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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57879 ***
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+LE
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+MOYEN
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+DE
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+PARVENIR.
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+_NOUVELLE ÉDITION._
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+Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.
+
+_Caritas inter jocosve regnat Moria._
+
+TOME SECOND.
+
+A LONDRES.
+
+M. DCC. LXXXI.
+
+
+
+
+[On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome
+second, tiré du tome premier de l'original papier.]
+
+_SOMMAIRE_
+
+DES CHAPITRES.
+
+_TOME SECOND._
+
+I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des
+parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de
+dissolution.
+
+_Plaisant parti d'un domestique_, p. 6.
+
+II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses
+instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de
+par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de
+Busançois, divisé en trois points.
+
+_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7.
+
+_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10.
+
+III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie:
+_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni
+raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni
+raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes
+ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un
+prêtre, &c.
+
+_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14.
+
+_Conte de la malvoisie_, p. 16.
+
+_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19.
+
+IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre
+d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du
+linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un
+besacier, l'autre pour l'avoir rebuté.
+
+_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20.
+
+_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24.
+
+_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23.
+
+_Propos de pisseurs_, p. 28.
+
+V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué.
+Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que
+celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule.
+Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la
+sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_,
+que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style
+des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y
+avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à
+faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il
+demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du
+chose. La section finit par une question, dont le titre de la section
+suivante fait la réponse.
+
+_Aventure de Platon & de Prédicat_, page 30.
+
+_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32.
+
+_Plaisante origine des minimes_, p. 34.
+
+_Description élégante de la sphere_, p. 35.
+
+_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37.
+
+_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37.
+
+_Question d'une chambriere_, p. 38.
+
+VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou
+de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par
+les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape,
+qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les
+femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux
+femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent
+leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a
+bon coeur, qu'il mange de la merde_.
+
+_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42.
+
+_Changemens de noms_, p. 44.
+
+_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45.
+
+VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie
+noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves
+semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois
+tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme
+dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf
+ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre.
+
+_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47.
+
+_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48.
+
+_Obstination d'un marinier_, p. 49.
+
+_Disputes de deux maquerelles_, p. 50.
+
+VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les
+distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du
+désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit
+le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de
+continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou
+trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des
+véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison.
+Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos
+facétieux.
+
+_Lamentation de putain_, p. 51.
+
+_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52.
+
+_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53.
+
+_La couture des mâles & femelles_, p. 54.
+
+_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin.
+p. 63.
+
+_Propreté des femmes_, p. 57.
+
+_Caractere des moines_, p. 58.
+
+IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section,
+toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer
+que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI,
+tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le
+bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la
+vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le
+conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire
+contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du
+livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete.
+
+_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60.
+
+_Expérience de Sculpture_, p. 63.
+
+_Conte du médecin_, p. 65.
+
+_Mot à double entente_, p. 67.
+
+X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa
+liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine
+du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des
+convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin,
+rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté
+sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se
+fendre la bouche.
+
+_Le revenant_, p. 71.
+
+_Conte du sac du bon homme_, p. 72.
+
+_Réponse humble d'un valet_, p. 73.
+
+_Propos naïf d'une fille_, p. 75.
+
+XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre.
+Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de
+l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée.
+Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots.
+
+XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation
+sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames.
+Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet.
+Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur
+les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure,
+& de la naïveté du procureur avec son écritoire.
+
+_Conte du bonnet tombé_, p. 83.
+
+_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85.
+
+_Conte du moulin à barbe_, p. 87.
+
+_Chanoine pris par son propos_, p. 88.
+
+_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89.
+
+XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des
+prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient
+accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont
+il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de
+papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_.
+
+_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93.
+
+_Le jeune homme en couche_, p. 93.
+
+_Quiproquo d'un domestique_, p. 94.
+
+_Nom tronqué_, p. 95.
+
+_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95.
+
+_Plaisant jugement_, p. 96.
+
+_Description du pays de papimanie_, p. 99.
+
+XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan &
+Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre
+contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos
+passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité,
+& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux,
+les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse
+attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre
+supérieure du mari par l'autre.
+
+_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100.
+
+_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104.
+
+_Les beaux sont les gros_, p. 105.
+
+XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui
+mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant
+être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere.
+
+_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108.
+
+XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un
+sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un
+moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose
+qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise.
+Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres
+intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens
+qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé
+un cocu. Maniere d'être poussé.
+
+_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110.
+
+_Conte du moine & des voleurs_, p. 110.
+
+_Conte du fagot_, p. 112.
+
+_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113.
+
+_Secret pour être poussé_, p. 116.
+
+XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue;
+cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas
+putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du
+paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon
+subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur
+du terme de chausse-pied de mariage.
+
+_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117.
+
+_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120.
+
+_Confession d'une femme_, p. 121.
+
+_Bon avis d'un galant homme_, p. 124.
+
+XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les
+cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le
+cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il
+s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait.
+
+_Conte des hommes vissés_, p. 124.
+
+_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130.
+
+XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit
+ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend &
+continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame
+l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames
+de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On
+dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.)
+
+_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134.
+
+_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137.
+
+XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de
+ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si
+libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre
+remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours
+_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.)
+
+_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145.
+
+_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146.
+
+XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers &
+conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in
+illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit,
+pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes.
+
+_La ville de Lubec_, p. 148.
+
+XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin
+prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris
+dont les enfans ont cheveux de deux couleurs.
+
+_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155.
+
+XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée
+de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont
+injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c.
+&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre
+la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_.
+Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une
+réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_.
+
+_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163.
+
+_Conte de la fesse tondue_, p. 162.
+
+_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168.
+
+_Le Chanoine dupe_, p. 170.
+
+XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent
+sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut
+toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux
+miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre
+ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet;
+dissertation sur l'origine des mitres.
+
+XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double
+linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de
+Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en
+sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison.
+Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu
+autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il
+faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou,
+deux moines.
+
+_Conte d'un page attrapé_, page 177.
+
+_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180.
+
+_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192.
+
+XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met
+dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux
+moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis
+à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se
+reprend & se termine.
+
+_Musique d'un moine_, page 188.
+
+_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191.
+
+_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189.
+
+XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de
+gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a
+crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie
+naturelle d'une présidente.
+
+_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194.
+
+_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198.
+
+_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198.
+
+XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église,
+diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier.
+Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des
+religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est
+que femmes pour bien juger des choses.
+
+_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200.
+
+_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203.
+
+_Conte sur le mot groseille_, p. 204.
+
+_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205.
+
+XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa
+stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon.
+Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé &
+inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de
+femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la
+preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures
+vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces.
+Façon d'un curé d'imposer silence.
+
+_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209.
+
+_La confession sincere_, page 214.
+
+_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218.
+
+XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son
+prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des
+charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle.
+Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque
+chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale
+furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle.
+
+_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220.
+
+_Conte du chaudron_, p. 223.
+
+_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228.
+
+XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de
+l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un
+appareil mis sur une blessure.
+
+_Le cheval de Rabelais_, p. 229.
+
+_Conte du mulet_, p. 231.
+
+XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie.
+Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence
+de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques
+chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de
+la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne
+& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines.
+
+_Le ministre en cave_, p. 238.
+
+_Franchise d'un hôtelier_, p. 242.
+
+_La huguenote en colere_, p. 244.
+
+XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une
+femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans
+ses souhaits.
+
+_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251.
+
+_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255.
+
+XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées.
+Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des
+prunes.
+
+_Bans publiés_, p. 256.
+
+_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259.
+
+_Le jardinier & les prunes_, p. 258.
+
+XXXV. Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_.
+Quelques explications de phrases latines.
+
+_Le conte de_ thuribulum, p. 266.
+
+
+
+
+LE
+
+MOYEN
+
+DE
+
+PARVENIR.
+
+
+
+
+PARLEMENT.
+
+
+I. Je sais qu'il y a un autre univers que Dieu a fait. Mais nous; _id
+est_, nos peres, les hommes & femmes, en avons fait un autre plus
+accompli, si Aristote dit vrai. Ne dit-il pas que les femmes sont plus
+parfaites que les filles, parce qu'elles sont dépucelées, & qu'ainsi
+elles ont une forme acquise plus notable & excellente qu'auparavant?
+Dieu fit la fille, & l'homme l'a faite femme. Hé bien, voilà pas les
+hommes qui font bien des choses plus accomplies? Ainsi est-il du monde
+de piperie plus accord, plus joli, plus parfait, plus délicat, & mieux
+sentant son bien que le premier. Et qu'y a-t-il de remarquable? Une
+quintessence céleste, direz-vous. Vraiment, vous avez raison, votre âne
+pette, & au nôtre qu'y a-t-il? Quoi, qué, qué? Une quintessence plus
+profitable, plus pénétrante, plus glorieuse, plus intelligible & plus
+vivifiante: les sages & les parvenans l'ont reconnue, & l'ont apprise à
+plusieurs. Ceux qui ont été plus subtils, & ont reconnu les quatre
+élémens de piperie, extraits ainsi de la supposition ecclésiastique,
+judiciaire, médecinale & trafiquante, ont tâché à y entrer pour
+parvenir: aussi n'y a-t-il point d'autres moyens à cet effet, outre
+ceux-ci, qu'un qui est la vraie quintessence, selon laquelle plus
+aisément, & avec moins de peine, on gagne davantage; ayant plus loisir &
+plus grand profit. Et c'est ceci qui se remarque en tous ordres, où le
+moyen de parvenir est proposé, auquel, comme en toutes vacations, ceux
+qui font le plus de bruit, ont le plus de soin & de peine; s'avançant en
+plus de travail, gagnent le moins: & par conséquent ceux qui sont les
+plus accommodés ont moins de sollicitude, & avec moins de difficultés
+emportent plus de profit. Ceci observé de siecle en siecle, parce que
+les vignerons ne boivent pas le bon vin, les miniers ne possedent gueres
+d'or, encore qu'ils le serrent en grands labeurs, sans que pour le
+préparer, il leur demeure ès mains. Il n'y a que maquereaux pour être
+aisé, d'autant qu'ils entendent aussi les matieres. Le grand Alexandre
+n'avança jamais qu'un voleur, un maquereau & un traître. O belle chose à
+imiter! Là, là, passez & touchez; (votre âne a pissé) il est avenu que
+les gens de bon esprit ont traité la quintessence, non comme ces tristes
+enfumés, qui le plus souvent ont plus de trébillons que de testons,
+desquels le cul paroît pour mieux souffler; mais en habiles, savans &
+industrieux attrapeurs de commodités. Et de fait, ils l'ont trouvée, à
+savoir ès finances, où se pratique, non par transpiration imperceptible,
+mais par emplissement naturel, le plus saint, magnifique & commode
+secret d'amasser. Le diantre y ait part, j'ai été de tous les honnêtes
+métiers du monde, hormis de cettui-là, & professeur en folie. De venir
+aux finances, il n'y a plus moyen à ceux qui ne les pratiquent d'heure.
+Quant à l'autre, j'étois hier en pensée de m'y faire passer maître,
+comme un de vous autres; mais encore qu'il n'y ait personne, qui eût
+plus d'envie d'être fou que lui, parce qu'aux fous tout est permis pour
+rire; si ai-je quelqu'honneur qui m'en empêche: aussi n'oserois-je
+sauter ce bâton de peur de perdre les bonnes graces de ma maîtresse.
+Toutefois je vous proteste que, s'il y avoit autant d'honneur qu'aux
+folies d'être chancelier ou premier président, ou de telle autre qualité
+de fous qui foussoient les autres fous, il n'y auroit gueres de bons
+esprits qui ne fissent paroître que, _quisque abundat in suo sensu_,
+c'est-à-dire, chacun est, sera, ou est dit, ou deviendra, s'il ne l'est,
+fou par la tête. Or notez, amiables freres, & dressez les oreilles,
+comme la queue d'une vache qui mouche, que je vous ai déclaré la vraie
+matiere, & la juste quintessence, dont le magnifique usage est tel, que
+l'on vient, en l'obtenant, à bout de toutes entreprises; on l'obtient,
+en l'ayant, ce qu'on pourchasse; & on fait ce qu'on veut. Parquoi, vous
+avez en somme succintement tout du long, proportionnément au petit pied,
+& sans allégories, les élémens, principes, fondemens, raisons,
+résolutions, évidences, puissances & causes de parvenir tout du long, à
+l'usage de Genève, imprimé à Rome, & sans rien requérir, comme une
+quille de beurre frais.
+
+BIAS. Vous ne faites que parler de parvenir, sans possible en savoir la
+pratique, à quoi peut-être vous êtes stilé, comme un âne à jouer du
+flageolet. Voudriez-vous bien dire que vous l'eussiez de la sorte que je
+l'ai, qui porte tout mon avoir avec moi, de peur d'avoir bien faute de
+poux; & qui sais, comme me le font accroire ces Crisotechnes, cette
+belle science qui rend riches?
+
+L'AUTRE. Je me suis tant amusé à vos fadaises de sagesse étant jeune,
+que j'ai laissé passer les oiseaux. Par mon serment, si jamais la paix
+est faite, j'irai à la guerre aussi-bien que les autres. Croyez que, si
+j'eusse su maintenant, je fusse dedans; & à cette heure que je sais le
+secret, on se défie de moi. Que male foire embrene le nez de ceux qui
+m'ont fait perdre le temps; que cent coups de cornes au cul leur
+déchirent le fondement; que puissent-ils devenir cocus, après le trépas
+de leurs femmes de bien. Je gage que vous ne savez ce que je veux dire;
+[ni moi aussi, dit Chipon, quand il perdit le manteau de son maître. Je
+gage, dit ce seigneur, que ce coquin a perdu mon manteau. Gagez,
+monsieur, vous gagnerez. Le paillard l'avoit détourné, pour s'en
+approprier.
+
+LYCURGUS. Ce fut un moyen de parvenir.] Voilà, il y en a qui parviennent
+diversement; les uns, sans y penser; les autres, par artifice; aucuns,
+par danger; quelques-uns, rencontrant d'un en cherchant d'autre; aucuns,
+courant comme ils attrapent quelques autres en dépit d'eux; & s'en faut
+rapporter aux exemples, ainsi qu'une truie qui avorte.
+
+BODIN. Voilà de belles maximes, & desquelles je pourrois tirer beaucoup
+de science; j'éplucherons, en passant, ceux qui parviennent.
+
+
+
+
+VERSET.
+
+
+II. Il y en a infinis qui ne savent pas leurs élémens; & s'ils les
+savent, c'est par grand pitié de hazard & routine, & trop souvent par
+fausse entente, ainsi qu'il avint à Quenaut, qui se promenant un jour
+vers le colombier, & voulant passer une haie pour aller au travers, il
+coupa une branche avec son outil, qui lui échappa dans l'enclos du
+jardin. Là étoit le maître du jardin avec sa femme de par le diable.
+
+PINAUT. Qu'est-ce à dire?
+
+CHILO. Que d'interruptions! Voilà grand cas qu'il faut passer jusques en
+Grece, pour savoir _sa femme de par le diable_. C'est-à-dire, sa garce
+en françois, comme si vous disiez une femme de prêtre en révérence. Les
+gens du monde, les gens du siecle sont mariés de par dieu; & ont des
+enfans de par dieu; & les autres en ont de même, mais c'est de par le
+diable, qui sera le ménestrier à vos dernieres noces. La sienne étant
+donc avec lui & ses enfans, Thibaut, son gendre, qui avoit épousé sa
+plus grande fille, qui étoit belle & désirable, comme un jeune cheval
+qui sort d'apprentissage, ils devisoient se devisant près la peinte
+archidiaconalement. Quenaut, qui ne savoit rien de cette compagnie,
+parloit assez haut, répondant à son compagnon, qui lui reprochoit sa
+longue demeure, & s'il avoit repris sa serpe, & disoit: je l'aurai, je
+la vois. Thibaut, qui ouit ces mots, croyant qu'on parloit de sa femme,
+qui peut-être aimoit l'amble, (comme étant de nos soeurs, dieu merci, &
+vous qui a fille de femme de plaisir) tout en colere, vint vers le lieu
+où il oyoit cette voix, & faisant le fendant, répond: toi, tu l'auras,
+toi, pance de boeuf? Non, auras pargoi. Si aurai, dit Quenaut. Tu auras
+menti, par la double tigne qui te puisse coëffer. Mais toi, ou le diable
+t'emportera. J'ai bonne épée. Si ai bien moi. Sur ces propos, Quenaut
+s'avançant, vit Thibaut, lui dit: que diable tu te fais de peine! Et que
+te faut-il de tant jurer pour ma serpe qui est chute en ton jardin? Je
+te fais grand tort de la vouloir ravoir? Si j'ai fait dommage,
+demande-le moi, ou sors & nous battons. Je ne te demande que ma serpe;
+que prétends-tu? L'autre l'oyant lui dit: prends-là, si tu veux; qui
+t'en empêche? Tu as peut-être tant bu, que tu es fâché d'autre chose.
+Voilà comme ils parvenoient tous deux.
+
+CLEOBULE. Vous impliquez contrariété. Nous n'aurons meshui fait. Cette
+canaille de sages nous fera devenir fous. Au diable l'importunité de ces
+pédans. Je suis perdu, puisque vous en venez-là. Si est-ce que je crois
+que je suis homme, si ceux qui sont faits comme moi le sont; encore ne
+sais-je si je suis mâle ou femelle. S'il n'y a un autre devant moi, &
+qu'en tâtant, je compare pour savoir ce qui en est, & lors me trouvant
+gros de résolution, parce qu'elle n'appartient à autre animal, je vous
+dirai des choses que vous ni moi n'entendons, ni entendrons, ni n'avons
+entendus; ou je me tairai, comme fit le Curé du Busançois, qui dit: je
+vous prêcherois aujourd'hui; mais nous n'avons pas le loisir. Toutefois
+je vous dirai un bout de sermon, que nous diviserons en trois parties.
+La premiere, je l'entends & vous ne l'entendez pas. La seconde, vous
+l'entendez, & je ne l'entends pas. La troisieme, ni vous, ni moi ne
+l'entendons. La premiere, que j'entends, & vous n'entendez pas, c'est
+que vous fassiez rebâtir le presbytere. La seconde que vous entendez &
+que je n'entends pas, c'est que vous entendez que je chasse ma
+chambriere, & je ne l'entends pas. La troisieme, que vous ni moi
+n'entendons pas, est l'Evangile d'aujourd'hui; parquoi, n'en disons mot.
+Adieu.
+
+PITTACUS. Que direz-vous?
+
+CLEOBULUS. Je vous dirai vos vérités malicieuses, si je parle; & si je
+me tais, je ferai démonstration que vous n'êtes que pleins de vent & de
+néant.
+
+PITHOU. Quant à moi, voyant bien que vous me voulez donner le trait pour
+vous piquer, je vous déclare que je ne sais rien que tout le monde ne
+sache, ou pis; aussi je me contregarde si bien, que je n'offense que
+Dieu & le monde. Et si je vous dirai que je ne peche que par plaisir;
+c'est que je suis amoureux des femmes & des filles. Ce que j'en fais,
+c'est pour naturaliser & parfaire les symboles d'éternité, n'y ayant
+plaisir au monde semblable à celui de la chouserie: foin, de par le
+diantre, foin.
+
+PELICIER. Ne le flattez point; nommez le diable tout-à-fait.
+
+
+
+
+JAMAIS.
+
+
+III. Jamais ces gens, qui font tant la petite bouche, ne furent
+qu'hipocrites. Ils jurent _par ma finte_; ils n'osent proférer le
+mauvais; ils ne savent dire les choses par leur nom: & cependant leur
+coeur est plein de déception & tromperie, d'autant que leur ame
+symbolise à leur bouche, Tu...
+
+GAZA. Bien donc, là, ne nous détournez plus, & n'en parlons plus, de par
+le diable, sans blasphêmer. Bran, vous n'en faites que causer, c'est
+assez. Pourquoi?
+
+QUELQU'UN. Parce que l'on fait des réponses qui ne sont pas bonnes.
+Pensez la belle chose que c'est, de mettre des ignorans au rang des
+doctes. C'est pour avoir de belles interprétations. Si je n'avois peur
+d'être cause que plusieurs blasphêmeroient, je vous conterois une
+infinité d'interprétations que les Cordeliers m'ont apprises. Or, bien
+que nous fassions ici mine de rire, si le disons-nous à la honte de ces
+dépouilleurs d'andouilles pour les nettoyer, & qui nous voudroient
+reprendre, encore que toute leur vie soit confite d'actions impudentes.
+Vous, Prélats, qui voyez comme nous faisons ici les fous en découvrant
+les folies, faites-les cesser, corrigez les fautes, détournez les
+impiétés, ôtez les mauvaises coutumes, minez l'ignorance; & les oeuvres
+d'icelle s'écouleront. Sachez que ce volume est fait pour vous jetter la
+paille en l'oeil, afin que vous abbatiez la simonie. Hé bien!
+diront-ils, on ne baillera plus d'argent pour les bénéfices; on
+n'entendra plus les écritures. Ce n'est pas-là le mal; il faut faire des
+prêtres, qui ne prennent point d'argent, pour distribuer les sacremens,
+& autres opérations ecclésiastiques.
+
+SOCRATE. Or là, fendez, frappez, tirez, faites de belles défonçades
+d'entendement; il n'y a plus moyen de vous tenir. Cent mille petits
+diablotins de deçà & delà les monts, qui vous extravaguent, vous
+puissent casser des noix; que la gorge vous coupe le cou, il n'y a ni
+rime ni raison en votre fait.
+
+LERI. J'aimerois autant les habitans de Versoi, du temps que la parole
+étoit de l'Evangile, lesquels avoient un Ministre, qui sans cesse leur
+reprochoit leur ignorance & indécence de moeurs, leur reprochant qu'il
+n'y avoit ni rime ni raison en leurs affaires; & si souvent leur tint
+ces propos, qu'il en devint fâcheux; tellement que la visitation étant,
+ils demanderent un autre pasteur; & ce avec grande instance, disant que
+cetui-là leur étoit insupportable. Le Consistoire averti, tant de la
+simplicité de ce peuple, que de la façon du Ministre trop rude pour
+agréer à ce petit troupeau, leur en adjugea un autre qui fut averti.
+Celui-ci les prêcha quelque temps par essai, puis pour l'établir
+absolument, il fut question d'assembler les habitans, pour savoir si ce
+nouveau venu leur seroit agréable. Ce qu'étant fait, & un de la
+compagnie des habitans étant délégué pour parler au Ministre, & lui
+faire trouver bon qu'il demeurât, lui dit: Monsieur, vous êtes agréable
+à tous nous autres, tant parce que vous êtes bel homme, que
+principalement à cause qu'il n'y a ni rime ni raison à tout votre fait.
+
+L'AUTRE. Ainsi en est-il de ce livre, qui jadis fut fait en belle rime
+croisée: mais celui qui l'a transcrit, sans y aviser, mêlant ce qui
+étoit deçà & delà, a fait qu'il n'y a ce semble, ni rime ni raison en
+apparence, non plus qu'à l'élection d'un Cardinal de ce temps, selon
+l'ordre hiérarchique du bon temps, que l'on s'alloit cacher & jetter
+dans les puits, de peur de devenir Evêque, pour la peine & labeur qu'il
+y a. Qu'ainsi vous en puisse avenir, Monsieur le Commissaire, qui êtes
+venu réformer les pavés qui usent trop les souliers. Je m'enquis de
+cette histoire du Ministre, passant par-là, d'autant que je ne veux rien
+dire, ni présenter, ni ouir, s'il n'est vrai. Si vous vous en souvenez,
+Monsieur de Pise, nous allions à une Diete en Suisse; & lors j'étois
+avec Mylord Bochow, lequel le Baron de Tierci, parce que _baccon_ à
+Genève signifie du _lard_, le nommoit _Monsieur du Lard_? Comme nous
+soupions, je donnai à notre Prélat d'alors une tête de poulet; & par
+honneur, j'en présente une fendue de même au Baron de Kitblitz,
+Allemand, alquemiste. Il me cuida humer la vue avec les yeux, & manger
+le blanc du cul, tant il me regarda creux, comme si je l'eusse estimé
+sans cervelle. Ce ne fut pas tout. On n'y ose demander de malvoisie;
+c'est à propos de la morue rouge d'Ablis. Les femmes des pêcheurs de
+Versoi étoient allées à Geneve, (qui est le Paris de ce pays-là; c'est
+pourquoi le Duc de Savoye la voudroit avoir, pour faire le Roi) elles y
+avoient porté leur poisson, qu'elles vendirent fort bien; aussi étoit-il
+jeûne: & de fait, on s'escrime de jeûnes en ce pays-là avec un bâton à
+deux bouts, en disant que de se frotter d'une peau de jambon sans la
+savourer, est plus méritoire, que de se crever de poisson. Ces femmes
+avoient fait grand gain, parce que déja on surfait la marchandise en ce
+pays-là; & des Allemands avoient acheté leurs denrées à leurs mots à
+beaux quarts comptant, sans l'autre monnoye. Cette joie fut cause
+qu'elles s'accorderent de bere in peu de malvesia; & allerent en un
+cabaret, près la Fusterie, où elles eurent ce qu'elles demanderent pour
+de l'argent, (cela s'entend aussi bien qu'à Rome. Qui a nez pour sentir,
+qu'il flaire.) Elles s'en trouverent si bien, qu'en cet aise elles
+redemanderent de cette bonne liqueur; ce qui fut tant poursuivi, qu'à la
+fin, & gain, & fonds, tout y alla; & encore quelque bague d'argent à six
+tours demeura pour gage avec les plates. Tant que le bon goût & les
+vapeurs durerent, elles ne se soucioient de rien. Ainsi gaies &
+gaillardes, elles s'en retournerent. Ayant un peu passé la franchise, &
+trouvé un endroit de belle verdure, (c'étoit en été) elles s'aviserent
+de dormir un petit, qui dura jusqu'à presque soleil couchant, qu'une se
+réveilla qui réveilla les autres. Cette premiere, encore toute étourdie,
+avisa une bouteille verte, qu'une d'elles avoit emplie d'huile avant
+boire, elle s'écria: _ô di, comera la Guernera, vede; vede vo le gro
+lizard ver?_ De cela, les autres épouvantées se leverent; & toutes
+ensemble, comme cette-là, à belles pierres, se mirent à lapider cette
+bouteille; & la bouteille se cassant, elles disoient, l'oyant casser:
+_les ous se cassent_; & puis, l'huile épandue, disoient; _c'est le
+velain qu'il rend; vees commi il mode_. Depuis ce temps-là, la malvoisie
+a été à si bon marché, que qui en demande à Versoi, en a pour soi & pour
+sa chartée de beurre frais.
+
+CONTERI. J'attendois que vous parleriez de ce petit ruisseau que nous
+passâmes avec cette compagnie-là, quand nous y fûmes pour les affaires
+des ubiquitaires. Je me souviens qu'ayant passé le pont de beurre,
+Curion, notre hôte de Basle, nous fit baisser, pour voir ce ruisseau
+tant célebre. (Le seigneur Chevalier, grand Hébreu, & si savant qu'il en
+étoit bossu, a mis l'histoire dans le Talmuld, qu'il a revu, quand nous
+le faisions imprimer à Basle. Je le vous dirai; aussi-bien il n'y a
+personne qui ne le sache; & c'est pour vous montrer que j'ai de
+l'esprit, & que je m'entends à l'hébreu, comme une pie à étendre du
+beurre frais sur du pain. Quand j'en faisois leçon, cela alloit à la
+balance, comme un chat qui pese des doublons en une bouteille. Même,
+s'il vous souvient, je le vous dirai en notre langue, pour survenir à
+ceux qui n'entendent pas le chrétien. Un jour, pour faire le mignon,
+j'avois en l'Eglise mon Pseautier en Hébreu, où je lisois ne plus ne
+moins qu'un singe qui épluche des noisettes vertes. Je devois dire la
+leçon; je laisse mon livre & m'en vais au lutrin. Si-tôt que je fus
+descendu de ma chaire, notre ami Chastin prit mon livre, & l'ouvrit:
+mais aussi-tôt il le laissa & se retira de-là, allant se plaindre aux
+autres chanoines, que je tenois des livres méchans; que j'étois
+magicien: & que je ne portois à l'Eglise que des livres prophanes, comme
+une bible, & autres de telle farine. Par dépit, je dirai mon histoire en
+langage que tout le monde entendra, s'il s'y connoît: je la dirois bien
+tout autrement; mais je n'y entends que le haut Allemand; il est trop
+froid; cela ne seroit jamais fait).
+
+
+
+
+PASSAGE.
+
+
+IV. Es pays d'Alsassie, en un endroit assez beau, [si vous n'y avez été,
+cela ne vous servira de rien de vous le décrire, parce que vous n'y
+connoîtrez rien; & si vous y avez été, c'est assez, cela vous
+importuneroit de le rapporter, sinon allez-y.] Là, les dames sont assez
+libres, mais sages; & pour le bien faire paroître, elles ne pissent
+qu'une fois la semaine: & c'est au vendredi qu'elles s'assemblent, au
+matin, toutes par bandes; ce qu'il fait étrangement beau voir] & selon
+leurs dignités, s'en vont en pisserie, comme on va à la foire: de quoi
+elles n'ont non plus de honte, que les femmes de bien, qui montrent
+l'appanage de leur fessier aux eaux de Pougues. Que c'est que des
+coutumes des pays! On ne le trouveroit pas bon ici; & là il est
+délectable: ainsi qu'ès villes de Normandie, où plusieurs en leur
+pochette gauche portent un mouchoir pour le cul, ainsi qu'en la droite
+un pour le nez. Ces femmes étant arrivées au lieu de la pissoire, ou
+pissotiere, elles se disposent comme les montagnes d'Angleterre, chacune
+où elle est, y gardant dignités, prérogatives & honneurs, ainsi qu'ès
+actes publics & notables, ne plus ne moins que se mettent les chevaliers
+en leur rang, le jour de leur cérémonie. En cette commodité,
+abondamment, joyeusement, & à la copieuse & bénigne décharge des reins,
+elles vuident leurs vessies, & pissent tant, que cette riviere en est
+faite & continuée; & de-là les Allemans, Flamans & Anglois font venir la
+bonne eau, pour faire de la biere, la plus double & du plus haut goût.
+Cela est cause que leurs femmes ne les aiment pas tant, qu'elles font
+les François, d'autant que ces femmes-là pensent que leurs maris leur
+veulent derechef reverser leur urine dans le corps. Que s'il y a des
+femmes qui ne savent bien pisser, on les envoie à Genève, d'autant que
+là il y a plusieurs belles écoles, où on apprend à pisser & chier en
+public & en compagnie, au grand soulagement des honteux, qui là
+apprennent à perdre la sotte honte qui resserre le boyau culier. Et je
+vous dirai que ce qu'ils font est, parce qu'il n'y a point de moines en
+ce pays-là; & partant point de frocs, & par ainsi point d'instrumens de
+deshonterie. On m'a assuré que depuis, ceux d'Amiens en ont dressé de
+belles écoles aux Botrues, où l'on fait leçon de chierie.
+
+DURANTIUS. Vous vous êtes équivoqué, sans faillir; mais vous n'avez pas
+commencé à l'origine de cette riviere. Il falloit le dire. Ce que je
+vous dirai, tiré du Zohar, que le bon vieillard Postel a traduit, après
+qu'il eut conféré avec un juif qui devint chrétien. Après avoir lu cette
+histoire, laquelle aussi fit réduire quelques huguenots à se faire
+catholiques, aussi-bien que les moines qui s'en firent huguenots; & ce
+que ceux-ci en ont fait, est pour se mieux entendre en garces. Quant au
+juif, il l'a fait pour avoir congé de manger du lard & du salé, afin de
+trouver le vin meilleur. Du temps que les bons hommes [c'est-à-dire non
+les minimes, qui sont très-petits; & jamais bonté ne se mit en peu de
+lieu] alloient par le monde, [je n'entends pas des faiseurs de mines,
+mais des simples & sages] il y eut un saint personnage, qui, passant
+chemin, se rencontra à Barace, près de Durtal en Anjou. [Je ne parle pas
+de maître Pierre, que le prévôt des maréchaux cherchoit: & l'ayant un
+jour rencontré, ne sachant pas que ce fût lui, le laissa, ne le
+connoissant point. Avant que le laisser, il lui demanda: qui es-tu? Je
+suis un pauvre homme, petit marchand. Comment as-tu nom? Pierre
+Chaillou, ou Caillou. D'où es-tu? De Durtal. Où va-tu? A Rochefort. De
+quel métier es-tu? Sabotier. Que diable! tu es dur, il ne te faut plus
+qu'être vêtu d'une cuirasse, pour t'achever de durcir.
+
+CALPIN. Comment diriez-vous une _cuirasse_ ou _corselet_ en latin?
+C'est, dit frere Jean de Laillée, _durabit_. Or taisez-vous; vous
+empêchez l'affaire de ce saint homme. Achevez, monsieur le doguetter.)
+
+DURANTIUS. Ce personnage s'étant assez reposé sur le bord de la
+fontaine, avisa le tard; donc il s'en vint au village, & s'adressa chez
+le Page à la dame du logis, priant ladite dame de le loger cette
+nuit-là, pour l'honneur de dieu. Elle qui étoit avaricieuse, comme un
+financier qui a fait ses affaires, & n'a point d'enfans, s'excusa, & le
+pria d'avoir pour agréable son refus, qui ne venoit qu'à cause que son
+mari étoit chiche & grondeur. Le bon homme passa outre, & va droit
+s'affraper chez la chambriere de Chiquetiere, nommée la Gousson, de
+laquelle, lui ayant fait sa requête, il fut reçu fort honorablement, &
+bien traité de la pauvre femme, qui le mit en un bon lit, cette bonne
+femme.
+
+ESCHINES. La bonne femme n'est pas encore levée.
+
+DURANTIUS. Taisez-vous; bran: ces poëtes en veulent toujours aux femmes,
+qui les affrontent aussi; & cela leur est employé comme fievre en corps
+de moine. Cette bonne femme donc lui avoit fait du mieux qu'elle avoit
+pu; & lui, le matin, s'en trouvant bien édifié, étant levé & voulant
+partir, lui dit: madame je vous remercie bien humblement de tant de bien
+que vous m'avez fait; & vous prie de m'excuser, si vous n'avez autre
+paiement de moi. Ho, dit-elle, monsieur, vous avez été le bien venu; &
+le serez toutes les fois qu'il vous plaira venir céans. Ce n'est point
+l'espoir de paiement qui m'a fait vous recueillir, en cette maison où
+vous demeurez, s'il vous plaît, à votre volonté. Je vous ferez au moins
+mal que je pourrai, pour l'amitié du maître que vous servez. Madame, je
+vous rends graces infinies de tant de biens & d'amitié: je prie le bon
+dieu qu'il lui plaise de vous bénir; si que la premiere besogne que vous
+ferez aujourd'hui lui soit tant agréable, que ne puissiez tout le jour
+faire autre chose. Il partit; & elle, qui n'y pensoit point, l'ayant
+recommandé à dieu, se fit apporter un peu de buée qu'elle avoit étendu
+le jour précédent, & se mit à ployer son linge; & tant ploya, & encore
+tant ploya, que plus elle ployoit, plus il y avoit à ployer & ployer; &
+ployoit toujours, tellement qu'elle avoit de grands monceaux de toutes
+sortes de linge, qui multiplioit au touchement de ses mains. Par hazard,
+celle qui avoit refusé le bon homme, vint quérir quelque chose chez la
+Gousson. La voyant empêchée, lui dit: hé bien, ma mie la Gousson, que
+faites-vous? Donc elle lui conta toute l'aventure & cause de ce grand
+bien. Adoncques l'autre fut bien étonnée & fort triste d'avoir laissé
+passer une telle commodité: parquoi, sans faire semblant, elle s'en va,
+& puis se mit au chemin où elle pensoit trouver ce personnage; & suivant
+par avis son train, ayant su en s'en enquérant, qu'il étoit allé vers
+Vieille-ville, elle faisoit mine de cueillir des herbes pour sa vache.
+Puis l'ayant apperçu, elle fait de l'étonnée; elle s'approche de lui &
+lui dit? monsieur, que je suis aise de vous avoir trouvé! Que
+faites-vous ici à vous morfondre? En dà, le bon dieu a bien changé mon
+mari; & je ne le savois pas. Quand je lui dis hier que je vous avois
+éconduit, il me cuida venir méchef, tant il me tança. Je loue le bon
+dieu de son amendement. Je vous prie de ne le prendre point en mauvaise
+part; mais de nous faire ce bien de venir ce soir loger chez nous. Bien;
+madame, j'irai, quand j'aurai achevé mon service. Il n'y fit faute; &
+fut le bien reçu avec joie & grande chere, & traité en apériateur de
+commodités. Au matin, se retirant, il fit sa petite excuse à l'usage de
+besace; & son hôtesse lui dit: par ma finte, monsieur mon ami, je n'en
+voulois rien: pour dieu soit, si dieu plaît, je n'en veux rien. Bien
+donques, grand merci madame; je prie dieu que la premiere besogne que
+vous ferez aujourd'hui, se continue tant, que ne fassiez autre oeuvre de
+tout le jour. Grand merci, monsieur. Elle étoit déja ennuyée qu'il ne se
+hâtoit, pour aviser à son fait. Aussi-tôt qu'il eut montré les talons,
+elle dit à sa servante: or çà, Marquise, va là-haut quérir ce linge,
+j'en aurai aussi-bien que la Gousson. Apporte ces serviettes, ce menu;
+que je ploie. La chambriere ayant tout apporté, voilà que le Page
+voulant mettre la main à l'oeuvre, s'avisa d'aller pisser, afin de ne se
+débaucher point. Ainsi, toute en hâte, elle sort en sa cour, où elle
+s'accroupit pour pisser. Mais ce fut ici une efficace terrible, d'autant
+qu'elle commença pisserie, qui continua tout le jour. Jan, elle avoit
+dit qu'elle auroit force linge; mais elle coula force eau, & fit ce
+ruisseau qui passe au pied des Loges, & va jusqu'aux Indes. Ses amies la
+venant voir, & la trouvant ainsi distillant le dissolvant philosophique,
+lui demandoient: hé quoi, ma commere! Hélas! disoit-elle, hélas!...
+
+CASSIODORE. Elle leur répondit, comme mon compere Bonin, qui se leva
+d'auprès sa dame, & alla pisser par la fenêtre. Il avoit bu, au soir, &
+il pleuvoit. Il oyoit l'eau de la goutiere qui tomboit, & il tenoit son
+pauvre petit, étant toujours à la fenêtre. Elle lui dit: hoi, Bonin,
+aurez-vous tantôt pissé: Je pisserai tant qu'il plaira à dieu.
+
+
+
+
+GLOSE.
+
+
+V. QUELQU'UN. L'année passée, le petit Travers eut une autre opinion.
+Monsieur de Beaumont nous avoit donné à souper, où étoient plusieurs
+chantres, qui, ayant trinqué & chanté, voulurent s'en aller, afin de
+pisser. Moi qui m'en apperçus, je leur dis: attendons un peu à nous en
+aller, & allons pisser. C'est cela, dirent-ils, & chacun se mit à
+pisser. Travers avoit pissé, & un autre pissoit d'en-haut. Quoi, lui dit
+Multon, frere, tu pisses encore, & tu as remis ton cas! O, ho, se
+dit-il, grand merci. Et lui de le reprendre, & le laisser là à l'air
+fort long-temps; dont il lui avint un grand inconvénient, c'est que
+depuis il fut enrhumé. Et y prennent garde les pisseurs, pour ce qu'à
+faute de resserrer son engin, on se morfond en bon escient; ce qui peut
+aussi avenir aux femmes, quand elles n'étament pas bien leur cas du
+devant de la chemise, afin de lui clorre les mâchoires, de peur que le
+vent n'y souffle.
+
+OVIDE. Il y a trois ans que j'étois à Vezins; & Prédicat étoit avec
+vous, & Platon aussi, lequel, au soir, fut laissé avec les demoiselles
+faire des anagramatismes; & Prédicat s'en alla coucher: son lit avoit
+été préparé en la couchette, fort près de la cheminée. Quelques heures
+après, ainsi qu'il dormoit, Platon s'en vint coucher au grand lit, qui
+étoit de l'autre côté de la cheminée. Je ne sais s'il avoit bu
+_egregiè_, (c'est-à-dire _en Grec_) il se leva d'auprès de moi, la nuit,
+pour pisser; & ne trouvant le pot, il alla pour s'évacuer en la
+cheminée, ainsi qu'on fait aux hotelleries, sur le chemin de Paris. Il
+se fourvoya, prenant le droit pour le côté; & se mit à pisser roide
+contre le visage du dormeur, & lui flaquoit des ondes d'urine si fort
+sur le minois, qu'il l'éveilla, & fit tousser, comme un boeuf qui avale
+une plume. A ce bruit; il eut si belle peur, que si le douzil n'eût
+tenu, il l'eût laissé cheoir, tant il eut belles affres, cuidant qu'il y
+eût quelque démon dans les briques de la cheminée. En cette émotion
+mutuelle, & qu'il étoit tout troublé de reste de sommeil, & l'autre
+d'aspersion pissotiere, Platon se retira tout bellement, & s'étant remis
+au lit & rassuré, se doutant bien ce qu'il y avoit, demanda: quel bruit
+est-ce cela? C'est moi, dit l'autre. Je ne savois rien de cette affaire,
+& ne pensant à aucun mal, je lui dis ainsi: je ne sais ce qu'il y a;
+mais cet homme est fort troublé. Hélas! oui, dit-il, & d'un nouvel
+accident. C'est que j'avois la tête panchée sous la cheminée; & il m'a
+plû en la gorge si chaud & si salé, que j'en ai le gosier tout écorché.
+Le paillard rioit, en se mordant la langue; & le consoloit, faisant de
+l'endormi. Le lendemain, il en fit le conte aux filles, qui en menerent
+bien le patient de la pluie salée: mais Platon y perdit, d'autant que,
+faisant ce discours devant les dames nos soeurs; Prédicat dit que cette
+eau venoit filant douge comme petits filets de soie: de quoi elles
+conclurent qu'à mêche si déliée, la chandelle ne devoit guere être
+grosse. Il avoit une maîtresse, qui pour cela fut fort dégoûtée de lui,
+tellement qu'elle le prit à partie; elle se moquoit de lui, & _le vit
+lui pendoit_, lui faisant plusieurs opprobres. Lui pendoit-il comme à
+Georges de Boeuf de Chinon, qui, pissant, un jour, contre une muraille,
+tenoit son écritoire, _aliàs_ la gaine de son couteau, pensant tenir son
+fait ou canon à pisser; il pissoit dans ses chausses?
+
+ANACREON. Si Rolette, chambriere de Maldonar, l'eût tenu, elle se fût
+bien moquée de lui. Elle me reprochoit, un jour, que notre bête étoit
+bien sotte de ne pouvoir pisser seule: & qu'il la falloit mener par la
+main; & que la sienne pissoit sans aide & net, d'autant qu'il se fait un
+joli petit pet, & par ainsi le cul souffle les bourriers tout autour.
+
+VIRGILE. Pourquoi est-ce que l'on pette en pissant?
+
+AFRODISEE. Hé, pauvres médécins, qui cherchez des causes étrangeres ès
+minimes, que je vous plains! Sachez cette maxime; c'est que l'on n'en
+peut avoir sans vent.
+
+L'ESCOT. Il étoit bien besoin que vous parlassiez de messieurs les
+minimes.
+
+AFRODISEE. Foi de nourrice, je ne pensois point à eux; & toutefois je
+m'en avise: aussi bien faut-il, par-ci, par-là, ranger ces gens
+d'église, desquels si nous ne parlons, il leur semblera avis que nous
+les craignons, ou que nous les méprisons comme hérétiques. Mais ce n'est
+rien de ceux-ci au prix des capucins & feuillans. Je voudrois, par fin
+desir, qu'il n'y eût pas un de ceux qui veulent avec tant de desir
+devenir gueux honorables, & gentilshommes coquins, qui n'eût le vit d'or
+& le nez d'argent. Mais, se dit le sire du Quesnoi, parlez de qui vous
+voudrez; & laissez-là les bons minimes, ayant révérence à l'antiquité.
+
+PAUL-JOVE. Quelle antiquité! Cet ordre est tout nouveau; je l'ai vu
+naître. Il n'est donc pas antique: joint que, pour être antique; il
+faudroit qu'il y eût mille ans; ancien, deux cents; vieil, plus de cent
+ans.
+
+CASSIODORE. Ils sont fort anciens, voire plus qu'antiques. Je le sais;
+ils sont du temps de la famine universelle, quand l'Egypte avoit seule
+de vivres; témoin Joseph, qui, parlant à ses freres, & leur faisant
+l'inconnu, leur demanda: _ubi est frater vester minimus?_ où est votre
+frere le minime.
+
+MUNSTER. Tout beau, ne mêlons point le saint avec le profane.
+
+HIGINUS. Vous le mêlez, comme Boispierre, qui parloit du corps de leur
+métropolitaine: lequel avoit une cure à deux lieues de là, où il alloit,
+& laissoit quelquefois sa charge. Quoi, dit cettui-ci, ce compagnon-là
+ne devroit bouger de l'église: on ne peut servir à deux maîtres, à dieu
+& au diable. Sainte dame? voilà un grand mot. Et lequel étoit le diable?
+Je n'en parle plus; demeurons en notre antiquité.
+
+TITE-LIVE. Je me ris de vous ouir parler de l'antiquaille; & m'est avis,
+voyant ainsi jaser de l'_anticle_, de l'_ancien_, du _vieil_, que j'oi
+le maître horlogeur de Geneve, qui me discouroit de l'épée, me disant
+que c'étoit un calibre yeuxcellent, où il y avoit plusieurs sarches &
+points à noter; qu'il y avoit l'épaule antique, & l'épaule authentique,
+par le travers desquels passoit le duc de Saxe: au milieu étoit les
+quatre os ou écarteleures, qui en bande étoit tranché par le soudiacre,
+aux bords duquel étoient les deux hypocrites, coupés par deux saichés
+qui venoient des épaules, lesquels sont les deux couleuvres de
+laisse-faire: au haut & bas sous les deux épaulieres; à l'entour est la
+raison, qui est coupée du médionneur. Mais je laisse là ce pifre, parce
+que, quand il vint chez nous, il chia au lit, & devint ortlogeux. Il
+étoit aussi bon interlogue, que l'apothicaire de monsieur de Tours, qui
+lui conseilloit de ne sortir point, un jour de saint André, parce que le
+temps étoit aromatique. Par le plus S. faux serment que je dois à la
+race féminine, qui me nomme le bon homme _Trompecon_, j'oubliois mon
+conte, pensant à la folie que vous faites sur la comparaison du temps
+passé. Je ne cuide pas que ce qu'il y a mille ans qui est passé &
+anéanti, soit plus vieil que ce qui se passe tous les jours, & qui va
+dans le sac de vielliesse, dans l'écrin de l'oubli; & ce qu'on propose
+de plus ou moins vieil, est d'aussi bonne grace que la question de
+Martin Chabert, qui aimoit trois filles, auxquelles il dit, pour arrêt,
+un jour, mes filles mignonnes, je ne puis vous épouser toutes trois,
+bien que je vous aime de toute ma loyale frussure, & plus chacune l'une
+que l'autre. Je ne sais comment faire, sinon qu'il faut que j'aie à
+choisir: & pour nous ôter de cette peine, je vous dirai, si vous voulez,
+un moyen; c'est que j'épouserai celle qui me dira la plus naïve vérité
+de ce que je lui demanderai. Elles s'y accorderent. Or, çà, dit-il,
+lequel est le plus vieil de vô chouse ou de vô bouche?) J'ai quasi
+bronché des mâchoires. Mais pourquoi dit-on _confitures_? Que ne dit-on
+_ficontures_, ou _fiturescon_? Et tant d'autres mots qui commencent
+ainsi, comme _congrégation_, _conscience_?
+
+ELPHIS. C'est bien entendu pour un philosophe? ne savez vous pas bien
+qu'il est devant & jamais derriere? Et pourtant il faut le colloquer en
+la tête. Le charpentier, qui demande au curé: pourquoi dites-vous,
+_dominus vobiscum_? Que ne dites-vous, _dominus vobiscu_? Le curé lui
+dit: pourquoi dites-vous un _compas_? Que ne dites-vous un _cupas_?
+
+HIGINUS. Sainte Marrande, vous avez raison; mais faites parler ces
+filles).
+
+TITE-LIVE. L'aînée répondit: c'est mon cela qui est le plus vieil,
+d'autant qu'il a de la barbe; & ma bouche n'en a point. La seconde:
+c'est ma bouche qui est la plus vieille, parce qu'elle a des dents; &
+mon petit n'en a point. La petite dit: je dis comme ma soeur. Dites
+donc, mignonne, une belle raison comme nous. Elle pétilloit & frétilloit
+comme une marmote déchaînée. C'est, dit-elle, ma bouche qui est la plus
+vieille, pour autant qu'elle est sévrée; & mon con tette tous les jours.
+A, ha! hé, or devinez, vous autres, & jugez laquelle a le mieux dit,
+afin que Martin soit le marié comme les autres. Jan par la certebieu,
+dit Coypeau; aussi étoit-il tout réformé. Alors j'aimerois autant ma
+chambriere, qui, nous oyant ainsi discourir, me reprocha que, si ce
+n'étoit leur cas, je ne saurions que dire; & là-dessus me dit: vous qui
+en savez très-tant, si vous aviez trouvé un con tout seul, que lui
+diriez-vous?
+
+
+
+
+SERMON VI.
+
+
+VI. Néanmoins, messieurs, beuvez pour la pareille. Aussi bien peut-on
+mentir en liberté de conscience, deux fois l'an: l'une en été, disant:
+je n'ai pas soif: l'autre en hiver, disant: je n'ai pas froid. Mais
+pourquoi est-ce que, quand on demande à boire, fusse à un laquais, on y
+va courtoisement, de même qu'à requérir une garce de dormir avec elle
+théologalement? Nous en sommes bien! Voilà de belles demandes, dit
+Sapho! C'est parce que cela coule comme foutre de prêcheur. Achevez;
+aussi bien cette fille a voué son pucelage à autre chair qu'à vie
+consacrée; & nous dites la résolution de la caupeaude. Ha, vous en
+souvenez vous? Hé, bel engin de dame! ainsi vous puisse-t-il croître de
+jour en jour. Nous demeurâmes tous cois, & plus étonnés qu'un évêque
+sans mitre. Elle nous ferma la bouche, & nous dit, il lui faudroit dire:
+con sans cul, que fais-tu là? Epaminondas, qui venoit de racoûtrer ses
+chausses, rentra à table à ces mots; & les ayant ouis, il dit: que
+répondroit-il? Voire, voire, c'est bien parlé à moi; mais pourquoi
+est-ce qu'un tel cas, puisqu'on le nomme ainsi, ne parle point, vu qu'il
+a une langue!
+
+ALBERT. C'est parce que le cul est auprès, qui lui dit paix.
+
+EVIMQUARBRE. Quel sermon est-ceci? Vous ne parlez que du cul.
+
+NOSTRADAMUS. Ce seroit belle chose de parler du cul; ce seroit un
+langage excellent; il seroit plein de toutes sentences: & si cela étoit,
+on parleroit comme on s'assiet; & si on écrivoit de même, vraiment on
+verroit de belles orthographes de femmes, qui souvent écriroient du cul.
+Cela me fait souvenir de ceux qui parlent du nez, s'ils écrivoient comme
+ils parlent, ils écriroient du nez. Or, mon bel ami, sans cul on ne fait
+rien. Savez-vous pas que c'est la base & le vrai milieu du corps, le
+mignon de l'ame; d'autant que, s'il ne se porte bien, & que ses affaires
+soient incommodées, elle s'en déplaît & s'enfuit par-là. Je parle pour
+les doctes. Or donc, doctes, venez ici succer la moëlle de doctrine;
+venez apprendre de beaux secrets, sans vous amuser à brider chevaux au
+rebours, _id est_, leur mettant le mords au cul, tout ce qui se fait au
+monde est pour exercer monsieur du cul, pour lequel boucher sans y
+toucher, (grand miracle) il ne faut rien permettre entrer en la bouche.
+Mais devant que j'acheve, je vous demande à vous, François & Anglois, à
+qui le baiser est commun, lequel vous aimeriez mieux baiser une fille au
+dernier noeud de l'échine ou à l'entonnoir du cul?
+
+HYPOCRATE. A, ha, e, hé, l'entonnoir du cul est la bouche. Et de fait,
+tout ce que l'on apprête de plus friand, n'est enfin que pour faire de
+la merde entre les dents, & partant pour mettre en oeuvre maître cul,
+_id est, frater culus_, frere cul, qui est le gouvernail de tout le
+corps, & le mignon de l'ame. Je le vous prouve. Si le cul ne se porte
+bien & ne fait bonne chere, que ces affaires ne soient en bon état,
+l'ame en est incommodée, & le plus souvent sort par le dédain qu'elle en
+a, & nommément quand les matieres sont par trop claires, & que l'ame s'y
+laisse couler faute de glu. Le cul n'est-il pas le prince des membres,
+puisque tous lui font service, & que ses dédains, ou ennuis, ou coleres
+les affligent tous? Puis, c'est lui, à qui tous font honneur, le faisant
+seoir le plus dignement & le premier: & de fait, il chemine en prélat,
+après tous les autres membres, allant en procession.
+
+FORBIN. Je ne m'étonne pas si vous en parlez tant, ayant été disciple
+d'Esculape, qui voyoit le jour par le cul de sa femme.
+
+DIOGENES LAERTIUS. Il y en a beaucoup qui voient le jour par le cul,
+comme vous diriez les chaudronniers, & ceux & celles qui travaillent de
+l'éguille, & les bons buveurs, qui voient le cul & le montrent aux
+autres. Mais comment voyoit-il le jour par le cul de sa femme?
+
+FROBEN. Sur ses vieux jours, ce bon preud'homme épousa une femme
+Allemande. En allemand, une femme est appellée _frau_, c'est-à-dire,
+tromperie. Voilà pourquoi les dames Allemandes aiment mieux les
+François, que ces gros pifres d'Allemands, qui ne font que souffler &
+les injurier. Le pauvre grand bon hommet, quelquefois ayant veillé après
+ses études, & s'étant couché tard, s'endormoit: puis sur le matin, ainsi
+que toutes les femmes, après avoir été approvisionnées, (je vous le
+conte comme il me le racontoit) je voulois, disoit-il, à cause de ce bon
+vin grec, étant tapis dans le lit, fomenter ma complexion. Alors ma
+femme qui m'aime tant, qu'elle tire de son ventre pour me le donner,
+étant confite en humeurs, ouvrant les yeux, elle ouvre le cul & laisse
+aller une vesse ou une vesne épouventable, & qui, couvée entre les
+replis de gras double, a une odeur de tous les mille diables. Adonc
+sentant cette alenée postérieure, (femmes ont beaucoup de conduits,
+évaporant des parfums de plus haute odeur que civette) moi qui crains
+ces venues culieres, à cause de l'air mélancolique & coëde, qui, rendant
+le cerveau rélant, cause l'épilepsie par un effet de corrosion punaise,
+à quoi sont sujets les hommes du siecle qui sont mariés, (aussi pour
+cette cause, moines & prêtres sont plus longuement sains, d'autant
+qu'ils s'abstiennent de la fréquentation des femelles, joint que, s'ils
+les hantoient, l'odeur leur feroit bander la cervelle.) Je dis; je (sans
+plus faire de parenthèse) odorant ce spécifique exodin & abominable, je
+jette le nez hors du lit, ouvrant les yeux, de peur d'y avoir enfermé
+cette espece de vapeurs & corps momentaires, ne tombant que sous un
+sens; je vois le jour tout clair, parquoi me résous à me relever: &
+voilà un des bons usages de ce benoît cul.
+
+STAT. C'étoit une vesniere que cette femme; & à cela je me souviens, lui
+changeant de nom, de ces messieurs d'Angers, qui changerent leurs noms,
+sur quoi un oyant qu'ils avoient mis _du_, _de_, ou _le_, &c. à leurs
+noms, dit: j'ai nom Vanier; & me nommerai le Vesnier.
+
+PUC. Mais vous ne dites pas de celui, qui voulut servir de secrétaire à
+notre Prélat; & il avoit nom _Meusnier_. Monsieur voulut qu'il eût nom
+_Mesnier_; parce que, dit-il, mon ami, quand vous viendriez après moi,
+on diroit: _meusnier touche ton âne._
+
+RABELAIS. Mais vraiment, pour mieux dire, cette femme étoit ou devoit
+être une belle grande vesse, d'autant que chaque espece engendre sa
+semblable.
+
+STATIUS. Je ne sais pas qu'en dire; mais elle étoit fort haute à la
+main, & possible aussi au nez. Ce fut elle qui me mit une fois en
+colere. Vraiment, la porte en est bien étroite: joint que chacun sait
+que je n'y entrai jamais, qu'alors qu'elle m'appella _beau vaisseau_, &
+je l'appellai, _belle vesse_, elle. Lui faisois-je tort?
+
+LICOFRON. Il faut avoir bien dur coeur, & encore en soupant, pour
+supporter telles paroles, & tant ordes.
+
+METRODORUS. O le délicat! tu es né entre la merde & le pissat; & tu en
+veux conter! Mais à quoi est-ce qu'on connoît le bon coeur d'un homme?
+C'est quand il mange la merde, d'autant qu'il faut avoir bon coeur pour
+la manger. Après que vous avez bien senti les fleurs, vous entamez le
+fruit.
+
+LEON HEBREU. Quel fruit d'abomination! Cela me contamine. Je ne serai
+net de trois fois sept jours. Je suis bien venu à l'heure de corruption;
+& pource, je suis d'avis que l'arbre, la fleur & le fruit ayons en
+abomination. O dà, je m'équivoque. Et qu'est-ce que je deviendrois? Je
+suis fils du ventre d'une femme. Fruit du ventre, c'est merde. Je suis
+donc merde. Ah! pargoi, bran & merde fine soit pour ce beau jaseur, qui
+nous a appris à syllogiser; le Lucifer des ténebres le puisse sigilliser
+& syllogiser en enfer!
+
+PITAGORAS. Tu es tant savant en tes spéculations, que tu es fou.
+
+
+
+
+DIETTE.
+
+
+VII. Je suis d'avis, mon ami du coude, du montoir, ou de quelqu'autre
+façon & race, que tu laisses arbre & fruit non vivant, _id est_, mort; &
+que tu l'aies en horreur ainsi que moi, & les Ecclésiastiques Romains,
+qui rejettent l'outil des femmes comme feves, dont il porte la figure,
+ayant la raie noire, & le bas contre mont. Notez bien feves, pour le
+symbole éminent qu'elles ont; c'est que, quand quelqu'un y a été
+attrapé, qu'une goule sans dents lui a donné une morsure; il est dit le
+roi de la feve: sur quoi je m'avise d'un beau ménage. Le Maugrin vit un
+jour sa chambriere, qui jettoit, en balayant, trois feves; elle lui dit:
+vraiment, baboine, ce sera-là ton mariage. Elle les prit, & les sema; &
+en eut d'an en an, assez pour la marier. Et de-là j'infere que, si le
+roi défendoit de mettre des feves aux gâteaux des rois, & qu'il prît ces
+feves-là, & les semât; il en tireroit un grand soulagement pour le
+peuple. Or, sans nous amuser à ces gueux de rois, si tu veux être libre,
+n'aie jamais de femme; parce que, si tu es marié, tu seras obligé; tu
+paieras la taille & la taxe aussi, & il faut que tu le fasses par
+contrat: ainsi sont tenus les gens mariés; ce à quoi les libres
+ecclésiastiques ne sont obligés, n'ayant affaire au particulier ni à la
+_raye publique_; que pour leur plaisir & récréation; & ce les
+après-dînées, & au temps d'ébat, non pour tenir femmes avolées toutes
+nuits, parce qu'à leur réveil ils sont obligés de dire leurs heures à
+jeun; & ils auroient bu de l'ordinaire, comme les Ministres; & on les
+accuseroit d'être hérétiques: tellement qu'ils auroient bu la façon de
+leur journée, ayant bu de l'ordinaire.
+
+LUCRECE. Je mourus par ce poison; toutefois c'est tout un. Tandis que
+nous sommes encore aux fauxbourgs, avisons un peu à ces trois filles;
+parce que celle-là, qui a dit que son cul avoit de la barbe, me fait
+souvenir de monsieur Libreau, Avocat à Paris. Cette mignonne étoit allée
+aux étuves, avec des dames de ses amies; & ce, par le congé de son mari
+qui étoit fort chiche. Sur quoi, les autres, qui avoient su qu'il ne lui
+avoit donné qu'un quart d'écu, s'aviserent de lui faire une
+méchanceterie: ce qu'elles exécuterent. Et avint que, comme elle fut
+retournée & couchée avec son mari, ainsi qu'il l'amignotoit & prenoit
+son jouet, il n'y trouvoit du poil que d'un côté. Voilà, dit-elle, mon
+ami, on ne m'a fait de la besongne que pour mon argent. Aussi je vous
+avois demandé demi écu. Que ne me le bailliez-vous? Cela a été cause que
+je n'ai eu le poil fait qu'à moitié; on n'a fait mon affaire qu'à demi.
+Cette remontrance fut occasion, qu'elle eut le lendemain un demi écu,
+pour se rajeunir par le bas.
+
+ARETIN. Les avocats & les mariniers ne sont pas de même opinion. Un
+marinier de Quilleboeuf fit tout autrement, ayant été long-temps absent.
+A sa venue, sa femme, pour le récréer & rajeunir, avoit fait ras & net
+le poil de son chose; & ce maître rustaut, se voulant jetter sur elle,
+comme dans le fond de son bateau, & passant la main à la breche, & n'y
+trouvant point de poil, il méconnut l'étable ordinaire de son courtaut;
+& s'écria, en disant: _ha! méchante vilaine, che n'est chi mie mon coin.
+Si est,_ dit-elle. _Ne n'est: tu l'as laissé chez ces quenoines; va le
+quérir; va, je veux poil & tout._ Il fallut qu'elle fût absente, tant
+qu'elle l'eût trouvé, d'autant disoit-il encore toujours: ce n'est point
+le mien; je le veux avoir avec le poil.
+
+SENEQUE. Il m'est avis que cela n'est pas beau de parler ainsi des
+femmes. Il semble que vous en dites, comme si elles n'étoient pas femmes
+de bien.
+
+PERSE. Vous avez raison, mon pere, mon ami; vous êtes digne d'être
+empereur, d'autant que la reine d'Egypte vous aime (parlez bas, de peur
+de ce que je ne sais, tant j'ai de peur de faillir). C'est de par le
+gibet, aussi je me souviens que l'année que j'étois Recteur en
+l'Université de Paris, sous le nom de Marius, ce grand Consul Romain, je
+vis prendre une maquerelle du bourg de Four. La raison étoit qu'elle se
+battoit avec une autre, qui lui dit; ha! chienne, tu veux ici faire de
+la reine d'Egypte. Tu as menti, dit-elle; je suis femme de bien. Quant
+aux fillettes qui sont du tiers ordre, je les plains en ma conscience.
+Hé que j'ai bu! Je pense que je sors de propos, & vais de la truye au
+levain.
+
+ARCHIMEDES. Qui sont celles que vous appellez _fillettes_?
+
+L'AUTRE. Chacun en dira sa ratelée, m'ayant oui.
+
+
+
+
+ANNOTATION.
+
+
+VIII. Fillettes nous disons, celles qui sont capables de rendre compte
+par déduction; ainsi sont-elles propres au déduit. Il y en a
+généralement de trois sortes, & ceci pour simple intelligence de ce
+qu'on dira tantôt. Notre bon ami que voici, (je ne dis pas _vessi_; mais
+chassez ces chiens; ces femmes ont vessi). Or donc il y a trois ordres
+de ces commeres. Il y a celles, qui tiennent rang entre les femmes de
+bien; il y a des filles d'église, lesquelles demeurent aux cloîtres,
+_actu, aut potentiâ, vel potestate_; & les autres, qui sont comme à
+Geneve, à Camp de Fior, près de Lorrache, celles-là sont du tiers ordre.
+Hélas! l'autre jour, je fus tout embaumé de commisération, pour une
+pauvre petite qui pleuroit chaudement. Les larmes lui tomboient des
+yeux, de la grosseur de cirons d'Inde; & crioit que ces brigans de
+sergens, & autres de telle étoffe, leur pilloient en un jour tout ce
+qu'elles avoient pu gagner en un mois, à la sueur de leur corps. Puis,
+après cela, elle rioit avec les autres, se réconfortant, & par dépit
+disoit: mais dis-moi, hé! maquerelle ma mie, s'il y avoit en un sac un
+sergent, un meunier & un coûturier; qui sortiroit le premier? Voire,
+voire, dit-elle, à tout ce qu'elles répondoient, ce seroit un larron. La
+femme de mon compere Bignon les regardoit, toute ravie de voir ces
+garces ainsi affligées, & incontinent consolées; & en cette entente,
+elle étoit je ne sais comment assise, & si bien qu'en dà presque
+paroissoit le but mignon de ficherie? Son mari, qui l'apperçut, lui dit:
+ho! ma mie, venez ici, & fermez la boutique, il est aujourd'hui fête. Je
+vous dis vraiment qu'en se remuant de cet état, où elle étoit si
+proportionnément assise, je vis ce qui se peut voir de son gardon à la
+dérobée.
+
+QUINTILIEN. Quelle cornucopie est ceci? Quel nom amenez-vous?
+
+SENEQUE. Encore avez-vous bien dit, d'autant que la copie & les
+originaux des cornes se font illecque.
+
+L'AUTRE. Je vous dirai. Le bon homme Genebrard avoit épousé une jeune,
+belle, mignonne femme, avec laquelle étant couché, l'ayant baisée, il
+mit la main à son comment a nom, & le tapant, dit: gardon, ma mie,
+gardon. Ce qu'il continua souvent, sans autre effet. Le vendredi
+d'après, la chambriere (c'étoit à Paris, où les servantes, qui vont à
+l'emplette, gagnent le moins de gages) eut commission d'aller à la
+poissonnerie, & demanda à sa maîtresse ce qu'elle apporteroit. Ce que tu
+voudras, dit la dame. Apporterai-je des gardons? Va à tous les diables!
+Je n'orai jamais parler ici que de gardon.
+
+GANPIL. Vous faites bien de les nommer gardons, à cause des gardes que
+nature y a mises, lesquelles si elles n'y étoient, vu cette grande
+solution de continuité, les femmes seroient toujours enrouées. Et c'est
+merveille comment, cela étant si déjoint, il est toute-fois si conjoint.
+
+SAPHO. C'est une décoûture au bas du corps; ce qui avint, quand Jupiter
+eut coupé l'androgine. Il commanda à Mercure de recoudre le ventre à
+l'un & à l'autre; cela est cause que le ventre est si délicat. Il cousit
+l'homme avec un lacet trop long; tellement qu'à la fin de la coûture il
+en resta un bout. Et cousant la femme, il prit le lacet trop court, si
+qu'il y eut faute, & il y demeura une fente, faute de points. Et en
+avez-vous? Mettez cela en la boëte au saffran. Mais encore, messieurs
+les savans, savez-vous bien les sept merveilles du monde? Vous ne dites
+mot. Je vous ferai savoir de belles choses, si je veux. Or préparez-vous
+à ouir. Ne vous recordez-vous point que les souris courent en la paille,
+sans se pocher les yeux? Je vous dirai des secrets plus notables, & qui
+contiennent toutes sciences. Les sept miracles, ou merveilles, sont 1º.
+Une poule noire, qui fait un oeuf blanc. 2º. Le vin clairet, qui est beu
+comme le vin blanc, & pissé blanc non rouge. 3º. Le bout d'un homme, qui
+n'a point d'oreilles, & oit quand on parle d'accrocher. 4º. Le cas d'une
+femme, qui est un vaisseau qui a la gueule contre bas & est étanché. 5º.
+Le paillard outil d'un amant, qui se bande sans guindal, de lui-même.
+6º. Le bouton d'amour d'une femme, qui tire la moëlle des os, sans le
+casser. 7º. Et le cul, qui se ferme & ouvre, comme une bourse, sans
+tirans. A, a, a, ha, hé. Toute la compagnie se mit à rire; & nous nous
+trouvâmes joyeux & alegres, comme une belle troupe de jeunes ou nouveaux
+cardinaux.
+
+BATILE. Vraiment, Sapho, vous avez tort; vous êtes bien salaude: jamais
+vous ne direz rien de net. Non, dit-elle, non plus que la Soldée ne peut
+jamais faire de beurre net.
+
+QUINTILIEN. Je vous prie de nous expliquer votre dire.
+
+SAPHO. Par mes amours, je le veux: mais me direz-vous la vérité de ce
+que je vous demanderai?
+
+QUINTILIEN. Oui.
+
+SAPHO. Si mon cul vous baisoit; le baiseriez-vous?
+
+QUINTILIEN. Passe outre.
+
+SAPHO. Quelle difference y a-t-il entre votre nez & le cul du chien? Le
+cul du chien a le poil dehors, & votre nez dedans; ainsi différent
+vérité & raison. Si votre nez étoit en mon cul de derriere, il seroit
+vérité; mais ce ne seroit pas raison qu'il y demeurât. Or voilà comment
+je leurre ces savans; que le dianche les puisse saupoudrer. Ils ont tout
+leur engin en la cervelle. J'aimerois autant qu'un savant, qu'un pédant,
+qu'un de ces doctes de lettres me fichât une cheville en l'oeil, que me
+copuler amoureusement, tant leur consuétude est fade. Il n'est que bons
+compagnons, qui savent la mignotise pour s'en ébattre; & non point se
+faire payer pour cela, comme ces entendus, qui, à vrai dire, sont veaux
+de double pelisse. Mais avant; & puis. Là, vous me voulez remettre; j'y
+suis, bien que ce ne soit pas là, ains autre part, qu'il me démange. La
+Soldée étoit une honnête beurriere de Bourgueil en chrétienté: (c'est
+auprès de Touraine, & non en Touraine. Si cela fût avenu en ce pays là,
+on n'en eût fait que rire, parce que les fous y croissent comme en votre
+pays, monsieur le Lisart). Un jour devisant, son mari lui reprochoit sa
+saleté. Vraiment, ma commere, tu ne saurois faire de beurre net, tant tu
+es mal propre. Agà, si ferai; j'en ferai, & le ferai si net, que t'en
+ferai manger; & le salerai pour ton carême, que je te ferai mieux faire,
+que ne font les moines, qui mettent du sain doux en leurs choux en
+carême, pour épargner le beurre par humilité, à cause des hérétiques de
+Saumur. Or bien notre Soldée (qui étoit aussi propre que la femme de
+Périclès, qui se torchoit le cul au bout de la nappe, & presque aussi
+sotte que celle de Tite-Live, qui, voyant des béliers, demandoit ce que
+c'étoit qui leur pendoit encre les cuisses: c'est leur couille, dit gros
+Jean. Comme elle vit venir les brebis, & voyant leur pis enflé, elle
+disoit: elles ont belles couilles, nos brebis.
+
+L'AUTRE. Ainsi Pindare, hier, dînant avec nous chez Mécénas, louoit fort
+une bonne tétine de boeuf routie, & mise à la sauce douce. Mais
+n'oubliez pas le beurre: c'est la douceur d'entre les jambes.
+
+MADAME. Vous êtes si sage, que vous êtes fou.
+
+L'AUTRE. Ho, ho, gardez-vous de prononcer, ainsi que fit Charlotte à
+Blois; durant les états, que nous étions avec ce moine de Bourmoyen, qui
+rioit tant avec trois nonnains. Le voyant ainsi rigolant, je dis tout
+haut, ce moine est fort crêté & frétillard après ces nonnains. Voire,
+dit Charlotte, il est fou trois fois la semaine.
+
+DENIS. Sec, frere Jean, il le feroit neuf fois, à chacune trois fois,
+sans les autres; outre cela il aime bien besogne d'église faite.
+
+MICLEOT. Il n'en est pas toujours si ardent; il est feru, comme un chien
+d'un bâton. Si on lui dit: allez à l'église. Qui y est? Ils y sont tous.
+Ils sont donc assez. Une autre fois: qui y est? Il n'y a personne. Je
+n'y ferois rien tout seul.
+
+HÉSIODE. Vous vous êtez trompé du lieu: cettui-là étoit de Mermoutier,
+c'est-à-dire de _la mer des moûtiers_.
+
+DENIS. Non étoit.
+
+HÉSIODE. Si étoit.
+
+DENIS. Vous avez menti bien humblement.
+
+HÉSIODE. C'est vous, si je puis.
+
+DENIS. Mais bien vous, sans vous faire tort.
+
+HÉSIODE. Mais vous, sans péché, comme disoit mon compere Guillaume. Et
+bien, mon ami tant gai, où est le temps que nous besongnions ces belles
+garces, çà & là, sans offenser dieu?
+
+MADAME. Paix, paix.
+
+HÉSIODE. Bien je reviens, je le sais, je ne dis rien sans en être bien
+informé, & tout de même que l'étoit _Hérode qui radote_: & par ma digne
+conscience qui est aussi nette de mensonge, que d'ulcere le corps d'un
+vérolé.
+
+
+
+
+BÉNÉDICTION.
+
+IX. MADAME. N'oubliez pas le beurre, encore une fois.
+
+SAPHO. On dit que les femmes sont grandes parloires; mais vous l'avez
+gagné à ce coup sur moi; & est venu à propos, parce que cela est cause
+qu'encore aux carmes, à Paris, on crie: (_n'oubliez pas le beurre._) Or
+donc Soldée, ayant reproché à sa femme qu'elle ne feroit jamais de
+beurre net, parce qu'elle n'étoit pas si propre que mademoiselle de
+Lausnai, (qui, pour aller au privé, prenoit son masque, sa devantiere &
+tout son harnois à chevaucher, pour mieux serrer les poings,
+c'est-à-dire, chier; d'autant qu'une femme, faisant du gros, serre les
+poings; faisant du menu, elle les dilate. Mais, belles dames, ne soyez
+dégoûtées de beurre, à cause de ce que je dirai; ainsi que le fut la
+fille du président de notre ville, qui fut plus d'un an sans en manger,
+parce qu'elle avoit oui beautems raconter; comme ayant couru plusieurs
+postes, & étant à Moulins, il prit un parchemin, (C'étoit le contrat de
+mariage de la dame de la poste) & le couvrit de beurre qu'il se posa au
+cul, qu'il avoit tout effleuré sans croupiere. Ce beurre ne fut jamais
+mangé: celui de Soldée fut fait avec beaucoup de propreté. Elle avoit
+pris une chemise blanche, une gorgerette, un garderobe; bref elle étoit
+en beau point, & si propre qu'un jeune coureur de fortune l'eût
+volontiers encochée. Ainsi ajoppée & bien lavée, elle se mit environ son
+beurre. Son mari tout émerveillé, considéroit cette grande aventure: &
+déja espéroit que sa femme le feroit mentir, tant son cas étoit propre.
+Le beurre étant prêt, mis en livres, demi-livres, quarterons, & n'y
+restant plus que la petite façon dessus; (c'est que les biens-disans
+disent _le verbe_, _le garbe_, ou comme vous voudrez.) Cette joliveté
+s'y faisoit avec un petit bois taillé, qui étoit enveloppé dans un linge
+net, & mis sur le badaut. Badaut est un engin qui tient au plancher; &
+ainsi plusieurs badauts y a qui ainsi pendent vis-à-vis. La Soldée,
+voulant prendre ce petit bois sur ce badaut, monta sur une selle à trois
+pieds. Qu'au diantre soit celui qui fit la maison, où fut marié le pere
+de l'évêque, lequel sacra le prêtre, qui maria la mere de celui qui
+forgea la cognée dont fut coupé le bois où fut émanché le pic, dont on
+releva la terre, pour planter l'arbre, duquel fut faite la premiere
+selle à trois pieds. Comme cette pauvre femme, si propre, s'élança de
+dessus sa sellette; voilà cette abominable selle qui va broncher, & ma
+pauvrette: ayant une jambe en l'air, & autre assez près, qui coula avec
+la selle, va faisant une petite ruine, sans se dépécer, & tomba si à
+point, pour n'être pas offensée, que son cul donna en plate forme, & si
+proportionnément dans sa gidelle sur son beurre, qu'elle le remit en
+chaos, défaisant toutes ces figures distinctes; & le repaîtrit
+malheureusement par la pesanteur de son fessier, qui, de la roideur du
+coup, étampa l'impression de ses fesses si abondamment, que le beurre en
+fit la vénérable remembrance en creux.
