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+The Project Gutenberg eBook, Recherches sur les substances radioactives,
+by Marie Curie
+
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+
+
+Title: Recherches sur les substances radioactives
+
+
+Author: Marie Curie
+
+
+
+Release Date: July 16, 2013 [eBook #43233]
+
+Language: French
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+Character set encoding: UTF-8
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+
+***START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES
+RADIOACTIVES***
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+E-text prepared by Claudine Corbasson and the Online Distributed
+Proofreading Team (http://www.pgdp.net) from page images generously made
+available by Internet Archive (http://archive.org)
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+Note: Project Gutenberg also has an HTML version of this
+ file which includes the original illustrations.
+ See 43233-h.htm or 43233-h.zip:
+ (http://www.gutenberg.org/files/43233/43233-h/43233-h.htm)
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+ Au lecteur
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+ Les mots en gras dans l'original sont entourés par des =.
+
+
+
+
+
+RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
+
+THÈSE PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS
+POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES PHYSIQUES;
+
+PAR
+
+Mme SKLODOWSKA CURIE.
+
+DEUXIÈME ÉDITION, REVUE ET CORRIGÉE.
+
+
+
+
+
+
+
+[Illustration]
+
+PARIS,
+GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE
+DU BUREAU DES LONGITUDES, DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE,
+Quai des Grands-Augustins, 55.
+1904
+
+PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,
+35119 Quai des Grands-Augustins, 55.
+
+
+
+
+RECHERCHES
+SUR LES
+SUBSTANCES RADIOACTIVES.
+
+
+
+
+INTRODUCTION.
+
+
+Le présent travail a pour but d'exposer les recherches que je poursuis
+depuis plus de 4 ans sur les substances radioactives. J'ai commencé ces
+recherches par une étude du rayonnement uranique qui a été découvert par
+M. Becquerel. Les résultats auxquels ce travail me conduisit parurent
+ouvrir une voie si intéressante, qu'abandonnant ses travaux en train,
+M. Curie se joignit à moi, et nous réunîmes nos efforts en vue d'aboutir
+à l'extraction des substances radioactives nouvelles et de poursuivre
+leur étude.
+
+Dès le début de nos recherches nous avons cru devoir prêter des
+échantillons des substances découvertes et préparées par nous à quelques
+physiciens, en premier lieu à M. Becquerel, à qui est due la découverte
+des rayons uraniques. Nous avons ainsi nous-mêmes facilité les
+recherches faites par d'autres que nous sur les substances radioactives
+nouvelles. A la suite de nos premières publications, M. Giesel en
+Allemagne se mit d'ailleurs aussi à préparer de ces substances et en
+prêta des échantillons à plusieurs savants allemands. Ensuite ces
+substances furent mises en vente en France et en Allemagne, et le sujet
+prenant de plus en plus d'importance donna lieu à un mouvement
+scientifique, de sorte que de nombreux Mémoires ont paru et paraissent
+constamment sur les corps radioactifs, principalement à l'étranger. Les
+résultats des divers travaux français et étrangers sont nécessairement
+enchevêtrés, comme pour tout sujet d'études nouveau et en voie de
+formation. L'aspect de la question se modifie, pour ainsi dire, de jour
+en jour.
+
+Cependant, au point de vue chimique, un point est définitivement établi;
+_c'est l'existence d'un élément nouveau fortement radioactif: le
+radium_. La préparation du chlorure de radium pur et la détermination du
+poids atomique du radium constituent la partie la plus importante de mon
+travail personnel. En même temps que ce travail ajoute aux corps simples
+actuellement connus avec certitude un nouveau corps simple de propriétés
+très curieuses, une nouvelle méthode de recherches chimiques se trouve
+établie et justifiée. Cette méthode, basée sur la radioactivité,
+considérée comme une propriété atomique de la matière, est précisément
+celle qui nous a permis, à M. Curie et moi, de découvrir l'existence du
+radium.
+
+Si, au point de vue chimique, la question que nous nous sommes
+primitivement posée peut être considérée comme résolue, l'étude des
+propriétés physiques des substances radioactives est en pleine
+évolution. Certains points importants ont été établis, mais un grand
+nombre de conclusions portent encore le caractère du provisoire. Cela
+n'a rien d'étonnant, si l'on considère la complexité des phénomènes
+auxquels donne lieu la radioactivité et les différences qui existent
+entre les diverses substances radioactives. Les recherches des divers
+physiciens qui étudient ces substances viennent constamment se
+rencontrer et se croiser. Tout en cherchant à me conformer au but précis
+de ce travail et à exposer surtout mes propres recherches, j'ai été
+obligée d'exposer en même temps les résultats d'autres travaux dont la
+connaissance est indispensable.
+
+J'ai d'ailleurs désiré faire de ce travail un Mémoire d'ensemble sur
+l'état actuel de la question.
+
+J'ai exécuté ce Travail dans les laboratoires de l'École de Physique et
+de Chimie industrielles de la Ville de Paris avec l'autorisation de
+Schützenberger, le regretté Directeur de cette École, et de M. Lauth, le
+Directeur actuel. Je tiens à exprimer ici toute ma reconnaissance pour
+l'hospitalité bienveillante que j'ai reçue dans cette École.
+
+
+HISTORIQUE.
+
+La découverte des phénomènes de la radioactivité se rattache aux
+recherches poursuivies depuis la découverte des rayons Röntgen sur les
+effets photographiques des substances phosphorescentes et fluorescentes.
+
+Les premiers tubes producteurs de rayons Röntgen étaient ces tubes sans
+anticathode métallique. La source de rayons Röntgen se trouvait sur la
+paroi de verre frappée par les rayons cathodiques; en même temps cette
+paroi était vivement fluorescente. On pouvait alors se demander si
+l'émission de rayons Röntgen n'accompagnait pas nécessairement la
+production de la fluorescence, quelle que fût la cause de cette
+dernière. Cette idée a été énoncée tout d'abord par M. Henri
+Poincaré[1].
+
+ [1] _Revue générale des Sciences_, 30 janvier 1896.
+
+Peu de temps après, M. Henry annonça qu'il avait obtenu des impressions
+photographiques au travers du papier noir à l'aide du sulfure de zinc
+phosphorescent[2]. M. Niewenglowski obtint le même phénomène avec du
+sulfure de calcium exposé à la lumière[3]. Enfin, M. Troost obtint de
+fortes impressions photographiques avec de la blende hexagonale
+artificielle phosphorescente agissant au travers du papier noir et un
+gros carton[4].
+
+ [2] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 312.
+
+ [3] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 386.
+
+ [4] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 564.
+
+Les expériences qui viennent d'être citées n'ont pu être reproduites
+malgré les nombreux essais faits dans ce but. On ne peut donc nullement
+considérer comme prouvé que le sulfure de zinc et le sulfure de calcium
+soient capables d'émettre, sous l'action de la lumière, des radiations
+invisibles qui traversent le papier noir et agissent sur les plaques
+photographiques.
+
+M. Becquerel a fait des expériences analogues sur les sels d'uranium
+dont quelques-uns sont fluorescents[5]. Il obtint des impressions
+photographiques au travers du papier noir avec le sulfate double
+d'uranyle et de potassium.
+
+ [5] BECQUEREL, _Comptes rendus_, 1896 (plusieurs Notes).
+
+M. Becquerel crut d'abord que ce sel, qui est fluorescent, se comportait
+comme le sulfure de zinc et le sulfure de calcium dans les expériences
+de MM. Henry, Niewenglowski et Troost. Mais la suite de ses expériences
+montra que le phénomène observé n'était nullement relié à la
+fluorescence. Il n'est pas nécessaire que le sel soit éclairé; de plus,
+l'uranium et tous ses composés, fluorescents ou non, agissent de même,
+et l'uranium métallique est le plus actif. M. Becquerel trouva ensuite
+qu'en plaçant les composés d'urane dans l'obscurité complète, ils
+continuent à impressionner les plaques photographiques au travers du
+papier noir pendant des années. M. Becquerel admit que l'uranium et ses
+composés émettent des rayons particuliers: _rayons uraniques_. Il prouva
+que ces rayons peuvent traverser des écrans métalliques minces et qu'ils
+déchargent les corps électrisés. Il fit aussi des expériences d'après
+lesquelles il conclut que les rayons uraniques éprouvent la réflexion,
+la réfraction et la polarisation.
+
+Les travaux d'autres physiciens (Elster et Geitel, lord Kelwin, Schmidt,
+Rutherford, Beattie et Smoluchowski) sont venus confirmer et étendre les
+résultats des recherches de M. Becquerel, sauf en ce qui concerne la
+réflexion, la réfraction et la polarisation des rayons uraniques,
+lesquels, à ce point de vue, se comportent comme les rayons Röntgen,
+comme cela a été reconnu par M. Rutherford d'abord et ensuite par M.
+Becquerel lui-même.
+
+
+
+
+CHAPITRE I.
+
+RADIOACTIVITÉ DE L'URANIUM ET DU THORIUM.
+MINÉRAUX RADIOACTIFS.
+
+
+_Rayons de Becquerel._--Les _rayons uraniques_, découverts par M.
+Becquerel, impressionnent les plaques photographiques à l'abri de la
+lumière; ils peuvent traverser toutes les substances solides, liquides
+et gazeuses, à condition que l'épaisseur en soit suffisamment faible; en
+traversant les gaz, ils les rendent faiblement conducteurs de
+l'électricité[6].
+
+ [6] BECQUEREL, _Comptes rendus_, 1896 (plusieurs Notes).
+
+Ces propriétés des composés d'urane ne sont dues à aucune cause
+excitatrice connue. Le rayonnement semble spontané; il ne diminue point
+d'intensité quand on conserve les composés d'urane dans l'obscurité
+complète pendant des années; il ne s'agit donc pas là d'une
+phosphorescence particulière produite par la lumière.
+
+La spontanéité et la constance du rayonnement uranique se présentaient
+comme un phénomène physique tout à fait extraordinaire. M. Becquerel a
+conservé un morceau d'uranium pendant plusieurs années dans l'obscurité
+et il a constaté qu'au bout de ce temps l'action sur la plaque
+photographique n'avait pas varié sensiblement. MM. Elster et Geitel ont
+fait une expérience analogue et ont trouvé également que l'action était
+constante[7].
+
+ [7] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXVIII, p. 771.--ELSTER et
+ GEITEL, _Beibl._, t. XXI, p. 455.
+
+J'ai mesuré l'intensité du rayonnement de l'uranium en utilisant
+l'action de ce rayonnement sur la conductibilité de l'air. La méthode de
+mesures sera exposée plus loin. J'ai ainsi obtenu des nombres qui
+prouvent la constance du rayonnement dans les limites de précision des
+expériences, c'est-à-dire à 2 pour 100 ou 3 pour 100 près[8].
+
+ [8] Mme CURIE, _Revue générale des Sciences_, janvier 1899.
+
+On utilisait pour ces mesures un plateau métallique recouvert d'une
+couche d'uranium en poudre; ce plateau n'était d'ailleurs pas conservé
+dans l'obscurité, cette condition s'étant montrée sans importance
+d'après les observateurs cités précédemment. Le nombre des mesures
+effectuées avec ce plateau est très grand, et actuellement ces mesures
+portent sur un intervalle de temps de 5 années.
+
+Des recherches furent faites pour reconnaître si d'autres substances
+peuvent agir comme les composés d'urane. M. Schmidt publia le premier
+que le thorium et ses composés possèdent également cette faculté[9]. Un
+travail analogue fait en même temps m'a donné le même résultat. J'ai
+publié ce travail, n'ayant pas encore eu connaissance de la publication
+de M. Schmidt[10].
+
+ [9] SCHMIDT, _Wied. Ann._, t. LXV, p. 141.
+
+ [10] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
+
+Nous dirons que l'uranium, le thorium et leurs composés émettent des
+_rayons de Becquerel_. J'ai appelé _radioactives_ les substances qui
+donnent lieu à une émission de ce genre[11]. Ce nom a été depuis
+généralement adopté.
+
+ [11] P. CURIE et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 18 juillet 1898.
+
+Par leurs effets photographiques et électriques les rayons de Becquerel
+se rapprochent des rayons de Röntgen. Ils ont aussi, comme ces derniers,
+la faculté de traverser toute matière. Mais leur pouvoir de pénétration
+est extrêmement différent: les rayons de l'uranium et du thorium sont
+arrêtés par quelques millimètres de matière solide et ne peuvent
+franchir dans l'air une distance supérieure à quelques centimètres;
+tout au moins en est-il ainsi pour la grosse partie du rayonnement.
+
+Les travaux de divers physiciens, et, en premier lieu, de M. Rutherford,
+ont montré que les rayons de Becquerel n'éprouvent ni réflexion
+régulière, ni réfraction, ni polarisation[12].
+
+ [12] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1899.
+
+Le faible pouvoir pénétrant des rayons uraniques et thoriques conduirait
+à les assimiler aux rayons secondaires qui sont produits par les rayons
+Röntgen, et dont l'étude a été faite par M. Sagnac[13], plutôt qu'aux
+rayons Röntgen eux-mêmes.
+
+ [13] SAGNAC, _Comptes rendus_, 1897, 1898, 1899 (plusieurs Notes).
+
+D'autre part, on peut chercher à rapprocher les rayons de Becquerel de
+rayons cathodiques se propageant dans l'air (rayons de Lenard). On sait
+aujourd'hui que ces divers rapprochements sont tous légitimes.
+
+
+_Mesure de l'intensité du rayonnement._--La méthode employée consiste
+à mesurer la conductibilité acquise par l'air sous l'action des
+substances radioactives; cette méthode a l'avantage d'être rapide et de
+fournir des nombres qu'on peut comparer entre eux. L'appareil que j'ai
+employé à cet effet se compose essentiellement d'un condensateur à
+plateaux AB (_fig._ 1). La substance active finement pulvérisée est
+étalée sur le plateau B; elle rend conducteur l'air entre les plateaux.
+Pour mesurer cette conductibilité, on porte le plateau B à un potentiel
+élevé, en le reliant à l'un des pôles d'une batterie de petits
+accumulateurs P, dont l'autre pôle est à la terre. Le plateau A étant
+maintenu au potentiel du sol par le fil CD, un courant électrique
+s'établit entre les deux plateaux. Le potentiel du plateau A est indiqué
+par un électromètre E. Si l'on interrompt en C la communication avec le
+sol, le plateau A se charge, et cette charge fait dévier l'électromètre.
+La vitesse de la déviation est proportionnelle à l'intensité du courant
+et peut servir à la mesurer.
+
+[Illustration: Fig. 1.]
+
+Mais il est préférable de faire cette mesure en compensant la charge que
+prend le plateau A, de manière à maintenir l'électromètre au zéro. Les
+charges, dont il est question ici, sont extrêmement faibles; elles
+peuvent être compensées au moyen d'un quartz piézo-électrique Q, dont
+une armature est reliée au plateau A, et l'autre armature est à terre.
+On soumet la lame de quartz à une traction connue produite par des poids
+placés dans un plateau π; cette traction est établie progressivement et
+a pour effet de dégager progressivement une quantité d'électricité
+connue pendant un temps qu'on mesure. L'opération peut être réglée de
+telle manière, qu'il y ait à chaque instant compensation entre la
+quantité d'électricité qui traverse le condensateur et celle de signe
+contraire que fournit le quartz[14]. On peut ainsi mesurer _en valeur
+absolue_ la quantité d'électricité qui traverse le condensateur pendant
+un temps donné, c'est-à-dire l'_intensité du courant_. La mesure est
+indépendante de la sensibilité de l'électromètre.
+
+ [14] On arrive très facilement à ce résultat en soutenant le poids à
+ la main et en ne le laissant peser que progressivement sur le plateau
+ π, et cela de manière à maintenir l'image de l'électromètre au zéro.
+ Avec un peu d'habitude on prend très exactement le tour de main
+ nécessaire pour réussir cette opération. Cette méthode de mesure des
+ faibles courants a été décrite par M. J. Curie dans sa thèse.
+
+En effectuant un certain nombre de mesures de ce genre, on voit que la
+radioactivité est un phénomène susceptible d'être mesuré avec une
+certaine précision. Elle varie peu avec la température, elle est à peine
+influencée par les oscillations de la température ambiante; elle n'est
+pas influencée par l'éclairement de la substance active. L'intensité du
+courant qui traverse le condensateur augmente avec la surface des
+plateaux. Pour un condensateur donné et une substance donnée le courant
+augmente avec la différence de potentiel qui existe entre les plateaux,
+avec la pression du gaz qui remplit le condensateur et avec la distance
+des plateaux (pourvu que cette distance ne soit pas trop grande par
+rapport au diamètre). Toutefois, pour de fortes différences de
+potentiel, le courant tend vers une valeur limite qui est pratiquement
+constante. C'est le _courant de saturation_ ou _courant limite_. De même
+pour une certaine distance des plateaux assez grande, le courant ne
+varie plus guère avec cette distance. C'est le courant obtenu dans ces
+conditions qui a été pris comme mesure de radioactivité dans mes
+recherches, le condensateur étant placé dans l'air à la pression
+atmosphérique.
+
+Voici, à titre d'exemple, des courbes qui représentent l'intensité du
+courant en fonction du champ moyen établi entre les plateaux pour deux
+distances des plateaux différentes. Le plateau B était recouvert d'une
+couche mince d'uranium métallique pulvérisé; le plateau A, réuni à
+l'électromètre, était muni d'un anneau de garde.
+
+La figure 2 montre que l'intensité du courant devient constante pour les
+fortes différences de potentiel entre les plateaux. La figure 3
+représente les mêmes courbes à une autre échelle, et comprend seulement
+les résultats relatifs aux faibles différences de potentiel. Au début,
+la courbe est rectiligne; le quotient de l'intensité du courant par la
+différence de potentiel est constant pour les tensions faibles, et
+représente la conductance initiale entre les plateaux.
+
+[Illustration: Fig. 2.]
+
+[Illustration: Fig. 3.]
+
+On peut donc distinguer deux constantes importantes caractéristiques du
+phénomène observé: 1º la _conductance initiale_ pour différences de
+potentiel faibles; 2º le _courant limite_ pour différences de potentiel
+fortes. C'est le courant limite qui a été adopté comme mesure de la
+radioactivité.
+
+En plus de la différence de potentiel que l'on établit entre les
+plateaux, il existe entre ces derniers une force électromotrice de
+contact, et ces deux causes de courant ajoutent leurs effets; c'est
+pourquoi la valeur absolue de l'intensité du courant change avec le
+signe de la différence de potentiel extérieure. Toutefois, pour des
+différences de potentiel notables, l'effet de la force électromotrice de
+contact est négligeable, et l'intensité du courant est alors la même,
+quel que soit le sens du champ entre les plateaux.
+
+L'étude de la conductibilité de l'air et d'autres gaz soumis à l'action
+des rayons de Becquerel a été faite par plusieurs physiciens[15]. Une
+étude très complète du sujet a été publiée par M. Rutherford[16].
+
+ [15] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXIV, p. 800, 1897.--KELWIN,
+ BEATTIE et SMOLAN, _Nature_, t. LVI, 1897.--BEATTIE et SMOLUCHOWSKI,
+ _Phil. Mag._, t. XLIII, p. 418.
+
+ [16] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier, 1899.
+
+Les lois de la conductibilité produite dans les gaz par les rayons de
+Becquerel sont les mêmes que celles trouvées avec les rayons Röntgen. Le
+mécanisme du phénomène paraît être le même dans les deux cas. La théorie
+de l'ionisation des gaz par l'effet des rayons Röntgen ou Becquerel rend
+très bien compte des faits observés. Cette théorie ne sera pas exposée
+ici. Je rappellerai seulement les résultats auxquels elle conduit:
+
+1º Le nombre d'ions produits par seconde dans le gaz est considéré comme
+proportionnel à l'énergie du rayonnement absorbé par le gaz;
+
+2º Pour obtenir le courant limite relatif à un rayonnement donné, il
+faut, d'une part, faire absorber intégralement ce rayonnement par le
+gaz, en employant une masse absorbante suffisante; d'autre part, il faut
+utiliser pour la production du courant tous les ions créés, en
+établissant un champ électrique assez fort pour que le nombre des ions
+qui se recombinent devienne une fraction insignifiante du nombre total
+des ions produits dans le même temps, qui sont presque tous entraînés
+par le courant et amenés aux électrodes. Le champ électrique moyen
+nécessaire pour obtenir ce résultat est d'autant plus élevé que
+l'ionisation est plus forte.
+
+D'après des recherches récentes de M. Townsend, le phénomène est plus
+complexe quand la pression du gaz est faible. Le courant semble d'abord
+tendre vers une valeur limite constante quand la différence de potentiel
+augmente; mais, à partir d'une certaine différence de potentiel, le
+courant recommence à croître avec le champ, et cela avec une rapidité
+très grande. M. Townsend admet que cet accroissement est dû à une
+ionisation nouvelle produite par les ions eux-mêmes quand ceux-ci, sous
+l'action du champ électrique, prennent une vitesse suffisante pour
+qu'une molécule du gaz, rencontrée par un de ces projectiles, se trouve
+brisée et divisée en ses ions constituants. Un champ électrique intense
+et une pression faible favorisent cette ionisation par les ions déjà
+présents, et, aussitôt que celle-ci commence à se produire, l'intensité
+du courant croît constamment avec le champ moyen entre les plateaux[17].
+Le courant limite ne saurait donc être obtenu qu'avec des causes
+ionisantes, dont l'intensité ne dépasse pas une certaine valeur, de
+telle façon que la saturation corresponde à des champs pour lesquels
+l'ionisation par choc des ions ne peut encore avoir lieu. Cette
+condition se trouvait réalisée dans mes expériences.
+
+ [17] TOWNSEND, _Phil. Mag._, 1901, 6e série, t. I, p. 198.
+
+L'ordre de grandeur des courants de saturation que l'on obtient avec les
+composés d'urane est de 10^{-11} ampères pour un condensateur dont les
+plateaux ont 8cm de diamètre et sont distants de 3cm. Les composés de
+thorium donnent lieu à des courants du même ordre de grandeur, et
+l'activité des oxydes d'uranium et de thorium est très analogue.
+
+
+_Radioactivité des composés d'uranium et de thorium._--Voici les nombres
+que j'ai obtenus avec divers composés d'urane; je désigne par _i_
+l'intensité du courant en ampères:
+
+ _i_ × 10^{11}.
+
+ Uranium métallique (contenant un peu
+ de carbone) 2,3
+ Oxyde d'urane noir U_2 O_5 2,6
+ Oxyde d'urane vert U_3 O_4 1,8
+ Acide uranique hydraté 0,6
+ Uranate de sodium 1,2
+ Uranate de potassium 1,2
+ Uranate d'ammonium 1,3
+ Sulfate uraneux 0,7
+ Sulfate d'uranyle et de potassium 0,7
+ Azotate d'uranyle 0,7
+ Phosphate de cuivre et d'uranyle 0,9
+ Oxysulfure d'urane 1,2
+
+L'épaisseur de la couche du composé d'urane employé a peu d'influence,
+pourvu que la couche soit continue. Voici quelques expériences à ce
+sujet:
+
+ Épaisseur
+ de la couche. _i_ × 10^{11}.
+ mm
+ Oxyde d'urane 0,5 2,7
+ » 3,0 3,0
+ Uranate d'ammonium 0,5 1,3
+ » 3,0 1,4
+
+On peut conclure de là, que l'absorption des rayons uraniques par la
+matière qui les émet est très forte, puisque les rayons venant des
+couches profondes ne peuvent pas produire d'effet notable.
+
+Les nombres que j'ai obtenus avec les composés de thorium[18] m'ont
+permis de constater:
+
+1º Que l'épaisseur de la couche employée a une action considérable,
+surtout avec l'oxyde;
+
+2º Que le phénomène n'est régulier que si l'on emploie une couche active
+mince (0mm,25 par exemple). Au contraire, quand on emploie une couche de
+matière épaisse (6mm), on obtient des nombres oscillant entre des
+limites étendues, surtout dans le cas de l'oxyde:
+
+ Épaisseur
+ de la couche. _i_ × 10^{11}.
+ mm
+ Oxyde de thorium 0,25 2,2
+ » 0,5 2,5
+ » 2,5 4,7
+ » 3,0 5,5 en moyenne
+ » 6,0 5,5 »
+ Sulfate de thorium 0,25 0,8
+
+Il y a dans la nature du phénomène une cause d'irrégularités qui
+n'existe pas dans le cas des composés d'urane. Les nombres obtenus pour
+une couche d'oxyde de 6mm d'épaisseur variaient entre 3,7 et 7,3.
+
+ [18] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
+
+Les expériences que j'ai faites sur l'absorption des rayons uraniques et
+thoriques ont montré que les rayons thoriques sont plus pénétrants que
+les rayons uraniques et que les rayons émis par l'oxyde de thorium en
+couche épaisse sont plus pénétrants que ceux qu'il émet en couche mince.
+Voici, par exemple, les nombres qui indiquent la fraction du
+rayonnement que transmet une lame d'aluminium dont l'épaisseur est
+0mm,01:
+
+ Fraction
+ du rayonnement
+ transmise
+ Substance rayonnante. par la lame.
+ Uranium 0,18
+ Oxyde d'urane U_2 O_5 0,20
+ Uranate d'ammonium 0,20
+ Phosphate d'urane et de cuivre 0,21
+ mm
+ Oxyde de thorium sous épaisseur. 0,25 0,38
+ » » 0,5 0,47
+ » » 3,0 0,70
+ » » 6,0 0,70
+ Sulfate de thorium 0,25 0,38
+
+Avec les composés d'urane, l'absorption est la même quel que soit le
+composé employé, ce qui porte à croire que les rayons émis par les
+divers composés sont de même nature.
+
+Les particularités de la radiation thorique ont été l'objet de
+publications très complètes. M. Owens[19] a montré que la constance du
+courant n'est obtenue qu'au bout d'un temps assez long en appareil clos,
+et que l'intensité du courant est fortement réduite par l'action d'un
+courant d'air (ce qui n'a pas lieu pour les composés d'uranium). M.
+Rutherford a fait des expériences analogues et les a interprétées en
+admettant que le thorium et ses composés émettent non seulement des
+rayons de Becquerel, mais encore une _émanation,_ constituée par des
+particules extrêmement ténues, qui restent radioactives pendant quelque
+temps après leur émission et peuvent être entraînées par un courant
+d'air[20].
+
+ [19] OWENS, _Phil. Mag._, octobre 1899.
+
+ [20] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1900.
+
+Les caractères de la radiation thorique qui sont relatifs à l'influence
+de l'épaisseur de la couche employée et à l'action des courants d'air
+ont une liaison étroite avec le phénomène de la _radioactivité induite
+et de sa propagation de proche en proche_. Ce phénomène a été observé
+pour la première fois avec le radium et sera décrit plus loin.
+
+La radioactivité des composés d'uranium et de thorium se présente comme
+une _propriété atomique_. M. Becquerel avait déjà observé que tous les
+composés d'uranium sont actifs et avait conclu que leur activité était
+due à la présence de l'élément uranium; il a montré également que
+l'uranium était plus actif que ses sels[21]. J'ai étudié à ce point de
+vue les composés de l'uranium et du thorium et j'ai fait un grand nombre
+de mesures de leur activité dans diverses conditions. Il résulte de
+l'ensemble de ces mesures que la radioactivité de ces substances est
+bien effectivement une propriété atomique. Elle semble ici liée à la
+présence des atomes des deux éléments considérés et n'est détruite ni
+par les changements d'état physique ni par les transformations
+chimiques. Les combinaisons chimiques et les mélanges contenant de
+l'uranium ou du thorium sont d'autant plus actifs qu'ils contiennent une
+plus forte proportion de ces métaux, toute matière inactive agissant à
+la fois comme matière inerte et matière absorbant le rayonnement.
+
+ [21] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 1086.
+
+
+_La radioactivité atomique est-elle un phénomène général?_--Comme il a
+été dit plus haut, j'ai cherché si d'autres substances que les composés
+d'uranium et de thorium étaient radioactives. J'ai entrepris cette
+recherche dans l'idée qu'il était fort peu probable que la
+radioactivité, considérée comme propriété atomique, appartînt à une
+certaine espèce de matière, à l'exclusion de toute autre. Les mesures
+que j'ai faites me permettent de dire que pour les éléments chimiques
+actuellement considérés comme tels, y compris les plus rares et les plus
+hypothétiques, les composés étudiés par moi ont été toujours au moins
+100 fois moins actifs dans mon appareil que l'uranium métallique. Dans
+le cas des éléments répandus, j'ai étudié plusieurs composés; dans le
+cas des corps rares, j'ai étudié les composés que j'ai pu me procurer.
+
+Voici la liste des substances qui ont fait partie de mon étude sous
+forme d'élément ou de combinaison:
+
+1º Tous les métaux ou métalloïdes que l'on trouve facilement et
+quelques-uns, plus rares, produits purs, provenant de la collection de
+M. Etard, à l'École de Physique et de Chimie industrielles de la Ville
+de Paris;
+
+2º Les corps rares suivants: gallium, germanium, néodyme, praséodyme,
+niobium, scandium, gadolinium, erbium, samarium et rubidium
+(échantillons prêtés par M. Demarçay); yttrium, ytterbium avec nouvel
+erbium [échantillons prêtés par M. Urbain[22]];
+
+ [22] Je suis très reconnaissante aux savants cités plus haut, auxquels
+ je dois des échantillons qui ont servi pour mon étude. Je remercie
+ également M. Moissan qui a bien voulu donner pour cette étude de
+ l'uranium métallique.
+
+3º Un grand nombre de roches et de minéraux.
+
+Dans les limites de sensibilité de mon appareil je n'ai pas trouvé de
+substance simple autre que l'uranium et le thorium, qui soit douée de
+radioactivité atomique. Il convient toutefois de dire quelques mots sur
+ce qui est relatif au phosphore. Le phosphore blanc humide, placé entre
+les plateaux du condensateur, rend conducteur l'air entre les
+plateaux[23]. Toutefois, je ne considère pas ce corps comme radioactif à
+la façon de l'uranium et du thorium. Le phosphore, en effet, dans ces
+conditions, s'oxyde et émet des rayons lumineux, tandis que les composés
+d'uranium et de thorium sont radioactifs sans éprouver aucune
+modification chimique appréciable par les moyens connus. De plus, le
+phosphore n'est actif ni à l'état de phosphore rouge, ni à l'état de
+combinaison.
+
+ [23] ELSTER et GEITEL, _Wied. Ann._, 1890.
+
+Dans un travail récent, M. Bloch vient de montrer que le phosphore, en
+s'oxydant en présence de l'air, donne naissance à des ions très peu
+mobiles qui rendent l'air conducteur et provoquent la condensation de la
+vapeur d'eau[24].
+
+ [24] BLOCH, _Société de Physique_, 6 février 1903.
+
+Certains travaux récents conduiraient à admettre que la radioactivité
+appartient à toutes les substances à un degré extrêmement faible[25].
+L'identité de ces phénomènes très faibles avec les phénomènes de la
+radioactivité atomique ne peut encore être considérée comme établie.
+
+ [25] MAC LENNAN et BURTON, _Phil. Mag._, juin 1903.--STRUTT, _Phil.
+ Mag._, juin 1903.--LESTER COOKE, _Phil. Mag._, octobre 1903.
+
+L'uranium et le thorium sont les deux éléments qui possèdent les plus
+forts poids atomiques (240 et 232); ils se rencontrent fréquemment dans
+les mêmes minéraux.
+
+
+_Minéraux radioactifs._--J'ai examiné dans mon appareil plusieurs
+minéraux[26]; certains d'entre eux se sont montrés actifs, entre autres
+la pechblende, la chalcolite, l'autunite, la monazite, la thorite,
+l'orangite, la fergusonite, la clévéite, etc. Voici un Tableau qui donne
+en ampères l'intensité _i_ du courant obtenu avec l'uranium métallique
+et avec divers minéraux.
+
+ _i_ × 10^{11}.
+ Uranium 2,3
+ Pechblende de Johanngeorgenstadt 8,3
+ » de Joachimsthal 7,0
+ Pechblende de Pzibran 6,5
+ » de Cornwallis 1,6
+ Clévéite 1,4
+ Chalcolite 5,2
+ Autunite 2,7
+ { 0,1
+ { 0,3
+ Thorites diverses { 0,7
+ { 1,3
+ { 1,4
+ Orangite 2,0
+ Monazite 0,5
+ Xenotime 0,03
+ Aeschynite 0,7
+ Fergusonite, 2 échantillons { 0,4
+ { 0,1
+ Samarskite 1,1
+ Niobite, 2 échantillons { 0,1
+ { 0,3
+ Tantalite 0,02
+ Carnotite[27] 6,2
+
+ [26] Plusieurs échantillons de minéraux de la collection du Muséum ont
+ été obligeamment mis à ma disposition par M. Lacroix.
+
+ [27] La carnotite est un minerai de vanadate d'urane récemment
+ découvert par Friedel et Cumenge.
+
+Le courant obtenu avec l'orangite (minerai d'oxyde de thorium) variait
+beaucoup avec l'épaisseur de la couche employée. En augmentant cette
+épaisseur depuis 0mm,25 à 6mm, on faisait croître le courant de 1,8 à
+2,3.
+
+Tous les minéraux qui se montrent radioactifs contiennent de l'uranium
+ou du thorium; leur activité n'a donc rien d'étonnant, mais l'intensité
+du phénomène pour certains minéraux est inattendue. Ainsi, on trouve des
+pechblendes (minerais d'oxyde d'urane) qui sont 4 fois plus actives que
+l'uranium métallique. La chalcolite (phosphate de cuivre et d'urane
+cristallisé) est 2 fois plus active que l'uranium. L'autunite (phosphate
+d'urane et de chaux) est aussi active que l'uranium. Ces faits étaient
+en désaccord avec les considérations précédentes, d'après lesquelles
+aucun minéral n'aurait dû se montrer plus actif que l'uranium ou le
+thorium.
+
+Pour éclaircir ce point, j'ai préparé de la chalcolite artificielle par
+le procédé de Debray, en partant de produits purs. Ce procédé consiste à
+mélanger une dissolution d'azotate d'uranyle avec une dissolution de
+phosphate de cuivre dans l'acide phosphorique, et à chauffer vers 50° ou
+60°. Au bout de quelque temps, des cristaux de chalcolite se forment
+dans la liqueur[28]. La chalcolite ainsi obtenue possède une activité
+tout à fait normale, étant donnée sa composition; elle est deux fois et
+demie moins active que l'uranium.
+
+ [28] DEBRAY, _Ann. de Chim. et de Phys._, 3e série, t. LXI, p. 445
+
+Il devenait dès lors très probable que si la pechblende, la chalcolite,
+l'autunite ont une activité si forte, c'est que ces substances
+renferment en petite quantité une matière fortement radioactive,
+différente de l'uranium, du thorium et des corps simples actuellement
+connus. J'ai pensé que, s'il en était effectivement ainsi, je pouvais
+espérer extraire cette substance du minerai par les procédés ordinaires
+de l'analyse chimique.
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+LES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
+
+
+_Méthode de recherches._--Les résultats de l'étude des minéraux
+radioactifs, énoncés dans le Chapitre précédent, nous ont engagés, M.
+Curie et moi, à chercher à extraire de la pechblende une nouvelle
+substance radioactive. Notre méthode de recherches ne pouvait être basée
+que sur la radioactivité, puisque nous ne connaissions aucun autre
+caractère de la substance hypothétique. Voici comment on peut se servir
+de la radioactivité pour une recherche de ce genre. On mesure la
+radioactivité d'un produit, on effectue sur ce produit une séparation
+chimique; on mesure la radioactivité de tous les produits obtenus, et
+l'on se rend compte si la substance radioactive est restée intégralement
+avec l'un d'eux, ou bien si elle s'est partagée entre eux et dans quelle
+proportion. On a ainsi une indication qui peut être comparée, en une
+certaine mesure, à celle que pourrait fournir l'analyse spectrale. Pour
+avoir des nombres comparables, il faut mesurer l'activité des substances
+à l'état solide et bien desséchées.
+
+
+_Polonium, radium, actinium._--L'analyse de la pechblende, avec le
+concours de la méthode qui vient d'être exposée, nous a conduits à
+établir l'existence, dans ce minéral, de deux substances fortement
+radioactives, chimiquement différentes: le _polonium_, trouvé par nous,
+et le _radium_, que nous avons découvert en collaboration avec M.
+Bémont[29].
+
+ [29] P. CURIE et Mme CURIE, _Comptes rendus_, juillet 1898.--P. CURIE,
+ Mme CURIE et G. BÉMONT, _Comptes rendus_, décembre 1898.
+
+Le _polonium_ est une substance voisine du bismuth au point de vue
+analytique et l'accompagnant dans les séparations. On obtient du bismuth
+de plus en plus riche en polonium par l'un des procédés de
+fractionnement suivants:
+
+1º Sublimation des sulfures dans le vide; le sulfure actif est beaucoup
+plus volatil que le sulfure de bismuth.
+
+2º Précipitation des solutions azotiques par l'eau; le sous-nitrate
+précipité est beaucoup plus actif que le sel qui reste dissous.
+
+3º Précipitation par l'hydrogène sulfuré d'une solution chlorhydrique
+extrêmement acide; les sulfures précipités sont considérablement plus
+actifs que le sel qui reste dissous.
+
+Le _radium_ est une substance qui accompagne le baryum retiré de la
+pechblende; il suit le baryum dans ses réactions et s'en sépare par
+différence de solubilité des chlorures dans l'eau, l'eau alcoolisée ou
+l'eau additionnée d'acide chlorhydrique. Nous effectuons la séparation
+des chlorures de baryum et de radium, en soumettant leur mélange à une
+cristallisation fractionnée, le chlorure de radium étant moins soluble
+que celui de baryum.
+
+Une troisième substance fortement radioactive a été caractérisée dans la
+pechblende par M. Debierne, qui lui a donné le nom d'_actinium_[30].
+L'actinium accompagne certains corps du groupe du fer contenus dans la
+pechblende; il semble surtout voisin du thorium dont il n'a pu encore
+être séparé. L'extraction de l'actinium de la pechblende est une
+opération très pénible, les séparations étant généralement incomplètes.
+
+ [30] DEBIERNE, _Comptes rendus_, octobre 1899 et avril 1900.
+
+Toutes les trois substances radioactives nouvelles se trouvent dans la
+pechblende en quantité absolument infinitésimale. Pour les obtenir à
+l'état concentré, nous avons été obligés d'entreprendre le traitement de
+plusieurs tonnes de résidus de minerai d'urane. Le gros traitement se
+fait dans une usine; il est suivi de tout un travail de purification et
+de concentration. Nous arrivons ainsi à extraire de ces milliers de
+kilogrammes de matière première quelques décigrammes de produits qui
+sont prodigieusement actifs par rapport au minerai dont ils proviennent.
+Il est bien évident que l'ensemble de ce travail est long, pénible et
+coûteux[31].
+
+ [31] Nous avons de nombreuses obligations envers tous ceux qui nous
+ sont venus en aide dans ce travail. Nous remercions bien sincèrement
+ MM. Mascart et Michel Lévy pour leur appui bienveillant. Grâce à
+ l'intervention bienveillante de M. le professeur Suess, le
+ gouvernement autrichien a mis gracieusement à notre disposition la
+ première tonne de résidu traitée (provenant de l'usine de l'État, à
+ Joachimsthal, en Bohème). L'Académie des Sciences de Paris, la Société
+ d'Encouragement pour l'Industrie nationale, un donateur anonyme, nous
+ ont fourni le moyen de traiter une certaine quantité de produit. Notre
+ ami, M. Debierne, a organisé le traitement du minerai, qui a été
+ effectué dans l'usine de la Société centrale de Produits chimiques.
+ Cette Société a consenti à effectuer le traitement sans y chercher de
+ bénéfice. A tous nous adressons nos remerciments bien sincères.
+
+ Plus récemment, l'Institut de France a mis à notre disposition une
+ somme de 20000fr pour l'extraction des matières radioactives. Grâce à
+ cette somme, nous avons pu mettre en train le traitement de 5t de
+ minerai.
+
+D'autres substances radioactives nouvelles ont encore été signalées à la
+suite de notre travail. M. Giesel, d'une part, MM. Hoffmann et Strauss,
+d'autre part, ont annoncé l'existence probable d'une substance
+radioactive voisine du plomb par ses propriétés chimiques. On ne possède
+encore que peu de renseignements sur cette substance[32].
+
+ [32] GIESEL, _Ber. deutsch. chem. Gesell._, t. XXXIV, 1901, p.
+ 3775.--HOFFMANN et STRAUSS, _Ber. deutsch. chem. Gesell._, t. XXXIII,
+ 1900, p. 3126.
+
+De toutes les substances radioactives nouvelles, le radium est, jusqu'à
+présent, la seule qui ait été isolée à l'état de sel pur.
+
+
+_Spectre du radium._--Il était de première importance de contrôler, par
+tous les moyens possibles, l'hypothèse, faite dans ce travail, de
+l'existence d'éléments nouveaux radioactifs. L'analyse spectrale est
+venue, dans le cas du radium, confirmer d'une façon complète cette
+hypothèse.
+
+M. Demarçay a bien voulu se charger de l'examen des substances
+radioactives nouvelles, par les procédés rigoureux qu'il emploie dans
+l'étude des spectres d'étincelle photographiés.
+
+Le concours d'un savant aussi compétent a été pour nous un grand
+bienfait, et nous lui gardons une reconnaissance profonde d'avoir
+consenti à faire ce travail. Les résultats de l'analyse spectrale sont
+venus nous apporter la certitude, alors que nous étions encore dans le
+doute sur l'interprétation des résultats de nos recherches[33].
+
+ [33] Tout récemment, nous avons eu la douleur de voir mourir ce savant
+ si distingué, alors qu'il poursuivait ses belles recherches sur les
+ terres rares et sur la spectroscopie, par des méthodes dont on ne
+ saurait trop admirer la perfection et la précision. Nous conservons un
+ souvenir ému de la parfaite obligeance avec laquelle il avait consenti
+ à prendre part à notre travail.
+
+Les premiers échantillons de chlorure de baryum radifère médiocrement
+actif, examinés par Demarçay, lui montrèrent, en même temps que les
+raies du baryum, une raie nouvelle d'intensité notable et de longueur
+d'onde λ = 381μμ,47 dans le spectre ultra-violet. Avec des produits plus
+actifs, préparés ensuite, Demarçay vit la raie 381μμ,47 se renforcer; en
+même temps d'autres raies nouvelles apparurent, et dans le spectre les
+raies nouvelles et les raies du baryum avaient des intensités
+comparables. Une nouvelle concentration a fourni un produit, pour
+lequel le nouveau spectre domine, et les trois plus fortes raies du
+baryum, seules visibles, indiquent seulement la présence de ce métal à
+l'état d'impureté. Ce produit peut être considéré comme du chlorure de
+radium à peu près pur. Enfin j'ai pu, par une nouvelle purification,
+obtenir un chlorure extrêmement pur, dans le spectre duquel les deux
+raies dominantes du baryum sont à peine visibles.
+
+Voici, d'après Demarçay[34], la liste des raies principales du radium
+pour la portion du spectre comprise entre λ = 500,0 et λ = 350,0
+millièmes de micron (μμ). L'intensité de chaque raie est indiquée par un
+nombre, la plus forte raie étant marquée 16.
+
+ λ. Intensité. λ. Intensité.
+ 482,63 10 453,35 9
+ 472,69 5 443,61 8
+ 469,98 3 434,06 12
+ 469,21 7 381,47 16
+ 468,30 14 364,96 12
+ 464,19 4
+
+ [34] DEMARÇAY, _Comptes rendus_, décembre 1898, novembre 1899 et
+ juillet 1900.
+
+Toutes les raies sont nettes et étroites, les trois raies 381,47, 468,30
+et 434,06 sont fortes; elles atteignent l'égalité avec les raies les
+plus intenses actuellement connues. On aperçoit également dans le
+spectre deux bandes nébuleuses fortes. La première, symétrique, s'étend
+de 463,10 à 462,19 avec maximum à 462,75. La deuxième, plus forte, est
+dégradée vers l'ultra-violet; elle commence brusquement à 446,37, passe
+par un maximum à 445,52; la région du maximum s'étend jusqu'à 445,34,
+puis une bande nébuleuse, graduellement dégradée, s'étend jusque vers
+439.
+
+Dans la partie la moins réfrangible non photographiée du spectre
+d'étincelle, la seule raie notable est la raie 566,5 (environ), bien
+plus faible cependant que 482,63.
+
+L'aspect général du spectre est celui des métaux alcalino-terreux; on
+sait que ces métaux ont des spectres de raies fortes avec quelques
+bandes nébuleuses.
+
+D'après Demarçay, le radium peut figurer parmi les corps ayant la
+réaction spectrale la plus sensible. J'ai, d'ailleurs, pu conclure,
+d'après mon travail de concentration, que, dans le premier échantillon
+examiné qui montrait nettement la raie 381,47, la proportion de radium
+devait être très faible (peut-être de 0,02 pour 100). Cependant, il faut
+une activité 50 fois plus grande que celle de l'uranium métallique pour
+apercevoir nettement la raie principale du radium dans les spectres
+photographiés. Avec un électromètre sensible, on peut déceler la
+radioactivité d'un produit quand elle n'est que 1/100 de celle de
+l'uranium métallique. On voit que, pour déceler la présence du radium,
+la radioactivité est un caractère plusieurs milliers de fois plus
+sensible que la réaction spectrale.
+
+Le bismuth à polonium très actif et le thorium à actinium très actif,
+examinés par Demarçay, n'ont encore respectivement donné que les raies
+du bismuth et du thorium.
+
+Dans une publication récente, M. Giesel[35], qui s'est occupé de la
+préparation du radium, annonce que le bromure de radium donne lieu à une
+coloration carmin de la flamme. Le spectre de flamme du radium contient
+deux belles bandes rouges, une raie dans le bleu vert et deux lignes
+faibles dans le violet.
+
+ [35] GIESEL, _Phys. Zeitschrift_, 15 septembre 1902.
+
+
+_Extraction des substances radioactives nouvelles._--La première partie
+de l'opération consiste à extraire des minerais d'urane le baryum
+radifère, le bismuth polonifère et les terres rares contenant
+l'actinium. Ces trois premiers produits ayant été obtenus, on cherche,
+pour chacun d'eux, à isoler la substance radioactive nouvelle. Cette
+deuxième partie du traitement se fait par une méthode de fractionnement.
+On sait qu'il est difficile de trouver un moyen de séparation très
+parfait entre des éléments très voisins; les méthodes de fractionnement
+sont donc tout indiquées. D'ailleurs, quand un élément se trouve mélangé
+à un autre à l'état de trace, on ne peut appliquer au mélange une
+méthode de séparation parfaite, même en admettant que l'on en connaisse
+une; on risquerait, en effet, de perdre la trace de matière qui aurait
+pu être séparée dans l'opération.
+
+Je me suis occupée spécialement du travail ayant pour but l'isolement du
+radium et du polonium. Après un travail de quelques années, je n'ai
+encore réussi que pour le premier de ces corps.
+
+La pechblende étant un minerai coûteux, nous avons renoncé à en traiter
+de grandes quantités. En Europe, l'extraction de ce minerai se fait dans
+la mine de Joachimsthal, en Bohême. Le minerai broyé est grillé avec du
+carbonate de soude, et la matière résultant de ce traitement est
+lessivée d'abord à l'eau chaude, puis à l'acide sulfurique étendu. La
+solution contient l'uranium qui donne à la pechblende sa valeur. Le
+résidu insoluble est rejeté.
+
+Ce résidu contient des substances radioactives; son activité est 4 fois
+et demie plus grande que celle de l'uranium métallique. Le gouvernement
+autrichien, auquel appartient la mine, nous a gracieusement donné une
+tonne de ce résidu pour nos recherches, et a autorisé la mine à nous
+fournir plusieurs autres tonnes de cette matière.
+
+Il n'était guère facile de faire le premier traitement du résidu à
+l'usine par les mêmes procédés qu'au laboratoire. M. Debierne a bien
+voulu étudier cette question et organiser le traitement dans l'usine. Le
+point le plus important de la méthode qu'il a indiquée consiste à
+obtenir la transformation des sulfates en carbonates par l'ébullition de
+la matière avec une dissolution concentrée de carbonate de soude. Ce
+procédé permet d'éviter la fusion avec le carbonate de soude.
+
+Le résidu contient principalement des sulfates de plomb et de chaux, de
+la silice, de l'alumine et de l'oxyde de fer. On y trouve, en outre, en
+quantité plus ou moins grande, presque tous les métaux (cuivre, bismuth,
+zinc, cobalt, manganèse, nickel, vanadium, antimoine, thallium, terres
+rares, niobium, tantale, arsenic, baryum, etc.). Le radium se trouve,
+dans ce mélange, à l'état de sulfate et en constitue le sulfate le moins
+soluble. Pour le mettre en dissolution, il faut éliminer autant que
+possible l'acide sulfurique. Pour cela, on commence par traiter le
+résidu par une solution concentrée et bouillante de soude ordinaire.
+L'acide sulfurique combiné au plomb, à l'alumine, à la chaux, passe, en
+grande partie, en dissolution à l'état de sulfate de soude que l'on
+enlève par des lavages à l'eau. La dissolution alcaline enlève en même
+temps du plomb, de la silice, de l'alumine. La portion insoluble lavée à
+l'eau est attaquée par l'acide chlorhydrique ordinaire. Cette opération
+désagrège complètement la matière et en dissout une grande partie. De
+cette dissolution on peut retirer le polonium et l'actinium: le premier
+est précipité par l'hydrogène sulfuré, le second se trouve dans les
+hydrates précipités par l'ammoniaque dans la dissolution séparée des
+sulfures et peroxydée. Quant au radium, il reste dans la portion
+insoluble. Cette portion est lavée à l'eau, puis traitée par une
+dissolution concentrée et bouillante de carbonate de soude. S'il ne
+restait plus que peu de sulfates non attaqués, cette opération a pour
+effet de transformer complètement les sulfates de baryum et de radium en
+carbonates. On lave alors la matière très complètement à l'eau, puis on
+l'attaque par l'acide chlorhydrique étendu exempt d'acide sulfurique. La
+dissolution contient le radium, ainsi que du polonium et de l'actinium.
+On la filtre et on la précipite par l'acide sulfurique. On obtient ainsi
+des sulfates bruts de baryum radifère contenant aussi de la chaux, du
+plomb, du fer et ayant aussi entraîné un peu d'actinium. La dissolution
+contient encore un peu d'actinium et de polonium qui peuvent en être
+retirés comme de la première dissolution chlorhydrique.
+
+On retire d'une tonne de résidu 10kg à 20kg de sulfates bruts, dont
+l'activité est de 30 à 60 fois plus grande que celle de l'uranium
+métallique. On procède à leur purification. Pour cela, on les fait
+bouillir avec du carbonate de soude et on les transforme en chlorures.
+La dissolution est traitée par l'hydrogène sulfuré, ce qui donne une
+petite quantité de sulfures actifs contenant du polonium. On filtre la
+dissolution, on la peroxyde par l'action du chlore et on la précipite
+par de l'ammoniaque pure.
+
+Les oxydes et hydrates précipités sont très actifs, et l'activité est
+due à l'actinium. La dissolution filtrée est précipitée par le carbonate
+de soude. Les carbonates alcalino-terreux précipités sont lavés et
+transformés en chlorures.
+
+Ces chlorures sont évaporés à sec et lavés avec de l'acide chlorhydrique
+concentré pur. Le chlorure de calcium se dissout presque entièrement,
+alors que le chlorure de baryum radifère reste insoluble. On obtient
+ainsi, par tonne de matière première, 8kg environ de chlorure de baryum
+radifère, dont l'activité est environ 60 fois plus grande que celle de
+l'uranium métallique. Ce chlorure est prêt pour le fractionnement.
+
+
+_Polonium._--Comme il a été dit plus haut, en faisant passer l'hydrogène
+sulfuré dans les diverses dissolutions chlorhydriques obtenues au cours
+du traitement, on précipite des sulfures actifs dont l'activité est due
+au polonium.
+
+Ces sulfures contiennent principalement du bismuth, un peu de cuivre et
+de plomb; ce dernier métal ne s'y trouve pas en forte proportion, parce
+qu'il a été en grande partie enlevé par la dissolution sodique, et parce
+que son chlorure est peu soluble. L'antimoine et l'arsenic ne se
+trouvent dans les oxydes qu'en quantité minime, leurs oxydes ayant été
+dissous par la soude. Pour avoir de suite des sulfures très actifs, on
+employait le procédé suivant: les dissolutions chlorhydriques très
+acides étaient précipitées par l'hydrogène sulfuré: les sulfures qui se
+précipitent dans ces conditions sont très actifs, on les emploie pour la
+préparation du polonium; dans la dissolution il reste des substances
+dont la précipitation est incomplète en présence d'un excès d'acide
+chlorhydrique (bismuth, plomb, antimoine). Pour achever la
+précipitation, on étend la dissolution d'eau, on la traite à nouveau par
+l'hydrogène sulfuré et l'on obtient une seconde portion de sulfures
+beaucoup moins actifs que les premiers, et qui, généralement, ont été
+rejetés. Pour la purification ultérieure des sulfures, on les lave au
+sulfure d'ammonium, ce qui enlève les traces restantes d'antimoine et
+d'arsenic. Puis on les lave à l'eau additionnée d'azotate d'ammonium et
+on les traite par l'acide azotique étendu.
+
+La dissolution n'est jamais complète; on obtient toujours un résidu
+insoluble plus ou moins important que l'on traite à nouveau si on le
+juge utile. La dissolution est réduite à un petit volume et précipitée
+soit par l'ammoniaque, soit par beaucoup d'eau. Dans les deux cas le
+plomb et le cuivre restent en dissolution; dans le second cas un peu de
+bismuth à peine actif reste dissous également.
+
+Le précipité d'oxydes ou de sous-azotates est soumis à un fractionnement
+de la manière suivante: on dissout le précipité dans l'acide azotique,
+on ajoute de l'eau à la dissolution, jusqu'à formation d'une quantité
+suffisante de précipité; pour cette opération il faut tenir compte de ce
+que le précipité ne se forme, quelquefois, qu'au bout d'un certain
+temps. On sépare le précipité du liquide surnageant, on le redissout
+dans l'acide azotique; sur les deux portions liquides ainsi obtenues on
+refait une précipitation par l'eau, et ainsi de suite. On réunit les
+diverses portions en se basant sur leur activité, et l'on tâche de
+pousser la concentration aussi loin que possible. On obtient ainsi une
+très petite quantité de matière dont l'activité est énorme, mais qui,
+néanmoins, n'a encore donné au spectroscope que les raies du bismuth.
+
+On a malheureusement peu de chances d'aboutir à l'isolement du polonium
+par cette voie. La méthode de fractionnement qui vient d'être décrite
+présente de grandes difficultés, et il en est de même pour d'autres
+procédés de fractionnement par voie humide. Quel que soit le procédé
+employé, il se forme avec la plus grande facilité des composés
+absolument insolubles dans les acides étendus ou concentrés. Ces
+composés ne peuvent être redissous qu'en les ramenant préalablement à
+l'état métallique, par la fusion avec le cyanure de potassium, par
+exemple.
+
+Étant donné le nombre considérable des opérations à effectuer, cette
+circonstance constitue une difficulté énorme pour le progrès du
+fractionnement. Cet inconvénient est d'autant plus grave que le polonium
+est une substance qui, une fois retirée de la pechblende, diminue
+d'activité.
+
+Cette baisse d'activité est d'ailleurs lente; c'est ainsi qu'un
+échantillon de nitrate de bismuth à polonium a perdu la moitié de son
+activité en onze mois.
+
+Aucune difficulté analogue ne se présente pour le radium. La
+radioactivité reste un guide fidèle pour la concentration: cette
+concentration elle-même ne présente aucune difficulté, et les progrès du
+travail ont pu, depuis le début, être constamment contrôlés par
+l'analyse spectrale.
+
+Quand les phénomènes de la radioactivité induite, dont il sera question
+plus loin, ont été connus, il a paru naturel d'admettre que le polonium,
+qui ne donne que les raies du bismuth et dont l'activité diminue avec le
+temps, n'est pas un élément nouveau, mais du bismuth activé par le
+voisinage du radium dans la pechblende. Je ne suis pas convaincue que
+cette manière de voir soit exacte. Au cours de mon travail prolongé sur
+le polonium, j'ai constaté des effets chimiques que je n'ai jamais
+observés ni avec le bismuth ordinaire, ni avec le bismuth activé par le
+radium. Ces effets chimiques sont, en premier lieu, la formation
+extrêmement facile des composés insolubles dont j'ai parlé plus haut
+(spécialement sous-nitrates), en deuxième lieu, la couleur et l'aspect
+des précipités obtenus en ajoutant de l'eau à la solution azotique du
+bismuth polonifère. Ces précipités sont parfois blancs, mais plus
+généralement d'un jaune plus ou moins vif, allant au rouge foncé.
+
+L'absence de raies, autres que celles du bismuth, ne prouve pas
+péremptoirement que la substance ne contient que du bismuth, car il
+existe des corps dont la réaction spectrale est peu sensible.
+
+Il serait nécessaire de préparer une petite quantité de bismuth
+polonifère à l'état de concentration aussi avancé que possible, et d'en
+faire l'étude chimique, en premier lieu, la détermination du poids
+atomique du métal. Cette recherche n'a encore pu être faite à cause des
+difficultés de travail chimique signalées plus haut.
+
+S'il était démontré que le polonium est un élément nouveau, il n'en
+serait pas moins vrai que cet élément ne peut exister indéfiniment à
+l'état fortement radioactif, tout au moins quand il est retiré du
+minerai. On peut alors envisager la question de deux manières
+différentes: 1º ou bien toute l'activité du polonium est de la
+radioactivité induite par le voisinage de substances radioactives par
+elles-mêmes; le polonium aurait alors la faculté de s'activer
+atomiquement d'une façon durable, faculté qui ne semble pas appartenir à
+une substance quelconque; 2º ou bien l'activité du polonium est une
+activité propre qui se détruit spontanément dans certaines conditions et
+peut persister dans certaines autres conditions qui se trouvent
+réalisées dans le minerai. Le phénomène de l'activation atomique au
+contact est encore si mal connu, que l'on manque de base pour se former
+une opinion cohérente sur ce qui touche à cette question.
+
+ Tout récemment a paru un travail de M. Marckwald, sur le polonium[36].
+ M. Marckwald plonge une baguette de bismuth pur dans une solution
+ chlorhydrique du bismuth extrait du résidu du traitement de la
+ pechblende. Au bout de quelque temps la baguette se recouvre d'un
+ dépôt très actif, et la solution ne contient plus que du bismuth
+ inactif. M. Marckwald obtient aussi un dépôt très actif en ajoutant du
+ chlorure d'étain à une solution chlorhydrique de bismuth radioactif.
+ M. Marckwald conclut de là que l'élément actif est analogue au tellure
+ et lui donne le nom de _radiotellure_. La matière active de M.
+ Marckwald semble identique au polonium, par sa provenance et par les
+ rayons très absorbables qu'elle émet. Le choix d'un nom nouveau pour
+ cette matière est certainement inutile dans l'état actuel de la
+ question.
+
+ [36] _Berichte d. deutsch. chem. Gesell._, juin 1902 et décembre 1902.
+
+
+_Préparation du chlorure de radium pur._--Le procédé que j'ai adopté
+pour extraire le chlorure de radium pur du chlorure de baryum radifère
+consiste à soumettre le mélange des chlorures à une cristallisation
+fractionnée dans l'eau pure d'abord, dans l'eau additionnée d'acide
+chlorhydrique pur ensuite. On utilise ainsi la différence des
+solubilités des deux chlorures, celui de radium étant moins soluble que
+celui de baryum.
+
+Au début du fractionnement on emploie l'eau pure distillée. On dissout
+le chlorure et l'on amène la dissolution à être saturée à la température
+de l'ébullition, puis on laisse cristalliser par refroidissement dans
+une capsule couverte. Il se forme alors au fond de beaux cristaux
+adhérents, et la dissolution saturée, surnageante, peut être facilement
+décantée. Si l'on évapore à sec un échantillon de cette dissolution, on
+trouve que le chlorure obtenu est environ cinq fois moins actif que
+celui qui a cristallisé. On a ainsi partagé le chlorure en deux
+portions: A et B, la portion A étant beaucoup plus active que la portion
+B. On recommence sur chacun des chlorures A et B la même opération, et
+l'on obtient, avec chacun d'eux, deux portions nouvelles. Quand la
+cristallisation est terminée, on réunit ensemble la fraction la moins
+active du chlorure A et la fraction la plus active du chlorure B, ces
+deux matières ayant sensiblement la même activité. On se trouve alors
+avoir trois portions que l'on soumet à nouveau au même traitement.
+
+On ne laisse pas augmenter constamment le nombre des portions. A mesure
+que ce nombre augmente, l'activité de la portion la plus soluble va en
+diminuant. Quand cette portion n'a plus qu'une activité insignifiante,
+on l'élimine du fractionnement. Quand on a obtenu le nombre de portions
+que l'on désire, on cesse aussi de fractionner la portion la moins
+soluble (la plus riche en radium), et on l'élimine du fractionnement.
+
+On opère avec un nombre constant de portions. Après chaque série
+d'opérations, la solution saturée provenant d'une portion est versée sur
+les cristaux provenant de la portion suivante; mais si, après l'une des
+séries, on a éliminé la fraction la plus soluble, après la série
+suivante on fera, au contraire, une nouvelle portion avec la fraction la
+plus soluble, et l'on éliminera les cristaux qui constituent la portion
+la plus active. Par la succession alternative de ces deux modes
+opératoires on obtient un mécanisme de fractionnement très régulier,
+dans lequel le nombre des portions et l'activité de chacune d'elles
+restent constants, chaque portion étant environ cinq fois plus active
+que la suivante, et dans lequel on élimine d'un côté (à la queue) un
+produit à peu près inactif, tandis que l'on recueille de l'autre côté (à
+la tête) un chlorure enrichi en radium. La quantité de matière contenue
+dans les portions va, d'ailleurs, nécessairement en diminuant, et les
+portions diverses contiennent d'autant moins de matière qu'elles sont
+plus actives.
+
+On opérait au début avec six portions, et l'activité du chlorure éliminé
+à la queue n'était que 0,1 de celle de l'uranium.
+
+Quand on a ainsi éliminé en grande partie la matière inactive et que les
+portions sont devenues petites, on n'a plus intérêt à éliminer à une
+activité aussi faible; on supprime alors une portion à la queue du
+fractionnement et l'on ajoute à la tête une portion formée avec le
+chlorure actif précédemment recueilli. On recueillera donc maintenant un
+chlorure plus riche en radium que précédemment. On continue à appliquer
+ce système jusqu'à ce que les cristaux de tête représentent du chlorure
+de radium pur. Si le fractionnement a été fait d'une façon très
+complète, il reste à peine de très petites quantités de tous les
+produits intermédiaires.
+
+Quand le fractionnement est avancé et que la quantité de matière est
+devenue faible dans chaque portion, la séparation par cristallisation
+est moins efficace, le refroidissement étant trop rapide et le volume de
+solution à décanter trop petit. On a alors intérêt à additionner l'eau
+d'une proportion déterminée d'acide chlorhydrique; cette proportion
+devra aller en croissant à mesure que le fractionnement avance.
+
+L'avantage de cette addition consiste à augmenter la quantité de la
+dissolution, la solubilité des chlorures étant moindre dans l'eau
+chlorhydrique que dans l'eau pure. De plus, le fractionnement est alors
+très efficace; la différence entre les deux fractions provenant d'un
+même produit est considérable; en employant de l'eau avec beaucoup
+d'acide, on a d'excellentes séparations, et l'on peut opérer avec trois
+ou quatre portions seulement. On a tout avantage à employer ce procédé
+aussitôt que la quantité de matière est devenue assez faible pour que
+l'on puisse opérer ainsi sans inconvénients.
+
+Les cristaux, qui se déposent en solution très acide, ont la forme
+d'aiguilles très allongées, qui ont absolument le même aspect pour le
+chlorure de baryum et pour le chlorure de radium. Les uns et les autres
+sont biréfringents. Les cristaux de chlorure de baryum radifère se
+déposent incolores, mais, quand la proportion de radium devient
+suffisante, ils prennent au bout de quelques heures une coloration
+jaune, allant à l'orangé, quelquefois une belle coloration rose. Cette
+coloration disparaît par la dissolution. Les cristaux de chlorure de
+radium pur ne se colorent pas, ou tout au moins pas aussi rapidement, de
+sorte que la coloration paraît due à la présence simultanée du baryum et
+du radium. Le maximum de coloration est obtenu pour une certaine
+concentration en radium, et l'on peut, en se basant sur cette propriété,
+contrôler les progrès du fractionnement. Tant que la portion la plus
+active se colore, elle contient une quantité notable de baryum; quand
+elle ne se colore plus, et que les portions suivantes se colorent, c'est
+que la première est sensiblement du chlorure de radium pur.
+
+J'ai remarqué parfois la formation d'un dépôt composé de cristaux dont
+une partie restait incolore, alors que l'autre partie se colorait. Il
+semblait possible de séparer les cristaux incolores par triage, ce qui
+n'a pas été essayé.
+
+A la fin du fractionnement, le rapport des activités des portions
+successives n'est ni le même, ni aussi régulier qu'au début; toutefois
+il ne se produit aucun trouble sérieux dans la marche du fractionnement.
+
+La précipitation fractionnée d'une solution aqueuse de chlorure de
+baryum radifère par l'alcool conduit aussi à l'isolement du chlorure de
+radium qui se précipite en premier. Cette méthode que j'employais au
+début a été ensuite abandonnée pour celle qui vient d'être exposée et
+qui offre plus de régularité. Cependant, j'ai encore quelquefois employé
+la précipitation par l'alcool pour purifier le chlorure de radium qui
+contient une petite quantité de chlorure de baryum. Ce dernier reste
+dans la dissolution alcoolique légèrement aqueuse et peut ainsi être
+enlevé.
+
+M. Giesel, qui, dès la publication de nos premières recherches, s'est
+occupé de la préparation des corps radioactifs, recommande la séparation
+du baryum et du radium par la cristallisation fractionnée dans l'eau du
+mélange des bromures. J'ai pu constater que ce procédé est en effet très
+avantageux, surtout au début du fractionnement.
+
+Quel que soit le procédé de fractionnement dont on se sert, il est utile
+de le contrôler par des mesures d'activité.
+
+Il est nécessaire de remarquer qu'un composé de radium qui était
+dissous, et que l'on vient de ramener à l'état solide, soit par
+précipitation, soit par cristallisation, possède au début une activité
+d'autant moins grande qu'il est resté plus longtemps en dissolution.
+L'activité augmente ensuite pendant plusieurs mois pour atteindre une
+certaine limite, toujours la même. L'activité finale est cinq ou six
+fois plus élevée que l'activité initiale. Ces variations, sur lesquelles
+je reviendrai plus loin, doivent être prises en considération pour la
+mesure de l'activité. Bien que l'activité finale soit mieux définie, il
+est plus pratique, au cours d'un traitement chimique, de mesurer
+l'activité initiale du produit solide.
+
+L'activité des substances fortement radioactives est d'un tout autre
+ordre de grandeur que celle du minerai dont elles proviennent (elle est
+10^6 fois plus grande). Quand on mesure cette radioactivité par la
+méthode qui a été exposée au début de ce travail (appareil _fig._ 1), on
+ne peut pas augmenter, au delà d'une certaine limite, la charge que l'on
+met dans le plateau du quartz. Cette charge, dans nos expériences, était
+de 4000g au maximum, correspondant à une quantité d'électricité dégagée
+égale à 25 unités électrostatiques. Nous pouvons mesurer des activités
+qui varient, dans le rapport de 1 à 4000, en employant toujours la même
+surface pour la substance active. Pour étendre les limites des mesures,
+nous faisons varier cette surface dans un rapport connu. La substance
+active occupe alors sur le plateau B une zone circulaire centrale de
+rayon connu. L'activité n'étant pas, dans ces conditions, exactement
+proportionnelle à la surface, on détermine expérimentalement des
+coefficients qui permettent de comparer les activités à surface active
+inégale.
+
+Quand cette ressource elle-même est épuisée, on est obligé d'avoir
+recours à l'emploi d'écrans absorbants et à d'autres procédés
+équivalents sur lesquels je n'insisterai pas ici. Tous ces procédés,
+plus ou moins imparfaits, suffisent cependant pour guider les
+recherches.
+
+Nous avons aussi mesuré le courant qui traverse le condensateur quand il
+est mis en circuit avec une batterie de petits accumulateurs et un
+galvanomètre sensible. La nécessité de vérifier fréquemment la
+sensibilité du galvanomètre nous a empêchés d'employer cette méthode
+pour les mesures courantes.
+
+
+_Détermination du poids atomique du radium[37]._--Au cours de mon
+travail, j'ai, à plusieurs reprises, déterminé le poids atomique du
+métal contenu dans des échantillons de chlorure de baryum radifère.
+Chaque fois qu'à la suite d'un nouveau traitement j'avais une nouvelle
+provision de chlorure de baryum radifère à traiter, je poussais la
+concentration aussi loin que possible, de façon à obtenir de 0g,1 à 0g,5
+de matière contenant presque toute l'activité du mélange. De cette
+petite quantité de matière je précipitais par l'alcool ou l'acide
+chlorhydrique quelques milligrammes de chlorure qui étaient destinés à
+l'analyse spectrale.
+
+ [37] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 13 novembre 1899, août 1900 et 21
+ juillet 1902.
+
+Grâce à son excellente méthode, Demarçay n'avait besoin que de cette
+quantité minime de matière pour obtenir la photographie du spectre de
+l'étincelle. Sur le produit qui me restait je faisais une détermination
+de poids atomique.
+
+J'ai employé la méthode classique qui consiste à doser, à l'état de
+chlorure d'argent, le chlore contenu dans un poids connu de chlorure
+anhydre. Comme expérience de contrôle, j'ai déterminé le poids atomique
+du baryum par la même méthode, dans les mêmes conditions et avec la même
+quantité de matière, 0g,5 d'abord, 0g,1 seulement ensuite. Les nombres
+trouvés étaient toujours compris entre 137 et 138. J'ai vu ainsi que
+cette méthode donne des résultats satisfaisants, même avec une aussi
+faible quantité de matière.
+
+Les deux premières déterminations ont été faites avec des chlorures,
+dont l'un était 230 fois et l'autre 600 fois plus actif que l'uranium.
+Ces deux expériences ont donné, à la précision des mesures près, le même
+nombre que l'expérience faite avec le chlorure de baryum pur. On ne
+pouvait donc espérer de trouver une différence qu'en employant un
+produit beaucoup plus actif. L'expérience suivante a été faite avec un
+chlorure dont l'activité était environ 3500 fois plus grande que celle
+de l'uranium; cette expérience permit, pour la première fois,
+d'apercevoir une différence petite, mais certaine; je trouvais, pour le
+poids atomique moyen du métal contenu dans ce chlorure, le nombre 140,
+qui indiquait que le poids atomique du radium devait être plus élevé que
+celui du baryum. En employant des produits de plus en plus actifs et
+présentant le spectre du radium avec une intensité croissante, je
+constatais que les nombres obtenus allaient aussi en croissant, comme on
+peut le voir dans le Tableau suivant (A indique l'activité du chlorure,
+celle de l'uranium étant prise comme unité; M le poids atomique trouvé):
+
+ A. M.
+ 3500 140 le spectre du radium est très faible
+ 4700 141
+
+ 7500 145,8 { le spectre du radium est fort, mais celui du
+ { baryum domine de beaucoup
+ Ordre } 173,8 { les deux spectres ont une importance à
+ de } { peu près égale
+ grandeur, } 225 { le baryum n'est présent qu'à l'état de
+ 10^6. } { trace.
+
+Les nombres de la colonne A ne doivent être considérés que comme une
+indication grossière. L'appréciation de l'activité des corps fortement
+radioactifs est, en effet, difficile, pour diverses raisons dont il sera
+question plus loin.
+
+A la suite des traitements décrits plus haut, j'ai obtenu, en mars 1902,
+0g,12 d'un chlorure de radium, dont Demarçay a bien voulu faire
+l'analyse spectrale. Ce chlorure de radium, d'après l'opinion de
+Demarçay, était sensiblement pur; cependant son spectre présentait
+encore les trois raies principales du baryum avec une intensité notable.
+
+J'ai fait avec ce chlorure quatre déterminations successives dont voici
+les résultats:
+
+ Chlorure
+ de radium Chlorure
+ anhydre. d'argent. M.
+
+ I 0,1150 0,1130 220,7
+ II 0,1148 0,1119 223,0
+ III 0,11135 0,1086 222,8
+ IV 0,10925 0,10645 223,1
+
+J'ai entrepris alors une nouvelle purification de ce chlorure, et je
+suis arrivée à obtenir une matière beaucoup plus pure encore, dans le
+spectre de laquelle les deux raies les plus fortes du baryum sont très
+faibles. Étant donnée la sensibilité de la réaction spectrale du baryum,
+Demarçay estime que ce chlorure purifié ne contient que «des traces
+minimes de baryum incapables d'influencer d'une façon appréciable le
+poids atomique». J'ai fait trois déterminations avec ce chlorure de
+radium parfaitement pur. Voici les résultats:
+
+ Chlorure
+ de radium Chlorure
+ anhydre. d'argent. M.
+
+ I 0,09192 0,08890 225,3
+ II 0,08936 0,08627 225,8
+ III 0,08839 0,08589 224,0
+
+Ces nombres donnent une moyenne de 225. Ils ont été calculés, de même
+que les précédents, en considérant le radium comme un élément bivalent,
+dont le chlorure a la formule RaCl_{2}, et en adoptant pour l'argent et
+le chlore les nombres Ag = 107,8; Cl = 35,4.
+
+Il résulte de ces expériences que le poids atomique du radium est
+Ra=225. Je considère ce nombre comme exact à une unité près.
+
+Les pesées étaient faites avec une balance apériodique Curie,
+parfaitement réglée, précise au vingtième de milligramme. Cette balance,
+à lecture directe, permet de faire des pesées très rapides, ce qui est
+une condition essentielle pour la pesée des chlorures anhydres de radium
+et de baryum, qui absorbent lentement de l'eau, malgré la présence de
+corps desséchants dans la balance. Les matières à peser étaient placées
+dans un creuset de platine; ce creuset était en usage depuis longtemps,
+et j'ai vérifié que son poids ne variait pas d'un dixième de milligramme
+au cours d'une opération.
+
+Le chlorure hydraté obtenu par cristallisation était introduit dans le
+creuset et chauffé à l'étuve pour être transformé en chlorure anhydre.
+L'expérience montre que, lorsque le chlorure a été maintenu quelques
+heures à 100°, son poids ne varie plus, même lorsqu'on fait monter la
+température à 200° et qu'on l'y maintient pendant quelques heures. Le
+chlorure anhydre ainsi obtenu constitue donc un corps parfaitement
+défini.
+
+Voici une série de mesures relatives à ce sujet: le chlorure (1dg)
+est séché à l'étuve à 55° et placé dans un exsiccateur sur de l'acide
+phosphorique anhydre; il perd alors du poids très lentement, ce qui
+prouve qu'il contient encore de l'eau; pendant 12 heures, la perte a été
+de 3mg. On reporte le chlorure dans l'étuve et on laisse la température
+monter à 100°. Pendant cette opération, le chlorure perd 6mg,3. Laissé
+dans l'étuve pendant 3 heures 15 minutes, il perd encore 2mg,5. On
+maintient la température pendant 45 minutes entre 100° et 120°, ce qui
+entraîne une perte de poids de 0mg,1. Laissé ensuite 30 minutes à 125°,
+le chlorure ne perd rien. Maintenu ensuite pendant 30 minutes à 150°, il
+perd 0mg,1. Enfin, chauffé pendant 4 heures à 200°, il éprouve une perte
+de poids de 0mg,15. Pendant toutes ces opérations, le creuset a varié
+de 0mg,05.
+
+Après chaque détermination de poids atomique, le radium était ramené à
+l'état de chlorure de la manière suivante: la liqueur contenant après le
+dosage l'azotate de radium et l'azotate d'argent en excès était
+additionnée d'acide chlorhydrique pur, on séparait le chlorure d'argent
+par filtration; la liqueur était évaporée à sec plusieurs fois avec un
+excès d'acide chlorhydrique pur. L'expérience montre qu'on peut ainsi
+éliminer complètement l'acide azotique.
+
+Le chlorure d'argent du dosage était toujours radioactif et lumineux. Je
+me suis assurée qu'il n'avait pas entraîné de quantité pondérable de
+radium, en déterminant la quantité d'argent qui y était contenue. A cet
+effet, le chlorure d'argent fondu contenu dans le creuset était réduit
+par l'hydrogène résultant de la décomposition de l'acide chlorhydrique
+étendu par le zinc; après lavage, le creuset était pesé avec l'argent
+métallique qui y était contenu.
+
+J'ai constaté également, dans une expérience, que le poids du chlorure
+de radium régénéré était retrouvé le même qu'avant l'opération. Dans
+d'autres expériences, je n'attendais pas, pour commencer une nouvelle
+opération, que toutes les eaux de lavage fussent évaporées.
+
+Ces vérifications ne comportent pas la même précision que les
+expériences directes; elles ont permis toutefois de s'assurer qu'aucune
+erreur notable n'a été commise.
+
+D'après ses propriétés chimiques, le radium est un élément de la série
+des alcalino-terreux. Il est dans cette série l'homologue supérieur du
+baryum.
+
+D'après son poids atomique, le radium vient se placer également, dans le
+Tableau de Mendeleeff, à la suite du baryum dans la colonne des métaux
+alcalino-terreux et sur la rangée qui contient déjà l'uranium et le
+thorium.
+
+
+_Caractères des sels de radium._--Les sels de radium: chlorure, azotate,
+carbonate, sulfate, ont le même aspect que ceux de baryum, quand ils
+viennent d'être préparés à l'état solide, mais tous les sels de radium
+se colorent avec le temps.
+
+Les sels de radium sont tous lumineux dans l'obscurité.
+
+Par leurs propriétés chimiques, les sels de radium sont absolument
+analogues aux sels correspondants de baryum. Cependant le chlorure de
+radium est moins soluble que celui de baryum; la solubilité des azotates
+dans l'eau semble être sensiblement la même.
+
+Les sels de radium sont le siège d'un dégagement de chaleur spontané et
+continu.
+
+Le chlorure de radium pur est paramagnétique. Son coefficient
+d'aimantation spécifique K (rapport du moment magnétique de l'unité de
+masse à l'intensité du champ) a été mesuré par MM. P. Curie et C.
+Chéneveau au moyen d'un appareil établi par ces deux physiciens[38]. Ce
+coefficient a été mesuré par comparaison avec celui de l'eau et corrigé
+de l'action du magnétisme de l'air. On a trouvé ainsi
+
+ K = 1,05 × 10^{-6}.
+
+Le chlorure de baryum pur est diamagnétique, son coefficient
+d'aimantation spécifique est
+
+ K = - 0,40 × 10^{-6}.
+
+ [38] _Société de Physique_, 3 avril 1903.
+
+On trouve d'ailleurs, conformément aux résultats précédents, qu'un
+chlorure de baryum radifère contenant environ 17 pour 100 de chlorure de
+radium est diamagnétique et possède un coefficient spécifique
+
+ K = - 0,20 × 10^{-6}[39].
+
+ [39] En 1899, M. St. Meyer a annoncé que le carbonate de baryum
+ radifère était paramagnétique (_Wied. Ann._, t. LXVIII). Cependant M.
+ Meyer avait opéré avec un produit très peu riche en radium, et ne
+ contenant probablement que 1/1000 de sel de radium. Ce produit aurait
+ dû se montrer diamagnétique. Il est probable que ce corps contenait
+ une petite impureté ferrifère.
+
+
+_Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire._--Nous avons cherché à
+nous assurer si le chlorure de baryum du commerce ne contenait pas de
+petites quantités de chlorure de radium inappréciables à notre appareil
+de mesures. Pour cela, nous avons entrepris le fractionnement d'une
+grande quantité de chlorure de baryum du commerce, espérant concentrer
+par ce procédé la trace de chlorure de radium si elle s'y trouvait.
+
+50kg de chlorure de baryum du commerce ont été dissous dans l'eau; la
+dissolution a été précipitée par de l'acide chlorhydrique exempt d'acide
+sulfurique, ce qui a fourni 20kg de chlorure précipité. Celui-ci a été
+dissous dans l'eau et précipité partiellement par l'acide chlorhydrique,
+ce qui a donné 8kg,5 de chlorure précipité. Ce chlorure a été soumis à
+la méthode de fractionnement employée pour le chlorure de baryum
+radifère, et l'on a éliminé à la tête du fractionnement 10g de chlorure
+correspondant à la portion la moins soluble. Ce chlorure ne montrait
+aucune radioactivité dans notre appareil de mesures; il ne contenait
+donc pas de radium; ce corps est, par suite, absent des minerais qui
+fournissent le baryum.
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+RAYONNEMENT DES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
+
+
+_Procédés d'étude du rayonnement._--Pour étudier le rayonnement émis par
+les substances radioactives, on peut se servir de l'une quelconque des
+propriétés de ce rayonnement. On peut donc utiliser soit l'action des
+rayons sur les plaques photographiques, soit leur propriété d'ioniser
+l'air et de le rendre conducteur, soit encore leur faculté de provoquer
+la fluorescence de certaines substances. En parlant dorénavant de ces
+diverses manières d'opérer, j'emploierai, pour abréger, les expressions:
+méthode radiographique, méthode électrique, méthode fluoroscopique.
+
+Les deux premières ont été employées dès le début pour l'étude des
+rayons uraniques; la méthode fluoroscopique ne peut s'appliquer qu'aux
+substances nouvelles, fortement radioactives, car les substances
+faiblement radioactives telles que l'uranium et le thorium ne produisent
+pas de fluorescence appréciable. La méthode électrique est la seule qui
+comporte des mesures d'intensité précises; les deux autres sont surtout
+propres à donner à ce point de vue des résultats qualitatifs et ne
+peuvent fournir que des mesures d'intensité grossières. Les résultats
+obtenus avec les trois méthodes considérées ne sont jamais que très
+grossièrement comparables entre eux et peuvent ne pas être comparables
+du tout. La plaque sensible, le gaz qui s'ionise, l'écran fluorescent
+sont autant de récepteurs auxquels on demande d'absorber l'énergie du
+rayonnement et de la transformer en un autre mode d'énergie: énergie
+chimique, énergie ionique ou énergie lumineuse. Chaque récepteur absorbe
+une fraction du rayonnement qui dépend essentiellement de sa nature. On
+verra d'ailleurs plus loin que le rayonnement est complexe; les portions
+du rayonnement absorbées par les différents récepteurs peuvent différer
+entre elles quantitativement et qualitativement. Enfin, il n'est ni
+évident, ni même probable, que l'énergie absorbée soit entièrement
+transformée par le récepteur en la forme que nous désirons observer; une
+partie de cette énergie peut se trouver transformée en chaleur, en
+émission de rayonnements secondaires qui, suivant le cas, seront ou ne
+seront pas utilisés pour la production du phénomène observé, en action
+chimique différente de celle que l'on observe, etc., et, là encore,
+l'effet utile du récepteur, pour le but que nous nous proposons, dépend
+essentiellement de la nature de ce récepteur.
+
+Comparons deux échantillons radioactifs dont l'un contient du radium et
+l'autre du polonium, et qui sont également actifs dans l'appareil à
+plateaux de la figure 1. Si l'on recouvre chacun d'eux d'une feuille
+mince d'aluminium, le second paraîtra considérablement moins actif que
+le premier, et il en sera de même si on les place sous le même écran
+fluorescent, quand ce dernier est assez épais, ou qu'il est placé à une
+certaine distance des deux substances radioactives.
+
+
+_Énergie du rayonnement._--Quelle que soit la méthode de recherches
+employée, on trouve toujours que l'énergie du rayonnement des substances
+radioactives nouvelles est considérablement plus grande que celle de
+l'uranium et du thorium. C'est ainsi que, à petite distance, une plaque
+photographique est impressionnée, pour ainsi dire, instantanément, alors
+qu'une pose de 24 heures est nécessaire quand on opère avec l'uranium
+et le thorium. Un écran fluorescent est vivement illuminé au contact des
+substances radioactives nouvelles, alors qu'aucune trace de luminosité
+ne se voit avec l'uranium et le thorium. Enfin, l'action ionisante sur
+l'air est aussi considérablement plus intense, dans le rapport de 10^6
+environ. Mais il n'est, à vrai dire, plus possible d'évaluer
+l'_intensité totale du rayonnement_, comme pour l'uranium, par la
+méthode électrique décrite au début (_fig._ 1). En effet, dans le cas de
+l'uranium, par exemple, le rayonnement est très approximativement
+absorbé dans la couche d'air qui sépare les plateaux, et le courant
+limite est atteint pour une tension de 100 volts. Mais il n'en est plus
+de même pour les substances fortement radioactives. Une partie du
+rayonnement du radium est constituée par des rayons très pénétrants qui
+traversent le condensateur et les plateaux métalliques, et ne sont
+nullement utilisés à ioniser l'air entre les plateaux. De plus le
+courant limite ne peut pas toujours être obtenu pour les tensions dont
+on dispose; c'est ainsi que, pour le polonium très actif, le courant est
+encore proportionnel à la tension entre 100 et 500 volts. Les conditions
+expérimentales qui donnent à la mesure une signification simple ne sont
+donc pas réalisées, et, par suite, les nombres obtenus ne peuvent être
+considérés comme donnant la mesure du rayonnement total; ils ne
+constituent, à ce point de vue, qu'une approximation grossière.
+
+
+_Nature complexe du rayonnement._--Les travaux de divers physiciens (MM.
+Becquerel, Meyer et von Schweidler, Giesel, Villard, Rutherford, M. et
+Mme Curie) ont montré que le rayonnement des substances radioactives est
+un rayonnement très complexe. Il convient de distinguer trois espèces de
+rayons que je désignerai, suivant la notation adoptée par M. Rutherford,
+par les lettres α, β et γ.
+
+1º Les rayons α sont des rayons très peu pénétrants qui semblent
+constituer la plus grosse partie de rayonnement. Ces rayons sont
+caractérisés par les lois suivant lesquelles ils sont absorbés par la
+matière. Le champ magnétique agit très faiblement sur ces rayons, et on
+les a considérés tout d'abord comme insensibles à l'action de ce champ.
+Cependant, dans un champ magnétique intense, les rayons α sont
+légèrement déviés; la déviation se produit de la même manière que dans
+le cas des rayons cathodiques, mais le sens de la déviation est
+renversé; il est le même que pour les rayons canaux des tubes de
+Crookes.
+
+2º Les rayons β sont des rayons moins absorbables dans leur ensemble que
+les précédents. Ils sont déviés par un champ magnétique de la même
+manière et dans le même sens que les rayons cathodiques.
+
+3º Les rayons γ sont des rayons pénétrants insensibles à l'action du
+champ magnétique et comparables aux rayons de Röntgen.
+
+Les rayons d'un même groupe peuvent avoir un pouvoir de pénétration qui
+varie dans des limites très étendues, comme cela a été prouvé pour les
+rayons β.
+
+Imaginons l'expérience suivante: le radium R est placé au fond d'une
+petite cavité profonde creusée dans un bloc de plomb P (_fig._ 4). Un
+faisceau de rayons rectiligne et peu épanoui s'échappe de la cuve.
+Supposons que, dans la région qui entoure la cuve, on établisse un champ
+magnétique uniforme, très intense, normal au plan de la figure et dirigé
+vers l'arrière de ce plan. Les trois groupes de rayons α, β, γ se
+trouveront séparés. Les rayons γ peu intenses continuent leur trajet
+rectiligne sans trace de déviation. Les rayons β sont déviés à la façon
+de rayons cathodiques et décrivent dans le plan de la figure des
+trajectoires circulaires dont le rayon varie dans des limites étendues.
+Si la cuve est placée sur une plaque photographique AC, la portion BC
+de la plaque qui reçoit les rayons β est impressionnée. Enfin, les
+rayons α forment un faisceau très intense qui est dévié légèrement et
+qui est assez rapidement absorbé par l'air. Ces rayons décrivent, dans
+le plan de la figure, une trajectoire dont le rayon de courbure est très
+grand, le sens de la déviation étant l'inverse de celui qui a lieu pour
+les rayons β.
+
+[Illustration: Fig. 4.]
+
+Si l'on recouvre la cuve d'un écran mince en aluminium, (0mm,1
+d'épaisseur), les rayons α sont en très grande partie supprimés, les
+rayons β le sont bien moins et les rayons γ ne semblent pas absorbés
+notablement.
+
+L'expérience que je viens de décrire n'a pas été réalisée sous cette
+forme, et l'on verra dans la suite quelles sont les expériences qui
+montrent l'action du champ magnétique sur les divers groupes de rayons.
+
+
+_Action du champ magnétique._--On a vu que les rayons émis par les
+substances radioactives ont un grand nombre de propriétés communes aux
+rayons cathodiques et aux rayons Röntgen. Aussi bien les rayons
+cathodiques que les rayons Röntgen ionisent l'air, agissent sur les
+plaques photographiques, excitent la fluorescence, n'éprouvent pas de
+réflexion régulière. Mais les rayons cathodiques diffèrent des rayons
+Röntgen en ce qu'ils sont déviés de leur trajet rectiligne par l'action
+du champ magnétique et en ce qu'ils transportent des charges
+d'électricité négative.
+
+Le fait que le champ magnétique agit sur les rayons émis par les
+substances radioactives a été découvert presque simultanément par MM.
+Giesel, Meyer et von Schweidler et Becquerel[40]. Ces physiciens ont
+reconnu que les rayons des substances radioactives sont déviés par le
+champ magnétique de la même façon et dans le même sens que les rayons
+cathodiques; leurs observations se rapportaient aux rayons β.
+
+ [40] GIESEL, _Wied. Ann._, 2 novembre 1899.--MEYER et VON SCHWEIDLER,
+ _Acad. Anzeiger Wien_, 3 et 9 novembre 1899.--BECQUEREL, _Comptes
+ rendus_, 11 décembre 1899.
+
+M. Curie a montré que le rayonnement du radium comporte deux groupes de
+rayons bien distincts, dont l'un est facilement dévié par le champ
+magnétique (rayons β) alors que l'autre reste insensible à l'action de
+ce champ (rayons α et γ dont l'ensemble était désigné par le nom de
+rayons non déviables)[41].
+
+ [41] P. CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
+
+M. Becquerel n'a pas observé d'émission de rayons genre cathodique par
+les échantillons de polonium préparés par nous. C'est, au contraire, sur
+un échantillon de polonium, préparé par lui, que M. Giesel a observé
+pour la première fois l'effet du champ magnétique. De tous les
+échantillons de polonium, préparés par nous, aucun n'a jamais donné lieu
+à une émission de rayons genre cathodique.
+
+Le polonium de M. Giesel n'émet des rayons genre cathodique que quand il
+est récemment préparé, et il est probable que l'émission est due au
+phénomène de radioactivité induite dont il sera question plus loin.
+
+Voici les expériences qui prouvent qu'une partie du rayonnement du
+radium et une partie seulement est constituée par des rayons facilement
+déviables (rayons β). Ces expériences ont été faites par la méthode
+électrique[42].
+
+ [42] P. CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
+
+[Illustration: Fig. 5.]
+
+Le corps radioactif (_fig._ 5) envoie des radiations suivant la
+direction AD entre les plateaux P et P'. Le plateau P est maintenu au
+potentiel de 500 volts, le plateau P' est relié à un électromètre et à
+un quartz piézoélectrique. On mesure l'intensité du courant qui passe
+dans l'air sous l'influence des radiations. On peut à volonté établir le
+champ magnétique d'un électro-aimant normalement au plan de la figure
+dans toute la région EEEE. Si les rayons sont déviés, même faiblement,
+ils ne pénètrent plus entre les plateaux, et le courant est supprimé.
+La région où passent les rayons est entourée par les masses de plomb B,
+B', B" et par les armatures de l'électro-aimant; quand les rayons sont
+déviés, ils sont absorbés par les masses de plomb B et B'.
+
+Les résultats obtenus dépendent essentiellement de la distance AD du
+corps radiant A à l'entrée du condensateur en D. Si la distance AD est
+assez grande (supérieure à 7cm), la plus grande partie (90 pour 100
+environ) des rayons du radium qui arrivent au condensateur sont déviés
+et supprimés pour un champ de 2500 unités. Ces rayons sont des rayons β.
+Si la distance AD est plus faible que 65mm, une partie moins importante
+des rayons est déviée par l'action du champ; cette partie est d'ailleurs
+déjà complètement déviée par un champ de 2500 unités, et la proportion
+de rayons supprimés n'augmente pas quand on fait croître le champ de
+2500 à 7000 unités.
+
+La proportion des rayons non supprimés par le champ est d'autant plus
+grande que la distance AD entre le corps radiant et le condensateur est
+plus petite. Pour les distances faibles les rayons qui peuvent être
+déviés facilement ne constituent plus qu'une très faible fraction du
+rayonnement total.
+
+Les rayons pénétrants sont donc, en majeure partie, des rayons déviables
+genre cathodique (rayons β).
+
+Avec le dispositif expérimental qui vient d'être décrit, l'action du
+champ magnétique sur les rayons α ne pouvait guère être observée pour
+les champs employés. Le rayonnement très important, en apparence non
+déviable, observé à petite distance de la source radiante, était
+constitué par les rayons α; le rayonnement non déviable observé à grande
+distance était constitué par les rayons γ.
+
+Lorsque l'on tamise le faisceau au travers d'une lame absorbante
+(aluminium ou papier noir), les rayons qui passent sont presque tous
+déviés par le champ, de telle sorte qu'à l'aide de l'écran et du champ
+magnétique presque tout le rayonnement est supprimé dans le
+condensateur, ce qui reste n'étant alors dû qu'aux rayons γ, dont la
+proportion est faible. Quant aux rayons α, ils sont absorbés par
+l'écran.
+
+Une lame d'aluminium de 1/100 de millimètre d'épaisseur suffit pour
+supprimer presque tous les rayons difficilement déviables, quand la
+substance est assez loin du condensateur; pour des distances plus
+petites (34mm et 51mm), deux feuilles d'aluminium au 1/100 sont
+nécessaires pour obtenir ce résultat.
+
+On a fait des mesures semblables sur quatre substances radifères
+(chlorures ou carbonates) d'activité très différente; les résultats
+obtenus ont été très analogues.
+
+On peut remarquer que, pour tous les échantillons, les rayons pénétrants
+déviables à l'aimant (rayons β) ne sont qu'une faible partie du
+rayonnement total; ils n'interviennent que pour une faible part dans les
+mesures où l'on utilise le rayonnement intégral pour produire la
+conductibilité de l'air.
+
+On peut étudier la radiation émise par le polonium par la méthode
+électrique. Quand on fait varier la distance AD du polonium au
+condensateur, on n'observe d'abord aucun courant tant que la distance
+est assez grande; quand on rapproche le polonium, on observe que, pour
+une certaine distance qui était de 4cm pour l'échantillon étudié, le
+rayonnement se fait très brusquement sentir avec une assez grande
+intensité; le courant augmente ensuite régulièrement si l'on continue à
+rapprocher le polonium, mais le champ magnétique ne produit pas d'effet
+appréciable dans ces conditions. Il semble que le rayonnement du
+polonium soit délimité dans l'espace et dépasse à peine dans l'air une
+sorte de gaine entourant la substance sur l'épaisseur de quelques
+centimètres.
+
+Il convient de faire des réserves générales importantes sur la
+signification des expériences que je viens de décrire. Quand j'indique
+la proportion des rayons déviés par l'aimant, il s'agit seulement des
+radiations susceptibles d'actionner un courant dans le condensateur. En
+employant comme réactif des rayons de Becquerel la fluorescence ou
+l'action sur les plaques photographiques, la proportion serait
+probablement différente, une mesure d'intensité n'ayant généralement un
+sens que pour la méthode de mesures employée.
+
+Les rayons du polonium sont des rayons du genre α. Dans les expériences
+que je viens de décrire, on n'a observé aucun effet du champ magnétique
+sur ces rayons, mais le dispositif expérimental était tel qu'une faible
+déviation passait inaperçue.
+
+Des expériences faites par la méthode radiographique ont confirmé les
+résultats de celles qui précèdent. En employant le radium comme source
+radiante, et en recevant l'impression sur une plaque parallèle au
+faisceau primitif et normale au champ, on obtient la trace très nette de
+deux faisceaux séparés par l'action du champ, l'un dévié, l'autre non
+dévié. Les rayons β constituent le faisceau dévié; les rayons α étant
+peu déviés se confondent sensiblement avec le faisceau non dévié des
+rayons γ.
+
+
+_Rayons déviables β_.--Il résultait des expériences de MM. Giesel et de
+MM. Meyer et von Schweidler que le rayonnement des corps radioactifs est
+au moins en partie dévié par un champ magnétique, et que la déviation se
+fait comme pour les rayons cathodiques. M. Becquerel a étudié l'action
+du champ sur les rayons par la méthode radiographique[43]. Le dispositif
+expérimental employé était celui de la figure 4. Le radium était placé
+dans la cuve en plomb P, et cette cuve était posée sur la face sensible
+d'une plaque photographique AC enveloppée de papier noir. Le tout était
+placé entre les pôles d'un électro-aimant, le champ magnétique étant
+normal au plan de la figure.
+
+ [43] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 206, 372, 810.
+
+Si le champ est dirigé vers l'arrière de ce plan, la partie BC de la
+plaque se trouve impressionnée par des rayons qui, ayant décrit des
+trajectoires circulaires, sont rabattus sur la plaque et viennent la
+couper à angle droit. Ces rayons sont des rayons β.
+
+M. Becquerel a montré que l'impression constitue une large bande
+diffuse, véritable spectre continu, montrant que le faisceau de rayons
+déviables émis par la source est constitué par une infinité de
+radiations inégalement déviables. Si l'on recouvre la gélatine de la
+plaque de divers écrans absorbants (papier, verre, métaux), une portion
+du spectre se trouve supprimée, et l'on constate que les rayons les plus
+déviés par le champ magnétique, autrement dit ceux qui donnent la plus
+petite valeur du rayon de la trajectoire circulaire, sont le plus
+fortement absorbés. Pour chaque écran l'impression sur la plaque ne
+commence qu'à une certaine distance de la source radiante, cette
+distance étant d'autant plus grande que l'écran est plus absorbant.
+
+
+_Charge des rayons déviables._--Les rayons cathodiques sont, comme l'a
+montré M. Perrin, chargés d'électricité négative[44]. De plus ils
+peuvent, d'après les expériences de M. Perrin et de M. Lenard[45],
+transporter leur charge à travers des enveloppes métalliques réunies à
+la terre et à travers des lames isolantes. En tout point, où les rayons
+cathodiques sont absorbés, se fait un dégagement continu d'électricité
+négative. Nous avons constaté qu'il en est de même pour les rayons
+déviables β du radium. _Les rayons déviables β du radium sont chargés
+d'électricité négative_[46].
+
+ [44] _Comptes rendus_, t. CXXI, p. 1130. _Annales de Chimie et de
+ Physique_, t. II, 1897.
+
+ [45] LENARD, _Wied. Ann._, t. LXIV, p. 279.
+
+ [46] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 5 mars 1900.
+
+ Étalons la substance radioactive sur l'un des plateaux d'un
+ condensateur, ce plateau étant relié métalliquement à la terre; le
+ second plateau est relié à un électromètre, il reçoit et absorbe les
+ rayons émis par la substance. Si les rayons sont chargés, on doit
+ observer une arrivée continue d'électricité à l'électromètre. Cette
+ expérience, réalisée dans l'air, ne nous a pas permis de déceler une
+ charge des rayons, mais l'expérience ainsi faite n'est pas sensible.
+ L'air entre les plateaux étant rendu conducteur par les rayons,
+ l'électromètre n'est plus isolé et ne peut accuser que des charges
+ assez fortes.
+
+ Pour que les rayons α ne puissent apporter de trouble dans
+ l'expérience, on peut les supprimer en recouvrant la source radiante
+ d'un écran métallique mince; le résultat de l'expérience n'est pas
+ modifié[47].
+
+ [47] A vrai dire, dans ces expériences, on observe toujours une
+ déviation à l'électromètre, mais il est facile de se rendre compte que
+ ce déplacement est un effet de la force électromotrice de contact qui
+ existe entre le plateau relié à l'électromètre et les conducteurs
+ voisins; cette force électromotrice fait dévier l'électromètre, grâce
+ à la conductibilité de l'air soumis au rayonnement du radium.
+
+Nous avons sans plus de succès répété cette expérience dans l'air en
+faisant pénétrer les rayons dans l'intérieur d'un cylindre de Faraday en
+relation avec l'électromètre[48].
+
+ [48] Le dispositif du cylindre de Faraday n'est pas nécessaire, mais
+ il pourrait présenter quelques avantages dans le cas où il se
+ produirait une forte diffusion des rayons par les parois frappées. On
+ pourrait espérer ainsi recueillir et utiliser ces rayons diffusés,
+ s'il y en a.
+
+On pouvait déjà se rendre compte, d'après les expériences qui précèdent,
+que la charge des rayons du produit radiant employé était faible.
+
+Pour constater un faible dégagement d'électricité sur le conducteur qui
+absorbe les rayons, il faut que ce conducteur soit bien isolé
+électriquement; pour obtenir ce résultat, il est nécessaire de le mettre
+à l'abri de l'air, soit en le plaçant dans un tube avec un vide très
+parfait, soit en l'entourant d'un bon diélectrique solide. C'est ce
+dernier dispositif que nous avons employé.
+
+Un disque conducteur MM (_fig._ 6) est relié par la tige métallique _t_
+à l'électromètre; disque et tige sont complètement entourés de matière
+isolante _iiii_; le tout est recouvert d'une enveloppe métallique EEEE
+qui est en communication électrique avec la terre. Sur l'une des faces
+du disque, l'isolant _pp_ et l'enveloppe métallique sont très minces.
+C'est cette face qui est exposée au rayonnement du sel de baryum
+radifère R, placé à l'extérieur dans une auge en plomb[49]. Les rayons
+émis par le radium traversent l'enveloppe métallique et la lame isolante
+_pp_, et sont absorbés par le disque métallique MM. Celui-ci est alors
+le siège d'un dégagement continu et constant d'électricité négative que
+l'on constate à l'électromètre et que l'on mesure à l'aide du quartz
+piézoélectrique.
+
+ [49] L'enveloppe isolante doit être parfaitement continue. Toute
+ fissure remplie d'air allant du conducteur intérieur jusqu'à
+ l'enveloppe métallique est une cause de courant dû aux forces
+ électromotrices de contact utilisant la conductibilité de l'air sous
+ l'action du radium.
+
+[Illustration: Fig. 6.]
+
+Le courant ainsi créé est très faible. Avec du chlorure de baryum
+radifère très actif formant une couche de 2cm2,5 de surface et de
+0cm,2 d'épaisseur, on obtient un courant de l'ordre de grandeur de
+10^{-11} ampère, les rayons utilisés ayant traversé, avant d'être
+absorbés par le disque MM, une épaisseur d'aluminium de 0mm,01 et une
+épaisseur d'ébonite de 0mm,3.
+
+Nous avons employé successivement du plomb, du cuivre et du zinc pour le
+disque MM, de l'ébonite et de la paraffine pour l'isolant; les résultats
+obtenus ont été les mêmes.
+
+Le courant diminue quand on éloigne la source radiante R, ou quand on
+emploie un produit moins actif.
+
+Nous avons encore obtenu les mêmes résultats en remplaçant le disque MM
+par un cylindre de Faraday rempli d'air, mais enveloppé extérieurement
+par une matière isolante. L'ouverture du cylindre, fermée par la plaque
+isolante mince _pp_, était alors en face de la source radiante.
+
+Enfin nous avons fait l'expérience inverse, qui consiste à placer l'auge
+de plomb avec le radium au milieu de la matière isolante et en relation
+avec l'électromètre (_fig._ 7), le tout étant enveloppé par l'enceinte
+métallique reliée à la terre.
+
+[Illustration: Fig. 7.]
+
+Dans ces conditions, on observe à l'électromètre que le radium prend une
+charge positive et égale en grandeur à la charge négative de la première
+expérience. Les rayons du radium traversent la plaque diélectrique mince
+_pp_ et quittent le conducteur intérieur en emportant de l'électricité
+négative.
+
+Les rayons α du radium n'interviennent pas dans ces expériences, étant
+absorbés presque totalement par une épaisseur extrêmement faible de
+matière. La méthode qui vient d'être décrite ne convient pas non plus
+pour l'étude de la charge des rayons du polonium, ces rayons étant
+également très peu pénétrants. Nous n'avons observé aucun indice de
+charge avec du polonium, qui émet seulement des rayons α; mais, pour la
+raison qui précède, on ne peut tirer de cette expérience aucune
+conclusion.
+
+Ainsi, dans le cas des rayons déviables β du radium, comme dans le cas
+des rayons cathodiques, les rayons transportent de l'électricité. Or,
+jusqu'ici on n'a jamais reconnu l'existence de charges électriques non
+liées à la matière. On est donc amené à se servir, dans l'étude de
+l'émission des rayons déviables β du radium, de la même théorie que
+celle actuellement en usage pour l'étude des rayons cathodiques. Dans
+cette théorie balistique, qui a été formulée par Sir W. Crookes, puis
+développée et complétée par M. J.-J. Thompson, les rayons cathodiques
+sont constitués par des particules extrêmement ténues qui sont lancées à
+partir de la cathode avec une très grande vitesse, et qui sont chargées
+d'électricité négative. On peut de même concevoir que le radium envoie
+dans l'espace des particules chargées négativement.
+
+Un échantillon de radium renfermé dans une enveloppe solide, mince,
+parfaitement isolante, doit se charger spontanément à un potentiel très
+élevé. Dans l'hypothèse balistique le potentiel augmenterait, jusqu'à ce
+que la différence de potentiel avec les conducteurs environnants devînt
+suffisante pour empêcher l'éloignement des particules électrisées émises
+et amener leur retour à la source radiante.
+
+Nous avons réalisé par hasard l'expérience dont il est question ici. Un
+échantillon de radium très actif était enfermé depuis longtemps dans une
+ampoule de verre. Pour ouvrir l'ampoule, nous avons fait avec un couteau
+à verre un trait sur le verre. A ce moment nous avons entendu nettement
+le bruit d'une étincelle, et en observant ensuite l'ampoule à la loupe,
+nous avons aperçu que le verre avait été perforé par une étincelle à
+l'endroit où il s'était trouvé aminci par le trait. Le phénomène qui
+s'est produit là est exactement comparable à la rupture du verre d'une
+bouteille de Leyde trop chargée.
+
+Le même phénomène s'est reproduit avec une autre ampoule. De plus, au
+moment où l'étincelle a éclaté, M. Curie qui tenait l'ampoule ressentit
+dans les doigts la secousse électrique due à la décharge.
+
+Certains verres ont de bonnes propriétés isolantes. Si l'on enferme le
+radium dans une ampoule de verre scellée et bien isolante, on peut
+s'attendre à ce que cette ampoule à un moment donné se perce
+spontanément.
+
+_Le radium est le premier exemple d'un corps qui se charge spontanément
+d'électricité._
+
+
+_Action du champ électrique sur les rayons déviables_ β _du
+radium_.--Les rayons déviables β du radium étant assimilés à des rayons
+cathodiques doivent être déviés par un champ électrique de la même façon
+que ces derniers, c'est-à-dire comme le serait une particule matérielle
+chargée négativement et lancée dans l'espace avec une grande vitesse.
+L'existence de cette déviation a été montrée, d'une part, par M.
+Dorn[50], d'autre part, par M. Becquerel[51].
+
+ [50] DORN, _Abh. Halle_, mars 1900.
+
+ [51] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 819.
+
+Considérons un rayon qui traverse l'espace situé entre les deux plateaux
+d'un condensateur. Supposons la direction du rayon parallèle aux
+plateaux. Quand on établit entre ces derniers un champ électrique, le
+rayon est soumis à l'action de ce champ uniforme sur toute la longueur
+du trajet dans le condensateur, soit _l_. En vertu de cette action le
+rayon est dévié vers le plateau positif et décrit un arc de parabole; en
+sortant du champ il continue son chemin en ligne droite suivant la
+tangente à l'arc de parabole au point de sortie. On peut recevoir le
+rayon sur une plaque photographique normale à sa direction primitive. On
+observe l'impression produite sur la plaque quand le champ est nul et
+quand le champ a une valeur connue, et l'on déduit de là la valeur de la
+déviation δ, qui est la distance des points, où la nouvelle direction du
+rayon et sa direction primitive rencontrent un même plan normal à la
+direction primitive. Si _h_ est la distance de ce plan au condensateur,
+c'est-à-dire à la limite du champ, on a, par un calcul simple,
+
+ _e_F_l_(_l_/2 + _h_)
+ δ = ---------------------,
+ _mv_^2
+
+_m_ étant la masse de la particule en mouvement, _e_ sa charge, _v_ sa
+vitesse et F la valeur du champ.
