroi capitonnée de -sa prison. Pendant une demi-minute, peut être, il fut trop étonné -pour réfléchir. -</p> - -<p> -«Alors il sentit que la sphère tournait lentement sur elle-même avec -une sorte de balancement, et il lui sembla aussi qu'il avançait -horizontalement dans l'eau. En se blottissant, tout contre le hublot, il -parvint à rétablir de son poids et à ramener l'équilibre vers le -fond cette partie de la sphère; mais il ne put rien voir que le pâle -rayonnement de son réflecteur frappant inutilement les ténèbres. Il -lui vint à l'idée qu'il pourrait mieux voir s'il éteignait la lampe. -</p> - -<p> -«En ceci, il fut sage. Au bout de quelques minutes les ténèbres -veloutées devinrent une sorte d'obscurité translucide, et alors, dans -le lointain, et aussi imprécises que la lumière zodiacale d'un soir -d'été, il vit des formes se mouvoir au-dessous de lui. Il jugea que -ces créatures avaient détaché son câble et le remorquaient au long -du fond de la mer. -</p> - -<p> -«Alors, par-delà les ondulations de la plaine sous-marine, vague et -lointaine, il vit un immense horizon d'une luminosité pâle qui -s'étendait de chaque côté aussi loin que sa petite fenêtre lui -permettait d'apercevoir. Vers cet horizon, il était remorqué comme un -ballon qu'on ramènerait de la plaine vers la ville. Il en approchait -très lentement, et très lentement la vague irradiation se précisait -en des formes plus définies. -</p> - -<p> -«Il était presque cinq heures lorsqu'il atteignit cette aire -lumineuse; et, vers ce moment, il put distinguer une sorte d'arrangement -qui suggérait des rues et des maisons groupées à l'entour d'un vaste -édifice sans toit, qui rappelait grotesquement une abbaye en ruines. -Tout cela s'étendait au-dessous de lui comme une carte. Les maisons -étaient toutes des enclos de murs sans toits, et leur substance -étant, comme il le vit plus tard, d'os phosphorescents, donnait à cet -endroit l'apparence d'être bâti avec du clair de lune noyé. -</p> - -<p> -«Parmi les cavités inférieures, des végétations crinoïdes -étendaient leurs tentacules, et de grandes, sveltes et fragiles -éponges surgissaient comme des minarets brillants et comme des lis de -lumière membraneuse hors de la clarté génitale de la cité. Dans les -espaces ouverts, il pouvait voir une agitation comme de foules de gens, -mais il se trouvait trop élevé pour distinguer les personnages qui -composaient ces foules. Alors, lentement, il se sentit tiré vers le -fond, et, à mesure, les détails des lieux apparurent plus clairement -à sa vue. Il distingua que les rangées de bâtiments nuageux étaient -délimitées par des lignes pointillées d'objets ronds, et il -s'aperçut qu'en plusieurs endroits au-dessous de lui, en de larges -espaces ouverts, étaient des formes semblables à des carcasses -pétrifiées de navires. -</p> - -<p> -«Lentement et sûrement il descendait, et les formes au-dessous de lui -devenaient plus brillantes, plus claires et plus distinctes. On le -dirigeait vers le large édifice qui occupait le centre de la ville, et -de temps en temps il pouvait apercevoir la multitude de formes qui -tiraient sur sa corde. Il fut étonné de voir que le gréement de l'un -des vaisseaux qui formait un des principaux traits de la place était -couvert d'une quantité d'êtres gesticulants qui le regardaient, puis -les murs du grand édifice montèrent silencieusement autour de lui et -lui cachèrent la vue de la cité. -</p> - -<p> -«Les murs étaient de bois durci par l'eau, de câbles de fer tressés, -d'espars de cuivre et de fer, d'os et de crânes de naufragés. Les -crânes couraient au long des murs de l'édifice en zigzags, en spirales -et en courbes fantastiques. Dans leurs orbites vides, et sur toute la -surface des murs jouaient et se cachaient une multitude de petits -poissons argentés. Soudain ses oreilles s'emplirent d'un bourdonnement -sourd, d'un bruit comme le son violent des cors, auquel succédèrent -bientôt de fantastiques clameurs. La sphère s'enfonçait toujours, -passant devant d'immenses fenêtres en pointe, à travers lesquelles il -apercevait vaguement, le regardant, un grand nombre de ces étrangers et -fantomatiques créatures. Et il vint enfin se poser, lui sembla-t-il, -sur une sorte d'autel au centre de la place. -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure04.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">DANS L'ABÎME.—Il s'aperçut qu'ils se prosternaient -tous devant lui, sauf un.</p> -</div></div> - -<p> -«Maintenant il se trouvait à un niveau qui lui permettait de voir -distinctement ces étranges habitants de l'abîme. À son grand -étonnement, il s'aperçut qu'ils se prosternaient devant lui, tous, -sauf un, vêtu, semblait-il, d'une robe d'écaillés superposées et -couronné d'un diadème lumineux, et qui se tenait debout, ouvrant et -fermant alternativement sa bouche de reptile, comme s'il dirigeait les -cantiques des adorateurs. -</p> - -<p> -«Une curieuse impulsion fit allumer à Elstead sa lampe intérieure, de -sorte qu'il devint visible à ces habitants de l'abîme et que cette -clarté les fit immédiatement disparaître dans l'obscurité. À cette -soudaine transformation, les cantiques firent place à un tumulte -d'acclamations exultantes, et Elstead, préférant les observer, -interrompit le courant et s'évanouit à leurs yeux. Mais, pendant un -moment, il fut trop aveuglé pour percevoir ce qu'ils faisaient et quand -enfin il put les distinguer, ils étaient de nouveau agenouillés. Ils -continuèrent à l'adorer ainsi sans répit ni relâche pendant trois -heures. -</p> - -<p> -«Elstead fit un récit des plus circonstanciés de cette cité -surprenante et de ces gens qui n'ont jamais vu ni soleil, ni lune, ni -étoile, aucune végétation verte, ni aucune créature respirante, qui -ne savent rien du feu, et ne connaissent d'autre lumière que la clarté -phosphorescente d'organismes vivants. -</p> - -<p> -«Si saisissante que soit son histoire, il est encore plus saisissant de -trouver que des hommes de science aussi éminents que Adams et Jenkins -n'y découvrent rien d'incroyable. Ils m'ont dit qu'ils ne voyaient -aucune raison pour que des créatures vertébrées, intelligentes et -respirant l'eau, accoutumées à une température très basse, à une -pression énorme, et d'une structure si pesante que, vivants ou morts, -ils ne peuvent flotter, que de tels êtres ne pussent vivre au sein de -la mer profonde, inconnus de nous, et, comme nous, descendants du grand -Thériomorphe de l'âge de la Terre Rouge. -</p> - -<p> -«Ils doivent nous connaître cependant comme des créatures étranges -et météoriques, accoutumées à dégringoler, accidentellement mortes, -à travers les mystérieuses ténèbres de leur ciel liquide, et non -seulement nous-mêmes, mais nos vaisseaux, nos métaux, nos appareils -qui pleuvent incessamment dans leur nuit. Quelquefois, des objets dans -leur chute doivent les atteindre, les écraser comme par le jugement de -quelque invisible pouvoir supérieur, et parfois il doit leur en venir -d'une rareté ou d'une utilité inappréciables, ou de formes -suggestives et inspiratrices. On peut comprendre, jusqu'à un certain -point, leur conduite à l'arrivée d'un homme vivant, si l'on pense à -ce qu'un peuple barbare ferait pense à une créature brillante et -auréolée qui descendrait soudain dans notre ciel. -</p> - -<p> -«Elstead dut probablement compléter une fois ou l'autre aux officiers -du <i>Ptarmigan</i> chaque détail de son étrange séjour de douze heures -dans l'abîme. Il est certain aussi qu'il eut l'intention d'en rédiger -le récit, mais qu'il ne le fit jamais. Et il nous faut donc -malheureusement rassembler les fragments disjoints de son histoire -d'après les souvenirs et les réminiscences du commandant Simmons, de -Weybridge, de Steevens, de Lindley et des autres. Nous pouvons nous -représenter vaguement, par images