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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 18:36:17 -0700
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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44141 ***
+
+L'ILLUSTRATION
+JOURNAL UNIVERSEL
+
+REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS
+22, rue de Verneuil, Paris
+
+31e Année.--VOL. LXII.--Nº 1607 SAMEDI 13 DÉCEMBRE 1873
+
+SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL
+60, rue de Richelieu, Paris
+
+Prix du numéro 75 centimes La collection mensuelle, 3 fr.; le vol.
+semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
+
+Abonnements Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;--un
+an, 36; Étranger, le port en sus.
+
+Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste
+ou d'une valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc,
+directeur-gérant.
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+_Texte_: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
+Audebrand.--La Soeur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M.
+Mayne Reid.--Nos gravures.--Bulletin bibliographique.--_L'Histoire de
+France racontée à mes petits enfants_, par M. Guizot.--Un voyage en
+Espagne pendant l'insurrection carliste (VI).--_La Comédie de notre
+temps_, par Bertall.--Le dromadaire.
+
+_Gravures_: Procès du maréchal Bazaine (6 gravures),--Événements de Cuba;
+capture du _Virginius_ par le _Tornado_ dans les eaux de la
+Jamaïque.--Le monument commémoratif de la bataille de Champigny,
+inauguré le 2 décembre 1873.--Le naufrage de la _Ville-du-Havre_: la
+dernière minute.--Théâtre de la Gaîté: Mlle Lia-Félix dans _Jeanne
+d'Arc.--L'Histoire de France racontée à mes petits enfants_ (4
+gravures).--_La Comédie de notre temps_, par Bertall (39 sujets).--Le
+dromadaire: caravane dans le désert.--L'asile de l'École de filles de
+Dugny--Rébus.
+
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--La Buvette à Trianon.]
+
+
+
+HISTOIRE DE LA SEMAINE
+
+FRANCE
+
+La semaine parlementaire a été relativement calme; l'Assemblée est enfin
+parvenue, dans la huitième séance consacrée au même scrutin, à compléter
+la commission des Trente chargée de l'élaboration des lois
+constitutionnelles par l'élection de deux membres du centre gauche. La
+commission est entrée en fonctions dès le lendemain; elle a choisi pour
+président M. Batbie, et a rempli sa première séance par une discussion
+préliminaire relative à la publicité de ses travaux; il a été décidé que
+la presse ne recevrait pas de comptes rendus officiels des séances, mais
+que chacun des membres de la commission serait libre de faire aux
+journaux, sous sa propre responsabilité, les communications qui lui
+paraîtraient convenables.
+
+L'Assemblée a ensuite jugé que le moment était enfin venu de s'occuper
+de questions d'affaires; elle a successivement voté, en troisième
+lecture, un projet de loi tendant à réunir, dans les bureaux
+secondaires, le service des postes à celui des télégraphes; cette mesure
+n'est qu'un acheminement vers la fusion complète des deux
+administrations, fusion existant depuis quelque temps en Angleterre et
+qui ne tardera pas, il faut l'espérer, à s'opérer définitivement dans
+notre pays, car elle présente des avantages de toutes sortes. Puis,
+après une délibération en deuxième lecture sur une proposition de M. de
+Corcelles, relative à la composition des conseils académiques,
+l'Assemblée a abordé la discussion du budget. Ce n'est pas la première
+fois que nous ayons à constater le peu de goût de la Chambre pour les
+discussions d'affaires en général, et en particulier pour cette loi de
+finances dont le vote annuel constitue cependant la plus importante des
+prérogatives parlementaires.
+
+Tandis que le plus mince incident politique est souvent le point de
+départ des séances les plus orageuses, nous voyons une indifférence
+vraiment regrettable accueillir l'exposé des besoins financiers de
+l'État et des moyens proposés pour y subvenir. Des chapitres entiers,
+comprenant des centaines de millions, sont volés au milieu de
+l'inattention et de la lassitude générales, et si parfois une
+observation se produit, c'est bien rarement une préoccupation d'ordre
+économique qui l'a dictée. Mentionnons, à ce propos, la question
+adressée par MM. Pelletan et Gambetta à l'occasion du budget des
+affaires étrangères, et qui a failli prendre les proportions d'un gros
+incident. Les deux membres de la gauche réclamaient la publication du
+_Livre jaune_, interrompue, pour des motifs faciles à comprendre,
+pendant le cours de l'occupation étrangère, mais redevenue possible
+maintenant que la publicité des archives diplomatiques n'offre plus les
+mêmes inconvénients. M. le duc Decazes avait, paraît-il, mal compris
+l'observation, et peu s'en est fallu qu'il ne posât la question de
+cabinet; mais le malentendu n'a pas tardé à se dissiper et l'incident
+s'est terminé par la promesse de publication du _Livre jaune_ dans un
+délai de quinze jours.
+
+ALLEMAGNE.
+
+La campagne entreprise par le gouvernement allemand contre le clergé
+catholique devient chaque jour plus difficile; l'opiniâtreté du cabinet
+prussien n'a d'égale que la résistance énergique des catholiques.
+
+D'après la Preussische, Volksblatt, organe officieux de l'administration
+l'agitation religieuse a tellement gagné les populations des petites
+villes et de la campagne, que l'on commence à avoir des appréhensions
+sérieuses. On s'efforce, dit ce journal, de réveiller les souvenirs des
+anciennes guerres religieuses. Des agents secrets parcourent le pays
+sous mille déguisements pour enflammer le fanatisme catholique;
+l'exaltation des femmes, principalement, est arrivée à son paroxysme. Le
+gouvernement use vainement de tous les moyens de rigueur que les lois
+récemment votées, en mai 1873, ont mis à sa disposition; mais il se
+heurte contre d'inflexibles résistances. Il a interdit la publication de
+la dernière encyclique du Pape en date du 21 novembre, dont nous avons
+donné l'analyse et saisi le _Coelnische Zeitung_ au moment où elle
+livrait ce document à l'impression, mesure contre laquelle M. Virchow a
+protesté dans le Landtag. Les journaux ultramontains se sont vengés en
+imprimant une bulle du mois d'avril dernier, qui frappe d'interdit
+toutes les églises où se célébrerait le service du vieux-catholicisme. A
+Schoenberg, en Silésie, l'autorité prussienne, qui avait interdit le
+curé, voulut faire fermer l'église. Mais, selon le _Vaterland_, de
+Munich, la population a trouvé un moyen ingénieux de contrecarrer les
+intentions de la police: elle a enlevé la porte et arraché les gonds, de
+sorte que, quand les agents sont arrivés, il leur a été impossible
+d'apposer les scellés. On voit à quels incidents de tout ordre ce
+conflit donne lieu. Le Parlement lui-même en ressent le contre-coup.
+Ainsi le Landtag vient d'adopter, par 351 voix contre 6, une proposition
+des ultramontains portant suppression du timbre sur journaux et
+almanachs. Le ministère la combattait en objectant que l'on doit
+présenter au prochain Reichstag la loi sur la presse dont il a été
+question l'année dernière, et dont les dispositions ont soulevé les plus
+vives réclamations. Encouragés par ce succès, les ultramontains ont
+déposé une motion plus hardie, tendante à l'abrogation des lois
+ecclésiastiques votées au mois de mai dernier; ils comptent sur une
+grande majorité au prochain Reichstag qui doit être élu le 10 janvier
+1874, et où l'Alsace-Lorraine sera représentée pour la première fois. II
+se pourrait que Mgr Ledochowski, archevêque de Posen, fût l'un des
+candidats élus. Cet énergique prélat a refusé de donner sa démission.
+Pour se débarrasser de lui, on songerait, dit-on, à compléter les lois
+susdites en autorisant le gouvernement à expulser les prêtres suspendus
+de leurs fonctions par la cour civile ecclésiastique. Mais, pour couvrir
+Mgr Ledochowski de l'immunité parlementaire, ses fidèles partisans se
+proposent de le faire élire, à Schrimm, comme député au Reichstag. La
+lutte, on le voit, ne saurait être plus sérieusement engagée, et des
+deux côtés elle est poussée avec un égal acharnement.
+
+ÉTATS-UNIS.
+
+Le Message présidentiel a été lu le 2 décembre au Congrès. Il constate
+que la réduction de la dette accomplie durant l'année, au moyen de
+l'excédant des recettes, s'est élevée à 43 millions de dollars, ce qui
+porte l'amortissement total de la dette à 300 millions de dollars.
+
+Le Message recommande de restreindre les privilèges des banques relatifs
+aux avances sur dépôts. Il déclare que, tant que les payements en
+espèces ne seront pas repris, le marché aura des moments difficiles. Il
+demande instamment au Congrès d'étudier la question de la circulation en
+vue de la reprise des payements en espèces, lesquels permettraient aux
+banques d'user de leurs réserves pour régler le taux des intérêts et
+augmenter la circulation dans les moments critiques.
+
+Le Message constate ensuite l'amélioration du commerce étranger, qui
+aidera à la reprise des payements en espèces.
+
+A propos du _Virginius_, le Message dit que la capture en pleine mer
+d'un bâtiment portant pavillon américain menaçait d'avoir de plus
+sérieuses conséquences, et qu'elle a agité l'opinion publique dans toute
+l'Amérique.
+
+Plusieurs passagers qui étaient citoyens américains ont été fusillés
+sans procédure régulière. Selon le principe établi, les bâtiments
+américains en pleine mer et en temps de paix sont, sous la juridiction
+de leur pays.
+
+Toute vexation subie de la part des étrangers est un attentat à la
+souveraineté des Etats-Unis, qui, se basant sur ce principe, ont demandé
+à l'Espagne de rendre le _Virginius_ et les survivants de l'équipage, de
+faire réparation au drapeau américain et de punir les autorités
+coupables.
+
+Le _Virginius_ avait des papiers en règle et le pavillon américain.
+
+L'Espagne a tout accordé.
+
+Le Message déclare, en terminant, que l'esclavage est la cause du
+malheureux état de Cuba. Il demande au Congrès d'exprimer le voeu que
+l'esclavage disparaisse de Cuba, car c'est le seul moyen de rendre
+possibles les bonnes relations entre l'Amérique et Cuba. Le gouvernement
+américain n'est pas hostile à l'Espagne, mais l'affaire du _Virginius_ a
+produit une indignation telle, que le Président a dû placer la marine
+sur le pied de guerre.
+
+Cette affaire est présentement en voie d'arrangement satisfaisant et
+honorable pour les deux pays.
+
+Le Message constate que les relations de l'Amérique avec les autres pays
+sont amicales. L'indemnité de l'affaire de l'_Alabama_ a été appliquée
+au rachat des obligations 5.20 jusqu'à concurrence de 15 millions
+500,000 dollars.
+
+Le Président reconnaît les éminents services rendus par les commissaires
+du tribunal de Genève. Il recommande la création d'une Cour spéciale
+composée de trois juges, pour entendre les plaintes des puissances
+étrangères contre les Etats-Unis. Le Président rappelle qu'il a reconnu
+le gouvernement espagnol et le félicite d'avoir émancipé les esclaves de
+Porto-Rico et restitué les propriétés américaines séquestrées à Cuba.
+L'esclavage règne encore à Cuba, protégé par un parti puissant, en
+hostilité ouverte contre le gouvernement de Madrid et plus dangereux que
+les insurgés. Dans l'intérêt de l'humanité, l'influence de ce parti doit
+être détruite.
+
+L'affaire du _Virginius_ pourrait bien se compliquer prochainement de
+l'intervention de l'Angleterre, si toutefois le gouvernement de ce pays
+ne consultait que l'opinion publique et en suivait docilement
+l'impulsion. Une Note adressée au Foreign-Office par M. Crawford, consul
+général de la Grande-Bretagne à la Havane, et communiquée aux journaux,
+a inspiré au _Times_ un article d'une grande violence et où éclate une
+vive indignation. Cette Note contient la liste des victimes de
+nationalité anglaise exécutées à Santiago: on y trouve le second du
+navire, un aide-mécanicien, trois chauffeurs, six aides pour le
+transport du charbon, deux maîtres d'hôtel et trois matelots. Ce sont de
+pareils gens employés au service du bâtiment qui ont été assimilés à des
+insurgés pris les armes à la main et fusillés sans aucune forme de
+procès. Jamais les lois humaines n'ont été plus cruellement violées. On
+peut donc s'attendre à voir le gouvernement anglais élever de justes et
+sévères réclamations contre ces barbares exécutions. Du côté de
+l'Espagne, la situation devient de plus en plus critique. Les nouvelles
+sont contradictoires. Une première dépêche de New-York, en date du 4
+décembre, annonçait, d'après des avis reçus de la Havane, que les
+principaux chefs des volontaires avaient publié un Manifeste attestant
+leur soumission aux autorités et leur confiance dans M. Jovellar,
+capitaine général de Cuba. Mais le même jour, une dépêche de la Havane
+faisait parvenir à Madrid des informations tout opposées. M. Jovellar, y
+était-il dit, avait prévenu le gouvernement espagnol que, vu l'état
+d'exaspération de l'opinion publique, il lui était impossible de
+procéder, au moins pour le moment, à l'exécution des ordres concernant
+la restitution du _Virginius_; il faisait même entrevoir la possibilité
+«de véritables catastrophes» dans le cas où l'on agirait avec trop de
+précipitation. Enfin, toujours d'après la même source, il avait offert
+sa démission. Aujourd'hui, la scène change. On télégraphie de Madrid, le
+5 décembre, onze heures cinquante minutes du soir, que les ordres du
+gouvernement seront fidèlement exécutés: le capitaine général et le
+commandant des forces navales en ont envoyé l'assurance formelle.
+Toutefois une dépêche de New-York, postérieure à la précédente et datée
+d'aujourd'hui même, nous apprend que l'Espagne avait promis de faire
+hier la remise du navire, que cet engagement n'a pas été rempli, et
+qu'il en résulte un vif mécontentement. Mais, ajoute-t-on, le cabinet de
+Washington est disposé à attendre que cette restitution puisse être
+faite sans blesser la fierté du gouvernement espagnol. C'est seulement
+dans le cas ou l'impuissance de celui-ci serait démontrée que l'affaire
+serait soumise au Congrès.
+
+Enfin, une dernière dépêche datée de Philadelphie, 9 décembre, annonce
+que des arrangements définitif' ont été pris pour que la restitution du
+_Virginius_ et des prisonniers survivants se fasse le 18 décembre. On
+assure que la frégate américaine _Worcester_ sera chargée de recevoir le
+_Virginius_ à la Havane, et que la frégate _Jumata_ aura mission de se
+rendre à Santiago pour prendre les survivants à son bord.
+
+L'insurrection de Carthagène paraît sur le point d'arriver à son terme;
+la ville et les forts ont été très-éprouvés par le bombardement
+entrepris par les troupes du gouvernement; les vivres se font rares dans
+la place et les insurgés ont dû faire sortir les bouches inutiles; huit
+cents femmes et enfants ont été transportés à Pormau, où ils se trouvent
+dans un état de détresse tel que l'amiral Yelverton, commandant
+l'escadre anglaise mouillée devant le port, a écrit à M. Castelar pour
+intercéder en leur faveur. Cependant les insurgés pensent qu'ils peuvent
+encore tenir un mois s'ils restent unis entre eux. Les forts et les
+batteries n'ont que très-peu souffert. On croit que lorsque les
+munitions seront épuisées, une grande partie des insurgés tenteront de
+s'ouvrir un passage à l'aide des vingt-cinq canons Krupp qu'ils
+possèdent, et qu'ils iront à travers les montagnes rejoindre les
+carlistes. Les autres essayeront de s'échapper à bord de la _Numancia_.
+
+
+
+Courrier de Paris
+
+M. Paul Féval se présente aux suffrages de l'Académie française, où il y
+a, pour le quart-d'heure, deux fauteuils à donner. Si j'avais à broder
+une réclame, je ne manquerais pas de dire que le candidat est,
+littérairement parlant, un homme incomparable. En dix ou douze lignes
+bien senties, il serait démontré par A plus B qu'il enfonce le passé,
+qu'il domine le présent et que l'avenir ne lui viendra pas à la
+cheville. Croyez que je n'ai rien à tenter de semblable. Je ne veux
+parler de M. Paul Féval que comme un spectateur pourrait le faire d'un
+acteur estimé de tel théâtre qu'il voit se hasarder sur une scène
+nouvelle.
+
+A coup sûr, M. Paul Féval devrait être de ceux qu'on se dispense de
+_black-bouler_. Mais l'Académie a une douane à laquelle elle tient
+mordicus. Vous objecterez tout ce qu'il vous plaira.--Voilà un conteur
+de la meilleure race. Il a fait pour la Bretagne ce que Walter Scott a
+fait pour l'Ecosse et George Sand pour le Berri. Uniquement préoccupé du
+soin de faire des loisirs à ceux qui s'ennuient, il a écrit, en
+trente-cinq ans, trois cents volumes encore debout en ce moment. Parmi
+ses livres, il en est deux qui ont fait un grand bruit, les _Mystères de
+Londres_, peinture saisissante des bas-fonds de la société anglaise, et
+un épisode de notre histoire, le _Bossu_ qui, transformé en drame, a
+récréé Paris pendant deux cents soirées. Tout cela étant bien vu, la
+nomination de ce galant homme devrait passer, ce semble, comme une
+lettre à la poste.
+
+Ce sera le contraire qui arrivera, je le crains, du moins. Au quai
+Conti, il n'y a que l'envers du juste qui ait le dessus. Quand, par
+hasard, on admet un homme qui écrit, c'est que ces vieux messieurs se
+sont fait violence. Ou bien ils ont cédé à la force de l'opinion, ou
+bien ils ont eu peur que leur corporation vermoulue ne soit devenue une
+pelote trop épinglée d'épigrammes. Il y a un troisième cas bien connu,
+mais qu'il faut rappeler sans cesse; ils cèdent devant la table: «A-t-il
+un bon cuisinier?» Voilà cinquante ans que c'est le meilleur des titres.
+Le laurier de la cuisine attire le laurier apollonien.
+
+Sur les dernières années de sa vie, Théophile Gautier, candidat quatre
+fois congédié, rapportait le mot de l'un d'eux, pendant l'une de ses
+trente-neuf visites:
+
+--Comment! monsieur, vous avez publié vingt-cinq volumes! Ah! monsieur!
+
+La mimique du vénérable et le rythme de son reproche ne pourraient être
+exprimés par aucune langue humaine. Il fallait entendre l'auteur du
+_Tricorne enchanté_ raconter cette scène d'un si haut comique.
+Vingt-cinq volumes, poèmes, romans, critique, voyages, histoire,
+n'était-ce pas bien fait pour effrayer l'imagination d'un vieillard qui,
+en sa vie entière, n'avait pu que faire des annotations et des préfaces,
+et tout au plus une petite plaquette où il est avancé que le mouchoir de
+poche n'existait pas chez les Grecs du temps de Périclès. Mais pour M.
+Paul Féval, ce serait bien une autre paire de manches! Il a écrit trois
+cents volumes. Rien qu'à cette révélation, l'immortel est capable d'en
+avoir un coup de sang!
+
+Ajoutez que ces trois cents volumes sont des romans. Une belle denrée,
+les romans! Ces Nestors les ont tous dans une sainte horreur. On a beau
+leur rappeler le mot charmant de Philippe: «J'aime mieux que l'Espagne
+ait _Don Quichotte_ que deux provinces de plus»; on leur citera en vain
+nos gloires les plus nobles et les plus pures commençant par là, comme
+Jean Racine, leur dieu, qui a commencé par traduire _Théogène et
+Chariclée_, et ils crieront toujours: «A la porte, le roman»; c'était
+l'entêtement de feu Villemain: «Si Le Sage se présentait ici, _Gil Blas_
+à la main, je prierais Le Sage de s'en retourner.»
+
+Pour ne parier que des temps où nous sommes, voyez combien ils ont été
+impitoyables pour les romanciers. Non-seulement ils n'ont pas voulu
+entendre parler de Frédéric Soulié ni d'Eugène Sue, ces deux maîtres du
+genre, mais encore ils ont rejeté M. de Balzac, le prodigieux auteur de
+la _Comédie humaine_. Lorsque Prosper Mérimée s'est présenté, il a été
+bien entendu que c'était en vue de sa traduction de Salluste et de
+quelques rapports sur des inscriptions. Léon Gozlan, ce Benvenuto
+Cellini de la Nouvelle, Méry, qui nous a légué sur l'Inde et sur la
+Chine des écrits si attachants, Théophile Gautier, dont je parlais tout
+à l'heure, autant de noms, autant de candidats rejetés. Pour Alexandre
+Dumas, l'homme aux mille romans, il savait son fait d'avance; il n'a
+jamais eu un seul instant la pensée de se présenter à un seul d'entre
+eux.
+
+Encore une fois il ne faut pas être un bien grand sorcier pour prévoir
+ce qui va survenir. Il existe toujours en quelque coin obscur un
+complaisant qui a fait jadis, pendant vingt ans, la partie de piquet
+d'un ancien premier ministre; c'est celui-là qu'on choisira. Il se peut
+encore qu'on élise un professeur fameux pour avoir mis une couverture
+nouvelle à Blaise Pascal ou bien au président Hénault. Au pis aller, on
+se rabattra sur un avocat illustre pour n'avoir jamais été imprimé. A la
+vérité, après l'avoir fait sortir de l'urne, on dira qu'on voudrait bien
+l'y remettre; c'est encore là une de leurs allures.--En tout cas, vous
+le verrez bien, ils condamneront M. Paul Féval à faire le
+pied-de-grue.--L'ombre du pauvre Philarète Chasles pourra lui tenir
+compagnie.
+
+Un de ces jours, qui sait? aujourd'hui peut-être, J. Claretie, usant de
+son droit de critique, vous parlera d'un livre posthume, déjà fort
+prôné: _Lettres à une Inconnue_. Si je m'aventure à m'occuper de cette
+nouveauté, ce n'est point, bien entendu, pour marcher sur les
+plates-bandes du confrère. Ces deux volumes fourmillent d'anecdotes, de
+mots piquants, de bruits du monde; voilà pourquoi je me hasarde à leur
+faire quelques emprunts, toujours permis aux fureteurs de la chronique.
+Lettres curieuses, pas précisément édifiantes! Celle qui se présente la
+première est sans date; on peut conjecturer qu'elle est de 1839,
+peut-être de 1840. En ce temps-là, Prosper Mérimée, ne songeant pas
+encore à devenir un personnage, n'était rien, pas même académicien. Il
+n'avait pas encore terminé _Colomba_; il vivait sur le bruit flatteur de
+ses incomparables nouvelles et du _Théâtre de Clara Gazul_. La dernière
+est tout près de nous, du 23 septembre 1870; Mérimée était mourant à
+Cannes; il avait vu sombrer la France et tomber le second empire, auquel
+il s'était attaché pour des raisons tout à fait intimes. On sait, en
+effet, qu'un mariage secret le liait à Mme de Montijo, la mère de
+l'impératrice.
+
+En vingt ans de temps, il s'était passé peu d'événements dans la vie de
+ce studieux sybarite, mais avec quelle verve et quel esprit dégagé il
+savait voir ce qui se passait chez les autres! Mais d'abord, qu'est-ce
+que l'Inconnue? Une marquise, une grande dame mariée; c'est tout ce
+qu'on en apprend et on n'en saura jamais plus. Dans l'origine, ils se
+traitaient en camarades; Prosper Mérimée l'appelait son «cher ami
+féminin». En 1842, il lui disait: «Si je ne me trompe, nous nous sommes
+vus six ou sept fois en six années, et, en additionnant les minutes,
+nous pouvons avoir passé trois ou quatre heures ensemble, dont la moitié
+à ne rien nous dire.» On croirait qu'il s'agit d'une aventure de bal
+masqué.
+
+Il raconte tout à cette inconnue, ses ennuis, ses plaisirs, ses
+insomnies, surtout ses impressions de voyage. Par exemple, en parcourant
+la Grèce, pour affaires de son commerce, c'est à savoir pour faire de
+l'archéologie, il s'amuse tout le premier du style qu'on emploie sur son
+passeport. Il grisonne et il le dit. «Au milieu de tout cela, je suis
+devenu bien vieux. Mon firman me donne des cheveux de tourterelle; c'est
+une jolie métaphore orientale pour dire de vilaines choses.
+Représentez-vous votre ami tout gris.» Une autre fois, étant de retour,
+il raconte une soirée dans laquelle il a pu présenter Mlle Rachel, alors
+débutante, à Béranger; c'était chez un ministre du roi Louis-Philippe;
+Lamartine, Victor Hugo et M. Thiers étaient là, et, bien qu'il s'agisse
+de tragédie, il faut voir comme la scène devient bouffonne!
+
+Messieurs les romanciers et les peintres de moeurs décriront le second
+empire tant qu'il leur plaira; on est en droit d'affirmer qu'ils n'en
+viendront pas autant à bout que ce railleur, donnant la description du
+bal de Mme la duchesse d'Albe (1er mai 1860).
+
+«C'était splendide. Les costumes étaient très-beaux. Beaucoup de femmes
+très-jolies et le siècle montrant de l'audace. 1° On était décolleté
+d'une façon outrageuse par en haut et par en bas aussi. A cette
+occasion, j'ai vu un assez grand nombre de pieds charmants et beaucoup
+de jarretières dans la valse. 2° Croyez que, dans deux ans, les robes
+seront courtes, et que celles qui ont des avantages naturels se
+distingueront de celles qui n'en ont que d'artificiels.» Il raconte
+ensuite le ballet des Eléments, un des triomphes du règne. Seize dames
+de la cour, en courts jupons, couvertes de diamants. «Les Naïades
+étaient poudrées avec de l'argent, qui, tombant sur leurs épaules,
+ressemblait à des gouttes d'eau. Les Salamandres étaient poudrées d'or.
+Il y avait une Mlle E*** merveilleusement belle. La princesse M*** était
+en Nubienne, peinte en couleur bistre très-foncé, beaucoup trop exacte
+de costume. Au milieu du bal, un domino a embrassé Mme de S***, qui a
+poussé les hauts cris. La salle à manger avec une galerie autour, les
+domestiques en costume de pages du XVIe siècle, et de la lumière
+électrique, ressemblait au _Festin de Balthazar_ dans le tableau de
+Wrowthon.»--Y a-t-il beaucoup de coups de burin qui vaillent ces coups
+de plume?
+
+En bon courtisan, le sénateur parle aussi de Napoléon III, qui, en
+raison de son mariage avec la comtesse, était son beau-fils.
+
+«L'empereur avait beau changer de domino, on le reconnaissait d'une
+lieue; l'impératrice avait un burnous blanc et un loup noir qui ne la
+déguisaient nullement. Beaucoup de dominos, et, en général, fort bêtes.
+Le duc de *** se promenait en arbre, vraiment assez bien imité.»--Ce
+pauvre duc! Mérimée ne le lâche pas, et je n'ose point répéter tout ce
+qu'il met sur son compte.
+
+Un autre récit très-caractéristique, c'est celui de la première
+représentation de l'opéra de Richard Wagner, rue Le Peletier.
+
+«Un dernier ennui, mais colossal, a été _Tannhaüser_. Les uns disent que
+la représentation à Paris a été une des conventions secrètes du traité
+de Villafranca; d'autres, qu'on nous a envoyé Wagner pour nous forcer
+d'admirer H. Berlioz. Le fait est que c'est prodigieux. Il me semble que
+je pourrais écrire demain quelque chose de semblable, en m'inspirant de
+mon chat marchant sur le clavier d'un piano. La salle était
+très-curieuse. La princesse de Metternich se donnait un mouvement
+terrible pour faire semblant de comprendre et pour faire commencer les
+applaudissements qui n'arrivaient pas. Tout le monde bâillait; mais,
+d'abord, tout le monde voulait avoir l'air de comprendre cette énigme
+sans mot. On disait, sous la loge de Mme de Metternich, que les
+Autrichiens prenaient la revanche de Solférino. On a dit encore qu'on
+s'ennuie aux récitatifs et qu'on se _tanne aux airs._»--Un des plus
+illustres de l'Académie française se _fendant_ d'un calembourg.--Allons,
+je n'irai pas plus loin.
+
+Philibert Audebrand.
+
+
+
+[Illustration: Le GÉNÉRAL DE COLOMB, SUBSTITUT. LE GÉNÉRAL POURCET,
+COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT. PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--L'ACCUSATION.]
+
+[Illustration: Maréchal Bazaine. Me Lachaud. Me Lachaud fils. PROCÈS DU
+MARÉCHAL BAZAINE.-LA DÉFENSE.]
+
+
+
+LA SOEUR PERDUE
+
+Une histoire du Gran Chaco
+
+(Suite)
+
+Les pierres furent disposées et arrangées par Gaspardo en forme de
+muraille grossière. Bien que construite dans l'obscurité, elle était
+assez forte pour résister aux attaques d'un animal quelconque,
+l'éléphant excepté. Or, comme il ne se trouve pas d'éléphants dans le
+Chaco, les voyageurs semblaient n'avoir plus rien à craindre.
+
+Tel était l'avis de Gaspardo qui encore une fois partit à la recherche
+de son briquet.
+
+«J'ai un bout de chandelle de cire», dit-il; «que Dieu me le pardonne,
+je l'avais ramassé dans l'église de l'Asuncion. Elle avait été allumée
+sur le corps de ma pauvre vieille mère, et je désirais la garder comme
+souvenir. _Ay Dios!_ qui eût jamais pensé que ce serait en pareille
+circonstance que j'aurais à la rallumer? Mais il est malsain de manger
+dans l'obscurité. Je n'ai jamais aimé cela; ce qu'on mange ne vous
+profite pas quand les yeux n'en ont pas leur part.»
+
+Gaspardo affectait de parler avec bonne humeur. Il connaissait le lourd
+fardeau qui pesait sur le coeur de ses jeunes compagnons et il espérait
+l'alléger en les détournant un peu de leurs pensées. Mais aucun d'eux ne
+fit chorus à sa bonne volonté; il battit donc le briquet et le cierge
+fut enfin allumé.
+
+C'était un gros bout de cierge, long d'environ six pouces et fabriqué
+avec la cire de l'abeille sauvage qu'on emploie dans les églises du
+Paraguay. Sa flamme brillante éclairait tous les objets contenus dans la
+caverne, les voyageurs, leurs chevaux, leurs bagages et le jaguar étendu
+mort à l'entrée, dont la peau jaune mouchetée se détachait sur le fond
+sombre du rocher.
+
+Mais à peine la flamme eut-elle pris toute sa vigueur, que les yeux des
+voyageurs eurent la très-désagréable surprise d'être subitement arrêtés
+par la vue d'une seconde peau de jaguar, non moins mouchetée, mais bien
+plus brillante que la première. C'était un second jaguar, non pas mort
+celui-là, mais vivant et bien vivant, couché sur un bloc de rocher à
+l'extrémité la plus reculée de la grotte!
+
+Il avait au moins deux fois la taille de celui qui avait été tué et son
+aspect était dix fois plus effrayant. Au premier coup d'oeil, on le
+reconnaissait pour le mâle dont Gaspardo avait parlé.
+
+«C'est le mâle»! dit-il aussitôt que la lumière du cierge lui eut permis
+de le distinguer. «_Santissima!_ et nous nous sommes donnés bien du mal
+pour nous assurer sa compagnie!»
+
+Ses compagnons pétrifiés par la surprise gardaient le silence.
+
+«_Carrai_»! grommela le gaucho entre ses dents. «Je m'étonne qu'il soit
+resté si longtemps tranquille. Il faut que la tormenta ait
+singulièrement modifié son humeur. Qui peut savoir ce qui se passe dans
+sa tête, et ce qui cause son immobilité. Ne nous y fions pas. L'envie
+peut lui prendre subitement de sauter sur nous et un animal de cette
+taille, mes enfants, se moquerait autant d'une balle que d'un coup de
+cravache. Regardez-le, il est presque aussi gros qu'un de nos chevaux!
+On ne fait pas deux miracles dans la même journée.--Une balle qui le
+blesserait seulement au lieu de le tuer ne ferait que le rendre plus
+formidable.»
+
+Les deux jeunes gens tenaient à la main leurs carabines.
+
+«Faut-il faire feu néanmoins? demandèrent-ils.
+
+--Gardez-vous-en bien, sur votre vie! mieux vaudrait essayer de lui
+céder la place, si l'état de terreur, de stupéfaction, d'engourdissement
+où la tormenta met souvent les animaux les plus énergiques et les plus
+violents devait nous en laisser le temps. J'entends la pluie tomber par
+torrents, mais cela ne fut rien, tout plutôt qu'une rencontre avec un
+gaillard comme celui-ci. S'il pleut c'est que la poussière est
+abattue,--et c'est le principal. Nous pourrions peut-être nous en tirer
+personnellement en lui abandonnant nos montures, et en filant pour notre
+compte par la lucarne que nous avons laissée à notre barricade... Elle
+ne suffirait pas à le laisser passer,--mais nous avons autant besoin de
+nos montures que de nous-mêmes et d'ailleurs ce serait une lâcheté que
+de livrer nos bonnes bêtes à ce brigand-là. Il n'y a pas deux partis à
+prendre. Ouvrons notre barricade, défaisons de nos mains l'ouvrage de
+nos mains. Détruire est plus facile que de bâtir.--A l'oeuvre donc. Que
+Cypriano qui a une bonne arme fasse sentinelle. Si le jaguar bouge visez
+à l'oeil, mon enfant!»
+
+Et tandis que Ludwig tenait le cierge, Gaspardo dont la force musculaire
+était doublée par l'imminence du danger se mit à démolir sa muraille.
+
+Dès qu'une ouverture fut pratiquée, suffisamment grande pour leur livrer
+passage ainsi qu'à leurs chevaux, le gaucho écarta les ponchos et jeta
+un regard au dehors.
+
+Cependant, tenu en respect par Cypriano, qui le couchait en joue, ou
+sous le poids encore de l'émoi que lui causait la tourmente, le jaguar
+n'avait pas bougé. Ses yeux fixes et brillants n'avaient pas quitté ceux
+de Cypriano. L'intrépide enfant n'avait pas bronché. Mais le moment le
+plus périlleux devait être celui de la retraite. Il en est de l'animal
+comme de l'homme, tout ce qui ressemble à une fuite de son adversaire
+est comme un signal d'attaque qu'il reçoit.
+
+A ce moment une exclamation du gaucho attira l'attention de Ludwig.
+
+«Qu'y a-t-il, Gaspardo? lui demanda-t-il.
+
+--Il y a, répondit Gaspardo avec un geste de désespoir, il y a qu'il n'y
+a pas moyen de sortir. Regardez!»
+
+L'eau s'était élevée de six pieds au-dessus de son premier niveau et
+elle coulait en bas de la caverne avec la violence d'un torrent, le
+courant balayait jusqu'à l'entrée de la grotte et ne laissait pas un
+pouce de sentier par lequel les hommes et les chevaux pussent opérer
+leur retraite. Toute issue était évidemment coupée. La circonstance
+était critique, car rester dans la caverne, c'était rester à la
+discrétion du jaguar.
+
+Le ciel, en s'éclairant, projetait jusqu'au fond de l'antre une faible
+lueur qui leur permettait d'apercevoir l'affreuse bête couchée dans sa
+redoutable immobilité. Il semblait qu'avertie par un secret instinct de
+l'impossibilité où étaient désormais ses victimes de lui échapper, elle
+eût jusque-là contemplé avec un imperturbable dédain la vanité de leurs
+efforts.
+
+L'ouragan se calmait. Les grondements du tonnerre s'éloignaient. Le
+moment approchait où l'animal allait retrouver son habituelle férocité
+et bondir soit sur les hommes, soit sur leurs montures.
+
+La lutte était donc devenue inévitable. En désespoir de cause, Gaspardo
+et les deux jeunes gens se tenaient prêts au combat. La carabine à la
+main, leur couteau de chasse entre les dents, Ludwig et Cypriano
+n'attendaient que l'ordre de faire feu. Gaspardo hésitait encore à le
+donner; évidemment, il eût tout préféré à une rencontre où l'un d'entre
+eux, tout au moins, pouvait perdre la vie; quand tout à coup, posant bas
+sa carabine, il se mit à chercher quelque chose avec une fiévreuse
+impatience dans une des sacoches de son recado.
+
+Il se souvenait d'y avoir caché une fusée du genre de celles dont on se
+sert pour exciter les taureaux au combat. Il avait pris cette précaution
+dans la prévision que cela pourrait lui servir, pour étonner et amuser
+ou terrifier suivant l'occasion les Indiens. C'est un vieux tour des
+gens des frontières et qui est souvent couronné de succès parmi les
+sauvages.
+
+«Ne bougez pas, murmura-t-il à l'oreille de ses amis, ne quittez pas la
+place où vous êtes. Laissez-moi faire. J'ai mon idée.»
+
+Tous deux conservèrent leur place à l'entrée de la caverne, semblables à
+deux sentinelles silencieuses.
+
+
+CHAPITRE IX
+
+AU HASARD
+
+Quoique encore sous l'empire d'une grande émotion, Ludwig et Cypriano
+étaient fort intrigués, et se demandaient du regard ce qui avait bien pu
+passer dans la cervelle de leur ami.
+
+Les moments étaient trop précieux pour que le gaucho songeât à prolonger
+leur attente. Il s'avança rapidement vers le cierge que Ludwig avait
+fixé dans une des anfractuosités de la caverne,--et leur ayant
+recommandé de se coller contre les parois,--pour laisser libre l'entrée
+tout entière, il approcha de la flamme du cierge la mèche de sa fusée et
+la lança sur le jaguar. Ce fut comme une illumination soudaine: la
+lumière éclatante suivie d'un sifflement aigu s'était élancée comme un
+serpent de feu sur l'animal, l'avait atteint au flanc et s'était
+attachée à sa peau en tournoyant comme un soleil et en l'inondant
+d'étincelles.
+
+C'était évidemment le premier feu d'artifice qu'on eût jamais tiré en
+son honneur.
+
+Poussant un formidable rugissement qui fit frémir les parois du rocher,
+l'énorme animal effaré bondit d'épouvante sur sa couche, et en trois
+bonds traversant la caverne et traînant derrière lui comme la queue
+enflammée d'une comète, il alla se précipiter dans le torrent.
+
+C'était assurément ce qu'il avait de mieux à faire pour éteindre la
+fusée qui sifflait entre les poils de sa fourrure, et pour débarrasser
+nos voyageurs de sa fâcheuse compagnie.
+
+En un instant, son corps fut hors de vue, enlevé par le courant du ravin
+débordé. Gaspardo, monté sur le roc où était tout à l'heure le jaguar,
+criait du fond de la grotte:
+
+«Pour cette fois, Muchachos, nous pouvons nous mettre à table; je
+suppose que nous ne risquons plus d'être dérangés!»
+
+Ludwig et Cypriano ne pouvaient revenir de l'étrange et expéditive façon
+dont le gaucho les avait tirés d'affaire.
+
+«On ne pense pas à tout, répondit modestement le brave homme. J'aurais
+dû commencer par là, et ni vous ni moi ne nous serions écorchés les
+mains à faire et à défaire nos inutiles fortifications.»
+
+Ludwig et Cypriano regrettaient bien un peu de ne pas avoir abattu le
+jaguar mâle, comme Gaspardo avait abattu la femelle; mais ils ne
+voulurent pas gâter la joie de leur ami, qui était cent fois plus fier
+de son expédient qu'il ne l'eût été du coup de fusil le mieux réussi.
+
+Quand nos voyageurs eurent achevé leur repas, la tempête avait
+complètement cessé.
+
+La _tormenta_ diffère du _temporal_; la première disparaît aussi
+rapidement qu'elle est venue, l'autre se termine graduellement et est
+suivie par des brumes qui remplissent l'atmosphère et par une fraîcheur
+humide qui parfois dure plusieurs jours. Il n'en est pas ainsi d'une
+véritable tempête de poussière. Elle arrive sans être précédée de signes
+autres que ceux connus seulement des initiés, ceux par exemple que
+Gaspardo avait lus dans la corolle des fleurs de l'arbre baromètre, et
+elle cesse aussi soudainement, sans avertir autrement du moment où elle
+prend fin.
+
+Lorsqu'ils revinrent à l'entrée de la grotte et regardèrent au dehors,
+il n'y avait pas plus de traces de l'ouragan que s'il n'eût jamais
+existé. Au-dessus de la berge opposée de l'arroyo, ils pouvaient
+distinguer un espace de ciel d'une belle nuance azurée, et par les
+rayons de lumière qui plongeaient dans le vallon, ils voyaient que le
+soleil brillait aussi pur qu'avant d'avoir été obscurci par les nuages
+épais de la poussière.
+
+Cette terrible lutte des éléments avait duré en tout une heure. Ils
+l'auraient considérée comme un rêve s'ils n'eussent eu sous les yeux,
+s'étendant sur les pentes du terrain, les traces de sa furie; des arbres
+déracinés, d'autres oscillant, des branches brisées et déchirées, des
+bouquets d'arbustes couchés comme des roseaux, enfin, à leurs pieds, un
+torrent écumant remplaçant le mince ruisseau que leurs chevaux avaient
+traversé à gué une heure à peine auparavant.
+
+Sans cet obstacle tort sérieux, ils auraient immédiatement repris leur
+voyage, mais d'un seul coup d'oeil, ils en avaient reconnu
+l'impossibilité. Comme le paysan de la fable, mais avec plus de raison
+puisqu'ils n'avaient devant eux qu'un fleuve improvisé et accidentel,
+ils devaient attendre le moment où les eaux baisseraient.
+
+«Nous n'en avons pas pour longtemps, mes enfants, dit le gaucho, en
+remarquant leur impatience, et en essayant de les encourager.
+
+--Non, continua-t-il, après être resté un instant les yeux fixés sur le
+torrent, pas pour bien longtemps. Ce débordement, né de la tourmente qui
+l'a produit, baissera aussi vite qu'il s'est élevé. Il est déjà tombé de
+plus d'un demi-pied; voyez les traces qu'il a laissées sur les pierres.»
+
+Et il désigna du doigt un endroit que l'eau boueuse avait mouillé et
+dont elle s'était déjà retirée. C'était bon signe. Tous trois
+retournèrent donc dans la grotte pour y empaqueter leurs bagages, donner
+quelques soins à leurs montures, sur lesquelles la tourmente avait agi
+autant que sur le jaguar, et se préparer à reprendre leur route.
+
+Aussitôt cette besogne terminée, le gaucho se donna sur la poitrine, en
+guise de _mea culpa_, un coup de poing qui en eût abattu un autre que
+lui-même.
+
+«Santo Dios! je perds la tête, s'écria-t-il, c'est pitié de laisser ce
+beau jaguar derrière nous. Sa peau vaudrait de l'argent si quelqu'un la
+portait au marché. Comme le mâle était beau! Jamais je n'en ai vu un
+plus magnifique. Ah! si votre....»
+
+Il s'arrêta brusquement.
+
+Mayne Reid.
+
+(La suite prochainement.)
+
+
+
+NOS GRAVURES
+
+Procès du maréchal Bazaine
+
+LA BUVETTE DES TÉMOINS.
+
+Au moment où paraîtront ces lignes, le verdict du 1er conseil de guerre,
+vers lequel en ce moment toute la France a les yeux tournés, sera
+prononcé ou bien près de l'être. Le M. le général Pourcet a commencé la
+lecture de son réquisitoire, qui s'est prolongée jusqu'à la fin de
+l'audience du 5 décembre. Le 6, la parole a été donnée à la défense, qui
+la gardera certainement au moins aussi longtemps que l'accusation. C'est
+donc vers la fin de la semaine que, selon toute vraisemblance, le sort
+de l'accusé sera fixé. L'auditoire, est-il besoin de le dire? est plus
+nombreux que jamais et, ajoutons-le, il trahit par sa physionomie plus
+grave et plus réservée l'imminence du dénoûment de ce grand drame.
+Chacun en effet, comprend qu'au moment où la justice va parler, il doit
+refouler, au moins en public, ses impressions propres et attendre en
+silence qu'elle prononce le mot suprême. Il est vrai qu'il se dédommage
+à la suspension de l'audience. La buvette des témoins, que représente
+notre dessin, est le lieu où s'échangent volontiers les commentaires. On
+y rappelle les arguments de l'accusation et ceux de la défense, on les
+compare entre eux, et on cherche à en dégager la conséquence. Mais là
+encore, même en s'aventurant sur ce terrain glissant, on use de réserve
+et l'on ne sort pas de la stricte mesure que réclament les convenances.
+
+L'ACCUSATION.
+
+Les membres qui composent le parquet dans le procès Bazaine sont au
+nombre de huit, savoir:
+
+M. Alla, greffier titulaire du premier conseil de guerre, auquel on a,
+pour la circonstance, adjoint M. Castres, greffier en retraite. A gauche
+de MM. Alla et Castres se tient le maréchal des logis de la garde
+républicaine qui a le titre d'appariteur, et remplit des fonctions
+analogues à celles des huissiers dans les cours d'assises.
+
+Puis viennent, devant la table où sont assis les membres du parquet, M.
+le général Pourcet, puis M. le commandant Martin, chef de bataillon en
+retraite, et qui assiste de droit aux débats en sa qualité de
+commissaire du gouvernement titulaire près le premier conseil de guerre,
+M. le général de division de Colomb, jeune avec son grade, car il n'est
+âgé que de quarante-neuf ans. Sorti de Saint-Cyr en 1844, il a conquis
+tous ses grades en Afrique, à l'exception du dernier, qu'il doit à sa
+belle conduite à l'armée de la Loire. Son titre officiel est: substitut
+du commissaire spécial du gouvernement, M. Pourcet.
+
+Tout à fait à gauche sont assis deux jeunes capitaines, M. Avon, du
+corps d'état-major, et M. Boisselier, de l'infanterie. Ces messieurs
+n'ont pas de titre officiel; en réalité ils sont adjoints à M. le
+général Pourcet pour les immenses travaux que nécessitent l'examen et la
+manipulation d'un dossier fabuleusement volumineux.
+
+LA DÉFENSE.
+
+Le maréchal Bazaine a confié, on le sait, le soin de sa défense, à Me
+Lachaud, assisté de son fils et du colonel Villette, aide de camp du
+maréchal.
+
+Nous avons parlé de ce dernier en donnant son portrait, il y a quelques
+semaines; nous n'avons donc pas à y revenir. Quant à M. Lachaud fils, le
+temps lui a fait défaut pour travailler à l'auréole dont il ne peut
+manquer un jour ou l'autre de ceindre son front, si tant est que le
+proverbe soit vrai; mais pour le moment il ne brille encore que des
+rayons de la gloire paternelle, assez grande, après tout, pour contenter
+deux ambitions, même exigeantes.
+
+Me Lachaud a aujourd'hui cinquante-six ans. Né à Treignac (Corrèze) le
+25 février 1818, il exerçait sa profession d'avocat à Tulle, lorsque Mme
+Lafarge le choisit pour défenseur. Ce fameux procès commença sa
+réputation, qu'acheva d'établir le procès Marcellange. C'est alors que
+Me Lachaud vint à Paris, où il ne tarda pas à prendre au barreau
+parisien une des premières places. Il brilla surtout devant la cour
+d'assises, où son éloquence naturelle, admirablement servie par une voix
+aussi souple que sympathique et des facultés mimiques très-développées,
+lui assura un grand ascendant aussi bien sur les juges que sur
+l'auditoire. Parmi les affaires qu'il y plaida, citons les affaires
+Pavy, de Preigne, Carpentier, Lescure, de Merci, Lemoine, Taillefer et
+Troppmann.
+
+Nous pouvons maintenant ajouter à cette liste l'affaire Bazaine, qui
+prime incontestablement toutes les autres, aussi bien par la position
+élevée de l'accusé, que par les circonstances exceptionnelles qui ont
+donné lieu à l'accusation.
+
+P. S.--Au moment de mettre sous presse, nous recevons la nouvelle que le
+1er conseil de guerre vient de rendre son arrêt, que nous n'attendions
+pas si tôt. Mais le conseil a siégé de neuf heures du matin à neuf
+heures du soir, le 10; et dans cette séance si longue ont eu lieu la fin
+de la plaidoirie de Me Lachaud et les répliques. A quatre heures et
+demie, les débats ont été clos et à neuf heures moins un quart, après
+une délibération qui n'a pas duré moins de quatre heures, le conseil
+rentrait en séance, rapportant son verdict. Quatre questions lui avaient
+été posées.
+
+lre question.--Le maréchal Bazaine est-il coupable d'avoir, en octobre
+1870, capitulé, son armée étant en rase campagne?
+
+2e question.--Cette capitulation a-t-elle eu pour résultat de faire
+poser les armes à sa troupe?
+
+3e question.--Le maréchal Bazaine a-t-il traité verbalement ou par écrit
+avec l'ennemi, sans avoir fait tout ce que lui prescrivaient le devoir
+et l'honneur?
+
+4e question.--Le maréchal Bazaine, mis en jugement sur l'avis du conseil
+d'enquête, est-il coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, rendu la
+place qui lui était confiée, sans avoir épuisé tous les moyens de
+défense dont il disposait et sans avoir fait tout ce que prescrivaient
+le devoir et l'honneur?
+
+A ces quatre questions, chacun des membres du conseil ayant répondu
+affirmativement, le maréchal Bazaine a été condamné à l'unanimité à la
+peine de mort, avec dégradation militaire.
+
+
+
+La capture du "Virginius".
+
+Nous recevons, par la voie des États-Unis, une intéressante
+correspondance sur le _Virginius_, dont la capture par le croiseur
+espagnol le _Tornado_, a eu pour résultat de créer, entre l'Espagne et
+les États-Unis, le grave conflit que nous avons déjà eu occasion de
+signaler.
+
+Le _Virginius_ est un vapeur à roues, entièrement en fer, de 100
+tonneaux de capacité et d'une longueur de 220 pieds. Il a été construit
+en Angleterre, en 1864, pendant la guerre de la sécession, pour le
+compte des confédérés, qui l'employaient à forcer le blocus des côtes
+des États du Sud.
+
+Capturé, avec un chargement de coton, par les forces fédérales, lors de
+la prise de Mobile, il fut vendu aux enchères, après la guerre, par le
+gouvernement des États-Unis et acheté pour le compte de l'insurrection
+cubaine, qui venait d'éclater. Le _Virginius_ reprit aussitôt son
+aventureuse carrière; monté par un équipage déterminé, sous le
+commandement de Joseph Fry, un Louisianais, il venait s'approvisionner à
+New-York d'armes et de munitions qu'il allait ensuite débarquer sur la
+côte cubaine. Vingt fois il avait failli être pris par les croiseurs
+espagnols et vingt fois il leur avait échappé, grâce à la présence
+d'esprit de son hardi capitaine, dont la réputation était devenue
+légendaire. Enfin, le 31 octobre dernier, il fut aperçu par le vapeur
+espagnol le _Tornado_ au moment où il arrivait au but d'un nouveau
+voyage de ce genre; dès qu'il se vit reconnu, le capitaine Fry fit force
+de voiles et de vapeur pour s'échapper, car il n'était pas armé de
+manière à accepter la lutte avec un navire de guerre; malheureusement le
+_Virginius_ tenait la mer depuis plus d'un an; le mauvais étal de sa
+coque avait diminué sa vitesse d'autrefois, et pour comble de malheur,
+on était à bout de combustible; vainement on jeta la cargaison
+par-dessus bord pour s'alléger, vainement on entassa dans les fourneaux
+les boiseries, les caisses défoncées et jusqu'à des barils de lard qui
+se trouvaient à bord, le _Tornado_ gagnait de vitesse et, après une
+chasse de huit heures, le _Virginius_ était rejoint au moment où il
+arrivait en vue de la Jamaïque, où il eut pu se réfugier sous la
+protection du drapeau britannique. On sait le reste et comment
+l'équipage du _Virginius_, conduit à Santiago, paya de sa vie son audace
+tant de fois heureuse. La gravure que nous publions aujourd'hui montre
+les deux navires au moment où le _Virginius_, à bout de forces, amène
+son pavillon et se met en panne pour recevoir le canot du Tornado.
+
+Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur la sanglante tragédie de
+Santiago qui a été l'épilogue de ce drame, et nous publierons à ce sujet
+d'autres dessins que nous avons reçus trop tard pour les faire paraître
+aujourd'hui.
+
+
+
+Inauguration du monument de Champigny
+
+Le 28 novembre un grand courant d'enthousiasme régnait dans la capitale.
+C'est que quelques jours auparavant, la nouvelle de la victoire
+remportée sur les Prussiens à Couliniers par l'armée de la Loire, s'y
+était répandue et que le gouvernement, sous la pression de l'opinion
+publique, se décidait enfin à faire un effort sérieux en vue de briser
+le cercle d'investissement et de donner la main à la jeune armée qui
+s'avançait à notre secours.
+
+En conséquence, une grande sortie était décidée. Trois proclamations
+aussi retentissantes qu'elles furent vaines, annoncèrent l'événement au
+public.
+
+On sait comment tout ce beau mouvement avorta. L'armée, qui devait
+passer la Marne dans la nuit du 28 au 29 novembre, ne put le faire, les
+ponts se trouvant trop courts! Il fallut attendre vingt-quatre heures.
+L'ennemi mis en garde par cette inexcusable faute, prit ses mesures en
+conséquence. Il ramassa ses forces sur le point menacé, et au lieu de le
+surprendre et de le culbuter, ce fut une grande bataille qu'il fallut
+lui livrer en avant de Champigny.
+
+Néanmoins le village fut enlevé et l'ennemi obligé de reculer jusqu'au
+parc de Coeuilly. Mais les morts étaient nombreux. La journée du 1er
+décembre fut employée de part et d'autre à les ramasser.
+
+Le 2, les Prussiens reprirent l'offensive, refoulant d'abord nos troupes
+qui finalement regagnèrent toutes leurs positions. Mais, épuisées par ce
+double et pénible effort de deux jours de bataille, qu'avec un peu de
+prévoyance on leur eut épargné, elles étaient incapables, pour continuer
+leur marche, d'en faire un troisième, dans des conditions de difficultés
+beaucoup plus grandes encore. Dans la nuit du 2 au 3 on leur fit donc
+repasser la Marne, abandonnant ce plateau de Champigny, deux fois
+conquis au prix de tant d'efforts stériles et de sang inutilement
+répandu.
+
+C'est sur ce plateau, au bord de la route de Paris, que s'élève le
+monument inauguré le 2 de ce mois. M. Vaudremer, architecte de la ville
+de Paris, en est l'auteur. C'est une pyramide en pierre grise, assise
+sur un soubassement et portant sur l'un des côtés un bouclier où l'on
+voit un guerrier blessé s'appuyant sur l'autel de la patrie. Au-dessus,
+on lit ces mots: _Défense de Paris_; au-dessous: _Bataille de
+Champigny_, 30 novembre, 2 décembre 1870. De l'autre côté de la pyramide
+est la devise de la ville de Paris: _Fluctuat nec mergitur_.
+
+
+
+[Illustration: ÉVÉNEMENTS DE CUBA.-Capture du _Virginius_ par le
+_Tornado_ dans les eaux de la Jamaïque.]
+
+[Illustration: LE MONUMENT COMMÉMORATIF DE LA BATAILLE DE CHAMPIGNY,
+INAUGURÉ LE 2 DÉCEMBRE 1873.]Le naufrage de la "Ville-du-Havre".
+
+
+
+Nous n'avons pu qu'annoncer dans notre dernier numéro l'épouvantable
+catastrophe de la _Ville-du-Havre_, réputée le plus vaste des paquebots
+après le _Great-Eastern_. Les relations qui nous sont parvenues nous
+permettent de donner à nos lecteurs un récit du désastre.
+
+Le 15 novembre, à trois heures de l'après-midi, la Ville-du-Havre
+quittait son _warf_ de New-York emmenant 135 passagers, 172 hommes
+d'équipage et de service et transportant une cargaison de blé, coton,
+cuir et graisses. Pendant les premiers jours, la traversée fut
+contrariée par le mauvais temps; puis, quand on fut sur le banc de
+Terre-Neuve, par un brouillard intense, commun du reste dans ces
+parages, dans la crainte d'aborder ou d'être abordé, le capitaine
+Surmont dut faire vibrer le sifflet d'alarme de minute en minute, et,
+tout le temps qu'il y eut danger, il ne voulut laisser à aucun de ses
+officiers la responsabilité des manoeuvres. La journée du 20 fut assez
+belle, ce qui permit aux passagers de jouir de la promenade sur la vaste
+dunette d'arrière, aux enfants de se livrer à leurs jeux, et, le soir,
+quelques amateurs purent s'offrir dans le salon, un concert improvisé,
+dont la _Dernière pensée de Weber_ fut le morceau final. La nuit étant
+claire, rien ne paraissant à craindre, le capitaine se décida à
+descendre dans sa cabine pour y prendre quelques heures de repos, mais
+après avoir donné l'ordre formel de le prévenir du moindre incident.