+
+Les expériences de M. Becquerel lui ont permis de donner une valeur
+approchée de δ.
+
+
+_Rapport de la charge à la masse pour une particule, chargée
+négativement, émise par le radium._--Quand une particule matérielle,
+ayant la masse _m_ et la charge négative _e_, est lancée avec une
+vitesse _v_ dans un champ magnétique uniforme normal à sa vitesse
+initiale, cette particule décrit dans un plan normal au champ et passant
+par sa vitesse initiale un arc de cercle de rayon ρ tel que, H étant la
+valeur du champ, on a la relation
+
+ _m_
+ Hρ = ----- _v_.
+ _e_
+
+Si l'on a mesuré pour un même rayon la déviation électrique δ et le
+rayon de courbure ρ dans un champ magnétique, on pourra, de ces deux
+expériences, tirer les valeurs du rapport _e_/_m_ de la vitesse _v_.
+
+Les expériences de M. Becquerel ont fourni une première indication à ce
+sujet. Elles ont donné pour le rapport _e_/_m_ une valeur approchée
+égale à 10^7 unités électromagnétiques absolues, et pour _v_ une
+grandeur égale à 1,6 × 10^{10}. Ces valeurs sont du même ordre de
+grandeur que pour les rayons cathodiques.
+
+Des expériences précises ont été faites sur le même sujet par M.
+Kaufmann[52]. Ce physicien a soumis un faisceau très étroit de rayons du
+radium à l'action simultanée d'un champ électrique et d'un champ
+magnétique, les deux champs étant uniformes et ayant une même direction,
+normale à la direction primitive du faisceau. L'impression produite sur
+une plaque normale au faisceau primitif et placée au-dessus des limites
+du champ par rapport à la source prend la forme d'une courbe, dont
+chaque point correspond à l'un des rayons du faisceau primitif
+hétérogène. Les rayons les plus pénétrants et les moins déviables sont
+d'ailleurs ceux dont la vitesse est la plus grande.
+
+[52] KAUFMANN, _Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu Gœttingen_, 1901,
+Heft 2.
+
+Il résulte des expériences de M. Kaufmann que pour les rayons du radium,
+dont la vitesse est notablement supérieure à celle des rayons
+cathodiques, le rapport _e_/_m_ va en diminuant quand la vitesse
+augmente.
+
+D'après les travaux de J.-J. Thomson et de Townsend[53] nous devons
+admettre que la particule en mouvement, qui constitue le rayon, possède
+une charge _e_ égale à celle transportée par un atome d'hydrogène dans
+l'électrolyse, cette charge étant la même pour tous les rayons. On est
+donc conduit à conclure que la masse de la particule _m_ va en
+augmentant quand la vitesse augmente.
+
+ [53] THOMSON, _Phil. Mag._, t. XLVI, 1898.--TOWNSEND, _Phil. Trans._,
+ t. CXCV, 1901.
+
+Or, des considérations théoriques conduisent à concevoir que l'inertie
+de la particule est précisément due à son état de charge en mouvement,
+la vitesse d'une charge électrique en mouvement ne pouvant être modifiée
+sans dépense d'énergie. Autrement dit, l'inertie de la particule est
+d'origine électromagnétique, et la masse de la particule est au moins en
+partie une masse apparente ou masse électromagnétique. M. Abraham[54] va
+plus loin et suppose que la masse de la particule est entièrement une
+masse électromagnétique. Si dans cette hypothèse on calcule la valeur de
+cette masse _m_ pour une vitesse connue _v_, on trouve que _m_ tend vers
+l'infini quand _v_ tend vers la vitesse de la lumière, et que _m_ tend
+vers une valeur constante quand la vitesse _v_ est très inférieure à
+celle de la lumière. Les expériences de M. Kaufmann sont en accord avec
+les résultats de cette théorie dont l'importance est grande, puisqu'elle
+permet de prévoir la possibilité d'établir les bases de la mécanique sur
+la dynamique de petits centres matériels chargés en état de
+mouvement[55].
+
+[54] ABRAHAM, _Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu Gœttingen_, 1902,
+Heft 1.
+
+ [55] Quelques développements sur cette question ainsi qu'une étude
+ très complète des centres matériels chargés (électrons ou corpuscules)
+ et les références des travaux relatifs se trouvent dans la Thèse de M.
+ Langevin.
+
+Voici les nombres obtenus par M. Kaufmann pour _e_/_m_ et _v_:
+
+ _e_
+ -------
+ _m_
+ unités cm
+ électromagnétiques. _v_ ----.
+ sec
+
+ 1,865 × 10^7 0,7 × 10^10 { pour les rayons
+ { cathodiques.
+ 1,31 × 10^7 2,36 × 10^10 }
+ 1,17 » 2,48 » } pour les rayons du
+ 0,97 » 2,59 » } radium (Kaufmann).
+ 0,77 » 2,72 » }
+ 0,63 » 2,83 » }
+
+M. Kaufmann conclut de la comparaison de ses expériences avec la
+théorie, que la valeur limite du rapport _e_/_m_ pour les rayons du
+radium de vitesse relativement faible serait la même que la valeur de
+_e_/_m_ pour les rayons cathodiques.
+
+Les expériences les plus complètes de M. Kaufmann ont été faites avec un
+grain minuscule de chlorure de radium pur, que nous avons mis à sa
+disposition.
+
+D'après les expériences de M. Kaufmann certains rayons β du radium
+possèdent une vitesse très voisine de celle de la lumière. On comprend
+que ces rayons si rapides puissent jouir d'un pouvoir pénétrant très
+grand vis-à-vis de la matière.
+
+
+_Action du champ magnétique sur les rayons α._--Dans un travail récent,
+M. Rutherford a annoncé[56] que, dans un champ magnétique ou électrique
+puissant, les rayons α du radium sont légèrement déviés à la façon de
+particules électrisées positivement et animées d'une grande vitesse. M.
+Rutherford conclut de ses expériences que la vitesse des rayons α est
+de l'ordre de grandeur 2,5 × 10^9 cm/sec et que le rapport _e_/_m_ pour
+ces rayons est de l'ordre de grandeur 6 × 10^3, soit 10^4 fois plus
+grand que pour les rayons déviables β. On verra plus loin que ces
+conclusions de M. Rutherford sont en accord avec les propriétés
+antérieurement connues du rayonnement α, et qu'elles rendent compte, au
+moins en partie, de la loi d'absorption de ce rayonnement.
+
+ [56] RUTHERFORD, _Physik. Zeitschrift_, 15 janvier 1903.
+
+Les expériences de M. Rutherford ont été confirmées par M. Becquerel. M.
+Becquerel a montré, de plus, que les rayons du polonium se comportent
+dans un champ magnétique comme les rayons α du radium et qu'ils semblent
+prendre, à champ égal, la même courbure que ces derniers. Il résulte
+aussi des expériences de M. Becquerel que les rayons α ne semblent pas
+former de spectre magnétique, mais se comportent plutôt comme un
+rayonnement homogène, tous les rayons étant également déviés[57].
+
+ [57] BECQUEREL, _Comptes rendus_ des 26 janvier et 16 février 1903.
+
+M. Des Coudres a fait une mesure de la déviation électrique et de la
+déviation magnétique des rayons α du radium dans le vide. Il a trouvé
+pour la vitesse de ces rayons _v_ = 1,65 × 10^9 cm/sec et pour le
+rapport de la charge à la masse _e_/_m_ = 6400 en unités
+électromagnétiques[58]. La vitesse des rayons α est donc environ 20 fois
+plus faible que celle de la lumière. Le rapport _e_/_m_ est du même
+ordre de grandeur que celui que l'on trouve pour l'hydrogène dans
+l'électrolyse: _e_/_m_ = 9650. Si donc on admet que la charge de chaque
+projectile est la même que celle d'un atome d'hydrogène dans
+l'électrolyse, on en conclut que la masse de ce projectile est du même
+ordre de grandeur que celle d'un atome d'hydrogène.
+
+ [58] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift._, 1er juin 1903.
+
+Or nous venons de voir que, pour les rayons cathodiques et pour les
+rayons β du radium les plus lents, le rapport _e_/_m_ est égal à 1,865 ×
+10^7; ce rapport est donc environ 2000 fois plus grand que celui obtenu
+dans l'électrolyse. La charge de la particule chargée négativement étant
+supposée la même que celle d'un atome d'hydrogène, sa masse limite pour
+les vitesses relativement faibles serait donc environ 2000 fois plus
+petite que celle d'un atome d'hydrogène.
+
+Les projectiles qui constituent les rayons β sont donc à la fois
+beaucoup plus petits et animés d'une vitesse plus grande que ceux qui
+constituent les rayons α. On comprend alors facilement que les premiers
+possèdent un pouvoir pénétrant bien plus grand que les seconds.
+
+
+_Action du champ magnétique sur les rayons des autres substances
+radioactives._--On vient de voir que le radium émet des rayons α
+assimilables aux rayons canaux, des rayons β assimilables aux rayons
+cathodiques et des rayons pénétrants et non déviables γ. Le polonium
+n'émet que des rayons α. Parmi les autres substances radioactives,
+l'actinium semble se comporter comme le radium, mais l'étude du
+rayonnement de ce corps n'est pas encore aussi avancée que celle du
+rayonnement du radium. Quant aux substances faiblement radioactives, on
+sait aujourd'hui que l'uranium et le thorium émettent aussi bien des
+rayons α que des rayons déviables β (Becquerel, Rutherford).
+
+
+_Proportion des rayons déviables_ β _dans le rayonnement du
+radium_.--Comme je l'ai déjà dit, la proportion des rayons β va en
+augmentant, à mesure qu'on s'éloigne de la source radiante. Toutefois,
+ces rayons ne se montrent jamais seuls, et pour les grandes distances
+on observe aussi toujours la présence de rayons γ. La présence de rayons
+non déviables très pénétrants dans le rayonnement du radium a été, pour
+la première fois, observée par M. Villard[59]. Ces rayons ne constituent
+qu'une faible partie du rayonnement mesuré par la méthode électrique, et
+leur présence nous avait échappé dans nos premières expériences, de
+sorte que nous croyions alors à tort que le rayonnement à grande
+distance ne contenait que des rayons déviables.
+
+ [59] VILLARD, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 1010.
+
+Voici les résultats numériques obtenus dans des expériences faites par
+la méthode électrique avec un appareil analogue à celui de la figure 5.
+Le radium n'était séparé du condensateur que par l'air ambiant. Je
+désigne par _d_ la distance de la source radiante au condensateur. En
+supposant égal à 100 le courant obtenu sans champ magnétique pour chaque
+distance, les nombres de la deuxième ligne indiquent le courant qui
+subsiste quand le champ agit. Ces nombres peuvent être considérés comme
+donnant le pourcentage de l'ensemble des rayons α et γ, la déviation des
+rayons α n'ayant guère pu être observée avec le dispositif employé.
+
+Aux grandes distances on n'a plus de rayons α, et le rayonnement non
+dévié est alors du genre γ seulement.
+
+Expériences faites à petite distance:
+
+ _d_ en centimètres. 3,4 5,1 6,0 6,5
+ Pour 100 de rayons non déviés. 74 56 33 11
+
+Expériences faites aux grandes distances, avec un produit
+considérablement plus actif que celui qui avait servi pour la série
+précédente:
+
+ _d_ en centimètres. 14 30 53 80 98 124 157
+ Pour 100 de rayons déviés. 12 14 17 14 16 14 11
+
+On voit, qu'à partir d'une certaine distance, la proportion des rayons
+non déviés dans le rayonnement est approximativement constante. Ces
+rayons appartiennent probablement tous à l'espèce γ. Il n'y a pas à
+tenir compte outre mesure des irrégularités dans les nombres de la
+seconde ligne, si l'on envisage que l'intensité totale du courant dans
+les deux expériences extrêmes était dans le rapport de 660 à 10. Les
+mesures ont pu être poursuivies jusqu'à une distance de 1m,57 de la
+source radiante, et nous pourrions aller encore plus loin actuellement.
+
+Voici une autre série d'expériences, dans lesquelles le radium était
+enfermé dans un tube de verre très étroit, placé au-dessous du
+condensateur et parallèlement aux plateaux. Les rayons émis traversaient
+une certaine épaisseur de verre et d'air, avant d'entrer dans le
+condensateur.
+
+ _d_ en centimètres. 2,5 3,3 4,1 5,9 7,5 9,6 11,3 13,9 17,2
+ Pour 100 de rayons
+ non dévies. 33 33 21 16 14 10 9 9 10
+
+Comme dans les expériences précédentes, les nombres de la seconde ligne
+tendent vers une valeur constante quand la distance _d_ croît, mais la
+limite est sensiblement atteinte pour des distances plus petites que
+dans les séries précédentes, parce que les rayons α ont été plus
+fortement absorbés par le verre que les rayons β et γ.
+
+Voici une autre expérience qui montre qu'une lame d'aluminium mince
+(épaisseur 0mm,01) absorbe principalement les rayons α. Le produit étant
+placé à 5cm du condensateur, on trouve en faisant agir le champ
+magnétique que la proportion des rayons autres que β est de 71 pour 100.
+Le même produit étant recouvert de la lame d'aluminium, et la distance
+restant la même, on trouve que le rayonnement transmis est presque
+totalement dévié par le champ magnétique, les rayons α ayant été
+absorbés par la lame. On obtient le même résultat en employant le
+papier comme écran absorbant.
+
+La plus grosse partie du rayonnement du radium est formée par des rayons
+α qui sont probablement émis surtout par la couche superficielle de la
+matière radiante. Quand on fait varier l'épaisseur de la couche de la
+matière radiante, l'intensité du courant augmente avec cette épaisseur;
+l'augmentation n'est pas proportionnelle à l'accroissement d'épaisseur
+pour la totalité du rayonnement; elle est d'ailleurs plus notable sur
+les rayons β que sur les rayons α, de sorte que la proportion de rayons
+β va en croissant avec l'épaisseur de la couche active. La source
+radiante étant placée à une distance de 5cm du condensateur, on trouve
+que, pour une épaisseur égale à 0mm,4 de la couche active, le
+rayonnement total est donné par le nombre 28 et la proportion des rayons
+β est de 29 pour 100. En donnant à la couche active l'épaisseur de 2mm,
+soit 5 fois plus grande, on obtient un rayonnement total égal à 102 et
+une proportion de rayons déviables β égale à 45 pour 100. Le rayonnement
+total qui subsiste à cette distance a donc été augmenté dans le rapport
+3,6 et le rayonnement déviable β est devenu environ 5 fois plus fort.
+
+Les expériences précédentes ont été faites par la méthode électrique.
+Quand on opère par la méthode radiographique, certains résultats
+semblent, en apparence, être en contradiction avec ce qui précède. Dans
+les expériences de M. Villard, un faisceau de rayons du radium soumis à
+l'action d'un champ magnétique était reçu sur une pile de plaques
+photographiques. Le faisceau non déviable et pénétrant γ traversait
+toutes les plaques et marquait sa trace sur chacune d'elles. Le faisceau
+dévié β produisait une impression sur la première plaque seulement. Ce
+faisceau paraissait donc ne point contenir de rayons de grande
+pénétration.
+
+Au contraire, dans nos expériences, un faisceau qui se propage dans
+l'air contient aux plus grandes distances accessibles à l'observation
+9/10 environ de rayons déviables β, et il en est encore de même, quand
+la source radiante est enfermée dans une petite ampoule de verre
+scellée. Dans les expériences de M. Villard, ces rayons déviables et
+pénétrants β n'impressionnent pas les plaques photographiques placées au
+delà de la première, parce qu'ils sont en grande partie diffusés dans
+tous les sens par le premier obstacle solide rencontré et cessent de
+former un faisceau. Dans nos expériences, les rayons émis par le radium
+et transmis par le verre de l'ampoule étaient probablement aussi
+diffusés par le verre, mais l'ampoule étant très petite, fonctionnait
+alors elle-même comme une source de rayons déviables β partant de sa
+surface, et nous avons pu observer ces derniers jusqu'à une grande
+distance de l'ampoule.
+
+Les rayons cathodiques des tubes de Crookes ne peuvent traverser que des
+écrans très minces (écrans d'aluminium jusqu'à 0mm,01 d'épaisseur). Un
+faisceau de rayons qui arrive normalement sur l'écran est diffusé dans
+tous les sens; mais la diffusion est d'autant moins importante que
+l'écran est plus mince, et pour des écrans très minces il existe un
+faisceau sortant qui est sensiblement le prolongement du faisceau
+incident[60].
+
+ [60] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift_, novembre 1902.
+
+Les rayons déviables β du radium se comportent d'une manière analogue,
+mais le faisceau déviable transmis éprouve, à épaisseur d'écran égale,
+une modification beaucoup moins profonde. D'après les expériences de M.
+Becquerel, les rayons β très fortement déviables du radium (ceux dont la
+vitesse est relativement faible) sont fortement diffusés par un écran
+d'aluminium de 0mm,1 d'épaisseur; mais les rayons pénétrants et peu
+déviables (rayons genre cathodique de grande vitesse) traversent ce
+même écran sans aucune diffusion sensible, et sans que le faisceau
+qu'ils constituent soit déformé, et cela quelle que soit l'inclinaison
+de l'écran par rapport au faisceau. Les rayons β de grande vitesse
+traversent sans diffusion une épaisseur bien plus grande de paraffine
+(quelques centimètres), et l'on peut suivre dans celle-ci la courbure du
+faisceau produite par le champ magnétique. Plus l'écran est épais et
+plus sa matière est absorbante, plus le faisceau déviable primitif est
+altéré, parce que, à mesure que l'épaisseur de l'écran croît, la
+diffusion commence à se faire sentir sur de nouveaux groupes de rayons
+de plus en plus pénétrants.
+
+L'air produit sur les rayons β du radium qui le traversent une
+diffusion, qui est très sensible pour les rayons fortement déviables,
+mais qui est cependant bien moins importante que celle qui est due à des
+épaisseurs égales de matières solides traversées. C'est pourquoi les
+rayons déviables β du radium se propagent dans l'air à de grandes
+distances.
+
+
+_Pouvoir pénétrant du rayonnement des corps radioactifs._--Dès le début
+des recherches sur les corps radioactifs, on s'est préoccupé de
+l'absorption produite par divers écrans sur les rayons émis par ces
+substances. J'ai donné dans une première Note relative à ce sujet[61]
+plusieurs nombres cités au début de ce travail indiquant la pénétration
+relative des rayons uraniques et thoriques. M. Rutherford a étudié plus
+spécialement la radiation uranique[62] et prouvé qu'elle était
+hétérogène. M. Owens a conclu de même pour les rayons thoriques[63].
+Quand vint ensuite la découverte des substances fortement radioactives,
+le pouvoir pénétrant de leurs rayons fut aussitôt étudié par divers
+physiciens (Becquerel, Meyer et von Schweidler, Curie, Rutherford). Les
+premières observations mirent en évidence l'hétérogénéité du rayonnement
+qui semble être un phénomène général et commun aux substances
+radioactives[64]. On se trouve là en présence de sources, qui émettent
+un ensemble de radiations, dont chacune a un pouvoir pénétrant qui lui
+est propre. La question se complique encore par ce fait, qu'il y a lieu
+de rechercher en quelle mesure la nature de la radiation peut se trouver
+modifiée par le passage à travers les substances matérielles et que, par
+conséquent, chaque ensemble de mesures n'a une signification précise que
+pour le dispositif expérimental employé.
+
+ [61] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
+
+ [62] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1899.
+
+ [63] OWENS, _Phil. Mag._, octobre 1899.
+
+ [64] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.--MEYER et von
+ SCHWEIDLER, _Comptes rendus de l'Acad. de Vienne_, mars 1900 (_Physik.
+ Zeitschrift_, t. I, p. 209).
+
+Ces réserves étant faites, on peut chercher à coordonner les diverses
+expériences et à exposer l'ensemble des résultats acquis.
+
+Les corps radioactifs émettent des rayons qui se propagent dans l'air et
+dans le vide. La propagation est rectiligne; ce fait est prouvé par la
+netteté et la forme des ombres fournies par l'interposition de corps,
+opaques au rayonnement, entre la source et la plaque sensible ou l'écran
+fluorescent qui sert de récepteur, la source ayant des dimensions
+petites par rapport à sa distance au récepteur. Diverses expériences qui
+prouvent la propagation rectiligne des rayons émis par l'uranium, le
+radium et le polonium ont été faites par M. Becquerel[65].
+
+ [65] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 979 et 1154.
+
+La distance à laquelle les rayons peuvent se propager dans l'air à
+partir de la source est intéressante à connaître. Nous avons constaté
+que le radium émet des rayons qui peuvent être observés dans l'air à
+plusieurs mètres de distance. Dans certaines de nos mesures électriques,
+l'action de la source sur l'air du condensateur s'exerçait à une
+distance comprise entre 2m et 3m. Nous avons également obtenu des effets
+de fluorescence et des impressions radiographiques à des distances du
+même ordre de grandeur. Ces expériences ne peuvent être faites
+facilement qu'avec des sources radioactives très intenses, parce que,
+indépendamment de l'absorption exercée par l'air, l'action sur un
+récepteur donné varie en raison inverse du carré de la distance à une
+source de petites dimensions. Ce rayonnement, qui se propage à grande
+distance du radium, comprend aussi bien des rayons genre cathodique que
+des rayons non déviables; cependant, les rayons déviables dominent de
+beaucoup, d'après les expériences que j'ai citées plus haut. Quant à la
+grosse masse du rayonnement (rayons α), elle est, au contraire, limitée
+dans l'air à une distance de 7cm environ de la source.
+
+J'ai fait quelques expériences avec du radium enfermé dans une petite
+ampoule de verre. Les rayons qui sortaient de cette ampoule
+franchissaient un certain espace d'air et étaient reçus dans un
+condensateur, qui servait à mesurer leur pouvoir ionisant par la méthode
+électrique ordinaire. On faisait varier la distance _d_ de la source au
+condensateur et l'on mesurait le courant de saturation _i_ obtenu dans
+le condensateur. Voici les résultats d'une des séries de mesures:
+
+ _d cm._ _i._ (_i_ × _d_^2) × 10^{-3}.
+
+ 10 127 13
+ 20 38 15
+ 30 17,4 16
+ 40 10,5 17
+ 50 6,9 17
+ 60 4,7 17
+ 70 3,8 19
+ 100 1,65 17
+
+A partir d'une certaine distance, l'intensité du rayonnement varie
+sensiblement en raison inverse du carré de la distance au condensateur.
+
+Le rayonnement du polonium ne se propage dans l'air qu'à une distance de
+quelques centimètres (4cm à 6cm) de la source radiante.
+
+Si l'on considère l'absorption des radiations par les écrans solides, on
+constate là encore une différence fondamentale entre le radium et le
+polonium. Le radium émet des rayons capables de traverser une grande
+épaisseur de matière solide, par exemple quelques centimètres de plomb
+ou de verre[66]. Les rayons qui ont traversé une grande épaisseur d'un
+corps solide sont extrêmement pénétrants, et, pratiquement, on n'arrive
+plus, pour ainsi dire, à les faire absorber intégralement par quoi que
+ce soit. Mais ces rayons ne constituent qu'une faible fraction du
+rayonnement total, dont la grosse masse est, au contraire, absorbée par
+une faible épaisseur de matière solide.
+
+ [66] M. et Mme CURIE, _Rapports au Congrès_ 1900.
+
+Le polonium émet des rayons extrêmement absorbables qui ne peuvent
+traverser que des écrans solides très minces.
+
+Voici, à titre d'exemple, quelques nombres relatifs à l'absorption
+produite par une lame d'aluminium d'épaisseur égale à 0mm,01. Cette lame
+était placée au-dessus et presque au contact de la substance. Le
+rayonnement direct et celui transmis par la lame étaient mesurés par la
+méthode électrique (appareil _fig._ 1); le courant de saturation était
+sensiblement atteint dans tous les cas. Je désigne par _a_ l'activité de
+la substance radiante, celle de l'uranium étant prise comme unité.
+
+ Fraction
+ du rayonnement
+ transmise
+ _a._ par la lame.
+
+ Chlorure de baryum radifère 57 0,32
+ Bromure » 43 0,30
+ Chlorure » 1200 0,30
+ Sulfate » 5000 0,29
+ Sulfate » 10000 0,32
+ Bismuth à polonium métallique 0,22
+ Composés d'urane 0,20
+ Composés de thorium en couche mince 0,38
+
+On voit que des composés radifères de nature et d'activité différentes
+donnent des résultats très analogues, ainsi que je l'ai indiqué déjà
+pour les composés d'urane et de thorium au début de ce travail. On voit
+aussi que si l'on considère toute la masse du rayonnement, et pour la
+lame absorbante considérée, les diverses substances radiantes viennent
+se ranger dans l'ordre suivant de pénétration décroissante de leurs
+rayons: thorium, radium, polonium, uranium.
+
+Ces résultats sont analogues à ceux qui ont été publiés par M.
+Rutherford dans un Mémoire relatif à cette question[67].
+
+ [67] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, juillet 1902.
+
+M. Rutherford trouve, d'ailleurs, que l'ordre est le même quand la
+substance absorbante est constituée par l'air. Mais il est probable que
+cet ordre n'a rien d'absolu et ne se maintiendrait pas indépendamment de
+la nature et de l'épaisseur de l'écran considéré. L'expérience montre,
+en effet, que la loi d'absorption est très différente pour le polonium
+et le radium et que, pour ce dernier, il y a lieu de considérer
+séparément l'absorption des rayons de chacun des trois groupes.
+
+Le polonium se prête particulièrement à l'étude des rayons α, puisque
+les échantillons que nous possédons n'émettent point d'autres rayons.
+J'ai fait une première série d'expériences avec des échantillons de
+polonium extrêmement actifs et récemment préparés. J'ai trouvé que les
+rayons du polonium sont d'autant plus absorbables, que l'épaisseur de
+matière qu'ils ont déjà traversée est plus grande[68]. Cette loi
+d'absorption singulière est contraire à celle que l'on connaît pour les
+autres rayonnements.
+
+ [68] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
+
+J'ai employé pour cette étude notre appareil de mesures de la
+conductibilité électrique avec le dispositif suivant:
+
+ Les deux plateaux d'un condensateur PP et P'P' (_fig._ 8) sont
+ horizontaux et abrités dans une boîte métallique BBBB en relation avec
+ la terre. Le corps actif A, situé dans une boîte métallique épaisse
+ CCCC faisant corps avec le plateau P'P', agit sur l'air du
+ condensateur au travers d'une toile métallique T; les rayons qui
+ traversent la toile sont seuls utilisés pour la production du courant,
+ le champ électrique s'arrêtant à la toile. On peut faire varier la
+ distance AT du corps actif à la toile. Le champ entre les plateaux est
+ établi au moyen d'une pile; la mesure
+ du courant se fait au moyen d'un électromètre et d'un quartz
+ piézoélectrique.
+
+ [Illustration: Fig. 8]
+
+ En plaçant en A sur le corps actif divers écrans et en modifiant la
+ distance AT, on peut mesurer l'absorption des rayons qui font dans
+ l'air des chemins plus ou moins grands.
+
+Voici les résultats obtenus avec le polonium:
+
+Pour une certaine valeur de la distance AT (4cm et au-dessus), aucun
+courant ne passe: les rayons ne pénètrent pas dans le condensateur.
+Quand on diminue la distance AT, l'apparition des rayons dans le
+condensateur se fait d'une manière assez brusque, de telle sorte que,
+pour une petite diminution de la distance, on passe d'un courant très
+faible à un courant très notable; ensuite le courant s'accroît
+régulièrement quand on continue à rapprocher le corps radiant de la
+toile T.
+
+Quand on recouvre la substance radiante d'une lame d'aluminium laminé de
+1/100 de millimètre d'épaisseur, l'absorption produite par la lame est
+d'autant plus forte que la distance AT est plus grande.
+
+Si l'on place sur la première lame d'aluminium une deuxième lame
+pareille, chaque lame absorbe une fraction du rayonnement qu'elle
+reçoit, et cette fraction est plus grande pour la deuxième lame que pour
+la première, de telle façon que c'est la deuxième lame qui semble plus
+absorbante.
+
+ Dans le Tableau qui suit, j'ai fait figurer: dans la première ligne,
+ les distances en centimètres entre le polonium et la toile T; dans la
+ deuxième ligne, la proportion de rayons pour 100 transmise par une
+ lame d'aluminium; dans la troisième ligne, la proportion de rayons
+ pour 100 transmise par deux lames du même aluminium.
+
+ Distance AT 3,5 2,5 1,9 1,45 0,5
+
+ Pour 100 de rayons transmis par
+ une lame 0 0 5 10 25
+
+ Pour 100 de rayons transmis par
+ deux lames 0 0 0 5 0,7
+
+Dans ces expériences, la distance des plateaux P et P' était de 3cm. On
+voit que l'interposition de la lame d'aluminium diminue l'intensité du
+rayonnement en plus forte proportion dans les régions éloignées que dans
+les régions rapprochées.
+
+Cet effet est encore plus marqué que ne l'indiquent les nombres qui
+précèdent. Ainsi, la pénétration de 25 pour 100, pour la distance 0cm,5,
+représente la moyenne de pénétration pour tous les rayons qui dépassent
+cette distance, ceux extrêmes ayant une pénétration très faible. Si l'on
+ne recueillait que les rayons compris entre 0cm,5 et 1cm, par exemple,
+on aurait une pénétration plus grande encore. Et, en effet, si l'on
+rapproche le plateau P à une distance 0cm,5 de P', la fraction du
+rayonnement transmise par la lame d'aluminium (pour AT = 0cm,5) est de
+47 pour 100 et, à travers deux lames, elle est de 5 pour 100 du
+rayonnement primitif.
+
+J'ai fait récemment une deuxième série d'expériences avec ces mêmes
+échantillons de polonium dont l'activité était considérablement
+diminuée, l'intervalle de temps qui sépare les deux séries d'expériences
+étant de 3 ans.
+
+Dans les expériences anciennes, le polonium était à l'état de
+sous-nitrate; dans celles récentes il était à l'état de grains
+métalliques, obtenus par fusion du sous-nitrate avec le cyanure de
+potassium.
+
+J'ai constaté que le rayonnement du polonium avait conservé les mêmes
+caractères essentiels, et j'ai trouvé quelques résultats nouveaux.
+Voici, pour diverses valeurs de la distance AT, la fraction du
+rayonnement transmise par un écran formé par 4 feuilles très minces
+d'aluminium battu superposées:
+
+ Distance AT en centimètres 0 1,5 2,6
+ Pour 100 de rayons transmis par l'écran 76 66 39
+
+J'ai constaté de même que la fraction du rayonnement absorbée par un
+écran donné croît avec l'épaisseur de matière qui a déjà été traversée
+par le rayonnement, mais cela a lieu seulement à partir d'une certaine
+valeur de la distance AT. Quand cette distance est nulle (le polonium
+étant tout contre la toile, en dehors ou en dedans du condensateur), on
+observe que, de plusieurs écrans identiques superposés, chacun absorbe
+la même fraction du rayonnement qu'il reçoit, autrement dit, l'intensité
+du rayonnement diminue alors suivant une loi exponentielle en fonction
+de l'épaisseur de matière traversée, comme cela aurait lieu pour un
+rayonnement homogène et transmis par la lame sans changement de nature.
+
+Voici quelques résultats numériques relatifs à ces expériences:
+
+Pour une distance AT égale à 1cm,5, un écran en aluminium mince transmet
+la fraction 0,51 du rayonnement qu'il reçoit quand il agit seul, et la
+fraction 0,34 seulement du rayonnement qu'il reçoit quand il est précédé
+par un autre écran pareil à lui.
+
+Au contraire, pour une distance AT égale à 0, ce même écran transmet
+dans les deux cas considérés la même fraction du rayonnement qu'il
+reçoit et cette fraction est égale à 0,71; elle est donc plus grande que
+dans le cas précédent.
+
+Voici, pour une distance AT égale à 0 et pour une succession d'écrans
+très minces superposés, des nombres qui indiquent pour chaque écran le
+rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu:
+
+ Série Série
+ de 9 feuilles de cuivre de 7 feuilles d'aluminium
+ très minces. très minces.
+ 0,72 0,69
+ 0,78 0,94
+ 0,75 0,95
+ 0,77 0,91
+ 0,70 0,92
+
+ Série Série
+ de 9 feuilles de cuivre de 7 feuilles d'aluminium
+ très minces. très minces.
+ 0,77 0,93
+ 0,69 0,91
+ 0,79
+ 0,68
+
+Étant données les difficultés d'emploi d'écrans très minces et de la
+superposition d'écrans au contact, les nombres de chaque colonne peuvent
+être considérés comme constants; seul, le premier nombre de la colonne
+relative à l'aluminium indique une absorption plus forte que celle
+indiquée par les nombres suivants.
+
+Les rayons α du radium se comportent comme les rayons du polonium. On
+peut étudier ces rayons à peu près seuls en renvoyant les rayons bien
+plus déviables β de côté par l'emploi d'un champ magnétique; les rayons
+γ semblent, en effet, peu importants par rapport aux rayons α.
+Toutefois, on ne peut opérer ainsi qu'à partir d'une certaine distance
+de la source radiante. Voici les résultats d'une expérience de ce genre.
+On mesurait la fraction du rayonnement transmise par une lame
+d'aluminium de 0mm,1 d'épaisseur; cette lame était placée toujours au
+même endroit, au-dessus et à petite distance de la source radiante. On
+observait, au moyen de l'appareil de la figure 5, le courant produit
+dans le condensateur pour diverses valeurs de la distance AD, en
+présence et en absence de la lame.
+
+ Distance AD 6,0 5,1 3,4
+ Pour 100 de rayons transmis par l'aluminium 3 7 24
+
+Ce sont encore les rayons qui allaient le plus loin dans l'air qui sont
+le plus absorbés par l'aluminium. Il y a donc une grande analogie entre
+la partie absorbable α du rayonnement du radium et les rayons du
+polonium.
+
+Les rayons déviables β et les rayons non déviables pénétrants γ sont,
+au contraire, de nature différente. Les expériences de divers
+physiciens, notamment de MM. Meyer et von Schweidler[69], montrent
+clairement que, si l'on considère l'ensemble du rayonnement du radium,
+le pouvoir pénétrant de ce rayonnement augmente avec l'épaisseur de
+matière traversée, comme cela a lieu pour les rayons de Röntgen. Dans
+ces expériences, les rayons α interviennent à peine, parce que ces
+rayons sont pratiquement supprimés par des écrans absorbants très
+minces. Ce qui traverse, ce sont, d'une part, les rayons β plus ou moins
+diffusés, d'autre part, les rayons γ, qui semblent analogues aux rayons
+de Röntgen.
+
+ [69] MEYER et von SCHWEIDLER, _Physik. Zeitschrift_, t. I, p. 209.
+
+Voici les résultats de quelques-unes de mes expériences à ce sujet:
+
+Le radium est enfermé dans une ampoule de verre. Les rayons qui sortent
+de l'ampoule traversent 30cm d'air et sont reçus sur une série de
+plaques de verre d'épaisseur de 1mm,3 chacune; la première plaque
+transmet 49 pour 100 du rayonnement qu'elle reçoit, la deuxième transmet
+84 pour 100 du rayonnement qu'elle reçoit, la troisième transmet 85 pour
+100 du rayonnement qu'elle reçoit.
+
+Dans une autre série d'expériences, le radium était enfermé dans une
+ampoule de verre placée à 10cm du condensateur qui recevait les rayons.
+On plaçait sur l'ampoule une série d'écrans de plomb identiques dont
+chacun avait une épaisseur de 0mm,115.
+
+Le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu est donné pour
+chacune des lames successives par la série des nombres suivants:
+
+ 0,40 0,60 0,72 0,79 0,89 0,92 0,94 0,94 0,97
+
+Pour une série de 4 écrans en plomb dont chacun avait 1mm,5
+d'épaisseur, le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reçu
+était donné pour les lames successives par les nombres suivants:
+
+ 0,09 0,78 0,84 0,82
+
+De ces expériences il résulte que, quand l'épaisseur de plomb traversée
+croît de 0mm,1 à 6mm, le pouvoir pénétrant du rayonnement va en
+augmentant.
+
+J'ai constaté que, dans les conditions expérimentales indiquées, un
+écran de plomb de 1cm,8 d'épaisseur transmet 2 pour 100 du rayonnement
+qu'il reçoit; un écran de plomb de 5cm,3 d'épaisseur transmet encore 0,4
+pour 100 du rayonnement qu'il reçoit. J'ai constaté également que le
+rayonnement transmis par une épaisseur de plomb égale à 1mm,5 comprend
+une forte proportion de rayons déviables (genre cathodique). Ces
+derniers sont donc capables de traverser non seulement de grandes
+distances dans l'air, mais aussi des épaisseurs notables de substances
+solides très absorbantes telles que le plomb.
+
+Quand on étudie avec l'appareil de la figure 2 l'absorption exercée par
+une lame d'aluminium de 0mm,01 d'épaisseur sur l'ensemble du rayonnement
+du radium, la lame étant toujours placée à la même distance de la
+substance radiante, et le condensateur étant placé à une distance
+variable AD, les résultats obtenus sont la superposition de ce qui est
+dû aux trois groupes du rayonnement. Si l'on observe à grande distance,
+les rayons pénétrants dominent et l'absorption est faible; si l'on
+observe à petite distance, les rayons α dominent et l'absorption est
+d'autant plus faible qu'on se rapproche plus de la substance; pour une
+distance intermédiaire, l'absorption passe par un maximum et la
+pénétration par un minimum.
+
+ Distance AD 7,1 6,5 6,0 5,1 3,4
+ Pour 100 de rayons transmis par
+ l'aluminium 91 82 58 41 48
+
+Toutefois, certaines expériences relatives à l'absorption mettent en
+évidence une certaine analogie entre les rayons α et les rayons
+déviables β. C'est ainsi que M. Becquerel a trouvé que l'action
+absorbante d'un écran solide sur les rayons β augmente avec la distance
+de l'écran à la source, de sorte que, si les rayons sont soumis à un
+champ magnétique comme dans la figure 4, un écran placé contre la source
+radiante laisse subsister une portion plus grande du spectre magnétique
+que le même écran placé sur la plaque photographique. Cette variation de
+l'effet absorbant de l'écran avec la distance de cet écran à la source
+est analogue à ce qui a lieu pour les rayons α; elle a été vérifiée par
+MM. Meyer et von Schweidler, qui opéraient par la méthode
+fluoroscopique; M. Curie et moi nous avons observé le même fait en nous
+servant de la méthode électrique. Les conditions de production de ce
+phénomène n'ont pas encore été étudiées. Cependant, quand le radium est
+enfermé dans un tube de verre et placé à assez grande distance d'un
+condensateur qui est lui-même enfermé dans une boîte d'aluminium mince,
+il est indifférent de placer l'écran contre la source ou contre le
+condensateur; le courant obtenu est alors le même dans les deux cas.
+
+L'étude des rayons α m'avait amenée à considérer que ces rayons
+se comportent comme des projectiles lancés avec une certaine vitesse et
+qui perdent de leur force vive en franchissant des obstacles[70]. Ces
+rayons jouissent pourtant de la propagation rectiligne comme l'a montré
+M. Becquerel dans l'expérience suivante. Le polonium émettant les rayons
+était placé dans une cavité linéaire très étroite, creusée dans une
+feuille de carton. On avait ainsi une source linéaire de rayons. Un fil
+de cuivre de 1mm,5 de diamètre était placé parallèlement en face de la
+source à une distance de 4mm,9. Une plaque photographique était placée
+parallèlement à une distance de 8mm,65 au delà. Après une pose de 10
+minutes, l'ombre géométrique du fil était reproduite d'une façon
+parfaite, avec les dimensions prévues et une pénombre très étroite de
+chaque côté correspondant bien à la largeur de la source. La même
+expérience réussit également bien en plaçant contre le fil une double
+feuille d'aluminium battu que les rayons sont obligés de traverser.
+
+ [70] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
+
+Il s'agit donc bien de rayons capables de donner des ombres géométriques
+parfaites. L'expérience avec l'aluminium montre que ces rayons ne sont
+pas diffusés en traversant la lame, et que cette lame n'émet pas, tout
+au moins en quantité importante, des rayons secondaires analogues aux
+rayons secondaires des rayons de Röntgen.
+
+Les rayons α sont ceux qui semblent actifs dans la très belle expérience
+réalisée dans le _spinthariscope_ de M. Crookes[71]. Cet appareil se
+compose essentiellement d'un grain de sel de radium maintenu à
+l'extrémité d'un fil métallique en face d'un écran au sulfure de zinc
+phosphorescent. Le grain de radium est à une très petite distance de
+l'écran (0mm,5, par exemple), et l'on regarde au moyen d'une loupe la
+face de l'écran tournée vers le radium. Dans ces conditions l'œil
+aperçoit sur l'écran une véritable pluie de points lumineux qui
+apparaissent et disparaissent continuellement. L'écran présente l'aspect
+d'un ciel étoilé. Les points brillants sont plus rapprochés dans les
+régions de l'écran voisines du radium, et dans le voisinage immédiat de
+celui-ci la lueur paraît continue. Le phénomène ne semble pas altéré par
+les courants d'air; il se produit dans le vide; un écran même très mince
+placé entre le radium et l'écran phosphorescent le supprime; il semble
+donc bien que le phénomène soit dû à l'action des rayons α les plus
+absorbables du radium.
+
+ [71] _Chem. News_, 3 avril 1903.
+
+On peut imaginer que l'apparition d'un des points lumineux sur l'écran
+phosphorescent est provoquée par le choc d'un projectile isolé. Dans
+cette manière de voir, on aurait affaire, pour la première fois, à un
+phénomène permettant de distinguer l'action individuelle d'une particule
+dont les dimensions sont du même ordre de grandeur que celles d'un
+atome.
+
+L'aspect des points lumineux est le même que celui des étoiles ou des
+objets ultra-microscopiques fortement éclairés qui ne produisent pas sur
+la rétine des images nettes, mais des taches de diffraction; et ceci est
+bien en accord avec la conception que chaque point lumineux extrêmement
+petit est produit par le choc d'un seul atome.
+
+Les rayons pénétrants non déviables γ semblent être de tout autre nature
+et semblent analogues aux rayons Röntgen. Rien ne prouve, d'ailleurs,
+que des rayons peu pénétrants de même nature ne puissent exister dans le
+rayonnement du radium, car ils pourraient être masqués par le
+rayonnement corpusculaire.
+
+On vient de voir combien le rayonnement des corps radioactifs est un
+phénomène complexe. Les difficultés de son étude viennent s'augmenter
+par cette circonstance, qu'il y a lieu de rechercher si ce rayonnement
+éprouve de la part de la matière une absorption sélective seulement, ou
+bien aussi une transformation plus ou moins profonde.
+
+On ne sait encore que peu de choses relativement à cette question.
+Toutefois, si l'on admet que le rayonnement du radium comporte à la fois
+des rayons genre cathodique et des rayons genre Röntgen, on peut
+s'attendre à ce que ce rayonnement éprouve des transformations en
+traversant les écrans. On sait, en effet: 1º que les rayons cathodiques
+qui sortent du tube de Crookes à travers une fenêtre d'aluminium
+(expérience de Lenard) sont fortement diffusés par l'aluminium, et que,
+de plus, la traversée de l'écran entraîne une diminution de la vitesse
+des rayons; c'est ainsi que des rayons cathodiques d'une vitesse égale à
+1,4 × 10^{10} centimètres perdent 10 pour 100 de leur vitesse en
+traversant 0mm,01 d'aluminium[72]; 2º les rayons cathodiques, en
+frappant un obstacle, donnent lieu à la production de rayons Röntgen; 3º
+les rayons Röntgen, en frappant un obstacle solide, donnent lieu à une
+production de _rayons secondaires_, qui sont en partie des rayons
+cathodiques[73].
+
+ [72] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift_, novembre 1902.
+
+ [73] SAGNAC, _Thèse de doctorat_.--CURIE et SAGNAC, _Comptes rendus_,
+ avril 1900.
+
+On peut donc, par analogie, prévoir l'existence de tous les phénomènes
+précédents pour les rayons des substances radioactives.
+
+En étudiant la transmission des rayons du polonium à travers un écran
+d'aluminium, M. Becquerel n'a observé ni production de rayons
+secondaires ni transformation en rayons genre cathodique[74].
+
+ [74] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.
+
+J'ai cherché à mettre en évidence une transformation des rayons du
+polonium, en employant la méthode de l'interversion des écrans: deux
+écrans superposés E_{1} et E_{2} étant traversés par les rayons, l'ordre
+dans lequel ils sont traversés doit être indifférent, si le passage au
+travers des écrans ne transforme pas les rayons; si, au contraire,
+chaque écran transforme les rayons en les transmettant, l'ordre des
+écrans n'est pas indifférent. Si, par exemple, les rayons se
+transforment en rayons plus absorbables en traversant du plomb, et que
+l'aluminium ne produise pas un effet du même genre avec la même
+importance, alors le système plomb-aluminium paraîtra plus opaque que le
+système aluminium-plomb; c'est ce qui a lieu pour les rayons Röntgen.
+
+Mes expériences indiquent que ce phénomène se produit avec les rayons du
+polonium. L'appareil employé était celui de la figure 8. Le polonium
+était placé dans la boîte CCCC et les écrans absorbants, nécessairement
+très minces, étaient placés sur la toile métallique T.
+
+ Courant
+ Écrans employés. Épaisseur. observé.
+ mm
+
+ Aluminium 0,01 } 17,9
+ Laiton 0,005 }
+ Laiton 0,005 } 6,7
+ Aluminium 0,01 }
+ Aluminium 0,01 } 150
+ Étain 0,005 }
+ Étain 0,005 } 125
+ Aluminium 0,01 }
+ Étain 0,005 } 13,9
+ Laiton 0,005 }
+ Laiton 0,005 } 4,4
+ Étain 0,005 }
+
+Les résultats obtenus prouvent que le rayonnement est modifié en
+traversant un écran solide. Cette conclusion est d'accord avec les
+expériences dans lesquelles, de deux lames métalliques identiques et
+superposées, la première se montre moins absorbante que la suivante. Il
+est probable, d'après cela, que l'action transformatrice d'un écran est
+d'autant plus grande que cet écran est plus loin de la source. Ce point
+n'a pas été vérifié, et la nature de la transformation n'a pas encore
+été étudiée en détail.
+
+J'ai répété les mêmes expériences avec un sel de radium très actif. Le
+résultat a été négatif. Je n'ai observé que des variations
+insignifiantes dans l'intensité de la radiation transmise lors de
+l'interversion de l'ordre des écrans. Les systèmes d'écrans essayés ont
+été les suivants:
+
+ mm mm
+
+ Aluminium, épaisseur 0,55 Platine, épaisseur 0,01
+ » » 0,55 Plomb » 0,1
+ » » 0,55 Étain, épaisseur 0,005
+ » » 1,07 Cuivre » 0,05
+ » » 0,55 Laiton » 0,005
+ » » 1,07 Laiton » 0,005
+ » » 0,15 Platine » 0,01
+ » » 0,15 Zinc » 0,05
+ » » 0,15 Plomb » 0,1
+
+Le système plomb-aluminium s'est montré légèrement plus opaque que celui
+aluminium-plomb, mais la différence n'est pas grande.
+
+Je n'ai pu mettre ainsi en évidence une transformation notable des
+rayons du radium. Cependant, dans diverses expériences radiographiques,
+M. Becquerel a observé des effets très intenses dus aux rayons diffusés
+ou secondaires, émis par les écrans solides qui recevaient les rayons du
+radium. La substance la plus active, au point de vue de ces émissions
+secondaires, semble être le plomb.
+
+
+_Action ionisante des rayons du radium sur les liquides isolants._
+--M. Curie a montré que les rayons du radium et les rayons de Röntgen
+agissent sur les diélectriques liquides comme sur l'air, en leur
+communiquant une certaine conductibilité électrique[75]. Voici comment
+était disposée l'expérience (_fig._ 9).
+
+[Illustration: Fig. 9.]
+
+ [75] P. CURIE, _Comptes rendus de l'Académie des Sciences_, 17 février
+ 1902.
+
+Le liquide à expérimenter est placé dans un vase métallique CDEF, dans
+lequel plonge un tube de cuivre mince AB; ces deux pièces métalliques
+servent d'électrodes. Le vase est maintenu à un potentiel connu, au
+moyen d'une batterie de petits accumulateurs, dont un pôle est à terre.
+Le tube AB est en relation avec l'électromètre. Lorsqu'un courant
+traverse le liquide, on maintient l'électromètre au zéro à l'aide d'un
+quartz piézoélectrique qui donne la mesure du courant. Le tube de
+cuivre MNM'N', relié au sol, sert de tube de garde pour empêcher le
+passage du courant à travers l'air. Une ampoule contenant le sel de
+baryum radifère peut être placée au fond du tube AB; les rayons agissent
+sur le liquide après avoir traversé le verre de l'ampoule et les parois
+du tube métallique. On peut encore faire agir le radium en plaçant
+l'ampoule en dessous de la paroi DE.
+
+Pour agir avec les rayons de Röntgen, on fait arriver ces rayons au
+travers de la paroi DE.
+
+L'accroissement de conductibilité par l'action des rayons du radium ou
+des rayons de Röntgen semble se produire pour tous les diélectriques
+liquides; mais, pour constater cet accroissement, il est nécessaire que
+la conductibilité propre du liquide soit assez faible pour ne pas
+masquer l'effet des rayons.
+
+En opérant avec le radium et les rayons de Röntgen, M. Curie a obtenu
+des effets du même ordre de grandeur.
+
+Quand on étudie avec le même dispositif la conductibilité de l'air ou
+d'un autre gaz sous l'action des rayons de Becquerel, on trouve que
+l'intensité du courant obtenu est proportionnelle à la différence de
+potentiel entre les électrodes, tant que celle-ci ne dépasse pas
+quelques volts; mais pour des tensions plus élevées, l'intensité du
+courant croît de moins en moins vite, et le courant de saturation est
+sensiblement atteint pour une tension de 100 volts.
+
+Les liquides étudiés avec le même appareil et avec le même produit
+radiant très actif se comportent différemment; l'intensité du courant
+est proportionnelle à la tension quand celle-ci varie entre 0 et 450
+volts, et cela même quand la distance des électrodes ne dépasse pas 6mm.
+On peut alors considérer la _conductivité_ provoquée dans divers
+liquides par le rayonnement d'un sel de radium agissant dans les mêmes
+conditions.
+
+Les nombres du Tableau suivant multiplié par 10^{-14} donnent la
+conductivité en mhos (inverse d'ohm) pour 1cm3:
+
+ Sulfure de carbone 20
+ Éther de pétrole 15
+ Amylène 14
+ Chlorure de carbone 8
+ Benzine 4
+ Air liquide 1,3
+ Huile de vaseline 1,6
+
+On peut cependant supposer que les liquides et les gaz se comportent
+d'une façon analogue, mais que, pour les liquides, le courant reste
+proportionnel à la tension jusqu'à une limite bien plus élevée que pour
+les gaz. On pouvait, par analogie avec ce qui a lieu pour les gaz,
+chercher à abaisser la limite de proportionnalité en employant un
+rayonnement beaucoup plus faible. L'expérience a vérifié cette
+prévision; le produit radiant employé était 150 fois moins actif que
+celui qui avait servi pour les premières expériences. Pour des tensions
+de 50, 100, 200, 400 volts, les intensités du courant étaient
+représentées respectivement par les nombres 109, 185, 255, 335. La
+proportionnalité ne se maintient plus, mais le courant varie encore
+fortement quand on double la différence de potentiel.
+
+Quelques-uns des liquides examinés sont des isolants à peu près
+parfaits, quand ils sont maintenus à température constante, et qu'ils
+sont à l'abri de l'action des rayons. Tels sont: l'air liquide, l'éther
+de pétrole, l'huile de vaseline, l'amylène. Il est alors très facile
+d'étudier l'effet des rayons. L'huile de vaseline est beaucoup moins
+sensible à l'action des rayons que l'éther de pétrole. Il convient
+peut-être de rapprocher ce fait de la différence de volatilité qui
+existe entre ces deux hydrocarbures. L'air liquide qui a bouilli pendant
+quelque temps dans le vase d'expérience est plus sensible à l'action des
+rayons que celui que l'on vient d'y verser; la conductivité produite par
+les rayons est de 1/4 plus grande dans le premier cas. M. Curie a étudié
+sur l'amylène et sur l'éther de pétrole l'action des rayons aux
+températures de +10° et de -17°. La conductivité due au rayonnement
+diminue de 1/10 seulement de sa valeur, quand on passe de 10° à -17°.
+
+Dans les expériences où l'on fait varier la température du liquide on
+peut soit maintenir le radium à la température ambiante, soit le porter
+à la même température que le liquide; on obtient le même résultat dans
+les deux cas. Cela tient à ce que le rayonnement du radium ne varie pas
+avec la température, et conserve encore la même valeur même à la
+température de l'air liquide. Ce fait a été vérifié directement par des
+mesures.
+
+
+_Divers effets et applications de l'action ionisante des rayons émis par
+les substances radioactives._--Les rayons des nouvelles substances
+radioactives ionisent l'air fortement. On peut, par l'action du radium,
+provoquer facilement _la condensation de la vapeur d'eau sursaturée_,
+absolument comme cela a lieu par l'action des rayons cathodiques et des
+rayons Röntgen.
+
+Sous l'influence des rayons émis par les substances radioactives
+nouvelles, la _distance explosive entre deux conducteurs métalliques
+pour une différence de potentiel donnée se trouve augmentée_; autrement
+dit, le passage de l'étincelle est facilité par l'action des rayons. Ce
+phénomène est dû à l'action des rayons les plus pénétrants. Si, en
+effet, on entoure le radium d'une enveloppe en plomb de 2cm, l'action du
+radium sur l'étincelle n'est pas considérablement affaiblie, alors que
+le rayonnement qui traverse n'est qu'une très faible fraction du
+rayonnement total.
+
+En rendant conducteur, par l'action des substances radioactives, l'air
+au voisinage de deux conducteurs métalliques, dont l'un est relié au sol
+et l'autre à un électromètre bien isolé, on voit l'électromètre prendre
+une déviation permanente, qui permet de mesurer la force électromotrice
+de la pile formée par l'air et les deux métaux (force électromotrice de
+contact des deux métaux, quand ils sont séparés par l'air). Cette
+méthode de mesures a été employée par lord Kelwin et ses élèves, la
+substance radiante étant l'uranium[76]; une méthode analogue avait été
+antérieurement employée par M. Perrin qui utilisait l'action ionisante
+des rayons Röntgen[77].
+
+ [76] LORD KELWIN, BEATTIE et SMOLAN, _Nature_, 1897.
+
+ [77] PERRIN, _Thèse de doctorat_.
+
+On peut se servir des substances radioactives dans l'étude de
+l'électricité atmosphérique. La substance active est enfermée dans une
+petite boîte en aluminium mince, fixée à l'extrémité d'une tige
+métallique en relation avec l'électromètre. L'air est rendu conducteur
+au voisinage de l'extrémité de la tige, et celle-ci prend le potentiel
+de l'air qui l'entoure. Le radium remplace ainsi avec avantage les
+flammes ou les appareils à écoulement d'eau de lord Kelwin, généralement
+employés jusqu'à présent dans l'étude de l'électricité atmosphérique[78].
+
+ [78] PAULSEN, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.--WITKOWSKI,
+ _Bulletin de l'Académie des Sciences de Cracovie_, janvier 1902.
+
+_Effets de fluorescence, effets lumineux._--Les rayons émis par les
+nouvelles substances radioactives provoquent la fluorescence de certains
+corps. M. Curie et moi, nous avons tout d'abord découvert ce phénomène
+en faisant agir le polonium au travers d'une feuille d'aluminium sur une
+couche de platinocyanure de baryum. La même expérience réussit encore
+plus facilement avec du baryum radifère suffisamment actif. Quand la
+substance est fortement radioactive, la fluorescence produite est très
+belle.
+
+Un grand nombre de substances sont susceptibles de devenir
+phosphorescentes ou fluorescentes par l'action des rayons de Becquerel.
+M. Becquerel a étudié l'action sur les sels d'urane, le diamant, la
+blende, etc. M. Bary a montré que les sels des métaux alcalins et
+alcalino-terreux, qui sont tous fluorescents sous l'action des rayons
+lumineux et des rayons Röntgen, sont également fluorescents sous
+l'action des rayons du radium[79]. On peut également observer la
+fluorescence du papier, du coton, du verre, etc., au voisinage du
+radium. Parmi les différentes espèces de verre, le verre de Thuringe est
+particulièrement lumineux. Les métaux ne semblent pas devenir lumineux.
+
+ [79] BARY, _Comptes rendus_, t. CXXX, 1900, p. 776.
+
+Le platinocyanure de baryum convient le mieux quand on veut étudier le
+rayonnement des corps radioactifs par la méthode fluoroscopique. On peut
+suivre l'effet des rayons du radium à des distances supérieures à 2m.
+Le sulfure de zinc phosphorescent est rendu extrêmement lumineux, mais
+ce corps a l'inconvénient de conserver la luminosité pendant quelque
+temps, après que l'action des rayons a été supprimée.
+
+On peut observer la fluorescence produite par le radium quand l'écran
+fluorescent est séparé du radium par des écrans absorbants. Nous avons
+pu observer l'éclairement d'un écran au platinocyanure de baryum à
+travers le corps humain. Cependant, l'action est incomparablement plus
+intense, quand l'écran est placé tout contre le radium et qu'il n'en est
+séparé par aucun écran solide. Tous les groupes de rayons semblent
+capables de produire la fluorescence.
+
+Pour observer l'action du polonium il est nécessaire de mettre la
+substance tout près de l'écran fluorescent sans interposition d'écran
+solide, ou tout au moins avec interposition d'un écran très mince
+seulement.
+
+La luminosité des substances fluorescentes exposées à l'action des
+substances radioactives baisse avec le temps. En même temps la substance
+fluorescente subit une transformation. En voici quelques exemples:
+
+Les rayons du radium transforment le platinocyanure de baryum en une
+variété brune moins lumineuse (action analogue à celle produite par les
+rayons Röntgen et décrite par M. Villard). Ils altèrent également le
+sulfate d'uranyle et de potassium en le faisant jaunir. Le
+platinocyanure de baryum transformé est régénéré partiellement par
+l'action de la lumière. Plaçons le radium au-dessous d'une couche de
+platinocyanure de baryum étalée sur du papier, le platinocyanure devient
+lumineux; si l'on maintient le système dans l'obscurité, le
+platinocyanure s'altère, et sa luminosité baisse considérablement. Mais,
+exposons le tout à la lumière; le platinocyanure est partiellement
+régénéré, et si l'on reporte le tout dans l'obscurité, la luminosité
+reparaît assez forte. On a donc, au moyen d'un corps fluorescent et d'un
+corps radioactif, réalisé un système qui fonctionne comme un corps
+phosphorescent à longue durée de phosphorescence.
+
+Le verre, qui est rendu fluorescent par l'action du radium, se colore en
+brun ou en violet. En même temps, il devient moins fluorescent. Si l'on
+chauffe ce verre ainsi altéré, il se décolore et, en même temps que la
+décoloration se produit, le verre émet de la lumière. Après cela le
+verre a repris la propriété d'être fluorescent au même degré qu'avant la
+transformation.
+
+Le sulfure de zinc qui a été exposé à l'action du radium pendant un
+temps suffisant s'épuise peu à peu et perd la faculté d'être
+phosphorescent, soit sous l'action du radium, soit sous celle de la
+lumière.
+
+Le diamant est rendu phosphorescent par l'action du radium et peut être
+distingué ainsi des imitations en strass, dont la luminosité est très
+faible.
+
+Tous les composés de baryum radifère _sont spontanément lumineux_[80].
+Les sels haloïdes, anhydres et secs, émettent une lumière
+particulièrement intense. Cette luminosité ne peut être vue à la grande
+lumière du jour, mais on la voit facilement dans la demi-obscurité ou
+dans une pièce éclairée à la lumière du gaz. La lumière émise peut être
+assez forte pour que l'on puisse lire en s'éclairant avec un peu de
+produit dans l'obscurité. La lumière émise émane de toute la masse du
+produit, tandis que, pour un corps phosphorescent ordinaire, la lumière
+émane surtout de la partie de la surface qui a été éclairée. A l'air
+humide les produits radifères perdent en grande partie leur luminosité,
+mais ils la reprennent par desséchement (Giesel). La luminosité semble
+se conserver. Au bout de plusieurs années aucune modification sensible
+ne semble s'être produite dans la luminosité de produits faiblement
+actifs, gardés en tubes scellés à l'obscurité. Avec du chlorure de
+baryum radifère, très actif et très lumineux, la lumière change de
+teinte au bout de quelques mois; elle devient plus violacée et
+s'affaiblit beaucoup; en même temps le produit subit certaines
+transformations; en redissolvant le sel dans l'eau et en le séchant à
+nouveau, on obtient la luminosité primitive.
+
+ [80] CURIE, _Soc. de Physique_, 3 mars 1899.--GIESEL, _Wied. Ann._, t.
+ LXIX, p. 91.
+
+Les solutions de sels de baryum radifères, qui contiennent une forte
+proportion de radium, sont également lumineuses; on peut observer ce
+fait en plaçant la solution dans une capsule de platine qui, n'étant pas
+lumineuse elle-même, permet d'apercevoir la luminosité faible de la
+solution.
+
+Quand une solution de sel de baryum radifère contient des cristaux qui
+s'y sont déposés, ces cristaux sont lumineux au sein de la solution, et
+ils le sont bien plus que la solution elle-même, de sorte que, dans ces
+conditions, ils semblent seuls lumineux.
+
+M. Giesel a préparé du platinocyanure de baryum radifère. Quand ce sel
+vient de cristalliser, il a l'aspect du platinocyanure de baryum
+ordinaire, et il est très lumineux. Mais peu à peu le sel se colore
+spontanément et prend une teinte brune, en même temps que les cristaux
+deviennent dichroïques. A cet état, le sel est bien moins lumineux,
+quoique sa radioactivité ait augmenté[81]. Le platinocyanure de radium,
+préparé par M. Giesel, s'altère encore bien plus rapidement.
+
+ [81] GIESEL, _Wied. Ann._, t. LXIX, p. 91.
+
+Les composés de radium constituent le premier exemple de substances
+spontanément lumineuses.
+
+
+_Dégagement de chaleur par les sels de radium._--Tout récemment MM.
+Curie et Laborde ont trouvé que _les sels de radium sont le siège d'un
+dégagement de_ _chaleur spontané et continu_[82]. Ce dégagement de
+chaleur a pour effet de maintenir les sels de radium à une température
+plus élevée que la température ambiante; l'excès de température dépend
+d'ailleurs de l'isolement thermique de la substance. Cet excès de
+température peut être mis en évidence par une expérience grossière faite
+au moyen de deux thermomètres à mercure ordinaires. On utilise deux
+vases isolateurs thermiques à vide, identiques entre eux. Dans l'un des
+vases on place une ampoule de verre contenant 7dg de bromure de
+radium pur; dans le deuxième vase on place une autre ampoule de verre
+toute pareille qui contient une substance inactive quelconque, par
+exemple du chlorure de baryum. La température de chaque enceinte est
+indiquée par un thermomètre dont le réservoir est placé au voisinage
+immédiat de l'ampoule. L'ouverture des isolateurs est fermée par du
+coton. Quand l'équilibre de température est établi, le thermomètre qui
+se trouve dans le même vase que le radium indique constamment une
+température supérieure à celle indiquée par l'autre thermomètre; l'excès
+de température observé était de 3°.
+
+ [82] CURIE et LABORDE, _Comptes rendus_, 16 mars 1903.
+
+On peut évaluer la quantité de chaleur dégagée par le radium à l'aide du
+calorimètre à glace de Bunsen. En plaçant dans ce calorimètre une
+ampoule de verre qui contient le sel de radium, on constate un apport
+continu de chaleur qui s'arrête dès qu'on éloigne le radium. La mesure
+faite avec un sel de radium préparé depuis longtemps indique que chaque
+gramme de radium dégage environ 80 petites calories pendant chaque
+heure. Le radium dégage donc pendant une heure une quantité de chaleur
+suffisante pour fondre son poids de glace, et un atome gramme (225g) de
+radium dégagerait en une heure 18000cal, soit une quantité de chaleur
+comparable à celle qui est produite par la combustion d'un atome gramme
+(1g) d'hydrogène. Un débit de chaleur aussi considérable ne saurait
+être expliqué par aucune réaction chimique ordinaire, et cela d'autant
+plus que l'état du radium semble rester le même pendant des années. On
+pourrait penser que le dégagement de chaleur est dû à une transformation
+de l'atome de radium lui-même, transformation nécessairement très lente.
+S'il en était ainsi, on serait amené à conclure que les quantités
+d'énergie mises en jeu dans la formation et dans la transformation des
+atomes sont considérables et dépassent tout ce qui nous est connu.
+
+On peut encore évaluer la chaleur dégagée par le radium à diverses
+températures en l'utilisant pour faire bouillir un gaz liquéfié et en
+mesurant le volume du gaz qui se dégage. On peut faire cette expérience
+avec du chlorure de méthyle (à -21°). L'expérience a été faite par MM.
+Dewar et Curie avec l'oxygène liquide (à -180°) et avec l'hydrogène
+liquide (à -252°). Ce dernier corps convient particulièrement bien pour
+réaliser l'expérience. Une éprouvette A, entourée d'un isolateur
+thermique à vide, contient de l'hydrogène liquide H (_fig._ 10); elle
+est munie d'un tube de dégagement _t_ qui permet de recueillir le gaz
+dans une éprouvette graduée E remplie d'eau. L'éprouvette A et son
+isolateur plongent dans un bain d'hydrogène liquide H'. Dans ces
+conditions aucun dégagement gazeux ne se produit dans l'éprouvette A.
+Lorsque l'on introduit, dans l'hydrogène liquide contenu dans cette
+éprouvette, une ampoule qui contient 7dg de bromure de radium, il se
+fait un dégagement continu de gaz, et l'on recueille 73cm3 de gaz
+par minute.
+
+[Illustration: Fig. 10.]
+
+Un sel de radium solide qui vient d'être préparé dégage une quantité de
+chaleur relativement faible; mais ce débit de chaleur augmente
+continuellement et tend vers une valeur déterminée qui n'est pas encore
+tout à fait atteinte au bout d'un mois. Quand on dissout dans l'eau un
+sel de radium et qu'on enferme la solution en tube scellé, la quantité
+de chaleur dégagée par la solution est d'abord faible; elle augmente
+ensuite et tend à devenir constante au bout d'un mois; le débit de
+chaleur est alors le même que celui dû au même sel à l'état solide.
+
+Quand on a mesuré à l'aide du calorimètre Bunsen la chaleur dégagée par
+un sel de radium contenu dans une ampoule de verre, certains rayons
+pénétrants du radium traversent l'ampoule et le calorimètre sans y être
+absorbés. Pour voir si ces rayons emportent une quantité d'énergie
+appréciable, on peut refaire une mesure en entourant l'ampoule d'une
+feuille de plomb de 2mm d'épaisseur; on trouve que, dans ces conditions,
+le dégagement de chaleur est augmenté de 4 pour 100 environ de sa
+valeur; l'énergie émise par le radium sous forme de rayons pénétrants
+n'est donc nullement négligeable.
+
+
+_Effets chimiques produits par les nouvelles substances radioactives.
+Colorations._--Les radiations émises par les substances fortement
+radioactives sont susceptibles de provoquer certaines transformations,
+certaines réactions chimiques. Les rayons émis par les produits
+radifères exercent des actions colorantes sur le verre et la
+porcelaine[83].
+
+ [83] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, t. CXXIX, novembre 1899, p.
+ 823.
+
+La coloration du verre, généralement brune ou violette, est très
+intense; elle se produit dans la masse même du verre, elle persiste
+après l'éloignement du radium. Tous les verres se colorent en un temps
+plus ou moins long, et la présence du plomb n'est pas nécessaire. Il
+convient de rapprocher ce fait de celui, observé récemment, de la
+coloration des verres des tubes à vide producteurs des rayons de Röntgen
+après un long usage.
+
+M. Giesel a montré que les sels haloïdes cristallisés des métaux
+alcalins (sel gemme, sylvine) se colorent sous l'influence du radium,
+comme sous l'action des rayons cathodiques. M. Giesel montre que l'on
+obtient des colorations du même genre en faisant séjourner les sels
+alcalins dans la vapeur de sodium[84].
+
+ [84] GIESEL, _Soc. de Phys. allemande_, janvier 1900.
+
+J'ai étudié la coloration d'une collection de verres de composition
+connue, qui m'a été obligeamment prêtée à cet effet par M. Le Chatelier.
+Je n'ai pas observé de grande variété dans la coloration. Elle est
+généralement violette, jaune, brune ou grise. Elle semble liée à la
+présence des métaux alcalins.
+
+Avec les sels alcalins purs cristallisés on obtient des colorations plus
+variées et plus vives; le sel, primitivement blanc, devient bleu, vert,
+jaune brun, etc.
+
+M. Becquerel a montré que le phosphore blanc est transformé en phosphore
+rouge par l'action du radium.
+
+Le papier est altéré et coloré par l'action du radium. Il devient
+fragile, s'effrite et ressemble enfin à une passoire criblée de trous.
+
+Dans certaines circonstances il y a production d'ozone dans le voisinage
+de composés très actifs. Les rayons qui sortent d'une ampoule scellée,
+renfermant du radium, ne produisent pas d'ozone dans l'air qu'ils
+traversent. Au contraire, une forte odeur d'ozone se dégage quand on
+ouvre l'ampoule. D'une manière générale l'ozone se produit dans l'air,
+quand il y a communication directe entre celui-ci et le radium. La
+communication par un conduit même extrêmement étroit est suffisante; il
+semble que la production d'ozone soit liée à la propagation de la
+radioactivité induite, dont il sera question plus loin.
+
+Les composés radifères semblent s'altérer avec le temps, sans doute sous
+l'action de leur propre radiation. On a vu plus haut que les cristaux de
+chlorure de baryum radifères qui sont incolores au moment du dépôt
+prennent peu à peu une coloration tantôt jaune ou orangée, tantôt rose;
+cette coloration disparaît par la dissolution. Le chlorure de baryum
+radifère dégage des composés oxygénés du chlore: le bromure dégage du
+brome. Ces transformations lentes s'affirment généralement quelque temps
+après la préparation du produit solide, lequel, en même temps, change
+d'aspect et de couleur, en prenant une teinte jaune ou violacée. La
+lumière émise devient aussi plus violacée.
+
+Les sels de radium purs semblent éprouver les mêmes transformations que
+ceux qui contiennent du baryum. Toutefois les cristaux de chlorure,
+déposés en solution acide, ne se colorent pas sensiblement pendant un
+temps qui est suffisant, pour que les cristaux de chlorure de baryum
+radifères, riches en radium, prennent une coloration intense.
+
+
+_Dégagement de gaz en présence des sels de radium._--Une solution de
+bromure de radium dégage des gaz d'une manière continue[85]. Ces gaz
+sont principalement de l'hydrogène et de l'oxygène, et la composition du
+mélange est voisine de celle de l'eau; on peut admettre qu'il y a
+décomposition de l'eau en présence du sel de radium.
+
+ [85] GIESEL, _Ber._, 1903, p. 347.--RAMSAY et SODDY, _Phys.
+ Zeitschr._, 15 septembre 1903.
+
+Les sels solides de radium (chlorure, bromure) donnent aussi lieu à un
+dégagement continu de gaz. Ces gaz remplissent les pores du sel solide
+et se dégagent assez abondamment quand on dissout le sel. On trouve dans
+le mélange gazeux de l'hydrogène, de l'oxygène, de l'acide carbonique,
+de l'hélium; le spectre des gaz présente aussi quelques raies
+inconnues[86].
+
+ [86] RAMSAY et SODDY, _loc. cit._
+
+On peut attribuer à des dégagements gazeux deux accidents qui se sont
+produits dans les expériences de M. Curie. Une ampoule de verre mince
+scellée, remplie presque complètement par du bromure de radium solide et
+sec, a fait explosion deux mois après la fermeture sous l'effet d'un
+faible échauffement; l'explosion était probablement due à la pression du
+gaz intérieur. Dans une autre expérience une ampoule contenant du
+chlorure de radium préparé depuis longtemps communiquait avec un
+réservoir d'assez grand volume dans lequel on maintenait un vide très
+parfait. L'ampoule ayant été soumise à un échauffement assez rapide vers
+300°, le sel fit explosion; l'ampoule fut brisée, et le sel fut projeté
+à distance; il ne pouvait y avoir de pression notable dans l'ampoule au
+moment de l'explosion. L'appareil avait d'ailleurs été soumis à un essai
+de chauffage dans les mêmes conditions en l'absence du sel de radium, et
+aucun accident ne s'était produit.
+
+Ces expériences montrent qu'il y a danger à chauffer du sel de radium
+préparé depuis longtemps et qu'il y a aussi danger à conserver pendant
+longtemps du radium en tube scellé.
+
+
+_Production de thermoluminescence._--Certains corps, tels que la
+fluorine, deviennent lumineux quand on les chauffe; ils sont
+thermoluminescents; leur luminosité s'épuise au bout de quelque temps;
+mais la faculté de devenir de nouveau lumineux par la chaleur est
+restituée à ces corps par l'action d'une étincelle et aussi par l'action
+du radium. Le radium peut donc restituer à ces corps leurs propriétés
+thermoluminescentes[87]. Lors de la chauffe la fluorine éprouve une
+transformation qui est accompagnée d'une émission de lumière. Quand la
+fluorine est ensuite soumise à l'action du radium, une transformation se
+refait en sens inverse, et elle est encore accompagnée d'une émission de
+lumière.
+
+ [87] BECQUEREL, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.
+
+Un phénomène absolument analogue se produit pour le verre exposé aux
+rayons du radium. Là aussi une transformation se produit dans le verre,
+pendant qu'il est lumineux sous l'action des rayons du radium; cette
+transformation est mise en évidence par la coloration qui apparaît et
+augmente progressivement. Quand on chauffe ensuite le verre ainsi
+modifié, la transformation inverse se produit, la coloration disparaît,
+et ce phénomène est accompagné de production de lumière. Il paraît fort
+probable qu'il y a là une modification de nature chimique, et la
+production de lumière est liée à cette modification. Ce phénomène
+pourrait être général. Il pourrait se faire que la production de
+fluorescence par l'action du radium et la luminosité des substances
+radifères fussent nécessairement liées à un phénomène de transformation
+chimique ou physique de la substance qui émet la lumière.
+
+
+_Radiographies._--L'action radiographique des nouvelles substances
+radioactives est très intense. Toutefois la manière d'opérer doit être
+très différente avec le polonium et le radium. Le polonium n'agit qu'à
+très petite distance, et son action est considérablement affaiblie par
+des écrans solides; il est facile de la supprimer pratiquement au moyen
+d'un écran peu épais (1mm de verre). Le radium agit à des distances
+considérablement plus grandes. L'action radiographique des rayons du
+radium s'observe à plus de 2m de distance dans l'air, et cela même quand
+le produit radiant est enfermé dans une ampoule de verre. Les rayons qui
+agissent dans ces conditions appartiennent aux groupes β et γ. Grâce
+aux différences qui existent entre la transparence de diverses matières
+pour les rayons, on peut, comme avec les rayons Röntgen, obtenir des
+radiographies de divers objets. Les métaux sont, en général, opaques,
+sauf l'aluminium qui est très transparent. Il n'existe pas de différence
+de transparence notable entre les chairs et les os. On peut opérer à
+grande distance et avec des sources de très petites dimensions; on a
+alors des radiographies très fines. Il est très avantageux, pour la
+beauté des radiographies, de renvoyer les rayons β de côté, au moyen
+d'un champ magnétique, et de n'utiliser que les rayons γ. Les rayons β,
+en traversant l'objet à radiographier, éprouvent, en effet, une certaine
+diffusion et occasionnent un certain flou. En les supprimant, on est
+obligé d'employer des temps de pose plus grands, mais les résultats sont
+meilleurs. La radiographie d'un objet, tel qu'un porte-monnaie, demande
+un jour avec une source radiante constituée par quelques centigrammes de
+sel de radium, enfermé dans une ampoule de verre et placé à 1m de la
+plaque sensible, devant laquelle se trouve l'objet. Si la source est à
+20cm de distance de la plaque, le même résultat est obtenu en une heure.
+Au voisinage immédiat de la source radiante, une plaque sensible est
+instantanément impressionnée.
+
+[Illustration: Fig. 11.
+
+Radiographie obtenue avec les rayons du radium.]
+
+
+_Effets physiologiques._--Les rayons du radium exercent une action sur
+l'épiderme. Cette action a été observée par M. Walkhoff et confirmée par
+M. Giesel, puis par MM. Becquerel et Curie[88].
+
+ [88] WALKHOFF, _Phot. Rundschau_, octobre 1900.--GIESEL, _Berichte
+ d. deutsch. chem. Gesell._, t. XXIII.--BECQUEREL et CURIE, _Comptes
+ rendus_, t. CXXXII, p. 1289.
+
+Si l'on place sur la peau une capsule en celluloïd ou en caoutchouc
+mince renfermant un sel de radium très actif et qu'on l'y laisse
+pendant quelque temps, une rougeur se produit sur la peau, soit de
+suite, soit au bout d'un temps qui est d'autant plus long que l'action a
+été plus faible et moins prolongée; cette tache rouge apparaît à
+l'endroit qui a été exposé à l'action; l'altération locale de la peau se
+manifeste et évolue comme une brûlure. Dans certains cas il se forme une
+ampoule. Si l'exposition a été prolongée, il se produit une ulcération
+très longue à guérir. Dans une expérience, M. Curie a fait agir sur son
+bras un produit radiant relativement peu actif pendant 10 heures. La
+rougeur se manifesta de suite, et il se forma plus tard une plaie qui
+mit 4 mois à guérir. L'épiderme a été détruit localement, et n'a pu se
+reconstituer à l'état sain que lentement et péniblement avec formation
+d'une cicatrice très marquée. Une brûlure au radium avec exposition
+d'une demi-heure apparut au bout de 15 jours, forma une ampoule et
+guérit en 15 jours. Une autre brûlure, faite avec une exposition de 8
+minutes seulement, occasionna une tache rouge qui apparut au bout de 2
+mois seulement et son effet fut insignifiant.
+
+L'action du radium sur la peau peut se produire à travers les métaux,
+mais elle est affaiblie. Pour se garantir de l'action, il faut éviter de
+garder longtemps le radium sur soi autrement qu'enveloppé dans une
+feuille de plomb.
+
+L'action du radium sur la peau a été étudiée par M. le Dr Danlos, à
+l'hôpital Saint-Louis, comme procédé de traitement de certaines maladies
+de la peau, procédé comparable au traitement par les rayons Röntgen ou
+la lumière ultra-violette. Le radium donne à ce point de vue des
+résultats encourageants; l'épiderme partiellement détruit par l'action
+du radium se reforme à l'état sain. L'action du radium est plus profonde
+que celle de la lumière, et son emploi est plus facile que celui de la
+lumière ou des rayons Röntgen. L'étude des conditions de l'application
+est nécessairement un peu longue, parce qu'on ne peut se rendre compte
+immédiatement de l'effet de l'application.
+
+M. Giesel a remarqué l'action du radium sur les feuilles des plantes.
+Les feuilles soumises à l'action jaunissent et s'effritent.
+
+M. Giesel a également découvert l'action des rayons du radium sur
+l'œil[89]. Quand on place dans l'obscurité un produit radiant au
+voisinage de la paupière fermée ou de la tempe, on a la sensation d'une
+lumière qui remplit l'œil. Ce phénomène a été étudié par MM. Himstedt
+et Nagel[90]. Ces physiciens ont montré que tous les milieux de l'œil
+deviennent fluorescents par l'action du radium, et c'est ce qui explique
+la sensation de lumière perçue. Les aveugles chez lesquels la rétine est
+intacte, sont sensibles à l'action du radium, tandis que ceux dont la
+rétine est malade n'éprouvent pas la sensation lumineuse due aux rayons.
+
+ [89] GIESEL, _Naturforscherrersammlung_, München, 1899.
+
+ [90] HIMSTEDT et NAGEL, _Ann. der Physik_, t. IV, 1901.
+
+Les rayons du radium empêchent ou entravent le développement des
+colonies microbiennes, mais cette action n'est pas très intense[91].
+
+ [91] ASCHKINASS et CASPARI, _Ann. der Physik_, t. VI, 1901, p. 570.
+
+Récemment, M. Danysz a montré que les rayons du radium agissent
+énergiquement sur la moelle et sur le cerveau. Après une action d'une
+heure, des paralysies se produisent chez les animaux soumis aux
+expériences, et ceux-ci meurent généralement au bout de quelques
+jours[92].
+
+ [92] DANYSZ, _Comptes rendus_, 16 février 1903.
+
+
+_Action de la température sur le rayonnement._--On n'a encore que peu de
+renseignements sur la manière dont varie l'émission des corps
+radioactifs avec la température. Nous savons cependant que l'émission
+subsiste aux basses températures. M. Curie a placé dans l'air liquide
+un tube de verre qui contenait du chlorure de baryum radifère[93]. La
+luminosité du produit radiant persiste dans ces conditions. Au moment où
+l'on retire le tube de l'enceinte froide, il paraît même plus lumineux
+qu'à la température ambiante. A la température de l'air liquide, le
+radium continue à exciter la fluorescence du sulfate d'uranyle et de
+potassium. M. Curie a vérifié par des mesures électriques que le
+rayonnement, mesuré à une certaine distance de la source radiante,
+possède la même intensité quand le radium est à la température ambiante,
+ou quand il est dans une enceinte à la température de l'air liquide.
+Dans ces expériences, le radium était placé au fond d'un tube fermé à un
+bout. Les rayons sortaient du tube par le bout ouvert, traversaient un
+certain espace d'air et étaient recueillis dans un condensateur. On
+mesurait l'action des rayons sur l'air du condensateur, soit en laissant
+le tube dans l'air, soit en l'entourant d'air liquide jusqu'à une
+certaine hauteur. Le résultat obtenu était le même dans les deux cas.
+
+ [93] CURIE, _Société de Physique_, 2 mars 1900.
+
+Quand on porte le radium à une température élevée, sa radioactivité
+subsiste. Le chlorure de baryum radifère qui vient d'être fondu (vers
+800°) est radioactif et lumineux. Toutefois, une chauffe prolongée à
+température élevée a pour effet d'abaisser temporairement la
+radioactivité du produit. La baisse est très importante, elle peut
+constituer 75 pour 100 du rayonnement total. La baisse proportionnelle
+est moins grande sur les rayons absorbables que sur les rayons
+pénétrants, qui sont sensiblement supprimés par la chauffe. Avec le
+temps, le rayonnement du produit reprend l'intensité et la composition
+qu'il avait avant la chauffe; ce résultat est atteint au bout de 2 mois
+environ à partir de la chauffe.
+
+
+
+
+CHAPITRE IV.
+
+LA RADIOACTIVITÉ INDUITE.
+
+
+_Communication de la radioactivité à des substances primitivement
+inactives._--Au cours de nos recherches sur les substances radioactives,
+nous avons remarqué, M. Curie et moi, que toute substance qui séjourne
+pendant quelque temps au voisinage d'un sel radifère devient elle-même
+radioactive[94]. Dans notre première publication à ce sujet, nous nous
+sommes attachés à prouver que la radioactivité, ainsi acquise par des
+substances primitivement inactives, n'est pas due à un transport de
+poussières radioactives qui seraient venues se poser à la surface de ces
+substances. Ce fait, actuellement certain, est prouvé en toute évidence
+par l'ensemble des expériences qui seront décrites ici, et notamment par
+les lois suivant lesquelles la radioactivité provoquée dans les
+substances naturellement inactives disparaît quand on soustrait ces
+substances à l'action du radium.
+
+ [94] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 6 novembre 1899.
+
+Nous avons donné au phénomène nouveau ainsi découvert le nom de
+_radioactivité induite_.
+
+Dans la même publication, nous avons indiqué les caractères essentiels
+de la radioactivité induite. Nous avons activé des lames de substances
+diverses, en les plaçant au voisinage de sels radifères solides et nous
+avons étudié la radioactivité de ces lames par la méthode électrique.
+Nous avons observé ainsi les faits suivants:
+
+1º L'activité d'une lame exposée à l'action du radium augmente avec le
+temps de l'exposition en se rapprochant d'une certaine limite, suivant
+une loi asymptotique.
+
+2º L'activité d'une lame qui a été activée par l'action du radium et qui
+a été ensuite soustraite à cette action disparaît en quelques jours.
+Cette activité induite tend vers zéro en fonction du temps, suivant une
+loi asymptotique.
+
+3º Toutes conditions égales d'ailleurs, la radioactivité induite par un
+même produit radifère sur diverses lames est indépendante de la nature
+de la lame. Le verre, le papier, les métaux s'activent avec la même
+intensité.
+
+4º La radioactivité induite sur une même lame par divers produits
+radifères a une valeur limite d'autant plus élevée que le produit est
+plus actif.
+
+Peu de temps après, M. Rutherford publia un travail, duquel il résulte
+que les composés du thorium sont capables de produire le phénomène de la
+radioactivité induite[95]. M. Rutherford trouva pour ce phénomène les
+mêmes lois que celles qui viennent d'être exposées, et il découvrit en
+plus ce fait important, que les corps chargés d'électricité négative
+s'activent plus énergiquement que les autres. M. Rutherford observa
+d'ailleurs que l'air qui a passé sur de l'oxyde de thorium conserve
+pendant 10 minutes environ une conductibilité notable. L'air qui est
+dans cet état communique la radioactivité induite à des substances
+inactives, surtout à celles chargées négativement. M. Rutherford
+interprète ses expériences en admettant que les composés du thorium, et
+surtout l'oxyde, émettent une _émanation radioactive_ particulière,
+susceptible d'être entraînée par les courants d'air et chargée
+d'électricité positive. Cette émanation serait la cause de la
+radioactivité induite. M. Dorn a reproduit, avec les sels de baryum
+radifères, les expériences que M. Rutherford avait faites avec de
+l'oxyde de thorium[96].
+
+ [95] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier et février 1900.
+
+ [96] DORN, _Abh. Naturforsch. Gesell. Halle_, juin 1900.
+
+M. Debierne a montré que l'actinium provoque, d'une façon extrêmement
+intense, l'activité induite des corps placés dans son voisinage. De même
+que pour le thorium, il se produit un entraînement considérable de
+l'activité par les courants d'air[97].
+
+ [97] DEBIERNE, _Comptes rendus_, 30 juillet 1900; 16 février 1903.
+
+La radioactivité induite se présente sous des aspects très variés, et
+quand on produit l'activation d'une substance au voisinage du radium à
+l'air libre, on obtient des résultats irréguliers. MM. Curie et Debierne
+ont remarqué que le phénomène est, au contraire, très régulier quand on
+opère en vase clos; ils ont donc étudié l'activation en enceinte
+fermée[98].
+
+ [98] CURIE et DEBIERNE, _Comptes rendus_, 4 mars 1901.
+
+
+_Activation en enceinte fermée._--La radioactivité induite est à la fois
+plus intense et plus régulière quand on opère en vase clos. La matière
+active est placée dans une petite ampoule en verre _a_ ouverte en _o_
+(_fig._ 11) au milieu d'une enceinte close. Diverses plaques A, B, C, D,
+E placées dans l'enceinte deviennent radioactives au bout d'un jour
+d'exposition. L'activité est la même, quelle que soit la nature de la
+plaque, à dimensions égales plomb, cuivre, aluminium, verre, ébonite,
+cire, carton, paraffine. L'activité d'une face de l'une des lames est
+d'autant plus grande, que l'espace libre en regard de cette face est
+plus grand.
+
+Si l'on répète l'expérience précédente avec l'ampoule _a_ complètement
+fermée, on n'obtient aucune activité induite.
+
+Le rayonnement du radium n'intervient pas directement dans la
+production de la radioactivité induite. C'est ainsi que, dans
+l'expérience précédente, la lame D, protégée du rayonnement par l'écran
+en plomb épais PP, est activée autant que B et E.
+
+[Illustration: Fig. 12.]
+
+La radioactivité se transmet par l'air de proche en proche depuis la
+matière radiante jusqu'au corps à activer. Elle peut même se transmettre
+au loin par des tubes capillaires très étroits.
+
+La radioactivité induite est à la fois plus intense et plus régulière,
+si l'on remplace le sel radifère activant solide par sa dissolution
+aqueuse.
+
+Les liquides sont susceptibles d'acquérir la radioactivité induite. On
+peut, par exemple, rendre radioactive l'eau pure, en la plaçant dans un
+vase à l'intérieur d'une enceinte close qui renferme également une
+solution d'un sel radifère.
+
+Certaines substances deviennent lumineuses, quand on les place dans une
+enceinte activante (corps phosphorescents et fluorescents, verre,
+papier, coton, eau, solutions salines). Le sulfure de zinc
+phosphorescent est particulièrement brillant dans ces conditions. La
+radioactivité de ces corps lumineux est cependant la même que celle d'un
+morceau de métal ou autre corps qui s'active dans les mêmes conditions
+sans devenir lumineux.
+
+Quelle que soit la substance que l'on active en vase clos, cette
+substance prend une activité qui augmente avec le temps et finit par
+atteindre _une valeur limite_, toujours la même, quand on opère avec la
+même matière activante et le même dispositif expérimental.
+
+_La radioactivité induite limite est indépendante de la nature et de la
+pression du gaz qui se trouve dans l'enceinte activante_ (air,
+hydrogène, acide carbonique).
+
+_La radioactivité induite limite dans une même enceinte dépend seulement
+de la quantité de radium qui s'y trouve_ à l'état de solution, et semble
+lui être proportionnelle.
+
+
+_Rôle des gaz dans les phénomènes de radioactivité induite.
+Émanation._--Les gaz présents dans une enceinte qui renferme un sel
+solide ou une solution de sel de radium sont radioactifs. Cette
+radioactivité persiste si l'on aspire les gaz avec une trompe et qu'on
+les recueille dans une éprouvette. Les parois de l'éprouvette deviennent
+alors elles-mêmes radioactives, et le verre de l'éprouvette est lumineux
+dans l'obscurité. L'activité et la luminosité de l'éprouvette
+disparaissent ensuite complètement, mais fort lentement, et l'on peut au
+bout d'un mois constater encore la radioactivité.
+
+Dès le début de nos recherches, nous avons, M. Curie et moi, extrait en
+chauffant la pechblende un gaz fortement radioactif, mais, comme dans
+l'expérience précédente, l'activité de ce gaz avait fini par disparaître
+complètement[99].
+
+ [99] P. CURIE et Mme CURIE, _Rapports au Congrès de Physique_, 1900.
+
+Ainsi, pour le thorium, le radium, l'actinium, la radioactivité induite
+se propage de proche en proche à travers les gaz, depuis le corps actif
+jusqu'aux parois de l'enceinte qui le renferme, et la propriété
+activante est entraînée avec le gaz lui-même, quand on extrait celui-ci
+de l'enceinte.
+
+Quand on mesure la radioactivité de matières radifères par la méthode
+électrique au moyen de l'appareil (_fig._ 1) l'air entre les plateaux
+devient également radioactif; cependant, en envoyant un courant d'air
+entre les plateaux, on n'observe pas de baisse notable dans l'intensité
+du courant, ce qui prouve que la radioactivité répandue dans l'espace
+entre les plateaux est peu importante par rapport à celle du radium
+lui-même à l'état solide.
+
+Il en est tout autrement dans le cas du thorium. Les irrégularités que
+j'avais observées en mesurant la radioactivité des composés du thorium
+provenaient du fait qu'à cette époque je travaillais avec un
+condensateur ouvert à l'air; or le moindre courant d'air produit un
+changement considérable dans l'intensité du courant, parce que la
+radioactivité répandue dans l'espace au voisinage du thorium est
+importante par rapport à la radioactivité de la substance.
+
+Cet effet est encore bien plus marqué pour l'actinium. Un composé très
+actif d'actinium paraît beaucoup moins actif quand on envoie un courant
+d'air sur la substance.
+
+L'énergie radioactive est donc renfermée dans les gaz sous une forme
+spéciale. M. Rutherford suppose que certains corps radioactifs dégagent
+constamment un gaz matériel radioactif qu'il appelle _émanation_. C'est
+ce gaz qui aurait la propriété de rendre radioactifs les corps qui se
+trouvent dans l'espace où il est répandu. Les corps qui émettent de
+l'émanation sont le radium, le thorium et l'actinium.
+
+
+_Désactivation à l'air libre des corps solides activés._--Un corps
+solide, qui a été activé par le radium dans une enceinte activante
+pendant un temps suffisant, et qui a été ensuite retiré de l'enceinte,
+se désactive à l'air libre suivant une loi d'allure exponentielle qui
+est la même pour tous les corps et qui est représentée par la formule
+suivante[100]:
+
+ I = I_0 ( _a_ _e_^{-t/Θ_1} - (_a_ - 1) _e_^{-t/Θ_2}),
+
+I_{0} étant l'intensité initiale du rayonnement au moment où l'on retire
+la lame de l'enceinte, I l'intensité au temps _t_; _a_ est un
+coefficient numérique _a_ = 4.20; Θ_{1} et Θ_{2} sont des constantes de
+temps: Θ_{1} = 2420 secondes, Θ_{2} = 1860 secondes. Au bout de 2 ou 3
+heures cette loi se réduit sensiblement à une exponentielle simple:
+l'influence de la seconde exponentielle sur la valeur de I ne se fait
+plus sentir. La loi de désactivation est alors telle que l'intensité du
+rayonnement baisse de la moitié de sa valeur en 28 minutes. Cette loi
+finale peut être considérée comme caractéristique de la désactivation à
+l'air libre des corps solides activés par le radium.
+
+ [100] CURIE et DANNE, _Comptes rendus_, 9 février 1903.
+
+Les corps solides activés par l'actinium se désactivent à l'air libre
+suivant une loi exponentielle voisine de la précédente. Mais cependant
+la désactivation est un peu plus lente[101].
+
+ [101] DEBIERNE, _Comptes rendus_, 16 février 1903.
+
+Les corps solides activés par le thorium se désactivent beaucoup plus
+lentement; l'intensité du rayonnement baisse de moitié en 11
+heures[102].
+
+ [102] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, février 1900.
+
+_Désactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de
+l'émanation[103]._--Une enceinte fermée activée par le radium et
+soustraite ensuite à son action, se désactive suivant une loi beaucoup
+moins rapide que celle de la désactivation à l'air libre. On peut, par
+exemple, faire l'expérience avec un tube en verre que l'on active
+intérieurement, en le mettant pendant un certain temps en communication
+avec une solution d'un sel de radium. On scelle ensuite le tube à la
+lampe, et l'on mesure l'intensité du rayonnement émis à l'extérieur par
+les parois du tube, pendant que la désactivation se produit.
+
+ [103] P. CURIE, _Comptes rendus_, 17 novembre 1902.
+
+La loi de désactivation est une loi exponentielle. Elle est donnée avec
+une grande exactitude par la formule
+
+ I = I_0 _e_^{-t/Θ}
+
+I_{0} intensité du rayonnement initial;
+
+I, intensité du rayonnement au temps _t_;
+
+Θ, une constante de temps Θ = 4.970 × 10^5 secondes.
+
+L'intensité du rayonnement diminue de moitié en 4 jours.
+
+Cette loi de désactivation est absolument invariable, quelles que soient
+les conditions de l'expérience (dimensions de l'enceinte, nature des
+parois, nature du gaz dans l'enceinte, durée de l'activation, etc.). La
+loi de désactivation reste la même, quelle que soit la température entre
+-180° et +450°. Cette loi de désactivation est donc tout à fait
+caractéristique et pourrait servir à définir un _étalon de temps_
+absolument indépendant.
+
+Dans ces expériences, c'est l'énergie radioactive accumulée dans le gaz
+qui entretient l'activité des parois. Si, en effet, on supprime le gaz
+en faisant le vide dans l'enceinte, on constate que les parois se
+désactivent ensuite suivant le mode rapide de désactivation, l'intensité
+du rayonnement diminuant de moitié en 28 minutes. Ce même résultat est
+obtenu en substituant dans l'enceinte de l'air ordinaire à l'air activé.
+
+La loi de désactivation avec baisse de moitié en 4 jours est donc
+caractéristique de la disparition de l'énergie radioactive accumulée
+dans le gaz. Si l'on se sert de l'expression adoptée par M. Rutherford,
+on peut dire que l'émanation du radium disparaît spontanément en
+fonction du temps avec baisse de moitié en 4 jours.
+
+L'émanation du thorium est d'une autre nature et disparaît beaucoup plus
+rapidement. Le pouvoir d'activation diminue de moitié en 1 minute 10
+secondes environ.
+
+L'émanation de l'actinium disparaît encore plus rapidement; la baisse de
+moitié a lieu en quelques secondes.
+
+MM. Elster et Geitel ont montré qu'il existe toujours dans l'air
+atmosphérique, en très faible proportion, une émanation radioactive
+analogue à celles émises par les corps radioactifs. Des fils métalliques
+tendus dans l'air et maintenus à un potentiel négatif s'activent sous
+l'influence de cette émanation. L'air que l'on aspire au moyen d'un tube
+enfoncé dans le sol est particulièrement chargé d'émanation[104].
+L'origine de cette émanation est encore inconnue.
+
+ [104] ELSTER et GEITEL, _Physik. Zeitschrift_, 15 septembre 1902.
+
+L'air extrait de certaines eaux minérales contient de l'émanation tandis
+que l'air contenu dans l'eau de la mer et des rivières en est à peu près
+exempt.
+
+
+_Nature des émanations._--Suivant M. Rutherford l'émanation d'un corps
+radioactif est un gaz matériel radioactif qui s'échappe de ce corps. En
+effet, à bien des points de vue, l'émanation du radium se comporte comme
+un gaz ordinaire.
+
+Quand on met en communication deux réservoirs en verre dont l'un
+contient de l'émanation tandis que l'autre n'en contient pas,
+l'émanation passe en se diffusant dans le deuxième réservoir, et quand
+l'équilibre est établi, on constate que l'émanation s'est partagée entre
+les deux réservoirs comme le ferait un gaz ordinaire: si les deux
+réservoirs sont à la même température, l'émanation se partage entre eux
+dans le rapport de leurs volumes; s'ils sont à des températures
+différentes, elle se partage entre eux comme un gaz parfait obéissant
+aux lois de Mariotte et de Gay-Lussac. Pour établir ce résultat il
+suffit de mesurer le rayonnement du premier réservoir avant et après le
+partage; ce rayonnement est proportionnel à la quantité d'émanation
+contenue dans le réservoir. Mais, comme la diffusion de l'émanation
+demande un certain temps jusqu'à ce que l'équilibre soit établi, il est
+nécessaire, pour l'exactitude du calcul relatif à l'expérience, de tenir
+compte de la destruction spontanée de l'émanation avec le temps[105].
+
+ [105] P. CURIE et J. DANNE, _Comptes rendus_, 2 juin 1903.
+
+L'émanation du radium se diffuse le long d'un tube étroit suivant les
+lois de la diffusion des gaz, et son coefficient de diffusion est
+comparable à celui de l'acide carbonique[106].
+
+ [106] P. CURIE et J. DANNE, _Comptes rendus_, 2 juin 1903.
+
+MM. Rutherford et Soddy ont montré que les émanations du radium et du
+thorium se condensent à la température de l'air liquide, comme le
+feraient des gaz qui seraient liquéfiables à cette température. Un
+courant d'air chargé d'émanation perd ses propriétés radioactives en
+traversant un serpentin qui plonge dans l'air liquide; l'émanation reste
+condensée dans le serpentin, et elle se retrouve à l'état gazeux quand
+on réchauffe celui-ci. L'émanation du radium se condense à -150°, celle
+du thorium à une température comprise entre -100° et -150°[107]. On peut
+faire l'expérience suivante: deux réservoirs de verre fermés, l'un
+grand, l'autre petit, communiquent ensemble par un tube court muni d'un
+robinet; ils sont remplis de gaz activé par le radium et sont par suite
+tous les deux lumineux. On plonge le petit réservoir dans l'air liquide,
+toute l'émanation s'y condense; au bout d'un certain temps on sépare
+les deux réservoirs l'un de l'autre en fermant le robinet, et l'on
+retire ensuite le petit réservoir de l'air liquide. On constate que
+c'est le petit réservoir qui contient toute l'activité. Pour s'en
+assurer il suffit d'observer la phosphorescence du verre des deux
+réservoirs. Le grand réservoir n'est plus lumineux, tandis que le petit
+est plus lumineux qu'au début de l'expérience. L'expérience est
+particulièrement brillante si l'on a eu soin d'enduire les parois des
+deux réservoirs de sulfure de zinc phosphorescent.
+
+ [107] RUTHERFORD et SODDY, _Phil. Mag._, mai 1903.
+
+Toutefois, si l'émanation du radium est tout à fait comparable à un gaz
+liquéfiable, la température de condensation par refroidissement devrait
+être fonction de la quantité d'émanation contenue dans un certain volume
+d'air; ce qui n'a pas été signalé.
+
+On doit aussi faire remarquer que l'émanation passe avec une grande
+facilité à travers les trous ou les fissures les plus ténues des corps
+solides, dans des conditions où les gaz matériels ordinaires ne peuvent
+circuler qu'avec une lenteur extrême.
+
+Enfin, l'émanation du radium se distingue d'un gaz matériel ordinaire en
+ce qu'elle se détruit spontanément quand elle est enfermée en tube de
+verre scellé; tout au moins observe-t-on, dans ces conditions, la
+disparition de la propriété radioactive. Cette propriété radioactive est
+d'ailleurs encore actuellement la seule qui caractérise l'émanation à
+notre connaissance, car jusqu'à présent on n'a encore établi avec
+certitude ni l'existence d'un spectre caractéristique de l'émanation, ni
+une pression due à l'émanation.
+
+Toutefois tout récemment MM. Ramsay et Soddy ont observé, dans le
+spectre des gaz extraits du radium, des raies nouvelles qui pourraient,
+à leur avis, appartenir à l'émanation du radium. Ils ont aussi constaté
+que les gaz extraits du radium contiennent de l'hélium, et que ce
+dernier gaz se forme spontanément en présence de l'émanation du
+radium[108]. Si ces résultats, dont l'importance est considérable, se
+confirment, on pourra être amené à considérer l'émanation comme un gaz
+matériel instable, et l'hélium serait peut-être un des produits de la
+désagrégation de ce gaz.
+
+ [108] RAMSAY et SODDY, _Physikalische Zeitschrift_, 15 septembre 1903.
+
+Les émanations du radium et du thorium ne semblent pas être altérées par
+divers agents chimiques très énergiques, et pour cette raison MM.
+Rutherford et Soddy les assimilent à des gaz de la famille de
+l'argon[109].
+
+ [109] _Phil. Mag._, 1902, p. 580; 1903, p. 457.
+
+
+_Variation d'activité des liquides activés et des solutions
+radifères._--Un liquide quelconque devient radioactif lorsqu'il est
+placé dans un vase dans une enceinte activante. Si l'on retire le
+liquide de l'enceinte et qu'on le laisse à l'air libre, il se désactive
+rapidement en transmettant son activité aux gaz et aux corps solides qui
+l'entourent. Si l'on enferme un liquide activé dans un flacon fermé, il
+se désactive bien plus lentement et l'activité baisse alors de moitié en
+4 jours, comme cela arriverait pour un gaz activé enfermé dans un vase
+clos. On peut expliquer ce fait en admettant que l'énergie radioactive
+est emmagasinée dans les liquides sous une forme identique à celle sous
+laquelle elle est emmagasinée dans un gaz (sous forme d'émanation).
+
+Une dissolution d'un sel radifère se comporte en partie d'une façon
+analogue. Tout d'abord, il est fort remarquable que la solution d'un sel
+de radium, qui est placée depuis quelque temps dans une enceinte close,
+n'est pas plus active que de l'eau pure placée dans un vase contenu dans
+la même enceinte, lorsque l'équilibre d'activité s'est établi. Si l'on
+retire de l'enceinte la solution radifère et qu'on la laisse à l'air
+dans un vase largement ouvert, l'activité se répand dans l'espace, et la
+solution devient à peu près inactive, bien qu'elle contienne toujours le
+radium. Si alors on enferme cette solution désactivée dans un flacon
+fermé, elle reprend peu à peu, en une quinzaine de jours, une activité
+limite qui peut être considérable. Au contraire, un liquide activé qui
+ne renferme pas de radium et qui a été désactivé à l'air libre, ne
+reprend pas son activité quand on le met dans un flacon fermé.
+
+
+_Théorie de la radioactivité._--Voici, d'après MM. Curie et Debierne,
+une théorie très générale qui permet de coordonner les résultats de
+l'étude de la radioactivité induite, résultats que je viens d'exposer et
+qui constituent des faits indépendants de toute hypothèse[110].
+
+ [110] CURIE et DEBIERNE, _Comptes rendus_, 29 juillet 1901.
+
+On peut admettre que chaque atome de radium fonctionne comme une source
+continue et constante d'énergie, sans qu'il soit, d'ailleurs, nécessaire
+de préciser d'où vient cette énergie. L'énergie radioactive qui
+s'accumule dans le radium tend à se dissiper de deux façons différentes:
+1º par rayonnement (rayons chargés et non chargés d'électricité); 2º par
+conduction, c'est-à-dire par transmission de proche en proche aux corps
+environnants, par l'intermédiaire des gaz et des liquides (dégagement
+d'émanation et transformation en radioactivité induite).
+
+La perte d'énergie radioactive, tant par rayonnement que par conduction,
+croît avec la quantité d'énergie accumulée dans le corps radioactif. Un
+équilibre de régime doit s'établir nécessairement quand, la double
+perte, dont je viens de parler, compense l'apport continu fait par le
+radium. Cette manière de voir est analogue à celle qui est en usage dans
+les phénomènes calorifiques. Si, dans l'intérieur d'un corps, il se
+fait, pour une raison quelconque, un dégagement continu et constant de
+chaleur, la chaleur s'accumule dans le corps, et la température s'élève,
+jusqu'à ce que la perte de chaleur par rayonnement et par conduction
+fasse équilibre à l'apport continu de chaleur.
+
+En général, sauf dans certaines conditions spéciales, l'activité ne se
+transmet pas de proche en proche à travers les corps solides. Lorsqu'on
+conserve une dissolution en tube scellé, la perte par rayonnement
+subsiste seule, et l'activité radiante de la dissolution prend une
+valeur élevée.
+
+Si, au contraire, la dissolution se trouve dans un vase ouvert, la perte
+d'activité de proche en proche, par conduction, devient considérable,
+et, lorsque l'état de régime est atteint, l'activité radiante de la
+dissolution est très faible.
+
+L'activité radiante d'un sel radifère solide, laissé à l'air libre, ne
+diminue pas sensiblement, parce que, la propagation de la radioactivité
+par conduction ne se faisant pas à travers les corps solides, c'est
+seulement une couche superficielle très mince qui produit la
+radioactivité induite. On constate, en effet, que la dissolution du même
+sel produit des phénomènes de radioactivité induite beaucoup plus
+intenses. Avec un sel solide l'énergie radioactive s'accumule dans le
+sel et se dissipe surtout par rayonnement. Au contraire, lorsque le sel
+est en dissolution dans l'eau depuis quelques jours, l'énergie
+radioactive est répartie entre l'eau et le sel, et si on les sépare par
+distillation, l'eau entraîne une grande partie de l'activité, et le sel
+solide est beaucoup moins actif (10 ou 15 fois) qu'avant dissolution.
+Ensuite le sel solide reprend peu à peu son activité primitive.
+
+On peut chercher à préciser encore davantage la théorie qui précède, en
+imaginant que la radioactivité du radium lui-même se produit au moins
+en grande partie par l'intermédiaire de l'énergie radioactive émise sous
+forme d'émanation.
+
+On peut admettre que chaque atome de radium est une source continue et
+constante d'émanation. En même temps que cette forme d'énergie se
+produit, elle éprouve progressivement une transformation en énergie
+radioactive de rayonnement Becquerel; la vitesse de cette transformation
+est proportionnelle à la quantité d'émanation accumulée.
+
+Quand une solution radifère est enfermée dans une enceinte, l'émanation
+peut se répandre dans l'enceinte et sur les parois. C'est donc là
+qu'elle est transformée en rayonnement, tandis que la solution n'émet
+que peu de rayons Becquerel,--le rayonnement est, en quelque sorte,
+_extériorisé_. Au contraire, dans le radium solide, l'émanation, ne
+pouvant s'échapper facilement, s'accumule et se transforme sur place en
+rayonnement Becquerel; ce rayonnement atteint donc une valeur
+élevée[111].
