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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57880 ***
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+MOYEN
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+PARVENIR.
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+_NOUVELLE ÉDITION._
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+Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.
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+_Caritas inter jocosve regnat Moria._
+
+TOME TROISIEME,
+
+A LONDRES.
+
+M. DCC. LXXXI.
+
+
+
+
+[On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome
+troisième, extrait du tome premier de l'original.]
+
+_SOMMAIRE_
+
+DES CHAPITRES.
+
+_TOME TROISIEME._
+
+I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du
+meûnier complaisant.
+
+_Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10.
+
+II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée;
+& de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à
+ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je
+crois, elle fut dupe.
+
+_La file violée_, p. 8.
+
+_L'amant trop complaisant_, p. 9.
+
+_La femme chere à vivre_, p. 10.
+
+III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé.
+
+_Conte du ministre et de la servante_, p. 13.
+
+IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier.
+
+_Conte de l'âne bâté_, p. 15.
+
+_Conte du nom du paysan_, p. 17.
+
+V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux
+mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans
+une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée.
+Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son
+rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes
+délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement.
+
+_La famille bien élevée_, p. 23.
+
+_Le paysan et le rapporteur_, p. 25.
+
+VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la
+conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus
+impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la
+femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par
+l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la
+main.
+
+_Conte du barbier_, p. 32.
+
+VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier
+qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties
+singulieres.
+
+_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35.
+
+_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39.
+
+_Pari d'un paysan_, p. 40.
+
+VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de
+séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques
+& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité.
+Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque.
+Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau
+froide.
+
+_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44.
+
+_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47.
+
+_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50.
+
+IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les
+prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés,
+présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de
+prédicateurs.
+
+X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur;
+explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les
+convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui
+déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne
+se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un
+François.
+
+_Le curé curieux_, p. 55.
+
+_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60.
+
+XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien.
+Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une
+épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de
+circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central.
+Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on
+presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens
+très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui
+fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église.
+Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés.
+
+_Conte du cheval chrétien_, p. 64.
+
+_La fille & l'oeuf_, p. 66.
+
+_Conte du crucifix du curé_, p. 67.
+
+XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des
+prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats &
+rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils
+s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris
+pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste
+que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le
+transport au cerveau.
+
+_Soldat pris en maraude_, p. 73.
+
+_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77.
+
+XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre
+nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une
+connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage.
+Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le
+lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la
+fourchette de St. Carpion.
+
+_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82.
+
+_La fourchette de S. Carpion_, p. 86.
+
+XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui
+peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des
+femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce
+qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent
+encore. Conversation de Frostibus & de Luther.
+
+XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une
+abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour
+rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On
+recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour
+épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi &
+privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si
+reconnoissantes.
+
+_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105.
+
+XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne
+cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la
+maison. Métier de huguenot à vendre.
+
+XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans
+son genre.
+
+XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont
+les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable
+au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas
+obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le
+latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai.
+
+_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125.
+
+XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes.
+Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce
+qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un
+maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être
+ministre, c'est à peu-près de même.
+
+XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison.
+Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_.
+
+_Confession du Chien_, p. 135.
+
+XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande
+dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la
+Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un
+bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine,
+qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont
+faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le
+nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il
+y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames.
+Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas
+les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le
+sotier de Genêve.
+
+_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153.
+
+XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire
+des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou
+l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_.
+Obstination d'une femme. Invention du célibat.
+
+_Conte des génitoires noires_, p. 156.
+
+XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux
+prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que
+cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand
+on passe devant la porte d'une putain.
+
+XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots
+plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal.
+
+_Le Pendu de Douai_, p. 166.
+
+_La bonne fortune de Colette_, p. 170.
+
+XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces.
+
+XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_.
+
+XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le
+fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche
+la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets
+singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante.
+
+XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu
+de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris
+pour le diable.
+
+_Conte de Jean Tenon_, p. 181.
+
+_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184.
+
+XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui
+croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités
+d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve
+clairement que Rabelais a été évêque.
+
+XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter
+des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni.
+Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties.
+Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue
+par un savant & un menuisier.
+
+_Femme qui rend le pain béni_, p. 195.
+
+XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots.
+Rêverie de Cardan.
+
+XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante
+demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide
+de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la
+femme battue.
+
+XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de
+l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible.
+
+XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de
+l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois.
+Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de
+conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere
+de connoître les hommes & les femmes fideles.
+
+_La femme battue_, p. 208.
+
+_Le jeu de la courte-paille_, p. 216.
+
+XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de
+part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse
+favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte
+de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on
+en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce
+livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses
+affaires par trop de zele de son valet.
+
+_Conte de la femme bercée_, p. 220.
+
+XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la
+bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées.
+Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de
+souliers en une heure.
+
+XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort
+demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique.
+
+XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les
+Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux
+dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation
+s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une
+marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon
+de se torcher le cul avec du papier blanc.
+
+_Le jardinier & sa femme_, p. 239.
+
+_Le faiseur d'enfans_, p. 242.
+
+XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où
+une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir
+de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de
+femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il
+faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui
+n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le
+condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un
+libraire à l'article de la mort.
+
+XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de
+contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître.
+Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, &
+quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le
+prunier, devinez ce que c'est.
+
+XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur
+l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_.
+
+
+
+
+LE
+
+MOYEN
+
+DE
+
+PARVENIR.
+
+
+
+
+LEÇON.
+
+
+I. Il n'y a rien tel que faire bonne chere, besogner un peu, & avoir de
+l'argent. Voilà, le sage Ulisse préféroit la cuisine au nectar & à
+l'ambroisie de la belle Calipso. Aussi, que diable servent tant de
+vétilles? Il n'est que de faire grand-chere, & se réjouir; c'est vivre
+cela: &, n'en déplaise à ces couillasses de prédicateurs, qui se crévent
+tous les jours de la semaine, pour jeûner la nuit, comme bons
+catholiques, lequel vaut mieux crever de graisse ou sécher de pauvreté?
+C'est ce que me disoit mon compere Bagautier, qui avoit la vérole:
+autant vaut pourir sur terre, qu'en terre, & puis qu'on a un jouet, que
+Dieu a donné pour s'ébattre, que si cela ne se faisoit, on troubleroit
+toutes les fusées du grand dévidoir du destin.
+
+CÉSAR. Je ne sais quel petit semblant; mais jamais je ne fus sur aucune
+pour néant.
+
+HERODOTE. Ne le prenez pas là pour néant; c'est-à-dire, un coup, & puis
+plus. Cela vaut autant qu'à coupe-cul. Il m'en avint ainsi, quand je
+donnai une chaîne d'or à la belle Drogueuse; qui la prit, & me fit
+passer une nuit avec elle joyeusement. Depuis, quand j'y voulus aller,
+ne me connut plus. Elle est de celles qui le veulent faire sans péché &
+scandale. On ne s'apperçut jamais pour un coup. Un refus à un, qui l'a
+fait une fois, est le corrigement de toutes les autres; & afin que vous
+ne me gaussiez, je vous déduirai mon aventure de cette-ci. Un meûnier
+avoit une belle femme; _elle se nommoit Denise, aimoit mieux chauffer
+son cas, que brûler sa chemise_: & puis on dit que je radote, ramenant
+les vieux proverbes.
+
+ERASME. Mais comment diriez-vous en un mot, une femme qui se chauffe, &
+a un chat entre les jambes ou sous ses robes?
+
+HÉRODOTE. C'est _consumis_. Et s'il n'y avoit point de chat, ce seroit
+_convoitison_. Or vous qui en savez tant, dites-moi en grec ou en latin,
+c'est tout un, comment vous diriez en un mot un homme qui n'a point
+d'argent, qui en voudroit bien avoir, qui en feroit grand-chere.
+
+ERASME. Voilà bien des paroles, ô, ho, a, ha; il ne faut que dire:
+_ego_; parguoi, vous vous y entendez, comme un aveugle à tirer des
+cirons. Mais revenons un peu à cette meûniere.
+
+HÉRODOTE. Le curé présente donc son service d'amour à Denise; & elle le
+refuse tout sec, d'autant qu'elle n'étoit pas encore saoule de son mari.
+Il la presse, & continue importunément sa recherche, parce qu'en usage
+de prêtre, il ne faut que pousser & s'encrucher.
+
+CUSA. Je pense que tu as été prêtre, ou moine, pour autant que tu les
+déprises ainsi; & que tu ne saurois tant de leurs affaires.
+
+HÉRODOTE. Oui, j'étois le nourricier de leur cul, je lui baillois de la
+bouillie, & ce qui me demeuroit aux doigts, je le vous faisois lécher.
+Denise fâchée, & aussi importunée qu'une garce qui a deux maîtres
+d'ordinaire, lesquels sont comme les bouchers de notre pays, qui sont
+deux à une bête, dit à son mari que ce prêtre la requeroit de lui faire
+tout ainsi qu'il lui faisoit, quand ils s'ébattoient pour s'endormir. Le
+mari y ayant pensé, & s'estimant trop homme de bien, pour n'être point
+cocu, jugea qu'il le falloit être à profit; & qu'aussi bien ne
+pouvoit-il faillir que cela n'avînt, ou pour néant, ou à son
+désavantage, ainsi qu'ordinairement il échet à vous autres messieurs. Ne
+voulant donc demeurer à l'être, comme une pauvre sorte de marauds qui
+n'ont point d'amis, lui dit qu'il falloit y aviser, & que si ce curé lui
+vouloit donner ses quatre septiers de froment, qu'il avoit eu de son
+gros de saint Maurice d'Angers, (qui est le fils de celui de Tours, à ce
+qu'on m'a dit) qu'elle ne feroit point mal d'y entendre. Ma mie, il fait
+bon gagner quelque chose, cette année que tout est si retiré: une nuit
+n'est pas tant, il y en a plus que de semaines. De par dieu, soit. Il
+est bonne personne; il n'en sera que plus gentil, & nous en aimera
+mieux; il nous confessera pour rien; fait bon épargner. Il n'est si bel
+argent qui ne s'en aille. J'irai aux champs; & tu lui donneras une
+assignation. Une fois n'est pas tant, pour avoir du bled; s'il le veut,
+il aura du plaisir; mais il le paiera. Est-ce pas raison? Promets-lui;
+mais n'y faudroit pas retourner. Pour une nuit, passe; tu auras eu
+autant de bon tems, tandis que je m'épargnerai pour une autre fois;
+aussi-bien me faut-il un peu reposer; mais n'y faudroit pas retourner.
+O! mon ami, j'aimerois mieux être tombée sur la pointe d'un oreiller, &
+m'être rompu le cou sans me faire mal, saine & sauve soit la compagnie,
+que d'y avoir pensé. Le complot pris, Denise attendit le curé, qui ne
+faillit à venir encore pour tendre ses gluaux. Ainsi qu'il est à deviser
+avec elle sur le sujet d'enfiler des perles, elle lui dit: en da vere,
+vous causez assez, vous autres prêtres, & voulez avoir ébat; mais vous
+ne voulez rien donner. O, ho! & ne tient-il qu'à cela? Demande-moi tout
+ce que tu voudras; tout ce que j'ai est à toi, mon connaud; dis-moi ce
+que tu veux. Mon mignon, j'ai un mari fâcheux; & il me gronde, parce que
+j'avons faute de bled. Donnez-moi vos quatre septiers de froment; &
+venez coucher avec moi, quand vous voudrez, pourvu que mon mari soit
+allé aux champs. Il pourra bien y aller ce soir; attendez & revenez
+après vêpres, & je vous le dirai; si d'aventure vous ne le voyez passer
+sur son grand mulet. Le curé sortit. Le mari, tout averti, monte sur son
+mulet; il passa, sur la soirée, par devant le presbitere, où le curé le
+guettoit à passer. Il fut bien aise, & lui dit: où allez-vous compere?
+Je m'en vais à cinq lieues d'ici quérir du bled, monsieur le curé. Dieu
+vous conduise, mon compere. Adieu, monsieur le curé; & d'aller; & le
+curé de venir au moulin, d'où l'autre âne fut envoyé au presbitere
+quérir le bled. Cependant le chapon rôtissoit. Le curé, qui tant avoit
+ouï dire de tours faits aux autres, se voulut assurer & en prendre une
+poignée sur la mine, avant que de se coucher; ce qu'il fit
+gracieusement, forçant la meûniere, en dépit qu'elle le vouloit bien.
+Puis ils souperent, puis ils se coucherent, puis s'embrasserent, & puis
+ils firent la belle joie, & de ce qu'il peut: on ne fait pas ce qu'on
+veut. Il s'ébatit à bon escient pour son bled; & sans apostrophe, avec
+plénitude d'efficace réelle. Et boute, mon ami, boute; tout ce bon bled
+passera bien par une trémie. Il est vrai qu'elle n'osoit y prendre
+autant de plaisir qu'avec son mari, de peur de le faire cocu, & qu'elle
+prît goût au revas-y. Voilà comment elle étoit forcée.
+
+LE BON HOMME. Elle l'étoit, comme celle qui fit mettre en prison messire
+Ambroise; lequel, à ce qu'elle disoit, l'avoit forcée; mais achevez ce
+curé.
+
+CÉSAR. Laissez-le un peu faire à son aise.
+
+
+
+
+SUPERSTITION.
+
+II. LE BON HOMME. Vous savez que ceux qui sont en prison, sont instruits
+par les autres, ainsi que le fut cettui-ci, qui, étant amené devant
+l'official, fut interrogé en la présence de la fille. Venez ça, mon ami.
+Connoissez-vous pas bien cette fille-là? Oui, monsieur. L'aimez-vous pas
+bien? Oui, monsieur. L'avez-vous baisée quelquefois? Oui, monsieur.
+L'avez-vous quelquefois poussée, pour vous accoupler avec elle? Oui,
+monsieur; mais elle remuoit & tempêtoit, se trémoussant si fort, que je
+ne sais si j'ai mis dedans ou dehors? Elle va répliquer: hélas!
+monsieur, le grand menteur! Je ne remuois pas, par mananda, non plus
+qu'une pauvre piece de bois. O, ho, dit le compagnon, je ne vous ai donc
+pas prise par force? Que fait notre curé.
+
+HÉRODOTE. Laissez-le moudre son bled. Il fait possible, comme le
+jardinier qui trouva sa maîtresse endormie, une jambe en bas & l'autre
+sur le lit. Il leve sa robe, pour voir si elle faisoit semblant, puis la
+cotte, puis la chemise; & lors il vit le but d'amour, aussi prêt à
+s'émouvoir qu'une rose fraîche: il y fiche sa fleche; & comme il
+poussoit trop fort, elle s'éveilla, & le voyant, lui dit: qui vous a
+fait si hardi? Je m'ôterai, s'il vous plaît, madame. Je ne vous dis pas
+cela, vous êtes un sot; je vous demande qui vous a fait si hardi?
+
+GRATIAN. Ce mot de _sot_ est fâcheux, si est-ce que le chevalier de Brin
+l'endura bien de mademoiselle de Morfaut, qui, sur les discours qu'ils
+tenoient à l'usage de chevalerie Maltoise, lui demanda: or ça, mon
+gentilhomme, en bonne foi, voudriez-vous pas bien m'avoir besognée? Oui
+vraiment, madame; & ne vous en déplaise, je voudrois bien vous avoir
+embrassée amoureusement, homocentriquement & résolutivement. Allez, vous
+êtes un sot, le plaisir seroit passé; pour être content, il voudroit
+mieux me le faire.
+
+HÉRODOTE. Comme possible fait notre nouveau meûnier. Faisons-le lever:
+il est trop aise. Si-tôt qu'il fut debout, il s'en va chez lui, la queue
+entre les jambes, honteux comme un coq plumé tout vif. Quelques jours
+pensant à ses évacuations de la premiere, seconde & troisieme figure.
+
+NÉRON. Il étoit aussi étonné que le conseiller de Blois, à qui sa femme
+demandoit une robe: vraiment, ma mie, je ne le vous fais coup qui ne me
+coûte plus de dix écus. Et certes voire, faites le tant qu'il ne vous
+revienne qu'à un douzain; il ne tiendra pas à moi, si vous pouvez, que
+vous ne me deviez du reste.
+
+HÉRODOTE. Le meûnier revenu, vit bled, dont il fut content; mais il dit
+à sa femme qu'elle n'y retournât plus, à peine d'avoir le cou rompu.
+(Ainsi la nécessité fait faire des choses qu'il faut quitter, quand on a
+ce qu'on demande.) Mon ami, je l'entends ainsi; je ne ferai jamais que
+ce qu'il vous plaira. Or bien n'en parlons plus. Deux ou trois jours
+après que le meûnier étoit aux champs, le curé vint voir Denise, & se
+mit à la caresser & baiser. Laissez-moi, monsieur le curé; si mon mari
+venoit, il nous feroit méchef. Quoi! je vous ai bien fait tout ce que
+j'ai voulu; & vous faites la revêche? Quoi! votre cas est-il plus cher
+ou plus sage que l'autre jour? Voyez, monsieur le curé, je n'en ferai
+rien; il est résolu: ce qui est fait est fait; & rien n'aurez davantage,
+y fussiez-vous d'ici à cent ans. Pour le moins, baisez-moi, ma mignonne.
+Que vous êtes importun! Il la baisa, il la tâta au tetin, il mit la main
+sous sa cotte, il veut prendre le chose; elle l'empêche, & fit trop la
+courroucée & pleureuse. Comme il veut prendre le calendrier historial,
+pour marquer le nombre: hélas! que voulez-vous faire? Si mon mari
+venoit, je serois perdue. Laisse-moi, je te prie; je ne te ferai pas
+plus de mal, que je fis l'autre nuit. Que tu es fâcheuse! Et pourquoi
+non? Pour un petit coup, comme l'autrefois. Si mon mari venoit? Il ne
+viendra pas. C'est tout un; je n'en ferai jamais rien; il ne l'a pas
+dit. Or ça, laissez-moi; ôtez-vous. Quoi! à tout sans revenir? Oui. Pour
+le moins, pour lui dire adieu; puisque tu es si mauvaise, que je voie
+ton chose. Vous ne m'importunerez plus, si je vous le montre? Non, je
+t'assure, & je te le jure, foi de consistoire. Cela promis, elle se
+retrousse, & lui montre son chose; ce qu'ayant vu, il se signa, en
+s'écriant: ô quel grenier, où j'ai mis mon bled!
+
+GALIEN. Elle ne fit pas comme la femme du grand Pierre de Barace, qui me
+trompa. Nous parlions de faire le petit verminage, & de voir les pieces;
+sur quoi elle me dit: si vous me vouliez donner un teston, je vous
+monterois mon con. J'y allois à la bonne foi, & mis la piece d'argent en
+main tierce; & elle monta sur un coffre: or ça, je vous ai dit que je le
+monterois. Je ne le vois pas. Je ne vous ai pas dit que vous le verriez,
+ou que je le montrerois, mais monterois: allez étudier.
+
+ARISTOTE. Or réfléchissons sur ces moult beaux adages & rencontremens:
+c'est donc du fait de ce meûnier qu'est procédé le proverbe pour ceux
+qui ont dépendu de l'argent, ou bien pour tels pertuis: _il a mis son
+bled au grenier au prêtre_.
+
+CRESPIN. L'âne & le meûnier sont relatifs.
+
+CEDRENUS. Il faut ici mettre l'âne du peintre.
+
+GLYCAS. Ayez patience; nous voulions donner à boire à ce curé; puis
+l'âne viendra son petit train.
+
+
+
+
+
+THÊME.
+
+
+III. Un ministre avoit une piece de bon vin, qu'il gardoit aux bonnes
+bouches. Il avint qu'il en voulut avoir, pour envoyer à un sien ami; &
+il descendit lui-même avec la chambriere, pour faire emplir la
+bouteille; mais il n'y avoit pas d'ordre: il étoit trop bas. (Il eût eu
+besoin de priere, comme la bonne femme qui prioit dieu que hausse qui
+baisse, & que baisse qui hausse: hausse qui baisse, étoit pour son vin;
+& baisse qui hausse pour son lard, qui étoit pendu au plancher, qui
+haussoit, plus on en prenoit.) Le ministre n'étoit point content que son
+vin fût diminué sans s'en être senti. Comme il s'en tourmentoit, la
+chambriere disoit: il faut qu'il s'en soit allé par quelque part. Et
+elle faisoit l'empêchée de regarder par-tout; puis elle s'avisa de
+monter sur le tonneau, pour voir s'il n'y auroit point quelque fente
+derriere. Etant dessus, & se baissant la tête, voilà ses robes qui se
+renversent sur son échine, chemise aussi; & son maître qui tenoit la
+chandelle, va voir la grande essoine qu'elle avoit entre les cuisses.
+Elle faisoit si beau jeu, qu'on l'eût vu jusqu'à l'herbier. Allons,
+allons, dit-il, ôtez-vous de-là; l'ai vu la fente par où mon vin a
+coulé.
+
+CEDRENUS. Vous aviez cela à dire, pendant que je faisois paître mon âne.
+
+
+
+
+
+THESE.
+
+
+IV. Un viel peintre avoit une femme jeune, belle & jolie, dont il étoit
+fortement jaloux, ainsi qu'il est séant à tel âge. Cette jeune femme
+faisoit semblant de n'y penser pas. Toutefois elle n'étoit point
+contente de ce que son mari ne tiroit pas si souvent au naturel, qu'elle
+eût désiré: à quoi elle pourvut au moyen & aide d'un jeune peintre, en
+quoi elle se gouvernoit tant simplement & faisant la chatemite, qu'il
+sembloit qu'elle n'y touchât pas. Même elle portoit un semblant tant
+nice & honteux, qu'elle faisoit presque difficulté de regarder l'endroit
+de la braguette, & eût fait conscience d'ouïr parler un homme. Toutefois
+cela n'effaça point l'ombrage de son mari, qui, ayant affaire aux champs
+pour quelque temps, sur le point qu'il falloit partir, ne pouvant plus
+s'en excuser, étant necessaire qu'il y allât, avoit fort mal à la tête.
+(Les dames de Touraine font distinction entre mal & douleur de tête.
+Mal, c'est quand il est comme de ce peintre; douleur, quand le sens
+triste l'occupe. Quand donc l'opinion cornue est en la tête, c'est mal;
+& cela fait ainsi, à ce que m'a conté le sire André T. comme quand une
+dent perce; c'est que, la corne perçant, cela fait mal.) Etant le
+peintre sur la conclusion de son partement, il dit à sa femme: ma mie,
+je vous aime beaucoup; mais je désire de vous quelque chose, qui me fera
+assurance de votre honnêteté. Mon ami, tout ce qui vous plaira; je ne
+vous ai jamais refusé de rien, ni ne ferai. Sur cet accord, & lui ayant
+dit son intention, sur la peau de son ventre, où elle est plus licée &
+polie, il y peint un âne, puis s'en alla. Il ne fut pas gueres loin, que
+le compagnon ne vînt voir la belle, & garder le corps de cette femme, à
+laquelle il savona bien & beau les fauxbourgs des fesses. Comme elle
+sentit le proche retour de son mari, elle avisa son ami de cet âne, qui,
+y regardant, le vit tout effacé, excepté la tête & les jambes. Hélas!
+que ferai-je, dit-elle? Ne vous souciez; je les racoûtrerai bien. Ce
+qu'il fit, & le vêtit d'un petit joli bât tout neuf, si que le voilà
+joyeux près la pâture vitale, & étoit si bien qu'il n'y manquoit que la
+parole. Le mari revenu, fut reçu, avec une douce liesse & bonne chere,
+comme le bien aimé, à force accollées & baisers mignons. Sur le soir, en
+devisant, il s'avisa: Eh bien ma mie, notre âne? Mon ami, je n'ai point
+pensé à lui; je ne sais comment il se porte. Il leve la chemise de sa
+femme, & le regarde. A, ha, dit-il, en grande admiration, voilà bien mon
+âne; mais au grand diable soit qui me l'a bâté. Depuis, pour parler en
+paroles couvertes, on a dit: _bâter l'âne_, pour signifier faire,
+verminer, besogner, &c.
+
+ANTIPHON. Les filles de notre pays disant en paroles couvertes, parlent
+bien autrement, témoin la fille de chambre de mademoiselle de la Forest,
+femme d'un conseiller. Un paysan lui apporta un lievre, qu'il mit, en
+l'absence de monsieur, ès mains de la fille de chambre nommée Andrée,
+laquelle il prie affectueusement de le présenter à monsieur, & lui
+recommander son procès, dont il étoit rapporteur, & qu'il avoit nom le
+Vit. (Une dame ne fit pas, un jour, difficulté de le nommer. Je lui
+faisois je ne sais quelle petite haire; & elle me vouloit dire: vous
+faites bien les trois lettres, S, o, t, sot; elle brocha des babines,
+elle me dit: vous faites bien des trois lettres, V, i, t, vit.
+
+LEON L'HÉBREU. Et ma cousine Esther, qui avoit nommé son cela
+naturellement, me répondit naïvement. O ma mignonne! lui dis-je,
+qu'avez-vous dit? Vraiment, mon coeur, dit-elle, je n'ai pas dit con).
+
+ANTIPHON. Durant le dîner, Andrée s'avisa de son message, & dit: à
+propos, monsieur, il est venu ici un homme qui vous a apporté un grand
+lievre. Où est-il? Je le vais quérir. Le voilà. Vraiment il est beau; il
+le faut mettre en pâte. Monsieur, il vous recommande ses affaires, ce
+pauvre homme. Comment a-t-il nom! Je ne l'oserois dire; il est trop
+sale. Si vous ne le dites, je ne saurai qui m'aura donné ce lievre.
+Ardez, monsieur, vous savez bien qui il est; je n'oserois dire ce
+nom-là, il est trop sale. Mademoiselle lui dit: dites-le en paroles
+couvertes. Bien donc, Monsieur, il a nom comme cela avec quoi on fout.
+
+MUNSTER. D'un âne vous êtes venu à un lievre, je crois que c'est à cause
+des oreilles; à raison de quoi, pour le mettre en cosmographie, je vous
+dis que je ne vis oncques âne plus joli, que celui d'un apothicaire de
+Tours. Son maître même m'en a assuré, nous en faisant le discours ainsi.
+J'ai l'âne le meilleur du monde: même il est si naturel, qu'il me sent
+d'une demi-lieue.
+
+
+
+
+
+CHAPITRE.
+
+
+V. Vous me faites souvenir d'un voyage que nous fîmes en Espaigne;
+l'année que l'empereur devint fou. Je pense qu'Espaigne, c'est-à-dire,
+_Espargne_, _i_, pour _r_, comme il est écrit ès prologues des
+institutions de droit. Etant avec ces magnifiques, ils nous fêtoyerent
+aussi magnifiquement, & le tout de paroles. Je ne vis jamais tant de
+beaux banquets de paraphrases; les paroles y étoient apprêtées en toutes
+sortes; il y en avoit de couvertes en mode de pâtés de venaison; il y en
+avoit de rassises, pour manger avec du pain frais: le menu étoit de ces
+petites paroles, syllabes & lettres que l'on mange en poésie & en prose.
+Certainement ils nous en firent bonne chere: mais cela pourtant nous
+passoit apostrophiquement par la bouche. Les confitures & le dessert
+étoient révérences: & pour la bonne bouche, nous eûmes le mot de guet, &
+le mot pour rire. Voilà comment nous fûmes traités, avec belle eau
+fraîche, si nous en voulions. Cela étoit mal au ventre. (Ils ne nous
+traiterent pas, comme le mercier de Loches faisoit sa femme. Sa mere lui
+dit: mon ami, traitez-là bien _doucement_. Vraiment il le faisoit; il
+lui bailloit des oussemens. Ainsi les sages-femmes l'entendent, quand
+elles disent aux premieres grosses des autres: consolez-vous, ma mie, il
+en sortira plus doucement qu'il n'y a entré.) Or, nous fûmes bien
+arrivés auprès de la bonne eau d'Espaigne. Vraiment, si jamais je refais
+ma cosmographie, je ferai telle description de ce pays là, que l'on
+croira aisément que les peuples y sont enragés.
+
+APICIUS. Mais à propos d'eau, quand un homme entre où l'on dîne, lequel
+est le plus excellent, si on lui présente de l'eau ou du vin!
+
+LE BON HOMME. C'est à ce coup, que l'on connoîtra vos bons esprits. O la
+belle proposition! ô le beau problême notable, qui fut débattu au
+concile des _trois dixaines_! Or boivez, pour décider cette affaire.
+
+APICIUS. Quant à moi, pour le premier j'en dirai ma ratelée, & ce
+d'autant que j'ai un beau nom. Et pour vous amuser un peu, qui sont les
+deux noms les forts délicats; nous n'avions garde d'avoir plus mauvais à
+un homme? Vous êtes quinaux; vous êtes _quarante fesses_. C'est
+Guillaume & Gautier, parce que l'on dit aux gens de nôces; venez, mes
+amis; mais ne m'amenez ni Gautier, ni Guillaume. En avez-vous? Or, quand
+j'irai où l'on dîne, je serai bien aise que l'on me présente de l'eau.
+L'eau, en ce temps là, c'est le juste & parfait symbole d'honneur & de
+profit à venir; c'est signe qu'il se faut laver, & se mettre le plus
+près de la table que l'on pourra, & sur-tout vers le milieu. Le vin a sa
+vérité quant & soi; c'est fait, il ne prophétise rien: l'eau prophétise
+le dîner; le vin, ayant été présenté & pris, signifie, boivez, & vous en
+allez. Ainsi, par l'eau, est représentée la jouissance future, &
+abondance; par ce peu de vin, est montrée une dayée de commodité qui se
+passe vîte. Ainsi l'eau présentée, alors représente le mystere
+dînatoire; & le vin dit congé. On baille de l'eau pour disposer
+l'appétit, non pas seulement pour laver les mains; aussi qu'en est-il
+besoin? Il ne faudroit, si cela étoit nécessaire, mouiller seulement que
+le bout des doigts; on ne met pas la soupe dans le creux de la main: ce
+lavement est donc pour exciter l'appétit; la main est la figure du foie,
+son rapport unique & formel, laquelle mouillée donne au foie une vertu
+cuisante. Voyez, je vous prie, les poissonnieres, lesquelles pour avoir
+toujours la main en l'eau & le feu au cul ont les joues vermeilles;
+elles sont gaillardes, aiment le bon vin, toujours étant en appétit.
+Voilà des points secrets de la très-profonde sagesse.
+
+DIOGENES. Que males mules aient ces philosophes foireux qui ne font
+qu'ânonner: je les envoierai à mon métayer & à ses gens. Il y a plus de
+mille ans que le conte en est fait; mais on l'a mal retenu. La fille de
+ce métayer apporta des prunes à notre femme, qui lui dit: il n'en
+falloit point, ma mie. C'est votre gresse, mademoiselle; prenez-les,
+s'il vous plaît; aussi-bien nos pourceaux n'en veulent point.
+L'après-dînée, celle de chez nous rencontra la mere de cette fille, à
+laquelle elle dit ce que sa fille lui avoit dit. Ardez, répondit-elle,
+mademoiselle, elle dit vrai; ces méchans pourceaux aiment mieux manger
+la merde. Sur le soir, je rencontre le bon homme, auquel je conte le
+tout. Pardé, monsieur, dit-il, ce sont bêtes: leur bouche est en paroles
+aussi honnêtes que le trou de mon cul.
+
+ANTIPHON. Appelez-vous cela des paroles couvertes? Je crois qu'il les
+faut servir à couvert, de peur qu'elles ne s'éventent.
+
+DIOGENES. Si vous avez peur qu'elles s'éventent, avalez-les vîtement, &
+faites comme en Italie, baillez-leur du plat de la langue.
+
+HORACE. Si j'eusse su cela, j'eusse bu, & eusse pris congé.
+
+QUINTILIEN. Comme quoi? Est-ce selon que le prononça le president
+Gascon? L'appellant voyant sa partie ne comparoître pas, demanda congé:
+je demande congé, messieurs. Le président ayant recueilli le conseil,
+chacun ayant dit: congé; il prononça: qu'il s'en aille. Il y eut un
+chaste abbé qui l'alla voir, & lui présenta son frere, lui disant:
+monsieur, je vous supplie de faire cette faveur à mon frere, de le tenir
+pour votre serviteur. Quoi! faveur! dit-il; je ne fais point de faveur;
+je fais justice.
+
+LAERTIUS. Je me souviens qu'étant à Paris, chez un conseiller, j'ouis un
+bon apophthegme. Il y avoit un bon paysan, qui avoit gagné son procès, &
+étoit allé parler à son procureur, qui lui avoit donné avis d'aller voir
+ce conseiller qui avoit été rapporteur, afin qu'il le remerciât. Ce bon
+homme allant, pensoit en lui-même, que possible il lui faudroit encore
+donner quelque chose: toutefois il s'assura qu'il auroit tant de
+conscience, qu'il ne lui demanderoit plus rien, vu que pour payer les
+épices, il avoit même été contraint de vendre sa vache, seul reste de
+son bien. Le pauvre homme vint saluer monsieur son rapporteur, qui lui
+dit: mon ami, je vous sais bon gré de m'être venu voir; je prends
+plaisir à m'employer pour les gens de bien; remerciez dieu, que vous
+ayez eu tel qui vous a conservé votre droit. Or il y avoit en la même
+salle un peintre qui faisoit une chasse en un paysage, où il y avoit
+plusieurs sortes d'animaux, que ce paysan se mit à regarder. Le
+conseiller lui dit: que regardez-vous-là, bonhomme? Je regarde si entre
+tant de bêtes qu'on vous donne, ou qu'on emploie pour vous apporter de
+l'argent, je ne verrai point ma vache; au moins que la moitié y fût,
+parce que vous l'avez bien eue & davantage. Ainsi que Laërtius parloit,
+voilà que la petite chienne de madame, qui demandoit à manger, aboie &
+le fâche: il étoit assez près, & lui cria: paix, petite vilaine, petite
+putain; voyez-vous un peu que cette petite vesse fait de bruit! Ce que
+voyant notre curé, va dire: je m'ébahis que ce philosophe n'a honte de
+donner le nom d'une personne, & le surnom d'une chrétienne à une
+chienne. C'étoit lui, qui, prêchant; disoit: enfans, apprenez la
+patenostre & l'_ave_ à vos peres & meres. Il étoit des enfans de
+Moulins, auxquels on frotte le cas de beurre, quand ils sont malades. La
+fille d'un marchand de Lyon, qui s'étoit retirée à Genève, de peur de
+jeûner en carême, en fut punie, d'autant que, mangeant d'une bonne
+truite, une arête lui demeura en la gorge: hélas! elle étoit fille
+unique, uniquement aimée. On courut aux remedes. Médecins, chirurgiens,
+apothicaires, alquemistes, empiriques, sorciers, charlatans, secrétaires
+& bimblotiers de drogues furent appellés; mais on n'y pouvoit remédier.
+Déjà l'arête, ainsi passée, l'ulcéroit; & y avoit crainte qu'elle n'en
+mourût avec douleurs. Il passa par-là un vieil homme, qui, ayant ouï le
+bruit & la pitié, fut ému de compassion; il entra en la salle, fit faire
+un grand feu, & fit apporter une livre de beurre; puis, ayant fait
+sortir tout le monde, prit cette fille sur ses genoux, s'étant assis
+comme une nourrice, & lui montra le cul au feu, lequel muni de deux
+belles grosses fesses rebondies, il graissoit de ce beurre. L'opération
+en fut merveilleuse, d'autant qu'aussi-tôt l'arête fut avalée, & la
+fille guérie; _& hoc certo certius_.
+
+MAROT. Je ne sais pourquoi vous nous dites cela; vous ne faites que nous
+mettre en goût.
+
+
+
+
+CONSISTOIRE.
+
+
+VI. J'aimerois mieux dépuceler une gueuse, que d'avoir le reste d'un
+roi: toutefois, à cause de ce que ce jaseur vient de dire, je suis tout
+dégoûté. Cela m'a fait souvenir que je n'ai point d'appétit.
+
+LOUVET. Pargoi, mon ami, si tu es tant dégoûté, je te prie & conseille
+de te faire procureur, & alors tu mangeras à toutes mains jusques aux
+os.
+
+MAROT. Je pourrois manger autant que douze, que je ne m'engraisserois
+pas.
+
+LOUVET. Vraiement, tu n'as garde: comment engraisserois-tu, vu que tu
+chies tout ce que tu as mangé? A cela, va dire un chien couchant de
+léchefritte: quelle prodigieuse invention!
+
+MAROT. Qu'est-ce là? Quel animal nouveau?
+
+LOUVET. C'est un moine de cuisine; _aliàs_ un boute-cul, qui va dire
+qu'ordinairement on chie au prix que l'on mange.
+
+LE BON HOMME. Que vous êtes sale! Laissez ces paroles. Vraiment, si
+j'eusse été le maître, vous n'en eussiez pas ainsi dit; & en ai laissé
+passer, parce que je m'amusois à faire mon état, qui est de considérer
+vos actions.
+
+CICERON. Ne vous trompez pas, monsieur mon ami; les paroles ne sont
+point sales; il n'y a que l'intelligence. Quand vous orez une parole,
+recevez-là, & la portez à une belle intelligence; & lors elle sera
+belle, nette & pure. Mais cela fâche les oreilles? Si les oreilles
+étoient pures & nettes, cela ne les incommoderoit point. Un étron
+incommode-t-il le soleil, bien que ses rayons s'y jettent? Sachez aussi,
+mon pere _se puisse tuer_, que, si on ôtoit ces paroles d'ici, ce
+banquet seroit imparfait. Seriez-vous bien aise que l'on vous ôtât le
+cul, parce qu'il est puant, & ce jusqu'à la mort? Vous seriez un bel
+homme sans cul! Il faut suivre nature; ainsi notre discours le suit. Et,
+si vous vous scandalisez, oyez une prophétie que j'ai apprise dans
+l'abbaye des grottes de Memphis. «Moines, Prêtres, ministres, &c.
+présidens, conseillers, avocats, &c. marchands, ouvriers, artisans, &c.
+de quelqu'état, qualité & condition qu'ils soient, qui diront mal des
+mémoires du MOYEN DE PARVENIR, seront atteints & convaincus de tous
+crimes que la sottise embrasse, que l'imprudence couve, & l'hipocrisie
+nourrit, &c.» Avez-vous ouï cela? Si vous oyez un mot qui vous fâche,
+dites que vous ne l'entendez pas, ainsi que je l'enseigne aux sages
+filles de la cour. Ma mie, si vous oyez parler de ceci ou cela, ou de
+ficher sans pic, dites que vous n'y entendez rien, & n'en faites aucun
+semblant; d'autant, que si vous vous fâchez, quand on dira des paroles
+de fouaillerie, on dira que vous les entendrez, ce qui seroit honteux.
+Avez-vous ouï, encore un coup, monsieur mon ami. Or donc, soyez sage, &
+faites votre état.
+
+HÉRODOTE. J'y suimes. Il étoit un beau barbier.
+
+CÉSAR. Pourquoi dit-on glorieux barbier?
+
+HÉRODOTE. Parce qu'il vous coupera bien le poil du cul, sans en être
+honteux.
+
+DIOGENES. Et si je n'avois point de poil au cul?
+
+HÉRODOTE. Tu serois comme les femmes.
+
+DIOGENES. Et dà, pourquoi? Est-ce que les femmes n'ont point de poil au
+cul?
+
+HÉRODOTE. Grosse pécore, grand âne que tu es, fils d'un coq de
+Ludonnois, ne sais-tu pas: _fronte capillata est, sed post occasio
+calva_. En voilà la raison. Il faut que je fasse le prêcheur, que
+j'interprete mon latin: c'est parce que la fortune a du poil au front;
+c'est là où il faut la prendre: entre les deux gros orteils des femmes,
+il faut se prendre là, parce qu'il n'y a point de poil derriere.
+
+MADAME. Là, là, à ce barbier.
+
+HÉRODOTE. Par mon serment, sans jurer, je pense que je l'oubliois, tant
+vous êtes folle. Ce barbier aimoit très-ardemment une sienne voisine,
+femme d'un mercier: & avoit le mot du guet avec elle: il ne falloit que
+trouver le moyen & l'occasion: (voilà adapter les mots, je parle aux
+doctes; il n'y a gens qui soient moins cocus que merciers demeurant en
+boutique; parce que toujours leurs femmes sont présentes, & ils leur
+sont présens.
+
+ULDRIC. Mais, encore avant que passer outre, monsieur le notaire, je
+vous demande, pourquoi est ce qu'on se marie?
+
+ARCHIMEDE. Or regardez, je vous le dirai sur ces quatre doigts, ayant le
+pouce en la main. Le premier doigt, qui est index, _nota_; on se marie
+pour avoir une femme. Le second, pour avoir de l'argent. Le troisieme,
+pour avoir du plaisir. Le petit doigt, pour avoir des enfans: aussi
+est-ce là que les Gyptiens & les Bomians les trouvent marqués. Or çà,
+mon frere, regarde les deux doigts du milieu, & les vois baissés: c'est
+signe que le plaisir se passe, l'argent s'en va. Vois ces deux doigts
+restés de bout; ils signifient que la femme & les enfans demeurent avec
+droit de brancards.)
+
+HÉRODOTE. Et voilà donc l'usage auquel est sujet, comme tout autre
+marié, ce mercier, la femme duquel desiroit avidement l'accointance du
+chirurgien son voisin; mais on ne pouvoit y trouver ordre. Ils
+s'aviserent en parlant à la boutique, les étoffes les séparant, &
+exécuterent leur dessein. Voilà ma commere la merciere, qui fait la
+malade; elle plaint sa tête; elle fait semblant d'avoir des soulevemens
+de coeur: le mari, tout étonné, envoie querir maître Pierre; aussi-tôt
+qu'il est venu, il la visite. O mes amis, dit-il, & vous, mon compere,
+parlant au mari, voilà ma commere qui est bien malade; c'est la
+contagion: mais il y a moyen. Çà un peu de vinaigre; vous avez bien fait
+de venir au devant; si vous eussiez tardé, il n'y eût plus eu de moyen.
+Çà, venez ici, apportez cela; ici du feu; là une écuelle; de l'eau, du
+linge, fermez ces huis un peu; là, parlez bas; des ciseaux; je suis tout
+étourdi, tant j'ai hâte. Ainsi faisant l'empêché, il fait un emplâtre
+fort léger, & dit au mercier: mon compere, il faut que vous mettiez cet
+emplâtre sur le bout de votre membre viril: & que vous le poussiez dans
+la nature de votre femme. Quoi! dit le mari, faites votre état, maître
+Pierre. Mais c'est votre femme. Faites votre état, mon ami. A donc le
+barbier mit l'emplâtre sur le bout de son inconvénient, & le porta à la
+ruelle du lit; mais quand ce fut à ficher, il ôta le linge poissé, qu'il
+pausichonna en sa pochette; & mit maître cas dans la belouse, autrement
+dit, le trou de service, frais, vif & en bon point: & ainsi guérit
+madame la merciere; & qu'ainsi en puisse prendre à toutes celles qui le
+desirent.
+
+
+
+
+COMMITTIMUS.
+
+
+VII. Il en prit autrement à un petit barbier de Vendôme. Monsieur le
+médecin Taillerie, menoit en pratique ce petit chirurgien; & parce qu'il
+avoit long temps à être chez la noblesse ou il alloit, monsieur le
+médecin, jà vieillard, menoit sa femme qui étoit encore jeune, que le
+barbier accompagnoit en trousse. Etant en chemin, le médecin demanda au
+barbier comme se portoit sa femme. Vraiement, dit il, monsieur, il faut
+qu'elle se porte bien, si elle veut; d'autant que je l'ai approvisionnée
+six bons coups, cette nuit, sans ce qui s'est fait depuis. Cela leur
+servit de risée, tant qu'ils furent arrivés à la noblesse, où ils
+alloient. Le soir, chacun étant retiré, le médecin devisant avec sa
+femme: laquelle lui avoit entamé le propos de ce jeune barbier, lui
+demandant, possible en songeant à ce qu'il avoit dit tantôt, pourquoi il
+s'en servoit plutôt que d'un autre. Ma mie, ce dit-il, je me sers de
+lui, parce que je desire qu'il ait sa vie toute gagnée, d'autant qu'il
+n'a plus que deux ans ou environ à travailler, à cause qu'il paroîtra
+tout ladre. Cette réponse fut cause, que la demoiselle s'en dégoûta.
+Comme ils s'en retournoient, le médecin gaussa sa femme; & ainsi qu'ils
+furent en un carroi, où il y a de grand arbres, il lui dit: ma mie,
+mettez pied à terre; je vous veux baiser entre cul & con. Mon ami,
+dit-elle vous êtes fâcheux. Non suis; le pied à terre, je le veux. Etant
+à bas tous deux, il la prend & la baisa en la bouche, comme au jour de
+leur nôces; puis elle dit: pourquoi me disiez-vous cela? Parce que je
+l'ai fait; ne vous ais-je pas baisée? Oui. Ha! ma mie, voilà un ruisseau
+qui se nomme cul, & celui-là con; nous sommes entre-deux. Ainsi, beaux
+esprits, voilà de belles paroles; elles sont claires comme eau.
+
+MAHOMET. Comment voudriez-vous faire entre con & cul une muraille seche?
+
+CESAR. Je ne sais.
+
+MAHOMET. Il faudroit boire l'eau, & manger le mortier: achevez.
+
+L'AUTRE. Etant de retour de fortune, mademoiselle du médecin se trouvant
+chez une commere; (c'est-là où on cause) vint qu'on parla de maître
+Claude ce barbier. Vraiment, dit cette demoiselle, je suis marrie de son
+inconvénient, il sera ladre dans deux ans; mon mari me l'a dit. Cela
+alla de bouche en bouche, ou de couche en couche, tellement que le
+barbier le sut, qui, tout scandalisé, vint trouver monsieur le docteur,
+auquel il fit sa plainte, & demanda s'il l'avoit dit, & pourquoi. Parce
+qu'il ne faut pas, vous qui êtes jeune, que vous parliez devant ma
+femme, en ma présence, de le faire six coups; & soyez sage.
+
+BEROALTUS. Je connois ce barbier, il est honnête homme: il a fessé un
+chien; il est Gascon & a demeuré à Tours chez un de nos amis. Vraiment
+il fit un jour un trait notable. Une femme d'honneur étoit malade, & il
+falloit, au carême, avoir dispense, pour lui faire manger des viandes
+qui sont interdites en saint temps.
+
+ARISTOTE. (Mais la cause pourquoi la chair terrestre est-elle plutôt
+défendue que l'aquatique?
+
+PYTHAGORAS. Mais aussi vous dirai-je, un étron est-ce chair ou poisson?
+
+ARISTOTE. Il y faudroit goûter: & puis vous sauriez que tandis qu'il a
+le sens chaud, il sera chair; s'il l'a froid, il sera poisson & vous en
+soulez. Ce n'est pas cela. Répondez au prêtre: je vous dirai: c'est
+parce que la chair fout, & on seroit fou toujours, & le poisson fraie.
+
+NERON. Voilà de belles raisons. J'aimerois autant celles de Jannotin,
+qui dit: qu'il faudroit être sergent pour aller en paradis, d'autant que
+les sergens vont devant: da, da. Il est bon, s'il n'y avoit que les gens
+de justice qui allassent en paradis. Et c'est le contraire, & je l'ai vu
+en la danse macabrée de Fubourg, où les présidens, conseillers, avocats,
+procureurs & clercs, sont par les sergens conduits en enfer, & t'en
+guette).
+
+BEROALTUS. Or vela beau cauré? laissez-les dire: j'acheverai mon
+discours. Maître Pierre le Grand, petit barbier de Tours, avoit chez lui
+ce compagnon qui se tenoit fidélement à la boutique. Ainsi qu'il fut
+avisé: ce maître eut un certificat du médecin, afin que l'official ou
+grand vicaire: (au diable soient-ils, si je me souviens auquel il faut
+avoir recours, si d'aventure on ne joue deux personnages comme le
+maréchal de Ballan, qui étoit notaire & aussi barbier, & quand on le
+demandoit, il disoit: me voulez-vous pour ferrer, ou barber, ou écrire,
+ou ajourner, parce que depuis il fut sergent.) Le certificat fait par le
+médecin, le chirurgien le porte chez lui, & dit à son homme: va faire
+signer cela à monsieur l'Official. Le garçon ouit de biais, & pensoit
+que le maître eût dit: va faire une saignée chez monsieur l'official. Il
+prend son manteau & ses outils, & y va. Il heurte à la porte, & le neveu
+de monsieur lui vint ouvrir, auquel il demanda comment se portoit
+monsieur. Il se porte fort bien. Si est-ce qu'il y a ici quelqu'un
+malade, que mon maître m'a envoyé saigner, en voilà l'ordonnance. Le
+neveu, fort suffisant vit le papier, & ne pouvant rien connoître, pour
+faire le savant, dit: il faut que ce soit pour moi, d'autant que je suis
+morfondu; venez & entrez. Ce qu'il fit & le saigna bien & beau. Je
+m'ébahis qu'il n'en fût mal, mais dieu fut aide aux innocens, & puis la
+risée lui racoutra le foie. Si le valet fut trompé, le maître le fut
+aussi. Il vit un vieil paysan, qui se plaignoit d'une douleur en la
+joue. O, lui dit-il, viens, je la guérirai, je t'arracherai la dent qui
+te fait mal. Pargoi, vous ne sauriez. Pardienne, si ferai. Je gage demi
+écu que non. Le voilà: je gage que si, or allons. Quand ils furent en la
+boutique, & que le patient fut sur la chaire, le barbier se met à
+regarder en sa bouche, & n'y trouva aucune dent. Et qu'est-ce que cela?
+C'est que j'ai gagné, dit le pied-gris. Il y a plus de trente ans que je
+n'ai pas une dent; & dis que tu en as, soulier à belles oreilles.
+
+CICERON. Je vous reprends, vous jurez. Etes-vous des consuls de Tours?
+
+BEORALTUS. Que voulez-vous dire des consuls de Tours?
+
+CICERON. Rien que bien, sinon que mon compere le sire François, je ne
+dirai pas son surnom, étant consul, condamna un marchand. Le marchand
+lui dit: par dieu, vous n'avez pas bien jugé. Le consul lui dit: vous
+payerez l'amende, par dieu, vous avez juré. Et vous aussi, dit l'autre.
+Ha! dit le consul: tenez, greffier, voilà mon amende, recevez la sienne.
+
+ARNOBE. Cela est aussi bon que le fait de monsieur de Césarée, évêque
+portatif, qui faisoit sa visite par le diocese d'un qui l'en avoit prié,
+& où il avoit autrefois tenu les ordres. Il se trouva qu'il interrogea
+un prêtre qu'il trouva ignorant. O! dit-il, gros bedier, âne que tu es,
+qui t'a fait prêtre? Qui est le veau d'évêque qui t'a conféré cet ordre?
+C'est vous, monsieur. Par dépit, bédier, je paierai cent sols d'amende;
+& toi, dix francs. Mon secrétaire, faites vous payer.
+
+ARISTOTE. Si c'étoit à moi, je corrigerois bien tous ces abus-là.
+
+ALEXANDRE. O! oui, vous êtes brave correcteur, comme celui des bons
+hommes; _corrector à corrigendo_.
+
+LE BON HOMME. En ma conscience, je le crois; ils s'arrousent bien le
+coeur; je pensois que cela fût hors du monde.
+
+
+
+
+REVERS.
+
+
+VIII. ARISTOTE. A ce que je vois, le pays des sots n'est pas une isle,
+c'est le monde même, & rien hors d'icelui: ainsi qu'il y a de ces
+gens-là hors du monde, qui sont de gros veaux, témoin le moine curé, qui
+se pensoit paillarder sur le bien dire à son prône, annonçant les fêtes
+qu'il falloit festiner, & disoit: mes amis, il y a de bonnes fêtes cette
+semaine, lesquelles pourtant ne sont de commande; l'église les fustigera
+pour vous.
+
+BUCHANAN. N'étoit-ce pas lui, qui, au lieu de dire à la leçon, _qui
+moechantur cum illâ_, dit, _qui monachantur cum illâ_.
+
+APULÉE. Et que vous faut-il? Vraiment vous êtes bien cruel de regarder à
+des paroles, & non à l'intention.
+
+BUCHANAN. Je sais bien pourquoi vous le dites: c'est de peur que je ne
+parle de votre cousine de Malenoue.
+
+NERON. Dites donc tout, puisque vous êtes détravé.
+
+BUCHANAN. Durant la ligue, il y eut un bruit qui courut (puisqu'il faut
+ainsi dire) qu'une nonnain de Malenoue avoit eu apparition d'ange. A
+cette nouvelle, quelques dames des plus grandes firent partie de l'aller
+voir: ce qu'elles accomplirent. Etant là avec elle, voyant discourir des
+merveilles de cet ange, elles étoient en extase de douceur; & comme
+cette fille les voyoit ainsi transportées d'aise, elle leur amplifioit
+son discours du reste de la merveille, puis ajouta: j'étois si contente,
+Madame, que jamais tant, ni plus. C'étoit le plus beau l'ange du monde;
+& puis, quand ce beau l'ange fut sorti, toute ma chambre étoit si
+embaumée, que c'étoit merveille, tant elle sentoit l'usc, & le membre
+vert & gris.
+
+CÉSAR. Quel ange? Je gage que c'étoit un esprit vital.
+
+BUCHANAN. Comme vous dites. Au moins souvenez-vous de dame Catherine,
+qui, oyant parler de sa maîtresse que l'on pensoit qui fût morte, & que
+le médecin disoit que les esprits vitaux y étoient encore tous: elle
+répliqua: je ne dis que cela ne fût, si c'étoit à un homme, mais à une
+femme, ce sont les esprits conaux.
+
+CÉSAR. Je ne sais quels esprits, si vous ne l'entendez à l'antique, que
+l'engin & l'esprit sont tout un, ainsi que le pratiqua la chambriere
+d'une veuve. Je vous assure que cette garce étoit jolie, mais un peu
+follette; sur quoi sa maîtresse lui disoit toujours qu'elle n'avoit
+point d'esprit. Or est-il qu'il y avoit un jambon à la cheminée; & cette
+fille le voyant là si long-tems, elle s'ennuyoit; elle demanda à madame,
+si elle le mettroit cuire. Non, dit-elle, c'est pour les Pâques. Cette
+fille en fit le conte à quelques autres de ses compagnes, qui s'en
+gaussoient en son absence. Mais le clerc du notaire Bardé ne fut point
+si sot, qu'il n'y prît garde pour éprouver le sens de la fillette. Un
+jour que la bonne femme étoit allée à sa métairie, & qu'elle avoit
+laissé Mauricette toute seule, il vint heurter, & demanda madame.
+Mauricette dit qu'elle n'y étoit pas. J'en suis bien marri, parce que je
+suis Pâques, qui étois venu quérir le jambon qu'elle m'a promis. Il
+passa; & la chambriere le laissa paisiblement entrer & prendre le
+jambon. Lui qui la voyoit si nicette & belle, pensoit à meilleure
+aventure. Il faut, dit-il, que je voie si c'est ici mon jambon. Si ce
+l'est, j'ai un esprit qui me le dira. Il tire son chouart vif &
+glorieux. Quand la fille le vit: qu'est-ce que cela? C'est mon esprit.
+Je vous prie, donnez-m'en un peu: ma maîtresse ne me fait que tancer, &
+dire que je n'ai point d'esprit. Il la prit, & lui en distribua autant
+qu'à lui, dont elle se trouva passablement bien; aussi en étoit-elle
+toute réjouie, comme celle qui disoit que Claude lui avoit farfouillé en
+son cul de devant. Quand sa maîtresse fut venue, elle lui conta comme
+Pâques étoit venu quérir le jambon: & dà, madame, vous ne me reprocherez
+plus que je n'ai point d'esprit, Pâques m'en a baillé à bon escient.
+
+QUELQU'UN. Voilà un beau moyen d'avoir de l'esprit! C'est à quoi pensoit
+ma cousine Martine, l'autre jour en dînant, que sa mere parloit de son
+lard. Oui, vraiment, ma mere, notre lard étoit bon; mais la couaine
+_sent le vit_.
+
+RENÉE. Elle ne dit pas ainsi; dà, je la veux défendre; elle dit:
+s'enlevit.
+
+SOCRATE. Si vous y regardez de si près, il n'y aura jamais plus de bien
+au monde.
+
+LE BON HOMME. Vous pensez à autre chose; je m'assure que vous songez
+autant à ce que nous disons, que si vous n'étiez pas ici.
+
+ARCHIMEDE. C'est que j'avisois, & m'est avis que je vois, comme un jour
+j'étois avec une dame qui cherchoit quelque chose en son cabinet; & elle
+avoit avec elle une sienne cousine qui la considéroit fort. Cette dame
+ayant mis la main sur ce qu'elle cherchoit, en se retournant va dire:
+vraiment je suis une grande sotte. L'autre va dire: c'est ce que je
+voulois dire, madame.
+
+LISET. Cette-là même étoit avec nous, quand nous parlâmes à monsieur
+Champis d'aller à la messe de minuit: je ne daignerois y aller; j'y ai
+été plus de cinq cents fois.
+
+SOCRATE. Or bien je vous avise donc que ce bon personnage a ses pensées
+autre part qu'à nos discours.
+
+MENOT. Il est possible intéressé, & a volonté de pisser, comme avoit
+l'abbé de Grandmont; quand il vint voir madame l'amirale. Ce monsieur
+alors douanant sur son mulet, avec intention & pensée d'en descendre
+pour pisser, quand il seroit à la porte. Or madame qui avoit affaire de
+lui, & le vouloit gratifier, sachant qu'il approchoit, vint au-devant de
+lui, & le surprit; ainsi il remit sa pisserie à une autre fois; de quoi
+il fut trompé, d'autant qu'elle le mena en la salle, où le souper étoit
+préparé. Il se fallut asseoir & faire bonne chere. Cependant monsieur
+l'abbé étoit en grand peine, ne pensant qu'à pisser; puis voyant que le
+discours seroit long, il résolut de pisser en sa botte. Vous savez comme
+les abbés les portent ouvertes par en haut, & larges d'embouchure. Ainsi
+qu'on apporta le bassin pour laver, il n'en pouvoit plus; parquoi il
+avoit mis la main à son engin, & déja le déchargeoit dans sa botte.
+Madame pensoit que ce fût son couteau qu'il serrât, (pour ce que
+volontiers telles gens en portent un de damas à leur ceinture) & qu'il
+ne voulut pas laver avec elle. Vraiment, dit-elle, vous ne ferez point
+cette difficulté. Et ainsi elle lui tira la main, qui emporta aussi le
+virolet, qui acheva sa décharge dans le bassin.
+
+THIART. Le bassin fut un de ceux qui servirent aux ambassadeurs du duc,
+(aussi il y a des étoffes fées) quand il envoya vers le pape, lui
+remontrer la disette du pays, & le prier de lui donner deux cueillettes,
+l'an d'après. Il y avoit six ambassadeurs, notables seigneurs, & de
+crédit, qui, étant arrivés, le firent savoir au pape, qui, sachant leur
+venue, fit mettre une oie en mue, mais toute nue. (Elle étoit fille du
+jars si gras, qui fut mangé à Grenoble, quand le roi prit la Savoye. Ce
+jars présenté sur la table d'un seigneur, lequel en chercha l'ame, & ne
+la trouvant, appella le cuisinier: où est l'ame de cette oie? Ce n'est
+pas une oie, monsieur; c'est un jars, qui a tant chauché sa mere, que le
+diable a mangé son ame, que le cuisinier avoit donnée à sa mie: comme
+fit celui qui donna le bon brochet à une pour aller coucher avec elle:
+mais il fut trompé, le pauvre puceau, d'autant qu'elle avoit pris des
+dents du brochet, qu'elle avoit agencées de sorte que, quand il voulut
+engaîner, elle lui en serra le bout, dont il fut fort malade; depuis,
+quand il fut parlé de le marier, il voulut voir le comment a nom de sa
+promise, & y voyant je ne sais quelle petite éminence de clitoris: ô!
+ho, dit-il, voilà la langue, les dents ne sont gueres loin; je n'en veux
+point.
+
+
+
+
+CHARTRE.
+
+
+IX. Ces ambassadeurs, (laissez-les se préparer) le plus sage d'entr'eux
+fut élu de tous pour porter la parole. Mais, dirent-ils, que
+donnerons-nous au pape? Il lui faut donner de ce qui abonde en notre
+pays; c'est de la crême, dont nous aurons chacun, dans un bassin
+d'argent, une belle & honnête quantité. Que voilà bien entendu! Mais, ce
+dit le président qui fut monsieur de Raconis, avisez bien tous à faire
+comme je ferai, de peur que ne fassions les sots. C'est bien dit; nous
+le ferons. Le jour de l'audience venu, ces messieurs s'en viennent avec
+leur équipage. La porte ouverte, le premier entre; de fortune il y avoit
+un petit seuil à bas, qu'il ne voyoit pas: il étoit tête nue, tenant ce
+bassin haut de ses deux mains, appuyé contre son estomac; il bailla du
+pied à ce petit seuil, qui lui fit baisser la tête, & donner du nez dans
+la crême: les autres, voyant sa barbe ainsi blanche, estimerent que ce
+fût par bienséance qu'il fallût ainsi se présenter; parquoi chacun d'eux
+se torcha & repassa le museau dans sa crême; & ainsi le présenterent au
+pape, faisant leur requête, qui leur fut accordée, moyennant que les
+années auroient vingt-quatre mois.
+
+LE CHEVALIER SANS REPROCHE. Brusquet, un jour, contant cette histoire à
+la défunte roine, il y eut une de ses filles qui lui dit: Brusquet, vous
+n'avez pas ainsi blanchi votre barbe; mais votre mere, qui étoit pauvre
+femme, vous l'a cousue de fil blanc. Il est vrai, mademoiselle, dit
+Brusquet; & lui montrant l'entrée de son chapeau: mais aussi votre mere
+vous en a laissé autant de décousu. Pourquoi y alliez-vous,
+mademoiselle, lui dit notre ami? Vraiment, vous avez rencontré; aussi il
+y a une heure le jour, que l'on a tout ce que l'on desire & cherche.
+
+FRACASTOR. Témoin le triste Augurel, qui se mit en une église pour prier
+dieu, qu'il lui donnât la pierre philosophale. Il y en a qui ne savent
+que c'est de la pierre philosophale, qui disent que c'étoit un
+gentilhomme qui demandoit cent mille écus; (je ne dis pas _sens mi le
+cu_) il y fut jusques à l'autre midi sonné, qu'il se dépita fort, & va
+dire: dieu, donne-moi du bran. Et voilà un oiseau, qui lui va émeutir
+dans la bouche. A! ha, dit-il, je n'avois plus que cet instant, que je
+n'ai pas bien rencontré.
+
+LISET. Cet instant fut propre à notre ami l'évêque de six poules, qui se
+sauva d'entre tous les prêtres, qui se noyerent l'année passée. Hélas!
+que j'en eus de pitié! Et ce qui me faisoit dépit, étoit que ceux qui
+voyoient ainsi périr ces chastes ames, disoient: voilà belle chouse &
+grand pitié! Et chacun disoit: je prie dieu pour les marchands qui
+trafiquent sur l'eau, qu'ils ne puissent faire plus grande perte.
+
+VIRET. Par la vertu, j'ai quasi dit tout outre; encore je m'en repens,
+pource que ces méchans penseront que j'aie envie de devenir huguenot;
+ceux qui parloient ainsi étoient hérétiques.
+
+ALAIS. Je le crois, & en sais bien l'occasion; & autrefois j'eusse juré
+sur mes oeufs de pâques, qu'il n'y avoit point moyen de troubler la foi
+des François; mais aujourd'hui je ne m'ébahis plus de rien. Si je savois
+que vous deussiez faire profit de ce que je dirai, (nous autres vieilles
+gens ne prenons pas plaisir à parler pour néant) & que vous ne
+m'accusassiez de ce que je dirai, je vous alléguerois quelque chose de
+rare & notable. Certes je déplore la pauvre église Romaine qui se
+démolit, & sur tout pour un poinct & un acte qui se commet en France. Je
+vous le dirai, comme si j'eusse été présent à ce bateau qui périt,
+lequel étoit au fond chargé de sel; & je m'en rapporte à messieurs du
+grand parti. A! ha, pauvre prêtrise, ton crédit s'en va. Or sachez que
+la rareté du sel, qui est aujourd'hui si rare & chere, est cause qu'il
+n'y aura plus gueres de bons catholiques, parce qu'à peine trouvera-t-on
+du sel pour faire l'eau bénite à bon marché. Que si elle devient chere
+en continuant, on n'en fera plus; & adieu mere sainte église. Voilà,
+voilà une raison des hérésies en notre France.
+
+ARISTARQUE. Notre maître Loiseau la donna bien meilleure aux dames, les
+reprenant de leurs folies; & puis se ravisant, disoit: je ne dis pas que
+vous soyez paillardes; mais que vous êtes habillées en putains. Et comme
+les dames lui eurent fait quelque petite priere, de ne les taxer plus
+ainsi, il disoit: vraiment, mes dames, je vous trouve assez femmes de
+bien; mais vos enfans sont miévres; ils sont de mauvais petits fils de
+putains. Les dames derechef le supplierent de les épargner; ce qui fut
+cause qu'il songea à sa conscience, & n'en parla plus. Mais pourtant
+voulant instruire sur les moeurs, il disoit aux dames: je suis bien-aise
+de votre conversion; mais je me fâche que vous avez des perroquets,
+auxquels vous faites dire de vilaines paroles: maquereau au diable. Oui,
+oui, cela est du diable. Apprenez-leur à dire de bons _de profundis_;
+cela servira aux ames des trépassés. Et puis se jettant après les
+hommes, il taxoit leur luxe & grande chere. Voilà grand cas, disoit-il,
+que l'on fait tant de dépense! Bien encore aux jours gras, soit; mais en
+carême, ô la pitié! Voilà, messieurs couvrent la table d'une belle
+nappe, boutant à bas des deux côtés; ils mettent des chaises autour la
+table; ils appellent cette action souper; & qui pis est, ils disent
+_benedicite_ & graces. Ne mettez la nappe qu'un peu plus de demi: ayez
+des escabeaux autour de la table; ne dites graces; & dites que vous
+faites collation, & faites grand-chere tant que vous voudrez.
+
+
+
+
+CONCILE.
+
+
+X. DIOGENES. Chedienne, mon ami, mon enfant, beau fils, mon couillaud,
+j'ai beau me torcher le cul; ma chemise est toujours breneuse.
+
+CETTUI-CI. Que diantre veut dire ce rêveur, je gage qu'il nous fera
+faire quelque sottise?
+
+DIOGENES. Ce curé en fit assez: je venois ainsi à la traverse pour les
+faire oublier; mais puisqu'il est destiné, achevez.
+
+L'AUTRE. Sur l'après-dinée, on le pria de fiancer une belle fille; ainsi
+qu'il étoit après, & que déja il tenoit sa main, il se souvint de son
+valet & de son avertissement; parquoi, de peur de faillir, il demanda
+tout haut: lui en a-t-on rien fait?
+
+R. ESTIENNE. Non, monsieur. Cettui-ci est fat, & a un frere fort docte,
+maître des requêtes, ce docte a force livres. Un jour qu'il délogeoit,
+il les faisoit porter aux crocheteurs, depuis l'université, pour aller
+loger vers le louvre, à cause du conseil. Le chemin est grand, si que
+les crocheteurs étoient lassés: & lui, desirant faire un peu d'épargne,
+chargeoit les porte-faix le plus qu'il pouvoit. Il y en eut un, sur
+lequel il mit un peu trop de grands livres. Le crocheteur lui dit:
+monsieur, je vous prie, choyez-moi; vous en mettez trop. O! ha, ha,
+dit-il, te voilà bien gâté d'en porter sept ou huit! Et s'il te les
+falloit tous porter en la tête, comme moi, & que ferois-tu? Adonc le
+crocheteur se revire vers lui, & lui dit? par mananda, monsieur, vous y
+avez donc de beaux crochets. Je suis pris; j'ai belle femme. C'est tout
+un, il y a plus de quinze ans que j'ai chanté ma premiere messe.
+
+LISET. Quoi! ce savant étoit-il prêtre?
+
+R. ESTIENNE. Non; mais à l'usage de France, les prêtres se marient, &
+les gens laïques disent messe.
+
+LISET. Je ne puis entendre.
+
+ESTIENNE. Vous n'avez donc guères vu de besogne parmi nous? Les Prêtres,
+quand ils chantent leur premiere messe, ils disent qu'ils font leurs
+noces, & ainsi les voilà mariés à un bréviaire: & les gens mariés, par
+dépit, disent qu'ils chantent leur premiere messe sur l'autel velu, ou
+le sera.
+
+OECOLAMPADE. Cela ne se devroit pas endurer. Et que tous les mille
+diables, pourquoi endurez-vous que l'on die la messe paresseuse, la
+messe séche; &, ce qui est bien plus joli, que les prêtres aient des
+amies sans fraude.
+
+CUSA. Allez, monsieur, allez dormir, vous n'êtes pas assez sage pour
+renverser nos bonnes coutumes. Apprenez que, durant la famine, les gueux
+font les étrons plus gros; & vous diriez qu'ils se retiennent de chier,
+plus qu'en bon temps. Faites vos affaires; & laissez les nonnains se
+donner du goupillon à l'opposite des reins, parce que chacun veut vivre
+à sa poste. Je prie dieu pour les marchands, qu'ils fassent si bien
+leurs affaires qu'ils ne puissent gagner ni perdre; pour les
+gentilshommes, qu'il n'aillent avant ni arriere; pour les gens de
+justice, qu'ils ne fassent ni bien ni mal; pour les femmes grosses, que
+l'enfant en sorte avec même plaisir qu'il est entré; & pour le reste du
+monde, qu'il se puisse gratter où il se démange sans danger.
+
+BEZE. Vous nous parliez d'un savant officier: je l'ai connu. Hors la
+Table, il n'étoit guere qu'une bête vêtue; au reste, chiche en curé &
+ribaud, il y paroissoit, d'autant qu'il ne faisoit chez soi plus grand
+festin que de pâtés d'hermite.
+
+NERON. Qu'est ce que cette viande?
+
+APICIUS. Noix, amandes, noisettes.
+
+QUELQU'UN. Qui le connoît mieux que moi. Ce fut lui qui vint consoler
+madame du Bois, après la mort de son mari, qui étoit décédé à Paris,
+s'étant fait tailler. Il vint vers elle, durant ses grands pleurs. Hé
+bien, madame, combien vous devez vous consoler, & remercier dieu de ce
+que monsieur votre mari est mort bon catholique, & qu'il a eu les droits
+de l'église? Soyez joyeuse de cela, madame, ma chere dame. Or combien ce
+vous est plus de joie qu'il soit ainsi mort, au prix que s'il eût été
+rompu sur une route, ou empalé, ou tiré à quatre chevaux, comme tant de
+bonnes gens. Adieu & bon soir: mais qu'il ne vous déplaise, ni à moi
+aussi; bon vêpres, tant qu'à l'amander. Apprenez ici à prêcher,
+messieurs les savans, sans tant user de propos.
+
+NERON. Que pensa cette pauvre dame?
+
+QUELQU'UN. Que ce prêtre fût insensé. Aussi ressembloit-il mieux à un
+fou qu'à un moulin à vent. La pauvrette étoit en douleur extrême: &
+encore plus, depuis qu'elle eut reconnu le grand amour que son mari lui
+portoit, ce dont elle avoit été ignorante; & elle l'apprit un an devant
+qu'elle l'en interrogeât. Une après-dînée qu'ils devisoient, son mari &
+elle, elle s'avisa de lui dire: mon mignon, je te prie de me dire si tu
+m'aimes bien. Oui vraiment ma mie. Comme quoi, mon coeur? Comme un bon
+chier, ma chere soeur. Vraiment, vous ne faites gueres état de moi. Il
+remarqua ce dédain, & délibéra y pourvoir. Un jour qu'il avoit affaire
+aux champs, il dit à sa femme qu'il desiroit qu'ils allassent ensemble;
+à quoi elle s'accorda: il la fit lever plus matin que de coutume, & que
+nature n'avoit encore apprêté les matieres de l'élection, si qu'elle
+n'alla point à ses affaires, joint aussi qu'il la hâta fort. Ils
+monterent à cheval, lui sur son roussin, & elle sur le bon mallier, avec
+le valet qui la guidoit en croupe, lequel valet étoit avisé de ce qu'il
+devoit faire. Comme ils eurent passé deux lieues, la dame eut envie de
+fianter; mais le valet lui dit qu'il n'osoit s'arrêter, & qu'il se
+falloit hâter; si qu'elle se retint, & si bien qu'à l'arrivée elle se
+sentoit assez pressée de faire ses affaires; & ce fut tout que d'aller
+jusqu'au purgatoire, où elle s'évacua abondamment, & avec tant de
+volupté, qu'elle se souvint de l'amitié que son mari lui portoit.
+Parquoi, étant revenue, elle dit: a, a, mon ami, je connois bien
+assurément que vous m'aimez beaucoup; je l'ai tantôt expérimenté, &
+crois qu'il n'y a rien si bon qu'un bon chier. Même j'ai été en
+grand'peine; je suis fort marrie que je n'avois du papier pour me
+torcher le cul; je vous assure que je vous l'eusse bien gardé, tant cela
+est bon.
+
+L'AUTRE. Elle eût fait comme une demoiselle de Saumur, qui est si bonne
+ménagere, qu'elle fait à deux fois d'un torche-cul; après que le premier
+coup, elle s'est torché le cul, elle reploie le papier en sa pochette,
+où il y a de la dragée pour les mignons, qui fouillent aux pochettes des
+dames, pour avoir de la friandise, comme tu disois tantôt.
+
+POSTEL. Fi! je crois que cette est l'occasion, pourquoi les Turcs ne se
+torchent pas le cul de papier, d'autant qu'ils sont friponniers; & ils
+enrageroient, s'ils trouvoient ainsi ès pochettes des dames des papiers
+breneux.
+
+SIMLER. Tu as dit vrai; tu t'y prends comme un moine à fouler vendanges;
+tu l'entends comme une guenon à faire des fagots: si la tête vous fait
+mal, ce ne sera pas de cela. Je vous dirai la raison, pourquoi les Turcs
+ne se torchent point le cul de papier; c'est de peur que ce papier ne
+soit une bulle du pape, ou quelque relation de consistoire, ou
+conclusion de chapitre; de quoi si l'on s'étoit éflairé le fondement,
+sans doute on auroit les hémorrhoïdes, ce que les Turcs craignent
+beaucoup: d'autant qu'ils croient que l'ame est au sang, & que le sang
+coulant ainsi par le cul, leur ame seroit toute breneuse.
+
+CATON. Les pauvres Turcs avoient bien affaire que vous les tinssiez en
+vos contes. Mais, puisque vous en parlez, à quoi connoîtriez-vous un
+Turc d'un chrétien, s'ils étoient tous deux tout nuds?
+
+GESNER. Et vous, à quoi connoîtriez-vous une vache au milieu d'un
+troupeau de brebis?
+
+CATON. A le voir. Çà, çà, répondez à ma question.
+
+SIMLER. Je vous le dirai bien; c'est qu'il faut sentir au cul, celui qui
+aura odeur de moust, sera le chrétien; d'autant que le Turc ne boit
+point de vin.
+
+
+
+
+INSTANCE.
+
+
+XI. L'AUTRE. Je suis bien aise que vous êtes venus sur ces différences.
+Dites un peu quelle différence il y a d'une femme à un prêtre? Ce sont
+gens de robe longue. Je n'en sais rien. Ni moi aussi. Ni moi itout. A,
+a, je vous le dirai: c'est que les prêtres mettent leurs amis sur leurs
+têtes; & les femmes mettent leurs amis sur leurs ventres.
+
+CARDAN. Si le roi défunt eût su ces différences, il n'eût pas été en
+peine de demander au grand prieur ce qu'il pensoit d'un beau cheval,
+qu'on lui vouloit vendre. Le roi lui faisant voir ce cheval, lui dit:
+monsieur le grand prieur, que dites-vous de ce cheval? Voilà un beau
+cheval, sire, & qui fera bon service. On me le veut vendre pour Turc; &
+je vous prie: vous qui vous y connoissez, de m'en dire votre opinion.
