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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3676, 9 Août 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3676, 9 Août 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: March 24, 2012 [EBook #39241]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3676, 9 AOÛT 1913 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3676, 9 Août 1913
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+Ce numéro contient:
+
+1º LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Roman n° 10: LA VOIX QUI S'EST TUE, par
+M. Gaston Rageot;
+
+2º UN SUPPLÉMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER de deux pages.
+
+L'ILLUSTRATION
+SAMEDI 9 AOUT 1913
+_Prix du Numéro: Un Franc.
+71e Année.--N° 3676._
+
+LE ROI CONSTANTIN. M. VENIZELOS.
+
+[Illustration: APRÈS LA VICTOIRE Avant d'aller à Bucarest, le premier
+ministre hellène arrête, avec son souverain, les conditions de paix de
+la Grèce. _Photographie Jean Leune._]
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+Y A BON
+
+Après celui du feu qu'ils avaient auparavant essuyé tant de fois à la
+tête, nos Sénégalais ont reçu le mois dernier, à l'affaire du quatorze
+juillet, dans la petite oasis de Longchamp qui leur laissera le souvenir
+d'un Sahara de gloire,--le baptême tricolore.
+
+Puisqu'ils avaient montré qu'ils étaient capables d'en prendre, on leur
+a donné des drapeaux.
+
+Ils savaient bien ce que c'était. Mais ils ont mieux compris par cette
+solennelle remise qui leur en a été faite aux clameurs et au tam-tam
+d'un peuple, tout ce que valait et représentait cet emblème. Un seul
+d'entre eux pouvait bien l'avoir dans les mains,... ils le tenaient
+tous! Et tous, à partir d'aujourd'hui, gardent l'orgueilleuse impression
+d'être un porte-étendard. Chacun, en voyant le drapeau et en y pensant,
+croit et sait qu'il est _à lui_, s'imagine en serrer dans l'étau de ses
+doigts la hampe comme un bois de lance ou de pagaie, en avoir contre le
+visage et devant les yeux l'ombre, le souffle et la caresse, et aussi le
+déploiement guerrier, la bruissante fantasia: blanc de marabout, bleu de
+ciel, rouge de sang.
+
+Ces soldats noirs sont homériques. Tous ceux qui les ont approchés et
+employés, qui s'en sont servis avec la plénitude de la confiance et de
+la joie, tous les chefs, et quels chefs! les plus fameux, les plus
+durcis, les Lyautey, les Gouraud, les Marchand, les Baratier, les
+Mangin, qui les ont conduits aux grandes aventures de l'exploration et
+de la bataille sans avoir jamais besoin de les y entraîner _avant_, ni
+de les en ramener de force _après_, les citent constamment à l'ordre du
+jour de leur admiration difficile. Qui de nous ne se souvient des héros
+dont Baratier, dans ses _Épopées africaines_, nous a conté les exploits,
+la sublime simplicité de courage et de grandeur d'âme? C'est Tankari
+Taraoré, portant la nuit, à travers la brousse et la forêt occupées par
+l'ennemi, un message, après avoir vu, devant lui, tomber successivement
+trois de ses camarades chargés de la même commission. C 'est le sergent
+Moriba, auquel, dans les marais de Barb-el-Gazal, Baratier fait un soir
+cette confidence tragique: «Tu sais que nous n'avons plus rien à manger?
+Tu sais par où nous devrons repasser si nous faisons demi-tour? Pour
+nous sauver il faut aller en avant. Dans combien de temps serons-nous
+hors d'ici? Je l'ignore. A toi je dis la vérité. Me réponds-tu que les
+tirailleurs iront jusqu'au bout, tu comprends? jusqu'au bout? qu'ils ne
+s'arrêteront que morts?»
+
+Moriba n'hésite pas: «En avant seulement _y a bon_ pour tirailleurs!»
+
+ *
+ * *
+
+_Y a bon..._ Ah! ces trois mots, de jargon, magnifiques! Cette locution,
+courante et résolue, hardie, familière, qui explique et signifie tout,
+accepte tout, comprend tout, résume tout, tient lieu de phrases, de
+vaines paroles, de promesses, de serments, et qui inventée, bégayée
+d'abord et comme essayée un jour, une première fois, avant de «prendre
+rang», a su dans la naïveté primesautière de son argot, bien
+qu'imaginée par un cerveau sauvage et s'échappant des lèvres d'un noir,
+trouver cependant, pour être parfaite, une concision toute française,
+énergique et gaie. _Y a bon!_
+
+Voilà des jours, des semaines qu'il faut marcher, faire aller sans arrêt
+ses grandes jambes d'ébène... y a bon. Souffrances intolérables de la
+chaleur et du froid, dard en acier du moustique, morsure caoutchoutée de
+la sangsue, insomnies des longues nuits torrides ou glacées, fièvre,
+vertiges, délire, mirages... _y a bon..._ mains enflées, pieds engourdis
+et déchirés, paupières en feu, sable qui dessèche, qui racle et qui
+brûle, langue sans salive, boues infectes du marais, herbes coupantes,
+nouds des lianes, clou des épines, pointe du roc et tranchant du
+caillou, source empoisonnée, puits à sec, tente arrachée par les
+_rezzous_ du vent, mulets enfuis, moutons volés, chameau qui tombe... et
+casse tout en reniflant de rage... _y a bon..._ provisions qui
+s'épuisent, outre qui perd, on a soif, on a faim,... plus rien à manger
+que des racines, du bois, du nénuphar, de la peau de crocodile... tout
+ça... tout ça... _y a bon,... y a bon..._ Quoi qu'il faille faire...
+quels que soient le sacrifice, la besogne, le travail d'Hercule et la
+corvée, l'humble dévouement, l'obscure tâche, l'acte splendide et
+surhumain... qu'il s'agisse de porter un fardeau, tous les fardeaux, un
+tronc d'arbre, des sacs ou le corps d'un chef, de s'exténuer sans une
+plainte, d'être un colosse de patience, de douceur, de courage et de
+fidélité, de lutter comme un lion noir, en découvrant des gencives de
+pourpre, et de ruisseler de sang, de tomber vingt fois pour se relever
+et bondir plus haut, de se battre enfin jusqu'à la dernière goutte du
+coeur... _y a bon... y a beaucoup bon, toujou, pour le tirailleur..._ et
+cela sans emphase, «avec le sourire», ce vaste sourire d'émail qui
+semble ouvrir et révéler, dans ses blancheurs, des trésors de tendresse
+canine.
+
+Ecoutez, à ce propos, l'incroyable et touchant récit que me faisait,
+dans une de ses dernières lettres, le général Gouraud. Après m'avoir
+rappelé la glorieuse mort du capitaine Gerhardt survenue cette année au
+mois de mars au combat de l'Oued Tagbiat, au nord de la Mauritanie, le
+général me contait l'histoire d'un tirailleur noir, un petit
+anthropophage congolais, du nom de Kou Ka, lequel, pris en amitié par
+Gerhardt qui l'avait mis à son service, s'était en très peu de temps
+transformé radicalement au contact de cette nature d'élite qu'était
+l'officier... Quand ce dernier tomba mortellement Kou Ka était à ses
+côtés, et voici ce qu'un mois après le combat il écrivait d'Atar au
+frère du capitaine.
+
+...................................
+
+«Quand le capitaine a vu que le lieutenant Merello était tué, il a crié:
+«En avant!» et m'a appelé: «Kou Ka, prends ton fusil et ton bâton et
+suis-moi.» Et, lorsque nous sommes arrivés près de la montagne, nous ne
+pouvions plus tenir tellement il y avait de la poussière et de la
+poudre. On ne pouvait rien entendre que les coups de fusil, jusqu'à ce
+que mon capitaine est tombé. Alors, je me dis: «Bon! Très bien! Je m'ai
+dit depuis longtemps qu'ici, à la Mauritanie, s'il y a un combat et que
+mon capitaine tombe, ce sera aussi mon tour.» Et tout de suite j'ai pris
+sa place en disant «que d'à côté de mon capitaine je ne bougerai jamais
+sans être tué ou blessé avec lui.» Et tout de suite je vois l'ennemi en
+train de venir sur nous et je commande à un homme d'emmener le capitaine
+au camp, qui était à 200 mètres de nous, et je commence le feu de
+nouveau. Je me suis battu à la place de mon patron jusqu'à ce que j'ai
+été blessé aussi, et j'ai pris le fusil du capitaine et son casque, et
+je suis arrivé à rentrer dans le camp, et on m'a mis à côté du
+capitaine.»
+
+Je crois, concluait, dans sa lettre, le général Gouraud, qu'il n'y a que
+des officiers français capables d'inspirer à un enfant, élevé jusqu'à
+douze ans en pays anthropophage, de pareils dévouements.
+
+ *
+ * *
+
+Soyez donc sûrs que lui aussi, Kou Ka, comme tous les autres, trouve
+qu'à ce métier de fatigue perpétuelle et d'héroïque dépense, _y a bon!_
+Car c'est là que toujours ils en reviennent tous, à ces trois petits
+mots qui sont la devise du troupier noir, sa règle, sa maxime, et son
+mot d'ordre, tout son Coran. Ce _y a bon_, ils le répètent sans cesse,
+dans toutes les circonstances de leur tumultueuse vie. Il leur sert pour
+l'audace et la résignation, pour la soupe et la disette, le soleil et la
+pluie, pour la charge et l'assaut, pour la colère et le rire, pour le
+devoir, et le gros chagrin... Tour à tour ils le laissent tomber, le
+mâchent, le grognent, le lancent avec défi,... et à la fin, le redisent
+encore en mourant, quand le chef leur tient la main, avec un picotement
+de larme au bord de l'oeil: «Pleure pas, mon lieutenant, _y a bon_.»
+Cela vaudrait presque la peine que l'on consacrât de façon solennelle
+cette locution proverbiale de l'humble et fougueux courage africain,
+qu'on lui donnât ses titres de noblesse définitive en la brodant sur le
+drapeau des tirailleurs... Pourquoi pas? Sur n'importe laquelle de nos
+couleurs, celle qu'on voudra, je vois très bien se détacher en lettres
+d'or, à côté des noms des batailles, le _y a bon_, splendide et sec, des
+La Tour d'Auvergne du sable et des d'Assas du désert.
+
+HENRI LAVEDAN.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+M. GASTON RAGEOT
+
+L'AUTEUR DE «LA VOIX QUI S'EST TUE
+
+A la veille de donner aux lecteurs de _L'Illustration_ son dernier
+roman, la _Voix qui s'est tue_, j'imagine M. Gaston Rageot nerveux,
+impatient, fébrile comme un auteur dramatique un soir de générale. Soyez
+sûrs qu'à l'heure actuelle, ce grand garçon barbu, à la robuste
+encolure, qui hausse avec une audace un peu brusque son visage où
+bougeottent les deux lueurs du binocle, arpente à grands pas son cabinet
+de travail. Il se représente, comme dans une composition orageuse de
+Sabatier, l'immense public que son oeuvre nouvelle va atteindre; il voit
+lecteurs et lectrices penchés, attentifs, sur les lignes des premiers
+chapitres et il se demande avec inquiétude, quel sentiment de plaisir ou
+de déception va se refléter sur ces figures mobiles. C'est que personne
+ne connaît mieux que Gaston Rageot le sens redoutable de ce mot: le
+public. Pour lui, ce vocable anonyme, ce nom collectif possède une
+puissance mystérieuse. Comme ces coquillages de la mer qu'on approche de
+l'oreille, ce mot enferme toute une vaste rumeur.
+
+Cet état d'esprit n'est pas fréquent chez les romanciers. Ceux-ci,
+d'ordinaire, absorbés par la lutte qu'ils soutiennent contre l'idée et
+le verbe, n'ont pas le loisir de s'extérioriser. J'en connais qui
+travaillent, pour ainsi dire, dans une cloche à plongeur.
+
+Tel n'est pas le cas de M. Gaston Rageot, dont le cabinet de travail est
+ouvert côté public. Tout son souci, il le mettra à intéresser ce sphinx
+aimable et capricieux dont les décisions sans appel anéantissent en un
+instant les efforts et le labeur de plusieurs mois.
+
+Cette préoccupation est chez lui assez ancienne. Qu'elle soit née d'un
+désir de gloire, bien compréhensible chez un jeune homme, cela est fort
+possible. Elle eut assurément, plus tard, des motifs de persévérer moins
+personnels.
+
+A l'École normale, tandis que la voix de M. Durkheim l'incitait à
+s'incliner devant les faits sociaux, un fait social, le succès, lui
+apparut prépondérant à notre époque. Par un retour divertissant,
+l'austère enseignement du philosophe qui a tracé les règles de la
+méthode sociologique préparait M. Gaston Rageot à rechercher les raisons
+du succès qui salue l'apparition de tel ou tel livre. Cette recherche
+fera l'objet de tout un ouvrage dont le titre décèle les intentions de
+l'écrivain: le _Succès, auteurs et public._
+
+Cette force de réussite que certains ouvrages portent en eux, d'où
+vient-elle? Le génie à lui seul ne suffit pas à soulever la curiosité,
+l'émotion ou l'intérêt de la foule. Il existe donc de secrètes affinités
+entre la chose écrite et ceux qui la lisent, et que l'auteur conscient,
+soucieux de ne pas errer, se doit de découvrir. En un mot, l'oeuvre ne
+peut être séparée de son public. «Dis-moi qui tu fréquentes et je te
+dirai qui tu es.» C'est ainsi que Gaston Rageot s'adressait, sur un ton
+impertinent, aux écrivains célèbres dont il s'amusait à démonter la
+gloire, avec une gravité qui cachait mal son sourire.
+
+Sous l'apparence d'une étude de critique sociologique, le _Succès_ est,
+en réalité, une satire assez vive des moeurs littéraires. L'auteur se
+montre très au courant des ficelles du métier d'homme de lettres.
+J'imagine que s'il n'avait pas été l'élève du digne M. Durkheim et
+spécialiste de philosophie, il eût orné son livre de ce titre américain:
+_l'Art de se faire vingt mille lecteurs._
+
+En sortant de cette étude, Gaston Rageot nous semble à point pour écrire
+des romans et briguer lui-même les succès qu'il a analysés. Il a une
+expérience surprenante pour son âge. A l'assurance tranquille du
+normalien, qui connaît par coeur toutes les questions de mur mitoyen de
+la syntaxe et de la langue, il ajoute la confiance avisée d'un homme qui
+discerne l'état du marché, les besoins du public, le cours des denrées,
+les positions de la spéculation artistique et littéraire. Tous ceux qui,
+à cette époque, suivaient Gaston Rageot d'un oeil sympathique disaient
+de lui: «Il est armé pour réussir.» Et ces prophètes avaient beau jeu,
+puisqu'à cette connaissance pratique des besoins littéraires de notre
+temps, Gaston Rageot joignait un talent robuste et traditionnel qui, à
+l'heure où il se jetait dans la carrière des lettres, était bien la
+meilleure garantie de succès.
+
+Pour moi, ce que j'admire le plus en Gaston Rageot, c'est cette santé
+morale qui lui a permis de conserver un talent loyal et frais au sortir
+des coulisses littéraires. Il eût pu devenir un écrivain roublard, un de
+ces machinistes subtils à qui sont familiers les trappes du sentiment,
+le trompe-l'oeil et tous les trucs du magasin des accessoires. Il s'est
+contenté d'être un bon écrivain, uniquement soucieux de demeurer
+intelligible et vivant, persuadé que ce sont là les qualités qui
+plaisent le mieux à ce public auquel il a si étroitement lié le sort des
+auteurs.
+
+Tout de même, on ne peut impunément fréquenter les maîtres du succès, il
+en reste toujours quelque chose. Le premier roman de Gaston Rageot
+s'appellera le _Grand Homme_ et le second la _Renommée._ Mais,
+rassurez-vous, il ne s'agit plus ici de publier une nouvelle édition
+revue et augmentée d'un manuel d'arrivisme, il s'agit simplement de
+développer un beau sujet de roman dont l'auteur connaît à merveille les
+ressources et qu'il est à même de traiter mieux que personne. La
+Renommée, qui parut il y a deux ans, est une oeuvre solide où l'on voit
+s'épanouir les qualités maîtresses de M. Gaston Rageot. Il y fait figure
+de psychologue délicat et de romancier dans toute la force du terme. Si
+Gaston Rageot, après la _Renommée_, avait voulu reprendre sa plume de
+philosophe et d'essayiste il eût pu, en démontant son propre livre, nous
+donner _l'Art d'écrire un bon roman._
+
+[Illustration: M. Gaston Rageot.--_Phot. Cheri-Rousseau._]
+
+Il a préféré en écrire un troisième, _l'Affût_, et un quatrième qui est
+celui-là même que l'on offre aujourd'hui aux lecteurs de
+_L'Illustration_, la _Voix qui s'est tue_. Loin de moi l'idée de
+déflorer ce sujet par une analyse imprudente et pressée. Je sais trop
+quelle joie l'on éprouve à marcher ainsi un peu à l'aveuglette, dans un
+livre nouveau; à suivre les chemins capricieux de l'intrigue qui, tantôt
+chemine en plaine, tantôt grimpe en lacets sur des collines d'où l'on
+découvre des paysages inattendus et des figures nouvelles. Mais je ne
+crois pas gâter ce plaisir en disant que la _Voix qui s'est tue_ doit
+être, d'après les prudents pronostics, le meilleur livre de Gaston
+Rageot.
+
+En effet, c'est dans ce roman qu'il a, il me semble, déployé le don
+essentiel qu'il possède. Gaston Rageot a le don du sujet, et c'est assez
+rare, de nos jours. Combien de romans qui ne sont que des essais
+découpés en épisodes ou des autobiographies amorphes et qui s'en vont,
+d'une marche inégale, au hasard des impressions que l'auteur a jetées au
+fil des pages. Un sujet, c'est une sorte de problème dont l'énoncé doit
+se formuler le plus vite possible, dès le début, et dont la résolution
+se fait peu à peu, au cours du roman, sans truquages, sans obscurités.
+Et il importe au plus haut point que la solution soit juste et découle
+des données du problème, et rien que d'elles.
+
+Avec un rare bonheur, Gaston Rageot avait réalisé toutes ces conditions
+dans la _Renommée_. Il y montrait que la veuve d'un grand homme demeure
+l'esclave et la gardienne de la gloire de son mari; qu'elle a beau aimer
+un autre homme, se remarier, changer de nom, de situation, elle sera
+toujours et quand même la veuve de l'homme illustre dont l'ombre
+glorieuse ne cesse de la couvrir. Avec une entente admirable des
+nécessités psychologiques de son sujet, l'auteur nous montrait
+l'obsession grandissante de cette gloire posthume qui finissait par
+changer le coeur de la veuve et la détacher de l'homme à qui elle avait
+lié son sort.
+
+Pourtant, malgré toutes ces qualités, le don de créer des états d'âme,
+de faire changer insensiblement le coeur des personnages, de serrer les
+fils de l'intrigue et de nouer le drame, le sujet de la _Renommée_
+demeure un peu spécial. Tout le monde n'a pas la chance d'être la veuve
+d'un grand homme, si j'ose dire. De telles aventures sont réservées à
+une minorité à qui va notre curiosité bienveillante, mais qui ne soulève
+pas notre intérêt passionné.
+
+Il convenait que Gaston Rageot se rapprochât davantage de l'humanité
+générale. L'_Affût_, qui a suivi la _Renommée_, n'a pas répondu à ce
+désir. Du moins ce drame villageois ramassé, rapide et un peu brutal
+a-t-il été un exercice salutaire pour l'auteur qui, retrempé dans un
+sujet paysan, s'est déparisianisé. Le parisianisme est un écueil qui,
+souvent, fait échouer les talents les plus sains. Il pousse à abuser de
+l'accessoire descriptif et mondain qui surcharge le sujet, il incite à
+confondre la frivolité et la finesse, sans parler de cent autres
+inconvénients moins graves. Toutefois, l'_Affût_ avait encore cet
+avantage: il indiquait à Gaston Rageot les inconvénients de cette
+formule, à savoir que le roman est un conte élargi, une grande nouvelle.
+Ce qui nuit à l'_Affût_, c'est que, précisément, c'est une longue
+nouvelle qui aurait dû tenir en 300 lignes et qui dure 300 pages.
+
+Mais je crois bien que, mûri par ces expériences, en possession de tous
+ses moyens psychologiques, préparé par deux tentatives dont l'une au
+moins fut une entière réussite, Gaston Rageot est à point pour nous
+donner l'oeuvre parfaite, souple et forte, et vraiment romanesque que
+nous attendons de lui. Dans la _Voix qui s'est tue_, ce n'est plus le
+Paris artificiel des gens de lettres qu'il nous montre, c'est un Paris
+plus réel, plus vivant, plus humain. Et c'est en même temps la province,
+aujourd'hui si mêlée à la vie de Paris. Un sujet plus général où se
+jouent les nuances délicates d'un grand amour lui permettra de nous
+toucher plus directement, et la complexité même de son intrigue le
+forcera à déployer toutes ses qualités de psychologue et d'analyste.
+Décidément, il se pourrait bien que Gaston Rageot réalisât du même coup
+sa formule de succès et s'attirât les éloges de la critique. Voilà qui
+prouverait, en tout cas, que le meilleur artifice pour réussir, c'est
+encore le talent. Mais c'est un moyen qui n'est pas à la portée de tous.
+
+JEAN DE PIERREFEU.
+
+
+
+AVANT L'ARMISTICE
+
+LES SERBES S'IMMOBILISENT DEVANT LA FRONTIÈRE BULGARE
+
+_De nouvelles lettres de notre correspondant à l'armée serbe nous
+donnent le détail des opérations qui se sont poursuivies du 19 au 21
+juillet autour d'Egri-Palanka et qui, sauf une légère avance du côté
+serbe, n'ont point amené de résultats décisifs. Le croquis que nous
+reproduisons à la page suivante indiquera à nos lecteurs les positions
+des adversaires au cours de ces engagements. Nous ne pouvons publier
+intégralement, faute de place, l'intéressant récit détaillé dans lequel
+M. de Penennrun a résumé ses observations, en divers endroits de la
+ligne de feu, d'écrivain militaire et de soldat. Nous devons nous borner
+à donner la partie de ses correspondances où, sous l'impression des
+derniers coups de feu échangés, notre envoyé spécial fait, selon les
+principes enseignés à notre École de guerre, la critique des opérations
+auxquelles il vient d'assister._
+
+Egri-Palanka, 21 juillet.
+
+Un progrès sérieux vient enfin d'être marqué aujourd'hui par l'armée
+serbe, qui a rejeté sur leur principale position de défense les
+avant-lignes bulgares. Le mouvement en avant serait-il donc cette fois
+définitivement amorcé? Depuis les trois jours que l'on se bal tout
+autour d'Egri-Palanka, il semble que, pour la première fois, une action
+déterminante vient, d'être effectuée.
+
+Cependant, illusion ou vérité, au moment même où je constatais le succès
+et les progrès des lignes serbes, je percevais en même temps très
+nettement, à mille indices, que tout cela n'était que l'apparence
+trompeuse d'une activité tellement latente qu'elle allait sans aucun
+doute d'ici peu se muer en arrêt définitif de tonte marche en avant.
+
+L'armée serbe, victorieuse au commencement du mois sur la Bregalnitza,
+aurait dû, à ce moment, sans perdre de temps, sans tenir compte de
+contingences plus ou moins embarrassantes, converser rapidement vers le
+nord et violemment, durement, se jeter à l'attaque des gros bulgares
+barrant la route de Sofia. Nulle considération de temps n'aurait dû
+intervenir, car ici le temps travaillait tout aussi bien pour ou contre
+elle que pour ou contre les Bulgares.
+
+Cette vérité, peu nouvelle dans l'art de la guerre, qu'il faut aller
+vite, n'a pas été observée; elle ne le sera pas demain non plus. Les
+batteries au milieu desquelles je me trouvais aujourd'hui auraient dû,
+dès ce soir, maintenant que les gros d'infanterie se voyaient en mesure
+d'atteindre les crêtes au delà de la Dubrovnitza, s'y porter
+immédiatement elles aussi. Et, sans désemparer, sans perdre une seconde,
+l'attaque des crêtes frontières aurait dû commencer! Au lieu de cela,
+c'est l'arrêt, la suspension très nette de tout mouvement ultérieur
+offensif, presque le retrait des troupes victorieuses sur leurs
+précédentes positions... Ou ne veut pas se battre... La bataille
+d'Egri-Palanka, commencée depuis trois jours, se termine en point
+d'orgue!
+
+22 juillet.
+
+Le calme le plus absolu, le silence le plus profond, règnent aujourd'hui
+sur les hauteurs que dorent les rayons soudainement devenus très ardents
+du soleil de juillet.
+
+Partis de bonne heure, nous atteignons, au-dessus de Kosara, la ligne de
+faîte qui, formant saillant en cet endroit, face à la direction de la
+route de Kustendil, est occupée fortement. Un ouvrage de campagne à
+profil renforcé, entouré d'un épais réseau de fils de fer barbelés,
+occupe le point principal'de la position. A gauche, s'étagent deux
+batteries de 75; à droite, une autre batterie de campagne est placée
+légèrement en arrière de la crête. Elle est prolongée par une batterie
+mixte composée d'une pièce longue de siège du calibre de 120mm et de
+trois obusiers de 120mm à tir rapide, système Schneider. L'infanterie
+est bivouaquée en arrière.
+
+[Illustration: Section d'infanterie à l'abri sur la ligne du feu (combat
+du 21 juillet): un soldat blessé passe devant ses camarades qui
+attendent l'ordre de se porter en avant.--_Phot Reginaid Kann._]
+
+Le commandant du groupe de campagne qui occupe la crête, le major
+d'artillerie Lazarewitch, nous fait les honneurs du réduit où se trouve
+installé son poste d'observation. Aussi loin que la vue peut s'étendre,
+rien ne bouge, rien ne se meut, c'est l'immobilité complète, comme si,
+tacitement, une trêve était intervenue entre les deux adversaires. Seuls
+dans le lointain, tout à fait dans le nord, de sourds grondements se
+font entendre. Ils viennent de la direction de Golech et, en observant
+avec attention les pentes lointaines du Golemi-Vrh, nos jumelles nous
+permettent d'apercevoir les points d'éclatement des shrapnells.
+
+[Illustration: Combats autour d'Egri-Palanka (19, 20 et 21 juillet). Le
+chemin tracé en pointillé a été aménagé par les sapeurs du génie serbe.
+Les signes x y z désignent les points de stationnement du correspondant
+de _L'Illustration_ le 19, le 20 et le 21.-_Croquis par A. de
+Penennrun._]
+
+Renseignements pris, il s'agit d'un mouvement d'attaque débordante que
+tente m. ce moment l'aile gauche de la première armée serbe. Mais j'ai
+vite fait de démêler que ce mouvement, pas plus que ceux tentés
+jusqu'ici devant nous, n'a une véritable signification militaire.
+Comment pourrait-il en avoir, en effet, puisque, devant nous, aucune
+activité ne se manifeste? Car, de deux choses l'une, ou l'on attaque
+véritablement une position, et le premier devoir de l'assaillant est de
+marcher en avant sur tout le front afin d'y fixer par son attitude
+agressive le maximum de forces ennemies, ce que l'on ne fait pas ici
+puisque tout demeure immobile de notre côté, ou bien l'on n'attaque pas
+et tout doit rester dans l'ordre normal, sans bouger. En définitive, ces
+actes séparés qui paraissent se jouer dans les différents compartiments
+du terrain, ne peuvent amener aucun résultat, si ce n'est celui de faire
+tuer inutilement des hommes. Ils sont donc condamnables. Et une fois de
+plus je déplore que les Serbes ne se soient pas rendu compte qu'après la
+Bregahiitza il fallait une deuxième fois frapper vite et fort. Voici,
+maintenant, l'armée roumaine presque aux portes de Sofia, sans avoir
+pour ainsi dire combattu; les Turcs à Andrinople ont reconquis la
+Thrace; les Grecs enfin sont maîtres du littoral de la mer Égée. Tous
+vont au profit immédiat... L'armée serbe est allée à l'honneur: elle a
+payé de son sang la douloureuse surprise du 29 juin; elle a brisé, par
+sa vaillance, la tenace résistance bulgare; elle a effacé le souvenir de
+Slivnitza et des défaites de 1885; elle a cru que c'était assez.
+Répugnant à verser le sang davantage dans une guerre fratricide que
+beaucoup déplorent, les Serbes, qui auraient pu se jeter sur Sofia, ont
+préféré aller à Bucarest.
+
+Sans doute, on peut louer cette modération. Mais, qu'une hésitation se
+produise dans l'acceptation des conditions des alliés par la Bulgarie,
+et voici l'armée serbe à nouveau contrainte d'attaquer les lignes de
+Kustendil. Bon gré, mal gré, il faudra donc engager cette lutte qu'on
+n'a pas voulu livrer hier, et se résoudre aux pertes que, sur une
+position organisée à loisir par lui, l'ennemi ne manquera pas d'infliger
+aux divisions du prince royal et du général Yankowitch!
+
+L'appoint des Grecs qui, eux aussi, ont si généreusement payé leur
+tribut à la cause commune par les pertes sanglantes de ces derniers
+jours, celui des Roumains, l'offensive de la deuxième armée attaquant
+Tsaribrod, permettent d'une façon à peu près certaine de bien augurer
+d'une bataille où les Bulgares, acculés à leur capitale, sans ressources
+et sans approvisionnements, ne pourraient sauver qu'une chose: leur
+honneur militaire. Mais, tombant ainsi sous les efforts coordonnés de
+cinq adversaires au lieu d'un seul, ils succomberont en beauté et de
+façon à émouvoir l'Europe... Tandis que, seuls vainqueurs dans une
+action décisive, les Serbes, avec la gloire d'un pareil résultat, en
+eussent emporté le profit et Belgrade pouvait devenir grande dans les
+Balkans.
+
+Puisque c'est devant le sang versé que l'on a reculé, devant l'énormité
+des pertes probables, pourquoi s'arrêter à ces demi-mesures, essayer une
+pointe ici, une autre là, et faisant tuer en détail pendant ces
+opérations tâtonnantes autant de monde que dans une grande bataille? Ces
+quatre journées dernières, sur le front Golemi-Vrh, Tsar-Vrh,
+Tsarevo-Selo, ont vu mettre hors de combat plus de 4.000 hommes. Les
+routes autour de nous sont couvertes de convois de blessés, dont un
+grand nombre assez gravement, sans compter beaucoup d'hommes atteints
+plus légèrement à la tête ou au bras et qui cheminent seuls sur les
+routes un bâton à la main. D'avoir ainsi hésité rend le sacrifice plus
+lourd... la moisson moins abondante, le gain plus discutable.
+
+Il faut en finir cependant, et si l'on ne s'entend pas à Bucarest, la
+situation ne peut se dénouer qu'à Kustendil.
+
+ALAIN DE PENENNRUN.
+
+[Illustration: Canon long de 120mm du Creusot (Kosara, 22
+juillet)--_Phot. R. Kann._]
+
+
+
+[Illustration: PRINCE FERDINAND. PRINCE CAROL.]
+
+LE PASSAGE DU DANUBE PAR L'ARMÉE ROUMAINE.--Le prince héritier de
+Roumanie, commandant en chef, et le prince Carol, son fils, sur le pont
+de Corabia, long de 1.147 mètres et jeté en 7 heures, le 14
+juillet.--_Phot. Ovid Burca._
+
+L'INTERVENTION ROUMAINE ET LA PAIX DE BUCAREST
+
+Si la paix entre les États balkaniques se trouve conclue plus
+rapidement qu'on n'osait l'espérer, ce résultat aura été dû à
+l'intervention énergique, à la fois militaire et diplomatique, de la
+Roumanie qui a envoyé son armée intacte sous les murs de la capitale
+bulgare et réuni à Bucarest, sous la vigoureuse présidence du premier
+ministre roumain, M. Majoresco, les représentants des nations en guerre.
+
+Ainsi la Roumanie occupe actuellement le premier plan de l'actualité et
+elle n'aura pas eu besoin de victoires pour jouer un grand rôle dans les
+Balkans. Ses troupes, hâtivement mobilisées dès les premiers coups de
+feu entre alliés, ont commencé, le 11 juillet, de passer, sans
+rencontrer de résistance, la frontière bulgare, se sont emparées de
+Silistrie et se sont étendues ensuite sur la région
+Turtukaï-Dobritch-Baltchik, revendiquée par la Roumanie. Peu de jours
+après, les troupes du prince royal Ferdinand passaient le Danube pour
+prendre la direction de Sofia, et la traversée du fleuve s'opéra dans
+des conditions qui témoignent de la perfection du matériel et de
+l'instruction des corps techniques de l'armée roumaine. L'ouvrage le
+plus important et le plus surprenant fut le pont édifié sur le Danube à
+Corabia, le 14 juillet, en moins de sept heures. La longueur de ce pont,
+construit sur des pontons métalliques, est en effet de 1.147 mètres sur
+une largeur de 4 mètres. La force de résistance de chaque ponton est de
+12 tonnes. Un passage de 80 mètres est réservé à la circulation des
+bateaux. Le matériel nécessaire fut fourni par trois chantiers du pays,
+d'après les plans du colonel Robesco, ancien élève de notre École
+polytechnique et commandant du bataillon des pontonniers de Braïla.
