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| author | nfenwick <nfenwick@pglaf.org> | 2025-02-08 09:57:20 -0800 |
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Sermon du curé de +Busançois, divisé en trois points. + +_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7. + +_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10. + +III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie: +_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni +raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni +raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes +ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un +prêtre, &c. + +_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14. + +_Conte de la malvoisie_, p. 16. + +_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19. + +IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre +d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du +linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un +besacier, l'autre pour l'avoir rebuté. + +_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20. + +_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24. + +_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23. + +_Propos de pisseurs_, p. 28. + +V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué. +Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que +celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule. +Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la +sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_, +que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style +des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y +avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à +faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il +demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du +chose. La section finit par une question, dont le titre de la section +suivante fait la réponse. + +_Aventure de Platon & de Prédicat_, page 30. + +_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32. + +_Plaisante origine des minimes_, p. 34. + +_Description élégante de la sphere_, p. 35. + +_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37. + +_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37. + +_Question d'une chambriere_, p. 38. + +VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou +de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par +les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape, +qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les +femmes Allemandes de ce temps-là , & qui pourroit très-bien convenir aux +femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent +leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a +bon coeur, qu'il mange de la merde_. + +_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42. + +_Changemens de noms_, p. 44. + +_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45. + +VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie +noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves +semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois +tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme +dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf +ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre. + +_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47. + +_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48. + +_Obstination d'un marinier_, p. 49. + +_Disputes de deux maquerelles_, p. 50. + +VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les +distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du +désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit +le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de +continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou +trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des +véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison. +Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos +facétieux. + +_Lamentation de putain_, p. 51. + +_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52. + +_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53. + +_La couture des mâles & femelles_, p. 54. + +_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin. +p. 63. + +_Propreté des femmes_, p. 57. + +_Caractere des moines_, p. 58. + +IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section, +toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer +que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI, +tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le +bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la +vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le +conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire +contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du +livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete. + +_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60. + +_Expérience de Sculpture_, p. 63. + +_Conte du médecin_, p. 65. + +_Mot à double entente_, p. 67. + +X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa +liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine +du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des +convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin, +rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté +sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se +fendre la bouche. + +_Le revenant_, p. 71. + +_Conte du sac du bon homme_, p. 72. + +_Réponse humble d'un valet_, p. 73. + +_Propos naïf d'une fille_, p. 75. + +XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre. +Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de +l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée. +Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots. + +XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation +sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames. +Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet. +Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur +les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure, +& de la naïveté du procureur avec son écritoire. + +_Conte du bonnet tombé_, p. 83. + +_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85. + +_Conte du moulin à barbe_, p. 87. + +_Chanoine pris par son propos_, p. 88. + +_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89. + +XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des +prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient +accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont +il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de +papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_. + +_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93. + +_Le jeune homme en couche_, p. 93. + +_Quiproquo d'un domestique_, p. 94. + +_Nom tronqué_, p. 95. + +_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95. + +_Plaisant jugement_, p. 96. + +_Description du pays de papimanie_, p. 99. + +XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan & +Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre +contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos +passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité, +& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux, +les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse +attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre +supérieure du mari par l'autre. + +_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100. + +_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104. + +_Les beaux sont les gros_, p. 105. + +XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui +mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant +être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere. + +_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108. + +XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un +sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un +moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose +qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise. +Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres +intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens +qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé +un cocu. Maniere d'être poussé. + +_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110. + +_Conte du moine & des voleurs_, p. 110. + +_Conte du fagot_, p. 112. + +_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113. + +_Secret pour être poussé_, p. 116. + +XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue; +cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas +putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du +paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon +subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur +du terme de chausse-pied de mariage. + +_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117. + +_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120. + +_Confession d'une femme_, p. 121. + +_Bon avis d'un galant homme_, p. 124. + +XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les +cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le +cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il +s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait. + +_Conte des hommes vissés_, p. 124. + +_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130. + +XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit +ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend & +continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame +l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames +de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On +dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.) + +_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134. + +_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137. + +XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de +ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si +libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre +remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours +_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.) + +_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145. + +_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146. + +XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers & +conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in +illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit, +pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes. + +_La ville de Lubec_, p. 148. + +XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin +prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris +dont les enfans ont cheveux de deux couleurs. + +_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155. + +XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée +de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont +injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c. +&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre +la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_. +Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une +réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_. + +_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163. + +_Conte de la fesse tondue_, p. 162. + +_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168. + +_Le Chanoine dupe_, p. 170. + +XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent +sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut +toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux +miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre +ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet; +dissertation sur l'origine des mitres. + +XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double +linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de +Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en +sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison. +Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu +autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il +faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou, +deux moines. + +_Conte d'un page attrapé_, page 177. + +_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180. + +_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192. + +XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met +dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux +moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis +à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se +reprend & se termine. + +_Musique d'un moine_, page 188. + +_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191. + +_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189. + +XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de +gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a +crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie +naturelle d'une présidente. + +_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194. + +_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198. + +_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198. + +XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église, +diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier. +Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des +religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est +que femmes pour bien juger des choses. + +_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200. + +_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203. + +_Conte sur le mot groseille_, p. 204. + +_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205. + +XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa +stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon. +Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé & +inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de +femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la +preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures +vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces. +Façon d'un curé d'imposer silence. + +_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209. + +_La confession sincere_, page 214. + +_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218. + +XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son +prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des +charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle. +Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque +chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale +furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle. + +_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220. + +_Conte du chaudron_, p. 223. + +_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228. + +XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de +l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un +appareil mis sur une blessure. + +_Le cheval de Rabelais_, p. 229. + +_Conte du mulet_, p. 231. + +XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie. +Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence +de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques +chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de +la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne +& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines. + +_Le ministre en cave_, p. 238. + +_Franchise d'un hôtelier_, p. 242. + +_La huguenote en colere_, p. 244. + +XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une +femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans +ses souhaits. + +_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251. + +_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255. + +XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées. +Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des +prunes. + +_Bans publiés_, p. 256. + +_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259. + +_Le jardinier & les prunes_, p. 258. + +XXXV. Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_. +Quelques explications de phrases latines. + +_Le conte de_ thuribulum, p. 266. + + + + +LE + +MOYEN + +DE + +PARVENIR. + + + + +PARLEMENT. + + +I. Je sais qu'il y a un autre univers que Dieu a fait. Mais nous; _id +est_, nos peres, les hommes & femmes, en avons fait un autre plus +accompli, si Aristote dit vrai. Ne dit-il pas que les femmes sont plus +parfaites que les filles, parce qu'elles sont dépucelées, & qu'ainsi +elles ont une forme acquise plus notable & excellente qu'auparavant? +Dieu fit la fille, & l'homme l'a faite femme. Hé bien, voilà pas les +hommes qui font bien des choses plus accomplies? Ainsi est-il du monde +de piperie plus accord, plus joli, plus parfait, plus délicat, & mieux +sentant son bien que le premier. Et qu'y a-t-il de remarquable? Une +quintessence céleste, direz-vous. Vraiment, vous avez raison, votre âne +pette, & au nôtre qu'y a-t-il? Quoi, qué, qué? Une quintessence plus +profitable, plus pénétrante, plus glorieuse, plus intelligible & plus +vivifiante: les sages & les parvenans l'ont reconnue, & l'ont apprise à +plusieurs. Ceux qui ont été plus subtils, & ont reconnu les quatre +élémens de piperie, extraits ainsi de la supposition ecclésiastique, +judiciaire, médecinale & trafiquante, ont tâché à y entrer pour +parvenir: aussi n'y a-t-il point d'autres moyens à cet effet, outre +ceux-ci, qu'un qui est la vraie quintessence, selon laquelle plus +aisément, & avec moins de peine, on gagne davantage; ayant plus loisir & +plus grand profit. Et c'est ceci qui se remarque en tous ordres, où le +moyen de parvenir est proposé, auquel, comme en toutes vacations, ceux +qui font le plus de bruit, ont le plus de soin & de peine; s'avançant en +plus de travail, gagnent le moins: & par conséquent ceux qui sont les +plus accommodés ont moins de sollicitude, & avec moins de difficultés +emportent plus de profit. Ceci observé de siecle en siecle, parce que +les vignerons ne boivent pas le bon vin, les miniers ne possedent gueres +d'or, encore qu'ils le serrent en grands labeurs, sans que pour le +préparer, il leur demeure ès mains. Il n'y a que maquereaux pour être +aisé, d'autant qu'ils entendent aussi les matieres. Le grand Alexandre +n'avança jamais qu'un voleur, un maquereau & un traître. O belle chose à +imiter! Là , là , passez & touchez; (votre âne a pissé) il est avenu que +les gens de bon esprit ont traité la quintessence, non comme ces tristes +enfumés, qui le plus souvent ont plus de trébillons que de testons, +desquels le cul paroît pour mieux souffler; mais en habiles, savans & +industrieux attrapeurs de commodités. Et de fait, ils l'ont trouvée, à +savoir ès finances, où se pratique, non par transpiration imperceptible, +mais par emplissement naturel, le plus saint, magnifique & commode +secret d'amasser. Le diantre y ait part, j'ai été de tous les honnêtes +métiers du monde, hormis de cettui-là , & professeur en folie. De venir +aux finances, il n'y a plus moyen à ceux qui ne les pratiquent d'heure. +Quant à l'autre, j'étois hier en pensée de m'y faire passer maître, +comme un de vous autres; mais encore qu'il n'y ait personne, qui eût +plus d'envie d'être fou que lui, parce qu'aux fous tout est permis pour +rire; si ai-je quelqu'honneur qui m'en empêche: aussi n'oserois-je +sauter ce bâton de peur de perdre les bonnes graces de ma maîtresse. +Toutefois je vous proteste que, s'il y avoit autant d'honneur qu'aux +folies d'être chancelier ou premier président, ou de telle autre qualité +de fous qui foussoient les autres fous, il n'y auroit gueres de bons +esprits qui ne fissent paroître que, _quisque abundat in suo sensu_, +c'est-à -dire, chacun est, sera, ou est dit, ou deviendra, s'il ne l'est, +fou par la tête. Or notez, amiables freres, & dressez les oreilles, +comme la queue d'une vache qui mouche, que je vous ai déclaré la vraie +matiere, & la juste quintessence, dont le magnifique usage est tel, que +l'on vient, en l'obtenant, à bout de toutes entreprises; on l'obtient, +en l'ayant, ce qu'on pourchasse; & on fait ce qu'on veut. Parquoi, vous +avez en somme succintement tout du long, proportionnément au petit pied, +& sans allégories, les élémens, principes, fondemens, raisons, +résolutions, évidences, puissances & causes de parvenir tout du long, à +l'usage de Genève, imprimé à Rome, & sans rien requérir, comme une +quille de beurre frais. + +BIAS. Vous ne faites que parler de parvenir, sans possible en savoir la +pratique, à quoi peut-être vous êtes stilé, comme un âne à jouer du +flageolet. Voudriez-vous bien dire que vous l'eussiez de la sorte que je +l'ai, qui porte tout mon avoir avec moi, de peur d'avoir bien faute de +poux; & qui sais, comme me le font accroire ces Crisotechnes, cette +belle science qui rend riches? + +L'AUTRE. Je me suis tant amusé à vos fadaises de sagesse étant jeune, +que j'ai laissé passer les oiseaux. Par mon serment, si jamais la paix +est faite, j'irai à la guerre aussi-bien que les autres. Croyez que, si +j'eusse su maintenant, je fusse dedans; & à cette heure que je sais le +secret, on se défie de moi. Que male foire embrene le nez de ceux qui +m'ont fait perdre le temps; que cent coups de cornes au cul leur +déchirent le fondement; que puissent-ils devenir cocus, après le trépas +de leurs femmes de bien. Je gage que vous ne savez ce que je veux dire; +[ni moi aussi, dit Chipon, quand il perdit le manteau de son maître. Je +gage, dit ce seigneur, que ce coquin a perdu mon manteau. Gagez, +monsieur, vous gagnerez. Le paillard l'avoit détourné, pour s'en +approprier. + +LYCURGUS. Ce fut un moyen de parvenir.] Voilà , il y en a qui parviennent +diversement; les uns, sans y penser; les autres, par artifice; aucuns, +par danger; quelques-uns, rencontrant d'un en cherchant d'autre; aucuns, +courant comme ils attrapent quelques autres en dépit d'eux; & s'en faut +rapporter aux exemples, ainsi qu'une truie qui avorte. + +BODIN. Voilà de belles maximes, & desquelles je pourrois tirer beaucoup +de science; j'éplucherons, en passant, ceux qui parviennent. + + + + +VERSET. + + +II. Il y en a infinis qui ne savent pas leurs élémens; & s'ils les +savent, c'est par grand pitié de hazard & routine, & trop souvent par +fausse entente, ainsi qu'il avint à Quenaut, qui se promenant un jour +vers le colombier, & voulant passer une haie pour aller au travers, il +coupa une branche avec son outil, qui lui échappa dans l'enclos du +jardin. Là étoit le maître du jardin avec sa femme de par le diable. + +PINAUT. Qu'est-ce à dire? + +CHILO. Que d'interruptions! Voilà grand cas qu'il faut passer jusques en +Grece, pour savoir _sa femme de par le diable_. C'est-à -dire, sa garce +en françois, comme si vous disiez une femme de prêtre en révérence. Les +gens du monde, les gens du siecle sont mariés de par dieu; & ont des +enfans de par dieu; & les autres en ont de même, mais c'est de par le +diable, qui sera le ménestrier à vos dernieres noces. La sienne étant +donc avec lui & ses enfans, Thibaut, son gendre, qui avoit épousé sa +plus grande fille, qui étoit belle & désirable, comme un jeune cheval +qui sort d'apprentissage, ils devisoient se devisant près la peinte +archidiaconalement. Quenaut, qui ne savoit rien de cette compagnie, +parloit assez haut, répondant à son compagnon, qui lui reprochoit sa +longue demeure, & s'il avoit repris sa serpe, & disoit: je l'aurai, je +la vois. Thibaut, qui ouit ces mots, croyant qu'on parloit de sa femme, +qui peut-être aimoit l'amble, (comme étant de nos soeurs, dieu merci, & +vous qui a fille de femme de plaisir) tout en colere, vint vers le lieu +où il oyoit cette voix, & faisant le fendant, répond: toi, tu l'auras, +toi, pance de boeuf? Non, auras pargoi. Si aurai, dit Quenaut. Tu auras +menti, par la double tigne qui te puisse coëffer. Mais toi, ou le diable +t'emportera. J'ai bonne épée. Si ai bien moi. Sur ces propos, Quenaut +s'avançant, vit Thibaut, lui dit: que diable tu te fais de peine! Et que +te faut-il de tant jurer pour ma serpe qui est chute en ton jardin? Je +te fais grand tort de la vouloir ravoir? Si j'ai fait dommage, +demande-le moi, ou sors & nous battons. Je ne te demande que ma serpe; +que prétends-tu? L'autre l'oyant lui dit: prends-là , si tu veux; qui +t'en empêche? Tu as peut-être tant bu, que tu es fâché d'autre chose. +Voilà comme ils parvenoient tous deux. + +CLEOBULE. Vous impliquez contrariété. Nous n'aurons meshui fait. Cette +canaille de sages nous fera devenir fous. Au diable l'importunité de ces +pédans. Je suis perdu, puisque vous en venez-là . Si est-ce que je crois +que je suis homme, si ceux qui sont faits comme moi le sont; encore ne +sais-je si je suis mâle ou femelle. S'il n'y a un autre devant moi, & +qu'en tâtant, je compare pour savoir ce qui en est, & lors me trouvant +gros de résolution, parce qu'elle n'appartient à autre animal, je vous +dirai des choses que vous ni moi n'entendons, ni entendrons, ni n'avons +entendus; ou je me tairai, comme fit le Curé du Busançois, qui dit: je +vous prêcherois aujourd'hui; mais nous n'avons pas le loisir. Toutefois +je vous dirai un bout de sermon, que nous diviserons en trois parties. +La premiere, je l'entends & vous ne l'entendez pas. La seconde, vous +l'entendez, & je ne l'entends pas. La troisieme, ni vous, ni moi ne +l'entendons. La premiere, que j'entends, & vous n'entendez pas, c'est +que vous fassiez rebâtir le presbytere. La seconde que vous entendez & +que je n'entends pas, c'est que vous entendez que je chasse ma +chambriere, & je ne l'entends pas. La troisieme, que vous ni moi +n'entendons pas, est l'Evangile d'aujourd'hui; parquoi, n'en disons mot. +Adieu. + +PITTACUS. Que direz-vous? + +CLEOBULUS. Je vous dirai vos vérités malicieuses, si je parle; & si je +me tais, je ferai démonstration que vous n'êtes que pleins de vent & de +néant. + +PITHOU. Quant à moi, voyant bien que vous me voulez donner le trait pour +vous piquer, je vous déclare que je ne sais rien que tout le monde ne +sache, ou pis; aussi je me contregarde si bien, que je n'offense que +Dieu & le monde. Et si je vous dirai que je ne peche que par plaisir; +c'est que je suis amoureux des femmes & des filles. Ce que j'en fais, +c'est pour naturaliser & parfaire les symboles d'éternité, n'y ayant +plaisir au monde semblable à celui de la chouserie: foin, de par le +diantre, foin. + +PELICIER. Ne le flattez point; nommez le diable tout-à -fait. + + + + +JAMAIS. + + +III. Jamais ces gens, qui font tant la petite bouche, ne furent +qu'hipocrites. Ils jurent _par ma finte_; ils n'osent proférer le +mauvais; ils ne savent dire les choses par leur nom: & cependant leur +coeur est plein de déception & tromperie, d'autant que leur ame +symbolise à leur bouche, Tu... + +GAZA. Bien donc, là , ne nous détournez plus, & n'en parlons plus, de par +le diable, sans blasphêmer. Bran, vous n'en faites que causer, c'est +assez. Pourquoi? + +QUELQU'UN. Parce que l'on fait des réponses qui ne sont pas bonnes. +Pensez la belle chose que c'est, de mettre des ignorans au rang des +doctes. C'est pour avoir de belles interprétations. Si je n'avois peur +d'être cause que plusieurs blasphêmeroient, je vous conterois une +infinité d'interprétations que les Cordeliers m'ont apprises. Or, bien +que nous fassions ici mine de rire, si le disons-nous à la honte de ces +dépouilleurs d'andouilles pour les nettoyer, & qui nous voudroient +reprendre, encore que toute leur vie soit confite d'actions impudentes. +Vous, Prélats, qui voyez comme nous faisons ici les fous en découvrant +les folies, faites-les cesser, corrigez les fautes, détournez les +impiétés, ôtez les mauvaises coutumes, minez l'ignorance; & les oeuvres +d'icelle s'écouleront. Sachez que ce volume est fait pour vous jetter la +paille en l'oeil, afin que vous abbatiez la simonie. Hé bien! +diront-ils, on ne baillera plus d'argent pour les bénéfices; on +n'entendra plus les écritures. Ce n'est pas-là le mal; il faut faire des +prêtres, qui ne prennent point d'argent, pour distribuer les sacremens, +& autres opérations ecclésiastiques. + +SOCRATE. Or là , fendez, frappez, tirez, faites de belles défonçades +d'entendement; il n'y a plus moyen de vous tenir. Cent mille petits +diablotins de deçà & delà les monts, qui vous extravaguent, vous +puissent casser des noix; que la gorge vous coupe le cou, il n'y a ni +rime ni raison en votre fait. + +LERI. J'aimerois autant les habitans de Versoi, du temps que la parole +étoit de l'Evangile, lesquels avoient un Ministre, qui sans cesse leur +reprochoit leur ignorance & indécence de moeurs, leur reprochant qu'il +n'y avoit ni rime ni raison en leurs affaires; & si souvent leur tint +ces propos, qu'il en devint fâcheux; tellement que la visitation étant, +ils demanderent un autre pasteur; & ce avec grande instance, disant que +cetui-là leur étoit insupportable. Le Consistoire averti, tant de la +simplicité de ce peuple, que de la façon du Ministre trop rude pour +agréer à ce petit troupeau, leur en adjugea un autre qui fut averti. +Celui-ci les prêcha quelque temps par essai, puis pour l'établir +absolument, il fut question d'assembler les habitans, pour savoir si ce +nouveau venu leur seroit agréable. Ce qu'étant fait, & un de la +compagnie des habitans étant délégué pour parler au Ministre, & lui +faire trouver bon qu'il demeurât, lui dit: Monsieur, vous êtes agréable +à tous nous autres, tant parce que vous êtes bel homme, que +principalement à cause qu'il n'y a ni rime ni raison à tout votre fait. + +L'AUTRE. Ainsi en est-il de ce livre, qui jadis fut fait en belle rime +croisée: mais celui qui l'a transcrit, sans y aviser, mêlant ce qui +étoit deçà & delà , a fait qu'il n'y a ce semble, ni rime ni raison en +apparence, non plus qu'à l'élection d'un Cardinal de ce temps, selon +l'ordre hiérarchique du bon temps, que l'on s'alloit cacher & jetter +dans les puits, de peur de devenir Evêque, pour la peine & labeur qu'il +y a. Qu'ainsi vous en puisse avenir, Monsieur le Commissaire, qui êtes +venu réformer les pavés qui usent trop les souliers. Je m'enquis de +cette histoire du Ministre, passant par-là , d'autant que je ne veux rien +dire, ni présenter, ni ouir, s'il n'est vrai. Si vous vous en souvenez, +Monsieur de Pise, nous allions à une Diete en Suisse; & lors j'étois +avec Mylord Bochow, lequel le Baron de Tierci, parce que _baccon_ à +Genève signifie du _lard_, le nommoit _Monsieur du Lard_? Comme nous +soupions, je donnai à notre Prélat d'alors une tête de poulet; & par +honneur, j'en présente une fendue de même au Baron de Kitblitz, +Allemand, alquemiste. Il me cuida humer la vue avec les yeux, & manger +le blanc du cul, tant il me regarda creux, comme si je l'eusse estimé +sans cervelle. Ce ne fut pas tout. On n'y ose demander de malvoisie; +c'est à propos de la morue rouge d'Ablis. Les femmes des pêcheurs de +Versoi étoient allées à Geneve, (qui est le Paris de ce pays-là ; c'est +pourquoi le Duc de Savoye la voudroit avoir, pour faire le Roi) elles y +avoient porté leur poisson, qu'elles vendirent fort bien; aussi étoit-il +jeûne: & de fait, on s'escrime de jeûnes en ce pays-là avec un bâton à +deux bouts, en disant que de se frotter d'une peau de jambon sans la +savourer, est plus méritoire, que de se crever de poisson. Ces femmes +avoient fait grand gain, parce que déja on surfait la marchandise en ce +pays-là ; & des Allemands avoient acheté leurs denrées à leurs mots à +beaux quarts comptant, sans l'autre monnoye. Cette joie fut cause +qu'elles s'accorderent de bere in peu de malvesia; & allerent en un +cabaret, près la Fusterie, où elles eurent ce qu'elles demanderent pour +de l'argent, (cela s'entend aussi bien qu'à Rome. Qui a nez pour sentir, +qu'il flaire.) Elles s'en trouverent si bien, qu'en cet aise elles +redemanderent de cette bonne liqueur; ce qui fut tant poursuivi, qu'à la +fin, & gain, & fonds, tout y alla; & encore quelque bague d'argent à six +tours demeura pour gage avec les plates. Tant que le bon goût & les +vapeurs durerent, elles ne se soucioient de rien. Ainsi gaies & +gaillardes, elles s'en retournerent. Ayant un peu passé la franchise, & +trouvé un endroit de belle verdure, (c'étoit en été) elles s'aviserent +de dormir un petit, qui dura jusqu'à presque soleil couchant, qu'une se +réveilla qui réveilla les autres. Cette premiere, encore toute étourdie, +avisa une bouteille verte, qu'une d'elles avoit emplie d'huile avant +boire, elle s'écria: _ô di, comera la Guernera, vede; vede vo le gro +lizard ver?_ De cela, les autres épouvantées se leverent; & toutes +ensemble, comme cette-là , à belles pierres, se mirent à lapider cette +bouteille; & la bouteille se cassant, elles disoient, l'oyant casser: +_les ous se cassent_; & puis, l'huile épandue, disoient; _c'est le +velain qu'il rend; vees commi il mode_. Depuis ce temps-là , la malvoisie +a été à si bon marché, que qui en demande à Versoi, en a pour soi & pour +sa chartée de beurre frais. + +CONTERI. J'attendois que vous parleriez de ce petit ruisseau que nous +passâmes avec cette compagnie-là , quand nous y fûmes pour les affaires +des ubiquitaires. Je me souviens qu'ayant passé le pont de beurre, +Curion, notre hôte de Basle, nous fit baisser, pour voir ce ruisseau +tant célebre. (Le seigneur Chevalier, grand Hébreu, & si savant qu'il en +étoit bossu, a mis l'histoire dans le Talmuld, qu'il a revu, quand nous +le faisions imprimer à Basle. Je le vous dirai; aussi-bien il n'y a +personne qui ne le sache; & c'est pour vous montrer que j'ai de +l'esprit, & que je m'entends à l'hébreu, comme une pie à étendre du +beurre frais sur du pain. Quand j'en faisois leçon, cela alloit à la +balance, comme un chat qui pese des doublons en une bouteille. Même, +s'il vous souvient, je le vous dirai en notre langue, pour survenir à +ceux qui n'entendent pas le chrétien. Un jour, pour faire le mignon, +j'avois en l'Eglise mon Pseautier en Hébreu, où je lisois ne plus ne +moins qu'un singe qui épluche des noisettes vertes. Je devois dire la +leçon; je laisse mon livre & m'en vais au lutrin. Si-tôt que je fus +descendu de ma chaire, notre ami Chastin prit mon livre, & l'ouvrit: +mais aussi-tôt il le laissa & se retira de-là , allant se plaindre aux +autres chanoines, que je tenois des livres méchans; que j'étois +magicien: & que je ne portois à l'Eglise que des livres prophanes, comme +une bible, & autres de telle farine. Par dépit, je dirai mon histoire en +langage que tout le monde entendra, s'il s'y connoît: je la dirois bien +tout autrement; mais je n'y entends que le haut Allemand; il est trop +froid; cela ne seroit jamais fait). + + + + +PASSAGE. + + +IV. Es pays d'Alsassie, en un endroit assez beau, [si vous n'y avez été, +cela ne vous servira de rien de vous le décrire, parce que vous n'y +connoîtrez rien; & si vous y avez été, c'est assez, cela vous +importuneroit de le rapporter, sinon allez-y.] Là , les dames sont assez +libres, mais sages; & pour le bien faire paroître, elles ne pissent +qu'une fois la semaine: & c'est au vendredi qu'elles s'assemblent, au +matin, toutes par bandes; ce qu'il fait étrangement beau voir] & selon +leurs dignités, s'en vont en pisserie, comme on va à la foire: de quoi +elles n'ont non plus de honte, que les femmes de bien, qui montrent +l'appanage de leur fessier aux eaux de Pougues. Que c'est que des +coutumes des pays! On ne le trouveroit pas bon ici; & là il est +délectable: ainsi qu'ès villes de Normandie, où plusieurs en leur +pochette gauche portent un mouchoir pour le cul, ainsi qu'en la droite +un pour le nez. Ces femmes étant arrivées au lieu de la pissoire, ou +pissotiere, elles se disposent comme les montagnes d'Angleterre, chacune +où elle est, y gardant dignités, prérogatives & honneurs, ainsi qu'ès +actes publics & notables, ne plus ne moins que se mettent les chevaliers +en leur rang, le jour de leur cérémonie. En cette commodité, +abondamment, joyeusement, & à la copieuse & bénigne décharge des reins, +elles vuident leurs vessies, & pissent tant, que cette riviere en est +faite & continuée; & de-là les Allemans, Flamans & Anglois font venir la +bonne eau, pour faire de la biere, la plus double & du plus haut goût. +Cela est cause que leurs femmes ne les aiment pas tant, qu'elles font +les François, d'autant que ces femmes-là pensent que leurs maris leur +veulent derechef reverser leur urine dans le corps. Que s'il y a des +femmes qui ne savent bien pisser, on les envoie à Genève, d'autant que +là il y a plusieurs belles écoles, où on apprend à pisser & chier en +public & en compagnie, au grand soulagement des honteux, qui là +apprennent à perdre la sotte honte qui resserre le boyau culier. Et je +vous dirai que ce qu'ils font est, parce qu'il n'y a point de moines en +ce pays-là ; & partant point de frocs, & par ainsi point d'instrumens de +deshonterie. On m'a assuré que depuis, ceux d'Amiens en ont dressé de +belles écoles aux Botrues, où l'on fait leçon de chierie. + +DURANTIUS. Vous vous êtes équivoqué, sans faillir; mais vous n'avez pas +commencé à l'origine de cette riviere. Il falloit le dire. Ce que je +vous dirai, tiré du Zohar, que le bon vieillard Postel a traduit, après +qu'il eut conféré avec un juif qui devint chrétien. Après avoir lu cette +histoire, laquelle aussi fit réduire quelques huguenots à se faire +catholiques, aussi-bien que les moines qui s'en firent huguenots; & ce +que ceux-ci en ont fait, est pour se mieux entendre en garces. Quant au +juif, il l'a fait pour avoir congé de manger du lard & du salé, afin de +trouver le vin meilleur. Du temps que les bons hommes [c'est-à -dire non +les minimes, qui sont très-petits; & jamais bonté ne se mit en peu de +lieu] alloient par le monde, [je n'entends pas des faiseurs de mines, +mais des simples & sages] il y eut un saint personnage, qui, passant +chemin, se rencontra à Barace, près de Durtal en Anjou. [Je ne parle pas +de maître Pierre, que le prévôt des maréchaux cherchoit: & l'ayant un +jour rencontré, ne sachant pas que ce fût lui, le laissa, ne le +connoissant point. Avant que le laisser, il lui demanda: qui es-tu? Je +suis un pauvre homme, petit marchand. Comment as-tu nom? Pierre +Chaillou, ou Caillou. D'où es-tu? De Durtal. Où va-tu? A Rochefort. De +quel métier es-tu? Sabotier. Que diable! tu es dur, il ne te faut plus +qu'être vêtu d'une cuirasse, pour t'achever de durcir. + +CALPIN. Comment diriez-vous une _cuirasse_ ou _corselet_ en latin? +C'est, dit frere Jean de Laillée, _durabit_. Or taisez-vous; vous +empêchez l'affaire de ce saint homme. Achevez, monsieur le doguetter.) + +DURANTIUS. Ce personnage s'étant assez reposé sur le bord de la +fontaine, avisa le tard; donc il s'en vint au village, & s'adressa chez +le Page à la dame du logis, priant ladite dame de le loger cette +nuit-là , pour l'honneur de dieu. Elle qui étoit avaricieuse, comme un +financier qui a fait ses affaires, & n'a point d'enfans, s'excusa, & le +pria d'avoir pour agréable son refus, qui ne venoit qu'à cause que son +mari étoit chiche & grondeur. Le bon homme passa outre, & va droit +s'affraper chez la chambriere de Chiquetiere, nommée la Gousson, de +laquelle, lui ayant fait sa requête, il fut reçu fort honorablement, & +bien traité de la pauvre femme, qui le mit en un bon lit, cette bonne +femme. + +ESCHINES. La bonne femme n'est pas encore levée. + +DURANTIUS. Taisez-vous; bran: ces poëtes en veulent toujours aux femmes, +qui les affrontent aussi; & cela leur est employé comme fievre en corps +de moine. Cette bonne femme donc lui avoit fait du mieux qu'elle avoit +pu; & lui, le matin, s'en trouvant bien édifié, étant levé & voulant +partir, lui dit: madame je vous remercie bien humblement de tant de bien +que vous m'avez fait; & vous prie de m'excuser, si vous n'avez autre +paiement de moi. Ho, dit-elle, monsieur, vous avez été le bien venu; & +le serez toutes les fois qu'il vous plaira venir céans. Ce n'est point +l'espoir de paiement qui m'a fait vous recueillir, en cette maison où +vous demeurez, s'il vous plaît, à votre volonté. Je vous ferez au moins +mal que je pourrai, pour l'amitié du maître que vous servez. Madame, je +vous rends graces infinies de tant de biens & d'amitié: je prie le bon +dieu qu'il lui plaise de vous bénir; si que la premiere besogne que vous +ferez aujourd'hui lui soit tant agréable, que ne puissiez tout le jour +faire autre chose. Il partit; & elle, qui n'y pensoit point, l'ayant +recommandé à dieu, se fit apporter un peu de buée qu'elle avoit étendu +le jour précédent, & se mit à ployer son linge; & tant ploya, & encore +tant ploya, que plus elle ployoit, plus il y avoit à ployer & ployer; & +ployoit toujours, tellement qu'elle avoit de grands monceaux de toutes +sortes de linge, qui multiplioit au touchement de ses mains. Par hazard, +celle qui avoit refusé le bon homme, vint quérir quelque chose chez la +Gousson. La voyant empêchée, lui dit: hé bien, ma mie la Gousson, que +faites-vous? Donc elle lui conta toute l'aventure & cause de ce grand +bien. Adoncques l'autre fut bien étonnée & fort triste d'avoir laissé +passer une telle commodité: parquoi, sans faire semblant, elle s'en va, +& puis se mit au chemin où elle pensoit trouver ce personnage; & suivant +par avis son train, ayant su en s'en enquérant, qu'il étoit allé vers +Vieille-ville, elle faisoit mine de cueillir des herbes pour sa vache. +Puis l'ayant apperçu, elle fait de l'étonnée; elle s'approche de lui & +lui dit? monsieur, que je suis aise de vous avoir trouvé! Que +faites-vous ici à vous morfondre? En dà , le bon dieu a bien changé mon +mari; & je ne le savois pas. Quand je lui dis hier que je vous avois +éconduit, il me cuida venir méchef, tant il me tança. Je loue le bon +dieu de son amendement. Je vous prie de ne le prendre point en mauvaise +part; mais de nous faire ce bien de venir ce soir loger chez nous. Bien; +madame, j'irai, quand j'aurai achevé mon service. Il n'y fit faute; & +fut le bien reçu avec joie & grande chere, & traité en apériateur de +commodités. Au matin, se retirant, il fit sa petite excuse à l'usage de +besace; & son hôtesse lui dit: par ma finte, monsieur mon ami, je n'en +voulois rien: pour dieu soit, si dieu plaît, je n'en veux rien. Bien +donques, grand merci madame; je prie dieu que la premiere besogne que +vous ferez aujourd'hui, se continue tant, que ne fassiez autre oeuvre de +tout le jour. Grand merci, monsieur. Elle étoit déja ennuyée qu'il ne se +hâtoit, pour aviser à son fait. Aussi-tôt qu'il eut montré les talons, +elle dit à sa servante: or çà , Marquise, va là -haut quérir ce linge, +j'en aurai aussi-bien que la Gousson. Apporte ces serviettes, ce menu; +que je ploie. La chambriere ayant tout apporté, voilà que le Page +voulant mettre la main à l'oeuvre, s'avisa d'aller pisser, afin de ne se +débaucher point. Ainsi, toute en hâte, elle sort en sa cour, où elle +s'accroupit pour pisser. Mais ce fut ici une efficace terrible, d'autant +qu'elle commença pisserie, qui continua tout le jour. Jan, elle avoit +dit qu'elle auroit force linge; mais elle coula force eau, & fit ce +ruisseau qui passe au pied des Loges, & va jusqu'aux Indes. Ses amies la +venant voir, & la trouvant ainsi distillant le dissolvant philosophique, +lui demandoient: hé quoi, ma commere! Hélas! disoit-elle, hélas!... + +CASSIODORE. Elle leur répondit, comme mon compere Bonin, qui se leva +d'auprès sa dame, & alla pisser par la fenêtre. Il avoit bu, au soir, & +il pleuvoit. Il oyoit l'eau de la goutiere qui tomboit, & il tenoit son +pauvre petit, étant toujours à la fenêtre. Elle lui dit: hoi, Bonin, +aurez-vous tantôt pissé: Je pisserai tant qu'il plaira à dieu. + + + + +GLOSE. + + +V. QUELQU'UN. L'année passée, le petit Travers eut une autre opinion. +Monsieur de Beaumont nous avoit donné à souper, où étoient plusieurs +chantres, qui, ayant trinqué & chanté, voulurent s'en aller, afin de +pisser. Moi qui m'en apperçus, je leur dis: attendons un peu à nous en +aller, & allons pisser. C'est cela, dirent-ils, & chacun se mit à +pisser. Travers avoit pissé, & un autre pissoit d'en-haut. Quoi, lui dit +Multon, frere, tu pisses encore, & tu as remis ton cas! O, ho, se +dit-il, grand merci. Et lui de le reprendre, & le laisser là à l'air +fort long-temps; dont il lui avint un grand inconvénient, c'est que +depuis il fut enrhumé. Et y prennent garde les pisseurs, pour ce qu'à +faute de resserrer son engin, on se morfond en bon escient; ce qui peut +aussi avenir aux femmes, quand elles n'étament pas bien leur cas du +devant de la chemise, afin de lui clorre les mâchoires, de peur que le +vent n'y souffle. + +OVIDE. Il y a trois ans que j'étois à Vezins; & Prédicat étoit avec +vous, & Platon aussi, lequel, au soir, fut laissé avec les demoiselles +faire des anagramatismes; & Prédicat s'en alla coucher: son lit avoit +été préparé en la couchette, fort près de la cheminée. Quelques heures +après, ainsi qu'il dormoit, Platon s'en vint coucher au grand lit, qui +étoit de l'autre côté de la cheminée. Je ne sais s'il avoit bu +_egregiè_, (c'est-à -dire _en Grec_) il se leva d'auprès de moi, la nuit, +pour pisser; & ne trouvant le pot, il alla pour s'évacuer en la +cheminée, ainsi qu'on fait aux hotelleries, sur le chemin de Paris. Il +se fourvoya, prenant le droit pour le côté; & se mit à pisser roide +contre le visage du dormeur, & lui flaquoit des ondes d'urine si fort +sur le minois, qu'il l'éveilla, & fit tousser, comme un boeuf qui avale +une plume. A ce bruit; il eut si belle peur, que si le douzil n'eût +tenu, il l'eût laissé cheoir, tant il eut belles affres, cuidant qu'il y +eût quelque démon dans les briques de la cheminée. En cette émotion +mutuelle, & qu'il étoit tout troublé de reste de sommeil, & l'autre +d'aspersion pissotiere, Platon se retira tout bellement, & s'étant remis +au lit & rassuré, se doutant bien ce qu'il y avoit, demanda: quel bruit +est-ce cela? C'est moi, dit l'autre. Je ne savois rien de cette affaire, +& ne pensant à aucun mal, je lui dis ainsi: je ne sais ce qu'il y a; +mais cet homme est fort troublé. Hélas! oui, dit-il, & d'un nouvel +accident. C'est que j'avois la tête panchée sous la cheminée; & il m'a +plû en la gorge si chaud & si salé, que j'en ai le gosier tout écorché. +Le paillard rioit, en se mordant la langue; & le consoloit, faisant de +l'endormi. Le lendemain, il en fit le conte aux filles, qui en menerent +bien le patient de la pluie salée: mais Platon y perdit, d'autant que, +faisant ce discours devant les dames nos soeurs; Prédicat dit que cette +eau venoit filant douge comme petits filets de soie: de quoi elles +conclurent qu'à mêche si déliée, la chandelle ne devoit guere être +grosse. Il avoit une maîtresse, qui pour cela fut fort dégoûtée de lui, +tellement qu'elle le prit à partie; elle se moquoit de lui, & _le vit +lui pendoit_, lui faisant plusieurs opprobres. Lui pendoit-il comme à +Georges de Boeuf de Chinon, qui, pissant, un jour, contre une muraille, +tenoit son écritoire, _alià s_ la gaine de son couteau, pensant tenir son +fait ou canon à pisser; il pissoit dans ses chausses? + +ANACREON. Si Rolette, chambriere de Maldonar, l'eût tenu, elle se fût +bien moquée de lui. Elle me reprochoit, un jour, que notre bête étoit +bien sotte de ne pouvoir pisser seule: & qu'il la falloit mener par la +main; & que la sienne pissoit sans aide & net, d'autant qu'il se fait un +joli petit pet, & par ainsi le cul souffle les bourriers tout autour. + +VIRGILE. Pourquoi est-ce que l'on pette en pissant? + +AFRODISEE. Hé, pauvres médécins, qui cherchez des causes étrangeres ès +minimes, que je vous plains! Sachez cette maxime; c'est que l'on n'en +peut avoir sans vent. + +L'ESCOT. Il étoit bien besoin que vous parlassiez de messieurs les +minimes. + +AFRODISEE. Foi de nourrice, je ne pensois point à eux; & toutefois je +m'en avise: aussi bien faut-il, par-ci, par-là , ranger ces gens +d'église, desquels si nous ne parlons, il leur semblera avis que nous +les craignons, ou que nous les méprisons comme hérétiques. Mais ce n'est +rien de ceux-ci au prix des capucins & feuillans. Je voudrois, par fin +desir, qu'il n'y eût pas un de ceux qui veulent avec tant de desir +devenir gueux honorables, & gentilshommes coquins, qui n'eût le vit d'or +& le nez d'argent. Mais, se dit le sire du Quesnoi, parlez de qui vous +voudrez; & laissez-là les bons minimes, ayant révérence à l'antiquité. + +PAUL-JOVE. Quelle antiquité! Cet ordre est tout nouveau; je l'ai vu +naître. Il n'est donc pas antique: joint que, pour être antique; il +faudroit qu'il y eût mille ans; ancien, deux cents; vieil, plus de cent +ans. + +CASSIODORE. Ils sont fort anciens, voire plus qu'antiques. Je le sais; +ils sont du temps de la famine universelle, quand l'Egypte avoit seule +de vivres; témoin Joseph, qui, parlant à ses freres, & leur faisant +l'inconnu, leur demanda: _ubi est frater vester minimus?_ où est votre +frere le minime. + +MUNSTER. Tout beau, ne mêlons point le saint avec le profane. + +HIGINUS. Vous le mêlez, comme Boispierre, qui parloit du corps de leur +métropolitaine: lequel avoit une cure à deux lieues de là , où il alloit, +& laissoit quelquefois sa charge. Quoi, dit cettui-ci, ce compagnon-là +ne devroit bouger de l'église: on ne peut servir à deux maîtres, à dieu +& au diable. Sainte dame? voilà un grand mot. Et lequel étoit le diable? +Je n'en parle plus; demeurons en notre antiquité. + +TITE-LIVE. Je me ris de vous ouir parler de l'antiquaille; & m'est avis, +voyant ainsi jaser de l'_anticle_, de l'_ancien_, du _vieil_, que j'oi +le maître horlogeur de Geneve, qui me discouroit de l'épée, me disant +que c'étoit un calibre yeuxcellent, où il y avoit plusieurs sarches & +points à noter; qu'il y avoit l'épaule antique, & l'épaule authentique, +par le travers desquels passoit le duc de Saxe: au milieu étoit les +quatre os ou écarteleures, qui en bande étoit tranché par le soudiacre, +aux bords duquel étoient les deux hypocrites, coupés par deux saichés +qui venoient des épaules, lesquels sont les deux couleuvres de +laisse-faire: au haut & bas sous les deux épaulieres; à l'entour est la +raison, qui est coupée du médionneur. Mais je laisse là ce pifre, parce +que, quand il vint chez nous, il chia au lit, & devint ortlogeux. Il +étoit aussi bon interlogue, que l'apothicaire de monsieur de Tours, qui +lui conseilloit de ne sortir point, un jour de saint André, parce que le +temps étoit aromatique. Par le plus S. faux serment que je dois à la +race féminine, qui me nomme le bon homme _Trompecon_, j'oubliois mon +conte, pensant à la folie que vous faites sur la comparaison du temps +passé. Je ne cuide pas que ce qu'il y a mille ans qui est passé & +anéanti, soit plus vieil que ce qui se passe tous les jours, & qui va +dans le sac de vielliesse, dans l'écrin de l'oubli; & ce qu'on propose +de plus ou moins vieil, est d'aussi bonne grace que la question de +Martin Chabert, qui aimoit trois filles, auxquelles il dit, pour arrêt, +un jour, mes filles mignonnes, je ne puis vous épouser toutes trois, +bien que je vous aime de toute ma loyale frussure, & plus chacune l'une +que l'autre. Je ne sais comment faire, sinon qu'il faut que j'aie à +choisir: & pour nous ôter de cette peine, je vous dirai, si vous voulez, +un moyen; c'est que j'épouserai celle qui me dira la plus naïve vérité +de ce que je lui demanderai. Elles s'y accorderent. Or, çà , dit-il, +lequel est le plus vieil de vô chouse ou de vô bouche?) J'ai quasi +bronché des mâchoires. Mais pourquoi dit-on _confitures_? Que ne dit-on +_ficontures_, ou _fiturescon_? Et tant d'autres mots qui commencent +ainsi, comme _congrégation_, _conscience_? + +ELPHIS. C'est bien entendu pour un philosophe? ne savez vous pas bien +qu'il est devant & jamais derriere? Et pourtant il faut le colloquer en +la tête. Le charpentier, qui demande au curé: pourquoi dites-vous, +_dominus vobiscum_? Que ne dites-vous, _dominus vobiscu_? Le curé lui +dit: pourquoi dites-vous un _compas_? Que ne dites-vous un _cupas_? + +HIGINUS. Sainte Marrande, vous avez raison; mais faites parler ces +filles). + +TITE-LIVE. L'aînée répondit: c'est mon cela qui est le plus vieil, +d'autant qu'il a de la barbe; & ma bouche n'en a point. La seconde: +c'est ma bouche qui est la plus vieille, parce qu'elle a des dents; & +mon petit n'en a point. La petite dit: je dis comme ma soeur. Dites +donc, mignonne, une belle raison comme nous. Elle pétilloit & frétilloit +comme une marmote déchaînée. C'est, dit-elle, ma bouche qui est la plus +vieille, pour autant qu'elle est sévrée; & mon con tette tous les jours. +A, ha! hé, or devinez, vous autres, & jugez laquelle a le mieux dit, +afin que Martin soit le marié comme les autres. Jan par la certebieu, +dit Coypeau; aussi étoit-il tout réformé. Alors j'aimerois autant ma +chambriere, qui, nous oyant ainsi discourir, me reprocha que, si ce +n'étoit leur cas, je ne saurions que dire; & là -dessus me dit: vous qui +en savez très-tant, si vous aviez trouvé un con tout seul, que lui +diriez-vous? + + + + +SERMON VI. + + +VI. Néanmoins, messieurs, beuvez pour la pareille. Aussi bien peut-on +mentir en liberté de conscience, deux fois l'an: l'une en été, disant: +je n'ai pas soif: l'autre en hiver, disant: je n'ai pas froid. Mais +pourquoi est-ce que, quand on demande à boire, fusse à un laquais, on y +va courtoisement, de même qu'à requérir une garce de dormir avec elle +théologalement? Nous en sommes bien! Voilà de belles demandes, dit +Sapho! C'est parce que cela coule comme foutre de prêcheur. Achevez; +aussi bien cette fille a voué son pucelage à autre chair qu'à vie +consacrée; & nous dites la résolution de la caupeaude. Ha, vous en +souvenez vous? Hé, bel engin de dame! ainsi vous puisse-t-il croître de +jour en jour. Nous demeurâmes tous cois, & plus étonnés qu'un évêque +sans mitre. Elle nous ferma la bouche, & nous dit, il lui faudroit dire: +con sans cul, que fais-tu là ? Epaminondas, qui venoit de racoûtrer ses +chausses, rentra à table à ces mots; & les ayant ouis, il dit: que +répondroit-il? Voire, voire, c'est bien parlé à moi; mais pourquoi +est-ce qu'un tel cas, puisqu'on le nomme ainsi, ne parle point, vu qu'il +a une langue! + +ALBERT. C'est parce que le cul est auprès, qui lui dit paix. + +EVIMQUARBRE. Quel sermon est-ceci? Vous ne parlez que du cul. + +NOSTRADAMUS. Ce seroit belle chose de parler du cul; ce seroit un +langage excellent; il seroit plein de toutes sentences: & si cela étoit, +on parleroit comme on s'assiet; & si on écrivoit de même, vraiment on +verroit de belles orthographes de femmes, qui souvent écriroient du cul. +Cela me fait souvenir de ceux qui parlent du nez, s'ils écrivoient comme +ils parlent, ils écriroient du nez. Or, mon bel ami, sans cul on ne fait +rien. Savez-vous pas que c'est la base & le vrai milieu du corps, le +mignon de l'ame; d'autant que, s'il ne se porte bien, & que ses affaires +soient incommodées, elle s'en déplaît & s'enfuit par-là . Je parle pour +les doctes. Or donc, doctes, venez ici succer la moëlle de doctrine; +venez apprendre de beaux secrets, sans vous amuser à brider chevaux au +rebours, _id est_, leur mettant le mords au cul, tout ce qui se fait au +monde est pour exercer monsieur du cul, pour lequel boucher sans y +toucher, (grand miracle) il ne faut rien permettre entrer en la bouche. +Mais devant que j'acheve, je vous demande à vous, François & Anglois, à +qui le baiser est commun, lequel vous aimeriez mieux baiser une fille au +dernier noeud de l'échine ou à l'entonnoir du cul? + +HYPOCRATE. A, ha, e, hé, l'entonnoir du cul est la bouche. Et de fait, +tout ce que l'on apprête de plus friand, n'est enfin que pour faire de +la merde entre les dents, & partant pour mettre en oeuvre maître cul, +_id est, frater culus_, frere cul, qui est le gouvernail de tout le +corps, & le mignon de l'ame. Je le vous prouve. Si le cul ne se porte +bien & ne fait bonne chere, que ces affaires ne soient en bon état, +l'ame en est incommodée, & le plus souvent sort par le dédain qu'elle en +a, & nommément quand les matieres sont par trop claires, & que l'ame s'y +laisse couler faute de glu. Le cul n'est-il pas le prince des membres, +puisque tous lui font service, & que ses dédains, ou ennuis, ou coleres +les affligent tous? Puis, c'est lui, à qui tous font honneur, le faisant +seoir le plus dignement & le premier: & de fait, il chemine en prélat, +après tous les autres membres, allant en procession. + +FORBIN. Je ne m'étonne pas si vous en parlez tant, ayant été disciple +d'Esculape, qui voyoit le jour par le cul de sa femme. + +DIOGENES LAERTIUS. Il y en a beaucoup qui voient le jour par le cul, +comme vous diriez les chaudronniers, & ceux & celles qui travaillent de +l'éguille, & les bons buveurs, qui voient le cul & le montrent aux +autres. Mais comment voyoit-il le jour par le cul de sa femme? + +FROBEN. Sur ses vieux jours, ce bon preud'homme épousa une femme +Allemande. En allemand, une femme est appellée _frau_, c'est-à -dire, +tromperie. Voilà pourquoi les dames Allemandes aiment mieux les +François, que ces gros pifres d'Allemands, qui ne font que souffler & +les injurier. Le pauvre grand bon hommet, quelquefois ayant veillé après +ses études, & s'étant couché tard, s'endormoit: puis sur le matin, ainsi +que toutes les femmes, après avoir été approvisionnées, (je vous le +conte comme il me le racontoit) je voulois, disoit-il, à cause de ce bon +vin grec, étant tapis dans le lit, fomenter ma complexion. Alors ma +femme qui m'aime tant, qu'elle tire de son ventre pour me le donner, +étant confite en humeurs, ouvrant les yeux, elle ouvre le cul & laisse +aller une vesse ou une vesne épouventable, & qui, couvée entre les +replis de gras double, a une odeur de tous les mille diables. Adonc +sentant cette alenée postérieure, (femmes ont beaucoup de conduits, +évaporant des parfums de plus haute odeur que civette) moi qui crains +ces venues culieres, à cause de l'air mélancolique & coëde, qui, rendant +le cerveau rélant, cause l'épilepsie par un effet de corrosion punaise, +à quoi sont sujets les hommes du siecle qui sont mariés, (aussi pour +cette cause, moines & prêtres sont plus longuement sains, d'autant +qu'ils s'abstiennent de la fréquentation des femelles, joint que, s'ils +les hantoient, l'odeur leur feroit bander la cervelle.) Je dis; je (sans +plus faire de parenthèse) odorant ce spécifique exodin & abominable, je +jette le nez hors du lit, ouvrant les yeux, de peur d'y avoir enfermé +cette espece de vapeurs & corps momentaires, ne tombant que sous un +sens; je vois le jour tout clair, parquoi me résous à me relever: & +voilà un des bons usages de ce benoît cul. + +STAT. C'étoit une vesniere que cette femme; & à cela je me souviens, lui +changeant de nom, de ces messieurs d'Angers, qui changerent leurs noms, +sur quoi un oyant qu'ils avoient mis _du_, _de_, ou _le_, &c. à leurs +noms, dit: j'ai nom Vanier; & me nommerai le Vesnier. + +PUC. Mais vous ne dites pas de celui, qui voulut servir de secrétaire à +notre Prélat; & il avoit nom _Meusnier_. Monsieur voulut qu'il eût nom +_Mesnier_; parce que, dit-il, mon ami, quand vous viendriez après moi, +on diroit: _meusnier touche ton âne._ + +RABELAIS. Mais vraiment, pour mieux dire, cette femme étoit ou devoit +être une belle grande vesse, d'autant que chaque espece engendre sa +semblable. + +STATIUS. Je ne sais pas qu'en dire; mais elle étoit fort haute à la +main, & possible aussi au nez. Ce fut elle qui me mit une fois en +colere. Vraiment, la porte en est bien étroite: joint que chacun sait +que je n'y entrai jamais, qu'alors qu'elle m'appella _beau vaisseau_, & +je l'appellai, _belle vesse_, elle. Lui faisois-je tort? + +LICOFRON. Il faut avoir bien dur coeur, & encore en soupant, pour +supporter telles paroles, & tant ordes. + +METRODORUS. O le délicat! tu es né entre la merde & le pissat; & tu en +veux conter! Mais à quoi est-ce qu'on connoît le bon coeur d'un homme? +C'est quand il mange la merde, d'autant qu'il faut avoir bon coeur pour +la manger. Après que vous avez bien senti les fleurs, vous entamez le +fruit. + +LEON HEBREU. Quel fruit d'abomination! Cela me contamine. Je ne serai +net de trois fois sept jours. Je suis bien venu à l'heure de corruption; +& pource, je suis d'avis que l'arbre, la fleur & le fruit ayons en +abomination. O dà , je m'équivoque. Et qu'est-ce que je deviendrois? Je +suis fils du ventre d'une femme. Fruit du ventre, c'est merde. Je suis +donc merde. Ah! pargoi, bran & merde fine soit pour ce beau jaseur, qui +nous a appris à syllogiser; le Lucifer des ténebres le puisse sigilliser +& syllogiser en enfer! + +PITAGORAS. Tu es tant savant en tes spéculations, que tu es fou. + + + + +DIETTE. + + +VII. Je suis d'avis, mon ami du coude, du montoir, ou de quelqu'autre +façon & race, que tu laisses arbre & fruit non vivant, _id est_, mort; & +que tu l'aies en horreur ainsi que moi, & les Ecclésiastiques Romains, +qui rejettent l'outil des femmes comme feves, dont il porte la figure, +ayant la raie noire, & le bas contre mont. Notez bien feves, pour le +symbole éminent qu'elles ont; c'est que, quand quelqu'un y a été +attrapé, qu'une goule sans dents lui a donné une morsure; il est dit le +roi de la feve: sur quoi je m'avise d'un beau ménage. Le Maugrin vit un +jour sa chambriere, qui jettoit, en balayant, trois feves; elle lui dit: +vraiment, baboine, ce sera-là ton mariage. Elle les prit, & les sema; & +en eut d'an en an, assez pour la marier. Et de-là j'infere que, si le +roi défendoit de mettre des feves aux gâteaux des rois, & qu'il prît ces +feves-là , & les semât; il en tireroit un grand soulagement pour le +peuple. Or, sans nous amuser à ces gueux de rois, si tu veux être libre, +n'aie jamais de femme; parce que, si tu es marié, tu seras obligé; tu +paieras la taille & la taxe aussi, & il faut que tu le fasses par +contrat: ainsi sont tenus les gens mariés; ce à quoi les libres +ecclésiastiques ne sont obligés, n'ayant affaire au particulier ni à la +_raye publique_; que pour leur plaisir & récréation; & ce les +après-dînées, & au temps d'ébat, non pour tenir femmes avolées toutes +nuits, parce qu'à leur réveil ils sont obligés de dire leurs heures à +jeun; & ils auroient bu de l'ordinaire, comme les Ministres; & on les +accuseroit d'être hérétiques: tellement qu'ils auroient bu la façon de +leur journée, ayant bu de l'ordinaire. + +LUCRECE. Je mourus par ce poison; toutefois c'est tout un. Tandis que +nous sommes encore aux fauxbourgs, avisons un peu à ces trois filles; +parce que celle-là , qui a dit que son cul avoit de la barbe, me fait +souvenir de monsieur Libreau, Avocat à Paris. Cette mignonne étoit allée +aux étuves, avec des dames de ses amies; & ce, par le congé de son mari +qui étoit fort chiche. Sur quoi, les autres, qui avoient su qu'il ne lui +avoit donné qu'un quart d'écu, s'aviserent de lui faire une +méchanceterie: ce qu'elles exécuterent. Et avint que, comme elle fut +retournée & couchée avec son mari, ainsi qu'il l'amignotoit & prenoit +son jouet, il n'y trouvoit du poil que d'un côté. Voilà , dit-elle, mon +ami, on ne m'a fait de la besongne que pour mon argent. Aussi je vous +avois demandé demi écu. Que ne me le bailliez-vous? Cela a été cause que +je n'ai eu le poil fait qu'à moitié; on n'a fait mon affaire qu'à demi. +Cette remontrance fut occasion, qu'elle eut le lendemain un demi écu, +pour se rajeunir par le bas. + +ARETIN. Les avocats & les mariniers ne sont pas de même opinion. Un +marinier de Quilleboeuf fit tout autrement, ayant été long-temps absent. +A sa venue, sa femme, pour le récréer & rajeunir, avoit fait ras & net +le poil de son chose; & ce maître rustaut, se voulant jetter sur elle, +comme dans le fond de son bateau, & passant la main à la breche, & n'y +trouvant point de poil, il méconnut l'étable ordinaire de son courtaut; +& s'écria, en disant: _ha! méchante vilaine, che n'est chi mie mon coin. +Si est,_ dit-elle. _Ne n'est: tu l'as laissé chez ces quenoines; va le +quérir; va, je veux poil & tout._ Il fallut qu'elle fût absente, tant +qu'elle l'eût trouvé, d'autant disoit-il encore toujours: ce n'est point +le mien; je le veux avoir avec le poil. + +SENEQUE. Il m'est avis que cela n'est pas beau de parler ainsi des +femmes. Il semble que vous en dites, comme si elles n'étoient pas femmes +de bien. + +PERSE. Vous avez raison, mon pere, mon ami; vous êtes digne d'être +empereur, d'autant que la reine d'Egypte vous aime (parlez bas, de peur +de ce que je ne sais, tant j'ai de peur de faillir). C'est de par le +gibet, aussi je me souviens que l'année que j'étois Recteur en +l'Université de Paris, sous le nom de Marius, ce grand Consul Romain, je +vis prendre une maquerelle du bourg de Four. La raison étoit qu'elle se +battoit avec une autre, qui lui dit; ha! chienne, tu veux ici faire de +la reine d'Egypte. Tu as menti, dit-elle; je suis femme de bien. Quant +aux fillettes qui sont du tiers ordre, je les plains en ma conscience. +Hé que j'ai bu! Je pense que je sors de propos, & vais de la truye au +levain. + +ARCHIMEDES. Qui sont celles que vous appellez _fillettes_? + +L'AUTRE. Chacun en dira sa ratelée, m'ayant oui. + + + + +ANNOTATION. + + +VIII. Fillettes nous disons, celles qui sont capables de rendre compte +par déduction; ainsi sont-elles propres au déduit. Il y en a +généralement de trois sortes, & ceci pour simple intelligence de ce +qu'on dira tantôt. Notre bon ami que voici, (je ne dis pas _vessi_; mais +chassez ces chiens; ces femmes ont vessi). Or donc il y a trois ordres +de ces commeres. Il y a celles, qui tiennent rang entre les femmes de +bien; il y a des filles d'église, lesquelles demeurent aux cloîtres, +_actu, aut potentiâ, vel potestate_; & les autres, qui sont comme à +Geneve, à Camp de Fior, près de Lorrache, celles-là sont du tiers ordre. +Hélas! l'autre jour, je fus tout embaumé de commisération, pour une +pauvre petite qui pleuroit chaudement. Les larmes lui tomboient des +yeux, de la grosseur de cirons d'Inde; & crioit que ces brigans de +sergens, & autres de telle étoffe, leur pilloient en un jour tout ce +qu'elles avoient pu gagner en un mois, à la sueur de leur corps. Puis, +après cela, elle rioit avec les autres, se réconfortant, & par dépit +disoit: mais dis-moi, hé! maquerelle ma mie, s'il y avoit en un sac un +sergent, un meunier & un coûturier; qui sortiroit le premier? Voire, +voire, dit-elle, à tout ce qu'elles répondoient, ce seroit un larron. La +femme de mon compere Bignon les regardoit, toute ravie de voir ces +garces ainsi affligées, & incontinent consolées; & en cette entente, +elle étoit je ne sais comment assise, & si bien qu'en dà presque +paroissoit le but mignon de ficherie? Son mari, qui l'apperçut, lui dit: +ho! ma mie, venez ici, & fermez la boutique, il est aujourd'hui fête. Je +vous dis vraiment qu'en se remuant de cet état, où elle étoit si +proportionnément assise, je vis ce qui se peut voir de son gardon à la +dérobée. + +QUINTILIEN. Quelle cornucopie est ceci? Quel nom amenez-vous? + +SENEQUE. Encore avez-vous bien dit, d'autant que la copie & les +originaux des cornes se font illecque. + +L'AUTRE. Je vous dirai. Le bon homme Genebrard avoit épousé une jeune, +belle, mignonne femme, avec laquelle étant couché, l'ayant baisée, il +mit la main à son comment a nom, & le tapant, dit: gardon, ma mie, +gardon. Ce qu'il continua souvent, sans autre effet. Le vendredi +d'après, la chambriere (c'étoit à Paris, où les servantes, qui vont à +l'emplette, gagnent le moins de gages) eut commission d'aller à la +poissonnerie, & demanda à sa maîtresse ce qu'elle apporteroit. Ce que tu +voudras, dit la dame. Apporterai-je des gardons? Va à tous les diables! +Je n'orai jamais parler ici que de gardon. + +GANPIL. Vous faites bien de les nommer gardons, à cause des gardes que +nature y a mises, lesquelles si elles n'y étoient, vu cette grande +solution de continuité, les femmes seroient toujours enrouées. Et c'est +merveille comment, cela étant si déjoint, il est toute-fois si conjoint. + +SAPHO. C'est une décoûture au bas du corps; ce qui avint, quand Jupiter +eut coupé l'androgine. Il commanda à Mercure de recoudre le ventre à +l'un & à l'autre; cela est cause que le ventre est si délicat. Il cousit +l'homme avec un lacet trop long; tellement qu'à la fin de la coûture il +en resta un bout. Et cousant la femme, il prit le lacet trop court, si +qu'il y eut faute, & il y demeura une fente, faute de points. Et en +avez-vous? Mettez cela en la boëte au saffran. Mais encore, messieurs +les savans, savez-vous bien les sept merveilles du monde? Vous ne dites +mot. Je vous ferai savoir de belles choses, si je veux. Or préparez-vous +à ouir. Ne vous recordez-vous point que les souris courent en la paille, +sans se pocher les yeux? Je vous dirai des secrets plus notables, & qui +contiennent toutes sciences. Les sept miracles, ou merveilles, sont 1º. +Une poule noire, qui fait un oeuf blanc. 2º. Le vin clairet, qui est beu +comme le vin blanc, & pissé blanc non rouge. 3º. Le bout d'un homme, qui +n'a point d'oreilles, & oit quand on parle d'accrocher. 4º. Le cas d'une +femme, qui est un vaisseau qui a la gueule contre bas & est étanché. 5º. +Le paillard outil d'un amant, qui se bande sans guindal, de lui-même. +6º. Le bouton d'amour d'une femme, qui tire la moëlle des os, sans le +casser. 