+Quoi! pour Turc? Par la double bierre des pays bas, sire, il est
+chrétien, comme vous & moi. Afin que vous ne soyez plus abusé, nous
+rîmes, ce jour-là, tout notre saoul; & monsieur le grand prieur fit, au
+soir, un trait autant plaisant, qu'il avînt de long-temps à la cour. Je
+remarquerai un peu le temps. On portoit des bas à attacher; & n'avoit-on
+qu'un beau petit culot, si que les fesses paroissoient abondamment, & la
+mere des histoires étant soulevée d'un pont-levis fait en fonte.
+
+PLATON. Qu'est-ce que la mere des histoires?
+
+L'AUTRE. Foin, que d'ignorance! C'est la pochette qui contient les
+histoires, c'est la couille. Voilà une grande difficulté! Qu'il faut peu
+à ces philosophes, pour les faire badiner! Nous étions en la
+grand-chambre d'après la salle du château, & monsieur le grand prieur
+faisoit un état d'une belle épée de damas qu'il avoit. Le roi lui dit
+qu'il ne croyoit pas qu'elle fût si bonne qu'il disoit. Là-dessus le roi
+la prend, & ainsi nue la considere: vraiment, dit-il, cela ne coupe
+point. Quoi! dit le grand prieur, sire, j'en couperai, d'un revers, une
+douzaine de flambeaux. Le roi dit: vous ne sauriez seulement couper
+cettui-là, que voilà sur le bout de cette table. Cette parole ne fut pas
+si-tôt dite, que le grand prieur va vers ce flambeau, & d'un revers la
+coupe en deux. Il y avoit le baron de Sault avec ses fesses, dont le
+proverbe en est venu, qui tendoit beau cul, sans y penser. La fin du
+coup va roide à son cul, d'autant qu'il étoit ainsi tourné parlant à
+d'autres; & partant il eut le cul coupé. Ha! ce dit-il, monsieur,
+qu'avez vous fait? Vous avez gâté mon haut-de-chausse.
+
+RENÉE. Vraiment, ce cul coupé n'eût pas lors serré les fesses de peur de
+péter.
+
+ASCLÉPIADES. Vraiment non, non plus que Margot de chez nous, qui passoit
+par la salle, en portant un oeuf à madame; comme elle fut au milieu de
+la salle, elle nous salua; & en cette action, elle eut faim de faire un
+pet, c'est-à-dire envie ou desir, (ainsi qu'on dit à Paris, j'ai faim de
+pisser, soif de chier.) elle voulut serrer les fesses de peur de peter;
+elle fit tout au rebours. Je vous assure qu'elle serra si fort le poing,
+qu'elle creva l'oeuf; & ouvrit tant les fesses, qu'elle fit un gros pet.
+Quoi! vous petez, lui dis-je? Vere, monsieur, dit-elle, c'est que j'ai
+mangé des pois.
+
+NERON. C'étoit donc une _fausse guenippe_.
+
+ASCLÉPIADES. Oui, elle avoit étudié avec celles muses Aganippes, d'où
+vient ce bel épithete.
+
+CICERON. Dites-vous un _épi de tête_? C'est une corne de cocu.
+
+ASCLÉPIADES. N'allez point chercher d'équivoque: cela est défendu par la
+pragmatique sanction. Ainsi que disoit un chanoine, disant: messieurs,
+depuis qu'il vous a plu me recevoir indigne chanoine, comme les autres,
+je n'ai point ouï parler que la pratique de l'ascension nous fût
+contraire.
+
+GRATIAN. Une dame du même pays, ayant un panaris au doigt, ainsi qu'elle
+l'avoit ouï nommer au chirurgien, parlant de son mal à ses commeres:
+hélas! disoit-elle, ma mie, j'ai le mal de _paradis_.
+
+BEZE. La voilà, là, là, l'ance à monsieur; vous me mettez là-dessus. Le
+coq de notre paroisse voulant dire, à l'évangile: _gloria tibi, domine_;
+faisoit le docteur, & disoit: _gloria edit homines_; (ha! ha, ha; hem,
+hem, ho, ho) puis regardoit si on le voyoit.
+
+BUCANAN. Il étoit d'une race de gens assez fins pourtant, témoin son
+cousin germain, qui étoit curé du même village, auquel village depuis
+n'aguères on avoit fait un crucifix tout neuf, & on avoit mis le vieil
+au grenier du presbitere. Le curé, qui desiroit de manger d'une bonne
+oie, l'avoit fait engraisser, tuer & mettre à la broche, pour cuire,
+toute farcie. Or, pour épargner son bois, il avoit mis le vieil crucifix
+au feu; &, conscience le dévorant, ne l'avoit voulu rompre, si qu'il le
+mit tout entier au feu, & laissa son petit neveu rôtir l'oie,
+c'est-à-dire, tourner la broche. Quand le bras du crucifix fut brûlé, le
+corps tombe, la tête sur le rôti, & le petit garçon de se lever & courir
+à l'Eglise, où il va crier: mon oncle, mon oncle, cet homme que vous
+avez mis dans le feu mange notre oie.
+
+AGATOCLES. Qui connoît mieux ce curé que moi? Un jour, je dînois chez
+monsieur du Mesnil, celui que monsieur de Gué-Hébert fit porter, par le
+diable, avec sa femme, dans un champ à deux lieues de sa maison. Le curé
+dîna avec nous; puis en diligence s'en retourna; & aussi tôt nous ouimes
+sonner les cloches, comme pour un nouveau miracle. Le fait est tel,
+ainsi que nous savons expédier briévement avec grande tirelitantaine de
+paroles, nous autres Grecs. Un voisin de monsieur le curé lui avoit
+dérobé une oie & l'avoit mangée. Ce curé l'avoit tant cherchée, qu'il en
+avoit dépit. Enfin, par confession du paysan, il sut la vérité; & parce
+que c'est sacrement, il n'y a pas moyen de m'en venger en la découvrant.
+Pourquoi il délibéra, pour l'attrapper, de lui en faire autant, selon
+que l'évangile l'enseigne aux gens d'église: si on vous frappe en une
+joue, baillez une belle & forte jouée en l'autre.
+
+ILLIRI. Quant j'étois d'église, j'oyois ainsi interpréter, _inter
+fratres penes quos est_, l'intelligence des écritures.
+
+AGATOCLES. Il fit donc tant qu'il empoigna une bonne, grosse, grasse,
+ferme, délicate oie du paysan; & se délibéra d'en manger à gogo; cou &
+tout; & pour cet effet, il la fit dévotieusement cuire au feu
+presbitéral, comme dit est. Etant revenu de l'église, & délibérant se
+mettre à table, voilà que monsieur du Mesnil l'envoya querir. Quoi!
+perdre une repue franche? Ce seroit double perte à un curé; il perdroit
+ce qu'il mangeroit, & ce qu'on lui prépare. Le curé délibérant d'aller
+dîner, dit au messager: mon ami, je vais après vous.
+
+MAROT. Il ne fit pas si dextrement que maître Macé, le curé de la basse
+Athene, qui étoit pressé de la noblesse, qui sans cesse venoit chez lui
+l'écornifler. Un jour qu'il y avoit sept ou huit haubereaux chez lui, il
+leur fit le meilleur visage du monde. Messieurs, soyez les biens venus;
+çà, que l'on se dépêche; garçon, au vin, au poulailler, au crochet, à la
+fuye; serviettes blanches. Disant cela, il mouvoit & prend un surplis
+qui étoit à part sur une autre robe, que celle qu'il avoit rapportée de
+l'église; & prenant un bréviaire en sa main, les rendit étonnés. Où
+allez-vous, monsieur le curé? Je viens incontinent, dit-il, messieurs;
+je ne ferai qu'aller & venir, tandis que le dîner s'apprêtera, je vais
+réconcilier un pauvre pestiféré, que j'ai confessé ce matin. Et ce
+disant, il sortit; & soudain, tout ces guillerets épouvantés sortirent;
+& de treize semaines, n'y voulurent aller.
+
+AGATOCLES. Cettui-ci se prépara pour venir. Or il avoit envie de manger
+de l'oie, & disoit: je mangerai de l'oie par dépit. De la laisser au
+logis, il n'y avoit point de moyen, parquoi il s'avisa de la cacher; &
+pour en ôter la connoissance à son valet & à sa chambriere, il les
+occupa de message; puis prit les clefs de l'église, & y porta l'oie
+toute cuite, & la mit en un coffre; puis il cacha les clefs sous une
+tombe. Le valet, qui étoit au guet, l'apperçut; parquoi, sitôt que le
+curé eut pris l'air; il s'en vint avec la chambriere & avec un de leurs
+familiers, & allerent manger l'oie, tant qu'ils pûrent: puis ils
+dépendirent toutes les images, & les mirent autour de ce coffre, leur
+ayant graissé le minois & les mains du reste. Il restoit encore une
+demi-cuisse, qu'ils mirent en la goule du diable qui est sous saint
+Michel; & s'en allerent, fermant l'huis, & remettant les clefs au même
+lieu où elles avoient été mussées. Le curé revenu, va droit aux clefs; &
+les ayant trouvées comme il les avoit mises, dit: je mangerai de l'oie à
+mon compere. Il entra en l'église; & voyant tant de saints autour de son
+coffre à l'oie: ô, ho, dit-il; & qui, tous les diables, vous a mis là?
+Etant approché, & les voyant ainsi gras par le mufle & les mains, & la
+cuisse à la gorge du diable, la lui arracha, disant: vilain que tu es,
+je ne me soucie pas des autres; mais toi, j'en aimerois mieux étrangler,
+que tu l'eusse; & dà, j'en tâterai. Comme il la savouroit, il se va
+souvenir de sa faute; si qu'il sonna les cloches, pour appeller le
+peuple pour voir ce grand miracle.
+
+
+
+
+PRODUCTION.
+
+
+XII. A savoir si ces valets avoient mal fait.
+
+OECOLAMPADE. Non, s'ils l'avoient pris avec action de graces, comme le
+soldat qui échappa le pendre, aux premiers troubles. Monsieur le prince
+de Condé avoit fait faire un ban, par lequel il étoit défendu aux
+soldats, à peine de la vie, de prendre chose aucune. Ainsi il sortit
+d'Orléans, en huguenoterie pour lors, avec une belle troupe. Il y avoit
+un jeune soldat, qui au partir étoit à pied, & le lendemain il parut
+monté. Cela fut rapporté; parquoi il le fait venir devant lui, pour être
+jugé & livré au bourreau. Sentant cette approche, il fut fâché
+extrêmement d'être pendu, principalement quand on se porte bien. Il se
+jette à genoux devant monsieur le prince, & lui dit: monseigneur, s'il
+vous plaît ouïr ma raison, je vous rendrai satisfait. Dis-la.
+Monseigneur, nos ministres nous prêchent que tout ce que nous prendrons,
+nous le prenions avec action de graces. Ayant trouvé cette monture, je
+me suis mis à genoux, & l'ai prise avec action de graces. Va, va, n'y
+retourne plus, & ne sois plus larron.
+
+BACON. Il ne l'appella pas larron; non da, non de pardieu, il s'en garda
+bien, d'autant qu'ayant connoissance de beaucoup d'honneur, il savoit
+bien qu'il n'y avoit pas raison de nommer un homme larron, sans faire
+tort à beaucoup de sortes de gens, parce qu'il y a des larrons de toutes
+sortes de sectes, habits, qualités & autres nations de peuple.
+
+CUSA. Vous n'exceptez rien.
+
+BACON. Non; & si je ne m'en confesserai point. Non, non.
+
+CUSA. Bien donc, de ce qu'on n'a point fait, ni eu envie de faire, s'en
+faut-il confesser?
+
+BACON. Allez demander cela au pénitencier.
+
+CUSA. Et si je ne sais rien pour lui dire?
+
+BACON. Répondez, comme le bon homme de Vannes, qui étoit charron, lequel
+s'étant confessé, le curé lui dit: dites votre _confiteor_. Je ne le
+sais pas. Dites votre _ave_. Je ne le sais pas. Dites la patinostre. Je
+ne le sais pas. Que sais-tu donc? Je sais faire de belles civieres
+rouleresses; je vous en ferai une quand il vous plaira, & à bon marché.
+
+LE BON HOMME. Vraiment, ce fut presque de pareille monnoie que furent
+payés, à Rouen, messieurs les consultans, qui, ayant fort exactement
+avisé l'affaire d'un Marin Gautier, & lui ayant déclaré l'avis du
+conseil, il prit son avocat à part, & lui demanda si messieurs se
+contenteroient bien chacun d'une signole. _Signole_ est une piece d'or
+valant moins d'un écu; & signole aussi est ce que nous appellons la roue
+que font les jeunes garçons. L'avocat pensant aux pieces d'or, dit
+qu'oui, & que c'étoit honnêtement. Adonc Marin va compter ces messieurs;
+& ayant mis bas son manteau étendu sur la place, fit autant de signoles
+qu'ils étoient; & deux pour son avocat, & puis les remercia, & adieu.
+
+ILLIRIC. Il paya le talent d'autrui de son labeur. C'est ainsi qu'il
+faut mettre la piece au trou, comme fit Martin Chouri, qui vint voir le
+rapporteur de son procès, pour lui montrer quelques pieces qui lui
+étoient nécessaires, pour le gain de sa cause. Le rapporteur qui avoit
+été pressé par les parties adverses, qui lui avoient mis ès mains des
+rouelles de bonne faveur, dit à Martin: mon ami, il n'étoit pas besoin
+de ces pieces, d'autant que nous avons jugé votre procès. Comment sans
+ces pieces: Nous l'avons jugé à vue de pays. Et moi, j'en appelle à
+travers champs.
+
+LOUVET. Cet appel eût pu courir bien loin, s'il n'y eût eu montagne ni
+vallées, ainsi que le disoit messire Marguerin au paysan qu'il
+confessoit. Le bon homme étoit au lit de la mort; & le prêtre lui
+prêchoit la résurrection, afin qu'il n'eût point de regret à cette vie;
+& suivant son propos, lui disoit qu'après le jugement, il n'y auroit ni
+montagne ni vallée. O! o, dit le paysan, il fera donc beau charroyer. Un
+peu après aussi, la femme se mouroit; & le prêtre lui disoit qu'elle
+alloit en paradis, où elle verroit les saints avec lesquels elle seroit:
+a! ha, dit-elle, il n'est que d'être parmi le monde qu'on connoît.
+
+ULDRIC. Elle n'étoit donc pas comme le valet du ministre de Vaivai,
+au-delà de Lauzanne, qui connoissoit le diable. Un jour qu'il faisoit
+tonnerre, pluie & tempête, & que le monde étoit, un dimanche au soir,
+aux prieres: voilà un éclat de tonnerre qui donna; & au même instant un
+pauvre ramonneur de cheminée, pour éviter le danger & la pluie, se jette
+dans le temple. A son arrivée, chacun le voyant si noir, s'enfuit. Il
+voit le monde fuir, il fuit aussi après. A la sortie, & qu'il étoit le
+dernier, il arrête ce valet, qui aussi étoit le dernier des autres, &
+lui demanda ce qu'il y avoit. Le pauvre valet lui dit: hélas! monsieur,
+ne me faites rien; je vous connois bien. Et qui suis-je? Vous êtes
+monsieur le diable, à qui dieu donne bonne vie.
+
+GAGUIN. Il étoit aussi fin que le Genevoisien qui étoit en garde avec
+quelques François à la porte neuve. Un des François, revenu de
+sentinelle, se jetta sur le lit de bois pour se reposer: ce Genevoisien
+étoit auprès. Avint qu'en dormant le François va faire un pet, sur quoi
+l'autre se va écrier: au diantre soit la couvaye, le chancre la puisse
+ronger! Ils disent qu'ils sont ci venus pour l'évangile, & ils petent
+comme poirs, c'est-à-dire, pourceaux.
+
+ARNOBE. Cela se rapporte comme le moine qui mene un diable en lesse,
+disant ses heures, le tout en peinture, qui dit: telle est la génération
+de ceux qui cherchent la face du dieu de Jacob. Je l'eusse dit en latin,
+sans que le diable qui s'en formalisa, dit tout haut en bon françois,
+par la bouche d'un procureur qui voyoit cette figure aux augustins de
+Tours, où le grand conseil tenoit: si le diable avoit des peintres, on
+verroit plus de peintures de diables menant des moines en lesse, que des
+moines y menant des diables; encore qu'il y ait, comme il se comptera à
+la fin du monde, un tiers plus de moines que de diables pour les amuser.
+
+CÉSAR. Je pense que vous rêvez de parler ainsi.
+
+SOZOMENE. Non fait, il ne rêve pas. Il est comme le sire George, qui
+étoit fort malade; & sa femme avec quelques siennes commeres le
+réconfortoient; & comme elles voulurent essayer s'il les connoissoit,
+l'une dit: hé bien, mon compere mon ami, nous connoissez-vous bien? Oui.
+Qui sommes-nous? Vous êtes toutes des plus fortes putains de Blois.
+Ardez, ce dit l'une, il rêve. Vraiment non fait, dit sa femme, il vous
+connoît bien.
+
+RONDELET. J'y étois; je le pançois, j'en ris assez; & encore plus, quand
+les dames y étant pour le renforcer, l'incitoient d'avoir courage.
+Madame la gouvernante y étoit, qui lui disoit: or ça, courage, sire
+George; là, il faut prendre quelque chose. N'avez-vous rien pris
+aujourd'hui? Il répondit: sauf votre grace, madame, j'ai pris une puce à
+la raie de mon cul.
+
+CÉSAR. Je crois qu'il étoit fou: le saffran de sa boutique lui avoit
+altéré le cerveau.
+
+RONDELET. Encore dites-vous vrai, témoin monsieur de Vendôme, qui étant
+malade & dégoûté, vouloit manger du ris; ce que disant à son médecin, il
+le lui accorda. Le prieur ajouta qu'il eût bien voulu qu'on y eût mis du
+saffran. Bien, dit le médecin, mais il n'y en faut gueres. Non, répondit
+le prieur, il me feroit mal: & de fait, je vis un jour un cheval qui en
+étoit trop chargé; il en devint fou.
+
+MAROT. Estimez-vous pour cela que ce seigneur fût fou? Non, pas du tout;
+mais il tenoit un peu de la féve. Et c'est ce que notre Pythagoras nous
+enseigne, disant: gardez-vous ou abstenez-vous de féves: c'est-à-dire,
+d'être fous, ou d'en faire des traits. Je ne sais pas quel fou étoit cet
+abbé, mais j'ai retenu de lui des maximes notables.
+
+
+
+
+EXPLOIT.
+
+
+XIII. Pour parenthese, je vous dirai que c'est de lui que je tiens qu'il
+y a au monde quatre nations anagogiques aux quatre mendians de
+l'hôpital, qui sont poux, puces, morpions, punaises.
+
+ULDRIC. Voici qui est beau.
+
+MAROT. Ecoutez; tantôt nous rentrerons bien en propos, à droit ou à
+gauche. Là, cher ami, je vous prie. Les poux sont les Allemands, qui
+mordent & mangent, & se laissent assommer, ainsi que les Suisses, sans
+s'avancer. Les puces sont les François, qui sautent & n'ont point
+d'arrêt, & laissent des marques par-tout où ils vont, ainsi qu'on le
+voit par-tout; mais ils n'y sont pas. Les morpions sont les Espagnols,
+qui se sapent ès places si bien, que, si on les peut ôter, c'est piece à
+piece. Les punaises sont les Italiens, qui empuantissent tout de leurs
+inventions de danses & belles farfanteries qui infectent le monde.
+
+NERON. Que deviendront les autres nations?
+
+MAROT. Je les recommanderai aux cordeliers réformés, ministres, jésuites
+& telles gens de l'autre monde nouveau.
+
+CÉSAR. Mais où en étions-nous?
+
+PARACELSE. Sur les diables familiers, ce me semble, ou quelque chose de
+diablerie: c'est tout un.
+
+RONSARD. Si vous avez perdu la mémoire, je vous dirai une jolie
+aventure, pour vous reguiser la mémoire. Ceux de Benest & d'autour
+devoient aller au marché à Bourgueil; & quelques-uns s'étant donné but
+pour partir de bonne heure, il y eut un serrurier qui se leva plus matin
+que les autres, & voyant que ses compagnons ne se vouloient point lever,
+se mit en chemin. Ayant fait plus d'une lieue, & avisant qu'il étoit
+encore trop matin, se voulut reposer. Il échut qu'il se va jetter à
+quartier sous une potence, où depuis quelques jours on avoit attaché un
+larron, qui gambadoit en évêque champêtre. Le serrurier s'endormit
+très-bien. Le jour venu, ceux qui alloient au marché passant par-là, il
+y en eut de joyeux qui dirent qu'il falloit appeller ce pendu. C'est
+bien dit. Hau, compagnon, hau, hau, veux-tu pas venir? Il y a assez que
+tu es là. Le dormeur qui étoit à bas, qui ouit ce bruit, s'éveilla, &
+répondit: oui, oui, hau, hau; je vais, attendez-moi. Ces passans se
+trouverent surpris extrêmement, & s'enfuirent, cuidant que ce fût le
+pendu qui eût parlé à eux; & le serrurier de courir après. Eux, oyant
+ses ferremens, pensoient que ce fût la chaîne du pendu; parquoi ils
+s'enfuient: le serrurier appelle & plus il appelle & court, & plus les
+autres tout épouvantés s'enfuient, & ne cesserent de courir, qu'ils ne
+fussent à Bourgueil.
+
+SIMLER. Or ça, nous voilà au marché, qu'acheterons-nous?
+
+ZANCUS. Achetons des moutons & des poules, pour les payer au seigneur
+Breton, auquel on doit, par aveu bien écrit, trente moutons lainés,
+couilleux, cornus, & vingt poules avec leur sauce de ménage: voilà qui
+est bon, tout sert en ménage.
+
+RENÉE. Oui da. Mais quelles sont les plus grandes nécessités ou
+pauvretés du ménage? Je ne sais. Ni moi aussi. Ni moi. Je vous les
+dirai, & les retenez. Je parle comme la bonne femme, à la porte de
+laquelle on avoit chié, & s'en plaignant à un sergent, lui dit:
+monsieur, je vous en embouche le premier; ardez, si vous m'en faites
+avoir raison, je vous promets de vous en faire bonne chere; & vous ayant
+satisfait, nous en ferons chez nous un bon repas. La premiere pauvreté &
+nécessité, c'est quand on brûle le balai, par faute de bois. La seconde,
+quand par faute d'autre pâte on fait cuire le levain. Et l'extrême,
+quand, par disette de linge, on torche le cul aux enfans avec la langue.
+Vous sentez qu'il faut être marié; autrement cela n'auroit pas lieu
+par-tout.
+
+BEZE. O! ne vous abusez pas. Ceux qui ne se marient qu'au mariage du
+diable, ne laissent pas d'avoir des enfans; parce qu'ils font la cause
+pourquoi.
+
+ASCLÉPIADES. Ne parlons point de cela; nous ferions des querelles. Et
+puis, mon ami, les parfaits sont aux cieux. Demeurons en terre, tandis
+que nous y serons bien. Donc nous converserons avec les femmes mariées;
+& pour l'amour de si belle conversation, je vous dirai qu'une dame de
+Paris, d'auprès le coin de la rue Aubri-le-Boucher, avoit trois filles,
+qu'elle maria en un même jour; & le lendemain, voulant savoir si ses
+filles étoient femmes, elle les prit à part, & leur dit: or ça, mes
+filles, nous voici toutes femmes; il faut tout dire: je veux savoir
+laquelle est la mieux de vous, ou si vous êtes bien toutes trois. Là,
+dites-moi, quel cas ont vos maris? L'aînée dit: ma mere, mon mari l'a
+menu, mais il est long. Bien! voilà qui est bon, quand la cuillier va
+jusqu'au fond du pot. La seconde dit: mon mari l'a court, mais il est
+gros. Cela est raisonnable, lors que la cheville emplit le pertuis. La
+jeune: mon mari l'a petit & menu, mais il me le fait souvent. C'est ce
+qui est propre, & est grand heur d'avoir petite rente qui vient
+toujours. Or devinez laquelle est la mieux mariée; & vous souvenez que
+l'outil de mariage est le plus sale drogueux de tous, parce qu'après
+avoir bien pilé en son mortier, il crache dedans.
+
+FRACASTOR. Une fois, étant à Paris, je discourois familiérement avec une
+maquerelle. Je lui demandois quels membres virils étoient les meilleurs.
+Elle me montra que tous ses doigts entroient en un de ses naseaux; &
+qu'ainsi les cas des femmes sont selles à tous chevaux.
+
+BEROALTE. Ne le prenez pas-là, joint que Mathurin de Blere ne vous le
+concédera pas, vu qu'il ne put presque jamais dépuceler sa femme; & sans
+la fourchette de saint Carpion, jamais il n'en fût venu à bout.
+
+LE BON HOMME. Boivons un coup, puis nous saurons cela. Boivez-vous des
+coups?
+
+APICIUS. Oui, d'autant que cela, c'est-à-dire boire, va à coup & se
+serre délicieusement: je dirai une volte, si vous voulez; aussi je la
+bois mieux que je ne la danse, _& audaces fortuna juvat_; cela veut
+dire, que qui chapon mange, chapon lui vient. Ceux qui sont un peu
+malades, & se renforcent à boire & à manger, guérissent; aussi l'on ne
+meurt que faute de boire & de manger, & bref de s'abstenir de faire les
+vertus cardinales.
+
+PARACELSE. En bonne finte, doncques maître François me vouloit faire
+prendre courage & esprit; parce que qui a bon esprit, il boit & mange
+bien. Je le priai de me donner une recette, pour m'empêcher de devenir
+gras, comme l'étoit Fouillez de Tours; il me dit que j'ouvrisse les yeux
+& fermasse la bouche. C'étoit cela pour m'accommoder.
+
+DIOSCORIDES. Il ne vous eût point fallu de fourchette pour établer vos
+morceaux. Mais à propos de cette fourchette.
+
+BEROALTE. Il y avoit de mon temps, à Nevers, un bon personnage, qui
+cherchoit la pierre philosophale; depuis sa mort on l'a fait saint, &
+nommé Carpion. Ce bon homme donnoit des eaux, (comme celui qui avoit
+fait un enfant à une belle demoiselle, dont elle avoit été délivrée, &
+le fait fort secret, ce qui a paru, parce que depuis elle a été bien
+mariée au fils d'un bailli. Le soir des nôces, cette demoiselle parlant
+à son ami qui lui avoit aidé à faire cet enfant, lui disoit: j'ai peur
+que cet homme ne s'apperçoive de la dilatation de mon cas. J'y ai
+pourvu, dit-il; envoyez, ce soir, votre laquais; & faudra qu'il me
+vienne demander de l'eau pour les yeux. Je vous envoierai de l'eau qui
+le rendra si étroit, qu'il n'y aura pas quasi moyen d'y passer un filet.
+Ce conseil pris, le laquais alla quérir l'eau, & l'eut; & l'apportant,
+il pensa en soi-même que souvent il avoit mal aux yeux, & que l'on ne
+lui en donneroit pas, parquoi qu'il valoit mieux qu'il en prît; ce qu'il
+fit, & s'en frotta les yeux, qui se serrerent, si fort, qu'il fût
+demeuré là qui l'y eût laissé). Le bruit de ce bon personnage étant
+grand pour tel effet, il avint qu'il y eut un jeune homme (c'est celui
+dont vous avez parlé, ou tout autre, c'est tout un) marié avec une
+bourgeoise. Ces deux étoient encore fort jeunes, & ne savoient rien du
+manége de concupiscence: tellement qu'ils se mettoient, sans rien faire,
+l'un sur l'autre. La mere de la nouvelle mariée lui demanda, un jour,
+comment elle s'en trouvoit; & si son mari avoit fait ouverture à sa
+nature. Elle lui dit que non. O! ma mie, il faut aller à monsieur saint
+Carpion, & lui demander de l'aide. La belle y va, & lui fit sa plainte.
+Il lui demanda si son mari avoit des pendillantes au bas du ventre. Elle
+dit qu'oui; mais que ce qu'il y avoit en forme d'écritoire étoit si vif,
+& se levoit si fort contre le nombril, qu'ils n'en pouvoient rien faire.
+O bien, ma mie, venez ici sur les quatre heures du soir. Le bon
+personnage fit son apprêt. Et la belle étant revenue à sa mere, lui dit:
+en da, ma mere, nous serons bien heureux; ce bon homme nous fera grand
+bien. Je vais vîtement le voir. Etant arrivée: bon soir, bon soir,
+monsieur: avez-vous eu le plaisir de songer en moi? Oui, ma mie; tenez,
+voici une fourchette qui est de franc-coudre. Voyez; elle est enveloppée
+& sacrée en ce papier; emportez-la; & quand vous serez au terme de vous
+coucher, recommandez-vous à dieu, vous & votre mari: puis étant tous
+deux tout nuds, faites-le mettre à genoux entre vos jambes; & ce qu'il a
+qui se joint si ferme au nombril, abbaissez-le en le poussant avec cette
+fourchette, tant qu'il soit à droit de ce petit pertuis, que vous avez
+au bas du ventre. Allez, ma mie. La jeune bourgeoise ainsi instruite, ne
+faillit en rien; si qu'elle & son mari trouverent le point qui leur fit
+grand bien; & tant s'y accoûtumerent qu'il ne leur fallut plus de
+fourchette. Parquoi, avec un petit présent d'une ceinture, que les
+fileurs de soie nomment un _cude_, elle reporta la fourchette au bon
+pere, lui disant qu'elle étoit bien tenue à lui, & qu'ils n'en avoient
+plus affaire; que le cas se baissoit assez, sans aide que de la main. Le
+sage lui dit: gardez-la, ma mie, gardez-la; elle vous a servi à le
+baisser à cette heure qu'il est jeune; elle servira à le lever, quand il
+sera vieux.
+
+
+
+
+SUITE.
+
+
+XIV. ARNOBE. C'est belle chose d'avoir de la mémoire: vous avez parlé
+d'intérins. Que ne nous avez vous dit ce que c'est; s'ils sont
+d'Allemagne ou d'autre part.
+
+ASCLÉPIADES. Attendez; & vous le saurez. Je n'avois garde ni autre d'en
+parler, sans l'avis de nos maîtres: & pource, belles entendoires,
+souvenez-vous quand nous fûmes à Rouen avec notre roi; & que ce bon
+archidiacre, lequel est notre maître entre les médecins, nous traîta. Il
+fit ce banquet à nous autres, qui sommes conseillers du roi en médecine.
+Ainsi il y en a de conseillers en finances, en maçonnerie, en
+fontainerie, en tavernerie, & comme vous diriez en rufiannerie. _Celate
+verba._
+
+NÉRON. Ce sont mots dorés & notables; ne les contaminez pas.
+
+ASCLÉPIADES. C'est cet homme d'église qui est cause que j'ai fianté
+ainsi du latin par la bouche. C'est un _miserere mei_ d'éloquence, qui
+me fourgonne la mémoire. Ce noble archidiacre nous fit le conte de son
+aventure. Ainsi que madame étoit très-malade, & que l'on pensoit qu'elle
+expirât, environ la minuit, on vint appeller monsieur le docteur, qui se
+jette du lit; or a-t-il une coutume de dormir sans chemise. Vraiment il
+n'avoit garde d'y penser, d'autant qu'il n'étoit pas dedans. Il se leve
+en sursaut, pour aller secourir madame, il met sur ses épaules le
+manteau de son valet, premier trouvé, (j'ai quasi dit _venu_, comme le
+disent ceux qui sont du pays où tout va & vient). Le manteau ne lui
+passoit pas le nombril; & ce personnage entra en la chambre, où prêtres,
+gentilshommes, dames & autres étoient. A son entrée, tout chacun se mit
+à rire; & lui s'écriant, dit: ha! mauvaises gens, vous êtes sans amitié,
+sans douceur & bonté. Voilà madame qui se meurt; & vous riez! Est-ce la
+pitié qui vous doit émouvoir? Plus il prêchoit la désolation, plus les
+autres rioient. Et madame, qui revint à ce bruit, eut la même vision que
+les autres, s'en prit si fort à rire qu'elle fit un pet & fut guérie; &
+en cet excellent changement, lui dit: mon pere, cachez votre vit, il me
+fait rire.
+
+SAPHO. Ainsi qu'il avint à notre métayer, qui se mettant à goûter, voilà
+mademoiselle de Launai qui le vint voir, & s'assit sur une mote de
+cailloux; & comme négligemment elle se tenoit: parlant à lui, une jambe
+baissée & l'autre haute, il voyoit son cela, & ne lui répondoit qu'à
+demi. A donc il lui dit: mademoiselle, cachez votre con, il m'empêche de
+goûter.
+
+LE MINISTRE. Mais ces intérins?
+
+L'ENFANT. Or bien, sachez qu'il y a des dames à Paris, & autres lieux où
+il y a des cours souveraines, qui ont liberté de se prêter, d'autant que
+là, & autre part, il y a liberté de fesses, comme il appert par les
+priviléges de Bourges, Tours, & autres lieux, où les chanoines ont des
+garces, ainsi qu'ailleurs; les dames étant mariées à gens qui ont des
+affaires, comme en ont messieurs de la cour des comptes, & autres dont
+je ne parle ni ne cuide parler, d'autant que si je crois qu'il y ait
+entr'eux quelque homme de bien, & que je le die, ce ne sera pas sans
+dépriser les autres, auxquels je ne veux faire tort. Mais parce qu'ils
+sont bien connus, je le propose, afin que par eux on juge de ceux qui
+ont des négoces. Les femmes de ces empêchés, voyant & connoissant que
+leurs maris n'ont pas loisir de leur faire choses & autres, ont de beaux
+jeunes hommes à la maison, qui font ce qui est à faire, pendant que
+monsieur n'y est pas: & parce que cette coutume commença du temps des
+sénateurs de Rome, le nom latin leur en est demeuré encore. Et puis
+quand monsieur le procureur vient harassé comme un marayeux, en entrant,
+il voit sa femme, & lui dit: bon jour, trognon. Bon jour, mon ami,
+dit-elle. Et bien, ma fille, dînerons-nous? Oui, mon ami. Je m'en vais à
+la messe, & un petit à confesse quelquefois, où elle est jusques après
+vêpres. Et puis dis que tu en as, homme de peine, pour en amasser à
+telles friquettes.
+
+SACERDOS. Mais que disent-elles à confesse?
+
+MINISTER. Ce qui leur vient en la bouche.
+
+L'AUTRE. O! & leur vient-il quelque chose? Je pensois qu'il n'y vînt
+rien que quand on y porte.
+
+MINISTER. Voire, vous voilà aussi étonné que le mari de madame Jeanne,
+servante de monsieur de Bourges, qui fut mariée à son argentier. Ce
+gars, la nuit des nôces, lui disoit: Jeanne, ma mie, tu as le con bien
+grand. Oui, dit-elle, vous voilà bien empêché! Il en faut louer la
+moitié. Si j'en suis étonné ou empêché ce n'est pas sans cause, vu que
+souvent les hommes ne savent que dire, non plus que celui de tantôt, qui
+ne savoit rien faire que des civieres.
+
+VALDEN. Je fus bien empêché, confessant, un jour, un jeune Breton
+Vallon, qui, en fin de confession, me dit qu'il avoit besogné une
+civiere. Quoi! lui dis-je, mon ami, ce péché n'est point écrit au livre
+angélique d'enfer, nommé la _somme des péchés_, qui est le livre le plus
+détestable qui fût jamais fait, & le plus blasphématoire, d'autant qu'il
+est dédié à la plus femme de bien. Je ne sais quelle pénitence te
+donner. Mais non, mon ami, quel goût y prenois-tu? Monsieur, bon &
+délectable. Quoi! est-ce une civiere rouleresse, ou à bras? Monsieur,
+elle est à bras, & à bran, & à bouche: c'est une vendeuse de cives. Ha!
+de par le diable, je pensois mal; va, mon ami, va, ne peche plus.
+
+LE DOCTEUR. Cette civiere étoit-elle femme de bien? Je ne le demande pas
+sans cause, pource que je ne sais que vous faisiez, parce que mon
+confesseur me demanda, un jour, si je n'avois jamais paillardé à autre
+qu'avec ma femme.
+
+L'ÉCOLIER. Quelle différence y a-t-il entre les femmes de bien & les
+autres?
+
+LE MAÎTRE. Vous avez tort, il ne faut pas les mêler, il n'y a point de
+comparaison. Paix-là, paix-là, paix.
+
+L'ÉCOLIER. Voire; mais de parler des femmes de bien je ne l'endurerai
+pas; ma mere l'étoit.
+
+LE MAÎTRE. Encore pis, tu me feras gâter. Vois-tu? Les femmes de bien
+baillent, ou font bailler, ou ont qui baille de l'argent pour leur
+faire, & en faut bailler aux autres.
+
+L'ÉCOLIER. C'est pourquoi elles ont plus de liberté, comme celle qui, à
+souper, vit que son mari ne lui avoit point donné de veau; & il coupoit
+un oison. Elle lui dit: mon mari, je vous prie, ne faites pas-là de
+l'oison, comme vous avez fait du veau. A, ha! he, hi, hi, e e e. Etant
+sur ces entrefaites, voici entrer Frostibus, lieutenant-général de tous
+les diables, auquel on avoit interdit la porte; mais madame lui avoit
+fait ouvrir, d'autant qu'il étoit bon diable. Il vint, gai & gaillard,
+mettre les deux mains sur les épaules de Luther, & lui dit: & bien,
+monsieur de l'autre monde, quoi! que dites-vous des gentillesses que
+nous avons faites par-delà, en notre enfance? Tais-toi; lui dit ce vieil
+rêveur Stumius, tu n'es pas sage, tu découvres le pot aux roses, tu
+déclares les secrets du métier. Mais, dit-il, par ta foi, pauvre
+mélancolique, si tu es plus homme de bien que les autres, va te faire
+brûler en quatre quartiers, comme vrai martyr des quatre religions. Or
+bien, messieurs, encore un coup, boivez, ne me tenez gueres. Je vais en
+Flandre, pour copuler les états. Que voulez-vous savoir de moi?
+
+LUTHER. Tu es importun. Nous ne nous soucions plus de toi; va à tous les
+diables, & nous laisse. Sinon, va à ce nouvel abstracteur de
+quintessence qui te fasse griller, comme tu as fait rôtir de mes bons
+disciples.
+
+FROSTIBUS. Ha! ha, par ma foi, je suis tout réjoui. Savez-vous un
+poinct, mes bons seigneurs? En quelque pays où il y ait une des quatre
+religions établie, je fais déclarer hérétiques, comme fromage de Milan,
+ceux qui n'en sont point; & puis on les grille; & cela vient bien à mon
+goût, d'autant que le fromage grillé est plus voluptueux au palais que
+l'autre. Mais laissons cela, ce n'est pas ce qui m'amene: je suis venu
+ici pour vous prier, mon Luther, mon capitaine, mon ami, de me faire la
+faveur qu'il n'y ait plus personne damné. Tous les diables vous en
+prient; & sera bon, s'il vous plaît, d'y prendre garde, de peur qu'enfin
+les maréchaux des logis d'enfer n'aillent en purgatoire marquer par-tout
+pour nous loger. Et dà, il en est besoin, d'autant qu'il y a déja tant
+de damnés en enfer, que les pauvres diables couchent dehors; & ainsi
+vous y aviserez, & je me recommande à vos bonnes graces. Je m'en vais.
+Je n'oserois être ici plus long-temps, de peur de devenir hérétique ou
+papiste. Que si cela avenoit, je serois perdu. Les financiers & bon
+conseillers des rois & princes ne feroient plus état de moi, parce
+qu'ils ne font pas cas de ceux qui sont fermes en une religion.
+
+
+
+
+DÉFAUT.
+
+
+XV. Ayant dit cela, il s'en alla: & fut dit que qui que ce fût, qui
+heurteroit, demeureroit dehors, s'il n'étoit de l'une ou de l'autre
+religion, _ex professo_: & te va faire loger, pauvre diable.
+
+LUCRECE. Mais s'il y venoit quelque gueule, lui refuseroit-on la porte?
+
+PONTANUS. Ces poëtes phantastiques ont toujours quelque allégorie. Que
+veux-tu dire par ces gueules?
+
+LUCRECE. Hé! pauvre fat, ne sais-tu pas bien que nos garces, que l'on
+appelle putains à Paris, & nos soeurs ès cloîtres, sont de vraies
+gueules. Aussi, je dis que, s'il vient ici des gueules, il les faut
+laisser entrer ici, d'autant qu'elles sont bonnes papistes, quand par
+dévotion elles le font avec les gens sacrés; & bonnes huguenotes,
+lorsqu'elles ne discernent point les jours. Ces deux sortes de gueules
+sont comme les avaleurs d'huîtres; elles vivent de viandes vives &
+crues. Mon doux ami, tu t'en es tant escrimé, que les mains te
+tremblent. Qui joue des reins en jeunesse, ils tremblent des mains en
+vieillesse.
+
+LOCRUS. Disant cela, je me ressouviens que vous n'avez pas tantôt résolu
+qui étoit le meilleur; bien que vous eussiez dit que l'abbesse avoit
+résolu qu'il n'y en avoit point de grands.
+
+AXIOCUS. Cela est bon. L'abbesse de Long-champs m'a appris ce qui en
+est; me demandant sur cette résolution ce que j'en pensois: & je lui dis
+que c'étoit à elle, s'il lui plaisoit, à m'en éclaircir. C'est, ce me
+dit-elle, celui qui est dur & dure. Voire, mais dis-je, madame: il ne
+peut toujours durer. Non dà, dit la bonne mere, & c'est pourquoi on ne
+nous donne pas les états de judicature, à cause que nous résistons au
+droit, & l'anéantissons.
+
+LUCRECE. La dame qui ouit dire à un docteur proférant _ponendum jus_:
+ho, ô, dit-elle, vous aurez menti, je ne ponerai pas jus, je suis femme
+de bien. C'est la raison pour laquelle monsieur de la Saulaye marioit
+ses filles jeunes; & quand on lui demandoit pourquoi, il disoit: j'aime
+mieux qu'il leur cuise, qu'il leur démange.
+
+SOCRATES. Vraiment, je n'y saurois que faire: il y en a à ce bout de
+table, qui disent possible les mêmes choses que nous disons ici: mais il
+les enfilent d'autre sorte: je vous prie, vous qui les oyez, prenez-y
+garde, pour les ôter de ces mémoires & y mettre vos intentions; & vous
+pour le premier qui le ferez, serez mis au catalogue des bons esprits,
+c'est-à-dire, vous serez déclaré bête de bon esprit. Or sur-tout prenez
+garde à quelques petites gentillesses qui sont ici réduites, & les
+calculez avec leur distance; &, sous cette proportion, vous trouverez un
+grand notable secret; excellent mystere, & mystérieuse excellence.
+
+DIOGENES. Il m'est échappé de vous dire cela; le diable me l'a tiré du
+cul, pour le mettre en votre bouche; faites-en votre profit, comme d'une
+belle & joyeuse vrille de bois.
+
+LE BON HOMME. Et bien, boivons, & me donnez un petit de cette croûte de
+pâté; ce que j'en fais est pour épargner le pain. Mais à propos,
+qu'est-ce qui épargne plus le pain en une maison?
+
+CHOSE. E! hé, quel voyage, ma grand'tante; & qui êtes-vous, chouse?
+C'est la miche, & le gâteau, & le tourteau, & la fouace, & le biscuit.
+Cela me fait souvenir qu'étant à Blois avec mes amis, à faire bonne
+chere, durant les états.
+
+BEZE. Gare le concile.
+
+PETRUS DE ALVER. Pourquoi?
+
+BEZE. Parce qu'aux nôces les huguenots furent attrappés à Paris, à la S.
+Barthelemi. Aux états, les ligueurs furent contaminés, environ noël. Et
+s'il avient un concile, au diable le couillon restant de ces sortes de
+gens qui gâtent tout.
+
+CHOSE. J'étois donc à Blois à me rigoler comme un pere; & mes amis qui
+me gratifioient, me traiterent douze jours de bons vivres, & ne me
+présenterent point de pain; ils ne me donnerent que de la miche. Ce fut
+au temps même que la pauvre Ragonde, fille du commissaire Chotard, se
+trouva grosse: & comme son pere s'en fut apperçu, il lui fit quelques
+remontrances, disant: comment, ma fille, qu'avez-vous fait? En dà, mon
+pere, je ne pensois pas que si peu de chose me pût ainsi aventurer. O!
+vilaine que tu es, je crois qu'il te faudroit donc un fourgon.
+
+SPARCIPPUS. Je n'étois pas-là; mais à Montauban, ou à Beziers, où
+j'oyois maître Florimond le menuisier, qui tançoit sa femme de ce
+qu'elle étoit ivrogne; & lui remontrant gracieusement pour l'induire à
+pénitence, lui dit: en dà, ma mie, ma femme, j'aimerois mieux que tu
+fusses un peu putain. Elle lui répondit: _carabous, carabous le meo
+marita tout attingueren, de tout ferem, un poque_.
+
+APULÉE. Hé! gué, tout ira bien, j'en aurons; & puis on trouve à Paris
+pleine chemise de chair vive pour cinq sols au rabais.
+
+POGGE. Celle de la dame Isabelle valut bien davantage, ainsi qu'il a
+paru: c'est qu'elle a tant gagné à prêter son brelingot, que de l'argent
+du reste, elle a fondé la plus célebre religion qui soit à Venise, ainsi
+que me l'ont dit les Jésuites en confession.
+
+MACROBE. Ce chose là n'étoit donc pas comme celui de cette pauvre garce
+Michelle, qui venoit d'Angers à Tours, & se mit au bateau de Bolacre.
+Nous étions bonne troupe, & montions par eau sur Loire, pour aller aux
+pardons à Orléans. Comme j'étois là, je désirois que la riviere eût été
+mi-partie, qu'un rang eût coulé comme elle fait, & que l'autre eût coulé
+vers Blois. Si quelque pape savoit faire cela, il augmenteroit beaucoup
+le domaine de saint Pierre, par la diligence que feroient les postes.
+Entre tant de gens de bien qui étoient au bateau, il y avoit un gai &
+jeune, qui, pour avoir frayé avec Michelle, avoit mal à son unique bout,
+ce qui lui déplaisoit fort, aussi-bien qu'aux autres qui ont pareils
+accidens, qui survinrent à plus de six de la compagnie. Il falloit se
+reposer à Tours, où pour lors étoit le roi, qui venoit de fixer le
+mercure. Etant là, ce jeune homme intéressé aux parties vitales, (ainsi
+notre ami l'horlogeur nommoit le _vit_, de peur d'offenser les oreilles
+des filles: aussi qui les en iroit frétiller par tel endroit, feroit
+ridiculité: ainsi que celui qui demandoit chez Bourgant, la même
+semaine, du ridicule d'antimoine; il vouloit dire du _régule_;) ainsi
+cet affligé alla droit chez le compere Jardin, qui le consola, & le mit
+en train de briéve guérison. Or, en notre troupe, y avoit un prêtre
+Breton, qui avoit la pine si offensée, qu'enfin vexé de trop de mal, il
+se découvrit à ce jeune homme, qui lui conseilla d'aller Jardiner. Le
+triste ecclésiastique y va. (Il y en a qui ont voulu dire que c'étoit un
+ministre du Languedoc, venu au synode à Châtelleraut: ils se trompent,
+d'autant qu'il n'avoit que des poulains, qui lui étoient venus, pour
+avoir monté sur la haquenée du confesseur des religieuses de
+Fontevrault, à qui le médecin de madame avoit donné la vérole.) Ce
+patient étant devenu le barbier, il lui déclara son mal. Adonc le maître
+le visita, & trouva qu'il étoit copieusement grangrené; si qu'il le
+falloit couper, à quoi il eut beaucoup de peine à faire résoudre
+l'affligé, qui enfin, craignant de mourir, abandonna son pauvre cas au
+rasoir. Ainsi que l'exécution étoit prête, le chirurgien lui demanda de
+quel état il étoit. Il lui répondit qu'il étoit prêtre. Adonc le maître
+donna le coup rasibus, sans rien épargner: & comme messire Pierre cria,
+il lui dit: là, là, c'est tout un, aussi-bien n'en avez-vous que faire.
+
+RENÉE. Quand notre ami Yverd le coupa à un chantre de saint Gratien, qui
+le regrettoit: allez, dit-il, il reviendra.
+
+MACROBE. Le prêtre ainsi fait courtaud de légere taille, nous allâmes
+tous à la file, pour avoir remede à nos maux; même le petit qui tenoit
+la peautre, & qui avoit été poivré, vint à Jardin; & comme il lui
+faisoit le discours de son inconvénient, & parlant de Michelle, il nous
+disoit: depuis que j'eumes hébrégé cette vetture, je n'en eus que
+malheur; le vent s'est tourné, & jernigoi de la vetture, & de la foutue
+vetture.
+
+PARÉE. Il avoit passé par les mains d'une qui avoit moyen de le
+récompenser ainsi que me dit à Lyon madame Briolet, l'amie du comte
+Bennerie. Je la traitois d'un mal de tête. Mon gentilhomme, mon ami, me
+dit-elle, faites-moi du bien; je vous promets que je vous paierai bien.
+O! ô, dis-je, mademoiselle, je vous remercie; en dà, je ne veux pas être
+payé de ce que je fais aux dames; il y a trop de danger.
+
+GAUTHIER. Mais le curé de saint Martin d'Aussigni, vers Bourges, y
+avoit-il mal?
+
+GUILLAUME. Vraiment ce fut grand pitié. Il aimoit une femme qui lui
+donna assignation, & faisant semblant de le recevoir courtoisement,
+l'empoigna: & comme maître Antitus de braguette sentoit cette main
+douillette, il s'exaltoit. Adonc cette femme avec l'autre main avança un
+couteau, dont elle le coupa tout net.
+
+SAPHO. O! de par le diable, quel trait! Elle étoit plus inhumaine que
+madame, la présidente de même nom, qui se trouvant en lieu
+d'assignation, où six l'attendoient pour la bricolfrétiller, elle, se
+refroignant un peu, dit: hé bien, messieurs, je vous prie de vous
+dépêcher, d'autant que mon mari m'attend; je n'avois épargné du tems que
+pour un coup ou deux.
+
+LE MOINE. Mademoiselle de Lescard, ayant ouï conter ces nouvelles, eut
+des visions en dormant, & lui sembla qu'elle voyoit semer des vits,
+ainsi elle se jetta hors du lit & se cassa un bras, voulant, comme elle
+l'a confessé à monsieur le premier barbier, en amasser un bien gros. Or
+cependant, vous parlez à cette heure, belle dame, selon vos intentions.
+
+TÉRENCE. Aussi faisoient le valet de notre boulanger, & la femme du
+conseiller... Comment?
+
+
+
+
+RÉMISSION.
+
+
+XVI. Il y en a qui parlent suivant leurs intentions arrêtées aux objets.
+Le boulanger de la ville tenoit à ferme une maison qui étoit à ce
+monsieur le conseiller; & là y avoit un beau jardin, où les arbres
+rapportoient de beaux abricots, & de bonne heure. Ce jardinier, en ayant
+recueilli des plus beaux & premiers, appella le mitron, auquel il
+commanda d'en porter un quarteron à monsieur le conseiller.
+
+VALRON. Qu'est-ce que _mitron_?
+
+TÉRENCE. Les valets des boulangers sont ainsi nommés, parce qu'ils n'ont
+point de haut-de chausses, mais seulement une devantiere, telle ou
+semblable à celle des capucins, qu'ils nomment une _mutarde_, & qui, en
+pure scolastique, est nommée une mitre renversée. La mitre couvre la
+tête, & ce devanteau le cul, qui sont relatifs. Le mitron, obéissant à
+son maître, vint avec les abricots; & entra dans la chambre, où la
+servante l'introduisit. Il fit une belle révérence à mademoiselle à cul
+nud, lui demandant où étoit monsieur. Elle dit: il viendra à cette
+heure, mon ami; attendez le un peu. Cependant le mitron regardoit la
+demoiselle qui s'achevoit d'habiller, & faisoit la litiere à ses tetons,
+qui paroissoient mignons & beaux; il les considéroit des yeux fort
+goulûment, que voici monsieur qui entra. Alors le mitron, allant vers
+lui, fait une grande révérence, & lui dit: monsieur, voilà mon maître
+qui se recommande à vous, & vous envoie une pannerée de tetons. Il dit
+ainsi, pensant & parlant tout à-la-fois. Quoi! dit monsieur, ce coquin
+ne sait ce qu'il dit. Le mitron, voulant faire la révérence, trouva
+derriere lui un placet qui le fit cheoir, de sorte que, sa devantiere se
+renversant sur le ventre, il montra toute sa pauvreté, ses pauvres
+tritebilles. Qu'est ceci, ce dit le conseiller? Voyez ce maraut! Il se
+met à regarder les tetons de ma femme; il ne sait ce qu'il dit, & encore
+se laisse tomber. Adonc la demoiselle, qui regardoit le paquet d'amour,
+le spectacle de l'outil de nature, excusant ce pauvre mitron, dit à son
+mari: mon ami, vous le devez excuser; s'il est chut. Un cheval qui a
+quatre couilles, se laisse bien cheoir. Elle vouloit dire _quatre
+pieds_; mais l'objet la détournoit.
+
+MADAME. Quel paquet d'amour! Que le chat fût bridé de semblables!
+
+L'AUTRE. Il n'en seroit pas plus fort, pour l'avoir mangé. Je vous le
+prouverai, par l'aventure qui nous survint à la Boisiardiere; où, un
+vendredi, nous dînions; & madame se coléroit de ce que l'on n'avoit
+gueres mis de beurre. La fille qui l'avoit en charge vint, & tenoit le
+chat mignon en sa main, & disoit qu'elle l'avoit pris sur le fait,
+achevant de manger quatre livres de beurre. Moi, qui aime justice,
+desirois excuser le chat; & pour sa justification, & je le pris & le
+pese; & en bonne finte, il ne pesoit que trois livres trois quarterons;
+je ne sais ce qu'il pesa, quand il eut chié le beurre; allez-y voir.
+
+RABELAIS. Il a oublié ce qu'il vouloit dire.
+
+GREGOIRE. Comme celui qui se vouloit faire recevoir procureur au
+châtelet, lequel se présenta humblement à l'examen; & ainsi que l'on lui
+eut fait plusieurs questions, il ne savoit répondre à aucune. Un des
+messieurs lui demanda, d'où venoit cela qu'il ne se présentoit & ne
+savoit rien: messieurs, dit-il, j'ai été en vendanges, où j'ai oublié
+tout ce que je savois.
+
+GODEFROI. Et ce bon personnage qui avoit acheté... O, qu'ai-je dit? Qui
+avoit eu _gratis_, comme les autres, un métier de conseiller.
+
+LOUVET. Appellez-vous cela métier? Vous seriez aussi prophané, que le
+bourgeois de la Rochelle, qui, ce dernier carême-prenant, ayant été
+tancé, parce qu'il étoit de la religion, d'avoir joué joyeusement, (&
+même le consistoire l'avoit repris aigrement) se trouvant en compagnie,
+où l'on se consoloit de ce qui s'étoit passé, va dire: par la certebleu,
+si j'avois trouvé quelqu'un qui me voulût bailler cinquante écus de mon
+métier de huguenot, je m'en déferois.
+
+
+
+
+DISCOURS.
+
+
+XVII. PLOTIN. Ho! compere, que vous allez vîte! Comme vous dépêchez
+tout!
+
+GODEFROI. Je ne vais pas si vîte que le plumacier de l'univers.
+
+CICERON. Quel diable de nouveau mot est ceci? Qui est ce _plumacier_?
+
+PLOTIN. C'est celui qui pose les panaches sur les têtes des hommes de
+l'univers.
+
+POGGE. Je gage qu'il veut parler de cornage.
+
+PLOTIN. Tu l'as trouvé; qu'il te puisse accompagner comme accident
+indélébile!
+
+ASCLEPIADES. Comment est-ce qu'il va si-tôt?
+
+PLOTIN. O cher compere de toute la fressure, je te le dirai! Sache, toi
+qui as belle & jeune femme; sache, mon tendre & jovial petit belleau,
+mon petit prêteur de franches repues, que, si tu étois au Grand-Caire, &
+que ta femme tant poupine fût à Paris, & que de son consentement, me
+faisant ouverture de ses bonnes graces, elle me laissât entrer à elle,
+je n'aurois pas si-tôt mis mon V, I, T, pied, dans son C, O, N,
+pantoufle, que l'admirable, grand & révéré cocuage ne fût, en un
+instant, au Grand-Caire, à te frétiller avant la tête, pour te réjouir
+du beau petit plumage d'amourettes.
+
+PLANUDES. Triste garçon à demi vieil que tu es, je t'assure que ta
+journée n'y monteroit gueres. Tu es de ceux auxquels on peut dire:
+depuis que la couille passe le vit; adieu vous dis.
+
+BIONON. Paix, de par tous les diables, taisez-vous, ou je vous couperai
+le cou, comme je fis un jour à un roi qui chioit. Achevez le discours de
+ce conseiller, & meshui ne vous interromprai; ou j'abomine, je
+contamine, je précipite, je diable, je trente mille: a, ha! je ne le
+dirai pas: faites votre devoir.
+
+GODEFROI. Parlez-vous de ce conseiller de la prévôté, lequel le pere le
+présentant à messieurs, demandant séance pour lui, leur dit: messieurs,
+mon fils n'a point de science, il vous plaira lui en donner. (Un gâta
+tout. Non, dit-il, c'est de celui qui se faisoit recevoir à la cour, qui
+est tant bonne & douce, la bonne dame, qu'elle ne reçoit, ou n'a reçu,
+ou ne recevra, de peur de faillir, je ne le dirai pas; en voilà qui me
+veulent faire dire _des ânes_, je n'en ferai rien.) Ainsi que messieurs
+interrogeoient ce bon personnage déja âgé, ils l'incitoient à répondre;
+& il ne savoit, d'autant qu'il n'entendoit pas ce qu'ils disoient. (S'il
+eût été encore comme moi, qui plaidant ma premiere cause, je dis à ces
+messieurs-là beaucoup de choses que je n'entendois pas, ni eux aussi, ce
+qui m'apporta une belle dayée de réputaison.) Ce personnage écoutoit;
+puis, comme revenu de bien en songerie, dit: messieurs, je n'ai pas
+accoutumé ce ménage ainsi que vous dites. Bien je ne sais rien, il est
+vrai; mais j'ai un fils qui est bien savant, qui répondra pour moi,
+comme mon compere le sieur Basgrand a répondu de l'argent que je dois de
+mon office. Par dépit qu'il ne put être reçu, si-tôt que sa femme fut
+morte, il récompensa une prébende, & fut official.
+
+L'AUTRE. Ce fut à lui, auquel Menaud, notre métayer fit une jolie
+réponse. On agissoit devant lui d'une cause de fouculterie; & Menaud
+étoit appellé à témoin, pour dire que le garçon eût eu habitation de
+concupiscence charnelle avec cette fille. Ainsi que Menaud fut entré, il
+dit: j'y étois, & ce que je vous dis est vrai, monsieur l'official. Dieu
+me doint bonne vie & longue! on m'a dit que vous me demandiez.
+L'official lui dit: & bien, mon ami, dites vrai. Avez-vous vu que ce
+gars ait envahi cette fille? Avez-vous vu qu'il l'ait travaillée?
+Monsieur l'official, je n'en saurois que dire; je suis votre serviteur.
+Là, mon ami, dites; je suis le vôtre. A, a! monsieur, il suffit, si vous
+me faites plaisir. Dites donc, mon ami, dites. Et bien, monsieur
+l'official, je vous dirai: j'ai vu quatre fesses & deux culs; mais je
+n'ai point vu de vit; je crois que le larron de con l'avoit en la goule.
+
+SAPHO. Hé gai, voilà de beaux contes à dire devant des gens d'église.
+Aussi
+
+ Je suis si aise quand je cous,
+ Si pour un C. je mets une F,
+ Qu'il m'est avis, à tous les coups,
+ Que j'ente une mignonne greffe.
+
+
+
+
+FOLIE.
+
+
+XVIII. CERTORIUS. Je m'étonne que le roi n'ôte ces officialités, s'il le
+faisoit il soulageroit beaucoup de monde, & enrichiroit sa justice, & si
+feroit que les ecclésiastiques seroient chastes. Pensez-vous qu'oyant
+ainsi parler de turpitude, le bandage ne leur simule pas?
+
+CUSA. A la vérité, les oreilles & les yeux servent beaucoup à besogner,
+témoin le curé de saint Clément, qui, en son prône, disoit: les dames
+montrent leurs tetons; ce n'est pas bien fait; & puis elles étendent
+leurs chemises autour du cimetiere. En dà, ni moi, ni mes vicaires ne
+sommes pas anges; cela nous tente.
+
+XÉNOCRATES. Pargoi, il n'étoit gueres sage, il y paroissoit; il ne lui
+falloit point aller à la touche des merveilles.
+
+CESAR. Quelle touche!
+
+XÉNOCRATES. C'est celle qui est à Paris, justement dans le badaudois, au
+lieu même où Pepin fianta, (je cuidois dire fit ses affaires sur l'état
+de France. Il fit mettre & exposer cette touche qui est notable,
+d'autant que sur icelle, comme on éprouve l'or à celle des orfevres, on
+examine les folies des anciens, les sottises des nouveaux, la gloire des
+présomptueux, & bref toutes les viédaseries des humains; & dit-on que ce
+volume y a été trouvé, ainsi qu'il y avoit été laissé par feu Guillaume
+de Paris, qui, aux porteaux de notre-dame, a mis les figures chimiques à
+faire la projection à devenir sages, de laquelle on use, comme de
+cendre, à l'entrée de ce noble chaircutieux de carême.
+
+BARNAUD. Je pense que vous rêvez d'appeller carême chaircuitier.
+
+XÉNOCRATES. Oui, je rêve: il vous l'est avis. Notez ces paroles;
+_chaircuitier_ est un qui fait cuire de la chair; _undè_ chaircuitier:
+mais _chaircuitieux_ est un qui concutie la chair, qui la chasse, qui la
+ruine, comme font les maréchaux & médecins nouveaux.
+
+BARNAUD. Tu y as excepté les médecins, parce que tu en as affaire.
+Est-il pas vrai que, comme tu écrivois contre Machiavel, tu avois si
+fort les hémorrhoïdes, que le cul te distilloit tout en sang, & en étois
+à demi mort.
+
+XÉNOCRATES. Sachez, bel ami, que les sages médecins font leurs essais
+sur les gens d'église, malfaiteurs, gueux & putains. Tels sont les
+quatre élémens d'essais.
+
+BEZE. Tu me refais bien; j'aimerois autant le fou de la Bourdaisiere,
+qui avoit avalé une pièce de vingt sols. Comme il vint à la rendre par
+bas, il avoit de la peine. A la fin l'ayant tirée, il dit à son maître,
+la lui jettant toute breneuse sur la table: en dà, monsieur cousin, que
+l'argent est fâcheux & difficile à faire.
+
+CEBES. Qui l'eût mis sur votre touche de tantôt, elle eût été touche à
+connoître merde; cela eût bien servi aux médecins.
+
+XÉNOCRATES. C'est tout un; je reviens à cette pierre, d'autant que je
+suis alquemiste, aussi les alquemistes ont la pierre en la tête; &
+pensois que voulussiez parler du révérend pere abbé de Vienne,
+au-dessous de Lyon, lequel voyant la grosse pierre qui est en la
+prairie, où il y avoit en écrit: _qui me virera, grand trésor aura_. Le
+bon & noble pere (il n'étoit pas de la famille des Laurents, il avoit
+trop d'esprit) se mit en frais pour faire virer cette pierre, & y
+dépensa trois mille quatre cent vingt-deux écus dix-sept sols & une
+pite, ce que je mets pour vous assurer. Jaloignès le notaire en a fait
+le compte. Et comme elle fut tournée, il trouva de l'autre côté: _virier
+je me veliens, parce que me doliens_.
+
+SALIVAS. Il fut bien deçu; il pensoit avoir trouvé la pierre
+philosophale.
+
+GALANDIUS. Par la mort d'oeuf, il n'étoit pas en tant de bien que le
+Granger de saint Martin, qui un tems fut, étant couché entre deux
+garces, disoit, étendant ses bras, main deçà, main delà: que de biens!
+
+OECOLAMPADE. Je sais bien qu'il est; C'est celui qui mourut l'année
+passée. Son valet me vint quérir, pour le voir, & me dit: hélas!
+monsieur, venez vîtement; mon maître se meurt de l'apocalipse; il
+vouloit dire de l'_apoplexie_; ainsi que l'entendoit le vicaire de saint
+Saturnin, quand le second président en mourut; lui étant venu ce mal,
+d'appréhension d'avoir été de la ligue.
+
+MAROT. Tu as bien débuté avec la ligue; tu es un bel archer, tu y vises
+bien!
+
+JAMIN. Aussi-bien que celui qui voyoit l'amour, qui est à la
+Boudaisiere, fait en si belle peinture, que l'amour a été fait après ce
+portrait. Quand le roi venoit de fixer le mercure, il vint en cette
+belle maison. Et comme ès lieux curieux il y a toujours des amuses fous,
+ce tableau d'amour étoit en la grande salle. Il y eut un gentilhomme qui
+s'y amusa; & voyant cet amour avec son trait sur l'arc, comme prêt à
+décocher, & lisant autour: _sublato amore omnia ruunt_, étoit en grand
+peine que cela pouvoit signifier. Il passa un aumônier, auquel il le
+demanda. L'aumônier l'ayant lu, dit: monsieur, vous êtes fâcheux; ce
+latin là est possible prophane; il n'est pas de bréviaire; je ne
+l'entends, ni ne le veux entendre. Monsieur, ne vous fâchez point, je
+vous prie. Il en passa un autre qui fut plus hardi, auquel il fit la
+même priere. Adonc le prêtre, ayant considéré l'état de la figure, lui
+dit: monsieur, cela signifie que, si dieu vouloit, tous les anges du
+paradis tireroient ainsi de l'arc.
+
+BUCHANAN. Je pense qu'il entendoit aussi peu de latin que le sieur du
+Coudrai, qui me pria un jour de lui montrer du latin. Vraiment, je le
+menai en la boutique d'un libraire, où j'ouvris des livres latins, & lui
+montrai du latin. Il se voulut colerer; à jan, j'avois une épée aussi
+bien que lui; je nous fussions bien battus.
+
+POGGE. Et vive les coups de poings; on n'en meurt que par hazard, non
+plus que d'autre chose.
+
+DES ESSARDS. Et quoi! portiez-vous lors une épée?
+
+BUCHANAN. Oui.
+
+DES ESSARDS. Et de quel saint?
+
+BUCHANAN. Je suis gentilhomme; & par la double-triple manche de serpe,
+nous sommes tous gentilshommes en notre pays.
+
+DES ESSARDS. O! ha, hé! & qui est-ce donc qui garde les pourceaux?
+
+BUCHANAN. C'est l'abbé de Turpenai, qui fut celui qui eut la venue par
+mon compere Tristan que voilà, qui en fait des reproches au roi Louis
+onzieme, lequel avoit donné l'abbaye de Turpenai à un gentilhomme, qui,
+jouissant du revenu, se faisoit nommer monsieur de Turpenai. Il avint
+que le roi étant au Plessis-les-Tours, le vrai abbé qui étoit moine, &
+comme ceux qui duement pourvus ont été appellés antiques, d'autant que
+c'étoit à l'antique mode, qu'il n'y avoit point de commentaire; (foin,
+je pensois dire de _commendataires_.) Cet abbé se vint présenter au Roi,
+& lui fit sa requête, lui remontrant que canoniquement & monastiquement
+il étoit pourvu de l'abbaye, & que le gentilhomme usurpateur lui faisoit
+tort contre toute raison; & partant qu'il invoquoit sa majesté, pour lui
+être fait droit. En secouant sa parruque, le roi lui promit de le rendre
+content. Ce moine importun, comme tous animaux portant cucule, venoit
+souvent aux issues du repas du roi, pour lui ramentevoir son affaire. Un
+jour, le roi, ennuyé de l'eau bénite du couvent, appella mon compere
+Tristan, & lui dit: compere, il y a ici un Turpenai qui me fâche;
+ôtez-le moi du monde. Tristan n'y faillit non plus, qu'il lui eût
+failli, ainsi qu'il se trouve ès Florides, quand sous le nom de Stratin
+il eut la tête tranchée à Sancerre, tourné en Rancrese, témoin Verville
+qui me l'a dit, ainsi qu'il l'a écrit. Tristan prenant un froc pour un
+moine, ou un moine pour un froc, vint à ce gentilhomme, que toute la
+cour nommoit monsieur de Turpenai; & l'ayant accosté, fit tant qu'il le
+détourna; puis le tenant, lui fit entendre que le roi vouloit qu'il
+mourût, partant qu'il fît son testament, comme font les enfans de Lyon
+au pied d'une échelle, la tête couverte par privilége notable. Il
+vouloit résister en suppliant, & supplier en résistant, comme dit notre
+ami Castillon en son bien dire: mais il n'y eut aucun moyen d'être ouï.
+Il fut délicatement étranglé entre la tête & les épaules, si qu'il
+expira; & trois heures après, le compere dit au roi, qu'il étoit
+distillé. Il avint cinq jours après, qui est le terme que les ames
+reviennent, si elles doivent revenir, ainsi que dit saint Foubrequin,
+que le moine vint à la salle où étoit le roi, lequel le voyant, demeura
+fort étonné, & lui sembloit avoir devant lui le spectacle hideux de
+l'ame monachale, étrangée de son triste corps. Tristan étoit présent. Le
+roi l'appelle, & lui dit en l'oreille: vous n'avez pas fait ce que je
+vous ai dit. Ne vous déplaise, sire, dit-il, je l'ai fait. Turpenai est
+mort. Hé! je disois & entendois de ce moine. J'ai ouï & entendu du
+gentilhomme. Quoi! c'est donc fait? Oui, sire. Or bien, se tournant vers
+le moine: venez ici, moine. Le moine s'approche: le roi lui dit:
+mettez-vous à genoux. Le pauvre moine avoit peur. Et le roi lui dit:
+remerciez dieu, qui n'a pas voulu que vous fussiez tué, comme je l'avois
+commandé. Celui qui prenoit votre bien l'a été. Allez, dieu vous a fait
+justice; allez, priez dieu pour moi, & ne bougez de votre couvent.
+
+
+
+
+CONTRAT.
+
+
+XIX. SAPHO. Je pense que ce pauvre moine n'arsoit pas à cette heure.
+
+BEZE. Vraiment non, non plus que monsieur le grand prieur de
+Marmoustier, qui disoit que sa couille étoit en chaleur, & que son vit
+ne bougeoit de dessus.
+
+SAPHO. C'est que ce pauvre cas avoit perdu de l'argent, il regardoit
+contre bas, il n'eût pas été bon pour la tante de maître Philippes.
+
+COQUEFREDOUILLE. Comment?
+
+SAPHO. Elle vouloit être remariée pour la cinquième fois; & maître
+Philippes s'en fâchant, lui dit: vraiment, ma tante, vous ne seriez pas
+profitable à faire un écrou de pressoir; vous usez trop de vis.
+
+TONI. En quel tems est-ce que l'on a plus les vis en la main?
+
+MADAME. C'est quand on descend un degré.
+
+SIBILOT. Qui sont les vide greniers?
+
+CÉSAR. Crocheteurs qui en ôtent le bled. Je crois que l'on s'y échauffe.
+Voire, & bien plus que le Breton, qui, à la défaite de Craon, s'enfuit &
+se cacha en la queue d'un étang, sous les feuilles de nymphe, où il fut
+long-tems, & jusques à ce qu'il apperçut un paysan qui passoit; & il
+l'appella, lui demandant s'ils étoient encore là. Il dit qu'il n'y avoit
+plus personne. Vraiment, ils ont bien fait; le cerveau commençoit à
+m'échauffer. Il lui échauffoit un peu moins, qu'à celui qui avoit la
+tête dans un pot de fer.
+
+PIGHIUS. Je m'en souviens: nous étions à Genève, & folâtrant en notre
+logis à carême-prenant en cachette, comme on fait en ce pays, lorsqu'en
+carême l'on fait le petit exercice. Il y eut un de nos amis, (je crois
+que ce fut Feverdant) qui mit sur sa tête un pot de fer, & se mit à
+sauter. En dà; la tête lui entre dedans, & ne pouvoit l'en ôter. Nous
+eûmes bien de la peine; & sans le pere Ignace qui s'avisa d'un bon
+expédient, il lui eût fallu rompre le pot ou la tête. Ce pere, plein
+d'industrie, prit le chausse-pied du laquais de sainte Aldegonde, & le
+passa sur le nez qui empêchoit que le pot ne se dégainât, & tira
+par-dessus, si que, le nez rabatu, la tête sortit du pot fort aisément.
+Nous en rîmes tout notre benoît saoul, d'autant qu'il demeura camus.
+Mais qui fut celui qui rit tant, qu'il en fianta en ses chausses?
+
+VIGOR. Ce fut mon compere le cardinal le Moine, qui nous avoit proposé
+de faire un mal-fait sans péché, & un bienfait sans mérite. A quoi fort
+à propos répondit la docte des Roches, mere & fille, & dit qu'il falloit
+chier en ses chausses, puis les aller laver; parce que c'est mal fait de
+chier ainsi, mais ce n'est pas péché, si ce n'étoit par concupiscence,
+puis les laver, il n'y a point de mérite.
+
+ALEXANDRE LE GRAND. Voire, mais nous parlons de celui qui fianta sous
+lui.
+
+VIGOR. Vous le saurez. Nous soupions, & ayant fait beaucoup de jolis
+contes pour rire, le dessert fut de ce mal fait sans péché. Et Chose va
+dire: (je crois que ce fût moi) voilà; nous avons fait bonne chere avec
+du plaisir sans mal aucun; & que le mal que nous avons pensé nous puisse
+avenir. Quoi! dit le sage Akakias, de chier en vos chausses? Nous rîmes
+si fort & à propos, que le boyau culier se dilatant en la voie du
+sphincter qui relâchâ, je fis le péché abondamment.
+
+ZANCUS. Fi, que tu étois sale? Pargoi je n'eusse pas voulu alors que tu
+eusses été en tel point, que quand on passe maître un boucher.
+
+VIGOR. Qu'est-ce à dire?
+
+ZANCUS. Mais tout nud; tu eusses embaumé toute la chambre.
+
+CÉSAR. Mais encore, dites-nous le secret de cette maîtrise.
+
+ZANCUS. Quand les bouchers font un examen à l'aspirant, ils le mènent en
+une haute chambre; & le tout fait, ils lui disent que, pour la sûreté
+des viandes, il faut savoir s'il est sain & entier; & pour cet effet le
+font dépouiller & le visitent. Cela fait, ils lui disent qu'il se
+revête; ce qu'ayant fait, & le voyant gai & ralu, ils lui disent: or çà,
+mon ami, vous êtes passé maître boucher, vous avez habillé un veau;
+faites le serment.
+
+LOUVET. Je pensois qu'on ne fît faire le serment qu'aux gens de justice;
+da, c'est abuser du serment, de le communiquer à tout le monde; il ne
+devroit appartenir qu'aux élus.
+
+IVELLUS. Vous en parlez à cause du sire Pierre le Petit, qui acheta un
+office d'élu & fut reçu. Un jour, étant allé à sa baronnie, son
+principal métayer le saluant, lui demanda de ses nouvelles; il lui en
+conta, puis lui dit: tu ne sais pas, Frion mon ami, je ne suis plus
+marchand; je suis élu. Et da, ce dit Frion, Vraiment, mon maître, j'en
+suis ébahi; je pensois que pour être élu, il fallût être bien savant.
+
+HAMELIUS. Il y a des états, pour lesquels exercer il ne faut gueres
+savoir, comme vous diriez prêtres, chanoines, ministres, & tels gens.
+
+RABELAIS. Parlez-vous des ministres de ce tems?
+
+RABANUS. Lisez l'épitaphe du ministre de feue madame; ça été Titelman
+qui l'a faite.
+
+ Par mon opinion sinistre,
+ De savetier je suis ministre.
+
+
+
+
+PARENTHESE.