fragmentaires, l'immense et lugubre -édifice, les gens agenouillés et chantants, avec leur sombre tête de -caméléon, leur espèce de vêtement faiblement lumineux, et Elstead, -ayant de nouveau allumé sa lampe intérieure, essayant vainement de -leur faire comprendre qu'il fallait détacher la corde qui retenait la -sphère. Une à une, les minutes passaient, et Elstead, regardant sa -montre, découvrit avec terreur qu'il ne lui restait d'oxygène que pour -quatre heures encore. Mais les cantiques en son honneur continuaient, -aussi impitoyables que s'ils avaient été l'hymne funèbre de sa mort -prochaine. -</p> - -<p> -«Il ne comprit jamais de quelle façon il fut délivré, mais, à en -juger par l'extrémité de la corde qui restait attachée à la sphère, -elle avait dû être coupée par le constant frottement contre le rebord -de l'autel. Tout à coup la sphère roula, et il bondit hors de leur -monde, comme une créature éthérée, enveloppée de vide, traverserait -notre atmosphère pour retournera son éther natal. Il dut disparaître -à leurs yeux comme une bulle d'hydrogène monte dans l'air. Et ce dut -leur paraître une étrange ascension. -</p> - -<p> -«La sphère montait avec une vélocité plus grande encore que celle de -la descente, quand elle était alourdie par les fonceurs de plomb. Elle -devint excessivement chaude. Elle montait, les hublots en l'air, et il -se rappelle le torrent de bulles qui écumait contre la vitre. À chaque -instant, il s'attendait à la voir voler en éclats. Tout à coup, -quelque chose comme une immense roue sembla se mettre à tourbillonner -dans sa tête, le compartiment capitonné commença à tourner autour de -lui, et il s'évanouit. Puis ses souvenirs cessent jusqu'au moment où -il se retrouva dans la cabine et entendit la voix du docteur.» -</p> - -<p> -Telle est la substance de l'extraordinaire histoire qu'Elstead narra par -fragments aux officiers du <i>Ptarmigan</i>. Il promit de la fixer par -écrit plus tard, mais son esprit était surtout préoccupé par les -améliorations de son appareil, améliorations qui furent exécutées à -Rio. -</p> - -<p> -Il nous reste simplement à dire que, le 2 février 1896, il opéra sa -seconde descente dans l'abîme de l'Océan, avec les perfectionnements -que sa première expérience lui avait suggérés. On ne saura -probablement jamais ce qui est arrivé. Il n'est pas revenu. Le -<i>Ptarmigan</i> louvoya autour du point de sa submersion, le cherchant en -vain, pendant treize jours. Puis il revint à Rio, et la nouvelle fut -télégraphiée à ses amis. L'affaire en reste là pour le présent. -Mais il est peu probable qu'aucune nouvelle tentative soit faite pour -vérifier cette étrange histoire des cités jusqu'ici insoupçonnées -de l'abîme des mers. -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<h4><a id="LES_TRIOMPHES_DUN_TAXIDERMISTE">LES TRIOMPHES D'UN TAXIDERMISTE</a></h4> - -<p> -Voici quelques-uns des secrets de la taxidermie. Ils me furent -révélés par un taxidermiste, dans un moment d'expansion. Il me les -conta entre son premier et son quatrième verre de whisky, moment où -l'homme perd toute circonspection et, cependant, n'est pas encore ivre. -Nous étions dans son taudis, qui était à la fois sa bibliothèque, -son salon et sa salle à manger, et séparé, du moins quant à la vue, -par un rideau de bambous japonais, du fétide réduit dans lequel il -s'adonnait à ses travaux. -</p> - -<p> -Il était assis sur un fauteuil pliant, et, quand il ne s'en servait pas -pour cogner dans la cheminée les morceaux de charbon réfractaires, il -mettait ses pieds, lesquels étaient revêtus, en manière de sandales, -des saintes reliques d'une paire de pantoufles en tapisserie, loin du -plancher, sur le manteau de la cheminée, parmi les yeux en verre. Son -pantalon, entre parenthèses, bien qu'il n'ait rien à faire avec ses -triomphes, était d'une étoffe écossaise d'un jaune des plus horribles -et tel qu'on les faisait quand nos pères portaient des favoris et que -les crinolines se promenaient par les rues. De plus, sa chevelure était -noire, sa figure rose et son œil fauve ardent; son veston consistait -surtout en graisse sur une base de velours. Sa pipe avait un fourneau de -porcelaine représentant les trois Grâces; ses lunettes étaient -toujours de travers; l'œil gauche, petit et pénétrant, vous regardait -fixement par-dessus la monture, et l'œil droit s'apercevait vaguement -de l'autre côté du verre, agrandi et adouci. Il discourait en ces -termes: -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure05.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">LES TRIOMPHES D'UN TAXIDERMISTE.—«Il n'y a jamais -eu d'homme qui sache empailler comme moi!»</p> -</div></div> - -<p> -«Il n'y a jamais eu d'homme, mon cher Bellows, qui sache empailler -comme moi, jamais! J'ai empaillé des éléphants et j'ai empaillé des -phalènes! Et ils n'en paraissaient que plus vivants et mieux faits. -J'ai empaillé des êtres humains, surtout pour les ornithologues -amateurs. Même une fois, j'ai empaillé un nègre... -</p> - -<p> -«Non, il n'y a pas de loi qui le défende; je l'avais fait avec les -doigts écartés et m'en servais comme de porte-manteau; mais cet -imbécile de Homersby lui chercha querelle un soir, très tard, et le -démolit. Cela se passait avant que je ne vous connusse. C'est difficile -d'avoir des peaux, sans cela j'en aurais fait un autre. -</p> - -<p> -«Désagréable? Ma foi non! Il me semble que la taxidermie pourra plus -tard être substituée avec avantage aux inhumations et aux crémations. -Vous pourriez conserver auprès de vous tous ceux qui vous sont chers. -Un bric-à-brac de ce genre, disposé à travers la maison, vaudrait -autant que n'importe quelle compagnie et serait moins coûteux. Vous -pourriez les agencer avec des mouvements d'horlogerie et leur faire -des choses... -</p> - -<p> -«Évidemment il faudrait les vernir, mais il ne serait pas nécessaire -de les rendre plus brillants que ne le sont en nature des masses de -gens. Le crâne chauve du vieux Maningtree... Quoi qu'il en soit, on -pourrait causer avec eux sans être interrompu... même avec ses -vieilles tantes. Il y a un grand avenir réservé à la taxidermie, -croyez-le bien. Il y a les fossiles...» -</p> - -<p> -Il se tut soudain. -</p> - -<p> -«Non, il ne faut pas que je vous le dise...» -</p> - -<p> -Il tira méditativement quelques bouffées de sa pipe. -</p> - -<p> -«Oui, merci... pas trop d'eau... Vous savez, ce que je vais vous dire -doit rester entre nous. Vous n'ignorez pas que j'ai empaillé quelques -<i>dodos</i> et un grand pingouin? Comment? Non? Vous n'êtes évidemment -qu'un amateur en taxidermie. Mon cher monsieur, la moitié des pingouins -du monde sont à peu près aussi authentiques que le mouchoir de sainte -Véronique ou la Sainte Tunique de Trêves. Nous les faisons avec des -plumes de grèbes et autres oiseaux semblables. Et les œufs des grands -pingouins aussi!... Bon Dieu!... Oui, nous les faisons avec de la -porcelaine tendre... je vous avoue que cela en vaut la peine... Ils -atteignent... Ainsi, l'autre jour, il y en a un qui est monté jusqu'à -7500 francs. Je crois qu'il était réellement authentique, mais... on -ne peut jamais en être certain. C'est du très bel ouvrage, et puis... -après... il faut les empoussiérer, car aucun de ceux qui possèdent un -de ces œufs n'aurait la témérité de le nettoyer. C'est là la -beauté de l'affaire. Même s'ils avaient des soupçons sur leur œuf, -ils n'oseraient pas l'examiner de trop près. C'est, en somme, un -capital si fragile. -</p> - -<p> -«Vous ne saviez pas que la taxidermie pouvait s'élever à des hauteurs -pareilles... Mon pauvre garçon!... J'ai rivalisé avec la nature -elle-même! L'un des grands pingouins <i>authentiques</i> (sa voix n'était -plus qu'un murmure), l'un des grands pingouins <i>authentiques a été -fait par moi!