+
+[Illustration: Sur la rive bulgare du Danube, le drapeau du bataillon
+des pontonniers salue le prince Ferdinand et son état-major qui
+franchissent le pont de Corabia.--_Phot. O. Burca._]
+
+Lorsque ce remarquable travail fut terminé, le prince royal Ferdinand de
+Roumanie traversa le pont le premier, salué, sur la rive bulgare, par le
+drapeau des pontonniers et suivi par le 27e régiment de la 13e brigade
+d'infanterie.
+
+[Illustration: Le deuxième pont construit sur le Danube, en neuf jours,
+entre Turnu-Magurele et Nikopol. _Phot. O. Burca._]
+
+Un autre pont, sur le Danube, par lequel, de Turnu-Magurele déboucha à
+Nikopol une seconde colonne roumaine, à 35 kilomètres environ en aval de
+Corabia, fut improvisé en neuf jours avec le matériel que les corps
+trouvèrent à leur portée. Les supports furent donc formés de chalands et
+de pontons d'accostage de la navigation fluviale roumaine. Sur ce pont,
+qui mesure 721 mètres de long sur 5 de large, deux passages, de 2 mètres
+chacun, ont été réservés pour l'infanterie et les troupes non montées.
+Dès le 15 juillet, la cavalerie, bientôt suivie de l'avant-garde, put
+faire des reconnaissances sur la rive droite et prendre, sans rencontrer
+d'obstacles, le chemin de Sofia. Ce fut, comme nous l'ont appris les
+dépêches, une simple promenade militaire, en très bon ordre, et qui prit
+fin seulement à une journée de marche de Sofia, lorsque les troupes
+roumaines eurent occupé les défilés stratégiques au nord et au nord-est
+de la capitale bulgare.
+
+[Illustration: L'ARMÉE ROUMAINE EN CAMPAGNE.--Départ du régiment de
+cavalerie de Ramnieu-Valcea: le service religieux.--_Phot, Iorgu
+Arsenie._]
+
+[Illustration: LA CONFÉRENCE DE BUCAREST.-Une réunion plénière des
+délégués des États balkaniques: on reconnaît, à la droite du premier
+ministre roumain M. Majoresco (2), le premier délégué bulgare M.
+Tontchef (1), et à sa gauche M. Venizelos (3); M. Pachitch est en
+face--_Phot. Franz Manty._]
+
+1 2 3
+
+A chaque étape, cependant, de l'avance roumaine, le roi Ferdinand
+adressait au roi Carol de pressants télégrammes pour solliciter non
+seulement l'arrêt et le retrait de ses troupes, mais encore
+l'intervention de la Roumanie pour mettre fin à la guerre en Macédoine.
+Et ce fut, effectivement, sur l'initiative du gouvernement roumain qui,
+par ses forces intactes, devenait l'arbitre tout-puissant de la
+situation que les délégués de la Serbie, de la Grèce, du Monténégro et
+de la Bulgarie se réunirent à la conférence de Bucarest et qu'un premier
+armistice de cinq jours fut consenti par les alliés à leur adversaire.
+
+Les demandes roumaines étaient connues et acceptées d'avance. La
+Bulgarie ne fit point, cette fois, de difficultés de principe pour céder
+le territoire Turtukaï-Baltchik, sacrifice très dur cependant si l'on
+songe à la richesse de cette province agricole, le grenier du royaume,
+et dont les 250.000 habitants sont instruits et vivent tous dans une
+prospérité relative.
+
+Les exigences des alliés basées sur les droits de la victoire et sur la
+nécessité de rétablir l'équilibre des forces, par l'égalité des
+populations dans les Balkans, rencontrèrent plus de résistance.
+Soutenues par MM. Venizelos pour la Grèce et Pachitch pour la Serbie,
+elles furent combattues par M. Tontchef, représentant la Bulgarie. On
+fut même tout près de ne plus s'entendre du tout et il fallut que la
+Roumanie jetât une fois de plus son épée dans la discussion et menaçât
+d'entrer à Sofia si l'on recommençait à se battre pour que la Bulgarie
+se résignât aux suprêmes concessions.
+
+Nos lecteurs trouveront, sommairement tracées sur la carte ci-contre,
+les frontières nouvelles arrêtées, le 7 août, à Bucarest.
+
+La frontière serbo-bulgare part du nord des sommets qui partagent les
+eaux du Vardar de celles de la Strouma et qui sont très proches du cours
+de cette dernière. Les villes de Kotchana et d'Istip, la vallée de la
+Bregalnitza restent serbes. La frontière ensuite va vers l'ouest,
+contourne Stroumitza qui reste aux Bulgares et vient rejoindre les
+collines de la Bela-Planina qui deviennent frontière commune entre la
+Serbie et la Bulgarie et celle-ci et la Grèce. De là, la frontière
+bulgare va vers l'est jusqu'au Kara Sou qu'elle descend jusqu'à
+l'archipel en laissant, à l'ouest, Cavalla à la Grèce.
+
+Depuis plusieurs jours déjà la Grèce et la Serbie s'étaient entendues
+sur l'attribution de Guevgheli qui reste en territoire serbe.
+
+En comparant d'après les indications de notre carte: 1° les frontières
+de la Bulgarie avant la première guerre balkanique; 2° les limites des
+territoires occupés par elle après cette première guerre; 3° le recul
+impressionnant auquel l'offensive serbo-grecque, l'envahissement
+roumain, la reprise de la Thrace par les Turcs, avaient contraint la
+Bulgarie; 4° les frontières actuellement convenues à Bucarest, on voit
+que, malgré les pertes cruelles dues aux fautes du gouvernement Danef,
+la Bulgarie cependant conserve d'importantes acquisitions territoriales
+et prend accès, par une ligne de côtes et un port, sur la mer Égée.
+
+Quant à la Thrace, maintenant réoccupée par les Turcs, quant à
+Andrinople redevenue musulmane, il n'en a pas été question à Bucarest.
+Ce sera le problème de demain à résoudre soit par la diplomatie des
+puissances, soit par une entente... ou une nouvelle guerre
+bulgaro-turque.
+
+A. C.
+
+[Illustration: Les nouvelles frontières des États balkaniques arrêtées à
+Bucarest. Illust. Limite extrême atteinte par les armées bulgares avant
+la nouvelle guerre. Illust. Limite du recul des Bulgares devant les
+Grecs, les Serbes, les Roumains et les Turcs. Illust. Frontières
+nouvelles. (A l'Est la rencontre de la frontière serbo-grecque avec
+celle de la future Albanie reste indéterminée.)]
+
+[Illustration: Lèse-Majesté: des punaises dans le képi royal.]
+
+[Illustration: Un officier est Chargé de l'exécution des
+coupables.--_Instantanés de M. Jean Leune._]
+
+
+
+LE ROI DE GRÈCE AUX AVANT-POSTES
+
+_Un incident, tout menu, de la guerre, mais bien curieusement illustré
+par la photographie, nous est conté par M. Jean Leune. C'est encore là
+un chapitre--mais simplement pittoresque et amusant, cette fois--des
+horreurs de la guerre._
+
+Livounovo, 18 juillet.
+
+Ce matin, le roi Constantin et son état-major sont arrivés en
+automobiles. Le roi conduisait lui-même.
+
+Avant d'entrer dans la bâtisse malpropre qui va être ici sa résidence,
+il nous a abordés avec la simplicité qui le caractérise... Et puis, tout
+à coup, nous le voyons secouer la tête, enlever vivement son képi. Il
+regarde dedans... Puis il nous le tend:
+
+--Tenez, regardez... fait-il en éclatant de rire, j'ai deux punaises
+dans mon chapeau!...
+
+Et il tend le képi au commandant Skatigos qu'il charge d'exécuter les
+délinquantes, tandis que, d'instinct, les princes grecs présents
+inspectent à leur tour leurs coiffures.
+
+_On peut sans peine, imaginer ce que sont, depuis dix mois, les
+préoccupations d'un souverain qui a assumé lui-même les responsabilités
+d'un généralissime. Notre excellent collaborateur, le dessinateur et
+peintre militaire Georges Scott, vient de passer plusieurs jours au
+quartier général du roi Constantin et sur la ligne du feu. En attendant
+qu'il nous en rapporte lui-même ses études en couleurs, il nous envoie
+le dessin que nous reproduisons ici._
+
+[Illustration: AU QUARTIER GÉNÉRAL DE LIVOUNOVO.--Tout est endormi:
+seul, le roi travaille. _Dessin d'après nature de GEORGES SCOTT._]
+
+
+
+UNE BELLE FIGURE
+
+L'ENTOMOLOGISTE HENRI FABRE DE SERIGNAN _(Voir les photographies aux
+pages suivantes.)_
+
+Voici que, maintenant, le modeste et grand Henri Fabre, mon illustre
+voisin de Serignan, est l'objet de toutes les coquetteries officielles.
+Un ministre, M. Joseph Thierry, vient de le visiter et de le haranguer;
+et déjà l'on s'apprête à honorer, par l'érection d'un monument à
+Avignon, le souvenir de ce vivant.
+
+En vérité, quelle curieuse destinée fut la sienne! Pendant des années et
+des années, sous ce titre modeste: _Souvenirs entomologiques_, il
+publie, touchant la vie des insectes, des travaux admirables, qui
+resteront parmi les plus étonnants monuments scientifiques, et personne
+ne le connaît. Solitaire, dédaignant gloire, honneurs et profits, il n'a
+qu'un unique souci: travailler, travailler sans cesse pour parfaire son
+oeuvre. Sa vie se passe entre son modeste ermitage de Serignan et ce
+qu'on appelle dans le pays «la montagne», laquelle n'est en
+réalité--dans le Midi on exagère toujours un peu--que la colline
+environnante. Ici et là, il étudie avec une inlassable patience les
+insectes, les suivant, dans les multiples manifestations de leur
+existence. Au milieu de son jardin il a planté un _harmas_, sorte de
+vaste bosquet aux arbres, arbustes et plantes variés: chênes verts,
+arbousiers, genévriers, lavande, sauge, thym, coronille, où vivent des
+milliers d'insectes; sur «la montagne», qui, depuis Serignan jusqu'au
+hameau de la Garde Paréol, est boisée à souhait, vit également tout un
+monde d'insectes. L'oeil constamment aux aguets, derrière une loupe,
+l'entomologiste reste des heures entières immobile en observation,
+parfois à plat ventre; il suit les évolutions d'un scarabée sacré ou
+d'un débonnaire grillon. La nuit même, souvent, il veille. Ne lui
+faut-il pas surprendre la cione, alors qu'elle fabrique sa capsule de
+baudruche, ou saisir le moment précis où l'aile du criquet commence à
+pousser, spectacle, paraît-il, prodigieux? Et les années s'écoulent
+ainsi...
+
+Puis, un beau jour, à la suite d'un concours fortuit de circonstances,
+Henri Fabre devient subitement célèbre. On sait qui il est, on lui rend
+hommage,--on lui rend enfin justice! Mais, ô ironie du sort! à ce
+moment-là, il est un octogénaire! Oui, en vérité, ce fut une étrange
+destinée que la sienne, mais combien injuste! Henri Fabre, qui est un
+vrai philosophe, ne s'en est jamais plaint. Récemment, en manière de
+boutade, il disait: «La vie est mal agencée. C'est du mauvais ouvrage à
+refaire.»
+
+Chez Henri Fabre le savant est doublé d'un prestigieux écrivain. Ses
+volumes ne sont pas seulement de merveilleux recueils de science: leur
+style clair, alerte, pittoresque, imagé, vivant, parfois émouvant,
+atteint à la perfection. Henri Fabre est certainement un de nos
+meilleurs écrivains contemporains. On peut regretter que l'Académie
+française n'ait jamais songé à l'appeler à elle. Il est de ces hommes
+qui honorent une assemblée.
+
+Les livres d'Henri Fabre ont, en outre, le mérite très rare d'être aussi
+bien à la portée des profanes que des spécialistes les plus
+expérimentés. La lecture en est attrayante. Ils sont la révélation la
+plus romanesque et la plus poétique qu'on puisse imaginer de la vie des
+insectes.
+
+Henri Fabre a le don de faire partager à son lecteur tout l'intérêt
+qu'il prend lui-même aux études qu'il poursuit. Avec lui on est
+émerveillé de l'instinct extraordinaire qui détermine chacun des actes
+des insectes, avec lui on est passionné par les drames qui se déroulent
+au cours de leurs existences éphémères, avec lui on en arrive, malgré
+soi, à croire que ces tout petits êtres, que nous côtoyons et que nous
+ignorons pour la plupart, ont nos désirs, nos craintes, nos haines et
+nos passions. Quelles belles pages n'a-t-il pas écrites sur
+l'ingéniosité provoquée chez certains d'entre eux par l'instinct de la
+maternité, «foyer trois fois saint où couvent, puis soudain éclatent ces
+inconcevables lueurs psychiques qui nous donnent le simulacre d'une
+infaillible raison»?
+
+M. G.-V. Legros, qui a analysé l'oeuvre d'Henri Fabre avec autant de
+conscience que d'érudition, raconte que Darwin avait été frappé de
+l'ingéniosité déployée par le grand entomologiste pour pénétrer les
+secrets des insectes et pour saisir les fils qui les rattachent au grand
+mystère des choses. Dans son célèbre livre sur l'_Origine des Espèces_,
+il l'appelle d'ailleurs «l'observateur inimitable».
+
+Edmond Rostand, grand admirateur d'Henri Fabre, a fort bien caractérisé,
+son talent en ces quelques vers:
+
+ _De plus, il sait trouver les mots vifs et luisants_
+ _Qui peignent la cuirasse et dessinent la patte,_
+ _Et faire d'une étude austère et délicate_
+ _Une ardente aventure aux détails amusants._
+ _Il sait conter..._
+
+En effet, Henri Fabre conte à ravir. On a fait souvent un rapprochement
+entre La Fontaine et lui. Il n'est pas douteux qu'il n'y ait entre les
+deux hommes une certaine analogie. L'un et l'autre se sont plu dans la
+société des bêtes. Leurs oeuvres ont la même fraîcheur, le même charme,
+la même émotion et la même simplicité. Tous deux sont des écrivains
+issus de notre vieux sol français. Que de jolies images ne pourrait-on
+pas glaner dans les ouvrages d'Henri Fabre! Tantôt le savant écrivain
+nous montre l'abeille qui «met la tête à la lucarne de sa demeure pour
+s'informer du temps»; tantôt il nous parle des jeunes araignées qui, en
+se dispersant dans le vaste monde, «s'élancent et montent en gerbes
+diffuses sous les caresses du soleil, pareilles à des projectiles
+atomiques, au bouquet d'un feu d'artifice, à une pyrotechnie vivante...»
+
+Peut-être, un jour, nos enfants apprendront-ils, tout comme ils
+apprennent les fables immortelles du bonhomme, les récits entomologiques
+du noble vieillard de Serignan? Ils connaîtront, peut-être, aussi bien
+que l'histoire de la cigale et de la fourmi, la destinée tragique du
+minotaure typhée ou les méfaits de la mante religieuse, cette petite
+bête cruelle qui dévore ses époux et dont le seul aspect glace d'effroi
+ses victimes, quand elle prend devant elles ce que les entomologistes
+appellent «la pose spectrale».
+
+Avant Henri Fabre, la science entomologique apparaissait à tout le monde
+comme une chose barbare et inaccessible. Le grand entomologiste de
+Serignan est le premier qui ait étudié les insectes sur le vif; à force
+de patience il est parvenu à posséder tous leurs secrets. C'est ce qui
+fait que son oeuvre est vivante et au plus haut point captivante. Henri
+Fabre est bien le révélateur d'un monde nouveau.
+
+Maurice Maeterlinck, l'auteur de la _Vie des abeilles_, qui est, lui
+aussi, un fervent admirateur d'Henri Fabre, a écrit à ce propos:
+
+«Il a consacré à surprendre leurs petits secrets, qui sont le revers des
+plus grands mystères, cinquante années d'une existence solitaire,
+méconnue, pauvre, souvent voisine de la misère, mais illuminée, chaque
+jour, de la joie qu'apporte une vérité qui est la joie humaine par
+excellence. Petites vérités, dira-t-on, que celles que nous offrent les
+moeurs d'une araignée ou d'une sauterelle. Il n'y a plus de petites
+vérités; il n'en existe qu'une, dont le miroir, à nos yeux incertains,
+semble brisé, mais dont chaque fragment, qu'il reflète l'évolution d'un
+astre ou le vol d'une abeille, recèle la loi suprême.»
+
+Henri Fabre écrit le provençal avec la maîtrise d'un Mistral. Il a
+publié un recueil de vers intitulé _Oubreto Prouvençalo_, où il se
+révèle poète charmant et plein de fantaisie.
+
+D'ailleurs, toute son oeuvre n'est-elle pas imprégnée de poésie et de la
+meilleure?
+
+ *
+ * *
+
+L'existence de Fabre fut une vie d'âpre labeur ininterrompu. Né de
+parents pauvres, il pousse à l'aventure, comme il peut, sans soutien. Il
+apprend, grâce à une volonté tenace, à lire seul, le soir, le plus
+souvent à la lueur d'un éclat de pin imprégné de résine. Au collège de
+Rodez, il paie le prix de ses classes en se faisant enfant de choeur. Il
+obtient ensuite une bourse à l'école normale primaire d'Avignon, et
+débute dans l'enseignement comme instituteur à Carpentras. Lamentable
+existence que celle de ces pauvres maîtres d'école d'autrefois! A force
+de travail et de persévérance, Henri Fabre parvient à s'échapper de
+cette galère et il est nommé professeur de physique au lycée d'Ajaccio.
+Ayant contracté des fièvres en Corse, il demanda à revenir en France. Il
+fut nommé au lycée d'Avignon.
+
+C'est là, en étudiant les ouvrages de l'entomologiste Léon Dufour, qu'il
+constata combien la science entomologique était incomplète et
+superficielle. Il comprit que s'ouvrait devant lui un magnifique champ
+d'expérience et il résolut de poursuivre et de compléter l'oeuvre
+ébauchée jadis par Réaumur et les deux Huber. Mais pour cela il lui
+fallait la paix et l'isolement. C'est alors qu'il quitta l'enseignement
+et vint s'établir à Serignan, aimable petit village situé sur la route
+d'Orange à Valréas.
+
+Chose curieuse: pendant des années, Henri Fabre demeura à peu près
+ignoré des habitants de Serignan.
+
+Ceux-ci savaient seulement que la petite maison rose aux volets verts de
+la route d'Orange était habitée par un monsieur original qu'on ne voyait
+jamais et qui écrivait des livres. L'entomologiste, en se rendant vers
+«la montagne» environnante, ne passait jamais par le village, ce qui lui
+était facile, attendu que sa demeure se trouve sise un peu en dehors de
+Serignan. Ce n'est qu'assez récemment, lorsque la renommée d'Henri Fabre
+devint universelle, que les habitants de Serignan apprirent que l'hôte
+de la petite maison rose était un grand savant devant lequel tout le
+monde s'inclinait. Depuis lors, ils sont fiers de leur illustre
+concitoyen.
+
+Henri Fabre aime Serignan:
+
+--C'est ici, me disait-il, que j'ai véritablement vécu, parce que c'est
+ici que j'ai pu travailler à loisir.
+
+Aujourd'hui, Henri Fabre, qui, au mois de décembre dernier, a célébré
+son quatre-vingt-dixième anniversaire, ne peut plus travailler. L'âge
+est là, et contre lui la volonté la plus robuste est impuissante. Ses
+jambes se refusant à le porter, il passe ses journées dans sa salle à
+manger située au rez-de-chaussée. Sa pipe reste sa meilleure compagne.
+Une pipe éteinte, vite il en rallume une autre. Et ainsi depuis le matin
+jusqu'au soir.
+
+La physionomie d'Henri Fabre est restée expressive et originale. Les
+yeux sont brillants et s'animent, par instants, étrangement. Les joues
+maigres, sillonnées de rides profondes, ont pris une teinte de cire. Les
+cheveux un peu longs sont rejetés en arrière et découvrent un large
+front qui est le plus souvent ombragé du large feutre provençal.
+
+Quand on pénètre dans la maison de Serignan, on est saisi d'une
+indicible mélancolie à la pensée que le grand laborieux ne travaille
+plus. L'harmas est désert. Les petites ruches où nichaient les abeilles
+sont vides. Autrefois, Henri Fabre attendait avec impatience le retour
+des vagabondes, qu'on avait été lâcher du haut du rocher des Doms, à
+Avignon. Il notait l'heure de rentrée de chacune d'elles...
+
+Et le cabinet de travail, combien il est abandonné! Tout en haut de la
+bibliothèque, s'alignent, poussiéreux et délaissés, les quarante-huit
+volumes contenant l'herbier réuni par Henri Fabre au cours de ses
+promenades quotidiennes. Cet herbier est un véritable trésor. Il mérite
+d'être pieusement recueilli. Plus bas, c'est une collection d'aquarelles
+représentant les multiples variétés de champignons du pays, le tout
+dessiné et peint à ravir de la main de l'entomologiste.
+
+La vie d'Henri Fabre, si noblement remplie, s'achève dans le silence et
+la solitude que viennent uniquement troubler les hommages tardifs de la
+plus douce gloire. Seul, parfois, le regret de ne pouvoir poursuivre la
+tâche interrompue vient assombrir les derniers jours de l'illustre
+savant.
+
+Je ne connais pas, parmi nos contemporains, une figure plus belle et
+plus pure que la sienne. Elle mérite d'être vénérée autant qu'admirée.
+
+ANDRÉ MÉVIL.
+
+[Illustration: L'ENTOMOLOGISTE DE SERIGNAN Henri Fabre observant des
+insectes prisonniers sous une cloche de toile métallique. _Photographie
+P.-H. Fabre.--Droits réservés._]
+
+[Illustration: HENRI FABRE DANS SON CABINET DE TRAVAIL L'illustre savant
+devant la petite table sur laquelle il a écrit ses «Souvenirs
+entomologiques». _Photographie P.-H. Fabre.--Droits réservés._]
+
+
+
+LES VILLES MARTYRES
+
+COMMENT LES BULGARES ONT TRAITÉ GRECS ET TURCS EN MACÉDOINE
+
+_Aux terrifiantes photographies de notre dernier numéro, il semblait
+qu'on ne pût rien ajouter. Mais nous avons reçu de M. Jean Leune une
+lettre si pleine de faits nouveaux que nous ne saurions nous dispenser
+de la publier. Elle nous révèle, sans en rien cacher, toutes les
+horreurs commises dans la retraite bulgare par des troupes dont, il y a
+peu de mois, nous étions heureux de relater les gestes héroïques en
+Thrace, mais que la défaite semble avoir frappées de démence
+sanguinaire, et qui, échappant--nous ne voulons pas en douter--à la
+direction de leurs états-majors, ont véritablement supplicié, dans des
+villes innocentes, des populations sans armes._
+
+16 juillet.
+
+Ce matin, mes nerfs sont calmés et mes idées plus claires. Je puis
+essayer de décrire ce que j'ai vu hier, pendant toute une journée qui
+fut certainement la plus atroce que j'aie vécue encore.
+
+Depuis octobre dernier que nous courons les champs de bataille et de
+carnage, j'ai vu des milliers d'hommes s'entr'égorger, j'ai vu, sur la
+terre humide ou desséchée, des milliers de pauvres choses inertes et
+méconnaissables, qui étaient encore, quelques heures auparavant, des
+êtres humains comme moi, doués des facultés de penser et d'agir. J'ai vu
+des hommes mutilés souffrir le martyre. C'est-à-dire que tout ce que la
+guerre peut avoir d'horrible est passé devant mes yeux... Et cependant
+jamais encore je n'avais éprouvé ce que j'ai éprouvé hier. Car tous ces
+hommes que j'ai vus se battre, souffrir ou mourir, étaient des soldats
+qu'animait et soutenait une âme supérieure, un idéal grandiose, qui se
+battaient, souffraient ou mouraient pour leur patrie, pour commencer de
+réaliser enfin la «grande Idée hellène». Il y avait, malgré tout, de la
+beauté et de la joie dans ces spectacles de douleur et de mort... Hier,
+rien de tout cela. J'ai compris pour la première fois de ma vie ce que
+peut être l'_horreur..._
+
+Hier donc, nous avons été visiter Demir-Hissar et Serès, les deux villes
+infortunées que visita le fléau bulgare. Temps lourd et soleil
+implacable. Sur tout le paysage, plaine et montagne, une brume grise,
+opaque. On dirait un immense voile de deuil étendu sur le pays. Et l'on
+se sent mal à l'aise, moralement oppressé. Le coeur vibre étrangement
+sans arrêt. L'âme des martyrs flotte autour de nous. Elle nous pénètre
+jusqu'au plus profond de nous-mêmes. Elle crie vengeance.
+
+DEMIR-HISSAR
+
+Petite ville pittoresque, au pied d'un rocher à pic, et à cheval sur une
+petite rivière qu'enjambe un vieux pont de pierre à l'arche centrale
+surélevée. Les maisons sont peureusement fermées. Des planches clouées à
+la hâte cachent les ouvertures béantes faites à coups de hache dans les
+devantures de petits magasins pillés.
+
+Dans les rues, peu de monde. Quelques hommes, l'arme à l'épaule.
+Quelques femmes en noir et craintives encore. Et puis, des soldats
+grecs... Mais les yeux rougis de tous disent que la douleur habite
+désormais la pauvre petite ville...
+
+--Mes deux frères de vingt-deux et vingt-cinq ans ont été massacrés,
+nous dit l'un.
+
+--Mon père, ma mère et puis... ma soeur, dit un autre.
+
+Et, en disant «ma soeur», le malheureux baisse les yeux. Sa main passe
+sur son visage, rapide et brutale de colère, pour essuyer une larme
+furtive. Car la jolie fillette de quinze ans pour laquelle, lui, le
+grand frère, travaillait avec tant d'amour, dont chacun s'efforçait avec
+tendresse de préparer l'avenir, la jolie fillette est morte dans le
+déshonneur... Puis le frère se ressaisit. Ses yeux ont des éclairs. Sa
+main caresse la crosse de son arme... Venger, voilà désormais le seul
+but de sa vie.
+
+«Mon père, ma mère, mon frère, ma soeur, mes enfants, _massacrés_!»
+Voilà ce que nous disent uniformément tous ceux qui viennent vers nous,
+en confiance parce que nous sommes des Français et parce que, dans leur
+peu de connaissances, ils savent tout de même que la France fut toujours
+douce et compatissante aux petits, à ceux qui souffrent. Près de deux
+cents personnes ont été ici massacrées, hommes, femmes et enfants, Turcs
+ou Grecs indistinctement.
+
+Lorsque l'attaque grecque se dessina l'autre jour, suffisamment mordante
+pour que les Bulgares dussent abandonner leurs positions en avant de la
+ville vers la Strouma, le détachement resté dans Demir-Hissar se
+rassembla, sous le commandement d'un lieutenant d'infanterie. Puis il se
+fractionna en petits groupes qui commencèrent de parcourir les rues,
+précédés de tambours. Ceux-ci battaient «la générale», pour signifier
+aux habitants d'avoir à quitter leurs maisons et de descendre dans la
+rue. Brutalement, à coups de crosse, les soldats ébranlèrent les portes
+et enfoncèrent celles qui ne s'ouvraient pas assez vite. On fouilla les
+maisons. Puis un lamentable troupeau se forme et grossit peu à peu, que
+les soldats du tsar Ferdinand poussent avec des coups, des injures
+ignobles et des rires de brutes saoules vers l'école bulgare. Dans la
+cour de l'école sont réunis cent cinquante pauvres êtres sans défense,
+ayant au coeur pour tout réconfort leur inébranlable foi en Dieu, en la
+patrie grecque. Le métropolite est là. Des prêtres, des notables, aussi
+du petit peuple.
+
+Les soldats ont la baïonnette au canon. Leurs yeux sont tournés vers un
+officier qui, peut-être, lorsqu'il faisait ses études à Paris ou à
+Berlin, fut un beau valseur, aimé des jolies femmes, dans les salons...
+
+L'officier lève la main. Et les brutes se jettent sur leurs proies. Ils
+saisissent d'abord le métropolite...
+
+_Et nous savons, par la lettre de Mme Jean Leune publiée dans notre
+dernier numéro, quelles effroyables tortures on lui fit subir._
+
+... Les autres ont le même sort. Un par un, ils tombent affreusement
+suppliciés, mutilés, avec un art et des raffinements inouïs. Les uns
+pleurent. D'autres, à genoux, implorent une grâce impossible. Mais ils
+ne réussissent qu'à faire rire plus bestialement encore leurs bourreaux
+et à provoquer de leur part de nouveaux et plus raffinés supplices. Cent
+cinquante malheureux tombent ainsi. Et, quand l'orgie sanglante est
+terminée, parce qu'il n'est plus de victimes à immoler, alors les
+fauves, rapidement, vont jeter les cadavres tout chauds encore dans une
+grande fosse très profonde, creusée plusieurs jours à l'avance. Deux
+mètres de terre recouvrent par endroits la masse de chairs informes.
+Mais le temps presse. Les Grecs approchent. Il faut partir. Sur les
+derniers cadavres, un peu de terre seulement est jetée. Or, par miracle,
+le dernier massacré, un jeune homme de vingt-cinq ans, malgré sept coups
+de baïonnette, n'est pas mort. Quelques centimètres de terre à peine le
+recouvrent. Il attend quelques instants. Puis, avec une énergie
+farouche, au prix d'efforts inouïs, il parvient à se dégager... et il se
+relève, témoin survivant, accusateur imprévu.
+
+_C'est le blessé dont nous avons publié le portrait dans notre dernier
+numéro._
+
+... Mais ce n'est pas tout... Après avoir férocement tué, les
+massacreurs ont une dernière fois traversé la ville. Ils ont encore
+fouillé quelques maisons. Et la fatalité a voulu qu'ils trouvassent
+encore huit jeunes filles, de quinze à vingt ans... Et ils n'ont pas
+tué, car ils ont voulu qu'un atroce souvenir de leur passage dans la
+ville demeurât bien vivant derrière eux... Nous allons voir les
+malheureuses. Jeunes et jolies. Mais leurs yeux rougis n'ont plus de
+regard, parce que les larmes l'ont éteint. Et leur pauvre jeune corps
+tremble encore. Et leurs petites mains brisées ont de gauches mouvements
+de pudeur... «Déshonorées! Déshonorées!...» ne cessent-elles de répéter
+entre deux sanglots. La pensée de leur déshonneur est la seule qui leur
+reste dans l'esprit. Les mères, derrière leurs fillettes, pleurent,
+lamentables. Et leur douleur est sans limite, parce qu'elles, déjà,
+pensent plus loin... Nous ne pouvons supporter un tel spectacle. Mes
+yeux sont noyés de larmes. Ma gorge est serrée. Je serais incapable de
+proférer une seule parole.
+
+Nous quittons Demir-Hissar. Chaleur torride. Plaine sans ombre.
+Poussière aveuglante. L'automobile monte à l'assaut des talus, tombe
+dans les fossés, s'embourbe, dérape. La direction est folle. N'importe,
+nous allons. Dans les champs merveilleusement fertiles, la moisson
+ondule... Ici et là, de petites tentes blanches, à l'ombre desquelles
+les paysans se reposent un peu, au moment que le soleil est le plus
+fort. On travaille dans les blés, car maintenant la liberté est enfin
+sur le pays. Avec elle la vie peu à peu renaît et avec elle le travail
+et ses joies.
+
+Mais c'est à peine si je regarde tout cela. Ma pensée est ailleurs. Elle
+est à la douleur, à l'horrifiante douleur dont nous avons eu tout à
+l'heure l'inoubliable révélation...
+
+SERÈS
+
+Une route détestablement pavée qui nous fait faire des sauts
+formidables. Des arbres. Au loin, des toits de maisons, des casernes
+turques. Nous sommes à Serès.
+
+Au premier abord, aucune impression particulière. Les gens vont et
+viennent dans la rue. Des petits marchands vendent ici de la limonade,
+là des fruits... Et puis, tout d'un coup, après un tournant brusque de
+la rue, la terrible vision. L'incendie a passé. Des pans de murs
+noircis, des fers tordus, des débris de toutes sortes. Et cela fume
+encore d'une âcre fumée bleuâtre. Et les ruines, noircies, déchiquetées,
+s'étendent au loin, à droite, à gauche. Elles grimpent au flanc d'une
+colline, en atteignent le sommet, et redescendent sur l'autre flanc.
+
+Ici, étaient des magasins dont les enseignes avaient été écrites en
+bulgare sur l'ordre des autorités occupantes. Ici, une église reste
+seule debout, avec les quatre murs de sa nef, sa toute petite porte
+surmontée d'une inscription grecque en lettres d'or, respectée par le
+feu... Ici, était une mosquée... Là, s'élevaient de riches maisons
+particulières, ou bien les consulats étrangers que la folie bulgare n'a
+pas eu l'habileté élémentaire d'épargner... La ruine partout: des
+pierres noires, de la fumée bleue, que contemplent avec une parfaite
+insouciance de belles cigognes perchées sur les coupoles d'une mosquée
+échappée à la destruction. Voilà tout ce qui reste des trois quarts de
+Serès, la ville grecque.