7º. Et le cul, qui se ferme & ouvre, comme une bourse, sans +tirans. A, a, a, ha, hé. Toute la compagnie se mit à rire; & nous nous +trouvâmes joyeux & alegres, comme une belle troupe de jeunes ou nouveaux +cardinaux. + +BATILE. Vraiment, Sapho, vous avez tort; vous êtes bien salaude: jamais +vous ne direz rien de net. Non, dit-elle, non plus que la Soldée ne peut +jamais faire de beurre net. + +QUINTILIEN. Je vous prie de nous expliquer votre dire. + +SAPHO. Par mes amours, je le veux: mais me direz-vous la vérité de ce +que je vous demanderai? + +QUINTILIEN. Oui. + +SAPHO. Si mon cul vous baisoit; le baiseriez-vous? + +QUINTILIEN. Passe outre. + +SAPHO. Quelle difference y a-t-il entre votre nez & le cul du chien? Le +cul du chien a le poil dehors, & votre nez dedans; ainsi différent +vérité & raison. Si votre nez étoit en mon cul de derriere, il seroit +vérité; mais ce ne seroit pas raison qu'il y demeurât. Or voilà comment +je leurre ces savans; que le dianche les puisse saupoudrer. Ils ont tout +leur engin en la cervelle. J'aimerois autant qu'un savant, qu'un pédant, +qu'un de ces doctes de lettres me fichât une cheville en l'oeil, que me +copuler amoureusement, tant leur consuétude est fade. Il n'est que bons +compagnons, qui savent la mignotise pour s'en ébattre; & non point se +faire payer pour cela, comme ces entendus, qui, à vrai dire, sont veaux +de double pelisse. Mais avant; & puis. Là , vous me voulez remettre; j'y +suis, bien que ce ne soit pas là , ains autre part, qu'il me démange. La +Soldée étoit une honnête beurriere de Bourgueil en chrétienté: (c'est +auprès de Touraine, & non en Touraine. Si cela fût avenu en ce pays là , +on n'en eût fait que rire, parce que les fous y croissent comme en votre +pays, monsieur le Lisart). Un jour devisant, son mari lui reprochoit sa +saleté. Vraiment, ma commere, tu ne saurois faire de beurre net, tant tu +es mal propre. Agà , si ferai; j'en ferai, & le ferai si net, que t'en +ferai manger; & le salerai pour ton carême, que je te ferai mieux faire, +que ne font les moines, qui mettent du sain doux en leurs choux en +carême, pour épargner le beurre par humilité, à cause des hérétiques de +Saumur. Or bien notre Soldée (qui étoit aussi propre que la femme de +Périclès, qui se torchoit le cul au bout de la nappe, & presque aussi +sotte que celle de Tite-Live, qui, voyant des béliers, demandoit ce que +c'étoit qui leur pendoit encre les cuisses: c'est leur couille, dit gros +Jean. Comme elle vit venir les brebis, & voyant leur pis enflé, elle +disoit: elles ont belles couilles, nos brebis. + +L'AUTRE. Ainsi Pindare, hier, dînant avec nous chez Mécénas, louoit fort +une bonne tétine de boeuf routie, & mise à la sauce douce. Mais +n'oubliez pas le beurre: c'est la douceur d'entre les jambes. + +MADAME. Vous êtes si sage, que vous êtes fou. + +L'AUTRE. Ho, ho, gardez-vous de prononcer, ainsi que fit Charlotte à +Blois; durant les états, que nous étions avec ce moine de Bourmoyen, qui +rioit tant avec trois nonnains. Le voyant ainsi rigolant, je dis tout +haut, ce moine est fort crêté & frétillard après ces nonnains. Voire, +dit Charlotte, il est fou trois fois la semaine. + +DENIS. Sec, frere Jean, il le feroit neuf fois, à chacune trois fois, +sans les autres; outre cela il aime bien besogne d'église faite. + +MICLEOT. Il n'en est pas toujours si ardent; il est feru, comme un chien +d'un bâton. Si on lui dit: allez à l'église. Qui y est? Ils y sont tous. +Ils sont donc assez. Une autre fois: qui y est? Il n'y a personne. Je +n'y ferois rien tout seul. + +HÉSIODE. Vous vous êtez trompé du lieu: cettui-là étoit de Mermoutier, +c'est-à -dire de _la mer des moûtiers_. + +DENIS. Non étoit. + +HÉSIODE. Si étoit. + +DENIS. Vous avez menti bien humblement. + +HÉSIODE. C'est vous, si je puis. + +DENIS. Mais bien vous, sans vous faire tort. + +HÉSIODE. Mais vous, sans péché, comme disoit mon compere Guillaume. Et +bien, mon ami tant gai, où est le temps que nous besongnions ces belles +garces, çà & là , sans offenser dieu? + +MADAME. Paix, paix. + +HÉSIODE. Bien je reviens, je le sais, je ne dis rien sans en être bien +informé, & tout de même que l'étoit _Hérode qui radote_: & par ma digne +conscience qui est aussi nette de mensonge, que d'ulcere le corps d'un +vérolé. + + + + +BÉNÉDICTION. + +IX. MADAME. N'oubliez pas le beurre, encore une fois. + +SAPHO. On dit que les femmes sont grandes parloires; mais vous l'avez +gagné à ce coup sur moi; & est venu à propos, parce que cela est cause +qu'encore aux carmes, à Paris, on crie: (_n'oubliez pas le beurre._) Or +donc Soldée, ayant reproché à sa femme qu'elle ne feroit jamais de +beurre net, parce qu'elle n'étoit pas si propre que mademoiselle de +Lausnai, (qui, pour aller au privé, prenoit son masque, sa devantiere & +tout son harnois à chevaucher, pour mieux serrer les poings, +c'est-à -dire, chier; d'autant qu'une femme, faisant du gros, serre les +poings; faisant du menu, elle les dilate. Mais, belles dames, ne soyez +dégoûtées de beurre, à cause de ce que je dirai; ainsi que le fut la +fille du président de notre ville, qui fut plus d'un an sans en manger, +parce qu'elle avoit oui beautems raconter; comme ayant couru plusieurs +postes, & étant à Moulins, il prit un parchemin, (C'étoit le contrat de +mariage de la dame de la poste) & le couvrit de beurre qu'il se posa au +cul, qu'il avoit tout effleuré sans croupiere. Ce beurre ne fut jamais +mangé: celui de Soldée fut fait avec beaucoup de propreté. Elle avoit +pris une chemise blanche, une gorgerette, un garderobe; bref elle étoit +en beau point, & si propre qu'un jeune coureur de fortune l'eût +volontiers encochée. Ainsi ajoppée & bien lavée, elle se mit environ son +beurre. Son mari tout émerveillé, considéroit cette grande aventure: & +déja espéroit que sa femme le feroit mentir, tant son cas étoit propre. +Le beurre étant prêt, mis en livres, demi-livres, quarterons, & n'y +restant plus que la petite façon dessus; (c'est que les biens-disans +disent _le verbe_, _le garbe_, ou comme vous voudrez.) Cette joliveté +s'y faisoit avec un petit bois taillé, qui étoit enveloppé dans un linge +net, & mis sur le badaut. Badaut est un engin qui tient au plancher; & +ainsi plusieurs badauts y a qui ainsi pendent vis-à -vis. La Soldée, +voulant prendre ce petit bois sur ce badaut, monta sur une selle à trois +pieds. Qu'au diantre soit celui qui fit la maison, où fut marié le pere +de l'évêque, lequel sacra le prêtre, qui maria la mere de celui qui +forgea la cognée dont fut coupé le bois où fut émanché le pic, dont on +releva la terre, pour planter l'arbre, duquel fut faite la premiere +selle à trois pieds. Comme cette pauvre femme, si propre, s'élança de +dessus sa sellette; voilà cette abominable selle qui va broncher, & ma +pauvrette: ayant une jambe en l'air, & autre assez près, qui coula avec +la selle, va faisant une petite ruine, sans se dépécer, & tomba si à +point, pour n'être pas offensée, que son cul donna en plate forme, & si +proportionnément dans sa gidelle sur son beurre, qu'elle le remit en +chaos, défaisant toutes ces figures distinctes; & le repaîtrit +malheureusement par la pesanteur de son fessier, qui, de la roideur du +coup, étampa l'impression de ses fesses si abondamment, que le beurre en +fit la vénérable remembrance en creux. + +RABELAIS. Vous avez vu des culs relevés; si vous en voulez voir de +creux, faites faire tel essai; il n'y a rien de si propre à mouler +fesses fermes, que beurre frais. Je l'ai appris des Ecossois +Insubériens, qui se délectent à la vue des fesses, parce que là est la +parfaite beauté qui ne se hâle point. Ho! dit maître Jérôme, vous m'avez +blessé; & là , le nez; je n'y joue plus. Achevez. + +SAPHO. La soldée bien étonnée, se résolut en sa disgrace; & pour réparer +son désastre, se mit à arracher de son cul à belles mains, le beurre qui +y étoit attaché. + +HYPOCRATE. Mais les chymiques disent qu'ils cherchent les esprits: & de +là il sembleroit que vous voulussiez conclure que les femmes ayant plus +de cul, eussent plus d'esprit que les hommes. + +CELSUS. Cela est vrai, & y paroît. Qu'ainsi ne soit; une fille de sept +ans pissera plus gros que ne fera un garçon de dix-neuf, comme étant +plus coupable, & partant ayant davantage de jugement. + +ORONCE. Vous ne mettez en avant que des redites. Que pensez-vous? Croyez +que plusieurs savent ce qui se fait ici. Qu'y ferez-vous, +puisqu'aussi-bien tout ce qui est dit ailleurs est pris d'ici, qui est +la source de toutes sciences? J'ai étudié plus de cinquante ans en ce +livre, tant je l'ai trouvé de savoir inépuisable. + +L'AUTRE. Boute, mon ami, boute; écris tout ce que nous disons; tu +transcris & nous récitons par coeur; & puis un bon oeuvre n'est jamais +prescrit. + +PRICIAN. Ceux qui disent: j'ai vu ceci ou cela autre part, sont des +chétifs averlans. Quand on mange d'un chapon, est-ce le chapon qu'il y a +plus de cent ans qui fut mangé & chié? + +QUELQU'UN. O que vous dites bien, sage vieillard, que vous avez un bel +âge. + +L'AUTRE. Ne vous déplaise; je vous dis que vingt-cinq ans est un plus +bel âge; & n'en déplaise à Caton, qui disoit tantôt qu'il étoit si bon +compagnon, qu'à l'âge de soixante ans il le faisoit encore deux fois. + +CATON. O! lourdaut mignon, mon ami; c'est une fois en été, & l'autre en +hiver. J'aimerois autant le vieil médecin qui me nommoit son fils, quand +il me voyoit, & je l'appellois _pater_, parce qu'ils sont relatifs: il +disoit qu'en son vieil âge il le faisoit mieux que jamais, d'autant +qu'il y étoit plus long-tems, & y prenoit beaucoup plus de peine; & +qu'aussi son instrument étoit plus fort que sa jeunesse, parce que jadis +il se bandoit seul; & maintenant, encore qu'ils fussent deux, si n'en +pouvoient-ils venir presque à bout. + +CETTUI-CI. Tandis que nous tenons ce médecin, je veux dire comme il me +gaussa l'année que je me fis chanoine; sur quoi vous pourrez apprendre +pour votre usage, un des plus exquis secrets de ce monde, nature étant +restituée; ce fut en la présence d'un médecin & d'un financier. Il me +dit donc: il y avoit un badin (_notate verba, & colligite signa_; ainsi +disons-nous, nous autres Latins) qui ayant fait une grande remontrance à +son fils, sur ce qu'il devoit devenir, lui proposa l'infidélité des +marchands, la déloyauté des gens de justice, les impostures des +médecins, toutes les voleries des financiers, la tromperie des artisans, +la perfidie des précepteurs, touchant au vif ceux qui, de toutes ces +sortes, ne sont pas gens de bien. Puis après, il lui demanda quelle +condition il vouloit suivre? Le fils ayant justement pensé, lui dit: mon +pere, je ne veux aucun de ces états que vous avez dit; je desirerois +être de la vacation de ceux qui portent des peaux de veau sur le bras +gauche. A cela je réponds: grand merci, monsieur; hachez menu, la chair +est dure; touchez-le doucement, je hais la peau délicate, ne le sanglez +pas si fort, qu'il ne pette. A cela il me tend la main (or avoit-il +femme jeune & belle encore;) j'avance main; & prenant la sienne, je lui +dis bien humblement: voici la main de celui qui, dieu merci, a besongné +mademoiselle votre femme, ou n'a tenu qu'à lui. Je parlois de la sienne; +& il ne l'entendoit pas. Et dà , pourquoi est-ce que nous portons +l'aumuce? c'est-à -dire, cette peau sur le bras. (Cette peau de veau, à +propos de vous, qui disiez tantôt... Or là , dites. Le bon homme étoit +tout pensif de ce que je lui avois dit, aussi-bien que mon procureur, +qui a belle jeune femme, auquel parlant des femmes, je lui dis: par mon +serment, cousin, j'ai besongné votre femme aussi-bien que vous. Il est +vrai, peuple ententif, parce que je ne le besongne jamais, ni elle +aussi: je les avois donc besongné l'un comme l'autre.) Alors je dis à +mon médecin: il faut que je vous le déclare, pour vous ôter de songerie; +c'est signe que nous ne mourrons pas en la peau de veau comme vous +autres. + +PROPERCE. Que ne savois-je ces belles réponses, & ces doctrines! Je suis +fort déplaisant, & meurs de regret, que je n'attendis à écrire, pour +être le secrétaire de ce simpose, qui m'eût plus apporté de réputation, +que n'en auront tous les écrivains, toutes les écritures & tous les +écrits ensemble. Or c'est tout un; j'ai la copie des discours, tant +verbaux que couchés par écrit, comme disoit notre avocat: je me tiens à +mes demandes faites par requêtes verbales, desquelles la copie est en +mon sac. Et voilà comment je me tiens aussi à ces futures sentences qui +sont ja écrites. En outre, je prévois pour tout que ce banquet sera le +grand, unique & universel sur tous autres, & monarque des simposes +oecuméniques. + +ZOROASTES. Je suis tout ému d'esprit prophétique, & connois devant & +derriere qu'ici se résoudront toutes les questions du monde; ainsi qu'il +est ordinaire, que sans le boire & le manger, on prend, on a pris & +prendra occasion d'enseigner cela qui est tout parfait; & comme la +vérité & la vanité, l'excellence & la sottise s'affrontent, l'un & +l'autre se pratiqueront en ce lieu; & on verra souvent la gloire +proposer à son client l'honneur du premier lieu à la mangeoire, comme +aux privés publics, on s'entre-fait place honorable pour fianter +glorieusement; & même à Genève l'assiette, pour poser le fondement, est +aussi nette que le tranchoir sur lequel vous mangez. + + + + +TEXTE. + + +X. Comme j'étions ententifs: & qui sommes nous? Je sommes ce que je +sommes; je jouons. Et que jouons je? Je jouons ce que j'ons. Et +qu'ons-je? J'ons ce que j'ons. Ons-je en jeu. Si je n'y ons, j'y fons. +Foin, ces Parisiens-ci me troublent. Paix, ou que la merde vous puisse +baiser. + +GUALTER. A propos, si vous étiez en prison environné d'étrons, +qu'aimeriez-vous mieux, ou en sortir par amitié, ou par force? Par +amitié; il faudroit donc les baiser les uns après les autres. Par force; +il faudroit donc leur donner à chacun un coup de dent. Et vous, +taisez-vous, que j'acheve; & que nous prenions garde à tant de parfaites +doctrines. Quelques-uns de la compagnie, pour faire une pause +récréative, se donnerent le petit mot du guet. C'étoit la fleur des plus +sages, qui firent un complot de gaieté, pour faire rire la compagnie; & +allerent en une autre chambre, inventer une comédie à l'Italienne. Je +vous dirai qui furent ceux-là , à la charge que, si vous le dites, & +qu'il m'en soit fait quelque reproche, le diable vous emporte. C'étoient +Socrates, Plutarque, Rabelais, Gaguin, Luther, Ronsart, Pindare, Marot, +& quelques autres de même farine & pareils brans, & assez sages & fous +pour contenter le monde. + +LUCIEN. Quelle différence mettez-vous entre farine & bran, vu que la +plupart de ceux-ci sont, comme dit l'autre, tournés en farine de diable? + +L'AUTRE. Vous ne changerez jamais, encore que notre bon ami Pithagoras +vous ait fait passer par son alambic; si est-ce que vous êtes toujours +de même; & je crois que c'est vous qui en êtes la vraie farine de +diable, d'autant que Dieu vous fit bon comme farine, & vous êtes méchant +comme bran. Et afin que vous le sachiez, je vous dirai d'où vient ce +dictaire; je me dépêcherai, afin que le bon homme ait son sac. Il y +avoit un pauvre petit paysan, qui avoit quantité d'enfans, & n'avoit +point de pain pour leur donner, pour lors que la famine pressoit. Une +nuit s'étant endormi de tristesse, il songea qu'il trouva le diable qui +le consola, & lui dit que, s'il vouloit, il lui donneroit de quoi +bailler à dîner à son menu peuple, & là -dessus le mena en une forêt +obscure où il lui montra de grands sacs pleins de farine. Le paysan +ébahi & aise, dit: mais comment trouverai je ce lieu, si j'en pars? Le +diable lui dit: eh! chie auprès, pour le remarquer. Le triste pauvre +homme s'efforça, & fianta dans le lit, plus que six ladres constipés ne +feroient par un clystere enforcé de quadruple dose de fine bénédicte. A +son réveil, il trouva le bran, en quoi s'étoit réduite toute cette +diabolique farine. + +LUCIEN. Mais encore, puisque vous y êtes, déclarez-nous un peu d'où +vient ce bon mot, _afin que le bon homme ait son sac_. + +GUEVARRE. Cela avint en Anjou, en un bois qui est près de la +Rochefouque. Un gentilhomme avoit fort recherché une demoiselle du pays, +sienne voisine, qui ne l'osa accommoder de son ustensile, parce que la +commodité ne s'y offroit pas, & que possible, lorsqu'il le vouloit, il y +en avoit quelqu'autre (& notez, qu'il n'y a que ces deux raisons, avec +celle qui a été dite tantôt, qui empêchent les femmes de prêter leur +gnomon.) Un matin cette demoiselle, ayant affaire en une sienne métairie +(possible alloit-elle voir un de ses amis) passant à travers ce bois, +fut rencontrée du gentilhomme, qui alloit giboyer & n'avoit en main que +son arquebuse. Le gentilhomme prit la rencontre, & dit à celle-ci: +vraiment, il y a assez long-temps que vous m'attermoyez. Je vous prie +que ce soit à cette heure; il y a toute occasion à propos. Hélas! lui +dit-elle, que pensez-vous faire? Attendez à une autre fois. A cette-ci, +& à une autre, tout sera bon. Mais quoi! je suis en manteau; je me +salirai toute. Ce gentilhomme, levant la tête, vit un pied-gris passant +auprès d'eux, lequel avoit un sac. Il le prit, & lui dit: compere, +attendez-moi. Ayant ce sac, il le lui montra. Et bien, dit-il, voilà +pour mettre sous vous. Elle, se voyant pressée, & qu'il falloit passer +par-là , en dépit qu'elle le vouloit bien, lui dit: là donc, dépêchez, +afin que le bon homme ait son sac. Achevez, je vous prie. Socrates, +comme le plus fou (ainsi disent ceux qui passent une porte: _je passerai +le premier comme le plus fou_; _ergò_, les autres fous en leur présence, +à leur nez, & sans contredit. Mon sot de valet ne fut pas si sot. Un +soir qu'il falloit porter la chandelle, pour éclairer aux gens d'honneur +qui sortoient, il ne vouloit jamais passer devant, disant que l'honneur +ne lui en appartenoit pas. Cette petite bande entra de même, & le sire +Socrates marchant en gravité posée, comme monsieur le chantre de Paris +aux bonnes & nobles fêtes, ayant toussé, & s'étant monocordisé sur son +geste, préparé en pompe minoise, après avoir remué sa trogne +scientifique, ainsi que voulant annoncer quelque grande chose avec un +accent admirable, va dire: hem, hem, hem. JE SUIS. Et ainsi qu'il +faisoit une trop grande pose présidentale, pour exciter à émotion +audienciere, la reine d'Egypte, qui vraiment y étoit par honneur, se +fâchant d'attendre si long-temps, ajouta à son propos, UN SOT. Tout le +monde, jusques aux anges & aux serpens, sans les pierres et les cailloux +qui en creverent, se mit à rire si fort, que la mule du Curé de Saint +Eustache en foira de si pure joie, que la vie lui en faillit par le +fondement. Ainsi la farce fut gâtée & tout le cidre répandu, & la +gentillesse remise à une autre fois; & chacun fit comme aux nôces. + +ARNOB. Vraiment, Socrates mon ami, tu devois bien y aller. Et que +diable! tu es fat, de te faire moquer de toi, sous ombre de l'opinion +que tu as d'être savant & sage, plein de doctrine comme la gibeciere +d'un hermite frais tondu. Voilà ce que c'est, tu es présomptueux; parce +que tu n'as fait toute ta vie que chanter aux latrines avec les +couillaux. + +BARLET. Parlez net. + +ARNOB. Je pensois dire _lettrain_ avec les choriaux, ma langue a suivi +l'usage commun. Ne savez-vous pas qu'il y a des églises, où les +chanoines ont des vicaires qui font pour eux, & sont dits choriaux? +Mais, parce que ce nom est rude, les filles ont inventé de dire +couillaux; comme celle qui disoit qu'elle ne vouloit pas que l'on +tournât son nom, de peur que l'on n'y trouvât quelque couillonnerie: +elle vouloit dire quelque coyonnerie. C'est tout un, la douceur en +vient. + + + + +SINODE. + + +XI. Par la vertu de l'herbe de la Saint-Jean, penses-tu qu'il te sied +bien de faire le fou? Ces grands sages n'ont point d'esprit à boufonner; +ils ont l'échine trop plate, le col trop roide & la cuisse trop avalée, +& s'ils s'en veulent mêler, cela avient, comme une huiliere à coëffer +une reine, tellement qu'ils trébuchent si roide, qu'ils paroissent fous +de haute alkimie, & au-delà . Tandis que César écoutoit ceci, son +laquais, qui depuis fut roi d'Espagne, étoit derriere lui, pour avoir de +la chair. Etant importuné, il se retourna, & lui dit: cap de biou, mon +laquais, je vous donnerai mornifle: & tout sert. Si tu veux de la chair, +prens-toi au fesses. + +BOECE. Il a mis cela en effet, & est cause qu'il y a tant de dames +bossues, d'autant qu'il savoit en plusieurs lieux que celles qu'il +attraperoit, il les happeroit aux fesses; comme étant les plus +savoureuses & mieux faisandées, joint qu'il étoit assez aisé parce +qu'alors les dames n'avoient point de culotte. Il est vrai, (oui; je ne +dis point comme les autres fois, quand je mentois par oüi dire. Je l'ai +vu): c'est que pour crainte que cela n'avînt, plusieurs ont fait faire +des calleçons, ou brides à fesses, afin de se garantir; & les autres, +qui n'avoient pas cette industrie, pour sauver leur cul, craignant la +dent laquaïsme, ont mis la chair de leurs fesses sur leurs épaules. Cela +est donc cause des bossues. Vraiment, si elles engendroient leurs +semblables, bientôt le monde seroit bossu. Fi, fi; il ne le faut faire +qu'aux belles; la bosse leur sert de grace: & puis tous choses sont +choses. Sec, gardez-vous de cheoir, madame Safy, il y a un grand trou +devant vous; si vous mettez le pied dedans, vous vous gâterez. + +MADAME. En dà , si vous aviez le nez dedans, & deux autres de même autour +des deux yeux, vous auriez une belle paire des lunettes. + +BOECE. Taisez-vous; vous êtes belle. Que sera cela? Les belles se font +prier, & les laides prient; chacun fait ce qu'il peut pour vivre. +Pourquoi faire des lunettes? + +CÉSAR. Pour mieux voir. + +BOECE. De quoi voit-on le plus? + +CÉSAR. Des yeux. + +BOECE. Si votre nez étoit en mon cul, vous ne verriez que des fesses. + +LE BON HOMME. Que voici de sentences accomplies! Que vous êtes heureux, +vous qui les savourez, tandis que ceux-là boivent sans nous ouir; & je +gage que; vous auriez beau dire, ils ne l'entendroient pas, d'autant que +ceux qui oient en beuvant, tiennent de la ladrerie, comme le tient & +afferme Janotin, maître apothicaire, du métier dont il se mêle. + +SOCRATES. En dà , vous avez mieux dit qu'un four, & n'avez pas la goule +si grande. Pourquoi fait-on des fours? + +ELPHIS. C'est pour cuire du pain. + +SOCRATES. Voire, le niais! C'est pour cuire. + +ELPHIS. Va te promener; & me dis la raison, qui fait que l'on boit les +uns aux autres? + +SOCRATES. C'est parce que celui qui boit perd la parole, & devant qu'il +lui avienne mal, prie que l'on l'assiste s'il lui survenoit danger; +tandis qu'il est ainsi entre la vie & la mort, comme une ame qui sort de +purgatoire, ou qui pense y aller. Je ne m'y connois encore guère; je +suis à pardonner, parce que ce pauvre homme possible est prêt à se +noyer. + +L'AUTRE. O vous trois fois pleins de béatitude, qui, accomplissant votre +félicité, venez lire, étudier & méditer ici nuit & jour, pour trouver la +pierre philosophale, que j'ai cachée en ces traits plus finement, +occultement, clairement, & patepeluement, que ne firent oncques Gebert, +Théophraste, Lulle, ou autres affineurs; mais de meilleure grace, & de +front plus minon, pour la rendre plus aisée à trouver, & divertir les +beaux esprits qui consument trop de temps au feu; & les inciter plus +gaîment à poinçonner leurs intellects, qui, pleins de concupiscence +célestes, s'agitent après ces fideles commentaires. Et encore, +messieurs, un mot en passant. Là , croyez-vous, dites, que toutes ces +bonnes gens fussent ici, & que ceux du temps à venir y étoient? Nous +avons celé les noms de quelques-uns, de peur qu'ils fussent reconnus, & +que plusieurs allassent au-devant, quand ils viendroient, pour leur ôter +leur argent, comme font les gentilshommes, en tems de paix. Or je vous +avertis que j'en dirai un; voire sans rien nommer, c'est que, d'ici à +plusieurs jours, l'empereur entendra le midi; il sera fils d'onze +heures; il mettra le midi à une heure, comme à Bâle en sottise (je +cuidois dire _en Souisse_) Pardon, Souissercons; je vous tiens pour gens +de bien, deussai-je mentir. Le petit diable de la nouvelle étoile vous +puisse chatouiller, pour vous faire rire. Et dà , vous en grincez déja +les dents. En ce tems si tranquille de cette benoîte aventure impériale, +personne ne fondra dispute ni secte, que pour se réjouir sur +l'intelligence de ces mémoires, qui seront divisés en dix-sept parties, +à l'honneur des dix-sept Provinces philosophiques; & on les reverra avec +une attention. Même il y aura devant ou après un beau joyeux petit +prélat de Basse-Bretagne, qui traduira ce code en toutes langues, depuis +celle de boeuf, jusques à celle de carpe pour le carême, & mettra par +rôles les colomnes de cet original, de peur des fausses positions, afin +de secourir les enfans de la science, & y fera-t-on des commentaires, +comme sur une pannerée d'air, une aulne de tems, une poignée d'ombre, & +une coudée de vessi, bon, chaud & humide, frayant comme un limaçon sans +coque. Mais quelque difficile galopin de piéfayés me viendra faire ici +une distinction, (je parle ici des hérétiques comme de chiens, parce que +les gens de bien rient toujours comme à eux tous seuls, auxquels la joie +appartenant & prenant en bonne part, louent l'intention telle que je +l'ai, qui est de profiter comme une poule égarée au renard) & pensera, +ce clabaut, me montrer quelque faute ou erreur, d'autant qu'il ne +l'entend pas; ou bien il est une bête, parquoi se faut taire, de peur de +honte: si on oit ou voit quelque gentillesse, il ne la faut point juger; +mais en rire & l'admirer, comme les Italiens & Espagnols qui font la +finesse. Or, que ce mignon ne me fâche point. Que s'il le fait, cordié, +morgoi, sandé, &c. Je sais bien que je rapporte tout à propos; & ainsi +que je lui dirai qu'il est un sot, par maniere de dire; & moi, pauvre +pifre, me prens-tu pour un apprivoiseur de mouches? Que l'aze te puisse +saillir en place. C'est une belle chose de savoir tout! C'est que notre +langue françoise est la plus ample de toutes. _Sic probo._ Elle a le +plus de termes, pour remarquer la copulation, qui est cause que tout est +produit. _Ergò_, elle est la plus produisante. + +BARRELETTE. Voilà dit cela; & si vous êtes si pauvre de ne l'entendre +pas, je vous le ferai entendre. + + + + +TOME. + + +XII. Entendez donc que les bêtes chevalines saillent, les ânes +baudouinent, les chiens couvrent, les pourceaux souillent, les chevres +forboucsient, les taureaux vétillent, les beliers empreignent les +brebis, les cerfs rutent, les poissons fraient, les cocqs cochent, les +chats margaudent. Cherchez les autres; j'ai hâte. Mais que font les +hommes avec les femmes? Ils font. Quoi font? Cela: proprement, c'est le +faire. Je dirois bien comme disoit hier madame, qui se promenant en +l'isle sauta un fossé, & je lui aidai, & sa coeffure demeura: vraiment, +dit-elle, se remontant de tête; j'ai perdu je ne sais quoi; je laisse +tomber ma coifoutre, c'est-à -dire, ma _coeffe, outre_ ce fossé. Encore +n'est-ce pas tout; j'en hais ce fat qui vient blâmer notre entreprise, & +me dit: vere; Socrates n'a pu y être avec vous où l'on boit & mange, +puisqu'il est mort. Va, prophete de Mahon; il y a long-temps que tu +aurois le cul écorché, si les veaux portoient croupieres. Ne sais-tu pas +bien qu'il y a provision pour tous? Les chairs des bêtes sont pour ceux +qui ont corps & ames; & si les bons trépassés nous sont venus voir; ne +seront-ils point fêtoyés? Tu admets les banquets des dieux; tu y fais +des songes creux, & les admire: & nous ici, riant de ta sotise, nous +avons recouvré de ces cuisinieres du temps passé; qui savent apprêter +cette viande nommée PHEROS, mangeaille de dieux, & béchées de déesses, +qui se fait de divers apprêts & parties des ames de bêtes assommées, +lesquelles par ce moyen sont consommées. Sachez que ces douillettes ames +toutes chaudes, sont fort délicates, & étant assaisonnées de fumées & +quintessence de nos sauces à l'ombre de votre feu, à l'odeur de vos +épices, aux vapeurs de votre rôti, & de toutes les délices du monde, +faisant bonne chere, elles sont confites en goût trop délectable. Voire, +oserois-tu point dire que; sitôt que l'animal est jugulé, c'est pour te +faire plaisir & t'apprendre; (comme disoit la vieille à Jean Hardi. Ce +compagnon étoit un de nos closiers, qui avoit une belle jeune femme. Il +avoit aussi une vieille servante: tous trois n'avoient qu'un lit. Une +fois, que sa femme s'étoit levée pour aller pisser, cettui-ci, ne s'en +étant apperçu, & désirant évacuer nature ritillante, se jetta sur la +vieille, pensant que ce fût sa femme. Comme il s'en fut avisé, il cuida +s'ôter. La vieille lui dit: ne bougez, ne bougez: ce n'est pas pour bien +que vous me fassiez, ce n'est que pour vous _apprendre_.) Si vous en +parlez davantage, vous gâterez tout; vous rendrez honnie toute la +doctrine des colléges; & n'y aura plus de plaisir de s'étudier après les +fadaises de la science des poëtes anciens. Si vous déclarez ainsi le +secret des esprits, vous troublerez l'apothéose, (je voulois dire: _vous +découvrirez le pot aux roses_.) Pensez-vous que ce soit bien fait? Je ne +dirai pas tout: non, je ne veux que reprendre ceux qui pensent que +l'animal, étant comme mort, le soit; & pour l'amour de vous, je ne vous +ferai qu'une démonstration. L'ame du brochet ne s'en ira jamais, que le +brochet ne soit cuit, d'autant qu'elle veut être mangée plus +cordialement par quelques beaux esprits. Qu'ainsi ne soit; ne voyez-vous +pas ès cuisines des grands, que l'on en met le coeur sur le bout de la +table, pour voir si le corps sera cuit? Certes ce coeur remuera, tant +que la cuisson soit parfaite. Je me retiens par le bon, vraiment; & je +fais bien, parce que je dirois choses & autres, au préjudice des bons +garçons, qui n'ont conscience qu'en apparence, & cependant cuident que, +tandis qu'ils sont dispos, ils accommodent à coeur gai ces fillettes, +depuis que l'on en a fait conscience, & que ces hérétiques ont parlé de +réformer, comme ceux de Geneve qui veulent que ceux, qui vont demeurer +en leur ville, aient lettre d'habitation authentiquée; & toutefois ils +ne veulent pas qu'on habite. Nous n'avons point eu de bien, depuis que +les talons des souliers ont été aculés, & les andouilles ont pué la +merde. (En tout honneur, il est aussi aisé que de dire, jeu sans +vilénie, quand on dit _feutre à fourche_, & _fourche à feutre_.) Et les +secrets ayant été ainsi étalés devant le monde, les gentillesses sont +allés au bourdel, & les excellences se sont changées en vétilles. Et +voilà que c'est de parler devant le monde; par quoi je ne veux plus rien +dire de rare: d'autant que, si je continuois, je dirois tant de choses, +que, force de les étudier, le monde deviendroit fou comme vous. + +CASSIODORE. C'est ce que je vous disois; il est vrai que, quelque peine +que j'aie prise à mettre tout d'accord, en tirant le bon bout de mon +côté, & que, prostituant ainsi les sciences, on a parlé des doctrines en +la présence intelligible des femmes, on n'a vu que des hérésies, & les +hémorroïdes en sont chutes au fondement, & les barbes ont été pirement +faites que ci-devant. Et y regardez; vous ne verrez plus de barbes bien +faites, parce que l'on n'y entend plus rien. De mon jeune temps, on +alloit gaiement & sans artifice chez l'émouleur; & on avoit la barbe +faite en deux coups, mettant une joue sur la meule, & puis l'autre, +après cela faisoit frac, rest, zest; une barbe étoit faite toute prête. + +XILANDER. Vraiement, vous êtes un beau danseur! C'étoient de belles +barbes! Elles étoient faites en queues d'hirondes, & les cheveux comme +l'écuelle d'un ladre. Laissons-là les laïques, auxquels je ne me plais +point. Je vous dirai bien que, de mon temps, les gens d'église avoient +la barbe rase; & je vous dirai une remarque: c'est que, quand le pape a +la barbe grande, les prêtres la veulent avoir de même; s'il a le menton +ras, les prêtres le veulent aussi; parce que chacun prétend au papal. +Ainsi donc les sages portoient leurs barbes; les ras n'avoient garde de +les porter, puisque le menton étoit ras; la barbe ôtée étoit demeurée +chez le barbier. A cela fut pris Hauteroue, chanoine de S. Martin de +Tours. (Il faut tout dire, de peur des garces qui nous écoutent, parce +que la fréquence de toutes femelles y abondoit jadis, avant notre +réformation, ainsi qu'aux autres lieux.) Il y songeoit; & le fit +paroître, un matin que l'on le vit barboyé; & un autre chanoine le +voyant, lui dit: monsieur, vous avez aujourd'hui donné de l'eau bénite à +la barbe ôtée. Lui, comme _reus_, va dire: _per meam_, je ne la connois +point. A cela, je jugeai de l'innocence de tous les autres, qui se +passent de garces, comme un bon procureur d'écritoire. + +L'AUTRE. J'en prends à témoin mon compere Livet, procureur au châtelet +de Paris, qui ne laissoit jamais son écritoire. Il avint, par +malencontre de bas avis, que madame sa femme, voyant un gai, gaillard & +jeune maure, eut envie d'en être couverte. Elle le fit entrer; &, pour +remédier à un mal d'estomac qu'elle avoit, elle le fit coucher sur elle. +Ce qu'elle en faisoit, étoit qu'elle considéroit que sa peau, vu sa +nation, seroit plus chaude que celle d'un François. Le jeune homme ayant +été là assez long-tems, fut remercié & salarié de son bon office, où il +n'y avoit point de mal, vu que cela tendoit à la santé. Mais que c'est +des impressions! Il lui avint que son mari venant à la copuler, elle qui +se souvint du maure, en engendra un; ce qui parut, quand elle accoucha. +Sa commere voyant à son enfantement, cette aventure si noire, l'en +avisa; & la pauvrette lui dit sa friande imagination; à quoi la bonne +commere & amie pourvut, & s'en alla au châtelet faire appeller Livet, +qui venu lui dit: hé bien, ma mie, qu'avons-nous? Un beau fils, lui +dit-elle; mais je vous prie, dites-moi en conscience, mon compere, +n'avez-vous jamais accolé ma commere, que vous eussiez votre écritoire à +votre côté? O que si ai, plus de trente fois. Vraiment, vous avez bien +besongné! Je m'en doutois bien; voilà , il est chut de l'encre dedans, si +que vous avez fait un enfant noir comme un maure. + +TIBERE. Que vous avez belle envie d'échapper. + + + + +ALLÉGATION. + + +XIII. Or çà , belles entendoires, qui tous avez hâte pour amasser des +argumens cornus, & changer vos thêmes; pourquoi est-ce que les gens +d'église ont en plusieurs lieux, comme jadis, le menton ras? + +CASSIODORE. Foin sans blasphémer. + +TIBERE. Je ne veux plus nommer personne; venez voir qui y sera: c'est +trop se déclarer. Qui sont les gens d'église? + +XILANDER. Hé dà , ce sont les prêtres. + +TIBERE. Ne vous déplaise, par la gorge, ce sont les images qui y sont +jour & nuit, qui jeûnent sans cesse, comme y étant idoines. Toujours ils +ne font point ce qu'il ne faut point faire; ils s'abstiennent & sont +tels que doivent être vrais gens d'église. + +SOCRATES. _Distinguo_, s'il vous plaît: votre mule pisse: elle se +morfondra par le fondement. Telles gens d'église sont toujours en un +état comme les rois du palais, y habitant sempiternellement de +sempiternité lapidaire; mais ceux dont vous parlez, ne sont gens +d'église que par adoption. J'entends parler des corps animés, qui vont & +viennent à l'église pour la servir, qui sont hommes vifs; & toutefois +qui sont intellectement comme nous sommes, vivans de la vie du monde, +bien qu'ils soient boivans & mangeans, & chians & pissans; lesquels +toutefois sont hommes sains & mortifiés, & de saison; lesquels pour +n'être affectés en apparence publique, sont dits morts par excellence, +vu la mine. Et de fait, on les nomme morts, pour autant que l'outil qui +perpétue la vie, leur est bouclé par la vertu de certaines paroles +conférantes ordre supernaturel; & ainsi l'usage naturel leur est +interdit par voeu. Ils s'en rasoient le menton, afin que le regret +qu'ils ont de n'oser ni vouloir fréquenter la douceur du monde ne parût +aucunement, joint qu'ils doivent être joyeux, (_venite exultemus_) & que +leur état est une joie perpétuelle, laquelle il faut faire paroître, +encore qu'elle ne fût pas. C'est la cause pour laquelle ils se font +raser le menton, parce qu'il semble qu'un homme, ainsi réparé du minois, +rie toujours. Et y prenez garde; & s'il n'est vrai, que de quinze jours +ne puissiez-vous aller à vos affaires. De-là est venu & procédé ce canon +du concile de Quarante: le prêtre fera sa barbe en couene de lard, afin +qu'il paroisse toujours riant, friant, fringant, _donec, &c_. + +CATON. C'est pourquoi le bon homme Hugonis étoit toujours joyeux. + +ALBERT LE GRAND. Voire, ce moine l'étoit vraiment; & de fait, il étoit +gros & gras, comme un mâtin qui tete deux fesses, il étoit ample autant +que le cul d'un ministre qui accouche en liberté. Une fois qu'il passoit +près de S. Avoye une belle demoiselle le voyant, dit à une autre par +admiration: que voilà un moine qui est gros! Il l'ouit, d'autant que, +ses membres étant proportionnés, il avoit belles oreilles, & lui +répondit: mademoiselle, il y a long-temps que je fusse accouché, si +j'eusse trouvé une sage-femme. + +L'AUTRE. Pourquoi est-ce qu'on appelle _sages-femmes_ celles qui +reçoivent les enfans, & ont le gouvernement des pays-has. + +HÉLIODORE. C'est parce qu'elles voient de grands cas. Je me souviens que +j'étois encore bien vieil, la cour de parlement étant à Tours, que de +bons garçons firent une galantise à une sage-femme. Ils mirent un gars, +en guise de femme prête d'accoucher, dans un lit; & firent venir une +sage-femme, qui, mettant la main dessous les draps, & trouvant son +braquemart, dit tout haut: courage, l'enfant viendra bientôt; j'en tiens +le bras. Elle le vouloit remettre, sans qu'elle reconnût ce que c'étoit: +or devinez. (Un jour je pissois contre une muraille; & une belle dame me +regardoit; je lui dis: devinez ce que je tiens, & vous l'aurez.) + +CATON. Encore faut-il que je me souvienne de ce bon homme Hugonis, qui a +été mon maître, d'autant que les huguenots faisoient bruit par la +France. Que le diantre y avise, puisque les autres n'en veulent rien +faire; bran, cela m'est échappé. En ce temps-là que j'étois si fort +étudiant, ce mien maître hantoit ce bon prince catholique, le pere de +cette pauvre dévoyée, qui a tant fait disputer. Il avint un jour, que le +basque étant à la porte de notre prince, Hugonis vint heurter; je le +suivois. Comme on eut demandé: qui est-ce? Je dis; c'est notre maître +Hugonis. Le basque va dire à monsieur: c'est maître Conin, qui est +là -bas, qui veut parler à vous. Quoi! dit monsieur, ce pipeur? Va lui +dire qu'il aille autre part faire ses tours de passe-passe. Un jour +durant, il fut estimé hérétique; mais cela passa, par une prédication +que j'en fis tout chaudement, tellement que ceux qui cuidoient que +monseigneur sentît mal de la foi, furent résolus; & le tout se tourna en +risée domestique. + +ERASME. Cela me fait souvenir de ce que me dit frere Lucas. + +CATON. Quoi! qui? frere Lucas qui avoit mal au chose, & on le lui coupa, +si que, le cas lui étant ôté, il n'est plus que frere Lu? + +ERASME. Non, ce n'est pas cela; je parle bien d'un docteur: c'est de +celui qui, à ma réception, me prit par la main, & me dit: mon frere, mon +ami, _doctissime baccalaure_, j'ai une parole de très-grande conséquence +à vous dire: c'est que vous sentez mal de l'hérésie. + +CATON. Que lui répondites-vous? + +ERASME. Je me mis en colere; & lui dis que mon âne étoit plus sage que +lui. Il me fit appeller; & je lui prouvai mon dire: parce que mon âne +venoit bien de la riviere tout seul ayant bu; & lui, il le falloit +rapporter de la taverne, quand il avoit trinqué. Je gagnai mon procès, +faisant quinaut le juge, en lui demandant: pourquoi est-ce que mon âne +va à pied? Il ne le sut dire; & je lui ai enseigné, disant: c'est parce +qu'il n'a point de cheval comme vous, monsieur le Juge. Il se +trémoussoit comme une pie en gésine, & me dit: regardez à qui vous +parlez; je suis gentilhomme. Il me remâcha cette parole, étant descendu +du siége: & alors ne le craignant plus, je lui dis: vraiment vere, si +tous les gentilshommes du monde avoient les jambes cassées, vous ne +lairiez pas de courir. Mais je suis gentilhomme; oui, je veux bien que +vous le sachiez. Si j'avois pour un liard de telle noblesse dans le +ventre, je prendrois pour cinquante écus de rhubarbe, pour la chasser. +Le Juge dit: si je remonte en mon siége, je vous ferai affront. Vous me +feriez comme le Juge de la Fleche, qui condamna un homme à être pendu & +étranglé, sauf son recours contre qui il verroit bon être. Aian, +répondit-il, encore un coup, ne me fâchez pas. Bien, lui dis-je, pour +vous appaiser, je vous veux apprendre un secret. Pourquoi est-ce que les +femmes pissent, quand elles en ont envie? Vous voilà à pied des raisons, +le cul aussi près de terre qu'un pâtissier qui n'a que faire. C'est +parce qu'un autre ne sauroit pisser pour elle. Et moi je chierois bien +pour vous. + +CATON. Fi, fi, cela se sentiroit mieux & plutôt que l'hérésie. + +SOCRATES. Comment la sent-on? + +ERASME. Il faut mettre le nez au cul de l'hérétique, & en retenir le +goût & l'odeur; puis aller sentir au cul des bons Docteurs & Cordeliers, +pour voir s'ils sentiront de même. Mais n'allez pas sentir au cul des +minimes; je pense qu'ils flairent horriblement le clystere, à cause que +leur cul est une sentine d'huile perpétuelle. + +NÉRON. Comme vous parlez impudemment! Il semble qu'il n'y a ici qu'à se +détraver en sales paroles, & que toute honnêteté & vergongne soit +perdue. + +DIOGENES. Tout est permis ici; nous sommes pair à compagnon: on doit +faire & dire ici tout ce qu'on peut & pense. + +ALEXANDRE. Vous y perdriez, pauvre homme, parce que, si tout étoit +permis, je vous battrois bien à cette heure, pour me venger de +l'affront, que, l'année qui vient, vous me fîtes en Grece. + +DANEAU. Est-ce en _graisse_ dure ou fondante, de quoi vous parlez? +Certes je suis en suspens, quand j'en oi parler, à cause des gréges qui +engraissent les personnes pour les faire mourir, & les autres les +engraissent pour les faire vivre. + +ROBERT ETIENNE. Je ne m'en soucie pas: je voudrois avoir trouvé un bon +moyen de m'engraisser; je me porterois bien. En dà , je suis aussi maigre +que le vendredi oré, & aussi défait que la semaine peneuse; & dà , je +suis aussi maigre qu'un millier de clous. + +JOLIVET. Il faut donc que vous alliez en un pays que j'ai fréquenté, que +vous appreniez ce que les gens de-là font, pour s'engraisser. Vraiment +ils sont-là toujours gras & en bon point, comme de beaux petits moines +de bonne étoffe. Les moines sont gras comme de belles vaches portantes; +mais les vaches ayant vellé, elles deviennent maigres, & les bons moines +qui n'ont point vellé, sont toujours gras. Je parle aux doctes sorets, +harengs sorets & massorets. + + + + +AVIS. + + +XIV. En ce pays que je vous dis, tout y est gras; même aussi les jours +maigres y sont graissés: & je vous dirai une belle invention, que m'ont +apprise ceux qui font exercice. Ces bonnes gens prennent les jours +maigres dès la veille, & les châtrent, puis les mettent en mue. Je ne +fus jamais si étonné, que quand j'y vis monsieur de carême en une grande +mue, où trois vieilles croupieres l'appâtoient des pâtons de blanc de +chapons. Vraiment il n'étoit plus, comme je l'avois vu autrefois à Rome; +il étoit gras & refait comme le chien d'un vielleux; il étoit si +engraissé, que la graisse lui sortoit par les yeux, comme les puces +sautent dans un four qui sue de froid. + +DIOGENES. Vous parlez de suer; & en quel temps est-ce que les vis suent? + +CESAR. Fi, fi, vous êtes salaud. + +MADAME. Oui, je l'entends comme vous; je dis jeu sans vilénie, comme +nous disons nous autres filles; c'est quand il menace de pluie, que la +vis de notre grenier sue, & qu'elle est relente, & si le noyau de la +vis, ou la vis même est de pierre, tant mieux, elle en durera davantage, +ainsi que celle des tuileries. + +DIOSCORIDES. Vraiment, l'autre jour que j'y étois, je voyois des dames +Parisiennes, qui admirent cet ouvrage, y montant, elles relevoient leurs +cottes & s'entredisoient? madame, ma mie, que voici une belle entrée de +vis! Jean voire, leur dis-je à deux belles, que puissiez-vous jamais +n'être à votre aise, que je, n'en aie fait la preuve par essai naturel. + +HÉLIODORE. C'est votre souverain bien que ces imaginations, & plus +encore quand vous en tenez la cause: je ne dis pas les imaginaisons: il +faudroit avoir les doigts bien subtils. Il est vrai que ces esprits +familiers, ainsi montant, sont de bonne rencontre & facile accès. + +JAMBLIQUE. Ne parlez point des esprits, je m'y suis trop rompu la tête, +& n'en ai su venir à bout. + +L'AUTRE. Ce n'est que votre faute, d'autant que le familier s'approche +aisément. Et qui en sait plus que moi? Vere, vere, ce sont abus que vos +contes de loup, d'esprits fantastiques. + +CARDAN. Vous vous paillardez lanterniérement sur l'éloquence, & faites +ainsi admirer la suite d'une vaine rencontre d'esprits: ce qui se trouve +inepte & fat, sans fruit, cela n'étant que rêverie: & pourtant je vous +dis que vos frivoles conceptions ne sont rien au prix de la douceur & +mignonne rencontre, non d'esprits qui ne sont pas, mais d'essences +vraies. Et n'y a rien tel, pour le contentement, que la formelle +embrassade d'un esprit familier, incube ou succube, _id est_, femelle +pour nous, & mâle pour les dames, qui les appellent _foulons_, qui vont +la nuit fouler le monde, & leur presser la rate. + +L'AUTRE. Vos contes sont fadaises, & ne sont que folles fantaisies; mais +la réalité temporelle, sensitive & communicable d'une vérité perceptible +est la perfection produisante bon & singulier effet de délices, bien +loin des pensées mélancoliques, qui sont persuadées par crainte, folie +ou sotte curiosité. Il y en a tant qui desirent des esprits familiers; +jamais personne n'en eut faute: l'ayant voulu autrement, nul n'a osé +entamer le propos ni la piece, ni congner ou laisser congner en +l'entamée ou entameure. Il faut tout dire; ceux qui sont savans s'y +connoissent; & puis dites, ô vous qui vous macerez: le diable me tente. +Tu nous la bailles belle! C'est votre propre nature nerveuse, qui +s'excite selon la loi naturelle vîte & sainte; & vous faites semblant de +ne l'entendre pas. Il faudroit, afin que ce que vous dites fût vrai, que +le diable vous soufflât au jaret, comme il fit à Andocidès, ainsi qu'on +le pratique aux veaux. Cependant, cruels hypocrites, vous ne voulez pas +donner gloire à madame nature qui opere; vous aimez mieux en faire +auteur le diable; & ainsi vous lui faites hommage, lui attribuant une +puissance qui est en vous. C'est grande pitié! Cela vient de la folle +spéculation. Et ces messieurs les parfaits réformés, qui coursoient leur +bonnet selon leur fantaisie! Qu'ainsi ne soit; je le prouverai par +raison; il n'y a homme, tant soit-il débile, qui ne le fasse mieux qu'un +diable, encore que l'on dise: il le fait en diable. Ce qu'il faut +entendre sainement. C'est-à -dire: il le fait autant (quand c'est un bon +faiseur) comme un diable seroit desireux de le faire, s'il savoit ce que +c'est. On ne dit point en diablesse; aussi les mâles font tout: les +femmes font comme gueux; elles ne font que tendre leur écuelle. + +DARIUS. Appellez-vous cela une écuelle? Quand le cancre de mer prit les +levres du cas de madame, il n'avoit à ce conte pris que le bord d'une +écuelle. + +MADAME. Sachons cette menée, je vous prie. + +DARIUS. Je le veux. Monsieur le gouverneur, (alors nous habitions un +port de mer) étant à la ville, ainsi qu'à tels seigneurs le menu peuple +fait force présens, reçut, de quelques pêcheurs, un présent d'une +pannerée de fort beaux cancres vifs tous choisis (on dit _beaux_ les +plus gros; ainsi étoit un fort bel homme, le gros Chenu d'Orléans, qui +étoit gros comme une pipe; & tel monsieur de la Contiere d'Anjou, qui se +faisoit porter sur une charrette, ne pouvant aller à pied, & qui, un +soir de vendredi saint, voulant jeûner, mangea seulement un boisseau de +pruneaux, ce qui tint si peu de place en son ventre, qu'il cuida +défaillir de faim avant minuit; ainsi étoit une belle femme la dame des +Carneaux). Mondit seigneur, ayant reçu ces cancres, les fit poser près +de la cheminée. Tandis qu'il s'amusoit, un des cancres se glissa, & se +rampant, s'enlassa entre une tapisserie & la muraille. Les autres furent +portés à la cuisine, pour y être troussés comme mugette. La nuit que +chacun dormoit, ce maître cancre, ayant affaire d'eau, & la sentant à +l'odeur marine, va au pot à pisser, où il se rangea en si peu qu'il y +avoit; & ainsi glissé au fond du pot, s'y tenoit, attendant miséricorde. +Quelques heures après, madame eût envie de se consoler à la décharge de +ses reins chargés d'urine, déja tirée en la vessie, dont la pesanteur +par filandres tire à soi les roignons, qui se délectent de son +évacuation; & prenant le pot, s'étant un peu relevée, se flanqua dessus, +de peur de pisser au lit; & ainsi madame... + +ARCHIMEDE. (Baisez-la au cul, si c'est la vôtre, tandis que je +chercherai la mienne; c'est une regle de géométrie. + +DARIUS. Petit follet, laissez-moi en paix; il n'est pas possible que +vous me fâchiez, comme vous le desirez; il n'y a qu'un moyen de me faire +taire: prenez un rateau, & me baillez des dents au cul; & j'aurai tant +de douleur, que je me tairai). Voilà donc madame, qui laisse aller l'eau +de la goutiere naturelle entre les arcs-boutans des crevasses physiques, +& pissant roide comme une pucelle qui n'ose, arrousa de cette liqueur +fraîche & chaudement émouvée le paillard cancre, qui soudain se dilate & +releve; en ouvrant un de ses bras, qui est de telle condition que +s'étant ouvert & pris à quelque sujet, il ne le laisse point. Que +prit-il, bonnes gens? A l'aide! Il trouva & prit. Quoi? Cela est si +délicat & mignon, que je n'ose le dire. Il happa & serra le bord, le +limbe, la levre, l'ornement, la mâchoire, cette fente mignarde, +extrémité éminente qui se releve en crête de fossé, au bas du ventre +féminin sur le devant, pour faire honneur aux babines du chose de +madame. Cela est si sensible, qu'elle s'en écria si haut, qu'elle +éveilla son mari, qui lui demanda ce qu'elle avoit. Hélas! dit-elle, je +suis perdue. Elle soupiroit, & n'osoit le dire. Toutefois sa douleur lui +fit déclarer que quelque fantaisie la mordoit au bord de son cas. +Monsieur, en bon mari, ayant fait apporter la chandelle, & vu l'effet ès +parties naturelles de la femme: paix, ma mie, paix, dit-il; je lui ferai +bien lâcher prise; je sais le secret: il ne faut que souffler contre. Il +se mit à souffler; & le cancre, levant l'autre bras, l'empoigna à la +levre d'auprès le nez. Il faisoit beau voir cette remembrance. Il avoit +le nez bien près du cela de sa femme; il pouvoit bien voir si d'autres y +étoient: il n'eût pas été cocu sans avis. Le valet de chambre, qui +survint avec des ciseaux, coupa les deux bras du cancre, mit monsieur & +madame en liberté. + +MADAME. J'eusse bien voulu voir la grimace qu'ils faisoient. Je ne sais +si cette femme avoit envie de rire, voyant l'humilité de son mari. + +PETRONIUS. Cela me fait souvenir de la fortune de frere Jean Laillée +notre bon ami. + + + + +COMMENTAIRE. + + +XV. Un jour, proche des avents, allant à Angers, il ne put attrapper la +ville, si qu'il coucha chez une bonne femme qui le connoissoit de longue +main: s'il m'en souvient, c'étoit chez la jeune Coibaude. Comme il fut +au lit, on lui mit sur la selle d'auprès le chevet un pot de nuit: or +sur la même chaire, il y avoit une ratiere quarrée & creuse en rond; ce +n'étoit pas de celles qui ont une porte, mais un ressort qui serre le +rat par le milieu du corps: cet engin-là , qui a pour le moins demi-pied +de diametre, & est en cube, étoit fort tendu & le ressort fort bandé. +Frere Jean se réveilla, pour faire de l'eau; & prit cet engin par le +bord, cuidant que ce fut un vaisseau à pisser, & y présenta son outil, +qui s'avançant donna jusques à la détente; parquoi le ressort échappa, & +prit le pauvre cas du cordelier, qui sentit plutôt cela que le jour. Il +se prit à crier si haut, que Lucifer s'en fût éveillé; & on lui apporta +de la chandelle pour le dégager. La chambriere en rioit d'aise, d'autant +qu'elle étoit bien vengée d'une autrefois qu'il logea là -dedans; c'étoit +en été; & parce qu'il y avoit presse, lui qui étoit des amis, coucha en +la chambre basse, où la bonne femme & sa chambriere couchoient en +l'autre lit. Ce mignon se leva, pour prendre l'air; la nuit étoit un peu +noire; il appella la chambriere: marquise, je suis égaré: je te prie, +viens me quérir. Cette pauvrette se leve, & va à lui, qui avoit troussé +sa chemise & levé fort haut le bras. Prens-moi la main, je te prie. Elle +tâtonnoit & trouva son bout. Hélas, ce dit-elle, que vous avez les +doigts gros! ho, & c'est votre bras. Il n'y a point de main! & +qu'est-ce? en dà , je n'en ferai rien. Elle lui tira une secousse, & le +laissa là . + +SIMLER. Maître Jean Pinaut, ministre de Genève, m'a conté qu'il lui en +prit autant à Chamberi. + + + + +DISTINCTION. + + +XVI. A cause de quoi, il avient toujours quelque disgrace à ces pauvres +innocents, & leur tombe quelque échec; témoin celui qui précédoit à +Dampierre, quand nous y cherchons la pierre philosophale, avec tous ces +barons de Normandie, & que nous bûmes le bon vin que Nabot avoit +persuadé à monsieur de Chansegré d'y faire apporter, pour en faire de la +poudre de projection. Il y avoit blanc & rouge; c'étoit faire la pierre +pour la projection de l'argent & de l'or potable. J'avois avec moi mon +Pierre, qui étoit un bon vaurien. Le dimanche venu, nous ouimes le +sermon d'un cordelier qui avoit une ulcere en une jambe; & le thême de +son prêchement étoit _Modicum_, qu'il répéta plusieurs fois, ce qui fut +cause que mon valet sortit, disant: que diable avons-nous affaire, si le +maudit con lui a fait tort? Les faucons engendrent les mauvais, & les +mauvais les faucons. Quand ce moine fut guéri, il s'en alla & prit congé +du cul & de la tête, comme c'étoit la coutume: or, étoit-il galant de sa +personne, dispos & courageux, (j'ai quasi dit _vaillant_, ce qui +n'appartient qu'à nous, chevaliers & écuyers.) Le frere, passant sur +l'étang de la Ferriere, fut rencontré de deux voleurs à pied, qui eurent +envie de son habit, par quoi ils lui dirent: frere, cet habit vous est +trop chaud & importun; baillez-le nous un peu à porter pour votre santé. +Sans faute, dit-il, messieurs, tout est à vous, corps aussi; je vous +supplie me donner congé de me dévétir, & n'outragez point ma pauvre +personne. Ce qu'ayant dit, il met son bâton à deux bouts à terre, le +pied dessus, & dévêt le froc, qu'il leur jetta aux pieds, puis reprend +son bâton, & tout en pourpoint leur dit humblement: messieurs, +prenez-le. Un d'eux se baissant pour l'amasser, le moine lui vint +décharger un si grand revers de son bâton sut l'autre flanc, qu'il +l'envoya béchever du long de la levée. Cette épauliere ainsi déchargée +sur le haut de la personne de ce vilain, qui cheut sur le ventre comme +une grenouille éhanchée, épouvanta tant le compagnon de l'écrasé, qu'il +s'enfuit; & le cordelier de le supplier courtoisement de venir au reste. +Le trébuché, qui craignoit le demeurant, disoit: ha, frere Gilles! Mon +bon pere confesseur, je me jouois, vous êtes bien rude de ne prendre +rien en jeu! Et le moine s'avança de lui apprendre les dimensions, non +du _baculus_ de Jacob, mais du bâton de Gilles, & le pauvret de crier: +hélas, monsieur, pardon! A ce mot de monsieur, il le recommanda à tous +les diables, & s'en alla aussi. Il y a trois sortes de gens qui n'aiment +point à être appellés par leur nom: comme vous diriez chien & chat, +moines, ministres, prêtres, putains & bâteleurs. Minon & chat, +c'est-à -dire, monsieur; à cela vous connoîtrez qu'il faut dire mignon, +monsieur le prieur, notre maître, &c. + +OECOLAMPADE. Le docteur de chez nous ne fut pas si habile, quand sa +garce le battit, parce qu'il se laissa égratigner le visage; & le +lendemain, comme on lui demanda qui l'avoit ainsi marqué, il dit que +c'étoit un fagot. + +EMPEDOCLES. Diantre, quel fagot! C'est possible un fagot de foin, ainsi +que le rapporta maître Alain, qui fut trouvé avec une garce; il ne +s'excusa pas comme Denost, qui, au chapitre, quand on le tença qu'il ne +bougeoit d'avec les garces: certes, ce dit-il, je n'y ai pas été depuis +_Quasimodo_. Aussi venoit-il de coucher avec une. + +SIMLER. Tu en as toi qui parlois tantôt de foin pour chair: mais, si on +te tournoit de langage, te donnant à déjeuner, & que pour de la chair on +te donnât du foin, que seroit-ce? + +LEON HÉBREU. Ah! voilà bien argumenté pour un vieil plaideur. Notez que +tout honnête homme ne mange point de morceau de boeuf, ni de morceau de +pourceau. Pourquoi? parce qu'un morceau de boeuf est une poignée de +foin; & un morceau de pourceau, c'est un étron, qui vous puisse servir +de masque à carême prenant. + +PERICLÈS. Les gens ont tort; & celui qui parle a raison; mais il mâche +de travers, & si je vous dirai qu'il n'y a gueres qu'il le sait: il ne +le dit encore gueres bien. + +EMPEDOCLES. Vous n'avez pas dit, comme on dit monsieur en moine. + +SIMLER. Ho, vous en souvient-il? J'étois bien loin. Et que sais-je? +Notez que ceux qui parlent tant des friponniers d'un état doivent en +être, en avoir été, ou les avoir trop fréquentés. J'étois vragnant en +Savoye, où j'écoutois parler à son altesse. + +VIVES. Et moi à Rome, où j'oyois supplier sa sainteté. + +CARDAN. Et moi en enfer, où j'oyois dire sa diablerie. + +L'AUTRE. Et moi chez notre archevêque, où l'on baisoit les mains de son +archiepiscoperie; & il répondit à son suffragant: j'honore votre +espiscoperie; & à un chanoine: je me recommande à votre chanoinerie. + +SIMLER. Je voyois un mignon qui parloit à un jurisconsulte, & lui +disoit: comment se porte votre conseillerie. Aussi sa conseillerie lui +avoit donné à dîner. Comme sa majesté lui avoit donné sa lettrerie, j'ai +pensé dire sa _ladrerie_, soient sauvées les jumens. Nous sommes, je dis +vous autres, de grands sots. Je ne pensois pas que cette femme eût la +tête si fausse, de taper ainsi son pauvre maître de docteur. + +TEXTOR. Je vous prie, parlez bas, & ne vous mariez point de peur d'être +cocu. Mais je me trompe, j'ois ce beau procureur qui en parle; il est +marié, il est heureux, sa femme est grosse, elle accouchera. + +SIMLER. Parlez sobrement des femmes. + +TEXTOR. Tu y devois bien venir, toi qui a si belle femme. Par ma +conscience, elle est belle & de mérite, & des plus jolies du monde: & je +suis fâché pour elle d'une chose; c'est qu'elle est la femme d'un cocu, +qui a pendu aux fesses les trébillons d'un veau. + +SIMLER. Par Hercules, à la fin, tu troubleras ma patience. A ce conte, +tu ferois ma femme putain? + +TEXTOR. Si je l'avois couverte, sans doute elle le seroit, & l'aurois +faite telle. + +SIMLER. Mais qu'as-tu affaire de dire cela? Tu sais bien qu'elle est +femme de bien; à grand-peine seroit-elle débauchée. Vraiment, elle +n'aime point le déduit; aussi je ne prens pas plaisir d'avoir affaire à +elle. + +TEXTOR. J'y en prendrois bien, quant à moi. + +SIMLER. Si tu me fâches, je te pousserai & te hâterai d'aller. + +TEXTOR. Je ne veux qu'aller au palais de Paris, pour être poussé, ainsi +que répondit Limois au conseiller son maître, qui lui promettoit de le +pousser. Pargoi, monsieur, je serai plus poussé en demi-heure, à la +sortie du châtelet, ou du palais, que ne sauriez me pousser, toute votre +vie. Au reste, pauvre homme, je voudrois que tu m'eusses tant hâté +d'aller, que j'eusse passé le mauvais tems. + +SIMLER. Encore tu te moques? Va, je veux bien être cocu; mais si tu me +courouces, je te ferai porter les stigmates des cornes de cocus. + +DIOSCORIDE. Voilà une drogue dont je n'ai jamais ouï parler: apprenez-la +moi, pour la mettre en mon livre. + +MADELAINE. Voilà cette belle Diotine, qui est enragée de faire leçon aux +doctes. Demandez-lui. Toutefois j'en sais plus qu'elle; mon mari me l'a +appris. + + + + +PARTIE. + + +XVII. Quand je tenois école d'écriture à Toulouse, avec les chanoines de +Saint Sernin, d'entre lesquels il y en avoit un qui étoit curé là +auprès, & entretenoit la premiere femme de mon mari, laquelle étoit +belle. Un jour, j'oyois ce mari qui parloit à elle: d'où viens-tu? +fit-il. Du four, fit-elle. Que faire? fit-il. Un tourteau, fit-elle. +Est-il bon? fit-il. Tâtez-y, fit-elle. Est-il chaud? fit-il. Soufflez-y, +fit-elle. Et où, fit-il. A mon cul, fit-elle. Ha putain! fit-il. Ha +cocu? fit-elle. Ha, ha, fit-il. A, a, fit-elle. Voilà comment je suis +femme de cocu; & si, je suis femme de bien; ce que l'on ne penseroit +jamais. Cependant je conserve bien mon bon homme en sa qualité, sans +faire faute de mon corps, non plus qu'une nonnain griesche. Si est-ce +pource que je me tenois assez mignonne, on parloit mal de moi; en dà , on +avoit tort; c'est parce que je n'eusse su faire que ce qui déja étoit +fait. Et puis, comme j'ai appris des docteurs que j'ai fréquentés jour & +nuit, le cocuage est un caractere indélébile, tenant comme moinerie au +corps & à l'ame d'un profès; & bien plus fort, mais non si visiblement +que merde en derriere de chemise. Et parce que cela étoit, je me +contenois fort en devoir, aimant bien mon mari, que je mignardois, tout +ne plus ne moins que si j'eusse été un peu putain. Et de fait, comme, +étant femme, je sais la nature féminine, je vous assure qu'il n'est aux +hommes que d'avoir femmes qui en tiennent tant soit peu: cela est levain +de perfection, pourvu qu'elles n'en soient âpres; & ce d'autant que +telles femmes aiment mieux les hommes, & les servent mieux quand ils +sont malades, & avec moins de dédain que ces sottes femmes de bien. +Encore que je traitasse bien mon preud'homme, si est-ce que quelquefois +il se fâchoit contre moi: & sur-tout une fois, qu'il me trouva devisant +d'affaires avec un commandeur, qui, pour me guérir du mal de la colique, +m'avoit appliqué sa croix sur le bas de l'estomac, & me disoit à +l'oreille les paroles qu'il y falloit dire pour ma santé. Mon vieillard +eut une fausse impression, dont il me querella; mais je le fis taire. Or +sus paix, c'est assez. Que tu es méchante. Voire, si je ne l'eusse fait +taire, il eût huché jusques à demain. Je l'eusse volontiers battu, sans +que dieu & vergogne le défendent; & y eût paru, parce que je lui eusse +fait sentir, non les cornes de cocu, ains celles de sa femme. + +MECENAS. Mais quelles sont les cornes d'un cocu, & celles des femmes, +qu'elles fassent ainsi mal? + +MADELAINE. Sont les ongles. Il vous faudroit mettre dessus; encore ne +vous en appercevriez-vous, non plus que le pauvre meûnier qui étoit sur +son âne, & fut surpris d'une grande procession, qui le pressoit fort; & +lui, ayant son bonnet à la main, dandinoit, regardant la banniere & les +beaux joyaux. Deux ou trois fripons, approchant de lui, couperent les +sangles de son bât, & soutinrent le bât assez long-temps, portant le +drôle, tandis qu'un autre arrêta le mulet, le tenant par la queue, comme +une anguille. Quand ils l'eurent assez porté, ils le planterent-là ; & le +pauvret de crier & hucher: & où est mon âne? O, va le chercher. Or, +puisqu'il faut tout dire, ce bon homme étant mort, j'épouse, pour la +seconde fois, le plus grand sot du monde, tant à cause de lui que de +moi. Je n'ai point honte d'ainsi parler, puisque je ne ments point. +Voilà ! son âne m'étoit contraire: ainsi, par ma finte, il avoit eu deux +autres femmes, dont la seconde étoit une des plus femmes de bien de la +terre; & elle ne fut pas si-tôt avec lui, que l'astre de cet homme ne la +rangeât au point des soeurs. Je dis donc ceci avec toute gloire, à cette +heure que je suis fille pénitente, & qu'il y a du plaisir à raconter les +vieilles vétilles, & que c'est un grand mérite, que de se souvenir de +ses fautes, dont par ainsi la rétribution est grande en pardons, +abondant sur l'iniquité. En ce mien mariage, je me gouvernai en femme de +bien, ne plus ne moins que les dames de Paris, qui ont des intervis. + +CESAR. Quels diables sont-ce? + +MADELAINE. Vous le saurez tantôt. Et ne m'avint qu'une douce infortune, +en quoi je ne fis point de faute, parce que Pichonneau disoit, en +chaire, que ce n'étoit point péché, quand on n'en tiroit ni profit, ni +plaisir. Il y eut un beau jeune homme de bonne maison, qui me fit +l'honneur de m'aimer; &, parce qu'il étoit fort apparenté, crainte que +je fusse cause qu'il lui avînt du mal, je le laissai faire de moi ce +qu'il put, sans que j'y apportasse aucun consentement: aussi je n'y +prenois aucun plaisir. Je le laissois faire à son aise pour le +gratifier, & pour le grand amour qu'il me portoit, afin qu'il ne m'en +pensât tant son obligée, & qu'il en prétendît récompense: je lui +permettois & voulois bien qu'il eût tout plaisir qu'il vouloit de moi, +puisqu'il disoit qu'il y en trouvoit, encore que cela ne m'en fît +aucunement. + +PORCENA. A qui fait-il plus de bien, aux hommes ou aux femmes? + +GEBER. C'est aux hommes, dit Saint-Gelave. A, ha, ha, dit mon compere +Bardou, vous vous trompez; c'est aux femmes. Avisez que si l'oreille +vous démange, & que la gratiez de votre petit doigt, qui a plus de +plaisir & de bien? N'est-ce point l'oreille? Et puis il y a en la +chanson: _vous aurez sur l'oreille_. + +MADELAINE. Je ne sais rien de tout ce que vous dites; vous êtes des +causeurs; je ne prends point de plaisir à si peu de chose. Bien que l'on +me l'ait assez voulu persuader, à ce que l'on disoit, & qu'on a dit de +moi ce qu'on a voulu, je me suis pourtant portée en tout honneur. +Pensez-vous qu'une femme ne puisse pas coucher avec un homme, sans +toutes ces badineries là ? Pour autant que cet honnête bon seigneur avoit +couché avec moi, & que l'on disoit qu'il y avoit danger, ce que je ne +trouvai onques, je fus à confesse; & comme le prêtre m'enquêtoit +soigneusement, je répondis avec un bel excès de contrition de coeur, +selon les péchés que j'avois commis, ajoutant que j'avois fait un +oiseau. Comment, ce me dit-il tout émerveillé, un oiseau, ma mie? Oui, +monsieur. Le pauvre petit bon homme n'entendoit pas que je parlois d'un +cocu; & de-là vint le proverbe, que depuis on a dit: _pauvre prêtre_, vu +la pauvreté de cettui-ci en science. Et pour vous faire entendre +l'excellence & la vive nature de cet oiseau, il est convenable de savoir +qu'il ne s'engendre point comme les autres. Il est éclos, fait, parfait, +dressé & accompli en un moment; il ne faut qu'un coup de bandage. Aussi +monsieur des Fléches m'en avoit averti, me voyant deviser avec ce +gentilhomme. Il me dit: par le corbeau du bois, ma mie, ce godelureau te +scellera un passeport sur le ventre. Cela ne s'est pu détourner; les +destinées le vouloient: il est vrai que je l'aimois; & si j'eusse été à +marier, je l'eusse aimé pour ami, & non pour mari, d'autant qu'il +n'avoit point de chausse-pied de mariage. + +MÉCENAS. J'ai beaucoup vu & ouï des poëtes à ma table, & en mes +particuliers discours, & infinis philosophes & autres docteurs; mais je +n'avois jamais ouï parler de tel outil. + +MADELAINE. Ce sont les filles de ville, & sur-tout de Paris, qui parlent +ainsi; & voyant quelque jeune homme qui est pourvu de quelque état ou +office, elles disent: il a un chausse-pied à con. + +MÉCENAS. Je ne savois pas cela. + + + + +SECTION. + + +XVIII. Bien ai-je ouï dire à Philon Juif, quand il me fréquentoit, qu'il +avoit demeuré en un pays, où les gens mariés sont en grand peine, au +prix de ceux de ce pays; c'est que, quand l'homme se veut ébattre +naturellement avec sa femme, il faut qu'il ait deux serviteurs, ou deux +autres personnes ou amis, à la pareille, qui lui aident & le tournent +sur sa femme, comme quand on perce le noyau moyen ou bouton d'une roue; +& les tours se comptent selon les qualités des personnes, pour faire +mâle ou femelle, roi, prince ou empereur. Il est vrai que, si on n'est +pas capable d'engendrer ce qu'on a apposé, le bout se trouve si petit, +que l'on ne peut plus tourner. Et de-là est venue l'origine des fils de +putain, bâtards, avoutres, gueux & pendus; & pour connoître si les tours +sont achevés, il est aisé, d'autant que la femme tourne; & c'est le +signe qu'il n'y a plus de quoi virer masculinement. Je m'enquis, avec +ample diligence, de la cause de cette affaire; & je sus qu'en ce pays-là +les femmes avoient leur cas fait à vis; tellement qu'y ayant fait, il +faut retourner, comme disoit dame Jaqueline que son cas sentoit le +revas-y. + +MELA. Notre coutume vaut mieux; tant d'artifice est triste; ce n'est +jamais bien fait. + +MÉLANTON. Aussi en faisant, on fait. Mais qui est le sujet le plus +imparfait qui soit au monde? Il y en eut quelqu'un qui dit: ce sont les +cocus, d'autant qu'ils ont cornes, & ne les voit-on point. Ce sont les +chats, ils crient & chousent ensemble; aussi n'y a-t-il animal si +farouche, qui ne s'arrête quand on l'affourche. + +L'AUTRE. Voilà bien à propos! Vous n'y êtes pas, & n'aurez meshui fait. +C'est la femme, d'autant qu'il y a toujours à besogner, & sur-tout à +celle d'un cocu. + +MELA. Que diable, vous en voulez bien à ces pauvres cocus! Je pense que +vous le soyez, ou l'ayez été, ou ayez envie de l'être, comme un beau +financier qui n'a pas payé son état. Et là -dessus, monsieur le beau +diseur, je vous demande, qu'est ce qu'un cocu? C'est, dit Vigenaire, un +oiseau qui pond au nid d'un autre. + +GEBER. C'est bien chié en trois lieux. Il faut, à ce que je vois, que je +vous leve le voile qui empêche votre coeur de comprendre les sciences; & +je vous dirai des choses notables. Ce fut par la déclaration de ce +secret, que l'empereur des Turcs me fit si grand, quand je reniai le +christianisme, où je retournai pourtant, à cause que l'on m'apprit la +vérité de la pierre: & pour le sujet proposé, il n'y a personne qui vous +en parle plus sainement que moi, & sans passion, d'autant que j'ai été +cocu. Dieu merci, je me porte bien: qu'ainsi soit-il de vous. Et de cela +je m'en trouvois bien, sans m'en fâcher, d'autant que j'en étois fort +aise, parce que j'étois toujours le maître: on me craignoit, révéroit & +honoroit. Et qu'avons-nous davantage en ce monde pour l'accomplissement +de nos desirs ambitieux? Or, sachez tous en gros & en détail, que le +cocu est un animal capable de douceur, humble & pacifique, craint, +redouté & honoré de sa femme, & des amis d'icelle, desquels il est +considéré comme maître du gibier; & ne se faut pas amuser au nom de cet +oiseau, mais d'un autre plus meilleur. Il n'y a guere d'animaux entiers +mâles qui aient plus de faveur que le coq (entier est le contraire de +châtré) puisque je vois que vous le voulez savoir; le coq a plusieurs +femmes qu'il fournit & appointe, tant il est délibéré & bon; mais sitôt +qu'il est usé, les poules le chassent & le battent, & n'en veulent plus, +& ainsi le destinent à châtrerie, & en admettent d'autres vigoureux & +bons. Ces femmes qui couvent & font des cocus, sont de même naturel que +les poules. Qu'ainsi ne soit, une femme prête à faire l'enfant, crie +comme une poule qui veut pondre: je voudrois être morte. Etant délivrée, +elle chante comme celle qui a pondu; il n'est que l'être; cependant que +le coq chante: _qu'un con est cru!