+
+ [111] CURIE, _Comptes rendus_, 26 janvier 1903.
+
+Si cette théorie de la radioactivité était générale, il faudrait
+admettre que tous les corps radioactifs émettent de l'émanation. Or,
+cette émission a été constatée pour le radium, le thorium et l'actinium;
+ce dernier corps en émet énormément même à l'état solide. L'uranium et
+le polonium ne semblent pas émettre d'émanation, bien qu'ils émettent
+des rayons Becquerel. Ces corps ne produisent pas la radioactivité
+induite en vase clos comme les corps radioactifs cités précédemment. Ce
+fait n'est pas en contradiction absolue avec la théorie qui précède. Si,
+en effet, l'uranium et le polonium émettaient des émanations qui se
+détruisent avec une très grande rapidité, il serait très difficile
+d'observer l'entraînement de ces émanations par l'air et les effets de
+radioactivité induite produits par elles sur les corps voisins. Une
+telle hypothèse n'est nullement invraisemblable, puisque les temps
+pendant lesquels les quantités d'émanation du radium et du thorium
+diminuent de moitié sont entre eux comme 5000 est à 1. On verra
+d'ailleurs que dans certaines conditions l'uranium peut provoquer la
+radioactivité induite.
+
+
+_Autre forme de la radioactivité induite._--D'après la loi de
+désactivation à l'air libre des corps solides activés par le radium,
+l'activité radiante au bout d'une journée est à peu près insensible.
+
+Certains corps cependant font exception: tels sont le celluloïd, la
+paraffine, le caoutchouc, etc. Quand ces corps ont été activés assez
+longtemps, ils se désactivent plus lentement que ne le veut la loi, et
+il faut souvent quinze ou vingt jours pour que l'activité devienne
+insensible. Il semble que ces corps aient la propriété de s'imprégner de
+l'énergie radioactive sous forme d'émanation; ils la perdent ensuite peu
+à peu en produisant la radioactivité induite dans leur voisinage.
+
+
+_Radioactivité induite à évolution lente._--On observe encore une tout
+autre forme de radioactivité induite, qui semble se produire sur tous
+les corps, quand ils ont séjourné pendant des mois dans une enceinte
+activante. Quand ces corps sont retirés de l'enceinte, leur activité
+diminue d'abord jusqu'à une valeur très faible suivant la loi ordinaire
+(diminution de moitié en une demi-heure); mais, quand l'activité est
+tombée à 1/20000 environ de la valeur initiale, elle ne diminue plus ou
+du moins elle évolue avec une lenteur extrême, quelquefois même elle va
+en augmentant. Nous avons des lames de cuivre, d'aluminium, de verre qui
+conservent ainsi une activité résiduelle depuis plus de six mois.
+
+Ces phénomènes d'activité induite semblent être d'une tout autre nature
+que ceux ordinaires, et ils offrent une évolution beaucoup plus lente.
+
+Un temps considérable est nécessaire aussi bien pour la production que
+pour la disparition de cette forme de radioactivité induite.
+
+
+_Radioactivité induite sur des substances qui séjournent en dissolution
+avec le radium._--Quand on traite un minerai radioactif contenant du
+radium, pour en extraire ce corps, et tant que le travail n'est pas
+avancé, on réalise des séparations chimiques, après lesquelles la
+radioactivité se trouve entièrement avec l'un des produits de la
+réaction, l'autre produit étant entièrement inactif. On sépare ainsi
+d'un côté des produits radiants qui peuvent être plusieurs centaines de
+fois plus actifs que l'uranium, de l'autre côté du cuivre, de
+l'antimoine, de l'arsenic, etc., absolument inactifs. Certains autres
+corps (le fer, le plomb) n'étaient jamais séparés à l'état complètement
+inactif. A mesure que les corps radiants se concentrent, il n'en est
+plus de même; aucune séparation chimique ne fournit plus de produits
+absolument inactifs; toutes les portions résultant d'une séparation sont
+toujours actives à des degrés variables.
+
+Après la découverte de la radioactivité induite, M. Giesel essaya le
+premier d'activer le bismuth inactif ordinaire en le maintenant en
+solution avec du radium très actif. Il obtint ainsi du bismuth
+radioactif[112], et il en conclut que le polonium extrait de la
+pechblende était probablement du bismuth activé par le voisinage du
+radium contenu dans la pechblende.
+
+ [112] GIESEL, _Société de Physique de Berlin_, janvier 1900.
+
+J'ai également préparé du bismuth activé en maintenant le bismuth en
+dissolution avec un sel radifère très actif.
+
+Les difficultés de cette expérience consistent dans les soins extrêmes
+qu'il faut prendre pour éliminer le radium de la dissolution. Si l'on
+songe à la quantité infinitésimale de radium qui suffit pour produire
+dans un gramme de matière une radioactivité très notable, on ne croit
+jamais avoir assez lavé et purifié le produit activé. Or, chaque
+purification entraîne une baisse d'activité du produit activé, soit que
+réellement on en retire des traces de radium, soit que la radioactivité
+induite dans ces conditions ne résiste pas aux transformations
+chimiques.
+
+Les résultats que j'obtiens semblent cependant établir avec certitude
+que l'activation se produit et persiste après que l'on a séparé le
+radium. C'est ainsi qu'en fractionnant le nitrate de mon bismuth activé
+par précipitation de la solution azotique par l'eau, je trouve que,
+après purification très soigneuse, il se fractionne comme le polonium,
+la partie la plus active étant précipitée en premier.
+
+Si la purification est insuffisante, c'est le contraire qui se produit,
+indiquant que des traces de radium se trouvaient encore avec le bismuth
+activé. J'ai obtenu ainsi du bismuth activé pour lequel le sens du
+fractionnement indiquait une grande pureté et qui était 2000 fois plus
+actif que l'uranium. Ce bismuth diminue d'activité avec le temps. Mais
+une autre partie du même produit, préparée avec les mêmes précautions et
+se fractionnant dans le même sens, conserve son activité sans diminution
+sensible depuis un temps qui est actuellement de trois ans environ.
+
+Cette activité est 150 fois plus grande que celle de l'uranium.
+
+J'ai activé également du plomb et de l'argent en les laissant en
+dissolution avec le radium. Le plus souvent la radioactivité induite
+ainsi obtenue ne diminue guère avec le temps, mais elle ne résiste
+généralement pas à plusieurs transformations chimiques successives du
+corps activé.
+
+M. Debierne[113] a activé du baryum en le laissant en solution avec
+l'actinium. Ce baryum activé reste actif après diverses transformations
+chimiques, son activité est donc une propriété atomique assez stable. Le
+chlorure de baryum activé se fractionne comme le chlorure de baryum
+radifère, les parties les plus actives étant les moins solubles dans
+l'eau et l'acide chlorhydrique étendu. Le chlorure sec est spontanément
+lumineux; son rayonnement Becquerel est analogue à celui du chlorure de
+baryum radifère. M. Debierne a obtenu du chlorure de baryum activé 1000
+fois plus actif que l'uranium. Ce baryum n'avait cependant pas acquis
+tous les caractères du radium, car il ne montrait au spectroscope aucune
+des raies les plus fortes du radium. De plus son activité diminua avec
+le temps, et au bout de trois semaines elle était devenue trois fois
+plus faible qu'au début.
+
+ [113] DEBIERNE, _Comptes rendus_, juillet 1900.
+
+Il y a toute une étude à faire sur l'activation des substances en
+dissolution avec les corps radioactifs. Il semble que, suivant les
+conditions de l'expérience, on puisse obtenir des formes de
+radioactivité induite atomique plus ou moins stables. La radioactivité
+induite dans ces conditions est peut-être la même que la forme à
+évolution lente que l'on obtient par activation prolongée à distance
+dans une enceinte activante. Il y a lieu de se demander jusqu'à quel
+degré la radioactivité induite atomique affecte la nature chimique de
+l'atome, et si elle peut modifier les propriétés chimiques de celui-ci,
+soit d'une façon passagère, soit d'une façon stable.
+
+L'étude chimique des corps activés à distance est rendue difficile par
+ce fait que l'activation est limitée à une couche superficielle très
+mince, et que, par suite, la proportion de matière qui a pu être
+atteinte par la transformation est extrêmement faible.
+
+La radioactivité induite peut aussi être obtenue en laissant certaines
+substances en dissolution avec l'uranium. L'expérience réussit avec le
+baryum. Si, comme l'a fait M. Debierne, on ajoute de l'acide sulfurique
+à une solution qui contient de l'uranium et du baryum, le sulfate de
+baryum précipité entraîne de l'activité; en même temps le sel d'uranium
+perd une partie de la sienne. M. Becquerel a trouvé qu'en répétant cette
+opération plusieurs fois, on obtient de l'uranium à peine actif. On
+pourrait croire, d'après cela, que dans cette opération on a réussi à
+séparer de l'uranium un corps radioactif différent de ce métal, et dont
+la présence produisait la radioactivité de l'uranium. Cependant il n'en
+est rien, car au bout de quelques mois l'uranium reprend son activité
+primitive; au contraire, le sulfate de baryum précipité perd celle qu'il
+avait acquise.
+
+Un phénomène analogue se produit avec le thorium. M. Rutherford
+précipite une solution de sel de thorium par l'ammoniaque; il sépare la
+solution et l'évapore à sec. Il obtient ainsi un petit résidu très
+actif, et le thorium précipité se montre moins actif qu'auparavant. Ce
+résidu actif, auquel M. Rutherford donne le nom de _thorium x_, perd son
+activité avec le temps, tandis que le thorium reprend son activité
+primitive[114].
+
+ [114] RUTHERFORD et SODDY, _Zeitschr. für physik. Chemie._, t. XLII,
+ 1902, p. 81.
+
+Il semble qu'en ce qui concerne la radioactivité induite en dissolution,
+les divers corps ne se comportent pas tous de la même façon, et que
+certains d'entre eux sont bien plus susceptibles de s'activer que les
+autres.
+
+
+_Dissémination des poussières radioactives et radioactivité induite du
+laboratoire._--Lorsqu'on fait des études sur les substances fortement
+radioactives, il faut prendre des précautions particulières si l'on veut
+pouvoir continuer à faire des mesures délicates. Les divers objets
+employés dans le laboratoire de chimie, et ceux qui servent pour les
+expériences de physique, ne tardent pas à être tous radioactifs et à
+agir sur les plaques photographiques au travers du papier noir. Les
+poussières, l'air de la pièce, les vêtements sont radioactifs. L'air de
+la pièce est conducteur. Dans le laboratoire, où nous travaillons, le
+mal est arrivé à l'état aigu, et nous ne pouvons plus avoir un appareil
+bien isolé.
+
+Il y a donc lieu de prendre des précautions particulières pour éviter
+autant que possible la dissémination des poussières actives, et pour
+éviter aussi les phénomènes d'activité induite.
+
+Les objets employés en chimie ne doivent jamais être emportés dans la
+salle d'études physiques, et il faut autant que possible éviter de
+laisser séjourner inutilement dans cette salle les substances actives.
+Avant de commencer ces études nous avions coutume, dans les travaux
+d'électricité statique, d'établir la communication entre les divers
+appareils par des fils métalliques isolés protégés par des cylindres
+métalliques en relation avec le sol, qui préservaient les fils contre
+toute influence électrique extérieure. Dans les études sur les corps
+radioactifs, cette disposition est absolument défectueuse; l'air étant
+conducteur, l'isolement entre le fil et le cylindre est mauvais, et la
+force électromotrice de contact inévitable entre le fil et le cylindre
+tend à produire un courant à travers l'air et à faire dévier
+l'électromètre. Nous mettons maintenant tous les fils de communication à
+l'abri de l'air en les plaçant, par exemple, au milieu de cylindres
+remplis de paraffine ou d'une autre matière isolante. Il y aurait aussi
+avantage à faire usage, dans ces études, d'électromètres
+_rigoureusement_ clos.
+
+
+_Activation en dehors de l'action des substances radioactives._--Des
+essais ont été faits en vue de produire la radioactivité induite en
+dehors de l'action des substances radioactives.
+
+M. Villard[115] a soumis à l'action des rayons cathodiques un morceau de
+bismuth placé comme anticathode dans un tube de Crookes; ce bismuth a
+été ainsi rendu actif, à vrai dire, d'une façon extrêmement faible, car
+il fallait 8 jours de pose pour obtenir une impression photographique.
+
+ [115] VILLARD, _Société de Physique_, juillet 1900.
+
+M. Mac Lennan expose divers sels à l'action des rayons cathodiques et
+les chauffe ensuite légèrement. Ces sels acquièrent alors la propriété
+de décharger les corps chargés positivement[116].
+
+ [116] MAC LENNAN, _Phil. Mag._, février 1902.
+
+Les études de ce genre offrent un grand intérêt. Si, en se servant
+d'agents physiques connus, il était possible de créer dans des corps
+primitivement inactifs une radioactivité notable, nous pourrions espérer
+de trouver ainsi la cause de la radioactivité spontanée de certaines
+matières.
+
+
+_Variations d'activité des corps radioactifs. Effets de
+dissolution._--Le polonium, comme je l'ai dit plus haut, diminue
+d'activité avec le temps. Cette baisse est lente, elle ne semble pas se
+faire avec la même vitesse pour tous les échantillons. Un échantillon de
+nitrate de bismuth à polonium a perdu la moitié de son activité en 11
+mois et 95 pour 100 de son activité en 33 mois. D'autres échantillons
+ont éprouvé des baisses analogues.
+
+Un échantillon de bismuth à polonium métallique fut préparé avec un
+sous-nitrate, lequel, après sa préparation, était 100000 fois plus actif
+que l'uranium. Ce métal n'est plus maintenant qu'un corps moyennement
+radioactif 2000 fois plus actif que l'uranium. Sa radioactivité est
+mesurée de temps en temps. Pendant 6 mois ce métal a perdu 67 pour 100
+de son activité.
+
+La perte d'activité ne semble pas être facilitée par les réactions
+chimiques. Dans des opérations chimiques rapides on ne constate
+généralement pas de perte considérable d'activité.
+
+Contrairement à ce qui se passe pour le polonium, les sels radifères
+possèdent une radioactivité permanente qui ne présente pas de baisse
+appréciable au bout de quelques années.
+
+Quand on vient de préparer un sel de radium à l'état solide, ce sel n'a
+pas tout d'abord une activité constante. Son activité va en augmentant à
+partir de la préparation et atteint une valeur limite sensiblement
+invariable au bout d'un mois environ. Le contraire a lieu pour la
+solution. Quand on vient de la préparer, elle est d'abord très active,
+mais laissée à l'air libre elle se désactive rapidement, et prend
+finalement une activité limite qui peut être considérablement plus
+faible que la valeur initiale. Ces variations d'activité ont été tout
+d'abord observées par M. Giesel[117]. Elles s'expliquent fort bien en se
+plaçant au point de vue de l'émanation. La diminution de l'activité de
+la solution correspond à la perte de l'émanation qui s'échappe dans
+l'espace; cette baisse est bien moindre si la dissolution est en tube
+scellé. Une solution désactivée à l'air libre reprend une activité plus
+grande quand on l'enferme en tube scellé. La période de l'accroissement
+de l'activité du sel qui, après dissolution, vient d'être ramené à
+l'état solide, est celle pendant laquelle l'émanation s'emmagasine à
+nouveau dans le radium solide.
+
+ [117] GIESEL, _Wied. Ann._, t. LXIX, p. 91.
+
+Voici quelques expériences à ce sujet:
+
+Une solution de chlorure de baryum radifère laissée à l'air libre
+pendant 2 jours devient 300 fois moins active.
+
+Une solution est enfermée en vase clos; on ouvre le vase, on verse la
+solution dans une cuve et l'on mesure l'activité:
+
+ Activité mesurée immédiatement 67
+ » au bout de 2 heures 20
+ » » 2 jours 0,25
+
+Une solution de chlorure de baryum radifère qui est restée à l'air libre
+est enfermée dans un tube de verre scellé, et l'on mesure le rayonnement
+de ce tube. On trouve les résultats suivants:
+
+ Activité mesurée immédiatement 27
+ » après 2 jours 61
+ » » 3 jours 70
+ » » 4 jours 81
+ » » 7 jours 100
+ » » 11 jours 100
+
+L'activité initiale d'un sel solide après sa préparation est d'autant
+plus faible que le temps de dissolution a été plus long. Une plus forte
+proportion de l'activité est alors transmise au dissolvant. Voici les
+activités initiales obtenues avec un chlorure dont l'activité limite est
+800 et que l'on maintenait en dissolution pendant un temps donné; puis
+on séchait le sel et l'on mesurait son activité immédiatement:
+
+ Activité limite 800
+ Activité initiale après dissolution et dessiccation immédiate 440
+ Activité initiale après que le sel est resté dissous 5 jours 120
+ » » 18 jours 130
+ » » 32 jours 114
+
+Dans cette expérience le sel dissous se trouvait dans un vase simplement
+couvert d'un verre de montre.
+
+J'ai fait avec le même sel deux dissolutions que j'ai conservées en tube
+scellé pendant 13 mois; l'une de ces dissolutions était 8 fois plus
+concentrée que l'autre:
+
+ Activité initiale du sel de la solution concentrée
+ après dessiccation 200
+
+ Activité initiale du sel de la solution étendue
+ après dessiccation 100
+
+La désactivation du sel est donc d'autant plus grande que la proportion
+du dissolvant est plus grande, l'énergie radioactive transmise au
+liquide ayant alors un plus grand volume de liquide à saturer et un plus
+grand espace à remplir. Les deux échantillons du même sel, qui avaient
+ainsi une activité initiale différente, ont d'ailleurs augmenté
+d'activité avec une vitesse très différente au début; au bout d'un jour
+ils avaient la même activité, et l'accroissement d'activité se continua
+exactement de la même façon pour tous les deux jusqu'à la limite.
+
+Quand la dissolution est étendue, la désactivation du sel est très
+rapide; c'est ce que montrent les expériences suivantes: trois portions
+égales d'un même sel radifère sont dissoutes dans des quantités égales
+d'eau. La première dissolution _a_ est laissée à l'air libre pendant une
+heure, puis séchée. La deuxième dissolution _b_ est traversée pendant
+une heure par un courant d'air, puis séchée. La troisième dissolution
+_c_ est laissée pendant 13 jours à l'air libre, puis séchée. Les
+activités initiales des trois sels sont:
+
+ Pour la portion _a_ 145,2
+ » _b_ 141,6
+ » _c_ 102,6
+
+L'activité limite du même sel est environ 470. On voit donc qu'au bout
+d'une heure la plus grande partie de l'effet était produite. De plus, le
+courant d'air qui a barboté pendant une heure dans la dissolution _b_
+n'a produit que peu d'effet. La proportion du sel dans la dissolution
+était d'environ 0,5 pour 100.
+
+L'énergie radioactive sous forme d'émanation se propage difficilement du
+radium solide dans l'air; elle éprouve de même une résistance au passage
+du radium solide dans un liquide. Quand on agite du sulfate radifère
+avec de l'eau pendant une journée entière, son activité après celle
+opération est sensiblement la même que celle d'une portion du même
+sulfate laissée à l'air libre.
+
+En faisant le vide sur du sel radifère on retire toute l'émanation
+disponible. Toutefois la radioactivité d'un chlorure radifère sur lequel
+nous avions fait le vide pendant 6 jours ne fut pas sensiblement
+modifiée par cette opération. Cette expérience montre que la
+radioactivité du sel est due principalement à l'énergie radioactive
+utilisée dans l'intérieur des grains, laquelle ne peut être enlevée en
+faisant le vide.
+
+La perte d'activité que le radium éprouve quand on le fait passer par
+l'état dissous est relativement plus grande pour les rayons pénétrants
+que pour les rayons absorbables. Voici quelques exemples:
+
+Un chlorure radifère, qui avait atteint son activité limite 470 est
+dissous et reste en dissolution pendant une heure; on le sèche ensuite
+et l'on mesure sa radioactivité initiale par la méthode électrique. On
+trouve que le rayonnement initial total est égal à la fraction 0,3 du
+rayonnement total limite. Si l'on fait la mesure de l'intensité du
+rayonnement en recouvrant la substance active d'un écran d'aluminium de
+0mm,01 d'épaisseur, on trouve que le rayonnement initial qui traverse
+cet écran n'est que la fraction 0,17 du rayonnement limite traversant le
+même écran.
+
+Quand le sel est resté en dissolution pendant 13 jours, on trouve pour
+le rayonnement initial total la fraction 0,22 du rayonnement limite
+total et pour le rayonnement qui traverse 0mm,01 d'aluminium la fraction
+0,13 du rayonnement limite.
+
+Dans les deux cas le rapport du rayonnement initial après dissolution au
+rayonnement limite est de 1,7 fois plus grand pour le rayonnement total
+que pour le rayonnement qui traverse 0mm,01 d'aluminium.
+
+Il faut d'ailleurs remarquer que, en séchant le produit après
+dissolution, on ne peut éviter une période de temps pendant laquelle le
+produit se trouve à un état mal défini, ni entièrement solide, ni
+entièrement liquide. On ne peut non plus éviter de chauffer le produit
+pour enlever l'eau rapidement.
+
+Pour ces deux raisons il n'est guère possible de déterminer la vraie
+activité initiale du produit qui passe de l'état dissous à l'état
+solide. Dans les expériences qui viennent d'être citées des quantités
+égales de substances radiantes étaient dissoutes dans la même quantité
+d'eau, et ensuite les dissolutions étaient évaporées à sec dans des
+conditions aussi identiques que possible et sans chauffer au-dessus de
+120° ou 130°.
+
+[Illustration: Fig. 13.]
+
+J'ai étudié la loi suivant laquelle augmente l'activité d'un sel
+radifère solide, à partir du moment où ce sel est séché après
+dissolution, jusqu'au moment où il atteint son activité limite. Dans
+les Tableaux qui suivent j'indique l'intensité du rayonnement I en
+fonction du temps, l'intensité limite étant supposée égale à 100, et le
+temps étant compté à partir du moment où le produit a été séché. Le
+Tableau I (_fig._ 13, courbe I) est relatif au rayonnement total. Le
+Tableau II (_fig._ 13, courbe II) est relatif seulement aux rayons
+pénétrants (rayons qui ont traversé 3cm d'air et 0mm,01 d'aluminium).
+
+ TABLEAU I. TABLEAU II.
+
+ Temps. I. Temps. I.
+ 0 » 21 0 » 1,3
+ 1 jour 25 1 jour 19
+ 3 » 44 3 » 43
+ 5 » 60 6 » 60
+ 10 » 78 15 » 70
+ 19 » 93 23 » 86
+ 33 » 100 46 » 94
+ 67 » 100
+
+J'ai fait plusieurs autres séries de mesures du même genre, mais elle ne
+sont pas absolument en accord les unes avec les autres, bien que le
+caractère général des courbes obtenues reste le même. Il est difficile
+d'obtenir des résultats bien réguliers. On peut cependant remarquer que
+la reprise d'activité met plus d'un mois à se produire, et que les
+rayons les plus pénétrants sont ceux qui sont le plus profondément
+atteints par l'effet de la dissolution.
+
+L'intensité initiale du rayonnement qui peut traverser 3cm d'air et
+0mm,01 d'aluminium n'est que 1 pour 100 de l'intensité limite, alors que
+l'intensité initiale du rayonnement total est 21 pour 100 du rayonnement
+total limite.
+
+Un sel radifère, qui a été dissous et qui vient d'être séché, possède le
+même pouvoir pour provoquer l'activité induite (et, par conséquent,
+laisse échapper au dehors autant d'émanation) qu'un échantillon du même
+sel qui, après avoir été préparé à l'état solide est resté dans cet état
+un temps suffisant pour atteindre la radioactivité limite. L'activité
+radiante de ces deux produits est pourtant extrêmement différente; le
+premier est, par exemple, 5 fois moins actif que le second.
+
+
+_Variations d'activité des sels de radium par la chauffe._--Quand on
+chauffe un composé radifère, ce composé dégage de l'émanation et perd de
+l'activité. La perte d'activité est d'autant plus grande que la chauffe
+est à la fois plus intense et plus prolongée. C'est ainsi qu'en
+chauffant un sel radifère pendant 1 heure à 130° on lui fait perdre 10
+pour 100 de son rayonnement total: au contraire, une chauffe de 10
+minutes à 400° ne produit pas d'effet sensible. Une chauffe au rouge de
+quelques heures de durée détruit 77 pour 100 du rayonnement total.
+
+La perte d'activité par la chauffe est plus importante pour les rayons
+pénétrants que pour les rayons absorbables. C'est ainsi qu'une chauffe
+de quelques heures de durée détruit environ 77 pour 100 du rayonnement
+total, mais la même chauffe détruit la presque totalité (99 pour 100) du
+rayonnement qui est capable de traverser 3cm d'air et 0mm,1 d'aluminium.
+En maintenant le chlorure de baryum radifère en fusion pendant quelques
+heures (vers 800°), on détruit 98 pour 100 du rayonnement capable de
+traverser 0mm,3 d'aluminium. On peut dire que les rayons pénétrants
+n'existent sensiblement pas après une chauffe forte et prolongée.
+
+Quand un sel radifère a perdu une partie de son activité par la chauffe,
+cette baisse d'activité ne persiste pas: l'activité du sel se régénère
+spontanément à la température ordinaire et tend vers une certaine valeur
+limite. J'ai observé le fait fort curieux que cette limite est plus
+élevée que l'activité limite du sel avant la chauffe, du moins en est-il
+ainsi pour le chlorure. En voici des exemples: un échantillon de
+chlorure de baryum radifère qui, après avoir été préparé à l'état
+solide, a atteint depuis longtemps son activité limite, possède un
+rayonnement total représenté par le nombre 470, et un rayonnement
+capable de traverser 0mm,01 d'aluminium, représenté par le nombre 157.
+Cet échantillon est soumis à une chauffe au rouge pendant quelques
+heures. Deux mois après la chauffe, il atteint une activité limite avec
+un rayonnement total égal à 690, et un rayonnement à travers 0mm,01
+d'aluminium égal à 227. Le rayonnement total et le rayonnement qui
+traverse l'aluminium sont donc augmentés respectivement dans le rapport
+690/470 et 227/156. Ces deux rapports sont sensiblement égaux entre eux
+et égaux à 1,45.
+
+[Illustration: Fig. 14.]
+
+Un échantillon de chlorure de baryum radifère qui, après avoir été
+préparé à l'état solide, a atteint une activité limite égale à 62, est
+maintenu en fusion pendant quelques heures; puis le produit fondu est
+pulvérisé. Ce produit reprend une nouvelle activité limite égale à 140,
+soit plus de 2 fois plus grande que celle qu'il pouvait atteindre, quand
+il avait été préparé à l'état solide sans avoir été notablement chauffé
+pendant la dessiccation.
+
+J'ai étudié la loi de l'augmentation de l'activité des composés
+radifères après la chauffe. Voici, à titre d'exemple, les résultats de
+deux séries de mesures. Les nombres des Tableaux I et II indiquent
+l'intensité du rayonnement I en fonction du temps, l'intensité limite
+étant supposée égale à 100, et le temps étant compté à partir de la fin
+de la chauffe. Le Tableau I (_fig._ 14, courbe I) est relatif au
+rayonnement total d'un échantillon de chlorure de baryum radifère. Le
+Tableau II (_fig._ 3, courbe II) est relatif au rayonnement pénétrant
+d'un échantillon de sulfate de baryum radifère, car on mesurait
+l'intensité du rayonnement qui traversait 3cm d'air et 0mm,01
+d'aluminium. Les deux produits ont subi une chauffe au rouge cerise
+pendant 7 heures.
+
+ TABLEAU I. TABLEAU II.
+
+ Temps. I. Temps. I.
+ 0 16,2 0 0,8
+ 0,6 jour 25,4 0,7 jour 13
+ 1 » 27,4 1 » 18
+ 2 » 38 1,9 » 26,4
+ 3 » 46,3 6 » 46,2
+ 4 » 54 10 » 55,5
+ 6 » 67,5 14 » 64
+ 10 » 84 18 » 71,8
+ 24 » 95 27 » 81
+ 57 » 100 36 » 91
+ 50 » 95,5
+ 57 » 99
+ 84 » 100
+
+J'ai fait encore plusieurs autres séries de déterminations, mais, de
+même que pour la reprise d'activité après dissolution, les résultats
+des diverses séries ne sont pas bien concordants.
+
+L'effet de la chauffe ne persiste pas quand on dissout la substance
+radifère chauffée. De deux échantillons d'une même substance radifère
+d'activité 1800, l'un a été fortement chauffé, et son activité a été
+réduite par la chauffe à 670. Les deux échantillons ayant été à ce
+moment dissous et laissés en dissolution pendant 20 heures, leurs
+activités initiales à l'état solide ont été 460 pour le produit non
+chauffé et 420 pour celui chauffé; il n'y avait donc pas de différence
+considérable entre l'activité de ces deux produits. Mais, si les deux
+produits ne restent pas en dissolution un temps suffisant, si, par
+exemple, on les sèche immédiatement après les avoir dissous, le produit
+non chauffé est beaucoup plus actif que le produit chauffé; un certain
+temps est nécessaire pour que l'état de dissolution fasse disparaître
+l'effet de la chauffe. Un produit d'activité 3200 a été chauffé et
+n'avait plus après la chauffe qu'une activité de 1030. Ce produit a été
+dissous en même temps qu'une portion du même produit non chauffée, et
+les deux portions ont été séchées immédiatement. L'activité initiale
+était de 1450 pour le produit non chauffé et de 760 pour celui chauffé.
+
+Pour les sels radifères solides, le pouvoir de provoquer la
+radioactivité induite est fortement influencé par la chauffe. Pendant
+que l'on chauffe les composés radifères, ils dégagent plus d'émanation
+qu'à la température ordinaire; mais, quand ils sont ensuite ramenés à la
+température ordinaire, non seulement leur radioactivité est bien
+inférieure à celle qu'ils avaient avant la chauffe, mais aussi leur
+pouvoir activant est considérablement diminué. Pendant le temps qui suit
+la chauffe, la radioactivité du produit va en augmentant et peut même
+dépasser la valeur primitive. Le pouvoir activant se rétablit aussi
+partiellement; cependant, après une chauffe prolongée au rouge, la
+presque totalité du pouvoir activant se trouve supprimée, sans être
+susceptible de reparaître spontanément avec le temps. On peut restituer
+au sel radifère son pouvoir activant primitif en le dissolvant dans
+l'eau et en le séchant à l'étuve à une température de 120°. Il semble
+donc que la calcination ait pour effet de mettre le sel dans un état
+physique particulier, dans lequel l'émanation se dégage bien plus
+difficilement que cela n'a lieu pour le même produit solide qui n'a pas
+été chauffé à température élevée, et il en résulte tout naturellement
+que le sel atteint une radioactivité limite plus élevée que celle qu'il
+avait avant la chauffe. Pour remettre le sel dans l'état physique qu'il
+avait avant la chauffe, il suffit de le dissoudre et de le sécher, sans
+le chauffer, au-dessus de 150°.
+
+Voici quelques exemples numériques à ce sujet:
+
+Je désigne par _a_ l'activité induite limite provoquée en vase clos sur
+une lame de cuivre par un échantillon de carbonate de baryum radifère
+d'activité 1600.
+
+Posons pour le produit non chauffé:
+
+ _a_ = 100.
+
+On trouve:
+
+ 1 jour après la chauffe _a_ = 3,3
+ 4 » » _a_ = 7,1
+ 10 » » _a_ = 15
+ 20 » » _a_ = 15
+ 37 » » _a_ = 15
+
+La radioactivité du produit avait diminué de 90 pour 100 par la chauffe,
+mais, au bout d'un mois, elle avait déjà repris la valeur primitive.
+
+Voici une expérience du même genre faite avec un chlorure de baryum
+radifère d'activité 3000. Le pouvoir activant est déterminé de la même
+façon que dans l'expérience précédente.
+
+Pouvoir activant du produit non chauffé:
+
+ _a_ = 100.
+
+Pouvoir activant du produit après une chauffe au rouge de trois heures:
+
+ 2 jours après chauffe 2,3
+ 5 » » 7,0
+ 11 » » 8,2
+ 18 » » 8,2
+
+ Pouvoir activant du produit non chauffé qui
+ a été dissous, puis séché à 150° 92
+
+ Pouvoir activant du produit chauffé qui a
+ été dissous, puis séché à 150° 105
+
+
+_Interprétation théorique des causes des variations d'activité des sels
+radifères, après dissolution et après chauffe._--Les faits qui viennent
+d'être exposés peuvent être, en partie, expliqués par la théorie d'après
+laquelle le radium produit l'énergie sous forme d'émanation, cette
+dernière se transformant ensuite en énergie de rayonnement. Quand on
+dissout un sel de radium, l'émanation qu'il produit se répand au dehors
+de la solution et provoque la radioactivité en dehors de la source dont
+elle provient; lorsqu'on évapore la dissolution, le sel solide obtenu
+est peu actif, car il ne contient que peu d'émanation. Peu à peu
+l'émanation s'accumule dans le sel, dont l'activité augmente jusqu'à une
+valeur limite, qui est obtenue quand la production d'émanation par le
+radium compense la perte qui se fait par débit extérieur et par
+transformation sur place en rayons de Becquerel.
+
+Lorsqu'on chauffe un sel de radium, le débit d'émanation en dehors du
+sel est fortement augmenté, et les phénomènes de radioactivité induite
+sont plus intenses que quand le sel est à la température ordinaire. Mais
+quand le sel revient à la température ordinaire, il est épuisé, comme
+dans le cas où on l'avait dissous, il ne contient que peu d'émanation,
+l'activité est devenue très faible. Peu à peu l'émanation s'accumule de
+nouveau dans le sel solide et le rayonnement va en augmentant.
+
+On peut admettre que le radium donne lieu à un débit constant
+d'émanation, dont une partie s'échappe à l'extérieur, tandis que la
+partie restante est transformée, dans le radium lui-même, en rayons de
+Becquerel. Lorsque le radium a été chauffé au rouge, il perd la plus
+grande partie de son pouvoir d'activation; autrement dit, le débit
+d'émanation à l'extérieur est diminué. Par suite, la proportion
+d'émanation utilisée dans le radium lui-même doit être plus forte, et le
+produit atteint une radioactivité limite plus élevée.
+
+On peut se proposer d'établir théoriquement la loi de l'augmentation de
+l'activité d'un sel radifère solide qui a été dissous ou qui a été
+chauffé. Nous admettrons que l'intensité du rayonnement du radium est, à
+chaque instant, proportionnelle à la quantité d'émanation _q_ présente
+dans le radium. Nous savons que l'émanation se détruit spontanément
+suivant une loi telle que l'on ait, à chaque instant,
+
+ (1) _q_ = _q_0 _e_^{-t/θ}
+
+_q_0 étant la quantité d'émanation à l'origine du temps, et θ la
+constante de temps égale à 4,97 × 10^5 sec.
+
+Soit, d'autre part, Δ le débit d'émanation fourni par le radium,
+quantité que je supposerai constante. Voyons ce qui se passerait, s'il
+ne s'échappait pas d'émanation dans l'espace ambiant. L'émanation
+produite serait alors entièrement utilisée dans le radium pour y
+produire le rayonnement. On a d'ailleurs, d'après la formule (1),
+
+ _dq_/_dt_ = - _q_0/θ _e_^{-t/θ} = - _q_/θ,
+
+et, par suite, à l'état d'équilibre, le radium contiendrait une
+certaine quantité d'émanation Q telle que l'on ait
+
+ (2) Δ = Q/θ,
+
+et le rayonnement du radium serait alors proportionnel à Q.
+
+Supposons qu'on mette le radium dans des conditions où il perd de
+l'émanation au dehors; c'est ce que l'on peut obtenir en dissolvant le
+composé radifère ou en le chauffant. L'équilibre sera troublé et
+l'activité du radium diminuera. Mais aussitôt que la cause de la perte
+d'émanation a été supprimée (le corps est revenu à l'état solide, ou
+bien on a cessé de chauffer), l'émanation s'accumule à nouveau dans le
+radium, et nous avons une période, pendant laquelle le débit Δ l'emporte
+sur la vitesse de destruction _q_/θ. On a alors
+
+ _dq_/_dt_ = Δ - _q_/θ = (Q - _q_)/θ,
+
+d'où
+
+ _d_/_dt_ (Q - _q_) = (Q - _q_)/θ,
+
+ (3) Q - _q_ = (Q - _q_0) _e_^{- _t_/θ},
+
+_q_0 étant la quantité d'émanation présente dans le radium au temps
+_t_ = 0.
+
+D'après la formule (3) l'excès de la quantité d'émanation Q que le
+radium contient à l'état d'équilibre sur la quantité _q_ qu'il contient
+à un moment donné, décroît en fonction du temps suivant une loi
+exponentielle qui est la loi même de la disparition spontanée de
+l'émanation. Le rayonnement du radium étant d'ailleurs proportionnel à
+la quantité d'émanation, l'excès de l'intensité du rayonnement limite
+sur l'intensité actuelle doit décroître en fonction du temps suivant
+cette même loi; cet excès doit donc diminuer de moitié en 4 jours
+environ.
+
+La théorie qui précède est incomplète, puisqu'on a négligé la perte
+d'émanation par débit à l'extérieur. Il est, d'ailleurs, difficile de
+savoir comment celle-ci intervient en fonction du temps. En comparant
+les résultats de l'expérience à ceux de cette théorie incomplète, on ne
+trouve pas un accord satisfaisant; on retire cependant la conviction que
+la théorie en question contient une part de vérité. La loi d'après
+laquelle l'excès de l'activité limite sur l'activité actuelle diminue de
+moitié en 4 jours représente, avec une certaine approximation, la marche
+de la reprise d'activité après chauffe pendant une dizaine de jours.
+Dans le cas de la reprise d'activité après dissolution cette même loi
+semble convenir à peu près pendant une certaine période de temps, qui
+commence deux ou trois jours après la dessiccation du produit et se
+poursuit pendant 10 à 15 jours. Les phénomènes sont d'ailleurs
+complexes; la théorie indiquée n'explique pas pourquoi les rayons
+pénétrants sont supprimés en plus forte proportion que les rayons
+absorbables.
+
+
+NATURE ET CAUSE DES PHÉNOMÈNES DE RADIOACTIVITÉ.
+
+Dès le début des recherches sur les corps radioactifs, et alors que les
+propriétés de ces corps étaient encore à peine connues, la spontanéité
+de leur rayonnement s'est posée comme un problème, ayant pour les
+physiciens le plus grand intérêt. Aujourd'hui, nous sommes plus avancés
+au point de vue de la connaissance des corps radioactifs, et nous savons
+isoler un corps radioactif d'une très grande puissance, le radium.
+L'utilisation des propriétés remarquables du radium a permis de faire
+une étude approfondie des rayons émis par les corps radioactifs; les
+divers groupes de rayons qui ont été étudiés jusqu'ici présentent des
+analogies avec les groupes de rayons qui existent dans les tubes de
+Crookes: rayons cathodiques, rayons Röntgen, rayons canaux. Ce sont
+encore les mêmes groupes de rayons que l'on retrouve dans le rayonnement
+secondaire produit par les rayons Röntgen[118], et dans le rayonnement
+des corps qui ont acquis la radioactivité induite.
+
+ [118] SAGNAC, _Thèse de doctorat_.--CURIE et SAGNAC, _Comptes rendus_,
+ avril 1900.
+
+Mais si la nature du rayonnement est actuellement mieux connue, la cause
+de la radioactivité spontanée reste mystérieuse et ce phénomène est
+toujours pour nous une énigme et un sujet d'étonnement profond.
+
+Les corps spontanément radioactifs, en premier lieu le radium,
+constituent des sources d'énergie. Le débit d'énergie auquel ils donnent
+lieu nous est révélé par le rayonnement de Becquerel, par les effets
+chimiques et lumineux et par le dégagement continu de chaleur.
+
+On s'est souvent demandé si l'énergie est créée dans les corps
+radioactifs eux-mêmes ou bien si elle est empruntée par ces corps à des
+sources extérieures. Aucune des nombreuses hypothèses, qui résultent de
+ces deux manières de voir, n'a encore reçu de confirmation
+expérimentale.
+
+On peut supposer que l'énergie radioactive a été emmagasinée
+antérieurement et qu'elle s'épuise peu à peu comme cela arrive pour une
+phosphorescence de très longue durée. On peut imaginer que le dégagement
+d'énergie radioactive correspond à une transformation de la nature même
+de l'atome du corps radiant qui serait en voie d'évolution; le fait que
+le radium dégage de la chaleur d'une manière continue plaide en faveur
+de cette hypothèse. On peut supposer que la transformation est
+accompagnée d'une perte de poids et d'une émission de particules
+matérielles qui constitue le rayonnement. La source d'énergie peut
+encore être cherchée dans l'énergie de gravitation. Enfin, on peut
+imaginer que l'espace est constamment traversé par des rayonnements
+encore inconnus qui sont arrêtés à leur passage au travers des corps
+radioactifs et transformés en énergie radioactive.
+
+Bien des raisons sont à invoquer pour et contre ces diverses manières de
+voir, et le plus souvent les essais de vérification expérimentale des
+conséquences de ces hypothèses ont donné des résultats négatifs.
+L'énergie radioactive de l'uranium et du radium ne semble pas jusqu'ici
+s'épuiser ni même éprouver une variation appréciable avec le temps.
+Demarçay a examiné au spectroscope un échantillon de chlorure de radium
+pur à 5 mois d'intervalle; il n'a observé aucun changement dans le
+spectre au bout de ces 5 mois. La raie principale du baryum qui se
+voyait dans le spectre et indiquait la présence du baryum à l'état de
+trace, ne s'était pas renforcée pendant l'intervalle de temps considéré;
+le radium ne s'était donc pas transformé en baryum d'une manière
+sensible.
+
+Les variations de poids signalées par M. Heydweiller pour les composés
+du radium[119] ne peuvent pas encore être considérées comme un fait
+établi.
+
+ [119] HEYDWEILLER, _Physik. Zeitschr._, octobre 1902.
+
+MM. Elster et Geitel ont trouvé que la radioactivité de l'uranium n'est
+pas changée au fond d'un puits de mine de 850m de profondeur; une
+couche de terre de cette épaisseur ne modifierait donc pas le
+rayonnement primaire hypothétique qui provoquerait la radioactivité de
+l'uranium.
+
+Nous avons mesuré la radioactivité de l'uranium à midi et à minuit,
+pensant que si le rayonnement primaire hypothétique avait sa source
+dans le soleil, il pourrait être en partie absorbé en traversant la
+terre. L'expérience n'a donné aucune différence pour les deux mesures.
+
+Les recherches les plus récentes sont favorables à l'hypothèse d'une
+transformation atomique du radium. Cette hypothèse a été mise dès le
+début des recherches sur la radioactivité[120]; elle a été franchement
+adoptée par M. Rutherford qui a admis que l'émanation du radium est un
+gaz matériel qui est un des produits de la désagrégation de l'atome du
+radium[121]. Les expériences récentes de MM. Ramsay et Soddy tendent à
+prouver que l'émanation est un gaz instable qui se détruit en donnant
+lieu à une production d'hélium. D'autre part, le débit continu de
+chaleur fourni par le radium ne saurait s'expliquer par une réaction
+chimique ordinaire, mais pourrait peut-être avoir son origine dans une
+transformation de l'atome.
+
+ [120] Mme CURIE, _Revue générale des Sciences_, 30 janvier 1899.
+
+ [121] RUTHERFORD et SODDY, _Phil. Mag._, mai 1903.
+
+Rappelons enfin que les substances radioactives nouvelles se trouvent
+toujours dans les minerais d'urane; nous avons vainement cherché du
+radium dans le baryum du commerce (_voir_ page 46). La présence du
+radium semble donc liée à celle de l'uranium. Les minerais d'urane
+contiennent d'ailleurs de l'argon et de l'hélium, et cette coïncidence
+n'est probablement pas non plus due au hasard. La présence simultanée de
+ces divers corps dans les mêmes minerais fait songer que la présence des
+uns est peut-être nécessaire pour la formation des autres.
+
+Il est toutefois nécessaire de remarquer que les faits qui viennent à
+l'appui de l'idée d'une transformation atomique du radium peuvent aussi
+recevoir une interprétation différente. Au lieu d'admettre que l'atome
+de radium se transforme, on pourrait admettre que cet atome est lui-même
+stable, mais qu'il agit sur le milieu qui l'entoure (atomes matériels
+voisins ou éther du vide) de manière à donner lieu à des transformations
+atomiques. Cette hypothèse conduit tout aussi bien à admettre la
+possibilité de la transformation des éléments, mais le radium lui-même
+ne serait plus alors un élément en voie de destruction.
+
+
+FIN.
+
+
+
+
+ TABLE DES MATIÈRES.
+
+
+ Pages.
+
+ INTRODUCTION 1
+
+ Historique 3
+
+ I.--_Radioactivité de l'uranium et du thorium. Minéraux
+ radioactifs._
+
+ Rayons de Becquerel 6
+
+ Mesure de l'intensité du rayonnement 8
+
+ Radioactivité des composés d'uranium et de thorium 14
+
+ La radioactivité atomique est-elle un phénomène général? 17
+
+ Minéraux radioactifs 19
+
+
+ II.--_Les nouvelles substances radioactives._
+
+ Méthode de recherches 22
+
+ Polonium, radium, actinium 22
+
+ Spectre du radium 25
+
+ Extraction des substances radioactives nouvelles 27
+
+ Polonium 31
+
+ Préparation du chlorure de radium pur 34
+
+ Détermination du poids atomique du radium 40
+
+ Caractères des sels de radium 45
+
+ Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire 46
+
+
+ III.--_Rayonnement des nouvelles substances radioactives._
+
+ Procédés d'étude du rayonnement 47
+
+ Energie du rayonnement 48
+
+ Nature complexe du rayonnement 49
+
+ Action du champ magnétique 51
+
+ Rayons déviables β 56
+
+ Charge des rayons déviables β 57
+
+ Action du champ électrique sur les rayons β du radium 62
+
+ Rapport de la charge à la masse pour une particule chargée 63
+ négativement, émise par le radium
+
+ Action du champ magnétique sur les rayons α 66
+
+ Action du champ magnétique sur les rayons des autres 68
+ substances radioactives
+
+ Proportion des rayons déviables β dans le rayonnement 68
+ du radium
+
+ Pouvoir pénétrant du rayonnement des corps radioactifs 73
+
+ Action ionisante des rayons du radium sur les liquides 90
+ isolants
+
+ Divers effets et applications de l'action ionisante des 93
+ rayons émis par les substances radioactives
+
+ Effets de fluorescence, effets lumineux 95
+
+ Dégagement de chaleur par les sels de radium 98
+
+ Effets chimiques produits par les nouvelles substances
+ radioactives. Colorations 102
+
+ Dégagement de gaz en présence des sels de radium 104
+
+ Production de thermoluminescence 105
+
+ Radiographies 106
+
+ Effets physiologiques 107
+
+ Action de la température sur le rayonnement 109
+
+
+ IV.--_La radioactivité induite._
+
+ Communication de la radioactivité à des substances
+ primitivement inactives 111
+
+ Activation en enceinte fermée 113
+
+ Rôle des gaz dans les phénomènes de radioactivité induite. 115
+ Emanation
+
+ Désactivation à l'air libre des corps solides activés 116
+
+ Désactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de 117
+ l'émanation
+
+ Nature des émanations 119
+
+ Variations d'activité des liquides activés et des solutions 122
+ radifères
+
+ Théorie de la radioactivité 123
+
+ Autre forme de la radioactivité induite 126
+
+ Radioactivité induite à évolution lente 126
+
+ Radioactivité induite sur des substances qui séjournent en
+ dissolution avec le radium 127
+
+ Dissémination des poussières radioactives et radioactivité
+ induite du laboratoire 130
+
+ Activation en dehors de l'action des substances radioactives 131
+
+ Variations d'activité des corps radioactifs. Effets de 132
+ dissolution
+
+ Variations d'activité des sels de radium par la chauffe 139
+
+ Interprétation théorique des causes de variation d'activité 144
+ des sels radifères après dissolution et après chauffe
+
+ _Nature et cause des phénomènes de radioactivité_ 147
+
+
+ FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
+
+
+ PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,
+ 35119 Quai des Grands-Augustins, 55.
+
+
+
+ LIBRAIRIE GAUTHIER-VILLARS,
+ QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 55, A PARIS (6e).
+
+
+ =BLONDLOT= (=R.=), Correspondant de l'Institut, Professeur
+ à l'Université de Nancy.--=Rayons «N».= _Recueil des
+ Communications faites à l'Académie des Sciences_, avec des
+ NOTES COMPLÉMENTAIRES et une INSTRUCTION POUR LA
+ CONSTRUCTION DES ÉCRANS PHOSPHORESCENTS. In-16 (19 × 12)
+ de VI-75 pages, avec 3 figures, 2 planches et un écran
+ phosphorescent; 1904 2 fr.
+
+ =BERTHELOT= (=M.=), Sénateur, Secrétaire perpétuel de
+ l'Académie des Sciences, Professeur au Collège de
+ France.--=Les carbures d'hydrogène= (=1851-1901=).
+ _Recherches expérimentales._ Trois volumes grand in-8;
+ 1901, se vendant ensemble 45 fr.
+
+ TOME I: _L'Acétylène: synthèse totale des carbures
+ d'hydrogène._ Volume de X-414 pages.
+
+ TOME II: _Les Carbures pyrogénés.--Séries diverses._
+ Volume de IV-558 pages.
+
+ TOME III: _Combinaison des carbures d'hydrogène avec
+ l'hydrogène, l'oxygène, les éléments de l'eau._ Volume de
+ IV-459 pages.
+
+ =GUILLAUME= (=Ch.-Ed.=), Docteur ès Sciences, Adjoint au
+ Bureau international des Poids et Mesures.--=Les
+ Radiations nouvelles.=--=Les Rayons X et la Photographie à
+ travers les corps opaques.= 2e édition. In-8, avec 22
+ figures et 8 planches; 1897 3 fr.
+
+ =HALLER= (=Albin=), Membre de l'Institut, Professeur à la
+ Faculté des Sciences de Paris, Rapporteur du Jury de la
+ Classe 87 à l'Exposition universelle de 1900.--=Les
+ industries chimiques et pharmaceutiques.= Deux vol. gr.
+ in-8 de XC-405 et 445 pages avec 108 fig; 1903 20 fr.
+
+ =LONDE= (=A.=), Directeur du Service photographique et
+ radiographique à la Salpêtrière (Clinique des maladies du
+ système nerveux), Lauréat de l'Académie de Médecine, de la
+ Faculté de Médecine de Paris.--=Traité pratique de
+ Radiographie et de Radioscopie.= _Technique et
+ applications médicales._ Grand in-8, avec 113 fig; 1898 7 fr.
+
+ =MOISSONNIER= (=P.=), Pharmacien principal de l'Armée,
+ Chef des laboratoires des usines de Billancourt et du
+ Service de l'Intendance du Gouvernement militaire de
+ Paris, ex-Secrétaire de la Commission de l'aluminium au
+ Ministère de la Guerre.--=L'aluminium. Ses propriétés.
+ Ses applications.= _Historique. Minerais. Fabrication.
+ Propriétés. Applications générales._ Grand in-8, avec
+ 2 figures et un titre tiré sur aluminium; 1903 7 fr. 50 c.
+
+35119 Paris.--Imprimerie GAUTHIER-VILLARS, quai des Grands-Augustins, 55.
+
+
+
+
+ * * * * * *
+
+
+
+
+Au lecteur
+
+ Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version
+ originale.
+
+ L'orthographe a été conservée. Seules les erreurs de typographie
+ manifestes ont été corrigées.
+
+ La ponctuation n'a pas été modifiée hormis quelques corrections
+ mineures.
+
+
+
+***END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES
+RADIOACTIVES***
+
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+******* This file should be named 43233-0.txt or 43233-0.zip *******
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+Updated editions will replace the previous one--the old editions
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+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
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+such as creation of derivative works, reports, performances and
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+subject to the trademark license, especially commercial
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+License as specified in paragraph 1.E.1.
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+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
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+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
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+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
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+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
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+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
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+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
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+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation information page at www.gutenberg.org
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
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+throughout numerous locations. Its business office is located at 809
+North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email
+contact links and up to date contact information can be found at the
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+ Chief Executive and Director
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+Literary Archive Foundation
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+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
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+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
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+approach us with offers to donate.
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+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
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+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
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+works.
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+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
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+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
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--- /dev/null
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@@ -0,0 +1,5567 @@
+The Project Gutenberg eBook, Recherches sur les substances radioactives,
+by Marie Curie
+
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+
+
+
+Title: Recherches sur les substances radioactives
+
+
+Author: Marie Curie
+
+
+
+Release Date: July 16, 2013 [eBook #43233]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+
+***START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES
+RADIOACTIVES***
+
+
+E-text prepared by Claudine Corbasson and the Online Distributed
+Proofreading Team (http://www.pgdp.net) from page images generously made
+available by Internet Archive (http://archive.org)
+
+
+
+Note: Project Gutenberg also has an HTML version of this
+ file which includes the original illustrations.
+ See 43233-h.htm or 43233-h.zip:
+ (http://www.gutenberg.org/files/43233/43233-h/43233-h.htm)
+ or
+ (http://www.gutenberg.org/files/43233/43233-h.zip)
+
+
+ Images of the original pages are available through
+ Internet Archive. See
+ http://archive.org/details/recherchessurles00curi
+
+
+Au lecteur
+
+ Les mots en gras dans l'original sont entours par des = et
+ les lettres grecques sont entoures par des #.
+
+
+
+
+
+RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
+
+THSE PRSENTE A LA FACULT DES SCIENCES DE PARIS
+POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR S SCIENCES PHYSIQUES;
+
+PAR
+
+Mme SKLODOWSKA CURIE.
+
+DEUXIME DITION, REVUE ET CORRIGE.
+
+
+
+
+
+
+
+[Illustration]
+
+PARIS,
+GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE
+DU BUREAU DES LONGITUDES, DE L'COLE POLYTECHNIQUE,
+Quai des Grands-Augustins, 55.
+1904
+
+PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,
+35119 Quai des Grands-Augustins, 55.
+
+
+
+
+RECHERCHES
+SUR LES
+SUBSTANCES RADIOACTIVES.
+
+
+
+
+INTRODUCTION.
+
+
+Le prsent travail a pour but d'exposer les recherches que je poursuis
+depuis plus de 4 ans sur les substances radioactives. J'ai commenc ces
+recherches par une tude du rayonnement uranique qui a t dcouvert par
+M. Becquerel. Les rsultats auxquels ce travail me conduisit parurent
+ouvrir une voie si intressante, qu'abandonnant ses travaux en train,
+M. Curie se joignit moi, et nous runmes nos efforts en vue d'aboutir
+ l'extraction des substances radioactives nouvelles et de poursuivre
+leur tude.
+
+Ds le dbut de nos recherches nous avons cru devoir prter des
+chantillons des substances dcouvertes et prpares par nous quelques
+physiciens, en premier lieu M. Becquerel, qui est due la dcouverte
+des rayons uraniques. Nous avons ainsi nous-mmes facilit les
+recherches faites par d'autres que nous sur les substances radioactives
+nouvelles. A la suite de nos premires publications, M. Giesel en
+Allemagne se mit d'ailleurs aussi prparer de ces substances et en
+prta des chantillons plusieurs savants allemands. Ensuite ces
+substances furent mises en vente en France et en Allemagne, et le sujet
+prenant de plus en plus d'importance donna lieu un mouvement
+scientifique, de sorte que de nombreux Mmoires ont paru et paraissent
+constamment sur les corps radioactifs, principalement l'tranger. Les
+rsultats des divers travaux franais et trangers sont ncessairement
+enchevtrs, comme pour tout sujet d'tudes nouveau et en voie de
+formation. L'aspect de la question se modifie, pour ainsi dire, de jour
+en jour.
+
+Cependant, au point de vue chimique, un point est dfinitivement tabli;
+_c'est l'existence d'un lment nouveau fortement radioactif: le
+radium_. La prparation du chlorure de radium pur et la dtermination du
+poids atomique du radium constituent la partie la plus importante de mon
+travail personnel. En mme temps que ce travail ajoute aux corps simples
+actuellement connus avec certitude un nouveau corps simple de proprits
+trs curieuses, une nouvelle mthode de recherches chimiques se trouve
+tablie et justifie. Cette mthode, base sur la radioactivit,
+considre comme une proprit atomique de la matire, est prcisment
+celle qui nous a permis, M. Curie et moi, de dcouvrir l'existence du
+radium.
+
+Si, au point de vue chimique, la question que nous nous sommes
+primitivement pose peut tre considre comme rsolue, l'tude des
+proprits physiques des substances radioactives est en pleine
+volution. Certains points importants ont t tablis, mais un grand
+nombre de conclusions portent encore le caractre du provisoire. Cela
+n'a rien d'tonnant, si l'on considre la complexit des phnomnes
+auxquels donne lieu la radioactivit et les diffrences qui existent
+entre les diverses substances radioactives. Les recherches des divers
+physiciens qui tudient ces substances viennent constamment se
+rencontrer et se croiser. Tout en cherchant me conformer au but prcis
+de ce travail et exposer surtout mes propres recherches, j'ai t
+oblige d'exposer en mme temps les rsultats d'autres travaux dont la
+connaissance est indispensable.
+
+J'ai d'ailleurs dsir faire de ce travail un Mmoire d'ensemble sur
+l'tat actuel de la question.
+
+J'ai excut ce Travail dans les laboratoires de l'cole de Physique et
+de Chimie industrielles de la Ville de Paris avec l'autorisation de
+Schtzenberger, le regrett Directeur de cette cole, et de M. Lauth, le
+Directeur actuel. Je tiens exprimer ici toute ma reconnaissance pour
+l'hospitalit bienveillante que j'ai reue dans cette cole.
+
+
+HISTORIQUE.
+
+La dcouverte des phnomnes de la radioactivit se rattache aux
+recherches poursuivies depuis la dcouverte des rayons Rntgen sur les
+effets photographiques des substances phosphorescentes et fluorescentes.
+
+Les premiers tubes producteurs de rayons Rntgen taient ces tubes sans
+anticathode mtallique. La source de rayons Rntgen se trouvait sur la
+paroi de verre frappe par les rayons cathodiques; en mme temps cette
+paroi tait vivement fluorescente. On pouvait alors se demander si
+l'mission de rayons Rntgen n'accompagnait pas ncessairement la
+production de la fluorescence, quelle que ft la cause de cette
+dernire. Cette ide a t nonce tout d'abord par M. Henri
+Poincar[1].
+
+ [1] _Revue gnrale des Sciences_, 30 janvier 1896.
+
+Peu de temps aprs, M. Henry annona qu'il avait obtenu des impressions
+photographiques au travers du papier noir l'aide du sulfure de zinc
+phosphorescent[2]. M. Niewenglowski obtint le mme phnomne avec du
+sulfure de calcium expos la lumire[3]. Enfin, M. Troost obtint de
+fortes impressions photographiques avec de la blende hexagonale
+artificielle phosphorescente agissant au travers du papier noir et un
+gros carton[4].
+
+ [2] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 312.
+
+ [3] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 386.
+
+ [4] _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 564.
+
+Les expriences qui viennent d'tre cites n'ont pu tre reproduites
+malgr les nombreux essais faits dans ce but. On ne peut donc nullement
+considrer comme prouv que le sulfure de zinc et le sulfure de calcium
+soient capables d'mettre, sous l'action de la lumire, des radiations
+invisibles qui traversent le papier noir et agissent sur les plaques
+photographiques.
+
+M. Becquerel a fait des expriences analogues sur les sels d'uranium
+dont quelques-uns sont fluorescents[5]. Il obtint des impressions
+photographiques au travers du papier noir avec le sulfate double
+d'uranyle et de potassium.
+
+ [5] BECQUEREL, _Comptes rendus_, 1896 (plusieurs Notes).
+
+M. Becquerel crut d'abord que ce sel, qui est fluorescent, se comportait
+comme le sulfure de zinc et le sulfure de calcium dans les expriences
+de MM. Henry, Niewenglowski et Troost. Mais la suite de ses expriences
+montra que le phnomne observ n'tait nullement reli la
+fluorescence. Il n'est pas ncessaire que le sel soit clair; de plus,
+l'uranium et tous ses composs, fluorescents ou non, agissent de mme,
+et l'uranium mtallique est le plus actif. M. Becquerel trouva ensuite
+qu'en plaant les composs d'urane dans l'obscurit complte, ils
+continuent impressionner les plaques photographiques au travers du
+papier noir pendant des annes. M. Becquerel admit que l'uranium et ses
+composs mettent des rayons particuliers: _rayons uraniques_. Il prouva
+que ces rayons peuvent traverser des crans mtalliques minces et qu'ils
+dchargent les corps lectriss. Il fit aussi des expriences d'aprs
+lesquelles il conclut que les rayons uraniques prouvent la rflexion,
+la rfraction et la polarisation.
+
+Les travaux d'autres physiciens (Elster et Geitel, lord Kelwin, Schmidt,
+Rutherford, Beattie et Smoluchowski) sont venus confirmer et tendre les
+rsultats des recherches de M. Becquerel, sauf en ce qui concerne la
+rflexion, la rfraction et la polarisation des rayons uraniques,
+lesquels, ce point de vue, se comportent comme les rayons Rntgen,
+comme cela a t reconnu par M. Rutherford d'abord et ensuite par M.
+Becquerel lui-mme.
+
+
+
+
+CHAPITRE I.
+
+RADIOACTIVIT DE L'URANIUM ET DU THORIUM.
+MINRAUX RADIOACTIFS.
+
+
+_Rayons de Becquerel._--Les _rayons uraniques_, dcouverts par M.
+Becquerel, impressionnent les plaques photographiques l'abri de la
+lumire; ils peuvent traverser toutes les substances solides, liquides
+et gazeuses, condition que l'paisseur en soit suffisamment faible; en
+traversant les gaz, ils les rendent faiblement conducteurs de
+l'lectricit[6].
+
+ [6] BECQUEREL, _Comptes rendus_, 1896 (plusieurs Notes).
+
+Ces proprits des composs d'urane ne sont dues aucune cause
+excitatrice connue. Le rayonnement semble spontan; il ne diminue point
+d'intensit quand on conserve les composs d'urane dans l'obscurit
+complte pendant des annes; il ne s'agit donc pas l d'une
+phosphorescence particulire produite par la lumire.
+
+La spontanit et la constance du rayonnement uranique se prsentaient
+comme un phnomne physique tout fait extraordinaire. M. Becquerel a
+conserv un morceau d'uranium pendant plusieurs annes dans l'obscurit
+et il a constat qu'au bout de ce temps l'action sur la plaque
+photographique n'avait pas vari sensiblement. MM. Elster et Geitel ont
+fait une exprience analogue et ont trouv galement que l'action tait
+constante[7].
+
+ [7] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXVIII, p. 771.--ELSTER et
+ GEITEL, _Beibl._, t. XXI, p. 455.
+
+J'ai mesur l'intensit du rayonnement de l'uranium en utilisant
+l'action de ce rayonnement sur la conductibilit de l'air. La mthode de
+mesures sera expose plus loin. J'ai ainsi obtenu des nombres qui
+prouvent la constance du rayonnement dans les limites de prcision des
+expriences, c'est--dire 2 pour 100 ou 3 pour 100 prs[8].
+
+ [8] Mme CURIE, _Revue gnrale des Sciences_, janvier 1899.
+
+On utilisait pour ces mesures un plateau mtallique recouvert d'une
+couche d'uranium en poudre; ce plateau n'tait d'ailleurs pas conserv
+dans l'obscurit, cette condition s'tant montre sans importance
+d'aprs les observateurs cits prcdemment. Le nombre des mesures
+effectues avec ce plateau est trs grand, et actuellement ces mesures
+portent sur un intervalle de temps de 5 annes.
+
+Des recherches furent faites pour reconnatre si d'autres substances
+peuvent agir comme les composs d'urane. M. Schmidt publia le premier
+que le thorium et ses composs possdent galement cette facult[9]. Un
+travail analogue fait en mme temps m'a donn le mme rsultat. J'ai
+publi ce travail, n'ayant pas encore eu connaissance de la publication
+de M. Schmidt[10].
+
+ [9] SCHMIDT, _Wied. Ann._, t. LXV, p. 141.
+
+ [10] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
+
+Nous dirons que l'uranium, le thorium et leurs composs mettent des
+_rayons de Becquerel_. J'ai appel _radioactives_ les substances qui
+donnent lieu une mission de ce genre[11]. Ce nom a t depuis
+gnralement adopt.
+
+ [11] P. CURIE et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 18 juillet 1898.
+
+Par leurs effets photographiques et lectriques les rayons de Becquerel
+se rapprochent des rayons de Rntgen. Ils ont aussi, comme ces derniers,
+la facult de traverser toute matire. Mais leur pouvoir de pntration
+est extrmement diffrent: les rayons de l'uranium et du thorium sont
+arrts par quelques millimtres de matire solide et ne peuvent
+franchir dans l'air une distance suprieure quelques centimtres;
+tout au moins en est-il ainsi pour la grosse partie du rayonnement.
+
+Les travaux de divers physiciens, et, en premier lieu, de M. Rutherford,
+ont montr que les rayons de Becquerel n'prouvent ni rflexion
+rgulire, ni rfraction, ni polarisation[12].
+
+ [12] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1899.
+
+Le faible pouvoir pntrant des rayons uraniques et thoriques conduirait
+ les assimiler aux rayons secondaires qui sont produits par les rayons
+Rntgen, et dont l'tude a t faite par M. Sagnac[13], plutt qu'aux
+rayons Rntgen eux-mmes.
+
+ [13] SAGNAC, _Comptes rendus_, 1897, 1898, 1899 (plusieurs Notes).
+
+D'autre part, on peut chercher rapprocher les rayons de Becquerel de
+rayons cathodiques se propageant dans l'air (rayons de Lenard). On sait
+aujourd'hui que ces divers rapprochements sont tous lgitimes.
+
+
+_Mesure de l'intensit du rayonnement._--La mthode employe consiste
+ mesurer la conductibilit acquise par l'air sous l'action des
+substances radioactives; cette mthode a l'avantage d'tre rapide et de
+fournir des nombres qu'on peut comparer entre eux. L'appareil que j'ai
+employ cet effet se compose essentiellement d'un condensateur
+plateaux AB (_fig._ 1). La substance active finement pulvrise est
+tale sur le plateau B; elle rend conducteur l'air entre les plateaux.
+Pour mesurer cette conductibilit, on porte le plateau B un potentiel
+lev, en le reliant l'un des ples d'une batterie de petits
+accumulateurs P, dont l'autre ple est la terre. Le plateau A tant
+maintenu au potentiel du sol par le fil CD, un courant lectrique
+s'tablit entre les deux plateaux. Le potentiel du plateau A est indiqu
+par un lectromtre E. Si l'on interrompt en C la communication avec le
+sol, le plateau A se charge, et cette charge fait dvier l'lectromtre.
+La vitesse de la dviation est proportionnelle l'intensit du courant
+et peut servir la mesurer.
+
+[Illustration: Fig. 1.]
+
+Mais il est prfrable de faire cette mesure en compensant la charge que
+prend le plateau A, de manire maintenir l'lectromtre au zro. Les
+charges, dont il est question ici, sont extrmement faibles; elles
+peuvent tre compenses au moyen d'un quartz pizo-lectrique Q, dont
+une armature est relie au plateau A, et l'autre armature est terre.
+On soumet la lame de quartz une traction connue produite par des poids
+placs dans un plateau #p#; cette traction est tablie progressivement
+et a pour effet de dgager progressivement une quantit d'lectricit
+connue pendant un temps qu'on mesure. L'opration peut tre rgle de
+telle manire, qu'il y ait chaque instant compensation entre la
+quantit d'lectricit qui traverse le condensateur et celle de signe
+contraire que fournit le quartz[14]. On peut ainsi mesurer _en valeur
+absolue_ la quantit d'lectricit qui traverse le condensateur pendant
+un temps donn, c'est--dire l'_intensit du courant_. La mesure est
+indpendante de la sensibilit de l'lectromtre.
+
+ [14] On arrive trs facilement ce rsultat en soutenant le poids
+ la main et en ne le laissant peser que progressivement sur le plateau
+ #p#, et cela de manire maintenir l'image de l'lectromtre au zro.
+ Avec un peu d'habitude on prend trs exactement le tour de main
+ ncessaire pour russir cette opration. Cette mthode de mesure des
+ faibles courants a t dcrite par M. J. Curie dans sa thse.
+
+En effectuant un certain nombre de mesures de ce genre, on voit que la
+radioactivit est un phnomne susceptible d'tre mesur avec une
+certaine prcision. Elle varie peu avec la temprature, elle est peine
+influence par les oscillations de la temprature ambiante; elle n'est
+pas influence par l'clairement de la substance active. L'intensit du
+courant qui traverse le condensateur augmente avec la surface des
+plateaux. Pour un condensateur donn et une substance donne le courant
+augmente avec la diffrence de potentiel qui existe entre les plateaux,
+avec la pression du gaz qui remplit le condensateur et avec la distance
+des plateaux (pourvu que cette distance ne soit pas trop grande par
+rapport au diamtre). Toutefois, pour de fortes diffrences de
+potentiel, le courant tend vers une valeur limite qui est pratiquement
+constante. C'est le _courant de saturation_ ou _courant limite_. De mme
+pour une certaine distance des plateaux assez grande, le courant ne
+varie plus gure avec cette distance. C'est le courant obtenu dans ces
+conditions qui a t pris comme mesure de radioactivit dans mes
+recherches, le condensateur tant plac dans l'air la pression
+atmosphrique.
+
+Voici, titre d'exemple, des courbes qui reprsentent l'intensit du
+courant en fonction du champ moyen tabli entre les plateaux pour deux
+distances des plateaux diffrentes. Le plateau B tait recouvert d'une
+couche mince d'uranium mtallique pulvris; le plateau A, runi
+l'lectromtre, tait muni d'un anneau de garde.
+
+La figure 2 montre que l'intensit du courant devient constante pour les
+fortes diffrences de potentiel entre les plateaux. La figure 3
+reprsente les mmes courbes une autre chelle, et comprend seulement
+les rsultats relatifs aux faibles diffrences de potentiel. Au dbut,
+la courbe est rectiligne; le quotient de l'intensit du courant par la
+diffrence de potentiel est constant pour les tensions faibles, et
+reprsente la conductance initiale entre les plateaux.
+
+[Illustration: Fig. 2.]
+
+[Illustration: Fig. 3.]
+
+On peut donc distinguer deux constantes importantes caractristiques du
+phnomne observ: 1 la _conductance initiale_ pour diffrences de
+potentiel faibles; 2 le _courant limite_ pour diffrences de potentiel
+fortes. C'est le courant limite qui a t adopt comme mesure de la
+radioactivit.
+
+En plus de la diffrence de potentiel que l'on tablit entre les
+plateaux, il existe entre ces derniers une force lectromotrice de
+contact, et ces deux causes de courant ajoutent leurs effets; c'est
+pourquoi la valeur absolue de l'intensit du courant change avec le
+signe de la diffrence de potentiel extrieure. Toutefois, pour des
+diffrences de potentiel notables, l'effet de la force lectromotrice de
+contact est ngligeable, et l'intensit du courant est alors la mme,
+quel que soit le sens du champ entre les plateaux.
+
+L'tude de la conductibilit de l'air et d'autres gaz soumis l'action
+des rayons de Becquerel a t faite par plusieurs physiciens[15]. Une
+tude trs complte du sujet a t publie par M. Rutherford[16].
+
+ [15] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXIV, p. 800, 1897.--KELWIN,
+ BEATTIE et SMOLAN, _Nature_, t. LVI, 1897.--BEATTIE et SMOLUCHOWSKI,
+ _Phil. Mag._, t. XLIII, p. 418.
+
+ [16] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier, 1899.
+
+Les lois de la conductibilit produite dans les gaz par les rayons de
+Becquerel sont les mmes que celles trouves avec les rayons Rntgen. Le
+mcanisme du phnomne parat tre le mme dans les deux cas. La thorie
+de l'ionisation des gaz par l'effet des rayons Rntgen ou Becquerel rend
+trs bien compte des faits observs. Cette thorie ne sera pas expose
+ici. Je rappellerai seulement les rsultats auxquels elle conduit:
+
+1 Le nombre d'ions produits par seconde dans le gaz est considr comme
+proportionnel l'nergie du rayonnement absorb par le gaz;
+
+2 Pour obtenir le courant limite relatif un rayonnement donn, il
+faut, d'une part, faire absorber intgralement ce rayonnement par le
+gaz, en employant une masse absorbante suffisante; d'autre part, il faut
+utiliser pour la production du courant tous les ions crs, en
+tablissant un champ lectrique assez fort pour que le nombre des ions
+qui se recombinent devienne une fraction insignifiante du nombre total
+des ions produits dans le mme temps, qui sont presque tous entrans
+par le courant et amens aux lectrodes. Le champ lectrique moyen
+ncessaire pour obtenir ce rsultat est d'autant plus lev que
+l'ionisation est plus forte.
+
+D'aprs des recherches rcentes de M. Townsend, le phnomne est plus
+complexe quand la pression du gaz est faible. Le courant semble d'abord
+tendre vers une valeur limite constante quand la diffrence de potentiel
+augmente; mais, partir d'une certaine diffrence de potentiel, le
+courant recommence crotre avec le champ, et cela avec une rapidit
+trs grande. M. Townsend admet que cet accroissement est d une
+ionisation nouvelle produite par les ions eux-mmes quand ceux-ci, sous
+l'action du champ lectrique, prennent une vitesse suffisante pour
+qu'une molcule du gaz, rencontre par un de ces projectiles, se trouve
+brise et divise en ses ions constituants. Un champ lectrique intense
+et une pression faible favorisent cette ionisation par les ions dj
+prsents, et, aussitt que celle-ci commence se produire, l'intensit
+du courant crot constamment avec le champ moyen entre les plateaux[17].
+Le courant limite ne saurait donc tre obtenu qu'avec des causes
+ionisantes, dont l'intensit ne dpasse pas une certaine valeur, de
+telle faon que la saturation corresponde des champs pour lesquels
+l'ionisation par choc des ions ne peut encore avoir lieu. Cette
+condition se trouvait ralise dans mes expriences.
+
+ [17] TOWNSEND, _Phil. Mag._, 1901, 6e srie, t. I, p. 198.
+
+L'ordre de grandeur des courants de saturation que l'on obtient avec les
+composs d'urane est de 10^{-11} ampres pour un condensateur dont les
+plateaux ont 8cm de diamtre et sont distants de 3cm. Les composs de
+thorium donnent lieu des courants du mme ordre de grandeur, et
+l'activit des oxydes d'uranium et de thorium est trs analogue.
+
+
+_Radioactivit des composs d'uranium et de thorium._--Voici les nombres
+que j'ai obtenus avec divers composs d'urane; je dsigne par _i_
+l'intensit du courant en ampres:
+
+ _i_ 10^{11}.
+
+ Uranium mtallique (contenant un peu
+ de carbone) 2,3
+ Oxyde d'urane noir U_2 O_5 2,6
+ Oxyde d'urane vert U_3 O_4 1,8
+ Acide uranique hydrat 0,6
+ Uranate de sodium 1,2
+ Uranate de potassium 1,2
+ Uranate d'ammonium 1,3
+ Sulfate uraneux 0,7
+ Sulfate d'uranyle et de potassium 0,7
+ Azotate d'uranyle 0,7
+ Phosphate de cuivre et d'uranyle 0,9
+ Oxysulfure d'urane 1,2
+
+L'paisseur de la couche du compos d'urane employ a peu d'influence,
+pourvu que la couche soit continue. Voici quelques expriences ce
+sujet:
+
+ paisseur
+ de la couche. _i_ 10^{11}.
+ mm
+ Oxyde d'urane 0,5 2,7
+ 3,0 3,0
+ Uranate d'ammonium 0,5 1,3
+ 3,0 1,4
+
+On peut conclure de l, que l'absorption des rayons uraniques par la
+matire qui les met est trs forte, puisque les rayons venant des
+couches profondes ne peuvent pas produire d'effet notable.
+
+Les nombres que j'ai obtenus avec les composs de thorium[18] m'ont
+permis de constater:
+
+1 Que l'paisseur de la couche employe a une action considrable,
+surtout avec l'oxyde;
+
+2 Que le phnomne n'est rgulier que si l'on emploie une couche active
+mince (0mm,25 par exemple). Au contraire, quand on emploie une couche de
+matire paisse (6mm), on obtient des nombres oscillant entre des
+limites tendues, surtout dans le cas de l'oxyde:
+
+ paisseur
+ de la couche. _i_ 10^{11}.
+ mm
+ Oxyde de thorium 0,25 2,2
+ 0,5 2,5
+ 2,5 4,7
+ 3,0 5,5 en moyenne
+ 6,0 5,5
+ Sulfate de thorium 0,25 0,8
+
+Il y a dans la nature du phnomne une cause d'irrgularits qui
+n'existe pas dans le cas des composs d'urane. Les nombres obtenus pour
+une couche d'oxyde de 6mm d'paisseur variaient entre 3,7 et 7,3.
+
+ [18] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
+
+Les expriences que j'ai faites sur l'absorption des rayons uraniques et
+thoriques ont montr que les rayons thoriques sont plus pntrants que
+les rayons uraniques et que les rayons mis par l'oxyde de thorium en
+couche paisse sont plus pntrants que ceux qu'il met en couche mince.
+Voici, par exemple, les nombres qui indiquent la fraction du
+rayonnement que transmet une lame d'aluminium dont l'paisseur est
+0mm,01:
+
+ Fraction
+ du rayonnement
+ transmise
+ Substance rayonnante. par la lame.
+ Uranium 0,18
+ Oxyde d'urane U_2 O_5 0,20
+ Uranate d'ammonium 0,20
+ Phosphate d'urane et de cuivre 0,21
+ mm
+ Oxyde de thorium sous paisseur. 0,25 0,38
+ 0,5 0,47
+ 3,0 0,70
+ 6,0 0,70
+ Sulfate de thorium 0,25 0,38
+
+Avec les composs d'urane, l'absorption est la mme quel que soit le
+compos employ, ce qui porte croire que les rayons mis par les
+divers composs sont de mme nature.
+
+Les particularits de la radiation thorique ont t l'objet de
+publications trs compltes. M. Owens[19] a montr que la constance du
+courant n'est obtenue qu'au bout d'un temps assez long en appareil clos,
+et que l'intensit du courant est fortement rduite par l'action d'un
+courant d'air (ce qui n'a pas lieu pour les composs d'uranium). M.
+Rutherford a fait des expriences analogues et les a interprtes en
+admettant que le thorium et ses composs mettent non seulement des
+rayons de Becquerel, mais encore une _manation,_ constitue par des
+particules extrmement tnues, qui restent radioactives pendant quelque
+temps aprs leur mission et peuvent tre entranes par un courant
+d'air[20].
+
+ [19] OWENS, _Phil. Mag._, octobre 1899.
+
+ [20] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1900.
+
+Les caractres de la radiation thorique qui sont relatifs l'influence
+de l'paisseur de la couche employe et l'action des courants d'air
+ont une liaison troite avec le phnomne de la _radioactivit induite
+et de sa propagation de proche en proche_. Ce phnomne a t observ
+pour la premire fois avec le radium et sera dcrit plus loin.
+
+La radioactivit des composs d'uranium et de thorium se prsente comme
+une _proprit atomique_. M. Becquerel avait dj observ que tous les
+composs d'uranium sont actifs et avait conclu que leur activit tait
+due la prsence de l'lment uranium; il a montr galement que
+l'uranium tait plus actif que ses sels[21]. J'ai tudi ce point de
+vue les composs de l'uranium et du thorium et j'ai fait un grand nombre
+de mesures de leur activit dans diverses conditions. Il rsulte de
+l'ensemble de ces mesures que la radioactivit de ces substances est
+bien effectivement une proprit atomique. Elle semble ici lie la
+prsence des atomes des deux lments considrs et n'est dtruite ni
+par les changements d'tat physique ni par les transformations
+chimiques. Les combinaisons chimiques et les mlanges contenant de
+l'uranium ou du thorium sont d'autant plus actifs qu'ils contiennent une
+plus forte proportion de ces mtaux, toute matire inactive agissant
+la fois comme matire inerte et matire absorbant le rayonnement.
+
+ [21] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXII, p. 1086.
+
+
+_La radioactivit atomique est-elle un phnomne gnral?_--Comme il a
+t dit plus haut, j'ai cherch si d'autres substances que les composs
+d'uranium et de thorium taient radioactives. J'ai entrepris cette
+recherche dans l'ide qu'il tait fort peu probable que la
+radioactivit, considre comme proprit atomique, appartnt une
+certaine espce de matire, l'exclusion de toute autre. Les mesures
+que j'ai faites me permettent de dire que pour les lments chimiques
+actuellement considrs comme tels, y compris les plus rares et les plus
+hypothtiques, les composs tudis par moi ont t toujours au moins
+100 fois moins actifs dans mon appareil que l'uranium mtallique. Dans
+le cas des lments rpandus, j'ai tudi plusieurs composs; dans le
+cas des corps rares, j'ai tudi les composs que j'ai pu me procurer.
+
+Voici la liste des substances qui ont fait partie de mon tude sous
+forme d'lment ou de combinaison:
+
+1 Tous les mtaux ou mtallodes que l'on trouve facilement et
+quelques-uns, plus rares, produits purs, provenant de la collection de
+M. Etard, l'cole de Physique et de Chimie industrielles de la Ville
+de Paris;
+
+2 Les corps rares suivants: gallium, germanium, nodyme, prasodyme,
+niobium, scandium, gadolinium, erbium, samarium et rubidium
+(chantillons prts par M. Demaray); yttrium, ytterbium avec nouvel
+erbium [chantillons prts par M. Urbain[22]];
+
+ [22] Je suis trs reconnaissante aux savants cits plus haut, auxquels
+ je dois des chantillons qui ont servi pour mon tude. Je remercie
+ galement M. Moissan qui a bien voulu donner pour cette tude de
+ l'uranium mtallique.
+
+3 Un grand nombre de roches et de minraux.
+
+Dans les limites de sensibilit de mon appareil je n'ai pas trouv de
+substance simple autre que l'uranium et le thorium, qui soit doue de
+radioactivit atomique. Il convient toutefois de dire quelques mots sur
+ce qui est relatif au phosphore. Le phosphore blanc humide, plac entre
+les plateaux du condensateur, rend conducteur l'air entre les
+plateaux[23]. Toutefois, je ne considre pas ce corps comme radioactif
+la faon de l'uranium et du thorium. Le phosphore, en effet, dans ces
+conditions, s'oxyde et met des rayons lumineux, tandis que les composs
+d'uranium et de thorium sont radioactifs sans prouver aucune
+modification chimique apprciable par les moyens connus. De plus, le
+phosphore n'est actif ni l'tat de phosphore rouge, ni l'tat de
+combinaison.
+
+ [23] ELSTER et GEITEL, _Wied. Ann._, 1890.
+
+Dans un travail rcent, M. Bloch vient de montrer que le phosphore, en
+s'oxydant en prsence de l'air, donne naissance des ions trs peu
+mobiles qui rendent l'air conducteur et provoquent la condensation de la
+vapeur d'eau[24].
+
+ [24] BLOCH, _Socit de Physique_, 6 fvrier 1903.
+
+Certains travaux rcents conduiraient admettre que la radioactivit
+appartient toutes les substances un degr extrmement faible[25].
+L'identit de ces phnomnes trs faibles avec les phnomnes de la
+radioactivit atomique ne peut encore tre considre comme tablie.
+
+ [25] MAC LENNAN et BURTON, _Phil. Mag._, juin 1903.--STRUTT, _Phil.
+ Mag._, juin 1903.--LESTER COOKE, _Phil. Mag._, octobre 1903.
+
+L'uranium et le thorium sont les deux lments qui possdent les plus
+forts poids atomiques (240 et 232); ils se rencontrent frquemment dans
+les mmes minraux.
+
+
+_Minraux radioactifs._--J'ai examin dans mon appareil plusieurs
+minraux[26]; certains d'entre eux se sont montrs actifs, entre autres
+la pechblende, la chalcolite, l'autunite, la monazite, la thorite,
+l'orangite, la fergusonite, la clvite, etc. Voici un Tableau qui donne
+en ampres l'intensit _i_ du courant obtenu avec l'uranium mtallique
+et avec divers minraux.
+
+ _i_ 10^{11}.
+ Uranium 2,3
+ Pechblende de Johanngeorgenstadt 8,3
+ de Joachimsthal 7,0
+ Pechblende de Pzibran 6,5
+ de Cornwallis 1,6
+ Clvite 1,4
+ Chalcolite 5,2
+ Autunite 2,7
+ { 0,1
+ { 0,3
+ Thorites diverses { 0,7
+ { 1,3
+ { 1,4
+ Orangite 2,0
+ Monazite 0,5
+ Xenotime 0,03
+ Aeschynite 0,7
+ Fergusonite, 2 chantillons { 0,4
+ { 0,1
+ Samarskite 1,1
+ Niobite, 2 chantillons { 0,1
+ { 0,3
+ Tantalite 0,02
+ Carnotite[27] 6,2
+
+ [26] Plusieurs chantillons de minraux de la collection du Musum ont
+ t obligeamment mis ma disposition par M. Lacroix.
+
+ [27] La carnotite est un minerai de vanadate d'urane rcemment
+ dcouvert par Friedel et Cumenge.
+
+Le courant obtenu avec l'orangite (minerai d'oxyde de thorium) variait
+beaucoup avec l'paisseur de la couche employe. En augmentant cette
+paisseur depuis 0mm,25 6mm, on faisait crotre le courant de 1,8
+2,3.
+
+Tous les minraux qui se montrent radioactifs contiennent de l'uranium
+ou du thorium; leur activit n'a donc rien d'tonnant, mais l'intensit
+du phnomne pour certains minraux est inattendue. Ainsi, on trouve des
+pechblendes (minerais d'oxyde d'urane) qui sont 4 fois plus actives que
+l'uranium mtallique. La chalcolite (phosphate de cuivre et d'urane
+cristallis) est 2 fois plus active que l'uranium. L'autunite (phosphate
+d'urane et de chaux) est aussi active que l'uranium. Ces faits taient
+en dsaccord avec les considrations prcdentes, d'aprs lesquelles
+aucun minral n'aurait d se montrer plus actif que l'uranium ou le
+thorium.
+
+Pour claircir ce point, j'ai prpar de la chalcolite artificielle par
+le procd de Debray, en partant de produits purs. Ce procd consiste
+mlanger une dissolution d'azotate d'uranyle avec une dissolution de
+phosphate de cuivre dans l'acide phosphorique, et chauffer vers 50 ou
+60. Au bout de quelque temps, des cristaux de chalcolite se forment
+dans la liqueur[28]. La chalcolite ainsi obtenue possde une activit
+tout fait normale, tant donne sa composition; elle est deux fois et
+demie moins active que l'uranium.
+
+ [28] DEBRAY, _Ann. de Chim. et de Phys._, 3e srie, t. LXI, p. 445
+
+Il devenait ds lors trs probable que si la pechblende, la chalcolite,
+l'autunite ont une activit si forte, c'est que ces substances
+renferment en petite quantit une matire fortement radioactive,
+diffrente de l'uranium, du thorium et des corps simples actuellement
+connus. J'ai pens que, s'il en tait effectivement ainsi, je pouvais
+esprer extraire cette substance du minerai par les procds ordinaires
+de l'analyse chimique.
+
+
+
+
+CHAPITRE II.
+
+LES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
+
+
+_Mthode de recherches._--Les rsultats de l'tude des minraux
+radioactifs, noncs dans le Chapitre prcdent, nous ont engags, M.
+Curie et moi, chercher extraire de la pechblende une nouvelle
+substance radioactive. Notre mthode de recherches ne pouvait tre base
+que sur la radioactivit, puisque nous ne connaissions aucun autre
+caractre de la substance hypothtique. Voici comment on peut se servir
+de la radioactivit pour une recherche de ce genre. On mesure la
+radioactivit d'un produit, on effectue sur ce produit une sparation
+chimique; on mesure la radioactivit de tous les produits obtenus, et
+l'on se rend compte si la substance radioactive est reste intgralement
+avec l'un d'eux, ou bien si elle s'est partage entre eux et dans quelle
+proportion. On a ainsi une indication qui peut tre compare, en une
+certaine mesure, celle que pourrait fournir l'analyse spectrale. Pour
+avoir des nombres comparables, il faut mesurer l'activit des substances
+ l'tat solide et bien dessches.
+
+
+_Polonium, radium, actinium._--L'analyse de la pechblende, avec le
+concours de la mthode qui vient d'tre expose, nous a conduits
+tablir l'existence, dans ce minral, de deux substances fortement
+radioactives, chimiquement diffrentes: le _polonium_, trouv par nous,
+et le _radium_, que nous avons dcouvert en collaboration avec M.
+Bmont[29].
+
+ [29] P. CURIE et Mme CURIE, _Comptes rendus_, juillet 1898.--P. CURIE,
+ Mme CURIE et G. BMONT, _Comptes rendus_, dcembre 1898.
+
+Le _polonium_ est une substance voisine du bismuth au point de vue
+analytique et l'accompagnant dans les sparations. On obtient du bismuth
+de plus en plus riche en polonium par l'un des procds de
+fractionnement suivants:
+
+1 Sublimation des sulfures dans le vide; le sulfure actif est beaucoup
+plus volatil que le sulfure de bismuth.
+
+2 Prcipitation des solutions azotiques par l'eau; le sous-nitrate
+prcipit est beaucoup plus actif que le sel qui reste dissous.
+
+3 Prcipitation par l'hydrogne sulfur d'une solution chlorhydrique
+extrmement acide; les sulfures prcipits sont considrablement plus
+actifs que le sel qui reste dissous.
+
+Le _radium_ est une substance qui accompagne le baryum retir de la
+pechblende; il suit le baryum dans ses ractions et s'en spare par
+diffrence de solubilit des chlorures dans l'eau, l'eau alcoolise ou
+l'eau additionne d'acide chlorhydrique. Nous effectuons la sparation
+des chlorures de baryum et de radium, en soumettant leur mlange une
+cristallisation fractionne, le chlorure de radium tant moins soluble
+que celui de baryum.
+
+Une troisime substance fortement radioactive a t caractrise dans la
+pechblende par M. Debierne, qui lui a donn le nom d'_actinium_[30].
+L'actinium accompagne certains corps du groupe du fer contenus dans la
+pechblende; il semble surtout voisin du thorium dont il n'a pu encore
+tre spar. L'extraction de l'actinium de la pechblende est une
+opration trs pnible, les sparations tant gnralement incompltes.
+
+ [30] DEBIERNE, _Comptes rendus_, octobre 1899 et avril 1900.
+
+Toutes les trois substances radioactives nouvelles se trouvent dans la
+pechblende en quantit absolument infinitsimale. Pour les obtenir
+l'tat concentr, nous avons t obligs d'entreprendre le traitement de
+plusieurs tonnes de rsidus de minerai d'urane. Le gros traitement se
+fait dans une usine; il est suivi de tout un travail de purification et
+de concentration. Nous arrivons ainsi extraire de ces milliers de
+kilogrammes de matire premire quelques dcigrammes de produits qui
+sont prodigieusement actifs par rapport au minerai dont ils proviennent.
+Il est bien vident que l'ensemble de ce travail est long, pnible et
+coteux[31].
+
+ [31] Nous avons de nombreuses obligations envers tous ceux qui nous
+ sont venus en aide dans ce travail. Nous remercions bien sincrement
+ MM. Mascart et Michel Lvy pour leur appui bienveillant. Grce
+ l'intervention bienveillante de M. le professeur Suess, le
+ gouvernement autrichien a mis gracieusement notre disposition la
+ premire tonne de rsidu traite (provenant de l'usine de l'tat,
+ Joachimsthal, en Bohme). L'Acadmie des Sciences de Paris, la Socit
+ d'Encouragement pour l'Industrie nationale, un donateur anonyme, nous
+ ont fourni le moyen de traiter une certaine quantit de produit. Notre
+ ami, M. Debierne, a organis le traitement du minerai, qui a t
+ effectu dans l'usine de la Socit centrale de Produits chimiques.
+ Cette Socit a consenti effectuer le traitement sans y chercher de
+ bnfice. A tous nous adressons nos remerciments bien sincres.
+
+ Plus rcemment, l'Institut de France a mis notre disposition une
+ somme de 20000fr pour l'extraction des matires radioactives. Grce
+ cette somme, nous avons pu mettre en train le traitement de 5t de
+ minerai.
+
+D'autres substances radioactives nouvelles ont encore t signales la
+suite de notre travail. M. Giesel, d'une part, MM. Hoffmann et Strauss,
+d'autre part, ont annonc l'existence probable d'une substance
+radioactive voisine du plomb par ses proprits chimiques. On ne possde
+encore que peu de renseignements sur cette substance[32].
+
+ [32] GIESEL, _Ber. deutsch. chem. Gesell._, t. XXXIV, 1901, p.
+ 3775.--HOFFMANN et STRAUSS, _Ber. deutsch. chem. Gesell._, t. XXXIII,
+ 1900, p. 3126.
+
+De toutes les substances radioactives nouvelles, le radium est, jusqu'
+prsent, la seule qui ait t isole l'tat de sel pur.
+
+
+_Spectre du radium._--Il tait de premire importance de contrler, par
+tous les moyens possibles, l'hypothse, faite dans ce travail, de
+l'existence d'lments nouveaux radioactifs. L'analyse spectrale est
+venue, dans le cas du radium, confirmer d'une faon complte cette
+hypothse.
+
+M. Demaray a bien voulu se charger de l'examen des substances
+radioactives nouvelles, par les procds rigoureux qu'il emploie dans
+l'tude des spectres d'tincelle photographis.
+
+Le concours d'un savant aussi comptent a t pour nous un grand
+bienfait, et nous lui gardons une reconnaissance profonde d'avoir
+consenti faire ce travail. Les rsultats de l'analyse spectrale sont
+venus nous apporter la certitude, alors que nous tions encore dans le
+doute sur l'interprtation des rsultats de nos recherches[33].
+
+ [33] Tout rcemment, nous avons eu la douleur de voir mourir ce savant
+ si distingu, alors qu'il poursuivait ses belles recherches sur les
+ terres rares et sur la spectroscopie, par des mthodes dont on ne
+ saurait trop admirer la perfection et la prcision. Nous conservons un
+ souvenir mu de la parfaite obligeance avec laquelle il avait consenti
+ prendre part notre travail.
+
+Les premiers chantillons de chlorure de baryum radifre mdiocrement
+actif, examins par Demaray, lui montrrent, en mme temps que les
+raies du baryum, une raie nouvelle d'intensit notable et de longueur
+d'onde #l# = 381^{#mm#},47 dans le spectre ultra-violet. Avec des
+produits plus actifs, prpars ensuite, Demaray vit la raie
+381^{#mm#},47 se renforcer; en mme temps d'autres raies nouvelles
+apparurent, et dans le spectre les raies nouvelles et les raies du
+baryum avaient des intensits comparables. Une nouvelle concentration a
+fourni un produit, pour lequel le nouveau spectre domine, et les trois
+plus fortes raies du baryum, seules visibles, indiquent seulement la
+prsence de ce mtal l'tat d'impuret. Ce produit peut tre considr
+comme du chlorure de radium peu prs pur. Enfin j'ai pu, par une
+nouvelle purification, obtenir un chlorure extrmement pur, dans le
+spectre duquel les deux raies dominantes du baryum sont peine
+visibles.
+
+Voici, d'aprs Demaray[34], la liste des raies principales du radium
+pour la portion du spectre comprise entre #l# = 500,0 et #l# = 350,0
+millimes de micron (#mm#). L'intensit de chaque raie est indique par
+un nombre, la plus forte raie tant marque 16.
+
+ #l#. Intensit. #l#. Intensit.
+ 482,63 10 453,35 9
+ 472,69 5 443,61 8
+ 469,98 3 434,06 12
+ 469,21 7 381,47 16
+ 468,30 14 364,96 12
+ 464,19 4
+
+ [34] DEMARAY, _Comptes rendus_, dcembre 1898, novembre 1899 et
+ juillet 1900.
+
+Toutes les raies sont nettes et troites, les trois raies 381,47, 468,30
+et 434,06 sont fortes; elles atteignent l'galit avec les raies les
+plus intenses actuellement connues. On aperoit galement dans le
+spectre deux bandes nbuleuses fortes. La premire, symtrique, s'tend
+de 463,10 462,19 avec maximum 462,75. La deuxime, plus forte, est
+dgrade vers l'ultra-violet; elle commence brusquement 446,37, passe
+par un maximum 445,52; la rgion du maximum s'tend jusqu' 445,34,
+puis une bande nbuleuse, graduellement dgrade, s'tend jusque vers
+439.
+
+Dans la partie la moins rfrangible non photographie du spectre
+d'tincelle, la seule raie notable est la raie 566,5 (environ), bien
+plus faible cependant que 482,63.
+
+L'aspect gnral du spectre est celui des mtaux alcalino-terreux; on
+sait que ces mtaux ont des spectres de raies fortes avec quelques
+bandes nbuleuses.
+
+D'aprs Demaray, le radium peut figurer parmi les corps ayant la
+raction spectrale la plus sensible. J'ai, d'ailleurs, pu conclure,
+d'aprs mon travail de concentration, que, dans le premier chantillon
+examin qui montrait nettement la raie 381,47, la proportion de radium
+devait tre trs faible (peut-tre de 0,02 pour 100). Cependant, il faut
+une activit 50 fois plus grande que celle de l'uranium mtallique pour
+apercevoir nettement la raie principale du radium dans les spectres
+photographis. Avec un lectromtre sensible, on peut dceler la
+radioactivit d'un produit quand elle n'est que 1/100 de celle de
+l'uranium mtallique. On voit que, pour dceler la prsence du radium,
+la radioactivit est un caractre plusieurs milliers de fois plus
+sensible que la raction spectrale.
+
+Le bismuth polonium trs actif et le thorium actinium trs actif,
+examins par Demaray, n'ont encore respectivement donn que les raies
+du bismuth et du thorium.
+
+Dans une publication rcente, M. Giesel[35], qui s'est occup de la
+prparation du radium, annonce que le bromure de radium donne lieu une
+coloration carmin de la flamme. Le spectre de flamme du radium contient
+deux belles bandes rouges, une raie dans le bleu vert et deux lignes
+faibles dans le violet.
+
+ [35] GIESEL, _Phys. Zeitschrift_, 15 septembre 1902.
+
+
+_Extraction des substances radioactives nouvelles._--La premire partie
+de l'opration consiste extraire des minerais d'urane le baryum
+radifre, le bismuth polonifre et les terres rares contenant
+l'actinium. Ces trois premiers produits ayant t obtenus, on cherche,
+pour chacun d'eux, isoler la substance radioactive nouvelle. Cette
+deuxime partie du traitement se fait par une mthode de fractionnement.
+On sait qu'il est difficile de trouver un moyen de sparation trs
+parfait entre des lments trs voisins; les mthodes de fractionnement
+sont donc tout indiques. D'ailleurs, quand un lment se trouve mlang
+ un autre l'tat de trace, on ne peut appliquer au mlange une
+mthode de sparation parfaite, mme en admettant que l'on en connaisse
+une; on risquerait, en effet, de perdre la trace de matire qui aurait
+pu tre spare dans l'opration.
+
+Je me suis occupe spcialement du travail ayant pour but l'isolement du
+radium et du polonium. Aprs un travail de quelques annes, je n'ai
+encore russi que pour le premier de ces corps.
+
+La pechblende tant un minerai coteux, nous avons renonc en traiter
+de grandes quantits. En Europe, l'extraction de ce minerai se fait dans
+la mine de Joachimsthal, en Bohme. Le minerai broy est grill avec du
+carbonate de soude, et la matire rsultant de ce traitement est
+lessive d'abord l'eau chaude, puis l'acide sulfurique tendu. La
+solution contient l'uranium qui donne la pechblende sa valeur. Le
+rsidu insoluble est rejet.
+
+Ce rsidu contient des substances radioactives; son activit est 4 fois
+et demie plus grande que celle de l'uranium mtallique. Le gouvernement
+autrichien, auquel appartient la mine, nous a gracieusement donn une
+tonne de ce rsidu pour nos recherches, et a autoris la mine nous
+fournir plusieurs autres tonnes de cette matire.
+
+Il n'tait gure facile de faire le premier traitement du rsidu
+l'usine par les mmes procds qu'au laboratoire. M. Debierne a bien
+voulu tudier cette question et organiser le traitement dans l'usine. Le
+point le plus important de la mthode qu'il a indique consiste
+obtenir la transformation des sulfates en carbonates par l'bullition de
+la matire avec une dissolution concentre de carbonate de soude. Ce
+procd permet d'viter la fusion avec le carbonate de soude.
+
+Le rsidu contient principalement des sulfates de plomb et de chaux, de
+la silice, de l'alumine et de l'oxyde de fer. On y trouve, en outre, en
+quantit plus ou moins grande, presque tous les mtaux (cuivre, bismuth,
+zinc, cobalt, manganse, nickel, vanadium, antimoine, thallium, terres
+rares, niobium, tantale, arsenic, baryum, etc.). Le radium se trouve,
+dans ce mlange, l'tat de sulfate et en constitue le sulfate le moins
+soluble. Pour le mettre en dissolution, il faut liminer autant que
+possible l'acide sulfurique. Pour cela, on commence par traiter le
+rsidu par une solution concentre et bouillante de soude ordinaire.
+L'acide sulfurique combin au plomb, l'alumine, la chaux, passe, en
+grande partie, en dissolution l'tat de sulfate de soude que l'on
+enlve par des lavages l'eau. La dissolution alcaline enlve en mme
+temps du plomb, de la silice, de l'alumine. La portion insoluble lave
+l'eau est attaque par l'acide chlorhydrique ordinaire. Cette opration
+dsagrge compltement la matire et en dissout une grande partie. De
+cette dissolution on peut retirer le polonium et l'actinium: le premier
+est prcipit par l'hydrogne sulfur, le second se trouve dans les
+hydrates prcipits par l'ammoniaque dans la dissolution spare des
+sulfures et peroxyde. Quant au radium, il reste dans la portion
+insoluble. Cette portion est lave l'eau, puis traite par une
+dissolution concentre et bouillante de carbonate de soude. S'il ne
+restait plus que peu de sulfates non attaqus, cette opration a pour
+effet de transformer compltement les sulfates de baryum et de radium en
+carbonates. On lave alors la matire trs compltement l'eau, puis on
+l'attaque par l'acide chlorhydrique tendu exempt d'acide sulfurique. La
+dissolution contient le radium, ainsi que du polonium et de l'actinium.
+On la filtre et on la prcipite par l'acide sulfurique. On obtient ainsi
+des sulfates bruts de baryum radifre contenant aussi de la chaux, du
+plomb, du fer et ayant aussi entran un peu d'actinium. La dissolution
+contient encore un peu d'actinium et de polonium qui peuvent en tre
+retirs comme de la premire dissolution chlorhydrique.
+
+On retire d'une tonne de rsidu 10kg 20kg de sulfates bruts, dont
+l'activit est de 30 60 fois plus grande que celle de l'uranium
+mtallique. On procde leur purification. Pour cela, on les fait
+bouillir avec du carbonate de soude et on les transforme en chlorures.
+La dissolution est traite par l'hydrogne sulfur, ce qui donne une
+petite quantit de sulfures actifs contenant du polonium. On filtre la
+dissolution, on la peroxyde par l'action du chlore et on la prcipite
+par de l'ammoniaque pure.
+
+Les oxydes et hydrates prcipits sont trs actifs, et l'activit est
+due l'actinium. La dissolution filtre est prcipite par le carbonate
+de soude. Les carbonates alcalino-terreux prcipits sont lavs et
+transforms en chlorures.
+
+Ces chlorures sont vapors sec et lavs avec de l'acide chlorhydrique
+concentr pur. Le chlorure de calcium se dissout presque entirement,
+alors que le chlorure de baryum radifre reste insoluble. On obtient
+ainsi, par tonne de matire premire, 8kg environ de chlorure de baryum
+radifre, dont l'activit est environ 60 fois plus grande que celle de
+l'uranium mtallique. Ce chlorure est prt pour le fractionnement.
+
+
+_Polonium._--Comme il a t dit plus haut, en faisant passer l'hydrogne
+sulfur dans les diverses dissolutions chlorhydriques obtenues au cours
+du traitement, on prcipite des sulfures actifs dont l'activit est due
+au polonium.
+
+Ces sulfures contiennent principalement du bismuth, un peu de cuivre et
+de plomb; ce dernier mtal ne s'y trouve pas en forte proportion, parce
+qu'il a t en grande partie enlev par la dissolution sodique, et parce
+que son chlorure est peu soluble. L'antimoine et l'arsenic ne se
+trouvent dans les oxydes qu'en quantit minime, leurs oxydes ayant t
+dissous par la soude. Pour avoir de suite des sulfures trs actifs, on
+employait le procd suivant: les dissolutions chlorhydriques trs
+acides taient prcipites par l'hydrogne sulfur: les sulfures qui se
+prcipitent dans ces conditions sont trs actifs, on les emploie pour la
+prparation du polonium; dans la dissolution il reste des substances
+dont la prcipitation est incomplte en prsence d'un excs d'acide
+chlorhydrique (bismuth, plomb, antimoine). Pour achever la
+prcipitation, on tend la dissolution d'eau, on la traite nouveau par
+l'hydrogne sulfur et l'on obtient une seconde portion de sulfures
+beaucoup moins actifs que les premiers, et qui, gnralement, ont t
+rejets. Pour la purification ultrieure des sulfures, on les lave au
+sulfure d'ammonium, ce qui enlve les traces restantes d'antimoine et
+d'arsenic. Puis on les lave l'eau additionne d'azotate d'ammonium et
+on les traite par l'acide azotique tendu.
+
+La dissolution n'est jamais complte; on obtient toujours un rsidu
+insoluble plus ou moins important que l'on traite nouveau si on le
+juge utile. La dissolution est rduite un petit volume et prcipite
+soit par l'ammoniaque, soit par beaucoup d'eau. Dans les deux cas le
+plomb et le cuivre restent en dissolution; dans le second cas un peu de
+bismuth peine actif reste dissous galement.
+
+Le prcipit d'oxydes ou de sous-azotates est soumis un fractionnement
+de la manire suivante: on dissout le prcipit dans l'acide azotique,
+on ajoute de l'eau la dissolution, jusqu' formation d'une quantit
+suffisante de prcipit; pour cette opration il faut tenir compte de ce
+que le prcipit ne se forme, quelquefois, qu'au bout d'un certain
+temps. On spare le prcipit du liquide surnageant, on le redissout
+dans l'acide azotique; sur les deux portions liquides ainsi obtenues on
+refait une prcipitation par l'eau, et ainsi de suite. On runit les
+diverses portions en se basant sur leur activit, et l'on tche de
+pousser la concentration aussi loin que possible. On obtient ainsi une
+trs petite quantit de matire dont l'activit est norme, mais qui,
+nanmoins, n'a encore donn au spectroscope que les raies du bismuth.
+
+On a malheureusement peu de chances d'aboutir l'isolement du polonium
+par cette voie. La mthode de fractionnement qui vient d'tre dcrite
+prsente de grandes difficults, et il en est de mme pour d'autres
+procds de fractionnement par voie humide. Quel que soit le procd
+employ, il se forme avec la plus grande facilit des composs
+absolument insolubles dans les acides tendus ou concentrs. Ces
+composs ne peuvent tre redissous qu'en les ramenant pralablement
+l'tat mtallique, par la fusion avec le cyanure de potassium, par
+exemple.
+
+tant donn le nombre considrable des oprations effectuer, cette
+circonstance constitue une difficult norme pour le progrs du
+fractionnement. Cet inconvnient est d'autant plus grave que le polonium
+est une substance qui, une fois retire de la pechblende, diminue
+d'activit.
+
+Cette baisse d'activit est d'ailleurs lente; c'est ainsi qu'un
+chantillon de nitrate de bismuth polonium a perdu la moiti de son
+activit en onze mois.
+
+Aucune difficult analogue ne se prsente pour le radium. La
+radioactivit reste un guide fidle pour la concentration: cette
+concentration elle-mme ne prsente aucune difficult, et les progrs du
+travail ont pu, depuis le dbut, tre constamment contrls par
+l'analyse spectrale.