</i> -</p> - -<p> -«Ah! mais non! Vous n'avez qu'à étudier l'ornithologie et trouver -vous-même lequel c'est. Et, ce qui est mieux, un syndicat de marchands -m'a proposé de pourvoir de spécimens une des régions inexplorées du -nord de l'Islande. Je le ferai peut-être un jour. Mais juste en ce -moment, j'ai une autre petite chose en mains. Avez-vous entendu parler -du <i>dinornis</i>? «C'est l'un de ces grands oiseaux dont l'espèce a -récemment disparu en Nouvelle-Zélande. On l'appelle communément Feuh, -sans doute parce qu'il est éteint. Vous comprenez?... Eh bien! on s'est -procuré de ses os, et on a même trouvé dans les marais des plumes et -des morceaux de peaux sèches. Et maintenant, je vais fabriquer—ma foi -ce n'est pas la peine d'en faire mystère—je vais fabriquer un Feuh -entièrement empaillé. Je connais quelqu'un là-bas qui prétendra -l'avoir découvert dans une sorte de marécage antiseptique et dira -qu'il l'a empaillé immédiatement parce qu'il menaçait de se -corrompre. Les plumes sont quelque chose de particulier, mais j'ai -trouvé un moyen simplement délicieux de les imiter avec des fragments -de plumes d'autruche passés à la flamme. Oui, c'est là l'odeur -nouvelle que vous avez remarquée. On ne pourrait se rendre compte de la -fraude qu'avec un microscope, et personne ne se soucierait de gâter -pour cela un beau spécimen. -</p> - -<p> -«De cette façon, vous voyez, je donne un petit coup d'épaule au -progrès de la science. Mais tout ceci n'est qu'une simple imitation de -la nature. De mon jeune temps, j'ai fait mieux que cela. Je l'ai... je -l'ai battue....». -</p> - -<p> -Il ramena ses pieds à terre et se percha confidentiellement vers moi. -</p> - -<p> -«J'ai <i>créé</i> des oiseaux, dit-il à voix basse, de <i>nouveaux</i> -oiseaux, des oiseaux comme on n'en avait encore jamais vu.» -</p> - -<p> -Il replaça ses pieds sur le manteau de la cheminée pendant un silence -impressionnant. -</p> - -<p> -«Enrichir l'univers... plutôt! quelques-uns des oiseaux que j'ai -fabriqués étaient des espèces nouvelles de colibris et de fort jolies -petites choses, mais quelques-uns étaient simplement fantaisistes. Le -plus drôle de ceux-là fut, je crois: l'Anomatoptéryx-Jejuna... -Jejunus-Jejuna-Jejunum—vide—ainsi appelé parce qu'il n'y avait -réellement rien dedans. Un oiseau absolument vide, à part la bourre. -C'est le vieux Jawers qui le possède maintenant et je suppose qu'il en -est presque aussi fier que moi. C'est un chef d'œuvre, Bellows! Il a -toute la niaise gaucherie du pélican, tout le solennel manque de -dignité du perroquet, la dégaine maigre et dégingandée du flamant, -avec tout l'extravagant conflit chromatique du canard mandarin. Un -oiseau pareil! Je l'ai fabriqué avec des fragments de squelettes -provenant d'une cigogne et d'un toucan, et un lot de plumes acheté -d'occasion. Ce genre de taxidermie, Bellows, est pour le véritable -artiste une joie sans mélange. -</p> - -<p> -«Comment j'en vins à le faire? C'est assez simple, comme toutes les -grandes inventions. L'un de ces jeunes génies qui rédige pour les -journaux des notes scientifiques, mit la main sur une brochure allemande -concernant les oiseaux de la Nouvelle-Zélande et la traduisit au moyen -d'un dictionnaire et de ses facultés naturelles; il s'embrouilla, -grâce à ces dernières, dans l'aptéryx vivant et l'anomatoptéryx -disparu, parla d'un oiseau haut de cinq pieds, vivant dans les jungles -de la Zélande septentrionale, dont les spécimens rares et timides -étaient difficiles à obtenir et ainsi de suite... Savary, qui, même -pour un collectionneur, est un homme miraculeusement ignorant, lut ces -paragraphes et jura qu'il aurait la chose à tout prix. Il tourmenta de -ses questions tous les marchands. Cela montre ce qu'un homme peut faire -avec de la persistance... avec de la volonté... Voilà un -collectionneur d'oiseaux jurant qu'il aurait un spécimen d'un oiseau -qui n'existe pas, qui n'avait jamais existé et qui, à la honte même -de sa dégaine profane, ne pourrait probablement pas exister maintenant -si on lui donnait la vie, et il l'obtint! -</p> - -<p> -«Encore un peu de whisky, Bellows?—fit le taxidermiste s'éveillant -d'une passagère contemplation des mystères de la volonté et de -l'esprit collectionneur, et, rasséréné, il continua à me conter -comment il avait façonné une sirène des plus séduisantes et comment -un prédicateur errant, qu'elle empêchait d'avoir un auditoire, la -détruisit sous prétexte d'idolâtrie. Mais comme la conversation des -personnages qui prirent part à cette transaction: créateur, acheteur -et destructeur, était uniformément impropre à la publication, ce -joyeux incident ne sera pas rédigé. -</p> - -<p> -Les lecteurs peu familiers avec les obscures méthodes des -collectionneurs seront peut-être enclins à douter du récit de mon -taxidermiste; mais pour ce qui concerne les œufs du grand pingouin et -les faux oiseaux empaillés, ses dires ont été confirmés par de -distingués ornithologistes; et les notes concernant l'oiseau de la -Nouvelle-Zélande ont paru de fait dans un journal du matin, d'une -réputation au-dessus de tout soupçon, car le taxidermiste en conserve -un exemplaire qu'il m'a montré. -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<h4><a id="LA_POMME">LA POMME</a></h4> - -<p> -—Il faut que je me débarrasse!—fit l'homme assis dans le coin -du compartiment, rompant brusquement le silence. -</p> - -<p> -M. Hinchcliff leva la tête, n'ayant qu'imparfaitement compris. Il -avait été jusqu'ici perdu dans la contemplation de sa cape -d'étudiant liée par un cordon aux poignées de sa valise, signe -extérieur et visible de sa position pédagogique récemment obtenue; il -était resté plongé dans le ravissement que lui causait cette cape et -les agréables perspectives qu'elle découvrait. Car M. Hinchcliff -venait de lui s'inscrire à l'Université de Londres et allait -rejoindre une place de sous-maître à l'école préparatoire -d'Holmwood—situation fort enviable. Il regarda avec étonnement son -compagnon de voyage à l'autre bout du compartiment. -</p> - -<p> -—Pourquoi ne pas la donner?—disait ce personnage.—La -donner!... pourquoi pas? -</p> - -<p> -C'était un homme de haute taille au teint mat et hâlé. Il avait les -bras nerveusement croisés sur la poitrine et il avait posé les pieds -sur la banquette qui lui faisait face. Il se mit à tirer sa moustache -noire et très longue, les yeux fixés sur le bout de ses bottines. -</p> - -<p> -—Pourquoi pas?—dit-il encore. -</p> - -<p> -M. Hinchcliff toussa. -</p> - -<p> -L'étranger leva les yeux—c'étaient des yeux gris foncé, très -perçants—et, pendant une minute, peut être, il fixa M. Hinchcliff -d'un air morne. Puis son visage sembla prendre une expression -d'intérêt. -</p> - -<p> -—Oui,—fit-il lentement,—pourquoi pas? Et en finir. -</p> - -<p> -—Je ne vous saisis, pas très bien, dit M. Hinchcliff en toussant une -seconde fois. -</p> - -<p> -—Vous ne me suivez pas très bien,—répliqua mécaniquement -l'étranger tandis que ses yeux bizarres erraient de M. Hinchcliff à -la valise d'où pendait avec ostentation la cape et revenaient à la -figure duveteuse de M. Hinchcliff. -</p> - -<p> -—Vos paroles sont si décousues, vous comprenez...—s'excusa M. -Hinchcliff. -</p> - -<p> -—Pourquoi pas!—dit l'étranger suivant sa pensée—Vous êtes -étudiant?—fit-il en s'adressant à M. Hinchcliff. -</p> - -<p> -—Je suis étudiant par correspondance à l'Université de -Londres.—dit M. Hinchcliff avec un orgueil non déguisé et portant -d'un geste nerveux sa main à sa cravate. -</p> - -<p> -—À la poursuite de la science,—dit l'étranger. Et il retira -soudain ses pieds de dessus la banquette, posa son poing sur son genou, -et contempla, M. Hinchcliff comme s'il n'avait jamais vu -d'étudiant de sa vie. -</p> - -<p> -—Oui!