_ & s'en rit, disant: je le fais quand +je veux. Ainsi sont nos femmes en leurs actions & desirs, tellement que, +leurs maris étant usés, ou les estimant tels, ou les voulant ménager de +peur de les user, vont à d'autres: en quoi je vous admoneste de la +différence du péché mortel & du véniel. Le péché mortel est, si vous +allez voir la femme d'autrui chez lui, & qu'il vous tue; sans faute la +mort sera toute notoire. Faites venir la dame chez vous; le péché sera +véniel. Les dames faisant ainsi le petit divorce vertueux, il ne se peut +faire que les sages amies ne le sachent; parquoi les avertissant de leur +salut, elles leur disent: comment, pauvre femme, ma mie, votre mari est +donc cocuusé? Et ce mot venant à être commun, & qu'aussi on coupe la +queue à ces pauvres innocens, on dit simplement cocu: & certes, sans +mahumétiser, je vous dirai que c'est bien avoir la queue coupée, que de +la mettre en danger d'être prophanée dans un évier public ou commun. Or, +le cocu est un oiseau qui, pour ce qu'il a deux pieds, chante mieux & +plus distinctement que nul autre, ayant de la raison jusques au cul. Que +si cela passoit outre, il ne seroit pas cornard. + +ZABAREL. Mais voyez cet alchimiste, comme il avale gros & mâche menu! Je +ne sais s'il court comme il attrape. _Corpo di gallina_. J'ai fait tout +ce que j'ai pu, pour savoir & entendre parfaitement la philosophie: mais +je vois que jusques à cette heure, s'il dit vrai, je n'y ai rien +entendu. Il n'est que monnoyeur pour se connoître en billon. Notre ami & +bon maître Aristote ne fait aucune mention de tels oiseaux. Notez bien +ce que je dirai à l'honneur des dames, contre celui de tantôt qui les +appelloit bêtes, afin que l'on n'ait pas opinion que je fusse entaché du +péché qui les fait hair. Je dis que ce fat étoit tant niais, tant veau +de dîme, âne de plat pays, sot d'outre mesure, Badeau de Paris, & +bestion de si grande conséquence, qu'il pensoit que ce mot _animal_, fut +à dire _bête_. Il me fit souvenir de feue Conscience, belle courtisane, +qui ne vouloit pas que ma petite chienne fût une créature, & ne lui +plaisoit pas d'être animal. Hoi, disoit-elle; Bichonne n'est point +créature, & je ne suis point animal. Or, maintenant j'ai reçu une grande +lumiere d'entendoire; je suis illuminé comme un fallot qui tombe tout du +long d'un degré, & je conçois qu'il y a des oiseaux de poing, des +oiseaux de leurre, des oiseaux d'épaules, comme ces oiseaux de maçons, & +des oiseaux de selle. Les deux premiers, je les laisse à messieurs de la +volerie, autrucherie, fauconnerie, & autres qui savent appliquer le vent +aux aîles. Je croyois qu'il y eût des autruchers qui portassent les +autruches sur le doigt; & les derniers je les spéculerai: d'autant que +je trouve, en les minoisant intelligiblement, une grande, creuse & +profonde sapience, en tant qu'ils se font naturellement, & se procréent +par imperceptible transpiration de substance, faisant une grande +mutation sans changement, acquérant une forme sans altération. O +admirable & épouvantable secret, entre tous les secrets! Ceux qui ainsi +deviennent oiseaux, le sont parfaitement, sans qu'on les touche, sans +qu'ils le sentent, & souvent sans qu'ils le voient ou sachent; de s'en +douter, gare! Il est permis de se douter de tout: n'y a presque homme +qui n'en ait quelque doute. Or, pour être cocu, il en faut être capable; +& pour cet effet, il faut avoir une femme épousée; & ne faut pas +seulement avoir égard à la mine ou encolure mystique qu'un homme en peut +avoir, à cause de l'influence sous laquelle il est né, selon son idée +naturelle & prédestinée: mais il faut considérer le vouloir & pouvoir +des parties intervenantes en cette métamorphose, qui agit exactement +autant de loin que de près. Il n'y a rien en tout de semblable; &, +disent les alchemistes ce qu'ils voudront de leur poudre de projection, +ou cendre à faire des nuances; cela n'est rien au prix, d'autant qu'il +faut qu'il y ait de la présence, ce qui est le contraire en ceci. Celui +qui aura fait le fou tout le long des jours gras, n'assagira pas le +mercredi par la cendre, si elle ne lui est posée en propre personne +présente. Et tel sera joyeusement cocu, quand il seroit à l'autre bout +de la terre; & ce en un instant. Cette forme court plus vîte que +l'éclair. On dit, selon le conte des bonnes femmes, que les tortues +couvent leurs oeufs avec les yeux: aussi font tous animaux, parce qu'ils +ne les laissent pas, si de fortune ils ne les ont perdus, comme la +borgne, à laquelle nous savonâmes tous les fauxbourgs du derriere, +l'année passée. Et bien les oeufs de tortues, auxquels elles ne touchent +point, éclosent à la fin; & il se fait une mutation formelle, comme il +convient ès transformations naturelles, si elles ne sont +chimico-mentales. Ces changemens se voient en ce qui est commun; mais en +ces oiseaux rien n'y paroît de changé, ni en la forme, ni ès accidens, +ni en la naturelle, ni en l'espece intrinseque, ès formes qui se +reçoivent sans mutation de substance; encore y a-t-il du mouvement au +sujet de muance. Mais en cettui-ci, soit qu'il s'émeuve, ou ne s'émeuve +point, & quelque absent qu'il soit, il est pénétré, transpercé, +outrepercé, surpris, enduit, enveloppé, & tellement organisé en +spécifique & disposée formation, que subitement, subtilement, tout d'un +coup, voilà un homme cocu, comme il sera démontré tantôt. + + + + +EPÃŽTRE. + + +XIX. NICOLE. J'ai ouï autrefois en notre ville de Paris, un prêcheur, +(je ne dirai pas de quel ordre, de peur de scandale) qui se mettant à +prêcher, fit une ample déclamation des péchés. Comment, disoit-il, +encore celui qui jure, il relâche son coeur & demande pardon; celui qui +vole, c'est pour s'accommoder, & ainsi des autres, comme dit notre rime. + + Pere & mere honoreras, + Afin d'avoir bien de l'argent. + L'oeuvre de chair n'accompliras, + Qu'avec les belles seulement, + Faux témoignage ne diras, + Qu'en mariage seulement. + +Mais celui qui paillarde, hélas! que fait-il? il fout. Si cela duroit +toute la vie! Que dis-je, toute la vie! S'il duroit un an! Que dis-je un +an! S'il duroit un mois! Que dis-je, un mois! S'il duroit un jour! Que +dis-je un jour! S'il duroit une heure! Que dis-je, hélas! une heure! +Hélas! le puis-je bien dire aux pauvres dévoyés? Hélas! quoi? il ne faut +que zac, zac, zac; voilà une pauvre ame damnée. Aussi monsieur de Senlis +disoit: vive la majesté de dieu, vous êtes pécheurs. Quoi! Et en ce +péché de luxure? Et que pensez-vous que ce soit? C'est une petite +planche qui n'est pas plus large que deux doigts, sur laquelle étant, +soudain on trébuche. Et dis que tu en as, viel hérétique de tous les +diables. Si vous êtes de cette chouserie-là , allez à Genêve. + +GEBER. Mais encore à ces cocus, que si, à la fin ou plutôt, il vient à +le savoir & qu'il s'en fâche, il sera un sot, s'ennnuyant de chose qui +ne diminue ni accroît sa substance, parquoi il sera encore plus fat. Il +doit avoir cette gloire en son coeur de l'être, sans en faire semblant, +d'autant que tels sont honorés & bénits; & on se moque de ces pifres, +qui veulent faire les savans, & se tourmentent comme ânes trop sanglés. +Or jamais les antiques docteurs ne spéculerent tant avant, que l'on met +avant ces formes qui sont tant excellentes, notables & mystiques; & +certes ceci est proprement ce qui est & n'est point, & qui s'acheve sans +être commencé, comme est dit que l'homme & la femme ne sont qu'un corps: +par quoi un ministre & sa femme ne font qu'un: _ergò_ un ministre est +mâle & femelle. Quant à ces formes, elles n'ont point d'heure: il ne +faut point spéculer les astres; les temps ni les momens n'y servent de +rien, qu'à y apporter de la commodité; tous instans sont propres à les +faire subsister; & toutes rencontres bonnes à les exciter, pourvu qu'il +y ait de la vigueur aux doux heureux outils de formation naturelle, & +que l'on sache & puisse. O belles contemplations, que vous êtes +vigoureuses & grandes? Ces beaux discours me font voler encore plus +outre, connoissant le naturel des bons seigneurs, à qui la fortune donne +de devenir oiseaux; & je m'ébahis qu'en France & en Perse, nations tant +symbolisantes, on ne le désire plus qu'on ne le fait. Je ne le dis pas +sans cause, moi qui suis gentilhomme, & qu'en tels pays chacun desire +l'être; & pour être gentilhomme, faut avoir droit de pont-levis; c'est +avoir deux brancards sur le front, lesquels on passe ainsi que la tête +de bécasse béant aux étoiles. Beaux oiseaux, vous m'apprenez beaucoup de +bien; je sais à cette heure & tout maintenant, que pour votre seule +occasion, Normandie est appellée le _pays de sapience_, d'autant qu'en +ce pays-là les belles, bonnes, grosses, grasses bécasses y sont nommés +vis de coqs, quasi _vis de cocus_: aussi _vis_ signifie _visage_ en +vieil françois; donques _visages de cocus_, c'est-à -dire, _vis de coqs_, +sont bécasses, d'autant que leurs têtes sont les propres archetipes +visibles des invisibles visages des cocus. Cette intelligence & propre +interprétoison vous ôtera de peine, quand vous en orez parler. Si la +belle Dubois (qui servoit madame l'amirale, notre chere & révérée dame; +je ne sais si je dis encore bien, parce que l'âge m'a ôté la mémoire) +eût su ce que nous venons d'apprendre, elle ne fût pas tombée en un tel +inconvénient. Cette demoiselle étoit fort agréable à sa maîtresse, parce +qu'elle savoit une infinité de petites gentillesses & galantises qui +sont communes, & toutefois secretes, mais utiles à la cour. Il avint une +fois qu'il n'y avoit point de compagnie étrangere, madame devisoit avec +la Dubois, & lui disoit: ma mie, vraiment je vous aime; j'ai envie de +vous avancer & faire du bien: continuez à me bien servir. Mais encore, +ma mie, qui vous a appris toutes ces gentillesses? Madame, dit elle, +c'est une demoiselle avec laquelle j'ai demeuré quelques années. Comment +la nommoit-on? Excusez moi, madame, je ne vous l'oserois dire. Pourquoi, +ma mie, en avez-vous honte? N'étoit-elle point femme de bien? Elle étoit +fort honnête & très-femme de bien; elle avoit une bonne prud'hommie de +femme; mais son nom est trop laid & trop déshonnête à dire: je ne vous +le dirai pas, s'il vous plaît, madame. Si vous ne me le dites, je ne +vous aimerai plus; mais dites-le moi, les paroles ne sont point sales. +Puisqu'il vous plaît, madame, je le dirai; mais aussi vous m'excuserez. +En dà , j'en ai grand honte: elle se nommoit mademoiselle de Courvi. O +ho, ma mie, & est-ce là ce qui vous retenoit? Vous ne savez que mon nom? +Ne savez-vous pas comme je m'appelle en mon surnom, qui est le nom de +notre famille? De Lonvis. Hà , madame, que votre nom est beau! Voilà +comment on apprend, en hantant les sages: ainsi par hantise se forment +les têtes de bécasses & compas mesurant le ciel. Telles sont, ou +peuvent, ou doivent être les armoiries des doctes; à propos des +entendus, auxquels ainsi en puisse prendre; notamment aux marchands, qui +refusent crédit aux notaires, qui ne croient pas ce que l'on dit; & à +toutes sortes de gens mariées, qui parlent de vexer & faire ennui aux +pauvres petites clientes qui font plaisir aux gens de bien. Ainsi puisse +le monde abonder en cocus, afin qu'il s'envole bientôt, s'il y est +destiné. + +AGESILAUS. Quel est l'oiseau qui chante plus haut que le cocu? + +ALCIBIADES. C'est l'hirondelle, qui est en la cheminée, tandis que les +cocus sont dessous, lesquels elle couvre. + + + + +CANON. + + +XX. Que vous plaît-il? J'y étois. Nous faisions si grande chere chez ces +cocus, que nous jettions les portes par les fenêtres: cela s'entend sans +le dire, comme les heures d'un jeune chanoine. + +GEBER. Taisez-vous, causeurs; vous direz quelque folie dont on vous fera +bien repentir. + +ALCIBIADES. Taisez-vous vous-même; à qui vous joue-tu? Mais, encore à +propos, qui est le plus fou de nous deux, ou vous qui lisez & oyez ceci, +ou moi qui vous le propose, ainsi que dit notre féal Socrates François? + +GEBER. En bonne foi, monsieur, moi qui écris ces galantises, je m'en +donne le plaisir le premier; & y a différence entre vous & moi, comme +entre un pourceau & ma philosophie: oui, ne suis-je pas philosophe? +Sachez donc que je fais bonne chere de ceci: puis l'ayant digéré, je le +baille à remâcher, ainsi que quand j'ai bien dîné, je vais fianter; & un +pourceau vient qui en fait son profit. + +L'AUTRE. Et cependant qui pensez-vous que je sois, moi qui vous produis +tant de témoignages de parvenir? vous me pensez faire honte: & j'en +rougirai comme un vaisseau d'albâtre. Je veux donc que vous sachiez que +je suis moi; vous, vous êtes vous; toi, vous êtes toi; & si, je ne m'en +soucie pas. Il est vrai que j'ai regret, pour l'amour des ignorans, de +mettre ceci en la plus magnifique langue du monde; témoin Charles-Quint, +qui disoit que les Espagnols parloient en glorieux, les Allemans en +charretiers, les Italiens en charlatans, les Anglois en niais +apprivoisés; mais les François en princes. Et de fait, il n'y a que ce +livre, & les belles tragédies ou graves histoires, qui aient grace en ce +langage: toutes badineries & contes de jongleur n'y paroissent point. +Voilà pourquoi, ayant tant de majesté en ceci, lui en donnant davantage, +j'ai grand peur que ceci ne soit difficile, que chacun le cachera, de +peur aussi que les secrets ne soient divulgués; en quoi je crains un +notable accident pour le pauvre peuple, si les destinées n'y ont prévenu +& pourvu. Or est-il, & je le sens à la disposition de ma fressure, que +les bons destins m'ont contraint de faire ce que je fais, pour honorer +le monde. Aussi j'eusse mis ce livre en une autre langue; mais tout a +son tour. Si ce n'eût été de peur de faire dormir la jeunesse, je +l'eusse mis en la langue de veau; mais quoi! la vicissitude des choses +l'a emporté. J'eusse bien dit des chouses, sans que je sais comment il +faut parler, d'autant qu'il n'y a gueres de femmes, qui écrivent ce mot +de chose, sans y faillir. Ignorez-vous pourquoi le vulgaire en Grece ne +parle plus grec, en Judée hébreu, en Italie latin; & la cause pour +laquelle ces bons langages ne sont plus vulgaires? Oyez cette vérité que +je prononce. C'est pource que les sciences y sont traitées, & sur-tout +la doctrine du maquerellage en latin, & que l'on n'a pas voulu que les +disciplines fussent communes au peuple. Partant, on a caché les langues, +pour, avec leur secret, ne les communiquer qu'aux gens de bien & +d'honneur, ainsi que langues de boeuf à la cheminée, qui ne sont pas +pour les gueux, au moins par délibération, si que le menu peuple n'y +peut toucher. Et ma crainte, qui sans doute aura occasion de durer, +d'autant que ce que je crains aviendra, c'est que ce livre venant à être +goûté, savouré & digéré, on tâchera d'abolir le françois; & ôter de la +bouche du peuple ce beau langage, de crainte que ces bonnes & meilleures +doctrines ne viennent à tomber entre les mains du populaire, qui, +avenant tel cas, feroit aussi aisément la pierre philosophale que les +doctes, qui sans faute la trouveront ès rencontres où nous parlons plus +finement, & disons des choses que des blasphémateurs prendroient en un +autre sens; & pource il les faut bien & diligemment peser. Il y a encore +un autre danger de plus grand mal: c'est que si j'eusse fait ce livre en +grec, la médecine fût périe; si en latin, les loix eussent été abolies: +& ne s'en est gueres fallu, que je ne l'aie mis en hébreu, pour faire +plaisir aux théologiens, qui seuls eussent eu tout ce labeur, qui est la +quintessence du Coras, des Talmuds, du Sefetholan, du Zoar, & tels +livres faits ou à faire, ce que je n'ai garde, & n'en ferai rien, par +dépit d'un moine huguenot, qui disoit que ceux qui étoient en colere, & +ne juroient point, étoient hérétiques. Quelque tonsuré à poil folet, +quelque docteur confit au serpolet, quelque fabricateur de prosélites; +bref, quelque fat se pourra formaliser, & selon sa cervelle +hypocrisifiée, dira de moi, de tous mes amis & de ceux qui font état de +ces pures & parfaites disciplines, & prononcera que nous sommes tous +excommuniés, comme une paire de beaux petits couillons sacrés. (Et +pourquoi ceux-la plutôt que les autres?) La premiere fois que j'allai en +Normandie, je n'y étois jamais venu, encore que j'en sois, comme je +crois, ou d'autre part; mais que ne vous déplaise, je suis le premier +Manceau qui l'a confessé. J'étois avec le sage Bouilli, philosophe +autant naïf, qu'un oison paté. Devisant un jour avec sa femme, & lui +disant que par dépit que je ne pouvois devenir riche, je ferois comme +les freres mineurs: je vouerois pauvreté. O, ho, dit-elle, monsieur mon +ami, qu'il ne vous vienne point d'envie d'être pauvre. Si vous l'étiez, +tant de gentilshommes, seigneurs, & autres, tant dames que demoiselles, +ne vous feroient aucun accueil, parce que l'on ne fait plus de cas de +pauvres que de couillons: on les laisse à la porte; jamais n'entrent. De +cela je me souviens qu'il étoit vrai; & qu'à ce fort jeu, la charrue va +devant les boeufs, comme dit Martial notre ami; & les sacrés encore +davantage, qui n'en osent approcher du tout. + +MARTIAL. Vous êtes bien trompé d'autant qu'il n'y a gens qui soient plus +sur le cul que moines & gens bénis, ministres & savans qui étudient +assis; & qui au lieu de conserver les saints ordres qui leur ont été +conférés les quittent; & abandonnant l'ordre de dieu, se rangent aux +ordres du diable, qui leur confere grace d'être plus ribauds que jamais, +& plus putains que les autres gens. Je m'en rapporte à l'antique de +Mairmoutier, qui se plaignoit que tous ses moines étoient paillards & +avoient des garces; & voyant passer un jeune dispos, qui traversoit vers +la boulangerie! je gage, dit-il, que même ce petit rustre en a une. Il +l'appella, & moineau d'approcher. Il lui dit: n'avez-vous pas une garce +comme les autres. Non, monsieur, dit-il, faisant une grande révérence; +je ne suis pas encore _in sacris_. Margot ma commere, qui mangeoit de +toutes ses dents, s'avisa de ce mot. En dà , me dit-elle, vous avez tort +de parler toujours ainsi en latin devant les femmes. Elle étoit tant +attentive à mâcher, qu'elle n'avoit ouï que cette parole; & continuant, +s'adressa à un homme d'église, & lui dit: est-il pas vrai, monsieur +l'aumônier, qu'il a tort? Dites donc, n'a-t-il pas tort? A vos trois +vis? Et il lui répondit: à _vostracons_, madame. + +MARGOT. Je disois, _à votre avis_, dà . Qu'il faut parler sagement devant +vous! Non, je n'en ai qu'un, dont je suis bien empêchée; chacun me le +demande; je voudrois pouvoir le bailler à rente, afin qu'on ne m'en +importunât plus. Encore si on pouvoit s'en aider sans que j'y fusse, +cela iroit tout le jour. + +L'AUTRE. Vous dites que vous n'en avez qu'un; & je ne sais s'il est +entier. + +MARGOT. Pour le vrai!... + +L'AUTRE. Tout beau! ne jurez pas; & principalement ce juron, qui est +toujours en la bouche des putains, si on vous oyoit, que diroit-on de +vous! + +MARGOT. Oui, oui; il est tout entier & joyeux; je n'y eus jamais mal: je +voudrois en être toute; je n'aurois mal nulle part. + +L'AUTRE. Mais pourquoi desiriez-vous donc tantôt qu'il fût séparé de +vous? + +MARGOT. Demandez-le à monsieur Robin, qui a été à Lubec, pour l'amour de +ce qu'il m'en a dit. Je voudrois faire de même, nous vous le demandons, +monsieur. Nous ne lui avons pas fait dire. + +ROBIN. Ecoutez donc ma ratelée. + + + + +THÉOREME. + + +XXI. Lubec est une ville fort bien policée, & où il n'y a point de +pauvres; & la raison occasionnée en est, de ce que toutes les personnes +ne sont comme ici & surtout pour le commun: de sorte que ceux & celles +qui naissent de bas lieu, n'ont rien entre les jambes; les mâles n'ont +qu'un petit tuyau insensible, & les femelles qu'un petit pertuis à +pisser, y ayant ès endroits formels de certaines cicatrices à ressort; +esquelles on peut appliquer les outils naturels de génération, s'il en +est besoin; & tels membres sont conservés par la république avec grande +diligence & soin: si bien qu'il ne s'y en trouve point de vieils, +d'autant qu'ils les accommodent, de sorte que les ouvriers les tiennent +en l'état de quinze à vingt ans; & tels sont à la maison de ville, +réservés pour les pauvres & moindres personnes: en quoi il est bon à +considérer la sagesse de ce peuple, pour autant qu'il n'appartient pas à +ces cocus d'avoir autant de plaisir & si souvent, que les honnêtes gens. +De ces outils, lorsqu'il en est nécessité, on les loue; (parquoi on les +appelle _banniers_) qui servent à la commodité des gens de basse +condition, pour avoir des enfans & faire des serviteurs, de peur que +l'engeance s'en perde; & ces conbaniers & vibaniers sont comme fours, +dont chacun paie le louage de ce qu'il en a pris. (Ce n'est point +salauderie de dire ainsi, puis qu'il est permis de dire _confitures_.) +Que s'il avient que ceux qui les demandent, soient si nécessiteux, +qu'ils devinssent gueux, on les leur refuse: par ainsi, vu l'égard de +cette bonne police, il n'y a point de cagnardiers. Même, ce qui en bien +utile, les valets ni les chambrieres n'en ont point; il est vrai que +_gratis_ on leur en prête en les mariant, après avoir bien servi. Aussi +bien souvent avant que les marier, monsieur & madame leur prêtent les +leurs par plaisir: ce qui est chose qui fait moult bon voir; & pource +que, quand une chose a servi à quelque sujet, elle s'en sent toujours, +ainsi que quand une chienne a été couverte d'un chien noir, & qu'elle en +ait fait, il aviendra que toujours elle en fera; de même, dieu sauve la +chretienté; il avient à cause de ce prêts, qu'il y a de grands seigneurs +qui ressemblent à des valets. Mais retournons aux banniers. Cette loi +est bonne. Aussi quelle apparence y a-t-il que gens de peu, & qui ont +besoin de pain, aient du plaisir, comme prélats & honnêtes gens? Foin, +foin, ôtez cela: ce n'est pas le chausse-pied, dont on coule en cet +escarpin. Ce n'est pas tout dit une affetée; je ne suis pas content. Qui +est-ce qui a parlé des putains? C'est moi, dit Alcibiades. Vous êtes, +lui dit-elle, aussi un vrai ruffien. Maudites sont ces sottes, qui le +prêtent aux causeurs! Si j'en avois cent, je n'en prêterois pas la +moitié d'un à telles gens. + +ALCIBIADES. Non dà , vous le prêteriez tout entier: mais je ne parle pas +de vous; vous êtes Tourangelle. + +PIERRE L'HERMITE. Ces Tourangelles sont chiches & sujettes cruellement à +l'argent; toutefois, je ne sais s'il y a du mal; mais j'ouis une fois un +Parisien, qui, parlant des Tourangeaux, les appella bougres de Tours. + +MADAME. C'est qu'il vouloit dire _bougrans_, pource que les bons +bougrans s'y font. + +PIERRE L'HERMITE. Voire, voire! C'est que, durant les guerres des +huguenots, les dames d'Orléans, bonnes catholiques, s'enfuirent à Tours; +& les Tourangeaux, pour les désennuyer, les couvrirent. Aussi l'on dit +_chiennes & chiens d'Orléans_. + +MADAME. Et delà est venu ce méchant & détestable proverbe! Que +voulez-vous dire de couvrir? Quoi! ils couvrirent leurs yeux? Ils leur +donnerent des couvertures? + +PIERRE L'HERMITE. Par saint Picot, tu nous la bailles belle! Je dis +qu'ils habiterent & dormirent avec elles. + +BOECE. Habiter & dormir n'apportent rien d'extraordinaire. + +PIERRE L'HERMITE. Le diantre soit le stoïque: (j'ai quasi dit +_sotique_.) + +ALCIBIADES. Eh! bien le voici. Habiter est à la réformée; & dormir à +l'hébraïque; tellement qu'entre dormir avec une femme, ou habiter en +théologien, c'est faire la belle rage que vous entendez, qui se dit +aussi la _cause pourquoi_. + +MADAME. Mais ne m'abusez point; je suis femme de bien; il me faut +satisfaire: achevez, pour effacer l'injure que vous m'avez faite. + +ALCIBIADES. Dites-moi quelle différence il y a entre les femmes de bien +& les autres: & puis je tâcherai à vous contenter. + +MADAME. Bien je le veux; aussi-bien ai-je été l'une & l'autre en tout +honneur: voilà pourquoi je l'entends; & sinon que je suis usée comme la +braguette d'un postillon: le maître vous le dira; j'ai autre chose à +dire. + + + + +SOMMAIRE. + + +XXII. Quand je fus mariée, pour être faite femme de bien, je portai de +mariage plus de dix mille francs que j'avois? ainsi que font plusieurs +filles de bonne maison, gagnés à faire plaisir à mes amis. Que plût à +dieu qu'aujourd'hui le monde fût tel! Il n'y a plus de bonnes personnes +pour bien aimer. Il y a quarante ans que l'on m'aimoit de si bon coeur; +voire, de parfaite fressure: & aujourd'hui, on ne fait que feindre. Il +n'y a plus de bons coeurs d'amour; on n'aime plus. + +ALCIBIADES. Toutes les vieilles parlent toujours ainsi. + +MADAME. Taisez-vous, causeur; & me contentez. + +ALCIBIADES. Vous n'avez pas fait tout ce que je vous ai dit. + +MADAME. Vous n'avez donc pas écouté? + +ALCIBIADES. Si vous ne savez que cela, soyez encore autant toutes les +deux, pour en apprendre davantage. Or je vous dis que je ne sais comment +on fera; vu que, si vous en ôtez environ de demi-pied de place, ce sera +tout un. Toutefois, je vous dirai que j'ai ouï dire à un vieil +spéculateur, qu'il fit un commentaire sur ce que vous avez dit de cette +différence notable; qu'elle est telle que d'un moine à un fou. Ils ont +capuchon tous deux. Aussi femmes ont de quoi contenter tous hommes +capables; mais leurs vaisseaux sont différens, d'autant que l'un est à +honneur, & l'autre à déshonneur. Et s'il y a bien pis; c'est que femmes +de bien, souvent ressemblent aux fous, d'autant qu'elles ne savent jouer +que d'une marote; & en fasse son profit qui pourra. Vrai est que bons +ouvriers savent s'aider de plusieurs outils, pour bien faire; & dit-on +que les enfans de femmes, qui font ainsi, ont volontiers le poil de deux +couleurs, ou ont telles ou telles marques dissemblables, au respect des +femmes de bien. Quant aux putains, je vous dirai ce que j'en ai appris, +durant que je hantois la cour emputannée de Perse, & les gens du monde: +j'oyois quelquefois que l'on disoit de quelques grands, qu'ils étoient +maris de putains: j'étois si badin, que je croyois que c'étoient cocus, +d'autant que le hazard des grands personnages est d'être cocus +honorablement. La cause que les habiles gens courent cette fortune est, +que l'échet de la tempête tombe volontiers sur les plus hautes pointes: +or j'ai été relevé de cette fausse intelligence. Vous devez savoir, +(oui, vous le devez, je vous en montrerai l'obligation) que, du tems des +premiers hommes, il y eut en Mésopotamie une dame qui se fit reine +absolue; & tous ceux du pays, qui parloient en hébreu corrompu, la +nommoient _putain_, c'est-à -dire, madame, en langue babylonienne, comme +dit Balaam en ses étymologies imprimées, avant mille ans, en la Chine. +Notre hôte & bon ami en prêta le livre à Scaliger, quand il passa par +Tours. Vous trouvez en ce livre, si vous le lisez, que la reine signifie +_demoiselle_; & vesse, vaut autant à dire que _fille d'honneur_: aussi +pour le mystique honneur qu'on porte à l'église, on appelle leurs +contubernales _vesses_. Depuis ce tems-là , les dames qui ont eu de la +réputation, & ont été grandes par le monde, & relevées en honneur, ont +voulu être putains; nom qui a été fort révéré pour la révérence portée à +la vénérable antiquité; & n'y a pas long-tems, ainsi que tantôt l'a bien +remarqué l'autre, que par honneur, quand on parloit des dames de la +cour, voire des plus sages & honnêtes, on disoit, pour dénoter cette +honorable assemblée, _le bordeau de la cour_. Par cela, belles gens, +vous ne serez plus scandalisés, (je le dis, parce qu'il y en avoit qui +chavissoient les oreilles, comme ânes en appétit, d'autant que Platon +n'avoit point reparti, quand il a été appellé fils de putain; aussi les +sages ne s'étonnent & ne se formalisent de rien): or d'autant que, pour +paroître en magnificence, il faut triompher, les dames qui étoient +putains, _id est_, grandes, triomphoient & alloient à la guerre. Mais +parce que, du commencement, à cause de leur délicatesse, elles ne se +pouvoient bien accoûtrer au harnois, pour s'y façonner, elles joûtoient +nud à nud avec les hommes, & ainsi en essayoient plusieurs, pour se +rendre plus adroites, accomplies & fermes aux combats, afin de vaincre +heureusement; ces joûtes se faisoient bravement. Depuis, les femmes, qui +en ont ouï parler, & qui, à cause des troubles, n'ont pas vu clair aux +histoires; & qu'aussi les choses déchéent, n'étant pas si roides ni +vigoureuses que celles-là , venoient à la joûte pour se rendre leurs +pareilles; & ayant peur en tombant de se blesser, ont fait tendre des +linceuls & beaux draps. Après, la paix étant faite, & qu'il falloit +néanmoins entretenir les courages par les exercices, afin d'y avoir plus +de grace, on s'est mis entre deux draps sur de bons lits. Les femmes +communes, je veux dire le reste des autres femmes, qui oyoient parler de +ces joûtes, vouloient les essayer; & ainsi voyant qu'il étoit licite +d'entrer nud à nud, comme aux étuves, entre deux draps, elles ont rendu +cela si commun, comme vous savez, que depuis, on l'a eu en dédain entre +les vieillards dédaigneux & hypocrites, ou chatemites; & ainsi le métier +se prophanant, ce beau & vénérable nom de putain est tourné en opprobre +& risée, ainsi que le saint nom de _tyran_ a été viré en mal. Je vous +dirai pourtant que les galants diseurs & écrivains, se voulant relever +sur le bien dire, & orner de belles fleurs leurs propos, tirant de +l'antiquité de beaux mots & des dictions étranges, pour avoir de belles +paroles, usent souvent de ce mot de _putain_ en bonne part, & selon sa +vraie signification, comme fait Virgile, usant de ce mot de _tyran_. + +MARGOT. Mais encore, dites-nous pourquoi avez-vous parlé des femmes de +prêtres? est-ce pour déplaire à quelqu'un? + +ALCIBIADES. Non, ou je me contamine, je m'abomine, je déteste, je +trentemille, je précipite, j'horrible, je... + +SOCRATES. Oh taisez, taisez-vous; faites-le boire qu'il ne soit enragé: +ne blasphémez point, pour vous facher sans qu'aucun s'en soucie, parlez +amiablement. + +ALCIBIADES. Ecoutez-donc; je ne suis plus en colere; elle passe aussi +légérement qu'un baiser de bien-venu, & avisez à l'antiquité, mere de ce +siecle. Telles dames, comme vous savez, sont subrogées aux sages & +saintes vestales. Celles-ci sont donc vestales? Et parce que cela est +rude à dire, on dit _vessailles_; & pour veste, radoucissant ce mot à la +françoise, on dit facilement _vesses_, parce que cela coule plus +doucement en votre nez. + +TURPIN. Or ne vous faites point de discours, sur ce qu'ils ont des +femmes ou non; je vous dis & déclare: que qui n'aime point l'animal de +société, qui ne fait point de cas des femmes, est sot & méchant, ou +sodomite. Si, laissons ces loups-garoux, instrumens de toute souillure, +un homme, qui honnêtement aime une douce femme, est humble & gracieux: +mais cettui-là qui les rejette, est de qualité d'usurier, médisant, +malin, ennemi de dieu & des hommes, & qu'il s'aille faire couper le +bout; zest, c'est autant de cas raclé. Voilà une affaire faite, aux +autres. + +POMPONATIUS. Les femmes hantant les gens d'église, ne sont pas leurs +femmes. Vraiment, vous y êtes! Non, elles sont chambrieres, puis femmes, +puis dames & maîtresses. + + + + +STANCE. + + +XXIII. Ces chambrieres ne sont pas ainsi que celles du monde. Savez-vous +comment elles tiennent serf le petit monsieur, & si c'est avec tout +honneur? Qu'ainsi ne soit, prenez-y garde: quand ce ne seroit qu'un +gueux, si elles parlent de lui, elles diront _monsieur_ sans queue. +Elles ne sont pas comme cette demoiselle, qui, s'estimant plus noble que +son mari, quand elle parle de lui, dit: _celui-là _. + +ME. PIERRE DU FOUR-L'ÉVEQUE. Encore que je ne vous fasse que verser à +boire, si me ferez-vous, s'il vous plaît, l'honneur de m'ouir, en la +défense des femmes, dont avez parlé, & auxquelles j'ai part. Quand +j'étois vicaire, j'avois une femme à la mode & usage de vicairerie; +depuis, m'étant remis au monde, elle fut ma femme, épousée selon les +droits & usages des autres gens. Quand les femmes du premier ordre ou du +saint, & principalement celles des pauvres prêtres, parlent de leur +ménage & proficiat, elles disent, (non point comme femmes absolues, +elles ont bien plus d'honneur au respect de leurs maîtres; témoin celle +de messire Blaise, qui, au four, se plaignant de leur petit moyen, +ajoutoit: hélas! encore si ce n'étoit nos messes, je ne sais que je +serions), mais ce n'est pas tout, elles se tiennent si bien pour femmes, +que, si celles des vicaires trouvent celles des messieurs, elles leur +feront honneur; & celles des chanoines suivent la dignité & rang de leur +monsieur. Et pensez-vous, vous qui en riez, que cela ne soit pas vrai? +Pour vous le faire croire, je m'en rapporte aux gueux, qui, aux grandes +fêtes, les voyant venir de la premiere grand-messe, leur crient ainsi: +nobles chambrieres, ayez pitié de moi. Voilà , messieurs, ne vous +déplaise; il vaut mieux en avoir chez soi pour s'ébattre en bon +chrétien, que d'aller, comme méchant voleur, courir çà & là , en danger +d'être pincé au colet, comme Cornu, qui mourant de la vérole, soupiroit, +disant: hélas! je connois maintenant que c'est chose moult sainte & +juste, que vivre de ménage. + +ARETIN. _Voi havete molto parlato delle putane; ma tu non hai ben inteso +che è questo; ne sapete l'etimologia della putana, per che voi dobete +saper una ragion maravigliosa, & notare la derivatione di tanto nome è +celebrato, non solamente da noi, ma da tutto il mondo. Ascoltate donque, +e notate che putana si dice, per che gli putte la tana._ Fernel se fâcha +de cela, & dit que les choses puants sont ceux de celles qui font des +enfans, d'autant que le cul y passe, merde & tout; mais ceux des putains +sont si souvent brayés & savonnés, qu'ils ne puent point, & que l'Arétin +y mette le nez, pour moult voir. + +PLAUTE. Il étoit bien question que ce maquereau d'Arétin nous vînt +troubler & en parler, quarante lieues après la premiere parole. Il a +fait comme le prince de delà les monts, qui demandant à Paris, per infor +de velurs, & le marchand qui pensoit qu'il dit en prendre grande +quantité, lui dit: bran, bran. Ce seigneur étant sur la montagne de +Tarare, s'en souvint, & demanda à ses gens que c'étoit à dire bran. Le +plus hardi lui dit que c'étoit merde. Ha, dit ledit seigneur, en ta +gorge, marchand de Paris. C'est lui-même, qui ayant mangé des lentilles +qui lui avoient échaudé la goule, & se trouvant en un champ, comme on +lui eut dit: que ce qui s'étoit levé étoient lentilles; piquez, piquez, +dit-il, qu'elles ne brûlent pas les pieds des chevaux. + +PIERRE L'HERMITE. Mais rentrons, à propos du ménage de Cornu, qui est de +se tenir constamment à une chose, de peur de pis: toutefois le bon pere +Perault m'a appris qu'il y a trois sortes de chouses, dont il se faut +garder. + +TURPIN. Quels chouses? + +PIERRE L'HERMITE. Chouses à travailler naturellement; chouses à chouser; +chouses que les femmes portent, sans les laisser à la maison: je ne +saurois mieux dire, si je ne les nommois pas la tête du consistoire. Or, +ces trois chouses sont, l'armé, le trop hanté, le pauvre. Gardez-vous du +con armé, de peur d'être tué, en faisant le péché mortel. Je vous assure +qu'il n'y a point de plaisir à l'être, non plus qu'à se faire pendre, +quand on ne l'a pas accoutumé. D'un trop hanté, crainte d'avoir +occasions judiciaires. + +MARGOT. Qu'est-ce? + +PIERRE L'HERMITE. Causes, pour lesquelles on seroit repris de justice, +comme d'avoir chancre, chaudepisse, poulains & vérole renforcée; ainsi +passer la basse, moyenne & haute justice: pour à quoi obvier, je vous +dirai qu'il y a un moyen; c'est que vous fassiez comme les chiens, après +l'avoir fait, léchez-vous le _casus_: jamais chiens n'ont mal. Aussi +leur cas est d'os, qui est fort propre à faire des cure-dents pour +celles qui ballent ou badinent des doigts autour leur visage, quand on +les sonde, pour savoir si elles ont la matrice close. A propos de chien, +je me souviens de monsieur le commandeur de Compesiers, qui desiroit +être comme trois sortes d'animaux, à savoir, ainsi que le cigne, qui +plus vieillit & plus embellit; comme le chien, auquel vieillissant le +membre grossit; & tel que le cheval & le cerf, qui plus vieillissent +plus le font. Et d'un affamé, (je reviens à nos moutons; j'y pensois +d'autant, que voyant ce poil, je cuidois que ce fût laine) un affamé +vous ruinera, il vous engloutira; & si n'en mourrez pas, qui est le pis. +Voilà un bel enseignement. + +STURMIUS. Ne ferez-vous aujourd'hui autre chose que de parler de ceci? + +CESAR. Quoi! de ceci? + +STURMIUS. Il faut parler de cela aussi; & en dà , qui ne le diroit, on +l'oublieroit, plus on ne le feroit; si plus on ne le faisoit, on ne +mangeroit plus de chapons, ni de lard. Ces réformateurs-ci veulent tout +perdre; & bien je m'en tairai, & le laisserai aux autres, & au maître de +céans, suivant l'avis de ce gentilhomme qui soupa hier céans, qui disoit +qu'il n'appartient qu'au maître de la maison & au coq à le faire. + +B. Je m'en souviens: sa fille voyant le coq qui cauquoit les poules à +petit semblant... + +CICERON. (Il faut dire _cochoit_, en bon françois, comme tantôt le +disoit notre maître Barrelette, parlant de ce que font les autres +animaux; & ainsi que je lui ouis dire en chaire, il protestoit, de +grande douleur, de la faute qui se commettoit au genre humain; c'est que +les grands, & ceux & celles qui ont des juges leurs amis, si d'aventure +vont s'exercer le bout autre part, ou faire amittonner l'ouverture +spéculative après nature, cela leur est joliment imputé à faire l'amour +en tout honneur & galantise. Mais si c'est quelque pauvre diable, cela +sera dit adultere, ou paillardise, ou rapt; & puis vous fiez à ces +Justinians de tous les diables. Or, je les recommande tous à chapitre, +s'ils veulent être gratifiés. Ainsi il faut punir ceux ou celles qui +n'ont de quoi maintenir ou acquérir réputation. Je m'en rapporte à ce +que jadis nous faisions en notre ville de Rome. Si quelque pauvre +preneur de loups étoit surpris en la réverbération naturelle, il étoit +mené en la place publique, & là on lui appliquoit de la poix toute +chaude au cul, qu'après on tiroit: & ainsi on lui arrachoit le poil, & +puis en vieil & bon langage hétrusque, on le nommoit drôle qui avoit la +fesse tondue.) Cette fille, quoi! Dites-nous donc. + +STURMIUS. Le coq faisoit mine de donner la venue aux poules, dont cette +fille, qui le voyoit, & en étant fâchée, pour l'intérêt de ces pauvres +poules qui étoient trompées, me dit tout haut: voilà un coq qui fait +bien l'ivrogne. + +BEZE. Il avoit peut-être l'éguillette nouée, comme R. qui rechercha +long-tems la belle Marguerite, avec laquelle il fut marié. Mais P. son +corrival, qui étoit fâché de cette alliance, & qui aimoit la belle, leur +noua l'éguillette, si bien que jamais ils ne purent avoir accointance +mystique l'un de l'autre, qui fut cause qu'après plusieurs procédures, +R. fut déclaré impuissant, & partant démarié; & puis, par le +consentement de tous, P. fut en grace, & marié avec Marguerite. Le soir +qu'ils devoient coucher ensemble, la belle étoit allée en la chambre, +pour l'apprêter, où ayant vu d'ordre les besongnes, & la tavayole de P. +en y nichant, elle trouva une éguillette violette nouée, qu'elle prit, +sans que l'on s'en apperçût. Ayant avisé à ce petit ménage, elle descend +& se vint remettre en la troupe, dont elle ne s'étoit retirée qu'à +l'heure qu'on dressoit les tables pour le souper, qui est le tems que +chacun va à ses petites commodités, & les filles pisser. Le soir, comme +on eut bien dansé, qu'il ne s'en falloit gueres que l'on ne parlât de +mener coucher la mariée, qui se feignoit lasse; P. la vint entretenir: +eh bien! ma maîtresse, comment vous va? Elle lui répondit, selon l'avis +qu'elle eut; & se mit à deviser avec lui; sur quoi, elle lui conta +qu'elle avoit été voir son deshabillé, & ajouta qu'elle y avoit vu une +éguillette nouée, dont il se prit à rire. Elle l'enquêta qu'il avoit à +rire; & il lui conta qu'il rioit du bien que cette éguillette lui avoit +fait étant cause qu'il l'avoit eue. Après qu'il lui eut déclaré cette +fourbe, elle ne fit mine aucune; aussi se prit à rire, sans dire qu'elle +eut l'éguillette. Or il fallut faire collation, & déshabiller la mariée. +La mariée, étant avec une sienne chambriere d'âge, qui savoit ses +secrets, fit semblant de vouloir aller à la garde-robe; mais elle alla +bien plus loin. Elle, avec cette bonne femme, prit le chemin de la +maison de R. Cependant on la cherchoit; & pensoit-on qu'on l'eût +détournée pour rire, comme souvent il avient. Etant arrivée chez R. elle +dénoue l'éguillette, & s'entre-communiquerent les douceurs prétendues; & +l'autre fut le plus sot. + +TURPIN. Mais elle, d'autant que demeurant avec P. n'eût pas laissé de +s'accommoder avec R. comme il avint à notre ami maître André, qui, à +cette heure, est sergent. Il avoit une prébende à Chartres, laquelle il +laissa, pour se marier avec une belle fille, à laquelle, au matin de la +premiere nuit de ses nôces, il dit: eh bien, ma mie, tu vois comme je +t'aime, d'avoir laissé ma prébende pour t'avoir! En dà , vous avez fait +une grande folie; vous deviez garder votre prébende, vous n'eussiez pas +laissé de m'avoir. + +BEZE. Elle savoit donc, qu'il y a des chanoines qui fouaillent? Le +penseriez-vous? + +NERON. Vraiment, il les feroit beau voir, si cela étoit; ils feroient +des enfans qui seroient charretiers, qui meneroient pere & mere à tous +les diables. Pourquoi non ne s'ébattront-ils avec les femmes? + +TURPIN. Avisez-y; & sachez que cloîtriers, qui n'aiment point les +femmes, sont toujours après à relêcher quelque vieille hérésie, sous +ombre de dégoiser sur la réformation, parlant des vices qu'ils imputent +aux autres, lesquels sont plus tolérables que les leurs. Hé bien, +s'accommoder avec femmes n'est pas tant mal que de troubler la +chrétienté; & puis, faire tel oeuvre, apporte la béatitude: de là vient +qu'on les appelle _béats peres_. + +CICERON. C'est bien parlé cela, aussi ne faut-il pas dire comme le +commun, qui dit: _beau-pere_. Et certes ils sont béats, c'est-à -dire, +heureux, d'autant que bienheureux est le pere, qui n'a point la peine de +nourrir ses enfans. + +L'AUTRE. Hé gai, vive l'amour! Il n'est que d'être quitte, libre, & +jouir de ses amours. Ainsi puissions-nous avoir santé & de l'argent. + + + + +ABSOLUTION. + + +XXIV. Achevons en gens de bien; & laissons ces théologiens avec leurs +vertus théologales. Quant à nous, suivons les quatre cardinales, qui +sont rire, manger, boire & dormir. Telles sont nos vertus. Quant à +celles de ces malheureux théologiens, selon la penarde remarque des +scolastiques, ennemis de nature, elles sont avarice, envie, bithuminie. +Par mon serment, & à propos d'une vertu théologale, je me souviens que +du temps que nous étions hérétiques, & allions au prêche, nous ouimes un +bon conte. (J'ai quasi nommé le seigneur qui nous menoit; & j'eusse tout +conchié votre prétoire.) Or nous allions gayement, comme pélerins qui +délogent; & nous dogmatisions, par plaisir, sans péché. Le Preux, ce bon +marchand, étoit avec nous, qui venoit fraîchement d'Allemagne; aussi +étoit arrivé en hiver. C'est ainsi qu'il avint au boiteux Laurier qui +entra céans; & Multon lui dit: soyez le bien venu; je pense que vous +êtes tenu par la pluie; vous êtes encore tout tortant. Ha, ha! Le Preux +nous contoit des miracles: qu'avoit fait Paracelse en Germanie. Ho! tu +t'en souviens bien, Couillette mon ami; & vous aussi, Connaut; vous +faisiez le voyage avec nous. Ainsi il nous emplissoit de telles +merveilles, faites à la pointe de la pincette, au ressort de la cornue, +au tintin de l'alambic, & à l'ombre du fourneau; & ainsi amplifiant sa +gloire, nous disoit qu'il avoit guéri toutes sortes de maladies. Comme +je lui faisois houette: voire, ce dit-il, il en a même guéri de la +bougrerie. Dieu sauve les chameaux hongrés! + +CESAR. Voilà de belles disées, de beaux dictons; c'est ce que notre +grand chien abayoit toute la nuit: mais ce qu'a chanté notre coq, +entendez-vous bien le jargon des bêtes? + +ULDRIC. Parlez à ce maître, qui parloit tantôt en poule. + +GEBER. Pourquoi non? Un chien abaye bien à la lune, & une chevre regarde +bien un ministre, & un chien un évêque, dont moult il s'ébahit. + +ERASME. Mot, paix-là : gardez de trop dire; nous avons parlé du roi des +alquemistes, n'en disons plus rien. + +NERON. Pourquoi? Il n'y a point de danger, puisque, depuis qu'il a +produit ses oeuvres, il a si bien mis l'alquemie en la tête de tout le +monde, que chacun s'en veut mêler: il n'y a pas même les demoiselles & +les petits enfans, qui portent des soufflets à leurs ceintures. + +CESAR. C'est bien, à propos d'un évêque, venir à un soufflet. + +ERASME. Pas tant que vous diriez; & notez ce que je vous dirai. Jadis, +il n'y avoit que les ecclésiastiques qui touchassent aux secrets, & +sur-tout de la pierre philosophale; aussi tous les livres nouveaux qui +en ont été faits, sont issus de couvents. Or est-il que les orientaux +ont eu les sciences les premiers: & comme cette-là venoit, messieurs les +comtes de Lyon l'arrêterent, & s'entre-communiquerent ce secret, si que +tous s'y rendirent maîtres. En signe de quoi, pour témoigner leur gloire +pour telle invention, ils ont depuis toujours porté des soufflets sur la +tête; ainsi sont-ils mitrés comme beaux petits évêques portatifs. + + + + +ARTICLE. + + +XXV. Mais pour vous rendre joyeux comme un âne qui a un bas tout neuf, +je vous commencerai encore à vous dire qu'il y a ici plusieurs messieurs +qui se fâchent d'être nommés, parce qu'ils dédaignent la sotte gloire, & +ne veulent pas qu'on estime qu'ils soient payés pour cela. Pensez-vous +que Ciceron soit aise qu'on dise de lui: voilà des épîtres qu'il a +faites? Non, non; il veut que l'on croie qu'il est avec une belle épée, +faisant le tiercelet d'empereur. Ainsi plusieurs, qui sont gentilshommes +portant les armes, témoignent par leurs écrits que ce qu'ils font, en +vers ou en prose, n'est que pour dire que, s'ils y prenoient autant de +peine que treize, ils en tireroient quelque échantillon. Ceux-là sont +galants; ils ont le laurier des armes, où souvent ils ne savent gueres, +& encore moins aux lettres; d'autant qu'il est mal séant à un guerrier +de savoir. + +CUSA. Et puis dites que vous en avez, hérétiques, qui crevez de dépit, +quand vous voyez un homme de bien qui profite, & que vous venez à lire +les authentiques des peres, & vous ne savez qui les a écrites. + +QUELQU'UN. Or ça, pour l'amour que je porte à la bonne chrétienté, je +vous veux enseigner une chose notable, & que vous ne trouverez autre +part, parce que ce qui doit être dit, doit être ici. Jadis, il y avoit +une sorte de gens qui vivoient quatre fois autant que les autres, il y +en a encore en la hiérarchie de double linge. + +CICERON. Qu'est-ce à dire? + +L'AUTRE. Que tu es sot! Ceux qui ont un surplis, n'ont-ils pas double +linge? Ceux-là sont les secrétaires de vérité. Aussi ont-ils charge de +considérer les femmes grosses, les enfans qui en naissent, afin que, +s'il avient que quelqu'un soit ou grand, ou saint, ils sachent à dire ce +que déja il faisoit dans le ventre de sa mere, encore qu'elle eut vécu +cent ans. Hé bien, vous ne saviez pas cela? Je vous en dirai bien +d'autres, si vous me voulez promettre de ne vous enquérir plus de nos +amis. Que si vous les savez, & qu'il vous plaise vous en donner au coeur +joie, mettez leurs noms devant les articles de ces dialogues. Ceci, se +fait, parce que nous sommes au plus délicieux des secrets, & on diroit: +c'est tel ou tel qui les a découverts. Il ne le faut pas. Je ne sais si +je me pourrai amancher en discours. + +ASCLEPIADES. Là , donc, mon mignon du Touret, pour l'amour de la +compagnie, je vous prie ne me reprochez la vieille mode des dames; je +m'en souviens assez. Quand j'étois page de madame Combardavit, il avint +en ce temps-là que nous allions en un voyage d'amour; j'étois +émérillonné comme un sacre; les filles étoient allées ployer le toret, +c'est-à -dire, _pisser_. Or il y en avoit une qui, pour n'avoir eu le +loisir de sortir du chariot, avoit chié en ses queues, sous le nez de +vous. Elle étoit en la garderobe, fort empêchée, & coupoit le derriere +de sa chemise emplâtrée, comme le cataplame d'un goutteux. Je l'épiois, +d'autant que c'étoit une belle foireuse. Elle qui m'avisa, me va droit +jetter au nez ce qu'elle avoit coupé de son derriere. Au diable le +parfum! J'en eus une belle museliere; & dieu merci & vous, vous m'en +faites la guerre. + +CESAR. Oh bien, je ne le dirai plus; en dà , poursuivez. + +ASCLEPIADES. Par mon ance! on pourroit aller autre part, qu'on ne +trouveroit pas un homme si délibéré que moi. + +ALEXANDRE. Je voudrois pour la récompense, cher ami, que tu eusses +épousé, c'est-à -dire, que tu fusses marié à la plus jolie nonnain du +monde. + +ASCLEPIADES. Ho, monsieur, pardonnez-moi, s'il vous plaît; il ne +m'appartient pas: quoi, c'est la perdrix du monde! Il faut bien pour +colloquer la douer avec le faisan du monde, qui est le chanoine; ainsi +tout ordre aura lieu. Hé gai, gardez-vous-en: mon pere qui avoit mangé +de la vache enragée, & étoit délié comme soie fendue en deux, avoit fait +mettre au front de la porte de sa maison: + + Chassez au loin ces prêtres & ces moines + Et ne donnez entrée à ces chanoines. + +LE BON HOMME. En dà , tout ira bien, puisque nous rimons. Monsieur +Bacchus commence à faire mines, aussi-bien que font les moines. + +CESAR. Que font les moines? + +OECOLAMPADE. Ils font des traits mignons & de fait; toutes bonnes +rencontres & proverbes vieux viennent d'eux, & toutes belles inventions +en sortent: témoin les moyens de faire hâter les jours aux papes, +empereurs & rois. Mais, pour la modestie de Psellus qui me le fait dire, +je passerai outre. + +TOSTAT. Vraiment, je vous dirai un bon conte de frere Jean Dissolez, qui +prenoit les poires de bon chrétien du pauvre Tournereau, qui lui disoit: +frere Jean, je vous vois bien. Et frere Jean de mettre au capuchon, +disant: quand tu ne me verras plus, je m'en irai. Le pauvre homme s'en +alla cacher, afin que frere Jean ne le vît plus; comme le gentilhomme de +Bousille, qui se cachoit quand il voyoit les pauvres qui lui déroboient +son bois, & disoit, qu'il le faisoit, parce que, s'ils l'eussent vu, ils +n'eussent rien emporté. Frere Jean descendu, Tournereau le prit à part, +& lui dit: frere Jean, monsieur le prieur, mon ami, vivons en paix, je +vous prie; ne me dérobez plus mes poires, j'aime mieux vous en donner. +Combien m'en bailleras-tu? Je vous en fournirai trois quarterons. Ho, +ho, dit le moine, je n'ai garde de faire ce marché-là , j'y perdrois +trop. + +BEZE. Sandé, celui-là savoit bien le _tu autem_. + +TOSTAT. Hé bien! qui pourra dire ce que cela prétend, s'il n'a été +moine, ou à peu près? + +BEZE. Aussi nul ne peut médire, ni bien parler d'un état, s'il n'en a +été, ou s'il n'a trop fréquenté les compagnons. + +TOSTAT. Quand les moines dînent, il y en a un qui est en chaire, qui +leur fait lecture des actions des satrapes; & ainsi légendant, il +barbillonne les oreilles de ses confreres, qui cassent la bribe, sans +songer à ce que dit ce pauvre lamponnier, qui est là -haut perché sur les +intentions dénouées, bien loin de ce qu'il dit: d'autant qu'il a +l'oreille attentive vers le prieur, qui est sous le dais, ou en la belle +place à mouler des intelligences de tripes; durant quoi il se souvient +par fois de ce pauvre diable qui s'égueule à faute de s'écouter, & dit, +en touchant du doigt sur table: _tu autem_; qui est à dire, qu'il +finisse, parce qu'à chaque bout de leçon on dit cette fin. Si de fortune +ce lecteur est si sot d'avoir plus d'attention à sa lecture qu'au dîner, +(_absit_) & qu'il veuille achever jusques au sens parfait, & qu'ainsi il +perde le temps; les autres disent, en concluant chapitralement contre +lui, qu'il n'entend pas le _tu autem_. Ainsi en est-il du reste; +cachez-le. + +ASCLEPIADES. Avant que laisser les moines, & devant qu'ils nous oient, +voyez-vous, en voila un qui regarde. C'est le même que je vis tant +arguër, quand notre maître Benoît fut passé docteur; il trépignoit, & +venoit aux atteintes: pourquoi il eut un docteur, qui, se fâchant & se +tournant, vit ce carme, & pource qu'il faut parler latin, lui va dire: +_iste carmen_. A cela, il se tut; & ne fut plus si impudent, parce qu'on +dit, bran pour les carmes. + +CESAR. A cause de quoi? + +ASCLEPIADES. Ne savez-vous pas qu'il y a les quatre temps pour les +mendians, ainsi fait au compost. _Post._ Pan. Cru. Lu. Bran. _Quatuor +tempora._ Pan; c'est pour les cordeliers, qui ont une corde toute prête. +Cru; c'est pour les jacobins, qui ont la croix, ils sont riches. Lu; +pour les augustins, qui sont luxurieux, à cause qu'ils portent tantôt le +blanc, tantôt le noir. Bran, pour les carmes. + +BEZE. Quelle différence y a-t-il entre son, bran & merde! Je le dirai. + +DIOGENES. Son, est pour les cloches, ou bien en vient; bran, pour les +pourceaux, & merde pour les médecins & pour vous. A, ha, né. + +ASCLEPIADES. Voilà bien de quoi rire! Laissez-moi conter ce que je +voulois dire. Je vous dirai ce que frere Ambroise le Sené m'a dit d'un +de ses confreres, quand j'étois enfant, & dont je me souviens, comme de +ma premiere chemise, & vous de la premiere fois que vous vous torchâtes +le cul tout seul, après avoir appris à manger tout seul. Ce confrere +avoit nom Ferrand, qui étoit gaillard, & avoit toujours plus d'argent +qu'un chien: parquoi il payoit pour un autre, nommé frere Margeou, qui +savoit détourner la biche. Voilà comment les inventions se trouvent, +pour avoir du crédit. Sur un bon avertissement, ces deux-ci vont +ensemble chez Conscience, qui avoit une chambre garnie d'un lit & d'une +couchette. + +PISO. Vous parlez des moines: que ne mettez-vous aussi souvent des +ministres en campagne. + +ASCLEPIADES. Ils n'ont encore guères régné; & puis, s'ils venoient à +périr, ainsi que cela aviendra bientôt, d'autant que leur fondement est +foible, & que l'on en trouveroit tant en ce registre, cela feroit +éveiller les esprits, pour s'enquérir quelles gens c'étoient: & par +ainsi on réveilleroit l'hérésie, qui sera éteinte comme feu de paille +dessus l'eau, quand on aura toujours quelque conte de moine qui fera +rire, au lieu de s'aller amuser mélancoliquement à égratigner la +théologie pour en abuser. Or, en la chambre préparée aux moines, il y +avoit un malade à demi guéri, qui étoit dans la couchette; & le grand +lit fut apprêté pour ces deux amis, qui, après souper, se retirerent +pour se coucher, & en se déshabillant parlerent de propos de consolation +à ce malade, qui incontinent leur donna le bon soir, & eux à lui, & se +mirent au lit. La dame, qui avoit fait provision pour l'exercice du cas, +avoit baillé le mot à la chambriere, qui laissa l'huis ouvert, ayant +fait semblant de le fermer. Quelque petit espace de temps après, selon +la diligence qu'en avoit fait Margeou, vinrent deux mignonnes, telles +que celles qui ont ci-après été dites chevres à oreilles d'étoffe, & se +placerent avec toute humilité auprès des freres qui les attendoient, non +touchés de l'infirmité naturelle, (aussi ce n'est pas de tel biais que +l'on peche, comme certains malotrus de docteurs veulent prouver, pour +déguiser leur puante ambition ou triste avarice) mais en habileté, +gaieté, vigueur & fermeté de nature, selon lesquelles ils firent leur +devoir de cognebas, fesser les doucettes, qui s'en trouverent +naturellement bien; tant pour la délicatesse, que par sympathie, elles +en reçoivent ès oreilles, par le grand bien que cela fait où il touche. + + + + +RISÉE. + + +XXVI. Ceux-ci firent mieux tant pour tant, que les deux cordeliers qui +furent en équipage. Mais encore, pourquoi est-ce que les mendians vont +toujours deux ensemble? + +SACROBOSCO. Pour se faire compagnie, c'est-à -dire, + + Hos brevitas sensûs fecit conjungere binos. + +C'est le bon vin de madame, qui me fait ainsi dire. O liqueur +prophétique, bénigne humeur qui nous fais doctes, radoucis nos +adversités, & réjouis les coeurs qui ont faute de consolation salutaire. + +CIRUS. Vous ne faites que traverser; que n'achevez-vous, sans tant vous +donner de traverses? Je vois Platon qui s'en fâche, parce qu'il y avoit +plus d'ordre chez lui. + +CAMBISES. Là où il y a tant d'ordre pour dîner, il y a du désordre pour +faire ses affaires. + +L'AUTRE. Voilà qui va bien, prenant affaire pour office culier. + +ASSUERUS. J'avois ouï dire que l'on épargneroit les hommes spirituels; +mais tantôt la raison m'a bien satisfait; jamais Mammuchan n'en dit de +meilleures. Il est vrai que, si hors d'ici j'oyois ainsi parler à ceux +sur lesquels j'ai pouvoir, je leur passerois le pied par l'épaule. Or, +je connois qu'il se faut ici donner carriere. Il est vrai, pource que +nous sommes tous amis, que je souffre tout; & moi-même je dis des +choses, que je ne souffrirois pas dire à d'autres. Mais il faut aviser +que nous ne pouvons mal dire, ni mal faire, d'autant que nous sommes en +l'être parfait, & à l'instant qu'il n'y a plus de passions: parquoi nous +nous satisfaisons, & vous aussi, en battant le chien devant le lion; +c'est que nous galoperons les ecclésiastiques, qui sont parfaits en leur +vie, afin d'intimider les ames par les choses qu'ils diront. Or, +regardez au prix, s'il se met après nous, comme il nous gâtera; & voilà +comment on fesse les enfans devant les valets. Donc ces bons messieurs, +fils aînés de la sainte maison, ne prendront point en mauvaise part +qu'on tourne la parabole sur eux, afin que leur charité soit reconnue; & +qu'étant innocens, ils veulent bien être accusés & châtiés de ce qu'ils +n'ont pas fait; afin que les coeurs vicieux aient honte, & se corrigent, +voyant la bonté de ceux qui portent leurs iniquités. + +SACROBOSCO. Je ne puis tenir mon eau; je vous dirai ce conte de ces deux +cordeliers. Donc, comme nous étions ensemble en Bretagne, l'un d'eux +devisant fit un pet. L'homme de chambre de monsieur lui dit: de quel ton +est-ce, monsieur notre maître! Il répond: duquel vous le voudrez; +entonnez bien: & voilà pourquoi depuis à Châtelleraut on a amanché des +coûteaux de la belle corne de couleur. L'an d'après, lui & son compagnon +encore novices, allerent à Angers, chez une honnête dame que l'ancien +gouvernoit: si qu'étant entrés, le maître monte en haut, & laisse en bas +avec la chambriere le jeune apprentif. Le bon est que, comme le moine +fut sur madame, le gros trompette, qui s'étoit caché sous la cheminée, +les voyant aux prises, se mit à fanfarer, dont les amans furent fort +étonnés; mais ils appointerent avec ce maître trompette, qui étoit venu +un peu devant pour hocher la chambriere, & de peur d'être surpris, +s'étoit caché. Le trompette sorti, & la collation ayant été prise, +monsieur notre maître se mit à la juchée. Savez-vous qu'il faisoit, & ce +qu'elle pâtissoit. En dà , ils étoient comme le gueux que vit maître Jean +de Guigni, allant aux nonnains, & passant par sur le pont de St. Eloi. +De fortune le vent fort lui emportoit son chapeau, auquel il mit la +main; mais il ne le put si bien retenir, que le cordon n'échappât: +c'étoit sa bonne fortune qui lui induisoit si franche rencontre. Voyant +son cordon échappé, il jetta la vue en bas sous l'arche, où le cordon +étoit chu. Vraiment il le vit, & bien autre chose. Que vit-il? Le +spectacle d'immortalité, les effets de concupiscence, le progrès de +génération, quatre jambons pendus à une cheville, deux animaux encruchés +& soulevés faisant le quadrupede raisonnable, la bête à double ventre, +ou à deux têtes, l'animal à quatre yeux, l'homme femelle, la femelle +mâle, le principe de l'engeance anagogique, une femme en proche +disposition d'être châtrée, un homme prêt d'être décoché. Comme il voit +ce mystere s'effectuant, il dit tout haut: en dà , de mon chapeau je +donne la ceinture à celle, ou cil qui a le bout en la jointure; +c'est-à -dire, je donne mon cordon à qui a le vit au con. Quand l'homme +fut levé, il s'avança pour prendre le cordon: la femme aussi y va, parce +qu'elle le veut avoir. O! ho, dit l'homme, il est à moi. E! hé, +dit-elle, c'est à moi, d'autant que j'avois le bout où il a dit; je ne +l'avois pas en l'épaule, vous le savez bien; aussi vous l'y aviez mis, & +bouté. Voire, dit-il, & moi l'avois-je aux talons? Ne savez-vous pas +bien où je l'avois fiché? Vraiment, je ne l'avois pas sur la tête; +j'avois bien autre lieu où l'employer, & où il en faudroit beaucoup pour +l'étouper. Mais devinez à qui de droit ce cordon appartient, afin d'en +être juge)? Le grand cordelier ayant achevé son affaire avec la +disposition de sa pâte, qui fut levée aussi-tôt que le four fut chaud, +ce qui n'avient pas toujours. (Je me reprens, d'autant que toujours le +four est chaud, mais la pâte n'est pas levée. Aussi les femmes font +comme les gueux, elles tendent toujours leur écuelle). Après ce mystere, +les freres s'en vont; le grand aussi saoul que s'il eût mangé une vache; +& dà , en bonne foi, je crois qu'il y a autant à besongner à une femme +toutes les semaines, comme il y a à manger en un boeuf. Les deux +religieux revenus, il fallut rendre compte chacun de sa villication. Le +grand raconta son désastre, mais que pour cela il n'avoit pas délaissé +de faire la cause pourquoi. En après, il demanda au jeune ce qu'il avoit +fait, & si par vif effort il avoit vaincu sa concupiscence, en la +foulant sous soi, selon les délectations de victoire future. Voire, dit +le pauvre, qu'eussé-je fait? Cette fille est innocente; elle ne s'aidoit +point, quand, au bas du degré, après que la porte fut fermée, & que je +l'eus poussée, je lui levai ses robes, & puis je levai la mienne. En +levant la mienne, la sienne tomboit; puis levant la sienne, la mienne +baissoit; & tant, & tant que vous êtes venu, avant que le j'aie pu +approcher. Cette réponse ouie, tous les bons freres soupirerent de +deuil, oyant la bêtise de cet enfant, lequel fut condamné d'avoir le +petit chapitre, pour se souvenir qu'une autre fois il eût à prendre sa +robe à belles dents, quand il leveroit celle d'une fille avec une main, +tandis qu'il foutilleroit de l'autre: ceci s'adresse à ceux qui portent +des soutanes. + +CESAR. Mais nous laissons nos deux amis chez Conscience long-temps +dormir. + +ASCLEPIADES. Or bien, ayant passé la nuitée, ils se leverent assez +matin. Ils observoient ou pratiquoient ce que doivent bien noter +nouveaux mariés, c'est de se lever matin pour se reposer. Sur les huit +heures, la dame alla en la chambre visiter le malade, qui avoit le +cerveau creux, à cause qu'il ne l'avoit pas rempli d'humeurs nutritives, +& partant les outils de son intelligence étoient déflochés, si qu'il +avoit bien plus veillé que dormi. Après qu'elle lui eut donné le bon +jour, (ainsi dit-on, & on ne donne rien) & qu'elle l'eut interrogé de sa +santé; madame, qui sont ces deux qui ont couché là cette nuit passée? Ce +sont, dit-elle, deux honnêtes hommes. Or ne savoit-il rien de la +compagnie françoise. Il réplique: ils sont leurs grands diables; +comment! tous les gibets, pourroient-ils être honnêtes, qu'ils n'ont +fait toute la nuit que s'entreculbuter de telle rage de cul, que je +pensois que la maison en cherroit! Elle se prit à rire comme toute +honteuse, & ne dit rien pour ce coup, jusqu'à ce qu'il le releva de la +mauvaise opinion qu'elle avoit eue par la communication de telle +courtoisie; & ainsi, lui effaçant ce scrupule, elle a fait paroître +qu'il se dit beaucoup de choses mal à propos, & surtout des +ecclésiastiques. Amen. + + + + +COYONNERIE. + + +XXVII. THUCIDIDE. Et sur cela, je vous dis donc, que vous avez tort, +d'autant que ce ne fut pas chez Conscience. Je m'y trouvai exprès; & +celle qui fit ce trait étoit femme d'un sergent, qui en fit un bien plus +subtil à notre ami Ruart, qu'elle alla voir chez lui, & y dîna: puis par +mégarde, s'ébatit une petite fois à la dérobée sans péché, pourvu qu'il +n'y eût pas plus de peine que de plaisir. Ceci ne fut que le coup de +l'assignation, qui fut donnée au lendemain chez ladite dame. Le +compagnon ne faillit point à se trouver à point nommé, où trouvant +commodité, voulut se paître de ce dont il avoit tiré le jour précédent; +mais elle lui dit que cela n'étoit pas sain à jeun, parquoi il débanda +un écu, pour avoir de quoi repaître. Et afin qu'elle eût meilleur +courage, il dit à la belle, qu'il alloit quérir vingt écus qu'on lui +devoit, & la prioit que le déjeûner fût bientôt prêt. Il y alla, & reçut +sans confession. Voilà comment les amans ne sont pas toujours menteurs, +comme vous ribauds & rufians, qui vous donnez au diable, en promettant +pour peines de défaut, & puis étant hors d'avec les fées, vous n'avez +non plus de mémoire que chats, qui ont tant crié en le faisant qu'ils +ont tout oublié. Il revint avec ses écus qu'il fit paroître, cela +faisoit rire la mignonne comme une guenon sur une cheminée. (Et je vous +demande en conscience & bonne foi, répondez-moi, si on vous présentoit +sur une table deux mille fois autant d'écus que vous en avez, ou bien +cent mille écus comptant, & qu'on vous dît: cela sera vôtre, & vous en +pouvez prendre galamment trois poignées en disant gripe minaut sans +rire, c'est-à -dire, que vous ne rirez point; vous dites qu'oui. + +DIOGENES. Vous feriez vos fortes fievres mules; frappez votre nez en mon +cul, c'est ce que je vous baille en trois coups, voire en quatre visées; +mais allez grater votre cul au soleil, & succez vos ongles encore un +coup, si ne l'avez fait. + +THUCIDIDE. C'est bien reparti.) Ce mignon présente de son argent à +madame, qui lui dit qu'il falloit aller sobrement. Vraiment, mon ami, il +faut un peu épargner son argent, dit-elle, il y a plus de jours que de +semaines; nous n'aurons pas trop de tout. Et ainsi le dorlotant +putatiquement & le caressant, il la couillaudoit, couillevassoit, +culbutoit perpathétiquement; si qu'il s'enivroit en cette délice permise +à gogo, moyennant la dispense ministrale. Et le compagnon fut si bien +culbuté, tournoyé & friponé, & tant rabatu de concupiscence par la dame, +qu'elle lui ôta, sans qu'il le sentît, & bourse & argent. Quelque sotte +l'eût laissé, & vous y fiez. Cette mignonne le traita comme Jacques +Adriot fut traité de sa femme. + +POGGE. Je vous prie, dites ce conte, qu'il ne vous échappe; & je vous en +dirai quatre en récompense. + +THUCIDIDE. J'ai peur qu'on se fâche, parce qu'il y a un peu du prêtre, & +un ministre me l'a appris. + +POGGE. N'ayez point cette peur; non, jamais on ne s'en fâchera; & +surtout les moines, qui ne le prendront pas à coeur, parce qu'on +estimera que ceci sera mensonge, d'autant qu'il y en a tant de sectes, +que devant que l'on sache qui a fait la joyeuseté, tout sera passé; & +puis cela sera peut-être réputé à mérite, d'autant que par ce moyen un +homme de conscience ayant foulé sous soi la concupiscence, & enfoncé le +fort de satan, où il aura écrasé la tentation, elle s'en sera tellement +allée, qu'il aura les femmes en horreur, jusqu'à ce qu'il en ait +affaire, & c'est alors qu'il fera rage de prêcher. + +THUCIDIDE. Or bien, pour vous faire plaisir, je ferois cette parenthese. +Ce Jacques dont est question, étoit un grand abatteur de bois remuant, & +culbuteur de commere, & n'épargnoit rien de ce qui se présentoit. (Ce +fut lui, & deux autres qui rencontrerent la Ponneuse, qui étoit belle & +jeune, mais garce d'un chapelain; & l'enfoncerent dix-sept fois en une +soirée, à coupe-cul: puis s'en allerent chacun leurs voies. Le lendemain +cela fut su, d'autant que la fille se plaignoit qu'elle avoit été ainsi +dévergondée; & on le contoit à quelques honnêtes femmes. En la compagnie +étoit la femme d'un président, qui, oyant ce conte tant de fois, +répondit & dit: au diable soit