+
+RABELAIS. Vous avez vu des culs relevés; si vous en voulez voir de
+creux, faites faire tel essai; il n'y a rien de si propre à mouler
+fesses fermes, que beurre frais. Je l'ai appris des Ecossois
+Insubériens, qui se délectent à la vue des fesses, parce que là est la
+parfaite beauté qui ne se hâle point. Ho! dit maître Jérôme, vous m'avez
+blessé; & là, le nez; je n'y joue plus. Achevez.
+
+SAPHO. La soldée bien étonnée, se résolut en sa disgrace; & pour réparer
+son désastre, se mit à arracher de son cul à belles mains, le beurre qui
+y étoit attaché.
+
+HYPOCRATE. Mais les chymiques disent qu'ils cherchent les esprits: & de
+là il sembleroit que vous voulussiez conclure que les femmes ayant plus
+de cul, eussent plus d'esprit que les hommes.
+
+CELSUS. Cela est vrai, & y paroît. Qu'ainsi ne soit; une fille de sept
+ans pissera plus gros que ne fera un garçon de dix-neuf, comme étant
+plus coupable, & partant ayant davantage de jugement.
+
+ORONCE. Vous ne mettez en avant que des redites. Que pensez-vous? Croyez
+que plusieurs savent ce qui se fait ici. Qu'y ferez-vous,
+puisqu'aussi-bien tout ce qui est dit ailleurs est pris d'ici, qui est
+la source de toutes sciences? J'ai étudié plus de cinquante ans en ce
+livre, tant je l'ai trouvé de savoir inépuisable.
+
+L'AUTRE. Boute, mon ami, boute; écris tout ce que nous disons; tu
+transcris & nous récitons par coeur; & puis un bon oeuvre n'est jamais
+prescrit.
+
+PRICIAN. Ceux qui disent: j'ai vu ceci ou cela autre part, sont des
+chétifs averlans. Quand on mange d'un chapon, est-ce le chapon qu'il y a
+plus de cent ans qui fut mangé & chié?
+
+QUELQU'UN. O que vous dites bien, sage vieillard, que vous avez un bel
+âge.
+
+L'AUTRE. Ne vous déplaise; je vous dis que vingt-cinq ans est un plus
+bel âge; & n'en déplaise à Caton, qui disoit tantôt qu'il étoit si bon
+compagnon, qu'à l'âge de soixante ans il le faisoit encore deux fois.
+
+CATON. O! lourdaut mignon, mon ami; c'est une fois en été, & l'autre en
+hiver. J'aimerois autant le vieil médecin qui me nommoit son fils, quand
+il me voyoit, & je l'appellois _pater_, parce qu'ils sont relatifs: il
+disoit qu'en son vieil âge il le faisoit mieux que jamais, d'autant
+qu'il y étoit plus long-tems, & y prenoit beaucoup plus de peine; &
+qu'aussi son instrument étoit plus fort que sa jeunesse, parce que jadis
+il se bandoit seul; & maintenant, encore qu'ils fussent deux, si n'en
+pouvoient-ils venir presque à bout.
+
+CETTUI-CI. Tandis que nous tenons ce médecin, je veux dire comme il me
+gaussa l'année que je me fis chanoine; sur quoi vous pourrez apprendre
+pour votre usage, un des plus exquis secrets de ce monde, nature étant
+restituée; ce fut en la présence d'un médecin & d'un financier. Il me
+dit donc: il y avoit un badin (_notate verba, & colligite signa_; ainsi
+disons-nous, nous autres Latins) qui ayant fait une grande remontrance à
+son fils, sur ce qu'il devoit devenir, lui proposa l'infidélité des
+marchands, la déloyauté des gens de justice, les impostures des
+médecins, toutes les voleries des financiers, la tromperie des artisans,
+la perfidie des précepteurs, touchant au vif ceux qui, de toutes ces
+sortes, ne sont pas gens de bien. Puis après, il lui demanda quelle
+condition il vouloit suivre? Le fils ayant justement pensé, lui dit: mon
+pere, je ne veux aucun de ces états que vous avez dit; je desirerois
+être de la vacation de ceux qui portent des peaux de veau sur le bras
+gauche. A cela je réponds: grand merci, monsieur; hachez menu, la chair
+est dure; touchez-le doucement, je hais la peau délicate, ne le sanglez
+pas si fort, qu'il ne pette. A cela il me tend la main (or avoit-il
+femme jeune & belle encore;) j'avance main; & prenant la sienne, je lui
+dis bien humblement: voici la main de celui qui, dieu merci, a besongné
+mademoiselle votre femme, ou n'a tenu qu'à lui. Je parlois de la sienne;
+& il ne l'entendoit pas. Et dà, pourquoi est-ce que nous portons
+l'aumuce? c'est-à-dire, cette peau sur le bras. (Cette peau de veau, à
+propos de vous, qui disiez tantôt... Or là, dites. Le bon homme étoit
+tout pensif de ce que je lui avois dit, aussi-bien que mon procureur,
+qui a belle jeune femme, auquel parlant des femmes, je lui dis: par mon
+serment, cousin, j'ai besongné votre femme aussi-bien que vous. Il est
+vrai, peuple ententif, parce que je ne le besongne jamais, ni elle
+aussi: je les avois donc besongné l'un comme l'autre.) Alors je dis à
+mon médecin: il faut que je vous le déclare, pour vous ôter de songerie;
+c'est signe que nous ne mourrons pas en la peau de veau comme vous
+autres.
+
+PROPERCE. Que ne savois-je ces belles réponses, & ces doctrines! Je suis
+fort déplaisant, & meurs de regret, que je n'attendis à écrire, pour
+être le secrétaire de ce simpose, qui m'eût plus apporté de réputation,
+que n'en auront tous les écrivains, toutes les écritures & tous les
+écrits ensemble. Or c'est tout un; j'ai la copie des discours, tant
+verbaux que couchés par écrit, comme disoit notre avocat: je me tiens à
+mes demandes faites par requêtes verbales, desquelles la copie est en
+mon sac. Et voilà comment je me tiens aussi à ces futures sentences qui
+sont ja écrites. En outre, je prévois pour tout que ce banquet sera le
+grand, unique & universel sur tous autres, & monarque des simposes
+oecuméniques.
+
+ZOROASTES. Je suis tout ému d'esprit prophétique, & connois devant &
+derriere qu'ici se résoudront toutes les questions du monde; ainsi qu'il
+est ordinaire, que sans le boire & le manger, on prend, on a pris &
+prendra occasion d'enseigner cela qui est tout parfait; & comme la
+vérité & la vanité, l'excellence & la sottise s'affrontent, l'un &
+l'autre se pratiqueront en ce lieu; & on verra souvent la gloire
+proposer à son client l'honneur du premier lieu à la mangeoire, comme
+aux privés publics, on s'entre-fait place honorable pour fianter
+glorieusement; & même à Genève l'assiette, pour poser le fondement, est
+aussi nette que le tranchoir sur lequel vous mangez.
+
+
+
+
+TEXTE.
+
+
+X. Comme j'étions ententifs: & qui sommes nous? Je sommes ce que je
+sommes; je jouons. Et que jouons je? Je jouons ce que j'ons. Et
+qu'ons-je? J'ons ce que j'ons. Ons-je en jeu. Si je n'y ons, j'y fons.
+Foin, ces Parisiens-ci me troublent. Paix, ou que la merde vous puisse
+baiser.
+
+GUALTER. A propos, si vous étiez en prison environné d'étrons,
+qu'aimeriez-vous mieux, ou en sortir par amitié, ou par force? Par
+amitié; il faudroit donc les baiser les uns après les autres. Par force;
+il faudroit donc leur donner à chacun un coup de dent. Et vous,
+taisez-vous, que j'acheve; & que nous prenions garde à tant de parfaites
+doctrines. Quelques-uns de la compagnie, pour faire une pause
+récréative, se donnerent le petit mot du guet. C'étoit la fleur des plus
+sages, qui firent un complot de gaieté, pour faire rire la compagnie; &
+allerent en une autre chambre, inventer une comédie à l'Italienne. Je
+vous dirai qui furent ceux-là, à la charge que, si vous le dites, &
+qu'il m'en soit fait quelque reproche, le diable vous emporte. C'étoient
+Socrates, Plutarque, Rabelais, Gaguin, Luther, Ronsart, Pindare, Marot,
+& quelques autres de même farine & pareils brans, & assez sages & fous
+pour contenter le monde.
+
+LUCIEN. Quelle différence mettez-vous entre farine & bran, vu que la
+plupart de ceux-ci sont, comme dit l'autre, tournés en farine de diable?
+
+L'AUTRE. Vous ne changerez jamais, encore que notre bon ami Pithagoras
+vous ait fait passer par son alambic; si est-ce que vous êtes toujours
+de même; & je crois que c'est vous qui en êtes la vraie farine de
+diable, d'autant que Dieu vous fit bon comme farine, & vous êtes méchant
+comme bran. Et afin que vous le sachiez, je vous dirai d'où vient ce
+dictaire; je me dépêcherai, afin que le bon homme ait son sac. Il y
+avoit un pauvre petit paysan, qui avoit quantité d'enfans, & n'avoit
+point de pain pour leur donner, pour lors que la famine pressoit. Une
+nuit s'étant endormi de tristesse, il songea qu'il trouva le diable qui
+le consola, & lui dit que, s'il vouloit, il lui donneroit de quoi
+bailler à dîner à son menu peuple, & là-dessus le mena en une forêt
+obscure où il lui montra de grands sacs pleins de farine. Le paysan
+ébahi & aise, dit: mais comment trouverai je ce lieu, si j'en pars? Le
+diable lui dit: eh! chie auprès, pour le remarquer. Le triste pauvre
+homme s'efforça, & fianta dans le lit, plus que six ladres constipés ne
+feroient par un clystere enforcé de quadruple dose de fine bénédicte. A
+son réveil, il trouva le bran, en quoi s'étoit réduite toute cette
+diabolique farine.
+
+LUCIEN. Mais encore, puisque vous y êtes, déclarez-nous un peu d'où
+vient ce bon mot, _afin que le bon homme ait son sac_.
+
+GUEVARRE. Cela avint en Anjou, en un bois qui est près de la
+Rochefouque. Un gentilhomme avoit fort recherché une demoiselle du pays,
+sienne voisine, qui ne l'osa accommoder de son ustensile, parce que la
+commodité ne s'y offroit pas, & que possible, lorsqu'il le vouloit, il y
+en avoit quelqu'autre (& notez, qu'il n'y a que ces deux raisons, avec
+celle qui a été dite tantôt, qui empêchent les femmes de prêter leur
+gnomon.) Un matin cette demoiselle, ayant affaire en une sienne métairie
+(possible alloit-elle voir un de ses amis) passant à travers ce bois,
+fut rencontrée du gentilhomme, qui alloit giboyer & n'avoit en main que
+son arquebuse. Le gentilhomme prit la rencontre, & dit à celle-ci:
+vraiment, il y a assez long-temps que vous m'attermoyez. Je vous prie
+que ce soit à cette heure; il y a toute occasion à propos. Hélas! lui
+dit-elle, que pensez-vous faire? Attendez à une autre fois. A cette-ci,
+& à une autre, tout sera bon. Mais quoi! je suis en manteau; je me
+salirai toute. Ce gentilhomme, levant la tête, vit un pied-gris passant
+auprès d'eux, lequel avoit un sac. Il le prit, & lui dit: compere,
+attendez-moi. Ayant ce sac, il le lui montra. Et bien, dit-il, voilà
+pour mettre sous vous. Elle, se voyant pressée, & qu'il falloit passer
+par-là, en dépit qu'elle le vouloit bien, lui dit: là donc, dépêchez,
+afin que le bon homme ait son sac. Achevez, je vous prie. Socrates,
+comme le plus fou (ainsi disent ceux qui passent une porte: _je passerai
+le premier comme le plus fou_; _ergò_, les autres fous en leur présence,
+à leur nez, & sans contredit. Mon sot de valet ne fut pas si sot. Un
+soir qu'il falloit porter la chandelle, pour éclairer aux gens d'honneur
+qui sortoient, il ne vouloit jamais passer devant, disant que l'honneur
+ne lui en appartenoit pas. Cette petite bande entra de même, & le sire
+Socrates marchant en gravité posée, comme monsieur le chantre de Paris
+aux bonnes & nobles fêtes, ayant toussé, & s'étant monocordisé sur son
+geste, préparé en pompe minoise, après avoir remué sa trogne
+scientifique, ainsi que voulant annoncer quelque grande chose avec un
+accent admirable, va dire: hem, hem, hem. JE SUIS. Et ainsi qu'il
+faisoit une trop grande pose présidentale, pour exciter à émotion
+audienciere, la reine d'Egypte, qui vraiment y étoit par honneur, se
+fâchant d'attendre si long-temps, ajouta à son propos, UN SOT. Tout le
+monde, jusques aux anges & aux serpens, sans les pierres et les cailloux
+qui en creverent, se mit à rire si fort, que la mule du Curé de Saint
+Eustache en foira de si pure joie, que la vie lui en faillit par le
+fondement. Ainsi la farce fut gâtée & tout le cidre répandu, & la
+gentillesse remise à une autre fois; & chacun fit comme aux nôces.
+
+ARNOB. Vraiment, Socrates mon ami, tu devois bien y aller. Et que
+diable! tu es fat, de te faire moquer de toi, sous ombre de l'opinion
+que tu as d'être savant & sage, plein de doctrine comme la gibeciere
+d'un hermite frais tondu. Voilà ce que c'est, tu es présomptueux; parce
+que tu n'as fait toute ta vie que chanter aux latrines avec les
+couillaux.
+
+BARLET. Parlez net.
+
+ARNOB. Je pensois dire _lettrain_ avec les choriaux, ma langue a suivi
+l'usage commun. Ne savez-vous pas qu'il y a des églises, où les
+chanoines ont des vicaires qui font pour eux, & sont dits choriaux?
+Mais, parce que ce nom est rude, les filles ont inventé de dire
+couillaux; comme celle qui disoit qu'elle ne vouloit pas que l'on
+tournât son nom, de peur que l'on n'y trouvât quelque couillonnerie:
+elle vouloit dire quelque coyonnerie. C'est tout un, la douceur en
+vient.
+
+
+
+
+SINODE.
+
+
+XI. Par la vertu de l'herbe de la Saint-Jean, penses-tu qu'il te sied
+bien de faire le fou? Ces grands sages n'ont point d'esprit à boufonner;
+ils ont l'échine trop plate, le col trop roide & la cuisse trop avalée,
+& s'ils s'en veulent mêler, cela avient, comme une huiliere à coëffer
+une reine, tellement qu'ils trébuchent si roide, qu'ils paroissent fous
+de haute alkimie, & au-delà. Tandis que César écoutoit ceci, son
+laquais, qui depuis fut roi d'Espagne, étoit derriere lui, pour avoir de
+la chair. Etant importuné, il se retourna, & lui dit: cap de biou, mon
+laquais, je vous donnerai mornifle: & tout sert. Si tu veux de la chair,
+prens-toi au fesses.
+
+BOECE. Il a mis cela en effet, & est cause qu'il y a tant de dames
+bossues, d'autant qu'il savoit en plusieurs lieux que celles qu'il
+attraperoit, il les happeroit aux fesses; comme étant les plus
+savoureuses & mieux faisandées, joint qu'il étoit assez aisé parce
+qu'alors les dames n'avoient point de culotte. Il est vrai, (oui; je ne
+dis point comme les autres fois, quand je mentois par oüi dire. Je l'ai
+vu): c'est que pour crainte que cela n'avînt, plusieurs ont fait faire
+des calleçons, ou brides à fesses, afin de se garantir; & les autres,
+qui n'avoient pas cette industrie, pour sauver leur cul, craignant la
+dent laquaïsme, ont mis la chair de leurs fesses sur leurs épaules. Cela
+est donc cause des bossues. Vraiment, si elles engendroient leurs
+semblables, bientôt le monde seroit bossu. Fi, fi; il ne le faut faire
+qu'aux belles; la bosse leur sert de grace: & puis tous choses sont
+choses. Sec, gardez-vous de cheoir, madame Safy, il y a un grand trou
+devant vous; si vous mettez le pied dedans, vous vous gâterez.
+
+MADAME. En dà, si vous aviez le nez dedans, & deux autres de même autour
+des deux yeux, vous auriez une belle paire des lunettes.
+
+BOECE. Taisez-vous; vous êtes belle. Que sera cela? Les belles se font
+prier, & les laides prient; chacun fait ce qu'il peut pour vivre.
+Pourquoi faire des lunettes?
+
+CÉSAR. Pour mieux voir.
+
+BOECE. De quoi voit-on le plus?
+
+CÉSAR. Des yeux.
+
+BOECE. Si votre nez étoit en mon cul, vous ne verriez que des fesses.
+
+LE BON HOMME. Que voici de sentences accomplies! Que vous êtes heureux,
+vous qui les savourez, tandis que ceux-là boivent sans nous ouir; & je
+gage que; vous auriez beau dire, ils ne l'entendroient pas, d'autant que
+ceux qui oient en beuvant, tiennent de la ladrerie, comme le tient &
+afferme Janotin, maître apothicaire, du métier dont il se mêle.
+
+SOCRATES. En dà, vous avez mieux dit qu'un four, & n'avez pas la goule
+si grande. Pourquoi fait-on des fours?
+
+ELPHIS. C'est pour cuire du pain.
+
+SOCRATES. Voire, le niais! C'est pour cuire.
+
+ELPHIS. Va te promener; & me dis la raison, qui fait que l'on boit les
+uns aux autres?
+
+SOCRATES. C'est parce que celui qui boit perd la parole, & devant qu'il
+lui avienne mal, prie que l'on l'assiste s'il lui survenoit danger;
+tandis qu'il est ainsi entre la vie & la mort, comme une ame qui sort de
+purgatoire, ou qui pense y aller. Je ne m'y connois encore guère; je
+suis à pardonner, parce que ce pauvre homme possible est prêt à se
+noyer.
+
+L'AUTRE. O vous trois fois pleins de béatitude, qui, accomplissant votre
+félicité, venez lire, étudier & méditer ici nuit & jour, pour trouver la
+pierre philosophale, que j'ai cachée en ces traits plus finement,
+occultement, clairement, & patepeluement, que ne firent oncques Gebert,
+Théophraste, Lulle, ou autres affineurs; mais de meilleure grace, & de
+front plus minon, pour la rendre plus aisée à trouver, & divertir les
+beaux esprits qui consument trop de temps au feu; & les inciter plus
+gaîment à poinçonner leurs intellects, qui, pleins de concupiscence
+célestes, s'agitent après ces fideles commentaires. Et encore,
+messieurs, un mot en passant. Là, croyez-vous, dites, que toutes ces
+bonnes gens fussent ici, & que ceux du temps à venir y étoient? Nous
+avons celé les noms de quelques-uns, de peur qu'ils fussent reconnus, &
+que plusieurs allassent au-devant, quand ils viendroient, pour leur ôter
+leur argent, comme font les gentilshommes, en tems de paix. Or je vous
+avertis que j'en dirai un; voire sans rien nommer, c'est que, d'ici à
+plusieurs jours, l'empereur entendra le midi; il sera fils d'onze
+heures; il mettra le midi à une heure, comme à Bâle en sottise (je
+cuidois dire _en Souisse_) Pardon, Souissercons; je vous tiens pour gens
+de bien, deussai-je mentir. Le petit diable de la nouvelle étoile vous
+puisse chatouiller, pour vous faire rire. Et dà, vous en grincez déja
+les dents. En ce tems si tranquille de cette benoîte aventure impériale,
+personne ne fondra dispute ni secte, que pour se réjouir sur
+l'intelligence de ces mémoires, qui seront divisés en dix-sept parties,
+à l'honneur des dix-sept Provinces philosophiques; & on les reverra avec
+une attention. Même il y aura devant ou après un beau joyeux petit
+prélat de Basse-Bretagne, qui traduira ce code en toutes langues, depuis
+celle de boeuf, jusques à celle de carpe pour le carême, & mettra par
+rôles les colomnes de cet original, de peur des fausses positions, afin
+de secourir les enfans de la science, & y fera-t-on des commentaires,
+comme sur une pannerée d'air, une aulne de tems, une poignée d'ombre, &
+une coudée de vessi, bon, chaud & humide, frayant comme un limaçon sans
+coque. Mais quelque difficile galopin de piéfayés me viendra faire ici
+une distinction, (je parle ici des hérétiques comme de chiens, parce que
+les gens de bien rient toujours comme à eux tous seuls, auxquels la joie
+appartenant & prenant en bonne part, louent l'intention telle que je
+l'ai, qui est de profiter comme une poule égarée au renard) & pensera,
+ce clabaut, me montrer quelque faute ou erreur, d'autant qu'il ne
+l'entend pas; ou bien il est une bête, parquoi se faut taire, de peur de
+honte: si on oit ou voit quelque gentillesse, il ne la faut point juger;
+mais en rire & l'admirer, comme les Italiens & Espagnols qui font la
+finesse. Or, que ce mignon ne me fâche point. Que s'il le fait, cordié,
+morgoi, sandé, &c. Je sais bien que je rapporte tout à propos; & ainsi
+que je lui dirai qu'il est un sot, par maniere de dire; & moi, pauvre
+pifre, me prens-tu pour un apprivoiseur de mouches? Que l'aze te puisse
+saillir en place. C'est une belle chose de savoir tout! C'est que notre
+langue françoise est la plus ample de toutes. _Sic probo._ Elle a le
+plus de termes, pour remarquer la copulation, qui est cause que tout est
+produit. _Ergò_, elle est la plus produisante.
+
+BARRELETTE. Voilà dit cela; & si vous êtes si pauvre de ne l'entendre
+pas, je vous le ferai entendre.
+
+
+
+
+TOME.
+
+
+XII. Entendez donc que les bêtes chevalines saillent, les ânes
+baudouinent, les chiens couvrent, les pourceaux souillent, les chevres
+forboucsient, les taureaux vétillent, les beliers empreignent les
+brebis, les cerfs rutent, les poissons fraient, les cocqs cochent, les
+chats margaudent. Cherchez les autres; j'ai hâte. Mais que font les
+hommes avec les femmes? Ils font. Quoi font? Cela: proprement, c'est le
+faire. Je dirois bien comme disoit hier madame, qui se promenant en
+l'isle sauta un fossé, & je lui aidai, & sa coeffure demeura: vraiment,
+dit-elle, se remontant de tête; j'ai perdu je ne sais quoi; je laisse
+tomber ma coifoutre, c'est-à-dire, ma _coeffe, outre_ ce fossé. Encore
+n'est-ce pas tout; j'en hais ce fat qui vient blâmer notre entreprise, &
+me dit: vere; Socrates n'a pu y être avec vous où l'on boit & mange,
+puisqu'il est mort. Va, prophete de Mahon; il y a long-temps que tu
+aurois le cul écorché, si les veaux portoient croupieres. Ne sais-tu pas
+bien qu'il y a provision pour tous? Les chairs des bêtes sont pour ceux
+qui ont corps & ames; & si les bons trépassés nous sont venus voir; ne
+seront-ils point fêtoyés? Tu admets les banquets des dieux; tu y fais
+des songes creux, & les admire: & nous ici, riant de ta sotise, nous
+avons recouvré de ces cuisinieres du temps passé; qui savent apprêter
+cette viande nommée PHEROS, mangeaille de dieux, & béchées de déesses,
+qui se fait de divers apprêts & parties des ames de bêtes assommées,
+lesquelles par ce moyen sont consommées. Sachez que ces douillettes ames
+toutes chaudes, sont fort délicates, & étant assaisonnées de fumées &
+quintessence de nos sauces à l'ombre de votre feu, à l'odeur de vos
+épices, aux vapeurs de votre rôti, & de toutes les délices du monde,
+faisant bonne chere, elles sont confites en goût trop délectable. Voire,
+oserois-tu point dire que; sitôt que l'animal est jugulé, c'est pour te
+faire plaisir & t'apprendre; (comme disoit la vieille à Jean Hardi. Ce
+compagnon étoit un de nos closiers, qui avoit une belle jeune femme. Il
+avoit aussi une vieille servante: tous trois n'avoient qu'un lit. Une
+fois, que sa femme s'étoit levée pour aller pisser, cettui-ci, ne s'en
+étant apperçu, & désirant évacuer nature ritillante, se jetta sur la
+vieille, pensant que ce fût sa femme. Comme il s'en fut avisé, il cuida
+s'ôter. La vieille lui dit: ne bougez, ne bougez: ce n'est pas pour bien
+que vous me fassiez, ce n'est que pour vous _apprendre_.) Si vous en
+parlez davantage, vous gâterez tout; vous rendrez honnie toute la
+doctrine des colléges; & n'y aura plus de plaisir de s'étudier après les
+fadaises de la science des poëtes anciens. Si vous déclarez ainsi le
+secret des esprits, vous troublerez l'apothéose, (je voulois dire: _vous
+découvrirez le pot aux roses_.) Pensez-vous que ce soit bien fait? Je ne
+dirai pas tout: non, je ne veux que reprendre ceux qui pensent que
+l'animal, étant comme mort, le soit; & pour l'amour de vous, je ne vous
+ferai qu'une démonstration. L'ame du brochet ne s'en ira jamais, que le
+brochet ne soit cuit, d'autant qu'elle veut être mangée plus
+cordialement par quelques beaux esprits. Qu'ainsi ne soit; ne voyez-vous
+pas ès cuisines des grands, que l'on en met le coeur sur le bout de la
+table, pour voir si le corps sera cuit? Certes ce coeur remuera, tant
+que la cuisson soit parfaite. Je me retiens par le bon, vraiment; & je
+fais bien, parce que je dirois choses & autres, au préjudice des bons
+garçons, qui n'ont conscience qu'en apparence, & cependant cuident que,
+tandis qu'ils sont dispos, ils accommodent à coeur gai ces fillettes,
+depuis que l'on en a fait conscience, & que ces hérétiques ont parlé de
+réformer, comme ceux de Geneve qui veulent que ceux, qui vont demeurer
+en leur ville, aient lettre d'habitation authentiquée; & toutefois ils
+ne veulent pas qu'on habite. Nous n'avons point eu de bien, depuis que
+les talons des souliers ont été aculés, & les andouilles ont pué la
+merde. (En tout honneur, il est aussi aisé que de dire, jeu sans
+vilénie, quand on dit _feutre à fourche_, & _fourche à feutre_.) Et les
+secrets ayant été ainsi étalés devant le monde, les gentillesses sont
+allés au bourdel, & les excellences se sont changées en vétilles. Et
+voilà que c'est de parler devant le monde; par quoi je ne veux plus rien
+dire de rare: d'autant que, si je continuois, je dirois tant de choses,
+que, force de les étudier, le monde deviendroit fou comme vous.
+
+CASSIODORE. C'est ce que je vous disois; il est vrai que, quelque peine
+que j'aie prise à mettre tout d'accord, en tirant le bon bout de mon
+côté, & que, prostituant ainsi les sciences, on a parlé des doctrines en
+la présence intelligible des femmes, on n'a vu que des hérésies, & les
+hémorroïdes en sont chutes au fondement, & les barbes ont été pirement
+faites que ci-devant. Et y regardez; vous ne verrez plus de barbes bien
+faites, parce que l'on n'y entend plus rien. De mon jeune temps, on
+alloit gaiement & sans artifice chez l'émouleur; & on avoit la barbe
+faite en deux coups, mettant une joue sur la meule, & puis l'autre,
+après cela faisoit frac, rest, zest; une barbe étoit faite toute prête.
+
+XILANDER. Vraiement, vous êtes un beau danseur! C'étoient de belles
+barbes! Elles étoient faites en queues d'hirondes, & les cheveux comme
+l'écuelle d'un ladre. Laissons-là les laïques, auxquels je ne me plais
+point. Je vous dirai bien que, de mon temps, les gens d'église avoient
+la barbe rase; & je vous dirai une remarque: c'est que, quand le pape a
+la barbe grande, les prêtres la veulent avoir de même; s'il a le menton
+ras, les prêtres le veulent aussi; parce que chacun prétend au papal.
+Ainsi donc les sages portoient leurs barbes; les ras n'avoient garde de
+les porter, puisque le menton étoit ras; la barbe ôtée étoit demeurée
+chez le barbier. A cela fut pris Hauteroue, chanoine de S. Martin de
+Tours. (Il faut tout dire, de peur des garces qui nous écoutent, parce
+que la fréquence de toutes femelles y abondoit jadis, avant notre
+réformation, ainsi qu'aux autres lieux.) Il y songeoit; & le fit
+paroître, un matin que l'on le vit barboyé; & un autre chanoine le
+voyant, lui dit: monsieur, vous avez aujourd'hui donné de l'eau bénite à
+la barbe ôtée. Lui, comme _reus_, va dire: _per meam_, je ne la connois
+point. A cela, je jugeai de l'innocence de tous les autres, qui se
+passent de garces, comme un bon procureur d'écritoire.
+
+L'AUTRE. J'en prends à témoin mon compere Livet, procureur au châtelet
+de Paris, qui ne laissoit jamais son écritoire. Il avint, par
+malencontre de bas avis, que madame sa femme, voyant un gai, gaillard &
+jeune maure, eut envie d'en être couverte. Elle le fit entrer; &, pour
+remédier à un mal d'estomac qu'elle avoit, elle le fit coucher sur elle.
+Ce qu'elle en faisoit, étoit qu'elle considéroit que sa peau, vu sa
+nation, seroit plus chaude que celle d'un François. Le jeune homme ayant
+été là assez long-tems, fut remercié & salarié de son bon office, où il
+n'y avoit point de mal, vu que cela tendoit à la santé. Mais que c'est
+des impressions! Il lui avint que son mari venant à la copuler, elle qui
+se souvint du maure, en engendra un; ce qui parut, quand elle accoucha.
+Sa commere voyant à son enfantement, cette aventure si noire, l'en
+avisa; & la pauvrette lui dit sa friande imagination; à quoi la bonne
+commere & amie pourvut, & s'en alla au châtelet faire appeller Livet,
+qui venu lui dit: hé bien, ma mie, qu'avons-nous? Un beau fils, lui
+dit-elle; mais je vous prie, dites-moi en conscience, mon compere,
+n'avez-vous jamais accolé ma commere, que vous eussiez votre écritoire à
+votre côté? O que si ai, plus de trente fois. Vraiment, vous avez bien
+besongné! Je m'en doutois bien; voilà, il est chut de l'encre dedans, si
+que vous avez fait un enfant noir comme un maure.
+
+TIBERE. Que vous avez belle envie d'échapper.
+
+
+
+
+ALLÉGATION.
+
+
+XIII. Or çà, belles entendoires, qui tous avez hâte pour amasser des
+argumens cornus, & changer vos thêmes; pourquoi est-ce que les gens
+d'église ont en plusieurs lieux, comme jadis, le menton ras?
+
+CASSIODORE. Foin sans blasphémer.
+
+TIBERE. Je ne veux plus nommer personne; venez voir qui y sera: c'est
+trop se déclarer. Qui sont les gens d'église?
+
+XILANDER. Hé dà, ce sont les prêtres.
+
+TIBERE. Ne vous déplaise, par la gorge, ce sont les images qui y sont
+jour & nuit, qui jeûnent sans cesse, comme y étant idoines. Toujours ils
+ne font point ce qu'il ne faut point faire; ils s'abstiennent & sont
+tels que doivent être vrais gens d'église.
+
+SOCRATES. _Distinguo_, s'il vous plaît: votre mule pisse: elle se
+morfondra par le fondement. Telles gens d'église sont toujours en un
+état comme les rois du palais, y habitant sempiternellement de
+sempiternité lapidaire; mais ceux dont vous parlez, ne sont gens
+d'église que par adoption. J'entends parler des corps animés, qui vont &
+viennent à l'église pour la servir, qui sont hommes vifs; & toutefois
+qui sont intellectement comme nous sommes, vivans de la vie du monde,
+bien qu'ils soient boivans & mangeans, & chians & pissans; lesquels
+toutefois sont hommes sains & mortifiés, & de saison; lesquels pour
+n'être affectés en apparence publique, sont dits morts par excellence,
+vu la mine. Et de fait, on les nomme morts, pour autant que l'outil qui
+perpétue la vie, leur est bouclé par la vertu de certaines paroles
+conférantes ordre supernaturel; & ainsi l'usage naturel leur est
+interdit par voeu. Ils s'en rasoient le menton, afin que le regret
+qu'ils ont de n'oser ni vouloir fréquenter la douceur du monde ne parût
+aucunement, joint qu'ils doivent être joyeux, (_venite exultemus_) & que
+leur état est une joie perpétuelle, laquelle il faut faire paroître,
+encore qu'elle ne fût pas. C'est la cause pour laquelle ils se font
+raser le menton, parce qu'il semble qu'un homme, ainsi réparé du minois,
+rie toujours. Et y prenez garde; & s'il n'est vrai, que de quinze jours
+ne puissiez-vous aller à vos affaires. De-là est venu & procédé ce canon
+du concile de Quarante: le prêtre fera sa barbe en couene de lard, afin
+qu'il paroisse toujours riant, friant, fringant, _donec, &c_.
+
+CATON. C'est pourquoi le bon homme Hugonis étoit toujours joyeux.
+
+ALBERT LE GRAND. Voire, ce moine l'étoit vraiment; & de fait, il étoit
+gros & gras, comme un mâtin qui tete deux fesses, il étoit ample autant
+que le cul d'un ministre qui accouche en liberté. Une fois qu'il passoit
+près de S. Avoye une belle demoiselle le voyant, dit à une autre par
+admiration: que voilà un moine qui est gros! Il l'ouit, d'autant que,
+ses membres étant proportionnés, il avoit belles oreilles, & lui
+répondit: mademoiselle, il y a long-temps que je fusse accouché, si
+j'eusse trouvé une sage-femme.
+
+L'AUTRE. Pourquoi est-ce qu'on appelle _sages-femmes_ celles qui
+reçoivent les enfans, & ont le gouvernement des pays-has.
+
+HÉLIODORE. C'est parce qu'elles voient de grands cas. Je me souviens que
+j'étois encore bien vieil, la cour de parlement étant à Tours, que de
+bons garçons firent une galantise à une sage-femme. Ils mirent un gars,
+en guise de femme prête d'accoucher, dans un lit; & firent venir une
+sage-femme, qui, mettant la main dessous les draps, & trouvant son
+braquemart, dit tout haut: courage, l'enfant viendra bientôt; j'en tiens
+le bras. Elle le vouloit remettre, sans qu'elle reconnût ce que c'étoit:
+or devinez. (Un jour je pissois contre une muraille; & une belle dame me
+regardoit; je lui dis: devinez ce que je tiens, & vous l'aurez.)
+
+CATON. Encore faut-il que je me souvienne de ce bon homme Hugonis, qui a
+été mon maître, d'autant que les huguenots faisoient bruit par la
+France. Que le diantre y avise, puisque les autres n'en veulent rien
+faire; bran, cela m'est échappé. En ce temps-là que j'étois si fort
+étudiant, ce mien maître hantoit ce bon prince catholique, le pere de
+cette pauvre dévoyée, qui a tant fait disputer. Il avint un jour, que le
+basque étant à la porte de notre prince, Hugonis vint heurter; je le
+suivois. Comme on eut demandé: qui est-ce? Je dis; c'est notre maître
+Hugonis. Le basque va dire à monsieur: c'est maître Conin, qui est
+là-bas, qui veut parler à vous. Quoi! dit monsieur, ce pipeur? Va lui
+dire qu'il aille autre part faire ses tours de passe-passe. Un jour
+durant, il fut estimé hérétique; mais cela passa, par une prédication
+que j'en fis tout chaudement, tellement que ceux qui cuidoient que
+monseigneur sentît mal de la foi, furent résolus; & le tout se tourna en
+risée domestique.
+
+ERASME. Cela me fait souvenir de ce que me dit frere Lucas.
+
+CATON. Quoi! qui? frere Lucas qui avoit mal au chose, & on le lui coupa,
+si que, le cas lui étant ôté, il n'est plus que frere Lu?
+
+ERASME. Non, ce n'est pas cela; je parle bien d'un docteur: c'est de
+celui qui, à ma réception, me prit par la main, & me dit: mon frere, mon
+ami, _doctissime baccalaure_, j'ai une parole de très-grande conséquence
+à vous dire: c'est que vous sentez mal de l'hérésie.
+
+CATON. Que lui répondites-vous?
+
+ERASME. Je me mis en colere; & lui dis que mon âne étoit plus sage que
+lui. Il me fit appeller; & je lui prouvai mon dire: parce que mon âne
+venoit bien de la riviere tout seul ayant bu; & lui, il le falloit
+rapporter de la taverne, quand il avoit trinqué. Je gagnai mon procès,
+faisant quinaut le juge, en lui demandant: pourquoi est-ce que mon âne
+va à pied? Il ne le sut dire; & je lui ai enseigné, disant: c'est parce
+qu'il n'a point de cheval comme vous, monsieur le Juge. Il se
+trémoussoit comme une pie en gésine, & me dit: regardez à qui vous
+parlez; je suis gentilhomme. Il me remâcha cette parole, étant descendu
+du siége: & alors ne le craignant plus, je lui dis: vraiment vere, si
+tous les gentilshommes du monde avoient les jambes cassées, vous ne
+lairiez pas de courir. Mais je suis gentilhomme; oui, je veux bien que
+vous le sachiez. Si j'avois pour un liard de telle noblesse dans le
+ventre, je prendrois pour cinquante écus de rhubarbe, pour la chasser.
+Le Juge dit: si je remonte en mon siége, je vous ferai affront. Vous me
+feriez comme le Juge de la Fleche, qui condamna un homme à être pendu &
+étranglé, sauf son recours contre qui il verroit bon être. Aian,
+répondit-il, encore un coup, ne me fâchez pas. Bien, lui dis-je, pour
+vous appaiser, je vous veux apprendre un secret. Pourquoi est-ce que les
+femmes pissent, quand elles en ont envie? Vous voilà à pied des raisons,
+le cul aussi près de terre qu'un pâtissier qui n'a que faire. C'est
+parce qu'un autre ne sauroit pisser pour elle. Et moi je chierois bien
+pour vous.
+
+CATON. Fi, fi, cela se sentiroit mieux & plutôt que l'hérésie.
+
+SOCRATES. Comment la sent-on?
+
+ERASME. Il faut mettre le nez au cul de l'hérétique, & en retenir le
+goût & l'odeur; puis aller sentir au cul des bons Docteurs & Cordeliers,
+pour voir s'ils sentiront de même. Mais n'allez pas sentir au cul des
+minimes; je pense qu'ils flairent horriblement le clystere, à cause que
+leur cul est une sentine d'huile perpétuelle.
+
+NÉRON. Comme vous parlez impudemment! Il semble qu'il n'y a ici qu'à se
+détraver en sales paroles, & que toute honnêteté & vergongne soit
+perdue.
+
+DIOGENES. Tout est permis ici; nous sommes pair à compagnon: on doit
+faire & dire ici tout ce qu'on peut & pense.
+
+ALEXANDRE. Vous y perdriez, pauvre homme, parce que, si tout étoit
+permis, je vous battrois bien à cette heure, pour me venger de
+l'affront, que, l'année qui vient, vous me fîtes en Grece.
+
+DANEAU. Est-ce en _graisse_ dure ou fondante, de quoi vous parlez?
+Certes je suis en suspens, quand j'en oi parler, à cause des gréges qui
+engraissent les personnes pour les faire mourir, & les autres les
+engraissent pour les faire vivre.
+
+ROBERT ETIENNE. Je ne m'en soucie pas: je voudrois avoir trouvé un bon
+moyen de m'engraisser; je me porterois bien. En dà, je suis aussi maigre
+que le vendredi oré, & aussi défait que la semaine peneuse; & dà, je
+suis aussi maigre qu'un millier de clous.
+
+JOLIVET. Il faut donc que vous alliez en un pays que j'ai fréquenté, que
+vous appreniez ce que les gens de-là font, pour s'engraisser. Vraiment
+ils sont-là toujours gras & en bon point, comme de beaux petits moines
+de bonne étoffe. Les moines sont gras comme de belles vaches portantes;
+mais les vaches ayant vellé, elles deviennent maigres, & les bons moines
+qui n'ont point vellé, sont toujours gras. Je parle aux doctes sorets,
+harengs sorets & massorets.
+
+
+
+
+AVIS.
+
+
+XIV. En ce pays que je vous dis, tout y est gras; même aussi les jours
+maigres y sont graissés: & je vous dirai une belle invention, que m'ont
+apprise ceux qui font exercice. Ces bonnes gens prennent les jours
+maigres dès la veille, & les châtrent, puis les mettent en mue. Je ne
+fus jamais si étonné, que quand j'y vis monsieur de carême en une grande
+mue, où trois vieilles croupieres l'appâtoient des pâtons de blanc de
+chapons. Vraiment il n'étoit plus, comme je l'avois vu autrefois à Rome;
+il étoit gras & refait comme le chien d'un vielleux; il étoit si
+engraissé, que la graisse lui sortoit par les yeux, comme les puces
+sautent dans un four qui sue de froid.
+
+DIOGENES. Vous parlez de suer; & en quel temps est-ce que les vis suent?
+
+CESAR. Fi, fi, vous êtes salaud.
+
+MADAME. Oui, je l'entends comme vous; je dis jeu sans vilénie, comme
+nous disons nous autres filles; c'est quand il menace de pluie, que la
+vis de notre grenier sue, & qu'elle est relente, & si le noyau de la
+vis, ou la vis même est de pierre, tant mieux, elle en durera davantage,
+ainsi que celle des tuileries.
+
+DIOSCORIDES. Vraiment, l'autre jour que j'y étois, je voyois des dames
+Parisiennes, qui admirent cet ouvrage, y montant, elles relevoient leurs
+cottes & s'entredisoient? madame, ma mie, que voici une belle entrée de
+vis! Jean voire, leur dis-je à deux belles, que puissiez-vous jamais
+n'être à votre aise, que je, n'en aie fait la preuve par essai naturel.
+
+HÉLIODORE. C'est votre souverain bien que ces imaginations, & plus
+encore quand vous en tenez la cause: je ne dis pas les imaginaisons: il
+faudroit avoir les doigts bien subtils. Il est vrai que ces esprits
+familiers, ainsi montant, sont de bonne rencontre & facile accès.
+
+JAMBLIQUE. Ne parlez point des esprits, je m'y suis trop rompu la tête,
+& n'en ai su venir à bout.
+
+L'AUTRE. Ce n'est que votre faute, d'autant que le familier s'approche
+aisément. Et qui en sait plus que moi? Vere, vere, ce sont abus que vos
+contes de loup, d'esprits fantastiques.
+
+CARDAN. Vous vous paillardez lanterniérement sur l'éloquence, & faites
+ainsi admirer la suite d'une vaine rencontre d'esprits: ce qui se trouve
+inepte & fat, sans fruit, cela n'étant que rêverie: & pourtant je vous
+dis que vos frivoles conceptions ne sont rien au prix de la douceur &
+mignonne rencontre, non d'esprits qui ne sont pas, mais d'essences
+vraies. Et n'y a rien tel, pour le contentement, que la formelle
+embrassade d'un esprit familier, incube ou succube, _id est_, femelle
+pour nous, & mâle pour les dames, qui les appellent _foulons_, qui vont
+la nuit fouler le monde, & leur presser la rate.
+
+L'AUTRE. Vos contes sont fadaises, & ne sont que folles fantaisies; mais
+la réalité temporelle, sensitive & communicable d'une vérité perceptible
+est la perfection produisante bon & singulier effet de délices, bien
+loin des pensées mélancoliques, qui sont persuadées par crainte, folie
+ou sotte curiosité. Il y en a tant qui desirent des esprits familiers;
+jamais personne n'en eut faute: l'ayant voulu autrement, nul n'a osé
+entamer le propos ni la piece, ni congner ou laisser congner en
+l'entamée ou entameure. Il faut tout dire; ceux qui sont savans s'y
+connoissent; & puis dites, ô vous qui vous macerez: le diable me tente.
+Tu nous la bailles belle! C'est votre propre nature nerveuse, qui
+s'excite selon la loi naturelle vîte & sainte; & vous faites semblant de
+ne l'entendre pas. Il faudroit, afin que ce que vous dites fût vrai, que
+le diable vous soufflât au jaret, comme il fit à Andocidès, ainsi qu'on
+le pratique aux veaux. Cependant, cruels hypocrites, vous ne voulez pas
+donner gloire à madame nature qui opere; vous aimez mieux en faire
+auteur le diable; & ainsi vous lui faites hommage, lui attribuant une
+puissance qui est en vous. C'est grande pitié! Cela vient de la folle
+spéculation. Et ces messieurs les parfaits réformés, qui coursoient leur
+bonnet selon leur fantaisie! Qu'ainsi ne soit; je le prouverai par
+raison; il n'y a homme, tant soit-il débile, qui ne le fasse mieux qu'un
+diable, encore que l'on dise: il le fait en diable. Ce qu'il faut
+entendre sainement. C'est-à-dire: il le fait autant (quand c'est un bon
+faiseur) comme un diable seroit desireux de le faire, s'il savoit ce que
+c'est. On ne dit point en diablesse; aussi les mâles font tout: les
+femmes font comme gueux; elles ne font que tendre leur écuelle.
+
+DARIUS. Appellez-vous cela une écuelle? Quand le cancre de mer prit les
+levres du cas de madame, il n'avoit à ce conte pris que le bord d'une
+écuelle.
+
+MADAME. Sachons cette menée, je vous prie.
+
+DARIUS. Je le veux. Monsieur le gouverneur, (alors nous habitions un
+port de mer) étant à la ville, ainsi qu'à tels seigneurs le menu peuple
+fait force présens, reçut, de quelques pêcheurs, un présent d'une
+pannerée de fort beaux cancres vifs tous choisis (on dit _beaux_ les
+plus gros; ainsi étoit un fort bel homme, le gros Chenu d'Orléans, qui
+étoit gros comme une pipe; & tel monsieur de la Contiere d'Anjou, qui se
+faisoit porter sur une charrette, ne pouvant aller à pied, & qui, un
+soir de vendredi saint, voulant jeûner, mangea seulement un boisseau de
+pruneaux, ce qui tint si peu de place en son ventre, qu'il cuida
+défaillir de faim avant minuit; ainsi étoit une belle femme la dame des
+Carneaux). Mondit seigneur, ayant reçu ces cancres, les fit poser près
+de la cheminée. Tandis qu'il s'amusoit, un des cancres se glissa, & se
+rampant, s'enlassa entre une tapisserie & la muraille. Les autres furent
+portés à la cuisine, pour y être troussés comme mugette. La nuit que
+chacun dormoit, ce maître cancre, ayant affaire d'eau, & la sentant à
+l'odeur marine, va au pot à pisser, où il se rangea en si peu qu'il y
+avoit; & ainsi glissé au fond du pot, s'y tenoit, attendant miséricorde.
+Quelques heures après, madame eût envie de se consoler à la décharge de
+ses reins chargés d'urine, déja tirée en la vessie, dont la pesanteur
+par filandres tire à soi les roignons, qui se délectent de son
+évacuation; & prenant le pot, s'étant un peu relevée, se flanqua dessus,
+de peur de pisser au lit; & ainsi madame...
+
+ARCHIMEDE. (Baisez-la au cul, si c'est la vôtre, tandis que je
+chercherai la mienne; c'est une regle de géométrie.
+
+DARIUS. Petit follet, laissez-moi en paix; il n'est pas possible que
+vous me fâchiez, comme vous le desirez; il n'y a qu'un moyen de me faire
+taire: prenez un rateau, & me baillez des dents au cul; & j'aurai tant
+de douleur, que je me tairai). Voilà donc madame, qui laisse aller l'eau
+de la goutiere naturelle entre les arcs-boutans des crevasses physiques,
+& pissant roide comme une pucelle qui n'ose, arrousa de cette liqueur
+fraîche & chaudement émouvée le paillard cancre, qui soudain se dilate &
+releve; en ouvrant un de ses bras, qui est de telle condition que
+s'étant ouvert & pris à quelque sujet, il ne le laisse point. Que
+prit-il, bonnes gens? A l'aide! Il trouva & prit. Quoi? Cela est si
+délicat & mignon, que je n'ose le dire. Il happa & serra le bord, le
+limbe, la levre, l'ornement, la mâchoire, cette fente mignarde,
+extrémité éminente qui se releve en crête de fossé, au bas du ventre
+féminin sur le devant, pour faire honneur aux babines du chose de
+madame. Cela est si sensible, qu'elle s'en écria si haut, qu'elle
+éveilla son mari, qui lui demanda ce qu'elle avoit. Hélas! dit-elle, je
+suis perdue. Elle soupiroit, & n'osoit le dire. Toutefois sa douleur lui
+fit déclarer que quelque fantaisie la mordoit au bord de son cas.
+Monsieur, en bon mari, ayant fait apporter la chandelle, & vu l'effet ès
+parties naturelles de la femme: paix, ma mie, paix, dit-il; je lui ferai
+bien lâcher prise; je sais le secret: il ne faut que souffler contre. Il
+se mit à souffler; & le cancre, levant l'autre bras, l'empoigna à la
+levre d'auprès le nez. Il faisoit beau voir cette remembrance. Il avoit
+le nez bien près du cela de sa femme; il pouvoit bien voir si d'autres y
+étoient: il n'eût pas été cocu sans avis. Le valet de chambre, qui
+survint avec des ciseaux, coupa les deux bras du cancre, mit monsieur &
+madame en liberté.
+
+MADAME. J'eusse bien voulu voir la grimace qu'ils faisoient. Je ne sais
+si cette femme avoit envie de rire, voyant l'humilité de son mari.
+
+PETRONIUS. Cela me fait souvenir de la fortune de frere Jean Laillée
+notre bon ami.
+
+
+
+
+COMMENTAIRE.
+
+
+XV. Un jour, proche des avents, allant à Angers, il ne put attrapper la
+ville, si qu'il coucha chez une bonne femme qui le connoissoit de longue
+main: s'il m'en souvient, c'étoit chez la jeune Coibaude. Comme il fut
+au lit, on lui mit sur la selle d'auprès le chevet un pot de nuit: or
+sur la même chaire, il y avoit une ratiere quarrée & creuse en rond; ce
+n'étoit pas de celles qui ont une porte, mais un ressort qui serre le
+rat par le milieu du corps: cet engin-là, qui a pour le moins demi-pied
+de diametre, & est en cube, étoit fort tendu & le ressort fort bandé.
+Frere Jean se réveilla, pour faire de l'eau; & prit cet engin par le
+bord, cuidant que ce fut un vaisseau à pisser, & y présenta son outil,
+qui s'avançant donna jusques à la détente; parquoi le ressort échappa, &
+prit le pauvre cas du cordelier, qui sentit plutôt cela que le jour. Il
+se prit à crier si haut, que Lucifer s'en fût éveillé; & on lui apporta
+de la chandelle pour le dégager. La chambriere en rioit d'aise, d'autant
+qu'elle étoit bien vengée d'une autrefois qu'il logea là-dedans; c'étoit
+en été; & parce qu'il y avoit presse, lui qui étoit des amis, coucha en
+la chambre basse, où la bonne femme & sa chambriere couchoient en
+l'autre lit. Ce mignon se leva, pour prendre l'air; la nuit étoit un peu
+noire; il appella la chambriere: marquise, je suis égaré: je te prie,
+viens me quérir. Cette pauvrette se leve, & va à lui, qui avoit troussé
+sa chemise & levé fort haut le bras. Prens-moi la main, je te prie. Elle
+tâtonnoit & trouva son bout. Hélas, ce dit-elle, que vous avez les
+doigts gros! ho, & c'est votre bras. Il n'y a point de main! &
+qu'est-ce? en dà, je n'en ferai rien. Elle lui tira une secousse, & le
+laissa là.
+
+SIMLER. Maître Jean Pinaut, ministre de Genève, m'a conté qu'il lui en
+prit autant à Chamberi.
+
+
+
+
+DISTINCTION.
+
+
+XVI. A cause de quoi, il avient toujours quelque disgrace à ces pauvres
+innocents, & leur tombe quelque échec; témoin celui qui précédoit à
+Dampierre, quand nous y cherchons la pierre philosophale, avec tous ces
+barons de Normandie, & que nous bûmes le bon vin que Nabot avoit
+persuadé à monsieur de Chansegré d'y faire apporter, pour en faire de la
+poudre de projection. Il y avoit blanc & rouge; c'étoit faire la pierre
+pour la projection de l'argent & de l'or potable. J'avois avec moi mon
+Pierre, qui étoit un bon vaurien. Le dimanche venu, nous ouimes le
+sermon d'un cordelier qui avoit une ulcere en une jambe; & le thême de
+son prêchement étoit _Modicum_, qu'il répéta plusieurs fois, ce qui fut
+cause que mon valet sortit, disant: que diable avons-nous affaire, si le
+maudit con lui a fait tort? Les faucons engendrent les mauvais, & les
+mauvais les faucons. Quand ce moine fut guéri, il s'en alla & prit congé
+du cul & de la tête, comme c'étoit la coutume: or, étoit-il galant de sa
+personne, dispos & courageux, (j'ai quasi dit _vaillant_, ce qui
+n'appartient qu'à nous, chevaliers & écuyers.) Le frere, passant sur
+l'étang de la Ferriere, fut rencontré de deux voleurs à pied, qui eurent
+envie de son habit, par quoi ils lui dirent: frere, cet habit vous est
+trop chaud & importun; baillez-le nous un peu à porter pour votre santé.
+Sans faute, dit-il, messieurs, tout est à vous, corps aussi; je vous
+supplie me donner congé de me dévétir, & n'outragez point ma pauvre
+personne. Ce qu'ayant dit, il met son bâton à deux bouts à terre, le
+pied dessus, & dévêt le froc, qu'il leur jetta aux pieds, puis reprend
+son bâton, & tout en pourpoint leur dit humblement: messieurs,
+prenez-le. Un d'eux se baissant pour l'amasser, le moine lui vint
+décharger un si grand revers de son bâton sut l'autre flanc, qu'il
+l'envoya béchever du long de la levée. Cette épauliere ainsi déchargée
+sur le haut de la personne de ce vilain, qui cheut sur le ventre comme
+une grenouille éhanchée, épouvanta tant le compagnon de l'écrasé, qu'il
+s'enfuit; & le cordelier de le supplier courtoisement de venir au reste.
+Le trébuché, qui craignoit le demeurant, disoit: ha, frere Gilles! Mon
+bon pere confesseur, je me jouois, vous êtes bien rude de ne prendre
+rien en jeu! Et le moine s'avança de lui apprendre les dimensions, non
+du _baculus_ de Jacob, mais du bâton de Gilles, & le pauvret de crier:
+hélas, monsieur, pardon! A ce mot de monsieur, il le recommanda à tous
+les diables, & s'en alla aussi. Il y a trois sortes de gens qui n'aiment
+point à être appellés par leur nom: comme vous diriez chien & chat,
+moines, ministres, prêtres, putains & bâteleurs. Minon & chat,
+c'est-à-dire, monsieur; à cela vous connoîtrez qu'il faut dire mignon,
+monsieur le prieur, notre maître, &c.
+
+OECOLAMPADE. Le docteur de chez nous ne fut pas si habile, quand sa
+garce le battit, parce qu'il se laissa égratigner le visage; & le
+lendemain, comme on lui demanda qui l'avoit ainsi marqué, il dit que
+c'étoit un fagot.
+
+EMPEDOCLES. Diantre, quel fagot! C'est possible un fagot de foin, ainsi
+que le rapporta maître Alain, qui fut trouvé avec une garce; il ne
+s'excusa pas comme Denost, qui, au chapitre, quand on le tença qu'il ne
+bougeoit d'avec les garces: certes, ce dit-il, je n'y ai pas été depuis
+_Quasimodo_. Aussi venoit-il de coucher avec une.
+
+SIMLER. Tu en as toi qui parlois tantôt de foin pour chair: mais, si on
+te tournoit de langage, te donnant à déjeuner, & que pour de la chair on
+te donnât du foin, que seroit-ce?
+
+LEON HÉBREU. Ah! voilà bien argumenté pour un vieil plaideur. Notez que
+tout honnête homme ne mange point de morceau de boeuf, ni de morceau de
+pourceau. Pourquoi? parce qu'un morceau de boeuf est une poignée de
+foin; & un morceau de pourceau, c'est un étron, qui vous puisse servir
+de masque à carême prenant.
+
+PERICLÈS. Les gens ont tort; & celui qui parle a raison; mais il mâche
+de travers, & si je vous dirai qu'il n'y a gueres qu'il le sait: il ne
+le dit encore gueres bien.
+
+EMPEDOCLES. Vous n'avez pas dit, comme on dit monsieur en moine.
+
+SIMLER. Ho, vous en souvient-il? J'étois bien loin. Et que sais-je?
+Notez que ceux qui parlent tant des friponniers d'un état doivent en
+être, en avoir été, ou les avoir trop fréquentés. J'étois vragnant en
+Savoye, où j'écoutois parler à son altesse.
+
+VIVES. Et moi à Rome, où j'oyois supplier sa sainteté.
+
+CARDAN. Et moi en enfer, où j'oyois dire sa diablerie.
+
+L'AUTRE. Et moi chez notre archevêque, où l'on baisoit les mains de son
+archiepiscoperie; & il répondit à son suffragant: j'honore votre
+espiscoperie; & à un chanoine: je me recommande à votre chanoinerie.
+
+SIMLER. Je voyois un mignon qui parloit à un jurisconsulte, & lui
+disoit: comment se porte votre conseillerie. Aussi sa conseillerie lui
+avoit donné à dîner. Comme sa majesté lui avoit donné sa lettrerie, j'ai
+pensé dire sa _ladrerie_, soient sauvées les jumens. Nous sommes, je dis
+vous autres, de grands sots. Je ne pensois pas que cette femme eût la
+tête si fausse, de taper ainsi son pauvre maître de docteur.
+
+TEXTOR. Je vous prie, parlez bas, & ne vous mariez point de peur d'être
+cocu. Mais je me trompe, j'ois ce beau procureur qui en parle; il est
+marié, il est heureux, sa femme est grosse, elle accouchera.
+
+SIMLER. Parlez sobrement des femmes.
+
+TEXTOR. Tu y devois bien venir, toi qui a si belle femme. Par ma
+conscience, elle est belle & de mérite, & des plus jolies du monde: & je
+suis fâché pour elle d'une chose; c'est qu'elle est la femme d'un cocu,
+qui a pendu aux fesses les trébillons d'un veau.
+
+SIMLER. Par Hercules, à la fin, tu troubleras ma patience. A ce conte,
+tu ferois ma femme putain?
+
+TEXTOR. Si je l'avois couverte, sans doute elle le seroit, & l'aurois
+faite telle.
+
+SIMLER. Mais qu'as-tu affaire de dire cela? Tu sais bien qu'elle est
+femme de bien; à grand-peine seroit-elle débauchée. Vraiment, elle
+n'aime point le déduit; aussi je ne prens pas plaisir d'avoir affaire à
+elle.
+
+TEXTOR. J'y en prendrois bien, quant à moi.
+
+SIMLER. Si tu me fâches, je te pousserai & te hâterai d'aller.
+
+TEXTOR. Je ne veux qu'aller au palais de Paris, pour être poussé, ainsi
+que répondit Limois au conseiller son maître, qui lui promettoit de le
+pousser. Pargoi, monsieur, je serai plus poussé en demi-heure, à la
+sortie du châtelet, ou du palais, que ne sauriez me pousser, toute votre
+vie. Au reste, pauvre homme, je voudrois que tu m'eusses tant hâté
+d'aller, que j'eusse passé le mauvais tems.
+
+SIMLER. Encore tu te moques? Va, je veux bien être cocu; mais si tu me
+courouces, je te ferai porter les stigmates des cornes de cocus.
+
+DIOSCORIDE. Voilà une drogue dont je n'ai jamais ouï parler: apprenez-la
+moi, pour la mettre en mon livre.
+
+MADELAINE. Voilà cette belle Diotine, qui est enragée de faire leçon aux
+doctes. Demandez-lui. Toutefois j'en sais plus qu'elle; mon mari me l'a
+appris.
+
+
+
+
+PARTIE.
+
+
+XVII. Quand je tenois école d'écriture à Toulouse, avec les chanoines de
+Saint Sernin, d'entre lesquels il y en avoit un qui étoit curé là
+auprès, & entretenoit la premiere femme de mon mari, laquelle étoit
+belle. Un jour, j'oyois ce mari qui parloit à elle: d'où viens-tu?
+fit-il. Du four, fit-elle. Que faire? fit-il. Un tourteau, fit-elle.
+Est-il bon? fit-il. Tâtez-y, fit-elle. Est-il chaud? fit-il. Soufflez-y,
+fit-elle. Et où, fit-il. A mon cul, fit-elle. Ha putain! fit-il. Ha
+cocu? fit-elle. Ha, ha, fit-il. A, a, fit-elle. Voilà comment je suis
+femme de cocu; & si, je suis femme de bien; ce que l'on ne penseroit
+jamais. Cependant je conserve bien mon bon homme en sa qualité, sans
+faire faute de mon corps, non plus qu'une nonnain griesche. Si est-ce
+pource que je me tenois assez mignonne, on parloit mal de moi; en dà, on
+avoit tort; c'est parce que je n'eusse su faire que ce qui déja étoit
+fait. Et puis, comme j'ai appris des docteurs que j'ai fréquentés jour &
+nuit, le cocuage est un caractere indélébile, tenant comme moinerie au
+corps & à l'ame d'un profès; & bien plus fort, mais non si visiblement
+que merde en derriere de chemise. Et parce que cela étoit, je me
+contenois fort en devoir, aimant bien mon mari, que je mignardois, tout
+ne plus ne moins que si j'eusse été un peu putain. Et de fait, comme,
+étant femme, je sais la nature féminine, je vous assure qu'il n'est aux
+hommes que d'avoir femmes qui en tiennent tant soit peu: cela est levain
+de perfection, pourvu qu'elles n'en soient âpres; & ce d'autant que
+telles femmes aiment mieux les hommes, & les servent mieux quand ils
+sont malades, & avec moins de dédain que ces sottes femmes de bien.
+Encore que je traitasse bien mon preud'homme, si est-ce que quelquefois
+il se fâchoit contre moi: & sur-tout une fois, qu'il me trouva devisant
+d'affaires avec un commandeur, qui, pour me guérir du mal de la colique,
+m'avoit appliqué sa croix sur le bas de l'estomac, & me disoit à
+l'oreille les paroles qu'il y falloit dire pour ma santé. Mon vieillard
+eut une fausse impression, dont il me querella; mais je le fis taire. Or
+sus paix, c'est assez. Que tu es méchante. Voire, si je ne l'eusse fait
+taire, il eût huché jusques à demain. Je l'eusse volontiers battu, sans
+que dieu & vergogne le défendent; & y eût paru, parce que je lui eusse
+fait sentir, non les cornes de cocu, ains celles de sa femme.
+
+MECENAS. Mais quelles sont les cornes d'un cocu, & celles des femmes,
+qu'elles fassent ainsi mal?
+
+MADELAINE. Sont les ongles. Il vous faudroit mettre dessus; encore ne
+vous en appercevriez-vous, non plus que le pauvre meûnier qui étoit sur
+son âne, & fut surpris d'une grande procession, qui le pressoit fort; &
+lui, ayant son bonnet à la main, dandinoit, regardant la banniere & les
+beaux joyaux. Deux ou trois fripons, approchant de lui, couperent les
+sangles de son bât, & soutinrent le bât assez long-temps, portant le
+drôle, tandis qu'un autre arrêta le mulet, le tenant par la queue, comme
+une anguille. Quand ils l'eurent assez porté, ils le planterent-là; & le
+pauvret de crier & hucher: & où est mon âne? O, va le chercher. Or,
+puisqu'il faut tout dire, ce bon homme étant mort, j'épouse, pour la
+seconde fois, le plus grand sot du monde, tant à cause de lui que de
+moi. Je n'ai point honte d'ainsi parler, puisque je ne ments point.
+Voilà! son âne m'étoit contraire: ainsi, par ma finte, il avoit eu deux
+autres femmes, dont la seconde étoit une des plus femmes de bien de la
+terre; & elle ne fut pas si-tôt avec lui, que l'astre de cet homme ne la
+rangeât au point des soeurs. Je dis donc ceci avec toute gloire, à cette
+heure que je suis fille pénitente, & qu'il y a du plaisir à raconter les
+vieilles vétilles, & que c'est un grand mérite, que de se souvenir de
+ses fautes, dont par ainsi la rétribution est grande en pardons,
+abondant sur l'iniquité. En ce mien mariage, je me gouvernai en femme de
+bien, ne plus ne moins que les dames de Paris, qui ont des intervis.
+
+CESAR. Quels diables sont-ce?
+
+MADELAINE. Vous le saurez tantôt. Et ne m'avint qu'une douce infortune,
+en quoi je ne fis point de faute, parce que Pichonneau disoit, en
+chaire, que ce n'étoit point péché, quand on n'en tiroit ni profit, ni
+plaisir. Il y eut un beau jeune homme de bonne maison, qui me fit
+l'honneur de m'aimer; &, parce qu'il étoit fort apparenté, crainte que
+je fusse cause qu'il lui avînt du mal, je le laissai faire de moi ce
+qu'il put, sans que j'y apportasse aucun consentement: aussi je n'y
+prenois aucun plaisir. Je le laissois faire à son aise pour le
+gratifier, & pour le grand amour qu'il me portoit, afin qu'il ne m'en
+pensât tant son obligée, & qu'il en prétendît récompense: je lui
+permettois & voulois bien qu'il eût tout plaisir qu'il vouloit de moi,
+puisqu'il disoit qu'il y en trouvoit, encore que cela ne m'en fît
+aucunement.
+
+PORCENA. A qui fait-il plus de bien, aux hommes ou aux femmes?
+
+GEBER. C'est aux hommes, dit Saint-Gelave. A, ha, ha, dit mon compere
+Bardou, vous vous trompez; c'est aux femmes. Avisez que si l'oreille
+vous démange, & que la gratiez de votre petit doigt, qui a plus de
+plaisir & de bien? N'est-ce point l'oreille? Et puis il y a en la
+chanson: _vous aurez sur l'oreille_.
+
+MADELAINE. Je ne sais rien de tout ce que vous dites; vous êtes des
+causeurs; je ne prends point de plaisir à si peu de chose. Bien que l'on
+me l'ait assez voulu persuader, à ce que l'on disoit, & qu'on a dit de
+moi ce qu'on a voulu, je me suis pourtant portée en tout honneur.
+Pensez-vous qu'une femme ne puisse pas coucher avec un homme, sans
+toutes ces badineries là? Pour autant que cet honnête bon seigneur avoit
+couché avec moi, & que l'on disoit qu'il y avoit danger, ce que je ne
+trouvai onques, je fus à confesse; & comme le prêtre m'enquêtoit
+soigneusement, je répondis avec un bel excès de contrition de coeur,
+selon les péchés que j'avois commis, ajoutant que j'avois fait un
+oiseau. Comment, ce me dit-il tout émerveillé, un oiseau, ma mie? Oui,
+monsieur. Le pauvre petit bon homme n'entendoit pas que je parlois d'un
+cocu; & de-là vint le proverbe, que depuis on a dit: _pauvre prêtre_, vu
+la pauvreté de cettui-ci en science. Et pour vous faire entendre
+l'excellence & la vive nature de cet oiseau, il est convenable de savoir
+qu'il ne s'engendre point comme les autres. Il est éclos, fait, parfait,
+dressé & accompli en un moment; il ne faut qu'un coup de bandage. Aussi
+monsieur des Fléches m'en avoit averti, me voyant deviser avec ce
+gentilhomme. Il me dit: par le corbeau du bois, ma mie, ce godelureau te
+scellera un passeport sur le ventre. Cela ne s'est pu détourner; les
+destinées le vouloient: il est vrai que je l'aimois; & si j'eusse été à
+marier, je l'eusse aimé pour ami, & non pour mari, d'autant qu'il
+n'avoit point de chausse-pied de mariage.
+
+MÉCENAS. J'ai beaucoup vu & ouï des poëtes à ma table, & en mes
+particuliers discours, & infinis philosophes & autres docteurs; mais je
+n'avois jamais ouï parler de tel outil.
+
+MADELAINE. Ce sont les filles de ville, & sur-tout de Paris, qui parlent
+ainsi; & voyant quelque jeune homme qui est pourvu de quelque état ou
+office, elles disent: il a un chausse-pied à con.
+
+MÉCENAS. Je ne savois pas cela.
+
+
+
+
+SECTION.
+
+
+XVIII. Bien ai-je ouï dire à Philon Juif, quand il me fréquentoit, qu'il
+avoit demeuré en un pays, où les gens mariés sont en grand peine, au
+prix de ceux de ce pays; c'est que, quand l'homme se veut ébattre
+naturellement avec sa femme, il faut qu'il ait deux serviteurs, ou deux
+autres personnes ou amis, à la pareille, qui lui aident & le tournent
+sur sa femme, comme quand on perce le noyau moyen ou bouton d'une roue;
+& les tours se comptent selon les qualités des personnes, pour faire
+mâle ou femelle, roi, prince ou empereur. Il est vrai que, si on n'est
+pas capable d'engendrer ce qu'on a apposé, le bout se trouve si petit,
+que l'on ne peut plus tourner. Et de-là est venue l'origine des fils de
+putain, bâtards, avoutres, gueux & pendus; & pour connoître si les tours
+sont achevés, il est aisé, d'autant que la femme tourne; & c'est le
+signe qu'il n'y a plus de quoi virer masculinement. Je m'enquis, avec
+ample diligence, de la cause de cette affaire; & je sus qu'en ce pays-là
+les femmes avoient leur cas fait à vis; tellement qu'y ayant fait, il
+faut retourner, comme disoit dame Jaqueline que son cas sentoit le
+revas-y.
+
+MELA. Notre coutume vaut mieux; tant d'artifice est triste; ce n'est
+jamais bien fait.
+
+MÉLANTON. Aussi en faisant, on fait. Mais qui est le sujet le plus
+imparfait qui soit au monde? Il y en eut quelqu'un qui dit: ce sont les
+cocus, d'autant qu'ils ont cornes, & ne les voit-on point. Ce sont les
+chats, ils crient & chousent ensemble; aussi n'y a-t-il animal si
+farouche, qui ne s'arrête quand on l'affourche.
+
+L'AUTRE. Voilà bien à propos! Vous n'y êtes pas, & n'aurez meshui fait.
+C'est la femme, d'autant qu'il y a toujours à besogner, & sur-tout à
+celle d'un cocu.
+
+MELA. Que diable, vous en voulez bien à ces pauvres cocus! Je pense que
+vous le soyez, ou l'ayez été, ou ayez envie de l'être, comme un beau
+financier qui n'a pas payé son état. Et là-dessus, monsieur le beau
+diseur, je vous demande, qu'est ce qu'un cocu? C'est, dit Vigenaire, un
+oiseau qui pond au nid d'un autre.
+
+GEBER. C'est bien chié en trois lieux. Il faut, à ce que je vois, que je
+vous leve le voile qui empêche votre coeur de comprendre les sciences; &
+je vous dirai des choses notables. Ce fut par la déclaration de ce
+secret, que l'empereur des Turcs me fit si grand, quand je reniai le
+christianisme, où je retournai pourtant, à cause que l'on m'apprit la
+vérité de la pierre: & pour le sujet proposé, il n'y a personne qui vous
+en parle plus sainement que moi, & sans passion, d'autant que j'ai été
+cocu. Dieu merci, je me porte bien: qu'ainsi soit-il de vous. Et de cela
+je m'en trouvois bien, sans m'en fâcher, d'autant que j'en étois fort
+aise, parce que j'étois toujours le maître: on me craignoit, révéroit &
+honoroit. Et qu'avons-nous davantage en ce monde pour l'accomplissement
+de nos desirs ambitieux? Or, sachez tous en gros & en détail, que le
+cocu est un animal capable de douceur, humble & pacifique, craint,
+redouté & honoré de sa femme, & des amis d'icelle, desquels il est
+considéré comme maître du gibier; & ne se faut pas amuser au nom de cet
+oiseau, mais d'un autre plus meilleur. Il n'y a guere d'animaux entiers
+mâles qui aient plus de faveur que le coq (entier est le contraire de
+châtré) puisque je vois que vous le voulez savoir; le coq a plusieurs
+femmes qu'il fournit & appointe, tant il est délibéré & bon; mais sitôt
+qu'il est usé, les poules le chassent & le battent, & n'en veulent plus,
+& ainsi le destinent à châtrerie, & en admettent d'autres vigoureux &
+bons. Ces femmes qui couvent & font des cocus, sont de même naturel que
+les poules. Qu'ainsi ne soit, une femme prête à faire l'enfant, crie
+comme une poule qui veut pondre: je voudrois être morte. Etant délivrée,
+elle chante comme celle qui a pondu; il n'est que l'être; cependant que
+le coq chante: _qu'un con est cru!_ & s'en rit, disant: je le fais quand
+je veux. Ainsi sont nos femmes en leurs actions & desirs, tellement que,
+leurs maris étant usés, ou les estimant tels, ou les voulant ménager de
+peur de les user, vont à d'autres: en quoi je vous admoneste de la
+différence du péché mortel & du véniel. Le péché mortel est, si vous
+allez voir la femme d'autrui chez lui, & qu'il vous tue; sans faute la
+mort sera toute notoire. Faites venir la dame chez vous; le péché sera
+véniel. Les dames faisant ainsi le petit divorce vertueux, il ne se peut
+faire que les sages amies ne le sachent; parquoi les avertissant de leur
+salut, elles leur disent: comment, pauvre femme, ma mie, votre mari est
+donc cocuusé? Et ce mot venant à être commun, & qu'aussi on coupe la
+queue à ces pauvres innocens, on dit simplement cocu: & certes, sans
+mahumétiser, je vous dirai que c'est bien avoir la queue coupée, que de
+la mettre en danger d'être prophanée dans un évier public ou commun. Or,
+le cocu est un oiseau qui, pour ce qu'il a deux pieds, chante mieux &
+plus distinctement que nul autre, ayant de la raison jusques au cul. Que
+si cela passoit outre, il ne seroit pas cornard.
