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Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je +crois, elle fut dupe. + +_La file violée_, p. 8. + +_L'amant trop complaisant_, p. 9. + +_La femme chere à vivre_, p. 10. + +III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé. + +_Conte du ministre et de la servante_, p. 13. + +IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier. + +_Conte de l'âne bâté_, p. 15. + +_Conte du nom du paysan_, p. 17. + +V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux +mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans +une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée. +Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son +rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes +délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement. + +_La famille bien élevée_, p. 23. + +_Le paysan et le rapporteur_, p. 25. + +VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la +conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus +impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la +femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par +l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la +main. + +_Conte du barbier_, p. 32. + +VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier +qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties +singulieres. + +_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35. + +_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39. + +_Pari d'un paysan_, p. 40. + +VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de +séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques +& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité. +Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque. +Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau +froide. + +_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44. + +_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47. + +_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50. + +IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les +prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés, +présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de +prédicateurs. + +X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur; +explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les +convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui +déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne +se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un +François. + +_Le curé curieux_, p. 55. + +_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60. + +XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien. +Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une +épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de +circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central. +Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on +presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens +très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui +fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église. +Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés. + +_Conte du cheval chrétien_, p. 64. + +_La fille & l'oeuf_, p. 66. + +_Conte du crucifix du curé_, p. 67. + +XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des +prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats & +rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils +s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris +pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste +que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le +transport au cerveau. + +_Soldat pris en maraude_, p. 73. + +_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77. + +XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre +nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une +connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage. +Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le +lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la +fourchette de St. Carpion. + +_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82. + +_La fourchette de S. Carpion_, p. 86. + +XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui +peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des +femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce +qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent +encore. Conversation de Frostibus & de Luther. + +XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une +abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour +rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On +recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour +épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi & +privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si +reconnoissantes. + +_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105. + +XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne +cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la +maison. Métier de huguenot à vendre. + +XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans +son genre. + +XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont +les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable +au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas +obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le +latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai. + +_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125. + +XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes. +Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce +qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un +maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être +ministre, c'est à peu-près de même. + +XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison. +Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_. + +_Confession du Chien_, p. 135. + +XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande +dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la +Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un +bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine, +qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont +faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le +nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il +y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames. +Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas +les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le +sotier de Genêve. + +_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153. + +XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire +des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou +l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_. +Obstination d'une femme. Invention du célibat. + +_Conte des génitoires noires_, p. 156. + +XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux +prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que +cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand +on passe devant la porte d'une putain. + +XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots +plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal. + +_Le Pendu de Douai_, p. 166. + +_La bonne fortune de Colette_, p. 170. + +XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces. + +XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_. + +XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le +fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche +la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets +singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante. + +XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu +de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris +pour le diable. + +_Conte de Jean Tenon_, p. 181. + +_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184. + +XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui +croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités +d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve +clairement que Rabelais a été évêque. + +XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter +des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni. +Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties. +Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue +par un savant & un menuisier. + +_Femme qui rend le pain béni_, p. 195. + +XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots. +Rêverie de Cardan. + +XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante +demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide +de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la +femme battue. + +XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de +l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible. + +XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de +l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois. +Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de +conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere +de connoître les hommes & les femmes fideles. + +_La femme battue_, p. 208. + +_Le jeu de la courte-paille_, p. 216. + +XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de +part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse +favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte +de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on +en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce +livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses +affaires par trop de zele de son valet. + +_Conte de la femme bercée_, p. 220. + +XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la +bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées. +Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de +souliers en une heure. + +XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort +demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique. + +XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les +Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux +dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation +s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une +marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon +de se torcher le cul avec du papier blanc. + +_Le jardinier & sa femme_, p. 239. + +_Le faiseur d'enfans_, p. 242. + +XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où +une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir +de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de +femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il +faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui +n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le +condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un +libraire à l'article de la mort. + +XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de +contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître. +Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, & +quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le +prunier, devinez ce que c'est. + +XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur +l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_. + + + + +LE + +MOYEN + +DE + +PARVENIR. + + + + +LEÇON. + + +I. Il n'y a rien tel que faire bonne chere, besogner un peu, & avoir de +l'argent. Voilà , le sage Ulisse préféroit la cuisine au nectar & à +l'ambroisie de la belle Calipso. Aussi, que diable servent tant de +vétilles? Il n'est que de faire grand-chere, & se réjouir; c'est vivre +cela: &, n'en déplaise à ces couillasses de prédicateurs, qui se crévent +tous les jours de la semaine, pour jeûner la nuit, comme bons +catholiques, lequel vaut mieux crever de graisse ou sécher de pauvreté? +C'est ce que me disoit mon compere Bagautier, qui avoit la vérole: +autant vaut pourir sur terre, qu'en terre, & puis qu'on a un jouet, que +Dieu a donné pour s'ébattre, que si cela ne se faisoit, on troubleroit +toutes les fusées du grand dévidoir du destin. + +CÉSAR. Je ne sais quel petit semblant; mais jamais je ne fus sur aucune +pour néant. + +HERODOTE. Ne le prenez pas là pour néant; c'est-à -dire, un coup, & puis +plus. Cela vaut autant qu'à coupe-cul. Il m'en avint ainsi, quand je +donnai une chaîne d'or à la belle Drogueuse; qui la prit, & me fit +passer une nuit avec elle joyeusement. Depuis, quand j'y voulus aller, +ne me connut plus. Elle est de celles qui le veulent faire sans péché & +scandale. On ne s'apperçut jamais pour un coup. Un refus à un, qui l'a +fait une fois, est le corrigement de toutes les autres; & afin que vous +ne me gaussiez, je vous déduirai mon aventure de cette-ci. Un meûnier +avoit une belle femme; _elle se nommoit Denise, aimoit mieux chauffer +son cas, que brûler sa chemise_: & puis on dit que je radote, ramenant +les vieux proverbes. + +ERASME. Mais comment diriez-vous en un mot, une femme qui se chauffe, & +a un chat entre les jambes ou sous ses robes? + +HÉRODOTE. C'est _consumis_. Et s'il n'y avoit point de chat, ce seroit +_convoitison_. Or vous qui en savez tant, dites-moi en grec ou en latin, +c'est tout un, comment vous diriez en un mot un homme qui n'a point +d'argent, qui en voudroit bien avoir, qui en feroit grand-chere. + +ERASME. Voilà bien des paroles, ô, ho, a, ha; il ne faut que dire: +_ego_; parguoi, vous vous y entendez, comme un aveugle à tirer des +cirons. Mais revenons un peu à cette meûniere. + +HÉRODOTE. Le curé présente donc son service d'amour à Denise; & elle le +refuse tout sec, d'autant qu'elle n'étoit pas encore saoule de son mari. +Il la presse, & continue importunément sa recherche, parce qu'en usage +de prêtre, il ne faut que pousser & s'encrucher. + +CUSA. Je pense que tu as été prêtre, ou moine, pour autant que tu les +déprises ainsi; & que tu ne saurois tant de leurs affaires. + +HÉRODOTE. Oui, j'étois le nourricier de leur cul, je lui baillois de la +bouillie, & ce qui me demeuroit aux doigts, je le vous faisois lécher. +Denise fâchée, & aussi importunée qu'une garce qui a deux maîtres +d'ordinaire, lesquels sont comme les bouchers de notre pays, qui sont +deux à une bête, dit à son mari que ce prêtre la requeroit de lui faire +tout ainsi qu'il lui faisoit, quand ils s'ébattoient pour s'endormir. Le +mari y ayant pensé, & s'estimant trop homme de bien, pour n'être point +cocu, jugea qu'il le falloit être à profit; & qu'aussi bien ne +pouvoit-il faillir que cela n'avînt, ou pour néant, ou à son +désavantage, ainsi qu'ordinairement il échet à vous autres messieurs. Ne +voulant donc demeurer à l'être, comme une pauvre sorte de marauds qui +n'ont point d'amis, lui dit qu'il falloit y aviser, & que si ce curé lui +vouloit donner ses quatre septiers de froment, qu'il avoit eu de son +gros de saint Maurice d'Angers, (qui est le fils de celui de Tours, à ce +qu'on m'a dit) qu'elle ne feroit point mal d'y entendre. Ma mie, il fait +bon gagner quelque chose, cette année que tout est si retiré: une nuit +n'est pas tant, il y en a plus que de semaines. De par dieu, soit. Il +est bonne personne; il n'en sera que plus gentil, & nous en aimera +mieux; il nous confessera pour rien; fait bon épargner. Il n'est si bel +argent qui ne s'en aille. J'irai aux champs; & tu lui donneras une +assignation. Une fois n'est pas tant, pour avoir du bled; s'il le veut, +il aura du plaisir; mais il le paiera. Est-ce pas raison? Promets-lui; +mais n'y faudroit pas retourner. Pour une nuit, passe; tu auras eu +autant de bon tems, tandis que je m'épargnerai pour une autre fois; +aussi-bien me faut-il un peu reposer; mais n'y faudroit pas retourner. +O! mon ami, j'aimerois mieux être tombée sur la pointe d'un oreiller, & +m'être rompu le cou sans me faire mal, saine & sauve soit la compagnie, +que d'y avoir pensé. Le complot pris, Denise attendit le curé, qui ne +faillit à venir encore pour tendre ses gluaux. Ainsi qu'il est à deviser +avec elle sur le sujet d'enfiler des perles, elle lui dit: en da vere, +vous causez assez, vous autres prêtres, & voulez avoir ébat; mais vous +ne voulez rien donner. O, ho! & ne tient-il qu'à cela? Demande-moi tout +ce que tu voudras; tout ce que j'ai est à toi, mon connaud; dis-moi ce +que tu veux. Mon mignon, j'ai un mari fâcheux; & il me gronde, parce que +j'avons faute de bled. Donnez-moi vos quatre septiers de froment; & +venez coucher avec moi, quand vous voudrez, pourvu que mon mari soit +allé aux champs. Il pourra bien y aller ce soir; attendez & revenez +après vêpres, & je vous le dirai; si d'aventure vous ne le voyez passer +sur son grand mulet. Le curé sortit. Le mari, tout averti, monte sur son +mulet; il passa, sur la soirée, par devant le presbitere, où le curé le +guettoit à passer. Il fut bien aise, & lui dit: où allez-vous compere? +Je m'en vais à cinq lieues d'ici quérir du bled, monsieur le curé. Dieu +vous conduise, mon compere. Adieu, monsieur le curé; & d'aller; & le +curé de venir au moulin, d'où l'autre âne fut envoyé au presbitere +quérir le bled. Cependant le chapon rôtissoit. Le curé, qui tant avoit +ouï dire de tours faits aux autres, se voulut assurer & en prendre une +poignée sur la mine, avant que de se coucher; ce qu'il fit +gracieusement, forçant la meûniere, en dépit qu'elle le vouloit bien. +Puis ils souperent, puis ils se coucherent, puis s'embrasserent, & puis +ils firent la belle joie, & de ce qu'il peut: on ne fait pas ce qu'on +veut. Il s'ébatit à bon escient pour son bled; & sans apostrophe, avec +plénitude d'efficace réelle. Et boute, mon ami, boute; tout ce bon bled +passera bien par une trémie. Il est vrai qu'elle n'osoit y prendre +autant de plaisir qu'avec son mari, de peur de le faire cocu, & qu'elle +prît goût au revas-y. Voilà comment elle étoit forcée. + +LE BON HOMME. Elle l'étoit, comme celle qui fit mettre en prison messire +Ambroise; lequel, à ce qu'elle disoit, l'avoit forcée; mais achevez ce +curé. + +CÉSAR. Laissez-le un peu faire à son aise. + + + + +SUPERSTITION. + +II. LE BON HOMME. Vous savez que ceux qui sont en prison, sont instruits +par les autres, ainsi que le fut cettui-ci, qui, étant amené devant +l'official, fut interrogé en la présence de la fille. Venez ça, mon ami. +Connoissez-vous pas bien cette fille-là ? Oui, monsieur. L'aimez-vous pas +bien? Oui, monsieur. L'avez-vous baisée quelquefois? Oui, monsieur. +L'avez-vous quelquefois poussée, pour vous accoupler avec elle? Oui, +monsieur; mais elle remuoit & tempêtoit, se trémoussant si fort, que je +ne sais si j'ai mis dedans ou dehors? Elle va répliquer: hélas! +monsieur, le grand menteur! Je ne remuois pas, par mananda, non plus +qu'une pauvre piece de bois. O, ho, dit le compagnon, je ne vous ai donc +pas prise par force? Que fait notre curé. + +HÉRODOTE. Laissez-le moudre son bled. Il fait possible, comme le +jardinier qui trouva sa maîtresse endormie, une jambe en bas & l'autre +sur le lit. Il leve sa robe, pour voir si elle faisoit semblant, puis la +cotte, puis la chemise; & lors il vit le but d'amour, aussi prêt à +s'émouvoir qu'une rose fraîche: il y fiche sa fleche; & comme il +poussoit trop fort, elle s'éveilla, & le voyant, lui dit: qui vous a +fait si hardi? Je m'ôterai, s'il vous plaît, madame. Je ne vous dis pas +cela, vous êtes un sot; je vous demande qui vous a fait si hardi? + +GRATIAN. Ce mot de _sot_ est fâcheux, si est-ce que le chevalier de Brin +l'endura bien de mademoiselle de Morfaut, qui, sur les discours qu'ils +tenoient à l'usage de chevalerie Maltoise, lui demanda: or ça, mon +gentilhomme, en bonne foi, voudriez-vous pas bien m'avoir besognée? Oui +vraiment, madame; & ne vous en déplaise, je voudrois bien vous avoir +embrassée amoureusement, homocentriquement & résolutivement. Allez, vous +êtes un sot, le plaisir seroit passé; pour être content, il voudroit +mieux me le faire. + +HÉRODOTE. Comme possible fait notre nouveau meûnier. Faisons-le lever: +il est trop aise. Si-tôt qu'il fut debout, il s'en va chez lui, la queue +entre les jambes, honteux comme un coq plumé tout vif. Quelques jours +pensant à ses évacuations de la premiere, seconde & troisieme figure. + +NÉRON. Il étoit aussi étonné que le conseiller de Blois, à qui sa femme +demandoit une robe: vraiment, ma mie, je ne le vous fais coup qui ne me +coûte plus de dix écus. Et certes voire, faites le tant qu'il ne vous +revienne qu'à un douzain; il ne tiendra pas à moi, si vous pouvez, que +vous ne me deviez du reste. + +HÉRODOTE. Le meûnier revenu, vit bled, dont il fut content; mais il dit +à sa femme qu'elle n'y retournât plus, à peine d'avoir le cou rompu. +(Ainsi la nécessité fait faire des choses qu'il faut quitter, quand on a +ce qu'on demande.) Mon ami, je l'entends ainsi; je ne ferai jamais que +ce qu'il vous plaira. Or bien n'en parlons plus. Deux ou trois jours +après que le meûnier étoit aux champs, le curé vint voir Denise, & se +mit à la caresser & baiser. Laissez-moi, monsieur le curé; si mon mari +venoit, il nous feroit méchef. Quoi! je vous ai bien fait tout ce que +j'ai voulu; & vous faites la revêche? Quoi! votre cas est-il plus cher +ou plus sage que l'autre jour? Voyez, monsieur le curé, je n'en ferai +rien; il est résolu: ce qui est fait est fait; & rien n'aurez davantage, +y fussiez-vous d'ici à cent ans. Pour le moins, baisez-moi, ma mignonne. +Que vous êtes importun! Il la baisa, il la tâta au tetin, il mit la main +sous sa cotte, il veut prendre le chose; elle l'empêche, & fit trop la +courroucée & pleureuse. Comme il veut prendre le calendrier historial, +pour marquer le nombre: hélas! que voulez-vous faire? Si mon mari +venoit, je serois perdue. Laisse-moi, je te prie; je ne te ferai pas +plus de mal, que je fis l'autre nuit. Que tu es fâcheuse! Et pourquoi +non? Pour un petit coup, comme l'autrefois. Si mon mari venoit? Il ne +viendra pas. C'est tout un; je n'en ferai jamais rien; il ne l'a pas +dit. Or ça, laissez-moi; ôtez-vous. Quoi! à tout sans revenir? Oui. Pour +le moins, pour lui dire adieu; puisque tu es si mauvaise, que je voie +ton chose. Vous ne m'importunerez plus, si je vous le montre? Non, je +t'assure, & je te le jure, foi de consistoire. Cela promis, elle se +retrousse, & lui montre son chose; ce qu'ayant vu, il se signa, en +s'écriant: ô quel grenier, où j'ai mis mon bled! + +GALIEN. Elle ne fit pas comme la femme du grand Pierre de Barace, qui me +trompa. Nous parlions de faire le petit verminage, & de voir les pieces; +sur quoi elle me dit: si vous me vouliez donner un teston, je vous +monterois mon con. J'y allois à la bonne foi, & mis la piece d'argent en +main tierce; & elle monta sur un coffre: or ça, je vous ai dit que je le +monterois. Je ne le vois pas. Je ne vous ai pas dit que vous le verriez, +ou que je le montrerois, mais monterois: allez étudier. + +ARISTOTE. Or réfléchissons sur ces moult beaux adages & rencontremens: +c'est donc du fait de ce meûnier qu'est procédé le proverbe pour ceux +qui ont dépendu de l'argent, ou bien pour tels pertuis: _il a mis son +bled au grenier au prêtre_. + +CRESPIN. L'âne & le meûnier sont relatifs. + +CEDRENUS. Il faut ici mettre l'âne du peintre. + +GLYCAS. Ayez patience; nous voulions donner à boire à ce curé; puis +l'âne viendra son petit train. + + + + + +THÊME. + + +III. Un ministre avoit une piece de bon vin, qu'il gardoit aux bonnes +bouches. Il avint qu'il en voulut avoir, pour envoyer à un sien ami; & +il descendit lui-même avec la chambriere, pour faire emplir la +bouteille; mais il n'y avoit pas d'ordre: il étoit trop bas. (Il eût eu +besoin de priere, comme la bonne femme qui prioit dieu que hausse qui +baisse, & que baisse qui hausse: hausse qui baisse, étoit pour son vin; +& baisse qui hausse pour son lard, qui étoit pendu au plancher, qui +haussoit, plus on en prenoit.) Le ministre n'étoit point content que son +vin fût diminué sans s'en être senti. Comme il s'en tourmentoit, la +chambriere disoit: il faut qu'il s'en soit allé par quelque part. Et +elle faisoit l'empêchée de regarder par-tout; puis elle s'avisa de +monter sur le tonneau, pour voir s'il n'y auroit point quelque fente +derriere. Etant dessus, & se baissant la tête, voilà ses robes qui se +renversent sur son échine, chemise aussi; & son maître qui tenoit la +chandelle, va voir la grande essoine qu'elle avoit entre les cuisses. +Elle faisoit si beau jeu, qu'on l'eût vu jusqu'à l'herbier. Allons, +allons, dit-il, ôtez-vous de-là ; l'ai vu la fente par où mon vin a +coulé. + +CEDRENUS. Vous aviez cela à dire, pendant que je faisois paître mon âne. + + + + + +THESE. + + +IV. Un viel peintre avoit une femme jeune, belle & jolie, dont il étoit +fortement jaloux, ainsi qu'il est séant à tel âge. Cette jeune femme +faisoit semblant de n'y penser pas. Toutefois elle n'étoit point +contente de ce que son mari ne tiroit pas si souvent au naturel, qu'elle +eût désiré: à quoi elle pourvut au moyen & aide d'un jeune peintre, en +quoi elle se gouvernoit tant simplement & faisant la chatemite, qu'il +sembloit qu'elle n'y touchât pas. Même elle portoit un semblant tant +nice & honteux, qu'elle faisoit presque difficulté de regarder l'endroit +de la braguette, & eût fait conscience d'ouïr parler un homme. Toutefois +cela n'effaça point l'ombrage de son mari, qui, ayant affaire aux champs +pour quelque temps, sur le point qu'il falloit partir, ne pouvant plus +s'en excuser, étant necessaire qu'il y allât, avoit fort mal à la tête. +(Les dames de Touraine font distinction entre mal & douleur de tête. +Mal, c'est quand il est comme de ce peintre; douleur, quand le sens +triste l'occupe. Quand donc l'opinion cornue est en la tête, c'est mal; +& cela fait ainsi, à ce que m'a conté le sire André T. comme quand une +dent perce; c'est que, la corne perçant, cela fait mal.) Etant le +peintre sur la conclusion de son partement, il dit à sa femme: ma mie, +je vous aime beaucoup; mais je désire de vous quelque chose, qui me fera +assurance de votre honnêteté. Mon ami, tout ce qui vous plaira; je ne +vous ai jamais refusé de rien, ni ne ferai. Sur cet accord, & lui ayant +dit son intention, sur la peau de son ventre, où elle est plus licée & +polie, il y peint un âne, puis s'en alla. Il ne fut pas gueres loin, que +le compagnon ne vînt voir la belle, & garder le corps de cette femme, à +laquelle il savona bien & beau les fauxbourgs des fesses. Comme elle +sentit le proche retour de son mari, elle avisa son ami de cet âne, qui, +y regardant, le vit tout effacé, excepté la tête & les jambes. Hélas! +que ferai-je, dit-elle? Ne vous souciez; je les racoûtrerai bien. Ce +qu'il fit, & le vêtit d'un petit joli bât tout neuf, si que le voilà +joyeux près la pâture vitale, & étoit si bien qu'il n'y manquoit que la +parole. Le mari revenu, fut reçu, avec une douce liesse & bonne chere, +comme le bien aimé, à force accollées & baisers mignons. Sur le soir, en +devisant, il s'avisa: Eh bien ma mie, notre âne? Mon ami, je n'ai point +pensé à lui; je ne sais comment il se porte. Il leve la chemise de sa +femme, & le regarde. A, ha, dit-il, en grande admiration, voilà bien mon +âne; mais au grand diable soit qui me l'a bâté. Depuis, pour parler en +paroles couvertes, on a dit: _bâter l'âne_, pour signifier faire, +verminer, besogner, &c. + +ANTIPHON. Les filles de notre pays disant en paroles couvertes, parlent +bien autrement, témoin la fille de chambre de mademoiselle de la Forest, +femme d'un conseiller. Un paysan lui apporta un lievre, qu'il mit, en +l'absence de monsieur, ès mains de la fille de chambre nommée Andrée, +laquelle il prie affectueusement de le présenter à monsieur, & lui +recommander son procès, dont il étoit rapporteur, & qu'il avoit nom le +Vit. (Une dame ne fit pas, un jour, difficulté de le nommer. Je lui +faisois je ne sais quelle petite haire; & elle me vouloit dire: vous +faites bien les trois lettres, S, o, t, sot; elle brocha des babines, +elle me dit: vous faites bien des trois lettres, V, i, t, vit. + +LEON L'HÉBREU. Et ma cousine Esther, qui avoit nommé son cela +naturellement, me répondit naïvement. O ma mignonne! lui dis-je, +qu'avez-vous dit? Vraiment, mon coeur, dit-elle, je n'ai pas dit con). + +ANTIPHON. Durant le dîner, Andrée s'avisa de son message, & dit: à +propos, monsieur, il est venu ici un homme qui vous a apporté un grand +lievre. Où est-il? Je le vais quérir. Le voilà . Vraiment il est beau; il +le faut mettre en pâte. Monsieur, il vous recommande ses affaires, ce +pauvre homme. Comment a-t-il nom! Je ne l'oserois dire; il est trop +sale. Si vous ne le dites, je ne saurai qui m'aura donné ce lievre. +Ardez, monsieur, vous savez bien qui il est; je n'oserois dire ce +nom-là , il est trop sale. Mademoiselle lui dit: dites-le en paroles +couvertes. Bien donc, Monsieur, il a nom comme cela avec quoi on fout. + +MUNSTER. D'un âne vous êtes venu à un lievre, je crois que c'est à cause +des oreilles; à raison de quoi, pour le mettre en cosmographie, je vous +dis que je ne vis oncques âne plus joli, que celui d'un apothicaire de +Tours. Son maître même m'en a assuré, nous en faisant le discours ainsi. +J'ai l'âne le meilleur du monde: même il est si naturel, qu'il me sent +d'une demi-lieue. + + + + + +CHAPITRE. + + +V. Vous me faites souvenir d'un voyage que nous fîmes en Espaigne; +l'année que l'empereur devint fou. Je pense qu'Espaigne, c'est-à -dire, +_Espargne_, _i_, pour _r_, comme il est écrit ès prologues des +institutions de droit. Etant avec ces magnifiques, ils nous fêtoyerent +aussi magnifiquement, & le tout de paroles. Je ne vis jamais tant de +beaux banquets de paraphrases; les paroles y étoient apprêtées en toutes +sortes; il y en avoit de couvertes en mode de pâtés de venaison; il y en +avoit de rassises, pour manger avec du pain frais: le menu étoit de ces +petites paroles, syllabes & lettres que l'on mange en poésie & en prose. +Certainement ils nous en firent bonne chere: mais cela pourtant nous +passoit apostrophiquement par la bouche. Les confitures & le dessert +étoient révérences: & pour la bonne bouche, nous eûmes le mot de guet, & +le mot pour rire. Voilà comment nous fûmes traités, avec belle eau +fraîche, si nous en voulions. Cela étoit mal au ventre. (Ils ne nous +traiterent pas, comme le mercier de Loches faisoit sa femme. Sa mere lui +dit: mon ami, traitez-là bien _doucement_. Vraiment il le faisoit; il +lui bailloit des oussemens. Ainsi les sages-femmes l'entendent, quand +elles disent aux premieres grosses des autres: consolez-vous, ma mie, il +en sortira plus doucement qu'il n'y a entré.) Or, nous fûmes bien +arrivés auprès de la bonne eau d'Espaigne. Vraiment, si jamais je refais +ma cosmographie, je ferai telle description de ce pays là , que l'on +croira aisément que les peuples y sont enragés. + +APICIUS. Mais à propos d'eau, quand un homme entre où l'on dîne, lequel +est le plus excellent, si on lui présente de l'eau ou du vin! + +LE BON HOMME. C'est à ce coup, que l'on connoîtra vos bons esprits. O la +belle proposition! ô le beau problême notable, qui fut débattu au +concile des _trois dixaines_! Or boivez, pour décider cette affaire. + +APICIUS. Quant à moi, pour le premier j'en dirai ma ratelée, & ce +d'autant que j'ai un beau nom. Et pour vous amuser un peu, qui sont les +deux noms les forts délicats; nous n'avions garde d'avoir plus mauvais à +un homme? Vous êtes quinaux; vous êtes _quarante fesses_. C'est +Guillaume & Gautier, parce que l'on dit aux gens de nôces; venez, mes +amis; mais ne m'amenez ni Gautier, ni Guillaume. En avez-vous? Or, quand +j'irai où l'on dîne, je serai bien aise que l'on me présente de l'eau. +L'eau, en ce temps là , c'est le juste & parfait symbole d'honneur & de +profit à venir; c'est signe qu'il se faut laver, & se mettre le plus +près de la table que l'on pourra, & sur-tout vers le milieu. Le vin a sa +vérité quant & soi; c'est fait, il ne prophétise rien: l'eau prophétise +le dîner; le vin, ayant été présenté & pris, signifie, boivez, & vous en +allez. Ainsi, par l'eau, est représentée la jouissance future, & +abondance; par ce peu de vin, est montrée une dayée de commodité qui se +passe vîte. Ainsi l'eau présentée, alors représente le mystere +dînatoire; & le vin dit congé. On baille de l'eau pour disposer +l'appétit, non pas seulement pour laver les mains; aussi qu'en est-il +besoin? Il ne faudroit, si cela étoit nécessaire, mouiller seulement que +le bout des doigts; on ne met pas la soupe dans le creux de la main: ce +lavement est donc pour exciter l'appétit; la main est la figure du foie, +son rapport unique & formel, laquelle mouillée donne au foie une vertu +cuisante. Voyez, je vous prie, les poissonnieres, lesquelles pour avoir +toujours la main en l'eau & le feu au cul ont les joues vermeilles; +elles sont gaillardes, aiment le bon vin, toujours étant en appétit. +Voilà des points secrets de la très-profonde sagesse. + +DIOGENES. Que males mules aient ces philosophes foireux qui ne font +qu'ânonner: je les envoierai à mon métayer & à ses gens. Il y a plus de +mille ans que le conte en est fait; mais on l'a mal retenu. La fille de +ce métayer apporta des prunes à notre femme, qui lui dit: il n'en +falloit point, ma mie. C'est votre gresse, mademoiselle; prenez-les, +s'il vous plaît; aussi-bien nos pourceaux n'en veulent point. +L'après-dînée, celle de chez nous rencontra la mere de cette fille, à +laquelle elle dit ce que sa fille lui avoit dit. Ardez, répondit-elle, +mademoiselle, elle dit vrai; ces méchans pourceaux aiment mieux manger +la merde. Sur le soir, je rencontre le bon homme, auquel je conte le +tout. Pardé, monsieur, dit-il, ce sont bêtes: leur bouche est en paroles +aussi honnêtes que le trou de mon cul. + +ANTIPHON. Appelez-vous cela des paroles couvertes? Je crois qu'il les +faut servir à couvert, de peur qu'elles ne s'éventent. + +DIOGENES. Si vous avez peur qu'elles s'éventent, avalez-les vîtement, & +faites comme en Italie, baillez-leur du plat de la langue. + +HORACE. Si j'eusse su cela, j'eusse bu, & eusse pris congé. + +QUINTILIEN. Comme quoi? Est-ce selon que le prononça le president +Gascon? L'appellant voyant sa partie ne comparoître pas, demanda congé: +je demande congé, messieurs. Le président ayant recueilli le conseil, +chacun ayant dit: congé; il prononça: qu'il s'en aille. Il y eut un +chaste abbé qui l'alla voir, & lui présenta son frere, lui disant: +monsieur, je vous supplie de faire cette faveur à mon frere, de le tenir +pour votre serviteur. Quoi! faveur! dit-il; je ne fais point de faveur; +je fais justice. + +LAERTIUS. Je me souviens qu'étant à Paris, chez un conseiller, j'ouis un +bon apophthegme. Il y avoit un bon paysan, qui avoit gagné son procès, & +étoit allé parler à son procureur, qui lui avoit donné avis d'aller voir +ce conseiller qui avoit été rapporteur, afin qu'il le remerciât. Ce bon +homme allant, pensoit en lui-même, que possible il lui faudroit encore +donner quelque chose: toutefois il s'assura qu'il auroit tant de +conscience, qu'il ne lui demanderoit plus rien, vu que pour payer les +épices, il avoit même été contraint de vendre sa vache, seul reste de +son bien. Le pauvre homme vint saluer monsieur son rapporteur, qui lui +dit: mon ami, je vous sais bon gré de m'être venu voir; je prends +plaisir à m'employer pour les gens de bien; remerciez dieu, que vous +ayez eu tel qui vous a conservé votre droit. Or il y avoit en la même +salle un peintre qui faisoit une chasse en un paysage, où il y avoit +plusieurs sortes d'animaux, que ce paysan se mit à regarder. Le +conseiller lui dit: que regardez-vous-là , bonhomme? Je regarde si entre +tant de bêtes qu'on vous donne, ou qu'on emploie pour vous apporter de +l'argent, je ne verrai point ma vache; au moins que la moitié y fût, +parce que vous l'avez bien eue & davantage. Ainsi que Laërtius parloit, +voilà que la petite chienne de madame, qui demandoit à manger, aboie & +le fâche: il étoit assez près, & lui cria: paix, petite vilaine, petite +putain; voyez-vous un peu que cette petite vesse fait de bruit! Ce que +voyant notre curé, va dire: je m'ébahis que ce philosophe n'a honte de +donner le nom d'une personne, & le surnom d'une chrétienne à une +chienne. C'étoit lui, qui, prêchant; disoit: enfans, apprenez la +patenostre & l'_ave_ à vos peres & meres. Il étoit des enfans de +Moulins, auxquels on frotte le cas de beurre, quand ils sont malades. La +fille d'un marchand de Lyon, qui s'étoit retirée à Genève, de peur de +jeûner en carême, en fut punie, d'autant que, mangeant d'une bonne +truite, une arête lui demeura en la gorge: hélas! elle étoit fille +unique, uniquement aimée. On courut aux remedes. Médecins, chirurgiens, +apothicaires, alquemistes, empiriques, sorciers, charlatans, secrétaires +& bimblotiers de drogues furent appellés; mais on n'y pouvoit remédier. +Déjà l'arête, ainsi passée, l'ulcéroit; & y avoit crainte qu'elle n'en +mourût avec douleurs. Il passa par-là un vieil homme, qui, ayant ouï le +bruit & la pitié, fut ému de compassion; il entra en la salle, fit faire +un grand feu, & fit apporter une livre de beurre; puis, ayant fait +sortir tout le monde, prit cette fille sur ses genoux, s'étant assis +comme une nourrice, & lui montra le cul au feu, lequel muni de deux +belles grosses fesses rebondies, il graissoit de ce beurre. L'opération +en fut merveilleuse, d'autant qu'aussi-tôt l'arête fut avalée, & la +fille guérie; _& hoc certo certius_. + +MAROT. Je ne sais pourquoi vous nous dites cela; vous ne faites que nous +mettre en goût. + + + + +CONSISTOIRE. + + +VI. J'aimerois mieux dépuceler une gueuse, que d'avoir le reste d'un +roi: toutefois, à cause de ce que ce jaseur vient de dire, je suis tout +dégoûté. Cela m'a fait souvenir que je n'ai point d'appétit. + +LOUVET. Pargoi, mon ami, si tu es tant dégoûté, je te prie & conseille +de te faire procureur, & alors tu mangeras à toutes mains jusques aux +os. + +MAROT. Je pourrois manger autant que douze, que je ne m'engraisserois +pas. + +LOUVET. Vraiement, tu n'as garde: comment engraisserois-tu, vu que tu +chies tout ce que tu as mangé? A cela, va dire un chien couchant de +léchefritte: quelle prodigieuse invention! + +MAROT. Qu'est-ce là ? Quel animal nouveau? + +LOUVET. C'est un moine de cuisine; _alià s_ un boute-cul, qui va dire +qu'ordinairement on chie au prix que l'on mange. + +LE BON HOMME. Que vous êtes sale! Laissez ces paroles. Vraiment, si +j'eusse été le maître, vous n'en eussiez pas ainsi dit; & en ai laissé +passer, parce que je m'amusois à faire mon état, qui est de considérer +vos actions. + +CICERON. Ne vous trompez pas, monsieur mon ami; les paroles ne sont +point sales; il n'y a que l'intelligence. Quand vous orez une parole, +recevez-là , & la portez à une belle intelligence; & lors elle sera +belle, nette & pure. Mais cela fâche les oreilles? Si les oreilles +étoient pures & nettes, cela ne les incommoderoit point. Un étron +incommode-t-il le soleil, bien que ses rayons s'y jettent? Sachez aussi, +mon pere _se puisse tuer_, que, si on ôtoit ces paroles d'ici, ce +banquet seroit imparfait. Seriez-vous bien aise que l'on vous ôtât le +cul, parce qu'il est puant, & ce jusqu'à la mort? Vous seriez un bel +homme sans cul! Il faut suivre nature; ainsi notre discours le suit. Et, +si vous vous scandalisez, oyez une prophétie que j'ai apprise dans +l'abbaye des grottes de Memphis. «Moines, Prêtres, ministres, &c. +présidens, conseillers, avocats, &c. marchands, ouvriers, artisans, &c. +de quelqu'état, qualité & condition qu'ils soient, qui diront mal des +mémoires du MOYEN DE PARVENIR, seront atteints & convaincus de tous +crimes que la sottise embrasse, que l'imprudence couve, & l'hipocrisie +nourrit, &c.» Avez-vous ouï cela? Si vous oyez un mot qui vous fâche, +dites que vous ne l'entendez pas, ainsi que je l'enseigne aux sages +filles de la cour. Ma mie, si vous oyez parler de ceci ou cela, ou de +ficher sans pic, dites que vous n'y entendez rien, & n'en faites aucun +semblant; d'autant, que si vous vous fâchez, quand on dira des paroles +de fouaillerie, on dira que vous les entendrez, ce qui seroit honteux. +Avez-vous ouï, encore un coup, monsieur mon ami. Or donc, soyez sage, & +faites votre état. + +HÉRODOTE. J'y suimes. Il étoit un beau barbier. + +CÉSAR. Pourquoi dit-on glorieux barbier? + +HÉRODOTE. Parce qu'il vous coupera bien le poil du cul, sans en être +honteux. + +DIOGENES. Et si je n'avois point de poil au cul? + +HÉRODOTE. Tu serois comme les femmes. + +DIOGENES. Et dà , pourquoi? Est-ce que les femmes n'ont point de poil au +cul? + +HÉRODOTE. Grosse pécore, grand âne que tu es, fils d'un coq de +Ludonnois, ne sais-tu pas: _fronte capillata est, sed post occasio +calva_. En voilà la raison. Il faut que je fasse le prêcheur, que +j'interprete mon latin: c'est parce que la fortune a du poil au front; +c'est là où il faut la prendre: entre les deux gros orteils des femmes, +il faut se prendre là , parce qu'il n'y a point de poil derriere. + +MADAME. Là , là , à ce barbier. + +HÉRODOTE. Par mon serment, sans jurer, je pense que je l'oubliois, tant +vous êtes folle. Ce barbier aimoit très-ardemment une sienne voisine, +femme d'un mercier: & avoit le mot du guet avec elle: il ne falloit que +trouver le moyen & l'occasion: (voilà adapter les mots, je parle aux +doctes; il n'y a gens qui soient moins cocus que merciers demeurant en +boutique; parce que toujours leurs femmes sont présentes, & ils leur +sont présens. + +ULDRIC. Mais, encore avant que passer outre, monsieur le notaire, je +vous demande, pourquoi est ce qu'on se marie? + +ARCHIMEDE. Or regardez, je vous le dirai sur ces quatre doigts, ayant le +pouce en la main. Le premier doigt, qui est index, _nota_; on se marie +pour avoir une femme. Le second, pour avoir de l'argent. Le troisieme, +pour avoir du plaisir. Le petit doigt, pour avoir des enfans: aussi +est-ce là que les Gyptiens & les Bomians les trouvent marqués. Or çà , +mon frere, regarde les deux doigts du milieu, & les vois baissés: c'est +signe que le plaisir se passe, l'argent s'en va. Vois ces deux doigts +restés de bout; ils signifient que la femme & les enfans demeurent avec +droit de brancards.) + +HÉRODOTE. Et voilà donc l'usage auquel est sujet, comme tout autre +marié, ce mercier, la femme duquel desiroit avidement l'accointance du +chirurgien son voisin; mais on ne pouvoit y trouver ordre. Ils +s'aviserent en parlant à la boutique, les étoffes les séparant, & +exécuterent leur dessein. Voilà ma commere la merciere, qui fait la +malade; elle plaint sa tête; elle fait semblant d'avoir des soulevemens +de coeur: le mari, tout étonné, envoie querir maître Pierre; aussi-tôt +qu'il est venu, il la visite. O mes amis, dit-il, & vous, mon compere, +parlant au mari, voilà ma commere qui est bien malade; c'est la +contagion: mais il y a moyen. Çà un peu de vinaigre; vous avez bien fait +de venir au devant; si vous eussiez tardé, il n'y eût plus eu de moyen. +Çà , venez ici, apportez cela; ici du feu; là une écuelle; de l'eau, du +linge, fermez ces huis un peu; là , parlez bas; des ciseaux; je suis tout +étourdi, tant j'ai hâte. Ainsi faisant l'empêché, il fait un emplâtre +fort léger, & dit au mercier: mon compere, il faut que vous mettiez cet +emplâtre sur le bout de votre membre viril: & que vous le poussiez dans +la nature de votre femme. Quoi! dit le mari, faites votre état, maître +Pierre. Mais c'est votre femme. Faites votre état, mon ami. A donc le +barbier mit l'emplâtre sur le bout de son inconvénient, & le porta à la +ruelle du lit; mais quand ce fut à ficher, il ôta le linge poissé, qu'il +pausichonna en sa pochette; & mit maître cas dans la belouse, autrement +dit, le trou de service, frais, vif & en bon point: & ainsi guérit +madame la merciere; & qu'ainsi en puisse prendre à toutes celles qui le +desirent. + + + + +COMMITTIMUS. + + +VII. Il en prit autrement à un petit barbier de Vendôme. Monsieur le +médecin Taillerie, menoit en pratique ce petit chirurgien; & parce qu'il +avoit long temps à être chez la noblesse ou il alloit, monsieur le +médecin, jà vieillard, menoit sa femme qui étoit encore jeune, que le +barbier accompagnoit en trousse. Etant en chemin, le médecin demanda au +barbier comme se portoit sa femme. Vraiement, dit il, monsieur, il faut +qu'elle se porte bien, si elle veut; d'autant que je l'ai approvisionnée +six bons coups, cette nuit, sans ce qui s'est fait depuis. Cela leur +servit de risée, tant qu'ils furent arrivés à la noblesse, où ils +alloient. Le soir, chacun étant retiré, le médecin devisant avec sa +femme: laquelle lui avoit entamé le propos de ce jeune barbier, lui +demandant, possible en songeant à ce qu'il avoit dit tantôt, pourquoi il +s'en servoit plutôt que d'un autre. Ma mie, ce dit-il, je me sers de +lui, parce que je desire qu'il ait sa vie toute gagnée, d'autant qu'il +n'a plus que deux ans ou environ à travailler, à cause qu'il paroîtra +tout ladre. Cette réponse fut cause, que la demoiselle s'en dégoûta. +Comme ils s'en retournoient, le médecin gaussa sa femme; & ainsi qu'ils +furent en un carroi, où il y a de grand arbres, il lui dit: ma mie, +mettez pied à terre; je vous veux baiser entre cul & con. Mon ami, +dit-elle vous êtes fâcheux. Non suis; le pied à terre, je le veux. Etant +à bas tous deux, il la prend & la baisa en la bouche, comme au jour de +leur nôces; puis elle dit: pourquoi me disiez-vous cela? Parce que je +l'ai fait; ne vous ais-je pas baisée? Oui. Ha! ma mie, voilà un ruisseau +qui se nomme cul, & celui-là con; nous sommes entre-deux. Ainsi, beaux +esprits, voilà de belles paroles; elles sont claires comme eau. + +MAHOMET. Comment voudriez-vous faire entre con & cul une muraille seche? + +CESAR. Je ne sais. + +MAHOMET. Il faudroit boire l'eau, & manger le mortier: achevez. + +L'AUTRE. Etant de retour de fortune, mademoiselle du médecin se trouvant +chez une commere; (c'est-là où on cause) vint qu'on parla de maître +Claude ce barbier. Vraiment, dit cette demoiselle, je suis marrie de son +inconvénient, il sera ladre dans deux ans; mon mari me l'a dit. Cela +alla de bouche en bouche, ou de couche en couche, tellement que le +barbier le sut, qui, tout scandalisé, vint trouver monsieur le docteur, +auquel il fit sa plainte, & demanda s'il l'avoit dit, & pourquoi. Parce +qu'il ne faut pas, vous qui êtes jeune, que vous parliez devant ma +femme, en ma présence, de le faire six coups; & soyez sage. + +BEROALTUS. Je connois ce barbier, il est honnête homme: il a fessé un +chien; il est Gascon & a demeuré à Tours chez un de nos amis. Vraiment +il fit un jour un trait notable. Une femme d'honneur étoit malade, & il +falloit, au carême, avoir dispense, pour lui faire manger des viandes +qui sont interdites en saint temps. + +ARISTOTE. (Mais la cause pourquoi la chair terrestre est-elle plutôt +défendue que l'aquatique? + +PYTHAGORAS. Mais aussi vous dirai-je, un étron est-ce chair ou poisson? + +ARISTOTE. Il y faudroit goûter: & puis vous sauriez que tandis qu'il a +le sens chaud, il sera chair; s'il l'a froid, il sera poisson & vous en +soulez. Ce n'est pas cela. Répondez au prêtre: je vous dirai: c'est +parce que la chair fout, & on seroit fou toujours, & le poisson fraie. + +NERON. Voilà de belles raisons. J'aimerois autant celles de Jannotin, +qui dit: qu'il faudroit être sergent pour aller en paradis, d'autant que +les sergens vont devant: da, da. Il est bon, s'il n'y avoit que les gens +de justice qui allassent en paradis. Et c'est le contraire, & je l'ai vu +en la danse macabrée de Fubourg, où les présidens, conseillers, avocats, +procureurs & clercs, sont par les sergens conduits en enfer, & t'en +guette). + +BEROALTUS. Or vela beau cauré? laissez-les dire: j'acheverai mon +discours. Maître Pierre le Grand, petit barbier de Tours, avoit chez lui +ce compagnon qui se tenoit fidélement à la boutique. Ainsi qu'il fut +avisé: ce maître eut un certificat du médecin, afin que l'official ou +grand vicaire: (au diable soient-ils, si je me souviens auquel il faut +avoir recours, si d'aventure on ne joue deux personnages comme le +maréchal de Ballan, qui étoit notaire & aussi barbier, & quand on le +demandoit, il disoit: me voulez-vous pour ferrer, ou barber, ou écrire, +ou ajourner, parce que depuis il fut sergent.) Le certificat fait par le +médecin, le chirurgien le porte chez lui, & dit à son homme: va faire +signer cela à monsieur l'Official. Le garçon ouit de biais, & pensoit +que le maître eût dit: va faire une saignée chez monsieur l'official. Il +prend son manteau & ses outils, & y va. Il heurte à la porte, & le neveu +de monsieur lui vint ouvrir, auquel il demanda comment se portoit +monsieur. Il se porte fort bien. Si est-ce qu'il y a ici quelqu'un +malade, que mon maître m'a envoyé saigner, en voilà l'ordonnance. Le +neveu, fort suffisant vit le papier, & ne pouvant rien connoître, pour +faire le savant, dit: il faut que ce soit pour moi, d'autant que je suis +morfondu; venez & entrez. Ce qu'il fit & le saigna bien & beau. Je +m'ébahis qu'il n'en fût mal, mais dieu fut aide aux innocens, & puis la +risée lui racoutra le foie. Si le valet fut trompé, le maître le fut +aussi. Il vit un vieil paysan, qui se plaignoit d'une douleur en la +joue. O, lui dit-il, viens, je la guérirai, je t'arracherai la dent qui +te fait mal. Pargoi, vous ne sauriez. Pardienne, si ferai. Je gage demi +écu que non. Le voilà : je gage que si, or allons. Quand ils furent en la +boutique, & que le patient fut sur la chaire, le barbier se met à +regarder en sa bouche, & n'y trouva aucune dent. Et qu'est-ce que cela? +C'est que j'ai gagné, dit le pied-gris. Il y a plus de trente ans que je +n'ai pas une dent; & dis que tu en as, soulier à belles oreilles. + +CICERON. Je vous reprends, vous jurez. Etes-vous des consuls de Tours? + +BEORALTUS. Que voulez-vous dire des consuls de Tours? + +CICERON. Rien que bien, sinon que mon compere le sire François, je ne +dirai pas son surnom, étant consul, condamna un marchand. Le marchand +lui dit: par dieu, vous n'avez pas bien jugé. Le consul lui dit: vous +payerez l'amende, par dieu, vous avez juré. Et vous aussi, dit l'autre. +Ha! dit le consul: tenez, greffier, voilà mon amende, recevez la sienne. + +ARNOBE. Cela est aussi bon que le fait de monsieur de Césarée, évêque +portatif, qui faisoit sa visite par le diocese d'un qui l'en avoit prié, +& où il avoit autrefois tenu les ordres. Il se trouva qu'il interrogea +un prêtre qu'il trouva ignorant. O! dit-il, gros bedier, âne que tu es, +qui t'a fait prêtre? Qui est le veau d'évêque qui t'a conféré cet ordre? +C'est vous, monsieur. Par dépit, bédier, je paierai cent sols d'amende; +& toi, dix francs. Mon secrétaire, faites vous payer. + +ARISTOTE. Si c'étoit à moi, je corrigerois bien tous ces abus-là . + +ALEXANDRE. O! oui, vous êtes brave correcteur, comme celui des bons +hommes; _corrector à corrigendo_. + +LE BON HOMME. En ma conscience, je le crois; ils s'arrousent bien le +coeur; je pensois que cela fût hors du monde. + + + + +REVERS. + + +VIII. ARISTOTE. A ce que je vois, le pays des sots n'est pas une isle, +c'est le monde même, & rien hors d'icelui: ainsi qu'il y a de ces +gens-là hors du monde, qui sont de gros veaux, témoin le moine curé, qui +se pensoit paillarder sur le bien dire à son prône, annonçant les fêtes +qu'il falloit festiner, & disoit: mes amis, il y a de bonnes fêtes cette +semaine, lesquelles pourtant ne sont de commande; l'église les fustigera +pour vous. + +BUCHANAN. N'étoit-ce pas lui, qui, au lieu de dire à la leçon, _qui +moechantur cum illâ_, dit, _qui monachantur cum illâ_. + +APULÉE. Et que vous faut-il? Vraiment vous êtes bien cruel de regarder à +des paroles, & non à l'intention. + +BUCHANAN. Je sais bien pourquoi vous le dites: c'est de peur que je ne +parle de votre cousine de Malenoue. + +NERON. Dites donc tout, puisque vous êtes détravé. + +BUCHANAN. Durant la ligue, il y eut un bruit qui courut (puisqu'il faut +ainsi dire) qu'une nonnain de Malenoue avoit eu apparition d'ange. A +cette nouvelle, quelques dames des plus grandes firent partie de l'aller +voir: ce qu'elles accomplirent. Etant là avec elle, voyant discourir des +merveilles de cet ange, elles étoient en extase de douceur; & comme +cette fille les voyoit ainsi transportées d'aise, elle leur amplifioit +son discours du reste de la merveille, puis ajouta: j'étois si contente, +Madame, que jamais tant, ni plus. C'étoit le plus beau l'ange du monde; +& puis, quand ce beau l'ange fut sorti, toute ma chambre étoit si +embaumée, que c'étoit merveille, tant elle sentoit l'usc, & le membre +vert & gris. + +CÉSAR. Quel ange? Je gage que c'étoit un esprit vital. + +BUCHANAN. Comme vous dites. Au moins souvenez-vous de dame Catherine, +qui, oyant parler de sa maîtresse que l'on pensoit qui fût morte, & que +le médecin disoit que les esprits vitaux y étoient encore tous: elle +répliqua: je ne dis que cela ne fût, si c'étoit à un homme, mais à une +femme, ce sont les esprits conaux. + +CÉSAR. Je ne sais quels esprits, si vous ne l'entendez à l'antique, que +l'engin & l'esprit sont tout un, ainsi que le pratiqua la chambriere +d'une veuve. Je vous assure que cette garce étoit jolie, mais un peu +follette; sur quoi sa maîtresse lui disoit toujours qu'elle n'avoit +point d'esprit. Or est-il qu'il y avoit un jambon à la cheminée; & cette +fille le voyant là si long-tems, elle s'ennuyoit; elle demanda à madame, +si elle le mettroit cuire. Non, dit-elle, c'est pour les Pâques. Cette +fille en fit le conte à quelques autres de ses compagnes, qui s'en +gaussoient en son absence. Mais le clerc du notaire Bardé ne fut point +si sot, qu'il n'y prît garde pour éprouver le sens de la fillette. Un +jour que la bonne femme étoit allée à sa métairie, & qu'elle avoit +laissé Mauricette toute seule, il vint heurter, & demanda madame. +Mauricette dit qu'elle n'y étoit pas. J'en suis bien marri, parce que je +suis Pâques, qui étois venu quérir le jambon qu'elle m'a promis. Il +passa; & la chambriere le laissa paisiblement entrer & prendre le +jambon. Lui qui la voyoit si nicette & belle, pensoit à meilleure +aventure. Il faut, dit-il, que je voie si c'est ici mon jambon. Si ce +l'est, j'ai un esprit qui me le dira. Il tire son chouart vif & +glorieux. Quand la fille le vit: qu'est-ce que cela? C'est mon esprit. +Je vous prie, donnez-m'en un peu: ma maîtresse ne me fait que tancer, & +dire que je n'ai point d'esprit. Il la prit, & lui en distribua autant +qu'à lui, dont elle se trouva passablement bien; aussi en étoit-elle +toute réjouie, comme celle qui disoit que Claude lui avoit farfouillé en +son cul de devant. Quand sa maîtresse fut venue, elle lui conta comme +Pâques étoit venu quérir le jambon: & dà , madame, vous ne me reprocherez +plus que je n'ai point d'esprit, Pâques m'en a baillé à bon escient. + +QUELQU'UN. Voilà un beau moyen d'avoir de l'esprit! C'est à quoi pensoit +ma cousine Martine, l'autre jour en dînant, que sa mere parloit de son +lard. Oui, vraiment, ma mere, notre lard étoit bon; mais la couaine +_sent le vit_. + +RENÉE. Elle ne dit pas ainsi; dà , je la veux défendre; elle dit: +s'enlevit. + +SOCRATE. Si vous y regardez de si près, il n'y aura jamais plus de bien +au monde. + +LE BON HOMME. Vous pensez à autre chose; je m'assure que vous songez +autant à ce que nous disons, que si vous n'étiez pas ici. + +ARCHIMEDE. C'est que j'avisois, & m'est avis que je vois, comme un jour +j'étois avec une dame qui cherchoit quelque chose en son cabinet; & elle +avoit avec elle une sienne cousine qui la considéroit fort. Cette dame +ayant mis la main sur ce qu'elle cherchoit, en se retournant va dire: +vraiment je suis une grande sotte. L'autre va dire: c'est ce que je +voulois dire, madame. + +LISET. Cette-là même étoit avec nous, quand nous parlâmes à monsieur +Champis d'aller à la messe de minuit: je ne daignerois y aller; j'y ai +été plus de cinq cents fois. + +SOCRATE. Or bien je vous avise donc que ce bon personnage a ses pensées +autre part qu'à nos discours. + +MENOT. Il est possible intéressé, & a volonté de pisser, comme avoit +l'abbé de Grandmont; quand il vint voir madame l'amirale. Ce monsieur +alors douanant sur son mulet, avec intention & pensée d'en descendre +pour pisser, quand il seroit à la porte. Or madame qui avoit affaire de +lui, & le vouloit gratifier, sachant qu'il approchoit, vint au-devant de +lui, & le surprit; ainsi il remit sa pisserie à une autre fois; de quoi +il fut trompé, d'autant qu'elle le mena en la salle, où le souper étoit +préparé. Il se fallut asseoir & faire bonne chere. Cependant monsieur +l'abbé étoit en grand peine, ne pensant qu'à pisser; puis voyant que le +discours seroit long, il résolut de pisser en sa botte. Vous savez comme +les abbés les portent ouvertes par en haut, & larges d'embouchure. Ainsi +qu'on apporta le bassin pour laver, il n'en pouvoit plus; parquoi il +avoit mis la main à son engin, & déja le déchargeoit dans sa botte. +Madame pensoit que ce fût son couteau qu'il serrât, (pour ce que +volontiers telles gens en portent un de damas à leur ceinture) & qu'il +ne voulut pas laver avec elle. Vraiment, dit-elle, vous ne ferez point +cette difficulté. Et ainsi elle lui tira la main, qui emporta aussi le +virolet, qui acheva sa décharge dans le bassin. + +THIART. Le bassin fut un de ceux qui servirent aux ambassadeurs du duc, +(aussi il y a des étoffes fées) quand il envoya vers le pape, lui +remontrer la disette du pays, & le prier de lui donner deux cueillettes, +l'an d'après. Il y avoit six ambassadeurs, notables seigneurs, & de +crédit, qui, étant arrivés, le firent savoir au pape, qui, sachant leur +venue, fit mettre une oie en mue, mais toute nue. (Elle étoit fille du +jars si gras, qui fut mangé à Grenoble, quand le roi prit la Savoye. Ce +jars présenté sur la table d'un seigneur, lequel en chercha l'ame, & ne +la trouvant, appella le cuisinier: où est l'ame de cette oie? Ce n'est +pas une oie, monsieur; c'est un jars, qui a tant chauché sa mere, que le +diable a mangé son ame, que le cuisinier avoit donnée à sa mie: comme +fit celui qui donna le bon brochet à une pour aller coucher avec elle: +mais il fut trompé, le pauvre puceau, d'autant qu'elle avoit pris des +dents du brochet, qu'elle avoit agencées de sorte que, quand il voulut +engaîner, elle lui en serra le bout, dont il fut fort malade; depuis, +quand il fut parlé de le marier, il voulut voir le comment a nom de sa +promise, & y voyant je ne sais quelle petite éminence de clitoris: ô! +ho, dit-il, voilà la langue, les dents ne sont gueres loin; je n'en veux +point. + + + + +CHARTRE. + + +IX. Ces ambassadeurs, (laissez-les se préparer) le plus sage d'entr'eux +fut élu de tous pour porter la parole. Mais, dirent-ils, que +donnerons-nous au pape? Il lui faut donner de ce qui abonde en notre +pays; c'est de la crême, dont nous aurons chacun, dans un bassin +d'argent, une belle & honnête quantité. Que voilà bien entendu! Mais, ce +dit le président qui fut monsieur de Raconis, avisez bien tous à faire +comme je ferai, de peur que ne fassions les sots. C'est bien dit; nous +le ferons. Le jour de l'audience venu, ces messieurs s'en viennent avec +leur équipage. La porte ouverte, le premier entre; de fortune il y avoit +un petit seuil à bas, qu'il ne voyoit pas: il étoit tête nue, tenant ce +bassin haut de ses deux mains, appuyé contre son estomac; il bailla du +pied à ce petit seuil, qui lui fit baisser la tête, & donner du nez dans +la crême: les autres, voyant sa barbe ainsi blanche, estimerent que ce +fût par bienséance qu'il fallût ainsi se présenter; parquoi chacun d'eux +se torcha & repassa le museau dans sa crême; & ainsi le présenterent au +pape, faisant leur requête, qui leur fut accordée, moyennant que les +années auroient vingt-quatre mois. + +LE CHEVALIER SANS REPROCHE. Brusquet, un jour, contant cette histoire à +la défunte roine, il y eut une de ses filles qui lui dit: Brusquet, vous +n'avez pas ainsi blanchi votre barbe; mais votre mere, qui étoit pauvre +femme, vous l'a cousue de fil blanc. Il est vrai, mademoiselle, dit +Brusquet; & lui montrant l'entrée de son chapeau: mais aussi votre mere +vous en a laissé autant de décousu. Pourquoi y alliez-vous, +mademoiselle, lui dit notre ami? Vraiment, vous avez rencontré; aussi il +y a une heure le jour, que l'on a tout ce que l'on desire & cherche. + +FRACASTOR. Témoin le triste Augurel, qui se mit en une église pour prier +dieu, qu'il lui donnât la pierre philosophale. Il y en a qui ne savent +que c'est de la pierre philosophale, qui disent que c'étoit un +gentilhomme qui demandoit cent mille écus; (je ne dis pas _sens mi le +cu_) il y fut jusques à l'autre midi sonné, qu'il se dépita fort, & va +dire: dieu, donne-moi du bran. Et voilà un oiseau, qui lui va émeutir +dans la bouche. A! ha, dit-il, je n'avois plus que cet instant, que je +n'ai pas bien rencontré. + +LISET. Cet instant fut propre à notre ami l'évêque de six poules, qui se +sauva d'entre tous les prêtres, qui se noyerent l'année passée. Hélas! +que j'en eus de pitié! Et ce qui me faisoit dépit, étoit que ceux qui +voyoient ainsi périr ces chastes ames, disoient: voilà belle chouse & +grand pitié! Et chacun disoit: je prie dieu pour les marchands qui +trafiquent sur l'eau, qu'ils ne puissent faire plus grande perte. + +VIRET. Par la vertu, j'ai quasi dit tout outre; encore je m'en repens, +pource que ces méchans penseront que j'aie envie de devenir huguenot; +ceux qui parloient ainsi étoient hérétiques. + +ALAIS. Je le crois, & en sais bien l'occasion; & autrefois j'eusse juré +sur mes oeufs de pâques, qu'il n'y avoit point moyen de troubler la foi +des François; mais aujourd'hui je ne m'ébahis plus de rien. Si je savois +que vous deussiez faire profit de ce que je dirai, (nous autres vieilles +gens ne prenons pas plaisir à parler pour néant) & que vous ne +m'accusassiez de ce que je dirai, je vous alléguerois quelque chose de +rare & notable. Certes je déplore la pauvre église Romaine qui se +démolit, & sur tout pour un poinct & un acte qui se commet en France. Je +vous le dirai, comme si j'eusse été présent à ce bateau qui périt, +lequel étoit au fond chargé de sel; & je m'en rapporte à messieurs du +grand parti. A! ha, pauvre prêtrise, ton crédit s'en va. Or sachez que +la rareté du sel, qui est aujourd'hui si rare & chere, est cause qu'il +n'y aura plus gueres de bons catholiques, parce qu'à peine trouvera-t-on +du sel pour faire l'eau bénite à bon marché. Que si elle devient chere +en continuant, on n'en fera plus; & adieu mere sainte église. Voilà , +voilà une raison des hérésies en notre France. + +ARISTARQUE. Notre maître Loiseau la donna bien meilleure aux dames, les +reprenant de leurs folies; & puis se ravisant, disoit: je ne dis pas que +vous soyez paillardes; mais que vous êtes habillées en putains. Et comme +les dames lui eurent fait quelque petite priere, de ne les taxer plus +ainsi, il disoit: vraiment, mes dames, je vous trouve assez femmes de +bien; mais vos enfans sont miévres; ils sont de mauvais petits fils de +putains. Les dames derechef le supplierent de les épargner; ce qui fut +cause qu'il songea à sa conscience, & n'en parla plus. Mais pourtant +voulant instruire sur les moeurs, il disoit aux dames: je suis bien-aise +de votre conversion; mais je me fâche que vous avez des perroquets, +auxquels vous faites dire de vilaines paroles: maquereau au diable. Oui, +oui, cela est du diable. Apprenez-leur à dire de bons _de profundis_; +cela servira aux ames des trépassés. Et puis se jettant après les +hommes, il taxoit leur luxe & grande chere. Voilà grand cas, disoit-il, +que l'on fait tant de dépense! Bien encore aux jours gras, soit; mais en +carême, ô la pitié! Voilà , messieurs couvrent la table d'une belle +nappe, boutant à bas des deux côtés; ils mettent des chaises autour la +table; ils appellent cette action souper; & qui pis est, ils disent +_benedicite_ & graces. Ne mettez la nappe qu'un peu plus de demi: ayez +des escabeaux autour de la table; ne dites graces; & dites que vous +faites collation, & faites grand-chere tant que vous voudrez. + + + + +CONCILE. + + +X. DIOGENES. Chedienne, mon ami, mon enfant, beau fils, mon couillaud, +j'ai beau me torcher le cul; ma chemise est toujours breneuse. + +CETTUI-CI. Que diantre veut dire ce rêveur, je gage qu'il nous fera +faire quelque sottise? + +DIOGENES. Ce curé en fit assez: je venois ainsi à la traverse pour les +faire oublier; mais puisqu'il est destiné, achevez. + +L'AUTRE. Sur l'après-dinée, on le pria de fiancer une belle fille; ainsi +qu'il étoit après, & que déja il tenoit sa main, il se souvint de son +valet & de son avertissement; parquoi, de peur de faillir, il demanda +tout haut: lui en a-t-on rien fait? + +R. ESTIENNE. Non, monsieur. Cettui-ci est fat, & a un frere fort docte, +maître des requêtes, ce docte a force livres. Un jour qu'il délogeoit, +il les faisoit porter aux crocheteurs, depuis l'université, pour aller +loger vers le louvre, à cause du conseil. Le chemin est grand, si que +les crocheteurs étoient lassés: & lui, desirant faire un peu d'épargne, +chargeoit les porte-faix le plus qu'il pouvoit. Il y en eut un, sur +lequel il mit un peu trop de grands livres. Le crocheteur lui dit: +monsieur, je vous prie, choyez-moi; vous en mettez trop. O! ha, ha, +dit-il, te voilà bien gâté d'en porter sept ou huit! Et s'il te les +falloit tous porter en la tête, comme moi, & que ferois-tu? Adonc le +crocheteur se revire vers lui, & lui dit? par mananda, monsieur, vous y +avez donc de beaux crochets. Je suis pris; j'ai belle femme. C'est tout +un, il y a plus de quinze ans que j'ai chanté ma premiere messe. + +LISET. Quoi! ce savant étoit-il prêtre? + +R. ESTIENNE. Non; mais à l'usage de France, les prêtres se marient, & +les gens laïques disent messe. + +LISET. Je ne puis entendre. + +ESTIENNE. Vous n'avez donc guères vu de besogne parmi nous? Les Prêtres, +quand ils chantent leur premiere messe, ils disent qu'ils font leurs +noces, & ainsi les voilà mariés à un bréviaire: & les gens mariés, par +dépit, disent qu'ils chantent leur premiere messe sur l'autel velu, ou +le sera. + +OECOLAMPADE. Cela ne se devroit pas endurer. Et que tous les mille +diables, pourquoi endurez-vous que l'on die la messe paresseuse, la +messe séche; &, ce qui est bien plus joli, que les prêtres aient des +amies sans fraude. + +CUSA. Allez, monsieur, allez dormir, vous n'êtes pas assez sage pour +renverser nos bonnes coutumes. Apprenez que, durant la famine, les gueux +font les étrons plus gros; & vous diriez qu'ils se retiennent de chier, +plus qu'en bon temps. Faites vos affaires; & laissez les nonnains se +donner du goupillon à l'opposite des reins, parce que chacun veut vivre +à sa poste. Je prie dieu pour les marchands, qu'ils fassent si bien +leurs affaires qu'ils ne puissent gagner ni perdre; pour les +gentilshommes, qu'il n'aillent avant ni arriere; pour les gens de +justice, qu'ils ne fassent ni bien ni mal; pour les femmes grosses, que +l'enfant en sorte avec même plaisir qu'il est entré; & pour le reste du +monde, qu'il se puisse gratter où il se démange sans danger. + +BEZE. Vous nous parliez d'un savant officier: je l'ai connu. Hors la +Table, il n'étoit guere qu'une bête vêtue; au reste, chiche en curé & +ribaud, il y paroissoit, d'autant qu'il ne faisoit chez soi plus grand +festin que de pâtés d'hermite. + +NERON. Qu'est ce que cette viande? + +APICIUS. Noix, amandes, noisettes. + +QUELQU'UN. Qui le connoît mieux que moi. Ce fut lui qui vint consoler +madame du Bois, après la mort de son mari, qui étoit décédé à Paris, +s'étant fait tailler. Il vint vers elle, durant ses grands pleurs. Hé +bien, madame, combien vous devez vous consoler, & remercier dieu de ce +que monsieur votre mari est mort bon catholique, & qu'il a eu les droits +de l'église? Soyez joyeuse de cela, madame, ma chere dame. Or combien ce +vous est plus de joie qu'il soit ainsi mort, au prix que s'il eût été +rompu sur une route, ou empalé, ou tiré à quatre chevaux, comme tant de +bonnes gens. Adieu & bon soir: mais qu'il ne vous déplaise, ni à moi +aussi; bon vêpres, tant qu'à l'amander. Apprenez ici à prêcher, +messieurs les savans, sans tant user de propos. + +NERON. Que pensa cette pauvre dame? + +QUELQU'UN. Que ce prêtre fût insensé. Aussi ressembloit-il mieux à un +fou qu'à un moulin à vent. La pauvrette étoit en douleur extrême: & +encore plus, depuis qu'elle eut reconnu le grand amour que son mari lui +portoit, ce dont elle avoit été ignorante; & elle l'apprit un an devant +qu'elle l'en interrogeât. Une après-dînée qu'ils devisoient, son mari & +elle, elle s'avisa de lui dire: mon mignon, je te prie de me dire si tu +m'aimes bien. Oui vraiment ma mie. Comme quoi, mon coeur? Comme un bon +chier, ma chere soeur. Vraiment, vous ne faites gueres état de moi. Il +remarqua ce dédain, & délibéra y pourvoir. Un jour qu'il avoit affaire +aux champs, il dit à sa femme qu'il desiroit qu'ils allassent ensemble; +à quoi elle s'accorda: il la fit lever plus matin que de coutume, & que +nature n'avoit encore apprêté les matieres de l'élection, si qu'elle +n'alla point à ses affaires, joint aussi qu'il la hâta fort. Ils +monterent à cheval, lui sur son roussin, & elle sur le bon mallier, avec +le valet qui la guidoit en croupe, lequel valet étoit avisé de ce qu'il +devoit faire. Comme ils eurent passé deux lieues, la dame eut envie de +fianter; mais le valet lui dit qu'il n'osoit s'arrêter, & qu'il se +falloit hâter; si qu'elle se retint, & si bien qu'à l'arrivée elle se +sentoit assez pressée de faire ses affaires; & ce fut tout que d'aller +jusqu'au purgatoire, où elle s'évacua abondamment, & avec tant de +volupté, qu'elle se souvint de l'amitié que son mari lui portoit. +Parquoi, étant revenue, elle dit: a, a, mon ami, je connois bien +assurément que vous m'aimez beaucoup; je l'ai tantôt expérimenté, & +crois qu'il n'y a rien si bon qu'un bon chier. Même j'ai été en +grand'peine; je suis fort marrie que je n'avois du papier pour me +torcher le cul; je vous assure que je vous l'eusse bien gardé, tant cela +est bon. + +L'AUTRE. Elle eût fait comme une demoiselle de Saumur, qui est si bonne +ménagere, qu'elle fait à deux fois d'un