la carogne, tant elle étoit aise! Cela +n'aviendroit pas si-tôt à une femme de bien.) + + + + +EXPOSITION. + + +XXVIII. La femme de Jacques, triste de ce que son mari alloit ainsi +transportant la provision du particulier, faisant couler partout cette +benoîte liqueur, dont on baille tant d'argent; & si on n'en trouve point +à vendre au marché, alla trouver un de ses amis, pour lui demander +conseil confortatif en son affaire. Cettui-ci, (je ne le vous nommerai +pas, pour la conséquence que je porte à l'honneur) lui enseigna ce +secret; c'est qu'il falloit qu'à point, mignardement, à propos, avec +industrie politique, elle nouât le cas de son mari une seule fois; & que +cela avenu, jamais il n'iroit à d'autres. La femme de Jacques croyant +qu'elle noueroit ainsi pour jamais l'amour de son mari, recevoit ces +mots dorés, je devois dire, _coralisés_, comme sentences prophétiques. +Parquoi elle ne faillit point à essayer. Elle prit le bout de son mari, +qu'elle considéra manuellement, pour le courber & le nouer. Or est-il, +comme vous savez, belles filles, que les mains féminines sont grilles, +sur lesquelles la chair revient. Ainsi la piece de génération par cet +attouchement revenoit, grossissoit comme pâte en met, & pourtant le +billouart se mettoit en point; & à ce conte, Jacques s'enfiloit avec sa +femme; & tout autant qu'elle fit l'essai à nouer, autant fut faite +l'exécution à vétiller: si que ce mari voyant l'importunité des doigts +de sa femme, qui ne faisoient que patiner son pauvre chose, fit bande à +part, de peur que cette friponnerie ne le fît devenir sec comme un +lévrier. La bonne dame en eut du déplaisir, & fit autrement qu'elle ne +pensoit, parce qu'elle ne noua pas le bout, mais elle retint son mari, +qui, depuis, ne fut plus coureux; & puis sa femme accoutumée à dodeliner +son cas, ne faisoit autre exercice au lit, que le promener. + +POGGE. Dames, qui êtes jalouses, empoignez cette suave doctrine. Aussi +femmes sont anges à l'église, diables en la maison, singes au lit. Ma +commere l'huissiere traita presque de même son marjolet, que tout +belourd elle renvoya mignardement déchargé, & le conduisit jusques à la +porte, avec des baisers accompagnés de faux semblant de regret: cela +s'appelle des baisers de passage. Quand il eut pris l'air, & qu'il fut +au bout de la rue, s'avisa de pisser: pissant, il avoit la main en sa +pochette; & y tâtant, la trouva vuidée de l'aposthume pécuniaire; le +voilà qu'il devint aussi froid qu'un four miné. Il retourna chez la +dame, où il entre avec toute mignonne humiliation, & requiert que son +argent lui soit rendu. Ayant fait son entrée & requête, il trouva une +femme plus froide que lui, qui fait l'étonnée, l'ébahie, la déconnue, +ainsi que si elle ne l'eût jamais vu. (Voilà comme les beaux esprits +savent passer d'une extrémité à l'autre, pour se réformer! Vous faites +état de votre femme de biennerie, vous autres femmes de bien; & +toutefois vous n'en sauriez faire autant que cette-ci.) Lui qui pense +faire l'effronté comme s'il étoit maître, ayant été si fat que de bâtir +sur un grand chemin, veut faire le grand & le commandeur, dit qu'il veut +ravoir son argent; il se dépite & enrage. Elle fait la constante & la +résolue: il tranche du ruffien, qui a puissance sur une femme; il +tempête & jette à terre son manteau; elle fait l'humble & la discrette, +& plus la femme de bien que si elle s'en fût mêlée toute sa vie; & sur +ses gestes s'ébahit moult de cette apparence, & lui dit: monsieur, que +faites-vous? Où pensez-vous être? Ce n'est pas ainsi qu'il faut vivre +chez les femmes de bien. Quand j'aurai patienté, je me fâcherai. Merci +dieu, êtes-vous hors du sens? Sortez de céans; ou si mon mari vient, il +vous échinera. Ce disant, elle jetta le manteau par la fenêtre, & cria: +à l'aide, au secours & à la force. Il vint du monde, qui, voyant ce +petit méchant monsieur ainsi dévergondé, lui remontrent & le menacent de +la justice, vu son scandale. Le mari pensoit entrer; mais oyant le +bruit, & voyant ce manteau, le prit, & passa outre. Ce qu'il en faisoit, +étoit de peur de se courroucer. Ce manteau lui sert aujourd'hui ès +bonnes fêtes. Le misérable démantelé & dévalisé, eut congé de s'en aller +chercher un autre manteau, qu'un moine de saint Julien lui prêta; +c'étoit un manteau de camelot ondé, pour lui faire avoir souvenance que +les ondes de la fortune avoient passé sur lui. + +GLICAS. Ce maître causeur nous en a bien conté, de nous proposer un +noeud, d'un cas si court qu'est celui de l'homme. Certes, c'est de quoi +nature l'a retranché, vu que tous animaux l'ont en proportion plus long. +Je m'en crois, & pense ce que m'en a appris Albert le Grand; c'est parce +que toute l'intelligence est à contraire raison là -dedans; par ainsi +vous voyez que fous en ont de belles venues, & les grands personnages en +sont chichement pourvus. Un taureau en a plus que trois hommes; & un +homme a plus d'esprit que cent boeufs. + +L'AUTRE. Si vous saviez de quoi est fait un chose viril, vous sauriez +s'il se peut nouer, ou non. + +GLICAS. De quoi est-il fait ce badinage d'amour? + +POGGE. Les religieuses de Poissi me l'ont appris, ainsi que j'allois à +Longchamp, & en telles autres religions réformées. Voilà , je ne nomme +jamais personne, ni lieu, de peur que d'autres y aillent. Il y en avoit +trois qui en disputoient. L'une disoit qu'il étoit de nerf, & qu'elle en +avoit eu autrefois une belle nervée, la cour étant à Blois: l'autre dit +qu'il étoit de chair courroyée, d'autant qu'en le touchant, on le +trouvoit plus mignon à la peau, que le maroquin du levant, & plus +douillet que velours: l'autre dit, qu'il étoit de tendons, parce qu'il +tend plus qu'il ne peut. La prieure, qui les avoit ouies, leur dit +qu'elle jugeoit plutôt qu'il fut d'os, parce qu'elle en avoit, le matin, +tiré la mouelle d'un. + +PENAS. Vous vous égarez; ce ne furent pas elles; mais bien ces trois, +qui, se promenant au beau jardin de Nantes, trouverent une groseille, & +s'entredemanderent à la dire en latin. Comment le diriez-vous, ma soeur? +La jeune dit, _groselus_; l'autre, _grosela_; & la vieille dit: vous +êtes sottes; il faut _gros & long_: mes petits connaux de dîmes +charitables. + +CHANOURI. C'étoit bien trois autres, dont j'étois jadis confesseur. +L'abbé de Gastines, qui les aimoit toutes trois, leur promit de leur +envoyer des couteaux de Châtelleraut; pourquoi bien effectuer, il +endoctrina son valet; & l'ayant embouché, lui mit le présent en la main, +pour le porter aux trois amies. Le valet, qui pensoit, selon que son +maître l'avoit endoctriné, faire si bien que madame n'en sauroit rien, +fut trompé, parce que madame, ayant un message d'amour à faire, y avoit +employé la portiere, au lieu de laquelle elle se tint à la porte, & y +étoit, quand l'homme de l'abbé y arriva. Il fut surpris; & elle lui dit: +or çà , Riolan mon ami, que je voie ce que vous avez-là : c'est quelque +chose que votre maître nous envoie. Elle savoit bien que ce n'étoit pas +pour elle, d'autant qu'un abbé n'eût pas osé entreprendre sur les +brisées de l'évêque de Lombes, qui l'aimoit. La dame ayant le paquet, +elle envoya Riolan à la dépense; & mande aux trois mignonnes qu'elles +vinssent; lesquelles, ne se doutant de rien, s'approcherent; & elle leur +montra les lettres & les présens, leur disant: mes filles bien aimées, +voyez des lettres & un présent que vous envoie notre bel ami l'abbé de +Gastines. Elles lui dirent en toute humilité: c'est possible à vous, +madame, qui le méritez mieux. Non, dit-elle, les lettres en font foi; je +sais bien que vous avez mérité ces joyaux & encore plus: aussi êtes-vous +bonnes filles: mais encore il y a, & faut de la considération en tout; +je veux savoir de vous qui est la plus entendue; & pour cause, afin +d'instruire les novices, pour bien entretenir l'ordre & antique façon de +vivre du couvent. Et partant, celle qui rencontrera le mieux à propos ce +qui lui semble de l'action notable de délectation, & ce qu'elle a +remarqué faisant la cause pourquoi, en faisant son service, jouxte le +bréviaire à l'usage de Reims, cette-là aura non-seulement son présent, +(c'étoient couteaux), mais aussi fera des autres à son plaisir. Les +voilà toutes trois en cervelle: si qu'éguisant le fil de leur +entendement, elles tâchent toutes trois à répondre: l'aînée répondit +qu'elle n'avoit jamais goûté à sauce si douce, sans sucre: l'autre dit +qu'elle n'avoit oncques rencontré chair si dure, sans os: la tierce +proféra qu'elle n'avoit jamais apperçu, ni ouï, ni senti tant cracher, +sans toussir. + +ALAIN CHARTIER. Je pensois que vous y mettriez ma cousine de Montrouge +qui pensoit être en terme de devenir bête. + + + + +EMBLÊME. + + +XXIX. Elle avoit vu, ès livres de ces nouveaux voyageurs, qu'il y avoit +des gens sauvages qui étoient tous velus comme bêtes infideles. La +pauvre petite se mit tellement cela en tête, qu'un jour changeant de +blanchette, comme réformée qu'elle étoit, sans chemise de linge, selon +la coutume de notre temps, (aussi blanchette en théologie, c'est-à -dire, +chemise de laine) elle s'avisa par mégarde que son pauvre petit chouse +étoit chu en pauvreté; & que le poil lui avoit percé la peau. Les filles +de prêtres n'en ont point à l'âge de dix-huit ans; (je ne suis donc pas +fille de prêtre, dit la jeune fille qui l'ouit; j'en ai, & si je n'ai +pas quinze ans). Ma pauvre cousine, ayant vu cet inconvénient, se signa +fort dévotieusement, & devint toute troublée de son sautier. Son +entendement péripatetisa tout du long de la culmination de son +intelligence curiale: si que, depuis, elle fut mélancolifiée, que +c'étoit une déplorable imaginaison que la sienne. Si les autres +approchoient d'elle, elle, par une humeur saupoudrée de tristification, +s'en reculoit. A la fin, elles l'arraisonnerent du dedans, qu'elle avoit +au flux & reflux de conflit compagnable; & leur fit réponse, qu'elle +n'étoit pas digne de converser méritoirement parmi l'honorifique bande +de leur société doucette. + +JODELLE. Quand je vous ois ainsi paillarder sur votre outrecuidance, de +bien dire, il m'est avis que vous me pissez aux oreilles! Que diable ne +parlez-vous droit, sans aller léchonnant les friponneries du sot +langage. Je pense, vous oyant, être auprès du beau S. Jean, racontant +comme il fut chassé: _nous apperçûmes le lépore, qui s'étoit manifesté; +mais parce qu'il se réintégra, nous ne le pûmes appréhender_. C'est +comme ces badauds de Paris, à la bataille de Senlis, qui, ayant leurs +bâtons à feu sur le haut de l'échine, demandoient: _où est l'averse +partie? Elle ne comparoîtra pas?_ Encore la Goibaude parla mieux, venant +à monsieur le Gouverneur, pour s'excuser de la taxe que l'on avoit +employée pour les fortifications: _monseigneur, je suis une pauvre femme +en veuvesse; je vous prie avoir pitié & componction de moi; on m'a trop +cautérisée pour les fornications_. + +TACITE. Laissez dire notre poëte. Que voulez-vous? Le bon preud'homme, +il savate notre langage; toutefois il dit bien, mais il va un peu de +côté. + +ALAIN. Vous me défagoteriez quasi bien tout le menu brouillis de mon +intelligence. Or bien donc, cette fille, leur disant son excuse, ajouta +qu'elle étoit indigne d'être avec elles, parce qu'elle devenoit bête. +L'abbesse voyant cette fille ainsi farouche & toute dilatée sur le +progrès de diminution familiere; (ardez, cette curagerie d'éloquence ne +peut m'abandonner) en voulut savoir la raison, & sur ce que les autres +filles lui avoient rapporté par avertissement. Timoré l'appella en sa +chambre: & l'ayant concionnoirement avisée qu'il falloit, en +l'humiliation de son devoir, qu'elle enfourchât la vérité, lui demanda +par amour & vesse (foin, je cuidois italienniser, & dire: _amore +volesse_) l'occasion de sa déconvenue. Adonc en gémissant & pleurant des +yeux, elle dit: ma sacrée chere dame & preude mere, j'ai bien grande +occasion d'être en extrémité de marisson, parce que je deviens bête; +j'ai déjà un petit minon qui m'est venu entre les jambes. Que je voie. +Elle le montra, exhibant physiquement sa natureté. Alors l'abbesse, pour +repartir par pieces similaires, & réciproque démonstration, se +découvrit, & lui fit paroître sa naturance. Il y avoit un petit +cordelier caché derriere, qui l'avisa, & cria à maître Bastien, en +courant: _magister Bastiane, ego vidi coelos apertos_. Et la fillette de +dire: hé qu'est cela, madame? O quelle abondance de bestialité! Ma mie, +ma mie, dit l'abbesse, le vôtre n'est qu'un petit minon: quand il aura +autant étranglé de rats que le mien, il sera chat parfait; il sera +marcou, margaut & maître mitou... Oho, oho, o... Il n'est pas temps de +s'évacuer à rire; attendez un peu; le mot pour rire n'est pas dit. La +belle s'avisa de demander à frere Etienne de Sanssay ce que vouloit dire +madame, par ces rats & chats; ce que le pauvre corps, par innocence +charitable, & humilité graduelle, & selon la sainteté de nos premiers +voeux inférans graces abondantes, lui fit entendre & pratiquer, en lui +faisant naturellement étrangler le rat de nature, par le chat mystique +du bas de son ventre, de quoi elle avoit recueilli un fruit mélodieux de +savoureuse délectation, qui ne devroit appartenir qu'à princes & +prêtres, si tout alloit d'ordre. Elle étoit par ce moyen ingénieusement +déniaisée; & sur cette profonde aisance, elle étoit, une après-dînée, à +se promener en grande contemplation, devisant à bâtons rompus avec une +sienne compagne, qui, oyant ce faux bourdon de musique mentale, lui +demanda à quoi elle songeoit, vraiment, dit-elle, ma soeur, je +pensois... Songez donc ce que vous pensiez bien. Et aussi je vous le +dirai. J'avois les yeux sur cette chevre que voilà qui broute. Ma mie, +ma soeur... + +JODELLE. C'est ce que disent les menestriers, ramenant la mariée du +moutier: _ma mie, ma soeur, quelle douceur en fretillant; recordez-les +avec votre flageol_. Maître Janotin, puisqu'il vous plaît, il faut +savoir qu'ils ont dit en la menant: _nous la menons au moutier, +l'ordure, l'ordure, l'ordure du foyer_: mais vous n'y entendez rien; +c'est ainsi qu'ils le font en la menant à l'église, & jouant au beau +trio: _pucelle la menons_, bis; _encore ne sait-on_, ter; _on ne sauroit +qu'en dire_. + +ALAIN. Vous me faites de l'interruption; le ciel vous en punaisira; & +regardez bien que signifie cela. Laissez-moi achever; fou enragé qui ne +m'écoute; & plus fou est-il qui s'y amuse. Je voudrois, dit-elle, ma +cousine, être comme cette chevre. Voire, que tu es sotte! L'année +passée, tu disois que tu devenois bête, pour un petit poil folet que tu +avois entre tes deux gros orteils; & ores que dis-tu? J'étois bien bête +par le bon vraiment; & dà je ne le suis plus. Que c'est que d'enfance! +Ces petites ames seroient du tout heureuses avec leur innocence, si +elles faisoient l'amour, & que les petits enfans couchés ensemble +fissent ce que me fait quelquefois frere Etienne. T'hébahis-tu ma fille? +Je desire être comme cette chevre; ne t'en émerveille point: mais +fais-en état. Vois tu, si j'étois comme cette chevre, ainsi velue +par-tout le corps, je serois la plus heureuse du monde; d'autant que je +n'en ai pas si grand qu'une petite écuelle, & frere Etienne m'y fait si +grand bien: si j'étois de même par-tout le corps, il me feroit de même +par-tout, & je mourrois de fine bonne rage de bien, tant je serois aise. +Les pauvres nonains n'en pouvoient mais: voilà pourquoi vous avez tort +de les mêler en vos saturniales. + +MACROBE. Je n'y saurois que faire, c'est la vérité qui me contraint, +_inter porcula_, comme chez le roi Assuérus, où parut l'orgueuil de +Vastit, qui toute sa vie avoit été humble comme une savate de +brunisseur. Je m'en rapporte au confesseur de madame Loyse, laquelle lui +disoit en confession, qu'un moine l'avoit haillonnée; qu'il avoit eu +affaire à elle, qu'il s'étoit mis dessus elle pour voir de plus loin: +bref, elle disoit qu'il l'avoit f. (j'ai quasi tout dit tant j'ai la +langue à l'usage de prédicateur.) Le confesseur lui remontrant, la +tançoit, disant: comment, ma mie, vous vous êtes fait accoster à un +mort? Je ne sais pas quel mort, mais je ne vis ni sentis jamais si bien +remuer. Le cas lui alloit, comme à un qui mouche une chandelle avec les +doits sans mouchettes. De ce ci, toute la belle compagnie se mit à rire, +comme un troupeau de fenesseaux. + +COLINET. Voire, ne faut-il pas bien s'ébattre, & principalement à jeux +auxquels il convient? N'est-il pas dit, _croissez, multipliez & +remplissez la terre_? Et qu'est-ce, sinon qu'il est enjoint par nature +aux petits, de croître; aux forts & de bon âge compétent, de multiplier, +& aux vieillards, de se laisser mourir pour emplir la terre? Et cela +aussi appartient à ceux qui veulent faire les vieux, à ces idiots, +voués, caffards & inutiles, qui ne font que scandaliser le bon monde de +dieu. + +RONSARD. Les rencontres m'en font souvenir, & je dirois bien de la +besongne, sans que le défunt évêque d'Angers fût blâmé des docteurs, +qu'il s'accommodoit aux textes bénits de l'écriture sainte. Que si je +m'y enfonçois comme je les sais, je vous donnerois bien du passe-temps; +mais je ne veux pas faire de planche à ces hérétiques qui en feroient +leur profit. J'aime mieux aller à ce bout, gausser avec ces pénaillons +de garçons & filles, qui s'ébattent sans mal penser, chopinant près ce +buffet, & vogue la galere. + +MAROT. Mon ami, dites votre _confiteor_, & laissez peter renard. + +BEZE. _Quisque fictor fortunæ suæ_; c'est-à -dire, chacun fait ce qu'il +peut pour vivre. Il le faut faire, si on ne le faisoit, le monde +demeureroit vuide, contre l'intention de nature. Ho! madame, réveillez +vous, & notez qu'un con bien ménagé, à Paris sur tout, vaut presque +autant qu'une bonne procuration, & mieux que deux métairies. Filles, je +vous nomme aussi toutes de peur de jalousie, avisez à vos affaires. Je +sais qu'il y en a qui le font pour le plaisir, ce sont celles qui nous +entretiennent: & les autres, pour gagner leur paillarde vie. _Optimum +philosophari, melius vivere._ Et pource, je vous dis que vous ménagiez +bien vos métairies naturelles. + +BAIF. Ho, & ai, compere, comme tu parles! Ne t'avises-tu point des +ordres que tu as? + +BEZE. Corps de mordienne, si elles m'importunent un peu, je m'en déferai +bien, & les secouerai comme un âne fait les mouches de ses oreilles. +Qu'as-tu à me venir ici ravauder l'entendoire? Est ce ici le lieu & le +temps d'en parler? Que le diable te puisse casser des noix. Il faut +prendre le temps à propos, ainsi que les gens de justice, quel satan & +réformateur es-tu? Je crois que tes hémorroïdes te rendent ainsi +religieux & conscientieux; ta sainteté t'époinçonne par le cul. + +BAIF. Voire, mais avisez à ce que disent nos docteurs: bran, il faut +crier à ce sourdaut, comme pour prendre une taupe. + +RONSARD. Tu es un beau faiseur de mines (je cuidois dire de _mimes_); tu +es un grand docteur, tu nous en veux conter; & encore l'écrire. Va, va, +j'ai plus usé de papier à me torcher le cul, que tu n'en as employé à +écrire tout ce que tu pensois savoir. + +MADAME. Qu'est-ce là ? Est-ce à bon escient? + +BAIF. Non, non; ce n'est que pour rire; ne vous fâchez pas. Vous pensez +à autre chose, madame; vous rêvez, le con vuide. + +AUSONE. Je n'avois jamais oüi dire cette élégance: bien est-il, que +derniérement étant aux Vallins, on nous présenta un peu de beurre. +Eschine s'en fâcha, & dit à la fermiere, qui nous l'avoit présenté, que, +puisqu'elle étoit chiche de beurre, elle avoit le cas grand. Avisez bien +à ceci, mes dames, ainsi que fit la chambriere de Ciceron, laquelle +ayant ouï qu'on lui reprochoit qu'elle mettoit trop de beurre en la +poële, pour une fricassée, en retourna quérir abondamment pour clore sa +grande ouverture. Et afin que vous sachiez un secret à propos, je vous +dis que les hommes qui n'ont gueres de manche, sont plus courtois & +gracieux, que les autres qui en ont bonne provision; & ce d'autant que +ces manqueux n'ayant pas tant de quoi payer, il faut qu'ils avancent de +la monnoie du singe. Pour cette cause, quand les demoiselles, filles & +femmes sont ensemble à deviser, & parlant de quelque homme qui ait +abondamment de quoi elles ont affaire, elles disent: cettui-là a un +grand persuasif; il a de quoi faire une belle expression de ses pensées +amoureuses; il en a assez, pour faire endéver une dégoûtée. Le bon homme +Sandé, curé de Claye, qui oyant les demoiselles qui rageoient sur sa +chambre, & cela l'empêchoit d'étudier possible, il leur cria: si je vais +là -haut, je vous foutrillerai toutes, tant que je vous ferai enrager. + + + + +SOFPASSUC. + + +XXX. Nous en sommes bien vraiment, nous voilà bien: je fais belle forme +juste comme à la boëte aux oublies. + +MENOT. Il ne falloit plus que cela, pour achever sainte Croix d'Orléans +au moule de la chartreuse de Pavie, où j'ai été nourri écuyer; d'autant +que de page il ne s'en parle point; il n'y a point d'enfans, ils sont +tous grands: on ne fait pas là des enfans, il faut les envoyer tout +faits comme à la cour de parlement, sauf l'honneur de la justice la +bonne dame. + +BAIF. Ce n'est pas ce que nous disions; taisez-vous: laissez ces +gens-là . Encore les ecclésiastiques sont traitables; ils ne font +qu'excommunier; cela va & vient comme eau claire: mais ces gens de +justice font tache d'huile, que le diable y ait part, mon ami: +laissons-les; achevons ces contes. + +RONSARD. Or, pour vous remettre sur vos chouses, je vous dirai, durant +que la ligue étoit en vigueur, on cherchoit à Tours un ligueur; & après +plusieurs perquisitions, on alla au cloître le chercher chez une dame, +qui logeoit avec un chanoine. Cette dame n'étoit point encore levée. +Elle entretenoit son embonpoint. Un monsieur archer du prévôt entra dans +sa chambre l'épée au poing, laquelle raclant contre les carreaux, pour +faire du mauvais, dit tout haut: par la double rouge crête de coq, je +foutrai tout céans, de par le roi. La petite Sevin, qui pour lors étoit +avec elle toute tremblante, s'approche de ce fendeur de naseaux, & lui +dit: hélas! monsieur, pour dieu, ne faites rien à madame; elle se trouve +si mal, je vous prie d'avoir patience. Madame qui l'ouit, ouvrit son +rideau, & adressant la parole à la fillette, lui dit: voire, ma mie; & +dà , pourquoi non aussi bien qu'à vous, puis que c'est de par le roi. + +BEROALTE. J'y étois; je m'en souviens comme si c'étoit toutes ores; & +aussi-bien que de ce qui m'avint étant encore au ventre de ma mere, un +jour qu'elle rioit avec un président, qui l'entretenoit selon les +usances de messieurs de la cour de Bretagne, qui nous viennent voir +durant leur semestres. Il avint que de joie elle fit un pet; je pensois +que ce fût un coup d'artillerie, & que nous fussions assiégés: même ce +monsieur la tabourdoit si fort avec une lance à deux boulets, que je +croyois que c'étoit un mouton, que maintenant en honnête architecture de +guerre, on appelle un foutoir. Cela me fit si grand peur, que je sortis +incontinent, & n'y avoit pas plus de quatre mois & demi que ma mere +étoit mariée: aussi il y en a qui sont de race de faire ainsi leur +premier enfant, qui volontiers ont bon esprit; cela fut cause que je +devins poëte. + +BELLEAU. Ne le dites pas, s'il n'est vrai. + +BEROALTE. Puisque j'en jure, il est vrai; & faut croire un homme de +bien, quand il se parjure. Il y en a beaucoup qui jugent à faux, ainsi +que font nos messieurs de justice, que dieu garde de mal, lesquels font +serment de n'avoir pas acheté leurs états, & toutefois l'argent en est +encore écrit en leurs doigts. Ils ne le dirent point; mais qu'ils +prêtent de l'argent au roi. Vraiment un maître iroit chercher qui lui +bailleroit de l'argent, pour le servir. Aussi proprement l'argent fait +tout: il fait jurer, sans offenser dieu! il fait que monsieur le juge +couchera avec la femme d'autrui, sans commettre adultere; il fera donner +un arrêt le plus mignon du monde. Voilà , certes, monsieur; l'argent a si +bien fait, que pour l'avoir envoyé & baillé à propos, quelques voleurs +des biens du roi ont été libérés. Ces voleurs, miens amis (aussi les +poëtes sont amis de tous, & ennemis de chacun) s'en vindrent, au lieu +d'avoir la corde au col, ce bel arrêt au poing, le dernier de septembre. +Visitez les cours, & vous le trouverez, L. C. a ordonné que ceux accusés +& convaincus de larcin, concussion & péculat, seront châtiés sans +encourir note d'infamie & punition, &c. Que veut dire, L. C. La cour, le +conseil, la chambre, le chouse, la coyonnerie; tout ce que vous voudrez: +que m'en souciai-je, puisque je n'y sens plus d'intérêt; & que jurer ou +non, c'est tout un, si quelqu'un ne se fait partie, afin que monsieur +l'argent vienne loger chez nous. C'est assez interrompre mon dessein; je +voulois vous dire ce qui avint à mon compere Drouet, qui avoit un +procès, pour lequel juger, il fallut être assuré & éclairci de certain +point qui ne pouvoit être connu que par le serment de cettui-ci: il lui +fut dit qu'il ne tenoit plus qu'à cela qu'il ne gagnât son procès. Ha! +vraiment, dit-il, l'ai donc gagné; parce que, s'il ne tient qu'à jurer, +je jurerai des pieds, des mains, de la bouche; &, s'il est besoin, du +cul, en la présence de messieurs. Aussi en avoit-il fait son +apprentissage, aux dépens de mon compere Colin, qui lui avoit prêté un +chaudron. Colin lui dit: Drouet, rendez-moi mon chaudron. Et quel +chaudron? Si tu étois prêcheur, tu ne prêcherois que de chaudron. Je te +prie, rends moi mon chaudron. Je n'ai point de chaudron à toi. Colin le +fait appeller. Etant devant Bodion le bon juge, Colin demande son +chaudron à Drouet; & Drouet dit qu'il n'en a point à lui. Bodion lui +commande de jurer sa part du paradis, s'il a ce chaudron. Lui qui n'y +prétendoit possible rien, je ne dis pas au chaudron, se met en état de +jurer. Comme il juroit, le bon Colin lui disoit tout bas, en le tirant +par le bras: hé compere, ne jure pas; hé compere, tu perds ton ame. Et +Drouet lui répondoit en l'oreille: & toi, ton chaudron. + +CETTUI-CI. La femme du peintre qui coloroit notre maison, vouloit bien +autrement; parce qu'elle incitoit son mari à jurer, encore que ce fût à +faux, parce qu'il y avoit une utilité apparente. Maître Mathurin avoit +prêté dix-sept francs à ce peintre, & les lui demandoit assez +importunément. L'autre, différant, enfin est ajourné. Maître Nicolas +notre peintre, qui avoit encore un petit coupeau de conscience, eût bien +voulu ne rien payer, parce qu'il y avoit long-temps qu'il devoit. (Il +pensoit tout de même que faisoit Billonneau de Poictou, à qui monsieur +le chantre avoit prêté quarante livres, lesquelles il lui demanda treize +ans après. Ho, ho, disoit l'autre, & sa femme aussi, s'en souvient-il?) +Maître Mathurin fait venir son créditeur devant le juge: ces deux ayant +proposé leur fait, & dit oui & non, & vere; le juge fit jurer maître +Nicolas, pour savoir la vérité. Cette pauvre bonne personne d'homme +n'osoit, & se feignoit. Sa femme étoit derriere, qui lui disoit: jure +vilain, jure, puisqu'il y a à gagner; tu jures si souvent que tu n'y +gagnes rien. S'il eût juré, qu'eût-ce été? + +MENOT. Il eût gagné les dix-sept francs qui lui eussent fait profit; & +il en eût donné cinq ou six sols aux pauvres, & cela l'eût garanti de la +perte de son ame. Savez-vous pas bien qu'en matiere de prudence +humani-monacalo-chanoinesse, un grand tort ou dommage invisible est +réparé & satisfait par un petit bien manifeste, comme ès cours, les +présens font souvent gagner de méchantes causes. Ainsi plusieurs, tant +laïques qu'autres, ayant bien dérobé en cachette, fondent publiquement +de beaux anniversaires solemnels, où ils produisent les fruits mignons +du mammon d'iniquité. Les gens de justice en bâtissent de beaux +châteaux, qui honorent le royaume; les financiers en parent tout. Et +même je vous dirai que, si un petit commis de mes fesses a volé dix +écus, incontinent il se fera paroître, quand il ne le devroit qu'avec +une ceinture de broderie; & un méchant procureur fera incontinent bâtir. +Quant aux conseillers, ils n'y entendent rien; ils ne dérobent que +l'écume; ils ne mettent pas la main au fond du pot, si je ne mens. Et +ainsi sont effacés les larcins, monopoles, sacriléges, fraudes, & telles +joyeuses inventions & moyens de parvenir. Vous rêvez, & songez creux; +vous gâtez tout. Si on sait ce que vous dites, personne n'aura plus +d'envie de faire pis, afin que bien en avienne. + +GEBER. Vous proposez une cabale de rêver en soupant; je voudrois, tant +je suis ennuyé de la fracture de mon fourneau, que nous fussions en état +parfait de rêverie; je serois aise, & n'aurois non plus de mauvaise +passion, que le pâtissier Rigole qui songeoit, tant il étoit aise en +rêvant, que sa grand'mere lui donnoit du fourmage mou. + +BACON. Jamais fourmage mou ne gâta gorge; non plus que cul chaud ne gâte +jamais linge: & je ne ris jamais tant de fourmage mou ou de crême, que +de celle de Manassés, secrétaire du patriarche de Constantinople. Ce +grand esprit, il acheta un jour un fourmage de crême qui ne lui coûta +rien. (Je montrois un jour à monsieur le chancelier, où c'étoit qu'il +entra trois Flamans au cimetiere des saints Innocens, par la porte de +l'autre côté, dont l'un tomba, & mit le nez en la selle d'une fille qui +venoit de quérir de l'eau. Voilà comment je remarque tout, comme le +derriere de votre chemise fait le conte de vos selles.) Manassés ayant +eu en main son fourmage, prit un des chevaliers de la fleur de lys, un +des quinze-vingts, & le pria de dire un _salve_ à son intention: pour ce +faire, il lui mit un beau jetton au creux de la main. Le pauvre ayant +accordé ses badigoinces, griguenotoit ce _salve_ avec une voix +horrifique, à laquelle Manassés s'accordoit: comme il en fut venu au +verset, qu'il se faut égueuler de crier, & qu'il eût ouvert amplement la +gorge, & desserré la gueule assez grande, pour y enfourner un +demi-alloyau de boeuf, les babines étant déjointes bien demi-pied, +demeurant ouvertes en cette belle extase de chant royal. Manassés lui va +flaquer ce fourmage mou dans le bagoulier si proprement, qu'il entra +tout, & rien n'en sortit, que ce que malheureusement le triste criard +fit écheoir, estimant avoir la bouche pleine d'une autre mixtion de plus +haut goût. + +PAUSANIAS. Je pense que ce jour-là étoit fait pour rire. + + + + +DICTIONNAIRE. + + +XXXI. Ne vous souvient-il point que rencontrâmes la mule de Rabelais? Le +bon homme ne s'en soucioit-il non plus que de celle du pape, ayant assez +d'autres bonnes affaires. Il l'avoit laissée chez Fesandat, imprimeur; & +avoit prié les garçons d'y prendre garde, pour la faire boire à ses +heures, comme la truye des carmes. Déja deux ou trois jours s'étoient +passés, qu'elle avoit assez bû; mais au diantre la goute, parce qu'elle +ne bougea de l'attache, comme un vrai chien couchant. Jean du Carroi, +jeune verdaut, s'avisa de cette bête, & monta dessus à dos sans la +sangler; un autre le voit qui lui demanda la croupe, un tiers encore y +saute; & les voilà ainsi que les quatre fils d'Aimon, à chevau sur la +mule sans selle, n'ayant que le chevêtre, (que ne lui baillez-vous votre +licou). Ainsi relevée de ces suffisans personnages, la bête prit son +chemin à val la rue de saint Jâques: passant auprès de saint Benoît, au +lieu de s'avancer, sentant l'eau d'une lieue loin: comme vous auriez +l'odeur d'un bon jambon, & s'approchant de l'église, elle reçut une +odeur débonnaire de l'eau bénite, qui, l'attirant par la conduite +magnétique de sa saveur, la fit, en dépit des chevaucheurs; entrer en +l'église. Il étoit dimanche, heure de sermon, où grand monde étoit +convenu; & nonobstant ce peuple, & résistance des baudouineux, la mule, +dure de tête & oppressée d'altération, donne jusques au benoitier, où +elle mit & enfonça son horrifique mufle. Le peuple, qui voit +l'effronterie de ce maudit animal, qui par dépit n'engendrera jamais, +pense que ce soit un spectre, portant quelques ames jadis hérétiques, +mais ores pénitentes, qui viennent chercher le doux réfrigératoire des +bienheureux (laissez la boire), & déja chacun pensoit qu'il se feroit +quelque émotion (laissez boire la mule) ou autre acte merveilleux de +commotion spirituelle; mais la bête fut modeste, si qu'ayant +légitimement bien bû, selon sa vacation, se retira sans autre cérémonie. + +ORPHÉE. Le mulet de Gravereuil étoit bien autre; il les faut marier +ensemble. Il y en avoit, qui, voyant la méchanceté de cette bête, +disoient que c'étoit quelque diable, fauteur d'hérétiques, punissant +leurs ennemis: & cela venoit à propos, parce que, de mon tems, ce prêtre +avoit fait effondrer une bonne & ample quantité de huguenots, qu'il +tuoit bravement jusqu'à la mort. Un jour, un élu de Tours emprunta ce +mulet, & monta dessus, & adressa ses voies à Langes. Y étant arrivé, le +mulet prit le mords aux dents: &, sans se soucier de ce qu'il avoit sur +l'échine, & du profit du roi, se mit à courir par tout à travers hommes, +femmes & enfans; & s'adressant vers la poterie, passa par-dessus pots, +buïes, casses, chaufferettes, qu'il brisa, cassa, rompit & gâta, comme +un étourdi: puis, ayant fait sa montre, reprit ses erres, emportant le +triste élu, qui eut voulu être au fond de sa cave, de peur du tonnerre; +& le mulet de courir, sans arrêt ni crainte: & comme il couroit, il y +avoit un pauvre homme, qui avoit trouvé la bougette d'un autre qui avoit +passé, & l'avoit laissé cheoir. Cet homme, pensant que ce fût cet élu +qui avoit perdu sa malette, lui crioit: monsieur, arrêtez-vous; tenez, +voici votre malette. L'élu, pensant qu'il se moquât de lui, & ne se +pouvant arrêter, lui crioit: je te ferai pendre, coquin. Le paysan +couroit criant, brayant: monsieur, tenez votre bien. Coquin, tu seras +pendu. Monsieur, tenez, arrêtez-vous. Le vilain, voyant qu'il ne +s'arrêtoit point, jetta la malette là ; & un autre la prit qui s'en +trouva bien, & fit bâtir une belle maison à Portillon. Le méchant mulet +courut sur les ponts, où étant arrivé, il s'arrêta aussi mignon qu'un +cochon rôti, traitable ainsi qu'un agneau. Monsieur l'élu le mena où il +voulut; mais se ressouvenant de sa peur, il l'alla rendre. Je vous +assure, & m'en croyez, que si ce chevaucheur de mulet n'eût été élu, il +se fût rompu le col, & fût allé, comme les autres, à tous les diables. +Une autre fois que Gravereuil venoit du Plessis endossant son mulet, +monsieur le mulet voyant l'eau, & y prenant plaisir, y porta son maître, +& laissant à côté le pont sainte Anne, passa à travers l'eau: ce fut à +messire de se tenir serré. Si ce n'eût été un prêtre qui venoit de +confesser un minime, il étoit en danger de périr; mais il étoit en trop +bon état; le diable n'en avoit encore cure. Voilà comment le muletier +échappa, se tenant ferme de peur de mouiller ses cheveux. Par dépit de +telles malversations, Gravereuil ayant assemblé le conseil de ses amis à +ce connoissans, il fut résolu que dom mulet seroit châtré; ce qui fut +exécuté au détriment des pendiloches qui furent levées. Le mulet guéri +se trouva assez humble pour un tems: mais je m'en ris encore; & j'eus ce +plaisir, un samedi matin, que ce vieillard voulant aller aux champs, +monta sur sa bête, qui savoit le chemin de sa cure. Voilà qu'il est en +train d'aller. Ce méchant mulet, étant en la rue de la grosse tour, +avisa le châtreux qui l'avoit émancipé; aussitôt il se ressouvint de +cette opération, & comme il l'avoit malheureusement exterminé, lui ôtant +toute espérance de bénédiction mulative. Oubliant selle, bride & maître, +il s'élança après; & ne se souciant plus de coups, de guide, & de tout +ce que vous voudrez dire, s'enfonça droit & roide vers ce châtreux pour +le dévorer, ouvrant la bouche grande comme un four à ban: & en dà , il +l'eût diffamé & vilipendé sans sa feinte. Le pauvre siffleur se sauva en +une maison; & le mulet après y porta son maître, qui fut obéissant, ne +pouvant chevir de sa bête qui l'emporta après le châtreux, qu'il suivit +tout du long d'un escalier, portant toujours son possesseur, qui n'avoit +plus autre espérance que d'avoir le cou rompu. Le châtreux se jetta sur +une pièce traversante, où le mulet, qui le voyoit, recanoit trépignant +en la chambre, & béant comme une carpe qui se noie. Ainsi baillant, +ouvrant la bouche grande comme un ministre qui dit son premier sermon, +il fit tant de désordre en se tremoussant, que les quatre jambes lui +entrerent dans le plancher; & messire Gravereuil eut le cul fort +rehaussé, tellement qu'aisément il se put ôter de l'encombre où il +étoit. Il ne fut point sot; il s'en ôta, & laissa là sa bête, qui, après +que le pauvre châtreux fut échappé, fut levée par l'industrie de quatre +ou cinq hommes qui l'enleverent. Ce mulet, depuis cette aventure qu'il +ouvrit tant la bouche, mordit comme un chien; aussi ne vivoit-il que de +mordre, pourquoi son seigneur lui fit arracher quatre dents, dont de +dépit il devint pire, & jamais ne bûvoit qu'il ne lui prît fantaisie. + +HERCULES. Pourquoi est-ce qu'un âne ne boit pas, s'il n'a soif? + +CALVIN. Faites votre proposition vive. + +HERCULES. Je ne m'ébahis; si tu fus hérétique. Va, je te le dirai. C'est +parce qu'il ne boit que de l'eau. Que s'il buvoit du vin, il boiroit à +tout moment, comme un bon théologien: mais _tu venisti sobrius ad +evertendam rempublicam_. + +CALVIN. Jamais il n'y eut homme savant, qui n'entendît raillerie, que +toi. Va te faire lanterner, & me regardez; vous voyez votre maître. Mais +que devint ce mulet? + +ORPHÉE. Gravereuil le vendit à un Gascon, qui, étant informé des +conditions de la bête, ne laissa de la bien payer, estimant qu'aisément +il en viendroit à bout, parquoi il l'acheta, & le paya bien +authentiquement; aussi la bête étoit de belle apparence & forte. Quand +le Gascon fut dessus, & qu'il l'eut un peu mené outre son premier gré, +le mulet s'avisa & emporta mon homme après ses propres fantaisies, à +travers haies & buissons, champs & prés, & le menoit, comme un nouveau +Plutus, dans ronces & épines de tous les diables. A la fin, lassé ou +remis, le soldat, qui ne pouvoit oublier cette injure, se renforça de +colere, si qu'étant descendu, il lui passa son épée au travers le corps. +Le mulet, sentant ce coup énorme, & sa vie déterminée, en appella à la +mule du pape, par la vertu de laquelle il s'évertua, & excédant en +vigueur, frappé comme il étoit, il se jetta sur son homme, auquel en +mourant il emporta toute une épaule. Le pauvre Gascon se vint faire +panser à Tours de sa morsure, plaie & contusion: mais il ne lui servit +de rien, parce qu'il en mourut, d'autant que l'appareil qui fut mis sur +sa blessure, avoit été appliqué sur la chemise d'une fille, qui étoit +pucelle à vingt-cinq ans & demi, & que de là même on avoit fait le +charpis qui avoit mis le feu par-tout. + + + + +ÉLÉGIE. + + +XXXII. CÉSAR. Bien remarqué! + +RENÉE. Devant que vous laissiez ce prêtre, je vous l'accompagnerai d'un, +afin qu'il n'aille pas tout seul, & lui baillerai un caillou en la main, +de peur qu'elle ne lui enfle. Il y eut un ministre Breton de Bretagne, +qui courut chez nous une belle fortune. Il se plaignoit fort d'une +douleur de jambe; & ayant pris conseil de son mal, il s'alla coucher. On +avoit oublié de lui bailler un pisse-pot, si que, durant la nuit, ayant +desir d'uriner, & ne trouvant point de vaisseau, il se leva, & s'avisa +d'aller pisser en la cour. C'étoit environ la toussaint, en nouvelle +lune. Il sort de sa chambre, & enfile le degré, lequel étoit contigu à +celui de la cave, qui n'étoit point fermée, tellement que suivant la +vis, il alla tant qu'il trouva terre, qui fut, quand il eut mis le pied +au fond de la cave, où étant, il s'avança trois pas, & pissa abondamment +selon la désirable évacuation de sa vessie. Voilà que, par male tigne, +il s'étoit tant avancé, qu'ayant pissé il se trouva plus déchargé & plus +éveillé; pourquoi il veut retourner: sur cette intention il cherche le +noyau du degré & de la sortie ou entrée; mais il ne le peut trouver. Le +voilà tout égaré; il leve les yeux à mont, & s'éguisant la vue, il tâche +de trouver des étoiles; mais il n'avoit garde. Ho, disoit-il, que le +temps est nuble! que le ciel est noir! que l'air est étouffé! Ho, y, il +fait ici noir comme en une cave. Les nuées étoient si épaisses, qu'il ne +voyoit goutte qui soit. Il se résout de sortir de ce lieu tant obscur, +qui est la cour, à son avis; mais il ne peut trouver de passage: il va, +& vient, & de tant plus il s'englue. A la fin, il se met à appeller, & +crier qu'on lui portât de la chandelle. Il se mettoit à hucher, puis se +reposoit; plus il huchoit, & moins on s'en soucioit; aussi que sa voix +n'étoit point entendue venant de si bas. Après qu'il avoit bien crié, il +se taisoit, & écoutoit; puis, un peu après, il recommençoit. A la fin, +je m'éveille & demandai: qui est-là ? Il m'entr'ouit, & dit: c'est moi. +Et qui? Moi pauvre ministre. Et où êtes-vous? Ici. Et où? je ne sais. A +la fin, la voix me conduisit à la cave, où je le vis tout nud, aussi +ébahi que Petou. Qui, tous les diantres vous a mis ici? C'est moi: je +cuidois être en la cour; & je ne sais comment j'ai descendu si bas. Et +que n'avez-vous pris des souliers? Si j'eusse pensé tant y être, j'eusse +pris mes souliers & ma robe. Mais, pour dieu, menez-moi chauffer; je +transis de froid. Je fus presque en pensée de le mettre échauffer en mon +lit: mais l'odeur de ministre me déplaît; je m'étonne de celles qui les +aiment tant, & les épousent. + +VITRUVE. Mais venez çà , Renée; faites honte au diable. Ce Breton ne vous +pria-t-il point d'amour en la cave? + +RENÉE. En bonne finte, il n'avoit garde; il ne lui en tenoit; il avoit +trop froid aux pieds. _Qui a froid aux pieds, la roupie au nez, & le cas +mou, s'il demande à le faire, c'est un fou._ Croyez qu'il avoit la +friandise bien ravallée. + +VITRUVE. Il falloit le lui frotter. Voire, _vin chauffé & cas frotté ne +tendent qu'à pauvreté_. Ce fut donc à l'autre chambriere à laquelle il +le fit. + +RENÉE. O! vere, en ma conscience, je vous jure qu'elle est une pauvre +petite putain, aussi fille de bien que fut jamais votre mere; & n'y en a +pas une en ces cloîtres, qui fasse moins faute de son corps. Que si elle +est avec un homme qui l'entretient, hé bien, il n'y manque que l'église; +elle ne laisse d'être mariée: & ce mariage, au dire de nos prêcheurs, +est aussi bon que celui des huguenots, qui ne se marient, non plus que +nous, à la messe. Et bien, vous voilà bien en peine pour une messe! +Dites ce que vous voudrez; je l'aime bien. Le diable l'emporte, si elle +songe plus en cela qu'une vraie abbesse, à qui dieu en veuille faire +pardon. + +VITRUVE. Mais messire Gabriel nous a conté qu'il n'alloit la voir, que +pour en tirer une venue. + +RENÉE. C'est un sot de le dire, au respect du maître qu'il sert. Qu'il +aille chez lui, de par le diable. Il est donc de ces gens-là ? +L'hypocrite! Je vous prie, quand il chemine, vous ne diriez pas qu'il y +pense. Que ne va-t-il droit? Il va douanant, comme un badin; & trotte de +côté, comme un chien qui vient de vêpres. Je dirai à Perrine que vous +l'avez nommée putain. + +VITRUVE. Et à qui vous joues-tu? Je sais comme il faut rabattre de tels +coups. + +RENÉE. A l'usage de notre maître, qui, un soir, demanda à ma maîtresse, +qui servoit le gouverneur logé au château: ma mie, avez-vous porté du +linge à ces putains du château. Elle lui répondit: vraiment, pour un +vieil homme, vous dites de vilaines paroles; il vaudroit mieux vous +taire, ou dire votre patinostre. Voire, dis-je, monsieur, appellez-vous +madame, ses filles, ses soeurs & ses demoiselles putains! O, dit-il, je +ne les pouvois mieux nommer; ne le seront-elles pas bien, si elles +veulent! + +DIOGENES. Il y en a beaucoup qui le voudroient bien être, & ne peuvent +un seul petit coup: par ainsi beaucoup de monde va en paradis par sa +faute. + +CATULLE. S'il y avoit autant d'honneur, de grace & de commodité paisible +à être putain, que d'être femme de bien, on ne pourroit tenir les +femmes. + +AVICENNE. Vous êtes importun de ces femmes de bien. Qu'est-ce que peut +faire une femme de bien, que de bruit en une maison! Elles ne font que +rechigner, elles sont ennemies de tout exercice vertueux: bref, ces tant +femmes de bien feront pour dix écus de ménage en une maison, & y feront +pour cent écus de vilenie, tant elles sont seches de courtoisie. Depuis +qu'une femme a juré: par la merci de dieu, je suis femme de bien de mon +corps; on n'en sauroit plus chevir; on ne lui ose plus rien dire. + +SENEQUE. Vous n'êtes pas recevable à parler des femmes, d'autant que +vous êtes jaloux de la vôtre. + +AVICENNE. Parmagri, eh! de qui voudriez-vous que je fusse jaloux? De ma +mule, de ma chatte, de ma chienne, comme vous de votre chevre; vraiment +je vous les abandonne, aussi-bien êtes-vous savetier, vous travaillez en +vieil cuir à racoûtrer la mere de l'Empereur. Laissez-moi dire, ou je +vous ferai rougir comme un plat d'étain. Pensez vous que, pour si peu de +choses, & qu'à si petit cas de pitié, une femme soit connue. Il y a des +femmes qui sont enclines à faire la pauvreté, par nature qui les induit +vivement à la contenter, qui, au reste, sont les plus justes & +admirables du monde, & ne voudroient endommager autrui. Il est vrai que, +quelquefois, il y en a qui s'accommodent, pour subvenir aux nécessités +de la maison. Vaut-il pas mieux avoir un peu de commodité & faire +plaisir aux honnêtes gens, que de trancher de la glorieuse & avoir +disette? Sachez l'axiome de Normandie: _plus de profit et moins +d'honneur_. On acquerra assez d'honneur, après que l'on aura des moyens. +Il est vrai que je veux mal à celles qui le font pour se venger, comme +la huguenote de Lyon, qui disoit à son mari qui la battoit: va, chien, +vilain, par dépit de toi, grand excommunié, j'irai tant à la messe & me +ferai tant haillonner. Mais j'excuse celles qui le font par honneur, de +peur d'en aller honteusement demander, & qui le font pour honnêtement +gagner leur vie. Toutefois, je me fache de ce qu'elles ne sont toutes +unies. Il y en a qui sont loches; les autres sont croches, ainsi que me +disoit la feue princesse qui a été nonnain. Les loches deviennent +misérables, tout leur chet du cul, rien ne leur tient, elles sont +vilaines putacieres. Quand aux croches, elles sont sages & prévoyantes; +elles attrappent tout & le retiennent; il ne leur faut pas jetter d'eau +aux fesses comme aux cavalles; elles retiennent bien, elles sont de +bonne sorte, elles sont femmes de bien en dépit des autres, pour ce +qu'elles sont braves, ont du support & de l'argent. Retenez cela, +putains. Que si vous voulez tenir un homme en bride, faites-le bien +payer: ceux qui vous le font pour néant, n'en font compte; ceux qui +l'achetent, font état de vous, comme on fait entre les bons marchands, +de ceux qui ont de quoi, & sont sujets à large, pour le faire venir. +Quant à Licofron, il en fait suivant la venue que lui bailla celle qui +le pressura l'an passé. + +LICOFRON. Je ne la garderai gueres, ce que j'en faisois étoit pour +suivre ma destinée, qui est, à mon avis, que je le dois faire à toutes +les femmes & filles, & l'ayant fait à cette-là , c'étoit autant de fait. +Quand j'aurai accompli ma fatalité, vous serez mon beau-pere, votre +fille est belle & de nos soeurs, & puis, si j'empoigne votre femme... + +AVICENNE. Tout beau, la mere & la fille. + +LICOFRON. C'est tout un, il n'y a point de lignage en cul de putain, +l'eau claire l'efface. On mange bien en Grece d'une truye dont on aura +mangé le cochon. + +AVICENNE. Mais voyez comme il appelle ma femme & ma fille putains. + +LICOFRON. Prenez que nous ne soyons mariés, ni l'un, ni l'autre. Si je +devois accommoder toutes les filles, & vous toutes les femmes, lequel +auroit plus de peine? Ce seroit vous, compere mon ami, parce que quand +j'aurois accoûtré les filles, il faudroit que, comme à femmes, vous leur +fissiez. + +AVICENNE. Mais à qui seroient les enfans? + +LICOFRON. Ils seroient à nous, qui serions leurs mignons, ainsi que +beaux petits chanoines. + +AVICENNE. Voire, mais les filles ne sont femmes, que le prêtre n'y ait +passé. + +LICOFRON. Dà , qu'il faudroit que le trou fût grand; envoyez-les à Rome & +à Angers, il y a assez de prêtres pour faire ce qu'ils pourront. + +AVICENNE. Vous les voudriez faire putains. + +LICOFRON. Et qui le saura? Qui est-ce qui pourra dire, qu'une fille, ou +femme, soient putains que par opinion; s'il n'en a été maquereau, ou par +méchante calomnie, s'il ne l'a besognée. + +MENANDRE. Pourquoi est-ce que les chanoines se font nommer _mignons_ à +leurs enfans! + +LICOFRON. Parce que mon mignon, mon oncle, mon maître en chanoine; +c'est-à -dire, mon pere en ministre, comme, monsieur en grand. + +STATIUS. Allez leur dire, & vous chauffez à leur feu, & accommodez leurs +pucelles. Ce sont bonnes pucelles d'apparence; mais elles sont femmes en +substance, ayant reçu la même transmutation momentaire, qu'une femme ou +une putain. + +JOSEPHE. Il y a plus de trois mille minutes que je suis après, pour vous +attrapper à ce point, sans vous interrompre; mais il ne venoit pas à +propos. Vous avez dit qu'il y a des femmes qui le font, & sont femmes de +bien. + + + + +RESPECT. + + +XXXIII. FEU MONSIEUR. J'avois en ma cour un gentilhomme, qui disoit +qu'il avoit trouvé sa femme le faisant plusieurs fois. Hé, gros oison: +c'étoit lui, voilà comment il le faut entendre. J'aimerois autant mon +premier médecin, qui, parlant à un de mes maîtres d'hôtel, qui se +plaignoit qu'il avoit trop d'enfans; & qu'il eût voulu avoir un secret, +pour le faire à sa femme, sans lui faire des enfans. Le médecin lui en +promit, pourvu qu'il fît le juste présent. Ce qu'étant accompli, le +médecin lui dit: mon ami, défaites au matin ce que vous aurez fait au +soir; ou bien ne le faites jamais à votre femme, qu'elle ne soit grosse. +Monsieur, ce n'est pas cela. Je m'entends bien; je veux dire qu'elle le +fasse, comme font les putains. Pourquoi, je conclus qu'il faudroit +établir un certain ordre; & puisque vous avez la tête si lourde que vous +ne pouvez entendre, je vous dis qu'il faut qu'elles soient de l'ordre de +sainte Glougourde, qui prêtoit son chouse pour une patinostre. Et je +vous dirai, tout prosélite que je desire être: on a parlé de la piété: +elle se peut connoître par les effets. J'ai observé que les femmes qui +ont long temps ébattu leur jeunesse, se venant à retirer de cet état, +sont plus dévotes que les autres; vous les voyez sans cesse tomber en +oraison, les yeux larmoyans, la bouche pleurante, le cas riant. + +STATIUS. Et comment est-ce qu'il riroit: + +LICOFRON. Il a une bouche & les levres. Il n'est pas de cela pour rire. + +STATIUS. De quoi est-il fait: + +LICOFRON. Celui d'une fille est fait de chair de cirons, il demange +toujours; & celui des femmes est de terre de marais, ou d'eau de mer, +parce que le cas d'un homme, qui est de liége, ne peut aller au fond. + +AVICENNE. Ce n'est pas-là ainsi que disoit la belle fille, qui vouloit +être touchée au bas du ventre: achevez ces dévotes. Je vous laisse dire, +pour vous avertir que les jeunes filles passant vingt ans, & jeunes +veuves qui n'osent le faire & le voudroient bien, sont toujours près les +piliers des églises à prier, afin que leur contentement avienne; & les +vieilles pécheresses invoquent à ce qu'il ne leur soit rien imputé, pour +l'excès qu'elles en ont eu, au préjudice des autres qui en jeûnent; & ce +d'autant que toutes, tant nonnains soient-elles, ne pensent qu'à cela, +parce que c'est la fin finale, pour laquelle la femme a été faite. + +RADEGONDE. Puis qu'ainsi est, je voudrois que mon cas fût un benoîtier, +afin que tout le monde mît dedans. + +ÆLIAN. A ce que je vois, il n'est que de mettre dedans. A ce propos, je +vous dirai de mademoiselle d'Amelie, qui a beaucoup acquis de +réputation, ayant hanté la cour toute sa vie, parce qu'elle étoit mariée +à un impuissant; & elle l'a enduré, sans aller à notre-dame des aides; +ou pour mieux dire, à la cour des aides. Elle n'a, tout ce temps-là , +rien mis dedans; & si on ne voyoit en rien son désastre, tant elle +faisoit bonne mine. Ce premier mari lui a duré dix ans, il faut que vous +sachiez cette vérité. Etant mariée à ce bon personnage, la premiere nuit +de ses noces, il la caressa de baisers & de petites mignardises +superficielles; & puis mit la main à une paire d'époussettes de soie qui +étoient pendues au chevet du lit, & lui épousseta son cas; ce qu'il fit +deux ou trois fois, & ainsi les passant & repassant par son velu d'entre +les deux gros orteils, la contentoit, sans qu'elle y pensât autre +finesse. Le lendemain les amies lui demanderent comment elle se portoit, +& ce qu'elle disoit de ce bon homme. Vraiment, dit-elle, il m'a +épousseté trois fois mon cas. O, ho! dirent-elles, vous êtes bien, ma +mie. (Ainsi font les dames de Paris, & disent à la nouvelle mariée: hé +bien, la jeune femme, comment vous portez-vous! Si d'aventure elle est +bien ointe en sa jointe, elle dira: fort bien, madame; j'ai un bon mari, +il me donne tout ce que je demande; si je voulois manger de l'or, il +m'en donneroit. Mais si elle est mal servie: ardez, dit-elle; mon mari +est un grogneux; il est chiche, & ne fait que penser à son avarice. +Hélas! voyez, voilà grande pitié). Cette-ci n'étoit si fine, elle ne +savoit ce que c'étoit, & s'ébahissoit comment les femmes faisoient si +grand cas de si peu de chose, qu'elle estimoit moins que rien, encore +qu'au dire des dames ce fût beaucoup d'excellence: je laisse à penser ce +qu'elle jugeoit de l'entendement des autres. Il avint que ce bon mari +fut malade; & se voyant près de sa fin, fit son testament, & donna à sa +femme sa maison, ainsi qu'elle se comportoit, meubles & tout: puis il +trépassa, comme dit l'autre, dont elle fut en grande angoisse, parce +qu'outre cela il étoit le meilleur petit bon homme, qui fût d'ici au +saut d'une puce armée. Quelque temps après, un brave jeune dispos se mit +à rechercher cette belle veuve, qui, au commencement n'en fit cas, +n'ayant affaire de rien. Ainsi estimoit-elle le bien que peut faire un +homme, qui est plus grand que jamais pere & mere n'en firent; cela, qui +est le bien des autres, ne l'émouvoit point. Or ce que l'amour ne put +exciter, l'ambition l'éveilla en cette-ci; d'autant qu'elle considéra +que ce jeune homme avoit un beau chausse-pied de mariage, qui seroit +cause qu'étant mariée à lui, elle passeroit devant ses soeurs: parquoi y +pensant, elle consentit au mariage tant desiré par le jeune homme. Ils +furent donc mariés, aux us & coutumes du pays. Ainsi que le prêtre leur +dit, (j'y étois) & leur acheva ainsi la benoîte cérémonie: vous, Claude, +vous promettez-bien aimer Marie: Marie, au cas semblable, gouvernerez +bien votre mari Claude autant sain que malade, &c. Cela promis, la belle +emmena son jeune mari en sa maison, où elle lui fit bonne chere; puis +ils coucherent ensemble au même lit, où le bon homme lui avoit épousseté +son cas. Le jeune compagnon n'eut pas la patience d'attendre; mais se +juche sur elle, qui se trouve scandalisée de cette façon. Quoi, +dit-elle, me voulez-vous outrager? Etes-vous fou ou enragé! Je veux vous +faire comme votre défunt mari faisoit. Il ne faisoit pas ainsi; il +prenoit ces époussettes, & m'en époussetoit mon engin; il ne me fouloit +pas comme vous faites; il passoit & repassoit ces époussettes sur la +prée de ce petit fossé, que j'ai contre-bas. Vraiment, c'est cela. +Laissez-moi faire, je l'entends mieux que lui; il n'étoit pas clerc. +Elle s'y accorda; & comme elle sentit l'embouchement entre les +hipocondres, chose qui lui étoit toute nouvelle; hélas! crie-t-elle, mon +ami, pensant aux époussettes, je crois que vous avez mis le manche +dedans. Voilà comment il l'accommoda, & s'en vanta. Et toutefois il +n'étoit pas si bon compagnon qu'il se disoit; je le sus de la femme de +chambre, qui ouit le discours & les effets. Je lut demandai s'il étoit +vrai qu'il eût frétillé-naturé sa femme neuf fois, comme il se vantoit. +Elle, se moquant, secoua la tête, me disant: je voudrois avoir ce qu'il +s'en faut. Depuis cette fortune, la demoiselle s'est reconnue, & n'a +plus été si niaise. De fait, on m'a assuré que, comme les autres, elle +aimoit mieux un vit au poing, qu'un bourdon sur l'épaule. + +ANDOCIDES. Pendant que nous sommes aux noces, demeurons-y. + + + + +COUVENT. + + +XXXIV. J'eusse oublié ceci, si je n'y eusse pensé. La bonne femme la +Baudouin marioit sa fille; & l'ayant fiancée, vint au soir le notaire +qui avoit passé le contrat, qui disoit que tout étoit bien. Mais, +dit-elle, il faut des bans; je vous prie me les écrire. Il faut parler +au clerc. Julian mon ami, puisque monsieur le notaire le veut, écrivez, +je vous prie, qu'il y a promesse de mariage entre Pierre du Pin, & la +fille de chez nous. Ce gars écrivit ce qu'elle dit, & le lui bailla. +Elle porta son fait au curé, qui le mit en sa ceinture. Le dimanche au +matin, publiant ces bans, il dit: il y a promesse de mariage entre +Pierre du Pin, & la fille de chez nous. O, ho! si est-ce, par saint +Jean, qu'il n'y en a point! Chacun s'en rioit, comme on fait au +conclave, quand on a élu un pape. + +GRATIAN. Je les vis fiancer, ainsi que le curé les eut fait toucher en +la main, il prit un verre & fit boire le fiancé. Or ce fiancé avoit eu +la fievre, qui lui avoit chié au bec, si que sa bouche étoit un peu +galeuse. Le fiancé ayant bu, le curé présenta ce verre à la fille, qui, +le tenant, jetta ce qui étoit dedans, & le tourna. Quoi! dit le curé, ma +mie, vous ne voulez pas boire? C'est votre grace, monsieur: mais s'il +vous plaît, donnez-m'en deux doigts dans le cul. Elle entendoit le cul +du verre. + +L'AUTRE. Un jour j'étois aux noces vis-à -vis du curé, qui étoit près de +la mariée, laquelle avoit eu de l'usance qu'elle avoit usée. Je lui +donnai un croupion qu'elle voulut saucer; & ne trouvant rien en sa +sauciere, dit: monsieur le curé, tremperai-je mon cul en votre sauce? +Trempez, ma mie, trempez. Mais ce curé fut bien trompé. + +GRATIAN. Comment? + +L'AUTRE. Ce curé étoit amoureux de cette fille, de laquelle il avoit +pratiqué le mariage, pourvu qu'après il fut reçu à faire avec elle +choses & autres, selon l'intelligence délectable, à quoi la fille +s'accorda, & en avertit son mari, afin qu'il ne le trouvât point +étrange, s'il n'y remédioit. Sur cette promesse, le mariage fut fait; & +le mignon de curé s'attendoit de faire goûter à la jeune femme de son +fruit de cas-pendu. (Cas-pendu est le cas qui pend; les pommes qui ont +des pendans sont pommes de cas-pendu; & telles sont les pendiloches +naturelles des hommes. + +HORACE. Vous faites une équivoque trop dissemblable; je vous entends +bien. Les pendilloires ne sont pas pommes, d'autant qu'elles ont mieux +la figure de prunes; & de fait il y paroît, parce que notre jardinier en +disoit, les nomcupant naïvement. Mademoiselle étant venue au jardin, & +arraisonnant le Jardinier, vit en un prunier de ces prunes qu'on appelle +_billons d'âne_. Jardinier, donnez-moi de ces prunes. Il faut que vous +en ayez, mademoiselle; je m'en vais appeller mon fils; je ne suis pas +assez fort. O Jean! ô viens vîtement donner ici une secouée de couillons +à mademoiselle. Achevez, s'il vous plaît.) + +L'AUTRE. Monsieur l'amoureux poursuivit son instance. La jeune mariée, +qui, comme toutes nouvelles jeunes femmes font, aimoit son mari encore +pour le bien & aise qu'elle avoit eu d'avoir été accomplie, ne faisoit +guères d'état de messire Jean, principalement ayant eu l'argent qu'elle +prétendoit. C'étoit autant de vinette cueillie. Un jour qu'il la trouva, +il lui dit: sais-tu pas bien que tu m'as promis? Et quoi? De mettre un +de mes membres dans un des tiens. Je le veux, monsieur le curé, mettez +donc votre nez en mon cul, ainsi vous boucherez trois pertuis d'une +cheville. Les petits menus propos lui donnoient espérance que bientôt il +l'émouveroit toute vive, par ainsi il se rendoit plus privé & importun, +dont la jeune femme se voulut défaire moyennant le complot pris avec son +mari, qui fit semblant d'aller aux champs. Par ainsi, monsieur le curé +qui alloit & venoit pour rencontrer la belle, eut assignation de venir +au soir. Sur la brune venant, voici mon curé qui vint; comme elle le +vit: helas! dit-elle, personne ne vous a-t-il vu? J'en suis toute +tremblante. Ma mie tout ira bien, assurez-vous. Et bien, monsieur, vous +soyez le bien venu. Tâtons au vin: non, pas encore, Françoise ma mie, +tâtons à autre chose avant. Vraiment, vous avez grand hâte, si votre +fosset est fait, la piece n'est pas perçée. Attendez que nous soyons +couchés, vous aurez assez de quoi vous embesogner; je vous baillerez un +petit endroit, où il y a plus à travailler, qu'il n'y a à moudre en +quatre septier de bled. Soupons vîtement, puis, nous nous coucherons. +Cependant il déroba quelques baisers, qu'il furta tandis qu'elle apprêta +tout. Ils se hâterent de souper, puis elle dit: là , couchons-nous; c'est +assez friponner sur la viande morte, c'est trop languir. Jamais le +mignon ne se trouva si aise. Il se jetta bientôt au lit, & elle, presque +toute nue, faisoit mine d'aller éteindre la chandelle; & musoit un peu, +& il lui disoit: _Françoise, vien tôt, voici Jacquemart de bandeliroide +qui vous attend, c'est Perrin boutte-avant, venez tôt, il est fort comme +un os; venez qu'il vous serve._ Elle approche comme pour se jetter au +lit, n'ayant plus que sa chemise: ho, dit-elle, je m'en vais ôter ma +chemise, mais aussi vous ôterez la vôtre, je ne la pourrois souffrir. Il +l'ôte, puis elle lui dit: je vais éteindre la chandelle, tendez-moi la +main pour vous trouver. Elle faisoit de l'interdite, semblant d'ôter sa +chemise, une manche, puis l'autre: foin des puces, bran elles me +mangeront. Le drôle prenoit plaisir à la lueur de la chandelle, de voir +ces mysteres qui avoient bonne grace; mais voici bien du changement. +Ainsi que déja cette chemise passoit par-dessus la tête, qu'il voyoit un +beau tableau, on heurta à la porte assez épouventablement. Lors elle +comme surprise: hélas! monsieur, où vous mettrez-vous? Je suis perdue. +D'autre côté, on frappoit, disant: ouvre-moi, Françoise, ouvre vîtement, +je suis mort; je te prie, ouvre vîte. Elle crioit: mon mari je me leve +en si grand hâte, que je ne sais ce que je fais. Cependant elle aidoit +au curé à monter sur un travers, où les poules nichoient. Cela fait, +comme toute hors de soi, elle vint ouvrir la porte à son mari & lui dit: +& où allez-vous si tard? Il est belle heure de venir. Ha! ma mie, +excuse-moi, je suis mort. Ne te fâche point: tu ne me verras plus +guerre; je me meurs, envoie quérir monsieur le curé que je me confesse. +Il se tenoit le ventre auprès du feu, comme s'il eût eu la colique, & +faisoit semblant par fois de s'évanouir. Il fait appeller des voisins à +l'aide, qui s'assemblent à le reconforter & le mettre sur un lit à +terre. Mais il ne faisoit plus que soupirer & dire: jamais, jamais! Hé, +compere, prenez courage. Jamais. Ce ne sera rien: or sus, mon ami, là , +aidez-vous. Jamais. Il faut voir monsieur le curé. Jamais. Il vous dira +quelque bonne parole. Jamais. Encore ne faut-il pas se laisser ainsi +aller. Jamais. Il semble que vous ne nous connoissiez point. Jamais. +Voilà mon compere cettui-ci, mon cousin cettui-là , qui vous sont venus +voir. Jamais. Quand presque toute la paroisse fut assemblée, & que l'on +lui va dire: or ça compere, debout, allons au lit; vous y serez mieux. +Et bien que vous faut-il? Adonc, jettant les yeux & dressant la main +vers le curé, il va dire: jamais je ne vis un tel Jean avec mes poules. +Adonc monsieur le curé de se trémousser; & lors les destinés à faire +fouetterie lui aiderent à descendre, & le singlerent à droite & à +gauche, sans faire semblant de le connoître. Quelle loi, _canis_! Là , +là , disoient les femmes, fessez, fessez, c'est le foulon. Tels sont les +esprits familiers, incubes, sucubes & fées, qui, en phantômes +domestiques, trompent hommes & femmes. Flanquez-lui ces nerfs de boeufs +autour des échines, tant que la peau lui parte. + + + + +APOSTILLES. + + +XXXV. HORACE. Ces femmes disoient tout outre, comme frere Orimont qui +prêchoit durant les états, se mettant en colere contre les usuriers: +sur-tout il raconta que les diables les tenoient en enfer, où ils les +flagelloient, les sanglant avec de grands vits de boeuf. Après le +sermon, quelqu'un lui remontra; & sur cette remontrance, il nous +enseigna qu'il y avoit deux temps, qu'il falloit tout nommer par son +nom, ou que l'on avoit congé de tout dire; en innocence, & en colere. +Ainsi, nous, ajoûta-t-il, qui sommes en chaire, en vraie innocence, +laquelle nous fait venir la sainte colere, ne péchons point, si nous +disons ce qui seroit interdit à un autre. Ainsi devons-nous parler +naïvement, afin de ne causer aucun doute. Savez-vous pas bien que la +honte est signe de péché? Or nous, qui n'avons pas envie de pécher, si +ce n'est à bon escient, avons occasion, liberté & science de tout dire +explicablement; & puis si nous, plein de protection formelle, déguisons +les matieres, on ne croiroit plus; on dira que nous sommes menteurs. +Voudriez-vous que je die, comme les femmes de Blois, v, i, t, pied; c, +o, n, pantoufle? Que si en choses connues de vulgaire, nous apportions +du déguisement, que ferions-nous ès inconvéniens & contingences de +conséquence. + +CALIGULA. Le grand cordelier de Poitiers étoit donc en colere ou en +innocence, quand prêchant les regrets de la mort de l'un de leurs +confreres qui avoit été pendu à Vendôme, disoit aux dames en pleine +chaire: voyez, mes dames, comme vos bons peres spirituels sont +accoûtrés. Et faisant geste d'un homme bien fâché, y ajoutoit une +mystique démonstration, mettant la main gauche à la jointure du bras +droit, qu'il démenoit comme un encensoir, soupirant disoit, faisant +cette question en complainte plusieurs fois: il m'en pend autant, mes +dames; il m'en pend autant. + +TOSTAT. Je le connois ce bon frere. Il aide volontiers de sa faveur à +ceux qui vont aux ordres. Et de fait, un jour qu'un jeune clerc se +présentoit, monsieur le grand-vicaire, qui n'est pas plus habile que +l'évêque, (aussi ce seroit honte) vint pour l'interroger; & ouvrant le +livre, trouve: _angelus tenebat thuribulum_. Or ça, dit-il à ce clerc, +qu'est-ce à dire _thuribulum_? Le voilà surpris: il cherche en son +cerveau, si l'esprit lui suggérera quelque réponse. Maître Robert, qui +étoit derrière le grand vicaire, faisoit signe du bras à ce répondant, & +lui faisoit le même mystere que le cordelier. Le clerc considéroit +fermement, & voyoit bien que ce maître lui faisoit signe comme les +enfans de choeur à Paris; mais il ne pouvoit bien deviner. Le docteur le +pressant, enfin il va répondre selon l'apparence du signe: _thuribulum_, +c'est-à -dire, un vit de mulet, monsieur. + +CARLOSTADE. Mon compagnon ne répondit gueres mieux que moi, quand nous +allâmes nous faire exorciser avec Malo. On demande à Liset, sur ce +texte, _quidem habebat villicum_: qu'est-ce à dire _villicum_? Il répéta +le texte; puis ayant pensé que c'étoit à dire chose, & qu'il le falloit +dire honnêtement, & que possible le texte parloit d'un adultere, se +ramentevant que c'étoit, selon Bocace, mettre le diable en enfer; plein +de belles résolutions, & pensant aviser les autres d'une science +profonde: dit: _dicam, domine_. Là donc, dites, dites; qu'est-ce à dire? +_Habebat villicum_, c'est-à -dire, il avoit le diable au corps. + +BEZE. Si je n'avois peur de blasphémer, je dirois quelque chose de cinq +religieuses qui furent baillées à gouverner à frere Notonville, qui les +engrossa toutes. Comme on l'en tançoit, il dit: _quinque_, &c. tu m'as +baillé cinq talens; j'en ai gagné cinq autres. Or sus, n'en parlons +plus; nous serions ici meshui. Sur quoi étions-nous? + +ASCLÉPIADES. Nous étions sur celles qui le font à petit semblant. + + +_Fin du Tome second._ + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by +François Béroalde de Verville + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57879 *** diff --git a/57879-8.txt b/57879-8.txt deleted file mode 100644 index d4501e0..0000000 --- a/57879-8.txt +++ /dev/null @@ -1,5396 +0,0 @@ -The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by -François Béroalde de Verville - -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most -other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Le moyen de parvenir, tome 2/3 - -Author: François Béroalde de Verville - -Release Date: September 9, 2018 [EBook #57879] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 *** - - - - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - - - - - - - - - - - -LE - -MOYEN - -DE - -PARVENIR. - -_NOUVELLE ÉDITION._ - -Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres. - -_Caritas inter jocosve regnat Moria._ - -TOME SECOND. - -A LONDRES. - -M. DCC. LXXXI. - - - - -[On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome -second, tiré du tome premier de l'original papier.] - -_SOMMAIRE_ - -DES CHAPITRES. - -_TOME SECOND._ - -I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des -parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de -dissolution. - -_Plaisant parti d'un domestique_, p. 6. - -II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses -instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de -par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de -Busançois, divisé