+
+ZABAREL. Mais voyez cet alchimiste, comme il avale gros & mâche menu! Je
+ne sais s'il court comme il attrape. _Corpo di gallina_. J'ai fait tout
+ce que j'ai pu, pour savoir & entendre parfaitement la philosophie: mais
+je vois que jusques à cette heure, s'il dit vrai, je n'y ai rien
+entendu. Il n'est que monnoyeur pour se connoître en billon. Notre ami &
+bon maître Aristote ne fait aucune mention de tels oiseaux. Notez bien
+ce que je dirai à l'honneur des dames, contre celui de tantôt qui les
+appelloit bêtes, afin que l'on n'ait pas opinion que je fusse entaché du
+péché qui les fait hair. Je dis que ce fat étoit tant niais, tant veau
+de dîme, âne de plat pays, sot d'outre mesure, Badeau de Paris, &
+bestion de si grande conséquence, qu'il pensoit que ce mot _animal_, fut
+à dire _bête_. Il me fit souvenir de feue Conscience, belle courtisane,
+qui ne vouloit pas que ma petite chienne fût une créature, & ne lui
+plaisoit pas d'être animal. Hoi, disoit-elle; Bichonne n'est point
+créature, & je ne suis point animal. Or, maintenant j'ai reçu une grande
+lumiere d'entendoire; je suis illuminé comme un fallot qui tombe tout du
+long d'un degré, & je conçois qu'il y a des oiseaux de poing, des
+oiseaux de leurre, des oiseaux d'épaules, comme ces oiseaux de maçons, &
+des oiseaux de selle. Les deux premiers, je les laisse à messieurs de la
+volerie, autrucherie, fauconnerie, & autres qui savent appliquer le vent
+aux aîles. Je croyois qu'il y eût des autruchers qui portassent les
+autruches sur le doigt; & les derniers je les spéculerai: d'autant que
+je trouve, en les minoisant intelligiblement, une grande, creuse &
+profonde sapience, en tant qu'ils se font naturellement, & se procréent
+par imperceptible transpiration de substance, faisant une grande
+mutation sans changement, acquérant une forme sans altération. O
+admirable & épouvantable secret, entre tous les secrets! Ceux qui ainsi
+deviennent oiseaux, le sont parfaitement, sans qu'on les touche, sans
+qu'ils le sentent, & souvent sans qu'ils le voient ou sachent; de s'en
+douter, gare! Il est permis de se douter de tout: n'y a presque homme
+qui n'en ait quelque doute. Or, pour être cocu, il en faut être capable;
+& pour cet effet, il faut avoir une femme épousée; & ne faut pas
+seulement avoir égard à la mine ou encolure mystique qu'un homme en peut
+avoir, à cause de l'influence sous laquelle il est né, selon son idée
+naturelle & prédestinée: mais il faut considérer le vouloir & pouvoir
+des parties intervenantes en cette métamorphose, qui agit exactement
+autant de loin que de près. Il n'y a rien en tout de semblable; &,
+disent les alchemistes ce qu'ils voudront de leur poudre de projection,
+ou cendre à faire des nuances; cela n'est rien au prix, d'autant qu'il
+faut qu'il y ait de la présence, ce qui est le contraire en ceci. Celui
+qui aura fait le fou tout le long des jours gras, n'assagira pas le
+mercredi par la cendre, si elle ne lui est posée en propre personne
+présente. Et tel sera joyeusement cocu, quand il seroit à l'autre bout
+de la terre; & ce en un instant. Cette forme court plus vîte que
+l'éclair. On dit, selon le conte des bonnes femmes, que les tortues
+couvent leurs oeufs avec les yeux: aussi font tous animaux, parce qu'ils
+ne les laissent pas, si de fortune ils ne les ont perdus, comme la
+borgne, à laquelle nous savonâmes tous les fauxbourgs du derriere,
+l'année passée. Et bien les oeufs de tortues, auxquels elles ne touchent
+point, éclosent à la fin; & il se fait une mutation formelle, comme il
+convient ès transformations naturelles, si elles ne sont
+chimico-mentales. Ces changemens se voient en ce qui est commun; mais en
+ces oiseaux rien n'y paroît de changé, ni en la forme, ni ès accidens,
+ni en la naturelle, ni en l'espece intrinseque, ès formes qui se
+reçoivent sans mutation de substance; encore y a-t-il du mouvement au
+sujet de muance. Mais en cettui-ci, soit qu'il s'émeuve, ou ne s'émeuve
+point, & quelque absent qu'il soit, il est pénétré, transpercé,
+outrepercé, surpris, enduit, enveloppé, & tellement organisé en
+spécifique & disposée formation, que subitement, subtilement, tout d'un
+coup, voilà un homme cocu, comme il sera démontré tantôt.
+
+
+
+
+EPÃŽTRE.
+
+
+XIX. NICOLE. J'ai ouï autrefois en notre ville de Paris, un prêcheur,
+(je ne dirai pas de quel ordre, de peur de scandale) qui se mettant à
+prêcher, fit une ample déclamation des péchés. Comment, disoit-il,
+encore celui qui jure, il relâche son coeur & demande pardon; celui qui
+vole, c'est pour s'accommoder, & ainsi des autres, comme dit notre rime.
+
+ Pere & mere honoreras,
+ Afin d'avoir bien de l'argent.
+ L'oeuvre de chair n'accompliras,
+ Qu'avec les belles seulement,
+ Faux témoignage ne diras,
+ Qu'en mariage seulement.
+
+Mais celui qui paillarde, hélas! que fait-il? il fout. Si cela duroit
+toute la vie! Que dis-je, toute la vie! S'il duroit un an! Que dis-je un
+an! S'il duroit un mois! Que dis-je, un mois! S'il duroit un jour! Que
+dis-je un jour! S'il duroit une heure! Que dis-je, hélas! une heure!
+Hélas! le puis-je bien dire aux pauvres dévoyés? Hélas! quoi? il ne faut
+que zac, zac, zac; voilà une pauvre ame damnée. Aussi monsieur de Senlis
+disoit: vive la majesté de dieu, vous êtes pécheurs. Quoi! Et en ce
+péché de luxure? Et que pensez-vous que ce soit? C'est une petite
+planche qui n'est pas plus large que deux doigts, sur laquelle étant,
+soudain on trébuche. Et dis que tu en as, viel hérétique de tous les
+diables. Si vous êtes de cette chouserie-là, allez à Genêve.
+
+GEBER. Mais encore à ces cocus, que si, à la fin ou plutôt, il vient à
+le savoir & qu'il s'en fâche, il sera un sot, s'ennnuyant de chose qui
+ne diminue ni accroît sa substance, parquoi il sera encore plus fat. Il
+doit avoir cette gloire en son coeur de l'être, sans en faire semblant,
+d'autant que tels sont honorés & bénits; & on se moque de ces pifres,
+qui veulent faire les savans, & se tourmentent comme ânes trop sanglés.
+Or jamais les antiques docteurs ne spéculerent tant avant, que l'on met
+avant ces formes qui sont tant excellentes, notables & mystiques; &
+certes ceci est proprement ce qui est & n'est point, & qui s'acheve sans
+être commencé, comme est dit que l'homme & la femme ne sont qu'un corps:
+par quoi un ministre & sa femme ne font qu'un: _ergò_ un ministre est
+mâle & femelle. Quant à ces formes, elles n'ont point d'heure: il ne
+faut point spéculer les astres; les temps ni les momens n'y servent de
+rien, qu'à y apporter de la commodité; tous instans sont propres à les
+faire subsister; & toutes rencontres bonnes à les exciter, pourvu qu'il
+y ait de la vigueur aux doux heureux outils de formation naturelle, &
+que l'on sache & puisse. O belles contemplations, que vous êtes
+vigoureuses & grandes? Ces beaux discours me font voler encore plus
+outre, connoissant le naturel des bons seigneurs, à qui la fortune donne
+de devenir oiseaux; & je m'ébahis qu'en France & en Perse, nations tant
+symbolisantes, on ne le désire plus qu'on ne le fait. Je ne le dis pas
+sans cause, moi qui suis gentilhomme, & qu'en tels pays chacun desire
+l'être; & pour être gentilhomme, faut avoir droit de pont-levis; c'est
+avoir deux brancards sur le front, lesquels on passe ainsi que la tête
+de bécasse béant aux étoiles. Beaux oiseaux, vous m'apprenez beaucoup de
+bien; je sais à cette heure & tout maintenant, que pour votre seule
+occasion, Normandie est appellée le _pays de sapience_, d'autant qu'en
+ce pays-là les belles, bonnes, grosses, grasses bécasses y sont nommés
+vis de coqs, quasi _vis de cocus_: aussi _vis_ signifie _visage_ en
+vieil françois; donques _visages de cocus_, c'est-à-dire, _vis de coqs_,
+sont bécasses, d'autant que leurs têtes sont les propres archetipes
+visibles des invisibles visages des cocus. Cette intelligence & propre
+interprétoison vous ôtera de peine, quand vous en orez parler. Si la
+belle Dubois (qui servoit madame l'amirale, notre chere & révérée dame;
+je ne sais si je dis encore bien, parce que l'âge m'a ôté la mémoire)
+eût su ce que nous venons d'apprendre, elle ne fût pas tombée en un tel
+inconvénient. Cette demoiselle étoit fort agréable à sa maîtresse, parce
+qu'elle savoit une infinité de petites gentillesses & galantises qui
+sont communes, & toutefois secretes, mais utiles à la cour. Il avint une
+fois qu'il n'y avoit point de compagnie étrangere, madame devisoit avec
+la Dubois, & lui disoit: ma mie, vraiment je vous aime; j'ai envie de
+vous avancer & faire du bien: continuez à me bien servir. Mais encore,
+ma mie, qui vous a appris toutes ces gentillesses? Madame, dit elle,
+c'est une demoiselle avec laquelle j'ai demeuré quelques années. Comment
+la nommoit-on? Excusez moi, madame, je ne vous l'oserois dire. Pourquoi,
+ma mie, en avez-vous honte? N'étoit-elle point femme de bien? Elle étoit
+fort honnête & très-femme de bien; elle avoit une bonne prud'hommie de
+femme; mais son nom est trop laid & trop déshonnête à dire: je ne vous
+le dirai pas, s'il vous plaît, madame. Si vous ne me le dites, je ne
+vous aimerai plus; mais dites-le moi, les paroles ne sont point sales.
+Puisqu'il vous plaît, madame, je le dirai; mais aussi vous m'excuserez.
+En dà, j'en ai grand honte: elle se nommoit mademoiselle de Courvi. O
+ho, ma mie, & est-ce là ce qui vous retenoit? Vous ne savez que mon nom?
+Ne savez-vous pas comme je m'appelle en mon surnom, qui est le nom de
+notre famille? De Lonvis. Hà, madame, que votre nom est beau! Voilà
+comment on apprend, en hantant les sages: ainsi par hantise se forment
+les têtes de bécasses & compas mesurant le ciel. Telles sont, ou
+peuvent, ou doivent être les armoiries des doctes; à propos des
+entendus, auxquels ainsi en puisse prendre; notamment aux marchands, qui
+refusent crédit aux notaires, qui ne croient pas ce que l'on dit; & à
+toutes sortes de gens mariées, qui parlent de vexer & faire ennui aux
+pauvres petites clientes qui font plaisir aux gens de bien. Ainsi puisse
+le monde abonder en cocus, afin qu'il s'envole bientôt, s'il y est
+destiné.
+
+AGESILAUS. Quel est l'oiseau qui chante plus haut que le cocu?
+
+ALCIBIADES. C'est l'hirondelle, qui est en la cheminée, tandis que les
+cocus sont dessous, lesquels elle couvre.
+
+
+
+
+CANON.
+
+
+XX. Que vous plaît-il? J'y étois. Nous faisions si grande chere chez ces
+cocus, que nous jettions les portes par les fenêtres: cela s'entend sans
+le dire, comme les heures d'un jeune chanoine.
+
+GEBER. Taisez-vous, causeurs; vous direz quelque folie dont on vous fera
+bien repentir.
+
+ALCIBIADES. Taisez-vous vous-même; à qui vous joue-tu? Mais, encore à
+propos, qui est le plus fou de nous deux, ou vous qui lisez & oyez ceci,
+ou moi qui vous le propose, ainsi que dit notre féal Socrates François?
+
+GEBER. En bonne foi, monsieur, moi qui écris ces galantises, je m'en
+donne le plaisir le premier; & y a différence entre vous & moi, comme
+entre un pourceau & ma philosophie: oui, ne suis-je pas philosophe?
+Sachez donc que je fais bonne chere de ceci: puis l'ayant digéré, je le
+baille à remâcher, ainsi que quand j'ai bien dîné, je vais fianter; & un
+pourceau vient qui en fait son profit.
+
+L'AUTRE. Et cependant qui pensez-vous que je sois, moi qui vous produis
+tant de témoignages de parvenir? vous me pensez faire honte: & j'en
+rougirai comme un vaisseau d'albâtre. Je veux donc que vous sachiez que
+je suis moi; vous, vous êtes vous; toi, vous êtes toi; & si, je ne m'en
+soucie pas. Il est vrai que j'ai regret, pour l'amour des ignorans, de
+mettre ceci en la plus magnifique langue du monde; témoin Charles-Quint,
+qui disoit que les Espagnols parloient en glorieux, les Allemans en
+charretiers, les Italiens en charlatans, les Anglois en niais
+apprivoisés; mais les François en princes. Et de fait, il n'y a que ce
+livre, & les belles tragédies ou graves histoires, qui aient grace en ce
+langage: toutes badineries & contes de jongleur n'y paroissent point.
+Voilà pourquoi, ayant tant de majesté en ceci, lui en donnant davantage,
+j'ai grand peur que ceci ne soit difficile, que chacun le cachera, de
+peur aussi que les secrets ne soient divulgués; en quoi je crains un
+notable accident pour le pauvre peuple, si les destinées n'y ont prévenu
+& pourvu. Or est-il, & je le sens à la disposition de ma fressure, que
+les bons destins m'ont contraint de faire ce que je fais, pour honorer
+le monde. Aussi j'eusse mis ce livre en une autre langue; mais tout a
+son tour. Si ce n'eût été de peur de faire dormir la jeunesse, je
+l'eusse mis en la langue de veau; mais quoi! la vicissitude des choses
+l'a emporté. J'eusse bien dit des chouses, sans que je sais comment il
+faut parler, d'autant qu'il n'y a gueres de femmes, qui écrivent ce mot
+de chose, sans y faillir. Ignorez-vous pourquoi le vulgaire en Grece ne
+parle plus grec, en Judée hébreu, en Italie latin; & la cause pour
+laquelle ces bons langages ne sont plus vulgaires? Oyez cette vérité que
+je prononce. C'est pource que les sciences y sont traitées, & sur-tout
+la doctrine du maquerellage en latin, & que l'on n'a pas voulu que les
+disciplines fussent communes au peuple. Partant, on a caché les langues,
+pour, avec leur secret, ne les communiquer qu'aux gens de bien &
+d'honneur, ainsi que langues de boeuf à la cheminée, qui ne sont pas
+pour les gueux, au moins par délibération, si que le menu peuple n'y
+peut toucher. Et ma crainte, qui sans doute aura occasion de durer,
+d'autant que ce que je crains aviendra, c'est que ce livre venant à être
+goûté, savouré & digéré, on tâchera d'abolir le françois; & ôter de la
+bouche du peuple ce beau langage, de crainte que ces bonnes & meilleures
+doctrines ne viennent à tomber entre les mains du populaire, qui,
+avenant tel cas, feroit aussi aisément la pierre philosophale que les
+doctes, qui sans faute la trouveront ès rencontres où nous parlons plus
+finement, & disons des choses que des blasphémateurs prendroient en un
+autre sens; & pource il les faut bien & diligemment peser. Il y a encore
+un autre danger de plus grand mal: c'est que si j'eusse fait ce livre en
+grec, la médecine fût périe; si en latin, les loix eussent été abolies:
+& ne s'en est gueres fallu, que je ne l'aie mis en hébreu, pour faire
+plaisir aux théologiens, qui seuls eussent eu tout ce labeur, qui est la
+quintessence du Coras, des Talmuds, du Sefetholan, du Zoar, & tels
+livres faits ou à faire, ce que je n'ai garde, & n'en ferai rien, par
+dépit d'un moine huguenot, qui disoit que ceux qui étoient en colere, &
+ne juroient point, étoient hérétiques. Quelque tonsuré à poil folet,
+quelque docteur confit au serpolet, quelque fabricateur de prosélites;
+bref, quelque fat se pourra formaliser, & selon sa cervelle
+hypocrisifiée, dira de moi, de tous mes amis & de ceux qui font état de
+ces pures & parfaites disciplines, & prononcera que nous sommes tous
+excommuniés, comme une paire de beaux petits couillons sacrés. (Et
+pourquoi ceux-la plutôt que les autres?) La premiere fois que j'allai en
+Normandie, je n'y étois jamais venu, encore que j'en sois, comme je
+crois, ou d'autre part; mais que ne vous déplaise, je suis le premier
+Manceau qui l'a confessé. J'étois avec le sage Bouilli, philosophe
+autant naïf, qu'un oison paté. Devisant un jour avec sa femme, & lui
+disant que par dépit que je ne pouvois devenir riche, je ferois comme
+les freres mineurs: je vouerois pauvreté. O, ho, dit-elle, monsieur mon
+ami, qu'il ne vous vienne point d'envie d'être pauvre. Si vous l'étiez,
+tant de gentilshommes, seigneurs, & autres, tant dames que demoiselles,
+ne vous feroient aucun accueil, parce que l'on ne fait plus de cas de
+pauvres que de couillons: on les laisse à la porte; jamais n'entrent. De
+cela je me souviens qu'il étoit vrai; & qu'à ce fort jeu, la charrue va
+devant les boeufs, comme dit Martial notre ami; & les sacrés encore
+davantage, qui n'en osent approcher du tout.
+
+MARTIAL. Vous êtes bien trompé d'autant qu'il n'y a gens qui soient plus
+sur le cul que moines & gens bénis, ministres & savans qui étudient
+assis; & qui au lieu de conserver les saints ordres qui leur ont été
+conférés les quittent; & abandonnant l'ordre de dieu, se rangent aux
+ordres du diable, qui leur confere grace d'être plus ribauds que jamais,
+& plus putains que les autres gens. Je m'en rapporte à l'antique de
+Mairmoutier, qui se plaignoit que tous ses moines étoient paillards &
+avoient des garces; & voyant passer un jeune dispos, qui traversoit vers
+la boulangerie! je gage, dit-il, que même ce petit rustre en a une. Il
+l'appella, & moineau d'approcher. Il lui dit: n'avez-vous pas une garce
+comme les autres. Non, monsieur, dit-il, faisant une grande révérence;
+je ne suis pas encore _in sacris_. Margot ma commere, qui mangeoit de
+toutes ses dents, s'avisa de ce mot. En dà, me dit-elle, vous avez tort
+de parler toujours ainsi en latin devant les femmes. Elle étoit tant
+attentive à mâcher, qu'elle n'avoit ouï que cette parole; & continuant,
+s'adressa à un homme d'église, & lui dit: est-il pas vrai, monsieur
+l'aumônier, qu'il a tort? Dites donc, n'a-t-il pas tort? A vos trois
+vis? Et il lui répondit: à _vostracons_, madame.
+
+MARGOT. Je disois, _à votre avis_, dà. Qu'il faut parler sagement devant
+vous! Non, je n'en ai qu'un, dont je suis bien empêchée; chacun me le
+demande; je voudrois pouvoir le bailler à rente, afin qu'on ne m'en
+importunât plus. Encore si on pouvoit s'en aider sans que j'y fusse,
+cela iroit tout le jour.
+
+L'AUTRE. Vous dites que vous n'en avez qu'un; & je ne sais s'il est
+entier.
+
+MARGOT. Pour le vrai!...
+
+L'AUTRE. Tout beau! ne jurez pas; & principalement ce juron, qui est
+toujours en la bouche des putains, si on vous oyoit, que diroit-on de
+vous!
+
+MARGOT. Oui, oui; il est tout entier & joyeux; je n'y eus jamais mal: je
+voudrois en être toute; je n'aurois mal nulle part.
+
+L'AUTRE. Mais pourquoi desiriez-vous donc tantôt qu'il fût séparé de
+vous?
+
+MARGOT. Demandez-le à monsieur Robin, qui a été à Lubec, pour l'amour de
+ce qu'il m'en a dit. Je voudrois faire de même, nous vous le demandons,
+monsieur. Nous ne lui avons pas fait dire.
+
+ROBIN. Ecoutez donc ma ratelée.
+
+
+
+
+THÉOREME.
+
+
+XXI. Lubec est une ville fort bien policée, & où il n'y a point de
+pauvres; & la raison occasionnée en est, de ce que toutes les personnes
+ne sont comme ici & surtout pour le commun: de sorte que ceux & celles
+qui naissent de bas lieu, n'ont rien entre les jambes; les mâles n'ont
+qu'un petit tuyau insensible, & les femelles qu'un petit pertuis à
+pisser, y ayant ès endroits formels de certaines cicatrices à ressort;
+esquelles on peut appliquer les outils naturels de génération, s'il en
+est besoin; & tels membres sont conservés par la république avec grande
+diligence & soin: si bien qu'il ne s'y en trouve point de vieils,
+d'autant qu'ils les accommodent, de sorte que les ouvriers les tiennent
+en l'état de quinze à vingt ans; & tels sont à la maison de ville,
+réservés pour les pauvres & moindres personnes: en quoi il est bon à
+considérer la sagesse de ce peuple, pour autant qu'il n'appartient pas à
+ces cocus d'avoir autant de plaisir & si souvent, que les honnêtes gens.
+De ces outils, lorsqu'il en est nécessité, on les loue; (parquoi on les
+appelle _banniers_) qui servent à la commodité des gens de basse
+condition, pour avoir des enfans & faire des serviteurs, de peur que
+l'engeance s'en perde; & ces conbaniers & vibaniers sont comme fours,
+dont chacun paie le louage de ce qu'il en a pris. (Ce n'est point
+salauderie de dire ainsi, puis qu'il est permis de dire _confitures_.)
+Que s'il avient que ceux qui les demandent, soient si nécessiteux,
+qu'ils devinssent gueux, on les leur refuse: par ainsi, vu l'égard de
+cette bonne police, il n'y a point de cagnardiers. Même, ce qui en bien
+utile, les valets ni les chambrieres n'en ont point; il est vrai que
+_gratis_ on leur en prête en les mariant, après avoir bien servi. Aussi
+bien souvent avant que les marier, monsieur & madame leur prêtent les
+leurs par plaisir: ce qui est chose qui fait moult bon voir; & pource
+que, quand une chose a servi à quelque sujet, elle s'en sent toujours,
+ainsi que quand une chienne a été couverte d'un chien noir, & qu'elle en
+ait fait, il aviendra que toujours elle en fera; de même, dieu sauve la
+chretienté; il avient à cause de ce prêts, qu'il y a de grands seigneurs
+qui ressemblent à des valets. Mais retournons aux banniers. Cette loi
+est bonne. Aussi quelle apparence y a-t-il que gens de peu, & qui ont
+besoin de pain, aient du plaisir, comme prélats & honnêtes gens? Foin,
+foin, ôtez cela: ce n'est pas le chausse-pied, dont on coule en cet
+escarpin. Ce n'est pas tout dit une affetée; je ne suis pas content. Qui
+est-ce qui a parlé des putains? C'est moi, dit Alcibiades. Vous êtes,
+lui dit-elle, aussi un vrai ruffien. Maudites sont ces sottes, qui le
+prêtent aux causeurs! Si j'en avois cent, je n'en prêterois pas la
+moitié d'un à telles gens.
+
+ALCIBIADES. Non dà, vous le prêteriez tout entier: mais je ne parle pas
+de vous; vous êtes Tourangelle.
+
+PIERRE L'HERMITE. Ces Tourangelles sont chiches & sujettes cruellement à
+l'argent; toutefois, je ne sais s'il y a du mal; mais j'ouis une fois un
+Parisien, qui, parlant des Tourangeaux, les appella bougres de Tours.
+
+MADAME. C'est qu'il vouloit dire _bougrans_, pource que les bons
+bougrans s'y font.
+
+PIERRE L'HERMITE. Voire, voire! C'est que, durant les guerres des
+huguenots, les dames d'Orléans, bonnes catholiques, s'enfuirent à Tours;
+& les Tourangeaux, pour les désennuyer, les couvrirent. Aussi l'on dit
+_chiennes & chiens d'Orléans_.
+
+MADAME. Et delà est venu ce méchant & détestable proverbe! Que
+voulez-vous dire de couvrir? Quoi! ils couvrirent leurs yeux? Ils leur
+donnerent des couvertures?
+
+PIERRE L'HERMITE. Par saint Picot, tu nous la bailles belle! Je dis
+qu'ils habiterent & dormirent avec elles.
+
+BOECE. Habiter & dormir n'apportent rien d'extraordinaire.
+
+PIERRE L'HERMITE. Le diantre soit le stoïque: (j'ai quasi dit
+_sotique_.)
+
+ALCIBIADES. Eh! bien le voici. Habiter est à la réformée; & dormir à
+l'hébraïque; tellement qu'entre dormir avec une femme, ou habiter en
+théologien, c'est faire la belle rage que vous entendez, qui se dit
+aussi la _cause pourquoi_.
+
+MADAME. Mais ne m'abusez point; je suis femme de bien; il me faut
+satisfaire: achevez, pour effacer l'injure que vous m'avez faite.
+
+ALCIBIADES. Dites-moi quelle différence il y a entre les femmes de bien
+& les autres: & puis je tâcherai à vous contenter.
+
+MADAME. Bien je le veux; aussi-bien ai-je été l'une & l'autre en tout
+honneur: voilà pourquoi je l'entends; & sinon que je suis usée comme la
+braguette d'un postillon: le maître vous le dira; j'ai autre chose à
+dire.
+
+
+
+
+SOMMAIRE.
+
+
+XXII. Quand je fus mariée, pour être faite femme de bien, je portai de
+mariage plus de dix mille francs que j'avois? ainsi que font plusieurs
+filles de bonne maison, gagnés à faire plaisir à mes amis. Que plût à
+dieu qu'aujourd'hui le monde fût tel! Il n'y a plus de bonnes personnes
+pour bien aimer. Il y a quarante ans que l'on m'aimoit de si bon coeur;
+voire, de parfaite fressure: & aujourd'hui, on ne fait que feindre. Il
+n'y a plus de bons coeurs d'amour; on n'aime plus.
+
+ALCIBIADES. Toutes les vieilles parlent toujours ainsi.
+
+MADAME. Taisez-vous, causeur; & me contentez.
+
+ALCIBIADES. Vous n'avez pas fait tout ce que je vous ai dit.
+
+MADAME. Vous n'avez donc pas écouté?
+
+ALCIBIADES. Si vous ne savez que cela, soyez encore autant toutes les
+deux, pour en apprendre davantage. Or je vous dis que je ne sais comment
+on fera; vu que, si vous en ôtez environ de demi-pied de place, ce sera
+tout un. Toutefois, je vous dirai que j'ai ouï dire à un vieil
+spéculateur, qu'il fit un commentaire sur ce que vous avez dit de cette
+différence notable; qu'elle est telle que d'un moine à un fou. Ils ont
+capuchon tous deux. Aussi femmes ont de quoi contenter tous hommes
+capables; mais leurs vaisseaux sont différens, d'autant que l'un est à
+honneur, & l'autre à déshonneur. Et s'il y a bien pis; c'est que femmes
+de bien, souvent ressemblent aux fous, d'autant qu'elles ne savent jouer
+que d'une marote; & en fasse son profit qui pourra. Vrai est que bons
+ouvriers savent s'aider de plusieurs outils, pour bien faire; & dit-on
+que les enfans de femmes, qui font ainsi, ont volontiers le poil de deux
+couleurs, ou ont telles ou telles marques dissemblables, au respect des
+femmes de bien. Quant aux putains, je vous dirai ce que j'en ai appris,
+durant que je hantois la cour emputannée de Perse, & les gens du monde:
+j'oyois quelquefois que l'on disoit de quelques grands, qu'ils étoient
+maris de putains: j'étois si badin, que je croyois que c'étoient cocus,
+d'autant que le hazard des grands personnages est d'être cocus
+honorablement. La cause que les habiles gens courent cette fortune est,
+que l'échet de la tempête tombe volontiers sur les plus hautes pointes:
+or j'ai été relevé de cette fausse intelligence. Vous devez savoir,
+(oui, vous le devez, je vous en montrerai l'obligation) que, du tems des
+premiers hommes, il y eut en Mésopotamie une dame qui se fit reine
+absolue; & tous ceux du pays, qui parloient en hébreu corrompu, la
+nommoient _putain_, c'est-à-dire, madame, en langue babylonienne, comme
+dit Balaam en ses étymologies imprimées, avant mille ans, en la Chine.
+Notre hôte & bon ami en prêta le livre à Scaliger, quand il passa par
+Tours. Vous trouvez en ce livre, si vous le lisez, que la reine signifie
+_demoiselle_; & vesse, vaut autant à dire que _fille d'honneur_: aussi
+pour le mystique honneur qu'on porte à l'église, on appelle leurs
+contubernales _vesses_. Depuis ce tems-là, les dames qui ont eu de la
+réputation, & ont été grandes par le monde, & relevées en honneur, ont
+voulu être putains; nom qui a été fort révéré pour la révérence portée à
+la vénérable antiquité; & n'y a pas long-tems, ainsi que tantôt l'a bien
+remarqué l'autre, que par honneur, quand on parloit des dames de la
+cour, voire des plus sages & honnêtes, on disoit, pour dénoter cette
+honorable assemblée, _le bordeau de la cour_. Par cela, belles gens,
+vous ne serez plus scandalisés, (je le dis, parce qu'il y en avoit qui
+chavissoient les oreilles, comme ânes en appétit, d'autant que Platon
+n'avoit point reparti, quand il a été appellé fils de putain; aussi les
+sages ne s'étonnent & ne se formalisent de rien): or d'autant que, pour
+paroître en magnificence, il faut triompher, les dames qui étoient
+putains, _id est_, grandes, triomphoient & alloient à la guerre. Mais
+parce que, du commencement, à cause de leur délicatesse, elles ne se
+pouvoient bien accoûtrer au harnois, pour s'y façonner, elles joûtoient
+nud à nud avec les hommes, & ainsi en essayoient plusieurs, pour se
+rendre plus adroites, accomplies & fermes aux combats, afin de vaincre
+heureusement; ces joûtes se faisoient bravement. Depuis, les femmes, qui
+en ont ouï parler, & qui, à cause des troubles, n'ont pas vu clair aux
+histoires; & qu'aussi les choses déchéent, n'étant pas si roides ni
+vigoureuses que celles-là, venoient à la joûte pour se rendre leurs
+pareilles; & ayant peur en tombant de se blesser, ont fait tendre des
+linceuls & beaux draps. Après, la paix étant faite, & qu'il falloit
+néanmoins entretenir les courages par les exercices, afin d'y avoir plus
+de grace, on s'est mis entre deux draps sur de bons lits. Les femmes
+communes, je veux dire le reste des autres femmes, qui oyoient parler de
+ces joûtes, vouloient les essayer; & ainsi voyant qu'il étoit licite
+d'entrer nud à nud, comme aux étuves, entre deux draps, elles ont rendu
+cela si commun, comme vous savez, que depuis, on l'a eu en dédain entre
+les vieillards dédaigneux & hypocrites, ou chatemites; & ainsi le métier
+se prophanant, ce beau & vénérable nom de putain est tourné en opprobre
+& risée, ainsi que le saint nom de _tyran_ a été viré en mal. Je vous
+dirai pourtant que les galants diseurs & écrivains, se voulant relever
+sur le bien dire, & orner de belles fleurs leurs propos, tirant de
+l'antiquité de beaux mots & des dictions étranges, pour avoir de belles
+paroles, usent souvent de ce mot de _putain_ en bonne part, & selon sa
+vraie signification, comme fait Virgile, usant de ce mot de _tyran_.
+
+MARGOT. Mais encore, dites-nous pourquoi avez-vous parlé des femmes de
+prêtres? est-ce pour déplaire à quelqu'un?
+
+ALCIBIADES. Non, ou je me contamine, je m'abomine, je déteste, je
+trentemille, je précipite, j'horrible, je...
+
+SOCRATES. Oh taisez, taisez-vous; faites-le boire qu'il ne soit enragé:
+ne blasphémez point, pour vous facher sans qu'aucun s'en soucie, parlez
+amiablement.
+
+ALCIBIADES. Ecoutez-donc; je ne suis plus en colere; elle passe aussi
+légérement qu'un baiser de bien-venu, & avisez à l'antiquité, mere de ce
+siecle. Telles dames, comme vous savez, sont subrogées aux sages &
+saintes vestales. Celles-ci sont donc vestales? Et parce que cela est
+rude à dire, on dit _vessailles_; & pour veste, radoucissant ce mot à la
+françoise, on dit facilement _vesses_, parce que cela coule plus
+doucement en votre nez.
+
+TURPIN. Or ne vous faites point de discours, sur ce qu'ils ont des
+femmes ou non; je vous dis & déclare: que qui n'aime point l'animal de
+société, qui ne fait point de cas des femmes, est sot & méchant, ou
+sodomite. Si, laissons ces loups-garoux, instrumens de toute souillure,
+un homme, qui honnêtement aime une douce femme, est humble & gracieux:
+mais cettui-là qui les rejette, est de qualité d'usurier, médisant,
+malin, ennemi de dieu & des hommes, & qu'il s'aille faire couper le
+bout; zest, c'est autant de cas raclé. Voilà une affaire faite, aux
+autres.
+
+POMPONATIUS. Les femmes hantant les gens d'église, ne sont pas leurs
+femmes. Vraiment, vous y êtes! Non, elles sont chambrieres, puis femmes,
+puis dames & maîtresses.
+
+
+
+
+STANCE.
+
+
+XXIII. Ces chambrieres ne sont pas ainsi que celles du monde. Savez-vous
+comment elles tiennent serf le petit monsieur, & si c'est avec tout
+honneur? Qu'ainsi ne soit, prenez-y garde: quand ce ne seroit qu'un
+gueux, si elles parlent de lui, elles diront _monsieur_ sans queue.
+Elles ne sont pas comme cette demoiselle, qui, s'estimant plus noble que
+son mari, quand elle parle de lui, dit: _celui-là_.
+
+ME. PIERRE DU FOUR-L'ÉVEQUE. Encore que je ne vous fasse que verser à
+boire, si me ferez-vous, s'il vous plaît, l'honneur de m'ouir, en la
+défense des femmes, dont avez parlé, & auxquelles j'ai part. Quand
+j'étois vicaire, j'avois une femme à la mode & usage de vicairerie;
+depuis, m'étant remis au monde, elle fut ma femme, épousée selon les
+droits & usages des autres gens. Quand les femmes du premier ordre ou du
+saint, & principalement celles des pauvres prêtres, parlent de leur
+ménage & proficiat, elles disent, (non point comme femmes absolues,
+elles ont bien plus d'honneur au respect de leurs maîtres; témoin celle
+de messire Blaise, qui, au four, se plaignant de leur petit moyen,
+ajoutoit: hélas! encore si ce n'étoit nos messes, je ne sais que je
+serions), mais ce n'est pas tout, elles se tiennent si bien pour femmes,
+que, si celles des vicaires trouvent celles des messieurs, elles leur
+feront honneur; & celles des chanoines suivent la dignité & rang de leur
+monsieur. Et pensez-vous, vous qui en riez, que cela ne soit pas vrai?
+Pour vous le faire croire, je m'en rapporte aux gueux, qui, aux grandes
+fêtes, les voyant venir de la premiere grand-messe, leur crient ainsi:
+nobles chambrieres, ayez pitié de moi. Voilà, messieurs, ne vous
+déplaise; il vaut mieux en avoir chez soi pour s'ébattre en bon
+chrétien, que d'aller, comme méchant voleur, courir çà & là, en danger
+d'être pincé au colet, comme Cornu, qui mourant de la vérole, soupiroit,
+disant: hélas! je connois maintenant que c'est chose moult sainte &
+juste, que vivre de ménage.
+
+ARETIN. _Voi havete molto parlato delle putane; ma tu non hai ben inteso
+che è questo; ne sapete l'etimologia della putana, per che voi dobete
+saper una ragion maravigliosa, & notare la derivatione di tanto nome è
+celebrato, non solamente da noi, ma da tutto il mondo. Ascoltate donque,
+e notate che putana si dice, per che gli putte la tana._ Fernel se fâcha
+de cela, & dit que les choses puants sont ceux de celles qui font des
+enfans, d'autant que le cul y passe, merde & tout; mais ceux des putains
+sont si souvent brayés & savonnés, qu'ils ne puent point, & que l'Arétin
+y mette le nez, pour moult voir.
+
+PLAUTE. Il étoit bien question que ce maquereau d'Arétin nous vînt
+troubler & en parler, quarante lieues après la premiere parole. Il a
+fait comme le prince de delà les monts, qui demandant à Paris, per infor
+de velurs, & le marchand qui pensoit qu'il dit en prendre grande
+quantité, lui dit: bran, bran. Ce seigneur étant sur la montagne de
+Tarare, s'en souvint, & demanda à ses gens que c'étoit à dire bran. Le
+plus hardi lui dit que c'étoit merde. Ha, dit ledit seigneur, en ta
+gorge, marchand de Paris. C'est lui-même, qui ayant mangé des lentilles
+qui lui avoient échaudé la goule, & se trouvant en un champ, comme on
+lui eut dit: que ce qui s'étoit levé étoient lentilles; piquez, piquez,
+dit-il, qu'elles ne brûlent pas les pieds des chevaux.
+
+PIERRE L'HERMITE. Mais rentrons, à propos du ménage de Cornu, qui est de
+se tenir constamment à une chose, de peur de pis: toutefois le bon pere
+Perault m'a appris qu'il y a trois sortes de chouses, dont il se faut
+garder.
+
+TURPIN. Quels chouses?
+
+PIERRE L'HERMITE. Chouses à travailler naturellement; chouses à chouser;
+chouses que les femmes portent, sans les laisser à la maison: je ne
+saurois mieux dire, si je ne les nommois pas la tête du consistoire. Or,
+ces trois chouses sont, l'armé, le trop hanté, le pauvre. Gardez-vous du
+con armé, de peur d'être tué, en faisant le péché mortel. Je vous assure
+qu'il n'y a point de plaisir à l'être, non plus qu'à se faire pendre,
+quand on ne l'a pas accoutumé. D'un trop hanté, crainte d'avoir
+occasions judiciaires.
+
+MARGOT. Qu'est-ce?
+
+PIERRE L'HERMITE. Causes, pour lesquelles on seroit repris de justice,
+comme d'avoir chancre, chaudepisse, poulains & vérole renforcée; ainsi
+passer la basse, moyenne & haute justice: pour à quoi obvier, je vous
+dirai qu'il y a un moyen; c'est que vous fassiez comme les chiens, après
+l'avoir fait, léchez-vous le _casus_: jamais chiens n'ont mal. Aussi
+leur cas est d'os, qui est fort propre à faire des cure-dents pour
+celles qui ballent ou badinent des doigts autour leur visage, quand on
+les sonde, pour savoir si elles ont la matrice close. A propos de chien,
+je me souviens de monsieur le commandeur de Compesiers, qui desiroit
+être comme trois sortes d'animaux, à savoir, ainsi que le cigne, qui
+plus vieillit & plus embellit; comme le chien, auquel vieillissant le
+membre grossit; & tel que le cheval & le cerf, qui plus vieillissent
+plus le font. Et d'un affamé, (je reviens à nos moutons; j'y pensois
+d'autant, que voyant ce poil, je cuidois que ce fût laine) un affamé
+vous ruinera, il vous engloutira; & si n'en mourrez pas, qui est le pis.
+Voilà un bel enseignement.
+
+STURMIUS. Ne ferez-vous aujourd'hui autre chose que de parler de ceci?
+
+CESAR. Quoi! de ceci?
+
+STURMIUS. Il faut parler de cela aussi; & en dà, qui ne le diroit, on
+l'oublieroit, plus on ne le feroit; si plus on ne le faisoit, on ne
+mangeroit plus de chapons, ni de lard. Ces réformateurs-ci veulent tout
+perdre; & bien je m'en tairai, & le laisserai aux autres, & au maître de
+céans, suivant l'avis de ce gentilhomme qui soupa hier céans, qui disoit
+qu'il n'appartient qu'au maître de la maison & au coq à le faire.
+
+B. Je m'en souviens: sa fille voyant le coq qui cauquoit les poules à
+petit semblant...
+
+CICERON. (Il faut dire _cochoit_, en bon françois, comme tantôt le
+disoit notre maître Barrelette, parlant de ce que font les autres
+animaux; & ainsi que je lui ouis dire en chaire, il protestoit, de
+grande douleur, de la faute qui se commettoit au genre humain; c'est que
+les grands, & ceux & celles qui ont des juges leurs amis, si d'aventure
+vont s'exercer le bout autre part, ou faire amittonner l'ouverture
+spéculative après nature, cela leur est joliment imputé à faire l'amour
+en tout honneur & galantise. Mais si c'est quelque pauvre diable, cela
+sera dit adultere, ou paillardise, ou rapt; & puis vous fiez à ces
+Justinians de tous les diables. Or, je les recommande tous à chapitre,
+s'ils veulent être gratifiés. Ainsi il faut punir ceux ou celles qui
+n'ont de quoi maintenir ou acquérir réputation. Je m'en rapporte à ce
+que jadis nous faisions en notre ville de Rome. Si quelque pauvre
+preneur de loups étoit surpris en la réverbération naturelle, il étoit
+mené en la place publique, & là on lui appliquoit de la poix toute
+chaude au cul, qu'après on tiroit: & ainsi on lui arrachoit le poil, &
+puis en vieil & bon langage hétrusque, on le nommoit drôle qui avoit la
+fesse tondue.) Cette fille, quoi! Dites-nous donc.
+
+STURMIUS. Le coq faisoit mine de donner la venue aux poules, dont cette
+fille, qui le voyoit, & en étant fâchée, pour l'intérêt de ces pauvres
+poules qui étoient trompées, me dit tout haut: voilà un coq qui fait
+bien l'ivrogne.
+
+BEZE. Il avoit peut-être l'éguillette nouée, comme R. qui rechercha
+long-tems la belle Marguerite, avec laquelle il fut marié. Mais P. son
+corrival, qui étoit fâché de cette alliance, & qui aimoit la belle, leur
+noua l'éguillette, si bien que jamais ils ne purent avoir accointance
+mystique l'un de l'autre, qui fut cause qu'après plusieurs procédures,
+R. fut déclaré impuissant, & partant démarié; & puis, par le
+consentement de tous, P. fut en grace, & marié avec Marguerite. Le soir
+qu'ils devoient coucher ensemble, la belle étoit allée en la chambre,
+pour l'apprêter, où ayant vu d'ordre les besongnes, & la tavayole de P.
+en y nichant, elle trouva une éguillette violette nouée, qu'elle prit,
+sans que l'on s'en apperçût. Ayant avisé à ce petit ménage, elle descend
+& se vint remettre en la troupe, dont elle ne s'étoit retirée qu'à
+l'heure qu'on dressoit les tables pour le souper, qui est le tems que
+chacun va à ses petites commodités, & les filles pisser. Le soir, comme
+on eut bien dansé, qu'il ne s'en falloit gueres que l'on ne parlât de
+mener coucher la mariée, qui se feignoit lasse; P. la vint entretenir:
+eh bien! ma maîtresse, comment vous va? Elle lui répondit, selon l'avis
+qu'elle eut; & se mit à deviser avec lui; sur quoi, elle lui conta
+qu'elle avoit été voir son deshabillé, & ajouta qu'elle y avoit vu une
+éguillette nouée, dont il se prit à rire. Elle l'enquêta qu'il avoit à
+rire; & il lui conta qu'il rioit du bien que cette éguillette lui avoit
+fait étant cause qu'il l'avoit eue. Après qu'il lui eut déclaré cette
+fourbe, elle ne fit mine aucune; aussi se prit à rire, sans dire qu'elle
+eut l'éguillette. Or il fallut faire collation, & déshabiller la mariée.
+La mariée, étant avec une sienne chambriere d'âge, qui savoit ses
+secrets, fit semblant de vouloir aller à la garde-robe; mais elle alla
+bien plus loin. Elle, avec cette bonne femme, prit le chemin de la
+maison de R. Cependant on la cherchoit; & pensoit-on qu'on l'eût
+détournée pour rire, comme souvent il avient. Etant arrivée chez R. elle
+dénoue l'éguillette, & s'entre-communiquerent les douceurs prétendues; &
+l'autre fut le plus sot.
+
+TURPIN. Mais elle, d'autant que demeurant avec P. n'eût pas laissé de
+s'accommoder avec R. comme il avint à notre ami maître André, qui, à
+cette heure, est sergent. Il avoit une prébende à Chartres, laquelle il
+laissa, pour se marier avec une belle fille, à laquelle, au matin de la
+premiere nuit de ses nôces, il dit: eh bien, ma mie, tu vois comme je
+t'aime, d'avoir laissé ma prébende pour t'avoir! En dà, vous avez fait
+une grande folie; vous deviez garder votre prébende, vous n'eussiez pas
+laissé de m'avoir.
+
+BEZE. Elle savoit donc, qu'il y a des chanoines qui fouaillent? Le
+penseriez-vous?
+
+NERON. Vraiment, il les feroit beau voir, si cela étoit; ils feroient
+des enfans qui seroient charretiers, qui meneroient pere & mere à tous
+les diables. Pourquoi non ne s'ébattront-ils avec les femmes?
+
+TURPIN. Avisez-y; & sachez que cloîtriers, qui n'aiment point les
+femmes, sont toujours après à relêcher quelque vieille hérésie, sous
+ombre de dégoiser sur la réformation, parlant des vices qu'ils imputent
+aux autres, lesquels sont plus tolérables que les leurs. Hé bien,
+s'accommoder avec femmes n'est pas tant mal que de troubler la
+chrétienté; & puis, faire tel oeuvre, apporte la béatitude: de là vient
+qu'on les appelle _béats peres_.
+
+CICERON. C'est bien parlé cela, aussi ne faut-il pas dire comme le
+commun, qui dit: _beau-pere_. Et certes ils sont béats, c'est-à-dire,
+heureux, d'autant que bienheureux est le pere, qui n'a point la peine de
+nourrir ses enfans.
+
+L'AUTRE. Hé gai, vive l'amour! Il n'est que d'être quitte, libre, &
+jouir de ses amours. Ainsi puissions-nous avoir santé & de l'argent.
+
+
+
+
+ABSOLUTION.
+
+
+XXIV. Achevons en gens de bien; & laissons ces théologiens avec leurs
+vertus théologales. Quant à nous, suivons les quatre cardinales, qui
+sont rire, manger, boire & dormir. Telles sont nos vertus. Quant à
+celles de ces malheureux théologiens, selon la penarde remarque des
+scolastiques, ennemis de nature, elles sont avarice, envie, bithuminie.
+Par mon serment, & à propos d'une vertu théologale, je me souviens que
+du temps que nous étions hérétiques, & allions au prêche, nous ouimes un
+bon conte. (J'ai quasi nommé le seigneur qui nous menoit; & j'eusse tout
+conchié votre prétoire.) Or nous allions gayement, comme pélerins qui
+délogent; & nous dogmatisions, par plaisir, sans péché. Le Preux, ce bon
+marchand, étoit avec nous, qui venoit fraîchement d'Allemagne; aussi
+étoit arrivé en hiver. C'est ainsi qu'il avint au boiteux Laurier qui
+entra céans; & Multon lui dit: soyez le bien venu; je pense que vous
+êtes tenu par la pluie; vous êtes encore tout tortant. Ha, ha! Le Preux
+nous contoit des miracles: qu'avoit fait Paracelse en Germanie. Ho! tu
+t'en souviens bien, Couillette mon ami; & vous aussi, Connaut; vous
+faisiez le voyage avec nous. Ainsi il nous emplissoit de telles
+merveilles, faites à la pointe de la pincette, au ressort de la cornue,
+au tintin de l'alambic, & à l'ombre du fourneau; & ainsi amplifiant sa
+gloire, nous disoit qu'il avoit guéri toutes sortes de maladies. Comme
+je lui faisois houette: voire, ce dit-il, il en a même guéri de la
+bougrerie. Dieu sauve les chameaux hongrés!
+
+CESAR. Voilà de belles disées, de beaux dictons; c'est ce que notre
+grand chien abayoit toute la nuit: mais ce qu'a chanté notre coq,
+entendez-vous bien le jargon des bêtes?
+
+ULDRIC. Parlez à ce maître, qui parloit tantôt en poule.
+
+GEBER. Pourquoi non? Un chien abaye bien à la lune, & une chevre regarde
+bien un ministre, & un chien un évêque, dont moult il s'ébahit.
+
+ERASME. Mot, paix-là: gardez de trop dire; nous avons parlé du roi des
+alquemistes, n'en disons plus rien.
+
+NERON. Pourquoi? Il n'y a point de danger, puisque, depuis qu'il a
+produit ses oeuvres, il a si bien mis l'alquemie en la tête de tout le
+monde, que chacun s'en veut mêler: il n'y a pas même les demoiselles &
+les petits enfans, qui portent des soufflets à leurs ceintures.
+
+CESAR. C'est bien, à propos d'un évêque, venir à un soufflet.
+
+ERASME. Pas tant que vous diriez; & notez ce que je vous dirai. Jadis,
+il n'y avoit que les ecclésiastiques qui touchassent aux secrets, &
+sur-tout de la pierre philosophale; aussi tous les livres nouveaux qui
+en ont été faits, sont issus de couvents. Or est-il que les orientaux
+ont eu les sciences les premiers: & comme cette-là venoit, messieurs les
+comtes de Lyon l'arrêterent, & s'entre-communiquerent ce secret, si que
+tous s'y rendirent maîtres. En signe de quoi, pour témoigner leur gloire
+pour telle invention, ils ont depuis toujours porté des soufflets sur la
+tête; ainsi sont-ils mitrés comme beaux petits évêques portatifs.
+
+
+
+
+ARTICLE.
+
+
+XXV. Mais pour vous rendre joyeux comme un âne qui a un bas tout neuf,
+je vous commencerai encore à vous dire qu'il y a ici plusieurs messieurs
+qui se fâchent d'être nommés, parce qu'ils dédaignent la sotte gloire, &
+ne veulent pas qu'on estime qu'ils soient payés pour cela. Pensez-vous
+que Ciceron soit aise qu'on dise de lui: voilà des épîtres qu'il a
+faites? Non, non; il veut que l'on croie qu'il est avec une belle épée,
+faisant le tiercelet d'empereur. Ainsi plusieurs, qui sont gentilshommes
+portant les armes, témoignent par leurs écrits que ce qu'ils font, en
+vers ou en prose, n'est que pour dire que, s'ils y prenoient autant de
+peine que treize, ils en tireroient quelque échantillon. Ceux-là sont
+galants; ils ont le laurier des armes, où souvent ils ne savent gueres,
+& encore moins aux lettres; d'autant qu'il est mal séant à un guerrier
+de savoir.
+
+CUSA. Et puis dites que vous en avez, hérétiques, qui crevez de dépit,
+quand vous voyez un homme de bien qui profite, & que vous venez à lire
+les authentiques des peres, & vous ne savez qui les a écrites.
+
+QUELQU'UN. Or ça, pour l'amour que je porte à la bonne chrétienté, je
+vous veux enseigner une chose notable, & que vous ne trouverez autre
+part, parce que ce qui doit être dit, doit être ici. Jadis, il y avoit
+une sorte de gens qui vivoient quatre fois autant que les autres, il y
+en a encore en la hiérarchie de double linge.
+
+CICERON. Qu'est-ce à dire?
+
+L'AUTRE. Que tu es sot! Ceux qui ont un surplis, n'ont-ils pas double
+linge? Ceux-là sont les secrétaires de vérité. Aussi ont-ils charge de
+considérer les femmes grosses, les enfans qui en naissent, afin que,
+s'il avient que quelqu'un soit ou grand, ou saint, ils sachent à dire ce
+que déja il faisoit dans le ventre de sa mere, encore qu'elle eut vécu
+cent ans. Hé bien, vous ne saviez pas cela? Je vous en dirai bien
+d'autres, si vous me voulez promettre de ne vous enquérir plus de nos
+amis. Que si vous les savez, & qu'il vous plaise vous en donner au coeur
+joie, mettez leurs noms devant les articles de ces dialogues. Ceci, se
+fait, parce que nous sommes au plus délicieux des secrets, & on diroit:
+c'est tel ou tel qui les a découverts. Il ne le faut pas. Je ne sais si
+je me pourrai amancher en discours.
+
+ASCLEPIADES. Là, donc, mon mignon du Touret, pour l'amour de la
+compagnie, je vous prie ne me reprochez la vieille mode des dames; je
+m'en souviens assez. Quand j'étois page de madame Combardavit, il avint
+en ce temps-là que nous allions en un voyage d'amour; j'étois
+émérillonné comme un sacre; les filles étoient allées ployer le toret,
+c'est-à-dire, _pisser_. Or il y en avoit une qui, pour n'avoir eu le
+loisir de sortir du chariot, avoit chié en ses queues, sous le nez de
+vous. Elle étoit en la garderobe, fort empêchée, & coupoit le derriere
+de sa chemise emplâtrée, comme le cataplame d'un goutteux. Je l'épiois,
+d'autant que c'étoit une belle foireuse. Elle qui m'avisa, me va droit
+jetter au nez ce qu'elle avoit coupé de son derriere. Au diable le
+parfum! J'en eus une belle museliere; & dieu merci & vous, vous m'en
+faites la guerre.
+
+CESAR. Oh bien, je ne le dirai plus; en dà, poursuivez.
+
+ASCLEPIADES. Par mon ance! on pourroit aller autre part, qu'on ne
+trouveroit pas un homme si délibéré que moi.
+
+ALEXANDRE. Je voudrois pour la récompense, cher ami, que tu eusses
+épousé, c'est-à-dire, que tu fusses marié à la plus jolie nonnain du
+monde.
+
+ASCLEPIADES. Ho, monsieur, pardonnez-moi, s'il vous plaît; il ne
+m'appartient pas: quoi, c'est la perdrix du monde! Il faut bien pour
+colloquer la douer avec le faisan du monde, qui est le chanoine; ainsi
+tout ordre aura lieu. Hé gai, gardez-vous-en: mon pere qui avoit mangé
+de la vache enragée, & étoit délié comme soie fendue en deux, avoit fait
+mettre au front de la porte de sa maison:
+
+ Chassez au loin ces prêtres & ces moines
+ Et ne donnez entrée à ces chanoines.
+
+LE BON HOMME. En dà, tout ira bien, puisque nous rimons. Monsieur
+Bacchus commence à faire mines, aussi-bien que font les moines.
+
+CESAR. Que font les moines?
+
+OECOLAMPADE. Ils font des traits mignons & de fait; toutes bonnes
+rencontres & proverbes vieux viennent d'eux, & toutes belles inventions
+en sortent: témoin les moyens de faire hâter les jours aux papes,
+empereurs & rois. Mais, pour la modestie de Psellus qui me le fait dire,
+je passerai outre.
+
+TOSTAT. Vraiment, je vous dirai un bon conte de frere Jean Dissolez, qui
+prenoit les poires de bon chrétien du pauvre Tournereau, qui lui disoit:
+frere Jean, je vous vois bien. Et frere Jean de mettre au capuchon,
+disant: quand tu ne me verras plus, je m'en irai. Le pauvre homme s'en
+alla cacher, afin que frere Jean ne le vît plus; comme le gentilhomme de
+Bousille, qui se cachoit quand il voyoit les pauvres qui lui déroboient
+son bois, & disoit, qu'il le faisoit, parce que, s'ils l'eussent vu, ils
+n'eussent rien emporté. Frere Jean descendu, Tournereau le prit à part,
+& lui dit: frere Jean, monsieur le prieur, mon ami, vivons en paix, je
+vous prie; ne me dérobez plus mes poires, j'aime mieux vous en donner.
+Combien m'en bailleras-tu? Je vous en fournirai trois quarterons. Ho,
+ho, dit le moine, je n'ai garde de faire ce marché-là, j'y perdrois
+trop.
+
+BEZE. Sandé, celui-là savoit bien le _tu autem_.
+
+TOSTAT. Hé bien! qui pourra dire ce que cela prétend, s'il n'a été
+moine, ou à peu près?
+
+BEZE. Aussi nul ne peut médire, ni bien parler d'un état, s'il n'en a
+été, ou s'il n'a trop fréquenté les compagnons.
+
+TOSTAT. Quand les moines dînent, il y en a un qui est en chaire, qui
+leur fait lecture des actions des satrapes; & ainsi légendant, il
+barbillonne les oreilles de ses confreres, qui cassent la bribe, sans
+songer à ce que dit ce pauvre lamponnier, qui est là-haut perché sur les
+intentions dénouées, bien loin de ce qu'il dit: d'autant qu'il a
+l'oreille attentive vers le prieur, qui est sous le dais, ou en la belle
+place à mouler des intelligences de tripes; durant quoi il se souvient
+par fois de ce pauvre diable qui s'égueule à faute de s'écouter, & dit,
+en touchant du doigt sur table: _tu autem_; qui est à dire, qu'il
+finisse, parce qu'à chaque bout de leçon on dit cette fin. Si de fortune
+ce lecteur est si sot d'avoir plus d'attention à sa lecture qu'au dîner,
+(_absit_) & qu'il veuille achever jusques au sens parfait, & qu'ainsi il
+perde le temps; les autres disent, en concluant chapitralement contre
+lui, qu'il n'entend pas le _tu autem_. Ainsi en est-il du reste;
+cachez-le.
+
+ASCLEPIADES. Avant que laisser les moines, & devant qu'ils nous oient,
+voyez-vous, en voila un qui regarde. C'est le même que je vis tant
+arguër, quand notre maître Benoît fut passé docteur; il trépignoit, &
+venoit aux atteintes: pourquoi il eut un docteur, qui, se fâchant & se
+tournant, vit ce carme, & pource qu'il faut parler latin, lui va dire:
+_iste carmen_. A cela, il se tut; & ne fut plus si impudent, parce qu'on
+dit, bran pour les carmes.
+
+CESAR. A cause de quoi?
+
+ASCLEPIADES. Ne savez-vous pas qu'il y a les quatre temps pour les
+mendians, ainsi fait au compost. _Post._ Pan. Cru. Lu. Bran. _Quatuor
+tempora._ Pan; c'est pour les cordeliers, qui ont une corde toute prête.
+Cru; c'est pour les jacobins, qui ont la croix, ils sont riches. Lu;
+pour les augustins, qui sont luxurieux, à cause qu'ils portent tantôt le
+blanc, tantôt le noir. Bran, pour les carmes.
+
+BEZE. Quelle différence y a-t-il entre son, bran & merde! Je le dirai.
+
+DIOGENES. Son, est pour les cloches, ou bien en vient; bran, pour les
+pourceaux, & merde pour les médecins & pour vous. A, ha, né.
+
+ASCLEPIADES. Voilà bien de quoi rire! Laissez-moi conter ce que je
+voulois dire. Je vous dirai ce que frere Ambroise le Sené m'a dit d'un
+de ses confreres, quand j'étois enfant, & dont je me souviens, comme de
+ma premiere chemise, & vous de la premiere fois que vous vous torchâtes
+le cul tout seul, après avoir appris à manger tout seul. Ce confrere
+avoit nom Ferrand, qui étoit gaillard, & avoit toujours plus d'argent
+qu'un chien: parquoi il payoit pour un autre, nommé frere Margeou, qui
+savoit détourner la biche. Voilà comment les inventions se trouvent,
+pour avoir du crédit. Sur un bon avertissement, ces deux-ci vont
+ensemble chez Conscience, qui avoit une chambre garnie d'un lit & d'une
+couchette.
+
+PISO. Vous parlez des moines: que ne mettez-vous aussi souvent des
+ministres en campagne.
+
+ASCLEPIADES. Ils n'ont encore guères régné; & puis, s'ils venoient à
+périr, ainsi que cela aviendra bientôt, d'autant que leur fondement est
+foible, & que l'on en trouveroit tant en ce registre, cela feroit
+éveiller les esprits, pour s'enquérir quelles gens c'étoient: & par
+ainsi on réveilleroit l'hérésie, qui sera éteinte comme feu de paille
+dessus l'eau, quand on aura toujours quelque conte de moine qui fera
+rire, au lieu de s'aller amuser mélancoliquement à égratigner la
+théologie pour en abuser. Or, en la chambre préparée aux moines, il y
+avoit un malade à demi guéri, qui étoit dans la couchette; & le grand
+lit fut apprêté pour ces deux amis, qui, après souper, se retirerent
+pour se coucher, & en se déshabillant parlerent de propos de consolation
+à ce malade, qui incontinent leur donna le bon soir, & eux à lui, & se
+mirent au lit. La dame, qui avoit fait provision pour l'exercice du cas,
+avoit baillé le mot à la chambriere, qui laissa l'huis ouvert, ayant
+fait semblant de le fermer. Quelque petit espace de temps après, selon
+la diligence qu'en avoit fait Margeou, vinrent deux mignonnes, telles
+que celles qui ont ci-après été dites chevres à oreilles d'étoffe, & se
+placerent avec toute humilité auprès des freres qui les attendoient, non
+touchés de l'infirmité naturelle, (aussi ce n'est pas de tel biais que
+l'on peche, comme certains malotrus de docteurs veulent prouver, pour
+déguiser leur puante ambition ou triste avarice) mais en habileté,
+gaieté, vigueur & fermeté de nature, selon lesquelles ils firent leur
+devoir de cognebas, fesser les doucettes, qui s'en trouverent
+naturellement bien; tant pour la délicatesse, que par sympathie, elles
+en reçoivent ès oreilles, par le grand bien que cela fait où il touche.
+
+
+
+
+RISÉE.
+
+
+XXVI. Ceux-ci firent mieux tant pour tant, que les deux cordeliers qui
+furent en équipage. Mais encore, pourquoi est-ce que les mendians vont
+toujours deux ensemble?
+
+SACROBOSCO. Pour se faire compagnie, c'est-à-dire,
+
+ Hos brevitas sensûs fecit conjungere binos.
+
+C'est le bon vin de madame, qui me fait ainsi dire. O liqueur
+prophétique, bénigne humeur qui nous fais doctes, radoucis nos
+adversités, & réjouis les coeurs qui ont faute de consolation salutaire.
+
+CIRUS. Vous ne faites que traverser; que n'achevez-vous, sans tant vous
+donner de traverses? Je vois Platon qui s'en fâche, parce qu'il y avoit
+plus d'ordre chez lui.
+
+CAMBISES. Là où il y a tant d'ordre pour dîner, il y a du désordre pour
+faire ses affaires.
+
+L'AUTRE. Voilà qui va bien, prenant affaire pour office culier.
+
+ASSUERUS. J'avois ouï dire que l'on épargneroit les hommes spirituels;
+mais tantôt la raison m'a bien satisfait; jamais Mammuchan n'en dit de
+meilleures. Il est vrai que, si hors d'ici j'oyois ainsi parler à ceux
+sur lesquels j'ai pouvoir, je leur passerois le pied par l'épaule. Or,
+je connois qu'il se faut ici donner carriere. Il est vrai, pource que
+nous sommes tous amis, que je souffre tout; & moi-même je dis des
+choses, que je ne souffrirois pas dire à d'autres. Mais il faut aviser
+que nous ne pouvons mal dire, ni mal faire, d'autant que nous sommes en
+l'être parfait, & à l'instant qu'il n'y a plus de passions: parquoi nous
+nous satisfaisons, & vous aussi, en battant le chien devant le lion;
+c'est que nous galoperons les ecclésiastiques, qui sont parfaits en leur
+vie, afin d'intimider les ames par les choses qu'ils diront. Or,
+regardez au prix, s'il se met après nous, comme il nous gâtera; & voilà
+comment on fesse les enfans devant les valets. Donc ces bons messieurs,
+fils aînés de la sainte maison, ne prendront point en mauvaise part
+qu'on tourne la parabole sur eux, afin que leur charité soit reconnue; &
+qu'étant innocens, ils veulent bien être accusés & châtiés de ce qu'ils
+n'ont pas fait; afin que les coeurs vicieux aient honte, & se corrigent,
+voyant la bonté de ceux qui portent leurs iniquités.
+
+SACROBOSCO. Je ne puis tenir mon eau; je vous dirai ce conte de ces deux
+cordeliers. Donc, comme nous étions ensemble en Bretagne, l'un d'eux
+devisant fit un pet. L'homme de chambre de monsieur lui dit: de quel ton
+est-ce, monsieur notre maître! Il répond: duquel vous le voudrez;
+entonnez bien: & voilà pourquoi depuis à Châtelleraut on a amanché des
+coûteaux de la belle corne de couleur. L'an d'après, lui & son compagnon
+encore novices, allerent à Angers, chez une honnête dame que l'ancien
+gouvernoit: si qu'étant entrés, le maître monte en haut, & laisse en bas
+avec la chambriere le jeune apprentif. Le bon est que, comme le moine
+fut sur madame, le gros trompette, qui s'étoit caché sous la cheminée,
+les voyant aux prises, se mit à fanfarer, dont les amans furent fort
+étonnés; mais ils appointerent avec ce maître trompette, qui étoit venu
+un peu devant pour hocher la chambriere, & de peur d'être surpris,
+s'étoit caché. Le trompette sorti, & la collation ayant été prise,
+monsieur notre maître se mit à la juchée. Savez-vous qu'il faisoit, & ce
+qu'elle pâtissoit. En dà, ils étoient comme le gueux que vit maître Jean
+de Guigni, allant aux nonnains, & passant par sur le pont de St. Eloi.
+De fortune le vent fort lui emportoit son chapeau, auquel il mit la
+main; mais il ne le put si bien retenir, que le cordon n'échappât:
+c'étoit sa bonne fortune qui lui induisoit si franche rencontre. Voyant
+son cordon échappé, il jetta la vue en bas sous l'arche, où le cordon
+étoit chu. Vraiment il le vit, & bien autre chose. Que vit-il? Le
+spectacle d'immortalité, les effets de concupiscence, le progrès de
+génération, quatre jambons pendus à une cheville, deux animaux encruchés
+& soulevés faisant le quadrupede raisonnable, la bête à double ventre,
+ou à deux têtes, l'animal à quatre yeux, l'homme femelle, la femelle
+mâle, le principe de l'engeance anagogique, une femme en proche
+disposition d'être châtrée, un homme prêt d'être décoché. Comme il voit
+ce mystere s'effectuant, il dit tout haut: en dà, de mon chapeau je
+donne la ceinture à celle, ou cil qui a le bout en la jointure;
+c'est-à-dire, je donne mon cordon à qui a le vit au con. Quand l'homme
+fut levé, il s'avança pour prendre le cordon: la femme aussi y va, parce
+qu'elle le veut avoir. O! ho, dit l'homme, il est à moi. E! hé,
+dit-elle, c'est à moi, d'autant que j'avois le bout où il a dit; je ne
+l'avois pas en l'épaule, vous le savez bien; aussi vous l'y aviez mis, &
+bouté. Voire, dit-il, & moi l'avois-je aux talons? Ne savez-vous pas
+bien où je l'avois fiché? Vraiment, je ne l'avois pas sur la tête;
+j'avois bien autre lieu où l'employer, & où il en faudroit beaucoup pour
+l'étouper. Mais devinez à qui de droit ce cordon appartient, afin d'en
+être juge)? Le grand cordelier ayant achevé son affaire avec la
+disposition de sa pâte, qui fut levée aussi-tôt que le four fut chaud,
+ce qui n'avient pas toujours. (Je me reprens, d'autant que toujours le
+four est chaud, mais la pâte n'est pas levée. Aussi les femmes font
+comme les gueux, elles tendent toujours leur écuelle). Après ce mystere,
+les freres s'en vont; le grand aussi saoul que s'il eût mangé une vache;
+& dà, en bonne foi, je crois qu'il y a autant à besongner à une femme
+toutes les semaines, comme il y a à manger en un boeuf. Les deux
+religieux revenus, il fallut rendre compte chacun de sa villication. Le
+grand raconta son désastre, mais que pour cela il n'avoit pas délaissé
+de faire la cause pourquoi. En après, il demanda au jeune ce qu'il avoit
+fait, & si par vif effort il avoit vaincu sa concupiscence, en la
+foulant sous soi, selon les délectations de victoire future. Voire, dit
+le pauvre, qu'eussé-je fait? Cette fille est innocente; elle ne s'aidoit
+point, quand, au bas du degré, après que la porte fut fermée, & que je
+l'eus poussée, je lui levai ses robes, & puis je levai la mienne. En
+levant la mienne, la sienne tomboit; puis levant la sienne, la mienne
+baissoit; & tant, & tant que vous êtes venu, avant que le j'aie pu
+approcher. Cette réponse ouie, tous les bons freres soupirerent de
+deuil, oyant la bêtise de cet enfant, lequel fut condamné d'avoir le
+petit chapitre, pour se souvenir qu'une autre fois il eût à prendre sa
+robe à belles dents, quand il leveroit celle d'une fille avec une main,
+tandis qu'il foutilleroit de l'autre: ceci s'adresse à ceux qui portent
+des soutanes.
+
+CESAR. Mais nous laissons nos deux amis chez Conscience long-temps
+dormir.
+
+ASCLEPIADES. Or bien, ayant passé la nuitée, ils se leverent assez
+matin. Ils observoient ou pratiquoient ce que doivent bien noter
+nouveaux mariés, c'est de se lever matin pour se reposer. Sur les huit
+heures, la dame alla en la chambre visiter le malade, qui avoit le
+cerveau creux, à cause qu'il ne l'avoit pas rempli d'humeurs nutritives,
+& partant les outils de son intelligence étoient déflochés, si qu'il
+avoit bien plus veillé que dormi. Après qu'elle lui eut donné le bon
+jour, (ainsi dit-on, & on ne donne rien) & qu'elle l'eut interrogé de sa
+santé; madame, qui sont ces deux qui ont couché là cette nuit passée? Ce
+sont, dit-elle, deux honnêtes hommes. Or ne savoit-il rien de la
+compagnie françoise. Il réplique: ils sont leurs grands diables;
+comment! tous les gibets, pourroient-ils être honnêtes, qu'ils n'ont
+fait toute la nuit que s'entreculbuter de telle rage de cul, que je
+pensois que la maison en cherroit! Elle se prit à rire comme toute
+honteuse, & ne dit rien pour ce coup, jusqu'à ce qu'il le releva de la
+mauvaise opinion qu'elle avoit eue par la communication de telle
+courtoisie; & ainsi, lui effaçant ce scrupule, elle a fait paroître
+qu'il se dit beaucoup de choses mal à propos, & surtout des
+ecclésiastiques. Amen.
+
+
+
+
+COYONNERIE.
+
+
+XXVII. THUCIDIDE. Et sur cela, je vous dis donc, que vous avez tort,
+d'autant que ce ne fut pas chez Conscience. Je m'y trouvai exprès; &
+celle qui fit ce trait étoit femme d'un sergent, qui en fit un bien plus
+subtil à notre ami Ruart, qu'elle alla voir chez lui, & y dîna: puis par
+mégarde, s'ébatit une petite fois à la dérobée sans péché, pourvu qu'il
+n'y eût pas plus de peine que de plaisir. Ceci ne fut que le coup de
+l'assignation, qui fut donnée au lendemain chez ladite dame. Le
+compagnon ne faillit point à se trouver à point nommé, où trouvant
+commodité, voulut se paître de ce dont il avoit tiré le jour précédent;
+mais elle lui dit que cela n'étoit pas sain à jeun, parquoi il débanda
+un écu, pour avoir de quoi repaître. Et afin qu'elle eût meilleur
+courage, il dit à la belle, qu'il alloit quérir vingt écus qu'on lui
+devoit, & la prioit que le déjeûner fût bientôt prêt. Il y alla, & reçut
+sans confession. Voilà comment les amans ne sont pas toujours menteurs,
+comme vous ribauds & rufians, qui vous donnez au diable, en promettant
+pour peines de défaut, & puis étant hors d'avec les fées, vous n'avez
+non plus de mémoire que chats, qui ont tant crié en le faisant qu'ils
+ont tout oublié. Il revint avec ses écus qu'il fit paroître, cela
+faisoit rire la mignonne comme une guenon sur une cheminée. (Et je vous
+demande en conscience & bonne foi, répondez-moi, si on vous présentoit
+sur une table deux mille fois autant d'écus que vous en avez, ou bien
+cent mille écus comptant, & qu'on vous dît: cela sera vôtre, & vous en
+pouvez prendre galamment trois poignées en disant gripe minaut sans
+rire, c'est-à-dire, que vous ne rirez point; vous dites qu'oui.
+
+DIOGENES. Vous feriez vos fortes fievres mules; frappez votre nez en mon
+cul, c'est ce que je vous baille en trois coups, voire en quatre visées;
+mais allez grater votre cul au soleil, & succez vos ongles encore un
+coup, si ne l'avez fait.
+
+THUCIDIDE. C'est bien reparti.) Ce mignon présente de son argent à
+madame, qui lui dit qu'il falloit aller sobrement. Vraiment, mon ami, il
+faut un peu épargner son argent, dit-elle, il y a plus de jours que de
+semaines; nous n'aurons pas trop de tout. Et ainsi le dorlotant
+putatiquement & le caressant, il la couillaudoit, couillevassoit,
+culbutoit perpathétiquement; si qu'il s'enivroit en cette délice permise
+à gogo, moyennant la dispense ministrale. Et le compagnon fut si bien
+culbuté, tournoyé & friponé, & tant rabatu de concupiscence par la dame,
+qu'elle lui ôta, sans qu'il le sentît, & bourse & argent. Quelque sotte
+l'eût laissé, & vous y fiez. Cette mignonne le traita comme Jacques
+Adriot fut traité de sa femme.
+
+POGGE. Je vous prie, dites ce conte, qu'il ne vous échappe; & je vous en
+dirai quatre en récompense.
+
+THUCIDIDE. J'ai peur qu'on se fâche, parce qu'il y a un peu du prêtre, &
+un ministre me l'a appris.
+
+POGGE. N'ayez point cette peur; non, jamais on ne s'en fâchera; &
+surtout les moines, qui ne le prendront pas à coeur, parce qu'on
+estimera que ceci sera mensonge, d'autant qu'il y en a tant de sectes,
+que devant que l'on sache qui a fait la joyeuseté, tout sera passé; &
+puis cela sera peut-être réputé à mérite, d'autant que par ce moyen un
+homme de conscience ayant foulé sous soi la concupiscence, & enfoncé le
+fort de satan, où il aura écrasé la tentation, elle s'en sera tellement
+allée, qu'il aura les femmes en horreur, jusqu'à ce qu'il en ait
+affaire, & c'est alors qu'il fera rage de prêcher.
+
+THUCIDIDE. Or bien, pour vous faire plaisir, je ferois cette parenthese.
+Ce Jacques dont est question, étoit un grand abatteur de bois remuant, &
+culbuteur de commere, & n'épargnoit rien de ce qui se présentoit. (Ce
+fut lui, & deux autres qui rencontrerent la Ponneuse, qui étoit belle &
+jeune, mais garce d'un chapelain; & l'enfoncerent dix-sept fois en une
+soirée, à coupe-cul: puis s'en allerent chacun leurs voies. Le lendemain
+cela fut su, d'autant que la fille se plaignoit qu'elle avoit été ainsi
+dévergondée; & on le contoit à quelques honnêtes femmes. En la compagnie
+étoit la femme d'un président, qui, oyant ce conte tant de fois,
+répondit & dit: au diable soit la carogne, tant elle étoit aise! Cela
+n'aviendroit pas si-tôt à une femme de bien.)
+
+
+
+
+EXPOSITION.
+
+
+XXVIII. La femme de Jacques, triste de ce que son mari alloit ainsi
+transportant la provision du particulier, faisant couler partout cette
+benoîte liqueur, dont on baille tant d'argent; & si on n'en trouve point
+à vendre au marché, alla trouver un de ses amis, pour lui demander
+conseil confortatif en son affaire. Cettui-ci, (je ne le vous nommerai
+pas, pour la conséquence que je porte à l'honneur) lui enseigna ce
+secret; c'est qu'il falloit qu'à point, mignardement, à propos, avec
+industrie politique, elle nouât le cas de son mari une seule fois; & que
+cela avenu, jamais il n'iroit à d'autres. La femme de Jacques croyant
+qu'elle noueroit ainsi pour jamais l'amour de son mari, recevoit ces
+mots dorés, je devois dire, _coralisés_, comme sentences prophétiques.
+Parquoi elle ne faillit point à essayer. Elle prit le bout de son mari,
+qu'elle considéra manuellement, pour le courber & le nouer. Or est-il,
+comme vous savez, belles filles, que les mains féminines sont grilles,
+sur lesquelles la chair revient. Ainsi la piece de génération par cet
+attouchement revenoit, grossissoit comme pâte en met, & pourtant le
+billouart se mettoit en point; & à ce conte, Jacques s'enfiloit avec sa
+femme; & tout autant qu'elle fit l'essai à nouer, autant fut faite
+l'exécution à vétiller: si que ce mari voyant l'importunité des doigts
+de sa femme, qui ne faisoient que patiner son pauvre chose, fit bande à
+part, de peur que cette friponnerie ne le fît devenir sec comme un
+lévrier. La bonne dame en eut du déplaisir, & fit autrement qu'elle ne
+pensoit, parce qu'elle ne noua pas le bout, mais elle retint son mari,
+qui, depuis, ne fut plus coureux; & puis sa femme accoutumée à dodeliner
+son cas, ne faisoit autre exercice au lit, que le promener.
