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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 05:25:18 -0700 |
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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Les Précieuses Ridicules + +Author: Molière + +Posting Date: April 17, 2013 [EBook #5318] +Release Date: July, 2004 +First Posted: June 30, 2002 + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES PRÉCIEUSES RIDICULES *** + + + + +Produced by Laurent Le Guillou + + + + + + + +Les Précieuses Ridicules + + + + + +Source: + +Jean-Baptiste Poquelin (1620-1673), alias Molière, +"Oeuvres de Molière, avec des notes de tous les commentateurs", +Tome Premier, +Paris, Librarie de Firmin-Didot et Cie, +Imprimeurs de l'Institut, rue Jacob, 56, +1890. + +Pages 151-181. + +[Spelling of the 1890 edition. Footnotes have been retained because +they provide the meanings of old French words or expressions. +Footnote are indicated by numbers in brackets, and are grouped +at the end of the Etext. Text encoding is iso-8859-1.] + + +------------------------------------------------------------------------- + + + +PRÉFACE DES PRÉCIEUSES RIDICULES + + +C'est une chose étrange qu'on imprime les gens malgré eux ! Je ne vois +rien de si injuste, et je pardonnerais toute autre violence plutôt que +celle-là. + +Ce n'est pas que je veuille faire ici l'auteur modeste, et mépriser +par honneur ma comédie. J'offenserais mal à propos tout Paris, si je +l'accusais d'avoir pu applaudir à une sottise ; comme le public est le +juge absolu de ces sortes d'ouvrages, il y aurait de l'impertinence à +moi de le démentir ; et quand j'aurais eu la plus mauvaise opinion du +monde de mes "Précieuses ridicules" avant leur représentation, je dois +croire maintenant qu'elles valent quelque chose, puisque tant de gens +ensemble en ont dit du bien. Mais comme une grande partie des grâces +qu'on y a trouvées dépendent de l'action et du ton de la voix, il +m'importait qu'on ne les dépouillât pas de ces ornements, et je +trouvais que le succès qu'elles avaient eu dans la représentation +était assez beau pour en demeurer là. J'avais résolu, dis-je, de les +faire voir qu'à la chandelle, pour ne point donner lieu à quelqu'un de +dire le proverbe (1), et je ne voulais pas qu'elles sautassent du +théâtre de Bourbon dans la galerie du Palais. Cependant je n'ai pu +l'éviter, et je suis dans la disgrâce de voir une copie dérobée de ma +pièce entre les mains des libraires, accompagnée d'un privilège obtenu +par surprise. j'ai eu beau crier : O temps ! ô moeurs ! on m'a fait +voir une nécessité pour moi d'être imprimé, ou d'avoir un procès ; et +le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser +aller à la destinée, et consentir à une chose qu'on ne laisserait pas +de faire sans moi. + +Mon Dieu ! l'étrange embarras qu'un livre à mettre au jour ; et qu'un +auteur est neuf la première fois qu'on l'imprime ! Encore si l'on +m'avait donné du temps, j'aurais pu mieux songer à moi, et j'aurais +pris toutes les précautions que messieurs les auteurs, à présent mes +confrères, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre +quelque grand seigneur que j'aurais été prendre malgré lui pour +protecteur de mon ouvrage, et dont j'aurais tenté la libéralité par +une épître dédicatoire bien fleurie, j'aurais tâché de faire une belle +et docte préface ; et je ne manque point de livres qui m'auraient +fourni tout ce qu'on peut dire de savant sur la tragédie et la +comédie, l'étymologie de toutes deux, leur origine, leur définition, +et le reste. + +J'aurais aussi parlé à mes amis, qui, pour la recommandation de ma +pièce, ne m'auraient pas refusé ou des vers français, ou des vers +latins. j'en ai même qui m'auraient loué en grec ; et l'on n'ignore +pas qu'une louange en grec est d'une merveilleuse efficace à la tête +d'un livre. Mais on me met au jour sans me donner le loisir de me +reconnaître ; et je ne puis même obtenir la liberté de dire deux mots +pour justifier mes intentions sur le sujet de cette comédie. j'aurais +voulu faire voir qu'elle se tient partout dans les bornes de la satire +honnête et permise ; que les plus excellentes choses sont sujettes à +être copiées par de mauvais singes qui méritent d'être bernés ; que +ces vicieuses imitations de ce qu'il y a de plus parfait ont été de +tout temps la matière de la comédie, et que, par la même raison que +les véritables savants et les vrais braves ne se sont point encore +avisés de s'offenser du Docteur de la comédie, et du Capitan, non plus +que les juges, les princes et les rois de voir Trivelin (2), ou +quelque autre, sur le théâtre, faire ridiculement le juge, le prince, +ou le roi ; aussi les véritables précieuses auraient tort de se piquer +lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal. Mais enfin, comme +j'ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luynes (3) +veut m'aller faire relier de ce pas : à la bonne heure, puisque Dieu +l'a voulu. + + +----------- + +(1) Molière fait allusion à ce proverbe : "Elle est belle à la +chandelle, mais le grand jour gâte tout." + + +----------- + + +(2) Le "Docteur", le "Capitan" et "Trivelin", étaient trois +personnages ou caractères appartenant à la farce italienne. + + +----------- + + +(3) Ce de Luynes était un libraire qui avait sa boutique dans la +galerie du Palais. + + +----------- + + + + + +------------------------------------------------------------------------- + + + + + + +LES PRÉCIEUSES RIDICULES + + + + +Comédie (1659). + + + +PERSONNAGES ACTEURS + +La Grange, La Grange. +Du Croisy, amants rebutés. Du Croisy. +Gorgibus, bon bourgeois. L'Espy. +Madelon, fille de Gorgibus, Mlle De Brie. +Cathos, nièce de Gorgibus, précieuses ridicules. Mlle Du Parc. +Marotte, servante des précieuses ridicules. Madel. Béjart. +Almanzor, laquais des précieuses ridicules. De Brie. +Le Marquis de Mascarille, valet de la Grange. Molière. +Le Vicomte de Jodelet, valet de du Croisy. Brécourt. +Deux porteurs de chaise. +Voisines. +Violons. + + + +La scène à Paris, dans la maison de Gorgibus. + + +SCÈNE PREMIÈRE. - La Grange, Du Croisy. + + +- Du Croisy - + +Seigneur la Grange... + +- La Grange - + +Quoi ? + +- Du Croisy - + +Regardez-moi un peu sans rire. + +- La Grange - + +Eh bien ? + +- Du Croisy - + +Que dites-vous de notre visite ? En êtes-vous fort satisfait ? + +- La Grange - + +A votre avis, avons-nous sujet de l'être tous deux ? + +- Du Croisy - + +Pas tout à fait, à dire vrai. + +- La Grange - + +Pour moi, je vous avoue que j'en suis tout scandalisé. A-t-on jamais +vu, dites-moi, deux pecques (1) provinciales faire plus les renchéries +que celles-là, et deux hommes traités avec plus de mépris que nous ? +A peine ont-elles pu se résoudre à nous faire donner des sièges. Je n'ai +jamais vu tant parler à l'oreille qu'elles ont fait entre elles, tant +baîller, tant se frotter les yeux, et demander tant de fois : Quelle +heure est-il ? Ont-elles répondu que Oui et Non à tout ce que nous +avons pu leur dire ? Et ne m'avouerez-vous pas enfin que, quand nous +aurions été les dernières personnes du monde, on ne pouvait nous faire +pis qu'elles ont fait ? + +- Du Croisy - + +Il me semble que vous prenez la chose fort à coeur. + +- La Grange - + +Sans doute, je l'y prends, et de telle façon, que je me veux venger de +cette impertinence. Je connais ce qui nous a fait mépriser. L'air +précieux n'a pas seulement infecté Paris, il s'est aussi répandu dans +les provinces, et nos donzelles ridicules en ont humé leur bonne +part. En un mot, c'est un ambigu (2) de précieuse et de coquette que +leur personne. Je vois ce qu'il faut être pour en être bien reçu ; et, +si vous m'en croyez, nous leur jouerons tous deux une pièce qui leur +fera voir leur sottise, et pourra leur apprendre à connaître un peu +mieux leur monde. + +- Du Croisy - + +Et comment, encore ? + +- La Grange - + +J'ai un certain valet, nommé Mascarille, qui passe au sentiment de +beaucoup de gens, pour une manière de bel esprit, car il n't a rien de +meilleur marché que le bel esprit maintenant. C'est un extravagant qui +s'est mis en tête de vouloir faire l'homme de condition. Il se pique +ordinairement de galanterie et de vers, et dédaigne les autres valets, +jusqu'à les appeler brutaux. + +- Du Croisy - + +Eh bien ! qu'en prétendez-vous faire ? + +- La Grange - + +Ce que j'en prétends faire ? Il faut... Mais sortons d'ici auparavant. + + + +----------- + + +SCÈNE II. - Gorgibus (3), Du Croisy, La Grange. + + +- Gorgibus - + +Eh bien ! vous avez vu ma nièce et ma fille ? Les affaires iront-elles +bien ? Quel est le résultat de cette visite ? + +- La Grange - + +C'est une chose que vous pourrez mieux apprendre d'elles que de nous. +Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que nous vous rendons grâce +de la faveur que vous nous avez faite, et demeurons vos très humbles +serviteurs. + +- Du Croisy - + +Vos très humbles serviteurs. + +- Gorgibus - + + (seul.) + +Ouais ! il semble qu'ils sortent mal satisfaits d'ici. D'où pourrait +venir leur mécontentement ? Il faut savoir un peu ce que c'est. Holà ! + + + +----------- + + +SCÈNE III. - Gorgibus, Marotte. + + +- Marotte - + +Que désirez-vous, Monsieur ? + +- Gorgibus - + +Où sont vos maîtresses ? + +- Marotte - + +Dans leur cabinet. + +- Gorgibus - + +Que font-elles ? + +- Marotte - + +De la pommade pour les lèvres. + +- Gorgibus - + +C'est trop pommadé. Dites-leur qu'elles descendent. + + + +----------- + + +SCÈNE IV. - Gorgibus. + + +- Gorgibus - + +Ces pendardes-là, avec leur pommade, ont, je pense, envie de me +ruiner. Je ne vois partout que blancs d'oeufs, lait virginal, et mille +autres brimborions que je ne connais point. Elles ont usé, depuis que +nous sommes ici, le lard d'une douzaine de cochons, pour le moins ; et +quatre valets vivraient tous les jours des pieds de mouton qu'elles +emploient. + + + +----------- + + +SCÈNE V. - Madelon, Cathos, Gorgibus. + + +- Gorgibus - + +Il est bien nécessaire, vraiment, de faire tant de dépense pour vous +graisser le museau ! Dites-moi un peu ce que vous avez fait à ces +messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur ? Vous +avais-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je +voulais vous donner pour maris ? + +- Madelon - + +Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nous fassions du procédé +irrégulier de ces gens-là ? + +- Cathos - + +Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable se pût accommoder +de leur personne ? + +- Gorgibus - + +Et qu'y trouvez-vous à redire ? + +- Madelon - + +La belle galanterie que la leur ! Quoi ! débuter d'abord par le +mariage ? + +- Gorgibus - + +Et par où veux-tu donc qu'ils débutent ? par le concubinage ? N'est-ce +pas un procédé dont vous avez sujet de vous louer toutes deux, aussi +bien que moi ? Est-il rien de plus obligeant que cela ? Et ce lien +sacré où ils aspirent n'est-il pas un témoignage de l'honnêteté de +leurs intentions ? + +- Madelon - + +Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois. Cela me +fait honte de vous ouïr parler de la sorte, et vous devriez un peu +vous faire apprendre le bel air des choses. + +- Gorgibus - + +Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. Je te dis que le mariage est +une chose sainte et sacrée, et que c'est faire en honnêtes gens que de +débuter par là. + +- Madelon - + +Mon Dieu ! que si tout le monde vous ressemblait, un roman serait +bientôt fini ! La belle chose que ce serait, si d'abord Cyrus épousait +Mandane, et qu'Aronce de plain-pied fût marié à Clélie (4) ! + +- Gorgibus - + +Que me vient conter celle-ci ? + +- Madelon - + +Mon père, voilà ma cousine qui vous dira aussi bien que moi que le +mariage ne doit jamais arriver qu'après les autres aventures. Il faut +qu'un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sentiments, +pousser le doux, le tendre et le passionné (5), et que sa recherche +soit dans les formes. Premièrement, il doit voir au temple, ou à la +promenade, ou dans quelque cérémonie publique, la personne dont il +devient amoureux ; ou bien être conduit fatalement chez elle par un +parent ou un ami, et sortir de là tout rêveur et mélancolique. Il +cache un temps sa passion à l'objet aimé, et cependant lui rend +plusieurs visites, où l'on ne manque jamais de mettre sur le tapis une +question galante qui exerce les esprits de l'assemblée. Le jour de la +déclaration arrive, qui se doit faire ordinairement dans une allée de +quelque jardin, tandis que la compagnie s'est un peu éloignée : et +cette déclaration est suivie d'un prompt courroux, qui paraît à notre +rougeur, et qui, pour un temps, bannit l'amant de notre présence. +Ensuite il trouve moyen de nous apaiser, de nous accoutumer +insensiblement au discours de sa passion, et de tirer de nous cet aveu +qui fait tant de peine. Après cela viennent les aventures, les rivaux +qui se jettent à la traverse d'une inclination établie, les +persécutions des pères, les jalousies conçues sur de fausses +apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui +s'ensuit. Voilà comme les choses se traitent dans les belles manières, +et ce sont des règles dont, en bonne galanterie, on ne saurait se +dispenser. Mais en venir de but en blanc à l'union conjugale, ne faire +l'amour qu'en faisant le contrat du mariage, et prendre justement le +roman par la queue ; encore un coup, mon père, il ne se peut rien de +plus marchand que ce procédé ; et j'ai mal au coeur de la seule vision +que cela me fait. + +- Gorgibus - + +Quel diable de jargon entends-je ici ? Voici bien du haut style. + +- Cathos - + +En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le +moyen de bien recevoir des gens qui sont tout à fait incongrus en +galanterie ! Je m'en vais gager qu'ils n'ont jamais vu la carte de +Tendre, et que Billets-Doux, Petits-Soins, Billets-Galants et +Jolis-Vers sont des terres inconnues pour eux (6). Ne voyez-vous pas +que toute leur personne marque cela, et qu'ils n'ont point cet air qui +donne d'abord bonne opinion des gens ? Venir en visite amoureuse avec +une jambe toute unie, un chapeau désarmé de plumes, une tête +irrégulière en cheveux, et un habit qui souffre une indigence de +rubans ; mon Dieu, quels amants sont-ce là ! Quelle frugalité +d'ajustements, et quelle sécheresse de conversation ! On n'y dure +point, on n'y tient pas. J'ai remarqué encore que leurs rabats (7) ne +sont pas de la bonne faiseuse, et qu'il s'en faut plus d'un grand +demi-pied que leurs hauts-de-chausses ne soient assez larges. + +- Gorgibus - + +Je pense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne puis rien +comprendre à ce baragouin. Cathos, et vous, Madelon... + +- Madelon - + +Eh ! de grâce, mon père, défaites-vous de ces noms étranges et nous +appelez autrement. + +- Gorgibus - + +Comment, ces noms étranges ? Ne sont-ce pas vos noms de baptême ? + +- Madelon - + +Mon Dieu, que vous êtes vulgaire ! Pour moi, un de mes étonnements, +c'est que vous ayez pu faire une fille si spirituelle que moi. A-t-on +jamais parlé, dans le beau style, de Cathos ni de Madelon, et ne +m'avouerez-vous pas que ce serait assez d'un de ces noms pour décrier +le plus beau roman du monde ? + +- Cathos - + +Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu délicate pâtit +furieusement à entendre prononcer ces mots-là ; et le nom de Polyxène +que ma cousine a choisi, et celui d'Aminte que je me suis donné, ont +une grâce dont il faut que vous demeuriez d'accord. + +- Gorgibus - + +Ecoutez, il n'y a qu'un mot qui serve. Je n'entends point que vous +ayez d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains +et marraines ; et pour ces messieurs dont il est question, je connais +leurs familles et leurs biens, et je veux résolument que vous vous +disposiez à les recevoir pour maris. Je me lasse de vous avoir sur les +bras, et la garde de deux filles est une charge un peu trop pesante +pour un homme de mon âge. + +- Cathos - + +Pour moi, mon oncle, tout ce que je vous puis dire, c'est que je +trouve le mariage une chose tout à fait choquante. Comment est-ce +qu'on peut souffrir la pensée de coucher contre un homme vraiment nu ? + +- Madelon - + +Souffrez que nous prenions un peu haleine parmi le beau monde de +Paris, où nous ne faisons que d'arriver. Laissez-nous faire à loisir +le tissu de notre roman, et n'en pressez point tant la conclusion. + +- Gorgibus - + + (à part.) + +Il n'en faut point douter, elles sont achevées. + + (Haut.) + +Encore un coup, je n'entends rien à toutes ces balivernes : je veux +être maître absolu : et pour trancher toutes sortes de discours, ou +vous serez mariées toutes deux avant qu'il soit peu, ou, ma foi, vous +serez religieuses ; j'en fais un bon serment. + + + +----------- + + +SCÈNE VI. - Cathos, Madelon. + + +- Cathos - + +Mon Dieu, ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière ! +que son intelligence est épaisse, et qu'il fait sombre dans son âme ! + +- Madelon - + +Que veux-tu, ma chère ? J'en suis en confusion pour lui. J'ai peine à +me persuader que je puisse être véritablement sa fille, et je crois +que quelque aventure un jour me viendra développer une naissance plus +illustre. + +- Cathos - + +Je le croirais bien ; oui, il y a toutes les apparences du monde ; et, +pour moi, quand je me regarde aussi... + + + +----------- + + +SCÈNE VII. - Cathos, Madelon, Marotte. + + +- Marotte - + +Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis, et dit que son +maître vous veut venir voir. + +- Madelon - + +Apprenez, sotte, à vous énoncer moins vulgairement. Dites : Voilà un +nécessaire qui demande si vous êtes en commodité d'être visibles. + +- Marotte - + +Dame ! je n'entends point le latin : et je n'ai pas appris comme vous, +la filophie dans le grand Cyre. + +- Madelon - + +L'impertinente ! Le moyen de souffrir cela ! Et qui est-il le maître +de ce laquais ? + +- Marotte - + +Il me l'a nommé le marquis de Mascarille. + +- Madelon - + +Ah ! ma chère, un marquis ! un marquis ! Oui, allez dire qu'on nous +peut voir. C'est sans doute un bel esprit qui aura ouï parler de nous. + +- Cathos - + +Assurément, ma chère. + +- Madelon - + +Il faut le recevoir dans cette salle basse, plutôt qu'en notre +chambre. Ajustons un peu nos cheveux au moins, et soutenons notre +réputation. Vite, venez nous tendre ici dedans le conseiller des +grâces. + +- Marotte - + +Par ma foi ! je ne sais point quelle bête c'est là ; il faut parler +chrétien (8), si vous voulez que je vous entende. + +- Cathos - + +Apportez-nous le miroir, ignorante que vous êtes, et gardez-vous bien +d'en salir la glace par la communication de votre image. + + (Elles sortent.) + + + +----------- + + +SCÈNE VIII. - Mascarille, deux porteurs. + + +- Mascarille - + +Holà ! porteurs, holà ! Là, là, là, là, là, là. Je pense que ces +marauds-là ont dessein de me briser, à force de heurter contre les +murailles et les pavés. + +- Premier porteur - + +Dame ! c'est que la porte est étroite. Vous avez voulu aussi que nous +soyons entrés jusqu'ici. + +- Mascarille - + +Je le crois bien. Voudriez-vous, faquins, que j'exposasse l'embonpoint +de mes plumes aux inclémences de la saison pluvieuse, et que j'allasse +imprimer mes souliers en boue ? Allez, ôtez votre chaise d'ici. + +- Deuxième porteur - + +Payez-nous donc, s'il vous plaît, Monsieur. + +- Mascarille - + +Hein ! + +- Deuxième porteur - + +Je dis, Monsieur, que vous nous donniez de l'argent, s'il vous plaît. + +- Mascarille - + + (lui donnant un soufflet.) + +Comment, coquin ! demander de l'argent à une personne de ma qualité ! + +- Deuxième porteur - + +Est-ce ainsi qu'on paye les pauvres gens ? et votre qualité nous +donne-t-elle à dîner ? + +- Mascarille - + +Ah ! ah ! je vous apprendrai à vous connaître ! Ces canailles-là +s'osent jouer à moi. + +- Premier porteur - + + (Prenant un des bâtons de sa chaise.) + +Cà, payez-nous vitement. + +- Mascarille - + +Quoi ? + +- Premier porteur - + +Je dis que je veux avoir de l'argent tout à l'heure. + +- Mascarille - + +Il est raisonnable, celui-là. + +- Premier porteur - + +Vite donc ! + +- Mascarille - + +Oui-da ! Tu parles comme il faut, toi ; mais l'autre est un coquin qui +ne sait ce qu'il dit. Tiens, es-tu content ? + +- Premier porteur - + +Non, je ne suis pas content : vous avez donné un +soufflet à mon camarade, et... + + (Levant son bâton.) + +- Mascarille - + +Doucement ! Tiens, voilà pour le soufflet. On obtient tout de moi +quand on s'y prend de la bonne façon. Allez, venez me reprendre tantôt +pour aller au Louvre, au petit coucher. + + + +----------- + + +SCÈNE IX. - Marotte, Mascarille. + + +- Marotte - + +Monsieur, voilà mes maîtresses qui vont venir tout à l'heure. + +- Mascarille - + +Qu'elles ne se pressent point : je suis ici posté commodément pour +attendre. + +- Marotte - + +Les voici. + + + +----------- + + +SCÈNE X. - Madelon, Cathos, Mascarille, Almanzor. + + +- Mascarille - + + (après avoir salué.) + +Mesdames, vous serez surprises sans doute de l'audace de ma visite ; +mais votre réputation vous attire cette méchante affaire, et le mérite +a pour moi des charmes si puissants, que je cours partout après lui. + +- Madelon - + +Si vous poursuivez le mérite, ce n'est pas sur nos terres que vous +devez chasser. + +- Cathos - + +Pour voir chez nous le mérite, il a fallu que vous l'y ayez amené. + +- Mascarille - + +Ah ! je m'inscris en faux contre vos paroles. La renommée accuse juste +en contant ce que vous valez ; et vous allez faire pic, repic et capot +tout ce qu'il y a de galant dans Paris. + +- Madelon - + +Votre complaisance pousse un peu trop avant la libéralité de ses +louanges ; et nous n'avons garde, ma cousine et moi, de donner de +notre sérieux dans le doux de votre flatterie. + +- Cathos - + +Ma chère, il faudrait faire donner des sièges. + +- Madelon - + +Holà ! Almanzor. + +- Almanzor - + +Madame ? + +- Madelon - + +Vite, voiturez-nous ici les commodités de la conversation. + +- Mascarille - + +Mais, au moins, y a-t-il sûreté ici pour moi ? + + (Almanzor sort.) + +- Cathos - + +Que craignez-vous ? + +- Mascarille - + +Quelque vol de mon coeur, quelque assassinat de ma