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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3675, 2 Août 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3675, 2 Août 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: March 24, 2012 [EBook #39240]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3675, 2 AOÛT 1913 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3675, 2 Août 1913
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+
+
+__Supplément à L'ILLUSTRATION du 2 Août 1913.__
+
+LE DOSSIER DES MASSACRES D'OTAGES PAR LES BULGARES
+
+[Illustration: Mme Jean Leune et M. Georges Bourdon, du _Figaro_,
+découvrent, aux environs de Livounovo, les corps de sept notables de
+Serès, massacrés et mutilés.]
+
+[Illustration: Signatures apposées sur la lettre d'envoi des documents
+de cette page par les trois témoins de la découverte des corps des
+notable de Serès massacrés près de Livounovo. M. Bernard Laporte du
+_New-York-Herald_, ne figure pas dans la photographie ci-dessus prise
+par M. Jean Leune.]
+
+[Illustration: Deux autres des notables de Serès que les Bulgares
+avaient emmenés comme otages.]
+
+_Photographies Jean Leune.--Voir l'article à la page suivante._
+
+[Illustration: Cadavres de victimes grecques.]
+
+[Illustration: Un mutilé (pied coupé) parmi les victimes de Doxato.]
+
+[Illustration: Les massacres qui ont précédé l'évacuation de Cavalla par
+les Bulgares: cadavres de victimes musulmanes. _Photographies
+communiquées par M. F. de Jessen._]
+
+LE MASSACRE DES OTAGES DE SERÈS
+
+_Le compte rendu, par M. Jean Leune, de l'horrible découverte qu'il a
+faite le 21 juillet, avec deux de ses confrères, aux environs de
+Livounovo, ne nous est pas encore parvenu. Mais nous avons reçu ses
+photographies, et le commentaire en avait paru dès le 24 juillet dans le
+récit télégraphié par M. Georges Lourdon au_ Figaro, _et que nous
+reproduisons ici:_
+
+Une horrible découverte a été faite, avant-hier soir, par quatre d'entre
+nous. Je citerai leurs noms, car il importe que nul ne puisse suspecter
+l'exacte relation que j'en vais faire. Ce sont M. et Mme Leune et M.
+Laporte. Celui-ci, Français, représente ici le _New-York Herald_. M.
+Leune, jeune homme de vingt-deux ans, licencié d'histoire et qui prépare
+une thèse de doctorat, a suivi, en vue de celle-ci, toutes les
+opérations de l'armée grecque depuis dix mois et il les a suivies
+infatigablement dans les conditions les plus pénibles, en compagnie de
+sa jeune femme, une Grecque de Constantinople. Couchés tous deux sous la
+tente, dans la neige, et le sac au dos, suivant à pied le chemin de
+l'armée, M. Leune, petit-fils d'un célèbre universitaire, n'a rien dit
+dans les correspondances qu'il a envoyées à _L'Illustration_ ni des
+fatigues que sa femme et lui ont endurées, ni de la popularité qu'elles
+leur ont gagnée parmi toute l'armée, mais, pour l'avoir surprise, je ne
+me retiendrai pas de porter témoignage en faveur de compatriotes.
+
+Donc, avant-hier, sur des indications qu'on nous avait données, nous
+nous dirigeâmes tous quatre à quelques kilomètres au nord de Livounovo, à
+droite de la route qui suit la Strouma, en partant du lit desséché d'un
+affluent de cette rivière dont les cartes ne donnent pas le nom. On nous
+avait dit: «Vous trouverez dans un champ de maïs et dans les environs de
+ce champ les cadavres de quelques-uns des otages de Serès.» Peut-être
+vous souvenez-vous, en effet, de cette nouvelle que donnèrent les
+journaux qu'en quittant Serès, sous la menace de l'armée grecque, les
+Bulgares avaient emmené un certain nombre d'otages, dont on ne savait ce
+qu'i's étaient devenus. Leurs cadavres, c'étaient leurs cadavres, dont
+on nous indiquait la place. Nous cherchâmes longtemps; nous avions les
+points de repère, la rivière desséchée, le bouquet d'arbres, le chemin,
+un vallonnement entre deux monticules. Enfin, l'un de nous fit: «Nous
+approchons.» Une acre odeur de putréfaction nous saisit aux narines,
+cette odeur chaude, pénétrante, persistante et ignoble à faire
+défaillir, de fermentation des chairs, dont j'ai déjà éprouvé, à
+Casablanca, l'atroce nausée. Elle nous guide; nous découvrîmes un
+cadavre, puis un autre, et quel cadavre!
+
+Mais la nuit approchait et nous n'avions pas eu le temps de faire en
+nous les réserves d'énergie nécessaires. Nous décidâmes de remettre au
+lendemain matin notre sinistre recherche. C'était hier, j'ai les yeux
+pleins encore de l'épouvantable vision. Nous en avons trouvé sept. Le
+premier est éloigné du second de deux cents mètres, et trois cents
+mètres séparent celui-ci des quatre autres, disposés presque
+parallèlement à quelques mètres de distance, le dernier est juché sur un
+talus, à uns quinzaine de mètres. Celui-ci a trébuché sans doute; il a
+perdu sa chaussure et n'est tombé que deux mètres plus loin; cet autre,
+frappé dans le dos, est tombé sur la face et tout son corps est déjà à
+demi enfoncé sous ia coulée des pluies dans la terre meuble d'un champ.
+Un troisième a reçu sur le crâne un terrible coup de fusil, asséné avec
+une telle force que la crosse brisée a été lancée à un mètre de lui, et,
+un peu plus loin, dans un buisson, nous retrouvons le fusil auquel
+s'adapte exactement la crosse, et couvert de sang coagulé auquel
+adhèrent les cheveux; il est encore chargé de ses cinq balles.
+
+Près d'un autre cadavre, nous trouvons aussi une crosse brisée, mais
+l'assassin, sans doute, a remporté son fusil. Un cinquième, couché en
+croix sur le dos, les mains et les doigts crispés dans le sol, montre un
+visage noir, une bouche ouverte qui semble hurler encore d'épouvante. Il
+me rappelle ces deux cadavres pétrifié? que l'on voit à Pompéi: membres
+tordus et bouches ouvertes, comme s'ils n'avaient pas cessé, à travers
+les siècles, de crier sous la morsure de la lave.
+
+Ayant souci de ménager la sensibilité de ceux qui me lisent, je
+n'insisterai pas davantage sur l'horreur de ce spectacle. Je ne vous
+dirai rien de la volonté qu'il nous a fallu pour poursuivre, le nez
+bouché et les yeux glacés d'horreur, notre sinistre reconnaissance, mais
+il était nécessaire qu'elle fût accomplie.
+
+Nous avons photographié ces affreux débris et ces photographies seront
+publiées. On saura que ce sont là, entre autres, des victimes d'une
+armée régulière et non de comitadjis que l'on désavoue. Car ces notables
+de Serès furent les prisonniers de l'armée, emmenés par l'armée en
+retraite. Et les malheureux que nous avons devant nous n'étaient pas des
+paysans de la contrée où nous les retrouvions, c'étaient des gens de la
+ville, bien habillés, avec des costumes de drap ou de serge, des
+bottines neuves, des chaussettes, des chapeaux, enfin des messieurs. Et
+ils sont bien de Serès, car trois d'entre eux purent être reconnus et
+identifiés.
+
+La guerre est une oeuvre horrible.
+
+GEORGES. BOURDON.
+
+LES BLESSURES DES BALLES BULGARES
+
+_M. Hubert Pernot, professeur de néo-grec à la Sorbonne, nous envoie de
+Corfou, la lettre suivante:_
+
+Corfou, 21 juillet 1913.
+
+Je vous adresse ci-inclus trois clichés d'une gravité particulière.
+
+Sur 490 blessés du combat de Kilkiz, arrivés récemment de Salonique à
+Corfou et soignés actuellement dans les hôpitaux de cette ville, 7
+représentent des blessures que les chirurgiens attribuent à l'emploi de
+balles dont on a enlevé la partie supérieure et sur lesquelles on a fait
+une incision en forme de croix pour les rendre plus meurtrières. La
+balle ordinaire pénètre dans les tissus et en ressort souvent sans aucun
+dommage pour le blessé. Un exemple caractéristique est celui d'un soldat
+d'ici que j'ai vu et photographié: la balle lui est entrée sous
+l'oreille droite; elle est ressortie sous l'oeil gauche; il a continué à
+marcher durant une heure et demie; aujourd'hui il est parfaitement guéri
+et voit également bien des deux yeux.
+
+Avec les balles en question le cas est tout différent:
+
+La photographie 1 représente l'entrée de la balle, une lésion assez
+légère et qui, sur la photographie, paraît même plus grave qu'elle n'est
+en réalité. La photographie 2 représente la sortie, chez le même blessé.
+Il se nomme Koulouras (Anargyros), né à Hydra, 2e corps d'armée, 7e
+régiment d'infanterie, 9e compagnie. Il est actuellement soigné par le
+docteur Sgourdéos, de Constantinople, qui est major volontaire. Ce? deux
+clichés, comme le suivant, ont été pris par moi.
+
+La photographie 3 représente la sortie du projectile chez Arabatzi
+(Apostolos), de Bouraza, province de Larissa (5e corps d'armée, 23e
+régiment, 7e compagnie), blessé à Kilkiz, comme le précédent.
+
+Il va de soi que les soldats, blessés par ces projectile? ailleurs
+qu'aux membres, ont dû rester sur le terrain, et il est probable que la
+proportion 7/490 est inférieure à celle des projectiles semblables
+employés.
+
+[Illustration: 1.--Entrée de la balle.]
+
+[Illustration: 2.--Sortie de la même balle.]
+
+[Illustration 3.--Sortie d'un autre projectile semblable.]
+
+Blessures causées par des balles bulgares, dites _dum-dum_,
+photographiées dans un hôpital de Corfou par M. H. Pernot.
+
+
+
+Ce numéro contient:
+
+1° LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre n° 14: SOPHONISBE, de M. Alfred
+Poizat;
+
+2° Deux pages supplémentaires sur les MASSACRES EN MACÉDOINE;
+
+3° UN SUPPLÉMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER de deux pages.
+
+L'ILLUSTRATION
+
+_Prix du Numéro: Un Franc._ SAMEDI 2 AOUT 1913 _71e Année.--N° 3675._
+
+[Illustration: CELLES QUI ONT TOUT PERDU Femmes grecques de Doxato, dont
+les Bulgares ont massacré les fils et les maris, pillé et brûlé les
+demeures. _Photographie René Puaux._]
+
+
+
+LA PETITE ILLUSTRATION
+
+_Nous commencerons dans le prochain numéro de_ La Petite Illustration
+_(série roman) la publication d'une oeuvre profondément originale et
+émouvante de_ M. GASTON RAGEOT: __La Voix qui s'est tue.__ _Nous
+publierons ensuite le grand roman, si attendu, auquel travaille encore
+le maître de la psychologie contemporaine,_ M. PAUL BOURGET: __Le Démon
+de midi.__
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+LES OMBRES
+
+Dieu n'a peut-être créé le rayon que pour nous donner l'ombre.
+
+Si l'ombre est, en effet, la fille du rayon, elle est parfois--bien que
+diversement--aussi belle que lui. Elle l'explique, le fait valoir, le
+formule et l'achève. Elle est, par opposition, son calme et son repos.
+Elle le disperse, et l'étale comme un baume.
+
+C'est seulement en pleine nature, et l'été, sous le ciel libre et mis à
+nu, hérissé de lumière, que je jouis des ombres. Elles passent pourtant
+inaperçues de la plupart des hommes qui ne se doutent pas de ce que
+serait le monde si tout à coup, par toute la terre, de toutes les
+surfaces où, comme de grands et petits oiseaux momentanément immobiles,
+elles sont éployées... les ombres s'envolaient!... Oui... Le temps de
+tourner la tête, et plus d'ombres! Si nos yeux, qui ne s'occupaient pas
+d'elles, étaient attirés, ramenés soudain vers la place, immense et
+dévastée, qu'elles meublaient tout à l'heure, et que nous fussions, en
+un éclair, terrifiés de leur disparition et aveuglés de leur absence!
+Effroyable pensée qui nous disloque, et que repousse en nous tout ce qui
+s'émeut! tellement l'ombre s'impose au désir des sens, à l'instinct du
+coeur, à la sagesse du rêve. Elle est une nécessité, physique et idéale.
+
+Aussi, que les ombres, me plaisent! J'aime vivre avec elles. C'est ma
+compagnie.
+
+Tout d'abord je suis heureux d'épuiser, sans songer à rien, leur charme
+et leur mystère. Je les vois innombrables, jamais pareilles,
+capricieuses et cependant méthodiques, montrant bien qu'elles obéissent
+à des lois inconnues, à des ordonnances secrètes. Pendant des heures,
+des journées, je vais de l'une à l'autre, les visitant, les franchissant
+comme des gués. Je les quitte, je les compare, et je demeure émerveillé
+des beautés et des joies qu'elles me déplient. Je les mesure et j'en
+fais le tour. Je les observe de près et de loin, je les touche, et je
+fais semblant de vouloir les capter pour leur procurer le petit plaisir,
+en me glissant des doigts, d'essayer de me prouver qu'elles n'existent
+pas! Comme si je ne savais pas qu'elles _existent_, autant et plus que
+ces réalités dont par erreur on s'imagine qu'elles ne sont qu'une
+insaisissable figure, une fausse apparence, un brouillard mensonger... A
+moi, elles me représentent les objets et les êtres avec une force, une
+couleur et un relief, qui me permettent de m'y borner pour être
+satisfait. Ainsi l'ombre de l'arbre me le donne en entier, tel qu'il est
+en dehors d'elle et s'insurge de son côté. Ainsi l'ombre du boeuf bave
+et mugit pour moi dans l'ombre irritante des mouches, sans que j'aie
+besoin pour le voir lui-même de le regarder. Son ombre enjouguée m'en
+dispense. Dans chacune d'elles je retrouve la caractéristique et la
+matière même de l'original. L'ombre du bois, du fer, de la pierre et du
+marbre traduit leur dureté, tandis que celle du feuillage est le
+décalque, exact et frissonnant, de sa grâce légère. Comme les choses,
+les animaux ou les hommes qu'elles ont mission de doubler avec une
+discrétion fidèle, les ombres sont également animées ou inanimées. Elles
+constituent le fond magnifique et soutenu de l'univers. De la baleine au
+puceron, pas un gigantesque animal, pas un insecte qui n'ait son ombre,
+personnelle, attribuée, n'appartenant qu'à lui, chargée de le rappeler
+sans cesse à sa propre attention, car sans elle, il s'oublierait. Elle
+est la trace continuelle, écrite et peinte, de son existence. Elle est
+son docile miroir que rien ne peut briser.
+
+Et, dans une déconcertante variété, toutes les ombres sont belles. Si
+nous avions la patience et le temps d'aller à leur rencontre ou de les
+faire défiler devant nous, elles nous arracheraient à tout instant, les
+unes après les autres, des cris nouveaux d'étonnement, des soupirs
+d'admiration... celles de tous les arbres et de toutes les bêtes, de
+toutes les tiges et de tous les rameaux, de tout ce qui pousse, s'agite,
+étend des branches ou des pattes, marche, court, galope, vole, ou bien
+reste fixe, inerte, avec une projection paradoxale qui seule bouge et
+fait le tour de son immobilité, comme celle du pic et du phare, de la
+colonne et du clocher.
+
+J'ai dit que toutes les ombres sont belles; certaines offrent une
+splendeur incomparable, unique, et nous en savons de sublimes. Celles
+des nuages voudraient être chantées en vers et mériteraient un poète.
+Quand par les plaines on les voit, tel un majestueux et innocent fléau,
+passer sans rien renverser, sans laisser la moindre ruine, faire des
+taches de dix lieues ainsi qu'une armée en campagne ou une plaie
+d'Égypte, éclipser le soleil, inonder la terre, assombrir le fleuve,
+mettre des Sainte-Hélène et des Gibraltar sur la mer, ou bien flotter
+pareilles à des manteaux de cavaliers, ou bien glisser en s'effilant
+avec des formes allongées d'archange, ou bien balayer les étendues comme
+si dans le val et les bois traînait la barbe immense et enchevêtrée de
+Moïse... on est emporté par elles, malgré soi, et on les accompagne à
+travers champs ainsi qu'un chien tiré par son troupeau... sans chercher
+où elles vont... comme on suivrait un peuple ombragé d'étendards... Que
+ce soit le roc ou le gazon, le sable qui dort ou l'eau vive, partout où
+elles se signalent, non seulement elles n'abîment rien, mais d'une
+complaisance inouïe, elles prétendent s'adapter à la nature du sol.
+Implacables et d'un tranchant métallique au torride désert, elles se
+gonflent sur le lac avec des rengorgements de cygne et des roulis de
+nacelle. Ombres tumultueuses, désordonnées, opaques ou diaphanes, sages
+ou folles, sèches, mouillées, ombres du matin, du midi, du soir, de la
+nuit,... ombres de la crinière et du moulin à vent, de la montagne et du
+pot de fleurs, du _dreadnought_ et de l'épave, de la voile et du
+drapeau, de la meule et des tentes, de la charrue et du canon, des croix
+et de la guillotine, ombres des murs, des vieilles tours, des cheminées,
+des toits, des mâts, du banc de l'hôpital et de l'arceau du cloître...
+Flexible soeur du roseau, fumée noire du cyprès, chevelure coupée du
+saule, ou litière de mon cheval... chères ombres ingénieuses, je ne me
+lasse pas plus de vous que de respirer, et vous me semblez en effet,
+aussi, quand vous palpitez, l'immatérielle respiration des corps que
+vous reproduisez. Vous surtout, ombres des oiseaux, ombres instantanées
+et rapides des ailes, vous êtes pour les yeux un prodige, un perpétuel
+ravissement... Vous avez toujours l'air, en effleurant le sol, d'une
+plume tombée. Et chacune de vous est parfaite, impeccable, qu'elle plane
+au-dessous de l'aigle ou pose sur la fleur un double papillon.
+
+Mais que dire de la plus pathétique et de la plus vivante? de la
+nôtre,... de celle de l'homme?... _Notre ombre_, ce jaloux et frère de
+nous-même, ce fantôme anticipé qui surgit dès que nous naissons, ce
+confident triste et sans langue, ce taciturne ami, ce maître et ce
+laquais, ce page insolent et délicieux, plus svelte que nous, qui nous
+précède, nous flanque ou nous suit, et, dès que nous avons une canne à
+la main, qui semble porter notre épée... Que veut-il? Que fait-il là?
+Que signifie notre ombre? Quel est son sens et son énigme? Pourquoi
+s'amuse-t-elle tantôt à nous grandir, tantôt à nous rapetisser? Pourquoi
+nous mener avec brusquerie de l'orgueil à l'humiliation? être tour à
+tour notre image et notre grimace? Pourquoi nous rend-elle cagneux,
+bossus, titubants et courbés? Qui la pousse à dérouler avec gentillesse
+devant nos pas son petit tapis de laine?... et à délimiter strictement
+sur la terre le juste contour de notre fosse? Et pourquoi ne se met-elle
+jamais entre nous et le danger, la tentation, la souffrance, le
+mal?... même pas entre nous et la glace, pour nous cacher la vue de nos
+premiers dégâts? Voilà ce qu'il est impossible de savoir exactement.
+Nous ne pouvons que subir, constater. Ainsi nous observons que bien
+avant que nous le quittions, ce monde-ci est véritablement «le royaume
+des ombres». Centre d'un cadran solaire dont il est l'aiguille, chacun
+de nous marque lui-même, sans y réfléchir, le temps précieux qu'il
+reçoit et gaspille. Et sur nous, comme autour de nous, sur chaque partie
+de notre pauvre corps, les ombres de toutes sortes étendent aussi et
+tracent à chaque minute leur géographie mystérieuse. Ombres qui
+fréquentent nos traits, notre chair, dont quelques-unes sont si
+nobles,... touchantes comme celle du voile de la religieuse, ou bien
+héroïques aux pommettes du soldat sous la visière du képi... ombre des
+cils baissés sur la joue virginale, ombre fuyante et molle d'une épaule,
+d'un bras nu replié, ombre qui se coule au creux et aux sillons d'une
+face amaigrie, ombres de la vieillesse qui finissent par rester en se
+durcissant, car les rides ne sont pas autre chose que des ombres, plus
+accusées et plus _portées_, des ombres qui ont _pris_, peu à peu, comme
+un acide ayant mordu la planche. Et tout comme du dehors nous sommes
+frappés par les ombres, pareillement de l'intérieur et du fond de
+nous-mêmes nous sommes forcés d'accepter et d'enregistrer celles que
+nous envoient les chagrins, les soucis, la douleur, les passions. Tous
+nos sentiments ont leurs ombres qui viennent nous marbrer. Chacun lance
+la sienne. Rougeurs petites et soudaines, pourpres superbes du visage,
+brouillards du front, vapeurs qui passez comme un furtif ouragan sur
+l'horizon de la figure humaine, vous êtes l'éruption de nos volcans
+jamais éteints.
+
+Et puis, voici la fin des ombres qui s'approche, et l'on comprend
+qu'elles vont bientôt cesser parce qu'elles augmentent et se
+multiplient. L'agonisant ne compte plus, dans sa chambre et dans son
+coeur, de ses rideaux à ses paupières, les ombres qui l'entourent,
+l'envahissent, le rongent. Il en a plein le corps. Ses os semblent s'y
+plaire. Il en a sur les lèvres et sous les yeux, au bénitier des tempes.
+Il en a sur la mémoire et tout du long de la pensée... Il en a sur les
+mains, sur les côtes, sur les genoux... On les détaille à travers le
+drap qui les boit... et cette lividité sacrée qui tout à coup le
+submerge et le blanchit quand il rend le souffle est l'ombre de l'âme
+qui passe...
+
+Et après? Derrière la mort?... Que devient notre ombre? Elle ne reste
+pas ici. Où est-ce qu'elle va? Nous suit-elle? O mon Dieu! si vous nous
+laissiez, pour prendre la place des nôtres, les ombres de nos morts
+aimés? Ce serait au moins cela! Et nous pourrions, en les voyant,
+oublier qu'ils ne sont plus.
+
+HENRI LAVEDAN.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+[Illustration: Avant l'ensevelissement des morts: la jeune femme de M.
+Jean Leune, correspondant de _L'Illustration_, sur le terrain du combat
+de Kilkiz.]
+
+LA «FILLEULE» DE L'ARMÉE GRECQUE
+
+NOTES DE VICTOIRE DE Mme JEAN LEUNE
+
+Kilkiz, vendredi 4 juillet.
+
+Nous quittons Baltza à 7 heures. Deux chevaux et deux soldats sont mis à
+notre disposition. Une chaleur torride. Nous traversons des champs, des
+villages. La route est pleine de cadavres déjà noirs, masses informes,
+horribles à voir. J'ai le coeur froid,--comme tous ceux qui sont à la
+guerre. Le résultat seul importe; la mort pour nous, c'est la défaite;
+la vie, c'est la victoire; et nous ne voyons ni morts ni blessés, mais
+des victorieux.
+
+La phrase de l'evsone que je rencontre sur le chemin, affreusement
+mutilé, résume ma pensée: «Mort ou mutilé, peu importe, pourvu que nous
+soyons vainqueurs!»
+
+Les soldats ne connaissent pas le chemin; un guide nous conduit,
+spirituel et fin, un vrai paysan, curieux comme un Grec:
+
+--Que fait ton mari?
+
+--Il regarde comment se bat la belle et vaillante armée hellénique; il
+l'écrira en Europe pour qu'elle sache la vérité!...
+
+J'ai à peine le temps de finir; le voilà qui rit aux éclats:
+
+--Hum! Faire connaître la vérité à l'Europe... Vous avez vu des chiens
+et des chats qui se regardent? Telles la vérité et l'Europe... Il perd
+son temps, ton mari. Je te dis, moi: qui aime ses intérêts ne peut
+croire à la vérité!
+
+Et puis le voilà parti à faire de la politique. L'Autriche est la cause
+de tout: «Elle voulait Salonique; la guerre l'a donnée à la Grèce; ces
+ours-là (ce sont les Bulgares qu'il appelle ainsi) sont si lourds qu'ils
+sont arrivés en retard; ils rongeaient leur frein de rage; l'Autriche a
+mis son monocle pour voir ça; un beau coup à jouer; cultiver la rage des
+Bulgares et les jeter contre les Grecs...--»
+
+Voici des munitions qu'on transporte hâtivement, fiévreusement. Les
+hommes sont las. Mais, dans les cris qu'ils jettent pour pousser les
+voitures, on sent la volonté d'arriver. Le canon gronde tout près,
+maintenant. J'aime le canon, moi: c'est de la très grande musique. Un
+officier nous arrête: «Avez-vous un permis de circuler? Surtout prenez
+garde; il tombe des obus et il pleut des balles. N'avancez pas trop.»
+
+L'artillerie est là; voici de vieilles connaissances: «Madame Leune! Ici
+encore! Vite du cognac, de l'eau. Nous n'avons rien d'autre à vous
+donner. Depuis trois jours on se bat; alors on ne mange pas.» Et ils
+rient joyeux et les obus éclatent et les balles sifflent. C'est la
+guerre qui rit avec eux en bonne camarade, et dans son rire elle cache
+la mort. Devant nous, comme de petites vagues noires, les lignes de
+l'infanterie grecque gagnent petit à petit du terrain. Deux de ces
+petites vagues sont déjà sur les tranchées bulgares. On se bat à la
+baïonnette. Des masses tombent, inertes. Au loin, la route... une grande
+fumée blanche: c'est de la poussière... Une masse sombre fuit dans la
+poussière: c'est la fuite des Bulgares. L'optique transmet un
+télégramme: «Kilkiz, après trois jours et trois nuits de bataille, est
+pris par les Grecs»--«Zito...o...o...o» crient les soldats, et ils
+jettent leurs képis en l'air.--«Zito...o...o...o...» répète l'écho.
+
+Nous allons vers Yeni-Mahalé. L'état-major du général Kalaris doit être
+là... Des troupes, partout des troupes joyeuses... Voici des blessés
+qu'on ramène. Ils sont pâles et défaits, fatigués, leurs vêtements en
+guenilles: «Eh! bien, enfants?--Eh! bien, madame, ils ont fichu le camp,
+les Bulgares! Ils vont à Sofia. Mais là aussi nous les aurons. Ah! ils
+voulaient Salonique!--Tu as mal?--Je ne sens pas mon mal.--Qu'est-ce
+que tu sens, alors?--La victoire, pardi!»
+
+[Illustration: Mme Jean Leune.]
+
+[Illustration: Femmes à la fontaine, à Demir Hissar.]
+
+[Illustration: Une petite ville que les Bulgares, dans leur retraite,
+n'ont pas eu le temps de saccager: Demir Hissar et son vieux pont.]
+
+CE QU'ÉTAIT ENCORE LA MACÉDOINE IL Y A QUELQUES SEMAINES _Photographies
+René Puaux._
+
+[Illustration: Vue d'ensemble de la destruction de Serès.]
+
+[Illustration: Le consul général austro-hongrois à Salonique, M. Kral,
+visite, à Serès, les ruines du vice-consulat d'Autriche-Hongrie.]
+
+CE QUE LES BULGARES EN ONT FAIT, DANS LA RAGE DE LEUR DÉFAITE _Phot. R.
+Puaux et F. de Jessen._
+
+Un blessé, sur un brancard, est porté... par des paysans turcs. Les
+Turcs ont ôté leurs ceintures de flanelle rouges, vertes et jaunes.
+Elles forment un petit matelas doux, sur lequel repose le corps du
+soldat grec. A les voir aller si doucement, si lentement, ces braves
+Turcs, pour que le blessé ne souffre pas, on est ému. Qui aurait prédit,
+il y a quelques mois, que Turcs et Grecs se réconcilieraient au chevet
+des nobles blessés qui les délivrent du joug bulgare? Autre brancard,
+également porté par quatre Turcs robustes. Je reconnais un képi de
+lieutenant; il couvre la figure; les mains sont croisées, comme pour
+prier. Elles sont jaunâtres... des mains de mort: «Il est mort?--Oui,
+madame.» Je descends de cheval pour lui baiser la main; les soldats le
+découvrent: une figure de cire, très jeune. Les soldats ont voulu
+l'accompagner jusqu'à l'ambulance du bataillon: «Il avait vingt-sept
+ans, madame, il connaissait cinq ou six langues; sorti des Evelpides, il
+avait achevé ses études en France. Nous l'avons vu se battre, madame,
+pendant la dernière guerre, comme un héros; il a pris part à toutes les
+batailles. Ce matin, il nous conduisait en chantant avec nous. La balle
+l'a trouvé. Il est tombé: «_Ne vous occupez pas de moi, mes braves,
+allez, je n'ai rien_», qu'il disait. Il s'est traîné jusqu'à la première
+tranchée bulgare. Il a reçu là, voyez, madame (et le soldat qui parle me
+montre le bas du corps traversé par la baïonnette) un coup de baïonnette
+et il est tombé en souriant, tel que vous le voyez là. Nous l'avons
+vengé, je vous assure. Il était si bon pour nous, ses _enfants_, comme
+il nous appelait.» Et les yeux des soldats sont pleins de larmes.
+
+UN CHAMP DE DOULEURS ET DE GLOIRE
+
+... Un immense champ de douleurs. Ils sont tombés là par centaines, les
+braves soldats de la Grèce! Ah! «cette guerre n'a pas de grandeur!» Je
+viens de lire cela dans un article du _Temps_! Que ceux qui écrivent,
+ignorants des choses, viennent voir!
+
+Les braves gens sont mutilés; les fusils bulgares, très anciens, font de
+très mauvaises blessures: des os brisés, des chairs qui pendent, des
+têtes déformées, sanguinolentes. Ils sont là, les blessés de la bataille
+de Kilkiz. Ils sont 1.500! Je l'apprends du médecin en chef,
+Anagnostanas, un homme de coeur, très énergique et très capable. Il va
+et vient, court, donne des ordres, les exécute lui-même, tant le
+personnel est insuffisant. Tout d'un coup, on entend chanter... Les
+blessés chantent. La douleur des blessures crispe leurs traits; leur âme
+reste intacte; elle chante. Et leurs voix tremblent. Ils pressent des
+deux mains la blessure; le corps se tend, contracté par la douleur, et
+se redresse... Un cri? une plainte? Non: «_Ke s'ti Sofia_!» Je me mets à
+pleurer; je ne puis plus... Douleur et héroïsme marchent la main dans la
+main. Nous ne sommes pas habitués à voir cela. Nos maîtres nous ont
+dépeint la guerre comme chose horrible: comment une chose si grande, si
+sainte, serait-elle horrible? Je n'éprouve qu'un seul besoin:
+m'agenouiller et prier. Prier pour qu'ils aillent à Sofia, pour que les
+Grecs soient victorieux, pour... ne faire qu'un avec ces soldats...