—et il fit un geste avec l'index tendu. -</p> - -<p> -Puis il se leva, prit dans le filet un sac de cuir qu'il ouvrit. Sans -le moindre mot il en tira un objet de forme ronde enveloppé d'une -quantité de papier d'argent qu'il déplia soigneusement. Il tendit -la chose à M. Hinchcliff: c'était un petit fruit d'un jaune doré -et très doux au toucher. -</p> - -<p> -M. Hinchcliff demeura un instant la bouche et les yeux grands ouverts. -Il n'essaya pas de prendre cet objet, même si on le lui offrait pour -qu'il le prît. -</p> - -<p> -—Ceci,—dit le fantastique étranger en articulant très -lentement,—est la Pomme de l'Arbre de la Connaissance. Regardez-la: -petite, brillante, merveilleuse... la Connaissance!... et je vais vous -la donner. -</p> - -<p> -L'esprit de M. Hinchcliff eut une minute de pénible effort, puis -l'explication évidente: fou, traversa son cerveau et éclaira toute -la situation; un fou d'humeur joyeuse. Il pencha un peu la tête. -</p> - -<p> -—La Pomme de l'Arbre de la Connaissance, hein?...—dit M. -Hinchcliff regardant le fruit, feignant un air d'extrême intérêt et -reportant ensuite ses regards sur son interlocuteur.—Mais pourquoi ne -le mangez-vous pas vous-même?...... Et d'ailleurs comment est-il venu en -votre possession? -</p> - -<p> -—Elle ne se flétrit jamais! Il y a trois mois que je la possède, et -elle est toujours brillante, et lisse, et mûre, et désirable comme -vous la voyez. -</p> - -<p> -Il posa sa main sur son genou et considéra la pomme d'un air rêveur, -puis il se mit à l'envelopper de nouveau dans ses papiers comme -s'il avait modifié son intention de la donner. -</p> - -<p> -—Mais comment l'avez-vous obtenue?—demanda M. Hinchcliff qui -avait l'esprit argumentatif—et comment savez-vous que c'est le fruit -de l'Arbre? -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure06.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">LA POMME.—Il vit, derrière lui, les herbes -en feu.</p> -</div></div> - -<p> -—J'ai acheté ce fruit,—dit l'étranger,—il y a trois mois, -pour une gorgée d'eau et une croûte de pain. L'homme qui me la céda, -parce que mes soins lui avaient conservé la vie, était Arménien. -L'Arménie! cette contrée merveilleuse! la première de toutes les -contrées! où l'Arche de Noé est restée, jusqu'à ce jour, -ensevelie dans les glaciers du mont Ararat. Cet homme, dis-je, fuyant -avec d'autres devant les Kurdes qui les avaient surpris, parvint en -des endroits déserts dans des montagnes... en des endroits que nul au -monde ne connaît. Fuyant devant ceux qui les poursuivaient, ils -arrivèrent sur un haut plateau entre les pics des montagnes. Il y -croissait une herbe verte dont les brins étaient comme des lames, qui -coupaient et déchiraient impitoyablement tous ceux qui s'aventuraient -à les traverser. Les Kurdes étaient à leurs trousses et il ne leur -restait d'autre chance de salut que de s'enfoncer dans ces herbes et le -pire fut que les sentiers qu'ils tracèrent au prix de leur sang -servirent aux Kurdes pour les suivre. Tous les fugitifs furent tués, -sauf cet Arménien et un autre. Il entendit les cris et les -gémissements de ses compagnons et le bruissement des herbes autour de -ceux qui les poursuivaient, car ces herbes s'élevaient presque à -hauteur d'homme. Il entendit des appels et des imprécations, et quand, -enfin, il s'arrêta, tout était silencieux. Il poussa de l'avant -quand même sans comprendre, déchiré et sanglant, jusqu'à ce -qu'il arrivât à une muraille de rocher au-dessous d'un précipice -d'où il vit, derrière lui, les herbes en feu et les fumées -s'élever comme un voile entre lui et ses ennemis. -</p> - -<p> -L'étranger s'arrêta. -</p> - -<p> -—Oui?—dit M. Hinchcliff,—et puis?... -</p> - -<p> -—Il se trouvait donc là, tout blessé et déchiré par les herbes -tranchantes, les rochers brûlants sous les rayons du soleil et la -fumée de l'incendie s'avançant vers lui. Il n'osa pas y rester. -Peu lui importait la mort, mais la torture!... Au loin, par delà la -fumée, il entendit des clameurs et des plaintes. Des femmes criaient. -Il se mit à escalader une gorge dans les rochers entre lesquels -poussaient des buissons aux branches sèches, qui sortaient comme des -épines entre les feuilles, et il se cacha dans une sorte -d'excavation. Il rencontra là son compagnon, un berger qui avait -aussi échappé au massacre. Estimant peu de chose le froid, la faim et -la soif à côté de la cruauté des Kurdes, ils continuèrent à -escalader les hauteurs parmi les neiges et les glaces. Ils errèrent -ainsi pendant trois longs jours. Le troisième jour, ils eurent une -vision. Je crois que les gens affamés ont souvent des visions, mais -dans le cas présent nous avons ce fruit. -</p> - -<p> -Il leva dans sa main le fruit enveloppé d'argent. -</p> - -<p> -—J'ai entendu ce récit de la bouche d'autres montagnards qui -savaient la légende. C'était le soir, à l'heure où le nombre des -étoiles augmente; ils descendaient, une pente de rocs lisses qui menait -vers une immense vallée sombre dans laquelle croissaient des arbres -bizarrement tordus, et de ces arbres pendaient de petits globes -phosphores cents comme des vers luisants, étranges lumières rondes et -jaunes. Soudain la vallée s'éclaira au loin, tout au loin d'une -flamme dorée qui s'avançait lentement, faisant paraître les arbres -rabougris aussi noirs que la nuit et jetant sur les pentes et les -contours des choses des reflets d'or. À cette vision, les deux -hommes, instruits des légendes des montagnes, surent qu'ils voyaient -l'Éden ou la sentinelle de l'Éden, prosternèrent leur visage contre -terre comme des hommes frappés de mort... Quand ils osèrent lever les -yeux, la vallée était de nouveau dans l'obscurité, puis la clarté -reparût venant vers eux, transparente comme l'ambre... Le berger, à -cette vue, bondit sur ses pieds et avec un grand cri se mit à courir à -toutes jambes vers la lumière, mais l'autre était trop effrayé pour -le suivre. Il demeurait étourdi, frappé de stupeur, terrifié, -regardant son compagnon s'éloigner vers la lueur mouvante. À peine -le berger avait-il pris sa course qu'il y eut un bruit comme un coup -de tonnerre, le battement d'ailes invisibles au-dessus de la vallée -et une épouvante indicible; en me contant la chose l'homme qui me -donna le fruit regardait anxieusement comme s'il cherchait encore -autour de lui à se sauver. Remontant la pente aussi vite qu'il le -pouvait, avec ce tumulte courant derrière lui, il se heurta contre un -de ces arbres rabougris et un fruit mûr tomba dans sa main: celui-ci. -Immédiatement il fut entouré d'un bruit d'ailes et de tonnerre. Il -tomba et s'évanouit, et, quand il reprit ses sens, il se retrouva au -milieu des ruines noircies et fumantes de son village où, avec -d'autres personnes, je donnais mes soins aux blessés. Une vision? -Mais il tenait encore serré dans sa main le fruit doré de l'arbre. -Il y avait là d'autres gens qui connaissaient la légende, qui -savaient ce qu'était cet étrange fruit. -</p> - -<p> -Il se tut. -</p> - -<p> -—Et le voici,—fit-il après un silence. -</p> - -<p> -C'était une histoire très extraordinaire pour être racontée dans -un compartiment de troisième classe sur une petite ligne de chemin de -fer du Surrey. On eût pu croire que le réel n'était qu'un voile -pour le fantastique et ici le fantastique était assez évident. -</p> - -<p> -—Vraiment!