+
+POGGE. Dames, qui êtes jalouses, empoignez cette suave doctrine. Aussi
+femmes sont anges à l'église, diables en la maison, singes au lit. Ma
+commere l'huissiere traita presque de même son marjolet, que tout
+belourd elle renvoya mignardement déchargé, & le conduisit jusques à la
+porte, avec des baisers accompagnés de faux semblant de regret: cela
+s'appelle des baisers de passage. Quand il eut pris l'air, & qu'il fut
+au bout de la rue, s'avisa de pisser: pissant, il avoit la main en sa
+pochette; & y tâtant, la trouva vuidée de l'aposthume pécuniaire; le
+voilà qu'il devint aussi froid qu'un four miné. Il retourna chez la
+dame, où il entre avec toute mignonne humiliation, & requiert que son
+argent lui soit rendu. Ayant fait son entrée & requête, il trouva une
+femme plus froide que lui, qui fait l'étonnée, l'ébahie, la déconnue,
+ainsi que si elle ne l'eût jamais vu. (Voilà comme les beaux esprits
+savent passer d'une extrémité à l'autre, pour se réformer! Vous faites
+état de votre femme de biennerie, vous autres femmes de bien; &
+toutefois vous n'en sauriez faire autant que cette-ci.) Lui qui pense
+faire l'effronté comme s'il étoit maître, ayant été si fat que de bâtir
+sur un grand chemin, veut faire le grand & le commandeur, dit qu'il veut
+ravoir son argent; il se dépite & enrage. Elle fait la constante & la
+résolue: il tranche du ruffien, qui a puissance sur une femme; il
+tempête & jette à terre son manteau; elle fait l'humble & la discrette,
+& plus la femme de bien que si elle s'en fût mêlée toute sa vie; & sur
+ses gestes s'ébahit moult de cette apparence, & lui dit: monsieur, que
+faites-vous? Où pensez-vous être? Ce n'est pas ainsi qu'il faut vivre
+chez les femmes de bien. Quand j'aurai patienté, je me fâcherai. Merci
+dieu, êtes-vous hors du sens? Sortez de céans; ou si mon mari vient, il
+vous échinera. Ce disant, elle jetta le manteau par la fenêtre, & cria:
+à l'aide, au secours & à la force. Il vint du monde, qui, voyant ce
+petit méchant monsieur ainsi dévergondé, lui remontrent & le menacent de
+la justice, vu son scandale. Le mari pensoit entrer; mais oyant le
+bruit, & voyant ce manteau, le prit, & passa outre. Ce qu'il en faisoit,
+étoit de peur de se courroucer. Ce manteau lui sert aujourd'hui ès
+bonnes fêtes. Le misérable démantelé & dévalisé, eut congé de s'en aller
+chercher un autre manteau, qu'un moine de saint Julien lui prêta;
+c'étoit un manteau de camelot ondé, pour lui faire avoir souvenance que
+les ondes de la fortune avoient passé sur lui.
+
+GLICAS. Ce maître causeur nous en a bien conté, de nous proposer un
+noeud, d'un cas si court qu'est celui de l'homme. Certes, c'est de quoi
+nature l'a retranché, vu que tous animaux l'ont en proportion plus long.
+Je m'en crois, & pense ce que m'en a appris Albert le Grand; c'est parce
+que toute l'intelligence est à contraire raison là-dedans; par ainsi
+vous voyez que fous en ont de belles venues, & les grands personnages en
+sont chichement pourvus. Un taureau en a plus que trois hommes; & un
+homme a plus d'esprit que cent boeufs.
+
+L'AUTRE. Si vous saviez de quoi est fait un chose viril, vous sauriez
+s'il se peut nouer, ou non.
+
+GLICAS. De quoi est-il fait ce badinage d'amour?
+
+POGGE. Les religieuses de Poissi me l'ont appris, ainsi que j'allois à
+Longchamp, & en telles autres religions réformées. Voilà, je ne nomme
+jamais personne, ni lieu, de peur que d'autres y aillent. Il y en avoit
+trois qui en disputoient. L'une disoit qu'il étoit de nerf, & qu'elle en
+avoit eu autrefois une belle nervée, la cour étant à Blois: l'autre dit
+qu'il étoit de chair courroyée, d'autant qu'en le touchant, on le
+trouvoit plus mignon à la peau, que le maroquin du levant, & plus
+douillet que velours: l'autre dit, qu'il étoit de tendons, parce qu'il
+tend plus qu'il ne peut. La prieure, qui les avoit ouies, leur dit
+qu'elle jugeoit plutôt qu'il fut d'os, parce qu'elle en avoit, le matin,
+tiré la mouelle d'un.
+
+PENAS. Vous vous égarez; ce ne furent pas elles; mais bien ces trois,
+qui, se promenant au beau jardin de Nantes, trouverent une groseille, &
+s'entredemanderent à la dire en latin. Comment le diriez-vous, ma soeur?
+La jeune dit, _groselus_; l'autre, _grosela_; & la vieille dit: vous
+êtes sottes; il faut _gros & long_: mes petits connaux de dîmes
+charitables.
+
+CHANOURI. C'étoit bien trois autres, dont j'étois jadis confesseur.
+L'abbé de Gastines, qui les aimoit toutes trois, leur promit de leur
+envoyer des couteaux de Châtelleraut; pourquoi bien effectuer, il
+endoctrina son valet; & l'ayant embouché, lui mit le présent en la main,
+pour le porter aux trois amies. Le valet, qui pensoit, selon que son
+maître l'avoit endoctriné, faire si bien que madame n'en sauroit rien,
+fut trompé, parce que madame, ayant un message d'amour à faire, y avoit
+employé la portiere, au lieu de laquelle elle se tint à la porte, & y
+étoit, quand l'homme de l'abbé y arriva. Il fut surpris; & elle lui dit:
+or çà, Riolan mon ami, que je voie ce que vous avez-là: c'est quelque
+chose que votre maître nous envoie. Elle savoit bien que ce n'étoit pas
+pour elle, d'autant qu'un abbé n'eût pas osé entreprendre sur les
+brisées de l'évêque de Lombes, qui l'aimoit. La dame ayant le paquet,
+elle envoya Riolan à la dépense; & mande aux trois mignonnes qu'elles
+vinssent; lesquelles, ne se doutant de rien, s'approcherent; & elle leur
+montra les lettres & les présens, leur disant: mes filles bien aimées,
+voyez des lettres & un présent que vous envoie notre bel ami l'abbé de
+Gastines. Elles lui dirent en toute humilité: c'est possible à vous,
+madame, qui le méritez mieux. Non, dit-elle, les lettres en font foi; je
+sais bien que vous avez mérité ces joyaux & encore plus: aussi êtes-vous
+bonnes filles: mais encore il y a, & faut de la considération en tout;
+je veux savoir de vous qui est la plus entendue; & pour cause, afin
+d'instruire les novices, pour bien entretenir l'ordre & antique façon de
+vivre du couvent. Et partant, celle qui rencontrera le mieux à propos ce
+qui lui semble de l'action notable de délectation, & ce qu'elle a
+remarqué faisant la cause pourquoi, en faisant son service, jouxte le
+bréviaire à l'usage de Reims, cette-là aura non-seulement son présent,
+(c'étoient couteaux), mais aussi fera des autres à son plaisir. Les
+voilà toutes trois en cervelle: si qu'éguisant le fil de leur
+entendement, elles tâchent toutes trois à répondre: l'aînée répondit
+qu'elle n'avoit jamais goûté à sauce si douce, sans sucre: l'autre dit
+qu'elle n'avoit oncques rencontré chair si dure, sans os: la tierce
+proféra qu'elle n'avoit jamais apperçu, ni ouï, ni senti tant cracher,
+sans toussir.
+
+ALAIN CHARTIER. Je pensois que vous y mettriez ma cousine de Montrouge
+qui pensoit être en terme de devenir bête.
+
+
+
+
+EMBLÊME.
+
+
+XXIX. Elle avoit vu, ès livres de ces nouveaux voyageurs, qu'il y avoit
+des gens sauvages qui étoient tous velus comme bêtes infideles. La
+pauvre petite se mit tellement cela en tête, qu'un jour changeant de
+blanchette, comme réformée qu'elle étoit, sans chemise de linge, selon
+la coutume de notre temps, (aussi blanchette en théologie, c'est-à-dire,
+chemise de laine) elle s'avisa par mégarde que son pauvre petit chouse
+étoit chu en pauvreté; & que le poil lui avoit percé la peau. Les filles
+de prêtres n'en ont point à l'âge de dix-huit ans; (je ne suis donc pas
+fille de prêtre, dit la jeune fille qui l'ouit; j'en ai, & si je n'ai
+pas quinze ans). Ma pauvre cousine, ayant vu cet inconvénient, se signa
+fort dévotieusement, & devint toute troublée de son sautier. Son
+entendement péripatetisa tout du long de la culmination de son
+intelligence curiale: si que, depuis, elle fut mélancolifiée, que
+c'étoit une déplorable imaginaison que la sienne. Si les autres
+approchoient d'elle, elle, par une humeur saupoudrée de tristification,
+s'en reculoit. A la fin, elles l'arraisonnerent du dedans, qu'elle avoit
+au flux & reflux de conflit compagnable; & leur fit réponse, qu'elle
+n'étoit pas digne de converser méritoirement parmi l'honorifique bande
+de leur société doucette.
+
+JODELLE. Quand je vous ois ainsi paillarder sur votre outrecuidance, de
+bien dire, il m'est avis que vous me pissez aux oreilles! Que diable ne
+parlez-vous droit, sans aller léchonnant les friponneries du sot
+langage. Je pense, vous oyant, être auprès du beau S. Jean, racontant
+comme il fut chassé: _nous apperçûmes le lépore, qui s'étoit manifesté;
+mais parce qu'il se réintégra, nous ne le pûmes appréhender_. C'est
+comme ces badauds de Paris, à la bataille de Senlis, qui, ayant leurs
+bâtons à feu sur le haut de l'échine, demandoient: _où est l'averse
+partie? Elle ne comparoîtra pas?_ Encore la Goibaude parla mieux, venant
+à monsieur le Gouverneur, pour s'excuser de la taxe que l'on avoit
+employée pour les fortifications: _monseigneur, je suis une pauvre femme
+en veuvesse; je vous prie avoir pitié & componction de moi; on m'a trop
+cautérisée pour les fornications_.
+
+TACITE. Laissez dire notre poëte. Que voulez-vous? Le bon preud'homme,
+il savate notre langage; toutefois il dit bien, mais il va un peu de
+côté.
+
+ALAIN. Vous me défagoteriez quasi bien tout le menu brouillis de mon
+intelligence. Or bien donc, cette fille, leur disant son excuse, ajouta
+qu'elle étoit indigne d'être avec elles, parce qu'elle devenoit bête.
+L'abbesse voyant cette fille ainsi farouche & toute dilatée sur le
+progrès de diminution familiere; (ardez, cette curagerie d'éloquence ne
+peut m'abandonner) en voulut savoir la raison, & sur ce que les autres
+filles lui avoient rapporté par avertissement. Timoré l'appella en sa
+chambre: & l'ayant concionnoirement avisée qu'il falloit, en
+l'humiliation de son devoir, qu'elle enfourchât la vérité, lui demanda
+par amour & vesse (foin, je cuidois italienniser, & dire: _amore
+volesse_) l'occasion de sa déconvenue. Adonc en gémissant & pleurant des
+yeux, elle dit: ma sacrée chere dame & preude mere, j'ai bien grande
+occasion d'être en extrémité de marisson, parce que je deviens bête;
+j'ai déjà un petit minon qui m'est venu entre les jambes. Que je voie.
+Elle le montra, exhibant physiquement sa natureté. Alors l'abbesse, pour
+repartir par pieces similaires, & réciproque démonstration, se
+découvrit, & lui fit paroître sa naturance. Il y avoit un petit
+cordelier caché derriere, qui l'avisa, & cria à maître Bastien, en
+courant: _magister Bastiane, ego vidi coelos apertos_. Et la fillette de
+dire: hé qu'est cela, madame? O quelle abondance de bestialité! Ma mie,
+ma mie, dit l'abbesse, le vôtre n'est qu'un petit minon: quand il aura
+autant étranglé de rats que le mien, il sera chat parfait; il sera
+marcou, margaut & maître mitou... Oho, oho, o... Il n'est pas temps de
+s'évacuer à rire; attendez un peu; le mot pour rire n'est pas dit. La
+belle s'avisa de demander à frere Etienne de Sanssay ce que vouloit dire
+madame, par ces rats & chats; ce que le pauvre corps, par innocence
+charitable, & humilité graduelle, & selon la sainteté de nos premiers
+voeux inférans graces abondantes, lui fit entendre & pratiquer, en lui
+faisant naturellement étrangler le rat de nature, par le chat mystique
+du bas de son ventre, de quoi elle avoit recueilli un fruit mélodieux de
+savoureuse délectation, qui ne devroit appartenir qu'à princes &
+prêtres, si tout alloit d'ordre. Elle étoit par ce moyen ingénieusement
+déniaisée; & sur cette profonde aisance, elle étoit, une après-dînée, à
+se promener en grande contemplation, devisant à bâtons rompus avec une
+sienne compagne, qui, oyant ce faux bourdon de musique mentale, lui
+demanda à quoi elle songeoit, vraiment, dit-elle, ma soeur, je
+pensois... Songez donc ce que vous pensiez bien. Et aussi je vous le
+dirai. J'avois les yeux sur cette chevre que voilà qui broute. Ma mie,
+ma soeur...
+
+JODELLE. C'est ce que disent les menestriers, ramenant la mariée du
+moutier: _ma mie, ma soeur, quelle douceur en fretillant; recordez-les
+avec votre flageol_. Maître Janotin, puisqu'il vous plaît, il faut
+savoir qu'ils ont dit en la menant: _nous la menons au moutier,
+l'ordure, l'ordure, l'ordure du foyer_: mais vous n'y entendez rien;
+c'est ainsi qu'ils le font en la menant à l'église, & jouant au beau
+trio: _pucelle la menons_, bis; _encore ne sait-on_, ter; _on ne sauroit
+qu'en dire_.
+
+ALAIN. Vous me faites de l'interruption; le ciel vous en punaisira; &
+regardez bien que signifie cela. Laissez-moi achever; fou enragé qui ne
+m'écoute; & plus fou est-il qui s'y amuse. Je voudrois, dit-elle, ma
+cousine, être comme cette chevre. Voire, que tu es sotte! L'année
+passée, tu disois que tu devenois bête, pour un petit poil folet que tu
+avois entre tes deux gros orteils; & ores que dis-tu? J'étois bien bête
+par le bon vraiment; & dà je ne le suis plus. Que c'est que d'enfance!
+Ces petites ames seroient du tout heureuses avec leur innocence, si
+elles faisoient l'amour, & que les petits enfans couchés ensemble
+fissent ce que me fait quelquefois frere Etienne. T'hébahis-tu ma fille?
+Je desire être comme cette chevre; ne t'en émerveille point: mais
+fais-en état. Vois tu, si j'étois comme cette chevre, ainsi velue
+par-tout le corps, je serois la plus heureuse du monde; d'autant que je
+n'en ai pas si grand qu'une petite écuelle, & frere Etienne m'y fait si
+grand bien: si j'étois de même par-tout le corps, il me feroit de même
+par-tout, & je mourrois de fine bonne rage de bien, tant je serois aise.
+Les pauvres nonains n'en pouvoient mais: voilà pourquoi vous avez tort
+de les mêler en vos saturniales.
+
+MACROBE. Je n'y saurois que faire, c'est la vérité qui me contraint,
+_inter porcula_, comme chez le roi Assuérus, où parut l'orgueuil de
+Vastit, qui toute sa vie avoit été humble comme une savate de
+brunisseur. Je m'en rapporte au confesseur de madame Loyse, laquelle lui
+disoit en confession, qu'un moine l'avoit haillonnée; qu'il avoit eu
+affaire à elle, qu'il s'étoit mis dessus elle pour voir de plus loin:
+bref, elle disoit qu'il l'avoit f. (j'ai quasi tout dit tant j'ai la
+langue à l'usage de prédicateur.) Le confesseur lui remontrant, la
+tançoit, disant: comment, ma mie, vous vous êtes fait accoster à un
+mort? Je ne sais pas quel mort, mais je ne vis ni sentis jamais si bien
+remuer. Le cas lui alloit, comme à un qui mouche une chandelle avec les
+doits sans mouchettes. De ce ci, toute la belle compagnie se mit à rire,
+comme un troupeau de fenesseaux.
+
+COLINET. Voire, ne faut-il pas bien s'ébattre, & principalement à jeux
+auxquels il convient? N'est-il pas dit, _croissez, multipliez &
+remplissez la terre_? Et qu'est-ce, sinon qu'il est enjoint par nature
+aux petits, de croître; aux forts & de bon âge compétent, de multiplier,
+& aux vieillards, de se laisser mourir pour emplir la terre? Et cela
+aussi appartient à ceux qui veulent faire les vieux, à ces idiots,
+voués, caffards & inutiles, qui ne font que scandaliser le bon monde de
+dieu.
+
+RONSARD. Les rencontres m'en font souvenir, & je dirois bien de la
+besongne, sans que le défunt évêque d'Angers fût blâmé des docteurs,
+qu'il s'accommodoit aux textes bénits de l'écriture sainte. Que si je
+m'y enfonçois comme je les sais, je vous donnerois bien du passe-temps;
+mais je ne veux pas faire de planche à ces hérétiques qui en feroient
+leur profit. J'aime mieux aller à ce bout, gausser avec ces pénaillons
+de garçons & filles, qui s'ébattent sans mal penser, chopinant près ce
+buffet, & vogue la galere.
+
+MAROT. Mon ami, dites votre _confiteor_, & laissez peter renard.
+
+BEZE. _Quisque fictor fortunæ suæ_; c'est-à-dire, chacun fait ce qu'il
+peut pour vivre. Il le faut faire, si on ne le faisoit, le monde
+demeureroit vuide, contre l'intention de nature. Ho! madame, réveillez
+vous, & notez qu'un con bien ménagé, à Paris sur tout, vaut presque
+autant qu'une bonne procuration, & mieux que deux métairies. Filles, je
+vous nomme aussi toutes de peur de jalousie, avisez à vos affaires. Je
+sais qu'il y en a qui le font pour le plaisir, ce sont celles qui nous
+entretiennent: & les autres, pour gagner leur paillarde vie. _Optimum
+philosophari, melius vivere._ Et pource, je vous dis que vous ménagiez
+bien vos métairies naturelles.
+
+BAIF. Ho, & ai, compere, comme tu parles! Ne t'avises-tu point des
+ordres que tu as?
+
+BEZE. Corps de mordienne, si elles m'importunent un peu, je m'en déferai
+bien, & les secouerai comme un âne fait les mouches de ses oreilles.
+Qu'as-tu à me venir ici ravauder l'entendoire? Est ce ici le lieu & le
+temps d'en parler? Que le diable te puisse casser des noix. Il faut
+prendre le temps à propos, ainsi que les gens de justice, quel satan &
+réformateur es-tu? Je crois que tes hémorroïdes te rendent ainsi
+religieux & conscientieux; ta sainteté t'époinçonne par le cul.
+
+BAIF. Voire, mais avisez à ce que disent nos docteurs: bran, il faut
+crier à ce sourdaut, comme pour prendre une taupe.
+
+RONSARD. Tu es un beau faiseur de mines (je cuidois dire de _mimes_); tu
+es un grand docteur, tu nous en veux conter; & encore l'écrire. Va, va,
+j'ai plus usé de papier à me torcher le cul, que tu n'en as employé à
+écrire tout ce que tu pensois savoir.
+
+MADAME. Qu'est-ce là? Est-ce à bon escient?
+
+BAIF. Non, non; ce n'est que pour rire; ne vous fâchez pas. Vous pensez
+à autre chose, madame; vous rêvez, le con vuide.
+
+AUSONE. Je n'avois jamais oüi dire cette élégance: bien est-il, que
+derniérement étant aux Vallins, on nous présenta un peu de beurre.
+Eschine s'en fâcha, & dit à la fermiere, qui nous l'avoit présenté, que,
+puisqu'elle étoit chiche de beurre, elle avoit le cas grand. Avisez bien
+à ceci, mes dames, ainsi que fit la chambriere de Ciceron, laquelle
+ayant ouï qu'on lui reprochoit qu'elle mettoit trop de beurre en la
+poële, pour une fricassée, en retourna quérir abondamment pour clore sa
+grande ouverture. Et afin que vous sachiez un secret à propos, je vous
+dis que les hommes qui n'ont gueres de manche, sont plus courtois &
+gracieux, que les autres qui en ont bonne provision; & ce d'autant que
+ces manqueux n'ayant pas tant de quoi payer, il faut qu'ils avancent de
+la monnoie du singe. Pour cette cause, quand les demoiselles, filles &
+femmes sont ensemble à deviser, & parlant de quelque homme qui ait
+abondamment de quoi elles ont affaire, elles disent: cettui-là a un
+grand persuasif; il a de quoi faire une belle expression de ses pensées
+amoureuses; il en a assez, pour faire endéver une dégoûtée. Le bon homme
+Sandé, curé de Claye, qui oyant les demoiselles qui rageoient sur sa
+chambre, & cela l'empêchoit d'étudier possible, il leur cria: si je vais
+là-haut, je vous foutrillerai toutes, tant que je vous ferai enrager.
+
+
+
+
+SOFPASSUC.
+
+
+XXX. Nous en sommes bien vraiment, nous voilà bien: je fais belle forme
+juste comme à la boëte aux oublies.
+
+MENOT. Il ne falloit plus que cela, pour achever sainte Croix d'Orléans
+au moule de la chartreuse de Pavie, où j'ai été nourri écuyer; d'autant
+que de page il ne s'en parle point; il n'y a point d'enfans, ils sont
+tous grands: on ne fait pas là des enfans, il faut les envoyer tout
+faits comme à la cour de parlement, sauf l'honneur de la justice la
+bonne dame.
+
+BAIF. Ce n'est pas ce que nous disions; taisez-vous: laissez ces
+gens-là. Encore les ecclésiastiques sont traitables; ils ne font
+qu'excommunier; cela va & vient comme eau claire: mais ces gens de
+justice font tache d'huile, que le diable y ait part, mon ami:
+laissons-les; achevons ces contes.
+
+RONSARD. Or, pour vous remettre sur vos chouses, je vous dirai, durant
+que la ligue étoit en vigueur, on cherchoit à Tours un ligueur; & après
+plusieurs perquisitions, on alla au cloître le chercher chez une dame,
+qui logeoit avec un chanoine. Cette dame n'étoit point encore levée.
+Elle entretenoit son embonpoint. Un monsieur archer du prévôt entra dans
+sa chambre l'épée au poing, laquelle raclant contre les carreaux, pour
+faire du mauvais, dit tout haut: par la double rouge crête de coq, je
+foutrai tout céans, de par le roi. La petite Sevin, qui pour lors étoit
+avec elle toute tremblante, s'approche de ce fendeur de naseaux, & lui
+dit: hélas! monsieur, pour dieu, ne faites rien à madame; elle se trouve
+si mal, je vous prie d'avoir patience. Madame qui l'ouit, ouvrit son
+rideau, & adressant la parole à la fillette, lui dit: voire, ma mie; &
+dà, pourquoi non aussi bien qu'à vous, puis que c'est de par le roi.
+
+BEROALTE. J'y étois; je m'en souviens comme si c'étoit toutes ores; &
+aussi-bien que de ce qui m'avint étant encore au ventre de ma mere, un
+jour qu'elle rioit avec un président, qui l'entretenoit selon les
+usances de messieurs de la cour de Bretagne, qui nous viennent voir
+durant leur semestres. Il avint que de joie elle fit un pet; je pensois
+que ce fût un coup d'artillerie, & que nous fussions assiégés: même ce
+monsieur la tabourdoit si fort avec une lance à deux boulets, que je
+croyois que c'étoit un mouton, que maintenant en honnête architecture de
+guerre, on appelle un foutoir. Cela me fit si grand peur, que je sortis
+incontinent, & n'y avoit pas plus de quatre mois & demi que ma mere
+étoit mariée: aussi il y en a qui sont de race de faire ainsi leur
+premier enfant, qui volontiers ont bon esprit; cela fut cause que je
+devins poëte.
+
+BELLEAU. Ne le dites pas, s'il n'est vrai.
+
+BEROALTE. Puisque j'en jure, il est vrai; & faut croire un homme de
+bien, quand il se parjure. Il y en a beaucoup qui jugent à faux, ainsi
+que font nos messieurs de justice, que dieu garde de mal, lesquels font
+serment de n'avoir pas acheté leurs états, & toutefois l'argent en est
+encore écrit en leurs doigts. Ils ne le dirent point; mais qu'ils
+prêtent de l'argent au roi. Vraiment un maître iroit chercher qui lui
+bailleroit de l'argent, pour le servir. Aussi proprement l'argent fait
+tout: il fait jurer, sans offenser dieu! il fait que monsieur le juge
+couchera avec la femme d'autrui, sans commettre adultere; il fera donner
+un arrêt le plus mignon du monde. Voilà, certes, monsieur; l'argent a si
+bien fait, que pour l'avoir envoyé & baillé à propos, quelques voleurs
+des biens du roi ont été libérés. Ces voleurs, miens amis (aussi les
+poëtes sont amis de tous, & ennemis de chacun) s'en vindrent, au lieu
+d'avoir la corde au col, ce bel arrêt au poing, le dernier de septembre.
+Visitez les cours, & vous le trouverez, L. C. a ordonné que ceux accusés
+& convaincus de larcin, concussion & péculat, seront châtiés sans
+encourir note d'infamie & punition, &c. Que veut dire, L. C. La cour, le
+conseil, la chambre, le chouse, la coyonnerie; tout ce que vous voudrez:
+que m'en souciai-je, puisque je n'y sens plus d'intérêt; & que jurer ou
+non, c'est tout un, si quelqu'un ne se fait partie, afin que monsieur
+l'argent vienne loger chez nous. C'est assez interrompre mon dessein; je
+voulois vous dire ce qui avint à mon compere Drouet, qui avoit un
+procès, pour lequel juger, il fallut être assuré & éclairci de certain
+point qui ne pouvoit être connu que par le serment de cettui-ci: il lui
+fut dit qu'il ne tenoit plus qu'à cela qu'il ne gagnât son procès. Ha!
+vraiment, dit-il, l'ai donc gagné; parce que, s'il ne tient qu'à jurer,
+je jurerai des pieds, des mains, de la bouche; &, s'il est besoin, du
+cul, en la présence de messieurs. Aussi en avoit-il fait son
+apprentissage, aux dépens de mon compere Colin, qui lui avoit prêté un
+chaudron. Colin lui dit: Drouet, rendez-moi mon chaudron. Et quel
+chaudron? Si tu étois prêcheur, tu ne prêcherois que de chaudron. Je te
+prie, rends moi mon chaudron. Je n'ai point de chaudron à toi. Colin le
+fait appeller. Etant devant Bodion le bon juge, Colin demande son
+chaudron à Drouet; & Drouet dit qu'il n'en a point à lui. Bodion lui
+commande de jurer sa part du paradis, s'il a ce chaudron. Lui qui n'y
+prétendoit possible rien, je ne dis pas au chaudron, se met en état de
+jurer. Comme il juroit, le bon Colin lui disoit tout bas, en le tirant
+par le bras: hé compere, ne jure pas; hé compere, tu perds ton ame. Et
+Drouet lui répondoit en l'oreille: & toi, ton chaudron.
+
+CETTUI-CI. La femme du peintre qui coloroit notre maison, vouloit bien
+autrement; parce qu'elle incitoit son mari à jurer, encore que ce fût à
+faux, parce qu'il y avoit une utilité apparente. Maître Mathurin avoit
+prêté dix-sept francs à ce peintre, & les lui demandoit assez
+importunément. L'autre, différant, enfin est ajourné. Maître Nicolas
+notre peintre, qui avoit encore un petit coupeau de conscience, eût bien
+voulu ne rien payer, parce qu'il y avoit long-temps qu'il devoit. (Il
+pensoit tout de même que faisoit Billonneau de Poictou, à qui monsieur
+le chantre avoit prêté quarante livres, lesquelles il lui demanda treize
+ans après. Ho, ho, disoit l'autre, & sa femme aussi, s'en souvient-il?)
+Maître Mathurin fait venir son créditeur devant le juge: ces deux ayant
+proposé leur fait, & dit oui & non, & vere; le juge fit jurer maître
+Nicolas, pour savoir la vérité. Cette pauvre bonne personne d'homme
+n'osoit, & se feignoit. Sa femme étoit derriere, qui lui disoit: jure
+vilain, jure, puisqu'il y a à gagner; tu jures si souvent que tu n'y
+gagnes rien. S'il eût juré, qu'eût-ce été?
+
+MENOT. Il eût gagné les dix-sept francs qui lui eussent fait profit; &
+il en eût donné cinq ou six sols aux pauvres, & cela l'eût garanti de la
+perte de son ame. Savez-vous pas bien qu'en matiere de prudence
+humani-monacalo-chanoinesse, un grand tort ou dommage invisible est
+réparé & satisfait par un petit bien manifeste, comme ès cours, les
+présens font souvent gagner de méchantes causes. Ainsi plusieurs, tant
+laïques qu'autres, ayant bien dérobé en cachette, fondent publiquement
+de beaux anniversaires solemnels, où ils produisent les fruits mignons
+du mammon d'iniquité. Les gens de justice en bâtissent de beaux
+châteaux, qui honorent le royaume; les financiers en parent tout. Et
+même je vous dirai que, si un petit commis de mes fesses a volé dix
+écus, incontinent il se fera paroître, quand il ne le devroit qu'avec
+une ceinture de broderie; & un méchant procureur fera incontinent bâtir.
+Quant aux conseillers, ils n'y entendent rien; ils ne dérobent que
+l'écume; ils ne mettent pas la main au fond du pot, si je ne mens. Et
+ainsi sont effacés les larcins, monopoles, sacriléges, fraudes, & telles
+joyeuses inventions & moyens de parvenir. Vous rêvez, & songez creux;
+vous gâtez tout. Si on sait ce que vous dites, personne n'aura plus
+d'envie de faire pis, afin que bien en avienne.
+
+GEBER. Vous proposez une cabale de rêver en soupant; je voudrois, tant
+je suis ennuyé de la fracture de mon fourneau, que nous fussions en état
+parfait de rêverie; je serois aise, & n'aurois non plus de mauvaise
+passion, que le pâtissier Rigole qui songeoit, tant il étoit aise en
+rêvant, que sa grand'mere lui donnoit du fourmage mou.
+
+BACON. Jamais fourmage mou ne gâta gorge; non plus que cul chaud ne gâte
+jamais linge: & je ne ris jamais tant de fourmage mou ou de crême, que
+de celle de Manassés, secrétaire du patriarche de Constantinople. Ce
+grand esprit, il acheta un jour un fourmage de crême qui ne lui coûta
+rien. (Je montrois un jour à monsieur le chancelier, où c'étoit qu'il
+entra trois Flamans au cimetiere des saints Innocens, par la porte de
+l'autre côté, dont l'un tomba, & mit le nez en la selle d'une fille qui
+venoit de quérir de l'eau. Voilà comment je remarque tout, comme le
+derriere de votre chemise fait le conte de vos selles.) Manassés ayant
+eu en main son fourmage, prit un des chevaliers de la fleur de lys, un
+des quinze-vingts, & le pria de dire un _salve_ à son intention: pour ce
+faire, il lui mit un beau jetton au creux de la main. Le pauvre ayant
+accordé ses badigoinces, griguenotoit ce _salve_ avec une voix
+horrifique, à laquelle Manassés s'accordoit: comme il en fut venu au
+verset, qu'il se faut égueuler de crier, & qu'il eût ouvert amplement la
+gorge, & desserré la gueule assez grande, pour y enfourner un
+demi-alloyau de boeuf, les babines étant déjointes bien demi-pied,
+demeurant ouvertes en cette belle extase de chant royal. Manassés lui va
+flaquer ce fourmage mou dans le bagoulier si proprement, qu'il entra
+tout, & rien n'en sortit, que ce que malheureusement le triste criard
+fit écheoir, estimant avoir la bouche pleine d'une autre mixtion de plus
+haut goût.
+
+PAUSANIAS. Je pense que ce jour-là étoit fait pour rire.
+
+
+
+
+DICTIONNAIRE.
+
+
+XXXI. Ne vous souvient-il point que rencontrâmes la mule de Rabelais? Le
+bon homme ne s'en soucioit-il non plus que de celle du pape, ayant assez
+d'autres bonnes affaires. Il l'avoit laissée chez Fesandat, imprimeur; &
+avoit prié les garçons d'y prendre garde, pour la faire boire à ses
+heures, comme la truye des carmes. Déja deux ou trois jours s'étoient
+passés, qu'elle avoit assez bû; mais au diantre la goute, parce qu'elle
+ne bougea de l'attache, comme un vrai chien couchant. Jean du Carroi,
+jeune verdaut, s'avisa de cette bête, & monta dessus à dos sans la
+sangler; un autre le voit qui lui demanda la croupe, un tiers encore y
+saute; & les voilà ainsi que les quatre fils d'Aimon, à chevau sur la
+mule sans selle, n'ayant que le chevêtre, (que ne lui baillez-vous votre
+licou). Ainsi relevée de ces suffisans personnages, la bête prit son
+chemin à val la rue de saint Jâques: passant auprès de saint Benoît, au
+lieu de s'avancer, sentant l'eau d'une lieue loin: comme vous auriez
+l'odeur d'un bon jambon, & s'approchant de l'église, elle reçut une
+odeur débonnaire de l'eau bénite, qui, l'attirant par la conduite
+magnétique de sa saveur, la fit, en dépit des chevaucheurs; entrer en
+l'église. Il étoit dimanche, heure de sermon, où grand monde étoit
+convenu; & nonobstant ce peuple, & résistance des baudouineux, la mule,
+dure de tête & oppressée d'altération, donne jusques au benoitier, où
+elle mit & enfonça son horrifique mufle. Le peuple, qui voit
+l'effronterie de ce maudit animal, qui par dépit n'engendrera jamais,
+pense que ce soit un spectre, portant quelques ames jadis hérétiques,
+mais ores pénitentes, qui viennent chercher le doux réfrigératoire des
+bienheureux (laissez la boire), & déja chacun pensoit qu'il se feroit
+quelque émotion (laissez boire la mule) ou autre acte merveilleux de
+commotion spirituelle; mais la bête fut modeste, si qu'ayant
+légitimement bien bû, selon sa vacation, se retira sans autre cérémonie.
+
+ORPHÉE. Le mulet de Gravereuil étoit bien autre; il les faut marier
+ensemble. Il y en avoit, qui, voyant la méchanceté de cette bête,
+disoient que c'étoit quelque diable, fauteur d'hérétiques, punissant
+leurs ennemis: & cela venoit à propos, parce que, de mon tems, ce prêtre
+avoit fait effondrer une bonne & ample quantité de huguenots, qu'il
+tuoit bravement jusqu'à la mort. Un jour, un élu de Tours emprunta ce
+mulet, & monta dessus, & adressa ses voies à Langes. Y étant arrivé, le
+mulet prit le mords aux dents: &, sans se soucier de ce qu'il avoit sur
+l'échine, & du profit du roi, se mit à courir par tout à travers hommes,
+femmes & enfans; & s'adressant vers la poterie, passa par-dessus pots,
+buïes, casses, chaufferettes, qu'il brisa, cassa, rompit & gâta, comme
+un étourdi: puis, ayant fait sa montre, reprit ses erres, emportant le
+triste élu, qui eut voulu être au fond de sa cave, de peur du tonnerre;
+& le mulet de courir, sans arrêt ni crainte: & comme il couroit, il y
+avoit un pauvre homme, qui avoit trouvé la bougette d'un autre qui avoit
+passé, & l'avoit laissé cheoir. Cet homme, pensant que ce fût cet élu
+qui avoit perdu sa malette, lui crioit: monsieur, arrêtez-vous; tenez,
+voici votre malette. L'élu, pensant qu'il se moquât de lui, & ne se
+pouvant arrêter, lui crioit: je te ferai pendre, coquin. Le paysan
+couroit criant, brayant: monsieur, tenez votre bien. Coquin, tu seras
+pendu. Monsieur, tenez, arrêtez-vous. Le vilain, voyant qu'il ne
+s'arrêtoit point, jetta la malette là; & un autre la prit qui s'en
+trouva bien, & fit bâtir une belle maison à Portillon. Le méchant mulet
+courut sur les ponts, où étant arrivé, il s'arrêta aussi mignon qu'un
+cochon rôti, traitable ainsi qu'un agneau. Monsieur l'élu le mena où il
+voulut; mais se ressouvenant de sa peur, il l'alla rendre. Je vous
+assure, & m'en croyez, que si ce chevaucheur de mulet n'eût été élu, il
+se fût rompu le col, & fût allé, comme les autres, à tous les diables.
+Une autre fois que Gravereuil venoit du Plessis endossant son mulet,
+monsieur le mulet voyant l'eau, & y prenant plaisir, y porta son maître,
+& laissant à côté le pont sainte Anne, passa à travers l'eau: ce fut à
+messire de se tenir serré. Si ce n'eût été un prêtre qui venoit de
+confesser un minime, il étoit en danger de périr; mais il étoit en trop
+bon état; le diable n'en avoit encore cure. Voilà comment le muletier
+échappa, se tenant ferme de peur de mouiller ses cheveux. Par dépit de
+telles malversations, Gravereuil ayant assemblé le conseil de ses amis à
+ce connoissans, il fut résolu que dom mulet seroit châtré; ce qui fut
+exécuté au détriment des pendiloches qui furent levées. Le mulet guéri
+se trouva assez humble pour un tems: mais je m'en ris encore; & j'eus ce
+plaisir, un samedi matin, que ce vieillard voulant aller aux champs,
+monta sur sa bête, qui savoit le chemin de sa cure. Voilà qu'il est en
+train d'aller. Ce méchant mulet, étant en la rue de la grosse tour,
+avisa le châtreux qui l'avoit émancipé; aussitôt il se ressouvint de
+cette opération, & comme il l'avoit malheureusement exterminé, lui ôtant
+toute espérance de bénédiction mulative. Oubliant selle, bride & maître,
+il s'élança après; & ne se souciant plus de coups, de guide, & de tout
+ce que vous voudrez dire, s'enfonça droit & roide vers ce châtreux pour
+le dévorer, ouvrant la bouche grande comme un four à ban: & en dà, il
+l'eût diffamé & vilipendé sans sa feinte. Le pauvre siffleur se sauva en
+une maison; & le mulet après y porta son maître, qui fut obéissant, ne
+pouvant chevir de sa bête qui l'emporta après le châtreux, qu'il suivit
+tout du long d'un escalier, portant toujours son possesseur, qui n'avoit
+plus autre espérance que d'avoir le cou rompu. Le châtreux se jetta sur
+une pièce traversante, où le mulet, qui le voyoit, recanoit trépignant
+en la chambre, & béant comme une carpe qui se noie. Ainsi baillant,
+ouvrant la bouche grande comme un ministre qui dit son premier sermon,
+il fit tant de désordre en se tremoussant, que les quatre jambes lui
+entrerent dans le plancher; & messire Gravereuil eut le cul fort
+rehaussé, tellement qu'aisément il se put ôter de l'encombre où il
+étoit. Il ne fut point sot; il s'en ôta, & laissa là sa bête, qui, après
+que le pauvre châtreux fut échappé, fut levée par l'industrie de quatre
+ou cinq hommes qui l'enleverent. Ce mulet, depuis cette aventure qu'il
+ouvrit tant la bouche, mordit comme un chien; aussi ne vivoit-il que de
+mordre, pourquoi son seigneur lui fit arracher quatre dents, dont de
+dépit il devint pire, & jamais ne bûvoit qu'il ne lui prît fantaisie.
+
+HERCULES. Pourquoi est-ce qu'un âne ne boit pas, s'il n'a soif?
+
+CALVIN. Faites votre proposition vive.
+
+HERCULES. Je ne m'ébahis; si tu fus hérétique. Va, je te le dirai. C'est
+parce qu'il ne boit que de l'eau. Que s'il buvoit du vin, il boiroit à
+tout moment, comme un bon théologien: mais _tu venisti sobrius ad
+evertendam rempublicam_.
+
+CALVIN. Jamais il n'y eut homme savant, qui n'entendît raillerie, que
+toi. Va te faire lanterner, & me regardez; vous voyez votre maître. Mais
+que devint ce mulet?
+
+ORPHÉE. Gravereuil le vendit à un Gascon, qui, étant informé des
+conditions de la bête, ne laissa de la bien payer, estimant qu'aisément
+il en viendroit à bout, parquoi il l'acheta, & le paya bien
+authentiquement; aussi la bête étoit de belle apparence & forte. Quand
+le Gascon fut dessus, & qu'il l'eut un peu mené outre son premier gré,
+le mulet s'avisa & emporta mon homme après ses propres fantaisies, à
+travers haies & buissons, champs & prés, & le menoit, comme un nouveau
+Plutus, dans ronces & épines de tous les diables. A la fin, lassé ou
+remis, le soldat, qui ne pouvoit oublier cette injure, se renforça de
+colere, si qu'étant descendu, il lui passa son épée au travers le corps.
+Le mulet, sentant ce coup énorme, & sa vie déterminée, en appella à la
+mule du pape, par la vertu de laquelle il s'évertua, & excédant en
+vigueur, frappé comme il étoit, il se jetta sur son homme, auquel en
+mourant il emporta toute une épaule. Le pauvre Gascon se vint faire
+panser à Tours de sa morsure, plaie & contusion: mais il ne lui servit
+de rien, parce qu'il en mourut, d'autant que l'appareil qui fut mis sur
+sa blessure, avoit été appliqué sur la chemise d'une fille, qui étoit
+pucelle à vingt-cinq ans & demi, & que de là même on avoit fait le
+charpis qui avoit mis le feu par-tout.
+
+
+
+
+ÉLÉGIE.
+
+
+XXXII. CÉSAR. Bien remarqué!
+
+RENÉE. Devant que vous laissiez ce prêtre, je vous l'accompagnerai d'un,
+afin qu'il n'aille pas tout seul, & lui baillerai un caillou en la main,
+de peur qu'elle ne lui enfle. Il y eut un ministre Breton de Bretagne,
+qui courut chez nous une belle fortune. Il se plaignoit fort d'une
+douleur de jambe; & ayant pris conseil de son mal, il s'alla coucher. On
+avoit oublié de lui bailler un pisse-pot, si que, durant la nuit, ayant
+desir d'uriner, & ne trouvant point de vaisseau, il se leva, & s'avisa
+d'aller pisser en la cour. C'étoit environ la toussaint, en nouvelle
+lune. Il sort de sa chambre, & enfile le degré, lequel étoit contigu à
+celui de la cave, qui n'étoit point fermée, tellement que suivant la
+vis, il alla tant qu'il trouva terre, qui fut, quand il eut mis le pied
+au fond de la cave, où étant, il s'avança trois pas, & pissa abondamment
+selon la désirable évacuation de sa vessie. Voilà que, par male tigne,
+il s'étoit tant avancé, qu'ayant pissé il se trouva plus déchargé & plus
+éveillé; pourquoi il veut retourner: sur cette intention il cherche le
+noyau du degré & de la sortie ou entrée; mais il ne le peut trouver. Le
+voilà tout égaré; il leve les yeux à mont, & s'éguisant la vue, il tâche
+de trouver des étoiles; mais il n'avoit garde. Ho, disoit-il, que le
+temps est nuble! que le ciel est noir! que l'air est étouffé! Ho, y, il
+fait ici noir comme en une cave. Les nuées étoient si épaisses, qu'il ne
+voyoit goutte qui soit. Il se résout de sortir de ce lieu tant obscur,
+qui est la cour, à son avis; mais il ne peut trouver de passage: il va,
+& vient, & de tant plus il s'englue. A la fin, il se met à appeller, &
+crier qu'on lui portât de la chandelle. Il se mettoit à hucher, puis se
+reposoit; plus il huchoit, & moins on s'en soucioit; aussi que sa voix
+n'étoit point entendue venant de si bas. Après qu'il avoit bien crié, il
+se taisoit, & écoutoit; puis, un peu après, il recommençoit. A la fin,
+je m'éveille & demandai: qui est-là? Il m'entr'ouit, & dit: c'est moi.
+Et qui? Moi pauvre ministre. Et où êtes-vous? Ici. Et où? je ne sais. A
+la fin, la voix me conduisit à la cave, où je le vis tout nud, aussi
+ébahi que Petou. Qui, tous les diantres vous a mis ici? C'est moi: je
+cuidois être en la cour; & je ne sais comment j'ai descendu si bas. Et
+que n'avez-vous pris des souliers? Si j'eusse pensé tant y être, j'eusse
+pris mes souliers & ma robe. Mais, pour dieu, menez-moi chauffer; je
+transis de froid. Je fus presque en pensée de le mettre échauffer en mon
+lit: mais l'odeur de ministre me déplaît; je m'étonne de celles qui les
+aiment tant, & les épousent.
+
+VITRUVE. Mais venez çà, Renée; faites honte au diable. Ce Breton ne vous
+pria-t-il point d'amour en la cave?
+
+RENÉE. En bonne finte, il n'avoit garde; il ne lui en tenoit; il avoit
+trop froid aux pieds. _Qui a froid aux pieds, la roupie au nez, & le cas
+mou, s'il demande à le faire, c'est un fou._ Croyez qu'il avoit la
+friandise bien ravallée.
+
+VITRUVE. Il falloit le lui frotter. Voire, _vin chauffé & cas frotté ne
+tendent qu'à pauvreté_. Ce fut donc à l'autre chambriere à laquelle il
+le fit.
+
+RENÉE. O! vere, en ma conscience, je vous jure qu'elle est une pauvre
+petite putain, aussi fille de bien que fut jamais votre mere; & n'y en a
+pas une en ces cloîtres, qui fasse moins faute de son corps. Que si elle
+est avec un homme qui l'entretient, hé bien, il n'y manque que l'église;
+elle ne laisse d'être mariée: & ce mariage, au dire de nos prêcheurs,
+est aussi bon que celui des huguenots, qui ne se marient, non plus que
+nous, à la messe. Et bien, vous voilà bien en peine pour une messe!
+Dites ce que vous voudrez; je l'aime bien. Le diable l'emporte, si elle
+songe plus en cela qu'une vraie abbesse, à qui dieu en veuille faire
+pardon.
+
+VITRUVE. Mais messire Gabriel nous a conté qu'il n'alloit la voir, que
+pour en tirer une venue.
+
+RENÉE. C'est un sot de le dire, au respect du maître qu'il sert. Qu'il
+aille chez lui, de par le diable. Il est donc de ces gens-là?
+L'hypocrite! Je vous prie, quand il chemine, vous ne diriez pas qu'il y
+pense. Que ne va-t-il droit? Il va douanant, comme un badin; & trotte de
+côté, comme un chien qui vient de vêpres. Je dirai à Perrine que vous
+l'avez nommée putain.
+
+VITRUVE. Et à qui vous joues-tu? Je sais comme il faut rabattre de tels
+coups.
+
+RENÉE. A l'usage de notre maître, qui, un soir, demanda à ma maîtresse,
+qui servoit le gouverneur logé au château: ma mie, avez-vous porté du
+linge à ces putains du château. Elle lui répondit: vraiment, pour un
+vieil homme, vous dites de vilaines paroles; il vaudroit mieux vous
+taire, ou dire votre patinostre. Voire, dis-je, monsieur, appellez-vous
+madame, ses filles, ses soeurs & ses demoiselles putains! O, dit-il, je
+ne les pouvois mieux nommer; ne le seront-elles pas bien, si elles
+veulent!
+
+DIOGENES. Il y en a beaucoup qui le voudroient bien être, & ne peuvent
+un seul petit coup: par ainsi beaucoup de monde va en paradis par sa
+faute.
+
+CATULLE. S'il y avoit autant d'honneur, de grace & de commodité paisible
+à être putain, que d'être femme de bien, on ne pourroit tenir les
+femmes.
+
+AVICENNE. Vous êtes importun de ces femmes de bien. Qu'est-ce que peut
+faire une femme de bien, que de bruit en une maison! Elles ne font que
+rechigner, elles sont ennemies de tout exercice vertueux: bref, ces tant
+femmes de bien feront pour dix écus de ménage en une maison, & y feront
+pour cent écus de vilenie, tant elles sont seches de courtoisie. Depuis
+qu'une femme a juré: par la merci de dieu, je suis femme de bien de mon
+corps; on n'en sauroit plus chevir; on ne lui ose plus rien dire.
+
+SENEQUE. Vous n'êtes pas recevable à parler des femmes, d'autant que
+vous êtes jaloux de la vôtre.
+
+AVICENNE. Parmagri, eh! de qui voudriez-vous que je fusse jaloux? De ma
+mule, de ma chatte, de ma chienne, comme vous de votre chevre; vraiment
+je vous les abandonne, aussi-bien êtes-vous savetier, vous travaillez en
+vieil cuir à racoûtrer la mere de l'Empereur. Laissez-moi dire, ou je
+vous ferai rougir comme un plat d'étain. Pensez vous que, pour si peu de
+choses, & qu'à si petit cas de pitié, une femme soit connue. Il y a des
+femmes qui sont enclines à faire la pauvreté, par nature qui les induit
+vivement à la contenter, qui, au reste, sont les plus justes &
+admirables du monde, & ne voudroient endommager autrui. Il est vrai que,
+quelquefois, il y en a qui s'accommodent, pour subvenir aux nécessités
+de la maison. Vaut-il pas mieux avoir un peu de commodité & faire
+plaisir aux honnêtes gens, que de trancher de la glorieuse & avoir
+disette? Sachez l'axiome de Normandie: _plus de profit et moins
+d'honneur_. On acquerra assez d'honneur, après que l'on aura des moyens.
+Il est vrai que je veux mal à celles qui le font pour se venger, comme
+la huguenote de Lyon, qui disoit à son mari qui la battoit: va, chien,
+vilain, par dépit de toi, grand excommunié, j'irai tant à la messe & me
+ferai tant haillonner. Mais j'excuse celles qui le font par honneur, de
+peur d'en aller honteusement demander, & qui le font pour honnêtement
+gagner leur vie. Toutefois, je me fache de ce qu'elles ne sont toutes
+unies. Il y en a qui sont loches; les autres sont croches, ainsi que me
+disoit la feue princesse qui a été nonnain. Les loches deviennent
+misérables, tout leur chet du cul, rien ne leur tient, elles sont
+vilaines putacieres. Quand aux croches, elles sont sages & prévoyantes;
+elles attrappent tout & le retiennent; il ne leur faut pas jetter d'eau
+aux fesses comme aux cavalles; elles retiennent bien, elles sont de
+bonne sorte, elles sont femmes de bien en dépit des autres, pour ce
+qu'elles sont braves, ont du support & de l'argent. Retenez cela,
+putains. Que si vous voulez tenir un homme en bride, faites-le bien
+payer: ceux qui vous le font pour néant, n'en font compte; ceux qui
+l'achetent, font état de vous, comme on fait entre les bons marchands,
+de ceux qui ont de quoi, & sont sujets à large, pour le faire venir.
+Quant à Licofron, il en fait suivant la venue que lui bailla celle qui
+le pressura l'an passé.
+
+LICOFRON. Je ne la garderai gueres, ce que j'en faisois étoit pour
+suivre ma destinée, qui est, à mon avis, que je le dois faire à toutes
+les femmes & filles, & l'ayant fait à cette-là, c'étoit autant de fait.
+Quand j'aurai accompli ma fatalité, vous serez mon beau-pere, votre
+fille est belle & de nos soeurs, & puis, si j'empoigne votre femme...
+
+AVICENNE. Tout beau, la mere & la fille.
+
+LICOFRON. C'est tout un, il n'y a point de lignage en cul de putain,
+l'eau claire l'efface. On mange bien en Grece d'une truye dont on aura
+mangé le cochon.
+
+AVICENNE. Mais voyez comme il appelle ma femme & ma fille putains.
+
+LICOFRON. Prenez que nous ne soyons mariés, ni l'un, ni l'autre. Si je
+devois accommoder toutes les filles, & vous toutes les femmes, lequel
+auroit plus de peine? Ce seroit vous, compere mon ami, parce que quand
+j'aurois accoûtré les filles, il faudroit que, comme à femmes, vous leur
+fissiez.
+
+AVICENNE. Mais à qui seroient les enfans?
+
+LICOFRON. Ils seroient à nous, qui serions leurs mignons, ainsi que
+beaux petits chanoines.
+
+AVICENNE. Voire, mais les filles ne sont femmes, que le prêtre n'y ait
+passé.
+
+LICOFRON. Dà, qu'il faudroit que le trou fût grand; envoyez-les à Rome &
+à Angers, il y a assez de prêtres pour faire ce qu'ils pourront.
+
+AVICENNE. Vous les voudriez faire putains.
+
+LICOFRON. Et qui le saura? Qui est-ce qui pourra dire, qu'une fille, ou
+femme, soient putains que par opinion; s'il n'en a été maquereau, ou par
+méchante calomnie, s'il ne l'a besognée.
+
+MENANDRE. Pourquoi est-ce que les chanoines se font nommer _mignons_ à
+leurs enfans!
+
+LICOFRON. Parce que mon mignon, mon oncle, mon maître en chanoine;
+c'est-à-dire, mon pere en ministre, comme, monsieur en grand.
+
+STATIUS. Allez leur dire, & vous chauffez à leur feu, & accommodez leurs
+pucelles. Ce sont bonnes pucelles d'apparence; mais elles sont femmes en
+substance, ayant reçu la même transmutation momentaire, qu'une femme ou
+une putain.
+
+JOSEPHE. Il y a plus de trois mille minutes que je suis après, pour vous
+attrapper à ce point, sans vous interrompre; mais il ne venoit pas à
+propos. Vous avez dit qu'il y a des femmes qui le font, & sont femmes de
+bien.
+
+
+
+
+RESPECT.
+
+
+XXXIII. FEU MONSIEUR. J'avois en ma cour un gentilhomme, qui disoit
+qu'il avoit trouvé sa femme le faisant plusieurs fois. Hé, gros oison:
+c'étoit lui, voilà comment il le faut entendre. J'aimerois autant mon
+premier médecin, qui, parlant à un de mes maîtres d'hôtel, qui se
+plaignoit qu'il avoit trop d'enfans; & qu'il eût voulu avoir un secret,
+pour le faire à sa femme, sans lui faire des enfans. Le médecin lui en
+promit, pourvu qu'il fît le juste présent. Ce qu'étant accompli, le
+médecin lui dit: mon ami, défaites au matin ce que vous aurez fait au
+soir; ou bien ne le faites jamais à votre femme, qu'elle ne soit grosse.
+Monsieur, ce n'est pas cela. Je m'entends bien; je veux dire qu'elle le
+fasse, comme font les putains. Pourquoi, je conclus qu'il faudroit
+établir un certain ordre; & puisque vous avez la tête si lourde que vous
+ne pouvez entendre, je vous dis qu'il faut qu'elles soient de l'ordre de
+sainte Glougourde, qui prêtoit son chouse pour une patinostre. Et je
+vous dirai, tout prosélite que je desire être: on a parlé de la piété:
+elle se peut connoître par les effets. J'ai observé que les femmes qui
+ont long temps ébattu leur jeunesse, se venant à retirer de cet état,
+sont plus dévotes que les autres; vous les voyez sans cesse tomber en
+oraison, les yeux larmoyans, la bouche pleurante, le cas riant.
+
+STATIUS. Et comment est-ce qu'il riroit:
+
+LICOFRON. Il a une bouche & les levres. Il n'est pas de cela pour rire.
+
+STATIUS. De quoi est-il fait:
+
+LICOFRON. Celui d'une fille est fait de chair de cirons, il demange
+toujours; & celui des femmes est de terre de marais, ou d'eau de mer,
+parce que le cas d'un homme, qui est de liége, ne peut aller au fond.
+
+AVICENNE. Ce n'est pas-là ainsi que disoit la belle fille, qui vouloit
+être touchée au bas du ventre: achevez ces dévotes. Je vous laisse dire,
+pour vous avertir que les jeunes filles passant vingt ans, & jeunes
+veuves qui n'osent le faire & le voudroient bien, sont toujours près les
+piliers des églises à prier, afin que leur contentement avienne; & les
+vieilles pécheresses invoquent à ce qu'il ne leur soit rien imputé, pour
+l'excès qu'elles en ont eu, au préjudice des autres qui en jeûnent; & ce
+d'autant que toutes, tant nonnains soient-elles, ne pensent qu'à cela,
+parce que c'est la fin finale, pour laquelle la femme a été faite.
+
+RADEGONDE. Puis qu'ainsi est, je voudrois que mon cas fût un benoîtier,
+afin que tout le monde mît dedans.
+
+ÆLIAN. A ce que je vois, il n'est que de mettre dedans. A ce propos, je
+vous dirai de mademoiselle d'Amelie, qui a beaucoup acquis de
+réputation, ayant hanté la cour toute sa vie, parce qu'elle étoit mariée
+à un impuissant; & elle l'a enduré, sans aller à notre-dame des aides;
+ou pour mieux dire, à la cour des aides. Elle n'a, tout ce temps-là,
+rien mis dedans; & si on ne voyoit en rien son désastre, tant elle
+faisoit bonne mine. Ce premier mari lui a duré dix ans, il faut que vous
+sachiez cette vérité. Etant mariée à ce bon personnage, la premiere nuit
+de ses noces, il la caressa de baisers & de petites mignardises
+superficielles; & puis mit la main à une paire d'époussettes de soie qui
+étoient pendues au chevet du lit, & lui épousseta son cas; ce qu'il fit
+deux ou trois fois, & ainsi les passant & repassant par son velu d'entre
+les deux gros orteils, la contentoit, sans qu'elle y pensât autre
+finesse. Le lendemain les amies lui demanderent comment elle se portoit,
+& ce qu'elle disoit de ce bon homme. Vraiment, dit-elle, il m'a
+épousseté trois fois mon cas. O, ho! dirent-elles, vous êtes bien, ma
+mie. (Ainsi font les dames de Paris, & disent à la nouvelle mariée: hé
+bien, la jeune femme, comment vous portez-vous! Si d'aventure elle est
+bien ointe en sa jointe, elle dira: fort bien, madame; j'ai un bon mari,
+il me donne tout ce que je demande; si je voulois manger de l'or, il
+m'en donneroit. Mais si elle est mal servie: ardez, dit-elle; mon mari
+est un grogneux; il est chiche, & ne fait que penser à son avarice.
+Hélas! voyez, voilà grande pitié). Cette-ci n'étoit si fine, elle ne
+savoit ce que c'étoit, & s'ébahissoit comment les femmes faisoient si
+grand cas de si peu de chose, qu'elle estimoit moins que rien, encore
+qu'au dire des dames ce fût beaucoup d'excellence: je laisse à penser ce
+qu'elle jugeoit de l'entendement des autres. Il avint que ce bon mari
+fut malade; & se voyant près de sa fin, fit son testament, & donna à sa
+femme sa maison, ainsi qu'elle se comportoit, meubles & tout: puis il
+trépassa, comme dit l'autre, dont elle fut en grande angoisse, parce
+qu'outre cela il étoit le meilleur petit bon homme, qui fût d'ici au
+saut d'une puce armée. Quelque temps après, un brave jeune dispos se mit
+à rechercher cette belle veuve, qui, au commencement n'en fit cas,
+n'ayant affaire de rien. Ainsi estimoit-elle le bien que peut faire un
+homme, qui est plus grand que jamais pere & mere n'en firent; cela, qui
+est le bien des autres, ne l'émouvoit point. Or ce que l'amour ne put
+exciter, l'ambition l'éveilla en cette-ci; d'autant qu'elle considéra
+que ce jeune homme avoit un beau chausse-pied de mariage, qui seroit
+cause qu'étant mariée à lui, elle passeroit devant ses soeurs: parquoi y
+pensant, elle consentit au mariage tant desiré par le jeune homme. Ils
+furent donc mariés, aux us & coutumes du pays. Ainsi que le prêtre leur
+dit, (j'y étois) & leur acheva ainsi la benoîte cérémonie: vous, Claude,
+vous promettez-bien aimer Marie: Marie, au cas semblable, gouvernerez
+bien votre mari Claude autant sain que malade, &c. Cela promis, la belle
+emmena son jeune mari en sa maison, où elle lui fit bonne chere; puis
+ils coucherent ensemble au même lit, où le bon homme lui avoit épousseté
+son cas. Le jeune compagnon n'eut pas la patience d'attendre; mais se
+juche sur elle, qui se trouve scandalisée de cette façon. Quoi,
+dit-elle, me voulez-vous outrager? Etes-vous fou ou enragé! Je veux vous
+faire comme votre défunt mari faisoit. Il ne faisoit pas ainsi; il
+prenoit ces époussettes, & m'en époussetoit mon engin; il ne me fouloit
+pas comme vous faites; il passoit & repassoit ces époussettes sur la
+prée de ce petit fossé, que j'ai contre-bas. Vraiment, c'est cela.
+Laissez-moi faire, je l'entends mieux que lui; il n'étoit pas clerc.
+Elle s'y accorda; & comme elle sentit l'embouchement entre les
+hipocondres, chose qui lui étoit toute nouvelle; hélas! crie-t-elle, mon
+ami, pensant aux époussettes, je crois que vous avez mis le manche
+dedans. Voilà comment il l'accommoda, & s'en vanta. Et toutefois il
+n'étoit pas si bon compagnon qu'il se disoit; je le sus de la femme de
+chambre, qui ouit le discours & les effets. Je lut demandai s'il étoit
+vrai qu'il eût frétillé-naturé sa femme neuf fois, comme il se vantoit.
+Elle, se moquant, secoua la tête, me disant: je voudrois avoir ce qu'il
+s'en faut. Depuis cette fortune, la demoiselle s'est reconnue, & n'a
+plus été si niaise. De fait, on m'a assuré que, comme les autres, elle
+aimoit mieux un vit au poing, qu'un bourdon sur l'épaule.
+
+ANDOCIDES. Pendant que nous sommes aux noces, demeurons-y.
+
+
+
+
+COUVENT.
+
+
+XXXIV. J'eusse oublié ceci, si je n'y eusse pensé. La bonne femme la
+Baudouin marioit sa fille; & l'ayant fiancée, vint au soir le notaire
+qui avoit passé le contrat, qui disoit que tout étoit bien. Mais,
+dit-elle, il faut des bans; je vous prie me les écrire. Il faut parler
+au clerc. Julian mon ami, puisque monsieur le notaire le veut, écrivez,
+je vous prie, qu'il y a promesse de mariage entre Pierre du Pin, & la
+fille de chez nous. Ce gars écrivit ce qu'elle dit, & le lui bailla.
+Elle porta son fait au curé, qui le mit en sa ceinture. Le dimanche au
+matin, publiant ces bans, il dit: il y a promesse de mariage entre
+Pierre du Pin, & la fille de chez nous. O, ho! si est-ce, par saint
+Jean, qu'il n'y en a point! Chacun s'en rioit, comme on fait au
+conclave, quand on a élu un pape.
+
+GRATIAN. Je les vis fiancer, ainsi que le curé les eut fait toucher en
+la main, il prit un verre & fit boire le fiancé. Or ce fiancé avoit eu
+la fievre, qui lui avoit chié au bec, si que sa bouche étoit un peu
+galeuse. Le fiancé ayant bu, le curé présenta ce verre à la fille, qui,
+le tenant, jetta ce qui étoit dedans, & le tourna. Quoi! dit le curé, ma
+mie, vous ne voulez pas boire? C'est votre grace, monsieur: mais s'il
+vous plaît, donnez-m'en deux doigts dans le cul. Elle entendoit le cul
+du verre.
+
+L'AUTRE. Un jour j'étois aux noces vis-à-vis du curé, qui étoit près de
+la mariée, laquelle avoit eu de l'usance qu'elle avoit usée. Je lui
+donnai un croupion qu'elle voulut saucer; & ne trouvant rien en sa
+sauciere, dit: monsieur le curé, tremperai-je mon cul en votre sauce?
+Trempez, ma mie, trempez. Mais ce curé fut bien trompé.
+
+GRATIAN. Comment?
+
+L'AUTRE. Ce curé étoit amoureux de cette fille, de laquelle il avoit
+pratiqué le mariage, pourvu qu'après il fut reçu à faire avec elle
+choses & autres, selon l'intelligence délectable, à quoi la fille
+s'accorda, & en avertit son mari, afin qu'il ne le trouvât point
+étrange, s'il n'y remédioit. Sur cette promesse, le mariage fut fait; &
+le mignon de curé s'attendoit de faire goûter à la jeune femme de son
+fruit de cas-pendu. (Cas-pendu est le cas qui pend; les pommes qui ont
+des pendans sont pommes de cas-pendu; & telles sont les pendiloches
+naturelles des hommes.
+
+HORACE. Vous faites une équivoque trop dissemblable; je vous entends
+bien. Les pendilloires ne sont pas pommes, d'autant qu'elles ont mieux
+la figure de prunes; & de fait il y paroît, parce que notre jardinier en
+disoit, les nomcupant naïvement. Mademoiselle étant venue au jardin, &
+arraisonnant le Jardinier, vit en un prunier de ces prunes qu'on appelle
+_billons d'âne_. Jardinier, donnez-moi de ces prunes. Il faut que vous
+en ayez, mademoiselle; je m'en vais appeller mon fils; je ne suis pas
+assez fort. O Jean! ô viens vîtement donner ici une secouée de couillons
+à mademoiselle. Achevez, s'il vous plaît.)
+
+L'AUTRE. Monsieur l'amoureux poursuivit son instance. La jeune mariée,
+qui, comme toutes nouvelles jeunes femmes font, aimoit son mari encore
+pour le bien & aise qu'elle avoit eu d'avoir été accomplie, ne faisoit
+guères d'état de messire Jean, principalement ayant eu l'argent qu'elle
+prétendoit. C'étoit autant de vinette cueillie. Un jour qu'il la trouva,
+il lui dit: sais-tu pas bien que tu m'as promis? Et quoi? De mettre un
+de mes membres dans un des tiens. Je le veux, monsieur le curé, mettez
+donc votre nez en mon cul, ainsi vous boucherez trois pertuis d'une
+cheville. Les petits menus propos lui donnoient espérance que bientôt il
+l'émouveroit toute vive, par ainsi il se rendoit plus privé & importun,
+dont la jeune femme se voulut défaire moyennant le complot pris avec son
+mari, qui fit semblant d'aller aux champs. Par ainsi, monsieur le curé
+qui alloit & venoit pour rencontrer la belle, eut assignation de venir
+au soir. Sur la brune venant, voici mon curé qui vint; comme elle le
+vit: helas! dit-elle, personne ne vous a-t-il vu? J'en suis toute
+tremblante. Ma mie tout ira bien, assurez-vous. Et bien, monsieur, vous
+soyez le bien venu. Tâtons au vin: non, pas encore, Françoise ma mie,
+tâtons à autre chose avant. Vraiment, vous avez grand hâte, si votre
+fosset est fait, la piece n'est pas perçée. Attendez que nous soyons
+couchés, vous aurez assez de quoi vous embesogner; je vous baillerez un
+petit endroit, où il y a plus à travailler, qu'il n'y a à moudre en
+quatre septier de bled. Soupons vîtement, puis, nous nous coucherons.
+Cependant il déroba quelques baisers, qu'il furta tandis qu'elle apprêta
+tout. Ils se hâterent de souper, puis elle dit: là, couchons-nous; c'est
+assez friponner sur la viande morte, c'est trop languir. Jamais le
+mignon ne se trouva si aise. Il se jetta bientôt au lit, & elle, presque
+toute nue, faisoit mine d'aller éteindre la chandelle; & musoit un peu,
+& il lui disoit: _Françoise, vien tôt, voici Jacquemart de bandeliroide
+qui vous attend, c'est Perrin boutte-avant, venez tôt, il est fort comme
+un os; venez qu'il vous serve._ Elle approche comme pour se jetter au
+lit, n'ayant plus que sa chemise: ho, dit-elle, je m'en vais ôter ma
+chemise, mais aussi vous ôterez la vôtre, je ne la pourrois souffrir. Il
+l'ôte, puis elle lui dit: je vais éteindre la chandelle, tendez-moi la
+main pour vous trouver. Elle faisoit de l'interdite, semblant d'ôter sa
+chemise, une manche, puis l'autre: foin des puces, bran elles me
+mangeront. Le drôle prenoit plaisir à la lueur de la chandelle, de voir
+ces mysteres qui avoient bonne grace; mais voici bien du changement.
+Ainsi que déja cette chemise passoit par-dessus la tête, qu'il voyoit un
+beau tableau, on heurta à la porte assez épouventablement. Lors elle
+comme surprise: hélas! monsieur, où vous mettrez-vous? Je suis perdue.
+D'autre côté, on frappoit, disant: ouvre-moi, Françoise, ouvre vîtement,
+je suis mort; je te prie, ouvre vîte. Elle crioit: mon mari je me leve
+en si grand hâte, que je ne sais ce que je fais. Cependant elle aidoit
+au curé à monter sur un travers, où les poules nichoient. Cela fait,
+comme toute hors de soi, elle vint ouvrir la porte à son mari & lui dit:
+& où allez-vous si tard? Il est belle heure de venir. Ha! ma mie,
+excuse-moi, je suis mort. Ne te fâche point: tu ne me verras plus
+guerre; je me meurs, envoie quérir monsieur le curé que je me confesse.
+Il se tenoit le ventre auprès du feu, comme s'il eût eu la colique, &
+faisoit semblant par fois de s'évanouir. Il fait appeller des voisins à
+l'aide, qui s'assemblent à le reconforter & le mettre sur un lit à
+terre. Mais il ne faisoit plus que soupirer & dire: jamais, jamais! Hé,
+compere, prenez courage. Jamais. Ce ne sera rien: or sus, mon ami, là,
+aidez-vous. Jamais. Il faut voir monsieur le curé. Jamais. Il vous dira
+quelque bonne parole. Jamais. Encore ne faut-il pas se laisser ainsi
+aller. Jamais. Il semble que vous ne nous connoissiez point. Jamais.
+Voilà mon compere cettui-ci, mon cousin cettui-là, qui vous sont venus
+voir. Jamais. Quand presque toute la paroisse fut assemblée, & que l'on
+lui va dire: or ça compere, debout, allons au lit; vous y serez mieux.
+Et bien que vous faut-il? Adonc, jettant les yeux & dressant la main
+vers le curé, il va dire: jamais je ne vis un tel Jean avec mes poules.
+Adonc monsieur le curé de se trémousser; & lors les destinés à faire
+fouetterie lui aiderent à descendre, & le singlerent à droite & à
+gauche, sans faire semblant de le connoître. Quelle loi, _canis_! Là,
+là, disoient les femmes, fessez, fessez, c'est le foulon. Tels sont les
+esprits familiers, incubes, sucubes & fées, qui, en phantômes
+domestiques, trompent hommes & femmes. Flanquez-lui ces nerfs de boeufs
+autour des échines, tant que la peau lui parte.
+
+
+
+
+APOSTILLES.
+
+
+XXXV. HORACE. Ces femmes disoient tout outre, comme frere Orimont qui
+prêchoit durant les états, se mettant en colere contre les usuriers:
+sur-tout il raconta que les diables les tenoient en enfer, où ils les
+flagelloient, les sanglant avec de grands vits de boeuf. Après le
+sermon, quelqu'un lui remontra; & sur cette remontrance, il nous
+enseigna qu'il y avoit deux temps, qu'il falloit tout nommer par son
+nom, ou que l'on avoit congé de tout dire; en innocence, & en colere.
+Ainsi, nous, ajoûta-t-il, qui sommes en chaire, en vraie innocence,
+laquelle nous fait venir la sainte colere, ne péchons point, si nous
+disons ce qui seroit interdit à un autre. Ainsi devons-nous parler
+naïvement, afin de ne causer aucun doute. Savez-vous pas bien que la
+honte est signe de péché? Or nous, qui n'avons pas envie de pécher, si
+ce n'est à bon escient, avons occasion, liberté & science de tout dire
+explicablement; & puis si nous, plein de protection formelle, déguisons
+les matieres, on ne croiroit plus; on dira que nous sommes menteurs.
+Voudriez-vous que je die, comme les femmes de Blois, v, i, t, pied; c,
+o, n, pantoufle? Que si en choses connues de vulgaire, nous apportions
+du déguisement, que ferions-nous ès inconvéniens & contingences de
+conséquence.
+
+CALIGULA. Le grand cordelier de Poitiers étoit donc en colere ou en
+innocence, quand prêchant les regrets de la mort de l'un de leurs
+confreres qui avoit été pendu à Vendôme, disoit aux dames en pleine
+chaire: voyez, mes dames, comme vos bons peres spirituels sont
+accoûtrés. Et faisant geste d'un homme bien fâché, y ajoutoit une
+mystique démonstration, mettant la main gauche à la jointure du bras
+droit, qu'il démenoit comme un encensoir, soupirant disoit, faisant
+cette question en complainte plusieurs fois: il m'en pend autant, mes
+dames; il m'en pend autant.
+
+TOSTAT. Je le connois ce bon frere. Il aide volontiers de sa faveur à
+ceux qui vont aux ordres. Et de fait, un jour qu'un jeune clerc se
+présentoit, monsieur le grand-vicaire, qui n'est pas plus habile que
+l'évêque, (aussi ce seroit honte) vint pour l'interroger; & ouvrant le
+livre, trouve: _angelus tenebat thuribulum_. Or ça, dit-il à ce clerc,
+qu'est-ce à dire _thuribulum_? Le voilà surpris: il cherche en son
+cerveau, si l'esprit lui suggérera quelque réponse. Maître Robert, qui
+étoit derrière le grand vicaire, faisoit signe du bras à ce répondant, &
+lui faisoit le même mystere que le cordelier. Le clerc considéroit
+fermement, & voyoit bien que ce maître lui faisoit signe comme les
+enfans de choeur à Paris; mais il ne pouvoit bien deviner. Le docteur le
+pressant, enfin il va répondre selon l'apparence du signe: _thuribulum_,
+c'est-à-dire, un vit de mulet, monsieur.
+
+CARLOSTADE. Mon compagnon ne répondit gueres mieux que moi, quand nous
+allâmes nous faire exorciser avec Malo. On demande à Liset, sur ce
+texte, _quidem habebat villicum_: qu'est-ce à dire _villicum_? Il répéta
+le texte; puis ayant pensé que c'étoit à dire chose, & qu'il le falloit
+dire honnêtement, & que possible le texte parloit d'un adultere, se
+ramentevant que c'étoit, selon Bocace, mettre le diable en enfer; plein
+de belles résolutions, & pensant aviser les autres d'une science
+profonde: dit: _dicam, domine_. Là donc, dites, dites; qu'est-ce à dire?
+_Habebat villicum_, c'est-à-dire, il avoit le diable au corps.
+
+BEZE. Si je n'avois peur de blasphémer, je dirois quelque chose de cinq
+religieuses qui furent baillées à gouverner à frere Notonville, qui les
+engrossa toutes. Comme on l'en tançoit, il dit: _quinque_, &c. tu m'as
+baillé cinq talens; j'en ai gagné cinq autres. Or sus, n'en parlons
+plus; nous serions ici meshui. Sur quoi étions-nous?
+
+ASCLÉPIADES. Nous étions sur celles qui le font à petit semblant.
+
+
+_Fin du Tome second._
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by
+François Béroalde de Verville
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57879 ***
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-The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by
-François Béroalde de Verville
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-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
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-
-Title: Le moyen de parvenir, tome 2/3
-
-Author: François Béroalde de Verville
-
-Release Date: September 9, 2018 [EBook #57879]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
-Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
-(This book was produced from scanned images of public
-domain material from the Google Books project.)
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-LE
-
-MOYEN
-
-DE
-
-PARVENIR.
-
-_NOUVELLE ÉDITION._
-
-Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.
-
-_Caritas inter jocosve regnat Moria._
-
-TOME SECOND.
-
-A LONDRES.