+Communier à la même coupe d'héroïsme et de douleur. Je vais de brancard
+à brancard. Ils me sourient gentiment. «As-tu de la famille?--Oui, mais
+maintenant, la famille...» Ils en parlent comme d'une chose lointaine, à
+laquelle ils pensent peu. «Alors, vous êtes victorieux?» Aussitôt leurs
+yeux s'allument; c'est bien la seule question qui leur va au coeur. Elle
+prime tout, maintenant, la victoire ailée de la Grèce. Ces gens ne sont
+plus des hommes, ils sont des héros. Ils ne pensent plus à leur famille,
+ils aiment leur patrie. Et je suis bien de leur avis: il n'est pas
+d'intérêts, il ne doit pas exister de sentiments que l'amour de la
+patrie ne puisse absorber.
+
+Allons vers l'état-major de la 2e division. (J'ai oublié de dire que les
+1.500 blessés sont ceux de la 2e division seulement.) Nous voici sur le
+champ de bataille. Des morts, des morts par centaines, tombés de ce
+matin et déjà défigurés par la grande chaleur. Ah! les Grecs ont payé
+cher leur victoire. Les Bulgares s'étaient fortifiés sur les hauteurs
+depuis la prise de Salonique,--tant ils avaient peu l'intention
+d'attaquer les Grecs! Des tranchées faites avec tout l'art militaire, où
+des centaines de Grecs sont venus trouver la mort. La plupart des
+cadavres sont au fond, percés de coups de baïonnette, affreusement
+déchirés.
+
+Un soldat mort, de physionomie très sympathique, serre quelque chose
+dans la main: une carte postale avec sa photographie. Je lis: «Mourir
+pour la patrie est une si belle chose! Peu d'instants avant ma mort. A
+envoyer à ma mère, Maria Stavron en Th...» Il n'a pas eu le temps
+d'achever l'adresse. La mort est venue lui fermer les yeux avec la
+pensée de sa mère et de la patrie sur ses lèvres. Un autre corps
+étendu... une photo par terre, celle d'une jeune fille, probablement une
+fiancée; une enveloppe sale: «Pour la patrie, je te perds». L'écriture
+est mal assurée, à peine lisible. Aurait-il aussi eu le temps d'écrire
+cela juste avant de mourir?
+
+[Illustration: Dans la fumée, en approchant de Kilkiz.--_Phot. Jean
+Leune._]
+
+Une fumée épaisse nous aveugle. C'est à peine si on respire. Nous sommes
+à une centaine de mètres de Kilkiz. Le nid des comitadjis brûle: «Qui a
+mis le feu, soldat?--La malédiction de Dieu, madame!»
+
+On entend des détonations; des cartouches, des obus éclatent; aussi des
+mines; un vrai nid à dynamite. Le feu en aura raison Toutes les maisons
+brûlent; de grosses gerbes d'étincelles. Voici une maison qui vient de
+prendre feu. Par les fenêtres, de grandes langues rouges sortent et
+lèchent le mur. Puis, un grand fracas: le toit croule et nous voyons
+l'immense brasier faire face au ciel.
+
+On croirait des milliers d'êtres vivants, tous habillés de rouge,
+exécutant les sports les plus extraordinaires. Tantôt ils se
+poursuivent, s'attrapent, se renversent, se jettent pêle-mêle; tantôt
+ils s'étirent immensément longs et veulent atteindre le ciel qui assiste
+impassible à leurs jeux. Et, au milieu de tout cela, leur rire: le
+sinistre rire du feu. La destruction contente de sa destruction propre.
+Puis, par les rues chaudes, à l'atmosphère asphyxiante, les soldats
+vainqueurs circulent. Ils ont l'oeil sauvage et le sourire aussi. Où
+sont les troupiers doux et tranquilles avec lesquels j'ai fait campagne,
+eux qui répugnaient si noblement au spectacle de Janitza brûlée par les
+paysans? Ils sont noirs de fumée, noirs du désir de vengeance. La haine
+contracte leurs traits. Ils sont contents des flammes, contents de voir
+des morts, du sang. Une femme, une vieille bulgare, se sauve, vraie
+ruine, du milieu des ruines. Sa maison vient de prendre feu. Elle lève
+les mains vers le ciel, appelle la malédiction de Dieu et serre contre
+sa vieille poitrine une malle d'osier... Les soldats rient... «Aide la
+femme, dis-je, à sauver ses affaires, soldat.--Madame, non!... malgré le
+respect que je te dois; cette femme est bulgare; elle abritait des
+comitadjis qui tuaient les femmes et les enfants grecs et brûlaient les
+villages.» Le soldat me toise, dur, intraitable, presque mauvais. Voyant
+qu'il n'y a rien à faire, je réplique: «Fais comme tu veux, mais
+n'oublie pas tes titres de noblesse. Tu es Grec, c'est-à-dire noble.» Je
+reviens vers mon mari. Déjà la maison de la vieille commence à crouler;
+au milieu des flammes, je vois un soldat qui aide la femme à retirer
+quelques débris. C'est le soldat qui se souvient.
+
+AU QUARTIER GENERAL DU ROI CONSTANTIN
+
+Vendredi soir.
+
+... Le roi, les princes André et Alexandre, le Diadoque vont et viennent
+sur le quai de Kilkiz, encombré de soldats, de chevaux, de matériel de
+guerre. On embarque des troupes. Elles chantent, et, quand le train
+s'ébranle, les zitos deviennent frénétiques.
+
+La nuit tombe, tout de suite, comme une chose décisive, tel le destin.
+Des petites bougies circulent, faibles lumières au milieu de l'ombre
+générale, tel l'effort humain dans le grand mystère qui nous enveloppe.
+Des caisses d'obus à côté les unes des autres; elles forment la table du
+roi. D'autres assemblées plus loin: celles de l'état-major. Des bougies
+plantées dans les goulots de bouteilles singent les lampes. Les
+officiers mangent et devisent gaiement. Nous aussi. Où dormirons-nous?
+Une fois de plus à l'hôtel de la Belle Étoile. Notre éternelle
+couverture de laine, qui s'enorgueillit déjà de la crasse de deux
+campagnes, est encore à l'honneur. Comme on dort bien à ciel ouvert!
+
+Doïran, 7 juillet.
+
+... Ce matin, à Kilkiz, avant le départ du train royal qui nous emmène
+aussi à Doïran, le roi nous aperçoit: «Bonjour, madame. Avez-vous
+chaud?» La chaleur est terrible. Il rit, et s'en va vers son wagon, les
+mains dans les poches, comme un autre homme. Je ne peux encore me
+persuader qu'il est de chair et d'os comme nous... Sur tout le trajet,
+des soldats, noirs comme des nègres, accourent. Leur roi passe; ils
+veulent le saluer. Le train s'arrête. Un convoi de marchandises est en
+face. Sur le toit, les marches, la machine, les soldats grimpent,
+fiévreux du désir de voir le roi.
+
+Nous avons pris quelques photographies. Ah! si j'avais pu emporter avec
+moi, bien scellée, l'expression de ces gens acclamant le souverain. Les
+yeux braqués sur lui, ils le dévorent. Lui se montre et salue en
+souriant. Les soldats crient: «Mène-nous à Sofia, à Constantinople, où
+tu voudras. Nous sommes prêts à mourir pour te suivre et servir la
+patrie!» Je pleure comme un enfant. Beaucoup de soldats ont aussi des
+larmes dans les yeux.
+
+Un moufti (prêtre turc), vieux, très vieux, fend la foule des soldats:
+«Le roi, je veux voir le roi!» Le roi se montre. Le moufti raconte ce
+que les Turcs ont souffert sous le joug bulgare et lève les mains au
+ciel pour appeler la bénédiction d'Allah sur le souverain hellène.
+
+A Doïran, nous descendons. Un joli lac sympathique, plus joli que celui
+de Janina. Sur une des collines de la rive, en face de nous, la ville
+est pittoresquement bâtie. Le canon gronde. La bataille continue. Les
+Bulgares, qui se sont rageusement battus à Doïran, ont reculé depuis
+hier nous laissant 9 canons à tir rapide, des caissons et des vivres! De
+quoi enrichir notre service d'arrière: sacs de riz, de farine, de sucre,
+de haricots, par milliers. Ils sont là, entassés, formant d'épaisses
+murailles à l'ombre desquelles les soldats grecs dorment paisiblement.
+Nous rencontrons de vieilles connaissances. On cause de la bataille qui
+se poursuit. Nous avons encore beaucoup de pertes. Les blessés arrivent
+par centaines. Sur un brancard, un officier blessé. Il l'a déjà été à
+deux combats, en Macédoine et en Epire. Cette fois, il tient le record:
+14 blessures! Je lui serre la main et le félicite. Indifférent à mes
+félicitations, il me répond par les phrases de tous les Grecs en ce
+moment: «Nous allons les reconduire à Sofia, nos anciens alliés. Nous
+sommes des gens polis. Nous raccompagnons toujours les gens chez eux
+quand ils viennent nous faire visite. Avez-vous quelques nouvelles à
+m'apprendre?--Notre armée avance toujours.--Je suis content. Et toi,
+qu'est-ce que tu fais, ici?--Je traduis tout ce que vous faites à mon
+mari qui est Français.--Alors, tâche de bien traduire. _Mes soldats ont
+été des héros_. Traduis bien cela.»
+
+Nous couchons au bord du lac. Une douce soirée. Comme elle est loin de
+la guerre! J'aimerais tant que les choses prissent part à notre état
+d'âme. Quatre télégraphes optiques sont postés là, tout près de nous.
+Ils sont en train de causer avec ceux de la montagne. Curieuse confusion
+toute faite de silence et de lumière: les petits points lumineux,
+rapides comme l'éclair, apparaissent et disparaissent. Des yeux, de
+grands yeux lumineux qui s'ouvrent tout grands pour dire la joie de
+l'âme grecque, qui se ferment pour la cacher précieusement. Sur le
+sable, de petits groupes d'officiers, des soldats, causent.--«Zito!»--Un
+zito du télégraphe optique. Il est bien défendu à ceux du télégraphe de
+répéter quoi que ce soit. Mais lorsque c'est une grande et bonne
+nouvelle... Voyons, est-ce qu'on retient son âme comme ça, comme on
+veut, à l'allemande? Elle vole, emportée par l'enthousiasme, et la
+parole la suit, ailée comme elle et insaisissable. En un clin d'oeil
+nous sommes tous debout: «Quelle nouvelle? Dites vite. Oh! mais
+dépêchez-vous.» Les mains de l'officier qui lit le télégramme tremblent,
+sa voix aussi: «La 4e division ayant rencontré l'ennemi lui a cassé les
+reins; elle a pris 15 canons, des caisses de munitions, des vivres,
+etc..» Nous nous embrassons tous de joie... On porte le télégramme au
+roi. Nerveux, il se lève et fait quelques pas. Il rayonne.
+
+[Illustration: Un des survivants des 150 notables de Demir Hissar,
+Georges Tchataldjanos, blessé de sept coups de baïonnette.--_Phot. J.
+Leune._]
+
+«Zito!» Encore une fois, l'oeil, le grand oeil lumineux de l'armée s'est
+ouvert: «La 2e division a pris 12 canons, fait 460 prisonniers dont 17
+officiers!»
+
+Quelques silhouettes de soldats se détachent dans l'ombre. Ils lavent
+leurs pieds dans l'eau du lac... «Je lave mes pieds pour l'entrée à
+Sofia!--On dirait que tu vas entrer dans un sanctuaire. Moi, pour
+l'entrée à Sofia, je mangerai de l'ail, du piment, je boirai beaucoup
+d'alcool...--Veux-tu te taire? De l'alcool pour un soldat
+grec!--Qu'est-ce que tu veux, mon vieux? Moi j'ai le sens de l'harmonie:
+je rentre propre chez les propres, sale chez les sales.» ... Et puis,
+plus rien. Tout le monde dort: roi, princes, officiers, soldats, égaux
+dans le sommeil comme dans les joies qu'ils viennent d'éprouver.
+
+L'ESPRIT DU SOLDAT GREC
+
+Gare de Doïran, samedi 12 juillet 1913.
+
+Tous les jours nous rayonnons un peu partout pourvoir l'armée qui
+avance.
+
+Le paysage est joli. Nous rencontrons des troupeaux entiers de boeufs,
+de moutons, de chèvres. Dès qu'ils sentent l'auto, ils chargent. Les
+soldats bergers rient de tout coeur. Nous avons atteint un col.
+Maintenant, la route descend en cascade rouge jaune, et le soleil donne
+dessus comme pour éclairer une belle chose. Une ligne indéfinie de
+chevaux d'artillerie, de mulets: c'est l'artillerie qui marche bon pas;
+des caisses de cartouches; des ambulances; comme c'est joli! Notre auto
+rejoint la ligne mouvante. Les hommes chantent...
+
+Un pont détruit. Le génie, en six heures, a établi dans le ravin une
+route provisoire. La descente en est raide et la montée plus encore. Des
+hommes accourent pour aider les chevaux, les boeufs: «Hui! hé! en avant,
+_s'ti Sofia_! (à Sofia!)» Et quand l'escalade a réussi, que le canon est
+en haut de la pente, ils le regardent, comme des amoureux. Ah! il est là
+«_leur canon_!» Ils lui parlent comme à un être humain: «Combien as-tu
+mangé de Bulgares, trésor? Beaucoup, hein?--Ah! t'es un bon zig!--Va
+vers Sofia.--Au revoir! à Sofia!»
+
+Notre auto est une forte et belle machine. Elle prend plusieurs fois son
+élan, ronfle, tempête, essaye de gravir la pente, roule impuissante en
+arrière. Les soldats rient: «Attends, ma cocotte, suffit pas d'avoir la
+rage des Puissances pour surmonter les obstacles. Tu vois, tu roules en
+arrière comme elles. Il te faut des Grecs pour te remonter, comme il
+faut des Grecs pour secouer la Mère (l'Europe)»...
+
+Dix, vingt hommes s'y mettent. Ils s'emparent de la puissante auto. Ils
+l'enlèvent littéralement avec nous dedans. Nous voilà en haut. Comme je
+les félicite: «Nous sommes du génie, madame, et le génie triomphe de la
+matière!--Bravo! _Kala ta lei_ (il parle bien)» Ses camarades sont
+contents de lui!... Leur officier les contemple. Son regard est humide
+d'affection, de tendresse, aussi d'admiration pour «ses enfants».
+
+--Ils n'ont pas dormi depuis deux jours, mes gaillards, madame. Ils
+marchent, ils réparent les ponts, font des routes et, s'ils rencontrent
+l'ennemi, ils livrent bataille. Hier, nous avons fait prisonnière une
+compagnie. Elle était là, sur la colline, en face. Nous avons commencé
+la fusillade; ils ont levé le drapeau blanc. Ils iront rejoindre les
+Bulgares qui font le siège... d'Athènes...
+
+Sur une colline, 5 canons bulgares. Des cadavres les gardent... Et nous
+arrivons à Strumitza, petite ville étouffée dans la vallée. Le mufti
+(prêtre turc) vient à nous: «Ah! nos frères les Grecs! (Et ils disent
+cela à Jean, qui est Français; pas de Grecs là, donc ils ne flattent
+pas). Enfin, ils sont partis, les Bulgares! Combien nous avons souffert!
+Ils ont massacré deux cents d'entre nous, parce que nous refusions de
+parler bulgare. Ils ont pris aux Grecs leur église, à nous la mosquée.
+Il n'est pas resté femme ni jeune fille dans la ville qui n'ait été
+violée; celles qui voulaient résister ont été massacrées. Ah! comme les
+Grecs sont civilisés! Avec eux nous vivrons comme des frères.»
+
+... A travers une nuit sans étoiles, notre auto nous ramène à Doïran.
+
+RENCONTRE DE VAINCUS
+
+Lundi, 14 juillet.
+
+On annonce un convoi de prisonniers bulgares, butin vivant. Nous
+accourons.
+
+Au loin, une très grande masse mouvante. Grise dans la poussière grise,
+elle se confond avec elle sans en acquérir la légèreté. On dirait qu'on
+pave la route, tellement la marche de ces hommes qui viennent vers nous
+martèle le sol. Deux haies brillantes, de forme mince et effilée: ce
+sont les baïonnettes grecques qui jouent, fins papillons d'argent, dans
+un soleil aux teintes chaudes du cuivre. Une pause. Les prisonniers
+bulgares, .1.400 à 2.000, sont assis, boivent de l'eau, mangent du pain.
+Les soldats grecs vont de l'un à l'autre, leur portant des cigarettes et
+leur sourire. Une expression de bête fauve erre sur les figures rousses
+des Bulgares. Leurs officiers me regardent brutalement. Mon kodak leur
+fait horreur. Et, comme je le braque sur eux: «Madame, ça ne nous fait
+pas plaisir, ça! Otez votre appareil.» Et sur quel ton! J'en prends un
+aussi dur: «Est-ce que je vous demande si ça vous fait plaisir?» Mon
+petit appareil a fait son affaire... En route, la masse grise!...
+
+Un grand vent nous arrive, le vent du Vardar. Il a vu la guerre tout
+l'hiver: aussi sait-il faire la guerre. Le lac de Doïran montre ses
+dents blanches. Autour de nous le sable de la rive vole en poussière
+fine. Tentes, abris, tout est emporté; il fait même froid. Mais les
+officiers qui me surnomment «_la filleule de l'armée_» me donnent
+asile. Partout où je vais, chacun m'offre quelque chose: un morceau de
+fromage, un biscuit, du cognac. Tous les soldats ne savent quoi faire
+pour me rendre service. Ils m'appellent «camarade». Mais avec quel
+respect! Je suis fière de m'entendre appeler ainsi. Camarade des héros!
+
+En route pour le pont. Un grand pont en fer de 200 mètres que les
+Bulgares ont fait sauter. Le génie le répare. Le roi et les princes s'y
+rendent et nous les suivons. Le roi grimpe sur l'échelle, alerte et
+souple. A le voir ainsi, je ne peux pas me mettre dans l'idée qu'il est
+le roi: «Vous êtes un drôle de roi, Majesté!--Ah! je ne suis pas assez
+digne, hein?--Si, vous êtes très digne!--Qu'est-ce qui me manque,
+alors?--Rien: vous avez tout ce qu'il faut pour être roi, et plus qu'il
+ne faut...» Il rit, avec son bon rire franc et simple, et ses oreilles
+remuent; elles ont l'air d'accompagner les mouvements de sa pensée,
+rapide et saccadée: «Majesté, vos oreilles remuent; elles indiquent bien
+ce que vous pensez.» Il rit, puis, d'un bond, il se sauve à l'autre bout
+du pont. Il est très simple, oui, mais... autant, le regard doux et
+rieur, il est «le roi gamin» quand il plaisante avec vous, autant il
+devient ferme et pénétrant quand iï vous dévisage pour vous connaître.
+Lorsqu'il a cette attitude, aucune familiarité n'est permise. Tout à
+l'heure il paraissait être mon égal. Maintenant, il est mon roi. Tant,
+mieux. Je ne voudrais pas d'un roi qui serait mon égal.
+
+LES CRIMES BULGARES DE DEMIR HISSAR ET SERÈS
+
+Station de Hadji-Beylik, 15 juillet.
+
+Hier une occasion s'est offerte d'aller en camion automobile à Serès.
+Les Bulgares n'ont abandonné la ville qu'après l'avoir brûlée. Cent
+soixante des habitants ont été massacrés. Nous avons passé par Demir
+Hissar, délicieuse petite ville bâtie sur la colline, avec son pont
+couché sur les rochers, et ses cyprès au rêve turc. Des femmes, des
+enfants vont et viennent, des loques humaines, avec des figures de
+grande douleur et de grand désespoir. Un blessé se promène par les rues.
+Il a eu une aventure étrange. Avant de fuir, les Bulgares ont fait
+battre le tambour, ce qui, en tout pays, annonce aux habitants une
+communication importante. Ceux de Demir Hissar sortent donc en masse.
+Les soldats saisissent le métropolite, les prêtres, les notables, 150
+hommes en tout, et les conduisent à l'école bulgare. Dans la cour, un
+immense trou, fraîchement creusé. On les fait asseoir autour. Les
+pauvres gens comprennent. Le grand trou va être leur tombe. Ils sont là
+qui le regardent, et ils sourient comme des martyrs. Ils vont partir
+pour commencer la grande vie, celle que le Temps n'achève pas. Ils
+verront de là-haut l'armée hellénique victorieuse prendre possession de
+la terre qu'ils ont défendue pendant leur courte vie terrestre, qu'ils
+ont conservée grecque. Et ce sera leur oeuvre.
+
+La baïonnette bulgare fonce et s'enfonce, dans une fureur de bête fauve.
+La chair frémit et se revêt de rouge. L'âme sourit et se revêt d'or. Un
+coup de baïonnette enlève la barbe du métropolite, avec le menton. Un
+autre fait voler les yeux qui tout à l'heure, vivants encore,
+contemplaient l'humanité. Un autre arrête la vie du coeur qui sentait
+déjà l'éternité. Des doigts, des bras, des pieds, sont arrachés, jetés
+pêle-mêle. Elle hache, la baïonnette bulgare! Et ce hachis humain, ces
+masses qui n'ont plus de forme, les Bulgares les regardent. Ils
+ricanent, ils se redressent... Comme ils sont braves, les soldats du roi
+Ferdinand, les «Japonais de l'Europe», les «Prussiens des Balkans»!...
+
+Mais voici l'armée grecque!... Les cadavres restent, les assassins
+s'enfuient. Et le blessé raconte: «Après la première blessure, j'ai fait
+le mort. Quand ils sont partis, je me suis levé: les soldats grecs
+étaient là.»
+
+Des femmes passent: «Je n'ai plus de fils, madame, mais les Grecs sont
+là... Notre petite ville devient grecque. Gloire à Dieu!» Et une autre:
+«Mon père de quatre-vingt-quinze ans est mort. Mais vous avez vu son
+cadavre: il souriait à la grande Grèce!»
+
+LETTE LEUNE.
+
+[Illustration: Quatre des quarante-deux jeunes filles de Demir Hissar
+outragées par les Bulgares.--_Phot. J. Leune._]
+
+[Illustration: Dans les ruines de Serès: ce qui était un marché.]
+
+_Photographies René Puaux._
+
+[Illustration: Maisons incendiées et magasin pillé à Doxato.]
+
+[Illustration: SUR LE CHEMIN DE LA RETRAITE DE L'ARMÉE BULGARE:
+HABITANTS GRECS DE DOXATO MASSACRÉS A COUPS DE CROSSE ET DE BAÏONNETTE]
+
+_Emmenés «comme otages», le 13 juillet, par les cavaliers de
+l'arrière-garde bulgare, ces malheureux furent sauvagement exécutés à
+cinq cents mètres de la ville; c'est là que M. René Puaux, correspondant
+du «Temps», put prendre, quatre jours après, entre autres photographies,
+celle qui est reproduite ici, irrécusable et affreux témoignage d'une
+barbarie sans nom._
+
+_Voir les autres photographies publiées en supplément._
+
+[Illustration: A LA LIMITE DES FORCES HUMAINES.--Le bivouac de la
+division serbe du Danube au Golemi-Vrh (le 20 juillet); des soldats qui
+sont en campagne depuis dix mois qui ont marché tous les jours
+précédents et qui viennent de se battre toute la nuit. _Phot S.
+Tchernof._]
+
+UNE BATAILLE DE QUATRE JOURS
+
+LES PHASES DE LA VICTOIRE DE NIGRITA-KILKIZ-DOÏRAN
+
+Doïran, juillet 1913.
+
+Lorsqu'on étudiera sans parti pris et dans le calme nécessaire les
+guerres d'Orient de 1912-1913, on devra reconnaître à la bataille de
+Nigrita-Kilkiz-Doïran une importance plus grande encore qu'à celle de
+Lule-Bourgas.
+
+Le total et la proportion des effectifs en présence étaient sensiblement
+les mêmes dans les deux batailles.
+
+Dans celle dont je vais résumer les phases, les Bulgares disposaient de
+85.000 à 90.000 hommes et les Grecs de 100.000 à 110.000 hommes. Mais,
+alors qu'à Lule-Bourgas le terrain est à peine accidenté, puisque la
+cote la plus forte du champ de bataille n'atteint que 143 mètres, ici
+les opérations se sont déroulées tout le temps en pays montagneux, avec
+des cotes de 400, 500 et 600 mètres, fourmillant de positions naturelles
+formidables. De Lule-Bourgas à Bounar-Hissar, il n'en est pas une seule
+comparable à celles de Lahana ou de Kilkiz, par exemple.
+
+D'autre part, les Turcs n'avaient pas fait là-bas des travaux de défense
+comme ceux qu'avaient préparés à Kilkiz les Bulgares, avec une science à
+laquelle on ne saurait trop rendre justice.
+
+Enfin, je veux espérer que l'Europe, qui a porté aux nues le soldat
+bulgare après sa fameuse victoire de Thrace, ne lui fera pas l'injure de
+croire maintenant qu'il n'était pas en Macédoine un adversaire
+singulièrement plus aguerri, plus solide et plus dangereux pour les
+Grecs, que ne le furent jamais les Turcs pour lui.
+
+Il faut donc reconnaître que, dans ces conditions, la victoire était
+pour les Grecs infiniment plus difficile à remporter sur les Bulgares
+qu'elle ne l'avait été pour ceux-ci à remporter sur les Turcs.
+
+Et j'ajouterai encore que les spécialistes les plus pointilleux n'auront
+plus cette fois à faire aux Grecs les objections qu'ils leur ont faites
+pour les batailles de Sarantaporou et de Yénitza, à savoir qu'elles ne
+comportaient pas, comme celle de Lule-Bourgas, toutes les phases
+«réglementaires» d'une grande bataille moderne, depuis le premier combat
+de rencontre entre l'avant-garde de l'armée qui se met en marche, après
+une première attaque manquée de l'ennemi, et les avant-postes de
+celui-ci dont elle ignore absolument les emplacements, jusqu'à la
+poursuite définitive que de brillantes contre-attaques du vaincu n'ont
+pu empêcher ni retarder.
+
+Ceci dit, voyons comment s'est développée cette bataille, non dans l'un
+ou l'autre de ses épisodes particuliers, mais dans son ensemble.
+
+LES ARMÉES EN PRÉSENCE
+
+Dans l'indiscutable intention de prendre un jour Salonique aux Grecs,
+les Bulgares avaient, ces deux derniers mois, massé entre Doïran et le
+Panghaion de 85 à 88 bataillons de 1.000 hommes avec 180 canons de
+campagne.
+
+Au commencement de juin, déjà, ils avaient attaqué les troupes grecques
+du Panghaion, leur prenant un certain nombre de positions nullement
+militaires, mais que le gouvernement grec avait tenu à faire occuper
+pour cette raison politique qu'on ne voulait pas les abandonner à des
+alliés dont on connaissait les intentions.
+
+Après cette première attaque, le gouvernement grec comprit qu'en toute
+sagesse il fallait désormais faire prendre à l'armée des positions
+purement militaires.
+
+[Illustration: Les bonds successifs qui ont permis à l'armée grecque de
+triompher, en quatre jours, à Nigrita, à Kilkiz et à Doïran. _Croquis de
+M. Jean Leune, visé par le chef d'état-major général._ Depuis, les Grecs
+ont progressé bien plus au nord, par Nevrokop, Melnik, Strumitza et les
+défilés de Kresna, jusque vers Djumaia et l'ancienne frontière bulgare.]
+
+Les divisions grecques furent donc disposées comme suit:
+
+Une division entre Orfano et le lac Bezik;
+
+Une division entre le lac Bezik et le lac de Langada;
+
+Cinq divisions au nord et au nord-ouest de Salonique;
+
+Une division près de Benitza sur l'Axios-Vardar.
+
+Sur la ligne de démarcation, établie après entente entre le colonel
+Dousmanis et le général Ivanof, les Grecs laissèrent seulement de
+faibles détachements, en manière de postes frontières.
+
+Dans la nuit du 29 au 30 juin dernier, les Bulgares attaquaient par
+surprise ces dits postes, au Panghaion, à Nigrita et à Karasouli, comme
+ils attaquaient les Serbes près de Ghevgheli, sur l'Axios-Vardar et au
+nord.
+
+Bien entendu, les postes attaqués se retirèrent sur le gros des troupes;
+celles-ci aussitôt se mirent en marche pour repousser l'assaillant.
+
+Les directions d'attaque données aux divisions furent les suivantes:
+
+Division d'aile droite: Nigrita, pont d'Orliako, sur la Strouma;
+
+Division placée entre le lac Bezik et le lac de Langada
+(Bissoka-Lahana);
+
+Quatre divisions du centre: Kilkiz où l'on supposait que devait se
+trouver le gros des forces ennemies;
+
+(Une division, marchant sur la route carrossable de Salonique à Serès,
+servait de liaison entre le groupe du centre et l'aile droite, en même
+temps que de réserve prête à participer à l'action d'un côté ou de
+l'autre.)
+
+Enfin, division d'extrême gauche: ordre de passer l'Axios-Vardar au nord
+du lac Artzan et de marcher sur Doïran.
+
+L'attaque générale commença sur toute la ligne le 2 juillet au matin.
+Tout de suite, le centre se trouva en contact avec le gros des forces
+ennemies. Car les Bulgares, ayant transformé Kilkiz en une place
+fortifiée de tout premier ordre, destinée, en nouveau Plevna, à protéger
+leur base de ravitaillement établie à Doïran, en avaient, dans
+l'intention de surprendre Salonique, fait descendre toutes leurs forces
+vers le sud.
+
+A Ambarkeui, le 2 juillet, eut lieu la première rencontre. La bataille
+s'engagea avec une rage égale des deux côtés. Mais l'élan des Grecs vint
+à bout de la résistance des Bulgares qui durent se replier sur Kilkiz.
+Ce jour-là, des détachements grecs firent une marche de 30 kilomètres
+par une chaleur épouvantable et en se battant continuellement, les
+Bulgares ne lâchant le terrain que pas à pas.
+
+Comme le télégraphia très bien le colonel Dousmanis à M. Venizelos:
+«L'armée grecque avança comme un torrent!»
+
+L'AVANCE SUR TOUTE LA LIGNE
+
+Le lendemain, 3 juillet, les divisions du centre attaquaient Kilkiz par
+le sud.
+
+On comprend que les Bulgares aient défendu cette place avec plus que de
+l'acharnement puisque sa chute devait fatalement entraîner celle de
+Doïran, c'est-à-dire devait priver l'armée bulgare tout entière, celle
+opérant contre les Serbes en même temps que celle opérant contre les
+Grecs, de sa base de ravitaillement.
+
+Sur la droite, la colonne partie d'Aïvati et celle partie de Langadikia,
+entre les lacs de Langada et de Bezik, marchèrent vers le nord de façon
+à prendre la position très forte de Lahana située sur un petit plateau à
+l'altitude de 663 mètres, et commandant ainsi la route de Serès.
+
+De ces deux colonnes, celle de gauche quitta la route de Serès à
+Guiouvesna et se dirigea sur Karatsakeui.
+
+Les Bulgares se trouvaient solidement retranchés sur les hauteurs entre
+Stephania et Klèpes et à la cote 605. Leur résistance brisée le 2,
+toujours par cet élan infernal qui mérite bien maintenant de devenir
+aussi légendaire que la fameuse «_furia francese_», la colonne commença
+d'exécuter, par le nord de Lahana, un grand mouvement tournant qui
+l'amena sur les derrières des Bulgares.