+
+
+XX. Dis que tu en as, Calvin.
+
+CALVIN. Je n'en veux autre vengeance que celle qu'en prit Bersaut sur le
+curé de Barace & ses compagnons. Que Chose vous le raconte: je suis
+empêché. Ne savez-vous pas que je bois & mange si peu, qu'il me faut
+être en repos pour pâturer, avisez: je ne mange pas tant que beaucoup de
+personnes: & si tout le vin du monde étoit-là, je n'en boirois pas le
+quart.
+
+RABELAIS. Mais ne laissons aller Bersaut.
+
+CALVIN. Dis haut, couillaud d'Angers mon ami, & je te promets que, quand
+tu seras chanoine de S. Maurice, tu ne paieras rien _pro futuitu_,
+quoique nos devanciers l'aient toujours fait, & les successeurs le
+feront, pour entretenir les cérémonies de l'église.
+
+CHOSE. Bersaut passant au-dessous de la bennerie, rencontra une nue de
+prêtres qui venoient d'un gaignage. Lui, bien accompagné, les environna,
+& leur demanda d'où ils venoient. Prêtres étonnés ne savoient presque
+dire, tant ils avoient peur. Or, çà, çà, dit Bersaut à un page: pied à
+terre; & au bon homme de curé de Barace, qui étoit fort âgé: sus, bon
+homme, cul bas; là, détachez vos chausses. Il pensoit devoir être
+écouillé. Quand les chausses furent baissées, le page, au commandement
+de son maître, attacha le derriere de sa chemise aux reins. Adonc il fit
+baisser le curé, comme quand on joue au frappemain, ou à la
+fausse-compagnie; puis, çà, enfans, à l'offrande. Tous les autres
+prêtres vinrent baiser le cul, & mirent leur argent au chapeau du page.
+La cérémonie accomplie, il leur demanda: & bien, enfans, me
+connoissez-vous? Oui, vous êtes le bon monsieur Bersaut. Allez, dit-il,
+& faites votre devoir; soyez gens de bien. Le lendemain, ces prêtres
+conterent à deux cordeliers ce qui leur étoit avenu; & les deux freres
+(qui aussi vont toujours deux à deux. Voire, deux à deux, ce seroient
+quatre: ils vont un à un. Coucher une à un est bon). Les cordeliers,
+passant pays, vindrent à Chesfe, où sont les oies rouges, & dînerent
+avec des gendarmes. Après dîner, ils rendirent graces, & dirent: dieu
+nous veuille donner une bonne paix. Adonc un des gendarmes va dire: dieu
+nous ôte le purgatoire. Ha! monsieur, ma chere ame parente de
+chrétienté, vous blasphémez. Mais vous, dit le soldat; il faut que
+chacun vive de son état. S'il n'y avoit un petit de guerre & un
+purgatoire, il ne faudroit ni moines ni gendarmes. A! ha, ha, hé. Au
+reste, étant passés outre dans le haut Anjou, par-delà Angers,
+
+ Basse ville, hauts clochers,
+ Riches putains, pauvres écoliers.
+
+& proche de la maison de Bersaut, ils s'entredisent: frere, qui ira? Ce
+sera moi, dit l'aîné, qui avoit nom frere Eustache. Il y alla donc, &
+demanda à parler à monsieur, devant lequel on l'introduit. (Quoi! dit
+Badius, vous dites monsieur sans queue? Je le crois bien; n'ai-je pas
+été nourri dans les cloîtres? Je dis comme les femmes de prêtres, qui,
+tant pauvre soit leur maître, parlant de lui, nomment monsieur: monsieur
+par-ci, monsieur par-là.
+
+ROBERT. Je ne pensois pas que tu eusses été de ces petits pages de
+frocs.
+
+CHOSE. Chut. Comment osez-vous ainsi nommer les semences futures des
+pédagogues de l'église? Laissez-moi dire. Etant devant monsieur, il lui
+demanda humblement l'aumône. Oui da, dit-il, vous l'aurez, pere
+Moustache; mais j'ai céans un vieil serviteur qui se meurt, que je
+désire faire confesser. Monsieur, vous êtes en bon propos. Adonc il le
+mena en un grenier, où il avoit un vieil chien qui se mouroit de
+vieillesse. Voilà, ce dit monsieur, le serviteur dont il est question.
+He! a, dit le moine, monsieur, je cuide que vous vous moquez de moi
+simple religieux. Croyez que je ne suis pas si instruit, que je ne sache
+comme il faut vivre; & qu'il n'est raisonnable d'attribuer à un chien,
+ce qui convient à la personne. Partant, monsieur, vous m'excuserez. De
+dépit, lui fit donner le fouet à nud, & à bon escient; puis l'envoya. Le
+triste frere revint à son compagnon, auquel il conta sa fouettée &
+l'occasion d'icelle. Laisse-moi, dit l'autre, j'aurai pis ou mieux. Il y
+alla donques; & son entrée & discours furent au semblable des premiers
+faits à son compagnon; & Bersaut lui ayant parlé de ce vieil serviteur,
+il demanda à le voir. L'ayant vu, il dit: & bien, monsieur, il est
+raisonnable; faites-moi donner un petit bâton. Je ne veux pas que vous
+lui fassiez mal. Aussi ne ferai-je; mais j'ai affaire de ce que je
+demande. On lui bailla un bâton: & le moine le fendit un peu plus que la
+moitié; puis dit à monsieur & à ses gens qu'ils sortissent & se tinssent
+à la porte; qu'il ne falloit pas ouïr la confession d'autrui. Etant
+sortis, il prit l'oreille du chien dans ce bâton fendu, & lui dit: or
+çà, mon ami chien, voulez-vous pas mourir en chien de bien. Et lui
+pressant l'oreille, le chien huchoit assez haut: ouan, ouan. Ne demandez
+vous pas pardon à votre maître de l'avoir trompé, en mangeant le gibier
+quelquefois? Ouan, ouan, ouan. N'êtes-vous pas fâché d'avoir autrefois
+blessé quelqu'un? Ouan, ouan, ouan. Pardonnez-vous pas tout le monde?
+Ouan, ouan, ouan. Or soyez donc chien bienheureux, absous comme un loup
+gris, trépassant comme une autre laide bête. N'en êtes-vous pas bien
+aise, monsieur le chien? Ouan, ouan. Il y ajouta plusieurs autres belles
+cérémonies de chien, qui furent fort agréables & au chien & à son
+maître, qui, après cette action, prit le moine, lui fit bonne chere, rit
+avec lui, lui donna de l'argent & son cou chargé de bled, & lui promit
+de lui en donner, toutes les fois qu'il viendroit le voir. Le frere
+retourne vers le fouetté, lui montre sa quête: hé, grosse pécore, lui
+dit-il, tu ne sais pas vivre. En s'en allant, ils trouverent de leurs
+amis; & le fouetté dit: nous avons été bien fouettés. L'autre dit: mais
+bien vous; frere; & non pas moi. A d'autres il dit: nous avons eu bien
+du bled. Mais bien moi, frere, & non pas vous.
+
+PRISCIAN. Voilà que c'est d'entendre les affaires.
+
+
+
+
+DOCTRINE.
+
+
+XXI. Je voudrois que ma femme fût aussi bien confessée & bien noyée; je
+serois plus content que Bersaut, ni le moine.
+
+RABANUS. Pourquoi voudriez-vous avoir perdu votre femme?
+
+PRISCIAN. Parce qu'elle ne me veut point obéir.
+
+STATIUS. En da, la mienne m'obéit une fois: ce fut quand je la jettai en
+l'eau. Nous passions sur le pont d'Arve; & le balendrier, _id est_
+garde-fous, étoit ôté. Je la poussai en bas, & lui dis: va où tu
+pourras. Ce qu'elle fit galammant. Elle se sauva peut-être comme saint
+Pierre, quand il chut dans le ruisseau de Champagne. Je vous en dirai
+l'histoire comme elle avint à notre maître Rabelais, que voilà bien
+empêché à trouver l'essence d'un cervelas avec Théodore & Pline: (sur
+quoi quelqu'un me demandera de quoi il étoit, je lui dirai qu'il étoit
+fait comme nos autres viandes). Sachez donc que cette belle compagnie
+faisoit bonne chere, & telle qu'on fait hors du monde, comme nous
+faisons nous autres esprits séparés de nos corps. Notre bon vin n'est
+autre chose que le pur esprit de vin, qui échappe aux quintessencieux;
+nos viandes sont faites des ames des bêtes; vous, qui êtes grossiers &
+corporels, en mangez les corps; & nous, les ames que nous fricassons
+avec les fumées de sauces, & les essences des aromatiques à la clarté du
+feu vif, aidés de bonheur de l'huile incombustible & du sel fusible.
+
+LE ROI AGAMEMNON. Paix! ne passez-pas outre, ne dites pas tout.
+
+STADIUS. Et bien, sire, je me tairai. Mais si un malotru, sire, m'en
+parloit, je le ferois déjeûner de l'esprit de fiente royale. On dit que
+c'est la meilleure, je m'en rapporte aux pourceaux.
+
+LE MORTEL. On voit bien que vous n'êtes guere sage de nous conter tout
+ceci.
+
+STADIUS. O! pauvre animal mortel, mon ami, ne sais-tu pas bien qu'ayant
+un corps, il faut qu'il se vuide? Et tu consens bien que la merde soit
+serrée en tuyaux de briques & belles canes: que souvent on la remue, &
+que même, ho! monsieur le doyen du chapitre de la grande église, vous en
+faites faire des conclusions en vos régistres, & commettez commissaires
+de bran pour curer les aisances. Ainsi ceux qui ont imprimé ceci, font
+commissaires d'excrémens. Ceci est la fiente de mon esprit; & puis je
+fais comme vous, messieurs les cardinaux, je fais ce bâtard: il faut
+qu'il vive. Mais en conscience n'est-ce pas un vrai abus, que de nos
+beaux ouvrages & plus sérieux? Certes ils sont aussi-bien prophanés que
+les plus vils. S'il y a quelque beau tableau en taille-douce bien
+élabouré, il sera aussi-tôt en la boutique d'un savetier, qu'au cabinet
+du roi. Il échet une même fortune aux uns & aux autres. Et voyez, les
+livres des doctes qui furent nuit & jour après la forfanterie, sont
+quelquefois ès mains des laquais & des putains, qui diront: que voilà
+qui est bien fait; ou bien: voilà qui est mal à propos. Comme disoit, un
+jour, une jeune garce, que son con avoit fait demoiselle par la tête,
+tenant un beau livre où elle n'entendoit rien, faisoit la dédaigneuse;
+je lui pardonne à la pauvre bête, elle en est devenue noire comme un
+charbon, & sale comme eau. Avisez-y, doctes; parce que souvent vos
+labeurs, vos bons livres sont employés à faire des cornets d'épices, ou
+des mouchoirs de cul; & ne peut avenir pis à cettui-ci, qui n'est écrit
+que pour la juste démonstration de ce qui est, d'autant que l'on voit
+ici la bêtise des grands de ce tems, la sotise des habiles gens,
+l'impudence des doctes, & la méchanceté des autres. Mais bran pour eux,
+ainsi que dit M. Habpin, maître chirurgien. Je n'ai jamais vû envieux &
+avaricieux devenir vieux. Pleurez, grands, de ne m'avoir pas eu pour
+pédagogue; vous fussiez bien heureux. Or adieu vous dis, comme un _de
+profundis_: & de fait, on ne voit gueres pendre de sots que par hazard &
+malheur, comme ce paysan de la Rochelle, qui, étant à l'échelle prêt
+d'être jetté, disoit: laissez-moi aller, laissez-moi aller; mes boeufs
+se gâtent. Et diantre, mettez donc une coëtte là bas, afin que je ne me
+rompe les jambes. Il ne pensoit pas devoir tenir par le col, ainsi que
+ces beaux esprits & tant d'habiles gens d'entendement, qui se font
+pendre. Faites-en de même par dépit.
+
+MARSIL-FICIN. Oui; mais il avint à plusieurs comme à Mauduit, que l'on
+pendoit, & le bourreau lui disoit: monsieur, mon ami, je vous prie, ne
+vous tourmentez pas tant: je vous pourrois faire tort, d'autant que je
+n'ai jamais encore pendu personne. Hélas! dit-il, mon ami, je n'ai aussi
+encore été pendu. Dieu nous en doint bon encontre à tous deux.
+
+FRACASTOR. Elle lui seroit donc meilleure, qu'au bourreau de St. Denis
+en France, auquel un marchand de Paris demandoit de l'argent. Je te
+prie, dit-il, compere, attends un peu; je n'ai point d'argent: la pente
+n'a pas été bonne, cette année. Dieu y pourvoira.
+
+NÉRON. Voilà bien doctriné! Vous avez laissé le conte de Rabelais.
+
+L'AUTRE. Il est vrai; & c'est ici la grande dignité de cet ouvrage,
+plein de l'intelligence de la pierre philosophale, parce que tout s'y
+transmue. Vous n'attendiez pas ceci, est-il pas vrai? Or bien sachez que
+voici le moyen de transformer, non-seulement les visages, mais aussi les
+essences. Et de fait, prenez-y garde de près, (comme le chevalier
+d'honneur de la reine, qui dort avec ses lunettes, pour sommeiller à
+double fond) & vous trouverez que ceux qui béniront ceci deviendront
+sages, s'ils ne le sont; parce qu'en vérité ces écrits cesseront, & ne
+seront plus grands; les vices cesseront, & toutes sortes de gens ne
+feront plus de folie. L'ambition & l'impiété des grands, l'ignorance des
+prêtres, les présomptions des ministres, le désordre des moines, l'envie
+des chanoines, la fausse science des docteurs, les usures des huguenots,
+les piperies des papistes & toute autre contradiction qui fait naître
+ces beaux commentaires, qui sont compilés de l'étourdissement des
+hommes, & friponnerie des femmes, qui s'est établie encore plus fort,
+depuis qu'on a nommé un cheval _haquenée_, un moine ou un chanoine
+_dignité_, & qu'on a appellé un chat _minon_: & de fait, huchez un
+moine, & lui dites: moine; il se fâchera.
+
+HOTOMAN. Vous me faites souvenir de ce moine de Saint-Denis en France,
+qui voulut faire l'entendu, voyant maître Thierri de Heri à genoux,
+tourné vers la figure de Charles VIII. Le moine lui dit: monsieur mon
+ami, vous faillez: ce n'est pas l'image d'un saint que celle devant qui
+vous priez. Je le sais bien, dit-il; je ne suis pas si bête que vous; je
+connois que c'est la représentation du roi Charles VIII, pour l'ame
+duquel je prie, parce qu'il a apporté la vérole en France; ce qui m'a
+fait gagner six ou sept mille livres de rente. Ce moine là pensoit être
+bien savant.
+
+PIC MIRANDULA. Si ne l'étoit-il pas tant, que le cousin de Vaugirand,
+qui est docteur en théologie, qui, venant un jour de prêcher d'un
+village où on l'avoit prié, s'en retournoit. Or allant & rêvant sur sa
+bête, il s'égara, & trouva un paysan auquel il demanda le chemin pour
+aller à Seveniere. Le paysan le reconnut, & lui dit: hé da, monsieur,
+vous êtes un homme de bien; je vous ai ouï prêcher en notre village;
+j'ai plus retenu de votre sermon que de tous les autres; je voudrois
+bien en avoir une demi-douzaine de semblables. Et bien, dit-il, mon ami,
+vous en aurez quelque jour; mais enseignez-moi le chemin pour aller à
+Seveniere. Ha! a, dit le paysan, le bon dieu m'en veuille bien garder
+d'enseigner à un homme qui sait tout, ha! a, vous vous moquez bien de
+moi. Les petits enfans le savent bien; & vous, qui savez tout, ne le
+sauriez-vous pas? Il n'y a pas de dret: adieu, monsieur; & le laissa là.
+Et le bon seigneur nous vint regarder chez nous, où nous lui fimes bonne
+chere. Il fut bien camus de cette réponse du paysan; il en eut le nez
+aussi long qu'il fut camus.
+
+JEAN HUS. Mais d'où cuidez-vous que cela est venu, que l'on a fait
+signifier même chose à deux contraires?
+
+HOTOMAN. Je ne saurois.
+
+JEAN HUS. Je vous le dirai. Un jour de grande fête, il avoit auprès du
+revêtiaire de bon feu dans le chariot à grille; & un quartaire y faisoit
+griller du boudin durant matines. Il fut pressé d'aller, pour donner
+l'encens; il mit son boudin dans sa manche, & va faire son devoir. Quand
+le chanoine lui eut baillé l'encensoir, il va vers monsieur le chantre,
+qui se disposa pour recevoir la sainte fumée. Adonc le quartaire se met
+à jetter l'encens; & sa manche, qui se délia, laissa aller le boudin au
+travers des joues de monsieur le chantre, qui fut aussi étonné
+qu'émerveillé, & depuis le proverbe a eu lieu en France.
+
+ARETIN. Voilà bien débuté! Quand je lui vis le con, je dis bien que
+c'étoit une femelle.
+
+GALIEN. La fites-vous remettre?
+
+ARETIN. Comment?
+
+GALIEN. Ainsi que la demoiselle de Blois, qui, ayant fait une fille,
+après qu'elle fut accouchée, elle demanda ce que c'étoit. C'est une
+belle fille, dit-on. Adonc l'accouchée dit: je n'en veux point;
+remettez-la.
+
+POGGE. J'aimerois autant celle qui disoit que l'on avoit enté une queue
+de chevreau à un agneau qu'on lui avoit vendu.
+
+ASCLÉPIADES. Oui; & celle qui dit qu'on avoit mis un oeuf au cul de la
+poule qu'elle avoit achetée, pour faire mine qu'elle pondoit; & elle
+n'avoit pas depuis pondu.
+
+LE BON HOMME. Je ne sais pourquoi vous parlez de pondre. Il vient de
+cette fente un vent qui est pondu de n'agueres, il est bien frais.
+
+STOFLER. Attendez; je me mettrai au devant.
+
+LE BON HOMME. Corbieu, tu me presserois trop; & puis, ô de par le
+diantre sans jurer, ne sais-tu pas bien qu'il y a trois choses qui ne
+veulent souffrir être pressées?
+
+STOFLER. Quelles?
+
+LE BON HOMME. La tête d'un fou, les pieds d'un gouteux & le ventre d'un
+moine. Et si j'étois fol, moine ou gouteux, ou tout ensemble?
+
+STOFLER. Quoi! tu serois, mon bel, aussi difficile à tenir qu'un beau
+petit ange d'Arragon.
+
+LE BON HOMME. J'aimerois mieux être d'Espagne.
+
+STOFLER. Tu serois comme le Bandol le puîné, qui est un sage, homme de
+bien, Espagnol & catholique.
+
+MADAME. Que dites vous là?
+
+STOFLER. Je demandois s'il y avoit des bordeaux en votre pays, madame?
+
+MADAME. Non da, il n'y en a point; mais il y a des maisons d'honneur, où
+l'on se réjouit avec les dames; & quelques dames d'honneur, réputées
+pour cela, en tirent rente pour nourrir des moines.
+
+BUCHANAN. C'est donc en ce pays-là, où _moine_ signifie _larron_; comme
+en l'isle des sots, _sot_ signifie _monsieur_. Et de fait, si je vous y
+trouvois, je vous dirois: bon jour, sot. Ce seroit autant que vous dire:
+_bona dies_, monsieur.
+
+SAVONAROLA. Mais l'isle des sots est par-tout; & celle des fous est
+au-delà; témoin la petite fille de maître Simon, qui me vit aller à
+l'église avec mon surplis: elle courut à sa mere: ma mere, mon mignon
+est devenu fou; il a mis sa chemise sur sa robe.
+
+BRENTIUS. Pourquoi est-ce que, quand on nomme un homme _sot_, il
+s'estime cocu? Et si on appelle une femme _vesse_, elle pensera être
+putain?
+
+POGGE. Ce n'est pas de même, parce que, si vous appelliez un homme
+_pet_, il ne s'en soucieroit pas; & toutefois c'est de même. Il y a fort
+peu à dire, pour autant que les pets font du bruit, & les vesses coulent
+doucement; & c'est la raison pour laquelle les hommes font tant de bruit
+en les priant, & elles coulent doucement comme vesses.
+
+BRENTIUS. O! o, ce n'est pas cela; il y en a bien une autre raison.
+
+POGGE. Quelle?
+
+BRENTIUS. Les femmes ne prient point les hommes, parce qu'elles savent
+bien que le four est toujours chaud; mais la pâte n'est pas toujours
+levée. Elles seroient confuses, si elles demandoient une chose mal à
+point, dont elles ne seroient pas servies. Et puis elles sont honteuses
+quand on les prie, parce que ce qu'on leur demande est si près du cu. Il
+est vrai que les brehaignes sont plus heureuses que les fécondes, parce
+que le cas ne leur pue point; & est vrai que le cas de celles qui font
+des enfans est toujours faguenant & mal odorant; ce n'est qu'à cause du
+cu.
+
+MAROT. Vraiment voire; pensez-vous qu'elles seroient aises, si elles
+n'avoient point de cu? Cela n'iroit pas bien. J'entends de trou fignon.
+
+ARTÉMIDORE. Je crois qu'elles n'en ont pas, ou bien elles feignent de
+n'en avoir point, d'autant qu'elles sont ou font les sobres, afin de
+nous faire croire qu'elles ne fiantent pas.
+
+ARNOBE. Tu as dit vrai; c'est ne plus ne moins qu'elles font les
+chastes, afin de nous faire désirer de leur bailler ce qu'elles enragent
+d'avoir. Ainsi que Fleurie, la chambriere de notre bon ami le prieur de
+S. Eloi, laquelle vouloit épouser un cordonnier, & le pressoit devant
+l'official. Les parties étant devant ce juge, cette femme insistoit à
+avoir pour mari ce cordonnier, qui protestoit n'en vouloir point. Et
+pourquoi, dit l'official? Ha! dit-il, monsieur, je n'en veux point;
+c'est une méchante, elle m'a donné la vérole. Hélas! dit-elle, monsieur,
+c'est un méchant homme de dire cela; comment la lui aurois-je donnée? Je
+l'ai encore.
+
+RABELAIS. Il étoit instruit & dégoûté; ainsi que notre berger, qui,
+étant avec la servante, elle lui offroit son cas, selon leur bonne
+coutume; & il lui dit hardiment: ma Toinette, je t'en remercie autant
+que si j'en avois bien pris ma réfection.
+
+MAÃŽTRE BASTIEN. C'est ce que j'aime que ceci; je le trouve: ce sont
+contes de peau-d'âne; c'est la vérité.
+
+MELVIN. Il a raison, d'autant que tous ces mémoires, dictions, discours,
+sentences & paroles sont prises du dictionnaire à dormir en toutes
+langues, de l'institution à lire sans points, sans lettres, sans
+caracteres, sans accens, sans figures, sans notes: aussi-bien les notes
+font faillir, ainsi que le disoit frere Ambroise, qui disoit qu'il eût
+bien chanté; mais que la note l'empêchoit. Aussi sans chiffrer telles
+choses, a été fait ce livre par le fils du dernier homme; _item_ de
+l'épitome des bibliotheques de Saint-Germain & autres, du grand
+luminaire des sots, tous livres extraits de cettui-ci, auquel si chacun
+avoit remis ce qu'il y a pris, il n'y auroit plus qu'un livre au monde.
+
+SUIDAS. Tu es bien sot de nous conter ceci, afin que tout le monde le
+sache, & on le vouloit céler.
+
+MELVIN. Tu es un sot, toi-même. Je te recommanderai au maître des sots.
+
+SUIDAS. Et qui est-il?
+
+MELVIN. O grosse bête, c'est le sotier de Genève.
+
+SUIDAS. Quel sotier?
+
+MELVIN. Tu fais semblant de ne le savoir point. Parce qu'ils écrivent
+_psautier_; je disons _sotier_, non sans cause, d'autant que tous les
+sots qui sont repris de justice en ce pays-là, passent sous son
+enseigne.
+
+SUIDAS. Comment! Est-on sujet en ce pays-là d'avoir la vérole?
+
+MELVIN. Garde-toi de blasphémer; il ne faut pas dire cela.
+
+SUIDAS. Que veux-tu donc dire?
+
+MELVIN. Dame, quand nous sommes à la cour, nous appellons être repris de
+justice, quand on sue la vérole & qu'on se fait pancer de quelque
+inconvénient, des dépendances de l'inventaire des histoires.
+
+SUIDAS. Voici encore d'autres paroles que je n'entends pas.
+
+MELVIN. Hé! bête que tu es, ne sais-tu pas que les génitoires ont été
+dites _histoires_? Que la couille est la mere des histoires, & la
+braguette en est l'inventaire, ainsi qu'une chaire percée est
+l'inventaire d'étrons?
+
+
+
+
+BAIL.
+
+
+XXII. BIEN-VENU. Vos histoires m'ont fait souvenir de trois dames qui
+devisoient de leurs maris, & de tout ce qui étoit en eux. L'une
+d'entr'elles dit: je ne sais que vous trouvez tant à redire en vos
+maris; quant à moi, je me contente fort du mien: il est vrai qu'il y a
+je ne sais quoi de petit, c'est qu'il a la couille noire. Le mari les
+oyoit conférer, & tout beau s'en alla en la maison. Quand elle s'en vint
+au logis, elle trouva qu'il se promenoit comme en colere. Et
+qu'avez-vous, mon ami, dit-elle? Et lui, mot; elle le prie de lui dire;
+& lui, comme courroucé: que j'ai? Je ne sais; il faut que je sois
+toujours en peine pour vous. On me vient d'ajourner, pour comparoître
+devant le lieutenant-criminel, pour la réparation d'une blessure que
+vous avez faite à un enfant; & dit-on que vous étiez là-bas en la cour,
+où vous aviez fait vos affaires, & que vous ayant torché le cul d'une
+pierre, vous l'avez jettée par sus les murailles, & qu'elle a blessé cet
+enfant. A, ha! mon ami, dit-elle, ne croyez pas cela; ce sont des
+méchantes gens qui le disent. Il y a plus de quatre ans, que je ne me
+suis torché le cul, en façon du monde. Adonc, dit-il, je ne m'ébahis
+pas, si j'ai la couille si noire.
+
+CARDAN. Il vaut bien mieux se torcher le cul avec du papier, &
+principalement en ce temps qu'il est à si bon marché: en quoi nous avons
+barre sur les anciens, qui avoient bien de la peine à se le torcher. Je
+m'en rapporte au seigneur de Caramousse, grand faiseur de confitures,
+avec lequel je demeurois à Gênes, lorsque les belles confitures y furent
+inventées, & que nous trouvâmes le moyen qui s'y pratique maintenant, &
+qui est le secret de ces messieurs qui font les confitures; mais ne
+l'allons pas découvrir. Je vous dirai ce que faisoit ce grand
+personnage, ainsi qu'encore font les plus avisés: il amassoit le plus
+qu'il pouvoit de torche-culs; & quand il en avoit recouvré grande
+quantité de bien secs & dorés, il les faisoit bouillir, & tiroit la
+crême qui nageoit dessus, laquelle il réservoit pour donner couleur aux
+confitures; & notez que cela est bon à toutes sortes de confitures & de
+couleurs, parce qu'étant faite de tout, elle servoit & sert à tout.
+
+GALANDIUS. Quelle délicatesse!
+
+COMES NATALIS. Que pensez-vous qu'il y ait au monde de plus délicat?
+
+GALANDIUS. Je ne sais.
+
+COMES NATALIS. C'est l'ame d'un solliciteur, d'autant qu'elle est
+souvent vannée deçà & delà, avec force affronts.
+
+GALANDIUS. J'ai appris, de notre ami Louvet, que c'est l'épaule d'un
+procureur, parce que, sitôt qu'on lui touche, il se revire incontinent
+pour haper de l'argent; il est toujours aux écoutes. Vraiment ils sont
+fort hardis; aussi _audaces fortuna juvat_.
+
+COMES NATALIS. Vous ne le prenez pas bien; il faut _edaces_, d'autant
+qu'ils mangent bien.
+
+M. ANT. NATTA. Ce seroit donc le mouvement perpétuel?
+
+S. COME. A dire vrai de ce merdeux, mon ami, si c'étoit de vous comme de
+moi, j'estimerois que ce fût comme le jeu de pet-en-gueule qui est
+notable, d'autant qu'il est le symbole de ce qu'il y a de plus exquis.
+Voyez-vous que c'est le sublime abaissé, & la vraie circulation
+chymique, lors que le cul sent la violette?
+
+NIC. NAN. Vous n'y êtes pas: c'est le symbole de ceux qui, sous ombre de
+religion, font la guerre pour maintenir leur ambition.
+
+RAMUS. Que ne dites-vous cela en latin: Raphelingius se moquera encore
+de vous, tant vous êtes sot.
+
+NIC. NAN. C'est assez, mon bon maître: j'ai, comme disoit Ambroise Paré,
+assez de latin tout fait; mais je n'en saurois faire qu'à fine force. Au
+diable le latin! il m'a tout emmusiqué la fressure de l'entendoire; &
+par fois je suis vraiment un grand sot.
+
+SON FILS. Vous avez menti, mon pere; ma mere étoit femme de bien.
+
+THÉMISTIUS. Et autant opiniâtre que la femme du pauvre Æschines, qui,
+par dépit de son mari, ne vouloit manger les pois qu'un à un: son mari
+vouloit qu'elle les mangeât en quantité, elle ne vouloit pas; parquoi
+son mari la battit, dont depuis elle fit la malade, & en fit la morte.
+A! dame, on la porte en terre; & comme on lui jetta la terre sur les
+genoux, elle eut frayeur, & comme demandant pardon, se mit à crier: je
+les mangerai trois à trois. Les prêtres qui l'ouïrent, & les autres
+pensant qu'elle les voulût manger ainsi, s'enfuirent.
+
+CAB. BURATEL. Et que devint-elle?
+
+THÉMISTIUS. Elle retourna au logis, ainsi qu'une femme de bien doit
+faire, pour être encore aimée de son mari. Et qu'il ne soit vrai, une
+femme ira plus pour un coup de vit, qu'un âne pour dix coups de bâton.
+
+FOXIUS. Elle eût été bien sage, si elle n'eût point été malicieuse. Et
+de là, filles, prenez instruction, qu'il faut se laisser tout faire sans
+mordre ni égratigner, de peur que l'on ne dise, sentant le mal, au
+diable la putain! Et cela seroit possible cause que vous la deviendriez,
+comme plusieurs autres, tant pour leur plaisir, que parce qu'il est
+ainsi prédestiné, si le célibat n'y entrevient. Or devinez pourquoi a
+été inventé _célibat_.
+
+ARIAS. C'est afin que nous ne nous amusions point à une femme, pource
+qu'elles sont toutes à nous, au moins s'il est vrai ce qu'on dit.
+
+ARNOBE. Je pense que c'est plutôt pour éviter les cornes, à quoi sont
+sujets les mariés qui craignent d'être cocus, d'autant que tous ceux qui
+sont mariés le sont; & pourtant prenez garde. Vous trouverez chez les
+hommes d'entendement, & qui ont de belles femmes, & qui font l'amour,
+c'est-à-dire, qui ont affection de bien faire pour en recevoir, qu'ils
+auront toujours chez eux un chausse-pied de cuir; & ce de peur que les
+cornes ne les blessent. Un chausse-pied de corne est dur; & partant je
+suis en grand peine d'où vient l'opinion des cornes.
+
+
+
+
+TRANSCRIT.
+
+
+XXIII. Une femme voyant un jour un beau gentilhomme, le regarda fort, &
+d'un oeil de concupiscence; puis dit à sa voisine: voilà un bel enfant;
+je le porterois volontiers, pour le faire jouer.
+
+JAMBLICUS. Elle me disoit un jour: couchez avec moi; &, demain au matin,
+je vous baillerai une paire de souliers. Elle n'y faillit pas; mais ce
+fut les miens qu'elle me bailla. Un autre disoit: je l'eusse donnée au
+diable. Non eussé-je pas moi, d'autant que j'en avois encore affaire; &
+puis je serai possible son héritier.
+
+L'AUTRE. Quel héritier! Elle mourra pauvre.
+
+JAMBLICUS. Voire da, comment? je vous prie: elle est putain, & son mari
+larron; est-ce pas pour faire une bonne maison?
+
+ARIAS. Je ne doute point qu'elle ne soit putain; & sur-tout l'ayant vu
+parler au vicaire de saint Paul, qui avoit promis à son curé qu'il
+seroit sage, & ne courroit plus après les garces; & qu'au moins il s'en
+abstiendroit les féries de pâques. Jan, il n'eut pas la patience; dès le
+premier jour il parla à cette-ci; & le curé qui l'apperçut, l'entendit
+revenir, & lui dit, je vous ai vu parler à une garce. N'avez-vous point
+de honte de ne vous en pouvoir abstenir, encore à ces bons jours? Ho!
+monsieur, dit-il, excusez-moi; ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est pour
+demain.
+
+SYNESIUS. Ce compagnon confessoit une fois un maître des requêtes, & lui
+parloit de péché de luxure, l'en interrogeant selon les loix de
+_Benedicti_; & comme il lui en parloit exactement, monsieur le maître
+des requêtes lui dit: mon confesseur, mon ami, je vous prie, ne me
+parlez plus de cela; vous me faites arser.
+
+LE MOUTARDIER. Vous êtes calomniateur; elle étoit sage, & avoit beaucoup
+de preud'hommie féminine.
+
+CICERON. Tu y es; tu y parles comme Thevet: voire de la _preud'hommie_.
+
+LE MOUTARDIER. Et pourquoi non, puisque preud'hommes avoient affaire à
+elle? Et toutefois c'étoit avec chasteté, tant qu'elle se pouvoit
+étendre, _modo stricto_. Pour le premier, elle ne voulut jamais que
+monsieur d'Est la baisât en la bouche; & il lui demandoit pourquoi?
+C'est dit-elle, que ma bouche est pour mon mari, parce qu'elle lui a
+promis: quant à mon con, il ne lui a rien promis, faites-en tout ce que
+vous pourrez; il est à votre commandement, cul & tout. Son mari s'en
+doutoit. Un jour qu'elle étoit sur la porte assise, elle avoit son
+cotillon un peu levé, il lui dit: fermez l'ouvrouer, (c'est la boutique)
+ma femme, il est fête. Aussi le cas d'une femme est un ouvrouer, des
+filles sont étoffes.
+
+NÉRON. A quoi faire?
+
+L'AUTRE. A faire des femmes de bien, ou des garces: & qu'ainsi ne soit,
+on peut dire une parole injurieuse à une femme ou fille de bien, sans
+l'offenser, en l'appellant par verbologie de choix, _belle étoffe à
+faire une garce_; parce que c'est-à-dire qu'elle est fille de bien, &
+qu'il ne tient qu'à elle qu'elle ne soit autre. Ne lui est-ce pas faire
+de l'honneur?
+
+L'APPRENTIF. C'est un bel honneur! Tu y entends comme ceux qui heurtent
+aux portes des putains.
+
+L'AUTRE. Et quoi, y a-t-il de l'intelligence en telle affaire?
+
+L'APPRENTIF. Oui da; notez, enfans, que si une garce a une porte sur la
+rue, il ne faut point y heurter, si on la trouve fermée; parce que, si
+la dame n'est point à la porte, ou à la fenêtre, il est évident, la
+porte étant fermée, qu'elle est empêchée.
+
+L'AUTRE. Cela est il vrai?
+
+L'APPRENTIF. Aussi vrai qu'il est vrai qu'elles ont beaucoup de dépit,
+(ainsi qu'ont les traîtres) quand en leur présence on jure, & dit-on,
+par-ci, par-là: je n'aime point les putains; je n'aime point les
+traîtres. Si à telle heure elles devenoient pucelles, jamais ne
+deviendroient putains, & seroient aussi farouches au montoir, que garces
+qui ont été au sermon.
+
+
+
+
+COPIE.
+
+
+XXIV. Et gai, ne faites donc jamais de cérémonie à l'entrée d'une halle,
+d'une taverne & d'un bordeau. Quand je vois faire ces similitudes, il me
+semble que je vois mademoiselle de Peu, qui disoit à madame Courtois:
+mon dieu! madame, que vous avez de belles filles aux fêtes. (Elle étoit
+aussi propre que le pendu de Douai).
+
+CÉSAR. Comment?
+
+L'AUTRE. Quand l'empereur Charles y fit son entrée, les gens de cette
+ville-là lui voulurent faire tout l'honneur qu'ils pûrent. Et faisant de
+belles façons d'arcades, chapeaux de triomphes, poteaux & telles
+magnificences, ils s'aviserent d'un pendu qui étoit à la porte de la
+ville, & principale entrée; ils ôterent à ce pendu sa chemise sale, &
+lui en mirent une blanche, pour faire honneur à monsieur l'empereur).
+Cette femme disoit cela de ses filles, parce qu'elles étoient mignonnes
+& proprettes. Et après, ces mignons, ils sont là à faire des façons ès
+entrées ou sorties, & font plus de fricassées de fêtes, qu'il n'y
+faudroit d'étoffes à faire une pannerée de mysteres. Il me semble, à
+voir ces fadaises, que les personnes, qui demeurent ainsi arrêtées, sont
+comme couillons, qu'on ne laisse jamais entrer. Mais à propos, pourquoi
+est-ce qu'ils n'entrent jamais?
+
+BAIF. Il l'a tantôt été dit; souvenez-vous-en.
+
+L'AUTRE. Je m'en souviens comme Honoré Bonjouan, brodeur de la reine
+notre maîtresse, qui, ayant eu affaire de lui, & ne l'ayant pu avoir,
+puis le voyant, lui demanda où il avoit été. Alors il lui dit: madame,
+je me soumets en toute humilité de majesté, madame; je me souviens que
+j'ai été voir mettre un homme en difficulté, & en distribuer un autre en
+quatre pieces, choses que je n'avois onques point vues.
+
+NÉRON. Qu'est-ce que difficulté?
+
+BEZE. Il cuidoit dire en _effigie_; je me le remembre. Il disoit d'un
+bel homme, qu'il avoit de beaux mufles, c'est-à-dire _muscles_.
+
+DENIS. Il étoit aussi fin que le marquis de Bellegueule, qui disoit que
+c'étoit une bonne manne en une maison que du charbon.
+
+G. G. C'est aussi-bien rencontré que ceux qui disent: depuis que moines
+allerent à cheval. Je ne vis jamais de moines aller à cheval, non plus
+que d'autres; bien ai-je vu des chevaux aller à moines. Les chevaux vont
+à moines dessus, comme tout autre; & ce qui est notable.
+
+PASSERAT. Si nous nous avisons de telles rencontres de ceux qui ne
+savent ce qu'ils disent, & pensent bien dire, je vous renvoierai en
+Savoie avec les huguenots, qui, fuyant de la S. Barthelemi, & approchant
+de Geneve, se plaignoient du roi des François. Les Savoyards, qui
+croyoient ce que ces pauvres despoderats leur contoient, les consoloient
+ainsi: _Ha pauvre gen, vostron ré n'est pas si bon que nostron princio.
+Si vostron ré se fu bin gouverna, il eusse esta maistre douta de nostron
+duc._ Ces pitauds nous répétoient cela, même quand nous étions en
+l'expédition de Savoie, & que, sans le mariage du roi, nous eussions
+conquis le Piémont. Vogue la galere, ce sera pour une autre fois. Le duc
+nous apportera de l'argent; puis nous irons prendre sa terre.
+
+BENOÎT. En bonne intention, mon ami, vous êtes de la même opinion que le
+sire Isaac Baudouin, de qui j'avois fait enterrer la femme fort
+honnêtement dans l'église. Il avint que lui demandant de l'argent, parce
+que déjà je l'en avois averti, il me fit quelque excuse; puis, comme par
+colere, en présence de nos amis qui devisoient avec moi, il va dire:
+voici chose terrible! Cet homme veut avoir le corps & les biens.
+
+CASSIAN. On l'avoit apportée cette-là; mais la servante de
+Trainecouille.
+
+CÉSAR. Qui nommez-vous ainsi?
+
+CASSIAN. Ce grand viédase d'auprès les carmes, qui servoit d'espion aux
+ligueurs durant la ligue, de mouchard aux politiques durant leur regne,
+de fureteur aux huguenots quand ils pulluloient & multiplioient. Un
+jour, sa servante, qui se nommoit Colette, monta sur un abricotier, qui
+avoit des branches qui passoient par-dessus des murailles dans le jardin
+des carmes, ou des jacobins, c'est tout un. Cette fille s'avança sur ces
+branches, pour cueillir le fruit; & il avint que la branche, sur
+laquelle elle étoit, rompit. La fille tomba dans le jardin, où quelques
+jeunes freres se promenoient, qui, voyant cette proie comme venue du
+ciel, se mirent après, & la _besognerent_ en bon françois, allant à la
+rangette, comme les soldats qui assiégerent le château d'Angers. Le
+prieur, qui ouit quelque bruit, survint à ce lieu; & effaroucha les
+aigles qui venoient au corps, & prit la fille par la main & la rendit à
+sa maîtresse, qu'il trouva à la porte la demandant. Quand Colette fut
+avec sa maîtresse, elle fut tancée, & elle lui dit: vous êtes une pauvre
+fille, que vous n'avez crié. Et quoi, ma mie, je pense que vous les
+enduriez faire! Comment, madame, dit-elle, par ma finte, si le prieur ne
+fût venu, j'en eusse bien eu davantage.
+
+BAIF. Vraiment, à ce que je vois, elle n'étoit pas comme la fille de
+notre juge, laquelle est si pucelle, que son pucelage lui monte si fort
+en la tête, qu'elle en est folle.
+
+PIMANDRE. Je m'ébahis comment cette fille pût sortir du cloître, vu que
+l'on dit, quand une chose tient bien, _cela tient comme une vesse en
+cloître_.
+
+CHARLES. Mais je m'ébahis qu'il n'y eût quelque homme de bien là, qui
+empêchât cette insolence.
+
+CASSIAN. O voire, cela étoit une chappe-cheute, une fortune rencontrée:
+il ne faut jamais laisser passer ce qui s'offre; & qui plus est, je
+dirois presque comme le maréchal de Valiere. Comme les élus étant là, &
+parlant de vos deniers qu'il falloit lever, & les asseoir avec modestie;
+quelques-uns se plaignoient disant ce qu'ils en pensoient. Sur cela un
+élu va dire: il faudroit élire & choisir ici quelques gens de bien du
+lieu, pour y avoir égard. Ce maréchal qui ferroit un cheval, oyant cela,
+laissa son affaire, & vint dire à l'élu: vraiment, monsieur, il n'y a
+point ici de gens de bien.
+
+
+
+
+CONFESSION.
+
+
+XXV. LE BON HOMME. Nous ne boivons point; holà! Vous causez assez. Mais,
+en un mot, il faut à un bon cheval lui frotter la queue du reste de son
+avoine, afin qu'il aille bien; & à un buveur, faut jetter le reste de
+son vin sur les mains, pour le préserver de la goute. Et puisqu'il n'y a
+point ici de gens de bien, faisons-nous bons, améliorons-nous; demandons
+une recepte, pour être aussi long-temps en l'état que nous avons été,
+comme fit le chapelain de sainte Catherine, confesseur de madame la
+comtesse de S.... Ce prêtre se trouva, un jour, prés de sa maîtresse,
+que sept ou huit médecins y avoient été convoqués, pour consulter sur la
+maladie de madame, qui, à dire vrai, étoit assez vieille pour mourir. Ce
+pere spirituel voyant messieurs les médecins sortir, les arrêta, & leur
+dit: messieurs mes honorés mages, il n'est pas en mon pouvoir, moi
+pauvre homme, de vous assembler comme je vous trouve ici; & j'ai une
+grande maladie à vous communiquer. Qu'en eussiez vous chacun un petit!
+Aidez, messieurs, il y a quarante ans que j'ai une grande & fâcheuse
+migraine, en la tête, comme savez, joint que ce n'est pas de vous, comme
+de moi. Messieurs, je vous prie de m'y faire quelque chose: mais,
+messieurs, je vous dirai, s'il vous plaît, comme dit l'autre, & ne vous
+déplaise; je ne puis recevoir de clystere, prendre médecine, endurer la
+saignée, souffrir les ventouses, supporter les onguens, sentir les
+frictions, porter les bains, ni donner lieu en moi, dedans ou dehors, à
+ce qui provient de chez le chirurgien ou l'apothicaire. Ces messieurs
+lui dirent: & que voulez-vous donc, mon pere, mon ami, que nous vous
+fassions? A, ha! messieurs, je vous prie & supplie de me la faire autant
+durer, qu'il y a que je l'ai. Vous le deviez donc dire, lui braillerent
+en _chorus_ tous les médecins, & s'en allerent, le laissant-là.
+
+LE PROCUREUR. Comme fit la jeune mariée à son mari: que ne le
+disiez-vous?
+
+NÉRON. Quoi!
+
+LE PROCUREUR. Le matin, il vint plusieurs femmes, filles & garces, voir
+le nouveau marié, c'est-à-dire le jeune homme; & chacune le baisant, lui
+donna une fouace. Sa femme, ayant vu ce mystere, lui demanda
+affectueusement ce que c'étoit; & il lui dit que c'étoit un adieu que
+lui disoient toutes les femmes, filles & garces qu'il avoit accollées.
+Hé da, dit-elle, vous avez grand tort, que ne me l'avez-vous dit? J'en
+eusse averti tous ceux qui me l'ont fait; ils m'eurent apporté du vin;
+nous eussions eu à boire & à manger, pour d'ici à pâques.
+
+L'AVOCAT. Voilà une excuse pareille à celle que font ces bonnes pieces
+qui prêtent leurs cons.
+
+ Quand une femme est du métier,
+ Et sa voisine l'accompagne;
+ Elle a sa part au benoîtier,
+ Par la coutume de Champagne.
+
+
+
+
+ORIGINAL.
+
+
+XXVI. Et puis vous les verriez médire. Ma cousine Gervaise n'y faillit
+pas hier au soir. Elle détestoit les femmes des Prêtres, & disoit
+qu'elles étoient chevaux du diable, parce que les prêtres excommunient
+leurs femmes au _memento_, d'autant qu'il n'y a rien si aisé à faire
+cocu qu'un prêtre ou un ministre, quand ils sont affustés à dire messe,
+ou à prêcher. Et en ma conscience, nous la trouvâmes, au matin, couchée
+avec messire Cathelin, qui est un gros vilain camus. Et puis fiez-vous
+en ces belles diseuses!
+
+BARONIUS. Ordinairement ceux qui médisent des prêtres ou des ministres,
+en ont été; & ce qu'ils en disent mal, est pour faire croire qu'ils en
+sont éloignés, comme putains qui s'exercent, veulent faire croire
+qu'elles sont loin du bordeau.
+
+
+
+
+SENTENCE.
+
+
+XXVII. L'AUTRE. Mais à propos de putains, il faut que je vous fasse un
+conte de ma femme qui étoit une putain. Elle n'étoit pas de ces énormes
+putains qui en font métier; mais de ces femmes de bien, qui ont un ami
+d'honneur. Et bien, j'étois toujours le maître; on me craignoit. Quand
+je venois de la ville, ma femme venoit à moi, me tâtoit la tête: vous
+êtes échauffé, mon fils; sus, servante, chauffez une chemise pour mon
+mignon; mon ami, il faut prendre un peu de vin; voici monsieur tel, qui
+vous étoit venu voir; il prendra la patience avec vous. Et bien, j'étois
+mignardé; & qui plus est, mes servantes & mes valets le faisoient un
+petit: cela étoit cause que je les trouvois toujours à la maison à faire
+leur besogne: si cela n'eût point été, ils fussent allés au loin
+chercher provision, aux dépens de tout ce qu'ils m'eussent pu dérober.
+Tels sont les justes & bons fruits de l'honnête & chaste paillardise,
+dont les effets ne succedent qu'aux ames pacifiques, & qui ont du
+courage. Regardez un peu ce petit bouchon d'écuelles d'amourettes, cette
+belle Agnès, ce qu'elle en pense?
+
+DU HAILLAN. Elle fait la dégoûtée, comme la femme du comte Dommartin,
+laquelle étoit descendue à la cave pour boire; & de fait, avala trois
+bonnes verrées de vin, puis remonta. Or y avoit-il là un valet, qui
+étoit allé quérir la petite bouteille des fripons, lequel se cacha,
+quand il vit madame, & la considéra, & se tint caché: puis elle sortit.
+Il revint de fortune à dîner; monsieur avoit d'un vin frais percé, fort
+bon, & s'avisa de prier sa femme d'en boire, laquelle faisoit toujours
+semblant de n'en vouloir point; toutefois par importunité de son mari,
+qui lui en fit bailler dans un beau verre, elle en beut quelques
+gorgées; puis, ayant rendu le verre, dit, en se mettant les mains sur le
+bas de l'estomac: mes ameres, comme il me cherche. Voire, ce dit le
+valet qui étoit derriere madame, il cherche ses compagnons qui sont
+allés devant.
+
+ZVINGLE. Ha, ha, hé, çà, çà, Luther, laissons nos querelles; aussi-bien
+jamais Salomon ne fit bonne chere.
+
+LUTHER. Voici une bonne bête! Il ne mangeoit point de lard que par
+dispense, ou bien il faisoit, comme quand j'étois moine, que je faisois
+le petit exercice & gai. Pourquoi y a-t-il tant de putains & d'ivrognes?
+
+EPICURE. C'est parce qu'il faut que toutes choses soient accomplies. Il
+convient qu'il n'y ait rien de manque au monde; d'autant que l'univers
+seroit gauchi, s'il y manquoit de ce qui est à être effectué. Ainsi faut
+que les choses destinées soient accomplies. Il y a plusieurs pauvres &
+quelques jeûneurs d'amour ou de force, qui ne boivent point; & d'autres
+boivent pour eux, & pissent aussi pour eux. Il y a infinies nonnains,
+plusieurs moines, quelques filles de bien qui n'osent, ou ne peuvent, ou
+ne trouvent à le faire; & il y en a qui suppléent à tels défauts; &
+notez en charité que, si les loix étoient fideles, & qu'il n'y eût point
+tant de contraintes & d'hypocrisies, tels excès n'aviendroient pas. Et
+je vous prie, de prendre garde à ceci, que si vous retournez en vos
+charges, tout soit remis à belle égalité & proportion, que dieu a
+ordonnée, à ce que par vos insolences il n'y ait plus tant de causes de
+péchés & de punitions.
+
+OECOLAMPADE. Tu nous la bailles belle; tu nous contes de la piété, & tu
+n'en fais point de preuve. Tu es comme ceux, dont parloit la servante de
+cette vieille huguenote, qui mourut l'année passée. Un jour, elle incita
+sa servante, qui étoit papiste, d'aller au prêche; ce que la fille
+voulut pour lui plaire, & y alla avec bonne & belle dévotion, & ouit le
+prêche avec une moult bonne attention. Etant revenue, sa maîtresse lui
+en parla: & bien, dit-elle, ma mie, n'est-ce pas une belle chose que le
+prêche? N'y parle-t-on pas bien de dieu? La fille, ayant longtemps
+écouté sa maîtresse, lui répond ainsi: ils en parlent prou, mais ils ne
+le montrent point.
+
+EPICURE. Sec, j'y venons; tu nous apportes ici de terribles caupeaux de
+vieilles vérités. Je t'y attendois; n'es-tu pas gentil & de belle
+industrie? N'est-ce pas toi qui es un de ceux qui nâquirent dessous
+s'entrelevant par les épaules, & qui avois vécu soixante & sept ans?
+Toi, tu te mis à étudier; mais ton frere étoit tonnelier.
+
+COSTER. C'est là où il falloit prendre de quoi faire d'un diable deux,
+en les séparant, & coupant ce qui les joignoit par les épaules; & non de
+faire, d'une prébende licentiale, deux demies prébendes, pour d'un âne &
+cheval de bagage licentié faire deux chantres, que ce veau de licentié
+nomme diables, parce qu'il lui est avis que les anges du ciel qui ne
+quadrent à la mauvaise opinion de sa fressure, sont diables. Ainsi
+chaque levre a son goût.
+
+
+
+
+DÉMONSTRATION.
+
+
+XXVIII. EUCLIDES. Or bien il faut passer devant un chieur, & derriere un
+rueur. Vous ruez bien; vous êtes de même que la femme du sieur Chaillou,
+qui avoit force noix, l'année que ses noyers d'entre Tours & Loches
+furent abattus. Les noix étoient chéres; il y en avoit à la maison
+encore deux setiers à vendre; il vint un bon compagnon qui parla à
+madame, (laquelle étoit de ces bonnes ménageres, qui, pour épargner les
+poches, mettent & serrent le bran en leurs chemises) & marchande ses
+noix, fit marché avec elle, & lui bailla un quart d'écu d'arrhes, à la
+charge qu'il emporteroit sur sa bête un setier de noix. Et bien, madame,
+lui disoit-il, ne vous fiez-vous pas bien en moi d'un setier de noix,
+puisque je me fie en vous de l'autre? Oui dà, mon ami, dit-elle; mais
+comment avez-vous nom? Je me nomme Jean Tenon. Or bien, allez donc; &
+quand il vous plaira vous aurez le reste. Adieu, madame. Adieu, mon ami.
+Quand Chaillou fut venu, elle lui fit le conte de son bon ménage, &
+aussi disoit-elle qu'elle s'étonnoit que ce marchand tardoit si
+long-tems. A la fin, le mari lui demanda comment il avoit nom. Non, mon
+ami, dit-elle, c'est un honnête homme à le voir, je ne me puis pas bien
+souvenir de son nom. Chaillou, tout fâché & dépit de la sotise de sa
+femme, va dire: ha! je vois bien ce que c'est. J'en tenons, _id est_
+nous en tenons; c'est-à-dire, nous sommes pris. Elle, qui ouit ce mot,
+Jean Tenon, oui, oui, oui, mon ami, dit-elle, il est vrai; c'est lui; il
+m'a dit qu'il avoit ainsi nom.
+
+MERLIN. Elle fut un peu plus fine que la femme de Garence, qui, un jour,
+avoit affaire de cendres, & voyant force pastel qu'elle croyoit qu'on
+avoit jetté avec du bresil, mit tout au feu, & en fit des cendres. Il y
+avoit pour plus de cinq cents livres de marchandises, dont elle fit pour
+dix-neuf sols six deniers deux oboles de cendres. Voilà pas une bonne
+alquemiste?
+
+MELVIN. Ce fut elle, que son mari mena à Maillé voir un de ses cousins;
+ce mari parlant à son cousin, ce cousin lui demanda des nouvelles de sa
+femme, disant: & comment se porte ma cousine? Voire, dit-il, & la voici.
+O! dit l'autre, excusez-moi; vous avez donc amené une bête. Çà, çà,
+ouvrez l'étable; ho! garçon; & puis, allons boire. Il vouloit dire qu'il
+avoit amené une bête chevaline, pour porter la bête humaine.
+
+ALF. DE CASTRO. Quand j'étois marchand, je menois une bête; mais c'étoit
+un ours. A cela, vous pouvez juger que je ne suis ni Normand, ni
+Manceau, ni Rousseau, parce que l'on ne voit gueres de telles gens du
+pays de sapience mener l'ours.
+
+ILLIRIC. Voire; mais tu ne menois pas l'ours, quand nous eûmes si grand
+peur en la Franche-Comté, où l'on nous fit manger de la chair de l'ours
+salée.
+
+ALF. DE CASTRO. Il faut que je confesse que je ne fus jamais si
+épouvanté; je cuidois que les diables dussent débattre sur quelque
+sorbonique, ou que le parlement prédestiné des ministres & jésuites fût
+arrivé. Il avoit neigé; & c'étoit environ la saint Jean.
+
+NÉRON. Tu débutes bien; la saint Jean!
+
+ALF. DE CASTRO. Oui da; il y a la saint Jean qu'on fauche, la saint Jean
+qu'on tond, la saint Jean qu'on bat, & la saint Jean qu'on chauffe;
+c'est cette là, je l'ai trouvée; & étoit fort près de la nuit. Vous
+savez qu'en ce pays-là les maisons sont près la montagne, & n'ont qu'une
+cheminée au milieu, sur le haut de laquelle il y a deux fenêtres ou
+portes, pour donner le vent par rencontre, afin que la fumée n'importune
+point. Or le vent étant tourné, le valet voulut aussi tourner les
+portes, en ouvrir une, & fermer l'autre, de laquelle un des gonds étant
+rompu ou arraché, il n'en put venir à bout, si qu'il lui fut force de
+monter en haut, & ce par la cheminée. Etant en haut, il avisa le défaut;
+mais il n'avoit point de marteau pour s'aider à descendre; il se
+fâchoit, de sorte qu'il alla par sur le toit, droit sur la montagne,
+quérir une pierre; & ainsi il fit un petit sentier, il racoûtra sa
+porte, puis descendit. Il y avoit un pauvre chaudronnier qui cherchoit
+logis; mais parce qu'il brunoit, il ne pouvoit voir de chemin; joint
+qu'il avoit neigé, depuis que le monde se fut retiré. Ce chaudronnier
+bien empêché, ne savoit que faire; il levoit nez à mont, découvrant ça &
+là; enfin, il avisa le sentier qu'avoit fait ce valet, & lui là: il le
+suivit; & voyant la clarté de la chandelle, il ouvre la porte, & cuidant
+entrer il se pousse dans la cheminée. Etant ébranlé, il n'y eut point
+moyen de se retenir, si qu'il tomba au milieu de la chambre, disant:
+dieu soit céans. Nous vîmes ce personnage noir & ses chaudrons, qui
+firent à nos oreilles une fois plus de bruit qu'ils n'eussent pu faire.
+Nous fuimes tous, cuidant que ce fut le maréchal des logis de Lucifer,
+qui vînt mettre dans ses chaudieres les petits enfans, pour les faire
+cuire, & nous envahir comme repues franches.
+
+
+
+
+HISTOIRE.
+
+
+XXIX. GAGUIN. Comment avoit nom ce chaudronnier?
+
+ALF. DE CASTRO. Il avoit nom Socrates.
+
+POGGE. Tout beau, ne parlez pas si haut; d'autant que, si ce sage
+l'entend, il deviendra fou.
+
+ALF. DE CASTRO. O, ho! & les noms sont-ils pas communs? Et qui sait, à
+cette heure, lequel des deux est Socrates, puisque les noms sont pour
+les mortels, qui sont si sots qu'ils donnent des noms aux anges & aux
+diables? Je ne dis pas que cela ne fût bon à ceux qui seroient baptisés
+ou circoncis.
+
+ILLIRIC. Puisque tu fais tant le résolu, qu'avois-tu affaire de nous
+nommer ici? Et plusieurs s'en fâcheront, ne s'y trouvant pas.
+
+L'AUTRE. Si quelqu'un se fâche que je ne l'ai mis ici, ou quelqu'un de
+ses pareils prétérits ou futurs, qu'il y mette ceux qu'il voudra, &
+lui-même pour s'appaiser, ainsi que fait ma mere-grande: si on lui
+apporte sa soupe trop chaude elle la rafraîchira; si elle est trop
+salée, elle y mettra de l'eau; si elle est trop fade, elle la salera;
+s'il y en a trop, elle en laissera, s'il y en a assez, elle mangera
+tout, &c. C'est une bonne personne, pour une femme; elle trouve tout
+bon, afin de ne se marier point. Faites ainsi, mes bons amis du coeur; &
+notez que s'il y a quelque fantasque qui s'attriste de n'être ici ou les
+siens, & ne veut se soumettre à la juste raison que j'ai dite, il sache
+que je ne connois point les fils de putain. Je vous dirai pourtant, vous
+demandant excuse, qu'il y aura ici assez de place pour tous les fous,
+pourvu que l'on les y mette l'un après l'autre. En Allemagne, les
+Allemands y mettront leurs fous; en France, les François; en Angleterre,
+les Anglois; en Espagne, les Espagnols; en Suisse, les Italiens; en
+Turquie, le reste: & puis, que l'on fasse si grand-chere qu'on voudra;
+soit en droit, soit en musique, soit en canon soit en théologie, soit en
+gendarmerie ou marchandise, ou médecine, ou toute telle autre sorte que
+vous imaginerez, sans y mêler les grenetiers, parce qu'ils sont le sel
+du monde; ils salent les autres fous, de par le roi: bran pour eux.
+
+DE CASIBUS. Qui est-ce qui parle de bran?
+
+MADAME. C'est moi.
+
+DE CASIBUS. Qui vous puisse brider les joues. Et bien, madame, là-dessus
+je vous demande combien un étron a de qualités? Dites-le; il faut tout
+apprendre, aussi-bien il s'en faut dépêcher comme ma cousine, du sac du
+bon homme. Prenez donc un étron, & y mettez le nez, il pûra; mettez-y
+les dents, il sera trouvé de mauvais goût; si vous n'êtes dégoûtée, &
+que vous ne trouviez pas la merde bonne, frottez-vous-en le nez, il vous
+barbouillera.
+
+LUTHER. A, ha! hé, tu es bien aise d'avoir bricollé une petite vilaine.
+
+DE CASIBUS. Qui est le plus vilain, celui qui emporte, ou celui qui en
+parle? Et devinez ce que c'est; si ce n'est pas cela, dont vous n'en
+sauriez porter une livre, quand il est encore à vous; n'étant point
+vôtre, vous en porteriez un quintal?
+
+MADAME. Là, là, changeons de note.
+
+LUTHER. Celui n'a gueres de notes qui n'en sait point, comme ce drôle
+qui vint chez monsieur le baron au Chastais, hier, & trouvant monsieur à
+la porte, il lui demanda la passade. Qui êtes vous? dit monsieur. Je
+suis un pauvre musicien. Entrez, mon ami. Entré qu'il fut, monsieur le
+fit dîner avec lui. Or étoit ledit baron fort curieux, & avoit fait
+apprendre la musique à ses enfans, garçons & filles. Après dîner, il fit
+apporter des livres, pour faire la musique, & bailla des livres à
+chacun, & un à cettui-ci; & lui-même, docte en cette discipline, bailla
+les tons; les enfans chantoient; & monsieur, qui n'osoit rien dire à ce
+passant, estimoit qu'il écoutoit. A la fin, le voyant se taire, il lui
+dit: vous ne chantez point? Non, monsieur. Hé pourquoi? Monsieur, je n'y
+entends rien; ne vous ai-je pas dit que je suis un pauvre musicien, que
+je n'y entends rien?
+
+RABELAIS. Tu ne fais ce conte qu'à demi.
+
+LUTHER. Sanguille, tu es un bel évêque! De quoi, tous les mille diables,
+te mêles-tu?
+
+PIRRHUS. Que pensez-vous avoir dit? Oui da, Rabelais mon bon compere a
+été évêque. Et pourquoi non ne l'eût-il été, aussi bien qu'un tas
+d'autres qui le sont bien encore, & le seront? Et de fait, je vous
+démontrerai qu'il a été évêque: je ne veux point disputer; je suis
+mathématicien, j'entre en démonstration. Ne savez-vous pas qu'il
+n'appartient qu'aux évêques ou archevêques de confirmer par la noble
+puissance qu'ils ont? Et ainsi avec cela de changer le nom, en muant un
+peu de la substance? S'il est vrai ce que je dis, & que ce bon pere
+_pseudo-evangelico-papistico-anabaptistico-giésitanerbiterono-puritain_
+a pratiqué en confirmant madame la mere de Gargantua; laquelle, en
+premiere invention, dictée de la propre goule d'un défunt évêque de
+Paris, avoit nom Galemelle; & le pere Rabelais la nomma Gargamelle: si
+ledit n'eût été évêque il y eût eu fausseté en ses écrits comme ès
+vôtres: ce qui n'est pas, témoin Jamblique, qui profere:
+
+ S'il faut baiser, à ce qu'on dit:
+ Tout ce qu'aux dames on présente,
+ Je ne saurois baiser mon vit;
+ Je le garde pour la servante.
+
+
+
+
+ATTESTATION.
+
+
+XXX. Vraiment voire, ce dit la servante de chez nous, si j'étois la
+maîtresse, je ne bougerois du lit quand il fait froid. En nanda, notre
+valet étoit plus habile homme, qui, parlant à mon pere (qui est
+gentilhomme, ne vous déplaise, & d'antique race, je le dois bien savoir,
+moi qui ai été condamné aux grands jours d'avoir non la tête coupée,
+mais le col, & me voici; c'est tout un, je suis de la vieille noblesse:
+non admise par médecine, ni mairie, ni échaunage, ni lettre; mais par
+source de vieille gueuse, ferme tigneuse, & bonne putain d'antiquité.
+Que disois-je? Cette folle humeur de vanité noblesseuse m'a si bien
+fricassé la cervelle, que j'ai oublié ce que je voulois dire. Parguille,
+si je m'y mets, je ne dirai jamais rien, que je ne fasse comme Auguste,
+ce grand preneur de taupes à la glu, c'est-à-dire, empereur des Romains.
+
+POGGE. Et que faisoit-il?
+
+PYRRHUS. Il vous chioit au nez tout d'une volée: laissez-moi dire; je
+reprens ma mémoire comme le grimoire; j'ecrirai tout ce que je voudrai
+dire, & serai si sot que, quand je demanderai à ma femme à le faire, je
+l'écrirai en mes tablettes, afin de ne paillarder à bien dire sans
+faute. (Ce notre valet, voyant mon pere être appellé pour l'arriere-ban,
+aussi étoit-il gentilhomme, ce qui le fâchoit, parce-qu'il n'aimoit
+point la guerre; il aimoit le lard, & haïssoit les chiens. Foi de
+demoiselle, disoit ma mere pançant ses pourceaux, mon mari est aussi
+noble que le roi; il aime bien à ne rien faire, & se donner du plaisir:
+& notre valet, qui est des meilleurs, voyant mon pere fâché pour cette
+arriere-bannerie, lui va dire, cordille, mon maître, si j'avois autant
+de bien que vous, je n'iras pas à la garre! Et qu'est-ce, Colas mon ami,
+que tu ferois? Que je ferois? Je m'en irois voir le procureur du roi
+avec un bon lievre, & il me donneroit main-levée. Et si ce n'étoit pas
+assez, ou qu'il ne fût pas assez grand...
+
+THUCIDIDE. Il n'y a remede. Il disoit comme la bonne femme qui
+présentoit le pain béni à saint Pierre-aux-boeufs. Mais en conscience,
+toi qui te connois en tout, lequel des deux boeufs qui sont là est le
+plus gras?
+
+SAUVAGE. Je l'ai mis en ma chronique. Deux comperes aviserent à cela, &
+gagerent. Le sire Adam disoit au sire Girôme que l'un étoit plus gras
+que l'autre. Ils gagerent, s'en rapporterent à ceux qui sortiroient de
+la premiere messe. Le sire Adam se leva de nuit, & alla graisser de sain
+celui qu'il avoit dit être le plus gras; puis quand le monde sortoit, &
+que ces sires demandoient l'avis d'un chacun, dame, chacun trouvoit,
+cettui-là être plus gras.
+
+DU GUGNET. Hé, grosse pécore, il y en a un voirement plus gras que
+l'autre, d'autant que l'on met en son corps les huiles pour servir au
+luminaire, & il en tombe dans ce creux, si qu'il est plus gras. C'est
+philosopher, cela. Mais à cette femme, mais à ce pain; & bien à tous
+deux.
+
+THUCIDIDE. Cette bonne femme étoit sourde; & présentant son pain, &
+faisant la révérence, elle fit un pet. Les présens & présentes se
+prirent à rire. La bonne femme, croyant qu'ils se moquoient de son pain
+qui étoit bien petit, se retourne & dit: messieurs & dames, excusez-moi,
+s'il vous plaît; je le ferai une autre fois plus gros. Et chacun de rire
+plus fort, attribuant le plus gros au pet, qui étoit délicat. Il étoit
+noble, ce pet, puisqu'une demoiselle l'avoit fait.
+
+PYRRHUS. Et pourquoi non? Le métayer ne disoit-il pas bien, voyant des
+pourceaux: ô! la belle noblesse que voilà! Il en dit bien d'autres: &
+comme ma tante lui demanda touchant les biens de la terre, ce qu'il en
+pensoit: ô! mademoiselle, pour les bleds & tels grains vous n'en avez
+gueres; mais vous êtes la roine des vesces. Je ne vis jamais tant de
+demoiselles qu'il y a aujourd'hui; tout en est conchié. Quand vous en
+saurez la raison, vous ne serez plus tant étonnée; il faut...
+
+ARETIN. S'il faut, il ne prend pas.
+
+PYRRHUS. Si vous étiez aussi mordant que reprenant, il n'y auroit cul
+qui n'eût des dents. Sachez donc qu'un jour une belle, jeune, fretille,
+bonne & sage demoiselle que je connois bien, (je la dois bien connoître;
+son pere m'a fait bonne chere) un jour d'été qu'il faisoit beau, eut
+fantaisie de monter sur un arbre. J'eusse bien mieux aimé monter sur
+elle.
+
+POGGE. Tu es dégoûté comme le clousier de Vaux, qui pensant entrer en la
+salle, y vit plusieurs dames, & se voulut retirer. Entrez, dit madame de
+Saint-Martin, entrez; nous ne mordons ni ne ruons. En da, dit-il,
+donques, mesdames, je voudrois bien être monté sur icelle bête.
+
+PYRRHUS. Cette belle demoiselle, que je vous dis, étant sur cet arbre, y
+cueillit ce qu'elle voulut; puis descendit. Or est-il que la queue de
+son chaperon de velours y demeura, sans qu'elle y prît garde; & le cocu
+fit son nid dessus, & tellement que plusieurs oiseaux la couverent,
+cette belle queue lui multiplia si bien, que maintenant il ne faut que
+secouer un coup, voilà une demoiselle faite. Et gai, il ne tiendra pas à
+moi que je n'en fasse, & je ne leur exhibe une andouille & deux oeufs,
+la pitance d'un religieux.
+
+LOUVET. Tu te vantes bien. S'il étoit, ou qu'il fût; mais il est.
+
+POGGE. Et bien, cela est bien dit.
+
+LOUVET. Notre official le fit interpréter à l'homme & à la femme qui se
+plaidoient. L'homme disoit du cas de sa femme: s'il étoit, montrant le
+pouce joint au premier doigt; puis il disoit: ou qu'il fût, comme les
+deux pouces joints à bout, & les deux premiers doigts; mais il est,
+montrant son chapeau. Et la femme dit, parlant de l'outil de l'homme:
+s'il étoit, empoignant sa cuisse; qu'il fût, empoignant le bras; mais il
+est, montrant le petit doigt.
+
+ALCIAT. La dispute en est aussi bonne, que celle d'un savant qui vint à
+Genêve, lorsque Jysquel y faisoit ses études. Cettui-ci dit qu'il
+vouloit disputer; mais qu'il ne parloit qu'en signes. Il n'y eut
+personne qui voulût y entendre, d'autant qu'en ce pays-là (c'est à
+Genêve) ils n'ont gueres de signes; ils veulent tout à droit. A la fin,
+il y eut un menuisier qui étoit de Montargis, parent du démoniaqué, &
+d'un maître d'hôtel de madame la duchesse de Ferrare, & réfugié à Genêve
+pour la concupiscence; hoi, je cuidois dire _conscience_, (comme il
+avint un jour à Tours, que le roi y étoit. Il y avoit lors une dame, qui
+durant les jeux avoit joué conscience, qui pour cela en eut le nom tout
+le temps de sa vie. Je la trouvai en la rue, & je la cherchois; il
+m'avint de lui demander le logis de madame Conscience. Qui êtes-vous,
+dit-elle qui m'injuriez? Hélas! madame, pardonnez-moi; on m'a dit que
+vous avez ainsi nom. Ce sont des sots qui le disent. Je ne le dis donc
+plus.) Ce menuisier dit qu'il disputeroit avec ce savant, selon les
+accords. On les met sur un échafaud, devant le monde. Ce savant, se
+présentant résolument devant ce menuisier, auquel on avoit baillé une
+robe ministrale & un bonnet consistorial, & levant le bras, haussa la
+main, fermant le poing, en lui montrant un doigt: le menuisier lui en
+montra deux; le savant en présenta trois; à savoir le pouce & les deux
+doigts: le menuisier lui montra le poing clos. En après, le savant lui
+montra une pomme; le menuisier, cherchant en sa pochette, trouva un
+petit morceau de pain, & le lui montra. A donc le savant, tout ravi en
+admiration, se retira; puis dit qu'il avoit là trouvé le plus docte
+homme du monde; & tant que ce bruit a duré, l'école de Genêve a été en
+réputation. Depuis on prit à part le menuisier, & on lui demanda qu'il
+avoit agi réciproquement avec cet autre. Il nous dit: voire, c'est un
+homme fin! Il m'a menacé de me pocher un oeil; & je lui ai fait signe
+que je lui en pocherois deux. Puis il m'a menacé de m'arracher les deux
+yeux, & m'enlever le nez; & je lui ai montré le poing, avec quoi je
+l'assommerois. Et comme il m'a vu en colere, il m'a présenté une pomme,
+pour m'appaiser comme un enfant; je lui ai fait voir que je n'avois que
+faire de lui, & que j'avois du pain qui valoit mieux.
+
+
+
+
+SOMMATION.
+
+
+XXXI. Et puis faites la guerre pour cela! Allez vous battre; allez vous
+damner pour telles gens. J'aimerois mieux aller travailler à ma journée,
+& faire un petit de bon frit en ce monde.
+
+CEBES. Oui, ainsi que fit Jaques Poulet, qui tailloit la traille de
+madame de la Souche. Comment? Il étoit beau & gaillard; & madame l'ayant
+contemplé, eut envie d'être couverte de son corps; chose que, pour rien
+du monde, elle n'eût voulu permettre à autre qu'à son mari.
+
+MADAME. Voire, permettre à son mari! Il ne faut qu'obéir, d'autant
+qu'elle y est obligée; que si elle le fait à d'autres, c'est grande &
+notable charité.
+
+ALCIAT. Bien; vous avez dit vrai; vous êtes une bonne petite personne.
+Il ne le faut pas dire à tout le monde. Or de cet accouplement
+désirable, & voluptueux, d'autant qu'ils travaillerent à con vu & de
+plein jour, ils firent un bel enfant; & à cela se connoissent les enfans
+faits de jour ou de nuit, ou autres des quatre temps, selon leur beauté;
+les plus beaux sont faits de jour. Or elle qui étoit mariée, ne pensant
+pas que cela dût prendre, à cause que le prêtre n'y avoit pas passé,
+n'en fit autre mine; & toutefois se trouva grosse, dont enfin elle
+accoucha, fort assurée à qui l'enfant étoit. Il avint que la bonne dame
+fut malade, & comme elle fut prête de mourir, elle appella son mari &
+lui dit: mon ami, je vous ai toujours été obéissante & douce; je crois
+que vous ne vous plaignez point de moi. Non, ma mie, réjouissez-vous &
+revenez au monde. O, mon ami! je suis fort dolente & ennuyée d'une faute
+que je vous ai faite; mon cher mari, je ne vous en ai fait qu'une, je
+vous prie de me la pardonner. Las! ma mie, prenez courage; il n'y a rien
+que bien. Mais, mon ami, la faute est grande. C'est tout un; je vous la
+pardonne. Hélas! mon ami, ce petit garçon n'est pas de votre fait; c'est
+Paulet qui me le fit, le jour qu'il tailla notre treille, l'année
+passée. O! o, ma mie, dites-moi, étoit-il à notre journée! Oui, mon ami.
+O bien, ô bien, ma mie, c'est tout un, puisqu'il étoit à notre journée,
+& que nous l'avons payé, l'enfant est à nous, d'autant que ce qu'il
+faisoit étoit pour nous; reposez en paix, & ne vous affligez plus.
+Achevant cette parole, le médecin entra, qui lui tâta le carpe: adonc il
+dit: cette pauvre dame n'a plus de pouls. Elle l'ouit, & faisant un
+soupir, va dire: a, a, a, monsieur, en voici un gros qui me mord près la
+gorge.
+
+CARDAN. Le seigneur de Strossi fut autrement gaussé de son médecin,
+qu'il ne payoit pas bien, d'autant qu'il lui bailla bien plus d'un vif
+biais. Le médecin l'ayant tâté, Strossi va dire, a, a, monsieur le
+docteur, mon pouls est bas: il ne va gueres vîte. Non, monsieur, dit le
+médecin; s'il étoit sur quelque genet il iroit bravement; mais à cette
+heure il va plan, plan, d'autant qu'il est sur un âne.