franchise. Je vois +ici des yeux qui ont la mine d'être de fort mauvais garçons, de faire +insulte aux libertés, et de traiter une âme de Turc à More (9). +Comment, diable ! d'abord qu'on les approche, ils se mettent sur leur +garde meurtrière. Ah ! par ma foi, je m'en défie ! et je m'en vais +gagner au pied, ou je veux caution bourgeoise (10) qu'ils ne me feront +point de mal. + +- Madelon - + +Ma chère, c'est le caractère enjoué. + +- Cathos - + +Je vois bien que c'est un Amilcar (11). + +- Madelon - + +Ne craignez rien : nos yeux n'ont point de mauvais desseins, et votre +coeur peut dormir en assurance sur leur prud'homie. + +- Cathos - + +Mais de grâce, Monsieur, ne soyez pas inexorable à ce fauteuil qui +vous tend les bras il y a un quart d'heure ; contentez un peu l'envie +qu'il a de vous embrasser. + +- Mascarille - + + (après s'être peigné et avoir ajusté ses canons.) + +Eh bien, Mesdames, que dites-vous de Paris ? + +- Madelon - + +Hélas ! qu'en pourrions-nous dire ? Il faudrait être l'antipode de la +raison, pour ne pas confesser que Paris est le grand bureau des +merveilles, le centre du bon goût, du bel esprit, et de la galanterie. + +- Mascarille - + +Pour moi, je tiens que hors de Paris il n'y a point de salut pour les +honnêtes gens. + +- Cathos - + +C'est une vérité incontestable. + +- Mascarille - + +Il y fait un peu crotté ; mais nous avons la chaise. + +- Madelon - + +Il est vrai que la chaise est un retranchement merveilleux contre les +insultes de la boue et du mauvais temps. + +- Mascarille - + +Vous recevez beaucoup de visites ? Quel bel esprit est des vôtres ? + +- Madelon - + +Hélas ! nous ne sommes pas encore connues ; mais nous sommes en passe +de l'être ; et nous avons une amie particulière qui nous a promis +d'amener ici tous ces messieurs du Recueil des pièces choisies. + +- Cathos - + +Et certains autres qu'on nous a nommés aussi pour être les arbitres +souverains des belles choses. + +- Mascarille - + +C'est moi qui ferai votre affaire mieux que personne ; ils me rendent +tous visite ; et je puis dire que je ne me lève jamais sans une +demi-douzaine de beaux esprits. + +- Madelon - + +Eh ! mon Dieu ! nous vous serons obligées de la dernière obligation, +si vous nous faites cette amitié ; car enfin il faut avoir la +connaissance de tous ces messieurs-là, si l'on veut être du beau +monde. Ce sont ceux qui donnent le branle à la réputation dans Paris ; +et vous savez qu'il y en a tel dont il ne faut que la seule +fréquentation pour vous donner bruit de connaisseuse, quand il n'y +aurait rien autre chose que cela. Mais, pour moi, ce que je considère +particulièrement, c'est que, par le moyen de ces visites spirituelles, +on est instruite de cent choses qu'il faut savoir de nécessité, et qui +sont de l'essence d'un bel esprit. On apprend par là chaque jour les +petites nouvelles galantes, les jolies commerces de prose et de vers. +On sait à point nommé : Un tel a composé la plus jolie pièce du monde +sur un tel sujet ; une telle a fait des paroles sur un tel air ; +celui-ci a fait un madrigal sur une jouissance ; celui-là a composé +des stances sur une infidélité ; monsieur un tel écrivit hier au soir +un sixain à Mademoiselle une telle, dont elle lui a envoyé la réponse +ce matin sur les huit heures ; un tel auteur a fait un tel dessein ; +celui-là en est à la troisième partie de son roman ; cet autre met ses +ouvrages sous la presse. C'est là ce qui vous fait valoir dans les +compagnies, et si l'on ignore ces choses, je ne donnerais pas un clou +de tout l'esprit qu'on peut avoir. + +- Cathos - + +En effet, je trouve que c'est renchérir sur le ridicule, qu'une +personne se pique d'esprit, et ne sache pas jusqu'au moindre petit +quatrain qui se fait chaque jour ; et pour moi, j'aurais toutes les +hontes du monde, s'il fallait qu'on vînt à me demander si j'aurais vu +quelque chose de nouveau que je n'aurais pas vu. + +- Mascarille - + +Il est vrai qu'il est honteux de n'avoir pas des premiers tout ce qui +se fait ; mais ne vous mettez pas en peine : je veux établir chez vous +une académie de beaux esprits, et je vous promets qu'il ne se fera pas +un bout de vers dans Paris, que vous ne sachiez par coeur avant tous +les autres. Pour moi, tel que vous me voyez, je m'en escrime un peu +quand je veux ; et vous verrez courir de ma façon dans les belles +ruelles (12) de Paris, deux cents chansons, autant de sonnets, quatre +cents épigrammes et plus de mille madrigaux, sans compter les énigmes +et les portraits. + +- Madelon - + +Je vous avoue que je suis furieusement pour les portraits : je ne vois +rien de si galant que cela. + +- Mascarille - + +Les portraits sont difficiles, et demandent un esprit profond : vous +en verrez de ma manière qui ne vous déplairont pas. + +- Cathos - + +Pour moi, j'aime terriblement les énigmes. + +- Mascarille - + +Cela exerce l'esprit, et j'en ai fait quatre encore ce matin, que je +vous donnerai à deviner. + +- Madelon - + +Les madrigaux sont agréables, quand ils sont bien tournés. + +- Mascarille - + +C'est mon talent particulier ; et je travaille à mettre en madrigaux +toute l'histoire romaine. + +- Madelon - + +Ah ! certes, cela sera du dernier beau : j'en retiens un exemplaire au +moins, si vous le faites imprimer. + +- Mascarille - + +Je vous en promets à chacune un, et des mieux reliés. Cela est +au-dessous de ma condition ; mais je le fais seulement pour donner à +gagner aux libraires, qui me persécutent. + +- Madelon - + +Je m'imagine que le plaisir est grand de se voir imprimé. + +- Mascarille - + +Sans doute. Mais, à propos, il faut que je vous die un impromptu que je +fis hier chez une duchesse de mes amies que je fus visiter ; car je +suis diablement fort sur les impromptus. + +- Cathos - + +L'impromptu est justement la pierre de touche de l'esprit. + +- Mascarille - + +Ecoutez donc. + +- Madelon - + +Nous y sommes de toutes nos oreilles. + +- Mascarille - + + Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde : + tandis que, sans songer à mal, je vous regarde, + votre oeil en tapinois me dérobe mon coeur ; + Au voleur ! au voleur ! au voleur ! au voleur ! + +- Cathos - + +Ah ! mon Dieu, voilà qui est poussé dans le dernier galant. + +- Mascarille - + +Tout ce que je fais a l'air cavalier ; cela ne sent point le pédant. + +- Madelon - + +Il en est éloigné de plus de deux mille lieues. + +- Mascarille - + +Avez-vous remarqué ce commencement : "Oh ! oh !" voilà qui est +extraordinaire : "oh ! oh !" Comme un homme qui s'avise tout d'un coup, +"oh ! oh !" La surprise, "oh ! oh !" + +- Madelon - + +Oui, je trouve ce "oh ! oh !" admirable. + +- Mascarille - + +Il semble que cela ne soit rien. + +- Cathos - + +Ah ! mon Dieu, que dites-vous ? Ce sont là de ces sortes de choses qui +ne se peuvent payer. + +- Madelon - + +Sans doute ; et j'aimerais mieux avoir fait ce "oh ! oh !" qu'un poème +épique. + +- Mascarille - + +Tudieu ! vous avez le goût bon. + +- Madelon - + +Hé ! je ne l'ai pas tout à fait mauvais. + +- Mascarille - + +Mais n'admirez-vous pas aussi "je n'y prenais pas garde " ? "Je n'y +prenais pas garde", je ne m'apercevais pas de cela : façon de parler +naturelle : "je n'y prenais pas garde". "Tandis que, sans songer à +mal", tandis qu'innocemment, sans malice, comme un pauvre mouton ; "je +vous regarde", c'est-à-dire, je m'amuse à vous considérer, je vous +observe, je vous contemple ; "votre oeil en tapinois..." Que vous +semble de ce mot "tapinois" ? n'est-il pas bien choisi ? + +- Cathos - + +Tout à fait bien. + +- Mascarille - + +"Tapinois", en cachette ; il semble que ce soit un chat qui vienne de +prendre une souris : "tapinois". + +- Madelon - + +Il ne se peut rien de mieux. + +- Mascarille - + +"Me dérobe mon coeur", me l'emporte, me le ravit. "Au voleur ! au +voleur ! au voleur ! au voleur !" Ne diriez-vous pas que c'est un homme +qui crie et court après un voleur pour le faire arrêter ? "Au voleur ! +au voleur ! au voleur ! au voleur !" + +- Madelon - + +Il faut avouer que cela a un tour spirituel et galant. + +- Mascarille - + +Je veux vous dire l'air que j'ai fait dessus. + +- Cathos - + +Vous avez appris la musique ? + +- Mascarille - + +Moi ? Point du tout. + +- Cathos - + +Et comment donc cela se peut-il ? + +- Mascarille - + +Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris. + +- Madelon - + +Assurément, ma chère. + +- Mascarille - + +Ecoutez si vous trouverez l'air à votre goût. "Hem, hem, la, la, la, +la, la". La brutalité de la saison a furieusement outragé la +délicatesse de ma voix ; mais il n'importe, c'est à la cavalière. + + (Il chante.) + + Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde, etc. + +- Cathos - + +Ah ! que voilà un air qui est passionné ! Est-ce qu'on n'en meurt +point ? + +- Madelon - + +Il y a de la chromatique là dedans. + +- Mascarille - + +Ne trouvez-vous pas la pensée bien exprimée dans le chant ? "Au voleur ! +au voleur !" Et puis, comme si l'on criait bien fort : "au, au, au, +au, au, voleur !" Et tout d'un coup, comme une personne essoufflée : +"au voleur !" + +- Madelon - + +C'est là savoir le fin des choses, le grand fin, le fin du fin. Tout +est merveilleux, je vous assure ; je suis enthousiasmée de l'air et +des paroles. + +- Cathos - + +Je n'ai encore rien vu de cette force-là. + +- Mascarille - + +Tout ce que je fais me vient naturellement, c'est sans étude. + +- Madelon - + +La nature vous a traité en vraie mère passionnée, et vous en êtes +l'enfant gâté. + +- Mascarille - + +A quoi donc passez-vous le temps, Mesdames ? + +- Cathos - + +A rien du tout. + +- Madelon - + +Nous avons été jusqu'ici dans un jeûne effroyable de divertissements. + +- Mascarille - + +Je m'offre à vous mener l'un de ces jours à la comédie, si vous voulez ; +aussi bien, on en doit jouer une nouvelle que je serai bien aise que +nous voyions ensemble. + +- Madelon - + +Cela n'est pas de refus. + +- Mascarille - + +Mais je vous demande d'applaudir comme il faut, quand nous serons là ; +car je me suis engagé de faire valoir la pièce, et l'auteur m'en est +venu prier encore ce matin. C'est la coutume ici qu'à nous autres gens +de condition les auteurs viennent lire leurs pièces nouvelles, pour +nous engager à les trouver belles, et leur donner de la réputation ; +et je vous laisse à penser si, quand nous disons quelque chose, le +parterre ose nous contredire ! Pour moi, j'y suis fort exact ; et quand +j'ai promis à quelque poète, je crie toujours : Voilà qui est beau ! +devant que les chandelles soient allumées. + +- Madelon - + +Ne m'en parlez point : c'est un admirable lieu que Paris ; il s'y +passe cent choses tous les jours, qu'on ignore dans les provinces, +quelque spirituelle qu'on puisse être. + +- Cathos - + +C'est assez : puisque nous sommes instruites, nous ferons notre devoir +de nous écrier comme il faut sur tout ce qu'on dira. + +- Mascarille - + +Je ne sais si je me trompe, mais vous avez toute la mine d'avoir fait +quelque comédie. + +- Madelon - + +Hé ! il pourrait être quelque chose de ce que vous dites. + +- Mascarille - + +Ah ! ma foi ! il faudra que nous la voyions. Entre nous, j'en ai +composé une que je veux faire représenter. + +- Cathos - + +Et à quels comédiens la donnerez-vous ? + +- Mascarille - + +Belle demande ! Aux grands comédiens ; il n'y a qu'eux qui soient +capables de faire valoir les choses ; les autres sont des ignorants +qui récitent comme l'on parle ; il ne savent pas faire ronfler les +vers, et s'arrêter au bel endroit : eh ! le moyen de connaître où est +le beau vers, si le comédien ne s'y arrête, et ne vous avertit par là +qu'il faut faire le brouhaha ? + +- Cathos - + +En effet, il y a manière de faire sentir aux auditeurs les beautés +d'un ouvrage ; et les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir. + +- Mascarille - + +Que vous semble de ma petite oie (13) ? La trouvez-vous congruente à +l'habit ? + +- Cathos - + +Tout à fait. + +- Mascarille - + +Le ruban en est-il bien choisi ? + +- Madelon - + +Furieusement bien. C'est Perdrigeon tout pur (14). + +- Mascarille - + +Que dites-vous de mes canons (15) ? + +- Madelon - + +Ils ont tout à fait bon air. + +- Mascarille - + +Je puis me vanter au moins qu'ils ont un grand quartier de plus que +ceux qu'on fait. + +- Madelon - + +Il faut avouer que je n'ai jamais vu porter si haut l'élégance de +l'ajustement. + +- Mascarille - + +Attachez un peu sur ces gants la réflexion de votre odorat. + +- Madelon - + +Ils sentent terriblement bon. + +- Cathos - + +Je n'ai jamais respiré une odeur mieux conditionnée. + +- Mascarille - + +Et celle-là ? + + (Il donne à sentir les cheveux poudrés de sa perruque.) + +- Madelon - + +Elle est tout à fait de qualité ; le sublime en est touché +délicieusement. + +- Mascarille - + +Vous ne me dites rien de mes plumes ! Comment les trouvez-vous ? + +- Cathos - + +Effroyablement belles. + +- Mascarille - + +Savez-vous que le brin me coûte un louis d'or ? Pour moi, j'ai cette +manie de vouloir donner généralement sur tout ce qu'il y a de plus +beau. + +- Madelon - + +Je vous assure que nous sympathisons vous et moi. J'ai une délicatesse +furieuse pour tout ce que je porte ; et, jusqu'à mes chaussettes, je ne +puis rien souffrir qui ne soit de la bonne faiseuse. + +- Mascarille - + + (s'écriant brusquement.) + +Ahi ! ahi ! ahi ! doucement. Dieu me damne, Mesdames, c'est fort mal +en user ; j'ai à me plaindre de votre procédé ; cela n'est pas honnête. + +- Cathos - + +Qu'est-ce donc ? qu'avez-vous ? + +- Mascarille - + +Quoi ! toutes deux contre mon coeur en même temps ! M'attaquer à droite +et à gauche ! Ah ! c'est contre le droit des gens ; la partie n'est pas +égale, et je m'en vais crier au meurtre. + +- Cathos - + +Il faut avouer qu'il dit les choses d'une manière particulière. + +- Madelon - + +Il a un tour admirable dans l'esprit. + +- Cathos - + +Vous avez plus de peur que de mal, et votre coeur crie avant qu'on +l'écorche. + +- Mascarille - + +Comment, diable ! il est écorché depuis la tête jusqu'aux pieds. + + + +----------- + + +SCÈNE XI. - Cathos, Madelon, Mascarille, Marotte. + + +- Marotte - + +Madame, on demande à vous voir. + +- Madelon - + +Qui ? + +- Marotte - + +Le vicomte de Jodelet. + +- Mascarille - + +Le vicomte de Jodelet ? + +- Marotte - + +Oui, Monsieur. + +- Cathos - + +Le connaissez-vous ? + +- Mascarille - + +C'est mon meilleur ami. + +- Madelon - + +Faites entrer vitement. + +- Mascarille - + +Il y a quelque temps que nous ne nous sommes vus, et je suis ravi de +cette aventure. + +- Cathos - + +Le voici. + + + +----------- + + +SCÈNE XII. - Cathos, Madelon, Jodelet, Mascarille, Marotte, Almanzor. + + +- Mascarille - + +Ah ! vicomte ! + +- Jodelet - + + (Ils s'embrassent l'un l'autre.) + +Ah ! marquis ! + +- Mascarille - + +Que je suis aise de te rencontrer ! + +- Jodelet - + +Que j'ai de joie de te voir ici ! + +- Mascarille - + +Baise-moi donc encore un peu, je te prie. + +- Madelon - + + (à Cathos.) + +Ma toute bonne, nous commençons d'être connues ; voilà le beau monde +qui prend le chemin de nous venir voir. + +- Mascarille - + +Mesdames, agréez que je vous présente ce gentilhomme-ci : sur ma +parole, il est digne d'être connu de vous. + +- Jodelet - + +Il est juste de venir vous rendre ce qu'on vous doit ; et vos attraits +exigent leurs droits seigneuriaux sur toutes sortes de personnes. + +- Madelon - + +C'est pousser vos civilités jusqu'aux derniers confins de la +flatterie. + +- Cathos - + +Cette journée doit être marquée dans notre almanach comme une journée +bien heureuse. + +- Madelon - + + (à Almanzor.) + +Allons, petit garçon, faut-il toujours vous répéter les choses ? +Voyez-vous pas qu'il faut le surcroît d'un fauteuil ? + +- Mascarille - + +Ne vous étonnez pas de voir le vicomte de la sorte ; il ne fait que +sortir d'une maladie qui lui a rendu le visage pâle comme vous le +voyez. + +- Jodelet - + +Ce sont fruits des veilles de la cour, et des fatigues de la guerre. + +- Mascarille - + +Savez-vous, Mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des +vaillants hommes du siècle ? C'est un brave à trois poils (16). + +- Jodelet - + +Vous ne m'en devez rien, marquis ; et nous savons ce que vous savez +faire aussi. + +- Mascarille - + +Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l'occasion. + +- Jodelet - + +Et dans des lieux où il faisait fort chaud. + +- Mascarille - + + (regardant Cathos et Madelon.) + +Oui, mais non pas si chaud qu'ici. Hai, hai, hai. + +- Jodelet - + +Notre connaissance s'est faite à l'armée ; et la première fois que +nous nous vîmes, il commandait un régiment de cavalerie sur les +galères de Malte. + +- Mascarille - + +Il est vrai ; mais vous étiez pourtant dans l'emploi avant que j'y +fusse ; et je me souviens que je n'étais que petit officier encore, +que vous commandiez deux mille chevaux. + +- Jodelet - + +La guerre est une belle chose ; mais, ma foi, la cour récompense bien +mal aujourd'hui les gens de service comme nous. + +- Mascarille - + +C'est ce qui fait que je veux pendre l'épée au croc. + +- Cathos - + +Pour moi, j'ai un furieux tendre pour les hommes d'épée. + +- Madelon - + +Je les aime aussi ; mais je veux que l'esprit assaisonne la bravoure. + +- Mascarille - + +Te souvient-il, vicomte, de cette demi-lune que nous emportâmes sur +les ennemis au siége d'Arras ? + +- Jodelet - + +Que veux-tu dire, avec ta demi-lune ? C'était bien une lune toute +entière. + +- Mascarille - + +Je pense que tu as raison. + +- Jodelet - + +Il m'en doit bien souvenir, ma foi ! j'y fus blessé à la jambe d'un +coup de grenade, dont je porte encore les marques. Tâtez un peu, de +grâce ; vous sentirez quelque coup c'était là. + +- Cathos - + + (après avoir touché l'endroit.) + +Il est vrai que la cicatrice est grande. + +- Mascarille - + +Donnez-moi un peu votre main, et tâtez celui-ci ; là, justement au +derrière de la tête. Y êtes-vous ? + +- Madelon - + +Oui, je sens quelque chose. + +- Mascarille - + +C'est un coup de mousquet que je reçus, la dernière campagne que j'ai +faite. + +- Jodelet - + + (découvrant sa poitrine.) + +Voici un autre coup qui me perça de part en part à l'attaque de +Gravelines (17). + +- Mascarille - + + (Mettant la main sur le bouton de son haut-de-chausses.) + +Je vais vous montrer une furieuse plaie. + +- Madelon - + +Il n'est pas nécessaire : nous le croyons sans y regarder. + +- Mascarille - + +Ce sont des marques honorables qui font voir ce qu'on est. + +- Cathos - + +Nous ne doutons point de ce que vous êtes. + +- Mascarille - + +Vicomte, as-tu là ton carrosse ? + +- Jodelet - + +Pourquoi ? + +- Mascarille - + +Nous mènerions promener ces dames hors des portes, et leur donnerions +un cadeau (18). + +- Madelon - + +Nous ne saurions sortir aujourd'hui. + +- Mascarille - + +Ayons donc les violons pour danser. + +- Jodelet - + +Ma foi, c'est bien avisé. + +- Madelon - + +Pour cela, nous y consentons : mais il faut donc quelque surcroît de +compagnie. + +- Mascarille - + +Holà ! Champagne, Picard, Bourguignon, Cascaret, Basque, la Verdure, +Lorrain, Provençal, la Violette ! Au diable soient tous les laquais ! +Je ne pense pas qu'il y ait gentilhomme en France plus mal servi que +moi. Ces canailles me laissent toujours seul. + +- Madelon - + +Almanzor, dites aux gens de monsieur le marquis qu'ils aillent quérir +des violons, et nous faites venir ces messieurs et ces dames d'ici +près, peupler la solitude de notre bal. + + (Almanzor sort.) + +- Mascarille - + +Vicomte, que dis-tu de ces yeux ? + +- Jodelet - + +Mais toi-même, marquis, que t'en semble ? + +- Mascarille - + +Moi, je dis que nos libertés auront peine à sortir d'ici les braies (19) +nettes. Au moins, pour moi, je reçois d'étranges secousses, et mon +coeur ne tient plus qu'à un filet. + +- Madelon - + +Que tout ce qu'il dit est naturel ! Il tourne les choses le plus +agréablement du monde. + +- Cathos - + +Il est vrai qu'il fait une furieuse dépense en esprit. + +- Mascarille - + +Pour vous montrer que je suis véritable, je veux faire un impromptu +là-dessus. + + (Il médite.) + +- Cathos - + +Hé ! je vous en conjure de toute la dévotion de mon coeur, que nous +oyons quelque chose qu'on ait fait pour nous. + +- Jodelet - + +J'aurais envie d'en faire autant ; mais je me trouve un peu incommodé +de la veine poétique, pour la quantité des saignées que j'y ai faites +ces jours passés. + +- Mascarille - + +Que diable est-ce là ? Je fais toujours bien le premier vers, mais +j'ai peine à faire les autres. Ma foi, ceci est un peu trop pressé : +je vous ferai un impromptu à loisir, que vous trouverez le plus beau +du monde. + +- Jodelet - + +Il a de l'esprit comme un démon. + +- Madelon - + +Et du galant, et du bien tourné. + +- Mascarille - + +Vicomte, dis-moi un peu, y a-t-il longtemps que tu n'as vu la comtesse ? + +- Jodelet - + +Il y a plus de trois semaines que je ne lui ai rendu visite. + +- Mascarille - + +Sais-tu bien que le duc m'est venu voir ce matin, et m'a voulu mener à +la campagne courir un cerf avec lui ? + +- Madelon - + +Voici nos amies qui viennent. + + + +----------- + + +SCÈNE XIII. - Lucile, Célimène, Cathos, Madelon, Mascarille, + Jodelet, Marotte, Almanzor, violons. + + +- Madelon - + +Mon Dieu, mes chères (20), nous vous demandons pardon. Ces messieurs +ont eu fantaisie de nous donner les âmes des pieds, et nous vous +avons envoyé quérir pour remplir les vides de notre assemblée. + +- Lucile - + +Vous nous avez obligées, sans doute. + +- Mascarille - + +Ce n'est ici qu'un bal à la hâte ; mais l'un de ces jours, nous vous en +donnerons un dans les formes. Les violons sont-ils venus ? + +- Almanzor - + +Oui, Monsieur ; ils sont ici. + +- Cathos - + +Allons donc, mes chères, prenez place. + +- Mascarille - + + (dansant lui seul comme par prélude.) + +La, la, la, la, la, la, la, la. + +- Madelon - + +Il a tout à fait la taille élégante. + +- Cathos - + +Et a la mine de danser proprement (21). + +- Mascarille - + + (ayant pris Madelon.) + +Ma franchise va danser la courante aussi bien que mes pieds. En +cadence, violons, en cadence ! Oh ! quels ignorants ! Il n'y a pas +moyen de danser avec eux. Le diable vous emporte ! ne sauriez-vous +jouer en mesure ? La, la, la, la, la, la, la, la. Ferme ! O violons de +village ! + +- Jodelet - + + (dansant ensuite.) + +Holà ! ne pressez pas si fort la cadence : je ne fais que sortir de +maladie. + + + +----------- + + +SCÈNE XIV. - Du Croisy, La Grange, Cathos, Madelon, Lucile, Célimène, + Jodelet, Mascarille, Marotte, violons. + + +- La Grange - + + (un bâton à la main.) + +Ah ! ah ! coquins, que faites-vous ici ? Il y a trois heures que nous +vous cherchons. + +- Mascarille - + + (se sentant battre.) + +Ahi ! ahi ! ahi ! vous ne m'aviez pas dit que les coups en seraient +aussi. + +- Jodelet - + +Ahi ! ahi ! ahi ! + +- La Grange - + +C'est bien à vous, infâme que vous êtes, à vouloir faire l'homme +d'importance ! + +- Du Croisy - + +Voilà qui vous apprendra à vous connaître. + + + +----------- + + +SCÈNE XV. - Cathos, Madelon, Lucile, Célimène, Jodelet, Mascarille, + Marotte, violons. + + +- Madelon - + +Que veut donc dire ceci ? + +- Jodelet - + +C'est une gageure. + +- Cathos - + +Quoi ! vous laisser battre de la sorte ! + +- Mascarille - + +Mon Dieu ! je n'ai pas voulu faire semblant de rien ; car je suis +violent, et je me serais emporté. + +- Madelon - + +Endurer un affront comme celui-là en notre présence ! + +- Mascarille - + +Ce n'est rien : ne laissons pas d'achever. Nous nous connaissons il y +a longtemps ; et, entre amis, on ne va pas se piquer pour si peu de +chose. + + + +----------- + + +SCÈNE XVI. - Du Croisy, La Grange, Madelon, Cathos, Célimène, Lucile, + Mascarille, Jodelet, Marotte, violons. + + +- La Grange - + +Ma foi, marauds, vous ne vous rirez pas de nous, je vous promets. +Entrez, vous autres. + + (Trois ou quatre spadassins entrent.) + +- Madelon - + +Quelle est donc cette audace, de venir nous troubler de la sorte dans +notre maison ! + +- Du Croisy - + +Comment, Mesdames, nous endurerons que nos laquais soient mieux reçus +que nous ; qu'ils viennent vous faire l'amour à nos dépens, et vous +donnent le bal ! + +- Madelon - + +Vos laquais ! + +- La Grange - + +Oui, nos laquais : et cela n'est ni beau ni honnête de nous les +débaucher comme vous faites. + +- Madelon - + +O ciel ! quelle insolence ! + +- La Grange - + +Mais ils n'auront pas l'avantage de se servir de nos habits pour vous +donner dans la vue ; et si vous les voulez aimer, ce sera, ma foi, +pour leurs beaux yeux. Vite, qu'on les dépouille sur-le-champ. + +- Jodelet - + +Adieu notre braverie. + +- Mascarille - + +Voilà le marquisat et la vicomté à bas. + +- Du Croisy - + +Ah ! ah ! coquins, vous avez l'audace d'aller sur nos brisées ! Vous +irez chercher autre part de quoi vous rendre agréables aux yeux de vos +belles, je vous en assure. + +- La Grange - + +C'est trop que de nous supplanter, et de nous supplanter avec nos +propres habits. + +- Mascarille - + +O fortune ! quelle est ton inconstance ! + +- Du Croisy - + +Vite, qu'on leur ôte jusqu'à la moindre chose. + +- La Grange - + +Qu'on emporte toutes ces hardes, dépêchez. Maintenant, Mesdames, en +l'état qu'ils sont, vous pouvez continuer vos amours avec eux tant +qu'il vous plaira ; nous vous laissons toute sorte de liberté pour +cela, et nous vous protestons, Monsieur et moi, que nous n'en serons +aucunement jaloux. + + + +----------- + + +SCÈNE XVII. - Madelon, Cathos, Jodelet, Mascarille, violons. + + +- Cathos - + +Ah ! quelle confusion ! + +- Madelon - + +Je crève de dépit. + +- Un des Violons - + + (à Mascarille.) + +Qu'est-ce donc que ceci ? Qui nous payera nous autres ? + +- Mascarille - + +Demandez à monsieur le vicomte. + +- Un des Violons - + + (à Jodelet.) + +Qui est-ce qui nous donnera de l'argent ? + +- Jodelet - + +Demandez à monsieur le marquis. + + + +----------- + + +SCÈNE XVIII. - Gorgibus, Madelon, Cathos, Jodelet, Mascarille, violons. + + +- Gorgibus - + +Ah ! coquines que vous êtes, vous nous mettez dans de beaux draps +blancs, à ce que je vois ; et je viens d'apprendre de belles affaires, +vraiment, de ces messieurs qui sortent. + +- Madelon - + +Ah ! mon père, c'est une pièce sanglante qu'ils nous ont faite. + +- Gorgibus - + +Oui, c'est une pièce sanglante, mais qui est un effet de votre +impertinence, infâmes ! Ils se sont ressentis du traitement que vous +leur avez fait, et cependant, malheureux que je suis, il faut que je +boive l'affront. + +- Madelon - + +Ah ! je jure que nous en serons vengés, ou que je mourrai en la +peine. Et vous, marauds, osez-vous vous tenir ici après votre +insolence ? + +- Mascarille - + +Traiter comme cela un marquis ! Voilà ce que c'est que du monde : la +moindre disgrâce nous fait mépriser de ceux qui nous chérissaient. +Allons, camarade, allons chercher fortune autre part ; je vois bien +qu'on n'aime ici que la vaine apparence, et qu'on n'y considère point +la vertu toute nue. + + + +----------- + + +SCÈNE XIX. - Gorgibus, Madelon, Cathos, violons. + + +- Un des Violons - + +Monsieur, nous entendons que vous nous contentiez, à leur défaut, pour +ce que nous avons joué ici. + +- Gorgibus - + + (les battant.) + +Oui, oui, je vous vais contenter ; et voici la monnaie dont je vous +veux payer. Et vous, pendardes, je ne sais qui me tient que je ne vous +en fasse autant ; nous allons servir de fable et de risée à tout le +monde, et voilà ce que vous vous êtes attiré par vos extravagances. +Allez vous cacher, vilaines, allez vous cacher pour jamais. + + (Seul.) + +Et vous, qui êtes cause de leur folie, sottes billevesées (22), +pernicieux amusements des esprits oisifs, romans, vers, chansons, +sonnets et sonnettes, puissiez-vous être à tous les diables ! + + + +FIN DES PRÉCIEUSES RIDICULES. + +------------------------------------------------------------------------- + +Notes [from 1890 edition] + + +----------- + +(1) Le Duchat donne à ce mot la même signification qu'au mot "pécore". +Ne viendrait-il pas du mot italien "pecca", vice, défaut, ou du mot +latin "pecus", dont on a fait pécore ? (B.) + +----------- + +(2) On voit par la préface de Molière qu'on distinguait deux ordres de +"précieuses", et que cette appellation ne fut pas toujours prise en +mauvaise part. Le "Grand Dictionnaire historique des Précieuses", +imprimé chez Ribou en 1661, osa nommer ce que la France avait de plus +grand, de plus poli, de plus aimable. Les Longueville, la Fayette, +Sévigné, Deshoulières, le grand Corneille, Ninon de Lenclos, sont à la +tête de cette list nombreuse, où figurent le roi, la reine et toute la +cour. (B.) + +----------- + +(3) Palaprat, contemporain et ami de Molière, nous apprend que "Gorgibus" +était le nom d'un emploi de l'ancienne comédie, comme les Pasquins, +les Turlupins, les Jodelets, etc. En effet, on trouve souvent le nom +de Gorgibus dans les canevas italiens. + +----------- + +(4) Cyrus et Mandane, Clélie et Aronce, sont les principaux personnages +d'"Artamène" et de "Clélie", romans alors très à la mode. + +----------- + +(5) "Pousser le doux, le tendre et le passionné", expressions du temps, +dont les auteurs contemporains offrent plusieurs exemples. + +----------- + +(6) La carte de "Tendre" est une fiction allégorique du roman de "Clélie". +On voit sur cette carte un fleuve d'"Inclination", une mer d'"Inimitié", +un lac d'"Indifférence", et une multitude d'autres inventions de ce genre. +Pour parvenir à la ville de "Tendre", il fallait assiéger le village de +"Billets-Galants", forcer le hameau de "Billets-Doux", et s'emparer ensuite +du château de "Petits-Soins". (Voy. "Clélie", tome I.) + +----------- + +(7) Anciennement le "rabat" n'était autre chose que le col de la chemise +"rabattu" en dehors sur le vêtement, et c'est de là qu'il a pris son nom. + +----------- + +(8) "Parler chrétien", c'est parler en langage intelligible. Cette +expression est venue des Vénitiens, qui disent que, comme il n'y a de +vraie religion que celle des "chrétiens", il n'y a aussi que leur +langage qui doive être entendu. (Le Duchat.) + +----------- + +(9) Ce proverbe, "traiter de Turc à More", qui signifie "traiter avec +la dernière rigueur", est sans doute fondé sur ce que les Turcs et les +Mores, dans leurs anciennes guerres, ne se faisaient point de +quartier. (A.) + +----------- + +(10) "Caution bourgeoise", signifie "caution solvable", "caution valable". +Molière a employé une seconde fois cette expression dans la "Critique de +l'Ecole des Femmes" : "La caution n'est pas bourgeoise." (A.) + +----------- + +(11) Personnage du roman de "Clélie", à qui l'auteur a voulu donner un +caractère enjoué et plaisant. (B.) -- Dans le langage des précieuses, +on disait : "Etre un Amilcar", pour "être enjoué". (Voyez le "Grand +Dictionnaire des Précieuses, ou la Clef de la langue des ruelles", +Paris, 1669, page 21.) + +----------- + +(12) On donnait le nom de "ruelles" aux assemblées de ce temps-là. +L'alcôve servait de salon, et la société s'y réunissait autour du lit +de la précieuse, qui se couchait pour recevoir ses visites. La "ruelle" +était parée avec beaucoup d'élégance et de goût, et les hommes qui en +faisaient les honneurs prenaient le nom d'"alcôvistes". (P.) + +----------- + +(13) La "petite oie" se disait alors des rubans, des plumes et des +différentes garnitures qui ornaient l'habit, le chapeau, le noeud de +l'épée, les gants, les bas et les souliers. (B.) + +----------- + +(14) "C'est Perdrigeon tout pur." -- "Perdrigeon" était le marchand en +vogue qui fournissait les gens du bel air. Il ne faut pas confondre ce +mot avec le nom de la belle couleur violette qui est emprunté d'une +prune nommé "perdrigon". + +----------- + +(15) Les canons étaient un cercle d'étoffe large, et souvent orné de +dentelles, qu'on attachait au-dessus du genou, et qui couvrait la moitié +de la jambe. Les "importants" se rendaient ridicules par l'ampleur +démesurée de leurs canons. Voilà pourquoi ceux de Mascarille "ont un +grand quartier" de plus que ceux qu'on fait. (B.) + +----------- + +(16) Locution proverbiale qui rappelle l'ancien usage où étaient les +militaires de terminer chaque côté de la moustache par quelques poils +très effilés, et de tailler en pointe le bouquet de barbe qu'on +laissait croître au milieu du menton. Cette mode venait d'Espagne. On +la retrouve dans quelques portraits du règne de Louis XIII. + +----------- + +(17) L'"attaque de Gravelines" était un événement récent à l'époque +où fut jouée la pièce, c'est à dire en 1659. L'année précédente, le +maréchal de la Ferté avait pris cette ville sur les Espagnols. +Le "siège d'Arras", dont Mascarille parle plus haut, remontait à 1654. +Turenne avait fait lever ce siège au prince de Condé qui servait alors +dans l'armée espagnole. (A.) + +----------- + +(18) On disait alors "se promener hors des portes", parce que Paris, +encore entouré de remparts et de fossés, avait des portes auxquelles +aboutissaient les principales rues qui vont du centre à la +circonférence. C'est sur l'emplacement de ces remparts et de ces +fossés que Louis XIV fit ensuite planter la promenade que nous nommons +"boulevards". -- "Donner un cadeau", signifiait autrefois donner une +"fête", un "repas". + +----------- + +(19) Le mot "braie" a vieilli, et ne se trouve plus dans nos +dictionnaires que comme terme d'imprimerie et de marine. Du temps de +Molière, il signifiait le linge de corps. (B.) + +----------- + +(20) On disait alors une "chère" comme on aurait dit une "précieuse". +Ces deux mots avaient le même sens, et étaient également à la mode ; +mais "chère" exprimait surtout l'intimité. Ce mot est resté. + +----------- + +(21) "Danser proprement", pour "bien danser". Expression recherchée, +qui est restée dans notre langue, où même elle est devenue d'un usage +vulgaire. C'est ainsi que dans cette multitude de locutions bizarres +ou ridicules dont Molière s'est moqué avec tant de gaieté, il en est +un assez grand nombre que nous employons tous les jours sans nous +douter qu'elles sont un présent des "précieuses". Qui croirait, par +exemple, que nous leur devons les phrases suivantes : "Tenir bureau +d'esprit" ; "Avoir les cheveux d'un blond hardi" ; "Craindre de +s'encanailler" ; "Avoir l'humeur communicative" ; "Etre pénétré des +sentiments d'une personne" ; "Avoir la compréhension dure" ; "Revêtir +ses pensées d'expressions vigoureuses" ; "Avoir le front chargé d'un +sombre nuage" ; "N'avoir que le masque de la générosité" ; etc. ? +Toutes ces expressions, qui n'ont rien d'extraordinaire aujourd'hui, +sont citées par Saumaise comme faisant partie du nouveau dictionnaire +des "Précieuses" ; et l'on peut en conclure que cette affection de +langage, dont Molière a fait justice, n'a cependant pas été tout à +fait inutile à la langue. + +----------- + +(22) "Billevesées", ou plutôt "billevezées", ainsi que l'écrit +Rabelais. Balle remplie de vent, et, par allusion, discours vains, +trompeurs. Mot composé de "bille", balle, et de "vezer", souffler, ou +de "veze", musette. De là "billevezée", comme l'explique fort bien +Furetière, pour "balle soufflée", pleine de vent. C'est précisement le +"nugae canorae" des Latins. + +----------- + + + + + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Les Précieuses Ridicules, by Molière + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES PRÉCIEUSES RIDICULES *** + +***** This file should be named 5318-8.txt or 5318-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/5/3/1/5318/ + +Produced by Laurent Le Guillou + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For forty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. 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Footnotes have been retained because +they provide the meanings of old French words or expressions. +Footnote are indicated by numbers in brackets, and are grouped +at the end of the Etext. Text encoding is iso-8859-1.] + + +------------------------------------------------------------------------- + + + +PREFACE DES PRECIEUSES RIDICULES + + +C'est une chose etrange qu'on imprime les gens malgre eux ! Je ne vois +rien de si injuste, et je pardonnerais toute autre violence plutot que +celle-la. + +Ce n'est pas que je veuille faire ici l'auteur modeste, et mepriser +par honneur ma comedie. J'offenserais mal a propos tout Paris, si je +l'accusais d'avoir pu applaudir a une sottise ; comme le public est le +juge absolu de ces sortes d'ouvrages, il y aurait de l'impertinence a +moi de le dementir ; et quand j'aurais eu la plus mauvaise opinion du +monde de mes "Precieuses ridicules" avant leur representation, je dois +croire maintenant qu'elles valent quelque chose, puisque tant de gens +ensemble en ont dit du bien. Mais comme une grande partie des graces +qu'on y a trouvees dependent de l'action et du ton de la voix, il +m'importait qu'on ne les depouillat pas de ces ornements, et je +trouvais que le succes qu'elles avaient eu dans la representation +etait assez beau pour en demeurer la. J'avais resolu, dis-je, de les +faire voir qu'a la chandelle, pour ne point donner lieu a quelqu'un de +dire le proverbe (1), et je ne voulais pas qu'elles sautassent du +theatre de Bourbon dans la galerie du Palais. Cependant je n'ai pu +l'eviter, et je suis dans la disgrace de voir une copie derobee de ma +piece entre les mains des libraires, accompagnee d'un privilege obtenu +par surprise. j'ai eu beau crier : O temps ! o moeurs ! on m'a fait +voir une necessite pour moi d'etre imprime, ou d'avoir un proces ; et +le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser +aller a la destinee, et consentir a une chose qu'on ne laisserait pas +de faire sans moi. + +Mon Dieu ! l'etrange embarras qu'un livre a mettre au jour ; et qu'un +auteur est neuf la premiere fois qu'on l'imprime ! Encore si l'on +m'avait donne du temps, j'aurais pu mieux songer a moi, et j'aurais +pris toutes les precautions que messieurs les auteurs, a present mes +confreres, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre +quelque grand seigneur que j'aurais ete prendre malgre lui pour +protecteur de mon ouvrage, et dont j'aurais tente la liberalite par +une epitre dedicatoire bien fleurie, j'aurais tache de faire une belle +et docte preface ; et je ne manque point de livres qui m'auraient +fourni tout ce qu'on peut dire de savant sur la tragedie et la +comedie, l'etymologie de toutes deux, leur origine, leur definition, +et le reste. + +J'aurais aussi parle a mes amis, qui, pour la recommandation de ma +piece, ne m'auraient pas refuse ou des vers francais, ou des vers +latins. j'en ai meme qui m'auraient loue en grec ; et l'on n'ignore +pas qu'une louange en grec est d'une merveilleuse efficace a la tete +d'un livre. Mais on me met au jour sans me donner le loisir de me +reconnaitre ; et je ne puis meme obtenir la liberte de dire deux mots +pour justifier mes intentions sur le sujet de cette comedie. j'aurais +voulu faire voir qu'elle se tient partout dans les bornes de la satire +honnete et permise ; que les plus excellentes choses sont sujettes a +etre copiees par de mauvais singes qui meritent d'etre bernes ; que +ces vicieuses imitations de ce qu'il y a de plus parfait ont ete de +tout temps la matiere de la comedie, et que, par la meme raison que +les veritables savants et les vrais braves ne se sont point encore +avises de s'offenser du Docteur de la comedie, et du Capitan, non plus +que les juges, les princes et les rois de voir Trivelin (2), ou +quelque autre, sur le theatre, faire ridiculement le juge, le prince, +ou le roi ; aussi les veritables precieuses auraient tort de se piquer +lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal. Mais enfin, comme +j'ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luynes (3) +veut m'aller faire relier de ce pas : a la bonne heure, puisque Dieu +l'a voulu. + +----------- +(1) Moliere fait allusion a ce proverbe : "Elle est belle a la +chandelle, mais le grand jour gate tout." +----------- +(2) Le "Docteur", le "Capitan" et "Trivelin", etaient trois +personnages ou caracteres appartenant a la farce italienne. +----------- +(3) Ce de Luynes etait un libraire qui avait sa boutique dans la +galerie du Palais. +----------- + + + + +------------------------------------------------------------------------- + + + + + + +LES PRECIEUSES RIDICULES + + + + +Comedie (1659). + + + +PERSONNAGES ACTEURS + +La Grange, La Grange. +Du Croisy, amants rebutes. Du Croisy. +Gorgibus, bon bourgeois. L'Espy. +Madelon, fille de Gorgibus, Mlle De Brie. +Cathos, niece de Gorgibus, precieuses ridicules. Mlle Du Parc. +Marotte, servante des precieuses ridicules. Madel. Bejart. +Almanzor, laquais des precieuses ridicules. De Brie. +Le Marquis de Mascarille, valet de la Grange. Moliere. +Le Vicomte de Jodelet, valet de du Croisy. Brecourt. +Deux porteurs de chaise. +Voisines. +Violons. + + + +La scene a Paris, dans la maison de Gorgibus. + + +SCENE PREMIERE. - La Grange, Du Croisy. + + +- Du Croisy - + +Seigneur la Grange... + +- La Grange - + +Quoi ? + +- Du Croisy - + +Regardez-moi un peu sans rire. + +- La Grange - + +Eh bien ? + +- Du Croisy - + +Que dites-vous de notre visite ? En etes-vous fort satisfait ? + +- La Grange - + +A votre avis, avons-nous sujet de l'etre tous deux ? + +- Du Croisy - + +Pas tout a fait, a dire vrai. + +- La Grange - + +Pour moi, je vous avoue que j'en suis tout scandalise. A-t-on jamais +vu, dites-moi, deux pecques (1) provinciales faire plus les rencheries +que celles-la, et deux hommes traites avec plus de mepris que nous ? +A peine ont-elles pu se resoudre a nous faire donner des sieges. Je n'ai +jamais vu tant parler a l'oreille qu'elles ont fait entre elles, tant +bailler, tant se frotter les yeux, et demander tant de fois : Quelle +heure est-il ? Ont-elles repondu que Oui et Non a tout ce que nous +avons pu leur dire ? Et ne m'avouerez-vous pas enfin que, quand nous +aurions ete les dernieres personnes du monde, on ne pouvait nous faire +pis qu'elles ont fait ? + +- Du Croisy - + +Il me semble que vous prenez la chose fort a coeur. + +- La Grange - + +Sans doute, je l'y prends, et de telle facon, que je me veux venger de +cette impertinence. Je connais ce qui nous a fait mepriser. L'air +precieux n'a pas seulement infecte Paris, il s'est aussi repandu dans +les provinces, et nos donzelles ridicules en ont hume leur bonne +part. En un mot, c'est un ambigu (2) de precieuse et de coquette que +leur personne. Je vois ce qu'il faut etre pour en etre bien recu ; et, +si vous m'en croyez, nous leur jouerons tous deux une piece qui leur +fera voir leur sottise, et pourra leur apprendre a connaitre un peu +mieux leur monde. + +- Du Croisy - + +Et comment, encore ? + +- La Grange - + +J'ai un certain valet, nomme Mascarille, qui passe au sentiment de +beaucoup de gens, pour une maniere de bel esprit, car il n't a rien de +meilleur marche que le bel esprit maintenant. C'est un extravagant qui +s'est mis en tete de vouloir faire l'homme de condition. Il se pique +ordinairement de galanterie et de vers, et dedaigne les autres valets, +jusqu'a les appeler brutaux. + +- Du Croisy - + +Eh bien ! qu'en pretendez-vous faire ? + +- La Grange - + +Ce que j'en pretends faire ? Il faut... Mais sortons d'ici auparavant. + + +----------- + +SCENE II. - Gorgibus (3), Du Croisy, La Grange. + + +- Gorgibus - + +Eh bien ! vous avez vu ma niece et ma fille ? Les affaires iront-elles +bien ? Quel est le resultat de cette visite ? + +- La Grange - + +C'est une chose que vous pourrez mieux apprendre d'elles que de nous. +Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que nous vous rendons grace +de la faveur que vous nous avez faite, et demeurons vos tres humbles +serviteurs. + +- Du Croisy - + +Vos tres humbles serviteurs. + +- Gorgibus - + + (seul.) + +Ouais ! il semble qu'ils sortent mal satisfaits d'ici. D'ou pourrait +venir leur mecontentement ? Il faut savoir un peu ce que c'est. Hola ! + + +----------- + +SCENE III. - Gorgibus, Marotte. + + +- Marotte - + +Que desirez-vous, Monsieur ? + +- Gorgibus - + +Ou sont vos maitresses ? + +- Marotte - + +Dans leur cabinet. + +- Gorgibus - + +Que font-elles ? + +- Marotte - + +De la pommade pour les levres. + +- Gorgibus - + +C'est trop pommade. Dites-leur qu'elles descendent. + + +----------- + +SCENE