+
+C'est à partir de ce moment que l'on ne sait plus d'une manière certaine
+ce qui s'est passé, ni même l'heure précise de la catastrophe. Toujours
+est-il qu'entre une heure et deux heures du matin, des ordres de
+manoeuvre étaient donnés, exécutés précipitamment, mais trop tard... la
+_Ville-du-Havre_ éprouvait une commotion violente, suivie d'une série de
+craquements formidables, se renversait à demi; passagers, officiers et
+matelots, réveillés en sursaut, et accourus sur le pont, apercevaient la
+masse d'un grand voilier qui, ayant enfoncé les bordages du paquebot,
+laissait les débris de son étrave au milieu de celui-ci. Le navire
+abordant était le voilier en fer, le _Loch-Earn_ (Lac ardent), capitaine
+Robertson.
+
+Le capitaine Surmont s'était élancé sur la passerelle de commandement.
+D'un coup d'oeil il comprit que tout était perdu. La _Ville-du-Havre_
+portait au flanc de la chambre des machines une trouée large de cinq à
+six mètres, profonde de quatre, par laquelle l'eau s'engouffrait en
+cataractes bruyantes pour se répandre dans les profondeurs du bâtiment
+avec des grondements et des clapotements sinistres. On n'avait pas eu le
+temps de fermer les cloisons étanches, de telle sorte que les foyers
+ayant été éteints, chaudières et machines furent immédiatement
+paralysées.
+
+Eperdus, les passagers se pressaient sur la dunette d'arrière, les uns à
+peine vêtus ou dans leur costume de nuit, les autres ayant eu le temps
+de se couvrir de quelques vêtements ou de prendre avec eux leurs objets
+les plus précieux. A un premier moment, non de désordre mais seulement
+de trouble, succéda un certain apaisement, quand on vit le capitaine à
+son poste et les officiers se multipliant pour indiquer à chacun ce
+qu'il y avait à faire. Dans le court espace de temps écoulé entre
+l'abordage et le naufrage, il y eut des exemples de sang-froid
+admirable, de sublime résignation, de devoir noblement compris. Debout
+sur le pont, un petit sac à la main, leurs enfants dans les bras ou se
+pressant contre leur père ou leur mari, des femmes attendaient que les
+canots fussent mis à la mer; quelques-unes s'étant agenouillées,
+priaient avec ferveur, pendant qu'un prêtre catholique leur donnait
+l'absolution suprême; des enfants à demi-nus, devinant le péril sans le
+comprendre, cherchaient d'instinct un refuge dans les bras de leur mère.
+
+Si la collision avait eu lieu en plein jour, les secours eussent été
+plus efficaces, mais la nuit d'une part, la perte de plusieurs des
+embarcations de la _Ville-du-Havre_ de l'autre, rendaient le sauvetage
+difficile. On venait d'installer une cinquantaine de personnes dans deux
+canots intacts, lorsque le grand mât et le mât d'artimon, déjà ébranlés,
+oscillèrent et s'abattirent presque en même temps, brisant les canots,
+tuant et blessant la plupart des malheureux qui déjà se voyaient sauvés.
+En vain, raconte un matelot, on voulut retirer quelques survivants de
+l'amas enchevêtré de vergues rompues, de cordages, de débris de
+planches, on n'en eut pas le temps. Ce grave accident précipita le
+dénoûment, car la chute des mâts fit incliner davantage le paquebot, et
+tous ceux qu'il portait sentirent que leur dernière heure était venue.
+
+Il n'est guère possible de s'imaginer l'horreur du drame dont notre
+dessin donne un aperçu pris du milieu du navire, entre les deux
+cheminées, près de l'escalier de la dunette des premières.
+
+La _Ville-du-Havre_ oscillait comme en proie aux dernières convulsions;
+on vit, rapporte un passager, une jeune fille soutenant sa mère et lui
+disant: «Courage, ma mère, courage, dans quelques minutes nous entrerons
+au ciel.» Quatre charmantes petites filles encourageaient ceux qui les
+entouraient en leur disant: «Prions le bon Dieu de nous recevoir auprès
+de lui.» Rien, raconte M. Lorriaux, ministre protestant, ne peut donner
+une idée de la résignation des femmes pendant cette catastrophe. Un
+officier de la marine américaine avait trois filles qui voulaient périr
+avec lui: «Je sais, dit-il, en leur adressant le dernier adieu, que la
+Providence veut vous sauver, n'allez donc pas contre sa volonté.» Deux
+seulement de ces jeunes filles furent recueillies.
+
+Moins d'un quart-d'heure après le choc, la _Ville-du-Havre_
+disparaissait sous les Ilots, qui se précipitèrent en tourbillonnant
+dans l'immense vide formé; et les malheureux renversés dans l'eau, ceux
+que la vague ramena à la surface, ou qui plus heureux avaient pu saisir
+une ceinture de sauvetage, un tronçon de mât, une planche, restèrent
+ballottés par les vagues, transis, à moitié expirants, mais soutenus
+quelques instants encore par cette force surhumaine que donnent l'espoir
+et l'instinct de la conservation. La fatalité avait poursuivi le
+malheureux navire jusqu'à sa dernière minute d'existence; au moment où
+il sombrait, un canot chargé de femmes et d'enfants fut projeté par le
+remous sur le tronçon du mât d'artimon, crevé et submergé.
+
+Le _Loch-Earn_ avait pu se dégager aussitôt après l'abordage. Bien que
+fortement compromis par la perte de son avant, il se soutenait sur
+l'eau. Sans perdre un instant, son capitaine fit mettre ses embarcations
+à la mer et procéda au sauvetage. Les canots n'arrivèrent sur le lieu de
+la catastrophe qu'après la disparition complète de la _Ville-du-Havre_;
+ils recueillirent les naufragés et ne quittèrent la place que le
+lendemain matin à dix heures, quand nulle voix ne vint plus réclamer
+assistance, quand aucune victime ne parut surnager, quand enfin rien ne
+vint plus révéler que là, quelques heures auparavant, flottait l'un des
+rois de la mer. Demeuré à son poste, le capitaine Surmont coula avec son
+bâtiment, mais il eut le bonheur de saisir une planche, et vingt minutes
+après un canot le sauvait.
+
+Passagers et marins recueillis à bord du _Loch-Earn_ étaient dépourvus
+de tout, la rapidité du sinistre n'ayant permis qu'à un très-petit
+nombre d'entre eux de se munir des objets les plus indispensables: ils
+furent, de la part du capitaine Robertson et de l'équipage anglais,
+l'objet d'une sollicitude des plus touchantes, qu'ils se sont plu à
+reconnaître publiquement. Mais quel triste lendemain! Parmi ceux qui se
+trouvaient sains et saufs, il y avait une jeune mère qui avait perdu ses
+quatre enfants; une petite fille de neuf ans restée seule d'une famille
+nombreuse, et quantité d'infortunés qui, en quelques minutes, avaient vu
+mourir sous leurs yeux, père, mère, frère, soeur, mari, amis... Parmi
+ces passagers, un, M. James Bishop, avait eu le bonheur d'être
+recueilli, et c'était la troisième fois, disait-il, qu'il échappait à
+une mort imminente: il avait failli périr lors de la chute d'un train de
+chemin de fer dans une rivière et à la suite du sautage d'un navire par
+une torpille.
+
+À dix heures du matin, un trois-mâts américain, le _Trimountain_, fut
+signalé; on lui adressa des signaux de détresse, et le capitaine
+Surmont, se rendant aux instances des passagers, qui jugeaient le
+_Loch-Earn_ trop endommagé pour conserver un supplément de quatre-vingts
+à quatre-vingt-dix-personnes, fit passer les survivants sur le navire
+américain, à l'exception d'un passager malade, d'un chauffeur blessé et
+d'un troisième passager qui voulut garder son compagnon d'infortune.
+
+A qui incombe la responsabilité de la catastrophe? Une enquête nous
+l'apprendra sans doute, mais ce qui, suivant les témoignages déjà
+recueillis, parait acquis dès à présent, c'est que le _Loch-Earn_ avait
+ses feux réglementaires allumés. Son capitaine aurait dit à un passager
+qu'étonné de voir devant lui la silhouette d'un grand vapeur ne faisant
+aucun mouvement pour éviter une rencontre, il crut qu'un ou plusieurs de
+ses fanaux étaient éteints et qu'on ne l'apercevait pas; il courut à
+l'avant, s'assura qu'ils brillaient et fit manoeuvrer pour s'éloigner du
+navire en vue.
+
+A bord de la _Ville-du-Havre_, les vigies de l'avant auraient aperçu et
+signalé le _Loch-Earn_ quelques minutes avant la collision.
+
+Que s'est-il passé alors? l'officier remplaçant momentanément le
+capitaine s'était-il assoupi, n'a-t-il pas entendu l'avis qu'on lui
+donnait, ou bien ses ordres ont-ils été mal compris du timonier? Les
+auteurs principaux du drame ayant péri, il paraît difficile de savoir la
+vérité, mais des positions respectives du _Loch-Earn_ et de la
+_Ville-du-Havre_, au moment de l'abordage, semble résulter ce fait
+capital que cette dernière a dû faire une fausse manoeuvre. Dans les cas
+de rencontre en mer, c'est le vapeur, plus maniable que le voilier, qui,
+suivant les règlements maritimes, doit modifier sa route. Par conséquent
+la _Ville-du-Havre_ aurait dû incliner vers sa droite et si, pendant son
+mouvement, elle eût été abordée, c'est par son côté gauche ou de bâbord
+qu'elle eût reçu le choc. Le contraire ayant eu lieu, c'est-à-dire que
+le voilier s'étant enfoncé dans les bordages de droite ou de tribord, il
+est permis de penser que le coup de barre, indiqué ou donné, a eu pour
+résultat de faire virer le paquebot vers la gauche, ce qui lui a fait
+présenter le flanc droit au _Loch-Earn_. Si cela est, la responsabilité
+de ce dernier se trouverait dégagée.
+
+Le _Trimountain_ a conduit à Cardiff les naufragés que le steamer
+_Alice_, de Southampton, a ramenés ou rapatriés en France. Quant au
+navire, cause de ce grand malheur, il n'avait pas, ainsi que l'indique
+le rapport du capitaine Surmont, de cloison étanche proprement dite,
+mais son charpentier avait répondu, d'en établir une suffisante pour
+permettre de gagner un port. Ces prévisions ne se sont malheureusement
+pas réalisées, car, assailli par un gros temps, le _Loch-Earn_ a sombré
+en mer; son équipage et les trois naufragés qu'il avait recueillis, ont
+pu être sauvés par un bâtiment anglais se rendant d'Amérique en
+Angleterre. Ce dernier naufrage a présenté des incidents aussi
+palpitants que celui de la _Ville-du-Havre_.
+
+Terminons en notant un sentiment superstitieux qui subsiste parmi les
+populations maritimes de certains ports. Lorsqu'un navire a été dénommé
+et baptisé, il ne doit plus changer de nom, sans cela Dieu cesse de le
+protéger. A l'appui de cette croyance, les marins vous citent une longue
+série de navires ayant changé de nom qui, partis pour la haute mer, ne
+sont jamais revenus. Aussi beaucoup d'entre eux refusent-ils de
+s'embarquer sur les navires _débaptisés_. Soyez certain que si vous
+parlez à quelque vieux loup de mer de la catastrophe de la
+_Ville-du-Havre_, il vous répondra en hochant la tête: «On lui avait
+changé son nom!»
+
+P. Laurencin.
+
+
+
+Inauguration de l'Asile et de l'École de filles de Dugny.
+
+Le village de Dugny (Seine) était à peu près inconnu avant la guerre de
+1870. Perdu dans la plaine Saint-Denis, entre Stains et le Bourget, il
+fallait les désastres de la dernière invasion pour tirer son nom de
+l'oubli. En tant que commune ravagée, Dugny méritait, en effet, de fixer
+l'attention. Occupé par les troupes ennemies dès le 10 septembre 1870,
+il a vu partir le dernier soldat prussien le 20 septembre 1871.
+
+Pendant cette occupation, qui a été la plus longue du département de la
+Seine, les projectiles, la rapine, la dévastation même pendant
+l'armistice, tout a contribué à la ruine du village.
+
+Grâce à l'énergie et au courage de sa population laborieuse, les traces
+de la guerre ont à peu près disparu.
+
+Mais, par suite de ces désastres, la commune a dû faire construire une
+salle d'asile et une école de filles.
+
+La pose d'une plaque commémorative et, plus tard, l'inauguration de
+l'édifice, ont donné lieu à des cérémonies qui ont été entourées d'un
+certain éclat.
+
+Ainsi, pour ne parler que de la dernière, nous citerons la présence de
+monseigneur l'archevêque de Paris, de monseigneur Langenieux, évêque de
+Tarbes, de M. l'archidiacre de Saint-Denis, de MM. le préfet de la
+Seine, le préfet de police, le sous-préfet de Saint-Denis, de M. Artoux,
+inspecteur de l'instruction primaire, et enfin de tous les maires des
+communes voisines.
+
+Le cortège, qui s'est formé chez M. Étienne Blanc, maire de la commune,
+où tous les invités s'étaient réunis, s'est rendu à la nouvelle école.
+Une nombreuse assistance l'attendait à son arrivée.
+
+Les élèves de l'école des filles ont chanté, en choeur, un hymne en
+remerciement de la visite de monseigneur l'archevêque.
+
+M. le maire de Dugny s'est ensuite adressé à Monseigneur, pour lui
+exprimer la reconnaissance des habitants, heureux et fiers de la
+présence de toutes les autorités dans leur modeste village.
+
+Une jeune fille de l'école a adressé ensuite à monseigneur l'archevêque
+et à M. le maire un compliment au nom de toutes ses compagnes.
+
+Monseigneur Guibert a pris alors la parole et a témoigné dans des termes
+empreints d'un sentiment tout paternel, l'intérêt que lui inspire ce
+malheureux village, si cruellement éprouvé pendant la guerre.
+
+Après ce discours, Monseigneur a donné la bénédiction à l'édifice ainsi
+qu'à l'assistance; puis un choeur, chanté par des amateurs, a terminé la
+cérémonie.
+
+Le cortège s'est reformé et a reconduit monseigneur l'archevêque de
+Paris et sa suite chez M. le maire.
+
+
+
+[Illustration: LE NAUFRAGE DE LA "VILLE-DU-HAVRE". LA DERNIÈRE MINUTE.]
+
+
+
+La comédie de notre temps, par Bertall (1)
+
+[Note 1: 1 vol grand in-8º illustré. E. Plon et Cie éditeurs.]
+
+M. Bertall, dont le premier grand succès fut sa collaboration au _Diable
+à Paris_, revient aujourd'hui au genre qui lui valut sa réputation, et
+il publie sous ce titre la _Comédie de notre temps_, un livre qui sera,
+pour la société de 1870 à 1875, ce que le _Diable à Paris_ fut pour le
+monde de 1840, avec cette différence qu'ici, dans ce nouvel ouvrage,
+Bertall tient à la fois la plume et le crayon. Il est l'auteur et
+l'illustrateur d'un certain nombre de chapitres tout parisiens, d'une
+curiosité et d'un intérêt absolus, sur les moeurs actuelles, et, je
+n'hésite pas à dire que ce livre, qui nous plaira si fort aujourd'hui,
+constituera pour l'avenir un véritable monument où l'on puisera des
+notes certaines et originales sur la vie morale de notre époque. Bertall
+passe en revue toutes les choses et tous les mondes: le vêtement, le
+costume, la toilette, les manières, les manies, les types, les
+caractères; il étudie les soirées et les bals, les dîners d'apparat, les
+banquets, les artistes, les coulisses (celles de la Bourse et celles du
+théâtre), les premières représentations, les soupers, les églises, la
+Chambre et la politique, le jeu et les joueurs, en un mot tout ce qui
+constitue la vie même de ce temps-ci. Quel dommage qu'un observateur
+aussi perspicace, doué d'un pareil talent, ne se soit pas trouvé à
+chaque époque pour nous léguer la _vérité vraie_ et la _vérité vue_ sur
+l'époque qu'il traversait! Les croquis de Debucourt et de Carle Vernet
+nous en disent long sur le Directoire, les muscadins et les
+_merveilleuses_, mais Debucourt pas plus que Vernet n'avaient, comme eût
+dit Musset, _un joli brin de plume_ emmanché dans le crayon. Bertall, du
+moins, s'il enlève lestement un croquis du _gommeux_, y ajoute le texte
+et les réflexions morales: «Le _gommé_ ou _gommeux_ est l'antithèse du
+dégommé. Celui donc qui est bien en vue, qui brille, qui est envié pour
+sa toilette, sa position, son genre et son chic, est un _gommeux_.»
+Balzac, qui fut le parrain de Bertall, en littérature et en art, eût
+applaudi à ces chapitres alertes de la Comédie de notre temps qui
+constituent, en somme, la physiologie de la seconde partie du XIXe
+siècle: Album, recueil, livre, dit Bertall en parlant de son ouvrage,
+quelque nom que l'on veuille bien lui donner, il n'a pas d'ambitions
+bien hautes.» Il aurait tort de n'en pas avoir, car, sans prétention,
+c'est là l'oeuvre d'un philosophe et d'un satirique qui a beaucoup vu,
+beaucoup étudié, très-bien observé, et qui nous donne sous une forme
+durable, agréable, charmante, le fruit à point mûri de ses observations.
+
+La _Comédie de notre temps_ fera doublement honneur à Bertall, et elle
+obtiendra un double succès: oeuvre de piquante littérature, elle sera
+classée parmi les plus jolies études de moeurs; oeuvre d'art, elle
+léguera à l'avenir la physionomie même de ce temps, avec tous ses tics,
+toutes ses élégances, toutes ses habitudes, toutes ses séductions et
+tous ses ridicules.
+
+Jules Claretie.
+
+
+
+Jeanne d'Arc
+
+Le succès de _Jeanne d'Arc_, que notre collaborateur M. Savigny avait
+signalé dès la première représentation de ce drame lyrique, qui devient
+populaire, s'affirme de jour en jour. L'_Illustration_ lui doit les
+honneurs d'une gravure et les lui fait bien volontiers, en s'associant à
+la vive sympathie du public pour le poète, M. Barbier, et pour le
+musicien, M. Gounod. Elle rend aussi le tribut d'éloges dû aux
+décorateurs et aux interprètes de cet ouvrage. Elle donne les
+principales scènes du drame et dans la décoration du fort et de la
+courtine d'Orléans, au-dessous desquels se dessine le pont de la Loire,
+et dans cette vue du parvis et de l'église de Reims, et dans cet acte où
+s'élève le bûcher qui doit dévorer l'héroïne. Au centre, le dessinateur
+a placé le portrait de Mlle Lia-Félix. Bien des rôles ont marqué la
+carrière déjà longue de l'éminente artiste. Elevée à cette grande école
+du bien dire que Mlle Rachel a formée autour d'elle et dans sa propre
+famille, au milieu de ses soeurs dont elle est aussi une des gloires,
+Mlle Lia-Félix a fait, dans une série de drames joués depuis tantôt
+quinze ans, une foule de créations qui lui ont mérité une légitime
+réputation et qui lui ont valu la première place parmi les interprètes
+du drame. Jamais le triomphe de Mlle Lia-Félix, même aux jours de la
+_Fille du paysan_, n'a été plus vif et plus grand que dans _Jeanne
+d'Arc_. Jamais elle n'a déployé des qualités dramatiques aussi
+saisissantes. Mlle Lia-Félix a résumé dans ce rôle toute la puissance de
+son talent, par l'émotion vraie, le sentiment, la noblesse et l'énergie.
+Il y a là comme le souvenir de l'illustre tragédienne, et nous avons cru
+la voir revivre surtout dans cette scène finale du drame, dans laquelle
+Mlle Rachel n'aurait pas arraché plus de larmes et appelé à elle plus
+d'applaudissements.
+
+
+
+BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
+
+_Les Applications de la physique_, par M. Am. Guillemin.--La librairie
+Hachette, à laquelle on doit déjà les beaux volumes de science illustrés
+qu'elle a édités depuis plusieurs années avec un véritable dévouement
+scientifique: le _Ciel, l'Atmosphère et les grands phénomènes de la
+nature, les Voyages aériens, la Terre, le Monde souterrain, les
+Phénomènes de la physique_, vient de publier un nouvel ouvrage de M.
+Guillemin, qui certainement n'aura pas moins de succès que ses
+prédécesseurs.
+
+Après avoir raconté les phénomènes de la physique, l'auteur vient
+aujourd'hui nous en exposer les applications, dans le triple domaine de
+l'art, de l'industrie et de la science elle-même. Quel sujet serait plus
+fécond que celui-ci? Le monde n'est-il pas véritablement transformé
+depuis la découverte des agents qui régissent l'univers? Neuf jours
+suffisent aujourd'hui pour traverser l'Atlantique et passer de notre
+vieux continent dans le continent découvert, il n'y a pas encore quatre
+siècles, par Colomb! Quelques jours suffisent pour traverser l'Europe
+entière et parcourir l'Asie! En quelques secondes nous envoyons une
+dépêche d'Europe en Amérique et en recevons la réponse! Merveille plus
+surprenante encore: Nous écrivons de notre, main un billet de Paris à
+Marseille, et 1e fac-similé de notre l'écriture se transporte lui-même
+et se reproduit à 864 kilomètres de distance! La lune est à 96,000
+lieues d'ici; nous la rapprochons à 48 lieues pour en étudier les
+paysages, et l'on s'occupe actuellement de réaliser en Amérique le
+projet de construire le gigantesque télescope qui doit la rapprocher à 3
+lieues.
+
+Le soleil est éblouissant; après l'avoir pesé et mesuré, on l'éclipse à
+volonté pour analyser les gaz qui brûlent autour de lui avec des flammes
+de 30,000 lieues de hauteur.
+
+A la surface de la terre, le microscope nous a révélé l'existence d'un
+monde invisible, incomparablement plus peuplé que tout ce que nous
+voyons de nos yeux autour de nous. Les nuages s'élèvent des mers et sont
+amenés par le veut au-dessus de nos têtes; l'aérostat glorieux les
+traverse et nous emporte, palpitants d'émotion et de bonheur, dans le
+ciel toujours pur illuminé par le soleil, au-dessus des agitations et
+des tourmentes d'ici-bas! Jamais, non jamais, les procès de sorcellerie
+du moyen âge ni les routes féeriques de l'Orient enchanté, n'ont rien
+imaginé de comparable à la situation scientifique du XIXe siècle, dont
+les savants nous gratifient, malgré toutes les sottises politiques, tous
+les errements religieux, tous les troubles internationaux qui,
+semble-t-il, devraient arrêter la marche du progrès.
+
+En décrivant les applications de la physique, et en les expliquant par
+de nombreux dessins, M. Guilledin a mis en évidence cette situation
+scientifique, si éminemment digne de notre attention. Je répéterai ici
+les lignes que j'écrivais en souhaitant la bienvenue, il y a neuf ans,
+au _Ciel_, du même auteur: «Un vulgarisateur doit être à la fois
+littéraire, éloquent et familier pour ceux qui l'écoutent, savant et
+fidèle interprète de la science; ceux qui, comme l'auteur de ce livre,
+réunissent ces facultés ont droit à l'estime et à la reconnaissance des
+amis du progrès.»
+
+Camille Flammarion.
+
+Nous nous bornerons à annoncer aujourd'hui les excellents livres de la
+Bibliothèque d'éducation et de récréation de la librairie Hetzel; nous
+reviendrons à loisir dans notre prochain numéro sur l'ensemble de cette
+collection, si justement appréciée des familles.--Quatorze nouveaux
+ouvrages signés par _MM. Jules Verne, Viollet-le-Duc, P. J. Stahl,
+Lucien Biart, Mayne Reid_, et par M. le capitaine de frégate _Louis du
+Temple_, illustrés par nos meilleurs artistes, enrichissent aujourd'hui
+le trésor littéraire de l'enfance et de la jeunesse, avec les deux
+volumes de l'année 1872 du Magasin d'éducation et de récréation de M. J.
+Macé, Stahl et Jules Verne.--Nous renvoyons nos lecteurs et nos
+lectrices à l'extrait du catalogne de la Bibliothèque d'éducation et de
+récréation que nous donnons à la fin de ce numéro.
+
+L'_Essai loyal en Espagne_, par MM. Louis Teste et Francis Magnard. (1
+vol. E. Vatou.)--Le 11 février 1873, les Cortès espagnoles ont proclamé
+la République. Cette forme de gouvernement s'imposait à la nation, après
+l'abdication et le départ du roi Amédée. Quelqu'un avait dit en parlant
+de ce règne du prince italien: «La royauté sera un expédient jusqu'à _la
+majorité de la République_.» Majeure ou non, en février 1873, la
+République était née et elle fut proclamée. D'honnêtes gens, de bons
+citoyens, se mirent à l'oeuvre pour fonder le régime nouveau, et nul
+d'entre eux, je gage, ne se dissimulait les difficultés de son oeuvre.
+Mais ce n'est pas au moment de la tempête qu'on discute la forme du
+bateau de sauvetage. Le brave et probe Emilio Castelar essaya de lutter,
+et, jusqu'ici, par quelque dures épreuves qu'ait passé l'Espagne, il
+faut reconnaître que M. Castelar a fait mieux que des discours. Il a
+affirmé sa foi par des actes et risqué un peu sa vie chaque jour, ce qui
+constitue déjà un certain avoir. Sans nul doute la République, _l'Essai
+loyal_, comme disent les auteurs du présent livre, a vu, en Espagne, de
+terribles, d'affreux épisodes; mais, sans compter les anecdotes qu'on
+pourrait porter au compte de la monarchie, il faut reconnaître que la
+République avait accepté et non créé la situation présente.
+
+La République n'a pas craint de faiblir devant la tâche qu'Amédée a
+refusée. Le hideux spectacle donné par un Santa-Cruz ou par les
+_intransigeants_ de Carthagène doit-il faire maudire la République, ce
+_génie fatal_, disent les auteurs, et donner raison au mot d'O'Donnell:
+«L'Espagne est un bagne en liberté?» Nous estimons que non. J'ajoute que
+O'Donnell est sujet à caution.
+
+Toujours est-il que MM. Teste et Francis Magnard ont voulu
+spirituellement railler l'_Essai loyal_ en Espagne, et il faut bien
+reconnaître qu'ils y ont réussi. En dehors de toute affaire de parti, la
+situation de l'Espagne, on doit l'avouer, est tout à la fois tragique et
+comédie. Le drame tourne souvent à l'opérette et l'opérette à la
+boucherie, sur cette terre détrempée de sang. Pauvre pays, jadis si
+grand et je dirai toujours si grand, car si les mains armées y sont
+promptes, les coeurs y sont toujours fiers et les fronts y demeurent
+hauts.
+
+M. Teste, qui avait déjà publié un livre remarquable sur l'Espagne
+contemporaine, et M. Bagnard, qui s'était si bien imprégné, dans un
+voyage, de la couleur du pays, ont présenté un tableau de l'Espagne
+républicaine qui n'est pas sans rapport avec la _Grèce contemporaine_ de
+M. About. C'est un pamphlet spirituel, mordant, railleur, où l'_oreiller
+de don Nicolas Salmeron_ est mis en scène comme les massacres d'Alcoy,
+et,--en faisant la part des tendances du livre,--on ne saurait mieux
+peindre et mieux conter. M. Bagnard, dont la plume vive et mordante
+aborde avec talent le roman, a donné là à l'histoire le ton de la
+chronique armée en guerre. On se plaît au style alors même qu'on se
+cabre devant l'opinion politique. Livre à lire, donc, et à garder, car
+il est plein d'idées qui appellent la discussion, et de faits, hélas!
+qui amènent la réflexion. Que la France jamais ne devienne l'Espagne!
+
+Le _Repos hebdomadaire_, par M. Julien Hayem. (I vol. in-18, Didier et
+Cie.)--Voici, je pense, le premier ouvrage d'un écrivain qui n'est pas
+seulement un homme de lettres, mais tut homme d'action, en ce sens que,
+non content d'être licencié en droit et licencié ès-lettres, il s'est
+fait encore manufacturier, pour suivre le courant du siècle et obéir au
+mot d'ordre américain, _Go ahead!_ M. Julien Hayem a mis pour épigraphe
+à son livre sur le _Repos hebdomadaire_ une citation de l'_Émile_; «Le
+grand secret de l'éducation, dit J. J. Rousseau, est de faire que les
+exercices du corps et ceux de l'esprit servent toujours de délassement
+les uns aux autres.» L'épigraphe donne, en effet, résume l'esprit du
+livre. Il faut du repos à l'homme qui travaille, il faut détendre la
+corde de l'arc si l'on ne veut point qu'il se brise. Le repos dominical
+n'est pas seulement une habitude, c'est un besoin. M. J. Haye l'a
+parfaitement fait sentir en parlant du respect merveilleux qui s'attache
+à ce repos hebdomadaire et concluant que le passé de cette institution
+répond de son avenir. M. Haye a d'ailleurs le bon sens de ne point
+demander que cette fête magistrale du dimanche soit rendue obligatoire.
+Les moeurs se chargent toutes seules de faire ce que ne feraient
+peut-être pas les décrets. «Qu'on se garde donc, dans l'intérêt du repos
+hebdomadaire, de substituer,--dit l'auteur de ce livre,--à des
+fondements taillés dans le roc de l'histoire et appuyés sur les besoins
+les plus légitimes du corps et de l'esprit humain, la base fragile et
+périssable de l'obligation et de la contrainte légales.»
+
+On voit quel est l'esprit de cette utile monographie. M. Haye, après
+avoir recherché les origines historiques du repos hebdomadaire,--qui
+remontent au sabbat des Hébreux,--résume l'histoire de la législation de
+ce bienheureux septième jour, depuis le IV siècle jusqu'à la Révolution;
+il examine ensuite l'utilité du repos dominical pour les ouvriers, les
+enfants, les adultes; il se demande enfin par quelles institutions on
+pourrait propager l'habitude du repos hebdomadaire et en utiliser
+l'emploi. Et toujours, dans ces divers chapitres, l'auteur voit et dit
+juste et apporte de vives lumières sur la question en litige. M. Julien
+Haye a obtenu, avec ce livre, le prix qu'avait mis au concours, en
+1871, l'Académie des sciences morales et politiques. C'est le plus bel
+éloge qu'on puisse faire de ce travail solide, très-curieux sur un sujet
+spécial, et écrit avec talent, sans phrase et sans recherche, par un
+esprit très-pratique et très-libre.
+
+_Études sur la littérature contemporaine_ (quatre séries), par M. Edmond
+Schérer. (4 vol. chez Michel Lévy.)--M. Edmond Schérer s'est fait à la
+fois, dans la politique et dans les lettres, une place privilégiée, hors
+de discussion et, si je puis dire, en pleine estime. C'est un esprit
+net, solide, un peu froid, mais érudit, plein de pensées et ne
+sacrifiant rien au faux goût en littérature, à la popularité facile, en
+politique. Critique littéraire au journal _le Temps_, il a depuis dix
+ans acquis une autorité incontestée dans ce domaine des études
+bibliographiques que les rudes événements de ces années dernières ont
+fait un peu trop délaisser. M. Schérer a toujours réuni (et il a eu
+raison) ses articles de journaux et volumes. On eût regretté de ne point
+retrouver, sous une forme plus durable, ces études savantes ou
+savoureuses dont on avait fait sa lecture d'un soir. On peut dire de M.
+Schérer ce qu'il a écrit de Prévost-Paradol: Il improvise des pages
+durables.
+
+Jules Claretie.
+
+
+
+[Illustration: THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ.--Mlle Lia-Félix dans _Jeanne
+d'Arc_.]
+
+
+
+L'HISTOIRE DE FRANCE
+Racontée à mes petits enfants
+
+PAR M. GUIZOT
+
+L'Histoire de France de M. Guizot en est à son troisième volume. Ce
+volume ne le cède en rien aux deux qui l'ont précédé. On y retrouve la
+même clarté et la même élégance dans l'exposition des faits. C'est la
+même intelligence nette et vive qui en éclaire les points obscurs, le
+même esprit ferme qui en dégage la moralité. Il commence avec François
+Ier pour finir avec Henri IV. Cette période est l'une des plus
+intéressantes et des plus dramatiques de notre histoire nationale.
+D'abord c'est du commencement du XVIe siècle que date la Renaissance.
+Non que le moyen Age ait été une époque de stérilité et de décadence. Il
+a son encyclopédiste, le moine Vincent de Beauvais; ses philosophes,
+Gerbert, Abélard, Bernard, Robert de Sorbon; il a ses prosateurs,
+Villehardouin, Joinville, Froissart, Commynes. Mais au moment où nous
+sommes parvenus, une grande révolution a lieu dans la marche de notre
+génie national. Il quitte sa voie propre, originale, pour
+
+[Illustration: Vincent de Beauvais.]
+
+s'engager dans celle de l'imitation, où vont le pousser peuples et
+princes, également affolés des oeuvres et des gloires des sociétés de la
+Grèce et de Rome, remises en honneur. C'est encore à cette époque que
+remonte la révolution religieuse opérée par Luther en Allemagne, Zwingle
+en Suisse et Calvin à Genève et en France, révolution qui alluma tant de
+guerres dans ce dernier pays, et, au nom de Dieu, y fit commettre tant
+de crimes. Deux figures se détachent au point culminant de cette lugubre
+époque, les héros de la Saint-Barthélemy, Charles IX et Catherine de
+Médicis. Que de nobles victimes tombées à côté de l'amiral de Coligny,
+dans cette nuit sanglante! On sait que ce n'est qu'en abjurant le
+protestantisme que le prince de Condé et celui qui devait être Henri IV
+purent sauver leur vie. Mais le Béarnais n'était pas homme à se laisser
+lier par cet acte obtenu par la violence. Sous une apparente bonhomie,
+c'était un esprit fin, rusé, souple au besoin, peu scrupuleux sur
+l'emploi des moyens, et allant avec une invincible ténacité à son but,
+qui était la conquête du royaume et de la royauté. Et lorsque parvenu au
+pied du trône, il mil à interroger sa conscience pour savoir si elle lui
+
+[Illustration: Abjuration de Henri IV.]
+
+permettait d'en escalader les marches, il trouva tout naturellement que
+«Paris valait bien une messe». Un de nos dessins se rapporte à cette
+seconde abjuration du roi Henri, qui eut lieu le dimanche 25 juillet
+1593. Le roi est représenté se rendant en grande pompe à l'église
+Saint-Denis. Arrivé avec toute sa suite devant le grand portail, il y
+fut reçu par l'archevêque de Bourges, Regnault de Beaune, et tous les
+religieux de l'abbaye.--Qui êtes-vous? lui demanda l'archevêque, qui
+officiait.--Je suis le roi.--Que demandez-vous?--Je demande à être reçu
+dans le giron de l'église catholique, apostolique et romaine.--Le
+désirez-vous?--Oui, je le veux et le désire. A cette parole, le roi se
+mit à genoux et fit la profession de foi convenue. Tout était fini et
+Henri IV, suivant son expression, «avait fait le saut périlleux». Par
+cet acte et la trahison de Brissac, le nouveau roi, mis en possession du
+trône, eut vite réduit sous son obéissance la Bourgogne, la Picardie et
+la Bretagne, qui seules refusaient de se soumettre. Libre désormais de
+soucis de ce côté, il travailla alors énergiquement à la restauration de
+l'autorité royale, et par diverses mesures: la destruction des
+franchises municipales, les rigueurs de la censure royale,
+l'asservissement du parlement et la réforme universitaire, il prépara et
+rendit possible la monarchie despotique de Richelieu et de Louis XIV.
+Seize ans plus tard, passant dans la rue de la Ferronnerie en son
+carrosse où il se trouvait avec MM. de Montbazon et d'Epernon, il
+tombait frappé de deux coups de couteau par Ravaillac. Malherbe, alors
+attaché au service d'Henri IV, a raconté dans une lettre cet abominable
+assassinat. «Tout aussitôt, écrit-il, le carrosse tourna vers le Louvre.
+Le roi fut porté en haut par M. de Montbazon, le comte de Curzon en
+Quercy et mis sur le lit de son cabinet, et sur les deux heures porté
+sur le lit de sa chambre, où il fut tout le lendemain et le dimanche. Un
+chacun allait lui donner de l'eau bénite. Je ne vous dis rien des pleurs
+de la reine; cela se doit imaginer. Pour le peuple de Paris, je crois
+qu'il ne pleura jamais tant qu'à cette occasion.» Tels sont les
+événements retracés dans le troisième volume de l'_Histoire de France_
+de M. Guizot. Nous avons dit combien attachante en est la lecture; nous
+n'y reviendrons pas. Ajoutons que ce volume qui, on le sait, sort de la
+librairie Hachette, est magnifiquement illustré de soixante-quatorze
+gravures dessinées sur bois par M. de Neuville.
+
+[Illustration: Abélard.]
+
+[Illustration: Charles IX et Catherine de Médicis. Gravures extraites de
+l'_Histoire de France racontée à mes petits-enfants_, par M. Guizot.
+(Hachette et Cie, éditeurs.)]
+
+
+
+UN VOYAGE EN ESPAGNE
+PENDANT L INSURRECTION CARLISTE
+
+VI
+
+Nomination des quatre généraux pour commander l'armée carliste: Ellio,
+Dorregaray, Lissarraga et de Valdespina.--Entrée de don Carlos en
+Espagne.--Appel aux armes.--Le château de la duchesse de M***.--Le
+journalisme espagnol.--Succès remportés par les carlistes.--Situation
+actuelle.--Comment pourra se terminer ta guerre civile; solution
+probable.
+
+C'est vers le courant du mois de juin, alors que les bandes nombreuses
+disséminées en Biscaye, dans le Guipuzcoa et la Navarre, avaient étendu
+partout leurs opérations, que la junte de guerre, qui venait de réaliser
+un nouvel emprunt en Angleterre, jugea à propos de les former en trois
+corps d'armée placés sous les commandements de Dorregaray, Lissarraga et
+de Valdespina. Je dois constater que ce fut la première organisation
+sérieuse qui ait été faite de l'insurrection carliste. Le général Ellio
+fut placé, en qualité de major-général, à la tête de ces trois corps
+d'armée.
+
+Un mot sur ces quatre chefs.
+
+Ellio est un vieux général bien connu, qui a fait ses preuves pendant la
+guerre de Sept ans. Ami et compagnon de Cabrera et de Zumalacarregui, il
+a été un des plus braves adversaires du général Espartero, commandant en
+chef des troupes de la reine Christine, et l'a battu dans plusieurs
+rencontres, notamment à la bataille livrée aux environs de Vitoria.
+Pendant sept ans, à la tête des bandes navarraises, il a parcouru toutes
+les provinces du Nord, franchi l'Ebre et fait trembler la régente jusque
+sur son trône. Il connaît donc tout le pays envahi encore aujourd'hui
+par les carlistes, et nul ne peut mieux que lui savoir tirer un bon
+parti de sa topographie. Aussi, les mouvements stratégiques que les
+troupes carlistes effectuent en ce moment s'exécutent-ils d'après le
+plan qu'il a tracé lui-même. Ellio est donc, à l'heure qu'il est, l'âme
+et l'inspirateur de l'insurrection carliste.
+
+Dorregaray, que don Carlos a investi du commandement de la Navarre, est
+un officier très-distingué, d'origine basque, et connaissant, lui aussi,
+parfaitement la carte du pays, théâtre actuel de la guerre civile. Il
+l'a prouvé, au reste, d'une manière incontestable, à la bataille
+d'Eraül, où en faisant mouvoir savamment ses troupes à travers les
+montagnes, il parvint à couper la brigade de Novarro de celle de
+Cabrinetti; ce qui décida de la bataille qu'il gagna. On sait que la
+bataille d'Eraül passe, à juste titre, pour un des plus beaux faits
+d'armes de l'insurrection actuelle.
+
+Lissarraga est un ancien lieutenant-colonel de l'armée régulière, sous
+le règne d'Isabelle II. Après la révolution de septembre 1868, qui
+détrôna cette reine, il embrassa le parti de don Carlos. Nommé au
+commandement de la Biscaye, il a su concentrer habilement les bandes
+qui, disséminées sur divers points, opéraient sans ordre et sans but
+déterminé d'avance. Il en forma un corps d'armée qui a fait, pendant
+plus d'un mois, le blocus de Bilbao, un instant sur le point de tomber
+au pouvoir des carlistes.
+
+Quant au marquis de Valdespina, un des plus riches propriétaires du
+Guipuzcoa et dont le château, situé aux environs de Loyola, passe à bon
+droit pour une merveille d'architecture; il est très-aimé dans la
+contrée. Distingué par la noblesse de son caractère, la sincérité de ses
+convictions royalistes, sa bravoure et sa loyauté, de Valdespina jouit
+de l'estime de tous les habitants des quatre provinces, même de celle de
+ses adversaires politiques. La meilleure preuve qu'on puisse en donner,
+c'est le respect qu'ont eu les libéraux et les troupes régulières pour
+son château qui, quoique placé au centre de l'insurrection, et par
+conséquent du mouvement des brigades républicaines, n'a éprouvé, de leur
+part, aucun dégât. J'ajouterai, en outre, qu'il est un des chefs les
+plus actifs et celui qui exerce le plus d'influence sur l'esprit des
+populations des provinces insurgées.
+
+Ces quatre chefs, qui connaissent la contrée et ses montagnes dans tous
+leurs recoins, ont une grande supériorité de stratégie sur les généraux
+du gouvernement, dont la plupart n'ont pas la moindre notion
+géographique du terrain sur lequel ils font mouvoir leurs troupes. Ce
+qui explique combien il sera difficile à la république de Castelar, en
+supposant même qu'elle puisse disposer de forces suffisantes, d'étouffer
+l'insurrection. J'estime donc que, dans le cas où elle ne triompherait
+pas, l'insurrection peut durer encore bien des années.
+
+Un mois après les opérations vigoureuses entreprises par ces quatre
+commandants, la situation du parti carliste parut être si florissante
+que les chefs de l'insurrection crurent pouvoir engager don Carlos, qui
+habitait toujours le château de Peyrolhade, de venir se mettre à la tête
+des «troupes libératrices de l'Espagne». En conséquence, le 18 du mois
+de juillet dernier, le prétendant, escorté d'un brillant état-major,
+partit du camp de _Pena-Plata_, franchit la frontière et se rendit à
+Vera, où il fut reçu avec le plus grand enthousiasme de la part des
+populations et de ses troupes accourues sur son passage. Les cloches des
+églises sonnèrent à toute volée et les curés des paroisses que
+traversait le cortège vinrent processionnellement lui présenter leurs
+hommages. Jamais aucun souverain de l'Espagne n'avait été accueilli avec
+autant de démonstrations sympathiques.
+
+Cette entrée triomphale et inattendue de don Carlos sur le territoire
+espagnol surprit le gouvernement de Madrid, qui ne s'attendait pas à le
+voir de sitôt se mettre à la tête des troupes insurrectionnelles. On
+avait répandu tant de faux bruits sur le compte du prétendant, que les
+uns faisaient voyager à l'étranger et dont les autres avaient annoncé
+tant de fois la mort, qu'il était bien permis à Figueras, chef du
+pouvoir exécutif, d'avoir été pris au dépourvu par cette audacieuse
+entreprise. Mais ce qui déconcerta le plus les membres du gouvernement
+républicain, c'est que don Carlos faisait coïncider précisément son
+entrée sur le territoire espagnol avec les insurrections
+internationalistes, fédérales, cantonales et autres qui agitaient
+Barcelone, Cadix, Carthagène, Grenade, Séville, et les principales
+villes du Midi et du Centre de la Péninsule.
+
+J'étais à Pampelune lorsque la nouvelle de l'entrée du roi en Espagne se
+répandit dans le public. Dans cette ville, entièrement carliste, elle
+fut accueillie avec des transports d'allégresse par tous les habitants
+qui manifestaient ouvertement la joie et la satisfaction qu'elle leur
+faisait éprouver. On l'avait affichée sur tous les murs de la ville
+d'une manière tellement ostensible, qu'on n'aurait jamais cru se trouver
+dans une cité soumise au régime républicain. Pour ma part, j'en fus
+étrangement surpris, quoique habitué, depuis longtemps, aux bizarreries
+et aux contradictions du caractère espagnol en matière politique. Il est
+à remarquer que Pampelune, capitale de la Navarre, est une place forte
+de première classe, possédant une population d'environ seize mille
+habitants et une garnison ordinairement assez nombreuse. Celle-ci, dont
+l'effectif s'élevait à cinq ou six mille hommes de toutes armes, parut
+rester complètement indifférente à toutes ces manifestations politiques.
+
+Tandis que don Carlos s'avançait ainsi dans l'intérieur de la Navarre, à
+la tête de son état-major, et qu'il allait établir son quartier général
+à San-Estaban, ses émissaires faisaient publier par les _alcaldes_
+(maires) et placarder dans les villages et les localités importantes
+l'ordonnance suivante, qui n'est autre qu'un appel aux armes, dont je
+reproduis la traduction comme étant à la fois un document et une
+curiosité historiques.
+
+«Ordonnance de Sa Majesté le roi Carlos _settimo_, que Dieu garde!
+
+«Mes fidèles et aimés sujets des provinces de la Navarre, du Guipuzcoa,
+de la Biscaye et de l'Alava, je vous ordonne par la présente patente de
+prendre les armes et de marcher à la défense de mes droits sacrés, qui
+sont aussi les vôtres, afin de reconquérir _vos fueros_, vos privilèges
+et toutes vos immunités que vous ont octroyés mes ancêtres et que les
+gouvernements usurpateurs vous ont ravis.
+
+«Sur le vu de la présente, scellée de mon sceau royal, tout Basque âgé
+de vingt à quarante ans s'enrôlera sous ma noble bannière. Il obéira aux
+ordres des braves et vaillants _cabecillos_ que j'ai investis de mon
+autorité. Des armes et des munitions seront fournies à tous. Avec l'aide
+de Dieu et le secours de mon épée, nous triompherons des usurpateurs et
+nous rétablirons le trône de mon auguste aïeul Philippe V. Que mes
+fidèles sujets des quatre provinces restées attachées à ma cause se le
+tiennent pour dit!--MOI, _le roi Carlos settimo_.»
+
+Un exemplaire de cette ordonnance me fut donné, le lendemain même de sa
+publication, dans un des principaux cercles de Pampelune, où elle
+circulait de main en main. On se la communiquait sur la place de la
+Constitution, dans les promenades, et jusque sur les marchés publics,
+comme s'il se fût agi d'un acte officiel du gouvernement établi; avec
+plus d'empressement encore, car les actes officiels de ce dernier
+étaient loin de recevoir de la part des Pampelunais un accueil aussi
+empressé.
+
+J'avais fait connaissance, pendant le peu de temps que je séjournai dans
+la capitale de la Navarre, de deux jeunes gens fort distingués qui
+avaient fait leurs études à Paris, fils d'un magistrat du tribunal
+supérieur de la ville. Quel ne fut pas mon étonnement, lorsque, le
+lendemain de la publication de la susdite ordonnance, les deux frères
+vinrent me trouver à l'hôtel pour me faire leurs adieux.
+
+--Où allez-vous donc? leur dis-je, étonné de leur départ précipité, dont
+ils ne m'avaient rien dit la veille.
+
+--Nous allons rejoindre l'armée du roi, me dit l'aîné, à peine âgé de
+vingt et un ans; voyez l'ordre qui nous enjoint de partir, ajouta-t-il
+en me montrant la fameuse ordonnance dont j'avais un exemplaire entre
+les mains.
+
+--Comment, lui dis-je, vous allez quitter votre famille, vous séparer de
+votre digne père qui vous adore, pour aller affronter à travers les
+montagnes les hasards de la guerre de partisans? Ce n'est pas possible.
+Le premier de vos devoirs, ce me semble, est de rester auprès de vos
+parents; c'est, au surplus, le conseil que je vous donne en véritable
+ami.
+
+--Le roi a parlé, me répondit-il gravement, nous n'avons plus à hésiter.
+Notre valise est prête, et dans une heure nous serons sur la route qui
+conduit au quartier général de Sa Majesté, Adieu et au revoir!
+
+Et les deux frères me quittèrent pleins de cette foi ou de ce fanatisme
+politiques qui animaient les peuples du temps des croisades, et dont les
+Basques et les Navarrais semblent avoir conservé, seuls, la tradition.
+Quinze jours après leur départ, le plus jeune tomba mortellement blessé
+à l'attaque de Tolosa, et l'aîné a été tué, il y a quelques jours, au
+siège d'Estella, soutenu contre les troupes de Moriones, qui furent
+forcées d'abandonner leurs positions.
+
+H. Castillon (d'Aspet).
+
+(La suite prochainement.)
+
+
+
+LA COMÉDIE DE NOTRE TEMPS, PAR BERTALL
+
+[Illustration: Démarche du commandant de table d'hôte.]
+
+[Illustration: Démarche du Parisien boulevardier.]
+
+[Illustration: Démarche du campagnard habitué à marcher dans les terres
+labourées.]
+
+[Illustration: Démarche du faubourien.]
+
+[Illustration: Salut jovial.]
+
+[Illustration: Salut à une dame qui reçoit beaucoup, en lui demandant la
+permission de la conduire au buffet.]
+
+[Illustration: Salut gourmé.]
+
+[Illustration: HOMME D'AFFAIRES. Pose zéro et retient tout.]
+
+[Illustration: HOMME DE BOURSE.
+LA CONNAISSANCE DES COURS
+A 52 et demi, j'ai 90 mille de rente, dont 2 sous pour demain.]
+
+[Illustration: Coupe de cheveux et barbe du gommeux (petite gommé).]
+
+[Illustration: Le baron, préfet. Mûr pour la diplomatie.]
+
+[Illustration: Si vous avez un service ou un appui à refuser au fils
+d'un ancien ami.]
+
+[Illustration: Si vous avez un service ou un appui à demander à un vieil
+ami de votre famille.]
+
+[Illustration: En famille.]
+
+[Illustration: Salut du petit crevé.]
+
+[Illustration: Salut au maître de la maison.]
+
+[Illustration: Salut protecteur.]
+
+[Illustration: Rationalisme.]
+
+[Illustration: Attitude de l'officier de cavalerie ou du paysagiste.]
+
+[Illustration: Le corset du commandant.]
+
+[Illustration: Madame.]
+
+[Illustration: Jeanneton.]
+
+[Illustration: Mademoiselle.]
+
+[Illustration: En retraite.]
+
+[Illustration: Comme on s'assoit quand on reçoit use visite sans
+conséquence.]
+
+[Illustration: Comme on s'assied quand on est mariée nouvellement, et
+qu'on va voir une vieille dame influente.]
+
+[Illustration: LA DECLARATION DU VICOMTE.
+Au cotillon.
+Mademoiselle, sous cet abri qui vous cachera ma rougeur et mon émotion,
+laissez-moi vous dire que je vous aime; être votre époux serait le titre
+le plus cher à mon coeur!]
+
+[Illustration:--M. le régisseur vient de me dire que tu ne travaillais
+pas assez tes rôles, mais que tu avais du ballon. Ça flatte toujours une
+mère.]
+
+[Illustration:--Tu me le remettras dans ma poche.]
+
+[Illustration: Moralité.]
+
+Gravures extraites de la _Comédie de notre temps_, 1 beau volume
+richement illustré. (E. Plon, imprimeur-éditeur.)
+
+
+
+LE DROMADAIRE
+
+On connaît deux espèces de chameaux, l'une africaine, le dromadaire,
+l'autre asiatique, le chameau à deux bosses ou de la Bactriane. C'est
+seulement de la première espèce que nous voulons dire quelques mots.
+
+Le dromadaire est l'animal le plus utile qu'il y ait en Afrique. C'est
+un ruminant de grande taille, dont les variétés sont nombreuses. En
+effet, entre un _bischarin_, c'est-à-dire un chameau élevé par les
+nomades Bischarins, et le chameau de somme d'Égypte, il y a autant de
+différence qu'entre un cheval arabe et un cheval de trait. Tous, ou peu
+s'en faut, ils n'en sont pas moins également laids. Leurs poils sont
+laineux et inégaux ils ont des callosités à la poitrine, aux coudes, aux
+genoux et aux chevilles; leur tête surfont est affreuse.
+
+Le chameau est un véritable animal du désert, que peuvent, grâce à lui
+seulement, traverser les caravanes qui vont commercer au sud, à l'est et
+à l'ouest. Il ne se trouve que dans les endroits les plus secs et les
+plus chauds.
+
+Dans les lieux cultivés il perd sa véritable essence. Il est très-sobre,
+a une nourriture exclusivement végétale et n'est nullement difficile
+pour ses aliments. On sait qu'il peut rester longtemps sans boire, mais
+non quinze à vingt jours, comme d'aucuns le prétendent. Au bout de six à
+huit jours, il est urgent de lui présenter de l'eau. A voir un chameau
+au repos, on ne croirait pas qu'il puisse; rivaliser de vitesse avec le
+cheval. Et cependant rien n'est plus vrai. Les chameaux des steppes et
+du désert sont les plus rapides à la course; ils parcourent d'une traite
+un espace considérable aussi facilement que nul autre animal domestique.
+
+[Illustration: Le dromadaire.--Caravane dans le désert. Gravure extraite
+de la _Vie des Animaux illustrés_. (J.-B. Baillière, éditeur)]
+
+S'il a quelques qualités, en revanche le chameau compte de nombreux
+défauts, parmi lesquels la paresse, la stupidité, une mauvaise humeur
+continuelle, l'entêtement et l'obstination, la haine ou l'indifférence
+vis-à-vis de son gardien. Ajoutons qu'il répand une odeur infecte, et
+que son cri est épouvantable.
+
+Le prix d'un chameau varie suivant les localités. Un excellent bischarin
+vaut de 300 à 450 francs de notre monnaie. Un chameau de somme ordinaire
+se paye rarement plus de 110 francs. D'après nos idées, ces prix
+seraient très-bas; mais dans le Soudan, où l'argent a une très-grande
+valeur, ce sont de fortes sommes. Pour 90 francs, on peut acheter un
+jeune chameau, ou un chameau de qualité inférieure. Presque partout, le
+prix d'un chameau est le même que celui d'un âne; dans le Soudan, un bon
+âne vaut plus que le meilleur des chameaux.
+
+Les détails qui précèdent, ainsi que le dessin que nous donnons, sont
+extraits du très-intéressant et très-curieux ouvrage que publie la
+librairie J.-B. Baillière: _La vie des Animaux illustrés_ ou description
+populaire du règne animal, composé de plusieurs séries et de plusieurs
+volumes grand in-8º colombier, illustrés de 800 figures dans le texte et
+de 40 planches tirées hors texte sur papier teinté.
+
+
+
+[Illustration: L'asile de l'École de filles de Dugny.-(Voy. page 386.)]
+
+
+
+Rébus
+
+[Illustration: Nouveau rébus.]
+
+EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:
+
+Ne crois point aveuglément les articles des journaux.
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1607, 13 décembre
+1873, by Various
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44141 ***
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+ <title>The Project Gutenberg eBook of L'illustration, No. 1607, 13 DÉCEMBRE 1873, by Various</title>
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+<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44141 ***</div>
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+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"><br></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+<p class="mid">REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS<br>
+22, rue de Verneuil, Paris</p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%;">
+<p class="mid">31e Année.--VOL. LXII.--Nº 1607<br>
+<span class="large">SAMEDI 13 DÉCEMBRE 1873</span></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+<p class="mid">SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL
+60, rue de Richelieu, Paris</p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+<p class="mid"><b>Prix du numéro 75 centimes</b><br>
+<span class="sml">La collection mensuelle, 3 fr.; le vol.
+semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.</span></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+<p class="mid"><b>Abonnements</b><br>
+<span class="sml">Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;--un
+an, 36 fr.; Étranger, le port en sus.</span></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><span class="sml">Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste
+ou d'une valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc,
+directeur-gérant.</span></p>
+
+<br>
+
+<h2>SOMMAIRE</h2>
+
+<p><i>Texte</i>: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
+Audebrand. -- La S&oelig;ur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M.