+
+Des Grecs passent, l'air abattu:
+
+--Les Bulgares nous ont tout pris, puis ils ont incendié notre maison.
+Nous ne possédons plus en tout et pour tout que ceci. (Et ils nous
+montrent les vêtements qu'ils portent.) Et nous n'avons plus de gîte.
+Qu'allons-nous devenir?
+
+Des milliers de familles (20.000 personnes) sont ainsi sans foyer et
+manquent de tout. Bien heureuses lorsqu'elles ne sont pas de celles dont
+plusieurs des membres furent massacrés par les barbares en fuite. Deux
+cents notables: prêtres, avocats, docteurs, directeurs de banque, etc.,
+ont été emprisonnés, puis assassinés après les pires tortures. Des
+familles ont un fils incorporé de force dans l'armée bulgare, et puis un
+autre fils qui, ayant pu se sauver à temps, sert comme volontaire dans
+l'armée grecque.
+
+C'est vendredi dernier, dans la matinée, qu'un détachement mixte
+bulgare, composé d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie, commença de
+bombarder la ville sans défense. Les obus tombèrent un peu partout,
+faisant ici et là sauter des dépôts de bombes. Puis, à midi, ces
+vaillantes troupes entrèrent en ville. Les soldats massacrèrent tous les
+habitants qui n'avaient eu le temps de se cacher ou de se sauver. Ils
+brûlèrent les consulats. Le vice-consul d'Autriche fut même emmené dans
+la montagne avec sa famille et des malheureux qui s'étaient réfugiés
+chez lui. On les relâcha moyennant 300 livres turques (7.000 francs).
+
+Mais les maisons détruites seront relevées. Mais les victimes de la
+sauvagerie bulgare n'ont souffert que quelques instants, et leurs
+familles se consoleront à l'idée qu'ils sont tombés pour l'idée grecque
+et que leur mort aura servi la patrie hellène en lui attirant les
+sympathies du monde civilisé, révolté par ces procédés infâmes. Une
+autre chose est plus effroyable et plus irréparable que tout cela. Une
+douleur plus atroce pèse sur les familles, une douleur qui pour beaucoup
+est née depuis des semaines déjà, mais qui ne s'éteindra ni demain, ni
+dans des mois... L'armée bulgare a occupé Serès... c'était au mois de
+novembre 1912. Elle s'est installée dans divers bâtiments de la ville.
+Elle campe à ses portes. Le soir est venu. Les rues sont par endroits
+désertes. Un officier bulgare se promène. D'une maison grecque, une
+jeune fille de quinze à seize ans vient de sortir. Elle va vite,
+craintive. L'officier presse le pas, la rejoint. Pas de formes. La brute
+n'en connaît aucune. Et sa poigne est de fer, qui meurtrit à le briser
+le bras de la petite. Voici une sentinelle devant une porte. L'officier
+jette la fillette dans la maison... Quelques heures après, la
+malheureuse rentre chez elle. Elle sanglote éperdument... Chaque jour,
+le même fait se répète.
+
+Ou bien c'est une patrouille qui parcourt les rues. Elle a reçu des
+ordres spéciaux. Elle rentre au camp, amenant dix jeunes filles. Peu
+importe de quelle famille. Peu importe qu'elles soient jolies ou laides.
+Dans dix tentes on répartit les prisonnières. Et chacune est gardée par
+un soldat, baïonnette au canon. Les officiers arrivent alors... Comme le
+vernis péniblement acquis à Paris est loin maintenant! Et, durant dix,
+quinze ou vingt jours, c'est, dans les tentes de douleur et de honte, un
+infâme défilé... Oh! quelle plume saurait flageller de telles
+ignominies? La mienne est impuissante, hélas!...
+
+[Illustration: A Demir-Hissar: les victimes des Bulgares exhumées de la
+fosse où elles avaient été enfouies après le massacre.]
+
+Aujourd'hui, les familles sont dans le deuil. Femmes et jeunes filles ne
+sont plus vêtues que de noir. Et ce deuil cache le drame le plus
+effroyable qui se puisse concevoir. Les innocentes fillettes d'hier
+seront mères demain. Elles sont brisées de douleur. Mais le drame
+indescriptible, c'est que la femme et la mère se sont éveillées en
+elles... Alors, auprès d'elles, veillent leurs mères, dont les cheveux
+ont blanchi brusquement, et leurs frères farouches: «Nous les tuerons,
+nous vous le jurons sur le Christ!» nous disent-ils. Et la haine de leur
+regard ne permet pas de douter qu'ils ne tiennent parole.
+
+Ce n'est pas une famille qui vit ce drame affreux, cette tragédie aux
+phases poignantes de plusieurs mois, ce n'est pas dix, ni cent. Ce sont
+presque toutes les familles. Car les Bulgares sont restés à Serès près
+de sept mois...
+
+_Sur la macabre découverte des otages massacrés près de Livounovo, le
+texte de M. Jean Leune répète, à peu de choses près, le récit--que nous
+avons reproduit la semaine dernière--de M. Georges Bourdon, du_ Figaro.
+_D'intéressantes lettres nous ont également été adressées par notre
+correspondant sur la marche grecque vers Djoumaia, par le défilé de
+Kresna. Nous ne pouvons malheureusement, faute de place, publier cette
+correspondance tout entière et nous en détachons les feuillets suivants
+en lesquels nous est conté un joli épisode de cette marche en avant:_
+
+LE BEL EXPLOIT D'UNE BATTERIE GRECQUE DE 75
+
+Livounovo, 22 juillet.
+
+Sur la route que nous venons de quitter, une longue colonne d'infanterie
+s'avance, long ruban sombre sur la chaussée toute blanche. Des cavaliers
+vont et viennent à bride abattue, officiers ou porteurs d'ordres. Puis,
+la colonne quitte la route et marche dans les champs roux sur lesquels
+elle se fait beaucoup moins visible.
+
+Les Bulgares ont commencé le tir. A 1.000 mètres à peine, devant nous,
+une lourde fumée grise jaillit brusquement du sol, suivie d'une forte
+détonation. Un obus vient d'éclater en avant des troupes. Un second, un
+troisième... Le tir ennemi est trop court; mais, tout de même, il
+empêchera l'infanterie de progresser dans la plaine... Des cavaliers...
+Des ordres... Les masses grises des colonnes obliquent sur la droite.
+Sans précipitation, elles vont se défiler sur le flanc des collines,
+dans les ravins qui les séparent. Encore des éclatements d'obus
+bulgares. Sur la fumée grise qui monte en volutes, des silhouettes se
+détachent très nettement. D'autres sortent de derrière. Les soldats ont
+l'arme à la main. Au pas de course, en bon ordre, ils gagnent un
+défilement... L'impressionnante vision! Un, deux, trois obus éclatent
+encore tout près d'eux. Y a-t-il des tués, des blessés?... Il est très
+probable qu'il y en a... Mais les survivants ne s'inquiètent pas de si
+peu.
+
+A gauche de la route, un groupe de cavaliers au galop. Ils vont et
+viennent, gagnent une ligne d'arbres, reviennent. Des officiers qui
+cherchent sans doute un emplacement de batterie... C'était bien cela...
+Dans les champs, à toute vitesse, voici une batterie qui s'élance. Elle
+gagne la ligne d'arbres, la dépasse. Les attelages ne semblent point
+s'arrêter. Ils obliquent à droite et vont se dissimuler dans un repli de
+terrain...
+
+En avant de la ligne d'arbres, quatre taches sombres: les pièces sont en
+batterie...
+
+Les Bulgares ont vu le mouvement et leurs obus fouillent le terrain pour
+découvrir les nouveaux venus. C'est en vain... La terre jaillit de
+partout sous leurs coups. Leurs obus tournent autour de la batterie
+grecque mais tombent toujours trop loin d'elle pour lui nuire, en avant,
+en arrière, ou sur ses flancs.
+
+De notre observatoire nous voyons tout à merveille. Mais, derrière nous,
+un bataillon d'infanterie vient se défiler; puis, dans le ravin, plus
+bas, une batterie d'artillerie.
+
+Après quelques instants, une dizaine d'officiers forment à côté de nous
+un groupe assez compact. Les Bulgares allongent leur tir. Shrapnells et
+obus explosifs viennent maintenant éclater à 200 et 300 mètres en avant
+de nous. Sans résultats sérieux fort heureusement. La batterie grecque
+ne répond pas. Car son commandant a repéré l'emplacement de la batterie
+bulgare. Celle-ci est à 8 kilomètres. Nos pièces de 75 ne peuvent, à
+cette distance, répondre aux gros canons de 120...
+
+[Illustration: Mosquée de Demir-Hissar que les Bulgares avaient
+transformée en un café-concert: la photographie en montre la scène.]
+
+Du groupe d'officiers qui sont venus sur notre observatoire, un
+commandant se détache:
+
+--Messieurs, nous déclare-t-il, vous êtes beaucoup trop nombreux ici
+maintenant. Il vaudrait mieux que vous vous retiriez!
+
+Il a raison. Lui et ses officiers sont à leur poste. C'est nous qui
+sommes de trop. Nous descendons. Près du pont, le général
+Manoussoyannakis, commandant la division engagée, et son état-major.
+
+--Le terrain est extrêmement difficile, nous explique-t-il. Je n'y puis
+presque nulle part placer d'artillerie. Ici, comme presque toujours dans
+les campagnes de cette année, infanterie et artillerie ont dû renverser
+les rôles que leur attribue la théorie. Au lieu que ce soit l'artillerie
+qui prépare et appuie la marche en avant de l'infanterie, c'est cette
+dernière qui doit, à la baïonnette, s'emparer des positions sur
+lesquelles les canons viendront ensuite se mettre en batterie... Ah! ce
+terrain!...
+
+Il est 4 heures. Le général donne l'ordre de suspendre momentanément la
+marche en avant de la division.
+
+Puis il fait venir le lieutenant Iliadis, commandant de la 1re batterie
+du 1er régiment d'artillerie, 1e division. Il lui parle quelques
+instants.
+
+Le lieutenant galope à travers champs avec deux cavaliers... Il va,
+dépasse la batterie déjà en position... Il va... Il galope... Nous ne le
+voyons plus... Le voici revenu. Il dit quelques mots au général:
+
+--Eh bien, alors, en avant! et faites-nous de la bonne besogne! crie le
+commandant de la division.
+
+Quelques minutes passent... Un bruit de galop, de ferraille derrière
+nous. C'est la batterie du lieutenant Iliadis qui franchit la petite
+rivière, à côté des ruines d'un pont brûlé. Elle se forme en colonne sur
+la route, devant le général.
+
+[Illustration: Au pas de course, les soldats gagnent un défilement...]
+
+Le lieutenant Iliadis prend la tête. 11 se retourne sur son cheval... La
+batterie est au complet. Il assure ses pieds dans les étriers... Son
+bras droit se lève et fait deux gestes: «En avant! au galop!» Son cheval
+a bondi aux piqûres de l'éperon. Un grondement de tonnerre; la batterie
+est partie. A 300 mètres en avant, les obus de 120 pleuvent. Conducteurs
+et artilleurs sont tels qu'ils seraient sur un champ de manoeuvre...
+Comment est-il possible d'en arriver à un tel mépris de la mort?... Car
+ils vont à la mort, si la chance ne veut point que les obus ennemis les
+évitent.
+
+La batterie court sur la route blanche, dans un tourbillon de poussière
+grise.
+
+Tout le monde ici, avec nous, est affreusement anxieux... Une détonation
+sourde et lointaine... Les Bulgares viennent de tirer. Chacun retient
+son souffle, angoissé... Où l'obus va-t-il tomber? Qui va-t-il
+atteindre?... Nous avons nos jumelles braquées pour voir le résultat.
+
+[Illustration: La batterie court sur la route blanche...]
+
+Tout au bord de la route, près d'une pièce, un éclair... une brusque
+fumée grise mêlée de terre noire qui nous cache toute la batterie... Une
+détonation... L'obus a éclaté... Sa fumée se dissipe un peu... Nous
+regardons de tous nos yeux... L'infernal galop continue toujours. Dieu
+soit loué! personne n'a été touché... Les soldats, près de nous, font le
+signe de croix... Mais, derrière le premier obus, sont venus un second,
+un troisième. Ils tombent, ils pleuvent, tantôt à droite, tantôt à
+gauche, ou bien en avant, en arrière, et même entre les attelages...
+L'infernal galop continue toujours...
+
+A 2 kilomètres en avant de nous, la route descend dans une sorte de
+petit ravin. La batterie quitte la route, oblique à gauche. Les pièces
+sont déjà en position. Les avant-trains se sont éloignés...
+
+Quelques minutes passent. Les Bulgares tirent toujours, mais en
+aveugles...
+
+Quatre coups de canon successifs. La batterie Iliadis vient de tirer sa
+première salve. Au delà d'un petit bois, au loin, la fumée des
+éclatements monte...
+
+Alors le tir bulgare, brusquement, s'arrête... L'extraordinaire Iliadis
+a, du premier coup, trouvé l'emplacement des 120.
+
+Le général Manoussoyannakis, littéralement, se précipite sur nous:
+
+--Eh bien, vous avez vu? Du premier coup! hein? Ce n'est pas
+extraordinaire? Il faut le photographier, cet Iliadis, vous savez!...
+
+Une demi-heure plus tard seulement, le tir bulgare reprend,
+désordonné...
+
+Au loin, vers l'entrée même du défilé, une haute fumée bleuâtre et qui
+dure.
+
+La carte indique un pont de ce côté. Selon toute vraisemblance, c'est ce
+pont qui doit brûler. Donc les bulgares l'ont repassé, vers le nord.
+
+JEAN LEUNE.
+
+
+
+LA REPRISE D'ANDRINOPLE PAR LES TURCS
+
+_Avant que s'ébranlât vers Andrinople l'armée ottomane concentrée
+derrière les lignes de Tchataldja, alors qu'on s'étonnait un peu de
+l'inaction des Turcs quand les circonstances leur étaient si favorables
+pour reconquérir le terrain perdu, notre collaborateur Georges Bémond,
+qui, depuis sa belle campagne en Tripolitaine et en Cyrénaïque, ses
+randonnées de Constantinople au front, et la publication des émouvantes
+pages qu'il a consacrées aux souffrances de l'armée turque, à ses
+revers, était, aux rives du Bosphore, comme l'incarnation même de_
+L'Illustration, _recevait du colonel Djemal bey, gouverneur militaire de
+Constantinople, auquel l'unissent une amitié et une estime réciproques,
+une dépêche pressante: «Nous allons à Andrinople. Venez.--Djemal.»_
+
+_Ce fut la première nouvelle que nous eûmes des intentions des Turcs._
+
+_Il fut malheureusement impossible à Georges Bémond de répondre à cet
+affectueux appel. Il le regretta._
+
+_On connaît les événements qui se sont déroulés depuis lors. Les
+quotidiens les ont narrés au jour le jour: la retraite précipitée des
+Bulgares, trop peu nombreux pour accepter le combat; les farouches
+vengeances qu'ils exercèrent sur des malheureux désarmés,
+irresponsables, et ces soixante-dix habitants d'Andrinople attachés par
+deux, par quatre, et noyés dans l'Arda, d'où l'on vient de retirer leurs
+pitoyables dépouilles..._
+
+_M. Gustave Cirilli, ancien consul de France, l'auteur de ce «Journal
+d'un assiégé dans Andrinople» dont nous avons publié des extraits
+(numéro du 26 avril), vient de retourner passer quelques jours dans la
+ville où il avait vécu naguère de si mauvaises heures. Il nous
+envoie--sans insister d'ailleurs sur les atrocités dont la ville reprise
+fut le théâtre--ses impressions, ses voeux, aussi, qui sont ceux de la
+majeure partie de la population._
+
+Andrinople, 30 juillet.
+
+Après une courte absence, un voyage à Constantinople, je suis rentré
+dans l'ancienne _Edirné_, que j'avais quittée en plein sous le régime
+bulgare et que je retrouve réoccupée par les Turcs. Les vaincus d'hier,
+qu'un coup de fortune a ramenés sur les rives de la Maritza, se
+promènent par les rues, calmes, froids, flegmatiques, mais l'air décidé,
+et ils sont en effet parfaitement résolus à reprendre pour leur compte
+la parole connue: _j'y suis, j'y reste_.
+
+Enver bey, l'instaurateur de la liberté en Turquie, est au milieu de ces
+soldats pour enflammer au besoin leur courage. Sera-ce nécessaire? Ces
+troupes ne ressemblent guère à celles que j'ai connues au début de la
+guerre balkanique. Composées d'éléments hétérogènes, sans lien, sans
+cohésion, et surtout sans administration, celles-ci marchaient avec
+cette passivité qui dénonce une absence de conviction et de fermeté. Il
+n'en est plus de même aujourd'hui.
+
+Les soldats commandés par Izzet pacha sont entraînés; ils montrent une
+tout autre allure que les malheureux soldats de Chukri pacha. Les
+officiers, eux aussi, en uniformes moins brillants, mais d'aspect
+beaucoup plus militaire, ne se prodiguent ni en vaines paroles ni en
+vaines parades. Ils sentent que s'ils sont venus ici, grâce à une série
+de circonstances imprévues, ils sont investis d'un devoir supérieur,
+celui de reprendre une ville qu'ils considèrent comme le rempart
+indispensable de leur capitale, et celui de venger leurs frères, non
+seulement ceux qui sont tombés en soldats sur le champ de bataille, mais
+aussi, mais surtout ceux qui ont été mis à mort au milieu de tortures
+épouvantables.
+
+C'est un voyage instructif que celui de Constantinople à Andrinople par
+la ligne des chemins de fer orientaux. Sur tout le parcours de Hademkeui
+à Ourli, en passant par Tchataldja, Sinékli, Tcherkeskeui, Tchorlou,
+Loule-Bourgas, en regardant autour de ces stations tristement célèbres,
+marquées par un long martyrologe, on n'aperçoit que des ruines fumantes,
+des maisons calcinées, des pans de murs ensanglantés, parsemés çà et là
+de gros clous où pendent des chevelures de femmes. Ce que cela signifie,
+on le devine.
+
+Dans la campagne, des milliers de _mohadjirs_, sans feu ni lieu, venus
+on ne sait d'où, femmes, enfants, vieillards, retour d'émigration,
+campent au milieu des champs, cherchant le toit qui les avait abrités et
+ne trouvant plus que îles cendres. La plus sinistre misère s'est abattue
+sur ces malheureux.
+
+Par ailleurs, comment parler sans frémir des attentats, des meurtres,
+des viols, des raffinements de cruauté qui ont présidé à la torture de
+toutes ces victimes, dont le grand crime était d'avoir défendu leur pays
+et d'appartenir à la foi musulmane? Des photographies prises sur le vif
+témoignent des horreurs commises. Je ne suis pas disposé à faire un
+procès de tendance; mais comment se refuser à croire à de telles
+monstruosités? L'impitoyable kodak est là poulies attester. Il semble
+véritablement que les soldats bulgares, en se retirant, aient été saisis
+par la folie de la destruction et le délire du sang.
+
+La civilisation européenne refuserait-elle de reconnaître aux Turcs le
+droit de reprendre une terre gorgée du sang de leurs frères et de leurs
+martyrs? Elle leur est devenue deux fois sacrée, cette terre, et par les
+souvenirs du passé et par les horreurs du présent.
+
+Un mouvement général, d'ailleurs, se manifeste dans toutes les classes
+de la population, sans distinction de race, de culte ou de religion,
+pour protester contre le joug bulgare et flétrir les atrocités commises.
+Ce mouvement de réprobation est allé jusqu'à réunir, le mardi 29
+juillet, dans un meeting monstre, plus de 30.000 personnes. Des orateurs
+grecs, arméniens, israélites, turcs, ceux-ci avec moins de véhémence que
+ceux-là, ont prononcé des discours enflammés pour demander qu'Andrinople
+reste à ses légitimes maîtres, revenus ici en véritables libérateurs,
+déclarant qu'ils sont prêts à tous les sacrifices pour maintenir ce pays
+sous la domination ottomane. Les décisions de ce congrès ont été
+présentées sous forme de voeu aux représentants de toutes les
+puissances, avec prière de les transmettre à leurs gouvernements
+respectifs.
+
+L'Europe resterait-elle indifférente aux suffrages de cette population
+éprouvée par tant de malheurs? Les traités, objectera-t-on. Il faudrait
+faire bien des recherches pour en trouver un seul qui ait été respecté
+depuis cent cinquante ans, et il peut paraître bizarre qu'à une époque
+où l'opinion publique mène le monde, on veuille juguler tout un peuple
+contre la volonté qu'il exprime en toute indépendance. On n'y réussira
+pas, d'ailleurs, à moins de vouer ce pays à des hécatombes perpétuelles.
+Mais n'est-ce pas assez de sang comme cela?...
+
+GUSTAVE CIRILLI.
+
+[Illustration: A Andrinople: on retire de la rivière Arda les corps de
+70 habitants de la ville, noyés par les Bulgares avant leur
+retraite.--_Photographie Léonidas Arnaoudogiou._]
+
+
+
+[Illustration: Guillaume II remet à la nation norvégienne le monument
+colossal de Eridtjhof érigé près de Bergen.--_Phot. Nic. Meyer._]
+
+UN CADEAU IMPÉRIAL A LA NORVÈGE
+
+La statue colossale de Eridtjhof, don de Guillaume II à la Norvège,
+s'élève maintenant au bord du fjord, à Vangsnes, sur le tumulus où
+reposent le héros Scandinave et Ingeborge, qu'il aima. Elle a été
+inaugurée, la semaine dernière, par l'empereur allemand et le roi de
+Norvège en présence de toute la flotte allemande dont il est parlé plus
+loin. Elle est vraiment gigantesque, et l'auguste donateur, auprès
+d'elle, paraît un pygmée.
+
+L'empereur, en faisant remise de ce monument au roi Haakon, chanta, bien
+entendu, la gloire de l'épée Agurwadel, l'arme chérie de Eridtjhof, et
+s'appliqua, en les rapprochant sous la classification de «race
+indo-germanique», à faire des Norvégiens les proches parents des
+Allemands.
+
+Le roi dut remercier son grand ami si empressé, rappelant au passage les
+présents dont il avait déjà comblé la Norvège. Mais la Norvège elle-même
+semble moins enthousiaste. Elle se demande si ses fjords ont à ce point
+besoin de statues, fussent-elles colossales; elle trouve que les visites
+des navires allemands sur ses côtes sont bien fréquentes; que la
+présence dans les eaux norvégiennes d'une trentaine de vaisseaux, à
+l'occasion futile d'une remise de statue, est un bien grand déploiement
+de forces. Elle commence à murmurer, inquiète, un _timeo Danaos..._
+
+
+
+[Illustration: La flotte allemande mouillée sur les côtes de Norvège
+pendant les manoeuvres de la flotte britannique dans la mer du
+Nord.--D'après le _Aftenposten._]
+
+LES ESCADRES ALLEMANDES
+
+SUR LA COTE DE NORVÈGE
+
+Actuellement, la flotte britannique se trouve presque tout entière
+réunie dans la mer du Nord pour y exécuter des manoeuvres. 72 cuirassés
+de premier rang, 34 croiseurs cuirassés, 159 destroyers et 47
+sous-marins sont concentrés en deux escadres sur les côtes orientales de
+la Grande-Bretagne. En présence de cette formidable _armada_,
+l'Allemagne n'est pas demeurée inactive: au colossal déploiement des
+forces navales britanniques, elle a répondu par l'occupation, en quelque
+sorte, des principaux fjords de la Norvège occidentale. La carte
+ci-dessus, empruntée au journal _Aftenposten_ de Christiania, montre que,
+du 26 juillet au 4 août, 14 cuirassés et 7 croiseurs allemands sont
+demeurés mouillés dans la région comprise entre le fjord de Molde et le
+Hardangerfjord, comme pour faire front aux escadres britanniques.
+
+Avec ses innombrables mouillages très sûrs, accessibles aux plus grands
+bâtiments modernes, son archipel côtier à l'abri duquel des flottes
+peuvent, en toute sécurité, charbonner ou se réparer, la côte sud-ouest
+de Norvège, en saillie entre la mer du Nord et le Skager-Rack, constitue
+une base d'opérations navales de premier ordre. Comme le parlement de
+Christiania, ennemi des dépenses militaires, l'a laissée sans défense,
+cette importante position stratégique se trouve à la disposition du
+premier occupant. Aussi, depuis longtemps les escadres allemandes
+viennent-elles manoeuvrer dans ces parages et ont-elles reconnu avec le
+plus grand soin toutes les entrées dans les ports et dans les fjords,
+afin de pouvoir évoluer sans le secours des pilotes. A la première
+alerte sérieuse avec la Grande-Bretagne, s'établir sur la côte de
+Norvège pour attaquer de là l'Angleterre, tel paraissait être le plan de
+l'amirauté allemande. Mais ce n'était là qu'une hypothèse. Le dispositif
+adopté ces jours derniers par la flotte germanique ne laisse plus, à cet
+égard, aucun doute.
+
+CHARLES RABOT.
+
+
+
+UN AÉROPLANE GÉANT
+
+Il y a quelque temps, le correspondant pétersbourgeois du journal
+sportif l'_Aéro_, télégraphia à son journal la nouvelle de la
+construction d'un aéroplane géant par un jeune étudiant de l'École
+technique de Saint-Pétersbourg, M. Igor Sikorsky; et la description de
+ce véritable navire aérien plus lourd que l'air parut si extraordinaire
+que nos confrères sportifs, y compris l'_Aéro_ qui l'avait donnée,
+doutèrent fort de sa réalité.
+
+De fait, si la Russie occupe dans le domaine de l'aviation la première
+place après la France par le nombre de ses appareils et de ses pilotes,
+elle se classe, au point de vue de la construction, à la suite de la
+plupart des pays ayant une industrie aéronautique propre. Elle est
+tributaire principalement de l'industrie française.
+
+Or, on sait quelle longue pratique est nécessaire dans cette nouvelle
+industrie pour obtenir quelques progrès et sous ce rapport, seule la
+France, a pu prendre jusqu'ici toutes les initiatives. Et voici qu'on
+annonce la construction, dans le pays le moins préparé à cette fin, d'un
+aéroplane d'une hardiesse de conception et d'exécution véritablement
+impressionnante et dont la réalisation semble devoir ouvrir une voie
+nouvelle à l'aéronautique!
+
+Cet appareil de Sikorsky est un biplan, dont la surface portante
+supérieure est plus grande que l'inférieure: elle a une envergure de 27
+mètres et son étendue totale est de 130 mètres carrés. Le poids de
+l'appareil est de 3.000 kilos, et il peut soulever, en plus de son
+équipage et de ses passagers (au total dix personnes), des provisions et
+du combustible pour vingt heures et une charge de 800 kilos.
+
+Il est muni à cet effet de quatre moteurs d'automobile de 100 chevaux
+chacun, faisant actionner quatre hélices. Le fuselage est en bois; à
+l'avant, est ménagé un balcon découvert, pour l'observateur. En arrière
+du balcon, est une spacieuse cabine vitrée pour deux pilotes, avec deux
+volants de conduite. Puis viennent une cabine plus grande pour les
+passagers, les dépôts de provisions, d'outils, etc., un couloir, et,
+enfin, une autre cabine avec un divan pour le repos et le sommeil.
+
+[Illustration: La cabine, pour dix personnes, du biplan géant de
+l'ingénieur russe Sikorsky.]
+
+Cette disposition permet aux pilotes de se relayer, aux mécaniciens de
+surveiller, et, au besoin, de régler les moteurs durant le vol. Car
+l'appareil peut continuer sa marche avec trois et même avec deux moteurs
+seulement. D'autre part, malgré la masse énorme du «Grand», il a pu
+développer une vitesse allant jusqu'à 110 kilomètres à l'heure.
+
+Cet appareil a déjà effectué une série de vols, dont le plus long fut de
+deux heures, à une altitude moyenne de 500 mètres. Pendant ces vols, on
+procéda à nombre d'expériences: les pilotes se relayaient librement; les
+passagers se promenaient à travers les cabines et sortaient sur le
+balcon de l'avant. On arrêta un moteur, puis le deuxième, et l'appareil
+poursuivit sa marche régulière, alors même que deux moteurs furent
+arrêtés du même côté.
+
+Ces dernières assertions soulevèrent une incrédulité particulière,
+lorsqu'elles furent avancées par les premières dépêches reçues en
+France. Le «Grand» a pourtant évolué dans ces conditions avec une
+régularité parfaite en présence des autorités russes compétentes,
+au-dessus de Saint-Pétersbourg même, où une foule de spectateurs le
+suivit du regard.
+
+Un rédacteur du _Vetcherneïé Vremia_ de Saint-Pétersbourg, qui avait pris
+place, avec quatre autres voyageurs, à bord même de l'aéroplane, rendit
+compte, en ces termes, de son voyage: «Durant le vol, j'ai pu me rendre
+compte du parfait équilibre de l'appareil. Les passagers et les pilotes
+passaient d'un bout à l'autre de la grande cabine (d'une longueur de
+plus de 3 mètres) et firent des mouvements brusques, sans que la marche
+de l'appareil en fût en rien troublée.»
+
+Bref, on conçoit que les Russes soient enthousiastes de l'invention de
+leur compatriote. Reste à savoir quels avantages précis ils voient dans
+cet avion géant sur les aéroplanes de dimension ordinaire. Ce n'est pas
+tant à l'utilisation du nouvel appareil comme moyen de transport pour
+voyageurs et pour marchandises, qu'à son application militaire que
+s'attache surtout l'attention de nos alliés. Il suffira de signaler ici
+l'avis du savant professeur de l'École technologique, M. Langovoï, qui,
+dans un article du _Novoié Vremia_, affirme la fin prochaine des
+«Zeppelin», qui céderont la place aux «Sikorsky».
+
+E. HALPÉRINE-KAMINSKY.
+
+
+
+UN KRACH COMMERCIAL
+
+Une nouvelle stupéfiante se répandait, mardi dernier, dans Paris. M.
+Armand Deperdussin, le constructeur d'aéroplanes dont, quotidiennement,
+on lisait le nom dans le journaux, directeur d'une entreprise qu'on
+croyait en pleine prospérité, membre du Comité de l'Aéro-Club, chevalier
+de la Légion d'honneur depuis quelques mois, venait d'être arrêté.
+
+[Illustration: M. Armand Deperdussin.]
+
+Une plainte en «faux, usage de faux, escroqueries et abus de confiance»
+avait été déposée par M. Ehrmann, président du Conseil d'administration
+du Comptoir industriel et colonial, associé avec le constructeur
+d'aéroplanes, depuis une douzaine d'années, dans des spéculations... sur
+les soieries. C'est au cours de ces opérations que M. Deperdussin aurait
+détourné, à son profit, par des agissements frauduleux qu'il serait trop
+long d'exposer ici, des sommes considérables: son passif serait de plus
+de 30 millions, son actif de 10 millions, au maximum. C'est donc l'un
+des krachs les plus importants qu'on ait connus.
+
+Ces sommes formidables auraient été englouties dans la création d'usines
+de construction d'aéroplanes, la création de prix d'aviation, la
+fondation d'écoles de pilotage, l'acquisition d'un aérodrome et de deux
+châteaux,--et sans doute aussi dévorées en partie, au cours d'une vie
+trop large, en des compagnies ruineuses.
+
+[Illustration: DEUX OMBRES DANS LE VIEUX PARC.--_«Serait-ce donc là ce
+qu'ils appellent les outrages du temps?»_]
+
+C'est un peu «le grand parc solitaire et glacé» du poète, un parc
+nocturne, que les ombres de ses hôtes d'autrefois reviennent de temps à
+autre revoir, en familiers, à l'heure où les vivants l'ont déserté. Les
+nobles futaies ont pris plus d'ampleur; les boulingrins sont respectés
+et convenablement entretenus; on continue soigneusement de faire la
+toilette des ifs bien pomponnés,--car nous connaissons quels sont nos
+devoirs envers les souvenirs du glorieux passé. Pourtant, hélas! ceux
+qui ont charge de garder ces beaux lieux ne sauraient, quel que soit
+leur zèle, veiller assez jalousement pour empêcher quelques impiétés. Et
+sur tel socle du haut duquel des amours discrets entendirent jadis leurs
+tendres confidences, peut-être, aux jours heureux de la cour et des
+fêtes, les deux promeneurs d'outre-tombe ne sont pas peu surpris de
+voir, charbonnés ou gravés, des _graffiti_ barbares, pour eux sans aucun
+sens. En vain ce revenant de l'avant-dernier siècle s'évertuera à
+déchiffrer ces grimoires. Qui est «Natole»? qui «Jules»? et qui
+«Liline»? Mais le fût poli où s'adossaient autrefois, aux heures des
+épanchements, les deux amoureux, et qu'avec cette divine illusion qui
+fait le meilleur charme de la vie des hommes, même les plus sceptiques,
+ils s'imaginaient devoir garder éternellement l'empreinte de leurs
+doigte enlacés, la pierre blanche est profanée... «Outrages du temps»?
+Et le contemporain de Lauzun va pivoter sur ses talons rouges, sans
+avoir compris.
+
+
+
+CE QU'IL FAUT VOIR
+
+PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER
+
+Semaine de vacances... qui sera vide, ou peu s'en faut, d'attractions
+mondaines, mais où deux spectacles populaires valent d'être signalés à
+l'attention des étrangers: ce sera, demain dimanche, une fête nautique
+dans le bassin de la Villette: et vendredi prochain, jour de
+l'Assomption, les «courses sans entraîneurs», du Parc aux Princes.