IV. - Gorgibus. + + +- Gorgibus - + +Ces pendardes-la, avec leur pommade, ont, je pense, envie de me +ruiner. Je ne vois partout que blancs d'oeufs, lait virginal, et mille +autres brimborions que je ne connais point. Elles ont use, depuis que +nous sommes ici, le lard d'une douzaine de cochons, pour le moins ; et +quatre valets vivraient tous les jours des pieds de mouton qu'elles +emploient. + + +----------- + +SCENE V. - Madelon, Cathos, Gorgibus. + + +- Gorgibus - + +Il est bien necessaire, vraiment, de faire tant de depense pour vous +graisser le museau ! Dites-moi un peu ce que vous avez fait a ces +messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur ? Vous +avais-je pas commande de les recevoir comme des personnes que je +voulais vous donner pour maris ? + +- Madelon - + +Et quelle estime, mon pere, voulez-vous que nous fassions du procede +irregulier de ces gens-la ? + +- Cathos - + +Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable se put accommoder +de leur personne ? + +- Gorgibus - + +Et qu'y trouvez-vous a redire ? + +- Madelon - + +La belle galanterie que la leur ! Quoi ! debuter d'abord par le +mariage ? + +- Gorgibus - + +Et par ou veux-tu donc qu'ils debutent ? par le concubinage ? N'est-ce +pas un procede dont vous avez sujet de vous louer toutes deux, aussi +bien que moi ? Est-il rien de plus obligeant que cela ? Et ce lien +sacre ou ils aspirent n'est-il pas un temoignage de l'honnetete de +leurs intentions ? + +- Madelon - + +Ah ! mon pere, ce que vous dites la est du dernier bourgeois. Cela me +fait honte de vous ouir parler de la sorte, et vous devriez un peu +vous faire apprendre le bel air des choses. + +- Gorgibus - + +Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. Je te dis que le mariage est +une chose sainte et sacree, et que c'est faire en honnetes gens que de +debuter par la. + +- Madelon - + +Mon Dieu ! que si tout le monde vous ressemblait, un roman serait +bientot fini ! La belle chose que ce serait, si d'abord Cyrus epousait +Mandane, et qu'Aronce de plain-pied fut marie a Clelie (4) ! + +- Gorgibus - + +Que me vient conter celle-ci ? + +- Madelon - + +Mon pere, voila ma cousine qui vous dira aussi bien que moi que le +mariage ne doit jamais arriver qu'apres les autres aventures. Il faut +qu'un amant, pour etre agreable, sache debiter les beaux sentiments, +pousser le doux, le tendre et le passionne (5), et que sa recherche +soit dans les formes. Premierement, il doit voir au temple, ou a la +promenade, ou dans quelque ceremonie publique, la personne dont il +devient amoureux ; ou bien etre conduit fatalement chez elle par un +parent ou un ami, et sortir de la tout reveur et melancolique. Il +cache un temps sa passion a l'objet aime, et cependant lui rend +plusieurs visites, ou l'on ne manque jamais de mettre sur le tapis une +question galante qui exerce les esprits de l'assemblee. Le jour de la +declaration arrive, qui se doit faire ordinairement dans une allee de +quelque jardin, tandis que la compagnie s'est un peu eloignee : et +cette declaration est suivie d'un prompt courroux, qui parait a notre +rougeur, et qui, pour un temps, bannit l'amant de notre presence. +Ensuite il trouve moyen de nous apaiser, de nous accoutumer +insensiblement au discours de sa passion, et de tirer de nous cet aveu +qui fait tant de peine. Apres cela viennent les aventures, les rivaux +qui se jettent a la traverse d'une inclination etablie, les +persecutions des peres, les jalousies concues sur de fausses +apparences, les plaintes, les desespoirs, les enlevements, et ce qui +s'ensuit. Voila comme les choses se traitent dans les belles manieres, +et ce sont des regles dont, en bonne galanterie, on ne saurait se +dispenser. Mais en venir de but en blanc a l'union conjugale, ne faire +l'amour qu'en faisant le contrat du mariage, et prendre justement le +roman par la queue ; encore un coup, mon pere, il ne se peut rien de +plus marchand que ce procede ; et j'ai mal au coeur de la seule vision +que cela me fait. + +- Gorgibus - + +Quel diable de jargon entends-je ici ? Voici bien du haut style. + +- Cathos - + +En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le +moyen de bien recevoir des gens qui sont tout a fait incongrus en +galanterie ! Je m'en vais gager qu'ils n'ont jamais vu la carte de +Tendre, et que Billets-Doux, Petits-Soins, Billets-Galants et +Jolis-Vers sont des terres inconnues pour eux (6). Ne voyez-vous pas +que toute leur personne marque cela, et qu'ils n'ont point cet air qui +donne d'abord bonne opinion des gens ? Venir en visite amoureuse avec +une jambe toute unie, un chapeau desarme de plumes, une tete +irreguliere en cheveux, et un habit qui souffre une indigence de +rubans ; mon Dieu, quels amants sont-ce la ! Quelle frugalite +d'ajustements, et quelle secheresse de conversation ! On n'y dure +point, on n'y tient pas. J'ai remarque encore que leurs rabats (7) ne +sont pas de la bonne faiseuse, et qu'il s'en faut plus d'un grand +demi-pied que leurs hauts-de-chausses ne soient assez larges. + +- Gorgibus - + +Je pense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne puis rien +comprendre a ce baragouin. Cathos, et vous, Madelon... + +- Madelon - + +Eh ! de grace, mon pere, defaites-vous de ces noms etranges et nous +appelez autrement. + +- Gorgibus - + +Comment, ces noms etranges ? Ne sont-ce pas vos noms de bapteme ? + +- Madelon - + +Mon Dieu, que vous etes vulgaire ! Pour moi, un de mes etonnements, +c'est que vous ayez pu faire une fille si spirituelle que moi. A-t-on +jamais parle, dans le beau style, de Cathos ni de Madelon, et ne +m'avouerez-vous pas que ce serait assez d'un de ces noms pour decrier +le plus beau roman du monde ? + +- Cathos - + +Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu delicate patit +furieusement a entendre prononcer ces mots-la ; et le nom de Polyxene +que ma cousine a choisi, et celui d'Aminte que je me suis donne, ont +une grace dont il faut que vous demeuriez d'accord. + +- Gorgibus - + +Ecoutez, il n'y a qu'un mot qui serve. Je n'entends point que vous +ayez d'autres noms que ceux qui vous ont ete donnes par vos parrains +et marraines ; et pour ces messieurs dont il est question, je connais +leurs familles et leurs biens, et je veux resolument que vous vous +disposiez a les recevoir pour maris. Je me lasse de vous avoir sur les +bras, et la garde de deux filles est une charge un peu trop pesante +pour un homme de mon age. + +- Cathos - + +Pour moi, mon oncle, tout ce que je vous puis dire, c'est que je +trouve le mariage une chose tout a fait choquante. Comment est-ce +qu'on peut souffrir la pensee de coucher contre un homme vraiment nu ? + +- Madelon - + +Souffrez que nous prenions un peu haleine parmi le beau monde de +Paris, ou nous ne faisons que d'arriver. Laissez-nous faire a loisir +le tissu de notre roman, et n'en pressez point tant la conclusion. + +- Gorgibus - + + (a part.) + +Il n'en faut point douter, elles sont achevees. + + (Haut.) + +Encore un coup, je n'entends rien a toutes ces balivernes : je veux +etre maitre absolu : et pour trancher toutes sortes de discours, ou +vous serez mariees toutes deux avant qu'il soit peu, ou, ma foi, vous +serez religieuses ; j'en fais un bon serment. + + +----------- + +SCENE VI. - Cathos, Madelon. + + +- Cathos - + +Mon Dieu, ma chere, que ton pere a la forme enfoncee dans la matiere ! +que son intelligence est epaisse, et qu'il fait sombre dans son ame ! + +- Madelon - + +Que veux-tu, ma chere ? J'en suis en confusion pour lui. J'ai peine a +me persuader que je puisse etre veritablement sa fille, et je crois +que quelque aventure un jour me viendra developper une naissance plus +illustre. + +- Cathos - + +Je le croirais bien ; oui, il y a toutes les apparences du monde ; et, +pour moi, quand je me regarde aussi... + + +----------- + +SCENE VII. - Cathos, Madelon, Marotte. + + +- Marotte - + +Voila un laquais qui demande si vous etes au logis, et dit que son +maitre vous veut venir voir. + +- Madelon - + +Apprenez, sotte, a vous enoncer moins vulgairement. Dites : Voila un +necessaire qui demande si vous etes en commodite d'etre visibles. + +- Marotte - + +Dame ! je n'entends point le latin : et je n'ai pas appris comme vous, +la filophie dans le grand Cyre. + +- Madelon - + +L'impertinente ! Le moyen de souffrir cela ! Et qui est-il le maitre +de ce laquais ? + +- Marotte - + +Il me l'a nomme le marquis de Mascarille. + +- Madelon - + +Ah ! ma chere, un marquis ! un marquis ! Oui, allez dire qu'on nous +peut voir. C'est sans doute un bel esprit qui aura oui parler de nous. + +- Cathos - + +Assurement, ma chere. + +- Madelon - + +Il faut le recevoir dans cette salle basse, plutot qu'en notre +chambre. Ajustons un peu nos cheveux au moins, et soutenons notre +reputation. Vite, venez nous tendre ici dedans le conseiller des +graces. + +- Marotte - + +Par ma foi ! je ne sais point quelle bete c'est la ; il faut parler +chretien (8), si vous voulez que je vous entende. + +- Cathos - + +Apportez-nous le miroir, ignorante que vous etes, et gardez-vous bien +d'en salir la glace par la communication de votre image. + + (Elles sortent.) + + +----------- + +SCENE VIII. - Mascarille, deux porteurs. + + +- Mascarille - + +Hola ! porteurs, hola ! La, la, la, la, la, la. Je pense que ces +marauds-la ont dessein de me briser, a force de heurter contre les +murailles et les paves. + +- Premier porteur - + +Dame ! c'est que la porte est etroite. Vous avez voulu aussi que nous +soyons entres jusqu'ici. + +- Mascarille - + +Je le crois bien. Voudriez-vous, faquins, que j'exposasse l'embonpoint +de mes plumes aux inclemences de la saison pluvieuse, et que j'allasse +imprimer mes souliers en boue ? Allez, otez votre chaise d'ici. + +- Deuxieme porteur - + +Payez-nous donc, s'il vous plait, Monsieur. + +- Mascarille - + +Hein ! + +- Deuxieme porteur - + +Je dis, Monsieur, que vous nous donniez de l'argent, s'il vous plait. + +- Mascarille - + + (lui donnant un soufflet.) + +Comment, coquin ! demander de l'argent a une personne de ma qualite ! + +- Deuxieme porteur - + +Est-ce ainsi qu'on paye les pauvres gens ? et votre qualite nous +donne-t-elle a diner ? + +- Mascarille - + +Ah ! ah ! je vous apprendrai a vous connaitre ! Ces canailles-la +s'osent jouer a moi. + +- Premier porteur - + + (Prenant un des batons de sa chaise.) + +Ca, payez-nous vitement. + +- Mascarille - + +Quoi ? + +- Premier porteur - + +Je dis que je veux avoir de l'argent tout a l'heure. + +- Mascarille - + +Il est raisonnable, celui-la. + +- Premier porteur - + +Vite donc ! + +- Mascarille - + +Oui-da ! Tu parles comme il faut, toi ; mais l'autre est un coquin qui +ne sait ce qu'il dit. Tiens, es-tu content ? + +- Premier porteur - + +Non, je ne suis pas content : vous avez donne un +soufflet a mon camarade, et... + + (Levant son baton.) + +- Mascarille - + +Doucement ! Tiens, voila pour le soufflet. On obtient tout de moi +quand on s'y prend de la bonne facon. Allez, venez me reprendre tantot +pour aller au Louvre, au petit coucher. + + +----------- + +SCENE IX. - Marotte, Mascarille. + + +- Marotte - + +Monsieur, voila mes maitresses qui vont venir tout a l'heure. + +- Mascarille - + +Qu'elles ne se pressent point : je suis ici poste commodement pour +attendre. + +- Marotte - + +Les voici. + + +----------- + +SCENE X. - Madelon, Cathos, Mascarille, Almanzor. + + +- Mascarille - + + (apres avoir salue.) + +Mesdames, vous serez surprises sans doute de l'audace de ma visite ; +mais votre reputation vous attire cette mechante affaire, et le merite +a pour moi des charmes si puissants, que je cours partout apres lui. + +- Madelon - + +Si vous poursuivez le merite, ce n'est pas sur nos terres que vous +devez chasser. + +- Cathos - + +Pour voir chez nous le merite, il a fallu que vous l'y ayez amene. + +- Mascarille - + +Ah ! je m'inscris en faux contre vos paroles. La renommee accuse juste +en contant ce que vous valez ; et vous allez faire pic, repic et capot +tout ce qu'il y a de galant dans Paris. + +- Madelon - + +Votre complaisance pousse un peu trop avant la liberalite de ses +louanges ; et nous n'avons garde, ma cousine et moi, de donner de +notre serieux dans le doux de votre flatterie. + +- Cathos - + +Ma chere, il faudrait faire donner des sieges. + +- Madelon - + +Hola ! Almanzor. + +- Almanzor - + +Madame ? + +- Madelon - + +Vite, voiturez-nous ici les commodites de la conversation. + +- Mascarille - + +Mais, au moins, y a-t-il surete ici pour moi ? + + (Almanzor sort.) + +- Cathos - + +Que craignez-vous ? + +- Mascarille - + +Quelque vol de mon coeur, quelque assassinat de ma franchise. Je vois +ici des yeux qui ont la mine d'etre de fort mauvais garcons, de faire +insulte aux libertes, et de traiter une ame de Turc a More (9). +Comment, diable ! d'abord qu'on les approche, ils se mettent sur leur +garde meurtriere. Ah ! par ma foi, je m'en defie ! et je m'en vais +gagner au pied, ou je veux caution bourgeoise (10) qu'ils ne me feront +point de mal. + +- Madelon - + +Ma chere, c'est le caractere enjoue. + +- Cathos - + +Je vois bien que c'est un Amilcar (11). + +- Madelon - + +Ne craignez rien : nos yeux n'ont point de mauvais desseins, et votre +coeur peut dormir en assurance sur leur prud'homie. + +- Cathos - + +Mais de grace, Monsieur, ne soyez pas inexorable a ce fauteuil qui +vous tend les bras il y a un quart d'heure ; contentez un peu l'envie +qu'il a de vous embrasser. + +- Mascarille - + + (apres s'etre peigne et avoir ajuste ses canons.) + +Eh bien, Mesdames, que dites-vous de Paris ? + +- Madelon - + +Helas ! qu'en pourrions-nous dire ? Il faudrait etre l'antipode de la +raison, pour ne pas confesser que Paris est le grand bureau des +merveilles, le centre du bon gout, du bel esprit, et de la galanterie. + +- Mascarille - + +Pour moi, je tiens que hors de Paris il n'y a point de salut pour les +honnetes gens. + +- Cathos - + +C'est une verite incontestable. + +- Mascarille - + +Il y fait un peu crotte ; mais nous avons la chaise. + +- Madelon - + +Il est vrai que la chaise est un retranchement merveilleux contre les +insultes de la boue et du mauvais temps. + +- Mascarille - + +Vous recevez beaucoup de visites ? Quel bel esprit est des votres ? + +- Madelon - + +Helas ! nous ne sommes pas encore connues ; mais nous sommes en passe +de l'etre ; et nous avons une amie particuliere qui nous a promis +d'amener ici tous ces messieurs du Recueil des pieces choisies. + +- Cathos - + +Et certains autres qu'on nous a nommes aussi pour etre les arbitres +souverains des belles choses. + +- Mascarille - + +C'est moi qui ferai votre affaire mieux que personne ; ils me rendent +tous visite ; et je puis dire que je ne me leve jamais sans une +demi-douzaine de beaux esprits. + +- Madelon - + +Eh ! mon Dieu ! nous vous serons obligees de la derniere obligation, +si vous nous faites cette amitie ; car enfin il faut avoir la +connaissance de tous ces messieurs-la, si l'on veut etre du beau +monde. Ce sont ceux qui donnent le branle a la reputation dans Paris ; +et vous savez qu'il y en a tel dont il ne faut que la seule +frequentation pour vous donner bruit de connaisseuse, quand il n'y +aurait rien autre chose que cela. Mais, pour moi, ce que je considere +particulierement, c'est que, par le moyen de ces visites spirituelles, +on est instruite de cent choses qu'il faut savoir de necessite, et qui +sont de l'essence d'un bel esprit. On apprend par la chaque jour les +petites nouvelles galantes, les jolies commerces de prose et de vers. +On sait a point nomme : Un tel a compose la plus jolie piece du monde +sur un tel sujet ; une telle a fait des paroles sur un tel air ; +celui-ci a fait un madrigal sur une jouissance ; celui-la a compose +des stances sur une infidelite ; monsieur un tel ecrivit hier au soir +un sixain a Mademoiselle une telle, dont elle lui a envoye la reponse +ce matin sur les huit heures ; un tel auteur a fait un tel dessein ; +celui-la en est a la troisieme partie de son roman ; cet autre met ses +ouvrages sous la presse. C'est la ce qui vous fait valoir dans les +compagnies, et si l'on ignore ces choses, je ne donnerais pas un clou +de tout l'esprit qu'on peut avoir. + +- Cathos - + +En effet, je trouve que c'est rencherir sur le ridicule, qu'une +personne se pique d'esprit, et ne sache pas jusqu'au moindre petit +quatrain qui se fait chaque jour ; et pour moi, j'aurais toutes les +hontes du monde, s'il fallait qu'on vint a me demander si j'aurais vu +quelque chose de nouveau que je n'aurais pas vu. + +- Mascarille - + +Il est vrai qu'il est honteux de n'avoir pas des premiers tout ce qui +se fait ; mais ne vous mettez pas en peine : je veux etablir chez vous +une academie de beaux esprits, et je vous promets qu'il ne se fera pas +un bout de vers dans Paris, que vous ne sachiez par coeur avant tous +les autres. Pour moi, tel que vous me voyez, je m'en escrime un peu +quand je veux ; et vous verrez courir de ma facon dans les belles +ruelles (12) de Paris, deux cents chansons, autant de sonnets, quatre +cents epigrammes et plus de mille madrigaux, sans compter les enigmes +et les portraits. + +- Madelon - + +Je vous avoue que je suis furieusement pour les portraits : je ne vois +rien de si galant que cela. + +- Mascarille - + +Les portraits sont difficiles, et demandent un esprit profond : vous +en verrez de ma maniere qui ne vous deplairont pas. + +- Cathos - + +Pour moi, j'aime terriblement les enigmes. + +- Mascarille - + +Cela exerce l'esprit, et j'en ai fait quatre encore ce matin, que je +vous donnerai a deviner. + +- Madelon - + +Les madrigaux sont agreables, quand ils sont bien tournes. + +- Mascarille - + +C'est mon talent particulier ; et je travaille a mettre en madrigaux +toute l'histoire romaine. + +- Madelon - + +Ah ! certes, cela sera du dernier beau : j'en retiens un exemplaire au +moins, si vous le faites imprimer. + +- Mascarille - + +Je vous en promets a chacune un, et des mieux relies. Cela est +au-dessous de ma condition ; mais je le fais seulement pour donner a +gagner aux libraires, qui me persecutent. + +- Madelon - + +Je m'imagine que le plaisir est grand de se voir imprime. + +- Mascarille - + +Sans doute. Mais, a propos, il faut que je vous die un impromptu que je +fis hier chez une duchesse de mes amies que je fus visiter ; car je +suis diablement fort sur les impromptus. + +- Cathos - + +L'impromptu est justement la pierre de touche de l'esprit. + +- Mascarille - + +Ecoutez donc. + +- Madelon - + +Nous y sommes de toutes nos oreilles. + +- Mascarille - + + Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde : + tandis que, sans songer a mal, je vous regarde, + votre oeil en tapinois me derobe mon coeur ; + Au voleur ! au voleur ! au voleur ! au voleur ! + +- Cathos - + +Ah ! mon Dieu, voila qui est pousse dans le dernier galant. + +- Mascarille - + +Tout ce que je fais a l'air cavalier ; cela ne sent point le pedant. + +- Madelon - + +Il en est eloigne de plus de deux mille lieues. + +- Mascarille - + +Avez-vous remarque ce commencement : "Oh ! oh !" voila qui est +extraordinaire : "oh ! oh !" Comme un homme qui s'avise tout d'un coup, +"oh ! oh !" La surprise, "oh ! oh !" + +- Madelon - + +Oui, je trouve ce "oh ! oh !" admirable. + +- Mascarille - + +Il semble que cela ne soit rien. + +- Cathos - + +Ah ! mon Dieu, que dites-vous ? Ce sont la de ces sortes de choses qui +ne se peuvent payer. + +- Madelon - + +Sans doute ; et j'aimerais mieux avoir fait ce "oh ! oh !" qu'un poeme +epique. + +- Mascarille - + +Tudieu ! vous avez le gout bon. + +- Madelon - + +He ! je ne l'ai pas tout a fait mauvais. + +- Mascarille - + +Mais n'admirez-vous pas aussi "je n'y prenais pas garde " ? "Je n'y +prenais pas garde", je ne m'apercevais pas de cela : facon de parler +naturelle : "je n'y prenais pas garde". "Tandis que, sans songer a +mal", tandis qu'innocemment, sans malice, comme un pauvre mouton ; "je +vous regarde", c'est-a-dire, je m'amuse a vous considerer, je vous +observe, je vous contemple ; "votre oeil en tapinois..." Que vous +semble de ce mot "tapinois" ? n'est-il pas bien choisi ? + +- Cathos - + +Tout a fait bien. + +- Mascarille - + +"Tapinois", en cachette ; il semble que ce soit un chat qui vienne de +prendre une souris : "tapinois". + +- Madelon - + +Il ne se peut rien de mieux. + +- Mascarille - + +"Me derobe mon coeur", me l'emporte, me le ravit. "Au voleur ! au +voleur ! au voleur ! au voleur !" Ne diriez-vous pas que c'est un homme +qui crie et court apres un voleur pour le faire arreter ? "Au voleur ! +au voleur ! au voleur ! au voleur !" + +- Madelon - + +Il faut avouer que cela a un tour spirituel et galant. + +- Mascarille - + +Je veux vous dire l'air que j'ai fait dessus. + +- Cathos - + +Vous avez appris la musique ? + +- Mascarille - + +Moi ? Point du tout. + +- Cathos - + +Et comment donc cela se peut-il ? + +- Mascarille - + +Les gens de qualite savent tout sans avoir jamais rien appris. + +- Madelon - + +Assurement, ma chere. + +- Mascarille - + +Ecoutez si vous trouverez l'air a votre gout. "Hem, hem, la, la, la, +la, la". La brutalite de la saison a furieusement outrage la +delicatesse de ma voix ; mais il n'importe, c'est a la cavaliere. + + (Il chante.) + + Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde, etc. + +- Cathos - + +Ah ! que voila un air qui est passionne ! Est-ce qu'on n'en meurt +point ? + +- Madelon - + +Il y a de la chromatique la dedans. + +- Mascarille - + +Ne trouvez-vous pas la pensee bien exprimee dans le chant ? "Au voleur ! +au voleur !" Et puis, comme si l'on criait bien fort : "au, au, au, +au, au, voleur !" Et tout d'un coup, comme une personne essoufflee : +"au voleur !" + +- Madelon - + +C'est la savoir le fin des choses, le grand fin, le fin du fin. Tout +est merveilleux, je vous assure ; je suis enthousiasmee de l'air et +des paroles. + +- Cathos - + +Je n'ai encore rien vu de cette force-la. + +- Mascarille - + +Tout ce que je fais me vient naturellement, c'est sans etude. + +- Madelon - + +La nature vous a traite en vraie mere passionnee, et vous en etes +l'enfant gate. + +- Mascarille - + +A quoi donc passez-vous le temps, Mesdames ? + +- Cathos - + +A rien du tout. + +- Madelon - + +Nous avons ete jusqu'ici dans un jeune effroyable de divertissements. + +- Mascarille - + +Je m'offre a vous mener l'un de ces jours a la comedie, si vous voulez ; +aussi bien, on en doit jouer une nouvelle que je serai bien aise que +nous voyions ensemble. + +- Madelon - + +Cela n'est pas de refus. + +- Mascarille - + +Mais je vous demande d'applaudir comme il faut, quand nous serons la ; +car je me suis engage de faire valoir la piece, et l'auteur m'en est +venu prier encore ce matin. C'est la coutume ici qu'a nous autres gens +de condition les auteurs viennent lire leurs pieces nouvelles, pour +nous engager a les trouver belles, et leur donner de la reputation ; +et je vous laisse a penser si, quand nous disons quelque chose, le +parterre ose nous contredire ! Pour moi, j'y suis fort exact ; et quand +j'ai promis a quelque poete, je crie toujours : Voila qui est beau ! +devant que les chandelles soient allumees. + +- Madelon - + +Ne m'en parlez point : c'est un admirable lieu que Paris ; il s'y +passe cent choses tous les jours, qu'on ignore dans les provinces, +quelque spirituelle qu'on puisse etre. + +- Cathos - + +C'est assez : puisque nous sommes instruites, nous ferons notre devoir +de nous ecrier comme il faut sur tout ce qu'on dira. + +- Mascarille - + +Je ne sais si je me trompe, mais vous avez toute la mine d'avoir fait +quelque comedie. + +- Madelon - + +He ! il pourrait etre quelque chose de ce que vous dites. + +- Mascarille - + +Ah ! ma foi ! il faudra que nous la voyions. Entre nous, j'en ai +compose une que je veux faire representer. + +- Cathos - + +Et a quels comediens la donnerez-vous ? + +- Mascarille - + +Belle demande ! Aux grands comediens ; il n'y a qu'eux qui soient +capables de faire valoir les choses ; les autres sont des ignorants +qui recitent comme l'on parle ; il ne savent pas faire ronfler les +vers, et s'arreter au bel endroit : eh ! le moyen de connaitre ou est +le beau vers, si le comedien ne s'y arrete, et ne vous avertit par la +qu'il faut faire le brouhaha ? + +- Cathos - + +En effet, il y a maniere de faire sentir aux auditeurs les beautes +d'un ouvrage ; et les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir. + +- Mascarille - + +Que vous semble de ma petite oie (13) ? La trouvez-vous congruente a +l'habit ? + +- Cathos - + +Tout a fait. + +- Mascarille - + +Le ruban en est-il bien choisi ? + +- Madelon - + +Furieusement bien. C'est Perdrigeon tout pur (14). + +- Mascarille - + +Que dites-vous de mes canons (15) ? + +- Madelon - + +Ils ont tout a fait bon air. + +- Mascarille - + +Je puis me vanter au moins qu'ils ont un grand quartier de plus que +ceux qu'on fait. + +- Madelon - + +Il faut avouer que je n'ai jamais vu porter si haut l'elegance de +l'ajustement. + +- Mascarille - + +Attachez un peu sur ces gants la reflexion de votre odorat. + +- Madelon - + +Ils sentent terriblement bon. + +- Cathos - + +Je n'ai jamais respire une odeur mieux conditionnee. + +- Mascarille - + +Et celle-la ? + + (Il donne a sentir les cheveux poudres de sa perruque.) + +- Madelon - + +Elle est tout a fait de qualite ; le sublime en est touche +delicieusement. + +- Mascarille - + +Vous ne me dites rien de mes plumes ! Comment les trouvez-vous ? + +- Cathos - + +Effroyablement belles. + +- Mascarille - + +Savez-vous que le brin me coute un louis d'or ? Pour moi, j'ai cette +manie de vouloir donner generalement sur tout ce qu'il y a de plus +beau. + +- Madelon - + +Je vous assure que nous sympathisons vous et moi. J'ai une delicatesse +furieuse pour tout ce que je porte ; et, jusqu'a mes chaussettes, je ne +puis rien souffrir qui ne soit de la bonne faiseuse. + +- Mascarille - + + (s'ecriant brusquement.) + +Ahi ! ahi ! ahi ! doucement. Dieu me damne, Mesdames, c'est fort mal +en user ; j'ai a me plaindre de votre procede ; cela n'est pas honnete. + +- Cathos - + +Qu'est-ce donc ? qu'avez-vous ? + +- Mascarille - + +Quoi ! toutes deux contre mon coeur en meme temps ! M'attaquer a droite +et a gauche ! Ah ! c'est contre le droit des gens ; la partie n'est pas +egale, et je m'en vais crier au meurtre. + +- Cathos - + +Il faut avouer qu'il dit les choses d'une maniere particuliere. + +- Madelon - + +Il a un tour admirable dans l'esprit. + +- Cathos - + +Vous avez plus de peur que de mal, et votre coeur crie avant qu'on +l'ecorche. + +- Mascarille - + +Comment, diable ! il est ecorche depuis la tete jusqu'aux pieds. + + +----------- + +SCENE XI. - Cathos, Madelon, Mascarille, Marotte. + + +- Marotte - + +Madame, on demande a vous voir. + +- Madelon - + +Qui ? + +- Marotte - + +Le vicomte de Jodelet. + +- Mascarille - + +Le vicomte de Jodelet ? + +- Marotte - + +Oui, Monsieur. + +- Cathos - + +Le connaissez-vous ? + +- Mascarille - + +C'est mon meilleur ami. + +- Madelon - + +Faites entrer vitement. + +- Mascarille - + +Il y a quelque temps que nous ne nous sommes vus, et je suis ravi de +cette aventure. + +- Cathos - + +Le voici. + + +----------- + +SCENE XII. - Cathos, Madelon, Jodelet, Mascarille, Marotte, Almanzor. + + +- Mascarille - + +Ah ! vicomte ! + +- Jodelet - + + (Ils s'embrassent l'un l'autre.) + +Ah ! marquis ! + +- Mascarille - + +Que je suis aise de te rencontrer ! + +- Jodelet - + +Que j'ai de joie de te voir ici ! + +- Mascarille - + +Baise-moi donc encore un peu, je te prie. + +- Madelon - + + (a Cathos.) + +Ma toute bonne, nous commencons d'etre connues ; voila le beau monde +qui prend le chemin de nous venir voir. + +- Mascarille - + +Mesdames, agreez que je vous presente ce gentilhomme-ci : sur ma +parole, il est digne d'etre connu de vous. + +- Jodelet - + +Il est juste de venir vous rendre ce qu'on vous doit ; et vos attraits +exigent leurs droits seigneuriaux sur toutes sortes de personnes. + +- Madelon - + +C'est pousser vos civilites jusqu'aux derniers confins de la +flatterie. + +- Cathos - + +Cette journee doit etre marquee dans notre almanach comme une journee +bien heureuse. + +- Madelon - + + (a Almanzor.) + +Allons, petit garcon, faut-il toujours vous repeter les choses ? +Voyez-vous pas qu'il faut le surcroit d'un fauteuil ? + +- Mascarille - + +Ne vous etonnez pas de voir le vicomte de la sorte ; il ne fait que +sortir d'une maladie qui lui a rendu le visage pale comme vous le +voyez. + +- Jodelet - + +Ce sont fruits des veilles de la cour, et des fatigues de la guerre. + +- Mascarille - + +Savez-vous, Mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des +vaillants hommes du siecle ? C'est un brave a trois poils (16). + +- Jodelet - + +Vous ne m'en devez rien, marquis ; et nous savons ce que vous savez +faire aussi. + +- Mascarille - + +Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l'occasion. + +- Jodelet - + +Et dans des lieux ou il faisait fort chaud. + +- Mascarille - + + (regardant Cathos et Madelon.) + +Oui, mais non pas si chaud qu'ici. Hai, hai, hai. + +- Jodelet - + +Notre connaissance s'est faite a l'armee ; et la premiere fois que +nous nous vimes, il commandait un regiment de cavalerie sur les +galeres de Malte. + +- Mascarille - + +Il est vrai ; mais vous etiez pourtant dans l'emploi avant que j'y +fusse ; et je me souviens que je n'etais que petit officier encore, +que vous commandiez deux mille chevaux. + +- Jodelet - + +La guerre est une belle chose ; mais, ma foi, la cour recompense bien +mal aujourd'hui les gens de service comme nous. + +- Mascarille - + +C'est ce qui fait que je veux pendre l'epee au croc. + +- Cathos - + +Pour moi, j'ai un furieux tendre pour les hommes d'epee. + +- Madelon - + +Je les aime aussi ; mais je veux que l'esprit assaisonne la bravoure. + +- Mascarille - + +Te souvient-il, vicomte, de cette demi-lune que nous emportames sur +les ennemis au siege d'Arras ? + +- Jodelet - + +Que veux-tu dire, avec ta demi-lune ? C'etait bien une lune toute +entiere. + +- Mascarille - + +Je pense que tu as raison. + +- Jodelet - + +Il m'en doit bien souvenir, ma foi ! j'y fus blesse a la jambe d'un +coup de grenade, dont je porte encore les marques. Tatez un peu, de +grace ; vous sentirez quelque coup c'etait la. + +- Cathos - + + (apres avoir touche l'endroit.) + +Il est vrai que la cicatrice est grande. + +- Mascarille - + +Donnez-moi un peu votre main, et tatez celui-ci ; la, justement au +derriere de la tete. Y etes-vous ? + +- Madelon - + +Oui, je sens quelque chose. + +- Mascarille - + +C'est un coup de mousquet que je recus, la derniere campagne que j'ai +faite. + +- Jodelet - + + (decouvrant sa poitrine.) + +Voici un autre coup qui me perca de part en part a l'attaque de +Gravelines (17). + +- Mascarille - + + (Mettant la main sur le bouton de son haut-de-chausses.) + +Je vais vous montrer une furieuse plaie. + +- Madelon - + +Il n'est pas necessaire : nous le croyons sans y regarder. + +- Mascarille - + +Ce sont des marques honorables qui font voir ce qu'on est. + +- Cathos - + +Nous ne doutons point de ce que vous etes. + +- Mascarille - + +Vicomte, as-tu la ton carrosse ? + +- Jodelet - + +Pourquoi ? + +- Mascarille - + +Nous menerions promener ces dames hors des portes, et leur donnerions +un cadeau (18). + +- Madelon - + +Nous ne saurions sortir aujourd'hui. + +- Mascarille - + +Ayons donc les violons pour danser. + +- Jodelet - + +Ma foi, c'est bien avise. + +- Madelon - + +Pour cela, nous y consentons : mais il faut donc quelque surcroit de +compagnie. + +- Mascarille - + +Hola ! Champagne, Picard, Bourguignon, Cascaret, Basque, la Verdure, +Lorrain, Provencal, la Violette ! Au diable soient tous les laquais ! +Je ne pense pas qu'il y ait gentilhomme en France plus mal servi que +moi. Ces canailles me laissent toujours seul. + +- Madelon - + +Almanzor, dites aux gens de monsieur le marquis qu'ils aillent querir +des violons, et nous faites venir ces messieurs et ces dames d'ici +pres, peupler la solitude de notre bal. + + (Almanzor sort.) + +- Mascarille - + +Vicomte, que dis-tu de ces yeux ? + +- Jodelet - + +Mais toi-meme, marquis, que t'en semble ? + +- Mascarille - + +Moi, je dis que nos libertes auront peine a sortir d'ici les braies (19) +nettes. Au moins, pour moi, je recois d'etranges secousses, et mon +coeur ne tient plus qu'a un filet. + +- Madelon - + +Que tout ce qu'il dit est naturel ! Il tourne les choses le plus +agreablement du monde. + +- Cathos - + +Il est vrai qu'il fait une furieuse depense en esprit. + +- Mascarille - + +Pour vous montrer que je suis veritable, je veux faire un impromptu +la-dessus. + + (Il medite.) + +- Cathos - + +He ! je vous en conjure de toute la devotion de mon coeur, que nous +oyons quelque chose qu'on ait fait pour nous. + +- Jodelet - + +J'aurais envie d'en faire autant ; mais je me trouve un peu incommode +de la veine poetique, pour la quantite des saignees que j'y ai faites +ces jours passes. + +- Mascarille - + +Que diable est-ce la ? Je fais toujours bien le premier vers, mais +j'ai peine a faire les autres. Ma foi, ceci est un peu trop presse : +je vous ferai un impromptu a loisir, que vous trouverez le plus beau +du monde. + +- Jodelet - + +Il a de l'esprit comme un demon. + +- Madelon - + +Et du galant, et du bien tourne. + +- Mascarille - + +Vicomte, dis-moi un peu, y a-t-il longtemps que tu n'as vu la comtesse ? + +- Jodelet - + +Il y a plus de trois semaines que je ne lui ai rendu visite. + +- Mascarille - + +Sais-tu bien que le duc m'est venu voir ce matin, et m'a voulu mener a +la campagne courir un cerf avec lui ? + +- Madelon - + +Voici nos amies qui viennent. + + +----------- + +SCENE XIII. - Lucile, Celimene, Cathos, Madelon, Mascarille, + Jodelet, Marotte, Almanzor, violons. + + +- Madelon - + +Mon Dieu, mes cheres (20), nous vous demandons pardon. Ces messieurs +ont eu fantaisie de nous donner les ames des pieds, et nous vous +avons envoye querir pour remplir les vides de notre assemblee. + +- Lucile - + +Vous nous avez obligees, sans doute. + +- Mascarille - + +Ce n'est ici qu'un bal a la hate ; mais l'un de ces jours, nous vous en +donnerons un dans les formes. Les violons sont-ils venus ? + +- Almanzor - + +Oui, Monsieur ; ils sont ici. + +- Cathos - + +Allons donc, mes cheres, prenez place. + +- Mascarille - + + (dansant lui seul comme par prelude.) + +La, la, la, la, la, la, la, la. + +- Madelon - + +Il a tout a fait la taille elegante. + +- Cathos - + +Et a la mine de danser proprement (21). + +- Mascarille - + + (ayant pris Madelon.) + +Ma franchise va danser la courante aussi bien que mes pieds. En +cadence, violons, en cadence ! Oh ! quels ignorants ! Il n'y a pas +moyen de danser avec eux. Le diable vous emporte ! ne sauriez-vous +jouer en mesure ? La, la, la, la, la, la, la, la. Ferme ! O violons de +village ! + +- Jodelet - + + (dansant ensuite.) + +Hola ! ne pressez pas si fort la cadence : je ne fais que sortir de +maladie. + + +----------- + +SCENE XIV. - Du Croisy, La Grange, Cathos, Madelon, Lucile, Celimene, + Jodelet, Mascarille, Marotte, violons. + + +- La Grange - + + (un baton a la main.) + +Ah ! ah ! coquins, que faites-vous ici ? Il y a trois heures que nous +vous cherchons. + +- Mascarille - + + (se sentant battre.) + +Ahi ! ahi ! ahi ! vous ne m'aviez pas dit que les coups en seraient +aussi. + +- Jodelet - + +Ahi ! ahi ! ahi ! + +- La Grange - + +C'est bien a vous, infame que vous etes, a vouloir faire l'homme +d'importance ! + +- Du Croisy - + +Voila qui vous apprendra a vous connaitre. + + +----------- + +SCENE XV. - Cathos, Madelon, Lucile, Celimene, Jodelet, Mascarille, + Marotte, violons. + + +- Madelon - + +Que veut donc dire ceci ? + +- Jodelet - + +C'est une gageure. + +- Cathos - + +Quoi ! vous laisser battre de la sorte ! + +- Mascarille - + +Mon Dieu ! je n'ai pas voulu faire semblant de rien ; car je suis +violent, et je me serais emporte. + +- Madelon - + +Endurer un affront comme celui-la en notre presence ! + +- Mascarille - + +Ce n'est rien : ne laissons pas d'achever. Nous nous connaissons il y +a longtemps ; et, entre amis, on ne va pas se piquer pour si peu de +chose. + + +----------- + +SCENE XVI. - Du Croisy, La Grange, Madelon, Cathos, Celimene, Lucile, + Mascarille, Jodelet, Marotte, violons. + + +- La Grange - + +Ma foi, marauds, vous ne vous rirez pas de nous, je vous promets. +Entrez, vous autres. + + (Trois ou quatre spadassins entrent.) + +- Madelon - + +Quelle est donc cette audace, de venir nous troubler de la sorte dans +notre maison ! + +- Du Croisy - + +Comment, Mesdames, nous endurerons que nos laquais soient mieux recus +que nous ; qu'ils viennent vous faire l'amour a nos depens, et vous +donnent le bal ! + +- Madelon - + +Vos laquais ! + +- La Grange - + +Oui, nos laquais : et cela n'est ni beau ni honnete de nous les +debaucher comme vous faites. + +- Madelon - + +O ciel ! quelle insolence ! + +- La Grange - + +Mais ils n'auront pas l'avantage de se servir de nos habits pour vous +donner dans la vue ; et si vous les voulez aimer, ce sera, ma foi, +pour leurs beaux yeux. Vite, qu'on les depouille sur-le-champ. + +- Jodelet - + +Adieu notre braverie. + +- Mascarille - + +Voila le marquisat et la vicomte a bas. + +- Du Croisy - + +Ah ! ah ! coquins, vous avez l'audace d'aller sur nos brisees ! Vous +irez chercher autre part de quoi vous rendre agreables aux yeux de vos +belles, je vous en assure. + +- La Grange - + +C'est trop que de nous supplanter, et de nous supplanter avec nos +propres habits. + +- Mascarille - + +O fortune ! quelle est ton inconstance ! + +- Du Croisy - + +Vite, qu'on leur ote jusqu'a la moindre chose. + +- La Grange - + +Qu'on emporte toutes ces hardes, depechez. Maintenant, Mesdames, en +l'etat qu'ils sont, vous pouvez continuer vos amours avec eux tant +qu'il vous plaira ; nous vous laissons toute sorte de liberte pour +cela, et nous vous protestons, Monsieur et moi, que nous n'en serons +aucunement jaloux. + + +----------- + +SCENE XVII. - Madelon, Cathos, Jodelet, Mascarille, violons. + + +- Cathos - + +Ah ! quelle confusion ! + +- Madelon - + +Je creve de depit. + +- Un des Violons - + + (a Mascarille.) + +Qu'est-ce donc que ceci ? Qui nous payera nous autres ? + +- Mascarille - + +Demandez a monsieur le vicomte. + +- Un des Violons - + + (a Jodelet.) + +Qui est-ce qui nous donnera de l'argent ? + +- Jodelet - + +Demandez a monsieur le marquis. + + +----------- + +SCENE XVIII. - Gorgibus, Madelon, Cathos, Jodelet, Mascarille, violons. + + +- Gorgibus - + +Ah ! coquines que vous etes, vous nous mettez dans de beaux draps +blancs, a ce que je vois ; et je viens d'apprendre de belles affaires, +vraiment, de ces messieurs qui sortent. + +- Madelon - + +Ah ! mon pere, c'est une piece sanglante qu'ils nous ont faite. + +- Gorgibus - + +Oui, c'est une piece sanglante, mais qui est un effet de votre +impertinence, infames ! Ils se sont ressentis du traitement que vous +leur avez fait, et cependant, malheureux que je suis, il faut que je +boive l'affront. + +- Madelon - + +Ah ! je jure que nous en serons venges, ou que je mourrai en la +peine. Et vous, marauds, osez-vous vous tenir ici apres votre +insolence ? + +- Mascarille - + +Traiter comme cela un marquis ! Voila ce que c'est que du monde : la +moindre disgrace nous fait mepriser de ceux qui nous cherissaient. +Allons, camarade, allons chercher fortune autre part ; je vois bien +qu'on n'aime ici que la vaine apparence, et qu'on n'y considere point +la vertu toute nue. + + +----------- + +SCENE XIX. - Gorgibus, Madelon, Cathos, violons. + + +- Un des Violons - + +Monsieur, nous entendons que vous nous contentiez, a leur defaut, pour +ce que nous avons joue ici. + +- Gorgibus - + + (les battant.) + +Oui, oui, je vous vais contenter ; et voici la monnaie dont je vous +veux payer. Et vous, pendardes, je ne sais qui me tient que je ne vous +en fasse autant ; nous allons servir de fable et de risee a tout le +monde, et voila ce que vous vous etes attire par vos extravagances. +Allez vous cacher, vilaines, allez vous cacher pour jamais. + + (Seul.) + +Et vous, qui etes cause de leur folie, sottes billevesees (22), +pernicieux amusements des esprits oisifs, romans, vers, chansons, +sonnets et sonnettes, puissiez-vous etre a tous les diables ! + + + +FIN DES PRECIEUSES RIDICULES. + +------------------------------------------------------------------------- + +Notes [from 1890 edition] + +----------- +(1) Le Duchat donne a ce mot la meme signification qu'au mot "pecore". +Ne viendrait-il pas du mot italien "pecca", vice, defaut, ou du mot +latin "pecus", dont on a fait pecore ? (B.) +----------- +(2) On voit par la preface de Moliere qu'on distinguait deux ordres de +"precieuses", et que cette appellation ne fut pas toujours prise en +mauvaise part. Le "Grand Dictionnaire historique des Precieuses", +imprime chez Ribou en 1661, osa nommer ce que la France avait de plus +grand, de plus poli, de plus aimable. Les Longueville, la Fayette, +Sevigne, Deshoulieres, le grand Corneille, Ninon de Lenclos, sont a la +tete de cette list nombreuse, ou figurent le roi, la reine et toute la +cour. (B.) +----------- +(3) Palaprat, contemporain et ami de Moliere, nous apprend que "Gorgibus" +etait le nom d'un emploi de l'ancienne comedie, comme les Pasquins, +les Turlupins, les Jodelets, etc. En effet, on trouve souvent le nom +de Gorgibus dans les canevas italiens. +----------- +(4) Cyrus et Mandane, Clelie et Aronce, sont les principaux personnages +d'"Artamene" et de "Clelie", romans alors tres a la mode. +----------- +(5) "Pousser le doux, le tendre et le passionne", expressions du temps, +dont les auteurs contemporains offrent plusieurs exemples. +----------- +(6) La carte de "Tendre" est une fiction allegorique du roman de "Clelie". +On voit sur cette carte un fleuve d'"Inclination", une mer d'"Inimitie", +un lac d'"Indifference", et une multitude d'autres inventions de ce genre. +Pour parvenir a la ville de "Tendre", il fallait assieger le village de +"Billets-Galants", forcer le hameau de "Billets-Doux", et s'emparer ensuite +du chateau de "Petits-Soins". (Voy. "Clelie", tome I.) +----------- +(7) Anciennement le "rabat" n'etait autre chose que le col de la chemise +"rabattu" en dehors sur le vetement, et c'est de la qu'il a pris son nom. +----------- +(8) "Parler chretien", c'est parler en langage intelligible. Cette +expression est venue des Venitiens, qui disent que, comme il n'y a de +vraie religion que celle des "chretiens", il n'y a aussi que leur +langage qui doive etre entendu. (Le Duchat.) +----------- +(9) Ce proverbe, "traiter de Turc a More", qui signifie "traiter avec +la derniere rigueur", est sans doute fonde sur ce que les Turcs et les +Mores, dans leurs anciennes guerres, ne se faisaient point de +quartier. (A.) +----------- +(10) "Caution bourgeoise", signifie "caution solvable", "caution valable". +Moliere a employe une seconde fois cette expression dans la "Critique de +l'Ecole des Femmes" : "La caution n'est pas bourgeoise." (A.) +----------- +(11) Personnage du roman de "Clelie", a qui l'auteur a voulu donner un +caractere enjoue et plaisant. (B.) -- Dans le langage des precieuses, +on disait : "Etre un Amilcar", pour "etre enjoue". (Voyez le "Grand +Dictionnaire des Precieuses, ou la Clef de la langue des ruelles", +Paris, 1669, page 21.) +----------- +(12) On donnait le nom de "ruelles" aux assemblees de ce temps-la. +L'alcove servait de salon, et la societe s'y reunissait autour du lit +de la precieuse, qui se couchait pour recevoir ses visites. La "ruelle" +etait paree avec beaucoup d'elegance et de gout, et les hommes qui en +faisaient les honneurs prenaient le nom d'"alcovistes". (P.) +----------- +(13) La "petite oie" se disait alors des rubans, des plumes et des +differentes garnitures qui ornaient l'habit, le chapeau, le noeud de +l'epee, les gants, les bas et les souliers. (B.) +----------- +(14) "C'est Perdrigeon tout pur." -- "Perdrigeon" etait le marchand en +vogue qui fournissait les gens du bel air. Il ne faut pas confondre ce +mot avec le nom de la belle couleur violette qui est emprunte d'une +prune nomme "perdrigon". +----------- +(15) Les canons etaient un cercle d'etoffe large, et