torche-cul; après que le premier +coup, elle s'est torché le cul, elle reploie le papier en sa pochette, +où il y a de la dragée pour les mignons, qui fouillent aux pochettes des +dames, pour avoir de la friandise, comme tu disois tantôt. + +POSTEL. Fi! je crois que cette est l'occasion, pourquoi les Turcs ne se +torchent pas le cul de papier, d'autant qu'ils sont friponniers; & ils +enrageroient, s'ils trouvoient ainsi ès pochettes des dames des papiers +breneux. + +SIMLER. Tu as dit vrai; tu t'y prends comme un moine à fouler vendanges; +tu l'entends comme une guenon à faire des fagots: si la tête vous fait +mal, ce ne sera pas de cela. Je vous dirai la raison, pourquoi les Turcs +ne se torchent point le cul de papier; c'est de peur que ce papier ne +soit une bulle du pape, ou quelque relation de consistoire, ou +conclusion de chapitre; de quoi si l'on s'étoit éflairé le fondement, +sans doute on auroit les hémorrhoïdes, ce que les Turcs craignent +beaucoup: d'autant qu'ils croient que l'ame est au sang, & que le sang +coulant ainsi par le cul, leur ame seroit toute breneuse. + +CATON. Les pauvres Turcs avoient bien affaire que vous les tinssiez en +vos contes. Mais, puisque vous en parlez, à quoi connoîtriez-vous un +Turc d'un chrétien, s'ils étoient tous deux tout nuds? + +GESNER. Et vous, à quoi connoîtriez-vous une vache au milieu d'un +troupeau de brebis? + +CATON. A le voir. Çà , çà , répondez à ma question. + +SIMLER. Je vous le dirai bien; c'est qu'il faut sentir au cul, celui qui +aura odeur de moust, sera le chrétien; d'autant que le Turc ne boit +point de vin. + + + + +INSTANCE. + + +XI. L'AUTRE. Je suis bien aise que vous êtes venus sur ces différences. +Dites un peu quelle différence il y a d'une femme à un prêtre? Ce sont +gens de robe longue. Je n'en sais rien. Ni moi aussi. Ni moi itout. A, +a, je vous le dirai: c'est que les prêtres mettent leurs amis sur leurs +têtes; & les femmes mettent leurs amis sur leurs ventres. + +CARDAN. Si le roi défunt eût su ces différences, il n'eût pas été en +peine de demander au grand prieur ce qu'il pensoit d'un beau cheval, +qu'on lui vouloit vendre. Le roi lui faisant voir ce cheval, lui dit: +monsieur le grand prieur, que dites-vous de ce cheval? Voilà un beau +cheval, sire, & qui fera bon service. On me le veut vendre pour Turc; & +je vous prie: vous qui vous y connoissez, de m'en dire votre opinion. +Quoi! pour Turc? Par la double bierre des pays bas, sire, il est +chrétien, comme vous & moi. Afin que vous ne soyez plus abusé, nous +rîmes, ce jour-là , tout notre saoul; & monsieur le grand prieur fit, au +soir, un trait autant plaisant, qu'il avînt de long-temps à la cour. Je +remarquerai un peu le temps. On portoit des bas à attacher; & n'avoit-on +qu'un beau petit culot, si que les fesses paroissoient abondamment, & la +mere des histoires étant soulevée d'un pont-levis fait en fonte. + +PLATON. Qu'est-ce que la mere des histoires? + +L'AUTRE. Foin, que d'ignorance! C'est la pochette qui contient les +histoires, c'est la couille. Voilà une grande difficulté! Qu'il faut peu +à ces philosophes, pour les faire badiner! Nous étions en la +grand-chambre d'après la salle du château, & monsieur le grand prieur +faisoit un état d'une belle épée de damas qu'il avoit. Le roi lui dit +qu'il ne croyoit pas qu'elle fût si bonne qu'il disoit. Là -dessus le roi +la prend, & ainsi nue la considere: vraiment, dit-il, cela ne coupe +point. Quoi! dit le grand prieur, sire, j'en couperai, d'un revers, une +douzaine de flambeaux. Le roi dit: vous ne sauriez seulement couper +cettui-là , que voilà sur le bout de cette table. Cette parole ne fut pas +si-tôt dite, que le grand prieur va vers ce flambeau, & d'un revers la +coupe en deux. Il y avoit le baron de Sault avec ses fesses, dont le +proverbe en est venu, qui tendoit beau cul, sans y penser. La fin du +coup va roide à son cul, d'autant qu'il étoit ainsi tourné parlant à +d'autres; & partant il eut le cul coupé. Ha! ce dit-il, monsieur, +qu'avez vous fait? Vous avez gâté mon haut-de-chausse. + +RENÉE. Vraiment, ce cul coupé n'eût pas lors serré les fesses de peur de +péter. + +ASCLÉPIADES. Vraiment non, non plus que Margot de chez nous, qui passoit +par la salle, en portant un oeuf à madame; comme elle fut au milieu de +la salle, elle nous salua; & en cette action, elle eut faim de faire un +pet, c'est-à -dire envie ou desir, (ainsi qu'on dit à Paris, j'ai faim de +pisser, soif de chier.) elle voulut serrer les fesses de peur de peter; +elle fit tout au rebours. Je vous assure qu'elle serra si fort le poing, +qu'elle creva l'oeuf; & ouvrit tant les fesses, qu'elle fit un gros pet. +Quoi! vous petez, lui dis-je? Vere, monsieur, dit-elle, c'est que j'ai +mangé des pois. + +NERON. C'étoit donc une _fausse guenippe_. + +ASCLÉPIADES. Oui, elle avoit étudié avec celles muses Aganippes, d'où +vient ce bel épithete. + +CICERON. Dites-vous un _épi de tête_? C'est une corne de cocu. + +ASCLÉPIADES. N'allez point chercher d'équivoque: cela est défendu par la +pragmatique sanction. Ainsi que disoit un chanoine, disant: messieurs, +depuis qu'il vous a plu me recevoir indigne chanoine, comme les autres, +je n'ai point ouï parler que la pratique de l'ascension nous fût +contraire. + +GRATIAN. Une dame du même pays, ayant un panaris au doigt, ainsi qu'elle +l'avoit ouï nommer au chirurgien, parlant de son mal à ses commeres: +hélas! disoit-elle, ma mie, j'ai le mal de _paradis_. + +BEZE. La voilà , là , là , l'ance à monsieur; vous me mettez là -dessus. Le +coq de notre paroisse voulant dire, à l'évangile: _gloria tibi, domine_; +faisoit le docteur, & disoit: _gloria edit homines_; (ha! ha, ha; hem, +hem, ho, ho) puis regardoit si on le voyoit. + +BUCANAN. Il étoit d'une race de gens assez fins pourtant, témoin son +cousin germain, qui étoit curé du même village, auquel village depuis +n'aguères on avoit fait un crucifix tout neuf, & on avoit mis le vieil +au grenier du presbitere. Le curé, qui desiroit de manger d'une bonne +oie, l'avoit fait engraisser, tuer & mettre à la broche, pour cuire, +toute farcie. Or, pour épargner son bois, il avoit mis le vieil crucifix +au feu; &, conscience le dévorant, ne l'avoit voulu rompre, si qu'il le +mit tout entier au feu, & laissa son petit neveu rôtir l'oie, +c'est-à -dire, tourner la broche. Quand le bras du crucifix fut brûlé, le +corps tombe, la tête sur le rôti, & le petit garçon de se lever & courir +à l'Eglise, où il va crier: mon oncle, mon oncle, cet homme que vous +avez mis dans le feu mange notre oie. + +AGATOCLES. Qui connoît mieux ce curé que moi? Un jour, je dînois chez +monsieur du Mesnil, celui que monsieur de Gué-Hébert fit porter, par le +diable, avec sa femme, dans un champ à deux lieues de sa maison. Le curé +dîna avec nous; puis en diligence s'en retourna; & aussi tôt nous ouimes +sonner les cloches, comme pour un nouveau miracle. Le fait est tel, +ainsi que nous savons expédier briévement avec grande tirelitantaine de +paroles, nous autres Grecs. Un voisin de monsieur le curé lui avoit +dérobé une oie & l'avoit mangée. Ce curé l'avoit tant cherchée, qu'il en +avoit dépit. Enfin, par confession du paysan, il sut la vérité; & parce +que c'est sacrement, il n'y a pas moyen de m'en venger en la découvrant. +Pourquoi il délibéra, pour l'attrapper, de lui en faire autant, selon +que l'évangile l'enseigne aux gens d'église: si on vous frappe en une +joue, baillez une belle & forte jouée en l'autre. + +ILLIRI. Quant j'étois d'église, j'oyois ainsi interpréter, _inter +fratres penes quos est_, l'intelligence des écritures. + +AGATOCLES. Il fit donc tant qu'il empoigna une bonne, grosse, grasse, +ferme, délicate oie du paysan; & se délibéra d'en manger à gogo; cou & +tout; & pour cet effet, il la fit dévotieusement cuire au feu +presbitéral, comme dit est. Etant revenu de l'église, & délibérant se +mettre à table, voilà que monsieur du Mesnil l'envoya querir. Quoi! +perdre une repue franche? Ce seroit double perte à un curé; il perdroit +ce qu'il mangeroit, & ce qu'on lui prépare. Le curé délibérant d'aller +dîner, dit au messager: mon ami, je vais après vous. + +MAROT. Il ne fit pas si dextrement que maître Macé, le curé de la basse +Athene, qui étoit pressé de la noblesse, qui sans cesse venoit chez lui +l'écornifler. Un jour qu'il y avoit sept ou huit haubereaux chez lui, il +leur fit le meilleur visage du monde. Messieurs, soyez les biens venus; +çà , que l'on se dépêche; garçon, au vin, au poulailler, au crochet, à la +fuye; serviettes blanches. Disant cela, il mouvoit & prend un surplis +qui étoit à part sur une autre robe, que celle qu'il avoit rapportée de +l'église; & prenant un bréviaire en sa main, les rendit étonnés. Où +allez-vous, monsieur le curé? Je viens incontinent, dit-il, messieurs; +je ne ferai qu'aller & venir, tandis que le dîner s'apprêtera, je vais +réconcilier un pauvre pestiféré, que j'ai confessé ce matin. Et ce +disant, il sortit; & soudain, tout ces guillerets épouvantés sortirent; +& de treize semaines, n'y voulurent aller. + +AGATOCLES. Cettui-ci se prépara pour venir. Or il avoit envie de manger +de l'oie, & disoit: je mangerai de l'oie par dépit. De la laisser au +logis, il n'y avoit point de moyen, parquoi il s'avisa de la cacher; & +pour en ôter la connoissance à son valet & à sa chambriere, il les +occupa de message; puis prit les clefs de l'église, & y porta l'oie +toute cuite, & la mit en un coffre; puis il cacha les clefs sous une +tombe. Le valet, qui étoit au guet, l'apperçut; parquoi, sitôt que le +curé eut pris l'air; il s'en vint avec la chambriere & avec un de leurs +familiers, & allerent manger l'oie, tant qu'ils pûrent: puis ils +dépendirent toutes les images, & les mirent autour de ce coffre, leur +ayant graissé le minois & les mains du reste. Il restoit encore une +demi-cuisse, qu'ils mirent en la goule du diable qui est sous saint +Michel; & s'en allerent, fermant l'huis, & remettant les clefs au même +lieu où elles avoient été mussées. Le curé revenu, va droit aux clefs; & +les ayant trouvées comme il les avoit mises, dit: je mangerai de l'oie à +mon compere. Il entra en l'église; & voyant tant de saints autour de son +coffre à l'oie: ô, ho, dit-il; & qui, tous les diables, vous a mis là ? +Etant approché, & les voyant ainsi gras par le mufle & les mains, & la +cuisse à la gorge du diable, la lui arracha, disant: vilain que tu es, +je ne me soucie pas des autres; mais toi, j'en aimerois mieux étrangler, +que tu l'eusse; & dà , j'en tâterai. Comme il la savouroit, il se va +souvenir de sa faute; si qu'il sonna les cloches, pour appeller le +peuple pour voir ce grand miracle. + + + + +PRODUCTION. + + +XII. A savoir si ces valets avoient mal fait. + +OECOLAMPADE. Non, s'ils l'avoient pris avec action de graces, comme le +soldat qui échappa le pendre, aux premiers troubles. Monsieur le prince +de Condé avoit fait faire un ban, par lequel il étoit défendu aux +soldats, à peine de la vie, de prendre chose aucune. Ainsi il sortit +d'Orléans, en huguenoterie pour lors, avec une belle troupe. Il y avoit +un jeune soldat, qui au partir étoit à pied, & le lendemain il parut +monté. Cela fut rapporté; parquoi il le fait venir devant lui, pour être +jugé & livré au bourreau. Sentant cette approche, il fut fâché +extrêmement d'être pendu, principalement quand on se porte bien. Il se +jette à genoux devant monsieur le prince, & lui dit: monseigneur, s'il +vous plaît ouïr ma raison, je vous rendrai satisfait. Dis-la. +Monseigneur, nos ministres nous prêchent que tout ce que nous prendrons, +nous le prenions avec action de graces. Ayant trouvé cette monture, je +me suis mis à genoux, & l'ai prise avec action de graces. Va, va, n'y +retourne plus, & ne sois plus larron. + +BACON. Il ne l'appella pas larron; non da, non de pardieu, il s'en garda +bien, d'autant qu'ayant connoissance de beaucoup d'honneur, il savoit +bien qu'il n'y avoit pas raison de nommer un homme larron, sans faire +tort à beaucoup de sortes de gens, parce qu'il y a des larrons de toutes +sortes de sectes, habits, qualités & autres nations de peuple. + +CUSA. Vous n'exceptez rien. + +BACON. Non; & si je ne m'en confesserai point. Non, non. + +CUSA. Bien donc, de ce qu'on n'a point fait, ni eu envie de faire, s'en +faut-il confesser? + +BACON. Allez demander cela au pénitencier. + +CUSA. Et si je ne sais rien pour lui dire? + +BACON. Répondez, comme le bon homme de Vannes, qui étoit charron, lequel +s'étant confessé, le curé lui dit: dites votre _confiteor_. Je ne le +sais pas. Dites votre _ave_. Je ne le sais pas. Dites la patinostre. Je +ne le sais pas. Que sais-tu donc? Je sais faire de belles civieres +rouleresses; je vous en ferai une quand il vous plaira, & à bon marché. + +LE BON HOMME. Vraiment, ce fut presque de pareille monnoie que furent +payés, à Rouen, messieurs les consultans, qui, ayant fort exactement +avisé l'affaire d'un Marin Gautier, & lui ayant déclaré l'avis du +conseil, il prit son avocat à part, & lui demanda si messieurs se +contenteroient bien chacun d'une signole. _Signole_ est une piece d'or +valant moins d'un écu; & signole aussi est ce que nous appellons la roue +que font les jeunes garçons. L'avocat pensant aux pieces d'or, dit +qu'oui, & que c'étoit honnêtement. Adonc Marin va compter ces messieurs; +& ayant mis bas son manteau étendu sur la place, fit autant de signoles +qu'ils étoient; & deux pour son avocat, & puis les remercia, & adieu. + +ILLIRIC. Il paya le talent d'autrui de son labeur. C'est ainsi qu'il +faut mettre la piece au trou, comme fit Martin Chouri, qui vint voir le +rapporteur de son procès, pour lui montrer quelques pieces qui lui +étoient nécessaires, pour le gain de sa cause. Le rapporteur qui avoit +été pressé par les parties adverses, qui lui avoient mis ès mains des +rouelles de bonne faveur, dit à Martin: mon ami, il n'étoit pas besoin +de ces pieces, d'autant que nous avons jugé votre procès. Comment sans +ces pieces: Nous l'avons jugé à vue de pays. Et moi, j'en appelle à +travers champs. + +LOUVET. Cet appel eût pu courir bien loin, s'il n'y eût eu montagne ni +vallées, ainsi que le disoit messire Marguerin au paysan qu'il +confessoit. Le bon homme étoit au lit de la mort; & le prêtre lui +prêchoit la résurrection, afin qu'il n'eût point de regret à cette vie; +& suivant son propos, lui disoit qu'après le jugement, il n'y auroit ni +montagne ni vallée. O! o, dit le paysan, il fera donc beau charroyer. Un +peu après aussi, la femme se mouroit; & le prêtre lui disoit qu'elle +alloit en paradis, où elle verroit les saints avec lesquels elle seroit: +a! ha, dit-elle, il n'est que d'être parmi le monde qu'on connoît. + +ULDRIC. Elle n'étoit donc pas comme le valet du ministre de Vaivai, +au-delà de Lauzanne, qui connoissoit le diable. Un jour qu'il faisoit +tonnerre, pluie & tempête, & que le monde étoit, un dimanche au soir, +aux prieres: voilà un éclat de tonnerre qui donna; & au même instant un +pauvre ramonneur de cheminée, pour éviter le danger & la pluie, se jette +dans le temple. A son arrivée, chacun le voyant si noir, s'enfuit. Il +voit le monde fuir, il fuit aussi après. A la sortie, & qu'il étoit le +dernier, il arrête ce valet, qui aussi étoit le dernier des autres, & +lui demanda ce qu'il y avoit. Le pauvre valet lui dit: hélas! monsieur, +ne me faites rien; je vous connois bien. Et qui suis-je? Vous êtes +monsieur le diable, à qui dieu donne bonne vie. + +GAGUIN. Il étoit aussi fin que le Genevoisien qui étoit en garde avec +quelques François à la porte neuve. Un des François, revenu de +sentinelle, se jetta sur le lit de bois pour se reposer: ce Genevoisien +étoit auprès. Avint qu'en dormant le François va faire un pet, sur quoi +l'autre se va écrier: au diantre soit la couvaye, le chancre la puisse +ronger! Ils disent qu'ils sont ci venus pour l'évangile, & ils petent +comme poirs, c'est-à -dire, pourceaux. + +ARNOBE. Cela se rapporte comme le moine qui mene un diable en lesse, +disant ses heures, le tout en peinture, qui dit: telle est la génération +de ceux qui cherchent la face du dieu de Jacob. Je l'eusse dit en latin, +sans que le diable qui s'en formalisa, dit tout haut en bon françois, +par la bouche d'un procureur qui voyoit cette figure aux augustins de +Tours, où le grand conseil tenoit: si le diable avoit des peintres, on +verroit plus de peintures de diables menant des moines en lesse, que des +moines y menant des diables; encore qu'il y ait, comme il se comptera à +la fin du monde, un tiers plus de moines que de diables pour les amuser. + +CÉSAR. Je pense que vous rêvez de parler ainsi. + +SOZOMENE. Non fait, il ne rêve pas. Il est comme le sire George, qui +étoit fort malade; & sa femme avec quelques siennes commeres le +réconfortoient; & comme elles voulurent essayer s'il les connoissoit, +l'une dit: hé bien, mon compere mon ami, nous connoissez-vous bien? Oui. +Qui sommes-nous? Vous êtes toutes des plus fortes putains de Blois. +Ardez, ce dit l'une, il rêve. Vraiment non fait, dit sa femme, il vous +connoît bien. + +RONDELET. J'y étois; je le pançois, j'en ris assez; & encore plus, quand +les dames y étant pour le renforcer, l'incitoient d'avoir courage. +Madame la gouvernante y étoit, qui lui disoit: or ça, courage, sire +George; là , il faut prendre quelque chose. N'avez-vous rien pris +aujourd'hui? Il répondit: sauf votre grace, madame, j'ai pris une puce à +la raie de mon cul. + +CÉSAR. Je crois qu'il étoit fou: le saffran de sa boutique lui avoit +altéré le cerveau. + +RONDELET. Encore dites-vous vrai, témoin monsieur de Vendôme, qui étant +malade & dégoûté, vouloit manger du ris; ce que disant à son médecin, il +le lui accorda. Le prieur ajouta qu'il eût bien voulu qu'on y eût mis du +saffran. Bien, dit le médecin, mais il n'y en faut gueres. Non, répondit +le prieur, il me feroit mal: & de fait, je vis un jour un cheval qui en +étoit trop chargé; il en devint fou. + +MAROT. Estimez-vous pour cela que ce seigneur fût fou? Non, pas du tout; +mais il tenoit un peu de la féve. Et c'est ce que notre Pythagoras nous +enseigne, disant: gardez-vous ou abstenez-vous de féves: c'est-à -dire, +d'être fous, ou d'en faire des traits. Je ne sais pas quel fou étoit cet +abbé, mais j'ai retenu de lui des maximes notables. + + + + +EXPLOIT. + + +XIII. Pour parenthese, je vous dirai que c'est de lui que je tiens qu'il +y a au monde quatre nations anagogiques aux quatre mendians de +l'hôpital, qui sont poux, puces, morpions, punaises. + +ULDRIC. Voici qui est beau. + +MAROT. Ecoutez; tantôt nous rentrerons bien en propos, à droit ou à +gauche. Là , cher ami, je vous prie. Les poux sont les Allemands, qui +mordent & mangent, & se laissent assommer, ainsi que les Suisses, sans +s'avancer. Les puces sont les François, qui sautent & n'ont point +d'arrêt, & laissent des marques par-tout où ils vont, ainsi qu'on le +voit par-tout; mais ils n'y sont pas. Les morpions sont les Espagnols, +qui se sapent ès places si bien, que, si on les peut ôter, c'est piece à +piece. Les punaises sont les Italiens, qui empuantissent tout de leurs +inventions de danses & belles farfanteries qui infectent le monde. + +NERON. Que deviendront les autres nations? + +MAROT. Je les recommanderai aux cordeliers réformés, ministres, jésuites +& telles gens de l'autre monde nouveau. + +CÉSAR. Mais où en étions-nous? + +PARACELSE. Sur les diables familiers, ce me semble, ou quelque chose de +diablerie: c'est tout un. + +RONSARD. Si vous avez perdu la mémoire, je vous dirai une jolie +aventure, pour vous reguiser la mémoire. Ceux de Benest & d'autour +devoient aller au marché à Bourgueil; & quelques-uns s'étant donné but +pour partir de bonne heure, il y eut un serrurier qui se leva plus matin +que les autres, & voyant que ses compagnons ne se vouloient point lever, +se mit en chemin. Ayant fait plus d'une lieue, & avisant qu'il étoit +encore trop matin, se voulut reposer. Il échut qu'il se va jetter à +quartier sous une potence, où depuis quelques jours on avoit attaché un +larron, qui gambadoit en évêque champêtre. Le serrurier s'endormit +très-bien. Le jour venu, ceux qui alloient au marché passant par-là , il +y en eut de joyeux qui dirent qu'il falloit appeller ce pendu. C'est +bien dit. Hau, compagnon, hau, hau, veux-tu pas venir? Il y a assez que +tu es là . Le dormeur qui étoit à bas, qui ouit ce bruit, s'éveilla, & +répondit: oui, oui, hau, hau; je vais, attendez-moi. Ces passans se +trouverent surpris extrêmement, & s'enfuirent, cuidant que ce fût le +pendu qui eût parlé à eux; & le serrurier de courir après. Eux, oyant +ses ferremens, pensoient que ce fût la chaîne du pendu; parquoi ils +s'enfuient: le serrurier appelle & plus il appelle & court, & plus les +autres tout épouvantés s'enfuient, & ne cesserent de courir, qu'ils ne +fussent à Bourgueil. + +SIMLER. Or ça, nous voilà au marché, qu'acheterons-nous? + +ZANCUS. Achetons des moutons & des poules, pour les payer au seigneur +Breton, auquel on doit, par aveu bien écrit, trente moutons lainés, +couilleux, cornus, & vingt poules avec leur sauce de ménage: voilà qui +est bon, tout sert en ménage. + +RENÉE. Oui da. Mais quelles sont les plus grandes nécessités ou +pauvretés du ménage? Je ne sais. Ni moi aussi. Ni moi. Je vous les +dirai, & les retenez. Je parle comme la bonne femme, à la porte de +laquelle on avoit chié, & s'en plaignant à un sergent, lui dit: +monsieur, je vous en embouche le premier; ardez, si vous m'en faites +avoir raison, je vous promets de vous en faire bonne chere; & vous ayant +satisfait, nous en ferons chez nous un bon repas. La premiere pauvreté & +nécessité, c'est quand on brûle le balai, par faute de bois. La seconde, +quand par faute d'autre pâte on fait cuire le levain. Et l'extrême, +quand, par disette de linge, on torche le cul aux enfans avec la langue. +Vous sentez qu'il faut être marié; autrement cela n'auroit pas lieu +par-tout. + +BEZE. O! ne vous abusez pas. Ceux qui ne se marient qu'au mariage du +diable, ne laissent pas d'avoir des enfans; parce qu'ils font la cause +pourquoi. + +ASCLÉPIADES. Ne parlons point de cela; nous ferions des querelles. Et +puis, mon ami, les parfaits sont aux cieux. Demeurons en terre, tandis +que nous y serons bien. Donc nous converserons avec les femmes mariées; +& pour l'amour de si belle conversation, je vous dirai qu'une dame de +Paris, d'auprès le coin de la rue Aubri-le-Boucher, avoit trois filles, +qu'elle maria en un même jour; & le lendemain, voulant savoir si ses +filles étoient femmes, elle les prit à part, & leur dit: or ça, mes +filles, nous voici toutes femmes; il faut tout dire: je veux savoir +laquelle est la mieux de vous, ou si vous êtes bien toutes trois. Là , +dites-moi, quel cas ont vos maris? L'aînée dit: ma mere, mon mari l'a +menu, mais il est long. Bien! voilà qui est bon, quand la cuillier va +jusqu'au fond du pot. La seconde dit: mon mari l'a court, mais il est +gros. Cela est raisonnable, lors que la cheville emplit le pertuis. La +jeune: mon mari l'a petit & menu, mais il me le fait souvent. C'est ce +qui est propre, & est grand heur d'avoir petite rente qui vient +toujours. Or devinez laquelle est la mieux mariée; & vous souvenez que +l'outil de mariage est le plus sale drogueux de tous, parce qu'après +avoir bien pilé en son mortier, il crache dedans. + +FRACASTOR. Une fois, étant à Paris, je discourois familiérement avec une +maquerelle. Je lui demandois quels membres virils étoient les meilleurs. +Elle me montra que tous ses doigts entroient en un de ses naseaux; & +qu'ainsi les cas des femmes sont selles à tous chevaux. + +BEROALTE. Ne le prenez pas-là , joint que Mathurin de Blere ne vous le +concédera pas, vu qu'il ne put presque jamais dépuceler sa femme; & sans +la fourchette de saint Carpion, jamais il n'en fût venu à bout. + +LE BON HOMME. Boivons un coup, puis nous saurons cela. Boivez-vous des +coups? + +APICIUS. Oui, d'autant que cela, c'est-à -dire boire, va à coup & se +serre délicieusement: je dirai une volte, si vous voulez; aussi je la +bois mieux que je ne la danse, _& audaces fortuna juvat_; cela veut +dire, que qui chapon mange, chapon lui vient. Ceux qui sont un peu +malades, & se renforcent à boire & à manger, guérissent; aussi l'on ne +meurt que faute de boire & de manger, & bref de s'abstenir de faire les +vertus cardinales. + +PARACELSE. En bonne finte, doncques maître François me vouloit faire +prendre courage & esprit; parce que qui a bon esprit, il boit & mange +bien. Je le priai de me donner une recette, pour m'empêcher de devenir +gras, comme l'étoit Fouillez de Tours; il me dit que j'ouvrisse les yeux +& fermasse la bouche. C'étoit cela pour m'accommoder. + +DIOSCORIDES. Il ne vous eût point fallu de fourchette pour établer vos +morceaux. Mais à propos de cette fourchette. + +BEROALTE. Il y avoit de mon temps, à Nevers, un bon personnage, qui +cherchoit la pierre philosophale; depuis sa mort on l'a fait saint, & +nommé Carpion. Ce bon homme donnoit des eaux, (comme celui qui avoit +fait un enfant à une belle demoiselle, dont elle avoit été délivrée, & +le fait fort secret, ce qui a paru, parce que depuis elle a été bien +mariée au fils d'un bailli. Le soir des nôces, cette demoiselle parlant +à son ami qui lui avoit aidé à faire cet enfant, lui disoit: j'ai peur +que cet homme ne s'apperçoive de la dilatation de mon cas. J'y ai +pourvu, dit-il; envoyez, ce soir, votre laquais; & faudra qu'il me +vienne demander de l'eau pour les yeux. Je vous envoierai de l'eau qui +le rendra si étroit, qu'il n'y aura pas quasi moyen d'y passer un filet. +Ce conseil pris, le laquais alla quérir l'eau, & l'eut; & l'apportant, +il pensa en soi-même que souvent il avoit mal aux yeux, & que l'on ne +lui en donneroit pas, parquoi qu'il valoit mieux qu'il en prît; ce qu'il +fit, & s'en frotta les yeux, qui se serrerent, si fort, qu'il fût +demeuré là qui l'y eût laissé). Le bruit de ce bon personnage étant +grand pour tel effet, il avint qu'il y eut un jeune homme (c'est celui +dont vous avez parlé, ou tout autre, c'est tout un) marié avec une +bourgeoise. Ces deux étoient encore fort jeunes, & ne savoient rien du +manége de concupiscence: tellement qu'ils se mettoient, sans rien faire, +l'un sur l'autre. La mere de la nouvelle mariée lui demanda, un jour, +comment elle s'en trouvoit; & si son mari avoit fait ouverture à sa +nature. Elle lui dit que non. O! ma mie, il faut aller à monsieur saint +Carpion, & lui demander de l'aide. La belle y va, & lui fit sa plainte. +Il lui demanda si son mari avoit des pendillantes au bas du ventre. Elle +dit qu'oui; mais que ce qu'il y avoit en forme d'écritoire étoit si vif, +& se levoit si fort contre le nombril, qu'ils n'en pouvoient rien faire. +O bien, ma mie, venez ici sur les quatre heures du soir. Le bon +personnage fit son apprêt. Et la belle étant revenue à sa mere, lui dit: +en da, ma mere, nous serons bien heureux; ce bon homme nous fera grand +bien. Je vais vîtement le voir. Etant arrivée: bon soir, bon soir, +monsieur: avez-vous eu le plaisir de songer en moi? Oui, ma mie; tenez, +voici une fourchette qui est de franc-coudre. Voyez; elle est enveloppée +& sacrée en ce papier; emportez-la; & quand vous serez au terme de vous +coucher, recommandez-vous à dieu, vous & votre mari: puis étant tous +deux tout nuds, faites-le mettre à genoux entre vos jambes; & ce qu'il a +qui se joint si ferme au nombril, abbaissez-le en le poussant avec cette +fourchette, tant qu'il soit à droit de ce petit pertuis, que vous avez +au bas du ventre. Allez, ma mie. La jeune bourgeoise ainsi instruite, ne +faillit en rien; si qu'elle & son mari trouverent le point qui leur fit +grand bien; & tant s'y accoûtumerent qu'il ne leur fallut plus de +fourchette. Parquoi, avec un petit présent d'une ceinture, que les +fileurs de soie nomment un _cude_, elle reporta la fourchette au bon +pere, lui disant qu'elle étoit bien tenue à lui, & qu'ils n'en avoient +plus affaire; que le cas se baissoit assez, sans aide que de la main. Le +sage lui dit: gardez-la, ma mie, gardez-la; elle vous a servi à le +baisser à cette heure qu'il est jeune; elle servira à le lever, quand il +sera vieux. + + + + +SUITE. + + +XIV. ARNOBE. C'est belle chose d'avoir de la mémoire: vous avez parlé +d'intérins. Que ne nous avez vous dit ce que c'est; s'ils sont +d'Allemagne ou d'autre part. + +ASCLÉPIADES. Attendez; & vous le saurez. Je n'avois garde ni autre d'en +parler, sans l'avis de nos maîtres: & pource, belles entendoires, +souvenez-vous quand nous fûmes à Rouen avec notre roi; & que ce bon +archidiacre, lequel est notre maître entre les médecins, nous traîta. Il +fit ce banquet à nous autres, qui sommes conseillers du roi en médecine. +Ainsi il y en a de conseillers en finances, en maçonnerie, en +fontainerie, en tavernerie, & comme vous diriez en rufiannerie. _Celate +verba._ + +NÉRON. Ce sont mots dorés & notables; ne les contaminez pas. + +ASCLÉPIADES. C'est cet homme d'église qui est cause que j'ai fianté +ainsi du latin par la bouche. C'est un _miserere mei_ d'éloquence, qui +me fourgonne la mémoire. Ce noble archidiacre nous fit le conte de son +aventure. Ainsi que madame étoit très-malade, & que l'on pensoit qu'elle +expirât, environ la minuit, on vint appeller monsieur le docteur, qui se +jette du lit; or a-t-il une coutume de dormir sans chemise. Vraiment il +n'avoit garde d'y penser, d'autant qu'il n'étoit pas dedans. Il se leve +en sursaut, pour aller secourir madame, il met sur ses épaules le +manteau de son valet, premier trouvé, (j'ai quasi dit _venu_, comme le +disent ceux qui sont du pays où tout va & vient). Le manteau ne lui +passoit pas le nombril; & ce personnage entra en la chambre, où prêtres, +gentilshommes, dames & autres étoient. A son entrée, tout chacun se mit +à rire; & lui s'écriant, dit: ha! mauvaises gens, vous êtes sans amitié, +sans douceur & bonté. Voilà madame qui se meurt; & vous riez! Est-ce la +pitié qui vous doit émouvoir? Plus il prêchoit la désolation, plus les +autres rioient. Et madame, qui revint à ce bruit, eut la même vision que +les autres, s'en prit si fort à rire qu'elle fit un pet & fut guérie; & +en cet excellent changement, lui dit: mon pere, cachez votre vit, il me +fait rire. + +SAPHO. Ainsi qu'il avint à notre métayer, qui se mettant à goûter, voilà +mademoiselle de Launai qui le vint voir, & s'assit sur une mote de +cailloux; & comme négligemment elle se tenoit: parlant à lui, une jambe +baissée & l'autre haute, il voyoit son cela, & ne lui répondoit qu'à +demi. A donc il lui dit: mademoiselle, cachez votre con, il m'empêche de +goûter. + +LE MINISTRE. Mais ces intérins? + +L'ENFANT. Or bien, sachez qu'il y a des dames à Paris, & autres lieux où +il y a des cours souveraines, qui ont liberté de se prêter, d'autant que +là , & autre part, il y a liberté de fesses, comme il appert par les +priviléges de Bourges, Tours, & autres lieux, où les chanoines ont des +garces, ainsi qu'ailleurs; les dames étant mariées à gens qui ont des +affaires, comme en ont messieurs de la cour des comptes, & autres dont +je ne parle ni ne cuide parler, d'autant que si je crois qu'il y ait +entr'eux quelque homme de bien, & que je le die, ce ne sera pas sans +dépriser les autres, auxquels je ne veux faire tort. Mais parce qu'ils +sont bien connus, je le propose, afin que par eux on juge de ceux qui +ont des négoces. Les femmes de ces empêchés, voyant & connoissant que +leurs maris n'ont pas loisir de leur faire choses & autres, ont de beaux +jeunes hommes à la maison, qui font ce qui est à faire, pendant que +monsieur n'y est pas: & parce que cette coutume commença du temps des +sénateurs de Rome, le nom latin leur en est demeuré encore. Et puis +quand monsieur le procureur vient harassé comme un marayeux, en entrant, +il voit sa femme, & lui dit: bon jour, trognon. Bon jour, mon ami, +dit-elle. Et bien, ma fille, dînerons-nous? Oui, mon ami. Je m'en vais à +la messe, & un petit à confesse quelquefois, où elle est jusques après +vêpres. Et puis dis que tu en as, homme de peine, pour en amasser à +telles friquettes. + +SACERDOS. Mais que disent-elles à confesse? + +MINISTER. Ce qui leur vient en la bouche. + +L'AUTRE. O! & leur vient-il quelque chose? Je pensois qu'il n'y vînt +rien que quand on y porte. + +MINISTER. Voire, vous voilà aussi étonné que le mari de madame Jeanne, +servante de monsieur de Bourges, qui fut mariée à son argentier. Ce +gars, la nuit des nôces, lui disoit: Jeanne, ma mie, tu as le con bien +grand. Oui, dit-elle, vous voilà bien empêché! Il en faut louer la +moitié. Si j'en suis étonné ou empêché ce n'est pas sans cause, vu que +souvent les hommes ne savent que dire, non plus que celui de tantôt, qui +ne savoit rien faire que des civieres. + +VALDEN. Je fus bien empêché, confessant, un jour, un jeune Breton +Vallon, qui, en fin de confession, me dit qu'il avoit besogné une +civiere. Quoi! lui dis-je, mon ami, ce péché n'est point écrit au livre +angélique d'enfer, nommé la _somme des péchés_, qui est le livre le plus +détestable qui fût jamais fait, & le plus blasphématoire, d'autant qu'il +est dédié à la plus femme de bien. Je ne sais quelle pénitence te +donner. Mais non, mon ami, quel goût y prenois-tu? Monsieur, bon & +délectable. Quoi! est-ce une civiere rouleresse, ou à bras? Monsieur, +elle est à bras, & à bran, & à bouche: c'est une vendeuse de cives. Ha! +de par le diable, je pensois mal; va, mon ami, va, ne peche plus. + +LE DOCTEUR. Cette civiere étoit-elle femme de bien? Je ne le demande pas +sans cause, pource que je ne sais que vous faisiez, parce que mon +confesseur me demanda, un jour, si je n'avois jamais paillardé à autre +qu'avec ma femme. + +L'ÉCOLIER. Quelle différence y a-t-il entre les femmes de bien & les +autres? + +LE MAÃŽTRE. Vous avez tort, il ne faut pas les mêler, il n'y a point de +comparaison. Paix-là , paix-là , paix. + +L'ÉCOLIER. Voire; mais de parler des femmes de bien je ne l'endurerai +pas; ma mere l'étoit. + +LE MAÃŽTRE. Encore pis, tu me feras gâter. Vois-tu? Les femmes de bien +baillent, ou font bailler, ou ont qui baille de l'argent pour leur +faire, & en faut bailler aux autres. + +L'ÉCOLIER. C'est pourquoi elles ont plus de liberté, comme celle qui, à +souper, vit que son mari ne lui avoit point donné de veau; & il coupoit +un oison. Elle lui dit: mon mari, je vous prie, ne faites pas-là de +l'oison, comme vous avez fait du veau. A, ha! he, hi, hi, e e e. Etant +sur ces entrefaites, voici entrer Frostibus, lieutenant-général de tous +les diables, auquel on avoit interdit la porte; mais madame lui avoit +fait ouvrir, d'autant qu'il étoit bon diable. Il vint, gai & gaillard, +mettre les deux mains sur les épaules de Luther, & lui dit: & bien, +monsieur de l'autre monde, quoi! que dites-vous des gentillesses que +nous avons faites par-delà , en notre enfance? Tais-toi; lui dit ce vieil +rêveur Stumius, tu n'es pas sage, tu découvres le pot aux roses, tu +déclares les secrets du métier. Mais, dit-il, par ta foi, pauvre +mélancolique, si tu es plus homme de bien que les autres, va te faire +brûler en quatre quartiers, comme vrai martyr des quatre religions. Or +bien, messieurs, encore un coup, boivez, ne me tenez gueres. Je vais en +Flandre, pour copuler les états. Que voulez-vous savoir de moi? + +LUTHER. Tu es importun. Nous ne nous soucions plus de toi; va à tous les +diables, & nous laisse. Sinon, va à ce nouvel abstracteur de +quintessence qui te fasse griller, comme tu as fait rôtir de mes bons +disciples. + +FROSTIBUS. Ha! ha, par ma foi, je suis tout réjoui. Savez-vous un +poinct, mes bons seigneurs? En quelque pays où il y ait une des quatre +religions établie, je fais déclarer hérétiques, comme fromage de Milan, +ceux qui n'en sont point; & puis on les grille; & cela vient bien à mon +goût, d'autant que le fromage grillé est plus voluptueux au palais que +l'autre. Mais laissons cela, ce n'est pas ce qui m'amene: je suis venu +ici pour vous prier, mon Luther, mon capitaine, mon ami, de me faire la +faveur qu'il n'y ait plus personne damné. Tous les diables vous en +prient; & sera bon, s'il vous plaît, d'y prendre garde, de peur qu'enfin +les maréchaux des logis d'enfer n'aillent en purgatoire marquer par-tout +pour nous loger. Et dà , il en est besoin, d'autant qu'il y a déja tant +de damnés en enfer, que les pauvres diables couchent dehors; & ainsi +vous y aviserez, & je me recommande à vos bonnes graces. Je m'en vais. +Je n'oserois être ici plus long-temps, de peur de devenir hérétique ou +papiste. Que si cela avenoit, je serois perdu. Les financiers & bon +conseillers des rois & princes ne feroient plus état de moi, parce +qu'ils ne font pas cas de ceux qui sont fermes en une religion. + + + + +DÉFAUT. + + +XV. Ayant dit cela, il s'en alla: & fut dit que qui que ce fût, qui +heurteroit, demeureroit dehors, s'il n'étoit de l'une ou de l'autre +religion, _ex professo_: & te va faire loger, pauvre diable. + +LUCRECE. Mais s'il y venoit quelque gueule, lui refuseroit-on la porte? + +PONTANUS. Ces poëtes phantastiques ont toujours quelque allégorie. Que +veux-tu dire par ces gueules? + +LUCRECE. Hé! pauvre fat, ne sais-tu pas bien que nos garces, que l'on +appelle putains à Paris, & nos soeurs ès cloîtres, sont de vraies +gueules. Aussi, je dis que, s'il vient ici des gueules, il les faut +laisser entrer ici, d'autant qu'elles sont bonnes papistes, quand par +dévotion elles le font avec les gens sacrés; & bonnes huguenotes, +lorsqu'elles ne discernent point les jours. Ces deux sortes de gueules +sont comme les avaleurs d'huîtres; elles vivent de viandes vives & +crues. Mon doux ami, tu t'en es tant escrimé, que les mains te +tremblent. Qui joue des reins en jeunesse, ils tremblent des mains en +vieillesse. + +LOCRUS. Disant cela, je me ressouviens que vous n'avez pas tantôt résolu +qui étoit le meilleur; bien que vous eussiez dit que l'abbesse avoit +résolu qu'il n'y en avoit point de grands. + +AXIOCUS. Cela est bon. L'abbesse de Long-champs m'a appris ce qui en +est; me demandant sur cette résolution ce que j'en pensois: & je lui dis +que c'étoit à elle, s'il lui plaisoit, à m'en éclaircir. C'est, ce me +dit-elle, celui qui est dur & dure. Voire, mais dis-je, madame: il ne +peut toujours durer. Non dà , dit la bonne mere, & c'est pourquoi on ne +nous donne pas les états de judicature, à cause que nous résistons au +droit, & l'anéantissons. + +LUCRECE. La dame qui ouit dire à un docteur proférant _ponendum jus_: +ho, ô, dit-elle, vous aurez menti, je ne ponerai pas jus, je suis femme +de bien. C'est la raison pour laquelle monsieur de la Saulaye marioit +ses filles jeunes; & quand on lui demandoit pourquoi, il disoit: j'aime +mieux qu'il leur cuise, qu'il leur démange. + +SOCRATES. Vraiment, je n'y saurois que faire: il y en a à ce bout de +table, qui disent possible les mêmes choses que nous disons ici: mais il +les enfilent d'autre sorte: je vous prie, vous qui les oyez, prenez-y +garde, pour les ôter de ces mémoires & y mettre vos intentions; & vous +pour le premier qui le ferez, serez mis au catalogue des bons esprits, +c'est-à -dire, vous serez déclaré bête de bon esprit. Or sur-tout prenez +garde à quelques petites gentillesses qui sont ici réduites, & les +calculez avec leur distance; &, sous cette proportion, vous trouverez un +grand notable secret; excellent mystere, & mystérieuse excellence. + +DIOGENES. Il m'est échappé de vous dire cela; le diable me l'a tiré du +cul, pour le mettre en votre bouche; faites-en votre profit, comme d'une +belle & joyeuse vrille de bois. + +LE BON HOMME. Et bien, boivons, & me donnez un petit de cette croûte de +pâté; ce que j'en fais est pour épargner le pain. Mais à propos, +qu'est-ce qui épargne plus le pain en une maison? + +CHOSE. E! hé, quel voyage, ma grand'tante; & qui êtes-vous, chouse? +C'est la miche, & le gâteau, & le tourteau, & la fouace, & le biscuit. +Cela me fait souvenir qu'étant à Blois avec mes amis, à faire bonne +chere, durant les états. + +BEZE. Gare le concile. + +PETRUS DE ALVER. Pourquoi? + +BEZE. Parce qu'aux nôces les huguenots furent attrappés à Paris, à la S. +Barthelemi. Aux états, les ligueurs furent contaminés, environ noël. Et +s'il avient un concile, au diable le couillon restant de ces sortes de +gens qui gâtent tout. + +CHOSE. J'étois donc à Blois à me rigoler comme un pere; & mes amis qui +me gratifioient, me traiterent douze jours de bons vivres, & ne me +présenterent point de pain; ils ne me donnerent que de la miche. Ce fut +au temps même que la pauvre Ragonde, fille du commissaire Chotard, se +trouva grosse: & comme son pere s'en fut apperçu, il lui fit quelques +remontrances, disant: comment, ma fille, qu'avez-vous fait? En dà , mon +pere, je ne pensois pas que si peu de chose me pût ainsi aventurer. O! +vilaine que tu es, je crois qu'il te faudroit donc un fourgon. + +SPARCIPPUS. Je n'étois pas-là ; mais à Montauban, ou à Beziers, où +j'oyois maître Florimond le menuisier, qui tançoit sa femme de ce +qu'elle étoit ivrogne; & lui remontrant gracieusement pour l'induire à +pénitence, lui dit: en dà , ma mie, ma femme, j'aimerois mieux que tu +fusses un peu putain. Elle lui répondit: _carabous, carabous le meo +marita tout attingueren, de tout ferem, un poque_. + +APULÉE. Hé! gué, tout ira bien, j'en aurons; & puis on trouve à Paris +pleine chemise de chair vive pour cinq sols au rabais. + +POGGE. Celle de la dame Isabelle valut bien davantage, ainsi qu'il a +paru: c'est qu'elle a tant gagné à prêter son brelingot, que de l'argent +du reste, elle a fondé la plus célebre religion qui soit à Venise, ainsi +que me l'ont dit les Jésuites en confession. + +MACROBE. Ce chose là n'étoit donc pas comme celui de cette pauvre garce +Michelle, qui venoit d'Angers à Tours, & se mit au bateau de Bolacre. +Nous étions bonne troupe, & montions par eau sur Loire, pour aller aux +pardons à Orléans. Comme j'étois là , je désirois que la riviere eût été +mi-partie, qu'un rang eût coulé comme elle fait, & que l'autre eût coulé +vers Blois. Si quelque pape savoit faire cela, il augmenteroit beaucoup +le domaine de saint Pierre, par la diligence que feroient les postes. +Entre tant de gens de bien qui étoient au bateau, il y avoit un gai & +jeune, qui, pour avoir frayé avec Michelle, avoit mal à son unique bout, +ce qui lui déplaisoit fort, aussi-bien qu'aux autres qui ont pareils +accidens, qui survinrent à plus de six de la compagnie. Il falloit se +reposer à Tours, où pour lors étoit le roi, qui venoit de fixer le +mercure. Etant là , ce jeune homme intéressé aux parties vitales, (ainsi +notre ami l'horlogeur nommoit le _vit_, de peur d'offenser les oreilles +des filles: aussi qui les en iroit frétiller par tel endroit, feroit +ridiculité: ainsi que celui qui demandoit chez Bourgant, la même +semaine, du ridicule d'antimoine; il vouloit dire du _régule_;) ainsi +cet affligé alla droit chez le compere Jardin, qui le consola, & le mit +en train de briéve guérison. Or, en notre troupe, y avoit un prêtre +Breton, qui avoit la pine si offensée, qu'enfin vexé de trop de mal, il +se découvrit à ce jeune homme, qui lui conseilla d'aller Jardiner. Le +triste ecclésiastique y va. (Il y en a qui ont voulu dire que c'étoit un +ministre du Languedoc, venu au synode à Châtelleraut: ils se trompent, +d'autant qu'il n'avoit que des poulains, qui lui étoient venus, pour +avoir monté sur la haquenée du confesseur des religieuses de +Fontevrault, à qui le médecin de madame avoit donné la vérole.) Ce +patient étant devenu le barbier, il lui déclara son mal. Adonc le maître +le visita, & trouva qu'il étoit copieusement grangrené; si qu'il le +falloit couper, à quoi il eut beaucoup de peine à faire résoudre +l'affligé, qui enfin, craignant de mourir, abandonna son pauvre cas au +rasoir. Ainsi que l'exécution étoit prête, le chirurgien lui demanda de +quel état il étoit. Il lui répondit qu'il étoit prêtre. Adonc le maître +donna le coup rasibus, sans rien épargner: & comme messire Pierre cria, +il lui dit: là , là , c'est tout un, aussi-bien n'en avez-vous que faire. + +RENÉE. Quand notre ami Yverd le coupa à un chantre de saint Gratien, qui +le regrettoit: allez, dit-il, il reviendra. + +MACROBE. Le prêtre ainsi fait courtaud de légere taille, nous allâmes +tous à la file, pour avoir remede à nos maux; même le petit qui tenoit +la peautre, & qui avoit été poivré, vint à Jardin; & comme il lui +faisoit le discours de son inconvénient, & parlant de Michelle, il nous +disoit: depuis que j'eumes hébrégé cette vetture, je n'en eus que +malheur; le vent s'est tourné, & jernigoi de la vetture, & de la foutue +vetture. + +PARÉE. Il avoit passé par les mains d'une qui avoit moyen de le +récompenser ainsi que me dit à Lyon madame Briolet, l'amie du comte +Bennerie. Je la traitois d'un mal de tête. Mon gentilhomme, mon ami, me +dit-elle, faites-moi du bien; je vous promets que je vous paierai bien. +O! ô, dis-je, mademoiselle, je vous remercie; en dà , je ne veux pas être +payé de ce que je fais aux dames; il y a trop de danger. + +GAUTHIER. Mais le curé de saint Martin d'Aussigni, vers Bourges, y +avoit-il mal? + +GUILLAUME. Vraiment ce fut grand pitié. Il aimoit une femme qui lui +donna assignation, & faisant semblant de le recevoir courtoisement, +l'empoigna: & comme maître Antitus de braguette sentoit cette main +douillette, il s'exaltoit. Adonc cette femme avec l'autre main avança un +couteau, dont elle le coupa tout net. + +SAPHO. O! de par le diable, quel trait! Elle étoit plus inhumaine que +madame, la présidente de même nom, qui se trouvant en lieu +d'assignation, où six l'attendoient pour la bricolfrétiller, elle, se +refroignant un peu, dit: hé bien, messieurs, je vous prie de vous +dépêcher, d'autant que mon mari m'attend; je n'avois épargné du tems que +pour un coup ou deux. + +LE MOINE. Mademoiselle de Lescard, ayant ouï conter ces nouvelles, eut +des visions en dormant, & lui sembla qu'elle voyoit semer des vits, +ainsi elle se jetta hors du lit & se cassa un bras, voulant, comme elle +l'a confessé à monsieur le premier barbier, en amasser un bien gros. Or +cependant, vous parlez à cette heure, belle dame, selon vos intentions. + +TÉRENCE. Aussi faisoient le valet de notre boulanger, & la femme du +conseiller... Comment? + + + + +RÉMISSION. + + +XVI. Il y en a qui parlent suivant leurs intentions arrêtées aux objets. +Le boulanger de la ville tenoit à ferme une maison qui étoit à ce +monsieur le conseiller; & là y avoit un beau jardin, où les arbres +rapportoient de beaux abricots, & de bonne heure. Ce jardinier, en ayant +recueilli des plus beaux & premiers, appella le mitron, auquel il +commanda d'en porter un quarteron à monsieur le conseiller. + +VALRON. Qu'est-ce que _mitron_? + +TÉRENCE. Les valets des boulangers sont ainsi nommés, parce qu'ils n'ont +point de haut-de chausses, mais seulement une devantiere, telle ou +semblable à celle des capucins, qu'ils nomment une _mutarde_, & qui, en +pure scolastique, est nommée une mitre renversée. La mitre couvre la +tête, & ce devanteau le cul, qui sont relatifs. Le mitron, obéissant à +son maître, vint avec les abricots; & entra dans la chambre, où la +servante l'introduisit. Il fit une belle révérence à mademoiselle à cul +nud, lui demandant où étoit monsieur. Elle dit: il viendra à cette +heure, mon ami; attendez le un peu. Cependant le mitron regardoit la +demoiselle qui s'achevoit d'habiller, & faisoit la litiere à ses tetons, +qui paroissoient mignons & beaux; il les considéroit des yeux fort +goulûment, que voici monsieur qui entra. Alors le mitron, allant vers +lui, fait une grande révérence, & lui dit: monsieur, voilà mon maître +qui se recommande à vous, & vous envoie une pannerée de tetons. Il dit +ainsi, pensant & parlant tout à -la-fois. Quoi! dit monsieur, ce coquin +ne sait ce qu'il dit. Le mitron, voulant faire la révérence, trouva +derriere lui un placet qui le fit cheoir, de sorte que, sa devantiere se +renversant sur le ventre, il montra toute sa pauvreté, ses pauvres +tritebilles. Qu'est ceci, ce dit le conseiller? Voyez ce maraut! Il se +met à regarder les tetons de ma femme; il ne sait ce qu'il dit, & encore +se laisse tomber. Adonc la demoiselle, qui regardoit le paquet d'amour, +le spectacle de l'outil de nature, excusant ce pauvre mitron, dit à son +mari: mon ami, vous le devez excuser; s'il est chut. Un cheval qui a +quatre couilles, se laisse bien cheoir. Elle vouloit dire _quatre +pieds_; mais l'objet la détournoit. + +MADAME. Quel paquet d'amour! Que le chat fût bridé de semblables! + +L'AUTRE. Il n'en seroit pas plus fort, pour l'avoir mangé. Je vous le +prouverai, par l'aventure qui nous survint à la Boisiardiere; où, un +vendredi, nous dînions; & madame se coléroit de ce que l'on n'avoit +gueres mis de beurre. La fille qui l'avoit en charge vint, & tenoit le +chat mignon en sa main, & disoit qu'elle l'avoit pris sur le fait, +achevant de manger quatre livres de beurre. Moi, qui aime justice, +desirois excuser le chat; & pour sa justification, & je le pris & le +pese; & en bonne finte, il ne pesoit que trois livres trois quarterons; +je ne sais ce qu'il pesa, quand il eut chié le beurre; allez-y voir. + +RABELAIS. Il a oublié ce qu'il vouloit dire. + +GREGOIRE. Comme celui qui se vouloit faire recevoir procureur au +châtelet, lequel se présenta humblement à l'examen; & ainsi que l'on lui +eut fait plusieurs questions, il ne savoit répondre à aucune. Un des +messieurs lui demanda, d'où venoit cela qu'il ne se présentoit & ne +savoit rien: messieurs, dit-il, j'ai été en vendanges, où j'ai oublié +tout ce que je savois. + +GODEFROI. Et ce bon personnage qui avoit acheté... O, qu'ai-je dit? Qui +avoit eu _gratis_, comme les autres, un métier de conseiller. + +LOUVET. Appellez-vous cela métier? Vous seriez aussi prophané, que le +bourgeois de la Rochelle, qui, ce dernier carême-prenant, ayant été +tancé, parce qu'il étoit de la religion, d'avoir joué joyeusement, (& +même le consistoire l'avoit repris aigrement) se trouvant en compagnie, +où l'on se consoloit de ce qui s'étoit passé, va dire: par la certebleu, +si j'avois trouvé quelqu'un qui me voulût bailler cinquante écus de mon +métier de huguenot, je m'en déferois. + + + + +DISCOURS. + + +XVII. PLOTIN. Ho! compere, que vous allez vîte! Comme vous dépêchez +tout! + +GODEFROI. Je ne vais pas si vîte que le plumacier de l'univers. + +CICERON. Quel diable de nouveau mot est ceci? Qui est ce _plumacier_? + +PLOTIN. C'est celui qui pose les panaches sur les têtes des hommes de +l'univers. + +POGGE. Je gage qu'il veut parler de cornage. + +PLOTIN. Tu l'as trouvé; qu'il te puisse accompagner comme accident +indélébile! + +ASCLEPIADES. Comment est-ce qu'il va si-tôt? + +PLOTIN. O cher compere de toute la fressure, je te le dirai! Sache, toi +qui as belle & jeune femme; sache, mon tendre & jovial petit belleau, +mon petit prêteur de franches repues, que, si tu étois au Grand-Caire, & +que ta femme tant poupine fût à Paris, & que de son consentement, me +faisant ouverture de ses bonnes graces, elle me laissât entrer à elle, +je n'aurois pas si-tôt mis mon V, I, T, pied, dans son C, O, N, +pantoufle, que l'admirable, grand & révéré cocuage ne fût, en un +instant, au Grand-Caire, à te frétiller avant la tête, pour te réjouir +du beau petit plumage d'amourettes. + +PLANUDES. Triste garçon à demi vieil que tu es, je t'assure que ta +journée n'y monteroit gueres. Tu es de ceux auxquels on peut dire: +depuis que la couille passe le vit; adieu vous dis. + +BIONON. Paix, de par tous les diables, taisez-vous, ou je vous couperai +le cou, comme je fis un jour à un roi qui chioit. Achevez le discours de +ce conseiller, & meshui ne vous interromprai; ou j'abomine, je +contamine, je précipite, je diable, je trente mille: a, ha! je ne le +dirai pas: faites votre devoir. + +GODEFROI. Parlez-vous de ce conseiller de la prévôté, lequel le pere le +présentant à messieurs, demandant séance pour lui, leur dit: messieurs, +mon fils n'a point de science, il vous plaira lui en donner. (Un gâta +tout. Non, dit-il, c'est de celui qui se faisoit recevoir à la cour, qui +est tant bonne & douce, la bonne dame, qu'elle ne reçoit, ou n'a reçu, +ou ne recevra, de peur de faillir, je ne le dirai pas; en voilà qui me +veulent faire dire _des ânes_, je n'en ferai rien.) Ainsi que messieurs +interrogeoient ce bon personnage déja âgé, ils l'incitoient à répondre; +& il ne savoit, d'autant qu'il n'entendoit pas ce qu'ils disoient. (S'il +eût été encore comme moi, qui plaidant ma premiere cause, je dis à ces +messieurs-là beaucoup de choses que je n'entendois pas, ni eux aussi, ce +qui m'apporta une belle dayée de réputaison.) Ce personnage écoutoit; +puis, comme revenu de bien en songerie, dit: messieurs, je n'ai pas +accoutumé ce ménage ainsi que vous dites. Bien je ne sais rien, il est +vrai; mais j'ai un fils qui est bien savant, qui répondra pour moi, +comme mon compere le sieur Basgrand a répondu de l'argent que je dois de +mon office. Par dépit qu'il ne put être reçu, si-tôt que sa femme fut +morte, il récompensa une prébende, & fut official. + +L'AUTRE. Ce fut à lui, auquel Menaud, notre métayer fit une jolie +réponse. On agissoit devant lui d'une cause de fouculterie; & Menaud +étoit appellé à témoin, pour dire que le garçon eût eu habitation de +concupiscence charnelle avec cette fille. Ainsi que Menaud fut entré, il +dit: j'y étois, & ce que je vous dis est vrai, monsieur l'official. Dieu +me doint bonne vie & longue! on m'a dit que vous me demandiez. +L'official lui dit: & bien, mon ami, dites vrai. Avez-vous vu que ce +gars ait envahi cette fille? Avez-vous vu qu'il l'ait travaillée? +Monsieur l'official, je n'en saurois que dire; je suis votre serviteur. +Là , mon ami, dites; je suis le vôtre. A, a! monsieur, il suffit, si vous +me faites plaisir. Dites donc, mon ami, dites. Et bien, monsieur +l'official, je vous dirai: j'ai vu quatre fesses & deux culs; mais je +n'ai point vu de vit; je crois que le larron de con l'avoit en la goule. + +SAPHO. Hé gai, voilà de beaux contes à dire devant des gens d'église. +Aussi + + Je suis si aise quand je cous, + Si pour un C. je mets une F, + Qu'il m'est avis, à tous les coups, + Que j'ente une mignonne greffe. + + + + +FOLIE. + + +XVIII. CERTORIUS. Je m'étonne que le roi n'ôte ces officialités, s'il le +faisoit il soulageroit beaucoup de monde, & enrichiroit sa justice, & si +feroit que les ecclésiastiques seroient chastes. Pensez-vous qu'oyant +ainsi parler de turpitude, le bandage ne leur simule pas? + +CUSA. A la vérité, les oreilles & les yeux servent beaucoup à besogner, +témoin le curé de saint Clément, qui, en son prône, disoit: les dames +montrent leurs tetons; ce n'est pas bien fait; & puis elles étendent +leurs chemises autour du cimetiere. En dà , ni moi, ni mes vicaires ne +sommes pas anges; cela nous tente. + +XÉNOCRATES. Pargoi, il n'étoit gueres sage, il y paroissoit; il ne lui +falloit point aller à la touche des merveilles. + +CESAR. Quelle touche! + +XÉNOCRATES. C'est celle qui est à Paris, justement dans le badaudois, au +lieu même où Pepin fianta, (je cuidois dire fit ses affaires sur l'état +de France. Il fit mettre & exposer cette touche qui est notable, +d'autant que sur icelle, comme on éprouve l'or à celle des orfevres, on +examine les folies des anciens, les sottises des nouveaux, la gloire des +présomptueux, & bref toutes les viédaseries des humains; & dit-on que ce +volume y a été trouvé, ainsi qu'il y avoit été laissé par feu Guillaume +de Paris, qui, aux porteaux de notre-dame, a mis les figures chimiques à +faire la projection à devenir sages, de laquelle on use, comme de +cendre, à l'entrée de ce noble chaircutieux de carême. + +BARNAUD. Je pense que vous rêvez d'appeller carême chaircuitier. + +XÉNOCRATES. Oui, je rêve: il vous l'est avis. Notez ces paroles; +_chaircuitier_ est un qui fait cuire de la chair; _undè_ chaircuitier: +mais _chaircuitieux_ est un qui concutie la chair, qui la chasse, qui la +ruine, comme font les maréchaux & médecins nouveaux. + +BARNAUD. Tu y as excepté les médecins, parce que tu en as affaire. +Est-il pas vrai que, comme tu écrivois contre Machiavel, tu avois si +fort les hémorrhoïdes, que le cul te distilloit tout en sang, & en étois +à demi mort. + +XÉNOCRATES. Sachez, bel ami, que les sages médecins font leurs essais +sur les gens d'église, malfaiteurs, gueux & putains. Tels sont les +quatre élémens d'essais. + +BEZE. Tu me refais bien; j'aimerois autant le fou de la Bourdaisiere, +qui avoit avalé une pièce de vingt sols. Comme il vint à la rendre par +bas, il avoit de la peine. A la fin l'ayant tirée, il dit à son maître, +la lui jettant toute breneuse sur la table: en dà , monsieur cousin, que +l'argent est fâcheux & difficile à faire. + +CEBES. Qui l'eût mis sur votre touche de tantôt, elle eût été touche à +connoître merde; cela eût bien servi aux médecins. + +XÉNOCRATES. C'est tout un; je reviens à cette pierre, d'autant que je +suis alquemiste, aussi les alquemistes ont la pierre en la tête; & +pensois que voulussiez parler du révérend pere abbé de Vienne, +au-dessous de Lyon, lequel voyant la grosse pierre qui est en la +prairie, où il y avoit en écrit: _qui me virera, grand trésor aura_. Le +bon & noble pere (il n'étoit pas de la famille des Laurents, il avoit +trop d'esprit) se mit en frais pour faire virer cette pierre, & y +dépensa trois mille quatre cent vingt-deux écus dix-sept sols & une +pite, ce que je mets pour vous assurer. Jaloignès le notaire en a fait +le compte. Et comme elle fut tournée, il trouva de l'autre côté: _virier +je me veliens, parce que me doliens_. + +SALIVAS. Il fut bien deçu; il pensoit avoir trouvé la pierre +philosophale. + +GALANDIUS. Par la mort d'oeuf, il n'étoit pas en tant de bien que le +Granger de saint Martin, qui un tems fut, étant couché entre deux +garces, disoit, étendant ses bras, main deçà , main delà : que de biens! + +OECOLAMPADE. Je sais bien qu'il est; C'est celui qui mourut l'année +passée. Son valet me vint quérir, pour le voir, & me dit: hélas! +monsieur, venez vîtement; mon maître se meurt de l'apocalipse; il +vouloit dire de l'_apoplexie_; ainsi que l'entendoit le vicaire de saint +Saturnin, quand le second président en mourut; lui étant venu ce mal, +d'appréhension d'avoir été de la ligue. + +MAROT. Tu as bien débuté avec la ligue; tu es un bel archer, tu y vises +bien! + +JAMIN. Aussi-bien que celui qui voyoit l'amour, qui est à la +Boudaisiere, fait en si belle peinture, que l'amour a été fait après ce +portrait. Quand le roi venoit de fixer le mercure, il vint en cette +belle maison. Et comme ès lieux curieux il y a toujours des amuses fous, +ce tableau d'amour étoit en la grande salle. Il y eut un gentilhomme qui +s'y amusa; & voyant cet amour avec son trait sur l'arc, comme prêt à +décocher, & lisant autour: _sublato amore omnia ruunt_, étoit en grand +peine que cela pouvoit signifier. Il passa un aumônier, auquel il le +demanda. L'aumônier l'ayant lu, dit: monsieur, vous êtes fâcheux; ce +latin là est possible prophane; il n'est pas de bréviaire; je ne +l'entends, ni ne le veux entendre. Monsieur, ne vous fâchez point, je +vous prie. Il en passa un autre qui fut plus hardi, auquel il fit la +même priere. Adonc le prêtre, ayant considéré l'état de la figure, lui +dit: monsieur, cela signifie que, si dieu vouloit, tous les anges du +paradis tireroient ainsi de l'arc. + +BUCHANAN. Je pense qu'il entendoit aussi peu de latin que le sieur du +Coudrai, qui me pria un jour de lui montrer du latin. Vraiment, je le +menai en la boutique d'un libraire, où j'ouvris des livres latins, & lui +montrai du latin. Il se voulut colerer; à jan, j'avois une épée aussi +bien que lui; je nous fussions bien battus. + +POGGE. Et vive les coups de poings; on n'en meurt que par hazard, non +plus que d'autre chose. + +DES ESSARDS. Et quoi! portiez-vous lors une épée? + +BUCHANAN. Oui. + +DES ESSARDS. Et de quel saint? + +BUCHANAN. Je suis gentilhomme; & par la double-triple manche de serpe, +nous sommes tous gentilshommes en notre pays. + +DES ESSARDS. O! ha, hé! & qui est-ce donc qui garde les pourceaux? + +BUCHANAN. C'est l'abbé de Turpenai, qui fut celui qui eut la venue par +mon compere Tristan que voilà , qui en fait des reproches au roi Louis +onzieme, lequel avoit donné l'abbaye de Turpenai à un gentilhomme, qui, +jouissant du revenu, se faisoit nommer monsieur de Turpenai. Il avint +que le roi étant au Plessis-les-Tours, le vrai abbé qui étoit moine, & +comme ceux qui duement pourvus ont été appellés antiques, d'autant que +c'étoit à l'antique mode, qu'il n'y avoit point de commentaire; (foin, +je pensois dire de _commendataires_.) Cet abbé se vint présenter au Roi, +& lui fit sa requête, lui remontrant que canoniquement & monastiquement +il étoit pourvu de l'abbaye, & que le gentilhomme usurpateur lui faisoit +tort contre toute raison; & partant qu'il invoquoit sa majesté, pour lui +être fait droit. En secouant sa parruque, le roi lui promit de le rendre +content. Ce moine importun, comme tous animaux portant cucule, venoit +souvent aux issues du repas du roi, pour lui ramentevoir son affaire. Un +jour, le roi, ennuyé de l'eau bénite du couvent, appella mon compere +Tristan, & lui dit: compere, il y a ici un Turpenai qui me fâche; +ôtez-le moi du monde. Tristan n'y faillit non plus, qu'il lui eût +failli, ainsi qu'il se trouve ès Florides, quand sous le nom de Stratin +il eut la tête tranchée à Sancerre, tourné en Rancrese, témoin Verville +qui me l'a dit, ainsi qu'il l'a écrit. Tristan prenant un froc pour un +moine, ou un moine pour un froc, vint à ce gentilhomme, que toute la +cour nommoit monsieur de Turpenai; & l'ayant accosté, fit tant qu'il le +détourna; puis le tenant, lui fit entendre que le roi vouloit qu'il +mourût, partant qu'il fît son testament, comme font les enfans de Lyon +au pied d'une échelle, la tête couverte par privilége notable. Il +vouloit résister en suppliant, & supplier en résistant, comme dit notre +ami Castillon en son bien dire: mais il n'y eut aucun moyen d'être ouï. +Il fut délicatement étranglé entre la tête & les épaules, si qu'il +expira; & trois heures après, le compere dit au roi, qu'il étoit +distillé. Il avint cinq jours après, qui est le terme que les ames +reviennent, si elles doivent revenir, ainsi que dit saint Foubrequin, +que le moine vint à la salle où étoit le roi, lequel le voyant, demeura +fort étonné, & lui sembloit avoir devant lui le spectacle hideux de +l'ame monachale, étrangée de son triste corps. Tristan étoit présent. Le +roi l'appelle, & lui dit en l'oreille: vous n'avez pas fait ce que je +vous ai dit. Ne vous déplaise, sire, dit-il, je l'ai fait. Turpenai est +mort. Hé! je disois & entendois de ce moine. J'ai ouï & entendu du +gentilhomme. Quoi! c'est donc fait? Oui, sire. Or bien, se tournant vers +le moine: venez ici, moine. Le moine s'approche: le roi lui dit: +mettez-vous à genoux. Le pauvre moine avoit peur. Et le roi lui dit: +remerciez dieu, qui n'a pas voulu que vous fussiez tué, comme je l'avois +commandé. Celui qui prenoit votre bien l'a été. Allez, dieu vous a fait +justice; allez, priez dieu pour moi, & ne bougez de votre couvent. + + + + +CONTRAT. + + +XIX. SAPHO. Je pense que ce pauvre moine n'arsoit pas à cette heure. + +BEZE. Vraiment non, non plus que monsieur le grand prieur de +Marmoustier, qui disoit que sa couille étoit en chaleur, & que son vit +ne bougeoit de dessus. + +SAPHO. C'est que ce pauvre cas avoit perdu de l'argent, il regardoit +contre bas, il n'eût pas été bon pour la tante de maître Philippes. + +COQUEFREDOUILLE. Comment? + +SAPHO. Elle vouloit être remariée pour la cinquième fois; & maître +Philippes s'en fâchant, lui dit: vraiment, ma tante, vous ne seriez pas +profitable à faire un écrou de pressoir; vous usez trop de vis. + +TONI. En quel tems est-ce que l'on a plus les vis en la main? + +MADAME. C'est quand on descend un degré. + +SIBILOT. Qui sont les vide greniers? + +CÉSAR. Crocheteurs qui en ôtent le bled. Je crois que l'on s'y échauffe. +Voire, & bien plus que le Breton, qui, à la défaite de Craon, s'enfuit & +se cacha en la queue d'un étang, sous les feuilles de nymphe, où il fut +long-tems, & jusques à ce qu'il apperçut un paysan qui passoit; & il +l'appella, lui demandant s'ils étoient encore là . Il dit qu'il n'y avoit +plus personne. Vraiment, ils ont bien fait; le cerveau commençoit à +m'échauffer. Il lui échauffoit un peu moins, qu'à celui qui avoit la +tête dans un pot de fer. + +PIGHIUS. Je m'en souviens: nous étions à Genève, & folâtrant en notre +logis à carême-prenant en cachette, comme on fait en ce pays, lorsqu'en +carême l'on fait le petit exercice. Il y eut un de nos amis, (je crois +que ce fut Feverdant) qui mit sur sa tête un pot de fer, & se mit à +sauter. En dà ; la tête lui entre dedans, & ne pouvoit l'en ôter. Nous +eûmes bien de la peine; & sans le pere Ignace qui s'avisa d'un bon +expédient, il lui eût fallu rompre le pot ou la tête. Ce pere, plein +d'industrie, prit le chausse-pied du laquais de sainte Aldegonde, & le +passa sur le nez qui empêchoit que le pot ne se dégainât, & tira +par-dessus, si que, le nez rabatu, la tête sortit du pot fort aisément. +Nous en rîmes tout notre benoît saoul, d'autant qu'il demeura camus. +Mais qui fut celui qui rit tant, qu'il en fianta en ses chausses? + +VIGOR. Ce fut mon compere le cardinal le Moine, qui nous avoit proposé +de faire un mal-fait sans péché, & un bienfait sans mérite. A quoi fort +à propos répondit la docte des Roches, mere & fille, & dit qu'il falloit +chier en ses chausses, puis les aller laver; parce que c'est mal fait de +chier ainsi, mais ce n'est pas péché, si ce n'étoit par concupiscence, +puis les laver, il n'y a point de mérite. + +ALEXANDRE LE GRAND. Voire, mais nous parlons de celui qui fianta sous +lui. + +VIGOR. Vous le saurez. Nous soupions, & ayant fait beaucoup de jolis +contes pour rire, le dessert fut de ce mal fait sans péché. Et Chose va +dire: (je crois que ce fût moi) voilà ; nous avons fait bonne chere avec +du plaisir sans mal aucun; & que le mal que nous avons pensé nous puisse +avenir. Quoi! dit le sage Akakias, de chier en vos chausses? Nous rîmes +si fort & à propos, que le boyau culier se dilatant en la voie du +sphincter qui relâchâ, je fis le péché abondamment. + +ZANCUS. Fi, que tu étois sale? Pargoi je n'eusse pas voulu alors que tu +eusses été en tel point, que quand on passe maître un boucher. + +VIGOR. Qu'est-ce à dire? + +ZANCUS. Mais tout nud; tu eusses embaumé toute la chambre. + +CÉSAR. Mais encore, dites-nous le secret de cette maîtrise. + +ZANCUS. Quand les bouchers font un examen à l'aspirant, ils le mènent en +une haute chambre; & le tout fait, ils lui disent que, pour la sûreté +des viandes, il faut savoir s'il est sain & entier; & pour cet effet le +font dépouiller & le visitent. Cela fait, ils lui disent qu'il se +revête; ce qu'ayant fait, & le voyant gai & ralu, ils lui disent: or çà , +mon ami, vous êtes passé maître boucher, vous avez habillé un veau; +faites le serment. + +LOUVET. Je pensois qu'on ne fît faire le serment qu'aux gens de justice; +da, c'est abuser du serment, de le communiquer à tout le monde; il ne +devroit appartenir qu'aux élus. + +IVELLUS. Vous en parlez à cause du sire Pierre le Petit, qui acheta un +office d'élu & fut reçu. Un jour, étant allé à sa baronnie, son +principal métayer le saluant, lui demanda de ses nouvelles; il lui en +conta, puis lui dit: tu ne sais pas, Frion mon ami, je ne suis plus +marchand; je suis élu. Et da, ce dit Frion, Vraiment, mon maître, j'en +suis ébahi; je pensois que pour être élu, il fallût être bien savant. + +HAMELIUS. Il y a des états, pour lesquels exercer il ne faut gueres +savoir, comme vous diriez prêtres, chanoines, ministres, & tels gens. + +RABELAIS. Parlez-vous des ministres de ce tems? + +RABANUS. Lisez l'épitaphe du ministre de feue madame; ça été Titelman +qui l'a faite. + + Par mon opinion sinistre, + De savetier je suis ministre. + + + + +PARENTHESE. + + +XX. Dis que tu en as, Calvin. + +CALVIN. Je n'en veux autre vengeance que celle qu'en prit Bersaut sur le +curé de Barace & ses compagnons. Que Chose vous le raconte: je suis +empêché. Ne savez-vous pas que je bois & mange si peu, qu'il me faut +être en repos pour pâturer, avisez: je ne mange pas tant que beaucoup de +personnes: & si tout le vin du monde étoit-là , je n'en boirois pas le +quart. + +RABELAIS. Mais ne laissons aller Bersaut. + +CALVIN. Dis haut, couillaud d'Angers mon ami, & je te promets que, quand +tu seras chanoine de S. Maurice, tu ne paieras rien _pro futuitu_, +quoique nos devanciers l'aient toujours fait, & les successeurs le +feront, pour entretenir les cérémonies de l'église. + +CHOSE. Bersaut passant au-dessous de la bennerie, rencontra une nue de +prêtres qui venoient d'un gaignage. Lui, bien accompagné, les environna, +& leur demanda d'où ils venoient. Prêtres étonnés ne savoient presque +dire, tant ils avoient peur. Or, çà , çà , dit Bersaut à un page: pied à +terre; & au bon homme de curé de Barace, qui étoit fort âgé: sus, bon +homme, cul bas; là , détachez vos chausses. Il pensoit devoir être +écouillé. Quand les chausses furent baissées, le page, au commandement +de son maître, attacha le derriere de sa chemise aux reins. Adonc il fit +baisser le curé, comme quand on joue au frappemain, ou à la +fausse-compagnie; puis, çà , enfans, à l'offrande. Tous les autres +prêtres vinrent baiser le cul, & mirent leur argent au chapeau du page. +La cérémonie accomplie, il leur demanda: & bien, enfans, me +connoissez-vous? Oui, vous êtes le bon monsieur Bersaut. Allez, dit-il, +& faites votre devoir; soyez gens de bien. Le lendemain, ces prêtres +conterent à deux cordeliers ce qui leur étoit avenu; & les deux freres +(qui aussi vont toujours deux à deux. Voire, deux à deux, ce seroient +quatre: ils vont un à un. Coucher une à un est bon). Les cordeliers, +passant pays, vindrent à Chesfe, où sont les oies rouges, & dînerent +avec des gendarmes. Après dîner, ils rendirent