+
+Pendant ce temps, la colonne de droite était montée au nord par
+Karasmerli et Zarovo (cote 525). Un détachement s'emparait de Likovani
+(cote 497) où il faisait prisonniers un grand nombre de Bulgares. Puis
+la colonne attaquait par le sud Lahana, attaquée au nord avec 24 canons
+par l'autre colonne et défendue avec rage par 16 bataillons
+d'infanterie.
+
+Lahana, tomba le 3 juillet. L'ennemi y abandonnait 12 canons dont 6 à
+tir rapide, beaucoup de caissons et de voitures ainsi qu'une grande
+quantité de fusils et de munitions.
+
+La colonne d'extrême droite, par Maslar-Saïta, monta contre Nigrita. Les
+Bulgares s'étaient fortifiés sur des hauteurs à l'ouest. Ils furent
+battus et se retirèrent le 3 vers la Strouma, après avoir incendié
+Nigrita et y avoir massacré les femmes, les enfants et les vieillards.
+
+Cette colonne poursuivit aussitôt les Bulgares jusqu'à la Strouma, en
+trouva le pont brûlé, mais commença d'en construire un nouveau le 4
+juillet.
+
+De ce côté donc, les Bulgares étaient partout battus et refoulés, de
+façon décisive.
+
+Durant ces opérations, les colonnes du centre ayant marché parallèlement
+vers le nord, par Ambarkeui et Avret Hissar, attaquaient Kilkiz.
+
+Après une journée et demie d'un combat de géants, le 4, la ville tomba.
+Ce qui découvrait complètement Doïran.
+
+Enfin, à l'extrême gauche, deux colonnes opérèrent, la plus importante
+au sud. Celle-ci, partie de Benitza, passa l'Axios-Vardar sur le pont du
+chemin de fer qui se trouve au nord de Karasouli, puis s'empara de la
+cote 250 qui commande le passage vers le nord, le 2 juillet. Après quoi,
+le 3, par Bagalitsa et la cote 350 elle s'en fut attaquer et déloger les
+Bulgares, solidement établis au sud de Matsikovo.
+
+La deuxième colonne (un bataillon et une batterie), partie de
+Karasinatsi, se dirigea sur Ghevgheli qu'elle prit le 3 juillet, passa
+l'Axios-Vardar et vint inopinément tomber sur les derrières des Bulgares
+de Matsikovo.
+
+Ceux-ci, pour ne pas être pris, durent se retirer dans la direction de
+Doïran. Ils essayèrent d'arrêter encore les Grecs aux défilés dits de
+Kalinovo. Ce fut une fois de plus inutile. Les défilés furent forcés,
+avec beaucoup de pertes, il est vrai, mais, à 6 heures du soir, les
+Bulgares étaient en fuite. 21 canons étaient pris de ce côté.
+Malheureusement, la fatigue extrême des troupes empêcha la poursuite
+vers Kilindir.
+
+Devant Doïran même, renforcés par les troupes battues à Kilkiz, les
+Bulgares livrèrent une dernière bataille désespérée sur les hauteurs qui
+défendent la ville au sud-ouest.
+
+La division bulgare qui combattit là avait pris une part active au siège
+d'Andrinople et tous les hommes portaient la croix de bravoure à eux
+décernée pour leur conduite au dit siège. Pendant l'assaut, on vit les
+soldats grecs arracher à l'uniforme de leurs ennemis tombés ces croix
+fameuses et se les attacher sur la poitrine...
+
+[Illustration: Canons et caissons pris aux Bulgares à Kilkiz.--_Phot.
+comm. par M. F. de Jessen._]
+
+Doïran tomba enfin le 5 juillet, après un combat des plus sanglants.
+
+Ainsi était terminée la première grande bataille de la guerre
+gréco-bulgare, elle avait duré quatre jours pleins. Sur toute la ligne
+Nigrita-Doïran, les Bulgares étaient battus et chassés de leurs
+positions.
+
+L'IMPORTANCE CAPITALE DE LA PRISE DE DOÏRAN
+
+On ne 'saurait trop insister sur l'importance considérable de ce succès
+remporté par les Grecs, succès décisif, non seulement en ce qui concerne
+les opérations grecques, mais encore et tout autant en ce qui concerne
+les opérations serbes. Les Bulgares, en effet, avaient fait de Doïran le
+centre général de ravitaillement de toute leur armée, tant au nord qu'au
+sud.
+
+Il y avait à cela des raisons excellentes. La Bulgarie elle-même, en
+tant que pays, peut d'autant moins subvenir seule à tous les besoins de
+son armée, que cette année a été des plus mauvaises pour elle, par suite
+de l'appel sous les drapeaux de tous les hommes de dix-huit à
+quarante-cinq ans, c'est-à-dire de toute la main-d'oeuvre. Il lui faut
+donc tout faire venir du dehors. Pour cela, elle a deux ports
+d'importation: Varna et Dédéagatch, reliés à l'intérieur du pays par
+chemin de fer.
+
+Le premier port, Varna, est beaucoup trop éloigné du théâtre des
+opérations, auquel, d'ailleurs, il est insuffisamment relié pour pouvoir
+être utilisé. Ce fut donc par le second, Dédéagatch, que la Bulgarie fit
+entrer tout ce dont elle avait besoin en tant que vivres, fourrages et
+munitions.
+
+Mais elle prévoyait bien que, dans une guerre avec la Grèce, la flotte
+grecque, à qui rien ne pouvait être opposé, viendrait bloquer Dédéagatch
+et rendre ce port à son tour inutilisable. Donc, elle prit ses
+précautions en prévision de ce blocus. Elle résolut d'accumuler les
+vivres, pour des semaines et des mois au besoin, en un point qui soit
+sur le chemin de fer de Dédéagatch et en même temps assez loin de
+l'armée serbe, la seule dangereuse à son avis, pour ne pouvoir être
+menacée par elle.
+
+Doïran avait donc été choisi comme station centrale de ravitaillement.
+Pendant des semaines, le chemin de fer y avait amené directement de
+Dédéagatch, farine, haricots, riz, sucre, fourrages, etc. Des convois
+portaient de là les vivres aux deux armées.
+
+C'est pour protéger cette base de ravitaillement que les positions de
+Kilkiz, furent si formidablement couvertes de retranchements et de
+redoutes, jugées amplement suffisantes contre l'adversaire peu sérieux
+que seraient les Grecs, au cas invraisemblable où ils réussiraient à
+arriver jusque-là.
+
+Ils y sont arrivés pourtant. Et, après un succès d'une telle portée, qui
+donc pourrait encore mettre en doute la valeur de l'armée hellénique et
+de ses chefs?
+
+Le chiffre des pertes grecques qui, sur toute la ligne et pour quatre
+jours de bataille ont atteint 10.000 hommes (beaucoup d'officiers, dont
+6 colonels, hors de combat); celui des pertes bulgares qui sont
+supérieures encore; c'est-à-dire un total de pertes de 20.000 à 25.000
+hommes,--voilà une dernière preuve irréfutable de l'importance et de la
+gravité de cette bataille....
+
+JEAN LEUNE.
+
+DANS LES TRANCHÉES SERBES, SUR LA FRONTIÈRE BULGARE
+
+VERS LE FRONT, EN AVANT d'EGRI-PALANKA
+
+Egri-Palanka, 17 juillet.
+
+Nous venons de quitter ce matin, pour le front, le bivouac du quartier
+général de la première armée, établi, depuis le 14 juillet, à
+Tserni-Vrh.
+
+Notre départ du camp du prince royal ne manquait pas de pittoresque. Aux
+premières lueurs du jour, on voyait sur les pentes abruptes et sauvages
+du Tserni-Vrh (Montagne Noire) quelques fiacres à l'aspect douteux, qui
+jadis avaient dû servir à véhiculer les élégants d'Uskub, et qui,
+maintenant, au milieu de ces scènes de guerre, haletaient péniblement en
+gravissant les contreforts rocheux de la montagne, alourdis de toute la
+mauvaise humeur d'étranges correspondants, aussi pesants que
+germaniques.
+
+La belle jeunesse dont, avec Reginald Kann, je m'honorais d'être,
+caracolait sur quelques coursiers assez peu fringants et de taille
+minuscule autour du capitaine Stoïanovitch, chargé de nous guider.
+
+C'est au milieu d'un paysage alpestre que de Tserni-Vrh nous descendîmes
+par une excellente route en lacets, aménagée par le génie serbe, sur
+Kratovo d'abord, puis sur la vallée de la Kriva que nous devions
+remonter jusqu'à notre gîte d'étape pour ce soir.
+
+Kratovo, petite ville enfouie au fond du thalweg de la Kratovska,
+étroitement serrée entre deux murailles grises de rocs dénudés qui la
+dominent à pic, ressemble, avec ses toits de tuiles brunes et ses
+minarets rouges, à un champ fraîchement labouré où seraient fichées en
+terre des lances encore sanglantes. Quelques restes de ruines curieuses
+appartenant à l'époque de la féodalité byzantine attestent l'antique
+existence de la petite cité où plus rien ne vit, plus rien ne se meut.
+La guerre avec ses horreurs est trop près, les habitants ont disparu
+fuyant à l'aventure, et, dans les champs, les moissons sèchent sur pied,
+oubliées, inutiles. Cependant, un peu plus loin, des femmes, la faucille
+à la main, tranchent quelques épis et tentent, pendant qu'il en est
+temps encore, d'amasser le maigre butin de quelques gerbes.
+
+Notre cavalerie d'avant-garde s'arrête soudain: une nouvelle désastreuse
+nous parvient, apportée par une estafette restée à l'escorte des
+voitures. Deux sapins ont versé: l'un d'eux portait la précieuse
+personne de Herr Professor K..., docteur de l'Université de Leipzig et
+correspondant des _Leipziger Nachrichten_. Le professeur avait trois
+dents cassées, mais, fait plus grave, il s'était effondré, paraît-il, au
+milieu d'un panier rempli d'oeufs destinés à notre déjeuner, et tous, en
+choeur, d'estimer qu'il aurait mieux valu que le professeur se fût cassé
+quatre dents et qu'il n'eût point fait d'omelette. Nous volâmes
+cependant à son secours et nous eûmes la double satisfaction de le
+retrouver un peu meurtri, mais avec sa mâchoire intacte, tandis que par
+ailleurs notre provision d'oeufs n'était pas trop compromise. Notre
+estafette avait exagéré.
+
+A hauteur des contreforts de Strazin, réduit de la position serbe, nous
+rejoignons la grand'route qui de Kumanovo se dirige sur Egri-Palanka,
+gravit le col du même nom, et, redescendant sur Kustendil, mène
+directement à Sofia. C'est, à l'heure actuelle, la ligne de
+communication de la première armée serbe entière qui a serré sur le
+front Tsar-Vrh-Golemi, concentrant ses forces en vue de la bataille
+probable. La route nous apparaît sur toute sa longueur dans la vallée de
+la Kriva, surmontée de hautes colonnes de poussière épaisse,
+qu'inlassablement y soulève le double courant des convois qui montent et
+qui descendent. Nous nous plongeons dans ce brouillard opaque et nous
+atteignons enfin Egri-Palanka.
+
+[Illustration: Situation générale du 17 juillet 1913.--_Croquis par A.
+de Penennrun._ Les disques grisés en traits verticaux et sans numéros
+désignent les divisions serbes; les disques avec numéros, les divisions
+bulgares. Depuis le 17 juillet, les Serbes sont restés stationnaires,
+mais l'armée hellénique a progressé jusqu'à Djoumaïa.]
+
+18 juillet.
+
+L'écho de la canonnade, amplifié par les parois rocheuses de la vallée,
+nous éveille de bonne heure ce matin, cependant que des nuées épaisses
+se résolvent en pluie et voilent d'un épais rideau l'horizon hier soir
+encore si bleu, si clair, si radieux. Nous sommes campés sur les bords
+mêmes de la Kriva limoneuse et jaune, serpentant à travers la petite
+cité aux éternels toits de tuiles qui, depuis Smyrne, à travers la
+Thrace, et jusqu'en Macédoine, caractérisent les villages turcs. Le site
+d'ailleurs est ravissant: au fond du thalweg de la rivière entourée de
+hauts peupliers, de saules et de frênes, que la pluie rend encore plus
+verdoyants, Egri-Palanka, avec la couleur vive de ses maisons, ses fins
+minarets blancs, sa petite église grecque en torchis brunâtre, semble
+reposer et dormir, paradis du rêve et de la fraîcheur, au milieu des
+brutales réalités que la guerre et ses horreurs déchaînent autour
+d'elle.
+
+Malgré la bienveillance constante dont nous sommes entourés, nous ne
+pouvons encore circuler seuls et courir aux positions comme l'envie
+furieuse nous en prend tandis que le canon continue à faire entendre sa
+voix dans la montagne. La journée se passe assez tristement sous un
+déluge d'eau. La soirée s'achève dans un orage terrible; les roulements
+du tonnerre se confondent bizarrement avec, ceux du canon, agrandis
+formidablement par l'écho des gorges profondes de la vallée de la Kriva.
+
+UN COMBAT VU DE PRÈS SOUS LE FEU DES BULGARES 19 juillet.
+
+La pluie a cessé au milieu de la nuit en même temps que l'orage et,
+comme si ce fût un signal, la canonnade a repris, violente, hachée, plus
+proche que jamais. Nous n'y tenons plus d'impatience quand, grâce à
+Dieu, l'autorisation de se rendre au front nous est accordée. Le temps
+de seller nos chevaux et nous disparaissons hâtivement par la sortie
+nord d'Egri-Palanka; nous remontons la Kriva en suivant la route qui en
+longe les bords et qui mène au col de Deve-Bajir et à Kustendil. Au
+confluent de la Kiselitza nous l'abandonnons et, par un chemin en lacets
+que s'efforce d'améliorer une compagnie du génie, nous montons à
+Zedilovo. En bas, sur la route, passent deux compagnies d'infanterie qui
+appuient vers la droite pour renforcer la chaîne de tirailleurs; un peu
+au delà, une section de télégraphistes réparent la ligne télégraphique
+d'État dont: les poteaux arrachés pendent lamentablement au-dessus du
+lit de la rivière. A notre gauche, trois ou quatre shrapnells fusent
+au-dessus d'un coteau boisé où crépite la fusillade. Nous continuons à
+monter, péniblement, car le chemin est dur et la pente fort raide. Mais
+notre ardeur est stimulée par les détonations qui semblent très proches
+sur l'autre revers de la hauteur que nous gravissons. Parvenus au sommet
+de notre ascension, nous nous apercevons qu'un ravin très profond nous
+sépare encore du sommet même de Zedilovo où nous distinguons des pièces
+en batterie et quelques sections d'infanterie déployées tout autour.
+Après avoir abandonné nos chevaux, nous dégringolons dans un thalweg
+parsemé de caissons et, à nouveau, nous remontons vers la crête, au
+milieu d'un petit bois dont, les arbres, marqués de trous ronds et
+hachés par places, indiquent la, violence du combat qui s'est livré là.
+Au milieu du bois, deux ou trois chaumières abandonnées achèvent de
+brûler, répandant une odeur fade de cendres chaudes. Le long du chemin,
+des artilleurs serbes gravissent eux aussi la pente, portant chacun deux
+cartouches à obus. La longue théorie qu'ils forment ainsi relie d'une
+chaîne continue les caissons du parc d'artillerie que l'on a dû laisser
+en bas avec les attelages, aux pièces montées là-haut, à la bricole,
+dans un terrain impossible, avec leurs caissons de premier
+ravitaillement.
+
+Nous arrivons à la batterie postée légèrement en arrière de la crête.
+Les quatre pièces sont là, mais, à notre grande surprise, au lieu de
+rester dans les encastrements construits avec soin pour elles et où
+demeurent encore leurs caissons, elles ont été poussées en crête, à
+peine au défilement de l'homme debout. La raison nous en est bientôt
+donnée par le très distingué commandant de la batterie. Imperturbable,
+pendant que quelques balles bulgares passent en sifflant autour de nous,
+il nous explique les phases du combat qui se termine. Zedilovo forme en
+avant du confluent de la Kriva et de la Kiselitza une espèce de coin qui
+s'enfonce entre les deux lignes des armées adverses. Sa possession est
+d'assez grosse importance, car elle permet à celui qui le tient
+d'assurer sur les flancs de la position ennemie une convergence de feu
+en concordance avec les éléments moins avancés de la ligne. La carte
+parle d'elle-même aux yeux. En résumé, cette hauteur jouit de tous les
+avantages et de tous les inconvénients d'un saillant.
+
+[Illustration: Combat de Zedilovo (19 juillet). La croix près de la cote
+1142 indique le point de stationnement du correspondant de
+_L'Illustration._]
+
+Avant-hier, 17, les Bulgares en étaient encore maîtres, quand, par une
+attaque brusquée, les Serbes, profitant du défilement que donnent les
+nombreux angles morts d'un pays aussi découpé, se jetèrent sur les
+avant-postes bulgares au moment d'une relève et les repoussèrent sur la
+ligne frontière qui constitue leur position principale de défense.
+Immédiatement, de l'artillerie fut amenée sur Zedilovo, avec la plus
+grosse peine, il est vrai, mais, dès le 18, elle se trouvait en mesure
+d'ouvrir le feu et de gêner considérablement les éléments avancés de
+l'ennemi. Celui-ci ne se tint pas pour battu, et, cette nuit, à 3 h. 1/2
+du matin, il dirigea une attaque sur Zedilovo, attaque prononcée par un
+régiment entier à 4 bataillons, appuyé par 3 batteries de campagne et
+une batterie d'obusiers en position sur les crêtes de Sivri-Tépé. On
+nous les montre d'ailleurs, et à la jumelle je distingue notamment très
+bien l'une d'elles, dont les quatre pièces se silhouettent sur le revers
+d'une pente descendant vers le Karakol de Deve-Bajir.
+
+[Illustration: Shrapnell bulgare éclatant au-dessus d'une tranchée
+serbe, à Deve-Bajir.--_Phot. A. de Penennrun._]
+
+[Illustration: Funérailles du lieutenant serbe Marinkovitch, du 9e
+d'infanterie, qui eut la tête broyée par un obus au combat de Zedilovo
+(19 juillet). Le couvercle du cercueil est porté derrière le corps, qui
+reste découvert pendant la cérémonie.--_Phot. A. de Penennrun._]
+
+L'infanterie bulgare attaqua en deux colonnes, fortes de deux bataillons
+chacune, l'une venant directement de Sivri-Tépé, l'autre de Deve-Bajir
+et de la maison douanière qui, à la frontière bulgare, se trouve au haut
+du col que gravit la route d'Egri-Palanka à Kustendil.
+
+Le terrain se prête merveilleusement à une action défensive, un
+véritable glacis en pente douce montant vers les tranchées serbes.
+Parvenus à 500 ou 600 mètres, les fantassins bulgares furent accueillis
+par un feu violent d'infanterie. C'est à ce moment que le commandant de
+la batterie, qui nous raconte tout ceci, fit pousser à bras ses pièces
+sur la crête où elles sont encore et fit ouvrir le feu en fauchant (1)
+sur la ligne de tirailleurs ennemis. L'effet fut décisif: les Bulgares
+s'arrêtèrent, puis refluèrent à quelque 300 ou 400 mètres plus en
+arrière, sur une crête intermédiaire où nous apercevons maintenant leurs
+tranchées.
+
+[Note 1: On appelle tir de fauchage sur une hausse déterminée, un tir où
+chaque pièce de la batterie tire trois coups en coulissant à chacun de
+deux tours de manivelle sur son essieu. Cela permet de battre ainsi une
+plus grande largeur de front et est par suite d'un excellent effet
+contre une longue ligne d'infanterie comme est la chaîne de
+tirailleurs.]
+
+De temps à autre, partant de là-bas, quelques coups de feu à notre
+adresse auxquels, d'un peu plus loin, à 100 mètres en avant de nous,
+répondent les Serbes. Nous désirons vivement aller voir les fantassins
+dans leurs tranchées. Nous nous y rendons, en profitant d'un moment
+d'accalmie. D'ailleurs, à peine dans la tranchée, quelques
+froufroutements caractéristiques qui claquent dans la terre comme des
+coups de fouet, marquent que notre arrivée n'a point passé inaperçue.
+
+Dans l'abri merveilleux que la savante ingéniosité des Serbes a
+construit, c'est l'absolue sécurité. Un épais remblai, adroitement
+dissimulé par des mottes de gazon, des pare-balles transversaux pour
+protéger la tête des tireurs, assurent non seulement le maximum de
+tranquillité mais même un bien-être relatif à l'infanterie qui s'y
+trouve abritée non seulement des balles, mais encore de la pluie et du
+froid. Rassemblant mes faibles connaissances de la langue serbe, je
+parle avec les hommes qui causent et fument, parfaitement insouciants.
+Quand quelques claquements de fouet annoncent l'arrivée des balles
+bulgares, ils rient et plaisantent. Lorsqu'un peu plus tard je retourne
+en arrière, tous souhaitent au Français qui s'en va un cordial au
+revoir: «Sbogom! (Avec Dieu!)», me disent-ils... et je m'éloigne en
+répétant: «Avec Dieu! Sbogom!», tandis que des balles bulgares
+s'enfoncent dans la terre de la tranchée que je viens de quitter et
+s'enfuient en jurant dans l'air calme après avoir ricoché derrière nous.
+
+L'attaque sur la droite, venant de Deve-Bajir, n'a pas eu plus de
+succès. Malgré une certaine supériorité numérique, les Bulgares ne
+réussirent pas dans leur tentative, arrêtés par le feu d'infanterie et
+aussi par le feu d'écharpe que les deux pièces de droite de la batterie
+de Zedilovo purent exécuter contre eux en opérant un changement
+d'objectif de ce côté.
+
+Les pertes, serbes furent légères: la batterie eut un pointeur tué et un
+servant blessé. Vers la droite, elle furent un peu plus sensibles:
+environ une quarantaine d'hommes ont été mis hors de combat, parmi
+ceux-ci un lieutenant dont la tête fut arrachée par un obus. Mais, pour
+intéressant qu'il fût, ce petit combat ne présente en somme qu'une
+importance médiocre. L'attaque bulgare fut à tout prendre assez peu
+énergique, et je me demande quelle pouvait bien être ici l'intention de
+l'ennemi.
+
+Nous vivons dans le noir le plus absolu que seuls un commencement de
+négociations ou une manoeuvre assez osée des Bulgares peuvent expliquer.
+L'inactivité générale qui règne autour de nous permet toutes les
+suppositions.
+
+En même temps que les troupes de la 12e division bulgare attaquaient
+ainsi Zedilovo, d'autres tentatives avaient lieu un peu partout à gauche
+de la première armée vers Golemi-Vrh, à droite vers Tsar-Vrh. D'après le
+communiqué de ce soir, la tentative de Golemi-Vrh n'aurait pas eu
+d'importance. Il n'en serait pas de même de ce qui a dû se passer plus
+au sud. Les Monténégrins ne paraissent pas avoir très bien tenu leur
+ligne, et ils auraient dû reculer sur Pobyem. Mais, secourus par un
+régiment serbe descendu de Tsar-Vrh et qui aurait pris l'attaque bulgare
+en flanc, les régiments monténégrins auraient repoussé l'ennemi et se
+seraient même avancés jusqu'à Siva-Kobila.
+
+Quoi qu'il en soit, ces pointes de l'ennemi, ou ces reconnaissances,
+comme on voudra les appeler, prouvent à mon avis qu'il n'est pas aussi
+affaibli moralement qu'on l'avait d'abord pensé et qu'il est encore
+susceptible d'une certaine activité.
+
+Ce que l'on pourrait regretter ici, c'est la trop grande somme de temps
+jusqu'alors dépensée par les Serbes dans leur concentration et leur
+préparation à la bataille. Je sais, il est vrai, que voici la première
+fois au monde que l'on exécute de la guerre de masses, de la guerre
+d'armées, dans un pays de montagnes où les, sommets dépassant 2.000
+mètres ne sont pas l'exception, que les voies de communications y sont
+précaires, que mille raisons portent à ne rien hasarder... Mais c'est
+précisément ce que j'aurais voulu voir: hasarder quelque chose,
+sacrifier à l'audace et ne point laisser à l'adversaire un temps
+précieux dont il ne peut que profiter.
+
+A cette légère critique près, tout ici semble en excellente condition,
+approvisionnements, munitions, moral... Le moral surtout est admirable.
+Depuis le capitaine, qui, posément, nous expliquait le combat du matin,
+où sa batterie venait de tirer près de 200 coups par pièce, jusqu'aux
+soldats que je voyais plaisanter entre deux coups de feu dans la
+tranchée tout à l'heure, tous manifestent non seulement la meilleure
+bonne volonté, mais même le courage le plus ardent, l'enthousiasme le
+plus pur. Pendant que nous revenons vers Egri-Palanka, nous dépassons
+les blessés, qui reviennent du front: pas un cri, pas 'un geste, pas un
+murmure. Ce gens-là sont de vrais soldats, ils savent souffrir et
+mourir.
+
+ALAIN DE PENENNRUN.
+
+
+
+[Illustration: Le camp des «Eclaireurs de France» et de leurs camarades
+étrangers près de la Grande-Chartreuse. _Phot._ Matin.]
+
+[Illustration: Eclaireurs dressant leur tente.]
+
+[Illustration: La toilette du matin à la fontaine.--_Phot. Ramtaud._]
+
+LES «ÉCLAIREURS DE FRANCE» EN DAUPHINÉ
+
+Sous les auspices de la section grenobloise des Eclaireurs de France et
+de notre excellent confrère le _Matin_, attentif, toujours, à toutes les
+manifestations où le sentiment patriotique est intéressé, se tient, en
+ce moment, une première fête internationale des «Eclaireurs», dans l'une
+des régions les plus parfaitement pittoresques, les plus variées, les
+plus attirantes qui soient en France: en Dauphiné.
+
+Par le _Matin_, nous sommes tenus, au jour le jour, au courant des faits
+et gestes de ces enfants alertes et débrouillards, accueillis avec une
+touchante sollicitude qui est allée jusqu'à prévoir le service religieux
+«pour les différents cultes». Ç'a été d'abord, après la réception
+officielle à Grenoble, l'installation du camp, à
+Saint-Pierre-de-Chartreuse, en face de l'Alpe dominatrice, et la joie
+divine d'édifier de ses mains son toit de toile; puis, dimanche, «une
+fête du camp», avec les tentes parées de guirlandes et de festons, et
+une visite à la Grande-Chartreuse, des excursions en montagne, et des
+jeux, et des sports,--enfin, huit jours de vie d'initiative,
+d'émulation, de fraternelle solidarité, de vie saine et bienfaisante
+sous la tente ou «au foin!», tour à tour dans les nobles futaies, du
+côté de la Chartreuse, et dans l'Oisans et l'Alpe d'Huez plus sévères.
+
+
+
+[Illustration: Sophonisbe (Mme Bartet) et Massinissa (M. Albert
+Lambert). (Acte II, Scène III.)]
+
+[Illustration: L'entrevue de Sophonisbe (Mme Bartet) et de Syphax
+prisonnier (M. Mounet-Sully), en présence de Scipion (M. Raphaël
+Duflos). (Acte III, Scène V.)]
+
+[Illustration: La mort de Sophonisbe. (Acte IV, Scène
+dernière.)--_Photographies Bert, prises aux répétitions sur la scène de
+l'Opéra-Comique._]
+
+LES GRANDS TRAGÉDIENS DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE INTERPRÉTANT «SOPHONISBE»,
+DE M. ALFRED POIZAT.
+
+_Sophonisbe_, tragédie en quatre actes, de M. Alfred Poizat, que _La
+Petite Illustration_ publie d'autre part, a été remarquablement mise à
+la scène par la Comédie-Française qui vient de l'inscrire à son
+répertoire. Mais, avant d'offrir ce spectacle à ses abonnés, elle en
+aura donné la première représentation devant le Mur d'Orange. Les trois
+scènes que nous en reproduisons ont été prises au cours des répétitions
+sur le «plateau» de l'Opéra-Comique où la Comédie-Française a
+transporté momentanément ses pénates. C'est pendant la seconde guerre
+punique, à Cirta, Sophonisbe, qui, pour des raisons politiques, dut
+épouser, naguère, le vieux roi Syphax, n'a pas cessé d'aimer Massinissa,
+le guerrier numide qui, par dépit, a contracté alliance avec Scipion, le
+chef de l'armée romaine. Il vient d'entrer victorieux dans la ville
+comme on annonce à la reine que Syphax, son époux, a succombé sur le
+rempart. Retrouvant Sophonisbe, il lui exprime son amour et lui fait
+jurer de l'épouser. Mais Scipion s'oppose, au nom de Rome, à ce mariage
+et, comme Sophonisbe lui résiste, il commande qu'on amène Syphax qui
+n'est pas mort mais seulement prisonnier des Romains. Alors, ne pouvant
+se résoudre à sacrifier un de ses époux à l'autre, Sophonisbe ne voit de
+solution que dans la mort. Elle boit la ciguë et expire devant
+Massinissa et Scipion.
+
+
+
+[Illustration: Le colonel Repond, commandant de la garde suisse
+pontificale.]
+
+[Illustration: La relève des sentinelles aux portes du Vatican.]
+
+[Illustration: Le capitaine Glasson, instructeur des recrues de la
+garde, démissionnaire.]
+
+UNE MUTINERIE AU VATICAN
+
+_Notre correspondant de Rome nous écrit:_
+
+Rome, 26 juillet.
+
+Un beau soleil de juillet inonde la cour de Sainte-Anne, quartier de la
+garde suisse pontificale. Près des portes, dans leur pittoresque costume
+noir, jaune et rouge dessiné par Raphaël, les soldats veillent. Le calme
+règne sur toute chose et l'on hésiterait à penser que l'on sort à peine
+d'un _pronunciamiento._
+
+En effet, pendant sept jours la rébellion a sévi dans la troupe que
+commande le colonel Repond, et dont _L'Illustration_ l'an dernier
+(numéro du 8 juin 1912), à l'occasion de l'assermentation des recrues,
+disait la belle tenue martiale.
+
+Le mardi. 17 juillet, au moment de prendre la garde, 21 soldats
+déclarèrent refuser de marcher tant que leur instructeur, le capitaine
+Glasson, neveu du colonel Repond, ne serait pas licencié. Sur l'ordre de
+leur major, ils obéirent néanmoins, après avoir reçu l'assurance que le
+cardinal Merry del Val, chef suprême de l'armée pontificale, serait
+informé de l'incident.
+
+Deux heures après, le capitaine Glasson quittait le Vatican en congé
+illimité.
+
+On eût pu croire que tout était terminé, mais les mutins, conduits par
+quelques jeunes recrues turbulentes, voulurent davantage. Ils firent
+remettre au Saint-Père un mémoire demandant, en particulier, la
+réduction des exercices--pour lesquels ils revêtent une tenue moins
+somptueuse que leur uniforme de parade--la nomination des officiers
+parmi les sous-officiers du corps, et enfin l'autorisation de fréquenter
+les _osterie_ du Borgo, dont l'accès leur avait été interdit par le
+colonel Repond.
+
+[Illustration: Le drapeau pontifical et sa garde.]
+
+Dimanche matin, au rapport, le colonel ayant annoncé que les rebelles
+seraient punis, des scènes regrettables se produisirent, et l'on jugea
+prudent de retirer aux mutins fusils et munitions.