souvent orne de +dentelles, qu'on attachait au-dessus du genou, et qui couvrait la moitie +de la jambe. Les "importants" se rendaient ridicules par l'ampleur +demesuree de leurs canons. Voila pourquoi ceux de Mascarille "ont un +grand quartier" de plus que ceux qu'on fait. (B.) +----------- +(16) Locution proverbiale qui rappelle l'ancien usage ou etaient les +militaires de terminer chaque cote de la moustache par quelques poils +tres effiles, et de tailler en pointe le bouquet de barbe qu'on +laissait croitre au milieu du menton. Cette mode venait d'Espagne. On +la retrouve dans quelques portraits du regne de Louis XIII. +----------- +(17) L'"attaque de Gravelines" etait un evenement recent a l'epoque +ou fut jouee la piece, c'est a dire en 1659. L'annee precedente, le +marechal de la Ferte avait pris cette ville sur les Espagnols. +Le "siege d'Arras", dont Mascarille parle plus haut, remontait a 1654. +Turenne avait fait lever ce siege au prince de Conde qui servait alors +dans l'armee espagnole. (A.) +----------- +(18) On disait alors "se promener hors des portes", parce que Paris, +encore entoure de remparts et de fosses, avait des portes auxquelles +aboutissaient les principales rues qui vont du centre a la +circonference. C'est sur l'emplacement de ces remparts et de ces +fosses que Louis XIV fit ensuite planter la promenade que nous nommons +"boulevards". -- "Donner un cadeau", signifiait autrefois donner une +"fete", un "repas". +----------- +(19) Le mot "braie" a vieilli, et ne se trouve plus dans nos +dictionnaires que comme terme d'imprimerie et de marine. Du temps de +Moliere, il signifiait le linge de corps. (B.) +----------- +(20) On disait alors une "chere" comme on aurait dit une "precieuse". +Ces deux mots avaient le meme sens, et etaient egalement a la mode ; +mais "chere" exprimait surtout l'intimite. Ce mot est reste. +----------- +(21) "Danser proprement", pour "bien danser". Expression recherchee, +qui est restee dans notre langue, ou meme elle est devenue d'un usage +vulgaire. C'est ainsi que dans cette multitude de locutions bizarres +ou ridicules dont Moliere s'est moque avec tant de gaiete, il en est +un assez grand nombre que nous employons tous les jours sans nous +douter qu'elles sont un present des "precieuses". Qui croirait, par +exemple, que nous leur devons les phrases suivantes : "Tenir bureau +d'esprit" ; "Avoir les cheveux d'un blond hardi" ; "Craindre de +s'encanailler" ; "Avoir l'humeur communicative" ; "Etre penetre des +sentiments d'une personne" ; "Avoir la comprehension dure" ; "Revetir +ses pensees d'expressions vigoureuses" ; "Avoir le front charge d'un +sombre nuage" ; "N'avoir que le masque de la generosite" ; etc. ? +Toutes ces expressions, qui n'ont rien d'extraordinaire aujourd'hui, +sont citees par Saumaise comme faisant partie du nouveau dictionnaire +des "Precieuses" ; et l'on peut en conclure que cette affection de +langage, dont Moliere a fait justice, n'a cependant pas ete tout a +fait inutile a la langue. +----------- +(22) "Billevesees", ou plutot "billevezees", ainsi que l'ecrit +Rabelais. Balle remplie de vent, et, par allusion, discours vains, +trompeurs. Mot compose de "bille", balle, et de "vezer", souffler, ou +de "veze", musette. De la "billevezee", comme l'explique fort bien +Furetiere, pour "balle soufflee", pleine de vent. C'est precisement le +"nugae canorae" des Latins. +----------- + + + + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, LES PRECIEUSES RIDICULES *** + +This file should be named 7prec10.txt or 7prec10.zip +Corrected EDITIONS of our eBooks get a new NUMBER, 7prec11.txt +VERSIONS based on separate sources get new LETTER, 7prec10a.txt + +Project Gutenberg eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US +unless a copyright notice is included. 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Footnotes have been retained because +they provide the meanings of old French words or expressions. +Footnote are indicated by numbers in brackets, and are grouped +at the end of the Etext. Text encoding is iso-8859-1.] + + +------------------------------------------------------------------------- + + + +PRÉFACE DES PRÉCIEUSES RIDICULES + + +C'est une chose étrange qu'on imprime les gens malgré eux ! Je ne vois +rien de si injuste, et je pardonnerais toute autre violence plutôt que +celle-là. + +Ce n'est pas que je veuille faire ici l'auteur modeste, et mépriser +par honneur ma comédie. J'offenserais mal à propos tout Paris, si je +l'accusais d'avoir pu applaudir à une sottise ; comme le public est le +juge absolu de ces sortes d'ouvrages, il y aurait de l'impertinence à +moi de le démentir ; et quand j'aurais eu la plus mauvaise opinion du +monde de mes "Précieuses ridicules" avant leur représentation, je dois +croire maintenant qu'elles valent quelque chose, puisque tant de gens +ensemble en ont dit du bien. Mais comme une grande partie des grâces +qu'on y a trouvées dépendent de l'action et du ton de la voix, il +m'importait qu'on ne les dépouillât pas de ces ornements, et je +trouvais que le succès qu'elles avaient eu dans la représentation +était assez beau pour en demeurer là. J'avais résolu, dis-je, de les +faire voir qu'à la chandelle, pour ne point donner lieu à quelqu'un de +dire le proverbe (1), et je ne voulais pas qu'elles sautassent du +théâtre de Bourbon dans la galerie du Palais. Cependant je n'ai pu +l'éviter, et je suis dans la disgrâce de voir une copie dérobée de ma +pièce entre les mains des libraires, accompagnée d'un privilège obtenu +par surprise. j'ai eu beau crier : O temps ! ô moeurs ! on m'a fait +voir une nécessité pour moi d'être imprimé, ou d'avoir un procès ; et +le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser +aller à la destinée, et consentir à une chose qu'on ne laisserait pas +de faire sans moi. + +Mon Dieu ! l'étrange embarras qu'un livre à mettre au jour ; et qu'un +auteur est neuf la première fois qu'on l'imprime ! Encore si l'on +m'avait donné du temps, j'aurais pu mieux songer à moi, et j'aurais +pris toutes les précautions que messieurs les auteurs, à présent mes +confrères, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre +quelque grand seigneur que j'aurais été prendre malgré lui pour +protecteur de mon ouvrage, et dont j'aurais tenté la libéralité par +une épître dédicatoire bien fleurie, j'aurais tâché de faire une belle +et docte préface ; et je ne manque point de livres qui m'auraient +fourni tout ce qu'on peut dire de savant sur la tragédie et la +comédie, l'étymologie de toutes deux, leur origine, leur définition, +et le reste. + +J'aurais aussi parlé à mes amis, qui, pour la recommandation de ma +pièce, ne m'auraient pas refusé ou des vers français, ou des vers +latins. j'en ai même qui m'auraient loué en grec ; et l'on n'ignore +pas qu'une louange en grec est d'une merveilleuse efficace à la tête +d'un livre. Mais on me met au jour sans me donner le loisir de me +reconnaître ; et je ne puis même obtenir la liberté de dire deux mots +pour justifier mes intentions sur le sujet de cette comédie. j'aurais +voulu faire voir qu'elle se tient partout dans les bornes de la satire +honnête et permise ; que les plus excellentes choses sont sujettes à +être copiées par de mauvais singes qui méritent d'être bernés ; que +ces vicieuses imitations de ce qu'il y a de plus parfait ont été de +tout temps la matière de la comédie, et que, par la même raison que +les véritables savants et les vrais braves ne se sont point encore +avisés de s'offenser du Docteur de la comédie, et du Capitan, non plus +que les juges, les princes et les rois de voir Trivelin (2), ou +quelque autre, sur le théâtre, faire ridiculement le juge, le prince, +ou le roi ; aussi les véritables précieuses auraient tort de se piquer +lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal. Mais enfin, comme +j'ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luynes (3) +veut m'aller faire relier de ce pas : à la bonne heure, puisque Dieu +l'a voulu. + +----------- +(1) Molière fait allusion à ce proverbe : "Elle est belle à la +chandelle, mais le grand jour gâte tout." +----------- +(2) Le "Docteur", le "Capitan" et "Trivelin", étaient trois +personnages ou caractères appartenant à la farce italienne. +----------- +(3) Ce de Luynes était un libraire qui avait sa boutique dans la +galerie du Palais. +----------- + + + + +------------------------------------------------------------------------- + + + + + + +LES PRÉCIEUSES RIDICULES + + + + +Comédie (1659). + + + +PERSONNAGES ACTEURS + +La Grange, La Grange. +Du Croisy, amants rebutés. Du Croisy. +Gorgibus, bon bourgeois. L'Espy. +Madelon, fille de Gorgibus, Mlle De Brie. +Cathos, nièce de Gorgibus, précieuses ridicules. Mlle Du Parc. +Marotte, servante des précieuses ridicules. Madel. Béjart. +Almanzor, laquais des précieuses ridicules. De Brie. +Le Marquis de Mascarille, valet de la Grange. Molière. +Le Vicomte de Jodelet, valet de du Croisy. Brécourt. +Deux porteurs de chaise. +Voisines. +Violons. + + + +La scène à Paris, dans la maison de Gorgibus. + + +SCÈNE PREMIÈRE. - La Grange, Du Croisy. + + +- Du Croisy - + +Seigneur la Grange... + +- La Grange - + +Quoi ? + +- Du Croisy - + +Regardez-moi un peu sans rire. + +- La Grange - + +Eh bien ? + +- Du Croisy - + +Que dites-vous de notre visite ? En êtes-vous fort satisfait ? + +- La Grange - + +A votre avis, avons-nous sujet de l'être tous deux ? + +- Du Croisy - + +Pas tout à fait, à dire vrai. + +- La Grange - + +Pour moi, je vous avoue que j'en suis tout scandalisé. A-t-on jamais +vu, dites-moi, deux pecques (1) provinciales faire plus les renchéries +que celles-là, et deux hommes traités avec plus de mépris que nous ? +A peine ont-elles pu se résoudre à nous faire donner des sièges. Je n'ai +jamais vu tant parler à l'oreille qu'elles ont fait entre elles, tant +baîller, tant se frotter les yeux, et demander tant de fois : Quelle +heure est-il ? Ont-elles répondu que Oui et Non à tout ce que nous +avons pu leur dire ? Et ne m'avouerez-vous pas enfin que, quand nous +aurions été les dernières personnes du monde, on ne pouvait nous faire +pis qu'elles ont fait ? + +- Du Croisy - + +Il me semble que vous prenez la chose fort à coeur. + +- La Grange - + +Sans doute, je l'y prends, et de telle façon, que je me veux venger de +cette impertinence. Je connais ce qui nous a fait mépriser. L'air +précieux n'a pas seulement infecté Paris, il s'est aussi répandu dans +les provinces, et nos donzelles ridicules en ont humé leur bonne +part. En un mot, c'est un ambigu (2) de précieuse et de coquette que +leur personne. Je vois ce qu'il faut être pour en être bien reçu ; et, +si vous m'en croyez, nous leur jouerons tous deux une pièce qui leur +fera voir leur sottise, et pourra leur apprendre à connaître un peu +mieux leur monde. + +- Du Croisy - + +Et comment, encore ? + +- La Grange - + +J'ai un certain valet, nommé Mascarille, qui passe au sentiment de +beaucoup de gens, pour une manière de bel esprit, car il n't a rien de +meilleur marché que le bel esprit maintenant. C'est un extravagant qui +s'est mis en tête de vouloir faire l'homme de condition. Il se pique +ordinairement de galanterie et de vers, et dédaigne les autres valets, +jusqu'à les appeler brutaux. + +- Du Croisy - + +Eh bien ! qu'en prétendez-vous faire ? + +- La Grange - + +Ce que j'en prétends faire ? Il faut... Mais sortons d'ici auparavant. + + +----------- + +SCÈNE II. - Gorgibus (3), Du Croisy, La Grange. + + +- Gorgibus - + +Eh bien ! vous avez vu ma nièce et ma fille ? Les affaires iront-elles +bien ? Quel est le résultat de cette visite ? + +- La Grange - + +C'est une chose que vous pourrez mieux apprendre d'elles que de nous. +Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que nous vous rendons grâce +de la faveur que vous nous avez faite, et demeurons vos très humbles +serviteurs. + +- Du Croisy - + +Vos très humbles serviteurs. + +- Gorgibus - + + (seul.) + +Ouais ! il semble qu'ils sortent mal satisfaits d'ici. D'où pourrait +venir leur mécontentement ? Il faut savoir un peu ce que c'est. Holà ! + + +----------- + +SCÈNE III. - Gorgibus, Marotte. + + +- Marotte - + +Que désirez-vous, Monsieur ? + +- Gorgibus - + +Où sont vos maîtresses ? + +- Marotte - + +Dans leur cabinet. + +- Gorgibus - + +Que font-elles ? + +- Marotte - + +De la pommade pour les lèvres. + +- Gorgibus - + +C'est trop pommadé. Dites-leur qu'elles descendent. + + +----------- + +SCÈNE IV. - Gorgibus. + + +- Gorgibus - + +Ces pendardes-là, avec leur pommade, ont, je pense, envie de me +ruiner. Je ne vois partout que blancs d'oeufs, lait virginal, et mille +autres brimborions que je ne connais point. Elles ont usé, depuis que +nous sommes ici, le lard d'une douzaine de cochons, pour le moins ; et +quatre valets vivraient tous les jours des pieds de mouton qu'elles +emploient. + + +----------- + +SCÈNE V. - Madelon, Cathos, Gorgibus. + + +- Gorgibus - + +Il est bien nécessaire, vraiment, de faire tant de dépense pour vous +graisser le museau ! Dites-moi un peu ce que vous avez fait à ces +messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur ? Vous +avais-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je +voulais vous donner pour maris ? + +- Madelon - + +Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nous fassions du procédé +irrégulier de ces gens-là ? + +- Cathos - + +Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable se pût accommoder +de leur personne ? + +- Gorgibus - + +Et qu'y trouvez-vous à redire ? + +- Madelon - + +La belle galanterie que la leur ! Quoi ! débuter d'abord par le +mariage ? + +- Gorgibus - + +Et par où veux-tu donc qu'ils débutent ? par le concubinage ? N'est-ce +pas un procédé dont vous avez sujet de vous louer toutes deux, aussi +bien que moi ? Est-il rien de plus obligeant que cela ? Et ce lien +sacré où ils aspirent n'est-il pas un témoignage de l'honnêteté de +leurs intentions ? + +- Madelon - + +Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois. Cela me +fait honte de vous ouïr parler de la sorte, et vous devriez un peu +vous faire apprendre le bel air des choses. + +- Gorgibus - + +Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. Je te dis que le mariage est +une chose sainte et sacrée, et que c'est faire en honnêtes gens que de +débuter par là. + +- Madelon - + +Mon Dieu ! que si tout le monde vous ressemblait, un roman serait +bientôt fini ! La belle chose que ce serait, si d'abord Cyrus épousait +Mandane, et qu'Aronce de plain-pied fût marié à Clélie (4) ! + +- Gorgibus - + +Que me vient conter celle-ci ? + +- Madelon - + +Mon père, voilà ma cousine qui vous dira aussi bien que moi que le +mariage ne doit jamais arriver qu'après les autres aventures. Il faut +qu'un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sentiments, +pousser le doux, le tendre et le passionné (5), et que sa recherche +soit dans les formes. Premièrement, il doit voir au temple, ou à la +promenade, ou dans quelque cérémonie publique, la personne dont il +devient amoureux ; ou bien être conduit fatalement chez elle par un +parent ou un ami, et sortir de là tout rêveur et mélancolique. Il +cache un temps sa passion à l'objet aimé, et cependant lui rend +plusieurs visites, où l'on ne manque jamais de mettre sur le tapis une +question galante qui exerce les esprits de l'assemblée. Le jour de la +déclaration arrive, qui se doit faire ordinairement dans une allée de +quelque jardin, tandis que la compagnie s'est un peu éloignée : et +cette déclaration est suivie d'un prompt courroux, qui paraît à notre +rougeur, et qui, pour un temps, bannit l'amant de notre présence. +Ensuite il trouve moyen de nous apaiser, de nous accoutumer +insensiblement au discours de sa passion, et de tirer de nous cet aveu +qui fait tant de peine. Après cela viennent les aventures, les rivaux +qui se jettent à la traverse d'une inclination établie, les +persécutions des pères, les jalousies conçues sur de fausses +apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui +s'ensuit. Voilà comme les choses se traitent dans les belles manières, +et ce sont des règles dont, en bonne galanterie, on ne saurait se +dispenser. Mais en venir de but en blanc à l'union conjugale, ne faire +l'amour qu'en faisant le contrat du mariage, et prendre justement le +roman par la queue ; encore un coup, mon père, il ne se peut rien de +plus marchand que ce procédé ; et j'ai mal au coeur de la seule vision +que cela me fait. + +- Gorgibus - + +Quel diable de jargon entends-je ici ? Voici bien du haut style. + +- Cathos - + +En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le +moyen de bien recevoir des gens qui sont tout à fait incongrus en +galanterie ! Je m'en vais gager qu'ils n'ont jamais vu la carte de +Tendre, et que Billets-Doux, Petits-Soins, Billets-Galants et +Jolis-Vers sont des terres inconnues pour eux (6). Ne voyez-vous pas +que toute leur personne marque cela, et qu'ils n'ont point cet air qui +donne d'abord bonne opinion des gens ? Venir en visite amoureuse avec +une jambe toute unie, un chapeau désarmé de plumes, une tête +irrégulière en cheveux, et un habit qui souffre une indigence de +rubans ; mon Dieu, quels amants sont-ce là ! Quelle frugalité +d'ajustements, et quelle sécheresse de conversation ! On n'y dure +point, on n'y tient pas. J'ai remarqué encore que leurs rabats (7) ne +sont pas de la bonne faiseuse, et qu'il s'en faut plus d'un grand +demi-pied que leurs hauts-de-chausses ne soient assez larges. + +- Gorgibus - + +Je pense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne puis rien +comprendre à ce baragouin. Cathos, et vous, Madelon... + +- Madelon - + +Eh ! de grâce, mon père, défaites-vous de ces noms étranges et nous +appelez autrement. + +- Gorgibus - + +Comment, ces noms étranges ? Ne sont-ce pas vos noms de baptême ? + +- Madelon - + +Mon Dieu, que vous êtes vulgaire ! Pour moi, un de mes étonnements, +c'est que vous ayez pu faire une fille si spirituelle que moi. A-t-on +jamais parlé, dans le beau style, de Cathos ni de Madelon, et ne +m'avouerez-vous pas que ce serait assez d'un de ces noms pour décrier +le plus beau roman du monde ? + +- Cathos - + +Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu délicate pâtit +furieusement à entendre prononcer ces mots-là ; et le nom de Polyxène +que ma cousine a choisi, et celui d'Aminte que je me suis donné, ont +une grâce dont il faut que vous demeuriez d'accord. + +- Gorgibus - + +Ecoutez, il n'y a qu'un mot qui serve. Je n'entends point que vous +ayez d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains +et marraines ; et pour ces messieurs dont il est question, je connais +leurs familles et leurs biens, et je veux résolument que vous vous +disposiez à les recevoir pour maris. Je me lasse de vous avoir sur les +bras, et la garde de deux filles est une charge un peu trop pesante +pour un homme de mon âge. + +- Cathos - + +Pour moi, mon oncle, tout ce que je vous puis dire, c'est que je +trouve le mariage une chose tout à fait choquante. Comment est-ce +qu'on peut souffrir la pensée de coucher contre un homme vraiment nu ? + +- Madelon - + +Souffrez que nous prenions un peu haleine parmi le beau monde de +Paris, où nous ne faisons que d'arriver. Laissez-nous faire à loisir +le tissu de notre roman, et n'en pressez point tant la conclusion. + +- Gorgibus - + + (à part.) + +Il n'en faut point douter, elles sont achevées. + + (Haut.) + +Encore un coup, je n'entends rien à toutes ces balivernes : je veux +être maître absolu : et pour trancher toutes sortes de discours, ou +vous serez mariées toutes deux avant qu'il soit peu, ou, ma foi, vous +serez religieuses ; j'en fais un bon serment. + + +----------- + +SCÈNE VI. - Cathos, Madelon. + + +- Cathos - + +Mon Dieu, ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière ! +que son intelligence est épaisse, et qu'il fait sombre dans son âme ! + +- Madelon - + +Que veux-tu, ma chère ? J'en suis en confusion pour lui. J'ai peine à +me persuader que je puisse être véritablement sa fille, et je crois +que quelque aventure un jour me viendra développer une naissance plus +illustre. + +- Cathos - + +Je le croirais bien ; oui, il y a toutes les apparences du monde ; et, +pour moi, quand je me regarde aussi... + + +----------- + +SCÈNE VII. - Cathos, Madelon, Marotte. + + +- Marotte - + +Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis, et dit que son +maître vous veut venir voir. + +- Madelon - + +Apprenez, sotte, à vous énoncer moins vulgairement. Dites : Voilà un +nécessaire qui demande si vous êtes en commodité d'être visibles. + +- Marotte - + +Dame ! je n'entends point le latin : et je n'ai pas appris comme vous, +la filophie dans le grand Cyre. + +- Madelon - + +L'impertinente ! Le moyen de souffrir cela ! Et qui est-il le maître +de ce laquais ? + +- Marotte - + +Il me l'a nommé le marquis de Mascarille. + +- Madelon - + +Ah ! ma chère, un marquis ! un marquis ! Oui, allez dire qu'on nous +peut voir. C'est sans doute un bel esprit qui aura ouï parler de nous. + +- Cathos - + +Assurément, ma chère. + +- Madelon - + +Il faut le recevoir dans cette salle basse, plutôt qu'en notre +chambre. Ajustons un peu nos cheveux au moins, et soutenons notre +réputation. Vite, venez nous tendre ici dedans le conseiller des +grâces. + +- Marotte - + +Par ma foi ! je ne sais point quelle bête c'est là ; il faut parler +chrétien (8), si vous voulez que je vous entende. + +- Cathos - + +Apportez-nous le miroir, ignorante que vous êtes, et gardez-vous bien +d'en salir la glace par la communication de votre image. + + (Elles sortent.) + + +----------- + +SCÈNE VIII. - Mascarille, deux porteurs. + + +- Mascarille - + +Holà ! porteurs, holà ! Là, là, là, là, là, là. Je pense que ces +marauds-là ont dessein de me briser, à force de heurter contre les +murailles et les pavés. + +- Premier porteur - + +Dame ! c'est que la porte est étroite. Vous avez voulu aussi que nous +soyons entrés jusqu'ici. + +- Mascarille - + +Je le crois bien. Voudriez-vous, faquins, que j'exposasse l'embonpoint +de mes plumes aux inclémences de la saison pluvieuse, et