+Mayne Reid. -- Nos gravures. -- Bulletin bibliographique. -- <i>L'Histoire de
+France racontée à mes petits enfants</i>, par M. Guizot. -- Un voyage en
+Espagne pendant l'insurrection carliste (VI). -- <i>La Comédie de notre
+temps</i>, par Bertall. -- Le dromadaire.</p>
+
+<p><i>Gravures</i>: Procès du maréchal Bazaine (6 gravures), -- Événements de Cuba;
+capture du <i>Virginius</i> par le <i>Tornado</i> dans les eaux de la
+Jamaïque. -- Le monument commémoratif de la bataille de Champigny,
+inauguré le 2 décembre 1873. -- Le naufrage de la <i>Ville-du-Havre</i>: la
+dernière minute. -- Théâtre de la Gaîté: Mlle Lia-Félix dans <i>Jeanne
+d'Arc. -- L'Histoire de France racontée à mes petits enfants</i> (4
+gravures). -- <i>La Comédie de notre temps</i>, par Bertall (39 sujets). -- Le
+dromadaire: caravane dans le désert. -- L'asile de l'École de filles de
+Dugny -- Rébus.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--La Buvette à Trianon.</b></p>
+<br><br>
+<h2>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h2>
+
+<h3>FRANCE</h3>
+
+<p>La semaine parlementaire a été relativement calme; l'Assemblée est enfin
+parvenue, dans la huitième séance consacrée au même scrutin, à compléter
+la commission des Trente chargée de l'élaboration des lois
+constitutionnelles par l'élection de deux membres du centre gauche. La
+commission est entrée en fonctions dès le lendemain; elle a choisi pour
+président M. Batbie, et a rempli sa première séance par une discussion
+préliminaire relative à la publicité de ses travaux; il a été décidé que
+la presse ne recevrait pas de comptes rendus officiels des séances, mais
+que chacun des membres de la commission serait libre de faire aux
+journaux, sous sa propre responsabilité, les communications qui lui
+paraîtraient convenables.</p>
+
+<p>L'Assemblée a ensuite jugé que le moment était enfin venu de s'occuper
+de questions d'affaires; elle a successivement voté, en troisième
+lecture, un projet de loi tendant à réunir, dans les bureaux
+secondaires, le service des postes à celui des télégraphes; cette mesure
+n'est qu'un acheminement vers la fusion complète des deux
+administrations, fusion existant depuis quelque temps en Angleterre et
+qui ne tardera pas, il faut l'espérer, à s'opérer définitivement dans
+notre pays, car elle présente des avantages de toutes sortes. Puis,
+après une délibération en deuxième lecture sur une proposition de M. de
+Corcelles, relative à la composition des conseils académiques,
+l'Assemblée a abordé la discussion du budget. Ce n'est pas la première
+fois que nous ayons à constater le peu de goût de la Chambre pour les
+discussions d'affaires en général, et en particulier pour cette loi de
+finances dont le vote annuel constitue cependant la plus importante des
+prérogatives parlementaires.
+</p><p>
+Tandis que le plus mince incident politique est souvent le point de
+départ des séances les plus orageuses, nous voyons une indifférence
+vraiment regrettable accueillir l'exposé des besoins financiers de
+l'État et des moyens proposés pour y subvenir. Des chapitres entiers,
+comprenant des centaines de millions, sont volés au milieu de
+l'inattention et de la lassitude générales, et si parfois une
+observation se produit, c'est bien rarement une préoccupation d'ordre
+économique qui l'a dictée. Mentionnons, à ce propos, la question
+adressée par MM. Pelletan et Gambetta à l'occasion du budget des
+affaires étrangères, et qui a failli prendre les proportions d'un gros
+incident. Les deux membres de la gauche réclamaient la publication du
+<i>Livre jaune</i>, interrompue, pour des motifs faciles à comprendre,
+pendant le cours de l'occupation étrangère, mais redevenue possible
+maintenant que la publicité des archives diplomatiques n'offre plus les
+mêmes inconvénients. M. le duc Decazes avait, paraît-il, mal compris
+l'observation, et peu s'en est fallu qu'il ne posât la question de
+cabinet; mais le malentendu n'a pas tardé à se dissiper et l'incident
+s'est terminé par la promesse de publication du <i>Livre jaune</i> dans un
+délai de quinze jours.
+</p><h3>
+ALLEMAGNE.
+</h3><p>
+La campagne entreprise par le gouvernement allemand contre le clergé
+catholique devient chaque jour plus difficile; l'opiniâtreté du cabinet
+prussien n'a d'égale que la résistance énergique des catholiques.
+</p><p>
+D'après la Preussische, Volksblatt, organe officieux de l'administration
+l'agitation religieuse a tellement gagné les populations des petites
+villes et de la campagne, que l'on commence à avoir des appréhensions
+sérieuses. On s'efforce, dit ce journal, de réveiller les souvenirs des
+anciennes guerres religieuses. Des agents secrets parcourent le pays
+sous mille déguisements pour enflammer le fanatisme catholique;
+l'exaltation des femmes, principalement, est arrivée à son paroxysme. Le
+gouvernement use vainement de tous les moyens de rigueur que les lois
+récemment votées, en mai 1873, ont mis à sa disposition; mais il se
+heurte contre d'inflexibles résistances. Il a interdit la publication de
+la dernière encyclique du Pape en date du 21 novembre, dont nous avons
+donné l'analyse et saisi le <i>C&oelig;lnische Zeitung</i> au moment où elle
+livrait ce document à l'impression, mesure contre laquelle M. Virchow a
+protesté dans le Landtag. Les journaux ultramontains se sont vengés en
+imprimant une bulle du mois d'avril dernier, qui frappe d'interdit
+toutes les églises où se célébrerait le service du vieux-catholicisme. A
+Sch&oelig;nberg, en Silésie, l'autorité prussienne, qui avait interdit le
+curé, voulut faire fermer l'église. Mais, selon le <i>Vaterland</i>, de
+Munich, la population a trouvé un moyen ingénieux de contrecarrer les
+intentions de la police: elle a enlevé la porte et arraché les gonds, de
+sorte que, quand les agents sont arrivés, il leur a été impossible
+d'apposer les scellés. On voit à quels incidents de tout ordre ce
+conflit donne lieu. Le Parlement lui-même en ressent le contre-coup.
+Ainsi le Landtag vient d'adopter, par 351 voix contre 6, une proposition
+des ultramontains portant suppression du timbre sur journaux et
+almanachs. Le ministère la combattait en objectant que l'on doit
+présenter au prochain Reichstag la loi sur la presse dont il a été
+question l'année dernière, et dont les dispositions ont soulevé les plus
+vives réclamations. Encouragés par ce succès, les ultramontains ont
+déposé une motion plus hardie, tendante à l'abrogation des lois
+ecclésiastiques votées au mois de mai dernier; ils comptent sur une
+grande majorité au prochain Reichstag qui doit être élu le 10 janvier
+1874, et où l'Alsace-Lorraine sera représentée pour la première fois. II
+se pourrait que Mgr Ledochowski, archevêque de Posen, fût l'un des
+candidats élus. Cet énergique prélat a refusé de donner sa démission.
+Pour se débarrasser de lui, on songerait, dit-on, à compléter les lois
+susdites en autorisant le gouvernement à expulser les prêtres suspendus
+de leurs fonctions par la cour civile ecclésiastique. Mais, pour couvrir
+Mgr Ledochowski de l'immunité parlementaire, ses fidèles partisans se
+proposent de le faire élire, à Schrimm, comme député au Reichstag. La
+lutte, on le voit, ne saurait être plus sérieusement engagée, et des
+deux côtés elle est poussée avec un égal acharnement.
+</p><h3>
+ÉTATS-UNIS.
+</h3><p>
+Le Message présidentiel a été lu le 2 décembre au Congrès. Il constate
+que la réduction de la dette accomplie durant l'année, au moyen de
+l'excédant des recettes, s'est élevée à 43 millions de dollars, ce qui
+porte l'amortissement total de la dette à 300 millions de dollars.
+</p><p>
+Le Message recommande de restreindre les privilèges des banques relatifs
+aux avances sur dépôts. Il déclare que, tant que les payements en
+espèces ne seront pas repris, le marché aura des moments difficiles. Il
+demande instamment au Congrès d'étudier la question de la circulation en
+vue de la reprise des payements en espèces, lesquels permettraient aux
+banques d'user de leurs réserves pour régler le taux des intérêts et
+augmenter la circulation dans les moments critiques.
+</p><p>
+Le Message constate ensuite l'amélioration du commerce étranger, qui
+aidera à la reprise des payements en espèces.
+</p><p>
+A propos du <i>Virginius</i>, le Message dit que la capture en pleine mer
+d'un bâtiment portant pavillon américain menaçait d'avoir de plus
+sérieuses conséquences, et qu'elle a agité l'opinion publique dans toute
+l'Amérique.
+</p><p>
+Plusieurs passagers qui étaient citoyens américains ont été fusillés
+sans procédure régulière. Selon le principe établi, les bâtiments
+américains en pleine mer et en temps de paix sont, sous la juridiction
+de leur pays.
+</p><p>
+Toute vexation subie de la part des étrangers est un attentat à la
+souveraineté des Etats-Unis, qui, se basant sur ce principe, ont demandé
+à l'Espagne de rendre le <i>Virginius</i> et les survivants de l'équipage, de
+faire réparation au drapeau américain et de punir les autorités
+coupables.
+</p><p>
+Le <i>Virginius</i> avait des papiers en règle et le pavillon américain.
+</p><p>
+L'Espagne a tout accordé.
+</p><p>
+Le Message déclare, en terminant, que l'esclavage est la cause du
+malheureux état de Cuba. Il demande au Congrès d'exprimer le v&oelig;u que
+l'esclavage disparaisse de Cuba, car c'est le seul moyen de rendre
+possibles les bonnes relations entre l'Amérique et Cuba. Le gouvernement
+américain n'est pas hostile à l'Espagne, mais l'affaire du <i>Virginius</i> a
+produit une indignation telle, que le Président a dû placer la marine
+sur le pied de guerre.
+</p><p>
+Cette affaire est présentement en voie d'arrangement satisfaisant et
+honorable pour les deux pays.
+</p><p>
+Le Message constate que les relations de l'Amérique avec les autres pays
+sont amicales. L'indemnité de l'affaire de l'<i>Alabama</i> a été appliquée
+au rachat des obligations 5.20 jusqu'à concurrence de 15 millions
+500,000 dollars.
+</p><p>
+Le Président reconnaît les éminents services rendus par les commissaires
+du tribunal de Genève. Il recommande la création d'une Cour spéciale
+composée de trois juges, pour entendre les plaintes des puissances
+étrangères contre les Etats-Unis. Le Président rappelle qu'il a reconnu
+le gouvernement espagnol et le félicite d'avoir émancipé les esclaves de
+Porto-Rico et restitué les propriétés américaines séquestrées à Cuba.
+L'esclavage règne encore à Cuba, protégé par un parti puissant, en
+hostilité ouverte contre le gouvernement de Madrid et plus dangereux que
+les insurgés. Dans l'intérêt de l'humanité, l'influence de ce parti doit
+être détruite.
+</p><p>
+L'affaire du <i>Virginius</i> pourrait bien se compliquer prochainement de
+l'intervention de l'Angleterre, si toutefois le gouvernement de ce pays
+ne consultait que l'opinion publique et en suivait docilement
+l'impulsion. Une Note adressée au Foreign-Office par M. Crawford, consul
+général de la Grande-Bretagne à la Havane, et communiquée aux journaux,
+a inspiré au <i>Times</i> un article d'une grande violence et où éclate une
+vive indignation. Cette Note contient la liste des victimes de
+nationalité anglaise exécutées à Santiago: on y trouve le second du
+navire, un aide-mécanicien, trois chauffeurs, six aides pour le
+transport du charbon, deux maîtres d'hôtel et trois matelots. Ce sont de
+pareils gens employés au service du bâtiment qui ont été assimilés à des
+insurgés pris les armes à la main et fusillés sans aucune forme de
+procès. Jamais les lois humaines n'ont été plus cruellement violées. On
+peut donc s'attendre à voir le gouvernement anglais élever de justes et
+sévères réclamations contre ces barbares exécutions. Du côté de
+l'Espagne, la situation devient de plus en plus critique. Les nouvelles
+sont contradictoires. Une première dépêche de New-York, en date du 4
+décembre, annonçait, d'après des avis reçus de la Havane, que les
+principaux chefs des volontaires avaient publié un Manifeste attestant
+leur soumission aux autorités et leur confiance dans M. Jovellar,
+capitaine général de Cuba. Mais le même jour, une dépêche de la Havane
+faisait parvenir à Madrid des informations tout opposées. M. Jovellar, y
+était-il dit, avait prévenu le gouvernement espagnol que, vu l'état
+d'exaspération de l'opinion publique, il lui était impossible de
+procéder, au moins pour le moment, à l'exécution des ordres concernant
+la restitution du <i>Virginius</i>; il faisait même entrevoir la possibilité
+«de véritables catastrophes» dans le cas où l'on agirait avec trop de
+précipitation. Enfin, toujours d'après la même source, il avait offert
+sa démission. Aujourd'hui, la scène change. On télégraphie de Madrid, le
+5 décembre, onze heures cinquante minutes du soir, que les ordres du
+gouvernement seront fidèlement exécutés: le capitaine général et le
+commandant des forces navales en ont envoyé l'assurance formelle.
+Toutefois une dépêche de New-York, postérieure à la précédente et datée
+d'aujourd'hui même, nous apprend que l'Espagne avait promis de faire
+hier la remise du navire, que cet engagement n'a pas été rempli, et
+qu'il en résulte un vif mécontentement. Mais, ajoute-t-on, le cabinet de
+Washington est disposé à attendre que cette restitution puisse être
+faite sans blesser la fierté du gouvernement espagnol. C'est seulement
+dans le cas ou l'impuissance de celui-ci serait démontrée que l'affaire
+serait soumise au Congrès.
+</p><p>
+Enfin, une dernière dépêche datée de Philadelphie, 9 décembre, annonce
+que des arrangements définitif' ont été pris pour que la restitution du
+<i>Virginius</i> et des prisonniers survivants se fasse le 18 décembre. On
+assure que la frégate américaine <i>Worcester</i> sera chargée de recevoir le
+<i>Virginius</i> à la Havane, et que la frégate <i>Jumata</i> aura mission de se
+rendre à Santiago pour prendre les survivants à son bord.
+</p><p>
+L'insurrection de Carthagène paraît sur le point d'arriver à son terme;
+la ville et les forts ont été très-éprouvés par le bombardement
+entrepris par les troupes du gouvernement; les vivres se font rares dans
+la place et les insurgés ont dû faire sortir les bouches inutiles; huit
+cents femmes et enfants ont été transportés à Pormau, où ils se trouvent
+dans un état de détresse tel que l'amiral Yelverton, commandant
+l'escadre anglaise mouillée devant le port, a écrit à M. Castelar pour
+intercéder en leur faveur. Cependant les insurgés pensent qu'ils peuvent
+encore tenir un mois s'ils restent unis entre eux. Les forts et les
+batteries n'ont que très-peu souffert. On croit que lorsque les
+munitions seront épuisées, une grande partie des insurgés tenteront de
+s'ouvrir un passage à l'aide des vingt-cinq canons Krupp qu'ils
+possèdent, et qu'ils iront à travers les montagnes rejoindre les
+carlistes. Les autres essayeront de s'échapper à bord de la <i>Numancia</i>.</p>
+<br><br>
+
+<h2>Courrier de Paris</h2>
+
+<p>M. Paul Féval se présente aux suffrages de l'Académie française, où il y
+a, pour le quart-d'heure, deux fauteuils à donner. Si j'avais à broder
+une réclame, je ne manquerais pas de dire que le candidat est,
+littérairement parlant, un homme incomparable. En dix ou douze lignes
+bien senties, il serait démontré par A plus B qu'il enfonce le passé,
+qu'il domine le présent et que l'avenir ne lui viendra pas à la
+cheville. Croyez que je n'ai rien à tenter de semblable. Je ne veux
+parler de M. Paul Féval que comme un spectateur pourrait le faire d'un
+acteur estimé de tel théâtre qu'il voit se hasarder sur une scène
+nouvelle.
+</p><p>
+A coup sûr, M. Paul Féval devrait être de ceux qu'on se dispense de
+<i>black-bouler</i>. Mais l'Académie a une douane à laquelle elle tient
+mordicus. Vous objecterez tout ce qu'il vous plaira.--Voilà un conteur
+de la meilleure race. Il a fait pour la Bretagne ce que Walter Scott a
+fait pour l'Ecosse et George Sand pour le Berri. Uniquement préoccupé du
+soin de faire des loisirs à ceux qui s'ennuient, il a écrit, en
+trente-cinq ans, trois cents volumes encore debout en ce moment. Parmi
+ses livres, il en est deux qui ont fait un grand bruit, les <i>Mystères de
+Londres</i>, peinture saisissante des bas-fonds de la société anglaise, et
+un épisode de notre histoire, le <i>Bossu</i> qui, transformé en drame, a
+récréé Paris pendant deux cents soirées. Tout cela étant bien vu, la
+nomination de ce galant homme devrait passer, ce semble, comme une
+lettre à la poste.
+</p><p>
+Ce sera le contraire qui arrivera, je le crains, du moins. Au quai
+Conti, il n'y a que l'envers du juste qui ait le dessus. Quand, par
+hasard, on admet un homme qui écrit, c'est que ces vieux messieurs se
+sont fait violence. Ou bien ils ont cédé à la force de l'opinion, ou
+bien ils ont eu peur que leur corporation vermoulue ne soit devenue une
+pelote trop épinglée d'épigrammes. Il y a un troisième cas bien connu,
+mais qu'il faut rappeler sans cesse; ils cèdent devant la table: «A-t-il
+un bon cuisinier?» Voilà cinquante ans que c'est le meilleur des titres.
+Le laurier de la cuisine attire le laurier apollonien.
+</p><p>
+Sur les dernières années de sa vie, Théophile Gautier, candidat quatre
+fois congédié, rapportait le mot de l'un d'eux, pendant l'une de ses
+trente-neuf visites:
+</p><p>
+--Comment! monsieur, vous avez publié vingt-cinq volumes! Ah! monsieur!
+</p><p>
+La mimique du vénérable et le rythme de son reproche ne pourraient être
+exprimés par aucune langue humaine. Il fallait entendre l'auteur du
+<i>Tricorne enchanté</i> raconter cette scène d'un si haut comique.
+Vingt-cinq volumes, poèmes, romans, critique, voyages, histoire,
+n'était-ce pas bien fait pour effrayer l'imagination d'un vieillard qui,
+en sa vie entière, n'avait pu que faire des annotations et des préfaces,
+et tout au plus une petite plaquette où il est avancé que le mouchoir de
+poche n'existait pas chez les Grecs du temps de Périclès. Mais pour M.
+Paul Féval, ce serait bien une autre paire de manches! Il a écrit trois
+cents volumes. Rien qu'à cette révélation, l'immortel est capable d'en
+avoir un coup de sang!
+</p><p>
+Ajoutez que ces trois cents volumes sont des romans. Une belle denrée,
+les romans! Ces Nestors les ont tous dans une sainte horreur. On a beau
+leur rappeler le mot charmant de Philippe: «J'aime mieux que l'Espagne
+ait <i>Don Quichotte</i> que deux provinces de plus»; on leur citera en vain
+nos gloires les plus nobles et les plus pures commençant par là, comme
+Jean Racine, leur dieu, qui a commencé par traduire <i>Théogène et
+Chariclée</i>, et ils crieront toujours: «A la porte, le roman»; c'était
+l'entêtement de feu Villemain: «Si Le Sage se présentait ici, <i>Gil Blas</i>
+à la main, je prierais Le Sage de s'en retourner.»
+</p><p>
+Pour ne parier que des temps où nous sommes, voyez combien ils ont été
+impitoyables pour les romanciers. Non-seulement ils n'ont pas voulu
+entendre parler de Frédéric Soulié ni d'Eugène Sue, ces deux maîtres du
+genre, mais encore ils ont rejeté M. de Balzac, le prodigieux auteur de
+la <i>Comédie humaine</i>. Lorsque Prosper Mérimée s'est présenté, il a été
+bien entendu que c'était en vue de sa traduction de Salluste et de
+quelques rapports sur des inscriptions. Léon Gozlan, ce Benvenuto
+Cellini de la Nouvelle, Méry, qui nous a légué sur l'Inde et sur la
+Chine des écrits si attachants, Théophile Gautier, dont je parlais tout
+à l'heure, autant de noms, autant de candidats rejetés. Pour Alexandre
+Dumas, l'homme aux mille romans, il savait son fait d'avance; il n'a
+jamais eu un seul instant la pensée de se présenter à un seul d'entre
+eux.
+</p><p>
+Encore une fois il ne faut pas être un bien grand sorcier pour prévoir
+ce qui va survenir. Il existe toujours en quelque coin obscur un
+complaisant qui a fait jadis, pendant vingt ans, la partie de piquet
+d'un ancien premier ministre; c'est celui-là qu'on choisira. Il se peut
+encore qu'on élise un professeur fameux pour avoir mis une couverture
+nouvelle à Blaise Pascal ou bien au président Hénault. Au pis aller, on
+se rabattra sur un avocat illustre pour n'avoir jamais été imprimé. A la
+vérité, après l'avoir fait sortir de l'urne, on dira qu'on voudrait bien
+l'y remettre; c'est encore là une de leurs allures.--En tout cas, vous
+le verrez bien, ils condamneront M. Paul Féval à faire le
+pied-de-grue.--L'ombre du pauvre Philarète Chasles pourra lui tenir
+compagnie.
+</p><p>
+Un de ces jours, qui sait? aujourd'hui peut-être, J. Claretie, usant de
+son droit de critique, vous parlera d'un livre posthume, déjà fort
+prôné: <i>Lettres à une Inconnue</i>. Si je m'aventure à m'occuper de cette
+nouveauté, ce n'est point, bien entendu, pour marcher sur les
+plates-bandes du confrère. Ces deux volumes fourmillent d'anecdotes, de
+mots piquants, de bruits du monde; voilà pourquoi je me hasarde à leur
+faire quelques emprunts, toujours permis aux fureteurs de la chronique.
+Lettres curieuses, pas précisément édifiantes! Celle qui se présente la
+première est sans date; on peut conjecturer qu'elle est de 1839,
+peut-être de 1840. En ce temps-là, Prosper Mérimée, ne songeant pas
+encore à devenir un personnage, n'était rien, pas même académicien. Il
+n'avait pas encore terminé <i>Colomba</i>; il vivait sur le bruit flatteur de
+ses incomparables nouvelles et du <i>Théâtre de Clara Gazul</i>. La dernière
+est tout près de nous, du 23 septembre 1870; Mérimée était mourant à
+Cannes; il avait vu sombrer la France et tomber le second empire, auquel
+il s'était attaché pour des raisons tout à fait intimes. On sait, en
+effet, qu'un mariage secret le liait à Mme de Montijo, la mère de
+l'impératrice.
+</p><p>
+En vingt ans de temps, il s'était passé peu d'événements dans la vie de
+ce studieux sybarite, mais avec quelle verve et quel esprit dégagé il
+savait voir ce qui se passait chez les autres! Mais d'abord, qu'est-ce
+que l'Inconnue? Une marquise, une grande dame mariée; c'est tout ce
+qu'on en apprend et on n'en saura jamais plus. Dans l'origine, ils se
+traitaient en camarades; Prosper Mérimée l'appelait son «cher ami
+féminin». En 1842, il lui disait: «Si je ne me trompe, nous nous sommes
+vus six ou sept fois en six années, et, en additionnant les minutes,
+nous pouvons avoir passé trois ou quatre heures ensemble, dont la moitié
+à ne rien nous dire.» On croirait qu'il s'agit d'une aventure de bal
+masqué.
+</p><p>
+Il raconte tout à cette inconnue, ses ennuis, ses plaisirs, ses
+insomnies, surtout ses impressions de voyage. Par exemple, en parcourant
+la Grèce, pour affaires de son commerce, c'est à savoir pour faire de
+l'archéologie, il s'amuse tout le premier du style qu'on emploie sur son
+passeport. Il grisonne et il le dit. «Au milieu de tout cela, je suis
+devenu bien vieux. Mon firman me donne des cheveux de tourterelle; c'est
+une jolie métaphore orientale pour dire de vilaines choses.
+Représentez-vous votre ami tout gris.» Une autre fois, étant de retour,
+il raconte une soirée dans laquelle il a pu présenter Mlle Rachel, alors
+débutante, à Béranger; c'était chez un ministre du roi Louis-Philippe;
+Lamartine, Victor Hugo et M. Thiers étaient là, et, bien qu'il s'agisse
+de tragédie, il faut voir comme la scène devient bouffonne!
+</p><p>
+Messieurs les romanciers et les peintres de m&oelig;urs décriront le second
+empire tant qu'il leur plaira; on est en droit d'affirmer qu'ils n'en
+viendront pas autant à bout que ce railleur, donnant la description du
+bal de Mme la duchesse d'Albe (1er mai 1860).
+</p><p>
+«C'était splendide. Les costumes étaient très-beaux. Beaucoup de femmes
+très-jolies et le siècle montrant de l'audace. 1° On était décolleté
+d'une façon outrageuse par en haut et par en bas aussi. A cette
+occasion, j'ai vu un assez grand nombre de pieds charmants et beaucoup
+de jarretières dans la valse. 2° Croyez que, dans deux ans, les robes
+seront courtes, et que celles qui ont des avantages naturels se
+distingueront de celles qui n'en ont que d'artificiels.» Il raconte
+ensuite le ballet des Eléments, un des triomphes du règne. Seize dames
+de la cour, en courts jupons, couvertes de diamants. «Les Naïades
+étaient poudrées avec de l'argent, qui, tombant sur leurs épaules,
+ressemblait à des gouttes d'eau. Les Salamandres étaient poudrées d'or.
+Il y avait une Mlle E*** merveilleusement belle. La princesse M*** était
+en Nubienne, peinte en couleur bistre très-foncé, beaucoup trop exacte
+de costume. Au milieu du bal, un domino a embrassé Mme de S***, qui a
+poussé les hauts cris. La salle à manger avec une galerie autour, les
+domestiques en costume de pages du XVIe siècle, et de la lumière
+électrique, ressemblait au <i>Festin de Balthazar</i> dans le tableau de
+Wrowthon.»--Y a-t-il beaucoup de coups de burin qui vaillent ces coups
+de plume?
+</p><p>
+En bon courtisan, le sénateur parle aussi de Napoléon III, qui, en
+raison de son mariage avec la comtesse, était son beau-fils.
+</p><p>
+«L'empereur avait beau changer de domino, on le reconnaissait d'une
+lieue; l'impératrice avait un burnous blanc et un loup noir qui ne la
+déguisaient nullement. Beaucoup de dominos, et, en général, fort bêtes.
+Le duc de *** se promenait en arbre, vraiment assez bien imité.»--Ce
+pauvre duc! Mérimée ne le lâche pas, et je n'ose point répéter tout ce
+qu'il met sur son compte.
+</p><p>
+Un autre récit très-caractéristique, c'est celui de la première
+représentation de l'opéra de Richard Wagner, rue Le Peletier.
+</p><p>
+«Un dernier ennui, mais colossal, a été <i>Tannhaüser</i>. Les uns disent que
+la représentation à Paris a été une des conventions secrètes du traité
+de Villafranca; d'autres, qu'on nous a envoyé Wagner pour nous forcer
+d'admirer H. Berlioz. Le fait est que c'est prodigieux. Il me semble que
+je pourrais écrire demain quelque chose de semblable, en m'inspirant de
+mon chat marchant sur le clavier d'un piano. La salle était
+très-curieuse. La princesse de Metternich se donnait un mouvement
+terrible pour faire semblant de comprendre et pour faire commencer les
+applaudissements qui n'arrivaient pas. Tout le monde bâillait; mais,
+d'abord, tout le monde voulait avoir l'air de comprendre cette énigme
+sans mot. On disait, sous la loge de Mme de Metternich, que les
+Autrichiens prenaient la revanche de Solférino. On a dit encore qu'on
+s'ennuie aux récitatifs et qu'on se <i>tanne aux airs.</i>»--Un des plus
+illustres de l'Académie française se <i>fendant</i> d'un calembourg.--Allons,
+je n'irai pas plus loin.</p>
+<p class="rig">Philibert Audebrand.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>Le Général de Colomb, substitut. Le Général Pourcet,
+Commissaire du Gouvernement.<br> PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--L'ACCUSATION.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>Maréchal Bazaine. Me Lachaud. Me Lachaud fils.<br> PROCÈS DU
+MARÉCHAL BAZAINE.-LA DÉFENSE.</b></p>
+<br><br>
+<h2>LA SOEUR PERDUE</h2>
+<h3>Une histoire du Gran Chaco</h3>
+<p class="mid">(Suite)</p>
+
+<p>Les pierres furent disposées et arrangées par Gaspardo en forme de
+muraille grossière. Bien que construite dans l'obscurité, elle était
+assez forte pour résister aux attaques d'un animal quelconque,
+l'éléphant excepté. Or, comme il ne se trouve pas d'éléphants dans le
+Chaco, les voyageurs semblaient n'avoir plus rien à craindre.
+</p><p>
+Tel était l'avis de Gaspardo qui encore une fois partit à la recherche
+de son briquet.
+</p><p>
+«J'ai un bout de chandelle de cire», dit-il; «que Dieu me le pardonne,
+je l'avais ramassé dans l'église de l'Asuncion. Elle avait été allumée
+sur le corps de ma pauvre vieille mère, et je désirais la garder comme
+souvenir. <i>Ay Dios!</i> qui eût jamais pensé que ce serait en pareille
+circonstance que j'aurais à la rallumer? Mais il est malsain de manger
+dans l'obscurité. Je n'ai jamais aimé cela; ce qu'on mange ne vous
+profite pas quand les yeux n'en ont pas leur part.»
+</p><p>
+Gaspardo affectait de parler avec bonne humeur. Il connaissait le lourd
+fardeau qui pesait sur le c&oelig;ur de ses jeunes compagnons et il espérait
+l'alléger en les détournant un peu de leurs pensées. Mais aucun d'eux ne
+fit chorus à sa bonne volonté; il battit donc le briquet et le cierge
+fut enfin allumé.
+</p><p>
+C'était un gros bout de cierge, long d'environ six pouces et fabriqué
+avec la cire de l'abeille sauvage qu'on emploie dans les églises du
+Paraguay. Sa flamme brillante éclairait tous les objets contenus dans la
+caverne, les voyageurs, leurs chevaux, leurs bagages et le jaguar étendu
+mort à l'entrée, dont la peau jaune mouchetée se détachait sur le fond
+sombre du rocher.
+</p><p>
+Mais à peine la flamme eut-elle pris toute sa vigueur, que les yeux des
+voyageurs eurent la très-désagréable surprise d'être subitement arrêtés
+par la vue d'une seconde peau de jaguar, non moins mouchetée, mais bien
+plus brillante que la première. C'était un second jaguar, non pas mort
+celui-là, mais vivant et bien vivant, couché sur un bloc de rocher à
+l'extrémité la plus reculée de la grotte!
+</p><p>
+Il avait au moins deux fois la taille de celui qui avait été tué et son
+aspect était dix fois plus effrayant. Au premier coup d'&oelig;il, on le
+reconnaissait pour le mâle dont Gaspardo avait parlé.
+</p><p>
+«C'est le mâle»! dit-il aussitôt que la lumière du cierge lui eut permis
+de le distinguer. «<i>Santissima!</i> et nous nous sommes donnés bien du mal
+pour nous assurer sa compagnie!»
+</p><p>
+Ses compagnons pétrifiés par la surprise gardaient le silence.
+</p><p>
+«<i>Carrai</i>»! grommela le gaucho entre ses dents. «Je m'étonne qu'il soit
+resté si longtemps tranquille. Il faut que la tormenta ait
+singulièrement modifié son humeur. Qui peut savoir ce qui se passe dans
+sa tête, et ce qui cause son immobilité. Ne nous y fions pas. L'envie
+peut lui prendre subitement de sauter sur nous et un animal de cette
+taille, mes enfants, se moquerait autant d'une balle que d'un coup de
+cravache. Regardez-le, il est presque aussi gros qu'un de nos chevaux!
+On ne fait pas deux miracles dans la même journée.--Une balle qui le
+blesserait seulement au lieu de le tuer ne ferait que le rendre plus
+formidable.»
+</p><p>
+Les deux jeunes gens tenaient à la main leurs carabines.
+</p><p>
+«Faut-il faire feu néanmoins? demandèrent-ils.
+</p><p>
+--Gardez-vous-en bien, sur votre vie! mieux vaudrait essayer de lui
+céder la place, si l'état de terreur, de stupéfaction, d'engourdissement
+où la tormenta met souvent les animaux les plus énergiques et les plus
+violents devait nous en laisser le temps. J'entends la pluie tomber par
+torrents, mais cela ne fut rien, tout plutôt qu'une rencontre avec un
+gaillard comme celui-ci. S'il pleut c'est que la poussière est
+abattue,--et c'est le principal. Nous pourrions peut-être nous en tirer
+personnellement en lui abandonnant nos montures, et en filant pour notre
+compte par la lucarne que nous avons laissée à notre barricade... Elle
+ne suffirait pas à le laisser passer,--mais nous avons autant besoin de
+nos montures que de nous-mêmes et d'ailleurs ce serait une lâcheté que
+de livrer nos bonnes bêtes à ce brigand-là. Il n'y a pas deux partis à
+prendre. Ouvrons notre barricade, défaisons de nos mains l'ouvrage de
+nos mains. Détruire est plus facile que de bâtir.--A l'&oelig;uvre donc. Que
+Cypriano qui a une bonne arme fasse sentinelle. Si le jaguar bouge visez
+à l'oeil, mon enfant!»
+</p><p>
+Et tandis que Ludwig tenait le cierge, Gaspardo dont la force musculaire
+était doublée par l'imminence du danger se mit à démolir sa muraille.
+</p><p>
+Dès qu'une ouverture fut pratiquée, suffisamment grande pour leur livrer
+passage ainsi qu'à leurs chevaux, le gaucho écarta les ponchos et jeta
+un regard au dehors.
+</p><p>
+Cependant, tenu en respect par Cypriano, qui le couchait en joue, ou
+sous le poids encore de l'émoi que lui causait la tourmente, le jaguar
+n'avait pas bougé. Ses yeux fixes et brillants n'avaient pas quitté ceux
+de Cypriano. L'intrépide enfant n'avait pas bronché. Mais le moment le
+plus périlleux devait être celui de la retraite. Il en est de l'animal
+comme de l'homme, tout ce qui ressemble à une fuite de son adversaire
+est comme un signal d'attaque qu'il reçoit.
+</p><p>
+A ce moment une exclamation du gaucho attira l'attention de Ludwig.
+</p><p>
+«Qu'y a-t-il, Gaspardo? lui demanda-t-il.
+</p><p>
+--Il y a, répondit Gaspardo avec un geste de désespoir, il y a qu'il n'y
+a pas moyen de sortir. Regardez!»
+</p><p>
+L'eau s'était élevée de six pieds au-dessus de son premier niveau et
+elle coulait en bas de la caverne avec la violence d'un torrent, le
+courant balayait jusqu'à l'entrée de la grotte et ne laissait pas un
+pouce de sentier par lequel les hommes et les chevaux pussent opérer
+leur retraite. Toute issue était évidemment coupée. La circonstance
+était critique, car rester dans la caverne, c'était rester à la
+discrétion du jaguar.
+</p><p>
+Le ciel, en s'éclairant, projetait jusqu'au fond de l'antre une faible
+lueur qui leur permettait d'apercevoir l'affreuse bête couchée dans sa
+redoutable immobilité. Il semblait qu'avertie par un secret instinct de
+l'impossibilité où étaient désormais ses victimes de lui échapper, elle
+eût jusque-là contemplé avec un imperturbable dédain la vanité de leurs
+efforts.
+</p><p>
+L'ouragan se calmait. Les grondements du tonnerre s'éloignaient. Le
+moment approchait où l'animal allait retrouver son habituelle férocité
+et bondir soit sur les hommes, soit sur leurs montures.
+</p><p>
+La lutte était donc devenue inévitable. En désespoir de cause, Gaspardo
+et les deux jeunes gens se tenaient prêts au combat. La carabine à la
+main, leur couteau de chasse entre les dents, Ludwig et Cypriano
+n'attendaient que l'ordre de faire feu. Gaspardo hésitait encore à le
+donner; évidemment, il eût tout préféré à une rencontre où l'un d'entre
+eux, tout au moins, pouvait perdre la vie; quand tout à coup, posant bas
+sa carabine, il se mit à chercher quelque chose avec une fiévreuse
+impatience dans une des sacoches de son recado.
+</p><p>
+Il se souvenait d'y avoir caché une fusée du genre de celles dont on se
+sert pour exciter les taureaux au combat. Il avait pris cette précaution
+dans la prévision que cela pourrait lui servir, pour étonner et amuser
+ou terrifier suivant l'occasion les Indiens. C'est un vieux tour des
+gens des frontières et qui est souvent couronné de succès parmi les
+sauvages.
+</p><p>
+«Ne bougez pas, murmura-t-il à l'oreille de ses amis, ne quittez pas la
+place où vous êtes. Laissez-moi faire. J'ai mon idée.»
+</p><p>
+Tous deux conservèrent leur place à l'entrée de la caverne, semblables à
+deux sentinelles silencieuses.
+</p>
+<br>
+<h3>
+CHAPITRE IX
+</h3><h4>
+AU HASARD
+</h4><p>
+Quoique encore sous l'empire d'une grande émotion, Ludwig et Cypriano
+étaient fort intrigués, et se demandaient du regard ce qui avait bien pu
+passer dans la cervelle de leur ami.
+</p><p>
+Les moments étaient trop précieux pour que le gaucho songeât à prolonger
+leur attente. Il s'avança rapidement vers le cierge que Ludwig avait
+fixé dans une des anfractuosités de la caverne,--et leur ayant
+recommandé de se coller contre les parois,--pour laisser libre l'entrée
+tout entière, il approcha de la flamme du cierge la mèche de sa fusée et
+la lança sur le jaguar. Ce fut comme une illumination soudaine: la
+lumière éclatante suivie d'un sifflement aigu s'était élancée comme un
+serpent de feu sur l'animal, l'avait atteint au flanc et s'était
+attachée à sa peau en tournoyant comme un soleil et en l'inondant
+d'étincelles.
+</p><p>
+C'était évidemment le premier feu d'artifice qu'on eût jamais tiré en
+son honneur.
+</p><p>
+Poussant un formidable rugissement qui fit frémir les parois du rocher,
+l'énorme animal effaré bondit d'épouvante sur sa couche, et en trois
+bonds traversant la caverne et traînant derrière lui comme la queue
+enflammée d'une comète, il alla se précipiter dans le torrent.
+</p><p>
+C'était assurément ce qu'il avait de mieux à faire pour éteindre la
+fusée qui sifflait entre les poils de sa fourrure, et pour débarrasser
+nos voyageurs de sa fâcheuse compagnie.
+</p><p>
+En un instant, son corps fut hors de vue, enlevé par le courant du ravin
+débordé. Gaspardo, monté sur le roc où était tout à l'heure le jaguar,
+criait du fond de la grotte:
+</p><p>
+«Pour cette fois, Muchachos, nous pouvons nous mettre à table; je
+suppose que nous ne risquons plus d'être dérangés!»
+</p><p>
+Ludwig et Cypriano ne pouvaient revenir de l'étrange et expéditive façon
+dont le gaucho les avait tirés d'affaire.
+</p><p>
+«On ne pense pas à tout, répondit modestement le brave homme. J'aurais
+dû commencer par là, et ni vous ni moi ne nous serions écorchés les
+mains à faire et à défaire nos inutiles fortifications.»
+</p><p>
+Ludwig et Cypriano regrettaient bien un peu de ne pas avoir abattu le
+jaguar mâle, comme Gaspardo avait abattu la femelle; mais ils ne
+voulurent pas gâter la joie de leur ami, qui était cent fois plus fier
+de son expédient qu'il ne l'eût été du coup de fusil le mieux réussi.
+</p><p>
+Quand nos voyageurs eurent achevé leur repas, la tempête avait
+complètement cessé.
+</p><p>
+La <i>tormenta</i> diffère du <i>temporal</i>; la première disparaît aussi
+rapidement qu'elle est venue, l'autre se termine graduellement et est
+suivie par des brumes qui remplissent l'atmosphère et par une fraîcheur
+humide qui parfois dure plusieurs jours. Il n'en est pas ainsi d'une
+véritable tempête de poussière. Elle arrive sans être précédée de signes
+autres que ceux connus seulement des initiés, ceux par exemple que
+Gaspardo avait lus dans la corolle des fleurs de l'arbre baromètre, et
+elle cesse aussi soudainement, sans avertir autrement du moment où elle
+prend fin.
+</p><p>
+Lorsqu'ils revinrent à l'entrée de la grotte et regardèrent au dehors,
+il n'y avait pas plus de traces de l'ouragan que s'il n'eût jamais
+existé. Au-dessus de la berge opposée de l'arroyo, ils pouvaient
+distinguer un espace de ciel d'une belle nuance azurée, et par les
+rayons de lumière qui plongeaient dans le vallon, ils voyaient que le
+soleil brillait aussi pur qu'avant d'avoir été obscurci par les nuages
+épais de la poussière.
+</p><p>
+Cette terrible lutte des éléments avait duré en tout une heure. Ils
+l'auraient considérée comme un rêve s'ils n'eussent eu sous les yeux,
+s'étendant sur les pentes du terrain, les traces de sa furie; des arbres
+déracinés, d'autres oscillant, des branches brisées et déchirées, des
+bouquets d'arbustes couchés comme des roseaux, enfin, à leurs pieds, un
+torrent écumant remplaçant le mince ruisseau que leurs chevaux avaient
+traversé à gué une heure à peine auparavant.
+</p><p>
+Sans cet obstacle tort sérieux, ils auraient immédiatement repris leur
+voyage, mais d'un seul coup d'&oelig;il, ils en avaient reconnu
+l'impossibilité. Comme le paysan de la fable, mais avec plus de raison
+puisqu'ils n'avaient devant eux qu'un fleuve improvisé et accidentel,
+ils devaient attendre le moment où les eaux baisseraient.
+</p><p>
+«Nous n'en avons pas pour longtemps, mes enfants, dit le gaucho, en
+remarquant leur impatience, et en essayant de les encourager.
+</p><p>
+--Non, continua-t-il, après être resté un instant les yeux fixés sur le
+torrent, pas pour bien longtemps. Ce débordement, né de la tourmente qui
+l'a produit, baissera aussi vite qu'il s'est élevé. Il est déjà tombé de
+plus d'un demi-pied; voyez les traces qu'il a laissées sur les pierres.»
+</p><p>
+Et il désigna du doigt un endroit que l'eau boueuse avait mouillé et
+dont elle s'était déjà retirée. C'était bon signe. Tous trois
+retournèrent donc dans la grotte pour y empaqueter leurs bagages, donner
+quelques soins à leurs montures, sur lesquelles la tourmente avait agi
+autant que sur le jaguar, et se préparer à reprendre leur route.
+</p><p>
+Aussitôt cette besogne terminée, le gaucho se donna sur la poitrine, en
+guise de <i>mea culpa</i>, un coup de poing qui en eût abattu un autre que
+lui-même.
+</p><p>
+«Santo Dios! je perds la tête, s'écria-t-il, c'est pitié de laisser ce
+beau jaguar derrière nous. Sa peau vaudrait de l'argent si quelqu'un la
+portait au marché. Comme le mâle était beau! Jamais je n'en ai vu un
+plus magnifique. Ah! si votre....»
+</p><p>
+Il s'arrêta brusquement.<br>
+
+<span class="rig">Mayne Reid.</span><br>
+(La suite prochainement.)</p>
+
+<br><br>
+<h2>NOS GRAVURES</h2>
+
+<h3>Procès du maréchal Bazaine</h3>
+<h4>LA BUVETTE DES TÉMOINS.</h4>
+
+<p>Au moment où paraîtront ces lignes, le verdict du 1er conseil de guerre,
+vers lequel en ce moment toute la France a les yeux tournés, sera
+prononcé ou bien près de l'être. Le M. le général Pourcet a commencé la
+lecture de son réquisitoire, qui s'est prolongée jusqu'à la fin de
+l'audience du 5 décembre. Le 6, la parole a été donnée à la défense, qui
+la gardera certainement au moins aussi longtemps que l'accusation. C'est
+donc vers la fin de la semaine que, selon toute vraisemblance, le sort
+de l'accusé sera fixé. L'auditoire, est-il besoin de le dire? est plus
+nombreux que jamais et, ajoutons-le, il trahit par sa physionomie plus
+grave et plus réservée l'imminence du dénoûment de ce grand drame.
+Chacun en effet, comprend qu'au moment où la justice va parler, il doit
+refouler, au moins en public, ses impressions propres et attendre en
+silence qu'elle prononce le mot suprême. Il est vrai qu'il se dédommage
+à la suspension de l'audience. La buvette des témoins, que représente
+notre dessin, est le lieu où s'échangent volontiers les commentaires. On
+y rappelle les arguments de l'accusation et ceux de la défense, on les
+compare entre eux, et on cherche à en dégager la conséquence. Mais là
+encore, même en s'aventurant sur ce terrain glissant, on use de réserve
+et l'on ne sort pas de la stricte mesure que réclament les convenances.</p>
+
+<h4>L'ACCUSATION.</h4>
+<p>Les membres qui composent le parquet dans le procès Bazaine sont au
+nombre de huit, savoir:
+</p><p>
+M. Alla, greffier titulaire du premier conseil de guerre, auquel on a,
+pour la circonstance, adjoint M. Castres, greffier en retraite. A gauche
+de MM. Alla et Castres se tient le maréchal des logis de la garde
+républicaine qui a le titre d'appariteur, et remplit des fonctions
+analogues à celles des huissiers dans les cours d'assises.
+</p><p>
+Puis viennent, devant la table où sont assis les membres du parquet, M.
+le général Pourcet, puis M. le commandant Martin, chef de bataillon en
+retraite, et qui assiste de droit aux débats en sa qualité de
+commissaire du gouvernement titulaire près le premier conseil de guerre,
+M. le général de division de Colomb, jeune avec son grade, car il n'est
+âgé que de quarante-neuf ans. Sorti de Saint-Cyr en 1844, il a conquis
+tous ses grades en Afrique, à l'exception du dernier, qu'il doit à sa
+belle conduite à l'armée de la Loire. Son titre officiel est: substitut
+du commissaire spécial du gouvernement, M. Pourcet.
+</p><p>
+Tout à fait à gauche sont assis deux jeunes capitaines, M. Avon, du
+corps d'état-major, et M. Boisselier, de l'infanterie. Ces messieurs
+n'ont pas de titre officiel; en réalité ils sont adjoints à M. le
+général Pourcet pour les immenses travaux que nécessitent l'examen et la
+manipulation d'un dossier fabuleusement volumineux.</p>
+
+<h4>LA DÉFENSE.</h4>
+
+<p>Le maréchal Bazaine a confié, on le sait, le soin de sa défense, à Me
+Lachaud, assisté de son fils et du colonel Villette, aide de camp du
+maréchal.
+</p><p>
+Nous avons parlé de ce dernier en donnant son portrait, il y a quelques
+semaines; nous n'avons donc pas à y revenir. Quant à M. Lachaud fils, le
+temps lui a fait défaut pour travailler à l'auréole dont il ne peut
+manquer un jour ou l'autre de ceindre son front, si tant est que le
+proverbe soit vrai; mais pour le moment il ne brille encore que des
+rayons de la gloire paternelle, assez grande, après tout, pour contenter
+deux ambitions, même exigeantes.
+</p><p>
+Me Lachaud a aujourd'hui cinquante-six ans. Né à Treignac (Corrèze) le
+25 février 1818, il exerçait sa profession d'avocat à Tulle, lorsque Mme
+Lafarge le choisit pour défenseur. Ce fameux procès commença sa
+réputation, qu'acheva d'établir le procès Marcellange. C'est alors que
+Me Lachaud vint à Paris, où il ne tarda pas à prendre au barreau
+parisien une des premières places. Il brilla surtout devant la cour
+d'assises, où son éloquence naturelle, admirablement servie par une voix
+aussi souple que sympathique et des facultés mimiques très-développées,
+lui assura un grand ascendant aussi bien sur les juges que sur
+l'auditoire. Parmi les affaires qu'il y plaida, citons les affaires
+Pavy, de Preigne, Carpentier, Lescure, de Merci, Lemoine, Taillefer et
+Troppmann.
+</p><p>
+Nous pouvons maintenant ajouter à cette liste l'affaire Bazaine, qui
+prime incontestablement toutes les autres, aussi bien par la position
+élevée de l'accusé, que par les circonstances exceptionnelles qui ont
+donné lieu à l'accusation.
+</p><p>
+P. S.--Au moment de mettre sous presse, nous recevons la nouvelle que le
+1er conseil de guerre vient de rendre son arrêt, que nous n'attendions
+pas si tôt. Mais le conseil a siégé de neuf heures du matin à neuf
+heures du soir, le 10; et dans cette séance si longue ont eu lieu la fin
+de la plaidoirie de Me Lachaud et les répliques. A quatre heures et
+demie, les débats ont été clos et à neuf heures moins un quart, après
+une délibération qui n'a pas duré moins de quatre heures, le conseil
+rentrait en séance, rapportant son verdict. Quatre questions lui avaient
+été posées.
+</p><p>
+lre question.--Le maréchal Bazaine est-il coupable d'avoir, en octobre
+1870, capitulé, son armée étant en rase campagne?
+</p><p>
+2e question.--Cette capitulation a-t-elle eu pour résultat de faire
+poser les armes à sa troupe?
+</p><p>
+3e question.--Le maréchal Bazaine a-t-il traité verbalement ou par écrit
+avec l'ennemi, sans avoir fait tout ce que lui prescrivaient le devoir
+et l'honneur?
+</p><p>
+4e question.--Le maréchal Bazaine, mis en jugement sur l'avis du conseil
+d'enquête, est-il coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, rendu la
+place qui lui était confiée, sans avoir épuisé tous les moyens de
+défense dont il disposait et sans avoir fait tout ce que prescrivaient
+le devoir et l'honneur?
+</p><p>
+A ces quatre questions, chacun des membres du conseil ayant répondu
+affirmativement, le maréchal Bazaine a été condamné à l'unanimité à la
+peine de mort, avec dégradation militaire.</p>
+<br>
+<h3>La capture du "Virginius".</h3>
+
+<p>Nous recevons, par la voie des États-Unis, une intéressante
+correspondance sur le <i>Virginius</i>, dont la capture par le croiseur
+espagnol le <i>Tornado</i>, a eu pour résultat de créer, entre l'Espagne et
+les États-Unis, le grave conflit que nous avons déjà eu occasion de
+signaler.
+</p><p>
+Le <i>Virginius</i> est un vapeur à roues, entièrement en fer, de 100
+tonneaux de capacité et d'une longueur de 220 pieds. Il a été construit
+en Angleterre, en 1864, pendant la guerre de la sécession, pour le
+compte des confédérés, qui l'employaient à forcer le blocus des côtes
+des États du Sud.
+</p><p>
+Capturé, avec un chargement de coton, par les forces fédérales, lors de
+la prise de Mobile, il fut vendu aux enchères, après la guerre, par le
+gouvernement des États-Unis et acheté pour le compte de l'insurrection
+cubaine, qui venait d'éclater. Le <i>Virginius</i> reprit aussitôt son
+aventureuse carrière; monté par un équipage déterminé, sous le
+commandement de Joseph Fry, un Louisianais, il venait s'approvisionner à
+New-York d'armes et de munitions qu'il allait ensuite débarquer sur la
+côte cubaine. Vingt fois il avait failli être pris par les croiseurs
+espagnols et vingt fois il leur avait échappé, grâce à la présence
+d'esprit de son hardi capitaine, dont la réputation était devenue
+légendaire. Enfin, le 31 octobre dernier, il fut aperçu par le vapeur
+espagnol le <i>Tornado</i> au moment où il arrivait au but d'un nouveau
+voyage de ce genre; dès qu'il se vit reconnu, le capitaine Fry fit force
+de voiles et de vapeur pour s'échapper, car il n'était pas armé de
+manière à accepter la lutte avec un navire de guerre; malheureusement le
+<i>Virginius</i> tenait la mer depuis plus d'un an; le mauvais étal de sa
+coque avait diminué sa vitesse d'autrefois, et pour comble de malheur,
+on était à bout de combustible; vainement on jeta la cargaison
+par-dessus bord pour s'alléger, vainement on entassa dans les fourneaux
+les boiseries, les caisses défoncées et jusqu'à des barils de lard qui
+se trouvaient à bord, le <i>Tornado</i> gagnait de vitesse et, après une
+chasse de huit heures, le <i>Virginius</i> était rejoint au moment où il
+arrivait en vue de la Jamaïque, où il eut pu se réfugier sous la
+protection du drapeau britannique. On sait le reste et comment
+l'équipage du <i>Virginius</i>, conduit à Santiago, paya de sa vie son audace
+tant de fois heureuse. La gravure que nous publions aujourd'hui montre
+les deux navires au moment où le <i>Virginius</i>, à bout de forces, amène
+son pavillon et se met en panne pour recevoir le canot du Tornado.
+</p><p>
+Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur la sanglante tragédie de
+Santiago qui a été l'épilogue de ce drame, et nous publierons à ce sujet
+d'autres dessins que nous avons reçus trop tard pour les faire paraître
+aujourd'hui.</p>
+<br>
+<h3>Inauguration du monument de Champigny</h3>
+
+<p>Le 28 novembre un grand courant d'enthousiasme régnait dans la capitale.
+C'est que quelques jours auparavant, la nouvelle de la victoire
+remportée sur les Prussiens à Couliniers par l'armée de la Loire, s'y
+était répandue et que le gouvernement, sous la pression de l'opinion
+publique, se décidait enfin à faire un effort sérieux en vue de briser
+le cercle d'investissement et de donner la main à la jeune armée qui
+s'avançait à notre secours.
+</p><p>
+En conséquence, une grande sortie était décidée. Trois proclamations
+aussi retentissantes qu'elles furent vaines, annoncèrent l'événement au
+public.
+</p><p>
+On sait comment tout ce beau mouvement avorta. L'armée, qui devait
+passer la Marne dans la nuit du 28 au 29 novembre, ne put le faire, les
+ponts se trouvant trop courts! Il fallut attendre vingt-quatre heures.
+L'ennemi mis en garde par cette inexcusable faute, prit ses mesures en
+conséquence. Il ramassa ses forces sur le point menacé, et au lieu de le
+surprendre et de le culbuter, ce fut une grande bataille qu'il fallut
+lui livrer en avant de Champigny.
+</p><p>
+Néanmoins le village fut enlevé et l'ennemi obligé de reculer jusqu'au
+parc de C&oelig;uilly. Mais les morts étaient nombreux. La journée du 1er
+décembre fut employée de part et d'autre à les ramasser.
+</p><p>
+Le 2, les Prussiens reprirent l'offensive, refoulant d'abord nos troupes
+qui finalement regagnèrent toutes leurs positions. Mais, épuisées par ce
+double et pénible effort de deux jours de bataille, qu'avec un peu de
+prévoyance on leur eut épargné, elles étaient incapables, pour continuer
+leur marche, d'en faire un troisième, dans des conditions de difficultés
+beaucoup plus grandes encore. Dans la nuit du 2 au 3 on leur fit donc
+repasser la Marne, abandonnant ce plateau de Champigny, deux fois
+conquis au prix de tant d'efforts stériles et de sang inutilement
+répandu.
+</p><p>
+C'est sur ce plateau, au bord de la route de Paris, que s'élève le
+monument inauguré le 2 de ce mois. M. Vaudremer, architecte de la ville
+de Paris, en est l'auteur. C'est une pyramide en pierre grise, assise
+sur un soubassement et portant sur l'un des côtés un bouclier où l'on
+voit un guerrier blessé s'appuyant sur l'autel de la patrie. Au-dessus,
+on lit ces mots: <i>Défense de Paris</i>; au-dessous: <i>Bataille de
+Champigny</i>, 30 novembre, 2 décembre 1870. De l'autre côté de la pyramide
+est la devise de la ville de Paris: <i>Fluctuat nec mergitur</i>.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br>ÉVÉNEMENTS DE CUBA.-Capture du <i>Virginius</i> par le<br>
+<i>Tornado</i> dans les eaux de la Jamaïque.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007.png"><br>LE MONUMENT COMMÉMORATIF DE LA BATAILLE DE CHAMPIGNY,<br>
+INAUGURÉ LE 2 DÉCEMBRE 1873.</p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Le naufrage de la "Ville-du-Havre".</h2>
+
+<p>Nous n'avons pu qu'annoncer dans notre dernier numéro l'épouvantable
+catastrophe de la <i>Ville-du-Havre</i>, réputée le plus vaste des paquebots
+après le <i>Great-Eastern</i>. Les relations qui nous sont parvenues nous
+permettent de donner à nos lecteurs un récit du désastre.