+
+Aussi bien pourquoi ne pas inviter la foule qui, dans huit jours, ira
+applaudir les coureurs du Parc aux Princes, et ne pas aller passer notre
+dimanche au delà des fortifications?
+
+Paris, les dimanches d'été, n'est plus guère, en effet, dans Paris; il
+est où sont les Parisiens: à la campagne. Et ce n'est pas perdre son
+temps que de l'y suivre. Il ne faut pas se lasser de le répéter aux
+voyageurs qui passent: les monuments, les théâtres, les musées, les
+trésors de cathédrales--tout ce qui semble faire la splendeur d'une
+ville--ne décrivent pas son âme tout entière, et n'expriment, en tout
+cas, qu'une partie de ce qu'on pourrait appeler son visage. Baedeker ne
+dit pas tout; les dictionnaires non plus; et c'est justement à ces
+spectacles qu'ils ne mentionnent point parce qu'ils les dédaignent ou
+parce qu'ils les ignorent; c'est à ces tableaux d'intimité--et d'un
+pittoresque si changeant--qu'il faut s'arrêter, si l'on veut avoir vu
+Paris vivre, raisonner, sentir...
+
+De ces visions, l'une de celles qui m'a toujours le plus amusé et, le
+dirai-je? le plus ému, c'est Paris, les dimanches d'été, à la campagne.
+Ce n'est pas un départ, c'est une ruée; c'est l'irruption
+frénétique--sur les champs--des pauvres petits rats des villes...
+
+Amis étrangers, n'allez pas, si vous êtes curieux de suivre, pendant une
+journée de dimanche d'été, le peuple de Paris vers la banlieue, n'allez
+pas, ingénument l'attendre à la première venue de nos gares. Il y a des
+gares privilégiées, celles «qu'il faut voir»; par exemple, la gare du
+Nord, à cause de la forêt de Montmorency toute proche; les gares de
+l'Est et de Vincennes, à cause des rivières propices à la pêche, au
+canotage, aux faciles ébats des nageurs; et celles de l'Ouest aussi, qui
+mènent à Versailles, aux bois de Viroflay, à Saint-Germain, et--plus
+près, car ce sont là déjà de coûteux voyages pour les petites
+bourses--au délicieux parc de Saint-Cloud, aux coteaux de Meudon, aux
+guinguettes de Clamart.
+
+Vers ces joies du dimanche, l'ouvrier parisien se précipite avec une
+impatience d'enfant «qui veut voir». Ce sont toujours les mêmes joies,
+et l'on dirait qu'il en attend, chaque dimanche, des surprises
+nouvelles; que c'est la première fois qu'il monte dans un train, qu'il
+voit des arbres et de l'eau. La jolie aventure, pour les pauvres gens,
+qu'un peu de liberté! Et comme on a travaillé déjà, sans s'en
+apercevoir, pour mieux jouir, pendant une journée, du droit de ne rien
+faire!
+
+On s'est levé de très bonne heure, afin de préparer les provisions de la
+journée, et d'_endimancher_ comme il convient les bambins qu'on emmène
+avec soi; on a fait à pied le plus souvent, pour éviter les dépenses
+inutiles, le trajet qui mène du domicile à la gare qu'on prendra; et
+l'on a déjà très chaud, quand on y arrive avec le lourd filet chargé de
+provisions, les instruments de pêche, le gosse porté sur les bras du
+père,--pour monter à l'assaut du compartiment de troisième classe où,
+depuis longtemps, tous les coins sont pris! Le train part dans une
+demi-heure, et bientôt c'est l'entassement... Mais il faut bien que la
+pauvreté ait ses avantages, et vous remarquerez qu'en chemin de fer les
+incommodités qui exaspèrent le voyageur de première classe sont pour le
+voyageur de troisième des sujets de gaieté folle. Il s'amuse de tout, ce
+voyageur: de la chaleur étouffante qu'il fait, de la cohue, des voisins
+gênants, du train qui devrait partir et qui ne part pas. Dans les gares,
+il existe, à la disposition des voyageurs qui ont à se plaindre de
+quelqu'un ou de quelque chose, un registre des réclamations. Je suis sûr
+que jamais l'on n'a vu figurer sur ce registre-là, depuis que les
+Français vont en chemin de fer, le nom d'un voyageur de troisième
+classe; d'un voyageur du dimanche surtout. Il est trop content de s'en
+aller. Il pense à la friture qu'il pêchera tout à l'heure, aux fleurs
+qu'il cueillera dans les champs, à la tonnelle pleine d'ombre où l'on
+prendra l'apéritif, au déjeuner qu'on fera sur l'herbe.
+
+Le déjeuner sur l'herbe!... Imaginez qu'à nous autres, bourgeois
+douillets et un peu grincheux, ceci soit proposé: «Tu te lèveras de très
+bonne heure pour gagner hors Paris, assis sur une banquette de bois,
+encombré de nourriture et de famille, un tapis de gazon qu'entourera
+cette famille et au centre duquel cette nourriture sera posée. Des
+journaux remplaceront la nappe; et, pour manger, tu t'assoiras par
+terre, à l'orientale, les pieds dans les bouteilles. Ton menu ne sera
+composé que de mets froids et facilement transportables. On ne changera
+pas les assiettes, et il n'y aura pas de verres pour tout le monde. On
+boira _tiède_, attendu que, si les longs voyages bonifient le vin, les
+petits voyages ne le rafraîchissent pas. Et puis, il y aura les mouches,
+et çà et là, dans l'herbe, mille rencontres fâcheuses...» A cette
+invitation, je sais bien ce que le plus indulgent d'entre nous
+répondrait. Il répondrait qu'il aime mieux jeûner, que de déjeuner
+ainsi; et que c'est un supplice absurde qu'on lui propose. Observez
+cependant cette foule répandue sous les arbres, autour de ses
+«dînettes»; écoutez ses rires, ses cris, ses bavardages d'enfants; et
+puis quand les bouteilles sont vides, et que s'éparpillent les chiffons
+de papier gras qui servaient d'enveloppe aux victuailles, regardez de
+quel bon sommeil les plus vieux se sont endormis sous les arbres
+cependant que les femmes, les jeunes filles, les enfants s'en vont
+courir, sous le soleil, à la recherche des petites fleurs qu'on ne
+trouve pas à Paris, et qui mettront au bord des fenêtres, cette semaine,
+un peu de gaieté et le souvenir d'une «balade» dont on parlera pendant
+six jours.
+
+... Et l'on revient comme on était parti. Il faut marcher encore,
+s'écraser aux gares; les filets à provisions sont vides, mais on sent
+peser sur soi dix heures de canicule; et le gosse qu'il faut porter dans
+la cohue semble plus lourd aussi. Et puis il y a les bouquets; et pour
+ceux qui, toute la journée ont, sous le soleil, intrépidement, «trempé
+du fil dans l'eau», il y a la friture qu'on rapporte. On n'en peut plus;
+on est, à la fin de cette journée de repos, bien plus éreinté qu'à la
+fin d'une journée de travail. Mais quoi? On a vu «du pays», on s'est
+senti libre, on a cueilli des fleurs; on est content. Le peuple de Paris
+est un peuple de poètes.
+
+UN PARISIEN.
+
+
+
+AGENDA (9-16 août 1913).
+
+EXPOSITIONS ARTISTIQUES.--Galerie Georges Petit (8, rue de Sèze):
+exposition des petits maîtres de 1830.--A Bagatelle, le _15 août_,
+ouverture de l'exposition de la Société des Artistes de Neuilly, avec
+section rétrospective de l'oeuvre de Detaille.
+
+LE CONCOURS LÉPINE.--Au Grand Palais, le _12 août_, ouverture du 13e
+concours Lépine (Association des petits fabricants et inventeurs
+français).
+
+INAUGURATION DE MONUMENT.--De grandes fêtes auront lieu à Belfort, les
+_15, 16 et 17 août_, à l'occasion de l'inauguration du monument des
+trois sièges (1813, 1815, 1870-1871).
+
+SPORTS.--_Courses de chevaux_: le _9 août_, Bernay, Boulogne-sur-Mer; le
+_10_, Deauville (prix Florian de Kergorlay), Boulogne, Bernay. Vichy,
+Ostende; le 11, Cabourg, Ostende; le _12_, Deauville; le _13_, Cabourg;
+le _14_, Pont-l'Évêque, Ostende; le _15_, Deauville, Dieppe.
+--_Automobile_: un concours d'endurance et de régularité aura lieu le
+_15 août_ sur le parcours Paris-Royan.--_Aviation_: des épreuves pour
+le prix de 50.000 fr. de l'aérocible Michelin auront lieu du _10 au 17
+août_.--_Lutte_: au casino municipal de Deauville, le critérium
+international de lutte de combat (coupe de Trouville), commencé le _8
+août_, se continuera les jours suivants.--_Cyclisme_: le _15 août_, au
+Parc des Princes, courses sans entraîneurs, dite Petit Tour de
+France--_Athlétisme_: du 9 au 24 août, circuit pédestre de l'Ouest (prix
+Dubonnet).--_Yachting_: le _9 août_, troisième journée des régates
+internationales de Trouville-Deauville; croisière
+Trouville-Fécamp.--_Tir aux pigeons_: à Deauville, le _9 août_, prix du
+Cercle de Deauville.--_Polo_: le _11 août_, grand handicap de Deauville.
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+Les trois représentations que la Comédie-Française vient de donner les
+2, 3 et 4 août sur le théâtre Antique d'Orange ont singulièrement animé
+la petite cité vauclusienne, favorable aux tragiques, et dont les
+habitants ne jurent plus que par Zeus. _Polyphème_, le drame antique
+d'Albert Samain, composait, avec l'_Andromaque_ de Racine, le spectacle
+du premier jour; le second, on a joué Rome vaincue, drame d'Alexandre
+Parodi; enfin, le troisième jour a été consacré à la _Sophonisbe_ de M.
+Alfred Poizat que précédait _Le Passant_ de F. Coppée. Oeuvres et
+interprètes ont provoqué les longues acclamations d'une assistance
+considérable, prédisposée à l'enthousiasme par le renom des auteurs et
+des artistes du premier théâtre français, aussi bien que par la
+splendeur émouvante du décor et la douceur de la nuit scintillante
+d'étoiles.
+
+En cette saison de vacances, tragédiens et comédiens abandonnent
+volontiers Paris et c'est la province qui nous envoie des nouvelles
+théâtrales. A Miramont, dans le Lot-et-Garonne, M. et Mme Silvain, à la
+tête d'une troupe d'artistes choisis ont représenté le _Cid_, tandis
+qu'à Deauville M. Lenglé, écrivain ingénieux et spirituel, précédemment
+applaudi au Théâtre-Michel, donnait au Casino la primeur d'un acte
+alerte, original. La R. P., excellemment enlevé par Mlle Lucienne Guêt
+et MM. Juvenet et Paul Villé.
+
+Le Théâtre des Variétés vient de reprendre l'_Enfant prodigue_, la
+délicieuse pantomime de M. Michel Carré qui fournit au compositeur André
+Wormser l'occasion d'écrire une partition tout à fait charmante. Cette
+oeuvre a retrouvé le succès qui l'accueillit, voici quelque dix ans,
+lors de sa création à la Renaissance. Elle est accompagnée sur l'affiche
+par _Son premier voyage_, amusante comédie en deux actes de MM. Xanrof
+et Guérin.
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+LES OISEAUX FAMILIERS.
+
+L'an dernier, à pareille époque exactement (numéro du 10 août), nous
+reproduisions la photographie d'un nid d'hirondelles bizarrement établi
+sur la plate-forme d'une suspension de salle à manger, chez M. Edmond
+Bey, à Marnay (Haute-Saône).
+
+[Illustration: Un nid d'hirondelles juché sur des grappes de maïs
+pendues au plafond d'une chambre de paysans à Marnay (Haute-Saône).
+_Phot. M. Bey._]
+
+Une chose plus curieuse encore vient de se produire dans la même
+commune; des hirondelles--ne serait-ce point les petits des fantaisistes
+oiseaux de l'an dernier?--ont établi leur nid, cette fois, chez une
+vigneronne de Marnay, Mme Marcot, sur un paquet de grappes de maïs
+suspendues au plafond, en avant de la vieille horloge familiale, dont on
+aperçoit, sur la photographie reproduite ici, le cadran. Ce nid est si
+fragilement installé que chaque fois que le père ou la mère viennent
+apporter la becquée à leur progéniture, il se balance au mouvement que
+font les petits pour recueillir leur nourriture. Ces bestioles sont
+d'ailleurs si peu farouches qu'elles se laissent caresser par leurs
+hôtes.
+
+LE TUNGSTÈNE, RIVAL DU PLATINE, EN ÉLECTRICITÉ.
+
+Le platine possède de nombreuses qualités qui ont rendu son usage très
+répandu en matière d'électricité. Son inaltérabilité est supérieure à
+celle de l'or, il est très ductile et très malléable en même temps que
+très tenace; et son infusibilité est grande. Enfin, sa résistivité, plus
+élevée que celle du cuivre, fait qu'il se prête admirablement à la
+construction des résistances, soit résistances de réglage, soit
+résistances de chauffage. D'autres qualités de ce métal, telles que son
+très faible coefficient de dilatation et son pouvoir émissif sélectif,
+le font rechercher pour l'éclairage à incandescence.
+
+Malheureusement, le prix du platine subit une hausse ininterrompue
+depuis quelque temps, et est monté jusqu'à 6.700 francs environ le
+kilogramme. Aussi a-t-on dû lui chercher un remplaçant.
+
+Dans une étude donnée récemment dans les _Archives d'électricité
+médicale_, M. le docteur Nogier, de Lyon, vient de montrer que le
+tungstène peut, en électricité, rivaliser avec le platine et même être
+substitué à celui-ci avec grand avantage.
+
+Longtemps inutilisé depuis sa découverte par Scheele, en 1781, parce
+qu'on ne savait pas réaliser des températures assez élevées pour le
+fondre, le tungstène est inaltérable à l'air, insoluble dans les acides
+et les lessives de soude et de potasse; il n'est pas attaqué par le
+mercure. C'est le plus infusible des métaux, en même temps très ductile
+et très tenace.
+
+Le coefficient de dilatation du tungstène est trois fois plus faible que
+celui du platine. Sa résistivité est, il est vrai, un peu inférieure à
+celle du platine à la température ordinaire; mais elle décuple à 2.000
+degrés.
+
+Le tungstène paraît donc capable de suppléer le platine pour tous les
+usages électriques: et il offre sur ce métal le grand avantage d'être
+cent fois meilleur marché que celui-ci. Le prix du kilogramme de
+tungstène pur est en effet d'environ 60 fr.
+
+De plus, ce métal peut être obtenu à un état tel qu'il raye le verre,
+tout en restant ductile: alors que le platine, comme on le sait, soumis
+à des chocs répétés, s'écrase et s'use rapidement.
+
+LA FORÊT ET LA NEIGE.
+
+Nous signalions récemment les observations faites dans la Nevada pour
+préciser l'influence de la forêt sur la neige. A ce propos, M. Paul
+Mougin, conservateur des eaux et forêts, nous signale les observations
+organisées sur son initiative dans les deux départements de Savoie et
+qui ont porté sur 28 stations.
+
+Il n'existe pas en cette région de futaies feuillues, on n'y trouve que
+des taillis à réserves plus ou moins abondantes. On ne peut donc guère
+comparer les résultats obtenus avec ceux de M. Church en Amérique; mais
+on arrive à des conclusions générales de même ordre.
+
+C'est pendant l'hiver très neigeux 1906-1907 qu'on observa pour la
+première fois l'action de la forêt sur la neige. Dans des conditions
+similaires d'altitude et d'exposition, on releva les faits suivants:
+
+A Saint-Pierre-d'Albigny, un taillis conserva son enneigement 111 jours
+alors que la neige avait disparu hors bois après 98 jours.
+
+A Sallanches, avec une hauteur de neige de 1 m. 56, l'enneigement
+persista sous une futaie résineuse (sapin, épicéa) 57 jours plus tard
+que hors bois.
+
+A Thônes, sous une futaie résineuse, exposée au sud, à l'altitude de 700
+mètres, la neige a disparu hors bois 20 jours plus tôt que sous le
+couvert des arbres.
+
+Enfin, à Tennignon, dans un peuplement toujours assez clair de pins de
+montagne et mélèzes, à 1.600 mètres d'altitude, la neige avait atteint
+une hauteur totale pour l'hiver de 2 m. 37. Sur un versant nord-ouest
+elle a disparu sous bois 40 jours plus tard que hors bois, alors que sur
+un versant sud la différence fut seulement de 21 jours.
+
+ALGER, DEUXIÈME PORT DE FRANCE.
+
+Le port d'Alger a pris, en ces dernières années, un essor tel que,
+comparé aux ports de la métropole, il occupe aujourd'hui le second rang.
+Il vient immédiatement après Marseille et dépasse le Havre.
+
+Voici, en effet, le mouvement du grand port algérien à dix ans
+d'intervalle:
+
+ 1902 1912
+
+Navires entrés et sortis....... 8.558 13.000
+
+Tonnage de jauge 7.384.000 18.000.000
+
+Or, en 1911, le mouvement du port de Marseille atteignait 20 millions de
+tonnes de jauge; celui du Havre se chiffrait par 10 millions, supérieur
+seulement de 2 millions à celui d'Oran qui se classe le quatrième port
+français.
+
+Cette prospérité est due au développement économique de l'Algérie, dont
+les vins et les minerais constituent un fret important, et aussi à la
+situation géographique d'Alger devenu port d'escale et de ravitaillement
+pour la plupart des grandes lignes de navigation.
+
+
+
+[Illustration: Le _Borda._]
+
+[Illustration: Le _Duguay-Trouin._]
+
+L'ÉCOLE NAVALE D'HIER ET CELLE D'AUJOURD'HUI, DANS LE PORT DE
+BREST.--_Photographies H. Freund._
+
+LA FIN DU «BORDA»
+
+Le navire qui, depuis 1890, abritait l'École navale, et qui s'était
+appelé l'_Intrépide_ avant d'être, selon une tradition remontant à
+Louis-Philippe, baptisé _Borda_, a, comme disent les marins, «gagné ses
+invalides». Et à moins qu'il ne soit adjugé au plus fort enchérisseur et
+démoli, il va devenir, dans quelque coin de port, un ponton tout rasé.
+Mais ce qui est plus digne encore d'être noté, c'est que son remplaçant
+ne va point porter le même nom illustre et populaire: l'_Officiel_, en
+effet, a enregistré la nomination du capitaine de vaisseau Merveilleux
+du Vignaux «au commandement du _Duguay-Trouin_ et de l'École navale.
+Plus de Borda!--et donc plus de _bordaches_!--Quel néologisme cette
+révolution va-t-elle introduire dans l'argot pittoresque de nos futurs
+officiers de marine?
+
+Le premier _Borda_ avait été d'abord le _Commerce de Paris_, aménagé, en
+1840, en École navale, et auquel, en l'appelant à cette nouvelle
+destinée, on avait donné le nom d'un officier de marine aussi savant que
+brave. En 1863, le premier _Borda_ fatigué, le _Valmy_ le remplaça et
+reprit le même nom, comme allait faire, en 1890, le dernier _Borda_.
+
+Le _Duguay-Trouin_, qui accueillera, à la rentrée, les _fistots_, a
+préludé à ses nouvelles fonctions en promenant autour du monde, depuis
+plusieurs années, les jeunes aspirants émoulus de l'École navale. Il
+avait, en effet, remplacé l'_Iphigénie_ comme navire-école annexe du
+_Borda_.
+
+
+
+_Un monument français en Allemagne._
+
+Au cours de la guerre de 1870-71, de nombreux soldats
+français--plusieurs milliers--faits prisonniers sur les champs de
+bataille, furent envoyés à Magdebourg, en Saxe prussienne, qui avait
+déjà vu mourir Lazare Carnot, le grand ancêtre. Près de 1.000--3
+officiers, 890 soldats--y succombèrent, les uns aux suites de leurs
+blessures, les autres de maladies diverses. Ils furent inhumés dans le
+cimetière militaire, où leurs restes retrouvèrent ceux d'autres vaincus
+des précédentes campagnes, des Danois, des Autrichiens.
+
+Or, un chemin de fer va traverser le champ paisible où ils reposaient.
+Aux termes de la loi allemande, on pouvait les laisser là, établir la
+voie sur leurs tombes. Mais l'autorité, mue par un sentiment délicat,
+décida leur transfert au nouveau cimetière. On y a transporté aussi,
+avec leurs cendres, après l'avoir remis à neuf, le monument élevé à leur
+mémoire, assez curieux d'aspect, massif cénotaphe ouvert sur l'un de ses
+grands côtés et laissant voir, dans la niche ainsi formée, la figure
+d'un soldat mourant qui serre de ses mains défaillantes un drapeau
+surmonté--par un complaisant anachronisme!--d'un fer de lance.
+
+A l'occasion de cette nouvelle inhumation des cendres de tant de braves
+a eu lieu, le dimanche 20 juillet, une cérémonie émouvante, à laquelle
+assistaient le général en chef du 4e corps d'armée allemand, tous les
+officiers et des délégations de tous les régiments de la garnison de
+Magdebourg, le lieutenant-colonel Serret, attaché militaire à
+l'ambassade de France à Berlin et son collègue l'attaché militaire
+autrichien, etc. Des couronnes jonchaient les tombes. Les soldats de
+Magdebourg avaient, avec sollicitude, décoré le cimetière.
+
+Les honneurs militaires furent rendus. Des aumôniers, catholiques,
+protestants, prononcèrent d'éloquentes oraisons funèbres et des chants
+religieux, les accents martiaux d'une musique régimentaire terminèrent
+la pieuse cérémonie.
+
+
+
+COQUELUCHE ET CHANGEMENT D'AIR.
+
+Depuis longtemps, on le sait, le changement d'air est un des remèdes les
+plus en faveur en ce qui concerne la coqueluche. Ce changement, au
+reste, n'est utile que s'il assure au malade un air plus pur, plus sain:
+le simple changement d'un air médiocre à un autre air médiocre est sans
+vertu. D'un autre côté, s'il est utile au malade, il ne peut être que
+nuisible à la localité où l'on transporte celui-ci. Dans ces conditions
+il n'est pas surprenant que le conseil supérieur d'hygiène, en Autriche,
+vienne d'émettre un avis tout à fait défavorable au transport des
+coquelucheux, et ont engagé les communes à prendre toutes les mesures
+utiles pour empêcher l'introduction de ceux-ci. «Le déplacement des
+coquelucheux pendant la période infectieuse, vers d'autres localités, et
+spécialement vers les stations balnéaires et lieux de villégiature, est
+absolument inadmissible, dit-il, et doit être empêché par tous les
+moyens possibles.» Comme le code pénal autrichien punit d'une amende de
+deux mille couronnes, ou de six mois de prison, quiconque a, par sa
+négligence, provoqué la propagation d'une maladie contagieuse, on est
+assez bien armé, en Autriche, contre le déplacement des coquelucheux, et
+ses conséquences pour le tiers et le quart.
+
+
+
+LES MÉTAUX EXISTANT DANS LES EAUX MINÉRALES.
+
+Jusqu'ici l'étude des eaux minérales ne comportait guère que des
+analyses chimiques révélant la présence d'un petit nombre de métaux ou
+de métalloïdes en teneur relativement élevée. En ces derniers temps, on
+recherchait en outre les éléments radioactifs.
+
+[Illustration: Le monument des soldats français décédés en 1870-1871,
+dans le nouveau cimetière de Magdebourg.--_Phot. Pierre Caraud._]
+
+Le docteur Jacques Bardet, professeur à l'Institut d'hydrologie, a pensé
+que l'analyse spectrale, beaucoup plus sensible que l'analyse chimique,
+permettrait de trouver dans les eaux des traces, même minimes, de
+quantité de métaux ayant échappé aux chimistes. Il a donc examiné au
+spectroscope les résidus secs de 54 sources choisies dans 34 stations
+thermales réparties sur tous les points de la France. Il a constaté que
+ces eaux renferment toujours du plomb, presque toujours de l'argent et
+de l'étain, souvent du molybdène et du cuivre. Il a encore trouvé du
+bismuth, du zinc, du glucinium, et deux métaux actuellement considérés
+comme rarissimes: le germanium et le gallium.
+
+On rencontre aussi, mais moins fréquemment, de l'antimoine, du cobalt,
+du chrome, du mercure, du nickel, de l'or, du thallium, du titane, du
+vanadium, du tungstène.
+
+Ces constatations sont assez curieuses, et elles peuvent être appelées à
+jouer un rôle important dans la thérapeutique thermale. D'autre part,
+elles prouvent que certains métaux _rares_ sont plus répandus dans la
+nature qu'on le suppose.
+
+
+
+LE PANSEMENT À LA PROPOLIS.
+
+En distillant à l'état brut la propolis, cette substance visqueuse que
+sécrètent les abeilles et qui est bien connue de tous les apiculteurs,
+on obtient un liquide brunâtre et de consistance onctueuse, la
+propolisine. En l'appliquant au pinceau, pur ou après mélange avec 25 à
+30% de vasogène, à la surface d'une plaie soigneusement nettoyée, on
+recouvre celle-ci d'une sorte de vernis isolant à l'abri duquel la
+cicatrisation se fait dans les meilleures conditions possibles. La
+première application suffit à amener un soulagement immédiat.
+
+MM. Parvel et Meyer qui viennent d'étudier la propolisine vasogénée
+affirment que son emploi rend les plus grands services en chirurgie
+d'urgence et sur les champs de bataille, prévient, dans la majorité des
+cas, les complications infectieuses et les septicémies.
+
+
+
+LE PHOSPHATE TRICALCIQUE ET LES POULES PONDEUSES.
+
+Depuis longtemps, il a été reconnu par les aviculteurs que les poules
+ont besoin de calcaire pour édifier la coquille de leurs oeufs: on le
+leur donne d'habitude sous forme de plâtras, de mortiers usés, ou
+d'écailles d'huîtres concassées. Les éleveurs s'accordent, en outre,
+pour estimer que l'alimentation azotée et surtout carnée «pousse à la
+ponte». Voici maintenant que des expériences curieuses viennent de
+démontrer l'heureuse influence exercée par les aliments riches en
+phosphore sur la fécondation des oeufs.
+
+En ajoutant à la provende des poules 10 gr. 2 par kilo de phosphate
+tricalcique, on accroît dans la proportion de 27 à 31 pour 1.000 le
+nombre moyen des éclosions. Comme le phosphate tricalcique--à la
+condition qu'on l'achète chez les droguistes--a une valeur marchande
+relativement faible, le prix de revient de ce traitement n'apporte aucun
+obstacle à son adoption.
+
+
+
+[Illustration: LA VILLE FUTURE.--Une solution hardie du problème de la
+circulation. _D'après le «Scientific American»._]
+
+Le terrible «problème de la circulation» à la solution duquel s'applique
+avec un heureux zèle, depuis son arrivée à la Préfecture de Police, M.
+Hennion, préoccupe plus que nous encore, s'il est possible, les
+Américains. La multiplication dans les villes comme New-York, par
+exemple, des gratte-ciel, des immeubles gigantesques dont certains
+abritent jusqu'à 10.000 personnes, a accru dans d'effrayantes
+proportions l'encombrement des rues. Il est temps de remédier à une
+situation dont souffrent presque également et ceux qui roulent en
+automobile, et les honnêtes gens qui vont encore à pied; ceux-ci exposés
+à des dangers croissants, ceux-là empêchés de jouir, comme il leur
+conviendrait, du temps que pourrait leur faire gagner la rapidité des
+véhicules dont ils disposent.
+
+Le _Scientific American_, qui publie dans son dernier numéro la gravure
+reproduite ici, suggérant ainsi une audacieuse solution du problème,
+fait très justement observer à quel point il est déraisonnable, absurde,
+de continuer à faire circuler, sur un même plan, des mobiles, pour
+parler comme les mathématiciens, de vitesses et d'espèce même si
+différentes. Est-ce que, demande-t-il fort justement, l'ingénieur, qui
+doit établir des conduites pour des fluides de natures diverses, fait
+circuler dans les mêmes tuyaux le gaz d'éclairage, la vapeur du
+chauffage central et l'eau de la cuisine ou de la salle de bain? Et
+croit-on que les chemins de fer auraient atteint le degré de perfection
+où ils sont arrivés si, au lieu de créer des voies spéciales à leur
+usage, entre de bonnes barrières, on les eût laissés vaguer parmi les
+camions des villes et les chars à boeufs des campagnes? Donc divisons,
+classifions la circulation pour la rendre plus facile. La rue proprement
+dite aux transports rapides, aux tramways, aux automobiles et aux
+quelques voitures à chevaux qui demeurent encore,--en attendant que les
+«moteurs animaux» soient tout de bon relégués aux champs. Pour les
+piétons, des trottoirs spéciaux, en l'air. Les gros transports
+s'effectueront au sous-sol, au-dessous même des «métros» et des «tubes».
+Et vraiment cette image compliquée est bien amusante à étudier dans ses
+détails.
+
+On se complaira aussi à imaginer ce que pourrait donner à Paris un tel
+système, avec un ou deux étages de trottoirs aériens sur les boulevards,
+rue de la Paix, rue Royale, et donc un ou deux étages de grands
+magasins--et quelle vie différente en résulterait, et aussi quel
+accroissement de valeur pour les immeubles ainsi desservis.
+
+Il est à prévoir que, dans un avenir plus ou moins éloigné, on sera
+amené, par la force des choses, à l'adopter. Il semblerait, à lire
+l'article très curieux du _Scientific American_, qui envisage dès
+maintenant les conditions dans lesquelles les quartiers centraux de
+New-York pourraient être ainsi transformés, que les temps soient assez
+proches,... aux États-Unis.
+
+
+
+COMMISSAIRE AUX ARMÉES, par Henriot.
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3676, 9 Août 1913, by Various
+
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
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+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
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+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
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+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
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+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
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+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
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+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
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+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
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+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
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+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
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+concept of a library of electronic works that could be freely shared
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+
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+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
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+
+
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+
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3676, 9 Août 1913, by Various
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
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+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
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+
+Title: L'Illustration, No. 3676, 9 Août 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: March 24, 2012 [EBook #39241]
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3676, 9 AOUT 1913 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+<p>L'Illustration, No. 3676, 9 Août 1913</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<div class="sml">
+
+<p>Ce numéro contient:<br>
+
+1º LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Roman n° 10: <span class="sc">La Voix qui s'est tue</span>, par
+M. Gaston Rageot;<br>
+
+2º <span class="sc">Un Supplément économique et financier</span> de deux pages.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"><br>
+
+
+
+<img alt="" src="images/001a.png"><br>
+<span class="sml"><span class="sc">
+Le roi Constantin.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;
+M. Venizelos.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span><br>
+<b>APRÈS LA VICTOIRE Avant d'aller à Bucarest, le premier
+ministre hellène arrête, avec son souverain, les conditions de paix de
+la Grèce.</b> <i>Photographie Jean Leune.</i></p>
+<br><br>
+
+<h3>COURRIER DE PARIS</h3>
+
+<h4>Y A BON</h4>
+
+<p>Après celui du feu qu'ils avaient auparavant essuyé tant de fois à la
+tête, nos Sénégalais ont reçu le mois dernier, à l'affaire du quatorze
+juillet, dans la petite oasis de Longchamp qui leur laissera le souvenir
+d'un Sahara de gloire, --le baptême tricolore.</p>
+
+<p>Puisqu'ils avaient montré qu'ils étaient capables d'en prendre, on leur
+a donné des drapeaux.</p>
+
+<p>Ils savaient bien ce que c'était. Mais ils ont mieux compris par cette
+solennelle remise qui leur en a été faite aux clameurs et au tam-tam
+d'un peuple, tout ce que valait et représentait cet emblème. Un seul
+d'entre eux pouvait bien l'avoir dans les mains,... ils le tenaient
+tous! Et tous, à partir d'aujourd'hui, gardent l'orgueilleuse impression
+d'être un porte-étendard. Chacun, en voyant le drapeau et en y pensant,
+croit et sait qu'il est <i>à lui</i>, s'imagine en serrer dans l'étau de ses
+doigts la hampe comme un bois de lance ou de pagaie, en avoir contre le
+visage et devant les yeux l'ombre, le souffle et la caresse, et aussi le
+déploiement guerrier, la bruissante fantasia: blanc de marabout, bleu de
+ciel, rouge de sang.</p>
+
+<p>Ces soldats noirs sont homériques. Tous ceux qui les ont approchés et
+employés, qui s'en sont servis avec la plénitude de la confiance et de
+la joie, tous les chefs, et quels chefs! les plus fameux, les plus
+durcis, les Lyautey, les Gouraud, les Marchand, les Baratier, les
+Mangin, qui les ont conduits aux grandes aventures de l'exploration et
+de la bataille sans avoir jamais besoin de les y entraîner <i>avant</i>, ni
+de les en ramener de force <i>après</i>, les citent constamment à l'ordre du
+jour de leur admiration difficile. Qui de nous ne se souvient des héros
+dont Baratier, dans ses <i>Épopées africaines</i>, nous a conté les exploits,
+la sublime simplicité de courage et de grandeur d'âme? C'est Tankari
+Taraoré, portant la nuit, à travers la brousse et la forêt occupées par
+l'ennemi, un message, après avoir vu, devant lui, tomber successivement
+trois de ses camarades chargés de la même commission. C 'est le sergent
+Moriba, auquel, dans les marais de Barb-el-Gazal, Baratier fait un soir
+cette confidence tragique: «Tu sais que nous n'avons plus rien à manger?