+
+MAROT. Ce médecin, sortant & passant par saint Severin, vit les prêtres
+enterrant des morts par trois bandes, & les saluant, il leur dit: dieu
+vous garde, messieurs; vous faites bien votre août. Voire, dirent-ils,
+oui, monsieur, dieu merci & vous.
+
+CUSA. Et allons; voilà qui est aisé comme une femme qui se meurt contre
+terre: voici de vrais contes, du temps que les bêtes parloient.
+
+POGGE. O qu'il ne faut pas aller loin; il y en a bien qui parlent.
+
+APULÉE. J'ai été âne, comme chacun sait; mais mon compere Cardan a bien
+été une autre bête.
+
+CARDAN. Oui dà, j'ai été de trois sortes de bêtes, & je ne fus jamais
+âne; mais je me souviens du temps que j'étois bête ainsi que vous,
+témoin Thevet & quelques semblables pour être bêtes de bon esprit, &
+ayant mis en mémoire la promesse faite à Pythagoras, j'ai plus fait que
+lui, d'autant que j'ai bien retenu ce que j'avois en rencontre; & de
+fait, j'ai engravé en mon esprit ce que j'ai vu ès institutions &
+cérémonies de bêtes, & sur-tout en leur cabale qui est notable, en
+laquelle il y a un article de plus de conséquence, & sur-tout en ce qui
+est de leur créance; d'autant que, comme j'ai su d'elles, elles croient
+que les hommes sont plus bêtes qu'elles ne sont, bien que quant à elles,
+elles soient les martyrs de nature. Il est vrai qu'il y a de méchantes
+bêtes, comme il y a de méchans hommes. Si j'osois, je passerois outre,
+parce qu'elles ont une religion; mais je n'en veux pas parler, d'autant,
+que la déclarant, elle se trouveroit semblable à celle de plusieurs
+sots.
+
+
+
+
+CALENDRIER.
+
+
+XXXII. L'AUTRE. Les espérances sont plus belles que les effets, d'autant
+que les conins des petites filles sont mieux faits que ceux des grandes.
+Aussi il y a conin; c'est le cas de ces mignonnes, que l'on torche
+encore près le feu, ou qui les montrent en pissant: conaud; c'est de
+celle qui est déjà bonne, qui peut être chute en pauvreté, à qui le poil
+a percé la peau: puis con; c'est de celles qui sont bonnes, & n'ont
+guères eu, ou point d'enfans: conasse; c'est des vieilles, & qui est
+presque tout en désordre.
+
+PLATINE. Et que dites-vous de connue?
+
+L'AUTRE. C'est le cela d'une veuve; il n'est ne l'un ne l'autre; mais ce
+qu'il peut être.
+
+AVERROÈS. Je crois que les conasses sont désagréables, & appartiennent à
+l'ordre du derriere de la servante de feu monsieur le doyen des
+médecins. Cette vieille, étant près de mourir, requit son maître d'une
+faveur qu'il lui promit. Hélas! dit-elle, monsieur, je me meurs, je suis
+une pauvre femme; je desire, s'il vous plaît, être enterrée au préau de
+S. Pierre; mais, s'il vous plaît, que l'on ne chante point sur moi: je
+ne desire pas que l'on se moque de moi. Pargoi, s'il vous plaît, qu'ils
+ne disent point: ô! cu ridé.
+
+PASSERAT. Et bien, ma mie, bien, mourez en paix, & n'ayez pas de
+crainte; ne vous épouvantez point, comme fit un sergent d'Orléans, que
+je ne veux pas nommer, d'autant qu'il a des parens en chapitre. Ce bon &
+noble sergent, allant un jour se promener à la Source, avec plusieurs de
+ses amis, il y eut un jeune apothicaire, qui se mêloit de prendre les
+serpens, lequel en voyant un beau & long glisser devant nous, va le
+conjurer & dire: serpent, je te commande que tu t'arrêtes; & qu'il soit
+aussi vrai que je te prenne, comme il est vrai que, quand un sergent se
+meurt, son ame va droit entre les mains de Proserpine reine des enfers.
+Ce serpent s'arrêta, & fut pris.
+
+ZVINGLE. Le sergent, voyant cette merveille, fit au rebours du barbier
+de notre pays, qui vendit ses rasoirs, bassins, lancettes & autres
+ustensiles, afin d'acheter un état de sergent, pour faire le salut de
+son ame, & être compagnon d'un violon qui se fit sergent, pour mener
+joyeusement le monde en prison, d'autant que cettui-ci, ayant
+componction de coeur, jetta son office au diable; & se rendit capucin.
+
+LOUVET. Il avoit un autre dépit. Vous ne devez pas dire cela. S'il y a
+quelque sergent qui ait fait quelque chose, ou même cettui-ci, donnez-le
+à qui vous voudrez, & n'impugnez rien que ce que nous disons, pource que
+tout ce qui est ici avancé, est tenu pour très-vrai, sans qu'il y
+faille, ou soit reçu d'y contredire; & si quelqu'un y contredit, qu'il
+s'aille faire canoniser en enfer. Pardonnez-moi; ce que je dis n'est que
+pour rendre plus authentique votre prolation; & de fait, je crois, que
+ce n'est pas lui, dont je veux parler; c'est d'un autre qui est de
+Genêve, & est de même état: là on ne dit pas sergent, on dit officier.
+
+OECOLAMPADE. A, a, voilà dire cela, voilà parler d'accord; c'est
+appréhender aux prêtres & aux ministres le moyen de s'accorder. Or dites
+à pleine gueulée.
+
+LOUVET. Cet officier avoit une femme assez fâcheuse, & qui le
+tourmentoit. Il la battit plusieurs fois & à dur, dont elle se
+contrista, & menaça son mari du consistoire, qui est le purgatoire des
+huguenots. Remis qu'il fut au consistoire, il y alla; & on lui remontra
+que cela n'étoit pas beau de battre sa femme. Elle étoit battable,
+dit-il. Allez, lui dit le diseur, sachant la pensée de notre seigneur le
+consistoire, retirez-vous; qu'il y ait de la mesure en vos actions, &
+qu'on n'oie plus parler de vous.
+
+
+
+
+PALINODIE.
+
+
+XXXIII. Il retint fort bien son congé; & quelques jours après, sa femme
+se faisant forte du consistoire, se mit à faire la méchante, & il la
+battit; mais avec quoi? Avec une aune qu'il avoit empruntée du seigneur
+Lait, qui avoit été jadis couturier; & la frotta dos & ventre sur ses
+habillemens, à cause qu'ils n'ont point ôté les dix jours en ce pays-là.
+La pauvrette se plaignit, & fit encore appeller son mari au consistoire,
+auquel on fit la joyeuse & courte remontrance, parce que l'on n'avoit
+pas le loisir de parler à lui, à cause que l'on faisoit réponse à une
+lettre que le duc de Savoie avoit écrite à un traître; (O diantre soit
+le traître! Il étoit alquemiste, il n'y eut jamais que lui qui fût de
+cette chose là) & dit-on à ce maître officier: allez, & soyez sage; & si
+votre femme vous fâche, ne la battez pas. Monsieur, je ne lui ai fait
+que ce que vous m'avez commandé; je l'ai battue par mesure. Oui,
+dit-elle, messieurs, il m'a battue avec une des aunes de messieurs; &
+disoit bien, pour autant que là on mesure la justice. Comment, dit
+maître Jean Pinaut, vous abusez des paroles saintes? N'y retournez plus.
+Monsieur, dit-il, ce ne sont que remontrances que je lui ai faites.
+Allez, dit le président clerc, remontrez-lui avec l'écriture sainte, ou
+bien on vous mettra Céans. Quelques jours d'après, elle fut encore
+mauvaise, & il la battit; mais ce fut avec un gros nouveau testament
+couvert de bois & ferré: il le lia en une serviette, & la plauda en
+cas-pendu; il n'y manqua rien. Elle s'en plaignit; &, les formes
+observées, étant devant le benoît consistoire, qui s'ennuyoit de le voir
+si souvent, il fut tancé. Messieurs, dit-il, je ne l'ai corrigée qu'avec
+l'écriture sainte. Hélas! quelle écriture sainte, messieurs, dit-elle!
+C'a été avec un gros maudit testament qu'il m'a bourrelée. Cela ouï &
+sû, il fut dit qu'il seroit puni, s'il continuoit: & puis, étant entré
+devant messieurs, on lui reprocha son incrédulité, qu'il étoit malin
+contempteur & tergiversateur: & enfin, lui fut prononcé à peine de
+punition corporelle, qu'il n'eût plus à châtier sa femme, que de la
+langue. A, jan! il n'y faillit pas, d'autant que quand elle le fâcha, il
+prit une langue de boeuf fumée, dont il la battit tant que le diable eut
+de cul, & le consistoire de tête; & leur allez demander qu'ils en ont
+fait.
+
+BARRABUS. Voilà une mauvaise fortune.
+
+EUSTATHIUS. Ainsi il y a fortune visible & fortune invisible.
+
+NÉRON. Voilà une belle remarque; je vous prie, sachons que c'est.
+
+EUSTATHIUS. La fortune invisible est l'esprit de la visible, & qui est
+fort secrete: je ne vous la dirai pas toute; mais pour la faire
+appréhender, je vous en baillerai l'échantillon royal, c'est-à-dire, le
+souverain; le plus beau, c'est le cocuage. Et la fortune visible, la
+vérole, les poulains, mal au vit, la chaude-pisse, & telles
+démonstrations circulaires & avantageuses, lesquels s'achètent à deniers
+comptans; sinon que l'on marque les coups à la coche ou à la taille,
+c'est tout un; pourvu qu'on s'en souvienne; ou bien que l'on le fasse
+sans cédule, & sur la foi.
+
+
+
+
+SATIRE.
+
+
+XXXIV. DIXIPPUS. Et dà, c'est un grand malheur que des affaires du
+monde. Voilà, un pere aura de belles filles; c'est vraiment une belle &
+digne marchandise; & toutefois il faut bailler de l'argent pour s'en
+défaire; & qui pis est, à ce que m'a dit Schower, ce fidele astrologue,
+ainsi que Léontius me vient de confirmer, tant que le roi vendra les
+états, & que les hommes bailleront de l'argent à un maître pour le
+servir, certainement les femmes, qui autrement sont dites garces,
+c'est-à-dire, filles de joie, dames d'amour, personnes de liesse,
+prendront de l'argent de ceux qui les serviront, se saisiront de notre
+bon argent, & de tout ce que nous aurons. Et je vous dirai un axiome
+vrai: si elles sont domestiques, elles aiment autant leurs maîtres
+pauvres que riches, témoin l'enfant prodigue, qui, pour cette cause, se
+nommoit le seigneur, _Luxu_, comme vous voyez en ses portraits, S. Luc
+XII, c'est-à-dire, sire ou seigneur _Luxu_. De-là ont été nommés les
+luxurieux: c'est pourquoi Lucullus aimoit tant les lamproies; aussi
+est-ce une viande délicieuse, quand elle est confite à la sauce du
+salmigondis renouvellée.
+
+SCALIGER. C'étoit la viande du mauvais riche; est-il pas dit
+_efrenomenim catimeram lampros_, il mangeoit tous les jours des
+lamproies?
+
+QUIDAM. Vous contaminez le prétoire; retournez sur les femmes.
+
+SCALIGER. C'est bien dit; aussi à dire vrai, j'étois vierge quand je fis
+ma quadrature du cercle; & si je fusse demeuré tel, j'eusse fait la
+pierre philosophale, d'autant que, pour y parvenir, il le faut être &
+immaculé.
+
+GEBER. Vraiment tu as dit vrai.
+
+CARDAN. Et pensez-vous qu'il faille être si sage, pour parvenir à
+quelque chose de bon? Non, non, ne vous mettez pas cela en la fantaisie.
+Sachez, mon doux ami, que les Suisses gardent la porte & n'entrent
+guères, & davantage ne savent que l'on fait dedans, ni qui y est; &
+tenez ceci pour un notable secret pour la résolution de toutes les
+controverses de ce tems.
+
+PIERRE MESSIE. Il faudroit user de grande discrétion pour cet effet; &,
+comme dit cet Espagnol, il conviendroit cavaler les esprits, afin de
+distinguer ce à quoi ils sont propres.
+
+MAROT. En vieux françois, _cavaler les esprits_, c'est chevaucher les
+engins.
+
+BERNARD. Il est vrai; voilà pourquoi les beaux entendemens sont toujours
+ribauds ou rufiens, c'est-à-dire, en poésie, _ils font l'amour, sans en
+faire conscience_.
+
+PIERRE MESSIE. En da, ne dites pas cela; il y en a qui font conscience
+de tout; ceux qui font conscience de rien, ne sont plus habiles.
+
+BERNARD. Tu y es; dis que tu en as, grande chemise; tu l'as deviné,
+comme pisse-en-lit; & indigne animau, sais-tu pas qu'il ne se fait rien
+de-là, dont Pantagruel n'ait avis ici, ou que son conseil n'ait arrêté?
+Va, fais-toi de telles gens, & tu sauras tout.
+
+PIERRE MESSIE. Il me faudroit avoir bien du moyen, ou que quelqu'un me
+voulût croire. Je vous dis vrai qu'il y a long-tems que j'eusse été
+chanoine de notre-dame de Paris, si un de la compagnie l'eût voulu. En
+da, tous en étoient d'accord: il n'y en avoit qu'un qui m'en empêcha.
+
+CÉSAR. Et qui? Dis-moi; que je le tue.
+
+PIERRE MESSIE. Je ne gagnerois rien à sa mort; je vous dirai pourtant
+qui est cettui-là; c'est un seul; c'est le premier venu, lequel s'il me
+donnoit sa prébende, je serois reçu.
+
+AMIOT. Vous ne parlez que par fariboles; (je cuidois dire _paraboles_)
+je suis dedans, déjà j'entre au bâtiment de conscience, allons-y
+vîtement.
+
+RONDELET. Tout beau; oyez notre ami, ce bon conseiller Tourangeau, qui
+est ordinairement monté sur un gros chevau, quand il va aux champs,
+comme ce gros comte de Lyon, dont ils disent de lui & de son cheval, que
+ce sont deux grosses bêtes. On parloit d'aller visiter un intendant de
+la justice: à la fin, il fut resolu en la chambre que l'on iroit
+_catervatim_. Ha, dit celui-ci, si on y va _catervatim_, je veux être un
+des quatre.
+
+SCALIGER. Fût-ce pas sa mere, qui, parlant de ce qu'on laissoit trop
+fortifier les huguenots, dit au maire: monsieur, monsieur, il ne
+faudroit pas tant laisser mortifier ces gens-là. Mais à ce pauvre homme.
+Laissons-le là. Il a un cousin, auquel durant les pardons, il avint une
+plus jolie fortune. Lui, avec quatre de ses voisins & leurs femmes, se
+mirent en chemin à pied, pour aller aux pardons. Quand ils eurent un peu
+cheminé, ils furent las, & s'aviserent de prendre un charroi; & que
+celui qui auroit la plus courte paille l'iroit chercher, ou seroit le
+plus grand cocu de la troupe, au défaut de ce faire. L'accord fait, une
+femme prit des pailles, & baille à tirer; notre ami & cousin tira le
+troisieme, & il fut trouvé avoir la plus courte. Il disputoit, & disoit
+qu'il n'iroit pas, & que pour cela il n'étoit point cocu. Sa femme qui
+le voyoit disputer & qui avoit vu qu'il n'y avoit point été fait de
+tromperie, oyant qu'ils lui disoient: allez, c'est vous qui l'êtes. Non
+suis, on m'a fait tricherie. En dà, mon ami, dit-elle, on ne vous a
+point trompé; vous l'êtes de bonne suite. Si est-ce que sa femme étoit
+femme de bien.
+
+AMIOT. Ne le prenez pas-là; mais avisez à cette grande & notable
+distinction, prise du profond de la science scholastique. Ne savez-vous
+pas que, si un homme épouse une veuve, il devient bigame, encore qu'il
+n'ait eu jamais affaire à autre femme qu'à la sienne; parce que sa femme
+a eu affaire à deux. Cela lui tombe en nature, de sorte qu'il a eu
+affaire aussi à deux. Ainsi, si un homme va à une autre femme que la
+sienne, il est autant cocu, que si la femme l'avoit fait à un autre qu'à
+lui, d'autant que ce qu'il a fait à une autre, est imputé à sa femme
+justement, comme si un autre l'avoit habitée ou travaillée.
+
+VIGENERE. Mais comment connoîtra-t-on ceux qui n'ont besogné que leur
+femme?
+
+AMIOT. Il sera bien aisé. Assemblez-les ici, & qu'ils soient tous nuds,
+femmes aussi, & qu'on leur bouche les yeux, & qu'on les laisse aller à
+quatre pieds, & qu'on leur dise qu'ils se cherchent pour s'entre-baiser:
+incontinent qu'ils se trouveront, voilà que ceux qui n'auront eu affaire
+qu'à leur femme, iront droit mettre le nez dans le cul: si pourquoi
+n'est-ce pas une même viande que la bouche.
+
+
+
+
+MÉMOIRE.
+
+
+XXXV. ASCLÉPIADES. Or bien, par votre doctrine, cette aventure ne sera
+pas commune. Je vous assure que jamais je n'eus affaire à femelle qu'à
+ma femme, qui est, comme je crois, une vraie femme de bien; & encore que
+je ne besogne qu'elle, si ai-je toujours mal au vit; par ainsi je ne
+serai pas exempt, puisque ceci est vrai.
+
+POGGE. Mais les moines!
+
+AMIOT. Quoi!
+
+POGGE. Où auront-ils le nez, s'ils ne l'ont fait qu'à leurs garces?
+
+MAROT. Allez le demander à l'abbesse de delà l'eau, qui vous donnera de
+l'équivoque. Ma finte, je la mis bien en alarme, la premiere fois que je
+la vis! Devisant avec elle, je lui faisois des contes, & parlois de ce
+que plusieurs lui avoient dit; & finalement jouant; je lui mis la main
+près le bas du ventre, sauf les étoffes. O, o, dit-elle, vous êtes bien
+hardi de mettre là la main. Eh, madame, pourquoi ne mettrai-je pas ma
+main en cet endroit? J'y ai bien mis mon chose. Quel chose? Celui avec
+lequel je pisse. Par saint Guillot, il n'est pas vrai.
+
+CICÉRON. _Ergò_, vous en avez menti, comme dit l'autre.
+
+MAROT. Ne vous fâchez pas, madame. Je dis que mon chose a bien été en ma
+main: & si je suis jamais abbé, je tâcherai à vous faire ce que je
+pourrai. Vous seriez un bel abbé. Je le serai quand je voudrai. Si
+monsieur de Marmoustier vouloit ouir quatre syllabes que je lui dirois,
+& me gratifier en accomplissant mon dire, je serois abbé. Et que lui
+diriez-vous? Je lui dirois: maître moine, ôtez-vous. Ce n'est pas en
+quatre syllabes. Mais en quatre lettres, je lui dirois: A, B, C, D. Et
+puis je le ferois aussi-bien que les vicaires, & ferois de nécessité
+vertu, comme le sieur du Fouilloux, qui berça sa femme. Elle étoit
+mauvaise, grondoit quand il venoit compagnie, rechignoit
+perpétuellement, & lui donnoit tant & tant de tourment, qu'il ne savoit
+où se mettre. A la fin, il s'avisa d'un bon expédient. Il fit faire un
+berceau assez grand pour la mettre, & le fit porter en sa maison avec
+tout l'attelage: amena aussi un prêtre, un greffier, & quelques siens
+amis, avec quatre crocheteurs, & six vezoux. Etant entré, il dit à sa
+femme: ça, ma mie, faites-nous bonne chere. Allez, dit-elle, de par le
+diable, faire votre bonne chere d'où vous venez. Vous ne servez qu'à
+mettre tout sans dessus dessous. Adonc il se mit en colere, au moins le
+feignit; & il la fit prendre toute brandie, lier & emmailloter, &
+coucher dans ce berceau; puis commanda aux portefaix de faire leur
+devoir de bien bercer, ce qu'ils firent. Elle leur crachoit au nez,
+tempêtoit: je veux pisser; je veux chier. C'étoit tout un; ils n'en
+berçoient que mieux. Les vezoux disoient: _de la vase_; les
+gentilshommes dansoient _petonton_, les branles de Poitou. O! là,
+dit-il, mes amis, boutez; écrivez, monsieur le greffier, les injures &
+opprobres, dont ma bonne femme m'honore. Là, là, ma mie, vous mourrez
+bienheureuse; on ne dira pas que je vous aie tuée. O! que vous serez
+heureuse! Mais arrêtez un peu, ô berceux de paradis, afin que monsieur
+le chapelain la confesse. Confessez-vous, ma mie; vous n'avez plus
+qu'une heure à vivre; j'ai pitié de votre ame; je ne veux pas tout
+perdre. Elle tempêtoit plus fort & plus rudement. On berçoit; & vous en
+aurez. A la fin, elle pria de parler à son mari, qui, venu à elle, lui
+dit: ma femme, il n'y a plus de moyen de parler à moi; vous êtes prête à
+mourir; je vous pardonne, confessez-vous, afin que vous mouriez
+pénitente: sus, sus, bercez toujours. Là, nobles berceux, ça mes amis,
+vous ferez aller cette ame en paradis avec ce branle doux; jouez vos
+jeux, jouez; & nous tous, dansons de réjouissance de voir une si belle
+ame être prête du bon repos tant desiré. La peur commençant à entrer en
+la conscience de cette femme, vint aux supplications, qui à la fin
+furent si humbles & pleines de tant de protestations, que le mari, prié
+par ses amis, la dame fut délivrée; son mari la mit entre les mains des
+chirurgiens pour la saigner, à cause de l'appréhension qui l'avoit
+saisie; & dès lors elle fut changée de tout point de son humeur
+fâcheuse.
+
+ARISTIPPUS. Si Socrates le bon homme eût ainsi bercé ses deux femmes, il
+les eût endormies, & lui & sa nourrice eussent eu loisir de jouer
+ensemble, tandis que ses enfans dormoient; & n'eût pas été affublé de la
+potée de pissat, que l'une lui jetta sur la tête par dépit qu'elle eût
+qu'il n'avoit tancé celle contre qui elle querelloit.
+
+VIGENERE. Par la vertu donguoi, vous savez que j'ai belle femme & bonne.
+Moi, ni mes amis ne s'en peuvent plaindre. Néanmoins un jour, (quasi
+nuit, & il faisoit clair de lune, le soleil ne luisoit plus) que
+revenant de la ville, & entrant en ma maison, je trouvai un jeune
+avocat; & cela me fâcha, d'autant que je craignois scandale. Je dis: ma
+femme, vous savez le bruit qui court de vous & de moi; car on dit de moi
+que je suis un peu cornard; & je le crois bien; & aussi de vous, que
+vous êtes un peu garce; ce que je ne crois pas, mais vous tiens pour
+femme de bien; je le crois aussi-bien que vous. Par ma foi, mon mari,
+croyez-le, je vous en prie. Voilà comme j'ai bercé ma femme, & comme
+elle m'a bercé, ce que je n'ai appris à aucun alquemiste de l'Allemagne,
+de peur d'être bercé de celles fantaisies, qui leur feroient oublier le
+voeu secret, qu'ils ne disent qu'aux enfans de la science.
+
+ALOILOL. Je ne vis jamais tant parler. Aussi cette phrase n'étoit point
+de mon tems; je vous prie, éclaircissez-m'en.
+
+VIGENERE. Soit; sachez qu'en toutes facultés il y a un secret qui ne se
+dit qu'à ceux qui ont la pure entrée: & ce, afin que cela ne soit
+divulgué. Comme par exemple, je vous dirai que le principal mot du guet
+du _Moyen de Parvenir_ est d'avoir de l'argent: aux moines pour se
+saouler & besogner leur saoul, d'autant que c'est leur part; aux
+gentilshommes, pour paroître; aux ambitieux, pour se faire
+mistigorifier, comme petits démons sur le plat d'une pelle; & aux
+autres, pour avoir du contentement en vérité, & non en songe.
+
+LA PUCELLE D'ORLÉANS. Ainsi que ces deux gentilshommes, qui étoient
+venus à l'entrée du roi Charles à Orléans, chez le lieutenant
+particulier. On les mit coucher ensemble. L'un songeoit qu'il se noyoit,
+& l'autre songeoit qu'il pissoit; & parce que le sphincter se dilata en
+cette nécessité, où fut fait vertu, il compissa tout l'autre, qui
+haletant & s'éveillant, & se trouvant tout mouillé, se prit à crier:
+hélas! il est donc vrai? O, adieu, tous mes amis de ce monde. Ce
+pisse-en-lit s'acheva de gâter par cet acte, d'autant que cette belle
+fille n'en voulut. Il est vrai que son valet l'avoit contaminé le jour
+de devant. Il l'avoit embouché, & dit qu'il fit bonne mine, & que, quand
+il parleroit de son bien devant sa maîtresse il le doublât, & qu'il le
+tanceroit; & que pourtant il ne laissât de continuer. Etant donc en
+devis avec la mere & la fille, il disoit qu'il avoit entr'autres une
+bonne métairie, où il y avoit beaucoup de commodités. Vous en avez bien
+deux, dit le valet. Taisez-vous, lui dit-il; il faut que vous causiez?
+Et aussi, madame, pour vous dire la vérité, j'ai une grange pleine de
+bled. Vous en avez bien deux. O! ho, ce compagnon ne se taira pas? Et
+puis, au bout de ma maison, j'ai une bonne garenne qui contient plus de
+trente arpens. Vous en avez bien deux. Paix, c'est assez; vous faites le
+suffisant. Le portail de ma cour est tellement baillé à mon clousieur,
+qu'il m'en doit une bonne vache. Il en doit bien deux. O! ho! ce pifre
+ne se taira point? Il est vrai, madame, que je suis assez bien de tout;
+mais j'ai une incommodité, c'est que j'ai mal à une jambe. Vous avez
+bien mal à toutes deux. Ô! ô! de par le diable, c'étoit à ce coup qu'il
+se falloit taire; mais tout fut gâté, honni & perdu.
+
+
+
+
+FANTAISIE.
+
+
+XXXVI. Cette belle en fut marrie, d'autant qu'il étoit assez beau
+gentilhomme; mais à cause de cela, elle disoit qu'elle eût mieux aimé se
+faire haillonner à une douzaine de moines qu'à lui.
+
+Z. R. Sandé, vous avez tort, & vous dis être plus séant de parler
+d'autres. Je vous dirai, en vérité, que cela n'est point beau de voir un
+homme d'église, ou de justice, mis en train de friponnerie. Vraiment, il
+fait aussi bon voir une personne d'honneur en une mascarade, comme un
+cureur de retraits présider au conseil. Il n'appartient qu'à ceux qui
+ont bonne grâce de faire les fous: il est très-mal séant à un évêque, de
+faire le muguet & le beau fils, c'est-à-dire, le fat avec des femmes; ou
+à un ministre, de gausser; & comme un curé de village, aller causer à
+l'ouvrouer d'une beurriere, pour avoir de la graisse. Ma finte, cela ne
+vaut rien; & n'est pas beau à un curé d'aller faire le gallefretier en
+une rue, ou une taverne. Il faut que telles gens soient à leurs études;
+& s'ils ne peuvent étudier, qu'ils s'amusent à pisser dans un pertuis,
+pour apprendre à pisser droit & de volée. Encore, si ces gens-là étoient
+gaillards, qu'ils eussent de belles rencontres, j'en serois tout ralu; &
+qu'ils fissent de gentils tours, ainsi que le vieil pénitencier de
+Paris, qui, un jour de sainte Genevieve, donna à déjeûner aux chantres
+de la sainte chapelle, lesquels ayant bu de son vin, & lui ayant dit: à
+votre commandement; ils le prierent de leur en donner une bouteille
+pleine pour le jour de leur solemnité, & leur promit de leur en donner.
+Les compagnons, étant à la veille du jour proposé, envoyerent un gros
+valet à monsieur le pénitencier, le prier qu'il lui plût, selon sa
+promesse, leur donner la bouteille de vin; ainsi dit-on. Or ils avoient
+fait provision d'une opulente bouteille, qui ne tenoit guères moins que
+celle des capucins, où il entroit presque un quart de vin. Le valet
+étant devant ce bon homme, & lui faisant sa harangue, & montrant sa
+bouteille, le sage vieillard conjecturoit ce qu'il avoit à faire: notez
+qu'il étoit docteur en théologie, prêtre & chanoine, qui pis est; & puis
+de superabondant pénitencier, qui est cause qu'il savoit bien & mal;
+_primo_, parce qu'il savoit le sien; _item_, il apprenoit celui des
+autres. Parquoi ruminant, tandis que le gars lui parloit, il imaginoit
+son fait. Il fit mettre la bouteille sur la table; & sortant en la cour
+avec le valet, il lui dit qu'il allât appeller la chambriere qui étoit
+de l'autre côté; c'étoit pour l'amuser. Il y va; & le preud'homme prit
+trois ou quatre cailles, ou enfans de caillous, & rentre en la salle,
+mit le plus gros en la bouteille, si bien que cela se porta honnêtement.
+Le gars revenu avec la servante, il lui dit: ô, garçon mon ami, voilà de
+l'eau; rince la bouteille. Ce gars y met de l'eau; & commence & finit à
+secouer à bon escient; & caillou d'aller, & bouteille de se rompre, &
+l'eau de s'enfuir par-tout. Quoi voyant, le bon homme lui dit: ô!
+lourdaut mon ami, si tu eusses mis là mon vin, il eût été versé; tu as
+tort, je suis marri de cela; messieurs auront du déplaisir. Jeanne,
+dit-il, quand elle fut revenue, va quérir en haut cette bouteille
+clissée, qui est au clou près de mon étui à lunettes. Elle y alla, &
+apporta une bouteille d'environ un tiers de pinte. Il la fit emplir, &
+l'envoya par ce garçon à messieurs les chantres, avec ses
+recommandations. Allez, dit-il, ils en auront une autre fois:
+_cornifetu, cornifetu_, mon ami; c'est-à-dire, _quod differtur, non
+aufertur_.
+
+PATOLET. Comme vous parlez latin! Vous ayez vu autrefois la sibylle
+Mitrée, comme l'Ecumée. Si avoit bien notre servante, qui, courant pour
+aller voir le lit d'honneur où étoit le chancelier de Birague étant
+mort, sa maîtresse la trouvant, lui demanda où elle alloit si vîte. Je
+vais, s'il vous plaît, madame, voir le cardinal Miracle. Et sa maîtresse
+m'en disant autant, je lui répondis aussi. Elle me dit: où allez-vous si
+vîte? Je cuidois qu'elle m'eût dit six vittes, parce qu'on parle ainsi à
+Paris; & je lui dis: je m'en vais chez nous, six cons.
+
+DIOTIME. L'autre jour notre servante chantoit un air de Ronsard, où il y
+a: _d'un gosier, &c._ Elle disoit: _d'un gosier, mange levrier, j'ois
+crier dans le coffre ma calandre_. Et ce fripon de Pelletier vint chier
+à notre porte, puis heurta: le valet regarda par la fenêtre, qui dit:
+qui est-ce? Je veux parler à monsieur: faites-le un peu venir à la
+fenêtre. Monsieur l'avocat se promenoit en sa chambre, qui mit le nez à
+la fenêtre, & lui dit: est-ce vous, monsieur? Oui, c'est moi, monsieur.
+Vous plaît-il que je chie ici? Chiez, de par le diable; chiez, vilain; &
+lui dit de s'en aller. La servante trouva le cas au matin, & vint à
+monsieur lui dire: le vilain d'asseoir a planté ses immondanités à notre
+porte.
+
+FRACASTOR. Vous ne dites pas tout, il avoit brené dessus, & disoit que
+c'étoit un mot latin, KPUT.
+
+MURET. Ce latin est pareil à celui du vicaire de Chamberi, qui lisoit
+l'évangile des cinq pains; & au lieu de dire, _ut quisque accipiat
+modicum_, il dit, _accipiat modium_. Il disoit vrai; il eût fallu
+beaucoup de muids. Ne disoit-il pas aussi: _quid statis occisi_, pour
+_otiosi_. Ce fut lui qui, nous annonçant des bêtes, comme tantôt, se
+voulant paillarder à bien dire, & mit-il pas sur sa tombe, _requiescavit
+in pace_, s'il a plu à dieu. Que voulez-vous? il y alloit à la bonne
+iniquité. Encore y a-t-il des gens qui ont de la conscience, il est
+vrai, mais comment? Prenez-y garde, vous trouverez, si ce n'est sotise,
+que c'est pour la commodité: tellement que piété, sainteté, justice,
+aumône, & toutes telles vertus, ou actions qui en dépendent, ne sont
+pratiquées que par le désir qui tend à la commodité, sous le voile
+d'hypocrisie.
+
+ARETIN. Si ce que vous dites est vrai, il ne faut plus prier dieu.
+
+MURET. Ce n'est pas ce que je vous dis, pource que le moyen de se faire
+du bien aux dépens du pauvre homme, sans qu'il en soit marri, c'est
+qu'il faut prendre les bouts de chandelles qu'ils vont offrir, & s'en
+éclairer disant ses heures; cela vous épargnera autant que feroit au roi
+d'Espagne, si on lui bailloit tout le fil dont on lie les allumettes, &
+qu'il le vendît aux Foucres, pour faire des serviettes aux Allemands.
+
+GAGUIN. Vous êtes un grand ménager.
+
+MURET. N'ai-je pas été cordonnier? Ne sais-je pas que valent les brins
+de filets, qui joint bout à bout sont utiles?
+
+POSTEL. Puisque tu es cordonnier, si tu veux je t'apprendrai un beau
+secret que m'enseigna l'empereur des Turcs, quand je le fus voir durant
+mon grand voyage à Châtelleraut, où je vis l'origine de toutes les
+nations, états, sexes & gens du monde.
+
+EUCLIDES. Tu nous en veux conter, pargoi, je suis un grand
+mathématicien; je ne crois rien que ce qui se démontre.
+
+POSTEL. Et si tu veux payer une once d'huile de canelle, pour graisser
+nos peignes, je t'enseignerai à faire vingt paires de souliers en une
+heure.
+
+EUCLIDES. Cette heure-là seroit donc plus longue que les autres?
+
+POSTEL. Non sera: ne savez-vous pas bien que la plus longue heure du
+jour est celle du sermon? Et pour l'accourcir ou appetisser sans perte
+de temps, est déjeûner tandis qu'on prêche: le prêcheur aura fait &
+ennuyé plusieurs personnes, que vous n'aurez pas eu le loisir d'achever;
+& puis à telle heure je ne voudrois travailler, tant je suis bon
+réformé.
+
+EUCLIDES. Bien doncques, je paierai ce que vous voudrez.
+
+POSTEL. Sachez que les Turcs ne font rien; ce sont les chrétiens qui
+font leurs besognes; mais par excellence, leur empereur, que les sots
+chrétiens appellent le grand seigneur, comme s'il étoit barbier & géant;
+ce prince-là de voleurs me fit bonne chere, parce qu'il pensoit que je
+me ferois ministre, & qu'ainsi je serois à son commandement; & pour me
+gratifier, il m'apprit un de ses plus grands secrets; c'est de faire
+vingt paires de souliers ou environ, bons & chaussans, & ce en une
+heure, pourvu que l'on eût de bonne étoffe, à savoir vingt paires de
+bonnes bottes, dont vous couperez le bas; & seront souliers; & le reste
+servira de guêtres aux cordeliers.
+
+
+
+
+TITRE.
+
+
+XXXVII. SCALIGER. En ma conscience nous étions pour cette affaire, sur
+un notable franc arbitre; & les arbitres étoient presque d'accord de la
+sentence de cet arbitrage. Je ne sais si j'ai bien dit; (va toujours;
+trotte qui danse.) Nous avenions aux résolutions, & trouvions les
+sciences tout justement, y attendant justement comme pâques en Mai, &
+répondions à propos, comme firent deux notables dames d'Orléans; l'une
+femme d'un apothicaire, à qui je demandai si elle avoit de
+_l'agalochum_, & _agalochum_, c'est _lignum alois_; & elle pensoit que
+je lui demandasse si elle avoit autre drogue; elle me répondit à propos:
+monsieur, je ne me connois point en drogues; il faudroit parler à mon
+mari. L'autre est la belle épiciere d'auprès les ponts. Monsieur le
+procureur du roi, qui vouloit gausser avec elle, la voyant avec six ou
+sept dames, lui dit: madame, avez-vous de _l'agalochum_? Monsieur,
+dit-elle, voici plusieurs boîtes, il y faudroit mettre le nez. Etant
+après ces belles intelligences, voici la serviteuse qui nous vint dire
+que quelqu'un étoit à la porte, pour entrer ou sortir.
+
+QUELQU'UN. Quel mot est-ce que _serviteuse_?
+
+L'AUTRE. Ce mot vient du pays de sapience, & j'en use ici à cause qu'il
+a des gens mariés; _notate verba, & ponderate misteria_. Cette fille
+nous vint dire qu'il y avoit à la porte un personnage qui vouloit parler
+au bon homme. Aussi-tôt il alla à lui, puis revint & nous dit: (je le
+dirai pour lui, parce qu'il est empêché à frire l'esprit d'un demi-cent
+d'écrevisses, à la mode de Bourges, où l'on les vend toutes nues) c'est
+un docteur d'Oxfort, qui n'est pas encore résolu s'il se doit faire
+catholique ou huguenot; & il demande à parler à quelques apôtres, s'il y
+en a céans. Vraiment non, dîmes-nous, il n'y en a point ici; ils nous
+empêcheroient de faire bonne chere; & puis ils auroient honte de
+l'hiérarchie, & du criblement des ministres, parce que les uns ont trop
+lardé l'oie, & les autres y ont trop mis d'épices, après l'avoir
+dépouillée de ses fantaisies. Là-dessus il fut tenu conseil de l'envoyer
+en Espagne, d'autant que l'on estimoit qu'il y pourroit avoir quelque
+apôtre, à cause que les Espagnols, pour la plupart, sont parens selon la
+chair. A quoi s'opposa Varro, disant que les Espagnols se prévalent être
+les plus catholiques; & partant le plus parfait membre de l'église; &
+allégua, _nescit sanguinem_, l'église ne connoît point ses parens.
+Parquoi on lui dit qu'il se pourvût; que nous n'avions la tête rompue
+que de telles gens qui changent de religion, pour demander le passage,
+comme ces François qui passent en Angleterre. Et cela dit, afin de lui
+donner quelque contentement, on lui fit une paraphrase apostrophique
+pour son déjeûner, & qu'il s'en saoulât s'il pût. Je vous dirai un grand
+secret, c'est que vous liriez ici quatre jours entiers, que vous ne vous
+saouleriez aucunement, & j'en dis vrai. Vraiment, nous n'aurions garde,
+si nous ne mangions quelque chose en lisant.
+
+
+
+
+REPRISE.
+
+
+XXXVIII. SOCRATES. Il n'y a personne qui ne tâche à faire son profit; &
+sur-tout boivant & mangeant. Et je vous dirai, belle & bonne personne,
+ma chair de prochain, vîtes-vous jamais le pere Prologue?
+
+OVIDE. Tu nous veux faire passer ce petit tronçon de bonne chere que
+vous fîtes en Espagne, aux nôces de la reine, fille de notre invincible
+roi. Tu as raison; pargoi, ils nous donnerent force paroles couvertes,
+quantité de mots dorés, des phrases délicates, beaucoup de menus propos
+qui nous passoient apostrophiquement par la bouche, ainsi que l'on mange
+les lettres aux écoles. Et je vous proférerai un grand fait, qui m'a été
+révélé selon la trabale; que ce n'est pas sans raison que l'on fricasse
+les ames, vu que de tout temps, & de l'invention des poëtes, il y a
+certaines M que l'on mange; (& de fait, on pensoit s'équivoquer; mais à
+bon escient) j'ai vu engouler des _ames_ toutes fraîches, comme vous
+feriez une écrevisse d'eau douce. Or je n'irai pas-là; je ne veux pas
+être mangé, je ne l'ai pas accoutumé.
+
+SOCRATES. Mais disons de ce repas.
+
+OVIDE. Je n'ai plus à en dire, sinon que nous mangions de ce que dieu
+nous avoit donné, comme dit l'autre. Et conscience, notre jardinier, qui
+étoit un beau jeune homme, n'en voulut point; il se maria avec une belle
+jeune fille, qu'il fit femme, dieu merci & vous. Un dimanche matin, il
+cuidoit lui donner le picotin; & elle le pria de se contenir. O! ô,
+dit-il; & pourquoi? Mon ami, dit-elle, je me trouve mal. Etant levée, or
+étoit-ce en été, il vit sa chemise tachée de sang: hélas, ma mie! vous
+ai-je blessée? Non, mon ami. Et qui donc? Personne. Mais, ma fille,
+dis-moi que c'est. Ardez, mon ami, c'est que j'ai ce que dieu nous a
+donné à nous autres pauvres femmes. Voyez-vous, ainsi que, quand vous
+êtes échauffé, le nez vous saigne; ainsi notre pauvre cas saigne tous
+les mois; & si alors un homme nous touchoit, il se perdroit. Et bien, ma
+mie, vous avez bien fait de me le dire. Si je me fusse perdu là-dedans,
+on eût eu bien de la peine à me retrouver, tant il y a de chambres, de
+recoins & de garderobes, sans les salles. Quelques jours après, il
+venoit de Vanves; & ayant bon appétit, il demanda à souper à sa femme,
+qui lui dit: oui, mon ami, il s'en va prêt. Et que me donneras-tu, ma
+fille? Ne vous souciez, mon ami; nous mangerons de ce que dieu nous a
+donné. Elle parloit, comme vous dites ordinairement. Lui qui se
+ressouvint de ce qu'elle lui avoit dit, estimoit qu'elle lui donneroit
+de ses mois; il lui dit: ma mie, je vous remercie, je n'en veux point;
+je m'en vais souper avec mon compere. Je sais bien ce que je lui eusse
+fait, pour n'avoir point de ces harnois-là.
+
+SAPHO. Et dites, je vous prie; & quoi?
+
+OVIDE. Je lui eusse farci le ventre d'andouilles.
+
+SAPHO. Pargoi, tu nous en contes; Je crois que tu as hanté les filles
+d'église, c'est-à-dire les femmes de cloîtres, c'est-à-dire les garces
+de chanoines. Elles parlent ainsi, sans autrement user de respect, sinon
+qu'elles appellent les autres putains, chiennes, vesses, & qu'elles
+débauchent leurs maîtres.
+
+LE CONSUL. Je ne m'ébahis pas vraiment de ce que l'on dit: ho, ho, ô,
+Calvin, te souviens-tu pas bien de ce que disoit Hilaret, quand il
+contoit en chaire que tu étois fils du chanoine; & que notre ami de
+Saint-Denis, le chanoine, dînant avec notre évêque, se mit à parler
+contre ce cordelier, feignant être fort fâché contre lui, & faisant
+tomber à propos ce poinct de son sermon, lui dit par colere fraternelle:
+je ne trouve point bon, que l'on dise des mensonges en la chaire. Je ne
+dirai pas comme le curé de saint Lifart, qui disoit que la chaire, où il
+étoit, n'étoit pas la chaire à faire caca; mais à dire vérité. Je dis
+donc que cela est messéant de prononcer des impiétés en telle chaire.
+Vous avez dit que Calvin étoit fils d'un chanoine; ce qui est très-faux.
+Les chanoines sont gens pudiques, sobres du cul comme de la bouche,
+comme dit messire Guillaume le Vermeil, ils ne font point d'enfans: ce
+sont les cordeliers qui en font. S'il y a quelque femme qui se prête,
+voilà un petit cordelier dessus.
+
+BUCHANAN. Je suis pour les peres cordeliers; cessez cette injure. Il y a
+apparence que les chanoines font des enfans, témoin madame la roine de
+France, qui, allant à Chartres en voyage, pour avoir lignée, & suivant
+un beau chemin fait exprès, parce qu'elle alloit à pied, elle s'assit
+pour se reposer, que voici passer une belle grande paysanne des champs,
+qui cheminoit comme un prêtre Breton. La roine l'arrête, & lui dit: bon
+jour, ma mie; où allez-vous? Je vais à Chartres, madame. Que faire?
+Vendre du lait & des herbes. D'où êtes-vous, ma mie? Je suis d'ici
+auprès, madame. Êtes-vous mariée? Oui, madame, dieu merci & la voutre.
+Mais, madame, ne vous déplaise, dites-moi, s'il vous plaît, qui vous
+êtes? Je suis la roine. Excusez-moi, s'il vous plaît, si je ne vous ai
+fait l'honneur que je devas. Mais, madame la roine, vous allez à pied; &
+où allez-vous, madame la roine? Mais que ne vous déplaise? Je vais à
+Chartres, ma mie, pour aller en cette belle église prier dieu, à ce
+qu'il lui plaise que j'aie enfans. Hélas, madame la roine, ne laissez
+pas de vous en retourner; ce grand chanoine qui les faisoit est mort, on
+n'y en fait plus.
+
+SCANDERBERG. Cette-ci étoit presque aussi hagarde, que cette bonne femme
+qui demeure après le roi des veaux, à la grille aux sots. Nous étions
+avec de Pise, ce bon magistrat, qui aida à mourir ce ministre, qui renia
+ministere, pour se joindre aux finances; & je vous assure que nous ne
+tâchions qu'à rire & dîner. Nous avions gagné notre procès; nous ne
+plaidions que pour les dépens. Nous étions, ma mie, en ce point, tout de
+même que les garces, qui ne plaident jamais en défendant; elles sont
+toujours après en demandant.
+
+ Amour de garce, & ris de chien.
+ Tout n'en vaut rien, qui ne dit tien;
+ Bien de ribaud, & chair de garce,
+ Etant unis, ont bonne grace.
+
+De _garce_ à _grace_; il n'y a qu'une transposition. Et puis,
+
+ Quand maître coût, & putain file,
+ Petite pratique est en ville.
+
+MAROT. Tu seras meshui sur tes sentences; je pinte à l'aise:
+
+ Regarde au nez, & tu verras combien
+ Grand est cela, qui aux femmes fait bien.
+
+DU JON.
+
+ Regarde au pied, pour au rebours connoître
+ Quel le vaisseau d'une femme peut être.
+
+L'AUTRE. J'entre en fureur poétique:
+
+ Si tu voulois, je voudrois bien,
+ Belle, à ton corps joindre le mien.
+
+MOY. J'y suis,
+
+ Jouer au jeu, qu'aux cailles on appelle,
+ Aux filles est, chose plaisante & belle.
+
+JEANNE.
+
+ Prête-moi ton _c, o, n_, pour mon _v, i, t_;
+ Puis nous remuerons la lettre qui suit le _p_.
+
+SCANDERBEG. Vous? Que diable ne me laissez-vous dire! Or bien, nous
+étions-là, & voulions gausser cette vieille marchande. Elle étoit
+parente & grande amie de Montoir, qui, un matin allant au four qui étoit
+assez loin, elle vit messieurs de la ville qui mesuroient & piquetoient.
+Et da, dit-elle, messieurs, que voulez-vous faire? Nous voulons fermer
+la ville. Hélas! messieurs, attendez un peu, s'il vous plaît, que je
+sois revenue du four; je ne muserai gueres. Cette marchande donc avoit
+des éguillettes de velours, des bas-de-chausses de taffetas, une gaîne
+de faulx, des vrilles de bois, des fusils de laine, des décrotoires à
+mêche, des arquebuses à corde, de l'appas aux puces, de la tablature à
+apprivoiser les souris, & telles sortes de marchandises. Nous lui
+demandâmes: madame, avez-vous des brides à veaux? Il faut voir,
+messieurs, s'il vous plaît. Elle nous amusa là, plus de trois quarts
+d'heures & six minutes. Cela me fâchoit, parce que je n'ai affaire que
+de tems & d'argent. A la fin, étant montée sur une escabelle, & ayant le
+dos vers nous, elle nous dit: messieurs, j'ai de mauvais enfans qui les
+ont brouillées & démanchées, si que je ne les peux trouver toutes
+entieres; & disant cela, d'une souplesse prompte & préméditée, va lever
+ses robes & sa chemise, & nous manifester son gros cul ample & fessu,
+nous disant: au moins, messieurs, voilà les mords. Par ma conscience,
+dis-je, madame, nous voilà bien refaits. Acoutez, messieurs, acoutez un
+peu; je vous dirai un conte pour vous appaiser. Ardez, j'étois à la
+suite de l'armée de Moncontour, où j'eus beaucoup de dépouilles, dont
+voici les restes. Ainsi que nous étions à ce ménage, voilà la plus
+grande de la cour, qui, passant & voyant les morts deçà & delà, parce
+que c'étoient huguenots, n'en dit rien: mais en voyant un étendu, le
+ventre au soleil, & considérant la grandeur de son membre viril, va
+dire: voilà grand-pitié de cettui-là. Et nous de sortir de là, & de nous
+en aller: aussi-bien on nous attendoit à dîner chez un prélat.
+
+L'AUTRE. On m'a dit que c'étoit le feu archevêque de Tours, qui a appris
+à messieurs de la cour à se torcher le cul de papier blanc. Etant à
+dîner, & faisant bonne chere, il fallut, selon la coutume, rapporter
+quelque chose d'édification; & nous de dire notre fortune. J'en ai bien
+vu une plus belle, dit Dariot. Je venois de Mets; & je trouvai à terre
+une coignée, & je dis: eh, que fais-tu là, coignée ma mie? Elle me
+répondit rien. A, ha, hé, va dire le curé de Grié, par méan,
+monseigneur, il n'y a pas apparence qu'une telle piece de fer ait parlé.
+Je ne dis pas, que si c'étoit un landier ayant face d'homme, comme ceux
+de votre cabinet à étudier aux perdris, qu'il n'y eût raison.
+
+
+
+
+ARCHIVE.
+
+
+XXXIX. Passant ainsi de propos, en autres sur les discours
+d'édification, monsieur le chantre tira de sa manche un canon fort
+excellent, disant que c'étoit l'abbaisse de Rousserai qui le lui avoit
+envoyé, tel que la prieure l'avoit composé & fait chanter a soeur
+Jaqueline de la Gerandiere, qu'elle instruisoit ainsi sur ce mot
+_conculcavit_. Là, ma mie, chantez bien; tenez-moi ce _con_ ferme,
+_con_: là après, _cul_; haussez-moi ce _cul_, _cul_: après à ce _ca_;
+entretenez-moi ce _ca_: puis à ce _vit_; là, tenez-moi ce _vit_ bien
+long.
+
+MAROT. Ce fut le colloque de Poissi, ce vénérable concile racourci, qui
+fut d'avis d'instruire des jeunes religieuses de telle sorte. Et de par
+sa mere, depuis que colloque a hanté les dames, on a parlé d'elles; non
+pas que l'on dît qu'elles fussent paillardes, mais on disoit qu'elles
+vivoient comme des putains. C'est pitié que cela, & encore plus que vous
+ne sauriez dire.
+
+ALCIBIADE. La mere de notre boulanger, celui qui demeure après les
+Cordeliers, en étoit tout en extase. Elle tenoit une livre de beurre en
+sa main à nud, & voyoit un grand âne qui sailloit (je crois qu'il
+falloit dire _baudouinoit_) une jument. Cette pauvrette, pleine
+d'admiration, & voyant ce fouet qui entroit ainsi, serroit la main &
+faisoit dégoûter le beurre entre ses doigts: hélas! mon beurre.
+
+RONDELET. Que voulez-vous dire de cette pauvre fille? Et bien, c'étoit
+une émotion qui l'avoit prise par admiration. Oui, & il y a ainsi des
+maladies qui prennent, qui vont, qui viennent ainsi que le temps qui
+court; & comme les maladies nous prennent allant & venant ou nous
+reposant, nous prenons le temps comme il vient, & de même en font ceux
+qui mangent leur bien. Et de fait, passant par cette contrée, nous
+voyions des personnes riches qui entamoient leur bien, & pour le manger
+faisoient diverses sauces. Les uns le mangeoient à la sauce de réponce;
+les autres allant au marché aux fesses; quelques-uns à la sauce
+d'Allemagne; aucuns à la sauce de la messe d'onze heures.
+
+CÉSAR. Demeurez-là. Qu'est-ce à dire?
+
+RONDELET. Vous voilà bien empêché! C'est à la sauce de paresse. Je n'ai
+pas voulu dire la messe paresseuse, ainsi que parlent les jésuites; au
+moins le bruit en court.
+
+AMIOT. Laissez courir le bruit avec le monde qui trotte, attendant que
+la coutume aille la haquenée, & le bon temps le pas. Mais un peu, hau
+mon caporal, ces mangeurs ne boivent-ils pas aussi?
+
+LE BON HOMME. Et quoi donc, s'il sont mariés, ils boivent de
+l'ordinaire, témoin celui qui commenta les vieilles légendes, où il mit
+à l'entrée de ses annotations: _tout homme de qui la femme pette, étant
+couchés ensemble, est bien heureux_; comme disoit notre confrere le
+chanoine, monsieur Joyeux; qui est mort chancelier, dieu lui fasse
+pardon, en l'église de céans, pour plusieurs raisons. _Primo_, il
+l'entend; parquoi il sait qu'elle est auprès de lui, & ne le fait pas
+cocu pour lors. _Secundo_, il reconnoît qu'elle n'est pas morte.
+_Tertio_, il jouit du sens de l'ouïe. _Quarto & perfecto modo_, il boit:
+ainsi il a plusieurs commodités, desquelles sont privés les prêtres, &
+les autres gens de notre saveur.
+
+ADDIAS. Si est-ce qu'ils ne laissent de trouver le vin bon.
+
+MAROT. Par mananda, tu y es, & as bien fait de proférer cette goulée qui
+se trouve véritable: & à dire vrai, tu es le plus vénérable menteur de
+toute la compagnie. Prends un peu les mains à Glycas & Cedrenus, & va
+chatouiller ce flaccon de vin, & me dis s'il est mâle ou femelle.
+
+ARISTEUS. Oui dà; il y a mâle & femelle du vin; le blanc est le mâle.
+
+MAROT. Va te faire panser à mon barbier; il ne te coutera rien. Tu y
+entends comme un boeuf à jouer de l'épinette. Puisque nous le tenons
+ainsi, pourquoi résistes-tu à l'écriture de noble antiquité?
+
+SIMLER. Quand toute ton anticlité de tous les diables, & ta sapience de
+l'ante-christ seroit, je n'en croirois rien. J'ai beu plus de deux mille
+deux cent quatorze bouteilles de l'un & de l'autre vin; mais je n'y vis
+jamais ne cul, ne con, ne couillons. Partant je déclare que pipeurs &
+malheureux sont ceux qui mentent en vin quels qu'ils soient. Et pourquoi
+n'y faut-il pas mentir? Parce qu'il y a, _in vino veritas_. _Primo_, au
+vin la vérité, comme nous disons nous autres latins. _Secundo_, il est
+de serment. _Tertio_, on leve la main en le prenant. _Quarto_, & pour le
+mieux, on le prend & met sur sa conscience. Un homme est de bien peu
+d'esprit, s'il ne se connoît en ce qui est de sa vacation; c'est
+pourquoi plus un prêtre est savant à juger le vin, & en avoir de bon, il
+est plus homme de bien; & notez cette décision de Boëtius, qu'il a
+apprise du saint qui fut canonisé de son temps, durant vendanges.
+
+HYPOCRATES. Vous n'avez point parlé de l'odeur du vin? N'importe, parce
+qu'il ne peut faillir de sentir bon. S'il est bon, ce n'est pas comme
+quelques choses, dont il se faut servir sans les sentir.
+
+CÉSAR. Quelles?
+
+HIPOCRATES. Il ne faut jamais sentir un oeuf, ni une huître, ni un con.
+
+NÉRON. A! jan voire, voici le mot pour rire.
+
+VATABLE. Je vois bien que vous ne le savez pas; je vous en ferai un beau
+petit discours démonstratif. Du temps que je me mêlois de prêcher en
+notre église, il y avoit un diacre qui étoit falot, & qui y avoit reçu
+de l'argent pour moi; il me vit ès hautes chaires en ma place. Alors il
+prit en main cet argent, enveloppé en du papier, & durant la messe il
+vint apporter le livre de l'évangile à baiser, me le présentant, il me
+ficha en la main ce papier avec l'argent; & me dit: _hæc sunt verba
+sancta_. Cela étoit le mot pour rire. Qu'ainsi ne soit, si on vous
+mettoit sur une table cent mille écus, & qu'on vous dît: ces écus sont
+pour vous, si vous en pouvez prendre trois poignées, ha! en disant sans
+rire: _gripeminaut_. A! hé, & vous riez déjà, vous n'aurez rien.
+
+NÉRON. Et dà, vous ne serez pas si mauvais; vous me donnerez vos restes.
+
+VATABLE. Oui, je vous ferai comme les valets des archers de la garde du
+roi, que l'on dit du corps. Parce que les meubles sont de plus grande
+conséquence, (témoins les Normands qui vont sur les bateaux par eau, &
+font porter leur procès par terre: d'autant qu'il y a bien à dire entre
+le bien & la vie. Celui que l'on jugeoit à Châtillon, ayant ouï son
+dicton, & qu'il seroit pendu, il le supporta: mais quand il ouït qu'il y
+avoit amende de vingt écus, qui étoit plus que les deux tiers de son
+bien, il dit qu'il en appelleroit, si cela n'étoit ôté, & bien on l'ôta,
+& il se laissa prendre, de peur de faire des enfans pauvres). A ces
+valets de garderobe il avient au rebours de bien. En été, ont gros
+habillemens; c'est que leurs maîtres les laissent, pour en prendre de
+neufs qui sont légers: & l'hiver venu, ils ont des habillemens légers;
+d'autant que leurs maîtres en prennent de pesans, & leur donnent les
+vieils, selon la coutume. Voilà comment leur bien va à rebours; & s'ils
+pouvoient patienter, il auroient, _non secundùm æquitatem, sed secundùm
+justitiam_: & da, je parle aux doctes, s'ils le peuvent entendre; &
+quand leurs habillemens sont usés, il faut dire: ne faites point de
+manches à votre pourpoint, le corps n'en vaut rien, voire, mais le corps
+vaut toujours mieux.
+
+LOUVET. Quoi! le corps vaut mieux que les biens? Zacharie Durant,
+libraire de Genève, ne le croyoit pas, quand il fut frappé de la peste,
+& que le chirurgien lui eût dit que ce l'étoit. Ha! mon ami, dit il au
+chirurgien, si je viens à mourir de cette maladie, je perdrai plus de
+mille florins à cette foire de Francfort.
+
+
+
+
+ORDONNANCE.
+
+
+XL. Ainsi que je demandois à boire, voilà un grand bruit. Quoi!
+dîmes-nous, est ce là le résultat de quelque pape qui se fait, ou le _Te
+Deum_ d'un fait tout nouveau? Non, ce dit Calepin, c'est que l'on vient
+de couper le cou à caresme; & nous en oyons le bruit qui en retentit de
+l'église notre-dame de Paris à Nantes.
+
+NERON. Comment cela?
+
+CALEPIN. Savez-vous pas que le C, est la tête de caresme, & A, est le
+col? Otez ledit A; le col sera coupé, & ainsi il demeurera cresme. Le
+corps joint à la tête sans cou, est tout vif, & ce à la catholique,
+d'autant que, le jeudi absolu, on fait le cresme.
+
+PANTALEON. Ce n'est pas cela; j'en viens. C'est de Beze qui vient
+d'arriver; & Æneas Sylvius l'est allé recevoir, à cause de la similitude
+de jeunesse. Et gai, nous voilà prou forts. Aussi-tôt qu'ils furent
+entrés, après avoir salué la compagnie, qui but plus de dix-sept pintes
+de vin d'Arbois, ils se mirent à s'entretenir de leur jeunesse: & comme
+ils devisoient profondément de leurs amours, voilà ce mélancolique
+Genebrard qui les vint interrompre. Et bien, leur dit-il, vous avez bien
+fait des folies, étant jeunes; vous avez écrit d'amour & de lubricité,
+que plusieurs ont tourné en sens réprouvé. Il est vrai que les bien
+doctes, & qui ne sont point pédans, ont trouvé vos écrits bons; mais il
+y avoit de l'excès: foin, jamais ces cucules ne font que lanterner le
+beurre. Va, dit Sylvius, j'étois dispos de la braguette, & relevé de
+gentillesse, quand j'écrivois mes galanteries: mais depuis, je condamne
+tout cela; je les désavoue. Et moi, dit Beze, je n'ai que faire de m'en
+excuser; je suis gentilhomme à ce que je dis, & comme je l'ai toujours
+témoigné, quand les notaires m'ont demandé ou écrit mes qualités. Et
+bien, j'ai été galant en jeunesse; aussi j'étois prieur, délibéré comme
+un affieur de meurtriers: mais depuis que je fus réformé, je retranche
+toutes mes foliettes joyeuses: & tout ainsi qu'un bienheureux Josué, je
+fis une belle circoncision de mes oeuvres juvenielles faites à la
+catholique. Tandis qu'ils disoient cela, je voyois les compagnons de
+Genebrard qui se moquoient; & par dépit, le juge dès-lors que les
+prêtres faisoient comme les putains. Toujours elles médisent les unes
+des autres. Ainsi en font les ministres en Angleterre, & les alquemistes
+par-tout. Voire, mais putains sont femmes: quelle différence y a-t-il
+entre les femmes & les prêtres? Ce sont gens de robes longues, grandes;
+les prêtres mettent leurs amicts sur leurs têtes; & les femmes mettent
+leurs amis sur le ventre.
+
+LE PREMIER-VENU. Vous ne faites que m'importuner & me rompre la tête de
+vos discours, tant vous les mêlez de biais; vous ne me laissez point
+venir à un propos pour le savourer: vous en dites un bon; puis vous
+gâtez tout. Vous faites ainsi que le curé de la Riche, qui disoit à son
+valet Maugin: mange les naveaux. Et lui qui se jettoit sur le milieu,
+disoit: grand merci, monsieur, le lard est bon. O! çà, j'ai assez parlé,
+sans boire; çà, page, baille-m'en; mais ne fais pas comme le laquais de
+la Roche-paille, qui, voulant donner un doigt de vin à son maître, en
+versa au verre, & mit le doigt dedans pour mesurer, & trouvant qu'il y
+en avoit trop, le but: mais après qu'il remesura, il y en eut trop peu à
+la fin il n'y avoit plus gueres de vin à la bouteille: le laquais emplit
+sa bouche & filoit dans le verre tant que le vin montra jusques au
+doigt, d'autant que son maître n'en vouloit qu'un doigt.
+
+BELLARMIN. Il étoit exact comme celui qui fit la belle tapisserie du
+verger, où il y a une Judith qui prie, & est à genoux devant une
+notre-dame: ainsi que l'on voit aux minimes de Tours une vierge Marie,
+qui dit ses heures de notre-dame agenouillée devant un crucifix; &
+l'ange est de l'autre côté qui dit son _ave_.
+
+PITHOU. Ha! par saint Jean, tu le déclares trop; va, je te laisse à
+l'abandon, tu parles comme un réprouvé.
+
+LUTHER. Taisez-vous, si vous êtes sage; ne savez-vous pas que nos voix
+ici sont autant de statuts, vu que nous sommes en état parfait? Il est
+vrai qu'il faudroit que ces guenippes en fussent hors.
+
+PITHOU. Voire, & pourquoi les injuriez-vous?
+
+BEZE. O! quand je m'en avise, je leur fais de l'honneur, parce que cette
+épithete de _guenippe_ vient de _Aganippe_, comme quand on dit
+_Citrieres les garces_; c'est-à-dire, _belle Vénus_.
+
+PITHOU. Tu leur feras de l'honneur, comme le Breton en fit à monsieur de
+Vendôme, du tems que j'étois son secrétaire; & je vous le dirai. Un
+monsieur de Trarmat vint voir monsieur de Vendôme; & se présentant
+devant lui, lui dit: monsieur, j'étois venu ici, pour vous faire la
+révérence. Monsieur lui dit: faites-la. Il la fit, puis se tint droit &
+debout près le buffet. Monsieur lui dit: mon gentilhomme, mettez votre
+bonnet, parlant à la veille gauloise. Le Breton fit une grande &
+profonde révérence. Or sachez que tels simples gentilshommes qui disent:
+monsieur, si votre cheval est jument, approchez-vous plus loin de moi.
+
+MAROT. (Et votre maître ne dit-il pas bien un plus beau trait au roi,
+ainsi qu'ils passoient un gué, & que devisant ensemble, le roi laissa
+boire son cheval, & monsieur votre maître ne voulut point permettre au
+sien de boire. Le roi lui dit: mon cousin, laissez boire votre cheval.
+O! ho, sire, il attendra bien, s'il veut, que monsieur votre cheval ait
+bu. O! ha, hé, monsieur Cheval est le clerc de ce grand juge du palais,
+qu'un jour quatre des plus signalées dames de la cour, (comme, sans
+faire comparaison, madame de... je ne le dirai pas, ce sera le
+commentateur) & autres l'étoient allé voir, pour le prier pour un
+procès: il les laissa, ayant parlé à elles; puis ayant fait un tour en
+sa chambre, attendant qu'elles sortissent, il appella son homme, & dit:
+Cheval. Plaît-il, monsieur? Ces putains sont-elles encore là-bas? Elles
+l'oient; parquoi, de peur de l'être davantage, elles s'en allerent.) Et
+bien, ce Breton?
+
+PITHOU. A! a, bien, je vous dirai; son fils représente sa personne. Il
+avoit au busque de son pourpoint, à faute de mallette, son joyeux &
+gaillard bonnet de nuit. Oyant monsieur dire: mettez votre bonnet, étoit
+en peine; le maître d'hôtel lui dit: faites ce que monsieur vous
+commande, il ne veut point de cérémonies. Mais, dit-il, ses pages se
+moqueront de moi. Ils n'oseroient. Adonc le Breton, mettant son chapeau
+sur le buffet, mit la main au sein, & tira son bonnet de nuit, dont il
+s'affubla, & puis se vint promener avec monsieur.
+
+LE DISCIPLE. Quand vous avez dit monsieur, je pensois que vous
+parlassiez de feu monsieur notre maître, qui fut évêque de la
+Basse-Bretagne, lequel ayant fait son coup d'essai d'une grand-messe,
+demanda à son grand-vicaire s'il avoit beaucoup failli. Non, monsieur,
+dit-il, vous avez bien fait, sinon que vous avez un peu failli à la
+patenostre.
+
+DU VERDIER. Notre aumônier n'y eût pas failli, il disoit la messe bien
+diligemment. Il avint qu'un jour, lui absent, se présenta un prêtre qui
+dépêcha fort; & quand il fut revenu, on lui dit qu'il étoit venu un
+aumônier qui disoit la messe plus diligemment que lui. Sandregille,
+dit-il, il n'en dit donc rien, d'autant que je n'en dis pas le quart. Ce
+fut lui que monsieur vit abattre une garce; & dès le matin, pour faire
+journée. Etant retourné, monsieur lui dit: messire René, je vous prie de
+dire la messe. Il dit: monsieur, je vous supplie de m'excuser; je vous
+assure que, sans penser à mon affaire, j'ai trouvé une prude; & j'en ai
+passé outre. Oui, dit monsieur, je vous ai bien vu que vous secouyez le
+prunier.
+
+
+
+
+ARGUMENT.
+
+
+XLI. Hé bien, à propos de vous, messieurs, vous direz que je suis fou;
+je voudrois le pouvoir devenir; parce que sitôt que je le serois, je
+serois aussi-tôt exempt du feu, si on me disoit hérétique; délivré de
+prison, si je devois; non sujet au consistoire ou à la mercuriale, ou à
+la réprimande. Et pourquoi les fous ont-ils de si belles libertés &
+priviléges? Parce que l'empereur Justinian, qui gouverne encore le monde
+fou, est devenu fou durant sa vie; par ainsi les fous sont empereurs, &
+_è converso_. Et vraiment je ne m'ébahis pas si mon pere mourut par
+faute de bon gouvernement; _crede mihi_. Quand je revins de voyage, je
+ne trouvai point d'eau dans le seau, encore moins en la seille: il
+mourut comme à Dole à la danse Macabre; il y a la mort, qui parle à un
+beau jeune homme, & lui dit:
+
+ Ah, galand, galand,
+ Que tu es fringand!
+ S'il te faut-il meure.
+
+Et lui répond:
+
+ Et mort arrogan,
+ Pren tout mon argean,
+ Et me laisse queurre.
+
+L'AUTRE. O bien, si vous me calomniez, c'est tout un, il n'y a point de
+ma faute. Le valet de l'aumônier, à qui les autres faisoient la guerre,
+le dit bien à messieurs du bureau: vraiment, messieurs, il n'y a que les
+pauvres que l'on canonise. Or bien, touche-là; Vigneau; ta femme est
+femme de bien, je le crois, si l'ai-je besognée aussi bien que toi. O le
+niais! Elle est si laide, que je ne voudrois avoir affaire à la femme,
+non plus qu'au mari. Passons outre; je sens déja que ce livre nous
+échappe, & me semble que je vois déja un fripon de proposant, qui est
+joint avec un aspirant à la prêtrise _mediante coquedindo_; & ils disent
+que je suis nigromanchian, que je fais parler des morts. Je suis bien
+plus habile que cela: les morts ont parlé; ils le savent bien: mais je
+fais parler les bêtes; & beaucoup parleront, si dieu plaît. Mais avisez,
+s'il vous plaît, à tout ce qui se fait, ou que l'on fait en ce monde;
+tout cela a une fin certaine; je vous en ferai une démonstration
+notable. Allez chez un peintre, & voyez-lui broyer les couleurs.
+Savez-vous bien pourquoi on prend tant de peine à les broyer
+diligemment? Je vous ai dit un grand secret; avisez-y: prenez la
+mollette & la levez; & vous verrez de beaux arbrisseaux & branchages qui
+y sont haut & bas. Et voilà la cause pourquoi, la fin pour laquelle, les
+aveugles se connoissent en couleurs: & pource, si tu crains la goute,
+abbas-là, fous-là. Ma fille, ô belle servante, si mon valet te prie d'un
+peu de jouissance, prens un bâton & lui en donne, tandis que je
+m'amuserai à ces gens de réputation, qui sont pleins d'honneur, comme
+une truye de poivre.
+
+LE BON HOMME. Or çà, mes bons amis, vivons en liberté, notre convive
+s'acheve, ils sont sur le dessert: je suis un peu sorti, pour vous le
+dire. D'autres pour tout recueillir le reste que j'ai oublié pour mon
+plaisir & votre commodité, d'autant que les yeux vous feroient mal, qui
+seroit fort au désavantage de votre vue.
+
+QUELQU'UN. Bien donc, dites-moi, avez-vous envie de parvenir? Lisez ce
+volume de son vrai biais. Il est fait comme ces peintures qui montrent
+d'un & puis d'autre. On m'a dit qu'il y a quelques malotrus qui ont dit:
+voici des traits d'athéiste. En da, je n'en sais rien; je m'en rapporte
+à eux. Si j'ai rencontré à dire leur naïveté, ç'à été sans le savoir. Je
+joue au colin-maillard; je prends ce que je trouve. Mais eux, qui sont
+sages & pleins d'intelligence, ils font tout par élection &
+connoissance. Il est toujours avis au chat breneux que la queue lui pue.
+Ne vous déplaise, si j'ai dit quelque chose qui regarde ou oye de côté,
+& sente mal à votre goût, ce n'est pas ma faute; c'est une perspective
+d'oreille qui est gauchie: & puis les parfaits sont aux cieux. Si je
+m'ébats à me moquer de vous, ébattez-vous à dire bien de moi, afin que
+ce ne soit de vous dont je parle. Et puis, qui sait en bon escient que
+je veux dire, s'il n'a vu & lu le tout; & n'a requis le vrai sens de mon
+affaire? Et par la double fressure de mon petit chien, (j'ai quasi juré
+comme un connestable, & pris dieu partout: mais je me suis retenu par
+votre exemple), & vous dites donc, que je suis un moqueur, un
+contempteur? Il est vrai, si vous le prenez selon votre folle fantaisie,
+qui ne vaut pas une foutée de chat: aussi je contrôle vos sottises, &
+condamne vos impudences. Or chacun juge selon le poids de sa charité. Et
+de-là les bonnes religieuses qui apprendront ceci par coeur, diront: il
+est bon homme; il taxe les vices d'une belle façon. Et pour l'amour de
+cela, je me mettrai à faire un beau livre, où je vous dirai la vérité
+tout au rebours des autres, & d'une façon si belle, que je le publierai
+après ma mort, afin que l'on voie que je dirai de bonnes choses, que je
+n'entendrai non plus que vous autres: & si deviendra tant authentique,
+que le monde de son temps le priseront sur tous, & le diront l'unique;
+tellement qu'ils tiendront tous les auteurs, ainsi que vous, comme vrais
+fous qu'ils sont, se travaillant pour néant, & pour penser acquérir une
+réputation qui se porte à Paris sur des crochets, comme fagots bénis.
+Malheureux sont ceux qui se donnent de la peine, pour avoir bruit d'être
+ou pipeurs, ou flatteurs ou mercenaires, dicteurs de folies d'autrui. Et
+afin que je puisse un jour commencer ce volume, je mettrai ici un tronc,
+tel qu'il est en notre ville, auprès le portail de la grande église:
+
+ Vous qui avez mine d'être homs,
+ Et qui semblez être hommasses;
+ Apportez quatre gros étrons,
+ Afin que l'oeuvre se parfasse.
+
+Et je vous promets que vous y gagnerez, & davantage, y apprendrez tout
+ce qu'il y a de bon en ce monde, ce que je vous prouverai en toutes &
+maintes sortes.
+
+
+FIN.
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by
+François Béroalde de Verville
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57880 ***
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-The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by
-François Béroalde de Verville
-
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-
-Title: Le moyen de parvenir, tome 3/3
-
-Author: François Béroalde de Verville
-
-Release Date: September 9, 2018 [EBook #57880]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
-Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
-(This book was produced from scanned images of public
-domain material from the Google Books project.)
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-LE
-
-MOYEN
-
-DE
-
-PARVENIR.
-
-_NOUVELLE ÉDITION._
-
-Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.
-
-_Caritas inter jocosve regnat Moria._
-
-TOME TROISIEME,
-
-A LONDRES.
-
-M. DCC. LXXXI.
-
-
-
-
-[On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome
-troisième, extrait du tome premier de l'original.]
-
-_SOMMAIRE_
-
-DES CHAPITRES.
-
-_TOME TROISIEME._
-
-I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du
-meûnier complaisant.
-
-_Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10.
-
-II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée;
-& de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à
-ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je
-crois, elle fut dupe.
-
-_La file violée_, p. 8.
-
-_L'amant trop complaisant_, p. 9.
-
-_La femme chere à vivre_, p. 10.
-
-III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé.
-
-_Conte du ministre et de la servante_, p. 13.
-
-IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier.
-
-_Conte de l'âne bâté_, p. 15.
-
-_Conte du nom du paysan_, p. 17.
-
-V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux
-mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans
-une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée.
-Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son
-rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes
-délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement.
-
-_La famille bien élevée_, p. 23.
-
-_Le paysan et le rapporteur_, p. 25.
-
-VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la
-conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus
-impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la
-femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par
-l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la
-main.
-
-_Conte du barbier_, p. 32.
-
-VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier
-qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties
-singulieres.
-
-_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35.
-
-_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39.
-
-_Pari d'un paysan_, p. 40.
-
-VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de
-séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques
-& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité.
-Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque.
-Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau
-froide.
-
-_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44.
-
-_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47.
-
-_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50.
-
-IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les
-prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés,
-présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de
-prédicateurs.
-
-X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur;
-explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les
-convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui
-déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne
-se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un
-François.
-
-_Le curé curieux_, p. 55.
-
-_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60.
-
-XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien.
-Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une
-épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de
-circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central.
-Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on
-presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens
-très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui
-fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église.
-Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés.
-
-_Conte du cheval chrétien_, p. 64.
-
-_La fille & l'oeuf_, p. 66.
-
-_Conte du crucifix du curé_, p. 67.