+</p><p>
+Le 15 novembre, à trois heures de l'après-midi, la Ville-du-Havre
+quittait son <i>warf</i> de New-York emmenant 135 passagers, 172 hommes
+d'équipage et de service et transportant une cargaison de blé, coton,
+cuir et graisses. Pendant les premiers jours, la traversée fut
+contrariée par le mauvais temps; puis, quand on fut sur le banc de
+Terre-Neuve, par un brouillard intense, commun du reste dans ces
+parages, dans la crainte d'aborder ou d'être abordé, le capitaine
+Surmont dut faire vibrer le sifflet d'alarme de minute en minute, et,
+tout le temps qu'il y eut danger, il ne voulut laisser à aucun de ses
+officiers la responsabilité des man&oelig;uvres. La journée du 20 fut assez
+belle, ce qui permit aux passagers de jouir de la promenade sur la vaste
+dunette d'arrière, aux enfants de se livrer à leurs jeux, et, le soir,
+quelques amateurs purent s'offrir dans le salon, un concert improvisé,
+dont la <i>Dernière pensée de Weber</i> fut le morceau final. La nuit étant
+claire, rien ne paraissant à craindre, le capitaine se décida à
+descendre dans sa cabine pour y prendre quelques heures de repos, mais
+après avoir donné l'ordre formel de le prévenir du moindre incident.
+</p><p>
+C'est à partir de ce moment que l'on ne sait plus d'une manière certaine
+ce qui s'est passé, ni même l'heure précise de la catastrophe. Toujours
+est-il qu'entre une heure et deux heures du matin, des ordres de
+man&oelig;uvre étaient donnés, exécutés précipitamment, mais trop tard... la
+<i>Ville-du-Havre</i> éprouvait une commotion violente, suivie d'une série de
+craquements formidables, se renversait à demi; passagers, officiers et
+matelots, réveillés en sursaut, et accourus sur le pont, apercevaient la
+masse d'un grand voilier qui, ayant enfoncé les bordages du paquebot,
+laissait les débris de son étrave au milieu de celui-ci. Le navire
+abordant était le voilier en fer, le <i>Loch-Earn</i> (Lac ardent), capitaine
+Robertson.
+</p><p>
+Le capitaine Surmont s'était élancé sur la passerelle de commandement.
+D'un coup d'&oelig;il il comprit que tout était perdu. La <i>Ville-du-Havre</i>
+portait au flanc de la chambre des machines une trouée large de cinq à
+six mètres, profonde de quatre, par laquelle l'eau s'engouffrait en
+cataractes bruyantes pour se répandre dans les profondeurs du bâtiment
+avec des grondements et des clapotements sinistres. On n'avait pas eu le
+temps de fermer les cloisons étanches, de telle sorte que les foyers
+ayant été éteints, chaudières et machines furent immédiatement
+paralysées.
+</p><p>
+Eperdus, les passagers se pressaient sur la dunette d'arrière, les uns à
+peine vêtus ou dans leur costume de nuit, les autres ayant eu le temps
+de se couvrir de quelques vêtements ou de prendre avec eux leurs objets
+les plus précieux. A un premier moment, non de désordre mais seulement
+de trouble, succéda un certain apaisement, quand on vit le capitaine à
+son poste et les officiers se multipliant pour indiquer à chacun ce
+qu'il y avait à faire. Dans le court espace de temps écoulé entre
+l'abordage et le naufrage, il y eut des exemples de sang-froid
+admirable, de sublime résignation, de devoir noblement compris. Debout
+sur le pont, un petit sac à la main, leurs enfants dans les bras ou se
+pressant contre leur père ou leur mari, des femmes attendaient que les
+canots fussent mis à la mer; quelques-unes s'étant agenouillées,
+priaient avec ferveur, pendant qu'un prêtre catholique leur donnait
+l'absolution suprême; des enfants à demi-nus, devinant le péril sans le
+comprendre, cherchaient d'instinct un refuge dans les bras de leur mère.
+</p><p>
+Si la collision avait eu lieu en plein jour, les secours eussent été
+plus efficaces, mais la nuit d'une part, la perte de plusieurs des
+embarcations de la <i>Ville-du-Havre</i> de l'autre, rendaient le sauvetage
+difficile. On venait d'installer une cinquantaine de personnes dans deux
+canots intacts, lorsque le grand mât et le mât d'artimon, déjà ébranlés,
+oscillèrent et s'abattirent presque en même temps, brisant les canots,
+tuant et blessant la plupart des malheureux qui déjà se voyaient sauvés.
+En vain, raconte un matelot, on voulut retirer quelques survivants de
+l'amas enchevêtré de vergues rompues, de cordages, de débris de
+planches, on n'en eut pas le temps. Ce grave accident précipita le
+dénoûment, car la chute des mâts fit incliner davantage le paquebot, et
+tous ceux qu'il portait sentirent que leur dernière heure était venue.
+</p><p>
+Il n'est guère possible de s'imaginer l'horreur du drame dont notre
+dessin donne un aperçu pris du milieu du navire, entre les deux
+cheminées, près de l'escalier de la dunette des premières.
+</p><p>
+La <i>Ville-du-Havre</i> oscillait comme en proie aux dernières convulsions;
+on vit, rapporte un passager, une jeune fille soutenant sa mère et lui
+disant: «Courage, ma mère, courage, dans quelques minutes nous entrerons
+au ciel.» Quatre charmantes petites filles encourageaient ceux qui les
+entouraient en leur disant: «Prions le bon Dieu de nous recevoir auprès
+de lui.» Rien, raconte M. Lorriaux, ministre protestant, ne peut donner
+une idée de la résignation des femmes pendant cette catastrophe. Un
+officier de la marine américaine avait trois filles qui voulaient périr
+avec lui: «Je sais, dit-il, en leur adressant le dernier adieu, que la
+Providence veut vous sauver, n'allez donc pas contre sa volonté.» Deux
+seulement de ces jeunes filles furent recueillies.
+</p><p>
+Moins d'un quart-d'heure après le choc, la <i>Ville-du-Havre</i>
+disparaissait sous les Ilots, qui se précipitèrent en tourbillonnant
+dans l'immense vide formé; et les malheureux renversés dans l'eau, ceux
+que la vague ramena à la surface, ou qui plus heureux avaient pu saisir
+une ceinture de sauvetage, un tronçon de mât, une planche, restèrent
+ballottés par les vagues, transis, à moitié expirants, mais soutenus
+quelques instants encore par cette force surhumaine que donnent l'espoir
+et l'instinct de la conservation. La fatalité avait poursuivi le
+malheureux navire jusqu'à sa dernière minute d'existence; au moment où
+il sombrait, un canot chargé de femmes et d'enfants fut projeté par le
+remous sur le tronçon du mât d'artimon, crevé et submergé.
+</p><p>
+Le <i>Loch-Earn</i> avait pu se dégager aussitôt après l'abordage. Bien que
+fortement compromis par la perte de son avant, il se soutenait sur
+l'eau. Sans perdre un instant, son capitaine fit mettre ses embarcations
+à la mer et procéda au sauvetage. Les canots n'arrivèrent sur le lieu de
+la catastrophe qu'après la disparition complète de la <i>Ville-du-Havre</i>;
+ils recueillirent les naufragés et ne quittèrent la place que le
+lendemain matin à dix heures, quand nulle voix ne vint plus réclamer
+assistance, quand aucune victime ne parut surnager, quand enfin rien ne
+vint plus révéler que là, quelques heures auparavant, flottait l'un des
+rois de la mer. Demeuré à son poste, le capitaine Surmont coula avec son
+bâtiment, mais il eut le bonheur de saisir une planche, et vingt minutes
+après un canot le sauvait.
+</p><p>
+Passagers et marins recueillis à bord du <i>Loch-Earn</i> étaient dépourvus
+de tout, la rapidité du sinistre n'ayant permis qu'à un très-petit
+nombre d'entre eux de se munir des objets les plus indispensables: ils
+furent, de la part du capitaine Robertson et de l'équipage anglais,
+l'objet d'une sollicitude des plus touchantes, qu'ils se sont plu à
+reconnaître publiquement. Mais quel triste lendemain! Parmi ceux qui se
+trouvaient sains et saufs, il y avait une jeune mère qui avait perdu ses
+quatre enfants; une petite fille de neuf ans restée seule d'une famille
+nombreuse, et quantité d'infortunés qui, en quelques minutes, avaient vu
+mourir sous leurs yeux, père, mère, frère, s&oelig;ur, mari, amis... Parmi
+ces passagers, un, M. James Bishop, avait eu le bonheur d'être
+recueilli, et c'était la troisième fois, disait-il, qu'il échappait à
+une mort imminente: il avait failli périr lors de la chute d'un train de
+chemin de fer dans une rivière et à la suite du sautage d'un navire par
+une torpille.
+</p><p>
+À dix heures du matin, un trois-mâts américain, le <i>Trimountain</i>, fut
+signalé; on lui adressa des signaux de détresse, et le capitaine
+Surmont, se rendant aux instances des passagers, qui jugeaient le
+<i>Loch-Earn</i> trop endommagé pour conserver un supplément de quatre-vingts
+à quatre-vingt-dix-personnes, fit passer les survivants sur le navire
+américain, à l'exception d'un passager malade, d'un chauffeur blessé et
+d'un troisième passager qui voulut garder son compagnon d'infortune.
+</p><p>
+A qui incombe la responsabilité de la catastrophe? Une enquête nous
+l'apprendra sans doute, mais ce qui, suivant les témoignages déjà
+recueillis, parait acquis dès à présent, c'est que le <i>Loch-Earn</i> avait
+ses feux réglementaires allumés. Son capitaine aurait dit à un passager
+qu'étonné de voir devant lui la silhouette d'un grand vapeur ne faisant
+aucun mouvement pour éviter une rencontre, il crut qu'un ou plusieurs de
+ses fanaux étaient éteints et qu'on ne l'apercevait pas; il courut à
+l'avant, s'assura qu'ils brillaient et fit man&oelig;uvrer pour s'éloigner du
+navire en vue.
+</p><p>
+A bord de la <i>Ville-du-Havre</i>, les vigies de l'avant auraient aperçu et
+signalé le <i>Loch-Earn</i> quelques minutes avant la collision.
+</p><p>
+Que s'est-il passé alors? l'officier remplaçant momentanément le
+capitaine s'était-il assoupi, n'a-t-il pas entendu l'avis qu'on lui
+donnait, ou bien ses ordres ont-ils été mal compris du timonier? Les
+auteurs principaux du drame ayant péri, il paraît difficile de savoir la
+vérité, mais des positions respectives du <i>Loch-Earn</i> et de la
+<i>Ville-du-Havre</i>, au moment de l'abordage, semble résulter ce fait
+capital que cette dernière a dû faire une fausse man&oelig;uvre. Dans les cas
+de rencontre en mer, c'est le vapeur, plus maniable que le voilier, qui,
+suivant les règlements maritimes, doit modifier sa route. Par conséquent
+la <i>Ville-du-Havre</i> aurait dû incliner vers sa droite et si, pendant son
+mouvement, elle eût été abordée, c'est par son côté gauche ou de bâbord
+qu'elle eût reçu le choc. Le contraire ayant eu lieu, c'est-à-dire que
+le voilier s'étant enfoncé dans les bordages de droite ou de tribord, il
+est permis de penser que le coup de barre, indiqué ou donné, a eu pour
+résultat de faire virer le paquebot vers la gauche, ce qui lui a fait
+présenter le flanc droit au <i>Loch-Earn</i>. Si cela est, la responsabilité
+de ce dernier se trouverait dégagée.
+</p><p>
+Le <i>Trimountain</i> a conduit à Cardiff les naufragés que le steamer
+<i>Alice</i>, de Southampton, a ramenés ou rapatriés en France. Quant au
+navire, cause de ce grand malheur, il n'avait pas, ainsi que l'indique
+le rapport du capitaine Surmont, de cloison étanche proprement dite,
+mais son charpentier avait répondu, d'en établir une suffisante pour
+permettre de gagner un port. Ces prévisions ne se sont malheureusement
+pas réalisées, car, assailli par un gros temps, le <i>Loch-Earn</i> a sombré
+en mer; son équipage et les trois naufragés qu'il avait recueillis, ont
+pu être sauvés par un bâtiment anglais se rendant d'Amérique en
+Angleterre. Ce dernier naufrage a présenté des incidents aussi
+palpitants que celui de la <i>Ville-du-Havre</i>.
+</p><p>
+Terminons en notant un sentiment superstitieux qui subsiste parmi les
+populations maritimes de certains ports. Lorsqu'un navire a été dénommé
+et baptisé, il ne doit plus changer de nom, sans cela Dieu cesse de le
+protéger. A l'appui de cette croyance, les marins vous citent une longue
+série de navires ayant changé de nom qui, partis pour la haute mer, ne
+sont jamais revenus. Aussi beaucoup d'entre eux refusent-ils de
+s'embarquer sur les navires <i>débaptisés</i>. Soyez certain que si vous
+parlez à quelque vieux loup de mer de la catastrophe de la
+<i>Ville-du-Havre</i>, il vous répondra en hochant la tète: «On lui avait
+changé son nom!»<br>
+
+<span class="rig">P. Laurencin.</span></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Inauguration de l'Asile et de l'École de filles de Dugny.</h2>
+
+<p>Le village de Dugny (Seine) était à peu près inconnu avant la guerre de
+1870. Perdu dans la plaine Saint-Denis, entre Stains et le Bourget, il
+fallait les désastres de la dernière invasion pour tirer son nom de
+l'oubli. En tant que commune ravagée, Dugny méritait, en effet, de fixer
+l'attention. Occupé par les troupes ennemies dès le 10 septembre 1870,
+il a vu partir le dernier soldat prussien le 20 septembre 1871.
+</p><p>
+Pendant cette occupation, qui a été la plus longue du département de la
+Seine, les projectiles, la rapine, la dévastation même pendant
+l'armistice, tout a contribué à la ruine du village.
+</p><p>
+Grâce à l'énergie et au courage de sa population laborieuse, les traces
+de la guerre ont à peu près disparu.
+</p><p>
+Mais, par suite de ces désastres, la commune a dû faire construire une
+salle d'asile et une école de filles.
+</p><p>
+La pose d'une plaque commémorative et, plus tard, l'inauguration de
+l'édifice, ont donné lieu à des cérémonies qui ont été entourées d'un
+certain éclat.
+</p><p>
+Ainsi, pour ne parler que de la dernière, nous citerons la présence de
+monseigneur l'archevêque de Paris, de monseigneur Langenieux, évêque de
+Tarbes, de M. l'archidiacre de Saint-Denis, de MM. le préfet de la
+Seine, le préfet de police, le sous-préfet de Saint-Denis, de M. Artoux,
+inspecteur de l'instruction primaire, et enfin de tous les maires des
+communes voisines.
+</p><p>
+Le cortège, qui s'est formé chez M. Étienne Blanc, maire de la commune,
+où tous les invités s'étaient réunis, s'est rendu à la nouvelle école.
+Une nombreuse assistance l'attendait à son arrivée.
+</p><p>
+Les élèves de l'école des filles ont chanté, en ch&oelig;ur, un hymne en
+remerciement de la visite de monseigneur l'archevêque.
+</p><p>
+M. le maire de Dugny s'est ensuite adressé à Monseigneur, pour lui
+exprimer la reconnaissance des habitants, heureux et fiers de la
+présence de toutes les autorités dans leur modeste village.
+</p><p>
+Une jeune fille de l'école a adressé ensuite à monseigneur l'archevêque
+et à M. le maire un compliment au nom de toutes ses compagnes.
+</p><p>
+Monseigneur Guibert a pris alors la parole et a témoigné dans des termes
+empreints d'un sentiment tout paternel, l'intérêt que lui inspire ce
+malheureux village, si cruellement éprouvé pendant la guerre.
+</p><p>
+Après ce discours, Monseigneur a donné la bénédiction à l'édifice ainsi
+qu'à l'assistance; puis un ch&oelig;ur, chanté par des amateurs, a terminé la
+cérémonie.
+</p><p>
+Le cortège s'est reformé et a reconduit monseigneur l'archevêque de
+Paris et sa suite chez M. le maire.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>LE NAUFRAGE DE LA "VILLE-DU-HAVRE".<br>LA DERNIÈRE MINUTE.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>La comédie de notre temps, par Bertall (1)</h2>
+
+<p class="Mid"><b>Note 1:</b> 1 vol grand in-8º illustré. E. Plon et Cie éditeurs.</p>
+
+<p>M. Bertall, dont le premier grand succès fut sa collaboration au <i>Diable
+à Paris</i>, revient aujourd'hui au genre qui lui valut sa réputation, et
+il publie sous ce titre la <i>Comédie de notre temps</i>, un livre qui sera,
+pour la société de 1870 à 1875, ce que le <i>Diable à Paris</i> fut pour le
+monde de 1840, avec cette différence qu'ici, dans ce nouvel ouvrage,
+Bertall tient à la fois la plume et le crayon. Il est l'auteur et
+l'illustrateur d'un certain nombre de chapitres tout parisiens, d'une
+curiosité et d'un intérêt absolus, sur les m&oelig;urs actuelles, et, je
+n'hésite pas à dire que ce livre, qui nous plaira si fort aujourd'hui,
+constituera pour l'avenir un véritable monument où l'on puisera des
+notes certaines et originales sur la vie morale de notre époque. Bertall
+passe en revue toutes les choses et tous les mondes: le vêtement, le
+costume, la toilette, les manières, les manies, les types, les
+caractères; il étudie les soirées et les bals, les dîners d'apparat, les
+banquets, les artistes, les coulisses (celles de la Bourse et celles du
+théâtre), les premières représentations, les soupers, les églises, la
+Chambre et la politique, le jeu et les joueurs, en un mot tout ce qui
+constitue la vie même de ce temps-ci. Quel dommage qu'un observateur
+aussi perspicace, doué d'un pareil talent, ne se soit pas trouvé à
+chaque époque pour nous léguer la <i>vérité vraie</i> et la <i>vérité vue</i> sur
+l'époque qu'il traversait! Les croquis de Debucourt et de Carle Vernet
+nous en disent long sur le Directoire, les muscadins et les
+<i>merveilleuses</i>, mais Debucourt pas plus que Vernet n'avaient, comme eût
+dit Musset, <i>un joli brin de plume</i> emmanché dans le crayon. Bertall, du
+moins, s'il enlève lestement un croquis du <i>gommeux</i>, y ajoute le texte
+et les réflexions morales: «Le <i>gommé</i> ou <i>gommeux</i> est l'antithèse du
+dégommé. Celui donc qui est bien en vue, qui brille, qui est envié pour
+sa toilette, sa position, son genre et son chic, est un <i>gommeux</i>.»
+Balzac, qui fut le parrain de Bertall, en littérature et en art, eût
+applaudi à ces chapitres alertes de la Comédie de notre temps qui
+constituent, en somme, la physiologie de la seconde partie du XIXe
+siècle: Album, recueil, livre, dit Bertall en parlant de son ouvrage,
+quelque nom que l'on veuille bien lui donner, il n'a pas d'ambitions
+bien hautes.» Il aurait tort de n'en pas avoir, car, sans prétention,
+c'est là l'&oelig;uvre d'un philosophe et d'un satirique qui a beaucoup vu,
+beaucoup étudié, très-bien observé, et qui nous donne sous une forme
+durable, agréable, charmante, le fruit à point mûri de ses observations.
+</p><p>
+La <i>Comédie de notre temps</i> fera doublement honneur à Bertall, et elle
+obtiendra un double succès: &oelig;uvre de piquante littérature, elle sera
+classée parmi les plus jolies études de m&oelig;urs; &oelig;uvre d'art, elle
+léguera à l'avenir la physionomie même de ce temps, avec tous ses tics,
+toutes ses élégances, toutes ses habitudes, toutes ses séductions et
+tous ses ridicules.<br>
+<span class="rig">Jules Claretie.</span></p>
+
+<br><br>
+<h2>Jeanne d'Arc</h2>
+
+<p>Le succès de <i>Jeanne d'Arc</i>, que notre collaborateur M. Savigny avait
+signalé dès la première représentation de ce drame lyrique, qui devient
+populaire, s'affirme de jour en jour. L'<i>Illustration</i> lui doit les
+honneurs d'une gravure et les lui fait bien volontiers, en s'associant à
+la vive sympathie du public pour le poète, M. Barbier, et pour le
+musicien, M. Gounod. Elle rend aussi le tribut d'éloges dû aux
+décorateurs et aux interprètes de cet ouvrage. Elle donne les
+principales scènes du drame et dans la décoration du fort et de la
+courtine d'Orléans, au-dessous desquels se dessine le pont de la Loire,
+et dans cette vue du parvis et de l'église de Reims, et dans cet acte où
+s'élève le bûcher qui doit dévorer l'héroïne. Au centre, le dessinateur
+a placé le portrait de Mlle Lia-Félix. Bien des rôles ont marqué la
+carrière déjà longue de l'éminente artiste. Elevée à cette grande école
+du bien dire que Mlle Rachel a formée autour d'elle et dans sa propre
+famille, au milieu de ses s&oelig;urs dont elle est aussi une des gloires,
+Mlle Lia-Félix a fait, dans une série de drames joués depuis tantôt
+quinze ans, une foule de créations qui lui ont mérité une légitime
+réputation et qui lui ont valu la première place parmi les interprètes
+du drame. Jamais le triomphe de Mlle Lia-Félix, même aux jours de la
+<i>Fille du paysan</i>, n'a été plus vif et plus grand que dans <i>Jeanne
+d'Arc</i>. Jamais elle n'a déployé des qualités dramatiques aussi
+saisissantes. Mlle Lia-Félix a résumé dans ce rôle toute la puissance de
+son talent, par l'émotion vraie, le sentiment, la noblesse et l'énergie.
+Il y a là comme le souvenir de l'illustre tragédienne, et nous avons cru
+la voir revivre surtout dans cette scène finale du drame, dans laquelle
+Mlle Rachel n'aurait pas arraché plus de larmes et appelé à elle plus
+d'applaudissements.</p>
+<br><br>
+
+<h2>BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE</h2>
+
+<p><i>Les Applications de la physique</i>, par M. Am. Guillemin.--La librairie
+Hachette, à laquelle on doit déjà les beaux volumes de science illustrés
+qu'elle a édités depuis plusieurs années avec un véritable dévouement
+scientifique: le <i>Ciel, l'Atmosphère et les grands phénomènes de la
+nature, les Voyages aériens, la Terre, le Monde souterrain, les
+Phénomènes de la physique</i>, vient de publier un nouvel ouvrage de M.
+Guillemin, qui certainement n'aura pas moins de succès que ses
+prédécesseurs.
+</p><p>
+Après avoir raconté les phénomènes de la physique, l'auteur vient
+aujourd'hui nous en exposer les applications, dans le triple domaine de
+l'art, de l'industrie et de la science elle-même. Quel sujet serait plus
+fécond que celui-ci? Le monde n'est-il pas véritablement transformé
+depuis la découverte des agents qui régissent l'univers? Neuf jours
+suffisent aujourd'hui pour traverser l'Atlantique et passer de notre
+vieux continent dans le continent découvert, il n'y a pas encore quatre
+siècles, par Colomb! Quelques jours suffisent pour traverser l'Europe
+entière et parcourir l'Asie! En quelques secondes nous envoyons une
+dépêche d'Europe en Amérique et en recevons la réponse! Merveille plus
+surprenante encore: Nous écrivons de notre, main un billet de Paris à
+Marseille, et 1e fac-similé de notre l'écriture se transporte lui-même
+et se reproduit à 864 kilomètres de distance! La lune est à 96,000
+lieues d'ici; nous la rapprochons à 48 lieues pour en étudier les
+paysages, et l'on s'occupe actuellement de réaliser en Amérique le
+projet de construire le gigantesque télescope qui doit la rapprocher à 3
+lieues.
+</p><p>
+Le soleil est éblouissant; après l'avoir pesé et mesuré, on l'éclipse à
+volonté pour analyser les gaz qui brûlent autour de lui avec des flammes
+de 30,000 lieues de hauteur.
+</p><p>
+A la surface de la terre, le microscope nous a révélé l'existence d'un
+monde invisible, incomparablement plus peuplé que tout ce que nous
+voyons de nos yeux autour de nous. Les nuages s'élèvent des mers et sont
+amenés par le veut au-dessus de nos têtes; l'aérostat glorieux les
+traverse et nous emporte, palpitants d'émotion et de bonheur, dans le
+ciel toujours pur illuminé par le soleil, au-dessus des agitations et
+des tourmentes d'ici-bas! Jamais, non jamais, les procès de sorcellerie
+du moyen âge ni les routes féeriques de l'Orient enchanté, n'ont rien
+imaginé de comparable à la situation scientifique du XIXe siècle, dont
+les savants nous gratifient, malgré toutes les sottises politiques, tous
+les errements religieux, tous les troubles internationaux qui,
+semble-t-il, devraient arrêter la marche du progrès.
+</p><p>
+En décrivant les applications de la physique, et en les expliquant par
+de nombreux dessins, M. Guilledin a mis en évidence cette situation
+scientifique, si éminemment digne de notre attention. Je répéterai ici
+les lignes que j'écrivais en souhaitant la bienvenue, il y a neuf ans,
+au <i>Ciel</i>, du même auteur: «Un vulgarisateur doit être à la fois
+littéraire, éloquent et familier pour ceux qui l'écoutent, savant et
+fidèle interprète de la science; ceux qui, comme l'auteur de ce livre,
+réunissent ces facultés ont droit à l'estime et à la reconnaissance des
+amis du progrès.»<br>
+
+<span class="rig">Camille Flammarion.</span></p><br><br>
+
+<p>Nous nous bornerons à annoncer aujourd'hui les excellents livres de la
+Bibliothèque d'éducation et de récréation de la librairie Hetzel; nous
+reviendrons à loisir dans notre prochain numéro sur l'ensemble de cette
+collection, si justement appréciée des familles.--Quatorze nouveaux
+ouvrages signés par <i>MM. Jules Verne, Viollet-le-Duc, P. J. Stahl,
+Lucien Biart, Mayne Reid</i>, et par M. le capitaine de frégate <i>Louis du
+Temple</i>, illustrés par nos meilleurs artistes, enrichissent aujourd'hui
+le trésor littéraire de l'enfance et de la jeunesse, avec les deux
+volumes de l'année 1872 du Magasin d'éducation et de récréation de M. J.
+Macé, Stahl et Jules Verne.--Nous renvoyons nos lecteurs et nos
+lectrices à l'extrait du catalogne de la Bibliothèque d'éducation et de
+récréation que nous donnons à la fin de ce numéro.
+</p><p>
+L'<i>Essai loyal en Espagne</i>, par MM. Louis Teste et Francis Magnard. (1
+vol. E. Vatou.)--Le 11 février 1873, les Cortès espagnoles ont proclamé
+la République. Cette forme de gouvernement s'imposait à la nation, après
+l'abdication et le départ du roi Amédée. Quelqu'un avait dit en parlant
+de ce règne du prince italien: «La royauté sera un expédient jusqu'à <i>la
+majorité de la République</i>.» Majeure ou non, en février 1873, la
+République était née et elle fut proclamée. D'honnêtes gens, de bons
+citoyens, se mirent à l'&oelig;uvre pour fonder le régime nouveau, et nul
+d'entre eux, je gage, ne se dissimulait les difficultés de son &oelig;uvre.
+Mais ce n'est pas au moment de la tempête qu'on discute la forme du
+bateau de sauvetage. Le brave et probe Emilio Castelar essaya de lutter,
+et, jusqu'ici, par quelque dures épreuves qu'ait passé l'Espagne, il
+faut reconnaître que M. Castelar a fait mieux que des discours. Il a
+affirmé sa foi par des actes et risqué un peu sa vie chaque jour, ce qui
+constitue déjà un certain avoir. Sans nul doute la République, <i>l'Essai
+loyal</i>, comme disent les auteurs du présent livre, a vu, en Espagne, de
+terribles, d'affreux épisodes; mais, sans compter les anecdotes qu'on
+pourrait porter au compte de la monarchie, il faut reconnaître que la
+République avait accepté et non créé la situation présente.
+</p><p>
+La République n'a pas craint de faiblir devant la tâche qu'Amédée a
+refusée. Le hideux spectacle donné par un Santa-Cruz ou par les
+<i>intransigeants</i> de Carthagène doit-il faire maudire la République, ce
+<i>génie fatal</i>, disent les auteurs, et donner raison au mot d'O'Donnell:
+«L'Espagne est un bagne en liberté?» Nous estimons que non. J'ajoute que
+O'Donnell est sujet à caution.
+</p><p>
+Toujours est-il que MM. Teste et Francis Magnard ont voulu
+spirituellement railler l'<i>Essai loyal</i> en Espagne, et il faut bien
+reconnaître qu'ils y ont réussi. En dehors de toute affaire de parti, la
+situation de l'Espagne, on doit l'avouer, est tout à la fois tragique et
+comédie. Le drame tourne souvent à l'opérette et l'opérette à la
+boucherie, sur cette terre détrempée de sang. Pauvre pays, jadis si
+grand et je dirai toujours si grand, car si les mains armées y sont
+promptes, les c&oelig;urs y sont toujours fiers et les fronts y demeurent
+hauts.
+</p><p>
+M. Teste, qui avait déjà publié un livre remarquable sur l'Espagne
+contemporaine, et M. Bagnard, qui s'était si bien imprégné, dans un
+voyage, de la couleur du pays, ont présenté un tableau de l'Espagne
+républicaine qui n'est pas sans rapport avec la <i>Grèce contemporaine</i> de
+M. About. C'est un pamphlet spirituel, mordant, railleur, où l'<i>oreiller
+de don Nicolas Salmeron</i> est mis en scène comme les massacres d'Alcoy,
+et,--en faisant la part des tendances du livre,--on ne saurait mieux
+peindre et mieux conter. M. Bagnard, dont la plume vive et mordante
+aborde avec talent le roman, a donné là à l'histoire le ton de la
+chronique armée en guerre. On se plaît au style alors même qu'on se
+cabre devant l'opinion politique. Livre à lire, donc, et à garder, car
+il est plein d'idées qui appellent la discussion, et de faits, hélas!
+qui amènent la réflexion. Que la France jamais ne devienne l'Espagne!
+</p><p>
+Le <i>Repos hebdomadaire</i>, par M. Julien Hayem. (I vol. in-18, Didier et
+Cie.)--Voici, je pense, le premier ouvrage d'un écrivain qui n'est pas
+seulement un homme de lettres, mais tut homme d'action, en ce sens que,
+non content d'être licencié en droit et licencié ès-lettres, il s'est
+fait encore manufacturier, pour suivre le courant du siècle et obéir au
+mot d'ordre américain, <i>Go ahead!</i> M. Julien Hayem a mis pour épigraphe
+à son livre sur le <i>Repos hebdomadaire</i> une citation de l'<i>Émile</i>; «Le
+grand secret de l'éducation, dit J. J. Rousseau, est de faire que les
+exercices du corps et ceux de l'esprit servent toujours de délassement
+les uns aux autres.» L'épigraphe donne, en effet, résume l'esprit du
+livre. Il faut du repos à l'homme qui travaille, il faut détendre la
+corde de l'arc si l'on ne veut point qu'il se brise. Le repos dominical
+n'est pas seulement une habitude, c'est un besoin. M. J. Haye l'a
+parfaitement fait sentir en parlant du respect merveilleux qui s'attache
+à ce repos hebdomadaire et concluant que le passé de cette institution
+répond de son avenir. M. Haye a d'ailleurs le bon sens de ne point
+demander que cette fête magistrale du dimanche soit rendue obligatoire.
+Les m&oelig;urs se chargent toutes seules de faire ce que ne feraient
+peut-être pas les décrets. «Qu'on se garde donc, dans l'intérêt du repos
+hebdomadaire, de substituer,--dit l'auteur de ce livre,--à des
+fondements taillés dans le roc de l'histoire et appuyés sur les besoins
+les plus légitimes du corps et de l'esprit humain, la base fragile et
+périssable de l'obligation et de la contrainte légales.»
+</p><p>
+On voit quel est l'esprit de cette utile monographie. M. Haye, après
+avoir recherché les origines historiques du repos hebdomadaire,--qui
+remontent au sabbat des Hébreux,--résume l'histoire de la législation de
+ce bienheureux septième jour, depuis le IV siècle jusqu'à la Révolution;
+il examine ensuite l'utilité du repos dominical pour les ouvriers, les
+enfants, les adultes; il se demande enfin par quelles institutions on
+pourrait propager l'habitude du repos hebdomadaire et en utiliser
+l'emploi. Et toujours, dans ces divers chapitres, l'auteur voit et dit
+juste et apporte de vives lumières sur la question en litige. M. Julien
+Haye a obtenu, avec ce livre, le prix qu'avait mis au concours, en
+1871, l'Académie des sciences morales et politiques. C'est le plus bel
+éloge qu'on puisse faire de ce travail solide, très-curieux sur un sujet
+spécial, et écrit avec talent, sans phrase et sans recherche, par un
+esprit très-pratique et très-libre.
+</p><p>
+<i>Études sur la littérature contemporaine</i> (quatre séries), par M. Edmond
+Schérer. (4 vol. chez Michel Lévy.)--M. Edmond Schérer s'est fait à la
+fois, dans la politique et dans les lettres, une place privilégiée, hors
+de discussion et, si je puis dire, en pleine estime. C'est un esprit
+net, solide, un peu froid, mais érudit, plein de pensées et ne
+sacrifiant rien au faux goût en littérature, à la popularité facile, en
+politique. Critique littéraire au journal <i>le Temps</i>, il a depuis dix
+ans acquis une autorité incontestée dans ce domaine des études
+bibliographiques que les rudes événements de ces années dernières ont
+fait un peu trop délaisser. M. Schérer a toujours réuni (et il a eu
+raison) ses articles de journaux et volumes. On eût regretté de ne point
+retrouver, sous une forme plus durable, ces études savantes ou
+savoureuses dont on avait fait sa lecture d'un soir. On peut dire de M.
+Schérer ce qu'il a écrit de Prévost-Paradol: Il improvise des pages
+durables.<br>
+<span class="rig">Jules Claretie.</span></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009.png"><br><b>THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ.--Mlle Lia-Félix dans <i>Jeanne
+d'Arc</i>.</b></p>
+<br><br>
+
+<h2>L'HISTOIRE DE FRANCE</h2>
+<h3>Racontée à mes petits enfants</h3>
+<h4>PAR M. GUIZOT</h4>
+
+<p>L'Histoire de France de M. Guizot en est à son troisième volume. Ce
+volume ne le cède en rien aux deux qui l'ont précédé. On y retrouve la
+même clarté et la même élégance dans l'exposition des faits. C'est la
+même intelligence nette et vive qui en éclaire les points obscurs, le
+même esprit ferme qui en dégage la moralité. Il commence avec François
+Ier pour finir avec Henri IV. Cette période est l'une des plus
+intéressantes et des plus dramatiques de notre histoire nationale.
+D'abord c'est du commencement du XVIe siècle que date la Renaissance.
+Non que le moyen Age ait été une époque de stérilité et de décadence. Il
+a son encyclopédiste, le moine Vincent de Beauvais; ses philosophes,
+Gerbert, Abélard, Bernard, Robert de Sorbon; il a ses prosateurs,
+Villehardouin, Joinville, Froissart, Commynes. Mais au moment où nous
+sommes parvenus, une grande révolution a lieu dans la marche de notre
+génie national. Il quitte sa voie propre, originale, pour
+
+<span class="lef"><img alt="" src="images/010a.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Abjuration de Henri IV.</b></span>
+
+s'engager dans celle de l'imitation, où vont le pousser peuples et
+princes, également affolés des &oelig;uvres et des gloires des sociétés de la
+Grèce et de Rome, remises en honneur. C'est encore à cette époque que
+remonte la révolution religieuse opérée par Luther en Allemagne, Zwingle
+en Suisse et Calvin à Genève et en France, révolution qui alluma tant de
+guerres dans ce dernier pays, et, au nom de Dieu, y fit commettre tant
+de crimes. Deux figures se détachent au point culminant de cette lugubre
+époque, les héros de la Saint-Barthélemy, Charles IX et Catherine de
+Médicis. Que de nobles victimes tombées à côté de l'amiral de Coligny,
+dans cette nuit sanglante! On sait que ce n'est qu'en abjurant le
+protestantisme que le prince de Condé et celui qui devait être Henri IV
+purent sauver leur vie. Mais le Béarnais n'était pas homme à se laisser
+lier par cet acte obtenu par la violence. Sous une apparente bonhomie,
+c'était un esprit fin, rusé, souple au besoin, peu scrupuleux sur
+l'emploi des moyens, et allant avec une invincible ténacité à son but,
+qui était la conquête du royaume et de la royauté. Et lorsque parvenu au
+pied du trône, il mil à interroger sa conscience pour savoir si elle lui
+
+<span class="lef"><img alt="" src="images/010b.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Vincent de Beauvais.</b></span>
+<span class="rig"><img alt="" src="images/010c.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Abélard.</b></span>
+
+permettait d'en escalader les marches, il trouva tout naturellement que
+«Paris valait bien une messe». Un de nos dessins se rapporte à cette
+seconde abjuration du roi Henri, qui eut lieu le dimanche 25 juillet
+1593. Le roi est représenté se rendant en grande pompe à l'église
+Saint-Denis. Arrivé avec toute sa suite devant le grand portail, il y
+fut reçu par l'archevêque de Bourges, Regnault de Beaune, et tous les
+religieux de l'abbaye.--Qui êtes-vous? lui demanda l'archevêque, qui
+officiait.--Je suis le roi.--Que demandez-vous?--Je demande à être reçu
+dans le giron de l'église catholique, apostolique et romaine.--Le
+désirez-vous?--Oui, je le veux et le désire. A cette parole, le roi se
+mit à genoux et fit la profession de foi convenue. Tout était fini et
+Henri IV, suivant son expression, «avait fait le saut périlleux». Par
+cet acte et la trahison de Brissac, le nouveau roi, mis en possession du
+trône, eut vite réduit sous son obéissance la Bourgogne, la Picardie et
+la Bretagne, qui seules refusaient de se soumettre. Libre désormais de
+soucis de ce côté, il travailla alors énergiquement à la restauration de
+l'autorité royale, et par diverses mesures: la destruction des
+franchises municipales, les rigueurs de la censure royale,
+l'asservissement du parlement
+
+<span class="rig"><img alt="" src="images/010d.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Charles IX et Catherine de Médicis.</b></span>
+
+et la réforme universitaire, il prépara et rendit possible la monarchie
+despotique de Richelieu et de Louis XIV. Seize ans plus tard, passant
+dans la rue de la Ferronnerie en son carrosse où il se trouvait avec MM.
+de Montbazon et d'Epernon, il tombait frappé de deux coups de couteau
+par Ravaillac. Malherbe, alors attaché au service d'Henri IV, a raconté
+dans une lettre cet abominable assassinat. «Tout aussitôt, écrit-il, le
+carrosse tourna vers le Louvre. Le roi fut porté en haut par M. de
+Montbazon, le comte de Curzon en Quercy et mis sur le lit de son
+cabinet, et sur les deux heures porté sur le lit de sa chambre, où il
+fut tout le lendemain et le dimanche. Un chacun allait lui donner de
+l'eau bénite. Je ne vous dis rien des pleurs de la reine; cela se doit
+imaginer. Pour le peuple de Paris, je crois qu'il ne pleura jamais tant
+qu'à cette occasion.» Tels sont les événements retracés dans le
+troisième volume de l'<i>Histoire de France</i> de M. Guizot. Nous avons dit
+combien attachante en est la lecture; nous n'y reviendrons pas. Ajoutons
+que ce volume qui, on le sait, sort de la librairie Hachette, est
+magnifiquement illustré de soixante-quatorze gravures dessinées sur bois
+par M. de Neuville.</p>
+
+<p class="mid"><span class="sml">Gravures extraites de
+l'<i>Histoire de France racontée à mes petits-enfants</i>, par M. Guizot.
+(Hachette et Cie, éditeurs.)</span></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>UN VOYAGE EN ESPAGNE<br>
+PENDANT L INSURRECTION CARLISTE</h2>
+
+<h3>VI</h3>
+
+<p>Nomination des quatre généraux pour commander l'armée carliste: Ellio,
+Dorregaray, Lissarraga et de Valdespina.--Entrée de don Carlos en
+Espagne.--Appel aux armes.--Le château de la duchesse de M***.--Le
+journalisme espagnol.--Succès remportés par les carlistes.--Situation
+actuelle.--Comment pourra se terminer ta guerre civile; solution
+probable.
+</p><p>
+C'est vers le courant du mois de juin, alors que les bandes nombreuses
+disséminées en Biscaye, dans le Guipuzcoa et la Navarre, avaient étendu
+partout leurs opérations, que la junte de guerre, qui venait de réaliser
+un nouvel emprunt en Angleterre, jugea à propos de les former en trois
+corps d'armée placés sous les commandements de Dorregaray, Lissarraga et
+de Valdespina. Je dois constater que ce fut la première organisation
+sérieuse qui ait été faite de l'insurrection carliste. Le général Ellio
+fut placé, en qualité de major-général, à la tête de ces trois corps
+d'armée.
+</p><p>
+Un mot sur ces quatre chefs.
+</p><p>
+Ellio est un vieux général bien connu, qui a fait ses preuves pendant la
+guerre de Sept ans. Ami et compagnon de Cabrera et de Zumalacarregui, il
+a été un des plus braves adversaires du général Espartero, commandant en
+chef des troupes de la reine Christine, et l'a battu dans plusieurs
+rencontres, notamment à la bataille livrée aux environs de Vitoria.
+Pendant sept ans, à la tête des bandes navarraises, il a parcouru toutes
+les provinces du Nord, franchi l'Ebre et fait trembler la régente jusque
+sur son trône. Il connaît donc tout le pays envahi encore aujourd'hui
+par les carlistes, et nul ne peut mieux que lui savoir tirer un bon
+parti de sa topographie. Aussi, les mouvements stratégiques que les
+troupes carlistes effectuent en ce moment s'exécutent-ils d'après le
+plan qu'il a tracé lui-même. Ellio est donc, à l'heure qu'il est, l'âme
+et l'inspirateur de l'insurrection carliste.
+</p><p>
+Dorregaray, que don Carlos a investi du commandement de la Navarre, est
+un officier très-distingué, d'origine basque, et connaissant, lui aussi,
+parfaitement la carte du pays, théâtre actuel de la guerre civile. Il
+l'a prouvé, au reste, d'une manière incontestable, à la bataille
+d'Eraül, où en faisant mouvoir savamment ses troupes à travers les
+montagnes, il parvint à couper la brigade de Novarro de celle de
+Cabrinetti; ce qui décida de la bataille qu'il gagna. On sait que la
+bataille d'Eraül passe, à juste titre, pour un des plus beaux faits
+d'armes de l'insurrection actuelle.
+</p><p>
+Lissarraga est un ancien lieutenant-colonel de l'armée régulière, sous
+le règne d'Isabelle II. Après la révolution de septembre 1868, qui
+détrôna cette reine, il embrassa le parti de don Carlos. Nommé au
+commandement de la Biscaye, il a su concentrer habilement les bandes
+qui, disséminées sur divers points, opéraient sans ordre et sans but
+déterminé d'avance. Il en forma un corps d'armée qui a fait, pendant
+plus d'un mois, le blocus de Bilbao, un instant sur le point de tomber
+au pouvoir des carlistes.
+</p><p>
+Quant au marquis de Valdespina, un des plus riches propriétaires du
+Guipuzcoa et dont le château, situé aux environs de Loyola, passe à bon
+droit pour une merveille d'architecture; il est très-aimé dans la
+contrée. Distingué par la noblesse de son caractère, la sincérité de ses
+convictions royalistes, sa bravoure et sa loyauté, de Valdespina jouit
+de l'estime de tous les habitants des quatre provinces, même de celle de
+ses adversaires politiques. La meilleure preuve qu'on puisse en donner,
+c'est le respect qu'ont eu les libéraux et les troupes régulières pour
+son château qui, quoique placé au centre de l'insurrection, et par
+conséquent du mouvement des brigades républicaines, n'a éprouvé, de leur
+part, aucun dégât. J'ajouterai, en outre, qu'il est un des chefs les
+plus actifs et celui qui exerce le plus d'influence sur l'esprit des
+populations des provinces insurgées.
+</p><p>
+Ces quatre chefs, qui connaissent la contrée et ses montagnes dans tous
+leurs recoins, ont une grande supériorité de stratégie sur les généraux
+du gouvernement, dont la plupart n'ont pas la moindre notion
+géographique du terrain sur lequel ils font mouvoir leurs troupes. Ce
+qui explique combien il sera difficile à la république de Castelar, en
+supposant même qu'elle puisse disposer de forces suffisantes, d'étouffer
+l'insurrection. J'estime donc que, dans le cas où elle ne triompherait
+pas, l'insurrection peut durer encore bien des années.
+</p><p>
+Un mois après les opérations vigoureuses entreprises par ces quatre
+commandants, la situation du parti carliste parut être si florissante
+que les chefs de l'insurrection crurent pouvoir engager don Carlos, qui
+habitait toujours le château de Peyrolhade, de venir se mettre à la tète
+des «troupes libératrices de l'Espagne». En conséquence, le 18 du mois
+de juillet dernier, le prétendant, escorté d'un brillant état-major,
+partit du camp de <i>Pena-Plata</i>, franchit la frontière et se rendit à
+Vera, où il fut reçu avec le plus grand enthousiasme de la part des
+populations et de ses troupes accourues sur son passage. Les cloches des
+églises sonnèrent à toute volée et les curés des paroisses que
+traversait le cortège vinrent processionnellement lui présenter leurs
+hommages. Jamais aucun souverain de l'Espagne n'avait été accueilli avec
+autant de démonstrations sympathiques.
+</p><p>
+Cette entrée triomphale et inattendue de don Carlos sur le territoire
+espagnol surprit le gouvernement de Madrid, qui ne s'attendait pas à le
+voir de sitôt se mettre à la tête des troupes insurrectionnelles. On
+avait répandu tant de faux bruits sur le compte du prétendant, que les
+uns faisaient voyager à l'étranger et dont les autres avaient annoncé
+tant de fois la mort, qu'il était bien permis à Figueras, chef du
+pouvoir exécutif, d'avoir été pris au dépourvu par cette audacieuse
+entreprise. Mais ce qui déconcerta le plus les membres du gouvernement
+républicain, c'est que don Carlos faisait coïncider précisément son
+entrée sur le territoire espagnol avec les insurrections
+internationalistes, fédérales, cantonales et autres qui agitaient
+Barcelone, Cadix, Carthagène, Grenade, Séville, et les principales
+villes du Midi et du Centre de la Péninsule.
+</p><p>
+J'étais à Pampelune lorsque la nouvelle de l'entrée du roi en Espagne se
+répandit dans le public. Dans cette ville, entièrement carliste, elle
+fut accueillie avec des transports d'allégresse par tous les habitants
+qui manifestaient ouvertement la joie et la satisfaction qu'elle leur
+faisait éprouver. On l'avait affichée sur tous les murs de la ville
+d'une manière tellement ostensible, qu'on n'aurait jamais cru se trouver
+dans une cité soumise au régime républicain. Pour ma part, j'en fus
+étrangement surpris, quoique habitué, depuis longtemps, aux bizarreries
+et aux contradictions du caractère espagnol en matière politique. Il est
+à remarquer que Pampelune, capitale de la Navarre, est une place forte
+de première classe, possédant une population d'environ seize mille
+habitants et une garnison ordinairement assez nombreuse. Celle-ci, dont
+l'effectif s'élevait à cinq ou six mille hommes de toutes armes, parut
+rester complètement indifférente à toutes ces manifestations politiques.
+</p><p>
+Tandis que don Carlos s'avançait ainsi dans l'intérieur de la Navarre, à
+la tête de son état-major, et qu'il allait établir son quartier général
+à San-Estaban, ses émissaires faisaient publier par les <i>alcaldes</i>
+(maires) et placarder dans les villages et les localités importantes
+l'ordonnance suivante, qui n'est autre qu'un appel aux armes, dont je
+reproduis la traduction comme étant à la fois un document et une
+curiosité historiques.
+</p><p>
+«Ordonnance de Sa Majesté le roi Carlos <i>settimo</i>, que Dieu garde!
+</p><p>
+«Mes fidèles et aimés sujets des provinces de la Navarre, du Guipuzcoa,
+de la Biscaye et de l'Alava, je vous ordonne par la présente patente de
+prendre les armes et de marcher à la défense de mes droits sacrés, qui
+sont aussi les vôtres, afin de reconquérir <i>vos fueros</i>, vos privilèges
+et toutes vos immunités que vous ont octroyés mes ancêtres et que les
+gouvernements usurpateurs vous ont ravis.
+</p><p>
+«Sur le vu de la présente, scellée de mon sceau royal, tout Basque âgé
+de vingt à quarante ans s'enrôlera sous ma noble bannière. Il obéira aux
+ordres des braves et vaillants <i>cabecillos</i> que j'ai investis de mon
+autorité. Des armes et des munitions seront fournies à tous. Avec l'aide
+de Dieu et le secours de mon épée, nous triompherons des usurpateurs et
+nous rétablirons le trône de mon auguste aïeul Philippe V. Que mes
+fidèles sujets des quatre provinces restées attachées à ma cause se le
+tiennent pour dit!--MOI, <i>le roi Carlos settimo</i>.»
+</p><p>
+Un exemplaire de cette ordonnance me fut donné, le lendemain même de sa
+publication, dans un des principaux cercles de Pampelune, où elle
+circulait de main en main. On se la communiquait sur la place de la
+Constitution, dans les promenades, et jusque sur les marchés publics,
+comme s'il se fût agi d'un acte officiel du gouvernement établi; avec
+plus d'empressement encore, car les actes officiels de ce dernier
+étaient loin de recevoir de la part des Pampelunais un accueil aussi
+empressé.
+</p><p>
+J'avais fait connaissance, pendant le peu de temps que je séjournai dans
+la capitale de la Navarre, de deux jeunes gens fort distingués qui
+avaient fait leurs études à Paris, fils d'un magistrat du tribunal
+supérieur de la ville. Quel ne fut pas mon étonnement, lorsque, le
+lendemain de la publication de la susdite ordonnance, les deux frères
+vinrent me trouver à l'hôtel pour me faire leurs adieux.
+</p><p>
+--Où allez-vous donc? leur dis-je, étonné de leur départ précipité, dont
+ils ne m'avaient rien dit la veille.
+</p><p>
+--Nous allons rejoindre l'armée du roi, me dit l'aîné, à peine âgé de
+vingt et un ans; voyez l'ordre qui nous enjoint de partir, ajouta-t-il
+en me montrant la fameuse ordonnance dont j'avais un exemplaire entre
+les mains.
+</p><p>
+--Comment, lui dis-je, vous allez quitter votre famille, vous séparer de
+votre digne père qui vous adore, pour aller affronter à travers les
+montagnes les hasards de la guerre de partisans? Ce n'est pas possible.
+Le premier de vos devoirs, ce me semble, est de rester auprès de vos
+parents; c'est, au surplus, le conseil que je vous donne en véritable
+ami.
+</p><p>
+--Le roi a parlé, me répondit-il gravement, nous n'avons plus à hésiter.
+Notre valise est prête, et dans une heure nous serons sur la route qui
+conduit au quartier général de Sa Majesté, Adieu et au revoir!
+</p><p>
+Et les deux frères me quittèrent pleins de cette foi ou de ce fanatisme
+politiques qui animaient les peuples du temps des croisades, et dont les
+Basques et les Navarrais semblent avoir conservé, seuls, la tradition.
+Quinze jours après leur départ, le plus jeune tomba mortellement blessé
+à l'attaque de Tolosa, et l'aîné a été tué, il y a quelques jours, au
+siège d'Estella, soutenu contre les troupes de Moriones, qui furent
+forcées d'abandonner leurs positions.<br>
+
+<span class="rig">H. Castillon (d'Aspet).</span></p>
+
+<p>(La suite prochainement.)</p>
+
+<br><br>
+
+<h2>LA COMÉDIE DE NOTRE TEMPS, PAR BERTALL</h2>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011-small.png"><br><a href="images/011-large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012-small.png"><br><a href="images/012-large.png">(Agrandissement)</a></p>
+<br><br>
+
+
+<h2>LE DROMADAIRE</h2>
+
+
+
+<p>On connaît deux espèces de chameaux, l'une africaine, le dromadaire,
+l'autre asiatique, le chameau à deux bosses ou de la Bactriane. C'est
+seulement de la première espèce que nous voulons dire quelques mots.
+</p><p>
+Le dromadaire est l'animal le plus utile qu'il y ait en Afrique. C'est
+un ruminant de grande taille, dont les variétés sont nombreuses. En
+effet, entre un <i>bischarin</i>, c'est-à-dire un chameau élevé par les
+nomades Bischarins, et le chameau de somme d'Égypte, il y a autant de
+différence qu'entre un cheval arabe et un cheval de trait. Tous, ou peu
+s'en faut, ils n'en sont pas moins également laids. Leurs poils sont
+laineux et inégaux ils ont des callosités à la poitrine, aux coudes, aux
+genoux et aux chevilles; leur tête surfont est affreuse.
+</p><p>
+Le chameau est un véritable animal du désert, que peuvent, grâce à lui
+seulement, traverser les caravanes qui vont commercer au sud, à l'est et
+à l'ouest. Il ne se trouve que dans les endroits les plus secs et les
+plus chauds.
+</p><p>
+Dans les lieux cultivés il perd sa véritable essence. Il est très-sobre,
+a une nourriture exclusivement végétale et n'est nullement difficile
+pour ses aliments. On sait qu'il peut rester longtemps sans boire, mais
+non quinze à vingt jours, comme d'aucuns le prétendent. Au bout de six à
+huit jours, il est urgent de lui présenter de l'eau. A voir un chameau
+au repos, on ne croirait pas qu'il puisse; rivaliser de vitesse avec le
+cheval. Et cependant rien n'est plus vrai. Les chameaux des steppes et
+du désert sont les plus rapides à la course; ils parcourent d'une traite
+un espace considérable aussi facilement que nul autre animal domestique.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013a.png"><br><b>Le dromadaire.--Caravane dans le désert. Gravure extraite
+de la <i>Vie des Animaux illustrés</i>. (J.-B. Baillière, éditeur)</b></p>
+
+<p>S'il a quelques qualités, en revanche le chameau compte de nombreux
+défauts, parmi lesquels la paresse, la stupidité, une mauvaise humeur
+continuelle, l'entêtement et l'obstination, la haine ou l'indifférence
+vis-à-vis de son gardien. Ajoutons qu'il répand une odeur infecte, et
+que son cri est épouvantable.
+</p><p>
+Le prix d'un chameau varie suivant les localités. Un excellent bischarin
+vaut de 300 à 450 francs de notre monnaie. Un chameau de somme ordinaire
+se paye rarement plus de 110 francs. D'après nos idées, ces prix
+seraient très-bas; mais dans le Soudan, où l'argent a une très-grande
+valeur, ce sont de fortes sommes. Pour 90 francs, on peut acheter un
+jeune chameau, ou un chameau de qualité inférieure. Presque partout, le
+prix d'un chameau est le même que celui d'un âne; dans le Soudan, un bon
+âne vaut plus que le meilleur des chameaux.
+</p><p>
+Les détails qui précèdent, ainsi que le dessin que nous donnons, sont
+extraits du très-intéressant et très-curieux ouvrage que publie la
+librairie J.-B. Baillière: <i>La vie des Animaux illustrés</i> ou description
+populaire du règne animal, composé de plusieurs séries et de plusieurs
+volumes grand in-8º colombier, illustrés de 800 figures dans le texte et
+de 40 planches tirées hors texte sur papier teinté.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013.png"><br><b>L'asile de l'École de filles de Dugny.-(Voy. page 386.)</b></p>
+
+<br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014.png"><br></p>
+
+<p class="mid">EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</p>
+<p class="mid">Ne crois point aveuglément les articles des journaux.</p>
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44141 ***</div>
+</body>
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1607, 13 décembre 1873, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+
+Title: L'Illustration, No. 1607, 13 décembre 1873
+
+Author: Various
+
+Release Date: November 10, 2013 [EBook #44141]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1607, 13 D‚CEMBRE 1873 ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
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+
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+
+
+
+L'ILLUSTRATION
+JOURNAL UNIVERSEL
+
+REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS
+22, rue de Verneuil, Paris
+
+31e Année.--VOL. LXII.--Nº 1607 SAMEDI 13 DÉCEMBRE 1873
+
+SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL
+60, rue de Richelieu, Paris
+
+Prix du numéro 75 centimes La collection mensuelle, 3 fr.; le vol.
+semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.
+
+Abonnements Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;--un
+an, 36; Étranger, le port en sus.
+
+Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste
+ou d'une valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc,
+directeur-gérant.
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+_Texte_: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
+Audebrand.--La Soeur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M.
+Mayne Reid.--Nos gravures.--Bulletin bibliographique.--_L'Histoire de
+France racontée à mes petits enfants_, par M. Guizot.--Un voyage en
+Espagne pendant l'insurrection carliste (VI).--_La Comédie de notre
+temps_, par Bertall.--Le dromadaire.
+
+_Gravures_: Procès du maréchal Bazaine (6 gravures),--Événements de Cuba;
+capture du _Virginius_ par le _Tornado_ dans les eaux de la
+Jamaïque.--Le monument commémoratif de la bataille de Champigny,
+inauguré le 2 décembre 1873.--Le naufrage de la _Ville-du-Havre_: la
+dernière minute.--Théâtre de la Gaîté: Mlle Lia-Félix dans _Jeanne
+d'Arc.--L'Histoire de France racontée à mes petits enfants_ (4
+gravures).--_La Comédie de notre temps_, par Bertall (39 sujets).--Le
+dromadaire: caravane dans le désert.--L'asile de l'École de filles de
+Dugny--Rébus.
+
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--La Buvette à Trianon.]
+
+
+
+HISTOIRE DE LA SEMAINE
+
+FRANCE
+
+La semaine parlementaire a été relativement calme; l'Assemblée est enfin
+parvenue, dans la huitième séance consacrée au même scrutin, à compléter
+la commission des Trente chargée de l'élaboration des lois
+constitutionnelles par l'élection de deux membres du centre gauche. La
+commission est entrée en fonctions dès le lendemain; elle a choisi pour
+président M. Batbie, et a rempli sa première séance par une discussion
+préliminaire relative à la publicité de ses travaux; il a été décidé que
+la presse ne recevrait pas de comptes rendus officiels des séances, mais
+que chacun des membres de la commission serait libre de faire aux
+journaux, sous sa propre responsabilité, les communications qui lui
+paraîtraient convenables.
+
+L'Assemblée a ensuite jugé que le moment était enfin venu de s'occuper
+de questions d'affaires; elle a successivement voté, en troisième
+lecture, un projet de loi tendant à réunir, dans les bureaux
+secondaires, le service des postes à celui des télégraphes; cette mesure
+n'est qu'un acheminement vers la fusion complète des deux
+administrations, fusion existant depuis quelque temps en Angleterre et
+qui ne tardera pas, il faut l'espérer, à s'opérer définitivement dans
+notre pays, car elle présente des avantages de toutes sortes. Puis,
+après une délibération en deuxième lecture sur une proposition de M. de
+Corcelles, relative à la composition des conseils académiques,
+l'Assemblée a abordé la discussion du budget. Ce n'est pas la première
+fois que nous ayons à constater le peu de goût de la Chambre pour les
+discussions d'affaires en général, et en particulier pour cette loi de
+finances dont le vote annuel constitue cependant la plus importante des
+prérogatives parlementaires.
+
+Tandis que le plus mince incident politique est souvent le point de
+départ des séances les plus orageuses, nous voyons une indifférence
+vraiment regrettable accueillir l'exposé des besoins financiers de
+l'État et des moyens proposés pour y subvenir. Des chapitres entiers,
+comprenant des centaines de millions, sont volés au milieu de
+l'inattention et de la lassitude générales, et si parfois une
+observation se produit, c'est bien rarement une préoccupation d'ordre
+économique qui l'a dictée. Mentionnons, à ce propos, la question
+adressée par MM. Pelletan et Gambetta à l'occasion du budget des
+affaires étrangères, et qui a failli prendre les proportions d'un gros
+incident. Les deux membres de la gauche réclamaient la publication du
+_Livre jaune_, interrompue, pour des motifs faciles à comprendre,
+pendant le cours de l'occupation étrangère, mais redevenue possible
+maintenant que la publicité des archives diplomatiques n'offre plus les
+mêmes inconvénients. M. le duc Decazes avait, paraît-il, mal compris
+l'observation, et peu s'en est fallu qu'il ne posât la question de
+cabinet; mais le malentendu n'a pas tardé à se dissiper et l'incident
+s'est terminé par la promesse de publication du _Livre jaune_ dans un
+délai de quinze jours.
+
+ALLEMAGNE.
+
+La campagne entreprise par le gouvernement allemand contre le clergé
+catholique devient chaque jour plus difficile; l'opiniâtreté du cabinet
+prussien n'a d'égale que la résistance énergique des catholiques.
+
+D'après la Preussische, Volksblatt, organe officieux de l'administration
+l'agitation religieuse a tellement gagné les populations des petites
+villes et de la campagne, que l'on commence à avoir des appréhensions
+sérieuses. On s'efforce, dit ce journal, de réveiller les souvenirs des
+anciennes guerres religieuses. Des agents secrets parcourent le pays
+sous mille déguisements pour enflammer le fanatisme catholique;
+l'exaltation des femmes, principalement, est arrivée à son paroxysme. Le
+gouvernement use vainement de tous les moyens de rigueur que les lois
+récemment votées, en mai 1873, ont mis à sa disposition; mais il se
+heurte contre d'inflexibles résistances. Il a interdit la publication de
+la dernière encyclique du Pape en date du 21 novembre, dont nous avons
+donné l'analyse et saisi le _Coelnische Zeitung_ au moment où elle
+livrait ce document à l'impression, mesure contre laquelle M. Virchow a
+protesté dans le Landtag. Les journaux ultramontains se sont vengés en
+imprimant une bulle du mois d'avril dernier, qui frappe d'interdit
+toutes les églises où se célébrerait le service du vieux-catholicisme. A
+Schoenberg, en Silésie, l'autorité prussienne, qui avait interdit le
+curé, voulut faire fermer l'église. Mais, selon le _Vaterland_, de
+Munich, la population a trouvé un moyen ingénieux de contrecarrer les
+intentions de la police: elle a enlevé la porte et arraché les gonds, de
+sorte que, quand les agents sont arrivés, il leur a été impossible
+d'apposer les scellés. On voit à quels incidents de tout ordre ce
+conflit donne lieu. Le Parlement lui-même en ressent le contre-coup.
+Ainsi le Landtag vient d'adopter, par 351 voix contre 6, une proposition
+des ultramontains portant suppression du timbre sur journaux et
+almanachs. Le ministère la combattait en objectant que l'on doit
+présenter au prochain Reichstag la loi sur la presse dont il a été
+question l'année dernière, et dont les dispositions ont soulevé les plus
+vives réclamations. Encouragés par ce succès, les ultramontains ont
+déposé une motion plus hardie, tendante à l'abrogation des lois
+ecclésiastiques votées au mois de mai dernier; ils comptent sur une
+grande majorité au prochain Reichstag qui doit être élu le 10 janvier
+1874, et où l'Alsace-Lorraine sera représentée pour la première fois. II
+se pourrait que Mgr Ledochowski, archevêque de Posen, fût l'un des
+candidats élus. Cet énergique prélat a refusé de donner sa démission.
+Pour se débarrasser de lui, on songerait, dit-on, à compléter les lois
+susdites en autorisant le gouvernement à expulser les prêtres suspendus
+de leurs fonctions par la cour civile ecclésiastique. Mais, pour couvrir
+Mgr Ledochowski de l'immunité parlementaire, ses fidèles partisans se
+proposent de le faire élire, à Schrimm, comme député au Reichstag. La
+lutte, on le voit, ne saurait être plus sérieusement engagée, et des
+deux côtés elle est poussée avec un égal acharnement.
+
+ÉTATS-UNIS.
+
+Le Message présidentiel a été lu le 2 décembre au Congrès. Il constate
+que la réduction de la dette accomplie durant l'année, au moyen de
+l'excédant des recettes, s'est élevée à 43 millions de dollars, ce qui
+porte l'amortissement total de la dette à 300 millions de dollars.
+
+Le Message recommande de restreindre les privilèges des banques relatifs
+aux avances sur dépôts. Il déclare que, tant que les payements en
+espèces ne seront pas repris, le marché aura des moments difficiles. Il
+demande instamment au Congrès d'étudier la question de la circulation en
+vue de la reprise des payements en espèces, lesquels permettraient aux
+banques d'user de leurs réserves pour régler le taux des intérêts et
+augmenter la circulation dans les moments critiques.
+
+Le Message constate ensuite l'amélioration du commerce étranger, qui
+aidera à la reprise des payements en espèces.
+
+A propos du _Virginius_, le Message dit que la capture en pleine mer
+d'un bâtiment portant pavillon américain menaçait d'avoir de plus
+sérieuses conséquences, et qu'elle a agité l'opinion publique dans toute
+l'Amérique.
+
+Plusieurs passagers qui étaient citoyens américains ont été fusillés
+sans procédure régulière. Selon le principe établi, les bâtiments
+américains en pleine mer et en temps de paix sont, sous la juridiction
+de leur pays.
+
+Toute vexation subie de la part des étrangers est un attentat à la
+souveraineté des Etats-Unis, qui, se basant sur ce principe, ont demandé
+à l'Espagne de rendre le _Virginius_ et les survivants de l'équipage, de
+faire réparation au drapeau américain et de punir les autorités
+coupables.
+
+Le _Virginius_ avait des papiers en règle et le pavillon américain.
+
+L'Espagne a tout accordé.
+
+Le Message déclare, en terminant, que l'esclavage est la cause du
+malheureux état de Cuba. Il demande au Congrès d'exprimer le voeu que
+l'esclavage disparaisse de Cuba, car c'est le seul moyen de rendre
+possibles les bonnes relations entre l'Amérique et Cuba. Le gouvernement
+américain n'est pas hostile à l'Espagne, mais l'affaire du _Virginius_ a
+produit une indignation telle, que le Président a dû placer la marine
+sur le pied de guerre.
+
+Cette affaire est présentement en voie d'arrangement satisfaisant et
+honorable pour les deux pays.
+
+Le Message constate que les relations de l'Amérique avec les autres pays
+sont amicales. L'indemnité de l'affaire de l'_Alabama_ a été appliquée
+au rachat des obligations 5.20 jusqu'à concurrence de 15 millions
+500,000 dollars.
+
+Le Président reconnaît les éminents services rendus par les commissaires
+du tribunal de Genève. Il recommande la création d'une Cour spéciale
+composée de trois juges, pour entendre les plaintes des puissances
+étrangères contre les Etats-Unis. Le Président rappelle qu'il a reconnu
+le gouvernement espagnol et le félicite d'avoir émancipé les esclaves de
+Porto-Rico et restitué les propriétés américaines séquestrées à Cuba.
+L'esclavage règne encore à Cuba, protégé par un parti puissant, en
+hostilité ouverte contre le gouvernement de Madrid et plus dangereux que
+les insurgés. Dans l'intérêt de l'humanité, l'influence de ce parti doit
+être détruite.
+
+L'affaire du _Virginius_ pourrait bien se compliquer prochainement de
+l'intervention de l'Angleterre, si toutefois le gouvernement de ce pays
+ne consultait que l'opinion publique et en suivait docilement
+l'impulsion. Une Note adressée au Foreign-Office par M. Crawford, consul
+général de la Grande-Bretagne à la Havane, et communiquée aux journaux,
+a inspiré au _Times_ un article d'une grande violence et où éclate une
+vive indignation. Cette Note contient la liste des victimes de
+nationalité anglaise exécutées à Santiago: on y trouve le second du
+navire, un aide-mécanicien, trois chauffeurs, six aides pour le
+transport du charbon, deux maîtres d'hôtel et trois matelots. Ce sont de
+pareils gens employés au service du bâtiment qui ont été assimilés à des
+insurgés pris les armes à la main et fusillés sans aucune forme de
+procès. Jamais les lois humaines n'ont été plus cruellement violées. On
+peut donc s'attendre à voir le gouvernement anglais élever de justes et
+sévères réclamations contre ces barbares exécutions. Du côté de
+l'Espagne, la situation devient de plus en plus critique. Les nouvelles
+sont contradictoires. Une première dépêche de New-York, en date du 4
+décembre, annonçait, d'après des avis reçus de la Havane, que les
+principaux chefs des volontaires avaient publié un Manifeste attestant
+leur soumission aux autorités et leur confiance dans M. Jovellar,
+capitaine général de Cuba. Mais le même jour, une dépêche de la Havane
+faisait parvenir à Madrid des informations tout opposées. M. Jovellar, y
+était-il dit, avait prévenu le gouvernement espagnol que, vu l'état
+d'exaspération de l'opinion publique, il lui était impossible de
+procéder, au moins pour le moment, à l'exécution des ordres concernant
+la restitution du _Virginius_; il faisait même entrevoir la possibilité
+«de véritables catastrophes» dans le cas où l'on agirait avec trop de
+précipitation. Enfin, toujours d'après la même source, il avait offert
+sa démission. Aujourd'hui, la scène change. On télégraphie de Madrid, le
+5 décembre, onze heures cinquante minutes du soir, que les ordres du
+gouvernement seront fidèlement exécutés: le capitaine général et le
+commandant des forces navales en ont envoyé l'assurance formelle.
+Toutefois une dépêche de New-York, postérieure à la précédente et datée
+d'aujourd'hui même, nous apprend que l'Espagne avait promis de faire
+hier la remise du navire, que cet engagement n'a pas été rempli, et
+qu'il en résulte un vif mécontentement. Mais, ajoute-t-on, le cabinet de
+Washington est disposé à attendre que cette restitution puisse être
+faite sans blesser la fierté du gouvernement espagnol. C'est seulement
+dans le cas ou l'impuissance de celui-ci serait démontrée que l'affaire
+serait soumise au Congrès.
+
+Enfin, une dernière dépêche datée de Philadelphie, 9 décembre, annonce
+que des arrangements définitif' ont été pris pour que la restitution du
+_Virginius_ et des prisonniers survivants se fasse le 18 décembre. On
+assure que la frégate américaine _Worcester_ sera chargée de recevoir le
+_Virginius_ à la Havane, et que la frégate _Jumata_ aura mission de se
+rendre à Santiago pour prendre les survivants à son bord.
+
+L'insurrection de Carthagène paraît sur le point d'arriver à son terme;
+la ville et les forts ont été très-éprouvés par le bombardement
+entrepris par les troupes du gouvernement; les vivres se font rares dans
+la place et les insurgés ont dû faire sortir les bouches inutiles; huit
+cents femmes et enfants ont été transportés à Pormau, où ils se trouvent
+dans un état de détresse tel que l'amiral Yelverton, commandant
+l'escadre anglaise mouillée devant le port, a écrit à M. Castelar pour
+intercéder en leur faveur. Cependant les insurgés pensent qu'ils peuvent
+encore tenir un mois s'ils restent unis entre eux. Les forts et les
+batteries n'ont que très-peu souffert. On croit que lorsque les
+munitions seront épuisées, une grande partie des insurgés tenteront de
+s'ouvrir un passage à l'aide des vingt-cinq canons Krupp qu'ils
+possèdent, et qu'ils iront à travers les montagnes rejoindre les
+carlistes. Les autres essayeront de s'échapper à bord de la _Numancia_.
+
+
+
+Courrier de Paris
+
+M. Paul Féval se présente aux suffrages de l'Académie française, où il y
+a, pour le quart-d'heure, deux fauteuils à donner. Si j'avais à broder
+une réclame, je ne manquerais pas de dire que le candidat est,
+littérairement parlant, un homme incomparable. En dix ou douze lignes
+bien senties, il serait démontré par A plus B qu'il enfonce le passé,
+qu'il domine le présent et que l'avenir ne lui viendra pas à la
+cheville. Croyez que je n'ai rien à tenter de semblable. Je ne veux
+parler de M. Paul Féval que comme un spectateur pourrait le faire d'un
+acteur estimé de tel théâtre qu'il voit se hasarder sur une scène
+nouvelle.
+
+A coup sûr, M. Paul Féval devrait être de ceux qu'on se dispense de
+_black-bouler_. Mais l'Académie a une douane à laquelle elle tient
+mordicus. Vous objecterez tout ce qu'il vous plaira.--Voilà un conteur
+de la meilleure race. Il a fait pour la Bretagne ce que Walter Scott a
+fait pour l'Ecosse et George Sand pour le Berri. Uniquement préoccupé du
+soin de faire des loisirs à ceux qui s'ennuient, il a écrit, en
+trente-cinq ans, trois cents volumes encore debout en ce moment. Parmi
+ses livres, il en est deux qui ont fait un grand bruit, les _Mystères de
+Londres_, peinture saisissante des bas-fonds de la société anglaise, et
+un épisode de notre histoire, le _Bossu_ qui, transformé en drame, a
+récréé Paris pendant deux cents soirées. Tout cela étant bien vu, la
+nomination de ce galant homme devrait passer, ce semble, comme une
+lettre à la poste.
+
+Ce sera le contraire qui arrivera, je le crains, du moins. Au quai
+Conti, il n'y a que l'envers du juste qui ait le dessus. Quand, par
+hasard, on admet un homme qui écrit, c'est que ces vieux messieurs se
+sont fait violence. Ou bien ils ont cédé à la force de l'opinion, ou
+bien ils ont eu peur que leur corporation vermoulue ne soit devenue une
+pelote trop épinglée d'épigrammes. Il y a un troisième cas bien connu,
+mais qu'il faut rappeler sans cesse; ils cèdent devant la table: «A-t-il
+un bon cuisinier?» Voilà cinquante ans que c'est le meilleur des titres.
+Le laurier de la cuisine attire le laurier apollonien.
+
+Sur les dernières années de sa vie, Théophile Gautier, candidat quatre
+fois congédié, rapportait le mot de l'un d'eux, pendant l'une de ses
+trente-neuf visites:
+
+--Comment! monsieur, vous avez publié vingt-cinq volumes! Ah! monsieur!
+
+La mimique du vénérable et le rythme de son reproche ne pourraient être
+exprimés par aucune langue humaine. Il fallait entendre l'auteur du
+_Tricorne enchanté_ raconter cette scène d'un si haut comique.
+Vingt-cinq volumes, poèmes, romans, critique, voyages, histoire,
+n'était-ce pas bien fait pour effrayer l'imagination d'un vieillard qui,
+en sa vie entière, n'avait pu que faire des annotations et des préfaces,
+et tout au plus une petite plaquette où il est avancé que le mouchoir de
+poche n'existait pas chez les Grecs du temps de Périclès. Mais pour M.
+Paul Féval, ce serait bien une autre paire de manches! Il a écrit trois
+cents volumes. Rien qu'à cette révélation, l'immortel est capable d'en
+avoir un coup de sang!
+
+Ajoutez que ces trois cents volumes sont des romans. Une belle denrée,
+les romans! Ces Nestors les ont tous dans une sainte horreur. On a beau
+leur rappeler le mot charmant de Philippe: «J'aime mieux que l'Espagne
+ait _Don Quichotte_ que deux provinces de plus»; on leur citera en vain
+nos gloires les plus nobles et les plus pures commençant par là, comme
+Jean Racine, leur dieu, qui a commencé par traduire _Théogène et
+Chariclée_, et ils crieront toujours: «A la porte, le roman»; c'était
+l'entêtement de feu Villemain: «Si Le Sage se présentait ici, _Gil Blas_
+à la main, je prierais Le Sage de s'en retourner.»
+
+Pour ne parier que des temps où nous sommes, voyez combien ils ont été
+impitoyables pour les romanciers. Non-seulement ils n'ont pas voulu
+entendre parler de Frédéric Soulié ni d'Eugène Sue, ces deux maîtres du
+genre, mais encore ils ont rejeté M. de Balzac, le prodigieux auteur de
+la _Comédie humaine_. Lorsque Prosper Mérimée s'est présenté, il a été
+bien entendu que c'était en vue de sa traduction de Salluste et de
+quelques rapports sur des inscriptions. Léon Gozlan, ce Benvenuto
+Cellini de la Nouvelle, Méry, qui nous a légué sur l'Inde et sur la
+Chine des écrits si attachants, Théophile Gautier, dont je parlais tout
+à l'heure, autant de noms, autant de candidats rejetés. Pour Alexandre
+Dumas, l'homme aux mille romans, il savait son fait d'avance; il n'a
+jamais eu un seul instant la pensée de se présenter à un seul d'entre
+eux.
+
+Encore une fois il ne faut pas être un bien grand sorcier pour prévoir
+ce qui va survenir. Il existe toujours en quelque coin obscur un
+complaisant qui a fait jadis, pendant vingt ans, la partie de piquet
+d'un ancien premier ministre; c'est celui-là qu'on choisira. Il se peut
+encore qu'on élise un professeur fameux pour avoir mis une couverture
+nouvelle à Blaise Pascal ou bien au président Hénault. Au pis aller, on
+se rabattra sur un avocat illustre pour n'avoir jamais été imprimé. A la
+vérité, après l'avoir fait sortir de l'urne, on dira qu'on voudrait bien
+l'y remettre; c'est encore là une de leurs allures.--En tout cas, vous
+le verrez bien, ils condamneront M. Paul Féval à faire le
+pied-de-grue.--L'ombre du pauvre Philarète Chasles pourra lui tenir
+compagnie.
+
+Un de ces jours, qui sait? aujourd'hui peut-être, J. Claretie, usant de
+son droit de critique, vous parlera d'un livre posthume, déjà fort
+prôné: _Lettres à une Inconnue_. Si je m'aventure à m'occuper de cette
+nouveauté, ce n'est point, bien entendu, pour marcher sur les
+plates-bandes du confrère. Ces deux volumes fourmillent d'anecdotes, de
+mots piquants, de bruits du monde; voilà pourquoi je me hasarde à leur
+faire quelques emprunts, toujours permis aux fureteurs de la chronique.
+Lettres curieuses, pas précisément édifiantes! Celle qui se présente la
+première est sans date; on peut conjecturer qu'elle est de 1839,
+peut-être de 1840. En ce temps-là, Prosper Mérimée, ne songeant pas
+encore à devenir un personnage, n'était rien, pas même académicien. Il
+n'avait pas encore terminé _Colomba_; il vivait sur le bruit flatteur de
+ses incomparables nouvelles et du _Théâtre de Clara Gazul_. La dernière
+est tout près de nous, du 23 septembre 1870; Mérimée était mourant à
+Cannes; il avait vu sombrer la France et tomber le second empire, auquel
+il s'était attaché pour des raisons tout à fait intimes. On sait, en
+effet, qu'un mariage secret le liait à Mme de Montijo, la mère de
+l'impératrice.
+
+En vingt ans de temps, il s'était passé peu d'événements dans la vie de
+ce studieux sybarite, mais avec quelle verve et quel esprit dégagé il
+savait voir ce qui se passait chez les autres! Mais d'abord, qu'est-ce
+que l'Inconnue? Une marquise, une grande dame mariée; c'est tout ce
+qu'on en apprend et on n'en saura jamais plus. Dans l'origine, ils se
+traitaient en camarades; Prosper Mérimée l'appelait son «cher ami
+féminin». En 1842, il lui disait: «Si je ne me trompe, nous nous sommes
+vus six ou sept fois en six années, et, en additionnant les minutes,
+nous pouvons avoir passé trois ou quatre heures ensemble, dont la moitié
+à ne rien nous dire.» On croirait qu'il s'agit d'une aventure de bal
+masqué.
+
+Il raconte tout à cette inconnue, ses ennuis, ses plaisirs, ses
+insomnies, surtout ses impressions de voyage. Par exemple, en parcourant
+la Grèce, pour affaires de son commerce, c'est à savoir pour faire de
+l'archéologie, il s'amuse tout le premier du style qu'on emploie sur son
+passeport. Il grisonne et il le dit. «Au milieu de tout cela, je suis
+devenu bien vieux. Mon firman me donne des cheveux de tourterelle; c'est
+une jolie métaphore orientale pour dire de vilaines choses.
+Représentez-vous votre ami tout gris.» Une autre fois, étant de retour,
+il raconte une soirée dans laquelle il a pu présenter Mlle Rachel, alors
+débutante, à Béranger; c'était chez un ministre du roi Louis-Philippe;
+Lamartine, Victor Hugo et M. Thiers étaient là, et, bien qu'il s'agisse
+de tragédie, il faut voir comme la scène devient bouffonne!
+
+Messieurs les romanciers et les peintres de moeurs décriront le second
+empire tant qu'il leur plaira; on est en droit d'affirmer qu'ils n'en
+viendront pas autant à bout que ce railleur, donnant la description du
+bal de Mme la duchesse d'Albe (1er mai 1860).
+
+«C'était splendide. Les costumes étaient très-beaux. Beaucoup de femmes
+très-jolies et le siècle montrant de l'audace. 1° On était décolleté
+d'une façon outrageuse par en haut et par en bas aussi. A cette
+occasion, j'ai vu un assez grand nombre de pieds charmants et beaucoup
+de jarretières dans la valse. 2° Croyez que, dans deux ans, les robes
+seront courtes, et que celles qui ont des avantages naturels se
+distingueront de celles qui n'en ont que d'artificiels.» Il raconte
+ensuite le ballet des Eléments, un des triomphes du règne. Seize dames
+de la cour, en courts jupons, couvertes de diamants. «Les Naïades
+étaient poudrées avec de l'argent, qui, tombant sur leurs épaules,
+ressemblait à des gouttes d'eau. Les Salamandres étaient poudrées d'or.
+Il y avait une Mlle E*** merveilleusement belle. La princesse M*** était
+en Nubienne, peinte en couleur bistre très-foncé, beaucoup trop exacte
+de costume. Au milieu du bal, un domino a embrassé Mme de S***, qui a
+poussé les hauts cris. La salle à manger avec une galerie autour, les
+domestiques en costume de pages du XVIe siècle, et de la lumière
+électrique, ressemblait au _Festin de Balthazar_ dans le tableau de
+Wrowthon.»--Y a-t-il beaucoup de coups de burin qui vaillent ces coups
+de plume?
+
+En bon courtisan, le sénateur parle aussi de Napoléon III, qui, en
+raison de son mariage avec la comtesse, était son beau-fils.
+
+«L'empereur avait beau changer de domino, on le reconnaissait d'une
+lieue; l'impératrice avait un burnous blanc et un loup noir qui ne la
+déguisaient nullement. Beaucoup de dominos, et, en général, fort bêtes.
+Le duc de *** se promenait en arbre, vraiment assez bien imité.»--Ce
+pauvre duc! Mérimée ne le lâche pas, et je n'ose point répéter tout ce
+qu'il met sur son compte.
+
+Un autre récit très-caractéristique, c'est celui de la première
+représentation de l'opéra de Richard Wagner, rue Le Peletier.
+
+«Un dernier ennui, mais colossal, a été _Tannhaüser_. Les uns disent que
+la représentation à Paris a été une des conventions secrètes du traité
+de Villafranca; d'autres, qu'on nous a envoyé Wagner pour nous forcer
+d'admirer H. Berlioz. Le fait est que c'est prodigieux. Il me semble que
+je pourrais écrire demain quelque chose de semblable, en m'inspirant de
+mon chat marchant sur le clavier d'un piano. La salle était
+très-curieuse. La princesse de Metternich se donnait un mouvement
+terrible pour faire semblant de comprendre et pour faire commencer les
+applaudissements qui n'arrivaient pas. Tout le monde bâillait; mais,
+d'abord, tout le monde voulait avoir l'air de comprendre cette énigme
+sans mot. On disait, sous la loge de Mme de Metternich, que les
+Autrichiens prenaient la revanche de Solférino. On a dit encore qu'on
+s'ennuie aux récitatifs et qu'on se _tanne aux airs._»--Un des plus
+illustres de l'Académie française se _fendant_ d'un calembourg.--Allons,
+je n'irai pas plus loin.
+
+Philibert Audebrand.
+
+
+
+[Illustration: Le GÉNÉRAL DE COLOMB, SUBSTITUT. LE GÉNÉRAL POURCET,
+COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT. PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--L'ACCUSATION.]
+
+[Illustration: Maréchal Bazaine. Me Lachaud. Me Lachaud fils. PROCÈS DU
+MARÉCHAL BAZAINE.-LA DÉFENSE.]
+
+
+
+LA SOEUR PERDUE
+
+Une histoire du Gran Chaco
+
+(Suite)
+
+Les pierres furent disposées et arrangées par Gaspardo en forme de
+muraille grossière. Bien que construite dans l'obscurité, elle était
+assez forte pour résister aux attaques d'un animal quelconque,
+l'éléphant excepté. Or, comme il ne se trouve pas d'éléphants dans le
+Chaco, les voyageurs semblaient n'avoir plus rien à craindre.
+
+Tel était l'avis de Gaspardo qui encore une fois partit à la recherche
+de son briquet.
+
+«J'ai un bout de chandelle de cire», dit-il; «que Dieu me le pardonne,
+je l'avais ramassé dans l'église de l'Asuncion. Elle avait été allumée
+sur le corps de ma pauvre vieille mère, et je désirais la garder comme
+souvenir. _Ay Dios!_ qui eût jamais pensé que ce serait en pareille
+circonstance que j'aurais à la rallumer? Mais il est malsain de manger
+dans l'obscurité. Je n'ai jamais aimé cela; ce qu'on mange ne vous
+profite pas quand les yeux n'en ont pas leur part.»
+
+Gaspardo affectait de parler avec bonne humeur. Il connaissait le lourd
+fardeau qui pesait sur le coeur de ses jeunes compagnons et il espérait
+l'alléger en les détournant un peu de leurs pensées. Mais aucun d'eux ne
+fit chorus à sa bonne volonté; il battit donc le briquet et le cierge
+fut enfin allumé.
+
+C'était un gros bout de cierge, long d'environ six pouces et fabriqué
+avec la cire de l'abeille sauvage qu'on emploie dans les églises du
+Paraguay. Sa flamme brillante éclairait tous les objets contenus dans la
+caverne, les voyageurs, leurs chevaux, leurs bagages et le jaguar étendu
+mort à l'entrée, dont la peau jaune mouchetée se détachait sur le fond
+sombre du rocher.
+
+Mais à peine la flamme eut-elle pris toute sa vigueur, que les yeux des
+voyageurs eurent la très-désagréable surprise d'être subitement arrêtés
+par la vue d'une seconde peau de jaguar, non moins mouchetée, mais bien
+plus brillante que la première. C'était un second jaguar, non pas mort
+celui-là, mais vivant et bien vivant, couché sur un bloc de rocher à
+l'extrémité la plus reculée de la grotte!
+
+Il avait au moins deux fois la taille de celui qui avait été tué et son
+aspect était dix fois plus effrayant. Au premier coup d'oeil, on le
+reconnaissait pour le mâle dont Gaspardo avait parlé.
+
+«C'est le mâle»! dit-il aussitôt que la lumière du cierge lui eut permis
+de le distinguer. «_Santissima!_ et nous nous sommes donnés bien du mal
+pour nous assurer sa compagnie!»
+
+Ses compagnons pétrifiés par la surprise gardaient le silence.
+
+«_Carrai_»! grommela le gaucho entre ses dents. «Je m'étonne qu'il soit
+resté si longtemps tranquille. Il faut que la tormenta ait
+singulièrement modifié son humeur. Qui peut savoir ce qui se passe dans
+sa tête, et ce qui cause son immobilité. Ne nous y fions pas. L'envie
+peut lui prendre subitement de sauter sur nous et un animal de cette
+taille, mes enfants, se moquerait autant d'une balle que d'un coup de
+cravache. Regardez-le, il est presque aussi gros qu'un de nos chevaux!
+On ne fait pas deux miracles dans la même journée.--Une balle qui le
+blesserait seulement au lieu de le tuer ne ferait que le rendre plus
+formidable.»
+
+Les deux jeunes gens tenaient à la main leurs carabines.
+
+«Faut-il faire feu néanmoins? demandèrent-ils.
+
+--Gardez-vous-en bien, sur votre vie! mieux vaudrait essayer de lui
+céder la place, si l'état de terreur, de stupéfaction, d'engourdissement
+où la tormenta met souvent les animaux les plus énergiques et les plus
+violents devait nous en laisser le temps. J'entends la pluie tomber par
+torrents, mais cela ne fut rien, tout plutôt qu'une rencontre avec un
+gaillard comme celui-ci. S'il pleut c'est que la poussière est
+abattue,--et c'est le principal. Nous pourrions peut-être nous en tirer
+personnellement en lui abandonnant nos montures, et en filant pour notre
+compte par la lucarne que nous avons laissée à notre barricade... Elle
+ne suffirait pas à le laisser passer,--mais nous avons autant besoin de
+nos montures que de nous-mêmes et d'ailleurs ce serait une lâcheté que
+de livrer nos bonnes bêtes à ce brigand-là. Il n'y a pas deux partis à
+prendre. Ouvrons notre barricade, défaisons de nos mains l'ouvrage de
+nos mains. Détruire est plus facile que de bâtir.--A l'oeuvre donc. Que
+Cypriano qui a une bonne arme fasse sentinelle. Si le jaguar bouge visez
+à l'oeil, mon enfant!»
+
+Et tandis que Ludwig tenait le cierge, Gaspardo dont la force musculaire
+était doublée par l'imminence du danger se mit à démolir sa muraille.
+
+Dès qu'une ouverture fut pratiquée, suffisamment grande pour leur livrer
+passage ainsi qu'à leurs chevaux, le gaucho écarta les ponchos et jeta
+un regard au dehors.
+
+Cependant, tenu en respect par Cypriano, qui le couchait en joue, ou
+sous le poids encore de l'émoi que lui causait la tourmente, le jaguar
+n'avait pas bougé. Ses yeux fixes et brillants n'avaient pas quitté ceux
+de Cypriano. L'intrépide enfant n'avait pas bronché. Mais le moment le
+plus périlleux devait être celui de la retraite. Il en est de l'animal
+comme de l'homme, tout ce qui ressemble à une fuite de son adversaire
+est comme un signal d'attaque qu'il reçoit.
+
+A ce moment une exclamation du gaucho attira l'attention de Ludwig.
+
+«Qu'y a-t-il, Gaspardo? lui demanda-t-il.
+
+--Il y a, répondit Gaspardo avec un geste de désespoir, il y a qu'il n'y
+a pas moyen de sortir. Regardez!»
+
+L'eau s'était élevée de six pieds au-dessus de son premier niveau et
+elle coulait en bas de la caverne avec la violence d'un torrent, le
+courant balayait jusqu'à l'entrée de la grotte et ne laissait pas un
+pouce de sentier par lequel les hommes et les chevaux pussent opérer
+leur retraite. Toute issue était évidemment coupée. La circonstance
+était critique, car rester dans la caverne, c'était rester à la
+discrétion du jaguar.
+
+Le ciel, en s'éclairant, projetait jusqu'au fond de l'antre une faible
+lueur qui leur permettait d'apercevoir l'affreuse bête couchée dans sa
+redoutable immobilité. Il semblait qu'avertie par un secret instinct de
+l'impossibilité où étaient désormais ses victimes de lui échapper, elle
+eût jusque-là contemplé avec un imperturbable dédain la vanité de leurs
+efforts.
+
+L'ouragan se calmait. Les grondements du tonnerre s'éloignaient. Le
+moment approchait où l'animal allait retrouver son habituelle férocité
+et bondir soit sur les hommes, soit sur leurs montures.
+
+La lutte était donc devenue inévitable. En désespoir de cause, Gaspardo
+et les deux jeunes gens se tenaient prêts au combat. La carabine à la
+main, leur couteau de chasse entre les dents, Ludwig et Cypriano
+n'attendaient que l'ordre de faire feu. Gaspardo hésitait encore à le
+donner; évidemment, il eût tout préféré à une rencontre où l'un d'entre
+eux, tout au moins, pouvait perdre la vie; quand tout à coup, posant bas
+sa carabine, il se mit à chercher quelque chose avec une fiévreuse
+impatience dans une des sacoches de son recado.
+
+Il se souvenait d'y avoir caché une fusée du genre de celles dont on se
+sert pour exciter les taureaux au combat. Il avait pris cette précaution
+dans la prévision que cela pourrait lui servir, pour étonner et amuser
+ou terrifier suivant l'occasion les Indiens. C'est un vieux tour des
+gens des frontières et qui est souvent couronné de succès parmi les
+sauvages.
+
+«Ne bougez pas, murmura-t-il à l'oreille de ses amis, ne quittez pas la
+place où vous êtes. Laissez-moi faire. J'ai mon idée.»
+
+Tous deux conservèrent leur place à l'entrée de la caverne, semblables à
+deux sentinelles silencieuses.
+
+
+CHAPITRE IX
+
+AU HASARD
+
+Quoique encore sous l'empire d'une grande émotion, Ludwig et Cypriano
+étaient fort intrigués, et se demandaient du regard ce qui avait bien pu
+passer dans la cervelle de leur ami.
+
+Les moments étaient trop précieux pour que le gaucho songeât à prolonger
+leur attente. Il s'avança rapidement vers le cierge que Ludwig avait
+fixé dans une des anfractuosités de la caverne,--et leur ayant
+recommandé de se coller contre les parois,--pour laisser libre l'entrée
+tout entière, il approcha de la flamme du cierge la mèche de sa fusée et
+la lança sur le jaguar. Ce fut comme une illumination soudaine: la
+lumière éclatante suivie d'un sifflement aigu s'était élancée comme un
+serpent de feu sur l'animal, l'avait atteint au flanc et s'était
+attachée à sa peau en tournoyant comme un soleil et en l'inondant
+d'étincelles.
+
+C'était évidemment le premier feu d'artifice qu'on eût jamais tiré en
+son honneur.
+
+Poussant un formidable rugissement qui fit frémir les parois du rocher,
+l'énorme animal effaré bondit d'épouvante sur sa couche, et en trois
+bonds traversant la caverne et traînant derrière lui comme la queue
+enflammée d'une comète, il alla se précipiter dans le torrent.
+
+C'était assurément ce qu'il avait de mieux à faire pour éteindre la
+fusée qui sifflait entre les poils de sa fourrure, et pour débarrasser
+nos voyageurs de sa fâcheuse compagnie.
+
+En un instant, son corps fut hors de vue, enlevé par le courant du ravin
+débordé. Gaspardo, monté sur le roc où était tout à l'heure le jaguar,
+criait du fond de la grotte:
+
+«Pour cette fois, Muchachos, nous pouvons nous mettre à table; je
+suppose que nous ne risquons plus d'être dérangés!»
+
+Ludwig et Cypriano ne pouvaient revenir de l'étrange et expéditive façon
+dont le gaucho les avait tirés d'affaire.
+
+«On ne pense pas à tout, répondit modestement le brave homme. J'aurais
+dû commencer par là, et ni vous ni moi ne nous serions écorchés les
+mains à faire et à défaire nos inutiles fortifications.»
+
+Ludwig et Cypriano regrettaient bien un peu de ne pas avoir abattu le
+jaguar mâle, comme Gaspardo avait abattu la femelle; mais ils ne
+voulurent pas gâter la joie de leur ami, qui était cent fois plus fier
+de son expédient qu'il ne l'eût été du coup de fusil le mieux réussi.
+
+Quand nos voyageurs eurent achevé leur repas, la tempête avait
+complètement cessé.
+
+La _tormenta_ diffère du _temporal_; la première disparaît aussi
+rapidement qu'elle est venue, l'autre se termine graduellement et est
+suivie par des brumes qui remplissent l'atmosphère et par une fraîcheur
+humide qui parfois dure plusieurs jours. Il n'en est pas ainsi d'une
+véritable tempête de poussière. Elle arrive sans être précédée de signes
+autres que ceux connus seulement des initiés, ceux par exemple que
+Gaspardo avait lus dans la corolle des fleurs de l'arbre baromètre, et
+elle cesse aussi soudainement, sans avertir autrement du moment où elle
+prend fin.
+
+Lorsqu'ils revinrent à l'entrée de la grotte et regardèrent au dehors,
+il n'y avait pas plus de traces de l'ouragan que s'il n'eût jamais
+existé. Au-dessus de la berge opposée de l'arroyo, ils pouvaient
+distinguer un espace de ciel d'une belle nuance azurée, et par les
+rayons de lumière qui plongeaient dans le vallon, ils voyaient que le
+soleil brillait aussi pur qu'avant d'avoir été obscurci par les nuages
+épais de la poussière.
+
+Cette terrible lutte des éléments avait duré en tout une heure. Ils
+l'auraient considérée comme un rêve s'ils n'eussent eu sous les yeux,
+s'étendant sur les pentes du terrain, les traces de sa furie; des arbres
+déracinés, d'autres oscillant, des branches brisées et déchirées, des
+bouquets d'arbustes couchés comme des roseaux, enfin, à leurs pieds, un
+torrent écumant remplaçant le mince ruisseau que leurs chevaux avaient
+traversé à gué une heure à peine auparavant.
+
+Sans cet obstacle tort sérieux, ils auraient immédiatement repris leur
+voyage, mais d'un seul coup d'oeil, ils en avaient reconnu
+l'impossibilité. Comme le paysan de la fable, mais avec plus de raison
+puisqu'ils n'avaient devant eux qu'un fleuve improvisé et accidentel,
+ils devaient attendre le moment où les eaux baisseraient.
+
+«Nous n'en avons pas pour longtemps, mes enfants, dit le gaucho, en
+remarquant leur impatience, et en essayant de les encourager.
+
+--Non, continua-t-il, après être resté un instant les yeux fixés sur le
+torrent, pas pour bien longtemps. Ce débordement, né de la tourmente qui
+l'a produit, baissera aussi vite qu'il s'est élevé. Il est déjà tombé de
+plus d'un demi-pied; voyez les traces qu'il a laissées sur les pierres.»
+
+Et il désigna du doigt un endroit que l'eau boueuse avait mouillé et
+dont elle s'était déjà retirée. C'était bon signe. Tous trois
+retournèrent donc dans la grotte pour y empaqueter leurs bagages, donner
+quelques soins à leurs montures, sur lesquelles la tourmente avait agi
+autant que sur le jaguar, et se préparer à reprendre leur route.
+
+Aussitôt cette besogne terminée, le gaucho se donna sur la poitrine, en
+guise de _mea culpa_, un coup de poing qui en eût abattu un autre que
+lui-même.
+
+«Santo Dios! je perds la tête, s'écria-t-il, c'est pitié de laisser ce
+beau jaguar derrière nous. Sa peau vaudrait de l'argent si quelqu'un la
+portait au marché. Comme le mâle était beau! Jamais je n'en ai vu un
+plus magnifique. Ah! si votre....»
+
+Il s'arrêta brusquement.
+
+Mayne Reid.
+
+(La suite prochainement.)
+
+
+
+NOS GRAVURES
+
+Procès du maréchal Bazaine
+
+LA BUVETTE DES TÉMOINS.
+
+Au moment où paraîtront ces lignes, le verdict du 1er conseil de guerre,
+vers lequel en ce moment toute la France a les yeux tournés, sera
+prononcé ou bien près de l'être. Le M. le général Pourcet a commencé la
+lecture de son réquisitoire, qui s'est prolongée jusqu'à la fin de
+l'audience du 5 décembre. Le 6, la parole a été donnée à la défense, qui
+la gardera certainement au moins aussi longtemps que l'accusation. C'est
+donc vers la fin de la semaine que, selon toute vraisemblance, le sort
+de l'accusé sera fixé. L'auditoire, est-il besoin de le dire? est plus
+nombreux que jamais et, ajoutons-le, il trahit par sa physionomie plus
+grave et plus réservée l'imminence du dénoûment de ce grand drame.
+Chacun en effet, comprend qu'au moment où la justice va parler, il doit
+refouler, au moins en public, ses impressions propres et attendre en
+silence qu'elle prononce le mot suprême. Il est vrai qu'il se dédommage
+à la suspension de l'audience. La buvette des témoins, que représente
+notre dessin, est le lieu où s'échangent volontiers les commentaires. On
+y rappelle les arguments de l'accusation et ceux de la défense, on les
+compare entre eux, et on cherche à en dégager la conséquence. Mais là
+encore, même en s'aventurant sur ce terrain glissant, on use de réserve
+et l'on ne sort pas de la stricte mesure que réclament les convenances.
+
+L'ACCUSATION.
+
+Les membres qui composent le parquet dans le procès Bazaine sont au
+nombre de huit, savoir:
+
+M. Alla, greffier titulaire du premier conseil de guerre, auquel on a,
+pour la circonstance, adjoint M. Castres, greffier en retraite. A gauche
+de MM. Alla et Castres se tient le maréchal des logis de la garde
+républicaine qui a le titre d'appariteur, et remplit des fonctions
+analogues à celles des huissiers dans les cours d'assises.
+
+Puis viennent, devant la table où sont assis les membres du parquet, M.
+le général Pourcet, puis M. le commandant Martin, chef de bataillon en
+retraite, et qui assiste de droit aux débats en sa qualité de
+commissaire du gouvernement titulaire près le premier conseil de guerre,
+M. le général de division de Colomb, jeune avec son grade, car il n'est
+âgé que de quarante-neuf ans. Sorti de Saint-Cyr en 1844, il a conquis
+tous ses grades en Afrique, à l'exception du dernier, qu'il doit à sa
+belle conduite à l'armée de la Loire. Son titre officiel est: substitut
+du commissaire spécial du gouvernement, M. Pourcet.
+
+Tout à fait à gauche sont assis deux jeunes capitaines, M. Avon, du
+corps d'état-major, et M. Boisselier, de l'infanterie. Ces messieurs
+n'ont pas de titre officiel; en réalité ils sont adjoints à M. le
+général Pourcet pour les immenses travaux que nécessitent l'examen et la
+manipulation d'un dossier fabuleusement volumineux.
+
+LA DÉFENSE.
+
+Le maréchal Bazaine a confié, on le sait, le soin de sa défense, à Me
+Lachaud, assisté de son fils et du colonel Villette, aide de camp du
+maréchal.
+
+Nous avons parlé de ce dernier en donnant son portrait, il y a quelques
+semaines; nous n'avons donc pas à y revenir. Quant à M. Lachaud fils, le
+temps lui a fait défaut pour travailler à l'auréole dont il ne peut
+manquer un jour ou l'autre de ceindre son front, si tant est que le
+proverbe soit vrai; mais pour le moment il ne brille encore que des
+rayons de la gloire paternelle, assez grande, après tout, pour contenter
+deux ambitions, même exigeantes.
+
+Me Lachaud a aujourd'hui cinquante-six ans. Né à Treignac (Corrèze) le
+25 février 1818, il exerçait sa profession d'avocat à Tulle, lorsque Mme
+Lafarge le choisit pour défenseur. Ce fameux procès commença sa
+réputation, qu'acheva d'établir le procès Marcellange. C'est alors que
+Me Lachaud vint à Paris, où il ne tarda pas à prendre au barreau
+parisien une des premières places. Il brilla surtout devant la cour
+d'assises, où son éloquence naturelle, admirablement servie par une voix
+aussi souple que sympathique et des facultés mimiques très-développées,
+lui assura un grand ascendant aussi bien sur les juges que sur
+l'auditoire. Parmi les affaires qu'il y plaida, citons les affaires
+Pavy, de Preigne, Carpentier, Lescure, de Merci, Lemoine, Taillefer et
+Troppmann.
+
+Nous pouvons maintenant ajouter à cette liste l'affaire Bazaine, qui
+prime incontestablement toutes les autres, aussi bien par la position
+élevée de l'accusé, que par les circonstances exceptionnelles qui ont
+donné lieu à l'accusation.
+
+P. S.--Au moment de mettre sous presse, nous recevons la nouvelle que le
+1er conseil de guerre vient de rendre son arrêt, que nous n'attendions
+pas si tôt. Mais le conseil a siégé de neuf heures du matin à neuf
+heures du soir, le 10; et dans cette séance si longue ont eu lieu la fin
+de la plaidoirie de Me Lachaud et les répliques. A quatre heures et
+demie, les débats ont été clos et à neuf heures moins un quart, après
+une délibération qui n'a pas duré moins de quatre heures, le conseil
+rentrait en séance, rapportant son verdict. Quatre questions lui avaient
+été posées.
+
+lre question.--Le maréchal Bazaine est-il coupable d'avoir, en octobre
+1870, capitulé, son armée étant en rase campagne?
+
+2e question.--Cette capitulation a-t-elle eu pour résultat de faire
+poser les armes à sa troupe?
+
+3e question.--Le maréchal Bazaine a-t-il traité verbalement ou par écrit
+avec l'ennemi, sans avoir fait tout ce que lui prescrivaient le devoir
+et l'honneur?
+
+4e question.--Le maréchal Bazaine, mis en jugement sur l'avis du conseil
+d'enquête, est-il coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, rendu la
+place qui lui était confiée, sans avoir épuisé tous les moyens de
+défense dont il disposait et sans avoir fait tout ce que prescrivaient
+le devoir et l'honneur?
+
+A ces quatre questions, chacun des membres du conseil ayant répondu
+affirmativement, le maréchal Bazaine a été condamné à l'unanimité à la
+peine de mort, avec dégradation militaire.
+
+
+
+La capture du "Virginius".
+
+Nous recevons, par la voie des États-Unis, une intéressante
+correspondance sur le _Virginius_, dont la capture par le croiseur
+espagnol le _Tornado_, a eu pour résultat de créer, entre l'Espagne et
+les États-Unis, le grave conflit que nous avons déjà eu occasion de
+signaler.
+
+Le _Virginius_ est un vapeur à roues, entièrement en fer, de 100
+tonneaux de capacité et d'une longueur de 220 pieds. Il a été construit
+en Angleterre, en 1864, pendant la guerre de la sécession, pour le
+compte des confédérés, qui l'employaient à forcer le blocus des côtes
+des États du Sud.
+
+Capturé, avec un chargement de coton, par les forces fédérales, lors de
+la prise de Mobile, il fut vendu aux enchères, après la guerre, par le
+gouvernement des États-Unis et acheté pour le compte de l'insurrection
+cubaine, qui venait d'éclater. Le _Virginius_ reprit aussitôt son
+aventureuse carrière; monté par un équipage déterminé, sous le
+commandement de Joseph Fry, un Louisianais, il venait s'approvisionner à
+New-York d'armes et de munitions qu'il allait ensuite débarquer sur la
+côte cubaine. Vingt fois il avait failli être pris par les croiseurs
+espagnols et vingt fois il leur avait échappé, grâce à la présence
+d'esprit de son hardi capitaine, dont la réputation était devenue
+légendaire. Enfin, le 31 octobre dernier, il fut aperçu par le vapeur
+espagnol le _Tornado_ au moment où il arrivait au but d'un nouveau
+voyage de ce genre; dès qu'il se vit reconnu, le capitaine Fry fit force
+de voiles et de vapeur pour s'échapper, car il n'était pas armé de
+manière à accepter la lutte avec un navire de guerre; malheureusement le
+_Virginius_ tenait la mer depuis plus d'un an; le mauvais étal de sa
+coque avait diminué sa vitesse d'autrefois, et pour comble de malheur,
+on était à bout de combustible; vainement on jeta la cargaison
+par-dessus bord pour s'alléger, vainement on entassa dans les fourneaux
+les boiseries, les caisses défoncées et jusqu'à des barils de lard qui
+se trouvaient à bord, le _Tornado_ gagnait de vitesse et, après une
+chasse de huit heures, le _Virginius_ était rejoint au moment où il
+arrivait en vue de la Jamaïque, où il eut pu se réfugier sous la
+protection du drapeau britannique. On sait le reste et comment
+l'équipage du _Virginius_, conduit à Santiago, paya de sa vie son audace
+tant de fois heureuse. La gravure que nous publions aujourd'hui montre
+les deux navires au moment où le _Virginius_, à bout de forces, amène
+son pavillon et se met en panne pour recevoir le canot du Tornado.
+
+Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur la sanglante tragédie de
+Santiago qui a été l'épilogue de ce drame, et nous publierons à ce sujet
+d'autres dessins que nous avons reçus trop tard pour les faire paraître
+aujourd'hui.
+
+
+
+Inauguration du monument de Champigny
+
+Le 28 novembre un grand courant d'enthousiasme régnait dans la capitale.
+C'est que quelques jours auparavant, la nouvelle de la victoire
+remportée sur les Prussiens à Couliniers par l'armée de la Loire, s'y
+était répandue et que le gouvernement, sous la pression de l'opinion
+publique, se décidait enfin à faire un effort sérieux en vue de briser
+le cercle d'investissement et de donner la main à la jeune armée qui
+s'avançait à notre secours.
+
+En conséquence, une grande sortie était décidée. Trois proclamations
+aussi retentissantes qu'elles furent vaines, annoncèrent l'événement au
+public.
+
+On sait comment tout ce beau mouvement avorta. L'armée, qui devait
+passer la Marne dans la nuit du 28 au 29 novembre, ne put le faire, les
+ponts se trouvant trop courts! Il fallut attendre vingt-quatre heures.
+L'ennemi mis en garde par cette inexcusable faute, prit ses mesures en
+conséquence. Il ramassa ses forces sur le point menacé, et au lieu de le
+surprendre et de le culbuter, ce fut une grande bataille qu'il fallut
+lui livrer en avant de Champigny.
+
+Néanmoins le village fut enlevé et l'ennemi obligé de reculer jusqu'au
+parc de Coeuilly. Mais les morts étaient nombreux. La journée du 1er
+décembre fut employée de part et d'autre à les ramasser.
+
+Le 2, les Prussiens reprirent l'offensive, refoulant d'abord nos troupes
+qui finalement regagnèrent toutes leurs positions. Mais, épuisées par ce
+double et pénible effort de deux jours de bataille, qu'avec un peu de
+prévoyance on leur eut épargné, elles étaient incapables, pour continuer
+leur marche, d'en faire un troisième, dans des conditions de difficultés
+beaucoup plus grandes encore. Dans la nuit du 2 au 3 on leur fit donc
+repasser la Marne, abandonnant ce plateau de Champigny, deux fois
+conquis au prix de tant d'efforts stériles et de sang inutilement
+répandu.
+
+C'est sur ce plateau, au bord de la route de Paris, que s'élève le
+monument inauguré le 2 de ce mois. M. Vaudremer, architecte de la ville
+de Paris, en est l'auteur. C'est une pyramide en pierre grise, assise
+sur un soubassement et portant sur l'un des côtés un bouclier où l'on
+voit un guerrier blessé s'appuyant sur l'autel de la patrie. Au-dessus,
+on lit ces mots: _Défense de Paris_; au-dessous: _Bataille de
+Champigny_, 30 novembre, 2 décembre 1870. De l'autre côté de la pyramide
+est la devise de la ville de Paris: _Fluctuat nec mergitur_.
+
+
+
+[Illustration: ÉVÉNEMENTS DE CUBA.-Capture du _Virginius_ par le
+_Tornado_ dans les eaux de la Jamaïque.]
+
+[Illustration: LE MONUMENT COMMÉMORATIF DE LA BATAILLE DE CHAMPIGNY,
+INAUGURÉ LE 2 DÉCEMBRE 1873.]Le naufrage de la "Ville-du-Havre".
+
+
+
+Nous n'avons pu qu'annoncer dans notre dernier numéro l'épouvantable
+catastrophe de la _Ville-du-Havre_, réputée le plus vaste des paquebots
+après le _Great-Eastern_. Les relations qui nous sont parvenues nous
+permettent de donner à nos lecteurs un récit du désastre.
+
+Le 15 novembre, à trois heures de l'après-midi, la Ville-du-Havre
+quittait son _warf_ de New-York emmenant 135 passagers, 172 hommes
+d'équipage et de service et transportant une cargaison de blé, coton,
+cuir et graisses. Pendant les premiers jours, la traversée fut
+contrariée par le mauvais temps; puis, quand on fut sur le banc de
+Terre-Neuve, par un brouillard intense, commun du reste dans ces
+parages, dans la crainte d'aborder ou d'être abordé, le capitaine
+Surmont dut faire vibrer le sifflet d'alarme de minute en minute, et,
+tout le temps qu'il y eut danger, il ne voulut laisser à aucun de ses
+officiers la responsabilité des manoeuvres. La journée du 20 fut assez
+belle, ce qui permit aux passagers de jouir de la promenade sur la vaste
+dunette d'arrière, aux enfants de se livrer à leurs jeux, et, le soir,
+quelques amateurs purent s'offrir dans le salon, un concert improvisé,
+dont la _Dernière pensée de Weber_ fut le morceau final. La nuit étant
+claire, rien ne paraissant à craindre, le capitaine se décida à
+descendre dans sa cabine pour y prendre quelques heures de repos, mais
+après avoir donné l'ordre formel de le prévenir du moindre incident.