+Tu sais par où nous devrons repasser si nous faisons demi-tour? Pour
+nous sauver il faut aller en avant. Dans combien de temps serons-nous
+hors d'ici? Je l'ignore. A toi je dis la vérité. Me réponds-tu que les
+tirailleurs iront jusqu'au bout, tu comprends? jusqu'au bout? qu'ils ne
+s'arrêteront que morts?»</p>
+
+<p>Moriba n'hésite pas: «En avant seulement <i>y a bon</i> pour tirailleurs!»</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p><i>Y a bon...</i> Ah! ces trois mots, de jargon, magnifiques! Cette locution,
+courante et résolue, hardie, familière, qui explique et signifie tout,
+accepte tout, comprend tout, résume tout, tient lieu de phrases, de
+vaines paroles, de promesses, de serments, et qui inventée, bégayée
+d'abord et comme essayée un jour, une première fois, avant de «prendre
+rang», a su dans la naïveté primesautière de son argot, bien
+qu'imaginée par un cerveau sauvage et s'échappant des lèvres d'un noir,
+trouver cependant, pour être parfaite, une concision toute française,
+énergique et gaie. <i>Y a bon!</i></p>
+
+<p>Voilà des jours, des semaines qu'il faut marcher, faire aller sans arrêt
+ses grandes jambes d'ébène... y a bon. Souffrances intolérables de la
+chaleur et du froid, dard en acier du moustique, morsure caoutchoutée de
+la sangsue, insomnies des longues nuits torrides ou glacées, fièvre,
+vertiges, délire, mirages... <i>y a bon...</i> mains enflées, pieds engourdis
+et déchirés, paupières en feu, sable qui dessèche, qui racle et qui
+brûle, langue sans salive, boues infectes du marais, herbes coupantes,
+nouds des lianes, clou des épines, pointe du roc et tranchant du
+caillou, source empoisonnée, puits à sec, tente arrachée par les
+<i>rezzous</i> du vent, mulets enfuis, moutons volés, chameau qui tombe... et
+casse tout en reniflant de rage... <i>y a bon...</i> provisions qui
+s'épuisent, outre qui perd, on a soif, on a faim,... plus rien à manger
+que des racines, du bois, du nénuphar, de la peau de crocodile... tout
+ça... tout ça... <i>y a bon,... y a bon...</i> Quoi qu'il faille faire...
+quels que soient le sacrifice, la besogne, le travail d'Hercule et la
+corvée, l'humble dévouement, l'obscure tâche, l'acte splendide et
+surhumain... qu'il s'agisse de porter un fardeau, tous les fardeaux, un
+tronc d'arbre, des sacs ou le corps d'un chef, de s'exténuer sans une
+plainte, d'être un colosse de patience, de douceur, de courage et de
+fidélité, de lutter comme un lion noir, en découvrant des gencives de
+pourpre, et de ruisseler de sang, de tomber vingt fois pour se relever
+et bondir plus haut, de se battre enfin jusqu'à la dernière goutte du
+c&oelig;ur... <i>y a bon... y a beaucoup bon, toujou, pour le tirailleur...</i> et
+cela sans emphase, «avec le sourire», ce vaste sourire d'émail qui
+semble ouvrir et révéler, dans ses blancheurs, des trésors de tendresse
+canine.</p>
+
+<p>Ecoutez, à ce propos, l'incroyable et touchant récit que me faisait,
+dans une de ses dernières lettres, le général Gouraud. Après m'avoir
+rappelé la glorieuse mort du capitaine Gerhardt survenue cette année au
+mois de mars au combat de l'Oued Tagbiat, au nord de la Mauritanie, le
+général me contait l'histoire d'un tirailleur noir, un petit
+anthropophage congolais, du nom de Kou Ka, lequel, pris en amitié par
+Gerhardt qui l'avait mis à son service, s'était en très peu de temps
+transformé radicalement au contact de cette nature d'élite qu'était
+l'officier... Quand ce dernier tomba mortellement Kou Ka était à ses
+côtés, et voici ce qu'un mois après le combat il écrivait d'Atar au
+frère du capitaine.</p>
+
+<p>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</p>
+
+<p>«Quand le capitaine a vu que le lieutenant Merello était tué, il a crié:
+«En avant!» et m'a appelé: «Kou Ka, prends ton fusil et ton bâton et
+suis-moi.» Et, lorsque nous sommes arrivés près de la montagne, nous ne
+pouvions plus tenir tellement il y avait de la poussière et de la
+poudre. On ne pouvait rien entendre que les coups de fusil, jusqu'à ce
+que mon capitaine est tombé. Alors, je me dis: «Bon! Très bien! Je m'ai
+dit depuis longtemps qu'ici, à la Mauritanie, s'il y a un combat et que
+mon capitaine tombe, ce sera aussi mon tour.» Et tout de suite j'ai pris
+sa place en disant «que d'à côté de mon capitaine je ne bougerai jamais
+sans être tué ou blessé avec lui.» Et tout de suite je vois l'ennemi en
+train de venir sur nous et je commande à un homme d'emmener le capitaine
+au camp, qui était à 200 mètres de nous, et je commence le feu de
+nouveau. Je me suis battu à la place de mon patron jusqu'à ce que j'ai
+été blessé aussi, et j'ai pris le fusil du capitaine et son casque, et
+je suis arrivé à rentrer dans le camp, et on m'a mis à côté du
+capitaine.»</p>
+
+<p>Je crois, concluait, dans sa lettre, le général Gouraud, qu'il n'y a que
+des officiers français capables d'inspirer à un enfant, élevé jusqu'à
+douze ans en pays anthropophage, de pareils dévouements.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Soyez donc sûrs que lui aussi, Kou Ka, comme tous les autres, trouve
+qu'à ce métier de fatigue perpétuelle et d'héroïque dépense, <i>y a bon!</i>
+Car c'est là que toujours ils en reviennent tous, à ces trois petits
+mots qui sont la devise du troupier noir, sa règle, sa maxime, et son
+mot d'ordre, tout son Coran. Ce <i>y a bon</i>, ils le répètent sans cesse,
+dans toutes les circonstances de leur tumultueuse vie. Il leur sert pour
+l'audace et la résignation, pour la soupe et la disette, le soleil et la
+pluie, pour la charge et l'assaut, pour la colère et le rire, pour le
+devoir, et le gros chagrin... Tour à tour ils le laissent tomber, le
+mâchent, le grognent, le lancent avec défi,... et à la fin, le redisent
+encore en mourant, quand le chef leur tient la main, avec un picotement
+de larme au bord de l'&oelig;il: «Pleure pas, mon lieutenant, <i>y a bon</i>.»
+Cela vaudrait presque la peine que l'on consacrât de façon solennelle
+cette locution proverbiale de l'humble et fougueux courage africain,
+qu'on lui donnât ses titres de noblesse définitive en la brodant sur le
+drapeau des tirailleurs... Pourquoi pas? Sur n'importe laquelle de nos
+couleurs, celle qu'on voudra, je vois très bien se détacher en lettres
+d'or, à côté des noms des batailles, le <i>y a bon</i>, splendide et sec, des
+La Tour d'Auvergne du sable et des d'Assas du désert.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br>
+
+<h3>M. GASTON RAGEOT</h3>
+
+<h4><span class="sc">l'auteur de «la voix qui s'est tue </span></h4>
+
+<p>A la veille de donner aux lecteurs de <i>L'Illustration</i> son dernier
+roman, la <i>Voix qui s'est tue</i>, j'imagine M. Gaston Rageot nerveux,
+impatient, fébrile comme un auteur dramatique un soir de générale. Soyez
+sûrs qu'à l'heure actuelle, ce grand garçon barbu, à la robuste
+encolure, qui hausse avec une audace un peu brusque son visage où
+bougeottent les deux lueurs du binocle, arpente à grands pas son cabinet
+de travail. Il se représente, comme dans une composition orageuse de
+Sabatier, l'immense public que son &oelig;uvre nouvelle va atteindre; il voit
+lecteurs et lectrices penchés, attentifs, sur les lignes des premiers
+chapitres et il se demande avec inquiétude, quel sentiment de plaisir ou
+de déception va se refléter sur ces figures mobiles. C'est que personne
+ne connaît mieux que Gaston Rageot le sens redoutable de ce mot: le
+public. Pour lui, ce vocable anonyme, ce nom collectif possède une
+puissance mystérieuse. Comme ces coquillages de la mer qu'on approche de
+l'oreille, ce mot enferme toute une vaste rumeur.</p>
+
+<p>Cet état d'esprit n'est pas fréquent chez les romanciers. Ceux-ci,
+d'ordinaire, absorbés par la lutte qu'ils soutiennent contre l'idée et
+le verbe, n'ont pas le loisir de s'extérioriser. J'en connais qui
+travaillent, pour ainsi dire, dans une cloche à plongeur.</p>
+
+<p>Tel n'est pas le cas de M. Gaston Rageot, dont le cabinet de travail est
+ouvert côté public. Tout son souci, il le mettra à intéresser ce sphinx
+aimable et capricieux dont les décisions sans appel anéantissent en un
+instant les efforts et le labeur de plusieurs mois.</p>
+
+<p>Cette préoccupation est chez lui assez ancienne. Qu'elle soit née d'un
+désir de gloire, bien compréhensible chez un jeune homme, cela est fort
+possible. Elle eut assurément, plus tard, des motifs de persévérer moins
+personnels.</p>
+
+<p>A l'École normale, tandis que la voix de M. Durkheim l'incitait à
+s'incliner devant les faits sociaux, un fait social, le succès, lui
+apparut prépondérant à notre époque. Par un retour divertissant,
+l'austère enseignement du philosophe qui a tracé les règles de la
+méthode sociologique préparait M. Gaston Rageot à rechercher les raisons
+du succès qui salue l'apparition de tel ou tel livre. Cette recherche
+fera l'objet de tout un ouvrage dont le titre décèle les intentions de
+l'écrivain: le <i>Succès, auteurs et public.</i></p>
+
+<p>Cette force de réussite que certains ouvrages portent en eux, d'où
+vient-elle? Le génie à lui seul ne suffit pas à soulever la curiosité,
+l'émotion ou l'intérêt de la foule. Il existe donc de secrètes affinités
+entre la chose écrite et ceux qui la lisent, et que l'auteur conscient,
+soucieux de ne pas errer, se doit de découvrir. En un mot, l'&oelig;uvre ne
+peut être séparée de son public. «Dis-moi qui tu fréquentes et je te
+dirai qui tu es.» C'est ainsi que Gaston Rageot s'adressait, sur un ton
+impertinent, aux écrivains célèbres dont il s'amusait à démonter la
+gloire, avec une gravité qui cachait mal son sourire.</p>
+
+<p>Sous l'apparence d'une étude de critique sociologique, le <i>Succès</i> est,
+en réalité, une satire assez vive des m&oelig;urs littéraires. L'auteur se
+montre très au courant des ficelles du métier d'homme de lettres.
+J'imagine que s'il n'avait pas été l'élève du digne M. Durkheim et
+spécialiste de philosophie, il eût orné son livre de ce titre américain:
+<i>l'Art de se faire vingt mille lecteurs.</i></p>
+
+<p>En sortant de cette étude, Gaston Rageot nous semble à point pour écrire
+des romans et briguer lui-même les succès qu'il a analysés. Il a une
+expérience surprenante pour son âge. A l'assurance tranquille du
+normalien, qui connaît par c&oelig;ur toutes les questions de mur mitoyen de
+la syntaxe et de la langue, il ajoute la confiance avisée d'un homme qui
+discerne l'état du marché, les besoins du public, le cours des denrées,
+les positions de la spéculation artistique et littéraire. Tous ceux qui,
+à cette époque, suivaient Gaston Rageot d'un &oelig;il sympathique disaient
+de lui: «Il est armé pour réussir.» Et ces prophètes avaient beau jeu,
+puisqu'à cette connaissance pratique des besoins littéraires de notre
+temps, Gaston Rageot joignait un talent robuste et traditionnel qui, à
+l'heure où il se jetait dans la carrière des lettres, était bien la
+meilleure garantie de succès.</p>
+
+<p>Pour moi, ce que j'admire le plus en Gaston Rageot, c'est cette santé
+morale qui lui a permis de conserver un talent loyal et frais au sortir
+des coulisses littéraires. Il eût pu devenir un écrivain roublard, un de
+ces machinistes subtils à qui sont familiers les trappes du sentiment,
+le trompe-l'&oelig;il et tous les trucs du magasin des accessoires. Il s'est
+contenté d'être un bon écrivain, uniquement soucieux de demeurer
+intelligible et vivant, persuadé que ce sont là les qualités qui
+plaisent le mieux à ce public auquel il a si étroitement lié le sort des
+auteurs.</p>
+
+<p>Tout de même, on ne peut impunément fréquenter les maîtres du succès, il
+en reste toujours quelque chose. Le premier roman de Gaston Rageot
+s'appellera le <i>Grand Homme</i> et le second la <i>Renommée.</i> Mais,
+rassurez-vous, il ne s'agit plus ici de publier une nouvelle édition
+revue et augmentée d'un manuel d'arrivisme, il s'agit simplement de
+développer un beau sujet de roman dont l'auteur connaît à merveille les
+ressources et qu'il est à même de traiter mieux que personne. La
+Renommée, qui parut il y a deux ans, est une &oelig;uvre solide où l'on voit
+s'épanouir les qualités maîtresses de M. Gaston Rageot. Il y fait figure
+de psychologue délicat et de romancier dans toute la force du terme. Si
+Gaston Rageot, après la <i>Renommée</i>, avait voulu reprendre sa plume de
+philosophe et d'essayiste il eût pu, en démontant son propre livre, nous
+donner <i>l'Art d'écrire un bon roman.</i></p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/002.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>M. Gaston Rageot.</b><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;--<i>Phot. Cheri-Rousseau.</i></p>
+
+<p>Il a préféré en écrire un troisième, <i>l'Affût</i>, et un quatrième qui est
+celui-là même que l'on offre aujourd'hui aux lecteurs de
+<i>L'Illustration</i>, la <i>Voix qui s'est tue</i>. Loin de moi l'idée de
+déflorer ce sujet par une analyse imprudente et pressée. Je sais trop
+quelle joie l'on éprouve à marcher ainsi un peu à l'aveuglette, dans un
+livre nouveau; à suivre les chemins capricieux de l'intrigue qui, tantôt
+chemine en plaine, tantôt grimpe en lacets sur des collines d'où l'on
+découvre des paysages inattendus et des figures nouvelles. Mais je ne
+crois pas gâter ce plaisir en disant que la <i>Voix qui s'est tue</i> doit
+être, d'après les prudents pronostics, le meilleur livre de Gaston
+Rageot.</p>
+
+<p>En effet, c'est dans ce roman qu'il a, il me semble, déployé le don
+essentiel qu'il possède. Gaston Rageot a le don du sujet, et c'est assez
+rare, de nos jours. Combien de romans qui ne sont que des essais
+découpés en épisodes ou des autobiographies amorphes et qui s'en vont,
+d'une marche inégale, au hasard des impressions que l'auteur a jetées au
+fil des pages. Un sujet, c'est une sorte de problème dont l'énoncé doit
+se formuler le plus vite possible, dès le début, et dont la résolution
+se fait peu à peu, au cours du roman, sans truquages, sans obscurités.
+Et il importe au plus haut point que la solution soit juste et découle
+des données du problème, et rien que d'elles.</p>
+
+<p>Avec un rare bonheur, Gaston Rageot avait réalisé toutes ces conditions
+dans la <i>Renommée</i>. Il y montrait que la veuve d'un grand homme demeure
+l'esclave et la gardienne de la gloire de son mari; qu'elle a beau aimer
+un autre homme, se remarier, changer de nom, de situation, elle sera
+toujours et quand même la veuve de l'homme illustre dont l'ombre
+glorieuse ne cesse de la couvrir. Avec une entente admirable des
+nécessités psychologiques de son sujet, l'auteur nous montrait
+l'obsession grandissante de cette gloire posthume qui finissait par
+changer le c&oelig;ur de la veuve et la détacher de l'homme à qui elle avait
+lié son sort.</p>
+
+<p>Pourtant, malgré toutes ces qualités, le don de créer des états d'âme,
+de faire changer insensiblement le c&oelig;ur des personnages, de serrer les
+fils de l'intrigue et de nouer le drame, le sujet de la <i>Renommée</i>
+demeure un peu spécial. Tout le monde n'a pas la chance d'être la veuve
+d'un grand homme, si j'ose dire. De telles aventures sont réservées à
+une minorité à qui va notre curiosité bienveillante, mais qui ne soulève
+pas notre intérêt passionné.</p>
+
+<p>Il convenait que Gaston Rageot se rapprochât davantage de l'humanité
+générale. L'<i>Affût</i>, qui a suivi la <i>Renommée</i>, n'a pas répondu à ce
+désir. Du moins ce drame villageois ramassé, rapide et un peu brutal
+a-t-il été un exercice salutaire pour l'auteur qui, retrempé dans un
+sujet paysan, s'est déparisianisé. Le parisianisme est un écueil qui,
+souvent, fait échouer les talents les plus sains. Il pousse à abuser de
+l'accessoire descriptif et mondain qui surcharge le sujet, il incite à
+confondre la frivolité et la finesse, sans parler de cent autres
+inconvénients moins graves. Toutefois, l'<i>Affût</i> avait encore cet
+avantage: il indiquait à Gaston Rageot les inconvénients de cette
+formule, à savoir que le roman est un conte élargi, une grande nouvelle.
+Ce qui nuit à l'<i>Affût</i>, c'est que, précisément, c'est une longue
+nouvelle qui aurait dû tenir en 300 lignes et qui dure 300 pages.</p>
+
+<p>Mais je crois bien que, mûri par ces expériences, en possession de tous
+ses moyens psychologiques, préparé par deux tentatives dont l'une au
+moins fut une entière réussite, Gaston Rageot est à point pour nous
+donner l'&oelig;uvre parfaite, souple et forte, et vraiment romanesque que
+nous attendons de lui. Dans la <i>Voix qui s'est tue</i>, ce n'est plus le
+Paris artificiel des gens de lettres qu'il nous montre, c'est un Paris
+plus réel, plus vivant, plus humain. Et c'est en même temps la province,
+aujourd'hui si mêlée à la vie de Paris. Un sujet plus général où se
+jouent les nuances délicates d'un grand amour lui permettra de nous
+toucher plus directement, et la complexité même de son intrigue le
+forcera à déployer toutes ses qualités de psychologue et d'analyste.
+Décidément, il se pourrait bien que Gaston Rageot réalisât du même coup
+sa formule de succès et s'attirât les éloges de la critique. Voilà qui
+prouverait, en tout cas, que le meilleur artifice pour réussir, c'est
+encore le talent. Mais c'est un moyen qui n'est pas à la portée de tous.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Jean de Pierrefeu.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>AVANT L'ARMISTICE</h3>
+
+<h4>LES SERBES S'IMMOBILISENT DEVANT LA FRONTIÈRE BULGARE</h4>
+
+<p><i>De nouvelles lettres de notre correspondant à l'armée serbe nous
+donnent le détail des opérations qui se sont poursuivies du 19 au 21
+juillet autour d'Egri-Palanka et qui, sauf une légère avance du côté
+serbe, n'ont point amené de résultats décisifs. Le croquis que nous
+reproduisons à la page suivante indiquera à nos lecteurs les positions
+des adversaires au cours de ces engagements. Nous ne pouvons publier
+intégralement, faute de place, l'intéressant récit détaillé dans lequel
+M. de Penennrun a résumé ses observations, en divers endroits de la
+ligne de feu, d'écrivain militaire et de soldat. Nous devons nous borner
+à donner la partie de ses correspondances où, sous l'impression des
+derniers coups de feu échangés, notre envoyé spécial fait, selon les
+principes enseignés à notre École de guerre, la critique des opérations
+auxquelles il vient d'assister.</i></p>
+
+<p>Egri-Palanka, 21 juillet.</p>
+
+<p>Un progrès sérieux vient enfin d'être marqué aujourd'hui par l'armée
+serbe, qui a rejeté sur leur principale position de défense les
+avant-lignes bulgares. Le mouvement en avant serait-il donc cette fois
+définitivement amorcé? Depuis les trois jours que l'on se bal tout
+autour d'Egri-Palanka, il semble que, pour la première fois, une action
+déterminante vient, d'être effectuée.</p>
+
+<p>Cependant, illusion ou vérité, au moment même où je constatais le succès
+et les progrès des lignes serbes, je percevais en même temps très
+nettement, à mille indices, que tout cela n'était que l'apparence
+trompeuse d'une activité tellement latente qu'elle allait sans aucun
+doute d'ici peu se muer en arrêt définitif de tonte marche en avant.</p>
+
+<p>L'armée serbe, victorieuse au commencement du mois sur la Bregalnitza,
+aurait dû, à ce moment, sans perdre de temps, sans tenir compte de
+contingences plus ou moins embarrassantes, converser rapidement vers le
+nord et violemment, durement, se jeter à l'attaque des gros bulgares
+barrant la route de Sofia. Nulle considération de temps n'aurait dû
+intervenir, car ici le temps travaillait tout aussi bien pour ou contre
+elle que pour ou contre les Bulgares.</p>
+
+<p>Cette vérité, peu nouvelle dans l'art de la guerre, qu'il faut aller
+vite, n'a pas été observée; elle ne le sera pas demain non plus. Les
+batteries au milieu desquelles je me trouvais aujourd'hui auraient dû,
+dès ce soir, maintenant que les gros d'infanterie se voyaient en mesure
+d'atteindre les crêtes au delà de la Dubrovnitza, s'y porter
+immédiatement elles aussi. Et, sans désemparer, sans perdre une seconde,
+l'attaque des crêtes frontières aurait dû commencer! Au lieu de cela,
+c'est l'arrêt, la suspension très nette de tout mouvement ultérieur
+offensif, presque le retrait des troupes victorieuses sur leurs
+précédentes positions... Ou ne veut pas se battre... La bataille
+d'Egri-Palanka, commencée depuis trois jours, se termine en point
+d'orgue!</p>
+
+<p>22 juillet.</p>
+
+<p>Le calme le plus absolu, le silence le plus profond, règnent aujourd'hui
+sur les hauteurs que dorent les rayons soudainement devenus très ardents
+du soleil de juillet.</p>
+
+<p>Partis de bonne heure, nous atteignons, au-dessus de Kosara, la ligne de
+faîte qui, formant saillant en cet endroit, face à la direction de la
+route de Kustendil, est occupée fortement. Un ouvrage de campagne à
+profil renforcé, entouré d'un épais réseau de fils de fer barbelés,
+occupe le point principal'de la position. A gauche, s'étagent deux
+batteries de 75; à droite, une autre batterie de campagne est placée
+légèrement en arrière de la crête. Elle est prolongée par une batterie
+mixte composée d'une pièce longue de siège du calibre de 120mm et de
+trois obusiers de 120mm à tir rapide, système Schneider. L'infanterie
+est bivouaquée en arrière.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003a.png"><br><b>Section d'infanterie à l'abri sur la ligne du feu (combat
+du 21 juillet):<br> un soldat blessé passe devant ses camarades qui
+attendent l'ordre de se porter en avant.</b><br>--<i>Phot Reginaid Kann.</i></p>
+
+<p>Le commandant du groupe de campagne qui occupe la crête, le major
+d'artillerie Lazarewitch, nous fait les honneurs du réduit où se trouve
+installé son poste d'observation. Aussi loin que la vue peut s'étendre,
+rien ne bouge, rien ne se meut, c'est l'immobilité complète, comme si,
+tacitement, une trêve était intervenue entre les deux adversaires. Seuls
+dans le lointain, tout à fait dans le nord, de sourds grondements se
+font entendre. Ils viennent de la direction de Golech et, en observant
+avec attention les pentes lointaines du Golemi-Vrh, nos jumelles nous
+permettent d'apercevoir les points d'éclatement des shrapnells.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>
+Combats autour d'Egri-Palanka (19, 20 et 21 juillet).<br> Le
+chemin tracé en pointillé a été aménagé par les sapeurs du génie serbe.<br>
+Les signes <img alt="" src="images/003c.png"> désignent les points de stationnement<br> du correspondant
+de <i>L'Illustration</i> le 19, le 20 et le 21.</b><br>--<i>Croquis par A. de
+Penennrun.</i></p>
+
+<p>Renseignements pris, il s'agit d'un mouvement d'attaque débordante que
+tente m. ce moment l'aile gauche de la première armée serbe. Mais j'ai
+vite fait de démêler que ce mouvement, pas plus que ceux tentés
+jusqu'ici devant nous, n'a une véritable signification militaire.
+Comment pourrait-il en avoir, en effet, puisque, devant nous, aucune
+activité ne se manifeste? Car, de deux choses l'une, ou l'on attaque
+véritablement une position, et le premier devoir de l'assaillant est de
+marcher en avant sur tout le front afin d'y fixer par son attitude
+agressive le maximum de forces ennemies, ce que l'on ne fait pas ici
+puisque tout demeure immobile de notre côté, ou bien l'on n'attaque pas
+et tout doit rester dans l'ordre normal, sans bouger. En définitive, ces
+actes séparés qui paraissent se jouer dans les différents compartiments
+du terrain, ne peuvent amener aucun résultat, si ce n'est celui de faire
+tuer inutilement des hommes. Ils sont donc condamnables. Et une fois de
+plus je déplore que les Serbes ne se soient pas rendu compte qu'après la
+Bregahiitza il fallait une deuxième fois frapper vite et fort. Voici,
+maintenant, l'armée roumaine presque aux portes de Sofia, sans avoir
+pour ainsi dire combattu; les Turcs à Andrinople ont reconquis la
+Thrace; les Grecs enfin sont maîtres du littoral de la mer Égée. Tous
+vont au profit immédiat... L'armée serbe est allée à l'honneur: elle a
+payé de son sang la douloureuse surprise du 29 juin; elle a brisé, par
+sa vaillance, la tenace résistance bulgare; elle a effacé le souvenir de
+Slivnitza et des défaites de 1885; elle a cru que c'était assez.
+Répugnant à verser le sang davantage dans une guerre fratricide que
+beaucoup déplorent, les Serbes, qui auraient pu se jeter sur Sofia, ont
+préféré aller à Bucarest.</p>
+
+<p>Sans doute, on peut louer cette modération. Mais, qu'une hésitation se
+produise dans l'acceptation des conditions des alliés par la Bulgarie,
+et voici l'armée serbe à nouveau contrainte d'attaquer les lignes de
+Kustendil. Bon gré, mal gré, il faudra donc engager cette lutte qu'on
+n'a pas voulu livrer hier, et se résoudre aux pertes que, sur une
+position organisée à loisir par lui, l'ennemi ne manquera pas d'infliger
+aux divisions du prince royal et du général Yankowitch!</p>
+
+<p>L'appoint des Grecs qui, eux aussi, ont si généreusement payé leur
+tribut à la cause commune par les pertes sanglantes de ces derniers
+jours, celui des Roumains, l'offensive de la deuxième armée attaquant
+Tsaribrod, permettent d'une façon à peu près certaine de bien augurer
+d'une bataille où les Bulgares, acculés à leur capitale, sans ressources
+et sans approvisionnements, ne pourraient sauver qu'une chose: leur
+honneur militaire. Mais, tombant ainsi sous les efforts coordonnés de
+cinq adversaires au lieu d'un seul, ils succomberont en beauté et de
+façon à émouvoir l'Europe... Tandis que, seuls vainqueurs dans une
+action décisive, les Serbes, avec la gloire d'un pareil résultat, en
+eussent emporté le profit et Belgrade pouvait devenir grande dans les
+Balkans.</p>
+
+<p>Puisque c'est devant le sang versé que l'on a reculé, devant l'énormité
+des pertes probables, pourquoi s'arrêter à ces demi-mesures, essayer une
+pointe ici, une autre là, et faisant tuer en détail pendant ces
+opérations tâtonnantes autant de monde que dans une grande bataille? Ces
+quatre journées dernières, sur le front Golemi-Vrh, Tsar-Vrh,
+Tsarevo-Selo, ont vu mettre hors de combat plus de 4.000 hommes. Les
+routes autour de nous sont couvertes de convois de blessés, dont un
+grand nombre assez gravement, sans compter beaucoup d'hommes atteints
+plus légèrement à la tête ou au bras et qui cheminent seuls sur les
+routes un bâton à la main. D'avoir ainsi hésité rend le sacrifice plus
+lourd... la moisson moins abondante, le gain plus discutable.</p>
+
+<p>Il faut en finir cependant, et si l'on ne s'entend pas à Bucarest, la
+situation ne peut se dénouer qu'à Kustendil.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Alain de Penennrun.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003d.png"><br><b>
+Canon long de 120mm du Creusot (Kosara, 22
+juillet)</b><br>--<i>Phot. R. Kann.</i></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><span class="sc">
+Prince Ferdinand.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;
+Prince Carol.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span><br>
+
+<b>LE PASSAGE DU DANUBE PAR L'ARMÉE ROUMAINE.--Le prince héritier de
+Roumanie, commandant en chef, et le prince Carol, son fils, sur le pont
+de Corabia,<br> long de 1.147 mètres et jeté en 7 heures, le 14
+juillet.</b>--<i>Phot. Ovid Burca.</i></p>
+
+<h4>L'INTERVENTION ROUMAINE ET LA PAIX DE BUCAREST</h4>
+
+<p>Si la paix entre les États balkaniques se trouve conclue plus
+rapidement qu'on n'osait l'espérer, ce résultat aura été dû à
+l'intervention énergique, à la fois militaire et diplomatique, de la
+Roumanie qui a envoyé son armée intacte sous les murs de la capitale
+bulgare et réuni à Bucarest, sous la vigoureuse présidence du premier
+ministre roumain, M. Majoresco, les représentants des nations en guerre.</p>
+
+<p>Ainsi la Roumanie occupe actuellement le premier plan de l'actualité et
+elle n'aura pas eu besoin de victoires pour jouer un grand rôle dans les
+Balkans. Ses troupes, hâtivement mobilisées dès les premiers coups de
+feu entre alliés, ont commencé, le 11 juillet, de passer, sans
+rencontrer de résistance, la frontière bulgare, se sont emparées de
+Silistrie et se sont étendues ensuite sur la région
+Turtukaï-Dobritch-Baltchik, revendiquée par la Roumanie. Peu de jours
+après, les troupes du prince royal Ferdinand passaient le Danube pour
+prendre la direction de Sofia, et la traversée du fleuve s'opéra dans
+des conditions qui témoignent de la perfection du matériel et de
+l'instruction des corps techniques de l'armée roumaine. L'ouvrage le
+plus important et le plus surprenant fut le pont édifié sur le Danube à
+Corabia, le 14 juillet, en moins de sept heures. La longueur de ce pont,
+construit sur des pontons métalliques, est en effet de 1.147 mètres sur
+une largeur de 4 mètres. La force de résistance de chaque ponton est de
+12 tonnes. Un passage de 80 mètres est réservé à la circulation des
+bateaux. Le matériel nécessaire fut fourni par trois chantiers du pays,
+d'après les plans du colonel Robesco, ancien élève de notre École
+polytechnique et commandant du bataillon des pontonniers de Braïla.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>
+Sur la rive bulgare du Danube, le drapeau du bataillon<br>
+des pontonniers salue le prince Ferdinand et son état-major qui<br>
+franchissent le pont de Corabia.</b>--<i>Phot. O. Burca.</i></p>
+
+<p>Lorsque ce remarquable travail fut terminé, le prince royal Ferdinand de
+Roumanie traversa le pont le premier, salué, sur la rive bulgare, par le
+drapeau des pontonniers et suivi par le 27e régiment de la 13e brigade
+d'infanterie.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>
+Le deuxième pont construit sur le Danube, en neuf jours,<br>
+entre Turnu-Magurele et Nikopol.</b> <i>Phot. O. Burca.</i></p>
+
+<p>Un autre pont, sur le Danube, par lequel, de Turnu-Magurele déboucha à
+Nikopol une seconde colonne roumaine, à 35 kilomètres environ en aval de
+Corabia, fut improvisé en neuf jours avec le matériel que les corps
+trouvèrent à leur portée. Les supports furent donc formés de chalands et
+de pontons d'accostage de la navigation fluviale roumaine. Sur ce pont,
+qui mesure 721 mètres de long sur 5 de large, deux passages, de 2 mètres
+chacun, ont été réservés pour l'infanterie et les troupes non montées.