+
+Quand les phnomnes de la radioactivit induite, dont il sera question
+plus loin, ont t connus, il a paru naturel d'admettre que le polonium,
+qui ne donne que les raies du bismuth et dont l'activit diminue avec le
+temps, n'est pas un lment nouveau, mais du bismuth activ par le
+voisinage du radium dans la pechblende. Je ne suis pas convaincue que
+cette manire de voir soit exacte. Au cours de mon travail prolong sur
+le polonium, j'ai constat des effets chimiques que je n'ai jamais
+observs ni avec le bismuth ordinaire, ni avec le bismuth activ par le
+radium. Ces effets chimiques sont, en premier lieu, la formation
+extrmement facile des composs insolubles dont j'ai parl plus haut
+(spcialement sous-nitrates), en deuxime lieu, la couleur et l'aspect
+des prcipits obtenus en ajoutant de l'eau la solution azotique du
+bismuth polonifre. Ces prcipits sont parfois blancs, mais plus
+gnralement d'un jaune plus ou moins vif, allant au rouge fonc.
+
+L'absence de raies, autres que celles du bismuth, ne prouve pas
+premptoirement que la substance ne contient que du bismuth, car il
+existe des corps dont la raction spectrale est peu sensible.
+
+Il serait ncessaire de prparer une petite quantit de bismuth
+polonifre l'tat de concentration aussi avanc que possible, et d'en
+faire l'tude chimique, en premier lieu, la dtermination du poids
+atomique du mtal. Cette recherche n'a encore pu tre faite cause des
+difficults de travail chimique signales plus haut.
+
+S'il tait dmontr que le polonium est un lment nouveau, il n'en
+serait pas moins vrai que cet lment ne peut exister indfiniment
+l'tat fortement radioactif, tout au moins quand il est retir du
+minerai. On peut alors envisager la question de deux manires
+diffrentes: 1 ou bien toute l'activit du polonium est de la
+radioactivit induite par le voisinage de substances radioactives par
+elles-mmes; le polonium aurait alors la facult de s'activer
+atomiquement d'une faon durable, facult qui ne semble pas appartenir
+une substance quelconque; 2 ou bien l'activit du polonium est une
+activit propre qui se dtruit spontanment dans certaines conditions et
+peut persister dans certaines autres conditions qui se trouvent
+ralises dans le minerai. Le phnomne de l'activation atomique au
+contact est encore si mal connu, que l'on manque de base pour se former
+une opinion cohrente sur ce qui touche cette question.
+
+ Tout rcemment a paru un travail de M. Marckwald, sur le polonium[36].
+ M. Marckwald plonge une baguette de bismuth pur dans une solution
+ chlorhydrique du bismuth extrait du rsidu du traitement de la
+ pechblende. Au bout de quelque temps la baguette se recouvre d'un
+ dpt trs actif, et la solution ne contient plus que du bismuth
+ inactif. M. Marckwald obtient aussi un dpt trs actif en ajoutant du
+ chlorure d'tain une solution chlorhydrique de bismuth radioactif.
+ M. Marckwald conclut de l que l'lment actif est analogue au tellure
+ et lui donne le nom de _radiotellure_. La matire active de M.
+ Marckwald semble identique au polonium, par sa provenance et par les
+ rayons trs absorbables qu'elle met. Le choix d'un nom nouveau pour
+ cette matire est certainement inutile dans l'tat actuel de la
+ question.
+
+ [36] _Berichte d. deutsch. chem. Gesell._, juin 1902 et dcembre 1902.
+
+
+_Prparation du chlorure de radium pur._--Le procd que j'ai adopt
+pour extraire le chlorure de radium pur du chlorure de baryum radifre
+consiste soumettre le mlange des chlorures une cristallisation
+fractionne dans l'eau pure d'abord, dans l'eau additionne d'acide
+chlorhydrique pur ensuite. On utilise ainsi la diffrence des
+solubilits des deux chlorures, celui de radium tant moins soluble que
+celui de baryum.
+
+Au dbut du fractionnement on emploie l'eau pure distille. On dissout
+le chlorure et l'on amne la dissolution tre sature la temprature
+de l'bullition, puis on laisse cristalliser par refroidissement dans
+une capsule couverte. Il se forme alors au fond de beaux cristaux
+adhrents, et la dissolution sature, surnageante, peut tre facilement
+dcante. Si l'on vapore sec un chantillon de cette dissolution, on
+trouve que le chlorure obtenu est environ cinq fois moins actif que
+celui qui a cristallis. On a ainsi partag le chlorure en deux
+portions: A et B, la portion A tant beaucoup plus active que la portion
+B. On recommence sur chacun des chlorures A et B la mme opration, et
+l'on obtient, avec chacun d'eux, deux portions nouvelles. Quand la
+cristallisation est termine, on runit ensemble la fraction la moins
+active du chlorure A et la fraction la plus active du chlorure B, ces
+deux matires ayant sensiblement la mme activit. On se trouve alors
+avoir trois portions que l'on soumet nouveau au mme traitement.
+
+On ne laisse pas augmenter constamment le nombre des portions. A mesure
+que ce nombre augmente, l'activit de la portion la plus soluble va en
+diminuant. Quand cette portion n'a plus qu'une activit insignifiante,
+on l'limine du fractionnement. Quand on a obtenu le nombre de portions
+que l'on dsire, on cesse aussi de fractionner la portion la moins
+soluble (la plus riche en radium), et on l'limine du fractionnement.
+
+On opre avec un nombre constant de portions. Aprs chaque srie
+d'oprations, la solution sature provenant d'une portion est verse sur
+les cristaux provenant de la portion suivante; mais si, aprs l'une des
+sries, on a limin la fraction la plus soluble, aprs la srie
+suivante on fera, au contraire, une nouvelle portion avec la fraction la
+plus soluble, et l'on liminera les cristaux qui constituent la portion
+la plus active. Par la succession alternative de ces deux modes
+opratoires on obtient un mcanisme de fractionnement trs rgulier,
+dans lequel le nombre des portions et l'activit de chacune d'elles
+restent constants, chaque portion tant environ cinq fois plus active
+que la suivante, et dans lequel on limine d'un ct ( la queue) un
+produit peu prs inactif, tandis que l'on recueille de l'autre ct (
+la tte) un chlorure enrichi en radium. La quantit de matire contenue
+dans les portions va, d'ailleurs, ncessairement en diminuant, et les
+portions diverses contiennent d'autant moins de matire qu'elles sont
+plus actives.
+
+On oprait au dbut avec six portions, et l'activit du chlorure limin
+ la queue n'tait que 0,1 de celle de l'uranium.
+
+Quand on a ainsi limin en grande partie la matire inactive et que les
+portions sont devenues petites, on n'a plus intrt liminer une
+activit aussi faible; on supprime alors une portion la queue du
+fractionnement et l'on ajoute la tte une portion forme avec le
+chlorure actif prcdemment recueilli. On recueillera donc maintenant un
+chlorure plus riche en radium que prcdemment. On continue appliquer
+ce systme jusqu' ce que les cristaux de tte reprsentent du chlorure
+de radium pur. Si le fractionnement a t fait d'une faon trs
+complte, il reste peine de trs petites quantits de tous les
+produits intermdiaires.
+
+Quand le fractionnement est avanc et que la quantit de matire est
+devenue faible dans chaque portion, la sparation par cristallisation
+est moins efficace, le refroidissement tant trop rapide et le volume de
+solution dcanter trop petit. On a alors intrt additionner l'eau
+d'une proportion dtermine d'acide chlorhydrique; cette proportion
+devra aller en croissant mesure que le fractionnement avance.
+
+L'avantage de cette addition consiste augmenter la quantit de la
+dissolution, la solubilit des chlorures tant moindre dans l'eau
+chlorhydrique que dans l'eau pure. De plus, le fractionnement est alors
+trs efficace; la diffrence entre les deux fractions provenant d'un
+mme produit est considrable; en employant de l'eau avec beaucoup
+d'acide, on a d'excellentes sparations, et l'on peut oprer avec trois
+ou quatre portions seulement. On a tout avantage employer ce procd
+aussitt que la quantit de matire est devenue assez faible pour que
+l'on puisse oprer ainsi sans inconvnients.
+
+Les cristaux, qui se dposent en solution trs acide, ont la forme
+d'aiguilles trs allonges, qui ont absolument le mme aspect pour le
+chlorure de baryum et pour le chlorure de radium. Les uns et les autres
+sont birfringents. Les cristaux de chlorure de baryum radifre se
+dposent incolores, mais, quand la proportion de radium devient
+suffisante, ils prennent au bout de quelques heures une coloration
+jaune, allant l'orang, quelquefois une belle coloration rose. Cette
+coloration disparat par la dissolution. Les cristaux de chlorure de
+radium pur ne se colorent pas, ou tout au moins pas aussi rapidement, de
+sorte que la coloration parat due la prsence simultane du baryum et
+du radium. Le maximum de coloration est obtenu pour une certaine
+concentration en radium, et l'on peut, en se basant sur cette proprit,
+contrler les progrs du fractionnement. Tant que la portion la plus
+active se colore, elle contient une quantit notable de baryum; quand
+elle ne se colore plus, et que les portions suivantes se colorent, c'est
+que la premire est sensiblement du chlorure de radium pur.
+
+J'ai remarqu parfois la formation d'un dpt compos de cristaux dont
+une partie restait incolore, alors que l'autre partie se colorait. Il
+semblait possible de sparer les cristaux incolores par triage, ce qui
+n'a pas t essay.
+
+A la fin du fractionnement, le rapport des activits des portions
+successives n'est ni le mme, ni aussi rgulier qu'au dbut; toutefois
+il ne se produit aucun trouble srieux dans la marche du fractionnement.
+
+La prcipitation fractionne d'une solution aqueuse de chlorure de
+baryum radifre par l'alcool conduit aussi l'isolement du chlorure de
+radium qui se prcipite en premier. Cette mthode que j'employais au
+dbut a t ensuite abandonne pour celle qui vient d'tre expose et
+qui offre plus de rgularit. Cependant, j'ai encore quelquefois employ
+la prcipitation par l'alcool pour purifier le chlorure de radium qui
+contient une petite quantit de chlorure de baryum. Ce dernier reste
+dans la dissolution alcoolique lgrement aqueuse et peut ainsi tre
+enlev.
+
+M. Giesel, qui, ds la publication de nos premires recherches, s'est
+occup de la prparation des corps radioactifs, recommande la sparation
+du baryum et du radium par la cristallisation fractionne dans l'eau du
+mlange des bromures. J'ai pu constater que ce procd est en effet trs
+avantageux, surtout au dbut du fractionnement.
+
+Quel que soit le procd de fractionnement dont on se sert, il est utile
+de le contrler par des mesures d'activit.
+
+Il est ncessaire de remarquer qu'un compos de radium qui tait
+dissous, et que l'on vient de ramener l'tat solide, soit par
+prcipitation, soit par cristallisation, possde au dbut une activit
+d'autant moins grande qu'il est rest plus longtemps en dissolution.
+L'activit augmente ensuite pendant plusieurs mois pour atteindre une
+certaine limite, toujours la mme. L'activit finale est cinq ou six
+fois plus leve que l'activit initiale. Ces variations, sur lesquelles
+je reviendrai plus loin, doivent tre prises en considration pour la
+mesure de l'activit. Bien que l'activit finale soit mieux dfinie, il
+est plus pratique, au cours d'un traitement chimique, de mesurer
+l'activit initiale du produit solide.
+
+L'activit des substances fortement radioactives est d'un tout autre
+ordre de grandeur que celle du minerai dont elles proviennent (elle est
+10^6 fois plus grande). Quand on mesure cette radioactivit par la
+mthode qui a t expose au dbut de ce travail (appareil _fig._ 1), on
+ne peut pas augmenter, au del d'une certaine limite, la charge que l'on
+met dans le plateau du quartz. Cette charge, dans nos expriences, tait
+de 4000g au maximum, correspondant une quantit d'lectricit dgage
+gale 25 units lectrostatiques. Nous pouvons mesurer des activits
+qui varient, dans le rapport de 1 4000, en employant toujours la mme
+surface pour la substance active. Pour tendre les limites des mesures,
+nous faisons varier cette surface dans un rapport connu. La substance
+active occupe alors sur le plateau B une zone circulaire centrale de
+rayon connu. L'activit n'tant pas, dans ces conditions, exactement
+proportionnelle la surface, on dtermine exprimentalement des
+coefficients qui permettent de comparer les activits surface active
+ingale.
+
+Quand cette ressource elle-mme est puise, on est oblig d'avoir
+recours l'emploi d'crans absorbants et d'autres procds
+quivalents sur lesquels je n'insisterai pas ici. Tous ces procds,
+plus ou moins imparfaits, suffisent cependant pour guider les
+recherches.
+
+Nous avons aussi mesur le courant qui traverse le condensateur quand il
+est mis en circuit avec une batterie de petits accumulateurs et un
+galvanomtre sensible. La ncessit de vrifier frquemment la
+sensibilit du galvanomtre nous a empchs d'employer cette mthode
+pour les mesures courantes.
+
+
+_Dtermination du poids atomique du radium[37]._--Au cours de mon
+travail, j'ai, plusieurs reprises, dtermin le poids atomique du
+mtal contenu dans des chantillons de chlorure de baryum radifre.
+Chaque fois qu' la suite d'un nouveau traitement j'avais une nouvelle
+provision de chlorure de baryum radifre traiter, je poussais la
+concentration aussi loin que possible, de faon obtenir de 0g,1 0g,5
+de matire contenant presque toute l'activit du mlange. De cette
+petite quantit de matire je prcipitais par l'alcool ou l'acide
+chlorhydrique quelques milligrammes de chlorure qui taient destins
+l'analyse spectrale.
+
+ [37] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 13 novembre 1899, aot 1900 et 21
+ juillet 1902.
+
+Grce son excellente mthode, Demaray n'avait besoin que de cette
+quantit minime de matire pour obtenir la photographie du spectre de
+l'tincelle. Sur le produit qui me restait je faisais une dtermination
+de poids atomique.
+
+J'ai employ la mthode classique qui consiste doser, l'tat de
+chlorure d'argent, le chlore contenu dans un poids connu de chlorure
+anhydre. Comme exprience de contrle, j'ai dtermin le poids atomique
+du baryum par la mme mthode, dans les mmes conditions et avec la mme
+quantit de matire, 0g,5 d'abord, 0g,1 seulement ensuite. Les nombres
+trouvs taient toujours compris entre 137 et 138. J'ai vu ainsi que
+cette mthode donne des rsultats satisfaisants, mme avec une aussi
+faible quantit de matire.
+
+Les deux premires dterminations ont t faites avec des chlorures,
+dont l'un tait 230 fois et l'autre 600 fois plus actif que l'uranium.
+Ces deux expriences ont donn, la prcision des mesures prs, le mme
+nombre que l'exprience faite avec le chlorure de baryum pur. On ne
+pouvait donc esprer de trouver une diffrence qu'en employant un
+produit beaucoup plus actif. L'exprience suivante a t faite avec un
+chlorure dont l'activit tait environ 3500 fois plus grande que celle
+de l'uranium; cette exprience permit, pour la premire fois,
+d'apercevoir une diffrence petite, mais certaine; je trouvais, pour le
+poids atomique moyen du mtal contenu dans ce chlorure, le nombre 140,
+qui indiquait que le poids atomique du radium devait tre plus lev que
+celui du baryum. En employant des produits de plus en plus actifs et
+prsentant le spectre du radium avec une intensit croissante, je
+constatais que les nombres obtenus allaient aussi en croissant, comme on
+peut le voir dans le Tableau suivant (A indique l'activit du chlorure,
+celle de l'uranium tant prise comme unit; M le poids atomique trouv):
+
+ A. M.
+ 3500 140 le spectre du radium est trs faible
+ 4700 141
+
+ 7500 145,8 { le spectre du radium est fort, mais celui du
+ { baryum domine de beaucoup
+ Ordre } 173,8 { les deux spectres ont une importance
+ de } { peu prs gale
+ grandeur, } 225 { le baryum n'est prsent qu' l'tat de
+ 10^6. } { trace.
+
+Les nombres de la colonne A ne doivent tre considrs que comme une
+indication grossire. L'apprciation de l'activit des corps fortement
+radioactifs est, en effet, difficile, pour diverses raisons dont il sera
+question plus loin.
+
+A la suite des traitements dcrits plus haut, j'ai obtenu, en mars 1902,
+0g,12 d'un chlorure de radium, dont Demaray a bien voulu faire
+l'analyse spectrale. Ce chlorure de radium, d'aprs l'opinion de
+Demaray, tait sensiblement pur; cependant son spectre prsentait
+encore les trois raies principales du baryum avec une intensit notable.
+
+J'ai fait avec ce chlorure quatre dterminations successives dont voici
+les rsultats:
+
+ Chlorure
+ de radium Chlorure
+ anhydre. d'argent. M.
+
+ I 0,1150 0,1130 220,7
+ II 0,1148 0,1119 223,0
+ III 0,11135 0,1086 222,8
+ IV 0,10925 0,10645 223,1
+
+J'ai entrepris alors une nouvelle purification de ce chlorure, et je
+suis arrive obtenir une matire beaucoup plus pure encore, dans le
+spectre de laquelle les deux raies les plus fortes du baryum sont trs
+faibles. tant donne la sensibilit de la raction spectrale du baryum,
+Demaray estime que ce chlorure purifi ne contient que des traces
+minimes de baryum incapables d'influencer d'une faon apprciable le
+poids atomique. J'ai fait trois dterminations avec ce chlorure de
+radium parfaitement pur. Voici les rsultats:
+
+ Chlorure
+ de radium Chlorure
+ anhydre. d'argent. M.
+
+ I 0,09192 0,08890 225,3
+ II 0,08936 0,08627 225,8
+ III 0,08839 0,08589 224,0
+
+Ces nombres donnent une moyenne de 225. Ils ont t calculs, de mme
+que les prcdents, en considrant le radium comme un lment bivalent,
+dont le chlorure a la formule RaCl_{2}, et en adoptant pour l'argent et
+le chlore les nombres Ag = 107,8; Cl = 35,4.
+
+Il rsulte de ces expriences que le poids atomique du radium est
+Ra=225. Je considre ce nombre comme exact une unit prs.
+
+Les peses taient faites avec une balance apriodique Curie,
+parfaitement rgle, prcise au vingtime de milligramme. Cette balance,
+ lecture directe, permet de faire des peses trs rapides, ce qui est
+une condition essentielle pour la pese des chlorures anhydres de radium
+et de baryum, qui absorbent lentement de l'eau, malgr la prsence de
+corps desschants dans la balance. Les matires peser taient places
+dans un creuset de platine; ce creuset tait en usage depuis longtemps,
+et j'ai vrifi que son poids ne variait pas d'un dixime de milligramme
+au cours d'une opration.
+
+Le chlorure hydrat obtenu par cristallisation tait introduit dans le
+creuset et chauff l'tuve pour tre transform en chlorure anhydre.
+L'exprience montre que, lorsque le chlorure a t maintenu quelques
+heures 100, son poids ne varie plus, mme lorsqu'on fait monter la
+temprature 200 et qu'on l'y maintient pendant quelques heures. Le
+chlorure anhydre ainsi obtenu constitue donc un corps parfaitement
+dfini.
+
+Voici une srie de mesures relatives ce sujet: le chlorure (1dg)
+est sch l'tuve 55 et plac dans un exsiccateur sur de l'acide
+phosphorique anhydre; il perd alors du poids trs lentement, ce qui
+prouve qu'il contient encore de l'eau; pendant 12 heures, la perte a t
+de 3mg. On reporte le chlorure dans l'tuve et on laisse la temprature
+monter 100. Pendant cette opration, le chlorure perd 6mg,3. Laiss
+dans l'tuve pendant 3 heures 15 minutes, il perd encore 2mg,5. On
+maintient la temprature pendant 45 minutes entre 100 et 120, ce qui
+entrane une perte de poids de 0mg,1. Laiss ensuite 30 minutes 125,
+le chlorure ne perd rien. Maintenu ensuite pendant 30 minutes 150, il
+perd 0mg,1. Enfin, chauff pendant 4 heures 200, il prouve une perte
+de poids de 0mg,15. Pendant toutes ces oprations, le creuset a vari
+de 0mg,05.
+
+Aprs chaque dtermination de poids atomique, le radium tait ramen
+l'tat de chlorure de la manire suivante: la liqueur contenant aprs le
+dosage l'azotate de radium et l'azotate d'argent en excs tait
+additionne d'acide chlorhydrique pur, on sparait le chlorure d'argent
+par filtration; la liqueur tait vapore sec plusieurs fois avec un
+excs d'acide chlorhydrique pur. L'exprience montre qu'on peut ainsi
+liminer compltement l'acide azotique.
+
+Le chlorure d'argent du dosage tait toujours radioactif et lumineux. Je
+me suis assure qu'il n'avait pas entran de quantit pondrable de
+radium, en dterminant la quantit d'argent qui y tait contenue. A cet
+effet, le chlorure d'argent fondu contenu dans le creuset tait rduit
+par l'hydrogne rsultant de la dcomposition de l'acide chlorhydrique
+tendu par le zinc; aprs lavage, le creuset tait pes avec l'argent
+mtallique qui y tait contenu.
+
+J'ai constat galement, dans une exprience, que le poids du chlorure
+de radium rgnr tait retrouv le mme qu'avant l'opration. Dans
+d'autres expriences, je n'attendais pas, pour commencer une nouvelle
+opration, que toutes les eaux de lavage fussent vapores.
+
+Ces vrifications ne comportent pas la mme prcision que les
+expriences directes; elles ont permis toutefois de s'assurer qu'aucune
+erreur notable n'a t commise.
+
+D'aprs ses proprits chimiques, le radium est un lment de la srie
+des alcalino-terreux. Il est dans cette srie l'homologue suprieur du
+baryum.
+
+D'aprs son poids atomique, le radium vient se placer galement, dans le
+Tableau de Mendeleeff, la suite du baryum dans la colonne des mtaux
+alcalino-terreux et sur la range qui contient dj l'uranium et le
+thorium.
+
+
+_Caractres des sels de radium._--Les sels de radium: chlorure, azotate,
+carbonate, sulfate, ont le mme aspect que ceux de baryum, quand ils
+viennent d'tre prpars l'tat solide, mais tous les sels de radium
+se colorent avec le temps.
+
+Les sels de radium sont tous lumineux dans l'obscurit.
+
+Par leurs proprits chimiques, les sels de radium sont absolument
+analogues aux sels correspondants de baryum. Cependant le chlorure de
+radium est moins soluble que celui de baryum; la solubilit des azotates
+dans l'eau semble tre sensiblement la mme.
+
+Les sels de radium sont le sige d'un dgagement de chaleur spontan et
+continu.
+
+Le chlorure de radium pur est paramagntique. Son coefficient
+d'aimantation spcifique K (rapport du moment magntique de l'unit de
+masse l'intensit du champ) a t mesur par MM. P. Curie et C.
+Chneveau au moyen d'un appareil tabli par ces deux physiciens[38]. Ce
+coefficient a t mesur par comparaison avec celui de l'eau et corrig
+de l'action du magntisme de l'air. On a trouv ainsi
+
+ K = 1,05 10^{-6}.
+
+Le chlorure de baryum pur est diamagntique, son coefficient
+d'aimantation spcifique est
+
+ K = - 0,40 10^{-6}.
+
+ [38] _Socit de Physique_, 3 avril 1903.
+
+On trouve d'ailleurs, conformment aux rsultats prcdents, qu'un
+chlorure de baryum radifre contenant environ 17 pour 100 de chlorure de
+radium est diamagntique et possde un coefficient spcifique
+
+ K = - 0,20 10^{-6}[39].
+
+ [39] En 1899, M. St. Meyer a annonc que le carbonate de baryum
+ radifre tait paramagntique (_Wied. Ann._, t. LXVIII). Cependant M.
+ Meyer avait opr avec un produit trs peu riche en radium, et ne
+ contenant probablement que 1/1000 de sel de radium. Ce produit aurait
+ d se montrer diamagntique. Il est probable que ce corps contenait
+ une petite impuret ferrifre.
+
+
+_Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire._--Nous avons cherch
+nous assurer si le chlorure de baryum du commerce ne contenait pas de
+petites quantits de chlorure de radium inapprciables notre appareil
+de mesures. Pour cela, nous avons entrepris le fractionnement d'une
+grande quantit de chlorure de baryum du commerce, esprant concentrer
+par ce procd la trace de chlorure de radium si elle s'y trouvait.
+
+50kg de chlorure de baryum du commerce ont t dissous dans l'eau; la
+dissolution a t prcipite par de l'acide chlorhydrique exempt d'acide
+sulfurique, ce qui a fourni 20kg de chlorure prcipit. Celui-ci a t
+dissous dans l'eau et prcipit partiellement par l'acide chlorhydrique,
+ce qui a donn 8kg,5 de chlorure prcipit. Ce chlorure a t soumis
+la mthode de fractionnement employe pour le chlorure de baryum
+radifre, et l'on a limin la tte du fractionnement 10g de chlorure
+correspondant la portion la moins soluble. Ce chlorure ne montrait
+aucune radioactivit dans notre appareil de mesures; il ne contenait
+donc pas de radium; ce corps est, par suite, absent des minerais qui
+fournissent le baryum.
+
+
+
+
+CHAPITRE III.
+
+RAYONNEMENT DES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
+
+
+_Procds d'tude du rayonnement._--Pour tudier le rayonnement mis par
+les substances radioactives, on peut se servir de l'une quelconque des
+proprits de ce rayonnement. On peut donc utiliser soit l'action des
+rayons sur les plaques photographiques, soit leur proprit d'ioniser
+l'air et de le rendre conducteur, soit encore leur facult de provoquer
+la fluorescence de certaines substances. En parlant dornavant de ces
+diverses manires d'oprer, j'emploierai, pour abrger, les expressions:
+mthode radiographique, mthode lectrique, mthode fluoroscopique.
+
+Les deux premires ont t employes ds le dbut pour l'tude des
+rayons uraniques; la mthode fluoroscopique ne peut s'appliquer qu'aux
+substances nouvelles, fortement radioactives, car les substances
+faiblement radioactives telles que l'uranium et le thorium ne produisent
+pas de fluorescence apprciable. La mthode lectrique est la seule qui
+comporte des mesures d'intensit prcises; les deux autres sont surtout
+propres donner ce point de vue des rsultats qualitatifs et ne
+peuvent fournir que des mesures d'intensit grossires. Les rsultats
+obtenus avec les trois mthodes considres ne sont jamais que trs
+grossirement comparables entre eux et peuvent ne pas tre comparables
+du tout. La plaque sensible, le gaz qui s'ionise, l'cran fluorescent
+sont autant de rcepteurs auxquels on demande d'absorber l'nergie du
+rayonnement et de la transformer en un autre mode d'nergie: nergie
+chimique, nergie ionique ou nergie lumineuse. Chaque rcepteur absorbe
+une fraction du rayonnement qui dpend essentiellement de sa nature. On
+verra d'ailleurs plus loin que le rayonnement est complexe; les portions
+du rayonnement absorbes par les diffrents rcepteurs peuvent diffrer
+entre elles quantitativement et qualitativement. Enfin, il n'est ni
+vident, ni mme probable, que l'nergie absorbe soit entirement
+transforme par le rcepteur en la forme que nous dsirons observer; une
+partie de cette nergie peut se trouver transforme en chaleur, en
+mission de rayonnements secondaires qui, suivant le cas, seront ou ne
+seront pas utiliss pour la production du phnomne observ, en action
+chimique diffrente de celle que l'on observe, etc., et, l encore,
+l'effet utile du rcepteur, pour le but que nous nous proposons, dpend
+essentiellement de la nature de ce rcepteur.
+
+Comparons deux chantillons radioactifs dont l'un contient du radium et
+l'autre du polonium, et qui sont galement actifs dans l'appareil
+plateaux de la figure 1. Si l'on recouvre chacun d'eux d'une feuille
+mince d'aluminium, le second paratra considrablement moins actif que
+le premier, et il en sera de mme si on les place sous le mme cran
+fluorescent, quand ce dernier est assez pais, ou qu'il est plac une
+certaine distance des deux substances radioactives.
+
+
+_nergie du rayonnement._--Quelle que soit la mthode de recherches
+employe, on trouve toujours que l'nergie du rayonnement des substances
+radioactives nouvelles est considrablement plus grande que celle de
+l'uranium et du thorium. C'est ainsi que, petite distance, une plaque
+photographique est impressionne, pour ainsi dire, instantanment, alors
+qu'une pose de 24 heures est ncessaire quand on opre avec l'uranium
+et le thorium. Un cran fluorescent est vivement illumin au contact des
+substances radioactives nouvelles, alors qu'aucune trace de luminosit
+ne se voit avec l'uranium et le thorium. Enfin, l'action ionisante sur
+l'air est aussi considrablement plus intense, dans le rapport de 10^6
+environ. Mais il n'est, vrai dire, plus possible d'valuer
+l'_intensit totale du rayonnement_, comme pour l'uranium, par la
+mthode lectrique dcrite au dbut (_fig._ 1). En effet, dans le cas de
+l'uranium, par exemple, le rayonnement est trs approximativement
+absorb dans la couche d'air qui spare les plateaux, et le courant
+limite est atteint pour une tension de 100 volts. Mais il n'en est plus
+de mme pour les substances fortement radioactives. Une partie du
+rayonnement du radium est constitue par des rayons trs pntrants qui
+traversent le condensateur et les plateaux mtalliques, et ne sont
+nullement utiliss ioniser l'air entre les plateaux. De plus le
+courant limite ne peut pas toujours tre obtenu pour les tensions dont
+on dispose; c'est ainsi que, pour le polonium trs actif, le courant est
+encore proportionnel la tension entre 100 et 500 volts. Les conditions
+exprimentales qui donnent la mesure une signification simple ne sont
+donc pas ralises, et, par suite, les nombres obtenus ne peuvent tre
+considrs comme donnant la mesure du rayonnement total; ils ne
+constituent, ce point de vue, qu'une approximation grossire.
+
+
+_Nature complexe du rayonnement._--Les travaux de divers physiciens (MM.
+Becquerel, Meyer et von Schweidler, Giesel, Villard, Rutherford, M. et
+Mme Curie) ont montr que le rayonnement des substances radioactives est
+un rayonnement trs complexe. Il convient de distinguer trois espces de
+rayons que je dsignerai, suivant la notation adopte par M. Rutherford,
+par les lettres #a#, #b# et #g#.
+
+1 Les rayons #a# sont des rayons trs peu pntrants qui semblent
+constituer la plus grosse partie de rayonnement. Ces rayons sont
+caractriss par les lois suivant lesquelles ils sont absorbs par la
+matire. Le champ magntique agit trs faiblement sur ces rayons, et on
+les a considrs tout d'abord comme insensibles l'action de ce champ.
+Cependant, dans un champ magntique intense, les rayons #a# sont
+lgrement dvis; la dviation se produit de la mme manire que dans
+le cas des rayons cathodiques, mais le sens de la dviation est
+renvers; il est le mme que pour les rayons canaux des tubes de
+Crookes.
+
+2 Les rayons #b# sont des rayons moins absorbables dans leur ensemble
+que les prcdents. Ils sont dvis par un champ magntique de la mme
+manire et dans le mme sens que les rayons cathodiques.
+
+3 Les rayons #g# sont des rayons pntrants insensibles l'action du
+champ magntique et comparables aux rayons de Rntgen.
+
+Les rayons d'un mme groupe peuvent avoir un pouvoir de pntration qui
+varie dans des limites trs tendues, comme cela a t prouv pour les
+rayons #b#.
+
+Imaginons l'exprience suivante: le radium R est plac au fond d'une
+petite cavit profonde creuse dans un bloc de plomb P (_fig._ 4). Un
+faisceau de rayons rectiligne et peu panoui s'chappe de la cuve.
+Supposons que, dans la rgion qui entoure la cuve, on tablisse un champ
+magntique uniforme, trs intense, normal au plan de la figure et dirig
+vers l'arrire de ce plan. Les trois groupes de rayons #a#, #b#, #g# se
+trouveront spars. Les rayons #g# peu intenses continuent leur trajet
+rectiligne sans trace de dviation. Les rayons #b# sont dvis la
+faon de rayons cathodiques et dcrivent dans le plan de la figure des
+trajectoires circulaires dont le rayon varie dans des limites tendues.
+Si la cuve est place sur une plaque photographique AC, la portion BC
+de la plaque qui reoit les rayons #b# est impressionne. Enfin, les
+rayons #a# forment un faisceau trs intense qui est dvi lgrement et
+qui est assez rapidement absorb par l'air. Ces rayons dcrivent, dans
+le plan de la figure, une trajectoire dont le rayon de courbure est trs
+grand, le sens de la dviation tant l'inverse de celui qui a lieu pour
+les rayons #b#.
+
+[Illustration: Fig. 4.]
+
+Si l'on recouvre la cuve d'un cran mince en aluminium, (0mm,1
+d'paisseur), les rayons #a# sont en trs grande partie supprims, les
+rayons #b# le sont bien moins et les rayons #g# ne semblent pas absorbs
+notablement.
+
+L'exprience que je viens de dcrire n'a pas t ralise sous cette
+forme, et l'on verra dans la suite quelles sont les expriences qui
+montrent l'action du champ magntique sur les divers groupes de rayons.
+
+
+_Action du champ magntique._--On a vu que les rayons mis par les
+substances radioactives ont un grand nombre de proprits communes aux
+rayons cathodiques et aux rayons Rntgen. Aussi bien les rayons
+cathodiques que les rayons Rntgen ionisent l'air, agissent sur les
+plaques photographiques, excitent la fluorescence, n'prouvent pas de
+rflexion rgulire. Mais les rayons cathodiques diffrent des rayons
+Rntgen en ce qu'ils sont dvis de leur trajet rectiligne par l'action
+du champ magntique et en ce qu'ils transportent des charges
+d'lectricit ngative.
+
+Le fait que le champ magntique agit sur les rayons mis par les
+substances radioactives a t dcouvert presque simultanment par MM.
+Giesel, Meyer et von Schweidler et Becquerel[40]. Ces physiciens ont
+reconnu que les rayons des substances radioactives sont dvis par le
+champ magntique de la mme faon et dans le mme sens que les rayons
+cathodiques; leurs observations se rapportaient aux rayons #b#.
+
+ [40] GIESEL, _Wied. Ann._, 2 novembre 1899.--MEYER et VON SCHWEIDLER,
+ _Acad. Anzeiger Wien_, 3 et 9 novembre 1899.--BECQUEREL, _Comptes
+ rendus_, 11 dcembre 1899.
+
+M. Curie a montr que le rayonnement du radium comporte deux groupes de
+rayons bien distincts, dont l'un est facilement dvi par le champ
+magntique (rayons #b#) alors que l'autre reste insensible l'action de
+ce champ (rayons #a# et #g# dont l'ensemble tait dsign par le nom de
+rayons non dviables)[41].
+
+ [41] P. CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
+
+M. Becquerel n'a pas observ d'mission de rayons genre cathodique par
+les chantillons de polonium prpars par nous. C'est, au contraire, sur
+un chantillon de polonium, prpar par lui, que M. Giesel a observ
+pour la premire fois l'effet du champ magntique. De tous les
+chantillons de polonium, prpars par nous, aucun n'a jamais donn lieu
+ une mission de rayons genre cathodique.
+
+Le polonium de M. Giesel n'met des rayons genre cathodique que quand il
+est rcemment prpar, et il est probable que l'mission est due au
+phnomne de radioactivit induite dont il sera question plus loin.
+
+Voici les expriences qui prouvent qu'une partie du rayonnement du
+radium et une partie seulement est constitue par des rayons facilement
+dviables (rayons #b#). Ces expriences ont t faites par la mthode
+lectrique[42].
+
+ [42] P. CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
+
+[Illustration: Fig. 5.]
+
+Le corps radioactif (_fig._ 5) envoie des radiations suivant la
+direction AD entre les plateaux P et P'. Le plateau P est maintenu au
+potentiel de 500 volts, le plateau P' est reli un lectromtre et
+un quartz pizolectrique. On mesure l'intensit du courant qui passe
+dans l'air sous l'influence des radiations. On peut volont tablir le
+champ magntique d'un lectro-aimant normalement au plan de la figure
+dans toute la rgion EEEE. Si les rayons sont dvis, mme faiblement,
+ils ne pntrent plus entre les plateaux, et le courant est supprim.
+La rgion o passent les rayons est entoure par les masses de plomb B,
+B', B" et par les armatures de l'lectro-aimant; quand les rayons sont
+dvis, ils sont absorbs par les masses de plomb B et B'.
+
+Les rsultats obtenus dpendent essentiellement de la distance AD du
+corps radiant A l'entre du condensateur en D. Si la distance AD est
+assez grande (suprieure 7cm), la plus grande partie (90 pour 100
+environ) des rayons du radium qui arrivent au condensateur sont dvis
+et supprims pour un champ de 2500 units. Ces rayons sont des rayons
+#b#. Si la distance AD est plus faible que 65mm, une partie moins
+importante des rayons est dvie par l'action du champ; cette partie est
+d'ailleurs dj compltement dvie par un champ de 2500 units, et la
+proportion de rayons supprims n'augmente pas quand on fait crotre le
+champ de 2500 7000 units.
+
+La proportion des rayons non supprims par le champ est d'autant plus
+grande que la distance AD entre le corps radiant et le condensateur est
+plus petite. Pour les distances faibles les rayons qui peuvent tre
+dvis facilement ne constituent plus qu'une trs faible fraction du
+rayonnement total.
+
+Les rayons pntrants sont donc, en majeure partie, des rayons dviables
+genre cathodique (rayons #b#).
+
+Avec le dispositif exprimental qui vient d'tre dcrit, l'action du
+champ magntique sur les rayons #a# ne pouvait gure tre observe pour
+les champs employs. Le rayonnement trs important, en apparence non
+dviable, observ petite distance de la source radiante, tait
+constitu par les rayons #a#; le rayonnement non dviable observ
+grande distance tait constitu par les rayons #g#.
+
+Lorsque l'on tamise le faisceau au travers d'une lame absorbante
+(aluminium ou papier noir), les rayons qui passent sont presque tous
+dvis par le champ, de telle sorte qu' l'aide de l'cran et du champ
+magntique presque tout le rayonnement est supprim dans le
+condensateur, ce qui reste n'tant alors d qu'aux rayons #g#, dont la
+proportion est faible. Quant aux rayons #a#, ils sont absorbs par
+l'cran.
+
+Une lame d'aluminium de 1/100 de millimtre d'paisseur suffit pour
+supprimer presque tous les rayons difficilement dviables, quand la
+substance est assez loin du condensateur; pour des distances plus
+petites (34mm et 51mm), deux feuilles d'aluminium au 1/100 sont
+ncessaires pour obtenir ce rsultat.
+
+On a fait des mesures semblables sur quatre substances radifres
+(chlorures ou carbonates) d'activit trs diffrente; les rsultats
+obtenus ont t trs analogues.
+
+On peut remarquer que, pour tous les chantillons, les rayons pntrants
+dviables l'aimant (rayons #b#) ne sont qu'une faible partie du
+rayonnement total; ils n'interviennent que pour une faible part dans les
+mesures o l'on utilise le rayonnement intgral pour produire la
+conductibilit de l'air.
+
+On peut tudier la radiation mise par le polonium par la mthode
+lectrique. Quand on fait varier la distance AD du polonium au
+condensateur, on n'observe d'abord aucun courant tant que la distance
+est assez grande; quand on rapproche le polonium, on observe que, pour
+une certaine distance qui tait de 4cm pour l'chantillon tudi, le
+rayonnement se fait trs brusquement sentir avec une assez grande
+intensit; le courant augmente ensuite rgulirement si l'on continue
+rapprocher le polonium, mais le champ magntique ne produit pas d'effet
+apprciable dans ces conditions. Il semble que le rayonnement du
+polonium soit dlimit dans l'espace et dpasse peine dans l'air une
+sorte de gaine entourant la substance sur l'paisseur de quelques
+centimtres.
+
+Il convient de faire des rserves gnrales importantes sur la
+signification des expriences que je viens de dcrire. Quand j'indique
+la proportion des rayons dvis par l'aimant, il s'agit seulement des
+radiations susceptibles d'actionner un courant dans le condensateur. En
+employant comme ractif des rayons de Becquerel la fluorescence ou
+l'action sur les plaques photographiques, la proportion serait
+probablement diffrente, une mesure d'intensit n'ayant gnralement un
+sens que pour la mthode de mesures employe.
+
+Les rayons du polonium sont des rayons du genre #a#. Dans les
+expriences que je viens de dcrire, on n'a observ aucun effet du champ
+magntique sur ces rayons, mais le dispositif exprimental tait tel
+qu'une faible dviation passait inaperue.
+
+Des expriences faites par la mthode radiographique ont confirm les
+rsultats de celles qui prcdent. En employant le radium comme source
+radiante, et en recevant l'impression sur une plaque parallle au
+faisceau primitif et normale au champ, on obtient la trace trs nette de
+deux faisceaux spars par l'action du champ, l'un dvi, l'autre non
+dvi. Les rayons #b# constituent le faisceau dvi; les rayons #a#
+tant peu dvis se confondent sensiblement avec le faisceau non dvi
+des rayons #g#.
+
+
+_Rayons dviables #b#_.--Il rsultait des expriences de MM. Giesel
+et de MM. Meyer et von Schweidler que le rayonnement des corps
+radioactifs est au moins en partie dvi par un champ magntique,
+et que la dviation se fait comme pour les rayons cathodiques. M.
+Becquerel a tudi l'action du champ sur les rayons par la mthode
+radiographique[43]. Le dispositif exprimental employ tait celui de la
+figure 4. Le radium tait plac dans la cuve en plomb P, et cette cuve
+tait pose sur la face sensible d'une plaque photographique AC
+enveloppe de papier noir. Le tout tait plac entre les ples d'un
+lectro-aimant, le champ magntique tant normal au plan de la figure.
+
+ [43] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 206, 372, 810.
+
+Si le champ est dirig vers l'arrire de ce plan, la partie BC de la
+plaque se trouve impressionne par des rayons qui, ayant dcrit des
+trajectoires circulaires, sont rabattus sur la plaque et viennent la
+couper angle droit. Ces rayons sont des rayons #b#.
+
+M. Becquerel a montr que l'impression constitue une large bande
+diffuse, vritable spectre continu, montrant que le faisceau de rayons
+dviables mis par la source est constitu par une infinit de
+radiations ingalement dviables. Si l'on recouvre la glatine de la
+plaque de divers crans absorbants (papier, verre, mtaux), une portion
+du spectre se trouve supprime, et l'on constate que les rayons les plus
+dvis par le champ magntique, autrement dit ceux qui donnent la plus
+petite valeur du rayon de la trajectoire circulaire, sont le plus
+fortement absorbs. Pour chaque cran l'impression sur la plaque ne
+commence qu' une certaine distance de la source radiante, cette
+distance tant d'autant plus grande que l'cran est plus absorbant.
+
+
+_Charge des rayons dviables._--Les rayons cathodiques sont, comme l'a
+montr M. Perrin, chargs d'lectricit ngative[44]. De plus ils
+peuvent, d'aprs les expriences de M. Perrin et de M. Lenard[45],
+transporter leur charge travers des enveloppes mtalliques runies
+la terre et travers des lames isolantes. En tout point, o les rayons
+cathodiques sont absorbs, se fait un dgagement continu d'lectricit
+ngative. Nous avons constat qu'il en est de mme pour les rayons
+dviables #b# du radium. _Les rayons dviables_ #b# _du radium sont
+chargs d'lectricit ngative_[46].
+
+ [44] _Comptes rendus_, t. CXXI, p. 1130. _Annales de Chimie et de
+ Physique_, t. II, 1897.
+
+ [45] LENARD, _Wied. Ann._, t. LXIV, p. 279.
+
+ [46] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 5 mars 1900.
+
+ talons la substance radioactive sur l'un des plateaux d'un
+ condensateur, ce plateau tant reli mtalliquement la terre; le
+ second plateau est reli un lectromtre, il reoit et absorbe les
+ rayons mis par la substance. Si les rayons sont chargs, on doit
+ observer une arrive continue d'lectricit l'lectromtre. Cette
+ exprience, ralise dans l'air, ne nous a pas permis de dceler une
+ charge des rayons, mais l'exprience ainsi faite n'est pas sensible.
+ L'air entre les plateaux tant rendu conducteur par les rayons,
+ l'lectromtre n'est plus isol et ne peut accuser que des charges
+ assez fortes.
+
+ Pour que les rayons #a# ne puissent apporter de trouble dans
+ l'exprience, on peut les supprimer en recouvrant la source radiante
+ d'un cran mtallique mince; le rsultat de l'exprience n'est pas
+ modifi[47].
+
+ [47] A vrai dire, dans ces expriences, on observe toujours une
+ dviation l'lectromtre, mais il est facile de se rendre compte que
+ ce dplacement est un effet de la force lectromotrice de contact qui
+ existe entre le plateau reli l'lectromtre et les conducteurs
+ voisins; cette force lectromotrice fait dvier l'lectromtre, grce
+ la conductibilit de l'air soumis au rayonnement du radium.
+
+Nous avons sans plus de succs rpt cette exprience dans l'air en
+faisant pntrer les rayons dans l'intrieur d'un cylindre de Faraday en
+relation avec l'lectromtre[48].
+
+ [48] Le dispositif du cylindre de Faraday n'est pas ncessaire, mais
+ il pourrait prsenter quelques avantages dans le cas o il se
+ produirait une forte diffusion des rayons par les parois frappes. On
+ pourrait esprer ainsi recueillir et utiliser ces rayons diffuss,
+ s'il y en a.
+
+On pouvait dj se rendre compte, d'aprs les expriences qui prcdent,
+que la charge des rayons du produit radiant employ tait faible.
+
+Pour constater un faible dgagement d'lectricit sur le conducteur qui
+absorbe les rayons, il faut que ce conducteur soit bien isol
+lectriquement; pour obtenir ce rsultat, il est ncessaire de le mettre
+ l'abri de l'air, soit en le plaant dans un tube avec un vide trs
+parfait, soit en l'entourant d'un bon dilectrique solide. C'est ce
+dernier dispositif que nous avons employ.
+
+Un disque conducteur MM (_fig._ 6) est reli par la tige mtallique _t_
+ l'lectromtre; disque et tige sont compltement entours de matire
+isolante _iiii_; le tout est recouvert d'une enveloppe mtallique EEEE
+qui est en communication lectrique avec la terre. Sur l'une des faces
+du disque, l'isolant _pp_ et l'enveloppe mtallique sont trs minces.
+C'est cette face qui est expose au rayonnement du sel de baryum
+radifre R, plac l'extrieur dans une auge en plomb[49]. Les rayons
+mis par le radium traversent l'enveloppe mtallique et la lame isolante
+_pp_, et sont absorbs par le disque mtallique MM. Celui-ci est alors
+le sige d'un dgagement continu et constant d'lectricit ngative que
+l'on constate l'lectromtre et que l'on mesure l'aide du quartz
+pizolectrique.
+
+ [49] L'enveloppe isolante doit tre parfaitement continue. Toute
+ fissure remplie d'air allant du conducteur intrieur jusqu'
+ l'enveloppe mtallique est une cause de courant d aux forces
+ lectromotrices de contact utilisant la conductibilit de l'air sous
+ l'action du radium.
+
+[Illustration: Fig. 6.]
+
+Le courant ainsi cr est trs faible. Avec du chlorure de baryum
+radifre trs actif formant une couche de 2cm2,5 de surface et de
+0cm,2 d'paisseur, on obtient un courant de l'ordre de grandeur de
+10^{-11} ampre, les rayons utiliss ayant travers, avant d'tre
+absorbs par le disque MM, une paisseur d'aluminium de 0mm,01 et une
+paisseur d'bonite de 0mm,3.
+
+Nous avons employ successivement du plomb, du cuivre et du zinc pour le
+disque MM, de l'bonite et de la paraffine pour l'isolant; les rsultats
+obtenus ont t les mmes.
+
+Le courant diminue quand on loigne la source radiante R, ou quand on
+emploie un produit moins actif.
+
+Nous avons encore obtenu les mmes rsultats en remplaant le disque MM
+par un cylindre de Faraday rempli d'air, mais envelopp extrieurement
+par une matire isolante. L'ouverture du cylindre, ferme par la plaque
+isolante mince _pp_, tait alors en face de la source radiante.
+
+Enfin nous avons fait l'exprience inverse, qui consiste placer l'auge
+de plomb avec le radium au milieu de la matire isolante et en relation
+avec l'lectromtre (_fig._ 7), le tout tant envelopp par l'enceinte
+mtallique relie la terre.
+
+[Illustration: Fig. 7.]
+
+Dans ces conditions, on observe l'lectromtre que le radium prend une
+charge positive et gale en grandeur la charge ngative de la premire
+exprience. Les rayons du radium traversent la plaque dilectrique mince
+_pp_ et quittent le conducteur intrieur en emportant de l'lectricit
+ngative.
+
+Les rayons #a# du radium n'interviennent pas dans ces expriences, tant
+absorbs presque totalement par une paisseur extrmement faible de
+matire. La mthode qui vient d'tre dcrite ne convient pas non plus
+pour l'tude de la charge des rayons du polonium, ces rayons tant
+galement trs peu pntrants. Nous n'avons observ aucun indice de
+charge avec du polonium, qui met seulement des rayons #a#; mais, pour
+la raison qui prcde, on ne peut tirer de cette exprience aucune
+conclusion.
+
+Ainsi, dans le cas des rayons dviables #b# du radium, comme dans le cas
+des rayons cathodiques, les rayons transportent de l'lectricit. Or,
+jusqu'ici on n'a jamais reconnu l'existence de charges lectriques non
+lies la matire. On est donc amen se servir, dans l'tude de
+l'mission des rayons dviables #b# du radium, de la mme thorie que
+celle actuellement en usage pour l'tude des rayons cathodiques. Dans
+cette thorie balistique, qui a t formule par Sir W. Crookes, puis
+dveloppe et complte par M. J.-J. Thompson, les rayons cathodiques
+sont constitus par des particules extrmement tnues qui sont lances
+partir de la cathode avec une trs grande vitesse, et qui sont charges
+d'lectricit ngative. On peut de mme concevoir que le radium envoie
+dans l'espace des particules charges ngativement.
+
+Un chantillon de radium renferm dans une enveloppe solide, mince,
+parfaitement isolante, doit se charger spontanment un potentiel trs
+lev. Dans l'hypothse balistique le potentiel augmenterait, jusqu' ce
+que la diffrence de potentiel avec les conducteurs environnants devnt
+suffisante pour empcher l'loignement des particules lectrises mises
+et amener leur retour la source radiante.
+
+Nous avons ralis par hasard l'exprience dont il est question ici. Un
+chantillon de radium trs actif tait enferm depuis longtemps dans une
+ampoule de verre. Pour ouvrir l'ampoule, nous avons fait avec un couteau
+ verre un trait sur le verre. A ce moment nous avons entendu nettement
+le bruit d'une tincelle, et en observant ensuite l'ampoule la loupe,
+nous avons aperu que le verre avait t perfor par une tincelle
+l'endroit o il s'tait trouv aminci par le trait. Le phnomne qui
+s'est produit l est exactement comparable la rupture du verre d'une
+bouteille de Leyde trop charge.
+
+Le mme phnomne s'est reproduit avec une autre ampoule. De plus, au
+moment o l'tincelle a clat, M. Curie qui tenait l'ampoule ressentit
+dans les doigts la secousse lectrique due la dcharge.
+
+Certains verres ont de bonnes proprits isolantes. Si l'on enferme le
+radium dans une ampoule de verre scelle et bien isolante, on peut
+s'attendre ce que cette ampoule un moment donn se perce
+spontanment.
+
+_Le radium est le premier exemple d'un corps qui se charge spontanment
+d'lectricit._
+
+
+_Action du champ lectrique sur les rayons dviables_ #b# _du
+radium_.--Les rayons dviables #b# du radium tant assimils des
+rayons cathodiques doivent tre dvis par un champ lectrique de la
+mme faon que ces derniers, c'est--dire comme le serait une particule
+matrielle charge ngativement et lance dans l'espace avec une grande
+vitesse. L'existence de cette dviation a t montre, d'une part, par
+M. Dorn[50], d'autre part, par M. Becquerel[51].
+
+ [50] DORN, _Abh. Halle_, mars 1900.
+
+ [51] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 819.
+
+Considrons un rayon qui traverse l'espace situ entre les deux plateaux
+d'un condensateur. Supposons la direction du rayon parallle aux
+plateaux. Quand on tablit entre ces derniers un champ lectrique, le
+rayon est soumis l'action de ce champ uniforme sur toute la longueur
+du trajet dans le condensateur, soit _l_. En vertu de cette action le
+rayon est dvi vers le plateau positif et dcrit un arc de parabole; en
+sortant du champ il continue son chemin en ligne droite suivant la
+tangente l'arc de parabole au point de sortie. On peut recevoir le
+rayon sur une plaque photographique normale sa direction primitive. On
+observe l'impression produite sur la plaque quand le champ est nul et
+quand le champ a une valeur connue, et l'on dduit de l la valeur de la
+dviation #d#, qui est la distance des points, o la nouvelle direction
+du rayon et sa direction primitive rencontrent un mme plan normal la
+direction primitive. Si _h_ est la distance de ce plan au condensateur,
+c'est--dire la limite du champ, on a, par un calcul simple,
+
+ _e_F_l_(_l_/2 + _h_)
+ #d# = ---------------------,
+ _mv_^2
+
+_m_ tant la masse de la particule en mouvement, _e_ sa charge, _v_ sa
+vitesse et F la valeur du champ.
+
+Les expriences de M. Becquerel lui ont permis de donner une valeur
+approche de #d#.
+
+
+_Rapport de la charge la masse pour une particule, charge
+ngativement, mise par le radium._--Quand une particule matrielle,
+ayant la masse _m_ et la charge ngative _e_, est lance avec une
+vitesse _v_ dans un champ magntique uniforme normal sa vitesse
+initiale, cette particule dcrit dans un plan normal au champ et passant
+par sa vitesse initiale un arc de cercle de rayon #r# tel que, H tant
+la valeur du champ, on a la relation
+
+ _m_
+ H#r# = ----- _v_.
+ _e_
+
+Si l'on a mesur pour un mme rayon la dviation lectrique #d# et le
+rayon de courbure #r# dans un champ magntique, on pourra, de ces deux
+expriences, tirer les valeurs du rapport _e_/_m_ de la vitesse _v_.
+
+Les expriences de M. Becquerel ont fourni une premire indication ce
+sujet. Elles ont donn pour le rapport _e_/_m_ une valeur approche
+gale 10^7 units lectromagntiques absolues, et pour _v_ une
+grandeur gale 1,6 10^{10}. Ces valeurs sont du mme ordre de
+grandeur que pour les rayons cathodiques.
+
+Des expriences prcises ont t faites sur le mme sujet par M.
+Kaufmann[52]. Ce physicien a soumis un faisceau trs troit de rayons du
+radium l'action simultane d'un champ lectrique et d'un champ
+magntique, les deux champs tant uniformes et ayant une mme direction,
+normale la direction primitive du faisceau. L'impression produite sur
+une plaque normale au faisceau primitif et place au-dessus des limites
+du champ par rapport la source prend la forme d'une courbe, dont
+chaque point correspond l'un des rayons du faisceau primitif
+htrogne. Les rayons les plus pntrants et les moins dviables sont
+d'ailleurs ceux dont la vitesse est la plus grande.
+
+[52] KAUFMANN, _Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu Goettingen_, 1901,
+Heft 2.
+
+Il rsulte des expriences de M. Kaufmann que pour les rayons du radium,
+dont la vitesse est notablement suprieure celle des rayons
+cathodiques, le rapport _e_/_m_ va en diminuant quand la vitesse
+augmente.
+
+D'aprs les travaux de J.-J. Thomson et de Townsend[53] nous devons
+admettre que la particule en mouvement, qui constitue le rayon, possde
+une charge _e_ gale celle transporte par un atome d'hydrogne dans
+l'lectrolyse, cette charge tant la mme pour tous les rayons. On est
+donc conduit conclure que la masse de la particule _m_ va en
+augmentant quand la vitesse augmente.
+
+ [53] THOMSON, _Phil. Mag._, t. XLVI, 1898.--TOWNSEND, _Phil. Trans._,
+ t. CXCV, 1901.
+
+Or, des considrations thoriques conduisent concevoir que l'inertie
+de la particule est prcisment due son tat de charge en mouvement,
+la vitesse d'une charge lectrique en mouvement ne pouvant tre modifie
+sans dpense d'nergie. Autrement dit, l'inertie de la particule est
+d'origine lectromagntique, et la masse de la particule est au moins en
+partie une masse apparente ou masse lectromagntique. M. Abraham[54] va
+plus loin et suppose que la masse de la particule est entirement une
+masse lectromagntique. Si dans cette hypothse on calcule la valeur de
+cette masse _m_ pour une vitesse connue _v_, on trouve que _m_ tend vers
+l'infini quand _v_ tend vers la vitesse de la lumire, et que _m_ tend
+vers une valeur constante quand la vitesse _v_ est trs infrieure
+celle de la lumire. Les expriences de M. Kaufmann sont en accord avec
+les rsultats de cette thorie dont l'importance est grande, puisqu'elle
+permet de prvoir la possibilit d'tablir les bases de la mcanique sur
+la dynamique de petits centres matriels chargs en tat de
+mouvement[55].
+
+[54] ABRAHAM, _Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu Goettingen_, 1902,
+Heft 1.
+
+ [55] Quelques dveloppements sur cette question ainsi qu'une tude
+ trs complte des centres matriels chargs (lectrons ou corpuscules)
+ et les rfrences des travaux relatifs se trouvent dans la Thse de M.
+ Langevin.
+
+Voici les nombres obtenus par M. Kaufmann pour _e_/_m_ et _v_:
+
+ _e_
+ -------
+ _m_
+ units cm
+ lectromagntiques. _v_ ----.
+ sec
+
+ 1,865 10^7 0,7 10^10 { pour les rayons
+ { cathodiques.
+ 1,31 10^7 2,36 10^10 }
+ 1,17 2,48 } pour les rayons du
+ 0,97 2,59 } radium (Kaufmann).
+ 0,77 2,72 }
+ 0,63 2,83 }
+
+M. Kaufmann conclut de la comparaison de ses expriences avec la
+thorie, que la valeur limite du rapport _e_/_m_ pour les rayons du
+radium de vitesse relativement faible serait la mme que la valeur de
+_e_/_m_ pour les rayons cathodiques.
+
+Les expriences les plus compltes de M. Kaufmann ont t faites avec un
+grain minuscule de chlorure de radium pur, que nous avons mis sa
+disposition.
+
+D'aprs les expriences de M. Kaufmann certains rayons #b# du radium
+possdent une vitesse trs voisine de celle de la lumire. On comprend
+que ces rayons si rapides puissent jouir d'un pouvoir pntrant trs
+grand vis--vis de la matire.
+
+
+_Action du champ magntique sur les rayons #a#._--Dans un travail
+rcent, M. Rutherford a annonc[56] que, dans un champ magntique ou
+lectrique puissant, les rayons #a# du radium sont lgrement dvis
+la faon de particules lectrises positivement et animes d'une grande
+vitesse. M. Rutherford conclut de ses expriences que la vitesse des
+rayons #a# est de l'ordre de grandeur 2,5 10^9 cm/sec et que le
+rapport _e_/_m_ pour ces rayons est de l'ordre de grandeur 6 10^3,
+soit 10^4 fois plus grand que pour les rayons dviables #b#. On verra
+plus loin que ces conclusions de M. Rutherford sont en accord avec les
+proprits antrieurement connues du rayonnement #a#, et qu'elles
+rendent compte, au moins en partie, de la loi d'absorption de ce
+rayonnement.
+
+ [56] RUTHERFORD, _Physik. Zeitschrift_, 15 janvier 1903.
+
+Les expriences de M. Rutherford ont t confirmes par M. Becquerel. M.
+Becquerel a montr, de plus, que les rayons du polonium se comportent
+dans un champ magntique comme les rayons #a# du radium et qu'ils
+semblent prendre, champ gal, la mme courbure que ces derniers. Il
+rsulte aussi des expriences de M. Becquerel que les rayons #a# ne
+semblent pas former de spectre magntique, mais se comportent plutt
+comme un rayonnement homogne, tous les rayons tant galement
+dvis[57].
+
+ [57] BECQUEREL, _Comptes rendus_ des 26 janvier et 16 fvrier 1903.
+
+M. Des Coudres a fait une mesure de la dviation lectrique et de la
+dviation magntique des rayons #a# du radium dans le vide. Il a trouv
+pour la vitesse de ces rayons _v_ = 1,65 10^9 cm/sec et pour le
+rapport de la charge la masse _e_/_m_ = 6400 en units
+lectromagntiques[58]. La vitesse des rayons #a# est donc environ 20
+fois plus faible que celle de la lumire. Le rapport _e_/_m_ est du mme
+ordre de grandeur que celui que l'on trouve pour l'hydrogne dans
+l'lectrolyse: _e_/_m_ = 9650. Si donc on admet que la charge de chaque
+projectile est la mme que celle d'un atome d'hydrogne dans
+l'lectrolyse, on en conclut que la masse de ce projectile est du mme
+ordre de grandeur que celle d'un atome d'hydrogne.
+
+ [58] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift._, 1er juin 1903.
+
+Or nous venons de voir que, pour les rayons cathodiques et pour les
+rayons #b# du radium les plus lents, le rapport _e_/_m_ est gal
+1,865 10^7; ce rapport est donc environ 2000 fois plus grand que
+celui obtenu dans l'lectrolyse. La charge de la particule charge
+ngativement tant suppose la mme que celle d'un atome d'hydrogne, sa
+masse limite pour les vitesses relativement faibles serait donc environ
+2000 fois plus petite que celle d'un atome d'hydrogne.
+
+Les projectiles qui constituent les rayons #b# sont donc la fois
+beaucoup plus petits et anims d'une vitesse plus grande que ceux qui
+constituent les rayons #a#. On comprend alors facilement que les
+premiers possdent un pouvoir pntrant bien plus grand que les seconds.
+
+
+_Action du champ magntique sur les rayons des autres substances
+radioactives._--On vient de voir que le radium met des rayons #a#
+assimilables aux rayons canaux, des rayons #b# assimilables aux rayons
+cathodiques et des rayons pntrants et non dviables #g#. Le polonium
+n'met que des rayons #a#. Parmi les autres substances radioactives,
+l'actinium semble se comporter comme le radium, mais l'tude du
+rayonnement de ce corps n'est pas encore aussi avance que celle du
+rayonnement du radium. Quant aux substances faiblement radioactives, on
+sait aujourd'hui que l'uranium et le thorium mettent aussi bien des
+rayons #a# que des rayons dviables #b# (Becquerel, Rutherford).
+
+
+_Proportion des rayons dviables_ #b# _dans le rayonnement du
+radium_.--Comme je l'ai dj dit, la proportion des rayons #b# va en
+augmentant, mesure qu'on s'loigne de la source radiante. Toutefois,
+ces rayons ne se montrent jamais seuls, et pour les grandes distances
+on observe aussi toujours la prsence de rayons #g#. La prsence de
+rayons non dviables trs pntrants dans le rayonnement du radium a
+t, pour la premire fois, observe par M. Villard[59]. Ces rayons ne
+constituent qu'une faible partie du rayonnement mesur par la mthode
+lectrique, et leur prsence nous avait chapp dans nos premires
+expriences, de sorte que nous croyions alors tort que le rayonnement
+ grande distance ne contenait que des rayons dviables.
+
+ [59] VILLARD, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 1010.
+
+Voici les rsultats numriques obtenus dans des expriences faites par
+la mthode lectrique avec un appareil analogue celui de la figure 5.
+Le radium n'tait spar du condensateur que par l'air ambiant. Je
+dsigne par _d_ la distance de la source radiante au condensateur. En
+supposant gal 100 le courant obtenu sans champ magntique pour chaque
+distance, les nombres de la deuxime ligne indiquent le courant qui
+subsiste quand le champ agit. Ces nombres peuvent tre considrs comme
+donnant le pourcentage de l'ensemble des rayons #a# et #g#, la dviation
+des rayons #a# n'ayant gure pu tre observe avec le dispositif
+employ.
+
+Aux grandes distances on n'a plus de rayons #a#, et le rayonnement non
+dvi est alors du genre #g# seulement.
+
+Expriences faites petite distance:
+
+ _d_ en centimtres. 3,4 5,1 6,0 6,5
+ Pour 100 de rayons non dvis. 74 56 33 11
+
+Expriences faites aux grandes distances, avec un produit
+considrablement plus actif que celui qui avait servi pour la srie
+prcdente:
+
+ _d_ en centimtres. 14 30 53 80 98 124 157
+ Pour 100 de rayons dvis. 12 14 17 14 16 14 11
+
+On voit, qu' partir d'une certaine distance, la proportion des rayons
+non dvis dans le rayonnement est approximativement constante. Ces
+rayons appartiennent probablement tous l'espce #g#. Il n'y a pas
+tenir compte outre mesure des irrgularits dans les nombres de la
+seconde ligne, si l'on envisage que l'intensit totale du courant dans
+les deux expriences extrmes tait dans le rapport de 660 10. Les
+mesures ont pu tre poursuivies jusqu' une distance de 1m,57 de la
+source radiante, et nous pourrions aller encore plus loin actuellement.
+
+Voici une autre srie d'expriences, dans lesquelles le radium tait
+enferm dans un tube de verre trs troit, plac au-dessous du
+condensateur et paralllement aux plateaux. Les rayons mis traversaient
+une certaine paisseur de verre et d'air, avant d'entrer dans le
+condensateur.
+
+ _d_ en centimtres. 2,5 3,3 4,1 5,9 7,5 9,6 11,3 13,9 17,2
+ Pour 100 de rayons
+ non dvies. 33 33 21 16 14 10 9 9 10
+
+Comme dans les expriences prcdentes, les nombres de la seconde ligne
+tendent vers une valeur constante quand la distance _d_ crot, mais la
+limite est sensiblement atteinte pour des distances plus petites que
+dans les sries prcdentes, parce que les rayons #a# ont t plus
+fortement absorbs par le verre que les rayons #b# et #g#.
+
+Voici une autre exprience qui montre qu'une lame d'aluminium mince
+(paisseur 0mm,01) absorbe principalement les rayons #a#. Le produit
+tant plac 5cm du condensateur, on trouve en faisant agir le champ
+magntique que la proportion des rayons autres que #b# est de 71 pour
+100. Le mme produit tant recouvert de la lame d'aluminium, et la
+distance restant la mme, on trouve que le rayonnement transmis est
+presque totalement dvi par le champ magntique, les rayons #a# ayant
+t absorbs par la lame. On obtient le mme rsultat en employant le
+papier comme cran absorbant.
+
+La plus grosse partie du rayonnement du radium est forme par des rayons
+#a# qui sont probablement mis surtout par la couche superficielle de la
+matire radiante. Quand on fait varier l'paisseur de la couche de la
+matire radiante, l'intensit du courant augmente avec cette paisseur;
+l'augmentation n'est pas proportionnelle l'accroissement d'paisseur
+pour la totalit du rayonnement; elle est d'ailleurs plus notable sur
+les rayons #b# que sur les rayons #a#, de sorte que la proportion de
+rayons #b# va en croissant avec l'paisseur de la couche active. La
+source radiante tant place une distance de 5cm du condensateur, on
+trouve que, pour une paisseur gale 0mm,4 de la couche active, le
+rayonnement total est donn par le nombre 28 et la proportion des rayons
+#b# est de 29 pour 100. En donnant la couche active l'paisseur de
+2mm, soit 5 fois plus grande, on obtient un rayonnement total gal 102
+et une proportion de rayons dviables #b# gale 45 pour 100. Le
+rayonnement total qui subsiste cette distance a donc t augment dans
+le rapport 3,6 et le rayonnement dviable #b# est devenu environ 5 fois
+plus fort.
+
+Les expriences prcdentes ont t faites par la mthode lectrique.
+Quand on opre par la mthode radiographique, certains rsultats
+semblent, en apparence, tre en contradiction avec ce qui prcde. Dans
+les expriences de M. Villard, un faisceau de rayons du radium soumis
+l'action d'un champ magntique tait reu sur une pile de plaques
+photographiques. Le faisceau non dviable et pntrant #g# traversait
+toutes les plaques et marquait sa trace sur chacune d'elles. Le faisceau
+dvi #b# produisait une impression sur la premire plaque seulement. Ce
+faisceau paraissait donc ne point contenir de rayons de grande
+pntration.
+
+Au contraire, dans nos expriences, un faisceau qui se propage dans
+l'air contient aux plus grandes distances accessibles l'observation
+9/10 environ de rayons dviables #b#, et il en est encore de mme, quand
+la source radiante est enferme dans une petite ampoule de verre
+scelle. Dans les expriences de M. Villard, ces rayons dviables et
+pntrants #b# n'impressionnent pas les plaques photographiques places
+au del de la premire, parce qu'ils sont en grande partie diffuss dans
+tous les sens par le premier obstacle solide rencontr et cessent de
+former un faisceau. Dans nos expriences, les rayons mis par le radium
+et transmis par le verre de l'ampoule taient probablement aussi
+diffuss par le verre, mais l'ampoule tant trs petite, fonctionnait
+alors elle-mme comme une source de rayons dviables #b# partant de sa
+surface, et nous avons pu observer ces derniers jusqu' une grande
+distance de l'ampoule.
+
+Les rayons cathodiques des tubes de Crookes ne peuvent traverser que des
+crans trs minces (crans d'aluminium jusqu' 0mm,01 d'paisseur). Un
+faisceau de rayons qui arrive normalement sur l'cran est diffus dans
+tous les sens; mais la diffusion est d'autant moins importante que
+l'cran est plus mince, et pour des crans trs minces il existe un
+faisceau sortant qui est sensiblement le prolongement du faisceau
+incident[60].
+
+ [60] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift_, novembre 1902.
+
+Les rayons dviables #b# du radium se comportent d'une manire analogue,
+mais le faisceau dviable transmis prouve, paisseur d'cran gale,
+une modification beaucoup moins profonde. D'aprs les expriences de M.
+Becquerel, les rayons #b# trs fortement dviables du radium (ceux dont
+la vitesse est relativement faible) sont fortement diffuss par un cran
+d'aluminium de 0mm,1 d'paisseur; mais les rayons pntrants et peu
+dviables (rayons genre cathodique de grande vitesse) traversent ce
+mme cran sans aucune diffusion sensible, et sans que le faisceau
+qu'ils constituent soit dform, et cela quelle que soit l'inclinaison
+de l'cran par rapport au faisceau. Les rayons #b# de grande vitesse
+traversent sans diffusion une paisseur bien plus grande de paraffine
+(quelques centimtres), et l'on peut suivre dans celle-ci la courbure du
+faisceau produite par le champ magntique. Plus l'cran est pais et
+plus sa matire est absorbante, plus le faisceau dviable primitif est
+altr, parce que, mesure que l'paisseur de l'cran crot, la
+diffusion commence se faire sentir sur de nouveaux groupes de rayons
+de plus en plus pntrants.
+
+L'air produit sur les rayons #b# du radium qui le traversent une
+diffusion, qui est trs sensible pour les rayons fortement dviables,
+mais qui est cependant bien moins importante que celle qui est due des
+paisseurs gales de matires solides traverses. C'est pourquoi les
+rayons dviables #b# du radium se propagent dans l'air de grandes
+distances.
+
+
+_Pouvoir pntrant du rayonnement des corps radioactifs._--Ds le dbut
+des recherches sur les corps radioactifs, on s'est proccup de
+l'absorption produite par divers crans sur les rayons mis par ces
+substances. J'ai donn dans une premire Note relative ce sujet[61]
+plusieurs nombres cits au dbut de ce travail indiquant la pntration
+relative des rayons uraniques et thoriques. M. Rutherford a tudi plus
+spcialement la radiation uranique[62] et prouv qu'elle tait
+htrogne. M. Owens a conclu de mme pour les rayons thoriques[63].
+Quand vint ensuite la dcouverte des substances fortement radioactives,
+le pouvoir pntrant de leurs rayons fut aussitt tudi par divers
+physiciens (Becquerel, Meyer et von Schweidler, Curie, Rutherford). Les
+premires observations mirent en vidence l'htrognit du rayonnement
+qui semble tre un phnomne gnral et commun aux substances
+radioactives[64]. On se trouve l en prsence de sources, qui mettent
+un ensemble de radiations, dont chacune a un pouvoir pntrant qui lui
+est propre. La question se complique encore par ce fait, qu'il y a lieu
+de rechercher en quelle mesure la nature de la radiation peut se trouver
+modifie par le passage travers les substances matrielles et que, par
+consquent, chaque ensemble de mesures n'a une signification prcise que
+pour le dispositif exprimental employ.
+
+ [61] Mme CURIE, _Comptes rendus_, avril 1898.
+
+ [62] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier 1899.
+
+ [63] OWENS, _Phil. Mag._, octobre 1899.
+
+ [64] BECQUEREL, _Rapports au Congrs de Physique_, 1900.--MEYER et von
+ SCHWEIDLER, _Comptes rendus de l'Acad. de Vienne_, mars 1900 (_Physik.
+ Zeitschrift_, t. I, p. 209).
+
+Ces rserves tant faites, on peut chercher coordonner les diverses
+expriences et exposer l'ensemble des rsultats acquis.
+
+Les corps radioactifs mettent des rayons qui se propagent dans l'air et
+dans le vide. La propagation est rectiligne; ce fait est prouv par la
+nettet et la forme des ombres fournies par l'interposition de corps,
+opaques au rayonnement, entre la source et la plaque sensible ou l'cran
+fluorescent qui sert de rcepteur, la source ayant des dimensions
+petites par rapport sa distance au rcepteur. Diverses expriences qui
+prouvent la propagation rectiligne des rayons mis par l'uranium, le
+radium et le polonium ont t faites par M. Becquerel[65].
+
+ [65] BECQUEREL, _Comptes rendus_, t. CXXX, p. 979 et 1154.
+
+La distance laquelle les rayons peuvent se propager dans l'air
+partir de la source est intressante connatre. Nous avons constat
+que le radium met des rayons qui peuvent tre observs dans l'air
+plusieurs mtres de distance. Dans certaines de nos mesures lectriques,
+l'action de la source sur l'air du condensateur s'exerait une
+distance comprise entre 2m et 3m. Nous avons galement obtenu des effets
+de fluorescence et des impressions radiographiques des distances du
+mme ordre de grandeur. Ces expriences ne peuvent tre faites
+facilement qu'avec des sources radioactives trs intenses, parce que,
+indpendamment de l'absorption exerce par l'air, l'action sur un
+rcepteur donn varie en raison inverse du carr de la distance une
+source de petites dimensions. Ce rayonnement, qui se propage grande
+distance du radium, comprend aussi bien des rayons genre cathodique que
+des rayons non dviables; cependant, les rayons dviables dominent de
+beaucoup, d'aprs les expriences que j'ai cites plus haut. Quant la
+grosse masse du rayonnement (rayons #a#), elle est, au contraire,
+limite dans l'air une distance de 7cm environ de la source.
+
+J'ai fait quelques expriences avec du radium enferm dans une petite
+ampoule de verre. Les rayons qui sortaient de cette ampoule
+franchissaient un certain espace d'air et taient reus dans un
+condensateur, qui servait mesurer leur pouvoir ionisant par la mthode
+lectrique ordinaire. On faisait varier la distance _d_ de la source au
+condensateur et l'on mesurait le courant de saturation _i_ obtenu dans
+le condensateur. Voici les rsultats d'une des sries de mesures:
+
+ _d cm._ _i._ (_i_ _d_^2) 10^{-3}.
+
+ 10 127 13
+ 20 38 15
+ 30 17,4 16
+ 40 10,5 17
+ 50 6,9 17
+ 60 4,7 17
+ 70 3,8 19
+ 100 1,65 17
+
+A partir d'une certaine distance, l'intensit du rayonnement varie
+sensiblement en raison inverse du carr de la distance au condensateur.
+
+Le rayonnement du polonium ne se propage dans l'air qu' une distance de
+quelques centimtres (4cm 6cm) de la source radiante.
+
+Si l'on considre l'absorption des radiations par les crans solides, on
+constate l encore une diffrence fondamentale entre le radium et le
+polonium. Le radium met des rayons capables de traverser une grande
+paisseur de matire solide, par exemple quelques centimtres de plomb
+ou de verre[66]. Les rayons qui ont travers une grande paisseur d'un
+corps solide sont extrmement pntrants, et, pratiquement, on n'arrive
+plus, pour ainsi dire, les faire absorber intgralement par quoi que
+ce soit. Mais ces rayons ne constituent qu'une faible fraction du
+rayonnement total, dont la grosse masse est, au contraire, absorbe par
+une faible paisseur de matire solide.
+
+ [66] M. et Mme CURIE, _Rapports au Congrs_ 1900.
+
+Le polonium met des rayons extrmement absorbables qui ne peuvent
+traverser que des crans solides trs minces.
+
+Voici, titre d'exemple, quelques nombres relatifs l'absorption
+produite par une lame d'aluminium d'paisseur gale 0mm,01. Cette lame
+tait place au-dessus et presque au contact de la substance. Le
+rayonnement direct et celui transmis par la lame taient mesurs par la
+mthode lectrique (appareil _fig._ 1); le courant de saturation tait
+sensiblement atteint dans tous les cas. Je dsigne par _a_ l'activit de
+la substance radiante, celle de l'uranium tant prise comme unit.
+
+ Fraction
+ du rayonnement
+ transmise
+ _a._ par la lame.
+
+ Chlorure de baryum radifre 57 0,32
+ Bromure 43 0,30
+ Chlorure 1200 0,30
+ Sulfate 5000 0,29
+ Sulfate 10000 0,32
+ Bismuth polonium mtallique 0,22
+ Composs d'urane 0,20
+ Composs de thorium en couche mince 0,38
+
+On voit que des composs radifres de nature et d'activit diffrentes
+donnent des rsultats trs analogues, ainsi que je l'ai indiqu dj
+pour les composs d'urane et de thorium au dbut de ce travail. On voit
+aussi que si l'on considre toute la masse du rayonnement, et pour la
+lame absorbante considre, les diverses substances radiantes viennent
+se ranger dans l'ordre suivant de pntration dcroissante de leurs
+rayons: thorium, radium, polonium, uranium.
+
+Ces rsultats sont analogues ceux qui ont t publis par M.
+Rutherford dans un Mmoire relatif cette question[67].
+
+ [67] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, juillet 1902.
+
+M. Rutherford trouve, d'ailleurs, que l'ordre est le mme quand la
+substance absorbante est constitue par l'air. Mais il est probable que
+cet ordre n'a rien d'absolu et ne se maintiendrait pas indpendamment de
+la nature et de l'paisseur de l'cran considr. L'exprience montre,
+en effet, que la loi d'absorption est trs diffrente pour le polonium
+et le radium et que, pour ce dernier, il y a lieu de considrer
+sparment l'absorption des rayons de chacun des trois groupes.
+
+Le polonium se prte particulirement l'tude des rayons #a#, puisque
+les chantillons que nous possdons n'mettent point d'autres rayons.
+J'ai fait une premire srie d'expriences avec des chantillons de
+polonium extrmement actifs et rcemment prpars. J'ai trouv que les
+rayons du polonium sont d'autant plus absorbables, que l'paisseur de
+matire qu'ils ont dj traverse est plus grande[68]. Cette loi
+d'absorption singulire est contraire celle que l'on connat pour les
+autres rayonnements.
+
+ [68] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
+
+J'ai employ pour cette tude notre appareil de mesures de la
+conductibilit lectrique avec le dispositif suivant:
+
+ Les deux plateaux d'un condensateur PP et P'P' (_fig._ 8) sont
+ horizontaux et abrits dans une bote mtallique BBBB en relation avec
+ la terre. Le corps actif A, situ dans une bote mtallique paisse
+ CCCC faisant corps avec le plateau P'P', agit sur l'air du
+ condensateur au travers d'une toile mtallique T; les rayons qui
+ traversent la toile sont seuls utiliss pour la production du courant,
+ le champ lectrique s'arrtant la toile. On peut faire varier la
+ distance AT du corps actif la toile. Le champ entre les plateaux est
+ tabli au moyen d'une pile; la mesure
+ du courant se fait au moyen d'un lectromtre et d'un quartz
+ pizolectrique.
+
+ [Illustration: Fig. 8]
+
+ En plaant en A sur le corps actif divers crans et en modifiant la
+ distance AT, on peut mesurer l'absorption des rayons qui font dans
+ l'air des chemins plus ou moins grands.
+
+Voici les rsultats obtenus avec le polonium:
+
+Pour une certaine valeur de la distance AT (4cm et au-dessus), aucun
+courant ne passe: les rayons ne pntrent pas dans le condensateur.
+Quand on diminue la distance AT, l'apparition des rayons dans le
+condensateur se fait d'une manire assez brusque, de telle sorte que,
+pour une petite diminution de la distance, on passe d'un courant trs
+faible un courant trs notable; ensuite le courant s'accrot
+rgulirement quand on continue rapprocher le corps radiant de la
+toile T.
+
+Quand on recouvre la substance radiante d'une lame d'aluminium lamin de
+1/100 de millimtre d'paisseur, l'absorption produite par la lame est
+d'autant plus forte que la distance AT est plus grande.
+
+Si l'on place sur la premire lame d'aluminium une deuxime lame
+pareille, chaque lame absorbe une fraction du rayonnement qu'elle
+reoit, et cette fraction est plus grande pour la deuxime lame que pour
+la premire, de telle faon que c'est la deuxime lame qui semble plus
+absorbante.
+
+ Dans le Tableau qui suit, j'ai fait figurer: dans la premire ligne,
+ les distances en centimtres entre le polonium et la toile T; dans la
+ deuxime ligne, la proportion de rayons pour 100 transmise par une
+ lame d'aluminium; dans la troisime ligne, la proportion de rayons
+ pour 100 transmise par deux lames du mme aluminium.
+
+ Distance AT 3,5 2,5 1,9 1,45 0,5
+
+ Pour 100 de rayons transmis par
+ une lame 0 0 5 10 25
+
+ Pour 100 de rayons transmis par
+ deux lames 0 0 0 5 0,7
+
+Dans ces expriences, la distance des plateaux P et P' tait de 3cm. On
+voit que l'interposition de la lame d'aluminium diminue l'intensit du
+rayonnement en plus forte proportion dans les rgions loignes que dans
+les rgions rapproches.
+
+Cet effet est encore plus marqu que ne l'indiquent les nombres qui
+prcdent. Ainsi, la pntration de 25 pour 100, pour la distance 0cm,5,
+reprsente la moyenne de pntration pour tous les rayons qui dpassent
+cette distance, ceux extrmes ayant une pntration trs faible. Si l'on
+ne recueillait que les rayons compris entre 0cm,5 et 1cm, par exemple,
+on aurait une pntration plus grande encore. Et, en effet, si l'on
+rapproche le plateau P une distance 0cm,5 de P', la fraction du
+rayonnement transmise par la lame d'aluminium (pour AT = 0cm,5) est de
+47 pour 100 et, travers deux lames, elle est de 5 pour 100 du
+rayonnement primitif.
+
+J'ai fait rcemment une deuxime srie d'expriences avec ces mmes
+chantillons de polonium dont l'activit tait considrablement
+diminue, l'intervalle de temps qui spare les deux sries d'expriences
+tant de 3 ans.
+
+Dans les expriences anciennes, le polonium tait l'tat de
+sous-nitrate; dans celles rcentes il tait l'tat de grains
+mtalliques, obtenus par fusion du sous-nitrate avec le cyanure de
+potassium.
+
+J'ai constat que le rayonnement du polonium avait conserv les mmes
+caractres essentiels, et j'ai trouv quelques rsultats nouveaux.
+Voici, pour diverses valeurs de la distance AT, la fraction du
+rayonnement transmise par un cran form par 4 feuilles trs minces
+d'aluminium battu superposes:
+
+ Distance AT en centimtres 0 1,5 2,6
+ Pour 100 de rayons transmis par l'cran 76 66 39
+
+J'ai constat de mme que la fraction du rayonnement absorbe par un
+cran donn crot avec l'paisseur de matire qui a dj t traverse
+par le rayonnement, mais cela a lieu seulement partir d'une certaine
+valeur de la distance AT. Quand cette distance est nulle (le polonium
+tant tout contre la toile, en dehors ou en dedans du condensateur), on
+observe que, de plusieurs crans identiques superposs, chacun absorbe
+la mme fraction du rayonnement qu'il reoit, autrement dit, l'intensit
+du rayonnement diminue alors suivant une loi exponentielle en fonction
+de l'paisseur de matire traverse, comme cela aurait lieu pour un
+rayonnement homogne et transmis par la lame sans changement de nature.
+
+Voici quelques rsultats numriques relatifs ces expriences:
+
+Pour une distance AT gale 1cm,5, un cran en aluminium mince transmet
+la fraction 0,51 du rayonnement qu'il reoit quand il agit seul, et la
+fraction 0,34 seulement du rayonnement qu'il reoit quand il est prcd
+par un autre cran pareil lui.
+
+Au contraire, pour une distance AT gale 0, ce mme cran transmet
+dans les deux cas considrs la mme fraction du rayonnement qu'il
+reoit et cette fraction est gale 0,71; elle est donc plus grande que
+dans le cas prcdent.
+
+Voici, pour une distance AT gale 0 et pour une succession d'crans
+trs minces superposs, des nombres qui indiquent pour chaque cran le
+rapport du rayonnement transmis au rayonnement reu:
+
+ Srie Srie
+ de 9 feuilles de cuivre de 7 feuilles d'aluminium
+ trs minces. trs minces.
+ 0,72 0,69
+ 0,78 0,94
+ 0,75 0,95
+ 0,77 0,91
+ 0,70 0,92
+
+ Srie Srie
+ de 9 feuilles de cuivre de 7 feuilles d'aluminium
+ trs minces. trs minces.
+ 0,77 0,93
+ 0,69 0,91
+ 0,79
+ 0,68
+
+tant donnes les difficults d'emploi d'crans trs minces et de la
+superposition d'crans au contact, les nombres de chaque colonne peuvent
+tre considrs comme constants; seul, le premier nombre de la colonne
+relative l'aluminium indique une absorption plus forte que celle
+indique par les nombres suivants.
+
+Les rayons #a# du radium se comportent comme les rayons du polonium. On
+peut tudier ces rayons peu prs seuls en renvoyant les rayons bien
+plus dviables #b# de ct par l'emploi d'un champ magntique; les
+rayons #g# semblent, en effet, peu importants par rapport aux rayons
+#a#. Toutefois, on ne peut oprer ainsi qu' partir d'une certaine
+distance de la source radiante. Voici les rsultats d'une exprience de
+ce genre. On mesurait la fraction du rayonnement transmise par une lame
+d'aluminium de 0mm,1 d'paisseur; cette lame tait place toujours au
+mme endroit, au-dessus et petite distance de la source radiante. On
+observait, au moyen de l'appareil de la figure 5, le courant produit
+dans le condensateur pour diverses valeurs de la distance AD, en
+prsence et en absence de la lame.
+
+ Distance AD 6,0 5,1 3,4
+ Pour 100 de rayons transmis par l'aluminium 3 7 24
+
+Ce sont encore les rayons qui allaient le plus loin dans l'air qui sont
+le plus absorbs par l'aluminium. Il y a donc une grande analogie entre
+la partie absorbable #a# du rayonnement du radium et les rayons du
+polonium.
+
+Les rayons dviables #b# et les rayons non dviables pntrants #g#
+sont, au contraire, de nature diffrente. Les expriences de divers
+physiciens, notamment de MM. Meyer et von Schweidler[69], montrent
+clairement que, si l'on considre l'ensemble du rayonnement du radium,
+le pouvoir pntrant de ce rayonnement augmente avec l'paisseur de
+matire traverse, comme cela a lieu pour les rayons de Rntgen. Dans
+ces expriences, les rayons #a# interviennent peine, parce que ces
+rayons sont pratiquement supprims par des crans absorbants trs
+minces. Ce qui traverse, ce sont, d'une part, les rayons #b# plus ou
+moins diffuss, d'autre part, les rayons #g#, qui semblent analogues aux
+rayons de Rntgen.
+
+ [69] MEYER et von SCHWEIDLER, _Physik. Zeitschrift_, t. I, p. 209.
+
+Voici les rsultats de quelques-unes de mes expriences ce sujet:
+
+Le radium est enferm dans une ampoule de verre. Les rayons qui sortent
+de l'ampoule traversent 30cm d'air et sont reus sur une srie de
+plaques de verre d'paisseur de 1mm,3 chacune; la premire plaque
+transmet 49 pour 100 du rayonnement qu'elle reoit, la deuxime transmet
+84 pour 100 du rayonnement qu'elle reoit, la troisime transmet 85 pour
+100 du rayonnement qu'elle reoit.
+
+Dans une autre srie d'expriences, le radium tait enferm dans une
+ampoule de verre place 10cm du condensateur qui recevait les rayons.
+On plaait sur l'ampoule une srie d'crans de plomb identiques dont
+chacun avait une paisseur de 0mm,115.
+
+Le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reu est donn pour
+chacune des lames successives par la srie des nombres suivants:
+
+ 0,40 0,60 0,72 0,79 0,89 0,92 0,94 0,94 0,97
+
+Pour une srie de 4 crans en plomb dont chacun avait 1mm,5
+d'paisseur, le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reu
+tait donn pour les lames successives par les nombres suivants:
+
+ 0,09 0,78 0,84 0,82
+
+De ces expriences il rsulte que, quand l'paisseur de plomb traverse
+crot de 0mm,1 6mm, le pouvoir pntrant du rayonnement va en
+augmentant.
+
+J'ai constat que, dans les conditions exprimentales indiques, un
+cran de plomb de 1cm,8 d'paisseur transmet 2 pour 100 du rayonnement
+qu'il reoit; un cran de plomb de 5cm,3 d'paisseur transmet encore 0,4
+pour 100 du rayonnement qu'il reoit. J'ai constat galement que le
+rayonnement transmis par une paisseur de plomb gale 1mm,5 comprend
+une forte proportion de rayons dviables (genre cathodique). Ces
+derniers sont donc capables de traverser non seulement de grandes
+distances dans l'air, mais aussi des paisseurs notables de substances
+solides trs absorbantes telles que le plomb.
+
+Quand on tudie avec l'appareil de la figure 2 l'absorption exerce par
+une lame d'aluminium de 0mm,01 d'paisseur sur l'ensemble du rayonnement
+du radium, la lame tant toujours place la mme distance de la
+substance radiante, et le condensateur tant plac une distance
+variable AD, les rsultats obtenus sont la superposition de ce qui est
+d aux trois groupes du rayonnement. Si l'on observe grande distance,
+les rayons pntrants dominent et l'absorption est faible; si l'on
+observe petite distance, les rayons #a# dominent et l'absorption est
+d'autant plus faible qu'on se rapproche plus de la substance; pour une
+distance intermdiaire, l'absorption passe par un maximum et la
+pntration par un minimum.
+
+ Distance AD 7,1 6,5 6,0 5,1 3,4
+ Pour 100 de rayons transmis par
+ l'aluminium 91 82 58 41 48
+
+Toutefois, certaines expriences relatives l'absorption mettent en
+vidence une certaine analogie entre les rayons #a# et les rayons
+dviables #b#. C'est ainsi que M. Becquerel a trouv que l'action
+absorbante d'un cran solide sur les rayons #b# augmente avec la
+distance de l'cran la source, de sorte que, si les rayons sont soumis
+ un champ magntique comme dans la figure 4, un cran plac contre la
+source radiante laisse subsister une portion plus grande du spectre
+magntique que le mme cran plac sur la plaque photographique. Cette
+variation de l'effet absorbant de l'cran avec la distance de cet cran
+ la source est analogue ce qui a lieu pour les rayons #a#; elle a t
+vrifie par MM. Meyer et von Schweidler, qui opraient par la mthode
+fluoroscopique; M. Curie et moi nous avons observ le mme fait en nous
+servant de la mthode lectrique. Les conditions de production de ce
+phnomne n'ont pas encore t tudies. Cependant, quand le radium est
+enferm dans un tube de verre et plac assez grande distance d'un
+condensateur qui est lui-mme enferm dans une bote d'aluminium mince,
+il est indiffrent de placer l'cran contre la source ou contre le
+condensateur; le courant obtenu est alors le mme dans les deux cas.
+
+L'tude des rayons #a# m'avait amene considrer que ces rayons se
+comportent comme des projectiles lancs avec une certaine vitesse et qui
+perdent de leur force vive en franchissant des obstacles[70]. Ces rayons
+jouissent pourtant de la propagation rectiligne comme l'a montr M.
+Becquerel dans l'exprience suivante. Le polonium mettant les rayons
+tait plac dans une cavit linaire trs troite, creuse dans une
+feuille de carton. On avait ainsi une source linaire de rayons. Un fil
+de cuivre de 1mm,5 de diamtre tait plac paralllement en face de la
+source une distance de 4mm,9. Une plaque photographique tait place
+paralllement une distance de 8mm,65 au del. Aprs une pose de 10
+minutes, l'ombre gomtrique du fil tait reproduite d'une faon
+parfaite, avec les dimensions prvues et une pnombre trs troite de
+chaque ct correspondant bien la largeur de la source. La mme
+exprience russit galement bien en plaant contre le fil une double
+feuille d'aluminium battu que les rayons sont obligs de traverser.
+
+ [70] Mme CURIE, _Comptes rendus_, 8 janvier 1900.
+
+Il s'agit donc bien de rayons capables de donner des ombres gomtriques
+parfaites. L'exprience avec l'aluminium montre que ces rayons ne sont
+pas diffuss en traversant la lame, et que cette lame n'met pas, tout
+au moins en quantit importante, des rayons secondaires analogues aux
+rayons secondaires des rayons de Rntgen.
+
+Les rayons #a# sont ceux qui semblent actifs dans la trs belle
+exprience ralise dans le _spinthariscope_ de M. Crookes[71]. Cet
+appareil se compose essentiellement d'un grain de sel de radium maintenu
+ l'extrmit d'un fil mtallique en face d'un cran au sulfure de zinc
+phosphorescent. Le grain de radium est une trs petite distance de
+l'cran (0mm,5, par exemple), et l'on regarde au moyen d'une loupe la
+face de l'cran tourne vers le radium. Dans ces conditions l'oeil
+aperoit sur l'cran une vritable pluie de points lumineux qui
+apparaissent et disparaissent continuellement. L'cran prsente l'aspect
+d'un ciel toil. Les points brillants sont plus rapprochs dans les
+rgions de l'cran voisines du radium, et dans le voisinage immdiat de
+celui-ci la lueur parat continue. Le phnomne ne semble pas altr par
+les courants d'air; il se produit dans le vide; un cran mme trs mince
+plac entre le radium et l'cran phosphorescent le supprime; il semble
+donc bien que le phnomne soit d l'action des rayons #a# les plus
+absorbables du radium.
+
+ [71] _Chem. News_, 3 avril 1903.
+
+On peut imaginer que l'apparition d'un des points lumineux sur l'cran
+phosphorescent est provoque par le choc d'un projectile isol. Dans
+cette manire de voir, on aurait affaire, pour la premire fois, un
+phnomne permettant de distinguer l'action individuelle d'une particule
+dont les dimensions sont du mme ordre de grandeur que celles d'un
+atome.
+
+L'aspect des points lumineux est le mme que celui des toiles ou des
+objets ultra-microscopiques fortement clairs qui ne produisent pas sur
+la rtine des images nettes, mais des taches de diffraction; et ceci est
+bien en accord avec la conception que chaque point lumineux extrmement
+petit est produit par le choc d'un seul atome.
+
+Les rayons pntrants non dviables #g# semblent tre de tout autre
+nature et semblent analogues aux rayons Rntgen. Rien ne prouve,
+d'ailleurs, que des rayons peu pntrants de mme nature ne puissent
+exister dans le rayonnement du radium, car ils pourraient tre masqus
+par le rayonnement corpusculaire.
+
+On vient de voir combien le rayonnement des corps radioactifs est un
+phnomne complexe. Les difficults de son tude viennent s'augmenter
+par cette circonstance, qu'il y a lieu de rechercher si ce rayonnement
+prouve de la part de la matire une absorption slective seulement, ou
+bien aussi une transformation plus ou moins profonde.
+
+On ne sait encore que peu de choses relativement cette question.
+Toutefois, si l'on admet que le rayonnement du radium comporte la fois
+des rayons genre cathodique et des rayons genre Rntgen, on peut
+s'attendre ce que ce rayonnement prouve des transformations en
+traversant les crans. On sait, en effet: 1 que les rayons cathodiques
+qui sortent du tube de Crookes travers une fentre d'aluminium
+(exprience de Lenard) sont fortement diffuss par l'aluminium, et que,
+de plus, la traverse de l'cran entrane une diminution de la vitesse
+des rayons; c'est ainsi que des rayons cathodiques d'une vitesse gale
+1,4 10^{10} centimtres perdent 10 pour 100 de leur vitesse en
+traversant 0mm,01 d'aluminium[72]; 2 les rayons cathodiques, en
+frappant un obstacle, donnent lieu la production de rayons Rntgen; 3
+les rayons Rntgen, en frappant un obstacle solide, donnent lieu une
+production de _rayons secondaires_, qui sont en partie des rayons
+cathodiques[73].
+
+ [72] DES COUDRES, _Physik. Zeitschrift_, novembre 1902.
+
+ [73] SAGNAC, _Thse de doctorat_.--CURIE et SAGNAC, _Comptes rendus_,
+ avril 1900.
+
+On peut donc, par analogie, prvoir l'existence de tous les phnomnes
+prcdents pour les rayons des substances radioactives.
+
+En tudiant la transmission des rayons du polonium travers un cran
+d'aluminium, M. Becquerel n'a observ ni production de rayons
+secondaires ni transformation en rayons genre cathodique[74].
+
+ [74] BECQUEREL, _Rapports au Congrs de Physique_, 1900.
+
+J'ai cherch mettre en vidence une transformation des rayons du
+polonium, en employant la mthode de l'interversion des crans: deux
+crans superposs E_{1} et E_{2} tant traverss par les rayons, l'ordre
+dans lequel ils sont traverss doit tre indiffrent, si le passage au
+travers des crans ne transforme pas les rayons; si, au contraire,
+chaque cran transforme les rayons en les transmettant, l'ordre des
+crans n'est pas indiffrent. Si, par exemple, les rayons se
+transforment en rayons plus absorbables en traversant du plomb, et que
+l'aluminium ne produise pas un effet du mme genre avec la mme
+importance, alors le systme plomb-aluminium paratra plus opaque que le
+systme aluminium-plomb; c'est ce qui a lieu pour les rayons Rntgen.
+
+Mes expriences indiquent que ce phnomne se produit avec les rayons du
+polonium. L'appareil employ tait celui de la figure 8. Le polonium
+tait plac dans la bote CCCC et les crans absorbants, ncessairement
+trs minces, taient placs sur la toile mtallique T.
+
+ Courant
+ crans employs. paisseur. observ.
+ mm
+
+ Aluminium 0,01 } 17,9
+ Laiton 0,005 }
+ Laiton 0,005 } 6,7
+ Aluminium 0,01 }
+ Aluminium 0,01 } 150
+ tain 0,005 }
+ tain 0,005 } 125
+ Aluminium 0,01 }
+ tain 0,005 } 13,9
+ Laiton 0,005 }
+ Laiton 0,005 } 4,4
+ tain 0,005 }
+
+Les rsultats obtenus prouvent que le rayonnement est modifi en
+traversant un cran solide. Cette conclusion est d'accord avec les
+expriences dans lesquelles, de deux lames mtalliques identiques et
+superposes, la premire se montre moins absorbante que la suivante. Il
+est probable, d'aprs cela, que l'action transformatrice d'un cran est
+d'autant plus grande que cet cran est plus loin de la source. Ce point
+n'a pas t vrifi, et la nature de la transformation n'a pas encore
+t tudie en dtail.
+
+J'ai rpt les mmes expriences avec un sel de radium trs actif. Le
+rsultat a t ngatif. Je n'ai observ que des variations
+insignifiantes dans l'intensit de la radiation transmise lors de
+l'interversion de l'ordre des crans. Les systmes d'crans essays ont
+t les suivants:
+
+ mm mm
+
+ Aluminium, paisseur 0,55 Platine, paisseur 0,01
+ 0,55 Plomb 0,1
+ 0,55 tain, paisseur 0,005
+ 1,07 Cuivre 0,05
+ 0,55 Laiton 0,005
+ 1,07 Laiton 0,005
+ 0,15 Platine 0,01
+ 0,15 Zinc 0,05
+ 0,15 Plomb 0,1
+
+Le systme plomb-aluminium s'est montr lgrement plus opaque que celui
+aluminium-plomb, mais la diffrence n'est pas grande.
+
+Je n'ai pu mettre ainsi en vidence une transformation notable des
+rayons du radium. Cependant, dans diverses expriences radiographiques,
+M. Becquerel a observ des effets trs intenses dus aux rayons diffuss
+ou secondaires, mis par les crans solides qui recevaient les rayons du
+radium. La substance la plus active, au point de vue de ces missions
+secondaires, semble tre le plomb.
+
+
+_Action ionisante des rayons du radium sur les liquides isolants._
+--M. Curie a montr que les rayons du radium et les rayons de Rntgen
+agissent sur les dilectriques liquides comme sur l'air, en leur
+communiquant une certaine conductibilit lectrique[75]. Voici comment
+tait dispose l'exprience (_fig._ 9).
+
+[Illustration: Fig. 9.]
+
+ [75] P. CURIE, _Comptes rendus de l'Acadmie des Sciences_, 17 fvrier
+ 1902.
+
+Le liquide exprimenter est plac dans un vase mtallique CDEF, dans
+lequel plonge un tube de cuivre mince AB; ces deux pices mtalliques
+servent d'lectrodes. Le vase est maintenu un potentiel connu, au
+moyen d'une batterie de petits accumulateurs, dont un ple est terre.
+Le tube AB est en relation avec l'lectromtre. Lorsqu'un courant
+traverse le liquide, on maintient l'lectromtre au zro l'aide d'un
+quartz pizolectrique qui donne la mesure du courant. Le tube de
+cuivre MNM'N', reli au sol, sert de tube de garde pour empcher le
+passage du courant travers l'air. Une ampoule contenant le sel de
+baryum radifre peut tre place au fond du tube AB; les rayons agissent
+sur le liquide aprs avoir travers le verre de l'ampoule et les parois
+du tube mtallique. On peut encore faire agir le radium en plaant
+l'ampoule en dessous de la paroi DE.
+
+Pour agir avec les rayons de Rntgen, on fait arriver ces rayons au
+travers de la paroi DE.
+
+L'accroissement de conductibilit par l'action des rayons du radium ou
+des rayons de Rntgen semble se produire pour tous les dilectriques
+liquides; mais, pour constater cet accroissement, il est ncessaire que
+la conductibilit propre du liquide soit assez faible pour ne pas
+masquer l'effet des rayons.
+
+En oprant avec le radium et les rayons de Rntgen, M. Curie a obtenu
+des effets du mme ordre de grandeur.
+
+Quand on tudie avec le mme dispositif la conductibilit de l'air ou
+d'un autre gaz sous l'action des rayons de Becquerel, on trouve que
+l'intensit du courant obtenu est proportionnelle la diffrence de
+potentiel entre les lectrodes, tant que celle-ci ne dpasse pas
+quelques volts; mais pour des tensions plus leves, l'intensit du
+courant crot de moins en moins vite, et le courant de saturation est
+sensiblement atteint pour une tension de 100 volts.
+
+Les liquides tudis avec le mme appareil et avec le mme produit
+radiant trs actif se comportent diffremment; l'intensit du courant
+est proportionnelle la tension quand celle-ci varie entre 0 et 450
+volts, et cela mme quand la distance des lectrodes ne dpasse pas 6mm.
+On peut alors considrer la _conductivit_ provoque dans divers
+liquides par le rayonnement d'un sel de radium agissant dans les mmes
+conditions.
+
+Les nombres du Tableau suivant multipli par 10^{-14} donnent la
+conductivit en mhos (inverse d'ohm) pour 1cm3:
+
+ Sulfure de carbone 20
+ ther de ptrole 15
+ Amylne 14
+ Chlorure de carbone 8
+ Benzine 4
+ Air liquide 1,3
+ Huile de vaseline 1,6
+
+On peut cependant supposer que les liquides et les gaz se comportent
+d'une faon analogue, mais que, pour les liquides, le courant reste
+proportionnel la tension jusqu' une limite bien plus leve que pour
+les gaz. On pouvait, par analogie avec ce qui a lieu pour les gaz,
+chercher abaisser la limite de proportionnalit en employant un
+rayonnement beaucoup plus faible. L'exprience a vrifi cette
+prvision; le produit radiant employ tait 150 fois moins actif que
+celui qui avait servi pour les premires expriences. Pour des tensions
+de 50, 100, 200, 400 volts, les intensits du courant taient
+reprsentes respectivement par les nombres 109, 185, 255, 335. La
+proportionnalit ne se maintient plus, mais le courant varie encore
+fortement quand on double la diffrence de potentiel.
+
+Quelques-uns des liquides examins sont des isolants peu prs
+parfaits, quand ils sont maintenus temprature constante, et qu'ils
+sont l'abri de l'action des rayons. Tels sont: l'air liquide, l'ther
+de ptrole, l'huile de vaseline, l'amylne. Il est alors trs facile
+d'tudier l'effet des rayons. L'huile de vaseline est beaucoup moins
+sensible l'action des rayons que l'ther de ptrole. Il convient
+peut-tre de rapprocher ce fait de la diffrence de volatilit qui
+existe entre ces deux hydrocarbures. L'air liquide qui a bouilli pendant
+quelque temps dans le vase d'exprience est plus sensible l'action des
+rayons que celui que l'on vient d'y verser; la conductivit produite par
+les rayons est de 1/4 plus grande dans le premier cas. M. Curie a tudi
+sur l'amylne et sur l'ther de ptrole l'action des rayons aux
+tempratures de +10 et de -17. La conductivit due au rayonnement
+diminue de 1/10 seulement de sa valeur, quand on passe de 10 -17.
+
+Dans les expriences o l'on fait varier la temprature du liquide on
+peut soit maintenir le radium la temprature ambiante, soit le porter
+ la mme temprature que le liquide; on obtient le mme rsultat dans
+les deux cas. Cela tient ce que le rayonnement du radium ne varie pas
+avec la temprature, et conserve encore la mme valeur mme la
+temprature de l'air liquide. Ce fait a t vrifi directement par des
+mesures.
+
+
+_Divers effets et applications de l'action ionisante des rayons mis par
+les substances radioactives._--Les rayons des nouvelles substances
+radioactives ionisent l'air fortement. On peut, par l'action du radium,
+provoquer facilement _la condensation de la vapeur d'eau sursature_,
+absolument comme cela a lieu par l'action des rayons cathodiques et des
+rayons Rntgen.
+
+Sous l'influence des rayons mis par les substances radioactives
+nouvelles, la _distance explosive entre deux conducteurs mtalliques
+pour une diffrence de potentiel donne se trouve augmente_; autrement
+dit, le passage de l'tincelle est facilit par l'action des rayons. Ce
+phnomne est d l'action des rayons les plus pntrants. Si, en
+effet, on entoure le radium d'une enveloppe en plomb de 2cm, l'action du
+radium sur l'tincelle n'est pas considrablement affaiblie, alors que
+le rayonnement qui traverse n'est qu'une trs faible fraction du
+rayonnement total.
+
+En rendant conducteur, par l'action des substances radioactives, l'air
+au voisinage de deux conducteurs mtalliques, dont l'un est reli au sol
+et l'autre un lectromtre bien isol, on voit l'lectromtre prendre
+une dviation permanente, qui permet de mesurer la force lectromotrice
+de la pile forme par l'air et les deux mtaux (force lectromotrice de
+contact des deux mtaux, quand ils sont spars par l'air). Cette
+mthode de mesures a t employe par lord Kelwin et ses lves, la
+substance radiante tant l'uranium[76]; une mthode analogue avait t
+antrieurement employe par M. Perrin qui utilisait l'action ionisante
+des rayons Rntgen[77].
+
+ [76] LORD KELWIN, BEATTIE et SMOLAN, _Nature_, 1897.
+
+ [77] PERRIN, _Thse de doctorat_.
+
+On peut se servir des substances radioactives dans l'tude de
+l'lectricit atmosphrique. La substance active est enferme dans une
+petite bote en aluminium mince, fixe l'extrmit d'une tige
+mtallique en relation avec l'lectromtre. L'air est rendu conducteur
+au voisinage de l'extrmit de la tige, et celle-ci prend le potentiel
+de l'air qui l'entoure. Le radium remplace ainsi avec avantage les
+flammes ou les appareils coulement d'eau de lord Kelwin, gnralement
+employs jusqu' prsent dans l'tude de l'lectricit atmosphrique[78].
+
+ [78] PAULSEN, _Rapports au Congrs de Physique_, 1900.--WITKOWSKI,
+ _Bulletin de l'Acadmie des Sciences de Cracovie_, janvier 1902.