-
-XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des
-prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats &
-rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils
-s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris
-pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste
-que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le
-transport au cerveau.
-
-_Soldat pris en maraude_, p. 73.
-
-_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77.
-
-XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre
-nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une
-connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage.
-Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le
-lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la
-fourchette de St. Carpion.
-
-_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82.
-
-_La fourchette de S. Carpion_, p. 86.
-
-XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui
-peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des
-femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce
-qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent
-encore. Conversation de Frostibus & de Luther.
-
-XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une
-abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour
-rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On
-recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour
-épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi &
-privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si
-reconnoissantes.
-
-_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105.
-
-XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne
-cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la
-maison. Métier de huguenot à vendre.
-
-XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans
-son genre.
-
-XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont
-les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable
-au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas
-obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le
-latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai.
-
-_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125.
-
-XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes.
-Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce
-qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un
-maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être
-ministre, c'est à peu-près de même.
-
-XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison.
-Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_.
-
-_Confession du Chien_, p. 135.
-
-XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande
-dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la
-Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un
-bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine,
-qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont
-faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le
-nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il
-y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames.
-Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas
-les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le
-sotier de Genêve.
-
-_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153.
-
-XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire
-des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou
-l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_.
-Obstination d'une femme. Invention du célibat.
-
-_Conte des génitoires noires_, p. 156.
-
-XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux
-prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que
-cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand
-on passe devant la porte d'une putain.
-
-XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots
-plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal.
-
-_Le Pendu de Douai_, p. 166.
-
-_La bonne fortune de Colette_, p. 170.
-
-XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces.
-
-XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_.
-
-XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le
-fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche
-la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets
-singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante.
-
-XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu
-de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris
-pour le diable.
-
-_Conte de Jean Tenon_, p. 181.
-
-_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184.
-
-XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui
-croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités
-d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve
-clairement que Rabelais a été évêque.
-
-XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter
-des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni.
-Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties.
-Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue
-par un savant & un menuisier.
-
-_Femme qui rend le pain béni_, p. 195.
-
-XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots.
-Rêverie de Cardan.
-
-XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante
-demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide
-de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la
-femme battue.
-
-XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de
-l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible.
-
-XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de
-l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois.
-Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de
-conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere
-de connoître les hommes & les femmes fideles.
-
-_La femme battue_, p. 208.
-
-_Le jeu de la courte-paille_, p. 216.
-
-XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de
-part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse
-favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte
-de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on
-en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce
-livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses
-affaires par trop de zele de son valet.
-
-_Conte de la femme bercée_, p. 220.
-
-XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la
-bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées.
-Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de
-souliers en une heure.
-
-XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort
-demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique.
-
-XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les
-Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux
-dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation
-s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une
-marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon
-de se torcher le cul avec du papier blanc.
-
-_Le jardinier & sa femme_, p. 239.
-
-_Le faiseur d'enfans_, p. 242.
-
-XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où
-une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir
-de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de
-femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il
-faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui
-n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le
-condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un
-libraire à l'article de la mort.
-
-XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de
-contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître.
-Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, &
-quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le
-prunier, devinez ce que c'est.
-
-XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur
-l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_.
-
-
-
-
-LE
-
-MOYEN
-
-DE
-
-PARVENIR.
-
-
-
-
-LEÇON.
-
-
-I. Il n'y a rien tel que faire bonne chere, besogner un peu, & avoir de
-l'argent. Voilà, le sage Ulisse préféroit la cuisine au nectar & à
-l'ambroisie de la belle Calipso. Aussi, que diable servent tant de
-vétilles? Il n'est que de faire grand-chere, & se réjouir; c'est vivre
-cela: &, n'en déplaise à ces couillasses de prédicateurs, qui se crévent
-tous les jours de la semaine, pour jeûner la nuit, comme bons
-catholiques, lequel vaut mieux crever de graisse ou sécher de pauvreté?
-C'est ce que me disoit mon compere Bagautier, qui avoit la vérole:
-autant vaut pourir sur terre, qu'en terre, & puis qu'on a un jouet, que
-Dieu a donné pour s'ébattre, que si cela ne se faisoit, on troubleroit
-toutes les fusées du grand dévidoir du destin.
-
-CÉSAR. Je ne sais quel petit semblant; mais jamais je ne fus sur aucune
-pour néant.
-
-HERODOTE. Ne le prenez pas là pour néant; c'est-à-dire, un coup, & puis
-plus. Cela vaut autant qu'à coupe-cul. Il m'en avint ainsi, quand je
-donnai une chaîne d'or à la belle Drogueuse; qui la prit, & me fit
-passer une nuit avec elle joyeusement. Depuis, quand j'y voulus aller,
-ne me connut plus. Elle est de celles qui le veulent faire sans péché &
-scandale. On ne s'apperçut jamais pour un coup. Un refus à un, qui l'a
-fait une fois, est le corrigement de toutes les autres; & afin que vous
-ne me gaussiez, je vous déduirai mon aventure de cette-ci. Un meûnier
-avoit une belle femme; _elle se nommoit Denise, aimoit mieux chauffer
-son cas, que brûler sa chemise_: & puis on dit que je radote, ramenant
-les vieux proverbes.
-
-ERASME. Mais comment diriez-vous en un mot, une femme qui se chauffe, &
-a un chat entre les jambes ou sous ses robes?
-
-HÉRODOTE. C'est _consumis_. Et s'il n'y avoit point de chat, ce seroit
-_convoitison_. Or vous qui en savez tant, dites-moi en grec ou en latin,
-c'est tout un, comment vous diriez en un mot un homme qui n'a point
-d'argent, qui en voudroit bien avoir, qui en feroit grand-chere.
-
-ERASME. Voilà bien des paroles, ô, ho, a, ha; il ne faut que dire:
-_ego_; parguoi, vous vous y entendez, comme un aveugle à tirer des
-cirons. Mais revenons un peu à cette meûniere.
-
-HÉRODOTE. Le curé présente donc son service d'amour à Denise; & elle le
-refuse tout sec, d'autant qu'elle n'étoit pas encore saoule de son mari.
-Il la presse, & continue importunément sa recherche, parce qu'en usage
-de prêtre, il ne faut que pousser & s'encrucher.
-
-CUSA. Je pense que tu as été prêtre, ou moine, pour autant que tu les
-déprises ainsi; & que tu ne saurois tant de leurs affaires.
-
-HÉRODOTE. Oui, j'étois le nourricier de leur cul, je lui baillois de la
-bouillie, & ce qui me demeuroit aux doigts, je le vous faisois lécher.
-Denise fâchée, & aussi importunée qu'une garce qui a deux maîtres
-d'ordinaire, lesquels sont comme les bouchers de notre pays, qui sont
-deux à une bête, dit à son mari que ce prêtre la requeroit de lui faire
-tout ainsi qu'il lui faisoit, quand ils s'ébattoient pour s'endormir. Le
-mari y ayant pensé, & s'estimant trop homme de bien, pour n'être point
-cocu, jugea qu'il le falloit être à profit; & qu'aussi bien ne
-pouvoit-il faillir que cela n'avînt, ou pour néant, ou à son
-désavantage, ainsi qu'ordinairement il échet à vous autres messieurs. Ne
-voulant donc demeurer à l'être, comme une pauvre sorte de marauds qui
-n'ont point d'amis, lui dit qu'il falloit y aviser, & que si ce curé lui
-vouloit donner ses quatre septiers de froment, qu'il avoit eu de son
-gros de saint Maurice d'Angers, (qui est le fils de celui de Tours, à ce
-qu'on m'a dit) qu'elle ne feroit point mal d'y entendre. Ma mie, il fait
-bon gagner quelque chose, cette année que tout est si retiré: une nuit
-n'est pas tant, il y en a plus que de semaines. De par dieu, soit. Il
-est bonne personne; il n'en sera que plus gentil, & nous en aimera
-mieux; il nous confessera pour rien; fait bon épargner. Il n'est si bel
-argent qui ne s'en aille. J'irai aux champs; & tu lui donneras une
-assignation. Une fois n'est pas tant, pour avoir du bled; s'il le veut,
-il aura du plaisir; mais il le paiera. Est-ce pas raison? Promets-lui;
-mais n'y faudroit pas retourner. Pour une nuit, passe; tu auras eu
-autant de bon tems, tandis que je m'épargnerai pour une autre fois;
-aussi-bien me faut-il un peu reposer; mais n'y faudroit pas retourner.
-O! mon ami, j'aimerois mieux être tombée sur la pointe d'un oreiller, &
-m'être rompu le cou sans me faire mal, saine & sauve soit la compagnie,
-que d'y avoir pensé. Le complot pris, Denise attendit le curé, qui ne
-faillit à venir encore pour tendre ses gluaux. Ainsi qu'il est à deviser
-avec elle sur le sujet d'enfiler des perles, elle lui dit: en da vere,
-vous causez assez, vous autres prêtres, & voulez avoir ébat; mais vous
-ne voulez rien donner. O, ho! & ne tient-il qu'à cela? Demande-moi tout
-ce que tu voudras; tout ce que j'ai est à toi, mon connaud; dis-moi ce
-que tu veux. Mon mignon, j'ai un mari fâcheux; & il me gronde, parce que
-j'avons faute de bled. Donnez-moi vos quatre septiers de froment; &
-venez coucher avec moi, quand vous voudrez, pourvu que mon mari soit
-allé aux champs. Il pourra bien y aller ce soir; attendez & revenez
-après vêpres, & je vous le dirai; si d'aventure vous ne le voyez passer
-sur son grand mulet. Le curé sortit. Le mari, tout averti, monte sur son
-mulet; il passa, sur la soirée, par devant le presbitere, où le curé le
-guettoit à passer. Il fut bien aise, & lui dit: où allez-vous compere?
-Je m'en vais à cinq lieues d'ici quérir du bled, monsieur le curé. Dieu
-vous conduise, mon compere. Adieu, monsieur le curé; & d'aller; & le
-curé de venir au moulin, d'où l'autre âne fut envoyé au presbitere
-quérir le bled. Cependant le chapon rôtissoit. Le curé, qui tant avoit
-ouï dire de tours faits aux autres, se voulut assurer & en prendre une
-poignée sur la mine, avant que de se coucher; ce qu'il fit
-gracieusement, forçant la meûniere, en dépit qu'elle le vouloit bien.
-Puis ils souperent, puis ils se coucherent, puis s'embrasserent, & puis
-ils firent la belle joie, & de ce qu'il peut: on ne fait pas ce qu'on
-veut. Il s'ébatit à bon escient pour son bled; & sans apostrophe, avec
-plénitude d'efficace réelle. Et boute, mon ami, boute; tout ce bon bled
-passera bien par une trémie. Il est vrai qu'elle n'osoit y prendre
-autant de plaisir qu'avec son mari, de peur de le faire cocu, & qu'elle
-prît goût au revas-y. Voilà comment elle étoit forcée.
-
-LE BON HOMME. Elle l'étoit, comme celle qui fit mettre en prison messire
-Ambroise; lequel, à ce qu'elle disoit, l'avoit forcée; mais achevez ce
-curé.
-
-CÉSAR. Laissez-le un peu faire à son aise.
-
-
-
-
-SUPERSTITION.
-
-II. LE BON HOMME. Vous savez que ceux qui sont en prison, sont instruits
-par les autres, ainsi que le fut cettui-ci, qui, étant amené devant
-l'official, fut interrogé en la présence de la fille. Venez ça, mon ami.
-Connoissez-vous pas bien cette fille-là? Oui, monsieur. L'aimez-vous pas
-bien? Oui, monsieur. L'avez-vous baisée quelquefois? Oui, monsieur.
-L'avez-vous quelquefois poussée, pour vous accoupler avec elle? Oui,
-monsieur; mais elle remuoit & tempêtoit, se trémoussant si fort, que je
-ne sais si j'ai mis dedans ou dehors? Elle va répliquer: hélas!
-monsieur, le grand menteur! Je ne remuois pas, par mananda, non plus
-qu'une pauvre piece de bois. O, ho, dit le compagnon, je ne vous ai donc
-pas prise par force? Que fait notre curé.
-
-HÉRODOTE. Laissez-le moudre son bled. Il fait possible, comme le
-jardinier qui trouva sa maîtresse endormie, une jambe en bas & l'autre
-sur le lit. Il leve sa robe, pour voir si elle faisoit semblant, puis la
-cotte, puis la chemise; & lors il vit le but d'amour, aussi prêt à
-s'émouvoir qu'une rose fraîche: il y fiche sa fleche; & comme il
-poussoit trop fort, elle s'éveilla, & le voyant, lui dit: qui vous a
-fait si hardi? Je m'ôterai, s'il vous plaît, madame. Je ne vous dis pas
-cela, vous êtes un sot; je vous demande qui vous a fait si hardi?
-
-GRATIAN. Ce mot de _sot_ est fâcheux, si est-ce que le chevalier de Brin
-l'endura bien de mademoiselle de Morfaut, qui, sur les discours qu'ils
-tenoient à l'usage de chevalerie Maltoise, lui demanda: or ça, mon
-gentilhomme, en bonne foi, voudriez-vous pas bien m'avoir besognée? Oui
-vraiment, madame; & ne vous en déplaise, je voudrois bien vous avoir
-embrassée amoureusement, homocentriquement & résolutivement. Allez, vous
-êtes un sot, le plaisir seroit passé; pour être content, il voudroit
-mieux me le faire.
-
-HÉRODOTE. Comme possible fait notre nouveau meûnier. Faisons-le lever:
-il est trop aise. Si-tôt qu'il fut debout, il s'en va chez lui, la queue
-entre les jambes, honteux comme un coq plumé tout vif. Quelques jours
-pensant à ses évacuations de la premiere, seconde & troisieme figure.
-
-NÉRON. Il étoit aussi étonné que le conseiller de Blois, à qui sa femme
-demandoit une robe: vraiment, ma mie, je ne le vous fais coup qui ne me
-coûte plus de dix écus. Et certes voire, faites le tant qu'il ne vous
-revienne qu'à un douzain; il ne tiendra pas à moi, si vous pouvez, que
-vous ne me deviez du reste.
-
-HÉRODOTE. Le meûnier revenu, vit bled, dont il fut content; mais il dit
-à sa femme qu'elle n'y retournât plus, à peine d'avoir le cou rompu.
-(Ainsi la nécessité fait faire des choses qu'il faut quitter, quand on a
-ce qu'on demande.) Mon ami, je l'entends ainsi; je ne ferai jamais que
-ce qu'il vous plaira. Or bien n'en parlons plus. Deux ou trois jours
-après que le meûnier étoit aux champs, le curé vint voir Denise, & se
-mit à la caresser & baiser. Laissez-moi, monsieur le curé; si mon mari
-venoit, il nous feroit méchef. Quoi! je vous ai bien fait tout ce que
-j'ai voulu; & vous faites la revêche? Quoi! votre cas est-il plus cher
-ou plus sage que l'autre jour? Voyez, monsieur le curé, je n'en ferai
-rien; il est résolu: ce qui est fait est fait; & rien n'aurez davantage,
-y fussiez-vous d'ici à cent ans. Pour le moins, baisez-moi, ma mignonne.
-Que vous êtes importun! Il la baisa, il la tâta au tetin, il mit la main
-sous sa cotte, il veut prendre le chose; elle l'empêche, & fit trop la
-courroucée & pleureuse. Comme il veut prendre le calendrier historial,
-pour marquer le nombre: hélas! que voulez-vous faire? Si mon mari
-venoit, je serois perdue. Laisse-moi, je te prie; je ne te ferai pas
-plus de mal, que je fis l'autre nuit. Que tu es fâcheuse! Et pourquoi
-non? Pour un petit coup, comme l'autrefois. Si mon mari venoit? Il ne
-viendra pas. C'est tout un; je n'en ferai jamais rien; il ne l'a pas
-dit. Or ça, laissez-moi; ôtez-vous. Quoi! à tout sans revenir? Oui. Pour
-le moins, pour lui dire adieu; puisque tu es si mauvaise, que je voie
-ton chose. Vous ne m'importunerez plus, si je vous le montre? Non, je
-t'assure, & je te le jure, foi de consistoire. Cela promis, elle se
-retrousse, & lui montre son chose; ce qu'ayant vu, il se signa, en
-s'écriant: ô quel grenier, où j'ai mis mon bled!
-
-GALIEN. Elle ne fit pas comme la femme du grand Pierre de Barace, qui me
-trompa. Nous parlions de faire le petit verminage, & de voir les pieces;
-sur quoi elle me dit: si vous me vouliez donner un teston, je vous
-monterois mon con. J'y allois à la bonne foi, & mis la piece d'argent en
-main tierce; & elle monta sur un coffre: or ça, je vous ai dit que je le
-monterois. Je ne le vois pas. Je ne vous ai pas dit que vous le verriez,
-ou que je le montrerois, mais monterois: allez étudier.
-
-ARISTOTE. Or réfléchissons sur ces moult beaux adages & rencontremens:
-c'est donc du fait de ce meûnier qu'est procédé le proverbe pour ceux
-qui ont dépendu de l'argent, ou bien pour tels pertuis: _il a mis son
-bled au grenier au prêtre_.
-
-CRESPIN. L'âne & le meûnier sont relatifs.
-
-CEDRENUS. Il faut ici mettre l'âne du peintre.
-
-GLYCAS. Ayez patience; nous voulions donner à boire à ce curé; puis
-l'âne viendra son petit train.
-
-
-
-
-
-THÊME.
-
-
-III. Un ministre avoit une piece de bon vin, qu'il gardoit aux bonnes
-bouches. Il avint qu'il en voulut avoir, pour envoyer à un sien ami; &
-il descendit lui-même avec la chambriere, pour faire emplir la
-bouteille; mais il n'y avoit pas d'ordre: il étoit trop bas. (Il eût eu
-besoin de priere, comme la bonne femme qui prioit dieu que hausse qui
-baisse, & que baisse qui hausse: hausse qui baisse, étoit pour son vin;
-& baisse qui hausse pour son lard, qui étoit pendu au plancher, qui
-haussoit, plus on en prenoit.) Le ministre n'étoit point content que son
-vin fût diminué sans s'en être senti. Comme il s'en tourmentoit, la
-chambriere disoit: il faut qu'il s'en soit allé par quelque part. Et
-elle faisoit l'empêchée de regarder par-tout; puis elle s'avisa de
-monter sur le tonneau, pour voir s'il n'y auroit point quelque fente
-derriere. Etant dessus, & se baissant la tête, voilà ses robes qui se
-renversent sur son échine, chemise aussi; & son maître qui tenoit la
-chandelle, va voir la grande essoine qu'elle avoit entre les cuisses.
-Elle faisoit si beau jeu, qu'on l'eût vu jusqu'à l'herbier. Allons,
-allons, dit-il, ôtez-vous de-là; l'ai vu la fente par où mon vin a
-coulé.
-
-CEDRENUS. Vous aviez cela à dire, pendant que je faisois paître mon âne.
-
-
-
-
-
-THESE.
-
-
-IV. Un viel peintre avoit une femme jeune, belle & jolie, dont il étoit
-fortement jaloux, ainsi qu'il est séant à tel âge. Cette jeune femme
-faisoit semblant de n'y penser pas. Toutefois elle n'étoit point
-contente de ce que son mari ne tiroit pas si souvent au naturel, qu'elle
-eût désiré: à quoi elle pourvut au moyen & aide d'un jeune peintre, en
-quoi elle se gouvernoit tant simplement & faisant la chatemite, qu'il
-sembloit qu'elle n'y touchât pas. Même elle portoit un semblant tant
-nice & honteux, qu'elle faisoit presque difficulté de regarder l'endroit
-de la braguette, & eût fait conscience d'ouïr parler un homme. Toutefois
-cela n'effaça point l'ombrage de son mari, qui, ayant affaire aux champs
-pour quelque temps, sur le point qu'il falloit partir, ne pouvant plus
-s'en excuser, étant necessaire qu'il y allât, avoit fort mal à la tête.
-(Les dames de Touraine font distinction entre mal & douleur de tête.
-Mal, c'est quand il est comme de ce peintre; douleur, quand le sens
-triste l'occupe. Quand donc l'opinion cornue est en la tête, c'est mal;
-& cela fait ainsi, à ce que m'a conté le sire André T. comme quand une
-dent perce; c'est que, la corne perçant, cela fait mal.) Etant le
-peintre sur la conclusion de son partement, il dit à sa femme: ma mie,
-je vous aime beaucoup; mais je désire de vous quelque chose, qui me fera
-assurance de votre honnêteté. Mon ami, tout ce qui vous plaira; je ne
-vous ai jamais refusé de rien, ni ne ferai. Sur cet accord, & lui ayant
-dit son intention, sur la peau de son ventre, où elle est plus licée &
-polie, il y peint un âne, puis s'en alla. Il ne fut pas gueres loin, que
-le compagnon ne vînt voir la belle, & garder le corps de cette femme, à
-laquelle il savona bien & beau les fauxbourgs des fesses. Comme elle
-sentit le proche retour de son mari, elle avisa son ami de cet âne, qui,
-y regardant, le vit tout effacé, excepté la tête & les jambes. Hélas!
-que ferai-je, dit-elle? Ne vous souciez; je les racoûtrerai bien. Ce
-qu'il fit, & le vêtit d'un petit joli bât tout neuf, si que le voilà
-joyeux près la pâture vitale, & étoit si bien qu'il n'y manquoit que la
-parole. Le mari revenu, fut reçu, avec une douce liesse & bonne chere,
-comme le bien aimé, à force accollées & baisers mignons. Sur le soir, en
-devisant, il s'avisa: Eh bien ma mie, notre âne? Mon ami, je n'ai point
-pensé à lui; je ne sais comment il se porte. Il leve la chemise de sa
-femme, & le regarde. A, ha, dit-il, en grande admiration, voilà bien mon
-âne; mais au grand diable soit qui me l'a bâté. Depuis, pour parler en
-paroles couvertes, on a dit: _bâter l'âne_, pour signifier faire,
-verminer, besogner, &c.
-
-ANTIPHON. Les filles de notre pays disant en paroles couvertes, parlent
-bien autrement, témoin la fille de chambre de mademoiselle de la Forest,
-femme d'un conseiller. Un paysan lui apporta un lievre, qu'il mit, en
-l'absence de monsieur, ès mains de la fille de chambre nommée Andrée,
-laquelle il prie affectueusement de le présenter à monsieur, & lui
-recommander son procès, dont il étoit rapporteur, & qu'il avoit nom le
-Vit. (Une dame ne fit pas, un jour, difficulté de le nommer. Je lui
-faisois je ne sais quelle petite haire; & elle me vouloit dire: vous
-faites bien les trois lettres, S, o, t, sot; elle brocha des babines,
-elle me dit: vous faites bien des trois lettres, V, i, t, vit.
-
-LEON L'HÉBREU. Et ma cousine Esther, qui avoit nommé son cela
-naturellement, me répondit naïvement. O ma mignonne! lui dis-je,
-qu'avez-vous dit? Vraiment, mon coeur, dit-elle, je n'ai pas dit con).
-
-ANTIPHON. Durant le dîner, Andrée s'avisa de son message, & dit: à
-propos, monsieur, il est venu ici un homme qui vous a apporté un grand
-lievre. Où est-il? Je le vais quérir. Le voilà. Vraiment il est beau; il
-le faut mettre en pâte. Monsieur, il vous recommande ses affaires, ce
-pauvre homme. Comment a-t-il nom! Je ne l'oserois dire; il est trop
-sale. Si vous ne le dites, je ne saurai qui m'aura donné ce lievre.
-Ardez, monsieur, vous savez bien qui il est; je n'oserois dire ce
-nom-là, il est trop sale. Mademoiselle lui dit: dites-le en paroles
-couvertes. Bien donc, Monsieur, il a nom comme cela avec quoi on fout.
-
-MUNSTER. D'un âne vous êtes venu à un lievre, je crois que c'est à cause
-des oreilles; à raison de quoi, pour le mettre en cosmographie, je vous
-dis que je ne vis oncques âne plus joli, que celui d'un apothicaire de
-Tours. Son maître même m'en a assuré, nous en faisant le discours ainsi.
-J'ai l'âne le meilleur du monde: même il est si naturel, qu'il me sent
-d'une demi-lieue.
-
-
-
-
-
-CHAPITRE.
-
-
-V. Vous me faites souvenir d'un voyage que nous fîmes en Espaigne;
-l'année que l'empereur devint fou. Je pense qu'Espaigne, c'est-à-dire,
-_Espargne_, _i_, pour _r_, comme il est écrit ès prologues des
-institutions de droit. Etant avec ces magnifiques, ils nous fêtoyerent
-aussi magnifiquement, & le tout de paroles. Je ne vis jamais tant de
-beaux banquets de paraphrases; les paroles y étoient apprêtées en toutes
-sortes; il y en avoit de couvertes en mode de pâtés de venaison; il y en
-avoit de rassises, pour manger avec du pain frais: le menu étoit de ces
-petites paroles, syllabes & lettres que l'on mange en poésie & en prose.
-Certainement ils nous en firent bonne chere: mais cela pourtant nous
-passoit apostrophiquement par la bouche. Les confitures & le dessert
-étoient révérences: & pour la bonne bouche, nous eûmes le mot de guet, &
-le mot pour rire. Voilà comment nous fûmes traités, avec belle eau
-fraîche, si nous en voulions. Cela étoit mal au ventre. (Ils ne nous
-traiterent pas, comme le mercier de Loches faisoit sa femme. Sa mere lui
-dit: mon ami, traitez-là bien _doucement_. Vraiment il le faisoit; il
-lui bailloit des oussemens. Ainsi les sages-femmes l'entendent, quand
-elles disent aux premieres grosses des autres: consolez-vous, ma mie, il
-en sortira plus doucement qu'il n'y a entré.) Or, nous fûmes bien
-arrivés auprès de la bonne eau d'Espaigne. Vraiment, si jamais je refais
-ma cosmographie, je ferai telle description de ce pays là, que l'on
-croira aisément que les peuples y sont enragés.
-
-APICIUS. Mais à propos d'eau, quand un homme entre où l'on dîne, lequel
-est le plus excellent, si on lui présente de l'eau ou du vin!
-
-LE BON HOMME. C'est à ce coup, que l'on connoîtra vos bons esprits. O la
-belle proposition! ô le beau problême notable, qui fut débattu au
-concile des _trois dixaines_! Or boivez, pour décider cette affaire.
-
-APICIUS. Quant à moi, pour le premier j'en dirai ma ratelée, & ce
-d'autant que j'ai un beau nom. Et pour vous amuser un peu, qui sont les
-deux noms les forts délicats; nous n'avions garde d'avoir plus mauvais à
-un homme? Vous êtes quinaux; vous êtes _quarante fesses_. C'est
-Guillaume & Gautier, parce que l'on dit aux gens de nôces; venez, mes
-amis; mais ne m'amenez ni Gautier, ni Guillaume. En avez-vous? Or, quand
-j'irai où l'on dîne, je serai bien aise que l'on me présente de l'eau.
-L'eau, en ce temps là, c'est le juste & parfait symbole d'honneur & de
-profit à venir; c'est signe qu'il se faut laver, & se mettre le plus
-près de la table que l'on pourra, & sur-tout vers le milieu. Le vin a sa
-vérité quant & soi; c'est fait, il ne prophétise rien: l'eau prophétise
-le dîner; le vin, ayant été présenté & pris, signifie, boivez, & vous en
-allez. Ainsi, par l'eau, est représentée la jouissance future, &
-abondance; par ce peu de vin, est montrée une dayée de commodité qui se
-passe vîte. Ainsi l'eau présentée, alors représente le mystere
-dînatoire; & le vin dit congé. On baille de l'eau pour disposer
-l'appétit, non pas seulement pour laver les mains; aussi qu'en est-il
-besoin? Il ne faudroit, si cela étoit nécessaire, mouiller seulement que
-le bout des doigts; on ne met pas la soupe dans le creux de la main: ce
-lavement est donc pour exciter l'appétit; la main est la figure du foie,
-son rapport unique & formel, laquelle mouillée donne au foie une vertu
-cuisante. Voyez, je vous prie, les poissonnieres, lesquelles pour avoir
-toujours la main en l'eau & le feu au cul ont les joues vermeilles;
-elles sont gaillardes, aiment le bon vin, toujours étant en appétit.
-Voilà des points secrets de la très-profonde sagesse.
-
-DIOGENES. Que males mules aient ces philosophes foireux qui ne font
-qu'ânonner: je les envoierai à mon métayer & à ses gens. Il y a plus de
-mille ans que le conte en est fait; mais on l'a mal retenu. La fille de
-ce métayer apporta des prunes à notre femme, qui lui dit: il n'en
-falloit point, ma mie. C'est votre gresse, mademoiselle; prenez-les,
-s'il vous plaît; aussi-bien nos pourceaux n'en veulent point.
-L'après-dînée, celle de chez nous rencontra la mere de cette fille, à
-laquelle elle dit ce que sa fille lui avoit dit. Ardez, répondit-elle,
-mademoiselle, elle dit vrai; ces méchans pourceaux aiment mieux manger
-la merde. Sur le soir, je rencontre le bon homme, auquel je conte le
-tout. Pardé, monsieur, dit-il, ce sont bêtes: leur bouche est en paroles
-aussi honnêtes que le trou de mon cul.
-
-ANTIPHON. Appelez-vous cela des paroles couvertes? Je crois qu'il les
-faut servir à couvert, de peur qu'elles ne s'éventent.
-
-DIOGENES. Si vous avez peur qu'elles s'éventent, avalez-les vîtement, &
-faites comme en Italie, baillez-leur du plat de la langue.
-
-HORACE. Si j'eusse su cela, j'eusse bu, & eusse pris congé.
-
-QUINTILIEN. Comme quoi? Est-ce selon que le prononça le president
-Gascon? L'appellant voyant sa partie ne comparoître pas, demanda congé:
-je demande congé, messieurs. Le président ayant recueilli le conseil,
-chacun ayant dit: congé; il prononça: qu'il s'en aille. Il y eut un
-chaste abbé qui l'alla voir, & lui présenta son frere, lui disant:
-monsieur, je vous supplie de faire cette faveur à mon frere, de le tenir
-pour votre serviteur. Quoi! faveur! dit-il; je ne fais point de faveur;
-je fais justice.
-
-LAERTIUS. Je me souviens qu'étant à Paris, chez un conseiller, j'ouis un
-bon apophthegme. Il y avoit un bon paysan, qui avoit gagné son procès, &
-étoit allé parler à son procureur, qui lui avoit donné avis d'aller voir
-ce conseiller qui avoit été rapporteur, afin qu'il le remerciât. Ce bon
-homme allant, pensoit en lui-même, que possible il lui faudroit encore
-donner quelque chose: toutefois il s'assura qu'il auroit tant de
-conscience, qu'il ne lui demanderoit plus rien, vu que pour payer les
-épices, il avoit même été contraint de vendre sa vache, seul reste de
-son bien. Le pauvre homme vint saluer monsieur son rapporteur, qui lui
-dit: mon ami, je vous sais bon gré de m'être venu voir; je prends
-plaisir à m'employer pour les gens de bien; remerciez dieu, que vous
-ayez eu tel qui vous a conservé votre droit. Or il y avoit en la même
-salle un peintre qui faisoit une chasse en un paysage, où il y avoit
-plusieurs sortes d'animaux, que ce paysan se mit à regarder. Le
-conseiller lui dit: que regardez-vous-là, bonhomme? Je regarde si entre
-tant de bêtes qu'on vous donne, ou qu'on emploie pour vous apporter de
-l'argent, je ne verrai point ma vache; au moins que la moitié y fût,
-parce que vous l'avez bien eue & davantage. Ainsi que Laërtius parloit,
-voilà que la petite chienne de madame, qui demandoit à manger, aboie &
-le fâche: il étoit assez près, & lui cria: paix, petite vilaine, petite
-putain; voyez-vous un peu que cette petite vesse fait de bruit! Ce que
-voyant notre curé, va dire: je m'ébahis que ce philosophe n'a honte de
-donner le nom d'une personne, & le surnom d'une chrétienne à une
-chienne. C'étoit lui, qui, prêchant; disoit: enfans, apprenez la
-patenostre & l'_ave_ à vos peres & meres. Il étoit des enfans de
-Moulins, auxquels on frotte le cas de beurre, quand ils sont malades. La
-fille d'un marchand de Lyon, qui s'étoit retirée à Genève, de peur de
-jeûner en carême, en fut punie, d'autant que, mangeant d'une bonne
-truite, une arête lui demeura en la gorge: hélas! elle étoit fille
-unique, uniquement aimée. On courut aux remedes. Médecins, chirurgiens,
-apothicaires, alquemistes, empiriques, sorciers, charlatans, secrétaires
-& bimblotiers de drogues furent appellés; mais on n'y pouvoit remédier.
-Déjà l'arête, ainsi passée, l'ulcéroit; & y avoit crainte qu'elle n'en
-mourût avec douleurs. Il passa par-là un vieil homme, qui, ayant ouï le
-bruit & la pitié, fut ému de compassion; il entra en la salle, fit faire
-un grand feu, & fit apporter une livre de beurre; puis, ayant fait
-sortir tout le monde, prit cette fille sur ses genoux, s'étant assis
-comme une nourrice, & lui montra le cul au feu, lequel muni de deux
-belles grosses fesses rebondies, il graissoit de ce beurre. L'opération
-en fut merveilleuse, d'autant qu'aussi-tôt l'arête fut avalée, & la
-fille guérie; _& hoc certo certius_.
-
-MAROT. Je ne sais pourquoi vous nous dites cela; vous ne faites que nous
-mettre en goût.
-
-
-
-
-CONSISTOIRE.
-
-
-VI. J'aimerois mieux dépuceler une gueuse, que d'avoir le reste d'un
-roi: toutefois, à cause de ce que ce jaseur vient de dire, je suis tout
-dégoûté. Cela m'a fait souvenir que je n'ai point d'appétit.
-
-LOUVET. Pargoi, mon ami, si tu es tant dégoûté, je te prie & conseille
-de te faire procureur, & alors tu mangeras à toutes mains jusques aux
-os.
-
-MAROT. Je pourrois manger autant que douze, que je ne m'engraisserois
-pas.
-
-LOUVET. Vraiement, tu n'as garde: comment engraisserois-tu, vu que tu
-chies tout ce que tu as mangé? A cela, va dire un chien couchant de
-léchefritte: quelle prodigieuse invention!
-
-MAROT. Qu'est-ce là? Quel animal nouveau?
-
-LOUVET. C'est un moine de cuisine; _aliàs_ un boute-cul, qui va dire
-qu'ordinairement on chie au prix que l'on mange.
-
-LE BON HOMME. Que vous êtes sale! Laissez ces paroles. Vraiment, si
-j'eusse été le maître, vous n'en eussiez pas ainsi dit; & en ai laissé
-passer, parce que je m'amusois à faire mon état, qui est de considérer
-vos actions.
-
-CICERON. Ne vous trompez pas, monsieur mon ami; les paroles ne sont
-point sales; il n'y a que l'intelligence. Quand vous orez une parole,
-recevez-là, & la portez à une belle intelligence; & lors elle sera
-belle, nette & pure. Mais cela fâche les oreilles? Si les oreilles
-étoient pures & nettes, cela ne les incommoderoit point. Un étron
-incommode-t-il le soleil, bien que ses rayons s'y jettent? Sachez aussi,
-mon pere _se puisse tuer_, que, si on ôtoit ces paroles d'ici, ce
-banquet seroit imparfait. Seriez-vous bien aise que l'on vous ôtât le
-cul, parce qu'il est puant, & ce jusqu'à la mort? Vous seriez un bel
-homme sans cul! Il faut suivre nature; ainsi notre discours le suit. Et,
-si vous vous scandalisez, oyez une prophétie que j'ai apprise dans
-l'abbaye des grottes de Memphis. «Moines, Prêtres, ministres, &c.
-présidens, conseillers, avocats, &c. marchands, ouvriers, artisans, &c.
-de quelqu'état, qualité & condition qu'ils soient, qui diront mal des
-mémoires du MOYEN DE PARVENIR, seront atteints & convaincus de tous
-crimes que la sottise embrasse, que l'imprudence couve, & l'hipocrisie
-nourrit, &c.» Avez-vous ouï cela? Si vous oyez un mot qui vous fâche,
-dites que vous ne l'entendez pas, ainsi que je l'enseigne aux sages
-filles de la cour. Ma mie, si vous oyez parler de ceci ou cela, ou de
-ficher sans pic, dites que vous n'y entendez rien, & n'en faites aucun
-semblant; d'autant, que si vous vous fâchez, quand on dira des paroles
-de fouaillerie, on dira que vous les entendrez, ce qui seroit honteux.
-Avez-vous ouï, encore un coup, monsieur mon ami. Or donc, soyez sage, &
-faites votre état.
-
-HÉRODOTE. J'y suimes. Il étoit un beau barbier.
-
-CÉSAR. Pourquoi dit-on glorieux barbier?
-
-HÉRODOTE. Parce qu'il vous coupera bien le poil du cul, sans en être
-honteux.
-
-DIOGENES. Et si je n'avois point de poil au cul?
-
-HÉRODOTE. Tu serois comme les femmes.
-
-DIOGENES. Et dà, pourquoi? Est-ce que les femmes n'ont point de poil au
-cul?
-
-HÉRODOTE. Grosse pécore, grand âne que tu es, fils d'un coq de
-Ludonnois, ne sais-tu pas: _fronte capillata est, sed post occasio
-calva_. En voilà la raison. Il faut que je fasse le prêcheur, que
-j'interprete mon latin: c'est parce que la fortune a du poil au front;
-c'est là où il faut la prendre: entre les deux gros orteils des femmes,
-il faut se prendre là, parce qu'il n'y a point de poil derriere.
-
-MADAME. Là, là, à ce barbier.
-
-HÉRODOTE. Par mon serment, sans jurer, je pense que je l'oubliois, tant
-vous êtes folle. Ce barbier aimoit très-ardemment une sienne voisine,
-femme d'un mercier: & avoit le mot du guet avec elle: il ne falloit que
-trouver le moyen & l'occasion: (voilà adapter les mots, je parle aux
-doctes; il n'y a gens qui soient moins cocus que merciers demeurant en
-boutique; parce que toujours leurs femmes sont présentes, & ils leur
-sont présens.
-
-ULDRIC. Mais, encore avant que passer outre, monsieur le notaire, je
-vous demande, pourquoi est ce qu'on se marie?
-
-ARCHIMEDE. Or regardez, je vous le dirai sur ces quatre doigts, ayant le
-pouce en la main. Le premier doigt, qui est index, _nota_; on se marie
-pour avoir une femme. Le second, pour avoir de l'argent. Le troisieme,
-pour avoir du plaisir. Le petit doigt, pour avoir des enfans: aussi
-est-ce là que les Gyptiens & les Bomians les trouvent marqués. Or çà,
-mon frere, regarde les deux doigts du milieu, & les vois baissés: c'est
-signe que le plaisir se passe, l'argent s'en va. Vois ces deux doigts
-restés de bout; ils signifient que la femme & les enfans demeurent avec
-droit de brancards.)
-
-HÉRODOTE. Et voilà donc l'usage auquel est sujet, comme tout autre
-marié, ce mercier, la femme duquel desiroit avidement l'accointance du
-chirurgien son voisin; mais on ne pouvoit y trouver ordre. Ils
-s'aviserent en parlant à la boutique, les étoffes les séparant, &
-exécuterent leur dessein. Voilà ma commere la merciere, qui fait la
-malade; elle plaint sa tête; elle fait semblant d'avoir des soulevemens
-de coeur: le mari, tout étonné, envoie querir maître Pierre; aussi-tôt
-qu'il est venu, il la visite. O mes amis, dit-il, & vous, mon compere,
-parlant au mari, voilà ma commere qui est bien malade; c'est la
-contagion: mais il y a moyen. Çà un peu de vinaigre; vous avez bien fait
-de venir au devant; si vous eussiez tardé, il n'y eût plus eu de moyen.
-Çà, venez ici, apportez cela; ici du feu; là une écuelle; de l'eau, du
-linge, fermez ces huis un peu; là, parlez bas; des ciseaux; je suis tout
-étourdi, tant j'ai hâte. Ainsi faisant l'empêché, il fait un emplâtre
-fort léger, & dit au mercier: mon compere, il faut que vous mettiez cet
-emplâtre sur le bout de votre membre viril: & que vous le poussiez dans
-la nature de votre femme. Quoi! dit le mari, faites votre état, maître
-Pierre. Mais c'est votre femme. Faites votre état, mon ami. A donc le
-barbier mit l'emplâtre sur le bout de son inconvénient, & le porta à la
-ruelle du lit; mais quand ce fut à ficher, il ôta le linge poissé, qu'il
-pausichonna en sa pochette; & mit maître cas dans la belouse, autrement
-dit, le trou de service, frais, vif & en bon point: & ainsi guérit
-madame la merciere; & qu'ainsi en puisse prendre à toutes celles qui le
-desirent.
-
-
-
-
-COMMITTIMUS.
-
-
-VII. Il en prit autrement à un petit barbier de Vendôme. Monsieur le
-médecin Taillerie, menoit en pratique ce petit chirurgien; & parce qu'il
-avoit long temps à être chez la noblesse ou il alloit, monsieur le
-médecin, jà vieillard, menoit sa femme qui étoit encore jeune, que le
-barbier accompagnoit en trousse. Etant en chemin, le médecin demanda au
-barbier comme se portoit sa femme. Vraiement, dit il, monsieur, il faut
-qu'elle se porte bien, si elle veut; d'autant que je l'ai approvisionnée
-six bons coups, cette nuit, sans ce qui s'est fait depuis. Cela leur
-servit de risée, tant qu'ils furent arrivés à la noblesse, où ils
-alloient. Le soir, chacun étant retiré, le médecin devisant avec sa
-femme: laquelle lui avoit entamé le propos de ce jeune barbier, lui
-demandant, possible en songeant à ce qu'il avoit dit tantôt, pourquoi il
-s'en servoit plutôt que d'un autre. Ma mie, ce dit-il, je me sers de
-lui, parce que je desire qu'il ait sa vie toute gagnée, d'autant qu'il
-n'a plus que deux ans ou environ à travailler, à cause qu'il paroîtra
-tout ladre. Cette réponse fut cause, que la demoiselle s'en dégoûta.
-Comme ils s'en retournoient, le médecin gaussa sa femme; & ainsi qu'ils
-furent en un carroi, où il y a de grand arbres, il lui dit: ma mie,
-mettez pied à terre; je vous veux baiser entre cul & con. Mon ami,
-dit-elle vous êtes fâcheux. Non suis; le pied à terre, je le veux. Etant
-à bas tous deux, il la prend & la baisa en la bouche, comme au jour de
-leur nôces; puis elle dit: pourquoi me disiez-vous cela? Parce que je
-l'ai fait; ne vous ais-je pas baisée? Oui. Ha! ma mie, voilà un ruisseau
-qui se nomme cul, & celui-là con; nous sommes entre-deux. Ainsi, beaux
-esprits, voilà de belles paroles; elles sont claires comme eau.
-
-MAHOMET. Comment voudriez-vous faire entre con & cul une muraille seche?
-
-CESAR. Je ne sais.
-
-MAHOMET. Il faudroit boire l'eau, & manger le mortier: achevez.
-
-L'AUTRE. Etant de retour de fortune, mademoiselle du médecin se trouvant
-chez une commere; (c'est-là où on cause) vint qu'on parla de maître
-Claude ce barbier. Vraiment, dit cette demoiselle, je suis marrie de son
-inconvénient, il sera ladre dans deux ans; mon mari me l'a dit. Cela
-alla de bouche en bouche, ou de couche en couche, tellement que le
-barbier le sut, qui, tout scandalisé, vint trouver monsieur le docteur,
-auquel il fit sa plainte, & demanda s'il l'avoit dit, & pourquoi. Parce
-qu'il ne faut pas, vous qui êtes jeune, que vous parliez devant ma
-femme, en ma présence, de le faire six coups; & soyez sage.
-
-BEROALTUS. Je connois ce barbier, il est honnête homme: il a fessé un
-chien; il est Gascon & a demeuré à Tours chez un de nos amis. Vraiment
-il fit un jour un trait notable. Une femme d'honneur étoit malade, & il
-falloit, au carême, avoir dispense, pour lui faire manger des viandes
-qui sont interdites en saint temps.
-
-ARISTOTE. (Mais la cause pourquoi la chair terrestre est-elle plutôt
-défendue que l'aquatique?
-
-PYTHAGORAS. Mais aussi vous dirai-je, un étron est-ce chair ou poisson?
-
-ARISTOTE. Il y faudroit goûter: & puis vous sauriez que tandis qu'il a
-le sens chaud, il sera chair; s'il l'a froid, il sera poisson & vous en
-soulez. Ce n'est pas cela. Répondez au prêtre: je vous dirai: c'est
-parce que la chair fout, & on seroit fou toujours, & le poisson fraie.
-
-NERON. Voilà de belles raisons. J'aimerois autant celles de Jannotin,
-qui dit: qu'il faudroit être sergent pour aller en paradis, d'autant que
-les sergens vont devant: da, da. Il est bon, s'il n'y avoit que les gens
-de justice qui allassent en paradis. Et c'est le contraire, & je l'ai vu
-en la danse macabrée de Fubourg, où les présidens, conseillers, avocats,
-procureurs & clercs, sont par les sergens conduits en enfer, & t'en
-guette).
-
-BEROALTUS. Or vela beau cauré? laissez-les dire: j'acheverai mon
-discours. Maître Pierre le Grand, petit barbier de Tours, avoit chez lui
-ce compagnon qui se tenoit fidélement à la boutique. Ainsi qu'il fut
-avisé: ce maître eut un certificat du médecin, afin que l'official ou
-grand vicaire: (au diable soient-ils, si je me souviens auquel il faut
-avoir recours, si d'aventure on ne joue deux personnages comme le
-maréchal de Ballan, qui étoit notaire & aussi barbier, & quand on le
-demandoit, il disoit: me voulez-vous pour ferrer, ou barber, ou écrire,
-ou ajourner, parce que depuis il fut sergent.) Le certificat fait par le
-médecin, le chirurgien le porte chez lui, & dit à son homme: va faire
-signer cela à monsieur l'Official. Le garçon ouit de biais, & pensoit
-que le maître eût dit: va faire une saignée chez monsieur l'official. Il
-prend son manteau & ses outils, & y va. Il heurte à la porte, & le neveu
-de monsieur lui vint ouvrir, auquel il demanda comment se portoit
-monsieur. Il se porte fort bien. Si est-ce qu'il y a ici quelqu'un
-malade, que mon maître m'a envoyé saigner, en voilà l'ordonnance. Le
-neveu, fort suffisant vit le papier, & ne pouvant rien connoître, pour
-faire le savant, dit: il faut que ce soit pour moi, d'autant que je suis
-morfondu; venez & entrez. Ce qu'il fit & le saigna bien & beau. Je
-m'ébahis qu'il n'en fût mal, mais dieu fut aide aux innocens, & puis la
-risée lui racoutra le foie. Si le valet fut trompé, le maître le fut
-aussi. Il vit un vieil paysan, qui se plaignoit d'une douleur en la
-joue. O, lui dit-il, viens, je la guérirai, je t'arracherai la dent qui
-te fait mal. Pargoi, vous ne sauriez. Pardienne, si ferai. Je gage demi
-écu que non. Le voilà: je gage que si, or allons. Quand ils furent en la
-boutique, & que le patient fut sur la chaire, le barbier se met à
-regarder en sa bouche, & n'y trouva aucune dent. Et qu'est-ce que cela?
-C'est que j'ai gagné, dit le pied-gris. Il y a plus de trente ans que je
-n'ai pas une dent; & dis que tu en as, soulier à belles oreilles.
-
-CICERON. Je vous reprends, vous jurez. Etes-vous des consuls de Tours?
-
-BEORALTUS. Que voulez-vous dire des consuls de Tours?
-
-CICERON. Rien que bien, sinon que mon compere le sire François, je ne
-dirai pas son surnom, étant consul, condamna un marchand. Le marchand
-lui dit: par dieu, vous n'avez pas bien jugé. Le consul lui dit: vous
-payerez l'amende, par dieu, vous avez juré. Et vous aussi, dit l'autre.
-Ha! dit le consul: tenez, greffier, voilà mon amende, recevez la sienne.
-
-ARNOBE. Cela est aussi bon que le fait de monsieur de Césarée, évêque
-portatif, qui faisoit sa visite par le diocese d'un qui l'en avoit prié,
-& où il avoit autrefois tenu les ordres. Il se trouva qu'il interrogea
-un prêtre qu'il trouva ignorant. O! dit-il, gros bedier, âne que tu es,
-qui t'a fait prêtre? Qui est le veau d'évêque qui t'a conféré cet ordre?
-C'est vous, monsieur. Par dépit, bédier, je paierai cent sols d'amende;
-& toi, dix francs. Mon secrétaire, faites vous payer.
-
-ARISTOTE. Si c'étoit à moi, je corrigerois bien tous ces abus-là.
-
-ALEXANDRE. O! oui, vous êtes brave correcteur, comme celui des bons
-hommes; _corrector à corrigendo_.
-
-LE BON HOMME. En ma conscience, je le crois; ils s'arrousent bien le
-coeur; je pensois que cela fût hors du monde.
-
-
-
-
-REVERS.
-
-
-VIII. ARISTOTE. A ce que je vois, le pays des sots n'est pas une isle,
-c'est le monde même, & rien hors d'icelui: ainsi qu'il y a de ces
-gens-là hors du monde, qui sont de gros veaux, témoin le moine curé, qui
-se pensoit paillarder sur le bien dire à son prône, annonçant les fêtes
-qu'il falloit festiner, & disoit: mes amis, il y a de bonnes fêtes cette
-semaine, lesquelles pourtant ne sont de commande; l'église les fustigera
-pour vous.
-
-BUCHANAN. N'étoit-ce pas lui, qui, au lieu de dire à la leçon, _qui
-moechantur cum illâ_, dit, _qui monachantur cum illâ_.
-
-APULÉE. Et que vous faut-il? Vraiment vous êtes bien cruel de regarder à
-des paroles, & non à l'intention.
-
-BUCHANAN. Je sais bien pourquoi vous le dites: c'est de peur que je ne
-parle de votre cousine de Malenoue.
-
-NERON. Dites donc tout, puisque vous êtes détravé.
-
-BUCHANAN. Durant la ligue, il y eut un bruit qui courut (puisqu'il faut
-ainsi dire) qu'une nonnain de Malenoue avoit eu apparition d'ange. A
-cette nouvelle, quelques dames des plus grandes firent partie de l'aller
-voir: ce qu'elles accomplirent. Etant là avec elle, voyant discourir des
-merveilles de cet ange, elles étoient en extase de douceur; & comme
-cette fille les voyoit ainsi transportées d'aise, elle leur amplifioit
-son discours du reste de la merveille, puis ajouta: j'étois si contente,
-Madame, que jamais tant, ni plus. C'étoit le plus beau l'ange du monde;
-& puis, quand ce beau l'ange fut sorti, toute ma chambre étoit si
-embaumée, que c'étoit merveille, tant elle sentoit l'usc, & le membre
-vert & gris.
-
-CÉSAR. Quel ange? Je gage que c'étoit un esprit vital.
-
-BUCHANAN. Comme vous dites. Au moins souvenez-vous de dame Catherine,
-qui, oyant parler de sa maîtresse que l'on pensoit qui fût morte, & que
-le médecin disoit que les esprits vitaux y étoient encore tous: elle
-répliqua: je ne dis que cela ne fût, si c'étoit à un homme, mais à une
-femme, ce sont les esprits conaux.
-
-CÉSAR. Je ne sais quels esprits, si vous ne l'entendez à l'antique, que
-l'engin & l'esprit sont tout un, ainsi que le pratiqua la chambriere
-d'une veuve. Je vous assure que cette garce étoit jolie, mais un peu
-follette; sur quoi sa maîtresse lui disoit toujours qu'elle n'avoit
-point d'esprit. Or est-il qu'il y avoit un jambon à la cheminée; & cette
-fille le voyant là si long-tems, elle s'ennuyoit; elle demanda à madame,
-si elle le mettroit cuire. Non, dit-elle, c'est pour les Pâques. Cette
-fille en fit le conte à quelques autres de ses compagnes, qui s'en
-gaussoient en son absence. Mais le clerc du notaire Bardé ne fut point
-si sot, qu'il n'y prît garde pour éprouver le sens de la fillette. Un
-jour que la bonne femme étoit allée à sa métairie, & qu'elle avoit
-laissé Mauricette toute seule, il vint heurter, & demanda madame.
-Mauricette dit qu'elle n'y étoit pas. J'en suis bien marri, parce que je
-suis Pâques, qui étois venu quérir le jambon qu'elle m'a promis. Il
-passa; & la chambriere le laissa paisiblement entrer & prendre le
-jambon. Lui qui la voyoit si nicette & belle, pensoit à meilleure
-aventure. Il faut, dit-il, que je voie si c'est ici mon jambon. Si ce
-l'est, j'ai un esprit qui me le dira. Il tire son chouart vif &
-glorieux. Quand la fille le vit: qu'est-ce que cela? C'est mon esprit.
-Je vous prie, donnez-m'en un peu: ma maîtresse ne me fait que tancer, &
-dire que je n'ai point d'esprit. Il la prit, & lui en distribua autant
-qu'à lui, dont elle se trouva passablement bien; aussi en étoit-elle
-toute réjouie, comme celle qui disoit que Claude lui avoit farfouillé en
-son cul de devant. Quand sa maîtresse fut venue, elle lui conta comme
-Pâques étoit venu quérir le jambon: & dà, madame, vous ne me reprocherez
-plus que je n'ai point d'esprit, Pâques m'en a baillé à bon escient.
-
-QUELQU'UN. Voilà un beau moyen d'avoir de l'esprit! C'est à quoi pensoit
-ma cousine Martine, l'autre jour en dînant, que sa mere parloit de son
-lard. Oui, vraiment, ma mere, notre lard étoit bon; mais la couaine
-_sent le vit_.
-
-RENÉE. Elle ne dit pas ainsi; dà, je la veux défendre; elle dit:
-s'enlevit.
-
-SOCRATE. Si vous y regardez de si près, il n'y aura jamais plus de bien
-au monde.
-
-LE BON HOMME. Vous pensez à autre chose; je m'assure que vous songez
-autant à ce que nous disons, que si vous n'étiez pas ici.
-
-ARCHIMEDE. C'est que j'avisois, & m'est avis que je vois, comme un jour
-j'étois avec une dame qui cherchoit quelque chose en son cabinet; & elle
-avoit avec elle une sienne cousine qui la considéroit fort. Cette dame
-ayant mis la main sur ce qu'elle cherchoit, en se retournant va dire:
-vraiment je suis une grande sotte. L'autre va dire: c'est ce que je
-voulois dire, madame.
-
-LISET. Cette-là même étoit avec nous, quand nous parlâmes à monsieur
-Champis d'aller à la messe de minuit: je ne daignerois y aller; j'y ai
-été plus de cinq cents fois.
-
-SOCRATE. Or bien je vous avise donc que ce bon personnage a ses pensées
-autre part qu'à nos discours.
-
-MENOT. Il est possible intéressé, & a volonté de pisser, comme avoit
-l'abbé de Grandmont; quand il vint voir madame l'amirale. Ce monsieur
-alors douanant sur son mulet, avec intention & pensée d'en descendre
-pour pisser, quand il seroit à la porte. Or madame qui avoit affaire de
-lui, & le vouloit gratifier, sachant qu'il approchoit, vint au-devant de
-lui, & le surprit; ainsi il remit sa pisserie à une autre fois; de quoi
-il fut trompé, d'autant qu'elle le mena en la salle, où le souper étoit
-préparé. Il se fallut asseoir & faire bonne chere. Cependant monsieur
-l'abbé étoit en grand peine, ne pensant qu'à pisser; puis voyant que le
-discours seroit long, il résolut de pisser en sa botte. Vous savez comme
-les abbés les portent ouvertes par en haut, & larges d'embouchure. Ainsi
-qu'on apporta le bassin pour laver, il n'en pouvoit plus; parquoi il
-avoit mis la main à son engin, & déja le déchargeoit dans sa botte.
-Madame pensoit que ce fût son couteau qu'il serrât, (pour ce que
-volontiers telles gens en portent un de damas à leur ceinture) & qu'il
-ne voulut pas laver avec elle. Vraiment, dit-elle, vous ne ferez point
-cette difficulté. Et ainsi elle lui tira la main, qui emporta aussi le
-virolet, qui acheva sa décharge dans le bassin.
-
-THIART. Le bassin fut un de ceux qui servirent aux ambassadeurs du duc,
-(aussi il y a des étoffes fées) quand il envoya vers le pape, lui
-remontrer la disette du pays, & le prier de lui donner deux cueillettes,
-l'an d'après. Il y avoit six ambassadeurs, notables seigneurs, & de
-crédit, qui, étant arrivés, le firent savoir au pape, qui, sachant leur
-venue, fit mettre une oie en mue, mais toute nue. (Elle étoit fille du
-jars si gras, qui fut mangé à Grenoble, quand le roi prit la Savoye. Ce
-jars présenté sur la table d'un seigneur, lequel en chercha l'ame, & ne
-la trouvant, appella le cuisinier: où est l'ame de cette oie? Ce n'est
-pas une oie, monsieur; c'est un jars, qui a tant chauché sa mere, que le
-diable a mangé son ame, que le cuisinier avoit donnée à sa mie: comme
-fit celui qui donna le bon brochet à une pour aller coucher avec elle:
-mais il fut trompé, le pauvre puceau, d'autant qu'elle avoit pris des
-dents du brochet, qu'elle avoit agencées de sorte que, quand il voulut
-engaîner, elle lui en serra le bout, dont il fut fort malade; depuis,
-quand il fut parlé de le marier, il voulut voir le comment a nom de sa
-promise, & y voyant je ne sais quelle petite éminence de clitoris: ô!
-ho, dit-il, voilà la langue, les dents ne sont gueres loin; je n'en veux
-point.
-
-
-
-
-CHARTRE.
-
-
-IX. Ces ambassadeurs, (laissez-les se préparer) le plus sage d'entr'eux
-fut élu de tous pour porter la parole. Mais, dirent-ils, que
-donnerons-nous au pape? Il lui faut donner de ce qui abonde en notre
-pays; c'est de la crême, dont nous aurons chacun, dans un bassin
-d'argent, une belle & honnête quantité. Que voilà bien entendu! Mais, ce
-dit le président qui fut monsieur de Raconis, avisez bien tous à faire
-comme je ferai, de peur que ne fassions les sots. C'est bien dit; nous
-le ferons. Le jour de l'audience venu, ces messieurs s'en viennent avec
-leur équipage. La porte ouverte, le premier entre; de fortune il y avoit
-un petit seuil à bas, qu'il ne voyoit pas: il étoit tête nue, tenant ce
-bassin haut de ses deux mains, appuyé contre son estomac; il bailla du
-pied à ce petit seuil, qui lui fit baisser la tête, & donner du nez dans
-la crême: les autres, voyant sa barbe ainsi blanche, estimerent que ce
-fût par bienséance qu'il fallût ainsi se présenter; parquoi chacun d'eux
-se torcha & repassa le museau dans sa crême; & ainsi le présenterent au
-pape, faisant leur requête, qui leur fut accordée, moyennant que les
-années auroient vingt-quatre mois.
-
-LE CHEVALIER SANS REPROCHE. Brusquet, un jour, contant cette histoire à
-la défunte roine, il y eut une de ses filles qui lui dit: Brusquet, vous
-n'avez pas ainsi blanchi votre barbe; mais votre mere, qui étoit pauvre
-femme, vous l'a cousue de fil blanc. Il est vrai, mademoiselle, dit
-Brusquet; & lui montrant l'entrée de son chapeau: mais aussi votre mere
-vous en a laissé autant de décousu. Pourquoi y alliez-vous,
-mademoiselle, lui dit notre ami? Vraiment, vous avez rencontré; aussi il
-y a une heure le jour, que l'on a tout ce que l'on desire & cherche.
-
-FRACASTOR. Témoin le triste Augurel, qui se mit en une église pour prier
-dieu, qu'il lui donnât la pierre philosophale. Il y en a qui ne savent
-que c'est de la pierre philosophale, qui disent que c'étoit un
-gentilhomme qui demandoit cent mille écus; (je ne dis pas _sens mi le
-cu_) il y fut jusques à l'autre midi sonné, qu'il se dépita fort, & va
-dire: dieu, donne-moi du bran. Et voilà un oiseau, qui lui va émeutir
-dans la bouche. A! ha, dit-il, je n'avois plus que cet instant, que je
-n'ai pas bien rencontré.
-
-LISET. Cet instant fut propre à notre ami l'évêque de six poules, qui se
-sauva d'entre tous les prêtres, qui se noyerent l'année passée. Hélas!
-que j'en eus de pitié! Et ce qui me faisoit dépit, étoit que ceux qui
-voyoient ainsi périr ces chastes ames, disoient: voilà belle chouse &
-grand pitié! Et chacun disoit: je prie dieu pour les marchands qui
-trafiquent sur l'eau, qu'ils ne puissent faire plus grande perte.
-
-VIRET. Par la vertu, j'ai quasi dit tout outre; encore je m'en repens,
-pource que ces méchans penseront que j'aie envie de devenir huguenot;
-ceux qui parloient ainsi étoient hérétiques.
-
-ALAIS. Je le crois, & en sais bien l'occasion; & autrefois j'eusse juré
-sur mes oeufs de pâques, qu'il n'y avoit point moyen de troubler la foi
-des François; mais aujourd'hui je ne m'ébahis plus de rien. Si je savois
-que vous deussiez faire profit de ce que je dirai, (nous autres vieilles
-gens ne prenons pas plaisir à parler pour néant) & que vous ne
-m'accusassiez de ce que je dirai, je vous alléguerois quelque chose de
-rare & notable. Certes je déplore la pauvre église Romaine qui se
-démolit, & sur tout pour un poinct & un acte qui se commet en France. Je
-vous le dirai, comme si j'eusse été présent à ce bateau qui périt,
-lequel étoit au fond chargé de sel; & je m'en rapporte à messieurs du
-grand parti. A! ha, pauvre prêtrise, ton crédit s'en va. Or sachez que
-la rareté du sel, qui est aujourd'hui si rare & chere, est cause qu'il
-n'y aura plus gueres de bons catholiques, parce qu'à peine trouvera-t-on
-du sel pour faire l'eau bénite à bon marché. Que si elle devient chere
-en continuant, on n'en fera plus; & adieu mere sainte église. Voilà,
-voilà une raison des hérésies en notre France.
-
-ARISTARQUE. Notre maître Loiseau la donna bien meilleure aux dames, les
-reprenant de leurs folies; & puis se ravisant, disoit: je ne dis pas que
-vous soyez paillardes; mais que vous êtes habillées en putains. Et comme
-les dames lui eurent fait quelque petite priere, de ne les taxer plus
-ainsi, il disoit: vraiment, mes dames, je vous trouve assez femmes de
-bien; mais vos enfans sont miévres; ils sont de mauvais petits fils de
-putains. Les dames derechef le supplierent de les épargner; ce qui fut
-cause qu'il songea à sa conscience, & n'en parla plus. Mais pourtant
-voulant instruire sur les moeurs, il disoit aux dames: je suis bien-aise
-de votre conversion; mais je me fâche que vous avez des perroquets,
-auxquels vous faites dire de vilaines paroles: maquereau au diable. Oui,
-oui, cela est du diable. Apprenez-leur à dire de bons _de profundis_;
-cela servira aux ames des trépassés. Et puis se jettant après les
-hommes, il taxoit leur luxe & grande chere. Voilà grand cas, disoit-il,
-que l'on fait tant de dépense! Bien encore aux jours gras, soit; mais en
-carême, ô la pitié! Voilà, messieurs couvrent la table d'une belle
-nappe, boutant à bas des deux côtés; ils mettent des chaises autour la
-table; ils appellent cette action souper; & qui pis est, ils disent
-_benedicite_ & graces. Ne mettez la nappe qu'un peu plus de demi: ayez
-des escabeaux autour de la table; ne dites graces; & dites que vous
-faites collation, & faites grand-chere tant que vous voudrez.
-
-
-
-
-CONCILE.
-
-
-X. DIOGENES. Chedienne, mon ami, mon enfant, beau fils, mon couillaud,
-j'ai beau me torcher le cul; ma chemise est toujours breneuse.
-
-CETTUI-CI. Que diantre veut dire ce rêveur, je gage qu'il nous fera
-faire quelque sottise?
-
-DIOGENES. Ce curé en fit assez: je venois ainsi à la traverse pour les
-faire oublier; mais puisqu'il est destiné, achevez.
-
-L'AUTRE. Sur l'après-dinée, on le pria de fiancer une belle fille; ainsi
-qu'il étoit après, & que déja il tenoit sa main, il se souvint de son
-valet & de son avertissement; parquoi, de peur de faillir, il demanda
-tout haut: lui en a-t-on rien fait?
-
-R. ESTIENNE. Non, monsieur. Cettui-ci est fat, & a un frere fort docte,
-maître des requêtes, ce docte a force livres. Un jour qu'il délogeoit,
-il les faisoit porter aux crocheteurs, depuis l'université, pour aller
-loger vers le louvre, à cause du conseil. Le chemin est grand, si que
-les crocheteurs étoient lassés: & lui, desirant faire un peu d'épargne,
-chargeoit les porte-faix le plus qu'il pouvoit. Il y en eut un, sur
-lequel il mit un peu trop de grands livres. Le crocheteur lui dit:
-monsieur, je vous prie, choyez-moi; vous en mettez trop. O! ha, ha,
-dit-il, te voilà bien gâté d'en porter sept ou huit! Et s'il te les
-falloit tous porter en la tête, comme moi, & que ferois-tu? Adonc le
-crocheteur se revire vers lui, & lui dit? par mananda, monsieur, vous y
-avez donc de beaux crochets. Je suis pris; j'ai belle femme. C'est tout
-un, il y a plus de quinze ans que j'ai chanté ma premiere messe.
-
-LISET. Quoi! ce savant étoit-il prêtre?
-
-R. ESTIENNE. Non; mais à l'usage de France, les prêtres se marient, &
-les gens laïques disent messe.
-
-LISET. Je ne puis entendre.
-
-ESTIENNE. Vous n'avez donc guères vu de besogne parmi nous? Les Prêtres,
-quand ils chantent leur premiere messe, ils disent qu'ils font leurs
-noces, & ainsi les voilà mariés à un bréviaire: & les gens mariés, par
-dépit, disent qu'ils chantent leur premiere messe sur l'autel velu, ou
-le sera.
-
-OECOLAMPADE. Cela ne se devroit pas endurer. Et que tous les mille
-diables, pourquoi endurez-vous que l'on die la messe paresseuse, la
-messe séche; &, ce qui est bien plus joli, que les prêtres aient des
-amies sans fraude.
-
-CUSA. Allez, monsieur, allez dormir, vous n'êtes pas assez sage pour
-renverser nos bonnes coutumes. Apprenez que, durant la famine, les gueux
-font les étrons plus gros; & vous diriez qu'ils se retiennent de chier,
-plus qu'en bon temps. Faites vos affaires; & laissez les nonnains se
-donner du goupillon à l'opposite des reins, parce que chacun veut vivre
-à sa poste. Je prie dieu pour les marchands, qu'ils fassent si bien
-leurs affaires qu'ils ne puissent gagner ni perdre; pour les
-gentilshommes, qu'il n'aillent avant ni arriere; pour les gens de
-justice, qu'ils ne fassent ni bien ni mal; pour les femmes grosses, que
-l'enfant en sorte avec même plaisir qu'il est entré; & pour le reste du
-monde, qu'il se puisse gratter où il se démange sans danger.
-
-BEZE. Vous nous parliez d'un savant officier: je l'ai connu. Hors la
-Table, il n'étoit guere qu'une bête vêtue; au reste, chiche en curé &
-ribaud, il y paroissoit, d'autant qu'il ne faisoit chez soi plus grand
-festin que de pâtés d'hermite.
-
-NERON. Qu'est ce que cette viande?
-
-APICIUS. Noix, amandes, noisettes.
-
-QUELQU'UN. Qui le connoît mieux que moi. Ce fut lui qui vint consoler
-madame du Bois, après la mort de son mari, qui étoit décédé à Paris,
-s'étant fait tailler. Il vint vers elle, durant ses grands pleurs. Hé
-bien, madame, combien vous devez vous consoler, & remercier dieu de ce
-que monsieur votre mari est mort bon catholique, & qu'il a eu les droits
-de l'église? Soyez joyeuse de cela, madame, ma chere dame. Or combien ce
-vous est plus de joie qu'il soit ainsi mort, au prix que s'il eût été
-rompu sur une route, ou empalé, ou tiré à quatre chevaux, comme tant de
-bonnes gens. Adieu & bon soir: mais qu'il ne vous déplaise, ni à moi
-aussi; bon vêpres, tant qu'à l'amander. Apprenez ici à prêcher,
-messieurs les savans, sans tant user de propos.
-
-NERON. Que pensa cette pauvre dame?
-
-QUELQU'UN. Que ce prêtre fût insensé. Aussi ressembloit-il mieux à un
-fou qu'à un moulin à vent. La pauvrette étoit en douleur extrême: &
-encore plus, depuis qu'elle eut reconnu le grand amour que son mari lui
-portoit, ce dont elle avoit été ignorante; & elle l'apprit un an devant
-qu'elle l'en interrogeât. Une après-dînée qu'ils devisoient, son mari &
-elle, elle s'avisa de lui dire: mon mignon, je te prie de me dire si tu
-m'aimes bien. Oui vraiment ma mie. Comme quoi, mon coeur? Comme un bon
-chier, ma chere soeur. Vraiment, vous ne faites gueres état de moi. Il
-remarqua ce dédain, & délibéra y pourvoir. Un jour qu'il avoit affaire
-aux champs, il dit à sa femme qu'il desiroit qu'ils allassent ensemble;
-à quoi elle s'accorda: il la fit lever plus matin que de coutume, & que
-nature n'avoit encore apprêté les matieres de l'élection, si qu'elle
-n'alla point à ses affaires, joint aussi qu'il la hâta fort. Ils
-monterent à cheval, lui sur son roussin, & elle sur le bon mallier, avec
-le valet qui la guidoit en croupe, lequel valet étoit avisé de ce qu'il
-devoit faire. Comme ils eurent passé deux lieues, la dame eut envie de
-fianter; mais le valet lui dit qu'il n'osoit s'arrêter, & qu'il se
-falloit hâter; si qu'elle se retint, & si bien qu'à l'arrivée elle se
-sentoit assez pressée de faire ses affaires; & ce fut tout que d'aller
-jusqu'au purgatoire, où elle s'évacua abondamment, & avec tant de
-volupté, qu'elle se souvint de l'amitié que son mari lui portoit.
-Parquoi, étant revenue, elle dit: a, a, mon ami, je connois bien
-assurément que vous m'aimez beaucoup; je l'ai tantôt expérimenté, &
-crois qu'il n'y a rien si bon qu'un bon chier. Même j'ai été en
-grand'peine; je suis fort marrie que je n'avois du papier pour me
-torcher le cul; je vous assure que je vous l'eusse bien gardé, tant cela
-est bon.
-
-L'AUTRE. Elle eût fait comme une demoiselle de Saumur, qui est si bonne
-ménagere, qu'elle fait à deux fois d'un torche-cul; après que le premier
-coup, elle s'est torché le cul, elle reploie le papier en sa pochette,
-où il y a de la dragée pour les mignons, qui fouillent aux pochettes des
-dames, pour avoir de la friandise, comme tu disois tantôt.
-
-POSTEL. Fi! je crois que cette est l'occasion, pourquoi les Turcs ne se
-torchent pas le cul de papier, d'autant qu'ils sont friponniers; & ils
-enrageroient, s'ils trouvoient ainsi ès pochettes des dames des papiers
-breneux.
-
-SIMLER. Tu as dit vrai; tu t'y prends comme un moine à fouler vendanges;
-tu l'entends comme une guenon à faire des fagots: si la tête vous fait
-mal, ce ne sera pas de cela. Je vous dirai la raison, pourquoi les Turcs
-ne se torchent point le cul de papier; c'est de peur que ce papier ne
-soit une bulle du pape, ou quelque relation de consistoire, ou
-conclusion de chapitre; de quoi si l'on s'étoit éflairé le fondement,
-sans doute on auroit les hémorrhoïdes, ce que les Turcs craignent
-beaucoup: d'autant qu'ils croient que l'ame est au sang, & que le sang
-coulant ainsi par le cul, leur ame seroit toute breneuse.
-
-CATON. Les pauvres Turcs avoient bien affaire que vous les tinssiez en
-vos contes. Mais, puisque vous en parlez, à quoi connoîtriez-vous un
-Turc d'un chrétien, s'ils étoient tous deux tout nuds?
-
-GESNER. Et vous, à quoi connoîtriez-vous une vache au milieu d'un
-troupeau de brebis?
-
-CATON. A le voir. Çà, çà, répondez à ma question.
-
-SIMLER. Je vous le dirai bien; c'est qu'il faut sentir au cul, celui qui
-aura odeur de moust, sera le chrétien; d'autant que le Turc ne boit
-point de vin.
-
-
-
-
-INSTANCE.
-
-
-XI. L'AUTRE. Je suis bien aise que vous êtes venus sur ces différences.
-Dites un peu quelle différence il y a d'une femme à un prêtre? Ce sont
-gens de robe longue. Je n'en sais rien. Ni moi aussi. Ni moi itout. A,
-a, je vous le dirai: c'est que les prêtres mettent leurs amis sur leurs
-têtes; & les femmes mettent leurs amis sur leurs ventres.
-
-CARDAN. Si le roi défunt eût su ces différences, il n'eût pas été en
-peine de demander au grand prieur ce qu'il pensoit d'un beau cheval,
-qu'on lui vouloit vendre. Le roi lui faisant voir ce cheval, lui dit:
-monsieur le grand prieur, que dites-vous de ce cheval? Voilà un beau
-cheval, sire, & qui fera bon service. On me le veut vendre pour Turc; &
-je vous prie: vous qui vous y connoissez, de m'en dire votre opinion.
-Quoi! pour Turc? Par la double bierre des pays bas, sire, il est
-chrétien, comme vous & moi. Afin que vous ne soyez plus abusé, nous
-rîmes, ce jour-là, tout notre saoul; & monsieur le grand prieur fit, au
-soir, un trait autant plaisant, qu'il avînt de long-temps à la cour. Je
-remarquerai un peu le temps. On portoit des bas à attacher; & n'avoit-on
-qu'un beau petit culot, si que les fesses paroissoient abondamment, & la
-mere des histoires étant soulevée d'un pont-levis fait en fonte.
-
-PLATON. Qu'est-ce que la mere des histoires?
-
-L'AUTRE. Foin, que d'ignorance! C'est la pochette qui contient les
-histoires, c'est la couille. Voilà une grande difficulté! Qu'il faut peu
-à ces philosophes, pour les faire badiner! Nous étions en la
-grand-chambre d'après la salle du château, & monsieur le grand prieur
-faisoit un état d'une belle épée de damas qu'il avoit. Le roi lui dit
-qu'il ne croyoit pas qu'elle fût si bonne qu'il disoit. Là-dessus le roi
-la prend, & ainsi nue la considere: vraiment, dit-il, cela ne coupe
-point. Quoi! dit le grand prieur, sire, j'en couperai, d'un revers, une
-douzaine de flambeaux. Le roi dit: vous ne sauriez seulement couper
-cettui-là, que voilà sur le bout de cette table. Cette parole ne fut pas
-si-tôt dite, que le grand prieur va vers ce flambeau, & d'un revers la
-coupe en deux. Il y avoit le baron de Sault avec ses fesses, dont le
-proverbe en est venu, qui tendoit beau cul, sans y penser. La fin du
-coup va roide à son cul, d'autant qu'il étoit ainsi tourné parlant à
-d'autres; & partant il eut le cul coupé. Ha! ce dit-il, monsieur,
-qu'avez vous fait? Vous avez gâté mon haut-de-chausse.
-
-RENÉE. Vraiment, ce cul coupé n'eût pas lors serré les fesses de peur de
-péter.