—fut tout ce que put répondre M. Hinchcliff. -</p> - -<p> -—La légende,—reprit l'étranger,—conte que ces fourrés -d'arbres nains croissant autour du jardin viennent de la pomme qu'Adam -tenait à la main quand Ève et lui furent chassés du paradis. Il sentit -quelque chose dans sa main, aperçut la pomme à demi mangée et la jeta -au loin avec colère. Là, depuis, croissent ces arbres, dans ce vallon -désolé, entouré de neiges éternelles, à l'entrée duquel les -épées de flammes montent la garde jusqu'au jour du jugement. -</p> - -<p> -—Je pensais,—dit M. Hinchcliff—que tous ces racontars -étaient... des fables... des paraboles... plutôt. Voulez-vous dire que -là-bas en Arménie... -</p> - -<p> -L'étranger répondit à la question inachevée en tendant le fruit -dans sa main ouverte. -</p> - -<p> -—Mais vous n'avez aucune certitude,—dit M. -Hinchcliff,—que c'est là le Fruit de l'Arbre de la Connaissance. -L'homme peut avoir eu... une sorte de mirage pourrait-on dire, supposons... -</p> - -<p> -—Regardez-le,—fit l'étranger. -</p> - -<p> -C'était, à coup sûr, un globe d'aspect étrange, non pas -exactement une pomme, comme M. Hinchcliff put s'en rendre compte, mais -un fruit d'une couleur dorée, brillant curieusement, comme si la -lumière elle-même faisait partie de sa substance. Tout en la -considérant, il se représentait plus vivement le vallon désolé au -milieu des montagnes, les épées de flammes qui le gardaient et tous -les étranges détails de l'histoire qu'il venait d'entendre. Il -se frotta les vigoureusement yeux. -</p> - -<p> -—Mais...—commença-t-il. -</p> - -<p> -—Il est resté tel que cela, lisse et frais pendant trois mois, un peu -plus longtemps que cela même, sans se dessécher, sans se flétrir, -sans se corrompre. -</p> - -<p> -—Mais... vous... vous-même... croyez vous réellement que...! -</p> - -<p> -—C'est le Fruit Défendu. -</p> - -<p> -Il n'y avait pas moyen de se méprendre sur la sincérité de ton et -sur la parfaite lucidité d'esprit de l'homme. -</p> - -<p> -—Le Fruit de la Connaissance,—dit-il. -</p> - -<p> -—Bien, admettons-le,—dit M. Hinchcliff après une pause -et les yeux toujours fixés sur le fruit,—mais après -tout,—continua-t-il, ce n'est pas mon genre de connaissances, le -genre de science qu'il me faut acquérir; d'ailleurs Adam et Ève l'ont déjà -mangée. -</p> - -<p> -—Nous avons hérité de leur péché et non de leur -connaissance,—répliqua l'étranger.—Si nous y goûtions -maintenant tout serait de nouveau clair et pur. Nous verrions au fond de -toutes choses, nous comprendrions les plus secrètes significations... -</p> - -<p> -—Pourquoi ne le mangez-vous pas, alors?—questionna M. -Hinchcliff, soudainement inspiré. -</p> - -<p> -—C'est dans cette intention que je l'avais pris,—dit -l'étranger.—L'homme est déchu. Seulement manger à nouveau le -fruit pourrait difficilement... -</p> - -<p> -—Savoir, c'est pouvoir!—dit M. Hinchcliff. -</p> - -<p> -—Mais est-ce le bonheur? Je suis plus vieux que vous, j'ai plus que -deux fois votre âge. Maintes et maintes fois j'ai tenu ceci dans ma -main et chaque fois le cœur m'a manqué à la pensée de tout ce -qu'on pourrait savoir... à pourrait savoir... à cette redoutable -lucidité... Supposez que tout à coup le monde entier vous devienne -impitoyablement clair? -</p> - -<p> -—Cela, je pense, serait en somme un grand avantage,—assura M. -Hinchcliff. -</p> - -<p> -—Supposez que vous puissiez voir dans les cœurs et les esprits de -ceux qui vous entourent, dans les recoins les plus secrets... des gens que -vous aimez, à l'amour de qui vous tenez? -</p> - -<p> -—On trouverait bien vite la comédie,—dit M. Hinchcliff, -grandement frappé par cette idée. -</p> - -<p> -—Et chose pire... se connaître soi-même... dépouillé de ses plus -intimes illusions... se voir soi même à sa place... voilà tout ce que -les désirs et les faiblesses nous ont empêché de faire... sans la -moindre indulgente atténuation... -</p> - -<p> -—Mais cela serait une chose excellente... Connais-toi toi-même!... -Vous souvenez-vous? -</p> - -<p> -—Vous êtes jeune!—dit l'étranger. -</p> - -<p> -—Si vous ne vous souciez pas de le manger et qu'il vous soit à -charge, pourquoi ne le jetez-vous pas, tout simplement? -</p> - -<p> -—Ici encore, sans doute, vous ne me comprendrez pas. Pour moi, je me -demande comment on pourrait jeter une chose comme celle-là, brillante, -merveilleuse? Une fois qu'on l'a, on est lié. Mais d'un autre -côté: la donner à quelqu'un qui ait soif de connaissances, qui -n'éprouverait aucune terreur à la pensée de cette claire -perception... -</p> - -<p> -—D'ailleurs,—risqua pensivement M. Hinchcliff,—ce peut -être quelque fruit vénéneux. À ce moment son œil aperçut par la fenêtre -du compartiment quelque chose d'immobile, l'extrémité d'un grand -écriteau blanc avec des lettres noires:... MWOOD. À cette vue, il -tressaillit: -</p> - -<p> -—Bon sang!—s'exclama-t-il,—Holmwood!... -</p> - -<p> -La réalité présente chassa soudain les imaginations mystiques -auxquelles il s'était abandonné. Il ouvrit la portière, sa valise -à la main. Déjà le chef de train donnait le signal du départ. M. -Hinchcliff sauta sur le quai. -</p> - -<p> -—Tenez!—fit une voix derrière lui. -</p> - -<p> -Il vit les yeux brillants et sombres de l'étranger et le fruit doré, -velouté et tentant sur la main ouverte de l'homme. Il le prit -instinctivement et le train s'ébranla. -</p> - -<p> -—Non!—cria l'étranger en faisant un geste comme pour le -reprendre. -</p> - -<p> -—Attention!—cria un employé se précipitant pour fermer la -portière. -</p> - -<p> -L'étranger, la tête et le bras passés à travers le carreau, cria -quelque chose que Hinchcliff ne comprit pas. Puis, l'ombre du pont le -cacha et en un clin d'œil il eut disparu. M. Hinchcliff, abasourdi et -le fruit merveilleux dans la main, regardait le dernier wagon du train -disparaître au tournant de la voie. L'espace d'une minute, son -esprit demeura confus; puis il se rendit compte que deux ou trois -personnes sur le quai l'examinaient avec intérêt. N'était-il pas -le nouveau maître de l'École Préparatoire, débutant dans ses -fonctions? Il lui vint à l'idée que le fruit pouvait très bien leur -paraître la naïve emplette d'une orange rafraîchissante. Cette -pensée le fit rougir et il enfonça le fruit dans la poche de son -veston où il fit une bosse ridicule. Mais il n'y avait pas moyen de -faire autrement et il se dirigea vers les gens qui l'observaient, -essayant maladroitement de dissimuler son embarras. Il s'enquit du -chemin qui devait le mener à l'École Préparatoire et des moyens de -faire porter sa valise, et les deux petites malles de fer qui étaient -là-bas au bout du quai. Oh! l'ennui de s'occuper de ces détails -vulgaires. -</p> - -<p> -On lui transporterait ses bagages sur une brouette pour dix sous et il -pouvait les précéder à pied. Il se figura surprendre une certaine -ironie dans les voix de ses interlocuteurs. Il éprouvait un sentiment -de gêne à la pensée de son aspect. -</p> - -<p> -Le ton de sincérité de son compagnon de voyage et le magique attrait -de son récit avaient, pendant un instant, détourné le cours des -pensées de M. Hinchcliff. Tout cela s'était interposé comme un -nuage lui dissimulant ses intérêts immédiats. Des flammes qui -erraient çà et là! La préoccupation de sa position nouvelle et de -l'impression qu'il lui fallait produire sur Holmwooden, en -général, et l'École en particulier, reprit totalement possession et -rasséréna son atmosphère mentale avant qu'il eût quitté la gare. -Mais il est extraordinaire, combien, pour un jeune homme sensé et -endimanché, peut être gênant d'avoir, en sus, un fruit doux au -toucher et délicatement doré, avec à peine trois pouces de diamètre. -Dans la poche de son veston noir, il faisait une bosse terrible gâtant -complètement la ligne. Il rencontra une vieille petite dame en noir -dont le regard fut attiré immédiatement par l'excroissance de sa -poche. Dans sa main gauche gantée, il tenait son autre gant et dans la -droite sa canne, de sorte que porter ostensiblement le fruit lui était -impossible. En un endroit où le chemin paraissait convenablement -désert il retira de sa poche l'encombrant objet et essaya de le -mettre sous son chapeau. La pomme était juste un peu trop grosse; le -chapeau dansait d'une façon grotesque et, au moment où il la -retirait, un garçon boucher tourna le coin de la route avec sa voiture. -</p> - -<p> -—Sacrebleu!