+
+_Effets de fluorescence, effets lumineux._--Les rayons mis par les
+nouvelles substances radioactives provoquent la fluorescence de certains
+corps. M. Curie et moi, nous avons tout d'abord dcouvert ce phnomne
+en faisant agir le polonium au travers d'une feuille d'aluminium sur une
+couche de platinocyanure de baryum. La mme exprience russit encore
+plus facilement avec du baryum radifre suffisamment actif. Quand la
+substance est fortement radioactive, la fluorescence produite est trs
+belle.
+
+Un grand nombre de substances sont susceptibles de devenir
+phosphorescentes ou fluorescentes par l'action des rayons de Becquerel.
+M. Becquerel a tudi l'action sur les sels d'urane, le diamant, la
+blende, etc. M. Bary a montr que les sels des mtaux alcalins et
+alcalino-terreux, qui sont tous fluorescents sous l'action des rayons
+lumineux et des rayons Rntgen, sont galement fluorescents sous
+l'action des rayons du radium[79]. On peut galement observer la
+fluorescence du papier, du coton, du verre, etc., au voisinage du
+radium. Parmi les diffrentes espces de verre, le verre de Thuringe est
+particulirement lumineux. Les mtaux ne semblent pas devenir lumineux.
+
+ [79] BARY, _Comptes rendus_, t. CXXX, 1900, p. 776.
+
+Le platinocyanure de baryum convient le mieux quand on veut tudier le
+rayonnement des corps radioactifs par la mthode fluoroscopique. On peut
+suivre l'effet des rayons du radium des distances suprieures 2m.
+Le sulfure de zinc phosphorescent est rendu extrmement lumineux, mais
+ce corps a l'inconvnient de conserver la luminosit pendant quelque
+temps, aprs que l'action des rayons a t supprime.
+
+On peut observer la fluorescence produite par le radium quand l'cran
+fluorescent est spar du radium par des crans absorbants. Nous avons
+pu observer l'clairement d'un cran au platinocyanure de baryum
+travers le corps humain. Cependant, l'action est incomparablement plus
+intense, quand l'cran est plac tout contre le radium et qu'il n'en est
+spar par aucun cran solide. Tous les groupes de rayons semblent
+capables de produire la fluorescence.
+
+Pour observer l'action du polonium il est ncessaire de mettre la
+substance tout prs de l'cran fluorescent sans interposition d'cran
+solide, ou tout au moins avec interposition d'un cran trs mince
+seulement.
+
+La luminosit des substances fluorescentes exposes l'action des
+substances radioactives baisse avec le temps. En mme temps la substance
+fluorescente subit une transformation. En voici quelques exemples:
+
+Les rayons du radium transforment le platinocyanure de baryum en une
+varit brune moins lumineuse (action analogue celle produite par les
+rayons Rntgen et dcrite par M. Villard). Ils altrent galement le
+sulfate d'uranyle et de potassium en le faisant jaunir. Le
+platinocyanure de baryum transform est rgnr partiellement par
+l'action de la lumire. Plaons le radium au-dessous d'une couche de
+platinocyanure de baryum tale sur du papier, le platinocyanure devient
+lumineux; si l'on maintient le systme dans l'obscurit, le
+platinocyanure s'altre, et sa luminosit baisse considrablement. Mais,
+exposons le tout la lumire; le platinocyanure est partiellement
+rgnr, et si l'on reporte le tout dans l'obscurit, la luminosit
+reparat assez forte. On a donc, au moyen d'un corps fluorescent et d'un
+corps radioactif, ralis un systme qui fonctionne comme un corps
+phosphorescent longue dure de phosphorescence.
+
+Le verre, qui est rendu fluorescent par l'action du radium, se colore en
+brun ou en violet. En mme temps, il devient moins fluorescent. Si l'on
+chauffe ce verre ainsi altr, il se dcolore et, en mme temps que la
+dcoloration se produit, le verre met de la lumire. Aprs cela le
+verre a repris la proprit d'tre fluorescent au mme degr qu'avant la
+transformation.
+
+Le sulfure de zinc qui a t expos l'action du radium pendant un
+temps suffisant s'puise peu peu et perd la facult d'tre
+phosphorescent, soit sous l'action du radium, soit sous celle de la
+lumire.
+
+Le diamant est rendu phosphorescent par l'action du radium et peut tre
+distingu ainsi des imitations en strass, dont la luminosit est trs
+faible.
+
+Tous les composs de baryum radifre _sont spontanment lumineux_[80].
+Les sels halodes, anhydres et secs, mettent une lumire
+particulirement intense. Cette luminosit ne peut tre vue la grande
+lumire du jour, mais on la voit facilement dans la demi-obscurit ou
+dans une pice claire la lumire du gaz. La lumire mise peut tre
+assez forte pour que l'on puisse lire en s'clairant avec un peu de
+produit dans l'obscurit. La lumire mise mane de toute la masse du
+produit, tandis que, pour un corps phosphorescent ordinaire, la lumire
+mane surtout de la partie de la surface qui a t claire. A l'air
+humide les produits radifres perdent en grande partie leur luminosit,
+mais ils la reprennent par desschement (Giesel). La luminosit semble
+se conserver. Au bout de plusieurs annes aucune modification sensible
+ne semble s'tre produite dans la luminosit de produits faiblement
+actifs, gards en tubes scells l'obscurit. Avec du chlorure de
+baryum radifre, trs actif et trs lumineux, la lumire change de
+teinte au bout de quelques mois; elle devient plus violace et
+s'affaiblit beaucoup; en mme temps le produit subit certaines
+transformations; en redissolvant le sel dans l'eau et en le schant
+nouveau, on obtient la luminosit primitive.
+
+ [80] CURIE, _Soc. de Physique_, 3 mars 1899.--GIESEL, _Wied. Ann._, t.
+ LXIX, p. 91.
+
+Les solutions de sels de baryum radifres, qui contiennent une forte
+proportion de radium, sont galement lumineuses; on peut observer ce
+fait en plaant la solution dans une capsule de platine qui, n'tant pas
+lumineuse elle-mme, permet d'apercevoir la luminosit faible de la
+solution.
+
+Quand une solution de sel de baryum radifre contient des cristaux qui
+s'y sont dposs, ces cristaux sont lumineux au sein de la solution, et
+ils le sont bien plus que la solution elle-mme, de sorte que, dans ces
+conditions, ils semblent seuls lumineux.
+
+M. Giesel a prpar du platinocyanure de baryum radifre. Quand ce sel
+vient de cristalliser, il a l'aspect du platinocyanure de baryum
+ordinaire, et il est trs lumineux. Mais peu peu le sel se colore
+spontanment et prend une teinte brune, en mme temps que les cristaux
+deviennent dichroques. A cet tat, le sel est bien moins lumineux,
+quoique sa radioactivit ait augment[81]. Le platinocyanure de radium,
+prpar par M. Giesel, s'altre encore bien plus rapidement.
+
+ [81] GIESEL, _Wied. Ann._, t. LXIX, p. 91.
+
+Les composs de radium constituent le premier exemple de substances
+spontanment lumineuses.
+
+
+_Dgagement de chaleur par les sels de radium._--Tout rcemment MM.
+Curie et Laborde ont trouv que _les sels de radium sont le sige d'un
+dgagement de_ _chaleur spontan et continu_[82]. Ce dgagement de
+chaleur a pour effet de maintenir les sels de radium une temprature
+plus leve que la temprature ambiante; l'excs de temprature dpend
+d'ailleurs de l'isolement thermique de la substance. Cet excs de
+temprature peut tre mis en vidence par une exprience grossire faite
+au moyen de deux thermomtres mercure ordinaires. On utilise deux
+vases isolateurs thermiques vide, identiques entre eux. Dans l'un des
+vases on place une ampoule de verre contenant 7dg de bromure de
+radium pur; dans le deuxime vase on place une autre ampoule de verre
+toute pareille qui contient une substance inactive quelconque, par
+exemple du chlorure de baryum. La temprature de chaque enceinte est
+indique par un thermomtre dont le rservoir est plac au voisinage
+immdiat de l'ampoule. L'ouverture des isolateurs est ferme par du
+coton. Quand l'quilibre de temprature est tabli, le thermomtre qui
+se trouve dans le mme vase que le radium indique constamment une
+temprature suprieure celle indique par l'autre thermomtre; l'excs
+de temprature observ tait de 3.
+
+ [82] CURIE et LABORDE, _Comptes rendus_, 16 mars 1903.
+
+On peut valuer la quantit de chaleur dgage par le radium l'aide du
+calorimtre glace de Bunsen. En plaant dans ce calorimtre une
+ampoule de verre qui contient le sel de radium, on constate un apport
+continu de chaleur qui s'arrte ds qu'on loigne le radium. La mesure
+faite avec un sel de radium prpar depuis longtemps indique que chaque
+gramme de radium dgage environ 80 petites calories pendant chaque
+heure. Le radium dgage donc pendant une heure une quantit de chaleur
+suffisante pour fondre son poids de glace, et un atome gramme (225g) de
+radium dgagerait en une heure 18000cal, soit une quantit de chaleur
+comparable celle qui est produite par la combustion d'un atome gramme
+(1g) d'hydrogne. Un dbit de chaleur aussi considrable ne saurait
+tre expliqu par aucune raction chimique ordinaire, et cela d'autant
+plus que l'tat du radium semble rester le mme pendant des annes. On
+pourrait penser que le dgagement de chaleur est d une transformation
+de l'atome de radium lui-mme, transformation ncessairement trs lente.
+S'il en tait ainsi, on serait amen conclure que les quantits
+d'nergie mises en jeu dans la formation et dans la transformation des
+atomes sont considrables et dpassent tout ce qui nous est connu.
+
+On peut encore valuer la chaleur dgage par le radium diverses
+tempratures en l'utilisant pour faire bouillir un gaz liqufi et en
+mesurant le volume du gaz qui se dgage. On peut faire cette exprience
+avec du chlorure de mthyle ( -21). L'exprience a t faite par MM.
+Dewar et Curie avec l'oxygne liquide ( -180) et avec l'hydrogne
+liquide ( -252). Ce dernier corps convient particulirement bien pour
+raliser l'exprience. Une prouvette A, entoure d'un isolateur
+thermique vide, contient de l'hydrogne liquide H (_fig._ 10); elle
+est munie d'un tube de dgagement _t_ qui permet de recueillir le gaz
+dans une prouvette gradue E remplie d'eau. L'prouvette A et son
+isolateur plongent dans un bain d'hydrogne liquide H'. Dans ces
+conditions aucun dgagement gazeux ne se produit dans l'prouvette A.
+Lorsque l'on introduit, dans l'hydrogne liquide contenu dans cette
+prouvette, une ampoule qui contient 7dg de bromure de radium, il se
+fait un dgagement continu de gaz, et l'on recueille 73cm3 de gaz
+par minute.
+
+[Illustration: Fig. 10.]
+
+Un sel de radium solide qui vient d'tre prpar dgage une quantit de
+chaleur relativement faible; mais ce dbit de chaleur augmente
+continuellement et tend vers une valeur dtermine qui n'est pas encore
+tout fait atteinte au bout d'un mois. Quand on dissout dans l'eau un
+sel de radium et qu'on enferme la solution en tube scell, la quantit
+de chaleur dgage par la solution est d'abord faible; elle augmente
+ensuite et tend devenir constante au bout d'un mois; le dbit de
+chaleur est alors le mme que celui d au mme sel l'tat solide.
+
+Quand on a mesur l'aide du calorimtre Bunsen la chaleur dgage par
+un sel de radium contenu dans une ampoule de verre, certains rayons
+pntrants du radium traversent l'ampoule et le calorimtre sans y tre
+absorbs. Pour voir si ces rayons emportent une quantit d'nergie
+apprciable, on peut refaire une mesure en entourant l'ampoule d'une
+feuille de plomb de 2mm d'paisseur; on trouve que, dans ces conditions,
+le dgagement de chaleur est augment de 4 pour 100 environ de sa
+valeur; l'nergie mise par le radium sous forme de rayons pntrants
+n'est donc nullement ngligeable.
+
+
+_Effets chimiques produits par les nouvelles substances radioactives.
+Colorations._--Les radiations mises par les substances fortement
+radioactives sont susceptibles de provoquer certaines transformations,
+certaines ractions chimiques. Les rayons mis par les produits
+radifres exercent des actions colorantes sur le verre et la
+porcelaine[83].
+
+ [83] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, t. CXXIX, novembre 1899, p.
+ 823.
+
+La coloration du verre, gnralement brune ou violette, est trs
+intense; elle se produit dans la masse mme du verre, elle persiste
+aprs l'loignement du radium. Tous les verres se colorent en un temps
+plus ou moins long, et la prsence du plomb n'est pas ncessaire. Il
+convient de rapprocher ce fait de celui, observ rcemment, de la
+coloration des verres des tubes vide producteurs des rayons de Rntgen
+aprs un long usage.
+
+M. Giesel a montr que les sels halodes cristalliss des mtaux
+alcalins (sel gemme, sylvine) se colorent sous l'influence du radium,
+comme sous l'action des rayons cathodiques. M. Giesel montre que l'on
+obtient des colorations du mme genre en faisant sjourner les sels
+alcalins dans la vapeur de sodium[84].
+
+ [84] GIESEL, _Soc. de Phys. allemande_, janvier 1900.
+
+J'ai tudi la coloration d'une collection de verres de composition
+connue, qui m'a t obligeamment prte cet effet par M. Le Chatelier.
+Je n'ai pas observ de grande varit dans la coloration. Elle est
+gnralement violette, jaune, brune ou grise. Elle semble lie la
+prsence des mtaux alcalins.
+
+Avec les sels alcalins purs cristalliss on obtient des colorations plus
+varies et plus vives; le sel, primitivement blanc, devient bleu, vert,
+jaune brun, etc.
+
+M. Becquerel a montr que le phosphore blanc est transform en phosphore
+rouge par l'action du radium.
+
+Le papier est altr et color par l'action du radium. Il devient
+fragile, s'effrite et ressemble enfin une passoire crible de trous.
+
+Dans certaines circonstances il y a production d'ozone dans le voisinage
+de composs trs actifs. Les rayons qui sortent d'une ampoule scelle,
+renfermant du radium, ne produisent pas d'ozone dans l'air qu'ils
+traversent. Au contraire, une forte odeur d'ozone se dgage quand on
+ouvre l'ampoule. D'une manire gnrale l'ozone se produit dans l'air,
+quand il y a communication directe entre celui-ci et le radium. La
+communication par un conduit mme extrmement troit est suffisante; il
+semble que la production d'ozone soit lie la propagation de la
+radioactivit induite, dont il sera question plus loin.
+
+Les composs radifres semblent s'altrer avec le temps, sans doute sous
+l'action de leur propre radiation. On a vu plus haut que les cristaux de
+chlorure de baryum radifres qui sont incolores au moment du dpt
+prennent peu peu une coloration tantt jaune ou orange, tantt rose;
+cette coloration disparat par la dissolution. Le chlorure de baryum
+radifre dgage des composs oxygns du chlore: le bromure dgage du
+brome. Ces transformations lentes s'affirment gnralement quelque temps
+aprs la prparation du produit solide, lequel, en mme temps, change
+d'aspect et de couleur, en prenant une teinte jaune ou violace. La
+lumire mise devient aussi plus violace.
+
+Les sels de radium purs semblent prouver les mmes transformations que
+ceux qui contiennent du baryum. Toutefois les cristaux de chlorure,
+dposs en solution acide, ne se colorent pas sensiblement pendant un
+temps qui est suffisant, pour que les cristaux de chlorure de baryum
+radifres, riches en radium, prennent une coloration intense.
+
+
+_Dgagement de gaz en prsence des sels de radium._--Une solution de
+bromure de radium dgage des gaz d'une manire continue[85]. Ces gaz
+sont principalement de l'hydrogne et de l'oxygne, et la composition du
+mlange est voisine de celle de l'eau; on peut admettre qu'il y a
+dcomposition de l'eau en prsence du sel de radium.
+
+ [85] GIESEL, _Ber._, 1903, p. 347.--RAMSAY et SODDY, _Phys.
+ Zeitschr._, 15 septembre 1903.
+
+Les sels solides de radium (chlorure, bromure) donnent aussi lieu un
+dgagement continu de gaz. Ces gaz remplissent les pores du sel solide
+et se dgagent assez abondamment quand on dissout le sel. On trouve dans
+le mlange gazeux de l'hydrogne, de l'oxygne, de l'acide carbonique,
+de l'hlium; le spectre des gaz prsente aussi quelques raies
+inconnues[86].
+
+ [86] RAMSAY et SODDY, _loc. cit._
+
+On peut attribuer des dgagements gazeux deux accidents qui se sont
+produits dans les expriences de M. Curie. Une ampoule de verre mince
+scelle, remplie presque compltement par du bromure de radium solide et
+sec, a fait explosion deux mois aprs la fermeture sous l'effet d'un
+faible chauffement; l'explosion tait probablement due la pression du
+gaz intrieur. Dans une autre exprience une ampoule contenant du
+chlorure de radium prpar depuis longtemps communiquait avec un
+rservoir d'assez grand volume dans lequel on maintenait un vide trs
+parfait. L'ampoule ayant t soumise un chauffement assez rapide vers
+300, le sel fit explosion; l'ampoule fut brise, et le sel fut projet
+ distance; il ne pouvait y avoir de pression notable dans l'ampoule au
+moment de l'explosion. L'appareil avait d'ailleurs t soumis un essai
+de chauffage dans les mmes conditions en l'absence du sel de radium, et
+aucun accident ne s'tait produit.
+
+Ces expriences montrent qu'il y a danger chauffer du sel de radium
+prpar depuis longtemps et qu'il y a aussi danger conserver pendant
+longtemps du radium en tube scell.
+
+
+_Production de thermoluminescence._--Certains corps, tels que la
+fluorine, deviennent lumineux quand on les chauffe; ils sont
+thermoluminescents; leur luminosit s'puise au bout de quelque temps;
+mais la facult de devenir de nouveau lumineux par la chaleur est
+restitue ces corps par l'action d'une tincelle et aussi par l'action
+du radium. Le radium peut donc restituer ces corps leurs proprits
+thermoluminescentes[87]. Lors de la chauffe la fluorine prouve une
+transformation qui est accompagne d'une mission de lumire. Quand la
+fluorine est ensuite soumise l'action du radium, une transformation se
+refait en sens inverse, et elle est encore accompagne d'une mission de
+lumire.
+
+ [87] BECQUEREL, _Rapports au Congrs de Physique_, 1900.
+
+Un phnomne absolument analogue se produit pour le verre expos aux
+rayons du radium. L aussi une transformation se produit dans le verre,
+pendant qu'il est lumineux sous l'action des rayons du radium; cette
+transformation est mise en vidence par la coloration qui apparat et
+augmente progressivement. Quand on chauffe ensuite le verre ainsi
+modifi, la transformation inverse se produit, la coloration disparat,
+et ce phnomne est accompagn de production de lumire. Il parat fort
+probable qu'il y a l une modification de nature chimique, et la
+production de lumire est lie cette modification. Ce phnomne
+pourrait tre gnral. Il pourrait se faire que la production de
+fluorescence par l'action du radium et la luminosit des substances
+radifres fussent ncessairement lies un phnomne de transformation
+chimique ou physique de la substance qui met la lumire.
+
+
+_Radiographies._--L'action radiographique des nouvelles substances
+radioactives est trs intense. Toutefois la manire d'oprer doit tre
+trs diffrente avec le polonium et le radium. Le polonium n'agit qu'
+trs petite distance, et son action est considrablement affaiblie par
+des crans solides; il est facile de la supprimer pratiquement au moyen
+d'un cran peu pais (1mm de verre). Le radium agit des distances
+considrablement plus grandes. L'action radiographique des rayons du
+radium s'observe plus de 2m de distance dans l'air, et cela mme quand
+le produit radiant est enferm dans une ampoule de verre. Les rayons qui
+agissent dans ces conditions appartiennent aux groupes #b# et #g#.
+Grce aux diffrences qui existent entre la transparence de diverses
+matires pour les rayons, on peut, comme avec les rayons Rntgen,
+obtenir des radiographies de divers objets. Les mtaux sont, en gnral,
+opaques, sauf l'aluminium qui est trs transparent. Il n'existe pas de
+diffrence de transparence notable entre les chairs et les os. On peut
+oprer grande distance et avec des sources de trs petites dimensions;
+on a alors des radiographies trs fines. Il est trs avantageux, pour la
+beaut des radiographies, de renvoyer les rayons #b# de ct, au moyen
+d'un champ magntique, et de n'utiliser que les rayons #g#. Les rayons
+#b#, en traversant l'objet radiographier, prouvent, en effet, une
+certaine diffusion et occasionnent un certain flou. En les supprimant,
+on est oblig d'employer des temps de pose plus grands, mais les
+rsultats sont meilleurs. La radiographie d'un objet, tel qu'un
+porte-monnaie, demande un jour avec une source radiante constitue par
+quelques centigrammes de sel de radium, enferm dans une ampoule de
+verre et plac 1m de la plaque sensible, devant laquelle se trouve
+l'objet. Si la source est 20cm de distance de la plaque, le mme
+rsultat est obtenu en une heure. Au voisinage immdiat de la source
+radiante, une plaque sensible est instantanment impressionne.
+
+[Illustration: Fig. 11.
+
+Radiographie obtenue avec les rayons du radium.]
+
+
+_Effets physiologiques._--Les rayons du radium exercent une action sur
+l'piderme. Cette action a t observe par M. Walkhoff et confirme par
+M. Giesel, puis par MM. Becquerel et Curie[88].
+
+ [88] WALKHOFF, _Phot. Rundschau_, octobre 1900.--GIESEL, _Berichte
+ d. deutsch. chem. Gesell._, t. XXIII.--BECQUEREL et CURIE, _Comptes
+ rendus_, t. CXXXII, p. 1289.
+
+Si l'on place sur la peau une capsule en cellulod ou en caoutchouc
+mince renfermant un sel de radium trs actif et qu'on l'y laisse
+pendant quelque temps, une rougeur se produit sur la peau, soit de
+suite, soit au bout d'un temps qui est d'autant plus long que l'action a
+t plus faible et moins prolonge; cette tache rouge apparat
+l'endroit qui a t expos l'action; l'altration locale de la peau se
+manifeste et volue comme une brlure. Dans certains cas il se forme une
+ampoule. Si l'exposition a t prolonge, il se produit une ulcration
+trs longue gurir. Dans une exprience, M. Curie a fait agir sur son
+bras un produit radiant relativement peu actif pendant 10 heures. La
+rougeur se manifesta de suite, et il se forma plus tard une plaie qui
+mit 4 mois gurir. L'piderme a t dtruit localement, et n'a pu se
+reconstituer l'tat sain que lentement et pniblement avec formation
+d'une cicatrice trs marque. Une brlure au radium avec exposition
+d'une demi-heure apparut au bout de 15 jours, forma une ampoule et
+gurit en 15 jours. Une autre brlure, faite avec une exposition de 8
+minutes seulement, occasionna une tache rouge qui apparut au bout de 2
+mois seulement et son effet fut insignifiant.
+
+L'action du radium sur la peau peut se produire travers les mtaux,
+mais elle est affaiblie. Pour se garantir de l'action, il faut viter de
+garder longtemps le radium sur soi autrement qu'envelopp dans une
+feuille de plomb.
+
+L'action du radium sur la peau a t tudie par M. le Dr Danlos,
+l'hpital Saint-Louis, comme procd de traitement de certaines maladies
+de la peau, procd comparable au traitement par les rayons Rntgen ou
+la lumire ultra-violette. Le radium donne ce point de vue des
+rsultats encourageants; l'piderme partiellement dtruit par l'action
+du radium se reforme l'tat sain. L'action du radium est plus profonde
+que celle de la lumire, et son emploi est plus facile que celui de la
+lumire ou des rayons Rntgen. L'tude des conditions de l'application
+est ncessairement un peu longue, parce qu'on ne peut se rendre compte
+immdiatement de l'effet de l'application.
+
+M. Giesel a remarqu l'action du radium sur les feuilles des plantes.
+Les feuilles soumises l'action jaunissent et s'effritent.
+
+M. Giesel a galement dcouvert l'action des rayons du radium sur
+l'oeil[89]. Quand on place dans l'obscurit un produit radiant au
+voisinage de la paupire ferme ou de la tempe, on a la sensation d'une
+lumire qui remplit l'oeil. Ce phnomne a t tudi par MM. Himstedt
+et Nagel[90]. Ces physiciens ont montr que tous les milieux de l'oeil
+deviennent fluorescents par l'action du radium, et c'est ce qui explique
+la sensation de lumire perue. Les aveugles chez lesquels la rtine est
+intacte, sont sensibles l'action du radium, tandis que ceux dont la
+rtine est malade n'prouvent pas la sensation lumineuse due aux rayons.
+
+ [89] GIESEL, _Naturforscherrersammlung_, Mnchen, 1899.
+
+ [90] HIMSTEDT et NAGEL, _Ann. der Physik_, t. IV, 1901.
+
+Les rayons du radium empchent ou entravent le dveloppement des
+colonies microbiennes, mais cette action n'est pas trs intense[91].
+
+ [91] ASCHKINASS et CASPARI, _Ann. der Physik_, t. VI, 1901, p. 570.
+
+Rcemment, M. Danysz a montr que les rayons du radium agissent
+nergiquement sur la moelle et sur le cerveau. Aprs une action d'une
+heure, des paralysies se produisent chez les animaux soumis aux
+expriences, et ceux-ci meurent gnralement au bout de quelques
+jours[92].
+
+ [92] DANYSZ, _Comptes rendus_, 16 fvrier 1903.
+
+
+_Action de la temprature sur le rayonnement._--On n'a encore que peu de
+renseignements sur la manire dont varie l'mission des corps
+radioactifs avec la temprature. Nous savons cependant que l'mission
+subsiste aux basses tempratures. M. Curie a plac dans l'air liquide
+un tube de verre qui contenait du chlorure de baryum radifre[93]. La
+luminosit du produit radiant persiste dans ces conditions. Au moment o
+l'on retire le tube de l'enceinte froide, il parat mme plus lumineux
+qu' la temprature ambiante. A la temprature de l'air liquide, le
+radium continue exciter la fluorescence du sulfate d'uranyle et de
+potassium. M. Curie a vrifi par des mesures lectriques que le
+rayonnement, mesur une certaine distance de la source radiante,
+possde la mme intensit quand le radium est la temprature ambiante,
+ou quand il est dans une enceinte la temprature de l'air liquide.
+Dans ces expriences, le radium tait plac au fond d'un tube ferm un
+bout. Les rayons sortaient du tube par le bout ouvert, traversaient un
+certain espace d'air et taient recueillis dans un condensateur. On
+mesurait l'action des rayons sur l'air du condensateur, soit en laissant
+le tube dans l'air, soit en l'entourant d'air liquide jusqu' une
+certaine hauteur. Le rsultat obtenu tait le mme dans les deux cas.
+
+ [93] CURIE, _Socit de Physique_, 2 mars 1900.
+
+Quand on porte le radium une temprature leve, sa radioactivit
+subsiste. Le chlorure de baryum radifre qui vient d'tre fondu (vers
+800) est radioactif et lumineux. Toutefois, une chauffe prolonge
+temprature leve a pour effet d'abaisser temporairement la
+radioactivit du produit. La baisse est trs importante, elle peut
+constituer 75 pour 100 du rayonnement total. La baisse proportionnelle
+est moins grande sur les rayons absorbables que sur les rayons
+pntrants, qui sont sensiblement supprims par la chauffe. Avec le
+temps, le rayonnement du produit reprend l'intensit et la composition
+qu'il avait avant la chauffe; ce rsultat est atteint au bout de 2 mois
+environ partir de la chauffe.
+
+
+
+
+CHAPITRE IV.
+
+LA RADIOACTIVIT INDUITE.
+
+
+_Communication de la radioactivit des substances primitivement
+inactives._--Au cours de nos recherches sur les substances radioactives,
+nous avons remarqu, M. Curie et moi, que toute substance qui sjourne
+pendant quelque temps au voisinage d'un sel radifre devient elle-mme
+radioactive[94]. Dans notre premire publication ce sujet, nous nous
+sommes attachs prouver que la radioactivit, ainsi acquise par des
+substances primitivement inactives, n'est pas due un transport de
+poussires radioactives qui seraient venues se poser la surface de ces
+substances. Ce fait, actuellement certain, est prouv en toute vidence
+par l'ensemble des expriences qui seront dcrites ici, et notamment par
+les lois suivant lesquelles la radioactivit provoque dans les
+substances naturellement inactives disparat quand on soustrait ces
+substances l'action du radium.
+
+ [94] M. et Mme CURIE, _Comptes rendus_, 6 novembre 1899.
+
+Nous avons donn au phnomne nouveau ainsi dcouvert le nom de
+_radioactivit induite_.
+
+Dans la mme publication, nous avons indiqu les caractres essentiels
+de la radioactivit induite. Nous avons activ des lames de substances
+diverses, en les plaant au voisinage de sels radifres solides et nous
+avons tudi la radioactivit de ces lames par la mthode lectrique.
+Nous avons observ ainsi les faits suivants:
+
+1 L'activit d'une lame expose l'action du radium augmente avec le
+temps de l'exposition en se rapprochant d'une certaine limite, suivant
+une loi asymptotique.
+
+2 L'activit d'une lame qui a t active par l'action du radium et qui
+a t ensuite soustraite cette action disparat en quelques jours.
+Cette activit induite tend vers zro en fonction du temps, suivant une
+loi asymptotique.
+
+3 Toutes conditions gales d'ailleurs, la radioactivit induite par un
+mme produit radifre sur diverses lames est indpendante de la nature
+de la lame. Le verre, le papier, les mtaux s'activent avec la mme
+intensit.
+
+4 La radioactivit induite sur une mme lame par divers produits
+radifres a une valeur limite d'autant plus leve que le produit est
+plus actif.
+
+Peu de temps aprs, M. Rutherford publia un travail, duquel il rsulte
+que les composs du thorium sont capables de produire le phnomne de la
+radioactivit induite[95]. M. Rutherford trouva pour ce phnomne les
+mmes lois que celles qui viennent d'tre exposes, et il dcouvrit en
+plus ce fait important, que les corps chargs d'lectricit ngative
+s'activent plus nergiquement que les autres. M. Rutherford observa
+d'ailleurs que l'air qui a pass sur de l'oxyde de thorium conserve
+pendant 10 minutes environ une conductibilit notable. L'air qui est
+dans cet tat communique la radioactivit induite des substances
+inactives, surtout celles charges ngativement. M. Rutherford
+interprte ses expriences en admettant que les composs du thorium, et
+surtout l'oxyde, mettent une _manation radioactive_ particulire,
+susceptible d'tre entrane par les courants d'air et charge
+d'lectricit positive. Cette manation serait la cause de la
+radioactivit induite. M. Dorn a reproduit, avec les sels de baryum
+radifres, les expriences que M. Rutherford avait faites avec de
+l'oxyde de thorium[96].
+
+ [95] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, janvier et fvrier 1900.
+
+ [96] DORN, _Abh. Naturforsch. Gesell. Halle_, juin 1900.
+
+M. Debierne a montr que l'actinium provoque, d'une faon extrmement
+intense, l'activit induite des corps placs dans son voisinage. De mme
+que pour le thorium, il se produit un entranement considrable de
+l'activit par les courants d'air[97].
+
+ [97] DEBIERNE, _Comptes rendus_, 30 juillet 1900; 16 fvrier 1903.
+
+La radioactivit induite se prsente sous des aspects trs varis, et
+quand on produit l'activation d'une substance au voisinage du radium
+l'air libre, on obtient des rsultats irrguliers. MM. Curie et Debierne
+ont remarqu que le phnomne est, au contraire, trs rgulier quand on
+opre en vase clos; ils ont donc tudi l'activation en enceinte
+ferme[98].
+
+ [98] CURIE et DEBIERNE, _Comptes rendus_, 4 mars 1901.
+
+
+_Activation en enceinte ferme._--La radioactivit induite est la fois
+plus intense et plus rgulire quand on opre en vase clos. La matire
+active est place dans une petite ampoule en verre _a_ ouverte en _o_
+(_fig._ 11) au milieu d'une enceinte close. Diverses plaques A, B, C, D,
+E places dans l'enceinte deviennent radioactives au bout d'un jour
+d'exposition. L'activit est la mme, quelle que soit la nature de la
+plaque, dimensions gales plomb, cuivre, aluminium, verre, bonite,
+cire, carton, paraffine. L'activit d'une face de l'une des lames est
+d'autant plus grande, que l'espace libre en regard de cette face est
+plus grand.
+
+Si l'on rpte l'exprience prcdente avec l'ampoule _a_ compltement
+ferme, on n'obtient aucune activit induite.
+
+Le rayonnement du radium n'intervient pas directement dans la
+production de la radioactivit induite. C'est ainsi que, dans
+l'exprience prcdente, la lame D, protge du rayonnement par l'cran
+en plomb pais PP, est active autant que B et E.
+
+[Illustration: Fig. 12.]
+
+La radioactivit se transmet par l'air de proche en proche depuis la
+matire radiante jusqu'au corps activer. Elle peut mme se transmettre
+au loin par des tubes capillaires trs troits.
+
+La radioactivit induite est la fois plus intense et plus rgulire,
+si l'on remplace le sel radifre activant solide par sa dissolution
+aqueuse.
+
+Les liquides sont susceptibles d'acqurir la radioactivit induite. On
+peut, par exemple, rendre radioactive l'eau pure, en la plaant dans un
+vase l'intrieur d'une enceinte close qui renferme galement une
+solution d'un sel radifre.
+
+Certaines substances deviennent lumineuses, quand on les place dans une
+enceinte activante (corps phosphorescents et fluorescents, verre,
+papier, coton, eau, solutions salines). Le sulfure de zinc
+phosphorescent est particulirement brillant dans ces conditions. La
+radioactivit de ces corps lumineux est cependant la mme que celle d'un
+morceau de mtal ou autre corps qui s'active dans les mmes conditions
+sans devenir lumineux.
+
+Quelle que soit la substance que l'on active en vase clos, cette
+substance prend une activit qui augmente avec le temps et finit par
+atteindre _une valeur limite_, toujours la mme, quand on opre avec la
+mme matire activante et le mme dispositif exprimental.
+
+_La radioactivit induite limite est indpendante de la nature et de la
+pression du gaz qui se trouve dans l'enceinte activante_ (air,
+hydrogne, acide carbonique).
+
+_La radioactivit induite limite dans une mme enceinte dpend seulement
+de la quantit de radium qui s'y trouve_ l'tat de solution, et semble
+lui tre proportionnelle.
+
+
+_Rle des gaz dans les phnomnes de radioactivit induite.
+manation._--Les gaz prsents dans une enceinte qui renferme un sel
+solide ou une solution de sel de radium sont radioactifs. Cette
+radioactivit persiste si l'on aspire les gaz avec une trompe et qu'on
+les recueille dans une prouvette. Les parois de l'prouvette deviennent
+alors elles-mmes radioactives, et le verre de l'prouvette est lumineux
+dans l'obscurit. L'activit et la luminosit de l'prouvette
+disparaissent ensuite compltement, mais fort lentement, et l'on peut au
+bout d'un mois constater encore la radioactivit.
+
+Ds le dbut de nos recherches, nous avons, M. Curie et moi, extrait en
+chauffant la pechblende un gaz fortement radioactif, mais, comme dans
+l'exprience prcdente, l'activit de ce gaz avait fini par disparatre
+compltement[99].
+
+ [99] P. CURIE et Mme CURIE, _Rapports au Congrs de Physique_, 1900.
+
+Ainsi, pour le thorium, le radium, l'actinium, la radioactivit induite
+se propage de proche en proche travers les gaz, depuis le corps actif
+jusqu'aux parois de l'enceinte qui le renferme, et la proprit
+activante est entrane avec le gaz lui-mme, quand on extrait celui-ci
+de l'enceinte.
+
+Quand on mesure la radioactivit de matires radifres par la mthode
+lectrique au moyen de l'appareil (_fig._ 1) l'air entre les plateaux
+devient galement radioactif; cependant, en envoyant un courant d'air
+entre les plateaux, on n'observe pas de baisse notable dans l'intensit
+du courant, ce qui prouve que la radioactivit rpandue dans l'espace
+entre les plateaux est peu importante par rapport celle du radium
+lui-mme l'tat solide.
+
+Il en est tout autrement dans le cas du thorium. Les irrgularits que
+j'avais observes en mesurant la radioactivit des composs du thorium
+provenaient du fait qu' cette poque je travaillais avec un
+condensateur ouvert l'air; or le moindre courant d'air produit un
+changement considrable dans l'intensit du courant, parce que la
+radioactivit rpandue dans l'espace au voisinage du thorium est
+importante par rapport la radioactivit de la substance.
+
+Cet effet est encore bien plus marqu pour l'actinium. Un compos trs
+actif d'actinium parat beaucoup moins actif quand on envoie un courant
+d'air sur la substance.
+
+L'nergie radioactive est donc renferme dans les gaz sous une forme
+spciale. M. Rutherford suppose que certains corps radioactifs dgagent
+constamment un gaz matriel radioactif qu'il appelle _manation_. C'est
+ce gaz qui aurait la proprit de rendre radioactifs les corps qui se
+trouvent dans l'espace o il est rpandu. Les corps qui mettent de
+l'manation sont le radium, le thorium et l'actinium.
+
+
+_Dsactivation l'air libre des corps solides activs._--Un corps
+solide, qui a t activ par le radium dans une enceinte activante
+pendant un temps suffisant, et qui a t ensuite retir de l'enceinte,
+se dsactive l'air libre suivant une loi d'allure exponentielle qui
+est la mme pour tous les corps et qui est reprsente par la formule
+suivante[100]:
+
+ I = I_0 ( _a e_^{-t/#Th#_1} - (_a_ - 1) _e_^{-t/#Th_2}),
+
+I_{0} tant l'intensit initiale du rayonnement au moment o l'on retire
+la lame de l'enceinte, I l'intensit au temps _t_; _a_ est un
+coefficient numrique _a_ = 4.20; #Th#_{1} et #Th#_{2} sont des
+constantes de temps: #Th#_{1} = 2420 secondes, #Th#_{2} = 1860 secondes.
+Au bout de 2 ou 3 heures cette loi se rduit sensiblement une
+exponentielle simple: l'influence de la seconde exponentielle sur la
+valeur de I ne se fait plus sentir. La loi de dsactivation est alors
+telle que l'intensit du rayonnement baisse de la moiti de sa valeur en
+28 minutes. Cette loi finale peut tre considre comme caractristique
+de la dsactivation l'air libre des corps solides activs par le
+radium.
+
+ [100] CURIE et DANNE, _Comptes rendus_, 9 fvrier 1903.
+
+Les corps solides activs par l'actinium se dsactivent l'air libre
+suivant une loi exponentielle voisine de la prcdente. Mais cependant
+la dsactivation est un peu plus lente[101].
+
+ [101] DEBIERNE, _Comptes rendus_, 16 fvrier 1903.
+
+Les corps solides activs par le thorium se dsactivent beaucoup plus
+lentement; l'intensit du rayonnement baisse de moiti en 11
+heures[102].
+
+ [102] RUTHERFORD, _Phil. Mag._, fvrier 1900.
+
+_Dsactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de
+l'manation[103]._--Une enceinte ferme active par le radium et
+soustraite ensuite son action, se dsactive suivant une loi beaucoup
+moins rapide que celle de la dsactivation l'air libre. On peut, par
+exemple, faire l'exprience avec un tube en verre que l'on active
+intrieurement, en le mettant pendant un certain temps en communication
+avec une solution d'un sel de radium. On scelle ensuite le tube la
+lampe, et l'on mesure l'intensit du rayonnement mis l'extrieur par
+les parois du tube, pendant que la dsactivation se produit.
+
+ [103] P. CURIE, _Comptes rendus_, 17 novembre 1902.
+
+La loi de dsactivation est une loi exponentielle. Elle est donne avec
+une grande exactitude par la formule
+
+ I = I_0 _e_^{-t/#Th#}
+
+I_{0} intensit du rayonnement initial;
+
+I, intensit du rayonnement au temps _t_;
+
+#Th#, une constante de temps #Th# = 4.970 10^5 secondes.
+
+L'intensit du rayonnement diminue de moiti en 4 jours.
+
+Cette loi de dsactivation est absolument invariable, quelles que soient
+les conditions de l'exprience (dimensions de l'enceinte, nature des
+parois, nature du gaz dans l'enceinte, dure de l'activation, etc.). La
+loi de dsactivation reste la mme, quelle que soit la temprature entre
+-180 et +450. Cette loi de dsactivation est donc tout fait
+caractristique et pourrait servir dfinir un _talon de temps_
+absolument indpendant.
+
+Dans ces expriences, c'est l'nergie radioactive accumule dans le gaz
+qui entretient l'activit des parois. Si, en effet, on supprime le gaz
+en faisant le vide dans l'enceinte, on constate que les parois se
+dsactivent ensuite suivant le mode rapide de dsactivation, l'intensit
+du rayonnement diminuant de moiti en 28 minutes. Ce mme rsultat est
+obtenu en substituant dans l'enceinte de l'air ordinaire l'air activ.
+
+La loi de dsactivation avec baisse de moiti en 4 jours est donc
+caractristique de la disparition de l'nergie radioactive accumule
+dans le gaz. Si l'on se sert de l'expression adopte par M. Rutherford,
+on peut dire que l'manation du radium disparat spontanment en
+fonction du temps avec baisse de moiti en 4 jours.
+
+L'manation du thorium est d'une autre nature et disparat beaucoup plus
+rapidement. Le pouvoir d'activation diminue de moiti en 1 minute 10
+secondes environ.
+
+L'manation de l'actinium disparat encore plus rapidement; la baisse de
+moiti a lieu en quelques secondes.
+
+MM. Elster et Geitel ont montr qu'il existe toujours dans l'air
+atmosphrique, en trs faible proportion, une manation radioactive
+analogue celles mises par les corps radioactifs. Des fils mtalliques
+tendus dans l'air et maintenus un potentiel ngatif s'activent sous
+l'influence de cette manation. L'air que l'on aspire au moyen d'un tube
+enfonc dans le sol est particulirement charg d'manation[104].
+L'origine de cette manation est encore inconnue.
+
+ [104] ELSTER et GEITEL, _Physik. Zeitschrift_, 15 septembre 1902.
+
+L'air extrait de certaines eaux minrales contient de l'manation tandis
+que l'air contenu dans l'eau de la mer et des rivires en est peu prs
+exempt.
+
+
+_Nature des manations._--Suivant M. Rutherford l'manation d'un corps
+radioactif est un gaz matriel radioactif qui s'chappe de ce corps. En
+effet, bien des points de vue, l'manation du radium se comporte comme
+un gaz ordinaire.
+
+Quand on met en communication deux rservoirs en verre dont l'un
+contient de l'manation tandis que l'autre n'en contient pas,
+l'manation passe en se diffusant dans le deuxime rservoir, et quand
+l'quilibre est tabli, on constate que l'manation s'est partage entre
+les deux rservoirs comme le ferait un gaz ordinaire: si les deux
+rservoirs sont la mme temprature, l'manation se partage entre eux
+dans le rapport de leurs volumes; s'ils sont des tempratures
+diffrentes, elle se partage entre eux comme un gaz parfait obissant
+aux lois de Mariotte et de Gay-Lussac. Pour tablir ce rsultat il
+suffit de mesurer le rayonnement du premier rservoir avant et aprs le
+partage; ce rayonnement est proportionnel la quantit d'manation
+contenue dans le rservoir. Mais, comme la diffusion de l'manation
+demande un certain temps jusqu' ce que l'quilibre soit tabli, il est
+ncessaire, pour l'exactitude du calcul relatif l'exprience, de tenir
+compte de la destruction spontane de l'manation avec le temps[105].
+
+ [105] P. CURIE et J. DANNE, _Comptes rendus_, 2 juin 1903.
+
+L'manation du radium se diffuse le long d'un tube troit suivant les
+lois de la diffusion des gaz, et son coefficient de diffusion est
+comparable celui de l'acide carbonique[106].
+
+ [106] P. CURIE et J. DANNE, _Comptes rendus_, 2 juin 1903.
+
+MM. Rutherford et Soddy ont montr que les manations du radium et du
+thorium se condensent la temprature de l'air liquide, comme le
+feraient des gaz qui seraient liqufiables cette temprature. Un
+courant d'air charg d'manation perd ses proprits radioactives en
+traversant un serpentin qui plonge dans l'air liquide; l'manation reste
+condense dans le serpentin, et elle se retrouve l'tat gazeux quand
+on rchauffe celui-ci. L'manation du radium se condense -150, celle
+du thorium une temprature comprise entre -100 et -150[107]. On peut
+faire l'exprience suivante: deux rservoirs de verre ferms, l'un
+grand, l'autre petit, communiquent ensemble par un tube court muni d'un
+robinet; ils sont remplis de gaz activ par le radium et sont par suite
+tous les deux lumineux. On plonge le petit rservoir dans l'air liquide,
+toute l'manation s'y condense; au bout d'un certain temps on spare
+les deux rservoirs l'un de l'autre en fermant le robinet, et l'on
+retire ensuite le petit rservoir de l'air liquide. On constate que
+c'est le petit rservoir qui contient toute l'activit. Pour s'en
+assurer il suffit d'observer la phosphorescence du verre des deux
+rservoirs. Le grand rservoir n'est plus lumineux, tandis que le petit
+est plus lumineux qu'au dbut de l'exprience. L'exprience est
+particulirement brillante si l'on a eu soin d'enduire les parois des
+deux rservoirs de sulfure de zinc phosphorescent.
+
+ [107] RUTHERFORD et SODDY, _Phil. Mag._, mai 1903.
+
+Toutefois, si l'manation du radium est tout fait comparable un gaz
+liqufiable, la temprature de condensation par refroidissement devrait
+tre fonction de la quantit d'manation contenue dans un certain volume
+d'air; ce qui n'a pas t signal.
+
+On doit aussi faire remarquer que l'manation passe avec une grande
+facilit travers les trous ou les fissures les plus tnues des corps
+solides, dans des conditions o les gaz matriels ordinaires ne peuvent
+circuler qu'avec une lenteur extrme.
+
+Enfin, l'manation du radium se distingue d'un gaz matriel ordinaire en
+ce qu'elle se dtruit spontanment quand elle est enferme en tube de
+verre scell; tout au moins observe-t-on, dans ces conditions, la
+disparition de la proprit radioactive. Cette proprit radioactive est
+d'ailleurs encore actuellement la seule qui caractrise l'manation
+notre connaissance, car jusqu' prsent on n'a encore tabli avec
+certitude ni l'existence d'un spectre caractristique de l'manation, ni
+une pression due l'manation.
+
+Toutefois tout rcemment MM. Ramsay et Soddy ont observ, dans le
+spectre des gaz extraits du radium, des raies nouvelles qui pourraient,
+ leur avis, appartenir l'manation du radium. Ils ont aussi constat
+que les gaz extraits du radium contiennent de l'hlium, et que ce
+dernier gaz se forme spontanment en prsence de l'manation du
+radium[108]. Si ces rsultats, dont l'importance est considrable, se
+confirment, on pourra tre amen considrer l'manation comme un gaz
+matriel instable, et l'hlium serait peut-tre un des produits de la
+dsagrgation de ce gaz.
+
+ [108] RAMSAY et SODDY, _Physikalische Zeitschrift_, 15 septembre 1903.
+
+Les manations du radium et du thorium ne semblent pas tre altres par
+divers agents chimiques trs nergiques, et pour cette raison MM.
+Rutherford et Soddy les assimilent des gaz de la famille de
+l'argon[109].
+
+ [109] _Phil. Mag._, 1902, p. 580; 1903, p. 457.
+
+
+_Variation d'activit des liquides activs et des solutions
+radifres._--Un liquide quelconque devient radioactif lorsqu'il est
+plac dans un vase dans une enceinte activante. Si l'on retire le
+liquide de l'enceinte et qu'on le laisse l'air libre, il se dsactive
+rapidement en transmettant son activit aux gaz et aux corps solides qui
+l'entourent. Si l'on enferme un liquide activ dans un flacon ferm, il
+se dsactive bien plus lentement et l'activit baisse alors de moiti en
+4 jours, comme cela arriverait pour un gaz activ enferm dans un vase
+clos. On peut expliquer ce fait en admettant que l'nergie radioactive
+est emmagasine dans les liquides sous une forme identique celle sous
+laquelle elle est emmagasine dans un gaz (sous forme d'manation).
+
+Une dissolution d'un sel radifre se comporte en partie d'une faon
+analogue. Tout d'abord, il est fort remarquable que la solution d'un sel
+de radium, qui est place depuis quelque temps dans une enceinte close,
+n'est pas plus active que de l'eau pure place dans un vase contenu dans
+la mme enceinte, lorsque l'quilibre d'activit s'est tabli. Si l'on
+retire de l'enceinte la solution radifre et qu'on la laisse l'air
+dans un vase largement ouvert, l'activit se rpand dans l'espace, et la
+solution devient peu prs inactive, bien qu'elle contienne toujours le
+radium. Si alors on enferme cette solution dsactive dans un flacon
+ferm, elle reprend peu peu, en une quinzaine de jours, une activit
+limite qui peut tre considrable. Au contraire, un liquide activ qui
+ne renferme pas de radium et qui a t dsactiv l'air libre, ne
+reprend pas son activit quand on le met dans un flacon ferm.
+
+
+_Thorie de la radioactivit._--Voici, d'aprs MM. Curie et Debierne,
+une thorie trs gnrale qui permet de coordonner les rsultats de
+l'tude de la radioactivit induite, rsultats que je viens d'exposer et
+qui constituent des faits indpendants de toute hypothse[110].
+
+ [110] CURIE et DEBIERNE, _Comptes rendus_, 29 juillet 1901.
+
+On peut admettre que chaque atome de radium fonctionne comme une source
+continue et constante d'nergie, sans qu'il soit, d'ailleurs, ncessaire
+de prciser d'o vient cette nergie. L'nergie radioactive qui
+s'accumule dans le radium tend se dissiper de deux faons diffrentes:
+1 par rayonnement (rayons chargs et non chargs d'lectricit); 2 par
+conduction, c'est--dire par transmission de proche en proche aux corps
+environnants, par l'intermdiaire des gaz et des liquides (dgagement
+d'manation et transformation en radioactivit induite).
+
+La perte d'nergie radioactive, tant par rayonnement que par conduction,
+crot avec la quantit d'nergie accumule dans le corps radioactif. Un
+quilibre de rgime doit s'tablir ncessairement quand, la double
+perte, dont je viens de parler, compense l'apport continu fait par le
+radium. Cette manire de voir est analogue celle qui est en usage dans
+les phnomnes calorifiques. Si, dans l'intrieur d'un corps, il se
+fait, pour une raison quelconque, un dgagement continu et constant de
+chaleur, la chaleur s'accumule dans le corps, et la temprature s'lve,
+jusqu' ce que la perte de chaleur par rayonnement et par conduction
+fasse quilibre l'apport continu de chaleur.
+
+En gnral, sauf dans certaines conditions spciales, l'activit ne se
+transmet pas de proche en proche travers les corps solides. Lorsqu'on
+conserve une dissolution en tube scell, la perte par rayonnement
+subsiste seule, et l'activit radiante de la dissolution prend une
+valeur leve.
+
+Si, au contraire, la dissolution se trouve dans un vase ouvert, la perte
+d'activit de proche en proche, par conduction, devient considrable,
+et, lorsque l'tat de rgime est atteint, l'activit radiante de la
+dissolution est trs faible.
+
+L'activit radiante d'un sel radifre solide, laiss l'air libre, ne
+diminue pas sensiblement, parce que, la propagation de la radioactivit
+par conduction ne se faisant pas travers les corps solides, c'est
+seulement une couche superficielle trs mince qui produit la
+radioactivit induite. On constate, en effet, que la dissolution du mme
+sel produit des phnomnes de radioactivit induite beaucoup plus
+intenses. Avec un sel solide l'nergie radioactive s'accumule dans le
+sel et se dissipe surtout par rayonnement. Au contraire, lorsque le sel
+est en dissolution dans l'eau depuis quelques jours, l'nergie
+radioactive est rpartie entre l'eau et le sel, et si on les spare par
+distillation, l'eau entrane une grande partie de l'activit, et le sel
+solide est beaucoup moins actif (10 ou 15 fois) qu'avant dissolution.
+Ensuite le sel solide reprend peu peu son activit primitive.
+
+On peut chercher prciser encore davantage la thorie qui prcde, en
+imaginant que la radioactivit du radium lui-mme se produit au moins
+en grande partie par l'intermdiaire de l'nergie radioactive mise sous
+forme d'manation.
+
+On peut admettre que chaque atome de radium est une source continue et
+constante d'manation. En mme temps que cette forme d'nergie se
+produit, elle prouve progressivement une transformation en nergie
+radioactive de rayonnement Becquerel; la vitesse de cette transformation
+est proportionnelle la quantit d'manation accumule.
+
+Quand une solution radifre est enferme dans une enceinte, l'manation
+peut se rpandre dans l'enceinte et sur les parois. C'est donc l
+qu'elle est transforme en rayonnement, tandis que la solution n'met
+que peu de rayons Becquerel,--le rayonnement est, en quelque sorte,
+_extrioris_. Au contraire, dans le radium solide, l'manation, ne
+pouvant s'chapper facilement, s'accumule et se transforme sur place en
+rayonnement Becquerel; ce rayonnement atteint donc une valeur
+leve[111].
+
+ [111] CURIE, _Comptes rendus_, 26 janvier 1903.
+
+Si cette thorie de la radioactivit tait gnrale, il faudrait
+admettre que tous les corps radioactifs mettent de l'manation. Or,
+cette mission a t constate pour le radium, le thorium et l'actinium;
+ce dernier corps en met normment mme l'tat solide. L'uranium et
+le polonium ne semblent pas mettre d'manation, bien qu'ils mettent
+des rayons Becquerel. Ces corps ne produisent pas la radioactivit
+induite en vase clos comme les corps radioactifs cits prcdemment. Ce
+fait n'est pas en contradiction absolue avec la thorie qui prcde. Si,
+en effet, l'uranium et le polonium mettaient des manations qui se
+dtruisent avec une trs grande rapidit, il serait trs difficile
+d'observer l'entranement de ces manations par l'air et les effets de
+radioactivit induite produits par elles sur les corps voisins. Une
+telle hypothse n'est nullement invraisemblable, puisque les temps
+pendant lesquels les quantits d'manation du radium et du thorium
+diminuent de moiti sont entre eux comme 5000 est 1. On verra
+d'ailleurs que dans certaines conditions l'uranium peut provoquer la
+radioactivit induite.
+
+
+_Autre forme de la radioactivit induite._--D'aprs la loi de
+dsactivation l'air libre des corps solides activs par le radium,
+l'activit radiante au bout d'une journe est peu prs insensible.
+
+Certains corps cependant font exception: tels sont le cellulod, la
+paraffine, le caoutchouc, etc. Quand ces corps ont t activs assez
+longtemps, ils se dsactivent plus lentement que ne le veut la loi, et
+il faut souvent quinze ou vingt jours pour que l'activit devienne
+insensible. Il semble que ces corps aient la proprit de s'imprgner de
+l'nergie radioactive sous forme d'manation; ils la perdent ensuite peu
+ peu en produisant la radioactivit induite dans leur voisinage.
+
+
+_Radioactivit induite volution lente._--On observe encore une tout
+autre forme de radioactivit induite, qui semble se produire sur tous
+les corps, quand ils ont sjourn pendant des mois dans une enceinte
+activante. Quand ces corps sont retirs de l'enceinte, leur activit
+diminue d'abord jusqu' une valeur trs faible suivant la loi ordinaire
+(diminution de moiti en une demi-heure); mais, quand l'activit est
+tombe 1/20000 environ de la valeur initiale, elle ne diminue plus ou
+du moins elle volue avec une lenteur extrme, quelquefois mme elle va
+en augmentant. Nous avons des lames de cuivre, d'aluminium, de verre qui
+conservent ainsi une activit rsiduelle depuis plus de six mois.
+
+Ces phnomnes d'activit induite semblent tre d'une tout autre nature
+que ceux ordinaires, et ils offrent une volution beaucoup plus lente.
+
+Un temps considrable est ncessaire aussi bien pour la production que
+pour la disparition de cette forme de radioactivit induite.
+
+
+_Radioactivit induite sur des substances qui sjournent en dissolution
+avec le radium._--Quand on traite un minerai radioactif contenant du
+radium, pour en extraire ce corps, et tant que le travail n'est pas
+avanc, on ralise des sparations chimiques, aprs lesquelles la
+radioactivit se trouve entirement avec l'un des produits de la
+raction, l'autre produit tant entirement inactif. On spare ainsi
+d'un ct des produits radiants qui peuvent tre plusieurs centaines de
+fois plus actifs que l'uranium, de l'autre ct du cuivre, de
+l'antimoine, de l'arsenic, etc., absolument inactifs. Certains autres
+corps (le fer, le plomb) n'taient jamais spars l'tat compltement
+inactif. A mesure que les corps radiants se concentrent, il n'en est
+plus de mme; aucune sparation chimique ne fournit plus de produits
+absolument inactifs; toutes les portions rsultant d'une sparation sont
+toujours actives des degrs variables.
+
+Aprs la dcouverte de la radioactivit induite, M. Giesel essaya le
+premier d'activer le bismuth inactif ordinaire en le maintenant en
+solution avec du radium trs actif. Il obtint ainsi du bismuth
+radioactif[112], et il en conclut que le polonium extrait de la
+pechblende tait probablement du bismuth activ par le voisinage du
+radium contenu dans la pechblende.
+
+ [112] GIESEL, _Socit de Physique de Berlin_, janvier 1900.
+
+J'ai galement prpar du bismuth activ en maintenant le bismuth en
+dissolution avec un sel radifre trs actif.
+
+Les difficults de cette exprience consistent dans les soins extrmes
+qu'il faut prendre pour liminer le radium de la dissolution. Si l'on
+songe la quantit infinitsimale de radium qui suffit pour produire
+dans un gramme de matire une radioactivit trs notable, on ne croit
+jamais avoir assez lav et purifi le produit activ. Or, chaque
+purification entrane une baisse d'activit du produit activ, soit que
+rellement on en retire des traces de radium, soit que la radioactivit
+induite dans ces conditions ne rsiste pas aux transformations
+chimiques.
+
+Les rsultats que j'obtiens semblent cependant tablir avec certitude
+que l'activation se produit et persiste aprs que l'on a spar le
+radium. C'est ainsi qu'en fractionnant le nitrate de mon bismuth activ
+par prcipitation de la solution azotique par l'eau, je trouve que,
+aprs purification trs soigneuse, il se fractionne comme le polonium,
+la partie la plus active tant prcipite en premier.
+
+Si la purification est insuffisante, c'est le contraire qui se produit,
+indiquant que des traces de radium se trouvaient encore avec le bismuth
+activ. J'ai obtenu ainsi du bismuth activ pour lequel le sens du
+fractionnement indiquait une grande puret et qui tait 2000 fois plus
+actif que l'uranium. Ce bismuth diminue d'activit avec le temps. Mais
+une autre partie du mme produit, prpare avec les mmes prcautions et
+se fractionnant dans le mme sens, conserve son activit sans diminution
+sensible depuis un temps qui est actuellement de trois ans environ.
+
+Cette activit est 150 fois plus grande que celle de l'uranium.
+
+J'ai activ galement du plomb et de l'argent en les laissant en
+dissolution avec le radium. Le plus souvent la radioactivit induite
+ainsi obtenue ne diminue gure avec le temps, mais elle ne rsiste
+gnralement pas plusieurs transformations chimiques successives du
+corps activ.
+
+M. Debierne[113] a activ du baryum en le laissant en solution avec
+l'actinium. Ce baryum activ reste actif aprs diverses transformations
+chimiques, son activit est donc une proprit atomique assez stable. Le
+chlorure de baryum activ se fractionne comme le chlorure de baryum
+radifre, les parties les plus actives tant les moins solubles dans
+l'eau et l'acide chlorhydrique tendu. Le chlorure sec est spontanment
+lumineux; son rayonnement Becquerel est analogue celui du chlorure de
+baryum radifre. M. Debierne a obtenu du chlorure de baryum activ 1000
+fois plus actif que l'uranium. Ce baryum n'avait cependant pas acquis
+tous les caractres du radium, car il ne montrait au spectroscope aucune
+des raies les plus fortes du radium. De plus son activit diminua avec
+le temps, et au bout de trois semaines elle tait devenue trois fois
+plus faible qu'au dbut.
+
+ [113] DEBIERNE, _Comptes rendus_, juillet 1900.
+
+Il y a toute une tude faire sur l'activation des substances en
+dissolution avec les corps radioactifs. Il semble que, suivant les
+conditions de l'exprience, on puisse obtenir des formes de
+radioactivit induite atomique plus ou moins stables. La radioactivit
+induite dans ces conditions est peut-tre la mme que la forme
+volution lente que l'on obtient par activation prolonge distance
+dans une enceinte activante. Il y a lieu de se demander jusqu' quel
+degr la radioactivit induite atomique affecte la nature chimique de
+l'atome, et si elle peut modifier les proprits chimiques de celui-ci,
+soit d'une faon passagre, soit d'une faon stable.
+
+L'tude chimique des corps activs distance est rendue difficile par
+ce fait que l'activation est limite une couche superficielle trs
+mince, et que, par suite, la proportion de matire qui a pu tre
+atteinte par la transformation est extrmement faible.
+
+La radioactivit induite peut aussi tre obtenue en laissant certaines
+substances en dissolution avec l'uranium. L'exprience russit avec le
+baryum. Si, comme l'a fait M. Debierne, on ajoute de l'acide sulfurique
+ une solution qui contient de l'uranium et du baryum, le sulfate de
+baryum prcipit entrane de l'activit; en mme temps le sel d'uranium
+perd une partie de la sienne. M. Becquerel a trouv qu'en rptant cette
+opration plusieurs fois, on obtient de l'uranium peine actif. On
+pourrait croire, d'aprs cela, que dans cette opration on a russi
+sparer de l'uranium un corps radioactif diffrent de ce mtal, et dont
+la prsence produisait la radioactivit de l'uranium. Cependant il n'en
+est rien, car au bout de quelques mois l'uranium reprend son activit
+primitive; au contraire, le sulfate de baryum prcipit perd celle qu'il
+avait acquise.
+
+Un phnomne analogue se produit avec le thorium. M. Rutherford
+prcipite une solution de sel de thorium par l'ammoniaque; il spare la
+solution et l'vapore sec. Il obtient ainsi un petit rsidu trs
+actif, et le thorium prcipit se montre moins actif qu'auparavant. Ce
+rsidu actif, auquel M. Rutherford donne le nom de _thorium x_, perd son
+activit avec le temps, tandis que le thorium reprend son activit
+primitive[114].
+
+ [114] RUTHERFORD et SODDY, _Zeitschr. fr physik. Chemie._, t. XLII,
+ 1902, p. 81.
+
+Il semble qu'en ce qui concerne la radioactivit induite en dissolution,
+les divers corps ne se comportent pas tous de la mme faon, et que
+certains d'entre eux sont bien plus susceptibles de s'activer que les
+autres.
+
+
+_Dissmination des poussires radioactives et radioactivit induite du
+laboratoire._--Lorsqu'on fait des tudes sur les substances fortement
+radioactives, il faut prendre des prcautions particulires si l'on veut
+pouvoir continuer faire des mesures dlicates. Les divers objets
+employs dans le laboratoire de chimie, et ceux qui servent pour les
+expriences de physique, ne tardent pas tre tous radioactifs et
+agir sur les plaques photographiques au travers du papier noir. Les
+poussires, l'air de la pice, les vtements sont radioactifs. L'air de
+la pice est conducteur. Dans le laboratoire, o nous travaillons, le
+mal est arriv l'tat aigu, et nous ne pouvons plus avoir un appareil
+bien isol.
+
+Il y a donc lieu de prendre des prcautions particulires pour viter
+autant que possible la dissmination des poussires actives, et pour
+viter aussi les phnomnes d'activit induite.
+
+Les objets employs en chimie ne doivent jamais tre emports dans la
+salle d'tudes physiques, et il faut autant que possible viter de
+laisser sjourner inutilement dans cette salle les substances actives.
+Avant de commencer ces tudes nous avions coutume, dans les travaux
+d'lectricit statique, d'tablir la communication entre les divers
+appareils par des fils mtalliques isols protgs par des cylindres
+mtalliques en relation avec le sol, qui prservaient les fils contre
+toute influence lectrique extrieure. Dans les tudes sur les corps
+radioactifs, cette disposition est absolument dfectueuse; l'air tant
+conducteur, l'isolement entre le fil et le cylindre est mauvais, et la
+force lectromotrice de contact invitable entre le fil et le cylindre
+tend produire un courant travers l'air et faire dvier
+l'lectromtre. Nous mettons maintenant tous les fils de communication
+l'abri de l'air en les plaant, par exemple, au milieu de cylindres
+remplis de paraffine ou d'une autre matire isolante. Il y aurait aussi
+avantage faire usage, dans ces tudes, d'lectromtres
+_rigoureusement_ clos.
+
+
+_Activation en dehors de l'action des substances radioactives._--Des
+essais ont t faits en vue de produire la radioactivit induite en
+dehors de l'action des substances radioactives.
+
+M. Villard[115] a soumis l'action des rayons cathodiques un morceau de
+bismuth plac comme anticathode dans un tube de Crookes; ce bismuth a
+t ainsi rendu actif, vrai dire, d'une faon extrmement faible, car
+il fallait 8 jours de pose pour obtenir une impression photographique.
+
+ [115] VILLARD, _Socit de Physique_, juillet 1900.
+
+M. Mac Lennan expose divers sels l'action des rayons cathodiques et
+les chauffe ensuite lgrement. Ces sels acquirent alors la proprit
+de dcharger les corps chargs positivement[116].
+
+ [116] MAC LENNAN, _Phil. Mag._, fvrier 1902.
+
+Les tudes de ce genre offrent un grand intrt. Si, en se servant
+d'agents physiques connus, il tait possible de crer dans des corps
+primitivement inactifs une radioactivit notable, nous pourrions esprer
+de trouver ainsi la cause de la radioactivit spontane de certaines
+matires.
+
+
+_Variations d'activit des corps radioactifs. Effets de
+dissolution._--Le polonium, comme je l'ai dit plus haut, diminue
+d'activit avec le temps. Cette baisse est lente, elle ne semble pas se
+faire avec la mme vitesse pour tous les chantillons. Un chantillon de
+nitrate de bismuth polonium a perdu la moiti de son activit en 11
+mois et 95 pour 100 de son activit en 33 mois. D'autres chantillons
+ont prouv des baisses analogues.
+
+Un chantillon de bismuth polonium mtallique fut prpar avec un
+sous-nitrate, lequel, aprs sa prparation, tait 100000 fois plus actif
+que l'uranium. Ce mtal n'est plus maintenant qu'un corps moyennement
+radioactif 2000 fois plus actif que l'uranium. Sa radioactivit est
+mesure de temps en temps. Pendant 6 mois ce mtal a perdu 67 pour 100
+de son activit.
+
+La perte d'activit ne semble pas tre facilite par les ractions
+chimiques. Dans des oprations chimiques rapides on ne constate
+gnralement pas de perte considrable d'activit.
+
+Contrairement ce qui se passe pour le polonium, les sels radifres
+possdent une radioactivit permanente qui ne prsente pas de baisse
+apprciable au bout de quelques annes.
+
+Quand on vient de prparer un sel de radium l'tat solide, ce sel n'a
+pas tout d'abord une activit constante. Son activit va en augmentant
+partir de la prparation et atteint une valeur limite sensiblement
+invariable au bout d'un mois environ. Le contraire a lieu pour la
+solution. Quand on vient de la prparer, elle est d'abord trs active,
+mais laisse l'air libre elle se dsactive rapidement, et prend
+finalement une activit limite qui peut tre considrablement plus
+faible que la valeur initiale. Ces variations d'activit ont t tout
+d'abord observes par M. Giesel[117]. Elles s'expliquent fort bien en se
+plaant au point de vue de l'manation. La diminution de l'activit de
+la solution correspond la perte de l'manation qui s'chappe dans
+l'espace; cette baisse est bien moindre si la dissolution est en tube
+scell. Une solution dsactive l'air libre reprend une activit plus
+grande quand on l'enferme en tube scell. La priode de l'accroissement
+de l'activit du sel qui, aprs dissolution, vient d'tre ramen
+l'tat solide, est celle pendant laquelle l'manation s'emmagasine
+nouveau dans le radium solide.
+
+ [117] GIESEL, _Wied. Ann._, t. LXIX, p. 91.
+
+Voici quelques expriences ce sujet:
+
+Une solution de chlorure de baryum radifre laisse l'air libre
+pendant 2 jours devient 300 fois moins active.
+
+Une solution est enferme en vase clos; on ouvre le vase, on verse la
+solution dans une cuve et l'on mesure l'activit:
+
+ Activit mesure immdiatement 67
+ au bout de 2 heures 20
+ 2 jours 0,25
+
+Une solution de chlorure de baryum radifre qui est reste l'air libre
+est enferme dans un tube de verre scell, et l'on mesure le rayonnement
+de ce tube. On trouve les rsultats suivants:
+
+ Activit mesure immdiatement 27
+ aprs 2 jours 61
+ 3 jours 70
+ 4 jours 81
+ 7 jours 100
+ 11 jours 100
+
+L'activit initiale d'un sel solide aprs sa prparation est d'autant
+plus faible que le temps de dissolution a t plus long. Une plus forte
+proportion de l'activit est alors transmise au dissolvant. Voici les
+activits initiales obtenues avec un chlorure dont l'activit limite est
+800 et que l'on maintenait en dissolution pendant un temps donn; puis
+on schait le sel et l'on mesurait son activit immdiatement:
+
+ Activit limite 800
+ Activit initiale aprs dissolution et dessiccation immdiate 440
+ Activit initiale aprs que le sel est rest dissous 5 jours 120
+ 18 jours 130
+ 32 jours 114
+
+Dans cette exprience le sel dissous se trouvait dans un vase simplement
+couvert d'un verre de montre.
+
+J'ai fait avec le mme sel deux dissolutions que j'ai conserves en tube
+scell pendant 13 mois; l'une de ces dissolutions tait 8 fois plus
+concentre que l'autre:
+
+ Activit initiale du sel de la solution concentre
+ aprs dessiccation 200
+
+ Activit initiale du sel de la solution tendue
+ aprs dessiccation 100
+
+La dsactivation du sel est donc d'autant plus grande que la proportion
+du dissolvant est plus grande, l'nergie radioactive transmise au
+liquide ayant alors un plus grand volume de liquide saturer et un plus
+grand espace remplir. Les deux chantillons du mme sel, qui avaient
+ainsi une activit initiale diffrente, ont d'ailleurs augment
+d'activit avec une vitesse trs diffrente au dbut; au bout d'un jour
+ils avaient la mme activit, et l'accroissement d'activit se continua
+exactement de la mme faon pour tous les deux jusqu' la limite.
+
+Quand la dissolution est tendue, la dsactivation du sel est trs
+rapide; c'est ce que montrent les expriences suivantes: trois portions
+gales d'un mme sel radifre sont dissoutes dans des quantits gales
+d'eau. La premire dissolution _a_ est laisse l'air libre pendant une
+heure, puis sche. La deuxime dissolution _b_ est traverse pendant
+une heure par un courant d'air, puis sche. La troisime dissolution
+_c_ est laisse pendant 13 jours l'air libre, puis sche. Les
+activits initiales des trois sels sont:
+
+ Pour la portion _a_ 145,2
+ _b_ 141,6
+ _c_ 102,6
+
+L'activit limite du mme sel est environ 470. On voit donc qu'au bout
+d'une heure la plus grande partie de l'effet tait produite. De plus, le
+courant d'air qui a barbot pendant une heure dans la dissolution _b_
+n'a produit que peu d'effet. La proportion du sel dans la dissolution
+tait d'environ 0,5 pour 100.
+
+L'nergie radioactive sous forme d'manation se propage difficilement du
+radium solide dans l'air; elle prouve de mme une rsistance au passage
+du radium solide dans un liquide. Quand on agite du sulfate radifre
+avec de l'eau pendant une journe entire, son activit aprs celle
+opration est sensiblement la mme que celle d'une portion du mme
+sulfate laisse l'air libre.
+
+En faisant le vide sur du sel radifre on retire toute l'manation
+disponible. Toutefois la radioactivit d'un chlorure radifre sur lequel
+nous avions fait le vide pendant 6 jours ne fut pas sensiblement
+modifie par cette opration. Cette exprience montre que la
+radioactivit du sel est due principalement l'nergie radioactive
+utilise dans l'intrieur des grains, laquelle ne peut tre enleve en
+faisant le vide.
+
+La perte d'activit que le radium prouve quand on le fait passer par
+l'tat dissous est relativement plus grande pour les rayons pntrants
+que pour les rayons absorbables. Voici quelques exemples:
+
+Un chlorure radifre, qui avait atteint son activit limite 470 est
+dissous et reste en dissolution pendant une heure; on le sche ensuite
+et l'on mesure sa radioactivit initiale par la mthode lectrique. On
+trouve que le rayonnement initial total est gal la fraction 0,3 du
+rayonnement total limite. Si l'on fait la mesure de l'intensit du
+rayonnement en recouvrant la substance active d'un cran d'aluminium de
+0mm,01 d'paisseur, on trouve que le rayonnement initial qui traverse
+cet cran n'est que la fraction 0,17 du rayonnement limite traversant le
+mme cran.
+
+Quand le sel est rest en dissolution pendant 13 jours, on trouve pour
+le rayonnement initial total la fraction 0,22 du rayonnement limite
+total et pour le rayonnement qui traverse 0mm,01 d'aluminium la fraction
+0,13 du rayonnement limite.
+
+Dans les deux cas le rapport du rayonnement initial aprs dissolution au
+rayonnement limite est de 1,7 fois plus grand pour le rayonnement total
+que pour le rayonnement qui traverse 0mm,01 d'aluminium.
+
+Il faut d'ailleurs remarquer que, en schant le produit aprs
+dissolution, on ne peut viter une priode de temps pendant laquelle le
+produit se trouve un tat mal dfini, ni entirement solide, ni
+entirement liquide. On ne peut non plus viter de chauffer le produit
+pour enlever l'eau rapidement.
+
+Pour ces deux raisons il n'est gure possible de dterminer la vraie
+activit initiale du produit qui passe de l'tat dissous l'tat
+solide. Dans les expriences qui viennent d'tre cites des quantits
+gales de substances radiantes taient dissoutes dans la mme quantit
+d'eau, et ensuite les dissolutions taient vapores sec dans des
+conditions aussi identiques que possible et sans chauffer au-dessus de
+120 ou 130.
+
+[Illustration: Fig. 13.]
+
+J'ai tudi la loi suivant laquelle augmente l'activit d'un sel
+radifre solide, partir du moment o ce sel est sch aprs
+dissolution, jusqu'au moment o il atteint son activit limite. Dans
+les Tableaux qui suivent j'indique l'intensit du rayonnement I en
+fonction du temps, l'intensit limite tant suppose gale 100, et le
+temps tant compt partir du moment o le produit a t sch. Le
+Tableau I (_fig._ 13, courbe I) est relatif au rayonnement total. Le
+Tableau II (_fig._ 13, courbe II) est relatif seulement aux rayons
+pntrants (rayons qui ont travers 3cm d'air et 0mm,01 d'aluminium).
+
+ TABLEAU I. TABLEAU II.
+
+ Temps. I. Temps. I.
+ 0 21 0 1,3
+ 1 jour 25 1 jour 19
+ 3 44 3 43
+ 5 60 6 60
+ 10 78 15 70
+ 19 93 23 86
+ 33 100 46 94
+ 67 100
+
+J'ai fait plusieurs autres sries de mesures du mme genre, mais elle ne
+sont pas absolument en accord les unes avec les autres, bien que le
+caractre gnral des courbes obtenues reste le mme. Il est difficile
+d'obtenir des rsultats bien rguliers. On peut cependant remarquer que
+la reprise d'activit met plus d'un mois se produire, et que les
+rayons les plus pntrants sont ceux qui sont le plus profondment
+atteints par l'effet de la dissolution.
+
+L'intensit initiale du rayonnement qui peut traverser 3cm d'air et
+0mm,01 d'aluminium n'est que 1 pour 100 de l'intensit limite, alors que
+l'intensit initiale du rayonnement total est 21 pour 100 du rayonnement
+total limite.
+
+Un sel radifre, qui a t dissous et qui vient d'tre sch, possde le
+mme pouvoir pour provoquer l'activit induite (et, par consquent,
+laisse chapper au dehors autant d'manation) qu'un chantillon du mme
+sel qui, aprs avoir t prpar l'tat solide est rest dans cet tat
+un temps suffisant pour atteindre la radioactivit limite. L'activit
+radiante de ces deux produits est pourtant extrmement diffrente; le
+premier est, par exemple, 5 fois moins actif que le second.
+
+
+_Variations d'activit des sels de radium par la chauffe._--Quand on
+chauffe un compos radifre, ce compos dgage de l'manation et perd de
+l'activit. La perte d'activit est d'autant plus grande que la chauffe
+est la fois plus intense et plus prolonge. C'est ainsi qu'en
+chauffant un sel radifre pendant 1 heure 130 on lui fait perdre 10
+pour 100 de son rayonnement total: au contraire, une chauffe de 10
+minutes 400 ne produit pas d'effet sensible. Une chauffe au rouge de
+quelques heures de dure dtruit 77 pour 100 du rayonnement total.
+
+La perte d'activit par la chauffe est plus importante pour les rayons
+pntrants que pour les rayons absorbables. C'est ainsi qu'une chauffe
+de quelques heures de dure dtruit environ 77 pour 100 du rayonnement
+total, mais la mme chauffe dtruit la presque totalit (99 pour 100) du
+rayonnement qui est capable de traverser 3cm d'air et 0mm,1 d'aluminium.
+En maintenant le chlorure de baryum radifre en fusion pendant quelques
+heures (vers 800), on dtruit 98 pour 100 du rayonnement capable de
+traverser 0mm,3 d'aluminium. On peut dire que les rayons pntrants
+n'existent sensiblement pas aprs une chauffe forte et prolonge.
+
+Quand un sel radifre a perdu une partie de son activit par la chauffe,
+cette baisse d'activit ne persiste pas: l'activit du sel se rgnre
+spontanment la temprature ordinaire et tend vers une certaine valeur
+limite. J'ai observ le fait fort curieux que cette limite est plus
+leve que l'activit limite du sel avant la chauffe, du moins en est-il
+ainsi pour le chlorure. En voici des exemples: un chantillon de
+chlorure de baryum radifre qui, aprs avoir t prpar l'tat
+solide, a atteint depuis longtemps son activit limite, possde un
+rayonnement total reprsent par le nombre 470, et un rayonnement
+capable de traverser 0mm,01 d'aluminium, reprsent par le nombre 157.
+Cet chantillon est soumis une chauffe au rouge pendant quelques
+heures. Deux mois aprs la chauffe, il atteint une activit limite avec
+un rayonnement total gal 690, et un rayonnement travers 0mm,01
+d'aluminium gal 227. Le rayonnement total et le rayonnement qui
+traverse l'aluminium sont donc augments respectivement dans le rapport
+690/470 et 227/156. Ces deux rapports sont sensiblement gaux entre eux
+et gaux 1,45.
+
+[Illustration: Fig. 14.]
+
+Un chantillon de chlorure de baryum radifre qui, aprs avoir t
+prpar l'tat solide, a atteint une activit limite gale 62, est
+maintenu en fusion pendant quelques heures; puis le produit fondu est
+pulvris. Ce produit reprend une nouvelle activit limite gale 140,
+soit plus de 2 fois plus grande que celle qu'il pouvait atteindre, quand
+il avait t prpar l'tat solide sans avoir t notablement chauff
+pendant la dessiccation.
+
+J'ai tudi la loi de l'augmentation de l'activit des composs
+radifres aprs la chauffe. Voici, titre d'exemple, les rsultats de
+deux sries de mesures. Les nombres des Tableaux I et II indiquent
+l'intensit du rayonnement I en fonction du temps, l'intensit limite
+tant suppose gale 100, et le temps tant compt partir de la fin
+de la chauffe. Le Tableau I (_fig._ 14, courbe I) est relatif au
+rayonnement total d'un chantillon de chlorure de baryum radifre. Le
+Tableau II (_fig._ 3, courbe II) est relatif au rayonnement pntrant
+d'un chantillon de sulfate de baryum radifre, car on mesurait
+l'intensit du rayonnement qui traversait 3cm d'air et 0mm,01
+d'aluminium. Les deux produits ont subi une chauffe au rouge cerise
+pendant 7 heures.
+
+ TABLEAU I. TABLEAU II.
+
+ Temps. I. Temps. I.
+ 0 16,2 0 0,8
+ 0,6 jour 25,4 0,7 jour 13
+ 1 27,4 1 18
+ 2 38 1,9 26,4
+ 3 46,3 6 46,2
+ 4 54 10 55,5
+ 6 67,5 14 64
+ 10 84 18 71,8
+ 24 95 27 81
+ 57 100 36 91
+ 50 95,5
+ 57 99
+ 84 100
+
+J'ai fait encore plusieurs autres sries de dterminations, mais, de
+mme que pour la reprise d'activit aprs dissolution, les rsultats
+des diverses sries ne sont pas bien concordants.
+
+L'effet de la chauffe ne persiste pas quand on dissout la substance
+radifre chauffe. De deux chantillons d'une mme substance radifre
+d'activit 1800, l'un a t fortement chauff, et son activit a t
+rduite par la chauffe 670. Les deux chantillons ayant t ce
+moment dissous et laisss en dissolution pendant 20 heures, leurs
+activits initiales l'tat solide ont t 460 pour le produit non
+chauff et 420 pour celui chauff; il n'y avait donc pas de diffrence
+considrable entre l'activit de ces deux produits. Mais, si les deux
+produits ne restent pas en dissolution un temps suffisant, si, par
+exemple, on les sche immdiatement aprs les avoir dissous, le produit
+non chauff est beaucoup plus actif que le produit chauff; un certain
+temps est ncessaire pour que l'tat de dissolution fasse disparatre
+l'effet de la chauffe. Un produit d'activit 3200 a t chauff et
+n'avait plus aprs la chauffe qu'une activit de 1030. Ce produit a t
+dissous en mme temps qu'une portion du mme produit non chauffe, et
+les deux portions ont t sches immdiatement. L'activit initiale
+tait de 1450 pour le produit non chauff et de 760 pour celui chauff.
+
+Pour les sels radifres solides, le pouvoir de provoquer la
+radioactivit induite est fortement influenc par la chauffe. Pendant
+que l'on chauffe les composs radifres, ils dgagent plus d'manation
+qu' la temprature ordinaire; mais, quand ils sont ensuite ramens la
+temprature ordinaire, non seulement leur radioactivit est bien
+infrieure celle qu'ils avaient avant la chauffe, mais aussi leur
+pouvoir activant est considrablement diminu. Pendant le temps qui suit
+la chauffe, la radioactivit du produit va en augmentant et peut mme
+dpasser la valeur primitive. Le pouvoir activant se rtablit aussi
+partiellement; cependant, aprs une chauffe prolonge au rouge, la
+presque totalit du pouvoir activant se trouve supprime, sans tre
+susceptible de reparatre spontanment avec le temps. On peut restituer
+au sel radifre son pouvoir activant primitif en le dissolvant dans
+l'eau et en le schant l'tuve une temprature de 120. Il semble
+donc que la calcination ait pour effet de mettre le sel dans un tat
+physique particulier, dans lequel l'manation se dgage bien plus
+difficilement que cela n'a lieu pour le mme produit solide qui n'a pas
+t chauff temprature leve, et il en rsulte tout naturellement
+que le sel atteint une radioactivit limite plus leve que celle qu'il
+avait avant la chauffe. Pour remettre le sel dans l'tat physique qu'il
+avait avant la chauffe, il suffit de le dissoudre et de le scher, sans
+le chauffer, au-dessus de 150.
+
+Voici quelques exemples numriques ce sujet:
+
+Je dsigne par _a_ l'activit induite limite provoque en vase clos sur
+une lame de cuivre par un chantillon de carbonate de baryum radifre
+d'activit 1600.
+
+Posons pour le produit non chauff:
+
+ _a_ = 100.
+
+On trouve:
+
+ 1 jour aprs la chauffe _a_ = 3,3
+ 4 _a_ = 7,1
+ 10 _a_ = 15
+ 20 _a_ = 15
+ 37 _a_ = 15
+
+La radioactivit du produit avait diminu de 90 pour 100 par la chauffe,
+mais, au bout d'un mois, elle avait dj repris la valeur primitive.
+
+Voici une exprience du mme genre faite avec un chlorure de baryum
+radifre d'activit 3000. Le pouvoir activant est dtermin de la mme
+faon que dans l'exprience prcdente.
+
+Pouvoir activant du produit non chauff:
+
+ _a_ = 100.
+
+Pouvoir activant du produit aprs une chauffe au rouge de trois heures:
+
+ 2 jours aprs chauffe 2,3
+ 5 7,0
+ 11 8,2
+ 18 8,2
+
+ Pouvoir activant du produit non chauff qui
+ a t dissous, puis sch 150 92
+
+ Pouvoir activant du produit chauff qui a
+ t dissous, puis sch 150 105
+
+
+_Interprtation thorique des causes des variations d'activit des sels
+radifres, aprs dissolution et aprs chauffe._--Les faits qui viennent
+d'tre exposs peuvent tre, en partie, expliqus par la thorie d'aprs
+laquelle le radium produit l'nergie sous forme d'manation, cette
+dernire se transformant ensuite en nergie de rayonnement. Quand on
+dissout un sel de radium, l'manation qu'il produit se rpand au dehors
+de la solution et provoque la radioactivit en dehors de la source dont
+elle provient; lorsqu'on vapore la dissolution, le sel solide obtenu
+est peu actif, car il ne contient que peu d'manation. Peu peu
+l'manation s'accumule dans le sel, dont l'activit augmente jusqu' une
+valeur limite, qui est obtenue quand la production d'manation par le
+radium compense la perte qui se fait par dbit extrieur et par
+transformation sur place en rayons de Becquerel.
+
+Lorsqu'on chauffe un sel de radium, le dbit d'manation en dehors du
+sel est fortement augment, et les phnomnes de radioactivit induite
+sont plus intenses que quand le sel est la temprature ordinaire. Mais
+quand le sel revient la temprature ordinaire, il est puis, comme
+dans le cas o on l'avait dissous, il ne contient que peu d'manation,
+l'activit est devenue trs faible. Peu peu l'manation s'accumule de
+nouveau dans le sel solide et le rayonnement va en augmentant.
+
+On peut admettre que le radium donne lieu un dbit constant
+d'manation, dont une partie s'chappe l'extrieur, tandis que la
+partie restante est transforme, dans le radium lui-mme, en rayons de
+Becquerel. Lorsque le radium a t chauff au rouge, il perd la plus
+grande partie de son pouvoir d'activation; autrement dit, le dbit
+d'manation l'extrieur est diminu. Par suite, la proportion
+d'manation utilise dans le radium lui-mme doit tre plus forte, et le
+produit atteint une radioactivit limite plus leve.
+
+On peut se proposer d'tablir thoriquement la loi de l'augmentation de
+l'activit d'un sel radifre solide qui a t dissous ou qui a t
+chauff. Nous admettrons que l'intensit du rayonnement du radium est,
+chaque instant, proportionnelle la quantit d'manation _q_ prsente
+dans le radium. Nous savons que l'manation se dtruit spontanment
+suivant une loi telle que l'on ait, chaque instant,
+
+ (1) _q_ = _q__0 _e_^{-t/#th#}
+
+_q_0 tant la quantit d'manation l'origine du temps, et #th# la
+constante de temps gale 4,97 10^5 sec.
+
+Soit, d'autre part, #D# le dbit d'manation fourni par le radium,
+quantit que je supposerai constante. Voyons ce qui se passerait, s'il
+ne s'chappait pas d'manation dans l'espace ambiant. L'manation
+produite serait alors entirement utilise dans le radium pour y
+produire le rayonnement. On a d'ailleurs, d'aprs la formule (1),
+
+ _dq_/_dt_ = - _q_0/#th# _e_^{-t/#th#} = - _q_/#th#,
+
+et, par suite, l'tat d'quilibre, le radium contiendrait une
+certaine quantit d'manation Q telle que l'on ait
+
+ (2) #D# = Q/#th#,
+
+et le rayonnement du radium serait alors proportionnel Q.
+
+Supposons qu'on mette le radium dans des conditions o il perd de
+l'manation au dehors; c'est ce que l'on peut obtenir en dissolvant le
+compos radifre ou en le chauffant. L'quilibre sera troubl et
+l'activit du radium diminuera. Mais aussitt que la cause de la perte
+d'manation a t supprime (le corps est revenu l'tat solide, ou
+bien on a cess de chauffer), l'manation s'accumule nouveau dans le
+radium, et nous avons une priode, pendant laquelle le dbit #D#
+l'emporte sur la vitesse de destruction _q_/#th#. On a alors
+
+ _dq_/_dt_ = #D# - _q_/#th# = (Q - _q_)/#th#,
+
+d'o
+
+ _d_/_dt_ (Q - _q_) = (Q - _q_)/#th#,
+
+ (3) Q - _q_ = (Q - _q_0) _e_^{- _t_/#th#},
+
+_q_0 tant la quantit d'manation prsente dans le radium au temps
+_t_ = 0.
+
+D'aprs la formule (3) l'excs de la quantit d'manation Q que le
+radium contient l'tat d'quilibre sur la quantit _q_ qu'il contient
+ un moment donn, dcrot en fonction du temps suivant une loi
+exponentielle qui est la loi mme de la disparition spontane de
+l'manation. Le rayonnement du radium tant d'ailleurs proportionnel
+la quantit d'manation, l'excs de l'intensit du rayonnement limite
+sur l'intensit actuelle doit dcrotre en fonction du temps suivant
+cette mme loi; cet excs doit donc diminuer de moiti en 4 jours
+environ.
+
+La thorie qui prcde est incomplte, puisqu'on a nglig la perte
+d'manation par dbit l'extrieur. Il est, d'ailleurs, difficile de
+savoir comment celle-ci intervient en fonction du temps. En comparant
+les rsultats de l'exprience ceux de cette thorie incomplte, on ne
+trouve pas un accord satisfaisant; on retire cependant la conviction que
+la thorie en question contient une part de vrit. La loi d'aprs
+laquelle l'excs de l'activit limite sur l'activit actuelle diminue de
+moiti en 4 jours reprsente, avec une certaine approximation, la marche
+de la reprise d'activit aprs chauffe pendant une dizaine de jours.
+Dans le cas de la reprise d'activit aprs dissolution cette mme loi
+semble convenir peu prs pendant une certaine priode de temps, qui
+commence deux ou trois jours aprs la dessiccation du produit et se
+poursuit pendant 10 15 jours. Les phnomnes sont d'ailleurs
+complexes; la thorie indique n'explique pas pourquoi les rayons
+pntrants sont supprims en plus forte proportion que les rayons
+absorbables.
+
+
+NATURE ET CAUSE DES PHNOMNES DE RADIOACTIVIT.
+
+Ds le dbut des recherches sur les corps radioactifs, et alors que les
+proprits de ces corps taient encore peine connues, la spontanit
+de leur rayonnement s'est pose comme un problme, ayant pour les
+physiciens le plus grand intrt. Aujourd'hui, nous sommes plus avancs
+au point de vue de la connaissance des corps radioactifs, et nous savons
+isoler un corps radioactif d'une trs grande puissance, le radium.
+L'utilisation des proprits remarquables du radium a permis de faire
+une tude approfondie des rayons mis par les corps radioactifs; les
+divers groupes de rayons qui ont t tudis jusqu'ici prsentent des
+analogies avec les groupes de rayons qui existent dans les tubes de
+Crookes: rayons cathodiques, rayons Rntgen, rayons canaux. Ce sont
+encore les mmes groupes de rayons que l'on retrouve dans le rayonnement
+secondaire produit par les rayons Rntgen[118], et dans le rayonnement
+des corps qui ont acquis la radioactivit induite.
+
+ [118] SAGNAC, _Thse de doctorat_.--CURIE et SAGNAC, _Comptes rendus_,
+ avril 1900.
+
+Mais si la nature du rayonnement est actuellement mieux connue, la cause
+de la radioactivit spontane reste mystrieuse et ce phnomne est
+toujours pour nous une nigme et un sujet d'tonnement profond.
+
+Les corps spontanment radioactifs, en premier lieu le radium,
+constituent des sources d'nergie. Le dbit d'nergie auquel ils donnent
+lieu nous est rvl par le rayonnement de Becquerel, par les effets
+chimiques et lumineux et par le dgagement continu de chaleur.
+
+On s'est souvent demand si l'nergie est cre dans les corps
+radioactifs eux-mmes ou bien si elle est emprunte par ces corps des
+sources extrieures. Aucune des nombreuses hypothses, qui rsultent de
+ces deux manires de voir, n'a encore reu de confirmation
+exprimentale.
+
+On peut supposer que l'nergie radioactive a t emmagasine
+antrieurement et qu'elle s'puise peu peu comme cela arrive pour une
+phosphorescence de trs longue dure. On peut imaginer que le dgagement
+d'nergie radioactive correspond une transformation de la nature mme
+de l'atome du corps radiant qui serait en voie d'volution; le fait que
+le radium dgage de la chaleur d'une manire continue plaide en faveur
+de cette hypothse. On peut supposer que la transformation est
+accompagne d'une perte de poids et d'une mission de particules
+matrielles qui constitue le rayonnement. La source d'nergie peut
+encore tre cherche dans l'nergie de gravitation. Enfin, on peut
+imaginer que l'espace est constamment travers par des rayonnements
+encore inconnus qui sont arrts leur passage au travers des corps
+radioactifs et transforms en nergie radioactive.
+
+Bien des raisons sont invoquer pour et contre ces diverses manires de
+voir, et le plus souvent les essais de vrification exprimentale des
+consquences de ces hypothses ont donn des rsultats ngatifs.
+L'nergie radioactive de l'uranium et du radium ne semble pas jusqu'ici
+s'puiser ni mme prouver une variation apprciable avec le temps.
+Demaray a examin au spectroscope un chantillon de chlorure de radium
+pur 5 mois d'intervalle; il n'a observ aucun changement dans le
+spectre au bout de ces 5 mois. La raie principale du baryum qui se
+voyait dans le spectre et indiquait la prsence du baryum l'tat de
+trace, ne s'tait pas renforce pendant l'intervalle de temps considr;
+le radium ne s'tait donc pas transform en baryum d'une manire
+sensible.
+
+Les variations de poids signales par M. Heydweiller pour les composs
+du radium[119] ne peuvent pas encore tre considres comme un fait
+tabli.
+
+ [119] HEYDWEILLER, _Physik. Zeitschr._, octobre 1902.
+
+MM. Elster et Geitel ont trouv que la radioactivit de l'uranium n'est
+pas change au fond d'un puits de mine de 850m de profondeur; une
+couche de terre de cette paisseur ne modifierait donc pas le
+rayonnement primaire hypothtique qui provoquerait la radioactivit de
+l'uranium.
+
+Nous avons mesur la radioactivit de l'uranium midi et minuit,
+pensant que si le rayonnement primaire hypothtique avait sa source
+dans le soleil, il pourrait tre en partie absorb en traversant la
+terre. L'exprience n'a donn aucune diffrence pour les deux mesures.
+
+Les recherches les plus rcentes sont favorables l'hypothse d'une
+transformation atomique du radium. Cette hypothse a t mise ds le
+dbut des recherches sur la radioactivit[120]; elle a t franchement
+adopte par M. Rutherford qui a admis que l'manation du radium est un
+gaz matriel qui est un des produits de la dsagrgation de l'atome du
+radium[121]. Les expriences rcentes de MM. Ramsay et Soddy tendent
+prouver que l'manation est un gaz instable qui se dtruit en donnant
+lieu une production d'hlium. D'autre part, le dbit continu de
+chaleur fourni par le radium ne saurait s'expliquer par une raction
+chimique ordinaire, mais pourrait peut-tre avoir son origine dans une
+transformation de l'atome.
+
+ [120] Mme CURIE, _Revue gnrale des Sciences_, 30 janvier 1899.
+
+ [121] RUTHERFORD et SODDY, _Phil. Mag._, mai 1903.
+
+Rappelons enfin que les substances radioactives nouvelles se trouvent
+toujours dans les minerais d'urane; nous avons vainement cherch du
+radium dans le baryum du commerce (_voir_ page 46). La prsence du
+radium semble donc lie celle de l'uranium. Les minerais d'urane
+contiennent d'ailleurs de l'argon et de l'hlium, et cette concidence
+n'est probablement pas non plus due au hasard. La prsence simultane de
+ces divers corps dans les mmes minerais fait songer que la prsence des
+uns est peut-tre ncessaire pour la formation des autres.
+
+Il est toutefois ncessaire de remarquer que les faits qui viennent
+l'appui de l'ide d'une transformation atomique du radium peuvent aussi
+recevoir une interprtation diffrente. Au lieu d'admettre que l'atome
+de radium se transforme, on pourrait admettre que cet atome est lui-mme
+stable, mais qu'il agit sur le milieu qui l'entoure (atomes matriels
+voisins ou ther du vide) de manire donner lieu des transformations
+atomiques. Cette hypothse conduit tout aussi bien admettre la
+possibilit de la transformation des lments, mais le radium lui-mme
+ne serait plus alors un lment en voie de destruction.
+
+
+FIN.
+
+
+
+
+ TABLE DES MATIRES.
+
+
+ Pages.
+
+ INTRODUCTION 1
+
+ Historique 3
+
+ I.--_Radioactivit de l'uranium et du thorium. Minraux
+ radioactifs._
+
+ Rayons de Becquerel 6
+
+ Mesure de l'intensit du rayonnement 8
+
+ Radioactivit des composs d'uranium et de thorium 14
+
+ La radioactivit atomique est-elle un phnomne gnral? 17
+
+ Minraux radioactifs 19
+
+
+ II.--_Les nouvelles substances radioactives._
+
+ Mthode de recherches 22
+
+ Polonium, radium, actinium 22
+
+ Spectre du radium 25
+
+ Extraction des substances radioactives nouvelles 27
+
+ Polonium 31
+
+ Prparation du chlorure de radium pur 34
+
+ Dtermination du poids atomique du radium 40
+
+ Caractres des sels de radium 45
+
+ Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire 46
+
+
+ III.--_Rayonnement des nouvelles substances radioactives._
+
+ Procds d'tude du rayonnement 47
+
+ Energie du rayonnement 48
+
+ Nature complexe du rayonnement 49
+
+ Action du champ magntique 51
+
+ Rayons dviables #b# 56
+
+ Charge des rayons dviables #b# 57
+
+ Action du champ lectrique sur les rayons #b# du radium 62
+
+ Rapport de la charge la masse pour une particule charge 63
+ ngativement, mise par le radium
+
+ Action du champ magntique sur les rayons #a# 66
+
+ Action du champ magntique sur les rayons des autres 68
+ substances radioactives
+
+ Proportion des rayons dviables #b# dans le rayonnement 68
+ du radium
+
+ Pouvoir pntrant du rayonnement des corps radioactifs 73
+
+ Action ionisante des rayons du radium sur les liquides 90
+ isolants
+
+ Divers effets et applications de l'action ionisante des 93
+ rayons mis par les substances radioactives
+
+ Effets de fluorescence, effets lumineux 95
+
+ Dgagement de chaleur par les sels de radium 98
+
+ Effets chimiques produits par les nouvelles substances
+ radioactives. Colorations 102
+
+ Dgagement de gaz en prsence des sels de radium 104
+
+ Production de thermoluminescence 105
+
+ Radiographies 106
+
+ Effets physiologiques 107
+
+ Action de la temprature sur le rayonnement 109
+
+
+ IV.--_La radioactivit induite._
+
+ Communication de la radioactivit des substances
+ primitivement inactives 111
+
+ Activation en enceinte ferme 113
+
+ Rle des gaz dans les phnomnes de radioactivit induite. 115
+ Emanation
+
+ Dsactivation l'air libre des corps solides activs 116
+
+ Dsactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de 117
+ l'manation
+
+ Nature des manations 119
+
+ Variations d'activit des liquides activs et des solutions 122
+ radifres
+
+ Thorie de la radioactivit 123
+
+ Autre forme de la radioactivit induite 126
+
+ Radioactivit induite volution lente 126
+
+ Radioactivit induite sur des substances qui sjournent en
+ dissolution avec le radium 127
+
+ Dissmination des poussires radioactives et radioactivit
+ induite du laboratoire 130
+
+ Activation en dehors de l'action des substances radioactives 131
+
+ Variations d'activit des corps radioactifs. Effets de 132
+ dissolution
+
+ Variations d'activit des sels de radium par la chauffe 139
+
+ Interprtation thorique des causes de variation d'activit 144
+ des sels radifres aprs dissolution et aprs chauffe
+
+ _Nature et cause des phnomnes de radioactivit_ 147
+
+
+ FIN DE LA TABLE DES MATIRES.
+
+
+ PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,
+ 35119 Quai des Grands-Augustins, 55.
+
+
+ LIBRAIRIE GAUTHIER-VILLARS,
+ QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 55, A PARIS (6e).
+
+
+ =BLONDLOT= (=R.=), Correspondant de l'Institut, Professeur
+ l'Universit de Nancy.--=Rayons N.= _Recueil des
+ Communications faites l'Acadmie des Sciences_, avec des
+ NOTES COMPLMENTAIRES et une INSTRUCTION POUR LA
+ CONSTRUCTION DES CRANS PHOSPHORESCENTS. In-16 (19 12)
+ de VI-75 pages, avec 3 figures, 2 planches et un cran
+ phosphorescent; 1904 2 fr.
+
+ =BERTHELOT= (=M.=), Snateur, Secrtaire perptuel de
+ l'Acadmie des Sciences, Professeur au Collge de
+ France.--=Les carbures d'hydrogne= (=1851-1901=).
+ _Recherches exprimentales._ Trois volumes grand in-8;
+ 1901, se vendant ensemble 45 fr.
+
+ TOME I: _L'Actylne: synthse totale des carbures
+ d'hydrogne._ Volume de X-414 pages.
+
+ TOME II: _Les Carbures pyrogns.--Sries diverses._
+ Volume de IV-558 pages.
+
+ TOME III: _Combinaison des carbures d'hydrogne avec
+ l'hydrogne, l'oxygne, les lments de l'eau._ Volume de
+ IV-459 pages.
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+ =GUILLAUME= (=Ch.-Ed.=), Docteur s Sciences, Adjoint au
+ Bureau international des Poids et Mesures.--=Les
+ Radiations nouvelles.=--=Les Rayons X et la Photographie
+ travers les corps opaques.= 2e dition. In-8, avec 22
+ figures et 8 planches; 1897 3 fr.
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+ =HALLER= (=Albin=), Membre de l'Institut, Professeur la
+ Facult des Sciences de Paris, Rapporteur du Jury de la
+ Classe 87 l'Exposition universelle de 1900.--=Les
+ industries chimiques et pharmaceutiques.= Deux vol. gr.
+ in-8 de XC-405 et 445 pages avec 108 fig; 1903 20 fr.
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+ =LONDE= (=A.=), Directeur du Service photographique et
+ radiographique la Salptrire (Clinique des maladies du
+ systme nerveux), Laurat de l'Acadmie de Mdecine, de la
+ Facult de Mdecine de Paris.--=Trait pratique de
+ Radiographie et de Radioscopie.= _Technique et
+ applications mdicales._ Grand in-8, avec 113 fig; 1898 7 fr.
+
+ =MOISSONNIER= (=P.=), Pharmacien principal de l'Arme,
+ Chef des laboratoires des usines de Billancourt et du
+ Service de l'Intendance du Gouvernement militaire de
+ Paris, ex-Secrtaire de la Commission de l'aluminium au
+ Ministre de la Guerre.--=L'aluminium. Ses proprits.
+ Ses applications.= _Historique. Minerais. Fabrication.
+ Proprits. Applications gnrales._ Grand in-8, avec
+ 2 figures et un titre tir sur aluminium; 1903 7 fr. 50 c.
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+35119 Paris.--Imprimerie GAUTHIER-VILLARS, quai des Grands-Augustins, 55.
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+
+
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+
+
+
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+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
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+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation information page at www.gutenberg.org
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+Foundation
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+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
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+<h1 class="pg">The Project Gutenberg eBook, Recherches sur les substances radioactives,
+by Marie Curie</h1>
+<p>This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at <a
+href="http://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a></p>
+<p>Title: Recherches sur les substances radioactives</p>
+<p>Author: Marie Curie</p>
+<p>Release Date: July 16, 2013 [eBook #43233]</p>
+<p>Language: French</p>
+<p>Character set encoding: ISO-8859-1</p>
+<p>***START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES RADIOACTIVES***</p>
+<p>&nbsp;</p>
+<h4 class="center">E-text prepared by Claudine Corbasson<br />
+ and the Online Distributed Proofreading Team<br />
+ (<a href="http://www.pgdp.net">http://www.pgdp.net</a>)<br />
+ from page images generously made available by<br />
+ Internet Archive<br />
+ (<a href="http://archive.org">http://archive.org</a>)</h4>
+<p>&nbsp;</p>
+<table border="0" style="background-color: #ccccff;margin: 0 auto;" cellpadding="10">
+ <tr>
+ <td valign="top">
+ Note:
+ </td>
+ <td>
+ Images of the original pages are available through
+ Internet Archive. See
+ <a href="http://archive.org/details/recherchessurles00curi">
+ http://archive.org/details/recherchessurles00curi</a>
+ </td>
+ </tr>
+</table>
+<p>&nbsp;</p>
+<hr class="full" />
+
+<p class="left"><a href="#note">Au lecteur</a></p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 379px;">
+ <img src="images/cover.jpg" alt="" title="" width="379" height="600" />
+</div>
+
+<hr class="small3" />
+
+<p class="center">PARIS.&mdash;IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,<br /><br />
+35119&mdash;&mdash;Quai des Grands-Augustins, 55.</p>
+
+<hr class="small3" />
+
+<div class="figcenter" style="width: 365px;">
+<img class="img2" src="images/title.jpg" alt="" title="" width="365" height="600" />
+ <span class="link"><a href="images/x-title.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<hr class="small2" />
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_1" id="Page_1">1</a></span></p>
+
+<h1><small>RECHERCHES</small><br /><br />
+<span class="small30">SUR LES</span><br /><br />
+SUBSTANCES RADIOACTIVES.</h1>
+
+<hr class="small2" />
+
+<h2><a name="ch_a" id="ch_a"></a>INTRODUCTION.</h2>
+
+<p>Le prsent travail a pour but d'exposer les recherches que je poursuis
+depuis plus de 4 ans sur les substances radioactives. J'ai commenc ces
+recherches par une tude du rayonnement uranique qui a t dcouvert par
+M. Becquerel. Les rsultats auxquels ce travail me conduisit parurent
+ouvrir une voie si intressante, qu'abandonnant ses travaux en train, M.