+
+C'est à partir de ce moment que l'on ne sait plus d'une manière certaine
+ce qui s'est passé, ni même l'heure précise de la catastrophe. Toujours
+est-il qu'entre une heure et deux heures du matin, des ordres de
+manoeuvre étaient donnés, exécutés précipitamment, mais trop tard... la
+_Ville-du-Havre_ éprouvait une commotion violente, suivie d'une série de
+craquements formidables, se renversait à demi; passagers, officiers et
+matelots, réveillés en sursaut, et accourus sur le pont, apercevaient la
+masse d'un grand voilier qui, ayant enfoncé les bordages du paquebot,
+laissait les débris de son étrave au milieu de celui-ci. Le navire
+abordant était le voilier en fer, le _Loch-Earn_ (Lac ardent), capitaine
+Robertson.
+
+Le capitaine Surmont s'était élancé sur la passerelle de commandement.
+D'un coup d'oeil il comprit que tout était perdu. La _Ville-du-Havre_
+portait au flanc de la chambre des machines une trouée large de cinq à
+six mètres, profonde de quatre, par laquelle l'eau s'engouffrait en
+cataractes bruyantes pour se répandre dans les profondeurs du bâtiment
+avec des grondements et des clapotements sinistres. On n'avait pas eu le
+temps de fermer les cloisons étanches, de telle sorte que les foyers
+ayant été éteints, chaudières et machines furent immédiatement
+paralysées.
+
+Eperdus, les passagers se pressaient sur la dunette d'arrière, les uns à
+peine vêtus ou dans leur costume de nuit, les autres ayant eu le temps
+de se couvrir de quelques vêtements ou de prendre avec eux leurs objets
+les plus précieux. A un premier moment, non de désordre mais seulement
+de trouble, succéda un certain apaisement, quand on vit le capitaine à
+son poste et les officiers se multipliant pour indiquer à chacun ce
+qu'il y avait à faire. Dans le court espace de temps écoulé entre
+l'abordage et le naufrage, il y eut des exemples de sang-froid
+admirable, de sublime résignation, de devoir noblement compris. Debout
+sur le pont, un petit sac à la main, leurs enfants dans les bras ou se
+pressant contre leur père ou leur mari, des femmes attendaient que les
+canots fussent mis à la mer; quelques-unes s'étant agenouillées,
+priaient avec ferveur, pendant qu'un prêtre catholique leur donnait
+l'absolution suprême; des enfants à demi-nus, devinant le péril sans le
+comprendre, cherchaient d'instinct un refuge dans les bras de leur mère.
+
+Si la collision avait eu lieu en plein jour, les secours eussent été
+plus efficaces, mais la nuit d'une part, la perte de plusieurs des
+embarcations de la _Ville-du-Havre_ de l'autre, rendaient le sauvetage
+difficile. On venait d'installer une cinquantaine de personnes dans deux
+canots intacts, lorsque le grand mât et le mât d'artimon, déjà ébranlés,
+oscillèrent et s'abattirent presque en même temps, brisant les canots,
+tuant et blessant la plupart des malheureux qui déjà se voyaient sauvés.
+En vain, raconte un matelot, on voulut retirer quelques survivants de
+l'amas enchevêtré de vergues rompues, de cordages, de débris de
+planches, on n'en eut pas le temps. Ce grave accident précipita le
+dénoûment, car la chute des mâts fit incliner davantage le paquebot, et
+tous ceux qu'il portait sentirent que leur dernière heure était venue.
+
+Il n'est guère possible de s'imaginer l'horreur du drame dont notre
+dessin donne un aperçu pris du milieu du navire, entre les deux
+cheminées, près de l'escalier de la dunette des premières.
+
+La _Ville-du-Havre_ oscillait comme en proie aux dernières convulsions;
+on vit, rapporte un passager, une jeune fille soutenant sa mère et lui
+disant: «Courage, ma mère, courage, dans quelques minutes nous entrerons
+au ciel.» Quatre charmantes petites filles encourageaient ceux qui les
+entouraient en leur disant: «Prions le bon Dieu de nous recevoir auprès
+de lui.» Rien, raconte M. Lorriaux, ministre protestant, ne peut donner
+une idée de la résignation des femmes pendant cette catastrophe. Un
+officier de la marine américaine avait trois filles qui voulaient périr
+avec lui: «Je sais, dit-il, en leur adressant le dernier adieu, que la
+Providence veut vous sauver, n'allez donc pas contre sa volonté.» Deux
+seulement de ces jeunes filles furent recueillies.
+
+Moins d'un quart-d'heure après le choc, la _Ville-du-Havre_
+disparaissait sous les Ilots, qui se précipitèrent en tourbillonnant
+dans l'immense vide formé; et les malheureux renversés dans l'eau, ceux
+que la vague ramena à la surface, ou qui plus heureux avaient pu saisir
+une ceinture de sauvetage, un tronçon de mât, une planche, restèrent
+ballottés par les vagues, transis, à moitié expirants, mais soutenus
+quelques instants encore par cette force surhumaine que donnent l'espoir
+et l'instinct de la conservation. La fatalité avait poursuivi le
+malheureux navire jusqu'à sa dernière minute d'existence; au moment où
+il sombrait, un canot chargé de femmes et d'enfants fut projeté par le
+remous sur le tronçon du mât d'artimon, crevé et submergé.
+
+Le _Loch-Earn_ avait pu se dégager aussitôt après l'abordage. Bien que
+fortement compromis par la perte de son avant, il se soutenait sur
+l'eau. Sans perdre un instant, son capitaine fit mettre ses embarcations
+à la mer et procéda au sauvetage. Les canots n'arrivèrent sur le lieu de
+la catastrophe qu'après la disparition complète de la _Ville-du-Havre_;
+ils recueillirent les naufragés et ne quittèrent la place que le
+lendemain matin à dix heures, quand nulle voix ne vint plus réclamer
+assistance, quand aucune victime ne parut surnager, quand enfin rien ne
+vint plus révéler que là, quelques heures auparavant, flottait l'un des
+rois de la mer. Demeuré à son poste, le capitaine Surmont coula avec son
+bâtiment, mais il eut le bonheur de saisir une planche, et vingt minutes
+après un canot le sauvait.
+
+Passagers et marins recueillis à bord du _Loch-Earn_ étaient dépourvus
+de tout, la rapidité du sinistre n'ayant permis qu'à un très-petit
+nombre d'entre eux de se munir des objets les plus indispensables: ils
+furent, de la part du capitaine Robertson et de l'équipage anglais,
+l'objet d'une sollicitude des plus touchantes, qu'ils se sont plu à
+reconnaître publiquement. Mais quel triste lendemain! Parmi ceux qui se
+trouvaient sains et saufs, il y avait une jeune mère qui avait perdu ses
+quatre enfants; une petite fille de neuf ans restée seule d'une famille
+nombreuse, et quantité d'infortunés qui, en quelques minutes, avaient vu
+mourir sous leurs yeux, père, mère, frère, soeur, mari, amis... Parmi
+ces passagers, un, M. James Bishop, avait eu le bonheur d'être
+recueilli, et c'était la troisième fois, disait-il, qu'il échappait à
+une mort imminente: il avait failli périr lors de la chute d'un train de
+chemin de fer dans une rivière et à la suite du sautage d'un navire par
+une torpille.
+
+À dix heures du matin, un trois-mâts américain, le _Trimountain_, fut
+signalé; on lui adressa des signaux de détresse, et le capitaine
+Surmont, se rendant aux instances des passagers, qui jugeaient le
+_Loch-Earn_ trop endommagé pour conserver un supplément de quatre-vingts
+à quatre-vingt-dix-personnes, fit passer les survivants sur le navire
+américain, à l'exception d'un passager malade, d'un chauffeur blessé et
+d'un troisième passager qui voulut garder son compagnon d'infortune.
+
+A qui incombe la responsabilité de la catastrophe? Une enquête nous
+l'apprendra sans doute, mais ce qui, suivant les témoignages déjà
+recueillis, parait acquis dès à présent, c'est que le _Loch-Earn_ avait
+ses feux réglementaires allumés. Son capitaine aurait dit à un passager
+qu'étonné de voir devant lui la silhouette d'un grand vapeur ne faisant
+aucun mouvement pour éviter une rencontre, il crut qu'un ou plusieurs de
+ses fanaux étaient éteints et qu'on ne l'apercevait pas; il courut à
+l'avant, s'assura qu'ils brillaient et fit manoeuvrer pour s'éloigner du
+navire en vue.
+
+A bord de la _Ville-du-Havre_, les vigies de l'avant auraient aperçu et
+signalé le _Loch-Earn_ quelques minutes avant la collision.
+
+Que s'est-il passé alors? l'officier remplaçant momentanément le
+capitaine s'était-il assoupi, n'a-t-il pas entendu l'avis qu'on lui
+donnait, ou bien ses ordres ont-ils été mal compris du timonier? Les
+auteurs principaux du drame ayant péri, il paraît difficile de savoir la
+vérité, mais des positions respectives du _Loch-Earn_ et de la
+_Ville-du-Havre_, au moment de l'abordage, semble résulter ce fait
+capital que cette dernière a dû faire une fausse manoeuvre. Dans les cas
+de rencontre en mer, c'est le vapeur, plus maniable que le voilier, qui,
+suivant les règlements maritimes, doit modifier sa route. Par conséquent
+la _Ville-du-Havre_ aurait dû incliner vers sa droite et si, pendant son
+mouvement, elle eût été abordée, c'est par son côté gauche ou de bâbord
+qu'elle eût reçu le choc. Le contraire ayant eu lieu, c'est-à-dire que
+le voilier s'étant enfoncé dans les bordages de droite ou de tribord, il
+est permis de penser que le coup de barre, indiqué ou donné, a eu pour
+résultat de faire virer le paquebot vers la gauche, ce qui lui a fait
+présenter le flanc droit au _Loch-Earn_. Si cela est, la responsabilité
+de ce dernier se trouverait dégagée.
+
+Le _Trimountain_ a conduit à Cardiff les naufragés que le steamer
+_Alice_, de Southampton, a ramenés ou rapatriés en France. Quant au
+navire, cause de ce grand malheur, il n'avait pas, ainsi que l'indique
+le rapport du capitaine Surmont, de cloison étanche proprement dite,
+mais son charpentier avait répondu, d'en établir une suffisante pour
+permettre de gagner un port. Ces prévisions ne se sont malheureusement
+pas réalisées, car, assailli par un gros temps, le _Loch-Earn_ a sombré
+en mer; son équipage et les trois naufragés qu'il avait recueillis, ont
+pu être sauvés par un bâtiment anglais se rendant d'Amérique en
+Angleterre. Ce dernier naufrage a présenté des incidents aussi
+palpitants que celui de la _Ville-du-Havre_.
+
+Terminons en notant un sentiment superstitieux qui subsiste parmi les
+populations maritimes de certains ports. Lorsqu'un navire a été dénommé
+et baptisé, il ne doit plus changer de nom, sans cela Dieu cesse de le
+protéger. A l'appui de cette croyance, les marins vous citent une longue
+série de navires ayant changé de nom qui, partis pour la haute mer, ne
+sont jamais revenus. Aussi beaucoup d'entre eux refusent-ils de
+s'embarquer sur les navires _débaptisés_. Soyez certain que si vous
+parlez à quelque vieux loup de mer de la catastrophe de la
+_Ville-du-Havre_, il vous répondra en hochant la tête: «On lui avait
+changé son nom!»
+
+P. Laurencin.
+
+
+
+Inauguration de l'Asile et de l'École de filles de Dugny.
+
+Le village de Dugny (Seine) était à peu près inconnu avant la guerre de
+1870. Perdu dans la plaine Saint-Denis, entre Stains et le Bourget, il
+fallait les désastres de la dernière invasion pour tirer son nom de
+l'oubli. En tant que commune ravagée, Dugny méritait, en effet, de fixer
+l'attention. Occupé par les troupes ennemies dès le 10 septembre 1870,
+il a vu partir le dernier soldat prussien le 20 septembre 1871.
+
+Pendant cette occupation, qui a été la plus longue du département de la
+Seine, les projectiles, la rapine, la dévastation même pendant
+l'armistice, tout a contribué à la ruine du village.
+
+Grâce à l'énergie et au courage de sa population laborieuse, les traces
+de la guerre ont à peu près disparu.
+
+Mais, par suite de ces désastres, la commune a dû faire construire une
+salle d'asile et une école de filles.
+
+La pose d'une plaque commémorative et, plus tard, l'inauguration de
+l'édifice, ont donné lieu à des cérémonies qui ont été entourées d'un
+certain éclat.
+
+Ainsi, pour ne parler que de la dernière, nous citerons la présence de
+monseigneur l'archevêque de Paris, de monseigneur Langenieux, évêque de
+Tarbes, de M. l'archidiacre de Saint-Denis, de MM. le préfet de la
+Seine, le préfet de police, le sous-préfet de Saint-Denis, de M. Artoux,
+inspecteur de l'instruction primaire, et enfin de tous les maires des
+communes voisines.
+
+Le cortège, qui s'est formé chez M. Étienne Blanc, maire de la commune,
+où tous les invités s'étaient réunis, s'est rendu à la nouvelle école.
+Une nombreuse assistance l'attendait à son arrivée.
+
+Les élèves de l'école des filles ont chanté, en choeur, un hymne en
+remerciement de la visite de monseigneur l'archevêque.
+
+M. le maire de Dugny s'est ensuite adressé à Monseigneur, pour lui
+exprimer la reconnaissance des habitants, heureux et fiers de la
+présence de toutes les autorités dans leur modeste village.
+
+Une jeune fille de l'école a adressé ensuite à monseigneur l'archevêque
+et à M. le maire un compliment au nom de toutes ses compagnes.
+
+Monseigneur Guibert a pris alors la parole et a témoigné dans des termes
+empreints d'un sentiment tout paternel, l'intérêt que lui inspire ce
+malheureux village, si cruellement éprouvé pendant la guerre.
+
+Après ce discours, Monseigneur a donné la bénédiction à l'édifice ainsi
+qu'à l'assistance; puis un choeur, chanté par des amateurs, a terminé la
+cérémonie.
+
+Le cortège s'est reformé et a reconduit monseigneur l'archevêque de
+Paris et sa suite chez M. le maire.
+
+
+
+[Illustration: LE NAUFRAGE DE LA "VILLE-DU-HAVRE". LA DERNIÈRE MINUTE.]
+
+
+
+La comédie de notre temps, par Bertall (1)
+
+[Note 1: 1 vol grand in-8º illustré. E. Plon et Cie éditeurs.]
+
+M. Bertall, dont le premier grand succès fut sa collaboration au _Diable
+à Paris_, revient aujourd'hui au genre qui lui valut sa réputation, et
+il publie sous ce titre la _Comédie de notre temps_, un livre qui sera,
+pour la société de 1870 à 1875, ce que le _Diable à Paris_ fut pour le
+monde de 1840, avec cette différence qu'ici, dans ce nouvel ouvrage,
+Bertall tient à la fois la plume et le crayon. Il est l'auteur et
+l'illustrateur d'un certain nombre de chapitres tout parisiens, d'une
+curiosité et d'un intérêt absolus, sur les moeurs actuelles, et, je
+n'hésite pas à dire que ce livre, qui nous plaira si fort aujourd'hui,
+constituera pour l'avenir un véritable monument où l'on puisera des
+notes certaines et originales sur la vie morale de notre époque. Bertall
+passe en revue toutes les choses et tous les mondes: le vêtement, le
+costume, la toilette, les manières, les manies, les types, les
+caractères; il étudie les soirées et les bals, les dîners d'apparat, les
+banquets, les artistes, les coulisses (celles de la Bourse et celles du
+théâtre), les premières représentations, les soupers, les églises, la
+Chambre et la politique, le jeu et les joueurs, en un mot tout ce qui
+constitue la vie même de ce temps-ci. Quel dommage qu'un observateur
+aussi perspicace, doué d'un pareil talent, ne se soit pas trouvé à
+chaque époque pour nous léguer la _vérité vraie_ et la _vérité vue_ sur
+l'époque qu'il traversait! Les croquis de Debucourt et de Carle Vernet
+nous en disent long sur le Directoire, les muscadins et les
+_merveilleuses_, mais Debucourt pas plus que Vernet n'avaient, comme eût
+dit Musset, _un joli brin de plume_ emmanché dans le crayon. Bertall, du
+moins, s'il enlève lestement un croquis du _gommeux_, y ajoute le texte
+et les réflexions morales: «Le _gommé_ ou _gommeux_ est l'antithèse du
+dégommé. Celui donc qui est bien en vue, qui brille, qui est envié pour
+sa toilette, sa position, son genre et son chic, est un _gommeux_.»
+Balzac, qui fut le parrain de Bertall, en littérature et en art, eût
+applaudi à ces chapitres alertes de la Comédie de notre temps qui
+constituent, en somme, la physiologie de la seconde partie du XIXe
+siècle: Album, recueil, livre, dit Bertall en parlant de son ouvrage,
+quelque nom que l'on veuille bien lui donner, il n'a pas d'ambitions
+bien hautes.» Il aurait tort de n'en pas avoir, car, sans prétention,
+c'est là l'oeuvre d'un philosophe et d'un satirique qui a beaucoup vu,
+beaucoup étudié, très-bien observé, et qui nous donne sous une forme
+durable, agréable, charmante, le fruit à point mûri de ses observations.
+
+La _Comédie de notre temps_ fera doublement honneur à Bertall, et elle
+obtiendra un double succès: oeuvre de piquante littérature, elle sera
+classée parmi les plus jolies études de moeurs; oeuvre d'art, elle
+léguera à l'avenir la physionomie même de ce temps, avec tous ses tics,
+toutes ses élégances, toutes ses habitudes, toutes ses séductions et
+tous ses ridicules.
+
+Jules Claretie.
+
+
+
+Jeanne d'Arc
+
+Le succès de _Jeanne d'Arc_, que notre collaborateur M. Savigny avait
+signalé dès la première représentation de ce drame lyrique, qui devient
+populaire, s'affirme de jour en jour. L'_Illustration_ lui doit les
+honneurs d'une gravure et les lui fait bien volontiers, en s'associant à
+la vive sympathie du public pour le poète, M. Barbier, et pour le
+musicien, M. Gounod. Elle rend aussi le tribut d'éloges dû aux
+décorateurs et aux interprètes de cet ouvrage. Elle donne les
+principales scènes du drame et dans la décoration du fort et de la
+courtine d'Orléans, au-dessous desquels se dessine le pont de la Loire,
+et dans cette vue du parvis et de l'église de Reims, et dans cet acte où
+s'élève le bûcher qui doit dévorer l'héroïne. Au centre, le dessinateur
+a placé le portrait de Mlle Lia-Félix. Bien des rôles ont marqué la
+carrière déjà longue de l'éminente artiste. Elevée à cette grande école
+du bien dire que Mlle Rachel a formée autour d'elle et dans sa propre
+famille, au milieu de ses soeurs dont elle est aussi une des gloires,
+Mlle Lia-Félix a fait, dans une série de drames joués depuis tantôt
+quinze ans, une foule de créations qui lui ont mérité une légitime
+réputation et qui lui ont valu la première place parmi les interprètes
+du drame. Jamais le triomphe de Mlle Lia-Félix, même aux jours de la
+_Fille du paysan_, n'a été plus vif et plus grand que dans _Jeanne
+d'Arc_. Jamais elle n'a déployé des qualités dramatiques aussi
+saisissantes. Mlle Lia-Félix a résumé dans ce rôle toute la puissance de
+son talent, par l'émotion vraie, le sentiment, la noblesse et l'énergie.
+Il y a là comme le souvenir de l'illustre tragédienne, et nous avons cru
+la voir revivre surtout dans cette scène finale du drame, dans laquelle
+Mlle Rachel n'aurait pas arraché plus de larmes et appelé à elle plus
+d'applaudissements.
+
+
+
+BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
+
+_Les Applications de la physique_, par M. Am. Guillemin.--La librairie
+Hachette, à laquelle on doit déjà les beaux volumes de science illustrés
+qu'elle a édités depuis plusieurs années avec un véritable dévouement
+scientifique: le _Ciel, l'Atmosphère et les grands phénomènes de la
+nature, les Voyages aériens, la Terre, le Monde souterrain, les
+Phénomènes de la physique_, vient de publier un nouvel ouvrage de M.
+Guillemin, qui certainement n'aura pas moins de succès que ses
+prédécesseurs.
+
+Après avoir raconté les phénomènes de la physique, l'auteur vient
+aujourd'hui nous en exposer les applications, dans le triple domaine de
+l'art, de l'industrie et de la science elle-même. Quel sujet serait plus
+fécond que celui-ci? Le monde n'est-il pas véritablement transformé
+depuis la découverte des agents qui régissent l'univers? Neuf jours
+suffisent aujourd'hui pour traverser l'Atlantique et passer de notre
+vieux continent dans le continent découvert, il n'y a pas encore quatre
+siècles, par Colomb! Quelques jours suffisent pour traverser l'Europe
+entière et parcourir l'Asie! En quelques secondes nous envoyons une
+dépêche d'Europe en Amérique et en recevons la réponse! Merveille plus
+surprenante encore: Nous écrivons de notre, main un billet de Paris à
+Marseille, et 1e fac-similé de notre l'écriture se transporte lui-même
+et se reproduit à 864 kilomètres de distance! La lune est à 96,000
+lieues d'ici; nous la rapprochons à 48 lieues pour en étudier les
+paysages, et l'on s'occupe actuellement de réaliser en Amérique le
+projet de construire le gigantesque télescope qui doit la rapprocher à 3
+lieues.
+
+Le soleil est éblouissant; après l'avoir pesé et mesuré, on l'éclipse à
+volonté pour analyser les gaz qui brûlent autour de lui avec des flammes
+de 30,000 lieues de hauteur.
+
+A la surface de la terre, le microscope nous a révélé l'existence d'un
+monde invisible, incomparablement plus peuplé que tout ce que nous
+voyons de nos yeux autour de nous. Les nuages s'élèvent des mers et sont
+amenés par le veut au-dessus de nos têtes; l'aérostat glorieux les
+traverse et nous emporte, palpitants d'émotion et de bonheur, dans le
+ciel toujours pur illuminé par le soleil, au-dessus des agitations et
+des tourmentes d'ici-bas! Jamais, non jamais, les procès de sorcellerie
+du moyen âge ni les routes féeriques de l'Orient enchanté, n'ont rien
+imaginé de comparable à la situation scientifique du XIXe siècle, dont
+les savants nous gratifient, malgré toutes les sottises politiques, tous
+les errements religieux, tous les troubles internationaux qui,
+semble-t-il, devraient arrêter la marche du progrès.
+
+En décrivant les applications de la physique, et en les expliquant par
+de nombreux dessins, M. Guilledin a mis en évidence cette situation
+scientifique, si éminemment digne de notre attention. Je répéterai ici
+les lignes que j'écrivais en souhaitant la bienvenue, il y a neuf ans,
+au _Ciel_, du même auteur: «Un vulgarisateur doit être à la fois
+littéraire, éloquent et familier pour ceux qui l'écoutent, savant et
+fidèle interprète de la science; ceux qui, comme l'auteur de ce livre,
+réunissent ces facultés ont droit à l'estime et à la reconnaissance des
+amis du progrès.»
+
+Camille Flammarion.
+
+Nous nous bornerons à annoncer aujourd'hui les excellents livres de la
+Bibliothèque d'éducation et de récréation de la librairie Hetzel; nous
+reviendrons à loisir dans notre prochain numéro sur l'ensemble de cette
+collection, si justement appréciée des familles.--Quatorze nouveaux
+ouvrages signés par _MM. Jules Verne, Viollet-le-Duc, P. J. Stahl,
+Lucien Biart, Mayne Reid_, et par M. le capitaine de frégate _Louis du
+Temple_, illustrés par nos meilleurs artistes, enrichissent aujourd'hui
+le trésor littéraire de l'enfance et de la jeunesse, avec les deux
+volumes de l'année 1872 du Magasin d'éducation et de récréation de M. J.
+Macé, Stahl et Jules Verne.--Nous renvoyons nos lecteurs et nos
+lectrices à l'extrait du catalogne de la Bibliothèque d'éducation et de
+récréation que nous donnons à la fin de ce numéro.
+
+L'_Essai loyal en Espagne_, par MM. Louis Teste et Francis Magnard. (1
+vol. E. Vatou.)--Le 11 février 1873, les Cortès espagnoles ont proclamé
+la République. Cette forme de gouvernement s'imposait à la nation, après
+l'abdication et le départ du roi Amédée. Quelqu'un avait dit en parlant
+de ce règne du prince italien: «La royauté sera un expédient jusqu'à _la
+majorité de la République_.» Majeure ou non, en février 1873, la
+République était née et elle fut proclamée. D'honnêtes gens, de bons
+citoyens, se mirent à l'oeuvre pour fonder le régime nouveau, et nul
+d'entre eux, je gage, ne se dissimulait les difficultés de son oeuvre.
+Mais ce n'est pas au moment de la tempête qu'on discute la forme du
+bateau de sauvetage. Le brave et probe Emilio Castelar essaya de lutter,
+et, jusqu'ici, par quelque dures épreuves qu'ait passé l'Espagne, il
+faut reconnaître que M. Castelar a fait mieux que des discours. Il a
+affirmé sa foi par des actes et risqué un peu sa vie chaque jour, ce qui
+constitue déjà un certain avoir. Sans nul doute la République, _l'Essai
+loyal_, comme disent les auteurs du présent livre, a vu, en Espagne, de
+terribles, d'affreux épisodes; mais, sans compter les anecdotes qu'on
+pourrait porter au compte de la monarchie, il faut reconnaître que la
+République avait accepté et non créé la situation présente.
+
+La République n'a pas craint de faiblir devant la tâche qu'Amédée a
+refusée. Le hideux spectacle donné par un Santa-Cruz ou par les
+_intransigeants_ de Carthagène doit-il faire maudire la République, ce
+_génie fatal_, disent les auteurs, et donner raison au mot d'O'Donnell:
+«L'Espagne est un bagne en liberté?» Nous estimons que non. J'ajoute que
+O'Donnell est sujet à caution.
+
+Toujours est-il que MM. Teste et Francis Magnard ont voulu
+spirituellement railler l'_Essai loyal_ en Espagne, et il faut bien
+reconnaître qu'ils y ont réussi. En dehors de toute affaire de parti, la
+situation de l'Espagne, on doit l'avouer, est tout à la fois tragique et
+comédie. Le drame tourne souvent à l'opérette et l'opérette à la
+boucherie, sur cette terre détrempée de sang. Pauvre pays, jadis si
+grand et je dirai toujours si grand, car si les mains armées y sont
+promptes, les coeurs y sont toujours fiers et les fronts y demeurent
+hauts.
+
+M. Teste, qui avait déjà publié un livre remarquable sur l'Espagne
+contemporaine, et M. Bagnard, qui s'était si bien imprégné, dans un
+voyage, de la couleur du pays, ont présenté un tableau de l'Espagne
+républicaine qui n'est pas sans rapport avec la _Grèce contemporaine_ de
+M. About. C'est un pamphlet spirituel, mordant, railleur, où l'_oreiller
+de don Nicolas Salmeron_ est mis en scène comme les massacres d'Alcoy,
+et,--en faisant la part des tendances du livre,--on ne saurait mieux
+peindre et mieux conter. M. Bagnard, dont la plume vive et mordante
+aborde avec talent le roman, a donné là à l'histoire le ton de la
+chronique armée en guerre. On se plaît au style alors même qu'on se
+cabre devant l'opinion politique. Livre à lire, donc, et à garder, car
+il est plein d'idées qui appellent la discussion, et de faits, hélas!
+qui amènent la réflexion. Que la France jamais ne devienne l'Espagne!
+
+Le _Repos hebdomadaire_, par M. Julien Hayem. (I vol. in-18, Didier et
+Cie.)--Voici, je pense, le premier ouvrage d'un écrivain qui n'est pas
+seulement un homme de lettres, mais tut homme d'action, en ce sens que,
+non content d'être licencié en droit et licencié ès-lettres, il s'est
+fait encore manufacturier, pour suivre le courant du siècle et obéir au
+mot d'ordre américain, _Go ahead!_ M. Julien Hayem a mis pour épigraphe
+à son livre sur le _Repos hebdomadaire_ une citation de l'_Émile_; «Le
+grand secret de l'éducation, dit J. J. Rousseau, est de faire que les
+exercices du corps et ceux de l'esprit servent toujours de délassement
+les uns aux autres.» L'épigraphe donne, en effet, résume l'esprit du
+livre. Il faut du repos à l'homme qui travaille, il faut détendre la
+corde de l'arc si l'on ne veut point qu'il se brise. Le repos dominical
+n'est pas seulement une habitude, c'est un besoin. M. J. Haye l'a
+parfaitement fait sentir en parlant du respect merveilleux qui s'attache
+à ce repos hebdomadaire et concluant que le passé de cette institution
+répond de son avenir. M. Haye a d'ailleurs le bon sens de ne point
+demander que cette fête magistrale du dimanche soit rendue obligatoire.
+Les moeurs se chargent toutes seules de faire ce que ne feraient
+peut-être pas les décrets. «Qu'on se garde donc, dans l'intérêt du repos
+hebdomadaire, de substituer,--dit l'auteur de ce livre,--à des
+fondements taillés dans le roc de l'histoire et appuyés sur les besoins
+les plus légitimes du corps et de l'esprit humain, la base fragile et
+périssable de l'obligation et de la contrainte légales.»
+
+On voit quel est l'esprit de cette utile monographie. M. Haye, après
+avoir recherché les origines historiques du repos hebdomadaire,--qui
+remontent au sabbat des Hébreux,--résume l'histoire de la législation de
+ce bienheureux septième jour, depuis le IV siècle jusqu'à la Révolution;
+il examine ensuite l'utilité du repos dominical pour les ouvriers, les
+enfants, les adultes; il se demande enfin par quelles institutions on
+pourrait propager l'habitude du repos hebdomadaire et en utiliser
+l'emploi. Et toujours, dans ces divers chapitres, l'auteur voit et dit
+juste et apporte de vives lumières sur la question en litige. M. Julien
+Haye a obtenu, avec ce livre, le prix qu'avait mis au concours, en
+1871, l'Académie des sciences morales et politiques. C'est le plus bel
+éloge qu'on puisse faire de ce travail solide, très-curieux sur un sujet
+spécial, et écrit avec talent, sans phrase et sans recherche, par un
+esprit très-pratique et très-libre.
+
+_Études sur la littérature contemporaine_ (quatre séries), par M. Edmond
+Schérer. (4 vol. chez Michel Lévy.)--M. Edmond Schérer s'est fait à la
+fois, dans la politique et dans les lettres, une place privilégiée, hors
+de discussion et, si je puis dire, en pleine estime. C'est un esprit
+net, solide, un peu froid, mais érudit, plein de pensées et ne
+sacrifiant rien au faux goût en littérature, à la popularité facile, en
+politique. Critique littéraire au journal _le Temps_, il a depuis dix
+ans acquis une autorité incontestée dans ce domaine des études
+bibliographiques que les rudes événements de ces années dernières ont
+fait un peu trop délaisser. M. Schérer a toujours réuni (et il a eu
+raison) ses articles de journaux et volumes. On eût regretté de ne point
+retrouver, sous une forme plus durable, ces études savantes ou
+savoureuses dont on avait fait sa lecture d'un soir. On peut dire de M.
+Schérer ce qu'il a écrit de Prévost-Paradol: Il improvise des pages
+durables.
+
+Jules Claretie.
+
+
+
+[Illustration: THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ.--Mlle Lia-Félix dans _Jeanne
+d'Arc_.]
+
+
+
+L'HISTOIRE DE FRANCE
+Racontée à mes petits enfants
+
+PAR M. GUIZOT
+
+L'Histoire de France de M. Guizot en est à son troisième volume. Ce
+volume ne le cède en rien aux deux qui l'ont précédé. On y retrouve la
+même clarté et la même élégance dans l'exposition des faits. C'est la
+même intelligence nette et vive qui en éclaire les points obscurs, le
+même esprit ferme qui en dégage la moralité. Il commence avec François
+Ier pour finir avec Henri IV. Cette période est l'une des plus
+intéressantes et des plus dramatiques de notre histoire nationale.
+D'abord c'est du commencement du XVIe siècle que date la Renaissance.
+Non que le moyen Age ait été une époque de stérilité et de décadence. Il
+a son encyclopédiste, le moine Vincent de Beauvais; ses philosophes,
+Gerbert, Abélard, Bernard, Robert de Sorbon; il a ses prosateurs,
+Villehardouin, Joinville, Froissart, Commynes. Mais au moment où nous
+sommes parvenus, une grande révolution a lieu dans la marche de notre
+génie national. Il quitte sa voie propre, originale, pour
+
+[Illustration: Vincent de Beauvais.]
+
+s'engager dans celle de l'imitation, où vont le pousser peuples et
+princes, également affolés des oeuvres et des gloires des sociétés de la
+Grèce et de Rome, remises en honneur. C'est encore à cette époque que
+remonte la révolution religieuse opérée par Luther en Allemagne, Zwingle
+en Suisse et Calvin à Genève et en France, révolution qui alluma tant de
+guerres dans ce dernier pays, et, au nom de Dieu, y fit commettre tant
+de crimes. Deux figures se détachent au point culminant de cette lugubre
+époque, les héros de la Saint-Barthélemy, Charles IX et Catherine de
+Médicis. Que de nobles victimes tombées à côté de l'amiral de Coligny,
+dans cette nuit sanglante! On sait que ce n'est qu'en abjurant le
+protestantisme que le prince de Condé et celui qui devait être Henri IV
+purent sauver leur vie. Mais le Béarnais n'était pas homme à se laisser
+lier par cet acte obtenu par la violence. Sous une apparente bonhomie,
+c'était un esprit fin, rusé, souple au besoin, peu scrupuleux sur
+l'emploi des moyens, et allant avec une invincible ténacité à son but,
+qui était la conquête du royaume et de la royauté. Et lorsque parvenu au
+pied du trône, il mil à interroger sa conscience pour savoir si elle lui
+
+[Illustration: Abjuration de Henri IV.]
+
+permettait d'en escalader les marches, il trouva tout naturellement que
+«Paris valait bien une messe». Un de nos dessins se rapporte à cette
+seconde abjuration du roi Henri, qui eut lieu le dimanche 25 juillet
+1593. Le roi est représenté se rendant en grande pompe à l'église
+Saint-Denis. Arrivé avec toute sa suite devant le grand portail, il y
+fut reçu par l'archevêque de Bourges, Regnault de Beaune, et tous les
+religieux de l'abbaye.--Qui êtes-vous? lui demanda l'archevêque, qui
+officiait.--Je suis le roi.--Que demandez-vous?--Je demande à être reçu
+dans le giron de l'église catholique, apostolique et romaine.--Le
+désirez-vous?--Oui, je le veux et le désire. A cette parole, le roi se
+mit à genoux et fit la profession de foi convenue. Tout était fini et
+Henri IV, suivant son expression, «avait fait le saut périlleux». Par
+cet acte et la trahison de Brissac, le nouveau roi, mis en possession du
+trône, eut vite réduit sous son obéissance la Bourgogne, la Picardie et
+la Bretagne, qui seules refusaient de se soumettre. Libre désormais de
+soucis de ce côté, il travailla alors énergiquement à la restauration de
+l'autorité royale, et par diverses mesures: la destruction des
+franchises municipales, les rigueurs de la censure royale,
+l'asservissement du parlement et la réforme universitaire, il prépara et
+rendit possible la monarchie despotique de Richelieu et de Louis XIV.
+Seize ans plus tard, passant dans la rue de la Ferronnerie en son
+carrosse où il se trouvait avec MM. de Montbazon et d'Epernon, il
+tombait frappé de deux coups de couteau par Ravaillac. Malherbe, alors
+attaché au service d'Henri IV, a raconté dans une lettre cet abominable
+assassinat. «Tout aussitôt, écrit-il, le carrosse tourna vers le Louvre.
+Le roi fut porté en haut par M. de Montbazon, le comte de Curzon en
+Quercy et mis sur le lit de son cabinet, et sur les deux heures porté
+sur le lit de sa chambre, où il fut tout le lendemain et le dimanche. Un
+chacun allait lui donner de l'eau bénite. Je ne vous dis rien des pleurs
+de la reine; cela se doit imaginer. Pour le peuple de Paris, je crois
+qu'il ne pleura jamais tant qu'à cette occasion.» Tels sont les
+événements retracés dans le troisième volume de l'_Histoire de France_
+de M. Guizot. Nous avons dit combien attachante en est la lecture; nous
+n'y reviendrons pas. Ajoutons que ce volume qui, on le sait, sort de la
+librairie Hachette, est magnifiquement illustré de soixante-quatorze
+gravures dessinées sur bois par M. de Neuville.
+
+[Illustration: Abélard.]
+
+[Illustration: Charles IX et Catherine de Médicis. Gravures extraites de
+l'_Histoire de France racontée à mes petits-enfants_, par M. Guizot.
+(Hachette et Cie, éditeurs.)]
+
+
+
+UN VOYAGE EN ESPAGNE
+PENDANT L INSURRECTION CARLISTE
+
+VI
+
+Nomination des quatre généraux pour commander l'armée carliste: Ellio,
+Dorregaray, Lissarraga et de Valdespina.--Entrée de don Carlos en
+Espagne.--Appel aux armes.--Le château de la duchesse de M***.--Le
+journalisme espagnol.--Succès remportés par les carlistes.--Situation
+actuelle.--Comment pourra se terminer ta guerre civile; solution
+probable.
+
+C'est vers le courant du mois de juin, alors que les bandes nombreuses
+disséminées en Biscaye, dans le Guipuzcoa et la Navarre, avaient étendu
+partout leurs opérations, que la junte de guerre, qui venait de réaliser
+un nouvel emprunt en Angleterre, jugea à propos de les former en trois
+corps d'armée placés sous les commandements de Dorregaray, Lissarraga et
+de Valdespina. Je dois constater que ce fut la première organisation
+sérieuse qui ait été faite de l'insurrection carliste. Le général Ellio
+fut placé, en qualité de major-général, à la tête de ces trois corps
+d'armée.
+
+Un mot sur ces quatre chefs.
+
+Ellio est un vieux général bien connu, qui a fait ses preuves pendant la
+guerre de Sept ans. Ami et compagnon de Cabrera et de Zumalacarregui, il
+a été un des plus braves adversaires du général Espartero, commandant en
+chef des troupes de la reine Christine, et l'a battu dans plusieurs
+rencontres, notamment à la bataille livrée aux environs de Vitoria.
+Pendant sept ans, à la tête des bandes navarraises, il a parcouru toutes
+les provinces du Nord, franchi l'Ebre et fait trembler la régente jusque
+sur son trône. Il connaît donc tout le pays envahi encore aujourd'hui
+par les carlistes, et nul ne peut mieux que lui savoir tirer un bon
+parti de sa topographie. Aussi, les mouvements stratégiques que les
+troupes carlistes effectuent en ce moment s'exécutent-ils d'après le
+plan qu'il a tracé lui-même. Ellio est donc, à l'heure qu'il est, l'âme
+et l'inspirateur de l'insurrection carliste.
+
+Dorregaray, que don Carlos a investi du commandement de la Navarre, est
+un officier très-distingué, d'origine basque, et connaissant, lui aussi,
+parfaitement la carte du pays, théâtre actuel de la guerre civile. Il
+l'a prouvé, au reste, d'une manière incontestable, à la bataille
+d'Eraül, où en faisant mouvoir savamment ses troupes à travers les
+montagnes, il parvint à couper la brigade de Novarro de celle de
+Cabrinetti; ce qui décida de la bataille qu'il gagna. On sait que la
+bataille d'Eraül passe, à juste titre, pour un des plus beaux faits
+d'armes de l'insurrection actuelle.
+
+Lissarraga est un ancien lieutenant-colonel de l'armée régulière, sous
+le règne d'Isabelle II. Après la révolution de septembre 1868, qui
+détrôna cette reine, il embrassa le parti de don Carlos. Nommé au
+commandement de la Biscaye, il a su concentrer habilement les bandes
+qui, disséminées sur divers points, opéraient sans ordre et sans but
+déterminé d'avance. Il en forma un corps d'armée qui a fait, pendant
+plus d'un mois, le blocus de Bilbao, un instant sur le point de tomber
+au pouvoir des carlistes.
+
+Quant au marquis de Valdespina, un des plus riches propriétaires du
+Guipuzcoa et dont le château, situé aux environs de Loyola, passe à bon
+droit pour une merveille d'architecture; il est très-aimé dans la
+contrée. Distingué par la noblesse de son caractère, la sincérité de ses
+convictions royalistes, sa bravoure et sa loyauté, de Valdespina jouit
+de l'estime de tous les habitants des quatre provinces, même de celle de
+ses adversaires politiques. La meilleure preuve qu'on puisse en donner,
+c'est le respect qu'ont eu les libéraux et les troupes régulières pour
+son château qui, quoique placé au centre de l'insurrection, et par
+conséquent du mouvement des brigades républicaines, n'a éprouvé, de leur
+part, aucun dégât. J'ajouterai, en outre, qu'il est un des chefs les
+plus actifs et celui qui exerce le plus d'influence sur l'esprit des
+populations des provinces insurgées.
+
+Ces quatre chefs, qui connaissent la contrée et ses montagnes dans tous
+leurs recoins, ont une grande supériorité de stratégie sur les généraux
+du gouvernement, dont la plupart n'ont pas la moindre notion
+géographique du terrain sur lequel ils font mouvoir leurs troupes. Ce
+qui explique combien il sera difficile à la république de Castelar, en
+supposant même qu'elle puisse disposer de forces suffisantes, d'étouffer
+l'insurrection. J'estime donc que, dans le cas où elle ne triompherait
+pas, l'insurrection peut durer encore bien des années.
+
+Un mois après les opérations vigoureuses entreprises par ces quatre
+commandants, la situation du parti carliste parut être si florissante
+que les chefs de l'insurrection crurent pouvoir engager don Carlos, qui
+habitait toujours le château de Peyrolhade, de venir se mettre à la tête
+des «troupes libératrices de l'Espagne». En conséquence, le 18 du mois
+de juillet dernier, le prétendant, escorté d'un brillant état-major,
+partit du camp de _Pena-Plata_, franchit la frontière et se rendit à
+Vera, où il fut reçu avec le plus grand enthousiasme de la part des
+populations et de ses troupes accourues sur son passage. Les cloches des
+églises sonnèrent à toute volée et les curés des paroisses que
+traversait le cortège vinrent processionnellement lui présenter leurs
+hommages. Jamais aucun souverain de l'Espagne n'avait été accueilli avec
+autant de démonstrations sympathiques.
+
+Cette entrée triomphale et inattendue de don Carlos sur le territoire
+espagnol surprit le gouvernement de Madrid, qui ne s'attendait pas à le
+voir de sitôt se mettre à la tête des troupes insurrectionnelles. On
+avait répandu tant de faux bruits sur le compte du prétendant, que les
+uns faisaient voyager à l'étranger et dont les autres avaient annoncé
+tant de fois la mort, qu'il était bien permis à Figueras, chef du
+pouvoir exécutif, d'avoir été pris au dépourvu par cette audacieuse
+entreprise. Mais ce qui déconcerta le plus les membres du gouvernement
+républicain, c'est que don Carlos faisait coïncider précisément son
+entrée sur le territoire espagnol avec les insurrections
+internationalistes, fédérales, cantonales et autres qui agitaient
+Barcelone, Cadix, Carthagène, Grenade, Séville, et les principales
+villes du Midi et du Centre de la Péninsule.
+
+J'étais à Pampelune lorsque la nouvelle de l'entrée du roi en Espagne se
+répandit dans le public. Dans cette ville, entièrement carliste, elle
+fut accueillie avec des transports d'allégresse par tous les habitants
+qui manifestaient ouvertement la joie et la satisfaction qu'elle leur
+faisait éprouver. On l'avait affichée sur tous les murs de la ville
+d'une manière tellement ostensible, qu'on n'aurait jamais cru se trouver
+dans une cité soumise au régime républicain. Pour ma part, j'en fus
+étrangement surpris, quoique habitué, depuis longtemps, aux bizarreries
+et aux contradictions du caractère espagnol en matière politique. Il est
+à remarquer que Pampelune, capitale de la Navarre, est une place forte
+de première classe, possédant une population d'environ seize mille
+habitants et une garnison ordinairement assez nombreuse. Celle-ci, dont
+l'effectif s'élevait à cinq ou six mille hommes de toutes armes, parut
+rester complètement indifférente à toutes ces manifestations politiques.
+
+Tandis que don Carlos s'avançait ainsi dans l'intérieur de la Navarre, à
+la tête de son état-major, et qu'il allait établir son quartier général
+à San-Estaban, ses émissaires faisaient publier par les _alcaldes_
+(maires) et placarder dans les villages et les localités importantes
+l'ordonnance suivante, qui n'est autre qu'un appel aux armes, dont je
+reproduis la traduction comme étant à la fois un document et une
+curiosité historiques.
+
+«Ordonnance de Sa Majesté le roi Carlos _settimo_, que Dieu garde!
+
+«Mes fidèles et aimés sujets des provinces de la Navarre, du Guipuzcoa,
+de la Biscaye et de l'Alava, je vous ordonne par la présente patente de
+prendre les armes et de marcher à la défense de mes droits sacrés, qui
+sont aussi les vôtres, afin de reconquérir _vos fueros_, vos privilèges
+et toutes vos immunités que vous ont octroyés mes ancêtres et que les
+gouvernements usurpateurs vous ont ravis.
+
+«Sur le vu de la présente, scellée de mon sceau royal, tout Basque âgé
+de vingt à quarante ans s'enrôlera sous ma noble bannière. Il obéira aux
+ordres des braves et vaillants _cabecillos_ que j'ai investis de mon
+autorité. Des armes et des munitions seront fournies à tous. Avec l'aide
+de Dieu et le secours de mon épée, nous triompherons des usurpateurs et
+nous rétablirons le trône de mon auguste aïeul Philippe V. Que mes
+fidèles sujets des quatre provinces restées attachées à ma cause se le
+tiennent pour dit!--MOI, _le roi Carlos settimo_.»
+
+Un exemplaire de cette ordonnance me fut donné, le lendemain même de sa
+publication, dans un des principaux cercles de Pampelune, où elle
+circulait de main en main. On se la communiquait sur la place de la
+Constitution, dans les promenades, et jusque sur les marchés publics,
+comme s'il se fût agi d'un acte officiel du gouvernement établi; avec
+plus d'empressement encore, car les actes officiels de ce dernier
+étaient loin de recevoir de la part des Pampelunais un accueil aussi
+empressé.
+
+J'avais fait connaissance, pendant le peu de temps que je séjournai dans
+la capitale de la Navarre, de deux jeunes gens fort distingués qui
+avaient fait leurs études à Paris, fils d'un magistrat du tribunal
+supérieur de la ville. Quel ne fut pas mon étonnement, lorsque, le
+lendemain de la publication de la susdite ordonnance, les deux frères
+vinrent me trouver à l'hôtel pour me faire leurs adieux.
+
+--Où allez-vous donc? leur dis-je, étonné de leur départ précipité, dont
+ils ne m'avaient rien dit la veille.
+
+--Nous allons rejoindre l'armée du roi, me dit l'aîné, à peine âgé de
+vingt et un ans; voyez l'ordre qui nous enjoint de partir, ajouta-t-il
+en me montrant la fameuse ordonnance dont j'avais un exemplaire entre
+les mains.
+
+--Comment, lui dis-je, vous allez quitter votre famille, vous séparer de
+votre digne père qui vous adore, pour aller affronter à travers les
+montagnes les hasards de la guerre de partisans? Ce n'est pas possible.
+Le premier de vos devoirs, ce me semble, est de rester auprès de vos
+parents; c'est, au surplus, le conseil que je vous donne en véritable
+ami.
+
+--Le roi a parlé, me répondit-il gravement, nous n'avons plus à hésiter.
+Notre valise est prête, et dans une heure nous serons sur la route qui
+conduit au quartier général de Sa Majesté, Adieu et au revoir!
+
+Et les deux frères me quittèrent pleins de cette foi ou de ce fanatisme
+politiques qui animaient les peuples du temps des croisades, et dont les
+Basques et les Navarrais semblent avoir conservé, seuls, la tradition.
+Quinze jours après leur départ, le plus jeune tomba mortellement blessé
+à l'attaque de Tolosa, et l'aîné a été tué, il y a quelques jours, au
+siège d'Estella, soutenu contre les troupes de Moriones, qui furent
+forcées d'abandonner leurs positions.
+
+H. Castillon (d'Aspet).
+
+(La suite prochainement.)
+
+
+
+LA COMÉDIE DE NOTRE TEMPS, PAR BERTALL
+
+[Illustration: Démarche du commandant de table d'hôte.]
+
+[Illustration: Démarche du Parisien boulevardier.]
+
+[Illustration: Démarche du campagnard habitué à marcher dans les terres
+labourées.]
+
+[Illustration: Démarche du faubourien.]
+
+[Illustration: Salut jovial.]
+
+[Illustration: Salut à une dame qui reçoit beaucoup, en lui demandant la
+permission de la conduire au buffet.]
+
+[Illustration: Salut gourmé.]
+
+[Illustration: HOMME D'AFFAIRES. Pose zéro et retient tout.]
+
+[Illustration: HOMME DE BOURSE.
+LA CONNAISSANCE DES COURS
+A 52 et demi, j'ai 90 mille de rente, dont 2 sous pour demain.]
+
+[Illustration: Coupe de cheveux et barbe du gommeux (petite gommé).]
+
+[Illustration: Le baron, préfet. Mûr pour la diplomatie.]
+
+[Illustration: Si vous avez un service ou un appui à refuser au fils
+d'un ancien ami.]
+
+[Illustration: Si vous avez un service ou un appui à demander à un vieil
+ami de votre famille.]
+
+[Illustration: En famille.]
+
+[Illustration: Salut du petit crevé.]
+
+[Illustration: Salut au maître de la maison.]
+
+[Illustration: Salut protecteur.]
+
+[Illustration: Rationalisme.]
+
+[Illustration: Attitude de l'officier de cavalerie ou du paysagiste.]
+
+[Illustration: Le corset du commandant.]
+
+[Illustration: Madame.]
+
+[Illustration: Jeanneton.]
+
+[Illustration: Mademoiselle.]
+
+[Illustration: En retraite.]
+
+[Illustration: Comme on s'assoit quand on reçoit use visite sans
+conséquence.]
+
+[Illustration: Comme on s'assied quand on est mariée nouvellement, et
+qu'on va voir une vieille dame influente.]
+
+[Illustration: LA DECLARATION DU VICOMTE.
+Au cotillon.
+Mademoiselle, sous cet abri qui vous cachera ma rougeur et mon émotion,
+laissez-moi vous dire que je vous aime; être votre époux serait le titre
+le plus cher à mon coeur!]
+
+[Illustration:--M. le régisseur vient de me dire que tu ne travaillais
+pas assez tes rôles, mais que tu avais du ballon. Ça flatte toujours une
+mère.]
+
+[Illustration:--Tu me le remettras dans ma poche.]
+
+[Illustration: Moralité.]
+
+Gravures extraites de la _Comédie de notre temps_, 1 beau volume
+richement illustré. (E. Plon, imprimeur-éditeur.)
+
+
+
+LE DROMADAIRE
+
+On connaît deux espèces de chameaux, l'une africaine, le dromadaire,
+l'autre asiatique, le chameau à deux bosses ou de la Bactriane. C'est
+seulement de la première espèce que nous voulons dire quelques mots.
+
+Le dromadaire est l'animal le plus utile qu'il y ait en Afrique. C'est
+un ruminant de grande taille, dont les variétés sont nombreuses. En
+effet, entre un _bischarin_, c'est-à-dire un chameau élevé par les
+nomades Bischarins, et le chameau de somme d'Égypte, il y a autant de
+différence qu'entre un cheval arabe et un cheval de trait. Tous, ou peu
+s'en faut, ils n'en sont pas moins également laids. Leurs poils sont
+laineux et inégaux ils ont des callosités à la poitrine, aux coudes, aux
+genoux et aux chevilles; leur tête surfont est affreuse.
+
+Le chameau est un véritable animal du désert, que peuvent, grâce à lui
+seulement, traverser les caravanes qui vont commercer au sud, à l'est et
+à l'ouest. Il ne se trouve que dans les endroits les plus secs et les
+plus chauds.
+
+Dans les lieux cultivés il perd sa véritable essence. Il est très-sobre,
+a une nourriture exclusivement végétale et n'est nullement difficile
+pour ses aliments. On sait qu'il peut rester longtemps sans boire, mais
+non quinze à vingt jours, comme d'aucuns le prétendent. Au bout de six à
+huit jours, il est urgent de lui présenter de l'eau. A voir un chameau
+au repos, on ne croirait pas qu'il puisse; rivaliser de vitesse avec le
+cheval. Et cependant rien n'est plus vrai. Les chameaux des steppes et
+du désert sont les plus rapides à la course; ils parcourent d'une traite
+un espace considérable aussi facilement que nul autre animal domestique.
+
+[Illustration: Le dromadaire.--Caravane dans le désert. Gravure extraite
+de la _Vie des Animaux illustrés_. (J.-B. Baillière, éditeur)]
+
+S'il a quelques qualités, en revanche le chameau compte de nombreux
+défauts, parmi lesquels la paresse, la stupidité, une mauvaise humeur
+continuelle, l'entêtement et l'obstination, la haine ou l'indifférence
+vis-à-vis de son gardien. Ajoutons qu'il répand une odeur infecte, et
+que son cri est épouvantable.
+
+Le prix d'un chameau varie suivant les localités. Un excellent bischarin
+vaut de 300 à 450 francs de notre monnaie. Un chameau de somme ordinaire
+se paye rarement plus de 110 francs. D'après nos idées, ces prix
+seraient très-bas; mais dans le Soudan, où l'argent a une très-grande
+valeur, ce sont de fortes sommes. Pour 90 francs, on peut acheter un
+jeune chameau, ou un chameau de qualité inférieure. Presque partout, le
+prix d'un chameau est le même que celui d'un âne; dans le Soudan, un bon
+âne vaut plus que le meilleur des chameaux.
+
+Les détails qui précèdent, ainsi que le dessin que nous donnons, sont
+extraits du très-intéressant et très-curieux ouvrage que publie la
+librairie J.-B. Baillière: _La vie des Animaux illustrés_ ou description
+populaire du règne animal, composé de plusieurs séries et de plusieurs
+volumes grand in-8º colombier, illustrés de 800 figures dans le texte et
+de 40 planches tirées hors texte sur papier teinté.
+
+
+
+[Illustration: L'asile de l'École de filles de Dugny.-(Voy. page 386.)]
+
+
+
+Rébus
+
+[Illustration: Nouveau rébus.]
+
+EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:
+
+Ne crois point aveuglément les articles des journaux.
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1607, 13 décembre
+1873, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1607, 13 D‚CEMBRE 1873 ***
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
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+works. See paragraph 1.E below.
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+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
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+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
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+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
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+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
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+information can be found at the Foundation's web site and official
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+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1607, 13 décembre 1873, by Various
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
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+
+Title: L'Illustration, No. 1607, 13 décembre 1873
+
+Author: Various
+
+Release Date: November 10, 2013 [EBook #44141]
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+Language: French
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+Character set encoding: ISO-8859-1
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1607, 13 DÉCEMBRE 1873 ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+
+
+
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+</pre>
+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"><br></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+<p class="mid">REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS<br>
+22, rue de Verneuil, Paris</p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%;">
+<p class="mid">31e Année.--VOL. LXII.--Nº 1607<br>
+<span class="large">SAMEDI 13 DÉCEMBRE 1873</span></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+<p class="mid">SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL
+60, rue de Richelieu, Paris</p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+<p class="mid"><b>Prix du numéro 75 centimes</b><br>
+<span class="sml">La collection mensuelle, 3 fr.; le vol.
+semestriel, broché, 18 fr.; relié et doré sur tranches, 23 fr.</span></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+<p class="mid"><b>Abonnements</b><br>
+<span class="sml">Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;--un
+an, 36 fr.; Étranger, le port en sus.</span></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><span class="sml">Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste
+ou d'une valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc,
+directeur-gérant.</span></p>
+
+<br>
+
+<h2>SOMMAIRE</h2>
+
+<p><i>Texte</i>: Histoire de la semaine.--Courrier de Paris, par M. Philibert
+Audebrand. -- La S&oelig;ur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M.