—exclama M. Hinchcliff. -</p> - -<p> -Il l'aurait mangée incontinent, acquérant l'omniscience, mais il -eût été si stupide d'entrer en ville en suçant un fruit juteux car -évidemment il devait l'être. Si l'un des élèves venait à -passer, cela pourrait porter un sérieux dommage à son autorité -d'être vu dans cette posture. Ou bien le jus pourrait lui poisser la -figure et tacher ses manchettes. Ou bien encore ce pouvait être un jus -acide aussi fort que celui du citron et qui décolorerait ses -vêtements... -</p> - -<p> -Puis, au détour du chemin ensoleillé, il aperçut deux jolies filles. -Elles marchaient à petits pas vers la ville, bavardant, et à tout -moment elles pouvaient se retourner et dévisager derrière elles un -jeune homme à la figure rouge et portant à la main une tomate jaune -phosphorescente! Sûrement elles éclateraient de rire. -</p> - - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure07.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">LA POMME.—D'un geste rapide, il envoya le fruit -encombrant par dessus le mur d'un verger.</p> -</div></div> - -<p> -—Flûte!—dit M. Hinchcliff et d'un geste rapide, il envoya le -fruit encombrant par-dessus le mur de pierre d'un verger qui bordait la -route. -</p> - -<p> -Au moment où la pomme disparut, il éprouva de cette perte un vague -regret qui dura quelques secondes. Il reprit avec aisance sa canne et -son gant et se mit à marcher droit et satisfait pour dépasser les -jeunes filles. -</p> - -<p> -Mais dans les ténèbres de la nuit, M. Hinchcliff eut un rêve. Il vit -la vallée, les épées de flammes, les arbres rabougris et il sut que -c'était réellement le fruit de la Connaissance qu'il avait si -inconsidérément jeté, et il s'éveilla fort malheureux. -</p> - -<p> -Dans la matinée, son regret disparut, mais plus tard. Il revint le -tourmenter, jamais néanmoins lorsqu'il était heureux ou très -occupé. -</p> - -<p> -Enfin par une nuit de lune, vers onze heures, quand tout Holmwood fut -endormi, ses regrets reparurent avec une force redoublée et avec eux la -tentation de courir les aventures. Il se glissa hors de la maison, -escalada le mur, gagna à travers la ville silencieuse le chemin de la -gare et pénétra dans le verger où il avait jeté le fruit, mais il ne -put rien trouver parmi l'herbe humide et les fragiles globes de -pissenlits. -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<h4><a id="LHOMME_VOLANT">L'HOMME VOLANT</a></h4> - -<p> -L'ethnologue considéra pensivement la plume de Bhimraj. -</p> - -<p> -—Il semblait ne guère tenir à s'en séparer, dit—il. -</p> - -<p> -—Elle est sacrée pour les chefs, répondit le lieutenant, comme la -soie jaune est sacrée pour l'empereur de Chine. -</p> - -<p> -L'ethnologue ne répondit pas. Il hésitait; puis entrant brusquement -en matière, il demanda: -</p> - -<p> -—Quel est ce conte à dormir debout, qu'ils racontent à propos -d'un homme volant? -</p> - -<p> -Le lieutenant eut un faible sourire. -</p> - -<p> -—Que vous ont-ils dit? -</p> - -<p> -—Je vois, fit l'ethnologue, que vous êtes au courant de votre -renommée. -</p> - -<p> -Le lieutenant se mit à rouler une cigarette. -</p> - -<p> -—J'aimerais bien entendre une fois de plus cette histoire, fit-il, -pour voir où elle en est maintenant. -</p> - -<p> -—Elle est si stupidement enfantine! reprit l'ethnologue quelque peu -irrité. Comment leur avez-vous joué ce tour-là. -</p> - -<p> -Le lieutenant garda le silence et, toujours souriant, se renversa dans -son fauteuil. -</p> - -<p> -—Voici donc que j'ai fait un détour de cinq cents kilomètres pour -recueillir le folklore que ces gens ont pu conserver, avant qu'ils ne -soient complètement démoralisés par les missionnaires et les -militaires, et je ne trouve qu'un tas de légendes impossibles au sujet -d'un diable de lieutenant d'infanterie à tête rousse. Comment il -est invulnérable, comment il peut sauter par-dessus les éléphants, -comment il peut voler! Et bien d'autres sottises! Un respectable -vieillard m'a décrit vos ailes disant qu'elles étaient d'un -plumage noir, mais pas tout à fait aussi long qu'une mule. Il -prétend qu'il vous a vu souvent au clair de lune voltiger au-dessus des -collines vers le pays de Shendon. Que le diable vous emporte!... -</p> - -<p> -Le lieutenant éclata de rire gaiement. -</p> - -<p> -—Continuez, dit-il, continuez... -</p> - -<p> -L'ethnologue continua jusqu'à ce qu'il en eût assez. -</p> - -<p> -—En faire accroire pareillement à ces enfants des montagnes encore -ingénus! Comment avez-vous pu faire cela? -</p> - -<p> -—J'en suis très fâché, dit le lieutenant, mais vraiment j'y fus -bien obligé. Je puis vous affirmer que la chose s'imposait et je -n'avais pas alors, la moindre idée de la façon dont l'imagination -de ces gens la prendrait. -</p> - -<p> -«Pas la moindre curiosité non plus. Je puis seulement invoquer que ce -fut une indiscrétion et nullement la malice qui m'a fait remplacer le -folklore par une nouvelle légende. Mais comme vous semblez chagriné, -je vais essayer de vous expliquer l'affaire. -</p> - -<p> -«C'était à l'époque de l'avant-dernière expédition contre -les Lou-Chaï, et Walters croyait que ces gens que vous venez de visiter -étaient animés pour nous d'intentions amicales; aussi, avec une -allègre confiance dans mes capacités à me tirer d'affaire, il -m'envoya là-haut, dans la gorge, à vingt kilomètres d'ici, avec -trois soldats européens, une douzaine de cipayes, deux mules et sa -bénédiction, pour me rendre compte des sentiments populaires du -village que vous avez visité. Une troupe forte de dix hommes sans -compter les mules, vingt kilomètres à faire et en temps -d'hostilité! Vous avez vu la route? -</p> - -<p> -—La route! fit l'ethnologue. -</p> - -<p> -—Elle est meilleure maintenant qu'elle ne l'était autrefois. Il -nous fallut suivre le lit de la rivière pendant quinze cents mètres à -l'endroit où la vallée se rétrécit. Il y avait un courant rapide -qui écumait autour de nos genoux et roulait sur des pierres aussi -glissantes que de la glace. C'est là que je laissai tomber ma -carabine. Plus tard, les sapeurs firent sauter le rocher à la dynamite -pour faire la voie plus commode que vous connaissez. Dans ce temps-là, -on suivait par le bas, au long des hauts rochers à pic et il fallait -sans cesse contourner la rivière, sans compter qu'on devait la -traverser une douzaine de fois sur une longueur de trois kilomètres. -</p> - -<p> -«Nous arrivâmes en vue de la place le lendemain matin de bonne heure. -Vous savez où elle se trouve! Sur un contrefort à mi-chemin entre les -hauteurs, et comme nous commencions à apprécier la trompeuse -tranquillité du village ensoleillé, nous nous arrêtâmes pour tenir -conseil. -</p> - -<p> -«Alors en guise de bienvenue, ils nous envoyèrent un morceau d'idole -de cuivre: le bloc descendit la pente droite, passa à un pouce de mon -épaule et tamponna la mule qui portait les provisions et les -ustensiles. -</p> - -<p> -«Jamais, ni avant cela, ni depuis, je n'entendis de pareil vacarme. -À ce moment nous aperçûmes un certain nombre de gentlemen portant des -fusils à pierre, revêtus d'espèces de torchons à carreaux de -couleurs, et faisant un détour au long d'un sentier entre le village -et les hauteurs, vers l'est. -</p> - -<p> -—«Volte-face! commandai-je, et espacez-vous. -</p> - -<p> -«Avec cet encouragement, mon expédition de dix hommes fit demi-tour et -se mit à redescendre la vallée d'un trot leste. Nous ne nous -attardâmes pas à sauver la moindre chose de la charge de notre -mort,—mais, par un sentiment d'amitié, nous emmenâmes avec nous la -seconde mule, qui portait ma tente et diverses hardes. -</p> - -<p> -«Ainsi se termina la bataille—sans gloire! Jetant un coup d'œil en -arrière, je vis la vallée toute parsemée de vainqueurs qui poussaient -des cris et nous tiraient dessus. Mais personne