graces, & dirent: dieu +nous veuille donner une bonne paix. Adonc un des gendarmes va dire: dieu +nous ôte le purgatoire. Ha! monsieur, ma chere ame parente de +chrétienté, vous blasphémez. Mais vous, dit le soldat; il faut que +chacun vive de son état. S'il n'y avoit un petit de guerre & un +purgatoire, il ne faudroit ni moines ni gendarmes. A! ha, ha, hé. Au +reste, étant passés outre dans le haut Anjou, par-delà Angers, + + Basse ville, hauts clochers, + Riches putains, pauvres écoliers. + +& proche de la maison de Bersaut, ils s'entredisent: frere, qui ira? Ce +sera moi, dit l'aîné, qui avoit nom frere Eustache. Il y alla donc, & +demanda à parler à monsieur, devant lequel on l'introduit. (Quoi! dit +Badius, vous dites monsieur sans queue? Je le crois bien; n'ai-je pas +été nourri dans les cloîtres? Je dis comme les femmes de prêtres, qui, +tant pauvre soit leur maître, parlant de lui, nomment monsieur: monsieur +par-ci, monsieur par-là . + +ROBERT. Je ne pensois pas que tu eusses été de ces petits pages de +frocs. + +CHOSE. Chut. Comment osez-vous ainsi nommer les semences futures des +pédagogues de l'église? Laissez-moi dire. Etant devant monsieur, il lui +demanda humblement l'aumône. Oui da, dit-il, vous l'aurez, pere +Moustache; mais j'ai céans un vieil serviteur qui se meurt, que je +désire faire confesser. Monsieur, vous êtes en bon propos. Adonc il le +mena en un grenier, où il avoit un vieil chien qui se mouroit de +vieillesse. Voilà , ce dit monsieur, le serviteur dont il est question. +He! a, dit le moine, monsieur, je cuide que vous vous moquez de moi +simple religieux. Croyez que je ne suis pas si instruit, que je ne sache +comme il faut vivre; & qu'il n'est raisonnable d'attribuer à un chien, +ce qui convient à la personne. Partant, monsieur, vous m'excuserez. De +dépit, lui fit donner le fouet à nud, & à bon escient; puis l'envoya. Le +triste frere revint à son compagnon, auquel il conta sa fouettée & +l'occasion d'icelle. Laisse-moi, dit l'autre, j'aurai pis ou mieux. Il y +alla donques; & son entrée & discours furent au semblable des premiers +faits à son compagnon; & Bersaut lui ayant parlé de ce vieil serviteur, +il demanda à le voir. L'ayant vu, il dit: & bien, monsieur, il est +raisonnable; faites-moi donner un petit bâton. Je ne veux pas que vous +lui fassiez mal. Aussi ne ferai-je; mais j'ai affaire de ce que je +demande. On lui bailla un bâton: & le moine le fendit un peu plus que la +moitié; puis dit à monsieur & à ses gens qu'ils sortissent & se tinssent +à la porte; qu'il ne falloit pas ouïr la confession d'autrui. Etant +sortis, il prit l'oreille du chien dans ce bâton fendu, & lui dit: or +çà , mon ami chien, voulez-vous pas mourir en chien de bien. Et lui +pressant l'oreille, le chien huchoit assez haut: ouan, ouan. Ne demandez +vous pas pardon à votre maître de l'avoir trompé, en mangeant le gibier +quelquefois? Ouan, ouan, ouan. N'êtes-vous pas fâché d'avoir autrefois +blessé quelqu'un? Ouan, ouan, ouan. Pardonnez-vous pas tout le monde? +Ouan, ouan, ouan. Or soyez donc chien bienheureux, absous comme un loup +gris, trépassant comme une autre laide bête. N'en êtes-vous pas bien +aise, monsieur le chien? Ouan, ouan. Il y ajouta plusieurs autres belles +cérémonies de chien, qui furent fort agréables & au chien & à son +maître, qui, après cette action, prit le moine, lui fit bonne chere, rit +avec lui, lui donna de l'argent & son cou chargé de bled, & lui promit +de lui en donner, toutes les fois qu'il viendroit le voir. Le frere +retourne vers le fouetté, lui montre sa quête: hé, grosse pécore, lui +dit-il, tu ne sais pas vivre. En s'en allant, ils trouverent de leurs +amis; & le fouetté dit: nous avons été bien fouettés. L'autre dit: mais +bien vous; frere; & non pas moi. A d'autres il dit: nous avons eu bien +du bled. Mais bien moi, frere, & non pas vous. + +PRISCIAN. Voilà que c'est d'entendre les affaires. + + + + +DOCTRINE. + + +XXI. Je voudrois que ma femme fût aussi bien confessée & bien noyée; je +serois plus content que Bersaut, ni le moine. + +RABANUS. Pourquoi voudriez-vous avoir perdu votre femme? + +PRISCIAN. Parce qu'elle ne me veut point obéir. + +STATIUS. En da, la mienne m'obéit une fois: ce fut quand je la jettai en +l'eau. Nous passions sur le pont d'Arve; & le balendrier, _id est_ +garde-fous, étoit ôté. Je la poussai en bas, & lui dis: va où tu +pourras. Ce qu'elle fit galammant. Elle se sauva peut-être comme saint +Pierre, quand il chut dans le ruisseau de Champagne. Je vous en dirai +l'histoire comme elle avint à notre maître Rabelais, que voilà bien +empêché à trouver l'essence d'un cervelas avec Théodore & Pline: (sur +quoi quelqu'un me demandera de quoi il étoit, je lui dirai qu'il étoit +fait comme nos autres viandes). Sachez donc que cette belle compagnie +faisoit bonne chere, & telle qu'on fait hors du monde, comme nous +faisons nous autres esprits séparés de nos corps. Notre bon vin n'est +autre chose que le pur esprit de vin, qui échappe aux quintessencieux; +nos viandes sont faites des ames des bêtes; vous, qui êtes grossiers & +corporels, en mangez les corps; & nous, les ames que nous fricassons +avec les fumées de sauces, & les essences des aromatiques à la clarté du +feu vif, aidés de bonheur de l'huile incombustible & du sel fusible. + +LE ROI AGAMEMNON. Paix! ne passez-pas outre, ne dites pas tout. + +STADIUS. Et bien, sire, je me tairai. Mais si un malotru, sire, m'en +parloit, je le ferois déjeûner de l'esprit de fiente royale. On dit que +c'est la meilleure, je m'en rapporte aux pourceaux. + +LE MORTEL. On voit bien que vous n'êtes guere sage de nous conter tout +ceci. + +STADIUS. O! pauvre animal mortel, mon ami, ne sais-tu pas bien qu'ayant +un corps, il faut qu'il se vuide? Et tu consens bien que la merde soit +serrée en tuyaux de briques & belles canes: que souvent on la remue, & +que même, ho! monsieur le doyen du chapitre de la grande église, vous en +faites faire des conclusions en vos régistres, & commettez commissaires +de bran pour curer les aisances. Ainsi ceux qui ont imprimé ceci, font +commissaires d'excrémens. Ceci est la fiente de mon esprit; & puis je +fais comme vous, messieurs les cardinaux, je fais ce bâtard: il faut +qu'il vive. Mais en conscience n'est-ce pas un vrai abus, que de nos +beaux ouvrages & plus sérieux? Certes ils sont aussi-bien prophanés que +les plus vils. S'il y a quelque beau tableau en taille-douce bien +élabouré, il sera aussi-tôt en la boutique d'un savetier, qu'au cabinet +du roi. Il échet une même fortune aux uns & aux autres. Et voyez, les +livres des doctes qui furent nuit & jour après la forfanterie, sont +quelquefois ès mains des laquais & des putains, qui diront: que voilà +qui est bien fait; ou bien: voilà qui est mal à propos. Comme disoit, un +jour, une jeune garce, que son con avoit fait demoiselle par la tête, +tenant un beau livre où elle n'entendoit rien, faisoit la dédaigneuse; +je lui pardonne à la pauvre bête, elle en est devenue noire comme un +charbon, & sale comme eau. Avisez-y, doctes; parce que souvent vos +labeurs, vos bons livres sont employés à faire des cornets d'épices, ou +des mouchoirs de cul; & ne peut avenir pis à cettui-ci, qui n'est écrit +que pour la juste démonstration de ce qui est, d'autant que l'on voit +ici la bêtise des grands de ce tems, la sotise des habiles gens, +l'impudence des doctes, & la méchanceté des autres. Mais bran pour eux, +ainsi que dit M. Habpin, maître chirurgien. Je n'ai jamais vû envieux & +avaricieux devenir vieux. Pleurez, grands, de ne m'avoir pas eu pour +pédagogue; vous fussiez bien heureux. Or adieu vous dis, comme un _de +profundis_: & de fait, on ne voit gueres pendre de sots que par hazard & +malheur, comme ce paysan de la Rochelle, qui, étant à l'échelle prêt +d'être jetté, disoit: laissez-moi aller, laissez-moi aller; mes boeufs +se gâtent. Et diantre, mettez donc une coëtte là bas, afin que je ne me +rompe les jambes. Il ne pensoit pas devoir tenir par le col, ainsi que +ces beaux esprits & tant d'habiles gens d'entendement, qui se font +pendre. Faites-en de même par dépit. + +MARSIL-FICIN. Oui; mais il avint à plusieurs comme à Mauduit, que l'on +pendoit, & le bourreau lui disoit: monsieur, mon ami, je vous prie, ne +vous tourmentez pas tant: je vous pourrois faire tort, d'autant que je +n'ai jamais encore pendu personne. Hélas! dit-il, mon ami, je n'ai aussi +encore été pendu. Dieu nous en doint bon encontre à tous deux. + +FRACASTOR. Elle lui seroit donc meilleure, qu'au bourreau de St. Denis +en France, auquel un marchand de Paris demandoit de l'argent. Je te +prie, dit-il, compere, attends un peu; je n'ai point d'argent: la pente +n'a pas été bonne, cette année. Dieu y pourvoira. + +NÉRON. Voilà bien doctriné! Vous avez laissé le conte de Rabelais. + +L'AUTRE. Il est vrai; & c'est ici la grande dignité de cet ouvrage, +plein de l'intelligence de la pierre philosophale, parce que tout s'y +transmue. Vous n'attendiez pas ceci, est-il pas vrai? Or bien sachez que +voici le moyen de transformer, non-seulement les visages, mais aussi les +essences. Et de fait, prenez-y garde de près, (comme le chevalier +d'honneur de la reine, qui dort avec ses lunettes, pour sommeiller à +double fond) & vous trouverez que ceux qui béniront ceci deviendront +sages, s'ils ne le sont; parce qu'en vérité ces écrits cesseront, & ne +seront plus grands; les vices cesseront, & toutes sortes de gens ne +feront plus de folie. L'ambition & l'impiété des grands, l'ignorance des +prêtres, les présomptions des ministres, le désordre des moines, l'envie +des chanoines, la fausse science des docteurs, les usures des huguenots, +les piperies des papistes & toute autre contradiction qui fait naître +ces beaux commentaires, qui sont compilés de l'étourdissement des +hommes, & friponnerie des femmes, qui s'est établie encore plus fort, +depuis qu'on a nommé un cheval _haquenée_, un moine ou un chanoine +_dignité_, & qu'on a appellé un chat _minon_: & de fait, huchez un +moine, & lui dites: moine; il se fâchera. + +HOTOMAN. Vous me faites souvenir de ce moine de Saint-Denis en France, +qui voulut faire l'entendu, voyant maître Thierri de Heri à genoux, +tourné vers la figure de Charles VIII. Le moine lui dit: monsieur mon +ami, vous faillez: ce n'est pas l'image d'un saint que celle devant qui +vous priez. Je le sais bien, dit-il; je ne suis pas si bête que vous; je +connois que c'est la représentation du roi Charles VIII, pour l'ame +duquel je prie, parce qu'il a apporté la vérole en France; ce qui m'a +fait gagner six ou sept mille livres de rente. Ce moine là pensoit être +bien savant. + +PIC MIRANDULA. Si ne l'étoit-il pas tant, que le cousin de Vaugirand, +qui est docteur en théologie, qui, venant un jour de prêcher d'un +village où on l'avoit prié, s'en retournoit. Or allant & rêvant sur sa +bête, il s'égara, & trouva un paysan auquel il demanda le chemin pour +aller à Seveniere. Le paysan le reconnut, & lui dit: hé da, monsieur, +vous êtes un homme de bien; je vous ai ouï prêcher en notre village; +j'ai plus retenu de votre sermon que de tous les autres; je voudrois +bien en avoir une demi-douzaine de semblables. Et bien, dit-il, mon ami, +vous en aurez quelque jour; mais enseignez-moi le chemin pour aller à +Seveniere. Ha! a, dit le paysan, le bon dieu m'en veuille bien garder +d'enseigner à un homme qui sait tout, ha! a, vous vous moquez bien de +moi. Les petits enfans le savent bien; & vous, qui savez tout, ne le +sauriez-vous pas? Il n'y a pas de dret: adieu, monsieur; & le laissa là . +Et le bon seigneur nous vint regarder chez nous, où nous lui fimes bonne +chere. Il fut bien camus de cette réponse du paysan; il en eut le nez +aussi long qu'il fut camus. + +JEAN HUS. Mais d'où cuidez-vous que cela est venu, que l'on a fait +signifier même chose à deux contraires? + +HOTOMAN. Je ne saurois. + +JEAN HUS. Je vous le dirai. Un jour de grande fête, il avoit auprès du +revêtiaire de bon feu dans le chariot à grille; & un quartaire y faisoit +griller du boudin durant matines. Il fut pressé d'aller, pour donner +l'encens; il mit son boudin dans sa manche, & va faire son devoir. Quand +le chanoine lui eut baillé l'encensoir, il va vers monsieur le chantre, +qui se disposa pour recevoir la sainte fumée. Adonc le quartaire se met +à jetter l'encens; & sa manche, qui se délia, laissa aller le boudin au +travers des joues de monsieur le chantre, qui fut aussi étonné +qu'émerveillé, & depuis le proverbe a eu lieu en France. + +ARETIN. Voilà bien débuté! Quand je lui vis le con, je dis bien que +c'étoit une femelle. + +GALIEN. La fites-vous remettre? + +ARETIN. Comment? + +GALIEN. Ainsi que la demoiselle de Blois, qui, ayant fait une fille, +après qu'elle fut accouchée, elle demanda ce que c'étoit. C'est une +belle fille, dit-on. Adonc l'accouchée dit: je n'en veux point; +remettez-la. + +POGGE. J'aimerois autant celle qui disoit que l'on avoit enté une queue +de chevreau à un agneau qu'on lui avoit vendu. + +ASCLÉPIADES. Oui; & celle qui dit qu'on avoit mis un oeuf au cul de la +poule qu'elle avoit achetée, pour faire mine qu'elle pondoit; & elle +n'avoit pas depuis pondu. + +LE BON HOMME. Je ne sais pourquoi vous parlez de pondre. Il vient de +cette fente un vent qui est pondu de n'agueres, il est bien frais. + +STOFLER. Attendez; je me mettrai au devant. + +LE BON HOMME. Corbieu, tu me presserois trop; & puis, ô de par le +diantre sans jurer, ne sais-tu pas bien qu'il y a trois choses qui ne +veulent souffrir être pressées? + +STOFLER. Quelles? + +LE BON HOMME. La tête d'un fou, les pieds d'un gouteux & le ventre d'un +moine. Et si j'étois fol, moine ou gouteux, ou tout ensemble? + +STOFLER. Quoi! tu serois, mon bel, aussi difficile à tenir qu'un beau +petit ange d'Arragon. + +LE BON HOMME. J'aimerois mieux être d'Espagne. + +STOFLER. Tu serois comme le Bandol le puîné, qui est un sage, homme de +bien, Espagnol & catholique. + +MADAME. Que dites vous là ? + +STOFLER. Je demandois s'il y avoit des bordeaux en votre pays, madame? + +MADAME. Non da, il n'y en a point; mais il y a des maisons d'honneur, où +l'on se réjouit avec les dames; & quelques dames d'honneur, réputées +pour cela, en tirent rente pour nourrir des moines. + +BUCHANAN. C'est donc en ce pays-là , où _moine_ signifie _larron_; comme +en l'isle des sots, _sot_ signifie _monsieur_. Et de fait, si je vous y +trouvois, je vous dirois: bon jour, sot. Ce seroit autant que vous dire: +_bona dies_, monsieur. + +SAVONAROLA. Mais l'isle des sots est par-tout; & celle des fous est +au-delà ; témoin la petite fille de maître Simon, qui me vit aller à +l'église avec mon surplis: elle courut à sa mere: ma mere, mon mignon +est devenu fou; il a mis sa chemise sur sa robe. + +BRENTIUS. Pourquoi est-ce que, quand on nomme un homme _sot_, il +s'estime cocu? Et si on appelle une femme _vesse_, elle pensera être +putain? + +POGGE. Ce n'est pas de même, parce que, si vous appelliez un homme +_pet_, il ne s'en soucieroit pas; & toutefois c'est de même. Il y a fort +peu à dire, pour autant que les pets font du bruit, & les vesses coulent +doucement; & c'est la raison pour laquelle les hommes font tant de bruit +en les priant, & elles coulent doucement comme vesses. + +BRENTIUS. O! o, ce n'est pas cela; il y en a bien une autre raison. + +POGGE. Quelle? + +BRENTIUS. Les femmes ne prient point les hommes, parce qu'elles savent +bien que le four est toujours chaud; mais la pâte n'est pas toujours +levée. Elles seroient confuses, si elles demandoient une chose mal à +point, dont elles ne seroient pas servies. Et puis elles sont honteuses +quand on les prie, parce que ce qu'on leur demande est si près du cu. Il +est vrai que les brehaignes sont plus heureuses que les fécondes, parce +que le cas ne leur pue point; & est vrai que le cas de celles qui font +des enfans est toujours faguenant & mal odorant; ce n'est qu'à cause du +cu. + +MAROT. Vraiment voire; pensez-vous qu'elles seroient aises, si elles +n'avoient point de cu? Cela n'iroit pas bien. J'entends de trou fignon. + +ARTÉMIDORE. Je crois qu'elles n'en ont pas, ou bien elles feignent de +n'en avoir point, d'autant qu'elles sont ou font les sobres, afin de +nous faire croire qu'elles ne fiantent pas. + +ARNOBE. Tu as dit vrai; c'est ne plus ne moins qu'elles font les +chastes, afin de nous faire désirer de leur bailler ce qu'elles enragent +d'avoir. Ainsi que Fleurie, la chambriere de notre bon ami le prieur de +S. Eloi, laquelle vouloit épouser un cordonnier, & le pressoit devant +l'official. Les parties étant devant ce juge, cette femme insistoit à +avoir pour mari ce cordonnier, qui protestoit n'en vouloir point. Et +pourquoi, dit l'official? Ha! dit-il, monsieur, je n'en veux point; +c'est une méchante, elle m'a donné la vérole. Hélas! dit-elle, monsieur, +c'est un méchant homme de dire cela; comment la lui aurois-je donnée? Je +l'ai encore. + +RABELAIS. Il étoit instruit & dégoûté; ainsi que notre berger, qui, +étant avec la servante, elle lui offroit son cas, selon leur bonne +coutume; & il lui dit hardiment: ma Toinette, je t'en remercie autant +que si j'en avois bien pris ma réfection. + +MAÃŽTRE BASTIEN. C'est ce que j'aime que ceci; je le trouve: ce sont +contes de peau-d'âne; c'est la vérité. + +MELVIN. Il a raison, d'autant que tous ces mémoires, dictions, discours, +sentences & paroles sont prises du dictionnaire à dormir en toutes +langues, de l'institution à lire sans points, sans lettres, sans +caracteres, sans accens, sans figures, sans notes: aussi-bien les notes +font faillir, ainsi que le disoit frere Ambroise, qui disoit qu'il eût +bien chanté; mais que la note l'empêchoit. Aussi sans chiffrer telles +choses, a été fait ce livre par le fils du dernier homme; _item_ de +l'épitome des bibliotheques de Saint-Germain & autres, du grand +luminaire des sots, tous livres extraits de cettui-ci, auquel si chacun +avoit remis ce qu'il y a pris, il n'y auroit plus qu'un livre au monde. + +SUIDAS. Tu es bien sot de nous conter ceci, afin que tout le monde le +sache, & on le vouloit céler. + +MELVIN. Tu es un sot, toi-même. Je te recommanderai au maître des sots. + +SUIDAS. Et qui est-il? + +MELVIN. O grosse bête, c'est le sotier de Genève. + +SUIDAS. Quel sotier? + +MELVIN. Tu fais semblant de ne le savoir point. Parce qu'ils écrivent +_psautier_; je disons _sotier_, non sans cause, d'autant que tous les +sots qui sont repris de justice en ce pays-là , passent sous son +enseigne. + +SUIDAS. Comment! Est-on sujet en ce pays-là d'avoir la vérole? + +MELVIN. Garde-toi de blasphémer; il ne faut pas dire cela. + +SUIDAS. Que veux-tu donc dire? + +MELVIN. Dame, quand nous sommes à la cour, nous appellons être repris de +justice, quand on sue la vérole & qu'on se fait pancer de quelque +inconvénient, des dépendances de l'inventaire des histoires. + +SUIDAS. Voici encore d'autres paroles que je n'entends pas. + +MELVIN. Hé! bête que tu es, ne sais-tu pas que les génitoires ont été +dites _histoires_? Que la couille est la mere des histoires, & la +braguette en est l'inventaire, ainsi qu'une chaire percée est +l'inventaire d'étrons? + + + + +BAIL. + + +XXII. BIEN-VENU. Vos histoires m'ont fait souvenir de trois dames qui +devisoient de leurs maris, & de tout ce qui étoit en eux. L'une +d'entr'elles dit: je ne sais que vous trouvez tant à redire en vos +maris; quant à moi, je me contente fort du mien: il est vrai qu'il y a +je ne sais quoi de petit, c'est qu'il a la couille noire. Le mari les +oyoit conférer, & tout beau s'en alla en la maison. Quand elle s'en vint +au logis, elle trouva qu'il se promenoit comme en colere. Et +qu'avez-vous, mon ami, dit-elle? Et lui, mot; elle le prie de lui dire; +& lui, comme courroucé: que j'ai? Je ne sais; il faut que je sois +toujours en peine pour vous. On me vient d'ajourner, pour comparoître +devant le lieutenant-criminel, pour la réparation d'une blessure que +vous avez faite à un enfant; & dit-on que vous étiez là -bas en la cour, +où vous aviez fait vos affaires, & que vous ayant torché le cul d'une +pierre, vous l'avez jettée par sus les murailles, & qu'elle a blessé cet +enfant. A, ha! mon ami, dit-elle, ne croyez pas cela; ce sont des +méchantes gens qui le disent. Il y a plus de quatre ans, que je ne me +suis torché le cul, en façon du monde. Adonc, dit-il, je ne m'ébahis +pas, si j'ai la couille si noire. + +CARDAN. Il vaut bien mieux se torcher le cul avec du papier, & +principalement en ce temps qu'il est à si bon marché: en quoi nous avons +barre sur les anciens, qui avoient bien de la peine à se le torcher. Je +m'en rapporte au seigneur de Caramousse, grand faiseur de confitures, +avec lequel je demeurois à Gênes, lorsque les belles confitures y furent +inventées, & que nous trouvâmes le moyen qui s'y pratique maintenant, & +qui est le secret de ces messieurs qui font les confitures; mais ne +l'allons pas découvrir. Je vous dirai ce que faisoit ce grand +personnage, ainsi qu'encore font les plus avisés: il amassoit le plus +qu'il pouvoit de torche-culs; & quand il en avoit recouvré grande +quantité de bien secs & dorés, il les faisoit bouillir, & tiroit la +crême qui nageoit dessus, laquelle il réservoit pour donner couleur aux +confitures; & notez que cela est bon à toutes sortes de confitures & de +couleurs, parce qu'étant faite de tout, elle servoit & sert à tout. + +GALANDIUS. Quelle délicatesse! + +COMES NATALIS. Que pensez-vous qu'il y ait au monde de plus délicat? + +GALANDIUS. Je ne sais. + +COMES NATALIS. C'est l'ame d'un solliciteur, d'autant qu'elle est +souvent vannée deçà & delà , avec force affronts. + +GALANDIUS. J'ai appris, de notre ami Louvet, que c'est l'épaule d'un +procureur, parce que, sitôt qu'on lui touche, il se revire incontinent +pour haper de l'argent; il est toujours aux écoutes. Vraiment ils sont +fort hardis; aussi _audaces fortuna juvat_. + +COMES NATALIS. Vous ne le prenez pas bien; il faut _edaces_, d'autant +qu'ils mangent bien. + +M. ANT. NATTA. Ce seroit donc le mouvement perpétuel? + +S. COME. A dire vrai de ce merdeux, mon ami, si c'étoit de vous comme de +moi, j'estimerois que ce fût comme le jeu de pet-en-gueule qui est +notable, d'autant qu'il est le symbole de ce qu'il y a de plus exquis. +Voyez-vous que c'est le sublime abaissé, & la vraie circulation +chymique, lors que le cul sent la violette? + +NIC. NAN. Vous n'y êtes pas: c'est le symbole de ceux qui, sous ombre de +religion, font la guerre pour maintenir leur ambition. + +RAMUS. Que ne dites-vous cela en latin: Raphelingius se moquera encore +de vous, tant vous êtes sot. + +NIC. NAN. C'est assez, mon bon maître: j'ai, comme disoit Ambroise Paré, +assez de latin tout fait; mais je n'en saurois faire qu'à fine force. Au +diable le latin! il m'a tout emmusiqué la fressure de l'entendoire; & +par fois je suis vraiment un grand sot. + +SON FILS. Vous avez menti, mon pere; ma mere étoit femme de bien. + +THÉMISTIUS. Et autant opiniâtre que la femme du pauvre Æschines, qui, +par dépit de son mari, ne vouloit manger les pois qu'un à un: son mari +vouloit qu'elle les mangeât en quantité, elle ne vouloit pas; parquoi +son mari la battit, dont depuis elle fit la malade, & en fit la morte. +A! dame, on la porte en terre; & comme on lui jetta la terre sur les +genoux, elle eut frayeur, & comme demandant pardon, se mit à crier: je +les mangerai trois à trois. Les prêtres qui l'ouïrent, & les autres +pensant qu'elle les voulût manger ainsi, s'enfuirent. + +CAB. BURATEL. Et que devint-elle? + +THÉMISTIUS. Elle retourna au logis, ainsi qu'une femme de bien doit +faire, pour être encore aimée de son mari. Et qu'il ne soit vrai, une +femme ira plus pour un coup de vit, qu'un âne pour dix coups de bâton. + +FOXIUS. Elle eût été bien sage, si elle n'eût point été malicieuse. Et +de là , filles, prenez instruction, qu'il faut se laisser tout faire sans +mordre ni égratigner, de peur que l'on ne dise, sentant le mal, au +diable la putain! Et cela seroit possible cause que vous la deviendriez, +comme plusieurs autres, tant pour leur plaisir, que parce qu'il est +ainsi prédestiné, si le célibat n'y entrevient. Or devinez pourquoi a +été inventé _célibat_. + +ARIAS. C'est afin que nous ne nous amusions point à une femme, pource +qu'elles sont toutes à nous, au moins s'il est vrai ce qu'on dit. + +ARNOBE. Je pense que c'est plutôt pour éviter les cornes, à quoi sont +sujets les mariés qui craignent d'être cocus, d'autant que tous ceux qui +sont mariés le sont; & pourtant prenez garde. Vous trouverez chez les +hommes d'entendement, & qui ont de belles femmes, & qui font l'amour, +c'est-à -dire, qui ont affection de bien faire pour en recevoir, qu'ils +auront toujours chez eux un chausse-pied de cuir; & ce de peur que les +cornes ne les blessent. Un chausse-pied de corne est dur; & partant je +suis en grand peine d'où vient l'opinion des cornes. + + + + +TRANSCRIT. + + +XXIII. Une femme voyant un jour un beau gentilhomme, le regarda fort, & +d'un oeil de concupiscence; puis dit à sa voisine: voilà un bel enfant; +je le porterois volontiers, pour le faire jouer. + +JAMBLICUS. Elle me disoit un jour: couchez avec moi; &, demain au matin, +je vous baillerai une paire de souliers. Elle n'y faillit pas; mais ce +fut les miens qu'elle me bailla. Un autre disoit: je l'eusse donnée au +diable. Non eussé-je pas moi, d'autant que j'en avois encore affaire; & +puis je serai possible son héritier. + +L'AUTRE. Quel héritier! Elle mourra pauvre. + +JAMBLICUS. Voire da, comment? je vous prie: elle est putain, & son mari +larron; est-ce pas pour faire une bonne maison? + +ARIAS. Je ne doute point qu'elle ne soit putain; & sur-tout l'ayant vu +parler au vicaire de saint Paul, qui avoit promis à son curé qu'il +seroit sage, & ne courroit plus après les garces; & qu'au moins il s'en +abstiendroit les féries de pâques. Jan, il n'eut pas la patience; dès le +premier jour il parla à cette-ci; & le curé qui l'apperçut, l'entendit +revenir, & lui dit, je vous ai vu parler à une garce. N'avez-vous point +de honte de ne vous en pouvoir abstenir, encore à ces bons jours? Ho! +monsieur, dit-il, excusez-moi; ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est pour +demain. + +SYNESIUS. Ce compagnon confessoit une fois un maître des requêtes, & lui +parloit de péché de luxure, l'en interrogeant selon les loix de +_Benedicti_; & comme il lui en parloit exactement, monsieur le maître +des requêtes lui dit: mon confesseur, mon ami, je vous prie, ne me +parlez plus de cela; vous me faites arser. + +LE MOUTARDIER. Vous êtes calomniateur; elle étoit sage, & avoit beaucoup +de preud'hommie féminine. + +CICERON. Tu y es; tu y parles comme Thevet: voire de la _preud'hommie_. + +LE MOUTARDIER. Et pourquoi non, puisque preud'hommes avoient affaire à +elle? Et toutefois c'étoit avec chasteté, tant qu'elle se pouvoit +étendre, _modo stricto_. Pour le premier, elle ne voulut jamais que +monsieur d'Est la baisât en la bouche; & il lui demandoit pourquoi? +C'est dit-elle, que ma bouche est pour mon mari, parce qu'elle lui a +promis: quant à mon con, il ne lui a rien promis, faites-en tout ce que +vous pourrez; il est à votre commandement, cul & tout. Son mari s'en +doutoit. Un jour qu'elle étoit sur la porte assise, elle avoit son +cotillon un peu levé, il lui dit: fermez l'ouvrouer, (c'est la boutique) +ma femme, il est fête. Aussi le cas d'une femme est un ouvrouer, des +filles sont étoffes. + +NÉRON. A quoi faire? + +L'AUTRE. A faire des femmes de bien, ou des garces: & qu'ainsi ne soit, +on peut dire une parole injurieuse à une femme ou fille de bien, sans +l'offenser, en l'appellant par verbologie de choix, _belle étoffe à +faire une garce_; parce que c'est-à -dire qu'elle est fille de bien, & +qu'il ne tient qu'à elle qu'elle ne soit autre. Ne lui est-ce pas faire +de l'honneur? + +L'APPRENTIF. C'est un bel honneur! Tu y entends comme ceux qui heurtent +aux portes des putains. + +L'AUTRE. Et quoi, y a-t-il de l'intelligence en telle affaire? + +L'APPRENTIF. Oui da; notez, enfans, que si une garce a une porte sur la +rue, il ne faut point y heurter, si on la trouve fermée; parce que, si +la dame n'est point à la porte, ou à la fenêtre, il est évident, la +porte étant fermée, qu'elle est empêchée. + +L'AUTRE. Cela est il vrai? + +L'APPRENTIF. Aussi vrai qu'il est vrai qu'elles ont beaucoup de dépit, +(ainsi qu'ont les traîtres) quand en leur présence on jure, & dit-on, +par-ci, par-là : je n'aime point les putains; je n'aime point les +traîtres. Si à telle heure elles devenoient pucelles, jamais ne +deviendroient putains, & seroient aussi farouches au montoir, que garces +qui ont été au sermon. + + + + +COPIE. + + +XXIV. Et gai, ne faites donc jamais de cérémonie à l'entrée d'une halle, +d'une taverne & d'un bordeau. Quand je vois faire ces similitudes, il me +semble que je vois mademoiselle de Peu, qui disoit à madame Courtois: +mon dieu! madame, que vous avez de belles filles aux fêtes. (Elle étoit +aussi propre que le pendu de Douai). + +CÉSAR. Comment? + +L'AUTRE. Quand l'empereur Charles y fit son entrée, les gens de cette +ville-là lui voulurent faire tout l'honneur qu'ils pûrent. Et faisant de +belles façons d'arcades, chapeaux de triomphes, poteaux & telles +magnificences, ils s'aviserent d'un pendu qui étoit à la porte de la +ville, & principale entrée; ils ôterent à ce pendu sa chemise sale, & +lui en mirent une blanche, pour faire honneur à monsieur l'empereur). +Cette femme disoit cela de ses filles, parce qu'elles étoient mignonnes +& proprettes. Et après, ces mignons, ils sont là à faire des façons ès +entrées ou sorties, & font plus de fricassées de fêtes, qu'il n'y +faudroit d'étoffes à faire une pannerée de mysteres. Il me semble, à +voir ces fadaises, que les personnes, qui demeurent ainsi arrêtées, sont +comme couillons, qu'on ne laisse jamais entrer. Mais à propos, pourquoi +est-ce qu'ils n'entrent jamais? + +BAIF. Il l'a tantôt été dit; souvenez-vous-en. + +L'AUTRE. Je m'en souviens comme Honoré Bonjouan, brodeur de la reine +notre maîtresse, qui, ayant eu affaire de lui, & ne l'ayant pu avoir, +puis le voyant, lui demanda où il avoit été. Alors il lui dit: madame, +je me soumets en toute humilité de majesté, madame; je me souviens que +j'ai été voir mettre un homme en difficulté, & en distribuer un autre en +quatre pieces, choses que je n'avois onques point vues. + +NÉRON. Qu'est-ce que difficulté? + +BEZE. Il cuidoit dire en _effigie_; je me le remembre. Il disoit d'un +bel homme, qu'il avoit de beaux mufles, c'est-à -dire _muscles_. + +DENIS. Il étoit aussi fin que le marquis de Bellegueule, qui disoit que +c'étoit une bonne manne en une maison que du charbon. + +G. G. C'est aussi-bien rencontré que ceux qui disent: depuis que moines +allerent à cheval. Je ne vis jamais de moines aller à cheval, non plus +que d'autres; bien ai-je vu des chevaux aller à moines. Les chevaux vont +à moines dessus, comme tout autre; & ce qui est notable. + +PASSERAT. Si nous nous avisons de telles rencontres de ceux qui ne +savent ce qu'ils disent, & pensent bien dire, je vous renvoierai en +Savoie avec les huguenots, qui, fuyant de la S. Barthelemi, & approchant +de Geneve, se plaignoient du roi des François. Les Savoyards, qui +croyoient ce que ces pauvres despoderats leur contoient, les consoloient +ainsi: _Ha pauvre gen, vostron ré n'est pas si bon que nostron princio. +Si vostron ré se fu bin gouverna, il eusse esta maistre douta de nostron +duc._ Ces pitauds nous répétoient cela, même quand nous étions en +l'expédition de Savoie, & que, sans le mariage du roi, nous eussions +conquis le Piémont. Vogue la galere, ce sera pour une autre fois. Le duc +nous apportera de l'argent; puis nous irons prendre sa terre. + +BENOÃŽT. En bonne intention, mon ami, vous êtes de la même opinion que le +sire Isaac Baudouin, de qui j'avois fait enterrer la femme fort +honnêtement dans l'église. Il avint que lui demandant de l'argent, parce +que déjà je l'en avois averti, il me fit quelque excuse; puis, comme par +colere, en présence de nos amis qui devisoient avec moi, il va dire: +voici chose terrible! Cet homme veut avoir le corps & les biens. + +CASSIAN. On l'avoit apportée cette-là ; mais la servante de +Trainecouille. + +CÉSAR. Qui nommez-vous ainsi? + +CASSIAN. Ce grand viédase d'auprès les carmes, qui servoit d'espion aux +ligueurs durant la ligue, de mouchard aux politiques durant leur regne, +de fureteur aux huguenots quand ils pulluloient & multiplioient. Un +jour, sa servante, qui se nommoit Colette, monta sur un abricotier, qui +avoit des branches qui passoient par-dessus des murailles dans le jardin +des carmes, ou des jacobins, c'est tout un. Cette fille s'avança sur ces +branches, pour cueillir le fruit; & il avint que la branche, sur +laquelle elle étoit, rompit. La fille tomba dans le jardin, où quelques +jeunes freres se promenoient, qui, voyant cette proie comme venue du +ciel, se mirent après, & la _besognerent_ en bon françois, allant à la +rangette, comme les soldats qui assiégerent le château d'Angers. Le +prieur, qui ouit quelque bruit, survint à ce lieu; & effaroucha les +aigles qui venoient au corps, & prit la fille par la main & la rendit à +sa maîtresse, qu'il trouva à la porte la demandant. Quand Colette fut +avec sa maîtresse, elle fut tancée, & elle lui dit: vous êtes une pauvre +fille, que vous n'avez crié. Et quoi, ma mie, je pense que vous les +enduriez faire! Comment, madame, dit-elle, par ma finte, si le prieur ne +fût venu, j'en eusse bien eu davantage. + +BAIF. Vraiment, à ce que je vois, elle n'étoit pas comme la fille de +notre juge, laquelle est si pucelle, que son pucelage lui monte si fort +en la tête, qu'elle en est folle. + +PIMANDRE. Je m'ébahis comment cette fille pût sortir du cloître, vu que +l'on dit, quand une chose tient bien, _cela tient comme une vesse en +cloître_. + +CHARLES. Mais je m'ébahis qu'il n'y eût quelque homme de bien là , qui +empêchât cette insolence. + +CASSIAN. O voire, cela étoit une chappe-cheute, une fortune rencontrée: +il ne faut jamais laisser passer ce qui s'offre; & qui plus est, je +dirois presque comme le maréchal de Valiere. Comme les élus étant là , & +parlant de vos deniers qu'il falloit lever, & les asseoir avec modestie; +quelques-uns se plaignoient disant ce qu'ils en pensoient. Sur cela un +élu va dire: il faudroit élire & choisir ici quelques gens de bien du +lieu, pour y avoir égard. Ce maréchal qui ferroit un cheval, oyant cela, +laissa son affaire, & vint dire à l'élu: vraiment, monsieur, il n'y a +point ici de gens de bien. + + + + +CONFESSION. + + +XXV. LE BON HOMME. Nous ne boivons point; holà ! Vous causez assez. Mais, +en un mot, il faut à un bon cheval lui frotter la queue du reste de son +avoine, afin qu'il aille bien; & à un buveur, faut jetter le reste de +son vin sur les mains, pour le préserver de la goute. Et puisqu'il n'y a +point ici de gens de bien, faisons-nous bons, améliorons-nous; demandons +une recepte, pour être aussi long-temps en l'état que nous avons été, +comme fit le chapelain de sainte Catherine, confesseur de madame la +comtesse de S.... Ce prêtre se trouva, un jour, prés de sa maîtresse, +que sept ou huit médecins y avoient été convoqués, pour consulter sur la +maladie de madame, qui, à dire vrai, étoit assez vieille pour mourir. Ce +pere spirituel voyant messieurs les médecins sortir, les arrêta, & leur +dit: messieurs mes honorés mages, il n'est pas en mon pouvoir, moi +pauvre homme, de vous assembler comme je vous trouve ici; & j'ai une +grande maladie à vous communiquer. Qu'en eussiez vous chacun un petit! +Aidez, messieurs, il y a quarante ans que j'ai une grande & fâcheuse +migraine, en la tête, comme savez, joint que ce n'est pas de vous, comme +de moi. Messieurs, je vous prie de m'y faire quelque chose: mais, +messieurs, je vous dirai, s'il vous plaît, comme dit l'autre, & ne vous +déplaise; je ne puis recevoir de clystere, prendre médecine, endurer la +saignée, souffrir les ventouses, supporter les onguens, sentir les +frictions, porter les bains, ni donner lieu en moi, dedans ou dehors, à +ce qui provient de chez le chirurgien ou l'apothicaire. Ces messieurs +lui dirent: & que voulez-vous donc, mon pere, mon ami, que nous vous +fassions? A, ha! messieurs, je vous prie & supplie de me la faire autant +durer, qu'il y a que je l'ai. Vous le deviez donc dire, lui braillerent +en _chorus_ tous les médecins, & s'en allerent, le laissant-là . + +LE PROCUREUR. Comme fit la jeune mariée à son mari: que ne le +disiez-vous? + +NÉRON. Quoi! + +LE PROCUREUR. Le matin, il vint plusieurs femmes, filles & garces, voir +le nouveau marié, c'est-à -dire le jeune homme; & chacune le baisant, lui +donna une fouace. Sa femme, ayant vu ce mystere, lui demanda +affectueusement ce que c'étoit; & il lui dit que c'étoit un adieu que +lui disoient toutes les femmes, filles & garces qu'il avoit accollées. +Hé da, dit-elle, vous avez grand tort, que ne me l'avez-vous dit? J'en +eusse averti tous ceux qui me l'ont fait; ils m'eurent apporté du vin; +nous eussions eu à boire & à manger, pour d'ici à pâques. + +L'AVOCAT. Voilà une excuse pareille à celle que font ces bonnes pieces +qui prêtent leurs cons. + + Quand une femme est du métier, + Et sa voisine l'accompagne; + Elle a sa part au benoîtier, + Par la coutume de Champagne. + + + + +ORIGINAL. + + +XXVI. Et puis vous les verriez médire. Ma cousine Gervaise n'y faillit +pas hier au soir. Elle détestoit les femmes des Prêtres, & disoit +qu'elles étoient chevaux du diable, parce que les prêtres excommunient +leurs femmes au _memento_, d'autant qu'il n'y a rien si aisé à faire +cocu qu'un prêtre ou un ministre, quand ils sont affustés à dire messe, +ou à prêcher. Et en ma conscience, nous la trouvâmes, au matin, couchée +avec messire Cathelin, qui est un gros vilain camus. Et puis fiez-vous +en ces belles diseuses! + +BARONIUS. Ordinairement ceux qui médisent des prêtres ou des ministres, +en ont été; & ce qu'ils en disent mal, est pour faire croire qu'ils en +sont éloignés, comme putains qui s'exercent, veulent faire croire +qu'elles sont loin du bordeau. + + + + +SENTENCE. + + +XXVII. L'AUTRE. Mais à propos de putains, il faut que je vous fasse un +conte de ma femme qui étoit une putain. Elle n'étoit pas de ces énormes +putains qui en font métier; mais de ces femmes de bien, qui ont un ami +d'honneur. Et bien, j'étois toujours le maître; on me craignoit. Quand +je venois de la ville, ma femme venoit à moi, me tâtoit la tête: vous +êtes échauffé, mon fils; sus, servante, chauffez une chemise pour mon +mignon; mon ami, il faut prendre un peu de vin; voici monsieur tel, qui +vous étoit venu voir; il prendra la patience avec vous. Et bien, j'étois +mignardé; & qui plus est, mes servantes & mes valets le faisoient un +petit: cela étoit cause que je les trouvois toujours à la maison à faire +leur besogne: si cela n'eût point été, ils fussent allés au loin +chercher provision, aux dépens de tout ce qu'ils m'eussent pu dérober. +Tels sont les justes & bons fruits de l'honnête & chaste paillardise, +dont les effets ne succedent qu'aux ames pacifiques, & qui ont du +courage. Regardez un peu ce petit bouchon d'écuelles d'amourettes, cette +belle Agnès, ce qu'elle en pense? + +DU HAILLAN. Elle fait la dégoûtée, comme la femme du comte Dommartin, +laquelle étoit descendue à la cave pour boire; & de fait, avala trois +bonnes verrées de vin, puis remonta. Or y avoit-il là un valet, qui +étoit allé quérir la petite bouteille des fripons, lequel se cacha, +quand il vit madame, & la considéra, & se tint caché: puis elle sortit. +Il revint de fortune à dîner; monsieur avoit d'un vin frais percé, fort +bon, & s'avisa de prier sa femme d'en boire, laquelle faisoit toujours +semblant de n'en vouloir point; toutefois par importunité de son mari, +qui lui en fit bailler dans un beau verre, elle en beut quelques +gorgées; puis, ayant rendu le verre, dit, en se mettant les mains sur le +bas de l'estomac: mes ameres, comme il me cherche. Voire, ce dit le +valet qui étoit derriere madame, il cherche ses compagnons qui sont +allés devant. + +ZVINGLE. Ha, ha, hé, çà , çà , Luther, laissons nos querelles; aussi-bien +jamais Salomon ne fit bonne chere. + +LUTHER. Voici une bonne bête! Il ne mangeoit point de lard que par +dispense, ou bien il faisoit, comme quand j'étois moine, que je faisois +le petit exercice & gai. Pourquoi y a-t-il tant de putains & d'ivrognes? + +EPICURE. C'est parce qu'il faut que toutes choses soient accomplies. Il +convient qu'il n'y ait rien de manque au monde; d'autant que l'univers +seroit gauchi, s'il y manquoit de ce qui est à être effectué. Ainsi faut +que les choses destinées soient accomplies. Il y a plusieurs pauvres & +quelques jeûneurs d'amour ou de force, qui ne boivent point; & d'autres +boivent pour eux, & pissent aussi pour eux. Il y a infinies nonnains, +plusieurs moines, quelques filles de bien qui n'osent, ou ne peuvent, ou +ne trouvent à le faire; & il y en a qui suppléent à tels défauts; & +notez en charité que, si les loix étoient fideles, & qu'il n'y eût point +tant de contraintes & d'hypocrisies, tels excès n'aviendroient pas. Et +je vous prie, de prendre garde à ceci, que si vous retournez en vos +charges, tout soit remis à belle égalité & proportion, que dieu a +ordonnée, à ce que par vos insolences il n'y ait plus tant de causes de +péchés & de punitions. + +OECOLAMPADE. Tu nous la bailles belle; tu nous contes de la piété, & tu +n'en fais point de preuve. Tu es comme ceux, dont parloit la servante de +cette vieille huguenote, qui mourut l'année passée. Un jour, elle incita +sa servante, qui étoit papiste, d'aller au prêche; ce que la fille +voulut pour lui plaire, & y alla avec bonne & belle dévotion, & ouit le +prêche avec une moult bonne attention. Etant revenue, sa maîtresse lui +en parla: & bien, dit-elle, ma mie, n'est-ce pas une belle chose que le +prêche? N'y parle-t-on pas bien de dieu? La fille, ayant longtemps +écouté sa maîtresse, lui répond ainsi: ils en parlent prou, mais ils ne +le montrent point. + +EPICURE. Sec, j'y venons; tu nous apportes ici de terribles caupeaux de +vieilles vérités. Je t'y attendois; n'es-tu pas gentil & de belle +industrie? N'est-ce pas toi qui es un de ceux qui nâquirent dessous +s'entrelevant par les épaules, & qui avois vécu soixante & sept ans? +Toi, tu te mis à étudier; mais ton frere étoit tonnelier. + +COSTER. C'est là où il falloit prendre de quoi faire d'un diable deux, +en les séparant, & coupant ce qui les joignoit par les épaules; & non de +faire, d'une prébende licentiale, deux demies prébendes, pour d'un âne & +cheval de bagage licentié faire deux chantres, que ce veau de licentié +nomme diables, parce qu'il lui est avis que les anges du ciel qui ne +quadrent à la mauvaise opinion de sa fressure, sont diables. Ainsi +chaque levre a son goût. + + + + +DÉMONSTRATION. + + +XXVIII. EUCLIDES. Or bien il faut passer devant un chieur, & derriere un +rueur. Vous ruez bien; vous êtes de même que la femme du sieur Chaillou, +qui avoit force noix, l'année que ses noyers d'entre Tours & Loches +furent abattus. Les noix étoient chéres; il y en avoit à la maison +encore deux setiers à vendre; il vint un bon compagnon qui parla à +madame, (laquelle étoit de ces bonnes ménageres, qui, pour épargner les +poches, mettent & serrent le bran en leurs chemises) & marchande ses +noix, fit marché avec elle, & lui bailla un quart d'écu d'arrhes, à la +charge qu'il emporteroit sur sa bête un setier de noix. Et bien, madame, +lui disoit-il, ne vous fiez-vous pas bien en moi d'un setier de noix, +puisque je me fie en vous de l'autre? Oui dà , mon ami, dit-elle; mais +comment avez-vous nom? Je me nomme Jean Tenon. Or bien, allez donc; & +quand il vous plaira vous aurez le reste. Adieu, madame. Adieu, mon ami. +Quand Chaillou fut venu, elle lui fit le conte de son bon ménage, & +aussi disoit-elle qu'elle s'étonnoit que ce marchand tardoit si +long-tems. A la fin, le mari lui demanda comment il avoit nom. Non, mon +ami, dit-elle, c'est un honnête homme à le voir, je ne me puis pas bien +souvenir de son nom. Chaillou, tout fâché & dépit de la sotise de sa +femme, va dire: ha! je vois bien ce que c'est. J'en tenons, _id est_ +nous en tenons; c'est-à -dire, nous sommes pris. Elle, qui ouit ce mot, +Jean Tenon, oui, oui, oui, mon ami, dit-elle, il est vrai; c'est lui; il +m'a dit qu'il avoit ainsi nom. + +MERLIN. Elle fut un peu plus fine que la femme de Garence, qui, un jour, +avoit affaire de cendres, & voyant force pastel qu'elle croyoit qu'on +avoit jetté avec du bresil, mit tout au feu, & en fit des cendres. Il y +avoit pour plus de cinq cents livres de marchandises, dont elle fit pour +dix-neuf sols six deniers deux oboles de cendres. Voilà pas une bonne +alquemiste? + +MELVIN. Ce fut elle, que son mari mena à Maillé voir un de ses cousins; +ce mari parlant à son cousin, ce cousin lui demanda des nouvelles de sa +femme, disant: & comment se porte ma cousine? Voire, dit-il, & la voici. +O! dit l'autre, excusez-moi; vous avez donc amené une bête. Çà , çà , +ouvrez l'étable; ho! garçon; & puis, allons boire. Il vouloit dire qu'il +avoit amené une bête chevaline, pour porter la bête humaine. + +ALF. DE CASTRO. Quand j'étois marchand, je menois une bête; mais c'étoit +un ours. A cela, vous pouvez juger que je ne suis ni Normand, ni +Manceau, ni Rousseau, parce que l'on ne voit gueres de telles gens du +pays de sapience mener l'ours. + +ILLIRIC. Voire; mais tu ne menois pas l'ours, quand nous eûmes si grand +peur en la Franche-Comté, où l'on nous fit manger de la chair de l'ours +salée. + +ALF. DE CASTRO. Il faut que je confesse que je ne fus jamais si +épouvanté; je cuidois que les diables dussent débattre sur quelque +sorbonique, ou que le parlement prédestiné des ministres & jésuites fût +arrivé. Il avoit neigé; & c'étoit environ la saint Jean. + +NÉRON. Tu débutes bien; la saint Jean! + +ALF. DE CASTRO. Oui da; il y a la saint Jean qu'on fauche, la saint Jean +qu'on tond, la saint Jean qu'on bat, & la saint Jean qu'on chauffe; +c'est cette là , je l'ai trouvée; & étoit fort près de la nuit. Vous +savez qu'en ce pays-là les maisons sont près la montagne, & n'ont qu'une +cheminée au milieu, sur le haut de laquelle il y a deux fenêtres ou +portes, pour donner le vent par rencontre, afin que la fumée n'importune +point. Or le vent étant tourné, le valet voulut aussi tourner les +portes, en ouvrir une, & fermer l'autre, de laquelle un des gonds étant +rompu ou arraché, il n'en put venir à bout, si qu'il lui fut force de +monter en haut, & ce par la cheminée. Etant en haut, il avisa le défaut; +mais il n'avoit point de marteau pour s'aider à descendre; il se +fâchoit, de sorte qu'il alla par sur le toit, droit sur la montagne, +quérir une pierre; & ainsi il fit un petit sentier, il racoûtra sa +porte, puis descendit. Il y avoit un pauvre chaudronnier qui cherchoit +logis; mais parce qu'il brunoit, il ne pouvoit voir de chemin; joint +qu'il avoit neigé, depuis que le monde se fut retiré. Ce chaudronnier +bien empêché, ne savoit que faire; il levoit nez à mont, découvrant ça & +là ; enfin, il avisa le sentier qu'avoit fait ce valet, & lui là : il le +suivit; & voyant la clarté de la chandelle, il ouvre la porte, & cuidant +entrer il se pousse dans la cheminée. Etant ébranlé, il n'y eut point +moyen de se retenir, si qu'il tomba au milieu de la chambre, disant: +dieu soit céans. Nous vîmes ce personnage noir & ses chaudrons, qui +firent à nos oreilles une fois plus de bruit qu'ils n'eussent pu faire. +Nous fuimes tous, cuidant que ce fut le maréchal des logis de Lucifer, +qui vînt mettre dans ses chaudieres les petits enfans, pour les faire +cuire, & nous envahir comme repues franches. + + + + +HISTOIRE. + + +XXIX. GAGUIN. Comment avoit nom ce chaudronnier? + +ALF. DE CASTRO. Il avoit nom Socrates. + +POGGE. Tout beau, ne parlez pas si haut; d'autant que, si ce sage +l'entend, il deviendra fou. + +ALF. DE CASTRO. O, ho! & les noms sont-ils pas communs? Et qui sait, à +cette heure, lequel des deux est Socrates, puisque les noms sont pour +les mortels, qui sont si sots qu'ils donnent des noms aux anges & aux +diables? Je ne dis pas que cela ne fût bon à ceux qui seroient baptisés +ou circoncis. + +ILLIRIC. Puisque tu fais tant le résolu, qu'avois-tu affaire de nous +nommer ici? Et plusieurs s'en fâcheront, ne s'y trouvant pas. + +L'AUTRE. Si quelqu'un se fâche que je ne l'ai mis ici, ou quelqu'un de +ses pareils prétérits ou futurs, qu'il y mette ceux qu'il voudra, & +lui-même pour s'appaiser, ainsi que fait ma mere-grande: si on lui +apporte sa soupe trop chaude elle la rafraîchira; si elle est trop +salée, elle y mettra de l'eau; si elle est trop fade, elle la salera; +s'il y en a trop, elle en laissera, s'il y en a assez, elle mangera +tout, &c. C'est une bonne personne, pour une femme; elle trouve tout +bon, afin de ne se marier point. Faites ainsi, mes bons amis du coeur; & +notez que s'il y a quelque fantasque qui s'attriste de n'être ici ou les +siens, & ne veut se soumettre à la juste raison que j'ai dite, il sache +que je ne connois point les fils de putain. Je vous dirai pourtant, vous +demandant excuse, qu'il y aura ici assez de place pour tous les fous, +pourvu que l'on les y mette l'un après l'autre. En Allemagne, les +Allemands y mettront leurs fous; en France, les François; en Angleterre, +les Anglois; en Espagne, les Espagnols; en Suisse, les Italiens; en +Turquie, le reste: & puis, que l'on fasse si grand-chere qu'on voudra; +soit en droit, soit en musique, soit en canon soit en théologie, soit en +gendarmerie ou marchandise, ou médecine, ou toute telle autre sorte que +vous imaginerez, sans y mêler les grenetiers, parce qu'ils sont le sel +du monde; ils salent les autres fous, de par le roi: bran pour eux. + +DE CASIBUS. Qui est-ce qui parle de bran? + +MADAME. C'est moi. + +DE CASIBUS. Qui vous puisse brider les joues. Et bien, madame, là -dessus +je vous demande combien un étron a de qualités? Dites-le; il faut tout +apprendre, aussi-bien il s'en faut dépêcher comme ma cousine, du sac du +bon homme. Prenez donc un étron, & y mettez le nez, il pûra; mettez-y +les dents, il sera trouvé de mauvais goût; si vous n'êtes dégoûtée, & +que vous ne trouviez pas la merde bonne, frottez-vous-en le nez, il vous +barbouillera. + +LUTHER. A, ha! hé, tu es bien aise d'avoir bricollé une petite vilaine. + +DE CASIBUS. Qui est le plus vilain, celui qui emporte, ou celui qui en +parle? Et devinez ce que c'est; si ce n'est pas cela, dont vous n'en +sauriez porter une livre, quand il est encore à vous; n'étant point +vôtre, vous en porteriez un quintal? + +MADAME. Là , là , changeons de note. + +LUTHER. Celui n'a gueres de notes qui n'en sait point, comme ce drôle +qui vint chez monsieur le baron au Chastais, hier, & trouvant monsieur à +la porte, il lui demanda la passade. Qui êtes vous? dit monsieur. Je +suis un pauvre musicien. Entrez, mon ami. Entré qu'il fut, monsieur le +fit dîner avec lui. Or étoit ledit baron fort curieux, & avoit fait +apprendre la musique à ses enfans, garçons & filles. Après dîner, il fit +apporter des livres, pour faire la musique, & bailla des livres à +chacun, & un à cettui-ci; & lui-même, docte en cette discipline, bailla +les tons; les enfans chantoient; & monsieur, qui n'osoit rien dire à ce +passant, estimoit qu'il écoutoit. A la fin, le voyant se taire, il lui +dit: vous ne chantez point? Non, monsieur. Hé pourquoi? Monsieur, je n'y +entends rien; ne vous ai-je pas dit que je suis un pauvre musicien, que +je n'y entends rien? + +RABELAIS. Tu ne fais ce conte qu'à demi. + +LUTHER. Sanguille, tu es un bel évêque! De quoi, tous les mille diables, +te mêles-tu? + +PIRRHUS. Que pensez-vous avoir dit? Oui da, Rabelais mon bon compere a +été évêque. Et pourquoi non ne l'eût-il été, aussi bien qu'un tas +d'autres qui le sont bien encore, & le seront? Et de fait, je vous +démontrerai qu'il a été évêque: je ne veux point disputer; je suis +mathématicien, j'entre en démonstration. Ne savez-vous pas qu'il +n'appartient qu'aux évêques ou archevêques de confirmer par la noble +puissance qu'ils ont? Et ainsi avec cela de changer le nom, en muant un +peu de la substance? S'il est vrai ce que je dis, & que ce bon pere +_pseudo-evangelico-papistico-anabaptistico-giésitanerbiterono-puritain_ +a pratiqué en confirmant madame la mere de Gargantua; laquelle, en +premiere invention, dictée de la propre goule d'un défunt évêque de +Paris, avoit nom Galemelle; & le pere Rabelais la nomma Gargamelle: si +ledit n'eût été évêque il y eût eu fausseté en ses écrits comme ès +vôtres: ce qui n'est pas, témoin Jamblique, qui profere: + + S'il faut baiser, à ce qu'on dit: + Tout ce qu'aux dames on présente, + Je ne saurois baiser mon vit; + Je le garde pour la servante. + + + + +ATTESTATION. + + +XXX. Vraiment voire, ce dit la servante de chez nous, si j'étois la +maîtresse, je ne bougerois du lit quand il fait froid. En nanda, notre +valet étoit plus habile homme, qui, parlant à mon pere (qui est +gentilhomme, ne vous déplaise, & d'antique race, je le dois bien savoir, +moi qui ai été condamné aux grands jours d'avoir non la tête coupée, +mais le col, & me voici; c'est tout un, je suis de la vieille noblesse: +non admise par médecine, ni mairie, ni échaunage, ni lettre; mais par +source de vieille gueuse, ferme tigneuse, & bonne putain d'antiquité. +Que disois-je? Cette folle humeur de vanité noblesseuse m'a si bien +fricassé la cervelle, que j'ai oublié ce que je voulois dire. Parguille, +si je m'y mets, je ne dirai jamais rien, que je ne fasse comme Auguste, +ce grand preneur de taupes à la glu, c'est-à -dire, empereur des Romains. + +POGGE. Et que faisoit-il? + +PYRRHUS. Il vous chioit au nez tout d'une volée: laissez-moi dire; je +reprens ma mémoire comme le grimoire; j'ecrirai tout ce que je voudrai +dire, & serai si sot que, quand je demanderai à ma femme à le faire, je +l'écrirai en mes tablettes, afin de ne paillarder à bien dire sans +faute. (Ce notre valet, voyant mon pere être appellé pour l'arriere-ban, +aussi étoit-il gentilhomme, ce qui le fâchoit, parce-qu'il n'aimoit +point la guerre; il aimoit le lard, & haïssoit les chiens. Foi de +demoiselle, disoit ma mere pançant ses pourceaux, mon mari est aussi +noble que le roi; il aime bien à ne rien faire, & se donner du plaisir: +& notre valet, qui est des meilleurs, voyant mon pere fâché pour cette +arriere-bannerie, lui va dire, cordille, mon maître, si j'avois autant +de bien que vous, je n'iras pas à la garre! Et qu'est-ce, Colas mon ami, +que tu ferois? Que je ferois? Je m'en irois voir le procureur du roi +avec un bon lievre, & il me donneroit main-levée. Et si ce n'étoit pas +assez, ou qu'il ne fût pas assez grand... + +THUCIDIDE. Il n'y a remede. Il disoit comme la bonne femme qui +présentoit le pain béni à saint Pierre-aux-boeufs. Mais en conscience, +toi qui te connois en tout, lequel des deux boeufs qui sont là est le +plus gras? + +SAUVAGE. Je l'ai mis en ma chronique. Deux comperes aviserent à cela, & +gagerent. Le sire Adam disoit au sire Girôme que l'un étoit plus gras +que l'autre. Ils gagerent, s'en rapporterent à ceux qui sortiroient de +la premiere messe. Le sire Adam se leva de nuit, & alla graisser de sain +celui qu'il avoit dit être le plus gras; puis quand le monde sortoit, & +que ces sires demandoient l'avis d'un chacun, dame, chacun trouvoit, +cettui-là être plus gras. + +DU GUGNET. Hé, grosse pécore, il y en a un voirement plus gras que +l'autre, d'autant que l'on met en son corps les huiles pour servir au +luminaire, & il en tombe dans ce creux, si qu'il est plus gras. C'est +philosopher, cela. Mais à cette femme, mais à ce pain; & bien à tous +deux. + +THUCIDIDE. Cette bonne femme étoit sourde; & présentant son pain, & +faisant la révérence, elle fit un pet. Les présens & présentes se +prirent à rire. La bonne femme, croyant qu'ils se moquoient de son pain +qui étoit bien petit, se retourne & dit: messieurs & dames, excusez-moi, +s'il vous plaît; je le ferai une autre fois plus gros. Et chacun de rire +plus fort, attribuant le plus gros au pet, qui étoit délicat. Il étoit +noble, ce pet, puisqu'une demoiselle l'avoit fait. + +PYRRHUS. Et pourquoi non? Le métayer ne disoit-il pas bien, voyant des +pourceaux: ô! la belle noblesse que voilà ! Il en dit bien d'autres: & +comme ma tante lui demanda touchant les biens de la terre, ce qu'il en +pensoit: ô! mademoiselle, pour les bleds & tels grains vous n'en avez +gueres; mais vous êtes la roine des vesces. Je ne vis jamais tant de +demoiselles qu'il y a aujourd'hui; tout en est conchié. Quand vous en +saurez la raison, vous ne serez plus tant étonnée; il faut... + +ARETIN. S'il faut, il ne prend pas. + +PYRRHUS. Si vous étiez aussi mordant que reprenant, il n'y auroit cul +qui n'eût des dents. Sachez donc qu'un jour une belle, jeune, fretille, +bonne & sage demoiselle que je connois bien, (je la dois bien connoître; +son pere m'a fait bonne chere) un jour d'été qu'il faisoit beau, eut +fantaisie de monter sur un arbre. J'eusse bien mieux aimé monter sur +elle. + +POGGE. Tu es dégoûté comme le clousier de Vaux, qui pensant entrer en la +salle, y vit plusieurs dames, & se voulut retirer. Entrez, dit madame de +Saint-Martin, entrez; nous ne mordons ni ne ruons. En da, dit-il, +donques, mesdames, je voudrois bien être monté sur icelle bête. + +PYRRHUS. Cette belle demoiselle, que je vous dis, étant sur cet arbre, y +cueillit ce qu'elle voulut; puis descendit. Or est-il que la queue de +son chaperon de velours y demeura, sans qu'elle y prît garde; & le cocu +fit son nid dessus, & tellement que plusieurs oiseaux la couverent, +cette belle queue lui multiplia si bien, que maintenant il ne faut que +secouer un coup, voilà une demoiselle faite. Et gai, il ne tiendra pas à +moi que je n'en fasse, & je ne leur exhibe une andouille & deux oeufs, +la pitance d'un religieux. + +LOUVET. Tu te vantes bien. S'il étoit, ou qu'il fût; mais il est. + +POGGE. Et bien, cela est bien dit. + +LOUVET. Notre official le fit interpréter à l'homme & à la femme qui se +plaidoient. L'homme disoit du cas de sa femme: s'il étoit, montrant le +pouce joint au premier doigt; puis il disoit: ou qu'il fût, comme les +deux pouces joints à bout, & les deux premiers doigts; mais il est, +montrant son chapeau. Et la femme dit, parlant de l'outil de l'homme: +s'il étoit, empoignant sa cuisse; qu'il fût, empoignant le bras; mais il +est, montrant le petit doigt. + +ALCIAT. La dispute en est aussi bonne, que celle d'un savant qui vint à +Genêve, lorsque Jysquel y faisoit ses études. Cettui-ci dit qu'il +vouloit disputer; mais qu'il ne parloit qu'en signes. Il n'y eut +personne qui voulût y entendre, d'autant qu'en ce pays-là (c'est à +Genêve) ils n'ont gueres de signes; ils veulent tout à droit. A la fin, +il y eut un menuisier qui étoit de Montargis, parent du démoniaqué, & +d'un maître d'hôtel de madame la duchesse de Ferrare, & réfugié à Genêve +pour la concupiscence; hoi, je cuidois dire _conscience_, (comme il +avint un jour à Tours, que le roi y étoit. Il y avoit lors une dame, qui +durant les jeux avoit joué conscience, qui pour cela en eut le nom tout +le temps de sa vie. Je la trouvai en la rue, & je la cherchois; il +m'avint de lui demander le logis de madame Conscience. Qui êtes-vous, +dit-elle qui m'injuriez? Hélas! madame, pardonnez-moi; on m'a dit que +vous avez ainsi nom. Ce sont des sots qui le disent. Je ne le dis donc +plus.) Ce menuisier dit qu'il disputeroit avec ce savant, selon les +accords. On les met sur un échafaud, devant le monde. Ce savant, se +présentant résolument devant ce menuisier, auquel on avoit baillé une +robe ministrale & un bonnet consistorial, & levant le bras, haussa la +main, fermant le poing, en lui montrant un doigt: le menuisier lui en +montra deux; le savant en présenta trois; à savoir le pouce & les deux +doigts: le menuisier lui montra le poing clos. En après, le savant lui +montra une pomme; le menuisier, cherchant en sa pochette, trouva un +petit morceau de pain, & le lui montra. A donc le savant, tout ravi en +admiration, se retira; puis dit qu'il avoit là trouvé le plus docte +homme du monde; & tant que ce bruit a duré, l'école de Genêve a été en +réputation. Depuis on prit à part le menuisier, & on lui demanda qu'il +avoit agi réciproquement avec cet autre. Il nous dit: voire, c'est un +homme fin! Il m'a menacé de me pocher un oeil; & je lui ai fait signe +que je lui en pocherois deux. Puis il m'a menacé de m'arracher les deux +yeux, & m'enlever le nez; & je lui ai montré le poing, avec quoi je +l'assommerois. Et comme il m'a vu en colere, il m'a présenté une pomme, +pour m'appaiser comme un enfant; je lui ai fait voir que je n'avois que +faire de lui, & que j'avois du pain qui valoit mieux. + + + + +SOMMATION. + + +XXXI. Et puis faites la guerre pour cela! Allez vous battre; allez vous +damner pour telles gens. J'aimerois mieux aller travailler à ma journée, +& faire un petit de bon frit en ce monde. + +CEBES. Oui, ainsi que fit Jaques Poulet, qui tailloit la traille de +madame de la Souche. Comment? Il étoit beau & gaillard; & madame l'ayant +contemplé, eut envie d'être couverte de son corps; chose que, pour rien +du monde, elle n'eût voulu permettre à autre qu'à son mari. + +MADAME. Voire, permettre à son mari! Il ne faut qu'obéir, d'autant +qu'elle y est obligée; que si elle le fait à d'autres, c'est grande & +notable charité. + +ALCIAT. Bien; vous avez dit vrai; vous êtes une bonne petite personne. +Il ne le faut pas dire à tout le monde. Or de cet accouplement +désirable, & voluptueux, d'autant qu'ils travaillerent à con vu & de +plein jour, ils firent un bel enfant; & à cela se connoissent les enfans +faits de jour ou de nuit, ou autres des quatre temps, selon leur beauté; +les plus beaux sont faits de jour. Or elle qui étoit mariée, ne pensant +pas que cela dût prendre, à cause que le prêtre n'y avoit pas passé, +n'en fit autre mine; & toutefois se trouva grosse, dont enfin elle +accoucha, fort assurée à qui l'enfant étoit. Il avint que la bonne dame +fut malade, & comme elle fut prête de mourir, elle appella son mari & +lui dit: mon ami, je vous ai toujours été obéissante & douce; je crois +que vous ne vous plaignez point de moi. Non, ma mie, réjouissez-vous & +revenez au monde. O, mon ami! je suis fort dolente & ennuyée d'une faute +que je vous ai faite; mon cher mari, je ne vous en ai fait qu'une, je +vous prie de me la pardonner. Las! ma mie, prenez courage; il n'y a rien +que bien. Mais, mon ami, la faute est grande. C'est tout un; je vous la +pardonne. Hélas! mon ami, ce petit garçon n'est pas de votre fait; c'est +Paulet qui me le fit, le jour qu'il tailla notre treille, l'année +passée. O! o, ma mie, dites-moi, étoit-il à notre journée! Oui, mon ami. +O bien, ô bien, ma mie, c'est tout un, puisqu'il étoit à notre journée, +& que nous l'avons payé, l'enfant est à nous, d'autant que ce qu'il +faisoit étoit pour nous; reposez en paix, & ne vous affligez plus. +Achevant cette parole, le médecin entra, qui lui tâta le carpe: adonc il +dit: cette pauvre dame n'a plus de pouls. Elle l'ouit, & faisant un +soupir, va dire: a, a, a, monsieur, en voici un gros qui me mord près la +gorge. + +CARDAN. Le seigneur de Strossi fut autrement gaussé de son médecin, +qu'il ne payoit pas bien, d'autant qu'il lui bailla bien plus d'un vif +biais. Le médecin l'ayant tâté, Strossi va dire, a, a, monsieur le +docteur, mon pouls est bas: il ne va gueres vîte. Non, monsieur, dit le +médecin; s'il étoit sur quelque genet il iroit bravement; mais à cette +heure il va plan, plan, d'autant qu'il est sur un âne. + +MAROT. Ce médecin, sortant & passant par saint Severin, vit les prêtres +enterrant des morts par trois bandes, & les saluant, il leur dit: dieu +vous garde, messieurs; vous faites bien votre août. Voire, dirent-ils, +oui, monsieur, dieu merci & vous. + +CUSA. Et allons; voilà qui est aisé comme une femme qui se meurt contre +terre: voici de vrais contes, du temps que les bêtes parloient. + +POGGE. O qu'il ne faut pas aller loin; il y en a bien qui parlent. + +APULÉE. J'ai été âne, comme chacun sait; mais mon compere Cardan a bien +été une autre bête. + +CARDAN. Oui dà , j'ai été de trois sortes de bêtes, & je ne fus jamais +âne; mais je me souviens du temps que j'étois bête ainsi que vous, +témoin Thevet & quelques semblables pour être bêtes de bon esprit, & +ayant mis en mémoire la promesse faite à Pythagoras, j'ai plus fait que +lui, d'autant que j'ai bien retenu ce que j'avois en rencontre; & de +fait, j'ai engravé en mon esprit ce que j'ai vu ès institutions & +cérémonies de bêtes, & sur-tout en leur cabale qui est notable, en +laquelle il y a un article de plus de conséquence, & sur-tout en ce qui +est de leur créance; d'autant que, comme j'ai su d'elles, elles croient +que les hommes sont plus bêtes qu'elles ne sont, bien que quant à elles, +elles soient les martyrs de nature. Il est vrai qu'il y a de méchantes +bêtes, comme il y a de méchans hommes. Si j'osois, je passerois outre, +parce qu'elles ont une religion; mais je n'en veux pas parler, d'autant, +que la déclarant, elle se trouveroit semblable à celle de plusieurs +sots. + + + + +CALENDRIER. + + +XXXII. L'AUTRE. Les espérances sont plus belles que les effets, d'autant +que les conins des petites filles sont mieux faits que ceux des grandes. +Aussi il y a conin; c'est le cas de ces mignonnes, que l'on torche +encore près le feu, ou qui les montrent en pissant: conaud; c'est de +celle qui est déjà bonne, qui peut être chute en pauvreté, à qui le poil +a percé la peau: puis con; c'est de celles qui sont bonnes, & n'ont +guères eu, ou point d'enfans: conasse; c'est des vieilles, & qui est +presque tout en désordre. + +PLATINE. Et que dites-vous de connue? + +L'AUTRE. C'est le cela d'une veuve; il n'est ne l'un ne l'autre; mais ce +qu'il peut être. + +AVERROÈS. Je crois que les conasses sont désagréables, & appartiennent à +l'ordre du derriere de la servante de feu monsieur le doyen des +médecins. Cette vieille, étant près de mourir, requit son maître d'une +faveur qu'il lui promit. Hélas! dit-elle, monsieur, je me meurs, je suis +une pauvre femme; je desire, s'il vous plaît, être enterrée au préau de +S. Pierre; mais, s'il vous plaît, que l'on ne chante point sur moi: je +ne desire pas que l'on se moque de moi. Pargoi, s'il vous plaît, qu'ils +ne disent point: ô! cu ridé. + +PASSERAT. Et bien, ma mie, bien, mourez en paix, & n'ayez pas de +crainte; ne vous épouvantez point, comme fit un sergent d'Orléans, que +je ne veux pas nommer, d'autant qu'il a des parens en chapitre. Ce bon & +noble sergent, allant un jour se promener à la Source, avec plusieurs de +ses amis, il y eut un jeune apothicaire, qui se mêloit de prendre les +serpens, lequel en voyant un beau & long glisser devant nous, va le +conjurer & dire: serpent, je te commande que tu t'arrêtes; & qu'il soit +aussi vrai que je te prenne, comme il est vrai que, quand un sergent se +meurt, son ame va droit entre les mains de Proserpine reine des enfers. +Ce serpent s'arrêta, & fut pris. + +ZVINGLE. Le sergent, voyant cette merveille, fit au rebours du barbier +de notre pays, qui vendit ses rasoirs, bassins, lancettes & autres +ustensiles, afin d'acheter un état de sergent, pour faire le salut de +son ame, & être compagnon d'un violon qui se fit sergent, pour mener +joyeusement le monde en prison, d'autant que cettui-ci, ayant +componction de coeur, jetta son office au diable; & se rendit capucin. + +LOUVET. Il avoit un autre dépit. Vous ne devez pas dire cela. S'il y a +quelque sergent qui ait fait quelque chose, ou même cettui-ci, donnez-le +à qui vous voudrez, & n'impugnez rien que ce que nous disons, pource que +tout ce qui est ici avancé, est tenu pour très-vrai, sans qu'il y +faille, ou soit reçu d'y contredire; & si quelqu'un y contredit, qu'il +s'aille faire canoniser en enfer. Pardonnez-moi; ce que je dis n'est que +pour rendre plus authentique votre prolation; & de fait, je crois, que +ce n'est pas lui, dont je veux parler; c'est d'un autre qui est de +Genêve, & est de même état: là on ne dit pas sergent, on dit officier. + +OECOLAMPADE. A, a, voilà dire cela, voilà parler d'accord; c'est +appréhender aux prêtres & aux ministres le moyen de s'accorder. Or dites +à pleine gueulée. + +LOUVET. Cet officier avoit une femme assez fâcheuse, & qui le +tourmentoit. Il la battit plusieurs fois & à dur, dont elle se +contrista, & menaça son mari du consistoire, qui est le purgatoire des +huguenots. Remis qu'il fut au consistoire, il y alla; & on lui remontra +que cela n'étoit pas beau de battre sa femme. Elle étoit battable, +dit-il. Allez, lui dit le diseur, sachant la pensée de notre seigneur le +consistoire, retirez-vous; qu'il y ait de la mesure en vos actions, & +qu'on n'oie plus parler de vous. + + + + +PALINODIE. + + +XXXIII. Il retint fort bien son congé; & quelques jours après, sa femme +se faisant forte du consistoire, se mit à faire la méchante, & il la +battit; mais avec quoi? Avec une aune qu'il avoit empruntée du seigneur +Lait, qui avoit été jadis couturier; & la frotta dos & ventre sur ses +habillemens, à cause qu'ils n'ont point ôté les dix jours en ce pays-là . +La pauvrette se plaignit, & fit encore appeller son mari au consistoire, +auquel on fit la joyeuse & courte remontrance, parce que l'on n'avoit +pas le loisir de parler à lui, à cause que l'on faisoit réponse à une +lettre que le duc de Savoie avoit écrite à un traître; (O diantre soit +le traître! Il étoit alquemiste, il n'y eut jamais que lui qui fût de +cette chose là ) & dit-on à ce maître officier: allez, & soyez sage; & si +votre femme vous fâche, ne la battez pas. Monsieur, je ne lui ai fait +que ce que vous m'avez commandé; je l'ai battue par mesure. Oui, +dit-elle, messieurs, il m'a battue avec une des aunes de messieurs; & +disoit bien, pour autant que là on mesure la justice. Comment, dit +maître Jean Pinaut, vous abusez des