+Mayne Reid. -- Nos gravures. -- Bulletin bibliographique. -- <i>L'Histoire de
+France racontée à mes petits enfants</i>, par M. Guizot. -- Un voyage en
+Espagne pendant l'insurrection carliste (VI). -- <i>La Comédie de notre
+temps</i>, par Bertall. -- Le dromadaire.</p>
+
+<p><i>Gravures</i>: Procès du maréchal Bazaine (6 gravures), -- Événements de Cuba;
+capture du <i>Virginius</i> par le <i>Tornado</i> dans les eaux de la
+Jamaïque. -- Le monument commémoratif de la bataille de Champigny,
+inauguré le 2 décembre 1873. -- Le naufrage de la <i>Ville-du-Havre</i>: la
+dernière minute. -- Théâtre de la Gaîté: Mlle Lia-Félix dans <i>Jeanne
+d'Arc. -- L'Histoire de France racontée à mes petits enfants</i> (4
+gravures). -- <i>La Comédie de notre temps</i>, par Bertall (39 sujets). -- Le
+dromadaire: caravane dans le désert. -- L'asile de l'École de filles de
+Dugny -- Rébus.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--La Buvette à Trianon.</b></p>
+<br><br>
+<h2>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h2>
+
+<h3>FRANCE</h3>
+
+<p>La semaine parlementaire a été relativement calme; l'Assemblée est enfin
+parvenue, dans la huitième séance consacrée au même scrutin, à compléter
+la commission des Trente chargée de l'élaboration des lois
+constitutionnelles par l'élection de deux membres du centre gauche. La
+commission est entrée en fonctions dès le lendemain; elle a choisi pour
+président M. Batbie, et a rempli sa première séance par une discussion
+préliminaire relative à la publicité de ses travaux; il a été décidé que
+la presse ne recevrait pas de comptes rendus officiels des séances, mais
+que chacun des membres de la commission serait libre de faire aux
+journaux, sous sa propre responsabilité, les communications qui lui
+paraîtraient convenables.</p>
+
+<p>L'Assemblée a ensuite jugé que le moment était enfin venu de s'occuper
+de questions d'affaires; elle a successivement voté, en troisième
+lecture, un projet de loi tendant à réunir, dans les bureaux
+secondaires, le service des postes à celui des télégraphes; cette mesure
+n'est qu'un acheminement vers la fusion complète des deux
+administrations, fusion existant depuis quelque temps en Angleterre et
+qui ne tardera pas, il faut l'espérer, à s'opérer définitivement dans
+notre pays, car elle présente des avantages de toutes sortes. Puis,
+après une délibération en deuxième lecture sur une proposition de M. de
+Corcelles, relative à la composition des conseils académiques,
+l'Assemblée a abordé la discussion du budget. Ce n'est pas la première
+fois que nous ayons à constater le peu de goût de la Chambre pour les
+discussions d'affaires en général, et en particulier pour cette loi de
+finances dont le vote annuel constitue cependant la plus importante des
+prérogatives parlementaires.
+</p><p>
+Tandis que le plus mince incident politique est souvent le point de
+départ des séances les plus orageuses, nous voyons une indifférence
+vraiment regrettable accueillir l'exposé des besoins financiers de
+l'État et des moyens proposés pour y subvenir. Des chapitres entiers,
+comprenant des centaines de millions, sont volés au milieu de
+l'inattention et de la lassitude générales, et si parfois une
+observation se produit, c'est bien rarement une préoccupation d'ordre
+économique qui l'a dictée. Mentionnons, à ce propos, la question
+adressée par MM. Pelletan et Gambetta à l'occasion du budget des
+affaires étrangères, et qui a failli prendre les proportions d'un gros
+incident. Les deux membres de la gauche réclamaient la publication du
+<i>Livre jaune</i>, interrompue, pour des motifs faciles à comprendre,
+pendant le cours de l'occupation étrangère, mais redevenue possible
+maintenant que la publicité des archives diplomatiques n'offre plus les
+mêmes inconvénients. M. le duc Decazes avait, paraît-il, mal compris
+l'observation, et peu s'en est fallu qu'il ne posât la question de
+cabinet; mais le malentendu n'a pas tardé à se dissiper et l'incident
+s'est terminé par la promesse de publication du <i>Livre jaune</i> dans un
+délai de quinze jours.
+</p><h3>
+ALLEMAGNE.
+</h3><p>
+La campagne entreprise par le gouvernement allemand contre le clergé
+catholique devient chaque jour plus difficile; l'opiniâtreté du cabinet
+prussien n'a d'égale que la résistance énergique des catholiques.
+</p><p>
+D'après la Preussische, Volksblatt, organe officieux de l'administration
+l'agitation religieuse a tellement gagné les populations des petites
+villes et de la campagne, que l'on commence à avoir des appréhensions
+sérieuses. On s'efforce, dit ce journal, de réveiller les souvenirs des
+anciennes guerres religieuses. Des agents secrets parcourent le pays
+sous mille déguisements pour enflammer le fanatisme catholique;
+l'exaltation des femmes, principalement, est arrivée à son paroxysme. Le
+gouvernement use vainement de tous les moyens de rigueur que les lois
+récemment votées, en mai 1873, ont mis à sa disposition; mais il se
+heurte contre d'inflexibles résistances. Il a interdit la publication de
+la dernière encyclique du Pape en date du 21 novembre, dont nous avons
+donné l'analyse et saisi le <i>C&oelig;lnische Zeitung</i> au moment où elle
+livrait ce document à l'impression, mesure contre laquelle M. Virchow a
+protesté dans le Landtag. Les journaux ultramontains se sont vengés en
+imprimant une bulle du mois d'avril dernier, qui frappe d'interdit
+toutes les églises où se célébrerait le service du vieux-catholicisme. A
+Sch&oelig;nberg, en Silésie, l'autorité prussienne, qui avait interdit le
+curé, voulut faire fermer l'église. Mais, selon le <i>Vaterland</i>, de
+Munich, la population a trouvé un moyen ingénieux de contrecarrer les
+intentions de la police: elle a enlevé la porte et arraché les gonds, de
+sorte que, quand les agents sont arrivés, il leur a été impossible
+d'apposer les scellés. On voit à quels incidents de tout ordre ce
+conflit donne lieu. Le Parlement lui-même en ressent le contre-coup.
+Ainsi le Landtag vient d'adopter, par 351 voix contre 6, une proposition
+des ultramontains portant suppression du timbre sur journaux et
+almanachs. Le ministère la combattait en objectant que l'on doit
+présenter au prochain Reichstag la loi sur la presse dont il a été
+question l'année dernière, et dont les dispositions ont soulevé les plus
+vives réclamations. Encouragés par ce succès, les ultramontains ont
+déposé une motion plus hardie, tendante à l'abrogation des lois
+ecclésiastiques votées au mois de mai dernier; ils comptent sur une
+grande majorité au prochain Reichstag qui doit être élu le 10 janvier
+1874, et où l'Alsace-Lorraine sera représentée pour la première fois. II
+se pourrait que Mgr Ledochowski, archevêque de Posen, fût l'un des
+candidats élus. Cet énergique prélat a refusé de donner sa démission.
+Pour se débarrasser de lui, on songerait, dit-on, à compléter les lois
+susdites en autorisant le gouvernement à expulser les prêtres suspendus
+de leurs fonctions par la cour civile ecclésiastique. Mais, pour couvrir
+Mgr Ledochowski de l'immunité parlementaire, ses fidèles partisans se
+proposent de le faire élire, à Schrimm, comme député au Reichstag. La
+lutte, on le voit, ne saurait être plus sérieusement engagée, et des
+deux côtés elle est poussée avec un égal acharnement.
+</p><h3>
+ÉTATS-UNIS.
+</h3><p>
+Le Message présidentiel a été lu le 2 décembre au Congrès. Il constate
+que la réduction de la dette accomplie durant l'année, au moyen de
+l'excédant des recettes, s'est élevée à 43 millions de dollars, ce qui
+porte l'amortissement total de la dette à 300 millions de dollars.
+</p><p>
+Le Message recommande de restreindre les privilèges des banques relatifs
+aux avances sur dépôts. Il déclare que, tant que les payements en
+espèces ne seront pas repris, le marché aura des moments difficiles. Il
+demande instamment au Congrès d'étudier la question de la circulation en
+vue de la reprise des payements en espèces, lesquels permettraient aux
+banques d'user de leurs réserves pour régler le taux des intérêts et
+augmenter la circulation dans les moments critiques.
+</p><p>
+Le Message constate ensuite l'amélioration du commerce étranger, qui
+aidera à la reprise des payements en espèces.
+</p><p>
+A propos du <i>Virginius</i>, le Message dit que la capture en pleine mer
+d'un bâtiment portant pavillon américain menaçait d'avoir de plus
+sérieuses conséquences, et qu'elle a agité l'opinion publique dans toute
+l'Amérique.
+</p><p>
+Plusieurs passagers qui étaient citoyens américains ont été fusillés
+sans procédure régulière. Selon le principe établi, les bâtiments
+américains en pleine mer et en temps de paix sont, sous la juridiction
+de leur pays.
+</p><p>
+Toute vexation subie de la part des étrangers est un attentat à la
+souveraineté des Etats-Unis, qui, se basant sur ce principe, ont demandé
+à l'Espagne de rendre le <i>Virginius</i> et les survivants de l'équipage, de
+faire réparation au drapeau américain et de punir les autorités
+coupables.
+</p><p>
+Le <i>Virginius</i> avait des papiers en règle et le pavillon américain.
+</p><p>
+L'Espagne a tout accordé.
+</p><p>
+Le Message déclare, en terminant, que l'esclavage est la cause du
+malheureux état de Cuba. Il demande au Congrès d'exprimer le v&oelig;u que
+l'esclavage disparaisse de Cuba, car c'est le seul moyen de rendre
+possibles les bonnes relations entre l'Amérique et Cuba. Le gouvernement
+américain n'est pas hostile à l'Espagne, mais l'affaire du <i>Virginius</i> a
+produit une indignation telle, que le Président a dû placer la marine
+sur le pied de guerre.
+</p><p>
+Cette affaire est présentement en voie d'arrangement satisfaisant et
+honorable pour les deux pays.
+</p><p>
+Le Message constate que les relations de l'Amérique avec les autres pays
+sont amicales. L'indemnité de l'affaire de l'<i>Alabama</i> a été appliquée
+au rachat des obligations 5.20 jusqu'à concurrence de 15 millions
+500,000 dollars.
+</p><p>
+Le Président reconnaît les éminents services rendus par les commissaires
+du tribunal de Genève. Il recommande la création d'une Cour spéciale
+composée de trois juges, pour entendre les plaintes des puissances
+étrangères contre les Etats-Unis. Le Président rappelle qu'il a reconnu
+le gouvernement espagnol et le félicite d'avoir émancipé les esclaves de
+Porto-Rico et restitué les propriétés américaines séquestrées à Cuba.
+L'esclavage règne encore à Cuba, protégé par un parti puissant, en
+hostilité ouverte contre le gouvernement de Madrid et plus dangereux que
+les insurgés. Dans l'intérêt de l'humanité, l'influence de ce parti doit
+être détruite.
+</p><p>
+L'affaire du <i>Virginius</i> pourrait bien se compliquer prochainement de
+l'intervention de l'Angleterre, si toutefois le gouvernement de ce pays
+ne consultait que l'opinion publique et en suivait docilement
+l'impulsion. Une Note adressée au Foreign-Office par M. Crawford, consul
+général de la Grande-Bretagne à la Havane, et communiquée aux journaux,
+a inspiré au <i>Times</i> un article d'une grande violence et où éclate une
+vive indignation. Cette Note contient la liste des victimes de
+nationalité anglaise exécutées à Santiago: on y trouve le second du
+navire, un aide-mécanicien, trois chauffeurs, six aides pour le
+transport du charbon, deux maîtres d'hôtel et trois matelots. Ce sont de
+pareils gens employés au service du bâtiment qui ont été assimilés à des
+insurgés pris les armes à la main et fusillés sans aucune forme de
+procès. Jamais les lois humaines n'ont été plus cruellement violées. On
+peut donc s'attendre à voir le gouvernement anglais élever de justes et
+sévères réclamations contre ces barbares exécutions. Du côté de
+l'Espagne, la situation devient de plus en plus critique. Les nouvelles
+sont contradictoires. Une première dépêche de New-York, en date du 4
+décembre, annonçait, d'après des avis reçus de la Havane, que les
+principaux chefs des volontaires avaient publié un Manifeste attestant
+leur soumission aux autorités et leur confiance dans M. Jovellar,
+capitaine général de Cuba. Mais le même jour, une dépêche de la Havane
+faisait parvenir à Madrid des informations tout opposées. M. Jovellar, y
+était-il dit, avait prévenu le gouvernement espagnol que, vu l'état
+d'exaspération de l'opinion publique, il lui était impossible de
+procéder, au moins pour le moment, à l'exécution des ordres concernant
+la restitution du <i>Virginius</i>; il faisait même entrevoir la possibilité
+«de véritables catastrophes» dans le cas où l'on agirait avec trop de
+précipitation. Enfin, toujours d'après la même source, il avait offert
+sa démission. Aujourd'hui, la scène change. On télégraphie de Madrid, le
+5 décembre, onze heures cinquante minutes du soir, que les ordres du
+gouvernement seront fidèlement exécutés: le capitaine général et le
+commandant des forces navales en ont envoyé l'assurance formelle.
+Toutefois une dépêche de New-York, postérieure à la précédente et datée
+d'aujourd'hui même, nous apprend que l'Espagne avait promis de faire
+hier la remise du navire, que cet engagement n'a pas été rempli, et
+qu'il en résulte un vif mécontentement. Mais, ajoute-t-on, le cabinet de
+Washington est disposé à attendre que cette restitution puisse être
+faite sans blesser la fierté du gouvernement espagnol. C'est seulement
+dans le cas ou l'impuissance de celui-ci serait démontrée que l'affaire
+serait soumise au Congrès.
+</p><p>
+Enfin, une dernière dépêche datée de Philadelphie, 9 décembre, annonce
+que des arrangements définitif' ont été pris pour que la restitution du
+<i>Virginius</i> et des prisonniers survivants se fasse le 18 décembre. On
+assure que la frégate américaine <i>Worcester</i> sera chargée de recevoir le
+<i>Virginius</i> à la Havane, et que la frégate <i>Jumata</i> aura mission de se
+rendre à Santiago pour prendre les survivants à son bord.
+</p><p>
+L'insurrection de Carthagène paraît sur le point d'arriver à son terme;
+la ville et les forts ont été très-éprouvés par le bombardement
+entrepris par les troupes du gouvernement; les vivres se font rares dans
+la place et les insurgés ont dû faire sortir les bouches inutiles; huit
+cents femmes et enfants ont été transportés à Pormau, où ils se trouvent
+dans un état de détresse tel que l'amiral Yelverton, commandant
+l'escadre anglaise mouillée devant le port, a écrit à M. Castelar pour
+intercéder en leur faveur. Cependant les insurgés pensent qu'ils peuvent
+encore tenir un mois s'ils restent unis entre eux. Les forts et les
+batteries n'ont que très-peu souffert. On croit que lorsque les
+munitions seront épuisées, une grande partie des insurgés tenteront de
+s'ouvrir un passage à l'aide des vingt-cinq canons Krupp qu'ils
+possèdent, et qu'ils iront à travers les montagnes rejoindre les
+carlistes. Les autres essayeront de s'échapper à bord de la <i>Numancia</i>.</p>
+<br><br>
+
+<h2>Courrier de Paris</h2>
+
+<p>M. Paul Féval se présente aux suffrages de l'Académie française, où il y
+a, pour le quart-d'heure, deux fauteuils à donner. Si j'avais à broder
+une réclame, je ne manquerais pas de dire que le candidat est,
+littérairement parlant, un homme incomparable. En dix ou douze lignes
+bien senties, il serait démontré par A plus B qu'il enfonce le passé,
+qu'il domine le présent et que l'avenir ne lui viendra pas à la
+cheville. Croyez que je n'ai rien à tenter de semblable. Je ne veux
+parler de M. Paul Féval que comme un spectateur pourrait le faire d'un
+acteur estimé de tel théâtre qu'il voit se hasarder sur une scène
+nouvelle.
+</p><p>
+A coup sûr, M. Paul Féval devrait être de ceux qu'on se dispense de
+<i>black-bouler</i>. Mais l'Académie a une douane à laquelle elle tient
+mordicus. Vous objecterez tout ce qu'il vous plaira.--Voilà un conteur
+de la meilleure race. Il a fait pour la Bretagne ce que Walter Scott a
+fait pour l'Ecosse et George Sand pour le Berri. Uniquement préoccupé du
+soin de faire des loisirs à ceux qui s'ennuient, il a écrit, en
+trente-cinq ans, trois cents volumes encore debout en ce moment. Parmi
+ses livres, il en est deux qui ont fait un grand bruit, les <i>Mystères de
+Londres</i>, peinture saisissante des bas-fonds de la société anglaise, et
+un épisode de notre histoire, le <i>Bossu</i> qui, transformé en drame, a
+récréé Paris pendant deux cents soirées. Tout cela étant bien vu, la
+nomination de ce galant homme devrait passer, ce semble, comme une
+lettre à la poste.
+</p><p>
+Ce sera le contraire qui arrivera, je le crains, du moins. Au quai
+Conti, il n'y a que l'envers du juste qui ait le dessus. Quand, par
+hasard, on admet un homme qui écrit, c'est que ces vieux messieurs se
+sont fait violence. Ou bien ils ont cédé à la force de l'opinion, ou
+bien ils ont eu peur que leur corporation vermoulue ne soit devenue une
+pelote trop épinglée d'épigrammes. Il y a un troisième cas bien connu,
+mais qu'il faut rappeler sans cesse; ils cèdent devant la table: «A-t-il
+un bon cuisinier?» Voilà cinquante ans que c'est le meilleur des titres.
+Le laurier de la cuisine attire le laurier apollonien.
+</p><p>
+Sur les dernières années de sa vie, Théophile Gautier, candidat quatre
+fois congédié, rapportait le mot de l'un d'eux, pendant l'une de ses
+trente-neuf visites:
+</p><p>
+--Comment! monsieur, vous avez publié vingt-cinq volumes! Ah! monsieur!
+</p><p>
+La mimique du vénérable et le rythme de son reproche ne pourraient être
+exprimés par aucune langue humaine. Il fallait entendre l'auteur du
+<i>Tricorne enchanté</i> raconter cette scène d'un si haut comique.
+Vingt-cinq volumes, poèmes, romans, critique, voyages, histoire,
+n'était-ce pas bien fait pour effrayer l'imagination d'un vieillard qui,
+en sa vie entière, n'avait pu que faire des annotations et des préfaces,
+et tout au plus une petite plaquette où il est avancé que le mouchoir de
+poche n'existait pas chez les Grecs du temps de Périclès. Mais pour M.
+Paul Féval, ce serait bien une autre paire de manches! Il a écrit trois
+cents volumes. Rien qu'à cette révélation, l'immortel est capable d'en
+avoir un coup de sang!
+</p><p>
+Ajoutez que ces trois cents volumes sont des romans. Une belle denrée,
+les romans! Ces Nestors les ont tous dans une sainte horreur. On a beau
+leur rappeler le mot charmant de Philippe: «J'aime mieux que l'Espagne
+ait <i>Don Quichotte</i> que deux provinces de plus»; on leur citera en vain
+nos gloires les plus nobles et les plus pures commençant par là, comme
+Jean Racine, leur dieu, qui a commencé par traduire <i>Théogène et
+Chariclée</i>, et ils crieront toujours: «A la porte, le roman»; c'était
+l'entêtement de feu Villemain: «Si Le Sage se présentait ici, <i>Gil Blas</i>
+à la main, je prierais Le Sage de s'en retourner.»
+</p><p>
+Pour ne parier que des temps où nous sommes, voyez combien ils ont été
+impitoyables pour les romanciers. Non-seulement ils n'ont pas voulu
+entendre parler de Frédéric Soulié ni d'Eugène Sue, ces deux maîtres du
+genre, mais encore ils ont rejeté M. de Balzac, le prodigieux auteur de
+la <i>Comédie humaine</i>. Lorsque Prosper Mérimée s'est présenté, il a été
+bien entendu que c'était en vue de sa traduction de Salluste et de
+quelques rapports sur des inscriptions. Léon Gozlan, ce Benvenuto
+Cellini de la Nouvelle, Méry, qui nous a légué sur l'Inde et sur la
+Chine des écrits si attachants, Théophile Gautier, dont je parlais tout
+à l'heure, autant de noms, autant de candidats rejetés. Pour Alexandre
+Dumas, l'homme aux mille romans, il savait son fait d'avance; il n'a
+jamais eu un seul instant la pensée de se présenter à un seul d'entre
+eux.
+</p><p>
+Encore une fois il ne faut pas être un bien grand sorcier pour prévoir
+ce qui va survenir. Il existe toujours en quelque coin obscur un
+complaisant qui a fait jadis, pendant vingt ans, la partie de piquet
+d'un ancien premier ministre; c'est celui-là qu'on choisira. Il se peut
+encore qu'on élise un professeur fameux pour avoir mis une couverture
+nouvelle à Blaise Pascal ou bien au président Hénault. Au pis aller, on
+se rabattra sur un avocat illustre pour n'avoir jamais été imprimé. A la
+vérité, après l'avoir fait sortir de l'urne, on dira qu'on voudrait bien
+l'y remettre; c'est encore là une de leurs allures.--En tout cas, vous
+le verrez bien, ils condamneront M. Paul Féval à faire le
+pied-de-grue.--L'ombre du pauvre Philarète Chasles pourra lui tenir
+compagnie.
+</p><p>
+Un de ces jours, qui sait? aujourd'hui peut-être, J. Claretie, usant de
+son droit de critique, vous parlera d'un livre posthume, déjà fort
+prôné: <i>Lettres à une Inconnue</i>. Si je m'aventure à m'occuper de cette
+nouveauté, ce n'est point, bien entendu, pour marcher sur les
+plates-bandes du confrère. Ces deux volumes fourmillent d'anecdotes, de
+mots piquants, de bruits du monde; voilà pourquoi je me hasarde à leur
+faire quelques emprunts, toujours permis aux fureteurs de la chronique.
+Lettres curieuses, pas précisément édifiantes! Celle qui se présente la
+première est sans date; on peut conjecturer qu'elle est de 1839,
+peut-être de 1840. En ce temps-là, Prosper Mérimée, ne songeant pas
+encore à devenir un personnage, n'était rien, pas même académicien. Il
+n'avait pas encore terminé <i>Colomba</i>; il vivait sur le bruit flatteur de
+ses incomparables nouvelles et du <i>Théâtre de Clara Gazul</i>. La dernière
+est tout près de nous, du 23 septembre 1870; Mérimée était mourant à
+Cannes; il avait vu sombrer la France et tomber le second empire, auquel
+il s'était attaché pour des raisons tout à fait intimes. On sait, en
+effet, qu'un mariage secret le liait à Mme de Montijo, la mère de
+l'impératrice.
+</p><p>
+En vingt ans de temps, il s'était passé peu d'événements dans la vie de
+ce studieux sybarite, mais avec quelle verve et quel esprit dégagé il
+savait voir ce qui se passait chez les autres! Mais d'abord, qu'est-ce
+que l'Inconnue? Une marquise, une grande dame mariée; c'est tout ce
+qu'on en apprend et on n'en saura jamais plus. Dans l'origine, ils se
+traitaient en camarades; Prosper Mérimée l'appelait son «cher ami
+féminin». En 1842, il lui disait: «Si je ne me trompe, nous nous sommes
+vus six ou sept fois en six années, et, en additionnant les minutes,
+nous pouvons avoir passé trois ou quatre heures ensemble, dont la moitié
+à ne rien nous dire.» On croirait qu'il s'agit d'une aventure de bal
+masqué.
+</p><p>
+Il raconte tout à cette inconnue, ses ennuis, ses plaisirs, ses
+insomnies, surtout ses impressions de voyage. Par exemple, en parcourant
+la Grèce, pour affaires de son commerce, c'est à savoir pour faire de
+l'archéologie, il s'amuse tout le premier du style qu'on emploie sur son
+passeport. Il grisonne et il le dit. «Au milieu de tout cela, je suis
+devenu bien vieux. Mon firman me donne des cheveux de tourterelle; c'est
+une jolie métaphore orientale pour dire de vilaines choses.
+Représentez-vous votre ami tout gris.» Une autre fois, étant de retour,
+il raconte une soirée dans laquelle il a pu présenter Mlle Rachel, alors
+débutante, à Béranger; c'était chez un ministre du roi Louis-Philippe;
+Lamartine, Victor Hugo et M. Thiers étaient là, et, bien qu'il s'agisse
+de tragédie, il faut voir comme la scène devient bouffonne!
+</p><p>
+Messieurs les romanciers et les peintres de m&oelig;urs décriront le second
+empire tant qu'il leur plaira; on est en droit d'affirmer qu'ils n'en
+viendront pas autant à bout que ce railleur, donnant la description du
+bal de Mme la duchesse d'Albe (1er mai 1860).
+</p><p>
+«C'était splendide. Les costumes étaient très-beaux. Beaucoup de femmes
+très-jolies et le siècle montrant de l'audace. 1° On était décolleté
+d'une façon outrageuse par en haut et par en bas aussi. A cette
+occasion, j'ai vu un assez grand nombre de pieds charmants et beaucoup
+de jarretières dans la valse. 2° Croyez que, dans deux ans, les robes
+seront courtes, et que celles qui ont des avantages naturels se
+distingueront de celles qui n'en ont que d'artificiels.» Il raconte
+ensuite le ballet des Eléments, un des triomphes du règne. Seize dames
+de la cour, en courts jupons, couvertes de diamants. «Les Naïades
+étaient poudrées avec de l'argent, qui, tombant sur leurs épaules,
+ressemblait à des gouttes d'eau. Les Salamandres étaient poudrées d'or.
+Il y avait une Mlle E*** merveilleusement belle. La princesse M*** était
+en Nubienne, peinte en couleur bistre très-foncé, beaucoup trop exacte
+de costume. Au milieu du bal, un domino a embrassé Mme de S***, qui a
+poussé les hauts cris. La salle à manger avec une galerie autour, les
+domestiques en costume de pages du XVIe siècle, et de la lumière
+électrique, ressemblait au <i>Festin de Balthazar</i> dans le tableau de
+Wrowthon.»--Y a-t-il beaucoup de coups de burin qui vaillent ces coups
+de plume?
+</p><p>
+En bon courtisan, le sénateur parle aussi de Napoléon III, qui, en
+raison de son mariage avec la comtesse, était son beau-fils.
+</p><p>
+«L'empereur avait beau changer de domino, on le reconnaissait d'une
+lieue; l'impératrice avait un burnous blanc et un loup noir qui ne la
+déguisaient nullement. Beaucoup de dominos, et, en général, fort bêtes.
+Le duc de *** se promenait en arbre, vraiment assez bien imité.»--Ce
+pauvre duc! Mérimée ne le lâche pas, et je n'ose point répéter tout ce
+qu'il met sur son compte.
+</p><p>
+Un autre récit très-caractéristique, c'est celui de la première
+représentation de l'opéra de Richard Wagner, rue Le Peletier.
+</p><p>
+«Un dernier ennui, mais colossal, a été <i>Tannhaüser</i>. Les uns disent que
+la représentation à Paris a été une des conventions secrètes du traité
+de Villafranca; d'autres, qu'on nous a envoyé Wagner pour nous forcer
+d'admirer H. Berlioz. Le fait est que c'est prodigieux. Il me semble que
+je pourrais écrire demain quelque chose de semblable, en m'inspirant de
+mon chat marchant sur le clavier d'un piano. La salle était
+très-curieuse. La princesse de Metternich se donnait un mouvement
+terrible pour faire semblant de comprendre et pour faire commencer les
+applaudissements qui n'arrivaient pas. Tout le monde bâillait; mais,
+d'abord, tout le monde voulait avoir l'air de comprendre cette énigme
+sans mot. On disait, sous la loge de Mme de Metternich, que les
+Autrichiens prenaient la revanche de Solférino. On a dit encore qu'on
+s'ennuie aux récitatifs et qu'on se <i>tanne aux airs.</i>»--Un des plus
+illustres de l'Académie française se <i>fendant</i> d'un calembourg.--Allons,
+je n'irai pas plus loin.</p>
+<p class="rig">Philibert Audebrand.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>Le Général de Colomb, substitut. Le Général Pourcet,
+Commissaire du Gouvernement.<br> PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--L'ACCUSATION.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>Maréchal Bazaine. Me Lachaud. Me Lachaud fils.<br> PROCÈS DU
+MARÉCHAL BAZAINE.-LA DÉFENSE.</b></p>
+<br><br>
+<h2>LA SOEUR PERDUE</h2>
+<h3>Une histoire du Gran Chaco</h3>
+<p class="mid">(Suite)</p>
+
+<p>Les pierres furent disposées et arrangées par Gaspardo en forme de
+muraille grossière. Bien que construite dans l'obscurité, elle était
+assez forte pour résister aux attaques d'un animal quelconque,
+l'éléphant excepté. Or, comme il ne se trouve pas d'éléphants dans le
+Chaco, les voyageurs semblaient n'avoir plus rien à craindre.
+</p><p>
+Tel était l'avis de Gaspardo qui encore une fois partit à la recherche
+de son briquet.
+</p><p>
+«J'ai un bout de chandelle de cire», dit-il; «que Dieu me le pardonne,
+je l'avais ramassé dans l'église de l'Asuncion. Elle avait été allumée
+sur le corps de ma pauvre vieille mère, et je désirais la garder comme
+souvenir. <i>Ay Dios!</i> qui eût jamais pensé que ce serait en pareille
+circonstance que j'aurais à la rallumer? Mais il est malsain de manger
+dans l'obscurité. Je n'ai jamais aimé cela; ce qu'on mange ne vous
+profite pas quand les yeux n'en ont pas leur part.»
+</p><p>
+Gaspardo affectait de parler avec bonne humeur. Il connaissait le lourd
+fardeau qui pesait sur le c&oelig;ur de ses jeunes compagnons et il espérait
+l'alléger en les détournant un peu de leurs pensées. Mais aucun d'eux ne
+fit chorus à sa bonne volonté; il battit donc le briquet et le cierge
+fut enfin allumé.
+</p><p>
+C'était un gros bout de cierge, long d'environ six pouces et fabriqué
+avec la cire de l'abeille sauvage qu'on emploie dans les églises du
+Paraguay. Sa flamme brillante éclairait tous les objets contenus dans la
+caverne, les voyageurs, leurs chevaux, leurs bagages et le jaguar étendu
+mort à l'entrée, dont la peau jaune mouchetée se détachait sur le fond
+sombre du rocher.
+</p><p>
+Mais à peine la flamme eut-elle pris toute sa vigueur, que les yeux des
+voyageurs eurent la très-désagréable surprise d'être subitement arrêtés
+par la vue d'une seconde peau de jaguar, non moins mouchetée, mais bien
+plus brillante que la première. C'était un second jaguar, non pas mort
+celui-là, mais vivant et bien vivant, couché sur un bloc de rocher à
+l'extrémité la plus reculée de la grotte!
+</p><p>
+Il avait au moins deux fois la taille de celui qui avait été tué et son
+aspect était dix fois plus effrayant. Au premier coup d'&oelig;il, on le
+reconnaissait pour le mâle dont Gaspardo avait parlé.
+</p><p>
+«C'est le mâle»! dit-il aussitôt que la lumière du cierge lui eut permis
+de le distinguer. «<i>Santissima!</i> et nous nous sommes donnés bien du mal
+pour nous assurer sa compagnie!»
+</p><p>
+Ses compagnons pétrifiés par la surprise gardaient le silence.
+</p><p>
+«<i>Carrai</i>»! grommela le gaucho entre ses dents. «Je m'étonne qu'il soit
+resté si longtemps tranquille. Il faut que la tormenta ait
+singulièrement modifié son humeur. Qui peut savoir ce qui se passe dans
+sa tête, et ce qui cause son immobilité. Ne nous y fions pas. L'envie
+peut lui prendre subitement de sauter sur nous et un animal de cette
+taille, mes enfants, se moquerait autant d'une balle que d'un coup de
+cravache. Regardez-le, il est presque aussi gros qu'un de nos chevaux!
+On ne fait pas deux miracles dans la même journée.--Une balle qui le
+blesserait seulement au lieu de le tuer ne ferait que le rendre plus
+formidable.»
+</p><p>
+Les deux jeunes gens tenaient à la main leurs carabines.
+</p><p>
+«Faut-il faire feu néanmoins? demandèrent-ils.
+</p><p>
+--Gardez-vous-en bien, sur votre vie! mieux vaudrait essayer de lui
+céder la place, si l'état de terreur, de stupéfaction, d'engourdissement
+où la tormenta met souvent les animaux les plus énergiques et les plus
+violents devait nous en laisser le temps. J'entends la pluie tomber par
+torrents, mais cela ne fut rien, tout plutôt qu'une rencontre avec un
+gaillard comme celui-ci. S'il pleut c'est que la poussière est
+abattue,--et c'est le principal. Nous pourrions peut-être nous en tirer
+personnellement en lui abandonnant nos montures, et en filant pour notre
+compte par la lucarne que nous avons laissée à notre barricade... Elle
+ne suffirait pas à le laisser passer,--mais nous avons autant besoin de
+nos montures que de nous-mêmes et d'ailleurs ce serait une lâcheté que
+de livrer nos bonnes bêtes à ce brigand-là. Il n'y a pas deux partis à
+prendre. Ouvrons notre barricade, défaisons de nos mains l'ouvrage de
+nos mains. Détruire est plus facile que de bâtir.--A l'&oelig;uvre donc. Que
+Cypriano qui a une bonne arme fasse sentinelle. Si le jaguar bouge visez
+à l'oeil, mon enfant!»
+</p><p>
+Et tandis que Ludwig tenait le cierge, Gaspardo dont la force musculaire
+était doublée par l'imminence du danger se mit à démolir sa muraille.
+</p><p>
+Dès qu'une ouverture fut pratiquée, suffisamment grande pour leur livrer
+passage ainsi qu'à leurs chevaux, le gaucho écarta les ponchos et jeta
+un regard au dehors.
+</p><p>
+Cependant, tenu en respect par Cypriano, qui le couchait en joue, ou
+sous le poids encore de l'émoi que lui causait la tourmente, le jaguar
+n'avait pas bougé. Ses yeux fixes et brillants n'avaient pas quitté ceux
+de Cypriano. L'intrépide enfant n'avait pas bronché. Mais le moment le
+plus périlleux devait être celui de la retraite. Il en est de l'animal
+comme de l'homme, tout ce qui ressemble à une fuite de son adversaire
+est comme un signal d'attaque qu'il reçoit.
+</p><p>
+A ce moment une exclamation du gaucho attira l'attention de Ludwig.
+</p><p>
+«Qu'y a-t-il, Gaspardo? lui demanda-t-il.
+</p><p>
+--Il y a, répondit Gaspardo avec un geste de désespoir, il y a qu'il n'y
+a pas moyen de sortir. Regardez!»
+</p><p>
+L'eau s'était élevée de six pieds au-dessus de son premier niveau et
+elle coulait en bas de la caverne avec la violence d'un torrent, le
+courant balayait jusqu'à l'entrée de la grotte et ne laissait pas un
+pouce de sentier par lequel les hommes et les chevaux pussent opérer
+leur retraite. Toute issue était évidemment coupée. La circonstance
+était critique, car rester dans la caverne, c'était rester à la
+discrétion du jaguar.
+</p><p>
+Le ciel, en s'éclairant, projetait jusqu'au fond de l'antre une faible
+lueur qui leur permettait d'apercevoir l'affreuse bête couchée dans sa
+redoutable immobilité. Il semblait qu'avertie par un secret instinct de
+l'impossibilité où étaient désormais ses victimes de lui échapper, elle
+eût jusque-là contemplé avec un imperturbable dédain la vanité de leurs
+efforts.
+</p><p>
+L'ouragan se calmait. Les grondements du tonnerre s'éloignaient. Le
+moment approchait où l'animal allait retrouver son habituelle férocité
+et bondir soit sur les hommes, soit sur leurs montures.
+</p><p>
+La lutte était donc devenue inévitable. En désespoir de cause, Gaspardo
+et les deux jeunes gens se tenaient prêts au combat. La carabine à la
+main, leur couteau de chasse entre les dents, Ludwig et Cypriano
+n'attendaient que l'ordre de faire feu. Gaspardo hésitait encore à le
+donner; évidemment, il eût tout préféré à une rencontre où l'un d'entre
+eux, tout au moins, pouvait perdre la vie; quand tout à coup, posant bas
+sa carabine, il se mit à chercher quelque chose avec une fiévreuse
+impatience dans une des sacoches de son recado.
+</p><p>
+Il se souvenait d'y avoir caché une fusée du genre de celles dont on se
+sert pour exciter les taureaux au combat. Il avait pris cette précaution
+dans la prévision que cela pourrait lui servir, pour étonner et amuser
+ou terrifier suivant l'occasion les Indiens. C'est un vieux tour des
+gens des frontières et qui est souvent couronné de succès parmi les
+sauvages.
+</p><p>
+«Ne bougez pas, murmura-t-il à l'oreille de ses amis, ne quittez pas la
+place où vous êtes. Laissez-moi faire. J'ai mon idée.»
+</p><p>
+Tous deux conservèrent leur place à l'entrée de la caverne, semblables à
+deux sentinelles silencieuses.
+</p>
+<br>
+<h3>
+CHAPITRE IX
+</h3><h4>
+AU HASARD
+</h4><p>
+Quoique encore sous l'empire d'une grande émotion, Ludwig et Cypriano
+étaient fort intrigués, et se demandaient du regard ce qui avait bien pu
+passer dans la cervelle de leur ami.
+</p><p>
+Les moments étaient trop précieux pour que le gaucho songeât à prolonger
+leur attente. Il s'avança rapidement vers le cierge que Ludwig avait
+fixé dans une des anfractuosités de la caverne,--et leur ayant
+recommandé de se coller contre les parois,--pour laisser libre l'entrée
+tout entière, il approcha de la flamme du cierge la mèche de sa fusée et
+la lança sur le jaguar. Ce fut comme une illumination soudaine: la
+lumière éclatante suivie d'un sifflement aigu s'était élancée comme un
+serpent de feu sur l'animal, l'avait atteint au flanc et s'était
+attachée à sa peau en tournoyant comme un soleil et en l'inondant
+d'étincelles.
+</p><p>
+C'était évidemment le premier feu d'artifice qu'on eût jamais tiré en
+son honneur.
+</p><p>
+Poussant un formidable rugissement qui fit frémir les parois du rocher,
+l'énorme animal effaré bondit d'épouvante sur sa couche, et en trois
+bonds traversant la caverne et traînant derrière lui comme la queue
+enflammée d'une comète, il alla se précipiter dans le torrent.
+</p><p>
+C'était assurément ce qu'il avait de mieux à faire pour éteindre la
+fusée qui sifflait entre les poils de sa fourrure, et pour débarrasser
+nos voyageurs de sa fâcheuse compagnie.
+</p><p>
+En un instant, son corps fut hors de vue, enlevé par le courant du ravin
+débordé. Gaspardo, monté sur le roc où était tout à l'heure le jaguar,
+criait du fond de la grotte:
+</p><p>
+«Pour cette fois, Muchachos, nous pouvons nous mettre à table; je
+suppose que nous ne risquons plus d'être dérangés!»
+</p><p>
+Ludwig et Cypriano ne pouvaient revenir de l'étrange et expéditive façon
+dont le gaucho les avait tirés d'affaire.
+</p><p>
+«On ne pense pas à tout, répondit modestement le brave homme. J'aurais
+dû commencer par là, et ni vous ni moi ne nous serions écorchés les
+mains à faire et à défaire nos inutiles fortifications.»
+</p><p>
+Ludwig et Cypriano regrettaient bien un peu de ne pas avoir abattu le
+jaguar mâle, comme Gaspardo avait abattu la femelle; mais ils ne
+voulurent pas gâter la joie de leur ami, qui était cent fois plus fier
+de son expédient qu'il ne l'eût été du coup de fusil le mieux réussi.
+</p><p>
+Quand nos voyageurs eurent achevé leur repas, la tempête avait
+complètement cessé.
+</p><p>
+La <i>tormenta</i> diffère du <i>temporal</i>; la première disparaît aussi
+rapidement qu'elle est venue, l'autre se termine graduellement et est
+suivie par des brumes qui remplissent l'atmosphère et par une fraîcheur
+humide qui parfois dure plusieurs jours. Il n'en est pas ainsi d'une
+véritable tempête de poussière. Elle arrive sans être précédée de signes
+autres que ceux connus seulement des initiés, ceux par exemple que
+Gaspardo avait lus dans la corolle des fleurs de l'arbre baromètre, et
+elle cesse aussi soudainement, sans avertir autrement du moment où elle
+prend fin.
+</p><p>
+Lorsqu'ils revinrent à l'entrée de la grotte et regardèrent au dehors,
+il n'y avait pas plus de traces de l'ouragan que s'il n'eût jamais
+existé. Au-dessus de la berge opposée de l'arroyo, ils pouvaient
+distinguer un espace de ciel d'une belle nuance azurée, et par les
+rayons de lumière qui plongeaient dans le vallon, ils voyaient que le
+soleil brillait aussi pur qu'avant d'avoir été obscurci par les nuages
+épais de la poussière.
+</p><p>
+Cette terrible lutte des éléments avait duré en tout une heure. Ils
+l'auraient considérée comme un rêve s'ils n'eussent eu sous les yeux,
+s'étendant sur les pentes du terrain, les traces de sa furie; des arbres
+déracinés, d'autres oscillant, des branches brisées et déchirées, des
+bouquets d'arbustes couchés comme des roseaux, enfin, à leurs pieds, un
+torrent écumant remplaçant le mince ruisseau que leurs chevaux avaient
+traversé à gué une heure à peine auparavant.
+</p><p>
+Sans cet obstacle tort sérieux, ils auraient immédiatement repris leur
+voyage, mais d'un seul coup d'&oelig;il, ils en avaient reconnu
+l'impossibilité. Comme le paysan de la fable, mais avec plus de raison
+puisqu'ils n'avaient devant eux qu'un fleuve improvisé et accidentel,
+ils devaient attendre le moment où les eaux baisseraient.
+</p><p>
+«Nous n'en avons pas pour longtemps, mes enfants, dit le gaucho, en
+remarquant leur impatience, et en essayant de les encourager.
+</p><p>
+--Non, continua-t-il, après être resté un instant les yeux fixés sur le
+torrent, pas pour bien longtemps. Ce débordement, né de la tourmente qui
+l'a produit, baissera aussi vite qu'il s'est élevé. Il est déjà tombé de
+plus d'un demi-pied; voyez les traces qu'il a laissées sur les pierres.»
+</p><p>
+Et il désigna du doigt un endroit que l'eau boueuse avait mouillé et
+dont elle s'était déjà retirée. C'était bon signe. Tous trois
+retournèrent donc dans la grotte pour y empaqueter leurs bagages, donner
+quelques soins à leurs montures, sur lesquelles la tourmente avait agi
+autant que sur le jaguar, et se préparer à reprendre leur route.
+</p><p>
+Aussitôt cette besogne terminée, le gaucho se donna sur la poitrine, en
+guise de <i>mea culpa</i>, un coup de poing qui en eût abattu un autre que
+lui-même.
+</p><p>
+«Santo Dios! je perds la tête, s'écria-t-il, c'est pitié de laisser ce
+beau jaguar derrière nous. Sa peau vaudrait de l'argent si quelqu'un la
+portait au marché. Comme le mâle était beau! Jamais je n'en ai vu un
+plus magnifique. Ah! si votre....»
+</p><p>
+Il s'arrêta brusquement.<br>
+
+<span class="rig">Mayne Reid.</span><br>
+(La suite prochainement.)</p>
+
+<br><br>
+<h2>NOS GRAVURES</h2>
+
+<h3>Procès du maréchal Bazaine</h3>
+<h4>LA BUVETTE DES TÉMOINS.</h4>
+
+<p>Au moment où paraîtront ces lignes, le verdict du 1er conseil de guerre,
+vers lequel en ce moment toute la France a les yeux tournés, sera
+prononcé ou bien près de l'être. Le M. le général Pourcet a commencé la
+lecture de son réquisitoire, qui s'est prolongée jusqu'à la fin de
+l'audience du 5 décembre. Le 6, la parole a été donnée à la défense, qui
+la gardera certainement au moins aussi longtemps que l'accusation. C'est
+donc vers la fin de la semaine que, selon toute vraisemblance, le sort
+de l'accusé sera fixé. L'auditoire, est-il besoin de le dire? est plus
+nombreux que jamais et, ajoutons-le, il trahit par sa physionomie plus
+grave et plus réservée l'imminence du dénoûment de ce grand drame.
+Chacun en effet, comprend qu'au moment où la justice va parler, il doit
+refouler, au moins en public, ses impressions propres et attendre en
+silence qu'elle prononce le mot suprême. Il est vrai qu'il se dédommage
+à la suspension de l'audience. La buvette des témoins, que représente
+notre dessin, est le lieu où s'échangent volontiers les commentaires. On
+y rappelle les arguments de l'accusation et ceux de la défense, on les
+compare entre eux, et on cherche à en dégager la conséquence. Mais là
+encore, même en s'aventurant sur ce terrain glissant, on use de réserve
+et l'on ne sort pas de la stricte mesure que réclament les convenances.</p>
+
+<h4>L'ACCUSATION.</h4>
+<p>Les membres qui composent le parquet dans le procès Bazaine sont au
+nombre de huit, savoir:
+</p><p>
+M. Alla, greffier titulaire du premier conseil de guerre, auquel on a,
+pour la circonstance, adjoint M. Castres, greffier en retraite. A gauche
+de MM. Alla et Castres se tient le maréchal des logis de la garde
+républicaine qui a le titre d'appariteur, et remplit des fonctions
+analogues à celles des huissiers dans les cours d'assises.
+</p><p>
+Puis viennent, devant la table où sont assis les membres du parquet, M.
+le général Pourcet, puis M. le commandant Martin, chef de bataillon en
+retraite, et qui assiste de droit aux débats en sa qualité de
+commissaire du gouvernement titulaire près le premier conseil de guerre,
+M. le général de division de Colomb, jeune avec son grade, car il n'est
+âgé que de quarante-neuf ans. Sorti de Saint-Cyr en 1844, il a conquis
+tous ses grades en Afrique, à l'exception du dernier, qu'il doit à sa
+belle conduite à l'armée de la Loire. Son titre officiel est: substitut
+du commissaire spécial du gouvernement, M. Pourcet.
+</p><p>
+Tout à fait à gauche sont assis deux jeunes capitaines, M. Avon, du
+corps d'état-major, et M. Boisselier, de l'infanterie. Ces messieurs
+n'ont pas de titre officiel; en réalité ils sont adjoints à M. le
+général Pourcet pour les immenses travaux que nécessitent l'examen et la
+manipulation d'un dossier fabuleusement volumineux.</p>
+
+<h4>LA DÉFENSE.</h4>
+
+<p>Le maréchal Bazaine a confié, on le sait, le soin de sa défense, à Me
+Lachaud, assisté de son fils et du colonel Villette, aide de camp du
+maréchal.
+</p><p>
+Nous avons parlé de ce dernier en donnant son portrait, il y a quelques
+semaines; nous n'avons donc pas à y revenir. Quant à M. Lachaud fils, le
+temps lui a fait défaut pour travailler à l'auréole dont il ne peut
+manquer un jour ou l'autre de ceindre son front, si tant est que le
+proverbe soit vrai; mais pour le moment il ne brille encore que des
+rayons de la gloire paternelle, assez grande, après tout, pour contenter
+deux ambitions, même exigeantes.
+</p><p>
+Me Lachaud a aujourd'hui cinquante-six ans. Né à Treignac (Corrèze) le
+25 février 1818, il exerçait sa profession d'avocat à Tulle, lorsque Mme
+Lafarge le choisit pour défenseur. Ce fameux procès commença sa
+réputation, qu'acheva d'établir le procès Marcellange. C'est alors que
+Me Lachaud vint à Paris, où il ne tarda pas à prendre au barreau
+parisien une des premières places. Il brilla surtout devant la cour
+d'assises, où son éloquence naturelle, admirablement servie par une voix
+aussi souple que sympathique et des facultés mimiques très-développées,
+lui assura un grand ascendant aussi bien sur les juges que sur
+l'auditoire. Parmi les affaires qu'il y plaida, citons les affaires
+Pavy, de Preigne, Carpentier, Lescure, de Merci, Lemoine, Taillefer et
+Troppmann.
+</p><p>
+Nous pouvons maintenant ajouter à cette liste l'affaire Bazaine, qui
+prime incontestablement toutes les autres, aussi bien par la position
+élevée de l'accusé, que par les circonstances exceptionnelles qui ont
+donné lieu à l'accusation.
+</p><p>
+P. S.--Au moment de mettre sous presse, nous recevons la nouvelle que le
+1er conseil de guerre vient de rendre son arrêt, que nous n'attendions
+pas si tôt. Mais le conseil a siégé de neuf heures du matin à neuf
+heures du soir, le 10; et dans cette séance si longue ont eu lieu la fin
+de la plaidoirie de Me Lachaud et les répliques. A quatre heures et
+demie, les débats ont été clos et à neuf heures moins un quart, après
+une délibération qui n'a pas duré moins de quatre heures, le conseil
+rentrait en séance, rapportant son verdict. Quatre questions lui avaient
+été posées.
+</p><p>
+lre question.--Le maréchal Bazaine est-il coupable d'avoir, en octobre
+1870, capitulé, son armée étant en rase campagne?
+</p><p>
+2e question.--Cette capitulation a-t-elle eu pour résultat de faire
+poser les armes à sa troupe?
+</p><p>
+3e question.--Le maréchal Bazaine a-t-il traité verbalement ou par écrit
+avec l'ennemi, sans avoir fait tout ce que lui prescrivaient le devoir
+et l'honneur?
+</p><p>
+4e question.--Le maréchal Bazaine, mis en jugement sur l'avis du conseil
+d'enquête, est-il coupable d'avoir capitulé avec l'ennemi, rendu la
+place qui lui était confiée, sans avoir épuisé tous les moyens de
+défense dont il disposait et sans avoir fait tout ce que prescrivaient
+le devoir et l'honneur?
+</p><p>
+A ces quatre questions, chacun des membres du conseil ayant répondu
+affirmativement, le maréchal Bazaine a été condamné à l'unanimité à la
+peine de mort, avec dégradation militaire.</p>
+<br>
+<h3>La capture du "Virginius".</h3>
+
+<p>Nous recevons, par la voie des États-Unis, une intéressante
+correspondance sur le <i>Virginius</i>, dont la capture par le croiseur
+espagnol le <i>Tornado</i>, a eu pour résultat de créer, entre l'Espagne et
+les États-Unis, le grave conflit que nous avons déjà eu occasion de
+signaler.
+</p><p>
+Le <i>Virginius</i> est un vapeur à roues, entièrement en fer, de 100
+tonneaux de capacité et d'une longueur de 220 pieds. Il a été construit
+en Angleterre, en 1864, pendant la guerre de la sécession, pour le
+compte des confédérés, qui l'employaient à forcer le blocus des côtes
+des États du Sud.
+</p><p>
+Capturé, avec un chargement de coton, par les forces fédérales, lors de
+la prise de Mobile, il fut vendu aux enchères, après la guerre, par le
+gouvernement des États-Unis et acheté pour le compte de l'insurrection
+cubaine, qui venait d'éclater. Le <i>Virginius</i> reprit aussitôt son
+aventureuse carrière; monté par un équipage déterminé, sous le
+commandement de Joseph Fry, un Louisianais, il venait s'approvisionner à
+New-York d'armes et de munitions qu'il allait ensuite débarquer sur la
+côte cubaine. Vingt fois il avait failli être pris par les croiseurs
+espagnols et vingt fois il leur avait échappé, grâce à la présence
+d'esprit de son hardi capitaine, dont la réputation était devenue
+légendaire. Enfin, le 31 octobre dernier, il fut aperçu par le vapeur
+espagnol le <i>Tornado</i> au moment où il arrivait au but d'un nouveau
+voyage de ce genre; dès qu'il se vit reconnu, le capitaine Fry fit force
+de voiles et de vapeur pour s'échapper, car il n'était pas armé de
+manière à accepter la lutte avec un navire de guerre; malheureusement le
+<i>Virginius</i> tenait la mer depuis plus d'un an; le mauvais étal de sa
+coque avait diminué sa vitesse d'autrefois, et pour comble de malheur,
+on était à bout de combustible; vainement on jeta la cargaison
+par-dessus bord pour s'alléger, vainement on entassa dans les fourneaux
+les boiseries, les caisses défoncées et jusqu'à des barils de lard qui
+se trouvaient à bord, le <i>Tornado</i> gagnait de vitesse et, après une
+chasse de huit heures, le <i>Virginius</i> était rejoint au moment où il
+arrivait en vue de la Jamaïque, où il eut pu se réfugier sous la
+protection du drapeau britannique. On sait le reste et comment
+l'équipage du <i>Virginius</i>, conduit à Santiago, paya de sa vie son audace
+tant de fois heureuse. La gravure que nous publions aujourd'hui montre
+les deux navires au moment où le <i>Virginius</i>, à bout de forces, amène
+son pavillon et se met en panne pour recevoir le canot du Tornado.
+</p><p>
+Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur la sanglante tragédie de
+Santiago qui a été l'épilogue de ce drame, et nous publierons à ce sujet
+d'autres dessins que nous avons reçus trop tard pour les faire paraître
+aujourd'hui.</p>
+<br>
+<h3>Inauguration du monument de Champigny</h3>
+
+<p>Le 28 novembre un grand courant d'enthousiasme régnait dans la capitale.
+C'est que quelques jours auparavant, la nouvelle de la victoire
+remportée sur les Prussiens à Couliniers par l'armée de la Loire, s'y
+était répandue et que le gouvernement, sous la pression de l'opinion
+publique, se décidait enfin à faire un effort sérieux en vue de briser
+le cercle d'investissement et de donner la main à la jeune armée qui
+s'avançait à notre secours.
+</p><p>
+En conséquence, une grande sortie était décidée. Trois proclamations
+aussi retentissantes qu'elles furent vaines, annoncèrent l'événement au
+public.
+</p><p>
+On sait comment tout ce beau mouvement avorta. L'armée, qui devait
+passer la Marne dans la nuit du 28 au 29 novembre, ne put le faire, les
+ponts se trouvant trop courts! Il fallut attendre vingt-quatre heures.
+L'ennemi mis en garde par cette inexcusable faute, prit ses mesures en
+conséquence. Il ramassa ses forces sur le point menacé, et au lieu de le
+surprendre et de le culbuter, ce fut une grande bataille qu'il fallut
+lui livrer en avant de Champigny.
+</p><p>
+Néanmoins le village fut enlevé et l'ennemi obligé de reculer jusqu'au
+parc de C&oelig;uilly. Mais les morts étaient nombreux. La journée du 1er
+décembre fut employée de part et d'autre à les ramasser.
+</p><p>
+Le 2, les Prussiens reprirent l'offensive, refoulant d'abord nos troupes
+qui finalement regagnèrent toutes leurs positions. Mais, épuisées par ce
+double et pénible effort de deux jours de bataille, qu'avec un peu de
+prévoyance on leur eut épargné, elles étaient incapables, pour continuer
+leur marche, d'en faire un troisième, dans des conditions de difficultés
+beaucoup plus grandes encore. Dans la nuit du 2 au 3 on leur fit donc
+repasser la Marne, abandonnant ce plateau de Champigny, deux fois
+conquis au prix de tant d'efforts stériles et de sang inutilement
+répandu.
+</p><p>
+C'est sur ce plateau, au bord de la route de Paris, que s'élève le
+monument inauguré le 2 de ce mois. M. Vaudremer, architecte de la ville
+de Paris, en est l'auteur. C'est une pyramide en pierre grise, assise
+sur un soubassement et portant sur l'un des côtés un bouclier où l'on
+voit un guerrier blessé s'appuyant sur l'autel de la patrie. Au-dessus,
+on lit ces mots: <i>Défense de Paris</i>; au-dessous: <i>Bataille de
+Champigny</i>, 30 novembre, 2 décembre 1870. De l'autre côté de la pyramide
+est la devise de la ville de Paris: <i>Fluctuat nec mergitur</i>.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br>ÉVÉNEMENTS DE CUBA.-Capture du <i>Virginius</i> par le<br>
+<i>Tornado</i> dans les eaux de la Jamaïque.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007.png"><br>LE MONUMENT COMMÉMORATIF DE LA BATAILLE DE CHAMPIGNY,<br>
+INAUGURÉ LE 2 DÉCEMBRE 1873.</p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Le naufrage de la "Ville-du-Havre".</h2>
+
+<p>Nous n'avons pu qu'annoncer dans notre dernier numéro l'épouvantable
+catastrophe de la <i>Ville-du-Havre</i>, réputée le plus vaste des paquebots
+après le <i>Great-Eastern</i>. Les relations qui nous sont parvenues nous
+permettent de donner à nos lecteurs un récit du désastre.