+
+L'anxiété fut grande au Vatican en attendant la décision papale. En
+ville, les quotidiens romains, enchantés de trouver matière à articles
+sensationnels, faisaient des prodiges d'imagination: on découvrait des
+complots anti-italiens, les journaux ministériels annonçaient la
+disparition de la garde, tandis que ceux de l'opposition prévoyaient la
+création d'un corps de zouaves pontificaux. Enfin, d'un commun accord,
+tous annonçaient que le colonel Repond, marié depuis six mois, était en
+voyage de noce, et que la révolte interrompait une lune de miel...
+
+C'était beaucoup de bruit pour peu de chose. En réalité, la discipline
+imposée par le colonel suisse, qui commande depuis trois ans la garde
+pontificale, a été respectée, puisque la révolte s'est passée sans que
+jamais le service du pape en souffrît. Les sous-officiers et les vieux
+soldats, de même que les jeunes mutins, avaient promis à leur chapelain,
+Mgr Corragioni d'Orelli, que tout se passerait sans scandale. Ils ont
+tenu parole: dimanche après-midi, quelques heures après que la scène la
+plus tumultueuse de la révolte se fut déroulée dans la cour de la
+caserne, la garde, _in corpore_, faisait le service d'honneur pendant
+une audience que Pie X donnait aux pèlerins américains.
+
+Il a suffi, mercredi matin, d'une lettre de Pie X, exprimant sa douleur
+de voir la vieille garde, qui s'est tant de fois couverte de gloire au
+cours des siècles, suivre quelques meneurs et commettre des actes graves
+d'indiscipline, pour que les soldats se soumissent et acceptassent
+tranquillement les sentences prononcées par leurs supérieurs.
+
+Le capitaine Glasson, qui a traité sa troupe avec beaucoup trop de
+dédain et de morgue, a été invité à donner sa démission, et trois des
+chefs de la mutinerie ont été expulsés.
+
+ROBERT VAUCHER.
+
+[Illustration: La tenue que n'aiment pas les gardes pontificaux; celle,
+qu'ils portent à l'exercice.]
+
+[Illustration: L'uniforme qui leur plaît; celui qu'ils revêtent pour la
+parade.]
+
+_Photographies Felici._
+
+
+
+CE QU'IL FAUT VOIR
+
+PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER
+
+Les vacances entraînent Paris hors de chez lui. Mais elles ramènent chez
+lui, par milliers, les étrangers en vacances, et de ce chassé-croisé, il
+résulte que l'époque de l'année où nos boulevards sont le plus encombrés
+est justement celle où--théoriquement--«il n'y a plus personne à Paris».
+
+Ces visiteurs trouveront, durant ces deux mois d'août et de septembre,
+la ville un peu différente de ce qu'elle était à la fin de la _saison_,
+avant que s'ouvrît la période des grands «déplacements»; différente
+aussi de ce qu'elle recommencera d'être à l'automne, quand y sera
+revenue l'armée indigène... c'est-à-dire ce que les courriéristes
+mondains appellent «Tout Paris».
+
+Ils n'y connaîtront ni la fièvre des premières représentations, ni les
+fortes émotions sportives de l'été, ni le tapage des «grandes ventes»,
+ni l'amusement des vernissages à la mode, ni le plaisir de risquer la
+syncope dans les cohues des grands magasins... Mais ils jouiront d'un
+_autre_ Paris; et de cette ville désertée par l'élite de ses résidants
+ordinaires, ils auront une vision qui a son charme. Car Paris sans
+Parisiens est aussi une chose à voir.
+
+C'est même une chose ravissante. Avez-vous vu Nice l'été, après y avoir
+subi les bousculades élégantes de l'hiver? C'est une surprise et un
+enchantement. La ville est comme enveloppée de torpeur. En même temps
+que la chaleur de l'été, le silence est tombé sur elle. Les hôtels se
+sont vidés; les musiques se sont tues, et la gaieté des choses n'a plus
+rien d'international. C'est une gaieté simple ment niçoise.
+
+Les rues sont presque désertes; et sur les chaussées où les verdures des
+platanes répandent une ombre douce, des enfants jouent; et ce sont, ô
+miracle, des enfants de Nice, qui ne parlent ni anglais, ni allemand, ni
+russe, ni même parisien. Au long des boutiques, sur les trottoirs, des
+chaises sont posées, et sur ces chaises somnolent ou bavardent des
+familles de marchands qu'aucune clientèle n'importune. On regarde tout
+cela... et l'on s'aperçoit que cette ville est pleine de belles filles,
+d'enfants admirables qu'on ignorait, et dont la grâce et la gaieté
+s'harmonisent si joliment avec celles du décor charmant qui les encadre.
+Dépouillée de ses attraits d'hiver, qui la chargeaient comme une parure
+de bijoux faux, Nice se révèle délicieusement, dans la nudité de son
+charme véritable.
+
+Et c'est ainsi que va s'offrir aux foules étrangères, pendant deux mois,
+notre paisible Paris d'été. Des théâtres où l'on ne s'écrase pas; des
+carrefours où se croisent, à tour de roues, des auto-taxis débonnaires;
+des restaurants où l'on est assuré de trouver libre la place qu'on
+voulait prendre; des jardins publics, un bois de Boulogne où l'on ne
+rencontre que des oiseaux, des cantonniers qui arrosent, et des amoureux
+qui n'ont pas le moyen de quitter Paris; enfin, des musées pleins de
+fraîcheur, où l'on a tout le loisir de rêver, sans être dérangé par
+personne, devant le tableau qu'on aime. Ah! les flâneries d'été, dans
+nos musées!
+
+ *
+ * *
+
+Il faut voir celui du Petit Palais; non seulement parce qu'il est un des
+plus adorable ment situés de Paris, et parce qu'il possède d'exquises
+richesses (il n'est pas un musée, je crois, où Carpeaux, Dalou, Ziem,
+Henner Carriès, soient plus splendidement représentés) mais parce qu'une
+attraction nouvelle s'y offre à nous depuis quelques jours.
+
+On sait qu'il existe chez nous un prodigieux musée secret: c'est le
+Garde-Meuble national. Cet établissement, où ne sont admis que les
+fonctionnaires chargés de l'administrer et le personnel préposé à la
+surveillance et à l'entretien des objets qui y sont déposés, contient
+des trésors véritables dont le public ne soupçonnerait pas l'existence
+si, de temps en temps permission n'était donnée de tirer ces trésor, de
+leur prison et de nous en laisser voir quelque chose.
+
+Cette fois, c'est à l'intervention de l'actif et ingénieux conservateur
+du Petit Palais, M. Henry Lapauze, que nous devons ce plaisir. M.
+Lapauze a obtenu de M. le sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts que lui
+fussent prêtées, pour être placées sous les yeux des visiteurs du Petit
+Palais, quelques-unes des plus belles tapisseries que possède le
+Garde-Meuble. Il s'agit de la série dite de la _Galerie de Saint-Cloud_,
+et qui est la reproduction, exécutée en 1685 par les Gobelins, de
+tableaux composés une dizaine d'années auparavant par Mignard pour le
+château de Saint-Cloud.
+
+Le château de Saint-Cloud venait d'être acheté, à cette époque, au
+contrôleur d'Hervard pour servir de maison de campagne au duc d'Orléans,
+frère du roi. Et six tableaux avaient été commandés à Pierre Mignard,
+pour le plafond de la galerie principale du château: les Saisons, et
+deux scènes mythologiques: _Latone_ et le _Parnasse_. Ces tableaux sont
+aujourd'hui détruits. Soyons donc reconnaissants au ministre Louvois de
+la bonne idée qu'il eut d'en ordonner aux Gobelins la reproduction; car
+ces «copies» sont des chefs-d'oeuvre.
+
+On les a placées dans la grande salle des Médaillons, qu'elles
+emplissent de leur lumière somptueuse. Elles resteront là jusqu'à la fin
+de la saison: mais c'est maintenant qu'il faut aller les admirer,--avant
+que s'achève cette paix délicieuse des vacances qui, dans les musées
+comme dans les promenades, ajoute une poésie à la beauté des choses.
+
+ *
+ * *
+
+Et puis, ce qu'il faudra voir encore, dans le courant de ce mois, ce
+sera le Grand Palais,--après le Petit. Cher Grand Palais! On se demande
+ce que deviendraient, s'il n'existait pas, les organisateurs
+d'Expositions. Il n'a même pas un mois pour se reposer! A peine la
+Nationale et les Artistes Français l'avaient-ils évacué qu'une armée
+toute fraîche de charpentiers et de menuisiers s'est précipitée sur sa
+carcasse vide, pour y aménager une exposition nouvelle qui s'ouvre ces
+jours-ci, et qui sera, paraît-il, fort amusante: l'exposition de
+l'_Emballage_; une exposition internationale, qui remplira la moitié de
+l'énorme édifice.
+
+Et l'autre moitié?
+
+Eh! mon Dieu, c'est encore uns exposition qui l'occupera, et que nous
+verrons s'y installer quelques semaines plus tard: l'exposition annuelle
+des petits fabricants parisiens, dite «concours Lépine», et à laquelle
+sera conservé le nom de son fondateur. La caserne qui naguère lui
+servait d'abri n'est plus libre, et voilà le concours Lépine obligé de
+déménager. Alors, il fait comme fout le monde: il s'en va vers l'ouest!
+Nous le suivrons avec plaisir dans cette direction.
+
+UN PARISIEN.
+
+
+
+AGENDA (2 au 9 août 1913).
+
+CONGRÈS.--Le sixième congrès international d'aéronautique se tiendra à
+Gand du _4 au 8 août._
+
+EXPOSITIONS ARTISTIQUES.--_Paris_: Galerie Georges Petit: l'exposition
+des petits maîtres de 1830 est prolongée pendant tout
+l'été.--_Province_: expositions des Beaux-Arts à Vichy, Langres, Douai,
+Brest.--_Étranger_: à Malines, exposition internationale des Trésors des
+Gildes, du _10 au 24 août_.--Gand, exposition internationale;
+expositions à Ostende, Spa, Munich.
+
+SPORTS.--_Courses de chevaux_: le _3 août_, Vichy (Grand Prix), Caen, le
+Havre; les _4, 5 et 6_, Caen; le _6_, Deauville, (prix du
+Cinquantenaire); le 7, Boulogne-sur-Mer; le 8, Deauville,
+Boulogne-sur-Mer; le 9, Bernay, Boulogne-sur-Mer.--_Automobile_: les _4
+et 5 août_, meeting de la Sarthe; le 4, coupe internationale des
+motocyclettes et motocycles; le 5, Grand Prix de France, coupe de la
+Sarthe; les _9 et 10 août_, meeting du Mont-Ventoux.--_Athlétisme_: du
+_9 au 24 août_, circuit pédestre de l'Ouest (300 kil. à pied), prix
+Dubonnet; le _11 août_ et jours suivants, tournoi du Havre, organisé par
+le Havre-Athlétic-Club.--_Cyclisme_: à la piste municipale (Vincennes),
+le _3 août_: grand prix Peugeot, course de primes; le _10 août_,
+championnat des transports, challenge du Bol d'air; championnat de la
+Seine (amateurs)--_Lawn-tennis_: tournois du mois d'août: le _2 août_,
+Pornic; le 3, Ostende, Etretat; le 4, Caux, Trouville, Lion-sur-Mer; le
+10, Pornichet; le 11, Houlgate, le Havre, Saint-Moritz,
+Zermatt.--_Yachting_: le _3 août_, régates de la baie de la Somme, à
+Saint-Valéry-sur-Somme.--_Aviron_; le _10 août_, à Juvisy, championnats
+de Paris.--_Natation_: le _3 août_, dans le bassin d'Asnières,
+championnats interclubs.--_Tir aux pigeons_; à Aix-les-Bains, les _3 et
+4 août_: prix de la Villa des Fleurs.
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+LE FUMIER ET LA FIÈVRE APHTEUSE.
+
+La désinfection systématique des fumiers est une des précautions
+officiellement recommandées aux éleveurs dont les troupeaux sont
+atteints de fièvre aphteuse; mais c'est là une opération assez difficile
+à effectuer, et dont les résultats pratiques sont incertains. Aussi le
+conseil a-t-il été souvent formulé de ne jamais épandre ces fumiers
+dangereux, mais de les brûler à la ferme, pour éviter qu'ils puissent
+propager au loin les germes dont ils sont infestés.
+
+Cependant un vétérinaire de Berlin. M. P. Loeffler, vient d'instituer à
+ce propos toute une série d'expériences dont les conclusions sont
+vraiment inattendues. Il a établi de façon certaine que l'agent
+pathogène de la fièvre aphteuse ne résistant pas à une température de 50
+degrés, et, d'autre part, le fumier mis en tas et abandonné à la
+fermentation atteignant très vite une température de 70 degrés, il
+suffit d'amasser les litières des bêtes aphteuses, de les presser, de
+les recouvrir d'une couche de terre de 10 centimètres d'épaisseur, puis
+de les laisser en repos pendant cinq ou six jours pour leur conférer une
+véritable stérilisation. Nul doute que cette pratique ne se généralise
+bientôt dans les régions où sévit la redoutable épizootie.
+
+LA LÉGION ÉTRANGÈRE ET LE DROIT INTERNATIONAL.
+
+Un intéressant travail sur la _Légion étrangère et le droit
+international_ nous est présenté par M. Charles Poimiro sous la forme
+d'une thèse de doctorat (Berger-Levrault, 5 fr.). Cette substantielle
+étude qui passe au crible les critiques et les sophismes allemands doit
+être signalée à notre publie qui y trouvera un utile complément
+juridique à l'article que nous avons consacré à l'organisation de la
+légion dans notre avant-dernier numéro.
+
+Le thème favori des attaques allemandes est que le fait de l'existence
+de notre légion étrangère constitue une inconvenante et permanente
+provocation à l'égard des autres nations. M. Poimiro réfute, avec un
+calme et clair bon sens, ces critiques.
+
+La France, remarque-t-il, est le pays de l'Europe le plus hospitalier
+aux étrangers qui abandonnent leurs foyers soit pour des raisons
+politiques, soit par convenance personnelle, soit encore simplement pour
+tenter la fortune. Ignorant notre langue et nos traditions, brusquement
+déracinés de leur pays d'origine et transplantés au milieu d'un peuple
+dont ils ne connaissent ni les usages, ni les moeurs, ni les coutumes,
+ni le genre particulier, ils risquent, s'ils ne trouvent pas rapidement
+leur voie, de constituer chez nous un élément dissolvant et
+perturbateur. Il est bien évident que l'État français ne peut
+s'intéresser à ces immigrants d'une façon particulière et leur accorder,
+en plus du droit d'asile, l'aide et l'assistance qu'il ne peut même pas
+assurer à ses nationaux.
+
+La légion donne donc une solution à ce double problème d'humanité et
+d'ordre intérieur en utilisant les éléments étrangers au mieux de leurs
+intérêts, de l'intérêt français et même de l'intérêt international.
+
+Il est puéril, en effet, de soutenir que la légion constitue une prime à
+la désertion. Les déserteurs réfugiés en France ont quitté bien souvent
+un pays moins exigeant quant au service militaire. Les engagements à la
+légion sont souscrits pour une durée de cinq années, et le service
+militaire obligatoire d'aucune nation n'astreint les jeunes gens à une
+présence aussi prolongée sous les drapeaux. Et, si les légionnaires sont
+traités de même manière que les Français, ils ne touchent aucune prime
+d'engagement. Il serait donc difficile de pousser plus loin la
+correction. On peut même se demander s'il n'y a point quelque excès dans
+ce scrupule, car il serait tout à fait juste qu'on assimilât, quant à la
+prime, les légionnaires aux soldats de notre infanterie coloniale.
+
+Enfin, comme l'a fait justement remarquer M. L. Rolland, dans la _Revue
+algérienne et tunisienne de législation et jurisprudence_, «les
+déserteurs ne seraient sans doute ni plus ni moins nombreux si la légion
+n'existait pas. Il y aurait simplement un peu plus de vagabonds et de
+gens sans aveu.»
+
+Relevons aussi, dans le livre de M. Poimiro, des chiffres intéressants
+sur la composition ethnique de nos régiments étrangers:
+
+Au 1er janvier 1913, le 2e régiment comprenait: 2.169 Français, 985
+Allemands, 354 Alsaciens-Lorrains, 39 Belges, 327 Suisses, 255 Italiens,
+128 Espagnols, 87 Tunisiens, Algériens, Marocains, 61 Russes, 11
+Luxembourgeois, etc., sur un total de 5.133 hommes.
+
+En janvier 1912, sur les 5.300 hommes du 1er régiment étranger, il y
+avait 50% de Français, 18% d'Allemands, 7% d'Alsaciens-Lorrains, 7% de
+Belges. 6% de Suisses, 3% d'Italiens.
+
+Ces contingents sont assurés à l'aide d'enrôlements volontaires, dont le
+nombre oscille chaque année autour de 2.000. En 1907, ils étaient de
+1.704; en 1908, de 2.595; en 1909, de 2.397; en 1910, de 2.118. Cela
+représente une moyenne de 1.200 engagements étrangers par année et nous
+accordons à peu près 280 naturalisations dans le même laps de temps, ce
+qui est une très jolie proportion. Ajoutons que, si les candidats à la
+légion sont toujours aussi nombreux, l'autorité militaire se montre de
+plus en plus difficile pour les conditions physiques exigées des futurs
+légionnaires.
+
+LA DESTRUCTION DES BALEINES SUR LA CÔTE OCCIDENTALE D'AFRIQUE.
+
+D'après une note de M. Gruvel, communiquée à l'Académie des sciences par
+M. Edmond Porrier, la pêche des baleines et des grands cétacés prend des
+proportions considérables, inquiétantes même, sur les côtes de l'Afrique
+occidentale et, notamment, dans les parages de notre colonie du Gabon.
+
+En 1910, M. Gruvel signalait l'abondance des cétacés dans cette région;
+les armateurs français ne firent aucun profit de l'information, mais dès
+1911, une société norvégienne arrivait à Cap Lopez avec un navire usine
+de 6.000 tonneaux et deux bateaux chasseurs d'environ 180 tonneaux
+chacun. En même temps, des Portugais s'installaient à Mossamédès.
+
+La dernière campagne a été si fructueuse que les bénéfices n'ont jamais
+été inférieurs à 20% du capital engagé; ils ont parfois atteint 100 pour
+100, et même 400 pour 100 pour une société.
+
+Étant donné que, pour couvrir les frais d'exploitation d'un bateau
+chasseur et de sa part du navire usine, il faut 80 ou 100 grand
+baleinoptères, on peut se faire une idée du nombre d'animaux détruits
+que représentent de tels bénéfices.
+
+Les principaux produits sont: l'huile, dont la meilleure qualité vaut
+aujourd'hui 600 francs la tonne; la poudre de viande déshuilée, qui se
+vend 200 francs; les fanons, dont le prix est tombé de 35 à 12 francs le
+kilo.
+
+En apprenant ces résultats, toutes les sociétés qui travaillaient dans
+la mer du Nord, dans l'Antarctique ou en Australie, se sont ruées vers
+l'Afrique. Actuellement, 30 sociétés, la plupart norvégiennes, sont
+parties ou en partance pour la côte africaine; elles disposent de 90
+bateaux chasseurs.
+
+Dès lors, si on ne prend pas des mesures immédiates, la destruction sera
+totale dans deux ou trois ans.
+
+L'IMMIGRATION EN ALLEMAGNE.
+
+Au cours de ces dernières années, l'empire allemand a subi, au point de
+vue démographique, une transformation aussi radicale qu'inattendue: de
+pays d'émigration, il est devenu pays d'immigration.
+
+Ce fait ressort avec évidence d'un rapport de M. Olaine, consul général
+de France à Francfort.
+
+En 1881, l'émigration allemande atteignait son maximum: 220.902
+émigrants, soit 4,80% de la population totale de l'empire à cette
+époque. En 1910, ce chiffre était tombé à 25.531, soit à 0,39 de la
+population.
+
+En même temps se produisait le phénomène inverse, et le nombre des
+immigrants en Allemagne augmentait régulièrement, ainsi que le montre ce
+tableau:
+
+/*
+ Hommes. Femmes. Total.
+
+1890...
+ 244.093 189.168 433.264
+1895...
+ 270.908 215.282 486.190
+1900...
+ 464.274 314.463 778.737
+1905...
+ 599.320 429.240 1.028.560
+1910...
+ 716.994 542.879 1.259.873
+*/
+
+Ainsi, la population de l'Allemagne augmente, non seulement du fait de
+sa forte natalité, mais encore par l'apport étranger. En 1907, sur
+1.342.294 résidants étrangers, on comptait 515.176 Autrichiens, 286.761
+Russes, 147.034 Italiens, 100.709 Hollandais, 04.829 Suisses, 40.718
+Hongrois et 35.535 Français.
+
+En ce qui concerne la répartition par métiers, on comptait, en chiffres
+ronds, 800.000 travailleurs manuels, dont 440.800 appartenant à
+l'industrie et 279.940 ouvriers agricoles.
+
+REVANCHE FÉMININE.
+
+Il est impossible désormais de maintenir à l'actif de la femme le record
+de la loquacité! Un grave statisticien de Bruxelles, M. Charles
+Dubudont, établit nettement, à l'aide de chiffres qu'il a mis quarante
+années à rassembler, que l'homme moderne prononce en moyenne, dans
+l'espace de cinq minutes, vingt mots de plus que la femme.
+
+Il déclare que la femme moderne est plus encline à écouter qu'à parler,
+ce qui est devenu l'inverse pour l'homme.
+
+_Jusqu'à sa dernière page, jusqu'à la feuille détachée qui contient ces
+photographies que nous avons cru devoir publier à part, ce numéro est
+consacré--à peu près entièrement--à la guerre des Balkans, la seconde,
+la vraie, serait-on tenté de dire tant elle semble devoir, plus que la
+première, transformer la carte balkanique._
+
+_Ainsi, à l'heure où la vie heureuse remplace partout ailleurs la vie
+laborieuse, en ces jours de départ joyeux pour les plages, les montagnes
+et les châteaux, alors qu'il nous serait surtout agréable de donner à
+nos lecteurs le sourire des actualités, aimables et reposantes, de la
+mer et des champs en fête, nous sommes dans l'obligation de leur imposer
+des visions de combats et de carnage, de pays dévastés, de villes
+incendiées, de populations massacrées et mutilées sur la route de
+troupes en débâcle et revenues, semble-t-il, à la folie sanguinaire des
+hordes primitives._
+
+_Il nous faut bien, hélas! tenir compte, avant toutes autres choses, des
+grands événements humains, des terribles réalités de l'histoire, dont,
+plus tard, aux dates correspondantes, on recherchera les témoignages
+émouvants dans les gravures de_ L'Illustration. _Et, au moment où
+s'ouvre la conférence de Bucarest, notre journal doit à son public de
+lui mettre sous les yeux les documents les plus tristement
+caractéristiques de cette guerre fratricide._
+
+_Nous ferons, dans nos prochains numéros, selon nos habitudes et notre
+goût, une plus large place aux actualités moins cruelles, aux scènes
+jolies et douces de la vie d'été. Mais il nous a paru, cette semaine,
+tant nous avions été impressionnés nous-mêmes par les courriers de nos
+correspondants de Macédoine, que nous ne devions point, pour une fois,
+mêler des spectacles de joie mondaine aux révélations de tant de deuil._
+
+
+
+L'UNION LATINE EN ROUMANIE
+
+Une manifestation de haute fraternité latine dans un pays dont les
+sympathies nous sont âprement disputées par l'influence allemande, ne
+saurait passer inaperçue de l'attention française. C'est à Braïla, il y
+a une quinzaine de jours, qu'eut lieu cette manifestation--dont M.
+Jacques Vuccino, conseiller du Commerce extérieur de la France, nous
+communique la photographie reproduite ici--à l'occasion du départ des
+régiments locaux et sur l'invitation que les comités de deux importantes
+sociétés, l'une française (le Cercle de culture française «Voltaire»),
+l'autre italienne, avaient fait afficher sur tous les murs. L'affiche,
+aux couleurs françaises, italiennes et roumaines, portait en épigraphe
+le célèbre quatrain d'Alexandrie: _Ginta latina_.
+
+[Illustration: Manifestation de fraternité latine à Braïla (Roumanie).]
+
+Et lorsque, au milieu d'une foule énorme, les régiments se rendirent à
+la gare de Braïla, les drapeaux français et italiens encadraient en tête
+du cortège l'étendard roumain de la société «Carpati», tandis qu'un
+transparent portait cette inscription: «Vive la race latine!» C'est la
+première fois, croyons-nous, que les circonstances ont permis aux
+drapeaux des deux grandes nations latines de se trouver l'un à côté de
+l'autre pour encadrer celui de leur soeur cadette.
+
+LA CARTE DES AMBITIONS BULGARES
+
+Peu à peu, nous arrivent les documents qui trahissent l'étendue des
+ambitions bulgares en Thrace et en Macédoine et révèlent une
+préméditation certaine dans l'offensive générale, le 30 juin, des
+Bulgares contre leurs alliés balkaniques.
+
+Un de ces témoignages est le curieux document dont un de nos
+correspondants, M. de Jessen, nous adresse un exemplaire et qui vaut
+bien une reproduction.
+
+Cette carte du «Royaume de Bulgarie»--c'est l'inscription qu'elle
+porte--imprimée à Sofia, fut d'abord vendue à Cavalla pour quelques
+sous, puis donnée aux enfants des différentes écoles, enfin distribuée
+gratuitement un peu partout. Elle donne à la Bulgarie tout ce que les
+Serbes ont conquis en Vieille-Serbie et en Macédoine, et tout ce que les
+Grecs ont gagné en Epire. Ses frontières ouest s'étendent au delà de
+Skoplje (Uskub), jusqu'à Prizrend, Dibra et le lac Okhrida avec Monastir
+(Bitvolja). Salonique et toute la péninsule chalcidique sont bulgares.
+Pas de frontière Enos-Midia. Les Turcs demeurent enfermés dans leur
+ligne de Tchataldja. Quant à l'archipel, si Thasos devient bulgare,
+aucune des autres îles ne demeure entre les mains hellènes.
+
+Par contre, il faut remarquer avec quelle admirable générosité le
+cartographe bulgare a tracé les limites de l'Albanie. Le nouvel État ne
+recevait pas seulement le district de Novibazar, pris dans le butin
+serbe et monténégrin, mais il s'accroissait également d'un large
+territoire au nord de la Grèce, de sorte que l'Albanie prenait accès sur
+la mer Egée... L'Autriche elle-même n'aurait, certes, point osé tant
+ambitionner pour la principauté naissante.
+
+On imagine combien cette carte était de nature à blesser Grecs, Serbes,
+Turcs et Roumains qui, par leur quadruple envahissement, viennent de si
+terriblement réduire les frontières tracées avec quelque insolence sur
+cet extraordinaire document.
+
+[Illustration: La Carte des ambitions bulgares.--_Document communiqué
+par M. F. de Jessen._ Reproduction en noir d'une carte en couleurs
+imprimée à Sofia.--La Bulgarie y fait une immense tache verte, de
+Tchataldja à Okhrida, du Danube à la Chalcidique et à Salonique.--Nous
+avons simplement souligné les frontières qui y sont tracées, et inscrit
+en caractères romains les noms des différents pays.]
+
+
+
+_A ce numéro s'ajoute un supplément de deux pages sur LES MASSACRES EN
+MACEDOINE._
+
+
+
+[Illustration: THÉRAPEUTIQUE, par Henriot.]
+
+
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3675, 2 Août 1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3675, 2 AOÛT 1913 ***
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+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
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+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3675, 2 Août 1913, by Various
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
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+Title: L'Illustration, No. 3675, 2 Août 1913
+
+Author: Various
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+Release Date: March 24, 2012 [EBook #39240]
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+Language: French
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3675, 2 AOUT 1913 ***
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+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
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+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+
+
+<p>L'Illustration, No. 3675, 2 Août 1913</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<p class="mid"><i><b>Supplément à L'ILLUSTRATION du 2 Août 1913.</b></i><br>
+[Note du transcripteur: Ce supplément a été reporté à la fin du présent document.]</p>
+
+
+<div class="sml">
+<p>Ce numéro contient:</p>
+
+<p>1° LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre n° 14: <span class="sc">Sophonisbe</span>, de M. Alfred
+Poizat;<br>
+
+2° Deux pages supplémentaires sur les <span class="sc">Massacres en Macédoine</span>;<br>
+
+3° <span class="sc">Un Supplément économique et financier</span> de deux pages.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>CELLES QUI ONT TOUT PERDU Femmes grecques de Doxato, dont
+les Bulgares ont massacré les fils et les maris, pillé et brûlé les
+demeures.</b> <i>Photographie René Puaux.</i></p>
+<br>
+
+<h3>LA PETITE ILLUSTRATION</h3>
+
+<p><i>Nous commencerons dans le prochain numéro de</i> La Petite Illustration
+<i>(série roman) la publication d'une &oelig;uvre profondément originale et
+émouvante de</i> <span class="sc">M. Gaston Rageot</span>:</p>
+<p class="mid"><i><b>La Voix qui s'est tue.</b></i></p>
+<p> <i>Nous
+publierons ensuite le grand roman, si attendu, auquel travaille encore
+le maître de la psychologie contemporaine,</i> <span class="sc">M. Paul Bourget:</span> </p>
+<p class="mid"><i><b>Le Démon
+de midi.</b></i></p>
+<br><br>
+
+<h3>COURRIER DE PARIS</h3>
+
+<h4>LES OMBRES</h4>
+
+<p>Dieu n'a peut-être créé le rayon que pour nous donner l'ombre.</p>
+
+<p>Si l'ombre est, en effet, la fille du rayon, elle est parfois--bien que
+diversement--aussi belle que lui. Elle l'explique, le fait valoir, le
+formule et l'achève. Elle est, par opposition, son calme et son repos.
+Elle le disperse, et l'étale comme un baume.</p>
+
+<p>C'est seulement en pleine nature, et l'été, sous le ciel libre et mis à
+nu, hérissé de lumière, que je jouis des ombres. Elles passent pourtant
+inaperçues de la plupart des hommes qui ne se doutent pas de ce que
+serait le monde si tout à coup, par toute la terre, de toutes les
+surfaces où, comme de grands et petits oiseaux momentanément immobiles,
+elles sont éployées... les ombres s'envolaient!... Oui... Le temps de
+tourner la tête, et plus d'ombres! Si nos yeux, qui ne s'occupaient pas
+d'elles, étaient attirés, ramenés soudain vers la place, immense et
+dévastée, qu'elles meublaient tout à l'heure, et que nous fussions, en
+un éclair, terrifiés de leur disparition et aveuglés de leur absence!