-
-M. DCC. LXXXI.
-
-
-
-
-[On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome
-second, tiré du tome premier de l'original papier.]
-
-_SOMMAIRE_
-
-DES CHAPITRES.
-
-_TOME SECOND._
-
-I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des
-parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de
-dissolution.
-
-_Plaisant parti d'un domestique_, p. 6.
-
-II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses
-instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de
-par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de
-Busançois, divisé en trois points.
-
-_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7.
-
-_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10.
-
-III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie:
-_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni
-raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni
-raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes
-ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un
-prêtre, &c.
-
-_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14.
-
-_Conte de la malvoisie_, p. 16.
-
-_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19.
-
-IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre
-d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du
-linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un
-besacier, l'autre pour l'avoir rebuté.
-
-_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20.
-
-_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24.
-
-_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23.
-
-_Propos de pisseurs_, p. 28.
-
-V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué.
-Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que
-celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule.
-Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la
-sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_,
-que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style
-des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y
-avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à
-faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il
-demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du
-chose. La section finit par une question, dont le titre de la section
-suivante fait la réponse.
-
-_Aventure de Platon & de Prédicat_, page 30.
-
-_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32.
-
-_Plaisante origine des minimes_, p. 34.
-
-_Description élégante de la sphere_, p. 35.
-
-_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37.
-
-_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37.
-
-_Question d'une chambriere_, p. 38.
-
-VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou
-de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par
-les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape,
-qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les
-femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux
-femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent
-leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a
-bon coeur, qu'il mange de la merde_.
-
-_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42.
-
-_Changemens de noms_, p. 44.
-
-_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45.
-
-VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie
-noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves
-semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois
-tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme
-dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf
-ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre.
-
-_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47.
-
-_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48.
-
-_Obstination d'un marinier_, p. 49.
-
-_Disputes de deux maquerelles_, p. 50.
-
-VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les
-distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du
-désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit
-le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de
-continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou
-trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des
-véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison.
-Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos
-facétieux.
-
-_Lamentation de putain_, p. 51.
-
-_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52.
-
-_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53.
-
-_La couture des mâles & femelles_, p. 54.
-
-_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin.
-p. 63.
-
-_Propreté des femmes_, p. 57.
-
-_Caractere des moines_, p. 58.
-
-IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section,
-toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer
-que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI,
-tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le
-bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la
-vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le
-conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire
-contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du
-livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete.
-
-_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60.
-
-_Expérience de Sculpture_, p. 63.
-
-_Conte du médecin_, p. 65.
-
-_Mot à double entente_, p. 67.
-
-X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa
-liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine
-du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des
-convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin,
-rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté
-sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se
-fendre la bouche.
-
-_Le revenant_, p. 71.
-
-_Conte du sac du bon homme_, p. 72.
-
-_Réponse humble d'un valet_, p. 73.
-
-_Propos naïf d'une fille_, p. 75.
-
-XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre.
-Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de
-l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée.
-Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots.
-
-XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation
-sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames.
-Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet.
-Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur
-les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure,
-& de la naïveté du procureur avec son écritoire.
-
-_Conte du bonnet tombé_, p. 83.
-
-_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85.
-
-_Conte du moulin à barbe_, p. 87.
-
-_Chanoine pris par son propos_, p. 88.
-
-_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89.
-
-XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des
-prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient
-accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont
-il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de
-papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_.
-
-_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93.
-
-_Le jeune homme en couche_, p. 93.
-
-_Quiproquo d'un domestique_, p. 94.
-
-_Nom tronqué_, p. 95.
-
-_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95.
-
-_Plaisant jugement_, p. 96.
-
-_Description du pays de papimanie_, p. 99.
-
-XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan &
-Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre
-contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos
-passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité,
-& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux,
-les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse
-attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre
-supérieure du mari par l'autre.
-
-_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100.
-
-_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104.
-
-_Les beaux sont les gros_, p. 105.
-
-XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui
-mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant
-être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere.
-
-_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108.
-
-XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un
-sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un
-moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose
-qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise.
-Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres
-intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens
-qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé
-un cocu. Maniere d'être poussé.
-
-_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110.
-
-_Conte du moine & des voleurs_, p. 110.
-
-_Conte du fagot_, p. 112.
-
-_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113.
-
-_Secret pour être poussé_, p. 116.
-
-XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue;
-cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas
-putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du
-paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon
-subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur
-du terme de chausse-pied de mariage.
-
-_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117.
-
-_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120.
-
-_Confession d'une femme_, p. 121.
-
-_Bon avis d'un galant homme_, p. 124.
-
-XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les
-cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le
-cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il
-s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait.
-
-_Conte des hommes vissés_, p. 124.
-
-_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130.
-
-XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit
-ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend &
-continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame
-l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames
-de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On
-dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.)
-
-_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134.
-
-_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137.
-
-XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de
-ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si
-libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre
-remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours
-_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.)
-
-_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145.
-
-_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146.
-
-XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers &
-conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in
-illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit,
-pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes.
-
-_La ville de Lubec_, p. 148.
-
-XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin
-prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris
-dont les enfans ont cheveux de deux couleurs.
-
-_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155.
-
-XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée
-de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont
-injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c.
-&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre
-la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_.
-Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une
-réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_.
-
-_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163.
-
-_Conte de la fesse tondue_, p. 162.
-
-_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168.
-
-_Le Chanoine dupe_, p. 170.
-
-XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent
-sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut
-toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux
-miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre
-ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet;
-dissertation sur l'origine des mitres.
-
-XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double
-linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de
-Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en
-sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison.
-Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu
-autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il
-faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou,
-deux moines.
-
-_Conte d'un page attrapé_, page 177.
-
-_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180.
-
-_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192.
-
-XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met
-dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux
-moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis
-à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se
-reprend & se termine.
-
-_Musique d'un moine_, page 188.
-
-_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191.
-
-_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189.
-
-XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de
-gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a
-crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie
-naturelle d'une présidente.
-
-_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194.
-
-_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198.
-
-_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198.
-
-XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église,
-diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier.
-Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des
-religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est
-que femmes pour bien juger des choses.
-
-_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200.
-
-_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203.
-
-_Conte sur le mot groseille_, p. 204.
-
-_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205.
-
-XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa
-stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon.
-Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé &
-inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de
-femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la
-preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures
-vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces.
-Façon d'un curé d'imposer silence.
-
-_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209.
-
-_La confession sincere_, page 214.
-
-_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218.
-
-XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son
-prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des
-charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle.
-Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque
-chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale
-furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle.
-
-_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220.
-
-_Conte du chaudron_, p. 223.
-
-_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228.
-
-XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de
-l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un
-appareil mis sur une blessure.
-
-_Le cheval de Rabelais_, p. 229.
-
-_Conte du mulet_, p. 231.
-
-XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie.
-Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence
-de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques
-chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de
-la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne
-& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines.
-
-_Le ministre en cave_, p. 238.
-
-_Franchise d'un hôtelier_, p. 242.
-
-_La huguenote en colere_, p. 244.
-
-XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une
-femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans
-ses souhaits.
-
-_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251.
-
-_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255.
-
-XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées.
-Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des
-prunes.
-
-_Bans publiés_, p. 256.
-
-_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259.
-
-_Le jardinier & les prunes_, p. 258.
-
-XXXV. Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_.
-Quelques explications de phrases latines.
-
-_Le conte de_ thuribulum, p. 266.
-
-
-
-
-LE
-
-MOYEN
-
-DE
-
-PARVENIR.
-
-
-
-
-PARLEMENT.
-
-
-I. Je sais qu'il y a un autre univers que Dieu a fait. Mais nous; _id
-est_, nos peres, les hommes & femmes, en avons fait un autre plus
-accompli, si Aristote dit vrai. Ne dit-il pas que les femmes sont plus
-parfaites que les filles, parce qu'elles sont dépucelées, & qu'ainsi
-elles ont une forme acquise plus notable & excellente qu'auparavant?
-Dieu fit la fille, & l'homme l'a faite femme. Hé bien, voilà pas les
-hommes qui font bien des choses plus accomplies? Ainsi est-il du monde
-de piperie plus accord, plus joli, plus parfait, plus délicat, & mieux
-sentant son bien que le premier. Et qu'y a-t-il de remarquable? Une
-quintessence céleste, direz-vous. Vraiment, vous avez raison, votre âne
-pette, & au nôtre qu'y a-t-il? Quoi, qué, qué? Une quintessence plus
-profitable, plus pénétrante, plus glorieuse, plus intelligible & plus
-vivifiante: les sages & les parvenans l'ont reconnue, & l'ont apprise à
-plusieurs. Ceux qui ont été plus subtils, & ont reconnu les quatre
-élémens de piperie, extraits ainsi de la supposition ecclésiastique,
-judiciaire, médecinale & trafiquante, ont tâché à y entrer pour
-parvenir: aussi n'y a-t-il point d'autres moyens à cet effet, outre
-ceux-ci, qu'un qui est la vraie quintessence, selon laquelle plus
-aisément, & avec moins de peine, on gagne davantage; ayant plus loisir &
-plus grand profit. Et c'est ceci qui se remarque en tous ordres, où le
-moyen de parvenir est proposé, auquel, comme en toutes vacations, ceux
-qui font le plus de bruit, ont le plus de soin & de peine; s'avançant en
-plus de travail, gagnent le moins: & par conséquent ceux qui sont les
-plus accommodés ont moins de sollicitude, & avec moins de difficultés
-emportent plus de profit. Ceci observé de siecle en siecle, parce que
-les vignerons ne boivent pas le bon vin, les miniers ne possedent gueres
-d'or, encore qu'ils le serrent en grands labeurs, sans que pour le
-préparer, il leur demeure ès mains. Il n'y a que maquereaux pour être
-aisé, d'autant qu'ils entendent aussi les matieres. Le grand Alexandre
-n'avança jamais qu'un voleur, un maquereau & un traître. O belle chose à
-imiter! Là, là, passez & touchez; (votre âne a pissé) il est avenu que
-les gens de bon esprit ont traité la quintessence, non comme ces tristes
-enfumés, qui le plus souvent ont plus de trébillons que de testons,
-desquels le cul paroît pour mieux souffler; mais en habiles, savans &
-industrieux attrapeurs de commodités. Et de fait, ils l'ont trouvée, à
-savoir ès finances, où se pratique, non par transpiration imperceptible,
-mais par emplissement naturel, le plus saint, magnifique & commode
-secret d'amasser. Le diantre y ait part, j'ai été de tous les honnêtes
-métiers du monde, hormis de cettui-là, & professeur en folie. De venir
-aux finances, il n'y a plus moyen à ceux qui ne les pratiquent d'heure.
-Quant à l'autre, j'étois hier en pensée de m'y faire passer maître,
-comme un de vous autres; mais encore qu'il n'y ait personne, qui eût
-plus d'envie d'être fou que lui, parce qu'aux fous tout est permis pour
-rire; si ai-je quelqu'honneur qui m'en empêche: aussi n'oserois-je
-sauter ce bâton de peur de perdre les bonnes graces de ma maîtresse.
-Toutefois je vous proteste que, s'il y avoit autant d'honneur qu'aux
-folies d'être chancelier ou premier président, ou de telle autre qualité
-de fous qui foussoient les autres fous, il n'y auroit gueres de bons
-esprits qui ne fissent paroître que, _quisque abundat in suo sensu_,
-c'est-à-dire, chacun est, sera, ou est dit, ou deviendra, s'il ne l'est,
-fou par la tête. Or notez, amiables freres, & dressez les oreilles,
-comme la queue d'une vache qui mouche, que je vous ai déclaré la vraie
-matiere, & la juste quintessence, dont le magnifique usage est tel, que
-l'on vient, en l'obtenant, à bout de toutes entreprises; on l'obtient,
-en l'ayant, ce qu'on pourchasse; & on fait ce qu'on veut. Parquoi, vous
-avez en somme succintement tout du long, proportionnément au petit pied,
-& sans allégories, les élémens, principes, fondemens, raisons,
-résolutions, évidences, puissances & causes de parvenir tout du long, à
-l'usage de Genève, imprimé à Rome, & sans rien requérir, comme une
-quille de beurre frais.
-
-BIAS. Vous ne faites que parler de parvenir, sans possible en savoir la
-pratique, à quoi peut-être vous êtes stilé, comme un âne à jouer du
-flageolet. Voudriez-vous bien dire que vous l'eussiez de la sorte que je
-l'ai, qui porte tout mon avoir avec moi, de peur d'avoir bien faute de
-poux; & qui sais, comme me le font accroire ces Crisotechnes, cette
-belle science qui rend riches?
-
-L'AUTRE. Je me suis tant amusé à vos fadaises de sagesse étant jeune,
-que j'ai laissé passer les oiseaux. Par mon serment, si jamais la paix
-est faite, j'irai à la guerre aussi-bien que les autres. Croyez que, si
-j'eusse su maintenant, je fusse dedans; & à cette heure que je sais le
-secret, on se défie de moi. Que male foire embrene le nez de ceux qui
-m'ont fait perdre le temps; que cent coups de cornes au cul leur
-déchirent le fondement; que puissent-ils devenir cocus, après le trépas
-de leurs femmes de bien. Je gage que vous ne savez ce que je veux dire;
-[ni moi aussi, dit Chipon, quand il perdit le manteau de son maître. Je
-gage, dit ce seigneur, que ce coquin a perdu mon manteau. Gagez,
-monsieur, vous gagnerez. Le paillard l'avoit détourné, pour s'en
-approprier.
-
-LYCURGUS. Ce fut un moyen de parvenir.] Voilà, il y en a qui parviennent
-diversement; les uns, sans y penser; les autres, par artifice; aucuns,
-par danger; quelques-uns, rencontrant d'un en cherchant d'autre; aucuns,
-courant comme ils attrapent quelques autres en dépit d'eux; & s'en faut
-rapporter aux exemples, ainsi qu'une truie qui avorte.
-
-BODIN. Voilà de belles maximes, & desquelles je pourrois tirer beaucoup
-de science; j'éplucherons, en passant, ceux qui parviennent.
-
-
-
-
-VERSET.
-
-
-II. Il y en a infinis qui ne savent pas leurs élémens; & s'ils les
-savent, c'est par grand pitié de hazard & routine, & trop souvent par
-fausse entente, ainsi qu'il avint à Quenaut, qui se promenant un jour
-vers le colombier, & voulant passer une haie pour aller au travers, il
-coupa une branche avec son outil, qui lui échappa dans l'enclos du
-jardin. Là étoit le maître du jardin avec sa femme de par le diable.
-
-PINAUT. Qu'est-ce à dire?
-
-CHILO. Que d'interruptions! Voilà grand cas qu'il faut passer jusques en
-Grece, pour savoir _sa femme de par le diable_. C'est-à-dire, sa garce
-en françois, comme si vous disiez une femme de prêtre en révérence. Les
-gens du monde, les gens du siecle sont mariés de par dieu; & ont des
-enfans de par dieu; & les autres en ont de même, mais c'est de par le
-diable, qui sera le ménestrier à vos dernieres noces. La sienne étant
-donc avec lui & ses enfans, Thibaut, son gendre, qui avoit épousé sa
-plus grande fille, qui étoit belle & désirable, comme un jeune cheval
-qui sort d'apprentissage, ils devisoient se devisant près la peinte
-archidiaconalement. Quenaut, qui ne savoit rien de cette compagnie,
-parloit assez haut, répondant à son compagnon, qui lui reprochoit sa
-longue demeure, & s'il avoit repris sa serpe, & disoit: je l'aurai, je
-la vois. Thibaut, qui ouit ces mots, croyant qu'on parloit de sa femme,
-qui peut-être aimoit l'amble, (comme étant de nos soeurs, dieu merci, &
-vous qui a fille de femme de plaisir) tout en colere, vint vers le lieu
-où il oyoit cette voix, & faisant le fendant, répond: toi, tu l'auras,
-toi, pance de boeuf? Non, auras pargoi. Si aurai, dit Quenaut. Tu auras
-menti, par la double tigne qui te puisse coëffer. Mais toi, ou le diable
-t'emportera. J'ai bonne épée. Si ai bien moi. Sur ces propos, Quenaut
-s'avançant, vit Thibaut, lui dit: que diable tu te fais de peine! Et que
-te faut-il de tant jurer pour ma serpe qui est chute en ton jardin? Je
-te fais grand tort de la vouloir ravoir? Si j'ai fait dommage,
-demande-le moi, ou sors & nous battons. Je ne te demande que ma serpe;
-que prétends-tu? L'autre l'oyant lui dit: prends-là, si tu veux; qui
-t'en empêche? Tu as peut-être tant bu, que tu es fâché d'autre chose.
-Voilà comme ils parvenoient tous deux.
-
-CLEOBULE. Vous impliquez contrariété. Nous n'aurons meshui fait. Cette
-canaille de sages nous fera devenir fous. Au diable l'importunité de ces
-pédans. Je suis perdu, puisque vous en venez-là. Si est-ce que je crois
-que je suis homme, si ceux qui sont faits comme moi le sont; encore ne
-sais-je si je suis mâle ou femelle. S'il n'y a un autre devant moi, &
-qu'en tâtant, je compare pour savoir ce qui en est, & lors me trouvant
-gros de résolution, parce qu'elle n'appartient à autre animal, je vous
-dirai des choses que vous ni moi n'entendons, ni entendrons, ni n'avons
-entendus; ou je me tairai, comme fit le Curé du Busançois, qui dit: je
-vous prêcherois aujourd'hui; mais nous n'avons pas le loisir. Toutefois
-je vous dirai un bout de sermon, que nous diviserons en trois parties.
-La premiere, je l'entends & vous ne l'entendez pas. La seconde, vous
-l'entendez, & je ne l'entends pas. La troisieme, ni vous, ni moi ne
-l'entendons. La premiere, que j'entends, & vous n'entendez pas, c'est
-que vous fassiez rebâtir le presbytere. La seconde que vous entendez &
-que je n'entends pas, c'est que vous entendez que je chasse ma
-chambriere, & je ne l'entends pas. La troisieme, que vous ni moi
-n'entendons pas, est l'Evangile d'aujourd'hui; parquoi, n'en disons mot.
-Adieu.
-
-PITTACUS. Que direz-vous?
-
-CLEOBULUS. Je vous dirai vos vérités malicieuses, si je parle; & si je
-me tais, je ferai démonstration que vous n'êtes que pleins de vent & de
-néant.
-
-PITHOU. Quant à moi, voyant bien que vous me voulez donner le trait pour
-vous piquer, je vous déclare que je ne sais rien que tout le monde ne
-sache, ou pis; aussi je me contregarde si bien, que je n'offense que
-Dieu & le monde. Et si je vous dirai que je ne peche que par plaisir;
-c'est que je suis amoureux des femmes & des filles. Ce que j'en fais,
-c'est pour naturaliser & parfaire les symboles d'éternité, n'y ayant
-plaisir au monde semblable à celui de la chouserie: foin, de par le
-diantre, foin.
-
-PELICIER. Ne le flattez point; nommez le diable tout-à-fait.
-
-
-
-
-JAMAIS.
-
-
-III. Jamais ces gens, qui font tant la petite bouche, ne furent
-qu'hipocrites. Ils jurent _par ma finte_; ils n'osent proférer le
-mauvais; ils ne savent dire les choses par leur nom: & cependant leur
-coeur est plein de déception & tromperie, d'autant que leur ame
-symbolise à leur bouche, Tu...
-
-GAZA. Bien donc, là, ne nous détournez plus, & n'en parlons plus, de par
-le diable, sans blasphêmer. Bran, vous n'en faites que causer, c'est
-assez. Pourquoi?
-
-QUELQU'UN. Parce que l'on fait des réponses qui ne sont pas bonnes.
-Pensez la belle chose que c'est, de mettre des ignorans au rang des
-doctes. C'est pour avoir de belles interprétations. Si je n'avois peur
-d'être cause que plusieurs blasphêmeroient, je vous conterois une
-infinité d'interprétations que les Cordeliers m'ont apprises. Or, bien
-que nous fassions ici mine de rire, si le disons-nous à la honte de ces
-dépouilleurs d'andouilles pour les nettoyer, & qui nous voudroient
-reprendre, encore que toute leur vie soit confite d'actions impudentes.
-Vous, Prélats, qui voyez comme nous faisons ici les fous en découvrant
-les folies, faites-les cesser, corrigez les fautes, détournez les
-impiétés, ôtez les mauvaises coutumes, minez l'ignorance; & les oeuvres
-d'icelle s'écouleront. Sachez que ce volume est fait pour vous jetter la
-paille en l'oeil, afin que vous abbatiez la simonie. Hé bien!
-diront-ils, on ne baillera plus d'argent pour les bénéfices; on
-n'entendra plus les écritures. Ce n'est pas-là le mal; il faut faire des
-prêtres, qui ne prennent point d'argent, pour distribuer les sacremens,
-& autres opérations ecclésiastiques.
-
-SOCRATE. Or là, fendez, frappez, tirez, faites de belles défonçades
-d'entendement; il n'y a plus moyen de vous tenir. Cent mille petits
-diablotins de deçà & delà les monts, qui vous extravaguent, vous
-puissent casser des noix; que la gorge vous coupe le cou, il n'y a ni
-rime ni raison en votre fait.
-
-LERI. J'aimerois autant les habitans de Versoi, du temps que la parole
-étoit de l'Evangile, lesquels avoient un Ministre, qui sans cesse leur
-reprochoit leur ignorance & indécence de moeurs, leur reprochant qu'il
-n'y avoit ni rime ni raison en leurs affaires; & si souvent leur tint
-ces propos, qu'il en devint fâcheux; tellement que la visitation étant,
-ils demanderent un autre pasteur; & ce avec grande instance, disant que
-cetui-là leur étoit insupportable. Le Consistoire averti, tant de la
-simplicité de ce peuple, que de la façon du Ministre trop rude pour
-agréer à ce petit troupeau, leur en adjugea un autre qui fut averti.
-Celui-ci les prêcha quelque temps par essai, puis pour l'établir
-absolument, il fut question d'assembler les habitans, pour savoir si ce
-nouveau venu leur seroit agréable. Ce qu'étant fait, & un de la
-compagnie des habitans étant délégué pour parler au Ministre, & lui
-faire trouver bon qu'il demeurât, lui dit: Monsieur, vous êtes agréable
-à tous nous autres, tant parce que vous êtes bel homme, que
-principalement à cause qu'il n'y a ni rime ni raison à tout votre fait.
-
-L'AUTRE. Ainsi en est-il de ce livre, qui jadis fut fait en belle rime
-croisée: mais celui qui l'a transcrit, sans y aviser, mêlant ce qui
-étoit deçà & delà, a fait qu'il n'y a ce semble, ni rime ni raison en
-apparence, non plus qu'à l'élection d'un Cardinal de ce temps, selon
-l'ordre hiérarchique du bon temps, que l'on s'alloit cacher & jetter
-dans les puits, de peur de devenir Evêque, pour la peine & labeur qu'il
-y a. Qu'ainsi vous en puisse avenir, Monsieur le Commissaire, qui êtes
-venu réformer les pavés qui usent trop les souliers. Je m'enquis de
-cette histoire du Ministre, passant par-là, d'autant que je ne veux rien
-dire, ni présenter, ni ouir, s'il n'est vrai. Si vous vous en souvenez,
-Monsieur de Pise, nous allions à une Diete en Suisse; & lors j'étois
-avec Mylord Bochow, lequel le Baron de Tierci, parce que _baccon_ à
-Genève signifie du _lard_, le nommoit _Monsieur du Lard_? Comme nous
-soupions, je donnai à notre Prélat d'alors une tête de poulet; & par
-honneur, j'en présente une fendue de même au Baron de Kitblitz,
-Allemand, alquemiste. Il me cuida humer la vue avec les yeux, & manger
-le blanc du cul, tant il me regarda creux, comme si je l'eusse estimé
-sans cervelle. Ce ne fut pas tout. On n'y ose demander de malvoisie;
-c'est à propos de la morue rouge d'Ablis. Les femmes des pêcheurs de
-Versoi étoient allées à Geneve, (qui est le Paris de ce pays-là; c'est
-pourquoi le Duc de Savoye la voudroit avoir, pour faire le Roi) elles y
-avoient porté leur poisson, qu'elles vendirent fort bien; aussi étoit-il
-jeûne: & de fait, on s'escrime de jeûnes en ce pays-là avec un bâton à
-deux bouts, en disant que de se frotter d'une peau de jambon sans la
-savourer, est plus méritoire, que de se crever de poisson. Ces femmes
-avoient fait grand gain, parce que déja on surfait la marchandise en ce
-pays-là; & des Allemands avoient acheté leurs denrées à leurs mots à
-beaux quarts comptant, sans l'autre monnoye. Cette joie fut cause
-qu'elles s'accorderent de bere in peu de malvesia; & allerent en un
-cabaret, près la Fusterie, où elles eurent ce qu'elles demanderent pour
-de l'argent, (cela s'entend aussi bien qu'à Rome. Qui a nez pour sentir,
-qu'il flaire.) Elles s'en trouverent si bien, qu'en cet aise elles
-redemanderent de cette bonne liqueur; ce qui fut tant poursuivi, qu'à la
-fin, & gain, & fonds, tout y alla; & encore quelque bague d'argent à six
-tours demeura pour gage avec les plates. Tant que le bon goût & les
-vapeurs durerent, elles ne se soucioient de rien. Ainsi gaies &
-gaillardes, elles s'en retournerent. Ayant un peu passé la franchise, &
-trouvé un endroit de belle verdure, (c'étoit en été) elles s'aviserent
-de dormir un petit, qui dura jusqu'à presque soleil couchant, qu'une se
-réveilla qui réveilla les autres. Cette premiere, encore toute étourdie,
-avisa une bouteille verte, qu'une d'elles avoit emplie d'huile avant
-boire, elle s'écria: _ô di, comera la Guernera, vede; vede vo le gro
-lizard ver?_ De cela, les autres épouvantées se leverent; & toutes
-ensemble, comme cette-là, à belles pierres, se mirent à lapider cette
-bouteille; & la bouteille se cassant, elles disoient, l'oyant casser:
-_les ous se cassent_; & puis, l'huile épandue, disoient; _c'est le
-velain qu'il rend; vees commi il mode_. Depuis ce temps-là, la malvoisie
-a été à si bon marché, que qui en demande à Versoi, en a pour soi & pour
-sa chartée de beurre frais.
-
-CONTERI. J'attendois que vous parleriez de ce petit ruisseau que nous
-passâmes avec cette compagnie-là, quand nous y fûmes pour les affaires
-des ubiquitaires. Je me souviens qu'ayant passé le pont de beurre,
-Curion, notre hôte de Basle, nous fit baisser, pour voir ce ruisseau
-tant célebre. (Le seigneur Chevalier, grand Hébreu, & si savant qu'il en
-étoit bossu, a mis l'histoire dans le Talmuld, qu'il a revu, quand nous
-le faisions imprimer à Basle. Je le vous dirai; aussi-bien il n'y a
-personne qui ne le sache; & c'est pour vous montrer que j'ai de
-l'esprit, & que je m'entends à l'hébreu, comme une pie à étendre du
-beurre frais sur du pain. Quand j'en faisois leçon, cela alloit à la
-balance, comme un chat qui pese des doublons en une bouteille. Même,
-s'il vous souvient, je le vous dirai en notre langue, pour survenir à
-ceux qui n'entendent pas le chrétien. Un jour, pour faire le mignon,
-j'avois en l'Eglise mon Pseautier en Hébreu, où je lisois ne plus ne
-moins qu'un singe qui épluche des noisettes vertes. Je devois dire la
-leçon; je laisse mon livre & m'en vais au lutrin. Si-tôt que je fus
-descendu de ma chaire, notre ami Chastin prit mon livre, & l'ouvrit:
-mais aussi-tôt il le laissa & se retira de-là, allant se plaindre aux
-autres chanoines, que je tenois des livres méchans; que j'étois
-magicien: & que je ne portois à l'Eglise que des livres prophanes, comme
-une bible, & autres de telle farine. Par dépit, je dirai mon histoire en
-langage que tout le monde entendra, s'il s'y connoît: je la dirois bien
-tout autrement; mais je n'y entends que le haut Allemand; il est trop
-froid; cela ne seroit jamais fait).
-
-
-
-
-PASSAGE.
-
-
-IV. Es pays d'Alsassie, en un endroit assez beau, [si vous n'y avez été,
-cela ne vous servira de rien de vous le décrire, parce que vous n'y
-connoîtrez rien; & si vous y avez été, c'est assez, cela vous
-importuneroit de le rapporter, sinon allez-y.] Là, les dames sont assez
-libres, mais sages; & pour le bien faire paroître, elles ne pissent
-qu'une fois la semaine: & c'est au vendredi qu'elles s'assemblent, au
-matin, toutes par bandes; ce qu'il fait étrangement beau voir] & selon
-leurs dignités, s'en vont en pisserie, comme on va à la foire: de quoi
-elles n'ont non plus de honte, que les femmes de bien, qui montrent
-l'appanage de leur fessier aux eaux de Pougues. Que c'est que des
-coutumes des pays! On ne le trouveroit pas bon ici; & là il est
-délectable: ainsi qu'ès villes de Normandie, où plusieurs en leur
-pochette gauche portent un mouchoir pour le cul, ainsi qu'en la droite
-un pour le nez. Ces femmes étant arrivées au lieu de la pissoire, ou
-pissotiere, elles se disposent comme les montagnes d'Angleterre, chacune
-où elle est, y gardant dignités, prérogatives & honneurs, ainsi qu'ès
-actes publics & notables, ne plus ne moins que se mettent les chevaliers
-en leur rang, le jour de leur cérémonie. En cette commodité,
-abondamment, joyeusement, & à la copieuse & bénigne décharge des reins,
-elles vuident leurs vessies, & pissent tant, que cette riviere en est
-faite & continuée; & de-là les Allemans, Flamans & Anglois font venir la
-bonne eau, pour faire de la biere, la plus double & du plus haut goût.
-Cela est cause que leurs femmes ne les aiment pas tant, qu'elles font
-les François, d'autant que ces femmes-là pensent que leurs maris leur
-veulent derechef reverser leur urine dans le corps. Que s'il y a des
-femmes qui ne savent bien pisser, on les envoie à Genève, d'autant que
-là il y a plusieurs belles écoles, où on apprend à pisser & chier en
-public & en compagnie, au grand soulagement des honteux, qui là
-apprennent à perdre la sotte honte qui resserre le boyau culier. Et je
-vous dirai que ce qu'ils font est, parce qu'il n'y a point de moines en
-ce pays-là; & partant point de frocs, & par ainsi point d'instrumens de
-deshonterie. On m'a assuré que depuis, ceux d'Amiens en ont dressé de
-belles écoles aux Botrues, où l'on fait leçon de chierie.
-
-DURANTIUS. Vous vous êtes équivoqué, sans faillir; mais vous n'avez pas
-commencé à l'origine de cette riviere. Il falloit le dire. Ce que je
-vous dirai, tiré du Zohar, que le bon vieillard Postel a traduit, après
-qu'il eut conféré avec un juif qui devint chrétien. Après avoir lu cette
-histoire, laquelle aussi fit réduire quelques huguenots à se faire
-catholiques, aussi-bien que les moines qui s'en firent huguenots; & ce
-que ceux-ci en ont fait, est pour se mieux entendre en garces. Quant au
-juif, il l'a fait pour avoir congé de manger du lard & du salé, afin de
-trouver le vin meilleur. Du temps que les bons hommes [c'est-à-dire non
-les minimes, qui sont très-petits; & jamais bonté ne se mit en peu de
-lieu] alloient par le monde, [je n'entends pas des faiseurs de mines,
-mais des simples & sages] il y eut un saint personnage, qui, passant
-chemin, se rencontra à Barace, près de Durtal en Anjou. [Je ne parle pas
-de maître Pierre, que le prévôt des maréchaux cherchoit: & l'ayant un
-jour rencontré, ne sachant pas que ce fût lui, le laissa, ne le
-connoissant point. Avant que le laisser, il lui demanda: qui es-tu? Je
-suis un pauvre homme, petit marchand. Comment as-tu nom? Pierre
-Chaillou, ou Caillou. D'où es-tu? De Durtal. Où va-tu? A Rochefort. De
-quel métier es-tu? Sabotier. Que diable! tu es dur, il ne te faut plus
-qu'être vêtu d'une cuirasse, pour t'achever de durcir.
-
-CALPIN. Comment diriez-vous une _cuirasse_ ou _corselet_ en latin?
-C'est, dit frere Jean de Laillée, _durabit_. Or taisez-vous; vous
-empêchez l'affaire de ce saint homme. Achevez, monsieur le doguetter.)
-
-DURANTIUS. Ce personnage s'étant assez reposé sur le bord de la
-fontaine, avisa le tard; donc il s'en vint au village, & s'adressa chez
-le Page à la dame du logis, priant ladite dame de le loger cette
-nuit-là, pour l'honneur de dieu. Elle qui étoit avaricieuse, comme un
-financier qui a fait ses affaires, & n'a point d'enfans, s'excusa, & le
-pria d'avoir pour agréable son refus, qui ne venoit qu'à cause que son
-mari étoit chiche & grondeur. Le bon homme passa outre, & va droit
-s'affraper chez la chambriere de Chiquetiere, nommée la Gousson, de
-laquelle, lui ayant fait sa requête, il fut reçu fort honorablement, &
-bien traité de la pauvre femme, qui le mit en un bon lit, cette bonne
-femme.
-
-ESCHINES. La bonne femme n'est pas encore levée.
-
-DURANTIUS. Taisez-vous; bran: ces poëtes en veulent toujours aux femmes,
-qui les affrontent aussi; & cela leur est employé comme fievre en corps
-de moine. Cette bonne femme donc lui avoit fait du mieux qu'elle avoit
-pu; & lui, le matin, s'en trouvant bien édifié, étant levé & voulant
-partir, lui dit: madame je vous remercie bien humblement de tant de bien
-que vous m'avez fait; & vous prie de m'excuser, si vous n'avez autre
-paiement de moi. Ho, dit-elle, monsieur, vous avez été le bien venu; &
-le serez toutes les fois qu'il vous plaira venir céans. Ce n'est point
-l'espoir de paiement qui m'a fait vous recueillir, en cette maison où
-vous demeurez, s'il vous plaît, à votre volonté. Je vous ferez au moins
-mal que je pourrai, pour l'amitié du maître que vous servez. Madame, je
-vous rends graces infinies de tant de biens & d'amitié: je prie le bon
-dieu qu'il lui plaise de vous bénir; si que la premiere besogne que vous
-ferez aujourd'hui lui soit tant agréable, que ne puissiez tout le jour
-faire autre chose. Il partit; & elle, qui n'y pensoit point, l'ayant
-recommandé à dieu, se fit apporter un peu de buée qu'elle avoit étendu
-le jour précédent, & se mit à ployer son linge; & tant ploya, & encore
-tant ploya, que plus elle ployoit, plus il y avoit à ployer & ployer; &
-ployoit toujours, tellement qu'elle avoit de grands monceaux de toutes
-sortes de linge, qui multiplioit au touchement de ses mains. Par hazard,
-celle qui avoit refusé le bon homme, vint quérir quelque chose chez la
-Gousson. La voyant empêchée, lui dit: hé bien, ma mie la Gousson, que
-faites-vous? Donc elle lui conta toute l'aventure & cause de ce grand
-bien. Adoncques l'autre fut bien étonnée & fort triste d'avoir laissé
-passer une telle commodité: parquoi, sans faire semblant, elle s'en va,
-& puis se mit au chemin où elle pensoit trouver ce personnage; & suivant
-par avis son train, ayant su en s'en enquérant, qu'il étoit allé vers
-Vieille-ville, elle faisoit mine de cueillir des herbes pour sa vache.
-Puis l'ayant apperçu, elle fait de l'étonnée; elle s'approche de lui &
-lui dit? monsieur, que je suis aise de vous avoir trouvé! Que
-faites-vous ici à vous morfondre? En dà, le bon dieu a bien changé mon
-mari; & je ne le savois pas. Quand je lui dis hier que je vous avois
-éconduit, il me cuida venir méchef, tant il me tança. Je loue le bon
-dieu de son amendement. Je vous prie de ne le prendre point en mauvaise
-part; mais de nous faire ce bien de venir ce soir loger chez nous. Bien;
-madame, j'irai, quand j'aurai achevé mon service. Il n'y fit faute; &
-fut le bien reçu avec joie & grande chere, & traité en apériateur de
-commodités. Au matin, se retirant, il fit sa petite excuse à l'usage de
-besace; & son hôtesse lui dit: par ma finte, monsieur mon ami, je n'en
-voulois rien: pour dieu soit, si dieu plaît, je n'en veux rien. Bien
-donques, grand merci madame; je prie dieu que la premiere besogne que
-vous ferez aujourd'hui, se continue tant, que ne fassiez autre oeuvre de
-tout le jour. Grand merci, monsieur. Elle étoit déja ennuyée qu'il ne se
-hâtoit, pour aviser à son fait. Aussi-tôt qu'il eut montré les talons,
-elle dit à sa servante: or çà, Marquise, va là-haut quérir ce linge,
-j'en aurai aussi-bien que la Gousson. Apporte ces serviettes, ce menu;
-que je ploie. La chambriere ayant tout apporté, voilà que le Page
-voulant mettre la main à l'oeuvre, s'avisa d'aller pisser, afin de ne se
-débaucher point. Ainsi, toute en hâte, elle sort en sa cour, où elle
-s'accroupit pour pisser. Mais ce fut ici une efficace terrible, d'autant
-qu'elle commença pisserie, qui continua tout le jour. Jan, elle avoit
-dit qu'elle auroit force linge; mais elle coula force eau, & fit ce
-ruisseau qui passe au pied des Loges, & va jusqu'aux Indes. Ses amies la
-venant voir, & la trouvant ainsi distillant le dissolvant philosophique,
-lui demandoient: hé quoi, ma commere! Hélas! disoit-elle, hélas!...
-
-CASSIODORE. Elle leur répondit, comme mon compere Bonin, qui se leva
-d'auprès sa dame, & alla pisser par la fenêtre. Il avoit bu, au soir, &
-il pleuvoit. Il oyoit l'eau de la goutiere qui tomboit, & il tenoit son
-pauvre petit, étant toujours à la fenêtre. Elle lui dit: hoi, Bonin,
-aurez-vous tantôt pissé: Je pisserai tant qu'il plaira à dieu.
-
-
-
-
-GLOSE.
-
-
-V. QUELQU'UN. L'année passée, le petit Travers eut une autre opinion.
-Monsieur de Beaumont nous avoit donné à souper, où étoient plusieurs
-chantres, qui, ayant trinqué & chanté, voulurent s'en aller, afin de
-pisser. Moi qui m'en apperçus, je leur dis: attendons un peu à nous en
-aller, & allons pisser. C'est cela, dirent-ils, & chacun se mit à
-pisser. Travers avoit pissé, & un autre pissoit d'en-haut. Quoi, lui dit
-Multon, frere, tu pisses encore, & tu as remis ton cas! O, ho, se
-dit-il, grand merci. Et lui de le reprendre, & le laisser là à l'air
-fort long-temps; dont il lui avint un grand inconvénient, c'est que
-depuis il fut enrhumé. Et y prennent garde les pisseurs, pour ce qu'à
-faute de resserrer son engin, on se morfond en bon escient; ce qui peut
-aussi avenir aux femmes, quand elles n'étament pas bien leur cas du
-devant de la chemise, afin de lui clorre les mâchoires, de peur que le
-vent n'y souffle.
-
-OVIDE. Il y a trois ans que j'étois à Vezins; & Prédicat étoit avec
-vous, & Platon aussi, lequel, au soir, fut laissé avec les demoiselles
-faire des anagramatismes; & Prédicat s'en alla coucher: son lit avoit
-été préparé en la couchette, fort près de la cheminée. Quelques heures
-après, ainsi qu'il dormoit, Platon s'en vint coucher au grand lit, qui
-étoit de l'autre côté de la cheminée. Je ne sais s'il avoit bu
-_egregiè_, (c'est-à-dire _en Grec_) il se leva d'auprès de moi, la nuit,
-pour pisser; & ne trouvant le pot, il alla pour s'évacuer en la
-cheminée, ainsi qu'on fait aux hotelleries, sur le chemin de Paris. Il
-se fourvoya, prenant le droit pour le côté; & se mit à pisser roide
-contre le visage du dormeur, & lui flaquoit des ondes d'urine si fort
-sur le minois, qu'il l'éveilla, & fit tousser, comme un boeuf qui avale
-une plume. A ce bruit; il eut si belle peur, que si le douzil n'eût
-tenu, il l'eût laissé cheoir, tant il eut belles affres, cuidant qu'il y
-eût quelque démon dans les briques de la cheminée. En cette émotion
-mutuelle, & qu'il étoit tout troublé de reste de sommeil, & l'autre
-d'aspersion pissotiere, Platon se retira tout bellement, & s'étant remis
-au lit & rassuré, se doutant bien ce qu'il y avoit, demanda: quel bruit
-est-ce cela? C'est moi, dit l'autre. Je ne savois rien de cette affaire,
-& ne pensant à aucun mal, je lui dis ainsi: je ne sais ce qu'il y a;
-mais cet homme est fort troublé. Hélas! oui, dit-il, & d'un nouvel
-accident. C'est que j'avois la tête panchée sous la cheminée; & il m'a
-plû en la gorge si chaud & si salé, que j'en ai le gosier tout écorché.
-Le paillard rioit, en se mordant la langue; & le consoloit, faisant de
-l'endormi. Le lendemain, il en fit le conte aux filles, qui en menerent
-bien le patient de la pluie salée: mais Platon y perdit, d'autant que,
-faisant ce discours devant les dames nos soeurs; Prédicat dit que cette
-eau venoit filant douge comme petits filets de soie: de quoi elles
-conclurent qu'à mêche si déliée, la chandelle ne devoit guere être
-grosse. Il avoit une maîtresse, qui pour cela fut fort dégoûtée de lui,
-tellement qu'elle le prit à partie; elle se moquoit de lui, & _le vit
-lui pendoit_, lui faisant plusieurs opprobres. Lui pendoit-il comme à
-Georges de Boeuf de Chinon, qui, pissant, un jour, contre une muraille,
-tenoit son écritoire, _aliàs_ la gaine de son couteau, pensant tenir son
-fait ou canon à pisser; il pissoit dans ses chausses?
-
-ANACREON. Si Rolette, chambriere de Maldonar, l'eût tenu, elle se fût
-bien moquée de lui. Elle me reprochoit, un jour, que notre bête étoit
-bien sotte de ne pouvoir pisser seule: & qu'il la falloit mener par la
-main; & que la sienne pissoit sans aide & net, d'autant qu'il se fait un
-joli petit pet, & par ainsi le cul souffle les bourriers tout autour.
-
-VIRGILE. Pourquoi est-ce que l'on pette en pissant?
-
-AFRODISEE. Hé, pauvres médécins, qui cherchez des causes étrangeres ès
-minimes, que je vous plains! Sachez cette maxime; c'est que l'on n'en
-peut avoir sans vent.
-
-L'ESCOT. Il étoit bien besoin que vous parlassiez de messieurs les
-minimes.
-
-AFRODISEE. Foi de nourrice, je ne pensois point à eux; & toutefois je
-m'en avise: aussi bien faut-il, par-ci, par-là, ranger ces gens
-d'église, desquels si nous ne parlons, il leur semblera avis que nous
-les craignons, ou que nous les méprisons comme hérétiques. Mais ce n'est
-rien de ceux-ci au prix des capucins & feuillans. Je voudrois, par fin
-desir, qu'il n'y eût pas un de ceux qui veulent avec tant de desir
-devenir gueux honorables, & gentilshommes coquins, qui n'eût le vit d'or
-& le nez d'argent. Mais, se dit le sire du Quesnoi, parlez de qui vous
-voudrez; & laissez-là les bons minimes, ayant révérence à l'antiquité.
-
-PAUL-JOVE. Quelle antiquité! Cet ordre est tout nouveau; je l'ai vu
-naître. Il n'est donc pas antique: joint que, pour être antique; il
-faudroit qu'il y eût mille ans; ancien, deux cents; vieil, plus de cent
-ans.
-
-CASSIODORE. Ils sont fort anciens, voire plus qu'antiques. Je le sais;
-ils sont du temps de la famine universelle, quand l'Egypte avoit seule
-de vivres; témoin Joseph, qui, parlant à ses freres, & leur faisant
-l'inconnu, leur demanda: _ubi est frater vester minimus?_ où est votre
-frere le minime.
-
-MUNSTER. Tout beau, ne mêlons point le saint avec le profane.
-
-HIGINUS. Vous le mêlez, comme Boispierre, qui parloit du corps de leur
-métropolitaine: lequel avoit une cure à deux lieues de là, où il alloit,
-& laissoit quelquefois sa charge. Quoi, dit cettui-ci, ce compagnon-là
-ne devroit bouger de l'église: on ne peut servir à deux maîtres, à dieu
-& au diable. Sainte dame? voilà un grand mot. Et lequel étoit le diable?
-Je n'en parle plus; demeurons en notre antiquité.
-
-TITE-LIVE. Je me ris de vous ouir parler de l'antiquaille; & m'est avis,
-voyant ainsi jaser de l'_anticle_, de l'_ancien_, du _vieil_, que j'oi
-le maître horlogeur de Geneve, qui me discouroit de l'épée, me disant
-que c'étoit un calibre yeuxcellent, où il y avoit plusieurs sarches &
-points à noter; qu'il y avoit l'épaule antique, & l'épaule authentique,
-par le travers desquels passoit le duc de Saxe: au milieu étoit les
-quatre os ou écarteleures, qui en bande étoit tranché par le soudiacre,
-aux bords duquel étoient les deux hypocrites, coupés par deux saichés
-qui venoient des épaules, lesquels sont les deux couleuvres de
-laisse-faire: au haut & bas sous les deux épaulieres; à l'entour est la
-raison, qui est coupée du médionneur. Mais je laisse là ce pifre, parce
-que, quand il vint chez nous, il chia au lit, & devint ortlogeux. Il
-étoit aussi bon interlogue, que l'apothicaire de monsieur de Tours, qui
-lui conseilloit de ne sortir point, un jour de saint André, parce que le
-temps étoit aromatique. Par le plus S. faux serment que je dois à la
-race féminine, qui me nomme le bon homme _Trompecon_, j'oubliois mon
-conte, pensant à la folie que vous faites sur la comparaison du temps
-passé. Je ne cuide pas que ce qu'il y a mille ans qui est passé &
-anéanti, soit plus vieil que ce qui se passe tous les jours, & qui va
-dans le sac de vielliesse, dans l'écrin de l'oubli; & ce qu'on propose
-de plus ou moins vieil, est d'aussi bonne grace que la question de
-Martin Chabert, qui aimoit trois filles, auxquelles il dit, pour arrêt,
-un jour, mes filles mignonnes, je ne puis vous épouser toutes trois,
-bien que je vous aime de toute ma loyale frussure, & plus chacune l'une
-que l'autre. Je ne sais comment faire, sinon qu'il faut que j'aie à
-choisir: & pour nous ôter de cette peine, je vous dirai, si vous voulez,
-un moyen; c'est que j'épouserai celle qui me dira la plus naïve vérité
-de ce que je lui demanderai. Elles s'y accorderent. Or, çà, dit-il,
-lequel est le plus vieil de vô chouse ou de vô bouche?) J'ai quasi
-bronché des mâchoires. Mais pourquoi dit-on _confitures_? Que ne dit-on
-_ficontures_, ou _fiturescon_? Et tant d'autres mots qui commencent
-ainsi, comme _congrégation_, _conscience_?
-
-ELPHIS. C'est bien entendu pour un philosophe? ne savez vous pas bien
-qu'il est devant & jamais derriere? Et pourtant il faut le colloquer en
-la tête. Le charpentier, qui demande au curé: pourquoi dites-vous,
-_dominus vobiscum_? Que ne dites-vous, _dominus vobiscu_? Le curé lui
-dit: pourquoi dites-vous un _compas_? Que ne dites-vous un _cupas_?
-
-HIGINUS. Sainte Marrande, vous avez raison; mais faites parler ces
-filles).
-
-TITE-LIVE. L'aînée répondit: c'est mon cela qui est le plus vieil,
-d'autant qu'il a de la barbe; & ma bouche n'en a point. La seconde:
-c'est ma bouche qui est la plus vieille, parce qu'elle a des dents; &
-mon petit n'en a point. La petite dit: je dis comme ma soeur. Dites
-donc, mignonne, une belle raison comme nous. Elle pétilloit & frétilloit
-comme une marmote déchaînée. C'est, dit-elle, ma bouche qui est la plus
-vieille, pour autant qu'elle est sévrée; & mon con tette tous les jours.
-A, ha! hé, or devinez, vous autres, & jugez laquelle a le mieux dit,
-afin que Martin soit le marié comme les autres. Jan par la certebieu,
-dit Coypeau; aussi étoit-il tout réformé. Alors j'aimerois autant ma
-chambriere, qui, nous oyant ainsi discourir, me reprocha que, si ce
-n'étoit leur cas, je ne saurions que dire; & là-dessus me dit: vous qui
-en savez très-tant, si vous aviez trouvé un con tout seul, que lui
-diriez-vous?
-
-
-
-
-SERMON VI.
-
-
-VI. Néanmoins, messieurs, beuvez pour la pareille. Aussi bien peut-on
-mentir en liberté de conscience, deux fois l'an: l'une en été, disant:
-je n'ai pas soif: l'autre en hiver, disant: je n'ai pas froid. Mais
-pourquoi est-ce que, quand on demande à boire, fusse à un laquais, on y
-va courtoisement, de même qu'à requérir une garce de dormir avec elle
-théologalement? Nous en sommes bien! Voilà de belles demandes, dit
-Sapho! C'est parce que cela coule comme foutre de prêcheur. Achevez;
-aussi bien cette fille a voué son pucelage à autre chair qu'à vie
-consacrée; & nous dites la résolution de la caupeaude. Ha, vous en
-souvenez vous? Hé, bel engin de dame! ainsi vous puisse-t-il croître de
-jour en jour. Nous demeurâmes tous cois, & plus étonnés qu'un évêque
-sans mitre. Elle nous ferma la bouche, & nous dit, il lui faudroit dire:
-con sans cul, que fais-tu là? Epaminondas, qui venoit de racoûtrer ses
-chausses, rentra à table à ces mots; & les ayant ouis, il dit: que
-répondroit-il? Voire, voire, c'est bien parlé à moi; mais pourquoi
-est-ce qu'un tel cas, puisqu'on le nomme ainsi, ne parle point, vu qu'il
-a une langue!
-
-ALBERT. C'est parce que le cul est auprès, qui lui dit paix.
-
-EVIMQUARBRE. Quel sermon est-ceci? Vous ne parlez que du cul.
-
-NOSTRADAMUS. Ce seroit belle chose de parler du cul; ce seroit un
-langage excellent; il seroit plein de toutes sentences: & si cela étoit,
-on parleroit comme on s'assiet; & si on écrivoit de même, vraiment on
-verroit de belles orthographes de femmes, qui souvent écriroient du cul.
-Cela me fait souvenir de ceux qui parlent du nez, s'ils écrivoient comme
-ils parlent, ils écriroient du nez. Or, mon bel ami, sans cul on ne fait
-rien. Savez-vous pas que c'est la base & le vrai milieu du corps, le
-mignon de l'ame; d'autant que, s'il ne se porte bien, & que ses affaires
-soient incommodées, elle s'en déplaît & s'enfuit par-là. Je parle pour
-les doctes. Or donc, doctes, venez ici succer la moëlle de doctrine;
-venez apprendre de beaux secrets, sans vous amuser à brider chevaux au
-rebours, _id est_, leur mettant le mords au cul, tout ce qui se fait au
-monde est pour exercer monsieur du cul, pour lequel boucher sans y
-toucher, (grand miracle) il ne faut rien permettre entrer en la bouche.
-Mais devant que j'acheve, je vous demande à vous, François & Anglois, à
-qui le baiser est commun, lequel vous aimeriez mieux baiser une fille au
-dernier noeud de l'échine ou à l'entonnoir du cul?
-
-HYPOCRATE. A, ha, e, hé, l'entonnoir du cul est la bouche. Et de fait,
-tout ce que l'on apprête de plus friand, n'est enfin que pour faire de
-la merde entre les dents, & partant pour mettre en oeuvre maître cul,
-_id est, frater culus_, frere cul, qui est le gouvernail de tout le
-corps, & le mignon de l'ame. Je le vous prouve. Si le cul ne se porte
-bien & ne fait bonne chere, que ces affaires ne soient en bon état,
-l'ame en est incommodée, & le plus souvent sort par le dédain qu'elle en
-a, & nommément quand les matieres sont par trop claires, & que l'ame s'y
-laisse couler faute de glu. Le cul n'est-il pas le prince des membres,
-puisque tous lui font service, & que ses dédains, ou ennuis, ou coleres
-les affligent tous? Puis, c'est lui, à qui tous font honneur, le faisant
-seoir le plus dignement & le premier: & de fait, il chemine en prélat,
-après tous les autres membres, allant en procession.
-
-FORBIN. Je ne m'étonne pas si vous en parlez tant, ayant été disciple
-d'Esculape, qui voyoit le jour par le cul de sa femme.
-
-DIOGENES LAERTIUS. Il y en a beaucoup qui voient le jour par le cul,
-comme vous diriez les chaudronniers, & ceux & celles qui travaillent de
-l'éguille, & les bons buveurs, qui voient le cul & le montrent aux
-autres. Mais comment voyoit-il le jour par le cul de sa femme?
-
-FROBEN. Sur ses vieux jours, ce bon preud'homme épousa une femme
-Allemande. En allemand, une femme est appellée _frau_, c'est-à-dire,
-tromperie. Voilà pourquoi les dames Allemandes aiment mieux les
-François, que ces gros pifres d'Allemands, qui ne font que souffler &
-les injurier. Le pauvre grand bon hommet, quelquefois ayant veillé après
-ses études, & s'étant couché tard, s'endormoit: puis sur le matin, ainsi
-que toutes les femmes, après avoir été approvisionnées, (je vous le
-conte comme il me le racontoit) je voulois, disoit-il, à cause de ce bon
-vin grec, étant tapis dans le lit, fomenter ma complexion. Alors ma
-femme qui m'aime tant, qu'elle tire de son ventre pour me le donner,
-étant confite en humeurs, ouvrant les yeux, elle ouvre le cul & laisse
-aller une vesse ou une vesne épouventable, & qui, couvée entre les
-replis de gras double, a une odeur de tous les mille diables. Adonc
-sentant cette alenée postérieure, (femmes ont beaucoup de conduits,
-évaporant des parfums de plus haute odeur que civette) moi qui crains
-ces venues culieres, à cause de l'air mélancolique & coëde, qui, rendant
-le cerveau rélant, cause l'épilepsie par un effet de corrosion punaise,
-à quoi sont sujets les hommes du siecle qui sont mariés, (aussi pour
-cette cause, moines & prêtres sont plus longuement sains, d'autant
-qu'ils s'abstiennent de la fréquentation des femelles, joint que, s'ils
-les hantoient, l'odeur leur feroit bander la cervelle.) Je dis; je (sans
-plus faire de parenthèse) odorant ce spécifique exodin & abominable, je
-jette le nez hors du lit, ouvrant les yeux, de peur d'y avoir enfermé
-cette espece de vapeurs & corps momentaires, ne tombant que sous un
-sens; je vois le jour tout clair, parquoi me résous à me relever: &
-voilà un des bons usages de ce benoît cul.
-
-STAT. C'étoit une vesniere que cette femme; & à cela je me souviens, lui
-changeant de nom, de ces messieurs d'Angers, qui changerent leurs noms,
-sur quoi un oyant qu'ils avoient mis _du_, _de_, ou _le_, &c. à leurs
-noms, dit: j'ai nom Vanier; & me nommerai le Vesnier.
-
-PUC. Mais vous ne dites pas de celui, qui voulut servir de secrétaire à
-notre Prélat; & il avoit nom _Meusnier_. Monsieur voulut qu'il eût nom
-_Mesnier_; parce que, dit-il, mon ami, quand vous viendriez après moi,
-on diroit: _meusnier touche ton âne._
-
-RABELAIS. Mais vraiment, pour mieux dire, cette femme étoit ou devoit
-être une belle grande vesse, d'autant que chaque espece engendre sa
-semblable.
-
-STATIUS. Je ne sais pas qu'en dire; mais elle étoit fort haute à la
-main, & possible aussi au nez. Ce fut elle qui me mit une fois en
-colere. Vraiment, la porte en est bien étroite: joint que chacun sait
-que je n'y entrai jamais, qu'alors qu'elle m'appella _beau vaisseau_, &
-je l'appellai, _belle vesse_, elle. Lui faisois-je tort?
-
-LICOFRON. Il faut avoir bien dur coeur, & encore en soupant, pour
-supporter telles paroles, & tant ordes.
-
-METRODORUS. O le délicat! tu es né entre la merde & le pissat; & tu en
-veux conter! Mais à quoi est-ce qu'on connoît le bon coeur d'un homme?
-C'est quand il mange la merde, d'autant qu'il faut avoir bon coeur pour
-la manger. Après que vous avez bien senti les fleurs, vous entamez le
-fruit.
-
-LEON HEBREU. Quel fruit d'abomination! Cela me contamine. Je ne serai
-net de trois fois sept jours. Je suis bien venu à l'heure de corruption;
-& pource, je suis d'avis que l'arbre, la fleur & le fruit ayons en
-abomination. O dà, je m'équivoque. Et qu'est-ce que je deviendrois? Je
-suis fils du ventre d'une femme. Fruit du ventre, c'est merde. Je suis
-donc merde. Ah! pargoi, bran & merde fine soit pour ce beau jaseur, qui
-nous a appris à syllogiser; le Lucifer des ténebres le puisse sigilliser
-& syllogiser en enfer!
-
-PITAGORAS. Tu es tant savant en tes spéculations, que tu es fou.
-
-
-
-
-DIETTE.
-
-
-VII. Je suis d'avis, mon ami du coude, du montoir, ou de quelqu'autre
-façon & race, que tu laisses arbre & fruit non vivant, _id est_, mort; &
-que tu l'aies en horreur ainsi que moi, & les Ecclésiastiques Romains,
-qui rejettent l'outil des femmes comme feves, dont il porte la figure,
-ayant la raie noire, & le bas contre mont. Notez bien feves, pour le
-symbole éminent qu'elles ont; c'est que, quand quelqu'un y a été
-attrapé, qu'une goule sans dents lui a donné une morsure; il est dit le
-roi de la feve: sur quoi je m'avise d'un beau ménage. Le Maugrin vit un
-jour sa chambriere, qui jettoit, en balayant, trois feves; elle lui dit:
-vraiment, baboine, ce sera-là ton mariage. Elle les prit, & les sema; &
-en eut d'an en an, assez pour la marier. Et de-là j'infere que, si le
-roi défendoit de mettre des feves aux gâteaux des rois, & qu'il prît ces
-feves-là, & les semât; il en tireroit un grand soulagement pour le
-peuple. Or, sans nous amuser à ces gueux de rois, si tu veux être libre,
-n'aie jamais de femme; parce que, si tu es marié, tu seras obligé; tu
-paieras la taille & la taxe aussi, & il faut que tu le fasses par
-contrat: ainsi sont tenus les gens mariés; ce à quoi les libres
-ecclésiastiques ne sont obligés, n'ayant affaire au particulier ni à la
-_raye publique_; que pour leur plaisir & récréation; & ce les
-après-dînées, & au temps d'ébat, non pour tenir femmes avolées toutes
-nuits, parce qu'à leur réveil ils sont obligés de dire leurs heures à
-jeun; & ils auroient bu de l'ordinaire, comme les Ministres; & on les
-accuseroit d'être hérétiques: tellement qu'ils auroient bu la façon de
-leur journée, ayant bu de l'ordinaire.
-
-LUCRECE. Je mourus par ce poison; toutefois c'est tout un. Tandis que
-nous sommes encore aux fauxbourgs, avisons un peu à ces trois filles;
-parce que celle-là, qui a dit que son cul avoit de la barbe, me fait
-souvenir de monsieur Libreau, Avocat à Paris. Cette mignonne étoit allée
-aux étuves, avec des dames de ses amies; & ce, par le congé de son mari
-qui étoit fort chiche. Sur quoi, les autres, qui avoient su qu'il ne lui
-avoit donné qu'un quart d'écu, s'aviserent de lui faire une
-méchanceterie: ce qu'elles exécuterent. Et avint que, comme elle fut
-retournée & couchée avec son mari, ainsi qu'il l'amignotoit & prenoit
-son jouet, il n'y trouvoit du poil que d'un côté. Voilà, dit-elle, mon
-ami, on ne m'a fait de la besongne que pour mon argent. Aussi je vous
-avois demandé demi écu. Que ne me le bailliez-vous? Cela a été cause que
-je n'ai eu le poil fait qu'à moitié; on n'a fait mon affaire qu'à demi.
-Cette remontrance fut occasion, qu'elle eut le lendemain un demi écu,
-pour se rajeunir par le bas.
-
-ARETIN. Les avocats & les mariniers ne sont pas de même opinion. Un
-marinier de Quilleboeuf fit tout autrement, ayant été long-temps absent.
-A sa venue, sa femme, pour le récréer & rajeunir, avoit fait ras & net
-le poil de son chose; & ce maître rustaut, se voulant jetter sur elle,
-comme dans le fond de son bateau, & passant la main à la breche, & n'y
-trouvant point de poil, il méconnut l'étable ordinaire de son courtaut;
-& s'écria, en disant: _ha! méchante vilaine, che n'est chi mie mon coin.
-Si est,_ dit-elle. _Ne n'est: tu l'as laissé chez ces quenoines; va le
-quérir; va, je veux poil & tout._ Il fallut qu'elle fût absente, tant
-qu'elle l'eût trouvé, d'autant disoit-il encore toujours: ce n'est point
-le mien; je le veux avoir avec le poil.
-
-SENEQUE. Il m'est avis que cela n'est pas beau de parler ainsi des
-femmes. Il semble que vous en dites, comme si elles n'étoient pas femmes
-de bien.
-
-PERSE. Vous avez raison, mon pere, mon ami; vous êtes digne d'être
-empereur, d'autant que la reine d'Egypte vous aime (parlez bas, de peur
-de ce que je ne sais, tant j'ai de peur de faillir). C'est de par le
-gibet, aussi je me souviens que l'année que j'étois Recteur en
-l'Université de Paris, sous le nom de Marius, ce grand Consul Romain, je
-vis prendre une maquerelle du bourg de Four. La raison étoit qu'elle se
-battoit avec une autre, qui lui dit; ha! chienne, tu veux ici faire de
-la reine d'Egypte. Tu as menti, dit-elle; je suis femme de bien. Quant
-aux fillettes qui sont du tiers ordre, je les plains en ma conscience.
-Hé que j'ai bu! Je pense que je sors de propos, & vais de la truye au
-levain.
-
-ARCHIMEDES. Qui sont celles que vous appellez _fillettes_?
-
-L'AUTRE. Chacun en dira sa ratelée, m'ayant oui.
-
-
-
-
-ANNOTATION.
-
-
-VIII. Fillettes nous disons, celles qui sont capables de rendre compte
-par déduction; ainsi sont-elles propres au déduit. Il y en a
-généralement de trois sortes, & ceci pour simple intelligence de ce
-qu'on dira tantôt. Notre bon ami que voici, (je ne dis pas _vessi_; mais
-chassez ces chiens; ces femmes ont vessi). Or donc il y a trois ordres
-de ces commeres. Il y a celles, qui tiennent rang entre les femmes de
-bien; il y a des filles d'église, lesquelles demeurent aux cloîtres,
-_actu, aut potentiâ, vel potestate_; & les autres, qui sont comme à
-Geneve, à Camp de Fior, près de Lorrache, celles-là sont du tiers ordre.
-Hélas! l'autre jour, je fus tout embaumé de commisération, pour une
-pauvre petite qui pleuroit chaudement. Les larmes lui tomboient des
-yeux, de la grosseur de cirons d'Inde; & crioit que ces brigans de
-sergens, & autres de telle étoffe, leur pilloient en un jour tout ce
-qu'elles avoient pu gagner en un mois, à la sueur de leur corps. Puis,
-après cela, elle rioit avec les autres, se réconfortant, & par dépit
-disoit: mais dis-moi, hé! maquerelle ma mie, s'il y avoit en un sac un
-sergent, un meunier & un coûturier; qui sortiroit le premier? Voire,
-voire, dit-elle, à tout ce qu'elles répondoient, ce seroit un larron. La
-femme de mon compere Bignon les regardoit, toute ravie de voir ces
-garces ainsi affligées, & incontinent consolées; & en cette entente,
-elle étoit je ne sais comment assise, & si bien qu'en dà presque
-paroissoit le but mignon de ficherie? Son mari, qui l'apperçut, lui dit:
-ho! ma mie, venez ici, & fermez la boutique, il est aujourd'hui fête. Je
-vous dis vraiment qu'en se remuant de cet état, où elle étoit si
-proportionnément assise, je vis ce qui se peut voir de son gardon à la
-dérobée.
-
-QUINTILIEN. Quelle cornucopie est ceci? Quel nom amenez-vous?
-
-SENEQUE. Encore avez-vous bien dit, d'autant que la copie & les
-originaux des cornes se font illecque.
-
-L'AUTRE. Je vous dirai. Le bon homme Genebrard avoit épousé une jeune,
-belle, mignonne femme, avec laquelle étant couché, l'ayant baisée, il
-mit la main à son comment a nom, & le tapant, dit: gardon, ma mie,
-gardon. Ce qu'il continua souvent, sans autre effet. Le vendredi
-d'après, la chambriere (c'étoit à Paris, où les servantes, qui vont à
-l'emplette, gagnent le moins de gages) eut commission d'aller à la
-poissonnerie, & demanda à sa maîtresse ce qu'elle apporteroit. Ce que tu
-voudras, dit la dame. Apporterai-je des gardons? Va à tous les diables!
-Je n'orai jamais parler ici que de gardon.
-
-GANPIL. Vous faites bien de les nommer gardons, à cause des gardes que
-nature y a mises, lesquelles si elles n'y étoient, vu cette grande
-solution de continuité, les femmes seroient toujours enrouées. Et c'est
-merveille comment, cela étant si déjoint, il est toute-fois si conjoint.
-
-SAPHO. C'est une décoûture au bas du corps; ce qui avint, quand Jupiter
-eut coupé l'androgine. Il commanda à Mercure de recoudre le ventre à
-l'un & à l'autre; cela est cause que le ventre est si délicat. Il cousit
-l'homme avec un lacet trop long; tellement qu'à la fin de la coûture il
-en resta un bout. Et cousant la femme, il prit le lacet trop court, si
-qu'il y eut faute, & il y demeura une fente, faute de points. Et en
-avez-vous? Mettez cela en la boëte au saffran. Mais encore, messieurs
-les savans, savez-vous bien les sept merveilles du monde? Vous ne dites
-mot. Je vous ferai savoir de belles choses, si je veux. Or préparez-vous
-à ouir. Ne vous recordez-vous point que les souris courent en la paille,
-sans se pocher les yeux? Je vous dirai des secrets plus notables, & qui
-contiennent toutes sciences. Les sept miracles, ou merveilles, sont 1º.
-Une poule noire, qui fait un oeuf blanc. 2º. Le vin clairet, qui est beu
-comme le vin blanc, & pissé blanc non rouge. 3º. Le bout d'un homme, qui
-n'a point d'oreilles, & oit quand on parle d'accrocher. 4º. Le cas d'une
-femme, qui est un vaisseau qui a la gueule contre bas & est étanché. 5º.
-Le paillard outil d'un amant, qui se bande sans guindal, de lui-même.
-6º. Le bouton d'amour d'une femme, qui tire la moëlle des os, sans le
-casser. 7º. Et le cul, qui se ferme & ouvre, comme une bourse, sans
-tirans. A, a, a, ha, hé. Toute la compagnie se mit à rire; & nous nous
-trouvâmes joyeux & alegres, comme une belle troupe de jeunes ou nouveaux
-cardinaux.
-
-BATILE. Vraiment, Sapho, vous avez tort; vous êtes bien salaude: jamais
-vous ne direz rien de net. Non, dit-elle, non plus que la Soldée ne peut
-jamais faire de beurre net.
-
-QUINTILIEN. Je vous prie de nous expliquer votre dire.
-
-SAPHO. Par mes amours, je le veux: mais me direz-vous la vérité de ce
-que je vous demanderai?
-
-QUINTILIEN. Oui.
-
-SAPHO. Si mon cul vous baisoit; le baiseriez-vous?
-
-QUINTILIEN. Passe outre.
-
-SAPHO. Quelle difference y a-t-il entre votre nez & le cul du chien? Le
-cul du chien a le poil dehors, & votre nez dedans; ainsi différent
-vérité & raison. Si votre nez étoit en mon cul de derriere, il seroit
-vérité; mais ce ne seroit pas raison qu'il y demeurât. Or voilà comment
-je leurre ces savans; que le dianche les puisse saupoudrer. Ils ont tout
-leur engin en la cervelle. J'aimerois autant qu'un savant, qu'un pédant,
-qu'un de ces doctes de lettres me fichât une cheville en l'oeil, que me
-copuler amoureusement, tant leur consuétude est fade. Il n'est que bons
-compagnons, qui savent la mignotise pour s'en ébattre; & non point se
-faire payer pour cela, comme ces entendus, qui, à vrai dire, sont veaux
-de double pelisse. Mais avant; & puis. Là, vous me voulez remettre; j'y
-suis, bien que ce ne soit pas là, ains autre part, qu'il me démange. La
-Soldée étoit une honnête beurriere de Bourgueil en chrétienté: (c'est
-auprès de Touraine, & non en Touraine. Si cela fût avenu en ce pays là,
-on n'en eût fait que rire, parce que les fous y croissent comme en votre
-pays, monsieur le Lisart). Un jour devisant, son mari lui reprochoit sa
-saleté. Vraiment, ma commere, tu ne saurois faire de beurre net, tant tu
-es mal propre. Agà, si ferai; j'en ferai, & le ferai si net, que t'en
-ferai manger; & le salerai pour ton carême, que je te ferai mieux faire,
-que ne font les moines, qui mettent du sain doux en leurs choux en
-carême, pour épargner le beurre par humilité, à cause des hérétiques de
-Saumur. Or bien notre Soldée (qui étoit aussi propre que la femme de
-Périclès, qui se torchoit le cul au bout de la nappe, & presque aussi
-sotte que celle de Tite-Live, qui, voyant des béliers, demandoit ce que
-c'étoit qui leur pendoit encre les cuisses: c'est leur couille, dit gros
-Jean. Comme elle vit venir les brebis, & voyant leur pis enflé, elle
-disoit: elles ont belles couilles, nos brebis.
-
-L'AUTRE. Ainsi Pindare, hier, dînant avec nous chez Mécénas, louoit fort
-une bonne tétine de boeuf routie, & mise à la sauce douce. Mais
-n'oubliez pas le beurre: c'est la douceur d'entre les jambes.
-
-MADAME. Vous êtes si sage, que vous êtes fou.
-
-L'AUTRE. Ho, ho, gardez-vous de prononcer, ainsi que fit Charlotte à
-Blois; durant les états, que nous étions avec ce moine de Bourmoyen, qui
-rioit tant avec trois nonnains. Le voyant ainsi rigolant, je dis tout
-haut, ce moine est fort crêté & frétillard après ces nonnains. Voire,
-dit Charlotte, il est fou trois fois la semaine.
-
-DENIS. Sec, frere Jean, il le feroit neuf fois, à chacune trois fois,
-sans les autres; outre cela il aime bien besogne d'église faite.
-
-MICLEOT. Il n'en est pas toujours si ardent; il est feru, comme un chien
-d'un bâton. Si on lui dit: allez à l'église. Qui y est? Ils y sont tous.
-Ils sont donc assez. Une autre fois: qui y est? Il n'y a personne. Je
-n'y ferois rien tout seul.
-
-HÉSIODE. Vous vous êtez trompé du lieu: cettui-là étoit de Mermoutier,
-c'est-à-dire de _la mer des moûtiers_.
-
-DENIS. Non étoit.
-
-HÉSIODE. Si étoit.
-
-DENIS. Vous avez menti bien humblement.
-
-HÉSIODE. C'est vous, si je puis.
-
-DENIS. Mais bien vous, sans vous faire tort.
-
-HÉSIODE. Mais vous, sans péché, comme disoit mon compere Guillaume. Et
-bien, mon ami tant gai, où est le temps que nous besongnions ces belles
-garces, çà & là, sans offenser dieu?
-
-MADAME. Paix, paix.
-
-HÉSIODE. Bien je reviens, je le sais, je ne dis rien sans en être bien
-informé, & tout de même que l'étoit _Hérode qui radote_: & par ma digne
-conscience qui est aussi nette de mensonge, que d'ulcere le corps d'un
-vérolé.
-
-
-
-
-BÉNÉDICTION.
-
-IX. MADAME. N'oubliez pas le beurre, encore une fois.
-
-SAPHO. On dit que les femmes sont grandes parloires; mais vous l'avez
-gagné à ce coup sur moi; & est venu à propos, parce que cela est cause
-qu'encore aux carmes, à Paris, on crie: (_n'oubliez pas le beurre._) Or
-donc Soldée, ayant reproché à sa femme qu'elle ne feroit jamais de
-beurre net, parce qu'elle n'étoit pas si propre que mademoiselle de
-Lausnai, (qui, pour aller au privé, prenoit son masque, sa devantiere &
-tout son harnois à chevaucher, pour mieux serrer les poings,
-c'est-à-dire, chier; d'autant qu'une femme, faisant du gros, serre les
-poings; faisant du menu, elle les dilate. Mais, belles dames, ne soyez
-dégoûtées de beurre, à cause de ce que je dirai; ainsi que le fut la
-fille du président de notre ville, qui fut plus d'un an sans en manger,
-parce qu'elle avoit oui beautems raconter; comme ayant couru plusieurs
-postes, & étant à Moulins, il prit un parchemin, (C'étoit le contrat de
-mariage de la dame de la poste) & le couvrit de beurre qu'il se posa au
-cul, qu'il avoit tout effleuré sans croupiere. Ce beurre ne fut jamais
-mangé: celui de Soldée fut fait avec beaucoup de propreté. Elle avoit
-pris une chemise blanche, une gorgerette, un garderobe; bref elle étoit
-en beau point, & si propre qu'un jeune coureur de fortune l'eût
-volontiers encochée. Ainsi ajoppée & bien lavée, elle se mit environ son
-beurre. Son mari tout émerveillé, considéroit cette grande aventure: &
-déja espéroit que sa femme le feroit mentir, tant son cas étoit propre.
-Le beurre étant prêt, mis en livres, demi-livres, quarterons, & n'y
-restant plus que la petite façon dessus; (c'est que les biens-disans
-disent _le verbe_, _le garbe_, ou comme vous voudrez.) Cette joliveté
-s'y faisoit avec un petit bois taillé, qui étoit enveloppé dans un linge
-net, & mis sur le badaut. Badaut est un engin qui tient au plancher; &
-ainsi plusieurs badauts y a qui ainsi pendent vis-à-vis. La Soldée,
-voulant prendre ce petit bois sur ce badaut, monta sur une selle à trois
-pieds. Qu'au diantre soit celui qui fit la maison, où fut marié le pere
-de l'évêque, lequel sacra le prêtre, qui maria la mere de celui qui
-forgea la cognée dont fut coupé le bois où fut émanché le pic, dont on
-releva la terre, pour planter l'arbre, duquel fut faite la premiere
-selle à trois pieds. Comme cette pauvre femme, si propre, s'élança de
-dessus sa sellette; voilà cette abominable selle qui va broncher, & ma
-pauvrette: ayant une jambe en l'air, & autre assez près, qui coula avec
-la selle, va faisant une petite ruine, sans se dépécer, & tomba si à
-point, pour n'être pas offensée, que son cul donna en plate forme, & si
-proportionnément dans sa gidelle sur son beurre, qu'elle le remit en
-chaos, défaisant toutes ces figures distinctes; & le repaîtrit
-malheureusement par la pesanteur de son fessier, qui, de la roideur du
-coup, étampa l'impression de ses fesses si abondamment, que le beurre en
-fit la vénérable remembrance en creux.