+Curie se joignit moi, et nous runmes nos efforts en vue d'aboutir
+l'extraction des substances radioactives nouvelles et de poursuivre leur
+tude.</p>
+
+<p>Ds le dbut de nos recherches nous avons cru devoir prter des
+chantillons des substances dcouvertes et prpares par nous quelques
+physiciens, en premier lieu M. Becquerel, qui est due la dcouverte
+des rayons uraniques. Nous avons ainsi nous-mmes facilit les
+recherches faites par d'autres que nous sur les substances radioactives
+nouvelles. A la suite de nos premires publications, M. Giesel en
+Allemagne se mit d'ailleurs aussi prparer de ces substances et en
+prta des chantillons plusieurs savants allemands. Ensuite ces
+substances furent mises en vente en France et en Allemagne, et le sujet
+prenant de plus en plus d'importance donna lieu un mouvement
+scientifique, de sorte que de nombreux Mmoires <span class="pagenum"><a name="Page_2" id="Page_2">2</a></span> ont paru et
+paraissent constamment sur les corps radioactifs, principalement
+l'tranger. Les rsultats des divers travaux franais et trangers sont
+ncessairement enchevtrs, comme pour tout sujet d'tudes nouveau et en
+voie de formation. L'aspect de la question se modifie, pour ainsi dire,
+de jour en jour.</p>
+
+<p>Cependant, au point de vue chimique, un point est dfinitivement tabli;
+<i>c'est l'existence d'un lment nouveau fortement radioactif: le
+radium</i>. La prparation du chlorure de radium pur et la dtermination du
+poids atomique du radium constituent la partie la plus importante de mon
+travail personnel. En mme temps que ce travail ajoute aux corps simples
+actuellement connus avec certitude un nouveau corps simple de proprits
+trs curieuses, une nouvelle mthode de recherches chimiques se trouve
+tablie et justifie. Cette mthode, base sur la radioactivit,
+considre comme une proprit atomique de la matire, est prcisment
+celle qui nous a permis, M. Curie et moi, de dcouvrir l'existence du
+radium.</p>
+
+<p>Si, au point de vue chimique, la question que nous nous sommes
+primitivement pose peut tre considre comme rsolue, l'tude des
+proprits physiques des substances radioactives est en pleine
+volution. Certains points importants ont t tablis, mais un grand
+nombre de conclusions portent encore le caractre du provisoire. Cela
+n'a rien d'tonnant, si l'on considre la complexit des phnomnes
+auxquels donne lieu la radioactivit et les diffrences qui existent
+entre les diverses substances radioactives. Les recherches des divers
+physiciens qui tudient ces substances viennent constamment se
+rencontrer et se croiser. Tout en cherchant me conformer au but prcis
+de ce travail et exposer surtout mes propres recherches, j'ai t
+oblige d'exposer en mme temps les rsultats d'autres travaux dont la
+connaissance est indispensable.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_3" id="Page_3">3</a></span></p>
+
+<p>J'ai d'ailleurs dsir faire de ce travail un Mmoire d'ensemble sur
+l'tat actuel de la question.</p>
+
+<p>J'ai excut ce Travail dans les laboratoires de l'cole de Physique et
+de Chimie industrielles de la Ville de Paris avec l'autorisation de
+Schtzenberger, le regrett Directeur de cette cole, et de M. Lauth, le
+Directeur actuel. Je tiens exprimer ici toute ma reconnaissance pour
+l'hospitalit bienveillante que j'ai reue dans cette cole.</p>
+
+<hr class="small" />
+
+<h2><a name="ch_b" id="ch_b"></a>HISTORIQUE.</h2>
+
+<p>La dcouverte des phnomnes de la radioactivit se rattache aux
+recherches poursuivies depuis la dcouverte des rayons Rntgen sur les
+effets photographiques des substances phosphorescentes et fluorescentes.</p>
+
+<p>Les premiers tubes producteurs de rayons Rntgen taient ces tubes sans
+anticathode mtallique. La source de rayons Rntgen se trouvait sur la
+paroi de verre frappe par les rayons cathodiques; en mme temps cette
+paroi tait vivement fluorescente. On pouvait alors se demander si
+l'mission de rayons Rntgen n'accompagnait pas ncessairement la
+production de la fluorescence, quelle que ft la cause de cette
+dernire. Cette ide a t nonce tout d'abord par M. Henri
+Poincar<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>.</p>
+
+<p>Peu de temps aprs, M. Henry annona qu'il avait obtenu des impressions
+photographiques au travers du papier noir l'aide du sulfure de zinc
+phosphorescent<a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>. M. Niewenglowski obtint le mme phnomne avec du
+sulfure de calcium expos la lumire<a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>. Enfin, M. Troost obtint de
+fortes impressions photographiques avec de la <span class="pagenum"><a name="Page_4" id="Page_4">4</a></span> blende hexagonale
+artificielle phosphorescente agissant au travers du papier noir et un
+gros carton<a name="FNanchor_4" id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>.</p>
+
+<p>Les expriences qui viennent d'tre cites n'ont pu tre reproduites
+malgr les nombreux essais faits dans ce but. On ne peut donc nullement
+considrer comme prouv que le sulfure de zinc et le sulfure de calcium
+soient capables d'mettre, sous l'action de la lumire, des radiations
+invisibles qui traversent le papier noir et agissent sur les plaques
+photographiques.</p>
+
+<p>M. Becquerel a fait des expriences analogues sur les sels d'uranium
+dont quelques-uns sont fluorescents<a name="FNanchor_5" id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>. Il obtint des impressions
+photographiques au travers du papier noir avec le sulfate double
+d'uranyle et de potassium.</p>
+
+<p>M. Becquerel crut d'abord que ce sel, qui est fluorescent, se comportait
+comme le sulfure de zinc et le sulfure de calcium dans les expriences
+de MM. Henry, Niewenglowski et Troost. Mais la suite de ses expriences
+montra que le phnomne observ n'tait nullement reli la
+fluorescence. Il n'est pas ncessaire que le sel soit clair; de plus,
+l'uranium et tous ses composs, fluorescents ou non, agissent de mme,
+et l'uranium mtallique est le plus actif. M. Becquerel trouva ensuite
+qu'en plaant les composs d'urane dans l'obscurit complte, ils
+continuent impressionner les plaques photographiques au travers du
+papier noir pendant des annes. M. Becquerel admit que l'uranium et ses
+composs mettent des rayons particuliers: <i>rayons uraniques</i>. Il prouva
+que ces rayons peuvent traverser des crans mtalliques minces et qu'ils
+dchargent les corps lectriss. Il fit aussi des expriences d'aprs
+lesquelles il conclut que les rayons uraniques prouvent la rflexion,
+la rfraction et la polarisation.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_5" id="Page_5">5</a></span></p>
+
+<p>Les travaux d'autres physiciens (Elster et Geitel, lord Kelwin, Schmidt,
+Rutherford, Beattie et Smoluchowski) sont venus confirmer et tendre les
+rsultats des recherches de M. Becquerel, sauf en ce qui concerne la
+rflexion, la rfraction et la polarisation des rayons uraniques,
+lesquels, ce point de vue, se comportent comme les rayons Rntgen,
+comme cela a t reconnu par M. Rutherford d'abord et ensuite par M.
+Becquerel lui-mme.</p>
+
+<div class="figcenter3" style="width:100px;">
+ <img src="images/decorative.jpg" alt="" title="" width="100" height="12" />
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_6" id="Page_6">6</a></span></p>
+
+<h2>CHAPITRE I.<br />
+<span class="center">~~~~</span><br /><br />
+<small>RADIOACTIVIT DE L'URANIUM ET DU THORIUM.<br />
+MINRAUX RADIOACTIFS.</small></h2>
+
+<p class="section"><a name="ch_1a" id="ch_1a"></a><i>Rayons de Becquerel.</i>&mdash;Les <i>rayons uraniques</i>, dcouverts par M.
+Becquerel, impressionnent les plaques photographiques l'abri de la
+lumire; ils peuvent traverser toutes les substances solides, liquides
+et gazeuses, condition que l'paisseur en soit suffisamment faible; en
+traversant les gaz, ils les rendent faiblement conducteurs de
+l'lectricit<a name="FNanchor_6" id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>.</p>
+
+<p>Ces proprits des composs d'urane ne sont dues aucune cause
+excitatrice connue. Le rayonnement semble spontan; il ne diminue point
+d'intensit quand on conserve les composs d'urane dans l'obscurit
+complte pendant des annes; il ne s'agit donc pas l d'une
+phosphorescence particulire produite par la lumire.</p>
+
+<p>La spontanit et la constance du rayonnement uranique se prsentaient
+comme un phnomne physique tout fait extraordinaire. M. Becquerel a
+conserv un morceau d'uranium pendant plusieurs annes dans l'obscurit
+et il a constat qu'au bout de ce temps l'action sur la plaque
+photographique n'avait pas vari sensiblement. MM. Elster et Geitel ont
+fait une exprience analogue et ont trouv galement que l'action tait
+constante<a name="FNanchor_7" id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>.</p>
+
+<p>J'ai mesur l'intensit du rayonnement de l'uranium en <span class="pagenum"><a name="Page_7" id="Page_7">7</a></span> utilisant
+l'action de ce rayonnement sur la conductibilit de l'air. La mthode de
+mesures sera expose plus loin. J'ai ainsi obtenu des nombres qui
+prouvent la constance du rayonnement dans les limites de prcision des
+expriences, c'est--dire 2 pour 100 ou 3 pour 100 prs<a name="FNanchor_8" id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a>.</p>
+
+<p>On utilisait pour ces mesures un plateau mtallique recouvert d'une
+couche d'uranium en poudre; ce plateau n'tait d'ailleurs pas conserv
+dans l'obscurit, cette condition s'tant montre sans importance
+d'aprs les observateurs cits prcdemment. Le nombre des mesures
+effectues avec ce plateau est trs grand, et actuellement ces mesures
+portent sur un intervalle de temps de 5 annes.</p>
+
+<p>Des recherches furent faites pour reconnatre si d'autres substances
+peuvent agir comme les composs d'urane. M. Schmidt publia le premier
+que le thorium et ses composs possdent galement cette facult<a name="FNanchor_9" id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a>. Un
+travail analogue fait en mme temps m'a donn le mme rsultat. J'ai
+publi ce travail, n'ayant pas encore eu connaissance de la publication
+de M. Schmidt<a name="FNanchor_10" id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>.</p>
+
+<p>Nous dirons que l'uranium, le thorium et leurs composs mettent des
+<i>rayons de Becquerel</i>. J'ai appel <i>radioactives</i> les substances qui
+donnent lieu une mission de ce genre<a name="FNanchor_11" id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>. Ce nom a t depuis
+gnralement adopt.</p>
+
+<p>Par leurs effets photographiques et lectriques les rayons de Becquerel
+se rapprochent des rayons de Rntgen. Ils ont aussi, comme ces derniers,
+la facult de traverser toute matire. Mais leur pouvoir de pntration
+est extrmement diffrent: les rayons de l'uranium et du thorium sont
+arrts par quelques millimtres de matire solide et ne peuvent
+franchir dans l'air une distance suprieure <span class="pagenum"><a name="Page_8" id="Page_8">8</a></span> quelques centimtres;
+tout au moins en est-il ainsi pour la grosse partie du rayonnement.</p>
+
+<p>Les travaux de divers physiciens, et, en premier lieu, de M. Rutherford,
+ont montr que les rayons de Becquerel n'prouvent ni rflexion
+rgulire, ni rfraction, ni polarisation<a name="FNanchor_12" id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a>.</p>
+
+<p>Le faible pouvoir pntrant des rayons uraniques et thoriques conduirait
+ les assimiler aux rayons secondaires qui sont produits par les rayons
+Rntgen, et dont l'tude a t faite par M. Sagnac<a name="FNanchor_13" id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>, plutt qu'aux
+rayons Rntgen eux-mmes.</p>
+
+<p>D'autre part, on peut chercher rapprocher les rayons de Becquerel de
+rayons cathodiques se propageant dans l'air (rayons de Lenard). On sait
+aujourd'hui que ces divers rapprochements sont tous lgitimes.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_1b" id="ch_1b"></a><i>Mesure de l'intensit du rayonnement.</i>&mdash;La mthode employe consiste
+mesurer la conductibilit acquise par l'air sous l'action des substances
+radioactives; cette mthode a l'avantage d'tre rapide et de fournir des
+nombres qu'on peut comparer entre eux. L'appareil que j'ai employ cet
+effet se compose essentiellement d'un condensateur plateaux AB <a href="#Fig_1">(<i>fig.</i> 1)</a>.
+La substance active finement pulvrise est tale sur le plateau B;
+elle rend conducteur l'air entre les plateaux. Pour mesurer cette
+conductibilit, on porte le plateau B un potentiel lev, en le
+reliant l'un des ples d'une batterie de petits accumulateurs P, dont
+l'autre ple est la terre. Le plateau A tant maintenu au potentiel du
+sol par le fil CD, un courant lectrique s'tablit entre les deux
+plateaux. Le potentiel du plateau A est indiqu par un lectromtre E.
+Si l'on interrompt en C la communication avec le sol, le plateau A se
+charge, et cette charge fait dvier l'lectromtre. La <span class="pagenum"><a name="Page_9" id="Page_9">9</a></span> vitesse de
+la dviation est proportionnelle l'intensit du courant et peut servir
+ la mesurer.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 340px;"><a name="Fig_1" id="Fig_1"></a>
+ <p class="caption">Fig. 1.</p>
+ <img src="images/page-9.jpg" alt="" title="" width="340" height="258" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-9.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>Mais il est prfrable de faire cette mesure en compensant la charge que
+prend le plateau A, de manire maintenir l'lectromtre au zro. Les
+charges, dont il est question ici, sont extrmement faibles; elles
+peuvent tre compenses au moyen d'un quartz pizo-lectrique Q, dont
+une armature est relie au plateau A, et l'autre armature est terre.
+On soumet la lame de quartz une traction connue produite par des poids
+placs dans un plateau &#960;; cette traction est tablie
+progressivement et a pour effet de dgager progressivement une quantit
+d'lectricit connue pendant un temps qu'on mesure. L'opration peut
+tre rgle de telle manire, qu'il y ait chaque instant compensation
+entre la quantit d'lectricit qui traverse le condensateur et celle de
+signe contraire que fournit le quartz<a name="FNanchor_14" id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a>. On peut ainsi mesurer <i>en
+valeur absolue</i> la <span class="pagenum"><a name="Page_10" id="Page_10">10</a></span> quantit d'lectricit qui traverse le
+condensateur pendant un temps donn, c'est--dire l'<i>intensit du
+courant</i>. La mesure est indpendante de la sensibilit de
+l'lectromtre.</p>
+
+<p>En effectuant un certain nombre de mesures de ce genre, on voit que la
+radioactivit est un phnomne susceptible d'tre mesur avec une
+certaine prcision. Elle varie peu avec la temprature, elle est peine
+influence par les oscillations de la temprature ambiante; elle n'est
+pas influence par l'clairement de la substance active. L'intensit du
+courant qui traverse le condensateur augmente avec la surface des
+plateaux. Pour un condensateur donn et une substance donne le courant
+augmente avec la diffrence de potentiel qui existe entre les plateaux,
+avec la pression du gaz qui remplit le condensateur et avec la distance
+des plateaux (pourvu que cette distance ne soit pas trop grande par
+rapport au diamtre). Toutefois, pour de fortes diffrences de
+potentiel, le courant tend vers une valeur limite qui est pratiquement
+constante. C'est le <i>courant de saturation</i> ou <i>courant limite</i>. De mme
+pour une certaine distance des plateaux assez grande, le courant ne
+varie plus gure avec cette distance. C'est le courant obtenu dans ces
+conditions qui a t pris comme mesure de radioactivit dans mes
+recherches, le condensateur tant plac dans l'air la pression
+atmosphrique.</p>
+
+<p>Voici, titre d'exemple, des courbes qui reprsentent l'intensit du
+courant en fonction du champ moyen tabli entre les plateaux pour deux
+distances des plateaux diffrentes. Le plateau B tait recouvert d'une
+couche mince d'uranium mtallique pulvris; le plateau A, runi
+l'lectromtre, tait muni d'un anneau de garde.</p>
+
+<p>La figure 2 montre que l'intensit du courant devient constante pour les
+fortes diffrences de potentiel entre les plateaux. La figure 3
+reprsente les mmes courbes une autre chelle, et comprend seulement
+les rsultats relatifs aux faibles diffrences de potentiel. Au dbut,
+la <span class="pagenum"><a name="Page_11" id="Page_11">11</a></span> courbe est rectiligne; le quotient de l'intensit du courant par
+la diffrence de potentiel est constant pour les tensions faibles, et
+reprsente la conductance initiale entre les plateaux.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 436px;">
+ <p class="caption">Fig. 2.</p>
+ <img src="images/page-11a.jpg" alt="" title="" width="436" height="328" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-11a.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 436px;">
+ <p class="caption">Fig. 3.</p>
+ <img src="images/page-11b.jpg" alt="" title="" width="436" height="335" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-11b.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p class="noindent">On peut donc
+distinguer deux constantes <span class="pagenum"><a name="Page_12" id="Page_12">12</a></span> importantes caractristiques du
+phnomne observ: 1 la <i>conductance initiale</i> pour diffrences de
+potentiel faibles; 2 le <i>courant limite</i> pour diffrences de potentiel
+fortes. C'est le courant limite qui a t adopt comme mesure de la
+radioactivit.</p>
+
+<p>En plus de la diffrence de potentiel que l'on tablit entre les
+plateaux, il existe entre ces derniers une force lectromotrice de
+contact, et ces deux causes de courant ajoutent leurs effets; c'est
+pourquoi la valeur absolue de l'intensit du courant change avec le
+signe de la diffrence de potentiel extrieure. Toutefois, pour des
+diffrences de potentiel notables, l'effet de la force lectromotrice de
+contact est ngligeable, et l'intensit du courant est alors la mme,
+quel que soit le sens du champ entre les plateaux.</p>
+
+<p>L'tude de la conductibilit de l'air et d'autres gaz soumis l'action
+des rayons de Becquerel a t faite par plusieurs physiciens<a name="FNanchor_15" id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">[15]</a>. Une
+tude trs complte du sujet a t publie par M. Rutherford<a name="FNanchor_16" id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">[16]</a>.</p>
+
+<p>Les lois de la conductibilit produite dans les gaz par les rayons de
+Becquerel sont les mmes que celles trouves avec les rayons Rntgen. Le
+mcanisme du phnomne parat tre le mme dans les deux cas. La thorie
+de l'ionisation des gaz par l'effet des rayons Rntgen ou Becquerel rend
+trs bien compte des faits observs. Cette thorie ne sera pas expose
+ici. Je rappellerai seulement les rsultats auxquels elle conduit:</p>
+
+<p>1 Le nombre d'ions produits par seconde dans le gaz est considr
+comme proportionnel l'nergie du rayonnement absorb par le gaz;</p>
+
+<p>2 Pour obtenir le courant limite relatif un rayonnement <span class="pagenum"><a name="Page_13" id="Page_13">13</a></span> donn,
+il faut, d'une part, faire absorber intgralement ce rayonnement par le
+gaz, en employant une masse absorbante suffisante; d'autre part, il faut
+utiliser pour la production du courant tous les ions crs, en
+tablissant un champ lectrique assez fort pour que le nombre des ions
+qui se recombinent devienne une fraction insignifiante du nombre total
+des ions produits dans le mme temps, qui sont presque tous entrans
+par le courant et amens aux lectrodes. Le champ lectrique moyen
+ncessaire pour obtenir ce rsultat est d'autant plus lev que
+l'ionisation est plus forte.</p>
+
+<p>D'aprs des recherches rcentes de M. Townsend, le phnomne est plus
+complexe quand la pression du gaz est faible. Le courant semble d'abord
+tendre vers une valeur limite constante quand la diffrence de potentiel
+augmente; mais, partir d'une certaine diffrence de potentiel, le
+courant recommence crotre avec le champ, et cela avec une rapidit
+trs grande. M. Townsend admet que cet accroissement est d une
+ionisation nouvelle produite par les ions eux-mmes quand ceux-ci, sous
+l'action du champ lectrique, prennent une vitesse suffisante pour
+qu'une molcule du gaz, rencontre par un de ces projectiles, se trouve
+brise et divise en ses ions constituants. Un champ lectrique intense
+et une pression faible favorisent cette ionisation par les ions dj
+prsents, et, aussitt que celle-ci commence se produire, l'intensit
+du courant crot constamment avec le champ moyen entre les plateaux<a name="FNanchor_17" id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">[17]</a>.
+Le courant limite ne saurait donc tre obtenu qu'avec des causes
+ionisantes, dont l'intensit ne dpasse pas une certaine valeur, de
+telle faon que la saturation corresponde des champs pour lesquels
+l'ionisation par choc des ions ne peut encore avoir lieu. Cette
+condition se trouvait ralise dans mes expriences.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_14" id="Page_14">14</a></span></p>
+
+<p>L'ordre de grandeur des courants de saturation que l'on obtient avec les
+composs d'urane est de 10<sup>-11</sup> ampres pour un condensateur dont les
+plateaux ont 8<sup>cm</sup> de diamtre et sont distants de 3<sup>cm</sup>. Les composs
+de thorium donnent lieu des courants du mme ordre de grandeur, et
+l'activit des oxydes d'uranium et de thorium est trs analogue.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_1c" id="ch_1c"></a><i>Radioactivit des composs d'uranium et de thorium.</i>&mdash;Voici les nombres
+que j'ai obtenus avec divers composs d'urane; je dsigne par <i>i</i>
+l'intensit du courant en ampres:</p>
+
+<table summary="table_Page_14a" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="340" />
+ <col width="60" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop"><i>i</i> 10<sup>11</sup>.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Uranium mtallique (contenant un peu de carbone)</td>
+ <td class="tdctop">2,3</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Oxyde d'urane noir U<sup>2</sup> O<sup>5</sup></td>
+ <td class="tdctop">2,6</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Oxyde d'urane vert U<sup>3</sup> O<sup>4</sup></td>
+ <td class="tdctop">1,8</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Acide uranique hydrat</td>
+ <td class="tdctop">0,6</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Uranate de sodium</td>
+ <td class="tdctop">1,2</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Uranate de potassium</td>
+ <td class="tdctop">1,2</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Uranate d'ammonium</td>
+ <td class="tdctop">1,3</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Sulfate uraneux</td>
+ <td class="tdctop">0,7</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Sulfate d'uranyle et de potassium</td>
+ <td class="tdctop">0,7</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Azotate d'uranyle</td>
+ <td class="tdctop">0,7</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Phosphate de cuivre et d'uranyle</td>
+ <td class="tdctop">0,9</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Oxysulfure d'urane</td>
+ <td class="tdctop">1,2</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>L'paisseur de la couche du compos d'urane employ a peu d'influence,
+pourvu que la couche soit continue. Voici quelques expriences ce
+sujet:</p>
+
+<table summary="table_Page_14b" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="3">
+ <col width="160" />
+ <col width="80" />
+ <col width="60" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdcmiddle">paisseur de la couche.<br /><sup>mm</sup></td>
+ <td class="tdcmiddle"><i>i</i> 10<sup>11</sup>.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Oxyde d'urane</td>
+ <td class="tdctop">0,5</td>
+ <td class="tdctop">2,7</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">3,0</td>
+ <td class="tdctop">3,0</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Uranate d'ammonium</td>
+ <td class="tdctop">0,5</td>
+ <td class="tdctop">1,3</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">3,0</td>
+ <td class="tdctop">1,4</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_15" id="Page_15">15</a></span></p>
+
+<p>On peut conclure de l, que l'absorption des rayons uraniques par la
+matire qui les met est trs forte, puisque les rayons venant des
+couches profondes ne peuvent pas produire d'effet notable.</p>
+
+<p>Les nombres que j'ai obtenus avec les composs de thorium<a name="FNanchor_18" id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">[18]</a> m'ont
+permis de constater:</p>
+
+<div class="quote">
+ <p>1 Que l'paisseur de la couche employe a une action considrable,
+ surtout avec l'oxyde;</p>
+
+ <p>2 Que le phnomne n'est rgulier que si l'on emploie une couche
+ active mince (0<sup>mm</sup>,25 par exemple). Au contraire, quand on emploie une
+ couche de matire paisse (6<sup>mm</sup>), on obtient des nombres oscillant
+ entre des limites tendues, surtout dans le cas de l'oxyde:</p>
+</div>
+
+<table summary="table_Page_15" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="180" />
+ <col width="80" />
+ <col width="60" />
+ <col width="100" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdcmiddle">paisseur de la couche.<br /><sup>mm</sup></td>
+ <td class="tdcmiddle"><i>i</i> 10<sup>11</sup>.</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Oxyde de thorium</td>
+ <td class="tdctop">0,25</td>
+ <td class="tdctop">2,2</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,5&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,5</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,5&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">4,7</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">3,0&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">5,5</td>
+ <td class="tdctop">en moyenne</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">6,0&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">5,5</td>
+ <td class="tdctop"></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Sulfate de thorium</td>
+ <td class="tdctop">0,25</td>
+ <td class="tdctop">0,8</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Il y a dans la nature du phnomne une cause d'irrgularits qui
+n'existe pas dans le cas des composs d'urane. Les nombres obtenus pour
+une couche d'oxyde de 6<sup>mm</sup> d'paisseur variaient entre 3,7 et 7,3.</p>
+
+<p>Les expriences que j'ai faites sur l'absorption des rayons uraniques et
+thoriques ont montr que les rayons thoriques sont plus pntrants que
+les rayons uraniques et que les rayons mis par l'oxyde de thorium en
+couche paisse sont plus pntrants que ceux qu'il met en couche mince.
+Voici, par exemple, les nombres qui <span class="pagenum"><a name="Page_16" id="Page_16">16</a></span> indiquent la fraction du
+rayonnement que transmet une lame d'aluminium dont l'paisseur est
+0<sup>mm</sup>,01:</p>
+
+<table summary="table_Page_16" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="3">
+ <col width="300" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdlmiddle">Substance rayonnante.</td>
+ <td class="tdcmiddle">Fraction du rayonnement transmise par la lame.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdltop">Uranium</td>
+ <td class="tdctop">0,18</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdltop">Oxyde d'urane U<sup>2</sup> O<sup>5</sup></td>
+ <td class="tdctop">0,20</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdltop">Uranate d'ammonium</td>
+ <td class="tdctop">0,20</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdltop">Phosphate d'urane et de cuivre</td>
+ <td class="tdctop">0,21</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">mm</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Oxyde de thorium sous paisseur</td>
+ <td class="tdctop">0,25</td>
+ <td class="tdctop">0,38</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,5&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,47</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">3,0&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,70</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">6,0&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,70</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Sulfate de thorium</td>
+ <td class="tdctop">0,25</td>
+ <td class="tdctop">0,38</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Avec les composs d'urane, l'absorption est la mme quel que soit le
+compos employ, ce qui porte croire que les rayons mis par les
+divers composs sont de mme nature.</p>
+
+<p>Les particularits de la radiation thorique ont t l'objet de
+publications trs compltes. M. Owens<a name="FNanchor_19" id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">[19]</a> a montr que la constance du
+courant n'est obtenue qu'au bout d'un temps assez long en appareil clos,
+et que l'intensit du courant est fortement rduite par l'action d'un
+courant d'air (ce qui n'a pas lieu pour les composs d'uranium). M.
+Rutherford a fait des expriences analogues et les a interprtes en
+admettant que le thorium et ses composs mettent non seulement des
+rayons de Becquerel, mais encore une <i>manation,</i> constitue par des
+particules extrmement tnues, qui restent radioactives pendant quelque
+temps aprs leur mission et peuvent tre entranes par un courant
+d'air<a name="FNanchor_20" id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">[20]</a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_17" id="Page_17">17</a></span></p>
+
+<p>Les caractres de la radiation thorique qui sont relatifs l'influence
+de l'paisseur de la couche employe et l'action des courants d'air
+ont une liaison troite avec le phnomne de la <i>radioactivit induite
+et de sa propagation de proche en proche</i>. Ce phnomne a t observ
+pour la premire fois avec le radium et sera dcrit plus loin.</p>
+
+<p>La radioactivit des composs d'uranium et de thorium se prsente comme
+une <i>proprit atomique</i>. M. Becquerel avait dj observ que tous les
+composs d'uranium sont actifs et avait conclu que leur activit tait
+due la prsence de l'lment uranium; il a montr galement que
+l'uranium tait plus actif que ses sels<a name="FNanchor_21" id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">[21]</a>. J'ai tudi ce point de
+vue les composs de l'uranium et du thorium et j'ai fait un grand nombre
+de mesures de leur activit dans diverses conditions. Il rsulte de
+l'ensemble de ces mesures que la radioactivit de ces substances est
+bien effectivement une proprit atomique. Elle semble ici lie la
+prsence des atomes des deux lments considrs et n'est dtruite ni
+par les changements d'tat physique ni par les transformations
+chimiques. Les combinaisons chimiques et les mlanges contenant de
+l'uranium ou du thorium sont d'autant plus actifs qu'ils contiennent une
+plus forte proportion de ces mtaux, toute matire inactive agissant
+la fois comme matire inerte et matire absorbant le rayonnement.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_1d" id="ch_1d"></a><i>La radioactivit atomique est-elle un phnomne gnral?</i>&mdash;Comme il a
+t dit plus haut, j'ai cherch si d'autres substances que les composs
+d'uranium et de thorium taient radioactives. J'ai entrepris cette
+recherche dans l'ide qu'il tait fort peu probable que la
+radioactivit, considre comme proprit atomique, appartnt <span class="pagenum"><a name="Page_18" id="Page_18">18</a></span> une
+certaine espce de matire, l'exclusion de toute autre. Les mesures
+que j'ai faites me permettent de dire que pour les lments chimiques
+actuellement considrs comme tels, y compris les plus rares et les plus
+hypothtiques, les composs tudis par moi ont t toujours au moins
+100 fois moins actifs dans mon appareil que l'uranium mtallique. Dans
+le cas des lments rpandus, j'ai tudi plusieurs composs; dans le
+cas des corps rares, j'ai tudi les composs que j'ai pu me procurer.</p>
+
+<p>Voici la liste des substances qui ont fait partie de mon tude sous
+forme d'lment ou de combinaison:</p>
+
+<div class="quote">
+ <p>1 Tous les mtaux ou mtallodes que l'on trouve facilement et
+ quelques-uns, plus rares, produits purs, provenant de la collection de
+ M. Etard, l'cole de Physique et de Chimie industrielles de la Ville
+ de Paris;</p>
+
+ <p>2 Les corps rares suivants: gallium, germanium, nodyme, prasodyme,
+ niobium, scandium, gadolinium, erbium, samarium et rubidium
+ (chantillons prts par M. Demaray); yttrium, ytterbium avec nouvel
+ erbium (chantillons prts par M. Urbain<a name="FNanchor_22" id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">[22]</a>);</p>
+
+ <p>3 Un grand nombre de roches et de minraux.</p>
+</div>
+
+<p>Dans les limites de sensibilit de mon appareil je n'ai pas trouv de
+substance simple autre que l'uranium et le thorium, qui soit doue de
+radioactivit atomique. Il convient toutefois de dire quelques mots sur
+ce qui est relatif au phosphore. Le phosphore blanc humide, plac entre
+les plateaux du condensateur, rend conducteur l'air entre les
+plateaux<a name="FNanchor_23" id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">[23]</a>. Toutefois, je ne considre pas ce corps comme radioactif
+la faon de l'uranium et du thorium. <span class="pagenum"><a name="Page_19" id="Page_19">19</a></span> Le phosphore, en effet, dans
+ces conditions, s'oxyde et met des rayons lumineux, tandis que les
+composs d'uranium et de thorium sont radioactifs sans prouver aucune
+modification chimique apprciable par les moyens connus. De plus, le
+phosphore n'est actif ni l'tat de phosphore rouge, ni l'tat de
+combinaison.</p>
+
+<p>Dans un travail rcent, M. Bloch vient de montrer que le phosphore, en
+s'oxydant en prsence de l'air, donne naissance des ions trs peu
+mobiles qui rendent l'air conducteur et provoquent la condensation de la
+vapeur d'eau<a name="FNanchor_24" id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">[24]</a>.</p>
+
+<p>Certains travaux rcents conduiraient admettre que la radioactivit
+appartient toutes les substances un degr extrmement faible<a name="FNanchor_25" id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">[25]</a>.
+L'identit de ces phnomnes trs faibles avec les phnomnes de la
+radioactivit atomique ne peut encore tre considre comme tablie.</p>
+
+<p>L'uranium et le thorium sont les deux lments qui possdent les plus
+forts poids atomiques (240 et 232); ils se rencontrent frquemment dans
+les mmes minraux.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_1e" id="ch_1e"></a><i>Minraux radioactifs.</i>&mdash;J'ai examin dans mon appareil plusieurs
+minraux<a name="FNanchor_26" id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">[26]</a>; certains d'entre eux se sont montrs actifs, entre autres
+la pechblende, la chalcolite, l'autunite, la monazite, la thorite,
+l'orangite, la fergusonite, la clvite, etc. Voici un Tableau qui donne
+en ampres l'intensit <i>i</i> du courant obtenu avec l'uranium mtallique
+et avec divers minraux.</p>
+
+<table summary="table_Page_19" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="3">
+ <col width="380" />
+ <col width="40" />
+ <col width="60" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td colspan="2">&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop"><i>i</i> 10<sup>11</sup>.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Uranium</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,3&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pechblende de Johanngeorgenstadt</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">8,3&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;de Joachimsthal</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">7,0&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;de Pzibran<span class="pagenum"><a name="Page_20" id="Page_20">20</a></span></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">6,5&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;de Cornwallis</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">1,6&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Clvite</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">1,4&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Chalcolite</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">5,2&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Autunite</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,7&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td rowspan="5" class="tdlmiddle">Thorites diverses</td>
+ <td rowspan="5" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-01.jpg" width="10" height="100" alt="" title="" /></td>
+ <td class="tdctop">0,1&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,3&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,7&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">1,3&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">1,4&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Orangite</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,0&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Monazite</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,5&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Xenotime</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,03</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Aeschynite</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,7&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td rowspan="2" class="tdlmiddle">Fergusonite, 2 chantillons</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-03.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td class="tdctop">0,4&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,1&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Samarskite</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">1,1&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td rowspan="2" class="tdlmiddle">Niobite, 2 chantillons</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-03.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td class="tdctop">0,1&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,3&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Tantalite</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,02</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Carnotite<a name="FNanchor_27" id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">[27]</a> </td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">6,2&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Le courant obtenu avec l'orangite (minerai d'oxyde de thorium) variait
+beaucoup avec l'paisseur de la couche employe. En augmentant cette
+paisseur depuis 0<sup>mm</sup>,25 6<sup>mm</sup>, on faisait crotre le courant de
+1,8 2,3.</p>
+
+<p>Tous les minraux qui se montrent radioactifs contiennent de l'uranium
+ou du thorium; leur activit n'a donc rien d'tonnant, mais l'intensit
+du phnomne pour certains minraux est inattendue. Ainsi, on trouve des
+pechblendes (minerais d'oxyde d'urane) qui sont 4 fois plus actives que
+l'uranium mtallique. La chalcolite (phosphate de cuivre et d'urane
+cristallis) est 2 fois plus active que l'uranium. L'autunite (phosphate
+d'urane et de chaux) est aussi active que l'uranium. Ces faits taient
+en dsaccord <span class="pagenum"><a name="Page_21" id="Page_21">21</a></span> avec les considrations prcdentes, d'aprs
+lesquelles aucun minral n'aurait d se montrer plus actif que l'uranium
+ou le thorium.</p>
+
+<p>Pour claircir ce point, j'ai prpar de la chalcolite artificielle par
+le procd de Debray, en partant de produits purs. Ce procd consiste
+mlanger une dissolution d'azotate d'uranyle avec une dissolution de
+phosphate de cuivre dans l'acide phosphorique, et chauffer vers 50 ou
+60. Au bout de quelque temps, des cristaux de chalcolite se forment
+dans la liqueur<a name="FNanchor_28" id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">[28]</a>. La chalcolite ainsi obtenue possde une activit
+tout fait normale, tant donne sa composition; elle est deux fois et
+demie moins active que l'uranium.</p>
+
+<p>Il devenait ds lors trs probable que si la pechblende, la chalcolite,
+l'autunite ont une activit si forte, c'est que ces substances
+renferment en petite quantit une matire fortement radioactive,
+diffrente de l'uranium, du thorium et des corps simples actuellement
+connus. J'ai pens que, s'il en tait effectivement ainsi, je pouvais
+esprer extraire cette substance du minerai par les procds ordinaires
+de l'analyse chimique.</p>
+
+<div class="figcenter3" style="width:100px;">
+ <img src="images/decorative.jpg" alt="" title="" width="100" height="12" />
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_22" id="Page_22">22</a></span></p>
+
+<h2>CHAPITRE II.<br />
+<span class="center">~~~~</span><br /><br />
+<small>LES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.</small></h2>
+
+<p class="section"><a name="ch_2a" id="ch_2a"></a><i>Mthode de recherches.</i>&mdash;Les rsultats de l'tude des minraux
+radioactifs, noncs dans le Chapitre prcdent, nous ont engags, M.
+Curie et moi, chercher extraire de la pechblende une nouvelle
+substance radioactive. Notre mthode de recherches ne pouvait tre base
+que sur la radioactivit, puisque nous ne connaissions aucun autre
+caractre de la substance hypothtique. Voici comment on peut se servir
+de la radioactivit pour une recherche de ce genre. On mesure la
+radioactivit d'un produit, on effectue sur ce produit une sparation
+chimique; on mesure la radioactivit de tous les produits obtenus, et
+l'on se rend compte si la substance radioactive est reste intgralement
+avec l'un d'eux, ou bien si elle s'est partage entre eux et dans quelle
+proportion. On a ainsi une indication qui peut tre compare, en une
+certaine mesure, celle que pourrait fournir l'analyse spectrale. Pour
+avoir des nombres comparables, il faut mesurer l'activit des substances
+ l'tat solide et bien dessches.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_2b" id="ch_2b"></a><i>Polonium, radium, actinium.</i>&mdash;L'analyse de la pechblende, avec le
+concours de la mthode qui vient d'tre expose, nous a conduits
+tablir l'existence, dans ce minral, de deux substances fortement
+radioactives, chimiquement diffrentes: le <i>polonium</i>, trouv par nous,
+et le <i>radium</i>, que nous avons dcouvert en collaboration avec M.
+Bmont<a name="FNanchor_29" id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor">[29]</a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_23" id="Page_23">23</a></span></p>
+
+<div class="quote">
+ <p>Le <i>polonium</i> est une substance voisine du bismuth au point de vue
+ analytique et l'accompagnant dans les sparations. On obtient du bismuth
+ de plus en plus riche en polonium par l'un des procds de
+ fractionnement suivants:</p>
+
+ <p>1 Sublimation des sulfures dans le vide; le sulfure actif est beaucoup
+ plus volatil que le sulfure de bismuth.</p>
+
+ <p>2 Prcipitation des solutions azotiques par l'eau; le sous-nitrate
+ prcipit est beaucoup plus actif que le sel qui reste dissous.</p>
+
+ <p>3 Prcipitation par l'hydrogne sulfur d'une solution chlorhydrique
+ extrmement acide; les sulfures prcipits sont considrablement plus
+ actifs que le sel qui reste dissous.</p>
+</div>
+
+<p>Le <i>radium</i> est une substance qui accompagne le baryum retir de la
+pechblende; il suit le baryum dans ses ractions et s'en spare par
+diffrence de solubilit des chlorures dans l'eau, l'eau alcoolise ou
+l'eau additionne d'acide chlorhydrique. Nous effectuons la sparation
+des chlorures de baryum et de radium, en soumettant leur mlange une
+cristallisation fractionne, le chlorure de radium tant moins soluble
+que celui de baryum.</p>
+
+<p>Une troisime substance fortement radioactive a t caractrise dans la
+pechblende par M. Debierne, qui lui a donn le nom d'<i>actinium</i><a name="FNanchor_30" id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor">[30]</a>.
+L'actinium accompagne certains corps du groupe du fer contenus dans la
+pechblende; il semble surtout voisin du thorium dont il n'a pu encore
+tre spar. L'extraction de l'actinium de la pechblende est une
+opration trs pnible, les sparations tant gnralement incompltes.</p>
+
+<p>Toutes les trois substances radioactives nouvelles se <span class="pagenum"><a name="Page_24" id="Page_24">24</a></span> trouvent dans
+la pechblende en quantit absolument infinitsimale. Pour les obtenir
+l'tat concentr, nous avons t obligs d'entreprendre le traitement de
+plusieurs tonnes de rsidus de minerai d'urane. Le gros traitement se
+fait dans une usine; il est suivi de tout un travail de purification et
+de concentration. Nous arrivons ainsi extraire de ces milliers de
+kilogrammes de matire premire quelques dcigrammes de produits qui
+sont prodigieusement actifs par rapport au minerai dont ils proviennent.
+Il est bien vident que l'ensemble de ce travail est long, pnible et
+coteux<a name="FNanchor_31" id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor">[31]</a>.</p>
+
+<p>D'autres substances radioactives nouvelles ont encore t signales la
+suite de notre travail. M. Giesel, d'une part, MM. Hoffmann et Strauss,
+d'autre part, ont annonc l'existence probable d'une substance
+radioactive voisine du plomb par ses proprits chimiques. On ne possde
+encore que peu de renseignements sur cette substance<a name="FNanchor_32" id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor">[32]</a>.</p>
+
+<p>De toutes les substances radioactives nouvelles, le <span class="pagenum"><a name="Page_25" id="Page_25">25</a></span> radium est,
+jusqu' prsent, la seule qui ait t isole l'tat de sel pur.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_2c" id="ch_2c"></a><i>Spectre du radium.</i>&mdash;Il tait de premire importance de contrler, par
+tous les moyens possibles, l'hypothse, faite dans ce travail, de
+l'existence d'lments nouveaux radioactifs. L'analyse spectrale est
+venue, dans le cas du radium, confirmer d'une faon complte cette
+hypothse.</p>
+
+<p>M. Demaray a bien voulu se charger de l'examen des substances
+radioactives nouvelles, par les procds rigoureux qu'il emploie dans
+l'tude des spectres d'tincelle photographis.</p>
+
+<p>Le concours d'un savant aussi comptent a t pour nous un grand
+bienfait, et nous lui gardons une reconnaissance profonde d'avoir
+consenti faire ce travail. Les rsultats de l'analyse spectrale sont
+venus nous apporter la certitude, alors que nous tions encore dans le
+doute sur l'interprtation des rsultats de nos recherches<a name="FNanchor_33" id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor">[33]</a>.</p>
+
+<p>Les premiers chantillons de chlorure de baryum radifre mdiocrement
+actif, examins par Demaray, lui montrrent, en mme temps que les
+raies du baryum, une raie nouvelle d'intensit notable et de longueur
+d'onde &#955;&nbsp;=&nbsp;381<sup>&micro;&micro;</sup>,47 dans le spectre ultra-violet.
+Avec des produits plus actifs, prpars ensuite, Demaray vit la raie
+381<sup>&micro;&micro;</sup>,47 se renforcer; en mme temps d'autres raies
+nouvelles apparurent, et dans le spectre les raies nouvelles et les
+raies du baryum avaient des intensits comparables. Une nouvelle
+concentration a fourni un produit, pour <span class="pagenum"><a name="Page_26" id="Page_26">26</a></span> lequel le nouveau spectre
+domine, et les trois plus fortes raies du baryum, seules visibles,
+indiquent seulement la prsence de ce mtal l'tat d'impuret. Ce
+produit peut tre considr comme du chlorure de radium peu prs pur.
+Enfin j'ai pu, par une nouvelle purification, obtenir un chlorure
+extrmement pur, dans le spectre duquel les deux raies dominantes du
+baryum sont peine visibles.</p>
+
+<p>Voici, d'aprs Demaray<a name="FNanchor_34" id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor">[34]</a>, la liste des raies principales du radium
+pour la portion du spectre comprise entre &#955;&nbsp;=&nbsp;500,0 et
+&#955;&nbsp;=&nbsp;350,0 millimes de micron (&micro;&micro;). L'intensit de chaque raie
+est indique par un nombre, la plus forte raie tant marque 16.</p>
+
+<table summary="table_Page_26" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&#955;.</td>
+ <td class="tdctop">Intensit.</td>
+ <td class="tdctop">&#955;.</td>
+ <td class="tdctop">Intensit.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">482,63</td>
+ <td class="tdctop">10</td>
+ <td class="tdctop">453,35</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;9</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">472,69</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;5</td>
+ <td class="tdctop">443,61</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;8</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">469,98</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;3</td>
+ <td class="tdctop">434,06</td>
+ <td class="tdctop">12</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">469,21</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;7</td>
+ <td class="tdctop">381,47</td>
+ <td class="tdctop">16</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">468,30</td>
+ <td class="tdctop">14</td>
+ <td class="tdctop">364,96</td>
+ <td class="tdctop">12</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">464,19 </td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;4</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Toutes les raies sont nettes et troites, les trois raies 381,47, 468,30
+et 434,06 sont fortes; elles atteignent l'galit avec les raies les
+plus intenses actuellement connues. On aperoit galement dans le
+spectre deux bandes nbuleuses fortes. La premire, symtrique, s'tend
+de 463,10 462,19 avec maximum 462,75. La deuxime, plus forte, est
+dgrade vers l'ultra-violet; elle commence brusquement 446,37, passe
+par un maximum 445,52; la rgion du maximum s'tend jusqu' 445,34,
+puis une bande nbuleuse, graduellement dgrade, s'tend jusque vers
+439.</p>
+
+<p>Dans la partie la moins rfrangible non photographie du spectre
+d'tincelle, la seule raie notable est <span class="pagenum"><a name="Page_27" id="Page_27">27</a></span> la raie 566,5 (environ),
+bien plus faible cependant que 482,63.</p>
+
+<p>L'aspect gnral du spectre est celui des mtaux alcalino-terreux; on
+sait que ces mtaux ont des spectres de raies fortes avec quelques
+bandes nbuleuses.</p>
+
+<p>D'aprs Demaray, le radium peut figurer parmi les corps ayant la
+raction spectrale la plus sensible. J'ai, d'ailleurs, pu conclure,
+d'aprs mon travail de concentration, que, dans le premier chantillon
+examin qui montrait nettement la raie 381,47, la proportion de radium
+devait tre trs faible (peut-tre de 0,02 pour 100). Cependant, il faut
+une activit 50 fois plus grande que celle de l'uranium mtallique pour
+apercevoir nettement la raie principale du radium dans les spectres
+photographis. Avec un lectromtre sensible, on peut dceler la
+radioactivit d'un produit quand elle n'est que 1/100 de celle de
+l'uranium mtallique. On voit que, pour dceler la prsence du radium,
+la radioactivit est un caractre plusieurs milliers de fois plus
+sensible que la raction spectrale.</p>
+
+<p>Le bismuth polonium trs actif et le thorium actinium trs actif,
+examins par Demaray, n'ont encore respectivement donn que les raies
+du bismuth et du thorium.</p>
+
+<p>Dans une publication rcente, M. Giesel<a name="FNanchor_35" id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor">[35]</a>, qui s'est occup de la
+prparation du radium, annonce que le bromure de radium donne lieu une
+coloration carmin de la flamme. Le spectre de flamme du radium contient
+deux belles bandes rouges, une raie dans le bleu vert et deux lignes
+faibles dans le violet.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_2d" id="ch_2d"></a><i>Extraction des substances radioactives nouvelles.</i>&mdash;La premire partie
+de l'opration consiste extraire des <span class="pagenum"><a name="Page_28" id="Page_28">28</a></span> minerais d'urane le baryum
+radifre, le bismuth polonifre et les terres rares contenant
+l'actinium. Ces trois premiers produits ayant t obtenus, on cherche,
+pour chacun d'eux, isoler la substance radioactive nouvelle. Cette
+deuxime partie du traitement se fait par une mthode de fractionnement.
+On sait qu'il est difficile de trouver un moyen de sparation trs
+parfait entre des lments trs voisins; les mthodes de fractionnement
+sont donc tout indiques. D'ailleurs, quand un lment se trouve mlang
+ un autre l'tat de trace, on ne peut appliquer au mlange une
+mthode de sparation parfaite, mme en admettant que l'on en connaisse
+une; on risquerait, en effet, de perdre la trace de matire qui aurait
+pu tre spare dans l'opration.</p>
+
+<p>Je me suis occupe spcialement du travail ayant pour but l'isolement du
+radium et du polonium. Aprs un travail de quelques annes, je n'ai
+encore russi que pour le premier de ces corps.</p>
+
+<p>La pechblende tant un minerai coteux, nous avons renonc en traiter
+de grandes quantits. En Europe, l'extraction de ce minerai se fait dans
+la mine de Joachimsthal, en Bohme. Le minerai broy est grill avec du
+carbonate de soude, et la matire rsultant de ce traitement est
+lessive d'abord l'eau chaude, puis l'acide sulfurique tendu. La
+solution contient l'uranium qui donne la pechblende sa valeur. Le
+rsidu insoluble est rejet.</p>
+
+<p>Ce rsidu contient des substances radioactives; son activit est 4 fois
+et demie plus grande que celle de l'uranium mtallique. Le gouvernement
+autrichien, auquel appartient la mine, nous a gracieusement donn une
+tonne de ce rsidu pour nos recherches, et a autoris la mine nous
+fournir plusieurs autres tonnes de cette matire.</p>
+
+<p>Il n'tait gure facile de faire le premier traitement <span class="pagenum"><a name="Page_29" id="Page_29">29</a></span> du rsidu
+l'usine par les mmes procds qu'au laboratoire. M. Debierne a bien
+voulu tudier cette question et organiser le traitement dans l'usine. Le
+point le plus important de la mthode qu'il a indique consiste
+obtenir la transformation des sulfates en carbonates par l'bullition de
+la matire avec une dissolution concentre de carbonate de soude. Ce
+procd permet d'viter la fusion avec le carbonate de soude.</p>
+
+<p>Le rsidu contient principalement des sulfates de plomb et de chaux, de
+la silice, de l'alumine et de l'oxyde de fer. On y trouve, en outre, en
+quantit plus ou moins grande, presque tous les mtaux (cuivre, bismuth,
+zinc, cobalt, manganse, nickel, vanadium, antimoine, thallium, terres
+rares, niobium, tantale, arsenic, baryum, etc.). Le radium se trouve,
+dans ce mlange, l'tat de sulfate et en constitue le sulfate le moins
+soluble. Pour le mettre en dissolution, il faut liminer autant que
+possible l'acide sulfurique. Pour cela, on commence par traiter le
+rsidu par une solution concentre et bouillante de soude ordinaire.
+L'acide sulfurique combin au plomb, l'alumine, la chaux, passe, en
+grande partie, en dissolution l'tat de sulfate de soude que l'on
+enlve par des lavages l'eau. La dissolution alcaline enlve en mme
+temps du plomb, de la silice, de l'alumine. La portion insoluble lave
+l'eau est attaque par l'acide chlorhydrique ordinaire. Cette opration
+dsagrge compltement la matire et en dissout une grande partie. De
+cette dissolution on peut retirer le polonium et l'actinium: le premier
+est prcipit par l'hydrogne sulfur, le second se trouve dans les
+hydrates prcipits par l'ammoniaque dans la dissolution spare des
+sulfures et peroxyde. Quant au radium, il reste dans la portion
+insoluble. Cette portion est lave l'eau, puis traite par une
+dissolution concentre et bouillante de carbonate de soude. S'il ne
+restait plus que peu de sulfates non attaqus, cette opration <span class="pagenum"><a name="Page_30" id="Page_30">30</a></span> a
+pour effet de transformer compltement les sulfates de baryum et de
+radium en carbonates. On lave alors la matire trs compltement
+l'eau, puis on l'attaque par l'acide chlorhydrique tendu exempt d'acide
+sulfurique. La dissolution contient le radium, ainsi que du polonium et
+de l'actinium. On la filtre et on la prcipite par l'acide sulfurique.
+On obtient ainsi des sulfates bruts de baryum radifre contenant aussi
+de la chaux, du plomb, du fer et ayant aussi entran un peu d'actinium.
+La dissolution contient encore un peu d'actinium et de polonium qui
+peuvent en tre retirs comme de la premire dissolution chlorhydrique.</p>
+
+<p>On retire d'une tonne de rsidu 10<sup>kg</sup> 20<sup>kg</sup> de sulfates bruts,
+dont l'activit est de 30 60 fois plus grande que celle de l'uranium
+mtallique. On procde leur purification. Pour cela, on les fait
+bouillir avec du carbonate de soude et on les transforme en chlorures.
+La dissolution est traite par l'hydrogne sulfur, ce qui donne une
+petite quantit de sulfures actifs contenant du polonium. On filtre la
+dissolution, on la peroxyde par l'action du chlore et on la prcipite
+par de l'ammoniaque pure.</p>
+
+<p>Les oxydes et hydrates prcipits sont trs actifs, et l'activit est
+due l'actinium. La dissolution filtre est prcipite par le carbonate
+de soude. Les carbonates alcalino-terreux prcipits sont lavs et
+transforms en chlorures.</p>
+
+<p>Ces chlorures sont vapors sec et lavs avec de l'acide chlorhydrique
+concentr pur. Le chlorure de calcium se dissout presque entirement,
+alors que le chlorure de baryum radifre reste insoluble. On obtient
+ainsi, par tonne de matire premire, 8<sup>kg</sup> environ de chlorure de
+baryum radifre, dont l'activit est environ 60 fois plus grande que
+celle de l'uranium mtallique. Ce chlorure est prt pour le
+fractionnement.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_31" id="Page_31">31</a></span></p>
+
+<p class="section"><a name="ch_2e" id="ch_2e"></a><i>Polonium.</i>&mdash;Comme il a t dit plus haut, en faisant passer l'hydrogne
+sulfur dans les diverses dissolutions chlorhydriques obtenues au cours
+du traitement, on prcipite des sulfures actifs dont l'activit est due
+au polonium.</p>
+
+<p>Ces sulfures contiennent principalement du bismuth, un peu de cuivre et
+de plomb; ce dernier mtal ne s'y trouve pas en forte proportion, parce
+qu'il a t en grande partie enlev par la dissolution sodique, et parce
+que son chlorure est peu soluble. L'antimoine et l'arsenic ne se
+trouvent dans les oxydes qu'en quantit minime, leurs oxydes ayant t
+dissous par la soude. Pour avoir de suite des sulfures trs actifs, on
+employait le procd suivant: les dissolutions chlorhydriques trs
+acides taient prcipites par l'hydrogne sulfur: les sulfures qui se
+prcipitent dans ces conditions sont trs actifs, on les emploie pour la
+prparation du polonium; dans la dissolution il reste des substances
+dont la prcipitation est incomplte en prsence d'un excs d'acide
+chlorhydrique (bismuth, plomb, antimoine). Pour achever la
+prcipitation, on tend la dissolution d'eau, on la traite nouveau par
+l'hydrogne sulfur et l'on obtient une seconde portion de sulfures
+beaucoup moins actifs que les premiers, et qui, gnralement, ont t
+rejets. Pour la purification ultrieure des sulfures, on les lave au
+sulfure d'ammonium, ce qui enlve les traces restantes d'antimoine et
+d'arsenic. Puis on les lave l'eau additionne d'azotate d'ammonium et
+on les traite par l'acide azotique tendu.</p>
+
+<p>La dissolution n'est jamais complte; on obtient toujours un rsidu
+insoluble plus ou moins important que l'on traite nouveau si on le
+juge utile. La dissolution est rduite un petit volume et prcipite
+soit par l'ammoniaque, soit par beaucoup d'eau. Dans les deux cas le
+plomb et le cuivre restent en dissolution; dans le second <span class="pagenum"><a name="Page_32" id="Page_32">32</a></span> cas un
+peu de bismuth peine actif reste dissous galement.</p>
+
+<p>Le prcipit d'oxydes ou de sous-azotates est soumis un fractionnement
+de la manire suivante: on dissout le prcipit dans l'acide azotique,
+on ajoute de l'eau la dissolution, jusqu' formation d'une quantit
+suffisante de prcipit; pour cette opration il faut tenir compte de ce
+que le prcipit ne se forme, quelquefois, qu'au bout d'un certain
+temps. On spare le prcipit du liquide surnageant, on le redissout
+dans l'acide azotique; sur les deux portions liquides ainsi obtenues on
+refait une prcipitation par l'eau, et ainsi de suite. On runit les
+diverses portions en se basant sur leur activit, et l'on tche de
+pousser la concentration aussi loin que possible. On obtient ainsi une
+trs petite quantit de matire dont l'activit est norme, mais qui,
+nanmoins, n'a encore donn au spectroscope que les raies du bismuth.</p>
+
+<p>On a malheureusement peu de chances d'aboutir l'isolement du polonium
+par cette voie. La mthode de fractionnement qui vient d'tre dcrite
+prsente de grandes difficults, et il en est de mme pour d'autres
+procds de fractionnement par voie humide. Quel que soit le procd
+employ, il se forme avec la plus grande facilit des composs
+absolument insolubles dans les acides tendus ou concentrs. Ces
+composs ne peuvent tre redissous qu'en les ramenant pralablement
+l'tat mtallique, par la fusion avec le cyanure de potassium, par
+exemple.</p>
+
+<p>tant donn le nombre considrable des oprations effectuer, cette
+circonstance constitue une difficult norme pour le progrs du
+fractionnement. Cet inconvnient est d'autant plus grave que le polonium
+est une substance qui, une fois retire de la pechblende, diminue
+d'activit.</p>
+
+<p>Cette baisse d'activit est d'ailleurs lente; c'est ainsi <span class="pagenum"><a name="Page_33" id="Page_33">33</a></span> qu'un
+chantillon de nitrate de bismuth polonium a perdu la moiti de son
+activit en onze mois.</p>
+
+<p>Aucune difficult analogue ne se prsente pour le radium. La
+radioactivit reste un guide fidle pour la concentration: cette
+concentration elle-mme ne prsente aucune difficult, et les progrs du
+travail ont pu, depuis le dbut, tre constamment contrls par
+l'analyse spectrale.</p>
+
+<p>Quand les phnomnes de la radioactivit induite, dont il sera question
+plus loin, ont t connus, il a paru naturel d'admettre que le polonium,
+qui ne donne que les raies du bismuth et dont l'activit diminue avec le
+temps, n'est pas un lment nouveau, mais du bismuth activ par le
+voisinage du radium dans la pechblende. Je ne suis pas convaincue que
+cette manire de voir soit exacte. Au cours de mon travail prolong sur
+le polonium, j'ai constat des effets chimiques que je n'ai jamais
+observs ni avec le bismuth ordinaire, ni avec le bismuth activ par le
+radium. Ces effets chimiques sont, en premier lieu, la formation
+extrmement facile des composs insolubles dont j'ai parl plus haut
+(spcialement sous-nitrates), en deuxime lieu, la couleur et l'aspect
+des prcipits obtenus en ajoutant de l'eau la solution azotique du
+bismuth polonifre. Ces prcipits sont parfois blancs, mais plus
+gnralement d'un jaune plus ou moins vif, allant au rouge fonc.</p>
+
+<p>L'absence de raies, autres que celles du bismuth, ne prouve pas
+premptoirement que la substance ne contient que du bismuth, car il
+existe des corps dont la raction spectrale est peu sensible.</p>
+
+<p>Il serait ncessaire de prparer une petite quantit de bismuth
+polonifre l'tat de concentration aussi avanc que possible, et d'en
+faire l'tude chimique, en premier lieu, la dtermination du poids
+atomique du mtal. Cette recherche n'a encore pu tre faite cause des
+difficults de travail chimique signales plus haut.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_34" id="Page_34">34</a></span></p>
+
+<p>S'il tait dmontr que le polonium est un lment nouveau, il n'en
+serait pas moins vrai que cet lment ne peut exister indfiniment
+l'tat fortement radioactif, tout au moins quand il est retir du
+minerai. On peut alors envisager la question de deux manires
+diffrentes: 1 ou bien toute l'activit du polonium est de la
+radioactivit induite par le voisinage de substances radioactives par
+elles-mmes; le polonium aurait alors la facult de s'activer
+atomiquement d'une faon durable, facult qui ne semble pas appartenir
+une substance quelconque; 2 ou bien l'activit du polonium est une
+activit propre qui se dtruit spontanment dans certaines conditions et
+peut persister dans certaines autres conditions qui se trouvent
+ralises dans le minerai. Le phnomne de l'activation atomique au
+contact est encore si mal connu, que l'on manque de base pour se former
+une opinion cohrente sur ce qui touche cette question.</p>
+
+<div class="blockquote">
+ <p>Tout rcemment a paru un travail de M. Marckwald, sur le polonium<a name="FNanchor_36" id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor">[36]</a>.
+ M. Marckwald plonge une baguette de bismuth pur dans une solution
+ chlorhydrique du bismuth extrait du rsidu du traitement de la
+ pechblende. Au bout de quelque temps la baguette se recouvre d'un
+ dpt trs actif, et la solution ne contient plus que du bismuth
+ inactif. M. Marckwald obtient aussi un dpt trs actif en ajoutant du
+ chlorure d'tain une solution chlorhydrique de bismuth radioactif.
+ M. Marckwald conclut de l que l'lment actif est analogue au tellure
+ et lui donne le nom de <i>radiotellure</i>. La matire active de M.
+ Marckwald semble identique au polonium, par sa provenance et par les
+ rayons trs absorbables qu'elle met. Le choix d'un nom nouveau pour
+ cette matire est certainement inutile dans l'tat actuel de la
+ question.</p>
+</div>
+
+<p class="section"><a name="ch_2f" id="ch_2f"></a><i>Prparation du chlorure de radium pur.</i>&mdash;Le procd que j'ai adopt
+pour extraire le chlorure de radium pur du chlorure de baryum radifre
+consiste soumettre <span class="pagenum"><a name="Page_35" id="Page_35">35</a></span> le mlange des chlorures une cristallisation
+fractionne dans l'eau pure d'abord, dans l'eau additionne d'acide
+chlorhydrique pur ensuite. On utilise ainsi la diffrence des
+solubilits des deux chlorures, celui de radium tant moins soluble que
+celui de baryum.</p>
+
+<p>Au dbut du fractionnement on emploie l'eau pure distille. On dissout
+le chlorure et l'on amne la dissolution tre sature la temprature
+de l'bullition, puis on laisse cristalliser par refroidissement dans
+une capsule couverte. Il se forme alors au fond de beaux cristaux
+adhrents, et la dissolution sature, surnageante, peut tre facilement
+dcante. Si l'on vapore sec un chantillon de cette dissolution, on
+trouve que le chlorure obtenu est environ cinq fois moins actif que
+celui qui a cristallis. On a ainsi partag le chlorure en deux
+portions: A et B, la portion A tant beaucoup plus active que la portion
+B. On recommence sur chacun des chlorures A et B la mme opration, et
+l'on obtient, avec chacun d'eux, deux portions nouvelles. Quand la
+cristallisation est termine, on runit ensemble la fraction la moins
+active du chlorure A et la fraction la plus active du chlorure B, ces
+deux matires ayant sensiblement la mme activit. On se trouve alors
+avoir trois portions que l'on soumet nouveau au mme traitement.</p>
+
+<p>On ne laisse pas augmenter constamment le nombre des portions. A mesure
+que ce nombre augmente, l'activit de la portion la plus soluble va en
+diminuant. Quand cette portion n'a plus qu'une activit insignifiante,
+on l'limine du fractionnement. Quand on a obtenu le nombre de portions
+que l'on dsire, on cesse aussi de fractionner la portion la moins
+soluble (la plus riche en radium), et on l'limine du fractionnement.</p>
+
+<p>On opre avec un nombre constant de portions. Aprs chaque srie
+d'oprations, la solution sature provenant d'une portion est verse sur
+les cristaux provenant de la <span class="pagenum"><a name="Page_36" id="Page_36">36</a></span> portion suivante; mais si, aprs l'une
+des sries, on a limin la fraction la plus soluble, aprs la srie
+suivante on fera, au contraire, une nouvelle portion avec la fraction la
+plus soluble, et l'on liminera les cristaux qui constituent la portion
+la plus active. Par la succession alternative de ces deux modes
+opratoires on obtient un mcanisme de fractionnement trs rgulier,
+dans lequel le nombre des portions et l'activit de chacune d'elles
+restent constants, chaque portion tant environ cinq fois plus active
+que la suivante, et dans lequel on limine d'un ct ( la queue) un
+produit peu prs inactif, tandis que l'on recueille de l'autre ct (
+la tte) un chlorure enrichi en radium. La quantit de matire contenue
+dans les portions va, d'ailleurs, ncessairement en diminuant, et les
+portions diverses contiennent d'autant moins de matire qu'elles sont
+plus actives.</p>
+
+<p>On oprait au dbut avec six portions, et l'activit du chlorure limin
+ la queue n'tait que 0,1 de celle de l'uranium.</p>
+
+<p>Quand on a ainsi limin en grande partie la matire inactive et que les
+portions sont devenues petites, on n'a plus intrt liminer une
+activit aussi faible; on supprime alors une portion la queue du
+fractionnement et l'on ajoute la tte une portion forme avec le
+chlorure actif prcdemment recueilli. On recueillera donc maintenant un
+chlorure plus riche en radium que prcdemment. On continue appliquer
+ce systme jusqu' ce que les cristaux de tte reprsentent du chlorure
+de radium pur. Si le fractionnement a t fait d'une faon trs
+complte, il reste peine de trs petites quantits de tous les
+produits intermdiaires.</p>
+
+<p>Quand le fractionnement est avanc et que la quantit de matire est
+devenue faible dans chaque portion, la sparation par cristallisation
+est moins efficace, le refroidissement tant trop rapide et le volume de
+solution <span class="pagenum"><a name="Page_37" id="Page_37">37</a></span> dcanter trop petit. On a alors intrt additionner
+l'eau d'une proportion dtermine d'acide chlorhydrique; cette
+proportion devra aller en croissant mesure que le fractionnement
+avance.</p>
+
+<p>L'avantage de cette addition consiste augmenter la quantit de la
+dissolution, la solubilit des chlorures tant moindre dans l'eau
+chlorhydrique que dans l'eau pure. De plus, le fractionnement est alors
+trs efficace; la diffrence entre les deux fractions provenant d'un
+mme produit est considrable; en employant de l'eau avec beaucoup
+d'acide, on a d'excellentes sparations, et l'on peut oprer avec trois
+ou quatre portions seulement. On a tout avantage employer ce procd
+aussitt que la quantit de matire est devenue assez faible pour que
+l'on puisse oprer ainsi sans inconvnients.</p>
+
+<p>Les cristaux, qui se dposent en solution trs acide, ont la forme
+d'aiguilles trs allonges, qui ont absolument le mme aspect pour le
+chlorure de baryum et pour le chlorure de radium. Les uns et les autres
+sont birfringents. Les cristaux de chlorure de baryum radifre se
+dposent incolores, mais, quand la proportion de radium devient
+suffisante, ils prennent au bout de quelques heures une coloration
+jaune, allant l'orang, quelquefois une belle coloration rose. Cette
+coloration disparat par la dissolution. Les cristaux de chlorure de
+radium pur ne se colorent pas, ou tout au moins pas aussi rapidement, de
+sorte que la coloration parat due la prsence simultane du baryum et
+du radium. Le maximum de coloration est obtenu pour une certaine
+concentration en radium, et l'on peut, en se basant sur cette proprit,
+contrler les progrs du fractionnement. Tant que la portion la plus
+active se colore, elle contient une quantit notable de baryum; quand
+elle ne se colore plus, et que les portions suivantes se colorent, c'est
+que la premire est sensiblement du chlorure de radium pur.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_38" id="Page_38">38</a></span></p>
+
+<p>J'ai remarqu parfois la formation d'un dpt compos de cristaux dont
+une partie restait incolore, alors que l'autre partie se colorait. Il
+semblait possible de sparer les cristaux incolores par triage, ce qui
+n'a pas t essay.</p>
+
+<p>A la fin du fractionnement, le rapport des activits des portions
+successives n'est ni le mme, ni aussi rgulier qu'au dbut; toutefois
+il ne se produit aucun trouble srieux dans la marche du fractionnement.</p>
+
+<p>La prcipitation fractionne d'une solution aqueuse de chlorure de
+baryum radifre par l'alcool conduit aussi l'isolement du chlorure de
+radium qui se prcipite en premier. Cette mthode que j'employais au
+dbut a t ensuite abandonne pour celle qui vient d'tre expose et
+qui offre plus de rgularit. Cependant, j'ai encore quelquefois employ
+la prcipitation par l'alcool pour purifier le chlorure de radium qui
+contient une petite quantit de chlorure de baryum. Ce dernier reste
+dans la dissolution alcoolique lgrement aqueuse et peut ainsi tre
+enlev.</p>
+
+<p>M. Giesel, qui, ds la publication de nos premires recherches, s'est
+occup de la prparation des corps radioactifs, recommande la sparation
+du baryum et du radium par la cristallisation fractionne dans l'eau du
+mlange des bromures. J'ai pu constater que ce procd est en effet trs
+avantageux, surtout au dbut du fractionnement.</p>
+
+<p>Quel que soit le procd de fractionnement dont on se sert, il est utile
+de le contrler par des mesures d'activit.</p>
+
+<p>Il est ncessaire de remarquer qu'un compos de radium qui tait
+dissous, et que l'on vient de ramener l'tat solide, soit par
+prcipitation, soit par cristallisation, possde au dbut une activit
+d'autant moins grande qu'il est rest plus longtemps en dissolution.
+L'activit augmente ensuite pendant plusieurs mois pour atteindre une
+certaine limite, toujours la mme. L'activit finale est <span class="pagenum"><a name="Page_39" id="Page_39">39</a></span> cinq ou
+six fois plus leve que l'activit initiale. Ces variations, sur
+lesquelles je reviendrai plus loin, doivent tre prises en considration
+pour la mesure de l'activit. Bien que l'activit finale soit mieux
+dfinie, il est plus pratique, au cours d'un traitement chimique, de
+mesurer l'activit initiale du produit solide.</p>
+
+<p>L'activit des substances fortement radioactives est d'un tout autre
+ordre de grandeur que celle du minerai dont elles proviennent (elle est
+10<sup>6</sup> fois plus grande). Quand on mesure cette radioactivit par la
+mthode qui a t expose au dbut de ce travail (appareil <i>fig.</i> 1), on
+ne peut pas augmenter, au del d'une certaine limite, la charge que l'on
+met dans le plateau du quartz. Cette charge, dans nos expriences, tait
+de 4000<sup>g</sup> au maximum, correspondant une quantit d'lectricit dgage
+gale 25 units lectrostatiques. Nous pouvons mesurer des activits
+qui varient, dans le rapport de 1 4000, en employant toujours la mme
+surface pour la substance active. Pour tendre les limites des mesures,
+nous faisons varier cette surface dans un rapport connu. La substance
+active occupe alors sur le plateau B une zone circulaire centrale de
+rayon connu. L'activit n'tant pas, dans ces conditions, exactement
+proportionnelle la surface, on dtermine exprimentalement des
+coefficients qui permettent de comparer les activits surface active
+ingale.</p>
+
+<p>Quand cette ressource elle-mme est puise, on est oblig d'avoir
+recours l'emploi d'crans absorbants et d'autres procds
+quivalents sur lesquels je n'insisterai pas ici. Tous ces procds,
+plus ou moins imparfaits, suffisent cependant pour guider les
+recherches.</p>
+
+<p>Nous avons aussi mesur le courant qui traverse le condensateur quand il
+est mis en circuit avec une batterie de petits accumulateurs et un
+galvanomtre sensible. La ncessit de vrifier frquemment la
+sensibilit du galvanomtre <span class="pagenum"><a name="Page_40" id="Page_40">40</a></span> nous a empchs d'employer cette
+mthode pour les mesures courantes.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_2g" id="ch_2g"></a><i>Dtermination du poids atomique du radium</i><a name="FNanchor_37" id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor">[37]</a>.&mdash;Au cours de mon
+travail, j'ai, plusieurs reprises, dtermin le poids atomique du
+mtal contenu dans des chantillons de chlorure de baryum radifre.
+Chaque fois qu' la suite d'un nouveau traitement j'avais une nouvelle
+provision de chlorure de baryum radifre traiter, je poussais la
+concentration aussi loin que possible, de faon obtenir de 0<sup>g</sup>,1
+0<sup>g</sup>,5 de matire contenant presque toute l'activit du mlange. De
+cette petite quantit de matire je prcipitais par l'alcool ou l'acide
+chlorhydrique quelques milligrammes de chlorure qui taient destins
+l'analyse spectrale.</p>
+
+<p>Grce son excellente mthode, Demaray n'avait besoin que de cette
+quantit minime de matire pour obtenir la photographie du spectre de
+l'tincelle. Sur le produit qui me restait je faisais une dtermination
+de poids atomique.</p>
+
+<p>J'ai employ la mthode classique qui consiste doser, l'tat de
+chlorure d'argent, le chlore contenu dans un poids connu de chlorure
+anhydre. Comme exprience de contrle, j'ai dtermin le poids atomique
+du baryum par la mme mthode, dans les mmes conditions et avec la mme
+quantit de matire, 0<sup>g</sup>,5 d'abord, 0<sup>g</sup>,1 seulement ensuite. Les
+nombres trouvs taient toujours compris entre 137 et 138. J'ai vu ainsi
+que cette mthode donne des rsultats satisfaisants, mme avec une aussi
+faible quantit de matire.</p>
+
+<p>Les deux premires dterminations ont t faites avec des chlorures,
+dont l'un tait 230 fois et l'autre 600 fois <span class="pagenum"><a name="Page_41" id="Page_41">41</a></span> plus actif que
+l'uranium. Ces deux expriences ont donn, la prcision des mesures
+prs, le mme nombre que l'exprience faite avec le chlorure de baryum
+pur. On ne pouvait donc esprer de trouver une diffrence qu'en
+employant un produit beaucoup plus actif. L'exprience suivante a t
+faite avec un chlorure dont l'activit tait environ 3500 fois plus
+grande que celle de l'uranium; cette exprience permit, pour la premire
+fois, d'apercevoir une diffrence petite, mais certaine; je trouvais,
+pour le poids atomique moyen du mtal contenu dans ce chlorure, le
+nombre 140, qui indiquait que le poids atomique du radium devait tre
+plus lev que celui du baryum. En employant des produits de plus en
+plus actifs et prsentant le spectre du radium avec une intensit
+croissante, je constatais que les nombres obtenus allaient aussi en
+croissant, comme on peut le voir dans le Tableau suivant (A indique
+l'activit du chlorure, celle de l'uranium tant prise comme unit; M le
+poids atomique trouv):</p>
+
+<table summary="table_Page_41" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="5">
+ <col width="60" />
+ <col width="40" />
+ <col width="60" />
+ <col width="40" />
+ <col width="380" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">A.</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">M.</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">3500</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">140&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">le spectre du radium est trs faible</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">4700</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">141&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdcmiddle">7500</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdcmiddle">145,8</td>
+ <td class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-03.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td class="tdltop">le spectre du radium est fort, mais celui du baryum domine de beaucoup</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle">Ordre de grandeur, 10<sup>6</sup>.</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-03.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td class="tdcmiddle">173,8</td>
+ <td class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-03.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td class="tdltop">les deux spectres ont une importance peu prs gale</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdcmiddle">225&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-03.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td class="tdltop">le baryum n'est prsent qu' l'tat de trace.</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Les nombres de la colonne A ne doivent tre considrs que comme une
+indication grossire. L'apprciation de l'activit des corps fortement
+radioactifs est, en effet, difficile, pour diverses raisons dont il sera
+question plus loin.</p>
+
+<p>A la suite des traitements dcrits plus haut, j'ai obtenu, en mars 1902,
+0<sup>g</sup>,12 d'un chlorure de radium, dont Demaray a bien voulu faire
+l'analyse spectrale. Ce <span class="pagenum"><a name="Page_42" id="Page_42">42</a></span> chlorure de radium, d'aprs l'opinion de
+Demaray, tait sensiblement pur; cependant son spectre prsentait
+encore les trois raies principales du baryum avec une intensit notable.</p>
+
+<p>J'ai fait avec ce chlorure quatre dterminations successives dont voici
+les rsultats:</p>
+
+<table summary="table_Page_42a" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="60" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdcmiddle">Chlorure de radium anhydre.</td>
+ <td class="tdcmiddle">Chlorure d'argent.</td>
+ <td class="tdcmiddle">M.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;I</td>
+ <td class="tdctop">0,1150&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,1130&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">220,7</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;II</td>
+ <td class="tdctop">0,1148&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,1119&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">223,0</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">III</td>
+ <td class="tdctop">0,11135</td>
+ <td class="tdctop">0,1086&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">222,8</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">IV</td>
+ <td class="tdctop">0,10925</td>
+ <td class="tdctop">0,10645</td>
+ <td class="tdctop">223,1</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>J'ai entrepris alors une nouvelle purification de ce chlorure, et je
+suis arrive obtenir une matire beaucoup plus pure encore, dans le
+spectre de laquelle les deux raies les plus fortes du baryum sont trs
+faibles. tant donne la sensibilit de la raction spectrale du baryum,
+Demaray estime que ce chlorure purifi ne contient que des traces
+minimes de baryum incapables d'influencer d'une faon apprciable le
+poids atomique. J'ai fait trois dterminations avec ce chlorure de
+radium parfaitement pur. Voici les rsultats:</p>
+
+<table summary="table_Page_42b" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="60" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdcmiddle">Chlorure de radium anhydre.</td>
+ <td class="tdcmiddle">Chlorure d'argent.</td>
+ <td class="tdcmiddle">M.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;I</td>
+ <td class="tdctop">0,09192</td>
+ <td class="tdctop">0,08890</td>
+ <td class="tdctop">225,3</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;II</td>
+ <td class="tdctop">0,08936</td>
+ <td class="tdctop">0,08627</td>
+ <td class="tdctop">225,8</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">III</td>
+ <td class="tdctop">0,08839</td>
+ <td class="tdctop">0,08589</td>
+ <td class="tdctop">224,0</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Ces nombres donnent une moyenne de 225. Ils ont t calculs, de mme
+que les prcdents, en considrant le radium comme un lment bivalent,
+dont le chlorure a la formule RaCl<sup>2</sup>, et en adoptant pour l'argent et
+le chlore les nombres Ag&nbsp;=&nbsp;107,8; Cl&nbsp;=&nbsp;35,4.</p>
+
+<p>Il rsulte de ces expriences que le poids atomique du <span class="pagenum"><a name="Page_43" id="Page_43">43</a></span> radium est
+Ra=225. Je considre ce nombre comme exact une unit prs.</p>
+
+<p>Les peses taient faites avec une balance apriodique Curie,
+parfaitement rgle, prcise au vingtime de milligramme. Cette balance,
+ lecture directe, permet de faire des peses trs rapides, ce qui est
+une condition essentielle pour la pese des chlorures anhydres de radium
+et de baryum, qui absorbent lentement de l'eau, malgr la prsence de
+corps desschants dans la balance. Les matires peser taient places
+dans un creuset de platine; ce creuset tait en usage depuis longtemps,
+et j'ai vrifi que son poids ne variait pas d'un dixime de milligramme
+au cours d'une opration.</p>
+
+<p>Le chlorure hydrat obtenu par cristallisation tait introduit dans le
+creuset et chauff l'tuve pour tre transform en chlorure anhydre.
+L'exprience montre que, lorsque le chlorure a t maintenu quelques
+heures 100, son poids ne varie plus, mme lorsqu'on fait monter la
+temprature 200 et qu'on l'y maintient pendant quelques heures. Le
+chlorure anhydre ainsi obtenu constitue donc un corps parfaitement
+dfini.</p>
+
+<p>Voici une srie de mesures relatives ce sujet: le chlorure (1<sup>dg</sup>)
+est sch l'tuve 55 et plac dans un exsiccateur sur de l'acide
+phosphorique anhydre; il perd alors du poids trs lentement, ce qui
+prouve qu'il contient encore de l'eau; pendant 12 heures, la perte a t
+de 3<sup>mg</sup>. On reporte le chlorure dans l'tuve et on laisse la
+temprature monter 100. Pendant cette opration, le chlorure perd
+6<sup>mg</sup>,3. Laiss dans l'tuve pendant 3 heures 15 minutes, il perd
+encore 2<sup>mg</sup>,5. On maintient la temprature pendant 45 minutes entre
+100 et 120, ce qui entrane une perte de poids de 0<sup>mg</sup>,1. Laiss
+ensuite 30 minutes 125, le chlorure ne perd rien. Maintenu ensuite
+pendant 30 minutes 150, il perd 0<sup>mg</sup>,1. Enfin, chauff pendant 4
+heures 200, il prouve une perte de poids <span class="pagenum"><a name="Page_44" id="Page_44">44</a></span> de 0<sup>mg</sup>,15. Pendant
+toutes ces oprations, le creuset a vari de 0<sup>mg</sup>,05.</p>
+
+<p>Aprs chaque dtermination de poids atomique, le radium tait ramen
+l'tat de chlorure de la manire suivante: la liqueur contenant aprs le
+dosage l'azotate de radium et l'azotate d'argent en excs tait
+additionne d'acide chlorhydrique pur, on sparait le chlorure d'argent
+par filtration; la liqueur tait vapore sec plusieurs fois avec un
+excs d'acide chlorhydrique pur. L'exprience montre qu'on peut ainsi
+liminer compltement l'acide azotique.</p>
+
+<p>Le chlorure d'argent du dosage tait toujours radioactif et lumineux. Je
+me suis assure qu'il n'avait pas entran de quantit pondrable de
+radium, en dterminant la quantit d'argent qui y tait contenue. A cet
+effet, le chlorure d'argent fondu contenu dans le creuset tait rduit
+par l'hydrogne rsultant de la dcomposition de l'acide chlorhydrique
+tendu par le zinc; aprs lavage, le creuset tait pes avec l'argent
+mtallique qui y tait contenu.</p>
+
+<p>J'ai constat galement, dans une exprience, que le poids du chlorure
+de radium rgnr tait retrouv le mme qu'avant l'opration. Dans
+d'autres expriences, je n'attendais pas, pour commencer une nouvelle
+opration, que toutes les eaux de lavage fussent vapores.</p>
+
+<p>Ces vrifications ne comportent pas la mme prcision que les
+expriences directes; elles ont permis toutefois de s'assurer qu'aucune
+erreur notable n'a t commise.</p>
+
+<p>D'aprs ses proprits chimiques, le radium est un lment de la srie
+des alcalino-terreux. Il est dans cette srie l'homologue suprieur du
+baryum.</p>
+
+<p>D'aprs son poids atomique, le radium vient se placer galement, dans le
+Tableau de Mendeleeff, la suite du baryum dans la colonne des mtaux
+alcalino-terreux et sur la range qui contient dj l'uranium et le
+thorium.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_45" id="Page_45">45</a></span></p>
+
+<p class="section"><a name="ch_2h" id="ch_2h"></a><i>Caractres des sels de radium.</i>&mdash;Les sels de radium: chlorure, azotate,
+carbonate, sulfate, ont le mme aspect que ceux de baryum, quand ils
+viennent d'tre prpars l'tat solide, mais tous les sels de radium
+se colorent avec le temps.</p>
+
+<p>Les sels de radium sont tous lumineux dans l'obscurit.</p>
+
+<p>Par leurs proprits chimiques, les sels de radium sont absolument
+analogues aux sels correspondants de baryum. Cependant le chlorure de
+radium est moins soluble que celui de baryum; la solubilit des azotates
+dans l'eau semble tre sensiblement la mme.</p>
+
+<p>Les sels de radium sont le sige d'un dgagement de chaleur spontan et
+continu.</p>
+
+<p>Le chlorure de radium pur est paramagntique. Son coefficient
+d'aimantation spcifique K (rapport du moment magntique de l'unit de
+masse l'intensit du champ) a t mesur par MM. P. Curie et C.
+Chneveau au moyen d'un appareil tabli par ces deux physiciens<a name="FNanchor_38" id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor">[38]</a>. Ce
+coefficient a t mesur par comparaison avec celui de l'eau et corrig
+de l'action du magntisme de l'air. On a trouv ainsi</p>
+
+<p class="center">K&nbsp;=&nbsp;1,05 10<sup>-6</sup>.</p>
+
+<p>Le chlorure de baryum pur est diamagntique, son coefficient
+d'aimantation spcifique est</p>
+
+<p class="center">K&nbsp;=&nbsp;- 0,40 10<sup>-6</sup>.</p>
+
+<p>On trouve d'ailleurs, conformment aux rsultats prcdents, qu'un
+chlorure de baryum radifre contenant environ 17 pour 100 de chlorure de
+radium est diamagntique et possde un coefficient spcifique</p>
+
+<p class="center">K&nbsp;=&nbsp;-&nbsp;0,20 10<sup>-6</sup><a name="FNanchor_39" id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor">[39]</a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_46" id="Page_46">46</a></span></p>
+
+<p class="section"><a name="ch_2i" id="ch_2i"></a><i>Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire.</i>&mdash;Nous avons cherch
+nous assurer si le chlorure de baryum du commerce ne contenait pas de
+petites quantits de chlorure de radium inapprciables notre appareil
+de mesures. Pour cela, nous avons entrepris le fractionnement d'une
+grande quantit de chlorure de baryum du commerce, esprant concentrer
+par ce procd la trace de chlorure de radium si elle s'y trouvait.</p>
+
+<p>50<sup>kg</sup> de chlorure de baryum du commerce ont t dissous dans l'eau; la
+dissolution a t prcipite par de l'acide chlorhydrique exempt d'acide
+sulfurique, ce qui a fourni 20<sup>kg</sup> de chlorure prcipit. Celui-ci a
+t dissous dans l'eau et prcipit partiellement par l'acide
+chlorhydrique, ce qui a donn 8<sup>kg</sup>,5 de chlorure prcipit. Ce
+chlorure a t soumis la mthode de fractionnement employe pour le
+chlorure de baryum radifre, et l'on a limin la tte du
+fractionnement 10<sup>g</sup> de chlorure correspondant la portion la moins
+soluble. Ce chlorure ne montrait aucune radioactivit dans notre
+appareil de mesures; il ne contenait donc pas de radium; ce corps est,
+par suite, absent des minerais qui fournissent le baryum.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_47" id="Page_47">47</a></span></p>
+
+<div class="figcenter3" style="width:100px;">
+ <img src="images/decorative.jpg" alt="" title="" width="100" height="12" />
+</div>
+
+<h2>CHAPITRE III.<br />
+<span class="center">~~~~</span><br /><br />
+<small>RAYONNEMENT DES NOUVELLES SUBSTANCES RADIOACTIVES.</small></h2>
+
+<p class="section"><a name="ch_3a" id="ch_3a"></a><i>Procds d'tude du rayonnement.</i>&mdash;Pour tudier le rayonnement mis par
+les substances radioactives, on peut se servir de l'une quelconque des
+proprits de ce rayonnement. On peut donc utiliser soit l'action des
+rayons sur les plaques photographiques, soit leur proprit d'ioniser
+l'air et de le rendre conducteur, soit encore leur facult de provoquer
+la fluorescence de certaines substances. En parlant dornavant de ces
+diverses manires d'oprer, j'emploierai, pour abrger, les expressions:
+mthode radiographique, mthode lectrique, mthode fluoroscopique.</p>
+
+<p>Les deux premires ont t employes ds le dbut pour l'tude des
+rayons uraniques; la mthode fluoroscopique ne peut s'appliquer qu'aux
+substances nouvelles, fortement radioactives, car les substances
+faiblement radioactives telles que l'uranium et le thorium ne produisent
+pas de fluorescence apprciable. La mthode lectrique est la seule qui
+comporte des mesures d'intensit prcises; les deux autres sont surtout
+propres donner ce point de vue des rsultats qualitatifs et ne
+peuvent fournir que des mesures d'intensit grossires. Les rsultats
+obtenus avec les trois mthodes considres ne sont jamais que trs
+grossirement comparables entre eux et peuvent ne pas tre comparables
+du tout. La plaque sensible, le gaz qui s'ionise, l'cran fluorescent
+sont autant de rcepteurs auxquels on demande d'absorber l'nergie <span class="pagenum"><a name="Page_48" id="Page_48">48</a></span>
+du rayonnement et de la transformer en un autre mode d'nergie: nergie
+chimique, nergie ionique ou nergie lumineuse. Chaque rcepteur absorbe
+une fraction du rayonnement qui dpend essentiellement de sa nature. On
+verra d'ailleurs plus loin que le rayonnement est complexe; les portions
+du rayonnement absorbes par les diffrents rcepteurs peuvent diffrer
+entre elles quantitativement et qualitativement. Enfin, il n'est ni
+vident, ni mme probable, que l'nergie absorbe soit entirement
+transforme par le rcepteur en la forme que nous dsirons observer; une
+partie de cette nergie peut se trouver transforme en chaleur, en
+mission de rayonnements secondaires qui, suivant le cas, seront ou ne
+seront pas utiliss pour la production du phnomne observ, en action
+chimique diffrente de celle que l'on observe, etc., et, l encore,
+l'effet utile du rcepteur, pour le but que nous nous proposons, dpend
+essentiellement de la nature de ce rcepteur.</p>
+
+<p>Comparons deux chantillons radioactifs dont l'un contient du radium et
+l'autre du polonium, et qui sont galement actifs dans l'appareil
+plateaux de la figure 1. Si l'on recouvre chacun d'eux d'une feuille
+mince d'aluminium, le second paratra considrablement moins actif que
+le premier, et il en sera de mme si on les place sous le mme cran
+fluorescent, quand ce dernier est assez pais, ou qu'il est plac une
+certaine distance des deux substances radioactives.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3b" id="ch_3b"></a><i>nergie du rayonnement.</i>&mdash;Quelle que soit la mthode de recherches
+employe, on trouve toujours que l'nergie du rayonnement des substances
+radioactives nouvelles est considrablement plus grande que celle de
+l'uranium et du thorium. C'est ainsi que, petite distance, une plaque
+photographique est impressionne, pour ainsi dire, instantanment, alors
+qu'une pose de 24 heures <span class="pagenum"><a name="Page_49" id="Page_49">49</a></span> est ncessaire quand on opre avec
+l'uranium et le thorium. Un cran fluorescent est vivement illumin au
+contact des substances radioactives nouvelles, alors qu'aucune trace de
+luminosit ne se voit avec l'uranium et le thorium. Enfin, l'action
+ionisante sur l'air est aussi considrablement plus intense, dans le
+rapport de 10<sup>6</sup> environ. Mais il n'est, vrai dire, plus possible
+d'valuer l'<i>intensit totale du rayonnement</i>, comme pour l'uranium, par
+la mthode lectrique dcrite au dbut (<i>fig.</i> 1). En effet, dans le cas
+de l'uranium, par exemple, le rayonnement est trs approximativement
+absorb dans la couche d'air qui spare les plateaux, et le courant
+limite est atteint pour une tension de 100 volts. Mais il n'en est plus
+de mme pour les substances fortement radioactives. Une partie du
+rayonnement du radium est constitue par des rayons trs pntrants qui
+traversent le condensateur et les plateaux mtalliques, et ne sont
+nullement utiliss ioniser l'air entre les plateaux. De plus le
+courant limite ne peut pas toujours tre obtenu pour les tensions dont
+on dispose; c'est ainsi que, pour le polonium trs actif, le courant est
+encore proportionnel la tension entre 100 et 500 volts. Les conditions
+exprimentales qui donnent la mesure une signification simple ne sont
+donc pas ralises, et, par suite, les nombres obtenus ne peuvent tre
+considrs comme donnant la mesure du rayonnement total; ils ne
+constituent, ce point de vue, qu'une approximation grossire.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3c" id="ch_3c"></a><i>Nature complexe du rayonnement.</i>&mdash;Les travaux de divers physiciens (MM.
+Becquerel, Meyer et von Schweidler, Giesel, Villard, Rutherford, M. et
+M<sup>me</sup> Curie) ont montr que le rayonnement des substances radioactives
+est un rayonnement trs complexe. Il convient de distinguer trois
+espces de rayons que je dsignerai, suivant la notation adopte par M.
+Rutherford, par les lettres &#945;, &#946; et &#947;.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_50" id="Page_50">50</a></span></p>
+
+<p>1 Les rayons &#945; sont des rayons trs peu pntrants qui
+semblent constituer la plus grosse partie de rayonnement. Ces rayons
+sont caractriss par les lois suivant lesquelles ils sont absorbs par
+la matire. Le champ magntique agit trs faiblement sur ces rayons, et
+on les a considrs tout d'abord comme insensibles l'action de ce
+champ. Cependant, dans un champ magntique intense, les rayons &#945;
+sont lgrement dvis; la dviation se produit de la mme manire
+que dans le cas des rayons cathodiques, mais le sens de la dviation est
+renvers; il est le mme que pour les rayons canaux des tubes de
+Crookes.</p>
+
+<p>2 Les rayons &#946; sont des rayons moins absorbables dans leur
+ensemble que les prcdents. Ils sont dvis par un champ magntique de
+la mme manire et dans le mme sens que les rayons cathodiques.</p>
+
+<p>3 Les rayons &#947; sont des rayons pntrants insensibles
+l'action du champ magntique et comparables aux rayons de Rntgen.</p>
+
+<p>Les rayons d'un mme groupe peuvent avoir un pouvoir de pntration qui
+varie dans des limites trs tendues, comme cela a t prouv pour les
+rayons &#946;.</p>
+
+<p>Imaginons l'exprience suivante: le radium R est plac au fond d'une
+petite cavit profonde creuse dans un bloc de plomb P (<i>fig.</i> 4). Un
+faisceau de rayons rectiligne et peu panoui s'chappe de la cuve.
+Supposons que, dans la rgion qui entoure la cuve, on tablisse un champ
+magntique uniforme, trs intense, normal au plan de la figure et dirig
+vers l'arrire de ce plan. Les trois groupes de rayons &#945;,
+&#946;, &#947; se trouveront spars. Les rayons &#947; peu
+intenses continuent leur trajet rectiligne sans trace de dviation. Les
+rayons &#946; sont dvis la faon de rayons cathodiques et
+dcrivent dans le plan de la figure des trajectoires circulaires dont le
+rayon varie dans des limites tendues. Si la cuve est place sur une
+plaque photographique <span class="pagenum"><a name="Page_51" id="Page_51">51</a></span> AC, la portion BC de la plaque qui reoit les
+rayons &#946; est impressionne. Enfin, les rayons &#945;
+forment un faisceau trs intense qui est dvi lgrement et qui est
+assez rapidement absorb par l'air. Ces rayons dcrivent, dans le plan
+de la figure, une trajectoire dont le rayon de courbure est trs grand,
+le sens de la dviation tant l'inverse de celui qui a lieu pour les
+rayons &#946;.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 400px;">
+ <p class="caption">Fig. 4.</p>
+ <img src="images/page-51.jpg" alt="" title="" width="400" height="357" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-51.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>Si l'on recouvre la cuve d'un cran mince en aluminium, (0<sup>mm</sup>,1
+d'paisseur), les rayons &#945; sont en trs grande partie
+supprims, les rayons &#946; le sont bien moins et les rayons
+&#947; ne semblent pas absorbs notablement.</p>
+
+<p>L'exprience que je viens de dcrire n'a pas t ralise sous cette
+forme, et l'on verra dans la suite quelles sont les expriences qui
+montrent l'action du champ magntique sur les divers groupes de rayons.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3d" id="ch_3d"></a><i>Action du champ magntique.</i>&mdash;On a vu que les rayons mis par les
+substances radioactives ont un grand <span class="pagenum"><a name="Page_52" id="Page_52">52</a></span> nombre de proprits communes
+aux rayons cathodiques et aux rayons Rntgen. Aussi bien les rayons
+cathodiques que les rayons Rntgen ionisent l'air, agissent sur les
+plaques photographiques, excitent la fluorescence, n'prouvent pas de
+rflexion rgulire. Mais les rayons cathodiques diffrent des rayons
+Rntgen en ce qu'ils sont dvis de leur trajet rectiligne par l'action
+du champ magntique et en ce qu'ils transportent des charges
+d'lectricit ngative.</p>
+
+<p>Le fait que le champ magntique agit sur les rayons mis par les
+substances radioactives a t dcouvert presque simultanment par MM.
+Giesel, Meyer et von Schweidler et Becquerel<a name="FNanchor_40" id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor">[40]</a>. Ces physiciens ont
+reconnu que les rayons des substances radioactives sont dvis par le
+champ magntique de la mme faon et dans le mme sens que les rayons
+cathodiques; leurs observations se rapportaient aux rayons &#946;.</p>
+
+<p>M. Curie a montr que le rayonnement du radium comporte deux groupes de
+rayons bien distincts, dont l'un est facilement dvi par le champ
+magntique (rayons &#946;) alors que l'autre reste insensible
+l'action de ce champ (rayons &#945; et &#947; dont l'ensemble
+tait dsign par le nom de rayons non dviables)<a name="FNanchor_41" id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor">[41]</a>.</p>
+
+<p>M. Becquerel n'a pas observ d'mission de rayons genre cathodique par
+les chantillons de polonium prpars par nous. C'est, au contraire, sur
+un chantillon de polonium, prpar par lui, que M. Giesel a observ
+pour la premire fois l'effet du champ magntique. De tous les
+chantillons de polonium, prpars par nous, aucun n'a jamais donn lieu
+ une mission de rayons genre cathodique.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_53" id="Page_53">53</a></span></p>
+
+<p>Le polonium de M. Giesel n'met des rayons genre cathodique que quand il
+est rcemment prpar, et il est probable que l'mission est due au
+phnomne de radioactivit induite dont il sera question plus loin.</p>
+
+<p>Voici les expriences qui prouvent qu'une partie du rayonnement du
+radium et une partie seulement est constitue par des rayons facilement
+dviables (rayons &#946;). Ces expriences ont t faites par la
+mthode lectrique<a name="FNanchor_42" id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor">[42]</a>.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 147px;">
+ <p class="caption">Fig. 5.</p>
+ <img src="images/page-53.jpg" alt="" title="" width="147" height="287" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-53.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>Le corps radioactif (<i>fig.</i> 5) envoie des radiations suivant la
+direction AD entre les plateaux P et P'. Le plateau P est maintenu au
+potentiel de 500 volts, le plateau P' est reli un lectromtre et
+un quartz pizolectrique. On mesure l'intensit du courant qui passe
+dans l'air sous l'influence des radiations. On peut volont tablir le
+champ magntique d'un lectro-aimant normalement au plan de la figure
+dans toute la rgion EEEE. Si les rayons sont dvis, mme faiblement,
+ils ne pntrent plus entre les plateaux, et le courant est <span class="pagenum"><a name="Page_54" id="Page_54">54</a></span>
+supprim. La rgion o passent les rayons est entoure par les masses de
+plomb B, B', B" et par les armatures de l'lectro-aimant; quand les
+rayons sont dvis, ils sont absorbs par les masses de plomb B et B'.</p>
+
+<p>Les rsultats obtenus dpendent essentiellement de la distance AD du
+corps radiant A l'entre du condensateur en D. Si la distance AD est
+assez grande (suprieure 7<sup>cm</sup>), la plus grande partie (90 pour 100
+environ) des rayons du radium qui arrivent au condensateur sont dvis
+et supprims pour un champ de 2500 units. Ces rayons sont des rayons
+&#946;. Si la distance AD est plus faible que 65<sup>mm</sup>, une partie
+moins importante des rayons est dvie par l'action du champ; cette
+partie est d'ailleurs dj compltement dvie par un champ de 2500
+units, et la proportion de rayons supprims n'augmente pas quand on
+fait crotre le champ de 2500 7000 units.</p>
+
+<p>La proportion des rayons non supprims par le champ est d'autant plus
+grande que la distance AD entre le corps radiant et le condensateur est
+plus petite. Pour les distances faibles les rayons qui peuvent tre
+dvis facilement ne constituent plus qu'une trs faible fraction du
+rayonnement total.</p>
+
+<p>Les rayons pntrants sont donc, en majeure partie, des rayons dviables
+genre cathodique (rayons &#946;).</p>
+
+<p>Avec le dispositif exprimental qui vient d'tre dcrit, l'action du
+champ magntique sur les rayons &#945; ne pouvait gure tre
+observe pour les champs employs. Le rayonnement trs important, en
+apparence non dviable, observ petite distance de la source radiante,
+tait constitu par les rayons &#945;; le rayonnement non dviable
+observ grande distance tait constitu par les rayons &#947;.</p>
+
+<p>Lorsque l'on tamise le faisceau au travers d'une lame absorbante
+(aluminium ou papier noir), les rayons qui passent sont presque tous
+dvis par le champ, de telle <span class="pagenum"><a name="Page_55" id="Page_55">55</a></span> sorte qu' l'aide de l'cran et du
+champ magntique presque tout le rayonnement est supprim dans le
+condensateur, ce qui reste n'tant alors d qu'aux rayons &#947;,
+dont la proportion est faible. Quant aux rayons &#945;, ils sont
+absorbs par l'cran.</p>
+
+<p>Une lame d'aluminium de 1/100 de millimtre d'paisseur suffit pour
+supprimer presque tous les rayons difficilement dviables, quand la
+substance est assez loin du condensateur; pour des distances plus
+petites (34<sup>mm</sup> et 51<sup>mm</sup>), deux feuilles d'aluminium au 1/100 sont
+ncessaires pour obtenir ce rsultat.</p>
+
+<p>On a fait des mesures semblables sur quatre substances radifres
+(chlorures ou carbonates) d'activit trs diffrente; les rsultats
+obtenus ont t trs analogues.</p>
+
+<p>On peut remarquer que, pour tous les chantillons, les rayons pntrants
+dviables l'aimant (rayons &#946;) ne sont qu'une faible partie du
+rayonnement total; ils n'interviennent que pour une faible part dans les
+mesures o l'on utilise le rayonnement intgral pour produire la
+conductibilit de l'air.</p>
+
+<p>On peut tudier la radiation mise par le polonium par la mthode
+lectrique. Quand on fait varier la distance AD du polonium au
+condensateur, on n'observe d'abord aucun courant tant que la distance
+est assez grande; quand on rapproche le polonium, on observe que, pour
+une certaine distance qui tait de 4<sup>cm</sup> pour l'chantillon tudi, le
+rayonnement se fait trs brusquement sentir avec une assez grande
+intensit; le courant augmente ensuite rgulirement si l'on continue
+rapprocher le polonium, mais le champ magntique ne produit pas d'effet
+apprciable dans ces conditions. Il semble que le rayonnement du
+polonium soit dlimit dans l'espace et dpasse peine dans l'air une
+sorte de gaine entourant la substance sur l'paisseur de quelques
+centimtres.</p>
+
+<p>Il convient de faire des rserves gnrales importantes <span class="pagenum"><a name="Page_56" id="Page_56">56</a></span> sur la
+signification des expriences que je viens de dcrire. Quand j'indique
+la proportion des rayons dvis par l'aimant, il s'agit seulement des
+radiations susceptibles d'actionner un courant dans le condensateur. En
+employant comme ractif des rayons de Becquerel la fluorescence ou
+l'action sur les plaques photographiques, la proportion serait
+probablement diffrente, une mesure d'intensit n'ayant gnralement un
+sens que pour la mthode de mesures employe.</p>
+
+<p>Les rayons du polonium sont des rayons du genre &#945;. Dans les
+expriences que je viens de dcrire, on n'a observ aucun effet du champ
+magntique sur ces rayons, mais le dispositif exprimental tait tel
+qu'une faible dviation passait inaperue.</p>
+
+<p>Des expriences faites par la mthode radiographique ont confirm les
+rsultats de celles qui prcdent. En employant le radium comme source
+radiante, et en recevant l'impression sur une plaque parallle au
+faisceau primitif et normale au champ, on obtient la trace trs nette de
+deux faisceaux spars par l'action du champ, l'un dvi, l'autre non
+dvi. Les rayons &#946; constituent le faisceau dvi; les rayons
+&#945; tant peu dvis se confondent sensiblement avec le faisceau
+non dvi des rayons &#947;.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3e" id="ch_3e"></a><i>Rayons dviables</i> &#946;.&mdash;Il rsultait des expriences de MM.
+Giesel et de MM. Meyer et von Schweidler que le rayonnement des corps
+radioactifs est au moins en partie dvi par un champ magntique, et que
+la dviation se fait comme pour les rayons cathodiques. M. Becquerel a
+tudi l'action du champ sur les rayons par la mthode
+radiographique<a name="FNanchor_43" id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor">[43]</a>. Le dispositif exprimental employ tait celui de la
+figure 4. Le radium tait plac dans la <span class="pagenum"><a name="Page_57" id="Page_57">57</a></span> cuve en plomb P, et cette
+cuve tait pose sur la face sensible d'une plaque photographique AC
+enveloppe de papier noir. Le tout tait plac entre les ples d'un
+lectro-aimant, le champ magntique tant normal au plan de la figure.</p>
+
+<p>Si le champ est dirig vers l'arrire de ce plan, la partie BC de la
+plaque se trouve impressionne par des rayons qui, ayant dcrit des
+trajectoires circulaires, sont rabattus sur la plaque et viennent la
+couper angle droit. Ces rayons sont des rayons &#946;.</p>
+
+<p>M. Becquerel a montr que l'impression constitue une large bande
+diffuse, vritable spectre continu, montrant que le faisceau de rayons
+dviables mis par la source est constitu par une infinit de
+radiations ingalement dviables. Si l'on recouvre la glatine de la
+plaque de divers crans absorbants (papier, verre, mtaux), une portion
+du spectre se trouve supprime, et l'on constate que les rayons les plus
+dvis par le champ magntique, autrement dit ceux qui donnent la plus
+petite valeur du rayon de la trajectoire circulaire, sont le plus
+fortement absorbs. Pour chaque cran l'impression sur la plaque ne
+commence qu' une certaine distance de la source radiante, cette
+distance tant d'autant plus grande que l'cran est plus absorbant.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3f" id="ch_3f"></a><i>Charge des rayons dviables.</i>&mdash;Les rayons cathodiques sont, comme l'a
+montr M. Perrin, chargs d'lectricit ngative<a name="FNanchor_44" id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor">[44]</a>. De plus ils
+peuvent, d'aprs les expriences de M. Perrin et de M. Lenard<a name="FNanchor_45" id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor">[45]</a>,
+transporter leur charge travers des enveloppes mtalliques runies
+la terre et travers des lames isolantes. En tout point, o les rayons
+cathodiques sont absorbs, se fait un dgagement <span class="pagenum"><a name="Page_58" id="Page_58">58</a></span> continu
+d'lectricit ngative. Nous avons constat qu'il en est de mme pour
+les rayons dviables &#946; du radium. <i>Les rayons dviables</i>
+&#946; <i>du radium sont chargs d'lectricit ngative</i><a name="FNanchor_46" id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor">[46]</a>.</p>
+
+<div class="blockquote">
+ <p>talons la substance radioactive sur l'un des plateaux d'un
+ condensateur, ce plateau tant reli mtalliquement la terre; le
+ second plateau est reli un lectromtre, il reoit et absorbe les
+ rayons mis par la substance. Si les rayons sont chargs, on doit
+ observer une arrive continue d'lectricit l'lectromtre. Cette
+ exprience, ralise dans l'air, ne nous a pas permis de dceler une
+ charge des rayons, mais l'exprience ainsi faite n'est pas sensible.
+ L'air entre les plateaux tant rendu conducteur par les rayons,
+ l'lectromtre n'est plus isol et ne peut accuser que des charges
+ assez fortes.</p>
+
+ <p>Pour que les rayons &#945; ne puissent apporter de trouble dans
+ l'exprience, on peut les supprimer en recouvrant la source radiante
+ d'un cran mtallique mince; le rsultat de l'exprience n'est pas
+ modifi<a name="FNanchor_47" id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor">[47]</a>.</p>
+
+ <p>Nous avons sans plus de succs rpt cette exprience dans l'air en
+ faisant pntrer les rayons dans l'intrieur d'un cylindre de Faraday
+ en relation avec l'lectromtre<a name="FNanchor_48" id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor">[48]</a>.</p>
+</div>
+
+<p>On pouvait dj se rendre compte, d'aprs les expriences qui prcdent,
+que la charge des rayons du produit radiant employ tait faible.</p>
+
+<p>Pour constater un faible dgagement d'lectricit sur le conducteur qui
+absorbe les rayons, il faut que ce conducteur <span class="pagenum"><a name="Page_59" id="Page_59">59</a></span> soit bien isol
+lectriquement; pour obtenir ce rsultat, il est ncessaire de le mettre
+ l'abri de l'air, soit en le plaant dans un tube avec un vide trs
+parfait, soit en l'entourant d'un bon dilectrique solide. C'est ce
+dernier dispositif que nous avons employ.</p>
+
+<p>Un disque conducteur MM (<i>fig.</i> 6) est reli par la tige mtallique <i>t</i>
+ l'lectromtre; disque et tige sont compltement entours de matire
+isolante <i>iiii</i>; le tout est recouvert d'une enveloppe mtallique EEEE
+qui est en communication lectrique avec la terre. Sur l'une des faces
+du disque, l'isolant <i>pp</i> et l'enveloppe mtallique sont trs minces.