+Dès le 15 juillet, la cavalerie, bientôt suivie de l'avant-garde, put
+faire des reconnaissances sur la rive droite et prendre, sans rencontrer
+d'obstacles, le chemin de Sofia. Ce fut, comme nous l'ont appris les
+dépêches, une simple promenade militaire, en très bon ordre, et qui prit
+fin seulement à une journée de marche de Sofia, lorsque les troupes
+roumaines eurent occupé les défilés stratégiques au nord et au nord-est
+de la capitale bulgare.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005c.png"><br><b>
+L'ARMÉE ROUMAINE EN CAMPAGNE.--Départ du régiment de<br>
+cavalerie de Ramnieu-Valcea: le service religieux.</b><br>--<i>Phot Iorgu
+Arsenie.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br>
+<span class="sml">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;1&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 2&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 3</span><br>
+<b>LA CONFÉRENCE DE BUCAREST.-Une réunion plénière des
+délégués des États balkaniques: on reconnaît, à la droite du premier
+ministre roumain M. Majoresco (2), le premier délégué bulgare M.
+Tontchef (1), et à sa gauche M. Venizelos (3); M. Pachitch est en
+face</b><br>--<i>Phot. Franz Manty.</i></p>
+
+
+
+<p>A chaque étape, cependant, de l'avance roumaine, le roi Ferdinand
+adressait au roi Carol de pressants télégrammes pour solliciter non
+seulement l'arrêt et le retrait de ses troupes, mais encore
+l'intervention de la Roumanie pour mettre fin à la guerre en Macédoine.
+Et ce fut, effectivement, sur l'initiative du gouvernement roumain qui,
+par ses forces intactes, devenait l'arbitre tout-puissant de la
+situation que les délégués de la Serbie, de la Grèce, du Monténégro et
+de la Bulgarie se réunirent à la conférence de Bucarest et qu'un premier
+armistice de cinq jours fut consenti par les alliés à leur adversaire.</p>
+
+<p>Les demandes roumaines étaient connues et acceptées d'avance. La
+Bulgarie ne fit point, cette fois, de difficultés de principe pour céder
+le territoire Turtukaï-Baltchik, sacrifice très dur cependant si l'on
+songe à la richesse de cette province agricole, le grenier du royaume,
+et dont les 250.000 habitants sont instruits et vivent tous dans une
+prospérité relative.</p>
+
+<p>Les exigences des alliés basées sur les droits de la victoire et sur la
+nécessité de rétablir l'équilibre des forces, par l'égalité des
+populations dans les Balkans, rencontrèrent plus de résistance.
+Soutenues par MM. Venizelos pour la Grèce et Pachitch pour la Serbie,
+elles furent combattues par M. Tontchef, représentant la Bulgarie. On
+fut même tout près de ne plus s'entendre du tout et il fallut que la
+Roumanie jetât une fois de plus son épée dans la discussion et menaçât
+d'entrer à Sofia si l'on recommençait à se battre pour que la Bulgarie
+se résignât aux suprêmes concessions.</p>
+
+<p>Nos lecteurs trouveront, sommairement tracées sur la carte ci-contre,
+les frontières nouvelles arrêtées, le 7 août, à Bucarest.</p>
+
+<p>La frontière serbo-bulgare part du nord des sommets qui partagent les
+eaux du Vardar de celles de la Strouma et qui sont très proches du cours
+de cette dernière. Les villes de Kotchana et d'Istip, la vallée de la
+Bregalnitza restent serbes. La frontière ensuite va vers l'ouest,
+contourne Stroumitza qui reste aux Bulgares et vient rejoindre les
+collines de la Bela-Planina qui deviennent frontière commune entre la
+Serbie et la Bulgarie et celle-ci et la Grèce. De là, la frontière
+bulgare va vers l'est jusqu'au Kara Sou qu'elle descend jusqu'à
+l'archipel en laissant, à l'ouest, Cavalla à la Grèce.</p>
+
+<p>Depuis plusieurs jours déjà la Grèce et la Serbie s'étaient entendues
+sur l'attribution de Guevgheli qui reste en territoire serbe.</p>
+
+<p>En comparant d'après les indications de notre carte: 1° les frontières
+de la Bulgarie avant la première guerre balkanique; 2° les limites des
+territoires occupés par elle après cette première guerre; 3° le recul
+impressionnant auquel l'offensive serbo-grecque, l'envahissement
+roumain, la reprise de la Thrace par les Turcs, avaient contraint la
+Bulgarie; 4° les frontières actuellement convenues à Bucarest, on voit
+que, malgré les pertes cruelles dues aux fautes du gouvernement Danef,
+la Bulgarie cependant conserve d'importantes acquisitions territoriales
+et prend accès, par une ligne de côtes et un port, sur la mer Égée.</p>
+
+<p>Quant à la Thrace, maintenant réoccupée par les Turcs, quant à
+Andrinople redevenue musulmane, il n'en a pas été question à Bucarest.
+Ce sera le problème de demain à résoudre soit par la diplomatie des
+puissances, soit par une entente... ou une nouvelle guerre
+bulgaro-turque.<br>
+
+<span class="sc"><span class="rig">A. C.</span></span></p><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006b.png"><br><b>Les nouvelles frontières des États balkaniques arrêtées à
+Bucarest. <br><img alt="" src="images/006c1.png"> Limite extrême atteinte par les armées bulgares avant
+la nouvelle guerre. <br><img alt="" src="images/006c2.png"> Limite du recul des Bulgares devant les
+Grecs, les Serbes, les Roumains et les Turcs. <br><img alt="" src="images/006c3.png"> Frontières
+nouvelles. (A l'Est la rencontre de la frontière serbo-grecque avec
+celle de la future Albanie reste indéterminée.)</b></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="text-align: left; width: 100%;">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 25%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/007a.png"><br><b>Lèse-Majesté: des punaises dans le képi royal.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 74%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/007b.png"><br><b>Un officier est Chargé de l'exécution des
+coupables.<br></b>--<i>Instantanés de M. Jean Leune.</i>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+
+
+<h4>LE ROI DE GRÈCE AUX AVANT-POSTES</h4>
+
+<p><i>Un incident, tout menu, de la guerre, mais bien curieusement illustré
+par la photographie, nous est conté par M. Jean Leune. C'est encore là
+un chapitre--mais simplement pittoresque et amusant, cette fois--des
+horreurs de la guerre.</i></p>
+
+<p>Livounovo, 18 juillet.</p>
+
+<p>Ce matin, le roi Constantin et son état-major sont arrivés en
+automobiles. Le roi conduisait lui-même.</p>
+
+<p>Avant d'entrer dans la bâtisse malpropre qui va être ici sa résidence,
+il nous a abordés avec la simplicité qui le caractérise... Et puis, tout
+à coup, nous le voyons secouer la tête, enlever vivement son képi. Il
+regarde dedans... Puis il nous le tend:</p>
+
+<p>--Tenez, regardez... fait-il en éclatant de rire, j'ai deux punaises
+dans mon chapeau!...</p>
+
+<p>Et il tend le képi au commandant Skatigos qu'il charge d'exécuter les
+délinquantes, tandis que, d'instinct, les princes grecs présents
+inspectent à leur tour leurs coiffures.</p>
+
+<p><i>On peut sans peine, imaginer ce que sont, depuis dix mois, les
+préoccupations d'un souverain qui a assumé lui-même les responsabilités
+d'un généralissime. Notre excellent collaborateur, le dessinateur et
+peintre militaire Georges Scott, vient de passer plusieurs jours au
+quartier général du roi Constantin et sur la ligne du feu. En attendant
+qu'il nous en rapporte lui-même ses études en couleurs, il nous envoie
+le dessin que nous reproduisons ici.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007c.png"><br><b>
+AU QUARTIER GÉNÉRAL DE LIVOUNOVO.--Tout est endormi: seul, le roi travaille.</b><br> <i>Dessin d'après nature de GEORGES SCOTT.</i></p>
+<br><br>
+
+<h3>UNE BELLE FIGURE</h3>
+
+<h4>L'ENTOMOLOGISTE HENRI FABRE DE SERIGNAN</h4>
+<p class="mid"><i>(Voir les photographies aux
+pages suivantes.)</i></p>
+
+<p>Voici que, maintenant, le modeste et grand Henri Fabre, mon illustre
+voisin de Serignan, est l'objet de toutes les coquetteries officielles.
+Un ministre, M. Joseph Thierry, vient de le visiter et de le haranguer;
+et déjà l'on s'apprête à honorer, par l'érection d'un monument à
+Avignon, le souvenir de ce vivant.</p>
+
+<p>En vérité, quelle curieuse destinée fut la sienne! Pendant des années et
+des années, sous ce titre modeste: <i>Souvenirs entomologiques</i>, il
+publie, touchant la vie des insectes, des travaux admirables, qui
+resteront parmi les plus étonnants monuments scientifiques, et personne
+ne le connaît. Solitaire, dédaignant gloire, honneurs et profits, il n'a
+qu'un unique souci: travailler, travailler sans cesse pour parfaire son
+&oelig;uvre. Sa vie se passe entre son modeste ermitage de Serignan et ce
+qu'on appelle dans le pays «la montagne», laquelle n'est en
+réalité--dans le Midi on exagère toujours un peu--que la colline
+environnante. Ici et là, il étudie avec une inlassable patience les
+insectes, les suivant, dans les multiples manifestations de leur
+existence. Au milieu de son jardin il a planté un <i>harmas</i>, sorte de
+vaste bosquet aux arbres, arbustes et plantes variés: chênes verts,
+arbousiers, genévriers, lavande, sauge, thym, coronille, où vivent des
+milliers d'insectes; sur «la montagne», qui, depuis Serignan jusqu'au
+hameau de la Garde Paréol, est boisée à souhait, vit également tout un
+monde d'insectes. L'&oelig;il constamment aux aguets, derrière une loupe,
+l'entomologiste reste des heures entières immobile en observation,
+parfois à plat ventre; il suit les évolutions d'un scarabée sacré ou
+d'un débonnaire grillon. La nuit même, souvent, il veille. Ne lui
+faut-il pas surprendre la cione, alors qu'elle fabrique sa capsule de
+baudruche, ou saisir le moment précis où l'aile du criquet commence à
+pousser, spectacle, paraît-il, prodigieux? Et les années s'écoulent
+ainsi...</p>
+
+<p>Puis, un beau jour, à la suite d'un concours fortuit de circonstances,
+Henri Fabre devient subitement célèbre. On sait qui il est, on lui rend
+hommage,--on lui rend enfin justice! Mais, ô ironie du sort! à ce
+moment-là, il est un octogénaire! Oui, en vérité, ce fut une étrange
+destinée que la sienne, mais combien injuste! Henri Fabre, qui est un
+vrai philosophe, ne s'en est jamais plaint. Récemment, en manière de
+boutade, il disait: «La vie est mal agencée. C'est du mauvais ouvrage à
+refaire.»</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Chez Henri Fabre le savant est doublé d'un prestigieux écrivain. Ses
+volumes ne sont pas seulement de merveilleux recueils de science: leur
+style clair, alerte, pittoresque, imagé, vivant, parfois émouvant,
+atteint à la perfection. Henri Fabre est certainement un de nos
+meilleurs écrivains contemporains. On peut regretter que l'Académie
+française n'ait jamais songé à l'appeler à elle. Il est de ces hommes
+qui honorent une assemblée.</p>
+
+<p>Les livres d'Henri Fabre ont, en outre, le mérite très rare d'être aussi
+bien à la portée des profanes que des spécialistes les plus
+expérimentés. La lecture en est attrayante. Ils sont la révélation la
+plus romanesque et la plus poétique qu'on puisse imaginer de la vie des
+insectes.</p>
+
+<p>Henri Fabre a le don de faire partager à son lecteur tout l'intérêt
+qu'il prend lui-même aux études qu'il poursuit. Avec lui on est
+émerveillé de l'instinct extraordinaire qui détermine chacun des actes
+des insectes, avec lui on est passionné par les drames qui se déroulent
+au cours de leurs existences éphémères, avec lui on en arrive, malgré
+soi, à croire que ces tout petits êtres, que nous côtoyons et que nous
+ignorons pour la plupart, ont nos désirs, nos craintes, nos haines et
+nos passions. Quelles belles pages n'a-t-il pas écrites sur
+l'ingéniosité provoquée chez certains d'entre eux par l'instinct de la
+maternité, «foyer trois fois saint où couvent, puis soudain éclatent ces
+inconcevables lueurs psychiques qui nous donnent le simulacre d'une
+infaillible raison»?</p>
+
+<p>M. G.-V. Legros, qui a analysé l'&oelig;uvre d'Henri Fabre avec autant de
+conscience que d'érudition, raconte que Darwin avait été frappé de
+l'ingéniosité déployée par le grand entomologiste pour pénétrer les
+secrets des insectes et pour saisir les fils qui les rattachent au grand
+mystère des choses. Dans son célèbre livre sur l'<i>Origine des Espèces</i>,
+il l'appelle d'ailleurs «l'observateur inimitable».</p>
+
+<p>Edmond Rostand, grand admirateur d'Henri Fabre, a fort bien caractérisé,
+son talent en ces quelques vers:</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i14"> <i>De plus, il sait trouver les mots vifs et luisants</i></p>
+<p class="i14"> <i>Qui peignent la cuirasse et dessinent la patte,</i></p>
+<p class="i14"> <i>Et faire d'une étude austère et délicate</i></p>
+<p class="i14"> <i>Une ardente aventure aux détails amusants.</i></p>
+<p class="i14"> <i>Il sait conter...</i></p>
+</div></div>
+
+<p>En effet, Henri Fabre conte à ravir. On a fait souvent un rapprochement
+entre La Fontaine et lui. Il n'est pas douteux qu'il n'y ait entre les
+deux hommes une certaine analogie. L'un et l'autre se sont plu dans la
+société des bêtes. Leurs &oelig;uvres ont la même fraîcheur, le même charme,
+la même émotion et la même simplicité. Tous deux sont des écrivains
+issus de notre vieux sol français. Que de jolies images ne pourrait-on
+pas glaner dans les ouvrages d'Henri Fabre! Tantôt le savant écrivain
+nous montre l'abeille qui «met la tête à la lucarne de sa demeure pour
+s'informer du temps»; tantôt il nous parle des jeunes araignées qui, en
+se dispersant dans le vaste monde, «s'élancent et montent en gerbes
+diffuses sous les caresses du soleil, pareilles à des projectiles
+atomiques, au bouquet d'un feu d'artifice, à une pyrotechnie vivante...»</p>
+
+<p>Peut-être, un jour, nos enfants apprendront-ils, tout comme ils
+apprennent les fables immortelles du bonhomme, les récits entomologiques
+du noble vieillard de Serignan? Ils connaîtront, peut-être, aussi bien
+que l'histoire de la cigale et de la fourmi, la destinée tragique du
+minotaure typhée ou les méfaits de la mante religieuse, cette petite
+bête cruelle qui dévore ses époux et dont le seul aspect glace d'effroi
+ses victimes, quand elle prend devant elles ce que les entomologistes
+appellent «la pose spectrale».</p>
+
+<p>Avant Henri Fabre, la science entomologique apparaissait à tout le monde
+comme une chose barbare et inaccessible. Le grand entomologiste de
+Serignan est le premier qui ait étudié les insectes sur le vif; à force
+de patience il est parvenu à posséder tous leurs secrets. C'est ce qui
+fait que son &oelig;uvre est vivante et au plus haut point captivante. Henri
+Fabre est bien le révélateur d'un monde nouveau.</p>
+
+<p>Maurice Maeterlinck, l'auteur de la <i>Vie des abeilles</i>, qui est, lui
+aussi, un fervent admirateur d'Henri Fabre, a écrit à ce propos:</p>
+
+<p>«Il a consacré à surprendre leurs petits secrets, qui sont le revers des
+plus grands mystères, cinquante années d'une existence solitaire,
+méconnue, pauvre, souvent voisine de la misère, mais illuminée, chaque
+jour, de la joie qu'apporte une vérité qui est la joie humaine par
+excellence. Petites vérités, dira-t-on, que celles que nous offrent les
+m&oelig;urs d'une araignée ou d'une sauterelle. Il n'y a plus de petites
+vérités; il n'en existe qu'une, dont le miroir, à nos yeux incertains,
+semble brisé, mais dont chaque fragment, qu'il reflète l'évolution d'un
+astre ou le vol d'une abeille, recèle la loi suprême.»</p>
+
+<p>Henri Fabre écrit le provençal avec la maîtrise d'un Mistral. Il a
+publié un recueil de vers intitulé <i>Oubreto Prouvençalo</i>, où il se
+révèle poète charmant et plein de fantaisie.</p>
+
+<p>D'ailleurs, toute son &oelig;uvre n'est-elle pas imprégnée de poésie et de la
+meilleure?</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>L'existence de Fabre fut une vie d'âpre labeur ininterrompu. Né de
+parents pauvres, il pousse à l'aventure, comme il peut, sans soutien. Il
+apprend, grâce à une volonté tenace, à lire seul, le soir, le plus
+souvent à la lueur d'un éclat de pin imprégné de résine. Au collège de
+Rodez, il paie le prix de ses classes en se faisant enfant de ch&oelig;ur. Il
+obtient ensuite une bourse à l'école normale primaire d'Avignon, et
+débute dans l'enseignement comme instituteur à Carpentras. Lamentable
+existence que celle de ces pauvres maîtres d'école d'autrefois! A force
+de travail et de persévérance, Henri Fabre parvient à s'échapper de
+cette galère et il est nommé professeur de physique au lycée d'Ajaccio.
+Ayant contracté des fièvres en Corse, il demanda à revenir en France. Il
+fut nommé au lycée d'Avignon.</p>
+
+<p>C'est là, en étudiant les ouvrages de l'entomologiste Léon Dufour, qu'il
+constata combien la science entomologique était incomplète et
+superficielle. Il comprit que s'ouvrait devant lui un magnifique champ
+d'expérience et il résolut de poursuivre et de compléter l'&oelig;uvre
+ébauchée jadis par Réaumur et les deux Huber. Mais pour cela il lui
+fallait la paix et l'isolement. C'est alors qu'il quitta l'enseignement
+et vint s'établir à Serignan, aimable petit village situé sur la route
+d'Orange à Valréas.</p>
+
+<p>Chose curieuse: pendant des années, Henri Fabre demeura à peu près
+ignoré des habitants de Serignan.</p>
+
+<p>Ceux-ci savaient seulement que la petite maison rose aux volets verts de
+la route d'Orange était habitée par un monsieur original qu'on ne voyait
+jamais et qui écrivait des livres. L'entomologiste, en se rendant vers
+«la montagne» environnante, ne passait jamais par le village, ce qui lui
+était facile, attendu que sa demeure se trouve sise un peu en dehors de
+Serignan. Ce n'est qu'assez récemment, lorsque la renommée d'Henri Fabre
+devint universelle, que les habitants de Serignan apprirent que l'hôte
+de la petite maison rose était un grand savant devant lequel tout le
+monde s'inclinait. Depuis lors, ils sont fiers de leur illustre
+concitoyen.</p>
+
+<p>Henri Fabre aime Serignan:</p>
+
+<p>--C'est ici, me disait-il, que j'ai véritablement vécu, parce que c'est
+ici que j'ai pu travailler à loisir.</p>
+
+<p>Aujourd'hui, Henri Fabre, qui, au mois de décembre dernier, a célébré
+son quatre-vingt-dixième anniversaire, ne peut plus travailler. L'âge
+est là, et contre lui la volonté la plus robuste est impuissante. Ses
+jambes se refusant à le porter, il passe ses journées dans sa salle à
+manger située au rez-de-chaussée. Sa pipe reste sa meilleure compagne.
+Une pipe éteinte, vite il en rallume une autre. Et ainsi depuis le matin
+jusqu'au soir.</p>
+
+<p>La physionomie d'Henri Fabre est restée expressive et originale. Les
+yeux sont brillants et s'animent, par instants, étrangement. Les joues
+maigres, sillonnées de rides profondes, ont pris une teinte de cire. Les
+cheveux un peu longs sont rejetés en arrière et découvrent un large
+front qui est le plus souvent ombragé du large feutre provençal.</p>
+
+<p>Quand on pénètre dans la maison de Serignan, on est saisi d'une
+indicible mélancolie à la pensée que le grand laborieux ne travaille
+plus. L'harmas est désert. Les petites ruches où nichaient les abeilles
+sont vides. Autrefois, Henri Fabre attendait avec impatience le retour
+des vagabondes, qu'on avait été lâcher du haut du rocher des Doms, à
+Avignon. Il notait l'heure de rentrée de chacune d'elles...</p>
+
+<p>Et le cabinet de travail, combien il est abandonné! Tout en haut de la
+bibliothèque, s'alignent, poussiéreux et délaissés, les quarante-huit
+volumes contenant l'herbier réuni par Henri Fabre au cours de ses
+promenades quotidiennes. Cet herbier est un véritable trésor. Il mérite
+d'être pieusement recueilli. Plus bas, c'est une collection d'aquarelles
+représentant les multiples variétés de champignons du pays, le tout
+dessiné et peint à ravir de la main de l'entomologiste.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>La vie d'Henri Fabre, si noblement remplie, s'achève dans le silence et
+la solitude que viennent uniquement troubler les hommages tardifs de la
+plus douce gloire. Seul, parfois, le regret de ne pouvoir poursuivre la
+tâche interrompue vient assombrir les derniers jours de l'illustre
+savant.</p>
+
+<p>Je ne connais pas, parmi nos contemporains, une figure plus belle et
+plus pure que la sienne. Elle mérite d'être vénérée autant qu'admirée.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">André Mévil.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>L'ENTOMOLOGISTE DE SERIGNAN<br>
+
+Henri Fabre observant des insectes prisonniers sous une cloche de toile
+métallique.</b><br> <i>Photographie P.-H. Fabre.--Droits réservés.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009.png"><br><b>HENRI FABRE DANS SON CABINET DE TRAVAIL.<br> L'illustre savant
+devant la petite table sur laquelle il a écrit ses «Souvenirs
+entomologiques».</b><br> <i>Photographie P.-H. Fabre.--Droits réservés.</i></p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES VILLES MARTYRES</h3>
+
+<h4>COMMENT LES BULGARES ONT TRAITÉ GRECS ET TURCS EN MACÉDOINE</h4>
+
+<p><i>Aux terrifiantes photographies de notre dernier numéro, il semblait
+qu'on ne pût rien ajouter. Mais nous avons reçu de M. Jean Leune une
+lettre si pleine de faits nouveaux que nous ne saurions nous dispenser
+de la publier. Elle nous révèle, sans en rien cacher, toutes les
+horreurs commises dans la retraite bulgare par des troupes dont, il y a
+peu de mois, nous étions heureux de relater les gestes héroïques en
+Thrace, mais que la défaite semble avoir frappées de démence
+sanguinaire, et qui, échappant--nous ne voulons pas en douter--à la
+direction de leurs états-majors, ont véritablement supplicié, dans des
+villes innocentes, des populations sans armes.</i></p>
+
+<p>16 juillet.</p>
+
+<p>Ce matin, mes nerfs sont calmés et mes idées plus claires. Je puis
+essayer de décrire ce que j'ai vu hier, pendant toute une journée qui
+fut certainement la plus atroce que j'aie vécue encore.</p>
+
+<p>Depuis octobre dernier que nous courons les champs de bataille et de
+carnage, j'ai vu des milliers d'hommes s'entr'égorger, j'ai vu, sur la
+terre humide ou desséchée, des milliers de pauvres choses inertes et
+méconnaissables, qui étaient encore, quelques heures auparavant, des
+êtres humains comme moi, doués des facultés de penser et d'agir. J'ai vu
+des hommes mutilés souffrir le martyre. C'est-à-dire que tout ce que la
+guerre peut avoir d'horrible est passé devant mes yeux... Et cependant
+jamais encore je n'avais éprouvé ce que j'ai éprouvé hier. Car tous ces
+hommes que j'ai vus se battre, souffrir ou mourir, étaient des soldats
+qu'animait et soutenait une âme supérieure, un idéal grandiose, qui se
+battaient, souffraient ou mouraient pour leur patrie, pour commencer de
+réaliser enfin la «grande Idée hellène». Il y avait, malgré tout, de la
+beauté et de la joie dans ces spectacles de douleur et de mort... Hier,
+rien de tout cela. J'ai compris pour la première fois de ma vie ce que
+peut être l'<i>horreur...</i></p>
+
+<p>Hier donc, nous avons été visiter Demir-Hissar et Serès, les deux villes
+infortunées que visita le fléau bulgare. Temps lourd et soleil
+implacable. Sur tout le paysage, plaine et montagne, une brume grise,
+opaque. On dirait un immense voile de deuil étendu sur le pays. Et l'on
+se sent mal à l'aise, moralement oppressé. Le c&oelig;ur vibre étrangement
+sans arrêt. L'âme des martyrs flotte autour de nous. Elle nous pénètre
+jusqu'au plus profond de nous-mêmes. Elle crie vengeance.</p>
+
+<h4>DEMIR-HISSAR</h4>
+
+<p>Petite ville pittoresque, au pied d'un rocher à pic, et à cheval sur une
+petite rivière qu'enjambe un vieux pont de pierre à l'arche centrale
+surélevée. Les maisons sont peureusement fermées. Des planches clouées à
+la hâte cachent les ouvertures béantes faites à coups de hache dans les
+devantures de petits magasins pillés.</p>
+
+<p>Dans les rues, peu de monde. Quelques hommes, l'arme à l'épaule.
+Quelques femmes en noir et craintives encore. Et puis, des soldats
+grecs... Mais les yeux rougis de tous disent que la douleur habite
+désormais la pauvre petite ville...</p>
+
+<p>--Mes deux frères de vingt-deux et vingt-cinq ans ont été massacrés,
+nous dit l'un.</p>
+
+<p>--Mon père, ma mère et puis... ma s&oelig;ur, dit un autre.</p>
+
+<p>Et, en disant «ma s&oelig;ur», le malheureux baisse les yeux. Sa main passe
+sur son visage, rapide et brutale de colère, pour essuyer une larme
+furtive. Car la jolie fillette de quinze ans pour laquelle, lui, le
+grand frère, travaillait avec tant d'amour, dont chacun s'efforçait avec
+tendresse de préparer l'avenir, la jolie fillette est morte dans le
+déshonneur... Puis le frère se ressaisit. Ses yeux ont des éclairs. Sa
+main caresse la crosse de son arme... Venger, voilà désormais le seul
+but de sa vie.</p>
+
+<p>«Mon père, ma mère, mon frère, ma s&oelig;ur, mes enfants, <i>massacrés</i>!»
+Voilà ce que nous disent uniformément tous ceux qui viennent vers nous,
+en confiance parce que nous sommes des Français et parce que, dans leur
+peu de connaissances, ils savent tout de même que la France fut toujours
+douce et compatissante aux petits, à ceux qui souffrent. Près de deux
+cents personnes ont été ici massacrées, hommes, femmes et enfants, Turcs
+ou Grecs indistinctement.</p>
+
+<p>Lorsque l'attaque grecque se dessina l'autre jour, suffisamment mordante
+pour que les Bulgares dussent abandonner leurs positions en avant de la
+ville vers la Strouma, le détachement resté dans Demir-Hissar se
+rassembla, sous le commandement d'un lieutenant d'infanterie. Puis il se
+fractionna en petits groupes qui commencèrent de parcourir les rues,
+précédés de tambours. Ceux-ci battaient «la générale», pour signifier
+aux habitants d'avoir à quitter leurs maisons et de descendre dans la
+rue. Brutalement, à coups de crosse, les soldats ébranlèrent les portes
+et enfoncèrent celles qui ne s'ouvraient pas assez vite. On fouilla les
+maisons. Puis un lamentable troupeau se forme et grossit peu à peu, que
+les soldats du tsar Ferdinand poussent avec des coups, des injures
+ignobles et des rires de brutes saoules vers l'école bulgare. Dans la
+cour de l'école sont réunis cent cinquante pauvres êtres sans défense,
+ayant au c&oelig;ur pour tout réconfort leur inébranlable foi en Dieu, en la
+patrie grecque. Le métropolite est là. Des prêtres, des notables, aussi
+du petit peuple.</p>
+
+<p>Les soldats ont la baïonnette au canon. Leurs yeux sont tournés vers un
+officier qui, peut-être, lorsqu'il faisait ses études à Paris ou à
+Berlin, fut un beau valseur, aimé des jolies femmes, dans les salons...</p>
+
+<p>L'officier lève la main. Et les brutes se jettent sur leurs proies. Ils
+saisissent d'abord le métropolite...</p>
+
+<p><i>Et nous savons, par la lettre de Mme Jean Leune publiée dans notre
+dernier numéro, quelles effroyables tortures on lui fit subir.</i></p>
+
+<p>... Les autres ont le même sort. Un par un, ils tombent affreusement
+suppliciés, mutilés, avec un art et des raffinements inouïs. Les uns
+pleurent. D'autres, à genoux, implorent une grâce impossible. Mais ils
+ne réussissent qu'à faire rire plus bestialement encore leurs bourreaux
+et à provoquer de leur part de nouveaux et plus raffinés supplices. Cent
+cinquante malheureux tombent ainsi. Et, quand l'orgie sanglante est
+terminée, parce qu'il n'est plus de victimes à immoler, alors les
+fauves, rapidement, vont jeter les cadavres tout chauds encore dans une
+grande fosse très profonde, creusée plusieurs jours à l'avance. Deux
+mètres de terre recouvrent par endroits la masse de chairs informes.
+Mais le temps presse. Les Grecs approchent. Il faut partir. Sur les
+derniers cadavres, un peu de terre seulement est jetée. Or, par miracle,
+le dernier massacré, un jeune homme de vingt-cinq ans, malgré sept coups
+de baïonnette, n'est pas mort. Quelques centimètres de terre à peine le
+recouvrent. Il attend quelques instants. Puis, avec une énergie
+farouche, au prix d'efforts inouïs, il parvient à se dégager... et il se
+relève, témoin survivant, accusateur imprévu.</p>
+
+<p><i>C'est le blessé dont nous avons publié le portrait dans notre dernier
+numéro.</i></p>
+
+<p>... Mais ce n'est pas tout... Après avoir férocement tué, les
+massacreurs ont une dernière fois traversé la ville. Ils ont encore
+fouillé quelques maisons. Et la fatalité a voulu qu'ils trouvassent
+encore huit jeunes filles, de quinze à vingt ans... Et ils n'ont pas
+tué, car ils ont voulu qu'un atroce souvenir de leur passage dans la
+ville demeurât bien vivant derrière eux... Nous allons voir les
+malheureuses. Jeunes et jolies. Mais leurs yeux rougis n'ont plus de
+regard, parce que les larmes l'ont éteint. Et leur pauvre jeune corps
+tremble encore. Et leurs petites mains brisées ont de gauches mouvements
+de pudeur... «Déshonorées! Déshonorées!...» ne cessent-elles de répéter
+entre deux sanglots. La pensée de leur déshonneur est la seule qui leur
+reste dans l'esprit. Les mères, derrière leurs fillettes, pleurent,
+lamentables. Et leur douleur est sans limite, parce qu'elles, déjà,
+pensent plus loin... Nous ne pouvons supporter un tel spectacle. Mes
+yeux sont noyés de larmes. Ma gorge est serrée. Je serais incapable de
+proférer une seule parole.</p>
+
+<p>Nous quittons Demir-Hissar. Chaleur torride. Plaine sans ombre.
+Poussière aveuglante. L'automobile monte à l'assaut des talus, tombe
+dans les fossés, s'embourbe, dérape. La direction est folle. N'importe,
+nous allons. Dans les champs merveilleusement fertiles, la moisson
+ondule... Ici et là, de petites tentes blanches, à l'ombre desquelles
+les paysans se reposent un peu, au moment que le soleil est le plus
+fort. On travaille dans les blés, car maintenant la liberté est enfin
+sur le pays. Avec elle la vie peu à peu renaît et avec elle le travail
+et ses joies.</p>
+
+<p>Mais c'est à peine si je regarde tout cela. Ma pensée est ailleurs. Elle
+est à la douleur, à l'horrifiante douleur dont nous avons eu tout à
+l'heure l'inoubliable révélation...</p>
+
+<h4>SERÈS</h4>
+
+<p>Une route détestablement pavée qui nous fait faire des sauts
+formidables. Des arbres. Au loin, des toits de maisons, des casernes
+turques. Nous sommes à Serès.</p>
+
+<p>Au premier abord, aucune impression particulière. Les gens vont et
+viennent dans la rue. Des petits marchands vendent ici de la limonade,
+là des fruits... Et puis, tout d'un coup, après un tournant brusque de
+la rue, la terrible vision. L'incendie a passé. Des pans de murs
+noircis, des fers tordus, des débris de toutes sortes. Et cela fume
+encore d'une âcre fumée bleuâtre. Et les ruines, noircies, déchiquetées,
+s'étendent au loin, à droite, à gauche. Elles grimpent au flanc d'une
+colline, en atteignent le sommet, et redescendent sur l'autre flanc.</p>
+
+<p>Ici, étaient des magasins dont les enseignes avaient été écrites en
+bulgare sur l'ordre des autorités occupantes. Ici, une église reste
+seule debout, avec les quatre murs de sa nef, sa toute petite porte
+surmontée d'une inscription grecque en lettres d'or, respectée par le
+feu... Ici, était une mosquée... Là, s'élevaient de riches maisons
+particulières, ou bien les consulats étrangers que la folie bulgare n'a
+pas eu l'habileté élémentaire d'épargner... La ruine partout: des
+pierres noires, de la fumée bleue, que contemplent avec une parfaite
+insouciance de belles cigognes perchées sur les coupoles d'une mosquée
+échappée à la destruction. Voilà tout ce qui reste des trois quarts de
+Serès, la ville grecque.</p>
+
+<p>Des Grecs passent, l'air abattu:</p>
+
+<p>--Les Bulgares nous ont tout pris, puis ils ont incendié notre maison.