en trois points. - -_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7. - -_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10. - -III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie: -_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni -raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni -raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes -ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un -prêtre, &c. - -_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14. - -_Conte de la malvoisie_, p. 16. - -_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19. - -IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre -d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du -linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un -besacier, l'autre pour l'avoir rebuté. - -_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20. - -_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24. - -_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23. - -_Propos de pisseurs_, p. 28. - -V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué. -Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que -celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule. -Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la -sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_, -que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style -des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y -avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à -faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il -demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du -chose. La section finit par une question, dont le titre de la section -suivante fait la réponse. - -_Aventure de Platon & de Prédicat_, page 30. - -_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32. - -_Plaisante origine des minimes_, p. 34. - -_Description élégante de la sphere_, p. 35. - -_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37. - -_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37. - -_Question d'une chambriere_, p. 38. - -VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou -de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par -les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape, -qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les -femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux -femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent -leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a -bon coeur, qu'il mange de la merde_. - -_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42. - -_Changemens de noms_, p. 44. - -_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45. - -VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie -noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves -semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois -tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme -dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf -ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre. - -_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47. - -_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48. - -_Obstination d'un marinier_, p. 49. - -_Disputes de deux maquerelles_, p. 50. - -VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les -distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du -désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit -le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de -continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou -trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des -véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison. -Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos -facétieux. - -_Lamentation de putain_, p. 51. - -_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52. - -_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53. - -_La couture des mâles & femelles_, p. 54. - -_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin. -p. 63. - -_Propreté des femmes_, p. 57. - -_Caractere des moines_, p. 58. - -IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section, -toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer -que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI, -tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le -bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la -vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le -conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire -contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du -livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete. - -_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60. - -_Expérience de Sculpture_, p. 63. - -_Conte du médecin_, p. 65. - -_Mot à double entente_, p. 67. - -X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa -liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine -du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des -convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin, -rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté -sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se -fendre la bouche. - -_Le revenant_, p. 71. - -_Conte du sac du bon homme_, p. 72. - -_Réponse humble d'un valet_, p. 73. - -_Propos naïf d'une fille_, p. 75. - -XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre. -Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de -l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée. -Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots. - -XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation -sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames. -Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet. -Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur -les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure, -& de la naïveté du procureur avec son écritoire. - -_Conte du bonnet tombé_, p. 83. - -_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85. - -_Conte du moulin à barbe_, p. 87. - -_Chanoine pris par son propos_, p. 88. - -_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89. - -XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des -prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient -accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont -il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de -papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_. - -_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93. - -_Le jeune homme en couche_, p. 93. - -_Quiproquo d'un domestique_, p. 94. - -_Nom tronqué_, p. 95. - -_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95. - -_Plaisant jugement_, p. 96. - -_Description du pays de papimanie_, p. 99. - -XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan & -Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre -contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos -passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité, -& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux, -les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse -attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre -supérieure du mari par l'autre. - -_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100. - -_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104. - -_Les beaux sont les gros_, p. 105. - -XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui -mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant -être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere. - -_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108. - -XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un -sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un -moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose -qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise. -Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres -intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens -qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé -un cocu. Maniere d'être poussé. - -_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110. - -_Conte du moine & des voleurs_, p. 110. - -_Conte du fagot_, p. 112. - -_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113. - -_Secret pour être poussé_, p. 116. - -XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue; -cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas -putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du -paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon -subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur -du terme de chausse-pied de mariage. - -_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117. - -_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120. - -_Confession d'une femme_, p. 121. - -_Bon avis d'un galant homme_, p. 124. - -XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les -cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le -cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il -s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait. - -_Conte des hommes vissés_, p. 124. - -_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130. - -XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit -ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend & -continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame -l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames -de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On -dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.) - -_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134. - -_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137. - -XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de -ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si -libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre -remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours -_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.) - -_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145. - -_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146. - -XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers & -conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in -illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit, -pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes. - -_La ville de Lubec_, p. 148. - -XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin -prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris -dont les enfans ont cheveux de deux couleurs. - -_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155. - -XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée -de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont -injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c. -&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre -la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_. -Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une -réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_. - -_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163. - -_Conte de la fesse tondue_, p. 162. - -_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168. - -_Le Chanoine dupe_, p. 170. - -XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent -sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut -toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux -miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre -ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet; -dissertation sur l'origine des mitres. - -XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double -linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de -Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en -sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison. -Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu -autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il -faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou, -deux moines. - -_Conte d'un page attrapé_, page 177. - -_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180. - -_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192. - -XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met -dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux -moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis -à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se -reprend & se termine. - -_Musique d'un moine_, page 188. - -_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191. - -_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189. - -XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de -gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a -crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie -naturelle d'une présidente. - -_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194. - -_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198. - -_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198. - -XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église, -diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier. -Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des -religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est -que femmes pour bien juger des choses. - -_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200. - -_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203. - -_Conte sur le mot groseille_, p. 204. - -_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205. - -XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa -stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon. -Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé & -inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de -femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la -preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures -vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces. -Façon d'un curé d'imposer silence. - -_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209. - -_La confession sincere_, page 214. - -_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218. - -XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son -prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des -charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle. -Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque -chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale -furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle. - -_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220. - -_Conte du chaudron_, p. 223. - -_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228. - -XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de -l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un -appareil mis sur une blessure. - -_Le cheval de Rabelais_, p. 229. - -_Conte du mulet_, p. 231. - -XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie. -Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence -de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques -chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de -la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne -& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines. - -_Le ministre en cave_, p. 238. - -_Franchise d'un hôtelier_, p. 242. - -_La huguenote en colere_, p. 244. - -XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une -femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans -ses souhaits. - -_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251. - -_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255. - -XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées. -Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des -prunes. - -_Bans publiés_, p. 256. - -_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259. - -_Le jardinier & les prunes_, p. 258. - -XXXV. Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_. -Quelques explications de phrases latines. - -_Le conte de_ thuribulum, p. 266. - - - - -LE - -MOYEN - -DE - -PARVENIR. - - - - -PARLEMENT. - - -I. Je sais qu'il y a un autre univers que Dieu a fait. Mais nous; _id -est_, nos peres, les hommes & femmes, en avons fait un autre plus -accompli, si Aristote dit vrai. Ne dit-il pas que les femmes sont plus -parfaites que les filles, parce qu'elles sont dépucelées, & qu'ainsi -elles ont une forme acquise plus notable & excellente qu'auparavant? -Dieu fit la fille, & l'homme l'a faite femme. Hé bien, voilà pas les -hommes qui font bien des choses plus accomplies? Ainsi est-il du monde -de piperie plus accord, plus joli, plus parfait, plus délicat, & mieux -sentant son bien que le premier. Et qu'y a-t-il de remarquable? Une -quintessence céleste, direz-vous. Vraiment, vous avez raison, votre âne -pette, & au nôtre qu'y a-t-il? Quoi, qué, qué? Une quintessence plus -profitable, plus pénétrante, plus glorieuse, plus intelligible & plus -vivifiante: les sages & les parvenans l'ont reconnue, & l'ont apprise à -plusieurs. Ceux qui ont été plus subtils, & ont reconnu les quatre -élémens de piperie, extraits ainsi de la supposition ecclésiastique, -judiciaire, médecinale & trafiquante, ont tâché à y entrer pour -parvenir: aussi n'y a-t-il point d'autres moyens à cet effet, outre -ceux-ci, qu'un qui est la vraie quintessence, selon laquelle plus -aisément, & avec moins de peine, on gagne davantage; ayant plus loisir & -plus grand profit. Et c'est ceci qui se remarque en tous ordres, où le -moyen de parvenir est proposé, auquel, comme en toutes vacations, ceux -qui font le plus de bruit, ont le plus de soin & de peine; s'avançant en -plus de travail, gagnent le moins: & par conséquent ceux qui sont les -plus accommodés ont moins de sollicitude, & avec moins de difficultés -emportent plus de profit. Ceci observé de siecle en siecle, parce que -les vignerons ne boivent pas le bon vin, les miniers ne possedent gueres -d'or, encore qu'ils le serrent en grands labeurs, sans que pour le -préparer, il leur demeure ès mains. Il n'y a que maquereaux pour être -aisé, d'autant qu'ils entendent aussi les matieres. Le grand Alexandre -n'avança jamais qu'un voleur, un maquereau & un traître. O belle chose à -imiter! Là, là, passez & touchez; (votre âne a pissé) il est avenu que -les gens de bon esprit ont traité la quintessence, non comme ces tristes -enfumés, qui le plus souvent ont plus de trébillons que de testons, -desquels le cul paroît pour mieux souffler; mais en habiles, savans & -industrieux attrapeurs de commodités. Et de fait, ils l'ont trouvée, à -savoir ès finances, où se pratique, non par transpiration imperceptible, -mais par emplissement naturel, le plus saint, magnifique & commode -secret d'amasser. Le diantre y ait part, j'ai été de tous les honnêtes -métiers du monde, hormis de cettui-là, & professeur en folie. De venir -aux finances, il n'y a plus moyen à ceux qui ne les pratiquent d'heure. -Quant à l'autre, j'étois hier en pensée de m'y faire passer maître, -comme un de vous autres; mais encore qu'il n'y ait personne, qui eût -plus d'envie d'être fou que lui, parce qu'aux fous tout est permis pour -rire; si ai-je quelqu'honneur qui m'en empêche: aussi n'oserois-je -sauter ce bâton de peur de perdre les bonnes graces de ma maîtresse. -Toutefois je vous proteste que, s'il y avoit autant d'honneur qu'aux -folies d'être chancelier ou premier président, ou de telle autre qualité -de fous qui foussoient les autres fous, il n'y auroit gueres de bons -esprits qui ne fissent paroître que, _quisque abundat in suo sensu_, -c'est-à-dire, chacun est, sera, ou est dit, ou deviendra, s'il ne l'est, -fou par la tête. Or notez, amiables freres, & dressez les oreilles, -comme la queue d'une vache qui mouche, que je vous ai déclaré la vraie -matiere, & la juste quintessence, dont le magnifique usage est tel, que -l'on vient, en l'obtenant, à bout de toutes entreprises; on l'obtient, -en l'ayant, ce qu'on pourchasse; & on fait ce qu'on veut. Parquoi, vous -avez en somme succintement tout du long, proportionnément au petit pied, -& sans allégories, les élémens, principes, fondemens, raisons, -résolutions, évidences, puissances & causes de parvenir tout du long, à -l'usage de Genève, imprimé à Rome, & sans rien requérir, comme une -quille de beurre frais. - -BIAS. Vous ne faites que parler de parvenir, sans possible en savoir la -pratique, à quoi peut-être vous êtes stilé, comme un âne à jouer du -flageolet. Voudriez-vous bien dire que vous l'eussiez de la sorte que je -l'ai, qui porte tout mon avoir avec moi, de peur d'avoir bien faute de -poux; & qui sais, comme me le font accroire ces Crisotechnes, cette -belle science qui rend riches? - -L'AUTRE. Je me suis tant amusé à vos fadaises de sagesse étant jeune, -que j'ai laissé passer les oiseaux. Par mon serment, si jamais la paix -est faite, j'irai à la guerre aussi-bien que les autres. Croyez que, si -j'eusse su maintenant, je fusse dedans; & à cette heure que je sais le -secret, on se défie de moi. Que male foire embrene le nez de ceux qui -m'ont fait perdre le temps; que cent coups de cornes au cul leur -déchirent le fondement; que puissent-ils devenir cocus, après le trépas -de leurs femmes de bien. Je gage que vous ne savez ce que je veux dire; -[ni moi aussi, dit Chipon, quand il perdit le manteau de son maître. Je -gage, dit ce seigneur, que ce coquin a perdu mon manteau. Gagez, -monsieur, vous gagnerez. Le paillard l'avoit détourné, pour s'en -approprier. - -LYCURGUS. Ce fut un moyen de parvenir.] Voilà, il y en a qui parviennent -diversement; les uns, sans y penser; les autres, par artifice; aucuns, -par danger; quelques-uns, rencontrant d'un en cherchant d'autre; aucuns, -courant comme ils attrapent quelques autres en dépit d'eux; & s'en faut -rapporter aux exemples, ainsi qu'une truie qui avorte. - -BODIN. Voilà de belles maximes, & desquelles je pourrois tirer beaucoup -de science; j'éplucherons, en passant, ceux qui parviennent. - - - - -VERSET. - - -II. Il y en a infinis qui ne savent pas leurs élémens; & s'ils les -savent, c'est par grand pitié de hazard & routine, & trop souvent par -fausse entente, ainsi qu'il avint à Quenaut, qui se promenant un jour -vers le colombier, & voulant passer une haie pour aller au travers, il -coupa une branche avec son outil, qui lui échappa dans l'enclos du -jardin. Là étoit le maître du jardin avec sa femme de par le diable. - -PINAUT. Qu'est-ce à dire? - -CHILO. Que d'interruptions! Voilà grand cas qu'il faut passer jusques en -Grece, pour savoir _sa femme de par le diable_. C'est-à-dire, sa garce -en françois, comme si vous disiez une femme de prêtre en révérence. Les -gens du monde, les gens du siecle sont mariés de par dieu; & ont des -enfans de par dieu; & les autres en ont de même, mais c'est de par le -diable, qui sera le ménestrier à vos dernieres noces. La sienne étant -donc avec lui & ses enfans, Thibaut, son gendre, qui avoit épousé sa -plus grande fille, qui étoit belle & désirable, comme un jeune cheval -qui sort d'apprentissage, ils devisoient se devisant près la peinte -archidiaconalement. Quenaut, qui ne savoit rien de cette compagnie, -parloit assez haut, répondant à son compagnon, qui lui reprochoit sa -longue demeure, & s'il avoit repris sa serpe, & disoit: je l'aurai, je -la vois. Thibaut, qui ouit ces mots, croyant qu'on parloit de sa femme, -qui peut-être aimoit l'amble, (comme étant de nos soeurs, dieu merci, & -vous qui a fille de femme de plaisir) tout en colere, vint vers le lieu -où il oyoit cette voix, & faisant le fendant, répond: toi, tu l'auras, -toi, pance de boeuf? Non, auras pargoi. Si aurai, dit Quenaut. Tu auras -menti, par la double tigne qui te puisse coëffer. Mais toi, ou le diable -t'emportera. J'ai bonne épée. Si ai bien moi. Sur ces propos, Quenaut -s'avançant, vit Thibaut, lui dit: que diable tu te fais de peine! Et que -te faut-il de tant jurer pour ma serpe qui est chute en ton jardin? Je -te fais grand tort de la vouloir ravoir? Si j'ai fait dommage, -demande-le moi, ou sors & nous battons. Je ne te demande que ma serpe; -que prétends-tu? L'autre l'oyant lui dit: prends-là, si tu veux; qui -t'en empêche? Tu as peut-être tant bu, que tu es fâché d'autre chose. -Voilà comme ils parvenoient tous deux. - -CLEOBULE. Vous impliquez contrariété. Nous n'aurons meshui fait. Cette -canaille de sages nous fera devenir fous. Au diable l'importunité de ces -pédans. Je suis perdu, puisque vous en venez-là. Si est-ce que je crois -que je suis homme, si ceux qui sont faits comme moi le sont; encore ne -sais-je si je suis mâle ou femelle. S'il n'y a un autre devant moi, & -qu'en tâtant, je compare pour savoir ce qui en est, & lors me trouvant -gros de résolution, parce qu'elle n'appartient à autre animal, je vous -dirai des choses que vous ni moi n'entendons, ni entendrons, ni n'avons -entendus; ou je me tairai, comme fit le Curé du Busançois, qui dit: je -vous prêcherois aujourd'hui; mais nous n'avons pas le loisir. Toutefois -je vous dirai un bout de sermon, que nous diviserons en trois parties. -La premiere, je l'entends & vous ne l'entendez pas. La seconde, vous -l'entendez, & je ne l'entends pas. La troisieme, ni vous, ni moi ne -l'entendons. La premiere, que j'entends, & vous n'entendez pas, c'est -que vous fassiez rebâtir le presbytere. La seconde que vous entendez & -que je n'entends pas, c'est que vous entendez que je chasse ma -chambriere, & je ne l'entends pas. La troisieme, que vous ni moi -n'entendons pas, est l'Evangile d'aujourd'hui; parquoi, n'en disons mot. -Adieu. - -PITTACUS. Que direz-vous? - -CLEOBULUS. Je vous dirai vos vérités malicieuses, si je parle; & si je -me tais, je ferai démonstration que vous n'êtes que pleins de vent & de -néant. - -PITHOU. Quant à moi, voyant bien que vous me voulez donner le trait pour -vous piquer, je vous déclare que je ne sais rien que tout le monde ne -sache, ou pis; aussi je me contregarde si bien, que je n'offense que -Dieu & le monde. Et si je vous dirai que je ne peche que par plaisir; -c'est que je suis amoureux des femmes & des filles. Ce que j'en fais, -c'est pour naturaliser & parfaire les symboles d'éternité, n'y ayant -plaisir au monde semblable à celui de la chouserie: foin, de par le -diantre, foin. - -PELICIER. Ne le flattez point; nommez le diable tout-à-fait. - - - - -JAMAIS. - - -III. Jamais ces gens, qui font tant la petite bouche, ne furent -qu'hipocrites. Ils jurent _par ma finte_; ils n'osent proférer le -mauvais; ils ne savent dire les choses par leur nom: & cependant leur -coeur est plein de déception & tromperie, d'autant que leur ame -symbolise à leur bouche, Tu... - -GAZA. Bien donc, là, ne nous détournez plus, & n'en parlons plus, de par -le diable, sans blasphêmer. Bran, vous n'en faites que causer, c'est -assez. Pourquoi? - -QUELQU'UN. Parce que l'on fait des réponses qui ne sont pas bonnes. -Pensez la belle chose que c'est, de mettre des ignorans au rang des -doctes. C'est pour avoir de belles interprétations. Si je n'avois peur -d'être cause que plusieurs blasphêmeroient, je vous conterois une -infinité d'interprétations que les Cordeliers m'ont apprises. Or, bien -que nous fassions ici mine de rire, si le disons-nous à la honte de ces -dépouilleurs d'andouilles pour les nettoyer, & qui nous voudroient -reprendre, encore que toute leur vie soit confite d'actions impudentes. -Vous, Prélats, qui voyez comme nous faisons ici les fous en découvrant -les folies, faites-les cesser, corrigez les fautes, détournez les -impiétés, ôtez les mauvaises coutumes, minez l'ignorance; & les oeuvres -d'icelle s'écouleront. Sachez que ce volume est fait pour vous jetter la -paille en l'oeil, afin que vous abbatiez la simonie. Hé bien! -diront-ils, on ne baillera plus d'argent pour les bénéfices; on -n'entendra plus les écritures. Ce n'est pas-là le mal; il faut faire des -prêtres, qui ne prennent point d'argent, pour distribuer les sacremens, -& autres opérations ecclésiastiques. - -SOCRATE. Or là, fendez, frappez, tirez, faites de belles défonçades -d'entendement; il n'y a plus moyen de vous tenir. Cent mille petits -diablotins de deçà & delà les monts, qui vous extravaguent, vous -puissent casser des noix; que la gorge vous coupe le cou, il n'y a ni -rime ni raison en votre fait. - -LERI. J'aimerois autant les habitans de Versoi, du temps que la parole -étoit de l'Evangile, lesquels avoient un Ministre, qui sans cesse leur -reprochoit leur ignorance & indécence de moeurs, leur reprochant qu'il -n'y avoit ni rime ni raison en leurs affaires; & si souvent leur tint -ces propos, qu'il en devint fâcheux; tellement que la visitation étant, -ils demanderent un autre pasteur; & ce avec grande instance, disant que -cetui-là leur étoit insupportable. Le Consistoire averti, tant de la -simplicité de ce peuple, que de la façon du Ministre trop rude pour -agréer à ce petit troupeau, leur en adjugea un autre qui fut averti. -Celui-ci les prêcha quelque temps par essai, puis pour l'établir -absolument, il fut question d'assembler les habitans, pour savoir si ce -nouveau venu leur seroit agréable. Ce qu'étant fait, & un de la -compagnie des habitans étant délégué pour parler au Ministre, & lui -faire trouver bon qu'il demeurât, lui dit: Monsieur, vous êtes agréable -à tous nous autres, tant parce que vous êtes bel homme, que -principalement à cause qu'il n'y a ni rime ni raison à tout votre fait. - -L'AUTRE. Ainsi en est-il de ce livre, qui jadis fut fait en belle rime -croisée: mais celui qui l'a transcrit, sans y aviser, mêlant ce qui -étoit deçà & delà, a fait qu'il n'y a ce semble, ni rime ni raison en -apparence, non plus qu'à l'élection d'un Cardinal de ce temps, selon -l'ordre hiérarchique du bon temps, que l'on s'alloit cacher & jetter -dans les puits, de peur de devenir Evêque, pour la peine & labeur qu'il -y a. Qu'ainsi vous en puisse avenir, Monsieur le Commissaire, qui êtes -venu réformer les pavés qui usent trop les souliers. Je m'enquis de -cette histoire du Ministre, passant par-là, d'autant que je ne veux rien -dire, ni présenter, ni ouir, s'il n'est vrai. Si vous vous en souvenez, -Monsieur de Pise, nous allions à une Diete en Suisse; & lors j'étois -avec Mylord Bochow, lequel le Baron de Tierci, parce que _baccon_ à -Genève signifie du _lard_, le nommoit _Monsieur du Lard_? Comme nous -soupions, je donnai à notre Prélat d'alors une tête de poulet; & par -honneur, j'en présente une fendue de même au Baron de Kitblitz, -Allemand, alquemiste. Il me cuida humer la vue avec les yeux, & manger -le blanc du cul, tant il me regarda creux, comme si je l'eusse estimé -sans cervelle. Ce ne fut pas tout. On n'y ose demander de malvoisie; -c'est à propos de la morue rouge d'Ablis. Les femmes des pêcheurs de -Versoi étoient allées à Geneve, (qui est le Paris de ce pays-là; c'est -pourquoi le Duc de Savoye la voudroit avoir, pour faire le Roi) elles y -avoient porté leur poisson, qu'elles vendirent fort bien; aussi étoit-il -jeûne: & de fait, on s'escrime de jeûnes en ce pays-là avec un bâton à -deux bouts, en disant que de se frotter d'une peau de jambon sans la -savourer, est plus méritoire, que de se crever de poisson. Ces femmes -avoient fait grand gain, parce que déja on surfait la marchandise en ce -pays-là; & des Allemands avoient acheté leurs denrées à leurs mots à -beaux quarts comptant, sans l'autre monnoye. Cette joie fut cause -qu'elles s'accorderent de bere in peu de malvesia; & allerent en un -cabaret, près la Fusterie, où elles eurent ce qu'elles demanderent pour -de l'argent, (cela s'entend aussi bien qu'à Rome. Qui a nez pour sentir, -qu'il flaire.) Elles s'en trouverent si bien, qu'en cet aise elles -redemanderent de cette bonne liqueur; ce qui fut tant poursuivi, qu'à la -fin, & gain, & fonds, tout y alla; & encore quelque bague d'argent à six -tours demeura pour gage avec les plates. Tant que le bon goût & les -vapeurs durerent, elles ne se soucioient de rien. Ainsi gaies & -gaillardes, elles s'en retournerent. Ayant un peu passé la franchise, & -trouvé un endroit de belle verdure, (c'étoit en été) elles s'aviserent -de dormir un petit, qui dura jusqu'à presque soleil couchant, qu'une se -réveilla qui réveilla les autres. Cette premiere, encore toute étourdie, -avisa une bouteille verte, qu'une d'elles avoit emplie d'huile avant -boire, elle s'écria: _ô di, comera la Guernera, vede; vede vo le gro -lizard ver?_ De cela, les autres épouvantées se leverent; & toutes -ensemble, comme cette-là, à belles pierres, se mirent à lapider cette -bouteille; & la bouteille se cassant, elles disoient, l'oyant casser: -_les ous se cassent_; & puis, l'huile épandue, disoient; _c'est le -velain qu'il rend; vees commi il mode_. Depuis ce temps-là, la malvoisie -a été à si bon marché, que qui en demande à Versoi, en a pour soi & pour -sa chartée de beurre frais. - -CONTERI. J'attendois que vous parleriez de ce petit ruisseau que nous -passâmes avec cette compagnie-là, quand nous y fûmes pour les affaires -des ubiquitaires. Je me souviens qu'ayant passé le pont de beurre, -Curion, notre hôte de Basle, nous fit baisser, pour voir ce ruisseau -tant célebre. (Le seigneur Chevalier, grand Hébreu, & si savant qu'il en -étoit bossu, a mis l'histoire dans le Talmuld, qu'il a revu, quand nous -le faisions imprimer à Basle. Je le vous dirai; aussi-bien il n'y a -personne qui ne le sache; & c'est pour vous montrer que j'ai de -l'esprit, & que je m'entends à l'hébreu, comme une pie à étendre du -beurre frais sur du pain. Quand j'en faisois leçon, cela alloit à la -balance, comme un chat qui pese des doublons en une bouteille. Même, -s'il vous souvient, je le vous dirai en notre langue, pour survenir à -ceux qui n'entendent pas le chrétien. Un jour, pour faire le mignon, -j'avois en l'Eglise mon Pseautier en Hébreu, où je lisois ne plus ne -moins qu'un singe qui épluche des noisettes vertes. Je devois dire la -leçon; je laisse mon livre & m'en vais au lutrin. Si-tôt que je fus -descendu de ma chaire, notre ami Chastin prit mon livre, & l'ouvrit: -mais aussi-tôt il le laissa & se retira de-là, allant se plaindre aux -autres chanoines, que je tenois des livres méchans; que j'étois -magicien: & que je ne portois à l'Eglise que des livres prophanes, comme -une bible, & autres de telle farine. Par dépit, je dirai mon histoire en -langage que tout le monde entendra, s'il s'y connoît: je la dirois bien -tout autrement; mais je n'y entends que le haut Allemand; il est trop -froid; cela ne seroit jamais fait). - - - - -PASSAGE. - - -IV. Es pays d'Alsassie, en un endroit assez beau, [si vous n'y avez été, -cela ne vous servira de rien de vous le décrire, parce que vous n'y -connoîtrez rien; & si vous y avez été, c'est assez, cela vous -importuneroit de le rapporter, sinon allez-y.] Là, les dames sont assez -libres, mais sages; & pour le bien faire paroître, elles ne pissent -qu'une fois la semaine: & c'est au vendredi qu'elles s'assemblent, au -matin, toutes par bandes; ce qu'il fait étrangement beau voir] & selon -leurs dignités, s'en vont en pisserie, comme on va à la foire: de quoi -elles n'ont non plus de honte, que les femmes de bien, qui montrent -l'appanage de leur fessier aux eaux de Pougues. Que c'est que des -coutumes des pays! On ne le trouveroit pas bon ici; & là il est -délectable: ainsi qu'ès villes de Normandie, où plusieurs en leur -pochette gauche portent un mouchoir pour le cul, ainsi qu'en la droite -un pour le nez. Ces femmes étant arrivées au lieu de la pissoire, ou -pissotiere, elles se disposent comme les montagnes d'Angleterre, chacune -où elle est, y gardant dignités, prérogatives & honneurs, ainsi qu'ès -actes publics & notables, ne plus ne moins que se mettent les chevaliers -en leur rang, le jour de leur cérémonie. En cette commodité, -abondamment, joyeusement, & à la copieuse & bénigne décharge des reins, -elles vuident leurs vessies, & pissent tant, que cette riviere en est -faite & continuée; & de-là les Allemans, Flamans & Anglois font venir la -bonne eau, pour faire de la biere, la plus double & du plus haut goût. -Cela est cause que leurs femmes ne les aiment pas tant, qu'elles font -les François, d'autant que ces femmes-là pensent que leurs maris leur -veulent derechef reverser leur urine dans le corps. Que s'il y a des -femmes qui ne savent bien pisser, on les envoie à Genève, d'autant que -là il y a plusieurs belles écoles, où on apprend à pisser & chier en -public & en compagnie, au grand soulagement des honteux, qui là -apprennent à perdre la sotte honte qui resserre le boyau culier. Et je -vous dirai que ce qu'ils font est, parce qu'il n'y a point de moines en -ce pays-là; & partant point de frocs, & par ainsi point d'instrumens de -deshonterie. On m'a assuré que depuis, ceux d'Amiens en ont dressé de -belles écoles aux Botrues, où l'on fait leçon de chierie. - -DURANTIUS. Vous vous êtes équivoqué, sans faillir; mais vous n'avez pas -commencé à l'origine de cette riviere. Il falloit le dire. Ce que je -vous dirai, tiré du Zohar, que le bon vieillard Postel a traduit, après -qu'il eut conféré avec un juif qui devint chrétien. Après avoir lu cette -histoire, laquelle aussi fit réduire quelques huguenots à se faire -catholiques, aussi-bien que les moines qui s'en firent huguenots; & ce -que ceux-ci en ont fait, est pour se mieux entendre en garces. Quant au -juif, il l'a fait pour avoir congé de manger du lard & du salé, afin de -trouver le vin meilleur. Du temps que les bons hommes [c'est-à-dire non -les minimes, qui sont très-petits; & jamais bonté ne se mit en peu de -lieu] alloient par le monde, [je n'entends pas des faiseurs de mines, -mais des simples & sages] il y eut un saint personnage, qui, passant -chemin, se rencontra à Barace, près de Durtal en Anjou. [Je ne parle pas -de maître Pierre, que le prévôt des maréchaux cherchoit: & l'ayant un -jour rencontré, ne sachant pas que ce fût lui, le laissa, ne le -connoissant point. Avant que le laisser, il lui demanda: qui es-tu? Je -suis un pauvre homme, petit marchand. Comment as-tu nom? Pierre -Chaillou, ou Caillou. D'où es-tu? De Durtal. Où va-tu? A Rochefort. De -quel métier es-tu? Sabotier. Que diable! tu es dur, il ne te faut plus -qu'être vêtu d'une cuirasse, pour t'achever de durcir. - -CALPIN. Comment diriez-vous une _cuirasse_ ou _corselet_ en latin? -C'est, dit frere Jean de Laillée, _durabit_. Or taisez-vous; vous -empêchez l'affaire de ce saint homme. Achevez, monsieur le doguetter.) - -DURANTIUS. Ce personnage s'étant assez reposé sur le bord de la -fontaine, avisa le tard; donc il s'en vint au village, & s'adressa chez -le Page à la dame du logis, priant ladite dame de le loger cette -nuit-là, pour l'honneur de dieu. Elle qui étoit avaricieuse, comme un -financier qui a fait ses affaires, & n'a point d'enfans, s'excusa, & le -pria d'avoir pour agréable son refus, qui ne venoit qu'à cause que son -mari étoit chiche & grondeur. Le bon homme passa outre, & va droit -s'affraper chez la chambriere de Chiquetiere, nommée la Gousson, de -laquelle, lui ayant fait sa requête, il fut reçu fort honorablement, & -bien traité de la pauvre femme, qui le mit en un bon lit, cette bonne -femme. - -ESCHINES. La bonne femme n'est pas encore levée. - -DURANTIUS. Taisez-vous; bran: ces poëtes en veulent toujours aux femmes, -qui les affrontent aussi; & cela leur est employé comme fievre en corps -de moine. Cette bonne femme donc lui avoit fait du mieux qu'elle avoit -pu; & lui, le matin, s'en trouvant bien édifié, étant levé & voulant -partir, lui dit: madame je vous remercie bien humblement de tant de bien -que vous m'avez fait; & vous prie de m'excuser, si vous n'avez autre -paiement de moi. Ho, dit-elle, monsieur, vous avez été le bien venu; & -le serez toutes les fois qu'il vous plaira venir céans. Ce n'est point -l'espoir de paiement qui m'a fait vous recueillir, en cette maison où -vous demeurez, s'il vous plaît, à votre volonté. Je vous ferez au moins -mal que je pourrai, pour l'amitié du maître que vous servez. Madame, je -vous rends graces infinies de tant de biens & d'amitié: je prie le bon -dieu qu'il lui plaise de vous bénir; si que la premiere besogne que vous -ferez aujourd'hui lui soit tant agréable, que ne puissiez tout le jour -faire autre chose. Il partit; & elle, qui n'y pensoit point, l'ayant -recommandé à dieu, se fit apporter un peu de buée qu'elle avoit étendu -le jour précédent, & se mit à ployer son linge; & tant ploya, & encore -tant ploya, que plus elle ployoit, plus il y avoit à ployer & ployer; & -ployoit toujours, tellement qu'elle avoit de grands monceaux de toutes -sortes de linge, qui multiplioit au touchement de ses mains. Par hazard, -celle qui avoit refusé le bon homme, vint quérir quelque chose chez la -Gousson. La voyant empêchée, lui dit: hé bien, ma mie la Gousson, que -faites-vous? Donc elle lui conta toute l'aventure & cause de ce grand -bien. Adoncques l'autre fut bien étonnée & fort triste d'avoir laissé -passer une telle commodité: parquoi, sans faire semblant, elle s'en va, -& puis se mit au chemin où elle pensoit trouver ce personnage; & suivant -par avis son train, ayant su en s'en enquérant, qu'il étoit allé vers -Vieille-ville, elle faisoit mine de cueillir des herbes pour sa vache. -Puis l'ayant apperçu, elle fait de l'étonnée; elle s'approche de lui & -lui dit? monsieur, que je suis aise de vous avoir trouvé! Que -faites-vous ici à vous morfondre? En dà, le bon dieu a bien changé mon -mari; & je ne le savois pas. Quand je lui dis hier que je vous avois -éconduit, il me cuida venir méchef, tant il me tança. Je loue le bon -dieu de son amendement. Je vous prie de ne le prendre point en mauvaise -part; mais de nous faire ce bien de venir ce soir loger chez nous. Bien; -madame, j'irai, quand j'aurai achevé mon service. Il n'y fit faute; & -fut le bien reçu avec joie & grande chere, & traité en apériateur de -commodités. Au matin, se retirant, il fit sa petite excuse à l'usage de -besace; & son hôtesse lui dit: par ma finte, monsieur mon ami, je n'en -voulois rien: pour dieu soit, si dieu plaît, je n'en veux rien. Bien -donques, grand merci madame; je prie dieu que la premiere besogne que -vous ferez aujourd'hui, se continue tant, que ne fassiez autre oeuvre de -tout le jour. Grand merci, monsieur. Elle étoit déja ennuyée qu'il ne se -hâtoit, pour aviser à son fait. Aussi-tôt qu'il eut montré les talons, -elle dit à sa servante: or çà, Marquise, va là-haut quérir ce linge, -j'en aurai aussi-bien que la Gousson. Apporte ces serviettes, ce menu; -que je ploie. La chambriere ayant tout apporté, voilà que le Page -voulant mettre la main à l'oeuvre, s'avisa d'aller pisser, afin de ne se -débaucher point. Ainsi, toute en hâte, elle sort en sa cour, où elle -s'accroupit pour pisser. Mais ce fut ici une efficace terrible, d'autant -qu'elle commença pisserie, qui continua tout le jour. Jan, elle avoit -dit qu'elle auroit force linge; mais elle coula force eau, & fit ce -ruisseau qui passe au pied des Loges, & va jusqu'aux Indes. Ses amies la -venant voir, & la trouvant ainsi distillant le dissolvant philosophique, -lui demandoient: hé quoi, ma commere! Hélas! disoit-elle, hélas!... - -CASSIODORE. Elle leur répondit, comme mon compere Bonin, qui se leva -d'auprès sa dame, & alla pisser par la fenêtre. Il avoit bu, au soir, & -il pleuvoit. Il oyoit l'eau de la goutiere qui tomboit, & il tenoit son -pauvre petit, étant toujours à la fenêtre. Elle lui dit: hoi, Bonin, -aurez-vous tantôt pissé: Je pisserai tant qu'il plaira à dieu. - - - - -GLOSE. - - -V. QUELQU'UN. L'année passée, le petit Travers eut une autre opinion. -Monsieur de Beaumont nous avoit donné à souper, où étoient plusieurs -chantres, qui, ayant trinqué & chanté, voulurent s'en aller, afin de -pisser. Moi qui m'en apperçus, je leur dis: attendons un peu à nous en -aller, & allons pisser. C'est cela, dirent-ils, & chacun se mit à -pisser. Travers avoit pissé, & un autre pissoit d'en-haut. Quoi, lui dit -Multon, frere, tu pisses encore, & tu as remis ton cas! O, ho, se -dit-il, grand merci. Et lui de le reprendre, & le laisser là à l'air -fort long-temps; dont il lui avint un grand inconvénient, c'est que -depuis il fut enrhumé. Et y prennent garde les pisseurs, pour ce qu'à -faute de resserrer son engin, on se morfond en bon escient; ce qui peut -aussi avenir aux femmes, quand elles n'étament pas bien leur cas du -devant de la chemise, afin de lui clorre les mâchoires, de peur que le -vent n'y souffle. - -OVIDE. Il y a trois ans que j'étois à Vezins; & Prédicat étoit avec -vous, & Platon aussi, lequel, au soir, fut laissé avec les demoiselles -faire des anagramatismes; & Prédicat s'en alla coucher: son lit avoit -été préparé en la couchette, fort près de la cheminée. Quelques heures -après, ainsi qu'il dormoit, Platon s'en vint coucher au grand lit, qui -étoit de l'autre côté de la cheminée. Je ne sais s'il avoit bu -_egregiè_, (c'est-à-dire _en Grec_) il se leva d'auprès de moi, la nuit, -pour pisser; & ne trouvant le pot, il alla pour s'évacuer en la -cheminée, ainsi qu'on fait aux hotelleries, sur le chemin de Paris. Il -se fourvoya, prenant le droit pour le côté; & se mit à pisser roide -contre le visage du dormeur, & lui flaquoit des ondes d'urine si fort -sur le minois, qu'il l'éveilla, & fit tousser, comme un boeuf qui avale -une plume. A ce bruit; il eut si belle peur, que si le douzil n'eût -tenu, il l'eût laissé cheoir, tant il eut belles affres, cuidant qu'il y -eût quelque démon dans les briques de la cheminée. En cette émotion -mutuelle, & qu'il étoit tout troublé de reste de sommeil, & l'autre -d'aspersion pissotiere, Platon se retira tout bellement, & s'étant remis -au lit & rassuré, se doutant bien ce qu'il y avoit, demanda: quel bruit -est-ce cela? C'est moi, dit l'autre. Je ne savois rien de cette affaire, -& ne pensant à aucun mal, je lui dis ainsi: je ne sais ce qu'il y a; -mais cet homme est fort troublé. Hélas! oui, dit-il, & d'un nouvel -accident. C'est que j'avois la tête panchée sous la cheminée; & il m'a -plû en la gorge si chaud & si salé, que j'en ai le gosier tout écorché. -Le paillard rioit, en se mordant la langue; & le consoloit, faisant de -l'endormi. Le lendemain, il en fit le conte aux filles, qui en menerent -bien le patient de la pluie salée: mais Platon y perdit, d'autant que, -faisant ce discours devant les dames nos soeurs; Prédicat dit que cette -eau venoit filant douge comme petits filets de soie: de quoi elles -conclurent qu'à mêche si déliée, la chandelle ne devoit guere être -grosse. Il avoit une maîtresse, qui pour cela fut fort dégoûtée de lui, -tellement qu'elle le prit à partie; elle se moquoit de lui, & _le vit -lui pendoit_, lui faisant plusieurs opprobres. Lui pendoit-il comme à -Georges de Boeuf de Chinon, qui, pissant, un jour, contre une muraille, -tenoit son écritoire, _aliàs_ la gaine de son couteau, pensant tenir son -fait ou canon à pisser; il pissoit dans ses chausses? - -ANACREON. Si Rolette, chambriere de Maldonar, l'eût tenu, elle se fût -bien moquée de lui. Elle me reprochoit, un jour, que notre bête étoit -bien sotte de ne pouvoir pisser seule: & qu'il la falloit mener par la -main; & que la sienne pissoit sans aide & net, d'autant qu'il se fait un -joli petit pet, & par ainsi le cul souffle les bourriers tout autour. - -VIRGILE. Pourquoi est-ce que l'on pette en pissant? - -AFRODISEE. Hé, pauvres médécins, qui cherchez des causes étrangeres ès -minimes, que je vous plains! Sachez cette maxime; c'est que l'on n'en -peut avoir sans vent. - -L'ESCOT. Il étoit bien besoin que vous parlassiez de messieurs les -minimes. - -AFRODISEE. Foi de nourrice, je ne pensois point à eux; & toutefois je -m'en avise: aussi bien faut-il, par-ci, par-là, ranger ces gens -d'église, desquels si nous ne parlons, il leur semblera avis que nous -les craignons, ou que nous les méprisons comme hérétiques. Mais ce n'est -rien de ceux-ci au prix des capucins & feuillans. Je voudrois, par fin -desir, qu'il n'y eût pas un de ceux qui veulent avec tant de desir -devenir gueux honorables, & gentilshommes coquins, qui n'eût le vit d'or -& le nez d'argent. Mais, se dit le sire du Quesnoi, parlez de qui vous -voudrez; & laissez-là les bons minimes, ayant révérence à l'antiquité. - -PAUL-JOVE. Quelle antiquité! Cet ordre est tout nouveau; je l'ai vu -naître. Il n'est donc pas antique: joint que, pour être antique; il -faudroit qu'il y eût mille ans; ancien, deux cents; vieil, plus de cent -ans. - -CASSIODORE. Ils sont fort anciens, voire plus qu'antiques. Je le sais; -ils sont du temps de la famine universelle, quand l'Egypte avoit seule -de vivres; témoin Joseph, qui, parlant à ses freres, & leur faisant -l'inconnu, leur demanda: _ubi est frater vester minimus?_ où est votre -frere le minime. - -MUNSTER. Tout beau, ne mêlons point le saint avec le profane. - -HIGINUS. Vous le mêlez, comme Boispierre, qui parloit du corps de leur -métropolitaine: lequel avoit une cure à deux lieues de là, où il alloit, -& laissoit quelquefois sa charge. Quoi, dit cettui-ci, ce compagnon-là -ne devroit bouger de l'église: on ne peut servir à deux maîtres, à dieu -& au diable. Sainte dame? voilà un grand mot. Et lequel étoit le diable? -Je n'en parle plus; demeurons en notre antiquité. - -TITE-LIVE. Je me ris de vous ouir parler de l'antiquaille; & m'est avis, -voyant ainsi jaser de l'_anticle_, de l'_ancien_, du _vieil_, que j'oi -le maître horlogeur de Geneve, qui me discouroit de l'épée, me disant -que c'étoit un calibre yeuxcellent, où il y avoit plusieurs sarches & -points à noter; qu'il y avoit l'épaule antique, & l'épaule authentique, -par le travers desquels passoit le duc de Saxe: au milieu étoit les -quatre os ou écarteleures, qui en bande étoit tranché par le soudiacre, -aux bords duquel étoient les deux hypocrites, coupés par deux saichés -qui venoient des épaules, lesquels sont les deux couleuvres de -laisse-faire: au haut & bas sous les deux épaulieres; à l'entour est la -raison, qui est coupée du médionneur. Mais je laisse là ce pifre, parce -que, quand il vint chez nous, il chia au lit, & devint ortlogeux. Il -étoit aussi bon interlogue, que l'apothicaire de monsieur de Tours, qui -lui conseilloit de ne sortir point, un jour de saint André, parce que le -temps étoit aromatique. Par le plus S. faux serment que je dois à la -race féminine, qui me nomme le bon homme _Trompecon_, j'oubliois mon -conte, pensant à la folie que vous faites sur la comparaison du temps -passé. Je ne cuide pas que ce qu'il y a mille ans qui est passé & -anéanti, soit plus vieil que ce qui se passe tous les jours, & qui va -dans le sac de vielliesse, dans l'écrin de l'oubli; & ce qu'on propose -de plus ou moins vieil, est d'aussi bonne grace que la question de -Martin Chabert, qui aimoit trois filles, auxquelles il dit, pour arrêt, -un jour, mes filles mignonnes, je ne puis vous épouser toutes trois, -bien que je vous aime de toute ma loyale frussure, & plus chacune l'une -que l'autre. Je ne sais comment faire, sinon qu'il faut que j'aie à -choisir: & pour nous ôter de cette peine, je vous dirai, si vous voulez, -un moyen; c'est que j'épouserai celle qui me dira la plus naïve vérité -de ce que je lui demanderai. Elles s'y accorderent. Or, çà, dit-il, -lequel est le plus vieil de vô chouse ou de vô bouche?) J'ai quasi -bronché des mâchoires. Mais pourquoi dit-on _confitures_? Que ne dit-on -_ficontures_, ou _fiturescon_? Et tant d'autres mots qui commencent -ainsi, comme _congrégation_, _conscience_? - -ELPHIS. C'est bien entendu pour un philosophe? ne savez vous pas bien -qu'il est devant & jamais derriere? Et pourtant il faut le colloquer en -la tête. Le charpentier, qui demande au curé: pourquoi dites-vous, -_dominus vobiscum_? Que ne dites-vous, _dominus vobiscu_? Le curé lui -dit: pourquoi dites-vous un _compas_? Que ne dites-vous un _cupas_? - -HIGINUS. Sainte Marrande, vous avez raison; mais faites parler ces -filles). - -TITE-LIVE. L'aînée répondit: c'est mon cela qui est le plus vieil, -d'autant qu'il a de la barbe; & ma bouche n'en a point. La seconde: -c'est ma bouche qui est la plus vieille, parce qu'elle a des dents; & -mon petit n'en a point. La petite dit: je dis comme ma soeur. Dites -donc, mignonne, une belle raison comme nous. Elle pétilloit & frétilloit -comme une marmote déchaînée. C'est, dit-elle, ma bouche qui est la plus -vieille, pour autant qu'elle est sévrée; & mon con tette tous les jours. -A, ha! hé, or devinez, vous autres, & jugez laquelle a le mieux dit, -afin que Martin soit le marié comme les autres. Jan par la certebieu, -dit Coypeau; aussi étoit-il tout réformé. Alors j'aimerois autant ma -chambriere, qui, nous oyant ainsi discourir, me reprocha que, si ce -n'étoit leur cas, je ne saurions que dire; & là-dessus me dit: vous qui -en savez très-tant, si vous aviez trouvé un con tout seul, que lui -diriez-vous? - - - - -SERMON VI. - - -VI. Néanmoins, messieurs, beuvez pour la pareille. Aussi bien peut-on -mentir en liberté de conscience, deux fois l'an: l'une en été, disant: -je n'ai pas soif: l'autre en hiver, disant: je n'ai pas froid. Mais -pourquoi est-ce que, quand on demande à boire, fusse à un laquais, on y -va courtoisement, de même qu'à requérir une garce de dormir avec elle -théologalement? Nous en sommes bien! Voilà de belles demandes, dit -Sapho! C'est parce que cela coule comme foutre de prêcheur. Achevez; -aussi bien cette fille a voué son pucelage à autre chair qu'à vie -consacrée; & nous dites la résolution de la caupeaude. Ha, vous en -souvenez vous? Hé, bel engin de dame! ainsi vous puisse-t-il croître de -jour en jour. Nous demeurâmes tous cois, & plus étonnés qu'un évêque -sans mitre. Elle nous ferma la bouche, & nous dit, il lui faudroit dire: -con sans cul, que fais-tu là? Epaminondas, qui venoit de racoûtrer ses -chausses, rentra à table à ces mots; & les ayant ouis, il dit: que -répondroit-il? Voire, voire, c'est bien parlé à moi; mais pourquoi -est-ce qu'un tel cas, puisqu'on le nomme ainsi, ne parle point, vu qu'il -a une langue! - -ALBERT. C'est parce que le cul est auprès, qui lui dit paix. - -EVIMQUARBRE. Quel sermon est-ceci? Vous ne parlez que du cul. - -NOSTRADAMUS. Ce seroit belle chose de parler du cul; ce seroit un -langage excellent; il seroit plein de toutes sentences: & si cela étoit, -on parleroit comme on s'assiet; & si on écrivoit de même, vraiment on -verroit de belles orthographes de femmes, qui souvent écriroient du cul. -Cela me fait souvenir de ceux qui parlent du nez, s'ils écrivoient comme -ils parlent, ils écriroient du nez. Or, mon bel ami, sans cul on ne fait -rien. Savez-vous pas que c'est la base & le vrai milieu du corps, le -mignon de l'ame; d'autant que, s'il ne se porte bien, & que ses affaires -soient incommodées, elle s'en déplaît & s'enfuit par-là. Je parle pour -les doctes. Or donc, doctes, venez ici succer la moëlle de doctrine; -venez apprendre de beaux secrets, sans vous amuser à brider chevaux au -rebours, _id est_, leur mettant le mords au cul, tout ce qui se fait au -monde est pour exercer monsieur du cul, pour lequel boucher sans y -toucher, (grand miracle) il ne faut rien permettre entrer en la bouche. -Mais devant que j'acheve, je vous demande à vous, François & Anglois, à -qui le baiser est commun, lequel vous aimeriez mieux baiser une fille au -dernier noeud de l'échine ou à l'entonnoir du cul? - -HYPOCRATE. A, ha, e, hé, l'entonnoir du cul est la bouche. Et de fait, -tout ce que l'on apprête de plus friand, n'est enfin que pour faire de -la merde entre les dents, & partant pour mettre en oeuvre maître cul, -_id est, frater culus_, frere cul, qui est le gouvernail de tout le -corps, & le mignon de l'ame. Je le vous prouve. Si le cul ne se porte -bien & ne fait bonne chere, que ces affaires ne soient en bon état, -l'ame en est incommodée, & le plus souvent sort par le dédain qu'elle en -a, & nommément quand les matieres sont par trop claires, & que l'ame s'y -laisse couler faute de glu. Le cul n'est-il pas le prince des membres, -puisque tous lui font service, & que ses dédains, ou ennuis, ou coleres -les affligent tous? Puis, c'est lui, à qui tous font honneur, le faisant -seoir le plus dignement & le premier: & de fait, il chemine en prélat, -après tous les autres membres, allant en procession. - -FORBIN. Je ne m'étonne pas si vous en parlez tant, ayant été disciple -d'Esculape, qui voyoit le jour par le cul de sa femme. - -DIOGENES LAERTIUS. Il y en a beaucoup qui voient le jour par le cul, -comme vous diriez les chaudronniers, & ceux & celles qui travaillent de -l'éguille, & les bons buveurs, qui voient le cul & le montrent aux -autres. Mais comment voyoit-il le jour par le cul de sa femme? - -FROBEN. Sur ses vieux jours, ce bon preud'homme épousa une femme -Allemande. En allemand, une femme est appellée _frau_, c'est-à-dire, -tromperie. Voilà pourquoi les dames Allemandes aiment mieux les -François, que ces gros pifres d'Allemands, qui ne font que souffler & -les injurier. Le pauvre grand bon hommet, quelquefois ayant veillé après -ses études, & s'étant couché tard, s'endormoit: puis sur le matin, ainsi -que toutes les femmes, après avoir été approvisionnées, (je vous le -conte comme il me le racontoit) je voulois, disoit-il, à cause de ce bon -vin grec, étant tapis dans le lit, fomenter ma complexion. Alors ma -femme qui m'aime tant, qu'elle tire de son ventre pour me le donner, -étant confite en humeurs, ouvrant les yeux, elle ouvre le cul & laisse -aller une vesse ou une vesne épouventable, & qui, couvée entre les -replis de gras double, a une odeur de tous les mille diables. Adonc -sentant cette alenée postérieure, (femmes ont beaucoup de conduits, -évaporant des parfums de plus haute odeur que civette) moi qui crains -ces venues culieres, à cause de l'air mélancolique & coëde, qui, rendant -le cerveau rélant, cause l'épilepsie par un effet de corrosion punaise, -à quoi sont sujets les hommes du siecle qui sont mariés, (aussi pour -cette cause, moines & prêtres sont plus longuement sains, d'autant -qu'ils s'abstiennent de la fréquentation des femelles, joint que, s'ils -les hantoient, l'odeur leur feroit bander la cervelle.) Je dis; je (sans -plus faire de parenthèse) odorant ce spécifique exodin & abominable, je -jette le nez hors du lit, ouvrant les yeux, de peur d'y avoir enfermé -cette espece de vapeurs & corps momentaires, ne tombant que sous un -sens; je vois le jour tout clair, parquoi me résous à me relever: & -voilà un des bons usages de ce benoît cul. - -STAT. C'étoit une vesniere que cette femme; & à cela je me souviens, lui -changeant de nom, de ces messieurs d'Angers, qui changerent leurs noms, -sur quoi un oyant qu'ils avoient mis _du_, _de_, ou _le_, &c. à leurs -noms, dit: j'ai nom Vanier; & me nommerai le Vesnier. - -PUC. Mais vous ne dites pas de celui, qui voulut servir de secrétaire à -notre Prélat; & il avoit nom _Meusnier_. Monsieur voulut qu'il eût nom -_Mesnier_; parce que, dit-il, mon ami, quand vous viendriez après moi, -on diroit: _meusnier touche ton âne._ - -RABELAIS. Mais vraiment, pour mieux dire, cette femme étoit ou devoit -être une belle grande vesse, d'autant que chaque espece engendre sa -semblable. - -STATIUS. Je ne sais pas qu'en dire; mais elle étoit fort haute à la -main, & possible aussi au nez. Ce fut elle qui me mit une fois en -colere. Vraiment, la porte en est bien étroite: joint que chacun sait -que je n'y entrai jamais, qu'alors qu'elle m'appella _beau vaisseau_, & -je l'appellai, _belle vesse_, elle. Lui faisois-je tort? - -LICOFRON. Il faut avoir bien dur coeur, & encore en soupant, pour -supporter telles paroles, & tant ordes. - -METRODORUS. O le délicat! tu es né entre la merde & le pissat; & tu en -veux conter! Mais à quoi est-ce qu'on connoît le bon coeur d'un homme? -C'est quand il mange la merde, d'autant qu'il faut avoir bon coeur pour -la manger. Après que vous avez bien senti les fleurs, vous entamez le -fruit. - -LEON HEBREU. Quel fruit d'abomination! Cela me contamine. Je ne serai -net de trois fois sept jours. Je suis bien venu à l'heure de corruption; -& pource, je suis d'avis que l'arbre, la fleur & le fruit ayons en -abomination. O dà, je m'équivoque. Et qu'est-ce que je deviendrois? Je -suis fils du ventre d'une femme. Fruit du ventre, c'est merde. Je suis -donc merde. Ah! pargoi, bran & merde fine soit pour ce beau jaseur, qui -nous a appris à syllogiser; le Lucifer des ténebres le puisse sigilliser -& syllogiser en enfer! - -PITAGORAS. Tu es tant savant en tes spéculations, que tu es fou. - - - - -DIETTE. - - -VII. Je suis d'avis, mon ami du coude, du montoir, ou de quelqu'autre -façon & race, que tu laisses arbre & fruit non vivant, _id est_, mort; & -que tu l'aies en horreur ainsi que moi, & les Ecclésiastiques Romains, -qui rejettent l'outil des femmes comme feves, dont il porte la figure, -ayant la raie noire, & le bas contre mont. Notez bien feves, pour le -symbole éminent qu'elles ont; c'est que, quand quelqu'un y a été -attrapé, qu'une goule sans dents lui a donné une morsure; il est dit le -roi de la feve: sur quoi je m'avise d'un beau ménage. Le Maugrin vit un -jour sa chambriere, qui jettoit, en balayant, trois feves; elle lui dit: -vraiment, baboine, ce sera-là ton mariage. Elle les prit, & les sema; & -en eut d'an en an, assez pour la marier. Et de-là j'infere que, si le -roi défendoit de mettre des feves aux gâteaux des rois, & qu'il prît ces -feves-là, & les semât; il en tireroit un grand soulagement pour le -peuple. Or, sans nous amuser à ces gueux de rois, si tu veux être libre, -n'aie jamais de femme; parce que, si tu es marié, tu seras obligé; tu -paieras la taille & la taxe aussi, & il faut que tu le fasses par -contrat: ainsi sont tenus les gens mariés; ce à quoi les libres -ecclésiastiques ne sont obligés, n'ayant affaire au particulier ni à la -_raye publique_; que pour leur plaisir & récréation; & ce les -après-dînées, & au temps d'ébat, non pour tenir femmes avolées toutes -nuits, parce qu'à leur réveil ils sont obligés de dire leurs heures à -jeun; & ils auroient bu de l'ordinaire, comme les Ministres; & on les -accuseroit d'être hérétiques: tellement qu'ils auroient bu la façon de -leur journée, ayant bu de l'ordinaire. - -LUCRECE. Je mourus par ce poison; toutefois c'est tout un. Tandis que -nous sommes encore aux fauxbourgs, avisons un peu à ces trois filles; -parce que celle-là, qui a dit que son cul avoit de la barbe, me fait -souvenir de monsieur Libreau, Avocat à Paris. Cette mignonne étoit allée -aux étuves, avec des dames de ses amies; & ce, par le congé de son mari -qui étoit fort chiche. Sur quoi, les autres, qui avoient su qu'il ne lui -avoit donné qu'un quart d'écu, s'aviserent de lui faire une -méchanceterie: ce qu'elles exécuterent. Et avint que, comme elle fut -retournée & couchée avec son mari, ainsi qu'il l'amignotoit & prenoit -son jouet, il n'y trouvoit du poil que d'un côté. Voilà, dit-elle, mon -ami, on ne m'a fait de la besongne que pour mon argent. Aussi je vous -avois demandé demi écu. Que ne me le bailliez-vous? Cela a été cause que -je n'ai eu le poil fait qu'à moitié; on n'a fait mon affaire qu'à demi. -Cette remontrance fut occasion, qu'elle eut le lendemain un demi écu, -pour se rajeunir par le bas. - -ARETIN. Les avocats & les mariniers ne sont pas de même opinion. Un -marinier de Quilleboeuf fit tout autrement, ayant été long-temps absent. -A sa venue, sa femme, pour le récréer & rajeunir, avoit fait ras & net -le poil de son chose; & ce maître rustaut, se voulant jetter sur elle, -comme dans le fond de son bateau, & passant la main à la breche, & n'y -trouvant point de poil, il méconnut l'étable ordinaire de son courtaut; -& s'écria, en disant: _ha! méchante vilaine, che n'est chi mie mon coin. -Si est,_ dit-elle. _Ne n'est: tu l'as laissé chez ces quenoines; va le -quérir; va, je veux poil & tout._ Il fallut qu'elle fût absente, tant -qu'elle l'eût trouvé, d'autant disoit-il encore toujours: ce n'est point -le mien; je le veux avoir avec le poil. - -SENEQUE. Il m'est avis que cela n'est pas beau de parler ainsi des -femmes. Il semble que vous en dites, comme si elles n'étoient pas femmes -de bien. - -PERSE. Vous avez raison, mon pere, mon ami; vous êtes digne d'être -empereur, d'autant que la reine d'Egypte vous aime (parlez bas, de peur -de ce que je ne sais, tant j'ai de peur de faillir). C'est de par le -gibet, aussi je me souviens que l'année que j'étois Recteur en -l'Université de Paris, sous le nom de Marius, ce grand Consul Romain, je -vis prendre une maquerelle du bourg de Four. La raison étoit qu'elle se -battoit avec une autre, qui lui dit; ha! chienne, tu veux ici faire de -la reine d'Egypte. Tu as menti, dit-elle; je suis femme de bien. Quant -aux fillettes qui sont du tiers ordre, je les plains en ma conscience. -Hé que j'ai bu! Je pense que je sors de propos, & vais de la truye au -levain. - -ARCHIMEDES. Qui sont celles que vous appellez _fillettes_? - -L'AUTRE. Chacun en dira sa ratelée, m'ayant oui. - - - - -ANNOTATION. - - -VIII. Fillettes nous disons, celles qui sont capables de rendre compte -par déduction; ainsi sont-elles propres au déduit. Il y en a -généralement de trois sortes, & ceci pour simple intelligence de ce -qu'on dira tantôt. Notre bon ami que voici, (je ne dis pas _vessi_; mais -chassez ces chiens; ces femmes ont vessi). Or donc il y a trois ordres -de ces commeres. Il y a celles, qui tiennent rang entre les femmes de -bien; il y a des filles d'église, lesquelles demeurent aux cloîtres, -_actu, aut potentiâ, vel potestate_; & les autres, qui sont comme à -Geneve, à Camp de Fior, près de Lorrache, celles-là sont du tiers ordre. -Hélas! l'autre jour, je fus tout embaumé de commisération, pour une -pauvre petite qui pleuroit chaudement. Les larmes lui tomboient des -yeux, de la grosseur de cirons d'Inde; & crioit que ces brigans de -sergens, & autres de telle étoffe, leur pilloient en un jour tout ce -qu'elles avoient pu gagner en un mois, à la sueur de leur corps. Puis, -après cela, elle rioit avec les autres, se réconfortant, & par dépit -disoit: mais dis-moi, hé! maquerelle ma mie, s'il y avoit en un sac un -sergent, un meunier & un coûturier; qui sortiroit le premier? Voire, -voire, dit-elle, à tout ce qu'elles répondoient, ce seroit un larron. La -femme de mon compere Bignon les regardoit, toute ravie de voir ces -garces ainsi affligées, & incontinent consolées; & en cette entente, -elle étoit je ne sais comment assise, & si bien qu'en dà presque -paroissoit le but mignon de ficherie? Son mari, qui l'apperçut, lui dit: -ho! ma mie, venez ici, & fermez la boutique, il est aujourd'hui fête. Je -vous dis vraiment qu'en se remuant de cet état, où elle étoit si -proportionnément assise, je vis ce qui se peut voir de son gardon à la -dérobée. - -QUINTILIEN. Quelle cornucopie est ceci? Quel nom amenez-vous? - -SENEQUE. Encore avez-vous bien dit, d'autant que la copie & les -originaux des cornes se font illecque. - -L'AUTRE. Je vous dirai. Le bon homme Genebrard avoit épousé une jeune, -belle, mignonne femme, avec laquelle étant couché, l'ayant baisée, il -mit la main à son comment a nom, & le tapant, dit: gardon, ma mie, -gardon. Ce qu'il continua souvent, sans autre effet. Le vendredi -d'après, la chambriere (c'étoit à Paris, où les servantes, qui vont à -l'emplette, gagnent le moins de gages) eut commission d'aller à la -poissonnerie, & demanda à sa maîtresse ce qu'elle apporteroit. Ce que tu -voudras, dit la dame. Apporterai-je des gardons? Va à tous les diables! -Je n'orai jamais parler ici que de gardon. - -GANPIL. Vous faites bien de les nommer gardons, à cause des gardes que -nature y a mises, lesquelles si elles n'y étoient, vu cette grande -solution de continuité, les femmes seroient toujours enrouées. Et c'est -merveille comment, cela étant si déjoint, il est toute-fois si conjoint. - -SAPHO. C'est une décoûture au bas du corps; ce qui avint, quand Jupiter -eut coupé l'androgine. Il commanda à Mercure de recoudre le ventre à -l'un & à l'autre; cela est cause que le ventre est si délicat. Il cousit -l'homme avec un lacet trop long; tellement qu'à la fin de la coûture il -en resta un bout. Et cousant la femme, il prit le lacet trop court, si -qu'il y eut faute, & il y demeura une fente, faute de points. Et en -avez-vous? Mettez cela en la boëte au saffran. Mais encore, messieurs -les savans, savez-vous bien les sept merveilles du monde? Vous ne dites -mot. Je vous ferai savoir de belles choses, si je veux. Or préparez-vous -à ouir. Ne vous recordez-vous point que les souris courent en la paille, -sans se pocher les yeux? Je vous dirai des secrets plus notables, & qui -contiennent toutes sciences. Les sept miracles, ou merveilles, sont 1º. -Une poule noire, qui fait un oeuf blanc. 2º. Le vin clairet, qui est beu -comme le vin blanc, & pissé blanc non rouge. 3º. Le bout d'un homme, qui -n'a point d'oreilles, & oit quand on parle d'accrocher. 4º. Le cas d'une -femme, qui est un vaisseau qui a la gueule contre bas & est étanché. 5º. -Le paillard outil d'un amant, qui se bande sans guindal, de lui-même. -6º. Le bouton d'amour d'une femme, qui tire la moëlle des os, sans le -casser. 