+C'est cette face qui est expose au rayonnement du sel de baryum
+radifre R, plac l'extrieur dans une auge en plomb<a name="FNanchor_49" id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor">[49]</a>. Les rayons
+mis par le radium traversent l'enveloppe mtallique et la lame isolante
+<i>pp</i>, et sont absorbs par le disque mtallique MM. Celui-ci est alors
+le sige d'un dgagement continu et constant d'lectricit ngative que
+l'on constate l'lectromtre et que l'on mesure l'aide du quartz
+pizolectrique.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 382px;">
+ <p class="caption">Fig. 6.</p>
+ <img src="images/page-59.jpg" alt="" title="" width="382" height="143" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-59.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>Le courant ainsi cr est trs faible. Avec du chlorure de baryum
+radifre trs actif formant une couche de 2<sup>cm&sup2;</sup>,5 <span class="pagenum"><a name="Page_60" id="Page_60">60</a></span> de surface et
+de 0<sup>cm</sup>,2 d'paisseur, on obtient un courant de l'ordre de grandeur de
+10<sup>-11</sup> ampre, les rayons utiliss ayant travers, avant d'tre
+absorbs par le disque MM, une paisseur d'aluminium de 0<sup>mm</sup>,01 et une
+paisseur d'bonite de 0<sup>mm</sup>,3.</p>
+
+<p>Nous avons employ successivement du plomb, du cuivre et du zinc pour le
+disque MM, de l'bonite et de la paraffine pour l'isolant; les rsultats
+obtenus ont t les mmes.</p>
+
+<p>Le courant diminue quand on loigne la source radiante R, ou quand on
+emploie un produit moins actif.</p>
+
+<p>Nous avons encore obtenu les mmes rsultats en remplaant le disque MM
+par un cylindre de Faraday rempli d'air, mais envelopp extrieurement
+par une matire isolante. L'ouverture du cylindre, ferme par la plaque
+isolante mince <i>pp</i>, tait alors en face de la source radiante.</p>
+
+<p>Enfin nous avons fait l'exprience inverse, qui consiste placer l'auge
+de plomb avec le radium au milieu de la matire isolante et en relation
+avec l'lectromtre (<i>fig.</i> 7), le tout tant envelopp par l'enceinte
+mtallique relie la terre.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width:500px;">
+ <p class="caption">Fig. 7.</p>
+ <img src="images/page-60.jpg" alt="" title="" width="500" height="141" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-60.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>Dans ces conditions, on observe l'lectromtre que le radium prend une
+charge positive et gale en grandeur la charge ngative de la premire
+exprience. Les rayons du radium traversent la plaque dilectrique mince
+<i>pp</i> et <span class="pagenum"><a name="Page_61" id="Page_61">61</a></span> quittent le conducteur intrieur en emportant de
+l'lectricit ngative.</p>
+
+<p>Les rayons &#945; du radium n'interviennent pas dans ces
+expriences, tant absorbs presque totalement par une paisseur
+extrmement faible de matire. La mthode qui vient d'tre dcrite ne
+convient pas non plus pour l'tude de la charge des rayons du polonium,
+ces rayons tant galement trs peu pntrants. Nous n'avons observ
+aucun indice de charge avec du polonium, qui met seulement des rayons
+&#945;; mais, pour la raison qui prcde, on ne peut tirer de cette
+exprience aucune conclusion.</p>
+
+<p>Ainsi, dans le cas des rayons dviables &#946; du radium, comme dans
+le cas des rayons cathodiques, les rayons transportent de l'lectricit.
+Or, jusqu'ici on n'a jamais reconnu l'existence de charges lectriques
+non lies la matire. On est donc amen se servir, dans l'tude de
+l'mission des rayons dviables &#946; du radium, de la mme thorie
+que celle actuellement en usage pour l'tude des rayons cathodiques.
+Dans cette thorie balistique, qui a t formule par Sir W. Crookes,
+puis dveloppe et complte par M. J.-J. Thompson, les rayons
+cathodiques sont constitus par des particules extrmement tnues qui
+sont lances partir de la cathode avec une trs grande vitesse, et qui
+sont charges d'lectricit ngative. On peut de mme concevoir que le
+radium envoie dans l'espace des particules charges ngativement.</p>
+
+<p>Un chantillon de radium renferm dans une enveloppe solide, mince,
+parfaitement isolante, doit se charger spontanment un potentiel trs
+lev. Dans l'hypothse balistique le potentiel augmenterait, jusqu' ce
+que la diffrence de potentiel avec les conducteurs environnants devnt
+suffisante pour empcher l'loignement des particules lectrises mises
+et amener leur retour la source radiante.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_62" id="Page_62">62</a></span></p>
+
+<p>Nous avons ralis par hasard l'exprience dont il est question ici. Un
+chantillon de radium trs actif tait enferm depuis longtemps dans une
+ampoule de verre. Pour ouvrir l'ampoule, nous avons fait avec un couteau
+ verre un trait sur le verre. A ce moment nous avons entendu nettement
+le bruit d'une tincelle, et en observant ensuite l'ampoule la loupe,
+nous avons aperu que le verre avait t perfor par une tincelle
+l'endroit o il s'tait trouv aminci par le trait. Le phnomne qui
+s'est produit l est exactement comparable la rupture du verre d'une
+bouteille de Leyde trop charge.</p>
+
+<p>Le mme phnomne s'est reproduit avec une autre ampoule. De plus, au
+moment o l'tincelle a clat, M. Curie qui tenait l'ampoule ressentit
+dans les doigts la secousse lectrique due la dcharge.</p>
+
+<p>Certains verres ont de bonnes proprits isolantes. Si l'on enferme le
+radium dans une ampoule de verre scelle et bien isolante, on peut
+s'attendre ce que cette ampoule un moment donn se perce
+spontanment.</p>
+
+<p><i>Le radium est le premier exemple d'un corps qui se charge spontanment
+d'lectricit.</i></p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3g" id="ch_3g"></a><i>Action du champ lectrique sur les rayons dviables</i> &#946; <i>du
+radium</i>.&mdash;Les rayons dviables &#946; du radium tant assimils
+des rayons cathodiques doivent tre dvis par un champ lectrique de la
+mme faon que ces derniers, c'est--dire comme le serait une particule
+matrielle charge ngativement et lance dans l'espace avec une grande
+vitesse. L'existence de cette dviation a t montre, d'une part, par
+M. Dorn<a name="FNanchor_50" id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor">[50]</a>, d'autre part, par M. Becquerel<a name="FNanchor_51" id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor">[51]</a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_63" id="Page_63">63</a></span></p>
+
+<p>Considrons un rayon qui traverse l'espace situ entre les deux plateaux
+d'un condensateur. Supposons la direction du rayon parallle aux
+plateaux. Quand on tablit entre ces derniers un champ lectrique, le
+rayon est soumis l'action de ce champ uniforme sur toute la longueur
+du trajet dans le condensateur, soit <i>l</i>. En vertu de cette action le
+rayon est dvi vers le plateau positif et dcrit un arc de parabole; en
+sortant du champ il continue son chemin en ligne droite suivant la
+tangente l'arc de parabole au point de sortie. On peut recevoir le
+rayon sur une plaque photographique normale sa direction primitive. On
+observe l'impression produite sur la plaque quand le champ est nul et
+quand le champ a une valeur connue, et l'on dduit de l la valeur de la
+dviation &#948;, qui est la distance des points, o la nouvelle
+direction du rayon et sa direction primitive rencontrent un mme plan
+normal la direction primitive. Si <i>h</i> est la distance de ce plan au
+condensateur, c'est--dire la limite du champ, on a, par un calcul
+simple,</p>
+
+<p class="center"><img src="images/math-page-63.jpg" width="154" height="61" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="noindent"><i>m</i> tant la masse de la particule en mouvement, <i>e</i> sa charge, <i>v</i> sa
+vitesse et F la valeur du champ.</p>
+
+<p>Les expriences de M. Becquerel lui ont permis de donner une valeur
+approche de &#948;.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3h" id="ch_3h"></a><i>Rapport de la charge la masse pour une particule, charge
+ngativement, mise par le radium.</i>&mdash;Quand une particule matrielle,
+ayant la masse <i>m</i> et la charge ngative <i>e</i>, est lance avec une
+vitesse <i>v</i> dans un champ magntique uniforme normal sa vitesse
+initiale, cette particule dcrit dans un plan normal au champ et passant
+par sa vitesse initiale un arc de cercle de rayon &#961; <span class="pagenum"><a name="Page_64" id="Page_64">64</a></span> tel
+que, H tant la valeur du champ, on a la relation</p>
+
+<p class="center"><img src="images/math-page-64.jpg" width="86" height="36" alt="" title="" /></p>
+
+<p>Si l'on a mesur pour un mme rayon la dviation lectrique &#948;
+et le rayon de courbure &#961; dans un champ magntique, on pourra,
+de ces deux expriences, tirer les valeurs du rapport <i>e</i>/<i>m</i> de la
+vitesse <i>v</i>.</p>
+
+<p>Les expriences de M. Becquerel ont fourni une premire indication ce
+sujet. Elles ont donn pour le rapport <i>e</i>/<i>m</i> une valeur approche
+gale 10<sup>7</sup> units lectromagntiques absolues, et pour <i>v</i> une
+grandeur gale 1,6 10<sup>10</sup>. Ces valeurs sont du mme ordre de
+grandeur que pour les rayons cathodiques.</p>
+
+<p>Des expriences prcises ont t faites sur le mme sujet par M.
+Kaufmann<a name="FNanchor_52" id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor">[52]</a>. Ce physicien a soumis un faisceau trs troit de rayons du
+radium l'action simultane d'un champ lectrique et d'un champ
+magntique, les deux champs tant uniformes et ayant une mme direction,
+normale la direction primitive du faisceau. L'impression produite sur
+une plaque normale au faisceau primitif et place au-dessus des limites
+du champ par rapport la source prend la forme d'une courbe, dont
+chaque point correspond l'un des rayons du faisceau primitif
+htrogne. Les rayons les plus pntrants et les moins dviables sont
+d'ailleurs ceux dont la vitesse est la plus grande.</p>
+
+<p>Il rsulte des expriences de M. Kaufmann que pour les rayons du radium,
+dont la vitesse est notablement suprieure celle des rayons
+cathodiques, le rapport <i>e</i>/<i>m</i> va en diminuant quand la vitesse
+augmente.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_65" id="Page_65">65</a></span></p>
+
+<p>D'aprs les travaux de J.-J. Thomson et de Townsend<a name="FNanchor_53" id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor">[53]</a> nous devons
+admettre que la particule en mouvement, qui constitue le rayon, possde
+une charge <i>e</i> gale celle transporte par un atome d'hydrogne dans
+l'lectrolyse, cette charge tant la mme pour tous les rayons. On est
+donc conduit conclure que la masse de la particule <i>m</i> va en
+augmentant quand la vitesse augmente.</p>
+
+<p>Or, des considrations thoriques conduisent concevoir que l'inertie
+de la particule est prcisment due son tat de charge en mouvement,
+la vitesse d'une charge lectrique en mouvement ne pouvant tre modifie
+sans dpense d'nergie. Autrement dit, l'inertie de la particule est
+d'origine lectromagntique, et la masse de la particule est au moins en
+partie une masse apparente ou masse lectromagntique. M. Abraham<a name="FNanchor_54" id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor">[54]</a> va
+plus loin et suppose que la masse de la particule est entirement une
+masse lectromagntique. Si dans cette hypothse on calcule la valeur de
+cette masse <i>m</i> pour une vitesse connue <i>v</i>, on trouve que <i>m</i> tend vers
+l'infini quand <i>v</i> tend vers la vitesse de la lumire, et que <i>m</i> tend
+vers une valeur constante quand la vitesse <i>v</i> est trs infrieure
+celle de la lumire. Les expriences de M. Kaufmann sont en accord avec
+les rsultats de cette thorie dont l'importance est grande, puisqu'elle
+permet de prvoir la possibilit d'tablir les bases de la mcanique sur
+la dynamique de petits centres matriels chargs en tat de
+mouvement<a name="FNanchor_55" id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor">[55]</a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_66" id="Page_66">66</a></span></p>
+
+<p>Voici les nombres obtenus par M. Kaufmann pour <i>e</i>/<i>m</i> et <i>v</i>:</p>
+
+<table summary="table_Page_66" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="140" />
+ <col width="140" />
+ <col width="40" />
+ <col width="140" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdcmiddle"><i>e</i>/<i>m</i> units lectromagntiques.</td>
+ <td class="tdcmiddle"><i>v</i> cm/sec.</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">1,865 10<sup>7</sup></td>
+ <td class="tdctop">0,7&nbsp; 10<sup>10</sup></td>
+ <td class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-03.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td class="tdltop">pour les rayons cathodiques.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">1,31&nbsp; 10<sup>7</sup></td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;2,36 10<sup>10</sup></td>
+ <td rowspan="5" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-02.jpg" width="10" height="100" alt="" title="" /></td>
+ <td rowspan="5" class="tdlmiddle">pour les rayons du radium (Kaufmann).</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">1,17&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,48&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,97&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,59&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,77&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,72&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,63&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">2,83&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>M. Kaufmann conclut de la comparaison de ses expriences avec la
+thorie, que la valeur limite du rapport <i>e</i>/<i>m</i> pour les rayons du
+radium de vitesse relativement faible serait la mme que la valeur de
+<i>e</i>/<i>m</i> pour les rayons cathodiques.</p>
+
+<p>Les expriences les plus compltes de M. Kaufmann ont t faites avec un
+grain minuscule de chlorure de radium pur, que nous avons mis sa
+disposition.</p>
+
+<p>D'aprs les expriences de M. Kaufmann certains rayons &#946; du
+radium possdent une vitesse trs voisine de celle de la lumire. On
+comprend que ces rayons si rapides puissent jouir d'un pouvoir pntrant
+trs grand vis--vis de la matire.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3i" id="ch_3i"></a><i>Action du champ magntique sur les rayons</i> &#945;.&mdash;Dans un travail
+rcent, M. Rutherford a annonc<a name="FNanchor_56" id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor">[56]</a> que, dans un champ magntique ou
+lectrique puissant, les rayons &#945; du radium sont lgrement
+dvis la faon de particules lectrises positivement et animes
+d'une grande vitesse. M. Rutherford conclut de ses expriences <span class="pagenum"><a name="Page_67" id="Page_67">67</a></span> que
+la vitesse des rayons &#945; est de l'ordre de grandeur 2,5 10<sup>9</sup>
+cm/sec et que le rapport <i>e</i>/<i>m</i> pour ces rayons est de l'ordre de
+grandeur 6 10<sup>3</sup>, soit 10<sup>4</sup> fois plus grand que pour les rayons
+dviables &#946;. On verra plus loin que ces conclusions de M.
+Rutherford sont en accord avec les proprits antrieurement connues du
+rayonnement &#945;, et qu'elles rendent compte, au moins en partie,
+de la loi d'absorption de ce rayonnement.</p>
+
+<p>Les expriences de M. Rutherford ont t confirmes par M. Becquerel. M.
+Becquerel a montr, de plus, que les rayons du polonium se comportent
+dans un champ magntique comme les rayons &#945; du radium et qu'ils
+semblent prendre, champ gal, la mme courbure que ces derniers. Il
+rsulte aussi des expriences de M. Becquerel que les rayons &#945;
+ne semblent pas former de spectre magntique, mais se comportent plutt
+comme un rayonnement homogne, tous les rayons tant galement
+dvis<a name="FNanchor_57" id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor">[57]</a>.</p>
+
+<p>M. Des Coudres a fait une mesure de la dviation lectrique et de la
+dviation magntique des rayons &#945; du radium dans le vide. Il a
+trouv pour la vitesse de ces rayons <i>v</i>&nbsp;=&nbsp;1,65 10<sup>9</sup> cm/sec et pour le
+rapport de la charge la masse <i>e</i>/<i>m</i>&nbsp;=&nbsp;6400 en units
+lectromagntiques<a name="FNanchor_58" id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor">[58]</a>. La vitesse des rayons &#945; est donc
+environ 20 fois plus faible que celle de la lumire. Le rapport <i>e</i>/<i>m</i>
+est du mme ordre de grandeur que celui que l'on trouve pour l'hydrogne
+dans l'lectrolyse: <i>e</i>/<i>m</i>&nbsp;=&nbsp;9650. Si donc on admet que la charge de
+chaque projectile est la mme que celle d'un atome d'hydrogne dans
+l'lectrolyse, on en conclut que <span class="pagenum"><a name="Page_68" id="Page_68">68</a></span> la masse de ce projectile est du
+mme ordre de grandeur que celle d'un atome d'hydrogne.</p>
+
+<p>Or nous venons de voir que, pour les rayons cathodiques et pour les
+rayons &#946; du radium les plus lents, le rapport <i>e</i>/<i>m</i> est gal
+ 1,865 10<sup>7</sup>; ce rapport est donc environ 2000 fois plus grand que
+celui obtenu dans l'lectrolyse. La charge de la particule charge
+ngativement tant suppose la mme que celle d'un atome d'hydrogne, sa
+masse limite pour les vitesses relativement faibles serait donc environ
+2000 fois plus petite que celle d'un atome d'hydrogne.</p>
+
+<p>Les projectiles qui constituent les rayons &#946; sont donc la
+fois beaucoup plus petits et anims d'une vitesse plus grande que ceux
+qui constituent les rayons &#945;. On comprend alors facilement que
+les premiers possdent un pouvoir pntrant bien plus grand que les
+seconds.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3j" id="ch_3j"></a><i>Action du champ magntique sur les rayons des autres substances
+radioactives.</i>&mdash;On vient de voir que le radium met des rayons &#945;
+assimilables aux rayons canaux, des rayons &#946; assimilables
+aux rayons cathodiques et des rayons pntrants et non dviables &#947;.
+Le polonium n'met que des rayons &#945;. Parmi les autres
+substances radioactives, l'actinium semble se comporter comme le radium,
+mais l'tude du rayonnement de ce corps n'est pas encore aussi avance
+que celle du rayonnement du radium. Quant aux substances faiblement
+radioactives, on sait aujourd'hui que l'uranium et le thorium mettent
+aussi bien des rayons &#945; que des rayons dviables &#946;
+(Becquerel, Rutherford).</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3k" id="ch_3k"></a><i>Proportion des rayons dviables</i> &#946; <i>dans le rayonnement du
+radium.</i>&mdash;Comme je l'ai dj dit, la proportion des rayons &#946; va
+en augmentant, mesure qu'on s'loigne de la source radiante.
+Toutefois, ces rayons ne se montrent <span class="pagenum"><a name="Page_69" id="Page_69">69</a></span> jamais seuls, et pour les
+grandes distances on observe aussi toujours la prsence de rayons
+&#947;. La prsence de rayons non dviables trs pntrants dans le
+rayonnement du radium a t, pour la premire fois, observe par M.
+Villard<a name="FNanchor_59" id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor">[59]</a>. Ces rayons ne constituent qu'une faible partie du
+rayonnement mesur par la mthode lectrique, et leur prsence nous
+avait chapp dans nos premires expriences, de sorte que nous croyions
+alors tort que le rayonnement grande distance ne contenait que des
+rayons dviables.</p>
+
+<p>Voici les rsultats numriques obtenus dans des expriences faites par
+la mthode lectrique avec un appareil analogue celui de la figure 5.
+Le radium n'tait spar du condensateur que par l'air ambiant. Je
+dsigne par <i>d</i> la distance de la source radiante au condensateur. En
+supposant gal 100 le courant obtenu sans champ magntique pour chaque
+distance, les nombres de la deuxime ligne indiquent le courant qui
+subsiste quand le champ agit. Ces nombres peuvent tre considrs comme
+donnant le pourcentage de l'ensemble des rayons &#945; et &#947;,
+la dviation des rayons &#945; n'ayant gure pu tre observe
+avec le dispositif employ.</p>
+
+<p>Aux grandes distances on n'a plus de rayons &#945;, et le
+rayonnement non dvi est alors du genre &#947; seulement.</p>
+
+<p>Expriences faites petite distance:</p>
+
+<table summary="table_Page_69a" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="5">
+ <col width="250" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop"><i>d</i> en centimtres.</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;3,4</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;5,1</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;6,0</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;6,5</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour 100 de rayons non dvis.</td>
+ <td class="tdctop">74</td>
+ <td class="tdctop">56</td>
+ <td class="tdctop">33</td>
+ <td class="tdctop">11</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Expriences faites aux grandes distances, avec un produit
+considrablement plus actif que celui qui avait servi pour la srie
+prcdente:</p>
+
+<table summary="table_Page_69b" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="8">
+ <col width="250" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop"><i>d</i> en centimtres.</td>
+ <td class="tdctop">14</td>
+ <td class="tdctop">30</td>
+ <td class="tdctop">53</td>
+ <td class="tdctop">80</td>
+ <td class="tdctop">98</td>
+ <td class="tdctop">124</td>
+ <td class="tdctop">157</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour 100 de rayons dvis.</td>
+ <td class="tdctop">12</td>
+ <td class="tdctop">14</td>
+ <td class="tdctop">17</td>
+ <td class="tdctop">14</td>
+ <td class="tdctop">16</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;14</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;11</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_70" id="Page_70">70</a></span></p>
+
+<p>On voit, qu' partir d'une certaine distance, la proportion des rayons
+non dvis dans le rayonnement est approximativement constante. Ces
+rayons appartiennent probablement tous l'espce &#947;. Il n'y a
+pas tenir compte outre mesure des irrgularits dans les nombres de la
+seconde ligne, si l'on envisage que l'intensit totale du courant dans
+les deux expriences extrmes tait dans le rapport de 660 10. Les
+mesures ont pu tre poursuivies jusqu' une distance de 1<sup>m</sup>,57 de la
+source radiante, et nous pourrions aller encore plus loin actuellement.</p>
+
+<p>Voici une autre srie d'expriences, dans lesquelles le radium tait
+enferm dans un tube de verre trs troit, plac au-dessous du
+condensateur et paralllement aux plateaux. Les rayons mis traversaient
+une certaine paisseur de verre et d'air, avant d'entrer dans le
+condensateur.</p>
+
+<table summary="table_Page_70" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="10">
+ <col width="250" />
+ <col width="40" />
+ <col width="40" />
+ <col width="40" />
+ <col width="40" />
+ <col width="40" />
+ <col width="40" />
+ <col width="40" />
+ <col width="40" />
+ <col width="40" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop"><i>d</i> en centimtres.</td>
+ <td class="tdctop">2,5</td>
+ <td class="tdctop">3,3</td>
+ <td class="tdctop">4,1</td>
+ <td class="tdctop">5,9</td>
+ <td class="tdctop">7,5</td>
+ <td class="tdctop">9,6</td>
+ <td class="tdctop">11,3</td>
+ <td class="tdctop">13,9</td>
+ <td class="tdctop">17,2</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour 100 de rayons non dvis. </td>
+ <td class="tdctop">33&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">33&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">21&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">16&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">14&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">10&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">9&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">9&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">10&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Comme dans les expriences prcdentes, les nombres de la seconde ligne
+tendent vers une valeur constante quand la distance <i>d</i> crot, mais la
+limite est sensiblement atteinte pour des distances plus petites que
+dans les sries prcdentes, parce que les rayons &#945; ont t
+plus fortement absorbs par le verre que les rayons &#946; et
+&#947;.</p>
+
+<p>Voici une autre exprience qui montre qu'une lame d'aluminium mince
+(paisseur 0<sup>mm</sup>,01) absorbe principalement les rayons &#945;. Le
+produit tant plac 5<sup>cm</sup> du condensateur, on trouve en faisant agir
+le champ magntique que la proportion des rayons autres que &#946;
+est de 71 pour 100. Le mme produit tant recouvert de la lame
+d'aluminium, et la distance restant la mme, on trouve que le
+rayonnement transmis est presque totalement dvi par le champ
+magntique, les rayons &#945; ayant t absorbs par la <span class="pagenum"><a name="Page_71" id="Page_71">71</a></span> lame.
+On obtient le mme rsultat en employant le papier comme cran
+absorbant.</p>
+
+<p>La plus grosse partie du rayonnement du radium est forme par des rayons
+&#945; qui sont probablement mis surtout par la couche
+superficielle de la matire radiante. Quand on fait varier l'paisseur
+de la couche de la matire radiante, l'intensit du courant augmente
+avec cette paisseur; l'augmentation n'est pas proportionnelle
+l'accroissement d'paisseur pour la totalit du rayonnement; elle est
+d'ailleurs plus notable sur les rayons &#946; que sur les rayons
+&#945;, de sorte que la proportion de rayons &#946; va en
+croissant avec l'paisseur de la couche active. La source radiante tant
+place une distance de 5<sup>cm</sup> du condensateur, on trouve que, pour une
+paisseur gale 0<sup>mm</sup>,4 de la couche active, le rayonnement total est
+donn par le nombre 28 et la proportion des rayons &#946; est de 29
+pour 100. En donnant la couche active l'paisseur de 2<sup>mm</sup>, soit 5
+fois plus grande, on obtient un rayonnement total gal 102 et une
+proportion de rayons dviables &#946; gale 45 pour 100. Le
+rayonnement total qui subsiste cette distance a donc t augment dans
+le rapport 3,6 et le rayonnement dviable &#946; est devenu environ
+5 fois plus fort.</p>
+
+<p>Les expriences prcdentes ont t faites par la mthode lectrique.
+Quand on opre par la mthode radiographique, certains rsultats
+semblent, en apparence, tre en contradiction avec ce qui prcde. Dans
+les expriences de M. Villard, un faisceau de rayons du radium soumis
+l'action d'un champ magntique tait reu sur une pile de plaques
+photographiques. Le faisceau non dviable et pntrant &#947;
+traversait toutes les plaques et marquait sa trace sur chacune d'elles.
+Le faisceau dvi &#946; produisait une impression sur la premire
+plaque seulement. Ce faisceau paraissait donc ne point contenir de
+rayons de grande pntration.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_72" id="Page_72">72</a></span></p>
+
+<p>Au contraire, dans nos expriences, un faisceau qui se propage dans
+l'air contient aux plus grandes distances accessibles l'observation
+9/10 environ de rayons dviables &#946;, et il en est encore de
+mme, quand la source radiante est enferme dans une petite ampoule de
+verre scelle. Dans les expriences de M. Villard, ces rayons dviables
+et pntrants &#946; n'impressionnent pas les plaques
+photographiques places au del de la premire, parce qu'ils sont en
+grande partie diffuss dans tous les sens par le premier obstacle solide
+rencontr et cessent de former un faisceau. Dans nos expriences, les
+rayons mis par le radium et transmis par le verre de l'ampoule taient
+probablement aussi diffuss par le verre, mais l'ampoule tant trs
+petite, fonctionnait alors elle-mme comme une source de rayons
+dviables &#946; partant de sa surface, et nous avons pu observer
+ces derniers jusqu' une grande distance de l'ampoule.</p>
+
+<p>Les rayons cathodiques des tubes de Crookes ne peuvent traverser que des
+crans trs minces (crans d'aluminium jusqu' 0<sup>mm</sup>,01 d'paisseur).
+Un faisceau de rayons qui arrive normalement sur l'cran est diffus
+dans tous les sens; mais la diffusion est d'autant moins importante que
+l'cran est plus mince, et pour des crans trs minces il existe un
+faisceau sortant qui est sensiblement le prolongement du faisceau
+incident<a name="FNanchor_60" id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor">[60]</a>.</p>
+
+<p>Les rayons dviables &#946; du radium se comportent d'une manire
+analogue, mais le faisceau dviable transmis prouve, paisseur
+d'cran gale, une modification beaucoup moins profonde. D'aprs les
+expriences de M. Becquerel, les rayons &#946; trs fortement
+dviables du radium (ceux dont la vitesse est relativement faible) sont
+fortement diffuss par un cran d'aluminium de 0<sup>mm</sup>,1 d'paisseur;
+mais les rayons pntrants et peu dviables (rayons <span class="pagenum"><a name="Page_73" id="Page_73">73</a></span> genre
+cathodique de grande vitesse) traversent ce mme cran sans aucune
+diffusion sensible, et sans que le faisceau qu'ils constituent soit
+dform, et cela quelle que soit l'inclinaison de l'cran par rapport au
+faisceau. Les rayons &#946; de grande vitesse traversent sans
+diffusion une paisseur bien plus grande de paraffine (quelques
+centimtres), et l'on peut suivre dans celle-ci la courbure du faisceau
+produite par le champ magntique. Plus l'cran est pais et plus sa
+matire est absorbante, plus le faisceau dviable primitif est altr,
+parce que, mesure que l'paisseur de l'cran crot, la diffusion
+commence se faire sentir sur de nouveaux groupes de rayons de plus en
+plus pntrants.</p>
+
+<p>L'air produit sur les rayons &#946; du radium qui le traversent une
+diffusion, qui est trs sensible pour les rayons fortement dviables,
+mais qui est cependant bien moins importante que celle qui est due des
+paisseurs gales de matires solides traverses. C'est pourquoi les
+rayons dviables &#946; du radium se propagent dans l'air de
+grandes distances.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3l" id="ch_3l"></a><i>Pouvoir pntrant du rayonnement des corps radioactifs.</i>&mdash;Ds le dbut
+des recherches sur les corps radioactifs, on s'est proccup de
+l'absorption produite par divers crans sur les rayons mis par ces
+substances. J'ai donn dans une premire Note relative ce sujet<a name="FNanchor_61" id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor">[61]</a>
+plusieurs nombres cits au dbut de ce travail indiquant la pntration
+relative des rayons uraniques et thoriques. M. Rutherford a tudi plus
+spcialement la radiation uranique<a name="FNanchor_62" id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor">[62]</a> et prouv qu'elle tait
+htrogne. M. Owens a conclu de mme pour les rayons thoriques<a name="FNanchor_63" id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor">[63]</a>.
+Quand <span class="pagenum"><a name="Page_74" id="Page_74">74</a></span> vint ensuite la dcouverte des substances fortement
+radioactives, le pouvoir pntrant de leurs rayons fut aussitt tudi
+par divers physiciens (Becquerel, Meyer et von Schweidler, Curie,
+Rutherford). Les premires observations mirent en vidence
+l'htrognit du rayonnement qui semble tre un phnomne gnral et
+commun aux substances radioactives<a name="FNanchor_64" id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor">[64]</a>. On se trouve l en prsence de
+sources, qui mettent un ensemble de radiations, dont chacune a un
+pouvoir pntrant qui lui est propre. La question se complique encore
+par ce fait, qu'il y a lieu de rechercher en quelle mesure la nature de
+la radiation peut se trouver modifie par le passage travers les
+substances matrielles et que, par consquent, chaque ensemble de
+mesures n'a une signification prcise que pour le dispositif
+exprimental employ.</p>
+
+<p>Ces rserves tant faites, on peut chercher coordonner les diverses
+expriences et exposer l'ensemble des rsultats acquis.</p>
+
+<p>Les corps radioactifs mettent des rayons qui se propagent dans l'air et
+dans le vide. La propagation est rectiligne; ce fait est prouv par la
+nettet et la forme des ombres fournies par l'interposition de corps,
+opaques au rayonnement, entre la source et la plaque sensible ou l'cran
+fluorescent qui sert de rcepteur, la source ayant des dimensions
+petites par rapport sa distance au rcepteur. Diverses expriences qui
+prouvent la propagation rectiligne des rayons mis par l'uranium, le
+radium et le polonium ont t faites par M. Becquerel<a name="FNanchor_65" id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor">[65]</a>.</p>
+
+<p>La distance laquelle les rayons peuvent se propager dans l'air
+partir de la source est intressante connatre. Nous avons constat
+que le radium met des <span class="pagenum"><a name="Page_75" id="Page_75">75</a></span> rayons qui peuvent tre observs dans l'air
+ plusieurs mtres de distance. Dans certaines de nos mesures
+lectriques, l'action de la source sur l'air du condensateur s'exerait
+ une distance comprise entre 2<sup>m</sup> et 3<sup>m</sup>. Nous avons galement obtenu
+des effets de fluorescence et des impressions radiographiques des
+distances du mme ordre de grandeur. Ces expriences ne peuvent tre
+faites facilement qu'avec des sources radioactives trs intenses, parce
+que, indpendamment de l'absorption exerce par l'air, l'action sur un
+rcepteur donn varie en raison inverse du carr de la distance une
+source de petites dimensions. Ce rayonnement, qui se propage grande
+distance du radium, comprend aussi bien des rayons genre cathodique que
+des rayons non dviables; cependant, les rayons dviables dominent de
+beaucoup, d'aprs les expriences que j'ai cites plus haut. Quant la
+grosse masse du rayonnement (rayons &#945;), elle est, au contraire,
+limite dans l'air une distance de 7<sup>cm</sup> environ de la source.</p>
+
+<p>J'ai fait quelques expriences avec du radium enferm dans une petite
+ampoule de verre. Les rayons qui sortaient de cette ampoule
+franchissaient un certain espace d'air et taient reus dans un
+condensateur, qui servait mesurer leur pouvoir ionisant par la mthode
+lectrique ordinaire. On faisait varier la distance <i>d</i> de la source au
+condensateur et l'on mesurait le courant de saturation <i>i</i> obtenu dans
+le condensateur. Voici les rsultats d'une des sries de mesures:</p>
+
+<table summary="table_Page_75" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="3">
+ <col width="100" />
+ <col width="100" />
+ <col width="100" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdctop"><i>d cm.</i></td>
+ <td class="tdctop"><i>i.</i></td>
+ <td class="tdctop">(<i>i</i> <i>d</i><sup>2</sup>) 10<sup>-3</sup>.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;10</td>
+ <td class="tdctop">127</td>
+ <td class="tdctop">13</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;20</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;38</td>
+ <td class="tdctop">15</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;30</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;17,4</td>
+ <td class="tdctop">16</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;40</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;10,5</td>
+ <td class="tdctop">17</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;50</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;6,9</td>
+ <td class="tdctop">17</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;60</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;4,7</td>
+ <td class="tdctop">17</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;70</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;3,8</td>
+ <td class="tdctop">19</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">100</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;1,65</td>
+ <td class="tdctop">17</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_76" id="Page_76">76</a></span></p>
+
+<p>A partir d'une certaine distance, l'intensit du rayonnement varie
+sensiblement en raison inverse du carr de la distance au condensateur.</p>
+
+<p>Le rayonnement du polonium ne se propage dans l'air qu' une distance de
+quelques centimtres (4<sup>cm</sup> 6<sup>cm</sup>) de la source radiante.</p>
+
+<p>Si l'on considre l'absorption des radiations par les crans solides, on
+constate l encore une diffrence fondamentale entre le radium et le
+polonium. Le radium met des rayons capables de traverser une grande
+paisseur de matire solide, par exemple quelques centimtres de plomb
+ou de verre<a name="FNanchor_66" id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor">[66]</a>. Les rayons qui ont travers une grande paisseur d'un
+corps solide sont extrmement pntrants, et, pratiquement, on n'arrive
+plus, pour ainsi dire, les faire absorber intgralement par quoi que
+ce soit. Mais ces rayons ne constituent qu'une faible fraction du
+rayonnement total, dont la grosse masse est, au contraire, absorbe par
+une faible paisseur de matire solide.</p>
+
+<p>Le polonium met des rayons extrmement absorbables qui ne peuvent
+traverser que des crans solides trs minces.</p>
+
+<p>Voici, titre d'exemple, quelques nombres relatifs l'absorption
+produite par une lame d'aluminium d'paisseur gale 0<sup>mm</sup>,01. Cette
+lame tait place au-dessus et presque au contact de la substance. Le
+rayonnement direct et celui transmis par la lame taient mesurs par la
+mthode lectrique (appareil <i>fig.</i> 1); le courant de saturation tait
+sensiblement atteint dans tous les cas. Je dsigne par <i>a</i> l'activit de
+la substance radiante, celle de l'uranium tant prise comme unit.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_77" id="Page_77">77</a></span></p>
+
+<table summary="table_Page_77" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="3">
+ <col width="200" />
+ <col width="100" />
+ <col width="100" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdcmiddle"><i>a.</i></td>
+ <td class="tdcmiddle">Fraction du rayonnement transmise par la lame.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Chlorure de baryum radifre</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;57</td>
+ <td class="tdctop">0,32</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Bromure&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;43</td>
+ <td class="tdctop">0,30</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Chlorure&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;1200</td>
+ <td class="tdctop">0,30</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Sulfate&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;5000</td>
+ <td class="tdctop">0,29</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Sulfate&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">10000</td>
+ <td class="tdctop">0,32</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdltop">Bismuth polonium mtallique</td>
+ <td class="tdctop">0,22</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdltop">Composs d'urane</td>
+ <td class="tdctop">0,20</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdltop">Composs de thorium en couche mince</td>
+ <td class="tdctop">0,38</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>On voit que des composs radifres de nature et d'activit diffrentes
+donnent des rsultats trs analogues, ainsi que je l'ai indiqu dj
+pour les composs d'urane et de thorium au dbut de ce travail. On voit
+aussi que si l'on considre toute la masse du rayonnement, et pour la
+lame absorbante considre, les diverses substances radiantes viennent
+se ranger dans l'ordre suivant de pntration dcroissante de leurs
+rayons: thorium, radium, polonium, uranium.</p>
+
+<p>Ces rsultats sont analogues ceux qui ont t publis par M.
+Rutherford dans un Mmoire relatif cette question<a name="FNanchor_67" id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor">[67]</a>.</p>
+
+<p>M. Rutherford trouve, d'ailleurs, que l'ordre est le mme quand la
+substance absorbante est constitue par l'air. Mais il est probable que
+cet ordre n'a rien d'absolu et ne se maintiendrait pas indpendamment de
+la nature et de l'paisseur de l'cran considr. L'exprience montre,
+en effet, que la loi d'absorption est trs diffrente pour le polonium
+et le radium et que, pour ce dernier, il y a lieu de considrer
+sparment l'absorption des rayons de chacun des trois groupes.</p>
+
+<p>Le polonium se prte particulirement l'tude des rayons &#945;,
+puisque les chantillons que nous possdons <span class="pagenum"><a name="Page_78" id="Page_78">78</a></span> n'mettent point
+d'autres rayons. J'ai fait une premire srie d'expriences avec des
+chantillons de polonium extrmement actifs et rcemment prpars. J'ai
+trouv que les rayons du polonium sont d'autant plus absorbables, que
+l'paisseur de matire qu'ils ont dj traverse est plus grande<a name="FNanchor_68" id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor">[68]</a>.
+Cette loi d'absorption singulire est contraire celle que l'on connat
+pour les autres rayonnements.</p>
+
+<p>J'ai employ pour cette tude notre appareil de mesures de la
+conductibilit lectrique avec le dispositif suivant:</p>
+
+<div class="blockquote">
+ <p>Les deux plateaux d'un condensateur PP et P'P' (<i>fig.</i> 8) sont
+ horizontaux et abrits dans une bote mtallique BBBB en relation avec
+ la terre. Le corps actif A, situ dans une bote mtallique paisse
+ CCCC faisant corps avec le plateau P'P', agit sur l'air du
+ condensateur au travers d'une toile mtallique T; les rayons qui
+ traversent la toile sont seuls utiliss pour la production du courant,
+ le champ lectrique s'arrtant la toile. On peut faire varier la
+ distance AT du corps actif la toile. Le champ entre les plateaux est
+ tabli au moyen d'une pile; la mesure <span class="pagenum"><a name="Page_79" id="Page_79">79</a></span> du courant se fait au moyen
+ d'un lectromtre et d'un quartz pizolectrique.</p>
+</div>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 378px;">
+ <p class="caption">Fig. 8.</p>
+ <img src="images/page-78.jpg" alt="" title="" width="378" height="303" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-78.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<div class="blockquote">
+ <p>En plaant en A sur le corps actif divers crans et en modifiant la
+ distance AT, on peut mesurer l'absorption des rayons qui font dans
+ l'air des chemins plus ou moins grands.</p>
+</div>
+
+<p>Voici les rsultats obtenus avec le polonium:</p>
+
+<p>Pour une certaine valeur de la distance AT (4<sup>cm</sup> et au-dessus), aucun
+courant ne passe: les rayons ne pntrent pas dans le condensateur.
+Quand on diminue la distance AT, l'apparition des rayons dans le
+condensateur se fait d'une manire assez brusque, de telle sorte que,
+pour une petite diminution de la distance, on passe d'un courant trs
+faible un courant trs notable; ensuite le courant s'accrot
+rgulirement quand on continue rapprocher le corps radiant de la
+toile T.</p>
+
+<p>Quand on recouvre la substance radiante d'une lame d'aluminium lamin de
+1/100 de millimtre d'paisseur, l'absorption produite par la lame est
+d'autant plus forte que la distance AT est plus grande.</p>
+
+<p>Si l'on place sur la premire lame d'aluminium une deuxime lame
+pareille, chaque lame absorbe une fraction du rayonnement qu'elle
+reoit, et cette fraction est plus grande pour la deuxime lame que pour
+la premire, de telle faon que c'est la deuxime lame qui semble plus
+absorbante.</p>
+
+<div class="blockquote">
+ <p>Dans le Tableau qui suit, j'ai fait figurer: dans la premire ligne,
+ les distances en centimtres entre le polonium et la toile T; dans la
+ deuxime ligne, la proportion de rayons pour 100 transmise par une
+ lame d'aluminium; dans la troisime ligne, la proportion de rayons
+ pour 100 transmise par deux lames du mme aluminium.</p>
+</div>
+
+<table summary="table_Page_79" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="6">
+ <col width="300" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Distance AT</td>
+ <td class="tdctop">3,5</td>
+ <td class="tdctop">2,5</td>
+ <td class="tdctop">1,9</td>
+ <td class="tdctop">1,45</td>
+ <td class="tdctop">0,5</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour 100 de rayons transmis par une lame</td>
+ <td class="tdctop">0&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">5&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">10&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">25&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour 100 de rayons transmis par deux lames</td>
+ <td class="tdctop">0&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">5&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,7</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_80" id="Page_80">80</a></span></p>
+
+<p>Dans ces expriences, la distance des plateaux P et P' tait de 3<sup>cm</sup>.
+On voit que l'interposition de la lame d'aluminium diminue l'intensit
+du rayonnement en plus forte proportion dans les rgions loignes que
+dans les rgions rapproches.</p>
+
+<p>Cet effet est encore plus marqu que ne l'indiquent les nombres qui
+prcdent. Ainsi, la pntration de 25 pour 100, pour la distance
+0<sup>cm</sup>,5, reprsente la moyenne de pntration pour tous les rayons qui
+dpassent cette distance, ceux extrmes ayant une pntration trs
+faible. Si l'on ne recueillait que les rayons compris entre 0<sup>cm</sup>,5 et
+1<sup>cm</sup>, par exemple, on aurait une pntration plus grande encore. Et,
+en effet, si l'on rapproche le plateau P une distance 0<sup>cm</sup>,5 de P',
+la fraction du rayonnement transmise par la lame d'aluminium (pour AT &#61; 0<sup>cm</sup>,5) est
+de 47 pour 100 et, travers deux lames, elle est de 5 pour 100 du rayonnement primitif.</p>
+
+<p>J'ai fait rcemment une deuxime srie d'expriences avec ces mmes
+chantillons de polonium dont l'activit tait considrablement
+diminue, l'intervalle de temps qui spare les deux sries d'expriences
+tant de 3 ans.</p>
+
+<p>Dans les expriences anciennes, le polonium tait l'tat de
+sous-nitrate; dans celles rcentes il tait l'tat de grains
+mtalliques, obtenus par fusion du sous-nitrate avec le cyanure de
+potassium.</p>
+
+<p>J'ai constat que le rayonnement du polonium avait conserv les mmes
+caractres essentiels, et j'ai trouv quelques rsultats nouveaux.
+Voici, pour diverses valeurs de la distance AT, la fraction du
+rayonnement transmise par un cran form par 4 feuilles trs minces
+d'aluminium battu superposes:</p>
+
+<table summary="table_Page_80" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="300" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Distance AT en centimtres</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;0</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;1,5</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;2,6</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour 100 de rayons transmis par l'cran</td>
+ <td class="tdctop">76</td>
+ <td class="tdctop">66</td>
+ <td class="tdctop">39</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>J'ai constat de mme que la fraction du rayonnement <span class="pagenum"><a name="Page_81" id="Page_81">81</a></span> absorbe par
+un cran donn crot avec l'paisseur de matire qui a dj t
+traverse par le rayonnement, mais cela a lieu seulement partir d'une
+certaine valeur de la distance AT. Quand cette distance est nulle (le
+polonium tant tout contre la toile, en dehors ou en dedans du
+condensateur), on observe que, de plusieurs crans identiques
+superposs, chacun absorbe la mme fraction du rayonnement qu'il reoit,
+autrement dit, l'intensit du rayonnement diminue alors suivant une loi
+exponentielle en fonction de l'paisseur de matire traverse, comme
+cela aurait lieu pour un rayonnement homogne et transmis par la lame
+sans changement de nature.</p>
+
+<p>Voici quelques rsultats numriques relatifs ces expriences:</p>
+
+<p>Pour une distance AT gale 1<sup>cm</sup>,5, un cran en aluminium mince
+transmet la fraction 0,51 du rayonnement qu'il reoit quand il agit
+seul, et la fraction 0,34 seulement du rayonnement qu'il reoit quand il
+est prcd par un autre cran pareil lui.</p>
+
+<p>Au contraire, pour une distance AT gale 0, ce mme cran transmet
+dans les deux cas considrs la mme fraction du rayonnement qu'il
+reoit et cette fraction est gale 0,71; elle est donc plus grande que
+dans le cas prcdent.</p>
+
+<p>Voici, pour une distance AT gale 0 et pour une succession d'crans
+trs minces superposs, des nombres qui indiquent pour chaque cran le
+rapport du rayonnement transmis au rayonnement reu:</p>
+
+<table summary="table_Page_81" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="150" />
+ <col width="150" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdcmiddle">Srie<br /> de 9 feuilles de cuivre<br /> trs minces.</td>
+ <td class="tdcmiddle">Srie<br /> de 7 feuilles d'aluminium<br /> trs minces.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,72</td>
+ <td class="tdctop">0,69</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,78</td>
+ <td class="tdctop">0,94</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,75</td>
+ <td class="tdctop">0,95</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,77</td>
+ <td class="tdctop">0,91</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,70</td>
+ <td class="tdctop">0,92</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop"><span class="pagenum"><a name="Page_82" id="Page_82">82</a></span>0,77</td>
+ <td class="tdctop">0,93</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,69</td>
+ <td class="tdctop">0,91</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,79</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,68</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>tant donnes les difficults d'emploi d'crans trs minces et de la
+superposition d'crans au contact, les nombres de chaque colonne peuvent
+tre considrs comme constants; seul, le premier nombre de la colonne
+relative l'aluminium indique une absorption plus forte que celle
+indique par les nombres suivants.</p>
+
+<p>Les rayons &#945; du radium se comportent comme les rayons du
+polonium. On peut tudier ces rayons peu prs seuls en renvoyant les
+rayons bien plus dviables &#946; de ct par l'emploi d'un champ
+magntique; les rayons &#947; semblent, en effet, peu importants par
+rapport aux rayons &#945;. Toutefois, on ne peut oprer ainsi qu'
+partir d'une certaine distance de la source radiante. Voici les
+rsultats d'une exprience de ce genre. On mesurait la fraction du
+rayonnement transmise par une lame d'aluminium de 0<sup>mm</sup>,1 d'paisseur;
+cette lame tait place toujours au mme endroit, au-dessus et petite
+distance de la source radiante. On observait, au moyen de l'appareil de
+la figure 5, le courant produit dans le condensateur pour diverses
+valeurs de la distance AD, en prsence et en absence de la lame.</p>
+
+<table summary="table_Page_82" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="320" />
+ <col width="60" />
+ <col width="60" />
+ <col width="60" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Distance AD</td>
+ <td class="tdctop">6,0</td>
+ <td class="tdctop">5,1</td>
+ <td class="tdctop">3,4</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour 100 de rayons transmis par l'aluminium</td>
+ <td class="tdctop">3&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">7&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">24&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Ce sont encore les rayons qui allaient le plus loin dans l'air qui sont
+le plus absorbs par l'aluminium. Il y a donc une grande analogie entre
+la partie absorbable &#945; du rayonnement du radium et les rayons
+du polonium.</p>
+
+<p>Les rayons dviables &#946; et les rayons non dviables pntrants
+<span class="pagenum"><a name="Page_83" id="Page_83">83</a></span> &#947; sont, au contraire, de nature diffrente. Les expriences
+de divers physiciens, notamment de MM. Meyer et von Schweidler<a name="FNanchor_69" id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor">[69]</a>,
+montrent clairement que, si l'on considre l'ensemble du rayonnement du
+radium, le pouvoir pntrant de ce rayonnement augmente avec l'paisseur
+de matire traverse, comme cela a lieu pour les rayons de Rntgen. Dans
+ces expriences, les rayons &#945; interviennent peine, parce que
+ces rayons sont pratiquement supprims par des crans absorbants trs
+minces. Ce qui traverse, ce sont, d'une part, les rayons &#946; plus
+ou moins diffuss, d'autre part, les rayons &#947;, qui semblent
+analogues aux rayons de Rntgen.</p>
+
+<p>Voici les rsultats de quelques-unes de mes expriences ce sujet:</p>
+
+<p>Le radium est enferm dans une ampoule de verre. Les rayons qui sortent
+de l'ampoule traversent 30<sup>cm</sup> d'air et sont reus sur une srie de
+plaques de verre d'paisseur de 1<sup>mm</sup>,3 chacune; la premire plaque
+transmet 49 pour 100 du rayonnement qu'elle reoit, la deuxime transmet
+84 pour 100 du rayonnement qu'elle reoit, la troisime transmet 85 pour
+100 du rayonnement qu'elle reoit.</p>
+
+<p>Dans une autre srie d'expriences, le radium tait enferm dans une
+ampoule de verre place 10<sup>cm</sup> du condensateur qui recevait les
+rayons. On plaait sur l'ampoule une srie d'crans de plomb identiques
+dont chacun avait une paisseur de 0<sup>mm</sup>,115.</p>
+
+<p>Le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reu est donn pour
+chacune des lames successives par la srie des nombres suivants:</p>
+
+<table summary="table_Page_83" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="9">
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,40</td>
+ <td class="tdctop">0,60</td>
+ <td class="tdctop">0,72</td>
+ <td class="tdctop">0,79</td>
+ <td class="tdctop">0,89</td>
+ <td class="tdctop">0,92</td>
+ <td class="tdctop">0,94</td>
+ <td class="tdctop">0,94</td>
+ <td class="tdctop">0,97</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Pour une srie de 4 crans en plomb dont chacun avait <span class="pagenum"><a name="Page_84" id="Page_84">84</a></span> 1<sup>mm</sup>,5
+d'paisseur, le rapport du rayonnement transmis au rayonnement reu
+tait donn pour les lames successives par les nombres suivants:</p>
+
+<table summary="table_Page_84a" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">0,09</td>
+ <td class="tdctop">0,78</td>
+ <td class="tdctop">0,84</td>
+ <td class="tdctop">0,82</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>De ces expriences il rsulte que, quand l'paisseur de plomb traverse
+crot de 0<sup>mm</sup>,1 6<sup>mm</sup>, le pouvoir pntrant du rayonnement va en
+augmentant.</p>
+
+<p>J'ai constat que, dans les conditions exprimentales indiques, un
+cran de plomb de 1<sup>cm</sup>,8 d'paisseur transmet 2 pour 100 du
+rayonnement qu'il reoit; un cran de plomb de 5<sup>cm</sup>,3 d'paisseur
+transmet encore 0,4 pour 100 du rayonnement qu'il reoit. J'ai constat
+galement que le rayonnement transmis par une paisseur de plomb gale
+1<sup>mm</sup>,5 comprend une forte proportion de rayons dviables (genre
+cathodique). Ces derniers sont donc capables de traverser non seulement
+de grandes distances dans l'air, mais aussi des paisseurs notables de
+substances solides trs absorbantes telles que le plomb.</p>
+
+<p>Quand on tudie avec l'appareil de la figure 2 l'absorption exerce par
+une lame d'aluminium de 0<sup>mm</sup>,01 d'paisseur sur l'ensemble du
+rayonnement du radium, la lame tant toujours place la mme distance
+de la substance radiante, et le condensateur tant plac une distance
+variable AD, les rsultats obtenus sont la superposition de ce qui est
+d aux trois groupes du rayonnement. Si l'on observe grande distance,
+les rayons pntrants dominent et l'absorption est faible; si l'on
+observe petite distance, les rayons &#945; dominent et
+l'absorption est d'autant plus faible qu'on se rapproche plus de la
+substance; pour une distance intermdiaire, l'absorption passe par un
+maximum et la pntration par un minimum.</p>
+
+<table summary="table_Page_84b" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="6">
+ <col width="350" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Distance AD</td>
+ <td class="tdctop">7,1</td>
+ <td class="tdctop">6,5</td>
+ <td class="tdctop">6,0</td>
+ <td class="tdctop">5,1</td>
+ <td class="tdctop">3,4</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour 100 de rayons transmis par l'aluminium</td>
+ <td class="tdctop">91&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">82&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">58&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">41&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">48&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_85" id="Page_85">85</a></span></p>
+
+<p>Toutefois, certaines expriences relatives l'absorption mettent en
+vidence une certaine analogie entre les rayons &#945; et les rayons
+dviables &#946;. C'est ainsi que M. Becquerel a trouv que l'action
+absorbante d'un cran solide sur les rayons &#946; augmente avec la
+distance de l'cran la source, de sorte que, si les rayons sont soumis
+ un champ magntique comme dans la figure 4, un cran plac contre la
+source radiante laisse subsister une portion plus grande du spectre
+magntique que le mme cran plac sur la plaque photographique. Cette
+variation de l'effet absorbant de l'cran avec la distance de cet cran
+ la source est analogue ce qui a lieu pour les rayons &#945;;
+elle a t vrifie par MM. Meyer et von Schweidler, qui opraient par
+la mthode fluoroscopique; M. Curie et moi nous avons observ le mme
+fait en nous servant de la mthode lectrique. Les conditions de
+production de ce phnomne n'ont pas encore t tudies. Cependant,
+quand le radium est enferm dans un tube de verre et plac assez
+grande distance d'un condensateur qui est lui-mme enferm dans une
+bote d'aluminium mince, il est indiffrent de placer l'cran contre la
+source ou contre le condensateur; le courant obtenu est alors le mme
+dans les deux cas.</p>
+
+<p>L'tude des rayons &#945; m'avait amene considrer que ces rayons
+se comportent comme des projectiles lancs avec une certaine vitesse et
+qui perdent de leur force vive en franchissant des obstacles<a name="FNanchor_70" id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor">[70]</a>. Ces
+rayons jouissent pourtant de la propagation rectiligne comme l'a montr
+M. Becquerel dans l'exprience suivante. Le polonium mettant les rayons
+tait plac dans une cavit linaire trs troite, creuse dans une
+feuille de carton. On avait ainsi une source linaire de rayons. Un fil
+de cuivre de 1<sup>mm</sup>,5 de diamtre tait plac paralllement en face de
+la source <span class="pagenum"><a name="Page_86" id="Page_86">86</a></span> une distance de 4<sup>mm</sup>,9. Une plaque photographique
+tait place paralllement une distance de 8<sup>mm</sup>,65 au del. Aprs
+une pose de 10 minutes, l'ombre gomtrique du fil tait reproduite
+d'une faon parfaite, avec les dimensions prvues et une pnombre trs
+troite de chaque ct correspondant bien la largeur de la source. La
+mme exprience russit galement bien en plaant contre le fil une
+double feuille d'aluminium battu que les rayons sont obligs de
+traverser.</p>
+
+<p>Il s'agit donc bien de rayons capables de donner des ombres gomtriques
+parfaites. L'exprience avec l'aluminium montre que ces rayons ne sont
+pas diffuss en traversant la lame, et que cette lame n'met pas, tout
+au moins en quantit importante, des rayons secondaires analogues aux
+rayons secondaires des rayons de Rntgen.</p>
+
+<p>Les rayons &#945; sont ceux qui semblent actifs dans la trs belle
+exprience ralise dans le <i>spinthariscope</i> de M. Crookes<a name="FNanchor_71" id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor">[71]</a>. Cet
+appareil se compose essentiellement d'un grain de sel de radium maintenu
+ l'extrmit d'un fil mtallique en face d'un cran au sulfure de zinc
+phosphorescent. Le grain de radium est une trs petite distance de
+l'cran (0<sup>mm</sup>,5, par exemple), et l'on regarde au moyen d'une loupe la
+face de l'cran tourne vers le radium. Dans ces conditions l'&oelig;il
+aperoit sur l'cran une vritable pluie de points lumineux qui
+apparaissent et disparaissent continuellement. L'cran prsente l'aspect
+d'un ciel toil. Les points brillants sont plus rapprochs dans les
+rgions de l'cran voisines du radium, et dans le voisinage immdiat de
+celui-ci la lueur parat continue. Le phnomne ne semble pas altr par
+les courants d'air; il se produit dans le vide; un cran mme trs mince
+plac entre le radium et l'cran phosphorescent le supprime; il semble
+donc bien que le phnomne soit <span class="pagenum"><a name="Page_87" id="Page_87">87</a></span> d l'action des rayons &#945;
+les plus absorbables du radium.</p>
+
+<p>On peut imaginer que l'apparition d'un des points lumineux sur l'cran
+phosphorescent est provoque par le choc d'un projectile isol. Dans
+cette manire de voir, on aurait affaire, pour la premire fois, un
+phnomne permettant de distinguer l'action individuelle d'une particule
+dont les dimensions sont du mme ordre de grandeur que celles d'un
+atome.</p>
+
+<p>L'aspect des points lumineux est le mme que celui des toiles ou des
+objets ultra-microscopiques fortement clairs qui ne produisent pas sur
+la rtine des images nettes, mais des taches de diffraction; et ceci est
+bien en accord avec la conception que chaque point lumineux extrmement
+petit est produit par le choc d'un seul atome.</p>
+
+<p>Les rayons pntrants non dviables &#947; semblent tre de tout
+autre nature et semblent analogues aux rayons Rntgen. Rien ne prouve,
+d'ailleurs, que des rayons peu pntrants de mme nature ne puissent
+exister dans le rayonnement du radium, car ils pourraient tre masqus
+par le rayonnement corpusculaire.</p>
+
+<p>On vient de voir combien le rayonnement des corps radioactifs est un
+phnomne complexe. Les difficults de son tude viennent s'augmenter
+par cette circonstance, qu'il y a lieu de rechercher si ce rayonnement
+prouve de la part de la matire une absorption slective seulement, ou
+bien aussi une transformation plus ou moins profonde.</p>
+
+<p>On ne sait encore que peu de choses relativement cette question.
+Toutefois, si l'on admet que le rayonnement du radium comporte la fois
+des rayons genre cathodique et des rayons genre Rntgen, on peut
+s'attendre ce que ce rayonnement prouve des transformations en
+traversant les crans. On sait, en effet: 1 que les rayons cathodiques
+qui sortent du tube de Crookes travers une fentre d'aluminium
+(exprience de Lenard) sont fortement <span class="pagenum"><a name="Page_88" id="Page_88">88</a></span> diffuss par l'aluminium, et
+que, de plus, la traverse de l'cran entrane une diminution de la
+vitesse des rayons; c'est ainsi que des rayons cathodiques d'une vitesse
+gale 1,4 10<sup>10</sup> centimtres perdent 10 pour 100 de leur vitesse en
+traversant 0<sup>mm</sup>,01 d'aluminium<a name="FNanchor_72" id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor">[72]</a>; 2 les rayons cathodiques, en
+frappant un obstacle, donnent lieu la production de rayons Rntgen;
+3 les rayons Rntgen, en frappant un obstacle solide, donnent lieu
+une production de <i>rayons secondaires</i>, qui sont en partie des rayons
+cathodiques<a name="FNanchor_73" id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor">[73]</a>.</p>
+
+<p>On peut donc, par analogie, prvoir l'existence de tous les phnomnes
+prcdents pour les rayons des substances radioactives.</p>
+
+<p>En tudiant la transmission des rayons du polonium travers un cran
+d'aluminium, M. Becquerel n'a observ ni production de rayons
+secondaires ni transformation en rayons genre cathodique<a name="FNanchor_74" id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor">[74]</a>.</p>
+
+<p>J'ai cherch mettre en vidence une transformation des rayons du
+polonium, en employant la mthode de l'interversion des crans: deux
+crans superposs E<sub>1</sub> et E<sub>2</sub> tant traverss par les rayons, l'ordre
+dans lequel ils sont traverss doit tre indiffrent, si le passage au
+travers des crans ne transforme pas les rayons; si, au contraire,
+chaque cran transforme les rayons en les transmettant, l'ordre des
+crans n'est pas indiffrent. Si, par exemple, les rayons se
+transforment en rayons plus absorbables en traversant du plomb, et que
+l'aluminium ne produise pas un effet du mme genre avec la mme
+importance, alors le systme plomb-aluminium paratra plus opaque que le
+systme aluminium-plomb; c'est ce qui a lieu pour les rayons Rntgen.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_89" id="Page_89">89</a></span></p>
+
+<p>Mes expriences indiquent que ce phnomne se produit avec les rayons du
+polonium. L'appareil employ tait celui de la figure 8. Le polonium
+tait plac dans la bote CCCC et les crans absorbants, ncessairement
+trs minces, taient placs sur la toile mtallique T.</p>
+
+<table summary="table_Page_89a" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="200" />
+ <col width="80" />
+ <col width="40" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdlmiddle">crans employs.</td>
+ <td class="tdcmiddle">paisseur.<br />mm</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdcmiddle">Courant observ.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Aluminium</td>
+ <td class="tdctop">0,01&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-04.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;17,9</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Laiton</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Laiton</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-04.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;6,7</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Aluminium</td>
+ <td class="tdctop">0,01&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Aluminium</td>
+ <td class="tdctop">0,01&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-04.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle">150</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">tain</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">tain</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-04.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle">125</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Aluminium</td>
+ <td class="tdctop">0,01&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">tain</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-04.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;13,9</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Laiton</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Laiton</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle"><img src="images/accolade-04.jpg" width="7" height="40" alt="" title="" /></td>
+ <td rowspan="2" class="tdcmiddle">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;4,4</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">tain</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Les rsultats obtenus prouvent que le rayonnement est modifi en
+traversant un cran solide. Cette conclusion est d'accord avec les
+expriences dans lesquelles, de deux lames mtalliques identiques et
+superposes, la premire se montre moins absorbante que la suivante. Il
+est probable, d'aprs cela, que l'action transformatrice d'un cran est
+d'autant plus grande que cet cran est plus loin de la source. Ce point
+n'a pas t vrifi, et la nature de la transformation n'a pas encore
+t tudie en dtail.</p>
+
+<p>J'ai rpt les mmes expriences avec un sel de radium trs actif. Le
+rsultat a t ngatif. Je n'ai observ que des variations
+insignifiantes dans l'intensit de la radiation transmise lors de
+l'interversion de l'ordre des crans. Les systmes d'crans essays ont
+t les suivants:</p>
+
+<table summary="table_Page_89b" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="160" />
+ <col width="80" />
+ <col width="160" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">mm</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">mm</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Aluminium, paisseur</td>
+ <td class="tdctop">0,55</td>
+ <td class="tdltop">Platine, paisseur</td>
+ <td class="tdctop">0,01&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,55</td>
+ <td class="tdltop">Plomb&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,1&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,55</td>
+ <td class="tdltop">tain&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop"><span class="pagenum"><a name="Page_90" id="Page_90">90</a></span>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">1,07</td>
+ <td class="tdltop">Cuivre&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,05&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,55</td>
+ <td class="tdltop">Laiton&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">1,07</td>
+ <td class="tdltop">Laiton&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,005</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,15</td>
+ <td class="tdltop">Platine&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,01&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,15</td>
+ <td class="tdltop">Zinc&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,05&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,15</td>
+ <td class="tdltop">Plomb&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdctop">0,1&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Le systme plomb-aluminium s'est montr lgrement plus opaque que celui
+aluminium-plomb, mais la diffrence n'est pas grande.</p>
+
+<p>Je n'ai pu mettre ainsi en vidence une transformation notable des
+rayons du radium. Cependant, dans diverses expriences radiographiques,
+M. Becquerel a observ des effets trs intenses dus aux rayons diffuss
+ou secondaires, mis par les crans solides qui recevaient les rayons du
+radium. La substance la plus active, au point de vue de ces missions
+secondaires, semble tre le plomb.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3m" id="ch_3m"></a><i>Action ionisante des rayons du radium sur les liquides isolants.</i>&mdash;M.
+Curie a montr que les rayons du radium et les rayons de Rntgen
+agissent sur les dilectriques liquides comme sur l'air, en leur
+communiquant une certaine conductibilit lectrique<a name="FNanchor_75" id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor">[75]</a>. Voici comment
+tait dispose l'exprience (<i>fig.</i> 9).</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 241px;">
+ <p class="caption">Fig. 9.</p>
+ <img src="images/page-91.jpg" alt="" title="" width="241" height="356" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-91.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>Le liquide exprimenter est plac dans un vase mtallique CDEF, dans
+lequel plonge un tube de cuivre mince AB; ces deux pices mtalliques
+servent d'lectrodes. Le vase est maintenu un potentiel connu, au
+moyen d'une batterie de petits accumulateurs, dont un ple est terre.
+Le tube AB est en relation avec l'lectromtre. Lorsqu'un courant
+traverse le liquide, on maintient l'lectromtre au zro l'aide d'un
+quartz pizolectrique <span class="pagenum"><a name="Page_91" id="Page_91">91</a></span> qui donne la mesure du courant. Le tube de
+cuivre MNM'N', reli au sol, sert de tube de garde pour empcher le
+passage du courant travers l'air. Une ampoule contenant le sel de
+baryum radifre peut tre place au fond du tube AB; les rayons agissent
+sur le liquide aprs avoir travers le verre de l'ampoule et les parois
+du tube mtallique. On peut encore faire agir le radium en plaant
+l'ampoule en dessous de la paroi DE.</p>
+
+<p>Pour agir avec les rayons de Rntgen, on fait arriver ces rayons au
+travers de la paroi DE.</p>
+
+<p>L'accroissement de conductibilit par l'action des rayons du radium ou
+des rayons de Rntgen semble se produire pour tous les dilectriques
+liquides; mais, pour constater cet accroissement, il est ncessaire que
+la conductibilit propre du liquide soit assez faible pour ne pas
+masquer l'effet des rayons.</p>
+
+<p>En oprant avec le radium et les rayons de Rntgen, M. Curie a obtenu
+des effets du mme ordre de grandeur.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_92" id="Page_92">92</a></span></p>
+
+<p>Quand on tudie avec le mme dispositif la conductibilit de l'air ou
+d'un autre gaz sous l'action des rayons de Becquerel, on trouve que
+l'intensit du courant obtenu est proportionnelle la diffrence de
+potentiel entre les lectrodes, tant que celle-ci ne dpasse pas
+quelques volts; mais pour des tensions plus leves, l'intensit du
+courant crot de moins en moins vite, et le courant de saturation est
+sensiblement atteint pour une tension de 100 volts.</p>
+
+<p>Les liquides tudis avec le mme appareil et avec le mme produit
+radiant trs actif se comportent diffremment; l'intensit du courant
+est proportionnelle la tension quand celle-ci varie entre 0 et 450
+volts, et cela mme quand la distance des lectrodes ne dpasse pas
+6<sup>mm</sup>. On peut alors considrer la <i>conductivit</i> provoque dans divers
+liquides par le rayonnement d'un sel de radium agissant dans les mmes
+conditions.</p>
+
+<p>Les nombres du Tableau suivant multipli par 10<sup>-14</sup> donnent la
+conductivit en mhos (inverse d'ohm) pour 1cm&sup3;:</p>
+
+<table summary="table_Page_92" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="300" />
+ <col width="60" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Sulfure de carbone</td>
+ <td class="tdctop">20</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">ther de ptrole</td>
+ <td class="tdctop">15</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Amylne</td>
+ <td class="tdctop">14</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Chlorure de carbone</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;8</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Benzine</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;4</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Air liquide</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;1,3</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Huile de vaseline</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;1,6</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>On peut cependant supposer que les liquides et les gaz se comportent
+d'une faon analogue, mais que, pour les liquides, le courant reste
+proportionnel la tension jusqu' une limite bien plus leve que pour
+les gaz. On pouvait, par analogie avec ce qui a lieu pour les gaz,
+chercher abaisser la limite de proportionnalit en employant un
+rayonnement beaucoup plus faible. L'exprience a vrifi cette
+prvision; le produit radiant employ tait 150 fois moins actif que
+celui qui avait servi pour les <span class="pagenum"><a name="Page_93" id="Page_93">93</a></span> premires expriences. Pour des
+tensions de 50, 100, 200, 400 volts, les intensits du courant taient
+reprsentes respectivement par les nombres 109, 185, 255, 335. La
+proportionnalit ne se maintient plus, mais le courant varie encore
+fortement quand on double la diffrence de potentiel.</p>
+
+<p>Quelques-uns des liquides examins sont des isolants peu prs
+parfaits, quand ils sont maintenus temprature constante, et qu'ils
+sont l'abri de l'action des rayons. Tels sont: l'air liquide, l'ther
+de ptrole, l'huile de vaseline, l'amylne. Il est alors trs facile
+d'tudier l'effet des rayons. L'huile de vaseline est beaucoup moins
+sensible l'action des rayons que l'ther de ptrole. Il convient
+peut-tre de rapprocher ce fait de la diffrence de volatilit qui
+existe entre ces deux hydrocarbures. L'air liquide qui a bouilli pendant
+quelque temps dans le vase d'exprience est plus sensible l'action des
+rayons que celui que l'on vient d'y verser; la conductivit produite par
+les rayons est de 1/4 plus grande dans le premier cas. M. Curie a tudi
+sur l'amylne et sur l'ther de ptrole l'action des rayons aux
+tempratures de +&nbsp;10 et de -&nbsp;17. La conductivit due au rayonnement
+diminue de 1/10 seulement de sa valeur, quand on passe de 10 -&nbsp;17.</p>
+
+<p>Dans les expriences o l'on fait varier la temprature du liquide on
+peut soit maintenir le radium la temprature ambiante, soit le porter
+ la mme temprature que le liquide; on obtient le mme rsultat dans
+les deux cas. Cela tient ce que le rayonnement du radium ne varie pas
+avec la temprature, et conserve encore la mme valeur mme la
+temprature de l'air liquide. Ce fait a t vrifi directement par des
+mesures.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3n" id="ch_3n"></a><i>Divers effets et applications de l'action ionisante des rayons mis par
+les substances radioactives.</i>&mdash;Les rayons des nouvelles substances
+radioactives ionisent l'air <span class="pagenum"><a name="Page_94" id="Page_94">94</a></span> fortement. On peut, par l'action du
+radium, provoquer facilement <i>la condensation de la vapeur d'eau
+sursature</i>, absolument comme cela a lieu par l'action des rayons
+cathodiques et des rayons Rntgen.</p>
+
+<p>Sous l'influence des rayons mis par les substances radioactives
+nouvelles, la <i>distance explosive entre deux conducteurs mtalliques
+pour une diffrence de potentiel donne se trouve augmente</i>; autrement
+dit, le passage de l'tincelle est facilit par l'action des rayons. Ce
+phnomne est d l'action des rayons les plus pntrants. Si, en
+effet, on entoure le radium d'une enveloppe en plomb de 2<sup>cm</sup>, l'action
+du radium sur l'tincelle n'est pas considrablement affaiblie, alors
+que le rayonnement qui traverse n'est qu'une trs faible fraction du
+rayonnement total.</p>
+
+<p>En rendant conducteur, par l'action des substances radioactives, l'air
+au voisinage de deux conducteurs mtalliques, dont l'un est reli au sol
+et l'autre un lectromtre bien isol, on voit l'lectromtre prendre
+une dviation permanente, qui permet de mesurer la force lectromotrice
+de la pile forme par l'air et les deux mtaux (force lectromotrice de
+contact des deux mtaux, quand ils sont spars par l'air). Cette
+mthode de mesures a t employe par lord Kelwin et ses lves, la
+substance radiante tant l'uranium<a name="FNanchor_76" id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor">[76]</a>; une mthode analogue avait t
+antrieurement employe par M. Perrin qui utilisait l'action ionisante
+des rayons Rntgen<a name="FNanchor_77" id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor">[77]</a>.</p>
+
+<p>On peut se servir des substances radioactives dans l'tude de
+l'lectricit atmosphrique. La substance active est enferme dans une
+petite bote en aluminium mince, fixe l'extrmit d'une tige
+mtallique en relation avec l'lectromtre. L'air est rendu conducteur
+au voisinage <span class="pagenum"><a name="Page_95" id="Page_95">95</a></span> de l'extrmit de la tige, et celle-ci prend le
+potentiel de l'air qui l'entoure. Le radium remplace ainsi avec avantage
+les flammes ou les appareils coulement d'eau de lord Kelwin,
+gnralement employs jusqu' prsent dans l'tude de l'lectricit
+atmosphrique<a name="FNanchor_78" id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor">[78]</a>.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3o" id="ch_3o"></a><i>Effets de fluorescence, effets lumineux.</i>&mdash;Les rayons mis par les
+nouvelles substances radioactives provoquent la fluorescence de certains
+corps. M. Curie et moi, nous avons tout d'abord dcouvert ce phnomne
+en faisant agir le polonium au travers d'une feuille d'aluminium sur une
+couche de platinocyanure de baryum. La mme exprience russit encore
+plus facilement avec du baryum radifre suffisamment actif. Quand la
+substance est fortement radioactive, la fluorescence produite est trs
+belle.</p>
+
+<p>Un grand nombre de substances sont susceptibles de devenir
+phosphorescentes ou fluorescentes par l'action des rayons de Becquerel.
+M. Becquerel a tudi l'action sur les sels d'urane, le diamant, la
+blende, etc. M. Bary a montr que les sels des mtaux alcalins et
+alcalino-terreux, qui sont tous fluorescents sous l'action des rayons
+lumineux et des rayons Rntgen, sont galement fluorescents sous
+l'action des rayons du radium<a name="FNanchor_79" id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor">[79]</a>. On peut galement observer la
+fluorescence du papier, du coton, du verre, etc., au voisinage du
+radium. Parmi les diffrentes espces de verre, le verre de Thuringe est
+particulirement lumineux. Les mtaux ne semblent pas devenir lumineux.</p>
+
+<p>Le platinocyanure de baryum convient le mieux quand on veut tudier le
+rayonnement des corps radioactifs par la mthode fluoroscopique. On peut
+suivre l'effet des rayons du radium des distances suprieures 2<sup>m</sup>.
+Le sulfure <span class="pagenum"><a name="Page_96" id="Page_96">96</a></span> de zinc phosphorescent est rendu extrmement lumineux,
+mais ce corps a l'inconvnient de conserver la luminosit pendant
+quelque temps, aprs que l'action des rayons a t supprime.</p>
+
+<p>On peut observer la fluorescence produite par le radium quand l'cran
+fluorescent est spar du radium par des crans absorbants. Nous avons
+pu observer l'clairement d'un cran au platinocyanure de baryum
+travers le corps humain. Cependant, l'action est incomparablement plus
+intense, quand l'cran est plac tout contre le radium et qu'il n'en est
+spar par aucun cran solide. Tous les groupes de rayons semblent
+capables de produire la fluorescence.</p>
+
+<p>Pour observer l'action du polonium il est ncessaire de mettre la
+substance tout prs de l'cran fluorescent sans interposition d'cran
+solide, ou tout au moins avec interposition d'un cran trs mince
+seulement.</p>
+
+<p>La luminosit des substances fluorescentes exposes l'action des
+substances radioactives baisse avec le temps. En mme temps la substance
+fluorescente subit une transformation. En voici quelques exemples:</p>
+
+<p>Les rayons du radium transforment le platinocyanure de baryum en une
+varit brune moins lumineuse (action analogue celle produite par les
+rayons Rntgen et dcrite par M. Villard). Ils altrent galement le
+sulfate d'uranyle et de potassium en le faisant jaunir. Le
+platinocyanure de baryum transform est rgnr partiellement par
+l'action de la lumire. Plaons le radium au-dessous d'une couche de
+platinocyanure de baryum tale sur du papier, le platinocyanure devient
+lumineux; si l'on maintient le systme dans l'obscurit, le
+platinocyanure s'altre, et sa luminosit baisse considrablement. Mais,
+exposons le tout la lumire; le platinocyanure est partiellement
+rgnr, et si l'on reporte le tout dans l'obscurit, la luminosit
+reparat assez forte. On a donc, au moyen d'un corps fluorescent et d'un
+corps radioactif, ralis un systme <span class="pagenum"><a name="Page_97" id="Page_97">97</a></span> qui fonctionne comme un corps
+phosphorescent longue dure de phosphorescence.</p>
+
+<p>Le verre, qui est rendu fluorescent par l'action du radium, se colore en
+brun ou en violet. En mme temps, il devient moins fluorescent. Si l'on
+chauffe ce verre ainsi altr, il se dcolore et, en mme temps que la
+dcoloration se produit, le verre met de la lumire. Aprs cela le
+verre a repris la proprit d'tre fluorescent au mme degr qu'avant la
+transformation.</p>
+
+<p>Le sulfure de zinc qui a t expos l'action du radium pendant un
+temps suffisant s'puise peu peu et perd la facult d'tre
+phosphorescent, soit sous l'action du radium, soit sous celle de la
+lumire.</p>
+
+<p>Le diamant est rendu phosphorescent par l'action du radium et peut tre
+distingu ainsi des imitations en strass, dont la luminosit est trs
+faible.</p>
+
+<p>Tous les composs de baryum radifre <i>sont spontanment lumineux</i><a name="FNanchor_80" id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor">[80]</a>.
+Les sels halodes, anhydres et secs, mettent une lumire
+particulirement intense. Cette luminosit ne peut tre vue la grande
+lumire du jour, mais on la voit facilement dans la demi-obscurit ou
+dans une pice claire la lumire du gaz. La lumire mise peut tre
+assez forte pour que l'on puisse lire en s'clairant avec un peu de
+produit dans l'obscurit. La lumire mise mane de toute la masse du
+produit, tandis que, pour un corps phosphorescent ordinaire, la lumire
+mane surtout de la partie de la surface qui a t claire. A l'air
+humide les produits radifres perdent en grande partie leur luminosit,
+mais ils la reprennent par desschement (Giesel). La luminosit semble
+se conserver. Au bout de plusieurs annes aucune modification sensible
+ne semble s'tre produite dans la luminosit de produits faiblement
+actifs, <span class="pagenum"><a name="Page_98" id="Page_98">98</a></span> gards en tubes scells l'obscurit. Avec du chlorure de
+baryum radifre, trs actif et trs lumineux, la lumire change de
+teinte au bout de quelques mois; elle devient plus violace et
+s'affaiblit beaucoup; en mme temps le produit subit certaines
+transformations; en redissolvant le sel dans l'eau et en le schant
+nouveau, on obtient la luminosit primitive.</p>
+
+<p>Les solutions de sels de baryum radifres, qui contiennent une forte
+proportion de radium, sont galement lumineuses; on peut observer ce
+fait en plaant la solution dans une capsule de platine qui, n'tant pas
+lumineuse elle-mme, permet d'apercevoir la luminosit faible de la
+solution.</p>
+
+<p>Quand une solution de sel de baryum radifre contient des cristaux qui
+s'y sont dposs, ces cristaux sont lumineux au sein de la solution, et
+ils le sont bien plus que la solution elle-mme, de sorte que, dans ces
+conditions, ils semblent seuls lumineux.</p>
+
+<p>M. Giesel a prpar du platinocyanure de baryum radifre. Quand ce sel
+vient de cristalliser, il a l'aspect du platinocyanure de baryum
+ordinaire, et il est trs lumineux. Mais peu peu le sel se colore
+spontanment et prend une teinte brune, en mme temps que les cristaux
+deviennent dichroques. A cet tat, le sel est bien moins lumineux,
+quoique sa radioactivit ait augment<a name="FNanchor_81" id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor">[81]</a>. Le platinocyanure de radium,
+prpar par M. Giesel, s'altre encore bien plus rapidement.</p>
+
+<p>Les composs de radium constituent le premier exemple de substances
+spontanment lumineuses.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3p" id="ch_3p"></a><i>Dgagement de chaleur par les sels de radium.</i>&mdash;Tout rcemment MM.
+Curie et Laborde ont trouv que <i>les sels de radium sont le sige d'un
+dgagement de</i> <span class="pagenum"><a name="Page_99" id="Page_99">99</a></span> <i>chaleur spontan et continu</i><a name="FNanchor_82" id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor">[82]</a>. Ce dgagement de
+chaleur a pour effet de maintenir les sels de radium une temprature
+plus leve que la temprature ambiante; l'excs de temprature dpend
+d'ailleurs de l'isolement thermique de la substance. Cet excs de
+temprature peut tre mis en vidence par une exprience grossire faite
+au moyen de deux thermomtres mercure ordinaires. On utilise deux
+vases isolateurs thermiques vide, identiques entre eux. Dans l'un des
+vases on place une ampoule de verre contenant 7<sup>dg</sup> de bromure de
+radium pur; dans le deuxime vase on place une autre ampoule de verre
+toute pareille qui contient une substance inactive quelconque, par
+exemple du chlorure de baryum. La temprature de chaque enceinte est
+indique par un thermomtre dont le rservoir est plac au voisinage
+immdiat de l'ampoule. L'ouverture des isolateurs est ferme par du
+coton. Quand l'quilibre de temprature est tabli, le thermomtre qui
+se trouve dans le mme vase que le radium indique constamment une
+temprature suprieure celle indique par l'autre thermomtre; l'excs
+de temprature observ tait de 3.</p>
+
+<p>On peut valuer la quantit de chaleur dgage par le radium l'aide du
+calorimtre glace de Bunsen. En plaant dans ce calorimtre une
+ampoule de verre qui contient le sel de radium, on constate un apport
+continu de chaleur qui s'arrte ds qu'on loigne le radium. La mesure
+faite avec un sel de radium prpar depuis longtemps indique que chaque
+gramme de radium dgage environ 80 petites calories pendant chaque
+heure. Le radium dgage donc pendant une heure une quantit de chaleur
+suffisante pour fondre son poids de glace, et un atome gramme (225<sup>g</sup>) de
+radium dgagerait en une heure 18000<sup>cal</sup>, soit une quantit de chaleur
+comparable <span class="pagenum"><a name="Page_100" id="Page_100">100</a></span> celle qui est produite par la combustion d'un atome
+gramme (1<sup>g</sup>) d'hydrogne. Un dbit de chaleur aussi considrable ne
+saurait tre expliqu par aucune raction chimique ordinaire, et cela
+d'autant plus que l'tat du radium semble rester le mme pendant des
+annes. On pourrait penser que le dgagement de chaleur est d une
+transformation de l'atome de radium lui-mme, transformation
+ncessairement trs lente. S'il en tait ainsi, on serait amen
+conclure que les quantits d'nergie mises en jeu dans la formation et
+dans la transformation des atomes sont considrables et dpassent tout
+ce qui nous est connu.</p>
+
+<p>On peut encore valuer la chaleur dgage par le radium diverses
+tempratures en l'utilisant pour faire bouillir un gaz liqufi et en
+mesurant le volume du gaz qui se dgage. On peut faire cette exprience
+avec du chlorure de mthyle ( -&nbsp;21). L'exprience a t faite par MM.
+Dewar et Curie avec l'oxygne liquide ( -&nbsp;180) <span class="pagenum"><a name="Page_101" id="Page_101">101</a></span> et avec
+l'hydrogne liquide ( -&nbsp;252). Ce dernier corps convient
+particulirement bien pour raliser l'exprience. Une prouvette A,
+entoure d'un isolateur thermique vide, contient de l'hydrogne
+liquide H (<i>fig.</i> 10); elle est munie d'un tube de dgagement <i>t</i> qui
+permet de recueillir le gaz dans une prouvette gradue E remplie d'eau.
+L'prouvette A et son isolateur plongent dans un bain d'hydrogne
+liquide H'. Dans ces conditions aucun dgagement gazeux ne se produit
+dans l'prouvette A. Lorsque l'on introduit, dans l'hydrogne liquide
+contenu dans cette prouvette, une ampoule qui contient 7<sup>dg</sup> de
+bromure de radium, il se fait un dgagement continu de gaz, et l'on
+recueille 73<sup>cm&sup3;</sup> de gaz par minute.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 249px;">
+ <p class="caption">Fig. 10.</p>
+ <img src="images/page-100.jpg" alt="" title="" width="249" height="358" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-100.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>Un sel de radium solide qui vient d'tre prpar dgage une quantit de
+chaleur relativement faible; mais ce dbit de chaleur augmente
+continuellement et tend vers une valeur dtermine qui n'est pas encore
+tout fait atteinte au bout d'un mois. Quand on dissout dans l'eau un
+sel de radium et qu'on enferme la solution en tube scell, la quantit
+de chaleur dgage par la solution est d'abord faible; elle augmente
+ensuite et tend devenir constante au bout d'un mois; le dbit de
+chaleur est alors le mme que celui d au mme sel l'tat solide.</p>
+
+<p>Quand on a mesur l'aide du calorimtre Bunsen la chaleur dgage par
+un sel de radium contenu dans une ampoule de verre, certains rayons
+pntrants du radium traversent l'ampoule et le calorimtre sans y tre
+absorbs. Pour voir si ces rayons emportent une quantit d'nergie
+apprciable, on peut refaire une mesure en entourant l'ampoule d'une
+feuille de plomb de 2<sup>mm</sup> d'paisseur; on trouve que, dans ces
+conditions, le dgagement de chaleur est augment de 4 pour 100 environ
+de sa valeur; l'nergie mise par le radium sous forme de rayons
+pntrants n'est donc nullement ngligeable.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_102" id="Page_102">102</a></span></p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3q" id="ch_3q"></a><i>Effets chimiques produits par les nouvelles substances radioactives.
+Colorations.</i>&mdash;Les radiations mises par les substances fortement
+radioactives sont susceptibles de provoquer certaines transformations,
+certaines ractions chimiques. Les rayons mis par les produits
+radifres exercent des actions colorantes sur le verre et la
+porcelaine<a name="FNanchor_83" id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor">[83]</a>.</p>
+
+<p>La coloration du verre, gnralement brune ou violette, est trs
+intense; elle se produit dans la masse mme du verre, elle persiste
+aprs l'loignement du radium. Tous les verres se colorent en un temps
+plus ou moins long, et la prsence du plomb n'est pas ncessaire. Il
+convient de rapprocher ce fait de celui, observ rcemment, de la
+coloration des verres des tubes vide producteurs des rayons de Rntgen
+aprs un long usage.</p>
+
+<p>M. Giesel a montr que les sels halodes cristalliss des mtaux
+alcalins (sel gemme, sylvine) se colorent sous l'influence du radium,
+comme sous l'action des rayons cathodiques. M. Giesel montre que l'on
+obtient des colorations du mme genre en faisant sjourner les sels
+alcalins dans la vapeur de sodium<a name="FNanchor_84" id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor">[84]</a>.</p>
+
+<p>J'ai tudi la coloration d'une collection de verres de composition
+connue, qui m'a t obligeamment prte cet effet par M. Le Chatelier.
+Je n'ai pas observ de grande varit dans la coloration. Elle est
+gnralement violette, jaune, brune ou grise. Elle semble lie la
+prsence des mtaux alcalins.</p>
+
+<p>Avec les sels alcalins purs cristalliss on obtient des colorations plus
+varies et plus vives; le sel, primitivement blanc, devient bleu, vert,
+jaune brun, etc.</p>
+
+<p>M. Becquerel a montr que le phosphore blanc est transform en phosphore
+rouge par l'action du radium.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_103" id="Page_103">103</a></span></p>
+
+<p>Le papier est altr et color par l'action du radium. Il devient
+fragile, s'effrite et ressemble enfin une passoire crible de trous.</p>
+
+<p>Dans certaines circonstances il y a production d'ozone dans le voisinage
+de composs trs actifs. Les rayons qui sortent d'une ampoule scelle,
+renfermant du radium, ne produisent pas d'ozone dans l'air qu'ils
+traversent. Au contraire, une forte odeur d'ozone se dgage quand on
+ouvre l'ampoule. D'une manire gnrale l'ozone se produit dans l'air,
+quand il y a communication directe entre celui-ci et le radium. La
+communication par un conduit mme extrmement troit est suffisante; il
+semble que la production d'ozone soit lie la propagation de la
+radioactivit induite, dont il sera question plus loin.</p>
+
+<p>Les composs radifres semblent s'altrer avec le temps, sans doute sous
+l'action de leur propre radiation. On a vu plus haut que les cristaux de
+chlorure de baryum radifres qui sont incolores au moment du dpt
+prennent peu peu une coloration tantt jaune ou orange, tantt rose;
+cette coloration disparat par la dissolution. Le chlorure de baryum
+radifre dgage des composs oxygns du chlore: le bromure dgage du
+brome. Ces transformations lentes s'affirment gnralement quelque temps
+aprs la prparation du produit solide, lequel, en mme temps, change
+d'aspect et de couleur, en prenant une teinte jaune ou violace. La
+lumire mise devient aussi plus violace.</p>
+
+<p>Les sels de radium purs semblent prouver les mmes transformations que
+ceux qui contiennent du baryum. Toutefois les cristaux de chlorure,
+dposs en solution acide, ne se colorent pas sensiblement pendant un
+temps qui est suffisant, pour que les cristaux de chlorure de baryum
+radifres, riches en radium, prennent une coloration intense.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_104" id="Page_104">104</a></span></p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3r" id="ch_3r"></a><i>Dgagement de gaz en prsence des sels de radium.</i>&mdash;Une solution de
+bromure de radium dgage des gaz d'une manire continue<a name="FNanchor_85" id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor">[85]</a>. Ces gaz
+sont principalement de l'hydrogne et de l'oxygne, et la composition du
+mlange est voisine de celle de l'eau; on peut admettre qu'il y a
+dcomposition de l'eau en prsence du sel de radium.</p>
+
+<p>Les sels solides de radium (chlorure, bromure) donnent aussi lieu un
+dgagement continu de gaz. Ces gaz remplissent les pores du sel solide
+et se dgagent assez abondamment quand on dissout le sel. On trouve dans
+le mlange gazeux de l'hydrogne, de l'oxygne, de l'acide carbonique,
+de l'hlium; le spectre des gaz prsente aussi quelques raies
+inconnues<a name="FNanchor_86" id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor">[86]</a>.</p>
+
+<p>On peut attribuer des dgagements gazeux deux accidents qui se sont
+produits dans les expriences de M. Curie. Une ampoule de verre mince
+scelle, remplie presque compltement par du bromure de radium solide et
+sec, a fait explosion deux mois aprs la fermeture sous l'effet d'un
+faible chauffement; l'explosion tait probablement due la pression du
+gaz intrieur. Dans une autre exprience une ampoule contenant du
+chlorure de radium prpar depuis longtemps communiquait avec un
+rservoir d'assez grand volume dans lequel on maintenait un vide trs
+parfait. L'ampoule ayant t soumise un chauffement assez rapide vers
+300, le sel fit explosion; l'ampoule fut brise, et le sel fut projet
+ distance; il ne pouvait y avoir de pression notable dans l'ampoule au
+moment de l'explosion. L'appareil avait d'ailleurs t soumis un essai
+de chauffage dans les mmes conditions en l'absence du sel de radium, et
+aucun accident ne s'tait produit.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_105" id="Page_105">105</a></span></p>
+
+<p>Ces expriences montrent qu'il y a danger chauffer du sel de radium
+prpar depuis longtemps et qu'il y a aussi danger conserver pendant
+longtemps du radium en tube scell.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3s" id="ch_3s"></a><i>Production de thermoluminescence.</i>&mdash;Certains corps, tels que la
+fluorine, deviennent lumineux quand on les chauffe; ils sont
+thermoluminescents; leur luminosit s'puise au bout de quelque temps;
+mais la facult de devenir de nouveau lumineux par la chaleur est
+restitue ces corps par l'action d'une tincelle et aussi par l'action
+du radium. Le radium peut donc restituer ces corps leurs proprits
+thermoluminescentes<a name="FNanchor_87" id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor">[87]</a>. Lors de la chauffe la fluorine prouve une
+transformation qui est accompagne d'une mission de lumire. Quand la
+fluorine est ensuite soumise l'action du radium, une transformation se
+refait en sens inverse, et elle est encore accompagne d'une mission de
+lumire.</p>
+
+<p>Un phnomne absolument analogue se produit pour le verre expos aux
+rayons du radium. L aussi une transformation se produit dans le verre,
+pendant qu'il est lumineux sous l'action des rayons du radium; cette
+transformation est mise en vidence par la coloration qui apparat et
+augmente progressivement. Quand on chauffe ensuite le verre ainsi
+modifi, la transformation inverse se produit, la coloration disparat,
+et ce phnomne est accompagn de production de lumire. Il parat fort
+probable qu'il y a l une modification de nature chimique, et la
+production de lumire est lie cette modification. Ce phnomne
+pourrait tre gnral. Il pourrait se faire que la production de
+fluorescence par l'action du radium et la luminosit des substances
+radifres fussent ncessairement lies un phnomne de transformation
+chimique ou physique de la substance qui met la lumire.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_106" id="Page_106">106</a></span></p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3t" id="ch_3t"></a><i>Radiographies.</i>&mdash;L'action radiographique des nouvelles substances
+radioactives est trs intense. Toutefois la manire d'oprer doit tre
+trs diffrente avec le polonium et le radium. Le polonium n'agit qu'
+trs petite distance, et son action est considrablement affaiblie par
+des crans solides; il est facile de la supprimer pratiquement au moyen
+d'un cran peu pais (1<sup>mm</sup> de verre). Le radium agit des distances
+considrablement plus grandes. L'action radiographique des rayons du
+radium s'observe plus de 2<sup>m</sup> de distance dans l'air, et cela mme
+quand le produit radiant est enferm dans une ampoule de verre. Les
+rayons qui agissent dans ces conditions <span class="pagenum"><a name="Page_107" id="Page_107">107</a></span> appartiennent aux groupes
+&#946; et &#947;. Grce aux diffrences qui existent entre la
+transparence de diverses matires pour les rayons, on peut, comme avec
+les rayons Rntgen, obtenir des radiographies de divers objets. Les
+mtaux sont, en gnral, opaques, sauf l'aluminium qui est trs
+transparent. Il n'existe pas de diffrence de transparence notable entre
+les chairs et les os. On peut oprer grande distance et avec des
+sources de trs petites dimensions; on a alors des radiographies trs
+fines. Il est trs avantageux, pour la beaut des radiographies, de
+renvoyer les rayons &#946; de ct, au moyen d'un champ magntique,
+et de n'utiliser que les rayons &#947;. Les rayons &#946;, en
+traversant l'objet radiographier, prouvent, en effet, une certaine
+diffusion et occasionnent un certain flou. En les supprimant, on est
+oblig d'employer des temps de pose plus grands, mais les rsultats sont
+meilleurs. La radiographie d'un objet, tel qu'un porte-monnaie, demande
+un jour avec une source radiante constitue par quelques centigrammes de
+sel de radium, enferm dans une ampoule de verre et plac 1<sup>m</sup> de la
+plaque sensible, devant laquelle se trouve l'objet. Si la source est
+20<sup>cm</sup> de distance de la plaque, le mme rsultat est obtenu en une
+heure. Au voisinage immdiat de la source radiante, une plaque sensible
+est instantanment impressionne.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 396px;">
+ <p class="caption">Fig. 11.</p>
+ <img src="images/page-106.jpg" alt="" title="" width="396" height="473" />
+ <p class="caption">Radiographie obtenue avec les rayons du radium.</p>
+ <span class="link"><a href="images/x-page-106.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p class="section"><a name="ch_3u" id="ch_3u"></a><i>Effets physiologiques.</i>&mdash;Les rayons du radium exercent une action sur
+l'piderme. Cette action a t observe par M. Walkhoff et confirme par
+M. Giesel, puis par MM. Becquerel et Curie<a name="FNanchor_88" id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor">[88]</a>.</p>
+
+<p>Si l'on place sur la peau une capsule en cellulod ou en caoutchouc
+mince renfermant un sel de radium trs <span class="pagenum"><a name="Page_108" id="Page_108">108</a></span> actif et qu'on l'y laisse
+pendant quelque temps, une rougeur se produit sur la peau, soit de
+suite, soit au bout d'un temps qui est d'autant plus long que l'action a
+t plus faible et moins prolonge; cette tache rouge apparat
+l'endroit qui a t expos l'action; l'altration locale de la peau se
+manifeste et volue comme une brlure. Dans certains cas il se forme une
+ampoule. Si l'exposition a t prolonge, il se produit une ulcration
+trs longue gurir. Dans une exprience, M. Curie a fait agir sur son
+bras un produit radiant relativement peu actif pendant 10 heures. La
+rougeur se manifesta de suite, et il se forma plus tard une plaie qui
+mit 4 mois gurir. L'piderme a t dtruit localement, et n'a pu se
+reconstituer l'tat sain que lentement et pniblement avec formation
+d'une cicatrice trs marque. Une brlure au radium avec exposition
+d'une demi-heure apparut au bout de 15 jours, forma une ampoule et
+gurit en 15 jours. Une autre brlure, faite avec une exposition de 8
+minutes seulement, occasionna une tache rouge qui apparut au bout de 2
+mois seulement et son effet fut insignifiant.</p>
+
+<p>L'action du radium sur la peau peut se produire travers les mtaux,
+mais elle est affaiblie. Pour se garantir de l'action, il faut viter de
+garder longtemps le radium sur soi autrement qu'envelopp dans une
+feuille de plomb.</p>
+
+<p>L'action du radium sur la peau a t tudie par M. le D<sup>r</sup> Danlos,
+l'hpital Saint-Louis, comme procd de traitement de certaines maladies
+de la peau, procd comparable au traitement par les rayons Rntgen ou
+la lumire ultra-violette. Le radium donne ce point de vue des
+rsultats encourageants; l'piderme partiellement dtruit par l'action
+du radium se reforme l'tat sain. L'action du radium est plus profonde
+que celle de la lumire, et son emploi est plus facile que celui de la
+lumire ou des rayons Rntgen. L'tude des conditions de l'application
+est ncessairement un peu longue, parce <span class="pagenum"><a name="Page_109" id="Page_109">109</a></span> qu'on ne peut se rendre
+compte immdiatement de l'effet de l'application.</p>
+
+<p>M. Giesel a remarqu l'action du radium sur les feuilles des plantes.
+Les feuilles soumises l'action jaunissent et s'effritent.</p>
+
+<p>M. Giesel a galement dcouvert l'action des rayons du radium sur
+l'&oelig;il<a name="FNanchor_89" id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor">[89]</a>. Quand on place dans l'obscurit un produit radiant au
+voisinage de la paupire ferme ou de la tempe, on a la sensation d'une
+lumire qui remplit l'&oelig;il. Ce phnomne a t tudi par MM. Himstedt
+et Nagel<a name="FNanchor_90" id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor">[90]</a>. Ces physiciens ont montr que tous les milieux de l'&oelig;il
+deviennent fluorescents par l'action du radium, et c'est ce qui explique
+la sensation de lumire perue. Les aveugles chez lesquels la rtine est
+intacte, sont sensibles l'action du radium, tandis que ceux dont la
+rtine est malade n'prouvent pas la sensation lumineuse due aux rayons.</p>
+
+<p>Les rayons du radium empchent ou entravent le dveloppement des
+colonies microbiennes, mais cette action n'est pas trs intense<a name="FNanchor_91" id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor">[91]</a>.</p>
+
+<p>Rcemment, M. Danysz a montr que les rayons du radium agissent
+nergiquement sur la moelle et sur le cerveau. Aprs une action d'une
+heure, des paralysies se produisent chez les animaux soumis aux
+expriences, et ceux-ci meurent gnralement au bout de quelques
+jours<a name="FNanchor_92" id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor">[92]</a>.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_3v" id="ch_3v"></a><i>Action de la temprature sur le rayonnement.</i>&mdash;On n'a encore que peu de
+renseignements sur la manire dont varie l'mission des corps
+radioactifs avec la temprature. Nous savons cependant que l'mission
+subsiste aux basses tempratures. M. Curie a plac dans l'air <span class="pagenum"><a name="Page_110" id="Page_110">110</a></span>
+liquide un tube de verre qui contenait du chlorure de baryum
+radifre<a name="FNanchor_93" id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor">[93]</a>. La luminosit du produit radiant persiste dans ces
+conditions. Au moment o l'on retire le tube de l'enceinte froide, il
+parat mme plus lumineux qu' la temprature ambiante. A la temprature
+de l'air liquide, le radium continue exciter la fluorescence du
+sulfate d'uranyle et de potassium. M. Curie a vrifi par des mesures
+lectriques que le rayonnement, mesur une certaine distance de la
+source radiante, possde la mme intensit quand le radium est la
+temprature ambiante, ou quand il est dans une enceinte la temprature
+de l'air liquide. Dans ces expriences, le radium tait plac au fond
+d'un tube ferm un bout. Les rayons sortaient du tube par le bout
+ouvert, traversaient un certain espace d'air et taient recueillis dans
+un condensateur. On mesurait l'action des rayons sur l'air du
+condensateur, soit en laissant le tube dans l'air, soit en l'entourant
+d'air liquide jusqu' une certaine hauteur. Le rsultat obtenu tait le
+mme dans les deux cas.</p>
+
+<p>Quand on porte le radium une temprature leve, sa radioactivit
+subsiste. Le chlorure de baryum radifre qui vient d'tre fondu (vers
+800) est radioactif et lumineux. Toutefois, une chauffe prolonge
+temprature leve a pour effet d'abaisser temporairement la
+radioactivit du produit. La baisse est trs importante, elle peut
+constituer 75 pour 100 du rayonnement total. La baisse proportionnelle
+est moins grande sur les rayons absorbables que sur les rayons
+pntrants, qui sont sensiblement supprims par la chauffe. Avec le
+temps, le rayonnement du produit reprend l'intensit et la composition
+qu'il avait avant la chauffe; ce rsultat est atteint au bout de 2 mois
+environ partir de la chauffe.</p>
+
+<div class="figcenter3" style="width:100px;">
+ <img src="images/decorative.jpg" alt="" title="" width="100" height="12" />
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_111" id="Page_111">111</a></span></p>
+
+<h2>CHAPITRE IV.<br />
+<span class="center">~~~~</span><br /><br />
+<small>LA RADIOACTIVIT INDUITE.</small></h2>
+
+<p class="section"><a name="ch_4a" id="ch_4a"></a><i>Communication de la radioactivit des substances primitivement
+inactives.</i>&mdash;Au cours de nos recherches sur les substances radioactives,
+nous avons remarqu, M. Curie et moi, que toute substance qui sjourne
+pendant quelque temps au voisinage d'un sel radifre devient elle-mme
+radioactive<a name="FNanchor_94" id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor">[94]</a>. Dans notre premire publication ce sujet, nous nous
+sommes attachs prouver que la radioactivit, ainsi acquise par des
+substances primitivement inactives, n'est pas due un transport de
+poussires radioactives qui seraient venues se poser la surface de ces
+substances. Ce fait, actuellement certain, est prouv en toute vidence
+par l'ensemble des expriences qui seront dcrites ici, et notamment par
+les lois suivant lesquelles la radioactivit provoque dans les
+substances naturellement inactives disparat quand on soustrait ces
+substances l'action du radium.</p>
+
+<p>Nous avons donn au phnomne nouveau ainsi dcouvert le nom de
+<i>radioactivit induite</i>.</p>
+
+<p>Dans la mme publication, nous avons indiqu les caractres essentiels
+de la radioactivit induite. Nous avons activ des lames de substances
+diverses, en les plaant au voisinage de sels radifres solides et nous
+avons tudi la radioactivit de ces lames par la mthode lectrique.
+Nous avons observ ainsi les faits suivants:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_112" id="Page_112">112</a></span></p>
+
+<p>1 L'activit d'une lame expose l'action du radium augmente avec le
+temps de l'exposition en se rapprochant d'une certaine limite, suivant
+une loi asymptotique.</p>
+
+<p>2 L'activit d'une lame qui a t active par l'action du radium et
+qui a t ensuite soustraite cette action disparat en quelques jours.
+Cette activit induite tend vers zro en fonction du temps, suivant une
+loi asymptotique.</p>
+
+<p>3 Toutes conditions gales d'ailleurs, la radioactivit induite par un
+mme produit radifre sur diverses lames est indpendante de la nature
+de la lame. Le verre, le papier, les mtaux s'activent avec la mme
+intensit.</p>
+
+<p>4 La radioactivit induite sur une mme lame par divers produits
+radifres a une valeur limite d'autant plus leve que le produit est
+plus actif.</p>
+
+<p>Peu de temps aprs, M. Rutherford publia un travail, duquel il rsulte
+que les composs du thorium sont capables de produire le phnomne de la
+radioactivit induite<a name="FNanchor_95" id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor">[95]</a>. M. Rutherford trouva pour ce phnomne les
+mmes lois que celles qui viennent d'tre exposes, et il dcouvrit en
+plus ce fait important, que les corps chargs d'lectricit ngative
+s'activent plus nergiquement que les autres. M. Rutherford observa
+d'ailleurs que l'air qui a pass sur de l'oxyde de thorium conserve
+pendant 10 minutes environ une conductibilit notable. L'air qui est
+dans cet tat communique la radioactivit induite des substances
+inactives, surtout celles charges ngativement. M. Rutherford
+interprte ses expriences en admettant que les composs du thorium, et
+surtout l'oxyde, mettent une <i>manation radioactive</i> particulire,
+susceptible d'tre entrane par les courants d'air et charge
+d'lectricit positive. Cette manation serait la cause de la
+radioactivit induite. M. Dorn a <span class="pagenum"><a name="Page_113" id="Page_113">113</a></span> reproduit, avec les sels de baryum
+radifres, les expriences que M. Rutherford avait faites avec de
+l'oxyde de thorium<a name="FNanchor_96" id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor">[96]</a>.</p>
+
+<p>M. Debierne a montr que l'actinium provoque, d'une faon extrmement
+intense, l'activit induite des corps placs dans son voisinage. De mme
+que pour le thorium, il se produit un entranement considrable de
+l'activit par les courants d'air<a name="FNanchor_97" id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor">[97]</a>.</p>
+
+<p>La radioactivit induite se prsente sous des aspects trs varis, et
+quand on produit l'activation d'une substance au voisinage du radium
+l'air libre, on obtient des rsultats irrguliers. MM. Curie et Debierne
+ont remarqu que le phnomne est, au contraire, trs rgulier quand on
+opre en vase clos; ils ont donc tudi l'activation en enceinte
+ferme<a name="FNanchor_98" id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor">[98]</a>.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4b" id="ch_4b"></a><i>Activation en enceinte ferme.</i>&mdash;La radioactivit induite est la fois
+plus intense et plus rgulire quand on opre en vase clos. La matire
+active est place dans une petite ampoule en verre <i>a</i> ouverte en <i>o</i>
+(<i>fig.</i> 11) au milieu d'une enceinte close. Diverses plaques A, B, C, D,
+E places dans l'enceinte deviennent radioactives au bout d'un jour
+d'exposition. L'activit est la mme, quelle que soit la nature de la
+plaque, dimensions gales plomb, cuivre, aluminium, verre, bonite,
+cire, carton, paraffine. L'activit d'une face de l'une des lames est
+d'autant plus grande, que l'espace libre en regard de cette face est
+plus grand.</p>
+
+<p>Si l'on rpte l'exprience prcdente avec l'ampoule <i>a</i> compltement
+ferme, on n'obtient aucune activit induite.</p>
+
+<p>Le rayonnement du radium n'intervient pas directement <span class="pagenum"><a name="Page_114" id="Page_114">114</a></span> dans la
+production de la radioactivit induite. C'est ainsi que, dans
+l'exprience prcdente, la lame D, protge du rayonnement par l'cran
+en plomb pais PP, est active autant que B et E.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 245px;">
+ <p class="caption">Fig. 12.</p>
+ <img src="images/page-114.jpg" alt="" title="" width="245" height="178" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-114.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>La radioactivit se transmet par l'air de proche en proche depuis la
+matire radiante jusqu'au corps activer. Elle peut mme se transmettre
+au loin par des tubes capillaires trs troits.</p>
+
+<p>La radioactivit induite est la fois plus intense et plus rgulire,
+si l'on remplace le sel radifre activant solide par sa dissolution
+aqueuse.</p>
+
+<p>Les liquides sont susceptibles d'acqurir la radioactivit induite. On
+peut, par exemple, rendre radioactive l'eau pure, en la plaant dans un
+vase l'intrieur d'une enceinte close qui renferme galement une
+solution d'un sel radifre.</p>
+
+<p>Certaines substances deviennent lumineuses, quand on les place dans une
+enceinte activante (corps phosphorescents et fluorescents, verre,
+papier, coton, eau, solutions salines). Le sulfure de zinc
+phosphorescent est particulirement brillant dans ces conditions. La
+radioactivit de ces corps lumineux est cependant la mme que celle d'un
+morceau de mtal ou autre corps qui s'active dans les mmes conditions
+sans devenir lumineux.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_115" id="Page_115">115</a></span></p>
+
+<p>Quelle que soit la substance que l'on active en vase clos, cette
+substance prend une activit qui augmente avec le temps et finit par
+atteindre <i>une valeur limite</i>, toujours la mme, quand on opre avec la
+mme matire activante et le mme dispositif exprimental.</p>
+
+<p><i>La radioactivit induite limite est indpendante de la nature et de la
+pression du gaz qui se trouve dans l'enceinte activante</i> (air,
+hydrogne, acide carbonique).</p>
+
+<p><i>La radioactivit induite limite dans une mme enceinte dpend seulement
+de la quantit de radium qui s'y trouve</i> l'tat de solution, et semble
+lui tre proportionnelle.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4c" id="ch_4c"></a><i>Rle des gaz dans les phnomnes de radioactivit induite.