que j'allasse +imprimer mes souliers en boue ? Allez, ôtez votre chaise d'ici. + +- Deuxième porteur - + +Payez-nous donc, s'il vous plaît, Monsieur. + +- Mascarille - + +Hein ! + +- Deuxième porteur - + +Je dis, Monsieur, que vous nous donniez de l'argent, s'il vous plaît. + +- Mascarille - + + (lui donnant un soufflet.) + +Comment, coquin ! demander de l'argent à une personne de ma qualité ! + +- Deuxième porteur - + +Est-ce ainsi qu'on paye les pauvres gens ? et votre qualité nous +donne-t-elle à dîner ? + +- Mascarille - + +Ah ! ah ! je vous apprendrai à vous connaître ! Ces canailles-là +s'osent jouer à moi. + +- Premier porteur - + + (Prenant un des bâtons de sa chaise.) + +Cà, payez-nous vitement. + +- Mascarille - + +Quoi ? + +- Premier porteur - + +Je dis que je veux avoir de l'argent tout à l'heure. + +- Mascarille - + +Il est raisonnable, celui-là. + +- Premier porteur - + +Vite donc ! + +- Mascarille - + +Oui-da ! Tu parles comme il faut, toi ; mais l'autre est un coquin qui +ne sait ce qu'il dit. Tiens, es-tu content ? + +- Premier porteur - + +Non, je ne suis pas content : vous avez donné un +soufflet à mon camarade, et... + + (Levant son bâton.) + +- Mascarille - + +Doucement ! Tiens, voilà pour le soufflet. On obtient tout de moi +quand on s'y prend de la bonne façon. Allez, venez me reprendre tantôt +pour aller au Louvre, au petit coucher. + + +----------- + +SCÈNE IX. - Marotte, Mascarille. + + +- Marotte - + +Monsieur, voilà mes maîtresses qui vont venir tout à l'heure. + +- Mascarille - + +Qu'elles ne se pressent point : je suis ici posté commodément pour +attendre. + +- Marotte - + +Les voici. + + +----------- + +SCÈNE X. - Madelon, Cathos, Mascarille, Almanzor. + + +- Mascarille - + + (après avoir salué.) + +Mesdames, vous serez surprises sans doute de l'audace de ma visite ; +mais votre réputation vous attire cette méchante affaire, et le mérite +a pour moi des charmes si puissants, que je cours partout après lui. + +- Madelon - + +Si vous poursuivez le mérite, ce n'est pas sur nos terres que vous +devez chasser. + +- Cathos - + +Pour voir chez nous le mérite, il a fallu que vous l'y ayez amené. + +- Mascarille - + +Ah ! je m'inscris en faux contre vos paroles. La renommée accuse juste +en contant ce que vous valez ; et vous allez faire pic, repic et capot +tout ce qu'il y a de galant dans Paris. + +- Madelon - + +Votre complaisance pousse un peu trop avant la libéralité de ses +louanges ; et nous n'avons garde, ma cousine et moi, de donner de +notre sérieux dans le doux de votre flatterie. + +- Cathos - + +Ma chère, il faudrait faire donner des sièges. + +- Madelon - + +Holà ! Almanzor. + +- Almanzor - + +Madame ? + +- Madelon - + +Vite, voiturez-nous ici les commodités de la conversation. + +- Mascarille - + +Mais, au moins, y a-t-il sûreté ici pour moi ? + + (Almanzor sort.) + +- Cathos - + +Que craignez-vous ? + +- Mascarille - + +Quelque vol de mon coeur, quelque assassinat de ma franchise. Je vois +ici des yeux qui ont la mine d'être de fort mauvais garçons, de faire +insulte aux libertés, et de traiter une âme de Turc à More (9). +Comment, diable ! d'abord qu'on les approche, ils se mettent sur leur +garde meurtrière. Ah ! par ma foi, je m'en défie ! et je m'en vais +gagner au pied, ou je veux caution bourgeoise (10) qu'ils ne me feront +point de mal. + +- Madelon - + +Ma chère, c'est le caractère enjoué. + +- Cathos - + +Je vois bien que c'est un Amilcar (11). + +- Madelon - + +Ne craignez rien : nos yeux n'ont point de mauvais desseins, et votre +coeur peut dormir en assurance sur leur prud'homie. + +- Cathos - + +Mais de grâce, Monsieur, ne soyez pas inexorable à ce fauteuil qui +vous tend les bras il y a un quart d'heure ; contentez un peu l'envie +qu'il a de vous embrasser. + +- Mascarille - + + (après s'être peigné et avoir ajusté ses canons.) + +Eh bien, Mesdames, que dites-vous de Paris ? + +- Madelon - + +Hélas ! qu'en pourrions-nous dire ? Il faudrait être l'antipode de la +raison, pour ne pas confesser que Paris est le grand bureau des +merveilles, le centre du bon goût, du bel esprit, et de la galanterie. + +- Mascarille - + +Pour moi, je tiens que hors de Paris il n'y a point de salut pour les +honnêtes gens. + +- Cathos - + +C'est une vérité incontestable. + +- Mascarille - + +Il y fait un peu crotté ; mais nous avons la chaise. + +- Madelon - + +Il est vrai que la chaise est un retranchement merveilleux contre les +insultes de la boue et du mauvais temps. + +- Mascarille - + +Vous recevez beaucoup de visites ? Quel bel esprit est des vôtres ? + +- Madelon - + +Hélas ! nous ne sommes pas encore connues ; mais nous sommes en passe +de l'être ; et nous avons une amie particulière qui nous a promis +d'amener ici tous ces messieurs du Recueil des pièces choisies. + +- Cathos - + +Et certains autres qu'on nous a nommés aussi pour être les arbitres +souverains des belles choses. + +- Mascarille - + +C'est moi qui ferai votre affaire mieux que personne ; ils me rendent +tous visite ; et je puis dire que je ne me lève jamais sans une +demi-douzaine de beaux esprits. + +- Madelon - + +Eh ! mon Dieu ! nous vous serons obligées de la dernière obligation, +si vous nous faites cette amitié ; car enfin il faut avoir la +connaissance de tous ces messieurs-là, si l'on veut être du beau +monde. Ce sont ceux qui donnent le branle à la réputation dans Paris ; +et vous savez qu'il y en a tel dont il ne faut que la seule +fréquentation pour vous donner bruit de connaisseuse, quand il n'y +aurait rien autre chose que cela. Mais, pour moi, ce que je considère +particulièrement, c'est que, par le moyen de ces visites spirituelles, +on est instruite de cent choses qu'il faut savoir de nécessité, et qui +sont de l'essence d'un bel esprit. On apprend par là chaque jour les +petites nouvelles galantes, les jolies commerces de prose et de vers. +On sait à point nommé : Un tel a composé la plus jolie pièce du monde +sur un tel sujet ; une telle a fait des paroles sur un tel air ; +celui-ci a fait un madrigal sur une jouissance ; celui-là a composé +des stances sur une infidélité ; monsieur un tel écrivit hier au soir +un sixain à Mademoiselle une telle, dont elle lui a envoyé la réponse +ce matin sur les huit heures ; un tel auteur a fait un tel dessein ; +celui-là en est à la troisième partie de son roman ; cet autre met ses +ouvrages sous la presse. C'est là ce qui vous fait valoir dans les +compagnies, et si l'on ignore ces choses, je ne donnerais pas un clou +de tout l'esprit qu'on peut avoir. + +- Cathos - + +En effet, je trouve que c'est renchérir sur le ridicule, qu'une +personne se pique d'esprit, et ne sache pas jusqu'au moindre petit +quatrain qui se fait chaque jour ; et pour moi, j'aurais toutes les +hontes du monde, s'il fallait qu'on vînt à me demander si j'aurais vu +quelque chose de nouveau que je n'aurais pas vu. + +- Mascarille - + +Il est vrai qu'il est honteux de n'avoir pas des premiers tout ce qui +se fait ; mais ne vous mettez pas en peine : je veux établir chez vous +une académie de beaux esprits, et je vous promets qu'il ne se fera pas +un bout de vers dans Paris, que vous ne sachiez par coeur avant tous +les autres. Pour moi, tel que vous me voyez, je m'en escrime un peu +quand je veux ; et vous verrez courir de ma façon dans les belles +ruelles (12) de Paris, deux cents chansons, autant de sonnets, quatre +cents épigrammes et plus de mille madrigaux, sans compter les énigmes +et les portraits. + +- Madelon - + +Je vous avoue que je suis furieusement pour les portraits : je ne vois +rien de si galant que cela. + +- Mascarille - + +Les portraits sont difficiles, et demandent un esprit profond : vous +en verrez de ma manière qui ne vous déplairont pas. + +- Cathos - + +Pour moi, j'aime terriblement les énigmes. + +- Mascarille - + +Cela exerce l'esprit, et j'en ai fait quatre encore ce matin, que je +vous donnerai à deviner. + +- Madelon - + +Les madrigaux sont agréables, quand ils sont bien tournés. + +- Mascarille - + +C'est mon talent particulier ; et je travaille à mettre en madrigaux +toute l'histoire romaine. + +- Madelon - + +Ah ! certes, cela sera du dernier beau : j'en retiens un exemplaire au +moins, si vous le faites imprimer. + +- Mascarille - + +Je vous en promets à chacune un, et des mieux reliés. Cela est +au-dessous de ma condition ; mais je le fais seulement pour donner à +gagner aux libraires, qui me persécutent. + +- Madelon - + +Je m'imagine que le plaisir est grand de se voir imprimé. + +- Mascarille - + +Sans doute. Mais, à propos, il faut que je vous die un impromptu que je +fis hier chez une duchesse de mes amies que je fus visiter ; car je +suis diablement fort sur les impromptus. + +- Cathos - + +L'impromptu est justement la pierre de touche de l'esprit. + +- Mascarille - + +Ecoutez donc. + +- Madelon - + +Nous y sommes de toutes nos oreilles. + +- Mascarille - + + Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde : + tandis que, sans songer à mal, je vous regarde, + votre oeil en tapinois me dérobe mon coeur ; + Au voleur ! au voleur ! au voleur ! au voleur ! + +- Cathos - + +Ah ! mon Dieu, voilà qui est poussé dans le dernier galant. + +- Mascarille - + +Tout ce que je fais a l'air cavalier ; cela ne sent point le pédant. + +- Madelon - + +Il en est éloigné de plus de deux mille lieues. + +- Mascarille - + +Avez-vous remarqué ce commencement : "Oh ! oh !" voilà qui est +extraordinaire : "oh ! oh !" Comme un homme qui s'avise tout d'un coup, +"oh ! oh !" La surprise, "oh ! oh !" + +- Madelon - + +Oui, je trouve ce "oh ! oh !" admirable. + +- Mascarille - + +Il semble que cela ne soit rien. + +- Cathos - + +Ah ! mon Dieu, que dites-vous ? Ce sont là de ces sortes de choses qui +ne se peuvent payer. + +- Madelon - + +Sans doute ; et j'aimerais mieux avoir fait ce "oh ! oh !" qu'un poème +épique. + +- Mascarille - + +Tudieu ! vous avez le goût bon. + +- Madelon - + +Hé ! je ne l'ai pas tout à fait mauvais. + +- Mascarille - + +Mais n'admirez-vous pas aussi "je n'y prenais pas garde " ? "Je n'y +prenais pas garde", je ne m'apercevais pas de cela : façon de parler +naturelle : "je n'y prenais pas garde". "Tandis que, sans songer à +mal", tandis qu'innocemment, sans malice, comme un pauvre mouton ; "je +vous regarde", c'est-à-dire, je m'amuse à vous considérer, je vous +observe, je vous contemple ; "votre oeil en tapinois..." Que vous +semble de ce mot "tapinois" ? n'est-il pas bien choisi ? + +- Cathos - + +Tout à fait bien. + +- Mascarille - + +"Tapinois", en cachette ; il semble que ce soit un chat qui vienne de +prendre une souris : "tapinois". + +- Madelon - + +Il ne se peut rien de mieux. + +- Mascarille - + +"Me dérobe mon coeur", me l'emporte, me le ravit. "Au voleur ! au +voleur ! au voleur ! au voleur !" Ne diriez-vous pas que c'est un homme +qui crie et court après un voleur pour le faire arrêter ? "Au voleur ! +au voleur ! au voleur ! au voleur !" + +- Madelon - + +Il faut avouer que cela a un tour spirituel et galant. + +- Mascarille - + +Je veux vous dire l'air que j'ai fait dessus. + +- Cathos - + +Vous avez appris la musique ? + +- Mascarille - + +Moi ? Point du tout. + +- Cathos - + +Et comment donc cela se peut-il ? + +- Mascarille - + +Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris. + +- Madelon - + +Assurément, ma chère. + +- Mascarille - + +Ecoutez si vous trouverez l'air à votre goût. "Hem, hem, la, la, la, +la, la". La brutalité de la saison a furieusement outragé la +délicatesse de ma voix ; mais il n'importe, c'est à la cavalière. + + (Il chante.) + + Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde, etc. + +- Cathos - + +Ah ! que voilà un air qui est passionné ! Est-ce qu'on n'en meurt +point ? + +- Madelon - + +Il y a de la chromatique là dedans. + +- Mascarille - + +Ne trouvez-vous pas la pensée bien exprimée dans le chant ? "Au voleur ! +au voleur !" Et puis, comme si l'on criait bien fort : "au, au, au, +au, au, voleur !" Et tout d'un coup, comme une personne essoufflée : +"au voleur !" + +- Madelon - + +C'est là savoir le fin des choses, le grand fin, le fin du fin. Tout +est merveilleux, je vous assure ; je suis enthousiasmée de l'air et +des paroles. + +- Cathos - + +Je n'ai encore rien vu de cette force-là. + +- Mascarille - + +Tout ce que je fais me vient naturellement, c'est sans étude. + +- Madelon - + +La nature vous a traité en vraie mère passionnée, et vous en êtes +l'enfant gâté. + +- Mascarille - + +A quoi donc passez-vous le temps, Mesdames ? + +- Cathos - + +A rien du tout. + +- Madelon - + +Nous avons été jusqu'ici dans un jeûne effroyable de divertissements. + +- Mascarille - + +Je m'offre à vous mener l'un de ces jours à la comédie, si vous voulez ; +aussi bien, on en doit jouer une nouvelle que je serai bien aise que +nous voyions ensemble. + +- Madelon - + +Cela n'est pas de refus. + +- Mascarille - + +Mais je vous demande d'applaudir comme il faut, quand nous serons là ; +car je me suis engagé de faire valoir la pièce, et l'auteur m'en est +venu prier encore ce matin. C'est la coutume ici qu'à nous autres gens +de condition les auteurs viennent lire leurs pièces nouvelles, pour +nous engager à les trouver belles, et leur donner de la réputation ; +et je vous laisse à penser si, quand nous disons quelque chose, le +parterre ose nous contredire ! Pour moi, j'y suis fort exact ; et quand +j'ai promis à quelque poète, je crie toujours : Voilà qui est beau ! +devant que les chandelles soient allumées. + +- Madelon - + +Ne m'en parlez point : c'est un admirable lieu que Paris ; il s'y +passe cent choses tous les jours, qu'on ignore dans les provinces, +quelque spirituelle qu'on puisse être. + +- Cathos - + +C'est assez : puisque nous sommes instruites, nous ferons notre devoir +de nous écrier comme il faut sur tout ce qu'on dira. + +- Mascarille - + +Je ne sais si je me trompe, mais vous avez toute la mine d'avoir fait +quelque comédie. + +- Madelon - + +Hé ! il pourrait être quelque chose de ce que vous dites. + +- Mascarille - + +Ah ! ma foi ! il faudra que nous la voyions. Entre nous, j'en ai +composé une que je veux faire représenter. + +- Cathos - + +Et à quels comédiens la donnerez-vous ? + +- Mascarille - + +Belle demande ! Aux grands comédiens ; il n'y a qu'eux qui soient +capables de faire valoir les choses ; les autres sont des ignorants +qui récitent comme l'on parle ; il ne savent pas faire ronfler les +vers, et s'arrêter au bel endroit : eh ! le moyen de connaître où est +le beau vers, si le comédien ne s'y arrête, et ne vous avertit par là +qu'il faut faire le brouhaha ? + +- Cathos - + +En effet, il y a manière de faire sentir aux auditeurs les beautés +d'un ouvrage ; et les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir. + +- Mascarille - + +Que vous semble de ma petite oie (13) ? La trouvez-vous congruente à +l'habit ? + +- Cathos - + +Tout à fait. + +- Mascarille - + +Le ruban en est-il bien choisi ? + +- Madelon - + +Furieusement bien. C'est Perdrigeon tout pur (14). + +- Mascarille - + +Que dites-vous de mes canons (15) ? + +- Madelon - + +Ils ont tout à fait bon air. + +- Mascarille - + +Je puis me vanter au moins qu'ils ont un grand quartier de plus que +ceux qu'on fait. + +- Madelon - + +Il faut avouer que je n'ai jamais vu porter si haut l'élégance de +l'ajustement. + +- Mascarille - + +Attachez un peu sur ces gants la réflexion de votre odorat. + +- Madelon - + +Ils sentent terriblement bon. + +- Cathos - + +Je n'ai jamais respiré une odeur mieux conditionnée. + +- Mascarille - + +Et celle-là ? + + (Il donne à sentir les cheveux poudrés de sa perruque.) + +- Madelon - + +Elle est tout à fait de qualité ; le sublime en est touché +délicieusement. + +- Mascarille - + +Vous ne me dites rien de mes plumes ! Comment les trouvez-vous ? + +- Cathos - + +Effroyablement belles. + +- Mascarille - + +Savez-vous que le brin me coûte un louis d'or ? Pour moi, j'ai cette +manie de vouloir donner généralement sur tout ce qu'il y a de plus +beau. + +- Madelon - + +Je vous assure que nous sympathisons vous et moi. J'ai une délicatesse +furieuse pour tout ce que je porte ; et, jusqu'à mes chaussettes, je ne +puis rien souffrir qui ne soit de la bonne faiseuse. + +- Mascarille - + + (s'écriant brusquement.) + +Ahi ! ahi ! ahi ! doucement. Dieu me damne, Mesdames, c'est fort mal +en user ; j'ai à me plaindre de votre procédé ; cela n'est pas honnête. + +- Cathos - + +Qu'est-ce donc ? qu'avez-vous ? + +- Mascarille - + +Quoi ! toutes deux contre mon coeur en même temps ! M'attaquer à droite +et à gauche ! Ah ! c'est contre le droit des gens ; la partie n'est pas +égale, et je m'en vais crier au meurtre. + +- Cathos - + +Il faut avouer qu'il dit les choses d'une manière particulière. + +- Madelon - + +Il a un tour admirable dans l'esprit. + +- Cathos - + +Vous avez plus de peur que de mal, et votre coeur crie avant qu'on +l'écorche. + +- Mascarille - + +Comment, diable ! il est écorché depuis la tête jusqu'aux pieds. + + +----------- + +SCÈNE XI. - Cathos, Madelon, Mascarille, Marotte. + + +- Marotte - + +Madame, on demande à vous voir. + +- Madelon - + +Qui ? + +- Marotte - + +Le vicomte de Jodelet. + +- Mascarille - + +Le vicomte de Jodelet ? + +- Marotte - + +Oui, Monsieur. + +- Cathos - + +Le connaissez-vous ? + +- Mascarille - + +C'est mon meilleur ami. + +- Madelon - + +Faites entrer vitement. + +- Mascarille - + +Il y a quelque temps que nous ne nous sommes vus, et je suis ravi de +cette aventure. + +- Cathos - + +Le voici. + + +----------- + +SCÈNE XII. - Cathos, Madelon, Jodelet, Mascarille, Marotte, Almanzor. + + +- Mascarille - + +Ah ! vicomte ! + +- Jodelet - + + (Ils s'embrassent l'un l'autre.) + +Ah ! marquis ! + +- Mascarille - + +Que je suis aise de te rencontrer ! + +- Jodelet - + +Que j'ai de joie de te voir ici ! + +- Mascarille - + +Baise-moi donc encore un peu, je te prie. + +- Madelon - + + (à Cathos.) + +Ma toute bonne, nous commençons d'être connues ; voilà le beau monde +qui prend le chemin de nous venir voir. + +- Mascarille - + +Mesdames, agréez que je vous présente ce gentilhomme-ci : sur ma +parole, il est digne d'être connu de vous. + +- Jodelet - + +Il est juste de venir vous rendre ce qu'on vous doit ; et vos attraits +exigent leurs droits seigneuriaux sur toutes sortes de personnes. + +- Madelon - + +C'est pousser vos civilités jusqu'aux derniers confins de la +flatterie. + +- Cathos - + +Cette journée doit être marquée dans notre almanach comme une journée +bien heureuse. + +- Madelon - + + (à Almanzor.) + +Allons, petit garçon, faut-il toujours vous répéter les choses ? +Voyez-vous pas qu'il faut le surcroît d'un fauteuil ? + +- Mascarille - + +Ne vous étonnez pas de voir le vicomte de la sorte ; il ne fait que +sortir d'une maladie qui lui a rendu le visage pâle comme vous le +voyez. + +- Jodelet - + +Ce sont fruits des veilles de la cour, et des fatigues de la guerre. + +- Mascarille - + +Savez-vous, Mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des +vaillants hommes du siècle ? C'est un brave à trois poils (16). + +- Jodelet - + +Vous ne m'en devez rien, marquis ; et nous savons ce que vous savez +faire aussi. + +- Mascarille - + +Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l'occasion. + +- Jodelet - + +Et dans des lieux où il faisait fort chaud. + +- Mascarille - + + (regardant Cathos et Madelon.) + +Oui, mais non pas si chaud qu'ici. Hai, hai, hai. + +- Jodelet - + +Notre connaissance s'est faite à l'armée ; et la première fois que +nous nous vîmes, il commandait un régiment de cavalerie sur les +galères de Malte. + +- Mascarille - + +Il est vrai ; mais vous étiez pourtant dans l'emploi avant que j'y +fusse ; et je me souviens que je n'étais que petit officier encore, +que vous commandiez deux mille chevaux. + +- Jodelet - + +La guerre est une belle chose ; mais, ma foi, la cour récompense bien +mal aujourd'hui les gens de service comme nous. + +- Mascarille - + +C'est ce qui fait que je veux pendre l'épée au croc. + +- Cathos - + +Pour moi, j'ai un furieux tendre pour les hommes d'épée. + +- Madelon - + +Je les aime aussi ; mais je veux que l'esprit assaisonne la bravoure. + +- Mascarille - + +Te souvient-il, vicomte, de cette demi-lune que nous emportâmes sur +les ennemis au siége d'Arras ? + +- Jodelet - + +Que veux-tu dire, avec ta demi-lune ? C'était bien une lune toute +entière. + +- Mascarille - + +Je pense que tu as raison. + +- Jodelet - + +Il m'en doit bien souvenir, ma foi ! j'y fus blessé à la jambe d'un +coup de grenade, dont je porte encore les marques. Tâtez un peu, de +grâce ; vous sentirez quelque coup c'était là. + +- Cathos - + + (après avoir touché l'endroit.) + +Il est vrai que la cicatrice est grande. + +- Mascarille - + +Donnez-moi un peu votre main, et tâtez celui-ci ; là, justement au +derrière de la tête. Y êtes-vous ? + +- Madelon - + +Oui, je sens quelque chose. + +- Mascarille - + +C'est un coup de mousquet que je reçus, la dernière campagne que j'ai +faite. + +- Jodelet - + + (découvrant sa poitrine.) + +Voici un autre coup qui me perça de part en part à l'attaque de +Gravelines (17). + +- Mascarille - + + (Mettant la main sur le bouton de son haut-de-chausses.) + +Je vais vous montrer une furieuse plaie. + +- Madelon - + +Il n'est pas nécessaire : nous le croyons sans y regarder. + +- Mascarille - + +Ce sont des marques honorables qui font voir ce qu'on est. + +- Cathos - + +Nous ne doutons point de ce que vous êtes. + +- Mascarille - + +Vicomte, as-tu là ton carrosse ? + +- Jodelet - + +Pourquoi ? + +- Mascarille - + +Nous mènerions promener ces dames hors des portes, et leur donnerions +un cadeau (18). + +- Madelon - + +Nous ne saurions sortir aujourd'hui. + +- Mascarille - + +Ayons donc les violons pour danser. + +- Jodelet - + +Ma foi, c'est bien avisé. + +- Madelon - + +Pour cela, nous y consentons : mais il faut donc quelque surcroît de +compagnie. + +- Mascarille - + +Holà ! Champagne, Picard, Bourguignon, Cascaret, Basque, la Verdure, +Lorrain, Provençal, la Violette ! Au diable soient tous les laquais ! +Je ne pense pas qu'il y ait gentilhomme en France plus mal servi que +moi. Ces