-
-RABELAIS. Vous avez vu des culs relevés; si vous en voulez voir de
-creux, faites faire tel essai; il n'y a rien de si propre à mouler
-fesses fermes, que beurre frais. Je l'ai appris des Ecossois
-Insubériens, qui se délectent à la vue des fesses, parce que là est la
-parfaite beauté qui ne se hâle point. Ho! dit maître Jérôme, vous m'avez
-blessé; & là, le nez; je n'y joue plus. Achevez.
-
-SAPHO. La soldée bien étonnée, se résolut en sa disgrace; & pour réparer
-son désastre, se mit à arracher de son cul à belles mains, le beurre qui
-y étoit attaché.
-
-HYPOCRATE. Mais les chymiques disent qu'ils cherchent les esprits: & de
-là il sembleroit que vous voulussiez conclure que les femmes ayant plus
-de cul, eussent plus d'esprit que les hommes.
-
-CELSUS. Cela est vrai, & y paroît. Qu'ainsi ne soit; une fille de sept
-ans pissera plus gros que ne fera un garçon de dix-neuf, comme étant
-plus coupable, & partant ayant davantage de jugement.
-
-ORONCE. Vous ne mettez en avant que des redites. Que pensez-vous? Croyez
-que plusieurs savent ce qui se fait ici. Qu'y ferez-vous,
-puisqu'aussi-bien tout ce qui est dit ailleurs est pris d'ici, qui est
-la source de toutes sciences? J'ai étudié plus de cinquante ans en ce
-livre, tant je l'ai trouvé de savoir inépuisable.
-
-L'AUTRE. Boute, mon ami, boute; écris tout ce que nous disons; tu
-transcris & nous récitons par coeur; & puis un bon oeuvre n'est jamais
-prescrit.
-
-PRICIAN. Ceux qui disent: j'ai vu ceci ou cela autre part, sont des
-chétifs averlans. Quand on mange d'un chapon, est-ce le chapon qu'il y a
-plus de cent ans qui fut mangé & chié?
-
-QUELQU'UN. O que vous dites bien, sage vieillard, que vous avez un bel
-âge.
-
-L'AUTRE. Ne vous déplaise; je vous dis que vingt-cinq ans est un plus
-bel âge; & n'en déplaise à Caton, qui disoit tantôt qu'il étoit si bon
-compagnon, qu'à l'âge de soixante ans il le faisoit encore deux fois.
-
-CATON. O! lourdaut mignon, mon ami; c'est une fois en été, & l'autre en
-hiver. J'aimerois autant le vieil médecin qui me nommoit son fils, quand
-il me voyoit, & je l'appellois _pater_, parce qu'ils sont relatifs: il
-disoit qu'en son vieil âge il le faisoit mieux que jamais, d'autant
-qu'il y étoit plus long-tems, & y prenoit beaucoup plus de peine; &
-qu'aussi son instrument étoit plus fort que sa jeunesse, parce que jadis
-il se bandoit seul; & maintenant, encore qu'ils fussent deux, si n'en
-pouvoient-ils venir presque à bout.
-
-CETTUI-CI. Tandis que nous tenons ce médecin, je veux dire comme il me
-gaussa l'année que je me fis chanoine; sur quoi vous pourrez apprendre
-pour votre usage, un des plus exquis secrets de ce monde, nature étant
-restituée; ce fut en la présence d'un médecin & d'un financier. Il me
-dit donc: il y avoit un badin (_notate verba, & colligite signa_; ainsi
-disons-nous, nous autres Latins) qui ayant fait une grande remontrance à
-son fils, sur ce qu'il devoit devenir, lui proposa l'infidélité des
-marchands, la déloyauté des gens de justice, les impostures des
-médecins, toutes les voleries des financiers, la tromperie des artisans,
-la perfidie des précepteurs, touchant au vif ceux qui, de toutes ces
-sortes, ne sont pas gens de bien. Puis après, il lui demanda quelle
-condition il vouloit suivre? Le fils ayant justement pensé, lui dit: mon
-pere, je ne veux aucun de ces états que vous avez dit; je desirerois
-être de la vacation de ceux qui portent des peaux de veau sur le bras
-gauche. A cela je réponds: grand merci, monsieur; hachez menu, la chair
-est dure; touchez-le doucement, je hais la peau délicate, ne le sanglez
-pas si fort, qu'il ne pette. A cela il me tend la main (or avoit-il
-femme jeune & belle encore;) j'avance main; & prenant la sienne, je lui
-dis bien humblement: voici la main de celui qui, dieu merci, a besongné
-mademoiselle votre femme, ou n'a tenu qu'à lui. Je parlois de la sienne;
-& il ne l'entendoit pas. Et dà, pourquoi est-ce que nous portons
-l'aumuce? c'est-à-dire, cette peau sur le bras. (Cette peau de veau, à
-propos de vous, qui disiez tantôt... Or là, dites. Le bon homme étoit
-tout pensif de ce que je lui avois dit, aussi-bien que mon procureur,
-qui a belle jeune femme, auquel parlant des femmes, je lui dis: par mon
-serment, cousin, j'ai besongné votre femme aussi-bien que vous. Il est
-vrai, peuple ententif, parce que je ne le besongne jamais, ni elle
-aussi: je les avois donc besongné l'un comme l'autre.) Alors je dis à
-mon médecin: il faut que je vous le déclare, pour vous ôter de songerie;
-c'est signe que nous ne mourrons pas en la peau de veau comme vous
-autres.
-
-PROPERCE. Que ne savois-je ces belles réponses, & ces doctrines! Je suis
-fort déplaisant, & meurs de regret, que je n'attendis à écrire, pour
-être le secrétaire de ce simpose, qui m'eût plus apporté de réputation,
-que n'en auront tous les écrivains, toutes les écritures & tous les
-écrits ensemble. Or c'est tout un; j'ai la copie des discours, tant
-verbaux que couchés par écrit, comme disoit notre avocat: je me tiens à
-mes demandes faites par requêtes verbales, desquelles la copie est en
-mon sac. Et voilà comment je me tiens aussi à ces futures sentences qui
-sont ja écrites. En outre, je prévois pour tout que ce banquet sera le
-grand, unique & universel sur tous autres, & monarque des simposes
-oecuméniques.
-
-ZOROASTES. Je suis tout ému d'esprit prophétique, & connois devant &
-derriere qu'ici se résoudront toutes les questions du monde; ainsi qu'il
-est ordinaire, que sans le boire & le manger, on prend, on a pris &
-prendra occasion d'enseigner cela qui est tout parfait; & comme la
-vérité & la vanité, l'excellence & la sottise s'affrontent, l'un &
-l'autre se pratiqueront en ce lieu; & on verra souvent la gloire
-proposer à son client l'honneur du premier lieu à la mangeoire, comme
-aux privés publics, on s'entre-fait place honorable pour fianter
-glorieusement; & même à Genève l'assiette, pour poser le fondement, est
-aussi nette que le tranchoir sur lequel vous mangez.
-
-
-
-
-TEXTE.
-
-
-X. Comme j'étions ententifs: & qui sommes nous? Je sommes ce que je
-sommes; je jouons. Et que jouons je? Je jouons ce que j'ons. Et
-qu'ons-je? J'ons ce que j'ons. Ons-je en jeu. Si je n'y ons, j'y fons.
-Foin, ces Parisiens-ci me troublent. Paix, ou que la merde vous puisse
-baiser.
-
-GUALTER. A propos, si vous étiez en prison environné d'étrons,
-qu'aimeriez-vous mieux, ou en sortir par amitié, ou par force? Par
-amitié; il faudroit donc les baiser les uns après les autres. Par force;
-il faudroit donc leur donner à chacun un coup de dent. Et vous,
-taisez-vous, que j'acheve; & que nous prenions garde à tant de parfaites
-doctrines. Quelques-uns de la compagnie, pour faire une pause
-récréative, se donnerent le petit mot du guet. C'étoit la fleur des plus
-sages, qui firent un complot de gaieté, pour faire rire la compagnie; &
-allerent en une autre chambre, inventer une comédie à l'Italienne. Je
-vous dirai qui furent ceux-là, à la charge que, si vous le dites, &
-qu'il m'en soit fait quelque reproche, le diable vous emporte. C'étoient
-Socrates, Plutarque, Rabelais, Gaguin, Luther, Ronsart, Pindare, Marot,
-& quelques autres de même farine & pareils brans, & assez sages & fous
-pour contenter le monde.
-
-LUCIEN. Quelle différence mettez-vous entre farine & bran, vu que la
-plupart de ceux-ci sont, comme dit l'autre, tournés en farine de diable?
-
-L'AUTRE. Vous ne changerez jamais, encore que notre bon ami Pithagoras
-vous ait fait passer par son alambic; si est-ce que vous êtes toujours
-de même; & je crois que c'est vous qui en êtes la vraie farine de
-diable, d'autant que Dieu vous fit bon comme farine, & vous êtes méchant
-comme bran. Et afin que vous le sachiez, je vous dirai d'où vient ce
-dictaire; je me dépêcherai, afin que le bon homme ait son sac. Il y
-avoit un pauvre petit paysan, qui avoit quantité d'enfans, & n'avoit
-point de pain pour leur donner, pour lors que la famine pressoit. Une
-nuit s'étant endormi de tristesse, il songea qu'il trouva le diable qui
-le consola, & lui dit que, s'il vouloit, il lui donneroit de quoi
-bailler à dîner à son menu peuple, & là-dessus le mena en une forêt
-obscure où il lui montra de grands sacs pleins de farine. Le paysan
-ébahi & aise, dit: mais comment trouverai je ce lieu, si j'en pars? Le
-diable lui dit: eh! chie auprès, pour le remarquer. Le triste pauvre
-homme s'efforça, & fianta dans le lit, plus que six ladres constipés ne
-feroient par un clystere enforcé de quadruple dose de fine bénédicte. A
-son réveil, il trouva le bran, en quoi s'étoit réduite toute cette
-diabolique farine.
-
-LUCIEN. Mais encore, puisque vous y êtes, déclarez-nous un peu d'où
-vient ce bon mot, _afin que le bon homme ait son sac_.
-
-GUEVARRE. Cela avint en Anjou, en un bois qui est près de la
-Rochefouque. Un gentilhomme avoit fort recherché une demoiselle du pays,
-sienne voisine, qui ne l'osa accommoder de son ustensile, parce que la
-commodité ne s'y offroit pas, & que possible, lorsqu'il le vouloit, il y
-en avoit quelqu'autre (& notez, qu'il n'y a que ces deux raisons, avec
-celle qui a été dite tantôt, qui empêchent les femmes de prêter leur
-gnomon.) Un matin cette demoiselle, ayant affaire en une sienne métairie
-(possible alloit-elle voir un de ses amis) passant à travers ce bois,
-fut rencontrée du gentilhomme, qui alloit giboyer & n'avoit en main que
-son arquebuse. Le gentilhomme prit la rencontre, & dit à celle-ci:
-vraiment, il y a assez long-temps que vous m'attermoyez. Je vous prie
-que ce soit à cette heure; il y a toute occasion à propos. Hélas! lui
-dit-elle, que pensez-vous faire? Attendez à une autre fois. A cette-ci,
-& à une autre, tout sera bon. Mais quoi! je suis en manteau; je me
-salirai toute. Ce gentilhomme, levant la tête, vit un pied-gris passant
-auprès d'eux, lequel avoit un sac. Il le prit, & lui dit: compere,
-attendez-moi. Ayant ce sac, il le lui montra. Et bien, dit-il, voilà
-pour mettre sous vous. Elle, se voyant pressée, & qu'il falloit passer
-par-là, en dépit qu'elle le vouloit bien, lui dit: là donc, dépêchez,
-afin que le bon homme ait son sac. Achevez, je vous prie. Socrates,
-comme le plus fou (ainsi disent ceux qui passent une porte: _je passerai
-le premier comme le plus fou_; _ergò_, les autres fous en leur présence,
-à leur nez, & sans contredit. Mon sot de valet ne fut pas si sot. Un
-soir qu'il falloit porter la chandelle, pour éclairer aux gens d'honneur
-qui sortoient, il ne vouloit jamais passer devant, disant que l'honneur
-ne lui en appartenoit pas. Cette petite bande entra de même, & le sire
-Socrates marchant en gravité posée, comme monsieur le chantre de Paris
-aux bonnes & nobles fêtes, ayant toussé, & s'étant monocordisé sur son
-geste, préparé en pompe minoise, après avoir remué sa trogne
-scientifique, ainsi que voulant annoncer quelque grande chose avec un
-accent admirable, va dire: hem, hem, hem. JE SUIS. Et ainsi qu'il
-faisoit une trop grande pose présidentale, pour exciter à émotion
-audienciere, la reine d'Egypte, qui vraiment y étoit par honneur, se
-fâchant d'attendre si long-temps, ajouta à son propos, UN SOT. Tout le
-monde, jusques aux anges & aux serpens, sans les pierres et les cailloux
-qui en creverent, se mit à rire si fort, que la mule du Curé de Saint
-Eustache en foira de si pure joie, que la vie lui en faillit par le
-fondement. Ainsi la farce fut gâtée & tout le cidre répandu, & la
-gentillesse remise à une autre fois; & chacun fit comme aux nôces.
-
-ARNOB. Vraiment, Socrates mon ami, tu devois bien y aller. Et que
-diable! tu es fat, de te faire moquer de toi, sous ombre de l'opinion
-que tu as d'être savant & sage, plein de doctrine comme la gibeciere
-d'un hermite frais tondu. Voilà ce que c'est, tu es présomptueux; parce
-que tu n'as fait toute ta vie que chanter aux latrines avec les
-couillaux.
-
-BARLET. Parlez net.
-
-ARNOB. Je pensois dire _lettrain_ avec les choriaux, ma langue a suivi
-l'usage commun. Ne savez-vous pas qu'il y a des églises, où les
-chanoines ont des vicaires qui font pour eux, & sont dits choriaux?
-Mais, parce que ce nom est rude, les filles ont inventé de dire
-couillaux; comme celle qui disoit qu'elle ne vouloit pas que l'on
-tournât son nom, de peur que l'on n'y trouvât quelque couillonnerie:
-elle vouloit dire quelque coyonnerie. C'est tout un, la douceur en
-vient.
-
-
-
-
-SINODE.
-
-
-XI. Par la vertu de l'herbe de la Saint-Jean, penses-tu qu'il te sied
-bien de faire le fou? Ces grands sages n'ont point d'esprit à boufonner;
-ils ont l'échine trop plate, le col trop roide & la cuisse trop avalée,
-& s'ils s'en veulent mêler, cela avient, comme une huiliere à coëffer
-une reine, tellement qu'ils trébuchent si roide, qu'ils paroissent fous
-de haute alkimie, & au-delà. Tandis que César écoutoit ceci, son
-laquais, qui depuis fut roi d'Espagne, étoit derriere lui, pour avoir de
-la chair. Etant importuné, il se retourna, & lui dit: cap de biou, mon
-laquais, je vous donnerai mornifle: & tout sert. Si tu veux de la chair,
-prens-toi au fesses.
-
-BOECE. Il a mis cela en effet, & est cause qu'il y a tant de dames
-bossues, d'autant qu'il savoit en plusieurs lieux que celles qu'il
-attraperoit, il les happeroit aux fesses; comme étant les plus
-savoureuses & mieux faisandées, joint qu'il étoit assez aisé parce
-qu'alors les dames n'avoient point de culotte. Il est vrai, (oui; je ne
-dis point comme les autres fois, quand je mentois par oüi dire. Je l'ai
-vu): c'est que pour crainte que cela n'avînt, plusieurs ont fait faire
-des calleçons, ou brides à fesses, afin de se garantir; & les autres,
-qui n'avoient pas cette industrie, pour sauver leur cul, craignant la
-dent laquaïsme, ont mis la chair de leurs fesses sur leurs épaules. Cela
-est donc cause des bossues. Vraiment, si elles engendroient leurs
-semblables, bientôt le monde seroit bossu. Fi, fi; il ne le faut faire
-qu'aux belles; la bosse leur sert de grace: & puis tous choses sont
-choses. Sec, gardez-vous de cheoir, madame Safy, il y a un grand trou
-devant vous; si vous mettez le pied dedans, vous vous gâterez.
-
-MADAME. En dà, si vous aviez le nez dedans, & deux autres de même autour
-des deux yeux, vous auriez une belle paire des lunettes.
-
-BOECE. Taisez-vous; vous êtes belle. Que sera cela? Les belles se font
-prier, & les laides prient; chacun fait ce qu'il peut pour vivre.
-Pourquoi faire des lunettes?
-
-CÉSAR. Pour mieux voir.
-
-BOECE. De quoi voit-on le plus?
-
-CÉSAR. Des yeux.
-
-BOECE. Si votre nez étoit en mon cul, vous ne verriez que des fesses.
-
-LE BON HOMME. Que voici de sentences accomplies! Que vous êtes heureux,
-vous qui les savourez, tandis que ceux-là boivent sans nous ouir; & je
-gage que; vous auriez beau dire, ils ne l'entendroient pas, d'autant que
-ceux qui oient en beuvant, tiennent de la ladrerie, comme le tient &
-afferme Janotin, maître apothicaire, du métier dont il se mêle.
-
-SOCRATES. En dà, vous avez mieux dit qu'un four, & n'avez pas la goule
-si grande. Pourquoi fait-on des fours?
-
-ELPHIS. C'est pour cuire du pain.
-
-SOCRATES. Voire, le niais! C'est pour cuire.
-
-ELPHIS. Va te promener; & me dis la raison, qui fait que l'on boit les
-uns aux autres?
-
-SOCRATES. C'est parce que celui qui boit perd la parole, & devant qu'il
-lui avienne mal, prie que l'on l'assiste s'il lui survenoit danger;
-tandis qu'il est ainsi entre la vie & la mort, comme une ame qui sort de
-purgatoire, ou qui pense y aller. Je ne m'y connois encore guère; je
-suis à pardonner, parce que ce pauvre homme possible est prêt à se
-noyer.
-
-L'AUTRE. O vous trois fois pleins de béatitude, qui, accomplissant votre
-félicité, venez lire, étudier & méditer ici nuit & jour, pour trouver la
-pierre philosophale, que j'ai cachée en ces traits plus finement,
-occultement, clairement, & patepeluement, que ne firent oncques Gebert,
-Théophraste, Lulle, ou autres affineurs; mais de meilleure grace, & de
-front plus minon, pour la rendre plus aisée à trouver, & divertir les
-beaux esprits qui consument trop de temps au feu; & les inciter plus
-gaîment à poinçonner leurs intellects, qui, pleins de concupiscence
-célestes, s'agitent après ces fideles commentaires. Et encore,
-messieurs, un mot en passant. Là, croyez-vous, dites, que toutes ces
-bonnes gens fussent ici, & que ceux du temps à venir y étoient? Nous
-avons celé les noms de quelques-uns, de peur qu'ils fussent reconnus, &
-que plusieurs allassent au-devant, quand ils viendroient, pour leur ôter
-leur argent, comme font les gentilshommes, en tems de paix. Or je vous
-avertis que j'en dirai un; voire sans rien nommer, c'est que, d'ici à
-plusieurs jours, l'empereur entendra le midi; il sera fils d'onze
-heures; il mettra le midi à une heure, comme à Bâle en sottise (je
-cuidois dire _en Souisse_) Pardon, Souissercons; je vous tiens pour gens
-de bien, deussai-je mentir. Le petit diable de la nouvelle étoile vous
-puisse chatouiller, pour vous faire rire. Et dà, vous en grincez déja
-les dents. En ce tems si tranquille de cette benoîte aventure impériale,
-personne ne fondra dispute ni secte, que pour se réjouir sur
-l'intelligence de ces mémoires, qui seront divisés en dix-sept parties,
-à l'honneur des dix-sept Provinces philosophiques; & on les reverra avec
-une attention. Même il y aura devant ou après un beau joyeux petit
-prélat de Basse-Bretagne, qui traduira ce code en toutes langues, depuis
-celle de boeuf, jusques à celle de carpe pour le carême, & mettra par
-rôles les colomnes de cet original, de peur des fausses positions, afin
-de secourir les enfans de la science, & y fera-t-on des commentaires,
-comme sur une pannerée d'air, une aulne de tems, une poignée d'ombre, &
-une coudée de vessi, bon, chaud & humide, frayant comme un limaçon sans
-coque. Mais quelque difficile galopin de piéfayés me viendra faire ici
-une distinction, (je parle ici des hérétiques comme de chiens, parce que
-les gens de bien rient toujours comme à eux tous seuls, auxquels la joie
-appartenant & prenant en bonne part, louent l'intention telle que je
-l'ai, qui est de profiter comme une poule égarée au renard) & pensera,
-ce clabaut, me montrer quelque faute ou erreur, d'autant qu'il ne
-l'entend pas; ou bien il est une bête, parquoi se faut taire, de peur de
-honte: si on oit ou voit quelque gentillesse, il ne la faut point juger;
-mais en rire & l'admirer, comme les Italiens & Espagnols qui font la
-finesse. Or, que ce mignon ne me fâche point. Que s'il le fait, cordié,
-morgoi, sandé, &c. Je sais bien que je rapporte tout à propos; & ainsi
-que je lui dirai qu'il est un sot, par maniere de dire; & moi, pauvre
-pifre, me prens-tu pour un apprivoiseur de mouches? Que l'aze te puisse
-saillir en place. C'est une belle chose de savoir tout! C'est que notre
-langue françoise est la plus ample de toutes. _Sic probo._ Elle a le
-plus de termes, pour remarquer la copulation, qui est cause que tout est
-produit. _Ergò_, elle est la plus produisante.
-
-BARRELETTE. Voilà dit cela; & si vous êtes si pauvre de ne l'entendre
-pas, je vous le ferai entendre.
-
-
-
-
-TOME.
-
-
-XII. Entendez donc que les bêtes chevalines saillent, les ânes
-baudouinent, les chiens couvrent, les pourceaux souillent, les chevres
-forboucsient, les taureaux vétillent, les beliers empreignent les
-brebis, les cerfs rutent, les poissons fraient, les cocqs cochent, les
-chats margaudent. Cherchez les autres; j'ai hâte. Mais que font les
-hommes avec les femmes? Ils font. Quoi font? Cela: proprement, c'est le
-faire. Je dirois bien comme disoit hier madame, qui se promenant en
-l'isle sauta un fossé, & je lui aidai, & sa coeffure demeura: vraiment,
-dit-elle, se remontant de tête; j'ai perdu je ne sais quoi; je laisse
-tomber ma coifoutre, c'est-à-dire, ma _coeffe, outre_ ce fossé. Encore
-n'est-ce pas tout; j'en hais ce fat qui vient blâmer notre entreprise, &
-me dit: vere; Socrates n'a pu y être avec vous où l'on boit & mange,
-puisqu'il est mort. Va, prophete de Mahon; il y a long-temps que tu
-aurois le cul écorché, si les veaux portoient croupieres. Ne sais-tu pas
-bien qu'il y a provision pour tous? Les chairs des bêtes sont pour ceux
-qui ont corps & ames; & si les bons trépassés nous sont venus voir; ne
-seront-ils point fêtoyés? Tu admets les banquets des dieux; tu y fais
-des songes creux, & les admire: & nous ici, riant de ta sotise, nous
-avons recouvré de ces cuisinieres du temps passé; qui savent apprêter
-cette viande nommée PHEROS, mangeaille de dieux, & béchées de déesses,
-qui se fait de divers apprêts & parties des ames de bêtes assommées,
-lesquelles par ce moyen sont consommées. Sachez que ces douillettes ames
-toutes chaudes, sont fort délicates, & étant assaisonnées de fumées &
-quintessence de nos sauces à l'ombre de votre feu, à l'odeur de vos
-épices, aux vapeurs de votre rôti, & de toutes les délices du monde,
-faisant bonne chere, elles sont confites en goût trop délectable. Voire,
-oserois-tu point dire que; sitôt que l'animal est jugulé, c'est pour te
-faire plaisir & t'apprendre; (comme disoit la vieille à Jean Hardi. Ce
-compagnon étoit un de nos closiers, qui avoit une belle jeune femme. Il
-avoit aussi une vieille servante: tous trois n'avoient qu'un lit. Une
-fois, que sa femme s'étoit levée pour aller pisser, cettui-ci, ne s'en
-étant apperçu, & désirant évacuer nature ritillante, se jetta sur la
-vieille, pensant que ce fût sa femme. Comme il s'en fut avisé, il cuida
-s'ôter. La vieille lui dit: ne bougez, ne bougez: ce n'est pas pour bien
-que vous me fassiez, ce n'est que pour vous _apprendre_.) Si vous en
-parlez davantage, vous gâterez tout; vous rendrez honnie toute la
-doctrine des colléges; & n'y aura plus de plaisir de s'étudier après les
-fadaises de la science des poëtes anciens. Si vous déclarez ainsi le
-secret des esprits, vous troublerez l'apothéose, (je voulois dire: _vous
-découvrirez le pot aux roses_.) Pensez-vous que ce soit bien fait? Je ne
-dirai pas tout: non, je ne veux que reprendre ceux qui pensent que
-l'animal, étant comme mort, le soit; & pour l'amour de vous, je ne vous
-ferai qu'une démonstration. L'ame du brochet ne s'en ira jamais, que le
-brochet ne soit cuit, d'autant qu'elle veut être mangée plus
-cordialement par quelques beaux esprits. Qu'ainsi ne soit; ne voyez-vous
-pas ès cuisines des grands, que l'on en met le coeur sur le bout de la
-table, pour voir si le corps sera cuit? Certes ce coeur remuera, tant
-que la cuisson soit parfaite. Je me retiens par le bon, vraiment; & je
-fais bien, parce que je dirois choses & autres, au préjudice des bons
-garçons, qui n'ont conscience qu'en apparence, & cependant cuident que,
-tandis qu'ils sont dispos, ils accommodent à coeur gai ces fillettes,
-depuis que l'on en a fait conscience, & que ces hérétiques ont parlé de
-réformer, comme ceux de Geneve qui veulent que ceux, qui vont demeurer
-en leur ville, aient lettre d'habitation authentiquée; & toutefois ils
-ne veulent pas qu'on habite. Nous n'avons point eu de bien, depuis que
-les talons des souliers ont été aculés, & les andouilles ont pué la
-merde. (En tout honneur, il est aussi aisé que de dire, jeu sans
-vilénie, quand on dit _feutre à fourche_, & _fourche à feutre_.) Et les
-secrets ayant été ainsi étalés devant le monde, les gentillesses sont
-allés au bourdel, & les excellences se sont changées en vétilles. Et
-voilà que c'est de parler devant le monde; par quoi je ne veux plus rien
-dire de rare: d'autant que, si je continuois, je dirois tant de choses,
-que, force de les étudier, le monde deviendroit fou comme vous.
-
-CASSIODORE. C'est ce que je vous disois; il est vrai que, quelque peine
-que j'aie prise à mettre tout d'accord, en tirant le bon bout de mon
-côté, & que, prostituant ainsi les sciences, on a parlé des doctrines en
-la présence intelligible des femmes, on n'a vu que des hérésies, & les
-hémorroïdes en sont chutes au fondement, & les barbes ont été pirement
-faites que ci-devant. Et y regardez; vous ne verrez plus de barbes bien
-faites, parce que l'on n'y entend plus rien. De mon jeune temps, on
-alloit gaiement & sans artifice chez l'émouleur; & on avoit la barbe
-faite en deux coups, mettant une joue sur la meule, & puis l'autre,
-après cela faisoit frac, rest, zest; une barbe étoit faite toute prête.
-
-XILANDER. Vraiement, vous êtes un beau danseur! C'étoient de belles
-barbes! Elles étoient faites en queues d'hirondes, & les cheveux comme
-l'écuelle d'un ladre. Laissons-là les laïques, auxquels je ne me plais
-point. Je vous dirai bien que, de mon temps, les gens d'église avoient
-la barbe rase; & je vous dirai une remarque: c'est que, quand le pape a
-la barbe grande, les prêtres la veulent avoir de même; s'il a le menton
-ras, les prêtres le veulent aussi; parce que chacun prétend au papal.
-Ainsi donc les sages portoient leurs barbes; les ras n'avoient garde de
-les porter, puisque le menton étoit ras; la barbe ôtée étoit demeurée
-chez le barbier. A cela fut pris Hauteroue, chanoine de S. Martin de
-Tours. (Il faut tout dire, de peur des garces qui nous écoutent, parce
-que la fréquence de toutes femelles y abondoit jadis, avant notre
-réformation, ainsi qu'aux autres lieux.) Il y songeoit; & le fit
-paroître, un matin que l'on le vit barboyé; & un autre chanoine le
-voyant, lui dit: monsieur, vous avez aujourd'hui donné de l'eau bénite à
-la barbe ôtée. Lui, comme _reus_, va dire: _per meam_, je ne la connois
-point. A cela, je jugeai de l'innocence de tous les autres, qui se
-passent de garces, comme un bon procureur d'écritoire.
-
-L'AUTRE. J'en prends à témoin mon compere Livet, procureur au châtelet
-de Paris, qui ne laissoit jamais son écritoire. Il avint, par
-malencontre de bas avis, que madame sa femme, voyant un gai, gaillard &
-jeune maure, eut envie d'en être couverte. Elle le fit entrer; &, pour
-remédier à un mal d'estomac qu'elle avoit, elle le fit coucher sur elle.
-Ce qu'elle en faisoit, étoit qu'elle considéroit que sa peau, vu sa
-nation, seroit plus chaude que celle d'un François. Le jeune homme ayant
-été là assez long-tems, fut remercié & salarié de son bon office, où il
-n'y avoit point de mal, vu que cela tendoit à la santé. Mais que c'est
-des impressions! Il lui avint que son mari venant à la copuler, elle qui
-se souvint du maure, en engendra un; ce qui parut, quand elle accoucha.
-Sa commere voyant à son enfantement, cette aventure si noire, l'en
-avisa; & la pauvrette lui dit sa friande imagination; à quoi la bonne
-commere & amie pourvut, & s'en alla au châtelet faire appeller Livet,
-qui venu lui dit: hé bien, ma mie, qu'avons-nous? Un beau fils, lui
-dit-elle; mais je vous prie, dites-moi en conscience, mon compere,
-n'avez-vous jamais accolé ma commere, que vous eussiez votre écritoire à
-votre côté? O que si ai, plus de trente fois. Vraiment, vous avez bien
-besongné! Je m'en doutois bien; voilà, il est chut de l'encre dedans, si
-que vous avez fait un enfant noir comme un maure.
-
-TIBERE. Que vous avez belle envie d'échapper.
-
-
-
-
-ALLÉGATION.
-
-
-XIII. Or çà, belles entendoires, qui tous avez hâte pour amasser des
-argumens cornus, & changer vos thêmes; pourquoi est-ce que les gens
-d'église ont en plusieurs lieux, comme jadis, le menton ras?
-
-CASSIODORE. Foin sans blasphémer.
-
-TIBERE. Je ne veux plus nommer personne; venez voir qui y sera: c'est
-trop se déclarer. Qui sont les gens d'église?
-
-XILANDER. Hé dà, ce sont les prêtres.
-
-TIBERE. Ne vous déplaise, par la gorge, ce sont les images qui y sont
-jour & nuit, qui jeûnent sans cesse, comme y étant idoines. Toujours ils
-ne font point ce qu'il ne faut point faire; ils s'abstiennent & sont
-tels que doivent être vrais gens d'église.
-
-SOCRATES. _Distinguo_, s'il vous plaît: votre mule pisse: elle se
-morfondra par le fondement. Telles gens d'église sont toujours en un
-état comme les rois du palais, y habitant sempiternellement de
-sempiternité lapidaire; mais ceux dont vous parlez, ne sont gens
-d'église que par adoption. J'entends parler des corps animés, qui vont &
-viennent à l'église pour la servir, qui sont hommes vifs; & toutefois
-qui sont intellectement comme nous sommes, vivans de la vie du monde,
-bien qu'ils soient boivans & mangeans, & chians & pissans; lesquels
-toutefois sont hommes sains & mortifiés, & de saison; lesquels pour
-n'être affectés en apparence publique, sont dits morts par excellence,
-vu la mine. Et de fait, on les nomme morts, pour autant que l'outil qui
-perpétue la vie, leur est bouclé par la vertu de certaines paroles
-conférantes ordre supernaturel; & ainsi l'usage naturel leur est
-interdit par voeu. Ils s'en rasoient le menton, afin que le regret
-qu'ils ont de n'oser ni vouloir fréquenter la douceur du monde ne parût
-aucunement, joint qu'ils doivent être joyeux, (_venite exultemus_) & que
-leur état est une joie perpétuelle, laquelle il faut faire paroître,
-encore qu'elle ne fût pas. C'est la cause pour laquelle ils se font
-raser le menton, parce qu'il semble qu'un homme, ainsi réparé du minois,
-rie toujours. Et y prenez garde; & s'il n'est vrai, que de quinze jours
-ne puissiez-vous aller à vos affaires. De-là est venu & procédé ce canon
-du concile de Quarante: le prêtre fera sa barbe en couene de lard, afin
-qu'il paroisse toujours riant, friant, fringant, _donec, &c_.
-
-CATON. C'est pourquoi le bon homme Hugonis étoit toujours joyeux.
-
-ALBERT LE GRAND. Voire, ce moine l'étoit vraiment; & de fait, il étoit
-gros & gras, comme un mâtin qui tete deux fesses, il étoit ample autant
-que le cul d'un ministre qui accouche en liberté. Une fois qu'il passoit
-près de S. Avoye une belle demoiselle le voyant, dit à une autre par
-admiration: que voilà un moine qui est gros! Il l'ouit, d'autant que,
-ses membres étant proportionnés, il avoit belles oreilles, & lui
-répondit: mademoiselle, il y a long-temps que je fusse accouché, si
-j'eusse trouvé une sage-femme.
-
-L'AUTRE. Pourquoi est-ce qu'on appelle _sages-femmes_ celles qui
-reçoivent les enfans, & ont le gouvernement des pays-has.
-
-HÉLIODORE. C'est parce qu'elles voient de grands cas. Je me souviens que
-j'étois encore bien vieil, la cour de parlement étant à Tours, que de
-bons garçons firent une galantise à une sage-femme. Ils mirent un gars,
-en guise de femme prête d'accoucher, dans un lit; & firent venir une
-sage-femme, qui, mettant la main dessous les draps, & trouvant son
-braquemart, dit tout haut: courage, l'enfant viendra bientôt; j'en tiens
-le bras. Elle le vouloit remettre, sans qu'elle reconnût ce que c'étoit:
-or devinez. (Un jour je pissois contre une muraille; & une belle dame me
-regardoit; je lui dis: devinez ce que je tiens, & vous l'aurez.)
-
-CATON. Encore faut-il que je me souvienne de ce bon homme Hugonis, qui a
-été mon maître, d'autant que les huguenots faisoient bruit par la
-France. Que le diantre y avise, puisque les autres n'en veulent rien
-faire; bran, cela m'est échappé. En ce temps-là que j'étois si fort
-étudiant, ce mien maître hantoit ce bon prince catholique, le pere de
-cette pauvre dévoyée, qui a tant fait disputer. Il avint un jour, que le
-basque étant à la porte de notre prince, Hugonis vint heurter; je le
-suivois. Comme on eut demandé: qui est-ce? Je dis; c'est notre maître
-Hugonis. Le basque va dire à monsieur: c'est maître Conin, qui est
-là-bas, qui veut parler à vous. Quoi! dit monsieur, ce pipeur? Va lui
-dire qu'il aille autre part faire ses tours de passe-passe. Un jour
-durant, il fut estimé hérétique; mais cela passa, par une prédication
-que j'en fis tout chaudement, tellement que ceux qui cuidoient que
-monseigneur sentît mal de la foi, furent résolus; & le tout se tourna en
-risée domestique.
-
-ERASME. Cela me fait souvenir de ce que me dit frere Lucas.
-
-CATON. Quoi! qui? frere Lucas qui avoit mal au chose, & on le lui coupa,
-si que, le cas lui étant ôté, il n'est plus que frere Lu?
-
-ERASME. Non, ce n'est pas cela; je parle bien d'un docteur: c'est de
-celui qui, à ma réception, me prit par la main, & me dit: mon frere, mon
-ami, _doctissime baccalaure_, j'ai une parole de très-grande conséquence
-à vous dire: c'est que vous sentez mal de l'hérésie.
-
-CATON. Que lui répondites-vous?
-
-ERASME. Je me mis en colere; & lui dis que mon âne étoit plus sage que
-lui. Il me fit appeller; & je lui prouvai mon dire: parce que mon âne
-venoit bien de la riviere tout seul ayant bu; & lui, il le falloit
-rapporter de la taverne, quand il avoit trinqué. Je gagnai mon procès,
-faisant quinaut le juge, en lui demandant: pourquoi est-ce que mon âne
-va à pied? Il ne le sut dire; & je lui ai enseigné, disant: c'est parce
-qu'il n'a point de cheval comme vous, monsieur le Juge. Il se
-trémoussoit comme une pie en gésine, & me dit: regardez à qui vous
-parlez; je suis gentilhomme. Il me remâcha cette parole, étant descendu
-du siége: & alors ne le craignant plus, je lui dis: vraiment vere, si
-tous les gentilshommes du monde avoient les jambes cassées, vous ne
-lairiez pas de courir. Mais je suis gentilhomme; oui, je veux bien que
-vous le sachiez. Si j'avois pour un liard de telle noblesse dans le
-ventre, je prendrois pour cinquante écus de rhubarbe, pour la chasser.
-Le Juge dit: si je remonte en mon siége, je vous ferai affront. Vous me
-feriez comme le Juge de la Fleche, qui condamna un homme à être pendu &
-étranglé, sauf son recours contre qui il verroit bon être. Aian,
-répondit-il, encore un coup, ne me fâchez pas. Bien, lui dis-je, pour
-vous appaiser, je vous veux apprendre un secret. Pourquoi est-ce que les
-femmes pissent, quand elles en ont envie? Vous voilà à pied des raisons,
-le cul aussi près de terre qu'un pâtissier qui n'a que faire. C'est
-parce qu'un autre ne sauroit pisser pour elle. Et moi je chierois bien
-pour vous.
-
-CATON. Fi, fi, cela se sentiroit mieux & plutôt que l'hérésie.
-
-SOCRATES. Comment la sent-on?
-
-ERASME. Il faut mettre le nez au cul de l'hérétique, & en retenir le
-goût & l'odeur; puis aller sentir au cul des bons Docteurs & Cordeliers,
-pour voir s'ils sentiront de même. Mais n'allez pas sentir au cul des
-minimes; je pense qu'ils flairent horriblement le clystere, à cause que
-leur cul est une sentine d'huile perpétuelle.
-
-NÉRON. Comme vous parlez impudemment! Il semble qu'il n'y a ici qu'à se
-détraver en sales paroles, & que toute honnêteté & vergongne soit
-perdue.
-
-DIOGENES. Tout est permis ici; nous sommes pair à compagnon: on doit
-faire & dire ici tout ce qu'on peut & pense.
-
-ALEXANDRE. Vous y perdriez, pauvre homme, parce que, si tout étoit
-permis, je vous battrois bien à cette heure, pour me venger de
-l'affront, que, l'année qui vient, vous me fîtes en Grece.
-
-DANEAU. Est-ce en _graisse_ dure ou fondante, de quoi vous parlez?
-Certes je suis en suspens, quand j'en oi parler, à cause des gréges qui
-engraissent les personnes pour les faire mourir, & les autres les
-engraissent pour les faire vivre.
-
-ROBERT ETIENNE. Je ne m'en soucie pas: je voudrois avoir trouvé un bon
-moyen de m'engraisser; je me porterois bien. En dà, je suis aussi maigre
-que le vendredi oré, & aussi défait que la semaine peneuse; & dà, je
-suis aussi maigre qu'un millier de clous.
-
-JOLIVET. Il faut donc que vous alliez en un pays que j'ai fréquenté, que
-vous appreniez ce que les gens de-là font, pour s'engraisser. Vraiment
-ils sont-là toujours gras & en bon point, comme de beaux petits moines
-de bonne étoffe. Les moines sont gras comme de belles vaches portantes;
-mais les vaches ayant vellé, elles deviennent maigres, & les bons moines
-qui n'ont point vellé, sont toujours gras. Je parle aux doctes sorets,
-harengs sorets & massorets.
-
-
-
-
-AVIS.
-
-
-XIV. En ce pays que je vous dis, tout y est gras; même aussi les jours
-maigres y sont graissés: & je vous dirai une belle invention, que m'ont
-apprise ceux qui font exercice. Ces bonnes gens prennent les jours
-maigres dès la veille, & les châtrent, puis les mettent en mue. Je ne
-fus jamais si étonné, que quand j'y vis monsieur de carême en une grande
-mue, où trois vieilles croupieres l'appâtoient des pâtons de blanc de
-chapons. Vraiment il n'étoit plus, comme je l'avois vu autrefois à Rome;
-il étoit gras & refait comme le chien d'un vielleux; il étoit si
-engraissé, que la graisse lui sortoit par les yeux, comme les puces
-sautent dans un four qui sue de froid.
-
-DIOGENES. Vous parlez de suer; & en quel temps est-ce que les vis suent?
-
-CESAR. Fi, fi, vous êtes salaud.
-
-MADAME. Oui, je l'entends comme vous; je dis jeu sans vilénie, comme
-nous disons nous autres filles; c'est quand il menace de pluie, que la
-vis de notre grenier sue, & qu'elle est relente, & si le noyau de la
-vis, ou la vis même est de pierre, tant mieux, elle en durera davantage,
-ainsi que celle des tuileries.
-
-DIOSCORIDES. Vraiment, l'autre jour que j'y étois, je voyois des dames
-Parisiennes, qui admirent cet ouvrage, y montant, elles relevoient leurs
-cottes & s'entredisoient? madame, ma mie, que voici une belle entrée de
-vis! Jean voire, leur dis-je à deux belles, que puissiez-vous jamais
-n'être à votre aise, que je, n'en aie fait la preuve par essai naturel.
-
-HÉLIODORE. C'est votre souverain bien que ces imaginations, & plus
-encore quand vous en tenez la cause: je ne dis pas les imaginaisons: il
-faudroit avoir les doigts bien subtils. Il est vrai que ces esprits
-familiers, ainsi montant, sont de bonne rencontre & facile accès.
-
-JAMBLIQUE. Ne parlez point des esprits, je m'y suis trop rompu la tête,
-& n'en ai su venir à bout.
-
-L'AUTRE. Ce n'est que votre faute, d'autant que le familier s'approche
-aisément. Et qui en sait plus que moi? Vere, vere, ce sont abus que vos
-contes de loup, d'esprits fantastiques.
-
-CARDAN. Vous vous paillardez lanterniérement sur l'éloquence, & faites
-ainsi admirer la suite d'une vaine rencontre d'esprits: ce qui se trouve
-inepte & fat, sans fruit, cela n'étant que rêverie: & pourtant je vous
-dis que vos frivoles conceptions ne sont rien au prix de la douceur &
-mignonne rencontre, non d'esprits qui ne sont pas, mais d'essences
-vraies. Et n'y a rien tel, pour le contentement, que la formelle
-embrassade d'un esprit familier, incube ou succube, _id est_, femelle
-pour nous, & mâle pour les dames, qui les appellent _foulons_, qui vont
-la nuit fouler le monde, & leur presser la rate.
-
-L'AUTRE. Vos contes sont fadaises, & ne sont que folles fantaisies; mais
-la réalité temporelle, sensitive & communicable d'une vérité perceptible
-est la perfection produisante bon & singulier effet de délices, bien
-loin des pensées mélancoliques, qui sont persuadées par crainte, folie
-ou sotte curiosité. Il y en a tant qui desirent des esprits familiers;
-jamais personne n'en eut faute: l'ayant voulu autrement, nul n'a osé
-entamer le propos ni la piece, ni congner ou laisser congner en
-l'entamée ou entameure. Il faut tout dire; ceux qui sont savans s'y
-connoissent; & puis dites, ô vous qui vous macerez: le diable me tente.
-Tu nous la bailles belle! C'est votre propre nature nerveuse, qui
-s'excite selon la loi naturelle vîte & sainte; & vous faites semblant de
-ne l'entendre pas. Il faudroit, afin que ce que vous dites fût vrai, que
-le diable vous soufflât au jaret, comme il fit à Andocidès, ainsi qu'on
-le pratique aux veaux. Cependant, cruels hypocrites, vous ne voulez pas
-donner gloire à madame nature qui opere; vous aimez mieux en faire
-auteur le diable; & ainsi vous lui faites hommage, lui attribuant une
-puissance qui est en vous. C'est grande pitié! Cela vient de la folle
-spéculation. Et ces messieurs les parfaits réformés, qui coursoient leur
-bonnet selon leur fantaisie! Qu'ainsi ne soit; je le prouverai par
-raison; il n'y a homme, tant soit-il débile, qui ne le fasse mieux qu'un
-diable, encore que l'on dise: il le fait en diable. Ce qu'il faut
-entendre sainement. C'est-à-dire: il le fait autant (quand c'est un bon
-faiseur) comme un diable seroit desireux de le faire, s'il savoit ce que
-c'est. On ne dit point en diablesse; aussi les mâles font tout: les
-femmes font comme gueux; elles ne font que tendre leur écuelle.
-
-DARIUS. Appellez-vous cela une écuelle? Quand le cancre de mer prit les
-levres du cas de madame, il n'avoit à ce conte pris que le bord d'une
-écuelle.
-
-MADAME. Sachons cette menée, je vous prie.
-
-DARIUS. Je le veux. Monsieur le gouverneur, (alors nous habitions un
-port de mer) étant à la ville, ainsi qu'à tels seigneurs le menu peuple
-fait force présens, reçut, de quelques pêcheurs, un présent d'une
-pannerée de fort beaux cancres vifs tous choisis (on dit _beaux_ les
-plus gros; ainsi étoit un fort bel homme, le gros Chenu d'Orléans, qui
-étoit gros comme une pipe; & tel monsieur de la Contiere d'Anjou, qui se
-faisoit porter sur une charrette, ne pouvant aller à pied, & qui, un
-soir de vendredi saint, voulant jeûner, mangea seulement un boisseau de
-pruneaux, ce qui tint si peu de place en son ventre, qu'il cuida
-défaillir de faim avant minuit; ainsi étoit une belle femme la dame des
-Carneaux). Mondit seigneur, ayant reçu ces cancres, les fit poser près
-de la cheminée. Tandis qu'il s'amusoit, un des cancres se glissa, & se
-rampant, s'enlassa entre une tapisserie & la muraille. Les autres furent
-portés à la cuisine, pour y être troussés comme mugette. La nuit que
-chacun dormoit, ce maître cancre, ayant affaire d'eau, & la sentant à
-l'odeur marine, va au pot à pisser, où il se rangea en si peu qu'il y
-avoit; & ainsi glissé au fond du pot, s'y tenoit, attendant miséricorde.
-Quelques heures après, madame eût envie de se consoler à la décharge de
-ses reins chargés d'urine, déja tirée en la vessie, dont la pesanteur
-par filandres tire à soi les roignons, qui se délectent de son
-évacuation; & prenant le pot, s'étant un peu relevée, se flanqua dessus,
-de peur de pisser au lit; & ainsi madame...
-
-ARCHIMEDE. (Baisez-la au cul, si c'est la vôtre, tandis que je
-chercherai la mienne; c'est une regle de géométrie.
-
-DARIUS. Petit follet, laissez-moi en paix; il n'est pas possible que
-vous me fâchiez, comme vous le desirez; il n'y a qu'un moyen de me faire
-taire: prenez un rateau, & me baillez des dents au cul; & j'aurai tant
-de douleur, que je me tairai). Voilà donc madame, qui laisse aller l'eau
-de la goutiere naturelle entre les arcs-boutans des crevasses physiques,
-& pissant roide comme une pucelle qui n'ose, arrousa de cette liqueur
-fraîche & chaudement émouvée le paillard cancre, qui soudain se dilate &
-releve; en ouvrant un de ses bras, qui est de telle condition que
-s'étant ouvert & pris à quelque sujet, il ne le laisse point. Que
-prit-il, bonnes gens? A l'aide! Il trouva & prit. Quoi? Cela est si
-délicat & mignon, que je n'ose le dire. Il happa & serra le bord, le
-limbe, la levre, l'ornement, la mâchoire, cette fente mignarde,
-extrémité éminente qui se releve en crête de fossé, au bas du ventre
-féminin sur le devant, pour faire honneur aux babines du chose de
-madame. Cela est si sensible, qu'elle s'en écria si haut, qu'elle
-éveilla son mari, qui lui demanda ce qu'elle avoit. Hélas! dit-elle, je
-suis perdue. Elle soupiroit, & n'osoit le dire. Toutefois sa douleur lui
-fit déclarer que quelque fantaisie la mordoit au bord de son cas.
-Monsieur, en bon mari, ayant fait apporter la chandelle, & vu l'effet ès
-parties naturelles de la femme: paix, ma mie, paix, dit-il; je lui ferai
-bien lâcher prise; je sais le secret: il ne faut que souffler contre. Il
-se mit à souffler; & le cancre, levant l'autre bras, l'empoigna à la
-levre d'auprès le nez. Il faisoit beau voir cette remembrance. Il avoit
-le nez bien près du cela de sa femme; il pouvoit bien voir si d'autres y
-étoient: il n'eût pas été cocu sans avis. Le valet de chambre, qui
-survint avec des ciseaux, coupa les deux bras du cancre, mit monsieur &
-madame en liberté.
-
-MADAME. J'eusse bien voulu voir la grimace qu'ils faisoient. Je ne sais
-si cette femme avoit envie de rire, voyant l'humilité de son mari.
-
-PETRONIUS. Cela me fait souvenir de la fortune de frere Jean Laillée
-notre bon ami.
-
-
-
-
-COMMENTAIRE.
-
-
-XV. Un jour, proche des avents, allant à Angers, il ne put attrapper la
-ville, si qu'il coucha chez une bonne femme qui le connoissoit de longue
-main: s'il m'en souvient, c'étoit chez la jeune Coibaude. Comme il fut
-au lit, on lui mit sur la selle d'auprès le chevet un pot de nuit: or
-sur la même chaire, il y avoit une ratiere quarrée & creuse en rond; ce
-n'étoit pas de celles qui ont une porte, mais un ressort qui serre le
-rat par le milieu du corps: cet engin-là, qui a pour le moins demi-pied
-de diametre, & est en cube, étoit fort tendu & le ressort fort bandé.
-Frere Jean se réveilla, pour faire de l'eau; & prit cet engin par le
-bord, cuidant que ce fut un vaisseau à pisser, & y présenta son outil,
-qui s'avançant donna jusques à la détente; parquoi le ressort échappa, &
-prit le pauvre cas du cordelier, qui sentit plutôt cela que le jour. Il
-se prit à crier si haut, que Lucifer s'en fût éveillé; & on lui apporta
-de la chandelle pour le dégager. La chambriere en rioit d'aise, d'autant
-qu'elle étoit bien vengée d'une autrefois qu'il logea là-dedans; c'étoit
-en été; & parce qu'il y avoit presse, lui qui étoit des amis, coucha en
-la chambre basse, où la bonne femme & sa chambriere couchoient en
-l'autre lit. Ce mignon se leva, pour prendre l'air; la nuit étoit un peu
-noire; il appella la chambriere: marquise, je suis égaré: je te prie,
-viens me quérir. Cette pauvrette se leve, & va à lui, qui avoit troussé
-sa chemise & levé fort haut le bras. Prens-moi la main, je te prie. Elle
-tâtonnoit & trouva son bout. Hélas, ce dit-elle, que vous avez les
-doigts gros! ho, & c'est votre bras. Il n'y a point de main! &
-qu'est-ce? en dà, je n'en ferai rien. Elle lui tira une secousse, & le
-laissa là.
-
-SIMLER. Maître Jean Pinaut, ministre de Genève, m'a conté qu'il lui en
-prit autant à Chamberi.
-
-
-
-
-DISTINCTION.
-
-
-XVI. A cause de quoi, il avient toujours quelque disgrace à ces pauvres
-innocents, & leur tombe quelque échec; témoin celui qui précédoit à
-Dampierre, quand nous y cherchons la pierre philosophale, avec tous ces
-barons de Normandie, & que nous bûmes le bon vin que Nabot avoit
-persuadé à monsieur de Chansegré d'y faire apporter, pour en faire de la
-poudre de projection. Il y avoit blanc & rouge; c'étoit faire la pierre
-pour la projection de l'argent & de l'or potable. J'avois avec moi mon
-Pierre, qui étoit un bon vaurien. Le dimanche venu, nous ouimes le
-sermon d'un cordelier qui avoit une ulcere en une jambe; & le thême de
-son prêchement étoit _Modicum_, qu'il répéta plusieurs fois, ce qui fut
-cause que mon valet sortit, disant: que diable avons-nous affaire, si le
-maudit con lui a fait tort? Les faucons engendrent les mauvais, & les
-mauvais les faucons. Quand ce moine fut guéri, il s'en alla & prit congé
-du cul & de la tête, comme c'étoit la coutume: or, étoit-il galant de sa
-personne, dispos & courageux, (j'ai quasi dit _vaillant_, ce qui
-n'appartient qu'à nous, chevaliers & écuyers.) Le frere, passant sur
-l'étang de la Ferriere, fut rencontré de deux voleurs à pied, qui eurent
-envie de son habit, par quoi ils lui dirent: frere, cet habit vous est
-trop chaud & importun; baillez-le nous un peu à porter pour votre santé.
-Sans faute, dit-il, messieurs, tout est à vous, corps aussi; je vous
-supplie me donner congé de me dévétir, & n'outragez point ma pauvre
-personne. Ce qu'ayant dit, il met son bâton à deux bouts à terre, le
-pied dessus, & dévêt le froc, qu'il leur jetta aux pieds, puis reprend
-son bâton, & tout en pourpoint leur dit humblement: messieurs,
-prenez-le. Un d'eux se baissant pour l'amasser, le moine lui vint
-décharger un si grand revers de son bâton sut l'autre flanc, qu'il
-l'envoya béchever du long de la levée. Cette épauliere ainsi déchargée
-sur le haut de la personne de ce vilain, qui cheut sur le ventre comme
-une grenouille éhanchée, épouvanta tant le compagnon de l'écrasé, qu'il
-s'enfuit; & le cordelier de le supplier courtoisement de venir au reste.
-Le trébuché, qui craignoit le demeurant, disoit: ha, frere Gilles! Mon
-bon pere confesseur, je me jouois, vous êtes bien rude de ne prendre
-rien en jeu! Et le moine s'avança de lui apprendre les dimensions, non
-du _baculus_ de Jacob, mais du bâton de Gilles, & le pauvret de crier:
-hélas, monsieur, pardon! A ce mot de monsieur, il le recommanda à tous
-les diables, & s'en alla aussi. Il y a trois sortes de gens qui n'aiment
-point à être appellés par leur nom: comme vous diriez chien & chat,
-moines, ministres, prêtres, putains & bâteleurs. Minon & chat,
-c'est-à-dire, monsieur; à cela vous connoîtrez qu'il faut dire mignon,
-monsieur le prieur, notre maître, &c.
-
-OECOLAMPADE. Le docteur de chez nous ne fut pas si habile, quand sa
-garce le battit, parce qu'il se laissa égratigner le visage; & le
-lendemain, comme on lui demanda qui l'avoit ainsi marqué, il dit que
-c'étoit un fagot.
-
-EMPEDOCLES. Diantre, quel fagot! C'est possible un fagot de foin, ainsi
-que le rapporta maître Alain, qui fut trouvé avec une garce; il ne
-s'excusa pas comme Denost, qui, au chapitre, quand on le tença qu'il ne
-bougeoit d'avec les garces: certes, ce dit-il, je n'y ai pas été depuis
-_Quasimodo_. Aussi venoit-il de coucher avec une.
-
-SIMLER. Tu en as toi qui parlois tantôt de foin pour chair: mais, si on
-te tournoit de langage, te donnant à déjeuner, & que pour de la chair on
-te donnât du foin, que seroit-ce?
-
-LEON HÉBREU. Ah! voilà bien argumenté pour un vieil plaideur. Notez que
-tout honnête homme ne mange point de morceau de boeuf, ni de morceau de
-pourceau. Pourquoi? parce qu'un morceau de boeuf est une poignée de
-foin; & un morceau de pourceau, c'est un étron, qui vous puisse servir
-de masque à carême prenant.
-
-PERICLÈS. Les gens ont tort; & celui qui parle a raison; mais il mâche
-de travers, & si je vous dirai qu'il n'y a gueres qu'il le sait: il ne
-le dit encore gueres bien.
-
-EMPEDOCLES. Vous n'avez pas dit, comme on dit monsieur en moine.
-
-SIMLER. Ho, vous en souvient-il? J'étois bien loin. Et que sais-je?
-Notez que ceux qui parlent tant des friponniers d'un état doivent en
-être, en avoir été, ou les avoir trop fréquentés. J'étois vragnant en
-Savoye, où j'écoutois parler à son altesse.
-
-VIVES. Et moi à Rome, où j'oyois supplier sa sainteté.
-
-CARDAN. Et moi en enfer, où j'oyois dire sa diablerie.
-
-L'AUTRE. Et moi chez notre archevêque, où l'on baisoit les mains de son
-archiepiscoperie; & il répondit à son suffragant: j'honore votre
-espiscoperie; & à un chanoine: je me recommande à votre chanoinerie.
-
-SIMLER. Je voyois un mignon qui parloit à un jurisconsulte, & lui
-disoit: comment se porte votre conseillerie. Aussi sa conseillerie lui
-avoit donné à dîner. Comme sa majesté lui avoit donné sa lettrerie, j'ai
-pensé dire sa _ladrerie_, soient sauvées les jumens. Nous sommes, je dis
-vous autres, de grands sots. Je ne pensois pas que cette femme eût la
-tête si fausse, de taper ainsi son pauvre maître de docteur.
-
-TEXTOR. Je vous prie, parlez bas, & ne vous mariez point de peur d'être
-cocu. Mais je me trompe, j'ois ce beau procureur qui en parle; il est
-marié, il est heureux, sa femme est grosse, elle accouchera.
-
-SIMLER. Parlez sobrement des femmes.
-
-TEXTOR. Tu y devois bien venir, toi qui a si belle femme. Par ma
-conscience, elle est belle & de mérite, & des plus jolies du monde: & je
-suis fâché pour elle d'une chose; c'est qu'elle est la femme d'un cocu,
-qui a pendu aux fesses les trébillons d'un veau.
-
-SIMLER. Par Hercules, à la fin, tu troubleras ma patience. A ce conte,
-tu ferois ma femme putain?
-
-TEXTOR. Si je l'avois couverte, sans doute elle le seroit, & l'aurois
-faite telle.
-
-SIMLER. Mais qu'as-tu affaire de dire cela? Tu sais bien qu'elle est
-femme de bien; à grand-peine seroit-elle débauchée. Vraiment, elle
-n'aime point le déduit; aussi je ne prens pas plaisir d'avoir affaire à
-elle.
-
-TEXTOR. J'y en prendrois bien, quant à moi.
-
-SIMLER. Si tu me fâches, je te pousserai & te hâterai d'aller.
-
-TEXTOR. Je ne veux qu'aller au palais de Paris, pour être poussé, ainsi
-que répondit Limois au conseiller son maître, qui lui promettoit de le
-pousser. Pargoi, monsieur, je serai plus poussé en demi-heure, à la
-sortie du châtelet, ou du palais, que ne sauriez me pousser, toute votre
-vie. Au reste, pauvre homme, je voudrois que tu m'eusses tant hâté
-d'aller, que j'eusse passé le mauvais tems.
-
-SIMLER. Encore tu te moques? Va, je veux bien être cocu; mais si tu me
-courouces, je te ferai porter les stigmates des cornes de cocus.
-
-DIOSCORIDE. Voilà une drogue dont je n'ai jamais ouï parler: apprenez-la
-moi, pour la mettre en mon livre.
-
-MADELAINE. Voilà cette belle Diotine, qui est enragée de faire leçon aux
-doctes. Demandez-lui. Toutefois j'en sais plus qu'elle; mon mari me l'a
-appris.
-
-
-
-
-PARTIE.
-
-
-XVII. Quand je tenois école d'écriture à Toulouse, avec les chanoines de
-Saint Sernin, d'entre lesquels il y en avoit un qui étoit curé là
-auprès, & entretenoit la premiere femme de mon mari, laquelle étoit
-belle. Un jour, j'oyois ce mari qui parloit à elle: d'où viens-tu?
-fit-il. Du four, fit-elle. Que faire? fit-il. Un tourteau, fit-elle.
-Est-il bon? fit-il. Tâtez-y, fit-elle. Est-il chaud? fit-il. Soufflez-y,
-fit-elle. Et où, fit-il. A mon cul, fit-elle. Ha putain! fit-il. Ha
-cocu? fit-elle. Ha, ha, fit-il. A, a, fit-elle. Voilà comment je suis
-femme de cocu; & si, je suis femme de bien; ce que l'on ne penseroit
-jamais. Cependant je conserve bien mon bon homme en sa qualité, sans
-faire faute de mon corps, non plus qu'une nonnain griesche. Si est-ce
-pource que je me tenois assez mignonne, on parloit mal de moi; en dà, on
-avoit tort; c'est parce que je n'eusse su faire que ce qui déja étoit
-fait. Et puis, comme j'ai appris des docteurs que j'ai fréquentés jour &
-nuit, le cocuage est un caractere indélébile, tenant comme moinerie au
-corps & à l'ame d'un profès; & bien plus fort, mais non si visiblement
-que merde en derriere de chemise. Et parce que cela étoit, je me
-contenois fort en devoir, aimant bien mon mari, que je mignardois, tout
-ne plus ne moins que si j'eusse été un peu putain. Et de fait, comme,
-étant femme, je sais la nature féminine, je vous assure qu'il n'est aux
-hommes que d'avoir femmes qui en tiennent tant soit peu: cela est levain
-de perfection, pourvu qu'elles n'en soient âpres; & ce d'autant que
-telles femmes aiment mieux les hommes, & les servent mieux quand ils
-sont malades, & avec moins de dédain que ces sottes femmes de bien.
-Encore que je traitasse bien mon preud'homme, si est-ce que quelquefois
-il se fâchoit contre moi: & sur-tout une fois, qu'il me trouva devisant
-d'affaires avec un commandeur, qui, pour me guérir du mal de la colique,
-m'avoit appliqué sa croix sur le bas de l'estomac, & me disoit à
-l'oreille les paroles qu'il y falloit dire pour ma santé. Mon vieillard
-eut une fausse impression, dont il me querella; mais je le fis taire. Or
-sus paix, c'est assez. Que tu es méchante. Voire, si je ne l'eusse fait
-taire, il eût huché jusques à demain. Je l'eusse volontiers battu, sans
-que dieu & vergogne le défendent; & y eût paru, parce que je lui eusse
-fait sentir, non les cornes de cocu, ains celles de sa femme.
-
-MECENAS. Mais quelles sont les cornes d'un cocu, & celles des femmes,
-qu'elles fassent ainsi mal?
-
-MADELAINE. Sont les ongles. Il vous faudroit mettre dessus; encore ne
-vous en appercevriez-vous, non plus que le pauvre meûnier qui étoit sur
-son âne, & fut surpris d'une grande procession, qui le pressoit fort; &
-lui, ayant son bonnet à la main, dandinoit, regardant la banniere & les
-beaux joyaux. Deux ou trois fripons, approchant de lui, couperent les
-sangles de son bât, & soutinrent le bât assez long-temps, portant le
-drôle, tandis qu'un autre arrêta le mulet, le tenant par la queue, comme
-une anguille. Quand ils l'eurent assez porté, ils le planterent-là; & le
-pauvret de crier & hucher: & où est mon âne? O, va le chercher. Or,
-puisqu'il faut tout dire, ce bon homme étant mort, j'épouse, pour la
-seconde fois, le plus grand sot du monde, tant à cause de lui que de
-moi. Je n'ai point honte d'ainsi parler, puisque je ne ments point.
-Voilà! son âne m'étoit contraire: ainsi, par ma finte, il avoit eu deux
-autres femmes, dont la seconde étoit une des plus femmes de bien de la
-terre; & elle ne fut pas si-tôt avec lui, que l'astre de cet homme ne la
-rangeât au point des soeurs. Je dis donc ceci avec toute gloire, à cette
-heure que je suis fille pénitente, & qu'il y a du plaisir à raconter les
-vieilles vétilles, & que c'est un grand mérite, que de se souvenir de
-ses fautes, dont par ainsi la rétribution est grande en pardons,
-abondant sur l'iniquité. En ce mien mariage, je me gouvernai en femme de
-bien, ne plus ne moins que les dames de Paris, qui ont des intervis.
-
-CESAR. Quels diables sont-ce?
-
-MADELAINE. Vous le saurez tantôt. Et ne m'avint qu'une douce infortune,
-en quoi je ne fis point de faute, parce que Pichonneau disoit, en
-chaire, que ce n'étoit point péché, quand on n'en tiroit ni profit, ni
-plaisir. Il y eut un beau jeune homme de bonne maison, qui me fit
-l'honneur de m'aimer; &, parce qu'il étoit fort apparenté, crainte que
-je fusse cause qu'il lui avînt du mal, je le laissai faire de moi ce
-qu'il put, sans que j'y apportasse aucun consentement: aussi je n'y
-prenois aucun plaisir. Je le laissois faire à son aise pour le
-gratifier, & pour le grand amour qu'il me portoit, afin qu'il ne m'en
-pensât tant son obligée, & qu'il en prétendît récompense: je lui
-permettois & voulois bien qu'il eût tout plaisir qu'il vouloit de moi,
-puisqu'il disoit qu'il y en trouvoit, encore que cela ne m'en fît
-aucunement.
-
-PORCENA. A qui fait-il plus de bien, aux hommes ou aux femmes?
-
-GEBER. C'est aux hommes, dit Saint-Gelave. A, ha, ha, dit mon compere
-Bardou, vous vous trompez; c'est aux femmes. Avisez que si l'oreille
-vous démange, & que la gratiez de votre petit doigt, qui a plus de
-plaisir & de bien? N'est-ce point l'oreille? Et puis il y a en la
-chanson: _vous aurez sur l'oreille_.
-
-MADELAINE. Je ne sais rien de tout ce que vous dites; vous êtes des
-causeurs; je ne prends point de plaisir à si peu de chose. Bien que l'on
-me l'ait assez voulu persuader, à ce que l'on disoit, & qu'on a dit de
-moi ce qu'on a voulu, je me suis pourtant portée en tout honneur.
-Pensez-vous qu'une femme ne puisse pas coucher avec un homme, sans
-toutes ces badineries là? Pour autant que cet honnête bon seigneur avoit
-couché avec moi, & que l'on disoit qu'il y avoit danger, ce que je ne
-trouvai onques, je fus à confesse; & comme le prêtre m'enquêtoit
-soigneusement, je répondis avec un bel excès de contrition de coeur,
-selon les péchés que j'avois commis, ajoutant que j'avois fait un
-oiseau. Comment, ce me dit-il tout émerveillé, un oiseau, ma mie? Oui,
-monsieur. Le pauvre petit bon homme n'entendoit pas que je parlois d'un
-cocu; & de-là vint le proverbe, que depuis on a dit: _pauvre prêtre_, vu
-la pauvreté de cettui-ci en science. Et pour vous faire entendre
-l'excellence & la vive nature de cet oiseau, il est convenable de savoir
-qu'il ne s'engendre point comme les autres. Il est éclos, fait, parfait,
-dressé & accompli en un moment; il ne faut qu'un coup de bandage. Aussi
-monsieur des Fléches m'en avoit averti, me voyant deviser avec ce
-gentilhomme. Il me dit: par le corbeau du bois, ma mie, ce godelureau te
-scellera un passeport sur le ventre. Cela ne s'est pu détourner; les
-destinées le vouloient: il est vrai que je l'aimois; & si j'eusse été à
-marier, je l'eusse aimé pour ami, & non pour mari, d'autant qu'il
-n'avoit point de chausse-pied de mariage.
-
-MÉCENAS. J'ai beaucoup vu & ouï des poëtes à ma table, & en mes
-particuliers discours, & infinis philosophes & autres docteurs; mais je
-n'avois jamais ouï parler de tel outil.
-
-MADELAINE. Ce sont les filles de ville, & sur-tout de Paris, qui parlent
-ainsi; & voyant quelque jeune homme qui est pourvu de quelque état ou
-office, elles disent: il a un chausse-pied à con.
-
-MÉCENAS. Je ne savois pas cela.
-
-
-
-
-SECTION.
-
-
-XVIII. Bien ai-je ouï dire à Philon Juif, quand il me fréquentoit, qu'il
-avoit demeuré en un pays, où les gens mariés sont en grand peine, au
-prix de ceux de ce pays; c'est que, quand l'homme se veut ébattre
-naturellement avec sa femme, il faut qu'il ait deux serviteurs, ou deux
-autres personnes ou amis, à la pareille, qui lui aident & le tournent
-sur sa femme, comme quand on perce le noyau moyen ou bouton d'une roue;
-& les tours se comptent selon les qualités des personnes, pour faire
-mâle ou femelle, roi, prince ou empereur. Il est vrai que, si on n'est
-pas capable d'engendrer ce qu'on a apposé, le bout se trouve si petit,
-que l'on ne peut plus tourner. Et de-là est venue l'origine des fils de
-putain, bâtards, avoutres, gueux & pendus; & pour connoître si les tours
-sont achevés, il est aisé, d'autant que la femme tourne; & c'est le
-signe qu'il n'y a plus de quoi virer masculinement. Je m'enquis, avec
-ample diligence, de la cause de cette affaire; & je sus qu'en ce pays-là
-les femmes avoient leur cas fait à vis; tellement qu'y ayant fait, il
-faut retourner, comme disoit dame Jaqueline que son cas sentoit le
-revas-y.
-
-MELA. Notre coutume vaut mieux; tant d'artifice est triste; ce n'est
-jamais bien fait.
-
-MÉLANTON. Aussi en faisant, on fait. Mais qui est le sujet le plus
-imparfait qui soit au monde? Il y en eut quelqu'un qui dit: ce sont les
-cocus, d'autant qu'ils ont cornes, & ne les voit-on point. Ce sont les
-chats, ils crient & chousent ensemble; aussi n'y a-t-il animal si
-farouche, qui ne s'arrête quand on l'affourche.
-
-L'AUTRE. Voilà bien à propos! Vous n'y êtes pas, & n'aurez meshui fait.
-C'est la femme, d'autant qu'il y a toujours à besogner, & sur-tout à
-celle d'un cocu.
-
-MELA. Que diable, vous en voulez bien à ces pauvres cocus! Je pense que
-vous le soyez, ou l'ayez été, ou ayez envie de l'être, comme un beau
-financier qui n'a pas payé son état. Et là-dessus, monsieur le beau
-diseur, je vous demande, qu'est ce qu'un cocu? C'est, dit Vigenaire, un
-oiseau qui pond au nid d'un autre.
-
-GEBER. C'est bien chié en trois lieux. Il faut, à ce que je vois, que je
-vous leve le voile qui empêche votre coeur de comprendre les sciences; &
-je vous dirai des choses notables. Ce fut par la déclaration de ce
-secret, que l'empereur des Turcs me fit si grand, quand je reniai le
-christianisme, où je retournai pourtant, à cause que l'on m'apprit la
-vérité de la pierre: & pour le sujet proposé, il n'y a personne qui vous
-en parle plus sainement que moi, & sans passion, d'autant que j'ai été
-cocu. Dieu merci, je me porte bien: qu'ainsi soit-il de vous. Et de cela
-je m'en trouvois bien, sans m'en fâcher, d'autant que j'en étois fort
-aise, parce que j'étois toujours le maître: on me craignoit, révéroit &
-honoroit. Et qu'avons-nous davantage en ce monde pour l'accomplissement
-de nos desirs ambitieux? Or, sachez tous en gros & en détail, que le
-cocu est un animal capable de douceur, humble & pacifique, craint,
-redouté & honoré de sa femme, & des amis d'icelle, desquels il est
-considéré comme maître du gibier; & ne se faut pas amuser au nom de cet
-oiseau, mais d'un autre plus meilleur. Il n'y a guere d'animaux entiers
-mâles qui aient plus de faveur que le coq (entier est le contraire de
-châtré) puisque je vois que vous le voulez savoir; le coq a plusieurs
-femmes qu'il fournit & appointe, tant il est délibéré & bon; mais sitôt
-qu'il est usé, les poules le chassent & le battent, & n'en veulent plus,
-& ainsi le destinent à châtrerie, & en admettent d'autres vigoureux &
-bons. Ces femmes qui couvent & font des cocus, sont de même naturel que
-les poules. Qu'ainsi ne soit, une femme prête à faire l'enfant, crie
-comme une poule qui veut pondre: je voudrois être morte. Etant délivrée,
-elle chante comme celle qui a pondu; il n'est que l'être; cependant que
-le coq chante: _qu'un con est cru!_ & s'en rit, disant: je le fais quand
-je veux. Ainsi sont nos femmes en leurs actions & desirs, tellement que,
-leurs maris étant usés, ou les estimant tels, ou les voulant ménager de
-peur de les user, vont à d'autres: en quoi je vous admoneste de la
-différence du péché mortel & du véniel. Le péché mortel est, si vous
-allez voir la femme d'autrui chez lui, & qu'il vous tue; sans faute la
-mort sera toute notoire. Faites venir la dame chez vous; le péché sera
-véniel. Les dames faisant ainsi le petit divorce vertueux, il ne se peut
-faire que les sages amies ne le sachent; parquoi les avertissant de leur
-salut, elles leur disent: comment, pauvre femme, ma mie, votre mari est
-donc cocuusé? Et ce mot venant à être commun, & qu'aussi on coupe la
-queue à ces pauvres innocens, on dit simplement cocu: & certes, sans
-mahumétiser, je vous dirai que c'est bien avoir la queue coupée, que de
-la mettre en danger d'être prophanée dans un évier public ou commun. Or,
-le cocu est un oiseau qui, pour ce qu'il a deux pieds, chante mieux &
-plus distinctement que nul autre, ayant de la raison jusques au cul. Que
-si cela passoit outre, il ne seroit pas cornard.