+manation.</i>&mdash;Les gaz prsents dans une enceinte qui renferme un sel
+solide ou une solution de sel de radium sont radioactifs. Cette
+radioactivit persiste si l'on aspire les gaz avec une trompe et qu'on
+les recueille dans une prouvette. Les parois de l'prouvette deviennent
+alors elles-mmes radioactives, et le verre de l'prouvette est lumineux
+dans l'obscurit. L'activit et la luminosit de l'prouvette
+disparaissent ensuite compltement, mais fort lentement, et l'on peut au
+bout d'un mois constater encore la radioactivit.</p>
+
+<p>Ds le dbut de nos recherches, nous avons, M. Curie et moi, extrait en
+chauffant la pechblende un gaz fortement radioactif, mais, comme dans
+l'exprience prcdente, l'activit de ce gaz avait fini par disparatre
+compltement<a name="FNanchor_99" id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor">[99]</a>.</p>
+
+<p>Ainsi, pour le thorium, le radium, l'actinium, la radioactivit induite
+se propage de proche en proche travers les gaz, depuis le corps actif
+jusqu'aux parois de l'enceinte qui le renferme, et la proprit
+activante est <span class="pagenum"><a name="Page_116" id="Page_116">116</a></span> entrane avec le gaz lui-mme, quand on extrait
+celui-ci de l'enceinte.</p>
+
+<p>Quand on mesure la radioactivit de matires radifres par la mthode
+lectrique au moyen de l'appareil (<i>fig.</i> 1) l'air entre les plateaux
+devient galement radioactif; cependant, en envoyant un courant d'air
+entre les plateaux, on n'observe pas de baisse notable dans l'intensit
+du courant, ce qui prouve que la radioactivit rpandue dans l'espace
+entre les plateaux est peu importante par rapport celle du radium
+lui-mme l'tat solide.</p>
+
+<p>Il en est tout autrement dans le cas du thorium. Les irrgularits que
+j'avais observes en mesurant la radioactivit des composs du thorium
+provenaient du fait qu' cette poque je travaillais avec un
+condensateur ouvert l'air; or le moindre courant d'air produit un
+changement considrable dans l'intensit du courant, parce que la
+radioactivit rpandue dans l'espace au voisinage du thorium est
+importante par rapport la radioactivit de la substance.</p>
+
+<p>Cet effet est encore bien plus marqu pour l'actinium. Un compos trs
+actif d'actinium parat beaucoup moins actif quand on envoie un courant
+d'air sur la substance.</p>
+
+<p>L'nergie radioactive est donc renferme dans les gaz sous une forme
+spciale. M. Rutherford suppose que certains corps radioactifs dgagent
+constamment un gaz matriel radioactif qu'il appelle <i>manation</i>. C'est
+ce gaz qui aurait la proprit de rendre radioactifs les corps qui se
+trouvent dans l'espace o il est rpandu. Les corps qui mettent de
+l'manation sont le radium, le thorium et l'actinium.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4d" id="ch_4d"></a><i>Dsactivation l'air libre des corps solides activs.</i>&mdash;Un corps
+solide, qui a t activ par le radium dans une enceinte activante
+pendant un temps suffisant, et qui a t ensuite retir de l'enceinte,
+se dsactive l'air libre <span class="pagenum"><a name="Page_117" id="Page_117">117</a></span> suivant une loi d'allure exponentielle
+qui est la mme pour tous les corps et qui est reprsente par la
+formule suivante<a name="FNanchor_100" id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor">[100]</a>:</p>
+
+<p class="center"><img src="images/math-page-117.jpg" width="229" height="35" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="noindent">I<sub>0</sub> tant l'intensit initiale du rayonnement au moment o l'on retire
+la lame de l'enceinte, I l'intensit au temps <i>t</i>; <i>a</i> est un
+coefficient numrique <i>a</i>&nbsp;=&nbsp;4.20; &#920;<sub>1</sub> et &#920;<sub>2</sub>
+sont des constantes de temps: &#920;<sub>1</sub>&nbsp;=&nbsp;2420 secondes,
+&#920;<sub>2</sub>&nbsp;=&nbsp;1860 secondes. Au bout de 2 ou 3 heures cette loi se rduit
+sensiblement une exponentielle simple: l'influence de la seconde
+exponentielle sur la valeur de I ne se fait plus sentir. La loi de
+dsactivation est alors telle que l'intensit du rayonnement baisse de
+la moiti de sa valeur en 28 minutes. Cette loi finale peut tre
+considre comme caractristique de la dsactivation l'air libre des
+corps solides activs par le radium.</p>
+
+<p>Les corps solides activs par l'actinium se dsactivent l'air libre
+suivant une loi exponentielle voisine de la prcdente. Mais cependant
+la dsactivation est un peu plus lente<a name="FNanchor_101" id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor">[101]</a>.</p>
+
+<p>Les corps solides activs par le thorium se dsactivent beaucoup plus
+lentement; l'intensit du rayonnement baisse de moiti en 11
+heures<a name="FNanchor_102" id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor">[102]</a>.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4e" id="ch_4e"></a><i>Dsactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de
+l'manation</i><a name="FNanchor_103" id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor">[103]</a>.&mdash;Une enceinte ferme active par le radium et
+soustraite ensuite son action, se dsactive suivant une loi beaucoup
+moins rapide que celle de la dsactivation l'air libre. On peut, par
+exemple, faire l'exprience avec un tube en verre que l'on active <span class="pagenum"><a name="Page_118" id="Page_118">118</a></span>
+intrieurement, en le mettant pendant un certain temps en communication
+avec une solution d'un sel de radium. On scelle ensuite le tube la
+lampe, et l'on mesure l'intensit du rayonnement mis l'extrieur par
+les parois du tube, pendant que la dsactivation se produit.</p>
+
+<p>La loi de dsactivation est une loi exponentielle. Elle est donne avec
+une grande exactitude par la formule</p>
+
+<p class="center"><img src="images/math-page-118.jpg" width="63" height="32" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="noindent">I<sub>0</sub> intensit du rayonnement initial;</p>
+
+<p class="noindent">I, intensit du rayonnement au temps <i>t</i>;</p>
+
+<p class="noindent">&#920;, une constante de temps &#920;&nbsp;=&nbsp;4.970 10<sup>5</sup> secondes.</p>
+
+<p>L'intensit du rayonnement diminue de moiti en 4 jours.</p>
+
+<p>Cette loi de dsactivation est absolument invariable, quelles que soient
+les conditions de l'exprience (dimensions de l'enceinte, nature des
+parois, nature du gaz dans l'enceinte, dure de l'activation, etc.). La
+loi de dsactivation reste la mme, quelle que soit la temprature entre
+-&nbsp;180 et +&nbsp;450. Cette loi de dsactivation est donc tout fait
+caractristique et pourrait servir dfinir un <i>talon de temps</i>
+absolument indpendant.</p>
+
+<p>Dans ces expriences, c'est l'nergie radioactive accumule dans le gaz
+qui entretient l'activit des parois. Si, en effet, on supprime le gaz
+en faisant le vide dans l'enceinte, on constate que les parois se
+dsactivent ensuite suivant le mode rapide de dsactivation, l'intensit
+du rayonnement diminuant de moiti en 28 minutes. Ce mme rsultat est
+obtenu en substituant dans l'enceinte de l'air ordinaire l'air activ.</p>
+
+<p>La loi de dsactivation avec baisse de moiti en 4 jours est donc
+caractristique de la disparition de l'nergie radioactive accumule
+dans le gaz. Si l'on se sert de l'expression adopte par M. Rutherford,
+on peut dire que <span class="pagenum"><a name="Page_119" id="Page_119">119</a></span> l'manation du radium disparat spontanment en
+fonction du temps avec baisse de moiti en 4 jours.</p>
+
+<p>L'manation du thorium est d'une autre nature et disparat beaucoup plus
+rapidement. Le pouvoir d'activation diminue de moiti en 1 minute 10
+secondes environ.</p>
+
+<p>L'manation de l'actinium disparat encore plus rapidement; la baisse de
+moiti a lieu en quelques secondes.</p>
+
+<p>MM. Elster et Geitel ont montr qu'il existe toujours dans l'air
+atmosphrique, en trs faible proportion, une manation radioactive
+analogue celles mises par les corps radioactifs. Des fils mtalliques
+tendus dans l'air et maintenus un potentiel ngatif s'activent sous
+l'influence de cette manation. L'air que l'on aspire au moyen d'un tube
+enfonc dans le sol est particulirement charg d'manation<a name="FNanchor_104" id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor">[104]</a>.
+L'origine de cette manation est encore inconnue.</p>
+
+<p>L'air extrait de certaines eaux minrales contient de l'manation tandis
+que l'air contenu dans l'eau de la mer et des rivires en est peu prs
+exempt.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4f" id="ch_4f"></a><i>Nature des manations.</i>&mdash;Suivant M. Rutherford l'manation d'un corps
+radioactif est un gaz matriel radioactif qui s'chappe de ce corps. En
+effet, bien des points de vue, l'manation du radium se comporte comme
+un gaz ordinaire.</p>
+
+<p>Quand on met en communication deux rservoirs en verre dont l'un
+contient de l'manation tandis que l'autre n'en contient pas,
+l'manation passe en se diffusant dans le deuxime rservoir, et quand
+l'quilibre est tabli, on constate que l'manation s'est partage entre
+les deux rservoirs comme le ferait un gaz ordinaire: si les deux
+rservoirs sont la mme temprature, l'manation se partage entre eux
+dans le rapport de leurs volumes; s'ils sont <span class="pagenum"><a name="Page_120" id="Page_120">120</a></span> des tempratures
+diffrentes, elle se partage entre eux comme un gaz parfait obissant
+aux lois de Mariotte et de Gay-Lussac. Pour tablir ce rsultat il
+suffit de mesurer le rayonnement du premier rservoir avant et aprs le
+partage; ce rayonnement est proportionnel la quantit d'manation
+contenue dans le rservoir. Mais, comme la diffusion de l'manation
+demande un certain temps jusqu' ce que l'quilibre soit tabli, il est
+ncessaire, pour l'exactitude du calcul relatif l'exprience, de tenir
+compte de la destruction spontane de l'manation avec le temps<a name="FNanchor_105" id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor">[105]</a>.</p>
+
+<p>L'manation du radium se diffuse le long d'un tube troit suivant les
+lois de la diffusion des gaz, et son coefficient de diffusion est
+comparable celui de l'acide carbonique<a name="FNanchor_106" id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor">[106]</a>.</p>
+
+<p>MM. Rutherford et Soddy ont montr que les manations du radium et du
+thorium se condensent la temprature de l'air liquide, comme le
+feraient des gaz qui seraient liqufiables cette temprature. Un
+courant d'air charg d'manation perd ses proprits radioactives en
+traversant un serpentin qui plonge dans l'air liquide; l'manation reste
+condense dans le serpentin, et elle se retrouve l'tat gazeux quand
+on rchauffe celui-ci. L'manation du radium se condense -&nbsp;150, celle
+du thorium une temprature comprise entre -&nbsp;100 et -&nbsp;150<a name="FNanchor_107" id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor">[107]</a>. On peut
+faire l'exprience suivante: deux rservoirs de verre ferms, l'un
+grand, l'autre petit, communiquent ensemble par un tube court muni d'un
+robinet; ils sont remplis de gaz activ par le radium et sont par suite
+tous les deux lumineux. On plonge le petit rservoir dans l'air liquide,
+toute l'manation s'y condense; au bout d'un certain <span class="pagenum"><a name="Page_121" id="Page_121">121</a></span> temps on
+spare les deux rservoirs l'un de l'autre en fermant le robinet, et
+l'on retire ensuite le petit rservoir de l'air liquide. On constate que
+c'est le petit rservoir qui contient toute l'activit. Pour s'en
+assurer il suffit d'observer la phosphorescence du verre des deux
+rservoirs. Le grand rservoir n'est plus lumineux, tandis que le petit
+est plus lumineux qu'au dbut de l'exprience. L'exprience est
+particulirement brillante si l'on a eu soin d'enduire les parois des
+deux rservoirs de sulfure de zinc phosphorescent.</p>
+
+<p>Toutefois, si l'manation du radium est tout fait comparable un gaz
+liqufiable, la temprature de condensation par refroidissement devrait
+tre fonction de la quantit d'manation contenue dans un certain volume
+d'air; ce qui n'a pas t signal.</p>
+
+<p>On doit aussi faire remarquer que l'manation passe avec une grande
+facilit travers les trous ou les fissures les plus tnues des corps
+solides, dans des conditions o les gaz matriels ordinaires ne peuvent
+circuler qu'avec une lenteur extrme.</p>
+
+<p>Enfin, l'manation du radium se distingue d'un gaz matriel ordinaire en
+ce qu'elle se dtruit spontanment quand elle est enferme en tube de
+verre scell; tout au moins observe-t-on, dans ces conditions, la
+disparition de la proprit radioactive. Cette proprit radioactive est
+d'ailleurs encore actuellement la seule qui caractrise l'manation
+notre connaissance, car jusqu' prsent on n'a encore tabli avec
+certitude ni l'existence d'un spectre caractristique de l'manation, ni
+une pression due l'manation.</p>
+
+<p>Toutefois tout rcemment MM. Ramsay et Soddy ont observ, dans le
+spectre des gaz extraits du radium, des raies nouvelles qui pourraient,
+ leur avis, appartenir l'manation du radium. Ils ont aussi constat
+que les gaz extraits du radium contiennent de l'hlium, et que ce
+dernier <span class="pagenum"><a name="Page_122" id="Page_122">122</a></span> gaz se forme spontanment en prsence de l'manation du
+radium<a name="FNanchor_108" id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor">[108]</a>. Si ces rsultats, dont l'importance est considrable, se
+confirment, on pourra tre amen considrer l'manation comme un gaz
+matriel instable, et l'hlium serait peut-tre un des produits de la
+dsagrgation de ce gaz.</p>
+
+<p>Les manations du radium et du thorium ne semblent pas tre altres par
+divers agents chimiques trs nergiques, et pour cette raison MM.
+Rutherford et Soddy les assimilent des gaz de la famille de
+l'argon<a name="FNanchor_109" id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor">[109]</a>.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4g" id="ch_4g"></a><i>Variation d'activit des liquides activs et des solutions
+radifres.</i>&mdash;Un liquide quelconque devient radioactif lorsqu'il est
+plac dans un vase dans une enceinte activante. Si l'on retire le
+liquide de l'enceinte et qu'on le laisse l'air libre, il se dsactive
+rapidement en transmettant son activit aux gaz et aux corps solides qui
+l'entourent. Si l'on enferme un liquide activ dans un flacon ferm, il
+se dsactive bien plus lentement et l'activit baisse alors de moiti en
+4 jours, comme cela arriverait pour un gaz activ enferm dans un vase
+clos. On peut expliquer ce fait en admettant que l'nergie radioactive
+est emmagasine dans les liquides sous une forme identique celle sous
+laquelle elle est emmagasine dans un gaz (sous forme d'manation).</p>
+
+<p>Une dissolution d'un sel radifre se comporte en partie d'une faon
+analogue. Tout d'abord, il est fort remarquable que la solution d'un sel
+de radium, qui est place depuis quelque temps dans une enceinte close,
+n'est pas plus active que de l'eau pure place dans un vase contenu dans
+la mme enceinte, lorsque l'quilibre d'activit s'est tabli. Si l'on
+retire de l'enceinte la solution radifre et <span class="pagenum"><a name="Page_123" id="Page_123">123</a></span> qu'on la laisse
+l'air dans un vase largement ouvert, l'activit se rpand dans l'espace,
+et la solution devient peu prs inactive, bien qu'elle contienne
+toujours le radium. Si alors on enferme cette solution dsactive dans
+un flacon ferm, elle reprend peu peu, en une quinzaine de jours, une
+activit limite qui peut tre considrable. Au contraire, un liquide
+activ qui ne renferme pas de radium et qui a t dsactiv l'air
+libre, ne reprend pas son activit quand on le met dans un flacon ferm.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4h" id="ch_4h"></a><i>Thorie de la radioactivit.</i>&mdash;Voici, d'aprs MM. Curie et Debierne,
+une thorie trs gnrale qui permet de coordonner les rsultats de
+l'tude de la radioactivit induite, rsultats que je viens d'exposer et
+qui constituent des faits indpendants de toute hypothse<a name="FNanchor_110" id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor">[110]</a>.</p>
+
+<p>On peut admettre que chaque atome de radium fonctionne comme une source
+continue et constante d'nergie, sans qu'il soit, d'ailleurs, ncessaire
+de prciser d'o vient cette nergie. L'nergie radioactive qui
+s'accumule dans le radium tend se dissiper de deux faons diffrentes:
+1 par rayonnement (rayons chargs et non chargs d'lectricit); 2
+par conduction, c'est--dire par transmission de proche en proche aux
+corps environnants, par l'intermdiaire des gaz et des liquides
+(dgagement d'manation et transformation en radioactivit induite).</p>
+
+<p>La perte d'nergie radioactive, tant par rayonnement que par conduction,
+crot avec la quantit d'nergie accumule dans le corps radioactif. Un
+quilibre de rgime doit s'tablir ncessairement quand, la double
+perte, dont je viens de parler, compense l'apport continu fait par le
+radium. Cette manire de voir est analogue celle qui est en usage dans
+les phnomnes calorifiques. Si, dans <span class="pagenum"><a name="Page_124" id="Page_124">124</a></span> l'intrieur d'un corps, il se
+fait, pour une raison quelconque, un dgagement continu et constant de
+chaleur, la chaleur s'accumule dans le corps, et la temprature s'lve,
+jusqu' ce que la perte de chaleur par rayonnement et par conduction
+fasse quilibre l'apport continu de chaleur.</p>
+
+<p>En gnral, sauf dans certaines conditions spciales, l'activit ne se
+transmet pas de proche en proche travers les corps solides. Lorsqu'on
+conserve une dissolution en tube scell, la perte par rayonnement
+subsiste seule, et l'activit radiante de la dissolution prend une
+valeur leve.</p>
+
+<p>Si, au contraire, la dissolution se trouve dans un vase ouvert, la perte
+d'activit de proche en proche, par conduction, devient considrable,
+et, lorsque l'tat de rgime est atteint, l'activit radiante de la
+dissolution est trs faible.</p>
+
+<p>L'activit radiante d'un sel radifre solide, laiss l'air libre, ne
+diminue pas sensiblement, parce que, la propagation de la radioactivit
+par conduction ne se faisant pas travers les corps solides, c'est
+seulement une couche superficielle trs mince qui produit la
+radioactivit induite. On constate, en effet, que la dissolution du mme
+sel produit des phnomnes de radioactivit induite beaucoup plus
+intenses. Avec un sel solide l'nergie radioactive s'accumule dans le
+sel et se dissipe surtout par rayonnement. Au contraire, lorsque le sel
+est en dissolution dans l'eau depuis quelques jours, l'nergie
+radioactive est rpartie entre l'eau et le sel, et si on les spare par
+distillation, l'eau entrane une grande partie de l'activit, et le sel
+solide est beaucoup moins actif (10 ou 15 fois) qu'avant dissolution.
+Ensuite le sel solide reprend peu peu son activit primitive.</p>
+
+<p>On peut chercher prciser encore davantage la thorie qui prcde, en
+imaginant que la radioactivit du radium <span class="pagenum"><a name="Page_125" id="Page_125">125</a></span> lui-mme se produit au
+moins en grande partie par l'intermdiaire de l'nergie radioactive
+mise sous forme d'manation.</p>
+
+<p>On peut admettre que chaque atome de radium est une source continue et
+constante d'manation. En mme temps que cette forme d'nergie se
+produit, elle prouve progressivement une transformation en nergie
+radioactive de rayonnement Becquerel; la vitesse de cette transformation
+est proportionnelle la quantit d'manation accumule.</p>
+
+<p>Quand une solution radifre est enferme dans une enceinte, l'manation
+peut se rpandre dans l'enceinte et sur les parois. C'est donc l
+qu'elle est transforme en rayonnement, tandis que la solution n'met
+que peu de rayons Becquerel,&mdash;le rayonnement est, en quelque sorte,
+<i>extrioris</i>. Au contraire, dans le radium solide, l'manation, ne
+pouvant s'chapper facilement, s'accumule et se transforme sur place en
+rayonnement Becquerel; ce rayonnement atteint donc une valeur
+leve<a name="FNanchor_111" id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor">[111]</a>.</p>
+
+<p>Si cette thorie de la radioactivit tait gnrale, il faudrait
+admettre que tous les corps radioactifs mettent de l'manation. Or,
+cette mission a t constate pour le radium, le thorium et l'actinium;
+ce dernier corps en met normment mme l'tat solide. L'uranium et
+le polonium ne semblent pas mettre d'manation, bien qu'ils mettent
+des rayons Becquerel. Ces corps ne produisent pas la radioactivit
+induite en vase clos comme les corps radioactifs cits prcdemment. Ce
+fait n'est pas en contradiction absolue avec la thorie qui prcde. Si,
+en effet, l'uranium et le polonium mettaient des manations qui se
+dtruisent avec une trs grande rapidit, il serait trs difficile
+d'observer l'entranement de ces manations <span class="pagenum"><a name="Page_126" id="Page_126">126</a></span> par l'air et les effets
+de radioactivit induite produits par elles sur les corps voisins. Une
+telle hypothse n'est nullement invraisemblable, puisque les temps
+pendant lesquels les quantits d'manation du radium et du thorium
+diminuent de moiti sont entre eux comme 5000 est 1. On verra
+d'ailleurs que dans certaines conditions l'uranium peut provoquer la
+radioactivit induite.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4i" id="ch_4i"></a><i>Autre forme de la radioactivit induite.</i>&mdash;D'aprs la loi de
+dsactivation l'air libre des corps solides activs par le radium,
+l'activit radiante au bout d'une journe est peu prs insensible.</p>
+
+<p>Certains corps cependant font exception: tels sont le cellulod, la
+paraffine, le caoutchouc, etc. Quand ces corps ont t activs assez
+longtemps, ils se dsactivent plus lentement que ne le veut la loi, et
+il faut souvent quinze ou vingt jours pour que l'activit devienne
+insensible. Il semble que ces corps aient la proprit de s'imprgner de
+l'nergie radioactive sous forme d'manation; ils la perdent ensuite peu
+ peu en produisant la radioactivit induite dans leur voisinage.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4j" id="ch_4j"></a><i>Radioactivit induite volution lente.</i>&mdash;On observe encore une tout
+autre forme de radioactivit induite, qui semble se produire sur tous
+les corps, quand ils ont sjourn pendant des mois dans une enceinte
+activante. Quand ces corps sont retirs de l'enceinte, leur activit
+diminue d'abord jusqu' une valeur trs faible suivant la loi ordinaire
+(diminution de moiti en une demi-heure); mais, quand l'activit est
+tombe 1/20000 environ de la valeur initiale, elle ne diminue plus ou
+du moins elle volue avec une lenteur extrme, quelquefois mme elle va
+en augmentant. Nous avons des lames de cuivre, d'aluminium, de verre qui
+conservent ainsi une activit rsiduelle depuis plus de six mois.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_127" id="Page_127">127</a></span></p>
+
+<p>Ces phnomnes d'activit induite semblent tre d'une tout autre nature
+que ceux ordinaires, et ils offrent une volution beaucoup plus lente.</p>
+
+<p>Un temps considrable est ncessaire aussi bien pour la production que
+pour la disparition de cette forme de radioactivit induite.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4k" id="ch_4k"></a><i>Radioactivit induite sur des substances qui sjournent en dissolution
+avec le radium.</i>&mdash;Quand on traite un minerai radioactif contenant du
+radium, pour en extraire ce corps, et tant que le travail n'est pas
+avanc, on ralise des sparations chimiques, aprs lesquelles la
+radioactivit se trouve entirement avec l'un des produits de la
+raction, l'autre produit tant entirement inactif. On spare ainsi
+d'un ct des produits radiants qui peuvent tre plusieurs centaines de
+fois plus actifs que l'uranium, de l'autre ct du cuivre, de
+l'antimoine, de l'arsenic, etc., absolument inactifs. Certains autres
+corps (le fer, le plomb) n'taient jamais spars l'tat compltement
+inactif. A mesure que les corps radiants se concentrent, il n'en est
+plus de mme; aucune sparation chimique ne fournit plus de produits
+absolument inactifs; toutes les portions rsultant d'une sparation sont
+toujours actives des degrs variables.</p>
+
+<p>Aprs la dcouverte de la radioactivit induite, M. Giesel essaya le
+premier d'activer le bismuth inactif ordinaire en le maintenant en
+solution avec du radium trs actif. Il obtint ainsi du bismuth
+radioactif<a name="FNanchor_112" id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor">[112]</a>, et il en conclut que le polonium extrait de la
+pechblende tait probablement du bismuth activ par le voisinage du
+radium contenu dans la pechblende.</p>
+
+<p>J'ai galement prpar du bismuth activ en maintenant le bismuth en
+dissolution avec un sel radifre trs actif.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_128" id="Page_128">128</a></span></p>
+
+<p>Les difficults de cette exprience consistent dans les soins extrmes
+qu'il faut prendre pour liminer le radium de la dissolution. Si l'on
+songe la quantit infinitsimale de radium qui suffit pour produire
+dans un gramme de matire une radioactivit trs notable, on ne croit
+jamais avoir assez lav et purifi le produit activ. Or, chaque
+purification entrane une baisse d'activit du produit activ, soit que
+rellement on en retire des traces de radium, soit que la radioactivit
+induite dans ces conditions ne rsiste pas aux transformations
+chimiques.</p>
+
+<p>Les rsultats que j'obtiens semblent cependant tablir avec certitude
+que l'activation se produit et persiste aprs que l'on a spar le
+radium. C'est ainsi qu'en fractionnant le nitrate de mon bismuth activ
+par prcipitation de la solution azotique par l'eau, je trouve que,
+aprs purification trs soigneuse, il se fractionne comme le polonium,
+la partie la plus active tant prcipite en premier.</p>
+
+<p>Si la purification est insuffisante, c'est le contraire qui se produit,
+indiquant que des traces de radium se trouvaient encore avec le bismuth
+activ. J'ai obtenu ainsi du bismuth activ pour lequel le sens du
+fractionnement indiquait une grande puret et qui tait 2000 fois plus
+actif que l'uranium. Ce bismuth diminue d'activit avec le temps. Mais
+une autre partie du mme produit, prpare avec les mmes prcautions et
+se fractionnant dans le mme sens, conserve son activit sans diminution
+sensible depuis un temps qui est actuellement de trois ans environ.</p>
+
+<p>Cette activit est 150 fois plus grande que celle de l'uranium.</p>
+
+<p>J'ai activ galement du plomb et de l'argent en les laissant en
+dissolution avec le radium. Le plus souvent la radioactivit induite
+ainsi obtenue ne diminue gure avec le temps, mais elle ne rsiste
+gnralement pas plusieurs transformations chimiques successives du
+corps activ.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_129" id="Page_129">129</a></span></p>
+
+<p>M. Debierne<a name="FNanchor_113" id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor">[113]</a> a activ du baryum en le laissant en solution avec
+l'actinium. Ce baryum activ reste actif aprs diverses transformations
+chimiques, son activit est donc une proprit atomique assez stable. Le
+chlorure de baryum activ se fractionne comme le chlorure de baryum
+radifre, les parties les plus actives tant les moins solubles dans
+l'eau et l'acide chlorhydrique tendu. Le chlorure sec est spontanment
+lumineux; son rayonnement Becquerel est analogue celui du chlorure de
+baryum radifre. M. Debierne a obtenu du chlorure de baryum activ 1000
+fois plus actif que l'uranium. Ce baryum n'avait cependant pas acquis
+tous les caractres du radium, car il ne montrait au spectroscope aucune
+des raies les plus fortes du radium. De plus son activit diminua avec
+le temps, et au bout de trois semaines elle tait devenue trois fois
+plus faible qu'au dbut.</p>
+
+<p>Il y a toute une tude faire sur l'activation des substances en
+dissolution avec les corps radioactifs. Il semble que, suivant les
+conditions de l'exprience, on puisse obtenir des formes de
+radioactivit induite atomique plus ou moins stables. La radioactivit
+induite dans ces conditions est peut-tre la mme que la forme
+volution lente que l'on obtient par activation prolonge distance
+dans une enceinte activante. Il y a lieu de se demander jusqu' quel
+degr la radioactivit induite atomique affecte la nature chimique de
+l'atome, et si elle peut modifier les proprits chimiques de celui-ci,
+soit d'une faon passagre, soit d'une faon stable.</p>
+
+<p>L'tude chimique des corps activs distance est rendue difficile par
+ce fait que l'activation est limite une couche superficielle trs
+mince, et que, par suite, la proportion de matire qui a pu tre
+atteinte par la transformation est extrmement faible.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_130" id="Page_130">130</a></span></p>
+
+<p>La radioactivit induite peut aussi tre obtenue en laissant certaines
+substances en dissolution avec l'uranium. L'exprience russit avec le
+baryum. Si, comme l'a fait M. Debierne, on ajoute de l'acide sulfurique
+ une solution qui contient de l'uranium et du baryum, le sulfate de
+baryum prcipit entrane de l'activit; en mme temps le sel d'uranium
+perd une partie de la sienne. M. Becquerel a trouv qu'en rptant cette
+opration plusieurs fois, on obtient de l'uranium peine actif. On
+pourrait croire, d'aprs cela, que dans cette opration on a russi
+sparer de l'uranium un corps radioactif diffrent de ce mtal, et dont
+la prsence produisait la radioactivit de l'uranium. Cependant il n'en
+est rien, car au bout de quelques mois l'uranium reprend son activit
+primitive; au contraire, le sulfate de baryum prcipit perd celle qu'il
+avait acquise.</p>
+
+<p>Un phnomne analogue se produit avec le thorium. M. Rutherford
+prcipite une solution de sel de thorium par l'ammoniaque; il spare la
+solution et l'vapore sec. Il obtient ainsi un petit rsidu trs
+actif, et le thorium prcipit se montre moins actif qu'auparavant. Ce
+rsidu actif, auquel M. Rutherford donne le nom de <i>thorium x</i>,
+perd son activit avec le temps, tandis que le thorium reprend
+son activit primitive<a name="FNanchor_114" id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor">[114]</a>.</p>
+
+<p>Il semble qu'en ce qui concerne la radioactivit induite en dissolution,
+les divers corps ne se comportent pas tous de la mme faon, et que
+certains d'entre eux sont bien plus susceptibles de s'activer que les
+autres.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4l" id="ch_4l"></a><i>Dissmination des poussires radioactives et radioactivit induite du
+laboratoire.</i>&mdash;Lorsqu'on fait des tudes sur les substances fortement
+radioactives, il faut prendre des prcautions particulires si l'on veut
+pouvoir continuer faire des mesures dlicates. Les divers objets <span class="pagenum"><a name="Page_131" id="Page_131">131</a></span>
+employs dans le laboratoire de chimie, et ceux qui servent pour les
+expriences de physique, ne tardent pas tre tous radioactifs et
+agir sur les plaques photographiques au travers du papier noir. Les
+poussires, l'air de la pice, les vtements sont radioactifs. L'air de
+la pice est conducteur. Dans le laboratoire, o nous travaillons, le
+mal est arriv l'tat aigu, et nous ne pouvons plus avoir un appareil
+bien isol.</p>
+
+<p>Il y a donc lieu de prendre des prcautions particulires pour viter
+autant que possible la dissmination des poussires actives, et pour
+viter aussi les phnomnes d'activit induite.</p>
+
+<p>Les objets employs en chimie ne doivent jamais tre emports dans la
+salle d'tudes physiques, et il faut autant que possible viter de
+laisser sjourner inutilement dans cette salle les substances actives.
+Avant de commencer ces tudes nous avions coutume, dans les travaux
+d'lectricit statique, d'tablir la communication entre les divers
+appareils par des fils mtalliques isols protgs par des cylindres
+mtalliques en relation avec le sol, qui prservaient les fils contre
+toute influence lectrique extrieure. Dans les tudes sur les corps
+radioactifs, cette disposition est absolument dfectueuse; l'air tant
+conducteur, l'isolement entre le fil et le cylindre est mauvais, et la
+force lectromotrice de contact invitable entre le fil et le cylindre
+tend produire un courant travers l'air et faire dvier
+l'lectromtre. Nous mettons maintenant tous les fils de communication
+l'abri de l'air en les plaant, par exemple, au milieu de cylindres
+remplis de paraffine ou d'une autre matire isolante. Il y aurait aussi
+avantage faire usage, dans ces tudes, d'lectromtres
+<i>rigoureusement</i> clos.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4m" id="ch_4m"></a><i>Activation en dehors de l'action des substances radioactives.</i>&mdash;Des
+essais ont t faits en vue de produire <span class="pagenum"><a name="Page_132" id="Page_132">132</a></span> la radioactivit induite en
+dehors de l'action des substances radioactives.</p>
+
+<p>M. Villard<a name="FNanchor_115" id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor">[115]</a> a soumis l'action des rayons cathodiques un morceau de
+bismuth plac comme anticathode dans un tube de Crookes; ce bismuth a
+t ainsi rendu actif, vrai dire, d'une faon extrmement faible, car
+il fallait 8 jours de pose pour obtenir une impression photographique.</p>
+
+<p>M. Mac Lennan expose divers sels l'action des rayons cathodiques et
+les chauffe ensuite lgrement. Ces sels acquirent alors la proprit
+de dcharger les corps chargs positivement<a name="FNanchor_116" id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor">[116]</a>.</p>
+
+<p>Les tudes de ce genre offrent un grand intrt. Si, en se servant
+d'agents physiques connus, il tait possible de crer dans des corps
+primitivement inactifs une radioactivit notable, nous pourrions esprer
+de trouver ainsi la cause de la radioactivit spontane de certaines
+matires.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4n" id="ch_4n"></a><i>Variations d'activit des corps radioactifs. Effets de
+dissolution.</i>&mdash;Le polonium, comme je l'ai dit plus haut, diminue
+d'activit avec le temps. Cette baisse est lente, elle ne semble pas se
+faire avec la mme vitesse pour tous les chantillons. Un chantillon de
+nitrate de bismuth polonium a perdu la moiti de son activit en 11
+mois et 95 pour 100 de son activit en 33 mois. D'autres chantillons
+ont prouv des baisses analogues.</p>
+
+<p>Un chantillon de bismuth polonium mtallique fut prpar avec un
+sous-nitrate, lequel, aprs sa prparation, tait 100000 fois plus actif
+que l'uranium. Ce mtal n'est plus maintenant qu'un corps moyennement
+radioactif 2000 fois plus actif que l'uranium. Sa radioactivit est <span class="pagenum"><a name="Page_133" id="Page_133">133</a></span>
+mesure de temps en temps. Pendant 6 mois ce mtal a perdu 67 pour 100
+de son activit.</p>
+
+<p>La perte d'activit ne semble pas tre facilite par les ractions
+chimiques. Dans des oprations chimiques rapides on ne constate
+gnralement pas de perte considrable d'activit.</p>
+
+<p>Contrairement ce qui se passe pour le polonium, les sels radifres
+possdent une radioactivit permanente qui ne prsente pas de baisse
+apprciable au bout de quelques annes.</p>
+
+<p>Quand on vient de prparer un sel de radium l'tat solide, ce sel n'a
+pas tout d'abord une activit constante. Son activit va en augmentant
+partir de la prparation et atteint une valeur limite sensiblement
+invariable au bout d'un mois environ. Le contraire a lieu pour la
+solution. Quand on vient de la prparer, elle est d'abord trs active,
+mais laisse l'air libre elle se dsactive rapidement, et prend
+finalement une activit limite qui peut tre considrablement plus
+faible que la valeur initiale. Ces variations d'activit ont t tout
+d'abord observes par M. Giesel<a name="FNanchor_117" id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor">[117]</a>. Elles s'expliquent fort bien en se
+plaant au point de vue de l'manation. La diminution de l'activit de
+la solution correspond la perte de l'manation qui s'chappe dans
+l'espace; cette baisse est bien moindre si la dissolution est en tube
+scell. Une solution dsactive l'air libre reprend une activit plus
+grande quand on l'enferme en tube scell. La priode de l'accroissement
+de l'activit du sel qui, aprs dissolution, vient d'tre ramen
+l'tat solide, est celle pendant laquelle l'manation s'emmagasine
+nouveau dans le radium solide.</p>
+
+<p>Voici quelques expriences ce sujet:</p>
+
+<p>Une solution de chlorure de baryum radifre laisse l'air libre
+pendant 2 jours devient 300 fois moins active.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_134" id="Page_134">134</a></span></p>
+
+<p>Une solution est enferme en vase clos; on ouvre le vase, on verse la
+solution dans une cuve et l'on mesure l'activit:</p>
+
+<table summary="table_Page_134a" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="280" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Activit mesure immdiatement</td>
+ <td class="tdctop">67</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;au bout de 2 heures</td>
+ <td class="tdctop">20</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;2 jours</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;0,25</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Une solution de chlorure de baryum radifre qui est reste l'air libre
+est enferme dans un tube de verre scell, et l'on mesure le rayonnement
+de ce tube. On trouve les rsultats suivants:</p>
+
+<table summary="table_Page_134b" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="280" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Activit mesure immdiatement</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;27</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;aprs 2 jours</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;61</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;3 jours</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;70</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;4 jours</td>
+ <td class="tdctop">&nbsp;&nbsp;81</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;7 jours</td>
+ <td class="tdctop">100</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;11 jours</td>
+ <td class="tdctop">100</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>L'activit initiale d'un sel solide aprs sa prparation est d'autant
+plus faible que le temps de dissolution a t plus long. Une plus forte
+proportion de l'activit est alors transmise au dissolvant. Voici les
+activits initiales obtenues avec un chlorure dont l'activit limite est
+800 et que l'on maintenait en dissolution pendant un temps donn; puis
+on schait le sel et l'on mesurait son activit immdiatement:</p>
+
+<table summary="table_Page_134c" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="440" />
+ <col width="60" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Activit limite</td>
+ <td class="tdctop">800</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Activit initiale aprs dissolution et dessiccation immdiate</td>
+ <td class="tdctop">440</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Activit initiale aprs que le sel est rest dissous 5 jours</td>
+ <td class="tdctop">120</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;18 jours</td>
+ <td class="tdctop">130</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;32 jours</td>
+ <td class="tdctop">114</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Dans cette exprience le sel dissous se trouvait dans un vase simplement
+couvert d'un verre de montre.</p>
+
+<p>J'ai fait avec le mme sel deux dissolutions que j'ai conserves en tube
+scell pendant 13 mois; l'une de ces <span class="pagenum"><a name="Page_135" id="Page_135">135</a></span> dissolutions tait 8 fois plus
+concentre que l'autre:</p>
+
+<table summary="table_Page_135a" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="450" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Activit initiale du sel de la solution concentre aprs dessiccation</td>
+ <td class="tdctop">200</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Activit initiale du sel de la solution tendue aprs dessiccation</td>
+ <td class="tdctop">100</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>La dsactivation du sel est donc d'autant plus grande que la proportion
+du dissolvant est plus grande, l'nergie radioactive transmise au
+liquide ayant alors un plus grand volume de liquide saturer et un plus
+grand espace remplir. Les deux chantillons du mme sel, qui avaient
+ainsi une activit initiale diffrente, ont d'ailleurs augment
+d'activit avec une vitesse trs diffrente au dbut; au bout d'un jour
+ils avaient la mme activit, et l'accroissement d'activit se continua
+exactement de la mme faon pour tous les deux jusqu' la limite.</p>
+
+<p>Quand la dissolution est tendue, la dsactivation du sel est trs
+rapide; c'est ce que montrent les expriences suivantes: trois portions
+gales d'un mme sel radifre sont dissoutes dans des quantits gales
+d'eau. La premire dissolution <i>a</i> est laisse l'air libre pendant une
+heure, puis sche. La deuxime dissolution <i>b</i> est traverse pendant
+une heure par un courant d'air, puis sche. La troisime dissolution
+<i>c</i> est laisse pendant 13 jours l'air libre, puis sche. Les
+activits initiales des trois sels sont:</p>
+
+<table summary="table_Page_135b" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="250" />
+ <col width="50" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pour la portion <i>a</i></td>
+ <td class="tdctop">145,2</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>b</i></td>
+ <td class="tdctop">141,6</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>c</i></td>
+ <td class="tdctop">102,6</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>L'activit limite du mme sel est environ 470. On voit donc qu'au bout
+d'une heure la plus grande partie de l'effet tait produite. De plus, le
+courant d'air qui a barbot pendant une heure dans la dissolution <i>b</i>
+n'a produit que peu d'effet. La proportion du sel dans la dissolution
+tait d'environ 0,5 pour 100.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_136" id="Page_136">136</a></span></p>
+
+<p>L'nergie radioactive sous forme d'manation se propage difficilement du
+radium solide dans l'air; elle prouve de mme une rsistance au passage
+du radium solide dans un liquide. Quand on agite du sulfate radifre
+avec de l'eau pendant une journe entire, son activit aprs celle
+opration est sensiblement la mme que celle d'une portion du mme
+sulfate laisse l'air libre.</p>
+
+<p>En faisant le vide sur du sel radifre on retire toute l'manation
+disponible. Toutefois la radioactivit d'un chlorure radifre sur lequel
+nous avions fait le vide pendant 6 jours ne fut pas sensiblement
+modifie par cette opration. Cette exprience montre que la
+radioactivit du sel est due principalement l'nergie radioactive
+utilise dans l'intrieur des grains, laquelle ne peut tre enleve en
+faisant le vide.</p>
+
+<p>La perte d'activit que le radium prouve quand on le fait passer par
+l'tat dissous est relativement plus grande pour les rayons pntrants
+que pour les rayons absorbables. Voici quelques exemples:</p>
+
+<p>Un chlorure radifre, qui avait atteint son activit limite 470 est
+dissous et reste en dissolution pendant une heure; on le sche ensuite
+et l'on mesure sa radioactivit initiale par la mthode lectrique. On
+trouve que le rayonnement initial total est gal la fraction 0,3 du
+rayonnement total limite. Si l'on fait la mesure de l'intensit du
+rayonnement en recouvrant la substance active d'un cran d'aluminium de
+0<sup>mm</sup>,01 d'paisseur, on trouve que le rayonnement initial qui traverse
+cet cran n'est que la fraction 0,17 du rayonnement limite traversant le
+mme cran.</p>
+
+<p>Quand le sel est rest en dissolution pendant 13 jours, on trouve pour
+le rayonnement initial total la fraction 0,22 du rayonnement limite
+total et pour le rayonnement qui traverse 0<sup>mm</sup>,01 d'aluminium la
+fraction 0,13 du rayonnement limite.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_137" id="Page_137">137</a></span></p>
+
+<p>Dans les deux cas le rapport du rayonnement initial aprs dissolution au
+rayonnement limite est de 1,7 fois plus grand pour le rayonnement total
+que pour le rayonnement qui traverse 0<sup>mm</sup>,01 d'aluminium.</p>
+
+<p>Il faut d'ailleurs remarquer que, en schant le produit aprs
+dissolution, on ne peut viter une priode de temps pendant laquelle le
+produit se trouve un tat mal dfini, ni entirement solide, ni
+entirement liquide. On ne peut non plus viter de chauffer le produit
+pour enlever l'eau rapidement.</p>
+
+<p>Pour ces deux raisons il n'est gure possible de dterminer la vraie
+activit initiale du produit qui passe de l'tat dissous l'tat
+solide. Dans les expriences qui viennent d'tre cites des quantits
+gales de substances radiantes taient dissoutes dans la mme quantit
+d'eau, et ensuite les dissolutions taient vapores sec dans des
+conditions aussi identiques que possible et sans chauffer au-dessus de
+120 ou 130.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 406px;">
+ <p class="caption">Fig. 13.</p>
+ <img src="images/page-137.jpg" alt="" title="" width="406" height="290" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-137.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>J'ai tudi la loi suivant laquelle augmente l'activit d'un sel
+radifre solide, partir du moment o ce sel est sch aprs
+dissolution, jusqu'au moment o il <span class="pagenum"><a name="Page_138" id="Page_138">138</a></span> atteint son activit limite.
+Dans les Tableaux qui suivent j'indique l'intensit du rayonnement I en
+fonction du temps, l'intensit limite tant suppose gale 100, et le
+temps tant compt partir du moment o le produit a t sch. Le
+Tableau I (<i>fig.</i> 13, courbe I) est relatif au rayonnement total. Le
+Tableau II (<i>fig.</i> 13, courbe II) est relatif seulement aux rayons
+pntrants (rayons qui ont travers 3<sup>cm</sup> d'air et 0<sup>mm</sup>,01
+d'aluminium).</p>
+
+<table summary="table_Page_138" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdctop"><span class="smcap">Tableau I.</span></td>
+ <td colspan="2" class="tdctop"><span class="smcap">Tableau II.</span></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">Temps.</td>
+ <td class="tdctop">I.</td>
+ <td class="tdctop">Temps.</td>
+ <td class="tdctop">I.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">0&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;21</td>
+ <td class="tdltop">0&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;1,3</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">1 jour</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;25</td>
+ <td class="tdltop">1 jour</td>
+ <td class="tdltop">19</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">3&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;44</td>
+ <td class="tdltop">3&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">43</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">5&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;60</td>
+ <td class="tdltop">6&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">60</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">10&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;78</td>
+ <td class="tdltop">15&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">70</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">19&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;93</td>
+ <td class="tdltop">23&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">86</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">33&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">100</td>
+ <td class="tdltop">46&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">94</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">67&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">100</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>J'ai fait plusieurs autres sries de mesures du mme genre, mais elle ne
+sont pas absolument en accord les unes avec les autres, bien que le
+caractre gnral des courbes obtenues reste le mme. Il est difficile
+d'obtenir des rsultats bien rguliers. On peut cependant remarquer que
+la reprise d'activit met plus d'un mois se produire, et que les
+rayons les plus pntrants sont ceux qui sont le plus profondment
+atteints par l'effet de la dissolution.</p>
+
+<p>L'intensit initiale du rayonnement qui peut traverser 3<sup>cm</sup> d'air et
+0<sup>mm</sup>,01 d'aluminium n'est que 1 pour 100 de l'intensit limite, alors
+que l'intensit initiale du rayonnement total est 21 pour 100 du
+rayonnement total limite.</p>
+
+<p>Un sel radifre, qui a t dissous et qui vient d'tre sch, possde le
+mme pouvoir pour provoquer l'activit induite (et, par consquent,
+laisse chapper au <span class="pagenum"><a name="Page_139" id="Page_139">139</a></span> dehors autant d'manation) qu'un chantillon du
+mme sel qui, aprs avoir t prpar l'tat solide est rest dans cet
+tat un temps suffisant pour atteindre la radioactivit limite.
+L'activit radiante de ces deux produits est pourtant extrmement
+diffrente; le premier est, par exemple, 5 fois moins actif que le
+second.</p>
+
+<p class="section"><a name="ch_4o" id="ch_4o"></a><i>Variations d'activit des sels de radium par la chauffe.</i>&mdash;Quand on
+chauffe un compos radifre, ce compos dgage de l'manation et perd de
+l'activit. La perte d'activit est d'autant plus grande que la chauffe
+est la fois plus intense et plus prolonge. C'est ainsi qu'en
+chauffant un sel radifre pendant 1 heure 130 on lui fait perdre 10
+pour 100 de son rayonnement total: au contraire, une chauffe de 10
+minutes 400 ne produit pas d'effet sensible. Une chauffe au rouge de
+quelques heures de dure dtruit 77 pour 100 du rayonnement total.</p>
+
+<p>La perte d'activit par la chauffe est plus importante pour les rayons
+pntrants que pour les rayons absorbables. C'est ainsi qu'une chauffe
+de quelques heures de dure dtruit environ 77 pour 100 du rayonnement
+total, mais la mme chauffe dtruit la presque totalit (99 pour 100) du
+rayonnement qui est capable de traverser 3<sup>cm</sup> d'air et 0<sup>mm</sup>,1
+d'aluminium. En maintenant le chlorure de baryum radifre en fusion
+pendant quelques heures (vers 800), on dtruit 98 pour 100 du
+rayonnement capable de traverser 0<sup>mm</sup>,3 d'aluminium. On peut dire que
+les rayons pntrants n'existent sensiblement pas aprs une chauffe
+forte et prolonge.</p>
+
+<p>Quand un sel radifre a perdu une partie de son activit par la chauffe,
+cette baisse d'activit ne persiste pas: l'activit du sel se rgnre
+spontanment la temprature ordinaire et tend vers une certaine valeur
+limite. J'ai observ le fait fort curieux que cette limite est plus <span class="pagenum"><a name="Page_140" id="Page_140">140</a></span>
+leve que l'activit limite du sel avant la chauffe, du moins en est-il
+ainsi pour le chlorure. En voici des exemples: un chantillon de
+chlorure de baryum radifre qui, aprs avoir t prpar l'tat
+solide, a atteint depuis longtemps son activit limite, possde un
+rayonnement total reprsent par le nombre 470, et un rayonnement
+capable de traverser 0<sup>mm</sup>,01 d'aluminium, reprsent par le nombre
+157. Cet chantillon est soumis une chauffe au rouge pendant quelques
+heures. Deux mois aprs la chauffe, il atteint une activit limite avec
+un rayonnement total gal 690, et un rayonnement travers 0<sup>mm</sup>,01
+d'aluminium gal 227. Le rayonnement total et le rayonnement qui
+traverse l'aluminium sont donc augments respectivement dans le rapport
+690/470 et 227/156. Ces deux rapports sont sensiblement gaux entre eux
+et gaux 1,45.</p>
+
+<div class="figcenter2" style="width: 388px;">
+ <p class="caption">Fig. 14.</p>
+ <img src="images/page-140.jpg" alt="" title="" width="388" height="294" />
+ <span class="link"><a href="images/x-page-140.jpg">
+ <img class="agrandissement" src="images/agrandissement.jpg" alt="" title="" width="18" height="14" /></a></span>
+</div>
+
+<p>Un chantillon de chlorure de baryum radifre qui, aprs avoir t
+prpar l'tat solide, a atteint une activit limite gale 62, est
+maintenu en fusion pendant quelques heures; puis le produit fondu est
+pulvris. Ce <span class="pagenum"><a name="Page_141" id="Page_141">141</a></span> produit reprend une nouvelle activit limite gale
+140, soit plus de 2 fois plus grande que celle qu'il pouvait atteindre,
+quand il avait t prpar l'tat solide sans avoir t notablement
+chauff pendant la dessiccation.</p>
+
+<p>J'ai tudi la loi de l'augmentation de l'activit des composs
+radifres aprs la chauffe. Voici, titre d'exemple, les rsultats de
+deux sries de mesures. Les nombres des Tableaux I et II indiquent
+l'intensit du rayonnement I en fonction du temps, l'intensit limite
+tant suppose gale 100, et le temps tant compt partir de la fin
+de la chauffe. Le Tableau I (<i>fig.</i> 14, courbe I) est relatif au
+rayonnement total d'un chantillon de chlorure de baryum radifre. Le
+Tableau II (<i>fig.</i> 3, courbe II) est relatif au rayonnement pntrant
+d'un chantillon de sulfate de baryum radifre, car on mesurait
+l'intensit du rayonnement qui traversait 3<sup>cm</sup> d'air et 0<sup>mm</sup>,01
+d'aluminium. Les deux produits ont subi une chauffe au rouge cerise
+pendant 7 heures.</p>
+
+<table summary="table_Page_141" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="4">
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdctop"><span class="smcap">Tableau I.</span></td>
+ <td colspan="2" class="tdctop"><span class="smcap">Tableau II.</span></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdctop">Temps.</td>
+ <td class="tdctop">I.</td>
+ <td class="tdctop">Temps.</td>
+ <td class="tdctop">I.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;0</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;16,2</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;0</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;0,8</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;0,6 jour</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;25,4</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;0,7 jour</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;13</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;1&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;27,4</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;1&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;18</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;2&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;38</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;1,9&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;26,4</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;3&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;46,3</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;6&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;46,2</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;4&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;54</td>
+ <td class="tdltop">10&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;55,5</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;6&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;67,5</td>
+ <td class="tdltop">14&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;64</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">10&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;84</td>
+ <td class="tdltop">18&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;71,8</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">24&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;95</td>
+ <td class="tdltop">27&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;81</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">57&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">100</td>
+ <td class="tdltop">36&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;91</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td rowspan="3">&nbsp;</td>
+ <td rowspan="3">&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">50&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;95,5</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">57&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;99</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">84&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">100</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>J'ai fait encore plusieurs autres sries de dterminations, mais, de
+mme que pour la reprise d'activit aprs <span class="pagenum"><a name="Page_142" id="Page_142">142</a></span> dissolution, les
+rsultats des diverses sries ne sont pas bien concordants.</p>
+
+<p>L'effet de la chauffe ne persiste pas quand on dissout la substance
+radifre chauffe. De deux chantillons d'une mme substance radifre
+d'activit 1800, l'un a t fortement chauff, et son activit a t
+rduite par la chauffe 670. Les deux chantillons ayant t ce
+moment dissous et laisss en dissolution pendant 20 heures, leurs
+activits initiales l'tat solide ont t 460 pour le produit non
+chauff et 420 pour celui chauff; il n'y avait donc pas de diffrence
+considrable entre l'activit de ces deux produits. Mais, si les deux
+produits ne restent pas en dissolution un temps suffisant, si, par
+exemple, on les sche immdiatement aprs les avoir dissous, le produit
+non chauff est beaucoup plus actif que le produit chauff; un certain
+temps est ncessaire pour que l'tat de dissolution fasse disparatre
+l'effet de la chauffe. Un produit d'activit 3200 a t chauff et
+n'avait plus aprs la chauffe qu'une activit de 1030. Ce produit a t
+dissous en mme temps qu'une portion du mme produit non chauffe, et
+les deux portions ont t sches immdiatement. L'activit initiale
+tait de 1450 pour le produit non chauff et de 760 pour celui chauff.</p>
+
+<p>Pour les sels radifres solides, le pouvoir de provoquer la
+radioactivit induite est fortement influenc par la chauffe. Pendant
+que l'on chauffe les composs radifres, ils dgagent plus d'manation
+qu' la temprature ordinaire; mais, quand ils sont ensuite ramens la
+temprature ordinaire, non seulement leur radioactivit est bien
+infrieure celle qu'ils avaient avant la chauffe, mais aussi leur
+pouvoir activant est considrablement diminu. Pendant le temps qui suit
+la chauffe, la radioactivit du produit va en augmentant et peut mme
+dpasser la valeur primitive. Le pouvoir activant se rtablit aussi
+partiellement; cependant, aprs une chauffe prolonge au rouge, <span class="pagenum"><a name="Page_143" id="Page_143">143</a></span> la
+presque totalit du pouvoir activant se trouve supprime, sans tre
+susceptible de reparatre spontanment avec le temps. On peut restituer
+au sel radifre son pouvoir activant primitif en le dissolvant dans
+l'eau et en le schant l'tuve une temprature de 120. Il semble
+donc que la calcination ait pour effet de mettre le sel dans un tat
+physique particulier, dans lequel l'manation se dgage bien plus
+difficilement que cela n'a lieu pour le mme produit solide qui n'a pas
+t chauff temprature leve, et il en rsulte tout naturellement
+que le sel atteint une radioactivit limite plus leve que celle qu'il
+avait avant la chauffe. Pour remettre le sel dans l'tat physique qu'il
+avait avant la chauffe, il suffit de le dissoudre et de le scher, sans
+le chauffer, au-dessus de 150.</p>
+
+<p>Voici quelques exemples numriques ce sujet:</p>
+
+<p>Je dsigne par <i>a</i> l'activit induite limite provoque en vase clos sur
+une lame de cuivre par un chantillon de carbonate de baryum radifre
+d'activit 1600.</p>
+
+<p>Posons pour le produit non chauff:</p>
+
+<p class="center"><i>a</i>&nbsp;=&nbsp;100.</p>
+
+<p>On trouve:</p>
+
+<table summary="table_Page_143" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="200" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;1 jour aprs la chauffe</td>
+ <td class="tdltop"><i>a</i> &#61; &nbsp;&nbsp;3,3</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;4&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop"><i>a</i> &#61; &nbsp;&nbsp;7,1</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">10&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop"><i>a</i> &#61; 15</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">20&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop"><i>a</i> &#61; 15</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">37&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop"><i>a</i> &#61; 15</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>La radioactivit du produit avait diminu de 90 pour 100 par la chauffe,
+mais, au bout d'un mois, elle avait dj repris la valeur primitive.</p>
+
+<p>Voici une exprience du mme genre faite avec un chlorure de baryum
+radifre d'activit 3000. Le pouvoir activant est dtermin de la mme
+faon que dans l'exprience prcdente.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a name="Page_144" id="Page_144">144</a></span></p>
+
+<p>Pouvoir activant du produit non chauff:</p>
+
+<p class="center"><i>a</i>&nbsp;=&nbsp;100.</p>
+
+<p>Pouvoir activant du produit aprs une chauffe au rouge de trois heures:</p>
+
+<table summary="table_Page_144" border="1" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="400" />
+ <col width="80" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;2 jours aprs chauffe</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;2,3</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;5&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;7,0</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">11&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;8,2</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">18&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;&nbsp;&nbsp;8,2</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pouvoir activant du produit non chauff qui a t dissous, puis sch 150</td>
+ <td class="tdltop">&nbsp;92</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop">Pouvoir activant du produit chauff qui a t dissous, puis sch 150 </td>
+ <td class="tdltop">105</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="section"><a name="ch_4p" id="ch_4p"></a><i>Interprtation thorique des causes des variations d'activit des sels
+radifres, aprs dissolution et aprs chauffe.</i>&mdash;Les faits qui viennent
+d'tre exposs peuvent tre, en partie, expliqus par la thorie d'aprs
+laquelle le radium produit l'nergie sous forme d'manation, cette
+dernire se transformant ensuite en nergie de rayonnement. Quand on
+dissout un sel de radium, l'manation qu'il produit se rpand au dehors
+de la solution et provoque la radioactivit en dehors de la source dont
+elle provient; lorsqu'on vapore la dissolution, le sel solide obtenu
+est peu actif, car il ne contient que peu d'manation. Peu peu
+l'manation s'accumule dans le sel, dont l'activit augmente jusqu' une
+valeur limite, qui est obtenue quand la production d'manation par le
+radium compense la perte qui se fait par dbit extrieur et par
+transformation sur place en rayons de Becquerel.</p>
+
+<p>Lorsqu'on chauffe un sel de radium, le dbit d'manation en dehors du
+sel est fortement augment, et les phnomnes de radioactivit induite
+sont plus intenses que quand le sel est la temprature ordinaire. Mais
+quand le sel revient la temprature ordinaire, il est puis, comme
+dans le cas o on l'avait dissous, il ne contient que peu <span class="pagenum"><a name="Page_145" id="Page_145">145</a></span>
+d'manation, l'activit est devenue trs faible. Peu peu l'manation
+s'accumule de nouveau dans le sel solide et le rayonnement va en
+augmentant.</p>
+
+<p>On peut admettre que le radium donne lieu un dbit constant
+d'manation, dont une partie s'chappe l'extrieur, tandis que la
+partie restante est transforme, dans le radium lui-mme, en rayons de
+Becquerel. Lorsque le radium a t chauff au rouge, il perd la plus
+grande partie de son pouvoir d'activation; autrement dit, le dbit
+d'manation l'extrieur est diminu. Par suite, la proportion
+d'manation utilise dans le radium lui-mme doit tre plus forte, et le
+produit atteint une radioactivit limite plus leve.</p>
+
+<p>On peut se proposer d'tablir thoriquement la loi de l'augmentation de
+l'activit d'un sel radifre solide qui a t dissous ou qui a t
+chauff. Nous admettrons que l'intensit du rayonnement du radium est,
+chaque instant, proportionnelle la quantit d'manation <i>q</i> prsente
+dans le radium. Nous savons que l'manation se dtruit spontanment
+suivant une loi telle que l'on ait, chaque instant,</p>
+
+<p class="center">(1)&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<img src="images/math-page-145a.jpg" width="88" height="33" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="noindent"><i>q</i><sub>0</sub> tant la quantit d'manation l'origine du temps, et &#952;
+la constante de temps gale 4,97 10<sup>5</sup> sec.</p>
+
+<p>Soit, d'autre part, &#916; le dbit d'manation fourni par le
+radium, quantit que je supposerai constante. Voyons ce qui se
+passerait, s'il ne s'chappait pas d'manation dans l'espace ambiant.
+L'manation produite serait alors entirement utilise dans le radium
+pour y produire le rayonnement. On a d'ailleurs, d'aprs la formule (1),</p>
+
+<p class="center"><img src="images/math-page-145b.jpg" width="186" height="39" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="noindent">et, par suite, l'tat d'quilibre, le radium contiendrait <span class="pagenum"><a name="Page_146" id="Page_146">146</a></span> une
+certaine quantit d'manation Q telle que l'on ait</p>
+
+<p class="center">(2)&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<img src="images/math-page-146a.jpg" width="58" height="35" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="noindent">et le rayonnement du radium serait alors proportionnel Q.</p>
+
+<p>Supposons qu'on mette le radium dans des conditions o il perd de
+l'manation au dehors; c'est ce que l'on peut obtenir en dissolvant le
+compos radifre ou en le chauffant. L'quilibre sera troubl et
+l'activit du radium diminuera. Mais aussitt que la cause de la perte
+d'manation a t supprime (le corps est revenu l'tat solide, ou
+bien on a cess de chauffer), l'manation s'accumule nouveau dans le
+radium, et nous avons une priode, pendant laquelle le dbit &#916;
+l'emporte sur la vitesse de destruction <i>q</i>/&#952;. On a alors</p>
+
+<p class="center"><img src="images/math-page-146b.jpg" width="175" height="35" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="noindent">d'o</p>
+
+<p class="center"><img src="images/math-page-146c.jpg" width="184" height="34" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="center">(3)&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<img src="images/math-page-146d.jpg" width="176" height="32" alt="" title="" /></p>
+
+<p class="noindent"><i>q</i><sub>0</sub> tant la quantit d'manation prsente dans le radium au temps <i>t</i> &#61; 0.</p>
+
+<p>D'aprs la formule (3) l'excs de la quantit d'manation Q que le
+radium contient l'tat d'quilibre sur la quantit <i>q</i> qu'il contient
+ un moment donn, dcrot en fonction du temps suivant une loi
+exponentielle qui est la loi mme de la disparition spontane de
+l'manation. Le rayonnement du radium tant d'ailleurs proportionnel
+la quantit d'manation, l'excs de l'intensit du rayonnement limite
+sur l'intensit actuelle doit dcrotre en <span class="pagenum"><a name="Page_147" id="Page_147">147</a></span> fonction du temps
+suivant cette mme loi; cet excs doit donc diminuer de moiti en 4
+jours environ.</p>
+
+<p>La thorie qui prcde est incomplte, puisqu'on a nglig la perte
+d'manation par dbit l'extrieur. Il est, d'ailleurs, difficile de
+savoir comment celle-ci intervient en fonction du temps. En comparant
+les rsultats de l'exprience ceux de cette thorie incomplte, on ne
+trouve pas un accord satisfaisant; on retire cependant la conviction que
+la thorie en question contient une part de vrit. La loi d'aprs
+laquelle l'excs de l'activit limite sur l'activit actuelle diminue de
+moiti en 4 jours reprsente, avec une certaine approximation, la marche
+de la reprise d'activit aprs chauffe pendant une dizaine de jours.
+Dans le cas de la reprise d'activit aprs dissolution cette mme loi
+semble convenir peu prs pendant une certaine priode de temps, qui
+commence deux ou trois jours aprs la dessiccation du produit et se
+poursuit pendant 10 15 jours. Les phnomnes sont d'ailleurs
+complexes; la thorie indique n'explique pas pourquoi les rayons
+pntrants sont supprims en plus forte proportion que les rayons
+absorbables.</p>
+
+<h3><a name="ch_4q" id="ch_4q"></a>NATURE ET CAUSE DES PHNOMNES DE RADIOACTIVIT.</h3>
+
+<p>Ds le dbut des recherches sur les corps radioactifs, et alors que les
+proprits de ces corps taient encore peine connues, la spontanit
+de leur rayonnement s'est pose comme un problme, ayant pour les
+physiciens le plus grand intrt. Aujourd'hui, nous sommes plus avancs
+au point de vue de la connaissance des corps radioactifs, et nous savons
+isoler un corps radioactif d'une trs grande puissance, le radium.
+L'utilisation des proprits remarquables du radium a permis de faire
+une tude approfondie des rayons mis par les corps radioactifs; <span class="pagenum"><a name="Page_148" id="Page_148">148</a></span>
+les divers groupes de rayons qui ont t tudis jusqu'ici prsentent
+des analogies avec les groupes de rayons qui existent dans les tubes de
+Crookes: rayons cathodiques, rayons Rntgen, rayons canaux. Ce sont
+encore les mmes groupes de rayons que l'on retrouve dans le rayonnement
+secondaire produit par les rayons Rntgen<a name="FNanchor_118" id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor">[118]</a>, et dans le rayonnement
+des corps qui ont acquis la radioactivit induite.</p>
+
+<p>Mais si la nature du rayonnement est actuellement mieux connue, la cause
+de la radioactivit spontane reste mystrieuse et ce phnomne est
+toujours pour nous une nigme et un sujet d'tonnement profond.</p>
+
+<p>Les corps spontanment radioactifs, en premier lieu le radium,
+constituent des sources d'nergie. Le dbit d'nergie auquel ils donnent
+lieu nous est rvl par le rayonnement de Becquerel, par les effets
+chimiques et lumineux et par le dgagement continu de chaleur.</p>
+
+<p>On s'est souvent demand si l'nergie est cre dans les corps
+radioactifs eux-mmes ou bien si elle est emprunte par ces corps des
+sources extrieures. Aucune des nombreuses hypothses, qui rsultent de
+ces deux manires de voir, n'a encore reu de confirmation
+exprimentale.</p>
+
+<p>On peut supposer que l'nergie radioactive a t emmagasine
+antrieurement et qu'elle s'puise peu peu comme cela arrive pour une
+phosphorescence de trs longue dure. On peut imaginer que le dgagement
+d'nergie radioactive correspond une transformation de la nature mme
+de l'atome du corps radiant qui serait en voie d'volution; le fait que
+le radium dgage de la chaleur d'une manire continue plaide en faveur
+de cette hypothse. On peut supposer que la transformation est <span class="pagenum"><a name="Page_149" id="Page_149">149</a></span>
+accompagne d'une perte de poids et d'une mission de particules
+matrielles qui constitue le rayonnement. La source d'nergie peut
+encore tre cherche dans l'nergie de gravitation. Enfin, on peut
+imaginer que l'espace est constamment travers par des rayonnements
+encore inconnus qui sont arrts leur passage au travers des corps
+radioactifs et transforms en nergie radioactive.</p>
+
+<p>Bien des raisons sont invoquer pour et contre ces diverses manires de
+voir, et le plus souvent les essais de vrification exprimentale des
+consquences de ces hypothses ont donn des rsultats ngatifs.
+L'nergie radioactive de l'uranium et du radium ne semble pas jusqu'ici
+s'puiser ni mme prouver une variation apprciable avec le temps.
+Demaray a examin au spectroscope un chantillon de chlorure de radium
+pur 5 mois d'intervalle; il n'a observ aucun changement dans le
+spectre au bout de ces 5 mois. La raie principale du baryum qui se
+voyait dans le spectre et indiquait la prsence du baryum l'tat de
+trace, ne s'tait pas renforce pendant l'intervalle de temps considr;
+le radium ne s'tait donc pas transform en baryum d'une manire
+sensible.</p>
+
+<p>Les variations de poids signales par M. Heydweiller pour les composs
+du radium<a name="FNanchor_119" id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor">[119]</a> ne peuvent pas encore tre considres comme un fait
+tabli.</p>
+
+<p>MM. Elster et Geitel ont trouv que la radioactivit de l'uranium n'est
+pas change au fond d'un puits de mine de 850<sup>m</sup> de profondeur; une
+couche de terre de cette paisseur ne modifierait donc pas le
+rayonnement primaire hypothtique qui provoquerait la radioactivit de
+l'uranium.</p>
+
+<p>Nous avons mesur la radioactivit de l'uranium midi et minuit,
+pensant que si le rayonnement primaire hypothtique <span class="pagenum"><a name="Page_150" id="Page_150">150</a></span> avait sa source
+dans le soleil, il pourrait tre en partie absorb en traversant la
+terre. L'exprience n'a donn aucune diffrence pour les deux mesures.</p>
+
+<p>Les recherches les plus rcentes sont favorables l'hypothse d'une
+transformation atomique du radium. Cette hypothse a t mise ds le
+dbut des recherches sur la radioactivit<a name="FNanchor_120" id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor">[120]</a>; elle a t franchement
+adopte par M. Rutherford qui a admis que l'manation du radium est un
+gaz matriel qui est un des produits de la dsagrgation de l'atome du
+radium<a name="FNanchor_121" id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor">[121]</a>. Les expriences rcentes de MM. Ramsay et Soddy tendent
+prouver que l'manation est un gaz instable qui se dtruit en donnant
+lieu une production d'hlium. D'autre part, le dbit continu de
+chaleur fourni par le radium ne saurait s'expliquer par une raction
+chimique ordinaire, mais pourrait peut-tre avoir son origine dans une
+transformation de l'atome.</p>
+
+<p>Rappelons enfin que les substances radioactives nouvelles se trouvent
+toujours dans les minerais d'urane; nous avons vainement cherch du
+radium dans le baryum du commerce (<i>voir</i> <a href="#Page_46">page 46</a>). La prsence du
+radium semble donc lie celle de l'uranium. Les minerais d'urane
+contiennent d'ailleurs de l'argon et de l'hlium, et cette concidence
+n'est probablement pas non plus due au hasard. La prsence simultane de
+ces divers corps dans les mmes minerais fait songer que la prsence des
+uns est peut-tre ncessaire pour la formation des autres.</p>
+
+<p>Il est toutefois ncessaire de remarquer que les faits qui viennent
+l'appui de l'ide d'une transformation atomique du radium peuvent aussi
+recevoir une interprtation diffrente. Au lieu d'admettre que l'atome
+de radium se transforme, on pourrait admettre que cet atome est lui-mme
+stable, mais qu'il agit sur le milieu qui l'entoure <span class="pagenum"><a name="Page_151" id="Page_151">151</a></span> (atomes
+matriels voisins ou ther du vide) de manire donner lieu des
+transformations atomiques. Cette hypothse conduit tout aussi bien
+admettre la possibilit de la transformation des lments, mais le
+radium lui-mme ne serait plus alors un lment en voie de destruction.</p>
+
+<p class="center">FIN.</p>
+
+<hr class="small" />
+
+<h2>TABLE DES MATIRES</h2>
+
+<div class="figcenter3" style="width:100px;">
+ <img src="images/decorative.jpg" alt="" title="" width="100" height="12" />
+</div>
+
+<table summary="table_des_chapitres" border="0" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="580" />
+ <col width="20" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdrtop">Pages</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0"><span class="smcap">Introduction</span></p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_a">1</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Historique</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_b">3</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdctop2">I.&mdash;<i>Radioactivit de l'uranium et du thorium.<br />Minraux radioactifs.</i></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Rayons de Becquerel</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_1a">6</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Mesure de l'intensit du rayonnement</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_1b">8</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Radioactivit des composs d'uranium et de thorium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_1c">14</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">La radioactivit atomique est-elle un phnomne gnral?</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_1d">17</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Minraux radioactifs</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_1e">19</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdctop2">II.&mdash;<i>Les nouvelles substances radioactives.</i></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Mthode de recherches</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2a">22</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Polonium, radium, actinium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2b">22</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Spectre du radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2c">25</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Extraction des substances radioactives nouvelles</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2d">27</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Polonium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2e">31</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Prparation du chlorure de radium pur</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2f">34</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Dtermination du poids atomique du radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2g">40</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Caractres des sels de radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2h">45</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Fractionnement du chlorure de baryum ordinaire</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_2i">46</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdctop2">III.&mdash;<i>Rayonnement des nouvelles substances radioactives.</i></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Procds d'tude du rayonnement</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3a">47</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Energie du rayonnement</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3b">48</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Nature complexe du rayonnement</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3c">49</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Action du champ magntique</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3d">51</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Rayons dviables &#946;</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3e">56</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Charge des rayons dviables &#946;</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3f">57</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Action du champ lectrique sur les rayons &#946; du radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3g">62</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Rapport de la charge la masse pour une particule charge ngativement,
+ mise par le radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3h">63</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Action du champ magntique sur les rayons &#945;</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3i">66</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Action du champ magntique sur les rayons des autres substances
+ radioactives</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3j">68</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Proportion des rayons dviables &#946; dans le rayonnement du radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3k">68</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Pouvoir pntrant du rayonnement des corps radioactifs</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3l">73</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Action ionisante des rayons du radium sur les liquides isolants</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3m">90</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Divers effets et applications de l'action ionisante des rayons mis
+ par les substances radioactives</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3n">93</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Effets de fluorescence, effets lumineux</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3o">95</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Dgagement de chaleur par les sels de radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3p">98</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Effets chimiques produits par les nouvelles substances radioactives.
+ Colorations</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3q">102</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Dgagement de gaz en prsence des sels de radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3r">104</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Production de thermoluminescence</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3s">105</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Radiographies</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3t">106</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Effets physiologiques</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3u">107</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Action de la temprature sur le rayonnement</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_3v">109</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdctop2">IV.&mdash;<i>La radioactivit induite.</i></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Communication de la radioactivit des substances primitivement inactives</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4a">111</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Activation en enceinte ferme</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4b">113</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Rle des gaz dans les phnomnes de radioactivit induite. Emanation</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4c">115</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Dsactivation l'air libre des corps solides activs</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4d">116</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Dsactivation en enceinte close. Vitesse de destruction de l'manation</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4e">117</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Nature des manations</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4f">119</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Variations d'activit des liquides activs et des solutions radifres</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4g">122</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Thorie de la radioactivit</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4h">123</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Autre forme de la radioactivit induite</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4i">126</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Radioactivit induite volution lente</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4j">126</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Radioactivit induite sur des substances qui sjournent en dissolution avec le radium</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4k">127</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Dissmination des poussires radioactives et radioactivit induite du laboratoire</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4l">130</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Activation en dehors de l'action des substances radioactives</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4m">131</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Variations d'activit des corps radioactifs. Effets de dissolution</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4n">155</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Variations d'activit des sels de radium par la chauffe</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4o">139</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0">Interprtation thorique des causes de variation d'activit des sels radifres aprs dissolution et aprs chauffe</p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4p">144</a></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0"><i>Nature et cause des phnomnes de radioactivit</i></p></td>
+ <td class="tdrtop"><a href="#ch_4q">147</a></td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="center">FIN DE LA TABLE DES MATIRES.</p>
+
+<hr class="small2" />
+
+<p class="center">PARIS.&mdash;IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,<br />
+35119&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Quai des Grands-Augustins, 55.</p>
+
+<hr class="small2" />
+
+<table class="table2" summary="liste_livres" border="0" cellspacing="0">
+ <colgroup span="2">
+ <col width="500" />
+ <col width="100" />
+ </colgroup>
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdctop">LIBRAIRIE GAUTHIER-VILLARS<br /><br />
+ QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 55, A PARIS (6<sup>e</sup>).<br />
+ &mdash;&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;<br /><br /><br /></td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0"><b>BLONDLOT</b> (<b>R.</b>), Correspondant de l'Institut, Professeur l'Universit
+ de Nancy.&mdash;<b>Rayons N.</b> <i>Recueil des Communications faites l'Acadmie
+ des Sciences</i>, avec des <span class="smcap">Notes complmentaires</span> et une <span class="smcap">Instruction pour
+ la construction des crans phosphorescents</span>. In-16 (19 12) de <span class="smcap">VI</span>-75
+ pages, avec 3 figures, 2 planches et un cran phosphorescent; 1904</p></td>
+ <td class="tdrtop">2 fr.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0"><b>BERTHELOT</b> (<b>M.</b>), Snateur, Secrtaire perptuel de l'Acadmie des
+ Sciences, Professeur au Collge de France.&mdash;<b>Les carbures d'hydrogne</b>
+ (<b>1851-1901</b>). <i>Recherches exprimentales.</i> Trois volumes grand in-8;
+ 1901, se vendant ensemble</p></td>
+ <td class="tdrtop">45 fr.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop3"><p class="hang"><span class="smcap">Tome I</span>: <i>L'Actylne: synthse
+ totale des carbures d'hydrogne.</i> Volume de <span class="smcap">X</span>-414 pages.</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop3"><p class="hang"><span class="smcap">Tome II</span>: <i>Les Carbures pyrogns.&mdash;Sries diverses.</i> Volume de <span class="smcap">IV</span>-558
+ pages.</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop3"><p class="hang"><span class="smcap">Tome III</span>: <i>Combinaison des carbures d'hydrogne avec l'hydrogne,
+ l'oxygne, les lments de l'eau.</i> Volume de <span class="smcap">IV</span>-459 pages.</p></td>
+ <td>&nbsp;</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0"><b>GUILLAUME</b> (<b>Ch.-Ed.</b>), Docteur s Sciences, Adjoint au Bureau
+ international des Poids et Mesures.&mdash;<b>Les Radiations nouvelles.</b>&mdash;<b>Les
+ Rayons X et la Photographie travers les corps opaques.</b> 2<sup>e</sup> dition.
+ In-8, avec 22 figures et 8 planches; 1897</p></td>
+ <td class="tdrtop">3 fr.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0"><b>HALLER</b> (<b>Albin</b>), Membre de l'Institut, Professeur la Facult des
+ Sciences de Paris, Rapporteur du Jury de la Classe 87 l'Exposition
+ universelle de 1900.&mdash;<b>Les industries chimiques et pharmaceutiques.</b>
+ Deux vol. gr. in-8 de <span class="smcap">XC</span>-405 et 445 pages avec 108 fig; 1903</p></td>
+ <td class="tdrtop">20 fr.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0"><b>LONDE</b> (<b>A.</b>), Directeur du Service photographique et radiographique la
+ Salptrire (Clinique des maladies du systme nerveux), Laurat de
+ l'Acadmie de Mdecine, de la Facult de Mdecine de Paris.&mdash;<b>Trait
+ pratique de Radiographie et de Radioscopie.</b> <i>Technique et applications
+ mdicales.</i> Grand in-8, avec 113 fig; 1898</p></td>
+ <td class="tdrtop">7 fr.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td class="tdltop2"><p class="hang" style="margin-top: 0"><b>MOISSONNIER</b> (<b>P.</b>), Pharmacien principal de l'Arme, Chef des
+ laboratoires des usines de Billancourt et du Service de l'Intendance
+ du Gouvernement militaire de Paris, ex-Secrtaire de la Commission de
+ l'aluminium au Ministre de la Guerre.&mdash;<b>L'aluminium. Ses proprits.
+ Ses applications.</b> <i>Historique. Minerais. Fabrication. Proprits.
+ Applications gnrales.</i> Grand in-8, avec 2 figures et un titre tir
+ sur aluminium; 1903</p></td>
+ <td class="tdrtop">7 fr. 50 c.</td>
+ </tr>
+ <tr>
+ <td colspan="2" class="tdctop" style="margin-top: 20px">35119 Paris.&mdash;Imprimerie <span class="smcap">GAUTHIER-VILLARS</span>, quai des Grands-Augustins,
+ 55.</td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<hr class="small" />
+
+<h2>NOTES</h2>
+
+<div class="footnotes">
+ <div class="footnote">
+ <p><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> <i>Revue gnrale des Sciences</i>, 30 janvier 1896.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> <i>Comptes rendus</i>, t. CXXII, p. 312.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> <i>Comptes rendus</i>, t. CXXII, p. 386.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_4" id="Footnote_4" href="#FNanchor_4"><span class="label">[4]</span></a> <i>Comptes rendus</i>, t. CXXII, p. 564.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_5" id="Footnote_5" href="#FNanchor_5"><span class="label">[5]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i>, 1896 (plusieurs Notes).</p>
+
+ <p><a name="Footnote_6" id="Footnote_6" href="#FNanchor_6"><span class="label">[6]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i>, 1896 (plusieurs Notes).</p>
+
+ <p><a name="Footnote_7" id="Footnote_7" href="#FNanchor_7"><span class="label">[7]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXVIII, p. 771.&mdash;<span class="smcap">Elster</span> et
+ <span class="smcap">Geitel</span>, <i>Beibl.</i>, t. XXI, p. 455.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_8" id="Footnote_8" href="#FNanchor_8"><span class="label">[8]</span></a> M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Revue gnrale des Sciences</i>, janvier 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_9" id="Footnote_9" href="#FNanchor_9"><span class="label">[9]</span></a> <span class="smcap">Schmidt</span>, <i>Wied. Ann.</i>, t. LXV, p. 141.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_10" id="Footnote_10" href="#FNanchor_10"><span class="label">[10]</span></a> M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, avril 1898.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_11" id="Footnote_11" href="#FNanchor_11"><span class="label">[11]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span> et M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 18 juillet
+ 1898.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_12" id="Footnote_12" href="#FNanchor_12"><span class="label">[12]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span>, <i>Phil. Mag.</i>, janvier 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_13" id="Footnote_13" href="#FNanchor_13"><span class="label">[13]</span></a> <span class="smcap">Sagnac</span>, <i>Comptes rendus</i>, 1897, 1898, 1899 (plusieurs
+ Notes).</p>
+
+ <p><a name="Footnote_14" id="Footnote_14" href="#FNanchor_14"><span class="label">[14]</span></a> On arrive trs facilement ce rsultat en soutenant le
+ poids la main et en ne le laissant peser que progressivement sur le
+ plateau &#960;, et cela de manire maintenir l'image de
+ l'lectromtre au zro. Avec un peu d'habitude on prend trs exactement
+ le tour de main ncessaire pour russir cette opration. Cette mthode
+ de mesure des faibles courants a t dcrite par M. J. Curie dans sa
+ thse.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_15" id="Footnote_15" href="#FNanchor_15"><span class="label">[15]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXIV, p. 800,
+ 1897.&mdash;<span class="smcap">Kelwin</span>, <span class="smcap">Beattie</span> et <span class="smcap">Smolan</span>, <i>Nature</i>, t. LVI, 1897.&mdash;<span class="smcap">Beattie</span> et
+ <span class="smcap">Smoluchowski</span>, <i>Phil. Mag.</i>, t. XLIII, p. 418.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_16" id="Footnote_16" href="#FNanchor_16"><span class="label">[16]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span>, <i>Phil. Mag.</i>, janvier, 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_17" id="Footnote_17" href="#FNanchor_17"><span class="label">[17]</span></a> <span class="smcap">Townsend</span>, <i>Phil. Mag.</i>, 1901, 6<sup>e</sup> srie, t. I, p. 198.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_18" id="Footnote_18" href="#FNanchor_18"><span class="label">[18]</span></a> M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, avril 1898.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_19" id="Footnote_19" href="#FNanchor_19"><span class="label">[19]</span></a> <span class="smcap">Owens</span>, <i>Phil. Mag.</i>, octobre 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_20" id="Footnote_20" href="#FNanchor_20"><span class="label">[20]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span>, <i>Phil. Mag.</i>, janvier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_21" id="Footnote_21" href="#FNanchor_21"><span class="label">[21]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXII, p. 1086.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_22" id="Footnote_22" href="#FNanchor_22"><span class="label">[22]</span></a> Je suis trs reconnaissante aux savants cits plus haut,
+ auxquels je dois des chantillons qui ont servi pour mon tude. Je
+ remercie galement M. Moissan qui a bien voulu donner pour cette tude
+ de l'uranium mtallique.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_23" id="Footnote_23" href="#FNanchor_23"><span class="label">[23]</span></a> <span class="smcap">Elster</span> et <span class="smcap">Geitel</span>, <i>Wied. Ann.</i>, 1890.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_24" id="Footnote_24" href="#FNanchor_24"><span class="label">[24]</span></a> <span class="smcap">Bloch</span>, <i>Socit de Physique</i>, 6 fvrier 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_25" id="Footnote_25" href="#FNanchor_25"><span class="label">[25]</span></a> <span class="smcap">Mac Lennan</span> et <span class="smcap">Burton</span>, <i>Phil. Mag.</i>, juin 1903.&mdash;<span class="smcap">Strutt</span>,
+ <i>Phil. Mag.</i>, juin 1903.&mdash;<span class="smcap">Lester Cooke</span>, <i>Phil. Mag.</i>, octobre 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_26" id="Footnote_26" href="#FNanchor_26"><span class="label">[26]</span></a> Plusieurs chantillons de minraux de la collection du
+ Musum ont t obligeamment mis ma disposition par M. Lacroix.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_27" id="Footnote_27" href="#FNanchor_27"><span class="label">[27]</span></a> La carnotite est un minerai de vanadate d'urane rcemment
+ dcouvert par Friedel et Cumenge.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_28" id="Footnote_28" href="#FNanchor_28"><span class="label">[28]</span></a> <span class="smcap">Debray</span>, <i>Ann. de Chim. et de Phys.</i>, 3<sup>e</sup> srie, t. LXI, p.
+ 445</p>
+
+ <p><a name="Footnote_29" id="Footnote_29" href="#FNanchor_29"><span class="label">[29]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span> et M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, juillet
+ 1898.&mdash;<span class="smcap">P. Curie</span>, M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span> et <span class="smcap">G. Bmont</span>, <i>Comptes rendus</i>, dcembre
+ 1898.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_30" id="Footnote_30" href="#FNanchor_30"><span class="label">[30]</span></a> <span class="smcap">Debierne</span>, <i>Comptes rendus</i>, octobre 1899 et avril 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_31" id="Footnote_31" href="#FNanchor_31"><span class="label">[31]</span></a> Nous avons de nombreuses obligations envers tous ceux qui
+ nous sont venus en aide dans ce travail. Nous remercions bien
+ sincrement MM. Mascart et Michel Lvy pour leur appui bienveillant.
+ Grce l'intervention bienveillante de M. le professeur Suess, le
+ gouvernement autrichien a mis gracieusement notre disposition la
+ premire tonne de rsidu traite (provenant de l'usine de l'tat,
+ Joachimsthal, en Bohme). L'Acadmie des Sciences de Paris, la Socit
+ d'Encouragement pour l'Industrie nationale, un donateur anonyme, nous
+ ont fourni le moyen de traiter une certaine quantit de produit. Notre
+ ami, M. Debierne, a organis le traitement du minerai, qui a t
+ effectu dans l'usine de la Socit centrale de Produits chimiques.
+ Cette Socit a consenti effectuer le traitement sans y chercher de
+ bnfice. A tous nous adressons nos remerciments bien sincres.
+
+ Plus rcemment, l'Institut de France a mis notre disposition une somme
+ de 20000<sup>fr</sup> pour l'extraction des matires radioactives. Grce cette
+ somme, nous avons pu mettre en train le traitement de 5<sup>t</sup> de minerai.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_32" id="Footnote_32" href="#FNanchor_32"><span class="label">[32]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Ber. deutsch. chem. Gesell.</i>, t. XXXIV, 1901, p.
+ 3775.&mdash;<span class="smcap">Hoffmann</span> et <span class="smcap">Strauss</span>, <i>Ber. deutsch. chem. Gesell.</i>, t. XXXIII,
+ 1900, p. 3126.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_33" id="Footnote_33" href="#FNanchor_33"><span class="label">[33]</span></a> Tout rcemment, nous avons eu la douleur de voir mourir ce
+ savant si distingu, alors qu'il poursuivait ses belles recherches sur
+ les terres rares et sur la spectroscopie, par des mthodes dont on ne
+ saurait trop admirer la perfection et la prcision. Nous conservons un
+ souvenir mu de la parfaite obligeance avec laquelle il avait consenti
+ prendre part notre travail.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_34" id="Footnote_34" href="#FNanchor_34"><span class="label">[34]</span></a> <span class="smcap">Demaray</span>, <i>Comptes rendus</i>, dcembre 1898, novembre 1899
+ et juillet 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_35" id="Footnote_35" href="#FNanchor_35"><span class="label">[35]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Phys. Zeitschrift</i>, 15 septembre 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_36" id="Footnote_36" href="#FNanchor_36"><span class="label">[36]</span></a> <i>Berichte d. deutsch. chem. Gesell.</i>, juin 1902 et
+ dcembre 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_37" id="Footnote_37" href="#FNanchor_37"><span class="label">[37]</span></a> M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 13 novembre 1899, aot
+ 1900 et 21 juillet 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_38" id="Footnote_38" href="#FNanchor_38"><span class="label">[38]</span></a> <i>Socit de Physique</i>, 3 avril 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_39" id="Footnote_39" href="#FNanchor_39"><span class="label">[39]</span></a> En 1899, M. St. Meyer a annonc que le carbonate de baryum
+ radifre tait paramagntique (<i>Wied. Ann.</i>, t. LXVIII). Cependant M.
+ Meyer avait opr avec un produit trs peu riche en radium, et ne
+ contenant probablement que 1/1000 de sel de radium. Ce produit aurait d
+ se montrer diamagntique. Il est probable que ce corps contenait une
+ petite impuret ferrifre.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_40" id="Footnote_40" href="#FNanchor_40"><span class="label">[40]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Wied. Ann.</i>, 2 novembre 1899.&mdash;<span class="smcap">Meyer</span> et <span class="smcap">von
+ Schweidler</span>, <i>Acad. Anzeiger Wien</i>, 3 et 9 novembre 1899.&mdash;<span class="smcap">Becquerel</span>,
+ <i>Comptes rendus</i>, 11 dcembre 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_41" id="Footnote_41" href="#FNanchor_41"><span class="label">[41]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 8 janvier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_42" id="Footnote_42" href="#FNanchor_42"><span class="label">[42]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 8 janvier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_43" id="Footnote_43" href="#FNanchor_43"><span class="label">[43]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXX, p. 206, 372, 810.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_44" id="Footnote_44" href="#FNanchor_44"><span class="label">[44]</span></a> <i>Comptes rendus</i>, t. CXXI, p. 1130. <i>Annales de Chimie et
+ de Physique</i>, t. II, 1897.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_45" id="Footnote_45" href="#FNanchor_45"><span class="label">[45]</span></a> <span class="smcap">Lenard</span>, <i>Wied. Ann.</i>, t. LXIV, p. 279.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_46" id="Footnote_46" href="#FNanchor_46"><span class="label">[46]</span></a> M. et M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 5 mars 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_47" id="Footnote_47" href="#FNanchor_47"><span class="label">[47]</span></a> A vrai dire, dans ces expriences, on observe toujours une
+ dviation l'lectromtre, mais il est facile de se rendre compte que
+ ce dplacement est un effet de la force lectromotrice de contact qui
+ existe entre le plateau reli l'lectromtre et les conducteurs
+ voisins; cette force lectromotrice fait dvier l'lectromtre, grce
+ la conductibilit de l'air soumis au rayonnement du radium.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_48" id="Footnote_48" href="#FNanchor_48"><span class="label">[48]</span></a> Le dispositif du cylindre de Faraday n'est pas ncessaire,
+ mais il pourrait prsenter quelques avantages dans le cas o il se
+ produirait une forte diffusion des rayons par les parois frappes. On
+ pourrait esprer ainsi recueillir et utiliser ces rayons diffuss, s'il
+ y en a.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_49" id="Footnote_49" href="#FNanchor_49"><span class="label">[49]</span></a> L'enveloppe isolante doit tre parfaitement continue.
+ Toute fissure remplie d'air allant du conducteur intrieur jusqu'
+ l'enveloppe mtallique est une cause de courant d aux forces
+ lectromotrices de contact utilisant la conductibilit de l'air sous
+ l'action du radium.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_50" id="Footnote_50" href="#FNanchor_50"><span class="label">[50]</span></a> <span class="smcap">Dorn</span>, <i>Abh. Halle</i>, mars 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_51" id="Footnote_51" href="#FNanchor_51"><span class="label">[51]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXX, p. 819.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_52" id="Footnote_52" href="#FNanchor_52"><span class="label">[52]</span></a> <span class="smcap">Kaufmann</span>, <i>Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu
+ G&oelig;ttingen</i>, 1901, Heft 2.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_53" id="Footnote_53" href="#FNanchor_53"><span class="label">[53]</span></a> <span class="smcap">Thomson</span>, <i>Phil. Mag.</i>, t. XLVI, 1898.&mdash;<span class="smcap">Townsend</span>, <i>Phil.
+ Trans.</i>, t. CXCV, 1901.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_54" id="Footnote_54" href="#FNanchor_54"><span class="label">[54]</span></a> <span class="smcap">Abraham</span>, <i>Nachrichten d. k. Gesell. d. Wiss. zu
+ G&oelig;ttingen</i>, 1902, Heft 1.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_55" id="Footnote_55" href="#FNanchor_55"><span class="label">[55]</span></a> Quelques dveloppements sur cette question ainsi qu'une
+ tude trs complte des centres matriels chargs (lectrons ou
+ corpuscules) et les rfrences des travaux relatifs se trouvent dans la
+ Thse de M. Langevin.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_56" id="Footnote_56" href="#FNanchor_56"><span class="label">[56]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span>, <i>Physik. Zeitschrift</i>, 15 janvier 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_57" id="Footnote_57" href="#FNanchor_57"><span class="label">[57]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i> des 26 janvier et 16 fvrier
+ 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_58" id="Footnote_58" href="#FNanchor_58"><span class="label">[58]</span></a> <span class="smcap">Des Coudres</span>, <i>Physik. Zeitschrift.</i>, 1<sup>er</sup> juin 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_59" id="Footnote_59" href="#FNanchor_59"><span class="label">[59]</span></a> <span class="smcap">Villard</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXX, p. 1010.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_60" id="Footnote_60" href="#FNanchor_60"><span class="label">[60]</span></a> <span class="smcap">Des Coudres</span>, <i>Physik. Zeitschrift</i>, novembre 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_61" id="Footnote_61" href="#FNanchor_61"><span class="label">[61]</span></a> M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, avril 1898.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_62" id="Footnote_62" href="#FNanchor_62"><span class="label">[62]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span>, <i>Phil. Mag.</i>, janvier 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_63" id="Footnote_63" href="#FNanchor_63"><span class="label">[63]</span></a> <span class="smcap">Owens</span>, <i>Phil. Mag.</i>, octobre 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_64" id="Footnote_64" href="#FNanchor_64"><span class="label">[64]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Rapports au Congrs de Physique</i>, 1900.&mdash;<span class="smcap">Meyer</span>
+ et von <span class="smcap">Schweidler</span>, <i>Comptes rendus de l'Acad. de Vienne</i>, mars 1900
+ (<i>Physik. Zeitschrift</i>, t. I, p. 209).</p>
+
+ <p><a name="Footnote_65" id="Footnote_65" href="#FNanchor_65"><span class="label">[65]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXX, p. 979 et 1154.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_66" id="Footnote_66" href="#FNanchor_66"><span class="label">[66]</span></a> M. et M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Rapports au Congrs</i> 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_67" id="Footnote_67" href="#FNanchor_67"><span class="label">[67]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span>, <i>Phil. Mag.</i>, juillet 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_68" id="Footnote_68" href="#FNanchor_68"><span class="label">[68]</span></a> M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 8 janvier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_69" id="Footnote_69" href="#FNanchor_69"><span class="label">[69]</span></a> <span class="smcap">Meyer</span> et von <span class="smcap">Schweidler</span>, <i>Physik. Zeitschrift</i>, t. I, p.
+ 209.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_70" id="Footnote_70" href="#FNanchor_70"><span class="label">[70]</span></a> M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 8 janvier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_71" id="Footnote_71" href="#FNanchor_71"><span class="label">[71]</span></a> <i>Chem. News</i>, 3 avril 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_72" id="Footnote_72" href="#FNanchor_72"><span class="label">[72]</span></a> <span class="smcap">Des Coudres</span>, <i>Physik. Zeitschrift</i>, novembre 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_73" id="Footnote_73" href="#FNanchor_73"><span class="label">[73]</span></a> <span class="smcap">Sagnac</span>, <i>Thse de doctorat</i>.&mdash;<span class="smcap">Curie</span> et <span class="smcap">Sagnac</span>, <i>Comptes
+ rendus</i>, avril 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_74" id="Footnote_74" href="#FNanchor_74"><span class="label">[74]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Rapports au Congrs de Physique</i>, 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_75" id="Footnote_75" href="#FNanchor_75"><span class="label">[75]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span>, <i>Comptes rendus de l'Acadmie des Sciences</i>, 17
+ fvrier 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_76" id="Footnote_76" href="#FNanchor_76"><span class="label">[76]</span></a> <span class="smcap">Lord Kelwin</span>, <span class="smcap">Beattie</span> et <span class="smcap">Smolan</span>, <i>Nature</i>, 1897.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_77" id="Footnote_77" href="#FNanchor_77"><span class="label">[77]</span></a> <span class="smcap">Perrin</span>, <i>Thse de doctorat</i>.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_78" id="Footnote_78" href="#FNanchor_78"><span class="label">[78]</span></a> <span class="smcap">Paulsen</span>, <i>Rapports au Congrs de Physique</i>,
+ 1900.&mdash;<span class="smcap">Witkowski</span>, <i>Bulletin de l'Acadmie des Sciences de Cracovie</i>,
+ janvier 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_79" id="Footnote_79" href="#FNanchor_79"><span class="label">[79]</span></a> <span class="smcap">Bary</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXX, 1900, p. 776.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_80" id="Footnote_80" href="#FNanchor_80"><span class="label">[80]</span></a> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Soc. de Physique</i>, 3 mars 1899.&mdash;<span class="smcap">Giesel</span>, <i>Wied.
+ Ann.</i>, t. LXIX, p. 91.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_81" id="Footnote_81" href="#FNanchor_81"><span class="label">[81]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Wied. Ann.</i>, t. LXIX, p. 91.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_82" id="Footnote_82" href="#FNanchor_82"><span class="label">[82]</span></a> <span class="smcap">Curie</span> et <span class="smcap">Laborde</span>, <i>Comptes rendus</i>, 16 mars 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_83" id="Footnote_83" href="#FNanchor_83"><span class="label">[83]</span></a> M. et M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, t. CXXIX, novembre
+ 1899, p. 823.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_84" id="Footnote_84" href="#FNanchor_84"><span class="label">[84]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Soc. de Phys. allemande</i>, janvier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_85" id="Footnote_85" href="#FNanchor_85"><span class="label">[85]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Ber.</i>, 1903, p. 347.&mdash;<span class="smcap">Ramsay</span> et <span class="smcap">Soddy</span>, <i>Phys.
+ Zeitschr.</i>, 15 septembre 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_86" id="Footnote_86" href="#FNanchor_86"><span class="label">[86]</span></a> <span class="smcap">Ramsay</span> et <span class="smcap">Soddy</span>, <i>loc. cit.</i></p>
+
+ <p><a name="Footnote_87" id="Footnote_87" href="#FNanchor_87"><span class="label">[87]</span></a> <span class="smcap">Becquerel</span>, <i>Rapports au Congrs de Physique</i>, 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_88" id="Footnote_88" href="#FNanchor_88"><span class="label">[88]</span></a> <span class="smcap">Walkhoff</span>, <i>Phot. Rundschau</i>, octobre 1900.&mdash;<span class="smcap">Giesel</span>,
+ <i>Berichte d. deutsch. chem. Gesell.</i>, t. XXIII.&mdash;<span class="smcap">Becquerel</span> et <span class="smcap">Curie</span>,
+ <i>Comptes rendus</i>, t. CXXXII, p. 1289.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_89" id="Footnote_89" href="#FNanchor_89"><span class="label">[89]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Naturforscherrersammlung</i>, Mnchen, 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_90" id="Footnote_90" href="#FNanchor_90"><span class="label">[90]</span></a> <span class="smcap">Himstedt</span> et <span class="smcap">Nagel</span>, <i>Ann. der Physik</i>, t. IV, 1901.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_91" id="Footnote_91" href="#FNanchor_91"><span class="label">[91]</span></a> <span class="smcap">Aschkinass</span> et <span class="smcap">Caspari</span>, <i>Ann. der Physik</i>, t. VI, 1901, p.
+ 570.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_92" id="Footnote_92" href="#FNanchor_92"><span class="label">[92]</span></a> <span class="smcap">Danysz</span>, <i>Comptes rendus</i>, 16 fvrier 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_93" id="Footnote_93" href="#FNanchor_93"><span class="label">[93]</span></a> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Socit de Physique</i>, 2 mars 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_94" id="Footnote_94" href="#FNanchor_94"><span class="label">[94]</span></a> M. et M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 6 novembre 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_95" id="Footnote_95" href="#FNanchor_95"><span class="label">[95]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span>, <i>Phil. Mag.</i>, janvier et fvrier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_96" id="Footnote_96" href="#FNanchor_96"><span class="label">[96]</span></a> <span class="smcap">Dorn</span>, <i>Abh. Naturforsch. Gesell. Halle</i>, juin 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_97" id="Footnote_97" href="#FNanchor_97"><span class="label">[97]</span></a> <span class="smcap">Debierne</span>, <i>Comptes rendus</i>, 30 juillet 1900; 16 fvrier
+ 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_98" id="Footnote_98" href="#FNanchor_98"><span class="label">[98]</span></a> <span class="smcap">Curie</span> et <span class="smcap">Debierne</span>, <i>Comptes rendus</i>, 4 mars 1901.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_99" id="Footnote_99" href="#FNanchor_99"><span class="label">[99]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span> et M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Rapports au Congrs de
+ Physique</i>, 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_100" id="Footnote_100" href="#FNanchor_100"><span class="label">[100]</span></a> <span class="smcap">Curie</span> et <span class="smcap">Danne</span>, <i>Comptes rendus</i>, 9 fvrier 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_101" id="Footnote_101" href="#FNanchor_101"><span class="label">[101]</span></a> <span class="smcap">Debierne</span>, <i>Comptes rendus</i>, 16 fvrier 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_102" id="Footnote_102" href="#FNanchor_102"><span class="label">[102]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span>, <i>Phil. Mag.</i>, fvrier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_103" id="Footnote_103" href="#FNanchor_103"><span class="label">[103]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 17 novembre 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_104" id="Footnote_104" href="#FNanchor_104"><span class="label">[104]</span></a> <span class="smcap">Elster</span> et <span class="smcap">Geitel</span>, <i>Physik. Zeitschrift</i>, 15 septembre
+ 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_105" id="Footnote_105" href="#FNanchor_105"><span class="label">[105]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span> et <span class="smcap">J. Danne</span>, <i>Comptes rendus</i>, 2 juin 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_106" id="Footnote_106" href="#FNanchor_106"><span class="label">[106]</span></a> <span class="smcap">P. Curie</span> et <span class="smcap">J. Danne</span>, <i>Comptes rendus</i>, 2 juin 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_107" id="Footnote_107" href="#FNanchor_107"><span class="label">[107]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span> et <span class="smcap">Soddy</span>, <i>Phil. Mag.</i>, mai 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_108" id="Footnote_108" href="#FNanchor_108"><span class="label">[108]</span></a> <span class="smcap">Ramsay</span> et <span class="smcap">Soddy</span>, <i>Physikalische Zeitschrift</i>, 15
+ septembre 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_109" id="Footnote_109" href="#FNanchor_109"><span class="label">[109]</span></a> <i>Phil. Mag.</i>, 1902, p. 580; 1903, p. 457.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_110" id="Footnote_110" href="#FNanchor_110"><span class="label">[110]</span></a> <span class="smcap">Curie</span> et <span class="smcap">Debierne</span>, <i>Comptes rendus</i>, 29 juillet 1901.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_111" id="Footnote_111" href="#FNanchor_111"><span class="label">[111]</span></a> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Comptes rendus</i>, 26 janvier 1903.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_112" id="Footnote_112" href="#FNanchor_112"><span class="label">[112]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Socit de Physique de Berlin</i>, janvier 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_113" id="Footnote_113" href="#FNanchor_113"><span class="label">[113]</span></a> <span class="smcap">Debierne</span>, <i>Comptes rendus</i>, juillet 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_114" id="Footnote_114" href="#FNanchor_114"><span class="label">[114]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span> et <span class="smcap">Soddy</span>, <i>Zeitschr. fr physik. Chemie.</i>, t.
+ XLII, 1902, p. 81.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_115" id="Footnote_115" href="#FNanchor_115"><span class="label">[115]</span></a> <span class="smcap">Villard</span>, <i>Socit de Physique</i>, juillet 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_116" id="Footnote_116" href="#FNanchor_116"><span class="label">[116]</span></a> <span class="smcap">Mac Lennan</span>, <i>Phil. Mag.</i>, fvrier 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_117" id="Footnote_117" href="#FNanchor_117"><span class="label">[117]</span></a> <span class="smcap">Giesel</span>, <i>Wied. Ann.</i>, t. LXIX, p. 91.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_118" id="Footnote_118" href="#FNanchor_118"><span class="label">[118]</span></a> <span class="smcap">Sagnac</span>, <i>Thse de doctorat</i>.&mdash;<span class="smcap">Curie</span> et <span class="smcap">Sagnac</span>, <i>Comptes
+ rendus</i>, avril 1900.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_119" id="Footnote_119" href="#FNanchor_119"><span class="label">[119]</span></a> <span class="smcap">Heydweiller</span>, <i>Physik. Zeitschr.</i>, octobre 1902.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_120" id="Footnote_120" href="#FNanchor_120"><span class="label">[120]</span></a> M<sup>me</sup> <span class="smcap">Curie</span>, <i>Revue gnrale des Sciences</i>, 30 janvier
+ 1899.</p>
+
+ <p><a name="Footnote_121" id="Footnote_121" href="#FNanchor_121"><span class="label">[121]</span></a> <span class="smcap">Rutherford</span> et <span class="smcap">Soddy</span>, <i>Phil. Mag.</i>, mai 1903.</p>
+ </div>
+</div>
+
+<h2>Au lecteur</h2>
+
+<div class="tnote"><a name="note" id="note"></a>
+
+ <p>Cette version numrise reproduit dans son intgralit la version
+ originale.</p>
+
+ <p>L'orthographe a t conserve. Seules les erreurs de typographie manifestes
+ ont t corriges.</p>
+
+ <p>La ponctuation n'a pas t modifie hormis quelques corrections
+ mineures.</p>
+</div>
+
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+<p>1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.</p>
+
+<p>1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.</p>
+
+<p>1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.</p>
+
+<p>1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:</p>
+
+<p>1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:</p>
+
+<p>This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at <a
+href="http://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a></p>
+
+<p>1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.</p>
+
+<p>1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.</p>
+
+<p>1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.</p>
+
+<p>1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
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+Gutenberg-tm License.</p>
+
+<p>1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
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+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
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+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.</p>
+
+<p>1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
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+
+<p>1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
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+that</p>
+
+<ul>
+<li>You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."</li>
+
+<li>You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.</li>
+
+<li>You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.</li>
+
+<li>You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.</li>
+</ul>
+
+<p>1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.</p>
+
+<p>1.F.</p>
+
+<p>1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.</p>
+
+<p>1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
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+<p>1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
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+<p>1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
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+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.</p>
+
+<p>1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.</p>
+
+<h3>Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm</h3>
+
+<p>Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.</p>
+
+<p>Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and
+the Foundation information page at <a
+href="http://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a></p>
+
+<h3>Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation</h3>
+
+<p>The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.</p>
+
+<p>The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at 809
+North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email
+contact links and up to date contact information can be found at the
+Foundation's web site and official page at <a
+href="http://www.gutenberg.org/contact">www.gutenberg.org/contact</a></p>
+
+<p>For additional contact information:<br />
+ Dr. Gregory B. Newby<br />
+ Chief Executive and Director<br />
+ gbnewby@pglaf.org</p>
+
+<h3>Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation</h3>
+
+<p>Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.</p>
+
+<p>The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit <a
+href="http://www.gutenberg.org/donate">www.gutenberg.org/donate</a></p>
+
+<p>While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.</p>
+
+<p>International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.</p>
+
+<p>Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: <a
+href="http://www.gutenberg.org/donate">www.gutenberg.org/donate</a></p>
+
+<h3>Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.</h3>
+
+<p>Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.</p>
+
+<p>Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.</p>
+
+<p>Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+<a href="http://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a></p>
+
+<p>This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.</p>
+
+</body>
+</html>
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diff --git a/43233-h/images/x-page-114.jpg b/43233-h/images/x-page-114.jpg
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index 0000000..13fcf37
--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-114.jpg
Binary files differ
diff --git a/43233-h/images/x-page-11a.jpg b/43233-h/images/x-page-11a.jpg
new file mode 100644
index 0000000..8b2ca92
--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-11a.jpg
Binary files differ
diff --git a/43233-h/images/x-page-11b.jpg b/43233-h/images/x-page-11b.jpg
new file mode 100644
index 0000000..a843379
--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-11b.jpg
Binary files differ
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--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-137.jpg
Binary files differ
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index 0000000..c90718d
--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-140.jpg
Binary files differ
diff --git a/43233-h/images/x-page-51.jpg b/43233-h/images/x-page-51.jpg
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--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-51.jpg
Binary files differ
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--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-53.jpg
Binary files differ
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--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-59.jpg
Binary files differ
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+++ b/43233-h/images/x-page-60.jpg
Binary files differ
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+++ b/43233-h/images/x-page-78.jpg
Binary files differ
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new file mode 100644
index 0000000..a1bc2f6
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+++ b/43233-h/images/x-page-9.jpg
Binary files differ
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index 0000000..4dfd0f1
--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-page-91.jpg
Binary files differ
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new file mode 100644
index 0000000..84be404
--- /dev/null
+++ b/43233-h/images/x-title.jpg
Binary files differ