ne fut atteint. Ces gens -ne sont guère à craindre avec leurs fusils; ils ne savent toucher -qu'un but fixe. Il leur faut se mettre en joue et viser pendant des -heures, et quand ils tirent en courant, c'est simplement pour faire du -tapage. Hooker, l'un de mes soldats blancs, se croyait bon tireur, et -il s'arrêta une demi-minute pour risquer la chance d'en abattre un, -mais il nous rattrapa bredouille. -</p> - -<p> -«Je ne suis pas un Xénophon pour débiter une longue histoire sur mon -armée en retraite. Pendant les deux ou trois kilomètres qui suivirent, -il nous fallut par deux fois arrêter l'ennemi qui nous pressait un -peu trop, et échanger quelques coups de feu. Mais l'affaire fût, en -somme, assez monotone—on s'essoufflait seulement—jusqu'à ce que -nous fussions parvenus à l'endroit où les hauteurs descendent vers -la rivière et resserrent la vallée en un simple défilé. Là, fort -heureusement, j'aperçus une demi-douzaine de têtes noires qui -venaient nous prendre en écharpe du haut des rochers, sur la gauche—à -l'est, en réalité. -</p> - -<p> -«À cette vue, je commandai halte. -</p> - -<p> -«—Attention maintenant. Qu'allons-nous faire? dis-je à Hooker et -aux autres, en indiquant les têtes noires. -</p> - -<p> -«—Je veux bien être nègre, si nous ne sommes pas chipés, dit l'un -des hommes. -</p> - -<p> -«—Nous le serons, répondit un autre. Tu connais les façons de ces -bougres, hein, Georges? -</p> - -<p> -«—Ils vont nous tirer au gîte à cinquante mètres, déclara Hooker, -à l'endroit où la rivière s'étrangle. Autant se suicider que de -continuer à descendre. -</p> - -<p> -«Je regardai la hauteur à notre droite. Elle tombait presque à pic au -bas de la vallée, mais elle paraissait pouvoir être escaladée et tous -les ennemis que nous avions vus jusqu'ici étaient de l'autre côté -de l'eau. -</p> - -<p> -«—C'est cela, ou s'arrêter! fit l'un des cipayes. -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure08.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">L'HOMME VOLANT.—Je retournai vers l'homme qu'une -balle avait atteint à la jambe, et je le pris dans mes bras.</p> -</div></div> - -<p> -«Nous nous mîmes à grimper obliquement la colline. Il y avait une -sorte de vague sentier qui montait en biais et nous le suivîmes. -Bientôt, quelques ennemis parurent en vue vers le haut de la vallée, -et j'entendis quelques coups de feu. J'aperçus alors un des cipayes -qui s'était assis à trente mètres plus bas. Il s'était arrêté, -sans un mot, pour ne pas donner d'inquiétude apparemment. De nouveau, -je commandai halte. Je dis à Hooker d'essayer d'abattre quelques -ennemis et je retournai vers l'homme qu'une balle avait atteint à -la jambe. Je le pris dans mes bras et le portai jusqu'à la mule sur -laquelle je l'installai,—la pauvre bête était déjà suffisamment -chargée avec la tente et les autres fourbis que nous n'avions pas le -temps de détacher. Quand j'eus rejoint le reste de la troupe, Hooker -avait sa carabine vide à la main et indiquait, en riant, vers le haut -de la vallée, une tache noire immobile. Tous les autres ennemis -s'étaient dissimulés derrière des roches ou avaient fui au delà de -la courbe. -</p> - -<p> -«—À cinq cents mètres, fit Hooker; et je parie que je l'ai touché -en pleine tête. -</p> - -<p> -«Je l'engageai à recommencer un aussi beau coup, et nous nous -remîmes en route. -</p> - -<p> -«La pente maintenant devenait plus abrupte, et le sentier moins marqué -à mesure que nous montions. Bientôt, au-dessus et au-dessous de nous, -ce furent plus que des falaises. -</p> - -<p> -«C'est le plus beau chemin que j'aie vu dans ce pays de Lou-Chaï, -dis-je pour encourager les hommes, mais, en moi-même, je redoutais ce -qui allait arriver. -</p> - -<p> -«Au bout de quelques minutes, le chemin tournait court autour de la -falaise. Puis c'était tout: le sentier se terminait là. -</p> - -<p> -«En se rendant compte de la position, l'un des hommes se mit à jurer -et à maudire le piège dans lequel nous avions donné. Nous nous -trouvions sur une sorte de plate-forme qui devait être, au plus, large -de dix mètres. Les rochers s'élevaient en surplombant au-dessus de -nous de sorte qu'on ne pouvait nous fusiller d'en haut, et devant -nous s'ouvrait un précipice de deux ou trois cents pieds de -profondeur. En nous couchant contre le sol, nous étions invisibles pour -ceux qui auraient été de l'autre côté du ravin. -</p> - -<p> -«La seule approche que nous pussions craindre était au long du -passage, et un homme bien embusqué à l'entrée valait une armée. -Nous étions dans une forteresse naturelle, avec un seul désavantage: -nos uniques provisions contre la faim et la soif était une mule -vivante. Cependant, nous étions éloignés de douze ou quinze -kilomètres du gros de l'expédition, mais sans doute, quand ils nous -verraient absents un jour ou deux, ils enverraient à notre recherche si -nous ne rentrions pas. Au bout d'un jour ou deux...» -</p> - -<p> -Le lieutenant se tut soudain. -</p> - -<p> -«—Avez-vous jamais eu soif, Graham? -</p> - -<p> -«—Jamais de cette façon-là, répondit l'ethnologue. -</p> - -<p> -«—Hum! nous avons eu soif pendant toute cette journée, pendant la -nuit suivante et tout le lendemain avec seulement quelques gouttes de -rosée obtenues en tordant divers linges et la tente. Au-dessous de -nous, la rivière coulait avec des glouglous contre un rocher qui se -dressait au milieu du courant. Jamais je n'ai vu une pareille absence -d'incidents et une pareille intensité de sensation. Le soleil -obéissait sans doute encore à l'ordre de Josué, car il ne bougeait -guère; il flamboyait comme une fournaise ardente. Vers le soir du -premier jour, l'un des deux soldats blancs marmotta quelque chose que -personne ne comprit, et il s'en alla en suivant le chemin par où nous -étions venus. Nous entendîmes des coups de feu, et quand Hooker alla -voir à l'entrée du passage, l'homme avait disparu. Le lendemain -matin le cipaye blessé eut le délire et il sauta, ou il tomba, dans le -ravin; alors nous abattîmes la mule et elle aussi dégringola, dans ses -dernières secousses, au bas du précipice, et nous restâmes huit. -</p> - -<p> -«Nous apercevions, tout au fond du gouffre, le corps du cipaye, dont la -tête plongeait dans l'eau. Il était à plat ventre, et autant -qu'on pouvait s'en rendre compte il paraissait fort peu meurtri. -Malgré tout le désir de l'ennemi d'avoir cette tête. Il -n'osèrent pas s'approcher avant la nuit. -</p> - -<p> -«D'abord, nous parlâmes des chances qu'il y avait que le gros de -la troupe ait entendu notre fusillade, et nous tâchions de supputer à -quel moment ils remarqueraient notre retard, et mille autres choses. -Mais nous nous desséchions réellement à mesure que les heures -passaient. Les cipayes jouèrent entre eux avec des cailloux, puis -racontèrent des histoires. La nuit fut assez froide. Le second jour -personne ne parla. Nos lèvres étaient noires et nos gosiers en feu: et -nous restions étendus sous la roche, nous regardant les uns les autres. -L'un des réguliers se mit à tracer sur le rocher avec un morceau de -tuyau de pipe des blasphèmes et des invectives comme une sorte de -testament et je dus le faire cesser. Tandis que je regardais, au fond de -la vallée, la rivière couler et bouillonner, J'étais presque tenté -de suivre le cipaye. Cela semblait attirant et désirable de -dégringoler le long de la pente, avec au bas quelque chose à -boire—ou, du moins, plus de soif du tout. Cependant, je me souvins à -temps que je commandais le détachement et que mon devoir était de -donner le bon exemple, et cela m'empêcha de commettre une sottise. -</p> - -<p> -«C'est en pensant à cela qu'une idée me vint. Je me levai et -examinai la tente et, ses cordes, et je m'étonnai de n'y avoir pas -pensé plus haut. Puis, j'allai jusqu'au bord de la falaise mesurer -de