paroles saintes? N'y retournez plus. +Monsieur, dit-il, ce ne sont que remontrances que je lui ai faites. +Allez, dit le président clerc, remontrez-lui avec l'écriture sainte, ou +bien on vous mettra Céans. Quelques jours d'après, elle fut encore +mauvaise, & il la battit; mais ce fut avec un gros nouveau testament +couvert de bois & ferré: il le lia en une serviette, & la plauda en +cas-pendu; il n'y manqua rien. Elle s'en plaignit; &, les formes +observées, étant devant le benoît consistoire, qui s'ennuyoit de le voir +si souvent, il fut tancé. Messieurs, dit-il, je ne l'ai corrigée qu'avec +l'écriture sainte. Hélas! quelle écriture sainte, messieurs, dit-elle! +C'a été avec un gros maudit testament qu'il m'a bourrelée. Cela ouï & +sû, il fut dit qu'il seroit puni, s'il continuoit: & puis, étant entré +devant messieurs, on lui reprocha son incrédulité, qu'il étoit malin +contempteur & tergiversateur: & enfin, lui fut prononcé à peine de +punition corporelle, qu'il n'eût plus à châtier sa femme, que de la +langue. A, jan! il n'y faillit pas, d'autant que quand elle le fâcha, il +prit une langue de boeuf fumée, dont il la battit tant que le diable eut +de cul, & le consistoire de tête; & leur allez demander qu'ils en ont +fait. + +BARRABUS. Voilà une mauvaise fortune. + +EUSTATHIUS. Ainsi il y a fortune visible & fortune invisible. + +NÉRON. Voilà une belle remarque; je vous prie, sachons que c'est. + +EUSTATHIUS. La fortune invisible est l'esprit de la visible, & qui est +fort secrete: je ne vous la dirai pas toute; mais pour la faire +appréhender, je vous en baillerai l'échantillon royal, c'est-à -dire, le +souverain; le plus beau, c'est le cocuage. Et la fortune visible, la +vérole, les poulains, mal au vit, la chaude-pisse, & telles +démonstrations circulaires & avantageuses, lesquels s'achètent à deniers +comptans; sinon que l'on marque les coups à la coche ou à la taille, +c'est tout un; pourvu qu'on s'en souvienne; ou bien que l'on le fasse +sans cédule, & sur la foi. + + + + +SATIRE. + + +XXXIV. DIXIPPUS. Et dà , c'est un grand malheur que des affaires du +monde. Voilà , un pere aura de belles filles; c'est vraiment une belle & +digne marchandise; & toutefois il faut bailler de l'argent pour s'en +défaire; & qui pis est, à ce que m'a dit Schower, ce fidele astrologue, +ainsi que Léontius me vient de confirmer, tant que le roi vendra les +états, & que les hommes bailleront de l'argent à un maître pour le +servir, certainement les femmes, qui autrement sont dites garces, +c'est-à -dire, filles de joie, dames d'amour, personnes de liesse, +prendront de l'argent de ceux qui les serviront, se saisiront de notre +bon argent, & de tout ce que nous aurons. Et je vous dirai un axiome +vrai: si elles sont domestiques, elles aiment autant leurs maîtres +pauvres que riches, témoin l'enfant prodigue, qui, pour cette cause, se +nommoit le seigneur, _Luxu_, comme vous voyez en ses portraits, S. Luc +XII, c'est-à -dire, sire ou seigneur _Luxu_. De-là ont été nommés les +luxurieux: c'est pourquoi Lucullus aimoit tant les lamproies; aussi +est-ce une viande délicieuse, quand elle est confite à la sauce du +salmigondis renouvellée. + +SCALIGER. C'étoit la viande du mauvais riche; est-il pas dit +_efrenomenim catimeram lampros_, il mangeoit tous les jours des +lamproies? + +QUIDAM. Vous contaminez le prétoire; retournez sur les femmes. + +SCALIGER. C'est bien dit; aussi à dire vrai, j'étois vierge quand je fis +ma quadrature du cercle; & si je fusse demeuré tel, j'eusse fait la +pierre philosophale, d'autant que, pour y parvenir, il le faut être & +immaculé. + +GEBER. Vraiment tu as dit vrai. + +CARDAN. Et pensez-vous qu'il faille être si sage, pour parvenir à +quelque chose de bon? Non, non, ne vous mettez pas cela en la fantaisie. +Sachez, mon doux ami, que les Suisses gardent la porte & n'entrent +guères, & davantage ne savent que l'on fait dedans, ni qui y est; & +tenez ceci pour un notable secret pour la résolution de toutes les +controverses de ce tems. + +PIERRE MESSIE. Il faudroit user de grande discrétion pour cet effet; &, +comme dit cet Espagnol, il conviendroit cavaler les esprits, afin de +distinguer ce à quoi ils sont propres. + +MAROT. En vieux françois, _cavaler les esprits_, c'est chevaucher les +engins. + +BERNARD. Il est vrai; voilà pourquoi les beaux entendemens sont toujours +ribauds ou rufiens, c'est-à -dire, en poésie, _ils font l'amour, sans en +faire conscience_. + +PIERRE MESSIE. En da, ne dites pas cela; il y en a qui font conscience +de tout; ceux qui font conscience de rien, ne sont plus habiles. + +BERNARD. Tu y es; dis que tu en as, grande chemise; tu l'as deviné, +comme pisse-en-lit; & indigne animau, sais-tu pas qu'il ne se fait rien +de-là , dont Pantagruel n'ait avis ici, ou que son conseil n'ait arrêté? +Va, fais-toi de telles gens, & tu sauras tout. + +PIERRE MESSIE. Il me faudroit avoir bien du moyen, ou que quelqu'un me +voulût croire. Je vous dis vrai qu'il y a long-tems que j'eusse été +chanoine de notre-dame de Paris, si un de la compagnie l'eût voulu. En +da, tous en étoient d'accord: il n'y en avoit qu'un qui m'en empêcha. + +CÉSAR. Et qui? Dis-moi; que je le tue. + +PIERRE MESSIE. Je ne gagnerois rien à sa mort; je vous dirai pourtant +qui est cettui-là ; c'est un seul; c'est le premier venu, lequel s'il me +donnoit sa prébende, je serois reçu. + +AMIOT. Vous ne parlez que par fariboles; (je cuidois dire _paraboles_) +je suis dedans, déjà j'entre au bâtiment de conscience, allons-y +vîtement. + +RONDELET. Tout beau; oyez notre ami, ce bon conseiller Tourangeau, qui +est ordinairement monté sur un gros chevau, quand il va aux champs, +comme ce gros comte de Lyon, dont ils disent de lui & de son cheval, que +ce sont deux grosses bêtes. On parloit d'aller visiter un intendant de +la justice: à la fin, il fut resolu en la chambre que l'on iroit +_catervatim_. Ha, dit celui-ci, si on y va _catervatim_, je veux être un +des quatre. + +SCALIGER. Fût-ce pas sa mere, qui, parlant de ce qu'on laissoit trop +fortifier les huguenots, dit au maire: monsieur, monsieur, il ne +faudroit pas tant laisser mortifier ces gens-là . Mais à ce pauvre homme. +Laissons-le là . Il a un cousin, auquel durant les pardons, il avint une +plus jolie fortune. Lui, avec quatre de ses voisins & leurs femmes, se +mirent en chemin à pied, pour aller aux pardons. Quand ils eurent un peu +cheminé, ils furent las, & s'aviserent de prendre un charroi; & que +celui qui auroit la plus courte paille l'iroit chercher, ou seroit le +plus grand cocu de la troupe, au défaut de ce faire. L'accord fait, une +femme prit des pailles, & baille à tirer; notre ami & cousin tira le +troisieme, & il fut trouvé avoir la plus courte. Il disputoit, & disoit +qu'il n'iroit pas, & que pour cela il n'étoit point cocu. Sa femme qui +le voyoit disputer & qui avoit vu qu'il n'y avoit point été fait de +tromperie, oyant qu'ils lui disoient: allez, c'est vous qui l'êtes. Non +suis, on m'a fait tricherie. En dà , mon ami, dit-elle, on ne vous a +point trompé; vous l'êtes de bonne suite. Si est-ce que sa femme étoit +femme de bien. + +AMIOT. Ne le prenez pas-là ; mais avisez à cette grande & notable +distinction, prise du profond de la science scholastique. Ne savez-vous +pas que, si un homme épouse une veuve, il devient bigame, encore qu'il +n'ait eu jamais affaire à autre femme qu'à la sienne; parce que sa femme +a eu affaire à deux. Cela lui tombe en nature, de sorte qu'il a eu +affaire aussi à deux. Ainsi, si un homme va à une autre femme que la +sienne, il est autant cocu, que si la femme l'avoit fait à un autre qu'à +lui, d'autant que ce qu'il a fait à une autre, est imputé à sa femme +justement, comme si un autre l'avoit habitée ou travaillée. + +VIGENERE. Mais comment connoîtra-t-on ceux qui n'ont besogné que leur +femme? + +AMIOT. Il sera bien aisé. Assemblez-les ici, & qu'ils soient tous nuds, +femmes aussi, & qu'on leur bouche les yeux, & qu'on les laisse aller à +quatre pieds, & qu'on leur dise qu'ils se cherchent pour s'entre-baiser: +incontinent qu'ils se trouveront, voilà que ceux qui n'auront eu affaire +qu'à leur femme, iront droit mettre le nez dans le cul: si pourquoi +n'est-ce pas une même viande que la bouche. + + + + +MÉMOIRE. + + +XXXV. ASCLÉPIADES. Or bien, par votre doctrine, cette aventure ne sera +pas commune. Je vous assure que jamais je n'eus affaire à femelle qu'à +ma femme, qui est, comme je crois, une vraie femme de bien; & encore que +je ne besogne qu'elle, si ai-je toujours mal au vit; par ainsi je ne +serai pas exempt, puisque ceci est vrai. + +POGGE. Mais les moines! + +AMIOT. Quoi! + +POGGE. Où auront-ils le nez, s'ils ne l'ont fait qu'à leurs garces? + +MAROT. Allez le demander à l'abbesse de delà l'eau, qui vous donnera de +l'équivoque. Ma finte, je la mis bien en alarme, la premiere fois que je +la vis! Devisant avec elle, je lui faisois des contes, & parlois de ce +que plusieurs lui avoient dit; & finalement jouant; je lui mis la main +près le bas du ventre, sauf les étoffes. O, o, dit-elle, vous êtes bien +hardi de mettre là la main. Eh, madame, pourquoi ne mettrai-je pas ma +main en cet endroit? J'y ai bien mis mon chose. Quel chose? Celui avec +lequel je pisse. Par saint Guillot, il n'est pas vrai. + +CICÉRON. _Ergò_, vous en avez menti, comme dit l'autre. + +MAROT. Ne vous fâchez pas, madame. Je dis que mon chose a bien été en ma +main: & si je suis jamais abbé, je tâcherai à vous faire ce que je +pourrai. Vous seriez un bel abbé. Je le serai quand je voudrai. Si +monsieur de Marmoustier vouloit ouir quatre syllabes que je lui dirois, +& me gratifier en accomplissant mon dire, je serois abbé. Et que lui +diriez-vous? Je lui dirois: maître moine, ôtez-vous. Ce n'est pas en +quatre syllabes. Mais en quatre lettres, je lui dirois: A, B, C, D. Et +puis je le ferois aussi-bien que les vicaires, & ferois de nécessité +vertu, comme le sieur du Fouilloux, qui berça sa femme. Elle étoit +mauvaise, grondoit quand il venoit compagnie, rechignoit +perpétuellement, & lui donnoit tant & tant de tourment, qu'il ne savoit +où se mettre. A la fin, il s'avisa d'un bon expédient. Il fit faire un +berceau assez grand pour la mettre, & le fit porter en sa maison avec +tout l'attelage: amena aussi un prêtre, un greffier, & quelques siens +amis, avec quatre crocheteurs, & six vezoux. Etant entré, il dit à sa +femme: ça, ma mie, faites-nous bonne chere. Allez, dit-elle, de par le +diable, faire votre bonne chere d'où vous venez. Vous ne servez qu'à +mettre tout sans dessus dessous. Adonc il se mit en colere, au moins le +feignit; & il la fit prendre toute brandie, lier & emmailloter, & +coucher dans ce berceau; puis commanda aux portefaix de faire leur +devoir de bien bercer, ce qu'ils firent. Elle leur crachoit au nez, +tempêtoit: je veux pisser; je veux chier. C'étoit tout un; ils n'en +berçoient que mieux. Les vezoux disoient: _de la vase_; les +gentilshommes dansoient _petonton_, les branles de Poitou. O! là , +dit-il, mes amis, boutez; écrivez, monsieur le greffier, les injures & +opprobres, dont ma bonne femme m'honore. Là , là , ma mie, vous mourrez +bienheureuse; on ne dira pas que je vous aie tuée. O! que vous serez +heureuse! Mais arrêtez un peu, ô berceux de paradis, afin que monsieur +le chapelain la confesse. Confessez-vous, ma mie; vous n'avez plus +qu'une heure à vivre; j'ai pitié de votre ame; je ne veux pas tout +perdre. Elle tempêtoit plus fort & plus rudement. On berçoit; & vous en +aurez. A la fin, elle pria de parler à son mari, qui, venu à elle, lui +dit: ma femme, il n'y a plus de moyen de parler à moi; vous êtes prête à +mourir; je vous pardonne, confessez-vous, afin que vous mouriez +pénitente: sus, sus, bercez toujours. Là , nobles berceux, ça mes amis, +vous ferez aller cette ame en paradis avec ce branle doux; jouez vos +jeux, jouez; & nous tous, dansons de réjouissance de voir une si belle +ame être prête du bon repos tant desiré. La peur commençant à entrer en +la conscience de cette femme, vint aux supplications, qui à la fin +furent si humbles & pleines de tant de protestations, que le mari, prié +par ses amis, la dame fut délivrée; son mari la mit entre les mains des +chirurgiens pour la saigner, à cause de l'appréhension qui l'avoit +saisie; & dès lors elle fut changée de tout point de son humeur +fâcheuse. + +ARISTIPPUS. Si Socrates le bon homme eût ainsi bercé ses deux femmes, il +les eût endormies, & lui & sa nourrice eussent eu loisir de jouer +ensemble, tandis que ses enfans dormoient; & n'eût pas été affublé de la +potée de pissat, que l'une lui jetta sur la tête par dépit qu'elle eût +qu'il n'avoit tancé celle contre qui elle querelloit. + +VIGENERE. Par la vertu donguoi, vous savez que j'ai belle femme & bonne. +Moi, ni mes amis ne s'en peuvent plaindre. Néanmoins un jour, (quasi +nuit, & il faisoit clair de lune, le soleil ne luisoit plus) que +revenant de la ville, & entrant en ma maison, je trouvai un jeune +avocat; & cela me fâcha, d'autant que je craignois scandale. Je dis: ma +femme, vous savez le bruit qui court de vous & de moi; car on dit de moi +que je suis un peu cornard; & je le crois bien; & aussi de vous, que +vous êtes un peu garce; ce que je ne crois pas, mais vous tiens pour +femme de bien; je le crois aussi-bien que vous. Par ma foi, mon mari, +croyez-le, je vous en prie. Voilà comme j'ai bercé ma femme, & comme +elle m'a bercé, ce que je n'ai appris à aucun alquemiste de l'Allemagne, +de peur d'être bercé de celles fantaisies, qui leur feroient oublier le +voeu secret, qu'ils ne disent qu'aux enfans de la science. + +ALOILOL. Je ne vis jamais tant parler. Aussi cette phrase n'étoit point +de mon tems; je vous prie, éclaircissez-m'en. + +VIGENERE. Soit; sachez qu'en toutes facultés il y a un secret qui ne se +dit qu'à ceux qui ont la pure entrée: & ce, afin que cela ne soit +divulgué. Comme par exemple, je vous dirai que le principal mot du guet +du _Moyen de Parvenir_ est d'avoir de l'argent: aux moines pour se +saouler & besogner leur saoul, d'autant que c'est leur part; aux +gentilshommes, pour paroître; aux ambitieux, pour se faire +mistigorifier, comme petits démons sur le plat d'une pelle; & aux +autres, pour avoir du contentement en vérité, & non en songe. + +LA PUCELLE D'ORLÉANS. Ainsi que ces deux gentilshommes, qui étoient +venus à l'entrée du roi Charles à Orléans, chez le lieutenant +particulier. On les mit coucher ensemble. L'un songeoit qu'il se noyoit, +& l'autre songeoit qu'il pissoit; & parce que le sphincter se dilata en +cette nécessité, où fut fait vertu, il compissa tout l'autre, qui +haletant & s'éveillant, & se trouvant tout mouillé, se prit à crier: +hélas! il est donc vrai? O, adieu, tous mes amis de ce monde. Ce +pisse-en-lit s'acheva de gâter par cet acte, d'autant que cette belle +fille n'en voulut. Il est vrai que son valet l'avoit contaminé le jour +de devant. Il l'avoit embouché, & dit qu'il fit bonne mine, & que, quand +il parleroit de son bien devant sa maîtresse il le doublât, & qu'il le +tanceroit; & que pourtant il ne laissât de continuer. Etant donc en +devis avec la mere & la fille, il disoit qu'il avoit entr'autres une +bonne métairie, où il y avoit beaucoup de commodités. Vous en avez bien +deux, dit le valet. Taisez-vous, lui dit-il; il faut que vous causiez? +Et aussi, madame, pour vous dire la vérité, j'ai une grange pleine de +bled. Vous en avez bien deux. O! ho, ce compagnon ne se taira pas? Et +puis, au bout de ma maison, j'ai une bonne garenne qui contient plus de +trente arpens. Vous en avez bien deux. Paix, c'est assez; vous faites le +suffisant. Le portail de ma cour est tellement baillé à mon clousieur, +qu'il m'en doit une bonne vache. Il en doit bien deux. O! ho! ce pifre +ne se taira point? Il est vrai, madame, que je suis assez bien de tout; +mais j'ai une incommodité, c'est que j'ai mal à une jambe. Vous avez +bien mal à toutes deux. Ô! ô! de par le diable, c'étoit à ce coup qu'il +se falloit taire; mais tout fut gâté, honni & perdu. + + + + +FANTAISIE. + + +XXXVI. Cette belle en fut marrie, d'autant qu'il étoit assez beau +gentilhomme; mais à cause de cela, elle disoit qu'elle eût mieux aimé se +faire haillonner à une douzaine de moines qu'à lui. + +Z. R. Sandé, vous avez tort, & vous dis être plus séant de parler +d'autres. Je vous dirai, en vérité, que cela n'est point beau de voir un +homme d'église, ou de justice, mis en train de friponnerie. Vraiment, il +fait aussi bon voir une personne d'honneur en une mascarade, comme un +cureur de retraits présider au conseil. Il n'appartient qu'à ceux qui +ont bonne grâce de faire les fous: il est très-mal séant à un évêque, de +faire le muguet & le beau fils, c'est-à -dire, le fat avec des femmes; ou +à un ministre, de gausser; & comme un curé de village, aller causer à +l'ouvrouer d'une beurriere, pour avoir de la graisse. Ma finte, cela ne +vaut rien; & n'est pas beau à un curé d'aller faire le gallefretier en +une rue, ou une taverne. Il faut que telles gens soient à leurs études; +& s'ils ne peuvent étudier, qu'ils s'amusent à pisser dans un pertuis, +pour apprendre à pisser droit & de volée. Encore, si ces gens-là étoient +gaillards, qu'ils eussent de belles rencontres, j'en serois tout ralu; & +qu'ils fissent de gentils tours, ainsi que le vieil pénitencier de +Paris, qui, un jour de sainte Genevieve, donna à déjeûner aux chantres +de la sainte chapelle, lesquels ayant bu de son vin, & lui ayant dit: à +votre commandement; ils le prierent de leur en donner une bouteille +pleine pour le jour de leur solemnité, & leur promit de leur en donner. +Les compagnons, étant à la veille du jour proposé, envoyerent un gros +valet à monsieur le pénitencier, le prier qu'il lui plût, selon sa +promesse, leur donner la bouteille de vin; ainsi dit-on. Or ils avoient +fait provision d'une opulente bouteille, qui ne tenoit guères moins que +celle des capucins, où il entroit presque un quart de vin. Le valet +étant devant ce bon homme, & lui faisant sa harangue, & montrant sa +bouteille, le sage vieillard conjecturoit ce qu'il avoit à faire: notez +qu'il étoit docteur en théologie, prêtre & chanoine, qui pis est; & puis +de superabondant pénitencier, qui est cause qu'il savoit bien & mal; +_primo_, parce qu'il savoit le sien; _item_, il apprenoit celui des +autres. Parquoi ruminant, tandis que le gars lui parloit, il imaginoit +son fait. Il fit mettre la bouteille sur la table; & sortant en la cour +avec le valet, il lui dit qu'il allât appeller la chambriere qui étoit +de l'autre côté; c'étoit pour l'amuser. Il y va; & le preud'homme prit +trois ou quatre cailles, ou enfans de caillous, & rentre en la salle, +mit le plus gros en la bouteille, si bien que cela se porta honnêtement. +Le gars revenu avec la servante, il lui dit: ô, garçon mon ami, voilà de +l'eau; rince la bouteille. Ce gars y met de l'eau; & commence & finit à +secouer à bon escient; & caillou d'aller, & bouteille de se rompre, & +l'eau de s'enfuir par-tout. Quoi voyant, le bon homme lui dit: ô! +lourdaut mon ami, si tu eusses mis là mon vin, il eût été versé; tu as +tort, je suis marri de cela; messieurs auront du déplaisir. Jeanne, +dit-il, quand elle fut revenue, va quérir en haut cette bouteille +clissée, qui est au clou près de mon étui à lunettes. Elle y alla, & +apporta une bouteille d'environ un tiers de pinte. Il la fit emplir, & +l'envoya par ce garçon à messieurs les chantres, avec ses +recommandations. Allez, dit-il, ils en auront une autre fois: +_cornifetu, cornifetu_, mon ami; c'est-à -dire, _quod differtur, non +aufertur_. + +PATOLET. Comme vous parlez latin! Vous ayez vu autrefois la sibylle +Mitrée, comme l'Ecumée. Si avoit bien notre servante, qui, courant pour +aller voir le lit d'honneur où étoit le chancelier de Birague étant +mort, sa maîtresse la trouvant, lui demanda où elle alloit si vîte. Je +vais, s'il vous plaît, madame, voir le cardinal Miracle. Et sa maîtresse +m'en disant autant, je lui répondis aussi. Elle me dit: où allez-vous si +vîte? Je cuidois qu'elle m'eût dit six vittes, parce qu'on parle ainsi à +Paris; & je lui dis: je m'en vais chez nous, six cons. + +DIOTIME. L'autre jour notre servante chantoit un air de Ronsard, où il y +a: _d'un gosier, &c._ Elle disoit: _d'un gosier, mange levrier, j'ois +crier dans le coffre ma calandre_. Et ce fripon de Pelletier vint chier +à notre porte, puis heurta: le valet regarda par la fenêtre, qui dit: +qui est-ce? Je veux parler à monsieur: faites-le un peu venir à la +fenêtre. Monsieur l'avocat se promenoit en sa chambre, qui mit le nez à +la fenêtre, & lui dit: est-ce vous, monsieur? Oui, c'est moi, monsieur. +Vous plaît-il que je chie ici? Chiez, de par le diable; chiez, vilain; & +lui dit de s'en aller. La servante trouva le cas au matin, & vint à +monsieur lui dire: le vilain d'asseoir a planté ses immondanités à notre +porte. + +FRACASTOR. Vous ne dites pas tout, il avoit brené dessus, & disoit que +c'étoit un mot latin, KPUT. + +MURET. Ce latin est pareil à celui du vicaire de Chamberi, qui lisoit +l'évangile des cinq pains; & au lieu de dire, _ut quisque accipiat +modicum_, il dit, _accipiat modium_. Il disoit vrai; il eût fallu +beaucoup de muids. Ne disoit-il pas aussi: _quid statis occisi_, pour +_otiosi_. Ce fut lui qui, nous annonçant des bêtes, comme tantôt, se +voulant paillarder à bien dire, & mit-il pas sur sa tombe, _requiescavit +in pace_, s'il a plu à dieu. Que voulez-vous? il y alloit à la bonne +iniquité. Encore y a-t-il des gens qui ont de la conscience, il est +vrai, mais comment? Prenez-y garde, vous trouverez, si ce n'est sotise, +que c'est pour la commodité: tellement que piété, sainteté, justice, +aumône, & toutes telles vertus, ou actions qui en dépendent, ne sont +pratiquées que par le désir qui tend à la commodité, sous le voile +d'hypocrisie. + +ARETIN. Si ce que vous dites est vrai, il ne faut plus prier dieu. + +MURET. Ce n'est pas ce que je vous dis, pource que le moyen de se faire +du bien aux dépens du pauvre homme, sans qu'il en soit marri, c'est +qu'il faut prendre les bouts de chandelles qu'ils vont offrir, & s'en +éclairer disant ses heures; cela vous épargnera autant que feroit au roi +d'Espagne, si on lui bailloit tout le fil dont on lie les allumettes, & +qu'il le vendît aux Foucres, pour faire des serviettes aux Allemands. + +GAGUIN. Vous êtes un grand ménager. + +MURET. N'ai-je pas été cordonnier? Ne sais-je pas que valent les brins +de filets, qui joint bout à bout sont utiles? + +POSTEL. Puisque tu es cordonnier, si tu veux je t'apprendrai un beau +secret que m'enseigna l'empereur des Turcs, quand je le fus voir durant +mon grand voyage à Châtelleraut, où je vis l'origine de toutes les +nations, états, sexes & gens du monde. + +EUCLIDES. Tu nous en veux conter, pargoi, je suis un grand +mathématicien; je ne crois rien que ce qui se démontre. + +POSTEL. Et si tu veux payer une once d'huile de canelle, pour graisser +nos peignes, je t'enseignerai à faire vingt paires de souliers en une +heure. + +EUCLIDES. Cette heure-là seroit donc plus longue que les autres? + +POSTEL. Non sera: ne savez-vous pas bien que la plus longue heure du +jour est celle du sermon? Et pour l'accourcir ou appetisser sans perte +de temps, est déjeûner tandis qu'on prêche: le prêcheur aura fait & +ennuyé plusieurs personnes, que vous n'aurez pas eu le loisir d'achever; +& puis à telle heure je ne voudrois travailler, tant je suis bon +réformé. + +EUCLIDES. Bien doncques, je paierai ce que vous voudrez. + +POSTEL. Sachez que les Turcs ne font rien; ce sont les chrétiens qui +font leurs besognes; mais par excellence, leur empereur, que les sots +chrétiens appellent le grand seigneur, comme s'il étoit barbier & géant; +ce prince-là de voleurs me fit bonne chere, parce qu'il pensoit que je +me ferois ministre, & qu'ainsi je serois à son commandement; & pour me +gratifier, il m'apprit un de ses plus grands secrets; c'est de faire +vingt paires de souliers ou environ, bons & chaussans, & ce en une +heure, pourvu que l'on eût de bonne étoffe, à savoir vingt paires de +bonnes bottes, dont vous couperez le bas; & seront souliers; & le reste +servira de guêtres aux cordeliers. + + + + +TITRE. + + +XXXVII. SCALIGER. En ma conscience nous étions pour cette affaire, sur +un notable franc arbitre; & les arbitres étoient presque d'accord de la +sentence de cet arbitrage. Je ne sais si j'ai bien dit; (va toujours; +trotte qui danse.) Nous avenions aux résolutions, & trouvions les +sciences tout justement, y attendant justement comme pâques en Mai, & +répondions à propos, comme firent deux notables dames d'Orléans; l'une +femme d'un apothicaire, à qui je demandai si elle avoit de +_l'agalochum_, & _agalochum_, c'est _lignum alois_; & elle pensoit que +je lui demandasse si elle avoit autre drogue; elle me répondit à propos: +monsieur, je ne me connois point en drogues; il faudroit parler à mon +mari. L'autre est la belle épiciere d'auprès les ponts. Monsieur le +procureur du roi, qui vouloit gausser avec elle, la voyant avec six ou +sept dames, lui dit: madame, avez-vous de _l'agalochum_? Monsieur, +dit-elle, voici plusieurs boîtes, il y faudroit mettre le nez. Etant +après ces belles intelligences, voici la serviteuse qui nous vint dire +que quelqu'un étoit à la porte, pour entrer ou sortir. + +QUELQU'UN. Quel mot est-ce que _serviteuse_? + +L'AUTRE. Ce mot vient du pays de sapience, & j'en use ici à cause qu'il +a des gens mariés; _notate verba, & ponderate misteria_. Cette fille +nous vint dire qu'il y avoit à la porte un personnage qui vouloit parler +au bon homme. Aussi-tôt il alla à lui, puis revint & nous dit: (je le +dirai pour lui, parce qu'il est empêché à frire l'esprit d'un demi-cent +d'écrevisses, à la mode de Bourges, où l'on les vend toutes nues) c'est +un docteur d'Oxfort, qui n'est pas encore résolu s'il se doit faire +catholique ou huguenot; & il demande à parler à quelques apôtres, s'il y +en a céans. Vraiment non, dîmes-nous, il n'y en a point ici; ils nous +empêcheroient de faire bonne chere; & puis ils auroient honte de +l'hiérarchie, & du criblement des ministres, parce que les uns ont trop +lardé l'oie, & les autres y ont trop mis d'épices, après l'avoir +dépouillée de ses fantaisies. Là -dessus il fut tenu conseil de l'envoyer +en Espagne, d'autant que l'on estimoit qu'il y pourroit avoir quelque +apôtre, à cause que les Espagnols, pour la plupart, sont parens selon la +chair. A quoi s'opposa Varro, disant que les Espagnols se prévalent être +les plus catholiques; & partant le plus parfait membre de l'église; & +allégua, _nescit sanguinem_, l'église ne connoît point ses parens. +Parquoi on lui dit qu'il se pourvût; que nous n'avions la tête rompue +que de telles gens qui changent de religion, pour demander le passage, +comme ces François qui passent en Angleterre. Et cela dit, afin de lui +donner quelque contentement, on lui fit une paraphrase apostrophique +pour son déjeûner, & qu'il s'en saoulât s'il pût. Je vous dirai un grand +secret, c'est que vous liriez ici quatre jours entiers, que vous ne vous +saouleriez aucunement, & j'en dis vrai. Vraiment, nous n'aurions garde, +si nous ne mangions quelque chose en lisant. + + + + +REPRISE. + + +XXXVIII. SOCRATES. Il n'y a personne qui ne tâche à faire son profit; & +sur-tout boivant & mangeant. Et je vous dirai, belle & bonne personne, +ma chair de prochain, vîtes-vous jamais le pere Prologue? + +OVIDE. Tu nous veux faire passer ce petit tronçon de bonne chere que +vous fîtes en Espagne, aux nôces de la reine, fille de notre invincible +roi. Tu as raison; pargoi, ils nous donnerent force paroles couvertes, +quantité de mots dorés, des phrases délicates, beaucoup de menus propos +qui nous passoient apostrophiquement par la bouche, ainsi que l'on mange +les lettres aux écoles. Et je vous proférerai un grand fait, qui m'a été +révélé selon la trabale; que ce n'est pas sans raison que l'on fricasse +les ames, vu que de tout temps, & de l'invention des poëtes, il y a +certaines M que l'on mange; (& de fait, on pensoit s'équivoquer; mais à +bon escient) j'ai vu engouler des _ames_ toutes fraîches, comme vous +feriez une écrevisse d'eau douce. Or je n'irai pas-là ; je ne veux pas +être mangé, je ne l'ai pas accoutumé. + +SOCRATES. Mais disons de ce repas. + +OVIDE. Je n'ai plus à en dire, sinon que nous mangions de ce que dieu +nous avoit donné, comme dit l'autre. Et conscience, notre jardinier, qui +étoit un beau jeune homme, n'en voulut point; il se maria avec une belle +jeune fille, qu'il fit femme, dieu merci & vous. Un dimanche matin, il +cuidoit lui donner le picotin; & elle le pria de se contenir. O! ô, +dit-il; & pourquoi? Mon ami, dit-elle, je me trouve mal. Etant levée, or +étoit-ce en été, il vit sa chemise tachée de sang: hélas, ma mie! vous +ai-je blessée? Non, mon ami. Et qui donc? Personne. Mais, ma fille, +dis-moi que c'est. Ardez, mon ami, c'est que j'ai ce que dieu nous a +donné à nous autres pauvres femmes. Voyez-vous, ainsi que, quand vous +êtes échauffé, le nez vous saigne; ainsi notre pauvre cas saigne tous +les mois; & si alors un homme nous touchoit, il se perdroit. Et bien, ma +mie, vous avez bien fait de me le dire. Si je me fusse perdu là -dedans, +on eût eu bien de la peine à me retrouver, tant il y a de chambres, de +recoins & de garderobes, sans les salles. Quelques jours après, il +venoit de Vanves; & ayant bon appétit, il demanda à souper à sa femme, +qui lui dit: oui, mon ami, il s'en va prêt. Et que me donneras-tu, ma +fille? Ne vous souciez, mon ami; nous mangerons de ce que dieu nous a +donné. Elle parloit, comme vous dites ordinairement. Lui qui se +ressouvint de ce qu'elle lui avoit dit, estimoit qu'elle lui donneroit +de ses mois; il lui dit: ma mie, je vous remercie, je n'en veux point; +je m'en vais souper avec mon compere. Je sais bien ce que je lui eusse +fait, pour n'avoir point de ces harnois-là . + +SAPHO. Et dites, je vous prie; & quoi? + +OVIDE. Je lui eusse farci le ventre d'andouilles. + +SAPHO. Pargoi, tu nous en contes; Je crois que tu as hanté les filles +d'église, c'est-à -dire les femmes de cloîtres, c'est-à -dire les garces +de chanoines. Elles parlent ainsi, sans autrement user de respect, sinon +qu'elles appellent les autres putains, chiennes, vesses, & qu'elles +débauchent leurs maîtres. + +LE CONSUL. Je ne m'ébahis pas vraiment de ce que l'on dit: ho, ho, ô, +Calvin, te souviens-tu pas bien de ce que disoit Hilaret, quand il +contoit en chaire que tu étois fils du chanoine; & que notre ami de +Saint-Denis, le chanoine, dînant avec notre évêque, se mit à parler +contre ce cordelier, feignant être fort fâché contre lui, & faisant +tomber à propos ce poinct de son sermon, lui dit par colere fraternelle: +je ne trouve point bon, que l'on dise des mensonges en la chaire. Je ne +dirai pas comme le curé de saint Lifart, qui disoit que la chaire, où il +étoit, n'étoit pas la chaire à faire caca; mais à dire vérité. Je dis +donc que cela est messéant de prononcer des impiétés en telle chaire. +Vous avez dit que Calvin étoit fils d'un chanoine; ce qui est très-faux. +Les chanoines sont gens pudiques, sobres du cul comme de la bouche, +comme dit messire Guillaume le Vermeil, ils ne font point d'enfans: ce +sont les cordeliers qui en font. S'il y a quelque femme qui se prête, +voilà un petit cordelier dessus. + +BUCHANAN. Je suis pour les peres cordeliers; cessez cette injure. Il y a +apparence que les chanoines font des enfans, témoin madame la roine de +France, qui, allant à Chartres en voyage, pour avoir lignée, & suivant +un beau chemin fait exprès, parce qu'elle alloit à pied, elle s'assit +pour se reposer, que voici passer une belle grande paysanne des champs, +qui cheminoit comme un prêtre Breton. La roine l'arrête, & lui dit: bon +jour, ma mie; où allez-vous? Je vais à Chartres, madame. Que faire? +Vendre du lait & des herbes. D'où êtes-vous, ma mie? Je suis d'ici +auprès, madame. Êtes-vous mariée? Oui, madame, dieu merci & la voutre. +Mais, madame, ne vous déplaise, dites-moi, s'il vous plaît, qui vous +êtes? Je suis la roine. Excusez-moi, s'il vous plaît, si je ne vous ai +fait l'honneur que je devas. Mais, madame la roine, vous allez à pied; & +où allez-vous, madame la roine? Mais que ne vous déplaise? Je vais à +Chartres, ma mie, pour aller en cette belle église prier dieu, à ce +qu'il lui plaise que j'aie enfans. Hélas, madame la roine, ne laissez +pas de vous en retourner; ce grand chanoine qui les faisoit est mort, on +n'y en fait plus. + +SCANDERBERG. Cette-ci étoit presque aussi hagarde, que cette bonne femme +qui demeure après le roi des veaux, à la grille aux sots. Nous étions +avec de Pise, ce bon magistrat, qui aida à mourir ce ministre, qui renia +ministere, pour se joindre aux finances; & je vous assure que nous ne +tâchions qu'à rire & dîner. Nous avions gagné notre procès; nous ne +plaidions que pour les dépens. Nous étions, ma mie, en ce point, tout de +même que les garces, qui ne plaident jamais en défendant; elles sont +toujours après en demandant. + + Amour de garce, & ris de chien. + Tout n'en vaut rien, qui ne dit tien; + Bien de ribaud, & chair de garce, + Etant unis, ont bonne grace. + +De _garce_ à _grace_; il n'y a qu'une transposition. Et puis, + + Quand maître coût, & putain file, + Petite pratique est en ville. + +MAROT. Tu seras meshui sur tes sentences; je pinte à l'aise: + + Regarde au nez, & tu verras combien + Grand est cela, qui aux femmes fait bien. + +DU JON. + + Regarde au pied, pour au rebours connoître + Quel le vaisseau d'une femme peut être. + +L'AUTRE. J'entre en fureur poétique: + + Si tu voulois, je voudrois bien, + Belle, à ton corps joindre le mien. + +MOY. J'y suis, + + Jouer au jeu, qu'aux cailles on appelle, + Aux filles est, chose plaisante & belle. + +JEANNE. + + Prête-moi ton _c, o, n_, pour mon _v, i, t_; + Puis nous remuerons la lettre qui suit le _p_. + +SCANDERBEG. Vous? Que diable ne me laissez-vous dire! Or bien, nous +étions-là , & voulions gausser cette vieille marchande. Elle étoit +parente & grande amie de Montoir, qui, un matin allant au four qui étoit +assez loin, elle vit messieurs de la ville qui mesuroient & piquetoient. +Et da, dit-elle, messieurs, que voulez-vous faire? Nous voulons fermer +la ville. Hélas! messieurs, attendez un peu, s'il vous plaît, que je +sois revenue du four; je ne muserai gueres. Cette marchande donc avoit +des éguillettes de velours, des bas-de-chausses de taffetas, une gaîne +de faulx, des vrilles de bois, des fusils de laine, des décrotoires à +mêche, des arquebuses à corde, de l'appas aux puces, de la tablature à +apprivoiser les souris, & telles sortes de marchandises. Nous lui +demandâmes: madame, avez-vous des brides à veaux? Il faut voir, +messieurs, s'il vous plaît. Elle nous amusa là , plus de trois quarts +d'heures & six minutes. Cela me fâchoit, parce que je n'ai affaire que +de tems & d'argent. A la fin, étant montée sur une escabelle, & ayant le +dos vers nous, elle nous dit: messieurs, j'ai de mauvais enfans qui les +ont brouillées & démanchées, si que je ne les peux trouver toutes +entieres; & disant cela, d'une souplesse prompte & préméditée, va lever +ses robes & sa chemise, & nous manifester son gros cul ample & fessu, +nous disant: au moins, messieurs, voilà les mords. Par ma conscience, +dis-je, madame, nous voilà bien refaits. Acoutez, messieurs, acoutez un +peu; je vous dirai un conte pour vous appaiser. Ardez, j'étois à la +suite de l'armée de Moncontour, où j'eus beaucoup de dépouilles, dont +voici les restes. Ainsi que nous étions à ce ménage, voilà la plus +grande de la cour, qui, passant & voyant les morts deçà & delà , parce +que c'étoient huguenots, n'en dit rien: mais en voyant un étendu, le +ventre au soleil, & considérant la grandeur de son membre viril, va +dire: voilà grand-pitié de cettui-là . Et nous de sortir de là , & de nous +en aller: aussi-bien on nous attendoit à dîner chez un prélat. + +L'AUTRE. On m'a dit que c'étoit le feu archevêque de Tours, qui a appris +à messieurs de la cour à se torcher le cul de papier blanc. Etant à +dîner, & faisant bonne chere, il fallut, selon la coutume, rapporter +quelque chose d'édification; & nous de dire notre fortune. J'en ai bien +vu une plus belle, dit Dariot. Je venois de Mets; & je trouvai à terre +une coignée, & je dis: eh, que fais-tu là , coignée ma mie? Elle me +répondit rien. A, ha, hé, va dire le curé de Grié, par méan, +monseigneur, il n'y a pas apparence qu'une telle piece de fer ait parlé. +Je ne dis pas, que si c'étoit un landier ayant face d'homme, comme ceux +de votre cabinet à étudier aux perdris, qu'il n'y eût raison. + + + + +ARCHIVE. + + +XXXIX. Passant ainsi de propos, en autres sur les discours +d'édification, monsieur le chantre tira de sa manche un canon fort +excellent, disant que c'étoit l'abbaisse de Rousserai qui le lui avoit +envoyé, tel que la prieure l'avoit composé & fait chanter a soeur +Jaqueline de la Gerandiere, qu'elle instruisoit ainsi sur ce mot +_conculcavit_. Là , ma mie, chantez bien; tenez-moi ce _con_ ferme, +_con_: là après, _cul_; haussez-moi ce _cul_, _cul_: après à ce _ca_; +entretenez-moi ce _ca_: puis à ce _vit_; là , tenez-moi ce _vit_ bien +long. + +MAROT. Ce fut le colloque de Poissi, ce vénérable concile racourci, qui +fut d'avis d'instruire des jeunes religieuses de telle sorte. Et de par +sa mere, depuis que colloque a hanté les dames, on a parlé d'elles; non +pas que l'on dît qu'elles fussent paillardes, mais on disoit qu'elles +vivoient comme des putains. C'est pitié que cela, & encore plus que vous +ne sauriez dire. + +ALCIBIADE. La mere de notre boulanger, celui qui demeure après les +Cordeliers, en étoit tout en extase. Elle tenoit une livre de beurre en +sa main à nud, & voyoit un grand âne qui sailloit (je crois qu'il +falloit dire _baudouinoit_) une jument. Cette pauvrette, pleine +d'admiration, & voyant ce fouet qui entroit ainsi, serroit la main & +faisoit dégoûter le beurre entre ses doigts: hélas! mon beurre. + +RONDELET. Que voulez-vous dire de cette pauvre fille? Et bien, c'étoit +une émotion qui l'avoit prise par admiration. Oui, & il y a ainsi des +maladies qui prennent, qui vont, qui viennent ainsi que le temps qui +court; & comme les maladies nous prennent allant & venant ou nous +reposant, nous prenons le temps comme il vient, & de même en font ceux +qui mangent leur bien. Et de fait, passant par cette contrée, nous +voyions des personnes riches qui entamoient leur bien, & pour le manger +faisoient diverses sauces. Les uns le mangeoient à la sauce de réponce; +les autres allant au marché aux fesses; quelques-uns à la sauce +d'Allemagne; aucuns à la sauce de la messe d'onze heures. + +CÉSAR. Demeurez-là . Qu'est-ce à dire? + +RONDELET. Vous voilà bien empêché! C'est à la sauce de paresse. Je n'ai +pas voulu dire la messe paresseuse, ainsi que parlent les jésuites; au +moins le bruit en court. + +AMIOT. Laissez courir le bruit avec le monde qui trotte, attendant que +la coutume aille la haquenée, & le bon temps le pas. Mais un peu, hau +mon caporal, ces mangeurs ne boivent-ils pas aussi? + +LE BON HOMME. Et quoi donc, s'il sont mariés, ils boivent de +l'ordinaire, témoin celui qui commenta les vieilles légendes, où il mit +à l'entrée de ses annotations: _tout homme de qui la femme pette, étant +couchés ensemble, est bien heureux_; comme disoit notre confrere le +chanoine, monsieur Joyeux; qui est mort chancelier, dieu lui fasse +pardon, en l'église de céans, pour plusieurs raisons. _Primo_, il +l'entend; parquoi il sait qu'elle est auprès de lui, & ne le fait pas +cocu pour lors. _Secundo_, il reconnoît qu'elle n'est pas morte. +_Tertio_, il jouit du sens de l'ouïe. _Quarto & perfecto modo_, il boit: +ainsi il a plusieurs commodités, desquelles sont privés les prêtres, & +les autres gens de notre saveur. + +ADDIAS. Si est-ce qu'ils ne laissent de trouver le vin bon. + +MAROT. Par mananda, tu y es, & as bien fait de proférer cette goulée qui +se trouve véritable: & à dire vrai, tu es le plus vénérable menteur de +toute la compagnie. Prends un peu les mains à Glycas & Cedrenus, & va +chatouiller ce flaccon de vin, & me dis s'il est mâle ou femelle. + +ARISTEUS. Oui dà ; il y a mâle & femelle du vin; le blanc est le mâle. + +MAROT. Va te faire panser à mon barbier; il ne te coutera rien. Tu y +entends comme un boeuf à jouer de l'épinette. Puisque nous le tenons +ainsi, pourquoi résistes-tu à l'écriture de noble antiquité? + +SIMLER. Quand toute ton anticlité de tous les diables, & ta sapience de +l'ante-christ seroit, je n'en croirois rien. J'ai beu plus de deux mille +deux cent quatorze bouteilles de l'un & de l'autre vin; mais je n'y vis +jamais ne cul, ne con, ne couillons. Partant je déclare que pipeurs & +malheureux sont ceux qui mentent en vin quels qu'ils soient. Et pourquoi +n'y faut-il pas mentir? Parce qu'il y a, _in vino veritas_. _Primo_, au +vin la vérité, comme nous disons nous autres latins. _Secundo_, il est +de serment. _Tertio_, on leve la main en le prenant. _Quarto_, & pour le +mieux, on le prend & met sur sa conscience. Un homme est de bien peu +d'esprit, s'il ne se connoît en ce qui est de sa vacation; c'est +pourquoi plus un prêtre est savant à juger le vin, & en avoir de bon, il +est plus homme de bien; & notez cette décision de Boëtius, qu'il a +apprise du saint qui fut canonisé de son temps, durant vendanges. + +HYPOCRATES. Vous n'avez point parlé de l'odeur du vin? N'importe, parce +qu'il ne peut faillir de sentir bon. S'il est bon, ce n'est pas comme +quelques choses, dont il se faut servir sans les sentir. + +CÉSAR. Quelles? + +HIPOCRATES. Il ne faut jamais sentir un oeuf, ni une huître, ni un con. + +NÉRON. A! jan voire, voici le mot pour rire. + +VATABLE. Je vois bien que vous ne le savez pas; je vous en ferai un beau +petit discours démonstratif. Du temps que je me mêlois de prêcher en +notre église, il y avoit un diacre qui étoit falot, & qui y avoit reçu +de l'argent pour moi; il me vit ès hautes chaires en ma place. Alors il +prit en main cet argent, enveloppé en du papier, & durant la messe il +vint apporter le livre de l'évangile à baiser, me le présentant, il me +ficha en la main ce papier avec l'argent; & me dit: _hæc sunt verba +sancta_. Cela étoit le mot pour rire. Qu'ainsi ne soit, si on vous +mettoit sur une table cent mille écus, & qu'on vous dît: ces écus sont +pour vous, si vous en pouvez prendre trois poignées, ha! en disant sans +rire: _gripeminaut_. A! hé, & vous riez déjà , vous n'aurez rien. + +NÉRON. Et dà , vous ne serez pas si mauvais; vous me donnerez vos restes. + +VATABLE. Oui, je vous ferai comme les valets des archers de la garde du +roi, que l'on dit du corps. Parce que les meubles sont de plus grande +conséquence, (témoins les Normands qui vont sur les bateaux par eau, & +font porter leur procès par terre: d'autant qu'il y a bien à dire entre +le bien & la vie. Celui que l'on jugeoit à Châtillon, ayant ouï son +dicton, & qu'il seroit pendu, il le supporta: mais quand il ouït qu'il y +avoit amende de vingt écus, qui étoit plus que les deux tiers de son +bien, il dit qu'il en appelleroit, si cela n'étoit ôté, & bien on l'ôta, +& il se laissa prendre, de peur de faire des enfans pauvres). A ces +valets de garderobe il avient au rebours de bien. En été, ont gros +habillemens; c'est que leurs maîtres les laissent, pour en prendre de +neufs qui sont légers: & l'hiver venu, ils ont des habillemens légers; +d'autant que leurs maîtres en prennent de pesans, & leur donnent les +vieils, selon la coutume. Voilà comment leur bien va à rebours; & s'ils +pouvoient patienter, il auroient, _non secundùm æquitatem, sed secundùm +justitiam_: & da, je parle aux doctes, s'ils le peuvent entendre; & +quand leurs habillemens sont usés, il faut dire: ne faites point de +manches à votre pourpoint, le corps n'en vaut rien, voire, mais le corps +vaut toujours mieux. + +LOUVET. Quoi! le corps vaut mieux que les biens? Zacharie Durant, +libraire de Genève, ne le croyoit pas, quand il fut frappé de la peste, +& que le chirurgien lui eût dit que ce l'étoit. Ha! mon ami, dit il au +chirurgien, si je viens à mourir de cette maladie, je perdrai plus de +mille florins à cette foire de Francfort. + + + + +ORDONNANCE. + + +XL. Ainsi que je demandois à boire, voilà un grand bruit. Quoi! +dîmes-nous, est ce là le résultat de quelque pape qui se fait, ou le _Te +Deum_ d'un fait tout nouveau? Non, ce dit Calepin, c'est que l'on vient +de couper le cou à caresme; & nous en oyons le bruit qui en retentit de +l'église notre-dame de Paris à Nantes. + +NERON. Comment cela? + +CALEPIN. Savez-vous pas que le C, est la tête de caresme, & A, est le +col? Otez ledit A; le col sera coupé, & ainsi il demeurera cresme. Le +corps joint à la tête sans cou, est tout vif, & ce à la catholique, +d'autant que, le jeudi absolu, on fait le cresme. + +PANTALEON. Ce n'est pas cela; j'en viens. C'est de Beze qui vient +d'arriver; & Æneas Sylvius l'est allé recevoir, à cause de la similitude +de jeunesse. Et gai, nous voilà prou forts. Aussi-tôt qu'ils furent +entrés, après avoir salué la compagnie, qui but plus de dix-sept pintes +de vin d'Arbois, ils se mirent à s'entretenir de leur jeunesse: & comme +ils devisoient profondément de leurs amours, voilà ce mélancolique +Genebrard qui les vint interrompre. Et bien, leur dit-il, vous avez bien +fait des folies, étant jeunes; vous avez écrit d'amour & de lubricité, +que plusieurs ont tourné en sens réprouvé. Il est vrai que les bien +doctes, & qui ne sont point pédans, ont trouvé vos écrits bons; mais il +y avoit de l'excès: foin, jamais ces cucules ne font que lanterner le +beurre. Va, dit Sylvius, j'étois dispos de la braguette, & relevé de +gentillesse, quand j'écrivois mes galanteries: mais depuis, je condamne +tout cela; je les désavoue. Et moi, dit Beze, je n'ai que faire de m'en +excuser; je suis gentilhomme à ce que je dis, & comme je l'ai toujours +témoigné, quand les notaires m'ont demandé ou écrit mes qualités. Et +bien, j'ai été galant en jeunesse; aussi j'étois prieur, délibéré comme +un affieur de meurtriers: mais depuis que je fus réformé, je retranche +toutes mes foliettes joyeuses: & tout ainsi qu'un bienheureux Josué, je +fis une belle circoncision de mes oeuvres juvenielles faites à la +catholique. Tandis qu'ils disoient cela, je voyois les compagnons de +Genebrard qui se moquoient; & par dépit, le juge dès-lors que les +prêtres faisoient comme les putains. Toujours elles médisent les unes +des autres. Ainsi en font les ministres en Angleterre, & les alquemistes +par-tout. Voire, mais putains sont femmes: quelle différence y a-t-il +entre les femmes & les prêtres? Ce sont gens de robes longues, grandes; +les prêtres mettent leurs amicts sur leurs têtes; & les femmes mettent +leurs amis sur le ventre. + +LE PREMIER-VENU. Vous ne faites que m'importuner & me rompre la tête de +vos discours, tant vous les mêlez de biais; vous ne me laissez point +venir à un propos pour le savourer: vous en dites un bon; puis vous +gâtez tout. Vous faites ainsi que le curé de la Riche, qui disoit à son +valet Maugin: mange les naveaux. Et lui qui se jettoit sur le milieu, +disoit: grand merci, monsieur, le lard est bon. O! çà , j'ai assez parlé, +sans boire; çà , page, baille-m'en; mais ne fais pas comme le laquais de +la Roche-paille, qui, voulant donner un doigt de vin à son maître, en +versa au verre, & mit le doigt dedans pour mesurer, & trouvant qu'il y +en avoit trop, le but: mais après qu'il remesura, il y en eut trop peu à +la fin il n'y avoit plus gueres de vin à la bouteille: le laquais emplit +sa bouche & filoit dans le verre tant que le vin montra jusques au +doigt, d'autant que son maître n'en vouloit qu'un doigt. + +BELLARMIN. Il étoit exact comme celui qui fit la belle tapisserie du +verger, où il y a une Judith qui prie, & est à genoux devant une +notre-dame: ainsi que l'on voit aux minimes de Tours une vierge Marie, +qui dit ses heures de notre-dame agenouillée devant un crucifix; & +l'ange est de l'autre côté qui dit son _ave_. + +PITHOU. Ha! par saint Jean, tu le déclares trop; va, je te laisse à +l'abandon, tu parles comme un réprouvé. + +LUTHER. Taisez-vous, si vous êtes sage; ne savez-vous pas que nos voix +ici sont autant de statuts, vu que nous sommes en état parfait? Il est +vrai qu'il faudroit que ces guenippes en fussent hors. + +PITHOU. Voire, & pourquoi les injuriez-vous? + +BEZE. O! quand je m'en avise, je leur fais de l'honneur, parce que cette +épithete de _guenippe_ vient de _Aganippe_, comme quand on dit +_Citrieres les garces_; c'est-à -dire, _belle Vénus_. + +PITHOU. Tu leur feras de l'honneur, comme le Breton en fit à monsieur de +Vendôme, du tems que j'étois son secrétaire; & je vous le dirai. Un +monsieur de Trarmat vint voir monsieur de Vendôme; & se présentant +devant lui, lui dit: monsieur, j'étois venu ici, pour vous faire la +révérence. Monsieur lui dit: faites-la. Il la fit, puis se tint droit & +debout près le buffet. Monsieur lui dit: mon gentilhomme, mettez votre +bonnet, parlant à la veille gauloise. Le Breton fit une grande & +profonde révérence. Or sachez que tels simples gentilshommes qui disent: +monsieur, si votre cheval est jument, approchez-vous plus loin de moi. + +MAROT. (Et votre maître ne dit-il pas bien un plus beau trait au roi, +ainsi qu'ils passoient un gué, & que devisant ensemble, le roi laissa +boire son cheval, & monsieur votre maître ne voulut point permettre au +sien de boire. Le roi lui dit: mon cousin, laissez boire votre cheval. +O! ho, sire, il attendra bien, s'il veut, que monsieur votre cheval ait +bu. O! ha, hé, monsieur Cheval est le clerc de ce grand juge du palais, +qu'un jour quatre des plus signalées dames de la cour, (comme, sans +faire comparaison, madame de... je ne le dirai pas, ce sera le +commentateur) & autres l'étoient allé voir, pour le prier pour un +procès: il les laissa, ayant parlé à elles; puis ayant fait un tour en +sa chambre, attendant qu'elles sortissent, il appella son homme, & dit: +Cheval. Plaît-il, monsieur? Ces putains sont-elles encore là -bas? Elles +l'oient; parquoi, de peur de l'être davantage, elles s'en allerent.) Et +bien, ce Breton? + +PITHOU. A! a, bien, je vous dirai; son fils représente sa personne. Il +avoit au busque de son pourpoint, à faute de mallette, son joyeux & +gaillard bonnet de nuit. Oyant monsieur dire: mettez votre bonnet, étoit +en peine; le maître d'hôtel lui dit: faites ce que monsieur vous +commande, il ne veut point de cérémonies. Mais, dit-il, ses pages se +moqueront de moi. Ils n'oseroient. Adonc le Breton, mettant son chapeau +sur le buffet, mit la main au sein, & tira son bonnet de nuit, dont il +s'affubla, & puis se vint promener avec monsieur. + +LE DISCIPLE. Quand vous avez dit monsieur, je pensois que vous +parlassiez de feu monsieur notre maître, qui fut évêque de la +Basse-Bretagne, lequel ayant fait son coup d'essai d'une grand-messe, +demanda à son grand-vicaire s'il avoit beaucoup failli. Non, monsieur, +dit-il, vous avez bien fait, sinon que vous avez un peu failli à la +patenostre. + +DU VERDIER. Notre aumônier n'y eût pas failli, il disoit la messe bien +diligemment. Il avint qu'un jour, lui absent, se présenta un prêtre qui +dépêcha fort; & quand il fut revenu, on lui dit qu'il étoit venu un +aumônier qui disoit la messe plus diligemment que lui. Sandregille, +dit-il, il n'en dit donc rien, d'autant que je n'en dis pas le quart. Ce +fut lui que monsieur vit abattre une garce; & dès le matin, pour faire +journée. Etant retourné, monsieur lui dit: messire René, je vous prie de +dire la messe. Il dit: monsieur, je vous supplie de m'excuser; je vous +assure que, sans penser à mon affaire, j'ai trouvé une prude; & j'en ai +passé outre. Oui, dit monsieur, je vous ai bien vu que vous secouyez le +prunier. + + + + +ARGUMENT. + + +XLI. Hé bien, à propos de vous, messieurs, vous direz que je suis fou; +je voudrois le pouvoir devenir; parce que sitôt que je le serois, je +serois aussi-tôt exempt du feu, si on me disoit hérétique; délivré de +prison, si je devois; non sujet au consistoire ou à la mercuriale, ou à +la réprimande. Et pourquoi les fous ont-ils de si belles libertés & +priviléges? Parce que l'empereur Justinian, qui gouverne encore le monde +fou, est devenu fou durant sa vie; par ainsi les fous sont empereurs, & +_è converso_. Et vraiment je ne m'ébahis pas si mon pere mourut par +faute de bon gouvernement; _crede mihi_. Quand je revins de voyage, je +ne trouvai point d'eau dans le seau, encore moins en la seille: il +mourut comme à Dole à la danse Macabre; il y a la mort, qui parle à un +beau jeune homme, & lui dit: + + Ah, galand, galand, + Que tu es fringand! + S'il te faut-il meure. + +Et lui répond: + + Et mort arrogan, + Pren tout mon argean, + Et me laisse queurre. + +L'AUTRE. O bien, si vous me calomniez, c'est tout un, il n'y a point de +ma faute. Le valet de l'aumônier, à qui les autres faisoient la guerre, +le dit bien à messieurs du bureau: vraiment, messieurs, il n'y a que les +pauvres que l'on canonise. Or bien, touche-là ; Vigneau; ta femme est +femme de bien, je le crois, si l'ai-je besognée aussi bien que toi. O le +niais! Elle est si laide, que je ne voudrois avoir affaire à la femme, +non plus qu'au mari. Passons outre; je sens déja que ce livre nous +échappe, & me semble que je vois déja un fripon de proposant, qui est +joint avec un aspirant à la prêtrise _mediante coquedindo_; & ils disent +que je suis nigromanchian, que je fais parler des morts. Je suis bien +plus habile que cela: les morts ont parlé; ils le savent bien: mais je +fais parler les bêtes; & beaucoup parleront, si dieu plaît. Mais avisez, +s'il vous plaît, à tout ce qui se fait, ou que l'on fait en ce monde; +tout cela a une fin certaine; je vous en ferai une démonstration +notable. Allez chez un peintre, & voyez-lui broyer les couleurs. +Savez-vous bien pourquoi on prend tant de peine à les broyer +diligemment? Je vous ai dit un grand secret; avisez-y: prenez la +mollette & la levez; & vous verrez de beaux arbrisseaux & branchages qui +y sont haut & bas. Et voilà la cause pourquoi, la fin pour laquelle, les +aveugles se connoissent en couleurs: & pource, si tu crains la goute, +abbas-là , fous-là . Ma fille, ô belle servante, si mon valet te prie d'un +peu de jouissance, prens un bâton & lui en donne, tandis que je +m'amuserai à ces gens de réputation, qui sont pleins d'honneur, comme +une truye de poivre. + +LE BON HOMME. Or çà , mes bons amis, vivons en liberté, notre convive +s'acheve, ils sont sur le dessert: je suis un peu sorti, pour vous le +dire. D'autres pour tout recueillir le reste que j'ai oublié pour mon +plaisir & votre commodité, d'autant que les yeux vous feroient mal, qui +seroit fort au désavantage de votre vue. + +QUELQU'UN. Bien donc, dites-moi, avez-vous envie de parvenir? Lisez ce +volume de son vrai biais. Il est fait comme ces peintures qui montrent +d'un & puis d'autre. On m'a dit qu'il y a quelques malotrus qui ont dit: +voici des traits d'athéiste. En da, je n'en sais rien; je m'en rapporte +à eux. Si j'ai rencontré à dire leur naïveté, ç'à été sans le savoir. Je +joue au colin-maillard; je prends ce que je trouve. Mais eux, qui sont +sages & pleins d'intelligence, ils font tout par élection & +connoissance. Il est toujours avis au chat breneux que la queue lui pue. +Ne vous déplaise, si j'ai dit quelque chose qui regarde ou oye de côté, +& sente mal à votre goût, ce n'est pas ma faute; c'est une perspective +d'oreille qui est gauchie: & puis les parfaits sont aux cieux. Si je +m'ébats à me moquer de vous, ébattez-vous à dire bien de moi, afin que +ce ne soit de vous dont je parle. Et puis, qui sait en bon escient que +je veux dire, s'il n'a vu & lu le tout; & n'a requis le vrai sens de mon +affaire? Et par la double fressure de mon petit chien, (j'ai quasi juré +comme un connestable, & pris dieu partout: mais je me suis retenu par +votre exemple), & vous dites donc, que je suis un moqueur, un +contempteur? Il est vrai, si vous le prenez selon votre folle fantaisie, +qui ne vaut pas une foutée de chat: aussi je contrôle vos sottises, & +condamne vos impudences. Or chacun juge selon le poids de sa charité. Et +de-là les bonnes religieuses qui apprendront ceci par coeur, diront: il +est bon homme; il taxe les vices d'une belle façon. Et pour l'amour de +cela, je me mettrai à faire un beau livre, où je vous dirai la vérité +tout au rebours des autres, & d'une façon si belle, que je le publierai +après ma mort, afin que l'on voie que je dirai de bonnes choses, que je +n'entendrai non plus que vous autres: & si deviendra tant authentique, +que le monde de son temps le priseront sur tous, & le diront l'unique; +tellement qu'ils tiendront tous les auteurs, ainsi que vous, comme vrais +fous qu'ils sont, se travaillant pour néant, & pour penser acquérir une +réputation qui se porte à Paris sur des crochets, comme fagots bénis. +Malheureux sont ceux qui se donnent de la peine, pour avoir bruit d'être +ou pipeurs, ou flatteurs ou mercenaires, dicteurs de folies d'autrui. Et +afin que je puisse un jour commencer ce volume, je mettrai ici un tronc, +tel qu'il est en notre ville, auprès le portail de la grande église: + + Vous qui avez mine d'être homs, + Et qui semblez être hommasses; + Apportez quatre gros étrons, + Afin que l'oeuvre se parfasse. + +Et je vous promets que vous y gagnerez, & davantage, y apprendrez tout +ce qu'il y a de bon en ce monde, ce que je vous prouverai en toutes & +maintes sortes. + + +FIN. + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by +François Béroalde de Verville + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57880 *** diff --git a/57880-8.txt b/57880-8.txt deleted file mode 100644 index d54eccc..0000000 --- a/57880-8.txt +++ /dev/null @@ -1,5499 +0,0 @@ -The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by -François Béroalde de Verville - -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most -other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Le moyen de parvenir, tome 3/3 - -Author: François Béroalde de Verville - -Release Date: September 9, 2018 [EBook #57880] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 *** - - - - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - - - - - - - - - - - -LE - -MOYEN - -DE - -PARVENIR. - -_NOUVELLE ÉDITION._ - -Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres. - -_Caritas inter jocosve regnat Moria._ - -TOME TROISIEME, - -A LONDRES. - -M. DCC. LXXXI. - - - - -[On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome -troisième, extrait du tome premier de l'original.] - -_SOMMAIRE_ - -DES CHAPITRES. - -_TOME TROISIEME._ - -I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du -meûnier complaisant. - -_Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10. - -II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée; -& de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à -ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je -crois, elle fut dupe. - -_La file violée_, p. 8. - -_L'amant trop complaisant_, p. 9. - -_La femme chere à vivre_, p. 10. - -III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé. - -_Conte du ministre et de la servante_, p. 13. - -IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier. - -_Conte de l'âne bâté_, p. 15. - -_Conte du nom du paysan_, p. 17. - -V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux -mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans -une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée. -Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son -rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes -délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement. - -_La famille bien élevée_, p. 23. - -_Le paysan et le rapporteur_, p. 25. - -VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la -conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus -impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la -femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par -l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la -main. - -_Conte du barbier_, p. 32. - -VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier -qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties -singulieres. - -_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35. - -_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39. - -_Pari d'un paysan_, p. 40. - -VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de -séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques -& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité. -Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque. -Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau -froide. - -_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44. - -_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47. - -_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50. - -IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les -prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés, -présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de -prédicateurs. - -X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur; -explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les -convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui -déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne -se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un -François. - -_Le curé curieux_, p. 55. - -_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60. - -XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien. -Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une -épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de -circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central. -Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on -presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens -très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui -fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église. -Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés. - -_Conte du cheval chrétien_, p. 64. - -_La fille & l'oeuf_, p. 66. - -_Conte du crucifix du curé_, p. 67. - -XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des -prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats & -rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils -s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris -pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste -que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le -transport au cerveau. - -_Soldat pris en maraude_, p. 73. - -_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77. - -XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre -nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une -connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage. -Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le -lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la -fourchette de St. Carpion. - -_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82. - -_La fourchette de S. Carpion_, p. 86. - -XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui -peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des -femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce -qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent -encore. Conversation de Frostibus & de Luther. - -XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une -abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour -rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On -recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour -épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi & -privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si -reconnoissantes. - -_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105. - -XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne -cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la -maison. Métier de huguenot à vendre. - -XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans -son genre. - -XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont -les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable -au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas -obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le -latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai. - -_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125. - -XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes. -Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce -qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un -maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être -ministre, c'est à peu-près de même. - -XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison. -Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_. - -_Confession du Chien_, p. 135. - -XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande -dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la -Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un -bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine, -qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont -faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le -nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il -y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames. -Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas -les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le -sotier de Genêve. - -_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153. - -XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire -des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou -l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_. -Obstination d'une femme. Invention du célibat. - -_Conte des génitoires noires_, p. 156. - -XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux -prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que -cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand -on passe devant la porte d'une putain. - -XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots -plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal. - -_Le Pendu de Douai_, p. 166. - -_La bonne fortune de Colette_, p. 170. - -XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces. - -XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_. - -XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le -fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche -la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets -singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante. - -XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu -de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris -pour le diable. - -_Conte de Jean Tenon_, p. 181. - -_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184. - -XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui -croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités -d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve -clairement que Rabelais a été évêque. - -XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter -des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni. -Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties. -Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue -par un savant & un menuisier. - -_Femme qui rend le pain béni_, p. 195. - -XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots. -Rêverie de Cardan. - -XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante -demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide -de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la -femme battue. - -XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de -l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible. - -XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de -l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois. -Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de -conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere -de connoître les hommes & les femmes fideles. - -_La femme battue_, p. 208. - -_Le jeu de la courte-paille_, p. 216. - -XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de -part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse -favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte -de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on -en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce -livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses -affaires par trop de zele de son valet. - -_Conte de la femme bercée_, p. 220. - -XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la -bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées. -Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de -souliers en une heure. - -XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort -demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique. - -XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les -Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux -dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation -s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une -marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon -de se torcher le cul avec du papier blanc. - -_Le jardinier & sa femme_, p. 239. - -_Le faiseur d'enfans_, p. 242. - -XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où -une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir -de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de -femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il -faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui -n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le -condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un -libraire à l'article de la mort. - -XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de -contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître. -Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, & -quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le -prunier, devinez ce que c'est. - -XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur -l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_. - - - - -LE - -MOYEN - -DE - -PARVENIR. - - - - -LEÇON. - - -I. Il n'y a rien tel que faire bonne chere, besogner un peu, & avoir de -l'argent. Voilà, le sage Ulisse préféroit la cuisine au nectar & à -l'ambroisie de la belle Calipso. Aussi, que diable servent tant de -vétilles? Il n'est que de faire grand-chere, & se réjouir; c'est vivre -cela: &, n'en déplaise à ces couillasses de prédicateurs, qui se crévent -tous les jours de la semaine, pour jeûner la nuit, comme bons -catholiques, lequel vaut mieux crever de graisse ou sécher de pauvreté? -C'est ce que me disoit mon compere Bagautier, qui avoit la vérole: -autant vaut pourir sur terre, qu'en terre, & puis qu'on a un jouet, que -Dieu a donné pour s'ébattre, que si cela ne se faisoit, on troubleroit -toutes les fusées du grand dévidoir du destin. - -CÉSAR. Je ne sais quel petit semblant; mais jamais je ne fus sur aucune -pour néant. - -HERODOTE. Ne le prenez pas là pour néant; c'est-à-dire, un coup, & puis -plus. Cela vaut autant qu'à coupe-cul. Il m'en avint ainsi, quand je -donnai une chaîne d'or à la belle Drogueuse; qui la prit, & me fit -passer une nuit avec elle joyeusement. Depuis, quand j'y voulus aller, -ne me connut plus. Elle est de celles qui le veulent faire sans péché & -scandale. On ne s'apperçut jamais pour un coup. Un refus à un, qui l'a -fait une fois, est le corrigement de toutes les autres; & afin que vous -ne me gaussiez, je vous déduirai mon aventure de cette-ci. Un meûnier -avoit une belle femme; _elle se nommoit Denise, aimoit mieux chauffer -son cas, que brûler sa chemise_: & puis on dit que je radote, ramenant -les vieux proverbes. - -ERASME. Mais comment diriez-vous en un mot, une femme qui se chauffe, & -a un chat entre les jambes ou sous ses robes? - -HÉRODOTE. C'est _consumis_. Et s'il n'y avoit point de chat, ce seroit -_convoitison_. Or vous qui en savez tant, dites-moi en grec ou en latin, -c'est tout un, comment vous diriez en un mot un homme qui n'a point -d'argent, qui en voudroit bien avoir, qui en feroit grand-chere. - -ERASME. Voilà bien des paroles, ô, ho, a, ha; il ne faut que dire: -_ego_; parguoi, vous vous y entendez, comme un aveugle à tirer des -cirons. Mais revenons un peu à cette meûniere. - -HÉRODOTE. Le curé présente donc son service d'amour à Denise; & elle le -refuse tout sec, d'autant qu'elle n'étoit pas encore saoule de son mari. -Il la presse, & continue importunément sa recherche, parce qu'en usage -de prêtre, il ne faut que pousser & s'encrucher. - -CUSA. Je pense que tu as été prêtre, ou moine, pour autant que tu les -déprises ainsi; & que tu ne saurois tant de leurs affaires. - -HÉRODOTE. Oui, j'étois le nourricier de leur cul, je lui baillois de la -bouillie, & ce qui me demeuroit aux doigts, je le vous faisois lécher. -Denise fâchée, & aussi importunée qu'une garce qui a deux maîtres -d'ordinaire, lesquels sont comme les bouchers de notre pays, qui sont -deux à une bête, dit à son mari que ce prêtre la requeroit de lui faire -tout ainsi qu'il lui faisoit, quand ils s'ébattoient pour s'endormir. Le -mari y ayant pensé, & s'estimant trop homme de bien, pour n'être point -cocu, jugea qu'il le falloit être à profit; & qu'aussi bien ne -pouvoit-il faillir que cela n'avînt, ou pour néant, ou à son -désavantage, ainsi qu'ordinairement il échet à vous autres messieurs. Ne -voulant donc demeurer à l'être, comme une pauvre sorte de marauds qui -n'ont point d'amis, lui dit qu'il falloit y aviser, & que si ce curé lui -vouloit donner ses quatre septiers de froment, qu'il avoit eu de son -gros de saint Maurice d'Angers, (qui est le fils de celui de Tours, à ce -qu'on m'a dit) qu'elle ne feroit point mal d'y entendre. Ma mie, il fait -bon gagner quelque chose, cette année que tout est si retiré: une nuit -n'est pas tant, il y en a plus que de semaines. De par dieu, soit. Il -est bonne personne; il n'en sera que plus gentil, & nous en aimera -mieux; il nous confessera pour rien; fait bon épargner. Il n'est si bel -argent qui ne s'en aille. J'irai aux champs; & tu lui donneras une -assignation. Une fois n'est pas tant, pour avoir du bled; s'il le veut, -il aura du plaisir; mais il le paiera. Est-ce pas raison? Promets-lui; -mais n'y faudroit pas retourner. Pour une nuit, passe; tu auras eu -autant de bon tems, tandis que je m'épargnerai pour une autre fois; -aussi-bien me faut-il un peu reposer; mais n'y faudroit pas retourner. -O! mon ami, j'aimerois mieux être tombée sur la pointe d'un oreiller, & -m'être rompu le cou sans me faire mal, saine & sauve soit la compagnie, -que d'y avoir pensé. Le complot pris, Denise attendit le curé, qui ne -faillit à venir encore pour tendre ses gluaux. Ainsi qu'il est à deviser -avec elle sur le sujet d'enfiler des perles, elle lui dit: en da vere, -vous causez assez, vous autres prêtres, & voulez avoir ébat; mais vous -ne voulez rien donner. O, ho! & ne tient-il qu'à cela? Demande-moi tout -ce que tu voudras; tout ce que j'ai est à toi, mon connaud; dis-moi ce -que tu veux. Mon mignon, j'ai un mari fâcheux; & il me gronde, parce que -j'avons faute de bled. Donnez-moi vos quatre septiers de froment; & -venez coucher avec moi, quand vous voudrez, pourvu que mon mari soit -allé aux champs. Il pourra bien y aller ce soir; attendez & revenez -après vêpres, & je vous le dirai; si d'aventure vous ne le voyez passer -sur son grand mulet. Le curé sortit. Le mari, tout averti, monte sur son -mulet; il passa, sur la soirée, par devant le presbitere, où le curé le -guettoit à passer. Il fut bien aise, & lui dit: où allez-vous compere? -Je m'en vais à cinq lieues d'ici quérir du bled, monsieur le curé. Dieu -vous conduise, mon compere. Adieu, monsieur le curé; & d'aller; & le -curé de venir au moulin, d'où l'autre âne fut envoyé au presbitere -quérir le bled. Cependant le chapon rôtissoit. Le curé, qui tant avoit -ouï dire de tours faits aux autres, se voulut assurer & en prendre une -poignée sur la mine, avant que de se coucher; ce qu'il fit -gracieusement, forçant la meûniere, en dépit qu'elle le vouloit bien. -Puis ils souperent, puis ils se coucherent, puis s'embrasserent, & puis -ils firent la belle joie, & de ce qu'il peut: on ne fait pas ce qu'on -veut. Il s'ébatit à bon escient pour son bled; & sans apostrophe, avec -plénitude d'efficace réelle. Et boute, mon ami, boute; tout ce bon bled -passera bien par une trémie. Il est vrai qu'elle n'osoit y prendre -autant de plaisir qu'avec son mari, de peur de le faire cocu, & qu'elle -prît goût au revas-y. Voilà comment elle étoit forcée. - -LE BON HOMME. Elle l'étoit, comme celle qui fit mettre en prison messire -Ambroise; lequel, à ce qu'elle disoit, l'avoit forcée; mais achevez ce -curé. - -CÉSAR. Laissez-le un peu faire à son aise. - - - - -SUPERSTITION. - -II. LE BON HOMME. Vous savez que ceux qui sont en prison, sont instruits -par les autres, ainsi que le fut cettui-ci, qui, étant amené devant -l'official, fut interrogé en la présence de la fille. Venez ça, mon ami. -Connoissez-vous pas bien cette fille-là? Oui, monsieur. L'aimez-vous pas -bien? Oui, monsieur. L'avez-vous baisée quelquefois? Oui, monsieur. -L'avez-vous quelquefois poussée, pour vous accoupler avec elle? Oui, -monsieur; mais elle remuoit & tempêtoit, se trémoussant si fort, que je -ne sais si j'ai mis dedans ou dehors? Elle va répliquer: hélas! -monsieur, le grand menteur! Je ne remuois pas, par mananda, non plus -qu'une pauvre piece de bois. O, ho, dit le compagnon, je ne vous ai donc -pas prise par force? Que fait notre curé. - -HÉRODOTE. Laissez-le moudre son bled. Il fait possible, comme le -jardinier qui trouva sa maîtresse endormie, une jambe en bas & l'autre -sur le lit. Il leve sa robe, pour voir si elle faisoit semblant, puis la -cotte, puis la chemise; & lors il vit le but d'amour, aussi prêt à -s'émouvoir qu'une rose fraîche: il y fiche sa fleche; & comme il -poussoit trop fort, elle s'éveilla, & le voyant, lui dit: qui vous a -fait si hardi? Je m'ôterai, s'il vous plaît, madame. Je ne vous dis pas -cela, vous êtes un sot; je vous demande qui vous a fait si hardi? - -GRATIAN. Ce mot de _sot_ est fâcheux, si est-ce que le chevalier de Brin -l'endura bien de mademoiselle de Morfaut, qui, sur les discours qu'ils -tenoient à l'usage de chevalerie Maltoise, lui demanda: or ça, mon -gentilhomme, en bonne foi, voudriez-vous pas bien m'avoir besognée? Oui -vraiment, madame; & ne vous en déplaise, je voudrois bien vous avoir -embrassée amoureusement, homocentriquement & résolutivement. Allez, vous -êtes un sot, le plaisir seroit passé; pour être content, il voudroit -mieux me le faire. - -HÉRODOTE. Comme possible fait notre nouveau meûnier. Faisons-le lever: -il est trop aise. Si-tôt qu'il fut debout, il s'en va chez lui, la queue -entre les jambes, honteux comme un coq plumé tout vif. Quelques jours -pensant à ses évacuations de la premiere, seconde & troisieme figure. - -NÉRON. Il étoit aussi étonné que le conseiller de Blois, à qui sa femme -demandoit une robe: vraiment, ma mie, je ne le vous fais coup qui ne me -coûte plus de dix écus. Et certes voire, faites le tant qu'il ne vous -revienne qu'à un douzain; il ne tiendra pas à moi, si vous pouvez, que -vous ne me deviez du reste. - -HÉRODOTE. Le meûnier revenu, vit bled, dont il fut content; mais il dit -à sa femme qu'elle n'y retournât plus, à peine d'avoir le cou rompu. -(Ainsi la nécessité fait faire des choses qu'il faut quitter, quand on a -ce qu'on demande.) Mon ami, je l'entends ainsi; je ne ferai jamais que -ce qu'il vous plaira. Or bien n'en parlons plus. Deux ou trois jours -après que le meûnier étoit aux champs, le curé vint voir Denise, & se -mit à la caresser & baiser. Laissez-moi, monsieur le curé; si mon mari -venoit, il nous feroit méchef. Quoi! je vous ai bien fait tout ce que -j'ai voulu; & vous faites la revêche? Quoi! votre cas est-il plus cher -ou plus sage que l'autre jour? Voyez, monsieur le curé, je n'en ferai -rien; il est résolu: ce qui est fait est fait; & rien n'aurez davantage, -y fussiez-vous d'ici à cent ans. Pour le moins, baisez-moi, ma mignonne. -Que vous êtes importun! Il la baisa, il la tâta au tetin, il mit la main -sous sa cotte, il veut prendre le chose; elle l'empêche, & fit trop la -courroucée & pleureuse. Comme il veut prendre le calendrier historial, -pour marquer le nombre: hélas! que voulez-vous faire? Si mon mari -venoit, je serois perdue. Laisse-moi, je te prie; je ne te ferai pas -plus de mal, que je fis l'autre nuit. Que tu es fâcheuse! Et pourquoi -non? Pour un petit coup, comme l'autrefois. Si mon mari venoit? Il ne -viendra pas. C'est tout un; je n'en ferai jamais rien; il ne l'a pas -dit. Or ça, laissez-moi; ôtez-vous. Quoi! à tout sans revenir? Oui. Pour -le moins, pour lui dire adieu; puisque tu es si mauvaise, que je voie -ton chose. Vous ne m'importunerez plus, si je vous le montre? Non, je -t'assure, & je te le jure, foi de consistoire. Cela promis, elle se -retrousse, & lui montre son chose; ce qu'ayant vu, il se signa, en -s'écriant: ô quel grenier, où j'ai mis mon bled! - -GALIEN. Elle ne fit pas comme la femme du grand Pierre de Barace, qui me -trompa. Nous parlions de faire le petit verminage, & de voir les pieces; -sur quoi elle me dit: si vous me vouliez donner un teston, je vous -monterois mon con. J'y allois à la bonne foi, & mis la piece d'argent en -main tierce; & elle monta sur un coffre: or ça, je vous ai dit que je le -monterois. Je ne le vois pas. Je ne vous ai pas dit que vous le verriez, -ou que je le montrerois, mais monterois: allez étudier. - -ARISTOTE. Or réfléchissons sur ces moult beaux adages & rencontremens: -c'est donc du fait de ce meûnier qu'est procédé le proverbe pour ceux -qui ont dépendu de l'argent, ou bien pour tels pertuis: _il a mis son -bled au grenier au prêtre_. - -CRESPIN. L'âne & le meûnier sont relatifs. - -CEDRENUS. Il faut ici mettre l'âne du peintre. - -GLYCAS. Ayez patience; nous voulions donner à boire à ce curé; puis -l'âne viendra son petit train. - - - - - -THÊME. - - -III. Un ministre avoit une piece de bon vin, qu'il gardoit aux bonnes -bouches. Il avint qu'il en voulut avoir, pour envoyer à un sien ami; & -il descendit lui-même avec la chambriere, pour faire emplir la -bouteille; mais il n'y avoit pas d'ordre: il étoit trop bas. (Il eût eu -besoin de priere, comme la bonne femme qui prioit dieu que hausse qui -baisse, & que baisse qui hausse: hausse qui baisse, étoit pour son vin; -& baisse qui hausse pour son lard, qui étoit pendu au plancher, qui -haussoit, plus on en prenoit.) Le ministre n'étoit point content que son -vin fût diminué sans s'en être senti. Comme il s'en tourmentoit, la -chambriere disoit: il faut qu'il s'en soit allé par quelque part. Et -elle faisoit l'empêchée de regarder par-tout; puis elle s'avisa de -monter sur le tonneau, pour voir s'il n'y auroit point quelque fente -derriere. Etant dessus, & se baissant la tête, voilà ses robes qui se -renversent sur son échine, chemise aussi; & son maître qui tenoit la -chandelle, va voir la grande essoine qu'elle avoit entre les cuisses. -Elle faisoit si beau jeu, qu'on l'eût vu jusqu'à l'herbier. Allons, -allons, dit-il, ôtez-vous de-là; l'ai vu la fente par où mon vin a -coulé. - -CEDRENUS. Vous aviez cela à dire, pendant que je faisois paître mon âne. - - - - - -THESE. - - -IV. Un viel peintre avoit une femme jeune, belle & jolie, dont il étoit -fortement jaloux, ainsi qu'il est séant à tel âge. Cette jeune femme -faisoit semblant de n'y penser pas. Toutefois elle n'étoit point -contente de ce que son mari ne tiroit pas si souvent au naturel, qu'elle -eût désiré: à quoi elle pourvut au moyen & aide d'un jeune peintre, en -quoi elle se gouvernoit tant simplement & faisant la chatemite, qu'il -sembloit qu'elle n'y touchât pas. Même elle portoit un semblant tant -nice & honteux, qu'elle faisoit presque difficulté de regarder l'endroit -de la braguette, & eût fait conscience d'ouïr parler un homme. Toutefois -cela n'effaça point l'ombrage de son mari, qui, ayant affaire aux champs -pour quelque temps, sur le point qu'il falloit partir, ne pouvant plus -s'en excuser, étant necessaire qu'il y allât, avoit fort mal à la tête. -(Les dames de Touraine font distinction entre mal & douleur de tête. -Mal, c'est quand il est comme de ce peintre; douleur, quand le sens -triste l'occupe. Quand donc l'opinion cornue est en la tête, c'est mal; -& cela fait ainsi, à ce que m'a conté le sire André T. comme quand une -dent perce; c'est que, la corne perçant, cela fait mal.) Etant le -peintre sur la conclusion de son partement, il dit à sa femme: ma mie, -je vous aime beaucoup; mais je désire de vous quelque chose, qui me fera -assurance de votre honnêteté. Mon ami, tout ce qui vous plaira; je ne -vous ai jamais refusé de rien, ni ne ferai. Sur cet accord, & lui ayant -dit son intention, sur la peau de son ventre, où elle est plus licée & -polie, il y peint un âne, puis s'en alla. Il ne fut pas gueres loin, que -le compagnon ne vînt voir la belle, & garder le corps de cette femme, à -laquelle il savona bien & beau les fauxbourgs des fesses. Comme elle -sentit le proche retour de son mari, elle avisa son ami de cet âne, qui, -y regardant, le vit tout effacé, excepté la tête & les jambes. Hélas! -que ferai-je, dit-elle? Ne vous souciez; je les racoûtrerai bien. Ce -qu'il fit, & le vêtit d'un petit joli bât tout neuf, si que le voilà -joyeux près la pâture vitale, & étoit si bien qu'il n'y manquoit que la -parole. Le mari revenu, fut reçu, avec une douce liesse & bonne chere, -comme le bien aimé, à force accollées & baisers mignons. Sur le soir, en -devisant, il s'avisa: Eh bien ma mie, notre âne? Mon ami, je n'ai point -pensé à lui; je ne sais comment il se porte. Il leve la chemise de sa -femme, & le regarde. A, ha, dit-il, en grande admiration, voilà bien mon -âne; mais au grand diable soit qui me l'a bâté. Depuis, pour parler en -paroles couvertes, on a dit: _bâter l'âne_, pour signifier faire, -verminer, besogner, &c. - -ANTIPHON. Les filles de notre pays disant en paroles couvertes, parlent -bien autrement, témoin la fille de chambre de mademoiselle de la Forest, -femme d'un conseiller. Un paysan lui apporta un lievre, qu'il mit, en -l'absence de monsieur, ès mains de la fille de chambre nommée Andrée, -laquelle il prie affectueusement de le présenter à monsieur, & lui -recommander son procès, dont il étoit rapporteur, & qu'il avoit nom le -Vit. (Une dame ne fit pas, un jour, difficulté de le nommer. Je lui -faisois je ne sais quelle petite haire; & elle me vouloit dire: vous -faites bien les trois lettres, S, o, t, sot; elle brocha des babines, -elle me dit: vous faites bien des trois lettres, V, i, t, vit. - -LEON L'HÉBREU. Et ma cousine Esther, qui avoit nommé son cela -naturellement, me répondit naïvement. O ma mignonne! lui dis-je, -qu'avez-vous dit? Vraiment, mon coeur, dit-elle, je n'ai pas dit con). - -ANTIPHON. Durant le dîner, Andrée s'avisa de son message, & dit: à -propos, monsieur, il est venu ici un homme qui vous a apporté un grand -lievre. Où est-il? Je le vais quérir. Le voilà. Vraiment il est beau; il -le faut mettre en pâte. Monsieur, il vous recommande ses affaires, ce -pauvre homme. Comment a-t-il nom! Je ne l'oserois dire; il est trop -sale. Si vous ne le dites, je ne saurai qui m'aura donné ce lievre. -Ardez, monsieur, vous savez bien qui il est; je n'oserois dire ce -nom-là, il est trop sale. Mademoiselle lui dit: dites-le en paroles -couvertes. Bien donc, Monsieur, il a nom comme cela avec quoi on fout. - -MUNSTER. D'un âne vous êtes venu à un lievre, je crois que c'est à cause -des oreilles; à raison de quoi, pour le mettre en cosmographie, je vous -dis que je ne vis oncques âne plus joli, que celui d'un apothicaire de -Tours. Son maître même m'en a assuré, nous en faisant le discours ainsi. -J'ai l'âne le meilleur du monde: même il est si naturel, qu'il me sent -d'une demi-lieue. - - - - - -CHAPITRE. - - -V. Vous me faites souvenir d'un voyage que nous fîmes en Espaigne; -l'année que l'empereur devint fou. Je pense qu'Espaigne, c'est-à-dire, -_Espargne_, _i_, pour _r_, comme il est écrit ès prologues des -institutions de droit. Etant avec ces magnifiques, ils nous fêtoyerent -aussi magnifiquement, & le tout de paroles. Je ne vis jamais tant de -beaux banquets de paraphrases; les paroles y étoient apprêtées en toutes -sortes; il y en avoit de couvertes en mode de pâtés de venaison; il y en -avoit de rassises, pour manger avec du pain frais: le menu étoit de ces -petites paroles, syllabes & lettres que l'on mange en poésie & en prose. -Certainement ils nous en firent bonne chere: mais cela pourtant nous -passoit apostrophiquement par la bouche. Les confitures & le dessert -étoient révérences: & pour la bonne bouche, nous eûmes le mot de guet, & -le mot pour rire. Voilà comment nous fûmes traités, avec belle eau -fraîche, si nous en voulions. Cela étoit mal au ventre. (Ils ne nous -traiterent pas, comme le mercier de Loches faisoit sa femme. Sa mere lui -dit: mon ami, traitez-là bien _doucement_. Vraiment il le faisoit; il -lui bailloit des oussemens. Ainsi les sages-femmes l'entendent, quand -elles disent aux premieres grosses des autres: consolez-vous, ma mie, il -en sortira plus doucement qu'il n'y a entré.) Or, nous fûmes bien -arrivés auprès de la bonne eau d'Espaigne. Vraiment, si jamais je refais -ma cosmographie, je ferai telle description de ce pays là, que l'on -croira aisément que les peuples y sont enragés. - -APICIUS. Mais à propos d'eau, quand un homme entre où l'on dîne, lequel -est le plus excellent, si on lui présente de l'eau ou du vin! - -LE BON HOMME. C'est à ce coup, que l'on connoîtra vos bons esprits. O la -belle proposition! ô le beau problême notable, qui fut débattu au -concile des _trois dixaines_! Or boivez, pour décider cette affaire. - -APICIUS. Quant à moi, pour le premier j'en dirai ma ratelée, & ce -d'autant que j'ai un beau nom. Et pour vous amuser un peu, qui sont les -deux noms les forts délicats; nous n'avions garde d'avoir plus mauvais à -un homme? Vous êtes quinaux; vous êtes _quarante fesses_. C'est -Guillaume & Gautier, parce que l'on dit aux gens de nôces; venez, mes -amis; mais ne m'amenez ni Gautier, ni Guillaume. En avez-vous? Or, quand -j'irai où l'on dîne, je serai bien aise que l'on me présente de l'eau. -L'eau, en ce temps là, c'est le juste & parfait symbole d'honneur & de -profit à venir; c'est signe qu'il se faut laver, & se mettre le plus -près de la table que l'on pourra, & sur-tout vers le milieu. Le vin a sa -vérité quant & soi; c'est fait, il ne prophétise rien: l'eau prophétise -le dîner; le vin, ayant été présenté & pris, signifie, boivez, & vous en -allez. Ainsi, par l'eau, est représentée la jouissance future, & -abondance; par ce peu de vin, est montrée une dayée de commodité qui se -passe vîte. Ainsi l'eau présentée, alors représente le mystere -dînatoire; & le vin dit congé. On baille de l'eau pour disposer -l'appétit, non pas seulement pour laver les mains; aussi qu'en est-il -besoin? Il ne faudroit, si cela étoit nécessaire, mouiller seulement que -le bout des doigts; on ne met pas la soupe dans le creux de la main: ce -lavement est donc pour exciter l'appétit; la main est la figure du foie, -son rapport unique & formel, laquelle mouillée donne au foie une vertu -cuisante. Voyez, je vous prie, les poissonnieres, lesquelles pour avoir -toujours la main en l'eau & le feu au cul ont les joues vermeilles; -elles sont gaillardes, aiment le bon vin, toujours étant en appétit. -Voilà des points secrets de la très-profonde sagesse. - -DIOGENES. Que males mules aient ces philosophes foireux qui ne font -qu'ânonner: je les envoierai à mon métayer & à ses gens. Il y a plus de -mille ans que le conte en est fait; mais on l'a mal retenu. La fille de -ce métayer apporta des prunes à notre femme, qui lui dit: il n'en -falloit point, ma mie. C'est votre gresse, mademoiselle; prenez-les, -s'il vous plaît; aussi-bien nos pourceaux n'en veulent point. -L'après-dînée, celle de chez nous rencontra la mere de cette fille, à -laquelle elle dit ce que sa fille lui avoit dit. Ardez, répondit-elle, -mademoiselle, elle dit vrai; ces méchans pourceaux aiment mieux manger -la merde. Sur le soir, je rencontre le bon homme, auquel je conte le -tout. Pardé, monsieur, dit-il, ce sont bêtes: leur bouche est en paroles -aussi honnêtes que le trou de mon cul. - -ANTIPHON. Appelez-vous cela des paroles couvertes? Je crois qu'il les -faut servir à couvert, de peur qu'elles ne s'éventent. - -DIOGENES. Si vous avez peur qu'elles s'éventent, avalez-les vîtement, & -faites comme en Italie, baillez-leur du plat de la langue. - -HORACE. Si j'eusse su cela, j'eusse bu, & eusse pris congé. - -QUINTILIEN. Comme quoi? Est-ce selon que le prononça le president -Gascon? L'appellant voyant sa partie ne comparoître pas, demanda congé: -je demande congé, messieurs. Le président ayant recueilli le conseil, -chacun ayant dit: congé; il prononça: qu'il s'en aille. Il y eut un -chaste abbé qui l'alla voir, & lui présenta son frere, lui disant: -monsieur, je vous supplie de faire cette faveur à mon frere, de le tenir -pour votre serviteur. Quoi! faveur! dit-il; je ne fais point de faveur; -je fais justice. - -LAERTIUS. Je me souviens qu'étant à Paris, chez un conseiller, j'ouis un -bon apophthegme. Il y avoit un bon paysan, qui avoit gagné son procès, & -étoit allé parler à son procureur, qui lui avoit donné avis d'aller voir -ce conseiller qui avoit été rapporteur, afin qu'il le remerciât. Ce bon -homme allant, pensoit en lui-même, que possible il lui faudroit encore -donner quelque chose: toutefois il s'assura qu'il auroit tant de -conscience, qu'il ne lui demanderoit plus rien, vu que pour payer les -épices, il avoit même été contraint de vendre sa vache, seul reste de -son bien. Le pauvre homme vint saluer monsieur son rapporteur, qui lui -dit: mon ami, je vous sais bon gré de m'être venu voir; je prends -plaisir à m'employer pour les gens de bien; remerciez dieu, que vous -ayez eu tel qui vous a conservé votre droit. Or il y avoit en la même -salle un peintre qui faisoit une chasse en un paysage, où il y avoit -plusieurs sortes d'animaux, que ce paysan se mit à regarder. Le -conseiller lui dit: que regardez-vous-là, bonhomme? Je regarde si entre -tant de bêtes qu'on vous donne, ou qu'on emploie pour vous apporter de -l'argent, je ne verrai point ma vache; au moins que la moitié y fût, -parce que vous l'avez bien eue & davantage. Ainsi que Laërtius parloit, -voilà que la petite chienne de madame, qui demandoit à manger, aboie & -le fâche: il étoit assez près, & lui cria: paix, petite vilaine, petite -putain; voyez-vous un peu que cette petite vesse fait de bruit! Ce que -voyant notre curé, va dire: je m'ébahis que ce philosophe n'a honte de -donner le nom d'une personne, & le surnom d'une chrétienne à une -chienne. C'étoit lui, qui, prêchant; disoit: enfans, apprenez la -patenostre & l'_ave_ à vos peres & meres. Il étoit des enfans de -Moulins, auxquels on frotte le cas de beurre, quand ils sont malades. La -fille d'un marchand de Lyon, qui s'étoit retirée à Genève, de peur de -jeûner en carême, en fut punie, d'autant que, mangeant d'une bonne -truite, une arête lui demeura en la gorge: hélas! elle étoit fille -unique, uniquement aimée. On courut aux remedes. Médecins, chirurgiens, -apothicaires, alquemistes, empiriques, sorciers, charlatans, secrétaires -& bimblotiers de drogues furent appellés; mais on n'y pouvoit remédier. -Déjà l'arête, ainsi passée, l'ulcéroit; & y avoit crainte qu'elle n'en -mourût avec douleurs. Il passa par-là un vieil homme, qui, ayant ouï le -bruit & la pitié, fut ému de compassion; il entra en la salle, fit faire -un grand feu, & fit apporter une livre de beurre; puis, ayant fait -sortir tout le monde, prit cette fille sur ses genoux, s'étant assis -comme une nourrice, & lui montra le cul au feu, lequel muni de deux -belles grosses fesses rebondies, il graissoit de ce beurre. L'opération -en fut merveilleuse, d'autant qu'aussi-tôt l'arête fut avalée, & la -fille guérie; _& hoc certo certius_. - -MAROT. Je ne sais pourquoi vous nous dites cela; vous ne faites que nous -mettre en goût. - - - - -CONSISTOIRE. - - -VI. J'aimerois mieux dépuceler une gueuse, que d'avoir le reste d'un -roi: toutefois, à cause de ce que ce jaseur vient de dire, je suis tout -dégoûté. Cela m'a fait souvenir que je n'ai point d'appétit. - -LOUVET. Pargoi, mon ami, si tu es tant dégoûté, je te prie & conseille -de te faire procureur, & alors tu mangeras à toutes mains jusques aux -os. - -MAROT. Je pourrois manger autant que douze, que je ne m'engraisserois -pas. - -LOUVET. Vraiement, tu n'as garde: comment engraisserois-tu, vu que tu -chies tout ce que tu as mangé? A cela, va dire un chien couchant de -léchefritte: quelle prodigieuse invention! - -MAROT. Qu'est-ce là? Quel animal nouveau? - -LOUVET. C'est un moine de cuisine; _aliàs_ un boute-cul, qui va dire -qu'ordinairement on chie au prix que l'on mange. - -LE BON HOMME. Que vous êtes sale! Laissez ces paroles. Vraiment, si -j'eusse été le maître, vous n'en eussiez pas ainsi dit; & en ai laissé -passer, parce que je m'amusois à faire mon état, qui est de considérer -vos actions. - -CICERON. Ne vous trompez pas, monsieur mon ami; les paroles ne sont -point sales; il n'y a que l'intelligence. Quand vous orez une parole, -recevez-là, & la portez à une belle intelligence; & lors elle sera -belle, nette & pure. Mais cela fâche les oreilles? Si les oreilles -étoient pures & nettes, cela ne les incommoderoit point. Un étron -incommode-t-il le soleil, bien que ses rayons s'y jettent? Sachez aussi, -mon pere _se puisse tuer_, que, si on ôtoit ces paroles d'ici, ce -banquet seroit imparfait. Seriez-vous bien aise que l'on vous ôtât le -cul, parce qu'il est puant, & ce jusqu'à la mort? Vous seriez un bel -homme sans cul! Il faut suivre nature; ainsi notre discours le suit. Et, -si vous vous scandalisez, oyez une prophétie que j'ai apprise dans -l'abbaye des grottes de Memphis. «Moines, Prêtres, ministres, &c. -présidens, conseillers, avocats, &c. marchands, ouvriers, artisans, &c. -de quelqu'état, qualité & condition qu'ils soient, qui diront mal des -mémoires du MOYEN DE PARVENIR, seront atteints & convaincus de tous -crimes que la sottise embrasse, que l'imprudence couve, & l'hipocrisie -nourrit, &c.» Avez-vous ouï cela? Si vous oyez un mot qui vous fâche, -dites que vous ne l'entendez pas, ainsi que je l'enseigne aux sages -filles de la cour. Ma mie, si vous oyez parler de ceci ou cela, ou de -ficher sans pic, dites que vous n'y entendez rien, & n'en faites aucun -semblant; d'autant, que si vous vous fâchez, quand on dira des paroles -de fouaillerie, on dira que vous les entendrez, ce qui seroit honteux. -Avez-vous ouï, encore un coup, monsieur mon ami. Or donc, soyez sage, & -faites votre état. - -HÉRODOTE. J'y suimes. Il étoit un beau barbier. - -CÉSAR. Pourquoi dit-on glorieux barbier? - -HÉRODOTE. Parce qu'il vous coupera bien le poil du cul, sans en être -honteux. - -DIOGENES. Et si je n'avois point de poil au cul? - -HÉRODOTE. Tu serois comme les femmes. - -DIOGENES. Et dà, pourquoi? Est-ce que les femmes n'ont point de poil au -cul? - -HÉRODOTE. Grosse pécore, grand âne que tu es, fils d'un coq de -Ludonnois, ne sais-tu pas: _fronte capillata est, sed post occasio -calva_. En voilà la raison. Il faut que je fasse le prêcheur, que -j'interprete mon latin: c'est parce que la fortune a du poil au front; -c'est là où il faut la prendre: entre les deux gros orteils des femmes, -il faut se prendre là, parce qu'il n'y a point de poil derriere. - -MADAME. Là, là, à ce barbier. - -HÉRODOTE. Par mon serment, sans jurer, je pense que je l'oubliois, tant -vous êtes folle. Ce barbier aimoit très-ardemment une sienne voisine, -femme d'un mercier: & avoit le mot du guet avec elle: il ne falloit que -trouver le moyen & l'occasion: (voilà adapter les mots, je parle aux -doctes; il n'y a gens qui soient moins cocus que merciers demeurant en -boutique; parce que toujours leurs femmes sont présentes, & ils leur -sont présens. - -ULDRIC. Mais, encore avant que passer outre, monsieur le notaire, je -vous demande, pourquoi est ce qu'on se marie? - -ARCHIMEDE. Or regardez, je vous le dirai sur ces quatre doigts, ayant le -pouce en la main. Le premier doigt, qui est index, _nota_; on se marie -pour avoir une femme. Le second, pour avoir de l'argent. Le troisieme, -pour avoir du plaisir. Le petit doigt, pour avoir des enfans: aussi -est-ce là que les Gyptiens & les Bomians les trouvent marqués. Or çà, -mon frere, regarde les deux doigts du milieu, & les vois baissés: c'est -signe que le plaisir se passe, l'argent s'en va. Vois ces deux doigts -restés de bout; ils signifient que la femme & les enfans demeurent avec -droit de brancards.) - -HÉRODOTE. Et voilà donc l'usage auquel est sujet, comme tout autre -marié, ce mercier, la femme duquel desiroit avidement l'accointance du -chirurgien son voisin; mais on ne pouvoit y trouver ordre. Ils -s'aviserent en parlant à la boutique, les étoffes les séparant, & -exécuterent leur dessein. Voilà ma commere la merciere, qui fait la -malade; elle plaint sa tête; elle fait semblant d'avoir des soulevemens -de coeur: le mari, tout étonné, envoie querir maître Pierre; aussi-tôt -qu'il est venu, il la visite. O mes amis, dit-il, & vous, mon compere, -parlant au mari, voilà ma commere qui est bien malade; c'est la -contagion: mais il y a moyen. Çà un peu de vinaigre; vous avez bien fait -de venir au devant; si vous eussiez tardé, il n'y eût plus eu de moyen. -Çà, venez ici, apportez cela; ici du feu; là une écuelle; de l'eau, du -linge, fermez ces huis un peu; là, parlez bas; des ciseaux; je suis tout -étourdi, tant j'ai hâte. Ainsi faisant l'empêché, il fait un emplâtre -fort léger, & dit au mercier: mon compere, il faut que vous mettiez cet -emplâtre sur le bout de votre membre viril: & que vous le poussiez dans -la nature de votre femme. Quoi! dit le mari, faites votre état, maître -Pierre. Mais c'est votre femme. Faites votre état, mon ami. A donc le -barbier mit l'emplâtre sur le bout de son inconvénient, & le porta à la -ruelle du lit; mais quand ce fut à ficher, il ôta le linge poissé, qu'il -pausichonna en sa pochette; & mit maître cas dans la belouse, autrement -dit, le trou de service, frais, vif & en bon point: & ainsi guérit -madame la merciere; & qu'ainsi en puisse prendre à toutes celles qui le -desirent. - - - - -COMMITTIMUS. - - -VII. Il en prit autrement à un petit barbier de Vendôme. Monsieur le -médecin Taillerie, menoit en pratique ce petit chirurgien; & parce qu'il -avoit long temps à être chez la noblesse ou il alloit, monsieur le -médecin, jà vieillard, menoit sa femme qui étoit encore jeune, que le -barbier accompagnoit en trousse. Etant en chemin, le médecin demanda au -barbier comme se portoit sa femme. Vraiement, dit il, monsieur, il faut -qu'elle se porte bien, si elle veut; d'autant que je l'ai approvisionnée -six bons coups, cette nuit, sans ce qui s'est fait depuis. Cela leur -servit de risée, tant qu'ils furent arrivés à la noblesse, où ils -alloient. Le soir, chacun étant retiré, le médecin devisant avec sa -femme: laquelle lui avoit entamé le propos de ce jeune barbier, lui -demandant, possible en songeant à ce qu'il avoit dit tantôt, pourquoi il -s'en servoit plutôt que d'un autre. Ma mie, ce dit-il, je me sers de -lui, parce que je desire qu'il ait sa vie toute gagnée, d'autant qu'il -n'a plus que deux ans ou environ à travailler, à cause qu'il paroîtra -tout ladre. Cette réponse fut cause, que la demoiselle s'en dégoûta. -Comme ils s'en retournoient, le médecin gaussa sa femme; & ainsi qu'ils -furent en un carroi, où il y a de grand arbres, il lui dit: ma mie, -mettez pied à terre; je vous veux baiser entre cul & con. Mon ami, -dit-elle vous êtes fâcheux. Non suis; le pied à terre, je le veux. Etant -à bas tous deux, il la prend & la baisa en la bouche, comme au jour de -leur nôces; puis elle dit: pourquoi me disiez-vous cela? Parce que je -l'ai fait; ne vous ais-je pas baisée? Oui. Ha! ma mie, voilà un ruisseau -qui se nomme cul, & celui-là con; nous sommes entre-deux. Ainsi, beaux -esprits, voilà de belles paroles; elles sont claires comme eau. - -MAHOMET. Comment voudriez-vous faire entre con & cul une muraille seche? - -CESAR. Je ne sais. - -MAHOMET. Il faudroit boire l'eau, & manger le mortier: achevez. - -L'AUTRE. Etant de retour de fortune, mademoiselle du médecin se trouvant -chez une commere; (c'est-là où on cause) vint qu'on parla de maître -Claude ce barbier. Vraiment, dit cette demoiselle, je suis marrie de son -inconvénient, il sera ladre dans deux ans; mon mari me l'a dit. Cela -alla de bouche en bouche, ou de couche en couche, tellement que le -barbier le sut, qui, tout scandalisé, vint trouver monsieur le docteur, -auquel il fit sa plainte, & demanda s'il l'avoit dit, & pourquoi. Parce -qu'il ne faut pas, vous qui êtes jeune, que vous parliez devant ma -femme, en ma présence, de le faire six coups; & soyez sage. - -BEROALTUS. Je connois ce barbier, il est honnête homme: il a fessé un -chien; il est Gascon & a demeuré à Tours chez un de nos amis. Vraiment -il fit un jour un trait notable. Une femme d'honneur étoit malade, & il -falloit, au carême, avoir dispense, pour lui faire manger des viandes -qui sont interdites en saint temps. - -ARISTOTE. (Mais la cause pourquoi la chair terrestre est-elle plutôt -défendue que l'aquatique? - -PYTHAGORAS. Mais aussi vous dirai-je, un étron est-ce chair ou poisson? - -ARISTOTE. Il y faudroit goûter: & puis vous sauriez que tandis qu'il a -le sens chaud, il sera chair; s'il l'a froid, il sera poisson & vous en -soulez. Ce n'est pas cela. Répondez au prêtre: je vous dirai: c'est -parce que la chair fout, & on seroit fou toujours, & le poisson fraie. - -NERON. Voilà de belles raisons. J'aimerois autant celles de Jannotin, -qui dit: qu'il faudroit être sergent pour aller en paradis, d'autant que -les sergens vont devant: da, da. Il est bon, s'il n'y avoit que les gens -de justice qui allassent en paradis. Et c'est le contraire, & je l'ai vu -en la danse macabrée de Fubourg, où les présidens, conseillers, avocats, -procureurs & clercs, sont par les sergens conduits en enfer, & t'en -guette). - -BEROALTUS. Or vela beau cauré? laissez-les dire: j'acheverai mon -discours. Maître Pierre le Grand, petit barbier de Tours, avoit chez lui -ce compagnon qui se tenoit fidélement à la boutique. Ainsi qu'il fut -avisé: ce maître eut un certificat du médecin, afin que l'official ou -grand vicaire: (au diable soient-ils, si je me souviens auquel il faut -avoir recours, si d'aventure on ne joue deux personnages comme le -maréchal de Ballan, qui étoit notaire & aussi barbier, & quand on le -demandoit, il disoit: me voulez-vous pour ferrer, ou barber, ou écrire, -ou ajourner, parce que depuis il fut sergent.) Le certificat fait par le -médecin, le chirurgien le porte chez lui, & dit à son homme: va faire -signer cela à monsieur l'Official. Le garçon ouit de biais, & pensoit -que le maître eût dit: va faire une saignée chez monsieur l'official. Il -prend son manteau & ses outils, & y va. Il heurte à la porte, & le neveu -de monsieur lui vint ouvrir, auquel il demanda comment se portoit -monsieur. Il se porte fort bien. Si est-ce qu'il y a ici quelqu'un -malade, que mon maître m'a envoyé saigner, en voilà l'ordonnance. Le -neveu, fort suffisant vit le papier, & ne pouvant rien connoître, pour -faire le savant, dit: il faut que ce soit pour moi, d'autant que je suis -morfondu; venez & entrez. Ce qu'il fit & le saigna bien & beau. Je -m'ébahis qu'il n'en fût mal, mais dieu fut aide aux innocens, & puis la -risée lui racoutra le foie. Si le valet fut trompé, le maître le fut -aussi. Il vit un vieil paysan, qui se plaignoit d'une douleur en la -joue. O, lui dit-il, viens, je la guérirai, je t'arracherai la dent qui -te fait mal. Pargoi, vous ne sauriez. Pardienne, si ferai. Je gage demi -écu que non. Le voilà: je gage que si, or allons. Quand ils furent en la -boutique, & que le patient fut sur la chaire, le barbier se met à -regarder en sa bouche, & n'y trouva aucune dent. Et qu'est-ce que cela? -C'est que j'ai gagné, dit le pied-gris. Il y a plus de trente ans que je -n'ai pas une dent; & dis que tu en as, soulier à belles oreilles. - -CICERON. Je vous reprends, vous jurez. Etes-vous des consuls de Tours? - -BEORALTUS. Que voulez-vous dire des consuls de Tours? - -CICERON. Rien que bien, sinon que mon compere le sire François, je ne -dirai pas son surnom, étant consul, condamna un marchand. Le marchand -lui dit: par dieu, vous n'avez pas bien jugé. Le consul lui dit: vous -payerez l'amende, par dieu, vous avez juré. Et vous aussi, dit l'autre. -Ha! dit le consul: tenez, greffier, voilà mon amende, recevez la sienne. - -ARNOBE. Cela est aussi bon que le fait de monsieur de Césarée, évêque -portatif, qui faisoit sa visite par le diocese d'un qui l'en avoit prié, -& où il avoit autrefois tenu les ordres. Il se trouva qu'il interrogea -un prêtre qu'il trouva ignorant. O! dit-il, gros bedier, âne que tu es, -qui t'a fait prêtre? Qui est le veau d'évêque qui t'a conféré cet ordre? -C'est vous, monsieur. Par dépit, bédier, je paierai cent sols d'amende; -& toi, dix francs. Mon secrétaire, faites vous payer. - -ARISTOTE. Si c'étoit à moi, je corrigerois bien tous ces abus-là. - -ALEXANDRE. O! oui, vous êtes brave correcteur, comme celui des bons -hommes; _corrector à corrigendo_. - -LE BON HOMME. En ma conscience, je le crois; ils s'arrousent bien le -coeur; je pensois que cela fût hors du monde. - - - - -REVERS. - - -VIII. ARISTOTE. A ce que je vois, le pays des sots n'est pas une isle, -c'est le monde même, & rien hors d'icelui: ainsi qu'il y a de ces -gens-là hors du monde, qui sont de gros veaux, témoin le moine curé, qui -se pensoit paillarder sur le bien dire à son prône, annonçant les fêtes -qu'il falloit festiner, & disoit: mes amis, il y a de bonnes fêtes cette -semaine, lesquelles pourtant ne sont de commande; l'église les fustigera -pour vous. - -BUCHANAN. N'étoit-ce pas lui, qui, au lieu de dire à la leçon, _qui -moechantur cum illâ_, dit, _qui monachantur cum illâ_. - -APULÉE. Et que vous faut-il? Vraiment vous êtes bien cruel de regarder à -des paroles, & non à l'intention. - -BUCHANAN. Je sais bien pourquoi vous le dites: c'est de peur que je ne -parle de votre cousine de Malenoue. - -NERON. Dites donc tout, puisque vous êtes détravé. - -BUCHANAN. Durant la ligue, il y eut un bruit qui courut (puisqu'il faut -ainsi dire) qu'une nonnain de Malenoue avoit eu apparition d'ange. A -cette nouvelle, quelques dames des plus grandes firent partie de l'aller -voir: ce qu'elles accomplirent. Etant là avec elle, voyant discourir des -merveilles de cet ange, elles étoient en extase de douceur; & comme -cette fille les voyoit ainsi transportées d'aise, elle leur amplifioit -son discours du reste de la merveille, puis ajouta: j'étois si contente, -Madame, que jamais tant, ni plus. C'étoit le plus beau l'ange du monde; -& puis, quand ce beau l'ange fut sorti, toute ma chambre étoit si -embaumée, que c'étoit merveille, tant elle sentoit l'usc, & le membre -vert & gris. - -CÉSAR. Quel ange? Je gage que c'étoit un esprit vital. - -BUCHANAN. Comme vous dites. Au moins souvenez-vous de dame Catherine, -qui, oyant parler de sa maîtresse que l'on pensoit qui fût morte, & que -le médecin disoit que les esprits vitaux y étoient encore tous: elle -répliqua: je ne dis que cela ne fût, si c'étoit à un homme, mais à une -femme, ce sont les esprits conaux. - -CÉSAR. Je ne sais quels esprits, si vous ne l'entendez à l'antique, que -l'engin & l'esprit sont tout un, ainsi que le pratiqua la chambriere -d'une veuve. Je vous assure que cette garce étoit jolie, mais un peu -follette; sur quoi sa maîtresse lui disoit toujours qu'elle n'avoit -point d'esprit. Or est-il qu'il y avoit un jambon à la cheminée; & cette -fille le voyant là si long-tems, elle s'ennuyoit; elle demanda à madame, -si elle le mettroit cuire. Non, dit-elle, c'est pour les Pâques. Cette -fille en fit le conte à quelques autres de ses compagnes, qui s'en -gaussoient en son absence. Mais le clerc du notaire Bardé ne fut point -si sot, qu'il n'y prît garde pour éprouver le sens de la fillette. Un -jour que la bonne femme étoit allée à sa métairie, & qu'elle avoit -laissé Mauricette toute seule, il vint heurter, & demanda madame. -Mauricette dit qu'elle n'y étoit pas. J'en suis bien marri, parce que je -suis Pâques, qui étois venu quérir le jambon qu'elle m'a promis. Il -passa; & la chambriere le laissa paisiblement entrer & prendre le -jambon. Lui qui la voyoit si nicette & belle, pensoit à meilleure -aventure. Il faut, dit-il, que je voie si c'est ici mon jambon. Si ce -l'est, j'ai un esprit qui me le dira. Il tire son chouart vif & -glorieux. Quand la fille le vit: qu'est-ce que cela? C'est mon esprit. -Je vous prie, donnez-m'en un peu: ma maîtresse ne me fait que tancer, & -dire que je n'ai point d'esprit. Il la prit, & lui en distribua autant -qu'à lui, dont elle se trouva passablement bien; aussi en étoit-elle -toute réjouie, comme celle qui disoit que Claude lui avoit farfouillé en -son cul de devant. Quand sa maîtresse fut venue, elle lui conta comme -Pâques étoit venu quérir le jambon: & dà, madame, vous ne me reprocherez -plus que je n'ai point d'esprit, Pâques m'en a baillé à bon escient. - -QUELQU'UN. Voilà un beau moyen d'avoir de l'esprit! C'est à quoi pensoit -ma cousine Martine, l'autre jour en dînant, que sa mere parloit de son -lard. Oui, vraiment, ma mere, notre lard étoit bon; mais la couaine -_sent le vit_. - -RENÉE. Elle ne dit pas ainsi; dà, je la veux défendre; elle dit: -s'enlevit. - -SOCRATE. Si vous y regardez de si près, il n'y aura jamais plus de bien -au monde. - -LE BON HOMME. Vous pensez à autre chose; je m'assure que vous songez -autant à ce que nous disons, que si vous n'étiez pas ici. - -ARCHIMEDE. C'est que j'avisois, & m'est avis que je vois, comme un jour -j'étois avec une dame qui cherchoit quelque chose en son cabinet; & elle -avoit avec elle une sienne cousine qui la considéroit fort. Cette dame -ayant mis la main sur ce qu'elle cherchoit, en se retournant va dire: -vraiment je suis une grande sotte. L'autre va dire: c'est ce que je -voulois dire, madame. - -LISET. Cette-là même étoit avec nous, quand nous parlâmes à monsieur -Champis d'aller à la messe de minuit: je ne daignerois y aller; j'y ai -été plus de cinq cents fois. - -SOCRATE. Or bien je vous avise donc que ce bon personnage a ses pensées -autre part qu'à nos discours. - -MENOT. Il est possible intéressé, & a volonté de pisser, comme avoit -l'abbé de Grandmont; quand il vint voir madame l'amirale. Ce monsieur -alors douanant sur son mulet, avec intention & pensée d'en descendre -pour pisser, quand il seroit à la porte. Or madame qui avoit affaire de -lui, & le vouloit gratifier, sachant qu'il approchoit, vint au-devant de -lui, & le surprit; ainsi il remit sa pisserie à une autre fois; de quoi -il fut trompé, d'autant qu'elle le mena en la salle, où le souper étoit -préparé. Il se fallut asseoir & faire bonne chere. Cependant monsieur -l'abbé étoit en grand peine, ne pensant qu'à pisser; puis voyant que le -discours seroit long, il résolut de pisser en sa botte. Vous savez comme -les abbés les portent ouvertes par en haut, & larges d'embouchure. Ainsi -qu'on apporta le bassin pour laver, il n'en pouvoit plus; parquoi il -avoit mis la main à son engin, & déja le déchargeoit dans sa botte. -Madame pensoit que ce fût son couteau qu'il serrât, (pour ce que -volontiers telles gens en portent un de damas à leur ceinture) & qu'il -ne voulut pas laver avec elle. Vraiment, dit-elle, vous ne ferez point -cette difficulté. Et ainsi elle lui tira la main, qui emporta aussi le -virolet, qui acheva sa décharge dans le bassin. - -THIART. Le bassin fut un de ceux qui servirent aux ambassadeurs du duc, -(aussi il y a des étoffes fées) quand il envoya vers le pape, lui -remontrer la disette du pays, & le prier de lui donner deux cueillettes, -l'an d'après. Il y avoit six ambassadeurs, notables seigneurs, & de -crédit, qui, étant arrivés, le firent savoir au pape, qui, sachant leur -venue, fit mettre une oie en mue, mais toute nue. (Elle étoit fille du -jars si gras, qui fut mangé à Grenoble, quand le roi prit la Savoye. Ce -jars présenté sur la table d'un seigneur, lequel en chercha l'ame, & ne -la trouvant, appella le cuisinier: où est l'ame de cette oie? Ce n'est -pas une oie, monsieur; c'est un jars, qui a tant chauché sa mere, que le -diable a mangé son ame, que le cuisinier avoit donnée à sa mie: comme -fit celui qui donna le bon brochet à une pour aller coucher avec elle: -mais il fut trompé, le pauvre puceau, d'autant qu'elle avoit pris des -dents du brochet, qu'elle avoit agencées de sorte que, quand il voulut -engaîner, elle lui en serra le bout, dont il fut fort malade; depuis, -quand il fut parlé de le marier, il voulut voir le comment a nom de sa -promise, & y voyant je ne sais quelle petite éminence de clitoris: ô! -ho, dit-il, voilà la langue, les dents ne sont gueres loin; je n'en veux -point. - - - - -CHARTRE. - - -IX. Ces ambassadeurs, (laissez-les se préparer) le plus sage d'entr'eux -fut élu de tous pour porter la parole. Mais, dirent-ils, que -donnerons-nous au pape? Il lui faut donner de ce qui abonde en notre -pays; c'est de la crême, dont nous aurons chacun, dans un bassin -d'argent, une belle & honnête quantité. Que voilà bien entendu! Mais, ce -dit le président qui fut monsieur de Raconis, avisez bien tous à faire -comme je ferai, de peur que ne fassions les sots. C'est bien dit; nous -le ferons. Le jour de l'audience venu, ces messieurs s'en viennent avec -leur équipage. La porte ouverte, le premier entre; de fortune il y avoit -un petit seuil à bas, qu'il ne voyoit pas: il étoit tête nue, tenant ce -bassin haut de ses deux mains, appuyé contre son estomac; il bailla du -pied à ce petit seuil, qui lui fit baisser la tête, & donner du nez dans -la crême: les autres, voyant sa barbe ainsi blanche, estimerent que ce -fût par bienséance qu'il fallût ainsi se présenter; parquoi chacun d'eux -se torcha & repassa le museau dans sa crême; & ainsi le présenterent au -pape, faisant leur requête, qui leur fut accordée, moyennant que les -années auroient vingt-quatre mois. - -LE CHEVALIER SANS REPROCHE. Brusquet, un jour, contant cette histoire à -la défunte roine, il y eut une de ses filles qui lui dit: Brusquet, vous -n'avez pas ainsi blanchi votre barbe; mais votre mere, qui étoit pauvre -femme, vous l'a cousue de fil blanc. Il est vrai, mademoiselle, dit -Brusquet; & lui montrant l'entrée de son chapeau: mais aussi votre mere -vous en a laissé autant de décousu. Pourquoi y alliez-vous, -mademoiselle, lui dit notre ami? Vraiment, vous avez rencontré; aussi il -y a une heure le jour, que l'on a tout ce que l'on desire & cherche. - -FRACASTOR. Témoin le triste Augurel, qui se mit en une église pour prier -dieu, qu'il lui donnât la pierre philosophale. Il y en a qui ne savent -que c'est de la pierre philosophale, qui disent que c'étoit un -gentilhomme qui demandoit cent mille écus; (je ne dis pas _sens mi le -cu_) il y fut jusques à l'autre midi sonné, qu'il se dépita fort, & va -dire: dieu, donne-moi du bran. Et voilà un oiseau, qui lui va émeutir -dans la bouche. A! ha, dit-il, je n'avois plus que cet instant, que je -n'ai pas bien rencontré. - -LISET. Cet instant fut propre à notre ami l'évêque de six poules, qui se -sauva d'entre tous les prêtres, qui se noyerent l'année passée. Hélas! -que j'en eus de pitié! Et ce qui me faisoit dépit, étoit que ceux qui -voyoient ainsi périr ces chastes ames, disoient: voilà belle chouse & -grand pitié! Et chacun disoit: je prie dieu pour les marchands qui -trafiquent sur l'eau, qu'ils ne puissent faire plus grande perte. - -VIRET. Par la vertu, j'ai quasi dit tout outre; encore je m'en repens, -pource que ces méchans penseront que j'aie envie de devenir huguenot; -ceux qui parloient ainsi étoient hérétiques. - -ALAIS. Je le crois, & en sais bien l'occasion; & autrefois j'eusse juré -sur mes oeufs de pâques, qu'il n'y avoit point moyen de troubler la foi -des François; mais aujourd'hui je ne m'ébahis plus de rien. Si je savois -que vous deussiez faire profit de ce que je dirai, (nous autres vieilles -gens ne prenons pas plaisir à parler pour néant) & que vous ne -m'accusassiez de ce que je dirai, je vous alléguerois quelque chose de -rare & notable. Certes je déplore la pauvre église Romaine qui se -démolit, & sur tout pour un poinct & un acte qui se commet en France. Je -vous le dirai, comme si j'eusse été présent à ce bateau qui périt, -lequel étoit au fond chargé de sel; & je m'en rapporte à messieurs du -grand parti. A! ha, pauvre prêtrise, ton crédit s'en va. Or sachez que -la rareté du sel, qui est aujourd'hui si rare & chere, est cause qu'il -n'y aura plus gueres de bons catholiques, parce qu'à peine trouvera-t-on -du sel pour faire l'eau bénite à bon marché. Que si elle devient chere -en continuant, on n'en fera plus; & adieu mere sainte église. Voilà, -voilà une raison des hérésies en notre France. - -ARISTARQUE. Notre maître Loiseau la donna bien meilleure aux dames, les -reprenant de leurs folies; & puis se ravisant, disoit: je ne dis pas que -vous soyez paillardes; mais que vous êtes habillées en putains. Et comme -les dames lui eurent fait quelque petite priere, de ne les taxer plus -ainsi, il disoit: vraiment, mes dames, je vous trouve assez femmes de -bien; mais vos enfans sont miévres; ils sont de mauvais petits fils de -putains. Les dames derechef le supplierent de les épargner; ce qui fut -cause qu'il songea à sa conscience, & n'en parla plus. Mais pourtant -voulant instruire sur les moeurs, il disoit aux dames: je suis bien-aise -de votre conversion; mais je me fâche que vous avez des perroquets, -auxquels vous faites dire de vilaines paroles: maquereau au diable. Oui, -oui, cela est du diable. Apprenez-leur à dire de bons _de profundis_; -cela servira aux ames des trépassés. Et puis se jettant après les -hommes, il taxoit leur luxe & grande chere. Voilà grand cas, disoit-il, -que l'on fait tant de dépense! Bien encore aux jours gras, soit; mais en -carême, ô la pitié! Voilà, messieurs couvrent la table d'une belle -nappe, boutant à bas des deux côtés; ils mettent des chaises autour la -table; ils appellent cette action souper; & qui pis est, ils disent -_benedicite_ & graces. Ne mettez la nappe qu'un peu plus de demi: ayez -des escabeaux autour de la table; ne dites graces; & dites que vous -faites collation, & faites grand-chere tant que vous voudrez. - - - - -CONCILE. - - -X. DIOGENES. Chedienne, mon ami, mon enfant, beau fils, mon couillaud, -j'ai beau me torcher le cul; ma chemise est toujours breneuse. - -CETTUI-CI. Que diantre veut dire ce rêveur, je gage qu'il nous fera -faire quelque sottise? - -DIOGENES. Ce curé en fit assez: je venois ainsi à la traverse pour les -faire oublier; mais puisqu'il est destiné, achevez. - -L'AUTRE. Sur l'après-dinée, on le pria de fiancer une belle fille; ainsi -qu'il étoit après, & que déja il tenoit sa main, il se souvint de son -valet & de son avertissement; parquoi, de peur de faillir, il demanda -tout haut: lui en a-t-on rien fait? - -R. ESTIENNE. Non, monsieur. Cettui-ci est fat, & a un frere fort docte, -maître des requêtes, ce docte a force livres. Un jour qu'il délogeoit, -il les faisoit porter aux crocheteurs, depuis l'université, pour aller -loger vers le louvre, à cause du conseil. Le chemin est grand, si que -les crocheteurs étoient lassés: & lui, desirant faire un peu d'épargne, -chargeoit les porte-faix le plus qu'il pouvoit. Il y en eut un, sur -lequel il mit un peu trop de grands livres. Le crocheteur lui dit: -monsieur, je vous prie, choyez-moi; vous en mettez trop. O! ha, ha, -dit-il, te voilà bien gâté d'en porter sept ou huit! Et s'il te les -falloit tous porter en la tête, comme moi, & que ferois-tu? Adonc le -crocheteur se revire vers lui, & lui dit? par mananda, monsieur, vous y -avez donc de beaux crochets. Je suis pris; j'ai belle femme. C'est tout -un, il y a plus de quinze ans que j'ai chanté ma premiere messe. - -LISET. Quoi! ce savant étoit-il prêtre? - -R. ESTIENNE. Non; mais à l'usage de France, les prêtres se marient, & -les gens laïques disent messe. - -LISET. Je ne puis entendre. - -ESTIENNE. Vous n'avez donc guères vu de besogne parmi nous? Les Prêtres, -quand ils chantent leur premiere messe, ils disent qu'ils font leurs -noces, & ainsi les voilà mariés à un bréviaire: & les gens mariés, par -dépit, disent qu'ils chantent leur premiere messe sur l'autel velu, ou -le sera. - -OECOLAMPADE. Cela ne se devroit pas endurer. Et que tous les mille -diables, pourquoi endurez-vous que l'on die la messe paresseuse, la -messe séche; &, ce qui est bien plus joli, que les prêtres aient des -amies sans fraude. - -CUSA. Allez, monsieur, allez dormir, vous n'êtes pas assez sage pour -renverser nos bonnes coutumes. Apprenez que, durant la famine, les gueux -font les étrons plus gros; & vous diriez qu'ils se retiennent de chier, -plus qu'en bon temps. Faites vos affaires; & laissez les nonnains se -donner du goupillon à l'opposite des reins, parce que chacun veut vivre -à sa poste. Je prie dieu pour les marchands, qu'ils fassent si bien -leurs affaires qu'ils ne puissent gagner ni perdre; pour les -gentilshommes, qu'il n'aillent avant ni arriere; pour les gens de -justice, qu'ils ne fassent ni bien ni mal; pour les femmes grosses, que -l'enfant en sorte avec même plaisir qu'il est entré; & pour le reste du -monde, qu'il se puisse gratter où il se démange sans danger. - -BEZE. Vous nous parliez d'un savant officier: je l'ai connu. Hors la -Table, il n'étoit guere qu'une bête vêtue; au reste, chiche en curé & -ribaud, il y paroissoit, d'autant qu'il ne faisoit chez soi plus grand -festin que de pâtés d'hermite. - -NERON. Qu'est ce que cette viande? - -APICIUS. Noix, amandes, noisettes. - -QUELQU'UN. Qui le connoît mieux que moi. Ce fut lui qui vint consoler -madame du Bois, après la mort de son mari, qui étoit décédé à Paris, -s'étant fait tailler. Il vint vers elle, durant ses grands pleurs. Hé -bien, madame, combien vous devez vous consoler, & remercier dieu de ce -que monsieur votre mari est mort bon catholique, & qu'il a eu les droits -de l'église? Soyez joyeuse de cela, madame, ma chere dame. Or combien ce -vous est plus de joie qu'il soit ainsi mort, au prix que s'il eût été -rompu sur une route, ou empalé, ou tiré à quatre chevaux, comme tant de -bonnes gens. Adieu & bon soir: mais qu'il ne vous déplaise, ni à moi -aussi; bon vêpres, tant qu'à l'amander. Apprenez ici à prêcher, -messieurs les savans, sans tant user de propos. - -NERON. Que pensa cette pauvre dame? - -QUELQU'UN. Que ce prêtre fût insensé. Aussi ressembloit-il mieux à un -fou qu'à un moulin à vent. La pauvrette étoit en douleur extrême: & -encore plus, depuis qu'elle eut reconnu le grand amour que son mari lui -portoit, ce dont elle avoit été ignorante; & elle l'apprit un an devant -qu'elle l'en interrogeât. Une après-dînée qu'ils devisoient, son mari & -elle, elle s'avisa de lui dire: mon mignon, je te prie de me dire si tu -m'aimes bien. Oui vraiment ma mie. Comme quoi, mon coeur? Comme un bon -chier, ma chere soeur. Vraiment, vous ne faites gueres état de moi. Il -remarqua ce dédain, & délibéra y pourvoir. Un jour qu'il avoit affaire -aux champs, il dit à sa femme qu'il desiroit qu'ils allassent ensemble; -à quoi elle s'accorda: il la fit lever plus matin que de coutume, & que -nature n'avoit encore apprêté les matieres de l'élection, si qu'elle -n'alla point à ses affaires, joint aussi qu'il la hâta fort. Ils -monterent à cheval, lui sur son roussin, & elle sur le bon mallier, avec -le valet qui la guidoit en croupe, lequel valet étoit avisé de ce qu'il -devoit faire. Comme ils eurent passé deux lieues, la dame eut envie de -fianter; mais le valet lui dit qu'il n'osoit s'arrêter, & qu'il se -falloit hâter; si qu'elle se retint, & si bien qu'à l'arrivée elle se -sentoit assez pressée de faire ses affaires; & ce fut tout que d'aller -jusqu'au purgatoire, où elle s'évacua abondamment, & avec tant de -volupté, qu'elle se souvint de l'amitié que son mari lui portoit. -Parquoi, étant revenue, elle dit: a, a, mon ami, je connois bien -assurément que vous m'aimez beaucoup; je l'ai tantôt expérimenté, & -crois qu'il n'y a rien si bon qu'un bon chier. Même j'ai été en -grand'peine; je suis fort marrie que je n'avois du papier pour me -torcher le cul; je vous assure que je vous l'eusse bien gardé, tant cela -est bon. - -L'AUTRE. Elle eût fait comme une demoiselle de Saumur, qui est si bonne -ménagere, qu'elle fait à deux fois d'un torche-cul; après que le premier -coup, elle s'est torché le cul, elle reploie le papier en sa pochette, -où il y a de la dragée pour les mignons, qui fouillent aux pochettes des -dames, pour avoir de la friandise, comme tu disois tantôt. - -POSTEL. Fi! je crois que cette est l'occasion, pourquoi les Turcs ne se -torchent pas le cul de papier, d'autant qu'ils sont friponniers; & ils -enrageroient, s'ils trouvoient ainsi ès pochettes des dames des papiers -breneux. - -SIMLER. Tu as dit vrai; tu t'y prends comme un moine à fouler vendanges; -tu l'entends comme une guenon à faire des fagots: si la tête vous fait -mal, ce ne sera pas de cela. Je vous dirai la raison, pourquoi les Turcs -ne se torchent point le cul de papier; c'est de peur que ce papier ne -soit une bulle du pape, ou quelque relation de consistoire, ou -conclusion de chapitre; de quoi si l'on s'étoit éflairé le fondement, -sans doute on auroit les hémorrhoïdes, ce que les Turcs craignent -beaucoup: d'autant qu'ils croient que l'ame est au sang, & que le sang -coulant ainsi par le cul, leur ame seroit toute breneuse. - -CATON. Les pauvres Turcs avoient bien affaire que vous les tinssiez en -vos contes. Mais, puisque vous en parlez, à quoi connoîtriez-vous un -Turc d'un chrétien, s'ils étoient tous deux tout nuds? - -GESNER. Et vous, à quoi connoîtriez-vous une vache au milieu d'un -troupeau de brebis? - -CATON. A le voir. Çà, çà, répondez à ma question. - -SIMLER. Je vous le dirai bien; c'est qu'il faut sentir au cul, celui qui -aura odeur de moust, sera le chrétien; d'autant que le Turc ne boit -point de vin. - - - - -INSTANCE. - - -XI. L'AUTRE. Je suis bien aise que vous êtes venus sur ces différences. -Dites un peu quelle différence il y a d'une femme à un prêtre? Ce sont -gens de robe longue. Je n'en sais rien. Ni moi aussi. Ni moi itout. A, -a, je vous le dirai: c'est que les prêtres mettent leurs amis sur leurs -têtes; & les femmes mettent leurs amis sur leurs ventres. - -CARDAN. Si le roi défunt eût su ces différences, il n'eût pas été en -peine de demander au grand prieur ce qu'il pensoit d'un beau cheval, -qu'on lui vouloit vendre. Le roi lui faisant voir ce cheval, lui dit: -monsieur le grand prieur, que dites-vous de ce cheval? Voilà un beau -cheval, sire, & qui fera bon service. On me le veut vendre pour Turc; & -je vous prie: vous qui vous y connoissez, de m'en dire votre opinion. -Quoi! pour Turc? Par la double bierre des pays bas, sire, il est -chrétien, comme vous & moi. Afin que vous ne soyez plus abusé, nous -rîmes, ce jour-là, tout notre saoul; & monsieur le grand prieur fit, au -soir, un trait autant plaisant, qu'il avînt de long-temps à la cour. Je -remarquerai un peu le temps. On portoit des bas à attacher; & n'avoit-on -qu'un beau petit culot, si que les fesses paroissoient abondamment, & la -mere des histoires étant soulevée d'un pont-levis fait en fonte. - -PLATON. Qu'est-ce que la mere des histoires? - -L'AUTRE. Foin, que d'ignorance! C'est la pochette qui contient les -histoires, c'est la couille. Voilà une grande difficulté! Qu'il faut peu -à ces philosophes, pour les faire badiner! Nous étions en la -grand-chambre d'après la salle du château, & monsieur le grand prieur -faisoit un état d'une belle épée de damas qu'il avoit. Le roi lui dit -qu'il ne croyoit pas qu'elle fût si bonne qu'il disoit. Là-dessus le roi -la prend, & ainsi nue la considere: vraiment, dit-il, cela ne coupe -point. Quoi! dit le grand prieur, sire, j'en couperai, d'un revers, une -douzaine de flambeaux. Le roi dit: vous ne sauriez seulement couper -cettui-là, que voilà sur le bout de cette table. Cette parole ne fut pas -si-tôt dite, que le grand prieur va vers ce flambeau, & d'un revers la -coupe en deux. Il y avoit le baron de Sault avec ses fesses, dont le -proverbe en est venu, qui tendoit beau cul, sans y penser. La fin du -coup va roide à son cul, d'autant qu'il étoit ainsi tourné parlant à -d'autres; & partant il eut le cul coupé. Ha! ce dit-il, monsieur, -qu'avez vous fait? Vous avez gâté mon haut-de-chausse. - -RENÉE. Vraiment, ce cul coupé n'eût pas lors serré les fesses de peur de -péter. - -ASCLÉPIADES. Vraiment non, non plus que Margot de chez nous, qui passoit -par la salle, en portant un oeuf à madame; comme elle fut au milieu de -la salle, elle nous salua; & en cette action, elle eut faim de faire un -pet, c'est-à-dire envie ou desir, (ainsi qu'on dit à Paris, j'ai faim de -pisser, soif de chier.) elle voulut serrer les fesses de peur de peter; -elle fit tout au rebours. Je vous assure qu'elle serra si fort le poing, -qu'elle creva l'oeuf; & ouvrit tant les fesses, qu'elle fit un gros pet. -Quoi! vous petez, lui dis-je? Vere, monsieur, dit-elle, c'est que j'ai -mangé des pois. - -NERON. C'étoit donc une _fausse guenippe_. - -ASCLÉPIADES. Oui, elle avoit étudié avec celles muses Aganippes, d'où -vient ce bel épithete. - -CICERON. Dites-vous un _épi de tête_? C'est une corne de cocu. - -ASCLÉPIADES. N'allez point chercher d'équivoque: cela est défendu par la -pragmatique sanction. Ainsi que disoit un chanoine, disant: messieurs, -depuis qu'il vous a plu me recevoir indigne chanoine, comme les autres, -je n'ai point ouï parler que la pratique de l'ascension nous fût -contraire. - -GRATIAN. Une dame du même pays, ayant un panaris au doigt, ainsi qu'elle -l'avoit ouï nommer au chirurgien, parlant de son mal à ses commeres: -hélas! disoit-elle, ma mie, j'ai le mal de _paradis_. - -BEZE. La voilà, là, là, l'ance à monsieur; vous me mettez là-dessus. Le -coq de notre paroisse voulant dire, à l'évangile: _gloria tibi, domine_; -faisoit le docteur, & disoit: _gloria edit homines_; (ha! ha, ha; hem, -hem, ho, ho) puis regardoit si on le voyoit. - -BUCANAN. Il étoit d'une race de gens assez fins pourtant, témoin son -cousin germain, qui étoit curé du même village, auquel village depuis -n'aguères on avoit fait un crucifix tout neuf, & on avoit mis le vieil -au grenier du presbitere. Le curé, qui desiroit de manger d'une bonne -oie, l'avoit fait engraisser, tuer & mettre à la broche, pour cuire, -toute farcie. Or, pour épargner son bois, il avoit mis le vieil crucifix -au feu; &, conscience le dévorant, ne l'avoit voulu rompre, si qu'il le -mit tout entier au feu, & laissa son petit neveu rôtir l'oie, -c'est-à-dire, tourner la broche. Quand le bras du crucifix fut brûlé, le -corps tombe, la tête sur le rôti, & le petit garçon de se lever & courir -à l'Eglise, où il va crier: mon oncle, mon oncle, cet homme que vous -avez mis dans le feu mange notre oie. - -AGATOCLES. Qui connoît mieux ce curé que moi? Un jour, je dînois chez -monsieur du Mesnil, celui que monsieur de Gué-Hébert fit porter, par le -diable, avec sa femme, dans un champ à deux lieues de sa maison. Le curé -dîna avec nous; puis en diligence s'en retourna; & aussi tôt nous ouimes -sonner les cloches, comme pour un nouveau miracle. Le fait est tel, -ainsi que nous savons expédier briévement avec grande tirelitantaine de -paroles, nous autres Grecs. Un voisin de monsieur le curé lui avoit -dérobé une oie & l'avoit mangée. Ce curé l'avoit tant cherchée, qu'il en -avoit dépit. Enfin, par confession du paysan, il sut la vérité; & parce -que c'est sacrement, il n'y a pas moyen de m'en venger en la découvrant. -Pourquoi il délibéra, pour l'attrapper, de lui en faire autant, selon -que l'évangile l'enseigne aux gens d'église: si on vous frappe en une -joue, baillez une belle & forte jouée en l'autre. - -ILLIRI. Quant j'étois d'église, j'oyois ainsi interpréter, _inter -fratres penes quos est_, l'intelligence des écritures. - -AGATOCLES. Il fit donc tant qu'il empoigna une bonne, grosse, grasse, -ferme, délicate oie du paysan; & se délibéra d'en manger à gogo; cou & -tout; & pour cet effet, il la fit dévotieusement cuire au feu -presbitéral, comme dit est. Etant revenu de l'église, & délibérant se -mettre à table, voilà que monsieur du Mesnil l'envoya querir. Quoi! -perdre une repue franche? Ce seroit double perte à un curé; il perdroit -ce qu'il mangeroit, & ce qu'on lui prépare. Le curé délibérant d'aller -dîner, dit au messager: mon ami, je vais après vous. - -MAROT. Il ne fit pas si dextrement que maître Macé, le curé de la basse -Athene, qui étoit pressé de la noblesse, qui sans cesse venoit chez lui -l'écornifler. Un jour qu'il y avoit sept ou huit haubereaux chez lui, il -leur fit le meilleur visage du monde. Messieurs, soyez les biens venus; -çà, que l'on se dépêche; garçon, au vin, au poulailler, au crochet, à la -fuye; serviettes blanches. Disant cela, il mouvoit & prend un surplis -qui étoit à part sur une autre robe, que celle qu'il avoit rapportée de -l'église; & prenant un bréviaire en sa main, les rendit étonnés. Où -allez-vous, monsieur le curé? Je viens incontinent, dit-il, messieurs; -je ne ferai qu'aller & venir, tandis que le dîner s'apprêtera, je vais -réconcilier un pauvre pestiféré, que j'ai confessé ce matin. Et ce -disant, il sortit; & soudain, tout ces guillerets épouvantés sortirent; -& de treize semaines, n'y voulurent aller. - -AGATOCLES. Cettui-ci se prépara pour venir. Or il avoit envie de manger -de l'oie, & disoit: je mangerai de l'oie par dépit. De la laisser au -logis, il n'y avoit point de moyen, parquoi il s'avisa de la cacher; & -pour en ôter la connoissance à son valet & à sa chambriere, il les -occupa de message; puis prit les clefs de l'église, & y porta l'oie -toute cuite, & la mit en un coffre; puis il cacha les clefs sous une -tombe. Le valet, qui étoit au guet, l'apperçut; parquoi, sitôt que le -curé eut pris l'air; il s'en vint avec la chambriere & avec un de leurs -familiers, & allerent manger l'oie, tant qu'ils pûrent: puis ils -dépendirent toutes les images, & les mirent autour de ce coffre, leur -ayant graissé le minois & les mains du reste. Il restoit encore une -demi-cuisse, qu'ils mirent en la goule du diable qui est sous saint -Michel; & s'en allerent, fermant l'huis, & remettant les clefs au même -lieu où elles avoient été mussées. Le curé revenu, va droit aux clefs; & -les ayant trouvées comme il les avoit mises, dit: je mangerai de l'oie à -mon compere. Il entra en l'église; & voyant tant de saints autour de son -coffre à l'oie: ô, ho, dit-il; & qui, tous les diables, vous a mis là? -Etant approché, & les voyant ainsi gras par le mufle & les mains, & la -cuisse à la gorge du diable, la lui arracha, disant: vilain que tu es, -je ne me soucie pas des autres; mais toi, j'en aimerois mieux étrangler, -que tu l'eusse; & dà, j'en tâterai. Comme il la savouroit, il se va -souvenir de sa faute; si qu'il sonna les cloches, pour appeller le -peuple pour voir ce grand miracle. - - - - -PRODUCTION. - - -XII. A savoir si ces valets avoient mal fait. - -OECOLAMPADE. Non, s'ils l'avoient pris avec action de graces, comme le -soldat qui échappa le pendre, aux premiers troubles. Monsieur le prince -de Condé avoit fait faire un ban, par lequel il étoit défendu aux -soldats, à peine de la vie, de prendre chose aucune. Ainsi il sortit -d'Orléans, en huguenoterie pour lors, avec une belle troupe. Il y avoit -un jeune soldat, qui au partir étoit à pied, & le lendemain il parut -monté. Cela fut rapporté; parquoi il le fait venir devant lui, pour être -jugé & livré au bourreau. Sentant cette approche, il fut fâché -extrêmement d'être pendu, principalement quand on se porte bien. Il se -jette à genoux devant monsieur le prince, & lui dit: monseigneur, s'il -vous plaît ouïr ma raison, je vous rendrai satisfait. Dis-la. -Monseigneur, nos ministres nous prêchent que tout ce que nous prendrons, -nous le prenions avec action de graces. Ayant trouvé cette monture, je -me suis mis à genoux, & l'ai prise avec action de graces. Va, va, n'y -retourne plus, & ne sois plus larron. - -BACON. Il ne l'appella pas larron; non da, non de pardieu, il s'en garda -bien, d'autant qu'ayant connoissance de beaucoup d'honneur, il savoit -bien qu'il n'y avoit pas raison de nommer un homme larron, sans faire -tort à beaucoup de sortes de gens, parce qu'il y a des larrons de toutes -sortes de sectes, habits, qualités & autres nations de peuple. - -CUSA. Vous n'exceptez rien. - -BACON. Non; & si je ne m'en confesserai point. Non, non. - -CUSA. Bien donc, de ce qu'on n'a point fait, ni eu envie de faire, s'en -faut-il confesser? - -BACON. Allez demander cela au pénitencier. - -CUSA. Et si je ne sais rien pour lui dire? - -BACON. Répondez, comme le bon homme de Vannes, qui étoit charron, lequel -s'étant confessé, le curé lui dit: dites votre _confiteor_. Je ne le -sais pas. Dites votre _ave_. Je ne le sais pas. Dites la patinostre. Je -ne le sais pas. Que sais-tu donc? Je sais faire de belles civieres -rouleresses; je vous en ferai une quand il vous plaira, & à bon marché. - -LE BON HOMME. Vraiment, ce fut presque de pareille monnoie que furent -payés, à Rouen, messieurs les consultans, qui, ayant fort exactement -avisé l'affaire d'un Marin Gautier, & lui ayant déclaré l'avis du -conseil, il prit son avocat à part, & lui demanda si messieurs se -contenteroient bien chacun d'une signole. _Signole_ est une piece d'or -valant moins d'un écu; & signole aussi est ce que nous appellons la roue -que font les jeunes garçons. L'avocat pensant aux pieces d'or, dit -qu'oui, & que c'étoit honnêtement. Adonc Marin va compter ces messieurs; -& ayant mis bas son manteau étendu sur la place, fit autant de signoles -qu'ils étoient; & deux pour son avocat, & puis les remercia, & adieu. - -ILLIRIC. Il paya le talent d'autrui de son labeur. C'est ainsi qu'il -faut mettre la piece au trou, comme fit Martin Chouri, qui vint voir le -rapporteur de son procès, pour lui montrer quelques pieces qui lui -étoient nécessaires, pour le gain de sa cause. Le rapporteur qui avoit -été pressé par les parties adverses, qui lui avoient mis ès mains des -rouelles de bonne faveur, dit à Martin: mon ami, il n'étoit pas besoin -de ces pieces, d'autant que nous avons jugé votre procès. Comment sans -ces pieces: Nous l'avons jugé à vue de pays. Et moi, j'en appelle à -travers champs. - -LOUVET. Cet appel eût pu courir bien loin, s'il n'y eût eu montagne ni -vallées, ainsi que le disoit messire Marguerin au paysan qu'il -confessoit. Le bon homme étoit au lit de la mort; & le prêtre lui -prêchoit la résurrection, afin qu'il n'eût point de regret à cette vie; -& suivant son propos, lui disoit qu'après le jugement, il n'y auroit ni -montagne ni vallée. O! o, dit le paysan, il fera donc beau charroyer. Un -peu après aussi, la femme se mouroit; & le prêtre lui disoit qu'elle -alloit en paradis, où elle verroit les saints avec lesquels elle seroit: -a! ha, dit-elle, il n'est que d'être parmi le monde qu'on connoît. - -ULDRIC. Elle n'étoit donc pas comme le valet du ministre de Vaivai, -au-delà de Lauzanne, qui connoissoit le diable. Un jour qu'il faisoit -tonnerre, pluie & tempête, & que le monde étoit, un dimanche au soir, -aux prieres: voilà un éclat de tonnerre qui donna; & au même instant un -pauvre ramonneur de cheminée, pour éviter le danger & la pluie, se jette -dans le temple. A son arrivée, chacun le voyant si noir, s'enfuit. Il -voit le monde fuir, il fuit aussi après. A la sortie, & qu'il étoit le -dernier, il arrête ce valet, qui aussi étoit le dernier des autres, & -lui demanda ce qu'il y avoit. Le pauvre valet lui dit: hélas! monsieur, -ne me faites rien; je vous connois bien. Et qui suis-je? Vous êtes -monsieur le diable, à qui dieu donne bonne vie. - -GAGUIN. Il étoit aussi fin que le Genevoisien qui étoit en garde avec -quelques François à la porte neuve. Un des François, revenu de -sentinelle, se jetta sur le lit de bois pour se reposer: ce Genevoisien -étoit auprès. Avint qu'en dormant le François va faire un pet, sur quoi -l'autre se va écrier: au diantre soit la couvaye, le chancre la puisse -ronger! Ils disent qu'ils sont ci venus pour l'évangile, & ils petent -comme poirs, c'est-à-dire, pourceaux. - -ARNOBE. Cela se rapporte comme le moine qui mene un diable en lesse, -disant ses heures, le tout en peinture, qui dit: telle est la génération -de ceux qui cherchent la face du dieu de Jacob. Je l'eusse dit en latin, -sans que le diable qui s'en formalisa, dit tout haut en bon françois, -par la bouche d'un procureur qui voyoit cette figure aux augustins de -Tours, où le grand conseil tenoit: si le diable avoit des peintres, on -verroit plus de peintures de diables menant des moines en lesse, que des -moines y menant des diables; encore qu'il y ait, comme il se comptera à -la fin du monde, un tiers plus de moines que de diables pour les amuser. - -CÉSAR. Je pense que vous rêvez de parler ainsi. - -SOZOMENE. Non fait, il ne rêve pas. Il est comme le sire George, qui -étoit fort malade; & sa femme avec quelques siennes commeres le -réconfortoient; & comme elles voulurent essayer s'il les connoissoit, -l'une dit: hé bien, mon compere mon ami, nous connoissez-vous bien? Oui. -Qui sommes-nous? Vous êtes toutes des plus fortes putains de Blois. -Ardez, ce dit l'une, il rêve. Vraiment non fait, dit sa femme, il vous -connoît bien. - -RONDELET. J'y étois; je le pançois, j'en ris assez; & encore plus, quand -les dames y étant pour le renforcer, l'incitoient d'avoir courage. -Madame la gouvernante y étoit, qui lui disoit: or ça, courage, sire -George; là, il faut prendre quelque chose. N'avez-vous rien pris -aujourd'hui? Il répondit: sauf votre grace, madame, j'ai pris une puce à -la raie de mon cul. - -CÉSAR. Je crois qu'il étoit fou: le saffran de sa boutique lui avoit -altéré le cerveau. - -RONDELET. Encore dites-vous vrai, témoin monsieur de Vendôme, qui étant -malade & dégoûté, vouloit manger du ris; ce que disant à son médecin, il -le lui accorda. Le prieur ajouta qu'il eût bien voulu qu'on y eût mis du -saffran. Bien, dit le médecin, mais il n'y en faut gueres. Non, répondit -le prieur, il me feroit mal: & de fait, je vis un jour un cheval qui en -étoit trop chargé; il en devint fou. - -MAROT. Estimez-vous pour cela que ce seigneur fût fou? Non, pas du tout; -mais il tenoit un peu de la féve. Et c'est ce que notre Pythagoras nous -enseigne, disant: gardez-vous ou abstenez-vous de féves: c'est-à-dire, -d'être fous, ou d'en faire des traits. Je ne sais pas quel fou étoit cet -abbé, mais j'ai retenu de lui des maximes notables. - - - - -EXPLOIT. - - -XIII. Pour parenthese, je vous dirai que c'est de lui que je tiens qu'il -y a au monde quatre nations anagogiques aux quatre mendians de -l'hôpital, qui sont poux, puces, morpions, punaises. - -ULDRIC. Voici qui est beau. - -MAROT. Ecoutez; tantôt nous rentrerons bien en propos, à droit ou à -gauche. Là, cher ami, je vous prie. Les poux sont les Allemands, qui -mordent & mangent, & se laissent assommer, ainsi que les Suisses, sans -s'avancer. Les puces sont les François, qui sautent & n'ont point -d'arrêt, & laissent des marques par-tout où ils vont, ainsi qu'on le -voit par-tout; mais ils n'y sont pas. Les morpions sont les Espagnols, -qui se sapent ès places si bien, que, si on les peut ôter, c'est piece à -piece. Les punaises sont les Italiens, qui empuantissent tout de leurs -inventions de danses & belles farfanteries qui infectent le monde. - -NERON. Que deviendront les autres nations? - -MAROT. Je les recommanderai aux cordeliers réformés, ministres, jésuites -& telles gens de l'autre monde nouveau. - -CÉSAR. Mais où en étions-nous? - -PARACELSE. Sur les diables familiers, ce me semble, ou quelque chose de -diablerie: c'est tout un. - -RONSARD. Si vous avez perdu la mémoire, je vous dirai une jolie -aventure, pour vous reguiser la mémoire. Ceux de Benest & d'autour -devoient aller au marché à Bourgueil; & quelques-uns s'étant donné but -pour partir de bonne heure, il y eut un serrurier qui se leva plus matin -que les autres, & voyant que ses compagnons ne se vouloient point lever, -se mit en chemin. Ayant fait plus d'une lieue, & avisant qu'il étoit -encore trop matin, se voulut reposer. Il échut qu'il se va jetter à -quartier sous une potence, où depuis quelques jours on avoit attaché un -larron, qui gambadoit en évêque champêtre. Le serrurier s'endormit -très-bien. Le jour venu, ceux qui alloient au marché passant par-là, il -y en eut de joyeux qui dirent qu'il falloit appeller ce pendu. C'est -bien dit. Hau, compagnon, hau, hau, veux-tu pas venir? Il y a assez que -tu es là. Le dormeur qui étoit à bas, qui ouit ce bruit, s'éveilla, & -répondit: oui, oui, hau, hau; je vais, attendez-moi. Ces passans se -trouverent surpris extrêmement, & s'enfuirent, cuidant que ce fût le -pendu qui eût parlé à eux; & le serrurier de courir après. Eux, oyant -ses ferremens, pensoient que ce fût la chaîne du pendu; parquoi ils -s'enfuient: le serrurier appelle & plus il appelle & court, & plus les -autres tout épouvantés s'enfuient, & ne cesserent de courir, qu'ils ne -fussent à Bourgueil. - -SIMLER. Or ça, nous voilà au marché, qu'acheterons-nous? - -ZANCUS. Achetons des moutons & des poules, pour les payer au seigneur -Breton, auquel on doit, par aveu bien écrit, trente moutons lainés, -couilleux, cornus, & vingt poules avec leur sauce de ménage: voilà qui -est bon, tout sert en ménage. - -RENÉE. Oui da. Mais quelles sont les plus grandes nécessités ou -pauvretés du ménage? Je ne sais. Ni moi aussi. Ni moi. Je vous les -dirai, & les retenez. Je parle comme la bonne femme, à la porte de -laquelle on avoit chié, & s'en plaignant à un sergent, lui dit: -monsieur, je vous en embouche le premier; ardez, si vous m'en faites -avoir raison, je vous promets de vous en faire bonne chere; & vous ayant -satisfait, nous en ferons chez nous un bon repas. La premiere pauvreté & -nécessité, c'est quand on brûle le balai, par faute de bois. La seconde, -quand par faute d'autre pâte on fait cuire le levain. Et l'extrême, -quand, par disette de linge, on torche le cul aux enfans avec la langue. -Vous sentez qu'il faut être marié; autrement cela n'auroit pas lieu -par-tout. - -BEZE. O! ne vous abusez pas. Ceux qui ne se marient qu'au mariage du -diable, ne laissent pas d'avoir des enfans; parce qu'ils font la cause -pourquoi. - -ASCLÉPIADES. Ne parlons point de cela; nous ferions des querelles. Et -puis, mon ami, les parfaits sont aux cieux. Demeurons en terre, tandis -que nous y serons bien. Donc nous converserons avec les femmes mariées; -& pour l'amour de si belle conversation, je vous dirai qu'une dame de -Paris, d'auprès le coin de la rue Aubri-le-Boucher, avoit trois filles, -qu'elle maria en un même jour; & le lendemain, voulant savoir si ses -filles étoient femmes, elle les prit à part, & leur dit: or ça, mes -filles, nous voici toutes femmes; il faut tout dire: je veux savoir -laquelle est la mieux de vous, ou si vous êtes bien toutes trois. Là, -dites-moi, quel cas ont vos maris? L'aînée dit: ma mere, mon mari l'a -menu, mais il est long. Bien! voilà qui est bon, quand la cuillier va -jusqu'au fond du pot. La seconde dit: mon mari l'a court, mais il est -gros. Cela est raisonnable, lors que la cheville emplit le pertuis. La -jeune: mon mari l'a petit & menu, mais il me le fait souvent. C'est ce -qui est propre, & est grand heur d'avoir petite rente qui vient -toujours. Or devinez laquelle est la mieux mariée; & vous souvenez que -l'outil de mariage est le plus sale drogueux de tous, parce qu'après -avoir bien pilé en son mortier, il crache dedans. - -FRACASTOR. Une fois, étant à Paris, je discourois familiérement avec une -maquerelle. Je lui demandois quels membres virils étoient les meilleurs. -Elle me montra que tous ses doigts entroient en un de ses naseaux; & -qu'ainsi les cas des femmes sont selles à tous chevaux. - -BEROALTE. Ne le prenez pas-là, joint que Mathurin de Blere ne vous le -concédera pas, vu qu'il ne put presque jamais dépuceler sa femme; & sans -la fourchette de saint Carpion, jamais il n'en fût venu à bout. - -LE BON HOMME. Boivons un coup, puis nous saurons cela. Boivez-vous des -coups? - -APICIUS. Oui, d'autant que cela, c'est-à-dire boire, va à coup & se -serre délicieusement: je dirai une volte, si vous voulez; aussi je la -bois mieux que je ne la danse, _& audaces fortuna juvat_; cela veut -dire, que qui chapon mange, chapon lui vient. Ceux qui sont un peu -malades, & se renforcent à boire & à manger, guérissent; aussi l'on ne -meurt que faute de boire & de manger, & bref de s'abstenir de faire les -vertus cardinales. - -PARACELSE. En bonne finte, doncques maître François me vouloit faire -prendre courage & esprit; parce que qui a bon esprit, il boit & mange -bien. Je le priai de me donner une recette, pour m'empêcher de devenir -gras, comme l'étoit Fouillez de Tours; il me dit que j'ouvrisse les yeux -& fermasse la bouche. C'étoit cela pour m'accommoder. - -DIOSCORIDES. Il ne vous eût point fallu de fourchette pour établer vos -morceaux. Mais à propos de cette fourchette. - -BEROALTE. Il y avoit de mon temps, à Nevers, un bon personnage, qui -cherchoit la pierre philosophale; depuis sa mort on l'a fait saint, & -nommé Carpion. Ce bon homme donnoit des eaux, (comme celui qui avoit -fait un enfant à une belle demoiselle, dont elle avoit été délivrée, & -le fait fort secret, ce qui a paru, parce que depuis elle a été bien -mariée au fils d'un bailli. Le soir des nôces, cette demoiselle parlant -à son ami qui lui avoit aidé à faire cet enfant, lui disoit: j'ai peur -que cet homme ne s'apperçoive de la dilatation de mon cas. J'y ai -pourvu, dit-il; envoyez, ce soir, votre laquais; & faudra qu'il me -vienne demander de l'eau pour les yeux. Je vous envoierai de l'eau qui -le rendra si étroit, qu'il n'y aura pas quasi moyen d'y passer un filet. -Ce conseil pris, le laquais alla quérir l'eau, & l'eut; & l'apportant, -il pensa en soi-même que souvent il avoit mal aux yeux, & que l'on ne -lui en donneroit pas, parquoi qu'il valoit mieux qu'il en prît; ce qu'il -fit, & s'en frotta les yeux, qui se serrerent, si fort, qu'il fût -demeuré là qui l'y eût laissé). Le bruit de ce bon personnage étant -grand pour tel effet, il avint qu'il y eut un jeune homme (c'est celui -dont vous avez parlé, ou tout autre, c'est tout un) marié avec une -bourgeoise. Ces deux étoient encore fort jeunes, & ne savoient rien du -manége de concupiscence: tellement qu'ils se mettoient, sans rien faire, -l'un sur l'autre. La mere de la nouvelle mariée lui demanda, un jour, -comment elle s'en trouvoit; & si son mari avoit fait ouverture à sa -nature. Elle lui dit que non. O! ma mie, il faut aller à monsieur saint -Carpion, & lui demander de l'aide. La belle y va, & lui fit sa plainte. -Il lui demanda si son mari avoit des pendillantes au bas du ventre. Elle -dit qu'oui; mais que ce qu'il y avoit en forme d'écritoire étoit si vif, -& se levoit si fort contre le nombril, qu'ils n'en pouvoient rien faire. -O bien, ma mie, venez ici sur les quatre heures du soir. Le bon -personnage fit son apprêt. Et la belle étant revenue à sa mere, lui dit: -en da, ma mere, nous serons bien heureux; ce bon homme nous fera grand -bien. Je vais vîtement le voir. Etant arrivée: bon soir, bon soir, -monsieur: avez-vous eu le plaisir de songer en moi? Oui, ma mie; tenez, -voici une fourchette qui est de franc-coudre. Voyez; elle est enveloppée -& sacrée en ce papier; emportez-la; & quand vous serez au terme de vous -coucher, recommandez-vous à dieu, vous & votre mari: puis étant tous -deux tout nuds, faites-le mettre à genoux entre vos jambes; & ce qu'il a -qui se joint si ferme au nombril, abbaissez-le en le poussant avec cette -fourchette, tant qu'il soit à droit de ce petit pertuis, que vous avez -au bas du ventre. Allez, ma mie. La jeune bourgeoise ainsi instruite, ne -faillit en rien; si qu'elle & son mari trouverent le point qui leur fit -grand bien; & tant s'y accoûtumerent qu'il ne leur fallut plus de -fourchette. Parquoi, avec un petit présent d'une ceinture, que les -fileurs de soie nomment un _cude_, elle reporta la fourchette au bon -pere, lui disant qu'elle étoit bien tenue à lui, & qu'ils n'en avoient -plus affaire; que le cas se baissoit assez, sans aide que de la main. Le -sage lui dit: gardez-la, ma mie, gardez-la; elle vous a servi à le -baisser à cette heure qu'il est jeune; elle servira à le lever, quand il -sera vieux. - - - - -SUITE. - - -XIV. ARNOBE. C'est belle chose d'avoir de la mémoire: vous avez parlé -d'intérins. Que ne nous avez vous dit ce que c'est; s'ils sont -d'Allemagne ou d'autre part. - -ASCLÉPIADES. Attendez; & vous le saurez. Je n'avois garde ni autre d'en -parler, sans l'avis de nos maîtres: & pource, belles entendoires, -souvenez-vous quand nous fûmes à Rouen avec notre roi; & que ce bon -archidiacre, lequel est notre maître entre les médecins, nous traîta. Il -fit ce banquet à nous autres, qui sommes conseillers du roi en médecine. -Ainsi il y en a de conseillers en finances, en maçonnerie, en -fontainerie, en tavernerie, & comme vous diriez en rufiannerie. _Celate -verba._ - -NÉRON. Ce sont mots dorés & notables; ne les contaminez pas. - -ASCLÉPIADES. C'est cet homme d'église qui est cause que j'ai fianté -ainsi du latin par la bouche. C'est un _miserere mei_ d'éloquence, qui -me fourgonne la mémoire. Ce noble archidiacre nous fit le conte de son -aventure. Ainsi que madame étoit très-malade, & que l'on pensoit qu'elle -expirât, environ la minuit, on vint appeller monsieur le docteur, qui se -jette du lit; or a-t-il une coutume de dormir sans chemise. Vraiment il -n'avoit garde d'y penser, d'autant qu'il n'étoit pas dedans. Il se leve -en sursaut, pour aller secourir madame, il met sur ses épaules le -manteau de son valet, premier trouvé, (j'ai quasi dit _venu_, comme le -disent ceux qui sont du pays où tout va & vient). Le manteau ne lui -passoit pas le nombril; & ce personnage entra en la chambre, où prêtres, -gentilshommes, dames & autres étoient. A son entrée, tout chacun se mit -à rire; & lui s'écriant, dit: ha! mauvaises gens, vous êtes sans amitié, -sans douceur & bonté. Voilà madame qui se meurt; & vous riez! Est-ce la -pitié qui vous doit émouvoir? Plus il prêchoit la désolation, plus les -autres rioient. Et madame, qui revint à ce bruit, eut la même vision que -les autres, s'en prit si fort à rire qu'elle fit un pet & fut guérie; & -en cet excellent changement, lui dit: mon pere, cachez votre vit, il me -fait rire. - -SAPHO. Ainsi qu'il avint à notre métayer, qui se mettant à goûter, voilà -mademoiselle de Launai qui le vint voir, & s'assit sur une mote de -cailloux; & comme négligemment elle se tenoit: parlant à lui, une jambe -baissée & l'autre haute, il voyoit son cela, & ne lui répondoit qu'à -demi. A donc il lui dit: mademoiselle, cachez votre con, il m'empêche de -goûter. - -LE MINISTRE. Mais ces intérins? - -L'ENFANT. Or bien, sachez qu'il y a des dames à Paris, & autres lieux où -il y a des cours souveraines, qui ont liberté de se prêter, d'autant que -là, & autre part, il y a liberté de fesses, comme il appert par les -priviléges de Bourges, Tours, & autres lieux, où les chanoines ont des -garces, ainsi qu'ailleurs; les dames étant mariées à gens qui ont des -affaires, comme en ont messieurs de la cour des comptes, & autres dont -je ne parle ni ne cuide parler, d'autant que si je crois qu'il y ait -entr'eux quelque homme de bien, & que je le die, ce ne sera pas sans -dépriser les autres, auxquels je ne veux faire tort. Mais parce qu'ils -sont bien connus, je le propose, afin que par eux on juge de ceux qui -ont des négoces. Les femmes de ces empêchés, voyant & connoissant que -leurs maris n'ont pas loisir de leur faire choses & autres, ont de beaux -jeunes hommes à la maison, qui font ce qui est à faire, pendant que -monsieur n'y est pas: & parce que cette coutume commença du temps des -sénateurs de Rome, le nom latin leur en est demeuré encore. Et puis -quand monsieur le procureur vient harassé comme un marayeux, en entrant, -il voit sa femme, & lui dit: bon jour, trognon. Bon jour, mon ami, -dit-elle. Et bien, ma fille, dînerons-nous? Oui, mon ami. Je m'en vais à -la messe, & un petit à confesse quelquefois, où elle est jusques après -vêpres. Et puis dis que tu en as, homme de peine, pour en amasser à -telles friquettes. - -SACERDOS. Mais que disent-elles à confesse? - -MINISTER. Ce qui leur vient en la bouche. - -L'AUTRE. O! & leur vient-il quelque chose? Je pensois qu'il n'y vînt -rien que quand on y porte. - -MINISTER. Voire, vous voilà aussi étonné que le mari de madame Jeanne, -servante de monsieur de Bourges, qui fut mariée à son argentier. Ce -gars, la nuit des nôces, lui disoit: Jeanne, ma mie, tu as le con bien -grand. Oui, dit-elle, vous voilà bien empêché! Il en faut louer la -moitié. Si j'en suis étonné ou empêché ce n'est pas sans cause, vu que -souvent les hommes ne savent que dire, non plus que celui de tantôt, qui -ne savoit rien faire que des civieres. - -VALDEN. Je fus bien empêché, confessant, un jour, un jeune Breton -Vallon, qui, en fin de confession, me dit qu'il avoit besogné une -civiere. Quoi! lui dis-je, mon ami, ce péché n'est point écrit au livre -angélique d'enfer, nommé la _somme des péchés_, qui est le livre le plus -détestable qui fût jamais fait, & le plus blasphématoire, d'autant qu'il -est dédié à la plus femme de bien. Je ne sais quelle pénitence te -donner. Mais non, mon ami, quel goût y prenois-tu? Monsieur, bon & -délectable. Quoi! est-ce une civiere rouleresse, ou à bras? Monsieur, -elle est à bras, & à bran, & à bouche: c'est une vendeuse de cives. Ha! -de par le diable, je pensois mal; va, mon ami, va, ne peche plus. - -LE DOCTEUR. Cette civiere étoit-elle femme de bien? Je ne le demande pas -sans cause, pource que je ne sais que vous faisiez, parce que mon -confesseur me demanda, un jour, si je n'avois jamais paillardé à autre -qu'avec ma femme. - -L'ÉCOLIER. Quelle différence y a-t-il entre les femmes de bien & les -autres? - -LE MAÎTRE. Vous avez tort, il ne faut pas les mêler, il n'y a point de -comparaison. Paix-là, paix-là, paix. - -L'ÉCOLIER. Voire; mais de parler des femmes de bien je ne l'endurerai -pas; ma mere l'étoit. - -LE MAÎTRE. Encore pis, tu me feras gâter. Vois-tu? Les femmes de bien -baillent, ou font bailler, ou ont qui baille de l'argent pour leur -faire, & en faut bailler aux autres. - -L'ÉCOLIER. C'est pourquoi elles ont plus de liberté, comme celle qui, à -souper, vit que son mari ne lui avoit point donné de veau; & il coupoit -un oison. Elle lui dit: mon mari, je vous prie, ne faites pas-là de -l'oison, comme vous avez fait du veau. A, ha! he, hi, hi, e e e. Etant -sur ces entrefaites, voici entrer Frostibus, lieutenant-général de tous -les diables, auquel on avoit interdit la porte; mais madame lui avoit -fait ouvrir, d'autant qu'il étoit bon diable. Il vint, gai & gaillard, -mettre les deux mains sur les épaules de Luther, & lui dit: & bien, -monsieur de l'autre monde, quoi! que dites-vous des gentillesses que -nous avons faites par-delà, en notre enfance? Tais-toi; lui dit ce vieil -rêveur Stumius, tu n'es pas sage, tu découvres le pot aux roses, tu -déclares les secrets du métier. Mais, dit-il, par ta foi, pauvre -mélancolique, si tu es plus homme de bien que les autres, va te faire -brûler en quatre quartiers, comme vrai martyr des quatre religions. Or -bien, messieurs, encore un coup, boivez, ne me tenez gueres. Je vais en -Flandre, pour copuler les états. Que voulez-vous savoir de moi? - -LUTHER. Tu es importun. Nous ne nous soucions plus de toi; va à tous les -diables, & nous laisse. Sinon, va à ce nouvel abstracteur de -quintessence qui te fasse griller, comme tu as fait rôtir de mes bons -disciples. - -FROSTIBUS. Ha! ha, par ma foi, je suis tout réjoui. Savez-vous un -poinct, mes bons seigneurs? En quelque pays où il y ait une des quatre -religions établie, je fais déclarer hérétiques, comme fromage de Milan, -ceux qui n'en sont point; & puis on les grille; & cela vient bien à mon -goût, d'autant que le fromage grillé est plus voluptueux au palais que -l'autre. Mais laissons cela, ce n'est pas ce qui m'amene: je suis venu -ici pour vous prier, mon Luther, mon capitaine, mon ami, de me faire la -faveur qu'il n'y ait plus personne damné. Tous les diables vous en -prient; & sera bon, s'il vous plaît, d'y prendre garde, de peur qu'enfin -les maréchaux des logis d'enfer n'aillent en purgatoire marquer par-tout -pour nous loger. Et dà, il en est besoin, d'autant qu'il y a déja tant -de damnés en enfer, que les pauvres diables couchent dehors; & ainsi -vous y aviserez, & je me recommande à vos bonnes graces. Je m'en vais. -Je n'oserois être ici plus long-temps, de peur de devenir hérétique ou -papiste. Que si cela avenoit, je serois perdu. Les financiers & bon -conseillers des rois & princes ne feroient plus état de moi, parce -qu'ils ne font pas cas de ceux qui sont fermes en une religion. - - - - -DÉFAUT. - - -XV. Ayant dit cela, il s'en alla: & fut dit que qui que ce fût, qui -heurteroit, demeureroit dehors, s'il n'étoit de l'une ou de l'autre -religion, _ex professo_: & te va faire loger, pauvre diable. - -LUCRECE. Mais s'il y venoit quelque gueule, lui refuseroit-on la porte? - -PONTANUS. Ces poëtes phantastiques ont toujours quelque allégorie. Que -veux-tu dire par ces gueules? - -LUCRECE. Hé! pauvre fat, ne sais-tu pas bien que nos garces, que l'on -appelle putains à Paris, & nos soeurs ès cloîtres, sont de vraies -gueules. Aussi, je dis que, s'il vient ici des gueules, il les faut -laisser entrer ici, d'autant qu'elles sont bonnes papistes, quand par -dévotion elles le font avec les gens sacrés; & bonnes huguenotes, -lorsqu'elles ne discernent point les jours. Ces deux sortes de gueules -sont comme les avaleurs d'huîtres; elles vivent de viandes vives & -crues. Mon doux ami, tu t'en es tant escrimé, que les mains te -tremblent. Qui joue des reins en jeunesse, ils tremblent des mains en -vieillesse. - -LOCRUS. Disant cela, je me ressouviens que vous n'avez pas tantôt résolu -qui étoit le meilleur; bien que vous eussiez dit que l'abbesse avoit -résolu qu'il n'y en avoit point de grands. - -AXIOCUS. Cela est bon. L'abbesse de Long-champs m'a appris ce qui en -est; me demandant sur cette résolution ce que j'en pensois: & je lui dis -que c'étoit à elle, s'il lui plaisoit, à m'en éclaircir. C'est, ce me -dit-elle, celui qui est dur & dure. Voire, mais dis-je, madame: il ne -peut toujours durer. Non dà, dit la bonne mere, & c'est pourquoi on ne -nous donne pas les états de judicature, à cause que nous résistons au -droit, & l'anéantissons. - -LUCRECE. La dame qui ouit dire à un docteur proférant _ponendum jus_: -ho, ô, dit-elle, vous aurez menti, je ne ponerai pas jus, je suis femme -de bien. C'est la raison pour laquelle monsieur de la Saulaye marioit -ses filles jeunes; & quand on lui demandoit pourquoi, il disoit: j'aime -mieux qu'il leur cuise, qu'il leur démange. - -SOCRATES. Vraiment, je n'y saurois que faire: il y en a à ce bout de -table, qui disent possible les mêmes choses que nous disons ici: mais il -les enfilent d'autre sorte: je vous prie, vous qui les oyez, prenez-y -garde, pour les ôter de ces mémoires & y mettre vos intentions; & vous -pour le premier qui le ferez, serez mis au catalogue des bons esprits, -c'est-à-dire, vous serez déclaré bête de bon esprit. Or sur-tout prenez -garde à quelques petites gentillesses qui sont ici réduites, & les -calculez avec leur distance; &, sous cette proportion, vous trouverez un -grand notable secret; excellent mystere, & mystérieuse excellence. - -DIOGENES. Il m'est échappé de vous dire cela; le diable me l'a tiré du -cul, pour le mettre en votre bouche; faites-en votre profit, comme d'une -belle & joyeuse vrille de bois. - -LE BON HOMME. Et bien, boivons, & me donnez un petit de cette croûte de -pâté; ce que j'en fais est pour épargner le pain. Mais à propos, -qu'est-ce qui épargne plus le pain en une maison? - -CHOSE. E! hé, quel voyage, ma grand'tante; & qui êtes-vous, chouse? -C'est la miche, & le gâteau, & le tourteau, & la fouace, & le biscuit. -Cela me fait souvenir qu'étant à Blois avec mes amis, à faire bonne -chere, durant les états. - -BEZE. Gare le concile. - -PETRUS DE ALVER. Pourquoi? - -BEZE. Parce qu'aux nôces les huguenots furent attrappés à Paris, à la S. -Barthelemi. Aux états, les ligueurs furent contaminés, environ noël. Et -s'il avient un concile, au diable le couillon restant de ces sortes de -gens qui gâtent tout. - -CHOSE. J'étois donc à Blois à me rigoler comme un pere; & mes amis qui -me gratifioient, me traiterent douze jours de bons vivres, & ne me -présenterent point de pain; ils ne me donnerent que de la miche. Ce fut -au temps même que la pauvre Ragonde, fille du commissaire Chotard, se -trouva grosse: & comme son pere s'en fut apperçu, il lui fit quelques -remontrances, disant: comment, ma fille, qu'avez-vous fait? En dà, mon -pere, je ne pensois pas que si peu de chose me pût ainsi aventurer. O! -vilaine que tu es, je crois qu'il te faudroit donc un fourgon. - -SPARCIPPUS. Je n'étois pas-là; mais à Montauban, ou à Beziers, où -j'oyois maître Florimond le menuisier, qui tançoit sa femme de ce -qu'elle étoit ivrogne; & lui remontrant gracieusement pour l'induire à -pénitence, lui dit: en dà, ma mie, ma femme, j'aimerois mieux que tu -fusses un peu putain. Elle lui répondit: _carabous, carabous le meo -marita tout attingueren, de tout ferem, un poque_. - -APULÉE. Hé! gué, tout ira bien, j'en aurons; & puis on trouve à Paris -pleine chemise de chair vive pour cinq sols au rabais. - -POGGE. Celle de la dame Isabelle valut bien davantage, ainsi qu'il a -paru: c'est qu'elle a tant gagné à prêter son brelingot, que de l'argent -du reste, elle a fondé la plus célebre religion qui soit à Venise, ainsi -que me l'ont dit les Jésuites en confession. - -MACROBE. Ce chose là n'étoit donc pas comme celui de cette pauvre garce -Michelle, qui venoit d'Angers à Tours, & se mit au bateau de Bolacre. -Nous étions bonne troupe, & montions par eau sur Loire, pour aller aux -pardons à Orléans. Comme j'étois là, je désirois que la riviere eût été -mi-partie, qu'un rang eût coulé comme elle fait, & que l'autre eût coulé -vers Blois. Si quelque pape savoit faire cela, il augmenteroit beaucoup -le domaine de saint Pierre, par la diligence que feroient les postes. -Entre tant de gens de bien qui étoient au bateau, il y avoit un gai & -jeune, qui, pour avoir frayé avec Michelle, avoit mal à son unique bout, -ce qui lui déplaisoit fort, aussi-bien qu'aux autres qui ont pareils -accidens, qui survinrent à plus de six de la compagnie. Il falloit se -reposer à Tours, où pour lors étoit le roi, qui venoit de fixer le -mercure. Etant là, ce jeune homme intéressé aux parties vitales, (ainsi -notre ami l'horlogeur nommoit le _vit_, de peur d'offenser les oreilles -des filles: aussi qui les en iroit frétiller par tel endroit, feroit -ridiculité: ainsi que celui qui demandoit chez Bourgant, la même -semaine, du ridicule d'antimoine; il vouloit dire du _régule_;) ainsi -cet affligé alla droit chez le compere Jardin, qui le consola, & le mit -en train de briéve guérison. Or, en notre troupe, y avoit un prêtre -Breton, qui avoit la pine si offensée, qu'enfin vexé de trop de mal, il -se découvrit à ce jeune homme, qui lui conseilla d'aller Jardiner. Le -triste ecclésiastique y va. (Il y en a qui ont voulu dire que c'étoit un -ministre du Languedoc, venu au synode à Châtelleraut: ils se trompent, -d'autant qu'il n'avoit que des poulains, qui lui étoient venus, pour -avoir monté sur la haquenée du confesseur des religieuses de -Fontevrault, à qui le médecin de madame avoit donné la vérole.) Ce -patient étant devenu le barbier, il lui déclara son mal. Adonc le maître -le visita, & trouva qu'il étoit copieusement grangrené; si qu'il le -falloit couper, à quoi il eut beaucoup de peine à faire résoudre -l'affligé, qui enfin, craignant de mourir, abandonna son pauvre cas au -rasoir. Ainsi que l'exécution étoit prête, le chirurgien lui demanda de -quel état il étoit. Il lui répondit qu'il étoit prêtre. Adonc le maître -donna le coup rasibus, sans rien épargner: & comme messire Pierre cria, -il lui dit: là, là, c'est tout un, aussi-bien n'en avez-vous que faire. - -RENÉE. Quand notre ami Yverd le coupa à un chantre de saint Gratien, qui -le regrettoit: allez, dit-il, il reviendra. - -MACROBE. Le prêtre ainsi fait courtaud de légere taille, nous allâmes -tous à la file, pour avoir remede à nos maux; même le petit qui tenoit -la peautre, & qui avoit été poivré, vint à Jardin; & comme il lui -faisoit le discours de son inconvénient, & parlant de Michelle, il nous -disoit: depuis que j'eumes hébrégé cette vetture, je n'en eus que -malheur; le vent s'est tourné, & jernigoi de la vetture, & de la foutue -vetture. - -PARÉE. Il avoit passé par les mains d'une qui avoit moyen de le -récompenser ainsi que me dit à Lyon madame Briolet, l'amie du comte -Bennerie. Je la traitois d'un mal de tête. Mon gentilhomme, mon ami, me -dit-elle, faites-moi du bien; je vous promets que je vous paierai bien. -O! ô, dis-je, mademoiselle, je vous remercie; en dà, je ne veux pas être -payé de ce que je fais aux dames; il y a trop de danger. - -GAUTHIER. Mais le curé de saint Martin d'Aussigni, vers Bourges, y -avoit-il mal? - -GUILLAUME. Vraiment ce fut grand pitié. Il aimoit une femme qui lui -donna assignation, & faisant semblant de le recevoir courtoisement, -l'empoigna: & comme maître Antitus de braguette sentoit cette main -douillette, il s'exaltoit. Adonc cette femme avec l'autre main avança un -couteau, dont elle le coupa tout net. - -SAPHO. O! de par le diable, quel trait! Elle étoit plus inhumaine que -madame, la présidente de même nom, qui se trouvant en lieu -d'assignation, où six l'attendoient pour la bricolfrétiller, elle, se -refroignant un peu, dit: hé bien, messieurs, je vous prie de vous -dépêcher, d'autant que mon mari m'attend; je n'avois épargné du tems que -pour un coup ou deux. - -LE MOINE. Mademoiselle de Lescard, ayant ouï conter ces nouvelles, eut -des visions en dormant, & lui sembla qu'elle voyoit semer des vits, -ainsi elle se jetta hors du lit & se cassa un bras, voulant, comme elle -l'a confessé à monsieur le premier barbier, en amasser un bien gros. Or -cependant, vous parlez à cette heure, belle dame, selon vos intentions. - -TÉRENCE. Aussi faisoient le valet de notre boulanger, & la femme du -conseiller... Comment? - - - - -RÉMISSION. - - -XVI. Il y en a qui parlent suivant leurs intentions arrêtées aux objets. -Le boulanger de la ville tenoit à ferme une maison qui étoit à ce -monsieur le conseiller; & là y avoit un beau jardin, où les arbres -rapportoient de beaux abricots, & de bonne heure. Ce jardinier, en ayant -recueilli des plus beaux & premiers, appella le mitron, auquel il -commanda d'en porter un quarteron à monsieur le conseiller. - -VALRON. Qu'est-ce que _mitron_? - -TÉRENCE. Les valets des boulangers sont ainsi nommés, parce qu'ils n'ont -point de haut-de chausses, mais seulement une devantiere, telle ou -semblable à celle des capucins, qu'ils nomment une _mutarde_, & qui, en -pure scolastique, est nommée une mitre renversée. La mitre couvre la -tête, & ce devanteau le cul, qui sont relatifs. Le mitron, obéissant à -son maître, vint avec les abricots; & entra dans la chambre, où la -servante l'introduisit. Il fit une belle révérence à mademoiselle à cul -nud, lui demandant où étoit monsieur. Elle dit: il viendra à cette -heure, mon ami; attendez le un peu. Cependant le mitron regardoit la -demoiselle qui s'achevoit d'habiller, & faisoit la litiere à ses tetons, -qui paroissoient mignons & beaux; il les considéroit des yeux fort -goulûment, que voici monsieur qui entra. Alors le mitron, allant vers -lui, fait une grande révérence, & lui dit: monsieur, voilà mon maître -qui se recommande à vous, & vous envoie une pannerée de tetons. Il dit -ainsi, pensant & parlant tout à-la-fois. Quoi! dit monsieur, ce coquin -ne sait ce qu'il dit. Le mitron, voulant faire la révérence, trouva -derriere lui un placet qui le fit cheoir, de sorte que, sa devantiere se -renversant sur le ventre, il montra toute sa pauvreté, ses pauvres -tritebilles. Qu'est ceci, ce dit le conseiller? Voyez ce maraut! Il se -met à regarder les tetons de ma femme; il ne sait ce qu'il dit, & encore -se laisse tomber. Adonc la demoiselle, qui regardoit le paquet d'amour, -le spectacle de l'outil de nature, excusant ce pauvre mitron, dit à son -mari: mon ami, vous le devez excuser; s'il est chut. Un cheval qui a -quatre couilles, se laisse bien cheoir. Elle vouloit dire _quatre -pieds_; mais l'objet la détournoit. - -MADAME. Quel paquet d'amour! Que le chat fût bridé de semblables! - -L'AUTRE. Il n'en seroit pas plus fort, pour l'avoir mangé. Je vous le -prouverai, par l'aventure qui nous survint à la Boisiardiere; où, un -vendredi, nous dînions; & madame se coléroit de ce que l'on n'avoit -gueres mis de beurre. La fille qui l'avoit en charge vint, & tenoit le -chat mignon en sa main, & disoit qu'elle l'avoit pris sur le fait, -achevant de manger quatre livres de beurre. Moi, qui aime justice, -desirois excuser le chat; & pour sa justification, & je le pris & le -pese; & en bonne finte, il ne pesoit que trois livres trois quarterons; -je ne sais ce qu'il pesa, quand il eut chié le beurre; allez-y voir. - -RABELAIS. Il a oublié ce qu'il vouloit dire. - -GREGOIRE. Comme celui qui se vouloit faire recevoir procureur au -châtelet, lequel se présenta humblement à l'examen; & ainsi que l'on lui -eut fait plusieurs questions, il ne savoit répondre à aucune. Un des -messieurs lui demanda, d'où venoit cela qu'il ne se présentoit & ne -savoit rien: messieurs, dit-il, j'ai été en vendanges, où j'ai oublié -tout ce que je savois. - -GODEFROI. Et ce bon personnage qui avoit acheté... O, qu'ai-je dit? Qui -avoit eu _gratis_, comme les autres, un métier de conseiller. - -LOUVET. Appellez-vous cela métier? Vous seriez aussi prophané, que le -bourgeois de la Rochelle, qui, ce dernier carême-prenant, ayant été -tancé, parce qu'il étoit de la religion, d'avoir joué joyeusement, (& -même le consistoire l'avoit repris aigrement) se trouvant en compagnie, -où l'on se consoloit de ce qui s'étoit passé, va dire: par la certebleu, -si j'avois trouvé quelqu'un qui me voulût bailler cinquante écus de mon -métier de huguenot, je m'en déferois. - - - - -DISCOURS. - - -XVII. PLOTIN. Ho! compere, que vous allez vîte! Comme vous dépêchez -tout! - -GODEFROI. Je ne vais pas si vîte que le plumacier de l'univers. - -CICERON. Quel diable de nouveau mot est ceci? Qui est ce _plumacier_? - -PLOTIN. C'est celui qui pose les panaches sur les têtes des hommes de -l'univers. - -POGGE. Je gage qu'il veut parler de cornage. - -PLOTIN. Tu l'as trouvé; qu'il te puisse accompagner comme accident -indélébile! - -ASCLEPIADES. Comment est-ce qu'il va si-tôt? - -PLOTIN. O cher compere de toute la fressure, je te le dirai! Sache, toi -qui as belle & jeune femme; sache, mon tendre & jovial petit belleau, -mon petit prêteur de franches repues, que, si tu étois au Grand-Caire, & -que ta femme tant poupine fût à Paris, & que de son consentement, me -faisant ouverture de ses bonnes graces, elle me laissât entrer à elle, -je n'aurois pas si-tôt mis mon V, I, T, pied, dans son C, O, N, -pantoufle, que l'admirable, grand & révéré cocuage ne fût, en un -instant, au Grand-Caire, à te frétiller avant la tête, pour te réjouir -du beau petit plumage d'amourettes. - -PLANUDES. Triste garçon à demi vieil que tu es, je t'assure que ta -journée n'y monteroit gueres. Tu es de ceux auxquels on peut dire: -depuis que la couille passe le vit; adieu vous dis. - -BIONON. Paix, de par tous les diables, taisez-vous, ou je vous couperai -le cou, comme je fis un jour à un roi qui chioit. Achevez le discours de -ce conseiller, & meshui ne vous interromprai; ou j'abomine, je -contamine, je précipite, je diable, je trente mille: a, ha! je ne le -dirai pas: faites votre devoir. - -GODEFROI. Parlez-vous de ce conseiller de la prévôté, lequel le pere le -présentant à messieurs, demandant séance pour lui, leur dit: messieurs, -mon fils n'a point de science, il vous plaira lui en donner. (Un gâta -tout. Non, dit-il, c'est de celui qui se faisoit recevoir à la cour, qui -est tant bonne & douce, la bonne dame, qu'elle ne reçoit, ou n'a reçu, -ou ne recevra, de peur de faillir, je ne le dirai pas; en voilà qui me -veulent faire dire _des ânes_, je n'en ferai rien.) Ainsi que messieurs -interrogeoient ce bon personnage déja âgé, ils l'incitoient à répondre; -& il ne savoit, d'autant qu'il n'entendoit pas ce qu'ils disoient. (S'il -eût été encore comme moi, qui plaidant ma premiere cause, je dis à ces -messieurs-là beaucoup de choses que je n'entendois pas, ni eux aussi, ce -qui m'apporta une belle dayée de réputaison.) Ce personnage écoutoit; -puis, comme revenu de bien en songerie, dit: messieurs, je n'ai pas -accoutumé ce ménage ainsi que vous dites. Bien je ne sais rien, il est -vrai; mais j'ai un fils qui est bien savant, qui répondra pour moi, -comme mon compere le sieur Basgrand a répondu de l'argent que je dois de -mon office. Par dépit qu'il ne put être reçu, si-tôt que sa femme fut -morte, il récompensa une prébende, & fut official. - -L'AUTRE. Ce fut à lui, auquel Menaud, notre métayer fit une jolie -réponse. On agissoit devant lui d'une cause de fouculterie; & Menaud -étoit appellé à témoin, pour dire que le garçon eût eu habitation de -concupiscence charnelle avec cette fille. Ainsi que Menaud fut entré, il -dit: j'y étois, & ce que je vous dis est vrai, monsieur l'official. Dieu -me doint bonne vie & longue! on m'a dit que vous me demandiez. -L'official lui dit: & bien, mon ami, dites vrai. Avez-vous vu que ce -gars ait envahi cette fille? Avez-vous vu qu'il l'ait travaillée? -Monsieur l'official, je n'en saurois que dire; je suis votre serviteur. -Là, mon ami, dites; je suis le vôtre. A, a! monsieur, il suffit, si vous -me faites plaisir. Dites donc, mon ami, dites. Et bien, monsieur -l'official, je vous dirai: j'ai vu quatre fesses & deux culs; mais je -n'ai point vu de vit; je crois que le larron de con l'avoit en la goule. - -SAPHO. Hé gai, voilà de beaux contes à dire devant des gens d'église. -Aussi - - Je suis si aise quand je cous, - Si pour un C. je mets une F, - Qu'il m'est avis, à tous les coups, - Que j'ente une mignonne greffe. - - - - -FOLIE. - - -XVIII. CERTORIUS. Je m'étonne que le roi n'ôte ces officialités, s'il le -faisoit il soulageroit beaucoup de monde, & enrichiroit sa justice, & si -feroit que les ecclésiastiques seroient chastes. Pensez-vous qu'oyant -ainsi parler de turpitude, le bandage ne leur simule pas? - -CUSA. A la vérité, les oreilles & les yeux servent beaucoup à besogner, -témoin le curé de saint Clément, qui, en son prône, disoit: les dames -montrent leurs tetons; ce n'est pas bien fait; & puis elles étendent -leurs chemises autour du cimetiere. En dà, ni moi, ni mes vicaires ne -sommes pas anges; cela nous tente. - -XÉNOCRATES. Pargoi, il n'étoit gueres sage, il y paroissoit; il ne lui -falloit point aller à la touche des merveilles. - -CESAR. Quelle touche! - -XÉNOCRATES. C'est celle qui est à Paris, justement dans le badaudois, au -lieu même où Pepin fianta, (je cuidois dire fit ses affaires sur l'état -de France. Il fit mettre & exposer cette touche qui est notable, -d'autant que sur icelle, comme on éprouve l'or à celle des orfevres, on -examine les folies des anciens, les sottises des nouveaux, la gloire des -présomptueux, & bref toutes les viédaseries des humains; & dit-on que ce -volume y a été trouvé, ainsi qu'il y avoit été laissé par feu Guillaume -de Paris, qui, aux porteaux de notre-dame, a mis les figures chimiques à -faire la projection à devenir sages, de laquelle on use, comme de -cendre, à l'entrée de ce noble chaircutieux de carême. - -BARNAUD. Je pense que vous rêvez d'appeller carême chaircuitier. - -XÉNOCRATES. Oui, je rêve: il vous l'est avis. Notez ces paroles; -_chaircuitier_ est un qui fait cuire de la chair; _undè_ chaircuitier: -mais _chaircuitieux_ est un qui concutie la chair, qui la chasse, qui la -ruine, comme font les maréchaux & médecins nouveaux. - -BARNAUD. Tu y as excepté les médecins, parce que tu en as affaire. -Est-il pas vrai que, comme tu écrivois contre Machiavel, tu avois si -fort les hémorrhoïdes, que le cul te distilloit tout en sang, & en étois -à demi mort. - -XÉNOCRATES. Sachez, bel ami, que les sages médecins font leurs essais -sur les gens d'église, malfaiteurs, gueux & putains. Tels sont les -quatre élémens d'essais. - -BEZE. Tu me refais bien; j'aimerois autant le fou de la Bourdaisiere, -qui avoit avalé une pièce de vingt sols. Comme il vint à la rendre par -bas, il avoit de la peine. A la fin l'ayant tirée, il dit à son maître, -la lui jettant toute breneuse sur la table: en dà, monsieur cousin, que -l'argent est fâcheux & difficile à faire. - -CEBES. Qui l'eût mis sur votre touche de tantôt, elle eût été touche à -connoître merde; cela eût bien servi aux médecins. - -XÉNOCRATES. C'est tout un; je reviens à cette pierre, d'autant que je -suis alquemiste, aussi les alquemistes ont la pierre en la tête; & -pensois que voulussiez parler du révérend pere abbé de Vienne, -au-dessous de Lyon, lequel voyant la grosse pierre qui est en la -prairie, où il y avoit en écrit: _qui me virera, grand trésor aura_. Le -bon & noble pere (il n'étoit pas de la famille des Laurents, il avoit -trop d'esprit) se mit en frais pour faire virer cette pierre, & y -dépensa trois mille quatre cent vingt-deux écus dix-sept sols & une -pite, ce que je mets pour vous assurer. Jaloignès le notaire en a fait -le compte. Et comme elle fut tournée, il trouva de l'autre côté: _virier -je me veliens, parce que me doliens_. - -SALIVAS. Il fut bien deçu; il pensoit avoir trouvé la pierre -philosophale. - -GALANDIUS. Par la mort d'oeuf, il n'étoit pas en tant de bien que le -Granger de saint Martin, qui un tems fut, étant couché entre deux -garces, disoit, étendant ses bras, main deçà, main delà: que de biens! - -OECOLAMPADE. Je sais bien qu'il est; C'est celui qui mourut l'année -passée. Son valet me vint quérir, pour le voir, & me dit: hélas! -monsieur, venez vîtement; mon maître se meurt de l'apocalipse; il -vouloit dire de l'_apoplexie_; ainsi que l'entendoit le vicaire de saint -Saturnin, quand le second président en mourut; lui étant venu ce mal, -d'appréhension d'avoir été de la ligue. - -MAROT. Tu as bien débuté avec la ligue; tu es un bel archer, tu y vises -bien! - -JAMIN. Aussi-bien que celui qui voyoit l'amour, qui est à la -Boudaisiere, fait en si belle peinture, que l'amour a été fait après ce -portrait. Quand le roi venoit de fixer le mercure, il vint en cette -belle maison. Et comme ès lieux curieux il y a toujours des amuses fous, -ce tableau d'amour étoit en la grande salle. Il y eut un gentilhomme qui -s'y amusa; & voyant cet amour avec son trait sur l'arc, comme prêt à -décocher, & lisant autour: _sublato amore omnia ruunt_, étoit en grand -peine que cela pouvoit signifier. Il passa un aumônier, auquel il le -demanda. L'aumônier l'ayant lu, dit: monsieur, vous êtes fâcheux; ce -latin là est possible prophane; il n'est pas de bréviaire; je ne -l'entends, ni ne le veux entendre. Monsieur, ne vous fâchez point, je -vous prie. Il en passa un autre qui fut plus hardi, auquel il fit la -même priere. Adonc le prêtre, ayant considéré l'état de la figure, lui -dit: monsieur, cela signifie que, si dieu vouloit, tous les anges du -paradis tireroient ainsi de l'arc. - -BUCHANAN. Je pense qu'il entendoit aussi peu de latin que le sieur du -Coudrai, qui me pria un jour de lui montrer du latin. Vraiment, je le -menai en la boutique d'un libraire, où j'ouvris des livres latins, & lui -montrai du latin. Il se voulut colerer; à jan, j'avois une épée aussi -bien que lui; je nous fussions bien battus. - -POGGE. Et vive les coups de poings; on n'en meurt que par hazard, non -plus que d'autre chose. - -DES ESSARDS. Et quoi! portiez-vous lors une épée? - -BUCHANAN. Oui. - -DES ESSARDS. Et de quel saint? - -BUCHANAN. Je suis gentilhomme; & par la double-triple manche de serpe, -nous sommes tous gentilshommes en notre pays. - -DES ESSARDS. O! ha, hé! & qui est-ce donc qui garde les pourceaux? - -BUCHANAN. C'est l'abbé de Turpenai, qui fut celui qui eut la venue par -mon compere Tristan que voilà, qui en fait des reproches au roi Louis -onzieme, lequel avoit donné l'abbaye de Turpenai à un gentilhomme, qui, -jouissant du revenu, se faisoit nommer monsieur de Turpenai. Il avint -que le roi étant au Plessis-les-Tours, le vrai abbé qui étoit moine, & -comme ceux qui duement pourvus ont été appellés antiques, d'autant que -c'étoit à l'antique mode, qu'il n'y avoit point de commentaire; (foin, -je pensois dire de _commendataires_.) Cet abbé se vint présenter au Roi, -& lui fit sa requête, lui remontrant que canoniquement & monastiquement -il étoit pourvu de l'abbaye, & que le gentilhomme usurpateur lui faisoit -tort contre toute raison; & partant qu'il invoquoit sa majesté, pour lui -être fait droit. En secouant sa parruque, le roi lui promit de le rendre -content. Ce moine importun, comme tous animaux portant cucule, venoit -souvent aux issues du repas du roi, pour lui ramentevoir son affaire. Un -jour, le roi, ennuyé de l'eau bénite du couvent, appella mon compere -Tristan, & lui dit: compere, il y a ici un Turpenai qui me fâche; -ôtez-le moi du monde. Tristan n'y faillit non plus, qu'il lui eût -failli, ainsi qu'il se trouve ès Florides, quand sous le nom de Stratin -il eut la tête tranchée à Sancerre, tourné en Rancrese, témoin Verville -qui me l'a dit, ainsi qu'il l'a écrit. Tristan prenant un froc pour un -moine, ou un moine pour un froc, vint à ce gentilhomme, que toute la -cour nommoit monsieur de Turpenai; & l'ayant accosté, fit tant qu'il le -détourna; puis le tenant, lui fit entendre que le roi vouloit qu'il -mourût, partant qu'il fît son testament, comme font les enfans de Lyon -au pied d'une échelle, la tête couverte par privilége notable. Il -vouloit résister en suppliant, & supplier en résistant, comme dit notre -ami Castillon en son bien dire: mais il n'y eut aucun moyen d'être ouï. -Il fut délicatement étranglé entre la tête & les épaules, si qu'il -expira; & trois heures après, le compere dit au roi, qu'il étoit -distillé. Il avint cinq jours après, qui est le terme que les ames -reviennent, si elles doivent revenir, ainsi que dit saint Foubrequin, -que le moine vint à la salle où étoit le roi, lequel le voyant, demeura -fort étonné, & lui sembloit avoir devant lui le spectacle hideux de -l'ame monachale, étrangée de son triste corps. Tristan étoit présent. Le -roi l'appelle, & lui dit en l'oreille: vous n'avez pas fait ce que je -vous ai dit. Ne vous déplaise, sire, dit-il, je l'ai fait. Turpenai est -mort. Hé! je disois & entendois de ce moine. J'ai ouï & entendu du -gentilhomme. Quoi! c'est donc fait? Oui, sire. Or bien, se tournant vers -le moine: venez ici, moine. Le moine s'approche: le roi lui dit: -mettez-vous à genoux. Le pauvre moine avoit peur. Et le roi lui dit: -remerciez dieu, qui n'a pas voulu que vous fussiez tué, comme je l'avois -commandé. Celui qui prenoit votre bien l'a été. Allez, dieu vous a fait -justice; allez, priez dieu pour moi, & ne bougez de votre couvent. - - - - -CONTRAT. - - -XIX. SAPHO. Je pense que ce pauvre moine n'arsoit pas à cette heure. - -BEZE. Vraiment non, non plus que monsieur le grand prieur de -Marmoustier, qui disoit que sa couille étoit en chaleur, & que son vit -ne bougeoit de dessus. - -SAPHO. C'est que ce pauvre cas avoit perdu de l'argent, il regardoit -contre bas, il n'eût pas été bon pour la tante de maître Philippes. - -COQUEFREDOUILLE. Comment? - -SAPHO. Elle vouloit être remariée pour la cinquième fois; & maître -Philippes s'en fâchant, lui dit: vraiment, ma tante, vous ne seriez pas -profitable à faire un écrou de pressoir; vous usez trop de vis. - -TONI. En quel tems est-ce que l'on a plus les vis en la main? - -MADAME. C'est quand on descend un degré. - -SIBILOT. Qui sont les vide greniers? - -CÉSAR. Crocheteurs qui en ôtent le bled. Je crois que l'on s'y échauffe. -Voire, & bien plus que le Breton, qui, à la défaite de Craon, s'enfuit & -se cacha en la queue d'un étang, sous les feuilles de nymphe, où il fut -long-tems, & jusques à ce qu'il apperçut un paysan qui passoit; & il -l'appella, lui demandant s'ils étoient encore là. Il dit qu'il n'y avoit -plus personne. Vraiment, ils ont bien fait; le cerveau commençoit à -m'échauffer. Il lui échauffoit un peu moins, qu'à celui qui avoit la -tête dans un pot de fer. - -PIGHIUS. Je m'en souviens: nous étions à Genève, & folâtrant en notre -logis à carême-prenant en cachette, comme on fait en ce pays, lorsqu'en -carême l'on fait le petit exercice. Il y eut un de nos amis, (je crois -que ce fut Feverdant) qui mit sur sa tête un pot de fer, & se mit à -sauter. En dà; la tête lui entre dedans, & ne pouvoit l'en ôter. Nous -eûmes bien de la peine; & sans le pere Ignace qui s'avisa d'un bon -expédient, il lui eût fallu rompre le pot ou la tête. Ce pere, plein -d'industrie, prit le chausse-pied du laquais de sainte Aldegonde, & le -passa sur le nez qui empêchoit que le pot ne se dégainât, & tira -par-dessus, si que, le nez rabatu, la tête sortit du pot fort aisément. -Nous en rîmes tout notre benoît saoul, d'autant qu'il demeura camus. -Mais qui fut celui qui rit tant, qu'il en fianta en ses chausses? - -VIGOR. Ce fut mon compere le cardinal le Moine, qui nous avoit proposé -de faire un mal-fait sans péché, & un bienfait sans mérite. A quoi fort -à propos répondit la docte des Roches, mere & fille, & dit qu'il falloit -chier en ses chausses, puis les aller laver; parce que c'est mal fait de -chier ainsi, mais ce n'est pas péché, si ce n'étoit par concupiscence, -puis les laver, il n'y a point de mérite. - -ALEXANDRE LE GRAND. Voire, mais nous parlons de celui qui fianta sous -lui. - -VIGOR. Vous le saurez. Nous soupions, & ayant fait beaucoup de jolis -contes pour rire, le dessert fut de ce mal fait sans péché. Et Chose va -dire: (je crois que ce fût moi) voilà; nous avons fait bonne chere avec -du plaisir sans mal aucun; & que le mal que nous avons pensé nous puisse -avenir. Quoi! dit le sage Akakias, de chier en vos chausses? Nous rîmes -si fort & à propos, que le boyau culier se dilatant en la voie du -sphincter qui relâchâ, je fis le péché abondamment. - -ZANCUS. Fi, que tu étois sale? Pargoi je n'eusse pas voulu alors que tu -eusses été en tel point, que quand on passe maître un boucher. - -VIGOR. Qu'est-ce à dire? - -ZANCUS. Mais tout nud; tu eusses embaumé toute la chambre. - -CÉSAR. Mais encore, dites-nous le secret de cette maîtrise. - -ZANCUS. Quand les bouchers font un examen à l'aspirant, ils le mènent en -une haute chambre; & le tout fait, ils lui disent que, pour la sûreté -des viandes, il faut savoir s'il est sain & entier; & pour cet effet le -font dépouiller & le visitent. Cela fait, ils lui disent qu'il se -revête; ce qu'ayant fait, & le voyant gai & ralu, ils lui disent: or çà, -mon ami, vous êtes passé maître boucher, vous avez habillé un veau; -faites le serment. - -LOUVET. Je pensois qu'on ne fît faire le serment qu'aux gens de justice; -da, c'est abuser du serment, de le communiquer à tout le monde; il ne -devroit appartenir qu'aux élus. - -IVELLUS. Vous en parlez à cause du sire Pierre le Petit, qui acheta un -office d'élu & fut reçu. Un jour, étant allé à sa baronnie, son -principal métayer le saluant, lui demanda de ses nouvelles; il lui en -conta, puis lui dit: tu ne sais pas, Frion mon ami, je ne suis plus -marchand; je suis élu. Et da, ce dit Frion, Vraiment, mon maître, j'en -suis ébahi; je pensois que pour être élu, il fallût être bien savant. - -HAMELIUS. Il y a des états, pour lesquels exercer il ne faut gueres -savoir, comme vous diriez prêtres, chanoines, ministres, & tels gens. - -RABELAIS. Parlez-vous des ministres de ce tems? - -RABANUS. Lisez l'épitaphe du ministre de feue madame; ça été Titelman -qui l'a faite. - - Par mon opinion sinistre, - De savetier je suis ministre. - - - - -PARENTHESE. - - -XX. Dis que tu en as, Calvin. - -CALVIN. Je n'en veux autre vengeance que celle qu'en prit Bersaut sur le -curé de Barace & ses compagnons. Que Chose vous le raconte: je suis -empêché. Ne savez-vous pas que je bois & mange si peu, qu'il me faut -être en repos pour pâturer, avisez: je ne mange pas tant que beaucoup de -personnes: & si tout le vin du monde étoit-là, je n'en boirois pas le -quart. - -RABELAIS. Mais ne laissons aller Bersaut. - -CALVIN. Dis haut, couillaud d'Angers mon ami, & je te promets que, quand -tu seras chanoine de S. Maurice, tu ne paieras rien _pro futuitu_, -quoique nos devanciers l'aient toujours fait, & les successeurs le -feront, pour entretenir les cérémonies de l'église. - -CHOSE. Bersaut passant au-dessous de la bennerie, rencontra une nue de -prêtres qui venoient d'un gaignage. Lui, bien accompagné, les environna, -& leur demanda d'où ils venoient. Prêtres étonnés ne savoient presque -dire, tant ils avoient peur. Or, çà, çà, dit Bersaut à un page: pied à -terre; & au bon homme de curé de Barace, qui étoit fort âgé: sus, bon -homme, cul bas; là, détachez vos chausses. Il pensoit devoir être -écouillé. Quand les chausses furent baissées, le page, au commandement -de son maître, attacha le derriere de sa chemise aux reins. Adonc il fit -baisser le curé, comme quand on joue au frappemain, ou à la -fausse-compagnie; puis, çà, enfans, à l'offrande. Tous les autres -prêtres vinrent baiser le cul, & mirent leur argent au chapeau du page. -La cérémonie accomplie, il leur demanda: & bien, enfans, me -connoissez-vous? Oui, vous êtes le bon monsieur Bersaut. Allez, dit-il, -& faites votre devoir; soyez gens de bien. Le lendemain, ces prêtres -conterent à deux cordeliers ce qui leur étoit avenu; & les deux freres -(qui aussi vont toujours deux à deux. Voire, deux à deux, ce seroient -quatre: ils vont un à un. Coucher une à un est bon). Les cordeliers, -passant pays, vindrent à Chesfe, où sont les oies rouges, & dînerent -avec des gendarmes. Après dîner, ils rendirent graces, & dirent: dieu -nous veuille donner une bonne paix. Adonc un des gendarmes va dire: dieu -nous ôte le purgatoire. Ha! monsieur, ma chere ame parente de -chrétienté, vous blasphémez. Mais vous, dit le soldat; il faut que -chacun vive de son état. S'il n'y avoit un petit de guerre & un -purgatoire, il ne faudroit ni moines ni gendarmes. A! ha, ha, hé. Au -reste, étant passés outre dans le haut Anjou, par-delà Angers, - - Basse ville, hauts clochers, - Riches putains, pauvres écoliers. - -& proche de la maison de Bersaut, ils s'entredisent: frere, qui ira? Ce -sera moi, dit l'aîné, qui avoit nom frere Eustache. Il y alla donc, & -demanda à parler à monsieur, devant lequel on l'introduit. (Quoi! dit -Badius, vous dites monsieur sans queue? Je le crois bien; n'ai-je pas -été nourri dans les cloîtres? Je dis comme les femmes de prêtres, qui, -tant pauvre soit leur maître, parlant de lui, nomment monsieur: monsieur -par-ci, monsieur par-là. - -ROBERT. Je ne pensois pas que tu eusses été de ces petits pages de -frocs. - -CHOSE. Chut. Comment osez-vous ainsi nommer les semences futures des -pédagogues de l'église? Laissez-moi dire. Etant devant monsieur, il lui -demanda humblement l'aumône. Oui da, dit-il, vous l'aurez, pere -Moustache; mais j'ai céans un vieil serviteur qui se meurt, que je -désire faire confesser. Monsieur, vous êtes en bon propos. Adonc il le -mena en un grenier, où il avoit un vieil chien qui se mouroit de -vieillesse. Voilà, ce dit monsieur, le serviteur dont il est question. -He! a, dit le moine, monsieur, je cuide que vous vous moquez de moi -simple religieux. Croyez que je ne suis pas si instruit, que je ne sache -comme il faut vivre; & qu'il n'est raisonnable d'attribuer à un chien, -ce qui convient à la personne. Partant, monsieur, vous m'excuserez. De -dépit, lui fit donner le fouet à nud, & à bon escient; puis l'envoya. Le -triste frere revint à son compagnon, auquel il conta sa fouettée & -l'occasion d'icelle. Laisse-moi, dit l'autre, j'aurai pis ou mieux. Il y -alla donques; & son entrée & discours furent au semblable des premiers -faits à son compagnon; & Bersaut lui ayant parlé de ce vieil serviteur, -il demanda à le voir. L'ayant vu, il dit: & bien, monsieur, il est -raisonnable; faites-moi donner un petit bâton. Je ne veux pas que vous -lui fassiez mal. Aussi ne ferai-je; mais j'ai affaire de ce que je -demande. On lui bailla un bâton: & le moine le fendit un peu plus que la -moitié; puis dit à monsieur & à ses gens qu'ils sortissent & se tinssent -à la porte; qu'il ne falloit pas ouïr la confession d'autrui. Etant -sortis, il prit l'oreille du chien dans ce bâton fendu, & lui dit: or -çà, mon ami chien, voulez-vous pas mourir en chien de bien. Et lui -pressant l'oreille, le chien huchoit assez haut: ouan, ouan. Ne demandez -vous pas pardon à votre maître de l'avoir trompé, en mangeant le gibier -quelquefois? Ouan, ouan, ouan. N'êtes-vous pas fâché d'avoir autrefois -blessé quelqu'un? Ouan, ouan, ouan. Pardonnez-vous pas tout le monde? -Ouan, ouan, ouan. Or soyez donc chien bienheureux, absous comme un loup -gris, trépassant comme une autre laide bête. N'en êtes-vous pas bien -aise, monsieur le chien? Ouan, ouan. Il y ajouta plusieurs autres belles -cérémonies de chien, qui furent fort agréables & au chien & à son -maître, qui, après cette action, prit le moine, lui fit bonne chere, rit -avec lui, lui donna de l'argent & son cou chargé de bled, & lui promit -de lui en donner, toutes les fois qu'il viendroit le voir. Le frere -retourne vers le fouetté, lui montre sa quête: hé, grosse pécore, lui -dit-il, tu ne sais pas vivre. En s'en allant, ils trouverent de leurs -amis; & le fouetté dit: nous avons été bien fouettés. L'autre dit: mais -bien vous; frere; & non pas moi. A d'autres il dit: nous avons eu bien -du bled. Mais bien moi, frere, & non pas vous. - -PRISCIAN. Voilà que c'est d'entendre les affaires. - - - - -DOCTRINE. - - -XXI. Je voudrois que ma femme fût aussi bien confessée & bien noyée; je -serois plus content que Bersaut, ni le moine. - -RABANUS. Pourquoi voudriez-vous avoir perdu votre femme? - -PRISCIAN. Parce qu'elle ne me veut point obéir. - -STATIUS. En da, la mienne m'obéit une fois: ce fut quand je la jettai en -l'eau. Nous passions sur le pont d'Arve; & le balendrier, _id est_ -garde-fous, étoit ôté. Je la poussai en bas, & lui dis: va où tu -pourras. Ce qu'elle fit galammant. Elle se sauva peut-être comme saint -Pierre, quand il chut dans le ruisseau de Champagne. Je vous en dirai -l'histoire comme elle avint à notre maître Rabelais, que voilà bien -empêché à trouver l'essence d'un cervelas avec Théodore & Pline: (sur -quoi quelqu'un me demandera de quoi il étoit, je lui dirai qu'il étoit -fait comme nos autres viandes). Sachez donc que cette belle compagnie -faisoit bonne chere, & telle qu'on fait hors du monde, comme nous -faisons nous autres esprits séparés de nos corps. Notre bon vin n'est -autre chose que le pur esprit de vin, qui échappe aux quintessencieux; -nos viandes sont faites des ames des bêtes; vous, qui êtes grossiers & -corporels, en mangez les corps; & nous, les ames que nous fricassons -avec les fumées de sauces, & les essences des aromatiques à la clarté du -feu vif, aidés de bonheur de l'huile incombustible & du sel fusible. - -LE ROI AGAMEMNON. Paix! ne passez-pas outre, ne dites pas tout. - -STADIUS. Et bien, sire, je me tairai. Mais si un malotru, sire, m'en -parloit, je le ferois déjeûner de l'esprit de fiente royale. On dit que -c'est la meilleure, je m'en rapporte aux pourceaux. - -LE MORTEL. On voit bien que vous n'êtes guere sage de nous conter tout -ceci. - -STADIUS. O! pauvre animal mortel, mon ami, ne sais-tu pas bien qu'ayant -un corps, il faut qu'il se vuide? Et tu consens bien que la merde soit -serrée en tuyaux de briques & belles canes: que souvent on la remue, & -que même, ho! monsieur le doyen du chapitre de la grande église, vous en -faites faire des conclusions en vos régistres, & commettez commissaires -de bran pour curer les aisances. Ainsi ceux qui ont imprimé ceci, font -commissaires d'excrémens. Ceci est la fiente de mon esprit; & puis je -fais comme vous, messieurs les cardinaux, je fais ce bâtard: il faut -qu'il vive. Mais en conscience n'est-ce pas un vrai abus, que de nos -beaux ouvrages & plus sérieux? Certes ils sont aussi-bien prophanés que -les plus vils. S'il y a quelque beau tableau en taille-douce bien -élabouré, il sera aussi-tôt en la boutique d'un savetier, qu'au cabinet -du roi. Il échet une même fortune aux uns & aux autres. Et voyez, les -livres des doctes qui furent nuit & jour après la forfanterie, sont -quelquefois ès mains des laquais & des putains, qui diront: que voilà -qui est bien fait; ou bien: voilà qui est mal à propos. Comme disoit, un -jour, une jeune garce, que son con avoit fait demoiselle par la tête, -tenant un beau livre où elle n'entendoit rien, faisoit la dédaigneuse; -je lui pardonne à la pauvre bête, elle en est devenue noire comme un -charbon, & sale comme eau. Avisez-y, doctes; parce que souvent vos -labeurs, vos bons livres sont employés à faire des cornets d'épices, ou -des mouchoirs de cul; & ne peut avenir pis à cettui-ci, qui n'est écrit -que pour la juste démonstration de ce qui est, d'autant que l'on voit -ici la bêtise des grands de ce tems, la sotise des habiles gens, -l'impudence des doctes, & la méchanceté des autres. Mais bran pour eux, -ainsi que dit M. Habpin, maître chirurgien. Je n'ai jamais vû envieux & -avaricieux devenir vieux. Pleurez, grands, de ne m'avoir pas eu pour -pédagogue; vous fussiez bien heureux. Or adieu vous dis, comme un _de -profundis_: & de fait, on ne voit gueres pendre de sots que par hazard & -malheur, comme ce paysan de la Rochelle, qui, étant à l'échelle prêt -d'être jetté, disoit: laissez-moi aller, laissez-moi aller; mes boeufs -se gâtent. Et diantre, mettez donc une coëtte là bas, afin que je ne me -rompe les jambes. Il ne pensoit pas devoir tenir par le col, ainsi que -ces beaux esprits & tant d'habiles gens d'entendement, qui se font -pendre. Faites-en de même par dépit. - -MARSIL-FICIN. Oui; mais il avint à plusieurs comme à Mauduit, que l'on -pendoit, & le bourreau lui disoit: monsieur, mon ami, je vous prie, ne -vous tourmentez pas tant: je vous pourrois faire tort, d'autant que je -n'ai jamais encore pendu personne. Hélas! dit-il, mon ami, je n'ai aussi -encore été pendu. Dieu nous en doint bon encontre à tous deux. - -FRACASTOR. Elle lui seroit donc meilleure, qu'au bourreau de St. Denis -en France, auquel un marchand de Paris demandoit de l'argent. Je te -prie, dit-il, compere, attends un peu; je n'ai point d'argent: la pente -n'a pas été bonne, cette année. Dieu y pourvoira. - -NÉRON. Voilà bien doctriné! Vous avez laissé le conte de Rabelais. - -L'AUTRE. Il est vrai; & c'est ici la grande dignité de cet ouvrage, -plein de l'intelligence de la pierre philosophale, parce que tout s'y -transmue. Vous n'attendiez pas ceci, est-il pas vrai? Or bien sachez que -voici le moyen de transformer, non-seulement les visages, mais aussi les -essences. Et de fait, prenez-y garde de près, (comme le chevalier -d'honneur de la reine, qui dort avec ses lunettes, pour sommeiller à -double fond) & vous trouverez que ceux qui béniront ceci deviendront -sages, s'ils ne le sont; parce qu'en vérité ces écrits cesseront, & ne -seront plus grands; les vices cesseront, & toutes sortes de gens ne -feront plus de folie. L'ambition & l'impiété des grands, l'ignorance des -prêtres, les présomptions des ministres, le désordre des moines, l'envie -des chanoines, la fausse science des docteurs, les usures des huguenots, -les piperies des papistes & toute autre contradiction qui fait naître -ces beaux commentaires, qui sont compilés de l'étourdissement des -hommes, & friponnerie des femmes, qui s'est établie encore plus fort, -depuis qu'on a nommé un cheval _haquenée_, un moine ou un chanoine -_dignité_, & qu'on a appellé un chat _minon_: & de fait, huchez un -moine, & lui dites: moine; il se fâchera. - -HOTOMAN. Vous me faites souvenir de ce moine de Saint-Denis en France, -qui voulut faire l'entendu, voyant maître Thierri de Heri à genoux, -tourné vers la figure de Charles VIII. Le moine lui dit: monsieur mon -ami, vous faillez: ce n'est pas l'image d'un saint que celle devant qui -vous priez. Je le sais bien, dit-il; je ne suis pas si bête que vous; je -connois que c'est la représentation du roi Charles VIII, pour l'ame -duquel je prie, parce qu'il a apporté la vérole en France; ce qui m'a -fait gagner six ou sept mille livres de rente. Ce moine là pensoit être -bien savant. - -PIC MIRANDULA. Si ne l'étoit-il pas tant, que le cousin de Vaugirand, -qui est docteur en théologie, qui, venant un jour de prêcher d'un -village où on l'avoit prié, s'en retournoit. Or allant & rêvant sur sa -bête, il s'égara, & trouva un paysan auquel il demanda le chemin pour -aller à Seveniere. Le paysan le reconnut, & lui dit: hé da, monsieur, -vous êtes un homme de bien; je vous ai ouï prêcher en notre village; -j'ai plus retenu de votre sermon que de tous les autres; je voudrois -bien en avoir une demi-douzaine de semblables. Et bien, dit-il, mon