-
-ZABAREL. Mais voyez cet alchimiste, comme il avale gros & mâche menu! Je
-ne sais s'il court comme il attrape. _Corpo di gallina_. J'ai fait tout
-ce que j'ai pu, pour savoir & entendre parfaitement la philosophie: mais
-je vois que jusques à cette heure, s'il dit vrai, je n'y ai rien
-entendu. Il n'est que monnoyeur pour se connoître en billon. Notre ami &
-bon maître Aristote ne fait aucune mention de tels oiseaux. Notez bien
-ce que je dirai à l'honneur des dames, contre celui de tantôt qui les
-appelloit bêtes, afin que l'on n'ait pas opinion que je fusse entaché du
-péché qui les fait hair. Je dis que ce fat étoit tant niais, tant veau
-de dîme, âne de plat pays, sot d'outre mesure, Badeau de Paris, &
-bestion de si grande conséquence, qu'il pensoit que ce mot _animal_, fut
-à dire _bête_. Il me fit souvenir de feue Conscience, belle courtisane,
-qui ne vouloit pas que ma petite chienne fût une créature, & ne lui
-plaisoit pas d'être animal. Hoi, disoit-elle; Bichonne n'est point
-créature, & je ne suis point animal. Or, maintenant j'ai reçu une grande
-lumiere d'entendoire; je suis illuminé comme un fallot qui tombe tout du
-long d'un degré, & je conçois qu'il y a des oiseaux de poing, des
-oiseaux de leurre, des oiseaux d'épaules, comme ces oiseaux de maçons, &
-des oiseaux de selle. Les deux premiers, je les laisse à messieurs de la
-volerie, autrucherie, fauconnerie, & autres qui savent appliquer le vent
-aux aîles. Je croyois qu'il y eût des autruchers qui portassent les
-autruches sur le doigt; & les derniers je les spéculerai: d'autant que
-je trouve, en les minoisant intelligiblement, une grande, creuse &
-profonde sapience, en tant qu'ils se font naturellement, & se procréent
-par imperceptible transpiration de substance, faisant une grande
-mutation sans changement, acquérant une forme sans altération. O
-admirable & épouvantable secret, entre tous les secrets! Ceux qui ainsi
-deviennent oiseaux, le sont parfaitement, sans qu'on les touche, sans
-qu'ils le sentent, & souvent sans qu'ils le voient ou sachent; de s'en
-douter, gare! Il est permis de se douter de tout: n'y a presque homme
-qui n'en ait quelque doute. Or, pour être cocu, il en faut être capable;
-& pour cet effet, il faut avoir une femme épousée; & ne faut pas
-seulement avoir égard à la mine ou encolure mystique qu'un homme en peut
-avoir, à cause de l'influence sous laquelle il est né, selon son idée
-naturelle & prédestinée: mais il faut considérer le vouloir & pouvoir
-des parties intervenantes en cette métamorphose, qui agit exactement
-autant de loin que de près. Il n'y a rien en tout de semblable; &,
-disent les alchemistes ce qu'ils voudront de leur poudre de projection,
-ou cendre à faire des nuances; cela n'est rien au prix, d'autant qu'il
-faut qu'il y ait de la présence, ce qui est le contraire en ceci. Celui
-qui aura fait le fou tout le long des jours gras, n'assagira pas le
-mercredi par la cendre, si elle ne lui est posée en propre personne
-présente. Et tel sera joyeusement cocu, quand il seroit à l'autre bout
-de la terre; & ce en un instant. Cette forme court plus vîte que
-l'éclair. On dit, selon le conte des bonnes femmes, que les tortues
-couvent leurs oeufs avec les yeux: aussi font tous animaux, parce qu'ils
-ne les laissent pas, si de fortune ils ne les ont perdus, comme la
-borgne, à laquelle nous savonâmes tous les fauxbourgs du derriere,
-l'année passée. Et bien les oeufs de tortues, auxquels elles ne touchent
-point, éclosent à la fin; & il se fait une mutation formelle, comme il
-convient ès transformations naturelles, si elles ne sont
-chimico-mentales. Ces changemens se voient en ce qui est commun; mais en
-ces oiseaux rien n'y paroît de changé, ni en la forme, ni ès accidens,
-ni en la naturelle, ni en l'espece intrinseque, ès formes qui se
-reçoivent sans mutation de substance; encore y a-t-il du mouvement au
-sujet de muance. Mais en cettui-ci, soit qu'il s'émeuve, ou ne s'émeuve
-point, & quelque absent qu'il soit, il est pénétré, transpercé,
-outrepercé, surpris, enduit, enveloppé, & tellement organisé en
-spécifique & disposée formation, que subitement, subtilement, tout d'un
-coup, voilà un homme cocu, comme il sera démontré tantôt.
-
-
-
-
-EPÎTRE.
-
-
-XIX. NICOLE. J'ai ouï autrefois en notre ville de Paris, un prêcheur,
-(je ne dirai pas de quel ordre, de peur de scandale) qui se mettant à
-prêcher, fit une ample déclamation des péchés. Comment, disoit-il,
-encore celui qui jure, il relâche son coeur & demande pardon; celui qui
-vole, c'est pour s'accommoder, & ainsi des autres, comme dit notre rime.
-
- Pere & mere honoreras,
- Afin d'avoir bien de l'argent.
- L'oeuvre de chair n'accompliras,
- Qu'avec les belles seulement,
- Faux témoignage ne diras,
- Qu'en mariage seulement.
-
-Mais celui qui paillarde, hélas! que fait-il? il fout. Si cela duroit
-toute la vie! Que dis-je, toute la vie! S'il duroit un an! Que dis-je un
-an! S'il duroit un mois! Que dis-je, un mois! S'il duroit un jour! Que
-dis-je un jour! S'il duroit une heure! Que dis-je, hélas! une heure!
-Hélas! le puis-je bien dire aux pauvres dévoyés? Hélas! quoi? il ne faut
-que zac, zac, zac; voilà une pauvre ame damnée. Aussi monsieur de Senlis
-disoit: vive la majesté de dieu, vous êtes pécheurs. Quoi! Et en ce
-péché de luxure? Et que pensez-vous que ce soit? C'est une petite
-planche qui n'est pas plus large que deux doigts, sur laquelle étant,
-soudain on trébuche. Et dis que tu en as, viel hérétique de tous les
-diables. Si vous êtes de cette chouserie-là, allez à Genêve.
-
-GEBER. Mais encore à ces cocus, que si, à la fin ou plutôt, il vient à
-le savoir & qu'il s'en fâche, il sera un sot, s'ennnuyant de chose qui
-ne diminue ni accroît sa substance, parquoi il sera encore plus fat. Il
-doit avoir cette gloire en son coeur de l'être, sans en faire semblant,
-d'autant que tels sont honorés & bénits; & on se moque de ces pifres,
-qui veulent faire les savans, & se tourmentent comme ânes trop sanglés.
-Or jamais les antiques docteurs ne spéculerent tant avant, que l'on met
-avant ces formes qui sont tant excellentes, notables & mystiques; &
-certes ceci est proprement ce qui est & n'est point, & qui s'acheve sans
-être commencé, comme est dit que l'homme & la femme ne sont qu'un corps:
-par quoi un ministre & sa femme ne font qu'un: _ergò_ un ministre est
-mâle & femelle. Quant à ces formes, elles n'ont point d'heure: il ne
-faut point spéculer les astres; les temps ni les momens n'y servent de
-rien, qu'à y apporter de la commodité; tous instans sont propres à les
-faire subsister; & toutes rencontres bonnes à les exciter, pourvu qu'il
-y ait de la vigueur aux doux heureux outils de formation naturelle, &
-que l'on sache & puisse. O belles contemplations, que vous êtes
-vigoureuses & grandes? Ces beaux discours me font voler encore plus
-outre, connoissant le naturel des bons seigneurs, à qui la fortune donne
-de devenir oiseaux; & je m'ébahis qu'en France & en Perse, nations tant
-symbolisantes, on ne le désire plus qu'on ne le fait. Je ne le dis pas
-sans cause, moi qui suis gentilhomme, & qu'en tels pays chacun desire
-l'être; & pour être gentilhomme, faut avoir droit de pont-levis; c'est
-avoir deux brancards sur le front, lesquels on passe ainsi que la tête
-de bécasse béant aux étoiles. Beaux oiseaux, vous m'apprenez beaucoup de
-bien; je sais à cette heure & tout maintenant, que pour votre seule
-occasion, Normandie est appellée le _pays de sapience_, d'autant qu'en
-ce pays-là les belles, bonnes, grosses, grasses bécasses y sont nommés
-vis de coqs, quasi _vis de cocus_: aussi _vis_ signifie _visage_ en
-vieil françois; donques _visages de cocus_, c'est-à-dire, _vis de coqs_,
-sont bécasses, d'autant que leurs têtes sont les propres archetipes
-visibles des invisibles visages des cocus. Cette intelligence & propre
-interprétoison vous ôtera de peine, quand vous en orez parler. Si la
-belle Dubois (qui servoit madame l'amirale, notre chere & révérée dame;
-je ne sais si je dis encore bien, parce que l'âge m'a ôté la mémoire)
-eût su ce que nous venons d'apprendre, elle ne fût pas tombée en un tel
-inconvénient. Cette demoiselle étoit fort agréable à sa maîtresse, parce
-qu'elle savoit une infinité de petites gentillesses & galantises qui
-sont communes, & toutefois secretes, mais utiles à la cour. Il avint une
-fois qu'il n'y avoit point de compagnie étrangere, madame devisoit avec
-la Dubois, & lui disoit: ma mie, vraiment je vous aime; j'ai envie de
-vous avancer & faire du bien: continuez à me bien servir. Mais encore,
-ma mie, qui vous a appris toutes ces gentillesses? Madame, dit elle,
-c'est une demoiselle avec laquelle j'ai demeuré quelques années. Comment
-la nommoit-on? Excusez moi, madame, je ne vous l'oserois dire. Pourquoi,
-ma mie, en avez-vous honte? N'étoit-elle point femme de bien? Elle étoit
-fort honnête & très-femme de bien; elle avoit une bonne prud'hommie de
-femme; mais son nom est trop laid & trop déshonnête à dire: je ne vous
-le dirai pas, s'il vous plaît, madame. Si vous ne me le dites, je ne
-vous aimerai plus; mais dites-le moi, les paroles ne sont point sales.
-Puisqu'il vous plaît, madame, je le dirai; mais aussi vous m'excuserez.
-En dà, j'en ai grand honte: elle se nommoit mademoiselle de Courvi. O
-ho, ma mie, & est-ce là ce qui vous retenoit? Vous ne savez que mon nom?
-Ne savez-vous pas comme je m'appelle en mon surnom, qui est le nom de
-notre famille? De Lonvis. Hà, madame, que votre nom est beau! Voilà
-comment on apprend, en hantant les sages: ainsi par hantise se forment
-les têtes de bécasses & compas mesurant le ciel. Telles sont, ou
-peuvent, ou doivent être les armoiries des doctes; à propos des
-entendus, auxquels ainsi en puisse prendre; notamment aux marchands, qui
-refusent crédit aux notaires, qui ne croient pas ce que l'on dit; & à
-toutes sortes de gens mariées, qui parlent de vexer & faire ennui aux
-pauvres petites clientes qui font plaisir aux gens de bien. Ainsi puisse
-le monde abonder en cocus, afin qu'il s'envole bientôt, s'il y est
-destiné.
-
-AGESILAUS. Quel est l'oiseau qui chante plus haut que le cocu?
-
-ALCIBIADES. C'est l'hirondelle, qui est en la cheminée, tandis que les
-cocus sont dessous, lesquels elle couvre.
-
-
-
-
-CANON.
-
-
-XX. Que vous plaît-il? J'y étois. Nous faisions si grande chere chez ces
-cocus, que nous jettions les portes par les fenêtres: cela s'entend sans
-le dire, comme les heures d'un jeune chanoine.
-
-GEBER. Taisez-vous, causeurs; vous direz quelque folie dont on vous fera
-bien repentir.
-
-ALCIBIADES. Taisez-vous vous-même; à qui vous joue-tu? Mais, encore à
-propos, qui est le plus fou de nous deux, ou vous qui lisez & oyez ceci,
-ou moi qui vous le propose, ainsi que dit notre féal Socrates François?
-
-GEBER. En bonne foi, monsieur, moi qui écris ces galantises, je m'en
-donne le plaisir le premier; & y a différence entre vous & moi, comme
-entre un pourceau & ma philosophie: oui, ne suis-je pas philosophe?
-Sachez donc que je fais bonne chere de ceci: puis l'ayant digéré, je le
-baille à remâcher, ainsi que quand j'ai bien dîné, je vais fianter; & un
-pourceau vient qui en fait son profit.
-
-L'AUTRE. Et cependant qui pensez-vous que je sois, moi qui vous produis
-tant de témoignages de parvenir? vous me pensez faire honte: & j'en
-rougirai comme un vaisseau d'albâtre. Je veux donc que vous sachiez que
-je suis moi; vous, vous êtes vous; toi, vous êtes toi; & si, je ne m'en
-soucie pas. Il est vrai que j'ai regret, pour l'amour des ignorans, de
-mettre ceci en la plus magnifique langue du monde; témoin Charles-Quint,
-qui disoit que les Espagnols parloient en glorieux, les Allemans en
-charretiers, les Italiens en charlatans, les Anglois en niais
-apprivoisés; mais les François en princes. Et de fait, il n'y a que ce
-livre, & les belles tragédies ou graves histoires, qui aient grace en ce
-langage: toutes badineries & contes de jongleur n'y paroissent point.
-Voilà pourquoi, ayant tant de majesté en ceci, lui en donnant davantage,
-j'ai grand peur que ceci ne soit difficile, que chacun le cachera, de
-peur aussi que les secrets ne soient divulgués; en quoi je crains un
-notable accident pour le pauvre peuple, si les destinées n'y ont prévenu
-& pourvu. Or est-il, & je le sens à la disposition de ma fressure, que
-les bons destins m'ont contraint de faire ce que je fais, pour honorer
-le monde. Aussi j'eusse mis ce livre en une autre langue; mais tout a
-son tour. Si ce n'eût été de peur de faire dormir la jeunesse, je
-l'eusse mis en la langue de veau; mais quoi! la vicissitude des choses
-l'a emporté. J'eusse bien dit des chouses, sans que je sais comment il
-faut parler, d'autant qu'il n'y a gueres de femmes, qui écrivent ce mot
-de chose, sans y faillir. Ignorez-vous pourquoi le vulgaire en Grece ne
-parle plus grec, en Judée hébreu, en Italie latin; & la cause pour
-laquelle ces bons langages ne sont plus vulgaires? Oyez cette vérité que
-je prononce. C'est pource que les sciences y sont traitées, & sur-tout
-la doctrine du maquerellage en latin, & que l'on n'a pas voulu que les
-disciplines fussent communes au peuple. Partant, on a caché les langues,
-pour, avec leur secret, ne les communiquer qu'aux gens de bien &
-d'honneur, ainsi que langues de boeuf à la cheminée, qui ne sont pas
-pour les gueux, au moins par délibération, si que le menu peuple n'y
-peut toucher. Et ma crainte, qui sans doute aura occasion de durer,
-d'autant que ce que je crains aviendra, c'est que ce livre venant à être
-goûté, savouré & digéré, on tâchera d'abolir le françois; & ôter de la
-bouche du peuple ce beau langage, de crainte que ces bonnes & meilleures
-doctrines ne viennent à tomber entre les mains du populaire, qui,
-avenant tel cas, feroit aussi aisément la pierre philosophale que les
-doctes, qui sans faute la trouveront ès rencontres où nous parlons plus
-finement, & disons des choses que des blasphémateurs prendroient en un
-autre sens; & pource il les faut bien & diligemment peser. Il y a encore
-un autre danger de plus grand mal: c'est que si j'eusse fait ce livre en
-grec, la médecine fût périe; si en latin, les loix eussent été abolies:
-& ne s'en est gueres fallu, que je ne l'aie mis en hébreu, pour faire
-plaisir aux théologiens, qui seuls eussent eu tout ce labeur, qui est la
-quintessence du Coras, des Talmuds, du Sefetholan, du Zoar, & tels
-livres faits ou à faire, ce que je n'ai garde, & n'en ferai rien, par
-dépit d'un moine huguenot, qui disoit que ceux qui étoient en colere, &
-ne juroient point, étoient hérétiques. Quelque tonsuré à poil folet,
-quelque docteur confit au serpolet, quelque fabricateur de prosélites;
-bref, quelque fat se pourra formaliser, & selon sa cervelle
-hypocrisifiée, dira de moi, de tous mes amis & de ceux qui font état de
-ces pures & parfaites disciplines, & prononcera que nous sommes tous
-excommuniés, comme une paire de beaux petits couillons sacrés. (Et
-pourquoi ceux-la plutôt que les autres?) La premiere fois que j'allai en
-Normandie, je n'y étois jamais venu, encore que j'en sois, comme je
-crois, ou d'autre part; mais que ne vous déplaise, je suis le premier
-Manceau qui l'a confessé. J'étois avec le sage Bouilli, philosophe
-autant naïf, qu'un oison paté. Devisant un jour avec sa femme, & lui
-disant que par dépit que je ne pouvois devenir riche, je ferois comme
-les freres mineurs: je vouerois pauvreté. O, ho, dit-elle, monsieur mon
-ami, qu'il ne vous vienne point d'envie d'être pauvre. Si vous l'étiez,
-tant de gentilshommes, seigneurs, & autres, tant dames que demoiselles,
-ne vous feroient aucun accueil, parce que l'on ne fait plus de cas de
-pauvres que de couillons: on les laisse à la porte; jamais n'entrent. De
-cela je me souviens qu'il étoit vrai; & qu'à ce fort jeu, la charrue va
-devant les boeufs, comme dit Martial notre ami; & les sacrés encore
-davantage, qui n'en osent approcher du tout.
-
-MARTIAL. Vous êtes bien trompé d'autant qu'il n'y a gens qui soient plus
-sur le cul que moines & gens bénis, ministres & savans qui étudient
-assis; & qui au lieu de conserver les saints ordres qui leur ont été
-conférés les quittent; & abandonnant l'ordre de dieu, se rangent aux
-ordres du diable, qui leur confere grace d'être plus ribauds que jamais,
-& plus putains que les autres gens. Je m'en rapporte à l'antique de
-Mairmoutier, qui se plaignoit que tous ses moines étoient paillards &
-avoient des garces; & voyant passer un jeune dispos, qui traversoit vers
-la boulangerie! je gage, dit-il, que même ce petit rustre en a une. Il
-l'appella, & moineau d'approcher. Il lui dit: n'avez-vous pas une garce
-comme les autres. Non, monsieur, dit-il, faisant une grande révérence;
-je ne suis pas encore _in sacris_. Margot ma commere, qui mangeoit de
-toutes ses dents, s'avisa de ce mot. En dà, me dit-elle, vous avez tort
-de parler toujours ainsi en latin devant les femmes. Elle étoit tant
-attentive à mâcher, qu'elle n'avoit ouï que cette parole; & continuant,
-s'adressa à un homme d'église, & lui dit: est-il pas vrai, monsieur
-l'aumônier, qu'il a tort? Dites donc, n'a-t-il pas tort? A vos trois
-vis? Et il lui répondit: à _vostracons_, madame.
-
-MARGOT. Je disois, _à votre avis_, dà. Qu'il faut parler sagement devant
-vous! Non, je n'en ai qu'un, dont je suis bien empêchée; chacun me le
-demande; je voudrois pouvoir le bailler à rente, afin qu'on ne m'en
-importunât plus. Encore si on pouvoit s'en aider sans que j'y fusse,
-cela iroit tout le jour.
-
-L'AUTRE. Vous dites que vous n'en avez qu'un; & je ne sais s'il est
-entier.
-
-MARGOT. Pour le vrai!...
-
-L'AUTRE. Tout beau! ne jurez pas; & principalement ce juron, qui est
-toujours en la bouche des putains, si on vous oyoit, que diroit-on de
-vous!
-
-MARGOT. Oui, oui; il est tout entier & joyeux; je n'y eus jamais mal: je
-voudrois en être toute; je n'aurois mal nulle part.
-
-L'AUTRE. Mais pourquoi desiriez-vous donc tantôt qu'il fût séparé de
-vous?
-
-MARGOT. Demandez-le à monsieur Robin, qui a été à Lubec, pour l'amour de
-ce qu'il m'en a dit. Je voudrois faire de même, nous vous le demandons,
-monsieur. Nous ne lui avons pas fait dire.
-
-ROBIN. Ecoutez donc ma ratelée.
-
-
-
-
-THÉOREME.
-
-
-XXI. Lubec est une ville fort bien policée, & où il n'y a point de
-pauvres; & la raison occasionnée en est, de ce que toutes les personnes
-ne sont comme ici & surtout pour le commun: de sorte que ceux & celles
-qui naissent de bas lieu, n'ont rien entre les jambes; les mâles n'ont
-qu'un petit tuyau insensible, & les femelles qu'un petit pertuis à
-pisser, y ayant ès endroits formels de certaines cicatrices à ressort;
-esquelles on peut appliquer les outils naturels de génération, s'il en
-est besoin; & tels membres sont conservés par la république avec grande
-diligence & soin: si bien qu'il ne s'y en trouve point de vieils,
-d'autant qu'ils les accommodent, de sorte que les ouvriers les tiennent
-en l'état de quinze à vingt ans; & tels sont à la maison de ville,
-réservés pour les pauvres & moindres personnes: en quoi il est bon à
-considérer la sagesse de ce peuple, pour autant qu'il n'appartient pas à
-ces cocus d'avoir autant de plaisir & si souvent, que les honnêtes gens.
-De ces outils, lorsqu'il en est nécessité, on les loue; (parquoi on les
-appelle _banniers_) qui servent à la commodité des gens de basse
-condition, pour avoir des enfans & faire des serviteurs, de peur que
-l'engeance s'en perde; & ces conbaniers & vibaniers sont comme fours,
-dont chacun paie le louage de ce qu'il en a pris. (Ce n'est point
-salauderie de dire ainsi, puis qu'il est permis de dire _confitures_.)
-Que s'il avient que ceux qui les demandent, soient si nécessiteux,
-qu'ils devinssent gueux, on les leur refuse: par ainsi, vu l'égard de
-cette bonne police, il n'y a point de cagnardiers. Même, ce qui en bien
-utile, les valets ni les chambrieres n'en ont point; il est vrai que
-_gratis_ on leur en prête en les mariant, après avoir bien servi. Aussi
-bien souvent avant que les marier, monsieur & madame leur prêtent les
-leurs par plaisir: ce qui est chose qui fait moult bon voir; & pource
-que, quand une chose a servi à quelque sujet, elle s'en sent toujours,
-ainsi que quand une chienne a été couverte d'un chien noir, & qu'elle en
-ait fait, il aviendra que toujours elle en fera; de même, dieu sauve la
-chretienté; il avient à cause de ce prêts, qu'il y a de grands seigneurs
-qui ressemblent à des valets. Mais retournons aux banniers. Cette loi
-est bonne. Aussi quelle apparence y a-t-il que gens de peu, & qui ont
-besoin de pain, aient du plaisir, comme prélats & honnêtes gens? Foin,
-foin, ôtez cela: ce n'est pas le chausse-pied, dont on coule en cet
-escarpin. Ce n'est pas tout dit une affetée; je ne suis pas content. Qui
-est-ce qui a parlé des putains? C'est moi, dit Alcibiades. Vous êtes,
-lui dit-elle, aussi un vrai ruffien. Maudites sont ces sottes, qui le
-prêtent aux causeurs! Si j'en avois cent, je n'en prêterois pas la
-moitié d'un à telles gens.
-
-ALCIBIADES. Non dà, vous le prêteriez tout entier: mais je ne parle pas
-de vous; vous êtes Tourangelle.
-
-PIERRE L'HERMITE. Ces Tourangelles sont chiches & sujettes cruellement à
-l'argent; toutefois, je ne sais s'il y a du mal; mais j'ouis une fois un
-Parisien, qui, parlant des Tourangeaux, les appella bougres de Tours.
-
-MADAME. C'est qu'il vouloit dire _bougrans_, pource que les bons
-bougrans s'y font.
-
-PIERRE L'HERMITE. Voire, voire! C'est que, durant les guerres des
-huguenots, les dames d'Orléans, bonnes catholiques, s'enfuirent à Tours;
-& les Tourangeaux, pour les désennuyer, les couvrirent. Aussi l'on dit
-_chiennes & chiens d'Orléans_.
-
-MADAME. Et delà est venu ce méchant & détestable proverbe! Que
-voulez-vous dire de couvrir? Quoi! ils couvrirent leurs yeux? Ils leur
-donnerent des couvertures?
-
-PIERRE L'HERMITE. Par saint Picot, tu nous la bailles belle! Je dis
-qu'ils habiterent & dormirent avec elles.
-
-BOECE. Habiter & dormir n'apportent rien d'extraordinaire.
-
-PIERRE L'HERMITE. Le diantre soit le stoïque: (j'ai quasi dit
-_sotique_.)
-
-ALCIBIADES. Eh! bien le voici. Habiter est à la réformée; & dormir à
-l'hébraïque; tellement qu'entre dormir avec une femme, ou habiter en
-théologien, c'est faire la belle rage que vous entendez, qui se dit
-aussi la _cause pourquoi_.
-
-MADAME. Mais ne m'abusez point; je suis femme de bien; il me faut
-satisfaire: achevez, pour effacer l'injure que vous m'avez faite.
-
-ALCIBIADES. Dites-moi quelle différence il y a entre les femmes de bien
-& les autres: & puis je tâcherai à vous contenter.
-
-MADAME. Bien je le veux; aussi-bien ai-je été l'une & l'autre en tout
-honneur: voilà pourquoi je l'entends; & sinon que je suis usée comme la
-braguette d'un postillon: le maître vous le dira; j'ai autre chose à
-dire.
-
-
-
-
-SOMMAIRE.
-
-
-XXII. Quand je fus mariée, pour être faite femme de bien, je portai de
-mariage plus de dix mille francs que j'avois? ainsi que font plusieurs
-filles de bonne maison, gagnés à faire plaisir à mes amis. Que plût à
-dieu qu'aujourd'hui le monde fût tel! Il n'y a plus de bonnes personnes
-pour bien aimer. Il y a quarante ans que l'on m'aimoit de si bon coeur;
-voire, de parfaite fressure: & aujourd'hui, on ne fait que feindre. Il
-n'y a plus de bons coeurs d'amour; on n'aime plus.
-
-ALCIBIADES. Toutes les vieilles parlent toujours ainsi.
-
-MADAME. Taisez-vous, causeur; & me contentez.
-
-ALCIBIADES. Vous n'avez pas fait tout ce que je vous ai dit.
-
-MADAME. Vous n'avez donc pas écouté?
-
-ALCIBIADES. Si vous ne savez que cela, soyez encore autant toutes les
-deux, pour en apprendre davantage. Or je vous dis que je ne sais comment
-on fera; vu que, si vous en ôtez environ de demi-pied de place, ce sera
-tout un. Toutefois, je vous dirai que j'ai ouï dire à un vieil
-spéculateur, qu'il fit un commentaire sur ce que vous avez dit de cette
-différence notable; qu'elle est telle que d'un moine à un fou. Ils ont
-capuchon tous deux. Aussi femmes ont de quoi contenter tous hommes
-capables; mais leurs vaisseaux sont différens, d'autant que l'un est à
-honneur, & l'autre à déshonneur. Et s'il y a bien pis; c'est que femmes
-de bien, souvent ressemblent aux fous, d'autant qu'elles ne savent jouer
-que d'une marote; & en fasse son profit qui pourra. Vrai est que bons
-ouvriers savent s'aider de plusieurs outils, pour bien faire; & dit-on
-que les enfans de femmes, qui font ainsi, ont volontiers le poil de deux
-couleurs, ou ont telles ou telles marques dissemblables, au respect des
-femmes de bien. Quant aux putains, je vous dirai ce que j'en ai appris,
-durant que je hantois la cour emputannée de Perse, & les gens du monde:
-j'oyois quelquefois que l'on disoit de quelques grands, qu'ils étoient
-maris de putains: j'étois si badin, que je croyois que c'étoient cocus,
-d'autant que le hazard des grands personnages est d'être cocus
-honorablement. La cause que les habiles gens courent cette fortune est,
-que l'échet de la tempête tombe volontiers sur les plus hautes pointes:
-or j'ai été relevé de cette fausse intelligence. Vous devez savoir,
-(oui, vous le devez, je vous en montrerai l'obligation) que, du tems des
-premiers hommes, il y eut en Mésopotamie une dame qui se fit reine
-absolue; & tous ceux du pays, qui parloient en hébreu corrompu, la
-nommoient _putain_, c'est-à-dire, madame, en langue babylonienne, comme
-dit Balaam en ses étymologies imprimées, avant mille ans, en la Chine.
-Notre hôte & bon ami en prêta le livre à Scaliger, quand il passa par
-Tours. Vous trouvez en ce livre, si vous le lisez, que la reine signifie
-_demoiselle_; & vesse, vaut autant à dire que _fille d'honneur_: aussi
-pour le mystique honneur qu'on porte à l'église, on appelle leurs
-contubernales _vesses_. Depuis ce tems-là, les dames qui ont eu de la
-réputation, & ont été grandes par le monde, & relevées en honneur, ont
-voulu être putains; nom qui a été fort révéré pour la révérence portée à
-la vénérable antiquité; & n'y a pas long-tems, ainsi que tantôt l'a bien
-remarqué l'autre, que par honneur, quand on parloit des dames de la
-cour, voire des plus sages & honnêtes, on disoit, pour dénoter cette
-honorable assemblée, _le bordeau de la cour_. Par cela, belles gens,
-vous ne serez plus scandalisés, (je le dis, parce qu'il y en avoit qui
-chavissoient les oreilles, comme ânes en appétit, d'autant que Platon
-n'avoit point reparti, quand il a été appellé fils de putain; aussi les
-sages ne s'étonnent & ne se formalisent de rien): or d'autant que, pour
-paroître en magnificence, il faut triompher, les dames qui étoient
-putains, _id est_, grandes, triomphoient & alloient à la guerre. Mais
-parce que, du commencement, à cause de leur délicatesse, elles ne se
-pouvoient bien accoûtrer au harnois, pour s'y façonner, elles joûtoient
-nud à nud avec les hommes, & ainsi en essayoient plusieurs, pour se
-rendre plus adroites, accomplies & fermes aux combats, afin de vaincre
-heureusement; ces joûtes se faisoient bravement. Depuis, les femmes, qui
-en ont ouï parler, & qui, à cause des troubles, n'ont pas vu clair aux
-histoires; & qu'aussi les choses déchéent, n'étant pas si roides ni
-vigoureuses que celles-là, venoient à la joûte pour se rendre leurs
-pareilles; & ayant peur en tombant de se blesser, ont fait tendre des
-linceuls & beaux draps. Après, la paix étant faite, & qu'il falloit
-néanmoins entretenir les courages par les exercices, afin d'y avoir plus
-de grace, on s'est mis entre deux draps sur de bons lits. Les femmes
-communes, je veux dire le reste des autres femmes, qui oyoient parler de
-ces joûtes, vouloient les essayer; & ainsi voyant qu'il étoit licite
-d'entrer nud à nud, comme aux étuves, entre deux draps, elles ont rendu
-cela si commun, comme vous savez, que depuis, on l'a eu en dédain entre
-les vieillards dédaigneux & hypocrites, ou chatemites; & ainsi le métier
-se prophanant, ce beau & vénérable nom de putain est tourné en opprobre
-& risée, ainsi que le saint nom de _tyran_ a été viré en mal. Je vous
-dirai pourtant que les galants diseurs & écrivains, se voulant relever
-sur le bien dire, & orner de belles fleurs leurs propos, tirant de
-l'antiquité de beaux mots & des dictions étranges, pour avoir de belles
-paroles, usent souvent de ce mot de _putain_ en bonne part, & selon sa
-vraie signification, comme fait Virgile, usant de ce mot de _tyran_.
-
-MARGOT. Mais encore, dites-nous pourquoi avez-vous parlé des femmes de
-prêtres? est-ce pour déplaire à quelqu'un?
-
-ALCIBIADES. Non, ou je me contamine, je m'abomine, je déteste, je
-trentemille, je précipite, j'horrible, je...
-
-SOCRATES. Oh taisez, taisez-vous; faites-le boire qu'il ne soit enragé:
-ne blasphémez point, pour vous facher sans qu'aucun s'en soucie, parlez
-amiablement.
-
-ALCIBIADES. Ecoutez-donc; je ne suis plus en colere; elle passe aussi
-légérement qu'un baiser de bien-venu, & avisez à l'antiquité, mere de ce
-siecle. Telles dames, comme vous savez, sont subrogées aux sages &
-saintes vestales. Celles-ci sont donc vestales? Et parce que cela est
-rude à dire, on dit _vessailles_; & pour veste, radoucissant ce mot à la
-françoise, on dit facilement _vesses_, parce que cela coule plus
-doucement en votre nez.
-
-TURPIN. Or ne vous faites point de discours, sur ce qu'ils ont des
-femmes ou non; je vous dis & déclare: que qui n'aime point l'animal de
-société, qui ne fait point de cas des femmes, est sot & méchant, ou
-sodomite. Si, laissons ces loups-garoux, instrumens de toute souillure,
-un homme, qui honnêtement aime une douce femme, est humble & gracieux:
-mais cettui-là qui les rejette, est de qualité d'usurier, médisant,
-malin, ennemi de dieu & des hommes, & qu'il s'aille faire couper le
-bout; zest, c'est autant de cas raclé. Voilà une affaire faite, aux
-autres.
-
-POMPONATIUS. Les femmes hantant les gens d'église, ne sont pas leurs
-femmes. Vraiment, vous y êtes! Non, elles sont chambrieres, puis femmes,
-puis dames & maîtresses.
-
-
-
-
-STANCE.
-
-
-XXIII. Ces chambrieres ne sont pas ainsi que celles du monde. Savez-vous
-comment elles tiennent serf le petit monsieur, & si c'est avec tout
-honneur? Qu'ainsi ne soit, prenez-y garde: quand ce ne seroit qu'un
-gueux, si elles parlent de lui, elles diront _monsieur_ sans queue.
-Elles ne sont pas comme cette demoiselle, qui, s'estimant plus noble que
-son mari, quand elle parle de lui, dit: _celui-là_.
-
-ME. PIERRE DU FOUR-L'ÉVEQUE. Encore que je ne vous fasse que verser à
-boire, si me ferez-vous, s'il vous plaît, l'honneur de m'ouir, en la
-défense des femmes, dont avez parlé, & auxquelles j'ai part. Quand
-j'étois vicaire, j'avois une femme à la mode & usage de vicairerie;
-depuis, m'étant remis au monde, elle fut ma femme, épousée selon les
-droits & usages des autres gens. Quand les femmes du premier ordre ou du
-saint, & principalement celles des pauvres prêtres, parlent de leur
-ménage & proficiat, elles disent, (non point comme femmes absolues,
-elles ont bien plus d'honneur au respect de leurs maîtres; témoin celle
-de messire Blaise, qui, au four, se plaignant de leur petit moyen,
-ajoutoit: hélas! encore si ce n'étoit nos messes, je ne sais que je
-serions), mais ce n'est pas tout, elles se tiennent si bien pour femmes,
-que, si celles des vicaires trouvent celles des messieurs, elles leur
-feront honneur; & celles des chanoines suivent la dignité & rang de leur
-monsieur. Et pensez-vous, vous qui en riez, que cela ne soit pas vrai?
-Pour vous le faire croire, je m'en rapporte aux gueux, qui, aux grandes
-fêtes, les voyant venir de la premiere grand-messe, leur crient ainsi:
-nobles chambrieres, ayez pitié de moi. Voilà, messieurs, ne vous
-déplaise; il vaut mieux en avoir chez soi pour s'ébattre en bon
-chrétien, que d'aller, comme méchant voleur, courir çà & là, en danger
-d'être pincé au colet, comme Cornu, qui mourant de la vérole, soupiroit,
-disant: hélas! je connois maintenant que c'est chose moult sainte &
-juste, que vivre de ménage.
-
-ARETIN. _Voi havete molto parlato delle putane; ma tu non hai ben inteso
-che è questo; ne sapete l'etimologia della putana, per che voi dobete
-saper una ragion maravigliosa, & notare la derivatione di tanto nome è
-celebrato, non solamente da noi, ma da tutto il mondo. Ascoltate donque,
-e notate che putana si dice, per che gli putte la tana._ Fernel se fâcha
-de cela, & dit que les choses puants sont ceux de celles qui font des
-enfans, d'autant que le cul y passe, merde & tout; mais ceux des putains
-sont si souvent brayés & savonnés, qu'ils ne puent point, & que l'Arétin
-y mette le nez, pour moult voir.
-
-PLAUTE. Il étoit bien question que ce maquereau d'Arétin nous vînt
-troubler & en parler, quarante lieues après la premiere parole. Il a
-fait comme le prince de delà les monts, qui demandant à Paris, per infor
-de velurs, & le marchand qui pensoit qu'il dit en prendre grande
-quantité, lui dit: bran, bran. Ce seigneur étant sur la montagne de
-Tarare, s'en souvint, & demanda à ses gens que c'étoit à dire bran. Le
-plus hardi lui dit que c'étoit merde. Ha, dit ledit seigneur, en ta
-gorge, marchand de Paris. C'est lui-même, qui ayant mangé des lentilles
-qui lui avoient échaudé la goule, & se trouvant en un champ, comme on
-lui eut dit: que ce qui s'étoit levé étoient lentilles; piquez, piquez,
-dit-il, qu'elles ne brûlent pas les pieds des chevaux.
-
-PIERRE L'HERMITE. Mais rentrons, à propos du ménage de Cornu, qui est de
-se tenir constamment à une chose, de peur de pis: toutefois le bon pere
-Perault m'a appris qu'il y a trois sortes de chouses, dont il se faut
-garder.
-
-TURPIN. Quels chouses?
-
-PIERRE L'HERMITE. Chouses à travailler naturellement; chouses à chouser;
-chouses que les femmes portent, sans les laisser à la maison: je ne
-saurois mieux dire, si je ne les nommois pas la tête du consistoire. Or,
-ces trois chouses sont, l'armé, le trop hanté, le pauvre. Gardez-vous du
-con armé, de peur d'être tué, en faisant le péché mortel. Je vous assure
-qu'il n'y a point de plaisir à l'être, non plus qu'à se faire pendre,
-quand on ne l'a pas accoutumé. D'un trop hanté, crainte d'avoir
-occasions judiciaires.
-
-MARGOT. Qu'est-ce?
-
-PIERRE L'HERMITE. Causes, pour lesquelles on seroit repris de justice,
-comme d'avoir chancre, chaudepisse, poulains & vérole renforcée; ainsi
-passer la basse, moyenne & haute justice: pour à quoi obvier, je vous
-dirai qu'il y a un moyen; c'est que vous fassiez comme les chiens, après
-l'avoir fait, léchez-vous le _casus_: jamais chiens n'ont mal. Aussi
-leur cas est d'os, qui est fort propre à faire des cure-dents pour
-celles qui ballent ou badinent des doigts autour leur visage, quand on
-les sonde, pour savoir si elles ont la matrice close. A propos de chien,
-je me souviens de monsieur le commandeur de Compesiers, qui desiroit
-être comme trois sortes d'animaux, à savoir, ainsi que le cigne, qui
-plus vieillit & plus embellit; comme le chien, auquel vieillissant le
-membre grossit; & tel que le cheval & le cerf, qui plus vieillissent
-plus le font. Et d'un affamé, (je reviens à nos moutons; j'y pensois
-d'autant, que voyant ce poil, je cuidois que ce fût laine) un affamé
-vous ruinera, il vous engloutira; & si n'en mourrez pas, qui est le pis.
-Voilà un bel enseignement.
-
-STURMIUS. Ne ferez-vous aujourd'hui autre chose que de parler de ceci?
-
-CESAR. Quoi! de ceci?
-
-STURMIUS. Il faut parler de cela aussi; & en dà, qui ne le diroit, on
-l'oublieroit, plus on ne le feroit; si plus on ne le faisoit, on ne
-mangeroit plus de chapons, ni de lard. Ces réformateurs-ci veulent tout
-perdre; & bien je m'en tairai, & le laisserai aux autres, & au maître de
-céans, suivant l'avis de ce gentilhomme qui soupa hier céans, qui disoit
-qu'il n'appartient qu'au maître de la maison & au coq à le faire.
-
-B. Je m'en souviens: sa fille voyant le coq qui cauquoit les poules à
-petit semblant...
-
-CICERON. (Il faut dire _cochoit_, en bon françois, comme tantôt le
-disoit notre maître Barrelette, parlant de ce que font les autres
-animaux; & ainsi que je lui ouis dire en chaire, il protestoit, de
-grande douleur, de la faute qui se commettoit au genre humain; c'est que
-les grands, & ceux & celles qui ont des juges leurs amis, si d'aventure
-vont s'exercer le bout autre part, ou faire amittonner l'ouverture
-spéculative après nature, cela leur est joliment imputé à faire l'amour
-en tout honneur & galantise. Mais si c'est quelque pauvre diable, cela
-sera dit adultere, ou paillardise, ou rapt; & puis vous fiez à ces
-Justinians de tous les diables. Or, je les recommande tous à chapitre,
-s'ils veulent être gratifiés. Ainsi il faut punir ceux ou celles qui
-n'ont de quoi maintenir ou acquérir réputation. Je m'en rapporte à ce
-que jadis nous faisions en notre ville de Rome. Si quelque pauvre
-preneur de loups étoit surpris en la réverbération naturelle, il étoit
-mené en la place publique, & là on lui appliquoit de la poix toute
-chaude au cul, qu'après on tiroit: & ainsi on lui arrachoit le poil, &
-puis en vieil & bon langage hétrusque, on le nommoit drôle qui avoit la
-fesse tondue.) Cette fille, quoi! Dites-nous donc.
-
-STURMIUS. Le coq faisoit mine de donner la venue aux poules, dont cette
-fille, qui le voyoit, & en étant fâchée, pour l'intérêt de ces pauvres
-poules qui étoient trompées, me dit tout haut: voilà un coq qui fait
-bien l'ivrogne.
-
-BEZE. Il avoit peut-être l'éguillette nouée, comme R. qui rechercha
-long-tems la belle Marguerite, avec laquelle il fut marié. Mais P. son
-corrival, qui étoit fâché de cette alliance, & qui aimoit la belle, leur
-noua l'éguillette, si bien que jamais ils ne purent avoir accointance
-mystique l'un de l'autre, qui fut cause qu'après plusieurs procédures,
-R. fut déclaré impuissant, & partant démarié; & puis, par le
-consentement de tous, P. fut en grace, & marié avec Marguerite. Le soir
-qu'ils devoient coucher ensemble, la belle étoit allée en la chambre,
-pour l'apprêter, où ayant vu d'ordre les besongnes, & la tavayole de P.
-en y nichant, elle trouva une éguillette violette nouée, qu'elle prit,
-sans que l'on s'en apperçût. Ayant avisé à ce petit ménage, elle descend
-& se vint remettre en la troupe, dont elle ne s'étoit retirée qu'à
-l'heure qu'on dressoit les tables pour le souper, qui est le tems que
-chacun va à ses petites commodités, & les filles pisser. Le soir, comme
-on eut bien dansé, qu'il ne s'en falloit gueres que l'on ne parlât de
-mener coucher la mariée, qui se feignoit lasse; P. la vint entretenir:
-eh bien! ma maîtresse, comment vous va? Elle lui répondit, selon l'avis
-qu'elle eut; & se mit à deviser avec lui; sur quoi, elle lui conta
-qu'elle avoit été voir son deshabillé, & ajouta qu'elle y avoit vu une
-éguillette nouée, dont il se prit à rire. Elle l'enquêta qu'il avoit à
-rire; & il lui conta qu'il rioit du bien que cette éguillette lui avoit
-fait étant cause qu'il l'avoit eue. Après qu'il lui eut déclaré cette
-fourbe, elle ne fit mine aucune; aussi se prit à rire, sans dire qu'elle
-eut l'éguillette. Or il fallut faire collation, & déshabiller la mariée.
-La mariée, étant avec une sienne chambriere d'âge, qui savoit ses
-secrets, fit semblant de vouloir aller à la garde-robe; mais elle alla
-bien plus loin. Elle, avec cette bonne femme, prit le chemin de la
-maison de R. Cependant on la cherchoit; & pensoit-on qu'on l'eût
-détournée pour rire, comme souvent il avient. Etant arrivée chez R. elle
-dénoue l'éguillette, & s'entre-communiquerent les douceurs prétendues; &
-l'autre fut le plus sot.
-
-TURPIN. Mais elle, d'autant que demeurant avec P. n'eût pas laissé de
-s'accommoder avec R. comme il avint à notre ami maître André, qui, à
-cette heure, est sergent. Il avoit une prébende à Chartres, laquelle il
-laissa, pour se marier avec une belle fille, à laquelle, au matin de la
-premiere nuit de ses nôces, il dit: eh bien, ma mie, tu vois comme je
-t'aime, d'avoir laissé ma prébende pour t'avoir! En dà, vous avez fait
-une grande folie; vous deviez garder votre prébende, vous n'eussiez pas
-laissé de m'avoir.
-
-BEZE. Elle savoit donc, qu'il y a des chanoines qui fouaillent? Le
-penseriez-vous?
-
-NERON. Vraiment, il les feroit beau voir, si cela étoit; ils feroient
-des enfans qui seroient charretiers, qui meneroient pere & mere à tous
-les diables. Pourquoi non ne s'ébattront-ils avec les femmes?
-
-TURPIN. Avisez-y; & sachez que cloîtriers, qui n'aiment point les
-femmes, sont toujours après à relêcher quelque vieille hérésie, sous
-ombre de dégoiser sur la réformation, parlant des vices qu'ils imputent
-aux autres, lesquels sont plus tolérables que les leurs. Hé bien,
-s'accommoder avec femmes n'est pas tant mal que de troubler la
-chrétienté; & puis, faire tel oeuvre, apporte la béatitude: de là vient
-qu'on les appelle _béats peres_.
-
-CICERON. C'est bien parlé cela, aussi ne faut-il pas dire comme le
-commun, qui dit: _beau-pere_. Et certes ils sont béats, c'est-à-dire,
-heureux, d'autant que bienheureux est le pere, qui n'a point la peine de
-nourrir ses enfans.
-
-L'AUTRE. Hé gai, vive l'amour! Il n'est que d'être quitte, libre, &
-jouir de ses amours. Ainsi puissions-nous avoir santé & de l'argent.
-
-
-
-
-ABSOLUTION.
-
-
-XXIV. Achevons en gens de bien; & laissons ces théologiens avec leurs
-vertus théologales. Quant à nous, suivons les quatre cardinales, qui
-sont rire, manger, boire & dormir. Telles sont nos vertus. Quant à
-celles de ces malheureux théologiens, selon la penarde remarque des
-scolastiques, ennemis de nature, elles sont avarice, envie, bithuminie.
-Par mon serment, & à propos d'une vertu théologale, je me souviens que
-du temps que nous étions hérétiques, & allions au prêche, nous ouimes un
-bon conte. (J'ai quasi nommé le seigneur qui nous menoit; & j'eusse tout
-conchié votre prétoire.) Or nous allions gayement, comme pélerins qui
-délogent; & nous dogmatisions, par plaisir, sans péché. Le Preux, ce bon
-marchand, étoit avec nous, qui venoit fraîchement d'Allemagne; aussi
-étoit arrivé en hiver. C'est ainsi qu'il avint au boiteux Laurier qui
-entra céans; & Multon lui dit: soyez le bien venu; je pense que vous
-êtes tenu par la pluie; vous êtes encore tout tortant. Ha, ha! Le Preux
-nous contoit des miracles: qu'avoit fait Paracelse en Germanie. Ho! tu
-t'en souviens bien, Couillette mon ami; & vous aussi, Connaut; vous
-faisiez le voyage avec nous. Ainsi il nous emplissoit de telles
-merveilles, faites à la pointe de la pincette, au ressort de la cornue,
-au tintin de l'alambic, & à l'ombre du fourneau; & ainsi amplifiant sa
-gloire, nous disoit qu'il avoit guéri toutes sortes de maladies. Comme
-je lui faisois houette: voire, ce dit-il, il en a même guéri de la
-bougrerie. Dieu sauve les chameaux hongrés!
-
-CESAR. Voilà de belles disées, de beaux dictons; c'est ce que notre
-grand chien abayoit toute la nuit: mais ce qu'a chanté notre coq,
-entendez-vous bien le jargon des bêtes?
-
-ULDRIC. Parlez à ce maître, qui parloit tantôt en poule.
-
-GEBER. Pourquoi non? Un chien abaye bien à la lune, & une chevre regarde
-bien un ministre, & un chien un évêque, dont moult il s'ébahit.
-
-ERASME. Mot, paix-là: gardez de trop dire; nous avons parlé du roi des
-alquemistes, n'en disons plus rien.
-
-NERON. Pourquoi? Il n'y a point de danger, puisque, depuis qu'il a
-produit ses oeuvres, il a si bien mis l'alquemie en la tête de tout le
-monde, que chacun s'en veut mêler: il n'y a pas même les demoiselles &
-les petits enfans, qui portent des soufflets à leurs ceintures.
-
-CESAR. C'est bien, à propos d'un évêque, venir à un soufflet.
-
-ERASME. Pas tant que vous diriez; & notez ce que je vous dirai. Jadis,
-il n'y avoit que les ecclésiastiques qui touchassent aux secrets, &
-sur-tout de la pierre philosophale; aussi tous les livres nouveaux qui
-en ont été faits, sont issus de couvents. Or est-il que les orientaux
-ont eu les sciences les premiers: & comme cette-là venoit, messieurs les
-comtes de Lyon l'arrêterent, & s'entre-communiquerent ce secret, si que
-tous s'y rendirent maîtres. En signe de quoi, pour témoigner leur gloire
-pour telle invention, ils ont depuis toujours porté des soufflets sur la
-tête; ainsi sont-ils mitrés comme beaux petits évêques portatifs.
-
-
-
-
-ARTICLE.
-
-
-XXV. Mais pour vous rendre joyeux comme un âne qui a un bas tout neuf,
-je vous commencerai encore à vous dire qu'il y a ici plusieurs messieurs
-qui se fâchent d'être nommés, parce qu'ils dédaignent la sotte gloire, &
-ne veulent pas qu'on estime qu'ils soient payés pour cela. Pensez-vous
-que Ciceron soit aise qu'on dise de lui: voilà des épîtres qu'il a
-faites? Non, non; il veut que l'on croie qu'il est avec une belle épée,
-faisant le tiercelet d'empereur. Ainsi plusieurs, qui sont gentilshommes
-portant les armes, témoignent par leurs écrits que ce qu'ils font, en
-vers ou en prose, n'est que pour dire que, s'ils y prenoient autant de
-peine que treize, ils en tireroient quelque échantillon. Ceux-là sont
-galants; ils ont le laurier des armes, où souvent ils ne savent gueres,
-& encore moins aux lettres; d'autant qu'il est mal séant à un guerrier
-de savoir.
-
-CUSA. Et puis dites que vous en avez, hérétiques, qui crevez de dépit,
-quand vous voyez un homme de bien qui profite, & que vous venez à lire
-les authentiques des peres, & vous ne savez qui les a écrites.
-
-QUELQU'UN. Or ça, pour l'amour que je porte à la bonne chrétienté, je
-vous veux enseigner une chose notable, & que vous ne trouverez autre
-part, parce que ce qui doit être dit, doit être ici. Jadis, il y avoit
-une sorte de gens qui vivoient quatre fois autant que les autres, il y
-en a encore en la hiérarchie de double linge.
-
-CICERON. Qu'est-ce à dire?
-
-L'AUTRE. Que tu es sot! Ceux qui ont un surplis, n'ont-ils pas double
-linge? Ceux-là sont les secrétaires de vérité. Aussi ont-ils charge de
-considérer les femmes grosses, les enfans qui en naissent, afin que,
-s'il avient que quelqu'un soit ou grand, ou saint, ils sachent à dire ce
-que déja il faisoit dans le ventre de sa mere, encore qu'elle eut vécu
-cent ans. Hé bien, vous ne saviez pas cela? Je vous en dirai bien
-d'autres, si vous me voulez promettre de ne vous enquérir plus de nos
-amis. Que si vous les savez, & qu'il vous plaise vous en donner au coeur
-joie, mettez leurs noms devant les articles de ces dialogues. Ceci, se
-fait, parce que nous sommes au plus délicieux des secrets, & on diroit:
-c'est tel ou tel qui les a découverts. Il ne le faut pas. Je ne sais si
-je me pourrai amancher en discours.
-
-ASCLEPIADES. Là, donc, mon mignon du Touret, pour l'amour de la
-compagnie, je vous prie ne me reprochez la vieille mode des dames; je
-m'en souviens assez. Quand j'étois page de madame Combardavit, il avint
-en ce temps-là que nous allions en un voyage d'amour; j'étois
-émérillonné comme un sacre; les filles étoient allées ployer le toret,
-c'est-à-dire, _pisser_. Or il y en avoit une qui, pour n'avoir eu le
-loisir de sortir du chariot, avoit chié en ses queues, sous le nez de
-vous. Elle étoit en la garderobe, fort empêchée, & coupoit le derriere
-de sa chemise emplâtrée, comme le cataplame d'un goutteux. Je l'épiois,
-d'autant que c'étoit une belle foireuse. Elle qui m'avisa, me va droit
-jetter au nez ce qu'elle avoit coupé de son derriere. Au diable le
-parfum! J'en eus une belle museliere; & dieu merci & vous, vous m'en
-faites la guerre.
-
-CESAR. Oh bien, je ne le dirai plus; en dà, poursuivez.
-
-ASCLEPIADES. Par mon ance! on pourroit aller autre part, qu'on ne
-trouveroit pas un homme si délibéré que moi.
-
-ALEXANDRE. Je voudrois pour la récompense, cher ami, que tu eusses
-épousé, c'est-à-dire, que tu fusses marié à la plus jolie nonnain du
-monde.
-
-ASCLEPIADES. Ho, monsieur, pardonnez-moi, s'il vous plaît; il ne
-m'appartient pas: quoi, c'est la perdrix du monde! Il faut bien pour
-colloquer la douer avec le faisan du monde, qui est le chanoine; ainsi
-tout ordre aura lieu. Hé gai, gardez-vous-en: mon pere qui avoit mangé
-de la vache enragée, & étoit délié comme soie fendue en deux, avoit fait
-mettre au front de la porte de sa maison:
-
- Chassez au loin ces prêtres & ces moines
- Et ne donnez entrée à ces chanoines.
-
-LE BON HOMME. En dà, tout ira bien, puisque nous rimons. Monsieur
-Bacchus commence à faire mines, aussi-bien que font les moines.
-
-CESAR. Que font les moines?
-
-OECOLAMPADE. Ils font des traits mignons & de fait; toutes bonnes
-rencontres & proverbes vieux viennent d'eux, & toutes belles inventions
-en sortent: témoin les moyens de faire hâter les jours aux papes,
-empereurs & rois. Mais, pour la modestie de Psellus qui me le fait dire,
-je passerai outre.
-
-TOSTAT. Vraiment, je vous dirai un bon conte de frere Jean Dissolez, qui
-prenoit les poires de bon chrétien du pauvre Tournereau, qui lui disoit:
-frere Jean, je vous vois bien. Et frere Jean de mettre au capuchon,
-disant: quand tu ne me verras plus, je m'en irai. Le pauvre homme s'en
-alla cacher, afin que frere Jean ne le vît plus; comme le gentilhomme de
-Bousille, qui se cachoit quand il voyoit les pauvres qui lui déroboient
-son bois, & disoit, qu'il le faisoit, parce que, s'ils l'eussent vu, ils
-n'eussent rien emporté. Frere Jean descendu, Tournereau le prit à part,
-& lui dit: frere Jean, monsieur le prieur, mon ami, vivons en paix, je
-vous prie; ne me dérobez plus mes poires, j'aime mieux vous en donner.
-Combien m'en bailleras-tu? Je vous en fournirai trois quarterons. Ho,
-ho, dit le moine, je n'ai garde de faire ce marché-là, j'y perdrois
-trop.
-
-BEZE. Sandé, celui-là savoit bien le _tu autem_.
-
-TOSTAT. Hé bien! qui pourra dire ce que cela prétend, s'il n'a été
-moine, ou à peu près?
-
-BEZE. Aussi nul ne peut médire, ni bien parler d'un état, s'il n'en a
-été, ou s'il n'a trop fréquenté les compagnons.
-
-TOSTAT. Quand les moines dînent, il y en a un qui est en chaire, qui
-leur fait lecture des actions des satrapes; & ainsi légendant, il
-barbillonne les oreilles de ses confreres, qui cassent la bribe, sans
-songer à ce que dit ce pauvre lamponnier, qui est là-haut perché sur les
-intentions dénouées, bien loin de ce qu'il dit: d'autant qu'il a
-l'oreille attentive vers le prieur, qui est sous le dais, ou en la belle
-place à mouler des intelligences de tripes; durant quoi il se souvient
-par fois de ce pauvre diable qui s'égueule à faute de s'écouter, & dit,
-en touchant du doigt sur table: _tu autem_; qui est à dire, qu'il
-finisse, parce qu'à chaque bout de leçon on dit cette fin. Si de fortune
-ce lecteur est si sot d'avoir plus d'attention à sa lecture qu'au dîner,
-(_absit_) & qu'il veuille achever jusques au sens parfait, & qu'ainsi il
-perde le temps; les autres disent, en concluant chapitralement contre
-lui, qu'il n'entend pas le _tu autem_. Ainsi en est-il du reste;
-cachez-le.
-
-ASCLEPIADES. Avant que laisser les moines, & devant qu'ils nous oient,
-voyez-vous, en voila un qui regarde. C'est le même que je vis tant
-arguër, quand notre maître Benoît fut passé docteur; il trépignoit, &
-venoit aux atteintes: pourquoi il eut un docteur, qui, se fâchant & se
-tournant, vit ce carme, & pource qu'il faut parler latin, lui va dire:
-_iste carmen_. A cela, il se tut; & ne fut plus si impudent, parce qu'on
-dit, bran pour les carmes.
-
-CESAR. A cause de quoi?
-
-ASCLEPIADES. Ne savez-vous pas qu'il y a les quatre temps pour les
-mendians, ainsi fait au compost. _Post._ Pan. Cru. Lu. Bran. _Quatuor
-tempora._ Pan; c'est pour les cordeliers, qui ont une corde toute prête.
-Cru; c'est pour les jacobins, qui ont la croix, ils sont riches. Lu;
-pour les augustins, qui sont luxurieux, à cause qu'ils portent tantôt le
-blanc, tantôt le noir. Bran, pour les carmes.
-
-BEZE. Quelle différence y a-t-il entre son, bran & merde! Je le dirai.
-
-DIOGENES. Son, est pour les cloches, ou bien en vient; bran, pour les
-pourceaux, & merde pour les médecins & pour vous. A, ha, né.
-
-ASCLEPIADES. Voilà bien de quoi rire! Laissez-moi conter ce que je
-voulois dire. Je vous dirai ce que frere Ambroise le Sené m'a dit d'un
-de ses confreres, quand j'étois enfant, & dont je me souviens, comme de
-ma premiere chemise, & vous de la premiere fois que vous vous torchâtes
-le cul tout seul, après avoir appris à manger tout seul. Ce confrere
-avoit nom Ferrand, qui étoit gaillard, & avoit toujours plus d'argent
-qu'un chien: parquoi il payoit pour un autre, nommé frere Margeou, qui
-savoit détourner la biche. Voilà comment les inventions se trouvent,
-pour avoir du crédit. Sur un bon avertissement, ces deux-ci vont
-ensemble chez Conscience, qui avoit une chambre garnie d'un lit & d'une
-couchette.
-
-PISO. Vous parlez des moines: que ne mettez-vous aussi souvent des
-ministres en campagne.
-
-ASCLEPIADES. Ils n'ont encore guères régné; & puis, s'ils venoient à
-périr, ainsi que cela aviendra bientôt, d'autant que leur fondement est
-foible, & que l'on en trouveroit tant en ce registre, cela feroit
-éveiller les esprits, pour s'enquérir quelles gens c'étoient: & par
-ainsi on réveilleroit l'hérésie, qui sera éteinte comme feu de paille
-dessus l'eau, quand on aura toujours quelque conte de moine qui fera
-rire, au lieu de s'aller amuser mélancoliquement à égratigner la
-théologie pour en abuser. Or, en la chambre préparée aux moines, il y
-avoit un malade à demi guéri, qui étoit dans la couchette; & le grand
-lit fut apprêté pour ces deux amis, qui, après souper, se retirerent
-pour se coucher, & en se déshabillant parlerent de propos de consolation
-à ce malade, qui incontinent leur donna le bon soir, & eux à lui, & se
-mirent au lit. La dame, qui avoit fait provision pour l'exercice du cas,
-avoit baillé le mot à la chambriere, qui laissa l'huis ouvert, ayant
-fait semblant de le fermer. Quelque petit espace de temps après, selon
-la diligence qu'en avoit fait Margeou, vinrent deux mignonnes, telles
-que celles qui ont ci-après été dites chevres à oreilles d'étoffe, & se
-placerent avec toute humilité auprès des freres qui les attendoient, non
-touchés de l'infirmité naturelle, (aussi ce n'est pas de tel biais que
-l'on peche, comme certains malotrus de docteurs veulent prouver, pour
-déguiser leur puante ambition ou triste avarice) mais en habileté,
-gaieté, vigueur & fermeté de nature, selon lesquelles ils firent leur
-devoir de cognebas, fesser les doucettes, qui s'en trouverent
-naturellement bien; tant pour la délicatesse, que par sympathie, elles
-en reçoivent ès oreilles, par le grand bien que cela fait où il touche.
-
-
-
-
-RISÉE.
-
-
-XXVI. Ceux-ci firent mieux tant pour tant, que les deux cordeliers qui
-furent en équipage. Mais encore, pourquoi est-ce que les mendians vont
-toujours deux ensemble?
-
-SACROBOSCO. Pour se faire compagnie, c'est-à-dire,
-
- Hos brevitas sensûs fecit conjungere binos.
-
-C'est le bon vin de madame, qui me fait ainsi dire. O liqueur
-prophétique, bénigne humeur qui nous fais doctes, radoucis nos
-adversités, & réjouis les coeurs qui ont faute de consolation salutaire.
-
-CIRUS. Vous ne faites que traverser; que n'achevez-vous, sans tant vous
-donner de traverses? Je vois Platon qui s'en fâche, parce qu'il y avoit
-plus d'ordre chez lui.
-
-CAMBISES. Là où il y a tant d'ordre pour dîner, il y a du désordre pour
-faire ses affaires.
-
-L'AUTRE. Voilà qui va bien, prenant affaire pour office culier.
-
-ASSUERUS. J'avois ouï dire que l'on épargneroit les hommes spirituels;
-mais tantôt la raison m'a bien satisfait; jamais Mammuchan n'en dit de
-meilleures. Il est vrai que, si hors d'ici j'oyois ainsi parler à ceux
-sur lesquels j'ai pouvoir, je leur passerois le pied par l'épaule. Or,
-je connois qu'il se faut ici donner carriere. Il est vrai, pource que
-nous sommes tous amis, que je souffre tout; & moi-même je dis des
-choses, que je ne souffrirois pas dire à d'autres. Mais il faut aviser
-que nous ne pouvons mal dire, ni mal faire, d'autant que nous sommes en
-l'être parfait, & à l'instant qu'il n'y a plus de passions: parquoi nous
-nous satisfaisons, & vous aussi, en battant le chien devant le lion;
-c'est que nous galoperons les ecclésiastiques, qui sont parfaits en leur
-vie, afin d'intimider les ames par les choses qu'ils diront. Or,
-regardez au prix, s'il se met après nous, comme il nous gâtera; & voilà
-comment on fesse les enfans devant les valets. Donc ces bons messieurs,
-fils aînés de la sainte maison, ne prendront point en mauvaise part
-qu'on tourne la parabole sur eux, afin que leur charité soit reconnue; &
-qu'étant innocens, ils veulent bien être accusés & châtiés de ce qu'ils
-n'ont pas fait; afin que les coeurs vicieux aient honte, & se corrigent,
-voyant la bonté de ceux qui portent leurs iniquités.
-
-SACROBOSCO. Je ne puis tenir mon eau; je vous dirai ce conte de ces deux
-cordeliers. Donc, comme nous étions ensemble en Bretagne, l'un d'eux
-devisant fit un pet. L'homme de chambre de monsieur lui dit: de quel ton
-est-ce, monsieur notre maître! Il répond: duquel vous le voudrez;
-entonnez bien: & voilà pourquoi depuis à Châtelleraut on a amanché des
-coûteaux de la belle corne de couleur. L'an d'après, lui & son compagnon
-encore novices, allerent à Angers, chez une honnête dame que l'ancien
-gouvernoit: si qu'étant entrés, le maître monte en haut, & laisse en bas
-avec la chambriere le jeune apprentif. Le bon est que, comme le moine
-fut sur madame, le gros trompette, qui s'étoit caché sous la cheminée,
-les voyant aux prises, se mit à fanfarer, dont les amans furent fort
-étonnés; mais ils appointerent avec ce maître trompette, qui étoit venu
-un peu devant pour hocher la chambriere, & de peur d'être surpris,
-s'étoit caché. Le trompette sorti, & la collation ayant été prise,
-monsieur notre maître se mit à la juchée. Savez-vous qu'il faisoit, & ce
-qu'elle pâtissoit. En dà, ils étoient comme le gueux que vit maître Jean
-de Guigni, allant aux nonnains, & passant par sur le pont de St. Eloi.
-De fortune le vent fort lui emportoit son chapeau, auquel il mit la
-main; mais il ne le put si bien retenir, que le cordon n'échappât:
-c'étoit sa bonne fortune qui lui induisoit si franche rencontre. Voyant
-son cordon échappé, il jetta la vue en bas sous l'arche, où le cordon
-étoit chu. Vraiment il le vit, & bien autre chose. Que vit-il? Le
-spectacle d'immortalité, les effets de concupiscence, le progrès de
-génération, quatre jambons pendus à une cheville, deux animaux encruchés
-& soulevés faisant le quadrupede raisonnable, la bête à double ventre,
-ou à deux têtes, l'animal à quatre yeux, l'homme femelle, la femelle
-mâle, le principe de l'engeance anagogique, une femme en proche
-disposition d'être châtrée, un homme prêt d'être décoché. Comme il voit
-ce mystere s'effectuant, il dit tout haut: en dà, de mon chapeau je
-donne la ceinture à celle, ou cil qui a le bout en la jointure;
-c'est-à-dire, je donne mon cordon à qui a le vit au con. Quand l'homme
-fut levé, il s'avança pour prendre le cordon: la femme aussi y va, parce
-qu'elle le veut avoir. O! ho, dit l'homme, il est à moi. E! hé,
-dit-elle, c'est à moi, d'autant que j'avois le bout où il a dit; je ne
-l'avois pas en l'épaule, vous le savez bien; aussi vous l'y aviez mis, &
-bouté. Voire, dit-il, & moi l'avois-je aux talons? Ne savez-vous pas
-bien où je l'avois fiché? Vraiment, je ne l'avois pas sur la tête;
-j'avois bien autre lieu où l'employer, & où il en faudroit beaucoup pour
-l'étouper. Mais devinez à qui de droit ce cordon appartient, afin d'en
-être juge)? Le grand cordelier ayant achevé son affaire avec la
-disposition de sa pâte, qui fut levée aussi-tôt que le four fut chaud,
-ce qui n'avient pas toujours. (Je me reprens, d'autant que toujours le
-four est chaud, mais la pâte n'est pas levée. Aussi les femmes font
-comme les gueux, elles tendent toujours leur écuelle). Après ce mystere,
-les freres s'en vont; le grand aussi saoul que s'il eût mangé une vache;
-& dà, en bonne foi, je crois qu'il y a autant à besongner à une femme
-toutes les semaines, comme il y a à manger en un boeuf. Les deux
-religieux revenus, il fallut rendre compte chacun de sa villication. Le
-grand raconta son désastre, mais que pour cela il n'avoit pas délaissé
-de faire la cause pourquoi. En après, il demanda au jeune ce qu'il avoit
-fait, & si par vif effort il avoit vaincu sa concupiscence, en la
-foulant sous soi, selon les délectations de victoire future. Voire, dit
-le pauvre, qu'eussé-je fait? Cette fille est innocente; elle ne s'aidoit
-point, quand, au bas du degré, après que la porte fut fermée, & que je
-l'eus poussée, je lui levai ses robes, & puis je levai la mienne. En
-levant la mienne, la sienne tomboit; puis levant la sienne, la mienne
-baissoit; & tant, & tant que vous êtes venu, avant que le j'aie pu
-approcher. Cette réponse ouie, tous les bons freres soupirerent de
-deuil, oyant la bêtise de cet enfant, lequel fut condamné d'avoir le
-petit chapitre, pour se souvenir qu'une autre fois il eût à prendre sa
-robe à belles dents, quand il leveroit celle d'une fille avec une main,
-tandis qu'il foutilleroit de l'autre: ceci s'adresse à ceux qui portent
-des soutanes.
-
-CESAR. Mais nous laissons nos deux amis chez Conscience long-temps
-dormir.
-
-ASCLEPIADES. Or bien, ayant passé la nuitée, ils se leverent assez
-matin. Ils observoient ou pratiquoient ce que doivent bien noter
-nouveaux mariés, c'est de se lever matin pour se reposer. Sur les huit
-heures, la dame alla en la chambre visiter le malade, qui avoit le
-cerveau creux, à cause qu'il ne l'avoit pas rempli d'humeurs nutritives,
-& partant les outils de son intelligence étoient déflochés, si qu'il
-avoit bien plus veillé que dormi. Après qu'elle lui eut donné le bon
-jour, (ainsi dit-on, & on ne donne rien) & qu'elle l'eut interrogé de sa
-santé; madame, qui sont ces deux qui ont couché là cette nuit passée? Ce
-sont, dit-elle, deux honnêtes hommes. Or ne savoit-il rien de la
-compagnie françoise. Il réplique: ils sont leurs grands diables;
-comment! tous les gibets, pourroient-ils être honnêtes, qu'ils n'ont
-fait toute la nuit que s'entreculbuter de telle rage de cul, que je
-pensois que la maison en cherroit! Elle se prit à rire comme toute
-honteuse, & ne dit rien pour ce coup, jusqu'à ce qu'il le releva de la
-mauvaise opinion qu'elle avoit eue par la communication de telle
-courtoisie; & ainsi, lui effaçant ce scrupule, elle a fait paroître
-qu'il se dit beaucoup de choses mal à propos, & surtout des
-ecclésiastiques. Amen.
-
-
-
-
-COYONNERIE.
-
-
-XXVII. THUCIDIDE. Et sur cela, je vous dis donc, que vous avez tort,
-d'autant que ce ne fut pas chez Conscience. Je m'y trouvai exprès; &
-celle qui fit ce trait étoit femme d'un sergent, qui en fit un bien plus
-subtil à notre ami Ruart, qu'elle alla voir chez lui, & y dîna: puis par
-mégarde, s'ébatit une petite fois à la dérobée sans péché, pourvu qu'il
-n'y eût pas plus de peine que de plaisir. Ceci ne fut que le coup de
-l'assignation, qui fut donnée au lendemain chez ladite dame. Le
-compagnon ne faillit point à se trouver à point nommé, où trouvant
-commodité, voulut se paître de ce dont il avoit tiré le jour précédent;
-mais elle lui dit que cela n'étoit pas sain à jeun, parquoi il débanda
-un écu, pour avoir de quoi repaître. Et afin qu'elle eût meilleur
-courage, il dit à la belle, qu'il alloit quérir vingt écus qu'on lui
-devoit, & la prioit que le déjeûner fût bientôt prêt. Il y alla, & reçut
-sans confession. Voilà comment les amans ne sont pas toujours menteurs,
-comme vous ribauds & rufians, qui vous donnez au diable, en promettant
-pour peines de défaut, & puis étant hors d'avec les fées, vous n'avez
-non plus de mémoire que chats, qui ont tant crié en le faisant qu'ils
-ont tout oublié. Il revint avec ses écus qu'il fit paroître, cela
-faisoit rire la mignonne comme une guenon sur une cheminée. (Et je vous
-demande en conscience & bonne foi, répondez-moi, si on vous présentoit
-sur une table deux mille fois autant d'écus que vous en avez, ou bien
-cent mille écus comptant, & qu'on vous dît: cela sera vôtre, & vous en
-pouvez prendre galamment trois poignées en disant gripe minaut sans
-rire, c'est-à-dire, que vous ne rirez point; vous dites qu'oui.
-
-DIOGENES. Vous feriez vos fortes fievres mules; frappez votre nez en mon
-cul, c'est ce que je vous baille en trois coups, voire en quatre visées;
-mais allez grater votre cul au soleil, & succez vos ongles encore un
-coup, si ne l'avez fait.
-
-THUCIDIDE. C'est bien reparti.) Ce mignon présente de son argent à
-madame, qui lui dit qu'il falloit aller sobrement. Vraiment, mon ami, il
-faut un peu épargner son argent, dit-elle, il y a plus de jours que de
-semaines; nous n'aurons pas trop de tout. Et ainsi le dorlotant
-putatiquement & le caressant, il la couillaudoit, couillevassoit,
-culbutoit perpathétiquement; si qu'il s'enivroit en cette délice permise
-à gogo, moyennant la dispense ministrale. Et le compagnon fut si bien
-culbuté, tournoyé & friponé, & tant rabatu de concupiscence par la dame,
-qu'elle lui ôta, sans qu'il le sentît, & bourse & argent. Quelque sotte
-l'eût laissé, & vous y fiez. Cette mignonne le traita comme Jacques
-Adriot fut traité de sa femme.
-
-POGGE. Je vous prie, dites ce conte, qu'il ne vous échappe; & je vous en
-dirai quatre en récompense.
-
-THUCIDIDE. J'ai peur qu'on se fâche, parce qu'il y a un peu du prêtre, &
-un ministre me l'a appris.
-
-POGGE. N'ayez point cette peur; non, jamais on ne s'en fâchera; &
-surtout les moines, qui ne le prendront pas à coeur, parce qu'on
-estimera que ceci sera mensonge, d'autant qu'il y en a tant de sectes,
-que devant que l'on sache qui a fait la joyeuseté, tout sera passé; &
-puis cela sera peut-être réputé à mérite, d'autant que par ce moyen un
-homme de conscience ayant foulé sous soi la concupiscence, & enfoncé le
-fort de satan, où il aura écrasé la tentation, elle s'en sera tellement
-allée, qu'il aura les femmes en horreur, jusqu'à ce qu'il en ait
-affaire, & c'est alors qu'il fera rage de prêcher.
-
-THUCIDIDE. Or bien, pour vous faire plaisir, je ferois cette parenthese.
-Ce Jacques dont est question, étoit un grand abatteur de bois remuant, &
-culbuteur de commere, & n'épargnoit rien de ce qui se présentoit. (Ce
-fut lui, & deux autres qui rencontrerent la Ponneuse, qui étoit belle &
-jeune, mais garce d'un chapelain; & l'enfoncerent dix-sept fois en une
-soirée, à coupe-cul: puis s'en allerent chacun leurs voies. Le lendemain
-cela fut su, d'autant que la fille se plaignoit qu'elle avoit été ainsi
-dévergondée; & on le contoit à quelques honnêtes femmes. En la compagnie
-étoit la femme d'un président, qui, oyant ce conte tant de fois,
-répondit & dit: au diable soit la carogne, tant elle étoit aise! Cela
-n'aviendroit pas si-tôt à une femme de bien.)
-
-
-
-
-EXPOSITION.
-
-
-XXVIII. La femme de Jacques, triste de ce que son mari alloit ainsi
-transportant la provision du particulier, faisant couler partout cette
-benoîte liqueur, dont on baille tant d'argent; & si on n'en trouve point
-à vendre au marché, alla trouver un de ses amis, pour lui demander
-conseil confortatif en son affaire. Cettui-ci, (je ne le vous nommerai
-pas, pour la conséquence que je porte à l'honneur) lui enseigna ce
-secret; c'est qu'il falloit qu'à point, mignardement, à propos, avec
-industrie politique, elle nouât le cas de son mari une seule fois; & que
-cela avenu, jamais il n'iroit à d'autres. La femme de Jacques croyant
-qu'elle noueroit ainsi pour jamais l'amour de son mari, recevoit ces
-mots dorés, je devois dire, _coralisés_, comme sentences prophétiques.
-Parquoi elle ne faillit point à essayer. Elle prit le bout de son mari,
-qu'elle considéra manuellement, pour le courber & le nouer. Or est-il,
-comme vous savez, belles filles, que les mains féminines sont grilles,
-sur lesquelles la chair revient. Ainsi la piece de génération par cet
-attouchement revenoit, grossissoit comme pâte en met, & pourtant le
-billouart se mettoit en point; & à ce conte, Jacques s'enfiloit avec sa
-femme; & tout autant qu'elle fit l'essai à nouer, autant fut faite
-l'exécution à vétiller: si que ce mari voyant l'importunité des doigts
-de sa femme, qui ne faisoient que patiner son pauvre chose, fit bande à
-part, de peur que cette friponnerie ne le fît devenir sec comme un
-lévrier. La bonne dame en eut du déplaisir, & fit autrement qu'elle ne
-pensoit, parce qu'elle ne noua pas le bout, mais elle retint son mari,
-qui, depuis, ne fut plus coureux; & puis sa femme accoutumée à dodeliner
-son cas, ne faisoit autre exercice au lit, que le promener.