+Effroyable pensée qui nous disloque, et que repousse en nous tout ce qui
+s'émeut! tellement l'ombre s'impose au désir des sens, à l'instinct du
+c&oelig;ur, à la sagesse du rêve. Elle est une nécessité, physique et idéale.</p>
+
+<p>Aussi, que les ombres, me plaisent! J'aime vivre avec elles. C'est ma
+compagnie.</p>
+
+<p>Tout d'abord je suis heureux d'épuiser, sans songer à rien, leur charme
+et leur mystère. Je les vois innombrables, jamais pareilles,
+capricieuses et cependant méthodiques, montrant bien qu'elles obéissent
+à des lois inconnues, à des ordonnances secrètes. Pendant des heures,
+des journées, je vais de l'une à l'autre, les visitant, les franchissant
+comme des gués. Je les quitte, je les compare, et je demeure émerveillé
+des beautés et des joies qu'elles me déplient. Je les mesure et j'en
+fais le tour. Je les observe de près et de loin, je les touche, et je
+fais semblant de vouloir les capter pour leur procurer le petit plaisir,
+en me glissant des doigts, d'essayer de me prouver qu'elles n'existent
+pas! Comme si je ne savais pas qu'elles <i>existent</i>, autant et plus que
+ces réalités dont par erreur on s'imagine qu'elles ne sont qu'une
+insaisissable figure, une fausse apparence, un brouillard mensonger... A
+moi, elles me représentent les objets et les êtres avec une force, une
+couleur et un relief, qui me permettent de m'y borner pour être
+satisfait. Ainsi l'ombre de l'arbre me le donne en entier, tel qu'il est
+en dehors d'elle et s'insurge de son côté. Ainsi l'ombre du b&oelig;uf bave
+et mugit pour moi dans l'ombre irritante des mouches, sans que j'aie
+besoin pour le voir lui-même de le regarder. Son ombre enjouguée m'en
+dispense. Dans chacune d'elles je retrouve la caractéristique et la
+matière même de l'original. L'ombre du bois, du fer, de la pierre et du
+marbre traduit leur dureté, tandis que celle du feuillage est le
+décalque, exact et frissonnant, de sa grâce légère. Comme les choses,
+les animaux ou les hommes qu'elles ont mission de doubler avec une
+discrétion fidèle, les ombres sont également animées ou inanimées. Elles
+constituent le fond magnifique et soutenu de l'univers. De la baleine au
+puceron, pas un gigantesque animal, pas un insecte qui n'ait son ombre,
+personnelle, attribuée, n'appartenant qu'à lui, chargée de le rappeler
+sans cesse à sa propre attention, car sans elle, il s'oublierait. Elle
+est la trace continuelle, écrite et peinte, de son existence. Elle est
+son docile miroir que rien ne peut briser.</p>
+
+<p>Et, dans une déconcertante variété, toutes les ombres sont belles. Si
+nous avions la patience et le temps d'aller à leur rencontre ou de les
+faire défiler devant nous, elles nous arracheraient à tout instant, les
+unes après les autres, des cris nouveaux d'étonnement, des soupirs
+d'admiration... celles de tous les arbres et de toutes les bêtes, de
+toutes les tiges et de tous les rameaux, de tout ce qui pousse, s'agite,
+étend des branches ou des pattes, marche, court, galope, vole, ou bien
+reste fixe, inerte, avec une projection paradoxale qui seule bouge et
+fait le tour de son immobilité, comme celle du pic et du phare, de la
+colonne et du clocher.</p>
+
+<p>J'ai dit que toutes les ombres sont belles; certaines offrent une
+splendeur incomparable, unique, et nous en savons de sublimes. Celles
+des nuages voudraient être chantées en vers et mériteraient un poète.
+Quand par les plaines on les voit, tel un majestueux et innocent fléau,
+passer sans rien renverser, sans laisser la moindre ruine, faire des
+taches de dix lieues ainsi qu'une armée en campagne ou une plaie
+d'Égypte, éclipser le soleil, inonder la terre, assombrir le fleuve,
+mettre des Sainte-Hélène et des Gibraltar sur la mer, ou bien flotter
+pareilles à des manteaux de cavaliers, ou bien glisser en s'effilant
+avec des formes allongées d'archange, ou bien balayer les étendues comme
+si dans le val et les bois traînait la barbe immense et enchevêtrée de
+Moïse... on est emporté par elles, malgré soi, et on les accompagne à
+travers champs ainsi qu'un chien tiré par son troupeau... sans chercher
+où elles vont... comme on suivrait un peuple ombragé d'étendards... Que
+ce soit le roc ou le gazon, le sable qui dort ou l'eau vive, partout où
+elles se signalent, non seulement elles n'abîment rien, mais d'une
+complaisance inouïe, elles prétendent s'adapter à la nature du sol.
+Implacables et d'un tranchant métallique au torride désert, elles se
+gonflent sur le lac avec des rengorgements de cygne et des roulis de
+nacelle. Ombres tumultueuses, désordonnées, opaques ou diaphanes, sages
+ou folles, sèches, mouillées, ombres du matin, du midi, du soir, de la
+nuit,... ombres de la crinière et du moulin à vent, de la montagne et du
+pot de fleurs, du <i>dreadnought</i> et de l'épave, de la voile et du
+drapeau, de la meule et des tentes, de la charrue et du canon, des croix
+et de la guillotine, ombres des murs, des vieilles tours, des cheminées,
+des toits, des mâts, du banc de l'hôpital et de l'arceau du cloître...
+Flexible s&oelig;ur du roseau, fumée noire du cyprès, chevelure coupée du
+saule, ou litière de mon cheval... chères ombres ingénieuses, je ne me
+lasse pas plus de vous que de respirer, et vous me semblez en effet,
+aussi, quand vous palpitez, l'immatérielle respiration des corps que
+vous reproduisez. Vous surtout, ombres des oiseaux, ombres instantanées
+et rapides des ailes, vous êtes pour les yeux un prodige, un perpétuel
+ravissement... Vous avez toujours l'air, en effleurant le sol, d'une
+plume tombée. Et chacune de vous est parfaite, impeccable, qu'elle plane
+au-dessous de l'aigle ou pose sur la fleur un double papillon.</p>
+
+<p>Mais que dire de la plus pathétique et de la plus vivante? de la
+nôtre,... de celle de l'homme?... <i>Notre ombre</i>, ce jaloux et frère de
+nous-même, ce fantôme anticipé qui surgit dès que nous naissons, ce
+confident triste et sans langue, ce taciturne ami, ce maître et ce
+laquais, ce page insolent et délicieux, plus svelte que nous, qui nous
+précède, nous flanque ou nous suit, et, dès que nous avons une canne à
+la main, qui semble porter notre épée... Que veut-il? Que fait-il là?
+Que signifie notre ombre? Quel est son sens et son énigme? Pourquoi
+s'amuse-t-elle tantôt à nous grandir, tantôt à nous rapetisser? Pourquoi
+nous mener avec brusquerie de l'orgueil à l'humiliation? être tour à
+tour notre image et notre grimace? Pourquoi nous rend-elle cagneux,
+bossus, titubants et courbés? Qui la pousse à dérouler avec gentillesse
+devant nos pas son petit tapis de laine?... et à délimiter strictement
+sur la terre le juste contour de notre fosse? Et pourquoi ne se met-elle
+jamais entre nous et le danger, la tentation, la souffrance, le
+mal?... même pas entre nous et la glace, pour nous cacher la vue de nos
+premiers dégâts? Voilà ce qu'il est impossible de savoir exactement.
+Nous ne pouvons que subir, constater. Ainsi nous observons que bien
+avant que nous le quittions, ce monde-ci est véritablement «le royaume
+des ombres». Centre d'un cadran solaire dont il est l'aiguille, chacun
+de nous marque lui-même, sans y réfléchir, le temps précieux qu'il
+reçoit et gaspille. Et sur nous, comme autour de nous, sur chaque partie
+de notre pauvre corps, les ombres de toutes sortes étendent aussi et
+tracent à chaque minute leur géographie mystérieuse. Ombres qui
+fréquentent nos traits, notre chair, dont quelques-unes sont si
+nobles,... touchantes comme celle du voile de la religieuse, ou bien
+héroïques aux pommettes du soldat sous la visière du képi... ombre des
+cils baissés sur la joue virginale, ombre fuyante et molle d'une épaule,
+d'un bras nu replié, ombre qui se coule au creux et aux sillons d'une
+face amaigrie, ombres de la vieillesse qui finissent par rester en se
+durcissant, car les rides ne sont pas autre chose que des ombres, plus
+accusées et plus <i>portées</i>, des ombres qui ont <i>pris</i>, peu à peu, comme
+un acide ayant mordu la planche. Et tout comme du dehors nous sommes
+frappés par les ombres, pareillement de l'intérieur et du fond de
+nous-mêmes nous sommes forcés d'accepter et d'enregistrer celles que
+nous envoient les chagrins, les soucis, la douleur, les passions. Tous
+nos sentiments ont leurs ombres qui viennent nous marbrer. Chacun lance
+la sienne. Rougeurs petites et soudaines, pourpres superbes du visage,
+brouillards du front, vapeurs qui passez comme un furtif ouragan sur
+l'horizon de la figure humaine, vous êtes l'éruption de nos volcans
+jamais éteints.</p>
+
+<p>Et puis, voici la fin des ombres qui s'approche, et l'on comprend
+qu'elles vont bientôt cesser parce qu'elles augmentent et se
+multiplient. L'agonisant ne compte plus, dans sa chambre et dans son
+c&oelig;ur, de ses rideaux à ses paupières, les ombres qui l'entourent,
+l'envahissent, le rongent. Il en a plein le corps. Ses os semblent s'y
+plaire. Il en a sur les lèvres et sous les yeux, au bénitier des tempes.
+Il en a sur la mémoire et tout du long de la pensée... Il en a sur les
+mains, sur les côtes, sur les genoux... On les détaille à travers le
+drap qui les boit... et cette lividité sacrée qui tout à coup le
+submerge et le blanchit quand il rend le souffle est l'ombre de l'âme
+qui passe...</p>
+
+<p>Et après? Derrière la mort?... Que devient notre ombre? Elle ne reste
+pas ici. Où est-ce qu'elle va? Nous suit-elle? O mon Dieu! si vous nous
+laissiez, pour prendre la place des nôtres, les ombres de nos morts
+aimés? Ce serait au moins cela! Et nous pourrions, en les voyant,
+oublier qu'ils ne sont plus.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>Avant l'ensevelissement des morts: la jeune femme de<br> M.
+Jean Leune, correspondant de <i>L'Illustration</i>, sur le terrain du combat
+de Kilkiz.</b></p>
+
+<h3>LA «FILLEULE» DE L'ARMÉE GRECQUE</h3>
+
+<h4>NOTES DE VICTOIRE DE Mme JEAN LEUNE</h4>
+
+<p>Kilkiz, vendredi 4 juillet.</p>
+
+<p>Nous quittons Baltza à 7 heures. Deux chevaux et deux soldats sont mis à
+notre disposition. Une chaleur torride. Nous traversons des champs, des
+villages. La route est pleine de cadavres déjà noirs, masses informes,
+horribles à voir. J'ai le c&oelig;ur froid,--comme tous ceux qui sont à la
+guerre. Le résultat seul importe; la mort pour nous, c'est la défaite;
+la vie, c'est la victoire; et nous ne voyons ni morts ni blessés, mais
+des victorieux.</p>
+
+<p>La phrase de l'evsone que je rencontre sur le chemin, affreusement
+mutilé, résume ma pensée: «Mort ou mutilé, peu importe, pourvu que nous
+soyons vainqueurs!»</p>
+
+<p>Les soldats ne connaissent pas le chemin; un guide nous conduit,
+spirituel et fin, un vrai paysan, curieux comme un Grec:</p>
+
+<p>--Que fait ton mari?</p>
+
+<p>--Il regarde comment se bat la belle et vaillante armée hellénique; il
+l'écrira en Europe pour qu'elle sache la vérité!...</p>
+
+<p>J'ai à peine le temps de finir; le voilà qui rit aux éclats:</p>
+
+<p>--Hum! Faire connaître la vérité à l'Europe... Vous avez vu des chiens
+et des chats qui se regardent? Telles la vérité et l'Europe... Il perd
+son temps, ton mari. Je te dis, moi: qui aime ses intérêts ne peut
+croire à la vérité!</p>
+
+<p>Et puis le voilà parti à faire de la politique. L'Autriche est la cause
+de tout: «Elle voulait Salonique; la guerre l'a donnée à la Grèce; ces
+ours-là (ce sont les Bulgares qu'il appelle ainsi) sont si lourds qu'ils
+sont arrivés en retard; ils rongeaient leur frein de rage; l'Autriche a
+mis son monocle pour voir ça; un beau coup à jouer; cultiver la rage des
+Bulgares et les jeter contre les Grecs...--»</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/004b.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Mme Jean Leune.</b></p>
+
+<p>Voici des munitions qu'on transporte hâtivement, fiévreusement. Les
+hommes sont las. Mais, dans les cris qu'ils jettent pour pousser les
+voitures, on sent la volonté d'arriver. Le canon gronde tout près,
+maintenant. J'aime le canon, moi: c'est de la très grande musique. Un
+officier nous arrête: «Avez-vous un permis de circuler? Surtout prenez
+garde; il tombe des obus et il pleut des balles. N'avancez pas trop.»</p>
+
+<p>L'artillerie est là; voici de vieilles connaissances: «Madame Leune! Ici
+encore! Vite du cognac, de l'eau. Nous n'avons rien d'autre à vous
+donner. Depuis trois jours on se bat; alors on ne mange pas.» Et ils
+rient joyeux et les obus éclatent et les balles sifflent. C'est la
+guerre qui rit avec eux en bonne camarade, et dans son rire elle cache
+la mort. Devant nous, comme de petites vagues noires, les lignes de
+l'infanterie grecque gagnent petit à petit du terrain. Deux de ces
+petites vagues sont déjà sur les tranchées bulgares. On se bat à la
+baïonnette. Des masses tombent, inertes. Au loin, la route... une grande
+fumée blanche: c'est de la poussière... Une masse sombre fuit dans la
+poussière: c'est la fuite des Bulgares. L'optique transmet un
+télégramme: «Kilkiz, après trois jours et trois nuits de bataille, est
+pris par les Grecs»--«Zito...o...o...o» crient les soldats, et ils
+jettent leurs képis en l'air.--«Zito...o...o...o...» répète l'écho.</p>
+
+<p>Nous allons vers Yeni-Mahalé. L'état-major du général Kalaris doit être
+là... Des troupes, partout des troupes joyeuses... Voici des blessés
+qu'on ramène. Ils sont pâles et défaits, fatigués, leurs vêtements en
+guenilles: «Eh! bien, enfants?--Eh! bien, madame, ils ont fichu le camp,
+les Bulgares! Ils vont à Sofia. Mais là aussi nous les aurons. Ah! ils
+voulaient Salonique! --Tu as mal?--Je ne sens pas mon mal.--Qu'est-ce
+que tu sens, alors?--La victoire, pardi!»</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>Femmes à la fontaine, à Demir Hissar.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>Une petite ville que les Bulgares, dans leur retraite,<br>
+n'ont pas eu le temps de saccager: Demir Hissar et son vieux pont.</b></p>
+
+<h3>CE QU'ÉTAIT ENCORE LA MACÉDOINE IL Y A QUELQUES SEMAINES</h3>
+<p class="mid"> <i>Photographies
+René Puaux.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b>Vue d'ensemble de la destruction de Serès.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006b.png"><br><b>Le consul général austro-hongrois à Salonique, M. Kral,
+visite, à Serès, les ruines du vice-consulat d'Autriche-Hongrie.</b></p>
+
+<h3>CE QUE LES BULGARES EN ONT FAIT, DANS LA RAGE DE LEUR DÉFAITE</h3>
+<p class="mid"> <i>Phot. R.
+Puaux et F. de Jessen.</i></p>
+
+<p>Un blessé, sur un brancard, est porté... par des paysans turcs. Les
+Turcs ont ôté leurs ceintures de flanelle rouges, vertes et jaunes.
+Elles forment un petit matelas doux, sur lequel repose le corps du
+soldat grec. A les voir aller si doucement, si lentement, ces braves
+Turcs, pour que le blessé ne souffre pas, on est ému. Qui aurait prédit,
+il y a quelques mois, que Turcs et Grecs se réconcilieraient au chevet
+des nobles blessés qui les délivrent du joug bulgare? Autre brancard,
+également porté par quatre Turcs robustes. Je reconnais un képi de
+lieutenant; il couvre la figure; les mains sont croisées, comme pour
+prier. Elles sont jaunâtres... des mains de mort: «Il est mort?--Oui,
+madame.» Je descends de cheval pour lui baiser la main; les soldats le
+découvrent: une figure de cire, très jeune. Les soldats ont voulu
+l'accompagner jusqu'à l'ambulance du bataillon: «Il avait vingt-sept
+ans, madame, il connaissait cinq ou six langues; sorti des Evelpides, il
+avait achevé ses études en France. Nous l'avons vu se battre, madame,
+pendant la dernière guerre, comme un héros; il a pris part à toutes les
+batailles. Ce matin, il nous conduisait en chantant avec nous. La balle
+l'a trouvé. Il est tombé: «<i>Ne vous occupez pas de moi, mes braves,
+allez, je n'ai rien</i>», qu'il disait. Il s'est traîné jusqu'à la première
+tranchée bulgare. Il a reçu là, voyez, madame (et le soldat qui parle me
+montre le bas du corps traversé par la baïonnette) un coup de baïonnette
+et il est tombé en souriant, tel que vous le voyez là. Nous l'avons
+vengé, je vous assure. Il était si bon pour nous, ses <i>enfants</i>, comme
+il nous appelait.» Et les yeux des soldats sont pleins de larmes.</p>
+
+<h4>UN CHAMP DE DOULEURS ET DE GLOIRE</h4>
+
+<p>... Un immense champ de douleurs. Ils sont tombés là par centaines, les
+braves soldats de la Grèce! Ah! «cette guerre n'a pas de grandeur!» Je
+viens de lire cela dans un article du <i>Temps</i>! Que ceux qui écrivent,
+ignorants des choses, viennent voir!</p>
+
+<p>Les braves gens sont mutilés; les fusils bulgares, très anciens, font de
+très mauvaises blessures: des os brisés, des chairs qui pendent, des
+têtes déformées, sanguinolentes. Ils sont là, les blessés de la bataille
+de Kilkiz. Ils sont 1.500! Je l'apprends du médecin en chef,
+Anagnostanas, un homme de c&oelig;ur, très énergique et très capable. Il va
+et vient, court, donne des ordres, les exécute lui-même, tant le
+personnel est insuffisant. Tout d'un coup, on entend chanter... Les
+blessés chantent. La douleur des blessures crispe leurs traits; leur âme
+reste intacte; elle chante. Et leurs voix tremblent. Ils pressent des
+deux mains la blessure; le corps se tend, contracté par la douleur, et
+se redresse... Un cri? une plainte? Non: «<i>Ke s'ti Sofia</i>!» Je me mets à
+pleurer; je ne puis plus... Douleur et héroïsme marchent la main dans la
+main. Nous ne sommes pas habitués à voir cela. Nos maîtres nous ont
+dépeint la guerre comme chose horrible: comment une chose si grande, si
+sainte, serait-elle horrible? Je n'éprouve qu'un seul besoin:
+m'agenouiller et prier. Prier pour qu'ils aillent à Sofia, pour que les
+Grecs soient victorieux, pour... ne faire qu'un avec ces soldats...
+Communier à la même coupe d'héroïsme et de douleur. Je vais de brancard
+à brancard. Ils me sourient gentiment. «As-tu de la famille?--Oui, mais
+maintenant, la famille...» Ils en parlent comme d'une chose lointaine, à
+laquelle ils pensent peu. «Alors, vous êtes victorieux?» Aussitôt leurs
+yeux s'allument; c'est bien la seule question qui leur va au c&oelig;ur. Elle
+prime tout, maintenant, la victoire ailée de la Grèce. Ces gens ne sont
+plus des hommes, ils sont des héros. Ils ne pensent plus à leur famille,
+ils aiment leur patrie. Et je suis bien de leur avis: il n'est pas
+d'intérêts, il ne doit pas exister de sentiments que l'amour de la
+patrie ne puisse absorber.</p>
+
+<p>Allons vers l'état-major de la 2e division. (J'ai oublié de dire que les
+1.500 blessés sont ceux de la 2e division seulement.) Nous voici sur le
+champ de bataille. Des morts, des morts par centaines, tombés de ce
+matin et déjà défigurés par la grande chaleur. Ah! les Grecs ont payé
+cher leur victoire. Les Bulgares s'étaient fortifiés sur les hauteurs
+depuis la prise de Salonique,--tant ils avaient peu l'intention
+d'attaquer les Grecs! Des tranchées faites avec tout l'art militaire, où
+des centaines de Grecs sont venus trouver la mort. La plupart des
+cadavres sont au fond, percés de coups de baïonnette, affreusement
+déchirés.</p>
+
+<p>Un soldat mort, de physionomie très sympathique, serre quelque chose
+dans la main: une carte postale avec sa photographie. Je lis: «Mourir
+pour la patrie est une si belle chose! Peu d'instants avant ma mort. A
+envoyer à ma mère, Maria Stavron en Th...» Il n'a pas eu le temps
+d'achever l'adresse. La mort est venue lui fermer les yeux avec la
+pensée de sa mère et de la patrie sur ses lèvres. Un autre corps
+étendu... une photo par terre, celle d'une jeune fille, probablement une
+fiancée; une enveloppe sale: «Pour la patrie, je te perds». L'écriture
+est mal assurée, à peine lisible. Aurait-il aussi eu le temps d'écrire
+cela juste avant de mourir?</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007.png"><br><b>Dans la fumée, en approchant de Kilkiz.</b><br>--<i>Phot. Jean
+Leune.</i></p>
+
+<p>Une fumée épaisse nous aveugle. C'est à peine si on respire. Nous sommes
+à une centaine de mètres de Kilkiz. Le nid des comitadjis brûle: «Qui a
+mis le feu, soldat?--La malédiction de Dieu, madame!»</p>
+
+<p>On entend des détonations; des cartouches, des obus éclatent; aussi des
+mines; un vrai nid à dynamite. Le feu en aura raison Toutes les maisons
+brûlent; de grosses gerbes d'étincelles. Voici une maison qui vient de
+prendre feu. Par les fenêtres, de grandes langues rouges sortent et
+lèchent le mur. Puis, un grand fracas: le toit croule et nous voyons
+l'immense brasier faire face au ciel.</p>
+
+<p>On croirait des milliers d'êtres vivants, tous habillés de rouge,
+exécutant les sports les plus extraordinaires. Tantôt ils se
+poursuivent, s'attrapent, se renversent, se jettent pêle-mêle; tantôt
+ils s'étirent immensément longs et veulent atteindre le ciel qui assiste
+impassible à leurs jeux. Et, au milieu de tout cela, leur rire: le
+sinistre rire du feu. La destruction contente de sa destruction propre.
+Puis, par les rues chaudes, à l'atmosphère asphyxiante, les soldats
+vainqueurs circulent. Ils ont l'&oelig;il sauvage et le sourire aussi. Où
+sont les troupiers doux et tranquilles avec lesquels j'ai fait campagne,
+eux qui répugnaient si noblement au spectacle de Janitza brûlée par les
+paysans? Ils sont noirs de fumée, noirs du désir de vengeance. La haine
+contracte leurs traits. Ils sont contents des flammes, contents de voir
+des morts, du sang. Une femme, une vieille bulgare, se sauve, vraie
+ruine, du milieu des ruines. Sa maison vient de prendre feu. Elle lève
+les mains vers le ciel, appelle la malédiction de Dieu et serre contre
+sa vieille poitrine une malle d'osier... Les soldats rient... «Aide la
+femme, dis-je, à sauver ses affaires, soldat.--Madame, non!... malgré le
+respect que je te dois; cette femme est bulgare; elle abritait des
+comitadjis qui tuaient les femmes et les enfants grecs et brûlaient les
+villages.» Le soldat me toise, dur, intraitable, presque mauvais. Voyant
+qu'il n'y a rien à faire, je réplique: «Fais comme tu veux, mais
+n'oublie pas tes titres de noblesse. Tu es Grec, c'est-à-dire noble.» Je
+reviens vers mon mari. Déjà la maison de la vieille commence à crouler;
+au milieu des flammes, je vois un soldat qui aide la femme à retirer
+quelques débris. C'est le soldat qui se souvient.</p>
+
+<h4>AU QUARTIER GENERAL DU ROI CONSTANTIN</h4>
+
+<p>Vendredi soir.</p>
+
+<p>... Le roi, les princes André et Alexandre, le Diadoque vont et viennent
+sur le quai de Kilkiz, encombré de soldats, de chevaux, de matériel de
+guerre. On embarque des troupes. Elles chantent, et, quand le train
+s'ébranle, les zitos deviennent frénétiques.</p>
+
+<p>La nuit tombe, tout de suite, comme une chose décisive, tel le destin.
+Des petites bougies circulent, faibles lumières au milieu de l'ombre
+générale, tel l'effort humain dans le grand mystère qui nous enveloppe.
+Des caisses d'obus à côté les unes des autres; elles forment la table du
+roi. D'autres assemblées plus loin: celles de l'état-major. Des bougies
+plantées dans les goulots de bouteilles singent les lampes. Les
+officiers mangent et devisent gaiement. Nous aussi. Où dormirons-nous?
+Une fois de plus à l'hôtel de la Belle Étoile. Notre éternelle
+couverture de laine, qui s'enorgueillit déjà de la crasse de deux
+campagnes, est encore à l'honneur. Comme on dort bien à ciel ouvert!</p>
+
+<p>Doïran, 7 juillet.</p>
+
+<p>... Ce matin, à Kilkiz, avant le départ du train royal qui nous emmène
+aussi à Doïran, le roi nous aperçoit: «Bonjour, madame. Avez-vous
+chaud?» La chaleur est terrible. Il rit, et s'en va vers son wagon, les
+mains dans les poches, comme un autre homme. Je ne peux encore me
+persuader qu'il est de chair et d'os comme nous... Sur tout le trajet,
+des soldats, noirs comme des nègres, accourent. Leur roi passe; ils
+veulent le saluer. Le train s'arrête. Un convoi de marchandises est en
+face. Sur le toit, les marches, la machine, les soldats grimpent,
+fiévreux du désir de voir le roi.</p>
+
+<p>Nous avons pris quelques photographies. Ah! si j'avais pu emporter avec
+moi, bien scellée, l'expression de ces gens acclamant le souverain. Les
+yeux braqués sur lui, ils le dévorent. Lui se montre et salue en
+souriant. Les soldats crient: «Mène-nous à Sofia, à Constantinople, où
+tu voudras. Nous sommes prêts à mourir pour te suivre et servir la
+patrie!» Je pleure comme un enfant. Beaucoup de soldats ont aussi des
+larmes dans les yeux.</p>
+
+<p>Un moufti (prêtre turc), vieux, très vieux, fend la foule des soldats:
+«Le roi, je veux voir le roi!» Le roi se montre. Le moufti raconte ce
+que les Turcs ont souffert sous le joug bulgare et lève les mains au
+ciel pour appeler la bénédiction d'Allah sur le souverain hellène.</p>
+
+<p>A Doïran, nous descendons. Un joli lac sympathique, plus joli que celui
+de Janina. Sur une des collines de la rive, en face de nous, la ville
+est pittoresquement bâtie. Le canon gronde. La bataille continue. Les
+Bulgares, qui se sont rageusement battus à Doïran, ont reculé depuis
+hier nous laissant 9 canons à tir rapide, des caissons et des vivres! De
+quoi enrichir notre service d'arrière: sacs de riz, de farine, de sucre,
+de haricots, par milliers. Ils sont là, entassés, formant d'épaisses
+murailles à l'ombre desquelles les soldats grecs dorment paisiblement.
+Nous rencontrons de vieilles connaissances. On cause de la bataille qui
+se poursuit. Nous avons encore beaucoup de pertes. Les blessés arrivent
+par centaines. Sur un brancard, un officier blessé. Il l'a déjà été à
+deux combats, en Macédoine et en Epire. Cette fois, il tient le record:
+14 blessures! Je lui serre la main et le félicite. Indifférent à mes
+félicitations, il me répond par les phrases de tous les Grecs en ce
+moment: «Nous allons les reconduire à Sofia, nos anciens alliés. Nous
+sommes des gens polis. Nous raccompagnons toujours les gens chez eux
+quand ils viennent nous faire visite. Avez-vous quelques nouvelles à
+m'apprendre?--Notre armée avance toujours.--Je suis content. Et toi,
+qu'est-ce que tu fais, ici?--Je traduis tout ce que vous faites à mon
+mari qui est Français.--Alors, tâche de bien traduire. <i>Mes soldats ont
+été des héros</i>. Traduis bien cela.»</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/008a.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Un des survivants des 150 notables de Demir <br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Hissar, Georges Tchataldjanos, blessé de sept<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;coups de baïonnette.</b>--<i>Phot. J. Leune.</i></p>
+
+<p>Nous couchons au bord du lac. Une douce soirée. Comme elle est loin de
+la guerre! J'aimerais tant que les choses prissent part à notre état
+d'âme. Quatre télégraphes optiques sont postés là, tout près de nous.
+Ils sont en train de causer avec ceux de la montagne. Curieuse confusion
+toute faite de silence et de lumière: les petits points lumineux,
+rapides comme l'éclair, apparaissent et disparaissent. Des yeux, de
+grands yeux lumineux qui s'ouvrent tout grands pour dire la joie de
+l'âme grecque, qui se ferment pour la cacher précieusement. Sur le
+sable, de petits groupes d'officiers, des soldats, causent.--«Zito!»--Un
+zito du télégraphe optique. Il est bien défendu à ceux du télégraphe de
+répéter quoi que ce soit. Mais lorsque c'est une grande et bonne
+nouvelle... Voyons, est-ce qu'on retient son âme comme ça, comme on
+veut, à l'allemande? Elle vole, emportée par l'enthousiasme, et la
+parole la suit, ailée comme elle et insaisissable. En un clin d'&oelig;il
+nous sommes tous debout: «Quelle nouvelle? Dites vite. Oh! mais
+dépêchez-vous.» Les mains de l'officier qui lit le télégramme tremblent,
+sa voix aussi: «La 4e division ayant rencontré l'ennemi lui a cassé les
+reins; elle a pris 15 canons, des caisses de munitions, des vivres,
+etc..» Nous nous embrassons tous de joie... On porte le télégramme au
+roi. Nerveux, il se lève et fait quelques pas. Il rayonne.</p>
+
+<p>«Zito!» Encore une fois, l'&oelig;il, le grand &oelig;il lumineux de l'armée s'est
+ouvert: «La 2e division a pris 12 canons, fait 460 prisonniers dont 17
+officiers!»</p>
+
+<p>Quelques silhouettes de soldats se détachent dans l'ombre. Ils lavent
+leurs pieds dans l'eau du lac... «Je lave mes pieds pour l'entrée à
+Sofia!--On dirait que tu vas entrer dans un sanctuaire. Moi, pour
+l'entrée à Sofia, je mangerai de l'ail, du piment, je boirai beaucoup
+d'alcool...--Veux-tu te taire? De l'alcool pour un soldat
+grec!--Qu'est-ce que tu veux, mon vieux? Moi j'ai le sens de l'harmonie:
+je rentre propre chez les propres, sale chez les sales.» ... Et puis,
+plus rien. Tout le monde dort: roi, princes, officiers, soldats, égaux
+dans le sommeil comme dans les joies qu'ils viennent d'éprouver.</p>
+
+<h4><span class="sc">L'esprit du soldat grec</span></h4>
+
+<p>Gare de Doïran, samedi 12 juillet 1913.</p>
+
+<p>Tous les jours nous rayonnons un peu partout pourvoir l'armée qui
+avance.</p>
+
+<p>Le paysage est joli. Nous rencontrons des troupeaux entiers de b&oelig;ufs,
+de moutons, de chèvres. Dès qu'ils sentent l'auto, ils chargent. Les
+soldats bergers rient de tout c&oelig;ur. Nous avons atteint un col.