-
-ASCLÉPIADES. Vraiment non, non plus que Margot de chez nous, qui passoit
-par la salle, en portant un oeuf à madame; comme elle fut au milieu de
-la salle, elle nous salua; & en cette action, elle eut faim de faire un
-pet, c'est-à-dire envie ou desir, (ainsi qu'on dit à Paris, j'ai faim de
-pisser, soif de chier.) elle voulut serrer les fesses de peur de peter;
-elle fit tout au rebours. Je vous assure qu'elle serra si fort le poing,
-qu'elle creva l'oeuf; & ouvrit tant les fesses, qu'elle fit un gros pet.
-Quoi! vous petez, lui dis-je? Vere, monsieur, dit-elle, c'est que j'ai
-mangé des pois.
-
-NERON. C'étoit donc une _fausse guenippe_.
-
-ASCLÉPIADES. Oui, elle avoit étudié avec celles muses Aganippes, d'où
-vient ce bel épithete.
-
-CICERON. Dites-vous un _épi de tête_? C'est une corne de cocu.
-
-ASCLÉPIADES. N'allez point chercher d'équivoque: cela est défendu par la
-pragmatique sanction. Ainsi que disoit un chanoine, disant: messieurs,
-depuis qu'il vous a plu me recevoir indigne chanoine, comme les autres,
-je n'ai point ouï parler que la pratique de l'ascension nous fût
-contraire.
-
-GRATIAN. Une dame du même pays, ayant un panaris au doigt, ainsi qu'elle
-l'avoit ouï nommer au chirurgien, parlant de son mal à ses commeres:
-hélas! disoit-elle, ma mie, j'ai le mal de _paradis_.
-
-BEZE. La voilà, là, là, l'ance à monsieur; vous me mettez là-dessus. Le
-coq de notre paroisse voulant dire, à l'évangile: _gloria tibi, domine_;
-faisoit le docteur, & disoit: _gloria edit homines_; (ha! ha, ha; hem,
-hem, ho, ho) puis regardoit si on le voyoit.
-
-BUCANAN. Il étoit d'une race de gens assez fins pourtant, témoin son
-cousin germain, qui étoit curé du même village, auquel village depuis
-n'aguères on avoit fait un crucifix tout neuf, & on avoit mis le vieil
-au grenier du presbitere. Le curé, qui desiroit de manger d'une bonne
-oie, l'avoit fait engraisser, tuer & mettre à la broche, pour cuire,
-toute farcie. Or, pour épargner son bois, il avoit mis le vieil crucifix
-au feu; &, conscience le dévorant, ne l'avoit voulu rompre, si qu'il le
-mit tout entier au feu, & laissa son petit neveu rôtir l'oie,
-c'est-à-dire, tourner la broche. Quand le bras du crucifix fut brûlé, le
-corps tombe, la tête sur le rôti, & le petit garçon de se lever & courir
-à l'Eglise, où il va crier: mon oncle, mon oncle, cet homme que vous
-avez mis dans le feu mange notre oie.
-
-AGATOCLES. Qui connoît mieux ce curé que moi? Un jour, je dînois chez
-monsieur du Mesnil, celui que monsieur de Gué-Hébert fit porter, par le
-diable, avec sa femme, dans un champ à deux lieues de sa maison. Le curé
-dîna avec nous; puis en diligence s'en retourna; & aussi tôt nous ouimes
-sonner les cloches, comme pour un nouveau miracle. Le fait est tel,
-ainsi que nous savons expédier briévement avec grande tirelitantaine de
-paroles, nous autres Grecs. Un voisin de monsieur le curé lui avoit
-dérobé une oie & l'avoit mangée. Ce curé l'avoit tant cherchée, qu'il en
-avoit dépit. Enfin, par confession du paysan, il sut la vérité; & parce
-que c'est sacrement, il n'y a pas moyen de m'en venger en la découvrant.
-Pourquoi il délibéra, pour l'attrapper, de lui en faire autant, selon
-que l'évangile l'enseigne aux gens d'église: si on vous frappe en une
-joue, baillez une belle & forte jouée en l'autre.
-
-ILLIRI. Quant j'étois d'église, j'oyois ainsi interpréter, _inter
-fratres penes quos est_, l'intelligence des écritures.
-
-AGATOCLES. Il fit donc tant qu'il empoigna une bonne, grosse, grasse,
-ferme, délicate oie du paysan; & se délibéra d'en manger à gogo; cou &
-tout; & pour cet effet, il la fit dévotieusement cuire au feu
-presbitéral, comme dit est. Etant revenu de l'église, & délibérant se
-mettre à table, voilà que monsieur du Mesnil l'envoya querir. Quoi!
-perdre une repue franche? Ce seroit double perte à un curé; il perdroit
-ce qu'il mangeroit, & ce qu'on lui prépare. Le curé délibérant d'aller
-dîner, dit au messager: mon ami, je vais après vous.
-
-MAROT. Il ne fit pas si dextrement que maître Macé, le curé de la basse
-Athene, qui étoit pressé de la noblesse, qui sans cesse venoit chez lui
-l'écornifler. Un jour qu'il y avoit sept ou huit haubereaux chez lui, il
-leur fit le meilleur visage du monde. Messieurs, soyez les biens venus;
-çà, que l'on se dépêche; garçon, au vin, au poulailler, au crochet, à la
-fuye; serviettes blanches. Disant cela, il mouvoit & prend un surplis
-qui étoit à part sur une autre robe, que celle qu'il avoit rapportée de
-l'église; & prenant un bréviaire en sa main, les rendit étonnés. Où
-allez-vous, monsieur le curé? Je viens incontinent, dit-il, messieurs;
-je ne ferai qu'aller & venir, tandis que le dîner s'apprêtera, je vais
-réconcilier un pauvre pestiféré, que j'ai confessé ce matin. Et ce
-disant, il sortit; & soudain, tout ces guillerets épouvantés sortirent;
-& de treize semaines, n'y voulurent aller.
-
-AGATOCLES. Cettui-ci se prépara pour venir. Or il avoit envie de manger
-de l'oie, & disoit: je mangerai de l'oie par dépit. De la laisser au
-logis, il n'y avoit point de moyen, parquoi il s'avisa de la cacher; &
-pour en ôter la connoissance à son valet & à sa chambriere, il les
-occupa de message; puis prit les clefs de l'église, & y porta l'oie
-toute cuite, & la mit en un coffre; puis il cacha les clefs sous une
-tombe. Le valet, qui étoit au guet, l'apperçut; parquoi, sitôt que le
-curé eut pris l'air; il s'en vint avec la chambriere & avec un de leurs
-familiers, & allerent manger l'oie, tant qu'ils pûrent: puis ils
-dépendirent toutes les images, & les mirent autour de ce coffre, leur
-ayant graissé le minois & les mains du reste. Il restoit encore une
-demi-cuisse, qu'ils mirent en la goule du diable qui est sous saint
-Michel; & s'en allerent, fermant l'huis, & remettant les clefs au même
-lieu où elles avoient été mussées. Le curé revenu, va droit aux clefs; &
-les ayant trouvées comme il les avoit mises, dit: je mangerai de l'oie à
-mon compere. Il entra en l'église; & voyant tant de saints autour de son
-coffre à l'oie: ô, ho, dit-il; & qui, tous les diables, vous a mis là?
-Etant approché, & les voyant ainsi gras par le mufle & les mains, & la
-cuisse à la gorge du diable, la lui arracha, disant: vilain que tu es,
-je ne me soucie pas des autres; mais toi, j'en aimerois mieux étrangler,
-que tu l'eusse; & dà, j'en tâterai. Comme il la savouroit, il se va
-souvenir de sa faute; si qu'il sonna les cloches, pour appeller le
-peuple pour voir ce grand miracle.
-
-
-
-
-PRODUCTION.
-
-
-XII. A savoir si ces valets avoient mal fait.
-
-OECOLAMPADE. Non, s'ils l'avoient pris avec action de graces, comme le
-soldat qui échappa le pendre, aux premiers troubles. Monsieur le prince
-de Condé avoit fait faire un ban, par lequel il étoit défendu aux
-soldats, à peine de la vie, de prendre chose aucune. Ainsi il sortit
-d'Orléans, en huguenoterie pour lors, avec une belle troupe. Il y avoit
-un jeune soldat, qui au partir étoit à pied, & le lendemain il parut
-monté. Cela fut rapporté; parquoi il le fait venir devant lui, pour être
-jugé & livré au bourreau. Sentant cette approche, il fut fâché
-extrêmement d'être pendu, principalement quand on se porte bien. Il se
-jette à genoux devant monsieur le prince, & lui dit: monseigneur, s'il
-vous plaît ouïr ma raison, je vous rendrai satisfait. Dis-la.
-Monseigneur, nos ministres nous prêchent que tout ce que nous prendrons,
-nous le prenions avec action de graces. Ayant trouvé cette monture, je
-me suis mis à genoux, & l'ai prise avec action de graces. Va, va, n'y
-retourne plus, & ne sois plus larron.
-
-BACON. Il ne l'appella pas larron; non da, non de pardieu, il s'en garda
-bien, d'autant qu'ayant connoissance de beaucoup d'honneur, il savoit
-bien qu'il n'y avoit pas raison de nommer un homme larron, sans faire
-tort à beaucoup de sortes de gens, parce qu'il y a des larrons de toutes
-sortes de sectes, habits, qualités & autres nations de peuple.
-
-CUSA. Vous n'exceptez rien.
-
-BACON. Non; & si je ne m'en confesserai point. Non, non.
-
-CUSA. Bien donc, de ce qu'on n'a point fait, ni eu envie de faire, s'en
-faut-il confesser?
-
-BACON. Allez demander cela au pénitencier.
-
-CUSA. Et si je ne sais rien pour lui dire?
-
-BACON. Répondez, comme le bon homme de Vannes, qui étoit charron, lequel
-s'étant confessé, le curé lui dit: dites votre _confiteor_. Je ne le
-sais pas. Dites votre _ave_. Je ne le sais pas. Dites la patinostre. Je
-ne le sais pas. Que sais-tu donc? Je sais faire de belles civieres
-rouleresses; je vous en ferai une quand il vous plaira, & à bon marché.
-
-LE BON HOMME. Vraiment, ce fut presque de pareille monnoie que furent
-payés, à Rouen, messieurs les consultans, qui, ayant fort exactement
-avisé l'affaire d'un Marin Gautier, & lui ayant déclaré l'avis du
-conseil, il prit son avocat à part, & lui demanda si messieurs se
-contenteroient bien chacun d'une signole. _Signole_ est une piece d'or
-valant moins d'un écu; & signole aussi est ce que nous appellons la roue
-que font les jeunes garçons. L'avocat pensant aux pieces d'or, dit
-qu'oui, & que c'étoit honnêtement. Adonc Marin va compter ces messieurs;
-& ayant mis bas son manteau étendu sur la place, fit autant de signoles
-qu'ils étoient; & deux pour son avocat, & puis les remercia, & adieu.
-
-ILLIRIC. Il paya le talent d'autrui de son labeur. C'est ainsi qu'il
-faut mettre la piece au trou, comme fit Martin Chouri, qui vint voir le
-rapporteur de son procès, pour lui montrer quelques pieces qui lui
-étoient nécessaires, pour le gain de sa cause. Le rapporteur qui avoit
-été pressé par les parties adverses, qui lui avoient mis ès mains des
-rouelles de bonne faveur, dit à Martin: mon ami, il n'étoit pas besoin
-de ces pieces, d'autant que nous avons jugé votre procès. Comment sans
-ces pieces: Nous l'avons jugé à vue de pays. Et moi, j'en appelle à
-travers champs.
-
-LOUVET. Cet appel eût pu courir bien loin, s'il n'y eût eu montagne ni
-vallées, ainsi que le disoit messire Marguerin au paysan qu'il
-confessoit. Le bon homme étoit au lit de la mort; & le prêtre lui
-prêchoit la résurrection, afin qu'il n'eût point de regret à cette vie;
-& suivant son propos, lui disoit qu'après le jugement, il n'y auroit ni
-montagne ni vallée. O! o, dit le paysan, il fera donc beau charroyer. Un
-peu après aussi, la femme se mouroit; & le prêtre lui disoit qu'elle
-alloit en paradis, où elle verroit les saints avec lesquels elle seroit:
-a! ha, dit-elle, il n'est que d'être parmi le monde qu'on connoît.
-
-ULDRIC. Elle n'étoit donc pas comme le valet du ministre de Vaivai,
-au-delà de Lauzanne, qui connoissoit le diable. Un jour qu'il faisoit
-tonnerre, pluie & tempête, & que le monde étoit, un dimanche au soir,
-aux prieres: voilà un éclat de tonnerre qui donna; & au même instant un
-pauvre ramonneur de cheminée, pour éviter le danger & la pluie, se jette
-dans le temple. A son arrivée, chacun le voyant si noir, s'enfuit. Il
-voit le monde fuir, il fuit aussi après. A la sortie, & qu'il étoit le
-dernier, il arrête ce valet, qui aussi étoit le dernier des autres, &
-lui demanda ce qu'il y avoit. Le pauvre valet lui dit: hélas! monsieur,
-ne me faites rien; je vous connois bien. Et qui suis-je? Vous êtes
-monsieur le diable, à qui dieu donne bonne vie.
-
-GAGUIN. Il étoit aussi fin que le Genevoisien qui étoit en garde avec
-quelques François à la porte neuve. Un des François, revenu de
-sentinelle, se jetta sur le lit de bois pour se reposer: ce Genevoisien
-étoit auprès. Avint qu'en dormant le François va faire un pet, sur quoi
-l'autre se va écrier: au diantre soit la couvaye, le chancre la puisse
-ronger! Ils disent qu'ils sont ci venus pour l'évangile, & ils petent
-comme poirs, c'est-à-dire, pourceaux.
-
-ARNOBE. Cela se rapporte comme le moine qui mene un diable en lesse,
-disant ses heures, le tout en peinture, qui dit: telle est la génération
-de ceux qui cherchent la face du dieu de Jacob. Je l'eusse dit en latin,
-sans que le diable qui s'en formalisa, dit tout haut en bon françois,
-par la bouche d'un procureur qui voyoit cette figure aux augustins de
-Tours, où le grand conseil tenoit: si le diable avoit des peintres, on
-verroit plus de peintures de diables menant des moines en lesse, que des
-moines y menant des diables; encore qu'il y ait, comme il se comptera à
-la fin du monde, un tiers plus de moines que de diables pour les amuser.
-
-CÉSAR. Je pense que vous rêvez de parler ainsi.
-
-SOZOMENE. Non fait, il ne rêve pas. Il est comme le sire George, qui
-étoit fort malade; & sa femme avec quelques siennes commeres le
-réconfortoient; & comme elles voulurent essayer s'il les connoissoit,
-l'une dit: hé bien, mon compere mon ami, nous connoissez-vous bien? Oui.
-Qui sommes-nous? Vous êtes toutes des plus fortes putains de Blois.
-Ardez, ce dit l'une, il rêve. Vraiment non fait, dit sa femme, il vous
-connoît bien.
-
-RONDELET. J'y étois; je le pançois, j'en ris assez; & encore plus, quand
-les dames y étant pour le renforcer, l'incitoient d'avoir courage.
-Madame la gouvernante y étoit, qui lui disoit: or ça, courage, sire
-George; là, il faut prendre quelque chose. N'avez-vous rien pris
-aujourd'hui? Il répondit: sauf votre grace, madame, j'ai pris une puce à
-la raie de mon cul.
-
-CÉSAR. Je crois qu'il étoit fou: le saffran de sa boutique lui avoit
-altéré le cerveau.
-
-RONDELET. Encore dites-vous vrai, témoin monsieur de Vendôme, qui étant
-malade & dégoûté, vouloit manger du ris; ce que disant à son médecin, il
-le lui accorda. Le prieur ajouta qu'il eût bien voulu qu'on y eût mis du
-saffran. Bien, dit le médecin, mais il n'y en faut gueres. Non, répondit
-le prieur, il me feroit mal: & de fait, je vis un jour un cheval qui en
-étoit trop chargé; il en devint fou.
-
-MAROT. Estimez-vous pour cela que ce seigneur fût fou? Non, pas du tout;
-mais il tenoit un peu de la féve. Et c'est ce que notre Pythagoras nous
-enseigne, disant: gardez-vous ou abstenez-vous de féves: c'est-à-dire,
-d'être fous, ou d'en faire des traits. Je ne sais pas quel fou étoit cet
-abbé, mais j'ai retenu de lui des maximes notables.
-
-
-
-
-EXPLOIT.
-
-
-XIII. Pour parenthese, je vous dirai que c'est de lui que je tiens qu'il
-y a au monde quatre nations anagogiques aux quatre mendians de
-l'hôpital, qui sont poux, puces, morpions, punaises.
-
-ULDRIC. Voici qui est beau.
-
-MAROT. Ecoutez; tantôt nous rentrerons bien en propos, à droit ou à
-gauche. Là, cher ami, je vous prie. Les poux sont les Allemands, qui
-mordent & mangent, & se laissent assommer, ainsi que les Suisses, sans
-s'avancer. Les puces sont les François, qui sautent & n'ont point
-d'arrêt, & laissent des marques par-tout où ils vont, ainsi qu'on le
-voit par-tout; mais ils n'y sont pas. Les morpions sont les Espagnols,
-qui se sapent ès places si bien, que, si on les peut ôter, c'est piece à
-piece. Les punaises sont les Italiens, qui empuantissent tout de leurs
-inventions de danses & belles farfanteries qui infectent le monde.
-
-NERON. Que deviendront les autres nations?
-
-MAROT. Je les recommanderai aux cordeliers réformés, ministres, jésuites
-& telles gens de l'autre monde nouveau.
-
-CÉSAR. Mais où en étions-nous?
-
-PARACELSE. Sur les diables familiers, ce me semble, ou quelque chose de
-diablerie: c'est tout un.
-
-RONSARD. Si vous avez perdu la mémoire, je vous dirai une jolie
-aventure, pour vous reguiser la mémoire. Ceux de Benest & d'autour
-devoient aller au marché à Bourgueil; & quelques-uns s'étant donné but
-pour partir de bonne heure, il y eut un serrurier qui se leva plus matin
-que les autres, & voyant que ses compagnons ne se vouloient point lever,
-se mit en chemin. Ayant fait plus d'une lieue, & avisant qu'il étoit
-encore trop matin, se voulut reposer. Il échut qu'il se va jetter à
-quartier sous une potence, où depuis quelques jours on avoit attaché un
-larron, qui gambadoit en évêque champêtre. Le serrurier s'endormit
-très-bien. Le jour venu, ceux qui alloient au marché passant par-là, il
-y en eut de joyeux qui dirent qu'il falloit appeller ce pendu. C'est
-bien dit. Hau, compagnon, hau, hau, veux-tu pas venir? Il y a assez que
-tu es là. Le dormeur qui étoit à bas, qui ouit ce bruit, s'éveilla, &
-répondit: oui, oui, hau, hau; je vais, attendez-moi. Ces passans se
-trouverent surpris extrêmement, & s'enfuirent, cuidant que ce fût le
-pendu qui eût parlé à eux; & le serrurier de courir après. Eux, oyant
-ses ferremens, pensoient que ce fût la chaîne du pendu; parquoi ils
-s'enfuient: le serrurier appelle & plus il appelle & court, & plus les
-autres tout épouvantés s'enfuient, & ne cesserent de courir, qu'ils ne
-fussent à Bourgueil.
-
-SIMLER. Or ça, nous voilà au marché, qu'acheterons-nous?
-
-ZANCUS. Achetons des moutons & des poules, pour les payer au seigneur
-Breton, auquel on doit, par aveu bien écrit, trente moutons lainés,
-couilleux, cornus, & vingt poules avec leur sauce de ménage: voilà qui
-est bon, tout sert en ménage.
-
-RENÉE. Oui da. Mais quelles sont les plus grandes nécessités ou
-pauvretés du ménage? Je ne sais. Ni moi aussi. Ni moi. Je vous les
-dirai, & les retenez. Je parle comme la bonne femme, à la porte de
-laquelle on avoit chié, & s'en plaignant à un sergent, lui dit:
-monsieur, je vous en embouche le premier; ardez, si vous m'en faites
-avoir raison, je vous promets de vous en faire bonne chere; & vous ayant
-satisfait, nous en ferons chez nous un bon repas. La premiere pauvreté &
-nécessité, c'est quand on brûle le balai, par faute de bois. La seconde,
-quand par faute d'autre pâte on fait cuire le levain. Et l'extrême,
-quand, par disette de linge, on torche le cul aux enfans avec la langue.
-Vous sentez qu'il faut être marié; autrement cela n'auroit pas lieu
-par-tout.
-
-BEZE. O! ne vous abusez pas. Ceux qui ne se marient qu'au mariage du
-diable, ne laissent pas d'avoir des enfans; parce qu'ils font la cause
-pourquoi.
-
-ASCLÉPIADES. Ne parlons point de cela; nous ferions des querelles. Et
-puis, mon ami, les parfaits sont aux cieux. Demeurons en terre, tandis
-que nous y serons bien. Donc nous converserons avec les femmes mariées;
-& pour l'amour de si belle conversation, je vous dirai qu'une dame de
-Paris, d'auprès le coin de la rue Aubri-le-Boucher, avoit trois filles,
-qu'elle maria en un même jour; & le lendemain, voulant savoir si ses
-filles étoient femmes, elle les prit à part, & leur dit: or ça, mes
-filles, nous voici toutes femmes; il faut tout dire: je veux savoir
-laquelle est la mieux de vous, ou si vous êtes bien toutes trois. Là,
-dites-moi, quel cas ont vos maris? L'aînée dit: ma mere, mon mari l'a
-menu, mais il est long. Bien! voilà qui est bon, quand la cuillier va
-jusqu'au fond du pot. La seconde dit: mon mari l'a court, mais il est
-gros. Cela est raisonnable, lors que la cheville emplit le pertuis. La
-jeune: mon mari l'a petit & menu, mais il me le fait souvent. C'est ce
-qui est propre, & est grand heur d'avoir petite rente qui vient
-toujours. Or devinez laquelle est la mieux mariée; & vous souvenez que
-l'outil de mariage est le plus sale drogueux de tous, parce qu'après
-avoir bien pilé en son mortier, il crache dedans.
-
-FRACASTOR. Une fois, étant à Paris, je discourois familiérement avec une
-maquerelle. Je lui demandois quels membres virils étoient les meilleurs.
-Elle me montra que tous ses doigts entroient en un de ses naseaux; &
-qu'ainsi les cas des femmes sont selles à tous chevaux.
-
-BEROALTE. Ne le prenez pas-là, joint que Mathurin de Blere ne vous le
-concédera pas, vu qu'il ne put presque jamais dépuceler sa femme; & sans
-la fourchette de saint Carpion, jamais il n'en fût venu à bout.
-
-LE BON HOMME. Boivons un coup, puis nous saurons cela. Boivez-vous des
-coups?
-
-APICIUS. Oui, d'autant que cela, c'est-à-dire boire, va à coup & se
-serre délicieusement: je dirai une volte, si vous voulez; aussi je la
-bois mieux que je ne la danse, _& audaces fortuna juvat_; cela veut
-dire, que qui chapon mange, chapon lui vient. Ceux qui sont un peu
-malades, & se renforcent à boire & à manger, guérissent; aussi l'on ne
-meurt que faute de boire & de manger, & bref de s'abstenir de faire les
-vertus cardinales.
-
-PARACELSE. En bonne finte, doncques maître François me vouloit faire
-prendre courage & esprit; parce que qui a bon esprit, il boit & mange
-bien. Je le priai de me donner une recette, pour m'empêcher de devenir
-gras, comme l'étoit Fouillez de Tours; il me dit que j'ouvrisse les yeux
-& fermasse la bouche. C'étoit cela pour m'accommoder.
-
-DIOSCORIDES. Il ne vous eût point fallu de fourchette pour établer vos
-morceaux. Mais à propos de cette fourchette.
-
-BEROALTE. Il y avoit de mon temps, à Nevers, un bon personnage, qui
-cherchoit la pierre philosophale; depuis sa mort on l'a fait saint, &
-nommé Carpion. Ce bon homme donnoit des eaux, (comme celui qui avoit
-fait un enfant à une belle demoiselle, dont elle avoit été délivrée, &
-le fait fort secret, ce qui a paru, parce que depuis elle a été bien
-mariée au fils d'un bailli. Le soir des nôces, cette demoiselle parlant
-à son ami qui lui avoit aidé à faire cet enfant, lui disoit: j'ai peur
-que cet homme ne s'apperçoive de la dilatation de mon cas. J'y ai
-pourvu, dit-il; envoyez, ce soir, votre laquais; & faudra qu'il me
-vienne demander de l'eau pour les yeux. Je vous envoierai de l'eau qui
-le rendra si étroit, qu'il n'y aura pas quasi moyen d'y passer un filet.
-Ce conseil pris, le laquais alla quérir l'eau, & l'eut; & l'apportant,
-il pensa en soi-même que souvent il avoit mal aux yeux, & que l'on ne
-lui en donneroit pas, parquoi qu'il valoit mieux qu'il en prît; ce qu'il
-fit, & s'en frotta les yeux, qui se serrerent, si fort, qu'il fût
-demeuré là qui l'y eût laissé). Le bruit de ce bon personnage étant
-grand pour tel effet, il avint qu'il y eut un jeune homme (c'est celui
-dont vous avez parlé, ou tout autre, c'est tout un) marié avec une
-bourgeoise. Ces deux étoient encore fort jeunes, & ne savoient rien du
-manége de concupiscence: tellement qu'ils se mettoient, sans rien faire,
-l'un sur l'autre. La mere de la nouvelle mariée lui demanda, un jour,
-comment elle s'en trouvoit; & si son mari avoit fait ouverture à sa
-nature. Elle lui dit que non. O! ma mie, il faut aller à monsieur saint
-Carpion, & lui demander de l'aide. La belle y va, & lui fit sa plainte.
-Il lui demanda si son mari avoit des pendillantes au bas du ventre. Elle
-dit qu'oui; mais que ce qu'il y avoit en forme d'écritoire étoit si vif,
-& se levoit si fort contre le nombril, qu'ils n'en pouvoient rien faire.
-O bien, ma mie, venez ici sur les quatre heures du soir. Le bon
-personnage fit son apprêt. Et la belle étant revenue à sa mere, lui dit:
-en da, ma mere, nous serons bien heureux; ce bon homme nous fera grand
-bien. Je vais vîtement le voir. Etant arrivée: bon soir, bon soir,
-monsieur: avez-vous eu le plaisir de songer en moi? Oui, ma mie; tenez,
-voici une fourchette qui est de franc-coudre. Voyez; elle est enveloppée
-& sacrée en ce papier; emportez-la; & quand vous serez au terme de vous
-coucher, recommandez-vous à dieu, vous & votre mari: puis étant tous
-deux tout nuds, faites-le mettre à genoux entre vos jambes; & ce qu'il a
-qui se joint si ferme au nombril, abbaissez-le en le poussant avec cette
-fourchette, tant qu'il soit à droit de ce petit pertuis, que vous avez
-au bas du ventre. Allez, ma mie. La jeune bourgeoise ainsi instruite, ne
-faillit en rien; si qu'elle & son mari trouverent le point qui leur fit
-grand bien; & tant s'y accoûtumerent qu'il ne leur fallut plus de
-fourchette. Parquoi, avec un petit présent d'une ceinture, que les
-fileurs de soie nomment un _cude_, elle reporta la fourchette au bon
-pere, lui disant qu'elle étoit bien tenue à lui, & qu'ils n'en avoient
-plus affaire; que le cas se baissoit assez, sans aide que de la main. Le
-sage lui dit: gardez-la, ma mie, gardez-la; elle vous a servi à le
-baisser à cette heure qu'il est jeune; elle servira à le lever, quand il
-sera vieux.
-
-
-
-
-SUITE.
-
-
-XIV. ARNOBE. C'est belle chose d'avoir de la mémoire: vous avez parlé
-d'intérins. Que ne nous avez vous dit ce que c'est; s'ils sont
-d'Allemagne ou d'autre part.
-
-ASCLÉPIADES. Attendez; & vous le saurez. Je n'avois garde ni autre d'en
-parler, sans l'avis de nos maîtres: & pource, belles entendoires,
-souvenez-vous quand nous fûmes à Rouen avec notre roi; & que ce bon
-archidiacre, lequel est notre maître entre les médecins, nous traîta. Il
-fit ce banquet à nous autres, qui sommes conseillers du roi en médecine.
-Ainsi il y en a de conseillers en finances, en maçonnerie, en
-fontainerie, en tavernerie, & comme vous diriez en rufiannerie. _Celate
-verba._
-
-NÉRON. Ce sont mots dorés & notables; ne les contaminez pas.
-
-ASCLÉPIADES. C'est cet homme d'église qui est cause que j'ai fianté
-ainsi du latin par la bouche. C'est un _miserere mei_ d'éloquence, qui
-me fourgonne la mémoire. Ce noble archidiacre nous fit le conte de son
-aventure. Ainsi que madame étoit très-malade, & que l'on pensoit qu'elle
-expirât, environ la minuit, on vint appeller monsieur le docteur, qui se
-jette du lit; or a-t-il une coutume de dormir sans chemise. Vraiment il
-n'avoit garde d'y penser, d'autant qu'il n'étoit pas dedans. Il se leve
-en sursaut, pour aller secourir madame, il met sur ses épaules le
-manteau de son valet, premier trouvé, (j'ai quasi dit _venu_, comme le
-disent ceux qui sont du pays où tout va & vient). Le manteau ne lui
-passoit pas le nombril; & ce personnage entra en la chambre, où prêtres,
-gentilshommes, dames & autres étoient. A son entrée, tout chacun se mit
-à rire; & lui s'écriant, dit: ha! mauvaises gens, vous êtes sans amitié,
-sans douceur & bonté. Voilà madame qui se meurt; & vous riez! Est-ce la
-pitié qui vous doit émouvoir? Plus il prêchoit la désolation, plus les
-autres rioient. Et madame, qui revint à ce bruit, eut la même vision que
-les autres, s'en prit si fort à rire qu'elle fit un pet & fut guérie; &
-en cet excellent changement, lui dit: mon pere, cachez votre vit, il me
-fait rire.
-
-SAPHO. Ainsi qu'il avint à notre métayer, qui se mettant à goûter, voilà
-mademoiselle de Launai qui le vint voir, & s'assit sur une mote de
-cailloux; & comme négligemment elle se tenoit: parlant à lui, une jambe
-baissée & l'autre haute, il voyoit son cela, & ne lui répondoit qu'à
-demi. A donc il lui dit: mademoiselle, cachez votre con, il m'empêche de
-goûter.
-
-LE MINISTRE. Mais ces intérins?
-
-L'ENFANT. Or bien, sachez qu'il y a des dames à Paris, & autres lieux où
-il y a des cours souveraines, qui ont liberté de se prêter, d'autant que
-là, & autre part, il y a liberté de fesses, comme il appert par les
-priviléges de Bourges, Tours, & autres lieux, où les chanoines ont des
-garces, ainsi qu'ailleurs; les dames étant mariées à gens qui ont des
-affaires, comme en ont messieurs de la cour des comptes, & autres dont
-je ne parle ni ne cuide parler, d'autant que si je crois qu'il y ait
-entr'eux quelque homme de bien, & que je le die, ce ne sera pas sans
-dépriser les autres, auxquels je ne veux faire tort. Mais parce qu'ils
-sont bien connus, je le propose, afin que par eux on juge de ceux qui
-ont des négoces. Les femmes de ces empêchés, voyant & connoissant que
-leurs maris n'ont pas loisir de leur faire choses & autres, ont de beaux
-jeunes hommes à la maison, qui font ce qui est à faire, pendant que
-monsieur n'y est pas: & parce que cette coutume commença du temps des
-sénateurs de Rome, le nom latin leur en est demeuré encore. Et puis
-quand monsieur le procureur vient harassé comme un marayeux, en entrant,
-il voit sa femme, & lui dit: bon jour, trognon. Bon jour, mon ami,
-dit-elle. Et bien, ma fille, dînerons-nous? Oui, mon ami. Je m'en vais à
-la messe, & un petit à confesse quelquefois, où elle est jusques après
-vêpres. Et puis dis que tu en as, homme de peine, pour en amasser à
-telles friquettes.
-
-SACERDOS. Mais que disent-elles à confesse?
-
-MINISTER. Ce qui leur vient en la bouche.
-
-L'AUTRE. O! & leur vient-il quelque chose? Je pensois qu'il n'y vînt
-rien que quand on y porte.
-
-MINISTER. Voire, vous voilà aussi étonné que le mari de madame Jeanne,
-servante de monsieur de Bourges, qui fut mariée à son argentier. Ce
-gars, la nuit des nôces, lui disoit: Jeanne, ma mie, tu as le con bien
-grand. Oui, dit-elle, vous voilà bien empêché! Il en faut louer la
-moitié. Si j'en suis étonné ou empêché ce n'est pas sans cause, vu que
-souvent les hommes ne savent que dire, non plus que celui de tantôt, qui
-ne savoit rien faire que des civieres.
-
-VALDEN. Je fus bien empêché, confessant, un jour, un jeune Breton
-Vallon, qui, en fin de confession, me dit qu'il avoit besogné une
-civiere. Quoi! lui dis-je, mon ami, ce péché n'est point écrit au livre
-angélique d'enfer, nommé la _somme des péchés_, qui est le livre le plus
-détestable qui fût jamais fait, & le plus blasphématoire, d'autant qu'il
-est dédié à la plus femme de bien. Je ne sais quelle pénitence te
-donner. Mais non, mon ami, quel goût y prenois-tu? Monsieur, bon &
-délectable. Quoi! est-ce une civiere rouleresse, ou à bras? Monsieur,
-elle est à bras, & à bran, & à bouche: c'est une vendeuse de cives. Ha!
-de par le diable, je pensois mal; va, mon ami, va, ne peche plus.
-
-LE DOCTEUR. Cette civiere étoit-elle femme de bien? Je ne le demande pas
-sans cause, pource que je ne sais que vous faisiez, parce que mon
-confesseur me demanda, un jour, si je n'avois jamais paillardé à autre
-qu'avec ma femme.
-
-L'ÉCOLIER. Quelle différence y a-t-il entre les femmes de bien & les
-autres?
-
-LE MAÎTRE. Vous avez tort, il ne faut pas les mêler, il n'y a point de
-comparaison. Paix-là, paix-là, paix.
-
-L'ÉCOLIER. Voire; mais de parler des femmes de bien je ne l'endurerai
-pas; ma mere l'étoit.
-
-LE MAÎTRE. Encore pis, tu me feras gâter. Vois-tu? Les femmes de bien
-baillent, ou font bailler, ou ont qui baille de l'argent pour leur
-faire, & en faut bailler aux autres.
-
-L'ÉCOLIER. C'est pourquoi elles ont plus de liberté, comme celle qui, à
-souper, vit que son mari ne lui avoit point donné de veau; & il coupoit
-un oison. Elle lui dit: mon mari, je vous prie, ne faites pas-là de
-l'oison, comme vous avez fait du veau. A, ha! he, hi, hi, e e e. Etant
-sur ces entrefaites, voici entrer Frostibus, lieutenant-général de tous
-les diables, auquel on avoit interdit la porte; mais madame lui avoit
-fait ouvrir, d'autant qu'il étoit bon diable. Il vint, gai & gaillard,
-mettre les deux mains sur les épaules de Luther, & lui dit: & bien,
-monsieur de l'autre monde, quoi! que dites-vous des gentillesses que
-nous avons faites par-delà, en notre enfance? Tais-toi; lui dit ce vieil
-rêveur Stumius, tu n'es pas sage, tu découvres le pot aux roses, tu
-déclares les secrets du métier. Mais, dit-il, par ta foi, pauvre
-mélancolique, si tu es plus homme de bien que les autres, va te faire
-brûler en quatre quartiers, comme vrai martyr des quatre religions. Or
-bien, messieurs, encore un coup, boivez, ne me tenez gueres. Je vais en
-Flandre, pour copuler les états. Que voulez-vous savoir de moi?
-
-LUTHER. Tu es importun. Nous ne nous soucions plus de toi; va à tous les
-diables, & nous laisse. Sinon, va à ce nouvel abstracteur de
-quintessence qui te fasse griller, comme tu as fait rôtir de mes bons
-disciples.
-
-FROSTIBUS. Ha! ha, par ma foi, je suis tout réjoui. Savez-vous un
-poinct, mes bons seigneurs? En quelque pays où il y ait une des quatre
-religions établie, je fais déclarer hérétiques, comme fromage de Milan,
-ceux qui n'en sont point; & puis on les grille; & cela vient bien à mon
-goût, d'autant que le fromage grillé est plus voluptueux au palais que
-l'autre. Mais laissons cela, ce n'est pas ce qui m'amene: je suis venu
-ici pour vous prier, mon Luther, mon capitaine, mon ami, de me faire la
-faveur qu'il n'y ait plus personne damné. Tous les diables vous en
-prient; & sera bon, s'il vous plaît, d'y prendre garde, de peur qu'enfin
-les maréchaux des logis d'enfer n'aillent en purgatoire marquer par-tout
-pour nous loger. Et dà, il en est besoin, d'autant qu'il y a déja tant
-de damnés en enfer, que les pauvres diables couchent dehors; & ainsi
-vous y aviserez, & je me recommande à vos bonnes graces. Je m'en vais.
-Je n'oserois être ici plus long-temps, de peur de devenir hérétique ou
-papiste. Que si cela avenoit, je serois perdu. Les financiers & bon
-conseillers des rois & princes ne feroient plus état de moi, parce
-qu'ils ne font pas cas de ceux qui sont fermes en une religion.
-
-
-
-
-DÉFAUT.
-
-
-XV. Ayant dit cela, il s'en alla: & fut dit que qui que ce fût, qui
-heurteroit, demeureroit dehors, s'il n'étoit de l'une ou de l'autre
-religion, _ex professo_: & te va faire loger, pauvre diable.
-
-LUCRECE. Mais s'il y venoit quelque gueule, lui refuseroit-on la porte?
-
-PONTANUS. Ces poëtes phantastiques ont toujours quelque allégorie. Que
-veux-tu dire par ces gueules?
-
-LUCRECE. Hé! pauvre fat, ne sais-tu pas bien que nos garces, que l'on
-appelle putains à Paris, & nos soeurs ès cloîtres, sont de vraies
-gueules. Aussi, je dis que, s'il vient ici des gueules, il les faut
-laisser entrer ici, d'autant qu'elles sont bonnes papistes, quand par
-dévotion elles le font avec les gens sacrés; & bonnes huguenotes,
-lorsqu'elles ne discernent point les jours. Ces deux sortes de gueules
-sont comme les avaleurs d'huîtres; elles vivent de viandes vives &
-crues. Mon doux ami, tu t'en es tant escrimé, que les mains te
-tremblent. Qui joue des reins en jeunesse, ils tremblent des mains en
-vieillesse.
-
-LOCRUS. Disant cela, je me ressouviens que vous n'avez pas tantôt résolu
-qui étoit le meilleur; bien que vous eussiez dit que l'abbesse avoit
-résolu qu'il n'y en avoit point de grands.
-
-AXIOCUS. Cela est bon. L'abbesse de Long-champs m'a appris ce qui en
-est; me demandant sur cette résolution ce que j'en pensois: & je lui dis
-que c'étoit à elle, s'il lui plaisoit, à m'en éclaircir. C'est, ce me
-dit-elle, celui qui est dur & dure. Voire, mais dis-je, madame: il ne
-peut toujours durer. Non dà, dit la bonne mere, & c'est pourquoi on ne
-nous donne pas les états de judicature, à cause que nous résistons au
-droit, & l'anéantissons.
-
-LUCRECE. La dame qui ouit dire à un docteur proférant _ponendum jus_:
-ho, ô, dit-elle, vous aurez menti, je ne ponerai pas jus, je suis femme
-de bien. C'est la raison pour laquelle monsieur de la Saulaye marioit
-ses filles jeunes; & quand on lui demandoit pourquoi, il disoit: j'aime
-mieux qu'il leur cuise, qu'il leur démange.
-
-SOCRATES. Vraiment, je n'y saurois que faire: il y en a à ce bout de
-table, qui disent possible les mêmes choses que nous disons ici: mais il
-les enfilent d'autre sorte: je vous prie, vous qui les oyez, prenez-y
-garde, pour les ôter de ces mémoires & y mettre vos intentions; & vous
-pour le premier qui le ferez, serez mis au catalogue des bons esprits,
-c'est-à-dire, vous serez déclaré bête de bon esprit. Or sur-tout prenez
-garde à quelques petites gentillesses qui sont ici réduites, & les
-calculez avec leur distance; &, sous cette proportion, vous trouverez un
-grand notable secret; excellent mystere, & mystérieuse excellence.
-
-DIOGENES. Il m'est échappé de vous dire cela; le diable me l'a tiré du
-cul, pour le mettre en votre bouche; faites-en votre profit, comme d'une
-belle & joyeuse vrille de bois.
-
-LE BON HOMME. Et bien, boivons, & me donnez un petit de cette croûte de
-pâté; ce que j'en fais est pour épargner le pain. Mais à propos,
-qu'est-ce qui épargne plus le pain en une maison?
-
-CHOSE. E! hé, quel voyage, ma grand'tante; & qui êtes-vous, chouse?
-C'est la miche, & le gâteau, & le tourteau, & la fouace, & le biscuit.
-Cela me fait souvenir qu'étant à Blois avec mes amis, à faire bonne
-chere, durant les états.
-
-BEZE. Gare le concile.
-
-PETRUS DE ALVER. Pourquoi?
-
-BEZE. Parce qu'aux nôces les huguenots furent attrappés à Paris, à la S.
-Barthelemi. Aux états, les ligueurs furent contaminés, environ noël. Et
-s'il avient un concile, au diable le couillon restant de ces sortes de
-gens qui gâtent tout.
-
-CHOSE. J'étois donc à Blois à me rigoler comme un pere; & mes amis qui
-me gratifioient, me traiterent douze jours de bons vivres, & ne me
-présenterent point de pain; ils ne me donnerent que de la miche. Ce fut
-au temps même que la pauvre Ragonde, fille du commissaire Chotard, se
-trouva grosse: & comme son pere s'en fut apperçu, il lui fit quelques
-remontrances, disant: comment, ma fille, qu'avez-vous fait? En dà, mon
-pere, je ne pensois pas que si peu de chose me pût ainsi aventurer. O!
-vilaine que tu es, je crois qu'il te faudroit donc un fourgon.
-
-SPARCIPPUS. Je n'étois pas-là; mais à Montauban, ou à Beziers, où
-j'oyois maître Florimond le menuisier, qui tançoit sa femme de ce
-qu'elle étoit ivrogne; & lui remontrant gracieusement pour l'induire à
-pénitence, lui dit: en dà, ma mie, ma femme, j'aimerois mieux que tu
-fusses un peu putain. Elle lui répondit: _carabous, carabous le meo
-marita tout attingueren, de tout ferem, un poque_.
-
-APULÉE. Hé! gué, tout ira bien, j'en aurons; & puis on trouve à Paris
-pleine chemise de chair vive pour cinq sols au rabais.
-
-POGGE. Celle de la dame Isabelle valut bien davantage, ainsi qu'il a
-paru: c'est qu'elle a tant gagné à prêter son brelingot, que de l'argent
-du reste, elle a fondé la plus célebre religion qui soit à Venise, ainsi
-que me l'ont dit les Jésuites en confession.
-
-MACROBE. Ce chose là n'étoit donc pas comme celui de cette pauvre garce
-Michelle, qui venoit d'Angers à Tours, & se mit au bateau de Bolacre.
-Nous étions bonne troupe, & montions par eau sur Loire, pour aller aux
-pardons à Orléans. Comme j'étois là, je désirois que la riviere eût été
-mi-partie, qu'un rang eût coulé comme elle fait, & que l'autre eût coulé
-vers Blois. Si quelque pape savoit faire cela, il augmenteroit beaucoup
-le domaine de saint Pierre, par la diligence que feroient les postes.
-Entre tant de gens de bien qui étoient au bateau, il y avoit un gai &
-jeune, qui, pour avoir frayé avec Michelle, avoit mal à son unique bout,
-ce qui lui déplaisoit fort, aussi-bien qu'aux autres qui ont pareils
-accidens, qui survinrent à plus de six de la compagnie. Il falloit se
-reposer à Tours, où pour lors étoit le roi, qui venoit de fixer le
-mercure. Etant là, ce jeune homme intéressé aux parties vitales, (ainsi
-notre ami l'horlogeur nommoit le _vit_, de peur d'offenser les oreilles
-des filles: aussi qui les en iroit frétiller par tel endroit, feroit
-ridiculité: ainsi que celui qui demandoit chez Bourgant, la même
-semaine, du ridicule d'antimoine; il vouloit dire du _régule_;) ainsi
-cet affligé alla droit chez le compere Jardin, qui le consola, & le mit
-en train de briéve guérison. Or, en notre troupe, y avoit un prêtre
-Breton, qui avoit la pine si offensée, qu'enfin vexé de trop de mal, il
-se découvrit à ce jeune homme, qui lui conseilla d'aller Jardiner. Le
-triste ecclésiastique y va. (Il y en a qui ont voulu dire que c'étoit un
-ministre du Languedoc, venu au synode à Châtelleraut: ils se trompent,
-d'autant qu'il n'avoit que des poulains, qui lui étoient venus, pour
-avoir monté sur la haquenée du confesseur des religieuses de
-Fontevrault, à qui le médecin de madame avoit donné la vérole.) Ce
-patient étant devenu le barbier, il lui déclara son mal. Adonc le maître
-le visita, & trouva qu'il étoit copieusement grangrené; si qu'il le
-falloit couper, à quoi il eut beaucoup de peine à faire résoudre
-l'affligé, qui enfin, craignant de mourir, abandonna son pauvre cas au
-rasoir. Ainsi que l'exécution étoit prête, le chirurgien lui demanda de
-quel état il étoit. Il lui répondit qu'il étoit prêtre. Adonc le maître
-donna le coup rasibus, sans rien épargner: & comme messire Pierre cria,
-il lui dit: là, là, c'est tout un, aussi-bien n'en avez-vous que faire.
-
-RENÉE. Quand notre ami Yverd le coupa à un chantre de saint Gratien, qui
-le regrettoit: allez, dit-il, il reviendra.
-
-MACROBE. Le prêtre ainsi fait courtaud de légere taille, nous allâmes
-tous à la file, pour avoir remede à nos maux; même le petit qui tenoit
-la peautre, & qui avoit été poivré, vint à Jardin; & comme il lui
-faisoit le discours de son inconvénient, & parlant de Michelle, il nous
-disoit: depuis que j'eumes hébrégé cette vetture, je n'en eus que
-malheur; le vent s'est tourné, & jernigoi de la vetture, & de la foutue
-vetture.
-
-PARÉE. Il avoit passé par les mains d'une qui avoit moyen de le
-récompenser ainsi que me dit à Lyon madame Briolet, l'amie du comte
-Bennerie. Je la traitois d'un mal de tête. Mon gentilhomme, mon ami, me
-dit-elle, faites-moi du bien; je vous promets que je vous paierai bien.
-O! ô, dis-je, mademoiselle, je vous remercie; en dà, je ne veux pas être
-payé de ce que je fais aux dames; il y a trop de danger.
-
-GAUTHIER. Mais le curé de saint Martin d'Aussigni, vers Bourges, y
-avoit-il mal?
-
-GUILLAUME. Vraiment ce fut grand pitié. Il aimoit une femme qui lui
-donna assignation, & faisant semblant de le recevoir courtoisement,
-l'empoigna: & comme maître Antitus de braguette sentoit cette main
-douillette, il s'exaltoit. Adonc cette femme avec l'autre main avança un
-couteau, dont elle le coupa tout net.
-
-SAPHO. O! de par le diable, quel trait! Elle étoit plus inhumaine que
-madame, la présidente de même nom, qui se trouvant en lieu
-d'assignation, où six l'attendoient pour la bricolfrétiller, elle, se
-refroignant un peu, dit: hé bien, messieurs, je vous prie de vous
-dépêcher, d'autant que mon mari m'attend; je n'avois épargné du tems que
-pour un coup ou deux.
-
-LE MOINE. Mademoiselle de Lescard, ayant ouï conter ces nouvelles, eut
-des visions en dormant, & lui sembla qu'elle voyoit semer des vits,
-ainsi elle se jetta hors du lit & se cassa un bras, voulant, comme elle
-l'a confessé à monsieur le premier barbier, en amasser un bien gros. Or
-cependant, vous parlez à cette heure, belle dame, selon vos intentions.
-
-TÉRENCE. Aussi faisoient le valet de notre boulanger, & la femme du
-conseiller... Comment?
-
-
-
-
-RÉMISSION.
-
-
-XVI. Il y en a qui parlent suivant leurs intentions arrêtées aux objets.
-Le boulanger de la ville tenoit à ferme une maison qui étoit à ce
-monsieur le conseiller; & là y avoit un beau jardin, où les arbres
-rapportoient de beaux abricots, & de bonne heure. Ce jardinier, en ayant
-recueilli des plus beaux & premiers, appella le mitron, auquel il
-commanda d'en porter un quarteron à monsieur le conseiller.
-
-VALRON. Qu'est-ce que _mitron_?
-
-TÉRENCE. Les valets des boulangers sont ainsi nommés, parce qu'ils n'ont
-point de haut-de chausses, mais seulement une devantiere, telle ou
-semblable à celle des capucins, qu'ils nomment une _mutarde_, & qui, en
-pure scolastique, est nommée une mitre renversée. La mitre couvre la
-tête, & ce devanteau le cul, qui sont relatifs. Le mitron, obéissant à
-son maître, vint avec les abricots; & entra dans la chambre, où la
-servante l'introduisit. Il fit une belle révérence à mademoiselle à cul
-nud, lui demandant où étoit monsieur. Elle dit: il viendra à cette
-heure, mon ami; attendez le un peu. Cependant le mitron regardoit la
-demoiselle qui s'achevoit d'habiller, & faisoit la litiere à ses tetons,
-qui paroissoient mignons & beaux; il les considéroit des yeux fort
-goulûment, que voici monsieur qui entra. Alors le mitron, allant vers
-lui, fait une grande révérence, & lui dit: monsieur, voilà mon maître
-qui se recommande à vous, & vous envoie une pannerée de tetons. Il dit
-ainsi, pensant & parlant tout à-la-fois. Quoi! dit monsieur, ce coquin
-ne sait ce qu'il dit. Le mitron, voulant faire la révérence, trouva
-derriere lui un placet qui le fit cheoir, de sorte que, sa devantiere se
-renversant sur le ventre, il montra toute sa pauvreté, ses pauvres
-tritebilles. Qu'est ceci, ce dit le conseiller? Voyez ce maraut! Il se
-met à regarder les tetons de ma femme; il ne sait ce qu'il dit, & encore
-se laisse tomber. Adonc la demoiselle, qui regardoit le paquet d'amour,
-le spectacle de l'outil de nature, excusant ce pauvre mitron, dit à son
-mari: mon ami, vous le devez excuser; s'il est chut. Un cheval qui a
-quatre couilles, se laisse bien cheoir. Elle vouloit dire _quatre
-pieds_; mais l'objet la détournoit.
-
-MADAME. Quel paquet d'amour! Que le chat fût bridé de semblables!
-
-L'AUTRE. Il n'en seroit pas plus fort, pour l'avoir mangé. Je vous le
-prouverai, par l'aventure qui nous survint à la Boisiardiere; où, un
-vendredi, nous dînions; & madame se coléroit de ce que l'on n'avoit
-gueres mis de beurre. La fille qui l'avoit en charge vint, & tenoit le
-chat mignon en sa main, & disoit qu'elle l'avoit pris sur le fait,
-achevant de manger quatre livres de beurre. Moi, qui aime justice,
-desirois excuser le chat; & pour sa justification, & je le pris & le
-pese; & en bonne finte, il ne pesoit que trois livres trois quarterons;
-je ne sais ce qu'il pesa, quand il eut chié le beurre; allez-y voir.
-
-RABELAIS. Il a oublié ce qu'il vouloit dire.
-
-GREGOIRE. Comme celui qui se vouloit faire recevoir procureur au
-châtelet, lequel se présenta humblement à l'examen; & ainsi que l'on lui
-eut fait plusieurs questions, il ne savoit répondre à aucune. Un des
-messieurs lui demanda, d'où venoit cela qu'il ne se présentoit & ne
-savoit rien: messieurs, dit-il, j'ai été en vendanges, où j'ai oublié
-tout ce que je savois.
-
-GODEFROI. Et ce bon personnage qui avoit acheté... O, qu'ai-je dit? Qui
-avoit eu _gratis_, comme les autres, un métier de conseiller.
-
-LOUVET. Appellez-vous cela métier? Vous seriez aussi prophané, que le
-bourgeois de la Rochelle, qui, ce dernier carême-prenant, ayant été
-tancé, parce qu'il étoit de la religion, d'avoir joué joyeusement, (&
-même le consistoire l'avoit repris aigrement) se trouvant en compagnie,
-où l'on se consoloit de ce qui s'étoit passé, va dire: par la certebleu,
-si j'avois trouvé quelqu'un qui me voulût bailler cinquante écus de mon
-métier de huguenot, je m'en déferois.
-
-
-
-
-DISCOURS.
-
-
-XVII. PLOTIN. Ho! compere, que vous allez vîte! Comme vous dépêchez
-tout!
-
-GODEFROI. Je ne vais pas si vîte que le plumacier de l'univers.
-
-CICERON. Quel diable de nouveau mot est ceci? Qui est ce _plumacier_?
-
-PLOTIN. C'est celui qui pose les panaches sur les têtes des hommes de
-l'univers.
-
-POGGE. Je gage qu'il veut parler de cornage.
-
-PLOTIN. Tu l'as trouvé; qu'il te puisse accompagner comme accident
-indélébile!
-
-ASCLEPIADES. Comment est-ce qu'il va si-tôt?
-
-PLOTIN. O cher compere de toute la fressure, je te le dirai! Sache, toi
-qui as belle & jeune femme; sache, mon tendre & jovial petit belleau,
-mon petit prêteur de franches repues, que, si tu étois au Grand-Caire, &
-que ta femme tant poupine fût à Paris, & que de son consentement, me
-faisant ouverture de ses bonnes graces, elle me laissât entrer à elle,
-je n'aurois pas si-tôt mis mon V, I, T, pied, dans son C, O, N,
-pantoufle, que l'admirable, grand & révéré cocuage ne fût, en un
-instant, au Grand-Caire, à te frétiller avant la tête, pour te réjouir
-du beau petit plumage d'amourettes.
-
-PLANUDES. Triste garçon à demi vieil que tu es, je t'assure que ta
-journée n'y monteroit gueres. Tu es de ceux auxquels on peut dire:
-depuis que la couille passe le vit; adieu vous dis.
-
-BIONON. Paix, de par tous les diables, taisez-vous, ou je vous couperai
-le cou, comme je fis un jour à un roi qui chioit. Achevez le discours de
-ce conseiller, & meshui ne vous interromprai; ou j'abomine, je
-contamine, je précipite, je diable, je trente mille: a, ha! je ne le
-dirai pas: faites votre devoir.
-
-GODEFROI. Parlez-vous de ce conseiller de la prévôté, lequel le pere le
-présentant à messieurs, demandant séance pour lui, leur dit: messieurs,
-mon fils n'a point de science, il vous plaira lui en donner. (Un gâta
-tout. Non, dit-il, c'est de celui qui se faisoit recevoir à la cour, qui
-est tant bonne & douce, la bonne dame, qu'elle ne reçoit, ou n'a reçu,
-ou ne recevra, de peur de faillir, je ne le dirai pas; en voilà qui me
-veulent faire dire _des ânes_, je n'en ferai rien.) Ainsi que messieurs
-interrogeoient ce bon personnage déja âgé, ils l'incitoient à répondre;
-& il ne savoit, d'autant qu'il n'entendoit pas ce qu'ils disoient. (S'il
-eût été encore comme moi, qui plaidant ma premiere cause, je dis à ces
-messieurs-là beaucoup de choses que je n'entendois pas, ni eux aussi, ce
-qui m'apporta une belle dayée de réputaison.) Ce personnage écoutoit;
-puis, comme revenu de bien en songerie, dit: messieurs, je n'ai pas
-accoutumé ce ménage ainsi que vous dites. Bien je ne sais rien, il est
-vrai; mais j'ai un fils qui est bien savant, qui répondra pour moi,
-comme mon compere le sieur Basgrand a répondu de l'argent que je dois de
-mon office. Par dépit qu'il ne put être reçu, si-tôt que sa femme fut
-morte, il récompensa une prébende, & fut official.
-
-L'AUTRE. Ce fut à lui, auquel Menaud, notre métayer fit une jolie
-réponse. On agissoit devant lui d'une cause de fouculterie; & Menaud
-étoit appellé à témoin, pour dire que le garçon eût eu habitation de
-concupiscence charnelle avec cette fille. Ainsi que Menaud fut entré, il
-dit: j'y étois, & ce que je vous dis est vrai, monsieur l'official. Dieu
-me doint bonne vie & longue! on m'a dit que vous me demandiez.
-L'official lui dit: & bien, mon ami, dites vrai. Avez-vous vu que ce
-gars ait envahi cette fille? Avez-vous vu qu'il l'ait travaillée?
-Monsieur l'official, je n'en saurois que dire; je suis votre serviteur.
-Là, mon ami, dites; je suis le vôtre. A, a! monsieur, il suffit, si vous
-me faites plaisir. Dites donc, mon ami, dites. Et bien, monsieur
-l'official, je vous dirai: j'ai vu quatre fesses & deux culs; mais je
-n'ai point vu de vit; je crois que le larron de con l'avoit en la goule.
-
-SAPHO. Hé gai, voilà de beaux contes à dire devant des gens d'église.
-Aussi
-
- Je suis si aise quand je cous,
- Si pour un C. je mets une F,
- Qu'il m'est avis, à tous les coups,
- Que j'ente une mignonne greffe.
-
-
-
-
-FOLIE.
-
-
-XVIII. CERTORIUS. Je m'étonne que le roi n'ôte ces officialités, s'il le
-faisoit il soulageroit beaucoup de monde, & enrichiroit sa justice, & si
-feroit que les ecclésiastiques seroient chastes. Pensez-vous qu'oyant
-ainsi parler de turpitude, le bandage ne leur simule pas?
-
-CUSA. A la vérité, les oreilles & les yeux servent beaucoup à besogner,
-témoin le curé de saint Clément, qui, en son prône, disoit: les dames
-montrent leurs tetons; ce n'est pas bien fait; & puis elles étendent
-leurs chemises autour du cimetiere. En dà, ni moi, ni mes vicaires ne
-sommes pas anges; cela nous tente.
-
-XÉNOCRATES. Pargoi, il n'étoit gueres sage, il y paroissoit; il ne lui
-falloit point aller à la touche des merveilles.
-
-CESAR. Quelle touche!
-
-XÉNOCRATES. C'est celle qui est à Paris, justement dans le badaudois, au
-lieu même où Pepin fianta, (je cuidois dire fit ses affaires sur l'état
-de France. Il fit mettre & exposer cette touche qui est notable,
-d'autant que sur icelle, comme on éprouve l'or à celle des orfevres, on
-examine les folies des anciens, les sottises des nouveaux, la gloire des
-présomptueux, & bref toutes les viédaseries des humains; & dit-on que ce
-volume y a été trouvé, ainsi qu'il y avoit été laissé par feu Guillaume
-de Paris, qui, aux porteaux de notre-dame, a mis les figures chimiques à
-faire la projection à devenir sages, de laquelle on use, comme de
-cendre, à l'entrée de ce noble chaircutieux de carême.
-
-BARNAUD. Je pense que vous rêvez d'appeller carême chaircuitier.
-
-XÉNOCRATES. Oui, je rêve: il vous l'est avis. Notez ces paroles;
-_chaircuitier_ est un qui fait cuire de la chair; _undè_ chaircuitier:
-mais _chaircuitieux_ est un qui concutie la chair, qui la chasse, qui la
-ruine, comme font les maréchaux & médecins nouveaux.
-
-BARNAUD. Tu y as excepté les médecins, parce que tu en as affaire.
-Est-il pas vrai que, comme tu écrivois contre Machiavel, tu avois si
-fort les hémorrhoïdes, que le cul te distilloit tout en sang, & en étois
-à demi mort.
-
-XÉNOCRATES. Sachez, bel ami, que les sages médecins font leurs essais
-sur les gens d'église, malfaiteurs, gueux & putains. Tels sont les
-quatre élémens d'essais.
-
-BEZE. Tu me refais bien; j'aimerois autant le fou de la Bourdaisiere,
-qui avoit avalé une pièce de vingt sols. Comme il vint à la rendre par
-bas, il avoit de la peine. A la fin l'ayant tirée, il dit à son maître,
-la lui jettant toute breneuse sur la table: en dà, monsieur cousin, que
-l'argent est fâcheux & difficile à faire.
-
-CEBES. Qui l'eût mis sur votre touche de tantôt, elle eût été touche à
-connoître merde; cela eût bien servi aux médecins.
-
-XÉNOCRATES. C'est tout un; je reviens à cette pierre, d'autant que je
-suis alquemiste, aussi les alquemistes ont la pierre en la tête; &
-pensois que voulussiez parler du révérend pere abbé de Vienne,
-au-dessous de Lyon, lequel voyant la grosse pierre qui est en la
-prairie, où il y avoit en écrit: _qui me virera, grand trésor aura_. Le
-bon & noble pere (il n'étoit pas de la famille des Laurents, il avoit
-trop d'esprit) se mit en frais pour faire virer cette pierre, & y
-dépensa trois mille quatre cent vingt-deux écus dix-sept sols & une
-pite, ce que je mets pour vous assurer. Jaloignès le notaire en a fait
-le compte. Et comme elle fut tournée, il trouva de l'autre côté: _virier
-je me veliens, parce que me doliens_.
-
-SALIVAS. Il fut bien deçu; il pensoit avoir trouvé la pierre
-philosophale.
-
-GALANDIUS. Par la mort d'oeuf, il n'étoit pas en tant de bien que le
-Granger de saint Martin, qui un tems fut, étant couché entre deux
-garces, disoit, étendant ses bras, main deçà, main delà: que de biens!
-
-OECOLAMPADE. Je sais bien qu'il est; C'est celui qui mourut l'année
-passée. Son valet me vint quérir, pour le voir, & me dit: hélas!
-monsieur, venez vîtement; mon maître se meurt de l'apocalipse; il
-vouloit dire de l'_apoplexie_; ainsi que l'entendoit le vicaire de saint
-Saturnin, quand le second président en mourut; lui étant venu ce mal,
-d'appréhension d'avoir été de la ligue.
-
-MAROT. Tu as bien débuté avec la ligue; tu es un bel archer, tu y vises
-bien!
-
-JAMIN. Aussi-bien que celui qui voyoit l'amour, qui est à la
-Boudaisiere, fait en si belle peinture, que l'amour a été fait après ce
-portrait. Quand le roi venoit de fixer le mercure, il vint en cette
-belle maison. Et comme ès lieux curieux il y a toujours des amuses fous,
-ce tableau d'amour étoit en la grande salle. Il y eut un gentilhomme qui
-s'y amusa; & voyant cet amour avec son trait sur l'arc, comme prêt à
-décocher, & lisant autour: _sublato amore omnia ruunt_, étoit en grand
-peine que cela pouvoit signifier. Il passa un aumônier, auquel il le
-demanda. L'aumônier l'ayant lu, dit: monsieur, vous êtes fâcheux; ce
-latin là est possible prophane; il n'est pas de bréviaire; je ne
-l'entends, ni ne le veux entendre. Monsieur, ne vous fâchez point, je
-vous prie. Il en passa un autre qui fut plus hardi, auquel il fit la
-même priere. Adonc le prêtre, ayant considéré l'état de la figure, lui
-dit: monsieur, cela signifie que, si dieu vouloit, tous les anges du
-paradis tireroient ainsi de l'arc.
-
-BUCHANAN. Je pense qu'il entendoit aussi peu de latin que le sieur du
-Coudrai, qui me pria un jour de lui montrer du latin. Vraiment, je le
-menai en la boutique d'un libraire, où j'ouvris des livres latins, & lui
-montrai du latin. Il se voulut colerer; à jan, j'avois une épée aussi
-bien que lui; je nous fussions bien battus.
-
-POGGE. Et vive les coups de poings; on n'en meurt que par hazard, non
-plus que d'autre chose.
-
-DES ESSARDS. Et quoi! portiez-vous lors une épée?
-
-BUCHANAN. Oui.
-
-DES ESSARDS. Et de quel saint?
-
-BUCHANAN. Je suis gentilhomme; & par la double-triple manche de serpe,
-nous sommes tous gentilshommes en notre pays.
-
-DES ESSARDS. O! ha, hé! & qui est-ce donc qui garde les pourceaux?
-
-BUCHANAN. C'est l'abbé de Turpenai, qui fut celui qui eut la venue par
-mon compere Tristan que voilà, qui en fait des reproches au roi Louis
-onzieme, lequel avoit donné l'abbaye de Turpenai à un gentilhomme, qui,
-jouissant du revenu, se faisoit nommer monsieur de Turpenai. Il avint
-que le roi étant au Plessis-les-Tours, le vrai abbé qui étoit moine, &
-comme ceux qui duement pourvus ont été appellés antiques, d'autant que
-c'étoit à l'antique mode, qu'il n'y avoit point de commentaire; (foin,
-je pensois dire de _commendataires_.) Cet abbé se vint présenter au Roi,
-& lui fit sa requête, lui remontrant que canoniquement & monastiquement
-il étoit pourvu de l'abbaye, & que le gentilhomme usurpateur lui faisoit
-tort contre toute raison; & partant qu'il invoquoit sa majesté, pour lui
-être fait droit. En secouant sa parruque, le roi lui promit de le rendre
-content. Ce moine importun, comme tous animaux portant cucule, venoit
-souvent aux issues du repas du roi, pour lui ramentevoir son affaire. Un
-jour, le roi, ennuyé de l'eau bénite du couvent, appella mon compere
-Tristan, & lui dit: compere, il y a ici un Turpenai qui me fâche;
-ôtez-le moi du monde. Tristan n'y faillit non plus, qu'il lui eût
-failli, ainsi qu'il se trouve ès Florides, quand sous le nom de Stratin
-il eut la tête tranchée à Sancerre, tourné en Rancrese, témoin Verville
-qui me l'a dit, ainsi qu'il l'a écrit. Tristan prenant un froc pour un
-moine, ou un moine pour un froc, vint à ce gentilhomme, que toute la
-cour nommoit monsieur de Turpenai; & l'ayant accosté, fit tant qu'il le
-détourna; puis le tenant, lui fit entendre que le roi vouloit qu'il
-mourût, partant qu'il fît son testament, comme font les enfans de Lyon
-au pied d'une échelle, la tête couverte par privilége notable. Il
-vouloit résister en suppliant, & supplier en résistant, comme dit notre
-ami Castillon en son bien dire: mais il n'y eut aucun moyen d'être ouï.
-Il fut délicatement étranglé entre la tête & les épaules, si qu'il
-expira; & trois heures après, le compere dit au roi, qu'il étoit
-distillé. Il avint cinq jours après, qui est le terme que les ames
-reviennent, si elles doivent revenir, ainsi que dit saint Foubrequin,
-que le moine vint à la salle où étoit le roi, lequel le voyant, demeura
-fort étonné, & lui sembloit avoir devant lui le spectacle hideux de
-l'ame monachale, étrangée de son triste corps. Tristan étoit présent. Le
-roi l'appelle, & lui dit en l'oreille: vous n'avez pas fait ce que je
-vous ai dit. Ne vous déplaise, sire, dit-il, je l'ai fait. Turpenai est
-mort. Hé! je disois & entendois de ce moine. J'ai ouï & entendu du
-gentilhomme. Quoi! c'est donc fait? Oui, sire. Or bien, se tournant vers
-le moine: venez ici, moine. Le moine s'approche: le roi lui dit:
-mettez-vous à genoux. Le pauvre moine avoit peur. Et le roi lui dit:
-remerciez dieu, qui n'a pas voulu que vous fussiez tué, comme je l'avois
-commandé. Celui qui prenoit votre bien l'a été. Allez, dieu vous a fait
-justice; allez, priez dieu pour moi, & ne bougez de votre couvent.
-
-
-
-
-CONTRAT.
-
-
-XIX. SAPHO. Je pense que ce pauvre moine n'arsoit pas à cette heure.
-
-BEZE. Vraiment non, non plus que monsieur le grand prieur de
-Marmoustier, qui disoit que sa couille étoit en chaleur, & que son vit
-ne bougeoit de dessus.
-
-SAPHO. C'est que ce pauvre cas avoit perdu de l'argent, il regardoit
-contre bas, il n'eût pas été bon pour la tante de maître Philippes.
-
-COQUEFREDOUILLE. Comment?
-
-SAPHO. Elle vouloit être remariée pour la cinquième fois; & maître
-Philippes s'en fâchant, lui dit: vraiment, ma tante, vous ne seriez pas
-profitable à faire un écrou de pressoir; vous usez trop de vis.
-
-TONI. En quel tems est-ce que l'on a plus les vis en la main?
-
-MADAME. C'est quand on descend un degré.
-
-SIBILOT. Qui sont les vide greniers?
-
-CÉSAR. Crocheteurs qui en ôtent le bled. Je crois que l'on s'y échauffe.
-Voire, & bien plus que le Breton, qui, à la défaite de Craon, s'enfuit &
-se cacha en la queue d'un étang, sous les feuilles de nymphe, où il fut
-long-tems, & jusques à ce qu'il apperçut un paysan qui passoit; & il
-l'appella, lui demandant s'ils étoient encore là. Il dit qu'il n'y avoit
-plus personne. Vraiment, ils ont bien fait; le cerveau commençoit à
-m'échauffer. Il lui échauffoit un peu moins, qu'à celui qui avoit la
-tête dans un pot de fer.
-
-PIGHIUS. Je m'en souviens: nous étions à Genève, & folâtrant en notre
-logis à carême-prenant en cachette, comme on fait en ce pays, lorsqu'en
-carême l'on fait le petit exercice. Il y eut un de nos amis, (je crois
-que ce fut Feverdant) qui mit sur sa tête un pot de fer, & se mit à
-sauter. En dà; la tête lui entre dedans, & ne pouvoit l'en ôter. Nous
-eûmes bien de la peine; & sans le pere Ignace qui s'avisa d'un bon
-expédient, il lui eût fallu rompre le pot ou la tête. Ce pere, plein
-d'industrie, prit le chausse-pied du laquais de sainte Aldegonde, & le
-passa sur le nez qui empêchoit que le pot ne se dégainât, & tira
-par-dessus, si que, le nez rabatu, la tête sortit du pot fort aisément.
-Nous en rîmes tout notre benoît saoul, d'autant qu'il demeura camus.
-Mais qui fut celui qui rit tant, qu'il en fianta en ses chausses?
-
-VIGOR. Ce fut mon compere le cardinal le Moine, qui nous avoit proposé
-de faire un mal-fait sans péché, & un bienfait sans mérite. A quoi fort
-à propos répondit la docte des Roches, mere & fille, & dit qu'il falloit
-chier en ses chausses, puis les aller laver; parce que c'est mal fait de
-chier ainsi, mais ce n'est pas péché, si ce n'étoit par concupiscence,
-puis les laver, il n'y a point de mérite.
-
-ALEXANDRE LE GRAND. Voire, mais nous parlons de celui qui fianta sous
-lui.
-
-VIGOR. Vous le saurez. Nous soupions, & ayant fait beaucoup de jolis
-contes pour rire, le dessert fut de ce mal fait sans péché. Et Chose va
-dire: (je crois que ce fût moi) voilà; nous avons fait bonne chere avec
-du plaisir sans mal aucun; & que le mal que nous avons pensé nous puisse
-avenir. Quoi! dit le sage Akakias, de chier en vos chausses? Nous rîmes
-si fort & à propos, que le boyau culier se dilatant en la voie du
-sphincter qui relâchâ, je fis le péché abondamment.
-
-ZANCUS. Fi, que tu étois sale? Pargoi je n'eusse pas voulu alors que tu
-eusses été en tel point, que quand on passe maître un boucher.
-
-VIGOR. Qu'est-ce à dire?
-
-ZANCUS. Mais tout nud; tu eusses embaumé toute la chambre.
-
-CÉSAR. Mais encore, dites-nous le secret de cette maîtrise.
-
-ZANCUS. Quand les bouchers font un examen à l'aspirant, ils le mènent en
-une haute chambre; & le tout fait, ils lui disent que, pour la sûreté
-des viandes, il faut savoir s'il est sain & entier; & pour cet effet le
-font dépouiller & le visitent. Cela fait, ils lui disent qu'il se
-revête; ce qu'ayant fait, & le voyant gai & ralu, ils lui disent: or çà,
-mon ami, vous êtes passé maître boucher, vous avez habillé un veau;
-faites le serment.
-
-LOUVET. Je pensois qu'on ne fît faire le serment qu'aux gens de justice;
-da, c'est abuser du serment, de le communiquer à tout le monde; il ne
-devroit appartenir qu'aux élus.
-
-IVELLUS. Vous en parlez à cause du sire Pierre le Petit, qui acheta un
-office d'élu & fut reçu. Un jour, étant allé à sa baronnie, son
-principal métayer le saluant, lui demanda de ses nouvelles; il lui en
-conta, puis lui dit: tu ne sais pas, Frion mon ami, je ne suis plus
-marchand; je suis élu. Et da, ce dit Frion, Vraiment, mon maître, j'en
-suis ébahi; je pensois que pour être élu, il fallût être bien savant.
-
-HAMELIUS. Il y a des états, pour lesquels exercer il ne faut gueres
-savoir, comme vous diriez prêtres, chanoines, ministres, & tels gens.
-
-RABELAIS. Parlez-vous des ministres de ce tems?
-
-RABANUS. Lisez l'épitaphe du ministre de feue madame; ça été Titelman
-qui l'a faite.
-
- Par mon opinion sinistre,
- De savetier je suis ministre.
-
-
-
-
-PARENTHESE.
-
-
-XX. Dis que tu en as, Calvin.
-
-CALVIN. Je n'en veux autre vengeance que celle qu'en prit Bersaut sur le
-curé de Barace & ses compagnons. Que Chose vous le raconte: je suis
-empêché. Ne savez-vous pas que je bois & mange si peu, qu'il me faut
-être en repos pour pâturer, avisez: je ne mange pas tant que beaucoup de
-personnes: & si tout le vin du monde étoit-là, je n'en boirois pas le
-quart.
-
-RABELAIS. Mais ne laissons aller Bersaut.
-
-CALVIN. Dis haut, couillaud d'Angers mon ami, & je te promets que, quand
-tu seras chanoine de S. Maurice, tu ne paieras rien _pro futuitu_,
-quoique nos devanciers l'aient toujours fait, & les successeurs le
-feront, pour entretenir les cérémonies de l'église.
-
-CHOSE. Bersaut passant au-dessous de la bennerie, rencontra une nue de
-prêtres qui venoient d'un gaignage. Lui, bien accompagné, les environna,
-& leur demanda d'où ils venoient. Prêtres étonnés ne savoient presque
-dire, tant ils avoient peur. Or, çà, çà, dit Bersaut à un page: pied à
-terre; & au bon homme de curé de Barace, qui étoit fort âgé: sus, bon
-homme, cul bas; là, détachez vos chausses. Il pensoit devoir être
-écouillé. Quand les chausses furent baissées, le page, au commandement
-de son maître, attacha le derriere de sa chemise aux reins. Adonc il fit
-baisser le curé, comme quand on joue au frappemain, ou à la
-fausse-compagnie; puis, çà, enfans, à l'offrande. Tous les autres
-prêtres vinrent baiser le cul, & mirent leur argent au chapeau du page.