+Nous ne possédons plus en tout et pour tout que ceci. (Et ils nous
+montrent les vêtements qu'ils portent.) Et nous n'avons plus de gîte.
+Qu'allons-nous devenir?</p>
+
+<p>Des milliers de familles (20.000 personnes) sont ainsi sans foyer et
+manquent de tout. Bien heureuses lorsqu'elles ne sont pas de celles dont
+plusieurs des membres furent massacrés par les barbares en fuite. Deux
+cents notables: prêtres, avocats, docteurs, directeurs de banque, etc.,
+ont été emprisonnés, puis assassinés après les pires tortures. Des
+familles ont un fils incorporé de force dans l'armée bulgare, et puis un
+autre fils qui, ayant pu se sauver à temps, sert comme volontaire dans
+l'armée grecque.</p>
+
+<p>C'est vendredi dernier, dans la matinée, qu'un détachement mixte
+bulgare, composé d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie, commença de
+bombarder la ville sans défense. Les obus tombèrent un peu partout,
+faisant ici et là sauter des dépôts de bombes. Puis, à midi, ces
+vaillantes troupes entrèrent en ville. Les soldats massacrèrent tous les
+habitants qui n'avaient eu le temps de se cacher ou de se sauver. Ils
+brûlèrent les consulats. Le vice-consul d'Autriche fut même emmené dans
+la montagne avec sa famille et des malheureux qui s'étaient réfugiés
+chez lui. On les relâcha moyennant 300 livres turques (7.000 francs).</p>
+
+<p>Mais les maisons détruites seront relevées. Mais les victimes de la
+sauvagerie bulgare n'ont souffert que quelques instants, et leurs
+familles se consoleront à l'idée qu'ils sont tombés pour l'idée grecque
+et que leur mort aura servi la patrie hellène en lui attirant les
+sympathies du monde civilisé, révolté par ces procédés infâmes. Une
+autre chose est plus effroyable et plus irréparable que tout cela. Une
+douleur plus atroce pèse sur les familles, une douleur qui pour beaucoup
+est née depuis des semaines déjà, mais qui ne s'éteindra ni demain, ni
+dans des mois... L'armée bulgare a occupé Serès... c'était au mois de
+novembre 1912. Elle s'est installée dans divers bâtiments de la ville.
+Elle campe à ses portes. Le soir est venu. Les rues sont par endroits
+désertes. Un officier bulgare se promène. D'une maison grecque, une
+jeune fille de quinze à seize ans vient de sortir. Elle va vite,
+craintive. L'officier presse le pas, la rejoint. Pas de formes. La brute
+n'en connaît aucune. Et sa poigne est de fer, qui meurtrit à le briser
+le bras de la petite. Voici une sentinelle devant une porte. L'officier
+jette la fillette dans la maison... Quelques heures après, la
+malheureuse rentre chez elle. Elle sanglote éperdument... Chaque jour,
+le même fait se répète.</p>
+
+<p>Ou bien c'est une patrouille qui parcourt les rues. Elle a reçu des
+ordres spéciaux. Elle rentre au camp, amenant dix jeunes filles. Peu
+importe de quelle famille. Peu importe qu'elles soient jolies ou laides.
+Dans dix tentes on répartit les prisonnières. Et chacune est gardée par
+un soldat, baïonnette au canon. Les officiers arrivent alors... Comme le
+vernis péniblement acquis à Paris est loin maintenant! Et, durant dix,
+quinze ou vingt jours, c'est, dans les tentes de douleur et de honte, un
+infâme défilé... Oh! quelle plume saurait flageller de telles
+ignominies? La mienne est impuissante, hélas!...</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="text-align: left; width: 100%;">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/010a.png"><br><b>A Demir-Hissar: les victimes des Bulgares exhumées de la
+fosse où elles avaient été enfouies après le massacre.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/010b.png"><br><b>Mosquée de Demir-Hissar que les Bulgares avaient
+transformée en un café-concert: la photographie en montre la scène.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+
+
+<p>Aujourd'hui, les familles sont dans le deuil. Femmes et jeunes filles ne
+sont plus vêtues que de noir. Et ce deuil cache le drame le plus
+effroyable qui se puisse concevoir. Les innocentes fillettes d'hier
+seront mères demain. Elles sont brisées de douleur. Mais le drame
+indescriptible, c'est que la femme et la mère se sont éveillées en
+elles... Alors, auprès d'elles, veillent leurs mères, dont les cheveux
+ont blanchi brusquement, et leurs frères farouches: «Nous les tuerons,
+nous vous le jurons sur le Christ!» nous disent-ils. Et la haine de leur
+regard ne permet pas de douter qu'ils ne tiennent parole.</p>
+
+<p>Ce n'est pas une famille qui vit ce drame affreux, cette tragédie aux
+phases poignantes de plusieurs mois, ce n'est pas dix, ni cent. Ce sont
+presque toutes les familles. Car les Bulgares sont restés à Serès près
+de sept mois...</p>
+
+<p><i>Sur la macabre découverte des otages massacrés près de Livounovo, le
+texte de M. Jean Leune répète, à peu de choses près, le récit--que nous
+avons reproduit la semaine dernière--de M. Georges Bourdon, du</i> Figaro.
+<i>D'intéressantes lettres nous ont également été adressées par notre
+correspondant sur la marche grecque vers Djoumaia, par le défilé de
+Kresna. Nous ne pouvons malheureusement, faute de place, publier cette
+correspondance tout entière et nous en détachons les feuillets suivants
+en lesquels nous est conté un joli épisode de cette marche en avant:</i></p>
+
+<h4>LE BEL EXPLOIT D'UNE BATTERIE GRECQUE DE 75</h4>
+
+<p>Livounovo, 22 juillet.</p>
+
+<p>Sur la route que nous venons de quitter, une longue colonne d'infanterie
+s'avance, long ruban sombre sur la chaussée toute blanche. Des cavaliers
+vont et viennent à bride abattue, officiers ou porteurs d'ordres. Puis,
+la colonne quitte la route et marche dans les champs roux sur lesquels
+elle se fait beaucoup moins visible.</p>
+
+<p>Les Bulgares ont commencé le tir. A 1.000 mètres à peine, devant nous,
+une lourde fumée grise jaillit brusquement du sol, suivie d'une forte
+détonation. Un obus vient d'éclater en avant des troupes. Un second, un
+troisième... Le tir ennemi est trop court; mais, tout de même, il
+empêchera l'infanterie de progresser dans la plaine... Des cavaliers...
+Des ordres... Les masses grises des colonnes obliquent sur la droite.
+Sans précipitation, elles vont se défiler sur le flanc des collines,
+dans les ravins qui les séparent. Encore des éclatements d'obus
+bulgares. Sur la fumée grise qui monte en volutes, des silhouettes se
+détachent très nettement. D'autres sortent de derrière. Les soldats ont
+l'arme à la main. Au pas de course, en bon ordre, ils gagnent un
+défilement... L'impressionnante vision! Un, deux, trois obus éclatent
+encore tout près d'eux. Y a-t-il des tués, des blessés?... Il est très
+probable qu'il y en a... Mais les survivants ne s'inquiètent pas de si
+peu.</p>
+
+<p>A gauche de la route, un groupe de cavaliers au galop. Ils vont et
+viennent, gagnent une ligne d'arbres, reviennent. Des officiers qui
+cherchent sans doute un emplacement de batterie... C'était bien cela...
+Dans les champs, à toute vitesse, voici une batterie qui s'élance. Elle
+gagne la ligne d'arbres, la dépasse. Les attelages ne semblent point
+s'arrêter. Ils obliquent à droite et vont se dissimuler dans un repli de
+terrain...</p>
+
+<p>En avant de la ligne d'arbres, quatre taches sombres: les pièces sont en
+batterie...</p>
+
+<p>Les Bulgares ont vu le mouvement et leurs obus fouillent le terrain pour
+découvrir les nouveaux venus. C'est en vain... La terre jaillit de
+partout sous leurs coups. Leurs obus tournent autour de la batterie
+grecque mais tombent toujours trop loin d'elle pour lui nuire, en avant,
+en arrière, ou sur ses flancs.</p>
+
+<p>De notre observatoire nous voyons tout à merveille. Mais, derrière nous,
+un bataillon d'infanterie vient se défiler; puis, dans le ravin, plus
+bas, une batterie d'artillerie.</p>
+
+<p>Après quelques instants, une dizaine d'officiers forment à côté de nous
+un groupe assez compact. Les Bulgares allongent leur tir. Shrapnells et
+obus explosifs viennent maintenant éclater à 200 et 300 mètres en avant
+de nous. Sans résultats sérieux fort heureusement. La batterie grecque
+ne répond pas. Car son commandant a repéré l'emplacement de la batterie
+bulgare. Celle-ci est à 8 kilomètres. Nos pièces de 75 ne peuvent, à
+cette distance, répondre aux gros canons de 120...</p>
+
+
+
+<p>Du groupe d'officiers qui sont venus sur notre observatoire, un
+commandant se détache:</p>
+
+<p>--Messieurs, nous déclare-t-il, vous êtes beaucoup trop nombreux ici
+maintenant. Il vaudrait mieux que vous vous retiriez!</p>
+
+<p>Il a raison. Lui et ses officiers sont à leur poste. C'est nous qui
+sommes de trop. Nous descendons. Près du pont, le général
+Manoussoyannakis, commandant la division engagée, et son état-major.</p>
+
+<p>--Le terrain est extrêmement difficile, nous explique-t-il. Je n'y puis
+presque nulle part placer d'artillerie. Ici, comme presque toujours dans
+les campagnes de cette année, infanterie et artillerie ont dû renverser
+les rôles que leur attribue la théorie. Au lieu que ce soit l'artillerie
+qui prépare et appuie la marche en avant de l'infanterie, c'est cette
+dernière qui doit, à la baïonnette, s'emparer des positions sur
+lesquelles les canons viendront ensuite se mettre en batterie... Ah! ce
+terrain!...</p>
+
+<p>Il est 4 heures. Le général donne l'ordre de suspendre momentanément la
+marche en avant de la division.</p>
+
+<p>Puis il fait venir le lieutenant Iliadis, commandant de la 1re batterie
+du 1er régiment d'artillerie, 1e division. Il lui parle quelques
+instants.</p>
+
+<p>Le lieutenant galope à travers champs avec deux cavaliers... Il va,
+dépasse la batterie déjà en position... Il va... Il galope... Nous ne le
+voyons plus... Le voici revenu. Il dit quelques mots au général:</p>
+
+<p>--Eh bien, alors, en avant! et faites-nous de la bonne besogne! crie le
+commandant de la division.</p>
+
+<p>Quelques minutes passent... Un bruit de galop, de ferraille derrière
+nous. C'est la batterie du lieutenant Iliadis qui franchit la petite
+rivière, à côté des ruines d'un pont brûlé. Elle se forme en colonne sur
+la route, devant le général.</p>
+
+
+
+
+
+<p>Le lieutenant Iliadis prend la tête. 11 se retourne sur son cheval... La
+batterie est au complet. Il assure ses pieds dans les étriers... Son
+bras droit se lève et fait deux gestes: «En avant! au galop!» Son cheval
+a bondi aux piqûres de l'éperon. Un grondement de tonnerre; la batterie
+est partie. A 300 mètres en avant, les obus de 120 pleuvent. Conducteurs
+et artilleurs sont tels qu'ils seraient sur un champ de man&oelig;uvre...
+Comment est-il possible d'en arriver à un tel mépris de la mort?... Car
+ils vont à la mort, si la chance ne veut point que les obus ennemis les
+évitent.</p>
+
+<p>La batterie court sur la route blanche, dans un tourbillon de poussière
+grise.</p>
+
+<p>Tout le monde ici, avec nous, est affreusement anxieux... Une détonation
+sourde et lointaine... Les Bulgares viennent de tirer. Chacun retient
+son souffle, angoissé... Où l'obus va-t-il tomber? Qui va-t-il
+atteindre?... Nous avons nos jumelles braquées pour voir le résultat.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="text-align: left; width: 100%;">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/010c.png"><br><b>Au pas de course, les soldats gagnent un défilement...</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/011a.png"><br><b>La batterie court sur la route blanche...</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+
+
+<p>Tout au bord de la route, près d'une pièce, un éclair... une brusque
+fumée grise mêlée de terre noire qui nous cache toute la batterie... Une
+détonation... L'obus a éclaté... Sa fumée se dissipe un peu... Nous
+regardons de tous nos yeux... L'infernal galop continue toujours. Dieu
+soit loué! personne n'a été touché... Les soldats, près de nous, font le
+signe de croix... Mais, derrière le premier obus, sont venus un second,
+un troisième. Ils tombent, ils pleuvent, tantôt à droite, tantôt à
+gauche, ou bien en avant, en arrière, et même entre les attelages...
+L'infernal galop continue toujours...</p>
+
+<p>A 2 kilomètres en avant de nous, la route descend dans une sorte de
+petit ravin. La batterie quitte la route, oblique à gauche. Les pièces
+sont déjà en position. Les avant-trains se sont éloignés...</p>
+
+<p>Quelques minutes passent. Les Bulgares tirent toujours, mais en
+aveugles...</p>
+
+<p>Quatre coups de canon successifs. La batterie Iliadis vient de tirer sa
+première salve. Au delà d'un petit bois, au loin, la fumée des
+éclatements monte...</p>
+
+<p>Alors le tir bulgare, brusquement, s'arrête... L'extraordinaire Iliadis
+a, du premier coup, trouvé l'emplacement des 120.</p>
+
+<p>Le général Manoussoyannakis, littéralement, se précipite sur nous:</p>
+
+<p>--Eh bien, vous avez vu? Du premier coup! hein? Ce n'est pas
+extraordinaire? Il faut le photographier, cet Iliadis, vous savez!...</p>
+
+<p>Une demi-heure plus tard seulement, le tir bulgare reprend,
+désordonné...</p>
+
+<p>Au loin, vers l'entrée même du défilé, une haute fumée bleuâtre et qui
+dure.</p>
+
+<p>La carte indique un pont de ce côté. Selon toute vraisemblance, c'est ce
+pont qui doit brûler. Donc les bulgares l'ont repassé, vers le nord.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Jean Leune.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>LA REPRISE D'ANDRINOPLE PAR LES TURCS</h3>
+
+<p><i>Avant que s'ébranlât vers Andrinople l'armée ottomane concentrée
+derrière les lignes de Tchataldja, alors qu'on s'étonnait un peu de
+l'inaction des Turcs quand les circonstances leur étaient si favorables
+pour reconquérir le terrain perdu, notre collaborateur Georges Bémond,
+qui, depuis sa belle campagne en Tripolitaine et en Cyrénaïque, ses
+randonnées de Constantinople au front, et la publication des émouvantes
+pages qu'il a consacrées aux souffrances de l'armée turque, à ses
+revers, était, aux rives du Bosphore, comme l'incarnation même de</i>
+L'Illustration, <i>recevait du colonel Djemal bey, gouverneur militaire de
+Constantinople, auquel l'unissent une amitié et une estime réciproques,
+une dépêche pressante: «Nous allons à Andrinople. Venez.--Djemal.»</i></p>
+
+<p><i>Ce fut la première nouvelle que nous eûmes des intentions des Turcs.</i></p>
+
+<p><i>Il fut malheureusement impossible à Georges Bémond de répondre à cet
+affectueux appel. Il le regretta.</i></p>
+
+<p><i>On connaît les événements qui se sont déroulés depuis lors. Les
+quotidiens les ont narrés au jour le jour: la retraite précipitée des
+Bulgares, trop peu nombreux pour accepter le combat; les farouches
+vengeances qu'ils exercèrent sur des malheureux désarmés,
+irresponsables, et ces soixante-dix habitants d'Andrinople attachés par
+deux, par quatre, et noyés dans l'Arda, d'où l'on vient de retirer leurs
+pitoyables dépouilles...</i></p>
+
+<p><i>M. Gustave Cirilli, ancien consul de France, l'auteur de ce «Journal
+d'un assiégé dans Andrinople» dont nous avons publié des extraits
+(numéro du 26 avril), vient de retourner passer quelques jours dans la
+ville où il avait vécu naguère de si mauvaises heures. Il nous
+envoie--sans insister d'ailleurs sur les atrocités dont la ville reprise
+fut le théâtre--ses impressions, ses v&oelig;ux, aussi, qui sont ceux de la
+majeure partie de la population.</i></p>
+
+<p>Andrinople, 30 juillet.</p>
+
+<p>Après une courte absence, un voyage à Constantinople, je suis rentré
+dans l'ancienne <i>Edirné</i>, que j'avais quittée en plein sous le régime
+bulgare et que je retrouve réoccupée par les Turcs. Les vaincus d'hier,
+qu'un coup de fortune a ramenés sur les rives de la Maritza, se
+promènent par les rues, calmes, froids, flegmatiques, mais l'air décidé,
+et ils sont en effet parfaitement résolus à reprendre pour leur compte
+la parole connue: <i>j'y suis, j'y reste</i>.</p>
+
+<p>Enver bey, l'instaurateur de la liberté en Turquie, est au milieu de ces
+soldats pour enflammer au besoin leur courage. Sera-ce nécessaire? Ces
+troupes ne ressemblent guère à celles que j'ai connues au début de la
+guerre balkanique. Composées d'éléments hétérogènes, sans lien, sans
+cohésion, et surtout sans administration, celles-ci marchaient avec
+cette passivité qui dénonce une absence de conviction et de fermeté. Il
+n'en est plus de même aujourd'hui.</p>
+
+<p>Les soldats commandés par Izzet pacha sont entraînés; ils montrent une
+tout autre allure que les malheureux soldats de Chukri pacha. Les
+officiers, eux aussi, en uniformes moins brillants, mais d'aspect
+beaucoup plus militaire, ne se prodiguent ni en vaines paroles ni en
+vaines parades. Ils sentent que s'ils sont venus ici, grâce à une série
+de circonstances imprévues, ils sont investis d'un devoir supérieur,
+celui de reprendre une ville qu'ils considèrent comme le rempart
+indispensable de leur capitale, et celui de venger leurs frères, non
+seulement ceux qui sont tombés en soldats sur le champ de bataille, mais
+aussi, mais surtout ceux qui ont été mis à mort au milieu de tortures
+épouvantables.</p>
+
+<p>C'est un voyage instructif que celui de Constantinople à Andrinople par
+la ligne des chemins de fer orientaux. Sur tout le parcours de Hademkeui
+à Ourli, en passant par Tchataldja, Sinékli, Tcherkeskeui, Tchorlou,
+Loule-Bourgas, en regardant autour de ces stations tristement célèbres,
+marquées par un long martyrologe, on n'aperçoit que des ruines fumantes,
+des maisons calcinées, des pans de murs ensanglantés, parsemés çà et là
+de gros clous où pendent des chevelures de femmes. Ce que cela signifie,
+on le devine.</p>
+
+<p>Dans la campagne, des milliers de <i>mohadjirs</i>, sans feu ni lieu, venus
+on ne sait d'où, femmes, enfants, vieillards, retour d'émigration,
+campent au milieu des champs, cherchant le toit qui les avait abrités et
+ne trouvant plus que îles cendres. La plus sinistre misère s'est abattue
+sur ces malheureux.</p>
+
+<p>Par ailleurs, comment parler sans frémir des attentats, des meurtres,
+des viols, des raffinements de cruauté qui ont présidé à la torture de
+toutes ces victimes, dont le grand crime était d'avoir défendu leur pays
+et d'appartenir à la foi musulmane? Des photographies prises sur le vif
+témoignent des horreurs commises. Je ne suis pas disposé à faire un
+procès de tendance; mais comment se refuser à croire à de telles
+monstruosités? L'impitoyable kodak est là poulies attester. Il semble
+véritablement que les soldats bulgares, en se retirant, aient été saisis
+par la folie de la destruction et le délire du sang.</p>
+
+<p>La civilisation européenne refuserait-elle de reconnaître aux Turcs le
+droit de reprendre une terre gorgée du sang de leurs frères et de leurs
+martyrs? Elle leur est devenue deux fois sacrée, cette terre, et par les
+souvenirs du passé et par les horreurs du présent.</p>
+
+<p>Un mouvement général, d'ailleurs, se manifeste dans toutes les classes
+de la population, sans distinction de race, de culte ou de religion,
+pour protester contre le joug bulgare et flétrir les atrocités commises.
+Ce mouvement de réprobation est allé jusqu'à réunir, le mardi 29
+juillet, dans un meeting monstre, plus de 30.000 personnes. Des orateurs
+grecs, arméniens, israélites, turcs, ceux-ci avec moins de véhémence que
+ceux-là, ont prononcé des discours enflammés pour demander qu'Andrinople
+reste à ses légitimes maîtres, revenus ici en véritables libérateurs,
+déclarant qu'ils sont prêts à tous les sacrifices pour maintenir ce pays
+sous la domination ottomane. Les décisions de ce congrès ont été
+présentées sous forme de v&oelig;u aux représentants de toutes les
+puissances, avec prière de les transmettre à leurs gouvernements
+respectifs.</p>
+
+<p>L'Europe resterait-elle indifférente aux suffrages de cette population
+éprouvée par tant de malheurs? Les traités, objectera-t-on. Il faudrait
+faire bien des recherches pour en trouver un seul qui ait été respecté
+depuis cent cinquante ans, et il peut paraître bizarre qu'à une époque
+où l'opinion publique mène le monde, on veuille juguler tout un peuple
+contre la volonté qu'il exprime en toute indépendance. On n'y réussira
+pas, d'ailleurs, à moins de vouer ce pays à des hécatombes perpétuelles.
+Mais n'est-ce pas assez de sang comme cela?...<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Gustave Cirilli.</span></span></p><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011b.png"><br><b>
+A Andrinople: on retire de la rivière Arda les corps de<br>
+70 habitants de la ville, noyés par les Bulgares avant leur
+retraite.</b><br>--<i>Photographie Léonidas Arnaoudogiou.</i></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012.png"><br><b>Guillaume II remet à la nation norvégienne le monument<br>
+colossal de Eridtjhof érigé près de Bergen.</b>--<i>Phot. Nic. Meyer.</i></p>
+
+<h3>UN CADEAU IMPÉRIAL A LA NORVÈGE</h3>
+
+<p>La statue colossale de Eridtjhof, don de Guillaume II à la Norvège,
+s'élève maintenant au bord du fjord, à Vangsnes, sur le tumulus où
+reposent le héros Scandinave et Ingeborge, qu'il aima. Elle a été
+inaugurée, la semaine dernière, par l'empereur allemand et le roi de
+Norvège en présence de toute la flotte allemande dont il est parlé plus
+loin. Elle est vraiment gigantesque, et l'auguste donateur, auprès
+d'elle, paraît un pygmée.</p>
+
+<p>L'empereur, en faisant remise de ce monument au roi Haakon, chanta, bien
+entendu, la gloire de l'épée Agurwadel, l'arme chérie de Eridtjhof, et
+s'appliqua, en les rapprochant sous la classification de «race
+indo-germanique», à faire des Norvégiens les proches parents des
+Allemands.</p>
+
+<p>Le roi dut remercier son grand ami si empressé, rappelant au passage les
+présents dont il avait déjà comblé la Norvège. Mais la Norvège elle-même
+semble moins enthousiaste. Elle se demande si ses fjords ont à ce point
+besoin de statues, fussent-elles colossales; elle trouve que les visites
+des navires allemands sur ses côtes sont bien fréquentes; que la
+présence dans les eaux norvégiennes d'une trentaine de vaisseaux, à
+l'occasion futile d'une remise de statue, est un bien grand déploiement
+de forces. Elle commence à murmurer, inquiète, un <i>timeo Danaos...</i></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/013a.png"><br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>La flotte allemande mouillée sur les côtes de Norvège<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;pendant les man&oelig;uvres de la flotte britannique<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;dans la mer du Nord.</b>--D'après le <i>Aftenposten.</i></p>
+
+<h3>LES ESCADRES ALLEMANDES</h3>
+
+<h4>SUR LA COTE DE NORVÈGE</h4>
+
+<p>Actuellement, la flotte britannique se trouve presque tout entière
+réunie dans la mer du Nord pour y exécuter des man&oelig;uvres. 72 cuirassés
+de premier rang, 34 croiseurs cuirassés, 159 destroyers et 47
+sous-marins sont concentrés en deux escadres sur les côtes orientales de
+la Grande-Bretagne. En présence de cette formidable <i>armada</i>,
+l'Allemagne n'est pas demeurée inactive: au colossal déploiement des
+forces navales britanniques, elle a répondu par l'occupation, en quelque
+sorte, des principaux fjords de la Norvège occidentale. La carte
+ci-dessus, empruntée au journal <i>Aftenposten</i> de Christiania, montre que,
+du 26 juillet au 4 août, 14 cuirassés et 7 croiseurs allemands sont
+demeurés mouillés dans la région comprise entre le fjord de Molde et le
+Hardangerfjord, comme pour faire front aux escadres britanniques.</p>
+
+<p>Avec ses innombrables mouillages très sûrs, accessibles aux plus grands
+bâtiments modernes, son archipel côtier à l'abri duquel des flottes
+peuvent, en toute sécurité, charbonner ou se réparer, la côte sud-ouest
+de Norvège, en saillie entre la mer du Nord et le Skager-Rack, constitue
+une base d'opérations navales de premier ordre. Comme le parlement de
+Christiania, ennemi des dépenses militaires, l'a laissée sans défense,
+cette importante position stratégique se trouve à la disposition du
+premier occupant. Aussi, depuis longtemps les escadres allemandes
+viennent-elles man&oelig;uvrer dans ces parages et ont-elles reconnu avec le
+plus grand soin toutes les entrées dans les ports et dans les fjords,
+afin de pouvoir évoluer sans le secours des pilotes. A la première
+alerte sérieuse avec la Grande-Bretagne, s'établir sur la côte de
+Norvège pour attaquer de là l'Angleterre, tel paraissait être le plan de
+l'amirauté allemande. Mais ce n'était là qu'une hypothèse. Le dispositif
+adopté ces jours derniers par la flotte germanique ne laisse plus, à cet
+égard, aucun doute.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Charles Rabot.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>UN AÉROPLANE GÉANT</h3>
+
+<p>Il y a quelque temps, le correspondant pétersbourgeois du journal
+sportif l'<i>Aéro</i>, télégraphia à son journal la nouvelle de la
+construction d'un aéroplane géant par un jeune étudiant de l'École
+technique de Saint-Pétersbourg, M. Igor Sikorsky; et la description de
+ce véritable navire aérien plus lourd que l'air parut si extraordinaire
+que nos confrères sportifs, y compris l'<i>Aéro</i> qui l'avait donnée,
+doutèrent fort de sa réalité.</p>
+
+<p>De fait, si la Russie occupe dans le domaine de l'aviation la première
+place après la France par le nombre de ses appareils et de ses pilotes,
+elle se classe, au point de vue de la construction, à la suite de la
+plupart des pays ayant une industrie aéronautique propre. Elle est
+tributaire principalement de l'industrie française.</p>
+
+<p>Or, on sait quelle longue pratique est nécessaire dans cette nouvelle
+industrie pour obtenir quelques progrès et sous ce rapport, seule la
+France, a pu prendre jusqu'ici toutes les initiatives. Et voici qu'on
+annonce la construction, dans le pays le moins préparé à cette fin, d'un
+aéroplane d'une hardiesse de conception et d'exécution véritablement
+impressionnante et dont la réalisation semble devoir ouvrir une voie
+nouvelle à l'aéronautique!</p>
+
+<p>Cet appareil de Sikorsky est un biplan, dont la surface portante
+supérieure est plus grande que l'inférieure: elle a une envergure de 27
+mètres et son étendue totale est de 130 mètres carrés. Le poids de
+l'appareil est de 3.000 kilos, et il peut soulever, en plus de son
+équipage et de ses passagers (au total dix personnes), des provisions et
+du combustible pour vingt heures et une charge de 800 kilos.</p>
+
+<p>Il est muni à cet effet de quatre moteurs d'automobile de 100 chevaux
+chacun, faisant actionner quatre hélices. Le fuselage est en bois; à
+l'avant, est ménagé un balcon découvert, pour l'observateur. En arrière
+du balcon, est une spacieuse cabine vitrée pour deux pilotes, avec deux
+volants de conduite. Puis viennent une cabine plus grande pour les
+passagers, les dépôts de provisions, d'outils, etc., un couloir, et,
+enfin, une autre cabine avec un divan pour le repos et le sommeil.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013b.png"><br><b>La cabine, pour dix personnes, du biplan géant de<br>
+l'ingénieur russe Sikorsky.</b></p>
+
+<p>Cette disposition permet aux pilotes de se relayer, aux mécaniciens de
+surveiller, et, au besoin, de régler les moteurs durant le vol. Car
+l'appareil peut continuer sa marche avec trois et même avec deux moteurs
+seulement. D'autre part, malgré la masse énorme du «Grand», il a pu
+développer une vitesse allant jusqu'à 110 kilomètres à l'heure.</p>
+
+<p>Cet appareil a déjà effectué une série de vols, dont le plus long fut de
+deux heures, à une altitude moyenne de 500 mètres. Pendant ces vols, on
+procéda à nombre d'expériences: les pilotes se relayaient librement; les
+passagers se promenaient à travers les cabines et sortaient sur le
+balcon de l'avant. On arrêta un moteur, puis le deuxième, et l'appareil
+poursuivit sa marche régulière, alors même que deux moteurs furent
+arrêtés du même côté.</p>
+
+<p>Ces dernières assertions soulevèrent une incrédulité particulière,
+lorsqu'elles furent avancées par les premières dépêches reçues en
+France. Le «Grand» a pourtant évolué dans ces conditions avec une
+régularité parfaite en présence des autorités russes compétentes,
+au-dessus de Saint-Pétersbourg même, où une foule de spectateurs le
+suivit du regard.</p>
+
+<p>Un rédacteur du <i>Vetcherneïé Vremia</i> de Saint-Pétersbourg, qui avait pris
+place, avec quatre autres voyageurs, à bord même de l'aéroplane, rendit
+compte, en ces termes, de son voyage: «Durant le vol, j'ai pu me rendre
+compte du parfait équilibre de l'appareil. Les passagers et les pilotes
+passaient d'un bout à l'autre de la grande cabine (d'une longueur de
+plus de 3 mètres) et firent des mouvements brusques, sans que la marche
+de l'appareil en fût en rien troublée.»</p>
+
+<p>Bref, on conçoit que les Russes soient enthousiastes de l'invention de
+leur compatriote. Reste à savoir quels avantages précis ils voient dans
+cet avion géant sur les aéroplanes de dimension ordinaire. Ce n'est pas
+tant à l'utilisation du nouvel appareil comme moyen de transport pour
+voyageurs et pour marchandises, qu'à son application militaire que
+s'attache surtout l'attention de nos alliés. Il suffira de signaler ici
+l'avis du savant professeur de l'École technologique, M. Langovoï, qui,
+dans un article du <i>Novoié Vremia</i>, affirme la fin prochaine des
+«Zeppelin», qui céderont la place aux «Sikorsky».<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">E. Halpérine-Kaminsky.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/013c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. Armand Deperdussin.</b></p>
+
+<h3>UN KRACH COMMERCIAL</h3>
+
+<p>Une nouvelle stupéfiante se répandait, mardi dernier, dans Paris. M.
+Armand Deperdussin, le constructeur d'aéroplanes dont, quotidiennement,
+on lisait le nom dans le journaux, directeur d'une entreprise qu'on
+croyait en pleine prospérité, membre du Comité de l'Aéro-Club, chevalier
+de la Légion d'honneur depuis quelques mois, venait d'être arrêté.</p>
+
+<p>Une plainte en «faux, usage de faux, escroqueries et abus de confiance»
+avait été déposée par M. Ehrmann, président du Conseil d'administration
+du Comptoir industriel et colonial, associé avec le constructeur
+d'aéroplanes, depuis une douzaine d'années, dans des spéculations... sur
+les soieries. C'est au cours de ces opérations que M. Deperdussin aurait
+détourné, à son profit, par des agissements frauduleux qu'il serait trop
+long d'exposer ici, des sommes considérables: son passif serait de plus
+de 30 millions, son actif de 10 millions, au maximum. C'est donc l'un
+des krachs les plus importants qu'on ait connus.</p>
+
+<p>Ces sommes formidables auraient été englouties dans la création d'usines
+de construction d'aéroplanes, la création de prix d'aviation, la
+fondation d'écoles de pilotage, l'acquisition d'un aérodrome et de deux
+châteaux,--et sans doute aussi dévorées en partie, au cours d'une vie
+trop large, en des compagnies ruineuses.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014.png"><br><b>DEUX OMBRES DANS LE VIEUX PARC.</b><br>--<i>«Serait-ce donc là ce
+qu'ils appellent les outrages du temps?»</i></p>
+
+<p>C'est un peu «le grand parc solitaire et glacé» du poète, un parc
+nocturne, que les ombres de ses hôtes d'autrefois reviennent de temps à
+autre revoir, en familiers, à l'heure où les vivants l'ont déserté. Les
+nobles futaies ont pris plus d'ampleur; les boulingrins sont respectés
+et convenablement entretenus; on continue soigneusement de faire la
+toilette des ifs bien pomponnés,--car nous connaissons quels sont nos
+devoirs envers les souvenirs du glorieux passé. Pourtant, hélas! ceux
+qui ont charge de garder ces beaux lieux ne sauraient, quel que soit
+leur zèle, veiller assez jalousement pour empêcher quelques impiétés. Et
+sur tel socle du haut duquel des amours discrets entendirent jadis leurs
+tendres confidences, peut-être, aux jours heureux de la cour et des
+fêtes, les deux promeneurs d'outre-tombe ne sont pas peu surpris de
+voir, charbonnés ou gravés, des <i>graffiti</i> barbares, pour eux sans aucun
+sens. En vain ce revenant de l'avant-dernier siècle s'évertuera à
+déchiffrer ces grimoires. Qui est «Natole»? qui «Jules»? et qui
+«Liline»? Mais le fût poli où s'adossaient autrefois, aux heures des
+épanchements, les deux amoureux, et qu'avec cette divine illusion qui
+fait le meilleur charme de la vie des hommes, même les plus sceptiques,
+ils s'imaginaient devoir garder éternellement l'empreinte de leurs
+doigte enlacés, la pierre blanche est profanée... «Outrages du temps»?