+Maintenant, la route descend en cascade rouge jaune, et le soleil donne
+dessus comme pour éclairer une belle chose. Une ligne indéfinie de
+chevaux d'artillerie, de mulets: c'est l'artillerie qui marche bon pas;
+des caisses de cartouches; des ambulances; comme c'est joli! Notre auto
+rejoint la ligne mouvante. Les hommes chantent...</p>
+
+<p>Un pont détruit. Le génie, en six heures, a établi dans le ravin une
+route provisoire. La descente en est raide et la montée plus encore. Des
+hommes accourent pour aider les chevaux, les b&oelig;ufs: «Hui! hé! en avant,
+<i>s'ti Sofia</i>! (à Sofia!)» Et quand l'escalade a réussi, que le canon est
+en haut de la pente, ils le regardent, comme des amoureux. Ah! il est là
+«<i>leur canon</i>!» Ils lui parlent comme à un être humain: «Combien as-tu
+mangé de Bulgares, trésor? Beaucoup, hein?--Ah! t'es un bon zig!--Va
+vers Sofia.--Au revoir! à Sofia!»</p>
+
+<p>Notre auto est une forte et belle machine. Elle prend plusieurs fois son
+élan, ronfle, tempête, essaye de gravir la pente, roule impuissante en
+arrière. Les soldats rient: «Attends, ma cocotte, suffit pas d'avoir la
+rage des Puissances pour surmonter les obstacles. Tu vois, tu roules en
+arrière comme elles. Il te faut des Grecs pour te remonter, comme il
+faut des Grecs pour secouer la Mère (l'Europe)»...</p>
+
+<p>Dix, vingt hommes s'y mettent. Ils s'emparent de la puissante auto. Ils
+l'enlèvent littéralement avec nous dedans. Nous voilà en haut. Comme je
+les félicite: «Nous sommes du génie, madame, et le génie triomphe de la
+matière! --Bravo! <i>Kala ta lei</i> (il parle bien)» Ses camarades sont
+contents de lui!... Leur officier les contemple. Son regard est humide
+d'affection, de tendresse, aussi d'admiration pour «ses enfants».</p>
+
+<p>--Ils n'ont pas dormi depuis deux jours, mes gaillards, madame. Ils
+marchent, ils réparent les ponts, font des routes et, s'ils rencontrent
+l'ennemi, ils livrent bataille. Hier, nous avons fait prisonnière une
+compagnie. Elle était là, sur la colline, en face. Nous avons commencé
+la fusillade; ils ont levé le drapeau blanc. Ils iront rejoindre les
+Bulgares qui font le siège... d'Athènes...</p>
+
+<p>Sur une colline, 5 canons bulgares. Des cadavres les gardent... Et nous
+arrivons à Strumitza, petite ville étouffée dans la vallée. Le mufti
+(prêtre turc) vient à nous: «Ah! nos frères les Grecs! (Et ils disent
+cela à Jean, qui est Français; pas de Grecs là, donc ils ne flattent
+pas). Enfin, ils sont partis, les Bulgares! Combien nous avons souffert!
+Ils ont massacré deux cents d'entre nous, parce que nous refusions de
+parler bulgare. Ils ont pris aux Grecs leur église, à nous la mosquée.
+Il n'est pas resté femme ni jeune fille dans la ville qui n'ait été
+violée; celles qui voulaient résister ont été massacrées. Ah! comme les
+Grecs sont civilisés! Avec eux nous vivrons comme des frères.»</p>
+
+<p>... A travers une nuit sans étoiles, notre auto nous ramène à Doïran.</p>
+
+<h4>RENCONTRE DE VAINCUS</h4>
+
+<p>Lundi, 14 juillet.</p>
+
+<p>On annonce un convoi de prisonniers bulgares, butin vivant. Nous
+accourons.</p>
+
+<p>Au loin, une très grande masse mouvante. Grise dans la poussière grise,
+elle se confond avec elle sans en acquérir la légèreté. On dirait qu'on
+pave la route, tellement la marche de ces hommes qui viennent vers nous
+martèle le sol. Deux haies brillantes, de forme mince et effilée: ce
+sont les baïonnettes grecques qui jouent, fins papillons d'argent, dans
+un soleil aux teintes chaudes du cuivre. Une pause. Les prisonniers
+bulgares, .1.400 à 2.000, sont assis, boivent de l'eau, mangent du pain.
+Les soldats grecs vont de l'un à l'autre, leur portant des cigarettes et
+leur sourire. Une expression de bête fauve erre sur les figures rousses
+des Bulgares. Leurs officiers me regardent brutalement. Mon kodak leur
+fait horreur. Et, comme je le braque sur eux: «Madame, ça ne nous fait
+pas plaisir, ça! Otez votre appareil.» Et sur quel ton! J'en prends un
+aussi dur: «Est-ce que je vous demande si ça vous fait plaisir?» Mon
+petit appareil a fait son affaire... En route, la masse grise!...</p>
+
+<p>Un grand vent nous arrive, le vent du Vardar. Il a vu la guerre tout
+l'hiver: aussi sait-il faire la guerre. Le lac de Doïran montre ses
+dents blanches. Autour de nous le sable de la rive vole en poussière
+fine. Tentes, abris, tout est emporté; il fait même froid. Mais les
+officiers qui me surnomment «<i>la filleule de l'armée</i>» me donnent
+asile. Partout où je vais, chacun m'offre quelque chose: un morceau de
+fromage, un biscuit, du cognac. Tous les soldats ne savent quoi faire
+pour me rendre service. Ils m'appellent «camarade». Mais avec quel
+respect! Je suis fière de m'entendre appeler ainsi. Camarade des héros!</p>
+
+<p>En route pour le pont. Un grand pont en fer de 200 mètres que les
+Bulgares ont fait sauter. Le génie le répare. Le roi et les princes s'y
+rendent et nous les suivons. Le roi grimpe sur l'échelle, alerte et
+souple. A le voir ainsi, je ne peux pas me mettre dans l'idée qu'il est
+le roi: «Vous êtes un drôle de roi, Majesté! --Ah! je ne suis pas assez
+digne, hein?--Si, vous êtes très digne!--Qu'est-ce qui me manque,
+alors?--Rien: vous avez tout ce qu'il faut pour être roi, et plus qu'il
+ne faut...» Il rit, avec son bon rire franc et simple, et ses oreilles
+remuent; elles ont l'air d'accompagner les mouvements de sa pensée,
+rapide et saccadée: «Majesté, vos oreilles remuent; elles indiquent bien
+ce que vous pensez.» Il rit, puis, d'un bond, il se sauve à l'autre bout
+du pont. Il est très simple, oui, mais... autant, le regard doux et
+rieur, il est «le roi gamin» quand il plaisante avec vous, autant il
+devient ferme et pénétrant quand iï vous dévisage pour vous connaître.
+Lorsqu'il a cette attitude, aucune familiarité n'est permise. Tout à
+l'heure il paraissait être mon égal. Maintenant, il est mon roi. Tant,
+mieux. Je ne voudrais pas d'un roi qui serait mon égal.</p>
+
+<h4>LES CRIMES BULGARES DE DEMIR HISSAR ET SERÈS</h4>
+
+<p>Station de Hadji-Beylik, 15 juillet.</p>
+
+<p>Hier une occasion s'est offerte d'aller en camion automobile à Serès.
+Les Bulgares n'ont abandonné la ville qu'après l'avoir brûlée. Cent
+soixante des habitants ont été massacrés. Nous avons passé par Demir
+Hissar, délicieuse petite ville bâtie sur la colline, avec son pont
+couché sur les rochers, et ses cyprès au rêve turc. Des femmes, des
+enfants vont et viennent, des loques humaines, avec des figures de
+grande douleur et de grand désespoir. Un blessé se promène par les rues.
+Il a eu une aventure étrange. Avant de fuir, les Bulgares ont fait
+battre le tambour, ce qui, en tout pays, annonce aux habitants une
+communication importante. Ceux de Demir Hissar sortent donc en masse.
+Les soldats saisissent le métropolite, les prêtres, les notables, 150
+hommes en tout, et les conduisent à l'école bulgare. Dans la cour, un
+immense trou, fraîchement creusé. On les fait asseoir autour. Les
+pauvres gens comprennent. Le grand trou va être leur tombe. Ils sont là
+qui le regardent, et ils sourient comme des martyrs. Ils vont partir
+pour commencer la grande vie, celle que le Temps n'achève pas. Ils
+verront de là-haut l'armée hellénique victorieuse prendre possession de
+la terre qu'ils ont défendue pendant leur courte vie terrestre, qu'ils
+ont conservée grecque. Et ce sera leur &oelig;uvre.</p>
+
+<p>La baïonnette bulgare fonce et s'enfonce, dans une fureur de bête fauve.
+La chair frémit et se revêt de rouge. L'âme sourit et se revêt d'or. Un
+coup de baïonnette enlève la barbe du métropolite, avec le menton. Un
+autre fait voler les yeux qui tout à l'heure, vivants encore,
+contemplaient l'humanité. Un autre arrête la vie du c&oelig;ur qui sentait
+déjà l'éternité. Des doigts, des bras, des pieds, sont arrachés, jetés
+pêle-mêle. Elle hache, la baïonnette bulgare! Et ce hachis humain, ces
+masses qui n'ont plus de forme, les Bulgares les regardent. Ils
+ricanent, ils se redressent... Comme ils sont braves, les soldats du roi
+Ferdinand, les «Japonais de l'Europe», les «Prussiens des Balkans»!...</p>
+
+<p>Mais voici l'armée grecque!... Les cadavres restent, les assassins
+s'enfuient. Et le blessé raconte: «Après la première blessure, j'ai fait
+le mort. Quand ils sont partis, je me suis levé: les soldats grecs
+étaient là.»</p>
+
+<p>Des femmes passent: «Je n'ai plus de fils, madame, mais les Grecs sont
+là... Notre petite ville devient grecque. Gloire à Dieu!» Et une autre:
+«Mon père de quatre-vingt-quinze ans est mort. Mais vous avez vu son
+cadavre: il souriait à la grande Grèce!»<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Lette Leune.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008b.png"><br><b>Quatre des quarante-deux jeunes filles de<br> Demir Hissar
+outragées par les Bulgares.</b><br>--<i>Phot. J. Leune.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009a.png"><br><b>Dans les ruines de Serès: ce qui était un marché.</b></p>
+
+<p class="mid"><i>Photographies René Puaux.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009b.png"><br><b>Maisons incendiées et magasin pillé à Doxato.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009c.png"><br><b>SUR LE CHEMIN DE LA RETRAITE DE L'ARMÉE BULGARE:<br>
+HABITANTS GRECS DE DOXATO MASSACRÉS A COUPS DE CROSSE<br> ET DE BAÏONNETTE</b></p>
+
+<p><i>Emmenés «comme otages», le 13 juillet, par les cavaliers de
+l'arrière-garde bulgare, ces malheureux furent sauvagement exécutés à
+cinq cents mètres de la ville; c'est là que M. René Puaux, correspondant
+du «Temps», put prendre, quatre jours après, entre autres photographies,
+celle qui est reproduite ici, irrécusable et affreux témoignage d'une
+barbarie sans nom.</i></p>
+
+<p><i>Voir les autres photographies publiées en supplément.</i></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010.png"><br><b>A LA LIMITE DES FORCES HUMAINES.--Le bivouac de la<br>
+division serbe du Danube au Golemi-Vrh (le 20 juillet); des soldats qui
+sont en campagne depuis dix mois qui ont marché tous les jours
+précédents et qui viennent de se battre toute la nuit.</b><br> <i>Phot S.
+Tchernof.</i></p>
+
+<h3>UNE BATAILLE DE QUATRE JOURS</h3>
+
+<h4>LES PHASES DE LA VICTOIRE DE NIGRITA-KILKIZ-DOÏRAN</h4>
+
+<p>Doïran, juillet 1913.</p>
+
+<p>Lorsqu'on étudiera sans parti pris et dans le calme nécessaire les
+guerres d'Orient de 1912-1913, on devra reconnaître à la bataille de
+Nigrita-Kilkiz-Doïran une importance plus grande encore qu'à celle de
+Lule-Bourgas.</p>
+
+<p>Le total et la proportion des effectifs en présence étaient sensiblement
+les mêmes dans les deux batailles.</p>
+
+<p>Dans celle dont je vais résumer les phases, les Bulgares disposaient de
+85.000 à 90.000 hommes et les Grecs de 100.000 à 110.000 hommes. Mais,
+alors qu'à Lule-Bourgas le terrain est à peine accidenté, puisque la
+cote la plus forte du champ de bataille n'atteint que 143 mètres, ici
+les opérations se sont déroulées tout le temps en pays montagneux, avec
+des cotes de 400, 500 et 600 mètres, fourmillant de positions naturelles
+formidables. De Lule-Bourgas à Bounar-Hissar, il n'en est pas une seule
+comparable à celles de Lahana ou de Kilkiz, par exemple.</p>
+
+<p>D'autre part, les Turcs n'avaient pas fait là-bas des travaux de défense
+comme ceux qu'avaient préparés à Kilkiz les Bulgares, avec une science à
+laquelle on ne saurait trop rendre justice.</p>
+
+<p>Enfin, je veux espérer que l'Europe, qui a porté aux nues le soldat
+bulgare après sa fameuse victoire de Thrace, ne lui fera pas l'injure de
+croire maintenant qu'il n'était pas en Macédoine un adversaire
+singulièrement plus aguerri, plus solide et plus dangereux pour les
+Grecs, que ne le furent jamais les Turcs pour lui.</p>
+
+<p>Il faut donc reconnaître que, dans ces conditions, la victoire était
+pour les Grecs infiniment plus difficile à remporter sur les Bulgares
+qu'elle ne l'avait été pour ceux-ci à remporter sur les Turcs.</p>
+
+<p>Et j'ajouterai encore que les spécialistes les plus pointilleux n'auront
+plus cette fois à faire aux Grecs les objections qu'ils leur ont faites
+pour les batailles de Sarantaporou et de Yénitza, à savoir qu'elles ne
+comportaient pas, comme celle de Lule-Bourgas, toutes les phases
+«réglementaires» d'une grande bataille moderne, depuis le premier combat
+de rencontre entre l'avant-garde de l'armée qui se met en marche, après
+une première attaque manquée de l'ennemi, et les avant-postes de
+celui-ci dont elle ignore absolument les emplacements, jusqu'à la
+poursuite définitive que de brillantes contre-attaques du vaincu n'ont
+pu empêcher ni retarder.</p>
+
+<p>Ceci dit, voyons comment s'est développée cette bataille, non dans l'un
+ou l'autre de ses épisodes particuliers, mais dans son ensemble.</p>
+
+<h4>LES ARMÉES EN PRÉSENCE</h4>
+
+<p>Dans l'indiscutable intention de prendre un jour Salonique aux Grecs,
+les Bulgares avaient, ces deux derniers mois, massé entre Doïran et le
+Panghaion de 85 à 88 bataillons de 1.000 hommes avec 180 canons de
+campagne.</p>
+
+<p>Au commencement de juin, déjà, ils avaient attaqué les troupes grecques
+du Panghaion, leur prenant un certain nombre de positions nullement
+militaires, mais que le gouvernement grec avait tenu à faire occuper
+pour cette raison politique qu'on ne voulait pas les abandonner à des
+alliés dont on connaissait les intentions.</p>
+
+<p>Après cette première attaque, le gouvernement grec comprit qu'en toute
+sagesse il fallait désormais faire prendre à l'armée des positions
+purement militaires.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011.png"><br><b>
+Les bonds successifs qui ont permis à l'armée grecque de
+triompher, en quatre jours, à Nigrita, à Kilkiz et à Doïran. <i>Croquis de
+M. Jean Leune, visé par le chef d'état-major général.</i> Depuis, les Grecs
+ont progressé bien plus au nord, par Nevrokop, Melnik, Strumitza et les
+défilés de Kresna, jusque vers Djumaia et l'ancienne frontière bulgare.</b></p>
+
+<p>Les divisions grecques furent donc disposées comme suit:</p>
+
+<p>Une division entre Orfano et le lac Bezik;</p>
+
+<p>Une division entre le lac Bezik et le lac de Langada;</p>
+
+<p>Cinq divisions au nord et au nord-ouest de Salonique;</p>
+
+<p>Une division près de Benitza sur l'Axios-Vardar.</p>
+
+<p>Sur la ligne de démarcation, établie après entente entre le colonel
+Dousmanis et le général Ivanof, les Grecs laissèrent seulement de
+faibles détachements, en manière de postes frontières.</p>
+
+<p>Dans la nuit du 29 au 30 juin dernier, les Bulgares attaquaient par
+surprise ces dits postes, au Panghaion, à Nigrita et à Karasouli, comme
+ils attaquaient les Serbes près de Ghevgheli, sur l'Axios-Vardar et au
+nord.</p>
+
+<p>Bien entendu, les postes attaqués se retirèrent sur le gros des troupes;
+celles-ci aussitôt se mirent en marche pour repousser l'assaillant.</p>
+
+<p>Les directions d'attaque données aux divisions furent les suivantes:</p>
+
+<p>Division d'aile droite: Nigrita, pont d'Orliako, sur la Strouma;</p>
+
+<p>Division placée entre le lac Bezik et le lac de Langada
+(Bissoka-Lahana);</p>
+
+<p>Quatre divisions du centre: Kilkiz où l'on supposait que devait se
+trouver le gros des forces ennemies;</p>
+
+<p>(Une division, marchant sur la route carrossable de Salonique à Serès,
+servait de liaison entre le groupe du centre et l'aile droite, en même
+temps que de réserve prête à participer à l'action d'un côté ou de
+l'autre.)</p>
+
+<p>Enfin, division d'extrême gauche: ordre de passer l'Axios-Vardar au nord
+du lac Artzan et de marcher sur Doïran.</p>
+
+<p>L'attaque générale commença sur toute la ligne le 2 juillet au matin.
+Tout de suite, le centre se trouva en contact avec le gros des forces
+ennemies. Car les Bulgares, ayant transformé Kilkiz en une place
+fortifiée de tout premier ordre, destinée, en nouveau Plevna, à protéger
+leur base de ravitaillement établie à Doïran, en avaient, dans
+l'intention de surprendre Salonique, fait descendre toutes leurs forces
+vers le sud.</p>
+
+<p>A Ambarkeui, le 2 juillet, eut lieu la première rencontre. La bataille
+s'engagea avec une rage égale des deux côtés. Mais l'élan des Grecs vint
+à bout de la résistance des Bulgares qui durent se replier sur Kilkiz.
+Ce jour-là, des détachements grecs firent une marche de 30 kilomètres
+par une chaleur épouvantable et en se battant continuellement, les
+Bulgares ne lâchant le terrain que pas à pas.</p>
+
+<p>Comme le télégraphia très bien le colonel Dousmanis à M. Venizelos:
+«L'armée grecque avança comme un torrent!»</p>
+
+<h4>L'AVANCE SUR TOUTE LA LIGNE</h4>
+
+<p>Le lendemain, 3 juillet, les divisions du centre attaquaient Kilkiz par
+le sud.</p>
+
+<p>On comprend que les Bulgares aient défendu cette place avec plus que de
+l'acharnement puisque sa chute devait fatalement entraîner celle de
+Doïran, c'est-à-dire devait priver l'armée bulgare tout entière, celle
+opérant contre les Serbes en même temps que celle opérant contre les
+Grecs, de sa base de ravitaillement.</p>
+
+<p>Sur la droite, la colonne partie d'Aïvati et celle partie de Langadikia,
+entre les lacs de Langada et de Bezik, marchèrent vers le nord de façon
+à prendre la position très forte de Lahana située sur un petit plateau à
+l'altitude de 663 mètres, et commandant ainsi la route de Serès.</p>
+
+<p>De ces deux colonnes, celle de gauche quitta la route de Serès à
+Guiouvesna et se dirigea sur Karatsakeui.</p>
+
+<p>Les Bulgares se trouvaient solidement retranchés sur les hauteurs entre
+Stephania et Klèpes et à la cote 605. Leur résistance brisée le 2,
+toujours par cet élan infernal qui mérite bien maintenant de devenir
+aussi légendaire que la fameuse «<i>furia francese</i>», la colonne commença
+d'exécuter, par le nord de Lahana, un grand mouvement tournant qui
+l'amena sur les derrières des Bulgares.</p>
+
+<p>Pendant ce temps, la colonne de droite était montée au nord par
+Karasmerli et Zarovo (cote 525). Un détachement s'emparait de Likovani
+(cote 497) où il faisait prisonniers un grand nombre de Bulgares. Puis
+la colonne attaquait par le sud Lahana, attaquée au nord avec 24 canons
+par l'autre colonne et défendue avec rage par 16 bataillons
+d'infanterie.</p>
+
+<p>Lahana, tomba le 3 juillet. L'ennemi y abandonnait 12 canons dont 6 à
+tir rapide, beaucoup de caissons et de voitures ainsi qu'une grande
+quantité de fusils et de munitions.</p>
+
+<p>La colonne d'extrême droite, par Maslar-Saïta, monta contre Nigrita. Les
+Bulgares s'étaient fortifiés sur des hauteurs à l'ouest. Ils furent
+battus et se retirèrent le 3 vers la Strouma, après avoir incendié
+Nigrita et y avoir massacré les femmes, les enfants et les vieillards.</p>
+
+<p>Cette colonne poursuivit aussitôt les Bulgares jusqu'à la Strouma, en
+trouva le pont brûlé, mais commença d'en construire un nouveau le 4
+juillet.</p>
+
+<p>De ce côté donc, les Bulgares étaient partout battus et refoulés, de
+façon décisive.</p>
+
+<p>Durant ces opérations, les colonnes du centre ayant marché parallèlement
+vers le nord, par Ambarkeui et Avret Hissar, attaquaient Kilkiz.</p>
+
+<p>Après une journée et demie d'un combat de géants, le 4, la ville tomba.
+Ce qui découvrait complètement Doïran.</p>
+
+<p>Enfin, à l'extrême gauche, deux colonnes opérèrent, la plus importante
+au sud. Celle-ci, partie de Benitza, passa l'Axios-Vardar sur le pont du
+chemin de fer qui se trouve au nord de Karasouli, puis s'empara de la
+cote 250 qui commande le passage vers le nord, le 2 juillet. Après quoi,
+le 3, par Bagalitsa et la cote 350 elle s'en fut attaquer et déloger les
+Bulgares, solidement établis au sud de Matsikovo.</p>
+
+<p>La deuxième colonne (un bataillon et une batterie), partie de
+Karasinatsi, se dirigea sur Ghevgheli qu'elle prit le 3 juillet, passa
+l'Axios-Vardar et vint inopinément tomber sur les derrières des Bulgares
+de Matsikovo.</p>
+
+<p>Ceux-ci, pour ne pas être pris, durent se retirer dans la direction de
+Doïran. Ils essayèrent d'arrêter encore les Grecs aux défilés dits de
+Kalinovo. Ce fut une fois de plus inutile. Les défilés furent forcés,
+avec beaucoup de pertes, il est vrai, mais, à 6 heures du soir, les
+Bulgares étaient en fuite. 21 canons étaient pris de ce côté.
+Malheureusement, la fatigue extrême des troupes empêcha la poursuite
+vers Kilindir.</p>
+
+<p>Devant Doïran même, renforcés par les troupes battues à Kilkiz, les
+Bulgares livrèrent une dernière bataille désespérée sur les hauteurs qui
+défendent la ville au sud-ouest.</p>
+
+<p>La division bulgare qui combattit là avait pris une part active au siège
+d'Andrinople et tous les hommes portaient la croix de bravoure à eux
+décernée pour leur conduite au dit siège. Pendant l'assaut, on vit les
+soldats grecs arracher à l'uniforme de leurs ennemis tombés ces croix
+fameuses et se les attacher sur la poitrine...</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012.png"><br><b>
+Canons et caissons pris aux Bulgares à Kilkiz.</b>--<i>Phot.
+comm. par M. F. de Jessen.</i></p>
+
+<p>Doïran tomba enfin le 5 juillet, après un combat des plus sanglants.</p>
+
+<p>Ainsi était terminée la première grande bataille de la guerre
+gréco-bulgare, elle avait duré quatre jours pleins. Sur toute la ligne
+Nigrita-Doïran, les Bulgares étaient battus et chassés de leurs
+positions.</p>
+
+<h4><span class="sc">L'importance capitale de la prise de Doïran</span></h4>
+
+<p>On ne saurait trop insister sur l'importance considérable de ce succès
+remporté par les Grecs, succès décisif, non seulement en ce qui concerne
+les opérations grecques, mais encore et tout autant en ce qui concerne
+les opérations serbes. Les Bulgares, en effet, avaient fait de Doïran le
+centre général de ravitaillement de toute leur armée, tant au nord qu'au
+sud.</p>
+
+<p>Il y avait à cela des raisons excellentes. La Bulgarie elle-même, en
+tant que pays, peut d'autant moins subvenir seule à tous les besoins de
+son armée, que cette année a été des plus mauvaises pour elle, par suite
+de l'appel sous les drapeaux de tous les hommes de dix-huit à
+quarante-cinq ans, c'est-à-dire de toute la main-d'&oelig;uvre. Il lui faut
+donc tout faire venir du dehors. Pour cela, elle a deux ports
+d'importation: Varna et Dédéagatch, reliés à l'intérieur du pays par
+chemin de fer.</p>
+
+<p>Le premier port, Varna, est beaucoup trop éloigné du théâtre des
+opérations, auquel, d'ailleurs, il est insuffisamment relié pour pouvoir
+être utilisé. Ce fut donc par le second, Dédéagatch, que la Bulgarie fit
+entrer tout ce dont elle avait besoin en tant que vivres, fourrages et
+munitions.</p>
+
+<p>Mais elle prévoyait bien que, dans une guerre avec la Grèce, la flotte
+grecque, à qui rien ne pouvait être opposé, viendrait bloquer Dédéagatch
+et rendre ce port à son tour inutilisable. Donc, elle prit ses
+précautions en prévision de ce blocus. Elle résolut d'accumuler les
+vivres, pour des semaines et des mois au besoin, en un point qui soit
+sur le chemin de fer de Dédéagatch et en même temps assez loin de
+l'armée serbe, la seule dangereuse à son avis, pour ne pouvoir être
+menacée par elle.</p>
+
+<p>Doïran avait donc été choisi comme station centrale de ravitaillement.
+Pendant des semaines, le chemin de fer y avait amené directement de
+Dédéagatch, farine, haricots, riz, sucre, fourrages, etc. Des convois
+portaient de là les vivres aux deux armées.</p>
+
+<p>C'est pour protéger cette base de ravitaillement que les positions de
+Kilkiz, furent si formidablement couvertes de retranchements et de
+redoutes, jugées amplement suffisantes contre l'adversaire peu sérieux
+que seraient les Grecs, au cas invraisemblable où ils réussiraient à
+arriver jusque-là.</p>
+
+<p>Ils y sont arrivés pourtant. Et, après un succès d'une telle portée, qui
+donc pourrait encore mettre en doute la valeur de l'armée hellénique et
+de ses chefs?</p>
+
+<p>Le chiffre des pertes grecques qui, sur toute la ligne et pour quatre
+jours de bataille ont atteint 10.000 hommes (beaucoup d'officiers, dont
+6 colonels, hors de combat); celui des pertes bulgares qui sont
+supérieures encore; c'est-à-dire un total de pertes de 20.000 à 25.000
+hommes,--voilà une dernière preuve irréfutable de l'importance et de la
+gravité de cette bataille....<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Jean Leune.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>DANS LES TRANCHÉES SERBES, SUR LA FRONTIÈRE BULGARE</h3>
+
+<h4>VERS LE FRONT, EN AVANT d'EGRI-PALANKA</h4>
+
+<p>Egri-Palanka, 17 juillet.</p>
+
+<p>Nous venons de quitter ce matin, pour le front, le bivouac du quartier
+général de la première armée, établi, depuis le 14 juillet, à
+Tserni-Vrh.</p>
+
+<p>Notre départ du camp du prince royal ne manquait pas de pittoresque. Aux
+premières lueurs du jour, on voyait sur les pentes abruptes et sauvages
+du Tserni-Vrh (Montagne Noire) quelques fiacres à l'aspect douteux, qui
+jadis avaient dû servir à véhiculer les élégants d'Uskub, et qui,
+maintenant, au milieu de ces scènes de guerre, haletaient péniblement en
+gravissant les contreforts rocheux de la montagne, alourdis de toute la
+mauvaise humeur d'étranges correspondants, aussi pesants que
+germaniques.</p>
+
+<p>La belle jeunesse dont, avec Reginald Kann, je m'honorais d'être,
+caracolait sur quelques coursiers assez peu fringants et de taille
+minuscule autour du capitaine Stoïanovitch, chargé de nous guider.</p>
+
+<p>C'est au milieu d'un paysage alpestre que de Tserni-Vrh nous descendîmes
+par une excellente route en lacets, aménagée par le génie serbe, sur
+Kratovo d'abord, puis sur la vallée de la Kriva que nous devions
+remonter jusqu'à notre gîte d'étape pour ce soir.</p>
+
+<p>Kratovo, petite ville enfouie au fond du thalweg de la Kratovska,
+étroitement serrée entre deux murailles grises de rocs dénudés qui la
+dominent à pic, ressemble, avec ses toits de tuiles brunes et ses
+minarets rouges, à un champ fraîchement labouré où seraient fichées en
+terre des lances encore sanglantes. Quelques restes de ruines curieuses
+appartenant à l'époque de la féodalité byzantine attestent l'antique
+existence de la petite cité où plus rien ne vit, plus rien ne se meut.