-La cérémonie accomplie, il leur demanda: & bien, enfans, me
-connoissez-vous? Oui, vous êtes le bon monsieur Bersaut. Allez, dit-il,
-& faites votre devoir; soyez gens de bien. Le lendemain, ces prêtres
-conterent à deux cordeliers ce qui leur étoit avenu; & les deux freres
-(qui aussi vont toujours deux à deux. Voire, deux à deux, ce seroient
-quatre: ils vont un à un. Coucher une à un est bon). Les cordeliers,
-passant pays, vindrent à Chesfe, où sont les oies rouges, & dînerent
-avec des gendarmes. Après dîner, ils rendirent graces, & dirent: dieu
-nous veuille donner une bonne paix. Adonc un des gendarmes va dire: dieu
-nous ôte le purgatoire. Ha! monsieur, ma chere ame parente de
-chrétienté, vous blasphémez. Mais vous, dit le soldat; il faut que
-chacun vive de son état. S'il n'y avoit un petit de guerre & un
-purgatoire, il ne faudroit ni moines ni gendarmes. A! ha, ha, hé. Au
-reste, étant passés outre dans le haut Anjou, par-delà Angers,
-
- Basse ville, hauts clochers,
- Riches putains, pauvres écoliers.
-
-& proche de la maison de Bersaut, ils s'entredisent: frere, qui ira? Ce
-sera moi, dit l'aîné, qui avoit nom frere Eustache. Il y alla donc, &
-demanda à parler à monsieur, devant lequel on l'introduit. (Quoi! dit
-Badius, vous dites monsieur sans queue? Je le crois bien; n'ai-je pas
-été nourri dans les cloîtres? Je dis comme les femmes de prêtres, qui,
-tant pauvre soit leur maître, parlant de lui, nomment monsieur: monsieur
-par-ci, monsieur par-là.
-
-ROBERT. Je ne pensois pas que tu eusses été de ces petits pages de
-frocs.
-
-CHOSE. Chut. Comment osez-vous ainsi nommer les semences futures des
-pédagogues de l'église? Laissez-moi dire. Etant devant monsieur, il lui
-demanda humblement l'aumône. Oui da, dit-il, vous l'aurez, pere
-Moustache; mais j'ai céans un vieil serviteur qui se meurt, que je
-désire faire confesser. Monsieur, vous êtes en bon propos. Adonc il le
-mena en un grenier, où il avoit un vieil chien qui se mouroit de
-vieillesse. Voilà, ce dit monsieur, le serviteur dont il est question.
-He! a, dit le moine, monsieur, je cuide que vous vous moquez de moi
-simple religieux. Croyez que je ne suis pas si instruit, que je ne sache
-comme il faut vivre; & qu'il n'est raisonnable d'attribuer à un chien,
-ce qui convient à la personne. Partant, monsieur, vous m'excuserez. De
-dépit, lui fit donner le fouet à nud, & à bon escient; puis l'envoya. Le
-triste frere revint à son compagnon, auquel il conta sa fouettée &
-l'occasion d'icelle. Laisse-moi, dit l'autre, j'aurai pis ou mieux. Il y
-alla donques; & son entrée & discours furent au semblable des premiers
-faits à son compagnon; & Bersaut lui ayant parlé de ce vieil serviteur,
-il demanda à le voir. L'ayant vu, il dit: & bien, monsieur, il est
-raisonnable; faites-moi donner un petit bâton. Je ne veux pas que vous
-lui fassiez mal. Aussi ne ferai-je; mais j'ai affaire de ce que je
-demande. On lui bailla un bâton: & le moine le fendit un peu plus que la
-moitié; puis dit à monsieur & à ses gens qu'ils sortissent & se tinssent
-à la porte; qu'il ne falloit pas ouïr la confession d'autrui. Etant
-sortis, il prit l'oreille du chien dans ce bâton fendu, & lui dit: or
-çà, mon ami chien, voulez-vous pas mourir en chien de bien. Et lui
-pressant l'oreille, le chien huchoit assez haut: ouan, ouan. Ne demandez
-vous pas pardon à votre maître de l'avoir trompé, en mangeant le gibier
-quelquefois? Ouan, ouan, ouan. N'êtes-vous pas fâché d'avoir autrefois
-blessé quelqu'un? Ouan, ouan, ouan. Pardonnez-vous pas tout le monde?
-Ouan, ouan, ouan. Or soyez donc chien bienheureux, absous comme un loup
-gris, trépassant comme une autre laide bête. N'en êtes-vous pas bien
-aise, monsieur le chien? Ouan, ouan. Il y ajouta plusieurs autres belles
-cérémonies de chien, qui furent fort agréables & au chien & à son
-maître, qui, après cette action, prit le moine, lui fit bonne chere, rit
-avec lui, lui donna de l'argent & son cou chargé de bled, & lui promit
-de lui en donner, toutes les fois qu'il viendroit le voir. Le frere
-retourne vers le fouetté, lui montre sa quête: hé, grosse pécore, lui
-dit-il, tu ne sais pas vivre. En s'en allant, ils trouverent de leurs
-amis; & le fouetté dit: nous avons été bien fouettés. L'autre dit: mais
-bien vous; frere; & non pas moi. A d'autres il dit: nous avons eu bien
-du bled. Mais bien moi, frere, & non pas vous.
-
-PRISCIAN. Voilà que c'est d'entendre les affaires.
-
-
-
-
-DOCTRINE.
-
-
-XXI. Je voudrois que ma femme fût aussi bien confessée & bien noyée; je
-serois plus content que Bersaut, ni le moine.
-
-RABANUS. Pourquoi voudriez-vous avoir perdu votre femme?
-
-PRISCIAN. Parce qu'elle ne me veut point obéir.
-
-STATIUS. En da, la mienne m'obéit une fois: ce fut quand je la jettai en
-l'eau. Nous passions sur le pont d'Arve; & le balendrier, _id est_
-garde-fous, étoit ôté. Je la poussai en bas, & lui dis: va où tu
-pourras. Ce qu'elle fit galammant. Elle se sauva peut-être comme saint
-Pierre, quand il chut dans le ruisseau de Champagne. Je vous en dirai
-l'histoire comme elle avint à notre maître Rabelais, que voilà bien
-empêché à trouver l'essence d'un cervelas avec Théodore & Pline: (sur
-quoi quelqu'un me demandera de quoi il étoit, je lui dirai qu'il étoit
-fait comme nos autres viandes). Sachez donc que cette belle compagnie
-faisoit bonne chere, & telle qu'on fait hors du monde, comme nous
-faisons nous autres esprits séparés de nos corps. Notre bon vin n'est
-autre chose que le pur esprit de vin, qui échappe aux quintessencieux;
-nos viandes sont faites des ames des bêtes; vous, qui êtes grossiers &
-corporels, en mangez les corps; & nous, les ames que nous fricassons
-avec les fumées de sauces, & les essences des aromatiques à la clarté du
-feu vif, aidés de bonheur de l'huile incombustible & du sel fusible.
-
-LE ROI AGAMEMNON. Paix! ne passez-pas outre, ne dites pas tout.
-
-STADIUS. Et bien, sire, je me tairai. Mais si un malotru, sire, m'en
-parloit, je le ferois déjeûner de l'esprit de fiente royale. On dit que
-c'est la meilleure, je m'en rapporte aux pourceaux.
-
-LE MORTEL. On voit bien que vous n'êtes guere sage de nous conter tout
-ceci.
-
-STADIUS. O! pauvre animal mortel, mon ami, ne sais-tu pas bien qu'ayant
-un corps, il faut qu'il se vuide? Et tu consens bien que la merde soit
-serrée en tuyaux de briques & belles canes: que souvent on la remue, &
-que même, ho! monsieur le doyen du chapitre de la grande église, vous en
-faites faire des conclusions en vos régistres, & commettez commissaires
-de bran pour curer les aisances. Ainsi ceux qui ont imprimé ceci, font
-commissaires d'excrémens. Ceci est la fiente de mon esprit; & puis je
-fais comme vous, messieurs les cardinaux, je fais ce bâtard: il faut
-qu'il vive. Mais en conscience n'est-ce pas un vrai abus, que de nos
-beaux ouvrages & plus sérieux? Certes ils sont aussi-bien prophanés que
-les plus vils. S'il y a quelque beau tableau en taille-douce bien
-élabouré, il sera aussi-tôt en la boutique d'un savetier, qu'au cabinet
-du roi. Il échet une même fortune aux uns & aux autres. Et voyez, les
-livres des doctes qui furent nuit & jour après la forfanterie, sont
-quelquefois ès mains des laquais & des putains, qui diront: que voilà
-qui est bien fait; ou bien: voilà qui est mal à propos. Comme disoit, un
-jour, une jeune garce, que son con avoit fait demoiselle par la tête,
-tenant un beau livre où elle n'entendoit rien, faisoit la dédaigneuse;
-je lui pardonne à la pauvre bête, elle en est devenue noire comme un
-charbon, & sale comme eau. Avisez-y, doctes; parce que souvent vos
-labeurs, vos bons livres sont employés à faire des cornets d'épices, ou
-des mouchoirs de cul; & ne peut avenir pis à cettui-ci, qui n'est écrit
-que pour la juste démonstration de ce qui est, d'autant que l'on voit
-ici la bêtise des grands de ce tems, la sotise des habiles gens,
-l'impudence des doctes, & la méchanceté des autres. Mais bran pour eux,
-ainsi que dit M. Habpin, maître chirurgien. Je n'ai jamais vû envieux &
-avaricieux devenir vieux. Pleurez, grands, de ne m'avoir pas eu pour
-pédagogue; vous fussiez bien heureux. Or adieu vous dis, comme un _de
-profundis_: & de fait, on ne voit gueres pendre de sots que par hazard &
-malheur, comme ce paysan de la Rochelle, qui, étant à l'échelle prêt
-d'être jetté, disoit: laissez-moi aller, laissez-moi aller; mes boeufs
-se gâtent. Et diantre, mettez donc une coëtte là bas, afin que je ne me
-rompe les jambes. Il ne pensoit pas devoir tenir par le col, ainsi que
-ces beaux esprits & tant d'habiles gens d'entendement, qui se font
-pendre. Faites-en de même par dépit.
-
-MARSIL-FICIN. Oui; mais il avint à plusieurs comme à Mauduit, que l'on
-pendoit, & le bourreau lui disoit: monsieur, mon ami, je vous prie, ne
-vous tourmentez pas tant: je vous pourrois faire tort, d'autant que je
-n'ai jamais encore pendu personne. Hélas! dit-il, mon ami, je n'ai aussi
-encore été pendu. Dieu nous en doint bon encontre à tous deux.
-
-FRACASTOR. Elle lui seroit donc meilleure, qu'au bourreau de St. Denis
-en France, auquel un marchand de Paris demandoit de l'argent. Je te
-prie, dit-il, compere, attends un peu; je n'ai point d'argent: la pente
-n'a pas été bonne, cette année. Dieu y pourvoira.
-
-NÉRON. Voilà bien doctriné! Vous avez laissé le conte de Rabelais.
-
-L'AUTRE. Il est vrai; & c'est ici la grande dignité de cet ouvrage,
-plein de l'intelligence de la pierre philosophale, parce que tout s'y
-transmue. Vous n'attendiez pas ceci, est-il pas vrai? Or bien sachez que
-voici le moyen de transformer, non-seulement les visages, mais aussi les
-essences. Et de fait, prenez-y garde de près, (comme le chevalier
-d'honneur de la reine, qui dort avec ses lunettes, pour sommeiller à
-double fond) & vous trouverez que ceux qui béniront ceci deviendront
-sages, s'ils ne le sont; parce qu'en vérité ces écrits cesseront, & ne
-seront plus grands; les vices cesseront, & toutes sortes de gens ne
-feront plus de folie. L'ambition & l'impiété des grands, l'ignorance des
-prêtres, les présomptions des ministres, le désordre des moines, l'envie
-des chanoines, la fausse science des docteurs, les usures des huguenots,
-les piperies des papistes & toute autre contradiction qui fait naître
-ces beaux commentaires, qui sont compilés de l'étourdissement des
-hommes, & friponnerie des femmes, qui s'est établie encore plus fort,
-depuis qu'on a nommé un cheval _haquenée_, un moine ou un chanoine
-_dignité_, & qu'on a appellé un chat _minon_: & de fait, huchez un
-moine, & lui dites: moine; il se fâchera.
-
-HOTOMAN. Vous me faites souvenir de ce moine de Saint-Denis en France,
-qui voulut faire l'entendu, voyant maître Thierri de Heri à genoux,
-tourné vers la figure de Charles VIII. Le moine lui dit: monsieur mon
-ami, vous faillez: ce n'est pas l'image d'un saint que celle devant qui
-vous priez. Je le sais bien, dit-il; je ne suis pas si bête que vous; je
-connois que c'est la représentation du roi Charles VIII, pour l'ame
-duquel je prie, parce qu'il a apporté la vérole en France; ce qui m'a
-fait gagner six ou sept mille livres de rente. Ce moine là pensoit être
-bien savant.
-
-PIC MIRANDULA. Si ne l'étoit-il pas tant, que le cousin de Vaugirand,
-qui est docteur en théologie, qui, venant un jour de prêcher d'un
-village où on l'avoit prié, s'en retournoit. Or allant & rêvant sur sa
-bête, il s'égara, & trouva un paysan auquel il demanda le chemin pour
-aller à Seveniere. Le paysan le reconnut, & lui dit: hé da, monsieur,
-vous êtes un homme de bien; je vous ai ouï prêcher en notre village;
-j'ai plus retenu de votre sermon que de tous les autres; je voudrois
-bien en avoir une demi-douzaine de semblables. Et bien, dit-il, mon ami,
-vous en aurez quelque jour; mais enseignez-moi le chemin pour aller à
-Seveniere. Ha! a, dit le paysan, le bon dieu m'en veuille bien garder
-d'enseigner à un homme qui sait tout, ha! a, vous vous moquez bien de
-moi. Les petits enfans le savent bien; & vous, qui savez tout, ne le
-sauriez-vous pas? Il n'y a pas de dret: adieu, monsieur; & le laissa là.
-Et le bon seigneur nous vint regarder chez nous, où nous lui fimes bonne
-chere. Il fut bien camus de cette réponse du paysan; il en eut le nez
-aussi long qu'il fut camus.
-
-JEAN HUS. Mais d'où cuidez-vous que cela est venu, que l'on a fait
-signifier même chose à deux contraires?
-
-HOTOMAN. Je ne saurois.
-
-JEAN HUS. Je vous le dirai. Un jour de grande fête, il avoit auprès du
-revêtiaire de bon feu dans le chariot à grille; & un quartaire y faisoit
-griller du boudin durant matines. Il fut pressé d'aller, pour donner
-l'encens; il mit son boudin dans sa manche, & va faire son devoir. Quand
-le chanoine lui eut baillé l'encensoir, il va vers monsieur le chantre,
-qui se disposa pour recevoir la sainte fumée. Adonc le quartaire se met
-à jetter l'encens; & sa manche, qui se délia, laissa aller le boudin au
-travers des joues de monsieur le chantre, qui fut aussi étonné
-qu'émerveillé, & depuis le proverbe a eu lieu en France.
-
-ARETIN. Voilà bien débuté! Quand je lui vis le con, je dis bien que
-c'étoit une femelle.
-
-GALIEN. La fites-vous remettre?
-
-ARETIN. Comment?
-
-GALIEN. Ainsi que la demoiselle de Blois, qui, ayant fait une fille,
-après qu'elle fut accouchée, elle demanda ce que c'étoit. C'est une
-belle fille, dit-on. Adonc l'accouchée dit: je n'en veux point;
-remettez-la.
-
-POGGE. J'aimerois autant celle qui disoit que l'on avoit enté une queue
-de chevreau à un agneau qu'on lui avoit vendu.
-
-ASCLÉPIADES. Oui; & celle qui dit qu'on avoit mis un oeuf au cul de la
-poule qu'elle avoit achetée, pour faire mine qu'elle pondoit; & elle
-n'avoit pas depuis pondu.
-
-LE BON HOMME. Je ne sais pourquoi vous parlez de pondre. Il vient de
-cette fente un vent qui est pondu de n'agueres, il est bien frais.
-
-STOFLER. Attendez; je me mettrai au devant.
-
-LE BON HOMME. Corbieu, tu me presserois trop; & puis, ô de par le
-diantre sans jurer, ne sais-tu pas bien qu'il y a trois choses qui ne
-veulent souffrir être pressées?
-
-STOFLER. Quelles?
-
-LE BON HOMME. La tête d'un fou, les pieds d'un gouteux & le ventre d'un
-moine. Et si j'étois fol, moine ou gouteux, ou tout ensemble?
-
-STOFLER. Quoi! tu serois, mon bel, aussi difficile à tenir qu'un beau
-petit ange d'Arragon.
-
-LE BON HOMME. J'aimerois mieux être d'Espagne.
-
-STOFLER. Tu serois comme le Bandol le puîné, qui est un sage, homme de
-bien, Espagnol & catholique.
-
-MADAME. Que dites vous là?
-
-STOFLER. Je demandois s'il y avoit des bordeaux en votre pays, madame?
-
-MADAME. Non da, il n'y en a point; mais il y a des maisons d'honneur, où
-l'on se réjouit avec les dames; & quelques dames d'honneur, réputées
-pour cela, en tirent rente pour nourrir des moines.
-
-BUCHANAN. C'est donc en ce pays-là, où _moine_ signifie _larron_; comme
-en l'isle des sots, _sot_ signifie _monsieur_. Et de fait, si je vous y
-trouvois, je vous dirois: bon jour, sot. Ce seroit autant que vous dire:
-_bona dies_, monsieur.
-
-SAVONAROLA. Mais l'isle des sots est par-tout; & celle des fous est
-au-delà; témoin la petite fille de maître Simon, qui me vit aller à
-l'église avec mon surplis: elle courut à sa mere: ma mere, mon mignon
-est devenu fou; il a mis sa chemise sur sa robe.
-
-BRENTIUS. Pourquoi est-ce que, quand on nomme un homme _sot_, il
-s'estime cocu? Et si on appelle une femme _vesse_, elle pensera être
-putain?
-
-POGGE. Ce n'est pas de même, parce que, si vous appelliez un homme
-_pet_, il ne s'en soucieroit pas; & toutefois c'est de même. Il y a fort
-peu à dire, pour autant que les pets font du bruit, & les vesses coulent
-doucement; & c'est la raison pour laquelle les hommes font tant de bruit
-en les priant, & elles coulent doucement comme vesses.
-
-BRENTIUS. O! o, ce n'est pas cela; il y en a bien une autre raison.
-
-POGGE. Quelle?
-
-BRENTIUS. Les femmes ne prient point les hommes, parce qu'elles savent
-bien que le four est toujours chaud; mais la pâte n'est pas toujours
-levée. Elles seroient confuses, si elles demandoient une chose mal à
-point, dont elles ne seroient pas servies. Et puis elles sont honteuses
-quand on les prie, parce que ce qu'on leur demande est si près du cu. Il
-est vrai que les brehaignes sont plus heureuses que les fécondes, parce
-que le cas ne leur pue point; & est vrai que le cas de celles qui font
-des enfans est toujours faguenant & mal odorant; ce n'est qu'à cause du
-cu.
-
-MAROT. Vraiment voire; pensez-vous qu'elles seroient aises, si elles
-n'avoient point de cu? Cela n'iroit pas bien. J'entends de trou fignon.
-
-ARTÉMIDORE. Je crois qu'elles n'en ont pas, ou bien elles feignent de
-n'en avoir point, d'autant qu'elles sont ou font les sobres, afin de
-nous faire croire qu'elles ne fiantent pas.
-
-ARNOBE. Tu as dit vrai; c'est ne plus ne moins qu'elles font les
-chastes, afin de nous faire désirer de leur bailler ce qu'elles enragent
-d'avoir. Ainsi que Fleurie, la chambriere de notre bon ami le prieur de
-S. Eloi, laquelle vouloit épouser un cordonnier, & le pressoit devant
-l'official. Les parties étant devant ce juge, cette femme insistoit à
-avoir pour mari ce cordonnier, qui protestoit n'en vouloir point. Et
-pourquoi, dit l'official? Ha! dit-il, monsieur, je n'en veux point;
-c'est une méchante, elle m'a donné la vérole. Hélas! dit-elle, monsieur,
-c'est un méchant homme de dire cela; comment la lui aurois-je donnée? Je
-l'ai encore.
-
-RABELAIS. Il étoit instruit & dégoûté; ainsi que notre berger, qui,
-étant avec la servante, elle lui offroit son cas, selon leur bonne
-coutume; & il lui dit hardiment: ma Toinette, je t'en remercie autant
-que si j'en avois bien pris ma réfection.
-
-MAÎTRE BASTIEN. C'est ce que j'aime que ceci; je le trouve: ce sont
-contes de peau-d'âne; c'est la vérité.
-
-MELVIN. Il a raison, d'autant que tous ces mémoires, dictions, discours,
-sentences & paroles sont prises du dictionnaire à dormir en toutes
-langues, de l'institution à lire sans points, sans lettres, sans
-caracteres, sans accens, sans figures, sans notes: aussi-bien les notes
-font faillir, ainsi que le disoit frere Ambroise, qui disoit qu'il eût
-bien chanté; mais que la note l'empêchoit. Aussi sans chiffrer telles
-choses, a été fait ce livre par le fils du dernier homme; _item_ de
-l'épitome des bibliotheques de Saint-Germain & autres, du grand
-luminaire des sots, tous livres extraits de cettui-ci, auquel si chacun
-avoit remis ce qu'il y a pris, il n'y auroit plus qu'un livre au monde.
-
-SUIDAS. Tu es bien sot de nous conter ceci, afin que tout le monde le
-sache, & on le vouloit céler.
-
-MELVIN. Tu es un sot, toi-même. Je te recommanderai au maître des sots.
-
-SUIDAS. Et qui est-il?
-
-MELVIN. O grosse bête, c'est le sotier de Genève.
-
-SUIDAS. Quel sotier?
-
-MELVIN. Tu fais semblant de ne le savoir point. Parce qu'ils écrivent
-_psautier_; je disons _sotier_, non sans cause, d'autant que tous les
-sots qui sont repris de justice en ce pays-là, passent sous son
-enseigne.
-
-SUIDAS. Comment! Est-on sujet en ce pays-là d'avoir la vérole?
-
-MELVIN. Garde-toi de blasphémer; il ne faut pas dire cela.
-
-SUIDAS. Que veux-tu donc dire?
-
-MELVIN. Dame, quand nous sommes à la cour, nous appellons être repris de
-justice, quand on sue la vérole & qu'on se fait pancer de quelque
-inconvénient, des dépendances de l'inventaire des histoires.
-
-SUIDAS. Voici encore d'autres paroles que je n'entends pas.
-
-MELVIN. Hé! bête que tu es, ne sais-tu pas que les génitoires ont été
-dites _histoires_? Que la couille est la mere des histoires, & la
-braguette en est l'inventaire, ainsi qu'une chaire percée est
-l'inventaire d'étrons?
-
-
-
-
-BAIL.
-
-
-XXII. BIEN-VENU. Vos histoires m'ont fait souvenir de trois dames qui
-devisoient de leurs maris, & de tout ce qui étoit en eux. L'une
-d'entr'elles dit: je ne sais que vous trouvez tant à redire en vos
-maris; quant à moi, je me contente fort du mien: il est vrai qu'il y a
-je ne sais quoi de petit, c'est qu'il a la couille noire. Le mari les
-oyoit conférer, & tout beau s'en alla en la maison. Quand elle s'en vint
-au logis, elle trouva qu'il se promenoit comme en colere. Et
-qu'avez-vous, mon ami, dit-elle? Et lui, mot; elle le prie de lui dire;
-& lui, comme courroucé: que j'ai? Je ne sais; il faut que je sois
-toujours en peine pour vous. On me vient d'ajourner, pour comparoître
-devant le lieutenant-criminel, pour la réparation d'une blessure que
-vous avez faite à un enfant; & dit-on que vous étiez là-bas en la cour,
-où vous aviez fait vos affaires, & que vous ayant torché le cul d'une
-pierre, vous l'avez jettée par sus les murailles, & qu'elle a blessé cet
-enfant. A, ha! mon ami, dit-elle, ne croyez pas cela; ce sont des
-méchantes gens qui le disent. Il y a plus de quatre ans, que je ne me
-suis torché le cul, en façon du monde. Adonc, dit-il, je ne m'ébahis
-pas, si j'ai la couille si noire.
-
-CARDAN. Il vaut bien mieux se torcher le cul avec du papier, &
-principalement en ce temps qu'il est à si bon marché: en quoi nous avons
-barre sur les anciens, qui avoient bien de la peine à se le torcher. Je
-m'en rapporte au seigneur de Caramousse, grand faiseur de confitures,
-avec lequel je demeurois à Gênes, lorsque les belles confitures y furent
-inventées, & que nous trouvâmes le moyen qui s'y pratique maintenant, &
-qui est le secret de ces messieurs qui font les confitures; mais ne
-l'allons pas découvrir. Je vous dirai ce que faisoit ce grand
-personnage, ainsi qu'encore font les plus avisés: il amassoit le plus
-qu'il pouvoit de torche-culs; & quand il en avoit recouvré grande
-quantité de bien secs & dorés, il les faisoit bouillir, & tiroit la
-crême qui nageoit dessus, laquelle il réservoit pour donner couleur aux
-confitures; & notez que cela est bon à toutes sortes de confitures & de
-couleurs, parce qu'étant faite de tout, elle servoit & sert à tout.
-
-GALANDIUS. Quelle délicatesse!
-
-COMES NATALIS. Que pensez-vous qu'il y ait au monde de plus délicat?
-
-GALANDIUS. Je ne sais.
-
-COMES NATALIS. C'est l'ame d'un solliciteur, d'autant qu'elle est
-souvent vannée deçà & delà, avec force affronts.
-
-GALANDIUS. J'ai appris, de notre ami Louvet, que c'est l'épaule d'un
-procureur, parce que, sitôt qu'on lui touche, il se revire incontinent
-pour haper de l'argent; il est toujours aux écoutes. Vraiment ils sont
-fort hardis; aussi _audaces fortuna juvat_.
-
-COMES NATALIS. Vous ne le prenez pas bien; il faut _edaces_, d'autant
-qu'ils mangent bien.
-
-M. ANT. NATTA. Ce seroit donc le mouvement perpétuel?
-
-S. COME. A dire vrai de ce merdeux, mon ami, si c'étoit de vous comme de
-moi, j'estimerois que ce fût comme le jeu de pet-en-gueule qui est
-notable, d'autant qu'il est le symbole de ce qu'il y a de plus exquis.
-Voyez-vous que c'est le sublime abaissé, & la vraie circulation
-chymique, lors que le cul sent la violette?
-
-NIC. NAN. Vous n'y êtes pas: c'est le symbole de ceux qui, sous ombre de
-religion, font la guerre pour maintenir leur ambition.
-
-RAMUS. Que ne dites-vous cela en latin: Raphelingius se moquera encore
-de vous, tant vous êtes sot.
-
-NIC. NAN. C'est assez, mon bon maître: j'ai, comme disoit Ambroise Paré,
-assez de latin tout fait; mais je n'en saurois faire qu'à fine force. Au
-diable le latin! il m'a tout emmusiqué la fressure de l'entendoire; &
-par fois je suis vraiment un grand sot.
-
-SON FILS. Vous avez menti, mon pere; ma mere étoit femme de bien.
-
-THÉMISTIUS. Et autant opiniâtre que la femme du pauvre Æschines, qui,
-par dépit de son mari, ne vouloit manger les pois qu'un à un: son mari
-vouloit qu'elle les mangeât en quantité, elle ne vouloit pas; parquoi
-son mari la battit, dont depuis elle fit la malade, & en fit la morte.
-A! dame, on la porte en terre; & comme on lui jetta la terre sur les
-genoux, elle eut frayeur, & comme demandant pardon, se mit à crier: je
-les mangerai trois à trois. Les prêtres qui l'ouïrent, & les autres
-pensant qu'elle les voulût manger ainsi, s'enfuirent.
-
-CAB. BURATEL. Et que devint-elle?
-
-THÉMISTIUS. Elle retourna au logis, ainsi qu'une femme de bien doit
-faire, pour être encore aimée de son mari. Et qu'il ne soit vrai, une
-femme ira plus pour un coup de vit, qu'un âne pour dix coups de bâton.
-
-FOXIUS. Elle eût été bien sage, si elle n'eût point été malicieuse. Et
-de là, filles, prenez instruction, qu'il faut se laisser tout faire sans
-mordre ni égratigner, de peur que l'on ne dise, sentant le mal, au
-diable la putain! Et cela seroit possible cause que vous la deviendriez,
-comme plusieurs autres, tant pour leur plaisir, que parce qu'il est
-ainsi prédestiné, si le célibat n'y entrevient. Or devinez pourquoi a
-été inventé _célibat_.
-
-ARIAS. C'est afin que nous ne nous amusions point à une femme, pource
-qu'elles sont toutes à nous, au moins s'il est vrai ce qu'on dit.
-
-ARNOBE. Je pense que c'est plutôt pour éviter les cornes, à quoi sont
-sujets les mariés qui craignent d'être cocus, d'autant que tous ceux qui
-sont mariés le sont; & pourtant prenez garde. Vous trouverez chez les
-hommes d'entendement, & qui ont de belles femmes, & qui font l'amour,
-c'est-à-dire, qui ont affection de bien faire pour en recevoir, qu'ils
-auront toujours chez eux un chausse-pied de cuir; & ce de peur que les
-cornes ne les blessent. Un chausse-pied de corne est dur; & partant je
-suis en grand peine d'où vient l'opinion des cornes.
-
-
-
-
-TRANSCRIT.
-
-
-XXIII. Une femme voyant un jour un beau gentilhomme, le regarda fort, &
-d'un oeil de concupiscence; puis dit à sa voisine: voilà un bel enfant;
-je le porterois volontiers, pour le faire jouer.
-
-JAMBLICUS. Elle me disoit un jour: couchez avec moi; &, demain au matin,
-je vous baillerai une paire de souliers. Elle n'y faillit pas; mais ce
-fut les miens qu'elle me bailla. Un autre disoit: je l'eusse donnée au
-diable. Non eussé-je pas moi, d'autant que j'en avois encore affaire; &
-puis je serai possible son héritier.
-
-L'AUTRE. Quel héritier! Elle mourra pauvre.
-
-JAMBLICUS. Voire da, comment? je vous prie: elle est putain, & son mari
-larron; est-ce pas pour faire une bonne maison?
-
-ARIAS. Je ne doute point qu'elle ne soit putain; & sur-tout l'ayant vu
-parler au vicaire de saint Paul, qui avoit promis à son curé qu'il
-seroit sage, & ne courroit plus après les garces; & qu'au moins il s'en
-abstiendroit les féries de pâques. Jan, il n'eut pas la patience; dès le
-premier jour il parla à cette-ci; & le curé qui l'apperçut, l'entendit
-revenir, & lui dit, je vous ai vu parler à une garce. N'avez-vous point
-de honte de ne vous en pouvoir abstenir, encore à ces bons jours? Ho!
-monsieur, dit-il, excusez-moi; ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est pour
-demain.
-
-SYNESIUS. Ce compagnon confessoit une fois un maître des requêtes, & lui
-parloit de péché de luxure, l'en interrogeant selon les loix de
-_Benedicti_; & comme il lui en parloit exactement, monsieur le maître
-des requêtes lui dit: mon confesseur, mon ami, je vous prie, ne me
-parlez plus de cela; vous me faites arser.
-
-LE MOUTARDIER. Vous êtes calomniateur; elle étoit sage, & avoit beaucoup
-de preud'hommie féminine.
-
-CICERON. Tu y es; tu y parles comme Thevet: voire de la _preud'hommie_.
-
-LE MOUTARDIER. Et pourquoi non, puisque preud'hommes avoient affaire à
-elle? Et toutefois c'étoit avec chasteté, tant qu'elle se pouvoit
-étendre, _modo stricto_. Pour le premier, elle ne voulut jamais que
-monsieur d'Est la baisât en la bouche; & il lui demandoit pourquoi?
-C'est dit-elle, que ma bouche est pour mon mari, parce qu'elle lui a
-promis: quant à mon con, il ne lui a rien promis, faites-en tout ce que
-vous pourrez; il est à votre commandement, cul & tout. Son mari s'en
-doutoit. Un jour qu'elle étoit sur la porte assise, elle avoit son
-cotillon un peu levé, il lui dit: fermez l'ouvrouer, (c'est la boutique)
-ma femme, il est fête. Aussi le cas d'une femme est un ouvrouer, des
-filles sont étoffes.
-
-NÉRON. A quoi faire?
-
-L'AUTRE. A faire des femmes de bien, ou des garces: & qu'ainsi ne soit,
-on peut dire une parole injurieuse à une femme ou fille de bien, sans
-l'offenser, en l'appellant par verbologie de choix, _belle étoffe à
-faire une garce_; parce que c'est-à-dire qu'elle est fille de bien, &
-qu'il ne tient qu'à elle qu'elle ne soit autre. Ne lui est-ce pas faire
-de l'honneur?
-
-L'APPRENTIF. C'est un bel honneur! Tu y entends comme ceux qui heurtent
-aux portes des putains.
-
-L'AUTRE. Et quoi, y a-t-il de l'intelligence en telle affaire?
-
-L'APPRENTIF. Oui da; notez, enfans, que si une garce a une porte sur la
-rue, il ne faut point y heurter, si on la trouve fermée; parce que, si
-la dame n'est point à la porte, ou à la fenêtre, il est évident, la
-porte étant fermée, qu'elle est empêchée.
-
-L'AUTRE. Cela est il vrai?
-
-L'APPRENTIF. Aussi vrai qu'il est vrai qu'elles ont beaucoup de dépit,
-(ainsi qu'ont les traîtres) quand en leur présence on jure, & dit-on,
-par-ci, par-là: je n'aime point les putains; je n'aime point les
-traîtres. Si à telle heure elles devenoient pucelles, jamais ne
-deviendroient putains, & seroient aussi farouches au montoir, que garces
-qui ont été au sermon.
-
-
-
-
-COPIE.
-
-
-XXIV. Et gai, ne faites donc jamais de cérémonie à l'entrée d'une halle,
-d'une taverne & d'un bordeau. Quand je vois faire ces similitudes, il me
-semble que je vois mademoiselle de Peu, qui disoit à madame Courtois:
-mon dieu! madame, que vous avez de belles filles aux fêtes. (Elle étoit
-aussi propre que le pendu de Douai).
-
-CÉSAR. Comment?
-
-L'AUTRE. Quand l'empereur Charles y fit son entrée, les gens de cette
-ville-là lui voulurent faire tout l'honneur qu'ils pûrent. Et faisant de
-belles façons d'arcades, chapeaux de triomphes, poteaux & telles
-magnificences, ils s'aviserent d'un pendu qui étoit à la porte de la
-ville, & principale entrée; ils ôterent à ce pendu sa chemise sale, &
-lui en mirent une blanche, pour faire honneur à monsieur l'empereur).
-Cette femme disoit cela de ses filles, parce qu'elles étoient mignonnes
-& proprettes. Et après, ces mignons, ils sont là à faire des façons ès
-entrées ou sorties, & font plus de fricassées de fêtes, qu'il n'y
-faudroit d'étoffes à faire une pannerée de mysteres. Il me semble, à
-voir ces fadaises, que les personnes, qui demeurent ainsi arrêtées, sont
-comme couillons, qu'on ne laisse jamais entrer. Mais à propos, pourquoi
-est-ce qu'ils n'entrent jamais?
-
-BAIF. Il l'a tantôt été dit; souvenez-vous-en.
-
-L'AUTRE. Je m'en souviens comme Honoré Bonjouan, brodeur de la reine
-notre maîtresse, qui, ayant eu affaire de lui, & ne l'ayant pu avoir,
-puis le voyant, lui demanda où il avoit été. Alors il lui dit: madame,
-je me soumets en toute humilité de majesté, madame; je me souviens que
-j'ai été voir mettre un homme en difficulté, & en distribuer un autre en
-quatre pieces, choses que je n'avois onques point vues.
-
-NÉRON. Qu'est-ce que difficulté?
-
-BEZE. Il cuidoit dire en _effigie_; je me le remembre. Il disoit d'un
-bel homme, qu'il avoit de beaux mufles, c'est-à-dire _muscles_.
-
-DENIS. Il étoit aussi fin que le marquis de Bellegueule, qui disoit que
-c'étoit une bonne manne en une maison que du charbon.
-
-G. G. C'est aussi-bien rencontré que ceux qui disent: depuis que moines
-allerent à cheval. Je ne vis jamais de moines aller à cheval, non plus
-que d'autres; bien ai-je vu des chevaux aller à moines. Les chevaux vont
-à moines dessus, comme tout autre; & ce qui est notable.
-
-PASSERAT. Si nous nous avisons de telles rencontres de ceux qui ne
-savent ce qu'ils disent, & pensent bien dire, je vous renvoierai en
-Savoie avec les huguenots, qui, fuyant de la S. Barthelemi, & approchant
-de Geneve, se plaignoient du roi des François. Les Savoyards, qui
-croyoient ce que ces pauvres despoderats leur contoient, les consoloient
-ainsi: _Ha pauvre gen, vostron ré n'est pas si bon que nostron princio.
-Si vostron ré se fu bin gouverna, il eusse esta maistre douta de nostron
-duc._ Ces pitauds nous répétoient cela, même quand nous étions en
-l'expédition de Savoie, & que, sans le mariage du roi, nous eussions
-conquis le Piémont. Vogue la galere, ce sera pour une autre fois. Le duc
-nous apportera de l'argent; puis nous irons prendre sa terre.
-
-BENOÎT. En bonne intention, mon ami, vous êtes de la même opinion que le
-sire Isaac Baudouin, de qui j'avois fait enterrer la femme fort
-honnêtement dans l'église. Il avint que lui demandant de l'argent, parce
-que déjà je l'en avois averti, il me fit quelque excuse; puis, comme par
-colere, en présence de nos amis qui devisoient avec moi, il va dire:
-voici chose terrible! Cet homme veut avoir le corps & les biens.
-
-CASSIAN. On l'avoit apportée cette-là; mais la servante de
-Trainecouille.
-
-CÉSAR. Qui nommez-vous ainsi?
-
-CASSIAN. Ce grand viédase d'auprès les carmes, qui servoit d'espion aux
-ligueurs durant la ligue, de mouchard aux politiques durant leur regne,
-de fureteur aux huguenots quand ils pulluloient & multiplioient. Un
-jour, sa servante, qui se nommoit Colette, monta sur un abricotier, qui
-avoit des branches qui passoient par-dessus des murailles dans le jardin
-des carmes, ou des jacobins, c'est tout un. Cette fille s'avança sur ces
-branches, pour cueillir le fruit; & il avint que la branche, sur
-laquelle elle étoit, rompit. La fille tomba dans le jardin, où quelques
-jeunes freres se promenoient, qui, voyant cette proie comme venue du
-ciel, se mirent après, & la _besognerent_ en bon françois, allant à la
-rangette, comme les soldats qui assiégerent le château d'Angers. Le
-prieur, qui ouit quelque bruit, survint à ce lieu; & effaroucha les
-aigles qui venoient au corps, & prit la fille par la main & la rendit à
-sa maîtresse, qu'il trouva à la porte la demandant. Quand Colette fut
-avec sa maîtresse, elle fut tancée, & elle lui dit: vous êtes une pauvre
-fille, que vous n'avez crié. Et quoi, ma mie, je pense que vous les
-enduriez faire! Comment, madame, dit-elle, par ma finte, si le prieur ne
-fût venu, j'en eusse bien eu davantage.
-
-BAIF. Vraiment, à ce que je vois, elle n'étoit pas comme la fille de
-notre juge, laquelle est si pucelle, que son pucelage lui monte si fort
-en la tête, qu'elle en est folle.
-
-PIMANDRE. Je m'ébahis comment cette fille pût sortir du cloître, vu que
-l'on dit, quand une chose tient bien, _cela tient comme une vesse en
-cloître_.
-
-CHARLES. Mais je m'ébahis qu'il n'y eût quelque homme de bien là, qui
-empêchât cette insolence.
-
-CASSIAN. O voire, cela étoit une chappe-cheute, une fortune rencontrée:
-il ne faut jamais laisser passer ce qui s'offre; & qui plus est, je
-dirois presque comme le maréchal de Valiere. Comme les élus étant là, &
-parlant de vos deniers qu'il falloit lever, & les asseoir avec modestie;
-quelques-uns se plaignoient disant ce qu'ils en pensoient. Sur cela un
-élu va dire: il faudroit élire & choisir ici quelques gens de bien du
-lieu, pour y avoir égard. Ce maréchal qui ferroit un cheval, oyant cela,
-laissa son affaire, & vint dire à l'élu: vraiment, monsieur, il n'y a
-point ici de gens de bien.
-
-
-
-
-CONFESSION.
-
-
-XXV. LE BON HOMME. Nous ne boivons point; holà! Vous causez assez. Mais,
-en un mot, il faut à un bon cheval lui frotter la queue du reste de son
-avoine, afin qu'il aille bien; & à un buveur, faut jetter le reste de
-son vin sur les mains, pour le préserver de la goute. Et puisqu'il n'y a
-point ici de gens de bien, faisons-nous bons, améliorons-nous; demandons
-une recepte, pour être aussi long-temps en l'état que nous avons été,
-comme fit le chapelain de sainte Catherine, confesseur de madame la
-comtesse de S.... Ce prêtre se trouva, un jour, prés de sa maîtresse,
-que sept ou huit médecins y avoient été convoqués, pour consulter sur la
-maladie de madame, qui, à dire vrai, étoit assez vieille pour mourir. Ce
-pere spirituel voyant messieurs les médecins sortir, les arrêta, & leur
-dit: messieurs mes honorés mages, il n'est pas en mon pouvoir, moi
-pauvre homme, de vous assembler comme je vous trouve ici; & j'ai une
-grande maladie à vous communiquer. Qu'en eussiez vous chacun un petit!
-Aidez, messieurs, il y a quarante ans que j'ai une grande & fâcheuse
-migraine, en la tête, comme savez, joint que ce n'est pas de vous, comme
-de moi. Messieurs, je vous prie de m'y faire quelque chose: mais,
-messieurs, je vous dirai, s'il vous plaît, comme dit l'autre, & ne vous
-déplaise; je ne puis recevoir de clystere, prendre médecine, endurer la
-saignée, souffrir les ventouses, supporter les onguens, sentir les
-frictions, porter les bains, ni donner lieu en moi, dedans ou dehors, à
-ce qui provient de chez le chirurgien ou l'apothicaire. Ces messieurs
-lui dirent: & que voulez-vous donc, mon pere, mon ami, que nous vous
-fassions? A, ha! messieurs, je vous prie & supplie de me la faire autant
-durer, qu'il y a que je l'ai. Vous le deviez donc dire, lui braillerent
-en _chorus_ tous les médecins, & s'en allerent, le laissant-là.
-
-LE PROCUREUR. Comme fit la jeune mariée à son mari: que ne le
-disiez-vous?
-
-NÉRON. Quoi!
-
-LE PROCUREUR. Le matin, il vint plusieurs femmes, filles & garces, voir
-le nouveau marié, c'est-à-dire le jeune homme; & chacune le baisant, lui
-donna une fouace. Sa femme, ayant vu ce mystere, lui demanda
-affectueusement ce que c'étoit; & il lui dit que c'étoit un adieu que
-lui disoient toutes les femmes, filles & garces qu'il avoit accollées.
-Hé da, dit-elle, vous avez grand tort, que ne me l'avez-vous dit? J'en
-eusse averti tous ceux qui me l'ont fait; ils m'eurent apporté du vin;
-nous eussions eu à boire & à manger, pour d'ici à pâques.
-
-L'AVOCAT. Voilà une excuse pareille à celle que font ces bonnes pieces
-qui prêtent leurs cons.
-
- Quand une femme est du métier,
- Et sa voisine l'accompagne;
- Elle a sa part au benoîtier,
- Par la coutume de Champagne.
-
-
-
-
-ORIGINAL.
-
-
-XXVI. Et puis vous les verriez médire. Ma cousine Gervaise n'y faillit
-pas hier au soir. Elle détestoit les femmes des Prêtres, & disoit
-qu'elles étoient chevaux du diable, parce que les prêtres excommunient
-leurs femmes au _memento_, d'autant qu'il n'y a rien si aisé à faire
-cocu qu'un prêtre ou un ministre, quand ils sont affustés à dire messe,
-ou à prêcher. Et en ma conscience, nous la trouvâmes, au matin, couchée
-avec messire Cathelin, qui est un gros vilain camus. Et puis fiez-vous
-en ces belles diseuses!
-
-BARONIUS. Ordinairement ceux qui médisent des prêtres ou des ministres,
-en ont été; & ce qu'ils en disent mal, est pour faire croire qu'ils en
-sont éloignés, comme putains qui s'exercent, veulent faire croire
-qu'elles sont loin du bordeau.
-
-
-
-
-SENTENCE.
-
-
-XXVII. L'AUTRE. Mais à propos de putains, il faut que je vous fasse un
-conte de ma femme qui étoit une putain. Elle n'étoit pas de ces énormes
-putains qui en font métier; mais de ces femmes de bien, qui ont un ami
-d'honneur. Et bien, j'étois toujours le maître; on me craignoit. Quand
-je venois de la ville, ma femme venoit à moi, me tâtoit la tête: vous
-êtes échauffé, mon fils; sus, servante, chauffez une chemise pour mon
-mignon; mon ami, il faut prendre un peu de vin; voici monsieur tel, qui
-vous étoit venu voir; il prendra la patience avec vous. Et bien, j'étois
-mignardé; & qui plus est, mes servantes & mes valets le faisoient un
-petit: cela étoit cause que je les trouvois toujours à la maison à faire
-leur besogne: si cela n'eût point été, ils fussent allés au loin
-chercher provision, aux dépens de tout ce qu'ils m'eussent pu dérober.
-Tels sont les justes & bons fruits de l'honnête & chaste paillardise,
-dont les effets ne succedent qu'aux ames pacifiques, & qui ont du
-courage. Regardez un peu ce petit bouchon d'écuelles d'amourettes, cette
-belle Agnès, ce qu'elle en pense?
-
-DU HAILLAN. Elle fait la dégoûtée, comme la femme du comte Dommartin,
-laquelle étoit descendue à la cave pour boire; & de fait, avala trois
-bonnes verrées de vin, puis remonta. Or y avoit-il là un valet, qui
-étoit allé quérir la petite bouteille des fripons, lequel se cacha,
-quand il vit madame, & la considéra, & se tint caché: puis elle sortit.
-Il revint de fortune à dîner; monsieur avoit d'un vin frais percé, fort
-bon, & s'avisa de prier sa femme d'en boire, laquelle faisoit toujours
-semblant de n'en vouloir point; toutefois par importunité de son mari,
-qui lui en fit bailler dans un beau verre, elle en beut quelques
-gorgées; puis, ayant rendu le verre, dit, en se mettant les mains sur le
-bas de l'estomac: mes ameres, comme il me cherche. Voire, ce dit le
-valet qui étoit derriere madame, il cherche ses compagnons qui sont
-allés devant.
-
-ZVINGLE. Ha, ha, hé, çà, çà, Luther, laissons nos querelles; aussi-bien
-jamais Salomon ne fit bonne chere.
-
-LUTHER. Voici une bonne bête! Il ne mangeoit point de lard que par
-dispense, ou bien il faisoit, comme quand j'étois moine, que je faisois
-le petit exercice & gai. Pourquoi y a-t-il tant de putains & d'ivrognes?
-
-EPICURE. C'est parce qu'il faut que toutes choses soient accomplies. Il
-convient qu'il n'y ait rien de manque au monde; d'autant que l'univers
-seroit gauchi, s'il y manquoit de ce qui est à être effectué. Ainsi faut
-que les choses destinées soient accomplies. Il y a plusieurs pauvres &
-quelques jeûneurs d'amour ou de force, qui ne boivent point; & d'autres
-boivent pour eux, & pissent aussi pour eux. Il y a infinies nonnains,
-plusieurs moines, quelques filles de bien qui n'osent, ou ne peuvent, ou
-ne trouvent à le faire; & il y en a qui suppléent à tels défauts; &
-notez en charité que, si les loix étoient fideles, & qu'il n'y eût point
-tant de contraintes & d'hypocrisies, tels excès n'aviendroient pas. Et
-je vous prie, de prendre garde à ceci, que si vous retournez en vos
-charges, tout soit remis à belle égalité & proportion, que dieu a
-ordonnée, à ce que par vos insolences il n'y ait plus tant de causes de
-péchés & de punitions.
-
-OECOLAMPADE. Tu nous la bailles belle; tu nous contes de la piété, & tu
-n'en fais point de preuve. Tu es comme ceux, dont parloit la servante de
-cette vieille huguenote, qui mourut l'année passée. Un jour, elle incita
-sa servante, qui étoit papiste, d'aller au prêche; ce que la fille
-voulut pour lui plaire, & y alla avec bonne & belle dévotion, & ouit le
-prêche avec une moult bonne attention. Etant revenue, sa maîtresse lui
-en parla: & bien, dit-elle, ma mie, n'est-ce pas une belle chose que le
-prêche? N'y parle-t-on pas bien de dieu? La fille, ayant longtemps
-écouté sa maîtresse, lui répond ainsi: ils en parlent prou, mais ils ne
-le montrent point.
-
-EPICURE. Sec, j'y venons; tu nous apportes ici de terribles caupeaux de
-vieilles vérités. Je t'y attendois; n'es-tu pas gentil & de belle
-industrie? N'est-ce pas toi qui es un de ceux qui nâquirent dessous
-s'entrelevant par les épaules, & qui avois vécu soixante & sept ans?
-Toi, tu te mis à étudier; mais ton frere étoit tonnelier.
-
-COSTER. C'est là où il falloit prendre de quoi faire d'un diable deux,
-en les séparant, & coupant ce qui les joignoit par les épaules; & non de
-faire, d'une prébende licentiale, deux demies prébendes, pour d'un âne &
-cheval de bagage licentié faire deux chantres, que ce veau de licentié
-nomme diables, parce qu'il lui est avis que les anges du ciel qui ne
-quadrent à la mauvaise opinion de sa fressure, sont diables. Ainsi
-chaque levre a son goût.
-
-
-
-
-DÉMONSTRATION.
-
-
-XXVIII. EUCLIDES. Or bien il faut passer devant un chieur, & derriere un
-rueur. Vous ruez bien; vous êtes de même que la femme du sieur Chaillou,
-qui avoit force noix, l'année que ses noyers d'entre Tours & Loches
-furent abattus. Les noix étoient chéres; il y en avoit à la maison
-encore deux setiers à vendre; il vint un bon compagnon qui parla à
-madame, (laquelle étoit de ces bonnes ménageres, qui, pour épargner les
-poches, mettent & serrent le bran en leurs chemises) & marchande ses
-noix, fit marché avec elle, & lui bailla un quart d'écu d'arrhes, à la
-charge qu'il emporteroit sur sa bête un setier de noix. Et bien, madame,
-lui disoit-il, ne vous fiez-vous pas bien en moi d'un setier de noix,
-puisque je me fie en vous de l'autre? Oui dà, mon ami, dit-elle; mais
-comment avez-vous nom? Je me nomme Jean Tenon. Or bien, allez donc; &
-quand il vous plaira vous aurez le reste. Adieu, madame. Adieu, mon ami.
-Quand Chaillou fut venu, elle lui fit le conte de son bon ménage, &
-aussi disoit-elle qu'elle s'étonnoit que ce marchand tardoit si
-long-tems. A la fin, le mari lui demanda comment il avoit nom. Non, mon
-ami, dit-elle, c'est un honnête homme à le voir, je ne me puis pas bien
-souvenir de son nom. Chaillou, tout fâché & dépit de la sotise de sa
-femme, va dire: ha! je vois bien ce que c'est. J'en tenons, _id est_
-nous en tenons; c'est-à-dire, nous sommes pris. Elle, qui ouit ce mot,
-Jean Tenon, oui, oui, oui, mon ami, dit-elle, il est vrai; c'est lui; il
-m'a dit qu'il avoit ainsi nom.
-
-MERLIN. Elle fut un peu plus fine que la femme de Garence, qui, un jour,
-avoit affaire de cendres, & voyant force pastel qu'elle croyoit qu'on
-avoit jetté avec du bresil, mit tout au feu, & en fit des cendres. Il y
-avoit pour plus de cinq cents livres de marchandises, dont elle fit pour
-dix-neuf sols six deniers deux oboles de cendres. Voilà pas une bonne
-alquemiste?
-
-MELVIN. Ce fut elle, que son mari mena à Maillé voir un de ses cousins;
-ce mari parlant à son cousin, ce cousin lui demanda des nouvelles de sa
-femme, disant: & comment se porte ma cousine? Voire, dit-il, & la voici.
-O! dit l'autre, excusez-moi; vous avez donc amené une bête. Çà, çà,
-ouvrez l'étable; ho! garçon; & puis, allons boire. Il vouloit dire qu'il
-avoit amené une bête chevaline, pour porter la bête humaine.
-
-ALF. DE CASTRO. Quand j'étois marchand, je menois une bête; mais c'étoit
-un ours. A cela, vous pouvez juger que je ne suis ni Normand, ni
-Manceau, ni Rousseau, parce que l'on ne voit gueres de telles gens du
-pays de sapience mener l'ours.
-
-ILLIRIC. Voire; mais tu ne menois pas l'ours, quand nous eûmes si grand
-peur en la Franche-Comté, où l'on nous fit manger de la chair de l'ours
-salée.
-
-ALF. DE CASTRO. Il faut que je confesse que je ne fus jamais si
-épouvanté; je cuidois que les diables dussent débattre sur quelque
-sorbonique, ou que le parlement prédestiné des ministres & jésuites fût
-arrivé. Il avoit neigé; & c'étoit environ la saint Jean.
-
-NÉRON. Tu débutes bien; la saint Jean!
-
-ALF. DE CASTRO. Oui da; il y a la saint Jean qu'on fauche, la saint Jean
-qu'on tond, la saint Jean qu'on bat, & la saint Jean qu'on chauffe;
-c'est cette là, je l'ai trouvée; & étoit fort près de la nuit. Vous
-savez qu'en ce pays-là les maisons sont près la montagne, & n'ont qu'une
-cheminée au milieu, sur le haut de laquelle il y a deux fenêtres ou
-portes, pour donner le vent par rencontre, afin que la fumée n'importune
-point. Or le vent étant tourné, le valet voulut aussi tourner les
-portes, en ouvrir une, & fermer l'autre, de laquelle un des gonds étant
-rompu ou arraché, il n'en put venir à bout, si qu'il lui fut force de
-monter en haut, & ce par la cheminée. Etant en haut, il avisa le défaut;
-mais il n'avoit point de marteau pour s'aider à descendre; il se
-fâchoit, de sorte qu'il alla par sur le toit, droit sur la montagne,
-quérir une pierre; & ainsi il fit un petit sentier, il racoûtra sa
-porte, puis descendit. Il y avoit un pauvre chaudronnier qui cherchoit
-logis; mais parce qu'il brunoit, il ne pouvoit voir de chemin; joint
-qu'il avoit neigé, depuis que le monde se fut retiré. Ce chaudronnier
-bien empêché, ne savoit que faire; il levoit nez à mont, découvrant ça &
-là; enfin, il avisa le sentier qu'avoit fait ce valet, & lui là: il le
-suivit; & voyant la clarté de la chandelle, il ouvre la porte, & cuidant
-entrer il se pousse dans la cheminée. Etant ébranlé, il n'y eut point
-moyen de se retenir, si qu'il tomba au milieu de la chambre, disant:
-dieu soit céans. Nous vîmes ce personnage noir & ses chaudrons, qui
-firent à nos oreilles une fois plus de bruit qu'ils n'eussent pu faire.
-Nous fuimes tous, cuidant que ce fut le maréchal des logis de Lucifer,
-qui vînt mettre dans ses chaudieres les petits enfans, pour les faire
-cuire, & nous envahir comme repues franches.
-
-
-
-
-HISTOIRE.
-
-
-XXIX. GAGUIN. Comment avoit nom ce chaudronnier?
-
-ALF. DE CASTRO. Il avoit nom Socrates.
-
-POGGE. Tout beau, ne parlez pas si haut; d'autant que, si ce sage
-l'entend, il deviendra fou.
-
-ALF. DE CASTRO. O, ho! & les noms sont-ils pas communs? Et qui sait, à
-cette heure, lequel des deux est Socrates, puisque les noms sont pour
-les mortels, qui sont si sots qu'ils donnent des noms aux anges & aux
-diables? Je ne dis pas que cela ne fût bon à ceux qui seroient baptisés
-ou circoncis.
-
-ILLIRIC. Puisque tu fais tant le résolu, qu'avois-tu affaire de nous
-nommer ici? Et plusieurs s'en fâcheront, ne s'y trouvant pas.
-
-L'AUTRE. Si quelqu'un se fâche que je ne l'ai mis ici, ou quelqu'un de
-ses pareils prétérits ou futurs, qu'il y mette ceux qu'il voudra, &
-lui-même pour s'appaiser, ainsi que fait ma mere-grande: si on lui
-apporte sa soupe trop chaude elle la rafraîchira; si elle est trop
-salée, elle y mettra de l'eau; si elle est trop fade, elle la salera;
-s'il y en a trop, elle en laissera, s'il y en a assez, elle mangera
-tout, &c. C'est une bonne personne, pour une femme; elle trouve tout
-bon, afin de ne se marier point. Faites ainsi, mes bons amis du coeur; &
-notez que s'il y a quelque fantasque qui s'attriste de n'être ici ou les
-siens, & ne veut se soumettre à la juste raison que j'ai dite, il sache
-que je ne connois point les fils de putain. Je vous dirai pourtant, vous
-demandant excuse, qu'il y aura ici assez de place pour tous les fous,
-pourvu que l'on les y mette l'un après l'autre. En Allemagne, les
-Allemands y mettront leurs fous; en France, les François; en Angleterre,
-les Anglois; en Espagne, les Espagnols; en Suisse, les Italiens; en
-Turquie, le reste: & puis, que l'on fasse si grand-chere qu'on voudra;
-soit en droit, soit en musique, soit en canon soit en théologie, soit en
-gendarmerie ou marchandise, ou médecine, ou toute telle autre sorte que
-vous imaginerez, sans y mêler les grenetiers, parce qu'ils sont le sel
-du monde; ils salent les autres fous, de par le roi: bran pour eux.
-
-DE CASIBUS. Qui est-ce qui parle de bran?
-
-MADAME. C'est moi.
-
-DE CASIBUS. Qui vous puisse brider les joues. Et bien, madame, là-dessus
-je vous demande combien un étron a de qualités? Dites-le; il faut tout
-apprendre, aussi-bien il s'en faut dépêcher comme ma cousine, du sac du
-bon homme. Prenez donc un étron, & y mettez le nez, il pûra; mettez-y
-les dents, il sera trouvé de mauvais goût; si vous n'êtes dégoûtée, &
-que vous ne trouviez pas la merde bonne, frottez-vous-en le nez, il vous
-barbouillera.
-
-LUTHER. A, ha! hé, tu es bien aise d'avoir bricollé une petite vilaine.
-
-DE CASIBUS. Qui est le plus vilain, celui qui emporte, ou celui qui en
-parle? Et devinez ce que c'est; si ce n'est pas cela, dont vous n'en
-sauriez porter une livre, quand il est encore à vous; n'étant point
-vôtre, vous en porteriez un quintal?
-
-MADAME. Là, là, changeons de note.
-
-LUTHER. Celui n'a gueres de notes qui n'en sait point, comme ce drôle
-qui vint chez monsieur le baron au Chastais, hier, & trouvant monsieur à
-la porte, il lui demanda la passade. Qui êtes vous? dit monsieur. Je
-suis un pauvre musicien. Entrez, mon ami. Entré qu'il fut, monsieur le
-fit dîner avec lui. Or étoit ledit baron fort curieux, & avoit fait
-apprendre la musique à ses enfans, garçons & filles. Après dîner, il fit
-apporter des livres, pour faire la musique, & bailla des livres à
-chacun, & un à cettui-ci; & lui-même, docte en cette discipline, bailla
-les tons; les enfans chantoient; & monsieur, qui n'osoit rien dire à ce
-passant, estimoit qu'il écoutoit. A la fin, le voyant se taire, il lui
-dit: vous ne chantez point? Non, monsieur. Hé pourquoi? Monsieur, je n'y
-entends rien; ne vous ai-je pas dit que je suis un pauvre musicien, que
-je n'y entends rien?
-
-RABELAIS. Tu ne fais ce conte qu'à demi.
-
-LUTHER. Sanguille, tu es un bel évêque! De quoi, tous les mille diables,
-te mêles-tu?
-
-PIRRHUS. Que pensez-vous avoir dit? Oui da, Rabelais mon bon compere a
-été évêque. Et pourquoi non ne l'eût-il été, aussi bien qu'un tas
-d'autres qui le sont bien encore, & le seront? Et de fait, je vous
-démontrerai qu'il a été évêque: je ne veux point disputer; je suis
-mathématicien, j'entre en démonstration. Ne savez-vous pas qu'il
-n'appartient qu'aux évêques ou archevêques de confirmer par la noble
-puissance qu'ils ont? Et ainsi avec cela de changer le nom, en muant un
-peu de la substance? S'il est vrai ce que je dis, & que ce bon pere
-_pseudo-evangelico-papistico-anabaptistico-giésitanerbiterono-puritain_
-a pratiqué en confirmant madame la mere de Gargantua; laquelle, en
-premiere invention, dictée de la propre goule d'un défunt évêque de
-Paris, avoit nom Galemelle; & le pere Rabelais la nomma Gargamelle: si
-ledit n'eût été évêque il y eût eu fausseté en ses écrits comme ès
-vôtres: ce qui n'est pas, témoin Jamblique, qui profere:
-
- S'il faut baiser, à ce qu'on dit:
- Tout ce qu'aux dames on présente,
- Je ne saurois baiser mon vit;
- Je le garde pour la servante.
-
-
-
-
-ATTESTATION.
-
-
-XXX. Vraiment voire, ce dit la servante de chez nous, si j'étois la
-maîtresse, je ne bougerois du lit quand il fait froid. En nanda, notre
-valet étoit plus habile homme, qui, parlant à mon pere (qui est
-gentilhomme, ne vous déplaise, & d'antique race, je le dois bien savoir,
-moi qui ai été condamné aux grands jours d'avoir non la tête coupée,
-mais le col, & me voici; c'est tout un, je suis de la vieille noblesse:
-non admise par médecine, ni mairie, ni échaunage, ni lettre; mais par
-source de vieille gueuse, ferme tigneuse, & bonne putain d'antiquité.
-Que disois-je? Cette folle humeur de vanité noblesseuse m'a si bien
-fricassé la cervelle, que j'ai oublié ce que je voulois dire. Parguille,
-si je m'y mets, je ne dirai jamais rien, que je ne fasse comme Auguste,
-ce grand preneur de taupes à la glu, c'est-à-dire, empereur des Romains.
-
-POGGE. Et que faisoit-il?
-
-PYRRHUS. Il vous chioit au nez tout d'une volée: laissez-moi dire; je
-reprens ma mémoire comme le grimoire; j'ecrirai tout ce que je voudrai
-dire, & serai si sot que, quand je demanderai à ma femme à le faire, je
-l'écrirai en mes tablettes, afin de ne paillarder à bien dire sans
-faute. (Ce notre valet, voyant mon pere être appellé pour l'arriere-ban,
-aussi étoit-il gentilhomme, ce qui le fâchoit, parce-qu'il n'aimoit
-point la guerre; il aimoit le lard, & haïssoit les chiens. Foi de
-demoiselle, disoit ma mere pançant ses pourceaux, mon mari est aussi
-noble que le roi; il aime bien à ne rien faire, & se donner du plaisir:
-& notre valet, qui est des meilleurs, voyant mon pere fâché pour cette
-arriere-bannerie, lui va dire, cordille, mon maître, si j'avois autant
-de bien que vous, je n'iras pas à la garre! Et qu'est-ce, Colas mon ami,
-que tu ferois? Que je ferois? Je m'en irois voir le procureur du roi
-avec un bon lievre, & il me donneroit main-levée. Et si ce n'étoit pas
-assez, ou qu'il ne fût pas assez grand...
-
-THUCIDIDE. Il n'y a remede. Il disoit comme la bonne femme qui
-présentoit le pain béni à saint Pierre-aux-boeufs. Mais en conscience,
-toi qui te connois en tout, lequel des deux boeufs qui sont là est le
-plus gras?
-
-SAUVAGE. Je l'ai mis en ma chronique. Deux comperes aviserent à cela, &
-gagerent. Le sire Adam disoit au sire Girôme que l'un étoit plus gras
-que l'autre. Ils gagerent, s'en rapporterent à ceux qui sortiroient de
-la premiere messe. Le sire Adam se leva de nuit, & alla graisser de sain
-celui qu'il avoit dit être le plus gras; puis quand le monde sortoit, &
-que ces sires demandoient l'avis d'un chacun, dame, chacun trouvoit,
-cettui-là être plus gras.
-
-DU GUGNET. Hé, grosse pécore, il y en a un voirement plus gras que
-l'autre, d'autant que l'on met en son corps les huiles pour servir au
-luminaire, & il en tombe dans ce creux, si qu'il est plus gras. C'est
-philosopher, cela. Mais à cette femme, mais à ce pain; & bien à tous
-deux.
-
-THUCIDIDE. Cette bonne femme étoit sourde; & présentant son pain, &
-faisant la révérence, elle fit un pet. Les présens & présentes se
-prirent à rire. La bonne femme, croyant qu'ils se moquoient de son pain
-qui étoit bien petit, se retourne & dit: messieurs & dames, excusez-moi,
-s'il vous plaît; je le ferai une autre fois plus gros. Et chacun de rire
-plus fort, attribuant le plus gros au pet, qui étoit délicat. Il étoit
-noble, ce pet, puisqu'une demoiselle l'avoit fait.
-
-PYRRHUS. Et pourquoi non? Le métayer ne disoit-il pas bien, voyant des
-pourceaux: ô! la belle noblesse que voilà! Il en dit bien d'autres: &
-comme ma tante lui demanda touchant les biens de la terre, ce qu'il en
-pensoit: ô! mademoiselle, pour les bleds & tels grains vous n'en avez
-gueres; mais vous êtes la roine des vesces. Je ne vis jamais tant de
-demoiselles qu'il y a aujourd'hui; tout en est conchié. Quand vous en
-saurez la raison, vous ne serez plus tant étonnée; il faut...
-
-ARETIN. S'il faut, il ne prend pas.
-
-PYRRHUS. Si vous étiez aussi mordant que reprenant, il n'y auroit cul
-qui n'eût des dents. Sachez donc qu'un jour une belle, jeune, fretille,
-bonne & sage demoiselle que je connois bien, (je la dois bien connoître;
-son pere m'a fait bonne chere) un jour d'été qu'il faisoit beau, eut
-fantaisie de monter sur un arbre. J'eusse bien mieux aimé monter sur
-elle.
-
-POGGE. Tu es dégoûté comme le clousier de Vaux, qui pensant entrer en la
-salle, y vit plusieurs dames, & se voulut retirer. Entrez, dit madame de
-Saint-Martin, entrez; nous ne mordons ni ne ruons. En da, dit-il,
-donques, mesdames, je voudrois bien être monté sur icelle bête.
-
-PYRRHUS. Cette belle demoiselle, que je vous dis, étant sur cet arbre, y
-cueillit ce qu'elle voulut; puis descendit. Or est-il que la queue de
-son chaperon de velours y demeura, sans qu'elle y prît garde; & le cocu
-fit son nid dessus, & tellement que plusieurs oiseaux la couverent,
-cette belle queue lui multiplia si bien, que maintenant il ne faut que
-secouer un coup, voilà une demoiselle faite. Et gai, il ne tiendra pas à
-moi que je n'en fasse, & je ne leur exhibe une andouille & deux oeufs,
-la pitance d'un religieux.
-
-LOUVET. Tu te vantes bien. S'il étoit, ou qu'il fût; mais il est.
-
-POGGE. Et bien, cela est bien dit.
-
-LOUVET. Notre official le fit interpréter à l'homme & à la femme qui se
-plaidoient. L'homme disoit du cas de sa femme: s'il étoit, montrant le
-pouce joint au premier doigt; puis il disoit: ou qu'il fût, comme les
-deux pouces joints à bout, & les deux premiers doigts; mais il est,
-montrant son chapeau. Et la femme dit, parlant de l'outil de l'homme:
-s'il étoit, empoignant sa cuisse; qu'il fût, empoignant le bras; mais il
-est, montrant le petit doigt.
-
-ALCIAT. La dispute en est aussi bonne, que celle d'un savant qui vint à
-Genêve, lorsque Jysquel y faisoit ses études. Cettui-ci dit qu'il
-vouloit disputer; mais qu'il ne parloit qu'en signes. Il n'y eut
-personne qui voulût y entendre, d'autant qu'en ce pays-là (c'est à
-Genêve) ils n'ont gueres de signes; ils veulent tout à droit. A la fin,
-il y eut un menuisier qui étoit de Montargis, parent du démoniaqué, &
-d'un maître d'hôtel de madame la duchesse de Ferrare, & réfugié à Genêve
-pour la concupiscence; hoi, je cuidois dire _conscience_, (comme il
-avint un jour à Tours, que le roi y étoit. Il y avoit lors une dame, qui
-durant les jeux avoit joué conscience, qui pour cela en eut le nom tout
-le temps de sa vie. Je la trouvai en la rue, & je la cherchois; il
-m'avint de lui demander le logis de madame Conscience. Qui êtes-vous,
-dit-elle qui m'injuriez? Hélas! madame, pardonnez-moi; on m'a dit que
-vous avez ainsi nom. Ce sont des sots qui le disent. Je ne le dis donc
-plus.) Ce menuisier dit qu'il disputeroit avec ce savant, selon les
-accords. On les met sur un échafaud, devant le monde. Ce savant, se
-présentant résolument devant ce menuisier, auquel on avoit baillé une
-robe ministrale & un bonnet consistorial, & levant le bras, haussa la
-main, fermant le poing, en lui montrant un doigt: le menuisier lui en
-montra deux; le savant en présenta trois; à savoir le pouce & les deux
-doigts: le menuisier lui montra le poing clos. En après, le savant lui
-montra une pomme; le menuisier, cherchant en sa pochette, trouva un
-petit morceau de pain, & le lui montra. A donc le savant, tout ravi en
-admiration, se retira; puis dit qu'il avoit là trouvé le plus docte
-homme du monde; & tant que ce bruit a duré, l'école de Genêve a été en
-réputation. Depuis on prit à part le menuisier, & on lui demanda qu'il
-avoit agi réciproquement avec cet autre. Il nous dit: voire, c'est un
-homme fin! Il m'a menacé de me pocher un oeil; & je lui ai fait signe
-que je lui en pocherois deux. Puis il m'a menacé de m'arracher les deux
-yeux, & m'enlever le nez; & je lui ai montré le poing, avec quoi je
-l'assommerois. Et comme il m'a vu en colere, il m'a présenté une pomme,
-pour m'appaiser comme un enfant; je lui ai fait voir que je n'avois que
-faire de lui, & que j'avois du pain qui valoit mieux.
-
-
-
-
-SOMMATION.
-
-
-XXXI. Et puis faites la guerre pour cela! Allez vous battre; allez vous
-damner pour telles gens. J'aimerois mieux aller travailler à ma journée,
-& faire un petit de bon frit en ce monde.
-
-CEBES. Oui, ainsi que fit Jaques Poulet, qui tailloit la traille de
-madame de la Souche. Comment? Il étoit beau & gaillard; & madame l'ayant
-contemplé, eut envie d'être couverte de son corps; chose que, pour rien
-du monde, elle n'eût voulu permettre à autre qu'à son mari.
-
-MADAME. Voire, permettre à son mari! Il ne faut qu'obéir, d'autant
-qu'elle y est obligée; que si elle le fait à d'autres, c'est grande &
-notable charité.
-
-ALCIAT. Bien; vous avez dit vrai; vous êtes une bonne petite personne.
-Il ne le faut pas dire à tout le monde. Or de cet accouplement
-désirable, & voluptueux, d'autant qu'ils travaillerent à con vu & de
-plein jour, ils firent un bel enfant; & à cela se connoissent les enfans
-faits de jour ou de nuit, ou autres des quatre temps, selon leur beauté;
-les plus beaux sont faits de jour. Or elle qui étoit mariée, ne pensant
-pas que cela dût prendre, à cause que le prêtre n'y avoit pas passé,
-n'en fit autre mine; & toutefois se trouva grosse, dont enfin elle
-accoucha, fort assurée à qui l'enfant étoit. Il avint que la bonne dame
-fut malade, & comme elle fut prête de mourir, elle appella son mari &
-lui dit: mon ami, je vous ai toujours été obéissante & douce; je crois
-que vous ne vous plaignez point de moi. Non, ma mie, réjouissez-vous &
-revenez au monde. O, mon ami! je suis fort dolente & ennuyée d'une faute
-que je vous ai faite; mon cher mari, je ne vous en ai fait qu'une, je
-vous prie de me la pardonner. Las! ma mie, prenez courage; il n'y a rien
-que bien. Mais, mon ami, la faute est grande. C'est tout un; je vous la
-pardonne. Hélas! mon ami, ce petit garçon n'est pas de votre fait; c'est
-Paulet qui me le fit, le jour qu'il tailla notre treille, l'année
-passée. O! o, ma mie, dites-moi, étoit-il à notre journée! Oui, mon ami.
-O bien, ô bien, ma mie, c'est tout un, puisqu'il étoit à notre journée,
-& que nous l'avons payé, l'enfant est à nous, d'autant que ce qu'il
-faisoit étoit pour nous; reposez en paix, & ne vous affligez plus.
-Achevant cette parole, le médecin entra, qui lui tâta le carpe: adonc il
-dit: cette pauvre dame n'a plus de pouls. Elle l'ouit, & faisant un
-soupir, va dire: a, a, a, monsieur, en voici un gros qui me mord près la
-gorge.
-
-CARDAN. Le seigneur de Strossi fut autrement gaussé de son médecin,
-qu'il ne payoit pas bien, d'autant qu'il lui bailla bien plus d'un vif
-biais. Le médecin l'ayant tâté, Strossi va dire, a, a, monsieur le
-docteur, mon pouls est bas: il ne va gueres vîte. Non, monsieur, dit le
-médecin; s'il étoit sur quelque genet il iroit bravement; mais à cette
-heure il va plan, plan, d'autant qu'il est sur un âne.
-
-MAROT. Ce médecin, sortant & passant par saint Severin, vit les prêtres
-enterrant des morts par trois bandes, & les saluant, il leur dit: dieu
-vous garde, messieurs; vous faites bien votre août. Voire, dirent-ils,
-oui, monsieur, dieu merci & vous.
-
-CUSA. Et allons; voilà qui est aisé comme une femme qui se meurt contre
-terre: voici de vrais contes, du temps que les bêtes parloient.
-
-POGGE. O qu'il ne faut pas aller loin; il y en a bien qui parlent.
-
-APULÉE. J'ai été âne, comme chacun sait; mais mon compere Cardan a bien
-été une autre bête.
-
-CARDAN. Oui dà, j'ai été de trois sortes de bêtes, & je ne fus jamais
-âne; mais je me souviens du temps que j'étois bête ainsi que vous,
-témoin Thevet & quelques semblables pour être bêtes de bon esprit, &
-ayant mis en mémoire la promesse faite à Pythagoras, j'ai plus fait que
-lui, d'autant que j'ai bien retenu ce que j'avois en rencontre; & de
-fait, j'ai engravé en mon esprit ce que j'ai vu ès institutions &
-cérémonies de bêtes, & sur-tout en leur cabale qui est notable, en
-laquelle il y a un article de plus de conséquence, & sur-tout en ce qui
-est de leur créance; d'autant que, comme j'ai su d'elles, elles croient
-que les hommes sont plus bêtes qu'elles ne sont, bien que quant à elles,
-elles soient les martyrs de nature. Il est vrai qu'il y a de méchantes
-bêtes, comme il y a de méchans hommes. Si j'osois, je passerois outre,
-parce qu'elles ont une religion; mais je n'en veux pas parler, d'autant,
-que la déclarant, elle se trouveroit semblable à celle de plusieurs
-sots.
-
-
-
-
-CALENDRIER.
-
-
-XXXII. L'AUTRE. Les espérances sont plus belles que les effets, d'autant
-que les conins des petites filles sont mieux faits que ceux des grandes.