7º. Et le cul, qui se ferme & ouvre, comme une bourse, sans -tirans. A, a, a, ha, hé. Toute la compagnie se mit à rire; & nous nous -trouvâmes joyeux & alegres, comme une belle troupe de jeunes ou nouveaux -cardinaux. - -BATILE. Vraiment, Sapho, vous avez tort; vous êtes bien salaude: jamais -vous ne direz rien de net. Non, dit-elle, non plus que la Soldée ne peut -jamais faire de beurre net. - -QUINTILIEN. Je vous prie de nous expliquer votre dire. - -SAPHO. Par mes amours, je le veux: mais me direz-vous la vérité de ce -que je vous demanderai? - -QUINTILIEN. Oui. - -SAPHO. Si mon cul vous baisoit; le baiseriez-vous? - -QUINTILIEN. Passe outre. - -SAPHO. Quelle difference y a-t-il entre votre nez & le cul du chien? Le -cul du chien a le poil dehors, & votre nez dedans; ainsi différent -vérité & raison. Si votre nez étoit en mon cul de derriere, il seroit -vérité; mais ce ne seroit pas raison qu'il y demeurât. Or voilà comment -je leurre ces savans; que le dianche les puisse saupoudrer. Ils ont tout -leur engin en la cervelle. J'aimerois autant qu'un savant, qu'un pédant, -qu'un de ces doctes de lettres me fichât une cheville en l'oeil, que me -copuler amoureusement, tant leur consuétude est fade. Il n'est que bons -compagnons, qui savent la mignotise pour s'en ébattre; & non point se -faire payer pour cela, comme ces entendus, qui, à vrai dire, sont veaux -de double pelisse. Mais avant; & puis. Là, vous me voulez remettre; j'y -suis, bien que ce ne soit pas là, ains autre part, qu'il me démange. La -Soldée étoit une honnête beurriere de Bourgueil en chrétienté: (c'est -auprès de Touraine, & non en Touraine. Si cela fût avenu en ce pays là, -on n'en eût fait que rire, parce que les fous y croissent comme en votre -pays, monsieur le Lisart). Un jour devisant, son mari lui reprochoit sa -saleté. Vraiment, ma commere, tu ne saurois faire de beurre net, tant tu -es mal propre. Agà, si ferai; j'en ferai, & le ferai si net, que t'en -ferai manger; & le salerai pour ton carême, que je te ferai mieux faire, -que ne font les moines, qui mettent du sain doux en leurs choux en -carême, pour épargner le beurre par humilité, à cause des hérétiques de -Saumur. Or bien notre Soldée (qui étoit aussi propre que la femme de -Périclès, qui se torchoit le cul au bout de la nappe, & presque aussi -sotte que celle de Tite-Live, qui, voyant des béliers, demandoit ce que -c'étoit qui leur pendoit encre les cuisses: c'est leur couille, dit gros -Jean. Comme elle vit venir les brebis, & voyant leur pis enflé, elle -disoit: elles ont belles couilles, nos brebis. - -L'AUTRE. Ainsi Pindare, hier, dînant avec nous chez Mécénas, louoit fort -une bonne tétine de boeuf routie, & mise à la sauce douce. Mais -n'oubliez pas le beurre: c'est la douceur d'entre les jambes. - -MADAME. Vous êtes si sage, que vous êtes fou. - -L'AUTRE. Ho, ho, gardez-vous de prononcer, ainsi que fit Charlotte à -Blois; durant les états, que nous étions avec ce moine de Bourmoyen, qui -rioit tant avec trois nonnains. Le voyant ainsi rigolant, je dis tout -haut, ce moine est fort crêté & frétillard après ces nonnains. Voire, -dit Charlotte, il est fou trois fois la semaine. - -DENIS. Sec, frere Jean, il le feroit neuf fois, à chacune trois fois, -sans les autres; outre cela il aime bien besogne d'église faite. - -MICLEOT. Il n'en est pas toujours si ardent; il est feru, comme un chien -d'un bâton. Si on lui dit: allez à l'église. Qui y est? Ils y sont tous. -Ils sont donc assez. Une autre fois: qui y est? Il n'y a personne. Je -n'y ferois rien tout seul. - -HÉSIODE. Vous vous êtez trompé du lieu: cettui-là étoit de Mermoutier, -c'est-à-dire de _la mer des moûtiers_. - -DENIS. Non étoit. - -HÉSIODE. Si étoit. - -DENIS. Vous avez menti bien humblement. - -HÉSIODE. C'est vous, si je puis. - -DENIS. Mais bien vous, sans vous faire tort. - -HÉSIODE. Mais vous, sans péché, comme disoit mon compere Guillaume. Et -bien, mon ami tant gai, où est le temps que nous besongnions ces belles -garces, çà & là, sans offenser dieu? - -MADAME. Paix, paix. - -HÉSIODE. Bien je reviens, je le sais, je ne dis rien sans en être bien -informé, & tout de même que l'étoit _Hérode qui radote_: & par ma digne -conscience qui est aussi nette de mensonge, que d'ulcere le corps d'un -vérolé. - - - - -BÉNÉDICTION. - -IX. MADAME. N'oubliez pas le beurre, encore une fois. - -SAPHO. On dit que les femmes sont grandes parloires; mais vous l'avez -gagné à ce coup sur moi; & est venu à propos, parce que cela est cause -qu'encore aux carmes, à Paris, on crie: (_n'oubliez pas le beurre._) Or -donc Soldée, ayant reproché à sa femme qu'elle ne feroit jamais de -beurre net, parce qu'elle n'étoit pas si propre que mademoiselle de -Lausnai, (qui, pour aller au privé, prenoit son masque, sa devantiere & -tout son harnois à chevaucher, pour mieux serrer les poings, -c'est-à-dire, chier; d'autant qu'une femme, faisant du gros, serre les -poings; faisant du menu, elle les dilate. Mais, belles dames, ne soyez -dégoûtées de beurre, à cause de ce que je dirai; ainsi que le fut la -fille du président de notre ville, qui fut plus d'un an sans en manger, -parce qu'elle avoit oui beautems raconter; comme ayant couru plusieurs -postes, & étant à Moulins, il prit un parchemin, (C'étoit le contrat de -mariage de la dame de la poste) & le couvrit de beurre qu'il se posa au -cul, qu'il avoit tout effleuré sans croupiere. Ce beurre ne fut jamais -mangé: celui de Soldée fut fait avec beaucoup de propreté. Elle avoit -pris une chemise blanche, une gorgerette, un garderobe; bref elle étoit -en beau point, & si propre qu'un jeune coureur de fortune l'eût -volontiers encochée. Ainsi ajoppée & bien lavée, elle se mit environ son -beurre. Son mari tout émerveillé, considéroit cette grande aventure: & -déja espéroit que sa femme le feroit mentir, tant son cas étoit propre. -Le beurre étant prêt, mis en livres, demi-livres, quarterons, & n'y -restant plus que la petite façon dessus; (c'est que les biens-disans -disent _le verbe_, _le garbe_, ou comme vous voudrez.) Cette joliveté -s'y faisoit avec un petit bois taillé, qui étoit enveloppé dans un linge -net, & mis sur le badaut. Badaut est un engin qui tient au plancher; & -ainsi plusieurs badauts y a qui ainsi pendent vis-à-vis. La Soldée, -voulant prendre ce petit bois sur ce badaut, monta sur une selle à trois -pieds. Qu'au diantre soit celui qui fit la maison, où fut marié le pere -de l'évêque, lequel sacra le prêtre, qui maria la mere de celui qui -forgea la cognée dont fut coupé le bois où fut émanché le pic, dont on -releva la terre, pour planter l'arbre, duquel fut faite la premiere -selle à trois pieds. Comme cette pauvre femme, si propre, s'élança de -dessus sa sellette; voilà cette abominable selle qui va broncher, & ma -pauvrette: ayant une jambe en l'air, & autre assez près, qui coula avec -la selle, va faisant une petite ruine, sans se dépécer, & tomba si à -point, pour n'être pas offensée, que son cul donna en plate forme, & si -proportionnément dans sa gidelle sur son beurre, qu'elle le remit en -chaos, défaisant toutes ces figures distinctes; & le repaîtrit -malheureusement par la pesanteur de son fessier, qui, de la roideur du -coup, étampa l'impression de ses fesses si abondamment, que le beurre en -fit la vénérable remembrance en creux. - -RABELAIS. Vous avez vu des culs relevés; si vous en voulez voir de -creux, faites faire tel essai; il n'y a rien de si propre à mouler -fesses fermes, que beurre frais. Je l'ai appris des Ecossois -Insubériens, qui se délectent à la vue des fesses, parce que là est la -parfaite beauté qui ne se hâle point. Ho! dit maître Jérôme, vous m'avez -blessé; & là, le nez; je n'y joue plus. Achevez. - -SAPHO. La soldée bien étonnée, se résolut en sa disgrace; & pour réparer -son désastre, se mit à arracher de son cul à belles mains, le beurre qui -y étoit attaché. - -HYPOCRATE. Mais les chymiques disent qu'ils cherchent les esprits: & de -là il sembleroit que vous voulussiez conclure que les femmes ayant plus -de cul, eussent plus d'esprit que les hommes. - -CELSUS. Cela est vrai, & y paroît. Qu'ainsi ne soit; une fille de sept -ans pissera plus gros que ne fera un garçon de dix-neuf, comme étant -plus coupable, & partant ayant davantage de jugement. - -ORONCE. Vous ne mettez en avant que des redites. Que pensez-vous? Croyez -que plusieurs savent ce qui se fait ici. Qu'y ferez-vous, -puisqu'aussi-bien tout ce qui est dit ailleurs est pris d'ici, qui est -la source de toutes sciences? J'ai étudié plus de cinquante ans en ce -livre, tant je l'ai trouvé de savoir inépuisable. - -L'AUTRE. Boute, mon ami, boute; écris tout ce que nous disons; tu -transcris & nous récitons par coeur; & puis un bon oeuvre n'est jamais -prescrit. - -PRICIAN. Ceux qui disent: j'ai vu ceci ou cela autre part, sont des -chétifs averlans. Quand on mange d'un chapon, est-ce le chapon qu'il y a -plus de cent ans qui fut mangé & chié? - -QUELQU'UN. O que vous dites bien, sage vieillard, que vous avez un bel -âge. - -L'AUTRE. Ne vous déplaise; je vous dis que vingt-cinq ans est un plus -bel âge; & n'en déplaise à Caton, qui disoit tantôt qu'il étoit si bon -compagnon, qu'à l'âge de soixante ans il le faisoit encore deux fois. - -CATON. O! lourdaut mignon, mon ami; c'est une fois en été, & l'autre en -hiver. J'aimerois autant le vieil médecin qui me nommoit son fils, quand -il me voyoit, & je l'appellois _pater_, parce qu'ils sont relatifs: il -disoit qu'en son vieil âge il le faisoit mieux que jamais, d'autant -qu'il y étoit plus long-tems, & y prenoit beaucoup plus de peine; & -qu'aussi son instrument étoit plus fort que sa jeunesse, parce que jadis -il se bandoit seul; & maintenant, encore qu'ils fussent deux, si n'en -pouvoient-ils venir presque à bout. - -CETTUI-CI. Tandis que nous tenons ce médecin, je veux dire comme il me -gaussa l'année que je me fis chanoine; sur quoi vous pourrez apprendre -pour votre usage, un des plus exquis secrets de ce monde, nature étant -restituée; ce fut en la présence d'un médecin & d'un financier. Il me -dit donc: il y avoit un badin (_notate verba, & colligite signa_; ainsi -disons-nous, nous autres Latins) qui ayant fait une grande remontrance à -son fils, sur ce qu'il devoit devenir, lui proposa l'infidélité des -marchands, la déloyauté des gens de justice, les impostures des -médecins, toutes les voleries des financiers, la tromperie des artisans, -la perfidie des précepteurs, touchant au vif ceux qui, de toutes ces -sortes, ne sont pas gens de bien. Puis après, il lui demanda quelle -condition il vouloit suivre? Le fils ayant justement pensé, lui dit: mon -pere, je ne veux aucun de ces états que vous avez dit; je desirerois -être de la vacation de ceux qui portent des peaux de veau sur le bras -gauche. A cela je réponds: grand merci, monsieur; hachez menu, la chair -est dure; touchez-le doucement, je hais la peau délicate, ne le sanglez -pas si fort, qu'il ne pette. A cela il me tend la main (or avoit-il -femme jeune & belle encore;) j'avance main; & prenant la sienne, je lui -dis bien humblement: voici la main de celui qui, dieu merci, a besongné -mademoiselle votre femme, ou n'a tenu qu'à lui. Je parlois de la sienne; -& il ne l'entendoit pas. Et dà, pourquoi est-ce que nous portons -l'aumuce? c'est-à-dire, cette peau sur le bras. (Cette peau de veau, à -propos de vous, qui disiez tantôt... Or là, dites. Le bon homme étoit -tout pensif de ce que je lui avois dit, aussi-bien que mon procureur, -qui a belle jeune femme, auquel parlant des femmes, je lui dis: par mon -serment, cousin, j'ai besongné votre femme aussi-bien que vous. Il est -vrai, peuple ententif, parce que je ne le besongne jamais, ni elle -aussi: je les avois donc besongné l'un comme l'autre.) Alors je dis à -mon médecin: il faut que je vous le déclare, pour vous ôter de songerie; -c'est signe que nous ne mourrons pas en la peau de veau comme vous -autres. - -PROPERCE. Que ne savois-je ces belles réponses, & ces doctrines! Je suis -fort déplaisant, & meurs de regret, que je n'attendis à écrire, pour -être le secrétaire de ce simpose, qui m'eût plus apporté de réputation, -que n'en auront tous les écrivains, toutes les écritures & tous les -écrits ensemble. Or c'est tout un; j'ai la copie des discours, tant -verbaux que couchés par écrit, comme disoit notre avocat: je me tiens à -mes demandes faites par requêtes verbales, desquelles la copie est en -mon sac. Et voilà comment je me tiens aussi à ces futures sentences qui -sont ja écrites. En outre, je prévois pour tout que ce banquet sera le -grand, unique & universel sur tous autres, & monarque des simposes -oecuméniques. - -ZOROASTES. Je suis tout ému d'esprit prophétique, & connois devant & -derriere qu'ici se résoudront toutes les questions du monde; ainsi qu'il -est ordinaire, que sans le boire & le manger, on prend, on a pris & -prendra occasion d'enseigner cela qui est tout parfait; & comme la -vérité & la vanité, l'excellence & la sottise s'affrontent, l'un & -l'autre se pratiqueront en ce lieu; & on verra souvent la gloire -proposer à son client l'honneur du premier lieu à la mangeoire, comme -aux privés publics, on s'entre-fait place honorable pour fianter -glorieusement; & même à Genève l'assiette, pour poser le fondement, est -aussi nette que le tranchoir sur lequel vous mangez. - - - - -TEXTE. - - -X. Comme j'étions ententifs: & qui sommes nous? Je sommes ce que je -sommes; je jouons. Et que jouons je? Je jouons ce que j'ons. Et -qu'ons-je? J'ons ce que j'ons. Ons-je en jeu. Si je n'y ons, j'y fons. -Foin, ces Parisiens-ci me troublent. Paix, ou que la merde vous puisse -baiser. - -GUALTER. A propos, si vous étiez en prison environné d'étrons, -qu'aimeriez-vous mieux, ou en sortir par amitié, ou par force? Par -amitié; il faudroit donc les baiser les uns après les autres. Par force; -il faudroit donc leur donner à chacun un coup de dent. Et vous, -taisez-vous, que j'acheve; & que nous prenions garde à tant de parfaites -doctrines. Quelques-uns de la compagnie, pour faire une pause -récréative, se donnerent le petit mot du guet. C'étoit la fleur des plus -sages, qui firent un complot de gaieté, pour faire rire la compagnie; & -allerent en une autre chambre, inventer une comédie à l'Italienne. Je -vous dirai qui furent ceux-là, à la charge que, si vous le dites, & -qu'il m'en soit fait quelque reproche, le diable vous emporte. C'étoient -Socrates, Plutarque, Rabelais, Gaguin, Luther, Ronsart, Pindare, Marot, -& quelques autres de même farine & pareils brans, & assez sages & fous -pour contenter le monde. - -LUCIEN. Quelle différence mettez-vous entre farine & bran, vu que la -plupart de ceux-ci sont, comme dit l'autre, tournés en farine de diable? - -L'AUTRE. Vous ne changerez jamais, encore que notre bon ami Pithagoras -vous ait fait passer par son alambic; si est-ce que vous êtes toujours -de même; & je crois que c'est vous qui en êtes la vraie farine de -diable, d'autant que Dieu vous fit bon comme farine, & vous êtes méchant -comme bran. Et afin que vous le sachiez, je vous dirai d'où vient ce -dictaire; je me dépêcherai, afin que le bon homme ait son sac. Il y -avoit un pauvre petit paysan, qui avoit quantité d'enfans, & n'avoit -point de pain pour leur donner, pour lors que la famine pressoit. Une -nuit s'étant endormi de tristesse, il songea qu'il trouva le diable qui -le consola, & lui dit que, s'il vouloit, il lui donneroit de quoi -bailler à dîner à son menu peuple, & là-dessus le mena en une forêt -obscure où il lui montra de grands sacs pleins de farine. Le paysan -ébahi & aise, dit: mais comment trouverai je ce lieu, si j'en pars? Le -diable lui dit: eh! chie auprès, pour le remarquer. Le triste pauvre -homme s'efforça, & fianta dans le lit, plus que six ladres constipés ne -feroient par un clystere enforcé de quadruple dose de fine bénédicte. A -son réveil, il trouva le bran, en quoi s'étoit réduite toute cette -diabolique farine. - -LUCIEN. Mais encore, puisque vous y êtes, déclarez-nous un peu d'où -vient ce bon mot, _afin que le bon homme ait son sac_. - -GUEVARRE. Cela avint en Anjou, en un bois qui est près de la -Rochefouque. Un gentilhomme avoit fort recherché une demoiselle du pays, -sienne voisine, qui ne l'osa accommoder de son ustensile, parce que la -commodité ne s'y offroit pas, & que possible, lorsqu'il le vouloit, il y -en avoit quelqu'autre (& notez, qu'il n'y a que ces deux raisons, avec -celle qui a été dite tantôt, qui empêchent les femmes de prêter leur -gnomon.) Un matin cette demoiselle, ayant affaire en une sienne métairie -(possible alloit-elle voir un de ses amis) passant à travers ce bois, -fut rencontrée du gentilhomme, qui alloit giboyer & n'avoit en main que -son arquebuse. Le gentilhomme prit la rencontre, & dit à celle-ci: -vraiment, il y a assez long-temps que vous m'attermoyez. Je vous prie -que ce soit à cette heure; il y a toute occasion à propos. Hélas! lui -dit-elle, que pensez-vous faire? Attendez à une autre fois. A cette-ci, -& à une autre, tout sera bon. Mais quoi! je suis en manteau; je me -salirai toute. Ce gentilhomme, levant la tête, vit un pied-gris passant -auprès d'eux, lequel avoit un sac. Il le prit, & lui dit: compere, -attendez-moi. Ayant ce sac, il le lui montra. Et bien, dit-il, voilà -pour mettre sous vous. Elle, se voyant pressée, & qu'il falloit passer -par-là, en dépit qu'elle le vouloit bien, lui dit: là donc, dépêchez, -afin que le bon homme ait son sac. Achevez, je vous prie. Socrates, -comme le plus fou (ainsi disent ceux qui passent une porte: _je passerai -le premier comme le plus fou_; _ergò_, les autres fous en leur présence, -à leur nez, & sans contredit. Mon sot de valet ne fut pas si sot. Un -soir qu'il falloit porter la chandelle, pour éclairer aux gens d'honneur -qui sortoient, il ne vouloit jamais passer devant, disant que l'honneur -ne lui en appartenoit pas. Cette petite bande entra de même, & le sire -Socrates marchant en gravité posée, comme monsieur le chantre de Paris -aux bonnes & nobles fêtes, ayant toussé, & s'étant monocordisé sur son -geste, préparé en pompe minoise, après avoir remué sa trogne -scientifique, ainsi que voulant annoncer quelque grande chose avec un -accent admirable, va dire: hem, hem, hem. JE SUIS. Et ainsi qu'il -faisoit une trop grande pose présidentale, pour exciter à émotion -audienciere, la reine d'Egypte, qui vraiment y étoit par honneur, se -fâchant d'attendre si long-temps, ajouta à son propos, UN SOT. Tout le -monde, jusques aux anges & aux serpens, sans les pierres et les cailloux -qui en creverent, se mit à rire si fort, que la mule du Curé de Saint -Eustache en foira de si pure joie, que la vie lui en faillit par le -fondement. Ainsi la farce fut gâtée & tout le cidre répandu, & la -gentillesse remise à une autre fois; & chacun fit comme aux nôces. - -ARNOB. Vraiment, Socrates mon ami, tu devois bien y aller. Et que -diable! tu es fat, de te faire moquer de toi, sous ombre de l'opinion -que tu as d'être savant & sage, plein de doctrine comme la gibeciere -d'un hermite frais tondu. Voilà ce que c'est, tu es présomptueux; parce -que tu n'as fait toute ta vie que chanter aux latrines avec les -couillaux. - -BARLET. Parlez net. - -ARNOB. Je pensois dire _lettrain_ avec les choriaux, ma langue a suivi -l'usage commun. Ne savez-vous pas qu'il y a des églises, où les -chanoines ont des vicaires qui font pour eux, & sont dits choriaux? -Mais, parce que ce nom est rude, les filles ont inventé de dire -couillaux; comme celle qui disoit qu'elle ne vouloit pas que l'on -tournât son nom, de peur que l'on n'y trouvât quelque couillonnerie: -elle vouloit dire quelque coyonnerie. C'est tout un, la douceur en -vient. - - - - -SINODE. - - -XI. Par la vertu de l'herbe de la Saint-Jean, penses-tu qu'il te sied -bien de faire le fou? Ces grands sages n'ont point d'esprit à boufonner; -ils ont l'échine trop plate, le col trop roide & la cuisse trop avalée, -& s'ils s'en veulent mêler, cela avient, comme une huiliere à coëffer -une reine, tellement qu'ils trébuchent si roide, qu'ils paroissent fous -de haute alkimie, & au-delà. Tandis que César écoutoit ceci, son -laquais, qui depuis fut roi d'Espagne, étoit derriere lui, pour avoir de -la chair. Etant importuné, il se retourna, & lui dit: cap de biou, mon -laquais, je vous donnerai mornifle: & tout sert. Si tu veux de la chair, -prens-toi au fesses. - -BOECE. Il a mis cela en effet, & est cause qu'il y a tant de dames -bossues, d'autant qu'il savoit en plusieurs lieux que celles qu'il -attraperoit, il les happeroit aux fesses; comme étant les plus -savoureuses & mieux faisandées, joint qu'il étoit assez aisé parce -qu'alors les dames n'avoient point de culotte. Il est vrai, (oui; je ne -dis point comme les autres fois, quand je mentois par oüi dire. Je l'ai -vu): c'est que pour crainte que cela n'avînt, plusieurs ont fait faire -des calleçons, ou brides à fesses, afin de se garantir; & les autres, -qui n'avoient pas cette industrie, pour sauver leur cul, craignant la -dent laquaïsme, ont mis la chair de leurs fesses sur leurs épaules. Cela -est donc cause des bossues. Vraiment, si elles engendroient leurs -semblables, bientôt le monde seroit bossu. Fi, fi; il ne le faut faire -qu'aux belles; la bosse leur sert de grace: & puis tous choses sont -choses. Sec, gardez-vous de cheoir, madame Safy, il y a un grand trou -devant vous; si vous mettez le pied dedans, vous vous gâterez. - -MADAME. En dà, si vous aviez le nez dedans, & deux autres de même autour -des deux yeux, vous auriez une belle paire des lunettes. - -BOECE. Taisez-vous; vous êtes belle. Que sera cela? Les belles se font -prier, & les laides prient; chacun fait ce qu'il peut pour vivre. -Pourquoi faire des lunettes? - -CÉSAR. Pour mieux voir. - -BOECE. De quoi voit-on le plus? - -CÉSAR. Des yeux. - -BOECE. Si votre nez étoit en mon cul, vous ne verriez que des fesses. - -LE BON HOMME. Que voici de sentences accomplies! Que vous êtes heureux, -vous qui les savourez, tandis que ceux-là boivent sans nous ouir; & je -gage que; vous auriez beau dire, ils ne l'entendroient pas, d'autant que -ceux qui oient en beuvant, tiennent de la ladrerie, comme le tient & -afferme Janotin, maître apothicaire, du métier dont il se mêle. - -SOCRATES. En dà, vous avez mieux dit qu'un four, & n'avez pas la goule -si grande. Pourquoi fait-on des fours? - -ELPHIS. C'est pour cuire du pain. - -SOCRATES. Voire, le niais! C'est pour cuire. - -ELPHIS. Va te promener; & me dis la raison, qui fait que l'on boit les -uns aux autres? - -SOCRATES. C'est parce que celui qui boit perd la parole, & devant qu'il -lui avienne mal, prie que l'on l'assiste s'il lui survenoit danger; -tandis qu'il est ainsi entre la vie & la mort, comme une ame qui sort de -purgatoire, ou qui pense y aller. Je ne m'y connois encore guère; je -suis à pardonner, parce que ce pauvre homme possible est prêt à se -noyer. - -L'AUTRE. O vous trois fois pleins de béatitude, qui, accomplissant votre -félicité, venez lire, étudier & méditer ici nuit & jour, pour trouver la -pierre philosophale, que j'ai cachée en ces traits plus finement, -occultement, clairement, & patepeluement, que ne firent oncques Gebert, -Théophraste, Lulle, ou autres affineurs; mais de meilleure grace, & de -front plus minon, pour la rendre plus aisée à trouver, & divertir les -beaux esprits qui consument trop de temps au feu; & les inciter plus -gaîment à poinçonner leurs intellects, qui, pleins de concupiscence -célestes, s'agitent après ces fideles commentaires. Et encore, -messieurs, un mot en passant. Là, croyez-vous, dites, que toutes ces -bonnes gens fussent ici, & que ceux du temps à venir y étoient? Nous -avons celé les noms de quelques-uns, de peur qu'ils fussent reconnus, & -que plusieurs allassent au-devant, quand ils viendroient, pour leur ôter -leur argent, comme font les gentilshommes, en tems de paix. Or je vous -avertis que j'en dirai un; voire sans rien nommer, c'est que, d'ici à -plusieurs jours, l'empereur entendra le midi; il sera fils d'onze -heures; il mettra le midi à une heure, comme à Bâle en sottise (je -cuidois dire _en Souisse_) Pardon, Souissercons; je vous tiens pour gens -de bien, deussai-je mentir. Le petit diable de la nouvelle étoile vous -puisse chatouiller, pour vous faire rire. Et dà, vous en grincez déja -les dents. En ce tems si tranquille de cette benoîte aventure impériale, -personne ne fondra dispute ni secte, que pour se réjouir sur -l'intelligence de ces mémoires, qui seront divisés en dix-sept parties, -à l'honneur des dix-sept Provinces philosophiques; & on les reverra avec -une attention. Même il y aura devant ou après un beau joyeux petit -prélat de Basse-Bretagne, qui traduira ce code en toutes langues, depuis -celle de boeuf, jusques à celle de carpe pour le carême, & mettra par -rôles les colomnes de cet original, de peur des fausses positions, afin -de secourir les enfans de la science, & y fera-t-on des commentaires, -comme sur une pannerée d'air, une aulne de tems, une poignée d'ombre, & -une coudée de vessi, bon, chaud & humide, frayant comme un limaçon sans -coque. Mais quelque difficile galopin de piéfayés me viendra faire ici -une distinction, (je parle ici des hérétiques comme de chiens, parce que -les gens de bien rient toujours comme à eux tous seuls, auxquels la joie -appartenant & prenant en bonne part, louent l'intention telle que je -l'ai, qui est de profiter comme une poule égarée au renard) & pensera, -ce clabaut, me montrer quelque faute ou erreur, d'autant qu'il ne -l'entend pas; ou bien il est une bête, parquoi se faut taire, de peur de -honte: si on oit ou voit quelque gentillesse, il ne la faut point juger; -mais en rire & l'admirer, comme les Italiens & Espagnols qui font la -finesse. Or, que ce mignon ne me fâche point. Que s'il le fait, cordié, -morgoi, sandé, &c. Je sais bien que je rapporte tout à propos; & ainsi -que je lui dirai qu'il est un sot, par maniere de dire; & moi, pauvre -pifre, me prens-tu pour un apprivoiseur de mouches? Que l'aze te puisse -saillir en place. C'est une belle chose de savoir tout! C'est que notre -langue françoise est la plus ample de toutes. _Sic probo._ Elle a le -plus de termes, pour remarquer la copulation, qui est cause que tout est -produit. _Ergò_, elle est la plus produisante. - -BARRELETTE. Voilà dit cela; & si vous êtes si pauvre de ne l'entendre -pas, je vous le ferai entendre. - - - - -TOME. - - -XII. Entendez donc que les bêtes chevalines saillent, les ânes -baudouinent, les chiens couvrent, les pourceaux souillent, les chevres -forboucsient, les taureaux vétillent, les beliers empreignent les -brebis, les cerfs rutent, les poissons fraient, les cocqs cochent, les -chats margaudent. Cherchez les autres; j'ai hâte. Mais que font les -hommes avec les femmes? Ils font. Quoi font? Cela: proprement, c'est le -faire. Je dirois bien comme disoit hier madame, qui se promenant en -l'isle sauta un fossé, & je lui aidai, & sa coeffure demeura: vraiment, -dit-elle, se remontant de tête; j'ai perdu je ne sais quoi; je laisse -tomber ma coifoutre, c'est-à-dire, ma _coeffe, outre_ ce fossé. Encore -n'est-ce pas tout; j'en hais ce fat qui vient blâmer notre entreprise, & -me dit: vere; Socrates n'a pu y être avec vous où l'on boit & mange, -puisqu'il est mort. Va, prophete de Mahon; il y a long-temps que tu -aurois le cul écorché, si les veaux portoient croupieres. Ne sais-tu pas -bien qu'il y a provision pour tous? Les chairs des bêtes sont pour ceux -qui ont corps & ames; & si les bons trépassés nous sont venus voir; ne -seront-ils point fêtoyés? Tu admets les banquets des dieux; tu y fais -des songes creux, & les admire: & nous ici, riant de ta sotise, nous -avons recouvré de ces cuisinieres du temps passé; qui savent apprêter -cette viande nommée PHEROS, mangeaille de dieux, & béchées de déesses, -qui se fait de divers apprêts & parties des ames de bêtes assommées, -lesquelles par ce moyen sont consommées. Sachez que ces douillettes ames -toutes chaudes, sont fort délicates, & étant assaisonnées de fumées & -quintessence de nos sauces à l'ombre de votre feu, à l'odeur de vos -épices, aux vapeurs de votre rôti, & de toutes les délices du monde, -faisant bonne chere, elles sont confites en goût trop délectable. Voire, -oserois-tu point dire que; sitôt que l'animal est jugulé, c'est pour te -faire plaisir & t'apprendre; (comme disoit la vieille à Jean Hardi. Ce -compagnon étoit un de nos closiers, qui avoit une belle jeune femme. Il -avoit aussi une vieille servante: tous trois n'avoient qu'un lit. Une -fois, que sa femme s'étoit levée pour aller pisser, cettui-ci, ne s'en -étant apperçu, & désirant évacuer nature ritillante, se jetta sur la -vieille, pensant que ce fût sa femme. Comme il s'en fut avisé, il cuida -s'ôter. La vieille lui dit: ne bougez, ne bougez: ce n'est pas pour bien -que vous me fassiez, ce n'est que pour vous _apprendre_.) Si vous en -parlez davantage, vous gâterez tout; vous rendrez honnie toute la -doctrine des colléges; & n'y aura plus de plaisir de s'étudier après les -fadaises de la science des poëtes anciens. Si vous déclarez ainsi le -secret des esprits, vous troublerez l'apothéose, (je voulois dire: _vous -découvrirez le pot aux roses_.) Pensez-vous que ce soit bien fait? Je ne -dirai pas tout: non, je ne veux que reprendre ceux qui pensent que -l'animal, étant comme mort, le soit; & pour l'amour de vous, je ne vous -ferai qu'une démonstration. L'ame du brochet ne s'en ira jamais, que le -brochet ne soit cuit, d'autant qu'elle veut être mangée plus -cordialement par quelques beaux esprits. Qu'ainsi ne soit; ne voyez-vous -pas ès cuisines des grands, que l'on en met le coeur sur le bout de la -table, pour voir si le corps sera cuit? Certes ce coeur remuera, tant -que la cuisson soit parfaite. Je me retiens par le bon, vraiment; & je -fais bien, parce que je dirois choses & autres, au préjudice des bons -garçons, qui n'ont conscience qu'en apparence, & cependant cuident que, -tandis qu'ils sont dispos, ils accommodent à coeur gai ces fillettes, -depuis que l'on en a fait conscience, & que ces hérétiques ont parlé de -réformer, comme ceux de Geneve qui veulent que ceux, qui vont demeurer -en leur ville, aient lettre d'habitation authentiquée; & toutefois ils -ne veulent pas qu'on habite. Nous n'avons point eu de bien, depuis que -les talons des souliers ont été aculés, & les andouilles ont pué la -merde. (En tout honneur, il est aussi aisé que de dire, jeu sans -vilénie, quand on dit _feutre à fourche_, & _fourche à feutre_.) Et les -secrets ayant été ainsi étalés devant le monde, les gentillesses sont -allés au bourdel, & les excellences se sont changées en vétilles. Et -voilà que c'est de parler devant le monde; par quoi je ne veux plus rien -dire de rare: d'autant que, si je continuois, je dirois tant de choses, -que, force de les étudier, le monde deviendroit fou comme vous. - -CASSIODORE. C'est ce que je vous disois; il est vrai que, quelque peine -que j'aie prise à mettre tout d'accord, en tirant le bon bout de mon -côté, & que, prostituant ainsi les sciences, on a parlé des doctrines en -la présence intelligible des femmes, on n'a vu que des hérésies, & les -hémorroïdes en sont chutes au fondement, & les barbes ont été pirement -faites que ci-devant. Et y regardez; vous ne verrez plus de barbes bien -faites, parce que l'on n'y entend plus rien. De mon jeune temps, on -alloit gaiement & sans artifice chez l'émouleur; & on avoit la barbe -faite en deux coups, mettant une joue sur la meule, & puis l'autre, -après cela faisoit frac, rest, zest; une barbe étoit faite toute prête. - -XILANDER. Vraiement, vous êtes un beau danseur! C'étoient de belles -barbes! Elles étoient faites en queues d'hirondes, & les cheveux comme -l'écuelle d'un ladre. Laissons-là les laïques, auxquels je ne me plais -point. Je vous dirai bien que, de mon temps, les gens d'église avoient -la barbe rase; & je vous dirai une remarque: c'est que, quand le pape a -la barbe grande, les prêtres la veulent avoir de même; s'il a le menton -ras, les prêtres le veulent aussi; parce que chacun prétend au papal. -Ainsi donc les sages portoient leurs barbes; les ras n'avoient garde de -les porter, puisque le menton étoit ras; la barbe ôtée étoit demeurée -chez le barbier. A cela fut pris Hauteroue, chanoine de S. Martin de -Tours. (Il faut tout dire, de peur des garces qui nous écoutent, parce -que la fréquence de toutes femelles y abondoit jadis, avant notre -réformation, ainsi qu'aux autres lieux.) Il y songeoit; & le fit -paroître, un matin que l'on le vit barboyé; & un autre chanoine le -voyant, lui dit: monsieur, vous avez aujourd'hui donné de l'eau bénite à -la barbe ôtée. Lui, comme _reus_, va dire: _per meam_, je ne la connois -point. A cela, je jugeai de l'innocence de tous les autres, qui se -passent de garces, comme un bon procureur d'écritoire. - -L'AUTRE. J'en prends à témoin mon compere Livet, procureur au châtelet -de Paris, qui ne laissoit jamais son écritoire. Il avint, par -malencontre de bas avis, que madame sa femme, voyant un gai, gaillard & -jeune maure, eut envie d'en être couverte. Elle le fit entrer; &, pour -remédier à un mal d'estomac qu'elle avoit, elle le fit coucher sur elle. -Ce qu'elle en faisoit, étoit qu'elle considéroit que sa peau, vu sa -nation, seroit plus chaude que celle d'un François. Le jeune homme ayant -été là assez long-tems, fut remercié & salarié de son bon office, où il -n'y avoit point de mal, vu que cela tendoit à la santé. Mais que c'est -des impressions! Il lui avint que son mari venant à la copuler, elle qui -se souvint du maure, en engendra un; ce qui parut, quand elle accoucha. -Sa commere voyant à son enfantement, cette aventure si noire, l'en -avisa; & la pauvrette lui dit sa friande imagination; à quoi la bonne -commere & amie pourvut, & s'en alla au châtelet faire appeller Livet, -qui venu lui dit: hé bien, ma mie, qu'avons-nous? Un beau fils, lui -dit-elle; mais je vous prie, dites-moi en conscience, mon compere, -n'avez-vous jamais accolé ma commere, que vous eussiez votre écritoire à -votre côté? O que si ai, plus de trente fois. Vraiment, vous avez bien -besongné! Je m'en doutois bien; voilà, il est chut de l'encre dedans, si -que vous avez fait un enfant noir comme un maure. - -TIBERE. Que vous avez belle envie d'échapper. - - - - -ALLÉGATION. - - -XIII. Or çà, belles entendoires, qui tous avez hâte pour amasser des -argumens cornus, & changer vos thêmes; pourquoi est-ce que les gens -d'église ont en plusieurs lieux, comme jadis, le menton ras? - -CASSIODORE. Foin sans blasphémer. - -TIBERE. Je ne veux plus nommer personne; venez voir qui y sera: c'est -trop se déclarer. Qui sont les gens d'église? - -XILANDER. Hé dà, ce sont les prêtres. - -TIBERE. Ne vous déplaise, par la gorge, ce sont les images qui y sont -jour & nuit, qui jeûnent sans cesse, comme y étant idoines. Toujours ils -ne font point ce qu'il ne faut point faire; ils s'abstiennent & sont -tels que doivent être vrais gens d'église. - -SOCRATES. _Distinguo_, s'il vous plaît: votre mule pisse: elle se -morfondra par le fondement. Telles gens d'église sont toujours en un -état comme les rois du palais, y habitant sempiternellement de -sempiternité lapidaire; mais ceux dont vous parlez, ne sont gens -d'église que par adoption. J'entends parler des corps animés, qui vont & -viennent à l'église pour la servir, qui sont hommes vifs; & toutefois -qui sont intellectement comme nous sommes, vivans de la vie du monde, -bien qu'ils soient boivans & mangeans, & chians & pissans; lesquels -toutefois sont hommes sains & mortifiés, & de saison; lesquels pour -n'être affectés en apparence publique, sont dits morts par excellence, -vu la mine. Et de fait, on les nomme morts, pour autant que l'outil qui -perpétue la vie, leur est bouclé par la vertu de certaines paroles -conférantes ordre supernaturel; & ainsi l'usage naturel leur est -interdit par voeu. Ils s'en rasoient le menton, afin que le regret -qu'ils ont de n'oser ni vouloir fréquenter la douceur du monde ne parût -aucunement, joint qu'ils doivent être joyeux, (_venite exultemus_) & que -leur état est une joie perpétuelle, laquelle il faut faire paroître, -encore qu'elle ne fût pas. C'est la cause pour laquelle ils se font -raser le menton, parce qu'il semble qu'un homme, ainsi réparé du minois, -rie toujours. Et y prenez garde; & s'il n'est vrai, que de quinze jours -ne puissiez-vous aller à vos affaires. De-là est venu & procédé ce canon -du concile de Quarante: le prêtre fera sa barbe en couene de lard, afin -qu'il paroisse toujours riant, friant, fringant, _donec, &c_. - -CATON. C'est pourquoi le bon homme Hugonis étoit toujours joyeux. - -ALBERT LE GRAND. Voire, ce moine l'étoit vraiment; & de fait, il étoit -gros & gras, comme un mâtin qui tete deux fesses, il étoit ample autant -que le cul d'un ministre qui accouche en liberté. Une fois qu'il passoit -près de S. Avoye une belle demoiselle le voyant, dit à une autre par -admiration: que voilà un moine qui est gros! Il l'ouit, d'autant que, -ses membres étant proportionnés, il avoit belles oreilles, & lui -répondit: mademoiselle, il y a long-temps que je fusse accouché, si -j'eusse trouvé une sage-femme. - -L'AUTRE. Pourquoi est-ce qu'on appelle _sages-femmes_ celles qui -reçoivent les enfans, & ont le gouvernement des pays-has. - -HÉLIODORE. C'est parce qu'elles voient de grands cas. Je me souviens que -j'étois encore bien vieil, la cour de parlement étant à Tours, que de -bons garçons firent une galantise à une sage-femme. Ils mirent un gars, -en guise de femme prête d'accoucher, dans un lit; & firent venir une -sage-femme, qui, mettant la main dessous les draps, & trouvant son -braquemart, dit tout haut: courage, l'enfant viendra bientôt; j'en tiens -le bras. Elle le vouloit remettre, sans qu'elle reconnût ce que c'étoit: -or devinez. (Un jour je pissois contre une muraille; & une belle dame me -regardoit; je lui dis: devinez ce que je tiens, & vous l'aurez.) - -CATON. Encore faut-il que je me souvienne de ce bon homme Hugonis, qui a -été mon maître, d'autant que les huguenots faisoient bruit par la -France. Que le diantre y avise, puisque les autres n'en veulent rien -faire; bran, cela m'est échappé. En ce temps-là que j'étois si fort -étudiant, ce mien maître hantoit ce bon prince catholique, le pere de -cette pauvre dévoyée, qui a tant fait disputer. Il avint un jour, que le -basque étant à la porte de notre prince, Hugonis vint heurter; je le -suivois. Comme on eut demandé: qui est-ce? Je dis; c'est notre maître -Hugonis. Le basque va dire à monsieur: c'est maître Conin, qui est -là-bas, qui veut parler à vous. Quoi! dit monsieur, ce pipeur? Va lui -dire qu'il aille autre part faire ses tours de passe-passe. Un jour -durant, il fut estimé hérétique; mais cela passa, par une prédication -que j'en fis tout chaudement, tellement que ceux qui cuidoient que -monseigneur sentît mal de la foi, furent résolus; & le tout se tourna en -risée domestique. - -ERASME. Cela me fait souvenir de ce que me dit frere Lucas. - -CATON. Quoi! qui? frere Lucas qui avoit mal au chose, & on le lui coupa, -si que, le cas lui étant ôté, il n'est plus que frere Lu? - -ERASME. Non, ce n'est pas cela; je parle bien d'un docteur: c'est de -celui qui, à ma réception, me prit par la main, & me dit: mon frere, mon -ami, _doctissime baccalaure_, j'ai une parole de très-grande conséquence -à vous dire: c'est que vous sentez mal de l'hérésie. - -CATON. Que lui répondites-vous? - -ERASME. Je me mis en colere; & lui dis que mon âne étoit plus sage que -lui. Il me fit appeller; & je lui prouvai mon dire: parce que mon âne -venoit bien de la riviere tout seul ayant bu; & lui, il le falloit -rapporter de la taverne, quand il avoit trinqué. Je gagnai mon procès, -faisant quinaut le juge, en lui demandant: pourquoi est-ce que mon âne -va à pied? Il ne le sut dire; & je lui ai enseigné, disant: c'est parce -qu'il n'a point de cheval comme vous, monsieur le Juge. Il se -trémoussoit comme une pie en gésine, & me dit: regardez à qui vous -parlez; je suis gentilhomme. Il me remâcha cette parole, étant descendu -du siége: & alors ne le craignant plus, je lui dis: vraiment vere, si -tous les gentilshommes du monde avoient les jambes cassées, vous ne -lairiez pas de courir. Mais je suis gentilhomme; oui, je veux bien que -vous le sachiez. Si j'avois pour un liard de telle noblesse dans le -ventre, je prendrois pour cinquante écus de rhubarbe, pour la chasser. -Le Juge dit: si je remonte en mon siége, je vous ferai affront. Vous me -feriez comme le Juge de la Fleche, qui condamna un homme à être pendu & -étranglé, sauf son recours contre qui il verroit bon être. Aian, -répondit-il, encore un coup, ne me fâchez pas. Bien, lui dis-je, pour -vous appaiser, je vous veux apprendre un secret. Pourquoi est-ce que les -femmes pissent, quand elles en ont envie? Vous voilà à pied des raisons, -le cul aussi près de terre qu'un pâtissier qui n'a que faire. C'est -parce qu'un autre ne sauroit pisser pour elle. Et moi je chierois bien -pour vous. - -CATON. Fi, fi, cela se sentiroit mieux & plutôt que l'hérésie. - -SOCRATES. Comment la sent-on? - -ERASME. Il faut mettre le nez au cul de l'hérétique, & en retenir le -goût & l'odeur; puis aller sentir au cul des bons Docteurs & Cordeliers, -pour voir s'ils sentiront de même. Mais n'allez pas sentir au cul des -minimes; je pense qu'ils flairent horriblement le clystere, à cause que -leur cul est une sentine d'huile perpétuelle. - -NÉRON. Comme vous parlez impudemment! Il semble qu'il n'y a ici qu'à se -détraver en sales paroles, & que toute honnêteté & vergongne soit -perdue. - -DIOGENES. Tout est permis ici; nous sommes pair à compagnon: on doit -faire & dire ici tout ce qu'on peut & pense. - -ALEXANDRE. Vous y perdriez, pauvre homme, parce que, si tout étoit -permis, je vous battrois bien à cette heure, pour me venger de -l'affront, que, l'année qui vient, vous me fîtes en Grece. - -DANEAU. Est-ce en _graisse_ dure ou fondante, de quoi vous parlez? -Certes je suis en suspens, quand j'en oi parler, à cause des gréges qui -engraissent les personnes pour les faire mourir, & les autres les -engraissent pour les faire vivre. - -ROBERT ETIENNE. Je ne m'en soucie pas: je voudrois avoir trouvé un bon -moyen de m'engraisser; je me porterois bien. En dà, je suis aussi maigre -que le vendredi oré, & aussi défait que la semaine peneuse; & dà, je -suis aussi maigre qu'un millier de clous. - -JOLIVET. Il faut donc que vous alliez en un pays que j'ai fréquenté, que -vous appreniez ce que les gens de-là font, pour s'engraisser. Vraiment -ils sont-là toujours gras & en bon point, comme de beaux petits moines -de bonne étoffe. Les moines sont gras comme de belles vaches portantes; -mais les vaches ayant vellé, elles deviennent maigres, & les bons moines -qui n'ont point vellé, sont toujours gras. Je parle aux doctes sorets, -harengs sorets & massorets. - - - - -AVIS. - - -XIV. En ce pays que je vous dis, tout y est gras; même aussi les jours -maigres y sont graissés: & je vous dirai une belle invention, que m'ont -apprise ceux qui font exercice. Ces bonnes gens prennent les jours -maigres dès la veille, & les châtrent, puis les mettent en mue. Je ne -fus jamais si étonné, que quand j'y vis monsieur de carême en une grande -mue, où trois vieilles croupieres l'appâtoient des pâtons de blanc de -chapons. Vraiment il n'étoit plus, comme je l'avois vu autrefois à Rome; -il étoit gras & refait comme le chien d'un vielleux; il étoit si -engraissé, que la graisse lui sortoit par les yeux, comme les puces -sautent dans un four qui sue de froid. - -DIOGENES. Vous parlez de suer; & en quel temps est-ce que les vis suent? - -CESAR. Fi, fi, vous êtes salaud. - -MADAME. Oui, je l'entends comme vous; je dis jeu sans vilénie, comme -nous disons nous autres filles; c'est quand il menace de pluie, que la -vis de notre grenier sue, & qu'elle est relente, & si le noyau de la -vis, ou la vis même est de pierre, tant mieux, elle en durera davantage, -ainsi que celle des tuileries. - -DIOSCORIDES. Vraiment, l'autre jour que j'y étois, je voyois des dames -Parisiennes, qui admirent cet ouvrage, y montant, elles relevoient leurs -cottes & s'entredisoient? madame, ma mie, que voici une belle entrée de -vis! Jean voire, leur dis-je à deux belles, que puissiez-vous jamais -n'être à votre aise, que je, n'en aie fait la preuve par essai naturel. - -HÉLIODORE. C'est votre souverain bien que ces imaginations, & plus -encore quand vous en tenez la cause: je ne dis pas les imaginaisons: il -faudroit avoir les doigts bien subtils. Il est vrai que ces esprits -familiers, ainsi montant, sont de bonne rencontre & facile accès. - -JAMBLIQUE. Ne parlez point des esprits, je m'y suis trop rompu la tête, -& n'en ai su venir à bout. - -L'AUTRE. Ce n'est que votre faute, d'autant que le familier s'approche -aisément. Et qui en sait plus que moi? Vere, vere, ce sont abus que vos -contes de loup, d'esprits fantastiques. - -CARDAN. Vous vous paillardez lanterniérement sur l'éloquence, & faites -ainsi admirer la suite d'une vaine rencontre d'esprits: ce qui se trouve -inepte & fat, sans fruit, cela n'étant que rêverie: & pourtant je vous -dis que vos frivoles conceptions ne sont rien au prix de la douceur & -mignonne rencontre, non d'esprits qui ne sont pas, mais d'essences -vraies. Et n'y a rien tel, pour le contentement, que la formelle -embrassade d'un esprit familier, incube ou succube, _id est_, femelle -pour nous, & mâle pour les dames, qui les appellent _foulons_, qui vont -la nuit fouler le monde, & leur presser la rate. - -L'AUTRE. Vos contes sont fadaises, & ne sont que folles fantaisies; mais -la réalité temporelle, sensitive & communicable d'une vérité perceptible -est la perfection produisante bon & singulier effet de délices, bien -loin des pensées mélancoliques, qui sont persuadées par crainte, folie -ou sotte curiosité. Il y en a tant qui desirent des esprits familiers; -jamais personne n'en eut faute: l'ayant voulu autrement, nul n'a osé -entamer le propos ni la piece, ni congner ou laisser congner en -l'entamée ou entameure. Il faut tout dire; ceux qui sont savans s'y -connoissent; & puis dites, ô vous qui vous macerez: le diable me tente. -Tu nous la bailles belle! C'est votre propre nature nerveuse, qui -s'excite selon la loi naturelle vîte & sainte; & vous faites semblant de -ne l'entendre pas. Il faudroit, afin que ce que vous dites fût vrai, que -le diable vous soufflât au jaret, comme il fit à Andocidès, ainsi qu'on -le pratique aux veaux. Cependant, cruels hypocrites, vous ne voulez pas -donner gloire à madame nature qui opere; vous aimez mieux en faire -auteur le diable; & ainsi vous lui faites hommage, lui attribuant une -puissance qui est en vous. C'est grande pitié! Cela vient de la folle -spéculation. Et ces messieurs les parfaits réformés, qui coursoient leur -bonnet selon leur fantaisie! Qu'ainsi ne soit; je le prouverai par -raison; il n'y a homme, tant soit-il débile, qui ne le fasse mieux qu'un -diable, encore que l'on dise: il le fait en diable. Ce qu'il faut -entendre sainement. C'est-à-dire: il le fait autant (quand c'est un bon -faiseur) comme un diable seroit desireux de le faire, s'il savoit ce que -c'est. On ne dit point en diablesse; aussi les mâles font tout: les -femmes font comme gueux; elles ne font que tendre leur écuelle. - -DARIUS. Appellez-vous cela une écuelle? Quand le cancre de mer prit les -levres du cas de madame, il n'avoit à ce conte pris que le bord d'une -écuelle. - -MADAME. Sachons cette menée, je vous prie. - -DARIUS. Je le veux. Monsieur le gouverneur, (alors nous habitions un -port de mer) étant à la ville, ainsi qu'à tels seigneurs le menu peuple -fait force présens, reçut, de quelques pêcheurs, un présent d'une -pannerée de fort beaux cancres vifs tous choisis (on dit _beaux_ les -plus gros; ainsi étoit un fort bel homme, le gros Chenu d'Orléans, qui -étoit gros comme une pipe; & tel monsieur de la Contiere d'Anjou, qui se -faisoit porter sur une charrette, ne pouvant aller à pied, & qui, un -soir de vendredi saint, voulant jeûner, mangea seulement un boisseau de -pruneaux, ce qui tint si peu de place en son ventre, qu'il cuida -défaillir de faim avant minuit; ainsi étoit une belle femme la dame des -Carneaux). Mondit seigneur, ayant reçu ces cancres, les fit poser près -de la cheminée. Tandis qu'il s'amusoit, un des cancres se glissa, & se -rampant, s'enlassa entre une tapisserie & la muraille. Les autres furent -portés à la cuisine, pour y être troussés comme mugette. La nuit que -chacun dormoit, ce maître cancre, ayant affaire d'eau, & la sentant à -l'odeur marine, va au pot à pisser, où il se rangea en si peu qu'il y -avoit; & ainsi glissé au fond du pot, s'y tenoit, attendant miséricorde. -Quelques heures après, madame eût envie de se consoler à la décharge de -ses reins chargés d'urine, déja tirée en la vessie, dont la pesanteur -par filandres tire à soi les roignons, qui se délectent de son -évacuation; & prenant le pot, s'étant un peu relevée, se flanqua dessus, -de peur de pisser au lit; & ainsi madame... - -ARCHIMEDE. (Baisez-la au cul, si c'est la vôtre, tandis que je -chercherai la mienne; c'est une regle de géométrie. - -DARIUS. Petit follet, laissez-moi en paix; il n'est pas possible que -vous me fâchiez, comme vous le desirez; il n'y a qu'un moyen de me faire -taire: prenez un rateau, & me baillez des dents au cul; & j'aurai tant -de douleur, que je me tairai). Voilà donc madame, qui laisse aller l'eau -de la goutiere naturelle entre les arcs-boutans des crevasses physiques, -& pissant roide comme une pucelle qui n'ose, arrousa de cette liqueur -fraîche & chaudement émouvée le paillard cancre, qui soudain se dilate & -releve; en ouvrant un de ses bras, qui est de telle condition que -s'étant ouvert & pris à quelque sujet, il ne le laisse point. Que -prit-il, bonnes gens? A l'aide! Il trouva & prit. Quoi? Cela est si -délicat & mignon, que je n'ose le dire. Il happa & serra le bord, le -limbe, la levre, l'ornement, la mâchoire, cette fente mignarde, -extrémité éminente qui se releve en crête de fossé, au bas du ventre -féminin sur le devant, pour faire honneur aux babines du chose de -madame. Cela est si sensible, qu'elle s'en écria si haut, qu'elle -éveilla son mari, qui lui demanda ce qu'elle avoit. Hélas! dit-elle, je -suis perdue. Elle soupiroit, & n'osoit le dire. Toutefois sa douleur lui -fit déclarer que quelque fantaisie la mordoit au bord de son cas. -Monsieur, en bon mari, ayant fait apporter la chandelle, & vu l'effet ès -parties naturelles de la femme: paix, ma mie, paix, dit-il; je lui ferai -bien lâcher prise; je sais le secret: il ne faut que souffler contre. Il -se mit à souffler; & le cancre, levant l'autre bras, l'empoigna à la -levre d'auprès le nez. Il faisoit beau voir cette remembrance. Il avoit -le nez bien près du cela de sa femme; il pouvoit bien voir si d'autres y -étoient: il n'eût pas été cocu sans avis. Le valet de chambre, qui -survint avec des ciseaux, coupa les deux bras du cancre, mit monsieur & -madame en liberté. - -MADAME. J'eusse bien voulu voir la grimace qu'ils faisoient. Je ne sais -si cette femme avoit envie de rire, voyant l'humilité de son mari. - -PETRONIUS. Cela me fait souvenir de la fortune de frere Jean Laillée -notre bon ami. - - - - -COMMENTAIRE. - - -XV. Un jour, proche des avents, allant à Angers, il ne put attrapper la -ville, si qu'il coucha chez une bonne femme qui le connoissoit de longue -main: s'il m'en souvient, c'étoit chez la jeune Coibaude. Comme il fut -au lit, on lui mit sur la selle d'auprès le chevet un pot de nuit: or -sur la même chaire, il y avoit une ratiere quarrée & creuse en rond; ce -n'étoit pas de celles qui ont une porte, mais un ressort qui serre le -rat par le milieu du corps: cet engin-là, qui a pour le moins demi-pied -de diametre, & est en cube, étoit fort tendu & le ressort fort bandé. -Frere Jean se réveilla, pour faire de l'eau; & prit cet engin par le -bord, cuidant que ce fut un vaisseau à pisser, & y présenta son outil, -qui s'avançant donna jusques à la détente; parquoi le ressort échappa, & -prit le pauvre cas du cordelier, qui sentit plutôt cela que le jour. Il -se prit à crier si haut, que Lucifer s'en fût éveillé; & on lui apporta -de la chandelle pour le dégager. La chambriere en rioit d'aise, d'autant -qu'elle étoit bien vengée d'une autrefois qu'il logea là-dedans; c'étoit -en été; & parce qu'il y avoit presse, lui qui étoit des amis, coucha en -la chambre basse, où la bonne femme & sa chambriere couchoient en -l'autre lit. Ce mignon se leva, pour prendre l'air; la nuit étoit un peu -noire; il appella la chambriere: marquise, je suis égaré: je te prie, -viens me quérir. Cette pauvrette se leve, & va à lui, qui avoit troussé -sa chemise & levé fort haut le bras. Prens-moi la main, je te prie. Elle -tâtonnoit & trouva son bout. Hélas, ce dit-elle, que vous avez les -doigts gros! ho, & c'est votre bras. Il n'y a point de main! & -qu'est-ce? en dà, je n'en ferai rien. Elle lui tira une secousse, & le -laissa là. - -SIMLER. Maître Jean Pinaut, ministre de Genève, m'a conté qu'il lui en -prit autant à Chamberi. - - - - -DISTINCTION. - - -XVI. A cause de quoi, il avient toujours quelque disgrace à ces pauvres -innocents, & leur tombe quelque échec; témoin celui qui précédoit à -Dampierre, quand nous y cherchons la pierre philosophale, avec tous ces -barons de Normandie, & que nous bûmes le bon vin que Nabot avoit -persuadé à monsieur de Chansegré d'y faire apporter, pour en faire de la -poudre de projection. Il y avoit blanc & rouge; c'étoit faire la pierre -pour la projection de l'argent & de l'or potable. J'avois avec moi mon -Pierre, qui étoit un bon vaurien. Le dimanche venu, nous ouimes le -sermon d'un cordelier qui avoit une ulcere en une jambe; & le thême de -son prêchement étoit _Modicum_, qu'il répéta plusieurs fois, ce qui fut -cause que mon valet sortit, disant: que diable avons-nous affaire, si le -maudit con lui a fait tort? Les faucons engendrent les mauvais, & les -mauvais les faucons. Quand ce moine fut guéri, il s'en alla & prit congé -du cul & de la tête, comme c'étoit la coutume: or, étoit-il galant de sa -personne, dispos & courageux, (j'ai quasi dit _vaillant_, ce qui -n'appartient qu'à nous, chevaliers & écuyers.) Le frere, passant sur -l'étang de la Ferriere, fut rencontré de deux voleurs à pied, qui eurent -envie de son habit, par quoi ils lui dirent: frere, cet habit vous est -trop chaud & importun; baillez-le nous un peu à porter pour votre santé. -Sans faute, dit-il, messieurs, tout est à vous, corps aussi; je vous -supplie me donner congé de me dévétir, & n'outragez point ma pauvre -personne. Ce qu'ayant dit, il met son bâton à deux bouts à terre, le -pied dessus, & dévêt le froc, qu'il leur jetta aux pieds, puis reprend -son bâton, & tout en pourpoint leur dit humblement: messieurs, -prenez-le. Un d'eux se baissant pour l'amasser, le moine lui vint -décharger un si grand revers de son bâton sut l'autre flanc, qu'il -l'envoya béchever du long de la levée. Cette épauliere ainsi déchargée -sur le haut de la personne de ce vilain, qui cheut sur le ventre comme -une grenouille éhanchée, épouvanta tant le compagnon de l'écrasé, qu'il -s'enfuit; & le cordelier de le supplier courtoisement de venir au reste. -Le trébuché, qui craignoit le demeurant, disoit: ha, frere Gilles! Mon -bon pere confesseur, je me jouois, vous êtes bien rude de ne prendre -rien en jeu! Et le moine s'avança de lui apprendre les dimensions, non -du _baculus_ de Jacob, mais du bâton de Gilles, & le pauvret de crier: -hélas, monsieur, pardon! A ce mot de monsieur, il le recommanda à tous -les diables, & s'en alla aussi. Il y a trois sortes de gens qui n'aiment -point à être appellés par leur nom: comme vous diriez chien & chat, -moines, ministres, prêtres, putains & bâteleurs. Minon & chat, -c'est-à-dire, monsieur; à cela vous connoîtrez qu'il faut dire mignon, -monsieur le prieur, notre maître, &c. - -OECOLAMPADE. Le docteur de chez nous ne fut pas si habile, quand sa -garce le battit, parce qu'il se laissa égratigner le visage; & le -lendemain, comme on lui demanda qui l'avoit ainsi marqué, il dit que -c'étoit un fagot. - -EMPEDOCLES. Diantre, quel fagot! C'est possible un fagot de foin, ainsi -que le rapporta maître Alain, qui fut trouvé avec une garce; il ne -s'excusa pas comme Denost, qui, au chapitre, quand on le tença qu'il ne -bougeoit d'avec les garces: certes, ce dit-il, je n'y ai pas été depuis -_Quasimodo_. Aussi venoit-il de coucher avec une. - -SIMLER. Tu en as toi qui parlois tantôt de foin pour chair: mais, si on -te tournoit de langage, te donnant à déjeuner, & que pour de la chair on -te donnât du foin, que seroit-ce? - -LEON HÉBREU. Ah! voilà bien argumenté pour un vieil plaideur. Notez que -tout honnête homme ne mange point de morceau de boeuf, ni de morceau de -pourceau. Pourquoi? parce qu'un morceau de boeuf est une poignée de -foin; & un morceau de pourceau, c'est un étron, qui vous puisse servir -de masque à carême prenant. - -PERICLÈS. Les gens ont tort; & celui qui parle a raison; mais il mâche -de travers, & si je vous dirai qu'il n'y a gueres qu'il le sait: il ne -le dit encore gueres bien. - -EMPEDOCLES. Vous n'avez pas dit, comme on dit monsieur en moine. - -SIMLER. Ho, vous en souvient-il? J'étois bien loin. Et que sais-je? -Notez que ceux qui parlent tant des friponniers d'un état doivent en -être, en avoir été, ou les avoir trop fréquentés. J'étois vragnant en -Savoye, où j'écoutois parler à son altesse. - -VIVES. Et moi à Rome, où j'oyois supplier sa sainteté. - -CARDAN. Et moi en enfer, où j'oyois dire sa diablerie. - -L'AUTRE. Et moi chez notre archevêque, où l'on baisoit les mains de son -archiepiscoperie; & il répondit à son suffragant: j'honore votre -espiscoperie; & à un chanoine: je me recommande à votre chanoinerie. - -SIMLER. Je voyois un mignon qui parloit à un jurisconsulte, & lui -disoit: comment se porte votre conseillerie. Aussi sa conseillerie lui -avoit donné à dîner. Comme sa majesté lui avoit donné sa lettrerie, j'ai -pensé dire sa _ladrerie_, soient sauvées les jumens. Nous sommes, je dis -vous autres, de grands sots. Je ne pensois pas que cette femme eût la -tête si fausse, de taper ainsi son pauvre maître de docteur. - -TEXTOR. Je vous prie, parlez bas, & ne vous mariez point de peur d'être -cocu. Mais je me trompe, j'ois ce beau procureur qui en parle; il est -marié, il est heureux, sa femme est grosse, elle accouchera. - -SIMLER. Parlez sobrement des femmes. - -TEXTOR. Tu y devois bien venir, toi qui a si belle femme. Par ma -conscience, elle est belle & de mérite, & des plus jolies du monde: & je -suis fâché pour elle d'une chose; c'est qu'elle est la femme d'un cocu, -qui a pendu aux fesses les trébillons d'un veau. - -SIMLER. Par Hercules, à la fin, tu troubleras ma patience. A ce conte, -tu ferois ma femme putain? - -TEXTOR. Si je l'avois couverte, sans doute elle le seroit, & l'aurois -faite telle. - -SIMLER. Mais qu'as-tu affaire de dire cela? Tu sais bien qu'elle est -femme de bien; à grand-peine seroit-elle débauchée. Vraiment, elle -n'aime point le déduit; aussi je ne prens pas plaisir d'avoir affaire à -elle. - -TEXTOR. J'y en prendrois bien, quant à moi. - -SIMLER. Si tu me fâches, je te pousserai & te hâterai d'aller. - -TEXTOR. Je ne veux qu'aller au palais de Paris, pour être poussé, ainsi -que répondit Limois au conseiller son maître, qui lui promettoit de le -pousser. Pargoi, monsieur, je serai plus poussé en demi-heure, à la -sortie du châtelet, ou du palais, que ne sauriez me pousser, toute votre -vie. Au reste, pauvre homme, je voudrois que tu m'eusses tant hâté -d'aller, que j'eusse passé le mauvais tems. - -SIMLER. Encore tu te moques? Va, je veux bien être cocu; mais si tu me -courouces, je te ferai porter les stigmates des cornes de cocus. - -DIOSCORIDE. Voilà une drogue dont je n'ai jamais ouï parler: apprenez-la -moi, pour la mettre en mon livre. - -MADELAINE. Voilà cette belle Diotine, qui est enragée de faire leçon aux -doctes. Demandez-lui. Toutefois j'en sais plus qu'elle; mon mari me l'a -appris. - - - - -PARTIE. - - -XVII. Quand je tenois école d'écriture à Toulouse, avec les chanoines de -Saint Sernin, d'entre lesquels il y en avoit un qui étoit curé là -auprès, & entretenoit la premiere femme de mon mari, laquelle étoit -belle. Un jour, j'oyois ce mari qui parloit à elle: d'où viens-tu? -fit-il. Du four, fit-elle. Que faire? fit-il. Un tourteau, fit-elle. -Est-il bon? fit-il. Tâtez-y, fit-elle. Est-il chaud? fit-il. Soufflez-y, -fit-elle. Et où, fit-il. A mon cul, fit-elle. Ha putain! fit-il. Ha -cocu? fit-elle. Ha, ha, fit-il. A, a, fit-elle. Voilà comment je suis -femme de cocu; & si, je suis femme de bien; ce que l'on ne penseroit -jamais. Cependant je conserve bien mon bon homme en sa qualité, sans -faire faute de mon corps, non plus qu'une nonnain griesche. Si est-ce -pource que je me tenois assez mignonne, on parloit mal de moi; en dà, on -avoit tort; c'est parce que je n'eusse su faire que ce qui déja étoit -fait. Et puis, comme j'ai appris des docteurs que j'ai fréquentés jour & -nuit, le cocuage est un caractere indélébile, tenant comme moinerie au -corps & à l'ame d'un profès; & bien plus fort, mais non si visiblement -que merde en derriere de chemise. Et parce que cela étoit, je me -contenois fort en devoir, aimant bien mon mari, que je mignardois, tout -ne plus ne moins que si j'eusse été un peu putain. Et de fait, comme, -étant femme, je sais la nature féminine, je vous assure qu'il n'est aux -hommes que d'avoir femmes qui en tiennent tant soit peu: cela est levain -de perfection, pourvu qu'elles n'en soient âpres; & ce d'autant que -telles femmes aiment mieux les hommes, & les servent mieux quand ils -sont malades, & avec moins de dédain que ces sottes femmes de bien. -Encore que je traitasse bien mon preud'homme, si est-ce que quelquefois -il se fâchoit contre moi: & sur-tout une fois, qu'il me trouva devisant -d'affaires avec un commandeur, qui, pour me guérir du mal de la colique, -m'avoit appliqué sa croix sur le bas de l'estomac, & me disoit à -l'oreille les paroles qu'il y falloit dire pour ma santé. Mon vieillard -eut une fausse impression, dont il me querella; mais je le fis taire. Or -sus paix, c'est assez. Que tu es méchante. Voire, si je ne l'eusse fait -taire, il eût huché jusques à demain. Je l'eusse volontiers battu, sans -que dieu & vergogne le défendent; & y eût paru, parce que je lui eusse -fait sentir, non les cornes de cocu, ains celles de sa femme. - -MECENAS. Mais quelles sont les cornes d'un cocu, & celles des femmes, -qu'elles fassent ainsi mal? - -MADELAINE. Sont les ongles. Il vous faudroit mettre dessus; encore ne -vous en appercevriez-vous, non plus que le pauvre meûnier qui étoit sur -son âne, & fut surpris d'une grande procession, qui le pressoit fort; & -lui, ayant son bonnet à la main, dandinoit, regardant la banniere & les -beaux joyaux. Deux ou trois fripons, approchant de lui, couperent les -sangles de son bât, & soutinrent le bât assez long-temps, portant le -drôle, tandis qu'un autre arrêta le mulet, le tenant par la queue, comme -une anguille. Quand ils l'eurent assez porté, ils le planterent-là; & le -pauvret de crier & hucher: & où est mon âne? O, va le chercher. Or, -puisqu'il faut tout dire, ce bon homme étant mort, j'épouse, pour la -seconde fois, le plus grand sot du monde, tant à cause de lui que de -moi. Je n'ai point honte d'ainsi parler, puisque je ne ments point. -Voilà! son âne m'étoit contraire: ainsi, par ma finte, il avoit eu deux -autres femmes, dont la seconde étoit une des plus femmes de bien de la -terre; & elle ne fut pas si-tôt avec lui, que l'astre de cet homme ne la -rangeât au point des soeurs. Je dis donc ceci avec toute gloire, à cette -heure que je suis fille pénitente, & qu'il y a du plaisir à raconter les -vieilles vétilles, & que c'est un grand mérite, que de se souvenir de -ses fautes, dont par ainsi la rétribution est grande en pardons, -abondant sur l'iniquité. En ce mien mariage, je me gouvernai en femme de -bien, ne plus ne moins que les dames de Paris, qui ont des intervis. - -CESAR. Quels diables sont-ce? - -MADELAINE. Vous le saurez tantôt. Et ne m'avint qu'une douce infortune, -en quoi je ne fis point de faute, parce que Pichonneau disoit, en -chaire, que ce n'étoit point péché, quand on n'en tiroit ni profit, ni -plaisir. Il y eut un beau jeune homme de bonne maison, qui me fit -l'honneur de m'aimer; &, parce qu'il étoit fort apparenté, crainte que -je fusse cause qu'il lui avînt du mal, je le laissai faire de moi ce -qu'il put, sans que j'y apportasse aucun consentement: aussi je n'y -prenois aucun plaisir. Je le laissois faire à son aise pour le -gratifier, & pour le grand amour qu'il me portoit, afin qu'il ne m'en -pensât tant son obligée, & qu'il en prétendît récompense: je lui -permettois & voulois bien qu'il eût tout plaisir qu'il vouloit de moi, -puisqu'il disoit qu'il y en trouvoit, encore que cela ne m'en fît -aucunement. - -PORCENA. A qui fait-il plus de bien, aux hommes ou aux femmes? - -GEBER. C'est aux hommes, dit Saint-Gelave. A, ha, ha, dit mon compere -Bardou, vous vous trompez; c'est aux femmes. Avisez que si l'oreille -vous démange, & que la gratiez de votre petit doigt, qui a plus de -plaisir & de bien? N'est-ce point l'oreille? Et puis il y a en la -chanson: _vous aurez sur l'oreille_. - -MADELAINE. Je ne sais rien de tout ce que vous dites; vous êtes des -causeurs; je ne prends point de plaisir à si peu de chose. Bien que l'on -me l'ait assez voulu persuader, à ce que l'on disoit, & qu'on a dit de -moi ce qu'on a voulu, je me suis pourtant portée en tout honneur. -Pensez-vous qu'une femme ne puisse pas coucher avec un homme, sans -toutes ces badineries là? Pour autant que cet honnête bon seigneur avoit -couché avec moi, & que l'on disoit qu'il y avoit danger, ce que je ne -trouvai onques, je fus à confesse; & comme le prêtre m'enquêtoit -soigneusement, je répondis avec un bel excès de contrition de coeur, -selon les péchés que j'avois commis, ajoutant que j'avois fait un -oiseau. Comment, ce me dit-il tout émerveillé, un oiseau, ma mie? Oui, -monsieur. Le pauvre petit bon homme n'entendoit pas que je parlois d'un -cocu; & de-là vint le proverbe, que depuis on a dit: _pauvre prêtre_, vu -la pauvreté de cettui-ci en science. Et pour vous faire entendre -l'excellence & la vive nature de cet oiseau, il est convenable de savoir -qu'il ne s'engendre point comme les autres. Il est éclos, fait, parfait, -dressé & accompli en un moment; il ne faut qu'un coup de bandage. Aussi -monsieur des Fléches m'en avoit averti, me voyant deviser avec ce -gentilhomme. Il me dit: par le corbeau du bois, ma mie, ce godelureau te -scellera un passeport sur le ventre. Cela ne s'est pu détourner; les -destinées le vouloient: il est vrai que je l'aimois; & si j'eusse été à -marier, je l'eusse aimé pour ami, & non pour mari, d'autant qu'il -n'avoit point de chausse-pied de mariage. - -MÉCENAS. J'ai beaucoup vu & ouï des poëtes à ma table, & en mes -particuliers discours, & infinis philosophes & autres docteurs; mais je -n'avois jamais ouï parler de tel outil. - -MADELAINE. Ce sont les filles de ville, & sur-tout de Paris, qui parlent -ainsi; & voyant quelque jeune homme qui est pourvu de quelque état ou -office, elles disent: il a un chausse-pied à con. - -MÉCENAS. Je ne savois pas cela. - - - - -SECTION. - - -XVIII. Bien ai-je ouï dire à Philon Juif, quand il me fréquentoit, qu'il -avoit demeuré en un pays, où les gens mariés sont en grand peine, au -prix de ceux de ce pays; c'est que, quand l'homme se veut ébattre -naturellement avec sa femme, il faut qu'il ait deux serviteurs, ou deux -autres personnes ou amis, à la pareille, qui lui aident & le tournent -sur sa femme, comme quand on perce le noyau moyen ou bouton d'une roue; -& les tours se comptent selon les qualités des personnes, pour faire -mâle ou femelle, roi, prince ou empereur. Il est vrai que, si on n'est -pas capable d'engendrer ce qu'on a apposé, le bout se trouve si petit, -que l'on ne peut plus tourner. Et de-là est venue l'origine des fils de -putain, bâtards, avoutres, gueux & pendus; & pour connoître si les tours -sont achevés, il est aisé, d'autant que la femme tourne; & c'est le -signe qu'il n'y a plus de quoi virer masculinement. Je m'enquis, avec -ample diligence, de la cause de cette affaire; & je sus qu'en ce pays-là -les femmes avoient leur cas fait à vis; tellement qu'y ayant fait, il -faut retourner, comme disoit dame Jaqueline que son cas sentoit le -revas-y. - -MELA. Notre coutume vaut mieux; tant d'artifice est triste; ce n'est -jamais bien fait. - -MÉLANTON. Aussi en faisant, on fait. Mais qui est le sujet le plus -imparfait qui soit au monde? Il y en eut quelqu'un qui dit: ce sont les -cocus, d'autant qu'ils ont cornes, & ne les voit-on point. Ce sont les -chats, ils crient & chousent ensemble; aussi n'y a-t-il animal si -farouche, qui ne s'arrête quand on l'affourche. - -L'AUTRE. Voilà bien à propos! Vous n'y êtes pas, & n'aurez meshui fait. -C'est la femme, d'autant qu'il y a toujours à besogner, & sur-tout à -celle d'un cocu. - -MELA. Que diable, vous en voulez bien à ces pauvres cocus! Je pense que -vous le soyez, ou l'ayez été, ou ayez envie de l'être, comme un beau -financier qui n'a pas payé son état. Et là-dessus, monsieur le beau -diseur, je vous demande, qu'est ce qu'un cocu? C'est, dit Vigenaire, un -oiseau qui pond au nid d'un autre. - -GEBER. C'est bien chié en trois lieux. Il faut, à ce que je vois, que je -vous leve le voile qui empêche votre coeur de comprendre les sciences; & -je vous dirai des choses notables. Ce fut par la déclaration de ce -secret, que l'empereur des Turcs me fit si grand, quand je reniai le -christianisme, où je retournai pourtant, à cause que l'on m'apprit la -vérité de la pierre: & pour le sujet proposé, il n'y a personne qui vous -en parle plus sainement que moi, & sans passion, d'autant que j'ai été -cocu. Dieu merci, je me porte bien: qu'ainsi soit-il de vous. Et de cela -je m'en trouvois bien, sans m'en fâcher, d'autant que j'en étois fort -aise, parce que j'étois toujours le maître: on me craignoit, révéroit & -honoroit. Et qu'avons-nous davantage en ce monde pour l'accomplissement -de nos desirs ambitieux? Or, sachez tous en gros & en détail, que le -cocu est un animal capable de douceur, humble & pacifique, craint, -redouté & honoré de sa femme, & des amis d'icelle, desquels il est -considéré comme maître du gibier; & ne se faut pas amuser au nom de cet -oiseau, mais d'un autre plus meilleur. Il n'y a guere d'animaux entiers -mâles qui aient plus de faveur que le coq (entier est le contraire de -châtré) puisque je vois que vous le voulez savoir; le coq a plusieurs -femmes qu'il fournit & appointe, tant il est délibéré & bon; mais sitôt -qu'il est usé, les poules le chassent & le battent, & n'en veulent plus, -& ainsi le destinent à châtrerie, & en admettent d'autres vigoureux & -bons. Ces femmes qui couvent & font des cocus, sont de même naturel que -les poules. Qu'ainsi ne soit, une femme prête à faire l'enfant, crie -comme une poule qui veut pondre: je voudrois être morte. Etant délivrée, -elle chante comme celle qui a pondu; il n'est que l'être; cependant que -le coq chante: _qu'un con est cru!