+La guerre avec ses horreurs est trop près, les habitants ont disparu
+fuyant à l'aventure, et, dans les champs, les moissons sèchent sur pied,
+oubliées, inutiles. Cependant, un peu plus loin, des femmes, la faucille
+à la main, tranchent quelques épis et tentent, pendant qu'il en est
+temps encore, d'amasser le maigre butin de quelques gerbes.</p>
+
+<p>Notre cavalerie d'avant-garde s'arrête soudain: une nouvelle désastreuse
+nous parvient, apportée par une estafette restée à l'escorte des
+voitures. Deux sapins ont versé: l'un d'eux portait la précieuse
+personne de Herr Professor K..., docteur de l'Université de Leipzig et
+correspondant des <i>Leipziger Nachrichten</i>. Le professeur avait trois
+dents cassées, mais, fait plus grave, il s'était effondré, paraît-il, au
+milieu d'un panier rempli d'&oelig;ufs destinés à notre déjeuner, et tous, en
+ch&oelig;ur, d'estimer qu'il aurait mieux valu que le professeur se fût cassé
+quatre dents et qu'il n'eût point fait d'omelette. Nous volâmes
+cependant à son secours et nous eûmes la double satisfaction de le
+retrouver un peu meurtri, mais avec sa mâchoire intacte, tandis que par
+ailleurs notre provision d'&oelig;ufs n'était pas trop compromise. Notre
+estafette avait exagéré.</p>
+
+<p>A hauteur des contreforts de Strazin, réduit de la position serbe, nous
+rejoignons la grand'route qui de Kumanovo se dirige sur Egri-Palanka,
+gravit le col du même nom, et, redescendant sur Kustendil, mène
+directement à Sofia. C'est, à l'heure actuelle, la ligne de
+communication de la première armée serbe entière qui a serré sur le
+front Tsar-Vrh-Golemi, concentrant ses forces en vue de la bataille
+probable. La route nous apparaît sur toute sa longueur dans la vallée de
+la Kriva, surmontée de hautes colonnes de poussière épaisse,
+qu'inlassablement y soulève le double courant des convois qui montent et
+qui descendent. Nous nous plongeons dans ce brouillard opaque et nous
+atteignons enfin Egri-Palanka.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013a.png"><br><b>Situation générale du 17 juillet 1913.--<i>Croquis par A.
+de Penennrun.</i> Les disques grisés en traits verticaux et sans numéros
+désignent les divisions serbes; les disques avec numéros, les divisions
+bulgares. Depuis le 17 juillet, les Serbes sont restés stationnaires,
+mais l'armée hellénique a progressé jusqu'à Djoumaïa.</b></p>
+
+<p>18 juillet.</p>
+
+<p>L'écho de la canonnade, amplifié par les parois rocheuses de la vallée,
+nous éveille de bonne heure ce matin, cependant que des nuées épaisses
+se résolvent en pluie et voilent d'un épais rideau l'horizon hier soir
+encore si bleu, si clair, si radieux. Nous sommes campés sur les bords
+mêmes de la Kriva limoneuse et jaune, serpentant à travers la petite
+cité aux éternels toits de tuiles qui, depuis Smyrne, à travers la
+Thrace, et jusqu'en Macédoine, caractérisent les villages turcs. Le site
+d'ailleurs est ravissant: au fond du thalweg de la rivière entourée de
+hauts peupliers, de saules et de frênes, que la pluie rend encore plus
+verdoyants, Egri-Palanka, avec la couleur vive de ses maisons, ses fins
+minarets blancs, sa petite église grecque en torchis brunâtre, semble
+reposer et dormir, paradis du rêve et de la fraîcheur, au milieu des
+brutales réalités que la guerre et ses horreurs déchaînent autour
+d'elle.</p>
+
+<p>Malgré la bienveillance constante dont nous sommes entourés, nous ne
+pouvons encore circuler seuls et courir aux positions comme l'envie
+furieuse nous en prend tandis que le canon continue à faire entendre sa
+voix dans la montagne. La journée se passe assez tristement sous un
+déluge d'eau. La soirée s'achève dans un orage terrible; les roulements
+du tonnerre se confondent bizarrement avec, ceux du canon, agrandis
+formidablement par l'écho des gorges profondes de la vallée de la Kriva.</p>
+
+<h4>UN COMBAT VU DE PRÈS SOUS LE FEU DES BULGARES</h4>
+
+<p> 19 juillet.</p>
+
+<p>La pluie a cessé au milieu de la nuit en même temps que l'orage et,
+comme si ce fût un signal, la canonnade a repris, violente, hachée, plus
+proche que jamais. Nous n'y tenons plus d'impatience quand, grâce à
+Dieu, l'autorisation de se rendre au front nous est accordée. Le temps
+de seller nos chevaux et nous disparaissons hâtivement par la sortie
+nord d'Egri-Palanka; nous remontons la Kriva en suivant la route qui en
+longe les bords et qui mène au col de Deve-Bajir et à Kustendil. Au
+confluent de la Kiselitza nous l'abandonnons et, par un chemin en lacets
+que s'efforce d'améliorer une compagnie du génie, nous montons à
+Zedilovo. En bas, sur la route, passent deux compagnies d'infanterie qui
+appuient vers la droite pour renforcer la chaîne de tirailleurs; un peu
+au delà, une section de télégraphistes réparent la ligne télégraphique
+d'État dont: les poteaux arrachés pendent lamentablement au-dessus du
+lit de la rivière. A notre gauche, trois ou quatre shrapnells fusent
+au-dessus d'un coteau boisé où crépite la fusillade. Nous continuons à
+monter, péniblement, car le chemin est dur et la pente fort raide. Mais
+notre ardeur est stimulée par les détonations qui semblent très proches
+sur l'autre revers de la hauteur que nous gravissons. Parvenus au sommet
+de notre ascension, nous nous apercevons qu'un ravin très profond nous
+sépare encore du sommet même de Zedilovo où nous distinguons des pièces
+en batterie et quelques sections d'infanterie déployées tout autour.
+Après avoir abandonné nos chevaux, nous dégringolons dans un thalweg
+parsemé de caissons et, à nouveau, nous remontons vers la crête, au
+milieu d'un petit bois dont, les arbres, marqués de trous ronds et
+hachés par places, indiquent la, violence du combat qui s'est livré là.
+Au milieu du bois, deux ou trois chaumières abandonnées achèvent de
+brûler, répandant une odeur fade de cendres chaudes. Le long du chemin,
+des artilleurs serbes gravissent eux aussi la pente, portant chacun deux
+cartouches à obus. La longue théorie qu'ils forment ainsi relie d'une
+chaîne continue les caissons du parc d'artillerie que l'on a dû laisser
+en bas avec les attelages, aux pièces montées là-haut, à la bricole,
+dans un terrain impossible, avec leurs caissons de premier
+ravitaillement.</p>
+
+<p>Nous arrivons à la batterie postée légèrement en arrière de la crête.
+Les quatre pièces sont là, mais, à notre grande surprise, au lieu de
+rester dans les encastrements construits avec soin pour elles et où
+demeurent encore leurs caissons, elles ont été poussées en crête, à
+peine au défilement de l'homme debout. La raison nous en est bientôt
+donnée par le très distingué commandant de la batterie. Imperturbable,
+pendant que quelques balles bulgares passent en sifflant autour de nous,
+il nous explique les phases du combat qui se termine. Zedilovo forme en
+avant du confluent de la Kriva et de la Kiselitza une espèce de coin qui
+s'enfonce entre les deux lignes des armées adverses. Sa possession est
+d'assez grosse importance, car elle permet à celui qui le tient
+d'assurer sur les flancs de la position ennemie une convergence de feu
+en concordance avec les éléments moins avancés de la ligne. La carte
+parle d'elle-même aux yeux. En résumé, cette hauteur jouit de tous les
+avantages et de tous les inconvénients d'un saillant.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013b.png"><br><b>Combat de Zedilovo (19 juillet). La croix près de la côte
+1142<br> indique le point de stationnement du correspondant de</b>
+<i>L'Illustration.</i></p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/013c.png"><br><b>
+Shrapnell bulgare éclatant au-dessus d'une<br>
+tranchée serbe, à Deve-Bajir.</b>--<i>Phot. A. de<br> Penennrun.</i></p>
+
+<p>Avant-hier, 17, les Bulgares en étaient encore maîtres, quand, par une
+attaque brusquée, les Serbes, profitant du défilement que donnent les
+nombreux angles morts d'un pays aussi découpé, se jetèrent sur les
+avant-postes bulgares au moment d'une relève et les repoussèrent sur la
+ligne frontière qui constitue leur position principale de défense.
+Immédiatement, de l'artillerie fut amenée sur Zedilovo, avec la plus
+grosse peine, il est vrai, mais, dès le 18, elle se trouvait en mesure
+d'ouvrir le feu et de gêner considérablement les éléments avancés de
+l'ennemi. Celui-ci ne se tint pas pour battu, et, cette nuit, à 3 h. 1/2
+du matin, il dirigea une attaque sur Zedilovo, attaque prononcée par un
+régiment entier à 4 bataillons, appuyé par 3 batteries de campagne et
+une batterie d'obusiers en position sur les crêtes de Sivri-Tépé. On
+nous les montre d'ailleurs, et à la jumelle je distingue notamment très
+bien l'une d'elles, dont les quatre pièces se silhouettent sur le revers
+d'une pente descendant vers le Karakol de Deve-Bajir.</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014.png"><br><b>Funérailles du lieutenant serbe Marinkovitch, du 9e
+d'infanterie, qui eut la tête broyée par un obus au combat de Zedilovo
+(19 juillet). Le couvercle du cercueil est porté derrière le corps, qui
+reste découvert pendant la cérémonie.</b>--<i>Phot. A. de Penennrun.</i></p>
+
+<p>L'infanterie bulgare attaqua en deux colonnes, fortes de deux bataillons
+chacune, l'une venant directement de Sivri-Tépé, l'autre de Deve-Bajir
+et de la maison douanière qui, à la frontière bulgare, se trouve au haut
+du col que gravit la route d'Egri-Palanka à Kustendil.</p>
+
+<p>Le terrain se prête merveilleusement à une action défensive, un
+véritable glacis en pente douce montant vers les tranchées serbes.
+Parvenus à 500 ou 600 mètres, les fantassins bulgares furent accueillis
+par un feu violent d'infanterie. C'est à ce moment que le commandant de
+la batterie, qui nous raconte tout ceci, fit pousser à bras ses pièces
+sur la crête où elles sont encore et fit ouvrir le feu en fauchant (1)
+sur la ligne de tirailleurs ennemis. L'effet fut décisif: les Bulgares
+s'arrêtèrent, puis refluèrent à quelque 300 ou 400 mètres plus en
+arrière, sur une crête intermédiaire où nous apercevons maintenant leurs
+tranchées.</p>
+
+<blockquote>Note 1: On appelle tir de fauchage sur une hausse déterminée, un tir où
+chaque pièce de la batterie tire trois coups en coulissant à chacun de
+deux tours de manivelle sur son essieu. Cela permet de battre ainsi une
+plus grande largeur de front et est par suite d'un excellent effet
+contre une longue ligne d'infanterie comme est la chaîne de
+tirailleurs.</blockquote>
+
+<p>De temps à autre, partant de là-bas, quelques coups de feu à notre
+adresse auxquels, d'un peu plus loin, à 100 mètres en avant de nous,
+répondent les Serbes. Nous désirons vivement aller voir les fantassins
+dans leurs tranchées. Nous nous y rendons, en profitant d'un moment
+d'accalmie. D'ailleurs, à peine dans la tranchée, quelques
+froufroutements caractéristiques qui claquent dans la terre comme des
+coups de fouet, marquent que notre arrivée n'a point passé inaperçue.</p>
+
+<p>Dans l'abri merveilleux que la savante ingéniosité des Serbes a
+construit, c'est l'absolue sécurité. Un épais remblai, adroitement
+dissimulé par des mottes de gazon, des pare-balles transversaux pour
+protéger la tête des tireurs, assurent non seulement le maximum de
+tranquillité mais même un bien-être relatif à l'infanterie qui s'y
+trouve abritée non seulement des balles, mais encore de la pluie et du
+froid. Rassemblant mes faibles connaissances de la langue serbe, je
+parle avec les hommes qui causent et fument, parfaitement insouciants.
+Quand quelques claquements de fouet annoncent l'arrivée des balles
+bulgares, ils rient et plaisantent. Lorsqu'un peu plus tard je retourne
+en arrière, tous souhaitent au Français qui s'en va un cordial au
+revoir: «Sbogom! (Avec Dieu!)», me disent-ils... et je m'éloigne en
+répétant: «Avec Dieu! Sbogom!», tandis que des balles bulgares
+s'enfoncent dans la terre de la tranchée que je viens de quitter et
+s'enfuient en jurant dans l'air calme après avoir ricoché derrière nous.</p>
+
+<p>L'attaque sur la droite, venant de Deve-Bajir, n'a pas eu plus de
+succès. Malgré une certaine supériorité numérique, les Bulgares ne
+réussirent pas dans leur tentative, arrêtés par le feu d'infanterie et
+aussi par le feu d'écharpe que les deux pièces de droite de la batterie
+de Zedilovo purent exécuter contre eux en opérant un changement
+d'objectif de ce côté.</p>
+
+<p>Les pertes, serbes furent légères: la batterie eut un pointeur tué et un
+servant blessé. Vers la droite, elle furent un peu plus sensibles:
+environ une quarantaine d'hommes ont été mis hors de combat, parmi
+ceux-ci un lieutenant dont la tête fut arrachée par un obus. Mais, pour
+intéressant qu'il fût, ce petit combat ne présente en somme qu'une
+importance médiocre. L'attaque bulgare fut à tout prendre assez peu
+énergique, et je me demande quelle pouvait bien être ici l'intention de
+l'ennemi.</p>
+
+<p>Nous vivons dans le noir le plus absolu que seuls un commencement de
+négociations ou une man&oelig;uvre assez osée des Bulgares peuvent expliquer.
+L'inactivité générale qui règne autour de nous permet toutes les
+suppositions.</p>
+
+<p>En même temps que les troupes de la 12e division bulgare attaquaient
+ainsi Zedilovo, d'autres tentatives avaient lieu un peu partout à gauche
+de la première armée vers Golemi-Vrh, à droite vers Tsar-Vrh. D'après le
+communiqué de ce soir, la tentative de Golemi-Vrh n'aurait pas eu
+d'importance. Il n'en serait pas de même de ce qui a dû se passer plus
+au sud. Les Monténégrins ne paraissent pas avoir très bien tenu leur
+ligne, et ils auraient dû reculer sur Pobyem. Mais, secourus par un
+régiment serbe descendu de Tsar-Vrh et qui aurait pris l'attaque bulgare
+en flanc, les régiments monténégrins auraient repoussé l'ennemi et se
+seraient même avancés jusqu'à Siva-Kobila.</p>
+
+<p>Quoi qu'il en soit, ces pointes de l'ennemi, ou ces reconnaissances,
+comme on voudra les appeler, prouvent à mon avis qu'il n'est pas aussi
+affaibli moralement qu'on l'avait d'abord pensé et qu'il est encore
+susceptible d'une certaine activité.</p>
+
+<p>Ce que l'on pourrait regretter ici, c'est la trop grande somme de temps
+jusqu'alors dépensée par les Serbes dans leur concentration et leur
+préparation à la bataille. Je sais, il est vrai, que voici la première
+fois au monde que l'on exécute de la guerre de masses, de la guerre
+d'armées, dans un pays de montagnes où les, sommets dépassant 2.000
+mètres ne sont pas l'exception, que les voies de communications y sont
+précaires, que mille raisons portent à ne rien hasarder... Mais c'est
+précisément ce que j'aurais voulu voir: hasarder quelque chose,
+sacrifier à l'audace et ne point laisser à l'adversaire un temps
+précieux dont il ne peut que profiter.</p>
+
+<p>A cette légère critique près, tout ici semble en excellente condition,
+approvisionnements, munitions, moral... Le moral surtout est admirable.
+Depuis le capitaine, qui, posément, nous expliquait le combat du matin,
+où sa batterie venait de tirer près de 200 coups par pièce, jusqu'aux
+soldats que je voyais plaisanter entre deux coups de feu dans la
+tranchée tout à l'heure, tous manifestent non seulement la meilleure
+bonne volonté, mais même le courage le plus ardent, l'enthousiasme le
+plus pur. Pendant que nous revenons vers Egri-Palanka, nous dépassons
+les blessés, qui reviennent du front: pas un cri, pas 'un geste, pas un
+murmure. Ce gens-là sont de vrais soldats, ils savent souffrir et
+mourir.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Alain de Penennrun.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>Le camp des «Eclaireurs de France» et de leurs camarades<br>
+étrangers près de la Grande-Chartreuse.</b> <i>Phot.</i> Matin.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/015b.png"><br><b>Eclaireurs dressant leur tente.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/015c.png"><br><b>La toilette du matin à la fontaine.</b><br>--<i>Phot. Ramtaud.</i>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+<h3>LES «ÉCLAIREURS DE FRANCE» EN DAUPHINÉ</h3>
+
+<p>Sous les auspices de la section grenobloise des Eclaireurs de France et
+de notre excellent confrère le <i>Matin</i>, attentif, toujours, à toutes les
+manifestations où le sentiment patriotique est intéressé, se tient, en
+ce moment, une première fête internationale des «Eclaireurs», dans l'une
+des régions les plus parfaitement pittoresques, les plus variées, les
+plus attirantes qui soient en France: en Dauphiné.</p>
+
+<p>Par le <i>Matin</i>, nous sommes tenus, au jour le jour, au courant des faits
+et gestes de ces enfants alertes et débrouillards, accueillis avec une
+touchante sollicitude qui est allée jusqu'à prévoir le service religieux
+«pour les différents cultes». Ç'a été d'abord, après la réception
+officielle à Grenoble, l'installation du camp, à
+Saint-Pierre-de-Chartreuse, en face de l'Alpe dominatrice, et la joie
+divine d'édifier de ses mains son toit de toile; puis, dimanche, «une
+fête du camp», avec les tentes parées de guirlandes et de festons, et
+une visite à la Grande-Chartreuse, des excursions en montagne, et des
+jeux, et des sports,--enfin, huit jours de vie d'initiative,
+d'émulation, de fraternelle solidarité, de vie saine et bienfaisante
+sous la tente ou «au foin!», tour à tour dans les nobles futaies, du
+côté de la Chartreuse, et dans l'Oisans et l'Alpe d'Huez plus sévères.</p>
+
+<br><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/016a.png"><br><b>Sophonisbe (Mme Bartet) et Massinissa (M. Albert
+Lambert). (Acte II, Scène III.)</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/016b.png"><br><b>L'entrevue de Sophonisbe (Mme Bartet) et de Syphax
+prisonnier (M. Mounet-Sully), en présence de Scipion (M. Raphaël
+Duflos). (Acte III, Scène V.)</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>
+La mort de Sophonisbe. (Acte IV, Scène dernière.)</b>
+<br>--<i>Photographies Bert, prises aux répétitions sur la scène de
+l'Opéra-Comique.</i></p>
+
+<h3>LES GRANDS TRAGÉDIENS DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE INTERPRÉTANT «SOPHONISBE»,
+DE M. ALFRED POIZAT</h3>
+
+<p><i>Sophonisbe</i>, tragédie en quatre actes, de M. Alfred Poizat, que <i>La
+Petite Illustration</i> publie d'autre part, a été remarquablement mise à
+la scène par la Comédie-Française qui vient de l'inscrire à son
+répertoire. Mais, avant d'offrir ce spectacle à ses abonnés, elle en
+aura donné la première représentation devant le Mur d'Orange. Les trois
+scènes que nous en reproduisons ont été prises au cours des répétitions
+sur le «plateau» de l'Opéra-Comique où la Comédie-Française a
+transporté momentanément ses pénates. C'est pendant la seconde guerre
+punique, à Cirta, Sophonisbe, qui, pour des raisons politiques, dut
+épouser, naguère, le vieux roi Syphax, n'a pas cessé d'aimer Massinissa,
+le guerrier numide qui, par dépit, a contracté alliance avec Scipion, le
+chef de l'armée romaine. Il vient d'entrer victorieux dans la ville
+comme on annonce à la reine que Syphax, son époux, a succombé sur le
+rempart. Retrouvant Sophonisbe, il lui exprime son amour et lui fait
+jurer de l'épouser. Mais Scipion s'oppose, au nom de Rome, à ce mariage
+et, comme Sophonisbe lui résiste, il commande qu'on amène Syphax qui
+n'est pas mort mais seulement prisonnier des Romains. Alors, ne pouvant
+se résoudre à sacrifier un de ses époux à l'autre, Sophonisbe ne voit de
+solution que dans la mort. Elle boit la ciguë et expire devant
+Massinissa et Scipion.</p>
+
+<br><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 30%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/017a.png"><br><b>Le colonel Repond, commandant de la garde suisse
+pontificale.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 40%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/017b.png"><br><b>La relève des sentinelles aux portes du Vatican.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 30%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/017c.png"><br><b>Le capitaine Glasson, instructeur des recrues de la
+garde, démissionnaire.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+<h3>UNE MUTINERIE AU VATICAN</h3>
+
+<p class="mid"><i>Notre correspondant de Rome nous écrit:</i></p>
+
+<p>Rome, 26 juillet.</p>
+
+<p>Un beau soleil de juillet inonde la cour de Sainte-Anne, quartier de la
+garde suisse pontificale. Près des portes, dans leur pittoresque costume
+noir, jaune et rouge dessiné par Raphaël, les soldats veillent. Le calme
+règne sur toute chose et l'on hésiterait à penser que l'on sort à peine
+d'un <i>pronunciamiento.</i></p>
+
+<p>En effet, pendant sept jours la rébellion a sévi dans la troupe que
+commande le colonel Repond, et dont <i>L'Illustration</i> l'an dernier
+(numéro du 8 juin 1912), à l'occasion de l'assermentation des recrues,
+disait la belle tenue martiale.</p>
+
+<p>Le mardi. 17 juillet, au moment de prendre la garde, 21 soldats
+déclarèrent refuser de marcher tant que leur instructeur, le capitaine
+Glasson, neveu du colonel Repond, ne serait pas licencié. Sur l'ordre de
+leur major, ils obéirent néanmoins, après avoir reçu l'assurance que le
+cardinal Merry del Val, chef suprême de l'armée pontificale, serait
+informé de l'incident.</p>
+
+<p>Deux heures après, le capitaine Glasson quittait le Vatican en congé
+illimité.</p>
+
+<p>On eût pu croire que tout était terminé, mais les mutins, conduits par
+quelques jeunes recrues turbulentes, voulurent davantage. Ils firent
+remettre au Saint-Père un mémoire demandant, en particulier, la
+réduction des exercices--pour lesquels ils revêtent une tenue moins
+somptueuse que leur uniforme de parade--la nomination des officiers
+parmi les sous-officiers du corps, et enfin l'autorisation de fréquenter
+les <i>osterie</i> du Borgo, dont l'accès leur avait été interdit par le
+colonel Repond.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/017d.png"><br>
+<b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le drapeau pontifical et sa garde.</b></p>
+
+<p>Dimanche matin, au rapport, le colonel ayant annoncé que les rebelles
+seraient punis, des scènes regrettables se produisirent, et l'on jugea
+prudent de retirer aux mutins fusils et munitions.</p>
+
+<p>L'anxiété fut grande au Vatican en attendant la décision papale. En
+ville, les quotidiens romains, enchantés de trouver matière à articles
+sensationnels, faisaient des prodiges d'imagination: on découvrait des
+complots anti-italiens, les journaux ministériels annonçaient la
+disparition de la garde, tandis que ceux de l'opposition prévoyaient la
+création d'un corps de zouaves pontificaux. Enfin, d'un commun accord,
+tous annonçaient que le colonel Repond, marié depuis six mois, était en
+voyage de noce, et que la révolte interrompait une lune de miel...</p>
+
+<p>C'était beaucoup de bruit pour peu de chose. En réalité, la discipline
+imposée par le colonel suisse, qui commande depuis trois ans la garde
+pontificale, a été respectée, puisque la révolte s'est passée sans que
+jamais le service du pape en souffrît. Les sous-officiers et les vieux
+soldats, de même que les jeunes mutins, avaient promis à leur chapelain,
+Mgr Corragioni d'Orelli, que tout se passerait sans scandale. Ils ont
+tenu parole: dimanche après-midi, quelques heures après que la scène la
+plus tumultueuse de la révolte se fut déroulée dans la cour de la
+caserne, la garde, <i>in corpore</i>, faisait le service d'honneur pendant
+une audience que Pie X donnait aux pèlerins américains.</p>
+
+<p>Il a suffi, mercredi matin, d'une lettre de Pie X, exprimant sa douleur
+de voir la vieille garde, qui s'est tant de fois couverte de gloire au
+cours des siècles, suivre quelques meneurs et commettre des actes graves
+d'indiscipline, pour que les soldats se soumissent et acceptassent
+tranquillement les sentences prononcées par leurs supérieurs.</p>
+
+<p>Le capitaine Glasson, qui a traité sa troupe avec beaucoup trop de
+dédain et de morgue, a été invité à donner sa démission, et trois des
+chefs de la mutinerie ont été expulsés.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Robert Vaucher.</span></span></p><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/017e.png"><br><b>La tenue que n'aiment pas les gardes pontificaux; celle,
+qu'ils portent à l'exercice.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/017f.png"><br><b>L'uniforme qui leur plaît; celui qu'ils revêtent pour la
+parade.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><i>Photographies Felici.</i></p>
+
+<br><br>
+
+<h3>CE QU'IL FAUT VOIR</h3>
+
+<h4>PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER</h4>
+
+<p>Les vacances entraînent Paris hors de chez lui. Mais elles ramènent chez
+lui, par milliers, les étrangers en vacances, et de ce chassé-croisé, il
+résulte que l'époque de l'année où nos boulevards sont le plus encombrés
+est justement celle où--théoriquement--«il n'y a plus personne à Paris».</p>
+
+<p>Ces visiteurs trouveront, durant ces deux mois d'août et de septembre,
+la ville un peu différente de ce qu'elle était à la fin de la <i>saison</i>,
+avant que s'ouvrît la période des grands «déplacements»; différente
+aussi de ce qu'elle recommencera d'être à l'automne, quand y sera
+revenue l'armée indigène... c'est-à-dire ce que les courriéristes
+mondains appellent «Tout Paris».</p>
+
+<p>Ils n'y connaîtront ni la fièvre des premières représentations, ni les
+fortes émotions sportives de l'été, ni le tapage des «grandes ventes»,
+ni l'amusement des vernissages à la mode, ni le plaisir de risquer la
+syncope dans les cohues des grands magasins... Mais ils jouiront d'un
+<i>autre</i> Paris; et de cette ville désertée par l'élite de ses résidants
+ordinaires, ils auront une vision qui a son charme. Car Paris sans
+Parisiens est aussi une chose à voir.</p>
+
+<p>C'est même une chose ravissante. Avez-vous vu Nice l'été, après y avoir
+subi les bousculades élégantes de l'hiver? C'est une surprise et un
+enchantement. La ville est comme enveloppée de torpeur. En même temps
+que la chaleur de l'été, le silence est tombé sur elle. Les hôtels se
+sont vidés; les musiques se sont tues, et la gaieté des choses n'a plus
+rien d'international. C'est une gaieté simple ment niçoise.</p>
+
+<p>Les rues sont presque désertes; et sur les chaussées où les verdures des
+platanes répandent une ombre douce, des enfants jouent; et ce sont, ô
+miracle, des enfants de Nice, qui ne parlent ni anglais, ni allemand, ni
+russe, ni même parisien. Au long des boutiques, sur les trottoirs, des
+chaises sont posées, et sur ces chaises somnolent ou bavardent des
+familles de marchands qu'aucune clientèle n'importune. On regarde tout
+cela... et l'on s'aperçoit que cette ville est pleine de belles filles,
+d'enfants admirables qu'on ignorait, et dont la grâce et la gaieté
+s'harmonisent si joliment avec celles du décor charmant qui les encadre.
+Dépouillée de ses attraits d'hiver, qui la chargeaient comme une parure
+de bijoux faux, Nice se révèle délicieusement, dans la nudité de son
+charme véritable.</p>
+
+<p>Et c'est ainsi que va s'offrir aux foules étrangères, pendant deux mois,
+notre paisible Paris d'été. Des théâtres où l'on ne s'écrase pas; des
+carrefours où se croisent, à tour de roues, des auto-taxis débonnaires;
+des restaurants où l'on est assuré de trouver libre la place qu'on
+voulait prendre; des jardins publics, un bois de Boulogne où l'on ne
+rencontre que des oiseaux, des cantonniers qui arrosent, et des amoureux
+qui n'ont pas le moyen de quitter Paris; enfin, des musées pleins de
+fraîcheur, où l'on a tout le loisir de rêver, sans être dérangé par
+personne, devant le tableau qu'on aime. Ah! les flâneries d'été, dans
+nos musées!</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Il faut voir celui du Petit Palais; non seulement parce qu'il est un des
+plus adorable ment situés de Paris, et parce qu'il possède d'exquises
+richesses (il n'est pas un musée, je crois, où Carpeaux, Dalou, Ziem,
+Henner Carriès, soient plus splendidement représentés) mais parce qu'une
+attraction nouvelle s'y offre à nous depuis quelques jours.</p>
+
+<p>On sait qu'il existe chez nous un prodigieux musée secret: c'est le
+Garde-Meuble national. Cet établissement, où ne sont admis que les
+fonctionnaires chargés de l'administrer et le personnel préposé à la
+surveillance et à l'entretien des objets qui y sont déposés, contient
+des trésors véritables dont le public ne soupçonnerait pas l'existence
+si, de temps en temps permission n'était donnée de tirer ces trésor, de
+leur prison et de nous en laisser voir quelque chose.</p>
+
+<p>Cette fois, c'est à l'intervention de l'actif et ingénieux conservateur
+du Petit Palais, M. Henry Lapauze, que nous devons ce plaisir. M.
+Lapauze a obtenu de M. le sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts que lui
+fussent prêtées, pour être placées sous les yeux des visiteurs du Petit
+Palais, quelques-unes des plus belles tapisseries que possède le
+Garde-Meuble. Il s'agit de la série dite de la <i>Galerie de Saint-Cloud</i>,
+et qui est la reproduction, exécutée en 1685 par les Gobelins, de
+tableaux composés une dizaine d'années auparavant par Mignard pour le
+château de Saint-Cloud.</p>
+
+<p>Le château de Saint-Cloud venait d'être acheté, à cette époque, au
+contrôleur d'Hervard pour servir de maison de campagne au duc d'Orléans,
+frère du roi. Et six tableaux avaient été commandés à Pierre Mignard,
+pour le plafond de la galerie principale du château: les Saisons, et
+deux scènes mythologiques: <i>Latone</i> et le <i>Parnasse</i>. Ces tableaux sont
+aujourd'hui détruits. Soyons donc reconnaissants au ministre Louvois de
+la bonne idée qu'il eut d'en ordonner aux Gobelins la reproduction; car
+ces «copies» sont des chefs-d'&oelig;uvre.</p>
+
+<p>On les a placées dans la grande salle des Médaillons, qu'elles
+emplissent de leur lumière somptueuse. Elles resteront là jusqu'à la fin
+de la saison: mais c'est maintenant qu'il faut aller les admirer,--avant
+que s'achève cette paix délicieuse des vacances qui, dans les musées
+comme dans les promenades, ajoute une poésie à la beauté des choses.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Et puis, ce qu'il faudra voir encore, dans le courant de ce mois, ce
+sera le Grand Palais, --après le Petit. Cher Grand Palais! On se demande
+ce que deviendraient, s'il n'existait pas, les organisateurs
+d'Expositions. Il n'a même pas un mois pour se reposer! A peine la
+Nationale et les Artistes Français l'avaient-ils évacué qu'une armée
+toute fraîche de charpentiers et de menuisiers s'est précipitée sur sa
+carcasse vide, pour y aménager une exposition nouvelle qui s'ouvre ces
+jours-ci, et qui sera, paraît-il, fort amusante: l'exposition de
+l'<i>Emballage</i>; une exposition internationale, qui remplira la moitié de
+l'énorme édifice.</p>
+
+<p>Et l'autre moitié?</p>
+
+<p>Eh! mon Dieu, c'est encore uns exposition qui l'occupera, et que nous
+verrons s'y installer quelques semaines plus tard: l'exposition annuelle
+des petits fabricants parisiens, dite «concours Lépine», et à laquelle
+sera conservé le nom de son fondateur. La caserne qui naguère lui
+servait d'abri n'est plus libre, et voilà le concours Lépine obligé de
+déménager. Alors, il fait comme fout le monde: il s'en va vers l'ouest!