-Aussi il y a conin; c'est le cas de ces mignonnes, que l'on torche
-encore près le feu, ou qui les montrent en pissant: conaud; c'est de
-celle qui est déjà bonne, qui peut être chute en pauvreté, à qui le poil
-a percé la peau: puis con; c'est de celles qui sont bonnes, & n'ont
-guères eu, ou point d'enfans: conasse; c'est des vieilles, & qui est
-presque tout en désordre.
-
-PLATINE. Et que dites-vous de connue?
-
-L'AUTRE. C'est le cela d'une veuve; il n'est ne l'un ne l'autre; mais ce
-qu'il peut être.
-
-AVERROÈS. Je crois que les conasses sont désagréables, & appartiennent à
-l'ordre du derriere de la servante de feu monsieur le doyen des
-médecins. Cette vieille, étant près de mourir, requit son maître d'une
-faveur qu'il lui promit. Hélas! dit-elle, monsieur, je me meurs, je suis
-une pauvre femme; je desire, s'il vous plaît, être enterrée au préau de
-S. Pierre; mais, s'il vous plaît, que l'on ne chante point sur moi: je
-ne desire pas que l'on se moque de moi. Pargoi, s'il vous plaît, qu'ils
-ne disent point: ô! cu ridé.
-
-PASSERAT. Et bien, ma mie, bien, mourez en paix, & n'ayez pas de
-crainte; ne vous épouvantez point, comme fit un sergent d'Orléans, que
-je ne veux pas nommer, d'autant qu'il a des parens en chapitre. Ce bon &
-noble sergent, allant un jour se promener à la Source, avec plusieurs de
-ses amis, il y eut un jeune apothicaire, qui se mêloit de prendre les
-serpens, lequel en voyant un beau & long glisser devant nous, va le
-conjurer & dire: serpent, je te commande que tu t'arrêtes; & qu'il soit
-aussi vrai que je te prenne, comme il est vrai que, quand un sergent se
-meurt, son ame va droit entre les mains de Proserpine reine des enfers.
-Ce serpent s'arrêta, & fut pris.
-
-ZVINGLE. Le sergent, voyant cette merveille, fit au rebours du barbier
-de notre pays, qui vendit ses rasoirs, bassins, lancettes & autres
-ustensiles, afin d'acheter un état de sergent, pour faire le salut de
-son ame, & être compagnon d'un violon qui se fit sergent, pour mener
-joyeusement le monde en prison, d'autant que cettui-ci, ayant
-componction de coeur, jetta son office au diable; & se rendit capucin.
-
-LOUVET. Il avoit un autre dépit. Vous ne devez pas dire cela. S'il y a
-quelque sergent qui ait fait quelque chose, ou même cettui-ci, donnez-le
-à qui vous voudrez, & n'impugnez rien que ce que nous disons, pource que
-tout ce qui est ici avancé, est tenu pour très-vrai, sans qu'il y
-faille, ou soit reçu d'y contredire; & si quelqu'un y contredit, qu'il
-s'aille faire canoniser en enfer. Pardonnez-moi; ce que je dis n'est que
-pour rendre plus authentique votre prolation; & de fait, je crois, que
-ce n'est pas lui, dont je veux parler; c'est d'un autre qui est de
-Genêve, & est de même état: là on ne dit pas sergent, on dit officier.
-
-OECOLAMPADE. A, a, voilà dire cela, voilà parler d'accord; c'est
-appréhender aux prêtres & aux ministres le moyen de s'accorder. Or dites
-à pleine gueulée.
-
-LOUVET. Cet officier avoit une femme assez fâcheuse, & qui le
-tourmentoit. Il la battit plusieurs fois & à dur, dont elle se
-contrista, & menaça son mari du consistoire, qui est le purgatoire des
-huguenots. Remis qu'il fut au consistoire, il y alla; & on lui remontra
-que cela n'étoit pas beau de battre sa femme. Elle étoit battable,
-dit-il. Allez, lui dit le diseur, sachant la pensée de notre seigneur le
-consistoire, retirez-vous; qu'il y ait de la mesure en vos actions, &
-qu'on n'oie plus parler de vous.
-
-
-
-
-PALINODIE.
-
-
-XXXIII. Il retint fort bien son congé; & quelques jours après, sa femme
-se faisant forte du consistoire, se mit à faire la méchante, & il la
-battit; mais avec quoi? Avec une aune qu'il avoit empruntée du seigneur
-Lait, qui avoit été jadis couturier; & la frotta dos & ventre sur ses
-habillemens, à cause qu'ils n'ont point ôté les dix jours en ce pays-là.
-La pauvrette se plaignit, & fit encore appeller son mari au consistoire,
-auquel on fit la joyeuse & courte remontrance, parce que l'on n'avoit
-pas le loisir de parler à lui, à cause que l'on faisoit réponse à une
-lettre que le duc de Savoie avoit écrite à un traître; (O diantre soit
-le traître! Il étoit alquemiste, il n'y eut jamais que lui qui fût de
-cette chose là) & dit-on à ce maître officier: allez, & soyez sage; & si
-votre femme vous fâche, ne la battez pas. Monsieur, je ne lui ai fait
-que ce que vous m'avez commandé; je l'ai battue par mesure. Oui,
-dit-elle, messieurs, il m'a battue avec une des aunes de messieurs; &
-disoit bien, pour autant que là on mesure la justice. Comment, dit
-maître Jean Pinaut, vous abusez des paroles saintes? N'y retournez plus.
-Monsieur, dit-il, ce ne sont que remontrances que je lui ai faites.
-Allez, dit le président clerc, remontrez-lui avec l'écriture sainte, ou
-bien on vous mettra Céans. Quelques jours d'après, elle fut encore
-mauvaise, & il la battit; mais ce fut avec un gros nouveau testament
-couvert de bois & ferré: il le lia en une serviette, & la plauda en
-cas-pendu; il n'y manqua rien. Elle s'en plaignit; &, les formes
-observées, étant devant le benoît consistoire, qui s'ennuyoit de le voir
-si souvent, il fut tancé. Messieurs, dit-il, je ne l'ai corrigée qu'avec
-l'écriture sainte. Hélas! quelle écriture sainte, messieurs, dit-elle!
-C'a été avec un gros maudit testament qu'il m'a bourrelée. Cela ouï &
-sû, il fut dit qu'il seroit puni, s'il continuoit: & puis, étant entré
-devant messieurs, on lui reprocha son incrédulité, qu'il étoit malin
-contempteur & tergiversateur: & enfin, lui fut prononcé à peine de
-punition corporelle, qu'il n'eût plus à châtier sa femme, que de la
-langue. A, jan! il n'y faillit pas, d'autant que quand elle le fâcha, il
-prit une langue de boeuf fumée, dont il la battit tant que le diable eut
-de cul, & le consistoire de tête; & leur allez demander qu'ils en ont
-fait.
-
-BARRABUS. Voilà une mauvaise fortune.
-
-EUSTATHIUS. Ainsi il y a fortune visible & fortune invisible.
-
-NÉRON. Voilà une belle remarque; je vous prie, sachons que c'est.
-
-EUSTATHIUS. La fortune invisible est l'esprit de la visible, & qui est
-fort secrete: je ne vous la dirai pas toute; mais pour la faire
-appréhender, je vous en baillerai l'échantillon royal, c'est-à-dire, le
-souverain; le plus beau, c'est le cocuage. Et la fortune visible, la
-vérole, les poulains, mal au vit, la chaude-pisse, & telles
-démonstrations circulaires & avantageuses, lesquels s'achètent à deniers
-comptans; sinon que l'on marque les coups à la coche ou à la taille,
-c'est tout un; pourvu qu'on s'en souvienne; ou bien que l'on le fasse
-sans cédule, & sur la foi.
-
-
-
-
-SATIRE.
-
-
-XXXIV. DIXIPPUS. Et dà, c'est un grand malheur que des affaires du
-monde. Voilà, un pere aura de belles filles; c'est vraiment une belle &
-digne marchandise; & toutefois il faut bailler de l'argent pour s'en
-défaire; & qui pis est, à ce que m'a dit Schower, ce fidele astrologue,
-ainsi que Léontius me vient de confirmer, tant que le roi vendra les
-états, & que les hommes bailleront de l'argent à un maître pour le
-servir, certainement les femmes, qui autrement sont dites garces,
-c'est-à-dire, filles de joie, dames d'amour, personnes de liesse,
-prendront de l'argent de ceux qui les serviront, se saisiront de notre
-bon argent, & de tout ce que nous aurons. Et je vous dirai un axiome
-vrai: si elles sont domestiques, elles aiment autant leurs maîtres
-pauvres que riches, témoin l'enfant prodigue, qui, pour cette cause, se
-nommoit le seigneur, _Luxu_, comme vous voyez en ses portraits, S. Luc
-XII, c'est-à-dire, sire ou seigneur _Luxu_. De-là ont été nommés les
-luxurieux: c'est pourquoi Lucullus aimoit tant les lamproies; aussi
-est-ce une viande délicieuse, quand elle est confite à la sauce du
-salmigondis renouvellée.
-
-SCALIGER. C'étoit la viande du mauvais riche; est-il pas dit
-_efrenomenim catimeram lampros_, il mangeoit tous les jours des
-lamproies?
-
-QUIDAM. Vous contaminez le prétoire; retournez sur les femmes.
-
-SCALIGER. C'est bien dit; aussi à dire vrai, j'étois vierge quand je fis
-ma quadrature du cercle; & si je fusse demeuré tel, j'eusse fait la
-pierre philosophale, d'autant que, pour y parvenir, il le faut être &
-immaculé.
-
-GEBER. Vraiment tu as dit vrai.
-
-CARDAN. Et pensez-vous qu'il faille être si sage, pour parvenir à
-quelque chose de bon? Non, non, ne vous mettez pas cela en la fantaisie.
-Sachez, mon doux ami, que les Suisses gardent la porte & n'entrent
-guères, & davantage ne savent que l'on fait dedans, ni qui y est; &
-tenez ceci pour un notable secret pour la résolution de toutes les
-controverses de ce tems.
-
-PIERRE MESSIE. Il faudroit user de grande discrétion pour cet effet; &,
-comme dit cet Espagnol, il conviendroit cavaler les esprits, afin de
-distinguer ce à quoi ils sont propres.
-
-MAROT. En vieux françois, _cavaler les esprits_, c'est chevaucher les
-engins.
-
-BERNARD. Il est vrai; voilà pourquoi les beaux entendemens sont toujours
-ribauds ou rufiens, c'est-à-dire, en poésie, _ils font l'amour, sans en
-faire conscience_.
-
-PIERRE MESSIE. En da, ne dites pas cela; il y en a qui font conscience
-de tout; ceux qui font conscience de rien, ne sont plus habiles.
-
-BERNARD. Tu y es; dis que tu en as, grande chemise; tu l'as deviné,
-comme pisse-en-lit; & indigne animau, sais-tu pas qu'il ne se fait rien
-de-là, dont Pantagruel n'ait avis ici, ou que son conseil n'ait arrêté?
-Va, fais-toi de telles gens, & tu sauras tout.
-
-PIERRE MESSIE. Il me faudroit avoir bien du moyen, ou que quelqu'un me
-voulût croire. Je vous dis vrai qu'il y a long-tems que j'eusse été
-chanoine de notre-dame de Paris, si un de la compagnie l'eût voulu. En
-da, tous en étoient d'accord: il n'y en avoit qu'un qui m'en empêcha.
-
-CÉSAR. Et qui? Dis-moi; que je le tue.
-
-PIERRE MESSIE. Je ne gagnerois rien à sa mort; je vous dirai pourtant
-qui est cettui-là; c'est un seul; c'est le premier venu, lequel s'il me
-donnoit sa prébende, je serois reçu.
-
-AMIOT. Vous ne parlez que par fariboles; (je cuidois dire _paraboles_)
-je suis dedans, déjà j'entre au bâtiment de conscience, allons-y
-vîtement.
-
-RONDELET. Tout beau; oyez notre ami, ce bon conseiller Tourangeau, qui
-est ordinairement monté sur un gros chevau, quand il va aux champs,
-comme ce gros comte de Lyon, dont ils disent de lui & de son cheval, que
-ce sont deux grosses bêtes. On parloit d'aller visiter un intendant de
-la justice: à la fin, il fut resolu en la chambre que l'on iroit
-_catervatim_. Ha, dit celui-ci, si on y va _catervatim_, je veux être un
-des quatre.
-
-SCALIGER. Fût-ce pas sa mere, qui, parlant de ce qu'on laissoit trop
-fortifier les huguenots, dit au maire: monsieur, monsieur, il ne
-faudroit pas tant laisser mortifier ces gens-là. Mais à ce pauvre homme.
-Laissons-le là. Il a un cousin, auquel durant les pardons, il avint une
-plus jolie fortune. Lui, avec quatre de ses voisins & leurs femmes, se
-mirent en chemin à pied, pour aller aux pardons. Quand ils eurent un peu
-cheminé, ils furent las, & s'aviserent de prendre un charroi; & que
-celui qui auroit la plus courte paille l'iroit chercher, ou seroit le
-plus grand cocu de la troupe, au défaut de ce faire. L'accord fait, une
-femme prit des pailles, & baille à tirer; notre ami & cousin tira le
-troisieme, & il fut trouvé avoir la plus courte. Il disputoit, & disoit
-qu'il n'iroit pas, & que pour cela il n'étoit point cocu. Sa femme qui
-le voyoit disputer & qui avoit vu qu'il n'y avoit point été fait de
-tromperie, oyant qu'ils lui disoient: allez, c'est vous qui l'êtes. Non
-suis, on m'a fait tricherie. En dà, mon ami, dit-elle, on ne vous a
-point trompé; vous l'êtes de bonne suite. Si est-ce que sa femme étoit
-femme de bien.
-
-AMIOT. Ne le prenez pas-là; mais avisez à cette grande & notable
-distinction, prise du profond de la science scholastique. Ne savez-vous
-pas que, si un homme épouse une veuve, il devient bigame, encore qu'il
-n'ait eu jamais affaire à autre femme qu'à la sienne; parce que sa femme
-a eu affaire à deux. Cela lui tombe en nature, de sorte qu'il a eu
-affaire aussi à deux. Ainsi, si un homme va à une autre femme que la
-sienne, il est autant cocu, que si la femme l'avoit fait à un autre qu'à
-lui, d'autant que ce qu'il a fait à une autre, est imputé à sa femme
-justement, comme si un autre l'avoit habitée ou travaillée.
-
-VIGENERE. Mais comment connoîtra-t-on ceux qui n'ont besogné que leur
-femme?
-
-AMIOT. Il sera bien aisé. Assemblez-les ici, & qu'ils soient tous nuds,
-femmes aussi, & qu'on leur bouche les yeux, & qu'on les laisse aller à
-quatre pieds, & qu'on leur dise qu'ils se cherchent pour s'entre-baiser:
-incontinent qu'ils se trouveront, voilà que ceux qui n'auront eu affaire
-qu'à leur femme, iront droit mettre le nez dans le cul: si pourquoi
-n'est-ce pas une même viande que la bouche.
-
-
-
-
-MÉMOIRE.
-
-
-XXXV. ASCLÉPIADES. Or bien, par votre doctrine, cette aventure ne sera
-pas commune. Je vous assure que jamais je n'eus affaire à femelle qu'à
-ma femme, qui est, comme je crois, une vraie femme de bien; & encore que
-je ne besogne qu'elle, si ai-je toujours mal au vit; par ainsi je ne
-serai pas exempt, puisque ceci est vrai.
-
-POGGE. Mais les moines!
-
-AMIOT. Quoi!
-
-POGGE. Où auront-ils le nez, s'ils ne l'ont fait qu'à leurs garces?
-
-MAROT. Allez le demander à l'abbesse de delà l'eau, qui vous donnera de
-l'équivoque. Ma finte, je la mis bien en alarme, la premiere fois que je
-la vis! Devisant avec elle, je lui faisois des contes, & parlois de ce
-que plusieurs lui avoient dit; & finalement jouant; je lui mis la main
-près le bas du ventre, sauf les étoffes. O, o, dit-elle, vous êtes bien
-hardi de mettre là la main. Eh, madame, pourquoi ne mettrai-je pas ma
-main en cet endroit? J'y ai bien mis mon chose. Quel chose? Celui avec
-lequel je pisse. Par saint Guillot, il n'est pas vrai.
-
-CICÉRON. _Ergò_, vous en avez menti, comme dit l'autre.
-
-MAROT. Ne vous fâchez pas, madame. Je dis que mon chose a bien été en ma
-main: & si je suis jamais abbé, je tâcherai à vous faire ce que je
-pourrai. Vous seriez un bel abbé. Je le serai quand je voudrai. Si
-monsieur de Marmoustier vouloit ouir quatre syllabes que je lui dirois,
-& me gratifier en accomplissant mon dire, je serois abbé. Et que lui
-diriez-vous? Je lui dirois: maître moine, ôtez-vous. Ce n'est pas en
-quatre syllabes. Mais en quatre lettres, je lui dirois: A, B, C, D. Et
-puis je le ferois aussi-bien que les vicaires, & ferois de nécessité
-vertu, comme le sieur du Fouilloux, qui berça sa femme. Elle étoit
-mauvaise, grondoit quand il venoit compagnie, rechignoit
-perpétuellement, & lui donnoit tant & tant de tourment, qu'il ne savoit
-où se mettre. A la fin, il s'avisa d'un bon expédient. Il fit faire un
-berceau assez grand pour la mettre, & le fit porter en sa maison avec
-tout l'attelage: amena aussi un prêtre, un greffier, & quelques siens
-amis, avec quatre crocheteurs, & six vezoux. Etant entré, il dit à sa
-femme: ça, ma mie, faites-nous bonne chere. Allez, dit-elle, de par le
-diable, faire votre bonne chere d'où vous venez. Vous ne servez qu'à
-mettre tout sans dessus dessous. Adonc il se mit en colere, au moins le
-feignit; & il la fit prendre toute brandie, lier & emmailloter, &
-coucher dans ce berceau; puis commanda aux portefaix de faire leur
-devoir de bien bercer, ce qu'ils firent. Elle leur crachoit au nez,
-tempêtoit: je veux pisser; je veux chier. C'étoit tout un; ils n'en
-berçoient que mieux. Les vezoux disoient: _de la vase_; les
-gentilshommes dansoient _petonton_, les branles de Poitou. O! là,
-dit-il, mes amis, boutez; écrivez, monsieur le greffier, les injures &
-opprobres, dont ma bonne femme m'honore. Là, là, ma mie, vous mourrez
-bienheureuse; on ne dira pas que je vous aie tuée. O! que vous serez
-heureuse! Mais arrêtez un peu, ô berceux de paradis, afin que monsieur
-le chapelain la confesse. Confessez-vous, ma mie; vous n'avez plus
-qu'une heure à vivre; j'ai pitié de votre ame; je ne veux pas tout
-perdre. Elle tempêtoit plus fort & plus rudement. On berçoit; & vous en
-aurez. A la fin, elle pria de parler à son mari, qui, venu à elle, lui
-dit: ma femme, il n'y a plus de moyen de parler à moi; vous êtes prête à
-mourir; je vous pardonne, confessez-vous, afin que vous mouriez
-pénitente: sus, sus, bercez toujours. Là, nobles berceux, ça mes amis,
-vous ferez aller cette ame en paradis avec ce branle doux; jouez vos
-jeux, jouez; & nous tous, dansons de réjouissance de voir une si belle
-ame être prête du bon repos tant desiré. La peur commençant à entrer en
-la conscience de cette femme, vint aux supplications, qui à la fin
-furent si humbles & pleines de tant de protestations, que le mari, prié
-par ses amis, la dame fut délivrée; son mari la mit entre les mains des
-chirurgiens pour la saigner, à cause de l'appréhension qui l'avoit
-saisie; & dès lors elle fut changée de tout point de son humeur
-fâcheuse.
-
-ARISTIPPUS. Si Socrates le bon homme eût ainsi bercé ses deux femmes, il
-les eût endormies, & lui & sa nourrice eussent eu loisir de jouer
-ensemble, tandis que ses enfans dormoient; & n'eût pas été affublé de la
-potée de pissat, que l'une lui jetta sur la tête par dépit qu'elle eût
-qu'il n'avoit tancé celle contre qui elle querelloit.
-
-VIGENERE. Par la vertu donguoi, vous savez que j'ai belle femme & bonne.
-Moi, ni mes amis ne s'en peuvent plaindre. Néanmoins un jour, (quasi
-nuit, & il faisoit clair de lune, le soleil ne luisoit plus) que
-revenant de la ville, & entrant en ma maison, je trouvai un jeune
-avocat; & cela me fâcha, d'autant que je craignois scandale. Je dis: ma
-femme, vous savez le bruit qui court de vous & de moi; car on dit de moi
-que je suis un peu cornard; & je le crois bien; & aussi de vous, que
-vous êtes un peu garce; ce que je ne crois pas, mais vous tiens pour
-femme de bien; je le crois aussi-bien que vous. Par ma foi, mon mari,
-croyez-le, je vous en prie. Voilà comme j'ai bercé ma femme, & comme
-elle m'a bercé, ce que je n'ai appris à aucun alquemiste de l'Allemagne,
-de peur d'être bercé de celles fantaisies, qui leur feroient oublier le
-voeu secret, qu'ils ne disent qu'aux enfans de la science.
-
-ALOILOL. Je ne vis jamais tant parler. Aussi cette phrase n'étoit point
-de mon tems; je vous prie, éclaircissez-m'en.
-
-VIGENERE. Soit; sachez qu'en toutes facultés il y a un secret qui ne se
-dit qu'à ceux qui ont la pure entrée: & ce, afin que cela ne soit
-divulgué. Comme par exemple, je vous dirai que le principal mot du guet
-du _Moyen de Parvenir_ est d'avoir de l'argent: aux moines pour se
-saouler & besogner leur saoul, d'autant que c'est leur part; aux
-gentilshommes, pour paroître; aux ambitieux, pour se faire
-mistigorifier, comme petits démons sur le plat d'une pelle; & aux
-autres, pour avoir du contentement en vérité, & non en songe.
-
-LA PUCELLE D'ORLÉANS. Ainsi que ces deux gentilshommes, qui étoient
-venus à l'entrée du roi Charles à Orléans, chez le lieutenant
-particulier. On les mit coucher ensemble. L'un songeoit qu'il se noyoit,
-& l'autre songeoit qu'il pissoit; & parce que le sphincter se dilata en
-cette nécessité, où fut fait vertu, il compissa tout l'autre, qui
-haletant & s'éveillant, & se trouvant tout mouillé, se prit à crier:
-hélas! il est donc vrai? O, adieu, tous mes amis de ce monde. Ce
-pisse-en-lit s'acheva de gâter par cet acte, d'autant que cette belle
-fille n'en voulut. Il est vrai que son valet l'avoit contaminé le jour
-de devant. Il l'avoit embouché, & dit qu'il fit bonne mine, & que, quand
-il parleroit de son bien devant sa maîtresse il le doublât, & qu'il le
-tanceroit; & que pourtant il ne laissât de continuer. Etant donc en
-devis avec la mere & la fille, il disoit qu'il avoit entr'autres une
-bonne métairie, où il y avoit beaucoup de commodités. Vous en avez bien
-deux, dit le valet. Taisez-vous, lui dit-il; il faut que vous causiez?
-Et aussi, madame, pour vous dire la vérité, j'ai une grange pleine de
-bled. Vous en avez bien deux. O! ho, ce compagnon ne se taira pas? Et
-puis, au bout de ma maison, j'ai une bonne garenne qui contient plus de
-trente arpens. Vous en avez bien deux. Paix, c'est assez; vous faites le
-suffisant. Le portail de ma cour est tellement baillé à mon clousieur,
-qu'il m'en doit une bonne vache. Il en doit bien deux. O! ho! ce pifre
-ne se taira point? Il est vrai, madame, que je suis assez bien de tout;
-mais j'ai une incommodité, c'est que j'ai mal à une jambe. Vous avez
-bien mal à toutes deux. Ô! ô! de par le diable, c'étoit à ce coup qu'il
-se falloit taire; mais tout fut gâté, honni & perdu.
-
-
-
-
-FANTAISIE.
-
-
-XXXVI. Cette belle en fut marrie, d'autant qu'il étoit assez beau
-gentilhomme; mais à cause de cela, elle disoit qu'elle eût mieux aimé se
-faire haillonner à une douzaine de moines qu'à lui.
-
-Z. R. Sandé, vous avez tort, & vous dis être plus séant de parler
-d'autres. Je vous dirai, en vérité, que cela n'est point beau de voir un
-homme d'église, ou de justice, mis en train de friponnerie. Vraiment, il
-fait aussi bon voir une personne d'honneur en une mascarade, comme un
-cureur de retraits présider au conseil. Il n'appartient qu'à ceux qui
-ont bonne grâce de faire les fous: il est très-mal séant à un évêque, de
-faire le muguet & le beau fils, c'est-à-dire, le fat avec des femmes; ou
-à un ministre, de gausser; & comme un curé de village, aller causer à
-l'ouvrouer d'une beurriere, pour avoir de la graisse. Ma finte, cela ne
-vaut rien; & n'est pas beau à un curé d'aller faire le gallefretier en
-une rue, ou une taverne. Il faut que telles gens soient à leurs études;
-& s'ils ne peuvent étudier, qu'ils s'amusent à pisser dans un pertuis,
-pour apprendre à pisser droit & de volée. Encore, si ces gens-là étoient
-gaillards, qu'ils eussent de belles rencontres, j'en serois tout ralu; &
-qu'ils fissent de gentils tours, ainsi que le vieil pénitencier de
-Paris, qui, un jour de sainte Genevieve, donna à déjeûner aux chantres
-de la sainte chapelle, lesquels ayant bu de son vin, & lui ayant dit: à
-votre commandement; ils le prierent de leur en donner une bouteille
-pleine pour le jour de leur solemnité, & leur promit de leur en donner.
-Les compagnons, étant à la veille du jour proposé, envoyerent un gros
-valet à monsieur le pénitencier, le prier qu'il lui plût, selon sa
-promesse, leur donner la bouteille de vin; ainsi dit-on. Or ils avoient
-fait provision d'une opulente bouteille, qui ne tenoit guères moins que
-celle des capucins, où il entroit presque un quart de vin. Le valet
-étant devant ce bon homme, & lui faisant sa harangue, & montrant sa
-bouteille, le sage vieillard conjecturoit ce qu'il avoit à faire: notez
-qu'il étoit docteur en théologie, prêtre & chanoine, qui pis est; & puis
-de superabondant pénitencier, qui est cause qu'il savoit bien & mal;
-_primo_, parce qu'il savoit le sien; _item_, il apprenoit celui des
-autres. Parquoi ruminant, tandis que le gars lui parloit, il imaginoit
-son fait. Il fit mettre la bouteille sur la table; & sortant en la cour
-avec le valet, il lui dit qu'il allât appeller la chambriere qui étoit
-de l'autre côté; c'étoit pour l'amuser. Il y va; & le preud'homme prit
-trois ou quatre cailles, ou enfans de caillous, & rentre en la salle,
-mit le plus gros en la bouteille, si bien que cela se porta honnêtement.
-Le gars revenu avec la servante, il lui dit: ô, garçon mon ami, voilà de
-l'eau; rince la bouteille. Ce gars y met de l'eau; & commence & finit à
-secouer à bon escient; & caillou d'aller, & bouteille de se rompre, &
-l'eau de s'enfuir par-tout. Quoi voyant, le bon homme lui dit: ô!
-lourdaut mon ami, si tu eusses mis là mon vin, il eût été versé; tu as
-tort, je suis marri de cela; messieurs auront du déplaisir. Jeanne,
-dit-il, quand elle fut revenue, va quérir en haut cette bouteille
-clissée, qui est au clou près de mon étui à lunettes. Elle y alla, &
-apporta une bouteille d'environ un tiers de pinte. Il la fit emplir, &
-l'envoya par ce garçon à messieurs les chantres, avec ses
-recommandations. Allez, dit-il, ils en auront une autre fois:
-_cornifetu, cornifetu_, mon ami; c'est-à-dire, _quod differtur, non
-aufertur_.
-
-PATOLET. Comme vous parlez latin! Vous ayez vu autrefois la sibylle
-Mitrée, comme l'Ecumée. Si avoit bien notre servante, qui, courant pour
-aller voir le lit d'honneur où étoit le chancelier de Birague étant
-mort, sa maîtresse la trouvant, lui demanda où elle alloit si vîte. Je
-vais, s'il vous plaît, madame, voir le cardinal Miracle. Et sa maîtresse
-m'en disant autant, je lui répondis aussi. Elle me dit: où allez-vous si
-vîte? Je cuidois qu'elle m'eût dit six vittes, parce qu'on parle ainsi à
-Paris; & je lui dis: je m'en vais chez nous, six cons.
-
-DIOTIME. L'autre jour notre servante chantoit un air de Ronsard, où il y
-a: _d'un gosier, &c._ Elle disoit: _d'un gosier, mange levrier, j'ois
-crier dans le coffre ma calandre_. Et ce fripon de Pelletier vint chier
-à notre porte, puis heurta: le valet regarda par la fenêtre, qui dit:
-qui est-ce? Je veux parler à monsieur: faites-le un peu venir à la
-fenêtre. Monsieur l'avocat se promenoit en sa chambre, qui mit le nez à
-la fenêtre, & lui dit: est-ce vous, monsieur? Oui, c'est moi, monsieur.
-Vous plaît-il que je chie ici? Chiez, de par le diable; chiez, vilain; &
-lui dit de s'en aller. La servante trouva le cas au matin, & vint à
-monsieur lui dire: le vilain d'asseoir a planté ses immondanités à notre
-porte.
-
-FRACASTOR. Vous ne dites pas tout, il avoit brené dessus, & disoit que
-c'étoit un mot latin, KPUT.
-
-MURET. Ce latin est pareil à celui du vicaire de Chamberi, qui lisoit
-l'évangile des cinq pains; & au lieu de dire, _ut quisque accipiat
-modicum_, il dit, _accipiat modium_. Il disoit vrai; il eût fallu
-beaucoup de muids. Ne disoit-il pas aussi: _quid statis occisi_, pour
-_otiosi_. Ce fut lui qui, nous annonçant des bêtes, comme tantôt, se
-voulant paillarder à bien dire, & mit-il pas sur sa tombe, _requiescavit
-in pace_, s'il a plu à dieu. Que voulez-vous? il y alloit à la bonne
-iniquité. Encore y a-t-il des gens qui ont de la conscience, il est
-vrai, mais comment? Prenez-y garde, vous trouverez, si ce n'est sotise,
-que c'est pour la commodité: tellement que piété, sainteté, justice,
-aumône, & toutes telles vertus, ou actions qui en dépendent, ne sont
-pratiquées que par le désir qui tend à la commodité, sous le voile
-d'hypocrisie.
-
-ARETIN. Si ce que vous dites est vrai, il ne faut plus prier dieu.
-
-MURET. Ce n'est pas ce que je vous dis, pource que le moyen de se faire
-du bien aux dépens du pauvre homme, sans qu'il en soit marri, c'est
-qu'il faut prendre les bouts de chandelles qu'ils vont offrir, & s'en
-éclairer disant ses heures; cela vous épargnera autant que feroit au roi
-d'Espagne, si on lui bailloit tout le fil dont on lie les allumettes, &
-qu'il le vendît aux Foucres, pour faire des serviettes aux Allemands.
-
-GAGUIN. Vous êtes un grand ménager.
-
-MURET. N'ai-je pas été cordonnier? Ne sais-je pas que valent les brins
-de filets, qui joint bout à bout sont utiles?
-
-POSTEL. Puisque tu es cordonnier, si tu veux je t'apprendrai un beau
-secret que m'enseigna l'empereur des Turcs, quand je le fus voir durant
-mon grand voyage à Châtelleraut, où je vis l'origine de toutes les
-nations, états, sexes & gens du monde.
-
-EUCLIDES. Tu nous en veux conter, pargoi, je suis un grand
-mathématicien; je ne crois rien que ce qui se démontre.
-
-POSTEL. Et si tu veux payer une once d'huile de canelle, pour graisser
-nos peignes, je t'enseignerai à faire vingt paires de souliers en une
-heure.
-
-EUCLIDES. Cette heure-là seroit donc plus longue que les autres?
-
-POSTEL. Non sera: ne savez-vous pas bien que la plus longue heure du
-jour est celle du sermon? Et pour l'accourcir ou appetisser sans perte
-de temps, est déjeûner tandis qu'on prêche: le prêcheur aura fait &
-ennuyé plusieurs personnes, que vous n'aurez pas eu le loisir d'achever;
-& puis à telle heure je ne voudrois travailler, tant je suis bon
-réformé.
-
-EUCLIDES. Bien doncques, je paierai ce que vous voudrez.
-
-POSTEL. Sachez que les Turcs ne font rien; ce sont les chrétiens qui
-font leurs besognes; mais par excellence, leur empereur, que les sots
-chrétiens appellent le grand seigneur, comme s'il étoit barbier & géant;
-ce prince-là de voleurs me fit bonne chere, parce qu'il pensoit que je
-me ferois ministre, & qu'ainsi je serois à son commandement; & pour me
-gratifier, il m'apprit un de ses plus grands secrets; c'est de faire
-vingt paires de souliers ou environ, bons & chaussans, & ce en une
-heure, pourvu que l'on eût de bonne étoffe, à savoir vingt paires de
-bonnes bottes, dont vous couperez le bas; & seront souliers; & le reste
-servira de guêtres aux cordeliers.
-
-
-
-
-TITRE.
-
-
-XXXVII. SCALIGER. En ma conscience nous étions pour cette affaire, sur
-un notable franc arbitre; & les arbitres étoient presque d'accord de la
-sentence de cet arbitrage. Je ne sais si j'ai bien dit; (va toujours;
-trotte qui danse.) Nous avenions aux résolutions, & trouvions les
-sciences tout justement, y attendant justement comme pâques en Mai, &
-répondions à propos, comme firent deux notables dames d'Orléans; l'une
-femme d'un apothicaire, à qui je demandai si elle avoit de
-_l'agalochum_, & _agalochum_, c'est _lignum alois_; & elle pensoit que
-je lui demandasse si elle avoit autre drogue; elle me répondit à propos:
-monsieur, je ne me connois point en drogues; il faudroit parler à mon
-mari. L'autre est la belle épiciere d'auprès les ponts. Monsieur le
-procureur du roi, qui vouloit gausser avec elle, la voyant avec six ou
-sept dames, lui dit: madame, avez-vous de _l'agalochum_? Monsieur,
-dit-elle, voici plusieurs boîtes, il y faudroit mettre le nez. Etant
-après ces belles intelligences, voici la serviteuse qui nous vint dire
-que quelqu'un étoit à la porte, pour entrer ou sortir.
-
-QUELQU'UN. Quel mot est-ce que _serviteuse_?
-
-L'AUTRE. Ce mot vient du pays de sapience, & j'en use ici à cause qu'il
-a des gens mariés; _notate verba, & ponderate misteria_. Cette fille
-nous vint dire qu'il y avoit à la porte un personnage qui vouloit parler
-au bon homme. Aussi-tôt il alla à lui, puis revint & nous dit: (je le
-dirai pour lui, parce qu'il est empêché à frire l'esprit d'un demi-cent
-d'écrevisses, à la mode de Bourges, où l'on les vend toutes nues) c'est
-un docteur d'Oxfort, qui n'est pas encore résolu s'il se doit faire
-catholique ou huguenot; & il demande à parler à quelques apôtres, s'il y
-en a céans. Vraiment non, dîmes-nous, il n'y en a point ici; ils nous
-empêcheroient de faire bonne chere; & puis ils auroient honte de
-l'hiérarchie, & du criblement des ministres, parce que les uns ont trop
-lardé l'oie, & les autres y ont trop mis d'épices, après l'avoir
-dépouillée de ses fantaisies. Là-dessus il fut tenu conseil de l'envoyer
-en Espagne, d'autant que l'on estimoit qu'il y pourroit avoir quelque
-apôtre, à cause que les Espagnols, pour la plupart, sont parens selon la
-chair. A quoi s'opposa Varro, disant que les Espagnols se prévalent être
-les plus catholiques; & partant le plus parfait membre de l'église; &
-allégua, _nescit sanguinem_, l'église ne connoît point ses parens.
-Parquoi on lui dit qu'il se pourvût; que nous n'avions la tête rompue
-que de telles gens qui changent de religion, pour demander le passage,
-comme ces François qui passent en Angleterre. Et cela dit, afin de lui
-donner quelque contentement, on lui fit une paraphrase apostrophique
-pour son déjeûner, & qu'il s'en saoulât s'il pût. Je vous dirai un grand
-secret, c'est que vous liriez ici quatre jours entiers, que vous ne vous
-saouleriez aucunement, & j'en dis vrai. Vraiment, nous n'aurions garde,
-si nous ne mangions quelque chose en lisant.
-
-
-
-
-REPRISE.
-
-
-XXXVIII. SOCRATES. Il n'y a personne qui ne tâche à faire son profit; &
-sur-tout boivant & mangeant. Et je vous dirai, belle & bonne personne,
-ma chair de prochain, vîtes-vous jamais le pere Prologue?
-
-OVIDE. Tu nous veux faire passer ce petit tronçon de bonne chere que
-vous fîtes en Espagne, aux nôces de la reine, fille de notre invincible
-roi. Tu as raison; pargoi, ils nous donnerent force paroles couvertes,
-quantité de mots dorés, des phrases délicates, beaucoup de menus propos
-qui nous passoient apostrophiquement par la bouche, ainsi que l'on mange
-les lettres aux écoles. Et je vous proférerai un grand fait, qui m'a été
-révélé selon la trabale; que ce n'est pas sans raison que l'on fricasse
-les ames, vu que de tout temps, & de l'invention des poëtes, il y a
-certaines M que l'on mange; (& de fait, on pensoit s'équivoquer; mais à
-bon escient) j'ai vu engouler des _ames_ toutes fraîches, comme vous
-feriez une écrevisse d'eau douce. Or je n'irai pas-là; je ne veux pas
-être mangé, je ne l'ai pas accoutumé.
-
-SOCRATES. Mais disons de ce repas.
-
-OVIDE. Je n'ai plus à en dire, sinon que nous mangions de ce que dieu
-nous avoit donné, comme dit l'autre. Et conscience, notre jardinier, qui
-étoit un beau jeune homme, n'en voulut point; il se maria avec une belle
-jeune fille, qu'il fit femme, dieu merci & vous. Un dimanche matin, il
-cuidoit lui donner le picotin; & elle le pria de se contenir. O! ô,
-dit-il; & pourquoi? Mon ami, dit-elle, je me trouve mal. Etant levée, or
-étoit-ce en été, il vit sa chemise tachée de sang: hélas, ma mie! vous
-ai-je blessée? Non, mon ami. Et qui donc? Personne. Mais, ma fille,
-dis-moi que c'est. Ardez, mon ami, c'est que j'ai ce que dieu nous a
-donné à nous autres pauvres femmes. Voyez-vous, ainsi que, quand vous
-êtes échauffé, le nez vous saigne; ainsi notre pauvre cas saigne tous
-les mois; & si alors un homme nous touchoit, il se perdroit. Et bien, ma
-mie, vous avez bien fait de me le dire. Si je me fusse perdu là-dedans,
-on eût eu bien de la peine à me retrouver, tant il y a de chambres, de
-recoins & de garderobes, sans les salles. Quelques jours après, il
-venoit de Vanves; & ayant bon appétit, il demanda à souper à sa femme,
-qui lui dit: oui, mon ami, il s'en va prêt. Et que me donneras-tu, ma
-fille? Ne vous souciez, mon ami; nous mangerons de ce que dieu nous a
-donné. Elle parloit, comme vous dites ordinairement. Lui qui se
-ressouvint de ce qu'elle lui avoit dit, estimoit qu'elle lui donneroit
-de ses mois; il lui dit: ma mie, je vous remercie, je n'en veux point;
-je m'en vais souper avec mon compere. Je sais bien ce que je lui eusse
-fait, pour n'avoir point de ces harnois-là.
-
-SAPHO. Et dites, je vous prie; & quoi?
-
-OVIDE. Je lui eusse farci le ventre d'andouilles.
-
-SAPHO. Pargoi, tu nous en contes; Je crois que tu as hanté les filles
-d'église, c'est-à-dire les femmes de cloîtres, c'est-à-dire les garces
-de chanoines. Elles parlent ainsi, sans autrement user de respect, sinon
-qu'elles appellent les autres putains, chiennes, vesses, & qu'elles
-débauchent leurs maîtres.
-
-LE CONSUL. Je ne m'ébahis pas vraiment de ce que l'on dit: ho, ho, ô,
-Calvin, te souviens-tu pas bien de ce que disoit Hilaret, quand il
-contoit en chaire que tu étois fils du chanoine; & que notre ami de
-Saint-Denis, le chanoine, dînant avec notre évêque, se mit à parler
-contre ce cordelier, feignant être fort fâché contre lui, & faisant
-tomber à propos ce poinct de son sermon, lui dit par colere fraternelle:
-je ne trouve point bon, que l'on dise des mensonges en la chaire. Je ne
-dirai pas comme le curé de saint Lifart, qui disoit que la chaire, où il
-étoit, n'étoit pas la chaire à faire caca; mais à dire vérité. Je dis
-donc que cela est messéant de prononcer des impiétés en telle chaire.
-Vous avez dit que Calvin étoit fils d'un chanoine; ce qui est très-faux.
-Les chanoines sont gens pudiques, sobres du cul comme de la bouche,
-comme dit messire Guillaume le Vermeil, ils ne font point d'enfans: ce
-sont les cordeliers qui en font. S'il y a quelque femme qui se prête,
-voilà un petit cordelier dessus.
-
-BUCHANAN. Je suis pour les peres cordeliers; cessez cette injure. Il y a
-apparence que les chanoines font des enfans, témoin madame la roine de
-France, qui, allant à Chartres en voyage, pour avoir lignée, & suivant
-un beau chemin fait exprès, parce qu'elle alloit à pied, elle s'assit
-pour se reposer, que voici passer une belle grande paysanne des champs,
-qui cheminoit comme un prêtre Breton. La roine l'arrête, & lui dit: bon
-jour, ma mie; où allez-vous? Je vais à Chartres, madame. Que faire?
-Vendre du lait & des herbes. D'où êtes-vous, ma mie? Je suis d'ici
-auprès, madame. Êtes-vous mariée? Oui, madame, dieu merci & la voutre.
-Mais, madame, ne vous déplaise, dites-moi, s'il vous plaît, qui vous
-êtes? Je suis la roine. Excusez-moi, s'il vous plaît, si je ne vous ai
-fait l'honneur que je devas. Mais, madame la roine, vous allez à pied; &
-où allez-vous, madame la roine? Mais que ne vous déplaise? Je vais à
-Chartres, ma mie, pour aller en cette belle église prier dieu, à ce
-qu'il lui plaise que j'aie enfans. Hélas, madame la roine, ne laissez
-pas de vous en retourner; ce grand chanoine qui les faisoit est mort, on
-n'y en fait plus.
-
-SCANDERBERG. Cette-ci étoit presque aussi hagarde, que cette bonne femme
-qui demeure après le roi des veaux, à la grille aux sots. Nous étions
-avec de Pise, ce bon magistrat, qui aida à mourir ce ministre, qui renia
-ministere, pour se joindre aux finances; & je vous assure que nous ne
-tâchions qu'à rire & dîner. Nous avions gagné notre procès; nous ne
-plaidions que pour les dépens. Nous étions, ma mie, en ce point, tout de
-même que les garces, qui ne plaident jamais en défendant; elles sont
-toujours après en demandant.
-
- Amour de garce, & ris de chien.
- Tout n'en vaut rien, qui ne dit tien;
- Bien de ribaud, & chair de garce,
- Etant unis, ont bonne grace.
-
-De _garce_ à _grace_; il n'y a qu'une transposition. Et puis,
-
- Quand maître coût, & putain file,
- Petite pratique est en ville.
-
-MAROT. Tu seras meshui sur tes sentences; je pinte à l'aise:
-
- Regarde au nez, & tu verras combien
- Grand est cela, qui aux femmes fait bien.
-
-DU JON.
-
- Regarde au pied, pour au rebours connoître
- Quel le vaisseau d'une femme peut être.
-
-L'AUTRE. J'entre en fureur poétique:
-
- Si tu voulois, je voudrois bien,
- Belle, à ton corps joindre le mien.
-
-MOY. J'y suis,
-
- Jouer au jeu, qu'aux cailles on appelle,
- Aux filles est, chose plaisante & belle.
-
-JEANNE.
-
- Prête-moi ton _c, o, n_, pour mon _v, i, t_;
- Puis nous remuerons la lettre qui suit le _p_.
-
-SCANDERBEG. Vous? Que diable ne me laissez-vous dire! Or bien, nous
-étions-là, & voulions gausser cette vieille marchande. Elle étoit
-parente & grande amie de Montoir, qui, un matin allant au four qui étoit
-assez loin, elle vit messieurs de la ville qui mesuroient & piquetoient.
-Et da, dit-elle, messieurs, que voulez-vous faire? Nous voulons fermer
-la ville. Hélas! messieurs, attendez un peu, s'il vous plaît, que je
-sois revenue du four; je ne muserai gueres. Cette marchande donc avoit
-des éguillettes de velours, des bas-de-chausses de taffetas, une gaîne
-de faulx, des vrilles de bois, des fusils de laine, des décrotoires à
-mêche, des arquebuses à corde, de l'appas aux puces, de la tablature à
-apprivoiser les souris, & telles sortes de marchandises. Nous lui
-demandâmes: madame, avez-vous des brides à veaux? Il faut voir,
-messieurs, s'il vous plaît. Elle nous amusa là, plus de trois quarts
-d'heures & six minutes. Cela me fâchoit, parce que je n'ai affaire que
-de tems & d'argent. A la fin, étant montée sur une escabelle, & ayant le
-dos vers nous, elle nous dit: messieurs, j'ai de mauvais enfans qui les
-ont brouillées & démanchées, si que je ne les peux trouver toutes
-entieres; & disant cela, d'une souplesse prompte & préméditée, va lever
-ses robes & sa chemise, & nous manifester son gros cul ample & fessu,
-nous disant: au moins, messieurs, voilà les mords. Par ma conscience,
-dis-je, madame, nous voilà bien refaits. Acoutez, messieurs, acoutez un
-peu; je vous dirai un conte pour vous appaiser. Ardez, j'étois à la
-suite de l'armée de Moncontour, où j'eus beaucoup de dépouilles, dont
-voici les restes. Ainsi que nous étions à ce ménage, voilà la plus
-grande de la cour, qui, passant & voyant les morts deçà & delà, parce
-que c'étoient huguenots, n'en dit rien: mais en voyant un étendu, le
-ventre au soleil, & considérant la grandeur de son membre viril, va
-dire: voilà grand-pitié de cettui-là. Et nous de sortir de là, & de nous
-en aller: aussi-bien on nous attendoit à dîner chez un prélat.
-
-L'AUTRE. On m'a dit que c'étoit le feu archevêque de Tours, qui a appris
-à messieurs de la cour à se torcher le cul de papier blanc. Etant à
-dîner, & faisant bonne chere, il fallut, selon la coutume, rapporter
-quelque chose d'édification; & nous de dire notre fortune. J'en ai bien
-vu une plus belle, dit Dariot. Je venois de Mets; & je trouvai à terre
-une coignée, & je dis: eh, que fais-tu là, coignée ma mie? Elle me
-répondit rien. A, ha, hé, va dire le curé de Grié, par méan,
-monseigneur, il n'y a pas apparence qu'une telle piece de fer ait parlé.
-Je ne dis pas, que si c'étoit un landier ayant face d'homme, comme ceux
-de votre cabinet à étudier aux perdris, qu'il n'y eût raison.
-
-
-
-
-ARCHIVE.
-
-
-XXXIX. Passant ainsi de propos, en autres sur les discours
-d'édification, monsieur le chantre tira de sa manche un canon fort
-excellent, disant que c'étoit l'abbaisse de Rousserai qui le lui avoit
-envoyé, tel que la prieure l'avoit composé & fait chanter a soeur
-Jaqueline de la Gerandiere, qu'elle instruisoit ainsi sur ce mot
-_conculcavit_. Là, ma mie, chantez bien; tenez-moi ce _con_ ferme,
-_con_: là après, _cul_; haussez-moi ce _cul_, _cul_: après à ce _ca_;
-entretenez-moi ce _ca_: puis à ce _vit_; là, tenez-moi ce _vit_ bien
-long.
-
-MAROT. Ce fut le colloque de Poissi, ce vénérable concile racourci, qui
-fut d'avis d'instruire des jeunes religieuses de telle sorte. Et de par
-sa mere, depuis que colloque a hanté les dames, on a parlé d'elles; non
-pas que l'on dît qu'elles fussent paillardes, mais on disoit qu'elles
-vivoient comme des putains. C'est pitié que cela, & encore plus que vous
-ne sauriez dire.
-
-ALCIBIADE. La mere de notre boulanger, celui qui demeure après les
-Cordeliers, en étoit tout en extase. Elle tenoit une livre de beurre en
-sa main à nud, & voyoit un grand âne qui sailloit (je crois qu'il
-falloit dire _baudouinoit_) une jument. Cette pauvrette, pleine
-d'admiration, & voyant ce fouet qui entroit ainsi, serroit la main &
-faisoit dégoûter le beurre entre ses doigts: hélas! mon beurre.
-
-RONDELET. Que voulez-vous dire de cette pauvre fille? Et bien, c'étoit
-une émotion qui l'avoit prise par admiration. Oui, & il y a ainsi des
-maladies qui prennent, qui vont, qui viennent ainsi que le temps qui
-court; & comme les maladies nous prennent allant & venant ou nous
-reposant, nous prenons le temps comme il vient, & de même en font ceux
-qui mangent leur bien. Et de fait, passant par cette contrée, nous
-voyions des personnes riches qui entamoient leur bien, & pour le manger
-faisoient diverses sauces. Les uns le mangeoient à la sauce de réponce;
-les autres allant au marché aux fesses; quelques-uns à la sauce
-d'Allemagne; aucuns à la sauce de la messe d'onze heures.
-
-CÉSAR. Demeurez-là. Qu'est-ce à dire?
-
-RONDELET. Vous voilà bien empêché! C'est à la sauce de paresse. Je n'ai
-pas voulu dire la messe paresseuse, ainsi que parlent les jésuites; au
-moins le bruit en court.
-
-AMIOT. Laissez courir le bruit avec le monde qui trotte, attendant que
-la coutume aille la haquenée, & le bon temps le pas. Mais un peu, hau
-mon caporal, ces mangeurs ne boivent-ils pas aussi?
-
-LE BON HOMME. Et quoi donc, s'il sont mariés, ils boivent de
-l'ordinaire, témoin celui qui commenta les vieilles légendes, où il mit
-à l'entrée de ses annotations: _tout homme de qui la femme pette, étant
-couchés ensemble, est bien heureux_; comme disoit notre confrere le
-chanoine, monsieur Joyeux; qui est mort chancelier, dieu lui fasse
-pardon, en l'église de céans, pour plusieurs raisons. _Primo_, il
-l'entend; parquoi il sait qu'elle est auprès de lui, & ne le fait pas
-cocu pour lors. _Secundo_, il reconnoît qu'elle n'est pas morte.
-_Tertio_, il jouit du sens de l'ouïe. _Quarto & perfecto modo_, il boit:
-ainsi il a plusieurs commodités, desquelles sont privés les prêtres, &
-les autres gens de notre saveur.
-
-ADDIAS. Si est-ce qu'ils ne laissent de trouver le vin bon.
-
-MAROT. Par mananda, tu y es, & as bien fait de proférer cette goulée qui
-se trouve véritable: & à dire vrai, tu es le plus vénérable menteur de
-toute la compagnie. Prends un peu les mains à Glycas & Cedrenus, & va
-chatouiller ce flaccon de vin, & me dis s'il est mâle ou femelle.
-
-ARISTEUS. Oui dà; il y a mâle & femelle du vin; le blanc est le mâle.
-
-MAROT. Va te faire panser à mon barbier; il ne te coutera rien. Tu y
-entends comme un boeuf à jouer de l'épinette. Puisque nous le tenons
-ainsi, pourquoi résistes-tu à l'écriture de noble antiquité?
-
-SIMLER. Quand toute ton anticlité de tous les diables, & ta sapience de
-l'ante-christ seroit, je n'en croirois rien. J'ai beu plus de deux mille
-deux cent quatorze bouteilles de l'un & de l'autre vin; mais je n'y vis
-jamais ne cul, ne con, ne couillons. Partant je déclare que pipeurs &
-malheureux sont ceux qui mentent en vin quels qu'ils soient. Et pourquoi
-n'y faut-il pas mentir? Parce qu'il y a, _in vino veritas_. _Primo_, au
-vin la vérité, comme nous disons nous autres latins. _Secundo_, il est
-de serment. _Tertio_, on leve la main en le prenant. _Quarto_, & pour le
-mieux, on le prend & met sur sa conscience. Un homme est de bien peu
-d'esprit, s'il ne se connoît en ce qui est de sa vacation; c'est
-pourquoi plus un prêtre est savant à juger le vin, & en avoir de bon, il
-est plus homme de bien; & notez cette décision de Boëtius, qu'il a
-apprise du saint qui fut canonisé de son temps, durant vendanges.
-
-HYPOCRATES. Vous n'avez point parlé de l'odeur du vin? N'importe, parce
-qu'il ne peut faillir de sentir bon. S'il est bon, ce n'est pas comme
-quelques choses, dont il se faut servir sans les sentir.
-
-CÉSAR. Quelles?
-
-HIPOCRATES. Il ne faut jamais sentir un oeuf, ni une huître, ni un con.
-
-NÉRON. A! jan voire, voici le mot pour rire.
-
-VATABLE. Je vois bien que vous ne le savez pas; je vous en ferai un beau
-petit discours démonstratif. Du temps que je me mêlois de prêcher en
-notre église, il y avoit un diacre qui étoit falot, & qui y avoit reçu
-de l'argent pour moi; il me vit ès hautes chaires en ma place. Alors il
-prit en main cet argent, enveloppé en du papier, & durant la messe il
-vint apporter le livre de l'évangile à baiser, me le présentant, il me
-ficha en la main ce papier avec l'argent; & me dit: _hæc sunt verba
-sancta_. Cela étoit le mot pour rire. Qu'ainsi ne soit, si on vous
-mettoit sur une table cent mille écus, & qu'on vous dît: ces écus sont
-pour vous, si vous en pouvez prendre trois poignées, ha! en disant sans
-rire: _gripeminaut_. A! hé, & vous riez déjà, vous n'aurez rien.
-
-NÉRON. Et dà, vous ne serez pas si mauvais; vous me donnerez vos restes.
-
-VATABLE. Oui, je vous ferai comme les valets des archers de la garde du
-roi, que l'on dit du corps. Parce que les meubles sont de plus grande
-conséquence, (témoins les Normands qui vont sur les bateaux par eau, &
-font porter leur procès par terre: d'autant qu'il y a bien à dire entre
-le bien & la vie. Celui que l'on jugeoit à Châtillon, ayant ouï son
-dicton, & qu'il seroit pendu, il le supporta: mais quand il ouït qu'il y
-avoit amende de vingt écus, qui étoit plus que les deux tiers de son
-bien, il dit qu'il en appelleroit, si cela n'étoit ôté, & bien on l'ôta,
-& il se laissa prendre, de peur de faire des enfans pauvres). A ces
-valets de garderobe il avient au rebours de bien. En été, ont gros
-habillemens; c'est que leurs maîtres les laissent, pour en prendre de
-neufs qui sont légers: & l'hiver venu, ils ont des habillemens légers;
-d'autant que leurs maîtres en prennent de pesans, & leur donnent les
-vieils, selon la coutume. Voilà comment leur bien va à rebours; & s'ils
-pouvoient patienter, il auroient, _non secundùm æquitatem, sed secundùm
-justitiam_: & da, je parle aux doctes, s'ils le peuvent entendre; &
-quand leurs habillemens sont usés, il faut dire: ne faites point de
-manches à votre pourpoint, le corps n'en vaut rien, voire, mais le corps
-vaut toujours mieux.
-
-LOUVET. Quoi! le corps vaut mieux que les biens? Zacharie Durant,
-libraire de Genève, ne le croyoit pas, quand il fut frappé de la peste,
-& que le chirurgien lui eût dit que ce l'étoit. Ha! mon ami, dit il au
-chirurgien, si je viens à mourir de cette maladie, je perdrai plus de
-mille florins à cette foire de Francfort.
-
-
-
-
-ORDONNANCE.
-
-
-XL. Ainsi que je demandois à boire, voilà un grand bruit. Quoi!
-dîmes-nous, est ce là le résultat de quelque pape qui se fait, ou le _Te
-Deum_ d'un fait tout nouveau? Non, ce dit Calepin, c'est que l'on vient
-de couper le cou à caresme; & nous en oyons le bruit qui en retentit de
-l'église notre-dame de Paris à Nantes.
-
-NERON. Comment cela?
-
-CALEPIN. Savez-vous pas que le C, est la tête de caresme, & A, est le
-col? Otez ledit A; le col sera coupé, & ainsi il demeurera cresme. Le
-corps joint à la tête sans cou, est tout vif, & ce à la catholique,
-d'autant que, le jeudi absolu, on fait le cresme.
-
-PANTALEON. Ce n'est pas cela; j'en viens. C'est de Beze qui vient
-d'arriver; & Æneas Sylvius l'est allé recevoir, à cause de la similitude
-de jeunesse. Et gai, nous voilà prou forts. Aussi-tôt qu'ils furent
-entrés, après avoir salué la compagnie, qui but plus de dix-sept pintes
-de vin d'Arbois, ils se mirent à s'entretenir de leur jeunesse: & comme
-ils devisoient profondément de leurs amours, voilà ce mélancolique
-Genebrard qui les vint interrompre. Et bien, leur dit-il, vous avez bien
-fait des folies, étant jeunes; vous avez écrit d'amour & de lubricité,
-que plusieurs ont tourné en sens réprouvé. Il est vrai que les bien
-doctes, & qui ne sont point pédans, ont trouvé vos écrits bons; mais il
-y avoit de l'excès: foin, jamais ces cucules ne font que lanterner le
-beurre. Va, dit Sylvius, j'étois dispos de la braguette, & relevé de
-gentillesse, quand j'écrivois mes galanteries: mais depuis, je condamne
-tout cela; je les désavoue. Et moi, dit Beze, je n'ai que faire de m'en
-excuser; je suis gentilhomme à ce que je dis, & comme je l'ai toujours
-témoigné, quand les notaires m'ont demandé ou écrit mes qualités. Et
-bien, j'ai été galant en jeunesse; aussi j'étois prieur, délibéré comme
-un affieur de meurtriers: mais depuis que je fus réformé, je retranche
-toutes mes foliettes joyeuses: & tout ainsi qu'un bienheureux Josué, je
-fis une belle circoncision de mes oeuvres juvenielles faites à la
-catholique. Tandis qu'ils disoient cela, je voyois les compagnons de
-Genebrard qui se moquoient; & par dépit, le juge dès-lors que les
-prêtres faisoient comme les putains. Toujours elles médisent les unes
-des autres. Ainsi en font les ministres en Angleterre, & les alquemistes
-par-tout. Voire, mais putains sont femmes: quelle différence y a-t-il
-entre les femmes & les prêtres? Ce sont gens de robes longues, grandes;
-les prêtres mettent leurs amicts sur leurs têtes; & les femmes mettent
-leurs amis sur le ventre.
-
-LE PREMIER-VENU. Vous ne faites que m'importuner & me rompre la tête de
-vos discours, tant vous les mêlez de biais; vous ne me laissez point
-venir à un propos pour le savourer: vous en dites un bon; puis vous
-gâtez tout. Vous faites ainsi que le curé de la Riche, qui disoit à son
-valet Maugin: mange les naveaux. Et lui qui se jettoit sur le milieu,
-disoit: grand merci, monsieur, le lard est bon. O! çà, j'ai assez parlé,
-sans boire; çà, page, baille-m'en; mais ne fais pas comme le laquais de
-la Roche-paille, qui, voulant donner un doigt de vin à son maître, en
-versa au verre, & mit le doigt dedans pour mesurer, & trouvant qu'il y
-en avoit trop, le but: mais après qu'il remesura, il y en eut trop peu à
-la fin il n'y avoit plus gueres de vin à la bouteille: le laquais emplit
-sa bouche & filoit dans le verre tant que le vin montra jusques au
-doigt, d'autant que son maître n'en vouloit qu'un doigt.
-
-BELLARMIN. Il étoit exact comme celui qui fit la belle tapisserie du
-verger, où il y a une Judith qui prie, & est à genoux devant une
-notre-dame: ainsi que l'on voit aux minimes de Tours une vierge Marie,
-qui dit ses heures de notre-dame agenouillée devant un crucifix; &
-l'ange est de l'autre côté qui dit son _ave_.
-
-PITHOU. Ha! par saint Jean, tu le déclares trop; va, je te laisse à
-l'abandon, tu parles comme un réprouvé.
-
-LUTHER. Taisez-vous, si vous êtes sage; ne savez-vous pas que nos voix
-ici sont autant de statuts, vu que nous sommes en état parfait? Il est
-vrai qu'il faudroit que ces guenippes en fussent hors.
-
-PITHOU. Voire, & pourquoi les injuriez-vous?
-
-BEZE. O! quand je m'en avise, je leur fais de l'honneur, parce que cette
-épithete de _guenippe_ vient de _Aganippe_, comme quand on dit
-_Citrieres les garces_; c'est-à-dire, _belle Vénus_.
-
-PITHOU. Tu leur feras de l'honneur, comme le Breton en fit à monsieur de
-Vendôme, du tems que j'étois son secrétaire; & je vous le dirai. Un
-monsieur de Trarmat vint voir monsieur de Vendôme; & se présentant
-devant lui, lui dit: monsieur, j'étois venu ici, pour vous faire la
-révérence. Monsieur lui dit: faites-la. Il la fit, puis se tint droit &
-debout près le buffet. Monsieur lui dit: mon gentilhomme, mettez votre
-bonnet, parlant à la veille gauloise. Le Breton fit une grande &
-profonde révérence. Or sachez que tels simples gentilshommes qui disent:
-monsieur, si votre cheval est jument, approchez-vous plus loin de moi.
-
-MAROT. (Et votre maître ne dit-il pas bien un plus beau trait au roi,
-ainsi qu'ils passoient un gué, & que devisant ensemble, le roi laissa
-boire son cheval, & monsieur votre maître ne voulut point permettre au
-sien de boire. Le roi lui dit: mon cousin, laissez boire votre cheval.
-O! ho, sire, il attendra bien, s'il veut, que monsieur votre cheval ait
-bu. O! ha, hé, monsieur Cheval est le clerc de ce grand juge du palais,
-qu'un jour quatre des plus signalées dames de la cour, (comme, sans
-faire comparaison, madame de... je ne le dirai pas, ce sera le
-commentateur) & autres l'étoient allé voir, pour le prier pour un
-procès: il les laissa, ayant parlé à elles; puis ayant fait un tour en
-sa chambre, attendant qu'elles sortissent, il appella son homme, & dit:
-Cheval. Plaît-il, monsieur? Ces putains sont-elles encore là-bas? Elles
-l'oient; parquoi, de peur de l'être davantage, elles s'en allerent.) Et
-bien, ce Breton?
-
-PITHOU. A! a, bien, je vous dirai; son fils représente sa personne. Il
-avoit au busque de son pourpoint, à faute de mallette, son joyeux &
-gaillard bonnet de nuit. Oyant monsieur dire: mettez votre bonnet, étoit
-en peine; le maître d'hôtel lui dit: faites ce que monsieur vous
-commande, il ne veut point de cérémonies. Mais, dit-il, ses pages se
-moqueront de moi. Ils n'oseroient. Adonc le Breton, mettant son chapeau
-sur le buffet, mit la main au sein, & tira son bonnet de nuit, dont il
-s'affubla, & puis se vint promener avec monsieur.
-
-LE DISCIPLE. Quand vous avez dit monsieur, je pensois que vous
-parlassiez de feu monsieur notre maître, qui fut évêque de la
-Basse-Bretagne, lequel ayant fait son coup d'essai d'une grand-messe,
-demanda à son grand-vicaire s'il avoit beaucoup failli. Non, monsieur,
-dit-il, vous avez bien fait, sinon que vous avez un peu failli à la
-patenostre.
-
-DU VERDIER. Notre aumônier n'y eût pas failli, il disoit la messe bien
-diligemment. Il avint qu'un jour, lui absent, se présenta un prêtre qui
-dépêcha fort; & quand il fut revenu, on lui dit qu'il étoit venu un
-aumônier qui disoit la messe plus diligemment que lui. Sandregille,
-dit-il, il n'en dit donc rien, d'autant que je n'en dis pas le quart. Ce
-fut lui que monsieur vit abattre une garce; & dès le matin, pour faire
-journée. Etant retourné, monsieur lui dit: messire René, je vous prie de
-dire la messe. Il dit: monsieur, je vous supplie de m'excuser; je vous
-assure que, sans penser à mon affaire, j'ai trouvé une prude; & j'en ai
-passé outre. Oui, dit monsieur, je vous ai bien vu que vous secouyez le
-prunier.
-
-
-
-
-ARGUMENT.
-
-
-XLI. Hé bien, à propos de vous, messieurs, vous direz que je suis fou;
-je voudrois le pouvoir devenir; parce que sitôt que je le serois, je
-serois aussi-tôt exempt du feu, si on me disoit hérétique; délivré de
-prison, si je devois; non sujet au consistoire ou à la mercuriale, ou à
-la réprimande. Et pourquoi les fous ont-ils de si belles libertés &
-priviléges? Parce que l'empereur Justinian, qui gouverne encore le monde
-fou, est devenu fou durant sa vie; par ainsi les fous sont empereurs, &
-_è converso_. Et vraiment je ne m'ébahis pas si mon pere mourut par
-faute de bon gouvernement; _crede mihi_. Quand je revins de voyage, je
-ne trouvai point d'eau dans le seau, encore moins en la seille: il
-mourut comme à Dole à la danse Macabre; il y a la mort, qui parle à un
-beau jeune homme, & lui dit:
-
- Ah, galand, galand,
- Que tu es fringand!
- S'il te faut-il meure.
-
-Et lui répond:
-
- Et mort arrogan,
- Pren tout mon argean,
- Et me laisse queurre.
-
-L'AUTRE. O bien, si vous me calomniez, c'est tout un, il n'y a point de
-ma faute. Le valet de l'aumônier, à qui les autres faisoient la guerre,
-le dit bien à messieurs du bureau: vraiment, messieurs, il n'y a que les
-pauvres que l'on canonise. Or bien, touche-là; Vigneau; ta femme est
-femme de bien, je le crois, si l'ai-je besognée aussi bien que toi. O le
-niais! Elle est si laide, que je ne voudrois avoir affaire à la femme,
-non plus qu'au mari. Passons outre; je sens déja que ce livre nous
-échappe, & me semble que je vois déja un fripon de proposant, qui est
-joint avec un aspirant à la prêtrise _mediante coquedindo_; & ils disent
-que je suis nigromanchian, que je fais parler des morts. Je suis bien
-plus habile que cela: les morts ont parlé; ils le savent bien: mais je
-fais parler les bêtes; & beaucoup parleront, si dieu plaît. Mais avisez,
-s'il vous plaît, à tout ce qui se fait, ou que l'on fait en ce monde;
-tout cela a une fin certaine; je vous en ferai une démonstration
-notable. Allez chez un peintre, & voyez-lui broyer les couleurs.
-Savez-vous bien pourquoi on prend tant de peine à les broyer
-diligemment? Je vous ai dit un grand secret; avisez-y: prenez la
-mollette & la levez; & vous verrez de beaux arbrisseaux & branchages qui
-y sont haut & bas. Et voilà la cause pourquoi, la fin pour laquelle, les
-aveugles se connoissent en couleurs: & pource, si tu crains la goute,
-abbas-là, fous-là. Ma fille, ô belle servante, si mon valet te prie d'un
-peu de jouissance, prens un bâton & lui en donne, tandis que je
-m'amuserai à ces gens de réputation, qui sont pleins d'honneur, comme
-une truye de poivre.
-
-LE BON HOMME. Or çà, mes bons amis, vivons en liberté, notre convive
-s'acheve, ils sont sur le dessert: je suis un peu sorti, pour vous le
-dire. D'autres pour tout recueillir le reste que j'ai oublié pour mon
-plaisir & votre commodité, d'autant que les yeux vous feroient mal, qui
-seroit fort au désavantage de votre vue.
-
-QUELQU'UN. Bien donc, dites-moi, avez-vous envie de parvenir? Lisez ce
-volume de son vrai biais. Il est fait comme ces peintures qui montrent
-d'un & puis d'autre. On m'a dit qu'il y a quelques malotrus qui ont dit:
-voici des traits d'athéiste. En da, je n'en sais rien; je m'en rapporte
-à eux. Si j'ai rencontré à dire leur naïveté, ç'à été sans le savoir. Je
-joue au colin-maillard; je prends ce que je trouve. Mais eux, qui sont
-sages & pleins d'intelligence, ils font tout par élection &
-connoissance. Il est toujours avis au chat breneux que la queue lui pue.
-Ne vous déplaise, si j'ai dit quelque chose qui regarde ou oye de côté,
-& sente mal à votre goût, ce n'est pas ma faute; c'est une perspective
-d'oreille qui est gauchie: & puis les parfaits sont aux cieux. Si je
-m'ébats à me moquer de vous, ébattez-vous à dire bien de moi, afin que
-ce ne soit de vous dont je parle. Et puis, qui sait en bon escient que
-je veux dire, s'il n'a vu & lu le tout; & n'a requis le vrai sens de mon
-affaire? Et par la double fressure de mon petit chien, (j'ai quasi juré
-comme un connestable, & pris dieu partout: mais je me suis retenu par
-votre exemple), & vous dites donc, que je suis un moqueur, un
-contempteur? Il est vrai, si vous le prenez selon votre folle fantaisie,
-qui ne vaut pas une foutée de chat: aussi je contrôle vos sottises, &
-condamne vos impudences. Or chacun juge selon le poids de sa charité. Et
-de-là les bonnes religieuses qui apprendront ceci par coeur, diront: il
-est bon homme; il taxe les vices d'une belle façon. Et pour l'amour de
-cela, je me mettrai à faire un beau livre, où je vous dirai la vérité
-tout au rebours des autres, & d'une façon si belle, que je le publierai
-après ma mort, afin que l'on voie que je dirai de bonnes choses, que je
-n'entendrai non plus que vous autres: & si deviendra tant authentique,
-que le monde de son temps le priseront sur tous, & le diront l'unique;
-tellement qu'ils tiendront tous les auteurs, ainsi que vous, comme vrais
-fous qu'ils sont, se travaillant pour néant, & pour penser acquérir une
-réputation qui se porte à Paris sur des crochets, comme fagots bénis.
-Malheureux sont ceux qui se donnent de la peine, pour avoir bruit d'être
-ou pipeurs, ou flatteurs ou mercenaires, dicteurs de folies d'autrui. Et
-afin que je puisse un jour commencer ce volume, je mettrai ici un tronc,
-tel qu'il est en notre ville, auprès le portail de la grande église:
-
- Vous qui avez mine d'être homs,
- Et qui semblez être hommasses;
- Apportez quatre gros étrons,
- Afin que l'oeuvre se parfasse.
-
-Et je vous promets que vous y gagnerez, & davantage, y apprendrez tout
-ce qu'il y a de bon en ce monde, ce que je vous prouverai en toutes &
-maintes sortes.
-
-
-FIN.
-
-
-
-
-
-
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-François Béroalde de Verville
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-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
-
-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
-Defect you cause.
-
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
-
-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
-goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
-www.gutenberg.org
-
-
-
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state's laws.
-
-The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the
-mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its
-volunteers and employees are scattered throughout numerous
-locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt
-Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to
-date contact information can be found at the Foundation's web site and
-official page at www.gutenberg.org/contact
-
-For additional contact information:
-
- Dr. Gregory B. Newby
- Chief Executive and Director
- gbnewby@pglaf.org
-
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
-spread public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular
-state visit www.gutenberg.org/donate
-
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-
-Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-
-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works.
-
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-
-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-
-Most people start at our Web site which has the main PG search
-facility: www.gutenberg.org
-
-This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
-
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<body>
-<pre>
-
-The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by
-François Béroalde de Verville
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-Title: Le moyen de parvenir, tome 3/3
-
-Author: François Béroalde de Verville
-
-Release Date: September 9, 2018 [EBook #57880]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
-Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
-(This book was produced from scanned images of public
-domain material from the Google Books project.)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
+<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57880 ***</div>
<h1><span class="xsmall">LE</span><br/>
<b class="g large">MOYEN</b><br/>
@@ -5773,382 +5736,7 @@ toutes &amp; maintes sortes.</p>
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3, by
-François Béroalde de Verville
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 ***
-
-***** This file should be named 57880-h.htm or 57880-h.zip *****
-This and all associated files of various formats will be found in:
- http://www.gutenberg.org/5/7/8/8/57880/
-
-Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
-Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
-(This book was produced from scanned images of public
-domain material from the Google Books project.)
-
-Updated editions will replace the previous one--the old editions will
-be renamed.
-
-Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
-law means that no one owns a United States copyright in these works,
-so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United
-States without permission and without paying copyright
-royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
-of this license, apply to copying and distributing Project
-Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm
-concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
-and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive
-specific permission. If you do not charge anything for copies of this
-eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook
-for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports,
-performances and research. They may be modified and printed and given
-away--you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks
-not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the
-trademark license, especially commercial redistribution.
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-START: FULL LICENSE
-
-THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
-PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
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-To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
-distribution of electronic works, by using or distributing this work
-(or any other work associated in any way with the phrase "Project
-Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full
-Project Gutenberg-tm License available with this file or online at
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-electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
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-by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the
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-things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
-paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
-Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this
-agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm
-electronic works. See paragraph 1.E below.
-
-1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the
-Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
-of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual
-works in the collection are in the public domain in the United
-States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
-United States and you are located in the United States, we do not
-claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
-displaying or creating derivative works based on the work as long as
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-that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting
-free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm
-works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
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-1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
-what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
-in a constant state of change. If you are outside the United States,
-check the laws of your country in addition to the terms of this
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-distributing or creating derivative works based on this work or any
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-prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work
-on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the
-phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed,
-performed, viewed, copied or distributed:
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- This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
- most other parts of the world at no cost and with almost no
- restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it
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- eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the
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- are located before using this ebook.
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-derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
-contain a notice indicating that it is posted with permission of the
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-Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply
-either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
-obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm
-trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.
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-with the permission of the copyright holder, your use and distribution
-must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
-additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
-will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works
-posted with the permission of the copyright holder found at the
-beginning of this work.
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-License terms from this work, or any files containing a part of this
-work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
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-1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
-electronic work, or any part of this electronic work, without
-prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
-active links or immediate access to the full terms of the Project
-Gutenberg-tm License.
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-1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
-compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
-any word processing or hypertext form. However, if you provide access
-to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format
-other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official
-version posted on the official Project Gutenberg-tm web site
-(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
-to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
-of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain
-Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the
-full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1.
-
-1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
-performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
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-1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
-access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works
-provided that
-
-* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
- the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
- you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
- to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has
- agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
- within 60 days following each date on which you prepare (or are
- legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
- payments should be clearly marked as such and sent to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
- Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg
- Literary Archive Foundation."
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- you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
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- License. You must require such a user to return or destroy all
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- works.
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- any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
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-
-1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
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-are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
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-1.F.
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-TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
-LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
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-1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
-defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
-receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
-written explanation to the person you received the work from. If you
-received the work on a physical medium, you must return the medium
-with your written explanation. The person or entity that provided you
-with the defective work may elect to provide a replacement copy in
-lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
-or entity providing it to you may choose to give you a second
-opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
-the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
-without further opportunities to fix the problem.
-
-1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
-in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO
-OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
-LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
-
-1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
-warranties or the exclusion or limitation of certain types of
-damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
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-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
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-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
-Defect you cause.
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-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
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-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
-goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
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-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
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-mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its
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-locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt
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-spread public support and donations to carry out its mission of
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-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
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-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
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-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
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-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works.
-
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
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