+Et le contemporain de Lauzun va pivoter sur ses talons rouges, sans
+avoir compris.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>CE QU'IL FAUT VOIR</h3>
+
+<h4>PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER</h4>
+
+<p>Semaine de vacances... qui sera vide, ou peu s'en faut, d'attractions
+mondaines, mais où deux spectacles populaires valent d'être signalés à
+l'attention des étrangers: ce sera, demain dimanche, une fête nautique
+dans le bassin de la Villette: et vendredi prochain, jour de
+l'Assomption, les «courses sans entraîneurs», du Parc aux Princes.</p>
+
+<p>Aussi bien pourquoi ne pas inviter la foule qui, dans huit jours, ira
+applaudir les coureurs du Parc aux Princes, et ne pas aller passer notre
+dimanche au delà des fortifications?</p>
+
+<p>Paris, les dimanches d'été, n'est plus guère, en effet, dans Paris; il
+est où sont les Parisiens: à la campagne. Et ce n'est pas perdre son
+temps que de l'y suivre. Il ne faut pas se lasser de le répéter aux
+voyageurs qui passent: les monuments, les théâtres, les musées, les
+trésors de cathédrales--tout ce qui semble faire la splendeur d'une
+ville--ne décrivent pas son âme tout entière, et n'expriment, en tout
+cas, qu'une partie de ce qu'on pourrait appeler son visage. Baedeker ne
+dit pas tout; les dictionnaires non plus; et c'est justement à ces
+spectacles qu'ils ne mentionnent point parce qu'ils les dédaignent ou
+parce qu'ils les ignorent; c'est à ces tableaux d'intimité--et d'un
+pittoresque si changeant --qu'il faut s'arrêter, si l'on veut avoir vu
+Paris vivre, raisonner, sentir...</p>
+
+<p>De ces visions, l'une de celles qui m'a toujours le plus amusé et, le
+dirai-je? le plus ému, c'est Paris, les dimanches d'été, à la campagne.
+Ce n'est pas un départ, c'est une ruée; c'est l'irruption
+frénétique--sur les champs--des pauvres petits rats des villes...</p>
+
+<p>Amis étrangers, n'allez pas, si vous êtes curieux de suivre, pendant une
+journée de dimanche d'été, le peuple de Paris vers la banlieue, n'allez
+pas, ingénument l'attendre à la première venue de nos gares. Il y a des
+gares privilégiées, celles «qu'il faut voir»; par exemple, la gare du
+Nord, à cause de la forêt de Montmorency toute proche; les gares de
+l'Est et de Vincennes, à cause des rivières propices à la pêche, au
+canotage, aux faciles ébats des nageurs; et celles de l'Ouest aussi, qui
+mènent à Versailles, aux bois de Viroflay, à Saint-Germain, et--plus
+près, car ce sont là déjà de coûteux voyages pour les petites
+bourses--au délicieux parc de Saint-Cloud, aux coteaux de Meudon, aux
+guinguettes de Clamart.</p>
+
+<p>Vers ces joies du dimanche, l'ouvrier parisien se précipite avec une
+impatience d'enfant «qui veut voir». Ce sont toujours les mêmes joies,
+et l'on dirait qu'il en attend, chaque dimanche, des surprises
+nouvelles; que c'est la première fois qu'il monte dans un train, qu'il
+voit des arbres et de l'eau. La jolie aventure, pour les pauvres gens,
+qu'un peu de liberté! Et comme on a travaillé déjà, sans s'en
+apercevoir, pour mieux jouir, pendant une journée, du droit de ne rien
+faire!</p>
+
+<p>On s'est levé de très bonne heure, afin de préparer les provisions de la
+journée, et d'<i>endimancher</i> comme il convient les bambins qu'on emmène
+avec soi; on a fait à pied le plus souvent, pour éviter les dépenses
+inutiles, le trajet qui mène du domicile à la gare qu'on prendra; et
+l'on a déjà très chaud, quand on y arrive avec le lourd filet chargé de
+provisions, les instruments de pêche, le gosse porté sur les bras du
+père,--pour monter à l'assaut du compartiment de troisième classe où,
+depuis longtemps, tous les coins sont pris! Le train part dans une
+demi-heure, et bientôt c'est l'entassement... Mais il faut bien que la
+pauvreté ait ses avantages, et vous remarquerez qu'en chemin de fer les
+incommodités qui exaspèrent le voyageur de première classe sont pour le
+voyageur de troisième des sujets de gaieté folle. Il s'amuse de tout, ce
+voyageur: de la chaleur étouffante qu'il fait, de la cohue, des voisins
+gênants, du train qui devrait partir et qui ne part pas. Dans les gares,
+il existe, à la disposition des voyageurs qui ont à se plaindre de
+quelqu'un ou de quelque chose, un registre des réclamations. Je suis sûr
+que jamais l'on n'a vu figurer sur ce registre-là, depuis que les
+Français vont en chemin de fer, le nom d'un voyageur de troisième
+classe; d'un voyageur du dimanche surtout. Il est trop content de s'en
+aller. Il pense à la friture qu'il pêchera tout à l'heure, aux fleurs
+qu'il cueillera dans les champs, à la tonnelle pleine d'ombre où l'on
+prendra l'apéritif, au déjeuner qu'on fera sur l'herbe.</p>
+
+<p>Le déjeuner sur l'herbe!... Imaginez qu'à nous autres, bourgeois
+douillets et un peu grincheux, ceci soit proposé: «Tu te lèveras de très
+bonne heure pour gagner hors Paris, assis sur une banquette de bois,
+encombré de nourriture et de famille, un tapis de gazon qu'entourera
+cette famille et au centre duquel cette nourriture sera posée. Des
+journaux remplaceront la nappe; et, pour manger, tu t'assoiras par
+terre, à l'orientale, les pieds dans les bouteilles. Ton menu ne sera
+composé que de mets froids et facilement transportables. On ne changera
+pas les assiettes, et il n'y aura pas de verres pour tout le monde. On
+boira <i>tiède</i>, attendu que, si les longs voyages bonifient le vin, les
+petits voyages ne le rafraîchissent pas. Et puis, il y aura les mouches,
+et çà et là, dans l'herbe, mille rencontres fâcheuses...» A cette
+invitation, je sais bien ce que le plus indulgent d'entre nous
+répondrait. Il répondrait qu'il aime mieux jeûner, que de déjeuner
+ainsi; et que c'est un supplice absurde qu'on lui propose. Observez
+cependant cette foule répandue sous les arbres, autour de ses
+«dînettes»; écoutez ses rires, ses cris, ses bavardages d'enfants; et
+puis quand les bouteilles sont vides, et que s'éparpillent les chiffons
+de papier gras qui servaient d'enveloppe aux victuailles, regardez de
+quel bon sommeil les plus vieux se sont endormis sous les arbres
+cependant que les femmes, les jeunes filles, les enfants s'en vont
+courir, sous le soleil, à la recherche des petites fleurs qu'on ne
+trouve pas à Paris, et qui mettront au bord des fenêtres, cette semaine,
+un peu de gaieté et le souvenir d'une «balade» dont on parlera pendant
+six jours.</p>
+
+<p>... Et l'on revient comme on était parti. Il faut marcher encore,
+s'écraser aux gares; les filets à provisions sont vides, mais on sent
+peser sur soi dix heures de canicule; et le gosse qu'il faut porter dans
+la cohue semble plus lourd aussi. Et puis il y a les bouquets; et pour
+ceux qui, toute la journée ont, sous le soleil, intrépidement, «trempé
+du fil dans l'eau», il y a la friture qu'on rapporte. On n'en peut plus;
+on est, à la fin de cette journée de repos, bien plus éreinté qu'à la
+fin d'une journée de travail. Mais quoi? On a vu «du pays», on s'est
+senti libre, on a cueilli des fleurs; on est content. Le peuple de Paris
+est un peuple de poètes.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Un Parisien.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>AGENDA (9-16 août 1913).</h3>
+
+<p><span class="sc">Expositions artistiques</span>.--Galerie Georges Petit (8, rue de Sèze):
+exposition des petits maîtres de 1830. --A Bagatelle, le <i>15 août</i>,
+ouverture de l'exposition de la Société des Artistes de Neuilly, avec
+section rétrospective de l'&oelig;uvre de Detaille.</p>
+
+<p><span class="sc">Le concours Lépine</span>.--Au Grand Palais, le <i>12 août</i>, ouverture du 13e
+concours Lépine (Association des petits fabricants et inventeurs
+français).</p>
+
+<p><span class="sc">Inauguration de monument</span>.--De grandes fêtes auront lieu à Belfort, les
+<i>15, 16 et 17 août</i>, à l'occasion de l'inauguration du monument des
+trois sièges (1813, 1815, 1870-1871).</p>
+
+<p><span class="sc">Sports</span>.--<i>Courses de chevaux</i>: le <i>9 août</i>, Bernay, Boulogne-sur-Mer; le
+<i>10</i>, Deauville (prix Florian de Kergorlay), Boulogne, Bernay. Vichy,
+Ostende; le 11, Cabourg, Ostende; le <i>12</i>, Deauville; le <i>13</i>, Cabourg;
+le <i>14</i>, Pont-l'Évêque, Ostende; le <i>15</i>, Deauville, Dieppe.
+--<i>Automobile</i>: un concours d'endurance et de régularité aura lieu le
+<i>15 août</i> sur le parcours Paris-Royan. --<i>Aviation</i>: des épreuves pour
+le prix de 50.000 fr. de l'aérocible Michelin auront lieu du <i>10 au 17
+août</i>.--<i>Lutte</i>: au casino municipal de Deauville, le critérium
+international de lutte de combat (coupe de Trouville), commencé le <i>8
+août</i>, se continuera les jours suivants.--<i>Cyclisme</i>: le <i>15 août</i>, au
+Parc des Princes, courses sans entraîneurs, dite Petit Tour de
+France--<i>Athlétisme</i>: du 9 au 24 août, circuit pédestre de l'Ouest (prix
+Dubonnet).--<i>Yachting</i>: le <i>9 août</i>, troisième journée des régates
+internationales de Trouville-Deauville; croisière
+Trouville-Fécamp.--<i>Tir aux pigeons</i>: à Deauville, le <i>9 août</i>, prix du
+Cercle de Deauville.--<i>Polo</i>: le <i>11 août</i>, grand handicap de Deauville.</p><br><br>
+
+<h2><span class="sc">les théâtres</span></h2>
+
+<p>Les trois représentations que la Comédie-Française vient de donner les
+2, 3 et 4 août sur le théâtre Antique d'Orange ont singulièrement animé
+la petite cité vauclusienne, favorable aux tragiques, et dont les
+habitants ne jurent plus que par Zeus. <i>Polyphème</i>, le drame antique
+d'Albert Samain, composait, avec l'<i>Andromaque</i> de Racine, le spectacle
+du premier jour; le second, on a joué Rome vaincue, drame d'Alexandre
+Parodi; enfin, le troisième jour a été consacré à la <i>Sophonisbe</i> de M.
+Alfred Poizat que précédait <i>Le Passant</i> de F. Coppée. Oeuvres et
+interprètes ont provoqué les longues acclamations d'une assistance
+considérable, prédisposée à l'enthousiasme par le renom des auteurs et
+des artistes du premier théâtre français, aussi bien que par la
+splendeur émouvante du décor et la douceur de la nuit scintillante
+d'étoiles.</p>
+
+<p>En cette saison de vacances, tragédiens et comédiens abandonnent
+volontiers Paris et c'est la province qui nous envoie des nouvelles
+théâtrales. A Miramont, dans le Lot-et-Garonne, M. et Mme Silvain, à la
+tête d'une troupe d'artistes choisis ont représenté le <i>Cid</i>, tandis
+qu'à Deauville M. Lenglé, écrivain ingénieux et spirituel, précédemment
+applaudi au Théâtre-Michel, donnait au Casino la primeur d'un acte
+alerte, original. La R. P., excellemment enlevé par Mlle Lucienne Guêt
+et MM. Juvenet et Paul Villé.</p>
+
+<p>Le Théâtre des Variétés vient de reprendre l'<i>Enfant prodigue</i>, la
+délicieuse pantomime de M. Michel Carré qui fournit au compositeur André
+Wormser l'occasion d'écrire une partition tout à fait charmante. Cette
+&oelig;uvre a retrouvé le succès qui l'accueillit, voici quelque dix ans,
+lors de sa création à la Renaissance. Elle est accompagnée sur l'affiche
+par <i>Son premier voyage</i>, amusante comédie en deux actes de MM. Xanrof
+et Guérin.</p>
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/015.png"><br><b>
+Un nid d'hirondelles juché sur des<br>
+grappes de maïs pendues au<br>
+plafond d'une chambre de paysans<br> à
+Marnay (Haute-Saône).</b><br> <i>Phot. M. Bey.</i></p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Les oiseaux familiers.</span></p><br><br>
+
+<p>L'an dernier, à pareille époque exactement (numéro du 10 août), nous
+reproduisions la photographie d'un nid d'hirondelles bizarrement établi
+sur la plate-forme d'une suspension de salle à manger, chez M. Edmond
+Bey, à Marnay (Haute-Saône).</p>
+
+
+
+<p>Une chose plus curieuse encore vient de se produire dans la même
+commune; des hirondelles--ne serait-ce point les petits des fantaisistes
+oiseaux de l'an dernier?--ont établi leur nid, cette fois, chez une
+vigneronne de Marnay, Mme Marcot, sur un paquet de grappes de maïs
+suspendues au plafond, en avant de la vieille horloge familiale, dont on
+aperçoit, sur la photographie reproduite ici, le cadran. Ce nid est si
+fragilement installé que chaque fois que le père ou la mère viennent
+apporter la becquée à leur progéniture, il se balance au mouvement que
+font les petits pour recueillir leur nourriture. Ces bestioles sont
+d'ailleurs si peu farouches qu'elles se laissent caresser par leurs
+hôtes.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Le tungstène, rival du platine, en électricité.</span></p><br><br>
+
+<p>Le platine possède de nombreuses qualités qui ont rendu son usage très
+répandu en matière d'électricité. Son inaltérabilité est supérieure à
+celle de l'or, il est très ductile et très malléable en même temps que
+très tenace; et son infusibilité est grande. Enfin, sa résistivité, plus
+élevée que celle du cuivre, fait qu'il se prête admirablement à la
+construction des résistances, soit résistances de réglage, soit
+résistances de chauffage. D'autres qualités de ce métal, telles que son
+très faible coefficient de dilatation et son pouvoir émissif sélectif,
+le font rechercher pour l'éclairage à incandescence.</p>
+
+<p>Malheureusement, le prix du platine subit une hausse ininterrompue
+depuis quelque temps, et est monté jusqu'à 6.700 francs environ le
+kilogramme. Aussi a-t-on dû lui chercher un remplaçant.</p>
+
+<p>Dans une étude donnée récemment dans les <i>Archives d'électricité
+médicale</i>, M. le docteur Nogier, de Lyon, vient de montrer que le
+tungstène peut, en électricité, rivaliser avec le platine et même être
+substitué à celui-ci avec grand avantage.</p>
+
+<p>Longtemps inutilisé depuis sa découverte par Scheele, en 1781, parce
+qu'on ne savait pas réaliser des températures assez élevées pour le
+fondre, le tungstène est inaltérable à l'air, insoluble dans les acides
+et les lessives de soude et de potasse; il n'est pas attaqué par le
+mercure. C'est le plus infusible des métaux, en même temps très ductile
+et très tenace.</p>
+
+<p>Le coefficient de dilatation du tungstène est trois fois plus faible que
+celui du platine. Sa résistivité est, il est vrai, un peu inférieure à
+celle du platine à la température ordinaire; mais elle décuple à 2.000
+degrés.</p>
+
+<p>Le tungstène paraît donc capable de suppléer le platine pour tous les
+usages électriques: et il offre sur ce métal le grand avantage d'être
+cent fois meilleur marché que celui-ci. Le prix du kilogramme de
+tungstène pur est en effet d'environ 60 fr.</p>
+
+<p>De plus, ce métal peut être obtenu à un état tel qu'il raye le verre,
+tout en restant ductile: alors que le platine, comme on le sait, soumis
+à des chocs répétés, s'écrase et s'use rapidement.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La forêt et la neige.</span></p><br><br>
+
+<p>Nous signalions récemment les observations faites dans la Nevada pour
+préciser l'influence de la forêt sur la neige. A ce propos, M. Paul
+Mougin, conservateur des eaux et forêts, nous signale les observations
+organisées sur son initiative dans les deux départements de Savoie et
+qui ont porté sur 28 stations.</p>
+
+<p>Il n'existe pas en cette région de futaies feuillues, on n'y trouve que
+des taillis à réserves plus ou moins abondantes. On ne peut donc guère
+comparer les résultats obtenus avec ceux de M. Church en Amérique; mais
+on arrive à des conclusions générales de même ordre.</p>
+
+<p>C'est pendant l'hiver très neigeux 1906-1907 qu'on observa pour la
+première fois l'action de la forêt sur la neige. Dans des conditions
+similaires d'altitude et d'exposition, on releva les faits suivants:</p>
+
+<p>A Saint-Pierre-d'Albigny, un taillis conserva son enneigement 111 jours
+alors que la neige avait disparu hors bois après 98 jours.</p>
+
+<p>A Sallanches, avec une hauteur de neige de 1 m. 56, l'enneigement
+persista sous une futaie résineuse (sapin, épicéa) 57 jours plus tard
+que hors bois.</p>
+
+<p>A Thônes, sous une futaie résineuse, exposée au sud, à l'altitude de 700
+mètres, la neige a disparu hors bois 20 jours plus tôt que sous le
+couvert des arbres.</p>
+
+<p>Enfin, à Tennignon, dans un peuplement toujours assez clair de pins de
+montagne et mélèzes, à 1.600 mètres d'altitude, la neige avait atteint
+une hauteur totale pour l'hiver de 2 m. 37. Sur un versant nord-ouest
+elle a disparu sous bois 40 jours plus tard que hors bois, alors que sur
+un versant sud la différence fut seulement de 21 jours.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Alger, deuxième port de France.</span></p><br><br>
+
+<p>Le port d'Alger a pris, en ces dernières années, un essor tel que,
+comparé aux ports de la métropole, il occupe aujourd'hui le second rang.
+Il vient immédiatement après Marseille et dépasse le Havre.</p>
+
+<p>Voici, en effet, le mouvement du grand port algérien à dix ans
+d'intervalle:</p>
+
+<pre>
+ 1902 1912
+
+ Navires entrés et sortis 8.558 13.000
+
+ Tonnage de jauge 7.384.000 18.000.000</pre>
+
+<p>Or, en 1911, le mouvement du port de Marseille atteignait 20 millions de
+tonnes de jauge; celui du Havre se chiffrait par 10 millions, supérieur
+seulement de 2 millions à celui d'Oran qui se classe le quatrième port
+français.</p>
+
+<p>Cette prospérité est due au développement économique de l'Algérie, dont
+les vins et les minerais constituent un fret important, et aussi à la
+situation géographique d'Alger devenu port d'escale et de ravitaillement
+pour la plupart des grandes lignes de navigation.</p>
+
+<br><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="text-align: left; width: 100%;">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 40%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/016a.png"><br><b>Le <i>Borda.</i></b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 60%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/016b.png"><br><b>Le <i>Duguay-Trouin.</i></b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+
+
+<h4>L'ÉCOLE NAVALE D'HIER ET CELLE D'AUJOURD'HUI, DANS LE PORT DE
+BREST.--<i>Photographies H. Freund.</i></h4>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La fin du «Borda»</span></p><br><br>
+
+<p>Le navire qui, depuis 1890, abritait l'École navale, et qui s'était
+appelé l'<i>Intrépide</i> avant d'être, selon une tradition remontant à
+Louis-Philippe, baptisé <i>Borda</i>, a, comme disent les marins, «gagné ses
+invalides». Et à moins qu'il ne soit adjugé au plus fort enchérisseur et
+démoli, il va devenir, dans quelque coin de port, un ponton tout rasé.
+Mais ce qui est plus digne encore d'être noté, c'est que son remplaçant
+ne va point porter le même nom illustre et populaire: l'<i>Officiel</i>, en
+effet, a enregistré la nomination du capitaine de vaisseau Merveilleux
+du Vignaux «au commandement du <i>Duguay-Trouin</i> et de l'École navale.
+Plus de Borda!--et donc plus de <i>bordaches</i>!--Quel néologisme cette
+révolution va-t-elle introduire dans l'argot pittoresque de nos futurs
+officiers de marine?</p>
+
+<p>Le premier <i>Borda</i> avait été d'abord le <i>Commerce de Paris</i>, aménagé, en
+1840, en École navale, et auquel, en l'appelant à cette nouvelle
+destinée, on avait donné le nom d'un officier de marine aussi savant que
+brave. En 1863, le premier <i>Borda</i> fatigué, le <i>Valmy</i> le remplaça et
+reprit le même nom, comme allait faire, en 1890, le dernier <i>Borda</i>.</p>
+
+<p>Le <i>Duguay-Trouin</i>, qui accueillera, à la rentrée, les <i>fistots</i>, a
+préludé à ses nouvelles fonctions en promenant autour du monde, depuis
+plusieurs années, les jeunes aspirants émoulus de l'École navale. Il
+avait, en effet, remplacé l'<i>Iphigénie</i> comme navire-école annexe du
+<i>Borda</i>.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Un monument français en Allemagne.</span></p><br><br>
+
+
+
+<p>Au cours de la guerre de 1870-71, de nombreux soldats
+français--plusieurs milliers--faits prisonniers sur les champs de
+bataille, furent envoyés à Magdebourg, en Saxe prussienne, qui avait
+déjà vu mourir Lazare Carnot, le grand ancêtre. Près de 1.000--3
+officiers, 890 soldats--y succombèrent, les uns aux suites de leurs
+blessures, les autres de maladies diverses. Ils furent inhumés dans le
+cimetière militaire, où leurs restes retrouvèrent ceux d'autres vaincus
+des précédentes campagnes, des Danois, des Autrichiens.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>Le monument des soldats français décédés en 1870-1871,<br>
+dans le nouveau cimetière de Magdebourg.</b>--<i>Phot. Pierre Caraud.</i></p>
+
+<p>Or, un chemin de fer va traverser le champ paisible où ils reposaient.
+Aux termes de la loi allemande, on pouvait les laisser là, établir la
+voie sur leurs tombes. Mais l'autorité, mue par un sentiment délicat,
+décida leur transfert au nouveau cimetière. On y a transporté aussi,
+avec leurs cendres, après l'avoir remis à neuf, le monument élevé à leur
+mémoire, assez curieux d'aspect, massif cénotaphe ouvert sur l'un de ses
+grands côtés et laissant voir, dans la niche ainsi formée, la figure
+d'un soldat mourant qui serre de ses mains défaillantes un drapeau
+surmonté--par un complaisant anachronisme!--d'un fer de lance.</p>
+
+<p>A l'occasion de cette nouvelle inhumation des cendres de tant de braves
+a eu lieu, le dimanche 20 juillet, une cérémonie émouvante, à laquelle
+assistaient le général en chef du 4e corps d'armée allemand, tous les
+officiers et des délégations de tous les régiments de la garnison de
+Magdebourg, le lieutenant-colonel Serret, attaché militaire à
+l'ambassade de France à Berlin et son collègue l'attaché militaire
+autrichien, etc. Des couronnes jonchaient les tombes. Les soldats de
+Magdebourg avaient, avec sollicitude, décoré le cimetière.</p>
+
+<p>Les honneurs militaires furent rendus. Des aumôniers, catholiques,
+protestants, prononcèrent d'éloquentes oraisons funèbres et des chants
+religieux, les accents martiaux d'une musique régimentaire terminèrent
+la pieuse cérémonie.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Coqueluche et changement d'air.</span></p><br><br>
+
+<p>Depuis longtemps, on le sait, le changement d'air est un des remèdes les
+plus en faveur en ce qui concerne la coqueluche. Ce changement, au
+reste, n'est utile que s'il assure au malade un air plus pur, plus sain:
+le simple changement d'un air médiocre à un autre air médiocre est sans
+vertu. D'un autre côté, s'il est utile au malade, il ne peut être que
+nuisible à la localité où l'on transporte celui-ci. Dans ces conditions
+il n'est pas surprenant que le conseil supérieur d'hygiène, en Autriche,
+vienne d'émettre un avis tout à fait défavorable au transport des
+coquelucheux, et ont engagé les communes à prendre toutes les mesures
+utiles pour empêcher l'introduction de ceux-ci. «Le déplacement des
+coquelucheux pendant la période infectieuse, vers d'autres localités, et
+spécialement vers les stations balnéaires et lieux de villégiature, est
+absolument inadmissible, dit-il, et doit être empêché par tous les
+moyens possibles.» Comme le code pénal autrichien punit d'une amende de
+deux mille couronnes, ou de six mois de prison, quiconque a, par sa
+négligence, provoqué la propagation d'une maladie contagieuse, on est
+assez bien armé, en Autriche, contre le déplacement des coquelucheux, et
+ses conséquences pour le tiers et le quart.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Les métaux existant dans les eaux minérales.</span></p><br><br>
+
+<p>Jusqu'ici l'étude des eaux minérales ne comportait guère que des
+analyses chimiques révélant la présence d'un petit nombre de métaux ou
+de métalloïdes en teneur relativement élevée. En ces derniers temps, on
+recherchait en outre les éléments radioactifs.</p>
+
+
+
+<p>Le docteur Jacques Bardet, professeur à l'Institut d'hydrologie, a pensé
+que l'analyse spectrale, beaucoup plus sensible que l'analyse chimique,
+permettrait de trouver dans les eaux des traces, même minimes, de
+quantité de métaux ayant échappé aux chimistes. Il a donc examiné au
+spectroscope les résidus secs de 54 sources choisies dans 34 stations
+thermales réparties sur tous les points de la France. Il a constaté que
+ces eaux renferment toujours du plomb, presque toujours de l'argent et
+de l'étain, souvent du molybdène et du cuivre. Il a encore trouvé du
+bismuth, du zinc, du glucinium, et deux métaux actuellement considérés
+comme rarissimes: le germanium et le gallium.</p>
+
+<p>On rencontre aussi, mais moins fréquemment, de l'antimoine, du cobalt,
+du chrome, du mercure, du nickel, de l'or, du thallium, du titane, du
+vanadium, du tungstène.</p>
+
+<p>Ces constatations sont assez curieuses, et elles peuvent être appelées à
+jouer un rôle important dans la thérapeutique thermale. D'autre part,
+elles prouvent que certains métaux <i>rares</i> sont plus répandus dans la
+nature qu'on le suppose.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Le pansement à la propolis.</span></p><br><br>
+
+<p>En distillant à l'état brut la propolis, cette substance visqueuse que
+sécrètent les abeilles et qui est bien connue de tous les apiculteurs,
+on obtient un liquide brunâtre et de consistance onctueuse, la
+propolisine. En l'appliquant au pinceau, pur ou après mélange avec 25 à
+30% de vasogène, à la surface d'une plaie soigneusement nettoyée, on
+recouvre celle-ci d'une sorte de vernis isolant à l'abri duquel la
+cicatrisation se fait dans les meilleures conditions possibles. La
+première application suffit à amener un soulagement immédiat.</p>
+
+<p>MM. Parvel et Meyer qui viennent d'étudier la propolisine vasogénée
+affirment que son emploi rend les plus grands services en chirurgie
+d'urgence et sur les champs de bataille, prévient, dans la majorité des
+cas, les complications infectieuses et les septicémies.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Le phosphate tricalcique et les poules pondeuses.</span></p><br><br>
+
+<p>Depuis longtemps, il a été reconnu par les aviculteurs que les poules
+ont besoin de calcaire pour édifier la coquille de leurs &oelig;ufs: on le
+leur donne d'habitude sous forme de plâtras, de mortiers usés, ou
+d'écailles d'huîtres concassées. Les éleveurs s'accordent, en outre,
+pour estimer que l'alimentation azotée et surtout carnée «pousse à la
+ponte». Voici maintenant que des expériences curieuses viennent de
+démontrer l'heureuse influence exercée par les aliments riches en
+phosphore sur la fécondation des &oelig;ufs.</p>
+
+<p>En ajoutant à la provende des poules 10 gr. 2 par kilo de phosphate
+tricalcique, on accroît dans la proportion de 27 à 31 pour 1.000 le
+nombre moyen des éclosions. Comme le phosphate tricalcique--à la
+condition qu'on l'achète chez les droguistes--a une valeur marchande
+relativement faible, le prix de revient de ce traitement n'apporte aucun
+obstacle à son adoption.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017.png"><br><b>LA VILLE FUTURE.--Une solution hardie du problème de la
+circulation.</b> <i>D'après le «Scientific American».</i></p>
+
+<p>Le terrible «problème de la circulation» à la solution duquel s'applique
+avec un heureux zèle, depuis son arrivée à la Préfecture de Police, M.
+Hennion, préoccupe plus que nous encore, s'il est possible, les
+Américains. La multiplication dans les villes comme New-York, par
+exemple, des gratte-ciel, des immeubles gigantesques dont certains
+abritent jusqu'à 10.000 personnes, a accru dans d'effrayantes
+proportions l'encombrement des rues. Il est temps de remédier à une
+situation dont souffrent presque également et ceux qui roulent en
+automobile, et les honnêtes gens qui vont encore à pied; ceux-ci exposés
+à des dangers croissants, ceux-là empêchés de jouir, comme il leur
+conviendrait, du temps que pourrait leur faire gagner la rapidité des
+véhicules dont ils disposent.</p>
+
+<p>Le <i>Scientific American</i>, qui publie dans son dernier numéro la gravure
+reproduite ici, suggérant ainsi une audacieuse solution du problème,
+fait très justement observer à quel point il est déraisonnable, absurde,
+de continuer à faire circuler, sur un même plan, des mobiles, pour
+parler comme les mathématiciens, de vitesses et d'espèce même si
+différentes. Est-ce que, demande-t-il fort justement, l'ingénieur, qui
+doit établir des conduites pour des fluides de natures diverses, fait
+circuler dans les mêmes tuyaux le gaz d'éclairage, la vapeur du
+chauffage central et l'eau de la cuisine ou de la salle de bain? Et
+croit-on que les chemins de fer auraient atteint le degré de perfection
+où ils sont arrivés si, au lieu de créer des voies spéciales à leur
+usage, entre de bonnes barrières, on les eût laissés vaguer parmi les
+camions des villes et les chars à b&oelig;ufs des campagnes? Donc divisons,
+classifions la circulation pour la rendre plus facile. La rue proprement
+dite aux transports rapides, aux tramways, aux automobiles et aux
+quelques voitures à chevaux qui demeurent encore,--en attendant que les
+«moteurs animaux» soient tout de bon relégués aux champs. Pour les
+piétons, des trottoirs spéciaux, en l'air. Les gros transports
+s'effectueront au sous-sol, au-dessous même des «métros» et des «tubes».
+Et vraiment cette image compliquée est bien amusante à étudier dans ses
+détails.</p>
+
+<p>On se complaira aussi à imaginer ce que pourrait donner à Paris un tel
+système, avec un ou deux étages de trottoirs aériens sur les boulevards,
+rue de la Paix, rue Royale, et donc un ou deux étages de grands
+magasins--et quelle vie différente en résulterait, et aussi quel
+accroissement de valeur pour les immeubles ainsi desservis.</p>
+
+<p>Il est à prévoir que, dans un avenir plus ou moins éloigné, on sera
+amené, par la force des choses, à l'adopter. Il semblerait, à lire
+l'article très curieux du <i>Scientific American</i>, qui envisage dès
+maintenant les conditions dans lesquelles les quartiers centraux de
+New-York pourraient être ainsi transformés, que les temps soient assez
+proches,... aux États-Unis.</p>
+
+<br><br>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018small.png"><br><a href="images/018large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp01.png"><br>
+Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés<br> en titre ne nous ont pas été fournis.
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3676, 9 Août 1913, by Various
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+
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+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
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+status under the laws that apply to them.
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+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
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