l'œil la distance. Cette fois la hauteur me sembla plus grande et -la pose du cipaye quelque peu plus pénible. Mais il n'y avait que ce -moyen ou rien... et, pour vous le dire sans plus de détour, je -descendis en parachute. -</p> - -<p> -«Je pris un grand cercle de toile de la tente, environ trois fois grand -comme ce tapis de table. Je fis un trou dans le milieu, je liai huit -cordes autour qui se réunissaient au centre pour former un parachute. -Les autres me regardaient, croyant sans doute à quelque nouveau genre -de délire. Alors j'expliquai mon plan aux deux réguliers, et, -aussitôt que le rapide crépuscule fut devenu nuit pleine, je risquai -l'expérience. Les deux hommes tinrent l'instrument élevé et je -pris mon élan de toute la longueur de la plate-forme. Mon parachute -s'emplit d'air comme une voile, mais je dois avouer qu'arrivé au -bord j'eus la venette et je m'arrêtai court. -</p> - -<p> -«Mais j'eus aussitôt honte de moi-même; je retournai à -l'extrémité de la plate-forme et me lançai de nouveau. Cette fois, -je sautai—avec une sorte de sanglot, je me le rappelle—je -sautai en plein dans le vide, avec la grande voile, blanche qui se gonflait -au-dessus de moi. -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 300px;"> -<img src="images/figure09.jpg" width="300" height="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">L'HOMME VOLANT.—«À cette vue, j'aurais bien voulu -pouvoir remonter.»</p> -</div></div> - -<p> -«Mes pensées durent se précipiter avec une vitesse effrayante. Il -sembla s'écouler un long moment avant que je pusse être sûr que mon -instrument resterait droit. D'abord il se balança de côté et -d'autre. Puis, je remarquai la muraille de rocs qui semblait monter -devant mes yeux, pendant que je me figurais rester immobile. Je regardai -au-dessous de moi, et je vis les eaux sombres de la rivière et le -cadavre du cipaye qui venaient, à ma rencontre. Mais dans -l'indistincte clarté, je discernai aussi trois ennemis, ahuris de me -voir arriver, et le cipaye décapité. À cette vue j'aurais bien -voulu pouvoir remonter. -</p> - -<p> -Au même instant, ma botte entrait dans la bouche d'un des ennemis, et -lui et moi ne formions plus qu'un seul tas avec la toile qui -s'abattait sur nous en se dégonflant. Sans doute, j'avais dû faire -jaillir la cervelle de l'homme sous mon pied. Je n'attendais rien -d'autre que d'être à mon tour massacré, mais les pauvres païens, -qui n'avaient jamais entendu parler de Baldwin, prirent immédiatement -la fuite. -</p> - -<p> -«Je me dépêtrai de la toile et du cadavre et jetai un regard autour -de moi. À environ dix pas se trouvait la tête du cipaye, les yeux -fixes, au clair de lune. Puis, j'aperçus l'eau et je courus boire. -Il n'y avait d'autre bruit au monde que celui de la retraite -précipitée des ennemis, un faible cri qui me parvint d'en haut et le -murmure du courant. Dès que j'eus bu tout mon soûl, je descendis au -long de la rivière. -</p> - -<p> -«Telle est l'explication de l'histoire de l'homme volant. Pendant -les douze kilomètres que je fis pour rejoindre l'expédition, je ne -rencontrai âme qui vive. J'arrivai au camp de Walters vers dix heures -et le stupide imbécile qui était de faction eut le toupet de me tirer -dessus lorsque je surgis au trot hors des ténèbres. Aussitôt que je -fus parvenu à faire entrer mon récit dans le crâne épais de Walters, -cinquante hommes se mirent en route pour aller débarrasser la vallée -des ennemis et ramener nos hommes. Mais j'avais eu pour ma part -suffisamment soif pour ne pas aller la provoquer de nouveau en les -accompagnant. -</p> - -<p> -«Vous avez entendu quelle sorte de légende ils ont fabriquée avec -cela. Des ailes grandes comme une mule, hein? et des plumes noires? Le -bon lieutenant transformé en oiseau. Bon! bon!» -</p> - -<p> -Un instant le lieutenant resta plongé dans quelque joyeuse méditation, -puis il ajouta: -</p> - -<p> -—Vous ne le croiriez pas, mais quand ils arrivèrent à la plate-forme, -deux cipayes avalent sauté en bas. -</p> - -<p> -—Le reste allait bien? demanda l'ethnologue. -</p> - -<p> -—Le reste allait bien, à part la soif. Et à ce souvenir le lieutenant -se versa un nouveau verre de whisky et de soda. -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DANS L’ABÎME ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ -concept and trademark. 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Information about the Mission of Project Gutenberg™ -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s -goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg™ and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state’s laws. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, -Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up -to date contact information can be found at the Foundation’s website -and official page at www.gutenberg.org/contact -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state -visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Please check the Project Gutenberg web pages for current donation -methods and addresses. Donations are accepted in a number of other -ways including checks, online payments and credit card donations. To -donate, please visit: www.gutenberg.org/donate -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Professor Michael S. Hart was the originator of the Project -Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of -volunteer support. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Most people start at our website which has the main PG search -facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This website includes information about Project Gutenberg™, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. -</div> - -</div> - -</body> -</html> diff --git a/old/64590-h/images/figure01.jpg b/old/64590-h/images/figure01.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 2354429..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure01.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64590-h/images/figure02.jpg b/old/64590-h/images/figure02.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 9982b1f..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure02.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64590-h/images/figure03.jpg b/old/64590-h/images/figure03.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index cfddb6c..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure03.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64590-h/images/figure04.jpg b/old/64590-h/images/figure04.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 5c6f8eb..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure04.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64590-h/images/figure05.jpg b/old/64590-h/images/figure05.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 70251b9..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure05.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64590-h/images/figure06.jpg b/old/64590-h/images/figure06.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 4aa2b7e..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure06.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64590-h/images/figure07.jpg b/old/64590-h/images/figure07.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 4490a9d..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure07.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64590-h/images/figure08.jpg b/old/64590-h/images/figure08.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index c0fc1dc..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure08.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64590-h/images/figure09.jpg b/old/64590-h/images/figure09.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index e44f936..0000000 --- a/old/64590-h/images/figure09.jpg +++ /dev/null |