+Nous le suivrons avec plaisir dans cette direction.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Un Parisien.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>AGENDA (2 au 9 août 1913).</h3>
+
+<p><span class="sc">Congrès</span>.--Le sixième congrès international d'aéronautique se tiendra à
+Gand du <i>4 au 8 août.</i></p>
+
+<p><span class="sc">Expositions artistiques</span>.--<i>Paris</i>: Galerie Georges Petit: l'exposition
+des petits maîtres de 1830 est prolongée pendant tout
+l'été.--<i>Province</i>: expositions des Beaux-Arts à Vichy, Langres, Douai,
+Brest.--<i>Étranger</i>: à Malines, exposition internationale des Trésors des
+Gildes, du <i>10 au 24 août</i>.--Gand, exposition internationale;
+expositions à Ostende, Spa, Munich.</p>
+
+<p><span class="sc">Sports</span>.--<i>Courses de chevaux</i>: le <i>3 août</i>, Vichy (Grand Prix), Caen, le
+Havre; les <i>4, 5 et 6</i>, Caen; le <i>6</i>, Deauville, (prix du
+Cinquantenaire); le 7, Boulogne-sur-Mer; le 8, Deauville,
+Boulogne-sur-Mer; le 9, Bernay, Boulogne-sur-Mer.--<i>Automobile</i>: les <i>4
+et 5 août</i>, meeting de la Sarthe; le 4, coupe internationale des
+motocyclettes et motocycles; le 5, Grand Prix de France, coupe de la
+Sarthe; les <i>9 et 10 août</i>, meeting du Mont-Ventoux.--<i>Athlétisme</i>: du
+<i>9 au 24 août</i>, circuit pédestre de l'Ouest (300 kil. à pied), prix
+Dubonnet; le <i>11 août</i> et jours suivants, tournoi du Havre, organisé par
+le Havre-Athlétic-Club.--<i>Cyclisme</i>: à la piste municipale (Vincennes),
+le <i>3 août</i>: grand prix Peugeot, course de primes; le <i>10 août</i>,
+championnat des transports, challenge du Bol d'air; championnat de la
+Seine (amateurs)--<i>Lawn-tennis</i>: tournois du mois d'août: le <i>2 août</i>,
+Pornic; le 3, Ostende, Etretat; le 4, Caux, Trouville, Lion-sur-Mer; le
+10, Pornichet; le 11, Houlgate, le Havre, Saint-Moritz,
+Zermatt.--<i>Yachting</i>: le <i>3 août</i>, régates de la baie de la Somme, à
+Saint-Valéry-sur-Somme.--<i>Aviron</i>; le <i>10 août</i>, à Juvisy, championnats
+de Paris.--<i>Natation</i>: le <i>3 août</i>, dans le bassin d'Asnières,
+championnats interclubs.--<i>Tir aux pigeons</i>; à Aix-les-Bains, les <i>3 et
+4 août</i>: prix de la Villa des Fleurs.</p>
+<br><br>
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Le fumier et la fièvre aphteuse.</span></p><br><br>
+
+<p>La désinfection systématique des fumiers est une des précautions
+officiellement recommandées aux éleveurs dont les troupeaux sont
+atteints de fièvre aphteuse; mais c'est là une opération assez difficile
+à effectuer, et dont les résultats pratiques sont incertains. Aussi le
+conseil a-t-il été souvent formulé de ne jamais épandre ces fumiers
+dangereux, mais de les brûler à la ferme, pour éviter qu'ils puissent
+propager au loin les germes dont ils sont infestés.</p>
+
+<p>Cependant un vétérinaire de Berlin. M. P. L&oelig;ffler, vient d'instituer à
+ce propos toute une série d'expériences dont les conclusions sont
+vraiment inattendues. Il a établi de façon certaine que l'agent
+pathogène de la fièvre aphteuse ne résistant pas à une température de 50
+degrés, et, d'autre part, le fumier mis en tas et abandonné à la
+fermentation atteignant très vite une température de 70 degrés, il
+suffit d'amasser les litières des bêtes aphteuses, de les presser, de
+les recouvrir d'une couche de terre de 10 centimètres d'épaisseur, puis
+de les laisser en repos pendant cinq ou six jours pour leur conférer une
+véritable stérilisation. Nul doute que cette pratique ne se généralise
+bientôt dans les régions où sévit la redoutable épizootie.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La légion étrangère et le droit international.</span></p><br><br>
+
+<p>Un intéressant travail sur la <i>Légion étrangère et le droit
+international</i> nous est présenté par M. Charles Poimiro sous la forme
+d'une thèse de doctorat (Berger-Levrault, 5 fr.). Cette substantielle
+étude qui passe au crible les critiques et les sophismes allemands doit
+être signalée à notre publie qui y trouvera un utile complément
+juridique à l'article que nous avons consacré à l'organisation de la
+légion dans notre avant-dernier numéro.</p>
+
+<p>Le thème favori des attaques allemandes est que le fait de l'existence
+de notre légion étrangère constitue une inconvenante et permanente
+provocation à l'égard des autres nations. M. Poimiro réfute, avec un
+calme et clair bon sens, ces critiques.</p>
+
+<p>La France, remarque-t-il, est le pays de l'Europe le plus hospitalier
+aux étrangers qui abandonnent leurs foyers soit pour des raisons
+politiques, soit par convenance personnelle, soit encore simplement pour
+tenter la fortune. Ignorant notre langue et nos traditions, brusquement
+déracinés de leur pays d'origine et transplantés au milieu d'un peuple
+dont ils ne connaissent ni les usages, ni les m&oelig;urs, ni les coutumes,
+ni le genre particulier, ils risquent, s'ils ne trouvent pas rapidement
+leur voie, de constituer chez nous un élément dissolvant et
+perturbateur. Il est bien évident que l'État français ne peut
+s'intéresser à ces immigrants d'une façon particulière et leur accorder,
+en plus du droit d'asile, l'aide et l'assistance qu'il ne peut même pas
+assurer à ses nationaux.</p>
+
+<p>La légion donne donc une solution à ce double problème d'humanité et
+d'ordre intérieur en utilisant les éléments étrangers au mieux de leurs
+intérêts, de l'intérêt français et même de l'intérêt international.</p>
+
+<p>Il est puéril, en effet, de soutenir que la légion constitue une prime à
+la désertion. Les déserteurs réfugiés en France ont quitté bien souvent
+un pays moins exigeant quant au service militaire. Les engagements à la
+légion sont souscrits pour une durée de cinq années, et le service
+militaire obligatoire d'aucune nation n'astreint les jeunes gens à une
+présence aussi prolongée sous les drapeaux. Et, si les légionnaires sont
+traités de même manière que les Français, ils ne touchent aucune prime
+d'engagement. Il serait donc difficile de pousser plus loin la
+correction. On peut même se demander s'il n'y a point quelque excès dans
+ce scrupule, car il serait tout à fait juste qu'on assimilât, quant à la
+prime, les légionnaires aux soldats de notre infanterie coloniale.</p>
+
+<p>Enfin, comme l'a fait justement remarquer M. L. Rolland, dans la <i>Revue
+algérienne et tunisienne de législation et jurisprudence</i>, «les
+déserteurs ne seraient sans doute ni plus ni moins nombreux si la légion
+n'existait pas. Il y aurait simplement un peu plus de vagabonds et de
+gens sans aveu.»</p>
+
+<p>Relevons aussi, dans le livre de M. Poimiro, des chiffres intéressants
+sur la composition ethnique de nos régiments étrangers:</p>
+
+<p>Au 1er janvier 1913, le 2e régiment comprenait: 2.169 Français, 985
+Allemands, 354 Alsaciens-Lorrains, 39 Belges, 327 Suisses, 255 Italiens,
+128 Espagnols, 87 Tunisiens, Algériens, Marocains, 61 Russes, 11
+Luxembourgeois, etc., sur un total de 5.133 hommes.</p>
+
+<p>En janvier 1912, sur les 5.300 hommes du 1er régiment étranger, il y
+avait 50% de Français, 18% d'Allemands, 7% d'Alsaciens-Lorrains, 7% de
+Belges. 6% de Suisses, 3% d'Italiens.</p>
+
+<p>Ces contingents sont assurés à l'aide d'enrôlements volontaires, dont le
+nombre oscille chaque année autour de 2.000. En 1907, ils étaient de
+1.704; en 1908, de 2.595; en 1909, de 2.397; en 1910, de 2.118. Cela
+représente une moyenne de 1.200 engagements étrangers par année et nous
+accordons à peu près 280 naturalisations dans le même laps de temps, ce
+qui est une très jolie proportion. Ajoutons que, si les candidats à la
+légion sont toujours aussi nombreux, l'autorité militaire se montre de
+plus en plus difficile pour les conditions physiques exigées des futurs
+légionnaires.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La destruction des baleines sur la côte occidentale d'Afrique.</span></p><br><br>
+
+<p>D'après une note de M. Gruvel, communiquée à l'Académie des sciences par
+M. Edmond Porrier, la pêche des baleines et des grands cétacés prend des
+proportions considérables, inquiétantes même, sur les côtes de l'Afrique
+occidentale et, notamment, dans les parages de notre colonie du Gabon.</p>
+
+<p>En 1910, M. Gruvel signalait l'abondance des cétacés dans cette région;
+les armateurs français ne firent aucun profit de l'information, mais dès
+1911, une société norvégienne arrivait à Cap Lopez avec un navire usine
+de 6.000 tonneaux et deux bateaux chasseurs d'environ 180 tonneaux
+chacun. En même temps, des Portugais s'installaient à Mossamédès.</p>
+
+<p>La dernière campagne a été si fructueuse que les bénéfices n'ont jamais
+été inférieurs à 20% du capital engagé; ils ont parfois atteint 100 pour
+100, et même 400 pour 100 pour une société.</p>
+
+<p>Étant donné que, pour couvrir les frais d'exploitation d'un bateau
+chasseur et de sa part du navire usine, il faut 80 ou 100 grand
+baleinoptères, on peut se faire une idée du nombre d'animaux détruits
+que représentent de tels bénéfices.</p>
+
+<p>Les principaux produits sont: l'huile, dont la meilleure qualité vaut
+aujourd'hui 600 francs la tonne; la poudre de viande déshuilée, qui se
+vend 200 francs; les fanons, dont le prix est tombé de 35 à 12 francs le
+kilo.</p>
+
+<p>En apprenant ces résultats, toutes les sociétés qui travaillaient dans
+la mer du Nord, dans l'Antarctique ou en Australie, se sont ruées vers
+l'Afrique. Actuellement, 30 sociétés, la plupart norvégiennes, sont
+parties ou en partance pour la côte africaine; elles disposent de 90
+bateaux chasseurs.</p>
+
+<p>Dès lors, si on ne prend pas des mesures immédiates, la destruction sera
+totale dans deux ou trois ans.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">L'immigration en Allemagne.</span></p><br><br>
+
+<p>Au cours de ces dernières années, l'empire allemand a subi, au point de
+vue démographique, une transformation aussi radicale qu'inattendue: de
+pays d'émigration, il est devenu pays d'immigration.</p>
+
+<p>Ce fait ressort avec évidence d'un rapport de M. Olaine, consul général
+de France à Francfort.</p>
+
+<p>En 1881, l'émigration allemande atteignait son maximum: 220.902
+émigrants, soit 4,80% de la population totale de l'empire à cette
+époque. En 1910, ce chiffre était tombé à 25.531, soit à 0,39 de la
+population.</p>
+
+<p>En même temps se produisait le phénomène inverse, et le nombre des
+immigrants en Allemagne augmentait régulièrement, ainsi que le montre ce
+tableau:</p>
+
+<pre>
+ Hommes. Femmes. Total.
+
+1890... 244.093 189.168 433.264
+1895... 270.908 215.282 486.190
+1900... 464.274 314.463 778.737
+1905... 599.320 429.240 1.028.560
+1910... 716.994 542.879 1.259.873
+</pre>
+
+<p>Ainsi, la population de l'Allemagne augmente, non seulement du fait de
+sa forte natalité, mais encore par l'apport étranger. En 1907, sur
+1.342.294 résidants étrangers, on comptait 515.176 Autrichiens, 286.761
+Russes, 147.034 Italiens, 100.709 Hollandais, 04.829 Suisses, 40.718
+Hongrois et 35.535 Français.</p>
+
+<p>En ce qui concerne la répartition par métiers, on comptait, en chiffres
+ronds, 800.000 travailleurs manuels, dont 440.800 appartenant à
+l'industrie et 279.940 ouvriers agricoles.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Revanche féminine.</span></p><br><br>
+
+<p>Il est impossible désormais de maintenir à l'actif de la femme le record
+de la loquacité! Un grave statisticien de Bruxelles, M. Charles
+Dubudont, établit nettement, à l'aide de chiffres qu'il a mis quarante
+années à rassembler, que l'homme moderne prononce en moyenne, dans
+l'espace de cinq minutes, vingt mots de plus que la femme.</p>
+
+<p>Il déclare que la femme moderne est plus encline à écouter qu'à parler,
+ce qui est devenu l'inverse pour l'homme.</p>
+
+<p><i>Jusqu'à sa dernière page, jusqu'à la feuille détachée qui contient ces
+photographies que nous avons cru devoir publier à part, ce numéro est
+consacré--à peu près entièrement--à la guerre des Balkans, la seconde,
+la vraie, serait-on tenté de dire tant elle semble devoir, plus que la
+première, transformer la carte balkanique.</i></p>
+
+<p><i>Ainsi, à l'heure où la vie heureuse remplace partout ailleurs la vie
+laborieuse, en ces jours de départ joyeux pour les plages, les montagnes
+et les châteaux, alors qu'il nous serait surtout agréable de donner à
+nos lecteurs le sourire des actualités, aimables et reposantes, de la
+mer et des champs en fête, nous sommes dans l'obligation de leur imposer
+des visions de combats et de carnage, de pays dévastés, de villes
+incendiées, de populations massacrées et mutilées sur la route de
+troupes en débâcle et revenues, semble-t-il, à la folie sanguinaire des
+hordes primitives.</i></p>
+
+<p><i>Il nous faut bien, hélas! tenir compte, avant toutes autres choses, des
+grands événements humains, des terribles réalités de l'histoire, dont,
+plus tard, aux dates correspondantes, on recherchera les témoignages
+émouvants dans les gravures de</i> L'Illustration. <i>Et, au moment où
+s'ouvre la conférence de Bucarest, notre journal doit à son public de
+lui mettre sous les yeux les documents les plus tristement
+caractéristiques de cette guerre fratricide.</i></p>
+
+<p><i>Nous ferons, dans nos prochains numéros, selon nos habitudes et notre
+goût, une plus large place aux actualités moins cruelles, aux scènes
+jolies et douces de la vie d'été. Mais il nous a paru, cette semaine,
+tant nous avions été impressionnés nous-mêmes par les courriers de nos
+correspondants de Macédoine, que nous ne devions point, pour une fois,
+mêler des spectacles de joie mondaine aux révélations de tant de deuil.</i></p>
+<br><br>
+
+<h3>L'UNION LATINE EN ROUMANIE</h3>
+
+<p>Une manifestation de haute fraternité latine dans un pays dont les
+sympathies nous sont âprement disputées par l'influence allemande, ne
+saurait passer inaperçue de l'attention française. C'est à Braïla, il y
+a une quinzaine de jours, qu'eut lieu cette manifestation--dont M.
+Jacques Vuccino, conseiller du Commerce extérieur de la France, nous
+communique la photographie reproduite ici--à l'occasion du départ des
+régiments locaux et sur l'invitation que les comités de deux importantes
+sociétés, l'une française (le Cercle de culture française «Voltaire»),
+l'autre italienne, avaient fait afficher sur tous les murs. L'affiche,
+aux couleurs françaises, italiennes et roumaines, portait en épigraphe
+le célèbre quatrain d'Alexandrie: <i>Ginta latina</i>.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018a.png"><br><b>Manifestation de fraternité latine<br> à Braïla (Roumanie).</b></p>
+
+<p>Et lorsque, au milieu d'une foule énorme, les régiments se rendirent à
+la gare de Braïla, les drapeaux français et italiens encadraient en tête
+du cortège l'étendard roumain de la société «Carpati», tandis qu'un
+transparent portait cette inscription: «Vive la race latine!» C'est la
+première fois, croyons-nous, que les circonstances ont permis aux
+drapeaux des deux grandes nations latines de se trouver l'un à côté de
+l'autre pour encadrer celui de leur s&oelig;ur cadette.</p>
+
+<h4>LA CARTE DES AMBITIONS BULGARES</h4>
+
+<p>Peu à peu, nous arrivent les documents qui trahissent l'étendue des
+ambitions bulgares en Thrace et en Macédoine et révèlent une
+préméditation certaine dans l'offensive générale, le 30 juin, des
+Bulgares contre leurs alliés balkaniques.</p>
+
+<p>Un de ces témoignages est le curieux document dont un de nos
+correspondants, M. de Jessen, nous adresse un exemplaire et qui vaut
+bien une reproduction.</p>
+
+<p>Cette carte du «Royaume de Bulgarie»--c'est l'inscription qu'elle
+porte--imprimée à Sofia, fut d'abord vendue à Cavalla pour quelques
+sous, puis donnée aux enfants des différentes écoles, enfin distribuée
+gratuitement un peu partout. Elle donne à la Bulgarie tout ce que les
+Serbes ont conquis en Vieille-Serbie et en Macédoine, et tout ce que les
+Grecs ont gagné en Epire. Ses frontières ouest s'étendent au delà de
+Skoplje (Uskub), jusqu'à Prizrend, Dibra et le lac Okhrida avec Monastir
+(Bitvolja). Salonique et toute la péninsule chalcidique sont bulgares.
+Pas de frontière Enos-Midia. Les Turcs demeurent enfermés dans leur
+ligne de Tchataldja. Quant à l'archipel, si Thasos devient bulgare,
+aucune des autres îles ne demeure entre les mains hellènes.</p>
+
+<p>Par contre, il faut remarquer avec quelle admirable générosité le
+cartographe bulgare a tracé les limites de l'Albanie. Le nouvel État ne
+recevait pas seulement le district de Novibazar, pris dans le butin
+serbe et monténégrin, mais il s'accroissait également d'un large
+territoire au nord de la Grèce, de sorte que l'Albanie prenait accès sur
+la mer Egée... L'Autriche elle-même n'aurait, certes, point osé tant
+ambitionner pour la principauté naissante.</p>
+
+<p>On imagine combien cette carte était de nature à blesser Grecs, Serbes,
+Turcs et Roumains qui, par leur quadruple envahissement, viennent de si
+terriblement réduire les frontières tracées avec quelque insolence sur
+cet extraordinaire document.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018bsmall.png"><br><a href="images/018blarge.png">(Agrandissement)</a><br><b>La Carte des ambitions bulgares.--<i>Document communiqué
+par M. F. de Jessen.</i> Reproduction en noir d'une carte en couleurs
+imprimée à Sofia.--La Bulgarie y fait une immense tache verte, de
+Tchataldja à Okhrida, du Danube à la Chalcidique et à Salonique.--Nous
+avons simplement souligné les frontières qui y sont tracées, et inscrit
+en caractères romains les noms des différents pays.</b></p>
+<br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/019small.png"><br><a href="images/019large.png">(Agrandissement)</a></p>
+<br><br>
+
+<p><i>A ce numéro s'ajoute un supplément de deux pages sur LES MASSACRES EN
+MACEDOINE</i></p><br><br>
+
+<h3>LE DOSSIER DES MASSACRES D'OTAGES PAR LES BULGARES</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>Mme Jean Leune et M. Georges Bourdon, du <i>Figaro</i>,
+découvrent, aux environs de Livounovo, les corps de sept notables de
+Serès, massacrés et mutilés.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b>Signatures apposées sur la lettre d'envoi des documents
+de cette page par les trois témoins de la découverte des corps des
+notable de Serès massacrés près de Livounovo. M. Bernard Laporte du
+<i>New-York-Herald</i>, ne figure pas dans la photographie ci-dessus prise
+par M. Jean Leune.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002c.png">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<img alt="" src="images/002d.png"><br><b>
+Deux autres des notables de Serès que<br> les
+Bulgares avaient emmenés comme otages.</b></p>
+
+<p class="mid"><i>Photographies Jean Leune.--Voir l'article à la page suivante.</i></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/003a.png">
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/003b.png"><br>
+ <b>Cadavres de victimes grecques.</b><br>
+<img alt="" src="images/003c.png">
+
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/003d.png">
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 25%; text-align: center;">
+<b>Un mutilé (pied coupé) parmi les victimes de Doxato.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 75%; text-align: center;">
+<b>Les massacres qui ont précédé l'évacuation de Cavalla par
+les Bulgares: cadavres de victimes musulmanes.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+<p class="mid"><i>Photographies communiquées par M. F. de Jessen.</i></p>
+
+<h3>LE MASSACRE DES OTAGES DE SERÈS</h3>
+
+<p><i>Le compte rendu, par M. Jean Leune, de l'horrible découverte qu'il a
+faite le 21 juillet, avec deux de ses confrères, aux environs de
+Livounovo, ne nous est pas encore parvenu. Mais nous avons reçu ses
+photographies, et le commentaire en avait paru dès le 24 juillet dans le
+récit télégraphié par M. Georges Lourdon au</i> Figaro, <i>et que nous
+reproduisons ici:</i></p>
+
+<p>Une horrible découverte a été faite, avant-hier soir, par quatre d'entre
+nous. Je citerai leurs noms, car il importe que nul ne puisse suspecter
+l'exacte relation que j'en vais faire. Ce sont M. et Mme Leune et M.
+Laporte. Celui-ci, Français, représente ici le <i>New-York Herald</i>. M.
+Leune, jeune homme de vingt-deux ans, licencié d'histoire et qui prépare
+une thèse de doctorat, a suivi, en vue de celle-ci, toutes les
+opérations de l'armée grecque depuis dix mois et il les a suivies
+infatigablement dans les conditions les plus pénibles, en compagnie de
+sa jeune femme, une Grecque de Constantinople. Couchés tous deux sous la
+tente, dans la neige, et le sac au dos, suivant à pied le chemin de
+l'armée, M. Leune, petit-fils d'un célèbre universitaire, n'a rien dit
+dans les correspondances qu'il a envoyées à <i>L'Illustration</i> ni des
+fatigues que sa femme et lui ont endurées, ni de la popularité qu'elles
+leur ont gagnée parmi toute l'armée, mais, pour l'avoir surprise, je ne
+me retiendrai pas de porter témoignage en faveur de compatriotes.</p>
+
+<p>Donc, avant-hier, sur des indications qu'on nous avait données, nous
+nous dirigeâmes tous quatre à quelques kilomètres au nord de Livounovo, à
+droite de la route qui suit la Strouma, en partant du lit desséché d'un
+affluent de cette rivière dont les cartes ne donnent pas le nom. On nous
+avait dit: «Vous trouverez dans un champ de maïs et dans les environs de
+ce champ les cadavres de quelques-uns des otages de Serès.» Peut-être
+vous souvenez-vous, en effet, de cette nouvelle que donnèrent les
+journaux qu'en quittant Serès, sous la menace de l'armée grecque, les
+Bulgares avaient emmené un certain nombre d'otages, dont on ne savait ce
+qu'i's étaient devenus. Leurs cadavres, c'étaient leurs cadavres, dont
+on nous indiquait la place. Nous cherchâmes longtemps; nous avions les
+points de repère, la rivière desséchée, le bouquet d'arbres, le chemin,
+un vallonnement entre deux monticules. Enfin, l'un de nous fit: «Nous
+approchons.» Une acre odeur de putréfaction nous saisit aux narines,
+cette odeur chaude, pénétrante, persistante et ignoble à faire
+défaillir, de fermentation des chairs, dont j'ai déjà éprouvé, à
+Casablanca, l'atroce nausée. Elle nous guide; nous découvrîmes un
+cadavre, puis un autre, et quel cadavre!</p>
+
+<p>Mais la nuit approchait et nous n'avions pas eu le temps de faire en
+nous les réserves d'énergie nécessaires. Nous décidâmes de remettre au
+lendemain matin notre sinistre recherche. C'était hier, j'ai les yeux
+pleins encore de l'épouvantable vision. Nous en avons trouvé sept. Le
+premier est éloigné du second de deux cents mètres, et trois cents
+mètres séparent celui-ci des quatre autres, disposés presque
+parallèlement à quelques mètres de distance, le dernier est juché sur un
+talus, à uns quinzaine de mètres. Celui-ci a trébuché sans doute; il a
+perdu sa chaussure et n'est tombé que deux mètres plus loin; cet autre,
+frappé dans le dos, est tombé sur la face et tout son corps est déjà à
+demi enfoncé sous ia coulée des pluies dans la terre meuble d'un champ.
+Un troisième a reçu sur le crâne un terrible coup de fusil, asséné avec
+une telle force que la crosse brisée a été lancée à un mètre de lui, et,
+un peu plus loin, dans un buisson, nous retrouvons le fusil auquel
+s'adapte exactement la crosse, et couvert de sang coagulé auquel
+adhèrent les cheveux; il est encore chargé de ses cinq balles.</p>
+
+<p>Près d'un autre cadavre, nous trouvons aussi une crosse brisée, mais
+l'assassin, sans doute, a remporté son fusil. Un cinquième, couché en
+croix sur le dos, les mains et les doigts crispés dans le sol, montre un
+visage noir, une bouche ouverte qui semble hurler encore d'épouvante. Il
+me rappelle ces deux cadavres pétrifié? que l'on voit à Pompéi: membres
+tordus et bouches ouvertes, comme s'ils n'avaient pas cessé, à travers
+les siècles, de crier sous la morsure de la lave.</p>
+
+<p>Ayant souci de ménager la sensibilité de ceux qui me lisent, je
+n'insisterai pas davantage sur l'horreur de ce spectacle. Je ne vous
+dirai rien de la volonté qu'il nous a fallu pour poursuivre, le nez
+bouché et les yeux glacés d'horreur, notre sinistre reconnaissance, mais
+il était nécessaire qu'elle fût accomplie.</p>
+
+<p>Nous avons photographié ces affreux débris et ces photographies seront
+publiées. On saura que ce sont là, entre autres, des victimes d'une
+armée régulière et non de comitadjis que l'on désavoue. Car ces notables
+de Serès furent les prisonniers de l'armée, emmenés par l'armée en
+retraite. Et les malheureux que nous avons devant nous n'étaient pas des
+paysans de la contrée où nous les retrouvions, c'étaient des gens de la
+ville, bien habillés, avec des costumes de drap ou de serge, des
+bottines neuves, des chaussettes, des chapeaux, enfin des messieurs. Et
+ils sont bien de Serès, car trois d'entre eux purent être reconnus et
+identifiés.</p>
+
+<p>La guerre est une &oelig;uvre horrible.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Georges. Bourdon.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>LES BLESSURES DES BALLES BULGARES</h3>
+
+<p><i>M. Hubert Pernot, professeur de néo-grec à la Sorbonne, nous envoie de
+Corfou, la lettre suivante:</i></p>
+
+<p>Corfou, 21 juillet 1913.</p>
+
+<p>Je vous adresse ci-inclus trois clichés d'une gravité particulière.</p>
+
+<p>Sur 490 blessés du combat de Kilkiz, arrivés récemment de Salonique à
+Corfou et soignés actuellement dans les hôpitaux de cette ville, 7
+représentent des blessures que les chirurgiens attribuent à l'emploi de
+balles dont on a enlevé la partie supérieure et sur lesquelles on a fait
+une incision en forme de croix pour les rendre plus meurtrières. La
+balle ordinaire pénètre dans les tissus et en ressort souvent sans aucun
+dommage pour le blessé. Un exemple caractéristique est celui d'un soldat
+d'ici que j'ai vu et photographié: la balle lui est entrée sous
+l'oreille droite; elle est ressortie sous l'&oelig;il gauche; il a continué à
+marcher durant une heure et demie; aujourd'hui il est parfaitement guéri
+et voit également bien des deux yeux.</p>
+
+<p>Avec les balles en question le cas est tout différent:</p>
+
+<p>La photographie 1 représente l'entrée de la balle, une lésion assez
+légère et qui, sur la photographie, paraît même plus grave qu'elle n'est
+en réalité. La photographie 2 représente la sortie, chez le même blessé.
+Il se nomme Koulouras (Anargyros), né à Hydra, 2e corps d'armée, 7e
+régiment d'infanterie, 9e compagnie. Il est actuellement soigné par le
+docteur Sgourdéos, de Constantinople, qui est major volontaire. Ce? deux
+clichés, comme le suivant, ont été pris par moi.</p>
+
+<p>La photographie 3 représente la sortie du projectile chez Arabatzi
+(Apostolos), de Bouraza, province de Larissa (5e corps d'armée, 23e
+régiment, 7e compagnie), blessé à Kilkiz, comme le précédent.</p>
+
+<p>Il va de soi que les soldats, blessés par ces projectile? ailleurs
+qu'aux membres, ont dû rester sur le terrain, et il est probable que la
+proportion 7/490 est inférieure à celle des projectiles semblables
+employés.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003e.png"></p>
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>1.--Entrée de la balle.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>2.--Sortie de la même balle.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%; text-align: center;">
+<b>3.--Sortie d'un autre projectile semblable.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><b>Blessures causées par des balles bulgares, dites <i>dum-dum</i>,
+photographiées<br> dans un hôpital de Corfou par M. H. Pernot.</b></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp01.png"><br>
+Note du transcripteur: Les autres suppléments<br> mentionnés en titre ne nous ont pas été fournis</p>
+
+
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3675, 2 Août 1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3675, 2 AOUT 1913 ***
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+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
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+is also defective, you may demand a refund in writing without further
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
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+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
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+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
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+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
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+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
+
+</body>
+</html>
+
+
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index 0000000..d30cdfb
--- /dev/null
+++ b/39240-h/images/008a.png
Binary files differ
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new file mode 100644
index 0000000..2747a9a
--- /dev/null
+++ b/39240-h/images/008b.png
Binary files differ
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new file mode 100644
index 0000000..d141496
--- /dev/null
+++ b/39240-h/images/009a.png
Binary files differ
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new file mode 100644
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--- /dev/null
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Binary files differ
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Binary files differ
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+++ b/39240-h/images/010.png
Binary files differ
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--- /dev/null
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Binary files differ
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Binary files differ
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+++ b/39240-h/images/013a.png
Binary files differ
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Binary files differ
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+++ b/39240-h/images/013c.png
Binary files differ
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Binary files differ
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+++ b/39240-h/images/015a.png
Binary files differ
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+++ b/39240-h/images/015b.png
Binary files differ
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Binary files differ
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+++ b/39240-h/images/016a.png
Binary files differ
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+++ b/39240-h/images/016b.png
Binary files differ
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Binary files differ
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+++ b/39240-h/images/017a.png
Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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