_ & s'en rit, disant: je le fais quand -je veux. Ainsi sont nos femmes en leurs actions & desirs, tellement que, -leurs maris étant usés, ou les estimant tels, ou les voulant ménager de -peur de les user, vont à d'autres: en quoi je vous admoneste de la -différence du péché mortel & du véniel. Le péché mortel est, si vous -allez voir la femme d'autrui chez lui, & qu'il vous tue; sans faute la -mort sera toute notoire. Faites venir la dame chez vous; le péché sera -véniel. Les dames faisant ainsi le petit divorce vertueux, il ne se peut -faire que les sages amies ne le sachent; parquoi les avertissant de leur -salut, elles leur disent: comment, pauvre femme, ma mie, votre mari est -donc cocuusé? Et ce mot venant à être commun, & qu'aussi on coupe la -queue à ces pauvres innocens, on dit simplement cocu: & certes, sans -mahumétiser, je vous dirai que c'est bien avoir la queue coupée, que de -la mettre en danger d'être prophanée dans un évier public ou commun. Or, -le cocu est un oiseau qui, pour ce qu'il a deux pieds, chante mieux & -plus distinctement que nul autre, ayant de la raison jusques au cul. Que -si cela passoit outre, il ne seroit pas cornard. - -ZABAREL. Mais voyez cet alchimiste, comme il avale gros & mâche menu! Je -ne sais s'il court comme il attrape. _Corpo di gallina_. J'ai fait tout -ce que j'ai pu, pour savoir & entendre parfaitement la philosophie: mais -je vois que jusques à cette heure, s'il dit vrai, je n'y ai rien -entendu. Il n'est que monnoyeur pour se connoître en billon. Notre ami & -bon maître Aristote ne fait aucune mention de tels oiseaux. Notez bien -ce que je dirai à l'honneur des dames, contre celui de tantôt qui les -appelloit bêtes, afin que l'on n'ait pas opinion que je fusse entaché du -péché qui les fait hair. Je dis que ce fat étoit tant niais, tant veau -de dîme, âne de plat pays, sot d'outre mesure, Badeau de Paris, & -bestion de si grande conséquence, qu'il pensoit que ce mot _animal_, fut -à dire _bête_. Il me fit souvenir de feue Conscience, belle courtisane, -qui ne vouloit pas que ma petite chienne fût une créature, & ne lui -plaisoit pas d'être animal. Hoi, disoit-elle; Bichonne n'est point -créature, & je ne suis point animal. Or, maintenant j'ai reçu une grande -lumiere d'entendoire; je suis illuminé comme un fallot qui tombe tout du -long d'un degré, & je conçois qu'il y a des oiseaux de poing, des -oiseaux de leurre, des oiseaux d'épaules, comme ces oiseaux de maçons, & -des oiseaux de selle. Les deux premiers, je les laisse à messieurs de la -volerie, autrucherie, fauconnerie, & autres qui savent appliquer le vent -aux aîles. Je croyois qu'il y eût des autruchers qui portassent les -autruches sur le doigt; & les derniers je les spéculerai: d'autant que -je trouve, en les minoisant intelligiblement, une grande, creuse & -profonde sapience, en tant qu'ils se font naturellement, & se procréent -par imperceptible transpiration de substance, faisant une grande -mutation sans changement, acquérant une forme sans altération. O -admirable & épouvantable secret, entre tous les secrets! Ceux qui ainsi -deviennent oiseaux, le sont parfaitement, sans qu'on les touche, sans -qu'ils le sentent, & souvent sans qu'ils le voient ou sachent; de s'en -douter, gare! Il est permis de se douter de tout: n'y a presque homme -qui n'en ait quelque doute. Or, pour être cocu, il en faut être capable; -& pour cet effet, il faut avoir une femme épousée; & ne faut pas -seulement avoir égard à la mine ou encolure mystique qu'un homme en peut -avoir, à cause de l'influence sous laquelle il est né, selon son idée -naturelle & prédestinée: mais il faut considérer le vouloir & pouvoir -des parties intervenantes en cette métamorphose, qui agit exactement -autant de loin que de près. Il n'y a rien en tout de semblable; &, -disent les alchemistes ce qu'ils voudront de leur poudre de projection, -ou cendre à faire des nuances; cela n'est rien au prix, d'autant qu'il -faut qu'il y ait de la présence, ce qui est le contraire en ceci. Celui -qui aura fait le fou tout le long des jours gras, n'assagira pas le -mercredi par la cendre, si elle ne lui est posée en propre personne -présente. Et tel sera joyeusement cocu, quand il seroit à l'autre bout -de la terre; & ce en un instant. Cette forme court plus vîte que -l'éclair. On dit, selon le conte des bonnes femmes, que les tortues -couvent leurs oeufs avec les yeux: aussi font tous animaux, parce qu'ils -ne les laissent pas, si de fortune ils ne les ont perdus, comme la -borgne, à laquelle nous savonâmes tous les fauxbourgs du derriere, -l'année passée. Et bien les oeufs de tortues, auxquels elles ne touchent -point, éclosent à la fin; & il se fait une mutation formelle, comme il -convient ès transformations naturelles, si elles ne sont -chimico-mentales. Ces changemens se voient en ce qui est commun; mais en -ces oiseaux rien n'y paroît de changé, ni en la forme, ni ès accidens, -ni en la naturelle, ni en l'espece intrinseque, ès formes qui se -reçoivent sans mutation de substance; encore y a-t-il du mouvement au -sujet de muance. Mais en cettui-ci, soit qu'il s'émeuve, ou ne s'émeuve -point, & quelque absent qu'il soit, il est pénétré, transpercé, -outrepercé, surpris, enduit, enveloppé, & tellement organisé en -spécifique & disposée formation, que subitement, subtilement, tout d'un -coup, voilà un homme cocu, comme il sera démontré tantôt. - - - - -EPÎTRE. - - -XIX. NICOLE. J'ai ouï autrefois en notre ville de Paris, un prêcheur, -(je ne dirai pas de quel ordre, de peur de scandale) qui se mettant à -prêcher, fit une ample déclamation des péchés. Comment, disoit-il, -encore celui qui jure, il relâche son coeur & demande pardon; celui qui -vole, c'est pour s'accommoder, & ainsi des autres, comme dit notre rime. - - Pere & mere honoreras, - Afin d'avoir bien de l'argent. - L'oeuvre de chair n'accompliras, - Qu'avec les belles seulement, - Faux témoignage ne diras, - Qu'en mariage seulement. - -Mais celui qui paillarde, hélas! que fait-il? il fout. Si cela duroit -toute la vie! Que dis-je, toute la vie! S'il duroit un an! Que dis-je un -an! S'il duroit un mois! Que dis-je, un mois! S'il duroit un jour! Que -dis-je un jour! S'il duroit une heure! Que dis-je, hélas! une heure! -Hélas! le puis-je bien dire aux pauvres dévoyés? Hélas! quoi? il ne faut -que zac, zac, zac; voilà une pauvre ame damnée. Aussi monsieur de Senlis -disoit: vive la majesté de dieu, vous êtes pécheurs. Quoi! Et en ce -péché de luxure? Et que pensez-vous que ce soit? C'est une petite -planche qui n'est pas plus large que deux doigts, sur laquelle étant, -soudain on trébuche. Et dis que tu en as, viel hérétique de tous les -diables. Si vous êtes de cette chouserie-là, allez à Genêve. - -GEBER. Mais encore à ces cocus, que si, à la fin ou plutôt, il vient à -le savoir & qu'il s'en fâche, il sera un sot, s'ennnuyant de chose qui -ne diminue ni accroît sa substance, parquoi il sera encore plus fat. Il -doit avoir cette gloire en son coeur de l'être, sans en faire semblant, -d'autant que tels sont honorés & bénits; & on se moque de ces pifres, -qui veulent faire les savans, & se tourmentent comme ânes trop sanglés. -Or jamais les antiques docteurs ne spéculerent tant avant, que l'on met -avant ces formes qui sont tant excellentes, notables & mystiques; & -certes ceci est proprement ce qui est & n'est point, & qui s'acheve sans -être commencé, comme est dit que l'homme & la femme ne sont qu'un corps: -par quoi un ministre & sa femme ne font qu'un: _ergò_ un ministre est -mâle & femelle. Quant à ces formes, elles n'ont point d'heure: il ne -faut point spéculer les astres; les temps ni les momens n'y servent de -rien, qu'à y apporter de la commodité; tous instans sont propres à les -faire subsister; & toutes rencontres bonnes à les exciter, pourvu qu'il -y ait de la vigueur aux doux heureux outils de formation naturelle, & -que l'on sache & puisse. O belles contemplations, que vous êtes -vigoureuses & grandes? Ces beaux discours me font voler encore plus -outre, connoissant le naturel des bons seigneurs, à qui la fortune donne -de devenir oiseaux; & je m'ébahis qu'en France & en Perse, nations tant -symbolisantes, on ne le désire plus qu'on ne le fait. Je ne le dis pas -sans cause, moi qui suis gentilhomme, & qu'en tels pays chacun desire -l'être; & pour être gentilhomme, faut avoir droit de pont-levis; c'est -avoir deux brancards sur le front, lesquels on passe ainsi que la tête -de bécasse béant aux étoiles. Beaux oiseaux, vous m'apprenez beaucoup de -bien; je sais à cette heure & tout maintenant, que pour votre seule -occasion, Normandie est appellée le _pays de sapience_, d'autant qu'en -ce pays-là les belles, bonnes, grosses, grasses bécasses y sont nommés -vis de coqs, quasi _vis de cocus_: aussi _vis_ signifie _visage_ en -vieil françois; donques _visages de cocus_, c'est-à-dire, _vis de coqs_, -sont bécasses, d'autant que leurs têtes sont les propres archetipes -visibles des invisibles visages des cocus. Cette intelligence & propre -interprétoison vous ôtera de peine, quand vous en orez parler. Si la -belle Dubois (qui servoit madame l'amirale, notre chere & révérée dame; -je ne sais si je dis encore bien, parce que l'âge m'a ôté la mémoire) -eût su ce que nous venons d'apprendre, elle ne fût pas tombée en un tel -inconvénient. Cette demoiselle étoit fort agréable à sa maîtresse, parce -qu'elle savoit une infinité de petites gentillesses & galantises qui -sont communes, & toutefois secretes, mais utiles à la cour. Il avint une -fois qu'il n'y avoit point de compagnie étrangere, madame devisoit avec -la Dubois, & lui disoit: ma mie, vraiment je vous aime; j'ai envie de -vous avancer & faire du bien: continuez à me bien servir. Mais encore, -ma mie, qui vous a appris toutes ces gentillesses? Madame, dit elle, -c'est une demoiselle avec laquelle j'ai demeuré quelques années. Comment -la nommoit-on? Excusez moi, madame, je ne vous l'oserois dire. Pourquoi, -ma mie, en avez-vous honte? N'étoit-elle point femme de bien? Elle étoit -fort honnête & très-femme de bien; elle avoit une bonne prud'hommie de -femme; mais son nom est trop laid & trop déshonnête à dire: je ne vous -le dirai pas, s'il vous plaît, madame. Si vous ne me le dites, je ne -vous aimerai plus; mais dites-le moi, les paroles ne sont point sales. -Puisqu'il vous plaît, madame, je le dirai; mais aussi vous m'excuserez. -En dà, j'en ai grand honte: elle se nommoit mademoiselle de Courvi. O -ho, ma mie, & est-ce là ce qui vous retenoit? Vous ne savez que mon nom? -Ne savez-vous pas comme je m'appelle en mon surnom, qui est le nom de -notre famille? De Lonvis. Hà, madame, que votre nom est beau! Voilà -comment on apprend, en hantant les sages: ainsi par hantise se forment -les têtes de bécasses & compas mesurant le ciel. Telles sont, ou -peuvent, ou doivent être les armoiries des doctes; à propos des -entendus, auxquels ainsi en puisse prendre; notamment aux marchands, qui -refusent crédit aux notaires, qui ne croient pas ce que l'on dit; & à -toutes sortes de gens mariées, qui parlent de vexer & faire ennui aux -pauvres petites clientes qui font plaisir aux gens de bien. Ainsi puisse -le monde abonder en cocus, afin qu'il s'envole bientôt, s'il y est -destiné. - -AGESILAUS. Quel est l'oiseau qui chante plus haut que le cocu? - -ALCIBIADES. C'est l'hirondelle, qui est en la cheminée, tandis que les -cocus sont dessous, lesquels elle couvre. - - - - -CANON. - - -XX. Que vous plaît-il? J'y étois. Nous faisions si grande chere chez ces -cocus, que nous jettions les portes par les fenêtres: cela s'entend sans -le dire, comme les heures d'un jeune chanoine. - -GEBER. Taisez-vous, causeurs; vous direz quelque folie dont on vous fera -bien repentir. - -ALCIBIADES. Taisez-vous vous-même; à qui vous joue-tu? Mais, encore à -propos, qui est le plus fou de nous deux, ou vous qui lisez & oyez ceci, -ou moi qui vous le propose, ainsi que dit notre féal Socrates François? - -GEBER. En bonne foi, monsieur, moi qui écris ces galantises, je m'en -donne le plaisir le premier; & y a différence entre vous & moi, comme -entre un pourceau & ma philosophie: oui, ne suis-je pas philosophe? -Sachez donc que je fais bonne chere de ceci: puis l'ayant digéré, je le -baille à remâcher, ainsi que quand j'ai bien dîné, je vais fianter; & un -pourceau vient qui en fait son profit. - -L'AUTRE. Et cependant qui pensez-vous que je sois, moi qui vous produis -tant de témoignages de parvenir? vous me pensez faire honte: & j'en -rougirai comme un vaisseau d'albâtre. Je veux donc que vous sachiez que -je suis moi; vous, vous êtes vous; toi, vous êtes toi; & si, je ne m'en -soucie pas. Il est vrai que j'ai regret, pour l'amour des ignorans, de -mettre ceci en la plus magnifique langue du monde; témoin Charles-Quint, -qui disoit que les Espagnols parloient en glorieux, les Allemans en -charretiers, les Italiens en charlatans, les Anglois en niais -apprivoisés; mais les François en princes. Et de fait, il n'y a que ce -livre, & les belles tragédies ou graves histoires, qui aient grace en ce -langage: toutes badineries & contes de jongleur n'y paroissent point. -Voilà pourquoi, ayant tant de majesté en ceci, lui en donnant davantage, -j'ai grand peur que ceci ne soit difficile, que chacun le cachera, de -peur aussi que les secrets ne soient divulgués; en quoi je crains un -notable accident pour le pauvre peuple, si les destinées n'y ont prévenu -& pourvu. Or est-il, & je le sens à la disposition de ma fressure, que -les bons destins m'ont contraint de faire ce que je fais, pour honorer -le monde. Aussi j'eusse mis ce livre en une autre langue; mais tout a -son tour. Si ce n'eût été de peur de faire dormir la jeunesse, je -l'eusse mis en la langue de veau; mais quoi! la vicissitude des choses -l'a emporté. J'eusse bien dit des chouses, sans que je sais comment il -faut parler, d'autant qu'il n'y a gueres de femmes, qui écrivent ce mot -de chose, sans y faillir. Ignorez-vous pourquoi le vulgaire en Grece ne -parle plus grec, en Judée hébreu, en Italie latin; & la cause pour -laquelle ces bons langages ne sont plus vulgaires? Oyez cette vérité que -je prononce. C'est pource que les sciences y sont traitées, & sur-tout -la doctrine du maquerellage en latin, & que l'on n'a pas voulu que les -disciplines fussent communes au peuple. Partant, on a caché les langues, -pour, avec leur secret, ne les communiquer qu'aux gens de bien & -d'honneur, ainsi que langues de boeuf à la cheminée, qui ne sont pas -pour les gueux, au moins par délibération, si que le menu peuple n'y -peut toucher. Et ma crainte, qui sans doute aura occasion de durer, -d'autant que ce que je crains aviendra, c'est que ce livre venant à être -goûté, savouré & digéré, on tâchera d'abolir le françois; & ôter de la -bouche du peuple ce beau langage, de crainte que ces bonnes & meilleures -doctrines ne viennent à tomber entre les mains du populaire, qui, -avenant tel cas, feroit aussi aisément la pierre philosophale que les -doctes, qui sans faute la trouveront ès rencontres où nous parlons plus -finement, & disons des choses que des blasphémateurs prendroient en un -autre sens; & pource il les faut bien & diligemment peser. Il y a encore -un autre danger de plus grand mal: c'est que si j'eusse fait ce livre en -grec, la médecine fût périe; si en latin, les loix eussent été abolies: -& ne s'en est gueres fallu, que je ne l'aie mis en hébreu, pour faire -plaisir aux théologiens, qui seuls eussent eu tout ce labeur, qui est la -quintessence du Coras, des Talmuds, du Sefetholan, du Zoar, & tels -livres faits ou à faire, ce que je n'ai garde, & n'en ferai rien, par -dépit d'un moine huguenot, qui disoit que ceux qui étoient en colere, & -ne juroient point, étoient hérétiques. Quelque tonsuré à poil folet, -quelque docteur confit au serpolet, quelque fabricateur de prosélites; -bref, quelque fat se pourra formaliser, & selon sa cervelle -hypocrisifiée, dira de moi, de tous mes amis & de ceux qui font état de -ces pures & parfaites disciplines, & prononcera que nous sommes tous -excommuniés, comme une paire de beaux petits couillons sacrés. (Et -pourquoi ceux-la plutôt que les autres?) La premiere fois que j'allai en -Normandie, je n'y étois jamais venu, encore que j'en sois, comme je -crois, ou d'autre part; mais que ne vous déplaise, je suis le premier -Manceau qui l'a confessé. J'étois avec le sage Bouilli, philosophe -autant naïf, qu'un oison paté. Devisant un jour avec sa femme, & lui -disant que par dépit que je ne pouvois devenir riche, je ferois comme -les freres mineurs: je vouerois pauvreté. O, ho, dit-elle, monsieur mon -ami, qu'il ne vous vienne point d'envie d'être pauvre. Si vous l'étiez, -tant de gentilshommes, seigneurs, & autres, tant dames que demoiselles, -ne vous feroient aucun accueil, parce que l'on ne fait plus de cas de -pauvres que de couillons: on les laisse à la porte; jamais n'entrent. De -cela je me souviens qu'il étoit vrai; & qu'à ce fort jeu, la charrue va -devant les boeufs, comme dit Martial notre ami; & les sacrés encore -davantage, qui n'en osent approcher du tout. - -MARTIAL. Vous êtes bien trompé d'autant qu'il n'y a gens qui soient plus -sur le cul que moines & gens bénis, ministres & savans qui étudient -assis; & qui au lieu de conserver les saints ordres qui leur ont été -conférés les quittent; & abandonnant l'ordre de dieu, se rangent aux -ordres du diable, qui leur confere grace d'être plus ribauds que jamais, -& plus putains que les autres gens. Je m'en rapporte à l'antique de -Mairmoutier, qui se plaignoit que tous ses moines étoient paillards & -avoient des garces; & voyant passer un jeune dispos, qui traversoit vers -la boulangerie! je gage, dit-il, que même ce petit rustre en a une. Il -l'appella, & moineau d'approcher. Il lui dit: n'avez-vous pas une garce -comme les autres. Non, monsieur, dit-il, faisant une grande révérence; -je ne suis pas encore _in sacris_. Margot ma commere, qui mangeoit de -toutes ses dents, s'avisa de ce mot. En dà, me dit-elle, vous avez tort -de parler toujours ainsi en latin devant les femmes. Elle étoit tant -attentive à mâcher, qu'elle n'avoit ouï que cette parole; & continuant, -s'adressa à un homme d'église, & lui dit: est-il pas vrai, monsieur -l'aumônier, qu'il a tort? Dites donc, n'a-t-il pas tort? A vos trois -vis? Et il lui répondit: à _vostracons_, madame. - -MARGOT. Je disois, _à votre avis_, dà. Qu'il faut parler sagement devant -vous! Non, je n'en ai qu'un, dont je suis bien empêchée; chacun me le -demande; je voudrois pouvoir le bailler à rente, afin qu'on ne m'en -importunât plus. Encore si on pouvoit s'en aider sans que j'y fusse, -cela iroit tout le jour. - -L'AUTRE. Vous dites que vous n'en avez qu'un; & je ne sais s'il est -entier. - -MARGOT. Pour le vrai!... - -L'AUTRE. Tout beau! ne jurez pas; & principalement ce juron, qui est -toujours en la bouche des putains, si on vous oyoit, que diroit-on de -vous! - -MARGOT. Oui, oui; il est tout entier & joyeux; je n'y eus jamais mal: je -voudrois en être toute; je n'aurois mal nulle part. - -L'AUTRE. Mais pourquoi desiriez-vous donc tantôt qu'il fût séparé de -vous? - -MARGOT. Demandez-le à monsieur Robin, qui a été à Lubec, pour l'amour de -ce qu'il m'en a dit. Je voudrois faire de même, nous vous le demandons, -monsieur. Nous ne lui avons pas fait dire. - -ROBIN. Ecoutez donc ma ratelée. - - - - -THÉOREME. - - -XXI. Lubec est une ville fort bien policée, & où il n'y a point de -pauvres; & la raison occasionnée en est, de ce que toutes les personnes -ne sont comme ici & surtout pour le commun: de sorte que ceux & celles -qui naissent de bas lieu, n'ont rien entre les jambes; les mâles n'ont -qu'un petit tuyau insensible, & les femelles qu'un petit pertuis à -pisser, y ayant ès endroits formels de certaines cicatrices à ressort; -esquelles on peut appliquer les outils naturels de génération, s'il en -est besoin; & tels membres sont conservés par la république avec grande -diligence & soin: si bien qu'il ne s'y en trouve point de vieils, -d'autant qu'ils les accommodent, de sorte que les ouvriers les tiennent -en l'état de quinze à vingt ans; & tels sont à la maison de ville, -réservés pour les pauvres & moindres personnes: en quoi il est bon à -considérer la sagesse de ce peuple, pour autant qu'il n'appartient pas à -ces cocus d'avoir autant de plaisir & si souvent, que les honnêtes gens. -De ces outils, lorsqu'il en est nécessité, on les loue; (parquoi on les -appelle _banniers_) qui servent à la commodité des gens de basse -condition, pour avoir des enfans & faire des serviteurs, de peur que -l'engeance s'en perde; & ces conbaniers & vibaniers sont comme fours, -dont chacun paie le louage de ce qu'il en a pris. (Ce n'est point -salauderie de dire ainsi, puis qu'il est permis de dire _confitures_.) -Que s'il avient que ceux qui les demandent, soient si nécessiteux, -qu'ils devinssent gueux, on les leur refuse: par ainsi, vu l'égard de -cette bonne police, il n'y a point de cagnardiers. Même, ce qui en bien -utile, les valets ni les chambrieres n'en ont point; il est vrai que -_gratis_ on leur en prête en les mariant, après avoir bien servi. Aussi -bien souvent avant que les marier, monsieur & madame leur prêtent les -leurs par plaisir: ce qui est chose qui fait moult bon voir; & pource -que, quand une chose a servi à quelque sujet, elle s'en sent toujours, -ainsi que quand une chienne a été couverte d'un chien noir, & qu'elle en -ait fait, il aviendra que toujours elle en fera; de même, dieu sauve la -chretienté; il avient à cause de ce prêts, qu'il y a de grands seigneurs -qui ressemblent à des valets. Mais retournons aux banniers. Cette loi -est bonne. Aussi quelle apparence y a-t-il que gens de peu, & qui ont -besoin de pain, aient du plaisir, comme prélats & honnêtes gens? Foin, -foin, ôtez cela: ce n'est pas le chausse-pied, dont on coule en cet -escarpin. Ce n'est pas tout dit une affetée; je ne suis pas content. Qui -est-ce qui a parlé des putains? C'est moi, dit Alcibiades. Vous êtes, -lui dit-elle, aussi un vrai ruffien. Maudites sont ces sottes, qui le -prêtent aux causeurs! Si j'en avois cent, je n'en prêterois pas la -moitié d'un à telles gens. - -ALCIBIADES. Non dà, vous le prêteriez tout entier: mais je ne parle pas -de vous; vous êtes Tourangelle. - -PIERRE L'HERMITE. Ces Tourangelles sont chiches & sujettes cruellement à -l'argent; toutefois, je ne sais s'il y a du mal; mais j'ouis une fois un -Parisien, qui, parlant des Tourangeaux, les appella bougres de Tours. - -MADAME. C'est qu'il vouloit dire _bougrans_, pource que les bons -bougrans s'y font. - -PIERRE L'HERMITE. Voire, voire! C'est que, durant les guerres des -huguenots, les dames d'Orléans, bonnes catholiques, s'enfuirent à Tours; -& les Tourangeaux, pour les désennuyer, les couvrirent. Aussi l'on dit -_chiennes & chiens d'Orléans_. - -MADAME. Et delà est venu ce méchant & détestable proverbe! Que -voulez-vous dire de couvrir? Quoi! ils couvrirent leurs yeux? Ils leur -donnerent des couvertures? - -PIERRE L'HERMITE. Par saint Picot, tu nous la bailles belle! Je dis -qu'ils habiterent & dormirent avec elles. - -BOECE. Habiter & dormir n'apportent rien d'extraordinaire. - -PIERRE L'HERMITE. Le diantre soit le stoïque: (j'ai quasi dit -_sotique_.) - -ALCIBIADES. Eh! bien le voici. Habiter est à la réformée; & dormir à -l'hébraïque; tellement qu'entre dormir avec une femme, ou habiter en -théologien, c'est faire la belle rage que vous entendez, qui se dit -aussi la _cause pourquoi_. - -MADAME. Mais ne m'abusez point; je suis femme de bien; il me faut -satisfaire: achevez, pour effacer l'injure que vous m'avez faite. - -ALCIBIADES. Dites-moi quelle différence il y a entre les femmes de bien -& les autres: & puis je tâcherai à vous contenter. - -MADAME. Bien je le veux; aussi-bien ai-je été l'une & l'autre en tout -honneur: voilà pourquoi je l'entends; & sinon que je suis usée comme la -braguette d'un postillon: le maître vous le dira; j'ai autre chose à -dire. - - - - -SOMMAIRE. - - -XXII. Quand je fus mariée, pour être faite femme de bien, je portai de -mariage plus de dix mille francs que j'avois? ainsi que font plusieurs -filles de bonne maison, gagnés à faire plaisir à mes amis. Que plût à -dieu qu'aujourd'hui le monde fût tel! Il n'y a plus de bonnes personnes -pour bien aimer. Il y a quarante ans que l'on m'aimoit de si bon coeur; -voire, de parfaite fressure: & aujourd'hui, on ne fait que feindre. Il -n'y a plus de bons coeurs d'amour; on n'aime plus. - -ALCIBIADES. Toutes les vieilles parlent toujours ainsi. - -MADAME. Taisez-vous, causeur; & me contentez. - -ALCIBIADES. Vous n'avez pas fait tout ce que je vous ai dit. - -MADAME. Vous n'avez donc pas écouté? - -ALCIBIADES. Si vous ne savez que cela, soyez encore autant toutes les -deux, pour en apprendre davantage. Or je vous dis que je ne sais comment -on fera; vu que, si vous en ôtez environ de demi-pied de place, ce sera -tout un. Toutefois, je vous dirai que j'ai ouï dire à un vieil -spéculateur, qu'il fit un commentaire sur ce que vous avez dit de cette -différence notable; qu'elle est telle que d'un moine à un fou. Ils ont -capuchon tous deux. Aussi femmes ont de quoi contenter tous hommes -capables; mais leurs vaisseaux sont différens, d'autant que l'un est à -honneur, & l'autre à déshonneur. Et s'il y a bien pis; c'est que femmes -de bien, souvent ressemblent aux fous, d'autant qu'elles ne savent jouer -que d'une marote; & en fasse son profit qui pourra. Vrai est que bons -ouvriers savent s'aider de plusieurs outils, pour bien faire; & dit-on -que les enfans de femmes, qui font ainsi, ont volontiers le poil de deux -couleurs, ou ont telles ou telles marques dissemblables, au respect des -femmes de bien. Quant aux putains, je vous dirai ce que j'en ai appris, -durant que je hantois la cour emputannée de Perse, & les gens du monde: -j'oyois quelquefois que l'on disoit de quelques grands, qu'ils étoient -maris de putains: j'étois si badin, que je croyois que c'étoient cocus, -d'autant que le hazard des grands personnages est d'être cocus -honorablement. La cause que les habiles gens courent cette fortune est, -que l'échet de la tempête tombe volontiers sur les plus hautes pointes: -or j'ai été relevé de cette fausse intelligence. Vous devez savoir, -(oui, vous le devez, je vous en montrerai l'obligation) que, du tems des -premiers hommes, il y eut en Mésopotamie une dame qui se fit reine -absolue; & tous ceux du pays, qui parloient en hébreu corrompu, la -nommoient _putain_, c'est-à-dire, madame, en langue babylonienne, comme -dit Balaam en ses étymologies imprimées, avant mille ans, en la Chine. -Notre hôte & bon ami en prêta le livre à Scaliger, quand il passa par -Tours. Vous trouvez en ce livre, si vous le lisez, que la reine signifie -_demoiselle_; & vesse, vaut autant à dire que _fille d'honneur_: aussi -pour le mystique honneur qu'on porte à l'église, on appelle leurs -contubernales _vesses_. Depuis ce tems-là, les dames qui ont eu de la -réputation, & ont été grandes par le monde, & relevées en honneur, ont -voulu être putains; nom qui a été fort révéré pour la révérence portée à -la vénérable antiquité; & n'y a pas long-tems, ainsi que tantôt l'a bien -remarqué l'autre, que par honneur, quand on parloit des dames de la -cour, voire des plus sages & honnêtes, on disoit, pour dénoter cette -honorable assemblée, _le bordeau de la cour_. Par cela, belles gens, -vous ne serez plus scandalisés, (je le dis, parce qu'il y en avoit qui -chavissoient les oreilles, comme ânes en appétit, d'autant que Platon -n'avoit point reparti, quand il a été appellé fils de putain; aussi les -sages ne s'étonnent & ne se formalisent de rien): or d'autant que, pour -paroître en magnificence, il faut triompher, les dames qui étoient -putains, _id est_, grandes, triomphoient & alloient à la guerre. Mais -parce que, du commencement, à cause de leur délicatesse, elles ne se -pouvoient bien accoûtrer au harnois, pour s'y façonner, elles joûtoient -nud à nud avec les hommes, & ainsi en essayoient plusieurs, pour se -rendre plus adroites, accomplies & fermes aux combats, afin de vaincre -heureusement; ces joûtes se faisoient bravement. Depuis, les femmes, qui -en ont ouï parler, & qui, à cause des troubles, n'ont pas vu clair aux -histoires; & qu'aussi les choses déchéent, n'étant pas si roides ni -vigoureuses que celles-là, venoient à la joûte pour se rendre leurs -pareilles; & ayant peur en tombant de se blesser, ont fait tendre des -linceuls & beaux draps. Après, la paix étant faite, & qu'il falloit -néanmoins entretenir les courages par les exercices, afin d'y avoir plus -de grace, on s'est mis entre deux draps sur de bons lits. Les femmes -communes, je veux dire le reste des autres femmes, qui oyoient parler de -ces joûtes, vouloient les essayer; & ainsi voyant qu'il étoit licite -d'entrer nud à nud, comme aux étuves, entre deux draps, elles ont rendu -cela si commun, comme vous savez, que depuis, on l'a eu en dédain entre -les vieillards dédaigneux & hypocrites, ou chatemites; & ainsi le métier -se prophanant, ce beau & vénérable nom de putain est tourné en opprobre -& risée, ainsi que le saint nom de _tyran_ a été viré en mal. Je vous -dirai pourtant que les galants diseurs & écrivains, se voulant relever -sur le bien dire, & orner de belles fleurs leurs propos, tirant de -l'antiquité de beaux mots & des dictions étranges, pour avoir de belles -paroles, usent souvent de ce mot de _putain_ en bonne part, & selon sa -vraie signification, comme fait Virgile, usant de ce mot de _tyran_. - -MARGOT. Mais encore, dites-nous pourquoi avez-vous parlé des femmes de -prêtres? est-ce pour déplaire à quelqu'un? - -ALCIBIADES. Non, ou je me contamine, je m'abomine, je déteste, je -trentemille, je précipite, j'horrible, je... - -SOCRATES. Oh taisez, taisez-vous; faites-le boire qu'il ne soit enragé: -ne blasphémez point, pour vous facher sans qu'aucun s'en soucie, parlez -amiablement. - -ALCIBIADES. Ecoutez-donc; je ne suis plus en colere; elle passe aussi -légérement qu'un baiser de bien-venu, & avisez à l'antiquité, mere de ce -siecle. Telles dames, comme vous savez, sont subrogées aux sages & -saintes vestales. Celles-ci sont donc vestales? Et parce que cela est -rude à dire, on dit _vessailles_; & pour veste, radoucissant ce mot à la -françoise, on dit facilement _vesses_, parce que cela coule plus -doucement en votre nez. - -TURPIN. Or ne vous faites point de discours, sur ce qu'ils ont des -femmes ou non; je vous dis & déclare: que qui n'aime point l'animal de -société, qui ne fait point de cas des femmes, est sot & méchant, ou -sodomite. Si, laissons ces loups-garoux, instrumens de toute souillure, -un homme, qui honnêtement aime une douce femme, est humble & gracieux: -mais cettui-là qui les rejette, est de qualité d'usurier, médisant, -malin, ennemi de dieu & des hommes, & qu'il s'aille faire couper le -bout; zest, c'est autant de cas raclé. Voilà une affaire faite, aux -autres. - -POMPONATIUS. Les femmes hantant les gens d'église, ne sont pas leurs -femmes. Vraiment, vous y êtes! Non, elles sont chambrieres, puis femmes, -puis dames & maîtresses. - - - - -STANCE. - - -XXIII. Ces chambrieres ne sont pas ainsi que celles du monde. Savez-vous -comment elles tiennent serf le petit monsieur, & si c'est avec tout -honneur? Qu'ainsi ne soit, prenez-y garde: quand ce ne seroit qu'un -gueux, si elles parlent de lui, elles diront _monsieur_ sans queue. -Elles ne sont pas comme cette demoiselle, qui, s'estimant plus noble que -son mari, quand elle parle de lui, dit: _celui-là_. - -ME. PIERRE DU FOUR-L'ÉVEQUE. Encore que je ne vous fasse que verser à -boire, si me ferez-vous, s'il vous plaît, l'honneur de m'ouir, en la -défense des femmes, dont avez parlé, & auxquelles j'ai part. Quand -j'étois vicaire, j'avois une femme à la mode & usage de vicairerie; -depuis, m'étant remis au monde, elle fut ma femme, épousée selon les -droits & usages des autres gens. Quand les femmes du premier ordre ou du -saint, & principalement celles des pauvres prêtres, parlent de leur -ménage & proficiat, elles disent, (non point comme femmes absolues, -elles ont bien plus d'honneur au respect de leurs maîtres; témoin celle -de messire Blaise, qui, au four, se plaignant de leur petit moyen, -ajoutoit: hélas! encore si ce n'étoit nos messes, je ne sais que je -serions), mais ce n'est pas tout, elles se tiennent si bien pour femmes, -que, si celles des vicaires trouvent celles des messieurs, elles leur -feront honneur; & celles des chanoines suivent la dignité & rang de leur -monsieur. Et pensez-vous, vous qui en riez, que cela ne soit pas vrai? -Pour vous le faire croire, je m'en rapporte aux gueux, qui, aux grandes -fêtes, les voyant venir de la premiere grand-messe, leur crient ainsi: -nobles chambrieres, ayez pitié de moi. Voilà, messieurs, ne vous -déplaise; il vaut mieux en avoir chez soi pour s'ébattre en bon -chrétien, que d'aller, comme méchant voleur, courir çà & là, en danger -d'être pincé au colet, comme Cornu, qui mourant de la vérole, soupiroit, -disant: hélas! je connois maintenant que c'est chose moult sainte & -juste, que vivre de ménage. - -ARETIN. _Voi havete molto parlato delle putane; ma tu non hai ben inteso -che è questo; ne sapete l'etimologia della putana, per che voi dobete -saper una ragion maravigliosa, & notare la derivatione di tanto nome è -celebrato, non solamente da noi, ma da tutto il mondo. Ascoltate donque, -e notate che putana si dice, per che gli putte la tana._ Fernel se fâcha -de cela, & dit que les choses puants sont ceux de celles qui font des -enfans, d'autant que le cul y passe, merde & tout; mais ceux des putains -sont si souvent brayés & savonnés, qu'ils ne puent point, & que l'Arétin -y mette le nez, pour moult voir. - -PLAUTE. Il étoit bien question que ce maquereau d'Arétin nous vînt -troubler & en parler, quarante lieues après la premiere parole. Il a -fait comme le prince de delà les monts, qui demandant à Paris, per infor -de velurs, & le marchand qui pensoit qu'il dit en prendre grande -quantité, lui dit: bran, bran. Ce seigneur étant sur la montagne de -Tarare, s'en souvint, & demanda à ses gens que c'étoit à dire bran. Le -plus hardi lui dit que c'étoit merde. Ha, dit ledit seigneur, en ta -gorge, marchand de Paris. C'est lui-même, qui ayant mangé des lentilles -qui lui avoient échaudé la goule, & se trouvant en un champ, comme on -lui eut dit: que ce qui s'étoit levé étoient lentilles; piquez, piquez, -dit-il, qu'elles ne brûlent pas les pieds des chevaux. - -PIERRE L'HERMITE. Mais rentrons, à propos du ménage de Cornu, qui est de -se tenir constamment à une chose, de peur de pis: toutefois le bon pere -Perault m'a appris qu'il y a trois sortes de chouses, dont il se faut -garder. - -TURPIN. Quels chouses? - -PIERRE L'HERMITE. Chouses à travailler naturellement; chouses à chouser; -chouses que les femmes portent, sans les laisser à la maison: je ne -saurois mieux dire, si je ne les nommois pas la tête du consistoire. Or, -ces trois chouses sont, l'armé, le trop hanté, le pauvre. Gardez-vous du -con armé, de peur d'être tué, en faisant le péché mortel. Je vous assure -qu'il n'y a point de plaisir à l'être, non plus qu'à se faire pendre, -quand on ne l'a pas accoutumé. D'un trop hanté, crainte d'avoir -occasions judiciaires. - -MARGOT. Qu'est-ce? - -PIERRE L'HERMITE. Causes, pour lesquelles on seroit repris de justice, -comme d'avoir chancre, chaudepisse, poulains & vérole renforcée; ainsi -passer la basse, moyenne & haute justice: pour à quoi obvier, je vous -dirai qu'il y a un moyen; c'est que vous fassiez comme les chiens, après -l'avoir fait, léchez-vous le _casus_: jamais chiens n'ont mal. Aussi -leur cas est d'os, qui est fort propre à faire des cure-dents pour -celles qui ballent ou badinent des doigts autour leur visage, quand on -les sonde, pour savoir si elles ont la matrice close. A propos de chien, -je me souviens de monsieur le commandeur de Compesiers, qui desiroit -être comme trois sortes d'animaux, à savoir, ainsi que le cigne, qui -plus vieillit & plus embellit; comme le chien, auquel vieillissant le -membre grossit; & tel que le cheval & le cerf, qui plus vieillissent -plus le font. Et d'un affamé, (je reviens à nos moutons; j'y pensois -d'autant, que voyant ce poil, je cuidois que ce fût laine) un affamé -vous ruinera, il vous engloutira; & si n'en mourrez pas, qui est le pis. -Voilà un bel enseignement. - -STURMIUS. Ne ferez-vous aujourd'hui autre chose que de parler de ceci? - -CESAR. Quoi! de ceci? - -STURMIUS. Il faut parler de cela aussi; & en dà, qui ne le diroit, on -l'oublieroit, plus on ne le feroit; si plus on ne le faisoit, on ne -mangeroit plus de chapons, ni de lard. Ces réformateurs-ci veulent tout -perdre; & bien je m'en tairai, & le laisserai aux autres, & au maître de -céans, suivant l'avis de ce gentilhomme qui soupa hier céans, qui disoit -qu'il n'appartient qu'au maître de la maison & au coq à le faire. - -B. Je m'en souviens: sa fille voyant le coq qui cauquoit les poules à -petit semblant... - -CICERON. (Il faut dire _cochoit_, en bon françois, comme tantôt le -disoit notre maître Barrelette, parlant de ce que font les autres -animaux; & ainsi que je lui ouis dire en chaire, il protestoit, de -grande douleur, de la faute qui se commettoit au genre humain; c'est que -les grands, & ceux & celles qui ont des juges leurs amis, si d'aventure -vont s'exercer le bout autre part, ou faire amittonner l'ouverture -spéculative après nature, cela leur est joliment imputé à faire l'amour -en tout honneur & galantise. Mais si c'est quelque pauvre diable, cela -sera dit adultere, ou paillardise, ou rapt; & puis vous fiez à ces -Justinians de tous les diables. Or, je les recommande tous à chapitre, -s'ils veulent être gratifiés. Ainsi il faut punir ceux ou celles qui -n'ont de quoi maintenir ou acquérir réputation. Je m'en rapporte à ce -que jadis nous faisions en notre ville de Rome. Si quelque pauvre -preneur de loups étoit surpris en la réverbération naturelle, il étoit -mené en la place publique, & là on lui appliquoit de la poix toute -chaude au cul, qu'après on tiroit: & ainsi on lui arrachoit le poil, & -puis en vieil & bon langage hétrusque, on le nommoit drôle qui avoit la -fesse tondue.) Cette fille, quoi! Dites-nous donc. - -STURMIUS. Le coq faisoit mine de donner la venue aux poules, dont cette -fille, qui le voyoit, & en étant fâchée, pour l'intérêt de ces pauvres -poules qui étoient trompées, me dit tout haut: voilà un coq qui fait -bien l'ivrogne. - -BEZE. Il avoit peut-être l'éguillette nouée, comme R. qui rechercha -long-tems la belle Marguerite, avec laquelle il fut marié. Mais P. son -corrival, qui étoit fâché de cette alliance, & qui aimoit la belle, leur -noua l'éguillette, si bien que jamais ils ne purent avoir accointance -mystique l'un de l'autre, qui fut cause qu'après plusieurs procédures, -R. fut déclaré impuissant, & partant démarié; & puis, par le -consentement de tous, P. fut en grace, & marié avec Marguerite. Le soir -qu'ils devoient coucher ensemble, la belle étoit allée en la chambre, -pour l'apprêter, où ayant vu d'ordre les besongnes, & la tavayole de P. -en y nichant, elle trouva une éguillette violette nouée, qu'elle prit, -sans que l'on s'en apperçût. Ayant avisé à ce petit ménage, elle descend -& se vint remettre en la troupe, dont elle ne s'étoit retirée qu'à -l'heure qu'on dressoit les tables pour le souper, qui est le tems que -chacun va à ses petites commodités, & les filles pisser. Le soir, comme -on eut bien dansé, qu'il ne s'en falloit gueres que l'on ne parlât de -mener coucher la mariée, qui se feignoit lasse; P. la vint entretenir: -eh bien! ma maîtresse, comment vous va? Elle lui répondit, selon l'avis -qu'elle eut; & se mit à deviser avec lui; sur quoi, elle lui conta -qu'elle avoit été voir son deshabillé, & ajouta qu'elle y avoit vu une -éguillette nouée, dont il se prit à rire. Elle l'enquêta qu'il avoit à -rire; & il lui conta qu'il rioit du bien que cette éguillette lui avoit -fait étant cause qu'il l'avoit eue. Après qu'il lui eut déclaré cette -fourbe, elle ne fit mine aucune; aussi se prit à rire, sans dire qu'elle -eut l'éguillette. Or il fallut faire collation, & déshabiller la mariée. -La mariée, étant avec une sienne chambriere d'âge, qui savoit ses -secrets, fit semblant de vouloir aller à la garde-robe; mais elle alla -bien plus loin. Elle, avec cette bonne femme, prit le chemin de la -maison de R. Cependant on la cherchoit; & pensoit-on qu'on l'eût -détournée pour rire, comme souvent il avient. Etant arrivée chez R. elle -dénoue l'éguillette, & s'entre-communiquerent les douceurs prétendues; & -l'autre fut le plus sot. - -TURPIN. Mais elle, d'autant que demeurant avec P. n'eût pas laissé de -s'accommoder avec R. comme il avint à notre ami maître André, qui, à -cette heure, est sergent. Il avoit une prébende à Chartres, laquelle il -laissa, pour se marier avec une belle fille, à laquelle, au matin de la -premiere nuit de ses nôces, il dit: eh bien, ma mie, tu vois comme je -t'aime, d'avoir laissé ma prébende pour t'avoir! En dà, vous avez fait -une grande folie; vous deviez garder votre prébende, vous n'eussiez pas -laissé de m'avoir. - -BEZE. Elle savoit donc, qu'il y a des chanoines qui fouaillent? Le -penseriez-vous? - -NERON. Vraiment, il les feroit beau voir, si cela étoit; ils feroient -des enfans qui seroient charretiers, qui meneroient pere & mere à tous -les diables. Pourquoi non ne s'ébattront-ils avec les femmes? - -TURPIN. Avisez-y; & sachez que cloîtriers, qui n'aiment point les -femmes, sont toujours après à relêcher quelque vieille hérésie, sous -ombre de dégoiser sur la réformation, parlant des vices qu'ils imputent -aux autres, lesquels sont plus tolérables que les leurs. Hé bien, -s'accommoder avec femmes n'est pas tant mal que de troubler la -chrétienté; & puis, faire tel oeuvre, apporte la béatitude: de là vient -qu'on les appelle _béats peres_. - -CICERON. C'est bien parlé cela, aussi ne faut-il pas dire comme le -commun, qui dit: _beau-pere_. Et certes ils sont béats, c'est-à-dire, -heureux, d'autant que bienheureux est le pere, qui n'a point la peine de -nourrir ses enfans. - -L'AUTRE. Hé gai, vive l'amour! Il n'est que d'être quitte, libre, & -jouir de ses amours. Ainsi puissions-nous avoir santé & de l'argent. - - - - -ABSOLUTION. - - -XXIV. Achevons en gens de bien; & laissons ces théologiens avec leurs -vertus théologales. Quant à nous, suivons les quatre cardinales, qui -sont rire, manger, boire & dormir. Telles sont nos vertus. Quant à -celles de ces malheureux théologiens, selon la penarde remarque des -scolastiques, ennemis de nature, elles sont avarice, envie, bithuminie. -Par mon serment, & à propos d'une vertu théologale, je me souviens que -du temps que nous étions hérétiques, & allions au prêche, nous ouimes un -bon conte. (J'ai quasi nommé le seigneur qui nous menoit; & j'eusse tout -conchié votre prétoire.) Or nous allions gayement, comme pélerins qui -délogent; & nous dogmatisions, par plaisir, sans péché. Le Preux, ce bon -marchand, étoit avec nous, qui venoit fraîchement d'Allemagne; aussi -étoit arrivé en hiver. C'est ainsi qu'il avint au boiteux Laurier qui -entra céans; & Multon lui dit: soyez le bien venu; je pense que vous -êtes tenu par la pluie; vous êtes encore tout tortant. Ha, ha! Le Preux -nous contoit des miracles: qu'avoit fait Paracelse en Germanie. Ho! tu -t'en souviens bien, Couillette mon ami; & vous aussi, Connaut; vous -faisiez le voyage avec nous. Ainsi il nous emplissoit de telles -merveilles, faites à la pointe de la pincette, au ressort de la cornue, -au tintin de l'alambic, & à l'ombre du fourneau; & ainsi amplifiant sa -gloire, nous disoit qu'il avoit guéri toutes sortes de maladies. Comme -je lui faisois houette: voire, ce dit-il, il en a même guéri de la -bougrerie. Dieu sauve les chameaux hongrés! - -CESAR. Voilà de belles disées, de beaux dictons; c'est ce que notre -grand chien abayoit toute la nuit: mais ce qu'a chanté notre coq, -entendez-vous bien le jargon des bêtes? - -ULDRIC. Parlez à ce maître, qui parloit tantôt en poule. - -GEBER. Pourquoi non? Un chien abaye bien à la lune, & une chevre regarde -bien un ministre, & un chien un évêque, dont moult il s'ébahit. - -ERASME. Mot, paix-là: gardez de trop dire; nous avons parlé du roi des -alquemistes, n'en disons plus rien. - -NERON. Pourquoi? Il n'y a point de danger, puisque, depuis qu'il a -produit ses oeuvres, il a si bien mis l'alquemie en la tête de tout le -monde, que chacun s'en veut mêler: il n'y a pas même les demoiselles & -les petits enfans, qui portent des soufflets à leurs ceintures. - -CESAR. C'est bien, à propos d'un évêque, venir à un soufflet. - -ERASME. Pas tant que vous diriez; & notez ce que je vous dirai. Jadis, -il n'y avoit que les ecclésiastiques qui touchassent aux secrets, & -sur-tout de la pierre philosophale; aussi tous les livres nouveaux qui -en ont été faits, sont issus de couvents. Or est-il que les orientaux -ont eu les sciences les premiers: & comme cette-là venoit, messieurs les -comtes de Lyon l'arrêterent, & s'entre-communiquerent ce secret, si que -tous s'y rendirent maîtres. En signe de quoi, pour témoigner leur gloire -pour telle invention, ils ont depuis toujours porté des soufflets sur la -tête; ainsi sont-ils mitrés comme beaux petits évêques portatifs. - - - - -ARTICLE. - - -XXV. Mais pour vous rendre joyeux comme un âne qui a un bas tout neuf, -je vous commencerai encore à vous dire qu'il y a ici plusieurs messieurs -qui se fâchent d'être nommés, parce qu'ils dédaignent la sotte gloire, & -ne veulent pas qu'on estime qu'ils soient payés pour cela. Pensez-vous -que Ciceron soit aise qu'on dise de lui: voilà des épîtres qu'il a -faites? Non, non; il veut que l'on croie qu'il est avec une belle épée, -faisant le tiercelet d'empereur. Ainsi plusieurs, qui sont gentilshommes -portant les armes, témoignent par leurs écrits que ce qu'ils font, en -vers ou en prose, n'est que pour dire que, s'ils y prenoient autant de -peine que treize, ils en tireroient quelque échantillon. Ceux-là sont -galants; ils ont le laurier des armes, où souvent ils ne savent gueres, -& encore moins aux lettres; d'autant qu'il est mal séant à un guerrier -de savoir. - -CUSA. Et puis dites que vous en avez, hérétiques, qui crevez de dépit, -quand vous voyez un homme de bien qui profite, & que vous venez à lire -les authentiques des peres, & vous ne savez qui les a écrites. - -QUELQU'UN. Or ça, pour l'amour que je porte à la bonne chrétienté, je -vous veux enseigner une chose notable, & que vous ne trouverez autre -part, parce que ce qui doit être dit, doit être ici. Jadis, il y avoit -une sorte de gens qui vivoient quatre fois autant que les autres, il y -en a encore en la hiérarchie de double linge. - -CICERON. Qu'est-ce à dire? - -L'AUTRE. Que tu es sot! Ceux qui ont un surplis, n'ont-ils pas double -linge? Ceux-là sont les secrétaires de vérité. Aussi ont-ils charge de -considérer les femmes grosses, les enfans qui en naissent, afin que, -s'il avient que quelqu'un soit ou grand, ou saint, ils sachent à dire ce -que déja il faisoit dans le ventre de sa mere, encore qu'elle eut vécu -cent ans. Hé bien, vous ne saviez pas cela? Je vous en dirai bien -d'autres, si vous me voulez promettre de ne vous enquérir plus de nos -amis. Que si vous les savez, & qu'il vous plaise vous en donner au coeur -joie, mettez leurs noms devant les articles de ces dialogues. Ceci, se -fait, parce que nous sommes au plus délicieux des secrets, & on diroit: -c'est tel ou tel qui les a découverts. Il ne le faut pas. Je ne sais si -je me pourrai amancher en discours. - -ASCLEPIADES. Là, donc, mon mignon du Touret, pour l'amour de la -compagnie, je vous prie ne me reprochez la vieille mode des dames; je -m'en souviens assez. Quand j'étois page de madame Combardavit, il avint -en ce temps-là que nous allions en un voyage d'amour; j'étois -émérillonné comme un sacre; les filles étoient allées ployer le toret, -c'est-à-dire, _pisser_. Or il y en avoit une qui, pour n'avoir eu le -loisir de sortir du chariot, avoit chié en ses queues, sous le nez de -vous. Elle étoit en la garderobe, fort empêchée, & coupoit le derriere -de sa chemise emplâtrée, comme le cataplame d'un goutteux. Je l'épiois, -d'autant que c'étoit une belle foireuse. Elle qui m'avisa, me va droit -jetter au nez ce qu'elle avoit coupé de son derriere. Au diable le -parfum! J'en eus une belle museliere; & dieu merci & vous, vous m'en -faites la guerre. - -CESAR. Oh bien, je ne le dirai plus; en dà, poursuivez. - -ASCLEPIADES. Par mon ance! on pourroit aller autre part, qu'on ne -trouveroit pas un homme si délibéré que moi. - -ALEXANDRE. Je voudrois pour la récompense, cher ami, que tu eusses -épousé, c'est-à-dire, que tu fusses marié à la plus jolie nonnain du -monde. - -ASCLEPIADES. Ho, monsieur, pardonnez-moi, s'il vous plaît; il ne -m'appartient pas: quoi, c'est la perdrix du monde! Il faut bien pour -colloquer la douer avec le faisan du monde, qui est le chanoine; ainsi -tout ordre aura lieu. Hé gai, gardez-vous-en: mon pere qui avoit mangé -de la vache enragée, & étoit délié comme soie fendue en deux, avoit fait -mettre au front de la porte de sa maison: - - Chassez au loin ces prêtres & ces moines - Et ne donnez entrée à ces chanoines. - -LE BON HOMME. En dà, tout ira bien, puisque nous rimons. Monsieur -Bacchus commence à faire mines, aussi-bien que font les moines. - -CESAR. Que font les moines? - -OECOLAMPADE. Ils font des traits mignons & de fait; toutes bonnes -rencontres & proverbes vieux viennent d'eux, & toutes belles inventions -en sortent: témoin les moyens de faire hâter les jours aux papes, -empereurs & rois. Mais, pour la modestie de Psellus qui me le fait dire, -je passerai outre. - -TOSTAT. Vraiment, je vous dirai un bon conte de frere Jean Dissolez, qui -prenoit les poires de bon chrétien du pauvre Tournereau, qui lui disoit: -frere Jean, je vous vois bien. Et frere Jean de mettre au capuchon, -disant: quand tu ne me verras plus, je m'en irai. Le pauvre homme s'en -alla cacher, afin que frere Jean ne le vît plus; comme le gentilhomme de -Bousille, qui se cachoit quand il voyoit les pauvres qui lui déroboient -son bois, & disoit, qu'il le faisoit, parce que, s'ils l'eussent vu, ils -n'eussent rien emporté. Frere Jean descendu, Tournereau le prit à part, -& lui dit: frere Jean, monsieur le prieur, mon ami, vivons en paix, je -vous prie; ne me dérobez plus mes poires, j'aime mieux vous en donner. -Combien m'en bailleras-tu? Je vous en fournirai trois quarterons. Ho, -ho, dit le moine, je n'ai garde de faire ce marché-là, j'y perdrois -trop. - -BEZE. Sandé, celui-là savoit bien le _tu autem_. - -TOSTAT. Hé bien! qui pourra dire ce que cela prétend, s'il n'a été -moine, ou à peu près? - -BEZE. Aussi nul ne peut médire, ni bien parler d'un état, s'il n'en a -été, ou s'il n'a trop fréquenté les compagnons. - -TOSTAT. Quand les moines dînent, il y en a un qui est en chaire, qui -leur fait lecture des actions des satrapes; & ainsi légendant, il -barbillonne les oreilles de ses confreres, qui cassent la bribe, sans -songer à ce que dit ce pauvre lamponnier, qui est là-haut perché sur les -intentions dénouées, bien loin de ce qu'il dit: d'autant qu'il a -l'oreille attentive vers le prieur, qui est sous le dais, ou en la belle -place à mouler des intelligences de tripes; durant quoi il se souvient -par fois de ce pauvre diable qui s'égueule à faute de s'écouter, & dit, -en touchant du doigt sur table: _tu autem_; qui est à dire, qu'il -finisse, parce qu'à chaque bout de leçon on dit cette fin. Si de fortune -ce lecteur est si sot d'avoir plus d'attention à sa lecture qu'au dîner, -(_absit_) & qu'il veuille achever jusques au sens parfait, & qu'ainsi il -perde le temps; les autres disent, en concluant chapitralement contre -lui, qu'il n'entend pas le _tu autem_. Ainsi en est-il du reste; -cachez-le. - -ASCLEPIADES. Avant que laisser les moines, & devant qu'ils nous oient, -voyez-vous, en voila un qui regarde. C'est le même que je vis tant -arguër, quand notre maître Benoît fut passé docteur; il trépignoit, & -venoit aux atteintes: pourquoi il eut un docteur, qui, se fâchant & se -tournant, vit ce carme, & pource qu'il faut parler latin, lui va dire: -_iste carmen_. A cela, il se tut; & ne fut plus si impudent, parce qu'on -dit, bran pour les carmes. - -CESAR. A cause de quoi? - -ASCLEPIADES. Ne savez-vous pas qu'il y a les quatre temps pour les -mendians, ainsi fait au compost. _Post._ Pan. Cru. Lu. Bran. _Quatuor -tempora._ Pan; c'est pour les cordeliers, qui ont une corde toute prête. -Cru; c'est pour les jacobins, qui ont la croix, ils sont riches. Lu; -pour les augustins, qui sont luxurieux, à cause qu'ils portent tantôt le -blanc, tantôt le noir. Bran, pour les carmes. - -BEZE. Quelle différence y a-t-il entre son, bran & merde! Je le dirai. - -DIOGENES. Son, est pour les cloches, ou bien en vient; bran, pour les -pourceaux, & merde pour les médecins & pour vous. A, ha, né. - -ASCLEPIADES. Voilà bien de quoi rire! Laissez-moi conter ce que je -voulois dire. Je vous dirai ce que frere Ambroise le Sené m'a dit d'un -de ses confreres, quand j'étois enfant, & dont je me souviens, comme de -ma premiere chemise, & vous de la premiere fois que vous vous torchâtes -le cul tout seul, après avoir appris à manger tout seul. Ce confrere -avoit nom Ferrand, qui étoit gaillard, & avoit toujours plus d'argent -qu'un chien: parquoi il payoit pour un autre, nommé frere Margeou, qui -savoit détourner la biche. Voilà comment les inventions se trouvent, -pour avoir du crédit. Sur un bon avertissement, ces deux-ci vont -ensemble chez Conscience, qui avoit une chambre garnie d'un lit & d'une -couchette. - -PISO. Vous parlez des moines: que ne mettez-vous aussi souvent des -ministres en campagne. - -ASCLEPIADES. Ils n'ont encore guères régné; & puis, s'ils venoient à -périr, ainsi que cela aviendra bientôt, d'autant que leur fondement est -foible, & que l'on en trouveroit tant en ce registre, cela feroit -éveiller les esprits, pour s'enquérir quelles gens c'étoient: & par -ainsi on réveilleroit l'hérésie, qui sera éteinte comme feu de paille -dessus l'eau, quand on aura toujours quelque conte de moine qui fera -rire, au lieu de s'aller amuser mélancoliquement à égratigner la -théologie pour en abuser. Or, en la chambre préparée aux moines, il y -avoit un malade à demi guéri, qui étoit dans la couchette; & le grand -lit fut apprêté pour ces deux amis, qui, après souper, se retirerent -pour se coucher, & en se déshabillant parlerent de propos de consolation -à ce malade, qui incontinent leur donna le bon soir, & eux à lui, & se -mirent au lit. La dame, qui avoit fait provision pour l'exercice du cas, -avoit baillé le mot à la chambriere, qui laissa l'huis ouvert, ayant -fait semblant de le fermer. Quelque petit espace de temps après, selon -la diligence qu'en avoit fait Margeou, vinrent deux mignonnes, telles -que celles qui ont ci-après été dites chevres à oreilles d'étoffe, & se -placerent avec toute humilité auprès des freres qui les attendoient, non -touchés de l'infirmité naturelle, (aussi ce n'est pas de tel biais que -l'on peche, comme certains malotrus de docteurs veulent prouver, pour -déguiser leur puante ambition ou triste avarice) mais en habileté, -gaieté, vigueur & fermeté de nature, selon lesquelles ils firent leur -devoir de cognebas, fesser les doucettes, qui s'en trouverent -naturellement bien; tant pour la délicatesse, que par sympathie, elles -en reçoivent ès oreilles, par le grand bien que cela fait où il touche. - - - - -RISÉE. - - -XXVI. Ceux-ci firent mieux tant pour tant, que les deux cordeliers qui -furent en équipage. Mais encore, pourquoi est-ce que les mendians vont -toujours deux ensemble? - -SACROBOSCO. Pour se faire compagnie, c'est-à-dire, - - Hos brevitas sensûs fecit conjungere binos. - -C'est le bon vin de madame, qui me fait ainsi dire. O liqueur -prophétique, bénigne humeur qui nous fais doctes, radoucis nos -adversités, & réjouis les coeurs qui ont faute de consolation salutaire. - -CIRUS. Vous ne faites que traverser; que n'achevez-vous, sans tant vous -donner de traverses? Je vois Platon qui s'en fâche, parce qu'il y avoit -plus d'ordre chez lui. - -CAMBISES. Là où il y a tant d'ordre pour dîner, il y a du désordre pour -faire ses affaires. - -L'AUTRE. Voilà qui va bien, prenant affaire pour office culier. - -ASSUERUS. J'avois ouï dire que l'on épargneroit les hommes spirituels; -mais tantôt la raison m'a bien satisfait; jamais Mammuchan n'en dit de -meilleures. Il est vrai que, si hors d'ici j'oyois ainsi parler à ceux -sur lesquels j'ai pouvoir, je leur passerois le pied par l'épaule. Or, -je connois qu'il se faut ici donner carriere. Il est vrai, pource que -nous sommes tous amis, que je souffre tout; & moi-même je dis des -choses, que je ne souffrirois pas dire à d'autres. Mais il faut aviser -que nous ne pouvons mal dire, ni mal faire, d'autant que nous sommes en -l'être parfait, & à l'instant qu'il n'y a plus de passions: parquoi nous -nous satisfaisons, & vous aussi, en battant le chien devant le lion; -c'est que nous galoperons les ecclésiastiques, qui sont parfaits en leur -vie, afin d'intimider les ames par les choses qu'ils diront. Or, -regardez au prix, s'il se met après nous, comme il nous gâtera; & voilà -comment on fesse les enfans devant les valets. Donc ces bons messieurs, -fils aînés de la sainte maison, ne prendront point en mauvaise part -qu'on tourne la parabole sur eux, afin que leur charité soit reconnue; & -qu'étant innocens, ils veulent bien être accusés & châtiés de ce qu'ils -n'ont pas fait; afin que les coeurs vicieux aient honte, & se corrigent, -voyant la bonté de ceux qui portent leurs iniquités. - -SACROBOSCO. Je ne puis tenir mon eau; je vous dirai ce conte de ces deux -cordeliers. Donc, comme nous étions ensemble en Bretagne, l'un d'eux -devisant fit un pet. L'homme de chambre de monsieur lui dit: de quel ton -est-ce, monsieur notre maître! Il répond: duquel vous le voudrez; -entonnez bien: & voilà pourquoi depuis à Châtelleraut on a amanché des -coûteaux de la belle corne de couleur. L'an d'après, lui & son compagnon -encore novices, allerent à Angers, chez une honnête dame que l'ancien -gouvernoit: si qu'étant entrés, le maître monte en haut, & laisse en bas -avec la chambriere le jeune apprentif. Le bon est que, comme le moine -fut sur madame, le gros trompette, qui s'étoit caché sous la cheminée, -les voyant aux prises, se mit à fanfarer, dont les amans furent fort -étonnés; mais ils appointerent avec ce maître trompette, qui étoit venu -un peu devant pour hocher la chambriere, & de peur d'être surpris, -s'étoit caché. Le trompette sorti, & la collation ayant été prise, -monsieur notre maître se mit à la juchée. Savez-vous qu'il faisoit, & ce -qu'elle pâtissoit. En dà, ils étoient comme le gueux que vit maître Jean -de Guigni, allant aux nonnains, & passant par sur le pont de St. Eloi. -De fortune le vent fort lui emportoit son chapeau, auquel il mit la -main; mais il ne le put si bien retenir, que le cordon n'échappât: -c'étoit sa bonne fortune qui lui induisoit si franche rencontre. Voyant -son cordon échappé, il jetta la vue en bas sous l'arche, où le cordon -étoit chu. Vraiment il le vit, & bien autre chose. Que vit-il? Le -spectacle d'immortalité, les effets de concupiscence, le progrès de -génération, quatre jambons pendus à une cheville, deux animaux encruchés -& soulevés faisant le quadrupede raisonnable, la bête à double ventre, -ou à deux têtes, l'animal à quatre yeux, l'homme femelle, la femelle -mâle, le principe de l'engeance anagogique, une femme en proche -disposition d'être châtrée, un homme prêt d'être décoché. Comme il voit -ce mystere s'effectuant, il dit tout haut: en dà, de mon chapeau je -donne la ceinture à celle, ou cil qui a le bout en la jointure; -c'est-à-dire, je donne mon cordon à qui a le vit au con. Quand l'homme -fut levé, il s'avança pour prendre le cordon: la femme aussi y va, parce -qu'elle le veut avoir. O! ho, dit l'homme, il est à moi. E! hé, -dit-elle, c'est à moi, d'autant que j'avois le bout où il a dit; je ne -l'avois pas en l'épaule, vous le savez bien; aussi vous l'y aviez mis, & -bouté. Voire, dit-il, & moi l'avois-je aux talons? Ne savez-vous pas -bien où je l'avois fiché? Vraiment, je ne l'avois pas sur la tête; -j'avois bien autre lieu où l'employer, & où il en faudroit beaucoup pour -l'étouper. Mais devinez à qui de droit ce cordon appartient, afin d'en -être juge)? Le grand cordelier ayant achevé son affaire avec la -disposition de sa pâte, qui fut levée aussi-tôt que le four fut chaud, -ce qui n'avient pas toujours. (Je me reprens, d'autant que toujours le -four est chaud, mais la pâte n'est pas levée. Aussi les femmes font -comme les gueux, elles tendent toujours leur écuelle). Après ce mystere, -les freres s'en vont; le grand aussi saoul que s'il eût mangé une vache; -& dà, en bonne foi, je crois qu'il y a autant à besongner à une femme -toutes les semaines, comme il y a à manger en un boeuf. Les deux -religieux revenus, il fallut rendre compte chacun de sa villication. Le -grand raconta son désastre, mais que pour cela il n'avoit pas délaissé -de faire la cause pourquoi. En après, il demanda au jeune ce qu'il avoit -fait, & si par vif effort il avoit vaincu sa concupiscence, en la -foulant sous soi, selon les délectations de victoire future. Voire, dit -le pauvre, qu'eussé-je fait? Cette fille est innocente; elle ne s'aidoit -point, quand, au bas du degré, après que la porte fut fermée, & que je -l'eus poussée, je lui levai ses robes, & puis je levai la mienne. En -levant la mienne, la sienne tomboit; puis levant la sienne, la mienne -baissoit; & tant, & tant que vous êtes venu, avant que le j'aie pu -approcher. Cette réponse ouie, tous les bons freres soupirerent de -deuil, oyant la bêtise de cet enfant, lequel fut condamné d'avoir le -petit chapitre, pour se souvenir qu'une autre fois il eût à prendre sa -robe à belles dents, quand il leveroit celle d'une fille avec une main, -tandis qu'il foutilleroit de l'autre: ceci s'adresse à ceux qui portent -des soutanes. - -CESAR. Mais nous laissons nos deux amis chez Conscience long-temps -dormir. - -ASCLEPIADES. Or bien, ayant passé la nuitée, ils se leverent assez -matin. Ils observoient ou pratiquoient ce que doivent bien noter -nouveaux mariés, c'est de se lever matin pour se reposer. Sur les huit -heures, la dame alla en la chambre visiter le malade, qui avoit le -cerveau creux, à cause qu'il ne l'avoit pas rempli d'humeurs nutritives, -& partant les outils de son intelligence étoient déflochés, si qu'il -avoit bien plus veillé que dormi. Après qu'elle lui eut donné le bon -jour, (ainsi dit-on, & on ne donne rien) & qu'elle l'eut interrogé de sa -santé; madame, qui sont ces deux qui ont couché là cette nuit passée? Ce -sont, dit-elle, deux honnêtes hommes. Or ne savoit-il rien de la -compagnie françoise. Il réplique: ils sont leurs grands diables; -comment! tous les gibets, pourroient-ils être honnêtes, qu'ils n'ont -fait toute la nuit que s'entreculbuter de telle rage de cul, que je -pensois que la maison en cherroit! Elle se prit à rire comme toute -honteuse, & ne dit rien pour ce coup, jusqu'à ce qu'il le releva de la -mauvaise opinion qu'elle avoit eue par la communication de telle -courtoisie; & ainsi, lui effaçant ce scrupule, elle a fait paroître -qu'il se dit beaucoup de choses mal à propos, & surtout des -ecclésiastiques. Amen. - - - - -COYONNERIE. - - -XXVII. THUCIDIDE. Et sur cela, je vous dis donc, que vous avez tort, -d'autant que ce ne fut pas chez Conscience. Je m'y trouvai exprès; & -celle qui fit ce trait étoit femme d'un sergent, qui en fit un bien plus -subtil à notre ami Ruart, qu'elle alla voir chez lui, & y dîna: puis par -mégarde, s'ébatit une petite fois à la dérobée sans péché, pourvu qu'il -n'y eût pas plus de peine que de plaisir. Ceci ne fut que le coup de -l'assignation, qui fut donnée au lendemain chez ladite dame. Le -compagnon ne faillit point à se trouver à point nommé, où trouvant -commodité, voulut se paître de ce dont il avoit tiré le jour précédent; -mais elle lui dit que cela n'étoit pas sain à jeun, parquoi il débanda -un écu, pour avoir de quoi repaître. Et afin qu'elle eût meilleur -courage, il dit à la belle, qu'il alloit quérir vingt écus qu'on lui -devoit, & la prioit que le déjeûner fût bientôt prêt. Il y alla, & reçut -sans confession. Voilà comment les amans ne sont pas toujours menteurs, -comme vous ribauds & rufians, qui vous donnez au diable, en promettant -pour peines de défaut, & puis étant hors d'avec les fées, vous n'avez -non plus de mémoire que chats, qui ont tant crié en le faisant qu'ils -ont tout oublié. Il revint avec ses écus qu'il fit paroître, cela -faisoit rire la mignonne comme une guenon sur une cheminée. (Et je vous -demande en conscience & bonne foi, répondez-moi, si on vous présentoit -sur une table deux mille fois autant d'écus que vous en avez, ou bien -cent mille écus comptant, & qu'on vous dît: cela sera vôtre, & vous en -pouvez prendre galamment trois poignées en disant gripe minaut sans -rire, c'est-à-dire, que vous ne rirez point; vous dites qu'oui. - -DIOGENES. Vous feriez vos fortes fievres mules; frappez votre nez en mon -cul, c'est ce que je vous baille en trois coups, voire en quatre visées; -mais allez grater votre cul au soleil, & succez vos ongles encore un -coup, si ne l'avez fait. - -THUCIDIDE. C'est bien reparti.) Ce mignon présente de son argent à -madame, qui lui dit qu'il falloit aller sobrement. Vraiment, mon ami, il -faut un peu épargner son argent, dit-elle, il y a plus de jours que de -semaines; nous n'aurons pas trop de tout. Et ainsi le dorlotant -putatiquement & le caressant, il la couillaudoit, couillevassoit, -culbutoit perpathétiquement; si qu'il s'enivroit en cette délice permise -à gogo, moyennant la dispense ministrale. Et le compagnon fut si bien -culbuté, tournoyé & friponé, & tant rabatu de concupiscence par la dame, -qu'elle lui ôta, sans qu'il le sentît, & bourse & argent. Quelque sotte -l'eût laissé, & vous y fiez. Cette mignonne le traita comme Jacques -Adriot fut traité de sa femme. - -POGGE. Je vous prie, dites ce conte, qu'il ne vous échappe; & je vous en -dirai quatre en récompense. - -THUCIDIDE. J'ai peur qu'on se fâche, parce qu'il y a un peu du prêtre, & -un ministre me l'a appris. - -POGGE. N'ayez point cette peur; non, jamais on ne s'en fâchera; & -surtout les moines, qui ne le prendront pas à coeur, parce qu'on -estimera que ceci sera mensonge, d'autant qu'il y en a tant de sectes, -que devant que l'on sache qui a fait la joyeuseté, tout sera passé; & -puis cela sera peut-être réputé à mérite, d'autant que par ce moyen un -homme de conscience ayant foulé sous soi la concupiscence, & enfoncé le -fort de satan, où il aura écrasé la tentation, elle s'en sera tellement -allée, qu'il aura les femmes en horreur, jusqu'à ce qu'il en ait -affaire, & c'est alors qu'il fera rage de prêcher. - -THUCIDIDE. Or bien, pour vous faire plaisir, je ferois cette parenthese. -Ce Jacques dont est question, étoit un grand abatteur de bois remuant, & -culbuteur de commere, & n'épargnoit rien de ce qui se présentoit. (Ce -fut lui, & deux autres qui rencontrerent la Ponneuse, qui étoit belle & -jeune, mais garce d'un chapelain; & l'enfoncerent dix-sept fois en une -soirée, à coupe-cul: puis s'en allerent chacun leurs voies. Le lendemain -cela fut su, d'autant que la fille se plaignoit qu'elle avoit été ainsi -dévergondée; & on le contoit à quelques honnêtes femmes. En la compagnie -étoit la femme d'un président, qui, oyant ce conte tant de fois, -répondit & dit: au diable soit la carogne, tant elle étoit aise! Cela -n'aviendroit pas si-tôt à une femme de bien.) - - - - -EXPOSITION. - - -XXVIII. La femme de Jacques, triste de ce que son mari alloit ainsi -transportant la provision du particulier, faisant couler partout cette -benoîte liqueur, dont on baille tant d'argent; & si on n'en trouve point -à vendre au marché, alla trouver un de ses amis, pour lui demander -conseil confortatif en son affaire. Cettui-ci, (je ne le vous nommerai -pas, pour la conséquence que je porte à l'honneur) lui enseigna ce -secret; c'est qu'il falloit qu'à point, mignardement, à propos, avec -industrie politique, elle nouât le cas de son mari une seule fois; & que -cela avenu, jamais il n'iroit à d'autres. La femme de Jacques croyant -qu'elle noueroit ainsi pour jamais l'amour de son mari, recevoit ces -mots dorés, je devois dire, _coralisés_, comme sentences prophétiques. -Parquoi elle ne faillit point à essayer. Elle prit le bout de son mari, -qu'elle considéra manuellement, pour le courber & le nouer. Or est-il, -comme vous savez, belles filles, que les mains féminines sont grilles, -sur lesquelles la chair revient. Ainsi la piece de génération par cet -attouchement revenoit, grossissoit comme pâte en met, & pourtant le -billouart se mettoit en point; & à ce conte, Jacques s'enfiloit avec sa -femme; & tout autant qu'elle fit l'essai à nouer, autant fut faite -l'exécution à vétiller: si que ce mari voyant l'importunité des doigts -de sa femme, qui ne faisoient que patiner son pauvre chose, fit bande à -part, de peur que cette friponnerie ne le fît devenir sec comme un -lévrier. La bonne dame en eut du déplaisir, & fit autrement qu'elle ne -pensoit, parce qu'elle ne noua pas le bout, mais elle retint son mari, -qui, depuis, ne fut plus coureux; & puis sa femme accoutumée à dodeliner -son cas, ne faisoit autre exercice au lit, que le promener. - -POGGE. Dames, qui êtes jalouses, empoignez cette suave doctrine. Aussi -femmes sont anges à l'église, diables en la maison, singes au lit. Ma -commere l'huissiere traita presque de même son marjolet, que tout -belourd elle renvoya mignardement déchargé, & le conduisit jusques à la -porte, avec des baisers accompagnés de faux semblant de regret: cela -s'appelle des baisers de passage. Quand il eut pris l'air, & qu'il fut -au bout de la rue, s'avisa de pisser: pissant, il avoit la main en sa -pochette; & y tâtant, la trouva vuidée de l'aposthume pécuniaire; le -voilà qu'il devint aussi froid qu'un four miné. Il retourna chez la -dame, où il entre avec toute mignonne humiliation, & requiert que son -argent lui soit rendu. Ayant fait son entrée & requête, il trouva une -femme plus froide que lui, qui fait l'étonnée, l'ébahie, la déconnue, -ainsi que si elle ne l'eût jamais vu. (Voilà comme les beaux esprits -savent passer d'une extrémité à l'autre, pour se réformer! Vous faites -état de votre femme de biennerie, vous autres femmes de bien; & -toutefois vous n'en sauriez faire autant que cette-ci.) Lui qui pense -faire l'effronté comme s'il étoit maître, ayant été si fat que de bâtir -sur un grand chemin, veut faire le grand & le commandeur, dit qu'il veut -ravoir son argent; il se dépite & enrage. Elle fait la constante & la -résolue: il tranche du ruffien, qui a puissance sur une femme; il -tempête & jette à terre son manteau; elle fait l'humble & la discrette, -& plus la femme de bien que si elle s'en fût mêlée toute sa vie; & sur -ses gestes s'ébahit moult de cette apparence, & lui dit: monsieur, que -faites-vous? Où pensez-vous être? Ce n'est pas ainsi qu'il faut vivre -chez les femmes de bien. Quand j'aurai patienté, je me fâcherai. Merci -dieu, êtes-vous hors du sens? Sortez de céans; ou si mon mari vient, il -vous échinera. Ce disant, elle jetta le manteau par la fenêtre, & cria: -à l'aide, au secours & à la force. Il vint du monde, qui, voyant ce -petit méchant monsieur ainsi dévergondé, lui remontrent & le menacent de -la justice, vu son scandale. Le mari pensoit entrer; mais oyant le -bruit, & voyant ce manteau, le prit, & passa outre. Ce qu'il en faisoit, -étoit de peur de se courroucer. Ce manteau lui sert aujourd'hui ès -bonnes fêtes. Le misérable démantelé & dévalisé, eut congé de s'en aller -chercher un autre manteau, qu'un moine de saint Julien lui prêta; -c'étoit un manteau de camelot ondé, pour lui faire avoir souvenance que -les ondes de la fortune avoient passé sur lui. - -GLICAS. Ce maître causeur nous en a bien conté, de nous proposer un -noeud, d'un cas si court qu'est celui de l'homme. Certes, c'est de quoi -nature l'a retranché, vu que tous animaux l'ont en proportion plus long. -Je m'en crois, & pense ce que m'en a appris Albert le Grand; c'est parce -que toute l'intelligence est à contraire raison là-dedans; par ainsi -vous voyez que fous en ont de belles venues, & les grands personnages en -sont chichement pourvus. Un taureau en a plus que trois hommes; & un -homme a plus d'esprit que cent boeufs. - -L'AUTRE. Si vous saviez de quoi est fait un chose viril, vous sauriez -s'il se peut nouer, ou non. - -GLICAS. De quoi est-il fait ce badinage d'amour? - -POGGE. Les religieuses de Poissi me l'ont appris, ainsi que j'allois à -Longchamp, & en telles autres religions réformées. Voilà, je ne nomme -jamais personne, ni lieu, de peur que d'autres y aillent. Il y en avoit -trois qui en disputoient. L'une disoit qu'il étoit de nerf, & qu'elle en -avoit eu autrefois une belle nervée, la cour étant à Blois: l'autre dit -qu'il étoit de chair courroyée, d'autant qu'en le touchant, on le -trouvoit plus mignon à la peau, que le maroquin du levant, & plus -douillet que velours: l'autre dit, qu'il étoit de tendons, parce qu'il -tend plus qu'il ne peut. La prieure, qui les avoit ouies, leur dit -qu'elle jugeoit plutôt qu'il fut d'os, parce qu'elle en avoit, le matin, -tiré la mouelle d'un. - -PENAS. Vous vous égarez; ce ne furent pas elles; mais bien ces trois, -qui, se promenant au beau jardin de Nantes, trouverent une groseille, & -s'entredemanderent à la dire en latin. Comment le diriez-vous, ma soeur? -La jeune dit, _groselus_; l'autre, _grosela_; & la vieille dit: vous -êtes sottes; il faut _gros & long_: mes petits connaux de dîmes -charitables. - -CHANOURI. C'étoit bien trois autres, dont j'étois jadis confesseur. -L'abbé de Gastines, qui les aimoit toutes trois, leur promit de leur -envoyer des couteaux de Châtelleraut; pourquoi bien effectuer, il -endoctrina son valet; & l'ayant embouché, lui mit le présent en la main, -pour le porter aux trois amies. Le valet, qui pensoit, selon que son -maître l'avoit endoctriné, faire si bien que madame n'en sauroit rien, -fut trompé, parce que madame, ayant un message d'amour à faire, y avoit -employé la portiere, au lieu de laquelle elle se tint à la porte, & y -étoit, quand l'homme de l'abbé y arriva. Il fut surpris; & elle lui dit: -or çà, Riolan mon ami, que je voie ce que vous avez-là: c'est quelque -chose que votre maître nous envoie. Elle savoit bien que ce n'étoit pas -pour elle, d'autant qu'un abbé n'eût pas osé entreprendre sur les -brisées de l'évêque de Lombes, qui l'aimoit. La dame ayant le paquet, -elle envoya Riolan à la dépense; & mande aux trois mignonnes qu'elles -vinssent; lesquelles, ne se doutant de rien, s'approcherent; & elle leur -montra les lettres & les présens, leur disant: mes filles bien aimées, -voyez des lettres & un présent que vous envoie notre bel ami l'abbé de -Gastines. Elles lui dirent en toute humilité: c'est possible à vous, -madame, qui le méritez mieux. Non, dit-elle, les lettres en font foi; je -sais bien que vous avez mérité ces joyaux & encore plus: aussi êtes-vous -bonnes filles: mais encore il y a, & faut de la considération en tout; -je veux savoir de vous qui est la plus entendue; & pour cause, afin -d'instruire les novices, pour bien entretenir l'ordre & antique façon de -vivre du couvent. Et partant, celle qui rencontrera le mieux à propos ce -qui lui semble de l'action notable de délectation, & ce qu'elle a -remarqué faisant la cause pourquoi, en faisant son service, jouxte le -bréviaire à l'usage de Reims, cette-là aura non-seulement son présent, -(c'étoient couteaux), mais aussi fera des autres à son plaisir. Les -voilà toutes trois en cervelle: si qu'éguisant le fil de leur -entendement, elles tâchent toutes trois à répondre: l'aînée répondit -qu'elle n'avoit jamais goûté à sauce si douce, sans sucre: l'autre dit -qu'elle n'avoit oncques rencontré chair si dure, sans os: la tierce -proféra qu'elle n'avoit jamais apperçu, ni ouï, ni senti tant cracher, -sans toussir. - -ALAIN CHARTIER. Je pensois que vous y mettriez ma cousine de Montrouge -qui pensoit être en terme de devenir bête. - - - - -EMBLÊME. - - -XXIX. Elle avoit vu, ès livres de ces nouveaux voyageurs, qu'il y avoit -des gens sauvages qui étoient tous velus comme bêtes infideles. La -pauvre petite se mit tellement cela en tête, qu'un jour changeant de -blanchette, comme réformée qu'elle étoit, sans chemise de linge, selon -la coutume de notre temps, (aussi blanchette en théologie, c'est-à-dire, -chemise de laine) elle s'avisa par mégarde que son pauvre petit chouse -étoit chu en pauvreté; & que le poil lui avoit percé la peau. Les filles -de prêtres n'en ont point à l'âge de dix-huit ans; (je ne suis donc pas -fille de prêtre, dit la jeune fille qui l'ouit; j'en ai, & si je n'ai -pas quinze ans). Ma pauvre cousine, ayant vu cet inconvénient, se signa -fort dévotieusement, & devint toute troublée de son sautier. Son -entendement péripatetisa tout du long de la culmination de son -intelligence curiale: si que, depuis, elle fut mélancolifiée, que -c'étoit une déplorable imaginaison que la sienne. Si les autres -approchoient d'elle, elle, par une humeur saupoudrée de tristification, -s'en reculoit. A la fin, elles l'arraisonnerent du dedans, qu'elle avoit -au flux & reflux de conflit compagnable; & leur fit réponse, qu'elle -n'étoit pas digne de converser méritoirement parmi l'honorifique bande -de leur société doucette. - -JODELLE. Quand je vous ois ainsi paillarder sur votre outrecuidance, de -bien dire, il m'est avis que vous me pissez aux oreilles! Que diable ne -parlez-vous droit, sans aller léchonnant les friponneries du sot -langage. Je pense, vous oyant, être auprès du beau S. Jean, racontant -comme il fut chassé: _nous apperçûmes le lépore, qui s'étoit manifesté; -mais parce qu'il se réintégra, nous ne le pûmes appréhender_. C'est -comme ces badauds de Paris, à la bataille de Senlis, qui, ayant leurs -bâtons à feu sur le haut de l'échine, demandoient: _où est l'averse -partie? Elle ne comparoîtra pas?