-
-POGGE. Dames, qui êtes jalouses, empoignez cette suave doctrine. Aussi
-femmes sont anges à l'église, diables en la maison, singes au lit. Ma
-commere l'huissiere traita presque de même son marjolet, que tout
-belourd elle renvoya mignardement déchargé, & le conduisit jusques à la
-porte, avec des baisers accompagnés de faux semblant de regret: cela
-s'appelle des baisers de passage. Quand il eut pris l'air, & qu'il fut
-au bout de la rue, s'avisa de pisser: pissant, il avoit la main en sa
-pochette; & y tâtant, la trouva vuidée de l'aposthume pécuniaire; le
-voilà qu'il devint aussi froid qu'un four miné. Il retourna chez la
-dame, où il entre avec toute mignonne humiliation, & requiert que son
-argent lui soit rendu. Ayant fait son entrée & requête, il trouva une
-femme plus froide que lui, qui fait l'étonnée, l'ébahie, la déconnue,
-ainsi que si elle ne l'eût jamais vu. (Voilà comme les beaux esprits
-savent passer d'une extrémité à l'autre, pour se réformer! Vous faites
-état de votre femme de biennerie, vous autres femmes de bien; &
-toutefois vous n'en sauriez faire autant que cette-ci.) Lui qui pense
-faire l'effronté comme s'il étoit maître, ayant été si fat que de bâtir
-sur un grand chemin, veut faire le grand & le commandeur, dit qu'il veut
-ravoir son argent; il se dépite & enrage. Elle fait la constante & la
-résolue: il tranche du ruffien, qui a puissance sur une femme; il
-tempête & jette à terre son manteau; elle fait l'humble & la discrette,
-& plus la femme de bien que si elle s'en fût mêlée toute sa vie; & sur
-ses gestes s'ébahit moult de cette apparence, & lui dit: monsieur, que
-faites-vous? Où pensez-vous être? Ce n'est pas ainsi qu'il faut vivre
-chez les femmes de bien. Quand j'aurai patienté, je me fâcherai. Merci
-dieu, êtes-vous hors du sens? Sortez de céans; ou si mon mari vient, il
-vous échinera. Ce disant, elle jetta le manteau par la fenêtre, & cria:
-à l'aide, au secours & à la force. Il vint du monde, qui, voyant ce
-petit méchant monsieur ainsi dévergondé, lui remontrent & le menacent de
-la justice, vu son scandale. Le mari pensoit entrer; mais oyant le
-bruit, & voyant ce manteau, le prit, & passa outre. Ce qu'il en faisoit,
-étoit de peur de se courroucer. Ce manteau lui sert aujourd'hui ès
-bonnes fêtes. Le misérable démantelé & dévalisé, eut congé de s'en aller
-chercher un autre manteau, qu'un moine de saint Julien lui prêta;
-c'étoit un manteau de camelot ondé, pour lui faire avoir souvenance que
-les ondes de la fortune avoient passé sur lui.
-
-GLICAS. Ce maître causeur nous en a bien conté, de nous proposer un
-noeud, d'un cas si court qu'est celui de l'homme. Certes, c'est de quoi
-nature l'a retranché, vu que tous animaux l'ont en proportion plus long.
-Je m'en crois, & pense ce que m'en a appris Albert le Grand; c'est parce
-que toute l'intelligence est à contraire raison là-dedans; par ainsi
-vous voyez que fous en ont de belles venues, & les grands personnages en
-sont chichement pourvus. Un taureau en a plus que trois hommes; & un
-homme a plus d'esprit que cent boeufs.
-
-L'AUTRE. Si vous saviez de quoi est fait un chose viril, vous sauriez
-s'il se peut nouer, ou non.
-
-GLICAS. De quoi est-il fait ce badinage d'amour?
-
-POGGE. Les religieuses de Poissi me l'ont appris, ainsi que j'allois à
-Longchamp, & en telles autres religions réformées. Voilà, je ne nomme
-jamais personne, ni lieu, de peur que d'autres y aillent. Il y en avoit
-trois qui en disputoient. L'une disoit qu'il étoit de nerf, & qu'elle en
-avoit eu autrefois une belle nervée, la cour étant à Blois: l'autre dit
-qu'il étoit de chair courroyée, d'autant qu'en le touchant, on le
-trouvoit plus mignon à la peau, que le maroquin du levant, & plus
-douillet que velours: l'autre dit, qu'il étoit de tendons, parce qu'il
-tend plus qu'il ne peut. La prieure, qui les avoit ouies, leur dit
-qu'elle jugeoit plutôt qu'il fut d'os, parce qu'elle en avoit, le matin,
-tiré la mouelle d'un.
-
-PENAS. Vous vous égarez; ce ne furent pas elles; mais bien ces trois,
-qui, se promenant au beau jardin de Nantes, trouverent une groseille, &
-s'entredemanderent à la dire en latin. Comment le diriez-vous, ma soeur?
-La jeune dit, _groselus_; l'autre, _grosela_; & la vieille dit: vous
-êtes sottes; il faut _gros & long_: mes petits connaux de dîmes
-charitables.
-
-CHANOURI. C'étoit bien trois autres, dont j'étois jadis confesseur.
-L'abbé de Gastines, qui les aimoit toutes trois, leur promit de leur
-envoyer des couteaux de Châtelleraut; pourquoi bien effectuer, il
-endoctrina son valet; & l'ayant embouché, lui mit le présent en la main,
-pour le porter aux trois amies. Le valet, qui pensoit, selon que son
-maître l'avoit endoctriné, faire si bien que madame n'en sauroit rien,
-fut trompé, parce que madame, ayant un message d'amour à faire, y avoit
-employé la portiere, au lieu de laquelle elle se tint à la porte, & y
-étoit, quand l'homme de l'abbé y arriva. Il fut surpris; & elle lui dit:
-or çà, Riolan mon ami, que je voie ce que vous avez-là: c'est quelque
-chose que votre maître nous envoie. Elle savoit bien que ce n'étoit pas
-pour elle, d'autant qu'un abbé n'eût pas osé entreprendre sur les
-brisées de l'évêque de Lombes, qui l'aimoit. La dame ayant le paquet,
-elle envoya Riolan à la dépense; & mande aux trois mignonnes qu'elles
-vinssent; lesquelles, ne se doutant de rien, s'approcherent; & elle leur
-montra les lettres & les présens, leur disant: mes filles bien aimées,
-voyez des lettres & un présent que vous envoie notre bel ami l'abbé de
-Gastines. Elles lui dirent en toute humilité: c'est possible à vous,
-madame, qui le méritez mieux. Non, dit-elle, les lettres en font foi; je
-sais bien que vous avez mérité ces joyaux & encore plus: aussi êtes-vous
-bonnes filles: mais encore il y a, & faut de la considération en tout;
-je veux savoir de vous qui est la plus entendue; & pour cause, afin
-d'instruire les novices, pour bien entretenir l'ordre & antique façon de
-vivre du couvent. Et partant, celle qui rencontrera le mieux à propos ce
-qui lui semble de l'action notable de délectation, & ce qu'elle a
-remarqué faisant la cause pourquoi, en faisant son service, jouxte le
-bréviaire à l'usage de Reims, cette-là aura non-seulement son présent,
-(c'étoient couteaux), mais aussi fera des autres à son plaisir. Les
-voilà toutes trois en cervelle: si qu'éguisant le fil de leur
-entendement, elles tâchent toutes trois à répondre: l'aînée répondit
-qu'elle n'avoit jamais goûté à sauce si douce, sans sucre: l'autre dit
-qu'elle n'avoit oncques rencontré chair si dure, sans os: la tierce
-proféra qu'elle n'avoit jamais apperçu, ni ouï, ni senti tant cracher,
-sans toussir.
-
-ALAIN CHARTIER. Je pensois que vous y mettriez ma cousine de Montrouge
-qui pensoit être en terme de devenir bête.
-
-
-
-
-EMBLÊME.
-
-
-XXIX. Elle avoit vu, ès livres de ces nouveaux voyageurs, qu'il y avoit
-des gens sauvages qui étoient tous velus comme bêtes infideles. La
-pauvre petite se mit tellement cela en tête, qu'un jour changeant de
-blanchette, comme réformée qu'elle étoit, sans chemise de linge, selon
-la coutume de notre temps, (aussi blanchette en théologie, c'est-à-dire,
-chemise de laine) elle s'avisa par mégarde que son pauvre petit chouse
-étoit chu en pauvreté; & que le poil lui avoit percé la peau. Les filles
-de prêtres n'en ont point à l'âge de dix-huit ans; (je ne suis donc pas
-fille de prêtre, dit la jeune fille qui l'ouit; j'en ai, & si je n'ai
-pas quinze ans). Ma pauvre cousine, ayant vu cet inconvénient, se signa
-fort dévotieusement, & devint toute troublée de son sautier. Son
-entendement péripatetisa tout du long de la culmination de son
-intelligence curiale: si que, depuis, elle fut mélancolifiée, que
-c'étoit une déplorable imaginaison que la sienne. Si les autres
-approchoient d'elle, elle, par une humeur saupoudrée de tristification,
-s'en reculoit. A la fin, elles l'arraisonnerent du dedans, qu'elle avoit
-au flux & reflux de conflit compagnable; & leur fit réponse, qu'elle
-n'étoit pas digne de converser méritoirement parmi l'honorifique bande
-de leur société doucette.
-
-JODELLE. Quand je vous ois ainsi paillarder sur votre outrecuidance, de
-bien dire, il m'est avis que vous me pissez aux oreilles! Que diable ne
-parlez-vous droit, sans aller léchonnant les friponneries du sot
-langage. Je pense, vous oyant, être auprès du beau S. Jean, racontant
-comme il fut chassé: _nous apperçûmes le lépore, qui s'étoit manifesté;
-mais parce qu'il se réintégra, nous ne le pûmes appréhender_. C'est
-comme ces badauds de Paris, à la bataille de Senlis, qui, ayant leurs
-bâtons à feu sur le haut de l'échine, demandoient: _où est l'averse
-partie? Elle ne comparoîtra pas?_ Encore la Goibaude parla mieux, venant
-à monsieur le Gouverneur, pour s'excuser de la taxe que l'on avoit
-employée pour les fortifications: _monseigneur, je suis une pauvre femme
-en veuvesse; je vous prie avoir pitié & componction de moi; on m'a trop
-cautérisée pour les fornications_.
-
-TACITE. Laissez dire notre poëte. Que voulez-vous? Le bon preud'homme,
-il savate notre langage; toutefois il dit bien, mais il va un peu de
-côté.
-
-ALAIN. Vous me défagoteriez quasi bien tout le menu brouillis de mon
-intelligence. Or bien donc, cette fille, leur disant son excuse, ajouta
-qu'elle étoit indigne d'être avec elles, parce qu'elle devenoit bête.
-L'abbesse voyant cette fille ainsi farouche & toute dilatée sur le
-progrès de diminution familiere; (ardez, cette curagerie d'éloquence ne
-peut m'abandonner) en voulut savoir la raison, & sur ce que les autres
-filles lui avoient rapporté par avertissement. Timoré l'appella en sa
-chambre: & l'ayant concionnoirement avisée qu'il falloit, en
-l'humiliation de son devoir, qu'elle enfourchât la vérité, lui demanda
-par amour & vesse (foin, je cuidois italienniser, & dire: _amore
-volesse_) l'occasion de sa déconvenue. Adonc en gémissant & pleurant des
-yeux, elle dit: ma sacrée chere dame & preude mere, j'ai bien grande
-occasion d'être en extrémité de marisson, parce que je deviens bête;
-j'ai déjà un petit minon qui m'est venu entre les jambes. Que je voie.
-Elle le montra, exhibant physiquement sa natureté. Alors l'abbesse, pour
-repartir par pieces similaires, & réciproque démonstration, se
-découvrit, & lui fit paroître sa naturance. Il y avoit un petit
-cordelier caché derriere, qui l'avisa, & cria à maître Bastien, en
-courant: _magister Bastiane, ego vidi coelos apertos_. Et la fillette de
-dire: hé qu'est cela, madame? O quelle abondance de bestialité! Ma mie,
-ma mie, dit l'abbesse, le vôtre n'est qu'un petit minon: quand il aura
-autant étranglé de rats que le mien, il sera chat parfait; il sera
-marcou, margaut & maître mitou... Oho, oho, o... Il n'est pas temps de
-s'évacuer à rire; attendez un peu; le mot pour rire n'est pas dit. La
-belle s'avisa de demander à frere Etienne de Sanssay ce que vouloit dire
-madame, par ces rats & chats; ce que le pauvre corps, par innocence
-charitable, & humilité graduelle, & selon la sainteté de nos premiers
-voeux inférans graces abondantes, lui fit entendre & pratiquer, en lui
-faisant naturellement étrangler le rat de nature, par le chat mystique
-du bas de son ventre, de quoi elle avoit recueilli un fruit mélodieux de
-savoureuse délectation, qui ne devroit appartenir qu'à princes &
-prêtres, si tout alloit d'ordre. Elle étoit par ce moyen ingénieusement
-déniaisée; & sur cette profonde aisance, elle étoit, une après-dînée, à
-se promener en grande contemplation, devisant à bâtons rompus avec une
-sienne compagne, qui, oyant ce faux bourdon de musique mentale, lui
-demanda à quoi elle songeoit, vraiment, dit-elle, ma soeur, je
-pensois... Songez donc ce que vous pensiez bien. Et aussi je vous le
-dirai. J'avois les yeux sur cette chevre que voilà qui broute. Ma mie,
-ma soeur...
-
-JODELLE. C'est ce que disent les menestriers, ramenant la mariée du
-moutier: _ma mie, ma soeur, quelle douceur en fretillant; recordez-les
-avec votre flageol_. Maître Janotin, puisqu'il vous plaît, il faut
-savoir qu'ils ont dit en la menant: _nous la menons au moutier,
-l'ordure, l'ordure, l'ordure du foyer_: mais vous n'y entendez rien;
-c'est ainsi qu'ils le font en la menant à l'église, & jouant au beau
-trio: _pucelle la menons_, bis; _encore ne sait-on_, ter; _on ne sauroit
-qu'en dire_.
-
-ALAIN. Vous me faites de l'interruption; le ciel vous en punaisira; &
-regardez bien que signifie cela. Laissez-moi achever; fou enragé qui ne
-m'écoute; & plus fou est-il qui s'y amuse. Je voudrois, dit-elle, ma
-cousine, être comme cette chevre. Voire, que tu es sotte! L'année
-passée, tu disois que tu devenois bête, pour un petit poil folet que tu
-avois entre tes deux gros orteils; & ores que dis-tu? J'étois bien bête
-par le bon vraiment; & dà je ne le suis plus. Que c'est que d'enfance!
-Ces petites ames seroient du tout heureuses avec leur innocence, si
-elles faisoient l'amour, & que les petits enfans couchés ensemble
-fissent ce que me fait quelquefois frere Etienne. T'hébahis-tu ma fille?
-Je desire être comme cette chevre; ne t'en émerveille point: mais
-fais-en état. Vois tu, si j'étois comme cette chevre, ainsi velue
-par-tout le corps, je serois la plus heureuse du monde; d'autant que je
-n'en ai pas si grand qu'une petite écuelle, & frere Etienne m'y fait si
-grand bien: si j'étois de même par-tout le corps, il me feroit de même
-par-tout, & je mourrois de fine bonne rage de bien, tant je serois aise.
-Les pauvres nonains n'en pouvoient mais: voilà pourquoi vous avez tort
-de les mêler en vos saturniales.
-
-MACROBE. Je n'y saurois que faire, c'est la vérité qui me contraint,
-_inter porcula_, comme chez le roi Assuérus, où parut l'orgueuil de
-Vastit, qui toute sa vie avoit été humble comme une savate de
-brunisseur. Je m'en rapporte au confesseur de madame Loyse, laquelle lui
-disoit en confession, qu'un moine l'avoit haillonnée; qu'il avoit eu
-affaire à elle, qu'il s'étoit mis dessus elle pour voir de plus loin:
-bref, elle disoit qu'il l'avoit f. (j'ai quasi tout dit tant j'ai la
-langue à l'usage de prédicateur.) Le confesseur lui remontrant, la
-tançoit, disant: comment, ma mie, vous vous êtes fait accoster à un
-mort? Je ne sais pas quel mort, mais je ne vis ni sentis jamais si bien
-remuer. Le cas lui alloit, comme à un qui mouche une chandelle avec les
-doits sans mouchettes. De ce ci, toute la belle compagnie se mit à rire,
-comme un troupeau de fenesseaux.
-
-COLINET. Voire, ne faut-il pas bien s'ébattre, & principalement à jeux
-auxquels il convient? N'est-il pas dit, _croissez, multipliez &
-remplissez la terre_? Et qu'est-ce, sinon qu'il est enjoint par nature
-aux petits, de croître; aux forts & de bon âge compétent, de multiplier,
-& aux vieillards, de se laisser mourir pour emplir la terre? Et cela
-aussi appartient à ceux qui veulent faire les vieux, à ces idiots,
-voués, caffards & inutiles, qui ne font que scandaliser le bon monde de
-dieu.
-
-RONSARD. Les rencontres m'en font souvenir, & je dirois bien de la
-besongne, sans que le défunt évêque d'Angers fût blâmé des docteurs,
-qu'il s'accommodoit aux textes bénits de l'écriture sainte. Que si je
-m'y enfonçois comme je les sais, je vous donnerois bien du passe-temps;
-mais je ne veux pas faire de planche à ces hérétiques qui en feroient
-leur profit. J'aime mieux aller à ce bout, gausser avec ces pénaillons
-de garçons & filles, qui s'ébattent sans mal penser, chopinant près ce
-buffet, & vogue la galere.
-
-MAROT. Mon ami, dites votre _confiteor_, & laissez peter renard.
-
-BEZE. _Quisque fictor fortunæ suæ_; c'est-à-dire, chacun fait ce qu'il
-peut pour vivre. Il le faut faire, si on ne le faisoit, le monde
-demeureroit vuide, contre l'intention de nature. Ho! madame, réveillez
-vous, & notez qu'un con bien ménagé, à Paris sur tout, vaut presque
-autant qu'une bonne procuration, & mieux que deux métairies. Filles, je
-vous nomme aussi toutes de peur de jalousie, avisez à vos affaires. Je
-sais qu'il y en a qui le font pour le plaisir, ce sont celles qui nous
-entretiennent: & les autres, pour gagner leur paillarde vie. _Optimum
-philosophari, melius vivere._ Et pource, je vous dis que vous ménagiez
-bien vos métairies naturelles.
-
-BAIF. Ho, & ai, compere, comme tu parles! Ne t'avises-tu point des
-ordres que tu as?
-
-BEZE. Corps de mordienne, si elles m'importunent un peu, je m'en déferai
-bien, & les secouerai comme un âne fait les mouches de ses oreilles.
-Qu'as-tu à me venir ici ravauder l'entendoire? Est ce ici le lieu & le
-temps d'en parler? Que le diable te puisse casser des noix. Il faut
-prendre le temps à propos, ainsi que les gens de justice, quel satan &
-réformateur es-tu? Je crois que tes hémorroïdes te rendent ainsi
-religieux & conscientieux; ta sainteté t'époinçonne par le cul.
-
-BAIF. Voire, mais avisez à ce que disent nos docteurs: bran, il faut
-crier à ce sourdaut, comme pour prendre une taupe.
-
-RONSARD. Tu es un beau faiseur de mines (je cuidois dire de _mimes_); tu
-es un grand docteur, tu nous en veux conter; & encore l'écrire. Va, va,
-j'ai plus usé de papier à me torcher le cul, que tu n'en as employé à
-écrire tout ce que tu pensois savoir.
-
-MADAME. Qu'est-ce là? Est-ce à bon escient?
-
-BAIF. Non, non; ce n'est que pour rire; ne vous fâchez pas. Vous pensez
-à autre chose, madame; vous rêvez, le con vuide.
-
-AUSONE. Je n'avois jamais oüi dire cette élégance: bien est-il, que
-derniérement étant aux Vallins, on nous présenta un peu de beurre.
-Eschine s'en fâcha, & dit à la fermiere, qui nous l'avoit présenté, que,
-puisqu'elle étoit chiche de beurre, elle avoit le cas grand. Avisez bien
-à ceci, mes dames, ainsi que fit la chambriere de Ciceron, laquelle
-ayant ouï qu'on lui reprochoit qu'elle mettoit trop de beurre en la
-poële, pour une fricassée, en retourna quérir abondamment pour clore sa
-grande ouverture. Et afin que vous sachiez un secret à propos, je vous
-dis que les hommes qui n'ont gueres de manche, sont plus courtois &
-gracieux, que les autres qui en ont bonne provision; & ce d'autant que
-ces manqueux n'ayant pas tant de quoi payer, il faut qu'ils avancent de
-la monnoie du singe. Pour cette cause, quand les demoiselles, filles &
-femmes sont ensemble à deviser, & parlant de quelque homme qui ait
-abondamment de quoi elles ont affaire, elles disent: cettui-là a un
-grand persuasif; il a de quoi faire une belle expression de ses pensées
-amoureuses; il en a assez, pour faire endéver une dégoûtée. Le bon homme
-Sandé, curé de Claye, qui oyant les demoiselles qui rageoient sur sa
-chambre, & cela l'empêchoit d'étudier possible, il leur cria: si je vais
-là-haut, je vous foutrillerai toutes, tant que je vous ferai enrager.
-
-
-
-
-SOFPASSUC.
-
-
-XXX. Nous en sommes bien vraiment, nous voilà bien: je fais belle forme
-juste comme à la boëte aux oublies.
-
-MENOT. Il ne falloit plus que cela, pour achever sainte Croix d'Orléans
-au moule de la chartreuse de Pavie, où j'ai été nourri écuyer; d'autant
-que de page il ne s'en parle point; il n'y a point d'enfans, ils sont
-tous grands: on ne fait pas là des enfans, il faut les envoyer tout
-faits comme à la cour de parlement, sauf l'honneur de la justice la
-bonne dame.
-
-BAIF. Ce n'est pas ce que nous disions; taisez-vous: laissez ces
-gens-là. Encore les ecclésiastiques sont traitables; ils ne font
-qu'excommunier; cela va & vient comme eau claire: mais ces gens de
-justice font tache d'huile, que le diable y ait part, mon ami:
-laissons-les; achevons ces contes.
-
-RONSARD. Or, pour vous remettre sur vos chouses, je vous dirai, durant
-que la ligue étoit en vigueur, on cherchoit à Tours un ligueur; & après
-plusieurs perquisitions, on alla au cloître le chercher chez une dame,
-qui logeoit avec un chanoine. Cette dame n'étoit point encore levée.
-Elle entretenoit son embonpoint. Un monsieur archer du prévôt entra dans
-sa chambre l'épée au poing, laquelle raclant contre les carreaux, pour
-faire du mauvais, dit tout haut: par la double rouge crête de coq, je
-foutrai tout céans, de par le roi. La petite Sevin, qui pour lors étoit
-avec elle toute tremblante, s'approche de ce fendeur de naseaux, & lui
-dit: hélas! monsieur, pour dieu, ne faites rien à madame; elle se trouve
-si mal, je vous prie d'avoir patience. Madame qui l'ouit, ouvrit son
-rideau, & adressant la parole à la fillette, lui dit: voire, ma mie; &
-dà, pourquoi non aussi bien qu'à vous, puis que c'est de par le roi.
-
-BEROALTE. J'y étois; je m'en souviens comme si c'étoit toutes ores; &
-aussi-bien que de ce qui m'avint étant encore au ventre de ma mere, un
-jour qu'elle rioit avec un président, qui l'entretenoit selon les
-usances de messieurs de la cour de Bretagne, qui nous viennent voir
-durant leur semestres. Il avint que de joie elle fit un pet; je pensois
-que ce fût un coup d'artillerie, & que nous fussions assiégés: même ce
-monsieur la tabourdoit si fort avec une lance à deux boulets, que je
-croyois que c'étoit un mouton, que maintenant en honnête architecture de
-guerre, on appelle un foutoir. Cela me fit si grand peur, que je sortis
-incontinent, & n'y avoit pas plus de quatre mois & demi que ma mere
-étoit mariée: aussi il y en a qui sont de race de faire ainsi leur
-premier enfant, qui volontiers ont bon esprit; cela fut cause que je
-devins poëte.
-
-BELLEAU. Ne le dites pas, s'il n'est vrai.
-
-BEROALTE. Puisque j'en jure, il est vrai; & faut croire un homme de
-bien, quand il se parjure. Il y en a beaucoup qui jugent à faux, ainsi
-que font nos messieurs de justice, que dieu garde de mal, lesquels font
-serment de n'avoir pas acheté leurs états, & toutefois l'argent en est
-encore écrit en leurs doigts. Ils ne le dirent point; mais qu'ils
-prêtent de l'argent au roi. Vraiment un maître iroit chercher qui lui
-bailleroit de l'argent, pour le servir. Aussi proprement l'argent fait
-tout: il fait jurer, sans offenser dieu! il fait que monsieur le juge
-couchera avec la femme d'autrui, sans commettre adultere; il fera donner
-un arrêt le plus mignon du monde. Voilà, certes, monsieur; l'argent a si
-bien fait, que pour l'avoir envoyé & baillé à propos, quelques voleurs
-des biens du roi ont été libérés. Ces voleurs, miens amis (aussi les
-poëtes sont amis de tous, & ennemis de chacun) s'en vindrent, au lieu
-d'avoir la corde au col, ce bel arrêt au poing, le dernier de septembre.
-Visitez les cours, & vous le trouverez, L. C. a ordonné que ceux accusés
-& convaincus de larcin, concussion & péculat, seront châtiés sans
-encourir note d'infamie & punition, &c. Que veut dire, L. C. La cour, le
-conseil, la chambre, le chouse, la coyonnerie; tout ce que vous voudrez:
-que m'en souciai-je, puisque je n'y sens plus d'intérêt; & que jurer ou
-non, c'est tout un, si quelqu'un ne se fait partie, afin que monsieur
-l'argent vienne loger chez nous. C'est assez interrompre mon dessein; je
-voulois vous dire ce qui avint à mon compere Drouet, qui avoit un
-procès, pour lequel juger, il fallut être assuré & éclairci de certain
-point qui ne pouvoit être connu que par le serment de cettui-ci: il lui
-fut dit qu'il ne tenoit plus qu'à cela qu'il ne gagnât son procès. Ha!
-vraiment, dit-il, l'ai donc gagné; parce que, s'il ne tient qu'à jurer,
-je jurerai des pieds, des mains, de la bouche; &, s'il est besoin, du
-cul, en la présence de messieurs. Aussi en avoit-il fait son
-apprentissage, aux dépens de mon compere Colin, qui lui avoit prêté un
-chaudron. Colin lui dit: Drouet, rendez-moi mon chaudron. Et quel
-chaudron? Si tu étois prêcheur, tu ne prêcherois que de chaudron. Je te
-prie, rends moi mon chaudron. Je n'ai point de chaudron à toi. Colin le
-fait appeller. Etant devant Bodion le bon juge, Colin demande son
-chaudron à Drouet; & Drouet dit qu'il n'en a point à lui. Bodion lui
-commande de jurer sa part du paradis, s'il a ce chaudron. Lui qui n'y
-prétendoit possible rien, je ne dis pas au chaudron, se met en état de
-jurer. Comme il juroit, le bon Colin lui disoit tout bas, en le tirant
-par le bras: hé compere, ne jure pas; hé compere, tu perds ton ame. Et
-Drouet lui répondoit en l'oreille: & toi, ton chaudron.
-
-CETTUI-CI. La femme du peintre qui coloroit notre maison, vouloit bien
-autrement; parce qu'elle incitoit son mari à jurer, encore que ce fût à
-faux, parce qu'il y avoit une utilité apparente. Maître Mathurin avoit
-prêté dix-sept francs à ce peintre, & les lui demandoit assez
-importunément. L'autre, différant, enfin est ajourné. Maître Nicolas
-notre peintre, qui avoit encore un petit coupeau de conscience, eût bien
-voulu ne rien payer, parce qu'il y avoit long-temps qu'il devoit. (Il
-pensoit tout de même que faisoit Billonneau de Poictou, à qui monsieur
-le chantre avoit prêté quarante livres, lesquelles il lui demanda treize
-ans après. Ho, ho, disoit l'autre, & sa femme aussi, s'en souvient-il?)
-Maître Mathurin fait venir son créditeur devant le juge: ces deux ayant
-proposé leur fait, & dit oui & non, & vere; le juge fit jurer maître
-Nicolas, pour savoir la vérité. Cette pauvre bonne personne d'homme
-n'osoit, & se feignoit. Sa femme étoit derriere, qui lui disoit: jure
-vilain, jure, puisqu'il y a à gagner; tu jures si souvent que tu n'y
-gagnes rien. S'il eût juré, qu'eût-ce été?
-
-MENOT. Il eût gagné les dix-sept francs qui lui eussent fait profit; &
-il en eût donné cinq ou six sols aux pauvres, & cela l'eût garanti de la
-perte de son ame. Savez-vous pas bien qu'en matiere de prudence
-humani-monacalo-chanoinesse, un grand tort ou dommage invisible est
-réparé & satisfait par un petit bien manifeste, comme ès cours, les
-présens font souvent gagner de méchantes causes. Ainsi plusieurs, tant
-laïques qu'autres, ayant bien dérobé en cachette, fondent publiquement
-de beaux anniversaires solemnels, où ils produisent les fruits mignons
-du mammon d'iniquité. Les gens de justice en bâtissent de beaux
-châteaux, qui honorent le royaume; les financiers en parent tout. Et
-même je vous dirai que, si un petit commis de mes fesses a volé dix
-écus, incontinent il se fera paroître, quand il ne le devroit qu'avec
-une ceinture de broderie; & un méchant procureur fera incontinent bâtir.
-Quant aux conseillers, ils n'y entendent rien; ils ne dérobent que
-l'écume; ils ne mettent pas la main au fond du pot, si je ne mens. Et
-ainsi sont effacés les larcins, monopoles, sacriléges, fraudes, & telles
-joyeuses inventions & moyens de parvenir. Vous rêvez, & songez creux;
-vous gâtez tout. Si on sait ce que vous dites, personne n'aura plus
-d'envie de faire pis, afin que bien en avienne.
-
-GEBER. Vous proposez une cabale de rêver en soupant; je voudrois, tant
-je suis ennuyé de la fracture de mon fourneau, que nous fussions en état
-parfait de rêverie; je serois aise, & n'aurois non plus de mauvaise
-passion, que le pâtissier Rigole qui songeoit, tant il étoit aise en
-rêvant, que sa grand'mere lui donnoit du fourmage mou.
-
-BACON. Jamais fourmage mou ne gâta gorge; non plus que cul chaud ne gâte
-jamais linge: & je ne ris jamais tant de fourmage mou ou de crême, que
-de celle de Manassés, secrétaire du patriarche de Constantinople. Ce
-grand esprit, il acheta un jour un fourmage de crême qui ne lui coûta
-rien. (Je montrois un jour à monsieur le chancelier, où c'étoit qu'il
-entra trois Flamans au cimetiere des saints Innocens, par la porte de
-l'autre côté, dont l'un tomba, & mit le nez en la selle d'une fille qui
-venoit de quérir de l'eau. Voilà comment je remarque tout, comme le
-derriere de votre chemise fait le conte de vos selles.) Manassés ayant
-eu en main son fourmage, prit un des chevaliers de la fleur de lys, un
-des quinze-vingts, & le pria de dire un _salve_ à son intention: pour ce
-faire, il lui mit un beau jetton au creux de la main. Le pauvre ayant
-accordé ses badigoinces, griguenotoit ce _salve_ avec une voix
-horrifique, à laquelle Manassés s'accordoit: comme il en fut venu au
-verset, qu'il se faut égueuler de crier, & qu'il eût ouvert amplement la
-gorge, & desserré la gueule assez grande, pour y enfourner un
-demi-alloyau de boeuf, les babines étant déjointes bien demi-pied,
-demeurant ouvertes en cette belle extase de chant royal. Manassés lui va
-flaquer ce fourmage mou dans le bagoulier si proprement, qu'il entra
-tout, & rien n'en sortit, que ce que malheureusement le triste criard
-fit écheoir, estimant avoir la bouche pleine d'une autre mixtion de plus
-haut goût.
-
-PAUSANIAS. Je pense que ce jour-là étoit fait pour rire.
-
-
-
-
-DICTIONNAIRE.
-
-
-XXXI. Ne vous souvient-il point que rencontrâmes la mule de Rabelais? Le
-bon homme ne s'en soucioit-il non plus que de celle du pape, ayant assez
-d'autres bonnes affaires. Il l'avoit laissée chez Fesandat, imprimeur; &
-avoit prié les garçons d'y prendre garde, pour la faire boire à ses
-heures, comme la truye des carmes. Déja deux ou trois jours s'étoient
-passés, qu'elle avoit assez bû; mais au diantre la goute, parce qu'elle
-ne bougea de l'attache, comme un vrai chien couchant. Jean du Carroi,
-jeune verdaut, s'avisa de cette bête, & monta dessus à dos sans la
-sangler; un autre le voit qui lui demanda la croupe, un tiers encore y
-saute; & les voilà ainsi que les quatre fils d'Aimon, à chevau sur la
-mule sans selle, n'ayant que le chevêtre, (que ne lui baillez-vous votre
-licou). Ainsi relevée de ces suffisans personnages, la bête prit son
-chemin à val la rue de saint Jâques: passant auprès de saint Benoît, au
-lieu de s'avancer, sentant l'eau d'une lieue loin: comme vous auriez
-l'odeur d'un bon jambon, & s'approchant de l'église, elle reçut une
-odeur débonnaire de l'eau bénite, qui, l'attirant par la conduite
-magnétique de sa saveur, la fit, en dépit des chevaucheurs; entrer en
-l'église. Il étoit dimanche, heure de sermon, où grand monde étoit
-convenu; & nonobstant ce peuple, & résistance des baudouineux, la mule,
-dure de tête & oppressée d'altération, donne jusques au benoitier, où
-elle mit & enfonça son horrifique mufle. Le peuple, qui voit
-l'effronterie de ce maudit animal, qui par dépit n'engendrera jamais,
-pense que ce soit un spectre, portant quelques ames jadis hérétiques,
-mais ores pénitentes, qui viennent chercher le doux réfrigératoire des
-bienheureux (laissez la boire), & déja chacun pensoit qu'il se feroit
-quelque émotion (laissez boire la mule) ou autre acte merveilleux de
-commotion spirituelle; mais la bête fut modeste, si qu'ayant
-légitimement bien bû, selon sa vacation, se retira sans autre cérémonie.
-
-ORPHÉE. Le mulet de Gravereuil étoit bien autre; il les faut marier
-ensemble. Il y en avoit, qui, voyant la méchanceté de cette bête,
-disoient que c'étoit quelque diable, fauteur d'hérétiques, punissant
-leurs ennemis: & cela venoit à propos, parce que, de mon tems, ce prêtre
-avoit fait effondrer une bonne & ample quantité de huguenots, qu'il
-tuoit bravement jusqu'à la mort. Un jour, un élu de Tours emprunta ce
-mulet, & monta dessus, & adressa ses voies à Langes. Y étant arrivé, le
-mulet prit le mords aux dents: &, sans se soucier de ce qu'il avoit sur
-l'échine, & du profit du roi, se mit à courir par tout à travers hommes,
-femmes & enfans; & s'adressant vers la poterie, passa par-dessus pots,
-buïes, casses, chaufferettes, qu'il brisa, cassa, rompit & gâta, comme
-un étourdi: puis, ayant fait sa montre, reprit ses erres, emportant le
-triste élu, qui eut voulu être au fond de sa cave, de peur du tonnerre;
-& le mulet de courir, sans arrêt ni crainte: & comme il couroit, il y
-avoit un pauvre homme, qui avoit trouvé la bougette d'un autre qui avoit
-passé, & l'avoit laissé cheoir. Cet homme, pensant que ce fût cet élu
-qui avoit perdu sa malette, lui crioit: monsieur, arrêtez-vous; tenez,
-voici votre malette. L'élu, pensant qu'il se moquât de lui, & ne se
-pouvant arrêter, lui crioit: je te ferai pendre, coquin. Le paysan
-couroit criant, brayant: monsieur, tenez votre bien. Coquin, tu seras
-pendu. Monsieur, tenez, arrêtez-vous. Le vilain, voyant qu'il ne
-s'arrêtoit point, jetta la malette là; & un autre la prit qui s'en
-trouva bien, & fit bâtir une belle maison à Portillon. Le méchant mulet
-courut sur les ponts, où étant arrivé, il s'arrêta aussi mignon qu'un
-cochon rôti, traitable ainsi qu'un agneau. Monsieur l'élu le mena où il
-voulut; mais se ressouvenant de sa peur, il l'alla rendre. Je vous
-assure, & m'en croyez, que si ce chevaucheur de mulet n'eût été élu, il
-se fût rompu le col, & fût allé, comme les autres, à tous les diables.
-Une autre fois que Gravereuil venoit du Plessis endossant son mulet,
-monsieur le mulet voyant l'eau, & y prenant plaisir, y porta son maître,
-& laissant à côté le pont sainte Anne, passa à travers l'eau: ce fut à
-messire de se tenir serré. Si ce n'eût été un prêtre qui venoit de
-confesser un minime, il étoit en danger de périr; mais il étoit en trop
-bon état; le diable n'en avoit encore cure. Voilà comment le muletier
-échappa, se tenant ferme de peur de mouiller ses cheveux. Par dépit de
-telles malversations, Gravereuil ayant assemblé le conseil de ses amis à
-ce connoissans, il fut résolu que dom mulet seroit châtré; ce qui fut
-exécuté au détriment des pendiloches qui furent levées. Le mulet guéri
-se trouva assez humble pour un tems: mais je m'en ris encore; & j'eus ce
-plaisir, un samedi matin, que ce vieillard voulant aller aux champs,
-monta sur sa bête, qui savoit le chemin de sa cure. Voilà qu'il est en
-train d'aller. Ce méchant mulet, étant en la rue de la grosse tour,
-avisa le châtreux qui l'avoit émancipé; aussitôt il se ressouvint de
-cette opération, & comme il l'avoit malheureusement exterminé, lui ôtant
-toute espérance de bénédiction mulative. Oubliant selle, bride & maître,
-il s'élança après; & ne se souciant plus de coups, de guide, & de tout
-ce que vous voudrez dire, s'enfonça droit & roide vers ce châtreux pour
-le dévorer, ouvrant la bouche grande comme un four à ban: & en dà, il
-l'eût diffamé & vilipendé sans sa feinte. Le pauvre siffleur se sauva en
-une maison; & le mulet après y porta son maître, qui fut obéissant, ne
-pouvant chevir de sa bête qui l'emporta après le châtreux, qu'il suivit
-tout du long d'un escalier, portant toujours son possesseur, qui n'avoit
-plus autre espérance que d'avoir le cou rompu. Le châtreux se jetta sur
-une pièce traversante, où le mulet, qui le voyoit, recanoit trépignant
-en la chambre, & béant comme une carpe qui se noie. Ainsi baillant,
-ouvrant la bouche grande comme un ministre qui dit son premier sermon,
-il fit tant de désordre en se tremoussant, que les quatre jambes lui
-entrerent dans le plancher; & messire Gravereuil eut le cul fort
-rehaussé, tellement qu'aisément il se put ôter de l'encombre où il
-étoit. Il ne fut point sot; il s'en ôta, & laissa là sa bête, qui, après
-que le pauvre châtreux fut échappé, fut levée par l'industrie de quatre
-ou cinq hommes qui l'enleverent. Ce mulet, depuis cette aventure qu'il
-ouvrit tant la bouche, mordit comme un chien; aussi ne vivoit-il que de
-mordre, pourquoi son seigneur lui fit arracher quatre dents, dont de
-dépit il devint pire, & jamais ne bûvoit qu'il ne lui prît fantaisie.
-
-HERCULES. Pourquoi est-ce qu'un âne ne boit pas, s'il n'a soif?
-
-CALVIN. Faites votre proposition vive.
-
-HERCULES. Je ne m'ébahis; si tu fus hérétique. Va, je te le dirai. C'est
-parce qu'il ne boit que de l'eau. Que s'il buvoit du vin, il boiroit à
-tout moment, comme un bon théologien: mais _tu venisti sobrius ad
-evertendam rempublicam_.
-
-CALVIN. Jamais il n'y eut homme savant, qui n'entendît raillerie, que
-toi. Va te faire lanterner, & me regardez; vous voyez votre maître. Mais
-que devint ce mulet?
-
-ORPHÉE. Gravereuil le vendit à un Gascon, qui, étant informé des
-conditions de la bête, ne laissa de la bien payer, estimant qu'aisément
-il en viendroit à bout, parquoi il l'acheta, & le paya bien
-authentiquement; aussi la bête étoit de belle apparence & forte. Quand
-le Gascon fut dessus, & qu'il l'eut un peu mené outre son premier gré,
-le mulet s'avisa & emporta mon homme après ses propres fantaisies, à
-travers haies & buissons, champs & prés, & le menoit, comme un nouveau
-Plutus, dans ronces & épines de tous les diables. A la fin, lassé ou
-remis, le soldat, qui ne pouvoit oublier cette injure, se renforça de
-colere, si qu'étant descendu, il lui passa son épée au travers le corps.
-Le mulet, sentant ce coup énorme, & sa vie déterminée, en appella à la
-mule du pape, par la vertu de laquelle il s'évertua, & excédant en
-vigueur, frappé comme il étoit, il se jetta sur son homme, auquel en
-mourant il emporta toute une épaule. Le pauvre Gascon se vint faire
-panser à Tours de sa morsure, plaie & contusion: mais il ne lui servit
-de rien, parce qu'il en mourut, d'autant que l'appareil qui fut mis sur
-sa blessure, avoit été appliqué sur la chemise d'une fille, qui étoit
-pucelle à vingt-cinq ans & demi, & que de là même on avoit fait le
-charpis qui avoit mis le feu par-tout.
-
-
-
-
-ÉLÉGIE.
-
-
-XXXII. CÉSAR. Bien remarqué!
-
-RENÉE. Devant que vous laissiez ce prêtre, je vous l'accompagnerai d'un,
-afin qu'il n'aille pas tout seul, & lui baillerai un caillou en la main,
-de peur qu'elle ne lui enfle. Il y eut un ministre Breton de Bretagne,
-qui courut chez nous une belle fortune. Il se plaignoit fort d'une
-douleur de jambe; & ayant pris conseil de son mal, il s'alla coucher. On
-avoit oublié de lui bailler un pisse-pot, si que, durant la nuit, ayant
-desir d'uriner, & ne trouvant point de vaisseau, il se leva, & s'avisa
-d'aller pisser en la cour. C'étoit environ la toussaint, en nouvelle
-lune. Il sort de sa chambre, & enfile le degré, lequel étoit contigu à
-celui de la cave, qui n'étoit point fermée, tellement que suivant la
-vis, il alla tant qu'il trouva terre, qui fut, quand il eut mis le pied
-au fond de la cave, où étant, il s'avança trois pas, & pissa abondamment
-selon la désirable évacuation de sa vessie. Voilà que, par male tigne,
-il s'étoit tant avancé, qu'ayant pissé il se trouva plus déchargé & plus
-éveillé; pourquoi il veut retourner: sur cette intention il cherche le
-noyau du degré & de la sortie ou entrée; mais il ne le peut trouver. Le
-voilà tout égaré; il leve les yeux à mont, & s'éguisant la vue, il tâche
-de trouver des étoiles; mais il n'avoit garde. Ho, disoit-il, que le
-temps est nuble! que le ciel est noir! que l'air est étouffé! Ho, y, il
-fait ici noir comme en une cave. Les nuées étoient si épaisses, qu'il ne
-voyoit goutte qui soit. Il se résout de sortir de ce lieu tant obscur,
-qui est la cour, à son avis; mais il ne peut trouver de passage: il va,
-& vient, & de tant plus il s'englue. A la fin, il se met à appeller, &
-crier qu'on lui portât de la chandelle. Il se mettoit à hucher, puis se
-reposoit; plus il huchoit, & moins on s'en soucioit; aussi que sa voix
-n'étoit point entendue venant de si bas. Après qu'il avoit bien crié, il
-se taisoit, & écoutoit; puis, un peu après, il recommençoit. A la fin,
-je m'éveille & demandai: qui est-là? Il m'entr'ouit, & dit: c'est moi.
-Et qui? Moi pauvre ministre. Et où êtes-vous? Ici. Et où? je ne sais. A
-la fin, la voix me conduisit à la cave, où je le vis tout nud, aussi
-ébahi que Petou. Qui, tous les diantres vous a mis ici? C'est moi: je
-cuidois être en la cour; & je ne sais comment j'ai descendu si bas. Et
-que n'avez-vous pris des souliers? Si j'eusse pensé tant y être, j'eusse
-pris mes souliers & ma robe. Mais, pour dieu, menez-moi chauffer; je
-transis de froid. Je fus presque en pensée de le mettre échauffer en mon
-lit: mais l'odeur de ministre me déplaît; je m'étonne de celles qui les
-aiment tant, & les épousent.
-
-VITRUVE. Mais venez çà, Renée; faites honte au diable. Ce Breton ne vous
-pria-t-il point d'amour en la cave?
-
-RENÉE. En bonne finte, il n'avoit garde; il ne lui en tenoit; il avoit
-trop froid aux pieds. _Qui a froid aux pieds, la roupie au nez, & le cas
-mou, s'il demande à le faire, c'est un fou._ Croyez qu'il avoit la
-friandise bien ravallée.
-
-VITRUVE. Il falloit le lui frotter. Voire, _vin chauffé & cas frotté ne
-tendent qu'à pauvreté_. Ce fut donc à l'autre chambriere à laquelle il
-le fit.
-
-RENÉE. O! vere, en ma conscience, je vous jure qu'elle est une pauvre
-petite putain, aussi fille de bien que fut jamais votre mere; & n'y en a
-pas une en ces cloîtres, qui fasse moins faute de son corps. Que si elle
-est avec un homme qui l'entretient, hé bien, il n'y manque que l'église;
-elle ne laisse d'être mariée: & ce mariage, au dire de nos prêcheurs,
-est aussi bon que celui des huguenots, qui ne se marient, non plus que
-nous, à la messe. Et bien, vous voilà bien en peine pour une messe!
-Dites ce que vous voudrez; je l'aime bien. Le diable l'emporte, si elle
-songe plus en cela qu'une vraie abbesse, à qui dieu en veuille faire
-pardon.
-
-VITRUVE. Mais messire Gabriel nous a conté qu'il n'alloit la voir, que
-pour en tirer une venue.
-
-RENÉE. C'est un sot de le dire, au respect du maître qu'il sert. Qu'il
-aille chez lui, de par le diable. Il est donc de ces gens-là?
-L'hypocrite! Je vous prie, quand il chemine, vous ne diriez pas qu'il y
-pense. Que ne va-t-il droit? Il va douanant, comme un badin; & trotte de
-côté, comme un chien qui vient de vêpres. Je dirai à Perrine que vous
-l'avez nommée putain.
-
-VITRUVE. Et à qui vous joues-tu? Je sais comme il faut rabattre de tels
-coups.
-
-RENÉE. A l'usage de notre maître, qui, un soir, demanda à ma maîtresse,
-qui servoit le gouverneur logé au château: ma mie, avez-vous porté du
-linge à ces putains du château. Elle lui répondit: vraiment, pour un
-vieil homme, vous dites de vilaines paroles; il vaudroit mieux vous
-taire, ou dire votre patinostre. Voire, dis-je, monsieur, appellez-vous
-madame, ses filles, ses soeurs & ses demoiselles putains! O, dit-il, je
-ne les pouvois mieux nommer; ne le seront-elles pas bien, si elles
-veulent!
-
-DIOGENES. Il y en a beaucoup qui le voudroient bien être, & ne peuvent
-un seul petit coup: par ainsi beaucoup de monde va en paradis par sa
-faute.
-
-CATULLE. S'il y avoit autant d'honneur, de grace & de commodité paisible
-à être putain, que d'être femme de bien, on ne pourroit tenir les
-femmes.
-
-AVICENNE. Vous êtes importun de ces femmes de bien. Qu'est-ce que peut
-faire une femme de bien, que de bruit en une maison! Elles ne font que
-rechigner, elles sont ennemies de tout exercice vertueux: bref, ces tant
-femmes de bien feront pour dix écus de ménage en une maison, & y feront
-pour cent écus de vilenie, tant elles sont seches de courtoisie. Depuis
-qu'une femme a juré: par la merci de dieu, je suis femme de bien de mon
-corps; on n'en sauroit plus chevir; on ne lui ose plus rien dire.
-
-SENEQUE. Vous n'êtes pas recevable à parler des femmes, d'autant que
-vous êtes jaloux de la vôtre.
-
-AVICENNE. Parmagri, eh! de qui voudriez-vous que je fusse jaloux? De ma
-mule, de ma chatte, de ma chienne, comme vous de votre chevre; vraiment
-je vous les abandonne, aussi-bien êtes-vous savetier, vous travaillez en
-vieil cuir à racoûtrer la mere de l'Empereur. Laissez-moi dire, ou je
-vous ferai rougir comme un plat d'étain. Pensez vous que, pour si peu de
-choses, & qu'à si petit cas de pitié, une femme soit connue. Il y a des
-femmes qui sont enclines à faire la pauvreté, par nature qui les induit
-vivement à la contenter, qui, au reste, sont les plus justes &
-admirables du monde, & ne voudroient endommager autrui. Il est vrai que,
-quelquefois, il y en a qui s'accommodent, pour subvenir aux nécessités
-de la maison. Vaut-il pas mieux avoir un peu de commodité & faire
-plaisir aux honnêtes gens, que de trancher de la glorieuse & avoir
-disette? Sachez l'axiome de Normandie: _plus de profit et moins
-d'honneur_. On acquerra assez d'honneur, après que l'on aura des moyens.
-Il est vrai que je veux mal à celles qui le font pour se venger, comme
-la huguenote de Lyon, qui disoit à son mari qui la battoit: va, chien,
-vilain, par dépit de toi, grand excommunié, j'irai tant à la messe & me
-ferai tant haillonner. Mais j'excuse celles qui le font par honneur, de
-peur d'en aller honteusement demander, & qui le font pour honnêtement
-gagner leur vie. Toutefois, je me fache de ce qu'elles ne sont toutes
-unies. Il y en a qui sont loches; les autres sont croches, ainsi que me
-disoit la feue princesse qui a été nonnain. Les loches deviennent
-misérables, tout leur chet du cul, rien ne leur tient, elles sont
-vilaines putacieres. Quand aux croches, elles sont sages & prévoyantes;
-elles attrappent tout & le retiennent; il ne leur faut pas jetter d'eau
-aux fesses comme aux cavalles; elles retiennent bien, elles sont de
-bonne sorte, elles sont femmes de bien en dépit des autres, pour ce
-qu'elles sont braves, ont du support & de l'argent. Retenez cela,
-putains. Que si vous voulez tenir un homme en bride, faites-le bien
-payer: ceux qui vous le font pour néant, n'en font compte; ceux qui
-l'achetent, font état de vous, comme on fait entre les bons marchands,
-de ceux qui ont de quoi, & sont sujets à large, pour le faire venir.
-Quant à Licofron, il en fait suivant la venue que lui bailla celle qui
-le pressura l'an passé.
-
-LICOFRON. Je ne la garderai gueres, ce que j'en faisois étoit pour
-suivre ma destinée, qui est, à mon avis, que je le dois faire à toutes
-les femmes & filles, & l'ayant fait à cette-là, c'étoit autant de fait.
-Quand j'aurai accompli ma fatalité, vous serez mon beau-pere, votre
-fille est belle & de nos soeurs, & puis, si j'empoigne votre femme...
-
-AVICENNE. Tout beau, la mere & la fille.
-
-LICOFRON. C'est tout un, il n'y a point de lignage en cul de putain,
-l'eau claire l'efface. On mange bien en Grece d'une truye dont on aura
-mangé le cochon.
-
-AVICENNE. Mais voyez comme il appelle ma femme & ma fille putains.
-
-LICOFRON. Prenez que nous ne soyons mariés, ni l'un, ni l'autre. Si je
-devois accommoder toutes les filles, & vous toutes les femmes, lequel
-auroit plus de peine? Ce seroit vous, compere mon ami, parce que quand
-j'aurois accoûtré les filles, il faudroit que, comme à femmes, vous leur
-fissiez.
-
-AVICENNE. Mais à qui seroient les enfans?
-
-LICOFRON. Ils seroient à nous, qui serions leurs mignons, ainsi que
-beaux petits chanoines.
-
-AVICENNE. Voire, mais les filles ne sont femmes, que le prêtre n'y ait
-passé.
-
-LICOFRON. Dà, qu'il faudroit que le trou fût grand; envoyez-les à Rome &
-à Angers, il y a assez de prêtres pour faire ce qu'ils pourront.
-
-AVICENNE. Vous les voudriez faire putains.
-
-LICOFRON. Et qui le saura? Qui est-ce qui pourra dire, qu'une fille, ou
-femme, soient putains que par opinion; s'il n'en a été maquereau, ou par
-méchante calomnie, s'il ne l'a besognée.
-
-MENANDRE. Pourquoi est-ce que les chanoines se font nommer _mignons_ à
-leurs enfans!
-
-LICOFRON. Parce que mon mignon, mon oncle, mon maître en chanoine;
-c'est-à-dire, mon pere en ministre, comme, monsieur en grand.
-
-STATIUS. Allez leur dire, & vous chauffez à leur feu, & accommodez leurs
-pucelles. Ce sont bonnes pucelles d'apparence; mais elles sont femmes en
-substance, ayant reçu la même transmutation momentaire, qu'une femme ou
-une putain.
-
-JOSEPHE. Il y a plus de trois mille minutes que je suis après, pour vous
-attrapper à ce point, sans vous interrompre; mais il ne venoit pas à
-propos. Vous avez dit qu'il y a des femmes qui le font, & sont femmes de
-bien.
-
-
-
-
-RESPECT.
-
-
-XXXIII. FEU MONSIEUR. J'avois en ma cour un gentilhomme, qui disoit
-qu'il avoit trouvé sa femme le faisant plusieurs fois. Hé, gros oison:
-c'étoit lui, voilà comment il le faut entendre. J'aimerois autant mon
-premier médecin, qui, parlant à un de mes maîtres d'hôtel, qui se
-plaignoit qu'il avoit trop d'enfans; & qu'il eût voulu avoir un secret,
-pour le faire à sa femme, sans lui faire des enfans. Le médecin lui en
-promit, pourvu qu'il fît le juste présent. Ce qu'étant accompli, le
-médecin lui dit: mon ami, défaites au matin ce que vous aurez fait au
-soir; ou bien ne le faites jamais à votre femme, qu'elle ne soit grosse.
-Monsieur, ce n'est pas cela. Je m'entends bien; je veux dire qu'elle le
-fasse, comme font les putains. Pourquoi, je conclus qu'il faudroit
-établir un certain ordre; & puisque vous avez la tête si lourde que vous
-ne pouvez entendre, je vous dis qu'il faut qu'elles soient de l'ordre de
-sainte Glougourde, qui prêtoit son chouse pour une patinostre. Et je
-vous dirai, tout prosélite que je desire être: on a parlé de la piété:
-elle se peut connoître par les effets. J'ai observé que les femmes qui
-ont long temps ébattu leur jeunesse, se venant à retirer de cet état,
-sont plus dévotes que les autres; vous les voyez sans cesse tomber en
-oraison, les yeux larmoyans, la bouche pleurante, le cas riant.
-
-STATIUS. Et comment est-ce qu'il riroit:
-
-LICOFRON. Il a une bouche & les levres. Il n'est pas de cela pour rire.
-
-STATIUS. De quoi est-il fait:
-
-LICOFRON. Celui d'une fille est fait de chair de cirons, il demange
-toujours; & celui des femmes est de terre de marais, ou d'eau de mer,
-parce que le cas d'un homme, qui est de liége, ne peut aller au fond.
-
-AVICENNE. Ce n'est pas-là ainsi que disoit la belle fille, qui vouloit
-être touchée au bas du ventre: achevez ces dévotes. Je vous laisse dire,
-pour vous avertir que les jeunes filles passant vingt ans, & jeunes
-veuves qui n'osent le faire & le voudroient bien, sont toujours près les
-piliers des églises à prier, afin que leur contentement avienne; & les
-vieilles pécheresses invoquent à ce qu'il ne leur soit rien imputé, pour
-l'excès qu'elles en ont eu, au préjudice des autres qui en jeûnent; & ce
-d'autant que toutes, tant nonnains soient-elles, ne pensent qu'à cela,
-parce que c'est la fin finale, pour laquelle la femme a été faite.
-
-RADEGONDE. Puis qu'ainsi est, je voudrois que mon cas fût un benoîtier,
-afin que tout le monde mît dedans.
-
-ÆLIAN. A ce que je vois, il n'est que de mettre dedans. A ce propos, je
-vous dirai de mademoiselle d'Amelie, qui a beaucoup acquis de
-réputation, ayant hanté la cour toute sa vie, parce qu'elle étoit mariée
-à un impuissant; & elle l'a enduré, sans aller à notre-dame des aides;
-ou pour mieux dire, à la cour des aides. Elle n'a, tout ce temps-là,
-rien mis dedans; & si on ne voyoit en rien son désastre, tant elle
-faisoit bonne mine. Ce premier mari lui a duré dix ans, il faut que vous
-sachiez cette vérité. Etant mariée à ce bon personnage, la premiere nuit
-de ses noces, il la caressa de baisers & de petites mignardises
-superficielles; & puis mit la main à une paire d'époussettes de soie qui
-étoient pendues au chevet du lit, & lui épousseta son cas; ce qu'il fit
-deux ou trois fois, & ainsi les passant & repassant par son velu d'entre
-les deux gros orteils, la contentoit, sans qu'elle y pensât autre
-finesse. Le lendemain les amies lui demanderent comment elle se portoit,
-& ce qu'elle disoit de ce bon homme. Vraiment, dit-elle, il m'a
-épousseté trois fois mon cas. O, ho! dirent-elles, vous êtes bien, ma
-mie. (Ainsi font les dames de Paris, & disent à la nouvelle mariée: hé
-bien, la jeune femme, comment vous portez-vous! Si d'aventure elle est
-bien ointe en sa jointe, elle dira: fort bien, madame; j'ai un bon mari,
-il me donne tout ce que je demande; si je voulois manger de l'or, il
-m'en donneroit. Mais si elle est mal servie: ardez, dit-elle; mon mari
-est un grogneux; il est chiche, & ne fait que penser à son avarice.
-Hélas! voyez, voilà grande pitié). Cette-ci n'étoit si fine, elle ne
-savoit ce que c'étoit, & s'ébahissoit comment les femmes faisoient si
-grand cas de si peu de chose, qu'elle estimoit moins que rien, encore
-qu'au dire des dames ce fût beaucoup d'excellence: je laisse à penser ce
-qu'elle jugeoit de l'entendement des autres. Il avint que ce bon mari
-fut malade; & se voyant près de sa fin, fit son testament, & donna à sa
-femme sa maison, ainsi qu'elle se comportoit, meubles & tout: puis il
-trépassa, comme dit l'autre, dont elle fut en grande angoisse, parce
-qu'outre cela il étoit le meilleur petit bon homme, qui fût d'ici au
-saut d'une puce armée. Quelque temps après, un brave jeune dispos se mit
-à rechercher cette belle veuve, qui, au commencement n'en fit cas,
-n'ayant affaire de rien. Ainsi estimoit-elle le bien que peut faire un
-homme, qui est plus grand que jamais pere & mere n'en firent; cela, qui
-est le bien des autres, ne l'émouvoit point. Or ce que l'amour ne put
-exciter, l'ambition l'éveilla en cette-ci; d'autant qu'elle considéra
-que ce jeune homme avoit un beau chausse-pied de mariage, qui seroit
-cause qu'étant mariée à lui, elle passeroit devant ses soeurs: parquoi y
-pensant, elle consentit au mariage tant desiré par le jeune homme. Ils
-furent donc mariés, aux us & coutumes du pays. Ainsi que le prêtre leur
-dit, (j'y étois) & leur acheva ainsi la benoîte cérémonie: vous, Claude,
-vous promettez-bien aimer Marie: Marie, au cas semblable, gouvernerez
-bien votre mari Claude autant sain que malade, &c. Cela promis, la belle
-emmena son jeune mari en sa maison, où elle lui fit bonne chere; puis
-ils coucherent ensemble au même lit, où le bon homme lui avoit épousseté
-son cas. Le jeune compagnon n'eut pas la patience d'attendre; mais se
-juche sur elle, qui se trouve scandalisée de cette façon. Quoi,
-dit-elle, me voulez-vous outrager? Etes-vous fou ou enragé! Je veux vous
-faire comme votre défunt mari faisoit. Il ne faisoit pas ainsi; il
-prenoit ces époussettes, & m'en époussetoit mon engin; il ne me fouloit
-pas comme vous faites; il passoit & repassoit ces époussettes sur la
-prée de ce petit fossé, que j'ai contre-bas. Vraiment, c'est cela.
-Laissez-moi faire, je l'entends mieux que lui; il n'étoit pas clerc.
-Elle s'y accorda; & comme elle sentit l'embouchement entre les
-hipocondres, chose qui lui étoit toute nouvelle; hélas! crie-t-elle, mon
-ami, pensant aux époussettes, je crois que vous avez mis le manche
-dedans. Voilà comment il l'accommoda, & s'en vanta. Et toutefois il
-n'étoit pas si bon compagnon qu'il se disoit; je le sus de la femme de
-chambre, qui ouit le discours & les effets. Je lut demandai s'il étoit
-vrai qu'il eût frétillé-naturé sa femme neuf fois, comme il se vantoit.
-Elle, se moquant, secoua la tête, me disant: je voudrois avoir ce qu'il
-s'en faut. Depuis cette fortune, la demoiselle s'est reconnue, & n'a
-plus été si niaise. De fait, on m'a assuré que, comme les autres, elle
-aimoit mieux un vit au poing, qu'un bourdon sur l'épaule.
-
-ANDOCIDES. Pendant que nous sommes aux noces, demeurons-y.
-
-
-
-
-COUVENT.
-
-
-XXXIV. J'eusse oublié ceci, si je n'y eusse pensé. La bonne femme la
-Baudouin marioit sa fille; & l'ayant fiancée, vint au soir le notaire
-qui avoit passé le contrat, qui disoit que tout étoit bien. Mais,
-dit-elle, il faut des bans; je vous prie me les écrire. Il faut parler
-au clerc. Julian mon ami, puisque monsieur le notaire le veut, écrivez,
-je vous prie, qu'il y a promesse de mariage entre Pierre du Pin, & la
-fille de chez nous. Ce gars écrivit ce qu'elle dit, & le lui bailla.
-Elle porta son fait au curé, qui le mit en sa ceinture. Le dimanche au
-matin, publiant ces bans, il dit: il y a promesse de mariage entre
-Pierre du Pin, & la fille de chez nous. O, ho! si est-ce, par saint
-Jean, qu'il n'y en a point! Chacun s'en rioit, comme on fait au
-conclave, quand on a élu un pape.
-
-GRATIAN. Je les vis fiancer, ainsi que le curé les eut fait toucher en
-la main, il prit un verre & fit boire le fiancé. Or ce fiancé avoit eu
-la fievre, qui lui avoit chié au bec, si que sa bouche étoit un peu
-galeuse. Le fiancé ayant bu, le curé présenta ce verre à la fille, qui,
-le tenant, jetta ce qui étoit dedans, & le tourna. Quoi! dit le curé, ma
-mie, vous ne voulez pas boire? C'est votre grace, monsieur: mais s'il
-vous plaît, donnez-m'en deux doigts dans le cul. Elle entendoit le cul
-du verre.
-
-L'AUTRE. Un jour j'étois aux noces vis-à-vis du curé, qui étoit près de
-la mariée, laquelle avoit eu de l'usance qu'elle avoit usée. Je lui
-donnai un croupion qu'elle voulut saucer; & ne trouvant rien en sa
-sauciere, dit: monsieur le curé, tremperai-je mon cul en votre sauce?
-Trempez, ma mie, trempez. Mais ce curé fut bien trompé.
-
-GRATIAN. Comment?
-
-L'AUTRE. Ce curé étoit amoureux de cette fille, de laquelle il avoit
-pratiqué le mariage, pourvu qu'après il fut reçu à faire avec elle
-choses & autres, selon l'intelligence délectable, à quoi la fille
-s'accorda, & en avertit son mari, afin qu'il ne le trouvât point
-étrange, s'il n'y remédioit. Sur cette promesse, le mariage fut fait; &
-le mignon de curé s'attendoit de faire goûter à la jeune femme de son
-fruit de cas-pendu. (Cas-pendu est le cas qui pend; les pommes qui ont
-des pendans sont pommes de cas-pendu; & telles sont les pendiloches
-naturelles des hommes.
-
-HORACE. Vous faites une équivoque trop dissemblable; je vous entends
-bien. Les pendilloires ne sont pas pommes, d'autant qu'elles ont mieux
-la figure de prunes; & de fait il y paroît, parce que notre jardinier en
-disoit, les nomcupant naïvement. Mademoiselle étant venue au jardin, &
-arraisonnant le Jardinier, vit en un prunier de ces prunes qu'on appelle
-_billons d'âne_. Jardinier, donnez-moi de ces prunes. Il faut que vous
-en ayez, mademoiselle; je m'en vais appeller mon fils; je ne suis pas
-assez fort. O Jean! ô viens vîtement donner ici une secouée de couillons
-à mademoiselle. Achevez, s'il vous plaît.)
-
-L'AUTRE. Monsieur l'amoureux poursuivit son instance. La jeune mariée,
-qui, comme toutes nouvelles jeunes femmes font, aimoit son mari encore
-pour le bien & aise qu'elle avoit eu d'avoir été accomplie, ne faisoit
-guères d'état de messire Jean, principalement ayant eu l'argent qu'elle
-prétendoit. C'étoit autant de vinette cueillie. Un jour qu'il la trouva,
-il lui dit: sais-tu pas bien que tu m'as promis? Et quoi? De mettre un
-de mes membres dans un des tiens. Je le veux, monsieur le curé, mettez
-donc votre nez en mon cul, ainsi vous boucherez trois pertuis d'une
-cheville. Les petits menus propos lui donnoient espérance que bientôt il
-l'émouveroit toute vive, par ainsi il se rendoit plus privé & importun,
-dont la jeune femme se voulut défaire moyennant le complot pris avec son
-mari, qui fit semblant d'aller aux champs. Par ainsi, monsieur le curé
-qui alloit & venoit pour rencontrer la belle, eut assignation de venir
-au soir. Sur la brune venant, voici mon curé qui vint; comme elle le
-vit: helas! dit-elle, personne ne vous a-t-il vu? J'en suis toute
-tremblante. Ma mie tout ira bien, assurez-vous. Et bien, monsieur, vous
-soyez le bien venu. Tâtons au vin: non, pas encore, Françoise ma mie,
-tâtons à autre chose avant. Vraiment, vous avez grand hâte, si votre
-fosset est fait, la piece n'est pas perçée. Attendez que nous soyons
-couchés, vous aurez assez de quoi vous embesogner; je vous baillerez un
-petit endroit, où il y a plus à travailler, qu'il n'y a à moudre en
-quatre septier de bled. Soupons vîtement, puis, nous nous coucherons.
-Cependant il déroba quelques baisers, qu'il furta tandis qu'elle apprêta
-tout. Ils se hâterent de souper, puis elle dit: là, couchons-nous; c'est
-assez friponner sur la viande morte, c'est trop languir. Jamais le
-mignon ne se trouva si aise. Il se jetta bientôt au lit, & elle, presque
-toute nue, faisoit mine d'aller éteindre la chandelle; & musoit un peu,
-& il lui disoit: _Françoise, vien tôt, voici Jacquemart de bandeliroide
-qui vous attend, c'est Perrin boutte-avant, venez tôt, il est fort comme
-un os; venez qu'il vous serve._ Elle approche comme pour se jetter au
-lit, n'ayant plus que sa chemise: ho, dit-elle, je m'en vais ôter ma
-chemise, mais aussi vous ôterez la vôtre, je ne la pourrois souffrir. Il
-l'ôte, puis elle lui dit: je vais éteindre la chandelle, tendez-moi la
-main pour vous trouver. Elle faisoit de l'interdite, semblant d'ôter sa
-chemise, une manche, puis l'autre: foin des puces, bran elles me
-mangeront. Le drôle prenoit plaisir à la lueur de la chandelle, de voir
-ces mysteres qui avoient bonne grace; mais voici bien du changement.
-Ainsi que déja cette chemise passoit par-dessus la tête, qu'il voyoit un
-beau tableau, on heurta à la porte assez épouventablement. Lors elle
-comme surprise: hélas! monsieur, où vous mettrez-vous? Je suis perdue.
-D'autre côté, on frappoit, disant: ouvre-moi, Françoise, ouvre vîtement,
-je suis mort; je te prie, ouvre vîte. Elle crioit: mon mari je me leve
-en si grand hâte, que je ne sais ce que je fais. Cependant elle aidoit
-au curé à monter sur un travers, où les poules nichoient. Cela fait,
-comme toute hors de soi, elle vint ouvrir la porte à son mari & lui dit:
-& où allez-vous si tard? Il est belle heure de venir. Ha! ma mie,
-excuse-moi, je suis mort. Ne te fâche point: tu ne me verras plus
-guerre; je me meurs, envoie quérir monsieur le curé que je me confesse.
-Il se tenoit le ventre auprès du feu, comme s'il eût eu la colique, &
-faisoit semblant par fois de s'évanouir. Il fait appeller des voisins à
-l'aide, qui s'assemblent à le reconforter & le mettre sur un lit à
-terre. Mais il ne faisoit plus que soupirer & dire: jamais, jamais! Hé,
-compere, prenez courage. Jamais. Ce ne sera rien: or sus, mon ami, là,
-aidez-vous. Jamais. Il faut voir monsieur le curé. Jamais. Il vous dira
-quelque bonne parole. Jamais. Encore ne faut-il pas se laisser ainsi
-aller. Jamais. Il semble que vous ne nous connoissiez point. Jamais.
-Voilà mon compere cettui-ci, mon cousin cettui-là, qui vous sont venus
-voir. Jamais. Quand presque toute la paroisse fut assemblée, & que l'on
-lui va dire: or ça compere, debout, allons au lit; vous y serez mieux.
-Et bien que vous faut-il? Adonc, jettant les yeux & dressant la main
-vers le curé, il va dire: jamais je ne vis un tel Jean avec mes poules.
-Adonc monsieur le curé de se trémousser; & lors les destinés à faire
-fouetterie lui aiderent à descendre, & le singlerent à droite & à
-gauche, sans faire semblant de le connoître. Quelle loi, _canis_! Là,
-là, disoient les femmes, fessez, fessez, c'est le foulon. Tels sont les
-esprits familiers, incubes, sucubes & fées, qui, en phantômes
-domestiques, trompent hommes & femmes. Flanquez-lui ces nerfs de boeufs
-autour des échines, tant que la peau lui parte.
-
-
-
-
-APOSTILLES.
-
-
-XXXV. HORACE. Ces femmes disoient tout outre, comme frere Orimont qui
-prêchoit durant les états, se mettant en colere contre les usuriers:
-sur-tout il raconta que les diables les tenoient en enfer, où ils les
-flagelloient, les sanglant avec de grands vits de boeuf. Après le
-sermon, quelqu'un lui remontra; & sur cette remontrance, il nous
-enseigna qu'il y avoit deux temps, qu'il falloit tout nommer par son
-nom, ou que l'on avoit congé de tout dire; en innocence, & en colere.
-Ainsi, nous, ajoûta-t-il, qui sommes en chaire, en vraie innocence,
-laquelle nous fait venir la sainte colere, ne péchons point, si nous
-disons ce qui seroit interdit à un autre. Ainsi devons-nous parler
-naïvement, afin de ne causer aucun doute. Savez-vous pas bien que la
-honte est signe de péché? Or nous, qui n'avons pas envie de pécher, si
-ce n'est à bon escient, avons occasion, liberté & science de tout dire
-explicablement; & puis si nous, plein de protection formelle, déguisons
-les matieres, on ne croiroit plus; on dira que nous sommes menteurs.
-Voudriez-vous que je die, comme les femmes de Blois, v, i, t, pied; c,
-o, n, pantoufle? Que si en choses connues de vulgaire, nous apportions
-du déguisement, que ferions-nous ès inconvéniens & contingences de
-conséquence.
-
-CALIGULA. Le grand cordelier de Poitiers étoit donc en colere ou en
-innocence, quand prêchant les regrets de la mort de l'un de leurs
-confreres qui avoit été pendu à Vendôme, disoit aux dames en pleine
-chaire: voyez, mes dames, comme vos bons peres spirituels sont
-accoûtrés. Et faisant geste d'un homme bien fâché, y ajoutoit une
-mystique démonstration, mettant la main gauche à la jointure du bras
-droit, qu'il démenoit comme un encensoir, soupirant disoit, faisant
-cette question en complainte plusieurs fois: il m'en pend autant, mes
-dames; il m'en pend autant.
-
-TOSTAT. Je le connois ce bon frere. Il aide volontiers de sa faveur à
-ceux qui vont aux ordres. Et de fait, un jour qu'un jeune clerc se
-présentoit, monsieur le grand-vicaire, qui n'est pas plus habile que
-l'évêque, (aussi ce seroit honte) vint pour l'interroger; & ouvrant le
-livre, trouve: _angelus tenebat thuribulum_. Or ça, dit-il à ce clerc,
-qu'est-ce à dire _thuribulum_? Le voilà surpris: il cherche en son
-cerveau, si l'esprit lui suggérera quelque réponse. Maître Robert, qui
-étoit derrière le grand vicaire, faisoit signe du bras à ce répondant, &
-lui faisoit le même mystere que le cordelier. Le clerc considéroit
-fermement, & voyoit bien que ce maître lui faisoit signe comme les
-enfans de choeur à Paris; mais il ne pouvoit bien deviner. Le docteur le
-pressant, enfin il va répondre selon l'apparence du signe: _thuribulum_,
-c'est-à-dire, un vit de mulet, monsieur.
-
-CARLOSTADE. Mon compagnon ne répondit gueres mieux que moi, quand nous
-allâmes nous faire exorciser avec Malo. On demande à Liset, sur ce
-texte, _quidem habebat villicum_: qu'est-ce à dire _villicum_? Il répéta
-le texte; puis ayant pensé que c'étoit à dire chose, & qu'il le falloit
-dire honnêtement, & que possible le texte parloit d'un adultere, se
-ramentevant que c'étoit, selon Bocace, mettre le diable en enfer; plein
-de belles résolutions, & pensant aviser les autres d'une science
-profonde: dit: _dicam, domine_. Là donc, dites, dites; qu'est-ce à dire?
-_Habebat villicum_, c'est-à-dire, il avoit le diable au corps.
-
-BEZE. Si je n'avois peur de blasphémer, je dirois quelque chose de cinq
-religieuses qui furent baillées à gouverner à frere Notonville, qui les
-engrossa toutes. Comme on l'en tançoit, il dit: _quinque_, &c. tu m'as
-baillé cinq talens; j'en ai gagné cinq autres. Or sus, n'en parlons
-plus; nous serions ici meshui. Sur quoi étions-nous?
-
-ASCLÉPIADES. Nous étions sur celles qui le font à petit semblant.
-
-
-_Fin du Tome second._
-
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by
-François Béroalde de Verville
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 ***
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-
diff --git a/57879-h/57879-h.htm b/57879-h/57879-h.htm
index 501f13d..f6b131e 100644
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@@ -50,44 +50,7 @@ div.break { margin-top: 4em; }
<body>
-<pre>
-
-The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by
-François Béroalde de Verville
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-Title: Le moyen de parvenir, tome 2/3
-
-Author: François Béroalde de Verville
-
-Release Date: September 9, 2018 [EBook #57879]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
-Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
-(This book was produced from scanned images of public
-domain material from the Google Books project.)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
+<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57879 ***</div>
<h1><span class="xsmall">LE</span><br/>
<b class="g large">MOYEN</b><br/>
@@ -5608,382 +5571,7 @@ parlons plus; nous serions ici meshui. Sur quoi étions-nous?</p>
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by
-François Béroalde de Verville
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 ***
-
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