ami, -vous en aurez quelque jour; mais enseignez-moi le chemin pour aller à -Seveniere. Ha! a, dit le paysan, le bon dieu m'en veuille bien garder -d'enseigner à un homme qui sait tout, ha! a, vous vous moquez bien de -moi. Les petits enfans le savent bien; & vous, qui savez tout, ne le -sauriez-vous pas? Il n'y a pas de dret: adieu, monsieur; & le laissa là. -Et le bon seigneur nous vint regarder chez nous, où nous lui fimes bonne -chere. Il fut bien camus de cette réponse du paysan; il en eut le nez -aussi long qu'il fut camus. - -JEAN HUS. Mais d'où cuidez-vous que cela est venu, que l'on a fait -signifier même chose à deux contraires? - -HOTOMAN. Je ne saurois. - -JEAN HUS. Je vous le dirai. Un jour de grande fête, il avoit auprès du -revêtiaire de bon feu dans le chariot à grille; & un quartaire y faisoit -griller du boudin durant matines. Il fut pressé d'aller, pour donner -l'encens; il mit son boudin dans sa manche, & va faire son devoir. Quand -le chanoine lui eut baillé l'encensoir, il va vers monsieur le chantre, -qui se disposa pour recevoir la sainte fumée. Adonc le quartaire se met -à jetter l'encens; & sa manche, qui se délia, laissa aller le boudin au -travers des joues de monsieur le chantre, qui fut aussi étonné -qu'émerveillé, & depuis le proverbe a eu lieu en France. - -ARETIN. Voilà bien débuté! Quand je lui vis le con, je dis bien que -c'étoit une femelle. - -GALIEN. La fites-vous remettre? - -ARETIN. Comment? - -GALIEN. Ainsi que la demoiselle de Blois, qui, ayant fait une fille, -après qu'elle fut accouchée, elle demanda ce que c'étoit. C'est une -belle fille, dit-on. Adonc l'accouchée dit: je n'en veux point; -remettez-la. - -POGGE. J'aimerois autant celle qui disoit que l'on avoit enté une queue -de chevreau à un agneau qu'on lui avoit vendu. - -ASCLÉPIADES. Oui; & celle qui dit qu'on avoit mis un oeuf au cul de la -poule qu'elle avoit achetée, pour faire mine qu'elle pondoit; & elle -n'avoit pas depuis pondu. - -LE BON HOMME. Je ne sais pourquoi vous parlez de pondre. Il vient de -cette fente un vent qui est pondu de n'agueres, il est bien frais. - -STOFLER. Attendez; je me mettrai au devant. - -LE BON HOMME. Corbieu, tu me presserois trop; & puis, ô de par le -diantre sans jurer, ne sais-tu pas bien qu'il y a trois choses qui ne -veulent souffrir être pressées? - -STOFLER. Quelles? - -LE BON HOMME. La tête d'un fou, les pieds d'un gouteux & le ventre d'un -moine. Et si j'étois fol, moine ou gouteux, ou tout ensemble? - -STOFLER. Quoi! tu serois, mon bel, aussi difficile à tenir qu'un beau -petit ange d'Arragon. - -LE BON HOMME. J'aimerois mieux être d'Espagne. - -STOFLER. Tu serois comme le Bandol le puîné, qui est un sage, homme de -bien, Espagnol & catholique. - -MADAME. Que dites vous là? - -STOFLER. Je demandois s'il y avoit des bordeaux en votre pays, madame? - -MADAME. Non da, il n'y en a point; mais il y a des maisons d'honneur, où -l'on se réjouit avec les dames; & quelques dames d'honneur, réputées -pour cela, en tirent rente pour nourrir des moines. - -BUCHANAN. C'est donc en ce pays-là, où _moine_ signifie _larron_; comme -en l'isle des sots, _sot_ signifie _monsieur_. Et de fait, si je vous y -trouvois, je vous dirois: bon jour, sot. Ce seroit autant que vous dire: -_bona dies_, monsieur. - -SAVONAROLA. Mais l'isle des sots est par-tout; & celle des fous est -au-delà; témoin la petite fille de maître Simon, qui me vit aller à -l'église avec mon surplis: elle courut à sa mere: ma mere, mon mignon -est devenu fou; il a mis sa chemise sur sa robe. - -BRENTIUS. Pourquoi est-ce que, quand on nomme un homme _sot_, il -s'estime cocu? Et si on appelle une femme _vesse_, elle pensera être -putain? - -POGGE. Ce n'est pas de même, parce que, si vous appelliez un homme -_pet_, il ne s'en soucieroit pas; & toutefois c'est de même. Il y a fort -peu à dire, pour autant que les pets font du bruit, & les vesses coulent -doucement; & c'est la raison pour laquelle les hommes font tant de bruit -en les priant, & elles coulent doucement comme vesses. - -BRENTIUS. O! o, ce n'est pas cela; il y en a bien une autre raison. - -POGGE. Quelle? - -BRENTIUS. Les femmes ne prient point les hommes, parce qu'elles savent -bien que le four est toujours chaud; mais la pâte n'est pas toujours -levée. Elles seroient confuses, si elles demandoient une chose mal à -point, dont elles ne seroient pas servies. Et puis elles sont honteuses -quand on les prie, parce que ce qu'on leur demande est si près du cu. Il -est vrai que les brehaignes sont plus heureuses que les fécondes, parce -que le cas ne leur pue point; & est vrai que le cas de celles qui font -des enfans est toujours faguenant & mal odorant; ce n'est qu'à cause du -cu. - -MAROT. Vraiment voire; pensez-vous qu'elles seroient aises, si elles -n'avoient point de cu? Cela n'iroit pas bien. J'entends de trou fignon. - -ARTÉMIDORE. Je crois qu'elles n'en ont pas, ou bien elles feignent de -n'en avoir point, d'autant qu'elles sont ou font les sobres, afin de -nous faire croire qu'elles ne fiantent pas. - -ARNOBE. Tu as dit vrai; c'est ne plus ne moins qu'elles font les -chastes, afin de nous faire désirer de leur bailler ce qu'elles enragent -d'avoir. Ainsi que Fleurie, la chambriere de notre bon ami le prieur de -S. Eloi, laquelle vouloit épouser un cordonnier, & le pressoit devant -l'official. Les parties étant devant ce juge, cette femme insistoit à -avoir pour mari ce cordonnier, qui protestoit n'en vouloir point. Et -pourquoi, dit l'official? Ha! dit-il, monsieur, je n'en veux point; -c'est une méchante, elle m'a donné la vérole. Hélas! dit-elle, monsieur, -c'est un méchant homme de dire cela; comment la lui aurois-je donnée? Je -l'ai encore. - -RABELAIS. Il étoit instruit & dégoûté; ainsi que notre berger, qui, -étant avec la servante, elle lui offroit son cas, selon leur bonne -coutume; & il lui dit hardiment: ma Toinette, je t'en remercie autant -que si j'en avois bien pris ma réfection. - -MAÎTRE BASTIEN. C'est ce que j'aime que ceci; je le trouve: ce sont -contes de peau-d'âne; c'est la vérité. - -MELVIN. Il a raison, d'autant que tous ces mémoires, dictions, discours, -sentences & paroles sont prises du dictionnaire à dormir en toutes -langues, de l'institution à lire sans points, sans lettres, sans -caracteres, sans accens, sans figures, sans notes: aussi-bien les notes -font faillir, ainsi que le disoit frere Ambroise, qui disoit qu'il eût -bien chanté; mais que la note l'empêchoit. Aussi sans chiffrer telles -choses, a été fait ce livre par le fils du dernier homme; _item_ de -l'épitome des bibliotheques de Saint-Germain & autres, du grand -luminaire des sots, tous livres extraits de cettui-ci, auquel si chacun -avoit remis ce qu'il y a pris, il n'y auroit plus qu'un livre au monde. - -SUIDAS. Tu es bien sot de nous conter ceci, afin que tout le monde le -sache, & on le vouloit céler. - -MELVIN. Tu es un sot, toi-même. Je te recommanderai au maître des sots. - -SUIDAS. Et qui est-il? - -MELVIN. O grosse bête, c'est le sotier de Genève. - -SUIDAS. Quel sotier? - -MELVIN. Tu fais semblant de ne le savoir point. Parce qu'ils écrivent -_psautier_; je disons _sotier_, non sans cause, d'autant que tous les -sots qui sont repris de justice en ce pays-là, passent sous son -enseigne. - -SUIDAS. Comment! Est-on sujet en ce pays-là d'avoir la vérole? - -MELVIN. Garde-toi de blasphémer; il ne faut pas dire cela. - -SUIDAS. Que veux-tu donc dire? - -MELVIN. Dame, quand nous sommes à la cour, nous appellons être repris de -justice, quand on sue la vérole & qu'on se fait pancer de quelque -inconvénient, des dépendances de l'inventaire des histoires. - -SUIDAS. Voici encore d'autres paroles que je n'entends pas. - -MELVIN. Hé! bête que tu es, ne sais-tu pas que les génitoires ont été -dites _histoires_? Que la couille est la mere des histoires, & la -braguette en est l'inventaire, ainsi qu'une chaire percée est -l'inventaire d'étrons? - - - - -BAIL. - - -XXII. BIEN-VENU. Vos histoires m'ont fait souvenir de trois dames qui -devisoient de leurs maris, & de tout ce qui étoit en eux. L'une -d'entr'elles dit: je ne sais que vous trouvez tant à redire en vos -maris; quant à moi, je me contente fort du mien: il est vrai qu'il y a -je ne sais quoi de petit, c'est qu'il a la couille noire. Le mari les -oyoit conférer, & tout beau s'en alla en la maison. Quand elle s'en vint -au logis, elle trouva qu'il se promenoit comme en colere. Et -qu'avez-vous, mon ami, dit-elle? Et lui, mot; elle le prie de lui dire; -& lui, comme courroucé: que j'ai? Je ne sais; il faut que je sois -toujours en peine pour vous. On me vient d'ajourner, pour comparoître -devant le lieutenant-criminel, pour la réparation d'une blessure que -vous avez faite à un enfant; & dit-on que vous étiez là-bas en la cour, -où vous aviez fait vos affaires, & que vous ayant torché le cul d'une -pierre, vous l'avez jettée par sus les murailles, & qu'elle a blessé cet -enfant. A, ha! mon ami, dit-elle, ne croyez pas cela; ce sont des -méchantes gens qui le disent. Il y a plus de quatre ans, que je ne me -suis torché le cul, en façon du monde. Adonc, dit-il, je ne m'ébahis -pas, si j'ai la couille si noire. - -CARDAN. Il vaut bien mieux se torcher le cul avec du papier, & -principalement en ce temps qu'il est à si bon marché: en quoi nous avons -barre sur les anciens, qui avoient bien de la peine à se le torcher. Je -m'en rapporte au seigneur de Caramousse, grand faiseur de confitures, -avec lequel je demeurois à Gênes, lorsque les belles confitures y furent -inventées, & que nous trouvâmes le moyen qui s'y pratique maintenant, & -qui est le secret de ces messieurs qui font les confitures; mais ne -l'allons pas découvrir. Je vous dirai ce que faisoit ce grand -personnage, ainsi qu'encore font les plus avisés: il amassoit le plus -qu'il pouvoit de torche-culs; & quand il en avoit recouvré grande -quantité de bien secs & dorés, il les faisoit bouillir, & tiroit la -crême qui nageoit dessus, laquelle il réservoit pour donner couleur aux -confitures; & notez que cela est bon à toutes sortes de confitures & de -couleurs, parce qu'étant faite de tout, elle servoit & sert à tout. - -GALANDIUS. Quelle délicatesse! - -COMES NATALIS. Que pensez-vous qu'il y ait au monde de plus délicat? - -GALANDIUS. Je ne sais. - -COMES NATALIS. C'est l'ame d'un solliciteur, d'autant qu'elle est -souvent vannée deçà & delà, avec force affronts. - -GALANDIUS. J'ai appris, de notre ami Louvet, que c'est l'épaule d'un -procureur, parce que, sitôt qu'on lui touche, il se revire incontinent -pour haper de l'argent; il est toujours aux écoutes. Vraiment ils sont -fort hardis; aussi _audaces fortuna juvat_. - -COMES NATALIS. Vous ne le prenez pas bien; il faut _edaces_, d'autant -qu'ils mangent bien. - -M. ANT. NATTA. Ce seroit donc le mouvement perpétuel? - -S. COME. A dire vrai de ce merdeux, mon ami, si c'étoit de vous comme de -moi, j'estimerois que ce fût comme le jeu de pet-en-gueule qui est -notable, d'autant qu'il est le symbole de ce qu'il y a de plus exquis. -Voyez-vous que c'est le sublime abaissé, & la vraie circulation -chymique, lors que le cul sent la violette? - -NIC. NAN. Vous n'y êtes pas: c'est le symbole de ceux qui, sous ombre de -religion, font la guerre pour maintenir leur ambition. - -RAMUS. Que ne dites-vous cela en latin: Raphelingius se moquera encore -de vous, tant vous êtes sot. - -NIC. NAN. C'est assez, mon bon maître: j'ai, comme disoit Ambroise Paré, -assez de latin tout fait; mais je n'en saurois faire qu'à fine force. Au -diable le latin! il m'a tout emmusiqué la fressure de l'entendoire; & -par fois je suis vraiment un grand sot. - -SON FILS. Vous avez menti, mon pere; ma mere étoit femme de bien. - -THÉMISTIUS. Et autant opiniâtre que la femme du pauvre Æschines, qui, -par dépit de son mari, ne vouloit manger les pois qu'un à un: son mari -vouloit qu'elle les mangeât en quantité, elle ne vouloit pas; parquoi -son mari la battit, dont depuis elle fit la malade, & en fit la morte. -A! dame, on la porte en terre; & comme on lui jetta la terre sur les -genoux, elle eut frayeur, & comme demandant pardon, se mit à crier: je -les mangerai trois à trois. Les prêtres qui l'ouïrent, & les autres -pensant qu'elle les voulût manger ainsi, s'enfuirent. - -CAB. BURATEL. Et que devint-elle? - -THÉMISTIUS. Elle retourna au logis, ainsi qu'une femme de bien doit -faire, pour être encore aimée de son mari. Et qu'il ne soit vrai, une -femme ira plus pour un coup de vit, qu'un âne pour dix coups de bâton. - -FOXIUS. Elle eût été bien sage, si elle n'eût point été malicieuse. Et -de là, filles, prenez instruction, qu'il faut se laisser tout faire sans -mordre ni égratigner, de peur que l'on ne dise, sentant le mal, au -diable la putain! Et cela seroit possible cause que vous la deviendriez, -comme plusieurs autres, tant pour leur plaisir, que parce qu'il est -ainsi prédestiné, si le célibat n'y entrevient. Or devinez pourquoi a -été inventé _célibat_. - -ARIAS. C'est afin que nous ne nous amusions point à une femme, pource -qu'elles sont toutes à nous, au moins s'il est vrai ce qu'on dit. - -ARNOBE. Je pense que c'est plutôt pour éviter les cornes, à quoi sont -sujets les mariés qui craignent d'être cocus, d'autant que tous ceux qui -sont mariés le sont; & pourtant prenez garde. Vous trouverez chez les -hommes d'entendement, & qui ont de belles femmes, & qui font l'amour, -c'est-à-dire, qui ont affection de bien faire pour en recevoir, qu'ils -auront toujours chez eux un chausse-pied de cuir; & ce de peur que les -cornes ne les blessent. Un chausse-pied de corne est dur; & partant je -suis en grand peine d'où vient l'opinion des cornes. - - - - -TRANSCRIT. - - -XXIII. Une femme voyant un jour un beau gentilhomme, le regarda fort, & -d'un oeil de concupiscence; puis dit à sa voisine: voilà un bel enfant; -je le porterois volontiers, pour le faire jouer. - -JAMBLICUS. Elle me disoit un jour: couchez avec moi; &, demain au matin, -je vous baillerai une paire de souliers. Elle n'y faillit pas; mais ce -fut les miens qu'elle me bailla. Un autre disoit: je l'eusse donnée au -diable. Non eussé-je pas moi, d'autant que j'en avois encore affaire; & -puis je serai possible son héritier. - -L'AUTRE. Quel héritier! Elle mourra pauvre. - -JAMBLICUS. Voire da, comment? je vous prie: elle est putain, & son mari -larron; est-ce pas pour faire une bonne maison? - -ARIAS. Je ne doute point qu'elle ne soit putain; & sur-tout l'ayant vu -parler au vicaire de saint Paul, qui avoit promis à son curé qu'il -seroit sage, & ne courroit plus après les garces; & qu'au moins il s'en -abstiendroit les féries de pâques. Jan, il n'eut pas la patience; dès le -premier jour il parla à cette-ci; & le curé qui l'apperçut, l'entendit -revenir, & lui dit, je vous ai vu parler à une garce. N'avez-vous point -de honte de ne vous en pouvoir abstenir, encore à ces bons jours? Ho! -monsieur, dit-il, excusez-moi; ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est pour -demain. - -SYNESIUS. Ce compagnon confessoit une fois un maître des requêtes, & lui -parloit de péché de luxure, l'en interrogeant selon les loix de -_Benedicti_; & comme il lui en parloit exactement, monsieur le maître -des requêtes lui dit: mon confesseur, mon ami, je vous prie, ne me -parlez plus de cela; vous me faites arser. - -LE MOUTARDIER. Vous êtes calomniateur; elle étoit sage, & avoit beaucoup -de preud'hommie féminine. - -CICERON. Tu y es; tu y parles comme Thevet: voire de la _preud'hommie_. - -LE MOUTARDIER. Et pourquoi non, puisque preud'hommes avoient affaire à -elle? Et toutefois c'étoit avec chasteté, tant qu'elle se pouvoit -étendre, _modo stricto_. Pour le premier, elle ne voulut jamais que -monsieur d'Est la baisât en la bouche; & il lui demandoit pourquoi? -C'est dit-elle, que ma bouche est pour mon mari, parce qu'elle lui a -promis: quant à mon con, il ne lui a rien promis, faites-en tout ce que -vous pourrez; il est à votre commandement, cul & tout. Son mari s'en -doutoit. Un jour qu'elle étoit sur la porte assise, elle avoit son -cotillon un peu levé, il lui dit: fermez l'ouvrouer, (c'est la boutique) -ma femme, il est fête. Aussi le cas d'une femme est un ouvrouer, des -filles sont étoffes. - -NÉRON. A quoi faire? - -L'AUTRE. A faire des femmes de bien, ou des garces: & qu'ainsi ne soit, -on peut dire une parole injurieuse à une femme ou fille de bien, sans -l'offenser, en l'appellant par verbologie de choix, _belle étoffe à -faire une garce_; parce que c'est-à-dire qu'elle est fille de bien, & -qu'il ne tient qu'à elle qu'elle ne soit autre. Ne lui est-ce pas faire -de l'honneur? - -L'APPRENTIF. C'est un bel honneur! Tu y entends comme ceux qui heurtent -aux portes des putains. - -L'AUTRE. Et quoi, y a-t-il de l'intelligence en telle affaire? - -L'APPRENTIF. Oui da; notez, enfans, que si une garce a une porte sur la -rue, il ne faut point y heurter, si on la trouve fermée; parce que, si -la dame n'est point à la porte, ou à la fenêtre, il est évident, la -porte étant fermée, qu'elle est empêchée. - -L'AUTRE. Cela est il vrai? - -L'APPRENTIF. Aussi vrai qu'il est vrai qu'elles ont beaucoup de dépit, -(ainsi qu'ont les traîtres) quand en leur présence on jure, & dit-on, -par-ci, par-là: je n'aime point les putains; je n'aime point les -traîtres. Si à telle heure elles devenoient pucelles, jamais ne -deviendroient putains, & seroient aussi farouches au montoir, que garces -qui ont été au sermon. - - - - -COPIE. - - -XXIV. Et gai, ne faites donc jamais de cérémonie à l'entrée d'une halle, -d'une taverne & d'un bordeau. Quand je vois faire ces similitudes, il me -semble que je vois mademoiselle de Peu, qui disoit à madame Courtois: -mon dieu! madame, que vous avez de belles filles aux fêtes. (Elle étoit -aussi propre que le pendu de Douai). - -CÉSAR. Comment? - -L'AUTRE. Quand l'empereur Charles y fit son entrée, les gens de cette -ville-là lui voulurent faire tout l'honneur qu'ils pûrent. Et faisant de -belles façons d'arcades, chapeaux de triomphes, poteaux & telles -magnificences, ils s'aviserent d'un pendu qui étoit à la porte de la -ville, & principale entrée; ils ôterent à ce pendu sa chemise sale, & -lui en mirent une blanche, pour faire honneur à monsieur l'empereur). -Cette femme disoit cela de ses filles, parce qu'elles étoient mignonnes -& proprettes. Et après, ces mignons, ils sont là à faire des façons ès -entrées ou sorties, & font plus de fricassées de fêtes, qu'il n'y -faudroit d'étoffes à faire une pannerée de mysteres. Il me semble, à -voir ces fadaises, que les personnes, qui demeurent ainsi arrêtées, sont -comme couillons, qu'on ne laisse jamais entrer. Mais à propos, pourquoi -est-ce qu'ils n'entrent jamais? - -BAIF. Il l'a tantôt été dit; souvenez-vous-en. - -L'AUTRE. Je m'en souviens comme Honoré Bonjouan, brodeur de la reine -notre maîtresse, qui, ayant eu affaire de lui, & ne l'ayant pu avoir, -puis le voyant, lui demanda où il avoit été. Alors il lui dit: madame, -je me soumets en toute humilité de majesté, madame; je me souviens que -j'ai été voir mettre un homme en difficulté, & en distribuer un autre en -quatre pieces, choses que je n'avois onques point vues. - -NÉRON. Qu'est-ce que difficulté? - -BEZE. Il cuidoit dire en _effigie_; je me le remembre. Il disoit d'un -bel homme, qu'il avoit de beaux mufles, c'est-à-dire _muscles_. - -DENIS. Il étoit aussi fin que le marquis de Bellegueule, qui disoit que -c'étoit une bonne manne en une maison que du charbon. - -G. G. C'est aussi-bien rencontré que ceux qui disent: depuis que moines -allerent à cheval. Je ne vis jamais de moines aller à cheval, non plus -que d'autres; bien ai-je vu des chevaux aller à moines. Les chevaux vont -à moines dessus, comme tout autre; & ce qui est notable. - -PASSERAT. Si nous nous avisons de telles rencontres de ceux qui ne -savent ce qu'ils disent, & pensent bien dire, je vous renvoierai en -Savoie avec les huguenots, qui, fuyant de la S. Barthelemi, & approchant -de Geneve, se plaignoient du roi des François. Les Savoyards, qui -croyoient ce que ces pauvres despoderats leur contoient, les consoloient -ainsi: _Ha pauvre gen, vostron ré n'est pas si bon que nostron princio. -Si vostron ré se fu bin gouverna, il eusse esta maistre douta de nostron -duc._ Ces pitauds nous répétoient cela, même quand nous étions en -l'expédition de Savoie, & que, sans le mariage du roi, nous eussions -conquis le Piémont. Vogue la galere, ce sera pour une autre fois. Le duc -nous apportera de l'argent; puis nous irons prendre sa terre. - -BENOÎT. En bonne intention, mon ami, vous êtes de la même opinion que le -sire Isaac Baudouin, de qui j'avois fait enterrer la femme fort -honnêtement dans l'église. Il avint que lui demandant de l'argent, parce -que déjà je l'en avois averti, il me fit quelque excuse; puis, comme par -colere, en présence de nos amis qui devisoient avec moi, il va dire: -voici chose terrible! Cet homme veut avoir le corps & les biens. - -CASSIAN. On l'avoit apportée cette-là; mais la servante de -Trainecouille. - -CÉSAR. Qui nommez-vous ainsi? - -CASSIAN. Ce grand viédase d'auprès les carmes, qui servoit d'espion aux -ligueurs durant la ligue, de mouchard aux politiques durant leur regne, -de fureteur aux huguenots quand ils pulluloient & multiplioient. Un -jour, sa servante, qui se nommoit Colette, monta sur un abricotier, qui -avoit des branches qui passoient par-dessus des murailles dans le jardin -des carmes, ou des jacobins, c'est tout un. Cette fille s'avança sur ces -branches, pour cueillir le fruit; & il avint que la branche, sur -laquelle elle étoit, rompit. La fille tomba dans le jardin, où quelques -jeunes freres se promenoient, qui, voyant cette proie comme venue du -ciel, se mirent après, & la _besognerent_ en bon françois, allant à la -rangette, comme les soldats qui assiégerent le château d'Angers. Le -prieur, qui ouit quelque bruit, survint à ce lieu; & effaroucha les -aigles qui venoient au corps, & prit la fille par la main & la rendit à -sa maîtresse, qu'il trouva à la porte la demandant. Quand Colette fut -avec sa maîtresse, elle fut tancée, & elle lui dit: vous êtes une pauvre -fille, que vous n'avez crié. Et quoi, ma mie, je pense que vous les -enduriez faire! Comment, madame, dit-elle, par ma finte, si le prieur ne -fût venu, j'en eusse bien eu davantage. - -BAIF. Vraiment, à ce que je vois, elle n'étoit pas comme la fille de -notre juge, laquelle est si pucelle, que son pucelage lui monte si fort -en la tête, qu'elle en est folle. - -PIMANDRE. Je m'ébahis comment cette fille pût sortir du cloître, vu que -l'on dit, quand une chose tient bien, _cela tient comme une vesse en -cloître_. - -CHARLES. Mais je m'ébahis qu'il n'y eût quelque homme de bien là, qui -empêchât cette insolence. - -CASSIAN. O voire, cela étoit une chappe-cheute, une fortune rencontrée: -il ne faut jamais laisser passer ce qui s'offre; & qui plus est, je -dirois presque comme le maréchal de Valiere. Comme les élus étant là, & -parlant de vos deniers qu'il falloit lever, & les asseoir avec modestie; -quelques-uns se plaignoient disant ce qu'ils en pensoient. Sur cela un -élu va dire: il faudroit élire & choisir ici quelques gens de bien du -lieu, pour y avoir égard. Ce maréchal qui ferroit un cheval, oyant cela, -laissa son affaire, & vint dire à l'élu: vraiment, monsieur, il n'y a -point ici de gens de bien. - - - - -CONFESSION. - - -XXV. LE BON HOMME. Nous ne boivons point; holà! Vous causez assez. Mais, -en un mot, il faut à un bon cheval lui frotter la queue du reste de son -avoine, afin qu'il aille bien; & à un buveur, faut jetter le reste de -son vin sur les mains, pour le préserver de la goute. Et puisqu'il n'y a -point ici de gens de bien, faisons-nous bons, améliorons-nous; demandons -une recepte, pour être aussi long-temps en l'état que nous avons été, -comme fit le chapelain de sainte Catherine, confesseur de madame la -comtesse de S.... Ce prêtre se trouva, un jour, prés de sa maîtresse, -que sept ou huit médecins y avoient été convoqués, pour consulter sur la -maladie de madame, qui, à dire vrai, étoit assez vieille pour mourir. Ce -pere spirituel voyant messieurs les médecins sortir, les arrêta, & leur -dit: messieurs mes honorés mages, il n'est pas en mon pouvoir, moi -pauvre homme, de vous assembler comme je vous trouve ici; & j'ai une -grande maladie à vous communiquer. Qu'en eussiez vous chacun un petit! -Aidez, messieurs, il y a quarante ans que j'ai une grande & fâcheuse -migraine, en la tête, comme savez, joint que ce n'est pas de vous, comme -de moi. Messieurs, je vous prie de m'y faire quelque chose: mais, -messieurs, je vous dirai, s'il vous plaît, comme dit l'autre, & ne vous -déplaise; je ne puis recevoir de clystere, prendre médecine, endurer la -saignée, souffrir les ventouses, supporter les onguens, sentir les -frictions, porter les bains, ni donner lieu en moi, dedans ou dehors, à -ce qui provient de chez le chirurgien ou l'apothicaire. Ces messieurs -lui dirent: & que voulez-vous donc, mon pere, mon ami, que nous vous -fassions? A, ha! messieurs, je vous prie & supplie de me la faire autant -durer, qu'il y a que je l'ai. Vous le deviez donc dire, lui braillerent -en _chorus_ tous les médecins, & s'en allerent, le laissant-là. - -LE PROCUREUR. Comme fit la jeune mariée à son mari: que ne le -disiez-vous? - -NÉRON. Quoi! - -LE PROCUREUR. Le matin, il vint plusieurs femmes, filles & garces, voir -le nouveau marié, c'est-à-dire le jeune homme; & chacune le baisant, lui -donna une fouace. Sa femme, ayant vu ce mystere, lui demanda -affectueusement ce que c'étoit; & il lui dit que c'étoit un adieu que -lui disoient toutes les femmes, filles & garces qu'il avoit accollées. -Hé da, dit-elle, vous avez grand tort, que ne me l'avez-vous dit? J'en -eusse averti tous ceux qui me l'ont fait; ils m'eurent apporté du vin; -nous eussions eu à boire & à manger, pour d'ici à pâques. - -L'AVOCAT. Voilà une excuse pareille à celle que font ces bonnes pieces -qui prêtent leurs cons. - - Quand une femme est du métier, - Et sa voisine l'accompagne; - Elle a sa part au benoîtier, - Par la coutume de Champagne. - - - - -ORIGINAL. - - -XXVI. Et puis vous les verriez médire. Ma cousine Gervaise n'y faillit -pas hier au soir. Elle détestoit les femmes des Prêtres, & disoit -qu'elles étoient chevaux du diable, parce que les prêtres excommunient -leurs femmes au _memento_, d'autant qu'il n'y a rien si aisé à faire -cocu qu'un prêtre ou un ministre, quand ils sont affustés à dire messe, -ou à prêcher. Et en ma conscience, nous la trouvâmes, au matin, couchée -avec messire Cathelin, qui est un gros vilain camus. Et puis fiez-vous -en ces belles diseuses! - -BARONIUS. Ordinairement ceux qui médisent des prêtres ou des ministres, -en ont été; & ce qu'ils en disent mal, est pour faire croire qu'ils en -sont éloignés, comme putains qui s'exercent, veulent faire croire -qu'elles sont loin du bordeau. - - - - -SENTENCE. - - -XXVII. L'AUTRE. Mais à propos de putains, il faut que je vous fasse un -conte de ma femme qui étoit une putain. Elle n'étoit pas de ces énormes -putains qui en font métier; mais de ces femmes de bien, qui ont un ami -d'honneur. Et bien, j'étois toujours le maître; on me craignoit. Quand -je venois de la ville, ma femme venoit à moi, me tâtoit la tête: vous -êtes échauffé, mon fils; sus, servante, chauffez une chemise pour mon -mignon; mon ami, il faut prendre un peu de vin; voici monsieur tel, qui -vous étoit venu voir; il prendra la patience avec vous. Et bien, j'étois -mignardé; & qui plus est, mes servantes & mes valets le faisoient un -petit: cela étoit cause que je les trouvois toujours à la maison à faire -leur besogne: si cela n'eût point été, ils fussent allés au loin -chercher provision, aux dépens de tout ce qu'ils m'eussent pu dérober. -Tels sont les justes & bons fruits de l'honnête & chaste paillardise, -dont les effets ne succedent qu'aux ames pacifiques, & qui ont du -courage. Regardez un peu ce petit bouchon d'écuelles d'amourettes, cette -belle Agnès, ce qu'elle en pense? - -DU HAILLAN. Elle fait la dégoûtée, comme la femme du comte Dommartin, -laquelle étoit descendue à la cave pour boire; & de fait, avala trois -bonnes verrées de vin, puis remonta. Or y avoit-il là un valet, qui -étoit allé quérir la petite bouteille des fripons, lequel se cacha, -quand il vit madame, & la considéra, & se tint caché: puis elle sortit. -Il revint de fortune à dîner; monsieur avoit d'un vin frais percé, fort -bon, & s'avisa de prier sa femme d'en boire, laquelle faisoit toujours -semblant de n'en vouloir point; toutefois par importunité de son mari, -qui lui en fit bailler dans un beau verre, elle en beut quelques -gorgées; puis, ayant rendu le verre, dit, en se mettant les mains sur le -bas de l'estomac: mes ameres, comme il me cherche. Voire, ce dit le -valet qui étoit derriere madame, il cherche ses compagnons qui sont -allés devant. - -ZVINGLE. Ha, ha, hé, çà, çà, Luther, laissons nos querelles; aussi-bien -jamais Salomon ne fit bonne chere. - -LUTHER. Voici une bonne bête! Il ne mangeoit point de lard que par -dispense, ou bien il faisoit, comme quand j'étois moine, que je faisois -le petit exercice & gai. Pourquoi y a-t-il tant de putains & d'ivrognes? - -EPICURE. C'est parce qu'il faut que toutes choses soient accomplies. Il -convient qu'il n'y ait rien de manque au monde; d'autant que l'univers -seroit gauchi, s'il y manquoit de ce qui est à être effectué. Ainsi faut -que les choses destinées soient accomplies. Il y a plusieurs pauvres & -quelques jeûneurs d'amour ou de force, qui ne boivent point; & d'autres -boivent pour eux, & pissent aussi pour eux. Il y a infinies nonnains, -plusieurs moines, quelques filles de bien qui n'osent, ou ne peuvent, ou -ne trouvent à le faire; & il y en a qui suppléent à tels défauts; & -notez en charité que, si les loix étoient fideles, & qu'il n'y eût point -tant de contraintes & d'hypocrisies, tels excès n'aviendroient pas. Et -je vous prie, de prendre garde à ceci, que si vous retournez en vos -charges, tout soit remis à belle égalité & proportion, que dieu a -ordonnée, à ce que par vos insolences il n'y ait plus tant de causes de -péchés & de punitions. - -OECOLAMPADE. Tu nous la bailles belle; tu nous contes de la piété, & tu -n'en fais point de preuve. Tu es comme ceux, dont parloit la servante de -cette vieille huguenote, qui mourut l'année passée. Un jour, elle incita -sa servante, qui étoit papiste, d'aller au prêche; ce que la fille -voulut pour lui plaire, & y alla avec bonne & belle dévotion, & ouit le -prêche avec une moult bonne attention. Etant revenue, sa maîtresse lui -en parla: & bien, dit-elle, ma mie, n'est-ce pas une belle chose que le -prêche? N'y parle-t-on pas bien de dieu? La fille, ayant longtemps -écouté sa maîtresse, lui répond ainsi: ils en parlent prou, mais ils ne -le montrent point. - -EPICURE. Sec, j'y venons; tu nous apportes ici de terribles caupeaux de -vieilles vérités. Je t'y attendois; n'es-tu pas gentil & de belle -industrie? N'est-ce pas toi qui es un de ceux qui nâquirent dessous -s'entrelevant par les épaules, & qui avois vécu soixante & sept ans? -Toi, tu te mis à étudier; mais ton frere étoit tonnelier. - -COSTER. C'est là où il falloit prendre de quoi faire d'un diable deux, -en les séparant, & coupant ce qui les joignoit par les épaules; & non de -faire, d'une prébende licentiale, deux demies prébendes, pour d'un âne & -cheval de bagage licentié faire deux chantres, que ce veau de licentié -nomme diables, parce qu'il lui est avis que les anges du ciel qui ne -quadrent à la mauvaise opinion de sa fressure, sont diables. Ainsi -chaque levre a son goût. - - - - -DÉMONSTRATION. - - -XXVIII. EUCLIDES. Or bien il faut passer devant un chieur, & derriere un -rueur. Vous ruez bien; vous êtes de même que la femme du sieur Chaillou, -qui avoit force noix, l'année que ses noyers d'entre Tours & Loches -furent abattus. Les noix étoient chéres; il y en avoit à la maison -encore deux setiers à vendre; il vint un bon compagnon qui parla à -madame, (laquelle étoit de ces bonnes ménageres, qui, pour épargner les -poches, mettent & serrent le bran en leurs chemises) & marchande ses -noix, fit marché avec elle, & lui bailla un quart d'écu d'arrhes, à la -charge qu'il emporteroit sur sa bête un setier de noix. Et bien, madame, -lui disoit-il, ne vous fiez-vous pas bien en moi d'un setier de noix, -puisque je me fie en vous de l'autre? Oui dà, mon ami, dit-elle; mais -comment avez-vous nom? Je me nomme Jean Tenon. Or bien, allez donc; & -quand il vous plaira vous aurez le reste. Adieu, madame. Adieu, mon ami. -Quand Chaillou fut venu, elle lui fit le conte de son bon ménage, & -aussi disoit-elle qu'elle s'étonnoit que ce marchand tardoit si -long-tems. A la fin, le mari lui demanda comment il avoit nom. Non, mon -ami, dit-elle, c'est un honnête homme à le voir, je ne me puis pas bien -souvenir de son nom. Chaillou, tout fâché & dépit de la sotise de sa -femme, va dire: ha! je vois bien ce que c'est. J'en tenons, _id est_ -nous en tenons; c'est-à-dire, nous sommes pris. Elle, qui ouit ce mot, -Jean Tenon, oui, oui, oui, mon ami, dit-elle, il est vrai; c'est lui; il -m'a dit qu'il avoit ainsi nom. - -MERLIN. Elle fut un peu plus fine que la femme de Garence, qui, un jour, -avoit affaire de cendres, & voyant force pastel qu'elle croyoit qu'on -avoit jetté avec du bresil, mit tout au feu, & en fit des cendres. Il y -avoit pour plus de cinq cents livres de marchandises, dont elle fit pour -dix-neuf sols six deniers deux oboles de cendres. Voilà pas une bonne -alquemiste? - -MELVIN. Ce fut elle, que son mari mena à Maillé voir un de ses cousins; -ce mari parlant à son cousin, ce cousin lui demanda des nouvelles de sa -femme, disant: & comment se porte ma cousine? Voire, dit-il, & la voici. -O! dit l'autre, excusez-moi; vous avez donc amené une bête. Çà, çà, -ouvrez l'étable; ho! garçon; & puis, allons boire. Il vouloit dire qu'il -avoit amené une bête chevaline, pour porter la bête humaine. - -ALF. DE CASTRO. Quand j'étois marchand, je menois une bête; mais c'étoit -un ours. A cela, vous pouvez juger que je ne suis ni Normand, ni -Manceau, ni Rousseau, parce que l'on ne voit gueres de telles gens du -pays de sapience mener l'ours. - -ILLIRIC. Voire; mais tu ne menois pas l'ours, quand nous eûmes si grand -peur en la Franche-Comté, où l'on nous fit manger de la chair de l'ours -salée. - -ALF. DE CASTRO. Il faut que je confesse que je ne fus jamais si -épouvanté; je cuidois que les diables dussent débattre sur quelque -sorbonique, ou que le parlement prédestiné des ministres & jésuites fût -arrivé. Il avoit neigé; & c'étoit environ la saint Jean. - -NÉRON. Tu débutes bien; la saint Jean! - -ALF. DE CASTRO. Oui da; il y a la saint Jean qu'on fauche, la saint Jean -qu'on tond, la saint Jean qu'on bat, & la saint Jean qu'on chauffe; -c'est cette là, je l'ai trouvée; & étoit fort près de la nuit. Vous -savez qu'en ce pays-là les maisons sont près la montagne, & n'ont qu'une -cheminée au milieu, sur le haut de laquelle il y a deux fenêtres ou -portes, pour donner le vent par rencontre, afin que la fumée n'importune -point. Or le vent étant tourné, le valet voulut aussi tourner les -portes, en ouvrir une, & fermer l'autre, de laquelle un des gonds étant -rompu ou arraché, il n'en put venir à bout, si qu'il lui fut force de -monter en haut, & ce par la cheminée. Etant en haut, il avisa le défaut; -mais il n'avoit point de marteau pour s'aider à descendre; il se -fâchoit, de sorte qu'il alla par sur le toit, droit sur la montagne, -quérir une pierre; & ainsi il fit un petit sentier, il racoûtra sa -porte, puis descendit. Il y avoit un pauvre chaudronnier qui cherchoit -logis; mais parce qu'il brunoit, il ne pouvoit voir de chemin; joint -qu'il avoit neigé, depuis que le monde se fut retiré. Ce chaudronnier -bien empêché, ne savoit que faire; il levoit nez à mont, découvrant ça & -là; enfin, il avisa le sentier qu'avoit fait ce valet, & lui là: il le -suivit; & voyant la clarté de la chandelle, il ouvre la porte, & cuidant -entrer il se pousse dans la cheminée. Etant ébranlé, il n'y eut point -moyen de se retenir, si qu'il tomba au milieu de la chambre, disant: -dieu soit céans. Nous vîmes ce personnage noir & ses chaudrons, qui -firent à nos oreilles une fois plus de bruit qu'ils n'eussent pu faire. -Nous fuimes tous, cuidant que ce fut le maréchal des logis de Lucifer, -qui vînt mettre dans ses chaudieres les petits enfans, pour les faire -cuire, & nous envahir comme repues franches. - - - - -HISTOIRE. - - -XXIX. GAGUIN. Comment avoit nom ce chaudronnier? - -ALF. DE CASTRO. Il avoit nom Socrates. - -POGGE. Tout beau, ne parlez pas si haut; d'autant que, si ce sage -l'entend, il deviendra fou. - -ALF. DE CASTRO. O, ho! & les noms sont-ils pas communs? Et qui sait, à -cette heure, lequel des deux est Socrates, puisque les noms sont pour -les mortels, qui sont si sots qu'ils donnent des noms aux anges & aux -diables? Je ne dis pas que cela ne fût bon à ceux qui seroient baptisés -ou circoncis. - -ILLIRIC. Puisque tu fais tant le résolu, qu'avois-tu affaire de nous -nommer ici? Et plusieurs s'en fâcheront, ne s'y trouvant pas. - -L'AUTRE. Si quelqu'un se fâche que je ne l'ai mis ici, ou quelqu'un de -ses pareils prétérits ou futurs, qu'il y mette ceux qu'il voudra, & -lui-même pour s'appaiser, ainsi que fait ma mere-grande: si on lui -apporte sa soupe trop chaude elle la rafraîchira; si elle est trop -salée, elle y mettra de l'eau; si elle est trop fade, elle la salera; -s'il y en a trop, elle en laissera, s'il y en a assez, elle mangera -tout, &c. C'est une bonne personne, pour une femme; elle trouve tout -bon, afin de ne se marier point. Faites ainsi, mes bons amis du coeur; & -notez que s'il y a quelque fantasque qui s'attriste de n'être ici ou les -siens, & ne veut se soumettre à la juste raison que j'ai dite, il sache -que je ne connois point les fils de putain. Je vous dirai pourtant, vous -demandant excuse, qu'il y aura ici assez de place pour tous les fous, -pourvu que l'on les y mette l'un après l'autre. En Allemagne, les -Allemands y mettront leurs fous; en France, les François; en Angleterre, -les Anglois; en Espagne, les Espagnols; en Suisse, les Italiens; en -Turquie, le reste: & puis, que l'on fasse si grand-chere qu'on voudra; -soit en droit, soit en musique, soit en canon soit en théologie, soit en -gendarmerie ou marchandise, ou médecine, ou toute telle autre sorte que -vous imaginerez, sans y mêler les grenetiers, parce qu'ils sont le sel -du monde; ils salent les autres fous, de par le roi: bran pour eux. - -DE CASIBUS. Qui est-ce qui parle de bran? - -MADAME. C'est moi. - -DE CASIBUS. Qui vous puisse brider les joues. Et bien, madame, là-dessus -je vous demande combien un étron a de qualités? Dites-le; il faut tout -apprendre, aussi-bien il s'en faut dépêcher comme ma cousine, du sac du -bon homme. Prenez donc un étron, & y mettez le nez, il pûra; mettez-y -les dents, il sera trouvé de mauvais goût; si vous n'êtes dégoûtée, & -que vous ne trouviez pas la merde bonne, frottez-vous-en le nez, il vous -barbouillera. - -LUTHER. A, ha! hé, tu es bien aise d'avoir bricollé une petite vilaine. - -DE CASIBUS. Qui est le plus vilain, celui qui emporte, ou celui qui en -parle? Et devinez ce que c'est; si ce n'est pas cela, dont vous n'en -sauriez porter une livre, quand il est encore à vous; n'étant point -vôtre, vous en porteriez un quintal? - -MADAME. Là, là, changeons de note. - -LUTHER. Celui n'a gueres de notes qui n'en sait point, comme ce drôle -qui vint chez monsieur le baron au Chastais, hier, & trouvant monsieur à -la porte, il lui demanda la passade. Qui êtes vous? dit monsieur. Je -suis un pauvre musicien. Entrez, mon ami. Entré qu'il fut, monsieur le -fit dîner avec lui. Or étoit ledit baron fort curieux, & avoit fait -apprendre la musique à ses enfans, garçons & filles. Après dîner, il fit -apporter des livres, pour faire la musique, & bailla des livres à -chacun, & un à cettui-ci; & lui-même, docte en cette discipline, bailla -les tons; les enfans chantoient; & monsieur, qui n'osoit rien dire à ce -passant, estimoit qu'il écoutoit. A la fin, le voyant se taire, il lui -dit: vous ne chantez point? Non, monsieur. Hé pourquoi? Monsieur, je n'y -entends rien; ne vous ai-je pas dit que je suis un pauvre musicien, que -je n'y entends rien? - -RABELAIS. Tu ne fais ce conte qu'à demi. - -LUTHER. Sanguille, tu es un bel évêque! De quoi, tous les mille diables, -te mêles-tu? - -PIRRHUS. Que pensez-vous avoir dit? Oui da, Rabelais mon bon compere a -été évêque. Et pourquoi non ne l'eût-il été, aussi bien qu'un tas -d'autres qui le sont bien encore, & le seront? Et de fait, je vous -démontrerai qu'il a été évêque: je ne veux point disputer; je suis -mathématicien, j'entre en démonstration. Ne savez-vous pas qu'il -n'appartient qu'aux évêques ou archevêques de confirmer par la noble -puissance qu'ils ont? Et ainsi avec cela de changer le nom, en muant un -peu de la substance? S'il est vrai ce que je dis, & que ce bon pere -_pseudo-evangelico-papistico-anabaptistico-giésitanerbiterono-puritain_ -a pratiqué en confirmant madame la mere de Gargantua; laquelle, en -premiere invention, dictée de la propre goule d'un défunt évêque de -Paris, avoit nom Galemelle; & le pere Rabelais la nomma Gargamelle: si -ledit n'eût été évêque il y eût eu fausseté en ses écrits comme ès -vôtres: ce qui n'est pas, témoin Jamblique, qui profere: - - S'il faut baiser, à ce qu'on dit: - Tout ce qu'aux dames on présente, - Je ne saurois baiser mon vit; - Je le garde pour la servante. - - - - -ATTESTATION. - - -XXX. Vraiment voire, ce dit la servante de chez nous, si j'étois la -maîtresse, je ne bougerois du lit quand il fait froid. En nanda, notre -valet étoit plus habile homme, qui, parlant à mon pere (qui est -gentilhomme, ne vous déplaise, & d'antique race, je le dois bien savoir, -moi qui ai été condamné aux grands jours d'avoir non la tête coupée, -mais le col, & me voici; c'est tout un, je suis de la vieille noblesse: -non admise par médecine, ni mairie, ni échaunage, ni lettre; mais par -source de vieille gueuse, ferme tigneuse, & bonne putain d'antiquité. -Que disois-je? Cette folle humeur de vanité noblesseuse m'a si bien -fricassé la cervelle, que j'ai oublié ce que je voulois dire. Parguille, -si je m'y mets, je ne dirai jamais rien, que je ne fasse comme Auguste, -ce grand preneur de taupes à la glu, c'est-à-dire, empereur des Romains. - -POGGE. Et que faisoit-il? - -PYRRHUS. Il vous chioit au nez tout d'une volée: laissez-moi dire; je -reprens ma mémoire comme le grimoire; j'ecrirai tout ce que je voudrai -dire, & serai si sot que, quand je demanderai à ma femme à le faire, je -l'écrirai en mes tablettes, afin de ne paillarder à bien dire sans -faute. (Ce notre valet, voyant mon pere être appellé pour l'arriere-ban, -aussi étoit-il gentilhomme, ce qui le fâchoit, parce-qu'il n'aimoit -point la guerre; il aimoit le lard, & haïssoit les chiens. Foi de -demoiselle, disoit ma mere pançant ses pourceaux, mon mari est aussi -noble que le roi; il aime bien à ne rien faire, & se donner du plaisir: -& notre valet, qui est des meilleurs, voyant mon pere fâché pour cette -arriere-bannerie, lui va dire, cordille, mon maître, si j'avois autant -de bien que vous, je n'iras pas à la garre! Et qu'est-ce, Colas mon ami, -que tu ferois? Que je ferois? Je m'en irois voir le procureur du roi -avec un bon lievre, & il me donneroit main-levée. Et si ce n'étoit pas -assez, ou qu'il ne fût pas assez grand... - -THUCIDIDE. Il n'y a remede. Il disoit comme la bonne femme qui -présentoit le pain béni à saint Pierre-aux-boeufs. Mais en conscience, -toi qui te connois en tout, lequel des deux boeufs qui sont là est le -plus gras? - -SAUVAGE. Je l'ai mis en ma chronique. Deux comperes aviserent à cela, & -gagerent. Le sire Adam disoit au sire Girôme que l'un étoit plus gras -que l'autre. Ils gagerent, s'en rapporterent à ceux qui sortiroient de -la premiere messe. Le sire Adam se leva de nuit, & alla graisser de sain -celui qu'il avoit dit être le plus gras; puis quand le monde sortoit, & -que ces sires demandoient l'avis d'un chacun, dame, chacun trouvoit, -cettui-là être plus gras. - -DU GUGNET. Hé, grosse pécore, il y en a un voirement plus gras que -l'autre, d'autant que l'on met en son corps les huiles pour servir au -luminaire, & il en tombe dans ce creux, si qu'il est plus gras. C'est -philosopher, cela. Mais à cette femme, mais à ce pain; & bien à tous -deux. - -THUCIDIDE. Cette bonne femme étoit sourde; & présentant son pain, & -faisant la révérence, elle fit un pet. Les présens & présentes se -prirent à rire. La bonne femme, croyant qu'ils se moquoient de son pain -qui étoit bien petit, se retourne & dit: messieurs & dames, excusez-moi, -s'il vous plaît; je le ferai une autre fois plus gros. Et chacun de rire -plus fort, attribuant le plus gros au pet, qui étoit délicat. Il étoit -noble, ce pet, puisqu'une demoiselle l'avoit fait. - -PYRRHUS. Et pourquoi non? Le métayer ne disoit-il pas bien, voyant des -pourceaux: ô! la belle noblesse que voilà! Il en dit bien d'autres: & -comme ma tante lui demanda touchant les biens de la terre, ce qu'il en -pensoit: ô! mademoiselle, pour les bleds & tels grains vous n'en avez -gueres; mais vous êtes la roine des vesces. Je ne vis jamais tant de -demoiselles qu'il y a aujourd'hui; tout en est conchié. Quand vous en -saurez la raison, vous ne serez plus tant étonnée; il faut... - -ARETIN. S'il faut, il ne prend pas. - -PYRRHUS. Si vous étiez aussi mordant que reprenant, il n'y auroit cul -qui n'eût des dents. Sachez donc qu'un jour une belle, jeune, fretille, -bonne & sage demoiselle que je connois bien, (je la dois bien connoître; -son pere m'a fait bonne chere) un jour d'été qu'il faisoit beau, eut -fantaisie de monter sur un arbre. J'eusse bien mieux aimé monter sur -elle. - -POGGE. Tu es dégoûté comme le clousier de Vaux, qui pensant entrer en la -salle, y vit plusieurs dames, & se voulut retirer. Entrez, dit madame de -Saint-Martin, entrez; nous ne mordons ni ne ruons. En da, dit-il, -donques, mesdames, je voudrois bien être monté sur icelle bête. - -PYRRHUS. Cette belle demoiselle, que je vous dis, étant sur cet arbre, y -cueillit ce qu'elle voulut; puis descendit. Or est-il que la queue de -son chaperon de velours y demeura, sans qu'elle y prît garde; & le cocu -fit son nid dessus, & tellement que plusieurs oiseaux la couverent, -cette belle queue lui multiplia si bien, que maintenant il ne faut que -secouer un coup, voilà une demoiselle faite. Et gai, il ne tiendra pas à -moi que je n'en fasse, & je ne leur exhibe une andouille & deux oeufs, -la pitance d'un religieux. - -LOUVET. Tu te vantes bien. S'il étoit, ou qu'il fût; mais il est. - -POGGE. Et bien, cela est bien dit. - -LOUVET. Notre official le fit interpréter à l'homme & à la femme qui se -plaidoient. L'homme disoit du cas de sa femme: s'il étoit, montrant le -pouce joint au premier doigt; puis il disoit: ou qu'il fût, comme les -deux pouces joints à bout, & les deux premiers doigts; mais il est, -montrant son chapeau. Et la femme dit, parlant de l'outil de l'homme: -s'il étoit, empoignant sa cuisse; qu'il fût, empoignant le bras; mais il -est, montrant le petit doigt. - -ALCIAT. La dispute en est aussi bonne, que celle d'un savant qui vint à -Genêve, lorsque Jysquel y faisoit ses études. Cettui-ci dit qu'il -vouloit disputer; mais qu'il ne parloit qu'en signes. Il n'y eut -personne qui voulût y entendre, d'autant qu'en ce pays-là (c'est à -Genêve) ils n'ont gueres de signes; ils veulent tout à droit. A la fin, -il y eut un menuisier qui étoit de Montargis, parent du démoniaqué, & -d'un maître d'hôtel de madame la duchesse de Ferrare, & réfugié à Genêve -pour la concupiscence; hoi, je cuidois dire _conscience_, (comme il -avint un jour à Tours, que le roi y étoit. Il y avoit lors une dame, qui -durant les jeux avoit joué conscience, qui pour cela en eut le nom tout -le temps de sa vie. Je la trouvai en la rue, & je la cherchois; il -m'avint de lui demander le logis de madame Conscience. Qui êtes-vous, -dit-elle qui m'injuriez? Hélas! madame, pardonnez-moi; on m'a dit que -vous avez ainsi nom. Ce sont des sots qui le disent. Je ne le dis donc -plus.) Ce menuisier dit qu'il disputeroit avec ce savant, selon les -accords. On les met sur un échafaud, devant le monde. Ce savant, se -présentant résolument devant ce menuisier, auquel on avoit baillé une -robe ministrale & un bonnet consistorial, & levant le bras, haussa la -main, fermant le poing, en lui montrant un doigt: le menuisier lui en -montra deux; le savant en présenta trois; à savoir le pouce & les deux -doigts: le menuisier lui montra le poing clos. En après, le savant lui -montra une pomme; le menuisier, cherchant en sa pochette, trouva un -petit morceau de pain, & le lui montra. A donc le savant, tout ravi en -admiration, se retira; puis dit qu'il avoit là trouvé le plus docte -homme du monde; & tant que ce bruit a duré, l'école de Genêve a été en -réputation. Depuis on prit à part le menuisier, & on lui demanda qu'il -avoit agi réciproquement avec cet autre. Il nous dit: voire, c'est un -homme fin! Il m'a menacé de me pocher un oeil; & je lui ai fait signe -que je lui en pocherois deux. Puis il m'a menacé de m'arracher les deux -yeux, & m'enlever le nez; & je lui ai montré le poing, avec quoi je -l'assommerois. Et comme il m'a vu en colere, il m'a présenté une pomme, -pour m'appaiser comme un enfant; je lui ai fait voir que je n'avois que -faire de lui, & que j'avois du pain qui valoit mieux. - - - - -SOMMATION. - - -XXXI. Et puis faites la guerre pour cela! Allez vous battre; allez vous -damner pour telles gens. J'aimerois mieux aller travailler à ma journée, -& faire un petit de bon frit en ce monde. - -CEBES. Oui, ainsi que fit Jaques Poulet, qui tailloit la traille de -madame de la Souche. Comment? Il étoit beau & gaillard; & madame l'ayant -contemplé, eut envie d'être couverte de son corps; chose que, pour rien -du monde, elle n'eût voulu permettre à autre qu'à son mari. - -MADAME. Voire, permettre à son mari! Il ne faut qu'obéir, d'autant -qu'elle y est obligée; que si elle le fait à d'autres, c'est grande & -notable charité. - -ALCIAT. Bien; vous avez dit vrai; vous êtes une bonne petite personne. -Il ne le faut pas dire à tout le monde. Or de cet accouplement -désirable, & voluptueux, d'autant qu'ils travaillerent à con vu & de -plein jour, ils firent un bel enfant; & à cela se connoissent les enfans -faits de jour ou de nuit, ou autres des quatre temps, selon leur beauté; -les plus beaux sont faits de jour. Or elle qui étoit mariée, ne pensant -pas que cela dût prendre, à cause que le prêtre n'y avoit pas passé, -n'en fit autre mine; & toutefois se trouva grosse, dont enfin elle -accoucha, fort assurée à qui l'enfant étoit. Il avint que la bonne dame -fut malade, & comme elle fut prête de mourir, elle appella son mari & -lui dit: mon ami, je vous ai toujours été obéissante & douce; je crois -que vous ne vous plaignez point de moi. Non, ma mie, réjouissez-vous & -revenez au monde. O, mon ami! je suis fort dolente & ennuyée d'une faute -que je vous ai faite; mon cher mari, je ne vous en ai fait qu'une, je -vous prie de me la pardonner. Las! ma mie, prenez courage; il n'y a rien -que bien. Mais, mon ami, la faute est grande. C'est tout un; je vous la -pardonne. Hélas! mon ami, ce petit garçon n'est pas de votre fait; c'est -Paulet qui me le fit, le jour qu'il tailla notre treille, l'année -passée. O! o, ma mie, dites-moi, étoit-il à notre journée! Oui, mon ami. -O bien, ô bien, ma mie, c'est tout un, puisqu'il étoit à notre journée, -& que nous l'avons payé, l'enfant est à nous, d'autant que ce qu'il -faisoit étoit pour nous; reposez en paix, & ne vous affligez plus. -Achevant cette parole, le médecin entra, qui lui tâta le carpe: adonc il -dit: cette pauvre dame n'a plus de pouls. Elle l'ouit, & faisant un -soupir, va dire: a, a, a, monsieur, en voici un gros qui me mord près la -gorge. - -CARDAN. Le seigneur de Strossi fut autrement gaussé de son médecin, -qu'il ne payoit pas bien, d'autant qu'il lui bailla bien plus d'un vif -biais. Le médecin l'ayant tâté, Strossi va dire, a, a, monsieur le -docteur, mon pouls est bas: il ne va gueres vîte. Non, monsieur, dit le -médecin; s'il étoit sur quelque genet il iroit bravement; mais à cette -heure il va plan, plan, d'autant qu'il est sur un âne. - -MAROT. Ce médecin, sortant & passant par saint Severin, vit les prêtres -enterrant des morts par trois bandes, & les saluant, il leur dit: dieu -vous garde, messieurs; vous faites bien votre août. Voire, dirent-ils, -oui, monsieur, dieu merci & vous. - -CUSA. Et allons; voilà qui est aisé comme une femme qui se meurt contre -terre: voici de vrais contes, du temps que les bêtes parloient. - -POGGE. O qu'il ne faut pas aller loin; il y en a bien qui parlent. - -APULÉE. J'ai été âne, comme chacun sait; mais mon compere Cardan a bien -été une autre bête. - -CARDAN. Oui dà, j'ai été de trois sortes de bêtes, & je ne fus jamais -âne; mais je me souviens du temps que j'étois bête ainsi que vous, -témoin Thevet & quelques semblables pour être bêtes de bon esprit, & -ayant mis en mémoire la promesse faite à Pythagoras, j'ai plus fait que -lui, d'autant que j'ai bien retenu ce que j'avois en rencontre; & de -fait, j'ai engravé en mon esprit ce que j'ai vu ès institutions & -cérémonies de bêtes, & sur-tout en leur cabale qui est notable, en -laquelle il y a un article de plus de conséquence, & sur-tout en ce qui -est de leur créance; d'autant que, comme j'ai su d'elles, elles croient -que les hommes sont plus bêtes qu'elles ne sont, bien que quant à elles, -elles soient les martyrs de nature. Il est vrai qu'il y a de méchantes -bêtes, comme il y a de méchans hommes. Si j'osois, je passerois outre, -parce qu'elles ont une religion; mais je n'en veux pas parler, d'autant, -que la déclarant, elle se trouveroit semblable à celle de plusieurs -sots. - - - - -CALENDRIER. - - -XXXII. L'AUTRE. Les espérances sont plus belles que les effets, d'autant -que les conins des petites filles sont mieux faits que ceux des grandes. -Aussi il y a conin; c'est le cas de ces mignonnes, que l'on torche -encore près le feu, ou qui les montrent en pissant: conaud; c'est de -celle qui est déjà bonne, qui peut être chute en pauvreté, à qui le poil -a percé la peau: puis con; c'est de celles qui sont bonnes, & n'ont -guères eu, ou point d'enfans: conasse; c'est des vieilles, & qui est -presque tout en désordre. - -PLATINE. Et que dites-vous de connue? - -L'AUTRE. C'est le cela d'une veuve; il n'est ne l'un ne l'autre; mais ce -qu'il peut être. - -AVERROÈS. Je crois que les conasses sont désagréables, & appartiennent à -l'ordre du derriere de la servante de feu monsieur le doyen des -médecins. Cette vieille, étant près de mourir, requit son maître d'une -faveur qu'il lui promit. Hélas! dit-elle, monsieur, je me meurs, je suis -une pauvre femme; je desire, s'il vous plaît, être enterrée au préau de -S. Pierre; mais, s'il vous plaît, que l'on ne chante point sur moi: je -ne desire pas que l'on se moque de moi. Pargoi, s'il vous plaît, qu'ils -ne disent point: ô! cu ridé. - -PASSERAT. Et bien, ma mie, bien, mourez en paix, & n'ayez pas de -crainte; ne vous épouvantez point, comme fit un sergent d'Orléans, que -je ne veux pas nommer, d'autant qu'il a des parens en chapitre. Ce bon & -noble sergent, allant un jour se promener à la Source, avec plusieurs de -ses amis, il y eut un jeune apothicaire, qui se mêloit de prendre les -serpens, lequel en voyant un beau & long glisser devant nous, va le -conjurer & dire: serpent, je te commande que tu t'arrêtes; & qu'il soit -aussi vrai que je te prenne, comme il est vrai que, quand un sergent se -meurt, son ame va droit entre les mains de Proserpine reine des enfers. -Ce serpent s'arrêta, & fut pris. - -ZVINGLE. Le sergent, voyant cette merveille, fit au rebours du barbier -de notre pays, qui vendit ses rasoirs, bassins, lancettes & autres -ustensiles, afin d'acheter un état de sergent, pour faire le salut de -son ame, & être compagnon d'un violon qui se fit sergent, pour mener -joyeusement le monde en prison, d'autant que cettui-ci, ayant -componction de coeur, jetta son office au diable; & se rendit capucin. - -LOUVET. Il avoit un autre dépit. Vous ne devez pas dire cela. S'il y a -quelque sergent qui ait fait quelque chose, ou même cettui-ci, donnez-le -à qui vous voudrez, & n'impugnez rien que ce que nous disons, pource que -tout ce qui est ici avancé, est tenu pour très-vrai, sans qu'il y -faille, ou soit reçu d'y contredire; & si quelqu'un y contredit, qu'il -s'aille faire canoniser en enfer. Pardonnez-moi; ce que je dis n'est que -pour rendre plus authentique votre prolation; & de fait, je crois, que -ce n'est pas lui, dont je veux parler; c'est d'un autre qui est de -Genêve, & est de même état: là on ne dit pas sergent, on dit officier. - -OECOLAMPADE. A, a, voilà dire cela, voilà parler d'accord; c'est -appréhender aux prêtres & aux ministres le moyen de s'accorder. Or dites -à pleine gueulée. - -LOUVET. Cet officier avoit une femme assez fâcheuse, & qui le -tourmentoit. Il la battit plusieurs fois & à dur, dont elle se -contrista, & menaça son mari du consistoire, qui est le purgatoire des -huguenots. Remis qu'il fut au consistoire, il y alla; & on lui remontra -que cela n'étoit pas beau de battre sa femme. Elle étoit battable, -dit-il. Allez, lui dit le diseur, sachant la pensée de notre seigneur le -consistoire, retirez-vous; qu'il y ait de la mesure en vos actions, & -qu'on n'oie plus parler de vous. - - - - -PALINODIE. - - -XXXIII. Il retint fort bien son congé; & quelques jours après, sa femme -se faisant forte du consistoire, se mit à faire la méchante, & il la -battit; mais avec quoi? Avec une aune qu'il avoit empruntée du seigneur -Lait, qui avoit été jadis couturier; & la frotta dos & ventre sur ses -habillemens, à cause qu'ils n'ont point ôté les dix jours en ce pays-là. -La pauvrette se plaignit, & fit encore appeller son mari au consistoire, -auquel on fit la joyeuse & courte remontrance, parce que l'on n'avoit -pas le loisir de parler à lui, à cause que l'on faisoit réponse à une -lettre que le duc de Savoie avoit écrite à un traître; (O diantre soit -le traître! Il étoit alquemiste, il n'y eut jamais que lui qui fût de -cette chose là) & dit-on à ce maître officier: allez, & soyez sage; & si -votre femme vous fâche, ne la battez pas. Monsieur, je ne lui ai fait -que ce que vous m'avez commandé; je l'ai battue par mesure. Oui, -dit-elle, messieurs, il m'a battue avec une des aunes de messieurs; & -disoit bien, pour autant que là on mesure la justice. Comment, dit -maître Jean Pinaut, vous abusez des paroles saintes? N'y retournez plus. -Monsieur, dit-il, ce ne sont que remontrances que je lui ai faites. -Allez, dit le président clerc, remontrez-lui avec l'écriture sainte, ou -bien on vous mettra Céans. Quelques jours d'après, elle fut encore -mauvaise, & il la battit; mais ce fut avec un gros nouveau testament -couvert de bois & ferré: il le lia en une serviette, & la plauda en -cas-pendu; il n'y manqua rien. Elle s'en plaignit; &, les formes -observées, étant devant le benoît consistoire, qui s'ennuyoit de le voir -si souvent, il fut tancé. Messieurs, dit-il, je ne l'ai corrigée qu'avec -l'écriture sainte. Hélas! quelle écriture sainte, messieurs, dit-elle! -C'a été avec un gros maudit testament qu'il m'a bourrelée. Cela ouï & -sû, il fut dit qu'il seroit puni, s'il continuoit: & puis, étant entré -devant messieurs, on lui reprocha son incrédulité, qu'il étoit malin -contempteur & tergiversateur: & enfin, lui fut prononcé à peine de -punition corporelle, qu'il n'eût plus à châtier sa femme, que de la -langue. A, jan! il n'y faillit pas, d'autant que quand elle le fâcha, il -prit une langue de boeuf fumée, dont il la battit tant que le diable eut -de cul, & le consistoire de tête; & leur allez demander qu'ils en ont -fait. - -BARRABUS. Voilà une mauvaise fortune. - -EUSTATHIUS. Ainsi il y a fortune visible & fortune invisible. - -NÉRON. Voilà une belle remarque; je vous prie, sachons que c'est. - -EUSTATHIUS. La fortune invisible est l'esprit de la visible, & qui est -fort secrete: je ne vous la dirai pas toute; mais pour la faire -appréhender, je vous en baillerai l'échantillon royal, c'est-à-dire, le -souverain; le plus beau, c'est le cocuage. Et la fortune visible, la -vérole, les poulains, mal au vit, la chaude-pisse, & telles -démonstrations circulaires & avantageuses, lesquels s'achètent à deniers -comptans; sinon que l'on marque les coups à la coche ou à la taille, -c'est tout un; pourvu qu'on s'en souvienne; ou bien que l'on le fasse -sans cédule, & sur la foi. - - - - -SATIRE. - - -XXXIV. DIXIPPUS. Et dà, c'est un grand malheur que des affaires du -monde. Voilà, un pere aura de belles filles; c'est vraiment une belle & -digne marchandise; & toutefois il faut bailler de l'argent pour s'en -défaire; & qui pis est, à ce que m'a dit Schower, ce fidele astrologue, -ainsi que Léontius me vient de confirmer, tant que le roi vendra les -états, & que les hommes bailleront de l'argent à un maître pour le -servir, certainement les femmes, qui autrement sont dites garces, -c'est-à-dire, filles de joie, dames d'amour, personnes de liesse, -prendront de l'argent de ceux qui les serviront, se saisiront de notre -bon argent, & de tout ce que nous aurons. Et je vous dirai un axiome -vrai: si elles sont domestiques, elles aiment autant leurs maîtres -pauvres que riches, témoin l'enfant prodigue, qui, pour cette cause, se -nommoit le seigneur, _Luxu_, comme vous voyez en ses portraits, S. Luc -XII, c'est-à-dire, sire ou seigneur _Luxu_. De-là ont été nommés les -luxurieux: c'est pourquoi Lucullus aimoit tant les lamproies; aussi -est-ce une viande délicieuse, quand elle est confite à la sauce du -salmigondis renouvellée. - -SCALIGER. C'étoit la viande du mauvais riche; est-il pas dit -_efrenomenim catimeram lampros_, il mangeoit tous les jours des -lamproies? - -QUIDAM. Vous contaminez le prétoire; retournez sur les femmes. - -SCALIGER. C'est bien dit; aussi à dire vrai, j'étois vierge quand je fis -ma quadrature du cercle; & si je fusse demeuré tel, j'eusse fait la -pierre philosophale, d'autant que, pour y parvenir, il le faut être & -immaculé. - -GEBER. Vraiment tu as dit vrai. - -CARDAN. Et pensez-vous qu'il faille être si sage, pour parvenir à -quelque chose de bon? Non, non, ne vous mettez pas cela en la fantaisie. -Sachez, mon doux ami, que les Suisses gardent la porte & n'entrent -guères, & davantage ne savent que l'on fait dedans, ni qui y est; & -tenez ceci pour un notable secret pour la résolution de toutes les -controverses de ce tems. - -PIERRE MESSIE. Il faudroit user de grande discrétion pour cet effet; &, -comme dit cet Espagnol, il conviendroit cavaler les esprits, afin de -distinguer ce à quoi ils sont propres. - -MAROT. En vieux françois, _cavaler les esprits_, c'est chevaucher les -engins. - -BERNARD. Il est vrai; voilà pourquoi les beaux entendemens sont toujours -ribauds ou rufiens, c'est-à-dire, en poésie, _ils font l'amour, sans en -faire conscience_. - -PIERRE MESSIE. En da, ne dites pas cela; il y en a qui font conscience -de tout; ceux qui font conscience de rien, ne sont plus habiles. - -BERNARD. Tu y es; dis que tu en as, grande chemise; tu l'as deviné, -comme pisse-en-lit; & indigne animau, sais-tu pas qu'il ne se fait rien -de-là, dont Pantagruel n'ait avis ici, ou que son conseil n'ait arrêté? -Va, fais-toi de telles gens, & tu sauras tout. - -PIERRE MESSIE. Il me faudroit avoir bien du moyen, ou que quelqu'un me -voulût croire. Je vous dis vrai qu'il y a long-tems que j'eusse été -chanoine de notre-dame de Paris, si un de la compagnie l'eût voulu. En -da, tous en étoient d'accord: il n'y en avoit qu'un qui m'en empêcha. - -CÉSAR. Et qui? Dis-moi; que je le tue. - -PIERRE MESSIE. Je ne gagnerois rien à sa mort; je vous dirai pourtant -qui est cettui-là; c'est un seul; c'est le premier venu, lequel s'il me -donnoit sa prébende, je serois reçu. - -AMIOT. Vous ne parlez que par fariboles; (je cuidois dire _paraboles_) -je suis dedans, déjà j'entre au bâtiment de conscience, allons-y -vîtement. - -RONDELET. Tout beau; oyez notre ami, ce bon conseiller Tourangeau, qui -est ordinairement monté sur un gros chevau, quand il va aux champs, -comme ce gros comte de Lyon, dont ils disent de lui & de son cheval, que -ce sont deux grosses bêtes. On parloit d'aller visiter un intendant de -la justice: à la fin, il fut resolu en la chambre que l'on iroit -_catervatim_. Ha, dit celui-ci, si on y va _catervatim_, je veux être un -des quatre. - -SCALIGER. Fût-ce pas sa mere, qui, parlant de ce qu'on laissoit trop -fortifier les huguenots, dit au maire: monsieur, monsieur, il ne -faudroit pas tant laisser mortifier ces gens-là. Mais à ce pauvre homme. -Laissons-le là. Il a un cousin, auquel durant les pardons, il avint une -plus jolie fortune. Lui, avec quatre de ses voisins & leurs femmes, se -mirent en chemin à pied, pour aller aux pardons. Quand ils eurent un peu -cheminé, ils furent las, & s'aviserent de prendre un charroi; & que -celui qui auroit la plus courte paille l'iroit chercher, ou seroit le -plus grand cocu de la troupe, au défaut de ce faire. L'accord fait, une -femme prit des pailles, & baille à tirer; notre ami & cousin tira le -troisieme, & il fut trouvé avoir la plus courte. Il disputoit, & disoit -qu'il n'iroit pas, & que pour cela il n'étoit point cocu. Sa femme qui -le voyoit disputer & qui avoit vu qu'il n'y avoit point été fait de -tromperie, oyant qu'ils lui disoient: allez, c'est vous qui l'êtes. Non -suis, on m'a fait tricherie. En dà, mon ami, dit-elle, on ne vous a -point trompé; vous l'êtes de bonne suite. Si est-ce que sa femme étoit -femme de bien. - -AMIOT. Ne le prenez pas-là; mais avisez à cette grande & notable -distinction, prise du profond de la science scholastique. Ne savez-vous -pas que, si un homme épouse une veuve, il devient bigame, encore qu'il -n'ait eu jamais affaire à autre femme qu'à la sienne; parce que sa femme -a eu affaire à deux. Cela lui tombe en nature, de sorte qu'il a eu -affaire aussi à deux. Ainsi, si un homme va à une autre femme que la -sienne, il est autant cocu, que si la femme l'avoit fait à un autre qu'à -lui, d'autant que ce qu'il a fait à une autre, est imputé à sa femme -justement, comme si un autre l'avoit habitée ou travaillée. - -VIGENERE. Mais comment connoîtra-t-on ceux qui n'ont besogné que leur -femme? - -AMIOT. Il sera bien aisé. Assemblez-les ici, & qu'ils soient tous nuds, -femmes aussi, & qu'on leur bouche les yeux, & qu'on les laisse aller à -quatre pieds, & qu'on leur dise qu'ils se cherchent pour s'entre-baiser: -incontinent qu'ils se trouveront, voilà que ceux qui n'auront eu affaire -qu'à leur femme, iront droit mettre le nez dans le cul: si pourquoi -n'est-ce pas une même viande que la bouche. - - - - -MÉMOIRE. - - -XXXV. ASCLÉPIADES. Or bien, par votre doctrine, cette aventure ne sera -pas commune. Je vous assure que jamais je n'eus affaire à femelle qu'à -ma femme, qui est, comme je crois, une vraie femme de bien; & encore que -je ne besogne qu'elle, si ai-je toujours mal au vit; par ainsi je ne -serai pas exempt, puisque ceci est vrai. - -POGGE. Mais les moines! - -AMIOT. Quoi! - -POGGE. Où auront-ils le nez, s'ils ne l'ont fait qu'à leurs garces? - -MAROT. Allez le demander à l'abbesse de delà l'eau, qui vous donnera de -l'équivoque. Ma finte, je la mis bien en alarme, la premiere fois que je -la vis! Devisant avec elle, je lui faisois des contes, & parlois de ce -que plusieurs lui avoient dit; & finalement jouant; je lui mis la main -près le bas du ventre, sauf les étoffes. O, o, dit-elle, vous êtes bien -hardi de mettre là la main. Eh, madame, pourquoi ne mettrai-je pas ma -main en cet endroit? J'y ai bien mis mon chose. Quel chose? Celui avec -lequel je pisse. Par saint Guillot, il n'est pas vrai. - -CICÉRON. _Ergò_, vous en avez menti, comme dit l'autre. - -MAROT. Ne vous fâchez pas, madame. Je dis que mon chose a bien été en ma -main: & si je suis jamais abbé, je tâcherai à vous faire ce que je -pourrai. Vous seriez un bel abbé. Je le serai quand je voudrai. Si -monsieur de Marmoustier vouloit ouir quatre syllabes que je lui dirois, -& me gratifier en accomplissant mon dire, je serois abbé. Et que lui -diriez-vous? Je lui dirois: maître moine, ôtez-vous. Ce n'est pas en -quatre syllabes. Mais en quatre lettres, je lui dirois: A, B, C, D. Et -puis je le ferois aussi-bien que les vicaires, & ferois de nécessité -vertu, comme le sieur du Fouilloux, qui berça sa femme. Elle étoit -mauvaise, grondoit quand il venoit compagnie, rechignoit -perpétuellement, & lui donnoit tant & tant de tourment, qu'il ne savoit -où se mettre. A la fin, il s'avisa d'un bon expédient. Il fit faire un -berceau assez grand pour la mettre, & le fit porter en sa maison avec -tout l'attelage: amena aussi un prêtre, un greffier, & quelques siens -amis, avec quatre crocheteurs, & six vezoux. Etant entré, il dit à sa -femme: ça, ma mie, faites-nous bonne chere. Allez, dit-elle, de par le -diable, faire votre bonne chere d'où vous venez. Vous ne servez qu'à -mettre tout sans dessus dessous. Adonc il se mit en colere, au moins le -feignit; & il la fit prendre toute brandie, lier & emmailloter, & -coucher dans ce berceau; puis commanda aux portefaix de faire leur -devoir de bien bercer, ce qu'ils firent. Elle leur crachoit au nez, -tempêtoit: je veux pisser; je veux chier. C'étoit tout un; ils n'en -berçoient que mieux. Les vezoux disoient: _de la vase_; les -gentilshommes dansoient _petonton_, les branles de Poitou. O! là, -dit-il, mes amis, boutez; écrivez, monsieur le greffier, les injures & -opprobres, dont ma bonne femme m'honore. Là, là, ma mie, vous mourrez -bienheureuse; on ne dira pas que je vous aie tuée. O! que vous serez -heureuse! Mais arrêtez un