_ Encore la Goibaude parla mieux, venant -à monsieur le Gouverneur, pour s'excuser de la taxe que l'on avoit -employée pour les fortifications: _monseigneur, je suis une pauvre femme -en veuvesse; je vous prie avoir pitié & componction de moi; on m'a trop -cautérisée pour les fornications_. - -TACITE. Laissez dire notre poëte. Que voulez-vous? Le bon preud'homme, -il savate notre langage; toutefois il dit bien, mais il va un peu de -côté. - -ALAIN. Vous me défagoteriez quasi bien tout le menu brouillis de mon -intelligence. Or bien donc, cette fille, leur disant son excuse, ajouta -qu'elle étoit indigne d'être avec elles, parce qu'elle devenoit bête. -L'abbesse voyant cette fille ainsi farouche & toute dilatée sur le -progrès de diminution familiere; (ardez, cette curagerie d'éloquence ne -peut m'abandonner) en voulut savoir la raison, & sur ce que les autres -filles lui avoient rapporté par avertissement. Timoré l'appella en sa -chambre: & l'ayant concionnoirement avisée qu'il falloit, en -l'humiliation de son devoir, qu'elle enfourchât la vérité, lui demanda -par amour & vesse (foin, je cuidois italienniser, & dire: _amore -volesse_) l'occasion de sa déconvenue. Adonc en gémissant & pleurant des -yeux, elle dit: ma sacrée chere dame & preude mere, j'ai bien grande -occasion d'être en extrémité de marisson, parce que je deviens bête; -j'ai déjà un petit minon qui m'est venu entre les jambes. Que je voie. -Elle le montra, exhibant physiquement sa natureté. Alors l'abbesse, pour -repartir par pieces similaires, & réciproque démonstration, se -découvrit, & lui fit paroître sa naturance. Il y avoit un petit -cordelier caché derriere, qui l'avisa, & cria à maître Bastien, en -courant: _magister Bastiane, ego vidi coelos apertos_. Et la fillette de -dire: hé qu'est cela, madame? O quelle abondance de bestialité! Ma mie, -ma mie, dit l'abbesse, le vôtre n'est qu'un petit minon: quand il aura -autant étranglé de rats que le mien, il sera chat parfait; il sera -marcou, margaut & maître mitou... Oho, oho, o... Il n'est pas temps de -s'évacuer à rire; attendez un peu; le mot pour rire n'est pas dit. La -belle s'avisa de demander à frere Etienne de Sanssay ce que vouloit dire -madame, par ces rats & chats; ce que le pauvre corps, par innocence -charitable, & humilité graduelle, & selon la sainteté de nos premiers -voeux inférans graces abondantes, lui fit entendre & pratiquer, en lui -faisant naturellement étrangler le rat de nature, par le chat mystique -du bas de son ventre, de quoi elle avoit recueilli un fruit mélodieux de -savoureuse délectation, qui ne devroit appartenir qu'à princes & -prêtres, si tout alloit d'ordre. Elle étoit par ce moyen ingénieusement -déniaisée; & sur cette profonde aisance, elle étoit, une après-dînée, à -se promener en grande contemplation, devisant à bâtons rompus avec une -sienne compagne, qui, oyant ce faux bourdon de musique mentale, lui -demanda à quoi elle songeoit, vraiment, dit-elle, ma soeur, je -pensois... Songez donc ce que vous pensiez bien. Et aussi je vous le -dirai. J'avois les yeux sur cette chevre que voilà qui broute. Ma mie, -ma soeur... - -JODELLE. C'est ce que disent les menestriers, ramenant la mariée du -moutier: _ma mie, ma soeur, quelle douceur en fretillant; recordez-les -avec votre flageol_. Maître Janotin, puisqu'il vous plaît, il faut -savoir qu'ils ont dit en la menant: _nous la menons au moutier, -l'ordure, l'ordure, l'ordure du foyer_: mais vous n'y entendez rien; -c'est ainsi qu'ils le font en la menant à l'église, & jouant au beau -trio: _pucelle la menons_, bis; _encore ne sait-on_, ter; _on ne sauroit -qu'en dire_. - -ALAIN. Vous me faites de l'interruption; le ciel vous en punaisira; & -regardez bien que signifie cela. Laissez-moi achever; fou enragé qui ne -m'écoute; & plus fou est-il qui s'y amuse. Je voudrois, dit-elle, ma -cousine, être comme cette chevre. Voire, que tu es sotte! L'année -passée, tu disois que tu devenois bête, pour un petit poil folet que tu -avois entre tes deux gros orteils; & ores que dis-tu? J'étois bien bête -par le bon vraiment; & dà je ne le suis plus. Que c'est que d'enfance! -Ces petites ames seroient du tout heureuses avec leur innocence, si -elles faisoient l'amour, & que les petits enfans couchés ensemble -fissent ce que me fait quelquefois frere Etienne. T'hébahis-tu ma fille? -Je desire être comme cette chevre; ne t'en émerveille point: mais -fais-en état. Vois tu, si j'étois comme cette chevre, ainsi velue -par-tout le corps, je serois la plus heureuse du monde; d'autant que je -n'en ai pas si grand qu'une petite écuelle, & frere Etienne m'y fait si -grand bien: si j'étois de même par-tout le corps, il me feroit de même -par-tout, & je mourrois de fine bonne rage de bien, tant je serois aise. -Les pauvres nonains n'en pouvoient mais: voilà pourquoi vous avez tort -de les mêler en vos saturniales. - -MACROBE. Je n'y saurois que faire, c'est la vérité qui me contraint, -_inter porcula_, comme chez le roi Assuérus, où parut l'orgueuil de -Vastit, qui toute sa vie avoit été humble comme une savate de -brunisseur. Je m'en rapporte au confesseur de madame Loyse, laquelle lui -disoit en confession, qu'un moine l'avoit haillonnée; qu'il avoit eu -affaire à elle, qu'il s'étoit mis dessus elle pour voir de plus loin: -bref, elle disoit qu'il l'avoit f. (j'ai quasi tout dit tant j'ai la -langue à l'usage de prédicateur.) Le confesseur lui remontrant, la -tançoit, disant: comment, ma mie, vous vous êtes fait accoster à un -mort? Je ne sais pas quel mort, mais je ne vis ni sentis jamais si bien -remuer. Le cas lui alloit, comme à un qui mouche une chandelle avec les -doits sans mouchettes. De ce ci, toute la belle compagnie se mit à rire, -comme un troupeau de fenesseaux. - -COLINET. Voire, ne faut-il pas bien s'ébattre, & principalement à jeux -auxquels il convient? N'est-il pas dit, _croissez, multipliez & -remplissez la terre_? Et qu'est-ce, sinon qu'il est enjoint par nature -aux petits, de croître; aux forts & de bon âge compétent, de multiplier, -& aux vieillards, de se laisser mourir pour emplir la terre? Et cela -aussi appartient à ceux qui veulent faire les vieux, à ces idiots, -voués, caffards & inutiles, qui ne font que scandaliser le bon monde de -dieu. - -RONSARD. Les rencontres m'en font souvenir, & je dirois bien de la -besongne, sans que le défunt évêque d'Angers fût blâmé des docteurs, -qu'il s'accommodoit aux textes bénits de l'écriture sainte. Que si je -m'y enfonçois comme je les sais, je vous donnerois bien du passe-temps; -mais je ne veux pas faire de planche à ces hérétiques qui en feroient -leur profit. J'aime mieux aller à ce bout, gausser avec ces pénaillons -de garçons & filles, qui s'ébattent sans mal penser, chopinant près ce -buffet, & vogue la galere. - -MAROT. Mon ami, dites votre _confiteor_, & laissez peter renard. - -BEZE. _Quisque fictor fortunæ suæ_; c'est-à-dire, chacun fait ce qu'il -peut pour vivre. Il le faut faire, si on ne le faisoit, le monde -demeureroit vuide, contre l'intention de nature. Ho! madame, réveillez -vous, & notez qu'un con bien ménagé, à Paris sur tout, vaut presque -autant qu'une bonne procuration, & mieux que deux métairies. Filles, je -vous nomme aussi toutes de peur de jalousie, avisez à vos affaires. Je -sais qu'il y en a qui le font pour le plaisir, ce sont celles qui nous -entretiennent: & les autres, pour gagner leur paillarde vie. _Optimum -philosophari, melius vivere._ Et pource, je vous dis que vous ménagiez -bien vos métairies naturelles. - -BAIF. Ho, & ai, compere, comme tu parles! Ne t'avises-tu point des -ordres que tu as? - -BEZE. Corps de mordienne, si elles m'importunent un peu, je m'en déferai -bien, & les secouerai comme un âne fait les mouches de ses oreilles. -Qu'as-tu à me venir ici ravauder l'entendoire? Est ce ici le lieu & le -temps d'en parler? Que le diable te puisse casser des noix. Il faut -prendre le temps à propos, ainsi que les gens de justice, quel satan & -réformateur es-tu? Je crois que tes hémorroïdes te rendent ainsi -religieux & conscientieux; ta sainteté t'époinçonne par le cul. - -BAIF. Voire, mais avisez à ce que disent nos docteurs: bran, il faut -crier à ce sourdaut, comme pour prendre une taupe. - -RONSARD. Tu es un beau faiseur de mines (je cuidois dire de _mimes_); tu -es un grand docteur, tu nous en veux conter; & encore l'écrire. Va, va, -j'ai plus usé de papier à me torcher le cul, que tu n'en as employé à -écrire tout ce que tu pensois savoir. - -MADAME. Qu'est-ce là? Est-ce à bon escient? - -BAIF. Non, non; ce n'est que pour rire; ne vous fâchez pas. Vous pensez -à autre chose, madame; vous rêvez, le con vuide. - -AUSONE. Je n'avois jamais oüi dire cette élégance: bien est-il, que -derniérement étant aux Vallins, on nous présenta un peu de beurre. -Eschine s'en fâcha, & dit à la fermiere, qui nous l'avoit présenté, que, -puisqu'elle étoit chiche de beurre, elle avoit le cas grand. Avisez bien -à ceci, mes dames, ainsi que fit la chambriere de Ciceron, laquelle -ayant ouï qu'on lui reprochoit qu'elle mettoit trop de beurre en la -poële, pour une fricassée, en retourna quérir abondamment pour clore sa -grande ouverture. Et afin que vous sachiez un secret à propos, je vous -dis que les hommes qui n'ont gueres de manche, sont plus courtois & -gracieux, que les autres qui en ont bonne provision; & ce d'autant que -ces manqueux n'ayant pas tant de quoi payer, il faut qu'ils avancent de -la monnoie du singe. Pour cette cause, quand les demoiselles, filles & -femmes sont ensemble à deviser, & parlant de quelque homme qui ait -abondamment de quoi elles ont affaire, elles disent: cettui-là a un -grand persuasif; il a de quoi faire une belle expression de ses pensées -amoureuses; il en a assez, pour faire endéver une dégoûtée. Le bon homme -Sandé, curé de Claye, qui oyant les demoiselles qui rageoient sur sa -chambre, & cela l'empêchoit d'étudier possible, il leur cria: si je vais -là-haut, je vous foutrillerai toutes, tant que je vous ferai enrager. - - - - -SOFPASSUC. - - -XXX. Nous en sommes bien vraiment, nous voilà bien: je fais belle forme -juste comme à la boëte aux oublies. - -MENOT. Il ne falloit plus que cela, pour achever sainte Croix d'Orléans -au moule de la chartreuse de Pavie, où j'ai été nourri écuyer; d'autant -que de page il ne s'en parle point; il n'y a point d'enfans, ils sont -tous grands: on ne fait pas là des enfans, il faut les envoyer tout -faits comme à la cour de parlement, sauf l'honneur de la justice la -bonne dame. - -BAIF. Ce n'est pas ce que nous disions; taisez-vous: laissez ces -gens-là. Encore les ecclésiastiques sont traitables; ils ne font -qu'excommunier; cela va & vient comme eau claire: mais ces gens de -justice font tache d'huile, que le diable y ait part, mon ami: -laissons-les; achevons ces contes. - -RONSARD. Or, pour vous remettre sur vos chouses, je vous dirai, durant -que la ligue étoit en vigueur, on cherchoit à Tours un ligueur; & après -plusieurs perquisitions, on alla au cloître le chercher chez une dame, -qui logeoit avec un chanoine. Cette dame n'étoit point encore levée. -Elle entretenoit son embonpoint. Un monsieur archer du prévôt entra dans -sa chambre l'épée au poing, laquelle raclant contre les carreaux, pour -faire du mauvais, dit tout haut: par la double rouge crête de coq, je -foutrai tout céans, de par le roi. La petite Sevin, qui pour lors étoit -avec elle toute tremblante, s'approche de ce fendeur de naseaux, & lui -dit: hélas! monsieur, pour dieu, ne faites rien à madame; elle se trouve -si mal, je vous prie d'avoir patience. Madame qui l'ouit, ouvrit son -rideau, & adressant la parole à la fillette, lui dit: voire, ma mie; & -dà, pourquoi non aussi bien qu'à vous, puis que c'est de par le roi. - -BEROALTE. J'y étois; je m'en souviens comme si c'étoit toutes ores; & -aussi-bien que de ce qui m'avint étant encore au ventre de ma mere, un -jour qu'elle rioit avec un président, qui l'entretenoit selon les -usances de messieurs de la cour de Bretagne, qui nous viennent voir -durant leur semestres. Il avint que de joie elle fit un pet; je pensois -que ce fût un coup d'artillerie, & que nous fussions assiégés: même ce -monsieur la tabourdoit si fort avec une lance à deux boulets, que je -croyois que c'étoit un mouton, que maintenant en honnête architecture de -guerre, on appelle un foutoir. Cela me fit si grand peur, que je sortis -incontinent, & n'y avoit pas plus de quatre mois & demi que ma mere -étoit mariée: aussi il y en a qui sont de race de faire ainsi leur -premier enfant, qui volontiers ont bon esprit; cela fut cause que je -devins poëte. - -BELLEAU. Ne le dites pas, s'il n'est vrai. - -BEROALTE. Puisque j'en jure, il est vrai; & faut croire un homme de -bien, quand il se parjure. Il y en a beaucoup qui jugent à faux, ainsi -que font nos messieurs de justice, que dieu garde de mal, lesquels font -serment de n'avoir pas acheté leurs états, & toutefois l'argent en est -encore écrit en leurs doigts. Ils ne le dirent point; mais qu'ils -prêtent de l'argent au roi. Vraiment un maître iroit chercher qui lui -bailleroit de l'argent, pour le servir. Aussi proprement l'argent fait -tout: il fait jurer, sans offenser dieu! il fait que monsieur le juge -couchera avec la femme d'autrui, sans commettre adultere; il fera donner -un arrêt le plus mignon du monde. Voilà, certes, monsieur; l'argent a si -bien fait, que pour l'avoir envoyé & baillé à propos, quelques voleurs -des biens du roi ont été libérés. Ces voleurs, miens amis (aussi les -poëtes sont amis de tous, & ennemis de chacun) s'en vindrent, au lieu -d'avoir la corde au col, ce bel arrêt au poing, le dernier de septembre. -Visitez les cours, & vous le trouverez, L. C. a ordonné que ceux accusés -& convaincus de larcin, concussion & péculat, seront châtiés sans -encourir note d'infamie & punition, &c. Que veut dire, L. C. La cour, le -conseil, la chambre, le chouse, la coyonnerie; tout ce que vous voudrez: -que m'en souciai-je, puisque je n'y sens plus d'intérêt; & que jurer ou -non, c'est tout un, si quelqu'un ne se fait partie, afin que monsieur -l'argent vienne loger chez nous. C'est assez interrompre mon dessein; je -voulois vous dire ce qui avint à mon compere Drouet, qui avoit un -procès, pour lequel juger, il fallut être assuré & éclairci de certain -point qui ne pouvoit être connu que par le serment de cettui-ci: il lui -fut dit qu'il ne tenoit plus qu'à cela qu'il ne gagnât son procès. Ha! -vraiment, dit-il, l'ai donc gagné; parce que, s'il ne tient qu'à jurer, -je jurerai des pieds, des mains, de la bouche; &, s'il est besoin, du -cul, en la présence de messieurs. Aussi en avoit-il fait son -apprentissage, aux dépens de mon compere Colin, qui lui avoit prêté un -chaudron. Colin lui dit: Drouet, rendez-moi mon chaudron. Et quel -chaudron? Si tu étois prêcheur, tu ne prêcherois que de chaudron. Je te -prie, rends moi mon chaudron. Je n'ai point de chaudron à toi. Colin le -fait appeller. Etant devant Bodion le bon juge, Colin demande son -chaudron à Drouet; & Drouet dit qu'il n'en a point à lui. Bodion lui -commande de jurer sa part du paradis, s'il a ce chaudron. Lui qui n'y -prétendoit possible rien, je ne dis pas au chaudron, se met en état de -jurer. Comme il juroit, le bon Colin lui disoit tout bas, en le tirant -par le bras: hé compere, ne jure pas; hé compere, tu perds ton ame. Et -Drouet lui répondoit en l'oreille: & toi, ton chaudron. - -CETTUI-CI. La femme du peintre qui coloroit notre maison, vouloit bien -autrement; parce qu'elle incitoit son mari à jurer, encore que ce fût à -faux, parce qu'il y avoit une utilité apparente. Maître Mathurin avoit -prêté dix-sept francs à ce peintre, & les lui demandoit assez -importunément. L'autre, différant, enfin est ajourné. Maître Nicolas -notre peintre, qui avoit encore un petit coupeau de conscience, eût bien -voulu ne rien payer, parce qu'il y avoit long-temps qu'il devoit. (Il -pensoit tout de même que faisoit Billonneau de Poictou, à qui monsieur -le chantre avoit prêté quarante livres, lesquelles il lui demanda treize -ans après. Ho, ho, disoit l'autre, & sa femme aussi, s'en souvient-il?) -Maître Mathurin fait venir son créditeur devant le juge: ces deux ayant -proposé leur fait, & dit oui & non, & vere; le juge fit jurer maître -Nicolas, pour savoir la vérité. Cette pauvre bonne personne d'homme -n'osoit, & se feignoit. Sa femme étoit derriere, qui lui disoit: jure -vilain, jure, puisqu'il y a à gagner; tu jures si souvent que tu n'y -gagnes rien. S'il eût juré, qu'eût-ce été? - -MENOT. Il eût gagné les dix-sept francs qui lui eussent fait profit; & -il en eût donné cinq ou six sols aux pauvres, & cela l'eût garanti de la -perte de son ame. Savez-vous pas bien qu'en matiere de prudence -humani-monacalo-chanoinesse, un grand tort ou dommage invisible est -réparé & satisfait par un petit bien manifeste, comme ès cours, les -présens font souvent gagner de méchantes causes. Ainsi plusieurs, tant -laïques qu'autres, ayant bien dérobé en cachette, fondent publiquement -de beaux anniversaires solemnels, où ils produisent les fruits mignons -du mammon d'iniquité. Les gens de justice en bâtissent de beaux -châteaux, qui honorent le royaume; les financiers en parent tout. Et -même je vous dirai que, si un petit commis de mes fesses a volé dix -écus, incontinent il se fera paroître, quand il ne le devroit qu'avec -une ceinture de broderie; & un méchant procureur fera incontinent bâtir. -Quant aux conseillers, ils n'y entendent rien; ils ne dérobent que -l'écume; ils ne mettent pas la main au fond du pot, si je ne mens. Et -ainsi sont effacés les larcins, monopoles, sacriléges, fraudes, & telles -joyeuses inventions & moyens de parvenir. Vous rêvez, & songez creux; -vous gâtez tout. Si on sait ce que vous dites, personne n'aura plus -d'envie de faire pis, afin que bien en avienne. - -GEBER. Vous proposez une cabale de rêver en soupant; je voudrois, tant -je suis ennuyé de la fracture de mon fourneau, que nous fussions en état -parfait de rêverie; je serois aise, & n'aurois non plus de mauvaise -passion, que le pâtissier Rigole qui songeoit, tant il étoit aise en -rêvant, que sa grand'mere lui donnoit du fourmage mou. - -BACON. Jamais fourmage mou ne gâta gorge; non plus que cul chaud ne gâte -jamais linge: & je ne ris jamais tant de fourmage mou ou de crême, que -de celle de Manassés, secrétaire du patriarche de Constantinople. Ce -grand esprit, il acheta un jour un fourmage de crême qui ne lui coûta -rien. (Je montrois un jour à monsieur le chancelier, où c'étoit qu'il -entra trois Flamans au cimetiere des saints Innocens, par la porte de -l'autre côté, dont l'un tomba, & mit le nez en la selle d'une fille qui -venoit de quérir de l'eau. Voilà comment je remarque tout, comme le -derriere de votre chemise fait le conte de vos selles.) Manassés ayant -eu en main son fourmage, prit un des chevaliers de la fleur de lys, un -des quinze-vingts, & le pria de dire un _salve_ à son intention: pour ce -faire, il lui mit un beau jetton au creux de la main. Le pauvre ayant -accordé ses badigoinces, griguenotoit ce _salve_ avec une voix -horrifique, à laquelle Manassés s'accordoit: comme il en fut venu au -verset, qu'il se faut égueuler de crier, & qu'il eût ouvert amplement la -gorge, & desserré la gueule assez grande, pour y enfourner un -demi-alloyau de boeuf, les babines étant déjointes bien demi-pied, -demeurant ouvertes en cette belle extase de chant royal. Manassés lui va -flaquer ce fourmage mou dans le bagoulier si proprement, qu'il entra -tout, & rien n'en sortit, que ce que malheureusement le triste criard -fit écheoir, estimant avoir la bouche pleine d'une autre mixtion de plus -haut goût. - -PAUSANIAS. Je pense que ce jour-là étoit fait pour rire. - - - - -DICTIONNAIRE. - - -XXXI. Ne vous souvient-il point que rencontrâmes la mule de Rabelais? Le -bon homme ne s'en soucioit-il non plus que de celle du pape, ayant assez -d'autres bonnes affaires. Il l'avoit laissée chez Fesandat, imprimeur; & -avoit prié les garçons d'y prendre garde, pour la faire boire à ses -heures, comme la truye des carmes. Déja deux ou trois jours s'étoient -passés, qu'elle avoit assez bû; mais au diantre la goute, parce qu'elle -ne bougea de l'attache, comme un vrai chien couchant. Jean du Carroi, -jeune verdaut, s'avisa de cette bête, & monta dessus à dos sans la -sangler; un autre le voit qui lui demanda la croupe, un tiers encore y -saute; & les voilà ainsi que les quatre fils d'Aimon, à chevau sur la -mule sans selle, n'ayant que le chevêtre, (que ne lui baillez-vous votre -licou). Ainsi relevée de ces suffisans personnages, la bête prit son -chemin à val la rue de saint Jâques: passant auprès de saint Benoît, au -lieu de s'avancer, sentant l'eau d'une lieue loin: comme vous auriez -l'odeur d'un bon jambon, & s'approchant de l'église, elle reçut une -odeur débonnaire de l'eau bénite, qui, l'attirant par la conduite -magnétique de sa saveur, la fit, en dépit des chevaucheurs; entrer en -l'église. Il étoit dimanche, heure de sermon, où grand monde étoit -convenu; & nonobstant ce peuple, & résistance des baudouineux, la mule, -dure de tête & oppressée d'altération, donne jusques au benoitier, où -elle mit & enfonça son horrifique mufle. Le peuple, qui voit -l'effronterie de ce maudit animal, qui par dépit n'engendrera jamais, -pense que ce soit un spectre, portant quelques ames jadis hérétiques, -mais ores pénitentes, qui viennent chercher le doux réfrigératoire des -bienheureux (laissez la boire), & déja chacun pensoit qu'il se feroit -quelque émotion (laissez boire la mule) ou autre acte merveilleux de -commotion spirituelle; mais la bête fut modeste, si qu'ayant -légitimement bien bû, selon sa vacation, se retira sans autre cérémonie. - -ORPHÉE. Le mulet de Gravereuil étoit bien autre; il les faut marier -ensemble. Il y en avoit, qui, voyant la méchanceté de cette bête, -disoient que c'étoit quelque diable, fauteur d'hérétiques, punissant -leurs ennemis: & cela venoit à propos, parce que, de mon tems, ce prêtre -avoit fait effondrer une bonne & ample quantité de huguenots, qu'il -tuoit bravement jusqu'à la mort. Un jour, un élu de Tours emprunta ce -mulet, & monta dessus, & adressa ses voies à Langes. Y étant arrivé, le -mulet prit le mords aux dents: &, sans se soucier de ce qu'il avoit sur -l'échine, & du profit du roi, se mit à courir par tout à travers hommes, -femmes & enfans; & s'adressant vers la poterie, passa par-dessus pots, -buïes, casses, chaufferettes, qu'il brisa, cassa, rompit & gâta, comme -un étourdi: puis, ayant fait sa montre, reprit ses erres, emportant le -triste élu, qui eut voulu être au fond de sa cave, de peur du tonnerre; -& le mulet de courir, sans arrêt ni crainte: & comme il couroit, il y -avoit un pauvre homme, qui avoit trouvé la bougette d'un autre qui avoit -passé, & l'avoit laissé cheoir. Cet homme, pensant que ce fût cet élu -qui avoit perdu sa malette, lui crioit: monsieur, arrêtez-vous; tenez, -voici votre malette. L'élu, pensant qu'il se moquât de lui, & ne se -pouvant arrêter, lui crioit: je te ferai pendre, coquin. Le paysan -couroit criant, brayant: monsieur, tenez votre bien. Coquin, tu seras -pendu. Monsieur, tenez, arrêtez-vous. Le vilain, voyant qu'il ne -s'arrêtoit point, jetta la malette là; & un autre la prit qui s'en -trouva bien, & fit bâtir une belle maison à Portillon. Le méchant mulet -courut sur les ponts, où étant arrivé, il s'arrêta aussi mignon qu'un -cochon rôti, traitable ainsi qu'un agneau. Monsieur l'élu le mena où il -voulut; mais se ressouvenant de sa peur, il l'alla rendre. Je vous -assure, & m'en croyez, que si ce chevaucheur de mulet n'eût été élu, il -se fût rompu le col, & fût allé, comme les autres, à tous les diables. -Une autre fois que Gravereuil venoit du Plessis endossant son mulet, -monsieur le mulet voyant l'eau, & y prenant plaisir, y porta son maître, -& laissant à côté le pont sainte Anne, passa à travers l'eau: ce fut à -messire de se tenir serré. Si ce n'eût été un prêtre qui venoit de -confesser un minime, il étoit en danger de périr; mais il étoit en trop -bon état; le diable n'en avoit encore cure. Voilà comment le muletier -échappa, se tenant ferme de peur de mouiller ses cheveux. Par dépit de -telles malversations, Gravereuil ayant assemblé le conseil de ses amis à -ce connoissans, il fut résolu que dom mulet seroit châtré; ce qui fut -exécuté au détriment des pendiloches qui furent levées. Le mulet guéri -se trouva assez humble pour un tems: mais je m'en ris encore; & j'eus ce -plaisir, un samedi matin, que ce vieillard voulant aller aux champs, -monta sur sa bête, qui savoit le chemin de sa cure. Voilà qu'il est en -train d'aller. Ce méchant mulet, étant en la rue de la grosse tour, -avisa le châtreux qui l'avoit émancipé; aussitôt il se ressouvint de -cette opération, & comme il l'avoit malheureusement exterminé, lui ôtant -toute espérance de bénédiction mulative. Oubliant selle, bride & maître, -il s'élança après; & ne se souciant plus de coups, de guide, & de tout -ce que vous voudrez dire, s'enfonça droit & roide vers ce châtreux pour -le dévorer, ouvrant la bouche grande comme un four à ban: & en dà, il -l'eût diffamé & vilipendé sans sa feinte. Le pauvre siffleur se sauva en -une maison; & le mulet après y porta son maître, qui fut obéissant, ne -pouvant chevir de sa bête qui l'emporta après le châtreux, qu'il suivit -tout du long d'un escalier, portant toujours son possesseur, qui n'avoit -plus autre espérance que d'avoir le cou rompu. Le châtreux se jetta sur -une pièce traversante, où le mulet, qui le voyoit, recanoit trépignant -en la chambre, & béant comme une carpe qui se noie. Ainsi baillant, -ouvrant la bouche grande comme un ministre qui dit son premier sermon, -il fit tant de désordre en se tremoussant, que les quatre jambes lui -entrerent dans le plancher; & messire Gravereuil eut le cul fort -rehaussé, tellement qu'aisément il se put ôter de l'encombre où il -étoit. Il ne fut point sot; il s'en ôta, & laissa là sa bête, qui, après -que le pauvre châtreux fut échappé, fut levée par l'industrie de quatre -ou cinq hommes qui l'enleverent. Ce mulet, depuis cette aventure qu'il -ouvrit tant la bouche, mordit comme un chien; aussi ne vivoit-il que de -mordre, pourquoi son seigneur lui fit arracher quatre dents, dont de -dépit il devint pire, & jamais ne bûvoit qu'il ne lui prît fantaisie. - -HERCULES. Pourquoi est-ce qu'un âne ne boit pas, s'il n'a soif? - -CALVIN. Faites votre proposition vive. - -HERCULES. Je ne m'ébahis; si tu fus hérétique. Va, je te le dirai. C'est -parce qu'il ne boit que de l'eau. Que s'il buvoit du vin, il boiroit à -tout moment, comme un bon théologien: mais _tu venisti sobrius ad -evertendam rempublicam_. - -CALVIN. Jamais il n'y eut homme savant, qui n'entendît raillerie, que -toi. Va te faire lanterner, & me regardez; vous voyez votre maître. Mais -que devint ce mulet? - -ORPHÉE. Gravereuil le vendit à un Gascon, qui, étant informé des -conditions de la bête, ne laissa de la bien payer, estimant qu'aisément -il en viendroit à bout, parquoi il l'acheta, & le paya bien -authentiquement; aussi la bête étoit de belle apparence & forte. Quand -le Gascon fut dessus, & qu'il l'eut un peu mené outre son premier gré, -le mulet s'avisa & emporta mon homme après ses propres fantaisies, à -travers haies & buissons, champs & prés, & le menoit, comme un nouveau -Plutus, dans ronces & épines de tous les diables. A la fin, lassé ou -remis, le soldat, qui ne pouvoit oublier cette injure, se renforça de -colere, si qu'étant descendu, il lui passa son épée au travers le corps. -Le mulet, sentant ce coup énorme, & sa vie déterminée, en appella à la -mule du pape, par la vertu de laquelle il s'évertua, & excédant en -vigueur, frappé comme il étoit, il se jetta sur son homme, auquel en -mourant il emporta toute une épaule. Le pauvre Gascon se vint faire -panser à Tours de sa morsure, plaie & contusion: mais il ne lui servit -de rien, parce qu'il en mourut, d'autant que l'appareil qui fut mis sur -sa blessure, avoit été appliqué sur la chemise d'une fille, qui étoit -pucelle à vingt-cinq ans & demi, & que de là même on avoit fait le -charpis qui avoit mis le feu par-tout. - - - - -ÉLÉGIE. - - -XXXII. CÉSAR. Bien remarqué! - -RENÉE. Devant que vous laissiez ce prêtre, je vous l'accompagnerai d'un, -afin qu'il n'aille pas tout seul, & lui baillerai un caillou en la main, -de peur qu'elle ne lui enfle. Il y eut un ministre Breton de Bretagne, -qui courut chez nous une belle fortune. Il se plaignoit fort d'une -douleur de jambe; & ayant pris conseil de son mal, il s'alla coucher. On -avoit oublié de lui bailler un pisse-pot, si que, durant la nuit, ayant -desir d'uriner, & ne trouvant point de vaisseau, il se leva, & s'avisa -d'aller pisser en la cour. C'étoit environ la toussaint, en nouvelle -lune. Il sort de sa chambre, & enfile le degré, lequel étoit contigu à -celui de la cave, qui n'étoit point fermée, tellement que suivant la -vis, il alla tant qu'il trouva terre, qui fut, quand il eut mis le pied -au fond de la cave, où étant, il s'avança trois pas, & pissa abondamment -selon la désirable évacuation de sa vessie. Voilà que, par male tigne, -il s'étoit tant avancé, qu'ayant pissé il se trouva plus déchargé & plus -éveillé; pourquoi il veut retourner: sur cette intention il cherche le -noyau du degré & de la sortie ou entrée; mais il ne le peut trouver. Le -voilà tout égaré; il leve les yeux à mont, & s'éguisant la vue, il tâche -de trouver des étoiles; mais il n'avoit garde. Ho, disoit-il, que le -temps est nuble! que le ciel est noir! que l'air est étouffé! Ho, y, il -fait ici noir comme en une cave. Les nuées étoient si épaisses, qu'il ne -voyoit goutte qui soit. Il se résout de sortir de ce lieu tant obscur, -qui est la cour, à son avis; mais il ne peut trouver de passage: il va, -& vient, & de tant plus il s'englue. A la fin, il se met à appeller, & -crier qu'on lui portât de la chandelle. Il se mettoit à hucher, puis se -reposoit; plus il huchoit, & moins on s'en soucioit; aussi que sa voix -n'étoit point entendue venant de si bas. Après qu'il avoit bien crié, il -se taisoit, & écoutoit; puis, un peu après, il recommençoit. A la fin, -je m'éveille & demandai: qui est-là? Il m'entr'ouit, & dit: c'est moi. -Et qui? Moi pauvre ministre. Et où êtes-vous? Ici. Et où? je ne sais. A -la fin, la voix me conduisit à la cave, où je le vis tout nud, aussi -ébahi que Petou. Qui, tous les diantres vous a mis ici? C'est moi: je -cuidois être en la cour; & je ne sais comment j'ai descendu si bas. Et -que n'avez-vous pris des souliers? Si j'eusse pensé tant y être, j'eusse -pris mes souliers & ma robe. Mais, pour dieu, menez-moi chauffer; je -transis de froid. Je fus presque en pensée de le mettre échauffer en mon -lit: mais l'odeur de ministre me déplaît; je m'étonne de celles qui les -aiment tant, & les épousent. - -VITRUVE. Mais venez çà, Renée; faites honte au diable. Ce Breton ne vous -pria-t-il point d'amour en la cave? - -RENÉE. En bonne finte, il n'avoit garde; il ne lui en tenoit; il avoit -trop froid aux pieds. _Qui a froid aux pieds, la roupie au nez, & le cas -mou, s'il demande à le faire, c'est un fou._ Croyez qu'il avoit la -friandise bien ravallée. - -VITRUVE. Il falloit le lui frotter. Voire, _vin chauffé & cas frotté ne -tendent qu'à pauvreté_. Ce fut donc à l'autre chambriere à laquelle il -le fit. - -RENÉE. O! vere, en ma conscience, je vous jure qu'elle est une pauvre -petite putain, aussi fille de bien que fut jamais votre mere; & n'y en a -pas une en ces cloîtres, qui fasse moins faute de son corps. Que si elle -est avec un homme qui l'entretient, hé bien, il n'y manque que l'église; -elle ne laisse d'être mariée: & ce mariage, au dire de nos prêcheurs, -est aussi bon que celui des huguenots, qui ne se marient, non plus que -nous, à la messe. Et bien, vous voilà bien en peine pour une messe! -Dites ce que vous voudrez; je l'aime bien. Le diable l'emporte, si elle -songe plus en cela qu'une vraie abbesse, à qui dieu en veuille faire -pardon. - -VITRUVE. Mais messire Gabriel nous a conté qu'il n'alloit la voir, que -pour en tirer une venue. - -RENÉE. C'est un sot de le dire, au respect du maître qu'il sert. Qu'il -aille chez lui, de par le diable. Il est donc de ces gens-là? -L'hypocrite! Je vous prie, quand il chemine, vous ne diriez pas qu'il y -pense. Que ne va-t-il droit? Il va douanant, comme un badin; & trotte de -côté, comme un chien qui vient de vêpres. Je dirai à Perrine que vous -l'avez nommée putain. - -VITRUVE. Et à qui vous joues-tu? Je sais comme il faut rabattre de tels -coups. - -RENÉE. A l'usage de notre maître, qui, un soir, demanda à ma maîtresse, -qui servoit le gouverneur logé au château: ma mie, avez-vous porté du -linge à ces putains du château. Elle lui répondit: vraiment, pour un -vieil homme, vous dites de vilaines paroles; il vaudroit mieux vous -taire, ou dire votre patinostre. Voire, dis-je, monsieur, appellez-vous -madame, ses filles, ses soeurs & ses demoiselles putains! O, dit-il, je -ne les pouvois mieux nommer; ne le seront-elles pas bien, si elles -veulent! - -DIOGENES. Il y en a beaucoup qui le voudroient bien être, & ne peuvent -un seul petit coup: par ainsi beaucoup de monde va en paradis par sa -faute. - -CATULLE. S'il y avoit autant d'honneur, de grace & de commodité paisible -à être putain, que d'être femme de bien, on ne pourroit tenir les -femmes. - -AVICENNE. Vous êtes importun de ces femmes de bien. Qu'est-ce que peut -faire une femme de bien, que de bruit en une maison! Elles ne font que -rechigner, elles sont ennemies de tout exercice vertueux: bref, ces tant -femmes de bien feront pour dix écus de ménage en une maison, & y feront -pour cent écus de vilenie, tant elles sont seches de courtoisie. Depuis -qu'une femme a juré: par la merci de dieu, je suis femme de bien de mon -corps; on n'en sauroit plus chevir; on ne lui ose plus rien dire. - -SENEQUE. Vous n'êtes pas recevable à parler des femmes, d'autant que -vous êtes jaloux de la vôtre. - -AVICENNE. Parmagri, eh! de qui voudriez-vous que je fusse jaloux? De ma -mule, de ma chatte, de ma chienne, comme vous de votre chevre; vraiment -je vous les abandonne, aussi-bien êtes-vous savetier, vous travaillez en -vieil cuir à racoûtrer la mere de l'Empereur. Laissez-moi dire, ou je -vous ferai rougir comme un plat d'étain. Pensez vous que, pour si peu de -choses, & qu'à si petit cas de pitié, une femme soit connue. Il y a des -femmes qui sont enclines à faire la pauvreté, par nature qui les induit -vivement à la contenter, qui, au reste, sont les plus justes & -admirables du monde, & ne voudroient endommager autrui. Il est vrai que, -quelquefois, il y en a qui s'accommodent, pour subvenir aux nécessités -de la maison. Vaut-il pas mieux avoir un peu de commodité & faire -plaisir aux honnêtes gens, que de trancher de la glorieuse & avoir -disette? Sachez l'axiome de Normandie: _plus de profit et moins -d'honneur_. On acquerra assez d'honneur, après que l'on aura des moyens. -Il est vrai que je veux mal à celles qui le font pour se venger, comme -la huguenote de Lyon, qui disoit à son mari qui la battoit: va, chien, -vilain, par dépit de toi, grand excommunié, j'irai tant à la messe & me -ferai tant haillonner. Mais j'excuse celles qui le font par honneur, de -peur d'en aller honteusement demander, & qui le font pour honnêtement -gagner leur vie. Toutefois, je me fache de ce qu'elles ne sont toutes -unies. Il y en a qui sont loches; les autres sont croches, ainsi que me -disoit la feue princesse qui a été nonnain. Les loches deviennent -misérables, tout leur chet du cul, rien ne leur tient, elles sont -vilaines putacieres. Quand aux croches, elles sont sages & prévoyantes; -elles attrappent tout & le retiennent; il ne leur faut pas jetter d'eau -aux fesses comme aux cavalles; elles retiennent bien, elles sont de -bonne sorte, elles sont femmes de bien en dépit des autres, pour ce -qu'elles sont braves, ont du support & de l'argent. Retenez cela, -putains. Que si vous voulez tenir un homme en bride, faites-le bien -payer: ceux qui vous le font pour néant, n'en font compte; ceux qui -l'achetent, font état de vous, comme on fait entre les bons marchands, -de ceux qui ont de quoi, & sont sujets à large, pour le faire venir. -Quant à Licofron, il en fait suivant la venue que lui bailla celle qui -le pressura l'an passé. - -LICOFRON. Je ne la garderai gueres, ce que j'en faisois étoit pour -suivre ma destinée, qui est, à mon avis, que je le dois faire à toutes -les femmes & filles, & l'ayant fait à cette-là, c'étoit autant de fait. -Quand j'aurai accompli ma fatalité, vous serez mon beau-pere, votre -fille est belle & de nos soeurs, & puis, si j'empoigne votre femme... - -AVICENNE. Tout beau, la mere & la fille. - -LICOFRON. C'est tout un, il n'y a point de lignage en cul de putain, -l'eau claire l'efface. On mange bien en Grece d'une truye dont on aura -mangé le cochon. - -AVICENNE. Mais voyez comme il appelle ma femme & ma fille putains. - -LICOFRON. Prenez que nous ne soyons mariés, ni l'un, ni l'autre. Si je -devois accommoder toutes les filles, & vous toutes les femmes, lequel -auroit plus de peine? Ce seroit vous, compere mon ami, parce que quand -j'aurois accoûtré les filles, il faudroit que, comme à femmes, vous leur -fissiez. - -AVICENNE. Mais à qui seroient les enfans? - -LICOFRON. Ils seroient à nous, qui serions leurs mignons, ainsi que -beaux petits chanoines. - -AVICENNE. Voire, mais les filles ne sont femmes, que le prêtre n'y ait -passé. - -LICOFRON. Dà, qu'il faudroit que le trou fût grand; envoyez-les à Rome & -à Angers, il y a assez de prêtres pour faire ce qu'ils pourront. - -AVICENNE. Vous les voudriez faire putains. - -LICOFRON. Et qui le saura? Qui est-ce qui pourra dire, qu'une fille, ou -femme, soient putains que par opinion; s'il n'en a été maquereau, ou par -méchante calomnie, s'il ne l'a besognée. - -MENANDRE. Pourquoi est-ce que les chanoines se font nommer _mignons_ à -leurs enfans! - -LICOFRON. Parce que mon mignon, mon oncle, mon maître en chanoine; -c'est-à-dire, mon pere en ministre, comme, monsieur en grand. - -STATIUS. Allez leur dire, & vous chauffez à leur feu, & accommodez leurs -pucelles. Ce sont bonnes pucelles d'apparence; mais elles sont femmes en -substance, ayant reçu la même transmutation momentaire, qu'une femme ou -une putain. - -JOSEPHE. Il y a plus de trois mille minutes que je suis après, pour vous -attrapper à ce point, sans vous interrompre; mais il ne venoit pas à -propos. Vous avez dit qu'il y a des femmes qui le font, & sont femmes de -bien. - - - - -RESPECT. - - -XXXIII. FEU MONSIEUR. J'avois en ma cour un gentilhomme, qui disoit -qu'il avoit trouvé sa femme le faisant plusieurs fois. Hé, gros oison: -c'étoit lui, voilà comment il le faut entendre. J'aimerois autant mon -premier médecin, qui, parlant à un de mes maîtres d'hôtel, qui se -plaignoit qu'il avoit trop d'enfans; & qu'il eût voulu avoir un secret, -pour le faire à sa femme, sans lui faire des enfans. Le médecin lui en -promit, pourvu qu'il fît le juste présent. Ce qu'étant accompli, le -médecin lui dit: mon ami, défaites au matin ce que vous aurez fait au -soir; ou bien ne le faites jamais à votre femme, qu'elle ne soit grosse. -Monsieur, ce n'est pas cela. Je m'entends bien; je veux dire qu'elle le -fasse, comme font les putains. Pourquoi, je conclus qu'il faudroit -établir un certain ordre; & puisque vous avez la tête si lourde que vous -ne pouvez entendre, je vous dis qu'il faut qu'elles soient de l'ordre de -sainte Glougourde, qui prêtoit son chouse pour une patinostre. Et je -vous dirai, tout prosélite que je desire être: on a parlé de la piété: -elle se peut connoître par les effets. J'ai observé que les femmes qui -ont long temps ébattu leur jeunesse, se venant à retirer de cet état, -sont plus dévotes que les autres; vous les voyez sans cesse tomber en -oraison, les yeux larmoyans, la bouche pleurante, le cas riant. - -STATIUS. Et comment est-ce qu'il riroit: - -LICOFRON. Il a une bouche & les levres. Il n'est pas de cela pour rire. - -STATIUS. De quoi est-il fait: - -LICOFRON. Celui d'une fille est fait de chair de cirons, il demange -toujours; & celui des femmes est de terre de marais, ou d'eau de mer, -parce que le cas d'un homme, qui est de liége, ne peut aller au fond. - -AVICENNE. Ce n'est pas-là ainsi que disoit la belle fille, qui vouloit -être touchée au bas du ventre: achevez ces dévotes. Je vous laisse dire, -pour vous avertir que les jeunes filles passant vingt ans, & jeunes -veuves qui n'osent le faire & le voudroient bien, sont toujours près les -piliers des églises à prier, afin que leur contentement avienne; & les -vieilles pécheresses invoquent à ce qu'il ne leur soit rien imputé, pour -l'excès qu'elles en ont eu, au préjudice des autres qui en jeûnent; & ce -d'autant que toutes, tant nonnains soient-elles, ne pensent qu'à cela, -parce que c'est la fin finale, pour laquelle la femme a été faite. - -RADEGONDE. Puis qu'ainsi est, je voudrois que mon cas fût un benoîtier, -afin que tout le monde mît dedans. - -ÆLIAN. A ce que je vois, il n'est que de mettre dedans. A ce propos, je -vous dirai de mademoiselle d'Amelie, qui a beaucoup acquis de -réputation, ayant hanté la cour toute sa vie, parce qu'elle étoit mariée -à un impuissant; & elle l'a enduré, sans aller à notre-dame des aides; -ou pour mieux dire, à la cour des aides. Elle n'a, tout ce temps-là, -rien mis dedans; & si on ne voyoit en rien son désastre, tant elle -faisoit bonne mine. Ce premier mari lui a duré dix ans, il faut que vous -sachiez cette vérité. Etant mariée à ce bon personnage, la premiere nuit -de ses noces, il la caressa de baisers & de petites mignardises -superficielles; & puis mit la main à une paire d'époussettes de soie qui -étoient pendues au chevet du lit, & lui épousseta son cas; ce qu'il fit -deux ou trois fois, & ainsi les passant & repassant par son velu d'entre -les deux gros orteils, la contentoit, sans qu'elle y pensât autre -finesse. Le lendemain les amies lui demanderent comment elle se portoit, -& ce qu'elle disoit de ce bon homme. Vraiment, dit-elle, il m'a -épousseté trois fois mon cas. O, ho! dirent-elles, vous êtes bien, ma -mie. (Ainsi font les dames de Paris, & disent à la nouvelle mariée: hé -bien, la jeune femme, comment vous portez-vous! Si d'aventure elle est -bien ointe en sa jointe, elle dira: fort bien, madame; j'ai un bon mari, -il me donne tout ce que je demande; si je voulois manger de l'or, il -m'en donneroit. Mais si elle est mal servie: ardez, dit-elle; mon mari -est un grogneux; il est chiche, & ne fait que penser à son avarice. -Hélas! voyez, voilà grande pitié). Cette-ci n'étoit si fine, elle ne -savoit ce que c'étoit, & s'ébahissoit comment les femmes faisoient si -grand cas de si peu de chose, qu'elle estimoit moins que rien, encore -qu'au dire des dames ce fût beaucoup d'excellence: je laisse à penser ce -qu'elle jugeoit de l'entendement des autres. Il avint que ce bon mari -fut malade; & se voyant près de sa fin, fit son testament, & donna à sa -femme sa maison, ainsi qu'elle se comportoit, meubles & tout: puis il -trépassa, comme dit l'autre, dont elle fut en grande angoisse, parce -qu'outre cela il étoit le meilleur petit bon homme, qui fût d'ici au -saut d'une puce armée. Quelque temps après, un brave jeune dispos se mit -à rechercher cette belle veuve, qui, au commencement n'en fit cas, -n'ayant affaire de rien. Ainsi estimoit-elle le bien que peut faire un -homme, qui est plus grand que jamais pere & mere n'en firent; cela, qui -est le bien des autres, ne l'émouvoit point. Or ce que l'amour ne put -exciter, l'ambition l'éveilla en cette-ci; d'autant qu'elle considéra -que ce jeune homme avoit un beau chausse-pied de mariage, qui seroit -cause qu'étant mariée à lui, elle passeroit devant ses soeurs: parquoi y -pensant, elle consentit au mariage tant desiré par le jeune homme. Ils -furent donc mariés, aux us & coutumes du pays. Ainsi que le prêtre leur -dit, (j'y étois) & leur acheva ainsi la benoîte cérémonie: vous, Claude, -vous promettez-bien aimer Marie: Marie, au cas semblable, gouvernerez -bien votre mari Claude autant sain que malade, &c. Cela promis, la belle -emmena son jeune mari en sa maison, où elle lui fit bonne chere; puis -ils coucherent ensemble au même lit, où le bon homme lui avoit épousseté -son cas. Le jeune compagnon n'eut pas la patience d'attendre; mais se -juche sur elle, qui se trouve scandalisée de cette façon. Quoi, -dit-elle, me voulez-vous outrager? Etes-vous fou ou enragé! Je veux vous -faire comme votre défunt mari faisoit. Il ne faisoit pas ainsi; il -prenoit ces époussettes, & m'en époussetoit mon engin; il ne me fouloit -pas comme vous faites; il passoit & repassoit ces époussettes sur la -prée de ce petit fossé, que j'ai contre-bas. Vraiment, c'est cela. -Laissez-moi faire, je l'entends mieux que lui; il n'étoit pas clerc. -Elle s'y accorda; & comme elle sentit l'embouchement entre les -hipocondres, chose qui lui étoit toute nouvelle; hélas! crie-t-elle, mon -ami, pensant aux époussettes, je crois que vous avez mis le manche -dedans. Voilà comment il l'accommoda, & s'en vanta. Et toutefois il -n'étoit pas si bon compagnon qu'il se disoit; je le sus de la femme de -chambre, qui ouit le discours & les effets. Je lut demandai s'il étoit -vrai qu'il eût frétillé-naturé sa femme neuf fois, comme il se vantoit. -Elle, se moquant, secoua la tête, me disant: je voudrois avoir ce qu'il -s'en faut. Depuis cette fortune, la demoiselle s'est reconnue, & n'a -plus été si niaise. De fait, on m'a assuré que, comme les autres, elle -aimoit mieux un vit au poing, qu'un bourdon sur l'épaule. - -ANDOCIDES. Pendant que nous sommes aux noces, demeurons-y. - - - - -COUVENT. - - -XXXIV. J'eusse oublié ceci, si je n'y eusse pensé. La bonne femme la -Baudouin marioit sa fille; & l'ayant fiancée, vint au soir le notaire -qui avoit passé le contrat, qui disoit que tout étoit bien. Mais, -dit-elle, il faut des bans; je vous prie me les écrire. Il faut parler -au clerc. Julian mon ami, puisque monsieur le notaire le veut, écrivez, -je vous prie, qu'il y a promesse de mariage entre Pierre du Pin, & la -fille de chez nous. Ce gars écrivit ce qu'elle dit, & le lui bailla. -Elle porta son fait au curé, qui le mit en sa ceinture. Le dimanche au -matin, publiant ces bans, il dit: il y a promesse de mariage entre -Pierre du Pin, & la fille de chez nous. O, ho! si est-ce, par saint -Jean, qu'il n'y en a point! Chacun s'en rioit, comme on fait au -conclave, quand on a élu un pape. - -GRATIAN. Je les vis fiancer, ainsi que le curé les eut fait toucher en -la main, il prit un verre & fit boire le fiancé. Or ce fiancé avoit eu -la fievre, qui lui avoit chié au bec, si que sa bouche étoit un peu -galeuse. Le fiancé ayant bu, le curé présenta ce verre à la fille, qui, -le tenant, jetta ce qui étoit dedans, & le tourna. Quoi! dit le curé, ma -mie, vous ne voulez pas boire? C'est votre grace, monsieur: mais s'il -vous plaît, donnez-m'en deux doigts dans le cul. Elle entendoit le cul -du verre. - -L'AUTRE. Un jour j'étois aux noces vis-à-vis du curé, qui étoit près de -la mariée, laquelle avoit eu de l'usance qu'elle avoit usée. Je lui -donnai un croupion qu'elle voulut saucer; & ne trouvant rien en sa -sauciere, dit: monsieur le curé, tremperai-je mon cul en votre sauce? -Trempez, ma mie, trempez. Mais ce curé fut bien trompé. - -GRATIAN. Comment? - -L'AUTRE. Ce curé étoit amoureux de cette fille, de laquelle il avoit -pratiqué le mariage, pourvu qu'après il fut reçu à faire avec elle -choses & autres, selon l'intelligence délectable, à quoi la fille -s'accorda, & en avertit son mari, afin qu'il ne le trouvât point -étrange, s'il n'y remédioit. Sur cette promesse, le mariage fut fait; & -le mignon de curé s'attendoit de faire goûter à la jeune femme de son -fruit de cas-pendu. (Cas-pendu est le cas qui pend; les pommes qui ont -des pendans sont pommes de cas-pendu; & telles sont les pendiloches -naturelles des hommes. - -HORACE. Vous faites une équivoque trop dissemblable; je vous entends -bien. Les pendilloires ne sont pas pommes, d'autant qu'elles ont mieux -la figure de prunes; & de fait il y paroît, parce que notre jardinier en -disoit, les nomcupant naïvement. Mademoiselle étant venue au jardin, & -arraisonnant le Jardinier, vit en un prunier de ces prunes qu'on appelle -_billons d'âne_. Jardinier, donnez-moi de ces prunes. Il faut que vous -en ayez, mademoiselle; je m'en vais appeller mon fils; je ne suis pas -assez fort. O Jean! ô viens vîtement donner ici une secouée de couillons -à mademoiselle. Achevez, s'il vous plaît.) - -L'AUTRE. Monsieur l'amoureux poursuivit son instance. La jeune mariée, -qui, comme toutes nouvelles jeunes femmes font, aimoit son mari encore -pour le bien & aise qu'elle avoit eu d'avoir été accomplie, ne faisoit -guères d'état de messire Jean, principalement ayant eu l'argent qu'elle -prétendoit. C'étoit autant de vinette cueillie. Un jour qu'il la trouva, -il lui dit: sais-tu pas bien que tu m'as promis? Et quoi? De mettre un -de mes membres dans un des tiens. Je le veux, monsieur le curé, mettez -donc votre nez en mon cul, ainsi vous boucherez trois pertuis d'une -cheville. Les petits menus propos lui donnoient espérance que bientôt il -l'émouveroit toute vive, par ainsi il se rendoit plus privé & importun, -dont la jeune femme se voulut défaire moyennant le complot pris avec son -mari, qui fit semblant d'aller aux champs. Par ainsi, monsieur le curé -qui alloit & venoit pour rencontrer la belle, eut assignation de venir -au soir. Sur la brune venant, voici mon curé qui vint; comme elle le -vit: helas! dit-elle, personne ne vous a-t-il vu? J'en suis toute -tremblante. Ma mie tout ira bien, assurez-vous. Et bien, monsieur, vous -soyez le bien venu. Tâtons au vin: non, pas encore, Françoise ma mie, -tâtons à autre chose avant. Vraiment, vous avez grand hâte, si votre -fosset est fait, la piece n'est pas perçée. Attendez que nous soyons -couchés, vous aurez assez de quoi vous embesogner; je vous baillerez un -petit endroit, où il y a plus à travailler, qu'il n'y a à moudre en -quatre septier de bled. Soupons vîtement, puis, nous nous coucherons. -Cependant il déroba quelques baisers, qu'il furta tandis qu'elle apprêta -tout. Ils se hâterent de souper, puis elle dit: là, couchons-nous; c'est -assez friponner sur la viande morte, c'est trop languir. Jamais le -mignon ne se trouva si aise. Il se jetta bientôt au lit, & elle, presque -toute nue, faisoit mine d'aller éteindre la chandelle; & musoit un peu, -& il lui disoit: _Françoise, vien tôt, voici Jacquemart de bandeliroide -qui vous attend, c'est Perrin boutte-avant, venez tôt, il est fort comme -un os; venez qu'il vous serve._ Elle approche comme pour se jetter au -lit, n'ayant plus que sa chemise: ho, dit-elle, je m'en vais ôter ma -chemise, mais aussi vous ôterez la vôtre, je ne la pourrois souffrir. Il -l'ôte, puis elle lui dit: je vais éteindre la chandelle, tendez-moi la -main pour vous trouver. Elle faisoit de l'interdite, semblant d'ôter sa -chemise, une manche, puis l'autre: foin des puces, bran elles me -mangeront. Le drôle prenoit plaisir à la lueur de la chandelle, de voir -ces mysteres qui avoient bonne grace; mais voici bien du changement. -Ainsi que déja cette chemise passoit par-dessus la tête, qu'il voyoit un -beau tableau, on heurta à la porte assez épouventablement. Lors elle -comme surprise: hélas! monsieur, où vous mettrez-vous? Je suis perdue. -D'autre côté, on frappoit, disant: ouvre-moi, Françoise, ouvre vîtement, -je suis mort; je te prie, ouvre vîte. Elle crioit: mon mari je me leve -en si grand hâte, que je ne sais ce que je fais. Cependant elle aidoit -au curé à monter sur un travers, où les poules nichoient. Cela fait, -comme toute hors de soi, elle vint ouvrir la porte à son mari & lui dit: -& où allez-vous si tard? Il est belle heure de venir. Ha! ma mie, -excuse-moi, je suis mort. Ne te fâche point: tu ne me verras plus -guerre; je me meurs, envoie quérir monsieur le curé que je me confesse. -Il se tenoit le ventre auprès du feu, comme s'il eût eu la colique, & -faisoit semblant par fois de s'évanouir. Il fait appeller des voisins à -l'aide, qui s'assemblent à le reconforter & le mettre sur un lit à -terre. Mais il ne faisoit plus que soupirer & dire: jamais, jamais! Hé, -compere, prenez courage. Jamais. Ce ne sera rien: or sus, mon ami, là, -aidez-vous. Jamais. Il faut voir monsieur le curé. Jamais. Il vous dira -quelque bonne parole. Jamais. Encore ne faut-il pas se laisser ainsi -aller. Jamais. Il semble que vous ne nous connoissiez point. Jamais. -Voilà mon compere cettui-ci, mon cousin cettui-là, qui vous sont venus -voir. Jamais. Quand presque toute la paroisse fut assemblée, & que l'on -lui va dire: or ça compere, debout, allons au lit; vous y serez mieux. -Et bien que vous faut-il? Adonc, jettant les yeux & dressant la main -vers le curé, il va dire: jamais je ne vis un tel Jean avec mes poules. -Adonc monsieur le curé de se trémousser; & lors les destinés à faire -fouetterie lui aiderent à descendre, & le singlerent à droite & à -gauche, sans faire semblant de le connoître. Quelle loi, _canis_! Là, -là, disoient les femmes, fessez, fessez, c'est le foulon. Tels sont les -esprits familiers, incubes, sucubes & fées, qui, en phantômes -domestiques, trompent hommes & femmes. Flanquez-lui ces nerfs de boeufs -autour des échines, tant que la peau lui parte. - - - - -APOSTILLES. - - -XXXV. HORACE. Ces femmes disoient tout outre, comme frere Orimont qui -prêchoit durant les états, se mettant en colere contre les usuriers: -sur-tout il raconta que les diables les tenoient en enfer, où ils les -flagelloient, les sanglant avec de grands vits de boeuf. Après le -sermon, quelqu'un lui remontra; & sur cette remontrance, il nous -enseigna qu'il y avoit deux temps, qu'il falloit tout nommer par son -nom, ou que l'on avoit congé de tout dire; en innocence, & en colere. -Ainsi, nous, ajoûta-t-il, qui sommes en chaire, en vraie innocence, -laquelle nous fait venir la sainte colere, ne péchons point, si nous -disons ce qui seroit interdit à un autre. Ainsi devons-nous parler -naïvement, afin de ne causer aucun doute. Savez-vous pas bien que la -honte est signe de péché? Or nous, qui n'avons pas envie de pécher, si -ce n'est à bon escient, avons occasion, liberté & science de tout dire -explicablement; & puis si nous, plein de protection formelle, déguisons -les matieres, on ne croiroit plus; on dira que nous sommes menteurs. -Voudriez-vous que je die, comme les femmes de Blois, v, i, t, pied; c, -o, n, pantoufle? Que si en choses connues de vulgaire, nous apportions -du déguisement, que ferions-nous ès inconvéniens & contingences de -conséquence. - -CALIGULA. Le grand cordelier de Poitiers étoit donc en colere ou en -innocence, quand prêchant les regrets de la mort de l'un de leurs -confreres qui avoit été pendu à Vendôme, disoit aux dames en pleine -chaire: voyez, mes dames, comme vos bons peres spirituels sont -accoûtrés. Et faisant geste d'un homme bien fâché, y ajoutoit une -mystique démonstration, mettant la main gauche à la jointure du bras -droit, qu'il démenoit comme un encensoir, soupirant disoit, faisant -cette question en complainte plusieurs fois: il m'en pend autant, mes -dames; il m'en pend autant. - -TOSTAT. Je le connois ce bon frere. Il aide volontiers de sa faveur à -ceux qui vont aux ordres. Et de fait, un jour qu'un jeune clerc se -présentoit, monsieur le grand-vicaire, qui n'est pas plus habile que -l'évêque, (aussi ce seroit honte) vint pour l'interroger; & ouvrant le -livre, trouve: _angelus tenebat thuribulum_. Or ça, dit-il à ce clerc, -qu'est-ce à dire _thuribulum_? Le voilà surpris: il cherche en son -cerveau, si l'esprit lui suggérera quelque réponse. Maître Robert, qui -étoit derrière le grand vicaire, faisoit signe du bras à ce répondant, & -lui faisoit le même mystere que le cordelier. Le clerc considéroit -fermement, & voyoit bien que ce maître lui faisoit signe comme les -enfans de choeur à Paris; mais il ne pouvoit bien deviner. Le docteur le -pressant, enfin il va répondre selon l'apparence du signe: _thuribulum_, -c'est-à-dire, un vit de mulet, monsieur. - -CARLOSTADE. Mon compagnon ne répondit gueres mieux que moi, quand nous -allâmes nous faire exorciser avec Malo. On demande à Liset, sur ce -texte, _quidem habebat villicum_: qu'est-ce à dire _villicum_? Il répéta -le texte; puis ayant pensé que c'étoit à dire chose, & qu'il le falloit -dire honnêtement, & que possible le texte parloit d'un adultere, se -ramentevant que c'étoit, selon Bocace, mettre le diable en enfer; plein -de belles résolutions, & pensant aviser les autres d'une science -profonde: dit: _dicam, domine_. Là donc, dites, dites; qu'est-ce à dire? -_Habebat villicum_, c'est-à-dire, il avoit le diable au corps. - -BEZE. Si je n'avois peur de blasphémer, je dirois quelque chose de cinq -religieuses qui furent baillées à gouverner à frere Notonville, qui les -engrossa toutes. Comme on l'en tançoit, il dit: _quinque_, &c. tu m'as -baillé cinq talens; j'en ai gagné cinq autres. Or sus, n'en parlons -plus; nous serions ici meshui. Sur quoi étions-nous? - -ASCLÉPIADES. Nous étions sur celles qui le font à petit semblant. - - -_Fin du Tome second._ - - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by -François Béroalde de Verville - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 *** - -***** This file should be named 57879-8.txt or 57879-8.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/7/8/7/57879/ - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Le moyen de parvenir, tome 2/3 - -Author: François Béroalde de Verville - -Release Date: September 9, 2018 [EBook #57879] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 *** - - - - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - - - - - - -</pre> +<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57879 ***</div> <h1><span class="xsmall">LE</span><br/> <b class="g large">MOYEN</b><br/> @@ -5608,382 +5571,7 @@ parlons plus; nous serions ici meshui. Sur quoi étions-nous?</p> -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3, by -François Béroalde de Verville - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 *** - -***** This file should be named 57879-h.htm or 57879-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/7/8/7/57879/ - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive -specific permission. If you do not charge anything for copies of this -eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook -for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, -performances and research. They may be modified and printed and given -away--you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks -not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the -trademark license, especially commercial redistribution. - -START: FULL LICENSE - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg-tm License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project -Gutenberg-tm electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. 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