canailles me laissent toujours seul. + +- Madelon - + +Almanzor, dites aux gens de monsieur le marquis qu'ils aillent quérir +des violons, et nous faites venir ces messieurs et ces dames d'ici +près, peupler la solitude de notre bal. + + (Almanzor sort.) + +- Mascarille - + +Vicomte, que dis-tu de ces yeux ? + +- Jodelet - + +Mais toi-même, marquis, que t'en semble ? + +- Mascarille - + +Moi, je dis que nos libertés auront peine à sortir d'ici les braies (19) +nettes. Au moins, pour moi, je reçois d'étranges secousses, et mon +coeur ne tient plus qu'à un filet. + +- Madelon - + +Que tout ce qu'il dit est naturel ! Il tourne les choses le plus +agréablement du monde. + +- Cathos - + +Il est vrai qu'il fait une furieuse dépense en esprit. + +- Mascarille - + +Pour vous montrer que je suis véritable, je veux faire un impromptu +là-dessus. + + (Il médite.) + +- Cathos - + +Hé ! je vous en conjure de toute la dévotion de mon coeur, que nous +oyons quelque chose qu'on ait fait pour nous. + +- Jodelet - + +J'aurais envie d'en faire autant ; mais je me trouve un peu incommodé +de la veine poétique, pour la quantité des saignées que j'y ai faites +ces jours passés. + +- Mascarille - + +Que diable est-ce là ? Je fais toujours bien le premier vers, mais +j'ai peine à faire les autres. Ma foi, ceci est un peu trop pressé : +je vous ferai un impromptu à loisir, que vous trouverez le plus beau +du monde. + +- Jodelet - + +Il a de l'esprit comme un démon. + +- Madelon - + +Et du galant, et du bien tourné. + +- Mascarille - + +Vicomte, dis-moi un peu, y a-t-il longtemps que tu n'as vu la comtesse ? + +- Jodelet - + +Il y a plus de trois semaines que je ne lui ai rendu visite. + +- Mascarille - + +Sais-tu bien que le duc m'est venu voir ce matin, et m'a voulu mener à +la campagne courir un cerf avec lui ? + +- Madelon - + +Voici nos amies qui viennent. + + +----------- + +SCÈNE XIII. - Lucile, Célimène, Cathos, Madelon, Mascarille, + Jodelet, Marotte, Almanzor, violons. + + +- Madelon - + +Mon Dieu, mes chères (20), nous vous demandons pardon. Ces messieurs +ont eu fantaisie de nous donner les âmes des pieds, et nous vous +avons envoyé quérir pour remplir les vides de notre assemblée. + +- Lucile - + +Vous nous avez obligées, sans doute. + +- Mascarille - + +Ce n'est ici qu'un bal à la hâte ; mais l'un de ces jours, nous vous en +donnerons un dans les formes. Les violons sont-ils venus ? + +- Almanzor - + +Oui, Monsieur ; ils sont ici. + +- Cathos - + +Allons donc, mes chères, prenez place. + +- Mascarille - + + (dansant lui seul comme par prélude.) + +La, la, la, la, la, la, la, la. + +- Madelon - + +Il a tout à fait la taille élégante. + +- Cathos - + +Et a la mine de danser proprement (21). + +- Mascarille - + + (ayant pris Madelon.) + +Ma franchise va danser la courante aussi bien que mes pieds. En +cadence, violons, en cadence ! Oh ! quels ignorants ! Il n'y a pas +moyen de danser avec eux. Le diable vous emporte ! ne sauriez-vous +jouer en mesure ? La, la, la, la, la, la, la, la. Ferme ! O violons de +village ! + +- Jodelet - + + (dansant ensuite.) + +Holà ! ne pressez pas si fort la cadence : je ne fais que sortir de +maladie. + + +----------- + +SCÈNE XIV. - Du Croisy, La Grange, Cathos, Madelon, Lucile, Célimène, + Jodelet, Mascarille, Marotte, violons. + + +- La Grange - + + (un bâton à la main.) + +Ah ! ah ! coquins, que faites-vous ici ? Il y a trois heures que nous +vous cherchons. + +- Mascarille - + + (se sentant battre.) + +Ahi ! ahi ! ahi ! vous ne m'aviez pas dit que les coups en seraient +aussi. + +- Jodelet - + +Ahi ! ahi ! ahi ! + +- La Grange - + +C'est bien à vous, infâme que vous êtes, à vouloir faire l'homme +d'importance ! + +- Du Croisy - + +Voilà qui vous apprendra à vous connaître. + + +----------- + +SCÈNE XV. - Cathos, Madelon, Lucile, Célimène, Jodelet, Mascarille, + Marotte, violons. + + +- Madelon - + +Que veut donc dire ceci ? + +- Jodelet - + +C'est une gageure. + +- Cathos - + +Quoi ! vous laisser battre de la sorte ! + +- Mascarille - + +Mon Dieu ! je n'ai pas voulu faire semblant de rien ; car je suis +violent, et je me serais emporté. + +- Madelon - + +Endurer un affront comme celui-là en notre présence ! + +- Mascarille - + +Ce n'est rien : ne laissons pas d'achever. Nous nous connaissons il y +a longtemps ; et, entre amis, on ne va pas se piquer pour si peu de +chose. + + +----------- + +SCÈNE XVI. - Du Croisy, La Grange, Madelon, Cathos, Célimène, Lucile, + Mascarille, Jodelet, Marotte, violons. + + +- La Grange - + +Ma foi, marauds, vous ne vous rirez pas de nous, je vous promets. +Entrez, vous autres. + + (Trois ou quatre spadassins entrent.) + +- Madelon - + +Quelle est donc cette audace, de venir nous troubler de la sorte dans +notre maison ! + +- Du Croisy - + +Comment, Mesdames, nous endurerons que nos laquais soient mieux reçus +que nous ; qu'ils viennent vous faire l'amour à nos dépens, et vous +donnent le bal ! + +- Madelon - + +Vos laquais ! + +- La Grange - + +Oui, nos laquais : et cela n'est ni beau ni honnête de nous les +débaucher comme vous faites. + +- Madelon - + +O ciel ! quelle insolence ! + +- La Grange - + +Mais ils n'auront pas l'avantage de se servir de nos habits pour vous +donner dans la vue ; et si vous les voulez aimer, ce sera, ma foi, +pour leurs beaux yeux. Vite, qu'on les dépouille sur-le-champ. + +- Jodelet - + +Adieu notre braverie. + +- Mascarille - + +Voilà le marquisat et la vicomté à bas. + +- Du Croisy - + +Ah ! ah ! coquins, vous avez l'audace d'aller sur nos brisées ! Vous +irez chercher autre part de quoi vous rendre agréables aux yeux de vos +belles, je vous en assure. + +- La Grange - + +C'est trop que de nous supplanter, et de nous supplanter avec nos +propres habits. + +- Mascarille - + +O fortune ! quelle est ton inconstance ! + +- Du Croisy - + +Vite, qu'on leur ôte jusqu'à la moindre chose. + +- La Grange - + +Qu'on emporte toutes ces hardes, dépêchez. Maintenant, Mesdames, en +l'état qu'ils sont, vous pouvez continuer vos amours avec eux tant +qu'il vous plaira ; nous vous laissons toute sorte de liberté pour +cela, et nous vous protestons, Monsieur et moi, que nous n'en serons +aucunement jaloux. + + +----------- + +SCÈNE XVII. - Madelon, Cathos, Jodelet, Mascarille, violons. + + +- Cathos - + +Ah ! quelle confusion ! + +- Madelon - + +Je crève de dépit. + +- Un des Violons - + + (à Mascarille.) + +Qu'est-ce donc que ceci ? Qui nous payera nous autres ? + +- Mascarille - + +Demandez à monsieur le vicomte. + +- Un des Violons - + + (à Jodelet.) + +Qui est-ce qui nous donnera de l'argent ? + +- Jodelet - + +Demandez à monsieur le marquis. + + +----------- + +SCÈNE XVIII. - Gorgibus, Madelon, Cathos, Jodelet, Mascarille, violons. + + +- Gorgibus - + +Ah ! coquines que vous êtes, vous nous mettez dans de beaux draps +blancs, à ce que je vois ; et je viens d'apprendre de belles affaires, +vraiment, de ces messieurs qui sortent. + +- Madelon - + +Ah ! mon père, c'est une pièce sanglante qu'ils nous ont faite. + +- Gorgibus - + +Oui, c'est une pièce sanglante, mais qui est un effet de votre +impertinence, infâmes ! Ils se sont ressentis du traitement que vous +leur avez fait, et cependant, malheureux que je suis, il faut que je +boive l'affront. + +- Madelon - + +Ah ! je jure que nous en serons vengés, ou que je mourrai en la +peine. Et vous, marauds, osez-vous vous tenir ici après votre +insolence ? + +- Mascarille - + +Traiter comme cela un marquis ! Voilà ce que c'est que du monde : la +moindre disgrâce nous fait mépriser de ceux qui nous chérissaient. +Allons, camarade, allons chercher fortune autre part ; je vois bien +qu'on n'aime ici que la vaine apparence, et qu'on n'y considère point +la vertu toute nue. + + +----------- + +SCÈNE XIX. - Gorgibus, Madelon, Cathos, violons. + + +- Un des Violons - + +Monsieur, nous entendons que vous nous contentiez, à leur défaut, pour +ce que nous avons joué ici. + +- Gorgibus - + + (les battant.) + +Oui, oui, je vous vais contenter ; et voici la monnaie dont je vous +veux payer. Et vous, pendardes, je ne sais qui me tient que je ne vous +en fasse autant ; nous allons servir de fable et de risée à tout le +monde, et voilà ce que vous vous êtes attiré par vos extravagances. +Allez vous cacher, vilaines, allez vous cacher pour jamais. + + (Seul.) + +Et vous, qui êtes cause de leur folie, sottes billevesées (22), +pernicieux amusements des esprits oisifs, romans, vers, chansons, +sonnets et sonnettes, puissiez-vous être à tous les diables ! + + + +FIN DES PRÉCIEUSES RIDICULES. + +------------------------------------------------------------------------- + +Notes [from 1890 edition] + +----------- +(1) Le Duchat donne à ce mot la même signification qu'au mot "pécore". +Ne viendrait-il pas du mot italien "pecca", vice, défaut, ou du mot +latin "pecus", dont on a fait pécore ? (B.) +----------- +(2) On voit par la préface de Molière qu'on distinguait deux ordres de +"précieuses", et que cette appellation ne fut pas toujours prise en +mauvaise part. Le "Grand Dictionnaire historique des Précieuses", +imprimé chez Ribou en 1661, osa nommer ce que la France avait de plus +grand, de plus poli, de plus aimable. Les Longueville, la Fayette, +Sévigné, Deshoulières, le grand Corneille, Ninon de Lenclos, sont à la +tête de cette list nombreuse, où figurent le roi, la reine et toute la +cour. (B.) +----------- +(3) Palaprat, contemporain et ami de Molière, nous apprend que "Gorgibus" +était le nom d'un emploi de l'ancienne comédie, comme les Pasquins, +les Turlupins, les Jodelets, etc. En effet, on trouve souvent le nom +de Gorgibus dans les canevas italiens. +----------- +(4) Cyrus et Mandane, Clélie et Aronce, sont les principaux personnages +d'"Artamène" et de "Clélie", romans alors très à la mode. +----------- +(5) "Pousser le doux, le tendre et le passionné", expressions du temps, +dont les auteurs contemporains offrent plusieurs exemples. +----------- +(6) La carte de "Tendre" est une fiction allégorique du roman de "Clélie". +On voit sur cette carte un fleuve d'"Inclination", une mer d'"Inimitié", +un lac d'"Indifférence", et une multitude d'autres inventions de ce genre. +Pour parvenir à la ville de "Tendre", il fallait assiéger le village de +"Billets-Galants", forcer le hameau de "Billets-Doux", et s'emparer ensuite +du château de "Petits-Soins". (Voy. "Clélie", tome I.) +----------- +(7) Anciennement le "rabat" n'était autre chose que le col de la chemise +"rabattu" en dehors sur le vêtement, et c'est de là qu'il a pris son nom. +----------- +(8) "Parler chrétien", c'est parler en langage intelligible. Cette +expression est venue des Vénitiens, qui disent que, comme il n'y a de +vraie religion que celle des "chrétiens", il n'y a aussi que leur +langage qui doive être entendu. (Le Duchat.) +----------- +(9) Ce proverbe, "traiter de Turc à More", qui signifie "traiter avec +la dernière rigueur", est sans doute fondé sur ce que les Turcs et les +Mores, dans leurs anciennes guerres, ne se faisaient point de +quartier. (A.) +----------- +(10) "Caution bourgeoise", signifie "caution solvable", "caution valable". +Molière a employé une seconde fois cette expression dans la "Critique de +l'Ecole des Femmes" : "La caution n'est pas bourgeoise." (A.) +----------- +(11) Personnage du roman de "Clélie", à qui l'auteur a voulu donner un +caractère enjoué et plaisant. (B.) -- Dans le langage des précieuses, +on disait : "Etre un Amilcar", pour "être enjoué". (Voyez le "Grand +Dictionnaire des Précieuses, ou la Clef de la langue des ruelles", +Paris, 1669, page 21.) +----------- +(12) On donnait le nom de "ruelles" aux assemblées de ce temps-là. +L'alcôve servait de salon, et la société s'y réunissait autour du lit +de la précieuse, qui se couchait pour recevoir ses visites. La "ruelle" +était parée avec beaucoup d'élégance et de goût, et les hommes qui en +faisaient les honneurs prenaient le nom d'"alcôvistes". (P.) +----------- +(13) La "petite oie" se disait alors des rubans, des plumes et des +différentes garnitures qui ornaient l'habit, le chapeau, le noeud de +l'épée, les gants, les bas et les souliers. (B.) +----------- +(14) "C'est Perdrigeon tout pur." -- "Perdrigeon" était le marchand en +vogue qui fournissait les gens du bel air. Il ne faut pas confondre ce +mot avec le nom de la belle couleur violette qui est emprunté d'une +prune nommé "perdrigon". +----------- +(15) Les canons étaient un cercle d'étoffe large, et souvent orné de +dentelles, qu'on attachait au-dessus du genou, et qui couvrait la moitié +de la jambe. Les "importants" se rendaient ridicules par l'ampleur +démesurée de leurs canons. Voilà pourquoi ceux de Mascarille "ont un +grand quartier" de plus que ceux qu'on fait. (B.) +----------- +(16) Locution proverbiale qui rappelle l'ancien usage où étaient les +militaires de terminer chaque côté de la moustache par quelques poils +très effilés, et de tailler en pointe le bouquet de barbe qu'on +laissait croître au milieu du menton. Cette mode venait d'Espagne. On +la retrouve dans quelques portraits du règne de Louis XIII. +----------- +(17) L'"attaque de Gravelines" était un événement récent à l'époque +où fut jouée la pièce, c'est à dire en 1659. L'année précédente, le +maréchal de la Ferté avait pris cette ville sur les Espagnols. +Le "siège d'Arras", dont Mascarille parle plus haut, remontait à 1654. +Turenne avait fait lever ce siège au prince de Condé qui servait alors +dans l'armée espagnole. (A.) +----------- +(18) On disait alors "se promener hors des portes", parce que Paris, +encore entouré de remparts et de fossés, avait des portes auxquelles +aboutissaient les principales rues qui vont du centre à la +circonférence. C'est sur l'emplacement de ces remparts et de ces +fossés que Louis XIV fit ensuite planter la promenade que nous nommons +"boulevards". -- "Donner un cadeau", signifiait autrefois donner une +"fête", un "repas". +----------- +(19) Le mot "braie" a vieilli, et ne se trouve plus dans nos +dictionnaires que comme terme d'imprimerie et de marine. Du temps de +Molière, il signifiait le linge de corps. (B.) +----------- +(20) On disait alors une "chère" comme on aurait dit une "précieuse". +Ces deux mots avaient le même sens, et étaient également à la mode ; +mais "chère" exprimait surtout l'intimité. Ce mot est resté. +----------- +(21) "Danser proprement", pour "bien danser". Expression recherchée, +qui est restée dans notre langue, où même elle est devenue d'un usage +vulgaire. C'est ainsi que dans cette multitude de locutions bizarres +ou ridicules dont Molière s'est moqué avec tant de gaieté, il en est +un assez grand nombre que nous employons tous les jours sans nous +douter qu'elles sont un présent des "précieuses". Qui croirait, par +exemple, que nous leur devons les phrases suivantes : "Tenir bureau +d'esprit" ; "Avoir les cheveux d'un blond hardi" ; "Craindre de +s'encanailler" ; "Avoir l'humeur communicative" ; "Etre pénétré des +sentiments d'une personne" ; "Avoir la compréhension dure" ; "Revêtir +ses pensées d'expressions vigoureuses" ; "Avoir le front chargé d'un +sombre nuage" ; "N'avoir que le masque de la générosité" ; etc. ? +Toutes ces expressions, qui n'ont rien d'extraordinaire aujourd'hui, +sont citées par Saumaise comme faisant partie du nouveau dictionnaire +des "Précieuses" ; et l'on peut en conclure que cette affection de +langage, dont Molière a fait justice, n'a cependant pas été tout à +fait inutile à la langue. +----------- +(22) "Billevesées", ou plutôt "billevezées", ainsi que l'écrit +Rabelais. Balle remplie de vent, et, par allusion, discours vains, +trompeurs. Mot composé de "bille", balle, et de "vezer", souffler, ou +de "veze", musette. De là "billevezée", comme l'explique fort bien +Furetière, pour "balle soufflée", pleine de vent. C'est précisement le +"nugae canorae" des Latins. +----------- + + + + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, LES PRECIEUSES RIDICULES *** + +This file should be named 8prec10.txt or 8prec10.zip +Corrected EDITIONS of our eBooks get a new NUMBER, 8prec11.txt +VERSIONS based on separate sources get new LETTER, 8prec10a.txt + +Project Gutenberg eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US +unless a copyright notice is included. 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This is +also a good way to get them instantly upon announcement, as the +indexes our cataloguers produce obviously take a while after an +announcement goes out in the Project Gutenberg Newsletter. + +http://www.ibiblio.org/gutenberg/etext03 or +ftp://ftp.ibiblio.org/pub/docs/books/gutenberg/etext03 + +Or /etext02, 01, 00, 99, 98, 97, 96, 95, 94, 93, 92, 92, 91 or 90 + +Just search by the first five letters of the filename you want, +as it appears in our Newsletters. + + +Information about Project Gutenberg (one page) + +We produce about two million dollars for each hour we work. The +time it takes us, a rather conservative estimate, is fifty hours +to get any eBook selected, entered, proofread, edited, copyright +searched and analyzed, the copyright letters written, etc. Our +projected audience is one hundred million readers. If the value +per text is nominally estimated at one dollar then we produce $2 +million dollars per hour in 2002 as we release over 100 new text +files per month: 1240 more eBooks in 2001 for a total of 4000+ +We are already on our way to trying for 2000 more eBooks in 2002 +If they reach just 1-2% of the world's population then the total +will reach over half a trillion eBooks given away by year's end. + +The Goal of Project Gutenberg is to Give Away 1 Trillion eBooks! +This is ten thousand titles each to one hundred million readers, +which is only about 4% of the present number of computer users. + +Here is the briefest record of our progress (* means estimated): + +eBooks Year Month + + 1 1971 July + 10 1991 January + 100 1994 January + 1000 1997 August + 1500 1998 October + 2000 1999 December + 2500 2000 December + 3000 2001 November + 4000 2001 October/November + 6000 2002 December* + 9000 2003 November* +10000 2004 January* + + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been created +to secure a future for Project Gutenberg into the next millennium. + +We need your donations more than ever! + +As of February, 2002, contributions are being solicited from people +and organizations in: Alabama, Alaska, Arkansas, Connecticut, +Delaware, District of Columbia, Florida, Georgia, Hawaii, Illinois, +Indiana, Iowa, Kansas, Kentucky, Louisiana, Maine, Massachusetts, +Michigan, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska, Nevada, New +Hampshire, New Jersey, New Mexico, New York, North Carolina, Ohio, +Oklahoma, Oregon, Pennsylvania, Rhode Island, South Carolina, South +Dakota, Tennessee, Texas, Utah, Vermont, Virginia, Washington, West +Virginia, Wisconsin, and Wyoming. + +We have filed in all 50 states now, but these are the only ones +that have responded. + +As the requirements for other states are met, additions to this list +will be made and fund raising will begin in the additional states. +Please feel free to ask to check the status of your state. + +In answer to various questions we have received on this: + +We are constantly working on finishing the paperwork to legally +request donations in all 50 states. If your state is not listed and +you would like to know if we have added it since the list you have, +just ask. + +While we cannot solicit donations from people in states where we are +not yet registered, we know of no prohibition against accepting +donations from donors in these states who approach us with an offer to +donate. + +International donations are accepted, but we don't know ANYTHING about +how to make them tax-deductible, or even if they CAN be made +deductible, and don't have the staff to handle it even if there are +ways. + +Donations by check or money order may be sent to: + +Project Gutenberg Literary Archive Foundation +PMB 113 +1739 University Ave. +Oxford, MS 38655-4109 + +Contact us if you want to arrange for a wire transfer or payment +method other than by check or money order. + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been approved by +the US Internal Revenue Service as a 501(c)(3) organization with EIN +[Employee Identification Number] 64-622154. Donations are +tax-deductible to the maximum extent permitted by law. As fund-raising +requirements for other states are met, additions to this list will be +made and fund-raising will begin in the additional states. + +We need your donations more than ever! + +You can get up to date donation information online at: + +http://www.gutenberg.net/donation.html + + +*** + +If you can't reach Project Gutenberg, +you can always email directly to: + +Michael S. Hart <hart@pobox.com> + +Prof. Hart will answer or forward your message. + +We would prefer to send you information by email. + + +**The Legal Small Print** + + +(Three Pages) + +***START**THE SMALL PRINT!**FOR PUBLIC DOMAIN EBOOKS**START*** +Why is this "Small Print!" statement here? You know: lawyers. +They tell us you might sue us if there is something wrong with +your copy of this eBook, even if you got it for free from +someone other than us, and even if what's wrong is not our +fault. So, among other things, this "Small Print!" statement +disclaims most of our liability to you. It also tells you how +you may distribute copies of this eBook if you want to. + +*BEFORE!* YOU USE OR READ THIS EBOOK +By using or reading any part of this PROJECT GUTENBERG-tm +eBook, you indicate that you understand, agree to and accept +this "Small Print!" statement. If you do not, you can receive +a refund of the money (if any) you paid for this eBook by +sending a request within 30 days of receiving it to the person +you got it from. If you received this eBook on a physical +medium (such as a disk), you must return it with your request. + +ABOUT PROJECT GUTENBERG-TM EBOOKS +This PROJECT GUTENBERG-tm eBook, like most PROJECT GUTENBERG-tm eBooks, +is a "public domain" work distributed by Professor Michael S. 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