+</p><p>
+Le 15 novembre, à trois heures de l'après-midi, la Ville-du-Havre
+quittait son <i>warf</i> de New-York emmenant 135 passagers, 172 hommes
+d'équipage et de service et transportant une cargaison de blé, coton,
+cuir et graisses. Pendant les premiers jours, la traversée fut
+contrariée par le mauvais temps; puis, quand on fut sur le banc de
+Terre-Neuve, par un brouillard intense, commun du reste dans ces
+parages, dans la crainte d'aborder ou d'être abordé, le capitaine
+Surmont dut faire vibrer le sifflet d'alarme de minute en minute, et,
+tout le temps qu'il y eut danger, il ne voulut laisser à aucun de ses
+officiers la responsabilité des man&oelig;uvres. La journée du 20 fut assez
+belle, ce qui permit aux passagers de jouir de la promenade sur la vaste
+dunette d'arrière, aux enfants de se livrer à leurs jeux, et, le soir,
+quelques amateurs purent s'offrir dans le salon, un concert improvisé,
+dont la <i>Dernière pensée de Weber</i> fut le morceau final. La nuit étant
+claire, rien ne paraissant à craindre, le capitaine se décida à
+descendre dans sa cabine pour y prendre quelques heures de repos, mais
+après avoir donné l'ordre formel de le prévenir du moindre incident.
+</p><p>
+C'est à partir de ce moment que l'on ne sait plus d'une manière certaine
+ce qui s'est passé, ni même l'heure précise de la catastrophe. Toujours
+est-il qu'entre une heure et deux heures du matin, des ordres de
+man&oelig;uvre étaient donnés, exécutés précipitamment, mais trop tard... la
+<i>Ville-du-Havre</i> éprouvait une commotion violente, suivie d'une série de
+craquements formidables, se renversait à demi; passagers, officiers et
+matelots, réveillés en sursaut, et accourus sur le pont, apercevaient la
+masse d'un grand voilier qui, ayant enfoncé les bordages du paquebot,
+laissait les débris de son étrave au milieu de celui-ci. Le navire
+abordant était le voilier en fer, le <i>Loch-Earn</i> (Lac ardent), capitaine
+Robertson.
+</p><p>
+Le capitaine Surmont s'était élancé sur la passerelle de commandement.
+D'un coup d'&oelig;il il comprit que tout était perdu. La <i>Ville-du-Havre</i>
+portait au flanc de la chambre des machines une trouée large de cinq à
+six mètres, profonde de quatre, par laquelle l'eau s'engouffrait en
+cataractes bruyantes pour se répandre dans les profondeurs du bâtiment
+avec des grondements et des clapotements sinistres. On n'avait pas eu le
+temps de fermer les cloisons étanches, de telle sorte que les foyers
+ayant été éteints, chaudières et machines furent immédiatement
+paralysées.
+</p><p>
+Eperdus, les passagers se pressaient sur la dunette d'arrière, les uns à
+peine vêtus ou dans leur costume de nuit, les autres ayant eu le temps
+de se couvrir de quelques vêtements ou de prendre avec eux leurs objets
+les plus précieux. A un premier moment, non de désordre mais seulement
+de trouble, succéda un certain apaisement, quand on vit le capitaine à
+son poste et les officiers se multipliant pour indiquer à chacun ce
+qu'il y avait à faire. Dans le court espace de temps écoulé entre
+l'abordage et le naufrage, il y eut des exemples de sang-froid
+admirable, de sublime résignation, de devoir noblement compris. Debout
+sur le pont, un petit sac à la main, leurs enfants dans les bras ou se
+pressant contre leur père ou leur mari, des femmes attendaient que les
+canots fussent mis à la mer; quelques-unes s'étant agenouillées,
+priaient avec ferveur, pendant qu'un prêtre catholique leur donnait
+l'absolution suprême; des enfants à demi-nus, devinant le péril sans le
+comprendre, cherchaient d'instinct un refuge dans les bras de leur mère.
+</p><p>
+Si la collision avait eu lieu en plein jour, les secours eussent été
+plus efficaces, mais la nuit d'une part, la perte de plusieurs des
+embarcations de la <i>Ville-du-Havre</i> de l'autre, rendaient le sauvetage
+difficile. On venait d'installer une cinquantaine de personnes dans deux
+canots intacts, lorsque le grand mât et le mât d'artimon, déjà ébranlés,
+oscillèrent et s'abattirent presque en même temps, brisant les canots,
+tuant et blessant la plupart des malheureux qui déjà se voyaient sauvés.
+En vain, raconte un matelot, on voulut retirer quelques survivants de
+l'amas enchevêtré de vergues rompues, de cordages, de débris de
+planches, on n'en eut pas le temps. Ce grave accident précipita le
+dénoûment, car la chute des mâts fit incliner davantage le paquebot, et
+tous ceux qu'il portait sentirent que leur dernière heure était venue.
+</p><p>
+Il n'est guère possible de s'imaginer l'horreur du drame dont notre
+dessin donne un aperçu pris du milieu du navire, entre les deux
+cheminées, près de l'escalier de la dunette des premières.
+</p><p>
+La <i>Ville-du-Havre</i> oscillait comme en proie aux dernières convulsions;
+on vit, rapporte un passager, une jeune fille soutenant sa mère et lui
+disant: «Courage, ma mère, courage, dans quelques minutes nous entrerons
+au ciel.» Quatre charmantes petites filles encourageaient ceux qui les
+entouraient en leur disant: «Prions le bon Dieu de nous recevoir auprès
+de lui.» Rien, raconte M. Lorriaux, ministre protestant, ne peut donner
+une idée de la résignation des femmes pendant cette catastrophe. Un
+officier de la marine américaine avait trois filles qui voulaient périr
+avec lui: «Je sais, dit-il, en leur adressant le dernier adieu, que la
+Providence veut vous sauver, n'allez donc pas contre sa volonté.» Deux
+seulement de ces jeunes filles furent recueillies.
+</p><p>
+Moins d'un quart-d'heure après le choc, la <i>Ville-du-Havre</i>
+disparaissait sous les Ilots, qui se précipitèrent en tourbillonnant
+dans l'immense vide formé; et les malheureux renversés dans l'eau, ceux
+que la vague ramena à la surface, ou qui plus heureux avaient pu saisir
+une ceinture de sauvetage, un tronçon de mât, une planche, restèrent
+ballottés par les vagues, transis, à moitié expirants, mais soutenus
+quelques instants encore par cette force surhumaine que donnent l'espoir
+et l'instinct de la conservation. La fatalité avait poursuivi le
+malheureux navire jusqu'à sa dernière minute d'existence; au moment où
+il sombrait, un canot chargé de femmes et d'enfants fut projeté par le
+remous sur le tronçon du mât d'artimon, crevé et submergé.
+</p><p>
+Le <i>Loch-Earn</i> avait pu se dégager aussitôt après l'abordage. Bien que
+fortement compromis par la perte de son avant, il se soutenait sur
+l'eau. Sans perdre un instant, son capitaine fit mettre ses embarcations
+à la mer et procéda au sauvetage. Les canots n'arrivèrent sur le lieu de
+la catastrophe qu'après la disparition complète de la <i>Ville-du-Havre</i>;
+ils recueillirent les naufragés et ne quittèrent la place que le
+lendemain matin à dix heures, quand nulle voix ne vint plus réclamer
+assistance, quand aucune victime ne parut surnager, quand enfin rien ne
+vint plus révéler que là, quelques heures auparavant, flottait l'un des
+rois de la mer. Demeuré à son poste, le capitaine Surmont coula avec son
+bâtiment, mais il eut le bonheur de saisir une planche, et vingt minutes
+après un canot le sauvait.
+</p><p>
+Passagers et marins recueillis à bord du <i>Loch-Earn</i> étaient dépourvus
+de tout, la rapidité du sinistre n'ayant permis qu'à un très-petit
+nombre d'entre eux de se munir des objets les plus indispensables: ils
+furent, de la part du capitaine Robertson et de l'équipage anglais,
+l'objet d'une sollicitude des plus touchantes, qu'ils se sont plu à
+reconnaître publiquement. Mais quel triste lendemain! Parmi ceux qui se
+trouvaient sains et saufs, il y avait une jeune mère qui avait perdu ses
+quatre enfants; une petite fille de neuf ans restée seule d'une famille
+nombreuse, et quantité d'infortunés qui, en quelques minutes, avaient vu
+mourir sous leurs yeux, père, mère, frère, s&oelig;ur, mari, amis... Parmi
+ces passagers, un, M. James Bishop, avait eu le bonheur d'être
+recueilli, et c'était la troisième fois, disait-il, qu'il échappait à
+une mort imminente: il avait failli périr lors de la chute d'un train de
+chemin de fer dans une rivière et à la suite du sautage d'un navire par
+une torpille.
+</p><p>
+À dix heures du matin, un trois-mâts américain, le <i>Trimountain</i>, fut
+signalé; on lui adressa des signaux de détresse, et le capitaine
+Surmont, se rendant aux instances des passagers, qui jugeaient le
+<i>Loch-Earn</i> trop endommagé pour conserver un supplément de quatre-vingts
+à quatre-vingt-dix-personnes, fit passer les survivants sur le navire
+américain, à l'exception d'un passager malade, d'un chauffeur blessé et
+d'un troisième passager qui voulut garder son compagnon d'infortune.
+</p><p>
+A qui incombe la responsabilité de la catastrophe? Une enquête nous
+l'apprendra sans doute, mais ce qui, suivant les témoignages déjà
+recueillis, parait acquis dès à présent, c'est que le <i>Loch-Earn</i> avait
+ses feux réglementaires allumés. Son capitaine aurait dit à un passager
+qu'étonné de voir devant lui la silhouette d'un grand vapeur ne faisant
+aucun mouvement pour éviter une rencontre, il crut qu'un ou plusieurs de
+ses fanaux étaient éteints et qu'on ne l'apercevait pas; il courut à
+l'avant, s'assura qu'ils brillaient et fit man&oelig;uvrer pour s'éloigner du
+navire en vue.
+</p><p>
+A bord de la <i>Ville-du-Havre</i>, les vigies de l'avant auraient aperçu et
+signalé le <i>Loch-Earn</i> quelques minutes avant la collision.
+</p><p>
+Que s'est-il passé alors? l'officier remplaçant momentanément le
+capitaine s'était-il assoupi, n'a-t-il pas entendu l'avis qu'on lui
+donnait, ou bien ses ordres ont-ils été mal compris du timonier? Les
+auteurs principaux du drame ayant péri, il paraît difficile de savoir la
+vérité, mais des positions respectives du <i>Loch-Earn</i> et de la
+<i>Ville-du-Havre</i>, au moment de l'abordage, semble résulter ce fait
+capital que cette dernière a dû faire une fausse man&oelig;uvre. Dans les cas
+de rencontre en mer, c'est le vapeur, plus maniable que le voilier, qui,
+suivant les règlements maritimes, doit modifier sa route. Par conséquent
+la <i>Ville-du-Havre</i> aurait dû incliner vers sa droite et si, pendant son
+mouvement, elle eût été abordée, c'est par son côté gauche ou de bâbord
+qu'elle eût reçu le choc. Le contraire ayant eu lieu, c'est-à-dire que
+le voilier s'étant enfoncé dans les bordages de droite ou de tribord, il
+est permis de penser que le coup de barre, indiqué ou donné, a eu pour
+résultat de faire virer le paquebot vers la gauche, ce qui lui a fait
+présenter le flanc droit au <i>Loch-Earn</i>. Si cela est, la responsabilité
+de ce dernier se trouverait dégagée.
+</p><p>
+Le <i>Trimountain</i> a conduit à Cardiff les naufragés que le steamer
+<i>Alice</i>, de Southampton, a ramenés ou rapatriés en France. Quant au
+navire, cause de ce grand malheur, il n'avait pas, ainsi que l'indique
+le rapport du capitaine Surmont, de cloison étanche proprement dite,
+mais son charpentier avait répondu, d'en établir une suffisante pour
+permettre de gagner un port. Ces prévisions ne se sont malheureusement
+pas réalisées, car, assailli par un gros temps, le <i>Loch-Earn</i> a sombré
+en mer; son équipage et les trois naufragés qu'il avait recueillis, ont
+pu être sauvés par un bâtiment anglais se rendant d'Amérique en
+Angleterre. Ce dernier naufrage a présenté des incidents aussi
+palpitants que celui de la <i>Ville-du-Havre</i>.
+</p><p>
+Terminons en notant un sentiment superstitieux qui subsiste parmi les
+populations maritimes de certains ports. Lorsqu'un navire a été dénommé
+et baptisé, il ne doit plus changer de nom, sans cela Dieu cesse de le
+protéger. A l'appui de cette croyance, les marins vous citent une longue
+série de navires ayant changé de nom qui, partis pour la haute mer, ne
+sont jamais revenus. Aussi beaucoup d'entre eux refusent-ils de
+s'embarquer sur les navires <i>débaptisés</i>. Soyez certain que si vous
+parlez à quelque vieux loup de mer de la catastrophe de la
+<i>Ville-du-Havre</i>, il vous répondra en hochant la tète: «On lui avait
+changé son nom!»<br>
+
+<span class="rig">P. Laurencin.</span></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Inauguration de l'Asile et de l'École de filles de Dugny.</h2>
+
+<p>Le village de Dugny (Seine) était à peu près inconnu avant la guerre de
+1870. Perdu dans la plaine Saint-Denis, entre Stains et le Bourget, il
+fallait les désastres de la dernière invasion pour tirer son nom de
+l'oubli. En tant que commune ravagée, Dugny méritait, en effet, de fixer
+l'attention. Occupé par les troupes ennemies dès le 10 septembre 1870,
+il a vu partir le dernier soldat prussien le 20 septembre 1871.
+</p><p>
+Pendant cette occupation, qui a été la plus longue du département de la
+Seine, les projectiles, la rapine, la dévastation même pendant
+l'armistice, tout a contribué à la ruine du village.
+</p><p>
+Grâce à l'énergie et au courage de sa population laborieuse, les traces
+de la guerre ont à peu près disparu.
+</p><p>
+Mais, par suite de ces désastres, la commune a dû faire construire une
+salle d'asile et une école de filles.
+</p><p>
+La pose d'une plaque commémorative et, plus tard, l'inauguration de
+l'édifice, ont donné lieu à des cérémonies qui ont été entourées d'un
+certain éclat.
+</p><p>
+Ainsi, pour ne parler que de la dernière, nous citerons la présence de
+monseigneur l'archevêque de Paris, de monseigneur Langenieux, évêque de
+Tarbes, de M. l'archidiacre de Saint-Denis, de MM. le préfet de la
+Seine, le préfet de police, le sous-préfet de Saint-Denis, de M. Artoux,
+inspecteur de l'instruction primaire, et enfin de tous les maires des
+communes voisines.
+</p><p>
+Le cortège, qui s'est formé chez M. Étienne Blanc, maire de la commune,
+où tous les invités s'étaient réunis, s'est rendu à la nouvelle école.
+Une nombreuse assistance l'attendait à son arrivée.
+</p><p>
+Les élèves de l'école des filles ont chanté, en ch&oelig;ur, un hymne en
+remerciement de la visite de monseigneur l'archevêque.
+</p><p>
+M. le maire de Dugny s'est ensuite adressé à Monseigneur, pour lui
+exprimer la reconnaissance des habitants, heureux et fiers de la
+présence de toutes les autorités dans leur modeste village.
+</p><p>
+Une jeune fille de l'école a adressé ensuite à monseigneur l'archevêque
+et à M. le maire un compliment au nom de toutes ses compagnes.
+</p><p>
+Monseigneur Guibert a pris alors la parole et a témoigné dans des termes
+empreints d'un sentiment tout paternel, l'intérêt que lui inspire ce
+malheureux village, si cruellement éprouvé pendant la guerre.
+</p><p>
+Après ce discours, Monseigneur a donné la bénédiction à l'édifice ainsi
+qu'à l'assistance; puis un ch&oelig;ur, chanté par des amateurs, a terminé la
+cérémonie.
+</p><p>
+Le cortège s'est reformé et a reconduit monseigneur l'archevêque de
+Paris et sa suite chez M. le maire.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>LE NAUFRAGE DE LA "VILLE-DU-HAVRE".<br>LA DERNIÈRE MINUTE.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>La comédie de notre temps, par Bertall (1)</h2>
+
+<p class="Mid"><b>Note 1:</b> 1 vol grand in-8º illustré. E. Plon et Cie éditeurs.</p>
+
+<p>M. Bertall, dont le premier grand succès fut sa collaboration au <i>Diable
+à Paris</i>, revient aujourd'hui au genre qui lui valut sa réputation, et
+il publie sous ce titre la <i>Comédie de notre temps</i>, un livre qui sera,
+pour la société de 1870 à 1875, ce que le <i>Diable à Paris</i> fut pour le
+monde de 1840, avec cette différence qu'ici, dans ce nouvel ouvrage,
+Bertall tient à la fois la plume et le crayon. Il est l'auteur et
+l'illustrateur d'un certain nombre de chapitres tout parisiens, d'une
+curiosité et d'un intérêt absolus, sur les m&oelig;urs actuelles, et, je
+n'hésite pas à dire que ce livre, qui nous plaira si fort aujourd'hui,
+constituera pour l'avenir un véritable monument où l'on puisera des
+notes certaines et originales sur la vie morale de notre époque. Bertall
+passe en revue toutes les choses et tous les mondes: le vêtement, le
+costume, la toilette, les manières, les manies, les types, les
+caractères; il étudie les soirées et les bals, les dîners d'apparat, les
+banquets, les artistes, les coulisses (celles de la Bourse et celles du
+théâtre), les premières représentations, les soupers, les églises, la
+Chambre et la politique, le jeu et les joueurs, en un mot tout ce qui
+constitue la vie même de ce temps-ci. Quel dommage qu'un observateur
+aussi perspicace, doué d'un pareil talent, ne se soit pas trouvé à
+chaque époque pour nous léguer la <i>vérité vraie</i> et la <i>vérité vue</i> sur
+l'époque qu'il traversait! Les croquis de Debucourt et de Carle Vernet
+nous en disent long sur le Directoire, les muscadins et les
+<i>merveilleuses</i>, mais Debucourt pas plus que Vernet n'avaient, comme eût
+dit Musset, <i>un joli brin de plume</i> emmanché dans le crayon. Bertall, du
+moins, s'il enlève lestement un croquis du <i>gommeux</i>, y ajoute le texte
+et les réflexions morales: «Le <i>gommé</i> ou <i>gommeux</i> est l'antithèse du
+dégommé. Celui donc qui est bien en vue, qui brille, qui est envié pour
+sa toilette, sa position, son genre et son chic, est un <i>gommeux</i>.»
+Balzac, qui fut le parrain de Bertall, en littérature et en art, eût
+applaudi à ces chapitres alertes de la Comédie de notre temps qui
+constituent, en somme, la physiologie de la seconde partie du XIXe
+siècle: Album, recueil, livre, dit Bertall en parlant de son ouvrage,
+quelque nom que l'on veuille bien lui donner, il n'a pas d'ambitions
+bien hautes.» Il aurait tort de n'en pas avoir, car, sans prétention,
+c'est là l'&oelig;uvre d'un philosophe et d'un satirique qui a beaucoup vu,
+beaucoup étudié, très-bien observé, et qui nous donne sous une forme
+durable, agréable, charmante, le fruit à point mûri de ses observations.
+</p><p>
+La <i>Comédie de notre temps</i> fera doublement honneur à Bertall, et elle
+obtiendra un double succès: &oelig;uvre de piquante littérature, elle sera
+classée parmi les plus jolies études de m&oelig;urs; &oelig;uvre d'art, elle
+léguera à l'avenir la physionomie même de ce temps, avec tous ses tics,
+toutes ses élégances, toutes ses habitudes, toutes ses séductions et
+tous ses ridicules.<br>
+<span class="rig">Jules Claretie.</span></p>
+
+<br><br>
+<h2>Jeanne d'Arc</h2>
+
+<p>Le succès de <i>Jeanne d'Arc</i>, que notre collaborateur M. Savigny avait
+signalé dès la première représentation de ce drame lyrique, qui devient
+populaire, s'affirme de jour en jour. L'<i>Illustration</i> lui doit les
+honneurs d'une gravure et les lui fait bien volontiers, en s'associant à
+la vive sympathie du public pour le poète, M. Barbier, et pour le
+musicien, M. Gounod. Elle rend aussi le tribut d'éloges dû aux
+décorateurs et aux interprètes de cet ouvrage. Elle donne les
+principales scènes du drame et dans la décoration du fort et de la
+courtine d'Orléans, au-dessous desquels se dessine le pont de la Loire,
+et dans cette vue du parvis et de l'église de Reims, et dans cet acte où
+s'élève le bûcher qui doit dévorer l'héroïne. Au centre, le dessinateur
+a placé le portrait de Mlle Lia-Félix. Bien des rôles ont marqué la
+carrière déjà longue de l'éminente artiste. Elevée à cette grande école
+du bien dire que Mlle Rachel a formée autour d'elle et dans sa propre
+famille, au milieu de ses s&oelig;urs dont elle est aussi une des gloires,
+Mlle Lia-Félix a fait, dans une série de drames joués depuis tantôt
+quinze ans, une foule de créations qui lui ont mérité une légitime
+réputation et qui lui ont valu la première place parmi les interprètes
+du drame. Jamais le triomphe de Mlle Lia-Félix, même aux jours de la
+<i>Fille du paysan</i>, n'a été plus vif et plus grand que dans <i>Jeanne
+d'Arc</i>. Jamais elle n'a déployé des qualités dramatiques aussi
+saisissantes. Mlle Lia-Félix a résumé dans ce rôle toute la puissance de
+son talent, par l'émotion vraie, le sentiment, la noblesse et l'énergie.
+Il y a là comme le souvenir de l'illustre tragédienne, et nous avons cru
+la voir revivre surtout dans cette scène finale du drame, dans laquelle
+Mlle Rachel n'aurait pas arraché plus de larmes et appelé à elle plus
+d'applaudissements.</p>
+<br><br>
+
+<h2>BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE</h2>
+
+<p><i>Les Applications de la physique</i>, par M. Am. Guillemin.--La librairie
+Hachette, à laquelle on doit déjà les beaux volumes de science illustrés
+qu'elle a édités depuis plusieurs années avec un véritable dévouement
+scientifique: le <i>Ciel, l'Atmosphère et les grands phénomènes de la
+nature, les Voyages aériens, la Terre, le Monde souterrain, les
+Phénomènes de la physique</i>, vient de publier un nouvel ouvrage de M.
+Guillemin, qui certainement n'aura pas moins de succès que ses
+prédécesseurs.
+</p><p>
+Après avoir raconté les phénomènes de la physique, l'auteur vient
+aujourd'hui nous en exposer les applications, dans le triple domaine de
+l'art, de l'industrie et de la science elle-même. Quel sujet serait plus
+fécond que celui-ci? Le monde n'est-il pas véritablement transformé
+depuis la découverte des agents qui régissent l'univers? Neuf jours
+suffisent aujourd'hui pour traverser l'Atlantique et passer de notre
+vieux continent dans le continent découvert, il n'y a pas encore quatre
+siècles, par Colomb! Quelques jours suffisent pour traverser l'Europe
+entière et parcourir l'Asie! En quelques secondes nous envoyons une
+dépêche d'Europe en Amérique et en recevons la réponse! Merveille plus
+surprenante encore: Nous écrivons de notre, main un billet de Paris à
+Marseille, et 1e fac-similé de notre l'écriture se transporte lui-même
+et se reproduit à 864 kilomètres de distance! La lune est à 96,000
+lieues d'ici; nous la rapprochons à 48 lieues pour en étudier les
+paysages, et l'on s'occupe actuellement de réaliser en Amérique le
+projet de construire le gigantesque télescope qui doit la rapprocher à 3
+lieues.
+</p><p>
+Le soleil est éblouissant; après l'avoir pesé et mesuré, on l'éclipse à
+volonté pour analyser les gaz qui brûlent autour de lui avec des flammes
+de 30,000 lieues de hauteur.
+</p><p>
+A la surface de la terre, le microscope nous a révélé l'existence d'un
+monde invisible, incomparablement plus peuplé que tout ce que nous
+voyons de nos yeux autour de nous. Les nuages s'élèvent des mers et sont
+amenés par le veut au-dessus de nos têtes; l'aérostat glorieux les
+traverse et nous emporte, palpitants d'émotion et de bonheur, dans le
+ciel toujours pur illuminé par le soleil, au-dessus des agitations et
+des tourmentes d'ici-bas! Jamais, non jamais, les procès de sorcellerie
+du moyen âge ni les routes féeriques de l'Orient enchanté, n'ont rien
+imaginé de comparable à la situation scientifique du XIXe siècle, dont
+les savants nous gratifient, malgré toutes les sottises politiques, tous
+les errements religieux, tous les troubles internationaux qui,
+semble-t-il, devraient arrêter la marche du progrès.
+</p><p>
+En décrivant les applications de la physique, et en les expliquant par
+de nombreux dessins, M. Guilledin a mis en évidence cette situation
+scientifique, si éminemment digne de notre attention. Je répéterai ici
+les lignes que j'écrivais en souhaitant la bienvenue, il y a neuf ans,
+au <i>Ciel</i>, du même auteur: «Un vulgarisateur doit être à la fois
+littéraire, éloquent et familier pour ceux qui l'écoutent, savant et
+fidèle interprète de la science; ceux qui, comme l'auteur de ce livre,
+réunissent ces facultés ont droit à l'estime et à la reconnaissance des
+amis du progrès.»<br>
+
+<span class="rig">Camille Flammarion.</span></p><br><br>
+
+<p>Nous nous bornerons à annoncer aujourd'hui les excellents livres de la
+Bibliothèque d'éducation et de récréation de la librairie Hetzel; nous
+reviendrons à loisir dans notre prochain numéro sur l'ensemble de cette
+collection, si justement appréciée des familles.--Quatorze nouveaux
+ouvrages signés par <i>MM. Jules Verne, Viollet-le-Duc, P. J. Stahl,
+Lucien Biart, Mayne Reid</i>, et par M. le capitaine de frégate <i>Louis du
+Temple</i>, illustrés par nos meilleurs artistes, enrichissent aujourd'hui
+le trésor littéraire de l'enfance et de la jeunesse, avec les deux
+volumes de l'année 1872 du Magasin d'éducation et de récréation de M. J.
+Macé, Stahl et Jules Verne.--Nous renvoyons nos lecteurs et nos
+lectrices à l'extrait du catalogne de la Bibliothèque d'éducation et de
+récréation que nous donnons à la fin de ce numéro.
+</p><p>
+L'<i>Essai loyal en Espagne</i>, par MM. Louis Teste et Francis Magnard. (1
+vol. E. Vatou.)--Le 11 février 1873, les Cortès espagnoles ont proclamé
+la République. Cette forme de gouvernement s'imposait à la nation, après
+l'abdication et le départ du roi Amédée. Quelqu'un avait dit en parlant
+de ce règne du prince italien: «La royauté sera un expédient jusqu'à <i>la
+majorité de la République</i>.» Majeure ou non, en février 1873, la
+République était née et elle fut proclamée. D'honnêtes gens, de bons
+citoyens, se mirent à l'&oelig;uvre pour fonder le régime nouveau, et nul
+d'entre eux, je gage, ne se dissimulait les difficultés de son &oelig;uvre.
+Mais ce n'est pas au moment de la tempête qu'on discute la forme du
+bateau de sauvetage. Le brave et probe Emilio Castelar essaya de lutter,
+et, jusqu'ici, par quelque dures épreuves qu'ait passé l'Espagne, il
+faut reconnaître que M. Castelar a fait mieux que des discours. Il a
+affirmé sa foi par des actes et risqué un peu sa vie chaque jour, ce qui
+constitue déjà un certain avoir. Sans nul doute la République, <i>l'Essai
+loyal</i>, comme disent les auteurs du présent livre, a vu, en Espagne, de
+terribles, d'affreux épisodes; mais, sans compter les anecdotes qu'on
+pourrait porter au compte de la monarchie, il faut reconnaître que la
+République avait accepté et non créé la situation présente.
+</p><p>
+La République n'a pas craint de faiblir devant la tâche qu'Amédée a
+refusée. Le hideux spectacle donné par un Santa-Cruz ou par les
+<i>intransigeants</i> de Carthagène doit-il faire maudire la République, ce
+<i>génie fatal</i>, disent les auteurs, et donner raison au mot d'O'Donnell:
+«L'Espagne est un bagne en liberté?» Nous estimons que non. J'ajoute que
+O'Donnell est sujet à caution.
+</p><p>
+Toujours est-il que MM. Teste et Francis Magnard ont voulu
+spirituellement railler l'<i>Essai loyal</i> en Espagne, et il faut bien
+reconnaître qu'ils y ont réussi. En dehors de toute affaire de parti, la
+situation de l'Espagne, on doit l'avouer, est tout à la fois tragique et
+comédie. Le drame tourne souvent à l'opérette et l'opérette à la
+boucherie, sur cette terre détrempée de sang. Pauvre pays, jadis si
+grand et je dirai toujours si grand, car si les mains armées y sont
+promptes, les c&oelig;urs y sont toujours fiers et les fronts y demeurent
+hauts.
+</p><p>
+M. Teste, qui avait déjà publié un livre remarquable sur l'Espagne
+contemporaine, et M. Bagnard, qui s'était si bien imprégné, dans un
+voyage, de la couleur du pays, ont présenté un tableau de l'Espagne
+républicaine qui n'est pas sans rapport avec la <i>Grèce contemporaine</i> de
+M. About. C'est un pamphlet spirituel, mordant, railleur, où l'<i>oreiller
+de don Nicolas Salmeron</i> est mis en scène comme les massacres d'Alcoy,
+et,--en faisant la part des tendances du livre,--on ne saurait mieux
+peindre et mieux conter. M. Bagnard, dont la plume vive et mordante
+aborde avec talent le roman, a donné là à l'histoire le ton de la
+chronique armée en guerre. On se plaît au style alors même qu'on se
+cabre devant l'opinion politique. Livre à lire, donc, et à garder, car
+il est plein d'idées qui appellent la discussion, et de faits, hélas!
+qui amènent la réflexion. Que la France jamais ne devienne l'Espagne!
+</p><p>
+Le <i>Repos hebdomadaire</i>, par M. Julien Hayem. (I vol. in-18, Didier et
+Cie.)--Voici, je pense, le premier ouvrage d'un écrivain qui n'est pas
+seulement un homme de lettres, mais tut homme d'action, en ce sens que,
+non content d'être licencié en droit et licencié ès-lettres, il s'est
+fait encore manufacturier, pour suivre le courant du siècle et obéir au
+mot d'ordre américain, <i>Go ahead!</i> M. Julien Hayem a mis pour épigraphe
+à son livre sur le <i>Repos hebdomadaire</i> une citation de l'<i>Émile</i>; «Le
+grand secret de l'éducation, dit J. J. Rousseau, est de faire que les
+exercices du corps et ceux de l'esprit servent toujours de délassement
+les uns aux autres.» L'épigraphe donne, en effet, résume l'esprit du
+livre. Il faut du repos à l'homme qui travaille, il faut détendre la
+corde de l'arc si l'on ne veut point qu'il se brise. Le repos dominical
+n'est pas seulement une habitude, c'est un besoin. M. J. Haye l'a
+parfaitement fait sentir en parlant du respect merveilleux qui s'attache
+à ce repos hebdomadaire et concluant que le passé de cette institution
+répond de son avenir. M. Haye a d'ailleurs le bon sens de ne point
+demander que cette fête magistrale du dimanche soit rendue obligatoire.
+Les m&oelig;urs se chargent toutes seules de faire ce que ne feraient
+peut-être pas les décrets. «Qu'on se garde donc, dans l'intérêt du repos
+hebdomadaire, de substituer,--dit l'auteur de ce livre,--à des
+fondements taillés dans le roc de l'histoire et appuyés sur les besoins
+les plus légitimes du corps et de l'esprit humain, la base fragile et
+périssable de l'obligation et de la contrainte légales.»
+</p><p>
+On voit quel est l'esprit de cette utile monographie. M. Haye, après
+avoir recherché les origines historiques du repos hebdomadaire,--qui
+remontent au sabbat des Hébreux,--résume l'histoire de la législation de
+ce bienheureux septième jour, depuis le IV siècle jusqu'à la Révolution;
+il examine ensuite l'utilité du repos dominical pour les ouvriers, les
+enfants, les adultes; il se demande enfin par quelles institutions on
+pourrait propager l'habitude du repos hebdomadaire et en utiliser
+l'emploi. Et toujours, dans ces divers chapitres, l'auteur voit et dit
+juste et apporte de vives lumières sur la question en litige. M. Julien
+Haye a obtenu, avec ce livre, le prix qu'avait mis au concours, en
+1871, l'Académie des sciences morales et politiques. C'est le plus bel
+éloge qu'on puisse faire de ce travail solide, très-curieux sur un sujet
+spécial, et écrit avec talent, sans phrase et sans recherche, par un
+esprit très-pratique et très-libre.
+</p><p>
+<i>Études sur la littérature contemporaine</i> (quatre séries), par M. Edmond
+Schérer. (4 vol. chez Michel Lévy.)--M. Edmond Schérer s'est fait à la
+fois, dans la politique et dans les lettres, une place privilégiée, hors
+de discussion et, si je puis dire, en pleine estime. C'est un esprit
+net, solide, un peu froid, mais érudit, plein de pensées et ne
+sacrifiant rien au faux goût en littérature, à la popularité facile, en
+politique. Critique littéraire au journal <i>le Temps</i>, il a depuis dix
+ans acquis une autorité incontestée dans ce domaine des études
+bibliographiques que les rudes événements de ces années dernières ont
+fait un peu trop délaisser. M. Schérer a toujours réuni (et il a eu
+raison) ses articles de journaux et volumes. On eût regretté de ne point
+retrouver, sous une forme plus durable, ces études savantes ou
+savoureuses dont on avait fait sa lecture d'un soir. On peut dire de M.
+Schérer ce qu'il a écrit de Prévost-Paradol: Il improvise des pages
+durables.<br>
+<span class="rig">Jules Claretie.</span></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009.png"><br><b>THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ.--Mlle Lia-Félix dans <i>Jeanne
+d'Arc</i>.</b></p>
+<br><br>
+
+<h2>L'HISTOIRE DE FRANCE</h2>
+<h3>Racontée à mes petits enfants</h3>
+<h4>PAR M. GUIZOT</h4>
+
+<p>L'Histoire de France de M. Guizot en est à son troisième volume. Ce
+volume ne le cède en rien aux deux qui l'ont précédé. On y retrouve la
+même clarté et la même élégance dans l'exposition des faits. C'est la
+même intelligence nette et vive qui en éclaire les points obscurs, le
+même esprit ferme qui en dégage la moralité. Il commence avec François
+Ier pour finir avec Henri IV. Cette période est l'une des plus
+intéressantes et des plus dramatiques de notre histoire nationale.
+D'abord c'est du commencement du XVIe siècle que date la Renaissance.
+Non que le moyen Age ait été une époque de stérilité et de décadence. Il
+a son encyclopédiste, le moine Vincent de Beauvais; ses philosophes,
+Gerbert, Abélard, Bernard, Robert de Sorbon; il a ses prosateurs,
+Villehardouin, Joinville, Froissart, Commynes. Mais au moment où nous
+sommes parvenus, une grande révolution a lieu dans la marche de notre
+génie national. Il quitte sa voie propre, originale, pour
+
+<span class="lef"><img alt="" src="images/010a.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Abjuration de Henri IV.</b></span>
+
+s'engager dans celle de l'imitation, où vont le pousser peuples et
+princes, également affolés des &oelig;uvres et des gloires des sociétés de la
+Grèce et de Rome, remises en honneur. C'est encore à cette époque que
+remonte la révolution religieuse opérée par Luther en Allemagne, Zwingle
+en Suisse et Calvin à Genève et en France, révolution qui alluma tant de
+guerres dans ce dernier pays, et, au nom de Dieu, y fit commettre tant
+de crimes. Deux figures se détachent au point culminant de cette lugubre
+époque, les héros de la Saint-Barthélemy, Charles IX et Catherine de
+Médicis. Que de nobles victimes tombées à côté de l'amiral de Coligny,
+dans cette nuit sanglante! On sait que ce n'est qu'en abjurant le
+protestantisme que le prince de Condé et celui qui devait être Henri IV
+purent sauver leur vie. Mais le Béarnais n'était pas homme à se laisser
+lier par cet acte obtenu par la violence. Sous une apparente bonhomie,
+c'était un esprit fin, rusé, souple au besoin, peu scrupuleux sur
+l'emploi des moyens, et allant avec une invincible ténacité à son but,
+qui était la conquête du royaume et de la royauté. Et lorsque parvenu au
+pied du trône, il mil à interroger sa conscience pour savoir si elle lui
+
+<span class="lef"><img alt="" src="images/010b.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Vincent de Beauvais.</b></span>
+<span class="rig"><img alt="" src="images/010c.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Abélard.</b></span>
+
+permettait d'en escalader les marches, il trouva tout naturellement que
+«Paris valait bien une messe». Un de nos dessins se rapporte à cette
+seconde abjuration du roi Henri, qui eut lieu le dimanche 25 juillet
+1593. Le roi est représenté se rendant en grande pompe à l'église
+Saint-Denis. Arrivé avec toute sa suite devant le grand portail, il y
+fut reçu par l'archevêque de Bourges, Regnault de Beaune, et tous les
+religieux de l'abbaye.--Qui êtes-vous? lui demanda l'archevêque, qui
+officiait.--Je suis le roi.--Que demandez-vous?--Je demande à être reçu
+dans le giron de l'église catholique, apostolique et romaine.--Le
+désirez-vous?--Oui, je le veux et le désire. A cette parole, le roi se
+mit à genoux et fit la profession de foi convenue. Tout était fini et
+Henri IV, suivant son expression, «avait fait le saut périlleux». Par
+cet acte et la trahison de Brissac, le nouveau roi, mis en possession du
+trône, eut vite réduit sous son obéissance la Bourgogne, la Picardie et
+la Bretagne, qui seules refusaient de se soumettre. Libre désormais de
+soucis de ce côté, il travailla alors énergiquement à la restauration de
+l'autorité royale, et par diverses mesures: la destruction des
+franchises municipales, les rigueurs de la censure royale,
+l'asservissement du parlement
+
+<span class="rig"><img alt="" src="images/010d.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Charles IX et Catherine de Médicis.</b></span>
+
+et la réforme universitaire, il prépara et rendit possible la monarchie
+despotique de Richelieu et de Louis XIV. Seize ans plus tard, passant
+dans la rue de la Ferronnerie en son carrosse où il se trouvait avec MM.
+de Montbazon et d'Epernon, il tombait frappé de deux coups de couteau
+par Ravaillac. Malherbe, alors attaché au service d'Henri IV, a raconté
+dans une lettre cet abominable assassinat. «Tout aussitôt, écrit-il, le
+carrosse tourna vers le Louvre. Le roi fut porté en haut par M. de
+Montbazon, le comte de Curzon en Quercy et mis sur le lit de son
+cabinet, et sur les deux heures porté sur le lit de sa chambre, où il
+fut tout le lendemain et le dimanche. Un chacun allait lui donner de
+l'eau bénite. Je ne vous dis rien des pleurs de la reine; cela se doit
+imaginer. Pour le peuple de Paris, je crois qu'il ne pleura jamais tant
+qu'à cette occasion.» Tels sont les événements retracés dans le
+troisième volume de l'<i>Histoire de France</i> de M. Guizot. Nous avons dit
+combien attachante en est la lecture; nous n'y reviendrons pas. Ajoutons
+que ce volume qui, on le sait, sort de la librairie Hachette, est
+magnifiquement illustré de soixante-quatorze gravures dessinées sur bois
+par M. de Neuville.</p>
+
+<p class="mid"><span class="sml">Gravures extraites de
+l'<i>Histoire de France racontée à mes petits-enfants</i>, par M. Guizot.
+(Hachette et Cie, éditeurs.)</span></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>UN VOYAGE EN ESPAGNE<br>
+PENDANT L INSURRECTION CARLISTE</h2>
+
+<h3>VI</h3>
+
+<p>Nomination des quatre généraux pour commander l'armée carliste: Ellio,
+Dorregaray, Lissarraga et de Valdespina.--Entrée de don Carlos en
+Espagne.--Appel aux armes.--Le château de la duchesse de M***.--Le
+journalisme espagnol.--Succès remportés par les carlistes.--Situation
+actuelle.--Comment pourra se terminer ta guerre civile; solution
+probable.
+</p><p>
+C'est vers le courant du mois de juin, alors que les bandes nombreuses
+disséminées en Biscaye, dans le Guipuzcoa et la Navarre, avaient étendu
+partout leurs opérations, que la junte de guerre, qui venait de réaliser
+un nouvel emprunt en Angleterre, jugea à propos de les former en trois
+corps d'armée placés sous les commandements de Dorregaray, Lissarraga et
+de Valdespina. Je dois constater que ce fut la première organisation
+sérieuse qui ait été faite de l'insurrection carliste. Le général Ellio
+fut placé, en qualité de major-général, à la tête de ces trois corps
+d'armée.
+</p><p>
+Un mot sur ces quatre chefs.
+</p><p>
+Ellio est un vieux général bien connu, qui a fait ses preuves pendant la
+guerre de Sept ans. Ami et compagnon de Cabrera et de Zumalacarregui, il
+a été un des plus braves adversaires du général Espartero, commandant en
+chef des troupes de la reine Christine, et l'a battu dans plusieurs
+rencontres, notamment à la bataille livrée aux environs de Vitoria.
+Pendant sept ans, à la tête des bandes navarraises, il a parcouru toutes
+les provinces du Nord, franchi l'Ebre et fait trembler la régente jusque
+sur son trône. Il connaît donc tout le pays envahi encore aujourd'hui
+par les carlistes, et nul ne peut mieux que lui savoir tirer un bon
+parti de sa topographie. Aussi, les mouvements stratégiques que les
+troupes carlistes effectuent en ce moment s'exécutent-ils d'après le
+plan qu'il a tracé lui-même. Ellio est donc, à l'heure qu'il est, l'âme
+et l'inspirateur de l'insurrection carliste.
+</p><p>
+Dorregaray, que don Carlos a investi du commandement de la Navarre, est
+un officier très-distingué, d'origine basque, et connaissant, lui aussi,
+parfaitement la carte du pays, théâtre actuel de la guerre civile. Il
+l'a prouvé, au reste, d'une manière incontestable, à la bataille
+d'Eraül, où en faisant mouvoir savamment ses troupes à travers les
+montagnes, il parvint à couper la brigade de Novarro de celle de
+Cabrinetti; ce qui décida de la bataille qu'il gagna. On sait que la
+bataille d'Eraül passe, à juste titre, pour un des plus beaux faits
+d'armes de l'insurrection actuelle.
+</p><p>
+Lissarraga est un ancien lieutenant-colonel de l'armée régulière, sous
+le règne d'Isabelle II. Après la révolution de septembre 1868, qui
+détrôna cette reine, il embrassa le parti de don Carlos. Nommé au
+commandement de la Biscaye, il a su concentrer habilement les bandes
+qui, disséminées sur divers points, opéraient sans ordre et sans but
+déterminé d'avance. Il en forma un corps d'armée qui a fait, pendant
+plus d'un mois, le blocus de Bilbao, un instant sur le point de tomber
+au pouvoir des carlistes.
+</p><p>
+Quant au marquis de Valdespina, un des plus riches propriétaires du
+Guipuzcoa et dont le château, situé aux environs de Loyola, passe à bon
+droit pour une merveille d'architecture; il est très-aimé dans la
+contrée. Distingué par la noblesse de son caractère, la sincérité de ses
+convictions royalistes, sa bravoure et sa loyauté, de Valdespina jouit
+de l'estime de tous les habitants des quatre provinces, même de celle de
+ses adversaires politiques. La meilleure preuve qu'on puisse en donner,
+c'est le respect qu'ont eu les libéraux et les troupes régulières pour
+son château qui, quoique placé au centre de l'insurrection, et par
+conséquent du mouvement des brigades républicaines, n'a éprouvé, de leur
+part, aucun dégât. J'ajouterai, en outre, qu'il est un des chefs les
+plus actifs et celui qui exerce le plus d'influence sur l'esprit des
+populations des provinces insurgées.
+</p><p>
+Ces quatre chefs, qui connaissent la contrée et ses montagnes dans tous
+leurs recoins, ont une grande supériorité de stratégie sur les généraux
+du gouvernement, dont la plupart n'ont pas la moindre notion
+géographique du terrain sur lequel ils font mouvoir leurs troupes. Ce
+qui explique combien il sera difficile à la république de Castelar, en
+supposant même qu'elle puisse disposer de forces suffisantes, d'étouffer
+l'insurrection. J'estime donc que, dans le cas où elle ne triompherait
+pas, l'insurrection peut durer encore bien des années.
+</p><p>
+Un mois après les opérations vigoureuses entreprises par ces quatre
+commandants, la situation du parti carliste parut être si florissante
+que les chefs de l'insurrection crurent pouvoir engager don Carlos, qui
+habitait toujours le château de Peyrolhade, de venir se mettre à la tète
+des «troupes libératrices de l'Espagne». En conséquence, le 18 du mois
+de juillet dernier, le prétendant, escorté d'un brillant état-major,
+partit du camp de <i>Pena-Plata</i>, franchit la frontière et se rendit à
+Vera, où il fut reçu avec le plus grand enthousiasme de la part des
+populations et de ses troupes accourues sur son passage. Les cloches des
+églises sonnèrent à toute volée et les curés des paroisses que
+traversait le cortège vinrent processionnellement lui présenter leurs
+hommages. Jamais aucun souverain de l'Espagne n'avait été accueilli avec
+autant de démonstrations sympathiques.
+</p><p>
+Cette entrée triomphale et inattendue de don Carlos sur le territoire
+espagnol surprit le gouvernement de Madrid, qui ne s'attendait pas à le
+voir de sitôt se mettre à la tête des troupes insurrectionnelles. On
+avait répandu tant de faux bruits sur le compte du prétendant, que les
+uns faisaient voyager à l'étranger et dont les autres avaient annoncé
+tant de fois la mort, qu'il était bien permis à Figueras, chef du
+pouvoir exécutif, d'avoir été pris au dépourvu par cette audacieuse
+entreprise. Mais ce qui déconcerta le plus les membres du gouvernement
+républicain, c'est que don Carlos faisait coïncider précisément son
+entrée sur le territoire espagnol avec les insurrections
+internationalistes, fédérales, cantonales et autres qui agitaient
+Barcelone, Cadix, Carthagène, Grenade, Séville, et les principales
+villes du Midi et du Centre de la Péninsule.
+</p><p>
+J'étais à Pampelune lorsque la nouvelle de l'entrée du roi en Espagne se
+répandit dans le public. Dans cette ville, entièrement carliste, elle
+fut accueillie avec des transports d'allégresse par tous les habitants
+qui manifestaient ouvertement la joie et la satisfaction qu'elle leur
+faisait éprouver. On l'avait affichée sur tous les murs de la ville
+d'une manière tellement ostensible, qu'on n'aurait jamais cru se trouver
+dans une cité soumise au régime républicain. Pour ma part, j'en fus
+étrangement surpris, quoique habitué, depuis longtemps, aux bizarreries
+et aux contradictions du caractère espagnol en matière politique. Il est
+à remarquer que Pampelune, capitale de la Navarre, est une place forte
+de première classe, possédant une population d'environ seize mille
+habitants et une garnison ordinairement assez nombreuse. Celle-ci, dont
+l'effectif s'élevait à cinq ou six mille hommes de toutes armes, parut
+rester complètement indifférente à toutes ces manifestations politiques.
+</p><p>
+Tandis que don Carlos s'avançait ainsi dans l'intérieur de la Navarre, à
+la tête de son état-major, et qu'il allait établir son quartier général
+à San-Estaban, ses émissaires faisaient publier par les <i>alcaldes</i>
+(maires) et placarder dans les villages et les localités importantes
+l'ordonnance suivante, qui n'est autre qu'un appel aux armes, dont je
+reproduis la traduction comme étant à la fois un document et une
+curiosité historiques.
+</p><p>
+«Ordonnance de Sa Majesté le roi Carlos <i>settimo</i>, que Dieu garde!
+</p><p>
+«Mes fidèles et aimés sujets des provinces de la Navarre, du Guipuzcoa,
+de la Biscaye et de l'Alava, je vous ordonne par la présente patente de
+prendre les armes et de marcher à la défense de mes droits sacrés, qui
+sont aussi les vôtres, afin de reconquérir <i>vos fueros</i>, vos privilèges
+et toutes vos immunités que vous ont octroyés mes ancêtres et que les
+gouvernements usurpateurs vous ont ravis.
+</p><p>
+«Sur le vu de la présente, scellée de mon sceau royal, tout Basque âgé
+de vingt à quarante ans s'enrôlera sous ma noble bannière. Il obéira aux
+ordres des braves et vaillants <i>cabecillos</i> que j'ai investis de mon
+autorité. Des armes et des munitions seront fournies à tous. Avec l'aide
+de Dieu et le secours de mon épée, nous triompherons des usurpateurs et
+nous rétablirons le trône de mon auguste aïeul Philippe V. Que mes
+fidèles sujets des quatre provinces restées attachées à ma cause se le
+tiennent pour dit!--MOI, <i>le roi Carlos settimo</i>.»
+</p><p>
+Un exemplaire de cette ordonnance me fut donné, le lendemain même de sa
+publication, dans un des principaux cercles de Pampelune, où elle
+circulait de main en main. On se la communiquait sur la place de la
+Constitution, dans les promenades, et jusque sur les marchés publics,
+comme s'il se fût agi d'un acte officiel du gouvernement établi; avec
+plus d'empressement encore, car les actes officiels de ce dernier
+étaient loin de recevoir de la part des Pampelunais un accueil aussi
+empressé.
+</p><p>
+J'avais fait connaissance, pendant le peu de temps que je séjournai dans
+la capitale de la Navarre, de deux jeunes gens fort distingués qui
+avaient fait leurs études à Paris, fils d'un magistrat du tribunal
+supérieur de la ville. Quel ne fut pas mon étonnement, lorsque, le
+lendemain de la publication de la susdite ordonnance, les deux frères
+vinrent me trouver à l'hôtel pour me faire leurs adieux.
+</p><p>
+--Où allez-vous donc? leur dis-je, étonné de leur départ précipité, dont
+ils ne m'avaient rien dit la veille.
+</p><p>
+--Nous allons rejoindre l'armée du roi, me dit l'aîné, à peine âgé de
+vingt et un ans; voyez l'ordre qui nous enjoint de partir, ajouta-t-il
+en me montrant la fameuse ordonnance dont j'avais un exemplaire entre
+les mains.
+</p><p>
+--Comment, lui dis-je, vous allez quitter votre famille, vous séparer de
+votre digne père qui vous adore, pour aller affronter à travers les
+montagnes les hasards de la guerre de partisans? Ce n'est pas possible.
+Le premier de vos devoirs, ce me semble, est de rester auprès de vos
+parents; c'est, au surplus, le conseil que je vous donne en véritable
+ami.
+</p><p>
+--Le roi a parlé, me répondit-il gravement, nous n'avons plus à hésiter.
+Notre valise est prête, et dans une heure nous serons sur la route qui
+conduit au quartier général de Sa Majesté, Adieu et au revoir!
+</p><p>
+Et les deux frères me quittèrent pleins de cette foi ou de ce fanatisme
+politiques qui animaient les peuples du temps des croisades, et dont les
+Basques et les Navarrais semblent avoir conservé, seuls, la tradition.
+Quinze jours après leur départ, le plus jeune tomba mortellement blessé
+à l'attaque de Tolosa, et l'aîné a été tué, il y a quelques jours, au
+siège d'Estella, soutenu contre les troupes de Moriones, qui furent
+forcées d'abandonner leurs positions.<br>
+
+<span class="rig">H. Castillon (d'Aspet).</span></p>
+
+<p>(La suite prochainement.)</p>
+
+<br><br>
+
+<h2>LA COMÉDIE DE NOTRE TEMPS, PAR BERTALL</h2>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011-small.png"><br><a href="images/011-large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012-small.png"><br><a href="images/012-large.png">(Agrandissement)</a></p>
+<br><br>
+
+
+<h2>LE DROMADAIRE</h2>
+
+
+
+<p>On connaît deux espèces de chameaux, l'une africaine, le dromadaire,
+l'autre asiatique, le chameau à deux bosses ou de la Bactriane. C'est
+seulement de la première espèce que nous voulons dire quelques mots.
+</p><p>
+Le dromadaire est l'animal le plus utile qu'il y ait en Afrique. C'est
+un ruminant de grande taille, dont les variétés sont nombreuses. En
+effet, entre un <i>bischarin</i>, c'est-à-dire un chameau élevé par les
+nomades Bischarins, et le chameau de somme d'Égypte, il y a autant de
+différence qu'entre un cheval arabe et un cheval de trait. Tous, ou peu
+s'en faut, ils n'en sont pas moins également laids. Leurs poils sont
+laineux et inégaux ils ont des callosités à la poitrine, aux coudes, aux
+genoux et aux chevilles; leur tête surfont est affreuse.
+</p><p>
+Le chameau est un véritable animal du désert, que peuvent, grâce à lui
+seulement, traverser les caravanes qui vont commercer au sud, à l'est et
+à l'ouest. Il ne se trouve que dans les endroits les plus secs et les
+plus chauds.
+</p><p>
+Dans les lieux cultivés il perd sa véritable essence. Il est très-sobre,
+a une nourriture exclusivement végétale et n'est nullement difficile
+pour ses aliments. On sait qu'il peut rester longtemps sans boire, mais
+non quinze à vingt jours, comme d'aucuns le prétendent. Au bout de six à
+huit jours, il est urgent de lui présenter de l'eau. A voir un chameau
+au repos, on ne croirait pas qu'il puisse; rivaliser de vitesse avec le
+cheval. Et cependant rien n'est plus vrai. Les chameaux des steppes et
+du désert sont les plus rapides à la course; ils parcourent d'une traite
+un espace considérable aussi facilement que nul autre animal domestique.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013a.png"><br><b>Le dromadaire.--Caravane dans le désert. Gravure extraite
+de la <i>Vie des Animaux illustrés</i>. (J.-B. Baillière, éditeur)</b></p>
+
+<p>S'il a quelques qualités, en revanche le chameau compte de nombreux
+défauts, parmi lesquels la paresse, la stupidité, une mauvaise humeur
+continuelle, l'entêtement et l'obstination, la haine ou l'indifférence
+vis-à-vis de son gardien. Ajoutons qu'il répand une odeur infecte, et
+que son cri est épouvantable.
+</p><p>
+Le prix d'un chameau varie suivant les localités. Un excellent bischarin
+vaut de 300 à 450 francs de notre monnaie. Un chameau de somme ordinaire
+se paye rarement plus de 110 francs. D'après nos idées, ces prix
+seraient très-bas; mais dans le Soudan, où l'argent a une très-grande
+valeur, ce sont de fortes sommes. Pour 90 francs, on peut acheter un
+jeune chameau, ou un chameau de qualité inférieure. Presque partout, le
+prix d'un chameau est le même que celui d'un âne; dans le Soudan, un bon
+âne vaut plus que le meilleur des chameaux.
+</p><p>
+Les détails qui précèdent, ainsi que le dessin que nous donnons, sont
+extraits du très-intéressant et très-curieux ouvrage que publie la
+librairie J.-B. Baillière: <i>La vie des Animaux illustrés</i> ou description
+populaire du règne animal, composé de plusieurs séries et de plusieurs
+volumes grand in-8º colombier, illustrés de 800 figures dans le texte et
+de 40 planches tirées hors texte sur papier teinté.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013.png"><br><b>L'asile de l'École de filles de Dugny.-(Voy. page 386.)</b></p>
+
+<br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014.png"><br></p>
+
+<p class="mid">EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</p>
+<p class="mid">Ne crois point aveuglément les articles des journaux.</p>
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1607, 13 décembre
+1873, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1607, 13 DÉCEMBRE 1873 ***
+
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
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