peu, ô berceux de paradis, afin que monsieur -le chapelain la confesse. Confessez-vous, ma mie; vous n'avez plus -qu'une heure à vivre; j'ai pitié de votre ame; je ne veux pas tout -perdre. Elle tempêtoit plus fort & plus rudement. On berçoit; & vous en -aurez. A la fin, elle pria de parler à son mari, qui, venu à elle, lui -dit: ma femme, il n'y a plus de moyen de parler à moi; vous êtes prête à -mourir; je vous pardonne, confessez-vous, afin que vous mouriez -pénitente: sus, sus, bercez toujours. Là, nobles berceux, ça mes amis, -vous ferez aller cette ame en paradis avec ce branle doux; jouez vos -jeux, jouez; & nous tous, dansons de réjouissance de voir une si belle -ame être prête du bon repos tant desiré. La peur commençant à entrer en -la conscience de cette femme, vint aux supplications, qui à la fin -furent si humbles & pleines de tant de protestations, que le mari, prié -par ses amis, la dame fut délivrée; son mari la mit entre les mains des -chirurgiens pour la saigner, à cause de l'appréhension qui l'avoit -saisie; & dès lors elle fut changée de tout point de son humeur -fâcheuse. - -ARISTIPPUS. Si Socrates le bon homme eût ainsi bercé ses deux femmes, il -les eût endormies, & lui & sa nourrice eussent eu loisir de jouer -ensemble, tandis que ses enfans dormoient; & n'eût pas été affublé de la -potée de pissat, que l'une lui jetta sur la tête par dépit qu'elle eût -qu'il n'avoit tancé celle contre qui elle querelloit. - -VIGENERE. Par la vertu donguoi, vous savez que j'ai belle femme & bonne. -Moi, ni mes amis ne s'en peuvent plaindre. Néanmoins un jour, (quasi -nuit, & il faisoit clair de lune, le soleil ne luisoit plus) que -revenant de la ville, & entrant en ma maison, je trouvai un jeune -avocat; & cela me fâcha, d'autant que je craignois scandale. Je dis: ma -femme, vous savez le bruit qui court de vous & de moi; car on dit de moi -que je suis un peu cornard; & je le crois bien; & aussi de vous, que -vous êtes un peu garce; ce que je ne crois pas, mais vous tiens pour -femme de bien; je le crois aussi-bien que vous. Par ma foi, mon mari, -croyez-le, je vous en prie. Voilà comme j'ai bercé ma femme, & comme -elle m'a bercé, ce que je n'ai appris à aucun alquemiste de l'Allemagne, -de peur d'être bercé de celles fantaisies, qui leur feroient oublier le -voeu secret, qu'ils ne disent qu'aux enfans de la science. - -ALOILOL. Je ne vis jamais tant parler. Aussi cette phrase n'étoit point -de mon tems; je vous prie, éclaircissez-m'en. - -VIGENERE. Soit; sachez qu'en toutes facultés il y a un secret qui ne se -dit qu'à ceux qui ont la pure entrée: & ce, afin que cela ne soit -divulgué. Comme par exemple, je vous dirai que le principal mot du guet -du _Moyen de Parvenir_ est d'avoir de l'argent: aux moines pour se -saouler & besogner leur saoul, d'autant que c'est leur part; aux -gentilshommes, pour paroître; aux ambitieux, pour se faire -mistigorifier, comme petits démons sur le plat d'une pelle; & aux -autres, pour avoir du contentement en vérité, & non en songe. - -LA PUCELLE D'ORLÉANS. Ainsi que ces deux gentilshommes, qui étoient -venus à l'entrée du roi Charles à Orléans, chez le lieutenant -particulier. On les mit coucher ensemble. L'un songeoit qu'il se noyoit, -& l'autre songeoit qu'il pissoit; & parce que le sphincter se dilata en -cette nécessité, où fut fait vertu, il compissa tout l'autre, qui -haletant & s'éveillant, & se trouvant tout mouillé, se prit à crier: -hélas! il est donc vrai? O, adieu, tous mes amis de ce monde. Ce -pisse-en-lit s'acheva de gâter par cet acte, d'autant que cette belle -fille n'en voulut. Il est vrai que son valet l'avoit contaminé le jour -de devant. Il l'avoit embouché, & dit qu'il fit bonne mine, & que, quand -il parleroit de son bien devant sa maîtresse il le doublât, & qu'il le -tanceroit; & que pourtant il ne laissât de continuer. Etant donc en -devis avec la mere & la fille, il disoit qu'il avoit entr'autres une -bonne métairie, où il y avoit beaucoup de commodités. Vous en avez bien -deux, dit le valet. Taisez-vous, lui dit-il; il faut que vous causiez? -Et aussi, madame, pour vous dire la vérité, j'ai une grange pleine de -bled. Vous en avez bien deux. O! ho, ce compagnon ne se taira pas? Et -puis, au bout de ma maison, j'ai une bonne garenne qui contient plus de -trente arpens. Vous en avez bien deux. Paix, c'est assez; vous faites le -suffisant. Le portail de ma cour est tellement baillé à mon clousieur, -qu'il m'en doit une bonne vache. Il en doit bien deux. O! ho! ce pifre -ne se taira point? Il est vrai, madame, que je suis assez bien de tout; -mais j'ai une incommodité, c'est que j'ai mal à une jambe. Vous avez -bien mal à toutes deux. Ô! ô! de par le diable, c'étoit à ce coup qu'il -se falloit taire; mais tout fut gâté, honni & perdu. - - - - -FANTAISIE. - - -XXXVI. Cette belle en fut marrie, d'autant qu'il étoit assez beau -gentilhomme; mais à cause de cela, elle disoit qu'elle eût mieux aimé se -faire haillonner à une douzaine de moines qu'à lui. - -Z. R. Sandé, vous avez tort, & vous dis être plus séant de parler -d'autres. Je vous dirai, en vérité, que cela n'est point beau de voir un -homme d'église, ou de justice, mis en train de friponnerie. Vraiment, il -fait aussi bon voir une personne d'honneur en une mascarade, comme un -cureur de retraits présider au conseil. Il n'appartient qu'à ceux qui -ont bonne grâce de faire les fous: il est très-mal séant à un évêque, de -faire le muguet & le beau fils, c'est-à-dire, le fat avec des femmes; ou -à un ministre, de gausser; & comme un curé de village, aller causer à -l'ouvrouer d'une beurriere, pour avoir de la graisse. Ma finte, cela ne -vaut rien; & n'est pas beau à un curé d'aller faire le gallefretier en -une rue, ou une taverne. Il faut que telles gens soient à leurs études; -& s'ils ne peuvent étudier, qu'ils s'amusent à pisser dans un pertuis, -pour apprendre à pisser droit & de volée. Encore, si ces gens-là étoient -gaillards, qu'ils eussent de belles rencontres, j'en serois tout ralu; & -qu'ils fissent de gentils tours, ainsi que le vieil pénitencier de -Paris, qui, un jour de sainte Genevieve, donna à déjeûner aux chantres -de la sainte chapelle, lesquels ayant bu de son vin, & lui ayant dit: à -votre commandement; ils le prierent de leur en donner une bouteille -pleine pour le jour de leur solemnité, & leur promit de leur en donner. -Les compagnons, étant à la veille du jour proposé, envoyerent un gros -valet à monsieur le pénitencier, le prier qu'il lui plût, selon sa -promesse, leur donner la bouteille de vin; ainsi dit-on. Or ils avoient -fait provision d'une opulente bouteille, qui ne tenoit guères moins que -celle des capucins, où il entroit presque un quart de vin. Le valet -étant devant ce bon homme, & lui faisant sa harangue, & montrant sa -bouteille, le sage vieillard conjecturoit ce qu'il avoit à faire: notez -qu'il étoit docteur en théologie, prêtre & chanoine, qui pis est; & puis -de superabondant pénitencier, qui est cause qu'il savoit bien & mal; -_primo_, parce qu'il savoit le sien; _item_, il apprenoit celui des -autres. Parquoi ruminant, tandis que le gars lui parloit, il imaginoit -son fait. Il fit mettre la bouteille sur la table; & sortant en la cour -avec le valet, il lui dit qu'il allât appeller la chambriere qui étoit -de l'autre côté; c'étoit pour l'amuser. Il y va; & le preud'homme prit -trois ou quatre cailles, ou enfans de caillous, & rentre en la salle, -mit le plus gros en la bouteille, si bien que cela se porta honnêtement. -Le gars revenu avec la servante, il lui dit: ô, garçon mon ami, voilà de -l'eau; rince la bouteille. Ce gars y met de l'eau; & commence & finit à -secouer à bon escient; & caillou d'aller, & bouteille de se rompre, & -l'eau de s'enfuir par-tout. Quoi voyant, le bon homme lui dit: ô! -lourdaut mon ami, si tu eusses mis là mon vin, il eût été versé; tu as -tort, je suis marri de cela; messieurs auront du déplaisir. Jeanne, -dit-il, quand elle fut revenue, va quérir en haut cette bouteille -clissée, qui est au clou près de mon étui à lunettes. Elle y alla, & -apporta une bouteille d'environ un tiers de pinte. Il la fit emplir, & -l'envoya par ce garçon à messieurs les chantres, avec ses -recommandations. Allez, dit-il, ils en auront une autre fois: -_cornifetu, cornifetu_, mon ami; c'est-à-dire, _quod differtur, non -aufertur_. - -PATOLET. Comme vous parlez latin! Vous ayez vu autrefois la sibylle -Mitrée, comme l'Ecumée. Si avoit bien notre servante, qui, courant pour -aller voir le lit d'honneur où étoit le chancelier de Birague étant -mort, sa maîtresse la trouvant, lui demanda où elle alloit si vîte. Je -vais, s'il vous plaît, madame, voir le cardinal Miracle. Et sa maîtresse -m'en disant autant, je lui répondis aussi. Elle me dit: où allez-vous si -vîte? Je cuidois qu'elle m'eût dit six vittes, parce qu'on parle ainsi à -Paris; & je lui dis: je m'en vais chez nous, six cons. - -DIOTIME. L'autre jour notre servante chantoit un air de Ronsard, où il y -a: _d'un gosier, &c._ Elle disoit: _d'un gosier, mange levrier, j'ois -crier dans le coffre ma calandre_. Et ce fripon de Pelletier vint chier -à notre porte, puis heurta: le valet regarda par la fenêtre, qui dit: -qui est-ce? Je veux parler à monsieur: faites-le un peu venir à la -fenêtre. Monsieur l'avocat se promenoit en sa chambre, qui mit le nez à -la fenêtre, & lui dit: est-ce vous, monsieur? Oui, c'est moi, monsieur. -Vous plaît-il que je chie ici? Chiez, de par le diable; chiez, vilain; & -lui dit de s'en aller. La servante trouva le cas au matin, & vint à -monsieur lui dire: le vilain d'asseoir a planté ses immondanités à notre -porte. - -FRACASTOR. Vous ne dites pas tout, il avoit brené dessus, & disoit que -c'étoit un mot latin, KPUT. - -MURET. Ce latin est pareil à celui du vicaire de Chamberi, qui lisoit -l'évangile des cinq pains; & au lieu de dire, _ut quisque accipiat -modicum_, il dit, _accipiat modium_. Il disoit vrai; il eût fallu -beaucoup de muids. Ne disoit-il pas aussi: _quid statis occisi_, pour -_otiosi_. Ce fut lui qui, nous annonçant des bêtes, comme tantôt, se -voulant paillarder à bien dire, & mit-il pas sur sa tombe, _requiescavit -in pace_, s'il a plu à dieu. Que voulez-vous? il y alloit à la bonne -iniquité. Encore y a-t-il des gens qui ont de la conscience, il est -vrai, mais comment? Prenez-y garde, vous trouverez, si ce n'est sotise, -que c'est pour la commodité: tellement que piété, sainteté, justice, -aumône, & toutes telles vertus, ou actions qui en dépendent, ne sont -pratiquées que par le désir qui tend à la commodité, sous le voile -d'hypocrisie. - -ARETIN. Si ce que vous dites est vrai, il ne faut plus prier dieu. - -MURET. Ce n'est pas ce que je vous dis, pource que le moyen de se faire -du bien aux dépens du pauvre homme, sans qu'il en soit marri, c'est -qu'il faut prendre les bouts de chandelles qu'ils vont offrir, & s'en -éclairer disant ses heures; cela vous épargnera autant que feroit au roi -d'Espagne, si on lui bailloit tout le fil dont on lie les allumettes, & -qu'il le vendît aux Foucres, pour faire des serviettes aux Allemands. - -GAGUIN. Vous êtes un grand ménager. - -MURET. N'ai-je pas été cordonnier? Ne sais-je pas que valent les brins -de filets, qui joint bout à bout sont utiles? - -POSTEL. Puisque tu es cordonnier, si tu veux je t'apprendrai un beau -secret que m'enseigna l'empereur des Turcs, quand je le fus voir durant -mon grand voyage à Châtelleraut, où je vis l'origine de toutes les -nations, états, sexes & gens du monde. - -EUCLIDES. Tu nous en veux conter, pargoi, je suis un grand -mathématicien; je ne crois rien que ce qui se démontre. - -POSTEL. Et si tu veux payer une once d'huile de canelle, pour graisser -nos peignes, je t'enseignerai à faire vingt paires de souliers en une -heure. - -EUCLIDES. Cette heure-là seroit donc plus longue que les autres? - -POSTEL. Non sera: ne savez-vous pas bien que la plus longue heure du -jour est celle du sermon? Et pour l'accourcir ou appetisser sans perte -de temps, est déjeûner tandis qu'on prêche: le prêcheur aura fait & -ennuyé plusieurs personnes, que vous n'aurez pas eu le loisir d'achever; -& puis à telle heure je ne voudrois travailler, tant je suis bon -réformé. - -EUCLIDES. Bien doncques, je paierai ce que vous voudrez. - -POSTEL. Sachez que les Turcs ne font rien; ce sont les chrétiens qui -font leurs besognes; mais par excellence, leur empereur, que les sots -chrétiens appellent le grand seigneur, comme s'il étoit barbier & géant; -ce prince-là de voleurs me fit bonne chere, parce qu'il pensoit que je -me ferois ministre, & qu'ainsi je serois à son commandement; & pour me -gratifier, il m'apprit un de ses plus grands secrets; c'est de faire -vingt paires de souliers ou environ, bons & chaussans, & ce en une -heure, pourvu que l'on eût de bonne étoffe, à savoir vingt paires de -bonnes bottes, dont vous couperez le bas; & seront souliers; & le reste -servira de guêtres aux cordeliers. - - - - -TITRE. - - -XXXVII. SCALIGER. En ma conscience nous étions pour cette affaire, sur -un notable franc arbitre; & les arbitres étoient presque d'accord de la -sentence de cet arbitrage. Je ne sais si j'ai bien dit; (va toujours; -trotte qui danse.) Nous avenions aux résolutions, & trouvions les -sciences tout justement, y attendant justement comme pâques en Mai, & -répondions à propos, comme firent deux notables dames d'Orléans; l'une -femme d'un apothicaire, à qui je demandai si elle avoit de -_l'agalochum_, & _agalochum_, c'est _lignum alois_; & elle pensoit que -je lui demandasse si elle avoit autre drogue; elle me répondit à propos: -monsieur, je ne me connois point en drogues; il faudroit parler à mon -mari. L'autre est la belle épiciere d'auprès les ponts. Monsieur le -procureur du roi, qui vouloit gausser avec elle, la voyant avec six ou -sept dames, lui dit: madame, avez-vous de _l'agalochum_? Monsieur, -dit-elle, voici plusieurs boîtes, il y faudroit mettre le nez. Etant -après ces belles intelligences, voici la serviteuse qui nous vint dire -que quelqu'un étoit à la porte, pour entrer ou sortir. - -QUELQU'UN. Quel mot est-ce que _serviteuse_? - -L'AUTRE. Ce mot vient du pays de sapience, & j'en use ici à cause qu'il -a des gens mariés; _notate verba, & ponderate misteria_. Cette fille -nous vint dire qu'il y avoit à la porte un personnage qui vouloit parler -au bon homme. Aussi-tôt il alla à lui, puis revint & nous dit: (je le -dirai pour lui, parce qu'il est empêché à frire l'esprit d'un demi-cent -d'écrevisses, à la mode de Bourges, où l'on les vend toutes nues) c'est -un docteur d'Oxfort, qui n'est pas encore résolu s'il se doit faire -catholique ou huguenot; & il demande à parler à quelques apôtres, s'il y -en a céans. Vraiment non, dîmes-nous, il n'y en a point ici; ils nous -empêcheroient de faire bonne chere; & puis ils auroient honte de -l'hiérarchie, & du criblement des ministres, parce que les uns ont trop -lardé l'oie, & les autres y ont trop mis d'épices, après l'avoir -dépouillée de ses fantaisies. Là-dessus il fut tenu conseil de l'envoyer -en Espagne, d'autant que l'on estimoit qu'il y pourroit avoir quelque -apôtre, à cause que les Espagnols, pour la plupart, sont parens selon la -chair. A quoi s'opposa Varro, disant que les Espagnols se prévalent être -les plus catholiques; & partant le plus parfait membre de l'église; & -allégua, _nescit sanguinem_, l'église ne connoît point ses parens. -Parquoi on lui dit qu'il se pourvût; que nous n'avions la tête rompue -que de telles gens qui changent de religion, pour demander le passage, -comme ces François qui passent en Angleterre. Et cela dit, afin de lui -donner quelque contentement, on lui fit une paraphrase apostrophique -pour son déjeûner, & qu'il s'en saoulât s'il pût. Je vous dirai un grand -secret, c'est que vous liriez ici quatre jours entiers, que vous ne vous -saouleriez aucunement, & j'en dis vrai. Vraiment, nous n'aurions garde, -si nous ne mangions quelque chose en lisant. - - - - -REPRISE. - - -XXXVIII. SOCRATES. Il n'y a personne qui ne tâche à faire son profit; & -sur-tout boivant & mangeant. Et je vous dirai, belle & bonne personne, -ma chair de prochain, vîtes-vous jamais le pere Prologue? - -OVIDE. Tu nous veux faire passer ce petit tronçon de bonne chere que -vous fîtes en Espagne, aux nôces de la reine, fille de notre invincible -roi. Tu as raison; pargoi, ils nous donnerent force paroles couvertes, -quantité de mots dorés, des phrases délicates, beaucoup de menus propos -qui nous passoient apostrophiquement par la bouche, ainsi que l'on mange -les lettres aux écoles. Et je vous proférerai un grand fait, qui m'a été -révélé selon la trabale; que ce n'est pas sans raison que l'on fricasse -les ames, vu que de tout temps, & de l'invention des poëtes, il y a -certaines M que l'on mange; (& de fait, on pensoit s'équivoquer; mais à -bon escient) j'ai vu engouler des _ames_ toutes fraîches, comme vous -feriez une écrevisse d'eau douce. Or je n'irai pas-là; je ne veux pas -être mangé, je ne l'ai pas accoutumé. - -SOCRATES. Mais disons de ce repas. - -OVIDE. Je n'ai plus à en dire, sinon que nous mangions de ce que dieu -nous avoit donné, comme dit l'autre. Et conscience, notre jardinier, qui -étoit un beau jeune homme, n'en voulut point; il se maria avec une belle -jeune fille, qu'il fit femme, dieu merci & vous. Un dimanche matin, il -cuidoit lui donner le picotin; & elle le pria de se contenir. O! ô, -dit-il; & pourquoi? Mon ami, dit-elle, je me trouve mal. Etant levée, or -étoit-ce en été, il vit sa chemise tachée de sang: hélas, ma mie! vous -ai-je blessée? Non, mon ami. Et qui donc? Personne. Mais, ma fille, -dis-moi que c'est. Ardez, mon ami, c'est que j'ai ce que dieu nous a -donné à nous autres pauvres femmes. Voyez-vous, ainsi que, quand vous -êtes échauffé, le nez vous saigne; ainsi notre pauvre cas saigne tous -les mois; & si alors un homme nous touchoit, il se perdroit. Et bien, ma -mie, vous avez bien fait de me le dire. Si je me fusse perdu là-dedans, -on eût eu bien de la peine à me retrouver, tant il y a de chambres, de -recoins & de garderobes, sans les salles. Quelques jours après, il -venoit de Vanves; & ayant bon appétit, il demanda à souper à sa femme, -qui lui dit: oui, mon ami, il s'en va prêt. Et que me donneras-tu, ma -fille? Ne vous souciez, mon ami; nous mangerons de ce que dieu nous a -donné. Elle parloit, comme vous dites ordinairement. Lui qui se -ressouvint de ce qu'elle lui avoit dit, estimoit qu'elle lui donneroit -de ses mois; il lui dit: ma mie, je vous remercie, je n'en veux point; -je m'en vais souper avec mon compere. Je sais bien ce que je lui eusse -fait, pour n'avoir point de ces harnois-là. - -SAPHO. Et dites, je vous prie; & quoi? - -OVIDE. Je lui eusse farci le ventre d'andouilles. - -SAPHO. Pargoi, tu nous en contes; Je crois que tu as hanté les filles -d'église, c'est-à-dire les femmes de cloîtres, c'est-à-dire les garces -de chanoines. Elles parlent ainsi, sans autrement user de respect, sinon -qu'elles appellent les autres putains, chiennes, vesses, & qu'elles -débauchent leurs maîtres. - -LE CONSUL. Je ne m'ébahis pas vraiment de ce que l'on dit: ho, ho, ô, -Calvin, te souviens-tu pas bien de ce que disoit Hilaret, quand il -contoit en chaire que tu étois fils du chanoine; & que notre ami de -Saint-Denis, le chanoine, dînant avec notre évêque, se mit à parler -contre ce cordelier, feignant être fort fâché contre lui, & faisant -tomber à propos ce poinct de son sermon, lui dit par colere fraternelle: -je ne trouve point bon, que l'on dise des mensonges en la chaire. Je ne -dirai pas comme le curé de saint Lifart, qui disoit que la chaire, où il -étoit, n'étoit pas la chaire à faire caca; mais à dire vérité. Je dis -donc que cela est messéant de prononcer des impiétés en telle chaire. -Vous avez dit que Calvin étoit fils d'un chanoine; ce qui est très-faux. -Les chanoines sont gens pudiques, sobres du cul comme de la bouche, -comme dit messire Guillaume le Vermeil, ils ne font point d'enfans: ce -sont les cordeliers qui en font. S'il y a quelque femme qui se prête, -voilà un petit cordelier dessus. - -BUCHANAN. Je suis pour les peres cordeliers; cessez cette injure. Il y a -apparence que les chanoines font des enfans, témoin madame la roine de -France, qui, allant à Chartres en voyage, pour avoir lignée, & suivant -un beau chemin fait exprès, parce qu'elle alloit à pied, elle s'assit -pour se reposer, que voici passer une belle grande paysanne des champs, -qui cheminoit comme un prêtre Breton. La roine l'arrête, & lui dit: bon -jour, ma mie; où allez-vous? Je vais à Chartres, madame. Que faire? -Vendre du lait & des herbes. D'où êtes-vous, ma mie? Je suis d'ici -auprès, madame. Êtes-vous mariée? Oui, madame, dieu merci & la voutre. -Mais, madame, ne vous déplaise, dites-moi, s'il vous plaît, qui vous -êtes? Je suis la roine. Excusez-moi, s'il vous plaît, si je ne vous ai -fait l'honneur que je devas. Mais, madame la roine, vous allez à pied; & -où allez-vous, madame la roine? Mais que ne vous déplaise? Je vais à -Chartres, ma mie, pour aller en cette belle église prier dieu, à ce -qu'il lui plaise que j'aie enfans. Hélas, madame la roine, ne laissez -pas de vous en retourner; ce grand chanoine qui les faisoit est mort, on -n'y en fait plus. - -SCANDERBERG. Cette-ci étoit presque aussi hagarde, que cette bonne femme -qui demeure après le roi des veaux, à la grille aux sots. Nous étions -avec de Pise, ce bon magistrat, qui aida à mourir ce ministre, qui renia -ministere, pour se joindre aux finances; & je vous assure que nous ne -tâchions qu'à rire & dîner. Nous avions gagné notre procès; nous ne -plaidions que pour les dépens. Nous étions, ma mie, en ce point, tout de -même que les garces, qui ne plaident jamais en défendant; elles sont -toujours après en demandant. - - Amour de garce, & ris de chien. - Tout n'en vaut rien, qui ne dit tien; - Bien de ribaud, & chair de garce, - Etant unis, ont bonne grace. - -De _garce_ à _grace_; il n'y a qu'une transposition. Et puis, - - Quand maître coût, & putain file, - Petite pratique est en ville. - -MAROT. Tu seras meshui sur tes sentences; je pinte à l'aise: - - Regarde au nez, & tu verras combien - Grand est cela, qui aux femmes fait bien. - -DU JON. - - Regarde au pied, pour au rebours connoître - Quel le vaisseau d'une femme peut être. - -L'AUTRE. J'entre en fureur poétique: - - Si tu voulois, je voudrois bien, - Belle, à ton corps joindre le mien. - -MOY. J'y suis, - - Jouer au jeu, qu'aux cailles on appelle, - Aux filles est, chose plaisante & belle. - -JEANNE. - - Prête-moi ton _c, o, n_, pour mon _v, i, t_; - Puis nous remuerons la lettre qui suit le _p_. - -SCANDERBEG. Vous? Que diable ne me laissez-vous dire! Or bien, nous -étions-là, & voulions gausser cette vieille marchande. Elle étoit -parente & grande amie de Montoir, qui, un matin allant au four qui étoit -assez loin, elle vit messieurs de la ville qui mesuroient & piquetoient. -Et da, dit-elle, messieurs, que voulez-vous faire? Nous voulons fermer -la ville. Hélas! messieurs, attendez un peu, s'il vous plaît, que je -sois revenue du four; je ne muserai gueres. Cette marchande donc avoit -des éguillettes de velours, des bas-de-chausses de taffetas, une gaîne -de faulx, des vrilles de bois, des fusils de laine, des décrotoires à -mêche, des arquebuses à corde, de l'appas aux puces, de la tablature à -apprivoiser les souris, & telles sortes de marchandises. Nous lui -demandâmes: madame, avez-vous des brides à veaux? Il faut voir, -messieurs, s'il vous plaît. Elle nous amusa là, plus de trois quarts -d'heures & six minutes. Cela me fâchoit, parce que je n'ai affaire que -de tems & d'argent. A la fin, étant montée sur une escabelle, & ayant le -dos vers nous, elle nous dit: messieurs, j'ai de mauvais enfans qui les -ont brouillées & démanchées, si que je ne les peux trouver toutes -entieres; & disant cela, d'une souplesse prompte & préméditée, va lever -ses robes & sa chemise, & nous manifester son gros cul ample & fessu, -nous disant: au moins, messieurs, voilà les mords. Par ma conscience, -dis-je, madame, nous voilà bien refaits. Acoutez, messieurs, acoutez un -peu; je vous dirai un conte pour vous appaiser. Ardez, j'étois à la -suite de l'armée de Moncontour, où j'eus beaucoup de dépouilles, dont -voici les restes. Ainsi que nous étions à ce ménage, voilà la plus -grande de la cour, qui, passant & voyant les morts deçà & delà, parce -que c'étoient huguenots, n'en dit rien: mais en voyant un étendu, le -ventre au soleil, & considérant la grandeur de son membre viril, va -dire: voilà grand-pitié de cettui-là. Et nous de sortir de là, & de nous -en aller: aussi-bien on nous attendoit à dîner chez un prélat. - -L'AUTRE. On m'a dit que c'étoit le feu archevêque de Tours, qui a appris -à messieurs de la cour à se torcher le cul de papier blanc. Etant à -dîner, & faisant bonne chere, il fallut, selon la coutume, rapporter -quelque chose d'édification; & nous de dire notre fortune. J'en ai bien -vu une plus belle, dit Dariot. Je venois de Mets; & je trouvai à terre -une coignée, & je dis: eh, que fais-tu là, coignée ma mie? Elle me -répondit rien. A, ha, hé, va dire le curé de Grié, par méan, -monseigneur, il n'y a pas apparence qu'une telle piece de fer ait parlé. -Je ne dis pas, que si c'étoit un landier ayant face d'homme, comme ceux -de votre cabinet à étudier aux perdris, qu'il n'y eût raison. - - - - -ARCHIVE. - - -XXXIX. Passant ainsi de propos, en autres sur les discours -d'édification, monsieur le chantre tira de sa manche un canon fort -excellent, disant que c'étoit l'abbaisse de Rousserai qui le lui avoit -envoyé, tel que la prieure l'avoit composé & fait chanter a soeur -Jaqueline de la Gerandiere, qu'elle instruisoit ainsi sur ce mot -_conculcavit_. Là, ma mie, chantez bien; tenez-moi ce _con_ ferme, -_con_: là après, _cul_; haussez-moi ce _cul_, _cul_: après à ce _ca_; -entretenez-moi ce _ca_: puis à ce _vit_; là, tenez-moi ce _vit_ bien -long. - -MAROT. Ce fut le colloque de Poissi, ce vénérable concile racourci, qui -fut d'avis d'instruire des jeunes religieuses de telle sorte. Et de par -sa mere, depuis que colloque a hanté les dames, on a parlé d'elles; non -pas que l'on dît qu'elles fussent paillardes, mais on disoit qu'elles -vivoient comme des putains. C'est pitié que cela, & encore plus que vous -ne sauriez dire. - -ALCIBIADE. La mere de notre boulanger, celui qui demeure après les -Cordeliers, en étoit tout en extase. Elle tenoit une livre de beurre en -sa main à nud, & voyoit un grand âne qui sailloit (je crois qu'il -falloit dire _baudouinoit_) une jument. Cette pauvrette, pleine -d'admiration, & voyant ce fouet qui entroit ainsi, serroit la main & -faisoit dégoûter le beurre entre ses doigts: hélas! mon beurre. - -RONDELET. Que voulez-vous dire de cette pauvre fille? Et bien, c'étoit -une émotion qui l'avoit prise par admiration. Oui, & il y a ainsi des -maladies qui prennent, qui vont, qui viennent ainsi que le temps qui -court; & comme les maladies nous prennent allant & venant ou nous -reposant, nous prenons le temps comme il vient, & de même en font ceux -qui mangent leur bien. Et de fait, passant par cette contrée, nous -voyions des personnes riches qui entamoient leur bien, & pour le manger -faisoient diverses sauces. Les uns le mangeoient à la sauce de réponce; -les autres allant au marché aux fesses; quelques-uns à la sauce -d'Allemagne; aucuns à la sauce de la messe d'onze heures. - -CÉSAR. Demeurez-là. Qu'est-ce à dire? - -RONDELET. Vous voilà bien empêché! C'est à la sauce de paresse. Je n'ai -pas voulu dire la messe paresseuse, ainsi que parlent les jésuites; au -moins le bruit en court. - -AMIOT. Laissez courir le bruit avec le monde qui trotte, attendant que -la coutume aille la haquenée, & le bon temps le pas. Mais un peu, hau -mon caporal, ces mangeurs ne boivent-ils pas aussi? - -LE BON HOMME. Et quoi donc, s'il sont mariés, ils boivent de -l'ordinaire, témoin celui qui commenta les vieilles légendes, où il mit -à l'entrée de ses annotations: _tout homme de qui la femme pette, étant -couchés ensemble, est bien heureux_; comme disoit notre confrere le -chanoine, monsieur Joyeux; qui est mort chancelier, dieu lui fasse -pardon, en l'église de céans, pour plusieurs raisons. _Primo_, il -l'entend; parquoi il sait qu'elle est auprès de lui, & ne le fait pas -cocu pour lors. _Secundo_, il reconnoît qu'elle n'est pas morte. -_Tertio_, il jouit du sens de l'ouïe. _Quarto & perfecto modo_, il boit: -ainsi il a plusieurs commodités, desquelles sont privés les prêtres, & -les autres gens de notre saveur. - -ADDIAS. Si est-ce qu'ils ne laissent de trouver le vin bon. - -MAROT. Par mananda, tu y es, & as bien fait de proférer cette goulée qui -se trouve véritable: & à dire vrai, tu es le plus vénérable menteur de -toute la compagnie. Prends un peu les mains à Glycas & Cedrenus, & va -chatouiller ce flaccon de vin, & me dis s'il est mâle ou femelle. - -ARISTEUS. Oui dà; il y a mâle & femelle du vin; le blanc est le mâle. - -MAROT. Va te faire panser à mon barbier; il ne te coutera rien. Tu y -entends comme un boeuf à jouer de l'épinette. Puisque nous le tenons -ainsi, pourquoi résistes-tu à l'écriture de noble antiquité? - -SIMLER. Quand toute ton anticlité de tous les diables, & ta sapience de -l'ante-christ seroit, je n'en croirois rien. J'ai beu plus de deux mille -deux cent quatorze bouteilles de l'un & de l'autre vin; mais je n'y vis -jamais ne cul, ne con, ne couillons. Partant je déclare que pipeurs & -malheureux sont ceux qui mentent en vin quels qu'ils soient. Et pourquoi -n'y faut-il pas mentir? Parce qu'il y a, _in vino veritas_. _Primo_, au -vin la vérité, comme nous disons nous autres latins. _Secundo_, il est -de serment. _Tertio_, on leve la main en le prenant. _Quarto_, & pour le -mieux, on le prend & met sur sa conscience. Un homme est de bien peu -d'esprit, s'il ne se connoît en ce qui est de sa vacation; c'est -pourquoi plus un prêtre est savant à juger le vin, & en avoir de bon, il -est plus homme de bien; & notez cette décision de Boëtius, qu'il a -apprise du saint qui fut canonisé de son temps, durant vendanges. - -HYPOCRATES. Vous n'avez point parlé de l'odeur du vin? N'importe, parce -qu'il ne peut faillir de sentir bon. S'il est bon, ce n'est pas comme -quelques choses, dont il se faut servir sans les sentir. - -CÉSAR. Quelles? - -HIPOCRATES. Il ne faut jamais sentir un oeuf, ni une huître, ni un con. - -NÉRON. A! jan voire, voici le mot pour rire. - -VATABLE. Je vois bien que vous ne le savez pas; je vous en ferai un beau -petit discours démonstratif. Du temps que je me mêlois de prêcher en -notre église, il y avoit un diacre qui étoit falot, & qui y avoit reçu -de l'argent pour moi; il me vit ès hautes chaires en ma place. Alors il -prit en main cet argent, enveloppé en du papier, & durant la messe il -vint apporter le livre de l'évangile à baiser, me le présentant, il me -ficha en la main ce papier avec l'argent; & me dit: _hæc sunt verba -sancta_. Cela étoit le mot pour rire. Qu'ainsi ne soit, si on vous -mettoit sur une table cent mille écus, & qu'on vous dît: ces écus sont -pour vous, si vous en pouvez prendre trois poignées, ha! en disant sans -rire: _gripeminaut_. A! hé, & vous riez déjà, vous n'aurez rien. - -NÉRON. Et dà, vous ne serez pas si mauvais; vous me donnerez vos restes. - -VATABLE. Oui, je vous ferai comme les valets des archers de la garde du -roi, que l'on dit du corps. Parce que les meubles sont de plus grande -conséquence, (témoins les Normands qui vont sur les bateaux par eau, & -font porter leur procès par terre: d'autant qu'il y a bien à dire entre -le bien & la vie. Celui que l'on jugeoit à Châtillon, ayant ouï son -dicton, & qu'il seroit pendu, il le supporta: mais quand il ouït qu'il y -avoit amende de vingt écus, qui étoit plus que les deux tiers de son -bien, il dit qu'il en appelleroit, si cela n'étoit ôté, & bien on l'ôta, -& il se laissa prendre, de peur de faire des enfans pauvres). A ces -valets de garderobe il avient au rebours de bien. En été, ont gros -habillemens; c'est que leurs maîtres les laissent, pour en prendre de -neufs qui sont légers: & l'hiver venu, ils ont des habillemens légers; -d'autant que leurs maîtres en prennent de pesans, & leur donnent les -vieils, selon la coutume. Voilà comment leur bien va à rebours; & s'ils -pouvoient patienter, il auroient, _non secundùm æquitatem, sed secundùm -justitiam_: & da, je parle aux doctes, s'ils le peuvent entendre; & -quand leurs habillemens sont usés, il faut dire: ne faites point de -manches à votre pourpoint, le corps n'en vaut rien, voire, mais le corps -vaut toujours mieux. - -LOUVET. Quoi! le corps vaut mieux que les biens? Zacharie Durant, -libraire de Genève, ne le croyoit pas, quand il fut frappé de la peste, -& que le chirurgien lui eût dit que ce l'étoit. Ha! mon ami, dit il au -chirurgien, si je viens à mourir de cette maladie, je perdrai plus de -mille florins à cette foire de Francfort. - - - - -ORDONNANCE. - - -XL. Ainsi que je demandois à boire, voilà un grand bruit. Quoi! -dîmes-nous, est ce là le résultat de quelque pape qui se fait, ou le _Te -Deum_ d'un fait tout nouveau? Non, ce dit Calepin, c'est que l'on vient -de couper le cou à caresme; & nous en oyons le bruit qui en retentit de -l'église notre-dame de Paris à Nantes. - -NERON. Comment cela? - -CALEPIN. Savez-vous pas que le C, est la tête de caresme, & A, est le -col? Otez ledit A; le col sera coupé, & ainsi il demeurera cresme. Le -corps joint à la tête sans cou, est tout vif, & ce à la catholique, -d'autant que, le jeudi absolu, on fait le cresme. - -PANTALEON. Ce n'est pas cela; j'en viens. C'est de Beze qui vient -d'arriver; & Æneas Sylvius l'est allé recevoir, à cause de la similitude -de jeunesse. Et gai, nous voilà prou forts. Aussi-tôt qu'ils furent -entrés, après avoir salué la compagnie, qui but plus de dix-sept pintes -de vin d'Arbois, ils se mirent à s'entretenir de leur jeunesse: & comme -ils devisoient profondément de leurs amours, voilà ce mélancolique -Genebrard qui les vint interrompre. Et bien, leur dit-il, vous avez bien -fait des folies, étant jeunes; vous avez écrit d'amour & de lubricité, -que plusieurs ont tourné en sens réprouvé. Il est vrai que les bien -doctes, & qui ne sont point pédans, ont trouvé vos écrits bons; mais il -y avoit de l'excès: foin, jamais ces cucules ne font que lanterner le -beurre. Va, dit Sylvius, j'étois dispos de la braguette, & relevé de -gentillesse, quand j'écrivois mes galanteries: mais depuis, je condamne -tout cela; je les désavoue. Et moi, dit Beze, je n'ai que faire de m'en -excuser; je suis gentilhomme à ce que je dis, & comme je l'ai toujours -témoigné, quand les notaires m'ont demandé ou écrit mes qualités. Et -bien, j'ai été galant en jeunesse; aussi j'étois prieur, délibéré comme -un affieur de meurtriers: mais depuis que je fus réformé, je retranche -toutes mes foliettes joyeuses: & tout ainsi qu'un bienheureux Josué, je -fis une belle circoncision de mes oeuvres juvenielles faites à la -catholique. Tandis qu'ils disoient cela, je voyois les compagnons de -Genebrard qui se moquoient; & par dépit, le juge dès-lors que les -prêtres faisoient comme les putains. Toujours elles médisent les unes -des autres. Ainsi en font les ministres en Angleterre, & les alquemistes -par-tout. Voire, mais putains sont femmes: quelle différence y a-t-il -entre les femmes & les prêtres? Ce sont gens de robes longues, grandes; -les prêtres mettent leurs amicts sur leurs têtes; & les femmes mettent -leurs amis sur le ventre. - -LE PREMIER-VENU. Vous ne faites que m'importuner & me rompre la tête de -vos discours, tant vous les mêlez de biais; vous ne me laissez point -venir à un propos pour le savourer: vous en dites un bon; puis vous -gâtez tout. Vous faites ainsi que le curé de la Riche, qui disoit à son -valet Maugin: mange les naveaux. Et lui qui se jettoit sur le milieu, -disoit: grand merci, monsieur, le lard est bon. O! çà, j'ai assez parlé, -sans boire; çà, page, baille-m'en; mais ne fais pas comme le laquais de -la Roche-paille, qui, voulant donner un doigt de vin à son maître, en -versa au verre, & mit le doigt dedans pour mesurer, & trouvant qu'il y -en avoit trop, le but: mais après qu'il remesura, il y en eut trop peu à -la fin il n'y avoit plus gueres de vin à la bouteille: le laquais emplit -sa bouche & filoit dans le verre tant que le vin montra jusques au -doigt, d'autant que son maître n'en vouloit qu'un doigt. - -BELLARMIN. Il étoit exact comme celui qui fit la belle tapisserie du -verger, où il y a une Judith qui prie, & est à genoux devant une -notre-dame: ainsi que l'on voit aux minimes de Tours une vierge Marie, -qui dit ses heures de notre-dame agenouillée devant un crucifix; & -l'ange est de l'autre côté qui dit son _ave_. - -PITHOU. Ha! par saint Jean, tu le déclares trop; va, je te laisse à -l'abandon, tu parles comme un réprouvé. - -LUTHER. Taisez-vous, si vous êtes sage; ne savez-vous pas que nos voix -ici sont autant de statuts, vu que nous sommes en état parfait? Il est -vrai qu'il faudroit que ces guenippes en fussent hors. - -PITHOU. Voire, & pourquoi les injuriez-vous? - -BEZE. O! quand je m'en avise, je leur fais de l'honneur, parce que cette -épithete de _guenippe_ vient de _Aganippe_, comme quand on dit -_Citrieres les garces_; c'est-à-dire, _belle Vénus_. - -PITHOU. Tu leur feras de l'honneur, comme le Breton en fit à monsieur de -Vendôme, du tems que j'étois son secrétaire; & je vous le dirai. Un -monsieur de Trarmat vint voir monsieur de Vendôme; & se présentant -devant lui, lui dit: monsieur, j'étois venu ici, pour vous faire la -révérence. Monsieur lui dit: faites-la. Il la fit, puis se tint droit & -debout près le buffet. Monsieur lui dit: mon gentilhomme, mettez votre -bonnet, parlant à la veille gauloise. Le Breton fit une grande & -profonde révérence. Or sachez que tels simples gentilshommes qui disent: -monsieur, si votre cheval est jument, approchez-vous plus loin de moi. - -MAROT. (Et votre maître ne dit-il pas bien un plus beau trait au roi, -ainsi qu'ils passoient un gué, & que devisant ensemble, le roi laissa -boire son cheval, & monsieur votre maître ne voulut point permettre au -sien de boire. Le roi lui dit: mon cousin, laissez boire votre cheval. -O! ho, sire, il attendra bien, s'il veut, que monsieur votre cheval ait -bu. O! ha, hé, monsieur Cheval est le clerc de ce grand juge du palais, -qu'un jour quatre des plus signalées dames de la cour, (comme, sans -faire comparaison, madame de... je ne le dirai pas, ce sera le -commentateur) & autres l'étoient allé voir, pour le prier pour un -procès: il les laissa, ayant parlé à elles; puis ayant fait un tour en -sa chambre, attendant qu'elles sortissent, il appella son homme, & dit: -Cheval. Plaît-il, monsieur? Ces putains sont-elles encore là-bas? Elles -l'oient; parquoi, de peur de l'être davantage, elles s'en allerent.) Et -bien, ce Breton? - -PITHOU. A! a, bien, je vous dirai; son fils représente sa personne. Il -avoit au busque de son pourpoint, à faute de mallette, son joyeux & -gaillard bonnet de nuit. Oyant monsieur dire: mettez votre bonnet, étoit -en peine; le maître d'hôtel lui dit: faites ce que monsieur vous -commande, il ne veut point de cérémonies. Mais, dit-il, ses pages se -moqueront de moi. Ils n'oseroient. Adonc le Breton, mettant son chapeau -sur le buffet, mit la main au sein, & tira son bonnet de nuit, dont il -s'affubla, & puis se vint promener avec monsieur. - -LE DISCIPLE. Quand vous avez dit monsieur, je pensois que vous -parlassiez de feu monsieur notre maître, qui fut évêque de la -Basse-Bretagne, lequel ayant fait son coup d'essai d'une grand-messe, -demanda à son grand-vicaire s'il avoit beaucoup failli. Non, monsieur, -dit-il, vous avez bien fait, sinon que vous avez un peu failli à la -patenostre. - -DU VERDIER. Notre aumônier n'y eût pas failli, il disoit la messe bien -diligemment. Il avint qu'un jour, lui absent, se présenta un prêtre qui -dépêcha fort; & quand il fut revenu, on lui dit qu'il étoit venu un -aumônier qui disoit la messe plus diligemment que lui. Sandregille, -dit-il, il n'en dit donc rien, d'autant que je n'en dis pas le quart. Ce -fut lui que monsieur vit abattre une garce; & dès le matin, pour faire -journée. Etant retourné, monsieur lui dit: messire René, je vous prie de -dire la messe. Il dit: monsieur, je vous supplie de m'excuser; je vous -assure que, sans penser à mon affaire, j'ai trouvé une prude; & j'en ai -passé outre. Oui, dit monsieur, je vous ai bien vu que vous secouyez le -prunier. - - - - -ARGUMENT. - - -XLI. Hé bien, à propos de vous, messieurs, vous direz que je suis fou; -je voudrois le pouvoir devenir; parce que sitôt que je le serois, je -serois aussi-tôt exempt du feu, si on me disoit hérétique; délivré de -prison, si je devois; non sujet au consistoire ou à la mercuriale, ou à -la réprimande. Et pourquoi les fous ont-ils de si belles libertés & -priviléges? Parce que l'empereur Justinian, qui gouverne encore le monde -fou, est devenu fou durant sa vie; par ainsi les fous sont empereurs, & -_è converso_. Et vraiment je ne m'ébahis pas si mon pere mourut par -faute de bon gouvernement; _crede mihi_. Quand je revins de voyage, je -ne trouvai point d'eau dans le seau, encore moins en la seille: il -mourut comme à Dole à la danse Macabre; il y a la mort, qui parle à un -beau jeune homme, & lui dit: - - Ah, galand, galand, - Que tu es fringand! - S'il te faut-il meure. - -Et lui répond: - - Et mort arrogan, - Pren tout mon argean, - Et me laisse queurre. - -L'AUTRE. O bien, si vous me calomniez, c'est tout un, il n'y a point de -ma faute. Le valet de l'aumônier, à qui les autres faisoient la guerre, -le dit bien à messieurs du bureau: vraiment, messieurs, il n'y a que les -pauvres que l'on canonise. Or bien, touche-là; Vigneau; ta femme est -femme de bien, je le crois, si l'ai-je besognée aussi bien que toi. O le -niais! Elle est si laide, que je ne voudrois avoir affaire à la femme, -non plus qu'au mari. Passons outre; je sens déja que ce livre nous -échappe, & me semble que je vois déja un fripon de proposant, qui est -joint avec un aspirant à la prêtrise _mediante coquedindo_; & ils disent -que je suis nigromanchian, que je fais parler des morts. Je suis bien -plus habile que cela: les morts ont parlé; ils le savent bien: mais je -fais parler les bêtes; & beaucoup parleront, si dieu plaît. Mais avisez, -s'il vous plaît, à tout ce qui se fait, ou que l'on fait en ce monde; -tout cela a une fin certaine; je vous en ferai une démonstration -notable. Allez chez un peintre, & voyez-lui broyer les couleurs. -Savez-vous bien pourquoi on prend tant de peine à les broyer -diligemment? Je vous ai dit un grand secret; avisez-y: prenez la -mollette & la levez; & vous verrez de beaux arbrisseaux & branchages qui -y sont haut & bas. Et voilà la cause pourquoi, la fin pour laquelle, les -aveugles se connoissent en couleurs: & pource, si tu crains la goute, -abbas-là, fous-là. Ma fille, ô belle servante, si mon valet te prie d'un -peu de jouissance, prens un bâton & lui en donne, tandis que je -m'amuserai à ces gens de réputation, qui sont pleins d'honneur, comme -une truye de poivre. - -LE BON HOMME. Or çà, mes bons amis, vivons en liberté, notre convive -s'acheve, ils sont sur le dessert: je suis un peu sorti, pour vous le -dire. D'autres pour tout recueillir le reste que j'ai oublié pour mon -plaisir & votre commodité, d'autant que les yeux vous feroient mal, qui -seroit fort au désavantage de votre vue. - -QUELQU'UN. Bien donc, dites-moi, avez-vous envie de parvenir? Lisez ce -volume de son vrai biais. Il est fait comme ces peintures qui montrent -d'un & puis d'autre. On m'a dit qu'il y a quelques malotrus qui ont dit: -voici des traits d'athéiste. En da, je n'en sais rien; je m'en rapporte -à eux. Si j'ai rencontré à dire leur naïveté, ç'à été sans le savoir. Je -joue au colin-maillard; je prends ce que je trouve. Mais eux, qui sont -sages & pleins d'intelligence, ils font tout par élection & -connoissance. Il est toujours avis au chat breneux que la queue lui pue. -Ne vous déplaise, si j'ai dit quelque chose qui regarde ou oye de côté, -& sente mal à votre goût, ce n'est pas ma faute; c'est une perspective -d'oreille qui est gauchie: & puis les parfaits sont aux cieux. Si je -m'ébats à me moquer de vous, ébattez-vous à dire bien de moi, afin que -ce ne soit de vous dont je parle. Et puis, qui sait en bon escient que -je veux dire, s'il n'a vu & lu le tout; & n'a requis le vrai sens de mon -affaire? Et par la double fressure de mon petit chien, (j'ai quasi juré -comme un connestable, & pris dieu partout: mais je me suis retenu par -votre exemple), & vous dites donc, que je suis un moqueur, un -contempteur? Il est vrai, si vous le prenez selon votre folle fantaisie, -qui ne vaut pas une foutée de chat: aussi je contrôle vos sottises, & -condamne vos impudences. Or chacun juge selon le poids de sa charité. Et -de-là les bonnes religieuses qui apprendront ceci par coeur, diront: il -est bon homme; il taxe les vices d'une belle façon. Et pour l'amour de -cela, je me mettrai à faire un beau livre, où je vous dirai la vérité -tout au rebours des autres, & d'une façon si belle, que je le publierai -après ma mort, afin que l'on voie que je dirai de bonnes choses, que je -n'entendrai non plus que vous autres: & si deviendra tant authentique, -que le monde de son temps le priseront sur tous, & le diront l'unique; -tellement qu'ils tiendront tous les auteurs, ainsi que vous, comme vrais -fous qu'ils sont, se travaillant pour néant, & pour penser acquérir une -réputation qui se porte à Paris sur des crochets, comme fagots bénis. -Malheureux sont ceux qui se donnent de la peine, pour avoir bruit d'être -ou pipeurs, ou flatteurs ou mercenaires, dicteurs de folies d'autrui. Et -afin que je puisse un jour commencer ce volume, je mettrai ici un tronc, -tel qu'il est en notre ville, auprès le portail de la grande église: - - Vous qui avez mine d'être homs, - Et qui semblez être hommasses; - Apportez quatre gros étrons, - Afin que l'oeuvre se parfasse. - -Et je vous promets que vous y gagnerez, & davantage, y apprendrez tout -ce qu'il y a de bon en ce monde, ce que je vous prouverai en toutes & -maintes sortes. - - -FIN. - - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by -François Béroalde de Verville - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 *** - -***** This file should be named 57880-8.txt or 57880-8.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/7/8/8/57880/ - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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The Foundation makes no -representations concerning the copyright status of any work in any -country outside the United States. - -1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: - -1.E.1. The following sentence, with active links to, or other -immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear -prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work -on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the -phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, -performed, viewed, copied or distributed: - - This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and - most other parts of the world at no cost and with almost no - restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it - under the terms of the Project Gutenberg License included with this - eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the - United States, you'll have to check the laws of the country where you - are located before using this ebook. - -1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is -derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not -contain a notice indicating that it is posted with permission of the -copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in -the United States without paying any fees or charges. If you are -redistributing or providing access to a work with the phrase "Project -Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply -either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or -obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm -trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. - -1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted -with the permission of the copyright holder, your use and distribution -must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any -additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms -will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works -posted with the permission of the copyright holder found at the -beginning of this work. - -1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm -License terms from this work, or any files containing a part of this -work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. - -1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this -electronic work, or any part of this electronic work, without -prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with -active links or immediate access to the full terms of the Project -Gutenberg-tm License. - -1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, -compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including -any word processing or hypertext form. However, if you provide access -to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format -other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official -version posted on the official Project Gutenberg-tm web site -(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense -to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means -of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain -Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the -full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1. - -1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, -performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works -unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. - -1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing -access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works -provided that - -* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from - the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method - you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed - to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has - agreed to donate royalties under this paragraph to the Project - Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid - within 60 days following each date on which you prepare (or are - legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty - payments should be clearly marked as such and sent to the Project - Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in - Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg - Literary Archive Foundation." - -* You provide a full refund of any money paid by a user who notifies - you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he - does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm - License. You must require such a user to return or destroy all - copies of the works possessed in a physical medium and discontinue - all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm - works. - -* You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of - any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the - electronic work is discovered and reported to you within 90 days of - receipt of the work. - -* You comply with all other terms of this agreement for free - distribution of Project Gutenberg-tm works. - -1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project -Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than -are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing -from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and The -Project Gutenberg Trademark LLC, the owner of the Project Gutenberg-tm -trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. - -1.F. - -1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable -effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread -works not protected by U.S. copyright law in creating the Project -Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm -electronic works, and the medium on which they may be stored, may -contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate -or corrupt data, transcription errors, a copyright or other -intellectual property infringement, a defective or damaged disk or -other medium, a computer virus, or computer codes that damage or -cannot be read by your equipment. - -1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right -of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project -Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project -Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all -liability to you for damages, costs and expenses, including legal -fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT -LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE -PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE -TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE -LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR -INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH -DAMAGE. - -1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a -defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can -receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a -written explanation to the person you received the work from. If you -received the work on a physical medium, you must return the medium -with your written explanation. The person or entity that provided you -with the defective work may elect to provide a replacement copy in -lieu of a refund. If you received the work electronically, the person -or entity providing it to you may choose to give you a second -opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If -the second copy is also defective, you may demand a refund in writing -without further opportunities to fix the problem. - -1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth -in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO -OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT -LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. - -1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied -warranties or the exclusion or limitation of certain types of -damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement -violates the law of the state applicable to this agreement, the -agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or -limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or -unenforceability of any provision of this agreement shall not void the -remaining provisions. - -1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the -trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone -providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in -accordance with this agreement, and any volunteers associated with the -production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm -electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, -including legal fees, that arise directly or indirectly from any of -the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this -or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or -additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any -Defect you cause. - -Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm - -Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. - -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's -goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg-tm and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at -www.gutenberg.org - - - -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular -state visit www.gutenberg.org/donate - -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. - -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. - -Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation -methods and addresses. Donations are accepted in a number of other -ways including checks, online payments and credit card donations. To -donate, please visit: www.gutenberg.org/donate - -Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. - -Professor Michael S. Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. - -Most people start at our Web site which has the main PG search -facility: www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. - diff --git a/57880-h/57880-h.htm b/57880-h/57880-h.htm index 6118e50..49a234d 100644 --- a/57880-h/57880-h.htm +++ b/57880-h/57880-h.htm @@ -49,44 +49,7 @@ div.break { margin-top: 4em; } <body> -<pre> - -The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by -François Béroalde de Verville - -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most -other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Le moyen de parvenir, tome 3/3 - -Author: François Béroalde de Verville - -Release Date: September 9, 2018 [EBook #57880] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 *** - - - - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - - - - - - -</pre> +<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57880 ***</div> <h1><span class="xsmall">LE</span><br/> <b class="g large">MOYEN</b><br/> @@ -5773,382 +5736,7 @@ toutes & maintes sortes.</p> -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by -François Béroalde de Verville - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 *** - -***** This file should be named 57880-h.htm or 57880-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/7/8/8/57880/ - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive -specific permission. If you do not charge anything for copies of this -eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook -for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, -performances and research. They may be modified and printed and given -away--you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks -not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the -trademark license, especially commercial redistribution. - -START: FULL LICENSE - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg-tm License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project -Gutenberg-tm electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all -the terms of this agreement, you must cease using and return or -destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your -possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a -Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound -by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the -person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph -1.E.8. - -1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be -used on or associated in any way with an electronic work by people who -agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few -things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works -even without complying with the full terms of this agreement. See -paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project -Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this -agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm -electronic works. See paragraph 1.E below. - -1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the -Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection -of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual -works in the collection are in the public domain in the United -States. If an individual work is unprotected by copyright law in the -United States and you are located in the United States, we do not -claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, -displaying or creating derivative works based on the work as long as -all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope -that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting -free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm -works in compliance with the terms of this agreement for keeping the -Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily -comply with the terms of this agreement by keeping this work in the -same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when -you share it without charge with others. - -1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern -what you can do with this work. Copyright laws in most countries are -in a constant state of change. If you are outside the United States, -check the laws of your country in addition to the terms of this -agreement before downloading, copying, displaying, performing, -distributing or creating derivative works based on this work or any -other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no -representations concerning the copyright status of any work in any -country outside the United States. - -1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: - -1.E.1. The following sentence, with active links to, or other -immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear -prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work -on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the -phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, -performed, viewed, copied or distributed: - - This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and - most other parts of the world at no cost and with almost no - restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it - under the terms of the Project Gutenberg License included with this - eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the - United States, you'll have to check the laws of the country where you - are located before using this ebook. - -1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is -derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not -contain a notice indicating that it is posted with permission of the -copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in -the United States without paying any fees or charges. If you are -redistributing or providing access to a work with the phrase "Project -Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply -either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or -obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm -trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. - -1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted -with the permission of the copyright holder, your use and distribution -must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any -additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms -will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works -posted with the permission of the copyright holder found at the -beginning of this work. - -1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm -License terms from this work, or any files containing a part of this -work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. - -1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this -electronic work, or any part of this electronic work, without -prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with -active links or immediate access to the full terms of the Project -Gutenberg-tm License. - -1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, -compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including -any word processing or hypertext form. However, if you provide access -to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format -other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official -version posted on the official Project Gutenberg-tm web site -(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense -to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means -of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain -Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the -full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1. - -1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, -performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works -unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. - -1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing -access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works -provided that - -* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from - the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method - you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed - to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has - agreed to donate royalties under this paragraph to the Project - Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid - within 60 days following each date on which you prepare (or are - legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty - payments should be clearly marked as such and sent to the Project - Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in - Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg - Literary Archive Foundation." - -* You provide a full refund of any money paid by a user who notifies - you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he - does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm - License. You must require such a user to return or destroy all - copies of the works possessed in a physical medium and discontinue - all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm - works. - -* You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of - any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the - electronic work is discovered and reported to you within 90 days of - receipt of the work. - -* You comply with all other terms of this agreement for free - distribution of Project Gutenberg-tm works. - -1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project -Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than -are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing -from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and The -Project Gutenberg Trademark LLC, the owner of the Project Gutenberg-tm -trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. - -1.F. - -1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable -effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread -works not protected by U.S. copyright law in creating the Project -Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm -electronic works, and the medium on which they may be stored, may -contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate -or corrupt data, transcription errors, a copyright or other -intellectual property infringement, a defective or damaged disk or -other medium, a computer virus, or computer codes that damage or -cannot be read by your equipment. - -1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right -of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project -Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project -Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all -liability to you for damages, costs and expenses, including legal -fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT -LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE -PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE -TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE -LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR -INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH -DAMAGE. - -1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a -defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can -receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a -written explanation to the person you received the work from. If you -received the work on a physical medium, you must return the medium -with your written explanation. The person or entity that provided you -with the defective work may elect to provide a replacement copy in -lieu of a refund. If you received the work electronically, the person -or entity providing it to you may choose to give you a second -opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If -the second copy is also defective, you may demand a refund in writing -without further opportunities to fix the problem. - -1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth -in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO -OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT -LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. - -1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied -warranties or the exclusion or limitation of certain types of -damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement -violates the law of the state applicable to this agreement, the -agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or -limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or -unenforceability of any provision of this agreement shall not void the -remaining provisions. - -1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the -trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone -providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in -accordance with this agreement, and any volunteers associated with the -production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm -electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, -including legal fees, that arise directly or indirectly from any of -the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this -or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or -additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any -Defect you cause. - -Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm - -Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. - -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's -goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg-tm and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at -www.gutenberg.org - - - -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular -state visit www.gutenberg.org/donate - -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. - -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. - -Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation -methods and addresses. 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